Q': PURCHASED EOR TELE UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY FROM THE CANADA COUNCIL SPECIAL GRANT FOR Economic History Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa http://www.archive.org/details/corpsdobservatio01soci CORPS D'OBSER VATIONS DE) EAESOCIÈTÉ EPA R LCGUPET CRE, de Commerce & des Arts, É'T'AxR.L:I*E PAR LES ÉTATS DE BRETAGNE. 2 Années 17357 6 1758. =D dan AN ARE NN ES, Chez JACQUES VATAR, Libraire, Place du Palais , aux Etats de Bretagne. | MrDEC. Me Ayec Approbation & Privilége du Roi, cie Ç Las 0 2. RAM HW LU v 4 FA ; … AG. 1 LE ÿ È PR es ut " a E # , rt si r es «8 4 &: + ee 2% Line 4, RASE HU” a TA A aan Jobs 1 ae Mapa pl CRT RAA, hs je bat et NL 'u a ; : “al me. ep 2% , 4 EM 2h, OU CU ET stranr Dre sh We Lo 3 AE “rime AVERTISSEMENT. OUVRAGE qu'on préfente au Public , n’eft niun Traité, nimémie un Eflai fur l'Agriculture, les Arts & le Commerce. Il ne doit être envifagé que comme les pré- liminaires d’un Recueilque l'amour de la Patrie, la protethion des Etats & du Gouvernement, rendront confidérable, & dont l'utilité fe fera fentir de plus en plus , à mefure que les matériaux fe raffembleront dans le dépôt de la Socréré. Le Corps d'Obiervations eft moins une fuite d’inftru@tions, qu’une fuite d'invitations qui porteront ceux qui peuvent aider leur Patrie a ne pas lui refufer leur fecours. Ceux qui ignorent tout , n’y puile- ront que de foibles lumières ; ceux qui font inftruits , appercevront Celles dont on a befoin, & fe bon a 2 1 AVERTISSEMENT. ufage qu’on defire d’en faire. Par- là cet Ouvrage fera, fans doute, de quelque utilité; parce que les perfonnes bien intetitiotiéss tra- vailleront à fa perteéton. Pour peu qu'on ait parcouru l'Hiftoire des Etabliflemens utiles , on fçait que les commencemens en font foibles, que les progrèsenfont lents, & qu'il faut attendre du temps les fruits d’un travail qui ne peut devenir fenfble qu’après plu- fieurs années d'application & de re- cherches. La nature eft fi diverii- fiée ; nos befoins font fi multiphés ; lesintérèts des Nations commerçan- tes {ont fouvent fi contraires; enfin tant de caufes concourent à arrêter les progrès du bien en tout genre, qu'il y aura toujours, fur lestrois objets dont la Socréré eft chargée, desobfervations à faire , des métho- des à perfe@ionner, des machines à AVERTISSEMENT. v inventer ou àreiñer , & des chan- gemens à apporter dans la direétion de l'Agriculture, de l'Induftrie & du Commerce. Plus cette carrière eft vafte, plus elle fait fentir Le befoin du con- cours d'un grand nombre de per- fonnes pour la fournir dans toute fonetendue. On ne peut donc trop imviter ceux qui aiment le bien public à faire part de leurs lumières à une Société qui ne defire d’en profiter que pour les répandre. L'Agriculture eft dans un état de langueur qui frappe les yeux les moins attentifs. Des perfonnes ac coutumeées a obferver & à calculer d’après leurs obfervations, préten- dent que les deux tiers de la Bre- tagne font incultes. Elles aflurent que la plupart des terreins cultivés produiroient le double de ce qu'on en retire aujourd'hui , fi la culture a 3 v) AVERTISSEMENT. y étoit perfeétionnée & protégée. Si ces faits font vrais, & 1l n’eft guère poflible d'en douter , ils invitent à former à la fois deux grandes entreprifes ; l'une d’amé- lorer l'Agriculture dans les Lieux: où l’on ne connoit pas aflez fes prin- cipes & fes pratiques ; l’autre de la faire naître par-tout où elle n’a pas pénètre. Cestravaux quelque éten- dus qu'ils foient, ne font pas au- deflus des forces de ceux quiaiment le bien public, & qui s’en font oc- cupés. La fomme de leurs lumières eft immenfe , 1l ne s’agit que deles raflembler. Elles ne font d'aucune utilité pour le Public lorfqu’elles, {ont difperfées ; fouvent les per- {onnes quiles poflédent ne peuvent en profiter. Ce n’eft qu’en lesreu- niffant qu’elles peuvent éclairer. L'infitution de la Société a pour but de recueillir ces connoiflances AVERTISSEMENT. vi éparfes , de les rapprocher & de les répandre. Les Membres quilacom- pofent font bien éloignés de fe re- garder comme des Direéteurs pla: cés par les Etats à la tête de Agri- culture. Ils font perfuadés qu'onne les foupçonne même pas d’une va- nite fi déplacée. Charges d'obfer- ver ce qui peut contribuer au bien commun, 1ls ne font prefque que les dépofñitaires des inftru£tions qué fourmflent des Citoyens animés comme eux par des fentimens de bienfaifance. Hsne fe croient pomt difpenfés de faire eux-mêmes des expériences & des recherches ; 1ls donnent avec empreflement des éclaireiffemens aux perfonnes qui leur font l'honneur de les conful- ter; maisils fcçavent que le rétablif- fement de l'Agriculture ne peut être leur ouvrage. Unfigrand bien fera le fruit des obfervations qui a 4 viÿ AVERTISSEMENT. leur feront adreflées des différens cantons de la Province, & la ré- compenfe du travail de la multi- tude. Ce fera donc exa@tement l'ouvrage du Public, réveillé & encouragé par les Etats. A l’évard des Membres de la Société, leur devoir eft de Joindre leurs obfer- vations à celles qu on leur envoie ; de répéter les expériences qui dr laifleront des doutes; d’en former un corps dont les parties {oient liées ; d'afhigner les principes qui donent porter à faire de certaines entreprifes , ou en éloigner ; de rendre compte de leur travail aux Etats, afin que la Province pue, par des encouragemens faire prof- pérer ce dont l’utilité eft reconnue, & employer fon crédit pour faire cefler les obftacles qu’une admi- niftration économique ne pourroit furmonter. AVERTISSEMENT. iX Auñfi le principal objet de cet Avertiflement eft-1l d'inviter les Citoyens à groffir le dépôt de la So- ciété par des obfervations fur le bien qu'on peut faire, par des inf- truétions fur la nature des difñcul- tés qui arrêtent les perfonnes qui cherchent à fe rendreutiles, & par des vues fur les moyens d’augmen- ter notre Culture, nos Arts & no- tre Commerce. Pour tirer plus de parti de ces invitations , 1l eft peut-être nécef- faire de donner une idée abrégée de ce qui fait l'objet des recherches de la Société, & de tracer, pour ainfi dire , le cercle qui renferme les fujets fur lefquels elle attend les fecours de ceux qui aiment leur Patrie, & qui regardent comme un devoir de la fervir. Quelque indifférent qu’on püt être fur notre Agriculture, on la x AVERTISSEMENT. fuppoferoit néceffairement dans un état de perfettion, de médiocrité ou de décadence. Dans le premier cas, 1l feroit infenfe d'y apporter le plus léger changement ; dans le {e- cond , 1l y auroit une indolence impardonnable à ne pas chercher les moyens de l'améliorer ; dans le troifième , ce feroit une efpèce de délire que de ne pas réunir tous nos efforts pour {ortir d’une fituation fi périlleufe. Entre ces trois pofi- tions , 1l n’eft que trop aife de dé- mêler quelle eff la nôtre, & de con- noitre par conféquent ce que les hens facrés de l'humanité exigent de nous. L'Aoriculture intérefle tout le monde , depuis le Souverain juf- qu’au moindre-defes Sujets. Qu'on abandonne l'Agriculture , l'Etat fera fans revenus & les Sujets fans {ubfftance. Le Clergé privé defes AVERTISSEMENT. x) Dixmes, aura à regretter, & la perte de fon plus riche patrimoine, & la douceur de le partager avec les malheureux qui ne peuvent fe {uffire à eux-mêmes. La Nobleffe qui jouit, & de grandes Dixmes, & de vaftes Domaines, ne pourra plus fe foutemir avec la dignité qui lui convient. Le Tiers-Etat n'aura que d'inutiles poñleflions. Enfin les Rentiers mêmes , cette clafle qui ne fubfifte que par le travail & les fueurs d'autrui, ne tarderont pas à tomber dans l'indigence. : La décadence ou les progrès de l'Agriculture dépendent de plu- fieurscaufes. Les unes tiennent à la politique , les autres viennent du plus ouùmoins de lumières dans la {cience économique ; enfind’autres dépendent des méthodes qu’on fuit dans le manuel des opérations. : : Les: principes politiques. : qui xÿ AVERTISSEMENT. agifent {ur l'Agriculture font ceux qui opérent néceflairement la dé- population ou la pauvreté : Ce qui femble fe rapporter immédiate- ment à tout ce qui s'oppofe à la multiplicité & à la fécondité des mariages, à l'augmentation du tra- vail & de l’induftrie. Si ces ma- tières demandent à être examinées avec profondeur , elles veulent être difcutées avec beaucoup de cir- confpeétion. Le fyftême politique d'un Etat embrafle toutes fes par- ties. Le lien qui les réunit, doit partager fon effort avec égalité. S'il {e relàchoit fur certains points, ils cefferoient de tendre tous à un cen- tre commun ; & le deplacement d’une feule partie entraineroit le déplacement de plufieurs autres. Ce feroit une recherche trés- intéreffante, que d'examiner quelle étoit au commencement de ce fiécle AVERTISSEMENT. xii la population d'un canton deéter- muné, parexemple, d’une Paroiffe; le élire de mariages qui sy célébroient chaque année; la quan- tite d'enfans qui y no ienee [a quotité des impôts qu ‘elle portoit ; ce que les terres y étoient affer- mees ; fi la quantité qu’on en cul- tivoit , eft augmentée ou dimi- nuée. En comparant l'état anté- rieur à l’état atuel, on auroit des élémens fuffifans pour indiquer jufqu< à quel point les caufes poli- tiques ont agi favorablement ou défavorablement fur la Paroifle qu'on auroit, pour ainfi dire, analyfe. Il Éntdrais examiner éa même temps sil s’eft établi dans le lieu quelque nouveau genre d'in- duftrie propre à ÿr attirer des ha- bitans; fi au contraire il s’eft formé dans Je environs , des établifle- mens quialent appellé les hommes, xivy AVERTISSEMENT. Il eft aifé de fentir l'utilité réfulteroit de ces recherches, fi elles étoient faitesavec exa@itude, ou plutôt avec fcrupule , danstoute la Province. Louis XIV. en avoit ordonné de femblables à la fin du dernier fiécle, qui ne furent ter- minces qu'au commencement de celui-ci. Les réfultats en ont été imprimés, & la Nation en eütre- cueilli les fruits, fi les événemens qui préceder ent h Paix d'Utrecht n'avoient pas mis des barrières in- furmontables à l'exécution du plan qui avoit donné lieu à cet examen. On peut reduire à l'économique de l'Agriculture, ce qui intéreffle direttement les Propriétaires dans ladminiftration de leurs biens. L’Agriculture ne confifte pas feu- lement à bien cultiver, mais à cul- tiver les chofes qui donnent le plus de profit. Le choix dans ce genre AVERTISSEMENT. xv réfulte de connoiflances indépen- dantes des pratiques de l’A gricul- ture. Par exemple, ceux qui pof- fédent des terres éloignées de la mer & des rivières , ne devroient as s'attacher à la culture des chofes dont le volume & le poids occafionneroient de grands frais de tranfport. L'emploi le plus con- venable de leurs terreins devroit confifter en lins, en chanvres & en produéhons, qui occupant beaucoup de bras, acquierent de nouvelles valeurs capables de dé- dommager des frais de voiture. Les prairies ne peuvent être trop multiphiées dans les lieux éloignés de la mer, des rivières & des che- mins commodes , parce qu’elles mettent en état d'élever & d’en- tretenir beaucoup de bétail. Le bétail qui donne des produits jour- naliers pour la nourriture des hom- xv) AVERTISSEMENT. mes, aflure de grands profits pour la fourniture des Boucheries & des Tanneries; & 1l fe tranfporte à des diftances confidérables , fans exiger d’autres frais que fa nourriture. IL feroit tres-eflentiel que des perfonnes intelligentes examinaf- fent dans chaque canton les bran- ches d'Agriculture qui y font ou qui y feroient les plus avanta- seufes. Si lon connoifloit bien la fituation & l’expolition des lieux, les befoins locaux, les cs tions qui font abondantes, & qui peuvent le devenir encore plus, les reflources que pourroient trou- ver ceux qui établiroient des Fa- briques de matières du crü ; on auroit les meilleurs guides pour toutes les opérations économiques. Pour ; juger à quel point les ob- fervations économiques ont été négligées, 1l ne faut que confidérer Particle AVERTISSEMENT. xvi. l’article des Engrais. Toutle monde {çait que les terres demandent plus ou moins d'engrais ; que ceux qui conviennent aux unes , ne font pas toujours auf favorables à d'autres. On en eft demeuré là. Cependant tout invite à con- noitre avec précifion nos befoins & nos reflources à cet égard. Il y a dans chaque canton une proportion entre la qualite & la quantité des engrais, & la qua- hté & la quantité des terres la- bourées. Il y a par conféquent une proportion néceflaire entre l'étendue de terrein qui doit être employée en pr airies, à l'étendue de terrein qu on bone L’éten- due des prairies doit être déter- minée par la quantité de bétail qu’on doit entretenir, & le nombre du bétail dépend de la quantité d'engrais qu'exige la culture. Il y b xviy AVERTISSEMENT. a d’ailleurs un choix à faire dans l'efpéce de bétail relativement à la ñature des terres; ce qui doit faire varier la proportion des prairies, parce que les difiérentes efpèces d'animaux confomment plus ou moins de fourrages, & fourniffent plus ou moins d'engrais. Quel fruit ne retireroit-on pas de détermina- tions fixes fur cette matiére ? Ces obfervations économiques deviendroient plus intéreflantes par leurs conféquences, que la découverte d’un procédé d’Agri- culture pratique. Convaincre le Laboureur de la néceffité de for- mer des prairies artihcielles, fixer leur étendue proportionnelle avec les autres terres, c’eft rendre au Public un fervice plus important que de décrire le procédé qu’on doit fuivre pour former ces prai- ries. On trouve des méthodes par- AVERTISSEMENT. xix tout ; l'expérience apprend bien- tôt à les rendre parfaites, en les pliant à la nature du fol. Mais on ne trouve nulle part la quantité proportionnelle de terrein que les prairies doivent occuper. Quelque avantageux qu'il foit de bien déméler les caufes poli- tiques ou économiques qui con- tribuent au dépériflement de l’A- griculture , ou à la rendre florif- fante, il ne l’eft pas moins de cher- cher à connoitre les avantages ou les inconvéniens de la pratique. Les Laboureurs n’ont commmu- néement que des routnes, & ce terme n'entraine pas toujours avec {oi l'idée d’éneprte. On a eu plus d’une occafion de remarquer que certaines pratiques de lacampagne, qui paroiflent fondées fur une mau- vaife théorie, font juftifiées par une longue expérience. L’Agriculture b 2 xx AVERTISSEMENT. eft néceflairement une routine en- tre les mains de ceux qui ignorent les principes phyfiques dont leur pratique eft le réfultat; ignorance heureufe pour le Royaume, à qui 1l 1 importe autant de n'avoir qu’un petit nombre de Phyficiens, que d'avoir un grand nombre de La- boureurs. Une routine fondée fur de bons principes ignorés du La- boureur , eft tout ce qu'on peut defirer de mieux pour l'Agricul- ture. Mais les caules phyfiques {ont fi diverffiées; tant de cir- conftances, foie: difhciles à ap- percevoir, concourent à rendre les pratiques où avantageufes ou nul- fibles, que les routines qui ne fe font que par imita- tion, peuvent être accompagnées d'ineprie. Il faut alors les chan- SET. Chacun croit que les cultures AVERTISSEMENT. xx, qu'il a vu pratiquer, ou qu'il a pratiquées, renferment tout l'art de l'Agriculture : aufli trouve-t-on une multitude de perfonnes qui penfent de très-bonne foi n'avoir rien à apprendre fur un art fi étendu, & même être en état de donner aux autres d’utiles leçons. Cette confiance , quoique très- naturelle, puifqu’elle eft prefque générale, 7 blämable en ce qu’elle nuit aux progrès de l'Art. Elle em- pèche les lumuères de s'étendre. Refflerré dans le cercle de fes connotflances , prefque perfonne ne profite de celles d'autrui. Ce- pendant un petit nombre de ré- flexions condurroient à diffiper une erreur fi commune. La diverfité desterres eft pref- que infnue, & celles qui fe ref- femblent le plus à certains égards, demandent fouvent des pratiques b 3 xx AVERTISSEMENT. de culture différentes & méme oppofées. Comment feroit-il pof- fible à une perfonne qui ne s’eft apppliquée qu'a F Agriculture d’un petit canton, d’avoir des idées nettes fur les principes de P Agri- culture générale ? Et fans ces prin- cipes, comment peut-on Juger fi on tire de fes terres tout le parti quon pourroit en tirer ? Il eft reconnu que la plus grande partie de la Province eft mal cul- tivée. On doit en conclure que la plus grande partie de fes Culti- vateurs ignorent l'Agriculture. Mais comme :1l eft inconteftable que plufieurs cantons font cultivés avec beaucoup d'intelhgence & de fuccès , 1l faut avouer aufli qu'il y a des Culrivateurs qui ont raifon de fe croire trés-bien inftruits par rapport aux cantons qu'ils habi- tent. Ceux qui notoirement culti- AVERTISSEMENT. xxii vent mal ( & c’eit le plus grand nombre } gagneroient autant à pro- fiter du bon exemple , qu'ils per: dent en s'imaginant que ce qu'ils pratiquent , eft ce qu'il y a de mieux à pratiquer. Pour profiter des lumières de ceux qui ont pris la bonne route, & y ramener ceux qui s'en (sn écartés, ou qui ne lont jamais connue , 1l feroit à fouhaiter que beaucoup de perfonnes fiflent une expofñtion fimple , mais détaillée, de tout ce qui entre dans l’'Agri- culture de leur Pays, I ne feroit pas impoflible d’apprecier les drife- rentes methodes, fi on avoit une idée fufhfante de la nature des terreins, de leur expoñtion, de la qualité des prains & des graines qu'on y féme, de la manière de labourer , du RTE de labours ufités pour chaque genre de cul- b 4 xxivy AVERTISSEMENT. ture, de la quantité de grain qu'on féme dans une étendue déterminée, & de la quantité qu’on en re- cueille, de la nature des prairies, de leur proportion en étendue avec les terres labourées, de l’ef- péce de bois qui réufit le mieux, enfin de tout ce qui eft l’objet du travail des Agriculteurs. Les Mé- moires de cette efpéce feroient recus par la Société avec la plus grande reconnoiflance , & ceux qui s’en feroient occupés , ne tar- deroient pas à recueilhr le fruit de leur travail, par le profit que trouveroient Es compatriotes à imiter leur exemple. Les détails dans lefquels on vient d'entrer , quelque abrégés qu'ils foient, prouvent que par amour pour le bien public, la Société defire de connoitre exattemént l'état de l'Agriculture dela Pro- AVERTISSEMENT. xxv vince. Les Citoyens éclairés fça- vent à peu prés ce qui manque dans le canton qu'ils habitent, la nature des fecours qui y RE, néceflaires, ce qu'on y fait, ce qu'on pourroit Ou ce qu'on dés y faire. On les tupplie avec inf- tance de communiquer leurs ob- fervations & leurs vues. Tout le monde eft intéreflé à groflir un dépôt qui n'a été établi que pour le bien commun, & qui rendra au centuple les or que cha- que Particulier y aura vertées. La Société attend & defire les mêmes fecours fur une autre partie de fon travail, étroitement liée à * Agriculture. C eft celle des Arrs. Ce feroit une carrière très - vafte a fournir, fi on prenoit ce terme dans le fens qu'il préfente lorfqu'il eft ifolé. Par rapport à la Société, on ne doit envifager que les Arts, xxvy AVERTISSEMENT. qui font placés entre l'Agriculture & le Commerce de Bretagne. Elle n'étend point le mot Ars au-delà de ce qui regarde le labourage j les préparations des matières du crü de la Province, la fabrica- tion de ces matières, les apprêts qui leur font néceflaires après qu'elles ont été fabriquées, & les machines qui peuvent faciliter la culture , les préparations, les Manufatures, la Navigation. Parmi les obfervations ou les découvertes qu’on voudra bien lui communiquer , elle préférera tou- jours celles qui auront une appli- cation prochaine à des objets d'utilité établis ou entamés. Ainfi des inftrumens de labourage plus fimples & plus commodes , des moulins à huile, ou des moulins à {cie, des machines propres à abre- ger le travail des Artifans & des AVERTISSEMENT. xxvi Fabriquans, l'introduétion de nou- velles imnduftries qu'on eft à portée d'exercer, comme la fabrication du linge ouvre, des petites étoffes de filou de laine ; voila ce qu’elle defire le plus de voir s’accréditer ou s'établir. Ce n'eft qu’aprèsavoir porte à la perfetion les Arts qui font fubffter la mulntude, qu'on doit fonger à ceux qui demandent une dextérité & des connoiflances dont la plupart des hommesne font pas capables. Au refte, on peut contribuer au progrès ds Arts, fans s'apph- quer aux machines & hr int. mens des Artiftes & des Artifans. Par exemple, ce feroit travailler pour les Manufa@ures de toiles, que d'examiner fi la manière de cultiver & de préparer les Hns, de blanchir les fils, &c. D'Ex altére pas la qualité OI tu xxviy AVERTISSEMENT. côte de la force, foit du côté de la fouplefle. Les Tiflerands peu- vent efluyer, dans de certains en- droits, des contradiétions qui les découragent, & qui tendent par confèquent à en diminuer le nom- bre, Ce feroit un bien réel que d'étudier les moyens de les faire cefler. Il peut s'être gliflé des er- reurs ou même des abus dans la fabrication , qui empêchent l'ou- vrier dy trouver autant de profit que sil étoit mieux inftruit. Le bien public demanderoit qu'ils fuf- fent connus. Les obfervations de cette efpéce ne font minutieules qu’en apparence. Tout ce qui peut conduire au bien général, ef digne de l'attention d'un Citoyen. A} égard du Commerce , il ne faut qu'ouvrir les yeux pour voir qu'il s'étend à tout, & que par conféquent 1il intérefle tous les AVERTISSEMENT. xxix hommes. Il eft vraifemblable que la vigilance de la Société tom- bera particuliérement fur ce qu’on nomme Commerce intérieur. Le Commerce maritime eft entre les mains de Négocians capables, & fi l’'établiffement de la Société peut leur étre utile, Ce n'eft qu'en Ce qu’elle eft à portée de leur épar- oner des difcuflions que fouvent ils abandonnent pour ne pas s’écar- ter de leurs travaux ordinaires. Les Commerçans ne voient com- munément que leur objet, & c’eft voir beaucoup, parce que chaque objet, pris en grand, demande une vue forte & toujours tendue. L’u- lité publique veut qu’on leur épargne toute diftra@ion. Ainfi la Société fe feroit un plaifir, & re- garderoit même comme un devoir de repréfenter aux Etats tout ce qui ferviroit à étendre ou à faci- xxx AVERTISSEMENT. liter leurs opérations. C’eft en ap- parence le feul côté par lequel elle puile être d’une utilité direéte au Commerce maritime. Mais ce fera le fervir efficace- ment, quoique d'une maniere qu'on peut regarder comme indi- rette, que de donner toute l’a&i- vité poflible au Commerce inté- rieur; parce qu'il fortife, à plus d'un égard, le Commerce exté- rieur ou d'exportation. On verra par l'Ouvrage qu’on foumet au ju- gement du Public , que {1 la Société n'a VU qu'une partie du bien qu'on peut faire, elle n'a détourné les yeux d’aucuns des objets qu’elle a pu obferver, ou qu’on luia mon- trés. Les pêches de nos côtes, les Fabriques de toiles, de laines, de papiers, d'huiles , &c. prefen- toient un champ trop vafte pour pouvoir être parcouru en peu de AVERTISSEMENT. xxx; temps. On raflemblera de nou- veaux faits; les avis, les inftruc- tions, les plaintes même fur ce qui embarrafle le Commerce, fe multi- heront ; ainfi la Province prof- tera fucceflivement d’un travail qu'elle a ordonné, qu'elle protége ; mais qui, par fa nature & {on objet, doit toujours augmenter, fans être jamais conduit à fa fin. Il eft mal- heureufement impofhble que le Commerce foit porté à fa perfec- tion ; quand même il ÿ parvien- dudit: À ne demeureroit pas long- temps dans cet état ; trop de caufes nationales ou étrangères en entre- tiennent l'inftabilité. Plus 1l eft difhicile que le Com- merce fe foutienne toujours égale- ment, plus 1l eft néceflaire que fes variations foient obfervées avec perfévérance. On voit aflez que, fans cette application , un faux xx AVERTISSEMENT. pas en entraineroit mille autres, & que le mal pourroit devenir irrémédiable avant qu’on s’en fût apperçu. La Société defire donc extrémement qu'on lui commu- nique tout ce qu’on Croira pou- voir augmenter le bien , arrêter où prévenir le mal fur Sete ma- fière. Si l’on avoit befoin d’exci- ter les Patriotes à donner des inf- truttions & à communiquer leurs vues, il fufäroit fans doute de leur montrer les Délibérations des Etats fur ce qui compofe le Corps d'Ob- fervations de la Société. Ils y ver- ront avec quelle bienfaifance la Province accorde des fecours, & prête fon appui à tout ce doi le Public peut profiter. Ses bienfaits annoncent à ceux qui fouffrent , qu'ils n’ont qu à montrer leurs hé {oins pour être fecourus, & ‘qu 1ls ne pourront s’en prendre qu'à eux- mêmes AVERTISSEMENT. xxxii; mêmes fi les obftacles, que trou- vent fouvent & trop fouvent le zèle & la bonne volonté, ne font pas applanis, lorfqu'ils feront de nature à l'être. On a cru devoir préfenter 1c1 l'abrége de ce qui occupe la So- cièté. Mes perfonnes inftruites ver- ront avec plaiir qu ‘on cherche à entrer dans la carrière qu’elles ont fournie. Celles qui ne le font pas, gagneront peut-être beaucoup a apprendre que la Province a les yeux ouverts fur tout ce qui peut contribuer à la rendre floriflante, & qu’elle récompenfe ceux-mêmes qu’elle invite à s'enrichir. Le zèle de la Société pour le bien public, pour le progrès de l'Agriculture, de l’Induftrie & du Commerce, eft bien plus propre a l'éclairer fu ce qui manque à cet Ouvrage, qu’à lui exagérer le prix de ce qu Fe. ( xxxiv AVERTISSEMENT. tient. Ainfi quels que puiflent être le motifs de fes LeCteurs, elle dé: fire qu'ils s'occupent plutôt de ce qui devroit être dans le Corps d'Obfervations,& quine s’y trouve pas, que de ce qu'il peut renfermer d'utile. Plus on fera étonné en voyant des commencemens fi foi- bles, plus on fera porté à fecourir des Citoyens qui demandent au nom du Public l’affiftance de tous ceux qui peuvent lesinftruire. Ils n’ont garde de propofer comme une invitation leur propre recon- noiflance , mais celle du Public, qui, appréciant les hommes par le bien qu'ils font, peut feul récom- penfer dignement ceux qui fe ren- dent les bienfaiéteurs de l’huma- nité. La Société croiroit manquer à un de fes principaux devoirs, fi elle ne publioit pas ce qu’elle doit AVERTISSEMENT. xxxv à M. le Duc d’Aiguillon. L'intérêt qu'il a pris à fon établifiement ; l'empreflement avec lequel il en a fait autorifer les Affemblées pa par un Breévet de Sa Majefte ; l'attention qu'il a d'exciter le zele & des Aflociés, & de ceux qui peuvent concourir au progrès de leur travail, les démarches qu'il a bien voulu faire pour appuyer les vues dont 1l a reconnu lutilité ; les foins qu'il s’eft donnés lui-même pour éclairer la Société par des inftruétions qu'elle n’auroit pu fe procurer ; tout fe réunit pour lu aflurer une reconnoiffance. égale à fon amour pour le bien public. On prétend qu'un aflez grand nombre de citoyens éclairés par une longue expérience , privent leurs compatriotes Ellen obfervations , par des motifs que la. Société a bien de la peine à C 2 xxxvj AVERTISSEMENT. fuppofer. Les uns, dit-on , font arrêtées par le defaut d'habitude d'écrire les chofes qu'ils exécutent le mieux. D'autres, à qui leurs af- faires laiflent peu de momens li- bres , n'en trouvent point pour porter ce qu'ils ont écrit, au de- gré de correttion qu'ils font capa- bles d'y donner , & fans lequelils fe font une peine je produire leurs obfervations. Ces perfonnes 19n0- rent , ainfi1l eft jufte de lesenaver- tir , que le ftyle eft ce qui intérefle le moins la Société. Des obferva- tions, des faits, des expériences, des vues, voilà ce qui attire fon at- tention ; la maniere dont elles font écrites n'ajoute & ne diminue rien au cas qu'on fait de la pénétration, du jugement & de la droiture de cœur de ceux qui écrivent. Les gens fenfés jugent les Ouvrages comme ils jugent les hommes ; par AVERTISSEMENT. xxxvij leur valeur intrinféque. Le Me- moire le plus mal écrit feroit cer- tainement le plus eftimé , s’il conte- noit plus de bonnes chofes que les autres. La Société ne regarde point comme une récompente de nom- mer ceux qui lui font part de leurs lumières. C’eft un devoir. Elle le remplira touJoursavec fidélité, ex- cepté dans le cas ou les perfonnes ne voudront pas être nommées; & ce ne fera jamais fans quelque re- gret qu'elle déférera à leur mo- deftie. Les Etats n’ont envifagé que le bien public en inftituant la Société. Sa Majefté l’a autorifée comme un établiflement dons l’objet re peut étre que fort urile à la Province & a l’Erar. Voilà le but que doivent envifager continuellement ceux que la Province a honorés de fon xxxvis AVERTISSEMENT. choix. C’eft leur titre pour efpé- rer qu'ils feront encouragés & fe- courus par les perfonnes qui fça- vent voir & fentir les beloins de leur Patrie. eo me, TS us PNLC SUXE PS À x ka ÉTE + DEEE SES #3)" « #E * * * XIE to LES + HIÈS + _*# *|é Le Ça dl! ne #. DR w % # #l+ LME de FE oo eee PH LACS FOX 4 k LT UE OT DS DS LES UT DS DE 0 itrur de EXTRAIT DES REGISTRES DES ÉTATS PE ob ET À GNE: Less —— | a Du Samedi 11 Décembre 1756. Hécgut Es États ont nommé & nom- ET ah ment pour le Commerce : dés Le de l'Eglife, M. l'Evêque de er S. Malo, MM. les Abbés de Vie. de Hhédon & de S. Aubin- des-Bois , & MM. les Députés des Chapitres de S. Malo & de S. Brieuc : de la Nobleffe, MM. du Sel des Monts, d'Efpinoze, la Chapelle Villeplot , de Pontual , de la Motte Lefnage & de Luker : & du Tiers, MM. de Prémion, premier Député de Nantes ; de Kerhvio, À 2 Député de Quimper ; de la Vieuville, premier Député de S. Malo ; Daume- nil , fecond Député de Morlaix ; Alba, Député de Pontivy ; & Pontneuf, Dé- puté du Croific. Du Vendredi 28 Janvier 1733. VI. l'Abbé de Notre-Dame de Ville- neuve a, pour lui & MM. fes Codé- putés à la Commifion du Commerce, fait part à l’Aflemblée du Mémoire qui fuit. COMMISSION DU COMMERCE, MESSIEURS, Vous nous avez fait l'honneur de nous renvoyer un excellent Mémoire de M. Montaudouin fur l'Agriculture, les Arts 6 le Commerce ; 1l propofe, comme très- utile, l’établiffement d’une Société qui fe- roit [on étude de ces trois objets. M. de Gournay , Entendant du Commerce, nous exhorte à adopter ce projet. Nous avons penfé comme lui, que rien ne pouvoit être plus avantageux à la Province que cet éta- bliffement , nous l’avons méme regardé comme effentiel. C’eft [ur ce Plan que nous 3 avons dirigé notre travail; nous avons cru néceffai aire F2 commencer par-la le rapport des affaires dont vous nous aviez chargés 6 nous en avons fait la bafe de nos opérations. Il n’eft pas difficile de prouver l’utilité, €& même la néceffité d’une pareille Affo- ciation. Nous ne pouvons nous diffimuler l’état d’affoibliffement où l'Agriculture & les Arts font réduits | fur-tout dans l’in- térieur de la Province. S’ily a un moyen de tirer nos Culrivateurs de la létargie où is font plongés, 6 d’animer nos Artifles, c’eft fans doute de les faire infruire par des perfonnes pour qui ils ont du re/pe& 6 de la confiance. Des effets que lé fuc- cès auroit quftfiés , des expériences mul. sipliées fous leurs yeux , les convain- croient à la fin que la routine qu’ont fuivi leurs peres , peut n ’étre pas la meil- leure. L'expérience démontre que les La- boureurs peuvent adopter des pratiques nouvelles, quand l'utilité en eft prouvée. C'eft zinfé qu que la culture du grand Trefle & celle du Lin s “établifent tous les jours dans des endroits où l’on n’en avoit Ja- mais cultivé, Les Laboureurs ont befoin d’être inftruits , plus encore par des exemples que par des lecons ; l’un & l’autre fera l’objet principal de la So- A2 ciété que nous vous propofons ae former. Cette Société feroit compofée dans cha- que Evéché de fix perfonnes choifres , fans diflinéion d’'Ordre > parmi les Jugets que l’on auroit lieu de Juger, par leur état ou leurs OCCUPALIONS , étre le plus au fait de chaque matiere ; on chargeroit ces Com- miffaires d'examiner l’état de ces trois parties , de rechercher avec foin les caufes de leurs progrès ou de leur décadence , Les obffacles qui peuvent les arréter, & Les moyens de les faire ceffer ; ils corref- pondroient avec le Bureau général qui feroit établi à Rennes , où tous les Mem- bres aurotent féance a voix délibérative ; ils pourroient auffi s’affembler dans cha- que Diocefe , quand ils le Jugerotent con- venable ; M donneroient leurs avis au Bureau général, pour l'ajudication des TIX Jur ces trois objets , en cas qu'il fût arrêté d’en accorder pour augmenter l’émulation ; 1ls fe communiquerotent ref- peélivement leurs obJervations ; Jur-tout celles qui peuvent être d’une utilité géné- rale , & Je donneroient mutuellement les inftruélions relatives aux objets dont ils ferotent chargés. Par ce moyen, fi quel. qu’un vouloit étendre dans une partte de la Province une culture qui n'y feroit pas établie, & qui fut d’ufage dans un autre canton , il feroit en état de fe procurer facilement tous les éclatrciffemens nécef]at- res pour la faire reuffer ; on exhorteroit les Commiffarres à faire des expériences , a Les fuivre avec attention, & à faire part de leurs fuccès. Chaque Membre feroit obligé de remettre au Bureau général, avant la Tenue prochaine , un Mémoire fur quelque partie de l'Agriculture ; du Commerce ou des Arts. Ces Mémotres y ferotent lus , examinés & comparés, € mettrotent le Bureau général à portée de ourniraux Etats un Corps d’Obfervations très-précteufes fur des objets ft intéreffans & trop néoligés. Les Etats auroient des connoïffances Jüres pour encourager les entreprifes qui mériteroient de l'être , pour exciter l’énulation , & porter dans peu d'années l'Agriculture , les Arts & le Commerce au plus haut point ouù ils puif- fent parvenir. C’eft par une Société pareille que l’Ir- lande , qui étoit une des plus pauvres Con- trées du monde , eft devenue très-florif- fante. Nous ne fommes pas réduits au point d’anéantiffement où étoit certe Îfle ; nous pouvons donc efpérer de réuffer avec plus de facilité, A3 6 Cette Société a fait difiribuer des inf- trulions & des récompenfes , & l’Irlande a pris une face nouvelle. Nous ofons donc , Meffeurs , vous indiquer un moyen qui a déja réuffr ailleurs , & dont le fuccès n'eft pas douteux chez vous. ÎNous ne nous fommes pas étendus fur les avantages qui en réfulterotent pour le Commerce , 1ls font trop évidens. Le Commerce eft tellement lié à l’Agricul- ture , qu'on ne peut perfectionner l’un, fans que l’autre en foit augmenté. es vues que répandrotent fur les Arts É dans les Manufaëlures tant de per[onnes éclairées , produirotent les plus heureux effets; les Artiftes apprendroient promp- tement les pratiques utiles des autres Pays ; ceux d’entre eux qui [e diffingue- rotent par leurs talens , obtiendroient une confidération qui en ef? la plus agréable récompenfe. Vous voyez, Meffieurs , par le détail des opérations que nous avons eu l'hon- neur de vous expofer, qu’il eff néceffaire d'en charger une Commiffion particuliere ; la Commiffion Intermédiaire , déja fort oc- cupée detravaux très-différens , ne pourroit pas donner une attention continuelle à des objets qu'il faut fuivre avec perfévérance. Duquel Mémoire lefture ayant été faite , les Etats ont approuvé & approu- vent ledit Mémoire , & ont en confé- quence chargé & chargent la même Commiflion du Commerce de drefler un Plan qui réglera les occupations & la correfpondance des Affociés , & d’in- diquer auf à l’Aflemblée les Sujets qu'elle croiroit les plus propres pour cette Commiflion. Et fur ce que la Commiflion a dit que ce Mémoire , qui venoit d’être reçu favorablement par les Etats, étoit de M. de Pontual , de l'Ordre de la Nobleffe , fecondé dans ce travail par M. de Prémion , Maire & premier Député de Nantes, Les Etats ont remercié M. de Pontual & M. de Prémion. Du Mercredi 2 Février 1753. M. l'Abbé de Notre-Dame de Ville- neuve a, pour lui & MM. fes Codéputés à la Commiflion du Commerce , pré- fenté à l’Aflemblée le projet de Régle- ment quils ont, en exécution de la Délibération du 28 Janvier dernier, dreflé pour la Société d'Agriculture, A 4 8 de Commerce & des Arts, contenant quatorze Articles, comme leur ayant paru le plus averle pour l’établf- {ement de ladite Société : SCA #SO)T IR, ARTICLE PREMIER. Les Affociés de chaque Evéché s’affem- bleront dins la Ville Epifcopale, pour convenir du lieu Sdes jours d'Affemblée , & de la difiriburion du travail. I I. Ils pourront choifir pour lieu d’Affem- blée le Bureau de la Commiffion Înter- médiaire , en faire leur dépôt , & fe fervir des Cerimis en obfervant de ne déranger en rien le va de cette Commuffion , ou choifir tel autre lieu qui leur conviendra. (61 5 Les Affemblées du Bureau de Rennes pourront [e faire dans une Salle de L "Ap- partement de M. de la Landelle , qu a bien voulu loffrir. EVS Cé Bureau s’affemblera une fors par Je- maine ; les autres Bureaux feront invités de s ’affembler au.moins deux fois par mois ; l? abfence de quelqu'un des Membres ne doit point empêcher ceux qui font à portée du Bureau de s'y rendre ; pour y fuivre le travail commun. On efpere que les abfens dédommageront la Société par un redoublement de leur travail par- uculier. 1 @ La liberté étant l’ame d’une pareille Affociation , le premier point de certe liberté eff que chaque Affocié travaille [ur la partie qui lui plaira davantage. S'il s’en trouve d’affez zélés pour les embraf]er toutes, on defire feulement qu'ils féparent les différens objets , pour la commodité du travail & de la rédaction. V I. L'objet des premieres opérations des Affociés doit être d'examiner l’état de l’Aoriculture , du Commerce & des Arts, de chercher avec foin les caufes de leurs progrès ou de leur décadence , les obftacles qui peuvent les arrêter, & les moyens d'y remédier. VII. Chaque Membre [era obligé de remettre au Bureau de [on Diocele , avant la Tenue prochaine , un Mémoire détaillé [ur quelque partie de l'Agriculture , du Commerce ou des Arts. VIE Tous les Citoyens feront invités de 10 remettre à Meffieurs les Affociés des Mé- moires fur ces objets, ils feront recus avec reconnotffance. On aura l'attention d’en remercier les Auteurs, & de faire con- noître l'obligation qu’on leur a. EX. Les Affociés de chaque Evéché auront un Regiftre pour chaque objet ; ces trois Revifires demeureront toujours dans le eu de dépôt pour Jervir d’inftruéhion. On y inférera par extrait les Mémorres , dont les Originaux cependant feront con- fervés ; ; on enverra au Bureau de Rennes, crois mois avant les Etats » les articles qui pourront mériter l'attention générale , & Les Affociés de Rennes en formeront un CORPS D'OBSERV ATIONS PE & être préfenté aux Etats. X. Indépendamment de la correfpondance qu’on exhorte tous les Affociés à établir entre eux, il convient pour la facilité du Jervice , que le Bureau de Rennes fout le centre re la correfpondance générale, d’où les obfervations intéref[antes qui y auront été adreffées , feront répandues dans la Province. X I. Le but qu'on fe propofe eft d'étendre les II eonnorffances utiles ; les Affociés auront une attention particuliere à donner à ceux qui les confulreront ; des réponfes fatis- arfantes. J X-T I. Quand une pratique aura été reconnue bonne , chaque Commiffaire s’attachera a la répandre dans [on canton, en l'éprou- vant lui-même ; en engageant [es amis à la fuivre , & fur-tout en démontrant aux Laboureurs ou Artifles les avantages qui en réfultent. XIE La Commiffion Jera chargée générale- ment de tout ce qui concernera dans la Province, l'Agriculture , les Arts & le Commerce. X I V. Meffieurs les Affociés font priés ex- preffément de communiquer aux Etats prochains les moyens qui leur paroitront les plus propres pour perfeélionner le pré- fent Réglement. M. l'Abbé de Notre-Dame de Ville- neuve a aufli préfenté une Lifte des Sujets propres pour cette Commiflon, au nombre de fix par chaque Evéché, fans diftinétion d'ordre , ainfi qu'il fut 12 propofé & agréé par les Etats le 28 Janvier dernier : SLA OTR, POUR RENNES, Meffieurs , 2e A 4 a Rennes. Des Nétumieres, l’ainé, à Wire. Rallier des Ourmes , à Wire. De Montigny , Maire de Fougeres, \ a Fougeres. Abeille , à Rennes. NANTES, Meffieurs , L’Abbé de Ramaceul , De la Bilais le Loup, Montaudouin , a Nantes. Senicourt-Grou , De Prémion, De Pontneuf , au Croufic. VANNES, Meffieurs , L’'Abbé de Pontual , à Wannes. De Kermadec , à Aurat. De la Chapelle, à Vannes. De Berthou , à Guemené. 1 #? ) Du Bodan , à Vannes. Perron , au Port-Louis. QUIMPER, Meffieurs , Royou , Reëteur de Trébrivan Carhaix. De Penfeuntenio de Kervereguin Kerfilin , par Pont-l’Abbé. De Sileuy , fils, ? . De Kolivis 3 1 à Quimper. Poulgoafec , à Audierne. Chardon, à Lokornan. SAT NT "M AL O", Meffieurs , L’Abbé Thé du Châtellier ,9 , De Pontual , fils, las. Malo. De Couetpeur , à Rennes. De Bruc, à Broons. Vincent de la Guimerais Perd, ? ï aS. Malo, D'OE, Meffieurs , De Montlouet , a Dol. De Grenedan, à Rennes. De la Cornillere , fils, à Do. Beaudouin , à Chéteauneuf. De la Turrie des Rieux , a Do, Du Rouvre , 4 $. Malo. v Q- \ > € 14 SAINT-BRIEUC, Meffieurs , Rabec ; Chanoine , à S. Brieuc, De Tramin , a Lamballe. Digautrais des Landes , » , … . . Boitidoux , F 4 Quinein. Armez du Pourpry , à Pontrieux. De la Salle le Mée , a S. Brieuc. TRÉGUIER, Meffieurs , L’Abbé du Lezard, à Tréouier. L’Abbé la Touche , Recteur de Saint- Matthieu de Morlaix , à Morlaix. De Kergariou , à Lannion. Marzin, Maire de Morlaix , à Morlaix. De Villeneuve Cillard , à Trévuier. De Portville, à Guingamp. L''É.OUN. Meffieurs , | L’Abbé de Courfon , Recteur de Ploii- der , à Landernau. Podeur , Reëteur de Commana , à Morlaix. De Kerfaufon de Coetanfcour , à Landernau. Mazurier , pere , à Landernau. Daufmenil , à Morlaix. De Kermabon Marzin , à Ro/coff. | 15 Duquel dit Projet de Réglement & de la Lifte ci-deflus leéture ayant été faite, les Etats, après avoir remercié MM. de la Commifhon du Commerce , ont approuvé & approuvent le tout ; ordonnent en conféquence que ledit Ré- glement & le Mémoire qui fut préfenté aufh à l'Affemblée par ladite Commiffion le 28 Janvier dernier , feront envoyés à tous les Membres de cette Société pour s’y conformer dans tout leur contenu. Du Jeudi 10 Février 1753. RAPPORT PARTICULIER De la Commiffion du Commerce. MESSIEURS, Vous nous avez fait l’honneur de nous charger de l’examen des obfervations que M. de Gournay , Intendant du Commerce, a faites dans la Province [ur l’Agricul. ture , le Commerce & les Arts ; nous allons vous rendre compte de nos réflexions fur les objets propofés par ce Compatriote éclaire. ARTICLE PIREIMIE R. Prefque tous les Arts qu’il ef? fi impor- tant de perfectionner , ne peuvent faire 16 de grands progrès fans le Deffein ; c’eft principalement par le goût fupérieur dans cet Art que les Manufaüures du Royaume fe font acquis la préférence fur celle des étrangers. Les Villes de Rouen & de Rheims ont fondé des Ecoles publiques de Deffein. Nos artiftes & nos ouvriers retireroient beaucoup d'avantages d’un pareil établiffemenr. Sur le premier Article, les Etats ont, conformément à l'avis de la Commifhon, ordonné & ordonnent qu’il fera établi deux Maitres de Deffein, un à Rennes, & l’autre à Nantes, lefquels feront tenus de donner, quatre jours de chaque fe- maine, & trois heures de chaque jour , des leçons publiques de leur Art à tous ceux qui {e préfenteront ; & que celui de Rennes qui aura moins d'Ecoliers , fera en outre tenu d’enfeigner les Eleves de l'Hôtel des Gentilshommes, aux jours & aux heures qui lui feront indiqués ; & ont nommé & nomment le Sieur Caufez pour Rennes, & le Sieur Vo- laire pour Nantes, fur lefquels MM. de la Société des Arts auront l’infpeétion , & ont lefdits Etats accordé $00 livres par an à chacun defdits Maîtres. IL. 17 | à A La Manufaë&ure de Toiles, la plus im- portante de la Province , n’a fau depuis long-temps aucun pas vers la perfeétion. Perfetionner cette Manufaëlure , c’eft en créer une nouvelle ; c’eft étendre lAgricul- ture & le Commerce ; pour y réuffir, il ne faut peut-être qu’encourager les ouvriers. Sur le fecond Article , concernant la Manufaéture de Toiles , qui eft la plus importante de la Province , les Etats ordonnent que pour la perfeétion- ner il fera accordé un prix de 300 liv. à celui des Fabriquans de la Province qui aura le plus parfaitement imité , tant pour la qualité, longueur & largeur, que pour le blanc & le pliage , une piece de Toile d'Hollande de la pre- miere qualité , dont il fera dépofé un Coupon pour modele à Quintin , à Pontivy , à Loudéac , & dans les principaux lieux de Manufaéture de la Province ; & un prix de 200 livres à celui qui imitera le mieux une piece de la feconde qualité , dont il fera auf dépofé un Coupon dans les mêmes lieux, & ce , après que les Concurrens auront juftifié que leur Toile a été FRE 18 dans la Province , & avec des fils du Pays. 1 Les Manufaülures de Papier font en f£ petit nombre | qu’elles ne peuvent em- ployer les matieres premieres de la Pro- vince ; leur travail croffier ne peut [uffire au befoin du Pays ; l'ignorance & la paref[e de nos Ouvriers eff la feule caufe du mauvais état de cette Fabrique ; il eft néceffaire de leur donner des inftruëélions 6 de leur propofer des récompenfes ; 1ls pourroient imiter le Papier d’Hollande & celui de Gênes , dont les Efpagnols font une ft grande confommation , fur- tout au Mexique. Sur le troifieme Article , concernant les Manufaétures de Papier , les Etats ordonnent qu'il fera donné à ces Ma. nufaétures des inftruétions fufhfantes fur leur fabrication ; qu’il fera dépofé dans les principaux Moulins à papier , des modeles de celui d'Hollande & de ce- lui de Génes ; & que celui qui les aura mieux imités , fera récompenfé aux Etats prochains , & qu’on aura pour cela égard à la qualité & à la quantité de ces Papiers perfeétionnés. 