U dVof OTTAWA 3900300313^771 nass^sas^i '*. |: MliiM^^MMfciiia^BBMiBTfliMfti^BKBgiÉft¥«MMWilM liîiBilirfiii" r>L.. >^^-â^ 0f ie??n?^r^-"r Digitized by the Internet Archive in 2010 witii funding from University of Ottawa Iittp://www.arcliive.org/details/cosmosessaidune01liumb / COSMOS ESSAI D'UNE DESCRIPTION PHYSlOliE DU MONDE. PARIS. ~ IMPRIMERIE d'a. SIBOU ET DESQUERS , I\uc (les Noyers, 37. COSMOS ESSAI D'UNE DESCRIPTION PHYSIOUE DU MONDE 4LEXAXDRE DE HIJ1IIB0LDT; TRADUIT Par H. FATE, Un bti n3lrononu8 be l'Ctsennitoitc totyil bi îPnriS, « Naturae vero rerum vis atque majestas in omnibus momentis fide caret, si quis modo partes ejus ac non totam complecfatur animo. » PuNE, H.N. lib. VII, c. 1, ic/i PREMIERE PARTIE. y^> ^-K^X^ V • PARIS, •*^«^|«WrVilTr^ GIDE ET C'% LIBRAIRES-ÉDITEURS, ^ -^^ HUE DES PETITS-AUGUSTINS, 5. 1846 \ • • "T'# ir •-* Q \JJ TABLE DES MATIÈRES. Pages Préface de l'auteur I INTRODUCTION. Considérations sur les divers degrés de jouissance qu'offrent l'aspect de la nature et l'étude de ses lois 1 Limites et méthode d'exposition de la description physique du monde 49 LE CIEL. Tableau général des phénomènes célestes 79 Nébuleuses 88 Étoiles nébuleuses 90 Systèmes stellaires 92 Notre système stellaire 93 Système solaire 98 Planètes 99 Satellites 103 Comètes ' HO Étoiles filantes , bolides, aérolithes 127 Lumière zodiacale 134 Le Soleil KiO Son mouvement de translation dans l'espace ICI Mouvements propres des étoiles * 1(i2 Pages Ktoiles doubles 1 64 Distances , masses , diamètres apparents des étoiles 1 65 Aspect variable du ciel étoile ^6^ Centres d'attraction parmi les groupes d'étoiles 169 Voie lactée formée de nébuleuses 170 Propagation successive de la lumière 1 73 LA TERRE. Tableau général des phénomènes terrestres 175 Figure de la Terre 186 Densité de la Terre 101 Chaleur interne de la Terre i 93 Température moyenne de la Terre 1 98 Magnétisme terrestre 200 Lumières polaires ou Aurores boréales 21 1 Réaction de l'intérieur du globe contre les couches extérieures. . . 226 Tremblements de terre 228 Émissions gazeuses 2 i-i Sources thermales et sources froides 247— Volcans de boue .232 Volcans 234 Description géologique de l'écorce du globe 282 Formes fondamentales des roches 282 Roches endogènes ou roches d'éruption 286 Roches exogènes ou roches de sédiment 289 Roches métamorphiques 293 Production artificielle des minéraux simples 307 Conglomérats 309 Constitution chimique des roches, en général 310 Age relatif des roches 31 1 Paléoiilologie, restes organiques fossilisés 312 Paléozoologie, animaux fossiles 313 Paléophytoiogie , végétaux fossiles 321 Paléogéographie; état de la surface du globe aux différentes époques géologiques 329 Géographie physique , en général 334 La terre ferme 337 L'océan 334 L'atmosphère , Météorologie 367 Pression atmosphérique ; 372 VIJ Pages Climats, distribution géographique de la chaleur, lignes isother- mes , isothères, isochimèiies 377 Limite des neiges perpétuelles 391- Hygrométrie 398 Electricité atmosphérique 401 Dépendance mutuelle des phénomènes météorologiques 405 VIE ORGANIQUE. Tableau général de la vie organique 408 Considérations sur la géographie des plantes et des animaux.. 416 L'homme » 422 Notes 435 AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR. Les unités de mesure, adoptées dans cet ouvrage, sont les unités légales de France. Les indications ther- mométriques se rapportent à l'échelle centigrade. Les longitudes sont comptées à partir du méridien de Paris. Les distances itinéraires et toutes les grandes mesures linéaires ont été données, par l'auteur, en milles géographiques de 15 au degré équalorial : je les ai converties en myriamètres à raison de 7420 mètres par mille géographique. (Voy. note30,p. 491 ). Ce premier volume forme un corps d'ouvrage com- plet. Deux autres volumes doivent le suivre bientôt, en Allemagne et en France ; l'un d'eux seia consacré à développer les hautes considérations d'histoire et de philosophie qui se rattachent à l'idée principale dont le premier volume contient l'exposition. On regrettera que M. de Humboldl n'ait pas donné lui-même la traduction du Costnos: des travaux dont l'importance est connue du monde savant Tonl dia- cide à me confier ce soin. Cependant, pour ne pas rester étranger à l'édition française , M. de Huin- boldl a traduit lui-même les prolégomènes, ou plu- tôt il a écrit en français une nouvelle introduction (p. 1-78); c'est un gage de plus de la sympathie qui unit depuis si longtemps à notre pays l'illustre voya- geur, et qui lui a fait donner h la France ses plus im- portants ouvrages. Une autre partie, relative à la grande question des races humaines, a été traduite par M. Guigniaut, Mem- bre de l'Institut. Cette question était étrangère h mes études habituelles ; d'ailleurs elle a été traitée, dans l'ouvrage allemand , avec une telle supériorité de vues et de style, que M. de Humboldt a du chercher, parmi ses amis, l'homme le plus capable d'en donner l'équivalent aux lecteurs français. M. de Humboldt s'est naturellement adressé à M. Guigniaut, et ce sa- vant a bien voulu se charger de traduire les dix der- nières pages du texte, ainsi que les notes correspon- dantes. Le reste m'appartient. Heureusement, je puis of- frir au lecteur une garantie de l'exactitude de ma traduction, au point de vue scienlificjue, en déclarant que M. Arago a hicn voulu revoir et con-igor toutes mes é[)reuves. Qu'il me soit permis de lui olTrir ici l'hommage de ma profonde reconnaissance. Au mo- ment où ce livre va être soumis au public, je sens plus vivement encore la valeur d'un pareil appui. Les liens d'une vieille amitié donnaient à M. de Hum- boldt le droit de réclamer cet appui pour son traduc- teur ; mais je crois pouvoir en attribuer une partie à la bienveillance généreuse dont M. Arago entoure et soutient tous ceux qui, comme moi, sont assez heu- reux pour recevoir sa haute direction scientifique. Avant de terminer, je demande la permission d'al- ler au devant d'un reproche auquel je me suis ex- posé. A l'époque où le Cosmos parut en Allemagne (avril 1845), il fut considéré comme l'expression fi- dèle de l'état des sciences physiques. Or, j'ai été forcé, par mes devoirs, mes travaux personnels , et par les difficultés inhérentes à la traduction d'un ouvrage jqui embrasse tant de sujets divers , de retarder en France, de près d'une année, la publication de l'œu- vre de M. de Humboldt: c'était risquer de lui faire 'perdre quelque peu de son mérite d'actualité. On sait qu'une brillante découverte a été faite, en Astro- nomie, pendant ce court laps de temps; notre sys- tème planétaire a été enrichi d'un nouvel astre par M. Hencke, de Driessen. Au lieu de 11 planètes, il faut désormais en compter 12. Mais les apprécia- lions de M. de Humboldt n'en ont reçu aucune at- teinte ; au contraire , cette découverte leur ap- porte une force nouvelle, une vérification de plus. Il n^st pas jusqu'à certaine épilhète, répétée par M. de Humboldt avec une prédilection visible , qui n'ait échappé au dangoi- de devenir moins juste, d'une année à l'autre : je veuxparlerde« ces orbites si étroi- tement entrelacées des petites planètes » (die soge- nannlen kleinen Planelen inihren so eng verschlun- genen Bahnen). Ce qui est si vrai pour les orbites de Cérès, de Pallas , de Junon, de Vesta, ne l'est pas moins, et même ne devient que plus frappant, quand on leur adjoint celle d'Astrée. >£®-aC--»- PRÉFACE DE L'AUTEUR, J'offre à mes compatriotes, au déclin de ma vie, un ouvrage dont les premiers aperçus ont occupé mon esprit depuis un demi-siècle. Souvent, je l'ai aban- donné, doutant de la possibilité de réaliser une en- treprise trop téméraire : toujours, et imprudemment peut-être, j'y suis revenu, ef j'ai persisté dans mon premier dessein. J'offre le Cosmos, qui £St une des- cription physique du monde, avec la timidité que m'inspire la juste défiance de mes forces. J'ai tâché d'oublier que les ouvrages longtemps attendus sont généralement ceux que le public accueille avec le moins d'indulgence. 