19 I V. Le Sieur le Cocq de Kermorvan a établi à Quimperlé une Manufaëure de Couvertures, Cet établiffement eft utile par l'emploi de nos Laines , 6 parce qu’il nous procure à metlleur marché une chofe que nous ferions obligés de tirer de l’Etran- ger. Une pareille Fabrique mérite d’être encouragée , on doit même faire des efforts pour l’étendre, Sur le quatrieme Article , les Etats ont accordé & accordent dès-à-préfent au Sieur le Cocq de Kermorvan , une fomme de 1000 livres pour foutenir fon établiflement ; ordonnent qu'il lui fera payé en outre oo livres à la fin de la préfente année 1757 , & pareille fomme à la fin de l’année 1758 , à condition qu'il prouvera , par certificats valables | avoir formé chaque année dans fa Manufa@ture fix éleves , choi- fis dans les Hôpitaux de l'Evêché de Quimper par MM. de la Société des Arts. | V. L’ufage des Prairies artificielles faites avec une efpece de Trefle | connue fous le nom de Tremeine , & de gros Navers B 2 20 ou Turneps , eff très-avantageux ; 11 mul- siplie les pâturages, fans diminuer les cultures des grains. Cet ufage eft établi dans plufieurs parties de la Province ; il feroit utile de le rendre général, On devroit auffi exciter la culture de la Garence & du Paflel ; ces Plantes font néceffaires pour la teinture. Le commerce de la Cire & du Miel ef un objet d'autant plus confidérable , que la Cire de Bretagne eft la meilleure du Royaume. Ce commerce augmenteroit beaucoup , fans l'ignorance des Labou- reurs de plufieurs cantons, qui étouffens les abeilles au lieu de les déloger. Sur le cinquieme Article , les Etats ont chargé & chargent leur Procureur- Général - Syndic en Bretagne , de fe procurer des Mémoires & Inftruétions, ui feront imprimés aux frais des Etats, & diftribués dans la Province par MM. de la Société d'Agriculture , & qu'il {era auffi envoyé aux Correfpondans de la Commiffion Intermédiaire des graines de Tremeine, de gros Navets , de Ga- rence & de Pañftel, lefquelles feront diftribuées au prix coûtant , fur la de- mande qui en fera faite. Ordonnent de 1 plus , que le Mémoire imprimé fur la pré- paration du Chanvre , fera répandu par la même voie dans la Province , auquel effet l’Imprimeur des Etats a été chargé d'imprimer toutes les Lettres circulaires & les Avis que les Aflociés croiront né- ceflaires d'envoyer dans la Province. V I. | Les Draps qui fe fabriquent dans la Province , comme à Vannes & à Joffe- lin , font très-groffiers ; nous croyons cependant que nos Fabriquans , s'ils érotent inftruits & encouragés , pourrotent atteindre à la perfection des Draps de Lodeve & d'Elbeuf. Sur le fixieme Article , les Etats or- donnent qu'il fera dépofé dans chacune des Villes de Vannes & de Joffelin, & dans les autres principaux lieux de Fabrique , un coupon de Draps de Lo- deve & d’Elbeuf, pour fervir de mo- dele, & qu'il fera accordé une récom- penfe de 10 livres par piece, à tous les Fabriquans de la Province qui au- ront bien imité le modele. VE M. le Reéfeur de la Paroiffe de Saint Matthieu de Morlaix a dans [a maifon B3 22 un Mérier à deux Navettes, fur lequel le méme Ouvrier fabrique à la fois deux Pieces de Toile. M. du Sel des Monts en a fait monter un parerl, que nous avons vu & dont nous avons reconnu l'utilité. Sur le feptieme Article , fur les offres faites par M. du Sel des Monts d'inftruire chaque année trois jeunes garçons pris à l'Hôpital , à chacun defquels on don- nera un Métier à deux Navettes, qui coûtent environ 70 livres piece , or- donnent les Etats qu'il leur fera fourni un Métier garni à chacun , pour com- mencer leur établiffement , & ont chargé M. le Procureur - Général - Syndic en Bretagne , d'écrire à M. le Reéteur de Saint Matthieu , pour l’engager à for- mer aufh quelques éleves qui feroient traités de la même maniere. VIITL I fe fabriquoit autrefois à Ancenis des Ætamines ; certe Manufaëure utile pour l'emploi de nos Laines , eft prefque en- tiérement tombée. Sur le huitieme Article, les Etats ont ordonné & ordonnent que, pour rétablir la Manufaéture des Etamines 2 qui fe fabriquoient autrefois à Ancenis, il fera accordé une récompenfe de 40 fols par chaque piece de 40 aunes , fa- briquée à Ancenis , qui imitera bien un coupon d'Etamine ‘au Mans de $o fols Jaune & au-deflus, dépofé pour mo- dele chez le Correfpondant de la Com- miflion ; & un prix de so livres à celui ui aura Je mieux réuff , parce qu’au réalable il fera bien juftifié que ces tamines auront été faites à Ancenis. I X. La Demotrfelle Vindack nous a fait voir un Rouet fur lequel elle file des deux mains à la fois , 1 feroit important d’éten- dre cette pratique. Sur le neuvieme Article , les Etats ont accordé & accordent à la Demoi- {elle Vindack une récompenfe de 24 livres, pour chaque éleve qu’elle for- mera , jufqu'au nombre de douze , & un Rouet à chacune de ces éleves. X. Pour augmenter le débit de nos Toiles, 1l feroit important de les pouvorr impri- mer comme on fait en Silèfe ; plus nous varterons leur forme , plus la confomma- ion en fera augmentée. B 4 24 Sur le dixieme Article, les Etats ont chargé & chargent leurs Députés & Procureur-Général-Syndic à la Cour, de faire des repréfentations preflantes pour obtenir la permifion d'imprimer fur le lin. XL: Quoique la Province faffe par elle- même une grande confommation de Cha- peaux fins, É que fon commerce lui donne occafion d'en exporter des partis confidé- rables , on n'y fabrique que des Chapeaux fort communs ; nous fommes cependant mieux placés, pour réuffi tr dans cette fabri- cation, qu'aucune Province du Royaume. ÎNous fommes plus d portée des matieres premieres ; nous éviterions de gros Drouts, & nous augmenterions notre commerce avec étranger. Sur le onzieme Article , les Etats ont promis & promettent une recompenfe de 4 pour cent de la valeur , aux Ou- vriers qui feroient dans la Province des “Chapeaux de Caftor de la même qualité que ceux de Paris, & de 2 pour cent, à ceux qui feroient des demi-Caftors auffi de la même qualité. XATE Les Mines de Charbon de terre, qu + — abondent dans cette Province , fupplée- roent au bois qui commence à y man- quer, 6 nous donnerotent de nouvelles richeffes , ft l'exploitation n'en étoit pas génée & comme dé endue par les privileges exclufifs accordés à différentes perfonnes. Sur le douzieme Article , les Etats ont chargé & chargent leurs Députés & Procureur-Général-Syndic à la Cour de folliciter fortement la fuppreflion des Priviléges accordés à ce fujet, comme étant contraires à la difpofition de la Coutume , & de publier dans la Pro- vince , par MM. de la Societé des Arts, que les Affociations ou Soufcriptions qui pourront fe faire fur cet objet, feront protegées par les Etats. XITI Îl fort de la Province de groffes fom- mes d'argent pour payer les Pierres de moulage ; cette feule obfervation prouve combien il feroit avantageux d’en décou- vrir des carrieres dans la Province. Sur le treizieme Article , les Etats, pour en exciter la recherche, promet- tent une recompenfe de 2000 liv. à celui qui aura tiré dans la Province les cent 26 premieres Paires de Meules reconnues bonnes, & de 1000 liv. pour la feconde centaine. ACUINE La culture du Lin, ft floriffante dans la partie feprentrionale de la Province, ef? fort néoligée dans la partie du midi ; elle y fuffit à peine à la confommation du colon. La Graine du Pays qu'on y feme, ne peut donner que des produétions foibles 6 peu propres à encourager les culriva- teurs ; il eft néceffaire de leur faire con- noître l’avantage de fe fervir des Graines étrangeres. Sur le quatorzieme Article, les Etats ordonnent qu'il fera fait fonds de la fom- me de 6000 liv. pour faire venir de la Graine de Lin de Riga & de Zélande, de la meilleure qualité, pour être diftri- buée dans les Evêchés de Rennes , Nan- tes, Vannes, Quimper, & dans la Par- tie méridionale de celui de Saint Malo, {ur le pied de neuf livres le quintal, à laquelle diftribution les Commiflaires de l'Agriculture ont été chargés de veiller , & à ce que la femaille en foit effeétuée. XN: Quoique les farines de Bourdeaux forent 27 très-fouvent faites avec des Grains de la Province , elles font ft fupérieures aux nôtres , que tant qu'il y en a dans les Colonies , celles de Bretagne ne fe ven- dent point. Il efl étonnant que les appro- vifionnemens de Breft & de l’Orrent, & les affortimens pour nos Colonies, fotent de farines de Bourdeaux faites avec des bleds de Bretagne. Nous ne devrions pas laif[er échapper une branche de commerce JE favorable à l’Agrniculture , 6 qui eft enire nOS NAS, Sur le quinzieme Article , les Etats ont promis & promettent de récompen- fer à la prochaine Tenue ceux qui au- ront fait dans la Province des établifle- mens propres à fournir des Farines fem- blables à celles de Nérac. XEV:T: Sur le feizieme Article, les Etats ont aufli promis une récompenfe à la pro- chaine Tenue à tous ceux qui auront dé- couvert de nouvelles carrieres de Pierres à Chaux , dans les lieux où il n’en a pas encore été trouvé. XNA E Les Etats ont chargé & chargent leur Procureur-Général-Syndic , réfident en 28 Bretagne , de procurer les modéles & inftruétions, & les Graines dont il a été fait mention ci-deflus. XV PTE On commence fur nos Côtes à s’ap- pliquer à la pêche du Hareng , ce qui eut devenir un objet de commerce conft- dérable pour la Province. | Sur le dix-huitieme Article , les Etats, pour encourager la Pêche du Hareng , ont chargé & chargent leurs Députés & Procureur-Général-Syndic à la Cour, de folliciter au Confeil la franchife de tous droits fur les Harengs pêchés fur les Côtes de la Province qui fortiront , foit pour l'étranger , foit pour y entrer par d’autres Ports, & de faire en confé- quence tout ce qui fera convenable pour que l’on puifle jouir de cet avantage dès cette année. Lx: | Il à été bien démontré par un Mémoire des Confuls de Nantes , que la liberté du commerce du Levant f[eroit une nou- velle fource de richef[e pour la Province. La Ville de Marfeille en a eu qufqu'ice le privilege exclufif ; les vœux de ous les Négocians fe réuniffent depuis long- 2 temps pour partager AE qui pale chez l'étranger, parce que Marfeille feule ne peut fuffrre à [on étendue , fur-tout de- puis qu'elle a entrepris le commerce de nos Colonies. Sur le dix-neuvieme Article, les Etats ont chargé & chargent leurs Députés & Procureur-Général-Syndic en Cour, de faire les plus vives inftances pour obte- nir la liberté de ce commerce , en de- mandant l’exemption du droit de 20 pour cent , fur les marchandifes qui feront ap- portées du Levant dans la Province , & introduites dans le Royaume ; en deman- dant auf à être foumis à toutes les précau- tions que le Miniftre jugera néceffaires. Nous vous avons propofé , Meffieurs , ? m beaucoup d ÉRCORIA SEINE POLE CAT ONRTER l’induftrie de nos Artifles , 6 perfe&ionner nos Manufaëures : plus nous pourrons avoir de ces établiffemens , & plus nous irerons parti de nos avantages naturels ; c’eft ce qui nous a portés à faire atten- sion à la Requête du fieur Macoulif, que vous nous avez renvoyée. Ce Fabriquant s’eft fait connoître à Nantes par des effais fort heureux. Il propofe d'établir une Ma- 30 nufaëlure de différentes Etoffes de Laines qui ne fe fabriquent point dans le Royau- me, 6 qui font partie du grand Commerce d'Angleterre ; les effais que nous en avons vus , donnent des idées très-favorables de cette propofition ; il promet d'établir d’ici à la Tenue prochaine 30 à 80 métiers bat- ans , G& de les entretenir pendant dix ans ; il s’oblige à employer dans ces étoffes deux tiers au moins de Laines de la Province , à former chaque année douze Apprenufs , dont fix feront pris dans les Hôpitaux , & Les fix autres au choix de la Société des Arts. Sur le vingtieme Article , les Etats pour engager le fieur Macoulif à établir {a Manufaëture dans la Province, lui ont accordé & accordent pendant dix ans une récompenfe d’un fol par aune d’étoffe, au-defflous de 40 fols l’aune ; de 2 fols depuis 40 fols jufqu’à 3 liv. l’aune ; & de 3 fols au-deflus de 3 livres l’aune , des étoffes femblables aux échantillons qu’il a fait voir à la Commifiion , & qui fe- ront dépofés , pour fervir de comparai- fon , au Bureau de la Société des Arts. RE Les Raffineries de Sucre de la Pro- Ï vince , qui sains autrefois une bran- che confidérable de commerce , font prefque entiérement tombées par les Droits dont on a chargé les Sucres qui s'y raffinent ; c'eft une injufhice envers les Raffineurs , une perte évidente pour la Province, La Requête des Raffineurs de Nantes ex- pole d’une maniere frappante la néceffité de foutenir ces établiffemens. Sur le vingt-deuxieme Article , les Etats chargent leurs Députés & Procu- reur-Général-Syndic à la Cour, de folli- citer pour & en faveur des Raffineries de Bretagne. 1°. La liberté d'envoyer , tant dans les Pays étrangers que dans les Provinces de France reputées étrange- res , les Sucres qui s’y fabriquent , par acquit à caution , comme le font les Raffineries de Dieppe , Rouen, Bour- deaux , la Rochelle & Cette. 2°. La jouiflance , pour les Sucres raffinés dans la Province , dont la ma- tiere proviendra de la Traite des Noirs, de l’exemption de la moitié des droits fur toutes les Marchandifes qui en pro- viennent, 3°. La réduétion des droits des Sucres raffinés au taux de ceux du Sucre brut 32 ; uils repréfentent , c’eft-à-dire , à raïfon :k 68 liv. 2 fols du millier, 4°. La hberté de faire entrer les Sucres raffinés par tous les Bureaux du Royaume. Vous avez renvoyé, Meffieurs , à la Commiffion du Commerce un Mémoire con- cernant les fabriques 6 le commerce des Toiles ; c’eft l'ouvrage du Sieur de Coify, Infpeëteur-Général de ces Manufaëures , dont les appointemens , ainft que ceux de quatre Înfpeüteurs , de plufieurs Commis , & Les frais de Bureau font fupportés par les Marchands & Fabriquans de la Pro- vince. Une partie de ces Droits Je lévent fur les Toiles, en les vifitant ou en les marquant ; l’autre partie, qui eff de 4200 livres , ef? levée par forme d’impofirion , tant fur les Marchands de Draps , Soiertes & Merceries des Villes de la Province, que fur les Fabriquans de Draps 6 de petites Etoffes. Cette fomme eft répartie par Ordonnance de M. l’Intendant. Îl nous a paru avantageux pour le commerce , de propofer aux Etats de [e charger de payer cette fomme de 4200 lv. laquelle À ; pour ceux qui la fupportent aujourd’hut, une fource de plaintes améres & de découragement, Nous Nous avons penfé différemment [ur les Droits de vifite & de marque [ur les Toiles. Ces Droits ont été établis depuis peu en créant les Infpeëleurs des Manufaë&ures. Si l’infpetion ef utile , 1l n'efl pas dou- teux qu'elle [era plus exaële quand les ap- pointemens des Înfpeëleurs dépendront de l'exercice de leur emplot ; mais fr elle eft inutile , ft l’on s’appercevoit méme qu’elle pät diminuer le commerce au lieu de l’aug- menter ; ne pourrions-nous pas efpérer que la Cour, en fupprimant les Employés , éteindroit des Droits établis pour former leurs appointemens ? En fufpendant notre Jugement [ur l’Inf- peélion , nous rendons jufhce à l’Infpeëleur ; Jon ele nous a paru louable, fes connoiffan- ces fur le commerce de la Province , éten- dues. Vous avez pu, Meffieurs , vous apper- cevorr dans notre rapport que nous avons méme adopté quelques-unes des obfervations contenues dans le Mémoire qu'il a donné. Sur le vinot-troifieme Article , les Etats ont ordonné & ordonnent que, pour décharger les Marchands de Draps, Soieries & Merceries de la Province, & les Fabriquans de Draps & de petites Etoffes , de la fomme de 4200 liv. qui fe C levoit fur eux par forme d’impofition & par chacun an , il fera fait fonds dans la préfente Tenue, de la fomme de 8400 I. à raifon de 4200 liv. pour chacune des années 1757 & 1758 , pour & au profit du Sieur de Coify & autres Infpeéteurs & Commis. Au moyen de la préfente Dé- libération , lefdits Marchands & Fabri- quans demeureront entiérement déchar- gés de ladite fomme de 4200 liv. pour les mêmes années 1757 & 1758. Sur le vingt-quatrieme Article , les Etats ont exempté & exemptent, pen- dant vingt ans , de toutes impoñitions réelles les terres nouvellement défri- chées , & l’on demandera qu'elles ne foient point aufh fujettes à la Dixme pen- dant le même efpace de temps ; & ont en conféquence chargé & chargent leurs Députés & Procureur-Général-Syndic en Cour de folliciter un Arrêt du Con- feil à cet effet , & dont l'exécution com- mencera du 1°. Janvier 1757. Les Etats ont accordé par le vingt- feptieme Article à la Manufaéture de M, du Sel des Monts , l’'encouragement pro- pofé par la Commiflion , d’un fol par mouchoir , d’un fol par aune d'Etoffe de trois quarts de lé & au-deflous , & de deux fols par aune au-deflus de trois quarts de lé (a). Les Etats ont aufh accordé par le vingt-neuvieme Article , à difiérentes Communautés , pour le rétablhiflement de leurs Ports, la fomme de 118000 liv. & ont nommé M. Magin, Ingénieur de la Marine , pour la direétion de tous les travaux des Ports & Havres , des Fon- taines publiques, & defléchement des Marais. Sur le trente-deuxieme Article , au fu- jet des Habitans de Bourgneuf, les Etats ont ordonné & ordonnent que, lorfqu’à la réquifition des Négocians dudit lieu, quelques-uns des Navires étrangers ou François , qui viendront faire le com- merce , & quiauront jetté leur lefte dans la Rade , pour éviter les frais du délef- tage à terre , auront été condamnés à l'amende prefcrite par les Ordonnances, & que les preuves en auront été adminif- trées aux Commiflaires des Etats, M. Ma- gin fe rendra fur les lieux pour examiner ce qu'il feroit avantageux d’y faire, pour en rendre compte aux Etats prochains. a — (2) Les obfervations que M. du Sel des Monts , NOUS nous avons trouvées dans ont été fort utiles. le Mémoire imprimé de + 36 Sur letrente-troilieme Article , les Etats ont chargé & chargent M. Magin d’exa- miner l’état des Ports de Hennebond , Rhedon , Paimpol & la Rochebernard, pour rendre compte à la Tenue pro- chaine , des ouvrages qu’il conviendroit y faire , avec un état de la dépenfe. Et finalement, les Etats ont chargé & chargent la Commiffion du Commerce d'extraire les parties dont ileft néceffaire que le Public ait connoïffance , pour les faire imprimer & diftribuer aux frais des Etats. Du Mardi 15 Février 1733. M. de la Bourdonnaye a repréfenté que plufieurs Membres de l’Affemblée ont de- firé qu’il füt propofé de nommer M. lEvé- que de Rennes, M. le Duc de Rohan, M. de Silguy , M. d’Amilly , premier Préfident du Parlement , M. le Bret, In- tendant , M. le Préfident de Montbou- cher, M. le Préfident de Montluc, & M. de la Chalotais , Procureur-Général du Parlement, Aflociés de la Société de l'Agriculture , du Commerce & des Arts, ce qui a été agréé par les Etats. 37 > ; OR SESVL ET Qui confirme l’Erabliffement d’une So- ciété d'Agriculture | de Commerce & des Arts en Bretagne. Ujourd'hui vingt Mars mil fept cent cinquante-fept , le Roi étant à Verfailles , s'étant fait rendre compte des Délibérations prifes par les Etats de Bretagne , aflemblés à Rennes les 28 Janvier , 2 & 15 Février derniers , par lefquelles ils auroient approuvé lEta- bliflement propoié à l’Affemblée par les Sieurs Députés à la Commifion du Commerce, d’une Société d’Agricul- ture , de Commerce & des Arts en ladite Province , laquelle feroit compo: fée , dans chaque Evêché , de fix per- fonnes chargées de travailler au progrès de ces trois parties, & de correfpondre avec un Bureau général établi à Rennes, le tout en la maniere portée par le Ré- clement pareillement propoié auxdits Erats ; & Sa Majefté jugeant à propos d'autorifer & d'encourager un Etablifie- ment que l'expérience pourra conduire à une plus grande perfeétion , mais dont l'objet ne peut toujours être que fort C3 35 utile à ladite Province & à l'Etat ; Sa Majefté a approuvé & confirmé , ap- prouve & confirme lefdites Déhibéra- tions des 28 Janvier , 2 & 15 Février derniers : permet aux Aflociés agréés par lefdits Etats de s’affembler dans les temps & les lieux, & en la maniere por- tée par ledit Réglement , pour vaquer aux opérations y énoncées , fans que, pour raïfon de ce , il puifle leur être ap- porté aucun trouble ni empêchement ; & pour aflurance de fa volonté , Sa Majefté m'a commandé d’expédier le préfent Brévet, qu'Elle a figné de fa main & fait contrefigner par moi Con- feiller Secrétaire d'Etat & de fes Com- mandemens & Finances. Signé , LOUIS. Et plus bas , PHELYPEAUX. ï 4e -ÿe- 2 he he Ad die Uma 4e D SR nn OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. D: Citovens qui ont éclairé la Na- tion par des Ouvrages économi- ques ou politiques , ont delire que des Chefs initruits fuflent placés te l'Etat à la tête de l'Agriculture (a). Ils ont fenti que c'étoit le feul moyen de faire difpa- roîitre les préjugés ; d'y fubftituer des principes , & d'augmenter les richeffes de l'Etat. GE font en effet les produétions de la terre qui entretiennent les Arts & les Fabriques ; le Commerce même ne peut avoir un plus ferme appui. Une Société confacrée à l'Agriculture , aux Arts , au Commerce , feroit donc par- tout l'établiffement le plus utile , le plus propre à fortifer les fources de l’aifance publique. Il étoit digne des Etats de Bretagne, de donner cet exemple à la France , ou (a) Voyez les avantages Les recherches & confidé- & les défavantages de la rations fur les Finances de France & de la Grande- France , tome T, page30e. Bretagne, page 184 € fuir. C4 à OBSERVATIONS plutôt de lui fournir ce nouveau fecours; fecours d'autant plus puiflant , qu'il tend à développer le germe de toutes les ri- chefles , & par conféquent à multiplier le. forces de la Nation. Un projet dont l'exécution fuppofe tant de perfévérance , ne peut être formé & foutenu que par ces grands Corps qui, ous l'autorité du Roi, veillent au bon- heur d’une portion de fes peuples. Ces Corps refpeétables rapportent tout au bien public : leur zele n’eft jamais ralenti par les obftacles, & ils fçavent employer avec fagefle les moyens propres à vivi- fier les branches utiles qui lanouiflent. Une adminiftration fi bienfaifante ne peut que recevoir l'approbation du Sou- verain. Aufh la Société d'Agriculture, de Commerce & des Arts étoit à peine inftituée , que fur le compte qu'en rendit à Sa Majefté M. le Duc d’Aiguillon , Elle fit expédier un Brevet qui en auto- rife les aflemblées. Ce Brevet.eft d’au- tant plus cher à la Société, qu’en applau- diffant aux, vues de la Province , il pré- fage les fuccès qui doivent en réfulter, & annonce au Royaume que la Nation entiere en partagera les fruits. M. le Duc d’Aiguillon ; en l’adreffant PRÉLIMINAIRES. à la Société , lui marque que Sa Mayjeflé, perfuadée du zele des Affociés pour le bien public , l'a chargé expref]ément de les af- furer de fa proteéion. Le vœu de la Pro: vince , l'approbation , la protection du Roi; quels motifs pour des citoyens char- gés de contribuer au bonheur de leur Pa- trie ! Quel appui contre les obftacles que pourroit prélenter une carriere. fi vaite & fi difiicile à fournir ! La Bretagne eft la Province du Royau- me qui a le plus de facilité pour le com- merce. Riche de fes propres produétions ; enrichie par celles de plufieurs Provinces qui y defcendent par la Loire, fes Ports nombreux & fûrs la mettent en état de communiquer avec tous les peuples. Le commerce & la navigation s’y font éta- blis d'eux-mêmes ; mais les Arts fi nécef- faires au Commerce & l'Agriculture, qui eft à la fois la bafe d’un grand Com- merce & le premier des Arts, n’y ont pas fait les mêmes progrès. On ne peut donc s'appliquer trop promptement à accroifiement des Arts, & fur-tout à la perfeétion de l'Agriculture. Elle feule peut aflurer des fuccès foutenus. Cette vérité qui appartient à tous les temps, à tous les pays , femble être devenue OBSERVATIONS plus lumineufe, depuis que les intérêts du Commerce ont une influence fi mar- quée fur les principales opérations politi- ques. Chaque Gouvernement s'applique aujourd'hui à faire les plus abondantes exportations , & travaille à n'importer que le moins qu’il eft poflible. À mefure que l’efprit de Commerce s'étend , on voit augmentera concur- rence. Ainf les profits des Nations com- merçantes doivent diminuer. Peut-être arrivera-t-1l , comme l’obferve le Tra- duéteur du Vécociant Anglois (a) , que la balance du Commerce des Nations fera uniquement celle du produit de leurster- res & de leurs Colonies. Cette perfpec- tive doit exciter à donner l'attention la plus fuivie à l'Agriculture. L’Angieterre a faifi de bonne heure l'importance de cet objet. Ces vaites Communes qui affamoient un peuple obftiné à les regarder comme une por- tion de fes richefles ; qui étoient d'autant plus refpeétées , qu'aucun particulier ne pouvoit les réclamer comme propriétaire, & que par ce côté elles fembloient être le fymbole de la liberté Angloife ; ces (2) Difcours préliminaire, page xciv. PRÉLIMINAIRES. 5 vaites Communes par l'autorité légifla- tive ont été défrichées. D'abondantes moiflons , de riches prairies ont pris la place de ces déferts, & le peuple même ne cefle de regretter les pertes que cau- foient fon ignorance & fon opiniâtreté. Peu de temps après cette révolution , la fomme des récoltes & du bétail fut pref- que doublée ; & la population qui mar- che toujours à la fuite de l’abondance, devint bientôt la récompenfe d’un travail foutenu , protégé & encouragé par le Gouvernement. L’Irlande, & enfuite l'Ecofle imiterent un exemple fi propre à réveiller le penchant de tous les hom- mes vers les richeffles. Des Sociétés de Particuliers fe mirent à la tête de l'Agri- culture ; les Parlemens de ces deux Royaumes récompenferent ceux dont l'induftrie avoit augmenté la fomme des biens de leur Patrie. Dans peu d'années l’émulation & le travail créerent , pour ainfi dire , de nouveaux pays. Le Dannemarck , la Suede ont fait auf de l'Agriculture un objet principal d'adminiftration politique. Des Socié- tés, des Académies ont été inftituées uniquement pour veiller fur les progrès de cet Art important. La Suede a même 6 OBSERVATIONS porté le zele au-delà des bornes ; elle a employé & la violence & les châti- mens pour exciter les peuples à culti- ver : moyens toujours dangereux. Il eft difiicile de perfuader aux hommes qu’on les conduit au bonheur , lorfqu'on leur fait prendre une route femée d’épines & ardée par des fatellites armés de fouets. L'Italie, la fertile Italie a craint de ne pas fuflire à fes befoins , lorfqu’une ému- lation générale auroit produit leffet qu'on en devoit attendre , & dont on voit de fi grands fruits. Elle a placé au milieu de fes Académies, occupées juf- qu'alors de fciences fpéculatives , de belles-lettres ; elle a placé des Acadé- mies d’un genre tout nouveau, puifqu’el- les font purement utiles. Elles font con- facrées à un genre d'utilité auquel on fem- ble donner d'autant moins d'attention, qu'il répond plus à des befoins de pre- miere néceflité. L’ignorance & l’ingrati- tude placent toujours un Art au même niveau que les mains groflieres qui l’exer- cent. Mains refpeétables par lanature des fecours qu’elles fourniflent à l'humanité ; méprifées , parce qu'aucun éclat n’ap- pelle les yeux fur ce qu'elles touchent. La multitude ne fçaura jamais que c’eft PRÉLIMINAIRES. du fein des travaux en apparence les plus abjeéts , & fouvent du fein de la mifere & des larmes , que fortent les richeñles, la force & la fplendeur des Empires. La France éblouie par le fucces de fes Manufadtures , qu’elle doit au grand Colbert ; par l'étendue de fon Commerce extérieur, qu'elle doit à fon heureufe po- fition , à fon génie aétif & entreprenant, n’a pas aflez profité de la politique de fes voifins. L’Agriculture , qui feule pouvoit foutenir ces Manufaétures , ce Com- merce , & les mettre à l'abri des coups de la concurrence , a été trop négligée. La vigilance de nos voifins fur cette par- tie leur a fourni les moyens d’avoir bien- tôt les mêmes fabriques que nous, & de fe pafler de nosfecours. Leur Commerce s’eft accru avec leur Agriculture ; ils ex- portent leurs marchandifes chez des Na- tions qui n’en recevoient autrefois que des François. Les Anglois , par exemple , & c’eft eux qu'il eft effentiel de citer , parce qu'ils font les meilleurs cultivateurs de l'Europe , & qu'en fait de Commerce la France n’aura jamais de rivaux fi dan- gereux , les Anglois ont imité toutes nos étoffes de foie ; ils fabriquent le coton 8 OBSERVATIONS {ous toutes les formes connues. Voilà deux branches principales qu'ils ont na- turalifées chez eux. Tout le monde con- noît la fupériorité que donnent leurs lai- nes à leurs Manufattures de draps, & combien leurs avantages naturels fur cet objet font augmentés depuis qu'ils ont multiplié leurs pâturages. Enfin le lin & le chanvre , dont ils ne s’étoient jamais occupés , font devenus par leur applica- tion des produétions communes dans leur Ifle. L’attention foutenue qu'ils ont don- née à la préparation de ces matieres, les a mis en état de fe pafler des toiles de France , & de partager le commerce étranger qui nous enrichifloit. Cet article intéreflant particuliére- ment la Bretagne , il eft jufte d’y porter des regards plus attentifs. Le lin & le chanvre croiflent avec abondance dans cette Province. Elle a toujours retiré de grands avantages du commerce de fes toiles de lin. Ses chanvres fourniflent & des cordages & des toiles à voiles à la Marine de fes Ports. Ces toiles quenous nommons ÂVoyales : a),étoient exportées (a) Le Bourg de Noyal, qu’on y en fabriquoit beau fitué près de Rennes , leur coup. a fait donner ce nom, parce PRÉLIMINAIRES. 9 en Angleterre même; enforte que ce Royaume e tout maritime, empruntoit de nous un des principaux moyens de fa navigation. Nous voyons par l'Effar fur l’état du Commerce d'Angleterre, que ce n’eft qu'a la fin du dernier fiecle que les Anglois fongerent à fe délivrer de-ce tribut qu'ils payoient à notre culture & à notre induitrie. Ils entreprirent des Manufactures de toiles à voiles, & con- ferverent chez eux le nom de Noyales, qui eit f1 propre à réveiller notre atten- tion fur nos pertes (a). L’Angleterre (2) Voici les termes de John Cary, qui publia cet Ouvrage en 1695; il le re- toucha dans Ja fuite , & le piéfenta au Pédement en EAN » Je ne dois pas omettre » que des Particuliers ont » entrepris depuis peu avec »un fuccès étonnant, des » Manufaftures de Toiles loyales, ou Toiles à voi- » les ; leur progrès mérite » d’être favorifé. Tome 1, p-193. On trouve dans le tome 2 , page 200.» Onn’a » commencé à travailler des » Toiles à voiles en Angle- »terre, que fous Guillau- » me IT. (il monta fur le Trône en 1689, & mourat en 1702.) » Bientôt cette » Fabrique fut portée à fa » perfeétion. .…. En 1742, » le Parlement publia un »aéte pour l’encourage- » ment de /z Fabrique de » Toiles à voiles. Cet atte » ordonne Ja levée d’un » Droit additionnel d’un fol » par aune de toutes fortes » de Toiles en pieces, &c » nommément fur les Toi- » les à voiles de Fabrique » étrangere , importées en » Angleterre. Le produit » eft employé en une gra- » tification de deux fols par » aune pour l'exportation de » toutes Toiles à voiles, » en pieces, fabriquées en » Grande-Bretagne. 10 OBSERVATIONS n'achete plus nos toiles à voiles. On Fe juger du progrès qu'a fait chez eux a culture & la fabrication du chanvre, par la confommation d’une Marine qui a toujours été nombreufe, & qui a LS que doublé depuis le temps où John Cary écrivoit. Le lin n’a peut-être pas éprouvé une révolution fi Bcheute » puifque nous fa- briquons encore beaucoup de toiles de lin. Mais nous ne pouvons nous diffi- muler nos pertes fur cet article. L’An- gleterre , l'Irlande , lEcofle , n’avoient jamais eu de Fabriques de cette efpéce que pour une partie de leurs confom- mations les plus communes. Aujourd’hui FEurope & les Colonies Efpagnoles achétent de leurs toiles pour des fommes immenfes. Ainfi la confommation du linge étant prefque décuplée , nous per- dons & ce que nous aurions pu fournir de plus dans l'augmentation progreflive de cette confommation, & le bénéfice que nous faifions fur ces mêmes nations, qui exportent à préfent leurs toiles en concurrence avec nous. Îl faut ajouter à cette perte, qui eft très-confdérable, celle que nous éprouvons depuis long-temps fur les fils blancs & fur les fils teints que nous __ PRÉLIMINAIRES, II nous procuroient nos lins. Les fils teints en particulier formoient une branche de commerce très-étendue , puifque la Bre- tagne les fournifloit prefque feule. Ces fils confervent encore le feul nom qui leur convint autrefois. Ils fe nomment par-tout Fuls de Bretagne. Mais il n’eft que trop vrai que cette Fabrique eft pref- que ruinée , par le défaut de fortune, d'induftrie ou de capacité des Teintu- riers de Rennes , qui n'ont pas fçu la foutenir (a). Toutes les branches de notre Com- merce ont efluyé à-peu-près les mêmes échecs. Nos fels ne font plus employés dans les falaifons Angloifes ; ils préferent ceux de Portugal. Les Hollandois ont prefque abandonné ceux de Guerrande & du Croific. Nos eaux-de-vie, nos bleds , nos cires, dont la Ville du Mans retire le plus grand profit ( celui des pré: parations & de la main d'œuvre, ) voilà des objets vraiment dignes de la vigi- lance & de la proteétion des Etats ; car il eft démontré que tout Commerce qui (a) M. de Livoys, à qui s’aflurer des caufes de la di- la Société doit un Mémoire minution du Commerce des fur le lin vivace ou perpé- fils teints, & de chercher tuel , & formé le projet de des moyens de le rañimer, 12 OBSERVATIONS diminue, entraine néceflairement la di minution de la culture de la matiere ffur laquelle il eft fondé. Le cultivateur me- fure fes entreprifes fur l’aflurance d’une vente plus ou moins abondante. Dès que les Arts prépareront peu, & que le Com- merce ne fera que de foibles exportations, on doit compter qu'il n’y aura que peu de culture. Ce principe ne contredit point celui qu'on a déja établi, que l'Agriculture eft le premier Art, celui qui eft le fonde- ment de tous les autres, & par confé- quent celui qu'il eft le plus effentiel de protéger. L'Aoriculture , les Arts & le Commerce forment un cercle ; ce feroit détruire ce cercle que d’entamer une de fes parties. Le Commerce feroit ruineux s'il {e réduifoit au tranfport des matieres brutes ; les étrangers les prépareroient, & viendroient enfuite nous les revendre fort cher. Les Arts fi néceflaires au Com- merce , feroient inutiles dans un Etat, fi les productions de la terre ne four- nifloient pas les matieres fur lefquelles ils s'exercent. C’eft donc évidemment l'Agriculture qui eft le principe de tout Art, de tout Commerce. Elle fubfifte par elle-même, parce qu'elle eft d’étroite PRÉLIMINAIRES. 13 néceflité pour la confervation des hom- mes , le refte ne fubfite que par eile. Ainfi , quoique la culture diminue lor{- que le Commerce languit , il n’en eft pas moins vrai qu'une Agriculture floriflante appelle les Arts, en leur fourniflant des matieres à meilleur marché. Les Arts à leur tour, lorfqu’ils font bien entretenus, ouvrent mille routes au Commerce par où s'écoule le fuperflu des produétions & de l’induftrie nationale , & par où rentrent l’aifance & les richeffes. Cette courte expoñition développe fufffamment les motifs qui ont porté les Etats à réunir des objets qu'une politi- que fondée fur la nature des chofes, regardera toujours comme inféparables. La Société qu’elle a établie, a pour but l'Agriculture , les Arts & le Commerce, c'eft-à-dire , la réunion de tout ce qui peut apporter de l’aifance parmi le peu- ple , & par conféquent des richefles dans le Royaume. Plus les vues des Etats font folides & étendues , plus ils auront fenti l’impof- fibilité de les remplir dans l’efpace de dix-huit mois. Les Membres de la So- ciété eux-mêmes ne fe font pas diflimulé le poids du travail que la Province at- D'a 14 OBSERVATIONS tend de leur amour pour la Patrie , de leur reconnoiffance fur le choix dont ils les ont honorés. Ils n’ont été arrêtés que par des obftacles infurmontables. Le circonftances de la guerre ont jetté les Arts & le Commerce dans un état de langueur , trés-propre à faire mécon- noître la jufte mefure de nos forces & de notre foiblefle fur ces deux parties. Un examen folide à cet égard demande le retour de la paix. Alors nos Arts & notre Commerce ne font point défigurés par des événemens qui leur foient étran- ers. [ls fe montrent tels qu'ils font. D'ailleurs laétivité de la Nation pour ré- parer les pertes caufées par la guerre, indique plus fürement les branches qui font fufceptibles d'appui, & , ce qui n’eft pas moins important , le genre d'appui le plus convenable pour les faire profpérer. L’Agriculture fe reflent aufli des fé- coufles de la guerre , & par le vil prix des denrées dont le Commerce ne peut plus la décharger , & par la diminution de culture que caufe néceflairement la vilité de prix des produétions. Cepen- dant quelques parties qui foutiennent le Commerce intérieur , demeurent à peu PRÉLIMINAIRES. 1$ près intaétes. Elles ne diminuent qu’en proportion de la frugalité & de la rete- nue du confommateur , caufée par lin- fluence de la guerre fur la fortune des particuliers. La Société s’eft donc atta- chée plus particuliérement à ce qui con- cerne l’Aoriculture , quoique la guerre ait caufé des altérations fenfibles dans cette branche effentielle. C’eft par l'Agriculture que commen- cera le CorPS D'OBSERVATIONS que les Etats ont chargé la Société de leur préfenter. L'article des Arts , celui du Commerce viendront enfuite. Si ces derniers ne font pas aufli confidérables qu'on l’eût defiré , c’eft une fuite du malheur des temps : on ne doit rien im- puter au défaut de zele. Ce que four- nira la Société , fuflira peut-être pour prouver à la Province que fes intentions feront remplies dès que des temps plus heureux permettront de s’y appliquer plus univerfellement & avec moins de contradictions. Mais , avant de préfenter un Corps d'Obfervations , la Société rendra compte aux Etats de lattention qu'elle a donnée aux objets qu’ils ont cru devoir encourager plus DA ete Elle va 3 16 OBSERVATIONS raflembler fous quelques articles des Déli- bérations du 1 Syrie 1757, des faits qui peuvent contribuer à aflurer le fuccès des difpofitions bienfaifantes de la Province. ARTICLE, PREMIER. Ecoles de Deffein a Rennes & à Nantes. Ces Écoles ayant été mifes fous l’inf- pettion de la Société , le premier foin du Bureau de Rennes fut d'examiner fur quelle partie du Deffern le Maüre donneroit des lecons à [es éleves. On crut devoir penfer que le vœu de la Province étoit plutôt de former de bons Artifans, que d'accroître le nombre des Artiftes. Le fils d’un Serrurier , d’un Charpen- tier , d'un Macon, qui defhineroit pañla- blement la figure , abandonneroit la profeflion de fon pere ; il voudroit de- venir Peintre ou Architeéte. Le nombre de nos Artifans diminueroit : celui des mauvais Ârtiftes, qui n’eft déjà que trop grand , augmenteroit encore : les ou- vriers demeureroient dans l’état d’incapa- cité d’où les Etats cherchent à les tirer. On jugea donc qu’on devoit regarder comme les meïlleures leçons, celles qui deviendroient d’une utilité plus géné- rale, Le Maître fut chargé d'apprendre PRÉLIMINAIRES. 17 à fes écoliers à tracer des furfaces régu- lieres ; des affemblages de charpente , de ferrurerie , de menuiferie; des cou- pes de Machines ; des Machines entie- res , comme un Moulin à bled, un Mé- tier de Tifflérand ; des pieces d’horloge- rie , &c. & enfin quelques morceaux d'ornement. Les motifs qui détermine- rent le Bureau de Rennes , font expotés dans un Mémoire qui fut envoyé au Bu- reau de Nantes. Les difficultés inféparables des nou- veaux établiflemens ont empêché le Maïtre de fuivre exaétement le plan qu'on lui avoit tracé. Les éleves fe font attachés par préférence à defliner des fleurs & de l’ornement ; quelques-uns même ont voulu defüner la figure. Peut- être eùt-il été dangereux de contrarier leur goût avant que l'École de Deffein fût aflez afflermie. Le Bureau permit au Maître de fe prêter aux circonftances. Il donna le 27 Août 1757 une lifte de 97 écoliers. Il remit fucceflivement de fem- blables liftes ; la derniere qui eft du 3 Septembre 1758, contient les noms de cent éleves. _ Le Bureau le chargea d’apporter de temps.en temps quelques ere de fon 4 18 OBSERVATIONS École. Quelque imparfaits que, foient ces Defleins , on y remarque de l’ap- plication & des progrès de la part de ceux qui les ont faits. Le Bureau de Nantes a permis au Mai- tre de Deflein d’enfeigner indiftinéte- ment la figure , le payfage , l’ornement, la perfpeétive. Cette Ecole a prefque toujoursété com- pofée de 2s$oéleves. Le Maitre a remis au Bureau de Nantes plufeurs de leurs Def feins. La Société a réuni ceux des deux Ecoles dans un Porte-feuille , afin que les Etats puiflent juger eux-mêmes des efpé- rances que donnent ces établiflemens (a). À R PI CUE AE Zrmitation des Toiles d’'Hollande , de la premicre & de la feconde qualité. La Société fut avertie par M. de la Bourdonnaye, Procureur-Général-Syn- dic , que des Fabriquans de Quintin fe- roient leurs efforts pour mériter les prix de 300 liv. & de 200 liv. promis par les Etats à ceux qui imiteroient les deux premieres qualités de toile d’Hollande. (a) Les Etats, par une de Deffein à Saint-Malo, Délibération du 17 Février femblable à celles de Ren- 1759, ont établi une Ecole nes & de Nantes, PRÉLIMINAIRE S. 19 On en chercha inutilement à Rennes & à Nantes pour fervir de modeles, On fut obligé d’en faire venir de Rouen. Les coupons furent étiquetés & fcellés du fceau de la Société, afin qu'on ne pût y fubftituer des toiles d’une autre qualité. On remit des échantillons à M. Geflin, Subititut de MM. les Procureurs-Géné- raux-Syndics, que M. de la Bourdon- naye avoit chargé de les faire pañler aux Fabriquans qui offroient de les imiter. La Société a confervé un échantillon de chaque efpéce de toile qui a été don- née pour modele ; ainf les Etats juge- ront fi elle a bien choiïfi l’objet de l’imi- tation qu'ils ont defirée. Ceux qui croi- ront mériter les prix propoiés, fe pré- {enteront fans doute aux Etats avec les modeles qui leur ont été remis (a). La (2) Deux Fabriquans préfenterent à MM. de la Commiflion du Commerce deux pieces de toile de dix à douze aunes, façon d'Hol- lande ; l’une étoit en écru, Pautte avoit été fabriquée avec du fil blanc. Ces Fa- briquans. n’avoient point rempli les conditions impo- fées par la Province d’imi- ter tant la qualité, la lon- gueur € la largeur, que le blanc € le pliage. Cepen- dant elles étoient aflez bien fabriquées pour mériter un encouragement. Ce fut l’a- vis de MM. de la Commif- fion du Commerce ; & les Etats, par une Délibération du 17 Février 1759, ac- corderent une gratification de 100 liv. aux deux Fabri- quans, 20 OBSERVATIONS Société qui n’a pas vu leur ouvrage, ne peut rendre compte du fuccès de leurs efforts pour répondre aux inten- tions de la Province. AR TIC Lit. TIR Manufaë&ures de Papier. Avant que de donner des inftruétions aux Papetiers fur les moyens de perfec- tionner leurs Fabriques, la Société crut qu'il étoit néceflaire de découvrir, s’il étoit pofñhible , l’obftacle qui empêchoit celles de Fougeres, d’Antrain , de Ba- zouges & des environs, de faire des papiers plus blancs, mieux collés & d'une plus haute qualité. La recherche de cet obftacle donna lieu d’entrevoir que les inftruétions feroient inutiles , jufqu'à ce que la ceffation de la guerre permit d'attaquer la routine & les pré- jugés des Fabriquans par leur intérêt. Quelques Aflociés ont interrogé ceux de ces Fabriquans qui ont le plus d’intel- lisence. Ils ont répondu unanimement que , trouvant le débit de leur mar- chandife , ils ne s’expoferoient pas à faire de beau papier dont la vente ne feroit pas füre. Ils alléguent d’ailleurs qu’ils manquent de drapeau fin ; que les PRÉLIMINAIRES. 21 Papetiers des Provinces voifines enlé- vent prefque tout celui de Bretagne ; que la petite quantité que peuvent en avoir les nôtres , ne vaut pas la peine d’enfaire le triage. Rien ne prouve mieux la pofhbilité de perfeétionner nos pa- piers. Le drapeau fin que tirent les Pro- vinces voilines eft renchéri par les frais de voiture. Lorfque nous confommons le papier qui en a été fabriqué , nous avons à payer de nouveaux frais de tranfport. Nos Fabriquans étant difpen- {és de ces doubles frais, pourroient ven- dre à meilleur marché, & par-là s’afflu- rer la préférence. Le drapeau fin refte- roit en Bretagne ; il y feroit aflez abon- dant pour exciter au triage ; & le bon marché , joint à la bonne fabrication , aflureroit la confommation. Mais la crainte de perdre fur les Effais ne per- met pas aux Fabriquans de fentir l’avan- tage qu'ils trouveroient à fuivre ces prin- cipes. Îl paroït qu’on ne doit efpérer de les y amener , que lorfque la ceflation de la guerre permettra les exportations. La Société en a une preuve dans l’imi- tation qui a été faite à Cliflon de cette efpéce de papier de Génes, dont les Efpasnols font une ft grande confomma- 22 OBSERVATIONS tion ; imitation que les Etats ont promis de récompenfer par l’article dont il s’agit ici. M. de Montaudouin , Aflocié du Bureau de Nantes, s’eft chargé de pren- dre pour fon compte trente rames de ce papier. Le Sieur Bureau , Fabriquant, n'ayant plus à craindre de perdre fur l’ef fai propofé , a fait une bonne fourniture. M. de Montaudouin, qui a envoyé ces trente rames en Éfpagne , inftruira la So- ciété du jugement qu’en porteront les Ef pagnols. La Société penfe que ce Fabri- quant mériteroit d'être encouragé par la Province (a). Si la paix permettoit aux Négocians de nos Ports de courir les rif- ques de quelques effais , il y a lieu de croire que toutes nos Papeteries feroient perfectionnées en peu de temps, & que les Fabriquans trouveroient dans leurs bé- néfices , des motifs d'émulation que de légers encouragemens feroient profpérer. Malgré l'attachement de nos Papetiers à leur routine , la Société a remis des modeles de papier d'Hollande & de Gênes à M. Geflin qui les a envoyés à différens Fabriquans. S'ils fe font exercés à les imi- (a) LesEtats,furlacom- ont accordé une gratifica= paraifon du Papier du Sieur tion de 100 livres, par dé- Bureau avec le modele, lui libération du 17 Fév. 1759 PRÉLIMINAIRES. 23 ter , & que leurs foins aient réufh, la promefle d'une récompenfe les portera fans doute à préfenter aux Etats Le fruit de leur induftrie. La Société croit devoir terminer cet article par une obfervation digne d’at- tention. On fe plaint univerfellement dans la Provincede la défeétuofité des pa- piers timbrés ; ils font jaunes , chargés de corps étrangers, d’une mauvaife odeur, & fi mal collés , que l’encre les pénétre avec la plus grande facilité. Ce dernier défaut intérefle toutes les familles. Les minutes des Tribunaux, celles des Notaires , les Regiftres de Baptèmes , Mariages & Sé- pulrures , les titres des Seigneuries, en- fin tous les Aétes qui aflurent l’état & la fortune des hommes , font écrits fur ce papier défeétueux. Un feul Papetier éta- bli à Fougeres eft chargé de le fabriquer. S'il eft intéreflé à n’y employer que les plus mauvaifes matieres, & à n’y donner que le moins de perfeétion qu'il lui eft pofhble , le Fermier peut avoir autant d'intérêt à {e faire fournir du papier au plus bas prix , & par conféquent de la plus mauvaife qualité. Ïl paroït que les Etats peuvent attaquer cet abus avec d’autant plus d'avantage 24 OBSERVATIONS que la Bretagne eft la feule Province du Royaume où l’on ait ofé le porter fi loin. Pour s’en aflurer , on a fait venir de toutes les efpeces de papiers timbrés dont on fait ufage dans la Généralité de Paris, dans celle de Caën, dans celle de Tours qui fournit les Provinces d'Anjou & du Maine. On y a joint du papier timbré de Bretagne. La comparaifon de ces papiers fuflit pour fentir la néceflité d’af treindre le Fermier de la Formule, à {ervir le Public avec l'attention qui lui eft dûe par-tout, & dont on ne s’eft écarté qu'en Bretagne. Il n’eft pas pof- fible de préfumer que ce Fermier ait un titre particulier, pour fe fervir de papier inférieur à celui des Fermiers du même droit dans les autres Provinces. Quelque étrangère que puifle paroître cette obfervation aux travaux de la So- ciété, elle y a plus de rapport qu’on ne feroit d’abord porté à le croire. L’im- menfe confommation qui fe fait de ce papier, ( & c’eft le plus défeëétueux de nos fabriques ) accoutume les Officiers de Juftice à fe contenter de mauvais papier en tout genre. Les Fabriquans qui trouvent le débit de leur mauvais papier, ne fongent point à mieux fervir PRÉLIMINAIRES. 25 le confommateur. Si la beauté du papier timbré accoutumoit les gens de Juftice ( qui font, fans comparaïfon , la plus grande confommation de papiers ordi- naires } à fe rendre plus difhciles , les Papetiers s’attacheroïent par intérêt à perfectionner leurs Fabriques. Ce feroit un grand pas vers le Commerce d’ex- portation ; & ce Commerce eft le fruit le plus defirable des encouragemens pro- pofés par les Etats (a). A'RPRCLE LV: Manufaëlure de Couvertures de laine. On s’eft informé de l’état aëtuel de la Manufaéture de Quimperié. Une per- {onne qui ne veut pas être nommée, a mandé que cet établiflement étoit dans le même état qu'avant la gratification accordée par la Province , c’eit-à dire, une ombre de Manufaëlure ; qu'on n’y a pas fait une Couverture depuis un temps infini; qu'il n’yani pauvres , ni ouvriers. (2) Les Etats ayant ac- quis les droits de Timbre des papiers & parchemins, ont fait un arrangement provifionnel, par lequel ils en ont laiflé la régie au Fer- mier des Devoirs, pendant les années 1759 & 1760. Cet arrangement n’auroit pu s’accorder avec ce que la. Société propofoit avant l'acquifition, 26 OBSERVATIONS Sur cet avis, on pria un Gentilhomme de la Province de vérifier les faits. Il voulut bien fe tranfporter à la Manu- facture. Îl répondit qu'il n’avoit trouvé d'ouvriers d'aucune efpéce , qu’un feul enfant qu'on lui dit être un des éleves que les Etats avoient ordonné de former ; qu'il vit quatre métiers montés, & dans un feul une Couverture commencée ; qu'on lui montra des Couvertures fabri- quées depuis peu, de très-bonne qualité ; que l’approvifñionnement des matieres ne valoit pas la peine d’en parler, qu'il fe réduifoit à quatre ou cinq fufeaux ; que les chaudières pour la teinture avoient travaillé deux ou trois fois pendant l’au- tomne de 1758 ; que dans le même temps il y avoit eu deux ou trois ou- vriers qui depuis ont quitté cette Fabri- que ; qu'aujourd'hui elle eft dépourvue de tout ; que le Sieur ** * rejetta l’état de délabrement où fe trouvoit fa Fabrique; fur fon Teinturier , qui en le quittant, lui avoit enlevé fes ouvriers. La Société a été d'autant plus fenfible à l'abandon prefque total de cet établif- fement , qu'il pouvoit devenir d’une grande utilité pour la Province. Elle ne peut s'empêcher de repréfenter aux Etats, PRÉLIMINAIRES. 27 Etats, que le feul moyen de la ranimer feroit de fubftituer un encouragement pour chaque Couverture fabriquée , à des gratifications dont on abufe prefque toujours. Au cas que les Etats prennent ce parti, il feroit néceflaire de déter- miner les qualités & les différentes gran- deurs des Couvertures, & d'y propor- tionner l’'encouragement. AP GARE NV: Prairies artificielles. Graines de Trefle, de Turneps, de Garance, de Paftel. P réparation du Chanvre. La Société a donné fur les Prairies artificielles , des inftruétions & des exem- ples. À lPégard des gros Navets, ou Turneps, M. de la Chalotais & M. de Montluc en ont femé avec le plus grand fuccès. On fit venir de la graine de Londres en 1757; mais les embarras de la guerre forcerent à la tirer par la voie d'Hollande , enforte qu’elle fut femée trop tard. Cependant M. de la Chalo- tais eut des Navets de vingt-un pouces de tour. On réferva de la graine pour cette année (1758). Elle a produit des Navets de deux pieds de tour , du poids de cinq & fouvent de fix livres. E 28 OBSERVATIONS M. de la Chalotais & M. de Nevet ‘ont fait venir des racines de Garance de Lille en Flandres. La plus grande partie a péri. Ce qui a réffté , a très-bien réuffi ; mais ce n'eit point aflez pour former des Garancieres. On a afluré au Bureau de Vannes, que le Sieur Rouyer, Teintu- rier , établi à Lorient, fe fervoit fouvent de Garance qui croit naturellement dans la Paroifle de Plouhinec , & fur-tout dans Ja Falaife. À l'égard du Paftel, la Société n’a pu ‘en faire cultiver; mais elle a été avertie qu'on lavoit dévancée , à cet égard, à Lorient. Le Sieur Rouyer en a femé dans fon jardin , qui a très-bien réufh, & dont il dit avoir fait ufage dans fes teintures. On a envoyé à la Société de la graine de très-bonne qualité, qu'on dit avoir été recueillie en Bretagne. Les Etats ayant eux-mêmes ordonné limpreflion (a) du Mémoire de M. Mar- candier , fur la culture du Chanvre, les Exemplaires en furent remis à la Société. Elle crut devoir retarder de les répandre dans la Province , par des motifs qui s’accordoient avec les inten- (a) Voyez ci-devant l'Article V des Délibérations des Etats, page 21, PRÉLIMINAIRES. 2 tions qu'avoient les Etats , lorfqu'ils en ordonnerent l’impreflion. Le Mémoire de M. Marcandier ne contient aucun détail fur les déchets que donnent les chanvres préparés fuivant fa méthode. Il appuie d’ailleurs avec une efpéce d'affectation fur les différens ufa- ses auxquels les étoupes font propres. Ces deux circonftances firent craindre qu’en fuivant fes procédés , il ne fe trou- vât une perte trop confidérable fur les chanvres. M. d’Amilly fe chargea de de- mander à M. Dodard, Intendant de Ber- ry , ce que la Société devoit efpérer ou craindre à cet égard. La réponfe de M. Dodard juitifie la circonfpeétion de la Société fur cette préparation. Elle porte que cette méthode ne s’accrédite point dans le Berry , parce que les ouvriers /2 trouvent trop difpendieufe , non en argent mais en matières ; que la filafle qu’on en retire , revient à 3 li. la livre pefanr. Dans le temps qu’on recut cette ré- ponie , M. de*** s’occupoit à vérifier les procédés de M. Marcandier. On prit le parti d'attendre le réfultat de fon ex- périence. Il vint en effet à une des aflem- blées de la Société , & il fit l’expofé d’un. eflai en petit , qui paroifloit favorable E2 30 OBSERVATIONS à la nouvelle méthode. Mais comme les expériences en petit ne peuvent donner que des réfultats équivoques, on l'invita à faire un eflai en grand. Il promit de s’en occuper. Ses affaires l'en ont fans doute détourné. Ainf le Bureau n’a eu aucune raifon de fe défaire de la crainte de nuire aux cultivateurs, en leur recommandant une pratique qui eit certainement avan- tageufe du côté de la beauté du chanvre, mais qui peut être ruineufe par le dé- faut de quantité de filafle. La Société comptoit profiter des épreuves faites en grand par MM. de Beauregard & Def- pinofe. [ls en ont été fi fatisfaits qu'ils ont négligé de tenir des notes des déchets & des produits. A 'BTIT C L'ENNIE Draps de Vannes & de Joffelin. Les Etats ont ordonné qu’on dépofe- roit des coupons de Draps de Lodeve & d'Elbeuf chez les Fabriquans : Et pour exciter l’émulation , ils ont promis une récompenfe de 10 liv. par piéce à ceux qui auroient bien imité le modéle. M. de la Bourdonnaye , Procureur- Général-Syndic , ayant fait propofer cet encouragement dans les différentes Manu- PRÉLIMINAIRES. 31 fa@tures de Draps, les Fabriquans répon- dirent qu'ils ne changeroïent rien à leur commerce par plufeurs raifons qui font, 1°. Lacrainte de plusfortesimpofitions, s'ils fabriquoient de plus belles étoffes. 2°. Que la tiflure de leurs Draps n’eft pas la même que celle des Draps de Lo- deve & d'Eibeuf,. 3°. Que les laines du Pays ne pou- voient fe filer aflez fines. 4°. Que les foulons n'étoient pas les mêmes. s°. Que les métiers étoient différens. 