1 H Par les vicissiiiides de ma vie el une ardeur d'in- struction dirigée sur des objets très-variés, je me suis trouvé engagé à m'occuper, en apparence pres- que exclusivement et pendant plusieurs années, de sciences spéciales , de botanique , de géologie , de chimie , de positions astronomiques et de magnétisme terrestre. C'étaient des études préparatoires pour exécuter avec utilité des voyages lointains ; j'avais cependant dans ces études un but plus élevé. Je dé- sirais saisir le monde des phénomènes et des forces physiques dans leur connexité et leur influence mu- tuelles. Jouissant, dès ma première jeunesse , des conseils et de la bienveillance d'hommes supérieurs, je m'étais pénétré de bonne heure de la persuasion intime que , sans le désir d'acquérir une instruction solide dans les parties spéciales des sciences natu- relles, toute contemplation de la nature en grand, tout essai de comprendre les lois qui composent la physique du monde, ne seraient qu'une vaine et chi- mérique entreprise. Les connaissances spéciales , par l'enchaînement même des choses, s'assimilent el se fécondent mu- tuellement. Lorscjue la botanique descriptive ne reste pas circonscrite dans les étroites limites de '('tude des formes et de leur réunion en genres — III — et en espèces, elle conduit l'observateur qui par- court , sous différents climats , de vastes étendues continentales , des montagnes et des plateaux , aux notions fondamentales de la géographie des plantes, à l'exposé de la distribution des végétaux selon la distance à Téqualeur et l'élévation au-dessus du ni- veau des mers. Or, pour comprendre les causes com- pliquées des lois qui règlent cette distribution , il faut approfondir les variations de température du sol rayonnant et de l'océan aérien qui enveloppe le globe. C'est ainsi que le naturaliste avide d'instruction est conduit d'une sphère de phénomènes à une autre sphère qui en limite les effets. La géographie des plantes, dont le nom même était presque inconnu il y a un demi-siècle, offrirait une nomenclature aride et dépourvue d'intérêt, si elle ne s'éclairait des étu- des météorologiques. Dans des expéditions scientifiques , peu de voya- geurs ont eu, au même degré que moi , l'avantage de n'avoir pas seulement vu des côtes, comme c'est le cas dans les voyages autour du monde , mais d'avoir parcouru l'intérieur de deux grands conti- nents dans des étendues très- considérables , et là où ces continents présciUent les plus frappants con- trastes, à savoir, le paysage tropical et alpin du IV Mexique ou de T Amérique du Sud , et le paysage des steppes de l'Asie boréale. Des entreprises de celle nature devaient , d'après la tendance de mon esprit vei'S des essais de généialisation, vivifier mon cou- rage , et m'exciler à rapprocher, dans un ouvrage à part, les phénomènes terrestres de ceux qu'embras- sent les espaces célestes. La description physique de la terre , jusqu'ici assez mal limitée comme science, devint , selon ce plan , qui s'étendait à toutes les choses créées, une description physique du monde. La composition d'un tel ouvrage , s'il aspire h réu- nir au mérite du fond scientifique celui de la forme littéraire, présente de grandes diflicullés. Il s'agit de porter l'ordre et la lumière dans l'immense richesse des matériaux qui s'offrent à la pensée, sans ôter aux tableaux de la nature le souffle qui les vivifie; car si Ion se bornait à donner des résultats généraux . on risquerait d'être aussi aride, aussi monotone qu'on le serait par l'exposé d'une tiop grande multitude de faits particuliers. Je n'ose me flatter d'avoir satisfait à (]<'s conditions si difficiles à iv^niplir, et d'avoir évité des écueils dont je ne sais que signaler l'exis- tence. Le faible espoir que j'ai d'obtenir l'indulgence du ]»ublic repose sur l'inlc'rèt témoigne, depuis tant d'années, à un ouvrage publié peu de lemps après mon retour du Mexique et des États-Unis, sous le titre de Tableaux de la nature. Ce petit livre , écrit ori- ginairement en allemand, et traduit en français, avec une rare connaissance des deux idiomes, par mon vieil ami 31. Eyriès, traite quelques parties de la géographie physique, telles que la physionomie des végétaux, des savanes, des déserts, et l'aspect des cataractes, sous des points de vue généraux. S'il a eu quelque utilité, c'est moins par ce qu'il a pu offrir de son propre fonds que par l'action qu'il a exercée sur l'esprit et l'imagination d'une jeunesse avide de savoir et prompte à se lancer dans des entreprises loin- taines. J'ai tâché de faire voir dans le Cosmos, comme dans les Tableaux de la nature , que la description exacte et précise des phénomènes n'est pas absolu- ment inconcilialjle avec la peinture animée et vivante des scènes imposantes delà création. Exposer dans des cours publics les idées qu'on croit nouvelles, m'a toujours paru le meilleur moyen de se rendre raison du degré de clarté qu'il est possible de répandre sur ces idées : aussi ai-je tenté ce moyen en deux langues différentes; à Paris et à Berlin. Des ca- hiers qui ont été rédigés à cette occasion par des audi- teurs intelligents me sont restés inconnus. J'ai préféré VI ne pas les consiiller. La rédaclion (run livre impose des obligations bien différentes de celles qu'entraîne l'exposition orale dans un cours public. A l'exception de quelques fragments de l'introduction du Cosmos, tout a été écrit dans les années 1843 et 1844. Le cours fait devant deux auditoires de Berlin , en soixante leçons , était antérieur à mon expédition dans le nord de l'Asie. Le premier volume de cet ouvrage renferme la partie la plus importante à mes yeux de toute mon entreprise, un tableau de la nature présentant l'en- semble des phénomènes de l'univers depuis les né- buleuses planétaires jusqu'à la géographie des plantes et des animaux, en terminant par les races d'hommes. Ce tableau est précédé de considérations sur les dif- férents degrés de jouissance (lu'offrent l'étude de la nature et la connaissance de ses lois. Les limites de la science du Cosmos et la méthode d'après laquelle j'essaye de l'exposeï* y sont également disculées. Tout ce qui lient au détail des observations des faits par- ticulieis, et aux souvenirs de l'anticjuité classique, source éternelle d'instruction et de vie, est concentré dans des notes placées à la fin de chaque volume. On a soiivml fail la remarque, peu consolante en apparence, que tout ce qui n'a pas ses racines dans VII les protondeurs de la pensée, du sentiment et de l'imagination créatrice, que tout ce qui dépend du progrès de l'expérience , des révolutions que font subir aux théories physiques la perfection croissante des instruments, et la sphère sans cesse agrandie de l'observation, ne tarde pas à vieillir. Les ouvrages sur les sciences de la nature portent ainsi en eux- mêmes un germe de destruction, de telle sorte qu'en moins d'un quart de siècle , par la marche rapide des découvertes, ils sont condamnés à l'oubli, illi- sibles pour quiconque est à la hauteur du présent. Je suis loin de nier la justesse de ces réflexions, mais je pense que ceux qu'un long et intime commerce avec la nature a pénétrés du sentiment de sa gran- deur, qui , dans ce commerce salutaire, ont fortifié à la fois leur caractère et leur esprit, ne sauraient s'af- fliger de la voir de mieux en mieux connue, de voir s'étendre incessamment l'horizon des idées comme celui des faits. Il y a plus encore : dans l'état ac- tuel de nos connaissances, des parties très-impor- tantes de la physitiue du monde sont assises sur des fondements solides. Un essai de réunir ce qui, à une époque donnée, a été découvert dans les espaces cé- lestes , à la surface du globe, et à la faible distance où il nous est permis de lire dans ses profondeurs, — vin — pourrait , si je ne me trompe , quels que soient les progrès futurs de la science, offrir encore quelque intérêt , s'il parvenait h retracer avec vivacité une partie au moins de ce que l'esprit de l'homme