6°. Qu'ils étoient fürs de vendre leurs Draps fortant du métier tels qu'is font; que peut-être ne trouveroient-ils pas à les vendre fi facilement , faits fur le mo- dele de ceux de Lodeve & d’Eibeuf. Pour mieux juger des motifs de la ré- pugnance que montroient ces Fabriquans pour limitation des Draps de Lodeve & d'Elbeuf , M. de la Chalotais fit venir de Vannes & de Joffelin les Jaines brutes, peignées & filées, qu’ils emploient , & un coupon des Draps qu'ils fabriquent. Ces Draps qui font croifés & fabri- qués fur des Métiers à doubles marches, font très-bien tiflus , mal foulés & com- pofés d’aflez belles matières. La plupart E3 32 OBSERVATIONS des laines dont ils font ufage , font tirées d'Efpagne & de Barbarie , mais ils ne fçavent ni les peigner ni les filer. Leurs laines brutes qui devroient fe perfeétion- ner à chaque préparation, y font vifible- ment détériorées. Le peigne les falit & les durcit , & la fileufe fait des duites fi grofles, fi inégales , qu’à peine la matière premiere eft-elle reconnoiflable. Comme il eft évident que ce font les peigneurs & les fileufes qui manquent à ces Manufaétures , les encouragemens devroient être appliqués principalement à ces deux préparations. Rien n’eft plus effentiel que de perfeétionner la filature en tout genre. C’eft par cette voie que fe font améliorés dans le Royaume les Draps , les étoffes de laines , les toiles de lin & de chanvre ; c’eft par une ap- plication foutenue fur cette main d’œu- vre , qu'on pourroit s’aflurer de grands bénéfices fur les cotons de nos Colomies. Ils font d’une qualité fupérieure & à meil- leur marché que dans toute autre Pro- vince du Royaume. Il ne nous manque que de fçavoir les filer & les fabriquer. La Société s’eft aflurée que la Bretagne fournit une aflez grande quantité de très- bonnes laines. Nos ouvriers n’ont be- PRÉLIMINAIRES, 33 foin que d'en fçavoir faire le triage , & ue d'être excités par la beauté & par l'égalité du fil. C'eft aux Etats qu'il ap- partient de donner la vie à une branche de fabrication , d'autant plus importante qu'elle eft étroitement hée à l'Agricul- ture par l'amélioration que reçoivent les terres de la multiplication des moutons. WRTICLE NV. Métiers à deux Navertes. La Société n’a eu aucune connoïffance qu’il fe foit formé des éleves à Rennes, ou à Morlaix, dans l’art de fe fervir de la Navette Angloife , ou ce qui eft la même chofe , dans l’art de faire fabri- quer dans un Métier deux pieces de toile à la fois , par un même ouvrier (a). (2) Le Sieur Tribert, Inf- eéteur des Manufaétures à forlaix, a fait faire deux pieces de toile, en même temps & fur un même Mé- tier, par le nomme du Ronzoy , Soldat du Rési- ment de Bourbon. Elles tu- rent préfentées à MM. de la Commiilion du Com- merce , avec des preuves authentiques que ces deux pieces avoient été fabri- quées en huit jours, & qu'il en eût fallu quatorze pour les faire lune après l’autre fur un Métier ordinaire. Ces toiles étoient bien fabri- uées. Sur le compte qui en fut rendu aux Etats , ils or- donnerent qu'on follicite- roit le congé du Soldat aux frais de la Province , & qu'on lui acheteroit un Mé- tier à deux Navettes, s'il vouloit refter en Bretagne. E 4 34 OBSERVATIONS ARTICLE VI Etamines d’ Ancenis. Les Aflocés du Bureau de Nantes fe font informés de l'effet qu'avoit produit l'encouragement propolfé par les Etats pour rétablir cette Fabrique. On leur a afluré que les ouvriers qui reftent, quoi- que très-inftruits dans leur profeflion , font hors d’état de rien entreprendre. Un Citoyen d’Ancenis crut qu'il parviendroit à faire naître l’émulation , en écrivant à des Ouvriers de Tours les propofitions que faifoit la Province à ceux qui vou- droient former cette entreprife : il n’a reçu aucune réponfe de ces Ouvriers. ARTICLE LI X Rouet à filer des deux mains à la fois. La demoifelle Vindack n’a point formé d'éleves. ALERT LDICLE LA Impreffion fur les Toiles de lin. Cet Article eft extrêmement intéref- fant pour la Bretagne. La permiflion d'imprimer des Toiles de lin, comme on le fait en Siléfie , à Hambourg , en Ecoffe, en Irlande , &c. augmenteroit néceflai- rement la culture de fes lins , leur fila- PRÉLIMINAIRES. 35 ture & leur fabrication. Ce feroit une reflource ineftimable pour une multitude de mains défœuvrées , & fur-tout pour les femmes qui, dans les campagnes, & fouvent dans les villes, manquent du néceflaire , faute d’occupations aflorties à la foibleffe de leur complexion & à la vie {édentaire à laquelle elles font deftinées. La Société impatiente de connoitre les intentions du Gouvernement fur ce fujet, n'a rierf négligé pour s’en faire inftruire avec exattitude. Elle a fçu que limpref fion des Toiles en général, étoit tolérée, & que le fieur Ferrey étoit allé à Nantes, en vertu d'une permiflion tacite, pour y former un établiflement de cette efpéce. En effet l’établiflement du fieur Ferrey a été commencé. Son projet eft de teindre en réferve , ou à la réferve ; ce qu’il pré- tend être la même chofe qu'smprimer des Toiles. Le Bureau de Nantes qui a examiné le travail du fieur Ferrey , dit qu’il im- prime /ur le coton. Aïnfi fa Manutatture ne rempliroit pas les vues des Etats, qui font d'obtenir la liberté d'imprimer /wr le ln. On ajoute que fes Toiles imprimées font chères ; inconvénient inféparable des permiflons tacites ou exprefles , accor- 36 OBSERVATIONS dées à des particuliers. Le vœu des Etats pour l'augmentation de la culture du lin, de la fiiature & de ja fabrication , ne peut être rempli que par une permiflion géné- rale. J1 n y a que les permiflions de cette efpéce qui foient utiles à l'Etat, parce qu'elles étabiilent la concurrence , & multiplient les mains occupées ; moyens uniques de faire naître l’aifance & le bon marché. On peut juger des bénéfices que pro- duiroit à la Province , & par conféquent à l'Etat, la permiffion d'imprimer fur le lin , par ceux des Irlandois fur le même objet. » On enléve de leurs Toiles pour » plus de deux millions de verges par an, » depuis qu’il eft permis d’en imprimer » & d’en peindre. » (John Cary , tom. I, Pag. 198.) e même Auteur dit , pag. 416 : » La défenfe des Toiles peintes des /ndes » en Angieterre, a donné aux Manufac- »tures zx encouragement infini. Il s’eft » formé une nouvelle profefion à Lon- » dres de gens qui s'occupent à peindre » & à imprimer des Toiles d'Irlande , à » limitation des Indiennes. La vogue » s'en-foutient toujours. » Il femble donc que les Etats ne peu- PRÉLIMINAIRES. 57 vent trop infiter fur la néceflité d’accor- der à la Bretagne la permiflion d'impri- mer {ur le lin. C’eft une plante que fes habitans cultivent , qu'ils préparent, qu'ils filent , qu'ils fabriquent , & dont ils ne tireront bien parti , que lorfqu'ils auront la liberté de varier la forme de leurs Toiles. Cette nouvelle induftrie fera une reflource pour une infinité de malheureux qui manquent de travail. On doit d’ailleurs envifager que ce fe- roit une branche de Commerce inap- préciable , fi les Efpagnols , chez qui l'ufage du coton eft interdit , s'accoutu- moient à porter des Toiles de lin peintes. Il eft d'autant plus naturel de compter fur cet article d'exportation, que ces Toiles feroient de toutes les étoffes la plus convenable à un Pays chaud. ARTICLE" Chapeaux. de Caftor. Les circonftances de la guerre mettant obftacie à l'importation de la matière premiere , ileüt été bien dificile de por- ter nos Fabriquans de Chapeaux à pro- fiter de l’encouragement offert par les Etats. Un obftacle d’un autre genre fe préfentera même iorfque la France jouiræ 33 OBSERVATIONS de la paix ; c’eft le privilege exclufif de la Compagnie des Indes pour la traite des Caftors. Ce privilége produit l'effet inféparable de tout exclufif. En écartant la concurrence , il caufe la rareté, & par conféquent le furhauflement du prix de la matière. Par contre-coup linduf trie s'en reflent ; les Fabriques font moins nombreufes , & elles vendent plus cher, parce qu’elles vendent moins & avec moins de concurrens. Le Commerce d'exportation devient impofhble , 1°. par le défaut d’une fabrication aflez abon- dante pour excéder la confommation in- térieure ; 2°. par l’impofhbilité de fou- tenir la concurrence de l'Etranger qui, n'ayant pas les mêmes obftacles à vain- cre , fabrique plus & à meilleur marché. Tant que le privilége excluff fubfif- tera, il eft impoñlble que la Manufaéture de Chapeaux de Caftor s’établifle dans la Province , fans prendre des arrange- mens avec la Compagnie des Indes. Elle ne diftribue les peaux qu'aux Chapeliers de Paris, de Lyon & de Rouen. Ilar- rive fouvent que la quantité que doit avoir chaque Maïtre de ces Fabriques, eft répartie fur des rolles arrêtés de con- cert entre les Communautés de ces Fa- PRÉLIMINAIRES. briquans. Il eft donc fenfble qu'un arran- gement avec la Compagnie des Indes eft un préliminaire indifpenfable. Dans l'état actuel de la vente du Caftor , quelque confidérable que püt être l’encourage- ment qu'accorderoient les Etats, nos Fabriques auroient bien de la peine à foutenir une concurrence profitable avec celles de Paris, de Lyon & de Rouen. ARTE LE KIT Mines de Charbon de terre. La Société regarde l’exploitation des Mines de Charbon de terre comme un objet de la plusgrande utilité. Ce fofile fupplée le bois dans mille occafons ; & le bois doit être aujourd’hui un objet d'épargne , parce qu’il diminue de jour en jour d’une manière fenfible. Rien n’eft plus intéreffant pour une Province mari- time. Ainfi les Etats procureroient de nouvelles richefles, s'ils fe portoient à exciter l'exploitation des Mines de Char- bon de terre , par une gratification pro- portionnée à l’extrattion qui en feroit faire (a). (a) Les Etats ont promis tenue, à ceux qui auront par une Délibération du 17 exploité dans la Province Févr, 1759, d'accorder des de nouvelles Mines de récompenfes, àla prochaine Charbon. 40 OBSERVATIONS À 'B TFCL EIRE Recherche des Pierres de Moulape. M. le Brigand, Procureur-Fifcal de Pontrieux , a envoyé à la Société un morceau aflez gros d'une efpéce de Pierre qui reflemble extrêmement à ces Pierres de Moulage , qu'on nomme dans lEvé- ché de Rennes , Prie de Rouen. S'il étoit prudent de juger de la nature des corps par leurs carattères extérieurs , on n’eüt pas balance à regarder la Pierre dont il s'agit, comme un ÂMoulage propre à bien moudre toutes les efpéces de grains ; mais l'expérience eft le feul guide qu’on doive fuivre dans ces occafions. Perfonne n’a voulu rifquer de faire des Meules avec cette Pierre, aux environs de Pontrieux d’où elle eft tirée. On eût encore moins trouvé de gens difpofés à en faire faire cent paires de Meules pour acquérir la récompenfe de 2000 liv. promife par les Etats. Ainfi la découverte de M. ie Bri- and eft demeurée fans fuites. Si les Etats faifoient la lésère dépenfe de faire faire une ou deux paires de Meu- les de la Pierre dont il s’agit; qu’elles fuffent livrées à une perfonne zélée & in- telligente , qui obfervât 1°. fi le bled PRÉLIMINAIRES. 4) qu'elles moudroient , donne d’auffi belle farine que loriqu'il eft moulu avec les Meules connues ; 2°. fi elles ne s’ufent pas plus promptement ; la Société penfe qu'il feroit plus aïfé de trouver des per- {onnes difpoiées à mériter la récompenfe propofée. ARTICLE XIV. Graines de Lin de Riga 6 de Zélande. Les froids vifs du mois d'Avril, & la fécherefle exceflive & conftante du mois de Mai 1758 , ont été fort nuifibles aux Lins. Le canton de -Bécherel , où il s’en fait chaque année une récolte fi confi- dérable , a beaucoup perdu par les froids & par la fécherefle dont on vient de par- ler. M. de Montluc a afluré au Bureau de Rennes que cette plante n’avoit pas mieux réufh dans les Evêchés de Léon & de Tréguier. Les Graines étrangeres diftribuées par ordre des Etats , fe font reflenties de ces contre-temps ; cependant celles qui y ont réfifté , ont donné des Lins fi fupé- rieurs à ceux qu'on étoit dans l’ufage de recueillir ( fur-tout dans le Comté Nan- tois ) que le bienfait des Etats , a pro- duit tout l'effet qu’ils s’en étoient promis. 41 OBSERVATIONS Le vœu de la Province étoit de faire connoitre dans la partie méridionale de la Bretagne , l'avantage de fe fervir de Graines étrangeres. Le fuccès a été fi marqué , que le Bureau de Nantes croit qu'il n'eft plus néceflaire de faire diftri- buer de la Graine au-deflous du prix qu’elle a coûté. [l penfe que pour ache- ver d’accréditer celle de Riga & de Zé- lande , il fufhroit que les Etats fiflent un fonds pendant quelques années pour en faire diftribuer au prix coûtant. On ajoute , & cette réflexion eft trés-digne d'attention , que fi cette faveur s’éten- doit par-tout, ce feroit le moyen de farre - ceffer les gains exceffifs de ceux qui Je font emparés de cette précieufe branche d'Agriculture & de Commerce. On croit aflez généralement qu’en Bretagne le Commerce de cette Graine n'eft qu'un monopole. Plufieurs Mem- bres de la Société ont cherché à péné- trer en quoi ce monopole confifte , & par quels moyens on pourroit le faire cefler. Ils n’ont pu rien découvrir de précis; mais les foupçons, loin de dimi- nuer , n'ont fait qu'augmenter : ainfi il feroit fort important de faire à ce fuget de nouvelles recherches. On PRÉLIMINAIRES. 43 On prétend que les Marchands de graine de lin du Nord , font acheter fe- crétement & par diflérens Commifhon- naires , toute la graine du Pays. Leur prétexte eft de la revendre aux Hollan- dois pour en extraire l'huile. Ce manége a fait foupçonner que l'art de ces Mar- chands fe réduifoit à bien imiter les bar- rils de graine étrangère ; à vendre dans l'Evêché de Léon celle de l'Evêché de Tréguier ; & à Tréguier les graines de Léon. Cette conjeéture eft fondée fur l’ex- périence que difent avoir pluñeurs La- boureurs, qu’en femant de la graine du Pays, qu’on avoit bien laiflé mürir , elle produifoit autant & d’aufli beau lin que celle du Nord. Qu'il falloit feulement avoir l’attention de ne la pas femer dans le même terrein où elle avoit été récueil- le, mais d'une Paroifle dans une autre. Cette obfervation qui s’accorde avec des xpériences connues fur d’autres vécé- taux qu'on veut empêcher de dégénérer, fera détruite ou confirmée par des expé- riences qui feront faites en 17$9. Au refte on verra dans le Corps d'Obferva- tions , que M. de la Chalotais compte répèter un procédé pour régénérer les 44 OBSERVATIONS graines de lin épuifées. Le lin eft une produétion fi eflentielle pour la Bretagne, que la Société donnera toute fon atten- tion aux moyens d'en multiplier. la cul- ture ; foit en découvrant & en faifant cefler le monopole dont on fe plaint ; {oit en publiant desin{truétions fur la ma- niere de tirer un aufli bon parti de nos graines que de celles du Nord. SR T 1. CAL Ne Farines de Nérac. La Société n'a reçu aucun avis qui lui ait donné lieu de penfer qu'on cherchoit à former des établiflemens propres à fournir des Farines femblables à celles de Nérac. La ceflation de la plupart des en- treprifes de Commerce ne pouvoit qu’é- loigner les particuliers de celles dont le fuccès dépend de laétivité du Commerce même. Îl n’eft donc pas étonnant que perfonne n'ait travaillé à mériter la ré- compenfe promile. Mais comme cet ob- jet eft très-intéreflant pour les approvi- fionnemens de Breft , de Lorient, & pour les aflortimens de nos Colonies, la Société penfe qu'il feroit avantageux que les Etats prifient la même Délibération qu’en 1757 fur cet Article. La Paix ra- PRÉLIMINAIRES. 45 rime l'induitrie en tout genre. On peut donc efpérer que dans des temps plus fa- vorables , on verra former des établiffe- mens que la Province promet de récome penfer. On croit devoir obferver à cette oc- cafon , que les Mémoires fur lefquels les Etats ont pris leur quinzieme Délibéra- tion , n’étoient pas aflez exacts. Ils por- toient que les Farines de Bourdeaux [ont très-fouvent faites avec des Grains de la Province. Il eft vrai que Bourdeaux tire des bleds de Bretagne, mais ils ne s’em- ploient qu'à la confommation des habi- tans. Les Farines que fournifflent Moiflac & Nérac pour les Colonies & pour les Equipages des Vaifleaux , font faites avec des bleds de Quercy dont la qualité eft fupérieure. Il paroît donc que la qualité du bledinflue principalement fur la beauté des Farines. On emploie exaétement les mêmes moyens à Nérac & à Moiflac; cependant les Farines de Moiflac font préférées. Cet avantage vient de ce que le bled eft fupérieur à celui dont on fait ufage à Nérac. Cependant il eft certain qu’on pour- roit perfettionner nos Farines. Le foin de bien laver le froment avant que de le F2 46 OBSERVATIONS moudre, y contribueroit beaucoup. On en a fait l'expérience à Nantes. M. Buis avoit fait conftruire un mou- lin à eau à deux meules, qu’il avoit placé au milieu de la Loire. Ce moulin, faute d'attention pendant l’abfence du Proprié- taire , coula à fond. Plufieurs Capitaines ont afluré que les Farines de M. Buis s'étoient très-bien confervées |, même dans des voyages de Guinée. Si les Etats accordoient un encouragement à ce fu- jet; M. Buis lui-même pourroit faire recon{truire un ou deux moulins. Cet en- couragement favoriferoit à la fois & notre Agriculture & notre Commerce. M 'RITI CELA NUE Découvertes de Carrières de Pierres a chaux. Plufieurs Membres de la Société ont fait des recherches pour découvrir de la Pierre à chaux ; jufqu’à préfent elles ont été infructueufes. Quelque utiles que fuf- fent ces découvertes, on ignore fi d’au- tres perfonnes fe font appliquées à en faire , ou du moins qu’elles aient été fui- vies de fuccès. : PRÉLIMINAIRES. 47 AREICÉE AVE Achat de Modéles & de Graines. Cet article étant une des charges de M. le Procureur-Général-Syndic , la So- ciété ne doit en faire mention que pour témoigner la reconnoïffance qu'elle doit à M. de Quelen & à M. de la Bourdon- naye. Ils fe font portés avec toute l’aéti- vité & tout le zèle poflibles, à procurer à la Société ce qui pouvoit contribuer au fuccès des opérations dont elle a été chargée. PR TLCÉE XVIIE Péche du Hareng. Les progrès de cette Pêche ont été portés fort loin en 1756 par le zèle avec lequel M. Guillaume , Reéteur de Piriac, s'eit livré à exciter & à inftruire les Pé- cheurs. En 17;7 elle a réufi au-delà de toute efpérance ; enfin fon produit en 1758 n'eft pas moins confidérable. Cette branche de Commerce n’a befoin que de légers encouragemens pour fe foutenir & même pour s’accroitre. Le développe- ment des faits placé dans le Corps d’'Ob- fervations , difpenfe de s'étendre davan- tage fur les bénéfices de cette Pêche. F3 48 OBSERVATIONS La Société ne parlera ici que d’un genre d'encouragement qui exige les plus vives {ollicitations en Cour de la part des Etats. Ils ont chargé MM, leurs Députés & Procureur-Général-Syndic de folliciter ,, la franchife de tous Droits fur les Ha- ,, rengs pêchés fur les Côtes de la Pro- »» vince qui fortiront , {oit pour l’Etran- " er , {oit pour y entrer par d’autres »» Ports. ,, Ils n'ont pu obtenir cette grace. Cependant la Pêche a pris de nouvel- les forces ; elle a commencé un mois plu- tôt en 1758 que dans les autres années. Le nombre des bateaux pêcheurs s’eft ac- cru. Mais un événement inattendu a penté jetter dans le découragement les perfonnes qui montroient le plus de zele & d'émulation. : La Gazette de France du 9 Septembre 1758 porte que Sa-Majefté a fait aflurer les Etats-Généraux de fes difpofitions à ac- corder à leurs Sujetsun/enéfrce fur l'rmpor- tation dans ce Royaume , des Harengs de Péche Hollandoife... qu’en RU RE Elle a ordonné que l'article IX du Fraité de Commerce, du 2: Décembre 1739, feraexécuté felon fa forme &z teneur, pro- vifionnellement & jufqu'a nouvelordre… PRÉLIMINAIRES. 49 Il eft fi difficile de foutenir la concur- rence des Hollandois fur cet Article , que le plus léger bénéfice que leur accorde- roit la France fur l'importation , ruine- roit néceflairement nos Pêcheurs & nos Marchands. Aufli le mot bénéfice employé dans la Gazette de France a-t-il effrayé & les Pêcheurs & les Particuliers qui commençoient à s'occuper de ce Com- merce. On s’eft hâté de les raflurer à cet égard , en leur envoyant un Mémoire qui renferme ce qui s’eft pañlé en France au fujet de cette partie du Commerce des Hollandois , & dont on va donner le précis. Le Tarif de 1664 fixa les Droits d’en- trée des Pêches Françoifes ou étrangères à 16 liv. le leth(a). M. Colbert qui s’ap- perçut de l'avantage que retiroient les Hollandois d’une fixation par laquelle ils étoient traités comme les François, fit rendre un Arrêt le 7 Février 1671, par lequel il chargea de 40 liv. chaque leth de Hareng étranger. Pour rendre l’entrée de ce Poiflon plus difiicile , il fut défendu en 1687 & 1691 (a) Le leth eft de douze barrils , contenant chacun un millier de poiflons. F4 e) OBSERVATIONS d'apporter du Hareng dans aucun Port du Royaume , autrement qu'en Frac (a) & falé de fel de Brouage. Cette obligation devint fi onéreufe aux Hollandois, qu'un de leurs principaux foins à la Paix de Rifwich , fut d’en obtenir la révocation. Ils ne fe plaignirent point du droit de 40 liv. par leth, établi par lArrêt de 1671 ; ainfi il a toujours fubfifté. Mal- ré cette augmentation de Droits, ils Éécur entrer en France une quantité de Harengs fi confidérable , que les propres Sujets du Roi ne purent trouver le dé- bouché & la confommation des leurs ; ils furent obligés de demander la permiflion de les envoyer à l'Etranger fans payer aucun droit ; ce qui leur fut accordé par un Arrêt du $ Oëétobre 1700. La guerre pour la fucceflion d'Efpagne priva les Hollandois des avantages qu'ils avoient obtenus par le Traité de Rifwich ; mais ils firent inférer mot à motle même article dans le Traité d'Utrecht. Il fut employé de la même maniere dans le (4) On appelle hareng che; c’eft-à-dire, fans être en vrac celui que les Pê- paqué, lité, ou arrangé cheurs apportent dans les dans les barrils, ni achevé Ports, tel qu'il a été mis d’être falé, dans les barrils après la Pe- PRÉLIMINAIRES. 2: Traité de Commerce de 1739, article IX (a). Ainfñ la grace que viennent d’ob- tenir les Hollandois , leur avoit été ac- cordée en 1687 , & ils en ont toujours joui , excepté pendant la guerre pour la fucceflion d'Efpagne. Des raifons de cette efpéce ne raflu- rent pas toujours des perfonnes plus ac- coutumées à calculer leurs profits qu’à combiner des articles de Traités de Paix & de Commerce , & des Arrêts du Con- {eil. Il faut d’ailleurs avouer qu'une Pêche naïflante , telle que celle de Bretagne, a befoin d'encouragemens plus marqués (2) Art. IX; » Il-fera » permis aux Sujets des » Etats- Généraux d’appor- » ter, faire entrer & débiter »en France & dans les » pays conquis , librement » & fans aucun empêche- » ment, du hareng falé, » fans aucune -diftinétion , » & fans être fujets au rem- » paquement. Et ce, nonobf- » tant tous Edits ,Décla- » rations & Arrêts du Con- » feil à ce contraires, & » nomrhément ceux des 15 » Juillet & 14 Septembre »,1687 , portant deéfenfes » d'apporter ni faire entrer » dans les Ports de France, at, » & Placesconquifes, du ha- » reng autrement qu'en vrac » & falé de fel de Brouage ; » & qui ordonnent que ledit » hareng fera apporté dans » les Ports de Mer en vrac, » dans des barrils , dont » les dix-huit compoferont » douze du hareng paqué. Nota. On nomme rem- paquement Vobligation où font les Pêcheurs qui appor- tent en France leur hareng en vrac, de le tirer des barrils , pour le faler une feconde fois, & enfuite le paquer, c’eft-à-dire, le ranger par lits dans les mê- mes barrils, - 52 OBSERVATIONS qu’une Pêche établie depuis long-temps. On avoit efpéré que lexemption dé Droits à l'entrée dans les cinq grofles Fermes, feroit accordée ; & l’on regar- doit cette faveur comme Le feul moyen de foutenir la concurrence. Ce n’étoit donc pas aflez pour ranimer l’émulation , que de prouver que les Hollandois n’a- voient obtenu aucun bénéfice nouveau {ur l'importation de leurs Harengs. M. le Duc d’Aiguillon qui fentit mieux que perfonne la néceflité d'animer notre Pêche par une exemption de Droits , de- manda un Mémoire fur les motifs qui pouvoient porter Sa Majefté à accorder cette exemption. Il voulut bien ofirir d'employer fon crédit pour tâcher d’ob- tenir cette grace. | Le Mémoire qui fut remis à M. le Duc d’Aicuillon , porte en fubftance que les Hollandois ont l'argent # deux & demi, & au plus à trois pour cent , pour toutes leurs entreprifes de Commerce , ce qui diminue beaucoup les frais.&c:les dépen- fes de leurs Pêches ; au lieu que nos Né- gocians n’obtiennent l'argent qu'à cinq & fouvent à fix pour cent;-que cette dif- férence fuffiroit pour nous éloïgner de la concurrence , puifque lesHollandois peu- PRÉLIMINAIRES. 53 vent gagner plus que nous en vendant à meilleur marché : ; que leurs armemens fe font à moins de frais que ceux d’aucune nation ; avantage fondé 1°. fur les im- portations & les exportations qu'ils font :# le Nord & dans la Mer Baltique : °, fur le moindre nombre d'hommes em- loÿet à former leurs équipages: Ha Ut la frugalité de leurs matelots, &c. qu'ils ont d’ailleurs une habitude ft toutes les préparations qu'exige le Hareng , qui les rendant meilleures , plus promptes & par conféquent moins fers met un grand obftacle à la OC HrEn ES que la quen- tité immenfe (a) de Harengs qu'iis font en état de verier dans l'Europe , les met (z) Les Hollandoisn’en- pêchés fur les Côtes d’An- vifagent pas leurs Pêches de Hareng , comme nous envi- fageons communément les nôtres. Cette République regarde cet article de Com- merce comme un objet principal : auff s’en eft-elie toujours occupée avec le plus grand foin. Dès 1610, le Chevalier Walter Ra- leigh donne un compte qui n'a pas été démenti par Jean de Wit, du Commerce qu'ils faifoient en Ruffe, en Allemagne, en Flandres & enFrance, de Harenss gleterre, d'Ecofle & d’Ir- lande , montant pour une année à 61,157,000 livres. Un état de leur Pêche du Hareng en 1748 , nous ap- prend qu’elle leur produifit 39,100,000 livres , qu'ils occuperent 14 mille Mate- lots, & qu'a l’occafion de cette Pêche ils employerent 86,000 perfonnes. Voyez les Rem. fur les avant. -& les défavant. de la France & de la Gr. Bret. par rapport au Commerce, page 141 & fui. 54 OBSERVATIONS à portée de foutenir le bon marché. Celui qui vend beaucoup, peut fe contenter de péts profits, parce qu'illes multiplie. Ce- ui qui vend peu & avec de petits profits, eft forcé d'abandonner un Commerce qui ne lui rend pas aflez pour le faire fubfifter. Ces raifons ne permettent pas d’efpérer que la Pêche de Bretagne puifle profpé- rer fans une exemption de Droits. Au refte il eft de l'intérêt du Roi d'accorder une exemption par les raifons fuivantes. La France a befoin de Matelots ; les Peuples ont befoin de moyens qui les mettent en état de fubfifter, & de payer les impofitions. L’encouragement des Pêches produiroit en ir partie ce double effet. L’exemption de droits ex- citeroit à la Pêche par l’appas du gain ; elle porteroit beaucoup de gens à embraf- {er la profeffion de Matelot , qui fans cet appas, fe jetteroient dans d’autres pro- feflions. Plus il y aura de Pêcheurs, plus ils fourniront d’occupations à des mains qui font aétuellement défœuvrées, & fur- tout aux femmes & aux filles qui font fi propres aux préparations du Hareng , & à qui I eft fi difficile de fournir du travail. Enfin l'abondance de Pêcheurs & de gens exercés à préparer le Poiffon, fera nécef- PRÉLIMINAIRES. 55 fairement diminuer le prix du Hareng. Ainf la réunion de ces effets que produi- roitinfailliblementl'exemption de Droits, en entrant dans les Provinces des cinq grofles Fermes, nous mettroit bientôt à portée de foutenir la concurrence. M. le Duc d’Aiguillon a bien voulu fe charger d'appuyer ces raifons de fon cré- dit , & de repréfenter que la Pêche de Bretagne , n'ayant point d’établiflemens formés , & les préparations étant impar- faites faute d'habitude , elle ne peut fe foutenir fans être protégée : que fi la pro- teétion lui manque fur-tout dans les pre- miers momens d'émulation , il faut re- noncer aux bénéfices qu’en retireroit & l'Etat & le peuple. de Eau Ge A Gad A QE 1, Commerce du Levant. La charge donnée par les Etats à MM. leurs Députés & Procureur - Gé- néral-Syndic en Cour, » de faire les plus » vives inftances pour obtenir la liberté » du Commerce du Levant..... & de » demander à être foumis à toutes les .» précautions que le Miniftère jugeroit » néceffaires » , eft une preuve frappante des avantages qu'ils ont preflenti que 56 OBSERVATIONS la Province retireroit de cette liberté. On ne pouvoit choïfir un moment plus favorable pour faire cette démarche. Les Etats de Languedoc folhcitoient la même faveur pour le Port de Cette : Et les principales Villes maritimes du Royaume {e joignoient à ces follicitations , pour que la liberté devint générale dans le Royaume. Les raifons de part & d’autre ont été expofées & difcutées dans des Mémoires imprimés. Perfonne n'ignore l'abus que fait la Ville de Marfeille de fon privilége ex- clufif, Le Commerce du Levant, qui appartient à la Nation, qui contribueroit fi fort à l’enrichir, eft devenu le patri- moine de quelques Particuliers qui, pour s’aflurer une fortune plus rapide , le conduifent fucceflivement à fa ruine. Réduétion dans le nombre des Fabri- uans; dans la quantité des matieres & de chofes fabriquées ; fixation du prix des marchandifes ; limitation dans le nombre des Commiffionnaires François, à qui il eft permis de s'établir dans les Echelles; tout enfin ce qui peut établir la fortune de quelques Particuliers fur le renverfement du Commerce de l'Etat, a été mendié & obtenu fous prétexte du PRÉLIMINAIRES. 57 bien public (a). Il eft d’ailleurs incon- teftable que la Ville de Marfeille eft for- cée de laifier pañler à l'Etranger ce même Commerce qu'elle refufe de partager avec les autres Ports de France. Elle peut d'autant moins le foutenir feule, qu’elle a diminué fes forces en entrepre- nant le Commerce de nos Colonies, qu'elle avoit laïffé d’abord aux Ports du Ponent. C’eft l'Angleterre, c’eft la Hol- lande que Marfeille favorife , en écartant les autres Ports du Royaume , d’un Commerce fi lucratif & fi bien difpofé pour foutenir & même pour exiger une nombreufe concurrence. Il femble que les circonftances où fe trouve la Province, doivent la porter à faire de nouveaux efforts pour obtenir la liberté de commercer dans le Levant. Elle a éprouvé plus qu'aucune autre les fuites funeltes de la guerre, puifque fes Ports fe trouvent aujourd'hui fans Vaif. - (4) On peut lire fur cette matiere, les Queflions fur le Commerce des Francois au Levant, 1755. Les nouveaux Motifs pour porter la France à rendre libre le Commerce du Levant, 175$.La feconde Partie des Remarques fur plufieurs branches de Com- merce & de Navigation, qui ne traite que du Commerce du Levant. On verra ce que perd le Royaume depuis que quelques Particuliers de Marfeille fe font emparés de ce Commerce, 58 OBSERVATIONS {eaux , fans Matelots, fans Commerce Tout eft devenu la proie des pirateries de l'ennemi. C’eft dans des temps auffi critiques, qu'il eft eflentiel de fe ména- ger, pendant la durée de la guerre, des moyens de laifler agir toute linduftrie de la Nation, au premier moment de la paix. Ce n’eft que par cette prévoyance, qu'on peut réparer promptement des pertes qui forment dans l'Etat une plaie profonde , & qu'on ne peut trop tôt fermer. Dans fes Mémoires contre le Lan- guedoc & contre différentes Villes ma- ritimes, Marfeille a beaucoup infifté fur l'avantage d’avoir un Lazaret ; avantage dont elle jouit feule, parce que la longue durée de fon privilese exclufif eût rendu les établiffemens de cette efpéce , inutiles par-tout ailleurs. Mais lorfque les Etats, par l'Article XIX. de leurs Délibérations du 10 Février 1757, ont autorifé MM. leurs Députés & Procureur-Syndic en Cour , à fe foumettre à routes les pré- cautions que le Miniflère jugera nécelfarres, ils ont fait tomber d’avance l’objeétion fondée fur le défaut d’un ZLazarer. La Société penfe que le bien de la Pro- vince demande que les Etats prennent enceare PRÉLIMINAIRES. s9 encore la même Délibération fur cet Ar- ticle. Le fuccès de leurs démarches inté- refle non-feulement la Bretagne , mais le Royaume entier. ARTICLE XX X: Manufaüure d'Etoffes de laines d'Angleterre. Le Sieur Macaulif eft venu à Ren- nes. Il y a fait monter quelques Mé- tiers. La Société a {çu qu'il y avoit de la divifion entre ce Fabriquant & fes Aflociés. Elle n’a vu aucune des Etoffes qu'il a pu fabriquer pour profiter de la gratification que les Etats lui ont ac- cordée. Appric EE XX PI Raffineries de Sucres de la Province. Les Raffineurs d'Orléans fe font for- tement oppofés aux follicitations que les Etats avoient chargé MM. leurs Dépu- tés & Procureur-Général-Syndic à la Cour , de faire en faveur des Raffineurs de Bretagne. Cette affaire a été engagée fur une Requête préfentée aux Etats de 1756, par les Raffineurs de Nantes. Ceux d’Or- léans y ont fait une réponfe imprimée. G 60 OBSERVATIONS M. de Montaudouin , Affocié du Bureau de Nantes, a réfuté cette réponfe. Ces trois Piécés ont été imprimées enfemble. Si la conteftation n’eft pas décidée lorf- que les Etats s’aflembleront , la Société penfe , d'après les moyens employés de part & d'autre, que la Province appuyeroit une caufe jufte , en pre- nant une nouvelle Délibération favora- ble à la demande des Raffineurs de Bre- tagne (a). ARTICLE AALPE Fonds faits pour le payement des Infpeëteurs des Manufaëlures. Cet Article , décidé par les Etats mêmes , ne pouvoit plus occuper la Société. ARTICLE XXEV, Æxemption de la Dixme pendant Le ans , fur les Terres nouvellement défri. chées. L’Arrêt du Confeil que follicitent les Etats, feroit utile par-tout. A l'égard (4) Par Délibération du à MM. leurs Députés 8 17 Février 1759, les Etats Procurenr-Lénfta-Mymde ont répété la charge qu'ils à la Cour. avoient donnée en 1757 PRÉLIMINAIRES. 61 de la Bretagne , il femble qu'il feroit abfolument néceflaire. Ce feroit un en- couragement pour l'Agriculture , dont les eflets ne tarderoient pas à fe faire {entir. La Province renferme une quantité étonnante de Terres à défricher. Les dé- frichemens coûtent beaucoup. Rien ne décourage plus les perfonnes qui font des entreprifes de cette efpéce , que le partage des premières récoltes. Elles fufhfent à peine pour dédommager des avances qu'il a fallu faire. Encore ce dé- dommagement ne vient-il que fuccef- fivement & par parties. Il y a lieu de préfumer que les Décimateurs, qui per- droient beaucoup fi on fe décourageoit fur les défrichemens , feroient avec plaifir le facrifice de leur droit pendant quelques années , pour Ss’aflurer une augmentation permanente dans leurs revenus. Il n’y a qu'une Loi exprefle qui puiffe applanir les difficultés de détail qui pourroient naître à cette occafon. Ainfi la Société croit que lencoura- gement de l'Agriculture , fur l’impor- tant Article des défrichemens , de- mande que les Etats perfiitent à faire G2 62 OBSERVATIONS. folliciter un Arrêt du Confeil, revêtu de Lettres-patentes, qui aflure l'exemp- tion de la Dixme (a). (x) Les Etats, pendant Syndic en Cour, de faire leur derniere Affemblée, tous leurs efforts pour ob- ont chargé MM. leurs Dé- tenir l’Arrêt du Confeil, putés & Procureur-Général- dont il s’agit. CORPS D'OBSERVATIONS. AGRICULTURE #tng ES premiers jours de la So- fi %. É ciété fe font pailés en arrange- Fi Z4iT mens néceflaires à tout corps. k&###x Ces préliminaires emportent un temps qu’on regrette de ne pouvoir employer à des objets d’une utilité plus direéte. Maisles Affemblées n'ayant com- mencé que le 16 Février 1757 , il eût été difhcile de faire ufage des meilleurs matériaux , quand même ils euflent été raflemblés d'avance par quelques Aflo- ciés. La terre avoit reçu prefque toutes les femences. Il falloit donc attendre la G3 TREFLE ou TREMENE. 64.5 AGRICULTURE. récolte , & même le temps des fe- mailles , pour être à portée d’entrer dans la voie des expériences & des inf tructions. … L'impofibilité de faire des expérien- ces d'Agriculture détermina à publier une inftruétion fur les Prairies artificielles , objet important & fur lequel il étoit né- ceffaire de difpofer les cultivateurs à profiter de la premiere faïfon favorable. Quoique les récoltes des grains foient l’objet effentiel de l'Agriculture & le but du travail des cultivateurs , on croit de- voir commencer par rendre compte des obfervations de la Société fur les Prairies artificielles. Ce fut fon premier pas dans H carrière que les Etats lui ont ouverte. D'ailleurs il eft peut-être effentiel de por- ter fes premiers regards fur les agens fondamentaux du labourage. M. le Baron de Pontual, inftruit & par fes letures & par fa propre expérience, fe chargea d’expofer le procédé qu'on devoit fuivre pour former des Prairies de grand Tréfle des Prés à fleurs rouges , plus connu en Bretagne fous le nom de Tréméne. Cette efpéce de Prairie eft d’une fécondité extrême & demande moins de foins que les autres. Elle a d'ailleurs un AGRICULTURE. 65 avantage ineftimable pour les cantons où les terres , après avoir rapporté des grains , {e repolent pendant trois & qua- tre ans. Ces années de repos font pref- que des années de ftérilité. Les Payfans ont le funeite préjugé de les regarder comme un temps de reflource pour la nourriture des beftiaux. Mais ce préjugé ne fert qu'à démontrer la difette de Prai- ries naturelles , & par conféquent la né. ceflité de multiplier cette efpéce de biens. Dans les Pays qui fourmiflent un fourrage fucculent au bétail ( en verd pendant le Printemps , l'Eté & l'Automne , & en fec pendant l'Hyver ) regarderoit-on comme une reflource , des Jachères à peine couvertes d'herbes foibles , lan- guiflantes & fouvent SAAESIEURS Ces pâturages , fi on peut leur donner cenom, font néceffairement nuifibles au bétail. Sa maigreur , fon épuifement, dans une tres-crande partie de la Province, eft peut-être une fuite de la difette de four- rage dans les étables, & de la fatigue qu'il éprouve dans de ftériles Jachères. Il y cherche vainement une nourriture fuf- fifante. La faim & le défaut de bonnes plantes , le forcent à manger indiftinéte- ment toutes celles qu'il icones & on = 66 ACRICUL TU RE. ne peut trop répéter qu'il y en a de fu- neftes (a). Ce feroit donc un bien ineftimable pour la Province , que de fubftituer le plus généralement qu'il feroit pofhble , des herbages vigoureux à ces foibles pà- tures qui détruifent une des plus précieu- fes parties de nos richefles (2). . (2) Ce font toutes les efpéces de Tithymale, la Gratiole , la Ptarmique, les Perficaires, la Catapuce, la Thlafpic, la Thora, le Peplus , la Sardonia, enfin la Douve, appellée Ranun- culus. longifolius paluftris. Voyez le Di&ion. Encycl. au mot FOURRAGE, pag. 248-9. Le Ranunculus, &c. eft très-commun dans l’E- vêché de Rennes, & peut- être dans une grande partie de la Province. (2) Quoique la Société ait répandu près de 3000 exemplaires du Mémoire de M. le Baron de Pontual, & qu'il ait été réimprimé en entier, ou par extrait, dans plufieurs Ouvrages périodiques, on a cru devoir placer ici fon procédé. La terre doit être bien labourée & bien dreffée. On féme dans les mois de Mars, d'Avril, de Mai, de d'égalité & Juin & de Juillet. Huit li- vres de graine fufhfent pour Pétendue d’un journal de Bretagne, qui contient 1280 toifes quarrées. On peut femer dans le même terrein & en même temps, de lAvoine, de l’'Orge , du Bled-noir , du Lin. Le Lin eft préférable , parce qu’en l’arrachant, la terre reçoit un petit labour. La graine de Tréfle doit être mêlée avec une quantité double ou triple de cendre, ou de fable, afin que le femeur puifle la répandre avec plus d'économie. Une herfe très-légere, ou un rateau, fufhfent pour la couvrir de terre. Elle ne leveroit pas fi elle étoit trop enfoncée. On coupe le Tréfle lorfqu’il commen- ce aentrer enfleurs, à l’ex- ception de celui qu’on ré- ferve pour produire de la graine. Ce doit être l'herbe AGRICULTURE. 67 Le Tréfle préfente un avantage de plus , c’eit de n’obliger le Payfan à au- cune autre dépenfe que l’achat de la graine. C’eft un objet de cent fols par journal tout au plus. Le Tréfle réufit très-bien lorfqu’on le feme avec l’avoine qu'on recueille avant la premiere année du repos. M. le Préfident de Montluc, qui en a fait l'expérience cette année (1758), a eu la meilleure récolte d’avoi- ne. Lorfqu’elle fut en maturité, elle s’é- levoit au-deflus d’une quantité prodi- gieufe de Tréfle qui avoit près de deux pieds de hauteur. L’engrais qui refte dans la terre après les premières récoltes & le labour néceflaire à l’Avoine , fervent éga- lement au Tréfle. Il eft donc fenfible qu'il n’en coûte que le prix de la Graine pour avoir pendant plufieurs années une abondante Prairie , qui fe coupe au moins deux , & fouvent trois & quatre fois par de la feconde coupe. Cette plante vient par-tout ; mais elle réuflit mieux dans les terreins frais, fans être hu- mides. Elle dure au moins trois ans, & quelquefois juiqu’à cinq. Îleft plus avan- tageux de la faire confom- mer en verd, qu’en four- rage fec. On doit écarter les beftiaux de cette efpéce de prairies. Leur fécondité augmente, fi l’on y porte quelque engrais pendant l’hi- ver. Lorfqu’elles font épui- fées , on les ouvre à la char- rue , & on s’apperçoit qu’el- les ont amélioré le fonds, 63 AGRICULTURE. an, Cette légère avance diminueroïit même bientôt, fi ces Prairies artificielles étoient aufhi communes que le bien pu- blic le fait defirer à la Société. M. le Baron de Pontual, qui s’eft fort occupé de tout ce qui a rapport à cette efpéce de Prairies, a remarqué que le fourrage de Tréfle échauffoit le bétail, lorfqu'on ne lui donne pas d’autre nour- riture. Un Flamand lui a appris à le tem- pérer & à faire en même temps une épargne aflez confidérable, En Flandre, où l’on a beaucoup de Prairies de cette efpéce , on fait dans les greniers des couches alternatives de fix à fept pouces de paille & de Tréfle. La paille fe pé- nétre de l’odeur de ce fourrage , enforte que les bœufs & les chevaux me à l'une & l’autre avec la même avidité, Par ce moyen, un millier de paille équi- vaut à un millier de Tréfle, & entretient le bétail dans un état de fraicheur & d'embonpoint. | M. de la Chalotais & M. de Nevet, lun & l’autre du Bureau de Rennes, ont fait planter du Tréfle en rayons, pour effayer fi cette plante, comme beaucoup d’autres, ne donneroit pas un plus grand produit. Cette expérience n'a AGRICULTURE. 69 pas réufl. Cependant on doit regarder comme un fuccès, de s'être afluré que le Tréfle qui vient toujours bien , de quel- que maniere qu'on le cultive , produit beaucoup plus de fourrage lorfqu'il eft femé à terre perdue. Ce n’eft point aflez que de connoitre en général la maniere la plus favorable de cultiver le Tréfle; les progrès de FAgriculture demandent qu'on fçache avec précifion quelle quantité de graine on doit femer. M. de Pontual dit dans fon Mémoire qu’on doit en employer huit li- vres par Journal. Quelques Cultivateurs difent qu’on doit en femer moins ; d’au- tres prétendent que huit livres ne font pas une quantité fufhfante. Pour ne laif- fer aucun nuage fur cette queftion , M. le Préfident de Montluc a formé des Prai- ries artiñcielles, en femant de la graine én différentes proportions. Il l'a difpen- fée fur le pied dehuit , de dix & de douze livres par Journal. Il a cru remarquer que la proportion de huit livres étoit celle qui réuflifloit le mieux. Mais on ne peut rien déterminer aujourd’hui fur cette expé- rience. M. de Montluc n’a pu la faire qu'au Printemps dernier (1758). Les plantes n’ont pas acquis aflez de force 70 AGRICULTURE. pour faire juger de ce qu’elles peuvent donner dans la fuite. Ce n’eft qu’en 1759 qu’on pourra prononcer affirmativement {ur l'avantage ou le défavantage de femer plus ou moins de graine. Il faut avouer même que cette expé- rience ne fera décifive que pour les ter- reins femblables à celui qui a été choifi pour cette obfervation. Ce terrein tient le milieu entre les terres fortes & les ter- res légères. Peut-être ( & même rien n’eft plus vraifemblable ) faudroit -il varier la quantité de femence felon la nature des terres. Celles qui font lourdes, vifqueufes, chargées d'argile ; celles qui font légères, fablonneufes ; celles enfin qui tiennent le milieu entre ces deux extrémités , exi- ent fans doute des quantités de graine HEAR C’eft un fait qui ne peut être établi que fur des expériences. M. de la Chalotais , qui a près de Rennes & près de Bécherel , des terres qui par leur nature offrent les deux extré- mités dont on vient de parler , compte faire femer du Tréfle dans l’un & dans l’autre au printemps prochain. Il fera dif- penfer la graine dans des proportions va- riées. Ses réfultats & ceux de M. de Montluc ferviront à déterminer le plus AGRICULTURE. 71 ou le moins de femence qu’on doit em- ployer felon la différence des terreins. À ces expériences la Société joindra des obfervations plus générales. M. de Montaudouin, du Bureau de Nantes, a fait venir & diftribuer beaucoup de graine de Tréfle. La réuflite a déterminé un grand nombre de perfonnes à le prier de leur en procurer. Plufeurs Cultiva- teurs , & fur-tout des Recteurs de diffé- rens Diocéfes, en ont femé cette année. M. de Boïfglaume , qui demeure ha- bituellement a une terre fituée à cinq lieues de Rennes, près de Poligné , animé par les produits E cette plante , fe dif- ofe à en faire de grandes Prairies. Une Rhone terrafle, mais de beaucoup trop large pour fa longueur, regne le long de fa maifon. Il comptoit mafquer par des mafhfs de gazons cette efpéce de diffor- mité. M. de Montluc lui confeilla de faire ces maflifs en Tréfle. Il ne s’attendoit pas à la quantité de fourrage qu'ilenatire. Il a tout difpofé pour former des Prairies de cette efpece au printemps prochain. Tous ces Citoyens cultivateurs feront conful- tés fur la nature des terreins convertis en Prairies , & fur le fuccès de leur cul- ture. Leurs réponfes réunies & rappro- 72 AGRICULTURE. chées des expériences de M. de la Cha- lotais & de M. de Montluc , difiperont les doutes qu’on peut avoir fur cet arti- cle ; & la Socicté publiera le réfultat qu'elle aura formé. Quoique l'utilité que retirera la Bre- tagne de ces pâturages, foit le principal objet dont la Société s’eft occupée, elle a vu avec Joie, & les Etats apprendront fans doute avec plaifir, qu'une Province des plus reculées du Royaume (la Fran- che-Comté ) profite aétuellement des inftruétions que M. de Pontual ne croyoit donner qu’à fes compatriotes. M. Mi- roudot de Saint-Ferjeux, Subdélégué au Département de Vezoul, a écrit à la Société , qu'il avoit lu quelque chofe du grand Tréfle à fleurs rouges, fous le nom de Tréfle de Piémont ; qu'en 1757ilenfit {emer deux livres par curiofité : » Mais, » ajoute-t-il , je n'eus pas plutôt vu dans » le Journal Encyclopédique extrait du » Mémoire que vous avez eu la bonté de » m'envoyer , que je tirai de Lyon cin- » quante livres de cette graine , que » je fis diitribuer avec plaifir dans mon » Département. Les apparences en font » fi flatteufes , qu'on m'en demande de » tout côté. On a été fur-tout agréa- AGRICULTURE. 73 # blement furpris de me voir couper le » 1°". de Mai, celui que j'avois femé » l’année derniere. Il étoit en fleurs, & » de la hauteur de vingt pouces. J'ai le » plaifir de le voir encore aujourd’hui » plus haut & bien fourni, Je ne crois » pas, en un mot, rendre un plus grand » fervice à cette Province, qu’en y fai- » fant imprimer & diftribuer le Mémoire » que vous avez bien voulu m'envoyer. » ( C’eft celui de M. de Pontual. ) L’Agriculture d'Angleterre , d'Irlande & d’Ecofle doit fes progrès rapides aux Prairies artificielles. Ces Prairies , plus fécondes fans comparaifon que les Prai- ries naturelles , enrichiflent ces Royau- mes par la multitude du bétail, par la- bondance des laitages, des beurres, des fromages, des cuirs ; elles y procurent une mañfle d'engrais aflez confidérable pour entretenir toujours les terres labourées dans un état de fécondité ; enfin elles ont mis en état d'améliorer les défrichemens immenfes qui fe font faits dans les trois Royaumes depuis un demi-fiecle. M Bretagne aflez riche en bétail pour en peupler les Provinces voifines ; trop peu riche en Prairies pour ie élever la motié de celui qu’elle fournit , LUZERNE 74 AGRICULTURE. ne fçauroit donc trop multiplier les Prai- ries artificielles. Quelle abondance de richefles pour elle , fi la dixieme partie des vaftes bruyères dont elle eft prefque couverte , étoit convertie en de gras pà- turages ! Que manqueroit-il pour défri- cher une grande partie du refte, & pour doubler la fomme de fes moiflons ? Cette efpérance , quelque éloignée qu’elle puifle paroître à des efprits timi- des ou découragés , eft un des plus forts appuis de l’émulation que l’établiflement de la Société a fait naître. La culture du Tréfle eft le moyenle plus propre à pro- curer un bien fi defirable , parce qu’elle n’exige aucune dépenfe , qu’elle eft à la portée du laboureur le moins intelligent, & que le bénéfice en eft für & prompt. Cependant il pourroit devenir plus utile encore de cultiver la Luzerne , non feulement parce qu’elle fournit plus de fourrage , mais parce qu’elle dure douze, quinze & même vingt ans. La culture de cette plante a produit chez M. de la Chalotais un effet con- traire à celui du Tréfle. On avoit femé la Luzerne à terre perdue. Les pieds qui réfifterent aux mauvaifes herbes, ou à d’autres inconvéniens qu'on n’a pu découvrir , AGRICULTURE. découvrir , réuflirent très-bien. Mais la plupart des plantes périrent. Celles qui avoient réufh , euflent péri elles-mêmes fi on n’avoit pas pris le parti de les tranf- planter en rayons. Cette culture les ra- nima , & elles ont donné cette année d’aflez beau fourrage. M. de Laurencin qui eft très-zélé pour le progrès de l'Agriculture , à commu- niqué à la Société des obfervations qu’il a faites fur la Luzerne. Il s’en occupoit depuis dix ans & il étoit prefque rebuté, parce qu’elle étoit toujours étouflée par de mauvaifes herbes. Il eflaya , il y a trois ans , de la femer par rayons éloignés lun de l’autre d’une diftance à y pañler la béche. Il fufit d’enfoncer cet inftru- ment dans l'intervalle des rayons , d’en- viron deux pouces, & de le faire courir fur le terrein. Avec ce léger labour, qui eft abfolument néceflaire dans les terres tenaces & fortes , on fait quatre ou cinq récoltes de Luzerne par an. Mais rien ne prononce plus clairement en faveur de la méthode de cultiver en rayons , que la Luzerne femée au com- mencement de Mai 1758 par M. de la Chalotais & par M. de Montluc. La graine léva très-bien & en aflez peu de H 76 AGRICULTURE, temps. À peine étoit-elle hors de terre que des chaleurs exceflives , qui n'étoient pas même tempérées par les rofées ordi- naires dans cette faifon , furprirent ces plantes & les firent prefque difparoître. Malgré un accident fi propre à les dé- truire , elles pouflerent vigoureufement dès les premières pluies. M. de Montluc fema un autre terrein en Luzerne au commencement de Juin. Le temps étoit plus favorable. Sa premiere & fa feconde Luzerne fe trouverent en état d’être cou- pées à la fin de Juillet. Elles étoient for- tes , bien nourries & hautes de deux pieds & demi. Elles repouflerent fi prompte- ment, qu'elles étoient parvenues à trois pieds lorfqu’elles furent coupées pour la feconde fois à la fin d'Oëétobre, Ces expériences juftifient la perfévé- rance avec laquelle M. Duhamel recom- mande de cultiver la Luzerne en rayons. Il a marqué à un des Membres de la So- ciété, qu’en 1757 chaque Arpent ( c’eft un peu moins qu'un Journal de Bretagne ) lui avoit donné vingt milliers de foin. Une récolte fi prodigieufe femble déci- der en faveur de la cuiture en rayons, ou par rangées. Cependant la Société n'a pas cru devoir publier d’inftruétions AGRICULTURE. 