aper- çoit de général, de constant, d'éternel, parmi les ap- parentes fluctuations des phénomènes de l'univers. Potsdam , au mois de novembre 1844. - -. CONSIDERATIONS SUR tES DIFFÉRENTS DEGRÉS DE JOUISSANCE QU' OFFRENT l' ASPECT DE LA NATURE ET l'ÉTUDE DE SES LOIS. En essayant , après une assez longue absence de ma patrie , de développer l'ensemble des phénomènes physiques du globe et l'action simultanée des forces qui animent les espaces célestes, j'éprouve deux ap- préhensions différentes. D'un côté, la matière que je traite est si vaste et si variée, que je crains d'aborder le sujet d'une manière encyclopédi jue et superficielle; de l'autre, je dois éviter de fatiguer l'esprit par des aphorismes qui n'offriraient que des généralités sous des formes arides et dogmatiques. L'aridité naît sou- vent de la concision , tandis qu'une trop grande multiplicité d'objets qu'on veut embrasser à la fois , conduit à un manque de clarté et de précision dans l'enchaînement des idées. La nature est le rèiïne de la liberté, et pour peindre vivement les concep- tions et les jouissances que fait naître un sentiment profond de la nature, il faudrait que la pensée pût se revêtir librement aussi de ces formes et de cette élé- vation du langage, (jui sont dignes de la giandeur et de la majesté de la création. — 2 — Si l'on ne considère pas lélude des phénomènes physiques dans ses rapports avec les besoins nialériels de la vie, mais dans son influence générale sur les progrès intellectuels de l'humanité, on trouve, comme résultat le plus élevé et le plus important de cette in- vestigation, la coiniaissance de la connexilé des forces de la nature, le sentiment intime de leur dépendance mutuelle. C'est l'intuition de ces rapports qui agran- dit les vues et ennoblit nos jouissances. Cet agrandis- sement des vues est l'œuvre de l'observation, de la méditation et de l'esprit du temps dans lequel se con- centrent toutes les directions de la iiensée. Lhistoire révèle ii quiconque sait pénétrer à travers les couches des siècles antérieurs aux racines profondes de nos connaissances, comment, depuis des milliers d'an- nées, le genre humain a travaillé à saisir, dans des mutations sans cesse renaissantes, l'invariabilité des lois de la nature, et à conquérir progressivement une grande partie du monde physique par la force de l'intelligence. Interroger les annales de lhistoire, c'est poursuivre cette trace mystérieuse sur la(juelle la môme image du Cosmos, qui s'est révélée |)riinili- vement au sens intérieur comme un vague pressenti- ment de riiaiinonie et de l'ordre dans l'univers , s offre aujourdhui à l'esprit comme le fruit de lon- gues et séi'ieuses observations. Aux deux é[>oques de la contemplation du monde cxtc'rieur, an [U'eniier rc'veil de la réllexion et à r<''- poque d'une civilisation avancée, correspondent deux genres de jouissances. L'une, propre à la naïveté pri- — 3 — initive dés vieux âges , naît de la divination de l'ordre qu'annonce la succession paisible des corps célestes et le développement progressif de l'organisation. Une autre jouissance résulte de la connaissance précise des phénomènes. Dès que l'homme, en interrogeant la nature^ ne se contente pas d'observer, mais qu'il fait naître des phénomènes sous des conditions déter- minées; dès qu'il recueille et enregistre les faits pour étendre l'investigation au deLà de la courte durée de son existence, la philosophie de lanalure se dépouille des formes vagues et poétiques qui lui ont appartenu dès son origine; elle adopte un caractère plus sévère, elle pèse la valeur des observations , elle ne devine plus, elle combine et raisonne. Alors les aperçus dog- matiques des siècles antérieurs ne se conservent que dans les préjugés du peuple et des classes qui lui res- semblent par leur manque de lumières; ils se perpé- tuent surtout dans quelques doctrines qui, pour ca- cher leur faiblesse, aiment à se couvrir d'un voile mystique. Les langues surchargées d'expressions figu- rées portent longtemps les traces de ces premières intuitions. Un petit nombre de symboles, produits d'une heureuse inspiration des temps primitifs, pren- nent peu à peu des formes moins vagues; mieux in- terprétés, ils se conservent même dans le langage scientifique. La nature, considérée rationnellement, c'est-à-diie soumise dans son ensemble au tiavail de la pcnst'e, est l'unilc'; dans la diversité des phcMiouiènes, l'Iiarmo- nie entre les choses créées dissemblables par leur forme, parleur conslitiilioii propre, parles forces qui les aniuient; c'est le Tout (to ttxj) pénclré d'un souffle de vie. Le résultat le plus iniporiaiit il'uue étude rationnelle de la nature est de saisir l'unité et l'harmonie dans cet immense assemblage de choses et de forces, d'embrasser avec une même ardeur ce qui est dû aux découvertes des siècles écoulés et à celles du temps où nous vivons, d'analyser le détail des phénomènes sans succomber sous leur masse. Sur cette voie, il est donné à l'homme, en se montrant digne de sa haute destinée, de comprendre la nature, de dévoiler quelques-uns de ses secrets, de soumetire aux efforts de la pensée, aux conquêtes de linleUi- gence, ce qui a été recueilli par l'observaiion. En réfléchissant d'abord sur les différents degrés de jouissance que fait naître la contemplation de la nature, nous trouvons qu'au premier degré doit être placée une impression entièrement indépendante de la connaissance ii-time dos phénomènes pliysiquos, in- dépendante aussi du caractère individuel du paysage, de la physionomie de la contrée qui nous environne. Partout où, dans une plaine monotone et formant ho- rizon, des plantes d'une même espèce (des bruyères, des cistes ou des graminées) couvrent le sol, partout où les vagues de la nier baignent le rivage et font re- connaître leurs traces par desstries verdoyantes diil va et de varech flottant, le sentiment de la nature, grande et libre, saisit notre àme et nous n'vèle, comme par une mystérieuse inspii-alion , qu'il existe des lois (jui lèglenl les forces do l'univers. Le simple contact de Ihomnie avec la nature, cette intluence du grand air (ou, comme disent d'autres langues par une expres- sion plus belle, de Vair libre), exercent un pouvoir calmant : ils adoucissent la douleur et apaisent les passions quand l'àme est agitée dans ses profondeurs. Ces bienfaits, l'iiomme les reçoit partout, quelle que soit la zone qu'il habite, quel que soit le degré de cul- ture intellectuelle auquel il s'est élevé. Ce que les im- pressions que nous signalons ici ont de grave et de solennel, elles le tiennent du pressentiment de l'ordre et des lois qui naît h. notre insu , au simple contact avec la nature; elles le tiennent du contraste qu'of- frent les limites étroites de notre être avec cette image de l'infini qui se révèle partout, dans la voûte étoilée du ciel, dans une plaine qui s'étend h perte de vue, dans l'horizon brumeux de l'Océan. Une autre jouissance est celle que produit le carac- tère individuel du paysage, la configuration de la sur- face du globe dans une région déterminée. Des im- pressions de ce genre sont plus vives, mieux définies, plus conformes à certaines situations de l'àme. Tantôt c'est la grandeur des masses, la lutte des éléments déchaînés ou la triste nudité des steppes, comme dans le nord de l'Asie , qui excitent nos émotions ; tantôt, sous l'inspiration de sentiments plus doux, c'est l'aspect des champs qui portent de riches mois- sons, c'est riiabilalion de l'homme au bord du tor- rent, la sauvage fécondité du sol vaincu par la char- rue. Nous insistons moins ici sur les degrés de force qui distinguent les émotions que sur les différences de — 6 — sensations quexciie le caractère du paysage, et aux- quelles ce caractère donne du charme el de la durée. S'il m'était permis de m'abandonneraux souvenirs de courses lointaines, je signalerais, parmi les jouis- sances que présentent les grandes scènes de la na- ture, le calme cl la majesté de ces nuits tropicales, lorsque les étoiles, dépourvues de scintillation, ver- sent une douce lumière planétaire sur la surface mollement agitée de l'Océan, je rappellerais ces val- lées profondes des Cordilières, où les troncs élancés des palmiers, agitant leurs ilèclies panachées, per- cent les voûtes végétales, et forment, en longues co- lonnades, <( une foret sur la forêt » (1); je décrirais le sommet du i)ic de Ténérilfe, lorsqu'une couche hori- zontale de nuages, éblouissante de blancheur, sépare le conc des cendres de la ])laine iidérieure , et rogrès de Ihumanilé, ait clé entre — 15 — les tropiques mêmes. Airyana Vaedjo , ranlirjnc ber- ceau du Zend , était placé au nord-ouest du Haut-In- dus, et après le grand schisme religieux, c'est-à-dire après la séparation des Iraniens d'avec l'institut brah- manique, la langue jadis commune aux Iraniens et aux Hindous, a pris, chez ces derniers (en même temps que la littérature, les mœurs et l'état de la so- ciété), une forme individuelle dans le Magadha ou Madhya Deçà (7), contrée limitée par la grande Cor- dillère de l'Himalaya et la petite chaîne Yindhya. En des temps bien postérieurs, la langue et la civilisation sanscrites se sont môme avancées vers le sud-est et ont pénétré beaucoup plus avant dans la zone torride, comme mon frère Guillaume de Humboldt (8) l'a exposé dans son grand ouvrage sur la langue kavi et les langues qui ont des rapports de structure avec elle. Malgré toutes les entraves que , sous des latitudes boréales, l'excessive complication des phénomènes et les perpétuelles variations locales dans les mouve- ments de l'atmosphère et dans la distribution des formes organiques, opposaient à la découverte des lois de la nature , c'est précisément à un petit nom- bre de peuples habitant la zone tempérée que s'est révélée d'abord une connaissance intime et ration- nelle des forces qui agissent dans le monde physique. C'est de cette zone boiéale, plus favoral)le apjiarcni- ment aux progrès de la raison , à radoucissement des UKOursetaux libertés publiques, que les germes de la civilisation ont été importés dans la zone tropicale. — 16 — tant par ces grands nioiivcmcnts clos races qu'on ap- pelle niigralions des peuples , que par rélablissenienl de colonies, fort dillërenles d'ailleurs par leurs insti- tutions, dans les temps phéniciens ou helléniques et dans nos temps modernes. En rappelant l'inlluence que la succession des })lié- nomènes a pu exercer sur la facilité plus ou moins grande de reconnaître la cause qui les produit, j'ai touché à ce point important où, dans le contact avec le monde extérieur, à côté du charme que répand la simple contemplation de la nature, se place la jouis- sance qui naît de la connaissance des lois et de len- chaînement mutuel de ces phénomènes. Ce qui long- temps n'a été que l'objet d'une vague inspiration est parvenu peu à peu à l'évidence d'une vérité positive. L'homme s'est efforcé de trouver, connue l'a dit dans notre langue un poiHe inmiortel , « le pôle immuable dans réternello iluclualion des choses créées (9). » Pour remonter à la source de cette jouissance qui se fonde sur l'exercice de la pensée, il suffit de jeter un rapide coup d'coil sur les premiers aperçus de la })hilosophie de la nature ou de ranlicpie doctrine du Cosmos. Nous trouvons chez les peuples les plus sau- vages (et mes propres courses ont conhrmé cette as- sertion ) un sentiment secret et mêlé de terreur de la puissante unité des forces de la natuie, d'une essence invisil)le, spirituelle, qui se manifeste dans ces foi- ces, soit quelles (K'veloppent la lleur et le fruit sur l'arbre nouiricier, soit (pj'elles él»ranlenl le sol de la foret ou qu'elles tonnent dans les nuages. Il se lévMe — 17 — ainsi un lien entre le monde visible et un monde su- périeur qui échappe aux sens. L'un et l'autre se con- fondent involontairement, et, dépourvu de Tappui de l'observation, simple produit d'une conception idéale, le germe d'une philosophie de la nature ne s'en développe pas moins dans le sein de l'homme. Chez les peuples les plus arriérés dans la civilisa- lion, l'imagination se plaît au jeu de créations bizar- res et fantastiques. La prédilection pour le syndjole inllue simultanément sur les idées et sur les langues. Au lieu d'examiner, on devine, on dogmatise, on in- terprète ce qui n'a jamais été observé. Le monde des idées et des sentiments ne retlèle pas dans sa pureté primitive le monde extérieur. Ce qui, dans quelques régions de la terre, ne s'est manifesté, comme rudi- ment de la philosophie naturelle, que chez un petit nombre d'individus doués d'une haute intelligence, se présente en d'autres régions, chez des familles entiè- res de peuples, comme le résultai de tendances mys- tiques et d'intuitions instinctives. C'est dans le com- merce intime avec la nature , c'est dans la vivacité et la profondeur des émotions qu'elle fait naître, qu'on rencontre aussi les premières impulsions vers le culie^ vers une sanctification des forces destructives ou con- servatrices de l'univers. Mais à mesure que l'honnue, en parcourant les différents degrés de son dévelop- pement intellectuel, parvient à jouir en toute liberté du [)Ouvoir régulateur de la réllcxion, à séparer, par un acte d'an'ianchisscment progi'cssif, le monde des idées de celui des sensations, un vague prossenliment — 18 — de l'imilé des forces de la nalure ne lui suffit plus. L'exercice de la pensée connnence à accomplir sa liaule mission; l'observalion, l'écondéc i)ar le raison- nement, remonte avec ardeur aux causes des phéno- mènes. L'histoire des sciences nous apprend qu'il n'a pas été facile de satisfaire aux besoins d'une si active cu- riosité. Des observations peu exactes et incomi>lèles ont conduit, par de fausses inductions, à ce grand nombre d'aperçus physiques qui se sont perpétués parmi les préjugés populaires dans toutes les classes de la société. C'est ainsi qu'à côté d'une connaissance solide et scientifique des phénomènes , il s'est con- servé un système de prétendus résultats d'observa- tions d'autant plus difficile à ébranler qu'il ne tient compte d'aucun des faits qui le renversent. Cet em- pirisme, triste héritage des siècles antérieurs, main- tient invariablement ses axiomes. Il est arrogant connue tout ce qrrit chez l'obscrviiieui', j>endaiil qu'il ob- i — 21 — serve, et ragraiulissemeiit ullérieiir des vues qui est le fruit de l'invesligation et du travail de la pensée. Les physiciens mesurent avec une admirable sagacité les ondes lumineuses inégalement longues, qui se renforcent ou se détruisent par interférence , même dans leurs actions chimiques. L'astronome, armé de puissants télescopes , pénètre dans les espaces céles- tes, contemple , aux dernières limites de notre sys- tème solaire, les lunes d'Uranus, et décompose de faibles points étincelants en étoiles doubles inégale- ment colorées. Les botanistes retrouvent la constance du mouvement giratoire du chara dans la plupart des cellules végétales, et reconnaissent Tenchaînement intime des formes organiques par genres et par fa- milles naturelles. Or, la voûte céleste parsemée de nébuleuses et d'étoiles , et le riche tapis de végétaux qui couvre le sol dans le climat des palmiers, ne peu- vent manquer de laisser h ces observateurs laborieux une impression plus imposante et plus digne de la ma- jesté de la création qu'à ceux dont l'âme n'est point habituée à saisir les grands rapports qui lient les phé- nomènes. Je ne puis par conséquent tomber d'accord avec Burke, lorsque, dans un de ses spirituels ouvra- ges , il prétend « que notre ignorance des choses de de la nature est la cause principale de l'admiration qu'elles nous inspirent , que c'est elle qui produit le sentiment du sublime. » Tandis que l'illusion des sens fixe les astres à la voûte des cieux , l'astronomie, par ses travaux har- dis, agrandit indclininicnt l'espace. Si elle circonscrit — 22 — la grande iK'l)ulcuse à Ia<}iK'lle apparlicnt le syslèine solaire, ce nesl que pour nous niouli-er au delà, vers des régions qui luienl à