77 fur ce fujet, par des raifons qu’elle ef- pere que les Etats approuveront. La Luzerne qu'on cultive aux envi- rons de Paris , eft femée à terre pleine. Cette méthode plus fimple , plus à la portée des Laboureurs , devroit être pré- férée en Bretagne fi elle pouvoit réufr, quoiqu’ellefoit moins fruétueufe & qu'elle confomme beaucoup plus de graine. C’eft particuliérement l'Agriculture des Pay- fans qu’il eft intéreflant de multiplier. On ne doit fe flatter d'y parvenir qu’en rap- prochant le plus qu'il eft poilible , les méthodes qu'on veut leur faire adopter, de celles qu'ils font dans l'habitude de fuivre. Il faut attendre que le temps & les exemples les portent d'eux-mêmes à chercher les bénéfices qu’ils verront faire à des cultivateurs plus intelligens qu'eux. Tendre tout d’un coup à la perfe@tion, ou du moins à ce qui en approche le plus, c’eft s’expofer à décourager la mul- titude qui ne s’éléve jamais au-deflus de la médiocrité. Pour cultiver en rayons, il faut bien préparer , bien ameublir les terres ; femer les graines par rangées éloignées les unes des autres de trois pieds ; païler de temps en temps une charrue légère entre ces H 2 78 AGRICULTURE. rangées ; détruire par ces petits labours les mauvaifes herbes à mefure qu’elles pa- roiflent ;, empêcher la terre qui forme ces intervalles de fe raffermir , & l’entrete- nir toujours dans cet état d'ameubliffe- ment , qui eft la caufe principale de ces récoltes qui tiennent du prodige. Après la première année il faut lever une grande partie des plantes de Luzerne qui for- ment chaque rangée. On doit les tranf- planter en rayons à fix pouces de dif- tance l’une de l’autre , dans une terre bien préparée , & qu'on doit entretenir nette & meuble par ces petits labours , entre les rayons dont on a déjà parlé. Le Payfan qui ne calcule point , ne voit dans toutes cesattentions que de fré- quens fujets de travail & de dépenfe. Il ignore & même il ne croit point , lorf- qu'on le lui aflure , que ces frais ne mon- tent pas au quart, au cinquieme du béné- fice que produifent les labours de détail. Ce feroit l’effrayer & le jetter dans la défiance , que de lui indiquer une mé- thode qui lui paroitroit fi difpendieufe , fi compliquée , fi éloignée de fa routine. La Société a donc penfé qu'avant de propofer la culture de la Luzerne il étoit néceflaire 1°. de répéter l'expérience de AGRICULTURE. 79 la femer à l'ordinaire dans des terres for- tes. Il eft eflentiel de s’aflurer fi le peu de fuccès des premières épreuves ne doit pas être attribué à quelque caufe cachée ui ne fe rencontreroit pas généralement due les terreins de cette nature ; 2°. d'en faire femer de la même maniere dans des terres légères , afin de déterminer par les produits celles qui conviennent le mieux à cette plante. Plufieurs Membres de la Société comptent faire ces expé- tiences au printemps prochain. La Société eût bien defiré de pouvoir cultiver Ze Ray-Graf]. Cette plante qui n'eft prefque connue que fous fon nom Anglois , eft citée par tous les cultiva- teurs d'Angleterre avec les plus grands éloges. Les Traduéteurs l’indiquent en françois fous le nom de Faux-Seigle, dé- fignation trop vague pour la faire recon- noiître , fuppofé qu’elle vint naturelle- ment dans la Province. On a lieu de préfumer que c’eft la même plante que Bradley nomme Gramen fecalinum maxi- mum & minus (a). Mais cette phrafe bo- tanique peut aifément jetter dans l'er- reur , à caufe du grand nombre de plan. (a) Voyez le Calendrier miers, sraduit de l’Anglois, des Labeureurs & des Fer- de Bradley , pag. 19, H 3 R A v- GRASSe 80 AGRICULTURE. tes graminées. Enfin M. Pattullo (a) dit que fon nom latin eft Lolium. Indication qui n'eit pas moins embarraflante. Lolium eft le nom d’un genre , ainfi il convient également à pluñeurs plantes. Pour lever toute difhculté la Société a fait demander de la graine de Ray-Graff à Londres. La guerre pouvant retarder cette commiflion , on a écrit en même temps en Franche-Comté , où M. Mi- roudot de Saint-Ferjeux en a introduit la culture. [dit ,, que la récolte en eft pro- ,, digieufe , que cette herbe égale en ,, bonté celle des côteaux les mieux ex- , pofés , & qu’elle donne une nourri- ture bien plus légère que celle des ,, Prairies communes. ,, Ces graines fe- ront femées le plutôt qu'il fera poflble. Sile fourrage qu’elles donneront , répond ( comme on n’en peut guere douter ) à l’idée qu’on en a conçue, la Société ne négligera rien pour accréditer cette cul- ture en Bretagne (4). (a) Voyez l'Effai fur l'a- de Ray-graff : mais on n’a mélioration desterres,p.59. pu rien {çavoir de précis fur (6) Depuis la rédaétion la quantité & la qualité du du Corps d’Obfervations | fourrage que ces efpéces on a appris qu'on cultivoit fourniilent, a Nantes plufeurs efpéces AGRICULTURE. 81 Quelques Affociés ont fait venir de la Sarxrorx. graine de Sainfoin. À peine en fait-on ufage dans cette Province , quoiqu'il forme des Prairies très-fécondes & dont le fourrage eft fi fain pour le bétail de toute efpéce. En cultivant toutes ces plantes ; en ob- fervant attentivement les terreins qui leur conviennent , la Société prépare les matériaux d'une inftruétion fur différens moyens de former des Prairies artificiel- les, de quelque nature que foit le fol qu’on y aura deftiné. Cette Brancke éco- nomique mérite la plus grande attention. Elle influe fur l'amélioration des terres défrichées , fur l'augmentation du bétail & fur la fécondité de toutes les parties de l'Agriculture, par l'abondance des engrais. Tant d'avantages font defirer à la So- ciété que les Etats hâtent les progrès de la culture du Tréfle, en portant dans chaque Paroïfle de la campagne un exem- ple des grands profits qu’on en retire. La Province pourroit faire diftribuer gratui- tement huit livres de graine dans celles où cette culture n’eft pas connue. Cette quantité fuflit dans un Journal de terre, Pour retirer plus de fruit de ce bienfait, | Ha 82 AGRICULTURE. il feroit peut-être bon de ne livrer ces graines qu’à deux perfonnes par Paroifle, dont chacune femeroit un demi Journal. Le fuccès eft infaillible ; ainfi il n’y a pas lieu de douter que cet exemple ne fût promptement imité. La graine de Tréfle ne coûteroit tout au plus que 12 fols la livre en l’achetant en gros; ainfiavec un don de 3000 I. les Etats créeroient , pour ainfidire ,62$ Journaux de Prairies artifi- cielles. Ces Prairies, en fuppofant qu'elles ne donnaffent rien la première année , produiroient au moins l’année fuivante cinq milliers de fourrage par Journal. Ainf , en réduifant le prix du millier à une piftole , le don de mille écus vau- droit 31,250 liv. aux Laboureurs qui en auroient profité. Ce produit ferenouvel- leroit pendant trois années confécutives danslesterres médiocres, & pendant qua- tre années dans les bonnes terres. Quel encouragement pour l'Agriculture en gé- néral , & quels fruits immenfes ne feroit-il pas envifager ! Peut-on douter que les La- boureurs inftruits par l'exemple de ceux qui auroient femé les graines des Etats, & excités par le bénéfice qu'ils auroïent vu faire fur des Prairies fi fécondes , ne fe portaflent d'eux-mêmes & rapidement AGRICULTURE. 83 à en former ? Une légère avance fufht pour fe procurer pendant quatre & fou- vent pendant cinq années un Journal de ces Prairies. La Province auroit tout à gagner , en indiquant cette reflource à des malheureux, fur qui la pauvreté s’ap- pefantitavec d'autant plus de force , qu'ils ne connoiflent pas même les moyens de lui échapper (a). L'ordre des cultures qui ont pour ob- Turxers jet direct la nourriture du bétail , exige qu'on place ici les expériences faites {ur les Zwrneps ou Gros-Navets d’An- gleterre. On en a tiré la graine d’Angle- terre même malgré la guerre. M. de Montluc & M. de la Chalotais en ont femé ; ils ont bien réufli. Il n’étoit pas , rare d'en voir de vingt-deux & de vingt- (z) Sur ces repréfenta- francs chacun. Ils font ac- tions de la Société, les Etats ont fait un fonds de 3000 1. le 17 Février 1759, deftiné à acheter de la graine de Trefle, qui fera diftribuée gratuitement dans la Pro- vince. Pour exciter les défri- chemens par la voie de ces Prairies artificielles, les Etats firent le même jour un fonds de 6400 liv. pour être diftribué en prix de 50 cordés aux deux Laboureurs de chaque Subdélégation, qui, en 1760, auront femé la plus grande quantité de Tréfle dans un terrein nou- vellement défriché ; & à quantité égale, aux deux Laboureurs dont la récolte de Tréfle fera plus abon- dante. Cette propofition fut faite aux Etats par M. de Couetpeur, Affocié du Dia: cèfe de Saint-Malo, 84 AGRICULTURE. quatre pouces de tour , & du poids dé cinq & fix livres. Peut-être n’eft-il pas inutile d’obferver ici qu'ils ont été femés par rangées qui étoient à deux pieds de diftance l’une de l’autre , & qu'on a ar- raché beaucoup de jeunes plants, afin qu'il reftt un efpace d’un pied entre cha- que Navet. Il femble qu'on perd plus de la moitié du terrein en fuivant cette mé- thode ; mais il eft certain que fi l’on juge de la récolte par le volume & parle poids, elle eft plus que double de celle qu’on fe- roit en femant la terre en entier. Les Etats ayant recommandé la cul- ture des Turneps par l'Article V de leurs Délibérations du 10 Février 1757 , fes avantages leur font connus ; ainfi la So- ciété ne s'arrêtera pas à les expofer. Mais elle croit devoir obferver que les gros Navets dont on fait ufage dans plufeurs Evêchés de Bretagne , peuvent produire autant que les Turneps. On en a jugé par une expérience en petit qu'a fait cètte année M. de la Chalotais. Il compte femer des Navets de Bretagne & des Turneps dans un même terrein. Ils fe- ront cultivés en rayons & avec le même {oin. Il y a beaucoup d'apparence que cette efpéce de culture rendra nos Navets AGRICULTURE: 85 égaux en volume à ceux d’Angjieterre. Une pratique qu’on fuit dans quelques Pan a1s cantons de la Province , mais qui n’eft pas aflez répandue , a fixé l'attention de la Société, par les mêmes raifons qui ont porté les Etats à defirer que la cul- ture des Turneps fût accréditée. C’eft l’'ufage de cultiver des Panais en plein champ. Les détails en ont été expotés dans un Mémoire tiré de plufieurs let- tres de M. le Brigant , Reéteur de Piouezoch , qui paroïît très-inftruit fur cette matière (a), (z) Les Panais doivent être femés dans une terre qui ait été fumée l’année précédente. Ils réuffiffent fur-tout après une récolte d'Orge. La terre doit être bien retournée , bien ameu- blie. À mefure que la char- rue travaille , des hommes armés de béches, ou de pelles, tirent la terre du fond de laraie, & la rejet- tent fur celle qu'a remué la charrue. On forme des plan- ches larges de 10 à 12 pieds. On creufe entre chaque planche un petit foffé , dont on jette la terre fur les deux planches voifines. On fe fert enfuite d’un rateau pour brifer les mottes qui peu- vent refter, & bien ap- planir le terrein. Il faut ce- pendant que la furface de chaque planche ait de cha- que côté une pente légère vers les foffés. La graine doit être femée au plutôt à la fin de Fé- vrier , & au plus tard au mois de Mars. On l’enfonce en paflant fortement le ra- teau fur tout le terrein. Il eft d’ufage de femer en même temps des féves de marais & de planter des choux tout autour de chaque planche. Il eft eflentiel de femer les Panais fort clair. S'il fe trou- ve des endroits où ils lévent abondamment, on en arra- che une partie. Il faut far- 36 AGRICULTURE. Le réfulat des faits qu'il a fournis , eft u'un champ femé en Panais donne un bénéfice triple de celui qu’on retireroit du même champ femé en froment. Ce- pendant le froment donne , année com- mune , neuf pour un, dans le canton d’où l’on a reçu ces inftruétions. Il faut ajouter que le terrein produit de plus, cler avec attention dès que les mauvaifes herbes pa- roiflent, & cette opération doit être répétée plufeurs fois. On peut lever les Panais dès la fin d'O&obre; mais il eft avantageux d’attendre la fin de Novembre. On les éve avec une pelle ou une tranche. Après les avoir ti- rés de terre , on les tient ferrés l’un contre l’autre dans un endroit fec , afin de les conferver long-temps. Ils fervent à nourrir & même à engraifler le bétail de toute efpece. Les che- vaux, les bœufs , les va- ches, les cochons, s’accom- modent également de ces racines. On les leur donne d’abord crues, coupées par tranches , ou refendues fur leur longueur, en deux ou en quatre. Lorfqu’on s’ap- perçoit que les animaux s’en dégoûtent, on met les Pa- nais dans un grand vafe après les avoir coupés par morceaux. On les prefle le plus qu'il eft poffible. On met de l’eau dans le vafe pour remplir les intervalles que les morceaux laiffent entre eux , & on les fait cuire. Dans cet état les bef- tiaux en mangent avec la plus grande avidité, & ne s’en degoûtent plus. Les cochons n’ont point d'autre nourriture pendant tout l'hiver; & quand les fourrages manquent, les va- ches ne mangent que des Panais. Elles donnent alors plus de lait & de meilleur beurre. À l'égard des che- vaux, on prétend que cette nourriture les rend mous, & qu'ils dépériflent dès qu'on leur en donne une autre. On prétend auf qu'elle leur ruine la vue &c les jambes. AGRICULTURE, 87 dans la même année une récolte de choux & une récolte de féves, & que la terre fe trouve bien préparée pour recevoir l’année fuivante du froment & même du lin. Des bénéfices fi confidérables euflent porté la Société à publier fur Le champ le détail des procédés de cette culture , fi elle n’eüt été retenue par une obferva- tion de M. le Brigant fur la qualité de la terre de {a Paroifle. Il dit que ,, l'argile ,»» y eft rare , que la terre n’eft ni tenace > ni vifqueufe ; mais qu’elle eft pierreufe ,» & courte ; que plus on s'éloigne de la >» mer, moins la terre eft propre aux ,» Panais. ,, On a cru devoir commen- cer par vérifier fi les terres argileufes, ou un peu mêlées d'argile , leur {ont con- traires. Cette expérience n’a pu être faite cette année. Il feroit très-intéreflant que cette ra- cine pût réufhr par-tout , parce qu'elle fournit au bétail de toute efpéce une nourriture très-faine & très-abondante pendant l’hiver. En l’uniflant aux Prai- ries artificielles , qui donnent des fourra- ges verds dès la fin d'Avril , & au plus tard au commencement de Mai , un bé- tail nombreux pourroit être entretenu 88 AGRICULTURE, pendant toutes les faifons de l’année. On ne connoît que trop l'étendue des per- tes que fait la Province , lorfque lari- dité du printemps arrête les produétions des Prairies naturelles. Les Fermiers font forcés de vendre à vil prix des beftiaux u'ils font hors d'état de nourrir. Par-là sk portent un coup irréparable à leurs ré- coltes, puifqu'ils perdent toute reffource du côté des engrais. On ne peut donc trop s'attacher & aux Prairies artificiel- les , & aux cultures propres à entretenir le bétail pendant l'hiver. Le bétail eft , par lui-même , une grande richeffe ; d’un autre côté il eft d’étroite néceflité pour aflurer d’abondantes moiïflons. Fortifier cette branche, c’eft aflurer les fuccès les plus prompts & les plus conftans à tou- tes les parties de l'Agriculture. Caufesde L’Article VI du Réglement que les Re Etats ont donné à la Société , charge les griculture, Aflociés ,, d'examiner l'état de lAgri- ,, culture ... de chercher avec foin les >» caufes de fes progrès & de fa déca- » dence , les obftacles qui peuvent lar- ,, rêter, & les moyens d'y remédier. ,, " Ce qu’on vient de dire fur la difette de fourrage , fur l’impoflibilité d’entre- tenir beaucoup de bétail ( impoflhbilité AGRICULTURE. 8 démontrée par le grand nombre d’ani- maux jeunes & maigres que la Norman- die tire de Bretagne , & plus encore peut-être par le dépériflement du labou- rage ) afligne une des principales caufes Me la décadence de l'Agriculture. La So- ciété a indiqué les moyens d'y remédier. Cette caufe eft générale, elle s'étend fur toute la Province. Le reméde pro- pofé porte le même caraétère ; il peut être étendu généralement par-tout. Mais il y a dans chaque canton des vices par- ticuliers, qu'on ne peut détruire que par des remédes particuliers. La connoiïflance de ces vices locaux {uppofe des recherches de détail prefque infinies. Cependant la Société n'eft pas demeurée fans initruétions fur cet article. Des Aflociés de Rennes, de Quimper, de Saint-Malo, de Léon, s’y font apple qués. Voici Ée caufes pa ane qu'ils affignent à à la décadence de l'Agriculture dans leur canton. M. de Never, Affocié du Bureau de Rennes, dit 1°. que les labours font trop foibles. 12 terre devroit être remuée à quinze & dix-huit pouces de profond eur. À peine l'eft-elle à dix pouces {ur la crête du fillon. La quantité de terre remuée 90 AGRICULTURE. diminue infenfblement jufqu’à la raie qui ne préfente qu'une terre fur laquelle le foc a gliflé fans l'entamer. 20, Que les bleds ne font farclés que légérement, & fouvent même ne le font point du tout; négligence qui nuit à la récolte attuelle, & encore plus à celles qui doivent fuivre, par la multiplication des graines des mauvaifes herbes. 3°. Qu'on coupe le bled par gorge , c'elt-à-dire, à huit ou dix pouces au- deflus du fol, & que le chaume n’eft enlevé que long-temps après la récolte. Ces deux pratiques concourent encore à nultiplier les mauvaifes herbes, puifque leur graine eft épargnée, & qu'elle a le temps de mürir & de fe répandre. 4°. Qu'on emploie des fumiers trop peu confommés ; ce qui apporte dans les terres labourées de nouvelles graines des mauvaifes herbes, dont leftomac des animaux n’a pu détruire le germe. s°. Que les champs ont trop peu d’é- tendue ; les arbres dont ils font entourés, le grand nombre de pommiers qu'on y plante, mettent obftacle à la maturité des grains, & cet obftacle s'étend de plus en plus ue année. 6°. Qu'on laiffe féjourner les eaux plu- viales AGRICULTURE. 91 viales dans les foflés , au lieu de les en détourner. Ces eaux pénétrant la terre au niveau de leur furface , font périr le bled , & fouvent même l’empêchent de lever. 7°. Qu'on néglige de changer de fe- mence ; pratique condamnée par tous les Auteurs qui ont écrit fur l'Agriculture. A l'exception des trois derniers Arti- cles , ces obfervations retombent dans la caufe générale qu'afigne la Société , qui eft la difette de Prairies naturelles ou ar- tificielles. Si elles étoient communes en Bretagne , le Laboureur qui auroit plus de beftiaux , n'épargneroit pas leur tra- vail, & donneroit des labours plus pro- le. Il auroit une grande quantité d’en- grais ; ainfi il laifleroit fes fumiers fe con- fommer. Par-là les graines des mauvaifes herbes feroient détruites ; l'opération de farcler feroit plus rare & moins difpen- dieufe , & l'on ne craindroit point en coupant les bleds par gorge , de laiïffer dans fon champ cette molsude de grai- nes fi nuifibles aux récoltes des années fuivantes. Tout fe réunit donc pour prou- ver l'utilité & même la néceflité de mul- tiplier les Prairies. M. Rallier , Aflocié du Bureau de I 92 AGRICULTURE, Rennes , s’eft particuliérement attaché à ce qui concerne la Paroifle de Montau- tour qu'il habite ; mais il avertit que les mêmes obfervations conviennent à uinze ou vingt Paroifles des environs. Il dit qu'à Montautour la mifére eft fi rande , que les habitans manquent à la fois de logement, de nourriture , de vé- temens. L'état de l'Agriculture eft propor- tionné à celui des cultivateurs. Le petit tenancier réduit à payer le louage de la charrue dont il fe fert , fe borne à don- ner un labour à fes guérets , tandis que trois ou quatre fufhroient à peine pour des terres qui font lourdes , compaües, humides & froides. À l'égard des engrais, on eft réduit au fumier de vache, qui eft le moins convenable aux terres humides & fortes ; encore le défaut de fourrage en rend-il la quantité très-infufhfante. Les remédes que propofe M. Rallier feroient très-propres à ranimer l’Agricul- ture & à fortifier la population; mais ils font d’une nature à ne pas faire efpérer qu'ils puiflent être tous employés à la fois, ou même fucceflivement. Cependant la Société croit pouvoir repréfenter d’après lui, que l'Etat trouveroit de l'avantage à AGRICULTURE. exempter de la milice les fils des Fermiers ui ont une ou plufieurs charrues , & à titi le fardeau des impofñitions. Elles ne pourront fe concilier avec l'Agricul- ture , qui eft la bale de l'impôt même, qu'après que le Laboureur aura acquis aflez d’aifance pour faire face & aux taxes & à la cuiture. M. Royou , Reëteur de Trébivant , Affocié du Bureau de Quimper , a porté {es réflexions & fes obfervations fur les différentes efpeces de culture de fon pays. Il s’eft d'abord attaché plus particuliére- ment à fournir des moyens de les amé- liorer , qu'à indiquer les fources de leur décadence. Cependant il dit qu'’aujour- d'hui l'Agriculture eft négligée & pref- que abandonnée ; que les bonnes terres eur mal cultivées ; que non feulement on ne défriche pas , mais que les terres qui avoient été défrichées , reprennent leur ancienne ftérilité. Il afligne pour caufe générale , le peu de foin qu'on a des Prairies naturelles, & le défaut de Prairies artificielles. Cette obfervation conduit M. Royou à penfer que fi les Etats fe portoient à faire diftribuer gratuitementune certaine quantité de graine de Tréfle pendant deux L2 94 AGRICULTURE. années , & enfuite à très-bas prix , tous les Laboureurs cultiveroient cette plante. C’eft le principal encouragement qu'il propofe. Îl en réfulteroit évidemment, dit-1l, qu'on pourroit défricher des ter- res ; qu'on femeroit plus de bled ; qu’on étendroit l'Agriculture , parce qu’on au- roit plus de bétail , & par conféquent plus d'engrais. Le même Affocié donna quelque temps après une fuite de fes réflexions & de fes obfervations. Îl dit que l’Acriculture dé- périt , faute de labours affez fréquens & affez profonds. Il infifte particuliérement fur la nécefhité de répéter les labours. Il cite l'Ouvrage de M. Duhamel fur la culture des terres, comme le meilleur garant de cette manière de fuppléer les engrais. Îl rapporte enfuite les obftacles qui arrêtent les progrès de l'Agriculture. Le poids des fubfides ; l’aflujettiflement à la milice ; la parefle , ou plutôt le dé- couragement des payfans ; leur attache- ment aux anciens ufages ; la difette de fumier ; lPabus de brüler les fumiers , au lieu de les laïiffer confommer , ce qui pro- cure à la vérité un engrais plus prompt , mais beaucoup moins puiflant ; le retar- dement des femailles qui, dans fon can- AGRICULTURE. s) ton, ne fe terminent quelquefois qu'à Noël ; l’avidité des gens d’affaires des Seigneurs , qui ne s'occupent qu'à aug- menter les revenus, fans fonger qu’en épuifant les colons ils tariflent la fource de ces revenus mêmes. La plupart de ces obftacles ne peuvent être vaincus par une Société économi- que. Les exemples & les inftruétions ne peuvent remédier à tout , comme au poids des fubfides , de la milice , &c. A l'égard des autres empêchemens, il y en a que les Etats peuvent faire cefler. Ils procureront l'abondance des engrais, s'ils fe portent à faire diftribuer de la graine de Tréfle ou gratuitement, ou au prix coûtant (a). [ls peuvent faire folli- citer la liberté d’exporter nos bleds. Ce dernier article eft digne de la plus grande attention. À l’évard du retardement des femailles , la Société ne manquera pas de fournir des inftruétions d’après les expé- riences de quelques-uns de fes Membres, loriqu'on laura fufifamment inftruite elle-même des vices de cette efpéce qui {e font introduits parmi les Laboureurs. M. de Couetpeur , du Bureau de (z) Voyez ci-deffus la note de la page 83. + d6 AGRICULTURE. S. Malo , a fuivi à la lettre ce que les Etats ont paru defirer par l'Article VI du Réglement qu'ils ont donné à la So- ciété , & ce que la Société defireroit u'on lui eût fourni fur toutes les parties x la Province. Son Mémoire eftune ex- pofition détaillée de ,, l’état aétuel de la ,, culture des terres dans la partie méri- ,, dionale de l'Evêché de S. Malo ; des ,, caufes qui ÿ font languir l’induftrie; ;, des moyens de l’animer &c d'y perfec- ,, tionner l’Agriculture. ,, On trouve dans ce Mémoire la nature du {ol dans une étendue de douze lieues fur cinq ou fix de largeur ; les efpéces de grains qu’on y cultive ; les différentes efpéces de bétail qu'on y éléve, ou dont on fait ufage. On y a raflemblé les fau- tes que le préjugé & l'habitude font faire aux habitans de ce canton. On y propofe les remédes qui ont paru les plus conve- nables pour arrêter le mal & faire naître le bien. Les uns peuvent être employés par la Société ; les autres ne peuvent être procurés que par les Etats. Parexem- ple, M. de Couetpeur penfe qu'il feroit héceffaire d’éteindre infenfiblement la race des chevaux du Pays. Elle eft pe- tite, foible , & elle fe perpétue, parce AGRICULTURE. 97 qu'on les laifle vaguer aux pâturages fans entraves. Il dit la même chofe des Bœufs & des Moutons. Ils font de trop petite efpéce, & on ne peut efpérer d’en amé- liorer la race qu'en accordant une grati- fication à des perfonnes qui voudroient fe procurer de beaux Taureaux , & fe charger de les garder avec aflez de foin pour les empêcher de faire du défordre. A l'égard des Moutons , il voudroit qu'on procurât à chaque troupeau un Bélier de la grande efpéce. C’eft aux Etats à prononcer fur ces moyens d’amé- loration (a). M. de Couetpeur regarde comme un reméde effentiel , & qui peut-être fup- pléeroit les autres , en augmentant l’in- duftrie en proportion de l’aifance, de multiplier les Prairies artificielles. Les Laboureurs de ce canton fe plaignent cha- que année de manquer de fourrages. Les eflais du grand Tréfle qu’on ya faits, ont très-bien réufli ; on ne peut trouver de circonitance plus favorable pour faire (a) Les Etats ont fait un fonds pour acheter en Poi- tou $4 T'aureaux de la plus belle efpéce. On en diftri- buera re par Evêché; & ceux à qui on les confiera, pourront les vendre au bout de trois ans à leur profit. Ils ont ordonné en même temps l'achat de 108 Béliers de la plus grande efpéce. Il y en aura 12 par Evêché. 14 08 AGRICULTURE. prol pérer cet encouragement. La So- ciété ne peut trop répéter qu'elle le re- garde comme fupérieur à tous les autres, parce qu’il aflure l'augmentation du bé- tail, des engrais, des moiflons, & , ce qui k ’eft pas moins intéreflant, lé fuccès des défrichemens. M. Podeur , Reéteur de Comanna, Aflocié du Bureau de Léon, s’eft atta- ché à la partie de l'Agriculture la plus intéreflante pour la Province , dans un Mémoire qui a pour titre , Du défriche- ment des terres vagues & abandonnées. .» Défricher , dit l’Auteur de PÉffat fur 5 la Police 1 grains (page 318 ) c’eft 3 aggrandir nn terrein , augmenter fes > fujets , fes revenus & fon pouvoir... >» toute terre qui ne produit point , ou »» qui cefle de produire , fait un dé- ,, Chet dans la nation. Tout fonds défri- ,,; Ché ou amélioré eft une valeur réelle ,, que le Cultivateur fait naître ,,.. …. Vérité effentielle qu'on ne peut trop avoir devant les yeux , & qui regarde la Bretagne plus qu'aucune autre Pro- vince. Onne peut la parcourir fans ren- contrer de vaftes déferts à chaque pas. M. Podeur montre à la fois plufieurs obftacles qui nuifent certainement aux AGRICULTURE. 99 progrès des défrichemens , mais qui ne pouvant être attaqués que par des loix nouvelles , paroiflent tres-difhciles à dé- truire. La Société croit devoir garder le fi- lence fur prefque toutes les parties de ce projet ; mais elle faifit avec emprefle- ment l’occañon de repréfenter encore que les terreins nouvellement défrichés devroient être exempts de Dixmes pen- dant vingt années. Le travail des défri- chemens eft onéreux par tant d’endroits, qu'il eit trop juite de laifler en entier au Cultivateur , des récoltes qui ne le dé- dommagent qu’à la longue de fes foins & de fes avances. Un dédommagement fi jufte en lui-même , ne peut être que le fruit des follicitations & du crédit de la Province (a). Tels font les vices de détail qui ont été obfervés par les Affociés dont on vient d’expoler les vues. Les moyens qu'ils propofent, contribueroient tous à l’aug- mentation des récoltes. Pius les Mémoi- (z) Les Etats ont pris du Confeil qui exempte, une Délibération le 17 Fé- pendant 20 ans, les terres vrier 1759, qui charge en- nouvellement défrichées , core MM. leurs Députésen de la Dixme & de toute Cour, de folliciter un Arrêt impoñition réelle, 100 AGRICULTURE res de cette efpéce fe multiplieront , plus il fera facile à la Société d'indiquer les remédes qui font à fa portée. A l'égard de ceux qui font au-deflus de fes forces, elle repréfentera aux Etats à quel dégréils peuvent être néceflaires. Ils jugeront de ceux qu'ils peuvent difpenfer, & de ceux qu’ils doivent obtenir du Gouvernement. Sans l'appui des Etats & fans les graces du Gouvernement , l'Agriculture ne fe relevera jamais de l’état languiflant où diverfes caufes l’ont plongée. .Expor- En attendant des inftruétions plus en des abondantes fur les caufes particulières du dépériflement de l'Agriculture , la So- ciété croit devoir remonter au principe de ce dépérifflement. Il eft effentiel de montrer aux Etats cette caufe première & deftruétive , afin qu'ils prennent de juftes mefures pour tâcher de la faire cefler. La Société envifage ici la défenfe d'exporter les bleds, & ces priviléges particuliers d'exportation , arrachés par la faveur ou par l’importunité , dans les temps mêmes où la prohibition eft gé- nérale. Les prohibitions rendent inévi- table & prefque néceffaire l’infenfbilité du Laboureur fur l'étendue de fes récol- tes; &z le découragement qui en réfulte AGRICULTURE. 101 eft d'autant plus dangereux , qu’on ne peut le lui reprocher fans imjuftice. On ne parlera point ici des avantages que retireroit l'Etat de la liberté d'ex- porter les grains. Cette maxime eft ac- tuellement inconteftable. La vérité en a été portée jufqu’à la démonfitration. L'Effar fur la Police des grains a répandu la plus vive lumière fur cet objet. Tous les Traités de Politique , de Commerce & de Finances s'accordent fur ce prin- cipe , qu'il n’y a que la liberté d'exporter les grains qui puifle raflurer contre les années de difette. Le moyen le plus in- faillible de manquer de bleds , c'eft d’en interdire la fortie. La Société croit pouvoir fe borner à repréfenter aux Etats que le mauvais état de notre Agriculture , fa diminution & l’obftacle invincible à fon accroiflement , découlent principalement des prohibi- tions. Nous avons nourri l’Angleterre tan- dis que nous avons fait hbrement un Com- merce qu'elle s'étoit interdit. Elle nous fournit des grains pour des fommes im- menfes (a) , depuis qu’elle a attaché une (a) Depuis 1746 jufqu'à 34 millions 67 mille livres Ja fin de 17s0,l Angleterre tournois de grains de toute a vendu aux Etrangers pour efpéce , dont la France a 102 AGRICULTURE. récompenfe à l'exportation, & que nous y attachons des peines. Ce fait eft déci- fif, mais la Sociéré cherche à juftifier par des moyens plus direëts le defir qu’elle a de voir accorder une entière liberté au Commerce des grains. Elle croit que c’eft par la valeur du bled que linconvé- nient des prohibitions & l'avantage de la liberté doivent être prouvés. La Société s’eft procuré les apprécis des différentes efpéces de grains de plu- fieurs cantons de la Province. Elle s’eft informée de ce que coûtent les labours , les engrais , les frais de récoltes. Des calculs auffi exaëts qu’il étoit pofhble d’en faire fur un aflez petit nombre d’élémens, lui ont ouvert une route qu'elle croit ne devoir pas abandonner. Si l’on forme une fomme de la valeur des différentes récoltes, comme froment, feigle , orge , bled-noir , avoine , on trouvera qu'elle répond à peine au prix qu’eft affermé annuellement le fonds qui les a produites. Si l’on confidére de plus payé pour fa part dixmil- Woyez l’Effai fur la Police lions 465 mille livres pour générale des grains, p. 144. les bleds qu’elle a tirés en Voyez le même fait dans 1748, 1749 & 1750.C'eft Les Avantages & défavan- un million 488 mille 333 tages de la France & de là bv. 6 fols 8 den. par an. Grande-Bretagne , pag. 86, AGRICULTURE. 103 que dans prefque toute la Province , les terres labourées ont befoin d’une , de deux & même de trois années de repos; que pendant ces années de repos le Fer- mier paye le même prix de fa ferme que dans les années de moiflons ; on ne fera pas étonné qu'après avoir déduit le prix de la femence , la dixme , les frais de culture & de récolre, il refte à peine au Laboureur de quoi payer le Propriétaire. _Sice point de fait étoit bien prouvé , la caufe de la mifére des Laboureurs feroit évidente. On verroit qu'ils n’ont de ref- fource pour fubffter que le produit des lins , des chanvres, & que ce qu'ils re- tirent de petites induftries , comme la vente des laitages & du beurre, les char- rois faits à prix d'argent , &c. Plus le Laboureur eft pauvre , plus ces moyens d'induftrie font foibles & infufifans pour une famille un peu nombreufe. Plus ils font infufhfans , moins il eft en état de {outenir les récoltes par de bons labours, par d'abondans engrais ; moyens fans lef quels il feroit infenié de compter fur de riches moiflons. Or le défaut de liberté dans le Com- merce des Grains paroît être la caufe im- médiate de tous ces maux. Une denrée 104 AGRICULTURE. vendue fans concurrence d’acheteurs , demeure néceflairement à trés-bas prix ; & la vente fe fait fans concurrence d’a- cheteurs, dès que la denrée n’entre point dans le Commerce. Ainf la profeffion de Laboureur , quoique la plus utile , eft fans aucune proportion , la plus malheureufe qui foit dans l'Etat. Il n'eft peut-être pas étranger à la matière qu'on traite d'en indiquer les principales raifons. Anciennement l’exportation des bleds étoit libre en France. M. de Sully la re- gardoit comme le feul moyen de mettre le Laboureur en état de payer les fubf- des. Voici les effets de cette liberté ex- primés par un Auteur Anglois de grande réputation (a), & qui écrivoit en 1621. ,, Les François nous nourriflent de leur ,» propre bled , même dans les années ,, les plusabondantes.... Ayant recueilli ,, depuis quelques années beaucoup plus ,, de bleds que nous ne pouvons en con- ,, fommer , nous ne trouvons pas cepen- ,, dant le moyen de le vendre , les Fran- (a) Traité contre l’ufure, glois fur la néceflité de baïf= par le Chevalier Thomas Cul. {er l'intérêt de l'argent lorf- peper , pag. 464 6465. C'eft qu'on veut faire un grand cet Auteur qui le premier commerce. a ouvert les yeux aux Ân- AGRICULTURE. 10 ,, çois fourniflant nos marchés de leurs ,» propres bleds , à beaucoup meilleur ,, marché que nous ne pourrions faire le 5 NÔtEE SES C’eft principalement fous le Miniftère de M. Colbert que le fyftême de la pro- hibition s’eft fortifié. Occupé du projet raifonnable en foi, de multiplier nos Ma- nufaétures , il fentit que le bas prix de la main - d'œuvre étoit le plus für moyen d'éviter la concurrence des Fabriques étrangères. En conféquence il défendit la fortie des grains, pour mettre les ou- vriers en état de donner leur temps & leur travail à meilleur marché.. C’étoit facrifier le Laboureur au Manufa@turier, On n’augmentoit pas le Commerce du Royaume , on en changeoït feulement l'objet. Au lieu de vendre du bled & des beftiaux pour acheter du drap , ces mefures tendoient à nous faire vendre du drap , tandis que nous acheterions du bled & des beftiaux. Les défenfes perpétuelles de vendre nos grains à l'étranger, devoient nécef- fairement mettre une difproportion im- menfe entre la profeflion du Laboureur & toutes les autres. Cette prohibition, comme on l’a déja dit, devoit rendre fa 106 AGRICULTURE. conaition la plus malheureufe de toutes celles de l'Etat. Pour s’en convaincre , il ne faut que mettre le Laboureur vis- à-vis d’un Marchand , de quelque mar- chandife que ce foit. Le Manufatturier qui vendde la toile, ou d’autres étoffes, pour habiller le La- boureur & fa famille, a la liberté de les vendre en même-temps aux Etrangers. Si l'Etranger en donne un plus haut prix que le Laboureur, ce dernier eft forcé ou de fe pañler de ces marchandifes , ou d’en donner le prix offert par l'Etranger, parce que leur fortie eft continuellement permife. Lorfque le Laboureur vend fon bled pour acheter cette toile , ou ces étoffes , il eft forcé d’en recevoir le prix qu'on lui en offre dans le Pays. La fortie de fa denrée étant défendue , il ne peut profiter des offres que lui feroit l'Etran- ger; ainfi perfonne ne peut lui en donner un meilleur prix que celui qui doit la confommer fur.les lieux. ; | Comme on envifage ici l’état du La- boureur en général, & tel qu'il eft dans le Royaume , on peut dire qu'il a le même défavantage vis-à-vis du Vigneron qui, commelui, n’eft qu'un Cultivateur , que vis-à-vis du Manufacturier. Un Laboureur qui AGRICULTURE. 107 qui veut acheter une piéce de vin , a pour concurrens les Flamands, les Hollandois, tous les Peuples du Nord , les Habitans de nos Colonies. S'il veut vendre du bled pour payer , le Vigneron achéte le bled {ans concurrence. Ainfi le Laboureur reçoit la loi de tou- tes les profeflions dont il a befoin pour {on habillement & fes autres néceflités , & il ne peut la donner dans aucun cas pour la vente de fa denrée, pas même dans celui où fa rareté la rend plus chère. Le Royaume étant toujours ouvert pour recevoir le bled des étrangers , lorfque fa rareté porte nos voifins à nous en en- voyer , le Laboureur n’eit plus maître du prix de celui qu'il a recueilli. Il eft forcé de fuivre le prix du bled étranger, qui quelquefois fe vend à perte , ou à fi bas prix , que le Laboureur François ne retire pas les frais de fa culture & la va- leur de fes femences. Il eft donc forcé par la pofition où le met la défenfe per- pétuelle d'exporter les grains , d'acheter la denrée & les marchandifes qui lui font néceflaires au plus haut prix poffible, & de ne vendre jamais la fienne qu’au plus bas prix pofñble. | La défenfe d'exportation devoit nécef- K 108 AGRICULTURE. fairement réduire la culture à l’approvi- fionnement d’un petit cercle de confom- mateurs , fur-tout lorfqu'elle s’étendoit d’une Province de France à une autre Pro- vince (a). Le Laboureur qui ne pouvoit plus efpérer de retrouver dans la vente de fon grain de quoi fe dédommager des frais & des rifques de la culture ; aban- donna celle qui lui coûtoit le plus. Par cette raifon il cefla de cultiver les mau- vaifes terres & même les médiocres. Il {e réduifit à la culture des meilleures, parce qu’elles étoient d’un rapport plus afluré & moins coûteux. Ainfi l'Etat per- dit toute la quantité de grains que lui fournifloient autrefois les médiocres & les mauvaifes terres. La Bretagne eft couverte de témoins de cette trifte révo- lution. Elle offre prefque par - tout le fpeétacle de terres autrefois cultivées. L'impreflion du foc dont elles confer- vent les veftiges , attefte ce fait de tous côtés. L’exportation des grains étoit libre (a) Cette prohibition de que cette petite portion de Province à Province, n’a liberté ft du moins ap ceflé qu’au mois de Septem- puyée fur une Déclaration bre 1754, en vertu d’un du Roi, enrésiftrée dans Arrêt du Confeil. Le bien tous les Parlemens. de la Nation demanderoit AGRICULTURE. 109 alors ; le Laboureur fe regardoit non feulement comme le pourvoyeur de fon pays, mais comme celui de l'univers. La perfpettive d'une confommation fans bornes l’invitoit à étendre & à multiplier les produétions de la terre. La prohibi- tion ayant rétreci depuis le cercle des confommateurs , la culture s’eft propor- tionnée à la confommation du pays où la denrée pouvoit librement circuler. L’ex- périence ne prouve que trop que dans un pays où la fortie des grains eft perpé- tuellement défendue , on ne féme que pour fon propre befoin. Il en réfulte qu'on recueille quelquefois au-deflous du néceflaire, Dans les pays où l’exporta- tion eft perpétuellement permife , on féme pour fa fubfitance & pour celle d’autrui ; par conféquent dans les mau- vaifes années on doit plus recueillir qu’on ne peut confommer. Si des loix défendoient l'exportation de nos vins , de nos eaux-de-vie , de nos huiles , le Royaume verroit la cul- ture en tout genre fe reflerrer infenfble- ment à la confommation intérieure , & la difette ne tarderoit pas à fe faire fentir. Qu'on défende la fortie de nos toiles, de nos étoffes de foie , de laine, de coton, K 2 110 AGRICULTURE. cette loi équivaudra à unordre de démo- ir la plupart de nos Manufaétures , & de n’en laifler fubfifter qu'une quantité mefurée fur nos befoins. Par quel miracle arriveroit-1l que des prohibitions qui détruiroient nos richeffes de toute efpéce , euflent le fingulier ef- fet de les augmenter fur l’article impor- tant des bleds ? Auf l'Agriculture a-t-elle dépéri ; aufh les récoltes font-elles moins abondantes ; & on ne doit efpérer de les voir augmenter qu'autant que le Cultiva- teur verra qu'il eft de {on intérêt de s’y adonner. Le refpeët dû aux Etats a empêché celui des Membres de la Société qui s’eft occupé de cet objet , de mettre fous les yeux de la Province un travail qu'il ne regarde lui-même que comme une ébau- che. Mais cette ébauche peut devenir un tableau aflez intéreflant pour mériter qu’on appuie les efforts qui tendroient à le perfectionner. La Société defireroit donc que dans tous les Evêchés de la Province, des Ci- toyens priflent la peine de faire la com- paraïfon des différens prix qu'ont eu les terres labourées depuis un fiécle ; de for- mer des états détaillés des avances & des AGRICULTURE. 111 frais qu'exige chaque efpéce de culture ; de marquer quelle quantité de grain on {éme & on recueille dans un Journal, & que ces états fuflent accompagnées du prix commun des grains depuis vingt ou trente années. Ces élémens fufhroient our démontrer à quel point l’Agricul- ture fouffre du défaut de liberté fur l’ex- portation. La Société peut du moins aflu- rer que les inftruétions qu’elle s’eft pro- curées fur ces différentes parties , font autant de témoins contre la prohibition. Ainf les faits & les raifonnemens con- courent à faire defirer une liberté abfolue pour le Commerce des bleds. Mais quand même on allégueroit en faveur des prohibitions des raifons plus impofantes que la peur de la difette (ar- gument unique contre la liberté) il n’en {eroit pas moins vrai que les permiflions particulières d'exporter découragent le Cultivateur & ruinent l'Agriculture. La Société pourroit fournir à cet égard des preuves fans réplique , mais elle auroit befoin du fecours des Etats. Ce fecours confifteroit à procurer un relevé des ré- gitres des Ports & Havres, fur la quan- tité de grains exportés d'année en année en vertu de priviléges. Le prix des grains K 3 112 AGRICULTURE. en Bretagne pendant chacune de ces an- nées eftconnu. La Société s’aflureroit du prix qu'avoient ces grains dans les diffé- rens Ports d'Europe où ils ont été en- voyés. Îl feroit donc aïfé de juger du bé- néfice que les permiflions ont procuré à ceux qui les ont obtenues. On verroit l'avantage qu’eût retiré le Cultivateur de la liberté d'exporter , & de combien il eût pu augmenter le fonds qu'il emploie à la culture. L'abus qu’on fait de ces priviléges en exportant au-delà de la quantité permife ; le peu de vigilance des Commis fur un Commerce qui ne leur produit point de droits , peuvent éloigner de la précifion qu'on voudroit apporter à cette opéra- tion. Mais ce fera toujours un avantage que de pouvoir fixer les profits qui ont été faits fur les parties qui pourront être connues. Si les Etats approuvent & favorifent ces vues , & que la Société foit chargée de les remplir , ilen réfultera un Mé- moire décifif pour ou contre les prohibi- tions & les permiflions particulières. Ce fera un fondement inébranlable pour les repréfentations que la Province croira devoir faire au Miniftère fur un objet fi AGRICULTURE. 113 intéreflant pour elle & pour le Royaume même (a). Le Roi & fes Miniftres defirent que les peuples foient dans l’aifance , que la culture foit encouragée & fecourue. Des u'il fera démontré par des faits que la défenfe d'exporter a rétreci les anciennes limites de l'Agriculture ; que le travail du Laboureur lui fournit à peine de quoi payer le Propriétaire, on ne doit pas douter que le Gouvernement ne cherche à multiplier la plus néceflaire de nos pro- duétions, en lui ouvrant tous nos Ports. Les perfonnes qui n’ont pas appro- fondi ce fujet d'économie & de politi- que , pourroient craindre que la libre {ortie des grains n’en augmentät le prix; mais tout le monde fçait que la facilité & l'abondance des ventes fait multiplier ja culture. Il eft inutile de prouver que la culture ne peut fe multiplier fans appor- ter de la diminution au prix de la den- rée (b). D'ailleurs des actes très-authen- (a) Les Etats ont chargé MM. leurs Députés & Pro- cureur-Général-Syndic en Cour , de folliciter avec les plus vives inftances une per- miflion générale & perma- nente d'exporter les grains de la Province ; & la So- ciété a été chargée de leur fournir un Mémoire propre à écarter les difficultés qu’on peut faire fur cette ma- tière. (b) Voyez l'Effai fur l’état K4 114 AGRICULTURE. tiques doivent raflurer les perfonnes les plus inquiétes. Le prix du bled a di- minué de plus en plus en Angleterre, depuis qu’on a chargé de taxes à l'entrée celui des étrangers , & qu'on a payé les Marchands qui exportent les bleds de la Nation. Avant que ce point de fait eùt été prouvé par l'expérience de l’Angle- terre , on pouvoit attaquer les principes en les traitant de fpéculations , de fyfté- mes. Aujourd'hui ce feroit argumenter contre des faits inconteftables. La Société n’envifage pas l’aifance du Laboureur du côté du bénéfice qu’il pour- roit faire fur chaque boiffeau de grain en particulier ; mais elle trouve le principe de cette aïfance dans de petits profits multipliés fur une denrée dont il fera le maitre, qu'il fera für de vendre, & qu'il cultivera par préférence, dès qu'il en pourra difpofer. Aurefte , s'il eft intéreffant fur-tout pour le petit peuple, que le bled ne foit pas trop cher , il a plus d'intérêt encore qu’il ne tombe pas à trop bas prix. En 1744 le froment ne fe vendoit à Rennes du Commerce d'Angleterre lice générale des grains . de- de John Cary ,tom.I,p.72. puis la page 140 Jufqu'a la € fur-toui l'Effai fur la Po- page 161. AGRICULTURE. 11$ que 9 liv. 10 f. la charge , pefant à peu près 330 livres. Le Laboureur qui ne re- tiroit pas fes frais de culture , ne pou- voit payer le Propriétaire , & l’un & l'autre étoient hors d’état d'occuper ceux qui ne fubfitent que de leur travail & de leur induftrie. Ainfi le bon marché du bled caufoit la difette de l'argent , fans lequel le peuple ne peut avoir du bled à quelque prix qu'il fe vende. La liberté d'exporter remédie au double inconvé- nient de la cherté & du bas prix exceflif, qui produifent un même eflet par rap- port au petit peuple. Quoique la Société regarde la prohi- bition d'exporter les grains comme le plus grand obftacle à Fexpanfion & aux pro- grès du labourage, elle s’eft occupée des moyens de foutenir & même de perfec- tionner cette partie de l'Agriculture. M. Baudouin, Aflocié du Bureau de Dol, a communiqué un procédé dont il fait uface depuis quinze ans. Il confifte à faire tremper le bled dans une faumure de fel marin pendant vingt-quatre heures , & à le faupoudrer de pouflière de chaux vive , la veille du jour où il doit être femé. Il féme un peu moins de grain que les autres Laboureurs dans une même Culture des Bleds, 116 AGRICULTURE. étendue deterrein. Cependant farécolte eft environ de treize pour un , & fon bled péfe cinq à fix livres de plus par boifleau que celui de fes voifins. La Société envoya dans plufieurs en- droits de la Province , des copies de ce procédé. Quelques perfonnes l'ont mis en pratique , mais elles n’ont point fait part du réfultat. M. de Montluc qui a fait aufhi cette expérience , n’a pu en ap- précier les avantages. Il n’étoit pas à la campagne dans le temps de la récolte , & malheureufement fes gens d’affaires n'y donnerent pas toute l'attention qui leur avoit été recommandée. M. le Brigant, Reëteur de Plouezoch, a bien voulu faire faire la même expé- rience dans fa Paroifle. Il a mandé le 23 Août 1758, qu'un homme qui avoit mis dans une partie d’un champ , du bled préparé à la maniere de M. Baudouin, lui avoit dit qu’il n’y avoit point du tout de bledcharbonné dans cette partie , comme dans le refle du même champ ; qu’il pe[oit beaucoup plus. Il ajoute que d’autres ont fait la même épreuve , & que lorfqu'ils auront battu leurs bleds , il en enverra un détail exaët. Comme felon toute ap- parence les Laboureurs des environs de AGRICULTURE. 119 Morlaix battent pendant l'hiver, il n’eft pas étonnant que M. le Brigant n'ait pas encore envoyé le détail qu'il a promis. Le fait qu'il rapporte que le bled pré- paré a été préfervé du charbon , tandis que le refte du champ femé fans prépa- ration en étoit infeité , eft intéreflant pour la Société. Elle avoit été avertie qu'une partie des bleds de cette année étoit corrompue par la maladie qu'on nomme uéle , charbon ou carie. Cette maladie eft contagieufe ; ainfi l’on jugea qu'il étoit indifpenfable de publier une inftruétion qui pût garantir la récolte prochaine de la corruption dont elle étoit menacée. L'inftruétion dont il s’agit a été impri- mée & diftribuée dans la Province. On y indique, comme un préfervatif contre la contagion du charbon , une leflive de fel marin , après laquelle on faupou- dre le grain qui a été humetté , avec de la poufhière de chaux vive. Ce que M. le Brigant rapporte de l'effet qu'a pro- duit contre la même maladie le procédé de M. Baudouin , eft une preuve anti- cipée de l'efficacité du reméde indiqué dans linftruétion imprimée. Il eft vrai qu'on avoit pris toutes les précautions 118 AGRICULTURE, pofibles pour s’aflurer de la bonté des préfervatifs propofés au public. On con- fulta les meilleurs Auteurs qui avoient écrit fur cette matière , & en particu- lier les excellens Mémoires de M. Tillet. On écrivit à M. Tillet lui-même , pour lui demander des éclairciflemens , & ül les donna avec une promptitude digne de fon zèle pour l’encouragement de l’Agri- culture. Cette inftruétion étoit d’autant plus néceflaire , que la maladie qu'il s’a- gifloit de prévenir , diminue quelquefois d’un quart, d’un tiers & même de la moitié les récoltes du Royaume (a); perte qui monte à plufieurs millions. Si les maladies des bleds caufent des pertes aux Cultivateurs , ils en éprou- vent quelquefois de très-confidérables par les pluies qui furviennent dans le temps des moiflons. Le Bureau de Nan- tes attentif fur cet objet, confulta M. Naigle , célébre Agriculteur d'Irlande. Voici le précis de fa réponfe. J'ai remarqué, dit-il, que dans le Comté Nantois on n’eft jamais afluré de la fubfftance des peuples qu'après que (az) Voyez La fuite des Ex- le Traité de la Culture des périences & réflexions, &c. terres de M. Duhamel, tom. de M. Tillet | page 64 ; & 5, pag. 182 6183. AGRICULTURE. 