mesure que les pouvoirs op- tiques augmcnlenl, d'autres îlols de nébuleuses spo- radiques. Le sentiment du sublime, en tant qu'il naît de la conlemplaiion de la dislance des astres, de leur grandeur, de l'élendue pbysique, se réfléchit dans le sentiment de linlini qui appartient h une autre sphère d'idées, au monde intellectuel. Ce que le premier offre de solennel et d'imposant, il le doit à la liaison que nous venons de signaler, h cette analogie de jouis- sances et d'émotions qui sont excitées en nous, soit au milieu des mers, soit dans l'océan aérien, lorscjue des couches vaporeuses et à demi diaphanes nous enveloppent sur le sommet d'un pic isolé, soit enfin devant un de ces puissants instruments qui dissolvent en étoiles des nébuleuses lointaines. La sinq)le accumulation d'observations de détail sansrapi)ort enti'c elles, sans généralisation d'idées, a pu conduire sans doute à un préjugé i)rorondément invétéré, à la persuasion que l'étude des sciences exactes doit nécessairement refroidir le sentiment et diminuer les nobles plaisirs de la contemj)lation de la naluie. Ceux qui, dans le temps où nous vivons, au milieu des progrès de toutes les l)ranchcs de nos con- naissances et de la raison publique elle-même, nour- rissent encore une telle erreur, méconnaissent le prix de toute extension de la sphère intellectuelle, le prix de cet art de voilei*. ])()ur ainsi dire, le détail des laits isolés, pour s'élever à des résultats généraux. Sou- — 23 — vent, au regret de sacrifier, sous l'inlluence du rai- sonnement scientifique, la libre jouissance de la na- ture, s'ajoute une autre crainte, celle qu'il n'est pas donné à toutes les intelligences de saisir les vérités de la physique du monde. Il est vrai qu'au milieu de cette fluctuation universelle de forces et de vie, dans ce réseau inextricable d'organismes qui se dévelop- pent et se détruisent tour à tour, chaque pas que l'on fait dans la connaissance plus intime de la nature con- duit à l'entrée de nouveaux labyrinthes; mais c'est l'excitation d'un sentiment divinatoire, c'est la vague mtuition de tant de mystères à dévoiler, la nuihipli- cité des routes à parcourir, qui, à tous les degrés du savoir, stimulent en nous l'exercice de la pensée. La découverte de chaque loi de la nature conduit à une autre loi plus générale, en fait pressentir au moins l'existence à l'observateur intelligent. La nature, comme l'a définie un célèbre physiologiste (H), et connue le mot même l'indique chez les Grecs et chez les Romains, est « ce qui croît et se développe pei'pé- tuellement, ce qui n'a de vie que par un changement continu de forme et de mouvement intérieur. » La série des types organiques s'étend ou se com- plète pour nous à mesure que, par des voyages de terre ou de mer, on pénètre dans des régions incon- nues, que l'on compare les orgauismes vivants avec ceux qui ont disparu dans les grandes révolutions de notre j)lanète, à mesure que les miccoscopes se sont perfectionnés, et que l'usage s'en est rc'pandu parmi ceux qui savent s'en servir avec discernement. Au •— lï ■— sein de ooUc iinnionso variété de prodiietions animales et végétales, dans le jeu de leurs périodiques lians- formalions, se renouvelle sans cesse le mystère pri- mordial de tout développement organique , « e pro- blème de la métamorphose que Goethe a traité avec une sagacité supérieure ;, et qui naît du besoin que nous éprouvons de réduire les formes vitales à un petit nombre de types fondamentaux. Au milieu des ri- chesses de la nature et de celte accumulation crois- sante des observations, l'homme se pénètre de la conviction intime qu'à la surface et dans les entrailles de la terre , dans les profondeurs de la mer et dans celles des cieux, même après des milliers d'années , « l'espace ne manquera pas aux conquérants scienti- fiques. » Le regret d'Alexandre (12) ne saurait s'a- dresser aux progrès de l'observation et de l'intelli- gence. Des considérations générales, qu'elles aient rap- port à la matière agglomérée en corps célestes ou à la distribution géographique des organismes terrestres, ne sont pas seulement plus attrayantes par elles- mêmes que les études spéciales; elles olfrent aussi de grands avantages à ceux qui ne peuvent donner (pic peu de temps à ce genre d'occupations. Les dilféi'entes branches de l'histoire naturelle ne sont accessibles que dans certaines positions de la vie sociale; elles ne présentent pas de charme dans chaque saison , sous chaque climat. Dans les zones inhos|/italières du nord, nous sommes pi'iv(''s |)en(lant longtemi)s du spectacle qu'olfrent à nos regards les forces productives de la — 25 — nature organique ; et si notre intérêt est fixe sur une seule classe d'objets, les récils les plus animés des voyageurs qui ont parcouru des pays lointains, n'au- ront aucun attrait pour nous, à moins que ces récils ne touchent aux objets même de notre prédilection. De même que l'histoire des peuples, si elle pouvait toujours remonter avec succès aux véritables causes des événements , parviendrait à résoudre l'éternelle énigme des oscillations qu'éprouve le mouvement lour à tour progressif ou rétrograde de la société humaine; de même aussi la description physique du monde , la science du Cosmos, si elle était conçue par une forte intelligence et fondée sur la connaissance de tout ce que l'on a découvert jusqu'à une époque donnée, fe- rait disparaître une partie des contradictions que semble offrir au premier abord la complication des phénomènes, effet d'une multitude de perturba- tions simultanées. La connaissance des lois, qu'elles se révèlent dans les mouvements de l'Océan, dans la marche calculée des comètes, ou dans les altraclions mutuelles des étoiles multiples , augmente le senti- ment du calme de la nature. On dirait que « la dis- corde des éléments, » ce long épouvantail de l'es- prit humain dans ses premières intuitions, s'apaise à mesuje que les sciences étendent leur empire. Les vues générales nous habituent à considérer chaque organisme conmie une partie de la création entière , à reconnaître dans la plante et dans l'animal, non l'espèce isolée, niais une forme liée , dans la chaîne desêlres, à daulrcs formes vivantes ou éleinles. L'ios 3 — 20 — nous aiik'iil à saisir les rapports qui exislciit CMlre les découverles les plus réceules el celles qui les ont préparées. Relégués sur un point de l'espace, nous n'en recueillons qu'avec plus d'avidité ce qui a été observé sous différents climats. JNous aimons îi suivre daudacieiix navigateurs au milieu des places polaires , jusqu'au pic de ce volcan du pôle antarc- tique, dont les feux sont visibles pendant le jour à de grandes distances ; nous parvenons même h com- prendre quelques-unes des merveilles du mrgr - tisme terresire , et l'impor lance des nombreuses stations disséminées aujourd'hui dans les deux hé- niisphères pour épier la simultanéité des perturba- tions, la fréquence et la durée des orages magnéti- ques. Qu'il me soit permis de faire quelques pas de plus dans le chanq) des découveries dont T importance ne peut être appréciée que par ceux qui se sont livrés h des études de physique générale. Des exemples choisis parmi les phénomènes qui ont surtout fixé l'attention dans ces derniers temps, répandront un jour nouveau sur les considérations précédenles. Sans une connais- sance préliminaire de l'orbite des comètes, on ne saisi- rait pas limporlance de la découverte de l'une d'elles, dont l'orbite el{ipli(iuo est incluse dans les étroites li- mites de notre système plan('taire, et qui.a révélé l'exis- tence d'un fli'ide éthéré tendant à diminuer la force centrifui^eel Indurée des révolutions. Auneépoqueoù, avide d'un demi-savoir, on se plaît à mêler aux conver- sations du jour de vagues aperçus scientifiques, les craintes d'un choc périlleux avec tel ou tel corps cé- leste, ou d^uii prétendu dérangement des climats, se renouvellent sous d'autres formes. Ces rêves de Fima- ginalion deviennent d'autant plus nuisibles, qu'ils ont leur source dans des prétentions dogmatiques. L'his- toire de l'atmosphère et des variations annuelles qu'éprouve sa température , remonte déjà assez haut pour manifester le retour de petites oscillations au- tour de la chaleur moyenne d'un lieu , pour nous prémunir par conséquent contre la crainte exagé- rée de la détérioration générale et progressive des climats de l'Europe. La comète d'Encke , une des trois comètes inlérieures, achève sa course en douze cents jouis, et n'est, par la forme et la position de son orbite, pas plus dangereuse pour la terre que la grande comète de ïLalley, de soixante-seize ans, moins belle en 1833 qu'en 1759 , que la comète intérieure de Biela , qui coupe , il est vrai , l'or- bite de la terre, mais ne peut se rapprocher beau- coup de nous que lorsque sa proximité au soleil coïn- cide avec le solstice d'hiver. La quantité de chaleur que reçoit une planète, et dont la distribution inégale détermine les variations météorologiques de l'atmosphère, dépend à la fois de la force photogénique du soleil, c'est-à-dire de l'état de ses enveloppes gazeuses, et de la position relative delà planète et du corps central. Il existe des chan- gements qu'éprouvent, selon les lois de la gravitation universelle, la forme de l'orbite terrestre ou l'incli- naison de récliptique (l'angle que fait l'axe de la terre — 28 — avec le plan de son orbite); mais ces changenienls périodiques sont si lents et enfermés dans des limites si étroites, que les elfets thermiques ne sauraient de- venir appréciables pour nos instruments actuels, qu'après des milliers d'années. Les causes astronomi- ques d'un refroidissement de notre t^lobe, de la dimi- nution de l'humidité à sa surface , de la nature et de la fréquence de certaines épidémies (phénomènes souvent discutés de nos jours selon de ténébreux aperçus du moyen âge), doivent être considéi-ées comme placées hois de la portée des procédés actuels de la physique et de la chimie. L'asti'onomie physique nous offre d'autres phéno- mènes qu'on ne saurait saisir dans toute leur gran- deur sans y être préparé par des vues générales sur les forces qui animent l'univers. Tels sont le nombre im- mense d'étoiles ou plutôt de soleils doubles, tour- nant autour d'un centre de gravité comnum , et ré- vélant l'existence de l'attraction newtonienne dans les mondes les plus éloignés; Tabondance ou la rareté des taches du soleil, c'est-à-dire de ces ouvertures qui se forment dans les atmos[)hères lumineuse et oi)aque dont le noyau solide est enveloppé ; h's chutes régulières des étoiles filantes du 13 novembie et de la fête de saint Laui'cnt, anneau d'astéroïdes ({ui cou- pent probablement l'orbite de la terre, et se meuvent avec une vitesse planétaire. Si des rt'gions célestes nous descendons vers la terre, nous désirons concevoir les i'ap[>orts qui existent — 29 — entre les oscillations du pendule dans un espace rem- pli d'air, oscillations dont la théorie a été perfection- née par Bessel , et la densité de notre planète ; nous demandons comment le pendule, faisant les fonctions d'une sonde , nous éclaire jusqu'à un certain point sur la constitution géologique des couches à de grandes profondeurs. On aperçoit une analogie frappante entre la formation des roches grenues qui composent^des courants de laves à la pente des volcans actifs, et ces masses endogènes de granité, de porphyre et de ser- pentine, qui, sorties du sein de la terre, brisent, comme roches d'éruption, les bancs secondaires, et les modifient par contact, soit en les rendant plus durs au moyen de la silice qui s'introduit, soit en les réduisant à l'état de dolomie , soit enfin en y faisant naître des cristaux de composition très-variée. Le soulèvement d'îlots sporadiques , de dômes de tra- chyte et de cônes de basalte par les forces élastiques qui émanent de l'intérieur fluide du globe, ont con- duit le premier géologue de notre siècle, M. Léopold de Buch, à la théorie du soulèvement des continents et des chaînes de montagnes en général. Une telle ac- tion des forces souterraines , la rupture et l'exhausse- ment des bancs de roches de sédiment dont le littoral du Chili , à la suite d'un grand tremblement de terre, a offert un exemple récent , font entrevoir la possibi- lité que des coquilles pélagiques trouvées par M. Bon- pland et moi , sur le dos des Andes , à plus de 4600 mè- tres d'élévation , aient ])n parvenir à celte posilion extraordinaire, non par lintunjescence de rOcc'an, — M) — mais par des agents volcaniques capables de rider la croûte ramollie de la terre. yii[)\)Q\\erulcanismey dans le sens le plus général du mot, toute action que l'intérieur d'une planète exerce sur sa croûte extérieure. La surface de notre dobe et celle de la lune manifestent les traces de celle action qui, dans notre j>lanète du moins, a varié dans la série dessiècles. Ceuxqui ignorent que la chaleur intérieure de la terre augmente rapidement avec la profondeur, et qu'à huit ou neuf lieues de distance (13) le granité est en fusion, ne peuvent se former une idée précise des causes et de la simultanéité déruplions volcaniques très-éloignées les unes des autres, de l'étendue et du croisement des cercles de commolions qu'olîrent les tremblomenls de terre, de la constance de température et de l'égalité de composition chimique observées dans les eaux thermales pendant une longue suile d'an- nées. Telle est cependant l'importance de la quantité de chaleur propre à une planète, résultat de sa con- densation primiîive , variable selon la nature et la durée du rayonnement, que l'étude de cette quantité jette à la fois que'fjue lueur sur l'hisloire de Taliuo- sphère et la distribution des corps organisés enfouis dans la croûte solide de la terre. Celle élude nous fait concevoir comment une teuipérature tropicale, indé- pendante de la latitude (de la distance aux pôles), a pu être Telfct de profondes crevasses restées long- temps ouvei'ies lors du l'idemenl et du fendillcmentde la croûte à peine consolidée et exhalant la chaleur de l'intérieur. Elle nors retrace un ancien état de choses. — 31 — dans lequel la ten^K'ialure de l'atmosphère et les cli- mats en général claient dus bien plutôt au dégage- ment du calorique et de diiîérentes émanations ga- zeuses, c'est-à-dire à l'énergique reaction de l'inté- rieur sur l'extérieur, qu'au rapport de la position de la terre vis-à-vis du corps central, le soleil. Les régions froides recèlent , déposés dans des cou- ches sédimentaires, les produits des tropiques : dans le terrain houiller, des troncs de palmiers, restés sur pied et mêlés à des conifères , des fougères ar- borescentes, des gonialites et des poissons à écailles rhomboïdales osseuses (li) ; dans le calcaire du Jura, d'énormes squelettes de crocodiles et de plésiosaures, des planulites et des troncs de cycadées ; dans la craie j de petites polythalames et des bryozoaires dont les mêmes espèces vivent encore au sein des mers ac- tuelles ; dans le tripoH ou schiste à polir, la demi-opale et l'opale ûirineuse, de puissantes agglomérations d'infusoires siliceux qu'Ehrenberg, sous son micros- cope vivifiant, nous a révélées ; enfin, dans les terrains de transport et certaines cavernes, des ossements d'éléphants, de hyènes et de lions. Familiarisés que nous sommes avec les grandes vues de la physique du globe, ces productions des climats chauds, se trouvant à l'état fossile dans les régions septentrio- nales, n'excitent plus parmi nous une stérile curio- sité; elles deviennent les plus d'gnes objets de médi- tations et de combinaisons nouvelles. La muhilude et la vaiiété des problèmes que je viens d'aborder font naître la question de savoir si des consi- (léralions générales peuvoiU avoli" un dogré su(ïisant de clarté là où manque létude détaillée et spéciale de l'histoire naturelle descriptive, de la géologie ou de l'as- tronomie mathématique. Je pense qu'il faut distinguer d'abord entre celui qui doit recueillir les observations éparses et les approfondir pour en exposer l'enchaî- nement, et celui à qui