11 les grains font en grenier. Quand le temps de la récolte eft pluvieux , on perd fouvent le quart du grain , & ce qu'on en recueille eft fouvent très-en- dommagé par les pluies. Pour prévenir des inconvéniens fi pré- judiciables , il faudroit qu’à mefure qu'un Moiflonneur coupe le bled d’un fillon, un homme ou une femme fit les serbes , en recourbant les épis & les faifant ren- trer dans les gerbes mêmes. Il faudroit les lier enfuite & les faire de la moitié moins grandes qu’a l’ordinaire , tant pour la facilité de les lier , que pour celle de les tranfporter & de les amonceler. Lorfque le bled eft lié, le Moifflonneur doit le porter au milieu du champ , & y former des meules de fept , huit & neuf cens gerbes , obfervant de mettre les épis en dedans. On doit laiffer ces meu- les , qui ont la forme d’un cône ou d’un pain de fucre, pendant dix-huit ou vingt jours au milieu du champ , pour efforer Je grain. 5 Après ce temps on tranfporte les ger- bes dans une cour , pour les mettre une {econde fois en meules, fuppolé qu'on n'ait pas de hangars ou granges. Tel eft Jufage d'Angleterre & d'Irlande. Il eft 120 AGRICULTURE, plus aifé de battre le bled ainfi efloré , que lorfqu’on vient de le moiflonner. Il acquiert même un dégré de maturité & de perfettion, lorfqu’on le laifle quel- que temps en meules. Lorfqu'il eft battu, il eft bon , fi le temps le permet , de l’expofer au foleil avant de le mettre en grenier. Ces obfervations regardent prin- cipalement le froment. Méthode Ce n’eft pas aflez que de conferver de M Tull Los récoltes , il feroit bien intéreffant d’en augmenter le produit. C’eft ce qui a rendu la Société très-attentive aux ef- fets de laméthode de M. Tull, excellent Cultivateur Anglois. M. Blanchet a ap- orté d'Angleterre en Bretagne cette méthode fingulière ; il la pratique de- puis plufieurs années dans fon propre bien fitué près de Meffac. Elle lui donne des moifions fi fupérieures à celles de fes voifins , qu'elles ne peuvent entrer en comparaïfon. M. Duhamel, de l’Académie Royale des Sciences, & M. Lullin de Château- vieux , ancien Conful de la République de Genêve , ont fuivi cette culture en grand. Les réfultats qu’ils en ont faitim- primer, promettent des bénéfices très- confidérables, Cependant des motifs de AGRICULTURE. 121 plus d’une efpéce ont déterminé la So- ciété à ufer de la plus grande circonfpec- tion à ce fujet. M. de Nevet , Aflocié du Bureau de Rennes, avoit cultivé du froment fui- vant les principes de M. Tull , plufieurs années avant l’établiflement de la Société. Il avoit eu d’abondantes récoltes , mais inférieures à celles de MM. Duhamel & de Châteauvieux. D'un autre côté , la nouvelle culture exige des inftrumens chers, qu’il eft dif- ficile de fe procurer , qui demandent une adrefle & des attentions dont tous les Laboureurs ne font pas capables. Ces inftrumens d’ailleurs paroiïflent encore éloignés de la perfeétion , puifque M. Duhamel & fes correfpondans y font continuellement des changemens. C’eft le femoir fur-tout qu'on envifage ici. On doit confidérer aufli que les fré- quens labours qui entrent dans cette cul- ture ( quoique d’une dépenfe très -infé- rieure à celle qu'ils femblent exiger ) ne peuvent qu'effrayer les Cultivareurs ordinaires. [ls ne fe rendent jamais raifon par des calculs, de ce qu’ils doivent efpérer ou craindre des méthodes qu'ils n'ont pas éprouvées. 122 AGRICULTURE. Enfin l'Encyclopédie (a) fans attaquer direttement la culture de M. Tull, tend à éloigner les Cultivateurs de l’adopter. [left vraique l’Auteur de Particle Froment ne s'engage dans la difcuflion d’aucuns faits ; ils lui ont paru , fans doute, trop bien atteftés. D'ailleurs il ne produit pas une feule expérience qui autorife fa ré- pugnance à fuivre la méthode de M. Tull. Mais toutes ces difficultés réunies ne per- mettent pas à la Société de prendre un parti. Les fucces de M. Blanchet font aflez impofans pour mériter une attention particulière. Il a inventé un femoir dont on parlera dans la fuite. M. de la Cha- lotais en fit conftruire un femblable , au mois d'Oétobre 1757. Il fit femer dans un même champ, le même jour & avec le même froment, plufieurs fillons fuivant la méthode de M. Tuill. M. Blanchet dirigea cette opération. Le refte du champ fut femé à la manière ordinaire. On comptoit comparer , lors de la récolte, le produit des fillons de la nou- velle culture , au produit d'une quantité égale de terrein femé fuivant l’ancienne méthode. L'inattention des Moiffonneurs (a) Voyez le mot FROM&NT, tor.7, pag. 336 AGRICULTURE. 123 a privé de ce réfultat. Ils mêlerent par méprife des gerbes qui devoient être fé- parées , enforte qu’on n'a pu conclure de cette expérience que la fupériorité des épis & des grains du froment femé en rayons. Quelques jours avant la maturité on choifit dans la partie du champ femé fui- vant l’ufage ordinaire , les plus beaux épis qu'on püt remarquer. Ils étoient en petit nombre , & leur longueur n’excé- doit pas trois pouces & demi. Prefque tous les épis des fillons femés en rayons avoient la même longueur , & il y en avoit plus de la moitié qui étoient longs de près de cinq pouces. Tous les grains de bled avoient fourni plufieurs tuyaux ; on en compta vingt-un fur un feul pied. Il en réfulte évidemment qu'avec une moindre quantité d’épis les fillons euflent donné plus de bled que le grain femé à l'ordinaire dansune égale étendue de ter- rein. Cependant les labours intermédiai- res & de détail avoient été un peu né- gligés. La culture de M. Blanchet dans la même année peut fuppléer ce qu’on re- grette de n’avoir pu déterminer chez M. de la Chalotais. Il fema dans l’automne À 124 AGRICULTURE. de 1757, en préfence de M. le Préf- dent de Montluc & de M. de la Bourdon- naye , Procureur - Général- Syndic des Etats , un champ nommé / Monnaie d contenant deux journaux quatre cordes. Il n'employa qu'un boifleau de grain, c’eft-à-dire , le cinquiéme de la quantité de froment que tout autre eût femé dans une égale étendue de terrein. Une partie du champ fut ravagée par les vers, au point que cette partie qui en faifoit à peu près la moitié, n’a fourni que qua- rante-deux gerbes , l’autre moitié en a donné cent vingt-quatre. Cependant le terrein total a produit cinquante-quatre boiffeaux de froment. Ainfi, tousfrais de culture déduits , le froment apprécié fur le pied de quatre francs , prix aétuel , ce champ a donné de profit net 93 liv. Les épis étoient communément de plus de cinq pouces de longueur , & il n’étoit pas rare d’en trouver de fix pouces. Cette récolte étoit la troïfiéme en froment que M. Blanchet retiroit de la même terre, fans y mettre de fumier. Il fema en même temps fuivant l’ufage du Pays ( & avec plus de foin )un champ nommé /a Mouffauderie | contenant un journal trois quarts & quatre perches. AGRICULTURE. 12$ Il y employa , proportion gardée, cinq fois autant de femence que dans le champ de la Monnerie. Il n’en a retiré qu’une récolte de trente-deux boïfleaux ; enforte que , frais déduits , ce champ ne lui a donné de bénéfice net que 14 liv. Gf. Il étoit à la vérité moins grand d’un hui- tiéme que le premier ; mais en compa- rant uné même étendue de l’un & de l'autre , on trouve qu'un journal cultivé à la manière de M. Tull, a produit au Propriétaire 46 liv. 1of. de bénéfice net, & qu'un journal cultivé à ordinaire ne lui a rendu que 8 liv. 4f. Ces faits font tirés d’un regiftre de frais & de produits de culture que tient M. Blanchet , & qu'il a bien voulu communiquer. On ne peut fe difimuler que la com- paraïfon qu’on vient de faire ne foit très- favorable à la nouvelle culture ; cepen- dant pour écarter tout nuage , M. le Pré: fident de Montluc a fait préparer avec très-crand foin un champ de fept jour- naux trente-deux cordes ; il l’a fait fe- mer à la fin de Septembre 1758 , en préfence de M. Blanchet & avec fon femoir. On a fait note de tous les frais &c de la quantité de femence employée. On écrira la dépenfe des labours parti- L2 126 AGRICULTURE. culiers, & le produit de la récolte fera marqué exattement. On fçaura donc avec précifion jufqu’à quel point la mé- thode de M. Tull peut être préférable aux nôtres. M. de Sécillon , Gentilhomme des environs de Guerrande , a fait femer douze journaux cette automne , en pré- fence de M. Blanchet. M. Alba, fils, de Pontivy , a fait dans le même temps un effai femblable. Le Sieur Rozaire, Fer- mier riche & intelligent des environs de Rennes, a femé un journal & demi fui- vant la même méthode. M. Blanchet continue fa culture ; il y a employé cette année dix ou douze journaux. Ainfi après la moiflon de 1759, la Société aura cinq objets de comparaïfon , qui lui fourni- ront des réfultats. Quelque favorables qu’ils puiflent être, on n’oferoit fe flatter d’accréditer géné- ralement une culture qui exige beaucoup de foins & une précifion dont les payfans {ont rarement capables. Mais les perfon- nes plus éclairées qui demeurent à la cam- pagne , peuvent en profiter, & ce feroit une addition au produit de nos moiflons. Il en réfulteroit un autre avantage qui eft très-defirable , & qui deviendroit général. AGRICULTURE. 127 On reproche univerfellement aux Pay- fans d'employer trop de femence. Les récoltes en font moins abondantes , & le grain fuperflu eft une perte qu'il feroit utile au Laboureur de s'épargner. La multitude de tuyaux que produit un feul grain dans une culture qui n'exige qu'un cinquiéme de la femence ordinaire , les porteroit peut-être à ménager le grain qu'ils fément. On doit efpérer du moins que l'exemple les difpoferoit à fe con- former avec moins de répugnance aux inftruétions qu'on leur donneroit fur ce fujet. M. Baudouin du Bureau de Dol, qui retire de fa culture treize pour un, ne {éme que 150 livres de Froment par journal. Prefque tous les Laboureurs , du moins dans l’'Evêché de Rennes , f€- ment plus de 200 livres de grain dans le même efpace de terrein. Quelques Aflociés des Bureaux de Rennes & de Nantes ont eflayé dès 1757 la culture du bled de Smyrne , plus connu peut-être fous les noms de É/ed de Miracle , ou Bled de Providence. Un affez petit nombre d’épis les a mis en état de femer ce même bled plus en grand cette année. Si ces épreuves réufliflent , ilfera très-avantageux de multiplier cette L3 128 AGRICULTURE. efpéce de bled. Les épis produifent cent cinquante, & fouvent deux cens grains. M. le Marquis d’Orvault qui en cultive depuis trois ans , a afluré qu'il en avoit femé dans une bonne terre , mais fans engrais ; dans de bonne & dans de mau- vale terre qu'il avoit fumée ; que le pro- duit de ces terreins étoit à peu près égal. M. Duhamel a écrit à un des Membres du Bureau de Rennes , que ce grain de- voit toujours être femé dans les meilleu- res terres. M. d'Orvault fit moudre une partie de celui qu’il récolta en 1757 ; ül eut de la farine d’une blancheur furpre- nante , peu chargée de fon. Il en fit faire du pain très-beau & très-bon. Il lui reftoit une écuelle rade (ou rafe ) de femence, qui a rendu en 1758 fix boifleaux Nan- tois combles. Le boiffeau péfe à peu près quatorze livres. M. d'Orvault cultive une autre efpéce de froment qui vient du Levant comme le bled de Miracle. Il dit qu'il rend qua- rante pour un. Comme il n’explique pas de quelle manière il la cultivé, il eft in- pofhible de juger fi ce produit eft aufli confidérable qu'il le paroît d’abord. On s’aflurera des avantages qu’il femble pro- mettre. _ AGRICULTURE. 129 Les objets de culture dont on a parlé jufqu'à préfent , font étroitement nécef- fares à la fubfiftance de l'homme. Les Prairies mêmes doivent être rangées dans cette claffe , puifqu’elles entretien nent le bétail , dont la plus grande par- tie fert à fa nourriture. D'ailleurs c’eit le bétail qui foutient la fécondité des terres par les labours & par les engrais. Il eft temps de parler de la partie de A ture qui a un rapport plus direëét avec nos Arts & notre Commerce. Le Lin eft la plus précieufe de nos pro- duétions , par la diverfité des emplois dont elle eft fufceptible. La Sociéré s’en eft occupée comme d’un objet de culture que les Etats defireroient d’accréditer dans Ja partie méridionale de la Pro- vince (a). Mais elle a fenti en même temps qu'il étoit de la dernière impor- tance de naturalifer entiérement cette plante dans la Bretagne. Sa culture ne {era , pour ainf dire , que précaire tant que nous ferons forcés de tirer la graine de l'étranger. La Société a donc cru de- voir chercher les moyens d'entretenir notre graine dans un état de fécondité (a) Voyez ci-devant, pag. ticle XIV des Délibérations 41, les Obférvations fur l'ar. des Etats du 10 Février 1757. L4 LENS 130 AGRICULTURE. permanent , ou de lui rendre fa première vigueur , après que trois Ou quatre ré- coltes l’auront énervée. Le moyen le plus apparent de recueillir de bonne graine de Lin , eft de lui laïffer acquérir fon dernier dégré de maturité. Lorfque le Lin eft femé fort épais, & qu'il eft recueilli avant d’être tout-à-fait mûr , il donne une filafle fouple, douce, plus propre par conféquent aux ufages auxquels on le deftine communément : mais cette méthode a l'inconvénient de ne fournir que de la graine médiocre & en petite quantité. Les plantes croiflant très-près l’une de l’autre, font néceflai- rement plus déliées ; la graine en reçoit peu de fubftance , ainfi elle ne peut être que foible. D'un autre côté , dès qu'on anticipe le temps de la maturité pour ar- racher le Lin, la graine ne peut acquérir toute la vigueur dont elle auroit befoin our donner l’année d’après de belles roduétions. Si les régles de l’analogie n’étoient pas fouvent trompeufes en ma- tière de végétation , on pourroit compa- rer ces graines produites par des plantes encore herbacées , au bled recueilliavant fa maturité. M. Duhamel & M. Aimen(a) PET A CT MAD RR TU PU 1 NN AR GENRE ei (a) Voyez la Culture desterres , rom. $ , p. 202 € fuiv. AGRICULTURE. 131 ont obfervé que les grains de cette efpéce font fujets à des maladies. Il eft donc vraifemblable qu’en laiffant bien mûrir le Lin , il fourniroit des grai- nes mieux nourries & plus vigoureufes. Beaucoup de Payfans de l’'Evêché de Léon aflurent que cette conjeéture s’ac- corde avec les faits. Il eft vrai qu'ils ne produifent aucune expérience fur laquelle on puifle compter ; mais c’eft beaucoup que de leur entendre louer une pratique qui s'éloigne de leur routine. C’eft un préjugé favorable pour les expériences qu'on pourroit faire à ce fujet. Il ne fufhroit pas de laïifler mürir par- faitement la graine , il faudroit que le Lin fût femé clair. Les tiges étant un peu éloignées les unes des autres , tirent plus de fubftance de la terre , & en fournif- fent plus abondamment à la graine. Dans la méthode ufitée , le Cultivateur facri- fie la graine à l’avantage d’avoir une f- lafle de plus belle qualité ; ici la filaffe feroit facrifiée au defir de s’aflurer de bonne graine. On n’obtiendroit vraifem- blablement que du Lin ligneux , dur , élaftique ; d’ailleurs on n’en auroit qu’une petite quantité , puifque les plantes fe- roient rares. Mais on en feroit dédom- 132 AGRICULTURE. magé par l'abondance de la graine ; elle fe multiplie toujours fur les plantes ifolées, La Société a déja rapporté plufieursex- périences qu’elle a faites, & dont elle n’a pu former des réfultats par la contrariété qu'y ont apporté les faifons. Elle aura plus d’une occafon de fe plaindre de ces contretemps. Ils ont empêché M. de la Chalotais de fe procurer cette année de la graine de Lin fortifiée & par fa matu- rité & par la rareté des tiges. Îl avoit fait femer de la graine d’une quatriéme ré- colte de Lin , tirée de l’Evêché de Tré- guier ; l’exceflive chaleur du printemps, les pluies continuelles de l'été ont détruit toutes fes efpérances. Son Lin n’a pu par- venir à fa maturité. Il eft d'autant plus fâcheux que cette expérience n'ait pu être conduite à fa fin , qu'on ne peut Îa répéter qu’en 1759. Ainfi on ne pourra juger qu'en 1760 de la graine qu'on aura recueillie. La même caufe n’a pas permis de juger cette année d’un moyen indiqué dans les ates de la Société de Dublin (a) , pour (2) C’eft de M. The- procuré un exemplaire, en bault , Profeffeur de Ma- Anglois, des Effais de la thématiques, qu'ontientce Societé de Dublin. Il a bien procédé. La Société lui a voulu les traduire. Ils ren- AGRICULTURE. 133 récénérer la graine totalement épuifée. Il {e réduit à femer fort clair , dans une terre neuve , fort argileufe , & à laïfler parfaitement mürir la graine. Ce feroit un moyen bien fimple de nous pañler du fecours des graines étrangéres. Iln'eftque trop aifé de trouver en Bretagne des ter- res neuves & fortes où l'argile domine. Les recherches de la Société fur le Lin ordinaire ou annuel , ont conduit à la découverte d’une plante aflez commune dans l'Evêché de Rennes ; qui y croit fans culture & fans foins , & qui paroit être un Lin vivace. Les Affiches de France annoncerent au mois de Décembre 1754, & de Jan- vier 175$, qu'on avoit nouvellement découvert du Lin vivace en Sibérie. MM. de la Rue & Dupont , Démonftra- teurs Royaux en Chirurgie , dirent à cette occafion qu'ils avoient rencontré quelquefois dans des Prairies une efpéce de Lin fauvage , qui paroiïfloit avoir la même propriété. Cette indication fut d'abord négligée. Dès que la Société fut ferment les détails les plus Nota. Cet Ouvrage im. circonftanciés furtout ce qui primé à Paris, chez les fre- concerne la culture & les res Effienne, a paru au com- préparations du Lin. mencement de 1759. Lix SAUVAGE. 134 AGRICULTURE. établie, elle crut devoir s'attacher à ce nouvel objet de culture. On écrivit en divers endroits pour avoir de la graine de Lin perpétuel. On reçut à la fin d'Avril 1757 , une petite quantité de graine , qu'on afluroit avoir été pro- duite par du Lin de Sibérie. Cette graine fut femée dans un jardin , & cultivée avec le plus grand foin ; elle ne fournit que du Lin annuel. M. Vindack , Direëteur de la Manu- faéture de toiles à voiles , établie à Ren- nes , chez qui le prétendu Lin de Sibérie fut femé , avoit confidéré trés-attentive- ment & dans leurs différens états , les plantes qu’avoit donné cette faufflegraine. Il crut reconnoitre les mêmes feuilles , les mêmes fleurs , les mêmes caplules dans une plante qu'il trouva dans une Prairie peu éloignée de chezlui. Ilenleva quel- ques pieds avec de grofles mottes de terre pendant l'automne de 1757, & les tranfplanta dans fon jardin. Quelques- uns périrent , les autres réfifterent aux gelées. Il eût fufñi d'en fauver une feule pour être en droit de foupçonner que fi ce Lin n'étoit pas vivace , il pouvoit du moins être bis-annuel. Cette découverte rappella ce qu'on AGRICULTURE. 135 avoit entendu dire à MM. de la Rue & Dupont. D'autres perfonnes dirent avoir connu un Payfan près de Mordelles, qui coupoit dans des Prairies une efpéce de Lin qu’il faifoit filer. Ces indications dé- terminerent à faire chercher cette plante dans les Prairies qu'on avoit défignées auprès de Mordelles. On en reçut en eflet quelques poignées. On les fit rouir & peigner , & la filafle qu’elles rendi- rent fut filée. Le fil qu'on en a tiré eft affez beau. il n’a que le défaut d’être un peu foible. Cette qualité ne détermine rien pour les récoltes à venir , parce que les poignées qu'on reçut furent coupées en même temps que les foins. Ce Lin étoit alors extrêmement éloigné de fa maturité. La defcription de cette plante & des caraétères qui lui font propres , & une fuite d'obfervations & de comparaïfons de ce Lin avec toutes les efpéces de Lin connues , font la matière d'un Mémoire fourni à la Société par M. de Lyvois, Avocat au Parlement. Après avoir vu le Lin tranfplanté par M. Vindack, M. de la Bourdonnaye en trouva une aflez grande quantité près la maïfon de Beau- mont , fituée aux portes de Rennes. Une 136 AGRICULTURE. autre perfonne en a arraché dans des haies , aux environs de Dinan. Enfin M. de Lyvois qui a des connoïffances en Bo- tanique , & qui herborile prefque conti- nuellement lorfqu'il va en campagne, ou qu'il y fait quelque féjour , en a rencon- tré dans plufieurs endroits des environs de Rennes , mais fur-tout auprès du Pont-péan. Il ÿ trouva une Prairie qui en étoit prefque aufli remplie , que s’ileùt été femé à deflein. La Société n’a rien négligé pour fe procurer le plus de graine qu'il a été poflble , d’une plante qui peut devenir fi précieufe à la Province. Elle en a fait femer dès cette automne en divers en- droits. On en femera encore au prin- tems, & lon prendra toutes les précau- tions néceflaires pour multiplier la graine des plantes cultivées. Elle doit naturel- lement être fupérieure à celle qui a été produite fans culture. Le Mémoire de M. de Lyvois annonce quelques difficultés fur la manière de trai- ter cette plante. Elle eft rameufe ; elle fleurit à plufieurs reprifes ; elle porte à la fois les capfules des graines qu'ont donné les premieres fleurs ; des capfules à dif- férens dégrés de maturité , & enfin des AGRICULTURE. 137 fleurs. Il faudra fans doute beaucoup d’ob- fervations & d'expériences pour faifir cette efpéce de Lin dans l'inftant précis où il donne la filaffe la plus abondante & la plus belle. Mais s'il eft vivace , ou même bis-annuel, la Société ne négligera rien pour vaincre les difficultés que pourra préfenter cette nouvelle culture. Le Chanvre eft après le Lin une des CHanvre, principales productions de la Bretagne. Cette matière fans laquelle il faudroit renoncer à la Navigation , puifqu’on en tire les toiles à voiles & les cordages, mérite une attention particulière dans une Province maritime. Des perfonnes qui paroiffent très-inf- truites , prétendent que la culture en a beaucoup diminué. Elles en rapportent la principale caufe à la défenfe de les exporter, défenfe qui n’a été levée que depuis peu d'années. Cet inconvénient fera toujours inféparable des prohibitions en fait d'Agriculture & de Commerce. Mais dans cette occafion le mal étoit augmenté par les perfonnes chargées d’a- cheter des Chanvres pour le fervice de la Marine du Roi. Elles abuferent avec tant d'inhumanité du privilège attaché à leur miflion , qu’un grand nombre de 138 AGRICULTURE. Laboureurs abandonnerent cette culture. Elle leur devenoit chaque jour de plus en plus infruétueufe , ou même de plus en plus onéreufe. La liberté a été le fruit de plaintes multipliées qu'excita une admi- niftration fi dure. Mais la culture s’étoit ralentie avant qu'on eût rendu la liberté à ce Com- merce. Le Laboureur n'étoit plus en état de fournir aux befoins de la Marine du Roi. Il étoit donc indifpenfable de tirer du Nord les fournitures de Chanvres. L'importation des Chanvres du Nord, quoique néceflaire , n’en étoit pas moins un obftacle au rétabliflement de la cul- ture des nôtres. Cette importation fer- moit une des principales iflues par lef- quelles nos Cultivateurs pouvoient dé- boucher leurs récoltes. Telles font les caufes de la décadence de cette branche de notre Agriculture. Il eft difficile de prévoir quand on en verra cefler les effets. ,, Autrefois (a) les Raffineurs An- ,, glois exportoient beaucoup de fucre. ,, Jacques [T impofa deux fchellings qua- ,, tre deniers pour cent ( un peu moins ,, de sofolstournois ) fur la Mofcouade, 2 (a) Voyez l'Effai fur gleterre, par John Cary, l'état du Commerce d'An- 10m. 2, pag. 242. 5 CE AGRICULTURE. 139 ,» Ce qui mit les François & les Hollan- ,»» dois en état de donner leur fucre à ,»» douze pour cent meilleur marché , qu'eux. La Loi qui établifloit cet im- >» pôt, n’a plus lieu , mais fon effet fub- , fifte toujours : tant il eft vrai qu'il eft ,, moins difficile de conferver un Com- » merce que de le rétablir. ,, Cependant la Société penfe que les Etats pourroient par leur crédit ranimer la culture du Chanvre. Il fufiroit d’ob- tenir du Miniftère de la Marine qu'on en tiràt de Bretagne le plus qu’il feroit pof- fible pour le fervice du Roi, mais fans gêne , fans fixation de prix , fans privi- lége , fans prohiber l'exportation. Les profits du Laboureur fur cette denrée font aflez confidérables. Qu'on facilite la vente , il reprendra la culture du Chanvre , par le même motif qui la lui a fait abandonner , c’eft-à-dire , par in- térêt (a). Les Chanvres dont on vient de parler (z) Ces repréfentations de la Société ont engagé les Etats à charger MM. leurs Députés & Procureur- Général-Syndic en Cour, de faire tous leurs efforts pour obtenir du Miniftère de la Marine, qu'il faffe prendre par préférence , pour le fervice du Roi, les Chanvres de cette Provin- ce, fur-tout pour la four= niture de Breft. M 1 40 AGRICULTURE, s’emploient principalement en cordages ; ainfi on pourroit afligner pour caufe ac- tuelle de la diminution de culture , les cir- conftances d’une guerre qui a entraîné la perte d'une multitude de nos vaifleaux. Mais cette caufe agit moins univerfelle- ment fur les Chanvres à cordages , dont la Marine du Roi foutient un peu la con- fommation , que fur ceux de l’Evêché de Rennes. Ces derniers font prefque tous employés en toiles à voiles deftinées à la Marine Marchande. Ces toiles font fabriquées par les Fermiers mêmes qui fément & qui préparent le Chanvre. Lorfque la vente des toiles ef fufpendue, ils perdent les produits de la culture , des préparations , de la filature que font leurs femmes, leurs filles , leurs domeftiques & enfin ceux de leur fabrication. Tant de motifs de découragement concourant à la fois, la culture ceffe dans les Paroïif- fes dont ce genre d’induftrie fait fubfifter les habitans. Celle de Vern qui a la ré- putation de fournir la meilleure qualité de Chanvre & les meilleures fileufes, commençoit à n’en plus femer. Ileût été d'autant plus dangereux qu’on y eût aban- donné cette culture , que la fabrication ne fe fait point dans cette Paroifle , & AGRICULTURE. 141 que par conféquent les Laboureurs n’euf- fent été ni fi vivement , ni fi prompte- ment réveillés par le retour du Com- merce de toiles à voiles. Pour prévenir ce danger , M. de la Chalotais , Seigneur de la Paroifle de Vern , fit diftribuer gratuitement , au printemps de 1757 , deux cens boifleaux de graine de Chanvre aux payfans les moins riches. Ce bienfait a ranimé la cul- ture. La graine recueillie la même année a été femée en 1758 ; enforte que les ha- bitans ont eu deux récoltes abondantes , qui ne leur ont coûté que leurs propres {oins, & l’on fçait que les payfans les comptent toujours pour rien. Malgré l'habitude où font les Cultiva- teurs fabriquans de donner toutes les pré- parations à leurs Chanvres , il s’en faut de beaucoup qu’ils ne les portent au dé- gré de perfeétion dont ils font fufcepti- bles. Leur ignorance nuit confidérable- ment au Commerce des toiles à voiles que les Hollandois leur arrachent en dé- tail. La plus importante de ces prépara- tions eft celle du roui , parce qu’elle influe fur la facilité & fur la bonté du peignage, de la filature & de la fabrication. Il eft encore indécis fi l’on doit rouir M 2 1 42 AGRICULTURE. le Chanvre dans des eaux courantes, ou dans des eaux dormantes. Chaque Laboureur donne la préférence à la mé- thode qu'il eft dans, l’ufage de fuivre, & les Phyficiens n’ont rien écrit de dé- terminant fur le choix des eaux les plus favorables à cette préparation. Un Aflocié du Bureau de Rennes a penfé que cette diverfité d'opinions & d’ufages pouvoit venir de ce qu’en effet les eaux courantes font toujours préféra- bles dans certains cas, & de ce que dans d’autres cas, ce font toujours les eaux dor- mantes qui méritent la préférence. Dans les années froides & pluvieufes la plante doit être plus foible & plus herbacée. Dans des années de fécherefle le Chan- vre doit être plus fort , mais en même temps plus dur , plus ligneux. Pourquoi {e flatter que les mêmes eaux appliquées à des produétions fi différentes , feront un effet aufli avantageux fur les unes que fur les autres ? Pour écarter toute incertitude à cet égard, on a fait arracher du Chanvre dans différens endroits de la Province, & on l’a pris en différensétats. L’un avoit été recueilli avant la maturité , l’autre dans le temps de la maïurité même , le AGRICULTURE. 143 troifiéme plufñeurs jours après. Chacun des paquets de ces trois efpéces de Chan- vres fut divifé en deux parties égales, dont l’une fut mife rouir dans de l’eau courante , l’autre dans de l’eau dormante. Ts furent enfuite peignés avec très-vrand foin, & examinés avec la plus fcrupu- leufe attention , par une perfonne qui connoît parfaitement les défauts & les bonnes qualités de cette matière. Les détails de ces expériences & les réfultats qu’elles ont fournis , ont été donnés au Bureau de Rennes. Elles ont fait defirer qu’on les répétât dans une même année fur les Chanvres de tous les cantons de la Province. Ce travail pour- roit devenir intéreflant par bien des en- droits. 1°. On a remarqué une différence fen- fible entre le même Chanvre arraché dans les trois états dont on a parlé. 2°. Tous ceux qui ont été rouis dans des eaux cou- rantes , font fans comparaifon plus blancs que ceux de même qualité qu’on a rouis dans des eaux dormantes. 3°. Les paquets arrachés avant la maturité font ceux qui ont acquis le plus haut désré de blan- cheur. 4°. Les Chanvres les plus blancs ont donné moins de déchet total, en M 3 144 AGRICULTURE. cumulant celui de chaque préparation en particulier ; mais ceux qui avoient roui dans des eaux dormantes , ont fourni une plus grande quantité du premier brin de filafle , & les grands déchets n'ont porté que fur les préparations inférieures. 5°. Les Chanvres qu’on avoit jugés les meilleurs avant que d'être peignés , ne {e font pas toujours foutenus dans les pré- parations du Peigneur. Ceux qu’on avoit d’abord regardés comme médiocres & même inférieurs , fe font trouvés les plus beaux & les meilleurs après avoir été peignés. Cette obfervation eft impor- tante , fur-tout pour la corderie. On ne compte pas fe borner à répéter ces expériences. On fe propofe de les porter plus loin , afin d’avoir des réful- tats fur lefquels on puifle entiérement compter. On fera filer le premier brin des différentes qualités de Chanvre , par une même Fileufe , & au dernier dégré de ténuité dont elles feront fufceptibles , afin de conclure la perfeétion du roui par la plus grande divifion des fibres. Tous ces fils feront exaétement pefés & fou- mis aux mêmes leflives. On les repefera enfuite , pour juger de leur fupériorité par les déchets que les leflives auront AGRICULTURE. 14 eaufés |, & par le dégré de blanc que les fils auront acquis. Ces expériences font d'autant plus né- ceflaires , qu’elles n'ont été entamées que comme les préliminaires d’une plus grande entreprife. Elles doivent fervir de bafe à un Mémoire fur la fabrication des toiles de Chanvre en général , & en particu- lier des toiles à voiles. Ces dernières toiles forment une branche de Commerce ui étoit autrefois très-confidérable ; qui dépérit fenfiblement , & qu'il feroit très- important de vivifier. La culture des différentes plantes qui peuvent fervir à former des Prairies artificielles ; celles des racines qui peuvent fuppléer les fourrages pendant l'hiver ; l'augmentation des engrais ; la culture des bleds de toute efpéce ; celle du Lin & du Chanvre ; voilà certaine- ment les articles de l'Agriculture les plus intéreffans , puifqu’ils répondent aux be- foins les plus a de l'humanité. Ce- pendant la Société n’a pas cru devoir né- gliger une Plante , qui fe cultivant fans frais , peut apporter quelque profit. C'’eit la Plante connue fous le nom d’Oare ou de Aouette. Elle croît communément en Egypte. L’efpéce de coton qu’elle pro- M 4 OUATE,; ou HOUETTE. 146 AGRICULTURE. duit vient en France par la voie de Mar- feille. On y fubftitue dans quelques en- droits, & fur-tout en Suifle , de la Bourre de foie, qu’on vend enfuite pour de véritable Ouate ; mais il eft certain que la Bourre de foie la mieux préparée eft toujours très-inférieure pour la finefle & pour la beauté , à l'Ouate que Mar- feille tire d'Alexandrie (a). Il feroit très-aifé de multiplier cette efpéce de coton dans la Province , parce que la Plante qui le produit , réufhit dans la plus mauvaife terre , & ne demande aucune culture. La Société en a fait femer dans différens endroits ; lorfqu’on en aura une certaine quantité, peut-être s’'adon- nera-t-on à faire en Bretagne de ces ef- péces de fourrures qui fe mettent entre deux étoffes. Dans ce cas celles de Bre- tagne feroient très-fupérieures à la plu- part de celles qui fe vendent en France. D'ailleurs le Sieur la Rouviere |, Mar- chand Bonnetier de Paris , ayant trouvé le fecret de filer cette matière & d’en fa- briquer de très-jolies étofles , il peut ar- river qu'on trouve le même fecret dans la Province. Alorsla culture de la Plante (2) PF. le Di&tionnaire du Commerce , ax mot OUATE. | AGRICULTURE. 147 deviendroit la bafe d’une nouvelle bran- che d'induftrie & de Commerce. ÉCONOMIE RUSTIQUE. La Société eût bien defiré , & elle s’'étoit même flattée de pouvoir raflem- bler aflez d’obfervations pour donner quelques inftruétions fur la culture, l'amé- horation & la confervation des Bois. Cet article fi digne d'attention par-tout, eft plus important encore pour une Province maritime. Les fecours qu'on s’étoit pro- mis ont manqué ; cependant M. Bau- douin , Affocié du Bureau de Dol , a fourni un Mémoire fur cette matière. Il donne quelques préceptes fur la manière - de femer les arbres , & fur les foins qui leur font néceflaires jufqu’au temps de la tranfplantation. Ces préceptes font d’au- tant plus précieux, qu’ils font fondés fur l'expérience de M. Baudouin. Il a femé & planté beaucoup de Bois. Son zèle pour le bien public le porte à defirer qu’on les multiplie dans les terreins incultes de la Province. M. le Loup de la Bihais , Afocié du Bureau de Nantes, a conçu un projet pour augmenter les plantations de Bois, & pourrendre ceux quiexiftent plusutiles Bo1s. 143 AGRICULTURE. aux Propriétaires & à l'Etat. La Société ne peut que defirer l'exécution d’un fi bon projet ; mais il n’y a que les Etats qui puiflent le faire réufhr. Ce n’eft point un plan économique lié à des connoiffan- ces d'Agriculture. C’eft un plan d’un or- dre différent. Il demande pour être exé- cuté , que les Etats chargent une Com- miflion d'examiner les moyens de le ren- dre praticable ; qu'ils obtiennent une Déclaration du Roi pour le partage des terres incultes ; que quelques articles de l’'Ordonnance des Eaux & Forêts foient abrogés. C’eft donc aux Etats à pronon- cer Fi les vues de M. de la Biliais. La Société croit devoir fe borner à les indi- uer, & à rafflembler fur les plantations da Bois , les moyens les plus fürs & les moins difpendieux pour ceux qui vou- dront former de telles entreprifes. Le Mémoire projetté par la Société fur cet objet, indiquera la nature des femils qu’on doit faire felon la qualité des terres. On fe propofe d’y faire entrer 1°.ce qui peut contribuer à faire profpérer ces fe- mils ; 2°. le détail de la manière de plan- ter les Bois deftinés , foit à des taillis, {oit à des fûtaies ; 3°. les foins qu’ils exi- gent depuis l'inftant de la plantation juf- AGRICULTURE. 149 u’au temps où les Bois n’ont plus befoin ne oouvernés par les Cultivateurs; 4°. les inftruétions économiques d’après lefquelles on doit fe déterminer à femer une efpéce de Bois plutôt qu’une autre dans un terrein d’une nature & d’une fi- tuation déterminée ; 5°. les motifs par lefquels on doit fe porter à préférer dans certains cas les taillis aux fûtaies ; & en- fin tout ce qui peut contribuer fur cette partie à concilier & à aflurer l'intérêt particulier & l'intérêt du Royaume. Des objets fi multipliés , & dont chacun fup- pofe tant d'obfervations de détail, de- mandent le concours de plufieurs Ci- toyens. La Société qui en fournira une partie , a de juftes raifons de compter fur quelques fecours qui lui ont été promis. Ils feront d'autant plus précieux au public, qu'elle s’eft adreflée à des perfonnes qui fe font fpécifiquement appliquées à la connoiïflance & à l’adminiitration des Bois. La Société croit pouvoir placer ici ce Murirrs. qui concerne les Muriers. Quoique ces arbres ne faflent point partie de la plan- tation des Bois proprement dits , ils en- trent dans l'Economie Ruftique. Les Muriers font inféparables de l'éducation 150 AGRICULTURE. des Vers-à-foie, fans laquelle il feroit inutile que ces arbres fuflent multipliés. Le Sieur de Valefcure s’adrefla à MM. de la Commifhon Intermédiaire , pour offrir fes fervices fur la culture des Mu- riers. Son Mémoire fut renvoyé au Bu- reau de Rennes. [loffroit de venir établir en Bretagne des plantations de Muriers de belle feuille ; d’enfeigner à élever les Vers-à-foie , & à filer la foie même, en Tréme d’Alais & en Organcin. Il ne de- mandoit de récompenfe qu’après le fuc- cès de fon entreprife ; mais il exigeoit qu'on fixàt d'avance une penfion convena- ble qui lui feroit accordée après qu'il au- roit réufli. Pour mettre la Province en état de juger des offres du Sieur de Valefcure, la Société lui écrivit pour lui demander s’il avoit fait des plantations de Muriers ; fi c'étoit par théorie ou par pratique qu'il connoifloir les préparations de la foie ; & ce qu’il entendoit par une penfon conve- nable. 11 n’a pas répondu à ces queftions. La Société eft perfuadée que fans au- cun fecours étranger il feroit poflible & même facile d'élever d’excellens Mu- riers. On peut réduire à deux efpéces ceux qui fourniflent la meilleure nourri- AGRICULTURE. 1$1 ture aux Vers-à-foie. Les Muriers Sau- vageons ; ce font ceux qui proviennent de la graine d’un arbre qui n’a pas été oreffé. Les feuilles en font petites. Les Turiers Francs ; ce font ceux qui ont été greffes. La feuille qui eneft plus grande, eit fans comparaifon meilleure pour les Vers. Ceux qui ont été femés en Bretagne, font des Sauvageons ; ils ne donnent que de petites feuilles ; il étoit effen- tiel de les greffer. Il eût été facile de tirer de Provence ou de Languedoc un certain nombre de Muriers greflés, qui euflent fourni des greffes pour les Sau- vageons qui font venus des femils. Par ce moyen ces Sauvageons euflent produit le double de feuilles ; les arbres euflent été plus parans, & ils euflent donné aux Vers-à-foie une nourriture très -fupé- rieure. Peut-être n'eût-il pas été moins néceffaire de publier une inftruétion fur la manière de gouverner ces arbres, & {ur celle d'élever les Vers-à-foie (a). (a) En 1742, M. le Nain, alors Intendant de Poitiers, fit imprimer un petit Ou- vrage qui a pour titre : Mémoire fur les Pepinières de Muriers blancs 6 les Ma- nufafures de Vers-a- foie. On prétend que c’eft à cet Ouvrage, & à l'attention avec laquelle on encourage les Cuitivateurs , qu’on doit les Manufa@ures de tirage 152 AGRICULTURE Le Bureau de Tréguier préfume que ce genre de culture & d’induftrie sac- créditera dans cette partie de la Pro- vince. Quelques perfonnes y élévent des Vers-à-foie, & le fucces répond parfai- tement aux foins qu’elles fe font données pour les faire réuflir. Malheureufement les feuilles commencent à ne pas fuffire. M. l'Abbé du Lezard, Affocié du même Bureau, a demandé des Muriers de la Pépinière entretenue par les Etats. Le Bureau de Rennes eût bien defiré de lui en envoyer de la meilleure efpéce; mais la Pépinière n’en fournit pas. Il femble que les dépenfes qu'ont fait les Etats pour procurer des Muriers à la Province , & celles au’exige l'entretien & le foin de deux Pépinières , doivent les porter à compléter leur ouvrage. L’établifflement de la Société ne peut que contribuer à en accréditer les plantations, parce qu’elle indiquera aux Cultivateurs On peut confulter fur de foie qu’on voit à Poitiers. cette matière l’A4rt de cul- M. de la Bourdonnaye de Bloffac, fuccefleur de M. le Nain, a fait imprimer en 17$4,un Memoire pour fervir à la culture des Mu- rlers & à l'éducation des Wers-a-foie. tiver les Muriers blancs , d'élever les Vers-a-foie, € de tirer La foie des cocons , avec figures. Seconde Edi- tion , 22-8°. à Paris, chez la Veuve Lottin, 1757. AGRICULTURE. 153 qui la confulteront , les moyens d’en ti- rer parti. La voie la plus fimple feroit peut-être de faire la légère dépenfe de tirer de Provence ou de Languedoc un certain nombre de Muriers greflés | & de diftribuer des inftruétions aux perfon- nes qui voudroient profiter de ce bienfait. Le rapport fait aux Etats de Langue- doc le 28 Janvier 1758 par M. l'Evêque de Carcaflonne , qui étoit à la tête de la Commifion des Manufaétures , indi- que une manière nouvelle de gouverner les Muriers. Il porte ,, qu’il a été rendu ,, compte du Mémoire préfenté par le ,, Sieur Payant , au fujet des plantations ,, qu'il a faites de Muriers nains auprès s Aabends , dont le fuccès a étonné >» & furpañé l'attente qu’on en avoit dans , le pays ; que l'utilité en eft fenfible ;; par la multiplication de la feuille & la ;, facilité de la faire cueillir par des per- >, fonnes qui ne feroient propres à aucune », autre efpéce de travail. ,, La préfé- rence qu'on donne en Languedoc aux Muriers nains fur ceux de haute tige, eft un für garant que la culture en eft plus avantageufe. On ne doit pas craindre que ces plan- tations foient infruétueufes en Bretagne, 154 AGRICULTURE. puifqu’elles ont réufli au nord de l’Angle- terre. ,, Le petit nombre d’effais Fit ,, dans notre Îfle ,, difoit à la fin du der- nier fiécle un Membre (a) de la Société Royale de Londres, ont réufh. Le Mu- rier & le Vers-à-foie ont très-bien ,, fait dans des Provinces fort avancées ,, au nord. Le Chevalier Jacques Craig ,, a fait venir des Muriers dans les par- ,, ties les plus humides de l'Irlande. ,, C’eft peut-être un devoir de la part de la Société , de repréfenter à cette occa- fion combien il feroit facile à MM. les Evêques de Bretagne d’accréditer les plantations de Muriers & les Manufac- tures de Vers-à-foie dans leurs Diocèfes. Il feroit digne de leur amour pour la Pro- vince & de leur vigilance fur les intérêts d’une portion très-précieufe de leur trou- peau , de favorifer une entreprife fi utile. Il y a beaucoup de Maïfons Religieufes, fur-tout dans les petites Villes qui ont de grands enclos. On pourroit y planter des Muriers, & engager les Religieufes à éle- ver elles-mêmes des Vers-à-foie. La pro- preté , les, petites attentions que deman- dent ces animaux, fe trouveroient plus (a) Lettre de M. Béal, de danslaCollett. Acad. tome 4 la Soc. Royale de Londres, de la partie étrangère PT: aifément AGRICULTURE. 155$ aifément dans des Cloitres que par-tout ailleurs. Ces foins ne prendroient rien fur le temps des exercices auxquels elles fe font confacrées. Celui qu’elles em- ploient à des ouvrages abfolument inuti- les pour le Public; qui n’ont d'utilité pour elles-mêmes , que de les occuper , ou , filon veut, de les amufer, feroit plus que fuflfant pour élever des Vers- à-foie. Beaucoup de mains dont le tra- vail eft perdu pour l'Etat, créeroient , pour ainfi dire, une matière qui enrichi- roit la Province ; & des Maifons qui fon communément pauvres , fe feroient un revenu honnête de ce travail. ILeft agréa- ble en lui-même, peu fatigant , & d’une courte durée. Il feroit d'autant plus avantageux que ce genre d'induftrie s'introduisit par l'exemple des Communautés , que la main - d'œuvre des Religieufes étant comptée prefque pour rien, elles pour- roient livrer la foie à plus bas prix. Par-là les Particuliers feroient dans la néceflité de donner la leur à bon marché. Or le bon marché des produétions d’un Pays aflure toujours la préférence de la part des acheteurs. Un mot de la part de MM. les Evêques multiplieroit des éta- N ABEILLES & Rucxes. 156 AGRICULTURE, bliflemens qui deviendroient une ref- fource pour les Maifons qui les auroient formés , pour la Province & pour le Royaume même (a). Perfonne n’ignore que la foie , dont nous faifons une fi grande confomma- tion , manque prefque continuellement à nos Manufaétures. Cette difette dimi- nue une branche d'exportation très- lucrative. Les bénéfices ne feroient qu'augmenter , f1 la matière première étoit du crû du Royaume. Le gouvernement des Abeilles eft une branche tres-confidérable & très-impor- tante de notre Economie Ruftique. Les Cires de Bretagne font d’une qualité fu- périeure , & il s’en fait un grand Com- merce ; mais il s’en faut de beaucoup qu'il ne nous foit aufli profitable qu'il pourroit l’être. Le nombre des Ruches pourroit être plus que triplé. Cette aug- mentation feroit très-prompte fans un abus prefque général parmi les Payfans. Ils font périr leurs Abeilles ou dans l’eau, (4) Une Délibération des Etats du 17 Février 1759, a chargé la Société de pu- blier une [nftruétion fur les plantations des Muriers blancs , & a prié Noffei- gneurs les Evêques d’enga- ger les Supérieures des Communautés de leurs Dio- cèfes à faire élever des Mu- riers blancs dans leurs jar- dins & enclos. AGRICULTURE. 1 ou avec la vapeur du foufre , afin de leur enlever en entier la récolte qu’elles ont faite pour fe nourrir pendant l'hiver. Le premier pas à faire pour déraciner un abus fi préjudiciable & au Public & à celui qui le commet , étoit d'examiner les moyens les plus fimples & les moins dif- pendieux , de prendre en entier , ou en grande partie , le Miel & la Cire , fans faire périr les Abeilles. L M. de la Bourdonnaye , Procureur- Général-Syndic , à qui l'ufage de nos Payfans étoit connu depuis long-temps , écrivit à M. de Réaumur pendant la der- nière Aflemblée des Etats (1756) pour lui demander des inftruétions à ce fujet. Cet Académicien indiqua dans fa réponfe les méthodes qu’il a expofées dans le cin- quiéme volume des Mémoires pour fervir à l’Hifloire naturelle des Infeëtes. Mais il recommanda plus particuliérement de fe fervir de Ruches d’une forme fingu- lière , inventées par M. de Gelieu, Gen- tilhomme de la Principauté de Neuf châtel (a). (z) On trouve dans la #rès-utile pour empécher les Colle&. Acad. tom. 4 de la Effains de fortir, dont on LS étrangère, pag. 39, fait ufageen Ecoffe. C’eft a Defcription d'une Ruche peut-être de cette defcription 2 18 AGRICULTURE. La lettre de M. de Réaumur , qui pa- roit d’abord contenir une defcription fuf- fifante , n'applanit pas certaines diffcul- tés de dérail qui fe préfentent lorfqu'il s’agit de faire faire des Ruches à la manière de M. de Gelieu. M. de Never, Aflocié du Bureau de Rennes, prit le parti d’en demander une à M. de Réaumur lui- même ; il la reçut & l’envoya à la Société. Il paroït que des Ruches de cette ef- péce rempliroient tout ce qu’on peut de- firer dans le gouvernement des Abeilles ; mais elles coûteroïient près d’un louis cha- cune. Ce prix infiniment fupérieur aux facultés des Laboureurs , feroit même excefñif pour des perfonnes riches. II fal- lut donc fonger à profiter de l'invention de M. de Gelieu, en imaginant des Ru- ches à fi bas prix , que tout Payfan püût en faire ufage. M. de la Bourdonnaye qui s’occupa de cet objet , voulut bien communiquer à la Société & la lettre de M. de Réau- mur , & les idées qu’il avoit eues pour conftruire les Ruches nouvelles à peu de ( qui eft imprimée dans les tiré l’idée de fa Ruche. Mais Tranfaëtions Philofophiques on lui auroit toujours l’obli- de la Société Royale de Lon- gation de l'avoir perfeétion< dres ) que M. de Gelieu a née & fimplifiée. AGRICULTURE. 159 frais. Il avoit commencé par exécuter à fa campagne ce qu'il propoloit à la So- ciété d'expérimenter. On ditiexpérimen- ter, parcequ’en effet, malgré la vraifem- blance du fucces des Ruches dont il en- voyaun modèle, fa modeftie lui fit crain- dre que la pratique ne démentit dans quelques parties les efpérances qu'ilavoit conçues. La Société fe hâta de faire conftruire des Ruches femblables au mo- déle. On en a fait faire l’eflai dans différens fauxbourgs de Rennes. Les pluies de l’été n'ont pas permis de porter ces eflais à leur perfeétion ; mais ce qui a été com- mencé a très-bien réufli. Il n’eft peut-être pas inutile de placer ici une expofition abrégée & des accidens quon voudroit prévenir en changeant la forme des Ruches ordinaires , & des moyens qu'on croit qu'il faudroit em- ployer. On a déja dit qu'il n’étoit que trop commun d’étouffer ou de noyer les Abeil- les à la fin de leur récolte pour profiter de toute leur Cire & de tout leur Miel. Ceux qui les zouvernent avec plus de profit & d'intelligence , épient le temps où les Ruches font à peu près pleines , N3 160 AGRICULTURE pour forcer les Abeilles à pafler dans une Ruche vuide. Cette opération doit fe faire dans la belle faifon , afin que ces animaux aient le temps de faire des pro- vifions fuflifantes pour l'hiver. Cette pra- tique , quoique la meilleure de celles qui font en ufage , caufe une perte affez con- fidérable. Le Couvain eft emporté avec les gâteaux de Cire ; ainfi le Propriétaire perd un Eflain prêt à naître, & ceux que ce même Effain eût produit dans la fuite. C’eit particuliérement à cette perte que M. de Gelieu a voulu remédier. Les Ruches miles en expérience ont la forme d’une petite tour ronde ou d’un cylindre creux, compofé de quatre pié- ces égales , placées l’une fur l’autre. Chaque piéce , prife féparément , a cin pouces de hauteur ; ainfile cylindre formé par leur réunion, a vingt pouces de hau- teur totale ; fon diamétre intérieur eft de dix pouces. Il eft aflez naturel de nommer ces pié- ces des Aauffes , parce qu'elles reflem- blent beaucoup à ces cercles d’ofer ou de bourdaine entrelaflée , auxquels on a donné le même nom. Les nouvelles Hauffes font faites de paille. On pourroit craindre qu’en les plaçant l’une fur l’autre, AGRICULTURE. 161 le défaut d’afiette ne les exposät à être renverfées au moindre choc , au moin- dre vent. Pour prévenir ce danger , M. de la Bourdonnaye a imaginé de placer hori- fontalement à leur bord fupérieur & fur toute la circonférence , une ceinture , un cordon, oufil’on veut , un bourlet de paille, qui donne à ce bord fupérieur le double de l’épaifleur du refte de la haufle. Il trouve deux avantages dans cette addition ; l’un de donner plus de folidité à la Ruche,; l’autre de pouvoir luter plus exactement & plus aifément les ouvertu- res qui fe trouvent entre chaque haufle. Les quatre haufles étant pofées l’une fur l'autre , il ne s’agit pour avoir la Ruche entière , que de la couvrir d’une planche chargée d’une pierre. Lorfqu'un Effain fe fera établi dans une Ruche de cette efpéce; qu’il aura rempli de Cire & de Miel les trois haufles fupé- rieures , & qu'il continuera fon travail pour remplir celle d’embas ; on prendra un fil de fer plus long que le diamétre de la Ruche & des bouriets. On en tiendra un bout à chaque main , en embraffant la Ruche avec les bras & le fil de fer. En tirant ce fil de fer à foi, & le faifant glifler fur le bourlet qui termine la troifiéme N 4 162 AGRICULTURE. haufle , la quatriéme fera détachée de la Ruche. Ondoitfe hâter d'enlever cette haufe, & de remettre fur les trois qui reftent, la planche -& la pierre qui l’aflujettit. Après avoir pris le Miel & la Cire de la haufle détachée , on la mettra fous les autres ; enforte que de fupérieure qu’elie étoit , elle deviendra inférieure. Ceux qui connoiffent un peu le gouver- nement des Abeilles , fçavent qu'elles aug- mentent leur travail , ou plutôt leur ré- colte , lorfqu’elles trouvent un efpace vuide dans leur ruche. Aiïnfi le nouvel ef- pace que leur fournit l’addition d’une hauffe dans la partie inférieure , fera bien- tôt rempli. Alorson enlevera la hauffe de defius. Cette opération fe répétera juf- qu'à ce que la faifon ne permette plus d'enlever aux Abeilles les provifions dont elles ont befoin pendant l'hiver. C’eft un fait conftant que le couvain eft toujours dépofé dans la partie infé- rieure des Ruches. Il n’eft donc jamais attaqué en fuivant la méthode de M. de Gelieu. On n’enléve quela haufle du deflus de la Ruche. Avant que celle d’embas foit devenue la hauffe fupérieure , le couvain a fourni un Effain , & l'Eflain a pris l’eflor. AGRICULTURE. 163 Il paroît donc intéreflant pour la Pro- vince d’accréditer les Ruches de M. de Gelieu. Elles préviennent les inconvé- niens des méthodes qu'on fuit aujour- d'hui. C’eft ce qui a porté M. de la Bourdonnaye à chercher les moyens de les conftruire en paille , au lieu de les faire de bois, comme M. de Gelieu. Ce qu'on veut rendre commun, doit être à bas prix. Les Ruches de M. de la Bourdonnaye font un peu plus chéres que celles dont on fe fert ordinairement: mais elles donnent , à peu près, un quart de logement de plus que les anciennes, & par conféquent plus de profit. À Fégard du prix, elles font dans la proportion de cinq à huit. L’ouvrier qui en quatre jours fait huit Ruches ordinaires , en fera cinq dans le même temps , conformes au modèle. Ainf, en fuppofant que les premières coûtent 8 {. 6 den. les autres coûteront un peu moins de 13 f. 8 d. Aurefte pour donner une idée plusnette de ces Ruches , la Société a cru devoir pla- cer ici un Deflein qui en repréfente une toute montée, & deux des quatre piéces ou haufles, dont elle eft compofée (a). (2) Voyez La Planche I. 164 A6RICULTURE. On fera bientôt en état de prononcer avec certitude fur les avantages qu'on peut retirer de cette invention. M. de Montluc a fait placer des haufles , telles que les a imaginées M. de la Bourdon- naye , fous des Ruches qui font à fa Terre de Laillé. Les hauffes femblables , placées dans différens endroits des Fauxbourgs de Rennes , fourniront des piéces de comparaifon décifives. La confervation & même la multipli- cation des Abeilles eft un article fi in- téreflant pour la Bretagne , qu'on ne peut trop encourager les Payfans à s’y attacher. La Société ne fe diflimule point qu’il feroit néceflaire de publier fur ce fujet une inftruétion générale; elle {çait que le plus grand mérite de cet ouvrage confifteroit à y employer tout ce qui eft néceffaire, & à écarter tout ce qui feroit fuperflu ; qu'il faudroit le rendre fi fimple, qu'il fût à la portée des hommes les plus bornés, & fur-tout qu’il fe réduisit aux chofes pratiques & ufuelles. Tout le refte n’eft bon que dans des Traités dont les Auteurs font auf occupés des intérêts de leur amour-propre, que de ceux du Public. Mais quoiqu’on ait beaucoup écrit fur cette matière , la Société croit qu'il À. inv. et dl. 1 Zuche erndtere : l orps dobs valions 1787, Pa: bg. EE 2 Hausses __@ t D TL 1h wat rip : A f Is L 1 ATP À AGRICULTURE. 16$ refte des obfervations & des expériences à faire , avant de publier une inftruétion dont tout le monde puifle profiter. M. de Grénédan, Aflocié du Bureau de Dol, a donné un Mémoire où 1l a raflemblé les recherches qu'il a faites fur cette branche de l'Economie Ruftique. Ce Mémoire renferme une partie des matériaux qui peuvent fervir à former l'inftruétion que la Société projette de publier. Plufeurs Aflociés comptent s'occuper de cet objet ,; & le Bureau de Rennes eft à portée de s'inftruire par fes yeux des pratiques néceffaires pour profiter du produit des Ruches gouver- nées avec intelligence. M. de la Chalotais a fait placer cin- quante Ruches, pendant cet automne, dans le jardin de fa Terre de Vern. M. Abeille Fontaine en a raflemblé un nombre à peu près égal dans un jardin fitué dans un des Fauxbourgs de Rennes. Toutes ces Ruches ferviront à éprouver ce que confeillent des Auteurs inftruits & connus; à comparer l'avantage ou le défavantage de leurs pratiques ; enfin à s’aflurer de tous les faits que la Société croira devoir publier. Les Etats verront à l’article du Com- 166 AGRICULTURE. merce, combien celui de la Cire mérite d'attention. Il fufit de parcourir les campagnes , pour être convaincu qu’il feroit aié de le doubler , & même de le tripler. La Société penfe qu’un encoura- gement de la part des Etats , procureroit rapidement un fi grand avantage. Peut- être ne s’agiroit-1l que d'accorder deux {ols de diminution fur la Capitation d’un Laboureur , ou d’un Journalier, pour chaque Ruche qu'il auroit au-deflus de fix. On pourroit facilement prévenir à cet égard toute déclaration faufle; 1°. parce que MM. de la Commiflion Intermédiaire , qui adminiftrent cette impofition , pourroient s’aflurer de la vérité ; 2°. parce que les Egailleurs des rôles feroient des cenfeurs irréprochables fur des déclarations qui tendroient à di- minuer la quote d’un ou de plufeurs Contribuables. Loin de craindre d’ailleurs que cet encouragement ne devint une furcharge pour la Provinçe, il feroit à defirer qu'il pût former un objet un peu fenfble. Cent mille Ruches de plus n’opéreroient qu'une décharge de dix mille hivres entre tous ceux qui les pofféderoient. Elles produiroient dans la Province un revenu AGRICULTURE. 167 de cent mille écus dès la premiere année , & ce revenu ne feroit qu'augmenter. Un nouveau moyen d’exciter lémula- tion , feroit d’exempter de la corvée quiconque auroit plus de cinquante Ru- ches. La conftruétion des grands-chemins n’en fouffriroit point, & la fomme des biens de la Bretagne feroit beaucoup plus grande (a). Lorfque les Laboureurs auroient été convaincus par expérience , que leurs intérêts bien entendus doivent les porter à avoir un grand nombre de Ruches, l’encouragement devroit être fupprimé. C’eft ainfi qu'en a ufé la Province de Languedoc pour fes Fabriques de draps. Une gratification qui lui a peu coûté, lui a procuré une multitude de Manu- factures. Infenfblement les bénéfices des Entrepreneurs ont fufh pour les foutenir, & la gratification a été retranchée. Il ne feroit pas moins utile de multi- plier les Moutons en Bretagne, & d’en perfeétionner l’efpéce. Les dépenfes (a) Voyez l'Ordonnance fur la Capitation , fur la de M. Feydeau de Brou, Taille , à proportion du Intendant de Rouen , du 1$ nombre de Ruches qu'aura Oë&tobre 1757, parlaquelle chaque Particulier. il accorde des diminutions 168 AGRICULTURE. qu'ont fait les Etats pour changer la race des Chevaux, ont eu le fucces le plus marqué. Les mêmes moyens réufhroient infailhblement pour les Moutons. M. de Couetpeur, Afocié du Bureau de Saint-Malo, aflure dans fon Mémoire {ur la décadence de l'Agriculture , que le Mouton réuflit très-bien dans fon Can- ton; qu'on en élève une très - orande quantité ; mais que l’efpéce eft pete , & dépérit fenfiblement. I regarde comme un reméde unique , de donner un Bélier de belle race à chaque troupeau (a). On peut juger de l'effet de ce reméde, par un fait bien attefté. Le Pere de M. le Baron de Pontual fit venir, il y a trente ans, des Béliers & quelques Brebis du Havre. Les Agneaux qu'ils produifirent , furent dif- perfés dans les troupeaux des environs de fa Terre. On n’a pris aucun foin d'en entretenir la race, & de détruire l’an- cienne par la caftration des mâles. Ce- pendant on diftingue encore aujourd’hui les Moutons qui viennent de cette fou- che. Une multitude de mélanges n'a pu effacer le caractere de fupériorité 1m- (a) Voyez ci-devant la note de la page 97. AGRICULTURE. 16 primé par les Béliers & les Brebis de Normandie. M. Laurencin, de Nantes, en a fait venir de Barbarie. Ils font deux fois plus forts que les nôtres ; les Brebis donnent deux petits à chaque portée, & ils four. nifient plus du double de Laine. M. Grou, de la même Ville, a fait venir des Moutons de Hollande. La laine de ceux d'Irlande n’eft pas plus belle que la leur. D'ailleurs ils en donnent quatre fois plus que nos Moutons. Les Trou- peaux de cette efpéce ne demandent pas plus d'attention que ceux du Pays; on peut même les faire coucher dehors pen- dant toute l’année , ce qui adoucit beau- coup la laine. Un Bélier de Hollande ne revient à Nantes qu’à 20 francs, monnoie de France. Un préjugé prefque général a arrêté jufqu’à préfent notre Economie Ruftique par rapport aux troupeaux. On eft per- fuadé non feulement que nos laines font de mauvaife qualité , mais encore qu’il eft impofhble de les rendre meilleures. C’eft une double erreur. La Bretagne produit d’aflez belles laines ; il ne s’agit que d'en faire le triage , au lieu de les méler comme font la plupart de ceux qui 170 AGRICULTURE. les emploient. La Société s’en eft aflurée par des eflais qu'elle mettra fous les yeux des Etats (a). À l'égard de la poffibilité & même de la facilité de s’en procurer de beaucoup plus parfaites , elle eft démon- trée par l’expérience dés Moutons de Normandie que fit venir M. de Pontual il y a trente ans, & par celle de MM. Laurencin & Grou de Nantes. Le même préjugé étoit plus fort & plus excufable en Suéde qu'en Bretagne. Ce- pendant malgré la rigueur du climat , mal- gré les ennemis des établiflemens utiles : ( ce font les termes de M. Haftfer ) ,, par l’accouplement des Béliers étran- (a) La Société a fait faire à Rennesune piece de Drap façon d’Elbeuf, uniquement compofée de laines de Bre- tagne. On profita du féjour que fit dans cette ville -un Saxon qui avoit travaillé dans des Manufaétures de Draps. Il fallut faire conf- truire un métier, faire ve- nir des forces de Rouen , & abandonner à un feul Ou- vrier toutes les opérations de détail qui auroient exigé différentes mains, Lorfqu'on rédigea le Corps d’'Obferva- tions , ce Drap r’étoit pas achevé ; maisil fut examiné pendant les Etats par MM. de la Commiffion du Com- merce. Ils furent étonnés de la douceur & de la bonté de la laine qui y avoit été em- ploy ce. Ils apperçurent ai- fément que les défauts de cette piéce de Drap ve- noient tous des difäcultés qu’avoit rencontré le Fabri- quant dans une ville où l’art de la Draperie eft abfolu- ment inconnu, On n’avoit cherché qu’à effayer les lai- nes de Bretagne ; & cet effai prouve qu'il y en a de bonne qualité. >» LETS AGRICULTURE. 171 ,, Sers avec des femelles Suédoifes ;: ces »» bergeries font parvenues à un tel »» dégré de perfection , qu’elles four- ,, nitlent des Brebis aufli bonnes & auffi ,, fines que celles qui viennent de Caf- ,» tille même...:. Ces bergeries font »» compofées de Brebis de race An- »)gloife & Efpagnole, procréées en ,) Suéde, & y confervent leur bonne ,, qualité , fans qu'il foit néceflaire d'y ,, fuppléer tous les ans par des Brebis ,, Caftillanes (a). JL eft inutile d'appuyer fur les avan- tages que retireroit la Province de la- mélioration de fes Laines, & fur l’aifance qu'apporteroient en même -temps la vente des Moutons pour les boucheries, lapprêt des peaux en cuirs & en par- chemins, &c. Mais le changement de race en opéreroit un autre quin'eit pas moins defirable. Les Laboureurs ne tar- deroient pas à s’appercevoir du profit que donnent de beaux troupeaux. Ils chercheroient à les multiplier, & ils ne (az) Voyezun Ouvrage im- traduit du Suédois , pag. 28, primé a Paris en 1756, inti- 32 & 34 de la Préface de tulé Inftru@ion fur la ma- Frédéric W. Haftfer , Au- nière d'élever & de perfec- teur de cette Inftruétion. tionner les bêtes à laines, [@) dos É ENGRaAI1s. 172 AGRICULTURE. pourroient les multiplier fans hâter les progrès de l'Agriculture en général, & des défrichemens en particulier. Le fumier de Mouton eft le plus chaud de tous. Il féconde les Bruyères les plus ftériles. Si l'on joignoit ce fecours à celui des Engrais que procurent les Prairies artificielles , les terres labourées fourni- roient bientôt des moiflons plus abon- dantes, & la culture s’étendroit fur ces vaites Landes dont la Bretagne eft cou- verte. En attendant qu'on puifle appliquer aux défrichemens ces agens ordinaires , la Société s’eit occupée des moyens de les fuppléer. Plufieurs perfonnes en Ir- lande fe vantent d’avoir trouvé le fecret de donner la plus grande fécondité aux défrichemens , pour une piftole par jour- nal. On aflure que le produit des terres qu'ils ont attaquées, eft très-propre à perfuader qu'ils ont en effet des moyens fûrs de réuflir, & que ces moyens font faciles à cacher. On a publié depuis peu dans le 7°. tome de l'Ærar politique d’An- gleterre ; page 321, qu’un curieux de Leyde a trouvé le même fecret, & qu'il le tient très-caché , parce qu’il [e propofe d'en tirer un gros avantage. Des Aflociés AGRICULTURE. 173 qui croient avoir trouvé des moyens femblables , & qui peut-être font les mêmes , ont fait quelques préparatifs pour les éprouver. S'ils en ont fait juf- qu'à préfent un myftère , ce n’eft pas dans le deflein de les dérober à leurs Compatriotes. Ils n’ont cherché qu'à échapper à ces Citoyens oififs, toujours prêts à déprimer les découvertes utiles , & à préfenter comme ridicules , des ef- forts dignes d’éloges , puifqu’ils font di- rigés vers le bien public. | M. de la Chalotais a éprouvé cette annee une manière de fumer les terres , ufitée en Irlande , qui pourroit être d’un grand fecours à ceux qui entreprennent des défrichemens. On féme du Bled-noir ou Sarrazin dans le terrein qu'on veut améliorer. Lorfqu'il eft en fleurs , on le couvre de terre par un labour. Peu de jours après il eft aflez ordinaire de voir tout le terrein chargé d’une vapeur épaifle comme les brouillards qui s’élévent fur les marais. Le Bled-noir eft prompte- ment confommé , & on prétend qu'il fufit pour fuppléer les fumiers. Ce qu’il y a de certain , c’eft que le terrein fur lequel M. de la Chalotais a fait cette ex- périence , eft vifqueux & compaéte. 2 174 AGRICULTURE. Trois mois après y avoir enterré le Bled- noir , 1l seit trouvé ameubli & facile à labourer comme une terre légère. Si la récolte de l’année prochaine juftifie ce procédé , il s’enfuivra qu’en facrifiant pour 40 ou $0o fols de Bled- noir dans un journal de terre , on peut s’'épargner la dépenfe du fumier , qui monte toujours 30 ou 40 francs, & qui fouvent va plus ue On tire auprès du Pont- -péan , à deux petites lieues de Rennes, de la Press à chaux. Cette Pierre n’eft autre chofe que de la Marne dure. Il fufht de lexpofer pendant quelque temps à l'air , pour la faire tomber en pouflière. On conferve dans les Archives de Mefneuf des Fermes de deux cens ans, qui aflujettifloient les Fermiers à aller chercher une certaine quantité de terre du Pont - péan pour améliorer les leurs. On a totalement ou- blié dans le Pays & dans les environs que cette matière étoit un excellent En- grais (a). M. le Préfident de Montluc (2) On trouve au Pont- péan trois matières de même nature, mais diférentes par leur dureté. L'une eft une pierre‘ aflez dure , pleine & excellente à bâtir : l’au- tre eft molle & friable : la troifiéme tient le milieu entre ces deux extrémités. C’eft la feule dont on fafle ufage en la convertiflant en cilaux. AGRICULTURE. L7S tompte faire au printemps prochain les épreuves néceffaires pour s’aflurer de la quantité précife de cette Marne qu'on doit employer dans des terreins défri- chés , pour les rendre fertiles. On aflure que la Caftine qu'on em- ploie dans Ie Foras de Châteaubriant, {e tire des environs. Cette matière feroit, felon toute apparence , un excellent En- grais ; elle fait la plus vive effervefcence avec les acides. Le hazard a fait découvrir à Pannecé, entre Ancenis & Châteaubriant , une terre marneufe dont on a déjà éprouvé Vutilité. La Cure de Pannecé étant fituée dans un fond , on a fait des foflés autour du bâtiment & des jardins , pour faci- liter l'écoulement des eaux. C'eft de ces foflés qu’on a tiré la terre marneufe dont il s’agit. Elle parut à un pied & demi au-deflous de la furface , & on en trouva jufqu'à cinq pieds de profondeur. Le deflous eft un banc d’une efpéce de pierre aflez dure. On employa cette terre marneufe fur un journal de terre. Le refte du champ qui contient en tout trois journaux , fut préparé avec de bon fumier &c des cen- dres de senêt qui ne furent point épar- O 3 176 AGRICULTURE: gnées. On female touten froment. Quoi- qu'en général la Marne produife peu d'eflet la première année , le journal qu'on avoit marné, donna le plus beau froment ; les épis en étoient plus longs’, plus nourris. Le même champ fut femé en avoine l’année d’après ; elle réuflit très-bien. Après la récolte , la partie du champ qu'on avoit marnée , fe trouva chargée d'une aufll grande quantité de Tréfle que fi on l’'eût femé à deflein. La partie fumée n’en produifit prefque point. La perfonne qui a communiqué cette obfervation au Bureau de Nantes, regarde la production du Tréfle comme la marque la plus füre d’un bon En- grais. M. Gallwey , né en Irlande, s’eft établi à Nantes ; 1l y a acquis une Terre dans la Paroifle de S. Herblain. Il s’eft attaché à l'améliorer fuivant les méthodes de fon Pays. Le Bureau du même Dio- cèfe en parle comme d’un Cultivateur principal ; on aflure qu'il eft à la fois très-laborieux , très-zélé , très-intelli- gent. M. Gallwey prétend , & il prouve par les terres qu'il a défrichées, que la Chaux répandue en grande quantité eft un Engrais fupérieur ; qu'il féconde les AGRICULTURE. 177 terres pendant plufieurs années ; qu'il dé- truit en peu de temps les plantes nuifi- bies , telles que la fougère , la lande, &c. & même les infeétes. Il a fait jetter cent cinquante barriques de Chaux fur neuf journaux (a) un quart de terre qu'il a défrichés. Le calcul de fes frais en En- grais , en labours donnés à bras & à la charrue , monte à 700 liv. Les frais de labours de la feconde année n’ont coûté que 189 liv. Ce terrein lui a produit par an 640 liv. en froment & en feigle. En- forte que deux feules années l'ont rem- bourfé de fes dépenfes, & lui ont donné au-delà 311 livres de bénéfice net. La Chaux eft un Engrais fi puiflant , qu'il foutient des récoltes femblables pendant cinq , fept & neuf années. Un bénéfice fi confidérable réfultant d'un procédé fi fimple , eft attefté par le Bureau de Nantes. La Société ayant in- térêt à ne rienavancer que de très-exact, obfervera que les frais de labours & la valeur de la Chaux font moindres dans (a) On entend ici par mune, fixée par l’Art. 263. Journal, 80 cordes quar- de la Coutume, l’étendue rées; la corde de 24 pieds du terrein défriché par M. de Roi. On a cru devoirré- Gallwey. duire à cette mefure com- O 4 178 AGRICULTURE. l'Evêché de Nantes qu'ailleurs. I faudroit, par exemple , que les débourfés dans l'Evêché de Rennes fuflent portés à un quart en fus; mais avec cette augmen- tation de frais , on feroit encore un bé- néfice dès la feconde année , & le produit des années fuivantes feroit un pur profit. Les Etats ont promis ( Article XX VI.) une récompenfe à tous ceux qui auront découvert de nouvelles carrières de Pier- res à Chaux. Il ne feroit pas moins defi- rable pour l'Agriculture qu'on découvrit des Marnières. Mais attendre du hazard que les découvertes de cette efpéce fe multiplient , c'eft prefque renoncer à un tréfor ineftimable dont on pourroit jouir . inceflamment. La Marne n'eft pas à beaucoup près aufll commune qu'on le préfuma pendant les Etats de 1752; mais elle n’eft pas aufhi rare qu'on le penfe. Le Bureau de Rennes en con- noît aux environs de Châteaubriant , au Pont-péan , dans les Paroïffes de Saint Gresoire , de Tréfumel, de Saint Juvat , du Beflo , &c. On peut d’ailleurs fe flatter d'en rencontrer dans tous les en- droits où l’on a trouvé des Marbres, des Pierres à Chaux , & en général des ma- tières calcaires. Il feroit de la plus grande AGRICULTURE. 179 utilité de connoître tous les lieux d’où l'on peut en tirer (a). La Société defireroit que pour hâter ces découvertes, les Etats fiffent les frais d’une fonde ou tarrière, de foixante ou quatre-vingt pieds de longueur pour cha- que Bureau ; & que les Aflociés fuffent chargés ou d’en faire ufage eux-mêmes, ou de les confier à des perfonnes intelli- sentes de leur Diocèfe. On fent bien qu'il feroit trèes-difpendieux de faire des fouilles fi profondes pour l'extraction de la Marne ou de la Pierre à Chaux; mais en fondant les terreins à douze, quinze & vingt pieds pour trouver ces ma- tières, on pourroit aller jufqu’à foixante ou quatre-vingt , pour découvrir de la Terre à foulons (4) , du Charbon de (x) Quelques perfonnes qui ont trouvé dans la Pro- vince des Argiles blanches, les ont prifes pour de la Marne. La Société a été con- fultée plufieurs fois fur la nature de diflérens échantil- lons de terre de cette efpéce qui lui ont été envoyés. Il peut être utile d’avertir ici que l’eau-forte verfée fur l’Argile s’y imbibe comme de l'eau pure, & qu’étant verfée fur de la Marne ou fur des terres marneufes, même en petite quantité, elle les diflout avec chaleur & ébullition. C’eftle moyen le plus für de diftinguer fur le champ ce qui eft marneux de ce qui ne l’eft pas. () Cette terre fi pré- cieufe aux Anglois, dont ils ont défendu l’exportation fous des peines fi rigoureu- fes, ne fe trouve fouvent 1850 AGRICULTURE. terre & d’autres Mines plus riches. Cette dépenfe feroit très-modique , & le pro- duit des découvertes qui en réfulteroient eft inappréciable (a). qu'à 50 ou 60 pieds de pro- fondeur. ( Voyez Les avan- tages € les défavantages de la France & de la Grande- Bretagne, pag. 128.) I y a beaucoup d’apparence qu'on en découvriroit en Bretagne. M. le Brigant a trouvé aux environs de Pontrieux une terre qui en approche beaucoup : M. de la Bourdonnaye , Procu- reur-Général-Syndic, a donné un échantillon de la même efpéce, qu'il a pris à Lohéac : M. Jacquelot de Bois-Rouvray , Confeiller au Parlement, en a trouve qui reflemble davantage à la terre à foulons d’Angle- terre. Ces trois efpéces de terres ont été prifes à la furface , fans excavations. N'y a-t-il pas lieu de pré- fumer qu'on rencontreroit des couches plus parfaites, fi on les cherchoïit à so & 60 pieds de profondeur ? (a) Le 17 Février 1759, les Etats ont fait fonds de la fomme de 900 livres, pour procurer à chacun des neuf Bureaux de la Socicté, une tarrière propre à dé- couvrir des mines, des car- rières de pierre à chaux, des marnes, de la terre à foulons, &c. CORPS AR À Se NUUZZZ Né : < NP YZN établiffant des Ecoles publi 224 D = re 1e de Fe, , les ne ont LR fourni à la Bretagne le moyen A le plus für de perfeétionner les Arts. La Société a rendu compte de ce qui concerne ces Ecoles, dans fes Obfervations fur l'Article premier des -Délibérations des Etats du 10 Février 1757 (a). Il ne lui refte qu’à parler des machines & des inftrumens utiles qui lui ont été remis , & de quelques prépara- (2) Voyez les Obfervations Prélimin. pag. 16 & fuiv. SEMOIR. 132 ARTS tions de nos matières qu'il feroit très- important de perfeétionner.” Quelque favorable que paroifle la mé- thode de M. Tull pour la culture des ter- res , elle préfente plufieurs obftacles. Le plus difficile à vaincre eft de fe procurer un Semoir aflez précis , pour qu’on foit für de n’avoir femé exactement que la quantité de grain qui doit donner la plus abondante récolte. M. Blanchet, dont on a déjà parlé a imaginé uninftrument de cette efpéce, qui remplit toutes les conditions us peut exiger. Îl eft fimple , léger , facile à gouverner , d'un prix modique (a); ae il difpenfe le grain dans la propor- tion qu'on defire. M. Tull a fait imprimer la defcription de fon Semoir. M. Duhamel qui en donna la traduétion dans fon premier vo- lume du Traité de la culture des terres j'a reconnu depuis , que cette defcription étoit nintellioible (b). 1 a inventé lui- même un Semoir : il y a fait fucceflive- ment différentes correétions. Ses Corref- EE (2) Il ne coûte que 36 (b) Voyez [on fecond vo- francs, & l’ouvrier le don- /ume de la Culture des ter- neroit à meilleurmarché, s'il res, pag. 132. étoit plus exercé à en faire. ARTS. 183 pondans y ont fait aufh divers change- mens. M. de Châteauvieux en a com- pofé un qu'on dit être plus parfait que tous les autres ; mais il coûte fi cher, qu'il ne peut jamais devenir un inftru- ment propre aux Laboureurs. Enfin M. l'Abbé Soumille a fait graver & impri- mer le deflein & la defcription d’une machine qui tend au même but. Son Se- moir coûte 120 livres , & il faut le faire venir de Villeneuve-lès-Avignon. Cette machine a été éprouvée à Montpellier, au mois d'Oétobre 1757. Les Etats de Languedoc qui furent aflemblés peu. de temps après, la firent examiner par des Ingénieurs qui l’approuverent. En con- féquence les Etats ordonnerent la conf- truction de deux Semoirs femblables , pour être envoyés à Narbonne & à Touloufe. La Société a examiné avec toute l'attention poflible le deflein & la def- cription du Semoir de M. l'Abbé Sou- mille. Elle croit pouvoir aflurer que celui de M. Blanchet eft de beaucoup plus fimple. D'ailleurs la machine de M. Sou- mille eft adaptée à une charrue. Une mule fuffit pour trainer & faire agir à la fois ces deux inftrumens. Les terres les HERSE. 184 ARTS, plus légères de Bretagne ne pourroient être cultivées avec la charrue & le Se- moir qui ont fufh pour les terres de Montpellier. M. Blanchet avoit promis un deffein & une defcription de fon Semoir. Ses affaires ne lui ont pas permis fans doute de s’en occuper. La Société pourra y fuppléer , après le fuccès des épreuves faites cet automne fur la Culture de M. Tull, parce que M. de la Chalotais & M. de Montluc ont des Semoirs très- bien faits, & dont ils fe font fervis l’un & l’autre avec la plus grande facilité. M. de Bruc, Aflocié du Bureau de Saint-Malo , s’eft attaché à perfeétionner la Herfe , inftrument aufhi\ néceflaire à l'Agriculture , en Bretagne fur-tout, que la charrue même. Comme tout le monde connoit la forme &c l’ufage de la Herfe , il feroit inutile d'en parler ici. Celle que propofe M. de Bruc , feroit particuliérement bonne pour les défri- chemens, ou pour les terres extrême- ment fortes, parce que dans l’un & l'autre cas on a befoin de divifer des mafles de terre très-grofles, & qui oppofent à l’inftrument beaucoup de réfiftance. ARTS. 185 La Herfe dont il s’agit, différe prin- cipalement de celles dont on fe fert aujourd’hui , en ce que les traverfes auxquelles font attachés les coutres, au lieu d’être quarrées & fixes, font rondes & mobiles. Ce font trois cylindres, de huit à neuf pouces de diamétre , portés par des tourillons , & chargés fur leur longueur d’un grand nombre de coutres difpofés en fpirale. Elle en différe auffi en ce qu'elle eft brifée fur fa longueur, enforte qu'elle préfente , pour ainf dire, un avant-train compofé de deux cylin- dres, & un arriere-train par lequel le troifiéme cylindre eft porté. Ces deux parties fe réuniflent par le moyen de gros anneaux de fer , ou de deux anneaux & de deux crochets, qui ont le même jeu que fi l’on y fubftituoit des couplets. M. de Bruc a remis au dépôt de la Société, un modéle qu’il a fait faire de cet inftrument. Il dit, en le préfentant, que l’ouvrier qui lavoit fait ne s’étoit pas conformé exaétement aux inftruc- tions qu'on lui avoit données ; qu’il croyoit même néceflaire de faire quel- ques changemens à cette machine & au Mémoire qu’il avoit fait pour la décrire. Un voyage dans lequel {es affaires l’en- 186 ARTS. gagerent alors, l'ont empêché de tra- vailler aux changemens qu'il s’'étoit pro- pofés. Ainfi la Société ne peut préfenter aux Etats que le modéle qui eft à fon dépôt. Quoique l’Auteur l'ait jugé im- parfait, il fufüt pour donner une idée aflez jufte de l'effet que doit produire cet inftrument. Machine … M. de Kergariou, Aflocié du Bureau nt de Tréguier, a donné à la Société une grands ar- machine qu'il a inventée pour tranfplan- bres. ter de grands arbres. L'avantage de fe procurer tout-d’un-coup des avenues , ou des bois bien alignés d’une certaine hauteur , avoit porté le Pere Sebañtien, fi célébre par la fimplicité & par la puif- fance de fes machines , à chercher les moyens de tranfplanter les grands ar- bres (a). La machine qu'il inventa, tranfporte les arbres couchés, c’eft-à- dire , dans une fituation horifontale. C’eft un avantage lorfqu’on eft dans la nécef- fité de païler par les portes d’un Parc. Mais l'inconvénient d’écorcher & même de rompre une grande partie des branches de l'arbre, eft trop grand, pour ne pas (a) Voyez le tom. 4. des TlAcadémie des Sciences , Machines approuvées par pag. 107 & fui. defirer ARTS. 187 defirer de l'éviter par-tout où l’on n’eft pas aflujetti à pañler par des portes. C’eft certainement le cas le plus ordinaire. M. le Marquis de Coëtnifan, Cor- refpondant de l’Académie Royale des Sciences , imagina en 1724 une ma- chine qui tranfporte un arbre dans fa po- fition naturelle , enforte que la tête en eft parfaitement confervée (a). Mais ou- tre que cette machine coûteroit fort cher, elle eft un peu compofée. M. de Kergariou a faifi un milieu entre l'extrême fimplicité de celle du Pere Sé- baftien, & l’efpéce de complication qui fe trouve dans celle de M. le Marquis de Coëtnifan. Ïl s’eft fervi de la machine qu'il a in- ventée pour tranfplanter près d’un millier d'arbres de quarante-cinq pieds de hau- teur. Îl n'en a pas péri un feul. | Cette machine confidérée en général, eit compofée de deux chévres affrontées, aflemblées par le haut à un poinçon, & par le bas à deux racinaux qui portent un plancher mobile ; d’un treuil appliqué aux bras d’une des chévres ; d’un avant- (a) Voyez le tome 4 des VAcadémie des Sciences, Machines approuvées par page 111 6 fav. 188 ARTS. train; d'un arrière-train & de deux pou- lies mouflées. Pour mieux entendre le rapport & l’aflemblage de ces piéces , il paroit né- ceflaire de les confidérer féparément. Les racinaux qui fervent d'empatement aux bras des chévres affrontées, ont fept pieds de longueur fur cinq pouces de grofleur. Ils doivent être percés à leurs bouts pour recevoir chacun un boulon de fer deftiné à les aflujettir fur l’eflieu de derrière. Ils font réunis du côté de lavant-train, par une traverfe qui a trois pieds & demi de longueur , non compris les tenons, & cinq pouces fix lignes fur cinq pouces de groffeur. La plus forte dimenfion doit être dans fon fens verti- cal. Cette traverfe porte fur l’eflieu de devant par fon milieu, & y eft aflujettie par une cheville ouvrière. La partie qu'occupe cette cheville eft la feule où la traverfe ait cinq pouces fix lignes d’é- paifleur. Cette piéce doit être délardée depuis ce point jufqu'aux racinaux , en formant une courbe infenfble. Cette précaution eft néceflaire , afin que la traverfe ne portant, pour ainfñ dire, qu’en un feul point fur l’eflieu de devant, le frottement foit moins fenfible , lorfque ARTS. 189 l'avant -train tourne , que fi la traverfe portoit fur l’eflieu dans toute fa longueur. Les quatre bras qui compofent les deux chévres , ont douze pieds de longueur , & trois pouces fur quatre de grofieur ; ils font aflemblés à tenons & mortaifes fur les deux racinaux , à cinq pieds de diftance l'un de l’autre. Par le haut ils font aflem- blés auf à tenons & mortaifes, à un poin- çon de deux pieds de longueur , & de qua- tre pouces de groffeur. Ces derniers af- femblages font fortifiés par un lien de fer qui embrafle les quatre bras des chévres à leur extrémité. Ce poinçon eft percé dans fa partie fupérieure , pour recevoir une corde deftinée à lier l'arbre à une certaine hauteur , afin d'empêcher que fa tête ne l'emporte tandis qu'on l’enléve. Les deux bras de la chévre du côté de l’avant-train , portent un treuil élevé de deux pieds au-deflus des racinaux. Les tourillons de ce treuil roulent dans des anneaux de fer fixés par des collets, aufi de fer , cloués fur les bras de la chévre. Un cordage qu’on roule fur le treuil, répond à deux moufles , l’une fupérieure, qui porte trois poulies, dont celle du milieu a un plus grand diamétre , & re- P:2 190 ARTS. çoit la corde dutreuil ; l’autre inférieure, qui ne porte que deux poulies. Tout cet appareil eft élevé fur les deux efleux des roues. Il eft arrêté à celui de devant par la cheville ouvrière, & fixé à celui de derrière par deux bou- lons de fer qui traverfent & l'extrémité poftérieure des racinaux , & l’eflieu même , en pañlant par des trous corref- pondans. L’effieu de devant a cinq pieds fix pouces de longueur , fans compter la par- tie qui traverfe les moyeux des roues. Il eft plus long que celui de derrière , afin de donner du jeu aux roues , lorfqu’on pañle par des chemins tortueux. L’eflieu de derrière a quatre pieds fix pouces de longueur , aufli fans compter la partie qu'occupent les moyeux. Les roues ont deux pieds huit pouces de diamétre total. Un brancard eft aflemblé à l’eflieu de devant. Pour faire ufage de cette machine, il eft néceffaire d’avoir quatre planches de quatre pieds quatre pouces de longueur, de dix pouces de largeur , de deux pouces fix lignes d’épaifleur , entaillées par leurs bouts d’un demi-pouce. Ces quatre plan- ARTS. 191 ches forment un plancher mobile qui porte fur les deux racinaux. Lorfqu’on veut tranfplanter un arbre, on commence par en dégarnir le pied tout autour , en faifant une tranchée aflez large pour laïfler un libre pañlage aux roues de derrière. On lui con- ferve une motte d'environ trois pieds cubes. Dès que la motte eft bien dégagée , & que le fond & l'entrée de la tranchée {ont applanis, on en approche la ma- chine , & on l’y fait entrer après avoir Ôté l’effieu de derrière. Cette opération fe fait aifément , parce que , comme on la dit , les racinaux ne font fixés à cet eflieu que par deux boulons de fer placés à leur extrémité. Ainfi deux hommes en foulevant ces racinaux, dégagent la par- tie des boulons qui traverf{e l'eflieu. Après avoir Ôté l’eflieu , on fait recu- ler la machine jufqu’à ce que le corps de l'arbre touche au poinçon qui réunit les deux chévres. Alors on fouléve les raci- naux pour remettre l’eflieu de derrière, & on le fixe avec les deux boulons de fer. On lie l'arbre par en haut avec la corde qui pañle à la partie fupérieure du poin- çon; & par en bas , le plus près des ra- P3 192 ARTS. cines qu'il eft poflible , avec une corde attachée à la moufle inférieure. Dans cet état on coupe avec une béche les racines & la terre du defflous de lar- bre. S'il eft dans une terre forte & te- nace , comme les terres argileufes, cette opération fe fait fans éboulement ; mais s’il eft dans une terre légère ou fablon- neufe , il faut ferrer la motte avec une toile forte pour l'empêcher de s’é- bouler. Dès que l'arbre eft entiérement déta- ché , on l’éléve par le moyen du treuil , jufqu’à ce que le deffous de fa motte fur- pafle de quelques pouces les racinaux. Tandis qu'il eft fufpendu , on pañle par- deflous , les quatre planches qui forment le plancher mobile ; après quoi on lâche doucement le treuil jufqu’à ce que l'arbre foit pofé fur ce plancher. Comme dans le tranfport il peut fur- venir quelques tremouflemens capables de faire fauter les boulons de fer quifixent les deux racinaux à l’efieu de derrière , on doit lier les racinaux à l’eflieu avec une corde; on peut même faire faire un œil à l'extrémité des boulons , & les fixer {ous l’effieu avec des clavettes de fer : mais M. de Kergariou préfére les cordes, ARTS. I parce que d'un côté il faudroit donner plus de longueur aux boulons, ce qui augmenteroit la difhculté d'ôter & de remettre l’eflieu , & que d’un autre côté les clavettes peuvent être oubliées ou fe détacher en chemin , ce qui mettroit la machine en péril. Quand l'arbre efttranfporté dans l’en- droit où on le veut planter , on dirige la machine de façon qu'il réponde per- pendiculairement à La Poe qu'on a creu- fée pour le recevoir. On fait agir le treuil pour le foulever de quelques pouces, afin d’avoir aflez de jeu pour pouvoir ôter le plancher mobile fur lequel il eft appuyé. On lâche enfuite doucement le treuil & la corde qui lie l'arbre par en haut, juf- qu'à ce qu'il foit defcendu dans la fofle. On détache la corde qui le lie près des racines , & celle qui le contient pres de fa tête ; on ôte l’eflieu de derrière, pour pouvoir retirer la machine , apres quoi il ne refte qu’à remplir la foffe. Il eft eflentiel de garnir fur le champ le pied de l’arbre de dix-huit ou vingt pouces de terre au-deflus du fol, & de la bien prefler. Lorfque cette attention a été négligée , la plupart des arbres ont été renverfés par les vents. P4 194 ARTS. EXPLICATION DES FIGURES: a. Les deux racinaux qui fervent de bafe avec leur traverfe du côté de l’avant- train. b. Cheville ouvrière qui aflujettit la tra- verfe à l’eflieu de devant. c. Mortaifes deftinées à recevoir les bras des chévres. d. Boulonsqui aflujettiflent les racinaux {ur l’eflieu de derriere. a. Planches dont on forme le plancher mobile. b. Entaille pour aflujettir les planches fur les racinaux. a. Les bras des chévres. b. Poinçon auquel font affemblés les bras des chévres par en haut. c. Lien de fer qui affermit l’afflemblage des bras au poinçon. d. Corde fervant à lier l’arbre par le haut, pour empêcher que la pefanteur de fa tête ne l'emporte. e. Treuil adapté aux deux bras de la chévre antérieure. f. Moufle à deux poulies. g. Moufle à trois poulies. re IV. À. La Machine entière montée & char- gée de l'arbre. ARTS. 19$ La Société croit devoir rendrecompte aux Etats des foins que fe donnent plu- fieurs de fes Membres pour enrichir la Province de machines & d’inftrumens qui y font inconnus , ou qui n'y font pas aflez connus. M. de Montluc , du Bu- reau de Rennes , & M. de Kergariou, de celui de Tréguier , fe font chargés de faire faire un modéle du Moulin à huile quieft à Lannion. M. de Bruc, du Bureau de S. Malo , a fait venir une charrue de Caën, qu'il a fait opérer , dont il eft fort content , & qui peut fervir à per- fectionner celles de Bretagne. D'autres Membres de la Société ont pris des me- fures pour avoir différens modéles des Charrues & des autres inftrumens de la- bourage qu’on emploie à la culture. Leur objet eft de rendre les nôtres plus com- modes & plus parfaits , ou d’en procu- rer de nouveaux qui pourroient nous être néceflaires. Lorfque tous ces modéles fe- ront remis au dépôt de la Société , ils formeront la colleétion la plus précieufe, & le Public en retirera certainement quelques avantages. Les inftrumens du labourage , les ma- chines propres à faciliter les plantations, regardent le premier des Arts , l’Agri- FILATURE. 196 ARTS. culture. Mais les Arts qui s’exercent fur les produétions de la terre, qui y ajou- tent de nouvelles valeurs, ne font pas moins dignes & de l'attention & de la protection des Etats. Les fils de lin & de chanvre , les toiles qui en font formées, doivent plus ou moins augmenter nos ri- chefles, à proportion de l’adreffe de nos Fileufes. Leur art perfeétionné feroit nai- tre parmi nous deux efpéces de Fabriques nouvelles ; celle du coton de nos Colo- nies , celle des toiles fines de chanvre. Ne peut-on pas même aflurer que nos laines feroient appréciées avec plus d’é- quité, fi nous {çavions mieux les filer? La Société regarde donc la filature en tout genre comme un Art principal. S'il n'a pas atteint en Bretagne un dégré fuf- fifant de perfeétion ; il peut être porté rapidement plus loin qu’il n’a été jufqu’à réfent. C’eft la filature qui tire d’un arpent de terre des environs de Bruxelles , des va- leurs égales au revenu de toute la Pro- vincéde Champagne (a). Mais fans nous attacher à un exemple qui fuppofe un genre de Manufaéture que nous n'avons a LS (a) Voyez l'Effai fur la néral , par M. Cartillon , nature du Commerceengé- pag. 346 306. ARTS. 197 as encore (a), jettons les yeux fur l'Ecofle & l'Irlande qui, comme nous , emploient leurs fils de lin en toiles. Nous jugerons par les progrès de leurs Manu- factures , de l’intérêt que nous aurions à fuivre leur exemple en perfeétionnant l'Art de nos Fileufes. L'Auteur de l'Effai fur l’état du Com- merce d'Angleterre , dont le but étoit de porter le Parlement à favorifer tout ce qui pourroit en augmenter les bénéfices, regarde le filage comme un objet eflen- tiel. ,, [l eft à remarquer , dit-il (4), ,, que le filage eft la partie /a plus avan- ,, tageufe du travail des Manufaétures ; ,, Car on y emploie des femmes & des ,, filles à qui on ne trouveroit pas d’au- ,, tre occupation. ;, En perfettionnant cette partie , l’Ecoffle eft parvenue à faire un grand Commerce de toiles. On y file du fil très-fin | & c’eft le fruit d’inftruc- tions données par des François. ,, Le ,» progrès des Ecoflois dans le filage eft ,, dù à une Ecole Françoife établie chez (a) La Manufa@ture des à Spenfer Compton, qui Dentelles. mérita d’être choiïfi deux (b) Voyez fon Epitre à la fois pour remplir la Place tête de l’Effai fur l'Etat du de Préfident , ou Orateur Commerce d'Angleterre, de la Chambre des Com- pag. xxi. Elle eft adreflée munes. 198 ARTS. >» EUX pour cette efpéce d’Art (a).,, Quel objet d'émulation pour la Bretagne ! La Société ne defireroit pas que les Etats établiffent des Ecoles pour former des Fileufes. Ces Ecoles n'inftruiroient qu'un petit nombre de perfonnes ; & ce qui feroit plus défavantageux encore, on ne pourroit les établir que dans les villes. Or c’eft dans les campagnes qu’on doit exercer les Fileufes , 1°. pour en avoir un plus grand nombre, 2°. pour obtenir cette main-d'œuvre à meilleur marché; moyens infailhbles de faire prof- pérer les Manufaétures & de foutenir avec avantage la concurrence des étrangers. L'expérience étant le meilleur de tous les guides , la Société ne peut mieux faire que de rendre compte aux Etats d'un moyen employé depuis quelques années par M. de Montluc dans la Paroifle de Laillé. Il a perfectionné la filature avec une rapidité qu’on n’eût ofé fe promettre. Perfuadé par l'exemple de l'Angleterre, que les prix accordés aux ouvriers exci- toient entre eux une vive émulation , il fit publier qu'il donneroit un premier, un fecond & un troifiéme prix aux Fileu- (a) Voyez l’Effai fur l'E- gleterre | rome I, page tat du Commerce d’An- 197. ARTS. 199 fes qui auroient le plus approché de la perfection. Celles de la Paroifle qui ont concouru, apportent leurs fils, auxquels on attache des numéros. On les envoie à Rennes à une perfonne expérimentée qui défigne , par leurs numéros , ceux qui font les plus parfaits. M. de Montluc diftribue les prix aux trois meilleures Fi- leufes ; & fur les avis de la perfonne qui en a décidé, il avertit les autres des dé- fauts de leur filage , afin qu’elles s’appli- quent à s’en corriger. Ces inftruétions nourriflent en elles l’efpérance de l’em- porter dans la fuite fur les autres. Quoi- qu'il n’y ait que trois prix , celles qui en ont le plus approché , obtiennent une gratification. Les Fileufes qui concoururent la pre- mière année , apporterent toutes des fils au-deffous du médiocre. L'année d’après le filage fe trouva perfeétionné. Enfin les fils ordinaires de 1758 étoient égaux à ceux qu'on avoit jugés dignes des prix émis 7: Ce genre d'encouragement eft d’au- tant plus favorable aux Fabriques , que trois prix accordés fuffifent pour former à la fois un très-erand nombre de Fileu- fes. Chacune d'elles fait tous fes efforts 200 ARTS. pour mériter le premier prix ; l'applica- tion eft générale, & le fruit de l'émula- tion eft de diriger toutes les mains vers la perfection. La Société defireroit que les Etats ac- cordaffent des encouragemens femblables dans les lieux où il feroit le plus avanta- geux de perfeétionner la filature. Mais il feroit eflentiel de les porter dans les campagnes. Rien n’eft plus conforme au bien du Commerce , que d'éloigner des Villes , le plus qu'il eft poffble , & les Manufaëtures & les préparations des ma- tières qu’elles emploient. Si les Etats fe portoient à établir des prix pour cet objet , ils ne formeroient pas dans toute la Province une dépenfe de mille écus par an, & ils produiroient des valeurs réelles pour plus de cinq cens mille francs. Qu'il foit permis à la Société de rap- orter à cette occafon un fait très-remar- quable & qui n’a point été imprimé. Un Miniftre de l’Impératrice Reine de Hon- grie lui préfenta huit deffeins d’Etoffeside foie qui coûtoient douze mille francs, ar- gent de France. M. Thys, Bourguemef- tre & Fabriquant à Eupen, Ville du Du- ché de Limbourg , que cette Princefle ARTS. 201 avoit mandé pour le confulter fur les moyens d'augmenter les Manufaétures , étoit préfent lorfque ces defleins furent examinés. Le Miniftre dit qu'ils étoient fi chers qu’il étoit dégoûté d’en faire faire. M. Thys repréfenta qu'il n'étoit pas im- pofñlible d’en avoir un très-grand nombre & à très-bas prix ; qu'il fufhroit peut- être d'annoncer dans les Papiers publics, que ceux qui donneroient les deux plus beaux defleins pour des Etoffes de foie , auroient un prix de quinze cens francs pour chacun. Cette annonce procura deux cens vingt defleins , dont plus de deux cens furent exécutés ; ainfi ils ne revenoient qu’à quinze francs piéce. Cet exemple s'applique naturellement aux prix qui feroient accordés pour la filature. Les Etats récompenferoient quelques Fi- leufes. Une multitude d’autres mettroient dans le Commerce une mafle confidéra- ble de fils fupérieurs à ceux qu’elles euf- fent filés , fi elles n’avoient point été ani- mées par l’appas d’un prix. Il feroit peut-être néceffaire que ces prix fuflent diftribués dans les Paroifles voifines des Bureaux de la Société. Par exemple, le Bureau de Rennes pourroit être chargé d'encourager les Fileufes des 202 ARTS: Paroifles de Meleffe & de Montreuil-le- Gaft, où les Fermiers , leurs domefti- ques , enfin tous les Payfans fabriquent des coutils , des toiles de lin & de chan- vre ; les Fileufes de Vern, de Chateau- giron , de Piré , de Noyal , où fe filent les chanvres employés dans les toiles à voiles. Le Bureau de Saint-Brieuc , celui de Tréguier veilleroient fur la filature des lins employés dans les toiles de Pontivi, de Quintin , d'Uzel, de Loudéac, de Moncontour, de Morlaix. Enfin la So- ciété entière s’occuperoit de l’amélio- ration d’une branche d’induftrie fi pré- cieufe. Chaque Bureau pourroit être chargé d'envoyer un de fes Membres fur les lieux , pour annoncer les prix & pour avertir les Fileufes des défauts qu’on au- roit remarqués dans leur filage en géné- ral. Siles Paroifles à qui cet objet d’ému- lation feroit néceflaire , fe trouvoient trop éloignées du Chef-lieu du Bureau, les Etats pourroient autorifer la Société à fe faire fuppléer par des Correfpondans. L’encouragement propofé exige un fonds fi modique , qu'il pourroit être compté pour rien , quand même les Etats en accorderoiïent un femblable à la filature de ARTS. 20 de la laine & du coton. Il aflureroit une augmentation prompte dans nos Manu- factures de petites étofles de laine , & une amélioration marquée fur leur qua- lité. A l'égard du coton, outre l'avan- tage d'en fournir à nos Manufaëtures , afin que le prix de toute la main-d'œuvre reftàt en Bretagne, il feroit très-avanta- geux defortifier cette branche de culture dans les Colonies ; l'Etat même y gagne- roit beaucoup, puifque notre navigation & le nombre des matelots augmenteroient dans la même proportion. C’eft par des prix de cette efpéce que l'Ecofle & l’Irlande ont fecoué le joug de l’oifiveté & de la pauvreté. On avoit tout à créer dans ces deux Royaumes ; on a furmonté tous les obftacles en ré- compenfant l’induftrie du peuple. Les Etats ont l’avantage de n’avoir qu’à per- feétionner (a). L'importance des fils de lin & de chan- vre pour cette Province , a rendu la So- ciété très-attentive à une découverte faite (a) Le 17 Février 1759 par la Société, pour être les Etats ont fait un fonds employé en des prix qui fe- de 2700 liv. qui fera par- ront accordés aux Fileufes, tagé également entre les en fuivant la méthode de neuf Evêchés, & diftribué M. le Préfident de Montluc, TEINTURE, 204 ARTS. à Nimes par le Sieur Eymar. Il a trouvé le fecret de teindre ces matières en rouge d'Andrinople, Le même fecret avoit été découvert pour le coton ; mais jufqu’à préfent les fils de lin & de chanvre avoient échappé à tousles moyens dont on s’étoit fervi pour leur appliquer cette teinture. La Société avertie quele Sieur Eymar demandoit au Confeil un privilége exclu- {if , lui fit efpérer que les Etats récom- penferoient fes talens , s'il vouloit s’éta- blir en Bretagne. Il envoya des fils de lin & de coton de fa teinture. On les fit débouillir ; la couleur réfita parfaite- ment à cette épreuve. Cet Artifte ne voulut prendre aucun engagement fans être für d'être récompenfé. La Société ne pouvoit lui donner que des efpéran- ces. Pendant la durée de cette négocia- tion , les Etats de Languedoc s’afflemble- rent , & fixerent le Sieur Eymar dans leur Province, en lui accordant une gra- tification de 10000 liv. Ils prirent en même temps des précautions pour s’aflu- rer qu'il ne communiqueroit pas fon fecret. Sur Le rapport qui fut fait de cette dé- couverte , les Etats délibérerent ,, d’ac- ,, corder au Sieur Eymar, Négociant à ARTS. 20$ ,, Nimes , la fomme de 10,000 livres, ,, laquelle feroit impofée & payée en ,, trois années, à commencer la préfente ,, année (1758 ), à condition par ledit ,, Sieur Eymar d'exécuter le procédé de ;, fa teinture en rouge d’Andrimople, fur ,, le coton, le fil de lin & de chanvre, en ,, préfence de M. l'Evêque de Nimes, & , de lui remettre ledit procédé , lequel ,, feroit en préfence dudit Sieur Eymar ,, enfermé dans une caflette fermant à ,, trois clefs, dont lune refteroit entre , les mains de M. l'Archevêque de Nar- ,, bonne , une entre les mains de M. » lEvêque de Nimes, & la troifiéme , entre les mains du Sieur Eymar; la- ;, quelle caffette feroit dépoiée au Greffe des Etats; & que dans le cas que ledit > Sieur Eymar porteroit par lui-même » ou par des Affociés, le fecret de fa teinture dans d’autres Provinces , il ; {eroit permis aux Etats de rendre pu- >, blic le procédé de ladite teinture : à » laquelle condition le Sieur Eymar fe- » Toit tenu de fe foumettre par écrit », avant de recevoir le premier payement » de ladite gratification. ,, Le projet d'attirer cet Artifte ne pou- vant plus être renoué , la Société s’atta- Q 2 206 ARTS. chera du moins à ranimer la teinture des fils connus fous le nom de Fils de Bre- ragne. M. de Livoys fe difpofe à étudier & à rectifier les pratiques de nos Tein- turiers. M. Hellot, de l'Académie Royale des Sciences, dit dans fon excellent Traité de la teinture des laines (a) , que la France produit plufieurs plantes qui jeroient pro- pres à donner de très-belles couleurs, & dont on ne fait aucun ufage faute d’obfer- vations & d'épreuves. Excité par cette efpéce d'invitation, M. de Livoys qui aime la Botanique , s’eft appliqué à étu- dier quelques plantes, dont le fuc ou les fécules donnent des couleurs vives & pures. Ces plantes font fauvages,; il pré- fume qu'en les cultivant elles peuvent acquérir plus de perfeétion. Il ma fait encore à cet égard que de légères expé- riences; mais 1 compte les fuivre avec attention; la Société, ou plutôt le Public en profitera. Parmi les fils teints, le plus précieux & le plus cher, eft cette efpéce de fil bleu qu'on nomme #%/ d’épreuve. il doit paroi- tre bien étonnant qu'on ne le teigne pas en Bretagne, où les Colonies verfent une (a) Voyez l'Art de la teinture des laines , par M. Hellot, pag. 240. ARTS. 207 fi orande quantité d’indigo. Mais ce n’eft pas l'impoffibilité de le tendre, qui prive la Province de cette branche de teinture ; c'eft l'imperfettion de notre filature. Le fil d'épreuve eft aflez fin ; cependant il eit retors. Ainf il eft aifé de concevoir que nos Fileufes font bien éloignées de fournir aux T'einturiers des matières aflez parfaites pour foutenir la concurrence des fils d'épreuve de Flandres. Les en- couragemens fur la filature que la Société propole aux Etats d'accorder, contri- bueroient à faire naître ce nouveau Com- merce. MM. les Evêques pourroient y con- tribuer plus efficacement que perfonne. Les Dames Paulines & les Dames de la Croix, de Tréguier , ont porté les pré- parations & la filature du lin à un dégré très-fupérieur à tout ce qui fe fait en Bre- tagne. Elles aflurent elles-mêmes », à ce qu'on prétend , qu’elles pourroientattein- dre à une plus grande perfeétion. Si les Prélats de la Province vouloient exciter lémulation à cet égard dans les Commu- nautés de leurs Diocèfes , les fils qui en {ortiroient , feroient fufifans pour ali- menter des Manufaétures de toiles & de batiftes de la première qualité. Ce feroit Q 3 Blanchif- feries, 208 ARTS, le moyen le plus prompt de parvenir à limitation des toiles d'Hollande , qui font l’objet de l'Article Il. des Délibé- rations des Etats du 10 Février 1757. D'ailleurs un genre de filature en ame- nant toujours plufieurs autres , l'exemple des Communautés pourroit inviter à filer le coton, & les Religieufes fe por- teroient peut-être à le filer elles-mêmes. La Société ne doute point que plus nos fils feront parfaits , plus nous fen- tirons la néceffité de chercher les moyens de perfeétionner le blanc de nos toiles. On ne fçait à quoi attribuer l'opinion de quelques Négocians qui prétendent que nous ne devons pas fonger à rendre nos Blanchifleries plus parfaites. Sans parler des blancs de Harlem, qui fur- paflent tous les autres, ceux de Beau- vais, de Senlis, de Troyes , de Laval, l'emportent fans proportion fur ceux de Bretagne. On a eflayé cet automne (1758) une matière qui fans être cor- rofive , a hâté le blanc de quelques écheveaux de fil, & de morceaux de toiles écrues, mis en expérience. Si.ces épreuves qu'on doit répéter ; donnent un blanc comparable à celui des Villes qu'on vient de nommer, la Société en ARTS, 209 rendra compte au Public. La matière dont on s’eit fervi, eft à fi bon marché qu'elle doit être comptée pour rien dans le prix des toiles. Mais il n’y a que les Etats qui puiffent faire fruétifier les foins de la Société fur un article fi intéreffant pour la Province. Nous ne ferons jamais une grande quantité de belles toiles , qu'en encourageant la filature , & en multipliant les bonnes Fileufes par des prix attachés à leurs progrès. Sans attendre que les toiles foient por- tées en Bretagne à la perfe&tion dont elles font fufceptibles , ilferoit bien avan- tageux au Commerce, qu'on pût imiter celles qu'on nomme Plarilles, & fur- tout le pliage de ces toiles. Elles entrent dans tous les aflortimens du Commerce de Guinée. Elles font d’une qualité com- mune; mais la manière de les plier n’a pu être imitée en France jufqu’à préfent. Un léger détail fuffira pour faire {entir combien cet article eft intéreAant. Les Plarilles {ont des toiles qui fe fa- briquent en Siléfie, principalement à Hirshberg. Il s’en fait auffi à Landshut : en Boheme, fur les frontières de la Siléfie. Les Hambourgeois qui les tirent prefque toutes , en font un grand commerce avec # Q 4 Pliage des > 1 lle Plat 1C5e 210 ARTS. la France & avec l’Efpagne. On les dif- tingue en fines & inférieures. Les pre- mieres fe confomment en Europe & en Amérique; les autres en Amérique & en Afrique. Ce font les dernières qui doi- vent d’abord nous occuper. Suivant le tableau de nosexportations, les armemens faits à Nantes & à Saint- Malo, pour Guinée, pendant les fix an- nées de 1749 à 1754, en ont employé 277 mille 87o pieces. SÇAVOIR: { 81,538. MNNarES 17495 2,000. S Malo: 415496... 