cet enchahiement doit être transmis sous la forme de résultats généraux. Le premier s'impose l'obligation de connaître la spé- c-alité des phénomènes ; il faut qu'avant d'attein- dre à la généralisation des idées, il ait [parcouru, du moins en partie, le domaine des sciences, qu'il ait observé, expérimenté, mesuré lui-même. Je ne sau- rais nier que là où manquent les connaissances posi- tives, les résultats généraux qui , dans leurs rapports suivis, donnent lant de charme à la conlenq)lalion de la nature, ne peuvent pas tous être développés avec le même degré de lumière ; mais j'aime à croire cependant que, dans l'ouvrage que je prépare sur la physique du monde, la partie la plus considérable des vérités sera mise en évidence sans qu'il soit néces- saire de remonter toujours aux principes et aux no- tions fondamentales. Ce tableau de la nature, dût-il même présenter, dans ])lusieurs de ses parties, des contours peu arrêtés, n'en sera pas moins propre à féconder rinlolligence, à agrandir la sphère des idées, à nourrir et à vivilier l'imagination. Ce n'est peut-être pas à tort que l'on a reproché à plusieurs ouvrages scienliliques de l'Allemagne d'a- voir diminue'', par l'accumulation des détails, l'im- — 33 — pression el la valeur des aperçus généraux ; de ne pas séparer suffisamment ces grands résultais qui for- ment, pour ainsi dire , les sommités des sciences, de la longue énumération des moyens qui ont servi à les obtenir. Ce reproche a fait dire avec humeur au plus illustre de nos poètes (15) : « Les Allemands ont le don de rendre les sciences inaccessibles. » L'édifice ter- miné ne peut produire de l'effet, que si on le débar- rasse de l'échafaudage qui a été nécessaire pour le construire. Ainsi, l'uniformité de figure que l'on observe dans la distribution des masses continentales, qui toutes se terminent vers le sud en forme de pyramide, et s'élargissent vers le nord (loi qui dé- termine la nature des climats, la direction des courants dans l'Océan et dans l'atmosphère , le passage de cer- tains types de végétation tropicale à la zone tempérée australe), peut être saisie avec clarté, sans que l'on connaisse les opérations géodésiques et astronomiques par lesquelles ces formes pyramidales des continents ont été déterminées. De même, la géographie physique nous apprend de combien de lieues l'axe équalorial est plus grand que l'axe polaire du globe ; elle nous ap- prend l'égalité moyenne de l'aplatissement des deux hémisphères, sans qu'il soit nécessaire d'exposer com- ment, par la mesure des degrés du méridien ou par des observations du pendule, on est parvenu à recon- naître que la véritable figure de la terre n'est pas exactement celle d'un ellipsoïde de révolution régu- lier, et que cette figure se reflète dans les inégalités des mouvements lunaires. Les grandes vues de la — n — géog.aplnc^ comparée n'ont commence à prendre de la solidité et de l'éclat tout ensemble, qu'à lappari- lion de cet admiiable ouvrage (Eludes de la terre dans ses rapports avec la nature et arec riiistoire de l'homme) où Cliai'les Riller a si forlement caracté- risé la [)liysionomie de nolj-e glol)e, el montré l'in- fluence de sa conliguraiion extérieure, tant sur les phénomènes physiques qui s'opèrent h sa surface, que sur les migiations des peuples, leurs lois, leurs mœurs et tous les piincipaux phénomènes histori- ques dont elle est le théâtre. La France possède un ouvrage immortel, l'Expo- sition du système du monde , dans lequel l'auteur a réuni les résultats des travaux mathématiques et as- tronomiques les plus sublimes , en les dégageant de l'appareil des démonstrations. La slrucLure des cieux est réduite, dans ce livre, à la simple solution dun grand problème de mécanique. Cependant, V Exposi- tion du système du monde de Laplace n'a jamais été taxée jusqu'ici d'être incomplète et de manquer de profondeur. Distinguer les matériaux dissend»lables, les travaux (pii ne tendent pas au même but, séparer les aperçus généiaux d.s observations isolées, c'est le seul moyen de donner l'unité de composition à la physique du monde , de répandre de la clarté sur les ol>jels, d imprimer un caractère de grandeur à l'étude d(î la naluie. En supprimant tout ce (pii dis- trait pai* les dt'lails, on n'envisage qu(^ les grandes masses, et l'on saisit rationellement , par la pensée , Cf (pii reste insaisissable à la faiblesse de nos sens. — 35 — Il faut ajouter à ces considëralioiis que l'exposilion (les résultais est singulièrement favorisée de nos jours par l'heureuse révolution qu'ont subie, depuis la fin du dernier siècle, les études spéciales, surtout celles de la géologie, de la chimie, et de l'histoire naturelle descriptive. A mesure que les lois se généra- lisent, que les sciences se fécondent mutuellement, qu'en s' étendant elles s'unissent entre elles par des liens plus nombreux et plus intimes, le développement des vérités générales peut être concis sans devenir su- perficiel. Au début de la civilisation humaine, tous les phénomènes paraissent isolés ; la multiplicité des observations et la réflexion les rapprochent et font connaître leur dépendance mutuelle. S'il arrive pour- tant que, dans un siècle caractérisé, comme le nôtre, par les progrès les plus éclatants, un manque de liaison des phénomènes entre eux se fasse sentir pour certaines sciences, on doit s'attendre à des dé( ou- vertes d'autant plus importantes que ces nièmes sciences ont été cultivées avec une sagacité d'obser- vations et une prédilection toutes particulières. C'est ce genre d'attente qu'excitent la météorologie, plusieurs parties de l'optique, et, depuis les beaux travaux de Melloni et de Faraday, l'étude du calorique rayonnant et de l'éiectro-magnétisme. Il reste là à recueillir une riche moisson, bien que la pile de Voila nous montre déjà une liaison intime enlre les phénomènes éleclri- ques, magnétiques et chimiques. Qui oserait affirmer aujourd'hui que nous connaissojis avec précision la partie de l'atmosphère qui n'est pas de l'oxygène , — 36 — que dos millièmes de subslances gazeuses agissaut sur nos organes ne sont pas mêlées à l'azote, (ju'on ait même découvert le nombre entier des forces qui existent dans l'univers? Il n'est point question , dans cet essai sur la phy- sique du monde, de réduire l'ensemble des phéno- mènes sensibles à un petit nombre de principes abstraits, ayant leur base dans la raison seule. La physique du monde, telle que j'entreprends de l'ex- poser, n'a pas la prétention de s'élever aux périlleuses abstractions d'une science purement rationnelle de la nature; cVst une géographie physique réunie à la dos- ai ptio7i des espaces célestes et des corps qui rem- plissent ces espaces. Étranger aux profondeurs de la philosophie purement spéculative, mon essai sur le Cosmos est la contemplation de l'univers, fondée sur un empirisme raisonné, c'est-à-dire sur l'ensemble des faits enregistrés par la science, et soumis aux opérations de l'entendement qui coinpare et com- bine. C'est dans ces limites seules que l'ouvrage que j'ai osé entreprendre rentre dans la sphère des tra- vaux auxquels a été vouée la longue carrière de ma vie scientilique. Je ne me liasarde [)as dans une sphère où je ne saurais me mouvoir avec lil)erté, quoique d'autres puissent à leur tour s'y essayer avec succès. L'unité (jue je tâche d'atleiudre dans le développement des gi-ands phénomènes de l'uni- vers est celle (ju'oUient les compositions histori- (jues. Tout ce qui tient à des individualités acci- dentelles, il l'essence variable de la réalité, que ce — 37 — soil dans la l'orme des êtres et dans le groupement des corps, ou dans la lutte de l'homme contre les élé- ments et des peuples contre les peuples, ne peut être rationnellemenl construit, déduit des idées seules. J'ose croire que la description de l'univers et l'his- toire civile se trouvent placées au même degré d'em- pirisme ; mais en soumetlant les phénomènes physi- ques et les événements au travail de la pensée, et en remontant par le