3. Nantes. 1950 SRE ANR ENT 30,635. HNanres is 4,170. si, SM 42,670.:« - =. Nantes 107 24146 : cle ie 192 NÉE 35,484. . . . Nantes. { 251312: +. 3. SMS: 33000. . s LniNatites 17,3% 1,2$0. 12825. Malo: 1755: 277,870 piéces. ARTS. 211 Le prix ordinaire des Platilles de cette efpéce eft de $ liv. $ f. Ainfi, pendant ces fix années, deux feules Villes de Bretagne en ont acheté pour un million 458 mille 817 iv. 10 fols. Le taux de l’année commune eft donc de 46 mille 311 piéces, qui coûtent 243 mille 136 liv. $ fols. Cette branche de Commerce eft affez importante pour mériter l'attention de la Province. Il eft vrai que dans l’année 1749, qui fut la première de la paix, le Commerce de Guinée fut un peu forcé: mais il faut confidérer qu’on ne parle ici que des Ports de Nantes & de S. Malo. Si cette induftrie s’établifloit en Bre- tagne, on pourroit afpirer , outre l’ap- provifionnement des Ports de la Pro- vince , à la fourniture des autres Ports du Royaume , & même concourir à celle de l'Efpagne. L’imitation de ces toiles eft aifée. Si la Siléfie a réufi à contrefaire les toiles de Bretagne, la Bretagne peut à plus forte raifon contrefaire celles de Siléfie. On a fait quelques effais qui ne permet- tent pas d'en douter. Mais on réufhroit en vain dans l'imitation des Platilles, fi l’on ne parvenoit pas à les établir à 212 AÆR'TIS. meilleur marché, ou du moins au même prix que l'Etranger. IL eft d'autant plus naturel de s’en flatter, que le tranfport de Siléfie en France occafionne des frais qu'on ne peut évaluer à moins de 4 à $ pour cent. Quelques encouragemens pourroient exciter cette fabrique. Mais ce n’eft que des Tifflerands répandus dans les campagnes, & fur-tout des Tiflerands cultivateurs, qu’on doit attendre le bon marché de la main-d'œuvre. C’eft - là qu'on eft für de trouver l’économie, compagne de la frugalité , & que de rands travaux fe contentent de petits 2e D'ailleurs le prix ordinaire des toiles de Bretagne démontre la pofhbilité de faire des Platilles à bon marché. Cette condition préliminaire étant remplie, il refteroit encore une difficulté à furmonter , c’eit limitation parfaite du pliage de ces toiles. Le but qu’on fe pro- pofe dans ce pliage eft de réduire chaque piece de platilles au moindre volume pof- fible. Il eft vraifemblable que l'économie du fret a donné lieu originairement aux plis multipliés & ferrés de ces toiles. Mais aujourd'hui ce n’eft pas ce feul motif qui fait defirer limitation du pliage. Les Népres, à qui il eft plus difficile ARTS. LEVÉ qu'onne penfe de faire prendre le change, voient du premier coup d'œil, auvolume feul de la Platille, fi elle eft véritable ou contrefaite. Il eft donc de la plus grande conféquence de s'attacher à les plier exaétement , comme les Siléfiens. Il n’eft pas impoññble d’y réuflir. Il eft plus que probable qu’on emploie en Silé- fie des prefles ou d’autres machines de cette éces Des réflexions & des expé- riences conduiront à ce procédé. Si les Etats promettoient une récompenfe à celui qui en feroit la découverte, plu- fieurs perfonnes pourroient s’y appliquer, & leur travail ne feroit peut-être pas in- fruétueux (a). Il y auroit un moyen plus court & plus fùr encore ; ce feroit d'envoyer à Hirshberg un ouvrier intelligent, & qui n’eût pas l'air de lêtre, ou de tâcher d'attirer en Bretagne un ouvrier habile de ce Pays-là. Les Etrangers ne négli- gent aucune attention pour s'approprier notre induftrie. [ls ont poufé la recher- che, dans limitation de tout ce qui entre dans le Commerce de nos toiles de Bre- (az) Les Etats ont pro- moyen facile & prompt tie mis une récompenfe de 300 plier nos toiles comme les div. à celui qui donnera un Platilles de Siléfie. 214 HRTES tagne , jufqu'à copier de petites planches qui fervent à les encaifler. L’attivité de nos concurrens doit nous faire fentir que nous ne {çaurions trop faire d'efforts pour étendré notre induftrie. Si elle ne s'étend pas , elle court rifque de s’éteindre. D'OBSERVATIONS. COMMERCE. rt A guerre avoit prefque entié- Tru Ch + RE + +: En i4 rement détruit le Commerce #i 22 4 5# extérieur de la Province ; finit avant que la Société fût éta- blie ; car nous devons à peine regarder comme notre Commerce celui que nous faifons par l’entremife des vaifleaux neu- tres. Les branches de ce tronc principal ne fubfftant plus, ileûtété difficile que la Société püt recevoir des inftruétions fur celles qui languiflent pendant la paix , & qui par cette raifon mériteroient d’être protégées & fecourues. Cependant la PÊCHES. SARDINE. 216 COMMERCE. Société n'a pas perdu de vue qu’au mo- ment de la ceffation de laguerre, le Com- merce maritime reprendroit fon ancien reflort. Elle a donc tourné fa principale at- tention fur les Pêches de nos Côtes. Elles fourniflent au Commerce intérieur & ex- térieur. Leur utilité pour la formation des matelots eft immédiate. Cette claffe d'hommes fi néceflaires à la Marine & au Commerce, elt aujourd’hui fi peu nom- breufe , qu’on ne peut trop s'occuper des moyens de l’augmenter. Le plus für de ces moyens , c’eft de favorifer nos Pêches. La Pêche de la Sardine eft d’un pro- duit fi confidérable & fi connu , qu'il eft peut-être fuperflu d’expofer les bénéfices qu’en retire la Province. Cependant il peut devenir utile de répéter qu’en géné- ral on en fait monter le produit à plus de deux millions. Le Croific qui n’y em- ploie que trente bateaux , en retire au moins vingt mille écus chaque année. La Pêche du Port-Louis produit, année commune , plus de quatre cens mille liv. Celle de Belle-Ifle & de Concarneau n’eft pas moins confidérable ; &r lon pêche avec le même fuccès à Douarnenez & à Camaret. Au refte le Port-Louis feul occupe treize cens Pêcheurs, & fait fub- 2 COMMERCE. 217 fifter plus de dix-huit cens perfonnes em- ployées aux falaifons. l Mais fi les avantages de cette Pêche font aflez généralement connus, on con- noit à peine les gênes qui en arrêtent les progrès & les abus qui s’y font gliflés. Le concours des gênes & des abus eft d’au- tant plus dangereux , qu'il tend à ruiner ce Commerce & à détruire les autres Pêches de nos Côtes. La Société a reçu fur ce double objet des inftruétions très- détaillées de M. le Breton de Pontneuf, Aflocié du Bureau de Nantes, & de M. Perron, Aflocié de celui de Vannes. Le premier eft établi au Croific , le fecond au Port-Louis. Ainfi ils font à portée l’un & l’autre de s’aflurer exaétement des faits. L’expoftion qu'on en va faire, convaincra les Etats de la néceflité d’in- terpofer leur crédit pour faire cefler & les abus & les gènes dont le Commerce fe plaint. . M. de Pontneuf, dans fon Mémoire, entre dans tous les détails qui concernent la Pêche de la Sardine. Un de ces détails regarde l’appât dont on fe fert pour pren- dre cette efpéce de poiffon. L’Ordon- nance de la Marine (a) le défigne fous (a) Livre 5. titre 2. art. 12. 218 COMMERCE. le nom de Kéfure. Il eft plus connu en Bretagne fous celui de Rogue ou Rave. Onletire de Hollande & du Nord. C’eft une préparation d'œufs de Morue & d’au- tres poiflons (a). Une barrique pefant 300 liv. fe vend communément de dix à douze francs, & monte quelquefois juf- qu'à quarante. Quoiqu'il foit défendu , à peine de 300 liv. d'amende , d'employer dela Ro- gue ou Réfure qui n'ait pas été vifitée & approuvée , on emploie très-fouvent un appt plus nuifible que la Rogue la plus aigrie. On le nomme Gueldre , Guildille, ou Guildre. La Gueldre fe fait avec des Chevret- tes(b), des Cancres, &, ce qui eft plus pernicieux à tous égards , avec le menu frétin des Soles, des Merlans & des autres poiflons de toute efpéce , dont on forme une pâte en les pilant. Cet appât corrompt la Sardine en moins de trois heures. Il caufe une fi vive fermenta- (a) Il ef fâcheux & éton- nant que les Vaifleaux Fran- çois qui vont à la Pêche de la Morue , ne nous rappor- tent prefque jamais de Ro- gue. Les Pêcheurs négligent les œufs de ce Poiflon & les jettent à la mer. C’eft une négligence blämable. (b) On les nomme Cre- vettes, Grenades, Salicots, ou Salicoques dans d’autres Provinces. tion COMMERCE. 219 tion , qu'elle s’entrouvre par le ventre. On fe fert à Belle-Ifle d’une autre ef. éce de Gueldre qu'on nomme Menue. Ile eft compofée de toute forte de poif- {ons auf petits qu’une lentille. On en fait moins d’ufage, parce qu’elle eft plus chére. Elle coûte jufqu’à dix piftoles la barrique. Son plus bas prix eft de vingt francs, & c’eft le plus haut des autres Gueldres. M. Perron aflure qu'à la Côte du Port- Louis & dans les rivières voifines on prend tous les ans plus de quatre cens barriques de ce frai de poiflon. Les Réglemens qui profcrivent ces abus , font fans effet, parce que perfonne ne peut veiller à leur exécution. D'ail- leurs la pauvreté de ceux qui font ce tra- fic deftruétif, les raflure contre les amen- des prononcées par la loi. Il feroit ce- pendant néceflaire de remédier à ce dé- {ordre ; car , comme l’obferve M. de Pontneuf, l’ufage de la Gueldre doit être profcrit, non feulement par rapport à la Sardine qu’elle corrompt , mais encore parce qu’elle diminue & détruit les efpé- ces de poiflons du frai defquels elle eft compofée. ,, On ne doit point , dit-il, >» imputer aux entrepreneurs des prefles >) l'abus dont il s’agit. Il eft de leur inté- R 220 COMMERCE. ,, rêt de l’écarter ; mais ils ne peuvent ,, contenir les équipages de leurs chalou- ,» pes qui ne vifent qu'a fe procurer une > Pêche abondante , fans s'inquiéter de >, la confervation du poiflon. ,, Un Citoyen tres-digne de foi a attefté à plufieurs Membres de la Société , que dans la rivière de Hennebond on eft dans l'ufage de prendre tout le menu poiflon pour faire de la Gueldre. La grande éten- due des Côtes de Bretagne eitfifavorable à ceux qui font cette préparation , que l'abus fe commet publiquement. L’im- punité eft aufhi certaine que générale. Il y a quelques années qu'une perfonne qui prétend avoir un droit de Pêche excluff dans une partie de la rivière de Henne- bond , défendit à un Pécheur de conti- nuer à prendre du frai. Le Pêcheur y revint dés le lendemain ; il reçut un coup de fufil qui lui cafla la cuifie. Quel a été le fruit de cet acte de violence ? Les Pê- cheurs fe font portés au-deflous du lieu où l’on prétend que la Pêche eft exclu- five, & le poiffon continue à être détruit prefque en naïflant. M. Guillaume , Recteur de Piriac, dans un Mémoire fur les caufes de la flériliié des Péches , s'éléve avec beaucoup COMMERCE. 221 de chaleur contre la deftruction incroya- ble de poiflon , occafionnée par une au- tre efpéce d'appât qu'on nomme aufl Gueldre, & qui fert à la Pêche du Maquereau. Deux femmes en moins de deux heures prennent quelquefois jufqu’à 120livres pefant de cette manne précieufe qu'il feroit fiintéreflant pour l'Etat de con- {erver. Rien ne leur échappe, puifque c’eft de la toile qui leur fert de filet. On peut à peine imaginer la perte qui en réfulte. Cet abus ne s’eft introduit que depuis quelques années ; & M. le Reëteur de Piriac attefte que c'eft précifément l’épo- que d'une difette extrême de poiflon , fur une Côte qui en fournifloit ci-devant avec abondance. Un fi grand mal ne fai- fant que s’accroître de jour en jour , rien n'eft plus preflant que d’y appliquer un reméde prompt & efficace. Les amendes ne remédient à rien vis-à-vis de gens avides , mais infolvables. Un A fi dangereux , fi deftruétif , femble ne pouvoir être arrêté que par des moyens févères. Les Etats pour- roient demander au Parlement un Ré- glement qui ordonnât aux Juges de faire pratiquer rigoureufement aux Pêcheurs l'amende de 300 livres , prononcée par de 222 COMMERCE. l'Ordonnance. Si ce Réglement pouvoit être exécuté , il feroit néceflairement tomber la Gueldre, parce que ceux qui la compofent ne trouvant plus d’ache- teurs , cefleroient d’en préparer. Mais ce reméde feroit impuiflant contre l’abus dont il s’agit. Il n’eft pas pofhble aux Officiers de l'Amirauté de veiller fur une malverfa- tion de détail qui fe fait dans une multi- tude de petits endroits. D’un autre côté, les Juges des lieux n’ofent s’immifcer dans ce qui concerne les Pêches de la Mer. Cette matière eft fpécifiquement attri- buée aux Amirautés. L’amende ne tom- beroit donc que fur ceux qui acheteroient de la Gueldre dans les villes où ces Tri- bunaux font établis. Or ce n’eft point dans ces villes qu'on la prépare. Ainf l’abus fubffteroit malgré ce Réglement &c malgré l'intention qu’auroient les Juges de veiller à fon exécution. Il feroit peut-être aifé d’anéantir l’abus en l'attaquant dans fa fource , c’eit-à-dire, en puniflant ceux qui le commettent. On a déjà obfervé que leur pauvreté les met- toit à l'abri des peines pécuniaires. Il fe- roit donc indifpenfable de recourir aux peines perfonnelles, La Société montrera COMMERCE. 223 toujours le plus grand éloignement pour les voies rigoureufes , fur-tout contre des malheureux qui cefleroient de fe rendre coupables , fi on pouvoit les arracher à leur indigence. Mais le Public dont l'in- térêt doit faire difparoiître tout intérêt particulier , eft trop vivement bleffé dans cette occafion, pour qu'il foit permis d'écouter un fentiment de commifération, qui laifleroit fubffter un défordre fi per- nicieux (a). La Société croit donc qu'il feroit con- (z) L’Ordonnance des Eaux & Forêts, au titre des Pêches, défend de pé- cher la Truite pendant le temps du frai , à peine, pour la premiere fois, de 2oliv. d'amende & d’un mois de prifon ; du double de la- mende & de deux mois de prifon pour la feconde; du carcan, fouet & bannifle- ment pendant cinq ans pour la troifiéme. Elle prononce la peine de 1001. d’amende pour la pre- miere fois, & de punition corporelle pour la feconde, contre ceux qui fe ferviront d'aucuns engins & harnois prohibés par les anciennes Ordonnances, & de tous autres qui pourroient être inventés ex dépeuplement des rivieres. Elle veut qu'on punifle comme de vol, ceux qui vont fur les mares, étangs & foflés ; lorfquils font glacés, pour en rompre la glace, & y faire des trous pour pêcher , &c. &c. Ceux qui détruifent le poiflon de mer, lorfquil eft à peine de la groffeur d’une lentille , font-ilsmoins coupables ? En contreve- nantàl’Ordonnance dansles rivières, on ne ruine que le poiflon : en préparant de la Gueldre , on ruine les Pé- ches des Côtes de la Mer, & en même temps l'Ecole des matelots. R 3 224 COMMERCE. venable ; ou pour mieux dire , qu'il {e- roit néceflaire que les Etats fiffent folli- citer une Déclaration du Roi qui défen- dit de pêcher le menu frai qu'on emploie à faire de la Gueldre, fous peine de pri- fon pour la premiere fois , & d’une peine plus grande en cas de récidive. Pour af- furer l'exécution de cette Loi, il faudroit en charger les Juges Royaux , & même ceux des Seigneurs Hauts-Jufticiers dont le territoire s'étend jufqu’aux rivages de la mer , en concurrence avec ceux des Amirautés. Au refte, il feroit à pro- pos de rendre fi fommaire la procédure qui précéderoit la peine , que la puni- tion du coupable fût toujours prompte. L'exemple contiendroit ceux qui s’adon- nent à ce trafic ; il épargneroit aux Juges le déplaifir de multiplier les aétes de fé- vérité (a). Les gênes qui nuifent au Commerce de Sardine, découlent toutes d’un droit établi fur l’huile qu’en expriment les pref- feurs. Les Fermiers Généraux perçoivent (a) Les Etats ont chargé gne à tous Juges Royaux & MM. leurs Députés & Pro- des Seigneurs , de veiller à cureur-Général-Syndic à la lexécution des Réglemens Cour , de foiliciter une Dé- concernant la confervation claration du Roï qui enjoi- du frai des poifflons. COMMERCE. 225$ fur cette huile fix deniers , par livre du poids de feize onces , & les quatre fols pour livre en fus. Le quintal de cette huile fe vend communément vingt-cinq francs , & les droits montent à trois li- vres ; c’eit douze pour cent de la valeur de la marchandife ; fomme exorbitante qui furpafñle le profit du prefleur, & qui lui enléve un fonds qu'il feroit finéceflaire à l'Etat de laifler dans le Commerce. Cette charge devient même infupporta- ble , lorfque les preffeurs éprouvent de longs retardemens dans la vente, des al- térations ou des avaries fur la marchan- dife. Le Fermier profite feul alors d'une induftrie qui devient ruineufe pour len- trepreneur. Le droit dont il s'agit pro- duit peu au Roi ; il nuit beaucoup à une Pêche qu'il feroit très-important de fa- vorifer. Mais la manière de le lever de- vient plus nuifible encore. Pour aflurer la perception des droits , les entrepreneurs ont été aflujettis à ou- vrir leurs prefles & leurs magafins aux Commis des Fermes. Ces Commis font chargés d’y faire des vifites & des recen- femens avec autant d’exattitude & d’afli- duité que les Commis aux Devoirs chez les cabaretiers. Il eft vrai que ces vifites R 4 226 COMMERCE. fe font avec moins de régularité ; mais oneft en droit de les faire. La négligence ou, fi l’on veut, l’induloence des Pré- pofés , n'empêche pas que les prefleurs ne foient dans leur dépendance. Ces pref- feurs font continuellement agités par la crainte d'indifpofer quelqu'un de ces fur- veillans. Ils s'en vengeroient par les in- quifitions les plus gênantes. Aïnf la tran- quillité des prefleurs dépend abfolument de la bonne ou mauvaile intelligence qui regne entre eux & les Commis. Les droits établis fur les huiles en 170$ furent fufpendus dès 1716 par Arrêt du Confeil, dans le deflein d'augmenter les Pêches autant qu’il feroit pofhble. Cette fufpenfion a été prorogée jufqu’à préfent par des Arrêts qui fe font fuccédés. Le dernier eft du 18 Oëtobre 1757. Onne difimulera point que le but de cette exemption de droits , étoit particuliére- ment de favorifer la Pêche de la Baleine, de la Morue & des autres poiflons , à l'Ifle Royale. Mais le préambule de l’Ar- rêt du 1°". Février 1716, prouve que les intentions de Sa Majefté étoient de favorifer fans exception toutes les Pêches que font fes Sujets. ,, Sa Majefté , dit ,, ce préambule , defirant toujours con- COMMERCE. 227 »» tinuer l'attention qu’elle a de contri- ,» buer à l’augmentation du Commerce »» & de la Navigation de fon Royaume, , foit par rapport aux Pêches qui fe font ,, tant [ur les Côtes maritimes de France, ,» que dans les Mers du Nord, celles du S) . ,; Ifle de France, ci-devant »» appellée Cap-Breton , & dans les au- ,, tres Mers éloignées , &c. ,, Il femble que le vœu du Léoiflateur étoit de comprendre dans l’exemption de droits , toutes les huiles provenant des Pêches faites /ur les Côtes maritimes de France | & par conféquent celles qu'on tire de la Sardine. Cette préfomp- tion eft d'autant plus naturelle que la . Pêche de la Sardine en particulier a paru mériter d’être encouragée. Le Roï a dé- fendu l’introduétion de celle qui provient de Pêche étrangère. Il a accordé depuis fort long-temps , & il vient d'accorder fans limitation, par un Arrêt du 20 Sep- tembre 174$, une modération de droits fur les Sardines de Bretagne importées dans l’Anjou & dans le Maine. Cepen- dant l’huile qu’en expriment les prefleurs eft toujours aflujettie à des droits qui, comme on l’a dit, montent à douze pour cent de la valeur. 228 COMMERCE. Les Prépofés exigent les mêmes droits des Pêcheurs, fur l'huile qu’ils tirent des foies de Raie & d’autres gros poiflons. Qu'y at-il de plus propre à étouffer toute induftrie , & à éloigner les hommes d’une profeflion qui expofe continuelle- ment aux plus grands périls , & qui ja- mais ne donne de grands profits ? Le bien public demande donc que les Etats prennent des mefures pour faire éprouver aux Pêches quife font à la Côte, les effets de la proteétion que Sa Majefté accorde à toutes celles de fes Sujets. Les Pêches en général ne peuvent être trop protégées ; elles forment des branches de Commerce d'autant plus riches , que la nature nous apporte elle-même une moiflon dont elle fait tous les frais. C’eft d’ailleurs le meilleur & le plus fécond de tous les féminaires par rapport aux ma- telots. Ainfi on peut les regarder comme un vafte attelier d’où fortent les princi- paux inftrumens de notre Commerce ex- térieur. La Société resarde comme un principe univerfel , que tout Commerce qu'on dé- livre d’entraves , s'étend de lui-même, & que fon accroifflement n’a de bornes que l’impoflhbilité de la confommation , COMMERCE. 22 ou l’épuifement de la matière fur laquelle il s'exerce. Nousne pêchons pas à beau- coup près toute la Sardine qui fe rend chaque année fur nos Côtes ; la Pêche & le nombre des prefles augmenteroient donc néceflairement , fi l’on n’étoit pas rebuté par des droits de douze pour cent {ur la marchandife , & par la fervitude de chercher fans cefle les moyens de complaire aux Commis des Fermes. Cette branche déjà fi confidérable par l'exportation des Sardines preflées ; par la confommation de l'huile dont le peu- ple fe fert pour s’éclairer ; de celle qu'on mêle avec le brai pour l’enduit des navi- res , & de celle que les tanneurs em- ploient dans la préparation des cuirs, n'eft pas moins digne d’attention par les matelots qu'elle forme. Cinq hommes compoñfent l'équipage d'une chaloupe. On y ajoute deux en- fans de treize ou quatorze ans. Ce font ces enfans quiforment le fonds des Clafles de la Marine, & qui le renouvellent con- tinuellement. C’eft une pépinière d’où lon tire , outre d’excellens matelots, ces Pilotes Côtiers , dont l'expérience & lhabileté fauvent fréquemment nos vaifleaux battus par la tempête , ou 230 COMMERCE. chaflés par l'ennemi. De quelle impor- tance ne feroit-il pas pour l'Etat de multiplier des hommes fi précieux ! L'avis de la Société feroit donc que les Etats follicitaflent la fuppreflion du droit de fix deniers , par livre de feize onces , établi fur l'huile de Sardine. Cette grace paroït d'autant moins difhcile à obtenir , que la perception de ce droit contredit l’exemption accordée aux Su- jets du Roi fur les huiles provenant d’au- tres Pêches (a). A lécard des droits qui fe payent à l'entrée des autres Provinces pour la Sar- dine preflée , & qui {ont alternative- ment rétablis, modérés ou fupprimés, rien ne feroit plus avantageux à ce Com- merce qu'un Arrêt qui les fupprimät 1r- révocablement. Ces viciflitudes caufent des révolutions tres-nuifibles. Les Etatsne peuvent mieux employer leur crédit qu’à foiliciter des graces de cette efpéce (8). (a) MM. les Députés & Procureur-Genéral-Syndic à la Cour ont été charges de folliciter un Arrêt du Confeil , qui étende aux huiles provenant de la Pé- che de la Sardine, ou autres poiflons , l’exemption de droits prorogée par l’Arrèt du Confeil du 18 O&tobre 1752 (Bb) Pour ranimer la Pé- che du Hareng à Dieppe, le Roi fupprima, par Arrêt du Confeil, un droit de Subiflance qui avoit été joint COMMERCE. 231 Une Pêche moins connue , parce Harewc. qu'elle commence à peine à fe montrer, a d'autant plus intéreflé la Société , qu’elle a fait des progrès étonnans dans l’inter- valle de trois années. C’eft la Pêche du Hareng. Avant 1756 elle n'occupoit aux en- virons de Piriac que dix bateaux & trente hommes. Elle duroit environ quinze jours , & fon produit n’alloit ja- mais au-delà de onze cens francs. Plufieurs circonftances ont concouru aux progrès rapides de cette Pêche. La Sardine manqua. Les pirateries des An- glois ne permettoient pas de compter fur la Morue. Un Pêcheur imagina une manière de pêcher qui réuflit au-delà de toute efpérance. La cupidité fit naître lémulation. Soixante bateaux (a) alle- rent à Piriac en 1756; les Harengs frais ou falés leur produifirent au moins cent mille francs. Ils s’y rendirent en plus grand nombre en 1757. Les ouragans qui regnerent aux Fermes-Générales. Pré- ches de Comm. & de Navig. jugé favorable pour les dé- pag. 85.) marches , que feroit la Pro- (z) Les bateaux dont il vince, contre les droits fur s’agit, fe nomment Barges les Sardines. ( P. es Re- dans le Pays. Ils font du port marques fur pluñeurs bran= de 3, 4,5 & 6tonneaux, 232 COMMERCE. pendant les mois de Novembre & de Décembre, diminuerent de plus de moi- tié les produits de la Pêche : cependant elle fut évaluée à deux cens mille francs. Cette évaluation , qu'on dit être trop foible , eft appuyée ; Premièrement, fur un état détaillé de la quantité de Hareng que fit faler cha- que perfonne connue de Piriac & des environs. Cet état monte à feize cens cinquante-huit milliers. Secondement, fur la diftribution jour- nalière de Hareng frais que faifoient les Pêcheurs à ceux qui leur aïdoient à le préparer ; diftribution immenfe , puifque ces Pêcheurs donnoient ordinairement un cent & jufqu’à deux cens de Hareng à chaque ouvrier, pour le falaire de fa journée. Troifiémement , fur un aflez grand nombre de barriques qu'ont falé des per- fonnes du bas peuple, & dont on n’a pu avoir une note précife. Quatriémement , fur une multitude de barriques préparées par les Pêcheurs de plus de foixante bateaux. Chacun de ces bateaux fit plufieurs voyages à Nantes, pour renouveller les filets ; à chaque voyage , ils étoient chargés de quatre COMMERCE. 2 barriques de Hareng ; cependant à la fin de la Pêche, les Pêcheurs avoient encore plus de fix cens milliers de Hareng en barriques. Cinquiémement , fur la quantité de Hareng frais qu'on venoit acheter à Piriac pendant la durée de la Pêche. On eftime que cette quantité égale au moins celle du poiflon falé. Chaque jour on chargeoït jufqu’à cent chevaux ou mulets qui portoient chacun un millier de poif- {on frais. La Pêche a commencé cette année des le mois d'Août, & le nombre des bateaux a encore augmenté. Elle a beau- coup donné d’abord. Elle s’eft ralentie à la fin d'Oëtobre ; mais elle a repris avant la mi-Novembre. La Pêche commence ordinairement à la fin de Septembre, & dure jufqu’à Noël. Cette faiion eft fi orageufe, qu'il n’eit pas étonnant qu’elle renverfe quel- quefois les efpérances des Pêcheurs. Mais rien ne feroit capable de les décou- rager , S'ils avoient un afyle für iorfque la Mer devient dangereufe. La violence de la Mer & des vents met les bateaux dans un danger continuel de périr. Une barque chargée de quatre-vingt quatre 234 COMMERCE. milliers de Hareng , prête à partir pour la Rochelle, périt en effet dans le Port même , au mois de Décembre 1757. Cet accident fema l’effroi parmiles Pêcheurs. Plufieurs d’entre eux feretirerent, & on craignit d'en voir diminuer le nombre en 1758. [is n'ont été raflurés que par les efpérances que leur a fait donner la Société , que les Etats protégeroient leur Pêche, & fe porteroient à les mettre à couvert des naufrages. Le Port de Piriac étoit autrefois ga- ranti par une jettée qui eft à demi ruinée, & que la Mer couvre deux fois par mois. On prétend qu'avec une légère dépenfe, on pourroit la rétablir. Le tra abonde dans ces parages. S'il étoit pof- fible que trois cens bateaux y fuffent en fureté , ils fuffiroient à peine pour la quantité de poiflon qui s’y rend chaque année. On pêche auf du Hareng à Pennerf & à Mefquer. Les Pêcheurs n’ont rien à craindre dans ces deux Havres : mais on y trouve d’autres obftacles , & ils font infurmontables. On ne peut y entrer à Mer perdante, ni en fortir à Mer montante , à caufe de la force des cou- rans dans les goulets, Ainfi les Pêcheurs font COMMERCE. 235 font aflujettis aux marées , ce qui leur fait perdre une grande partie du temps propre à la Pêche. C’eft donc à Piriac, & , s'il étoit poflible , à Kervoyal qu'il feroit important d’aflurer un refuge aux bateaux. Des perfonnes inftruites préten- dent qu'avec des travaux d’une médiocre dépenfe on pourroit mettre dans ces deux Ports cent cinquante ou deux cens ba- teaux en fureté , & que leur Pêche chaque année pourroit monter à un million (a). Un article fi confidérable a fait defirer à la Société qu'un Ingénieur fût chargé de drefler des projets & des eftimations fur lefquels les Etats puffent faire un fonds dès cette année pour les travaux qui fe- soient jugés néceflaires. Les produits d’une feule Pêche dédommageroient fans proportion , de la dépenfe à faire pour ces ouvrages. Plus on fe hâtera d'y tra- vailler , plus on rapprochera la jouiflance (2) Cette conjeture n’a rien d’outré : on peut en juger par un calcul très-fim- ple. Un million partagé en- tre deux cens chaloupes, donneroit cinq mille francs pour chacune, En fuppo- fant que la barrique de Ha- reng contenant deux imil- liers de poiflon, fe vendit cinquante francs, ce feroit cent barriques par bateau, ou, ce quirevient au même, deux cens milliers de poif- fon. Il y a beaucoup d’exem- ples de Pêcheurs quiont pris fort au-delà de deux cens milliers, pendant les trois mois que dure la Pêche. S 236 COMMERCE. des bénéfices qu’on doit s'en promettre. La Société s’eft adreflée à M. le Duc d’Aiguillon; elle lui a envoyé un extrait des faits qu'elle avoit appris au fujet de cette Pêche. Elle lui a repréfenté combien il feroit utile de remettre aux Etats, dès cette année, un projet & une eftimation des travaux indifpenfables pour la fureté des bateaux ; que M. Magin pourroit fe tran{porter fur les lieux , & drefler un projet des ouvrages à faire ; chargé par la Province des mêmes opérations pour d’autres Ports, 1l étoit vraifemblable que fur l'avis de cet Ingénieur , les Etats fe détermineroient avec plus de confiance à faire un fonds pour l'exécution de ce qu’il auroit projetté. M. le Duc d’Aiguil- lon répondit à la Société qu'il concour- roit dans tout ce qui dépendroit de lui, à donner à cette Pêche la proteétion & les facilités dont elle a befoin ; que le Sieur Magin, qui le fuivroit dans la tournée qu'il comptoit faire fur les Côtes de la Province , examineroit le Port de Piriac, & feroit le projet & l’eftimation des ouvrages qu’il conviendroit d’y faire. C'eft aux Erats mêmes que M. Magin remettra fon ouvrage. Ils prononceront fur fon exécution. COMMERCE. 237 M. le Recteur de Piriac s’eft porté avec le plus grand zele à encourager & à inftruire les Pêcheurs. Il n’a point diffi- mulé à la Société que leur ignorance ou leur avidité, peut-être l’une & l’autre , nuifoient à la Pêche. Ils ont vendu comme bon, du Hareng mal préparé , mal falé. Rien n’étoit plus propre à décréditer la Pêche de Bretagne. La Société demanda des inftruétions fur les préparations. M. de Gournay , Intendant du Commerce, en envoya à M. de la Bourdonnaye, Procureur-Général-Syndic. Il écrivit en même temps que ,, le meilleur moyen ,» de procurer à nos matelots Bretons les ,, connoiflances qu'ont les Dunkerquois, ,» feroit d'en envoyer quelques-uns à ,» Dunkerque , pour y être employés ,, pour les bateaux pêcheurs. ,, La Société trouva quelques difficultés à fuivre ce parti; elle penfa qu'il vau- droit peut-être mieux attirer en Bretagne quelques perfonnes inftruites des prépa- rations. Un de fes Membres fut chargé d’expofer les raifons pour & contre. Ce fut le fujet d’obfervations qui furent adreflées à M. de Gournay & à M. le Recteur de Piriac. Le premier répondit: »» Je trouve en effet qu'il eft beaucoup S 2 233 COMMERCE. , plus fimple de faire venir des maîtres » que d'envoyer des apprentifs ; & fi le ,, fucces de cette Pêche depuis trois an- , nées, engage les Etats à faire quelque » dépenfe, ce parti vaut beaucoup mieux >» que d'envoyer des Sujets pour s’inf- », truire, par toutes les raïfons détaillées ,, dans votre Mémoire... ,, M. le Reéteur de Piriac penfe qu’il ef inutile & d'envoyer de nos Pêcheurs à Dunkerque , & de faire venir des per- fonnes exercées aux préparations pour inftruire les sens de nos Côtes. Il s’ap- puie fur ce que le Hareng des perfonnes qui ont profité en 1757 des inftruétions procurées par M. de Gournay , a foutenu la concurrence de ceux de Dieppe & de Dunkerque. Ce fait n’en détruit pas un autre qui eft beaucoup plus digne d'attention. C’eft qu'en 1757 prefque toutes les prépara- tions étoient aufhi défeétueufes qu’aupa- ravant. On compteroit à peine fix per- fonnes qui fe foient conformées aux pro- cédés qu’on leur a décrits ; & ilny a qu'elles qui aient foutenu la concurrence des Dieppois. Notre Pêche ne s’élévera jamais à une vraie concurrence , que lorfque les préparations feront uniformes CommERrcé. 23 & généralement bonnes D'ailleurs la So- ciété ne doit pas fe borner , comme M. le Reëteur de Piriac , à l'intérêt de fes Paroifliens. Egalement occupée des Pé- cheurs de toute la Province , elle voit la néceflité d'étendre la protection des Etats fur la même Pêche qui fe fait à Pennerf & à Mefquer. Elle voudroit même qu'elle fût encouragée à Rhuis, aux Ifles d'Houat & d'Hédic. Ce font les heux où la Pêche a toujours commencé depuis qu'elle a pris quelque confiftance. Des motifs de toute efpéce portent à defirer que l’encouragement foit général. Premiérement , les fruits de la Pêche ne feront confidérables qu'autant qu’elle fera plus étendue. La concentrer à Piriac, c’eft en borner les produits. Secondement , l'augmentation des ma- telots eft un but qu’on ne doit pas perdre de vue. C’eft le manquer que de diriger les Pêcheurs vers un feul Port ; d'autant mieux qu'après les ouvrages néceflaires pour mettre celui de Piriac en füreté, il ne contiendra tout au plus que deux cens barques. Troifiémement , il eft reconnu que le Hareng fe foutient à un prix trop confi- dérable. Les bénéfices de la Pêche dépen- S 3 240 COMMERCE. , dent des moyens qu'on emploiera pour le faire baifler. La concurrence 6e cet effet; c'eft un moyen für & éprouvé. La Société penfe que la concurrence s'établiroit promptement , fi les prépa- rations étoient connues de tous les habi- tans des Côtes. La main-d'œuvre en fe mulupliant , devient à bon marché. Les mains inftruites font plus expéditives. D'ailleurs , c’eft la grande confomma- tion de poiflon frais qui foutient à fi haut prix celui qu’on achéte pour les falaifons. Tous les acheteurs de poiflon frais ( & il y en a qui viennent d’aflez loin ) fe ren- dent à Piriac. La concurrence entre eux augmente le prix , comme elle le dimi- nueroit , fi elle s’établifloit entre les ven- deurs. Il eft donc à fouhaiter pour la Province, que la Pêche du Hareng aug- mente à Pennerf, à Mefquer, à Rhuis, aux Îfles d'Hédic & d'Houat, en un mot dans tous les endroits où le poiflon donne. Dans cette vue, M. de la Chalotais s'eft informé de l’état aétuel de cette Pêche à Pennerf. Elle n’a jamais été con- fidérable ; mais c’eft Le feul endroit connu de Bretagne où elle fe fit autrefois (a). Shine vipons nypunr voir antenne) es L mine (a) Voyez Le Di@. du Commerce , au met HAREN®, col. 1592. COMMERCE. 241 M. de Kervaouez Jan , qui paroit aufl inftruit que zélé dans cette partie du bien public , a répondu que le défaut de ma- telots étoit la principale caufe du dépé- riflement de la Pêche du Hareng. Ce font des femmes , des filles, des vieil- lards , ou de jeunes garçons qui la font aujourd'hui. Cependant depuis le 7 Sep- tembre jufqu'au 15 Oétobre de cette an- née (1758) on a pêché quatre cens cin- quante milliers de Hareng , & la Pêche s’eit faite en partie dans le Havre même de Pennerf. On n’y a employé que vingt- cinq bateaux , & il feroit aifé d'en occu- per cent. Les Pêcheurs étant attuelle- ment difperfés dans plufieurs Ports de France , ou détenus dansles prifons d’An- gleterre , il n’y a que la paix qui puifle fortiñfier cette Pêche. Mais pour profiter des avantages que la paix fait efpérer , il eft néceflaire d’applanir deux obftacles. La Société efpére qu’elle vaincra le pre- mier ; c’eft aux Etats à faire difparoître l'autre. On manque de filets à Pennerf, ou pour mieux dire, on manque de fil pour en faire. Les habitans de l’Îfle de Trante- mou , qui font la Pêche à Piriac , n'ont pas befoin de fecours à cet égard. lis” S 4 242 COMMERCE. cuitivent le chanvre , ils le préparent , & font eux-mêmes leurs filets. La So- ciété fournira des inftruétions aux habi- tans de Pennerf fur cette culture & fur les préparations néceffaires à cette plante. Ainf ils pourront à l'avenir femer , re: cueillir , préparer le chanvre , & faire des filets. L'obftacle qui demande la proteétion des Etats eft d’une autre nature. Depuis quelques années le Receveur des Ports & Havres de Pennerf, oblige les Pé- cheurs à prendre un congé ou pañleport. I! fe fait payer un écu par chaque Pêcheur. Quelque modique que puifle paroitre cette avance , elle devient exceflive pour des gens pauvres , & à qui elle tombe en pure perte lorfque la Pêche ne rend pas. On dit même que le Receveur aflu- jettit à ce droit ceux qui vont avec un bateau pêcher des huitres à leur porte. Le motif de cette perception ne peut être fondé que fur une interprération bien ricgoureufe de l’'Ordonnance de la Ma- rine. Il eft vrai qu’elle oblise ceux qui pêchent du poiflon frais , à prendre un congé (a); mais il femble qu’on ne devroit (2) L'article 3. dutit. 1. eftconçu en ces termes: liv. $.de l'Ordonn. de 1681, » Quant à nos Sujets qui COMMERCE. 243 pas étendre fes difpofitions à de petits bateaux qui ne s'éloignent du Havre qu’à la portée de la voix a rivage ; à des ba- teaux enfin, dont des femmes , des filles compofent tout l'équipage. ,, Le prin- »» Cipal eflet des congés eift non feule- ,, ment que nul Sujet du Roï ne navigue » fans fa permiflion ou celle de fon Ami- ,» tal; mais encore de furprendre & re- ,, connoître les fourbans oupirates, lorf , qu'ils fe rafraichiront dans les Ports, », en leur faifantexhiber & montrer leurs ,, congés. ;, Ce font les termes de l’An- notateur (a) de l'Ordonnance de la Ma- rine , qui dans cette occafôn a bien faifi le fens de cette belle Loi. » font la Pêche du poiffon » frais avec bateaux portant » mâts, voiles & gouver- » nai] , ils feront feulement » tenus de prendre un congé » par chacun an, fans qu'ils » foient obligés de faire au- » cun rapport à leur retour, ii ce neft quils aient » trouvé quelqués débris, » vu quelques Flottes, ou »fait quelque rencontre » confidérable à la Mer, » dont ils feront leur décla- »ration aux Officiers de » l'ordinaire , qu'ils rece- » vront fans aucuns frais, » On croit devoir obferver qu'en 1681, il y avoit un très - grand nombre de ba- teaux fans mät , voiles 6 gouvernail. Us n’ont été dé- tendus qu’en 1726, par une Déclaration du Roi du 23 Avril. Aux termes de l'Or- donnance , les Pêcheurs qui fe fervoient de ces bateaux, n'étoient pas aflujettis à prendre des congés. (a) Voyez les annotations fur l'Ordonnance de 1681, article premier du titre 10. livre 1. MAQUE- REAU. 244 COMMERCE. Ce droit de congé rebute extrême ment les perfonnes qui pourroient s’adon- ner à la Pêche. C'eft un objet à peine fenfible pour les revenus de M. l'Amiral; & c’eft un grand obitacle au progres d’un genre d'induftrie fi avantageux à la Pro- vince & au Royaume. Il feroit donc à defirer que les Etats puflent faire exemp- ter les Pêcheurs de Hareng de la néceflité de payer des congés. L'exemption de droits fur les Ha- rengs pêchés fur les Côtes de la Pro- vince , quifortiront, foit pour l'étranger, foit pour entrer dans les Provinces des cinq Grofles-Fermes , feroit un encoura- gement plus puiflant encore. La Société s’eft expliquée à cet égard fur l'Art. XVIII des Délibérations du 10 Février 1757. Le bénéfice des Pêches eft fi grand, qu'on ne peut trop les encourager | & porter les Pêcheurs à en entreprendre de nouvelles. La Société ne peut em- prunter plus à propos les expreflions d’un Patriote Anglois (a). ,, Nous aurions ,, befoin que l’on favorisät davantage la ,» Pêche; elle mérite tout l'appui que la »» Légiflation eft capable de prêter. ;, (a) John Cary ; Epitrea de la Chambre des Commu- Spenfer Compton, Préfidens nes, pag. xxiv. COMMERCE. 245 Les Pêcheurs de Dieppe pañlent les mois de Mai, Juin & Juillet à la Pêche du Maquereau devant l’Ifle de Bas(a). Ceux de notre Côte méridionale font infini- ment plus à portée d'en profiter & par leur pofition, & par la facilité de fe pro- curer des fels. On ne peut fe diffimuler qu'il ne foit plus difficile d'établir une Pêche nouvelle que de foutenir celles qui fe font intro- duites d’elles-mêmes. Cependant la So- ciété penfe que les Etats devroient encou- racer celle-ci. Peut-être qu’une gratifi- cation par barrique de Maquereau falé, détermineroit les Pêcheurs à faire quel- ques tentatives. S'ils n’étoient retenus que par le défaut d’inftruétions , la So- ciété ne négligeroit rien pour faire prof- pérer l’encouragement , en leur fournif- fant les détails de la Pêche & prépa- rations de ce poiflon (4). L'encouragement propofé par Hé Etats Torres. pour lafabrication des Toiles de Hollande de la première & de la feconde qualité, (a) Voyez les Remarques trente fols par barrique de fur plufieurs branches de Maquereau falé, pêché fur Commerce & de Naviga- les Côtes & par les habitans tion, pag. 66. de la Province. (b) Les Etats ont promis 246 COMMERCE. donneroit de nouvelles forces à la prin- cipale branche de notre Commerce. No- tre intérêt demande que nous cherchions à varier le plus qu'il nous eft poflible la forme de nos Toiles. C’eft le moyen d'augmenter la culture du lin & du chan- vre, & de faire fubffter un plus grand nombre de perfonnes de leur main-d’œu- vre. Or la main-d'œuvre embrafle toutes les préparations. Des vues d’une fi grande utilité ont porté la Société à defirer que les Etats étendiflent leurs bienfaits fur d'autres Fabriques du même genre ; par exemple , le linge ouvré pourroit fe fa- briquer en Bretagne avec autant de pro- fit que de facilité. Au lieu d’en tirer de Flandres , comme nous avons fait jufqu’à réfent , nous pourrions travailler d’a- ne pour notre confommation , & par- venir infenfiblement au Commerce d’ex- portation. C’eft aux Etats à régler l’en- couragement qu'ils voudroient accorder à ceux qui formeroient ces entreprifes. Une gratification de quatre pour cent fur les Toiles fabriquées , fufhroit fans doute pour engager à tenter des établiffemens de cette efpéce. C’eft peut-être la feule forme fous laquelle nous ayons négligé de fabriquer des Toiles. COMMERCE. 247 On peut ranger dans la même claffe Couris. les Fabriques de Coutils, puifque ces étoffes font de fil de lin, ou de fil de chanvre. Il s’en eft formé une Manufac- ture aflez confidérable aux environs de Rennes. Ce font les Laboureurs , leurs femmes , leurs enfans , leurs domefti- ques , les journaliers , enfin tout le peuple de quelques Paroifles qui y tra- vaillent. C’eft particuliérement dans cel- les de Meleffle , de Montreuil-le-Gaft, de S. Germain, que cette induftrie s’eft introduite & foutenue d'elle-même. La quantité de Coutils qui s’y fabrique eftun objet intéreflant , puifque la feule Paroifle de Melefle contient , dit-on, de trois à quatre cens Tiflerands. Cette Manufatture eft du nombre de ‘ celles qui enrichiflent vraiment l'Etat, & qui par-là méritent une proteéttion particulière. Tous ces Tiflerands font Cultivateurs. Ce font eux qui font les labours, les femailles , les récoltes, & qui battent les grains. Leurs métiers ne les occupent que lorfque la culture des terres ne demande plus le fecours de leurs bras. Îl n’y a point de momens vuides pour eux. Les temps d’inaétion qui fe rencontrent dans toutes les faifons de l’année ; les hi- 248 COMMERCE. vers fur-tout , qui pour les autres Payfans ne font que des intervalles longs & rui- neux , Où 1ls confomment fans acquérir, deviennent des temps de bénéfice pour ces Tiflerands Cultivateurs. La frugalité attachée à leur état, l'avantage de n’em- ployer à la fabrication que des jours qui feroient perdus pour eux fans leur induf- trie, réduit leur main-d'œuvre à tres-bas prix. Ainfñ les étoffes qu'ils livrent au Commerce , n’ont point à craindre la concurrence des Etrangers. Leurs Cou- tils font enlevés par les Marchands de Rennes & de S. Malo ; des Normands viennent quelquefois en acheter fur les lieux; enfin une grande partie eft en- voyée à l'Etranger. Ces Fabriquans en font de deux efpé- ces, qu'ils diftinguent en nommant les uns grands , & les autres peurs. La piéce des premiers eft de dix aunes de Paris: celle des feconds eft de huit aunes. Les grands Coutils étant de plus belle qua- lité, fe vendent depuis douze jufqu'à dix-huit francs la piéce. Les petits fe vendent environ neuf francs. Si cette Manufacture difperfée eft in- téreffante par le nombre des Fabriquans qu’elle occupe, & par la quantité de ma- COMMERCE. 249 tières premières du crû de la Province, qu’elle emploie en Coutils, elle ne l’eft guères moins par les toiles de ménage, de toutes qualités , qui en fortent. Ces Tiflerands travaillent pour la plupart des Habitans des Paroiïfles & des Villes voi- fines, & même pour des Marchands de Rennes & d’ailleurs. Mais on pourroit en tirer un nouveau fecours pour le Commerce d'exportation. On fait des envois confidérables de Coutils dans nos Colonies. Ils font quel- quefois tirés d Hollande. La qualité en eft fupérieure à ceux de notre Manufac- ture difperfée ; aufli font-ils beaucoup plus chers. Les Coutils , façon d'Hol- lande, qui fe fabriquent à la grande Ma- nufaéture de Nantes, coûtent 3 liv. 12. laune , en trois quarts de lé ; ceux des environs de Rennes, réduits au même lé , ne fe vendent au plus haut prix que 45 {. La difproportion de prix an- nonce aflez combien il y auroit à gagner pour le Commerce, en excitant ces La- boureurs à entreprendre des Coutils, façon d'Hollande. Ils font tout exercés ; l’art eft le même; ils n’ont befoin, pour ainfi dire, que d'employer des peignes plus ferrés, & des fils plus fins. Etofles, façon de Cholet. 250 Commerce. La Société penfe que fi les Etats aflu- roient des prix aux Fabriquans qui imi- teroient les Coutils d'Hollande, dont on leur donneroit des modéles, il s’en trou- veroit beaucoup qui s’efforceroient de les mériter. S'ils en avoient fabriqué quel- ques piéces , il ne feroit plus à craindre que cette fabrication vint à cefler. La confommation de cette efpéce d’étoffe dans le Royaume , & l'exportation qu’en font nos Ports, foutiendroient la vente & par conféquent la Manufatture. Le bas prix de la main-d'œuvre fufhroit pour écarter la concurrence des Etrangers. L’'encouragement de la filature contri- bueroit beaucoup à élever cette Fabrique à un dégré fupérieur : mais fans attendre l'effet de ce fecours, nos Fabriquans pourroient profiter de l’encouragement que la Province voudroit bien leur ac- corder. Nous ne manquons pas de fils d’une qualité proportionnée aux Coutils d'Hollande (a). Le Bureau de Rennes a fous les yeux une autre Manufacture difperfée, qui ne paroît pas moins digne de protection. (a) Les Etatsont promis nes, qui auront mieux réufl une récompenfe aux Fabri- dans la fabrication des Cou- quans des environs de Ren- tils, façon d'Hollande. Elle COMMERCE. T Elle eft compofée de Fabriquans de Mouchoirs de fil, qui fe font établis dans les fauxbourgs de la Ville, & qui vivent de ce travail. Quoique la fubfftance foit plus chère dans les Villes que dans les campagnes, la différence en eit moins fenfible pour les Manufactures difperfées, Les Fabriquans de cette efpéce s’habillent fimplement , vivent de peu , occupent des logemens au plus bas prix, font eux- mêmes leurs affaires. Ces différens objets mettent une grande diftance , du côté du bon marché, entre les Manufaétures réunies par un riche Entrepreneur , & les Manufattures difperfées. Les Etats, par l’article XX VII de leurs Délibérations du 10 Février 17$7, ont accordé un fol par Mouchoir à la Manu- facture Royale de Rennes. Le même en- couragement pourroit multiplier les Fa- briquans qui fe font retirés dans les faux- bourgs , & porter infenfiblement cette Fabrique dans les campagnes. Les diffé- rentes grandeurs de leurs Mouchoirs étant à peu près mefurées fur la qualité des fils qu’ils emploient , la Société croit qu'il feroit convenable d'y proportionner l'encouragement ; ainñ les Etats pour- roient leur accorder un fol par Mouchoir 252 COMMERCE. de trente pouces en quarré & au-deflus , & fix deniers pour tous ceux qui feroient plus petits. Il s’eft établi près de Clifflon une Ma- nufacture de Toileries femblables à celles de Cholet. On les a fi promptement & fi bien imitées , qu'il eft aifé de prévoir les fuccès dont les encouragemens fe- roient fuivis. Les Manufattures de cette efpéce mé- ritent d'autant plus de proteétion, que celles de Cholet inondent la Province de leurs ouvrages. La matière première eft de notre crû ; nos fileufes font en état de la préparer, & le Fabriquant n’a befoin que de fçavoir faire une fimple toile. Tout invite à favorifer un genre d'induftrie utile à notre culture , & pro- fitable à une multitude de perfonnes de petit état, au lieu de confommer le pro- duit de la culture & de l’induftrie des Provinces voifines. ( Draperie Après les Fabriques qui confomment & Bonne- nos lins & nos chanvres , les plus impor- Fan tantes font celles qui emploient nos lai- nes. Elles font plus nombreufes qu’on ne le croit communément. Elles font 1gno- rées, parce que le Fabriquant accoûtumé à ne faire que les ouvrages de Draperie COMMERCE. 253 & de Bonneterie les plus oroffiers ; per- fuadé lui-même que nos laines font de la plus mauvaife qualité ; n'imagine pas qu'il püt tirer un meilleur parti de fon art & de nos matières ; ainfi la réputa- tion de fa Fabrique ne fort point du cer- cle des gens du petit peuple , à qui il fournit des vêtemens. Ce feroit une grande erreur que de re- garder ces Fabriques d'ouvrages groffiers d’un œil de mépris. La partie des con- fommateurs qui eft fans comparaifon la plus nombreule , ne peut fe paffer de ces étoffes communes, parce que le prix en eit proportionné à fes facultés. On ne voit que trop à quelpoint les facultés font bornées parmi le peuple. ,, Ce n’eft pas ,, la finefle , ni le haut prix des étofles, »» qui fait le profit d’un Etat commer- >, Gant, c’eft la quantité des fabrications ,, lucratives qui s’exportent. Les grof >, fières exigent moins d'art, & dès-lors », occupent plus de pauvres ; objet prin- ,» Cipal des Manufaétures (a). ,, Il eft vrai que nous n'exportons point nos ou- vrages de laine ; mais ils oppofent une (a) Note du Traduteur rine de D. Geronymo de de la Théorie & Pratique Uffariz, pag. 27. du Commerce & de la Ma- + T2 254 COMMERCE. barrière à l'importation. Si par notre inaction l'importation devenoit nécef- faire, elle acheveroit d’accabler le peuple. On ne peut fe diflimuler qu'il {eroit avantageux de joindre à ces petites Fa- briques , des Manufaétures aflez confi- dérables pour difputer la concurrence à celles d'Elbeuf & de Louviers. Ce feroit mettre unnouvel obftacle à l'importation, & ouvrir une route de plus à nos expor- tations. Le Sieur H***, Fabriquant à Elbeuf , offre de former en Bretagne un établiflement de cette efpéce. M. du Sel des Monts, Aflocié du Bu- reau de Rennes, envoya de Paris une lettre & un Mémoire du Sieur H*** fur cefujet. Le Bureau trouva que les avan- ces fixées par ce Fabriquant, comme des conditions nécefaires , étoient exceffives. Il le lui écrivit pour l’inviter à réduire lui-même fes demandes & à faire part de fes dernières difpofñitions. Le Sieur H*** répondit que les conditions propofées par fon Mémoire, lui avoient ,, paru nécef- »» faires & indifpenfables ; que fi feule- ,, ment il devenoit plus avantageux aux ,» Etats de donner l'avance qu'ils fixe- »».roient, en quatre payemens , il les en ,, laïfloit les maîtres. ,, - COMMERCE. 255 Le Sieur H*** dans fon Mémoire , pro- ofe de fe mettre avec un de fes treres à à tête d’une Manufaéture de Draperie, à l’inftar de celles d'Elbeuf & de Lou- viers. Après avoir expofé qu'un établif- fement de cette nature entraine néceflai- rement des dépenfes & des pertes confi- dérables , il demande 1°. que les Etats lui prêtent une fomme de $0,000 écus pendant dix ans , ou celle de 100,000 iv. pendant quinze ans , fans aucun intérêt. 2°. Qu'ils leur fourniflent une maïfon & un emplacement aflez confidérable pour pouvoir contenir , dans des appar- temens vaites & féparés, les teinturiers, éplucheurs , cardeurs, fileurs , tifleurs, épinçeurs ,tondeurs & apprêteurs. Après 15 ans les S®. H*** s’obligeroient d’ache- ter, ou de louer la maiïfon & le terrein. Ts obfervent qu’il eft important que l’un & l’autre foient fitués près d’une rivière. 3°. Que les Etats emploient leur cré- dit & leurs follicitations pour leur faire obtenir un priviléoe du Confeil. 4°. Que les Entrepreneurs jouiflent , ainfe que leurs Affociés , s'ils en pren- nent, des priviléces , exemptions & hon- neurs accordés à la Nobleffe. ÿ - Que les principaux ouvriers foient T3 256 COMMERCE. exempts de colleéte , tutéle , milice & logemens de gens de guerre. 6°. Qu'outre la gratification de 10 liv. par piéce, promife par les Etats (a) , il leur en feroit accordé une de 1$ iv. par piéce fabriquée au-deflus de trois cens. 7°. Qu'il leur foit accordé une fomme par forme de dédommagement , pour les frais de voyage ; & une gratification pour avoir quitté leur patrie, leurs biens & leurs établiflemens. 8°. Qu’au cas qu'après deux ans ils prévoient l'impoñhbilité d'y réufhir , les Etats les indemnifent en recevant un compte des deniers qui leur auront été confiés , & en leur accordant une ré- compenfe proportionnée aux facriñices qu’ils auront faits. Enfin qu'il leur foit accordé , après le terme fixé pour la durée du prêt, un dé- lai de cinq années pour rendre de quint en quint la fomme prêtée. La Société penfe que fi ce plan étoit adopté , les Etats feroient proprement les Entrepreneurs de la Manufaêture de Draps pendant tout le temps de la durée du prêt , & que les Sieurs H*** n’en fe- (a) V. ci-deffus ,pag. 21, imprimées à la fuite de l’éta- Fart. VTdes Délib. des Etats, bliffément de la Société, Commerce. 257 roient que les Régifleurs. Cette entre- prife feroit d’autant plus défavantageufe, qu’elle regarderoit les Etats tant qu'il y auroit des pertes ou des rifques , & qu'elle deviendroit le patrimoine des Sieurs H*** dès que les fuccès & les bénéfices feroient aflurés. Le temps de la régie de ces Fa- briquans feroit même pour eux un temps de bénéfice par le feul intérêt des avances qui leur feroient faites , & par les autres fommes qui leur feroient fournies. Les États peuvent en juger par le compte fuivant , quoiqu'il ne contienne que les objets que le Sieur H*** a déterminés dans fes demandes. Prêt de 150,000 I. pendant 10 ans, ou de 200,000 IL. pendant 1$ ans, à 10 p. 100 paran, 150,000 I. Délai de cinqannées pour rendre le capital , au AO pour) EOOpar anus Ne se o à + . 45,000 L Loyer de la maifon & emplacement pen- dant quinze ans, fur le pied de 40001. paran, 60,000 I. La gratification de 14 l. que demandent les Sieurs H*** par piéce de Drap fabriquée dans une même année au-deflus de 300 , au lieu de celle de 101. promife par les Etats , fait fuppo- fer qu'ils comptent fabriquer chaque année au moins 300 piéces de Drap. Ainfi en bornant cette gratification à 300 piéces , & au temps de la durée du prêt , au lieu qu’elle eft illimitée dans le Mémoire, ce feroit pour 15 ans, 45,000 L. qu'on porte ici fur le pied de 10 ansfeulement à 30,000 1. Total du bénéfice net. 285,000 1. « Is auroient de plus des gratifications, T4 258 COMMERCE. des dédommagemens , des priviléges , leurs voyages feroient payés , &c. Ces conditions font fi excellives , qu’il vau- droit peut-être mieux n’avoir jamais de Manufaéture de Draps en Bretagne , que d'en établir une à ce prix. En général la Société ne croit point que l'intérêt de la Province permette de faire des avances aux Entrepreneurs des Manufattures. Celles qui ont été faites par le Roi en pareil cas , ont prefque toujours été fans fruit. Le Fabriquant a fouvent plus d'intérêt à faire préfumer qu'il eft hors d'état de reftituer les avan- ces au temps fixé , afin de fe les appro- prier , qu’à étendre & à perfectionner la Fabrique. Il feroit donc effentiel que les Sieurs H*** ne formaflent leur établifle- ment qu’à leurs rifques. Ils auroient alors plus d'intérêt à bien employer leur temps, qu'à prouver par le défaut de fucces, qu'ils l'ont facrifñié en pure perte. Pour faire adopter leurs propofitions, ils citent des fommes fournies par le Roi au Sieur Van-Robais, & par les Fermiers Généraux au Sieur Bourdon , Entrepre- neur de la Manufaéture d’Andely. Si ces exemples font cités avec exattitude , la Province a beaucoup d'intérêt à ne les COMMERCE. 259 pas fuivre. Onferoit porté à croire qu'on ne fçavoit pas faire des Draps en France lorfqu'on a payé des Fabriquans fi cher. Aujourd'hui cette induftrie eft tres-ré- pandue; on fait des Draps dans prefque toutes les Provinces. Les avances exceflives dont fe pré- valent les Sieurs H*** femblent prou- ver qu'on cherchoit plutôt à faire fa- briquer quelques beaux Draps , qu'à avoir beaucoup de Drap ; car il feroit évidemment impoñhble d'établir un grand nombre de Manufaëétures, dont chacune en particulier exigeroit des fommes fi énormes. Or il paroït qu’en cela même on a envifagé un but tout différent de celui que fe propofent les Etats. Leur in- tention , en cherchant à favorifer l’éta- bliffement des Manufaëtures , eft d’occu- per le plus de mains qu’ileft poflible , afin de rendre l’aifance plus générale & le Commerce plus abondant. Ce feroit re- noncer à un plan fi humain & fi fage, que de faire des facrifices immenfes pour ne fe procurer qu’un établiflement , & par conféquent pour n’occuper qu’un pe- tit nombre de perfonnes. Si la Povince croit devoir écouter la propofition des Sieurs H***, la Société 260 COMMERCE. penfe que ce feroit les traiter très-favo- rablement que de leur accorder, 1°. Trois ou quatre mille francs cha- année pendant dix ans pour le loyer e la maifon & de l’emplacement qui leur fera néceflaire, fauf à eux à fe pla- cer où bon leur femblera. Il feroit à fou- haiter que ce fût à la campagne plutôt que dans une petite ville ; & dans une petite ville plutôt que dans une grande. 2°, Six ou huit cens livres pendant le même temps, pour les appointemens & le logement d’un teinturier. 3°. Quinze fols par aune de Drap, fa- çon d'Elbeuf , qu’ils fabriqueroient. Cette gratification f{eroit préférable à celle d’une piftole par piéce , parce qu’on évi- teroit la néceflité de fixer la longueur de chaque piéce , qui eft une gêne. Au refte , les quinze fols par aune ne de- vroient être promis que pour dix ans. 4°. Trois, ou tout au plus quatre mille livres, une fois payées , pour leurs frais de voyages, tranfport d’uftenfiles , &c. Il feroit bon de n’entrer avec eux dans aucuns des détails qui conduiroient à leur faire des avances. Leur art n’eft ni nouveau , ni caché , ni même peu ré- pandu, S'il eft fruétueux à une multi- COMMERCE. 261 tude de perfonnes qui l’exercent dans le Royaume , fans fecours , fans gratifica- tions , il doit l'être encore plus aux Sieurs H*** avec les encouragemens que propofe la Société. On pourroit auffi ne les pas aflujettir à monter & à entretenir d'abord vingt métiers. Il fufroit qu'ils en euflent quatre ou cinq la première année. [ls pourroient les augmenter dans la fuite , à proportion de l'avantage qu’ils trouveroient à avoir environ cinq pour cent de bénéfice net , au-deflus des au- tres Fabriques , indépendamment du logement , &c. Si les Sieurs H*** n’acceptoient point ces propoftions , la Province ne balanceroit pas fans doute à rejetter les leurs qui font pour le moins exorbi- tantes. Peut-être feroit-il plus avantageux pour l'avenir d'accorder dès-à-préfent des prix pour encourager la filature des laines , que de s'occuper de l’établiflement d’une ” feule Manufacture de Draps. Les Etats ont promis une récompenfe à ceux qui imiteroient un échantillon de Drap d'El- beuf | qui feroit fourni pour modéle. Un prix pour la filature faciliteroit les moyens de. mériter la récompenfe atta- 262 COMMERCE. chée à limitation du Drap. Les pre- miers eflais feront peut- être fort éloi- gnés de la perfection ; mais on fabri- quera de meilleurs Draps que ceux que nous fabriquons. Le premier fucces, quoique médiocre , eft un pas néceflaire, & d’ailleurs il fait naître l’émulation. In- fenfiblement la filature & la Fabrique s’étendroient & fe perfeétionneroient. Plufeurs perfonnes , dans des lieux dif- férens , chercheroient à en profiter. C’eft le plus grand avantage que la Pro- vince puifle retirer de la protection qu’elle accorde aux Arts & au Com- merce. En général la Société croit qu'on ne doit s’occuper de grands établifiemens uavec beaucoup de circonfpeétion, ce. qui fe font formés, pour ain dire, d'eux-mêmes , font encore aujourd'hui les plus utiles à l'Etat. Lorfqu'on a voulu forcer la nature, & réalifer rapidement de vaftes projets de Manufattures, on n’a pu les foutenir qu'à force d'argent, de graces & de priviléges. Ces bienfaits font autant de moyens d’exclufion pour ceux qui ne peuvent les obtenir. On a fondé & protégé de grands établiflemens, dans l’efpérance de fe procurer un grand COMMERCE. 263 Commerce; c’étoit tarir la fource même du Commerce, qui eft la concurrence. Les encouragemens ne multiplient lin- duftrie que lorfque tout le monde peut efpérer de les partager. Ainfi l'avis de la Société feroit de rejetter la propofition des Sieurs H***, s'ils refufent de fe réduire aux encoura- gemens dont on vient de parler. S'ils ne s'en contentent pas, la Province fera un emploi plus généralement utile du fonds qu’elle leur auroit facrifié , en le deftinant à des prix pour des Arts connus en Bre- tagne, & qui n'ont befoin que d'y être perfeétionnés (a). Le Sieur la Rouvière , Bonnetier or- dinaire du Roi, s’eft offert pour établir en Bretagne une Manufaéture d’un autre genre. Il a trouvé le fecret de filer le coton d’une plante nommée Ouate ou (2) La Société ne crut Obfervations qu’elle a don- pas devoir s’en rapporter à nées fur ce Mémoire. Elle {es feules lumieres, pour prendre un parti fur le Mé- moire du Sieur H***; elle en envoya une copie à M. de Gournay , Intendant du Commerce, & lui de- manda ce qu'il en penfoit. C’eft de fa réponfe que la Société a tiré la plupart des faifit avec empreflement cette occafion de témoigner fa reconnoiïflance àun axe citoyen que fa droiture , fes connoïflances & fon amour pour le bien public, ren- dront toujours cher à fa Pa- trie, Etofes d'Ouate, 264 COMMERCE. Houetté (a). Il la mêlé avec d’autres matières, & en a fait fabriquer des étof- fes dont il a adreflé des échantillons à la Société. Deux de ces échantillons ref- femblent à du Bafin; le troifiéme , à ce que l’on nomme Tafletas d'herbe, ou d'Aredas , qui fe fabrique dans les Indes. Dans ces différentes étoffes, FOuate pa- roît unie à du coton proprement dit, & à de la foie. Le Sieur de la Rouvière joignit aux échantillons qu'il envoya, de la graine des plantes qui produifent la matière qu'il emploie; un Mémoire inftructif fur la manière de la femer & de la cultiver, & un Arrêt du Confeil du 4 Oëtobre 1757. Cet Arrêt n’a pour but que d’au- torifer la fabrication de ces étoffes, con- tre l’oppofition qu'y avoient formé les Fabriquans d’étoffes de foie de Paris. Il offroit d'envoyer un Mémoire fur la façon de préparer cette matière , de la filer & de la fabriquer. Il offroit même de fe tranfporter en Bretagne , pour y donner les premiers principes & toutes les inftruétions relatives à cet objet , en cas que la Province voulût bien récom- (4) On a fait mention de cette plante, page 145. v ComMERcCE. 26$ penfer fa découverte par une penfon , ou une gratification honnête. La Société lui écrivit qu’elle ne pou- voit d'elle-même de de récom- penfe ; que c’eit aux Etats à décider fur les demandes de cette efpéce : que tout ce qui pourroit la concerner, feroit de faire connoitre l’utilité de fa découverte; mais que pour prendre cet engagement avec lui , il faudroit avoir une connoif- fance un peu détaillée du bénéfice qu’on trouveroit à fubftituer l’Ouate aux ma- tières qui s'emploient ordinairement dans les étoffes femblables à celles qu'il fabri- que ; qu'on le prioit de marquer le lé de ces étoffes , leur prix, & s'il fçavoit par expérience qu'elles durent autant que celles qu’il aimitées : que la demande d'une or ou gratfication honnéte, étoit trop vague ; qu'on le prioit de dé- terminer précifément à quel prix il met- troit les inftruétions qu'il avoit offertes, Cette lettre eft demeurée fans réponfe. Le filence du Sieur de la Rouvière prouve aflez la néceflité des queftions que lui adrefloit la Société. Les Bureaux de Rennes & de Nantes ont eu de fré- quentes occafons de remarquer que ceux qui ont fait quelques découvertes , ou qui 266 COMMERCE. ont apporté quelques dégrés de perfec- tion dans des Arts connus , les mettent toujours à des prix exceflifs. Mais la Société ne variera point fur les principes qu’elle croit utiles au bien de la Pro- vince , & dont elle va rendre compte. Ces principes font , premiérement, qu'il eft toujours utile d'encourager les Fabri- ques connues , lorfque les Rep ou les Fabriquans font hors d'état de procurer le bien qu'on en doit attendre, ou de le procurer aflez promptement, Secondement, que les Fabriques qui peuvent occuper beaucoup de monde, & qui emploient des matières du crû de la Province , méritent d’être encouragées plus particuliérement que les autres. Troifiémement, que s’il eft utile d’en- courager les Arts connus, on ne doit jamais les acheter. Les encouragemens excitent l’'émulation , & multiplient la concurrence. Les gratifications confidé- rables , les grofles avances , produifent un effet contraire. Elles ne peuvent s’é- tendre que fur un très-petit nombre de Fabriquans. C’eft une fource de dégoût pour les autres, & un moyen für de concentrer le travail dans d’étroites li- mites, Qu- COMMERCE. 267 Quatriémement , qu’on doit mefurer les récompenfes qu'on accorde à ceux qui ont fait des découvertes , fur le dégré d'utilité qu'en peut retirer le Public. Ce dégré d'utilité doit être apprécié , non par la fortune rapide des Entrepreneurs de Manufaétures, mais par la facilité de leur donner des concurrens, & fur-tout par le plus grand nombre de perfonnes qu'ils occupent. Par exemple, la tein- ture du coton, du lin & du chanvre en rouge d'Andrinople, eft une vraie dé- couverte , une découverte très-utile , puifqu'elle intérefle une multitude de Manufaétures , & qu’elle tend à augmen- ter la culture & la main-d'œuvre , en fourniffant les moyens de diverfifier nos Fabriques de toileries. Cependant les Etats de Languedoc ont fixé le Sieur Eymar , auteur de cette découverte, pour dix mille francs , payables en trois payemens. Enfin la Société eft très-perfuadée que fi les Etats fe portent à encourager la culture du lin & du chanvre ; à changer la race de nos moutons; à perfeétionner la filature en tout genre ; les Manufactu- res de toute efpéce fe multiplieront d’elles- mêmes. Les Artiftes feront attirés par le V PAPIERS bleus & violets. 268 COMMERCE. bon marché que fait naître l'abondance des matières, & par la modicité du prix de la main-d'œuvre. De légers encoura- gemens feront le refte. Toute autre route ne pourroit qu'engager les Etats dans de grandes dépenles ; & le peu de fruit que produifent les encouragemens trop con- fidérables , ne fert qu’à donner des pré- jugés contre des entreprifes plus utilés, & qui pourroient profpérer. La Société , par amour pour la Pro- vince , defireroit que les Etats adop- taflent ces principes pour juger des pro- pofitions du Sieur H***, de celles du Sieur de la Rouviere , & enfin de tous les projets de Manufaëtures qu'on pour- roit leur préfenter. Une efpéce de fabrication qu'on pour- roit encourager dans la Province , c’eft celle des Papiers bleus & violets propres à envelopper le fucre. Les motifs qui pourroient porter à cetencouragement, font 1°. d'arrêter la grande importation que les Hollandois en font dans Île Royaume; 2°. d’être en état d'exporter les nôtres dans les Colonies, où il s’en fait une grande confommation. Ceux qu'on tire d'Orléans, valent à Nantes vingt-huit francs le cent pefant. Ceux COMMERCE, 269 de Hollande ne s’y vendent que vingt- fept francs. Les Sieurs Bureau & Ou- vrard , de Cliflon , offrent de fabriquer ces Papiers au même prix que les Hol- landois. La Société remettra aux Etats les échantillons des Papiers bleus & violets de ces Fabriquans. S'ils conti- nuent , ils pourront les établir à meilleur marché. C’eft déja beaucoup que de foutenir en commençant la concurrence des étrangers. La Société penfe qu’il n’eft pas temps de fonger à des encouragemens fur cette partie. Mais fi les repréfentations des Etats au fujet des Raffineries de Nan- tes , étoient favorablement écoutées ; fi le retour de la paix rétablifloit le Commerce de nos Colonies ; la fabrique de Papiers bleus & violets pourroit de- venir un objet aflez confidérable pour mériter l'attention de la Province. Les Sieurs Bureau & Ouvrard font capables de faire de très-bonnes fournitures dans ce genre, & par conféquent de chafler les Papiers des Hollandois. La Province tire aufi de Hollande une marchandife qu'il feroit très-aifé de nous procurer. La Société parle ici des Huiles de lin & de chanvre ; objet dont QA ke Huizes, 270 COMMERCE. elle s’eft d'autant plus occupée , que nous faifons à cet égard une double perte. Nous vendons nos graines à très-bon marché aux Hollandois, & nous ache- tons enfuite fort cher les Huiles qu'ils en ont exprimées. La protection des Etats fufhroit, fans encouragement, pour multiplier ce genre d’induftrie. La Société croit néceflaire de rapporter à cette occafon un fait dont elle s’eft aflurée avec exaétitude. Le nommé Yves Julou, Menuifer à Paimpol, a conçu & exécuté le projet d'exprimer l'Huile des graines de lin & de chanvre , qui abondent dans le canton qu'il habite. Îl a conftruit lui-même un petit moulin qui a très-bien réufh. Il commençoit à en retirer quelque profit (quoiqu'il vendit à plus bas prix que les Marchands des lieux ) lorfqu'il a été menacé d’être condamné à mille écus d'amende, s’il continuoit de fe rendre utile aux Cultivateurs dont il achéte la denrée , & aux Habitans qu'il {ert à bon marché. Ces menaces lui ont été notifñiées par ordre du Sieur Arnaud-Cadillau Chenvé, Fatteur d'Huiles, qui demeure à Tré- guier. Elles font appuyées fur deux COMMERCE. 271 Arrêts du Confeil. S'il n’a point d’autres titres , il eft aifé de faire voir qu’il abufe de la manière la plus outrée, de ceux qu'il a fait notifier. LerSieur CF , de Dunkerque , obtint en 1742 un privilége excluff, pendant vingt années, pour conftruire des moulins à Huile à Morlaix. Ses affaï- res fe dérangerent ; fon moulin fut vendu. La perfonne qui l’acheta, fit aufi expri- mer des Huiles ; mais elle abandonna bientôt cette entreprife. Le nommé le Sueur , ou plutôt une Compagnie qui fe fervoit de fon nom, repréfenta ces faits au Confeil. Il y obtint le 2 Mai 1744, des Lettres-patentes qui lui ac- cordoient exclufrvement le privilége de fabriquer des Huiles, pendant trente années, à Morlaix & dans l’étendue de quinze lieues à la ronde. Ces Lettres- patentes défendent à tout autre d'en fabriquer , à peine de conffcation des graines , Huiles & matériaux , & de 3000 liv. d'amende. Morlaix eft placé entre les deux Evé- chés de la Province qui fourniflent le plus de lin & de chanvre. Aïnfi un pri- vilége exclufif dans cette Ville , avec un arrondiflement de quinze lieues , équi- V3 272 COMMERCE. vaut prefque à un privilége exclufif qui s'étendroit fur toute la Bretagne. Ce- pendant l'établiflement formé par le Sueur fe réduit à un feul moulin; & ül eft placé de façon qu'il ne peut travailler , faute d’eau, depuis le mois de Juin juf- qu'au mois de Novembre. Le fruit ordinaire des priviléges ex- clufifs , c’eft-à-dire la deftruétion de l'induftrie, ne tarda pas à fe faire {en- tir. Le Sueur attaqua Arnaud - Cadillau Chenvé & fes Aflociés , Faéteurs d'Hui- les, établis depuis quelques années à Lannion. Il obtint un Jugement à la Po- lice de Morlaix, qui leur ordonna de cefler leur fabrication. Ils s’adreflerent au Confeil; ils y obtinrent le 30 No- vembre 1745, un Arrêt qui cafle la Sen- tence de Police, qui leur permet de continuer leur fabrication , & qui dé- fend à le Sueur & à tous autres de les troubler. Arnaud-Cadillau Chenvé eft donc le premier qui ait été attaqué en vertu des Lettres-patentes qui accordoient un pri- vilége exclufif. Il à fait décider que mal- gré ce privilége, il pouvoit continuer à fabriquer des Huiles. C’eft cependant ce même Arnaud-Cadillau Chenvé qui fe CommMErcr. 273 {ert des Lettres-patentes obtenues par le Sueur , pour empêcher Yves Julou d'exprimer de l'Huile à Paimpol. Il a fait notifier à la fois l’Arrêt qu'il a fait rendre contre le Sueur, & le privilége excluff qu'a furpris ce dernier. Il fe fert de ces deux titres, pour menacer Julou de le faire condamner à mille écus d'amende, s’il ne démolit pas fon moulin dans vingt- quatre heures. Ces menaces ont eu l'effet qu’il pou- voit defirer. Julou eft allé s'établir ail- leurs , afin de fe trouver à plus de quinze lieues de Morlaix; tranflation qui lui a beaucoup coûté, & qui devient aufl préjudiciable aux Habitans de Paimpol, u’à lui-même. Si le Sueur , à qui le privilége eft accordé, vouloit en faire ufage , la So- ciété feroit d'avis que les Etats fiffent tous leurs efforts pour le faire rétratter= à plus forte raïfon doivent-ils' s'élever contre un Faéteur d'Huiles , qui ne la pas obtenu, qui l’a même attaqué avec fuccès , & qui s’en fert pour ôter aux autres la liberté qu'il a réclamée en fa faveur. | Il fe fait de très-orandes récoltes de lin & de chanvre dans la Bretagne. Il eit V 4 274 COMMERCE. donc à defirer qu’il s’y établifle aflez de moulins à Huiles pour confommer nos graines fuperflues & celles que nous re- gardons comme dégénérées. Un ou deux moulins ne fufhroient pas pour en con- fommer la dixieme partie. Mais un feul moulin , appuyé d'un privilége , fuffit pour fupprimer à la fois une branche d’induftrie & une branche de Commerce. Un établiffement exclufif entretient né- ceflairement le bon marché des graines qu'on eft forcé de vendre aux bites dois , & le haut prix des Huiles qu'ils nous apportent. Ce double effet eft in- féparable de tout privilége, parce qu’en écartant les concurrens, il intérefle les Entrepreneurs à faire tomber le prix de la denrée , & à rehaufler celui de la marchandife. Avec moins de travail, ils font un plus grand profit. Devenus étran- gers dans leur patrie, le Public fouffre feul du monopole qui les enrichit. La liberté feroit tourner à notre profit les bénéfices que font les Hollandois , & fur l'achat des graines, & fur la vente des Huiles. Si cette induftrie mérite d'être protégée , c’eft évidemment dans les perfonnes qui, comme Julou, font à portée de fe contenter d’un gain médio- COMMERCE. 275$ ere , & par conféquent de rendre ce Commerce plus profitable (a). La Province pourroit même fe flatter d'arrêter par ce moyen les importations de réfine qui fe font en Bretagne. Il en entre par le feul Port de Redon, de huit à neuf cens milliers par an. Il en eft entré cette année plus d’un million pefant. Il eft vrai que le peuple fe détache dificilement de fes ufages, & qu'on ne doit pas fe flatter de le porter prompte- ment à fubftituer des lampes à la réfine ; mais on doit confidérer que les moulins à Huile ne peuvent fe multiplier que peu à peu. D'ailleurs fi le peuple fçavoit que la vapeur de la réfine eft funefte à la fanté ; qu'il s'éclaireroit à meilleur mar- ché en brülant de l'Huile ; peut-on dou- ter qu’il n'abandonnât fon ancien ufage ? En fuppofant même qu’il s’obftinât à le fuivre , l'Huile eft néceflaire à un fi grand nombre de métiers, qu'il s’en fait une très-grande confommation. C’eft l'étran- ger qui nous la fournit. Nous lui enléve- (a) Les Etats ont chargé feil, d'exprimer dans la Pro- MM. leurs Députés & Pro- vince des Huiles de lin, de cureur-Général-Syndic àla chanvre & de toutes les Cour , de folliciter une per- autres graines oléagineufes. miflion générale du Con- SAVON. 276 COMMERCE. rions ce qu'il gagne fur la matière, furla main-d'œuvre, fur les frais de tranfport, & ces articles réunis vont beaucoup plus loin qu’on ne penfe. Mais la Société a porté fes vues plus loin. Elle eft perfuadée qu'en multipliant les Huiles , on pourroit établir en Bre- tagne des Manufattures de Savon. Cette matière eftcompofée d'Huile & de Soude. La Soude eft un fel tiré des cendres de quelques plantes qui croiffent fur le bord de la Mer (a). On en peut extraire de prefque tous les Gouemons,comme on le fait à Cherbourg. Mais cette efpèce de Soude eft d’une qualité inférieure. Celle d’Alicante eft préférable , parce qu’elle eft faite, dit-on, avec des plantes culti- vées. Il s’en fait une importation éton- nante en France, foit pour les Manufac- tures de Glaces & de Verres, foit pour celles de Savon. Les Bureaux de Nantes & de Saint- Malo ont écrit en Efpagne pour avoir des inftructions fur la culture de ces plan- tes, & pour fe procurer même les plan- tes defléchées. Celui de Nantes n’a point (a) Onles nomme Ba- Almarjos, Sardilla, Kal, rille, Bourdine, Agua-Azul, Salicornia ; 6e. COMMERCE. 277 encore reçu le Mémoire qu'on lui promet depuis plus d’un an. Celui de Saint-Malo a reçu une Inftruétion en Efpagnol. Les Anpglois firent leur première defcente loriqu'on fe difpofoit à la traduire. On fit porter dans une Ville voifine beaucoup de papiers parmi lefquels ce Mémoire s’eft égaré. Heureufement cette perte n’eft pas irréparable ; mais la Société regrette tous les inftans qui éloignent les effets de fon zèle pour le bien de la Province. M. de la Rue, Démonftrateur Royal en Chirurgie , a vu cette année (1758) une très-grande quantité de Kali ou Sali- cornia , qui croit naturellement dans les rèves vertes depuis Dinard jufqu’au Guildo. Un Gentilhomme qui ne veut pas être nommé , a fait du Savon de la plus grande beauté , avec des matières qui font toutes de la Province, à lexcep- tion de l’'Huile. Nos graines de lin & de chanvre, & la culture du colfa, que la Société cher- che à établir , nous mettroient en état de nous procurer toutes les matières pre- mières, & par conféquent d’avoir le Sa- von à let marché. L'immenfe co- fommation qui fe fait de cette marchan- dife doit nous rendre très-attentifs fur les GLACES. 275 COMMERCE. moyens de la fabriquer nous-mêmes. Les Etats de Languedoc dans leur dernière Aflemblée , ont chargé leurs Syndics Gé- néraux de fe procurer des Mémoires fur la manière de cultiver la Soude, & de répandre ces Mémoires dans les Diocèfes où l’on peut en faire ufage. Notre pofi- tion eft trop favorable pour ne pas cher- cher à introduire aufli cette culture. Il s'importe en Bretagne une quantité pro- digieufe de Savon. L’art de le faire y eft connu. On en fabrique à Nantes, & quoiqu’on n’y employe que de la Soude & des Huiles étrangères , il {e vend moins cher que celui de Marfeille. Les Reli- oieufes de la Trinité en font à Rennes. Les Etats jugeront du travail de ces deux Fabriques par les échantillons qui font au dépôt de la Société. La culture de la Soude eût été d’un fecours infini pour une Compagnie qui s’eft adreflée à la Société, dans l'efpé- rance que le crédit de la Province la met- troit en état de former l’établiflement d'une Manufalture de Glaces : MM. de la Commiflion Intermédiaire entrerent dans les vues du Bureau de Rennes , en cherchant à appuyer le projet des perfon- nes qui étoient à la tête de cette entre- COMMERCE. 279 prife. Mais les Aétionnaires de la Com- pagnie de Saint-Gobin & de Tourlaville font parvenus à faire renouveller leur pri- vilége excluff, malgré les obftacles mul- tipliés qu'ils ont rencontrés. Cependant. on prétend que les Etats de Bourgogne comptent faire autorifer une Manufac- ture de Glaces dans leur Province, fur le fondement que les Lettres-patentes de la Compagnie n’ont jamais été enregiftrées au Parlement de Dijon. Les Etats de Bretagne pourroient s'appuyer fur le même fondement que ceux de Bour- gogne. Alégard des motifs d'utilité & de bien public qui doivent engager le Gour- vernement à favorifer de nouvelles Ma- nufaétures de Glaces , on ne peut rien défirer de plus puiflant que ce qui a été imprimé par M. le Clerc, l’un des Aflo- ciés de la nouvelle Compagnie. Il feroit d'autant plus avantageux de lui permet- tre un établiflement , qu’elle fe foumet à ne faire aucun ufage de Soude étrangère, & à n'employer dans fes fourneaux que du Charbon deterre. Cette dernière con- dition contribueroit beaucoup à faire faire desrecherches fur ces Mines, & à foute- nir ceux qui en voudraient faire Fexploi- tation. CIRESs Bouc:ress. 280 COMMERCE. La Société a rendu compte des foins qu'elle s’eft donnés pour remédier à la deftruétion des Ruches. Le Commerce de la Cire brute eft le principal avan- tage qu'on ait retiré jJufqu'à préfent de cette branche de l'Economie ruftique. Elle feroit bien plus fruétueule fi nous pouvions augmenter & perfectionner nos Fabriques de Bougies. M. le Marquis de Grénédan, -Affocié du Bureau de Dol, a donné un Mémoire fur ce fujet. Il avoit été prévenu par le S'. Choquené, Fabriquant à Rennes, qui a fourni des détails très-intéreffans fur cette matière , & qui même a pris le parti de les faire imprimer. Il prétend qu'il n’y a pas quarante ans qu'on blanchifloit en Bretagne fix cens cinquante milliers de Cire brute. A peine aujourd’hui les Ci- tiers en blanchiflent-ils cent cinquante milliers. Ce Commerce a pañlé tout en- tier au Mans. Le Sieur Choquené aflure que les achats des Manfeaux montent ordinairement à neuf cens milliers, & qu'ils font portés au double dans certaines années. On n’entrera point ici dans le détail des faits que rapporte le Sieur Choquené pour prouver que les Manfeaux {e font COMMERCE. 281 rendus maîtres du Commerce de Cire brute , au point d’être fürs de l'avoir tou- jours à bon marché, & de forcer nos Ci- riers à l’acheter fort cher. Il fufhira fans doute d’expofer aux Etats que les Ciriers du Mans font fort riches ; que les nôtres le font fort peu ; & que c’eft la différence des uns aux autres du côté de la fortune, qui en met une fi grande dans leur Com- merce & dans leurs bénéfices. Pour rappeller , s’il eft pofhble , une Fabrique qui nous a prefqu’entièrement échappé, M. de Grénédan propofe de réduire à une feule Manufacture dans chaque Ville, les Atteliers des différens Ciriers. Ils y travailleroient pour leur compte particulier ; mais ils y feroient dirigés par un Artifte habile qu’on place- roit à leur tête. La Province leur avan- ceroit douze ou quinze mille francs pour former un dépôt de Cires brutes , auquel on ne toucheroit que lorfqu'il s’agiroit d’envois confidérables. On y formeroit des Elèves. Les Etats donneroïent deux prix chaque année, l’un de cinq, l’autre de trois cens livres, aux Ciriers qui fe diftingueroient. Le Sieur Choquené avoit fait impri- mer le projet d’une Manufaéture géné- 282 COMMERCE. rale. Il propofoit que les Etats en fiflent les fonds. La Société n’a pas cru que ces moyens fuflent praticables. Elle penfe d’ailleurs que cette réunion d’in- térêts différens dans un Attelier com- mun, & l’aflujettiflement à la direétion d’un principal Ârtifte, acheveroient de ruiner notre Commerce de Bougies. Il eft plus fimple de le ramener peu à peu par des exportations dans les Colonies. M. de Montaudouin , Affocié du Bureau de Nantes, qui eft entré dans ces vues, fit fabriquer en 1757 cent livres de Bou- gies par le Sieur Choquené. Deux de ces Bougies, de cinq à la livre de qua- torze onces, furent allumées en même temps que deux Bougies du Mans, de cinq à la livre de feize onces. Elles eurent exactement la même durée. Cependant celles de Rennes étoient plus foibles d’un huitième par livre; elles ne coûtoient que quarante deux fols ; celles du Mans revenoient à cinquante-cinq fols. M. de Montaudouin a fait imprimer ce fait dans la feuille des Affiches de Nantes du 10 Janvier 1758. Il a fait faire de nouvelles Bougies par le Sieur Cho- quené. Lorfque la Paix permettra d'en envoyer en Amérique, il y a lieu de Croire COMMERCE. 283 croire que le Sieur Choquené fera em- ployé. C'eit le meilleur de tous les en- couragemens. Les Négocians de nos Ports feront intéreflés à s'approvifionner en Bretagne , parce qu'ils pourront le faire à meilleur marché. Si les Ciriers Bretons peuvent devenir les Fourniffeurs des Colonies, ils reprendront infenfible- ment leur ancien Commerce. Mais pour parvenir à un but f defi- rable , il feroit à fouhaiter que ces Fabri- quans fuflent délivrés des entraves que leur donnent leurs Statuts. L'article IV des Statuts des Ciriers de Rennes , les aflujettit à ne fabriquer qu’à la livre de feize onces. Cette loi leur enlève la four- niture de ceux des Confommateurs du Royaume, qui préferent la Bougie à la livre de quatorze onces. Elle les écarte du Commerce des Colonies , où la Bou- gie de quatorze onces eft la feule qui foit en ufage. Les Etats ne peuvent mieux employer leur crédit qu’en follicitant la fuppreflion de ces gênes qui anéantifient le Commerce fous prétexte de le régler. La Société vient de rendre compte des principaux objets dont elle s’eft oc- cupée. Les Mémoires qui font dans fon dépôt renferment, & fur les mêmes ob- X 284 COMMERCE. jets, & fur quelques autres , un aflez grand nombre d'Obfervations qu’elle n’a pas cru devoir préfenter aux Etats. Ce font des germes eftimableseneux-mêmes, mais qui ne font pas aflez développés pour y démêler les fruits qu'ils peuvent produire. L'amour du bien public, en multiphant les recherches , fournira de nouveaux matériaux qui permettront de mettre en œuvre ceux qu'on a réfervés plutôt que rejettés. Les encouragemens accordés par les Etats ; ceux que la So- ciété leur demande en faveur de lAori- culture , de l’Induftrie & du Commerce ; le zèle des Citoyens éclairés, à qui il ne manquoit qu’un centre de réunion pour y verfer leurs connoiflances , conduiront infenfiblement à fa perfettion un Ou- vrage dont on ne voit encore que l’ef- see La Société connoît tout le prix du dépôt que la Province lui a confié ; elle fent toute l'étendue des devoirs que lui impofe fa reconnoiflance ; elle n'af- pire qu’au bonheur de faire profpérer les vues de bienfaifance qui font le principe de fon inftitution. FC FN sv, » T'AS DES) Mi TERRES Ex des Délibérations des Etats, concernant la Société d'Agriculture , de Commerce & des Arts, page 1. Brevet du Roi, qui confirme l’établiffement de cette Société , Te OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. ECOLES gratuites de Deflein, 16. IMITATION DES ToiLes de Hollande, de la première & feconde qualité, 18. MANUFACTURES de Papier, 20e MANUFACTURE de Couvertures de laine, 25e PRAIRIES ARTIFICIELLES, Graines de Tréfle, de Turneps , de Garence , de Pañtel. Pré- paration du Chanvre, 27e Draps de Vannes & de Joffelin, 39% MÉTIERS à deux Navettes, ah ETAMINES d’Ancenis , 34. RoOUET à filer des deux mains à la fois, chid. IMPRESSION fur les Toiles de Lin, ibid. CHAPEAUX de Caftor, 37° Mines de Charbon de terre, 39- RECHERCHES des Pierres de Moulage, 40. GRAINES de Lin de Riga & de Zélande, 41. FARINES de Nérac, 44. DÉCOUVERTES de Carrières de Pierres à chaux, 46. ACHAT de Modéles & de Graines : 47. PESCHE du Hareng, chid, X 2 COMMERCE du Levant, LE MANUFACTURE d’Etofles de laine d’ Angleterre, so. RAFFINERIES de Sucres de la Province, ibid. FONDS faits pour le payement des Infpeéteurs des Manufactures , 60. EXEMPTION de la ide pendant vingt ans, pour les terres nouvellement défrichées , zhid, AGRICULTURE, TRÉFLE ou TRÉMENE , 64. Manière de le cul- tiver, 66. Moyen de le tempérer , 68. Planté en rayons, n'a pas réufh, 44. Expériences fur la quantité de graine qui réuffit le mieux, 69. On en cultive en Franche-Comté , d° aprés les Mémoires de la Société, 72. LUZERNE, 74. Reéuflit mieux , cultivée en rayons, 75. Donne deux récoltes la première année , 76. Motifs qui ont empêché la Société de publier une inftruétion fur le culture en rayons , 77. RAY-GRASS , 79. SAINFOIN , 81. ENCOURAGEMENS propofés pour multiplier les Prairies artificielles , zbid. Turners, ou Navets d'Angleterre , 83. Ceux de Bretagne , bien cultivés, produiroient au- tant , 84. PANAIS, 85. Maniere de les cultiver , bd. Bé- Te qu'on en retire, 86. CAUSES de la décadence de l'Agriculture 7 Oo Caufes particulières dans une partie de PEvêché de Rennes , 89. Dans une autre partie du même Evêché , 91. Dans l'Evêché de Quimper > he Dans la partie méridionale de PEvêché dé Saint-Malo, 95. Dans l'Evêche de Léon, 98. CAUSE générale , defenie d'exporter les grains, 100. Epoque & caufe de la prohibition, 105. Elle rend la proteflion du Laboureur plus malheu- reufe que toutes les autres, 106. Permiflions par- ticulières d'exporter, auf nuifibles que la prohi- bition, 111. Modicité du prix des grains , aufli nuifible au peuple que la cherté, 114. CULTURE des Bleds, 115, Moyens de fe garan- tir des pertes que les pluies caufent fur les ré- coltes , 118. Culture fuivant la méthode de M. Tull, 120. Utilité qu'on en pourra tirer pour les cultures ordinaires , 127. Bled de Smyrne , ou Bled de Miracle, ibid. LINS, 129. Moyens d’en régénérer la graine, 130. ” Lin fauvage, 133. La Société en a recueilli en Bretagne , & fait femer de la graine , 136, CHANVRE, 137. Moyens d’en ranimer la cul- ture, 139. Expériences fur le Roui, 142. OUATE ou HOUETTE, 145. ÉCONOMIE RUSTIQUE. BOIS, 147. MURIERS , 149. Ceux qui ont été femés en Bre- tagne font des Sauvageons , 151. Vers-à-foie réufhflent à Tréguier, 152. Facilité qu'auroient MM. les Evêques pour accréditer les Muriers & les Vers-à-foie dans leurs Diocèfes, 154. ABEILLES & RUCHES , 156. Ruches nouvelles, inventées par M. de Gelieu, 157. Perfection- nées par M. de la Bourdonnaye, 158. Expof- tion des açcidens auxquels elles remédient , 159, Encouragemens propolés par la Société pour augmenter le nombre des Ruches, 166. MOUTONS , 167: Succès d’une expérience faite par le pere de M. le Baron de Pontual, 168. Ex- périences faites par MM. Laurencin & Grou, de Nantes , 169. Laines de Bretagne , meilleu- res qu'on ne le croit communément , #4id. Eflai de la Société à ce fujet, 170. ENGRAIS , 172. Bled-noir retourné dans la terre avant fa maturité, eft un engrais, 173. Marne abondante auprès du Pont-péan , 174. Terre marneule trouvée à Pannecé , & fes effets, 175. Chaux employée en grande quantité, féconde les défrichemens pour plufieurs années , 176. Utilité d’une fonde ou tarrière, pour décou- vrir les Marnes , Pierres à chaux, Terres à foulons , Charbon de terre, &tc. 179. A RTS. SEMOIRS de M. Blanchet & autres, 182. HERSE inventée par M. le Comte de Bruc , 184. MACHINE pour tran{planter de grands arbres, 186. Explication du deïffein de cette machine, 194. FILATURE, 1953. Moyen employé avec fuccès par M. de Montluc , pour la perfeétionner, 198. Encouragemens propolés par la Société, fur ce fujet, 200. TEINTURE, 203. Fils de coton, de lin, de chanvre , teints en rouge d'Andrinople ; 204. Fil bleu ou Fil d’épreuve, 206. BLANCHISSERIES, 208. PLIAGE des Platilles, 209. Quantité qu'on en importe, 210. Encouragement propofé pour limitation du pliage , 213. COM, M CE RACE. PESCHE de la SARDINE, 216. Gueldre , appt ai nuit à cette Pêche, & qui détruit les au- tes, 218. Reméde que propofe la Société contre cet abus , 222. Droits établis fur l'huile de Sardine, 224. Avis de la Société pour la fuppreffion de ces droits, 230. PESCHE du HARENG, fon produit avant 1756, 231. Produifit deux cens mille francs en 1757, 232. Néceflité de quelques travaux pour mettre les bateaux pêcheursen füreté , 235. L’ignorance de ceux qui préparent le Hareng , nuit à cette Pêche, 237. Droit de congé qu’on exige des Pêcheurs, en arrête les progrès, 242. PESCHE du MAQUEREAU, 244. TOILES, 245. Encouragement propofé pour le linge ouvré , 246. Manufaétures de Coutiis, 247. Prix propofés par la Société pour limi- tation des Coutils d'Hollande, 250. Etofles, façon de Cholet, :bid. Encouragemens propoiés à ce fujet, 251. DRAPERIE 8 BONNETERIE, 252. Propofition d'établir une Manufaéture de Draps d’Elbeuf & de Louviers en Bretagne, 254. Conditions pour former cet établiflement , 255. Motifs qui portent la Société à croire que ces conditions ne doivent pas être acceptées, 256. Conditions auxquelles la Société croit que l'Entrepreneur devroit fe réduire, 260. Manufaéture d’Etoffes d'Ouate, 263. Principes que la Société croit qu'on doit fuivre pour adopter ou rejetter les projets de Manufaétures, 266. Papiers bleus & violets, 268. HuiLes de lin & de chanvre, 269. Abus qui empêchent les Moulins à Huiles de fe muiti- plier, 270. SAVON. IL feroit néceffaire d’en établir des M, nufactures en Bretagne, 276. On en fabrkme à Rennes & à Nantes, 278. MANUFACTURE de Glaces, 2b1d. COMMERCE de Cire & Fabrique des Bougies, 280. Epreuve des Bougies des Fabriques de Rennes & du Mans, 282. Moyens de faire revivre ce Commerce, 283. FIN DE LA l'AÆB'LE / { EE AP PRE TION: ‘Ai lu par ordre de Monfeigneur le Chancelier un Ma: nufcrit intitulé : Corps d'Obfervations de la Société d’ Agri- culture, de Commerce & des Arts, établie par les Etats’ de Bretagne , & je n’y ai rien trouvé qui puifle en empêcher l'impreflion. À Rennes le 16 Avril 1760. sne AB E.TLÉE. PRIVILEÉGE. DU ROT. | par la grace de Dieu, Roi de France & de avarre, à nos amés & féaux Confeillers les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maitres des Requêtes or- dinaires de notre Hôtel , Grand Confeil, Prevôt de Paris, Baillis, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils, & autres nos Jufticiers qu’il appartiendra, SALUT. Notre amé JacQuEs VATAR, Libraire des Etats de Bretagne, Nous a fait expofer qu'il defireroit faire imprimer & don- ner au Public un Ouvrage qui a pour titre : Corps d'Obfer- vations de la Société d’ Agriculture, de Commerce& des Arts, établie par Délibération des Etats de Bretagne; s11] Nous plaïfoit lui accorder nos Lettres de Permiflion pour ce né- ceffaires. À CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'Expofant, Nous lui avons permis & permettons par ces Préfentes de faire imprimer ledit ouvrage autant de fois que bon lui femblera, & de le vendre , faire ven- dre & débiter par tout notre Royaume , pendant le temps de trois années confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes; faifons défenfes à tous Impri- meurs, Libraires & autres Perfonnes , de quelque qualité & condition qu’elles foient , d’en introduire d'impreffon étrangère dans aucun lieu de notre obéiflance ; à la charge que ces Préfentes feront enrégiftrées tout au long fur le Regiftre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois mois de la date d’icelles ; que l'impref- fion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier & beaux caracteres, Vontor- mément à la feuille imprimée, attachée pour modéléous le contre-fcel des Préfentes ; ‘que l’Impétrant fe confor- mera en tout aux Réglemens de la Librairie, & notam- ment à celui du 10 Avril 172$ ; qu'avant de l’expofer en vente, le Manufcrit qui aura fervi de copie à l’impreflon dudit Ouvrage fera remis dans le même état où l’Appro- bation y aura été donnée,ès mains de notre très-cher &tféal Chevalier, Chancelier de France, le Sieur de la Moignon, & qu'il en fera enfuite remis deux exemplaires dans notre Bibliothéque publique , un dans celle de notre Château du Louvre , & un dans celle de notredit très-cher & féal Chevalier, Chancelier de France , le Sieur de la Moignon : le tout à peine de nullité des Préfentes; du contenu def quelles vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Expofant & fesayans caufe , pleinement & pailiblement, fans fouffrir qu'il leur foit # aucun trouble ou empêche- ment. Voulons qu'à la copie des Préfentes , qui fera im- primée tout au long au commencement ou à la fin du- dit Ouvrage, foi foit ajoutée comme à l'original; com- mandons au premier notre Huiflier ou Sergent fur ce re- quis, de faire pour l'exécution d’iceiles tous actes requis & néceflaires , fans demander autre permiflion , & non- obftant Clameur de Haro, Charte Normande & Lettres : à ce contraires. Car tel eft notre plafr. DonNNé à Verfailles le douzième jour du mois de Juin, l’an de grace mil fept cent foixante, & de notre Regne le quarante cinquiéme. Par le Roi en fon Confeil. Signé, LE BEGUE. Regiftré fur le Regiftre XV. de la Chambre Royale ë Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris, N°. 44, Fol, 79, conformément au Réglement de 1723. A Paris c premier Juillet 1760. Signé, G. SAUGRAIN, Syndic. A NANTES, de l’Imprimerie de la Veuve de JosepH VATAR. AL ue L a À