raisonnement aux causes, on se pénètre de plus en plus de cette antique croyance, que les forces inhérentes à la matière et celles qui régissent le monde moral, exercent leur action sous l'empire d'une nécessité primordiale, et selon des mouvements qui se renouvellent par retours pério- diques plus ou moins longs. C'est cette nécessité des choses, cet enchaînement occulte, mais perma- nent, ce retour périodique dans le développement progressif des formes, des phénomènes et des évé- nements, qui constituent la nature obéissante à une première impulsion donnée. La physique, comme l'indique son nom même, se borne à expliquer les phénomènes du monde matériel par les propriétés de la matière. Le dernier but des sciences expérimen- tales est donc de remonter à l'existence des lois, et de les généraliser progressivement. Tout ce qui porte au delii n'est pas du domaine de la physique du monde, et appartient à un autre genre de spécula- tions plus élevées. Emmanuel Kant , du très-petit nombre des philosoi)hes qu'on n'a pas accusc^s d'im- piété jusqu'ici, a marqué les limites des explications — 38 — jjijysiques avec uiiu rare sagacilé, ùano son celôb.e Essai sur la théorie et la conslruction des deux , publié h Kœnigsberg, en 1755. L'étude (l'une science qui promet de nous conduire à travers les vastes espaces de la créalion, ressemble à un voyage dans un pays lointain. xVvanl de 1 entre- prendre , on mesure, et souvent avec méfiance, ses propres forces comme celles du guide qu'on a cboisi. La crainte, dont la source est l'abondance et la dif- ficulté des matières, diminue, si Ton se rappelle, comme nous l'avons énoncé plus haut , quavec la richesse des observations, a augmenté aussi, de nos jours, la connaissance de plus en plus intime de la connexité des phénomènes. Ce qui , dans le cercle plus étroit de notre horizon, a paru longtemps in- explicable, a été éclairci souvent et inopinément par des recherches faiics à de grandes dislances. Dans le règne animal, comme dans le règne végé- tal, des formes organiques restées isolées ont été liées par des chaînons intermédiaires, par des for- mes ou types de transition. La géographie des êtres doués de vie se complète, en nous montrant des es- pèces, des genres , des familles entières propres à un continent, comme reflétés dans des formes ana- logues d'animaux et de plantes du continent opposé. Ce sont, pour ainsi dire, des équivalcnls qui se sup- pléent et se remplacent dans la grande série des or- ganismes. La transition et renchaînemenl se fondent tour à tour sur un amoindrissement ou un dévelop- pement excessif de certaines parties, sur des sou- — 39 — dures d'organes dislincts, sur la prépondérance qui résulte d'un manque d'équilibre dans le balancement des forces, sur des rapports avec des formes inter- médiaires, qui, loin d'être permanentes, caractéri- sent seulement certaines phases d'un développement normal. Si , des corps doués de la vie , nous passons aux êtres du monde inorganique, nous y trouverons des exemples qui caractérisent à un haut degré les progrès de la géologie moderne. Nous reconnaîtrons co.nment, d'après les grandes vues d'Slie de Beau- mont, les chaînes de montagnes qui divisent les cli- mats , les zones végétales et les races de peuples, nous révèlent leur âge relatif, et par la nature des bancs sédimentaires qu'elles ont soulevés, et par les directions qu'elles suivent au-dessus des longues cre- vasses sur lesquelles s'est fait le ridement de la sur- face du globe. Des rapports de gisement dans des formations de trachyle et de porphyre syénitique, de diorite et de serpentine, qui sont restés douteux dans les terrains aurifères de la Hongrie, dans l'Ou- ral, riche en platine, et à la pente sud-ouest de l'Al- taï sibérien , se trouvent éclaircis par des observa- tions recueillies sur les plateaux de Mexico et d'An- lioquia, dans les ravins insalubres du Choco. Les matériaux les plus importants sur lesquels, dans les temps modernes, la physique du monde a posé ses bases, n'ont pas été accumulés au hasard. On a reconnu enfin, et cette conviction donne un carac- tère particulier aux investigations de noire époque, que des courses lointaines, consacrées longtemps de — 40 — préférence au récit de hasardeuses aventures, ne peu- vent être insiructives qu'autant que le voyageur con- naît l'état de la science dont il doit étendre le do- maine, qu'autant que ses idées guident ses recher- ches et linilient à lélude de la nature. C'est par celte tendance vers les conceptions géné- rales, périlleuse seulement dans ses abus, qu'une par- lie considérable des connaissances physiques déjà ac- quises peut devenir la ijropriéléconiniunede toutes les classes delà société; mais celle propriété n'a de la va- leur qu'aulant que l'inslruclion répandue contraste, par limporiance des objets qu'elle traite, et par la di- gnité de ses formes , avec ces compilations peu sub- stantielles que , jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, on a signalé par le nom improi)re de savoir popu- laire. J'aime à me persuader que les sciences exposées dans un langage qui s'élève à leur hauteur, grave et animé h la fois, doivent offrir à ceux qui, renfermés dans le cercle étroit des devoirs de la vie, rougissent d'être restés longtemps étrangers au commerce in- time avec la nature, une des plus vives jouissances, celle d'enrichir l'esprit d'idées nouvelles. Ce com- merce, parles émotions qu'il fait naître, réveille, pour ainsi dire en nous, des organes qui longtenq)s ont sommeillé. Nous j)arvenons à saisir d'un coui» d'œil étendu ce qi'i, dans les d('couvertes physiques, agiaiidit la si»lière de l'intelligence, et ce qui, par d'heureuses applications aux arts mécaniques et chi- miques, accroît la richesse nationale. Une connaissance plus e>acte de la liaison des phé- — 41 — nomènes nous délivre aussi d'une erreur, trop répan- due encore, c'est que , sous le rapport du progrès des sociétés humaines et de leur prospérité industrielle, toutes les branches de la connaissance de la nature n'ont pas la même valeur intrinsèque. On établit très- arbitrairement des degrés d'importance entre les sciences mathématiques, l'étude des corps organisés, la connaissance de l'électro-magnétisme, l'investiga- tion des propriétés générales de la matière dans ses divers états d'agrégation moléculaire. On déprécie présomptueusement ce que l'on croit flétrir par le nom de « recherches purement théoriques. » On oublie, et cette remarque est pourtant bien ancienne, que l'observation d'un phénomène qui paraît d'a- bord entièrement isolé, renferme souvent le germe d'une grande découverte. Lorsque Aloysio Galvani excita pour la première fois la fibre nerveuse par le contact accidentel de deux métaux hétérogènes, ses contemporains étaient loin d'espérer que l'action de la pile de Volta nous ferait voir dans les alcalis des métaux h lustre d'argent , nageant sur l'eau et émi- nemment inflammables ; que la pile elle-même de- viendrait un instrument puissant d'analyse chimique, un thermoscope et un aimant. Lorsque Huyghens observa le premier, en 1678, un phénomène de pola- risation, la différence qui existe entre les deux rayons dans lesquels un faisceau de lumière se partage en traversant un cristal à double réfraction , on ne pré- voyait pas que, presqu'un siècle et demi plus tard, la grande découverte de la polar isalion chromatique , par 4 — 42 — M. Arago , coiiduirail cet aslronouie-physicien à ré- soudre, au moyen d'un petit fragment de spath dls- lande, les importantes questions (16) de savoir si la lumière solaire émane d'un corps solide ou d'une enveloppe gazeuse, si les comètes nous envoient de la lumière propre ou réfléchie. L'appréciation égale de toutes les branches de sciences mathématiques, physiques et naturelles, est le besoin d'une époque où la richesse matérielle des États et leur prospérité croissante sont principalement fondées sur un emploi plus ingénieux et plus ration- nel des productions et des forces de la nature. Un rapide coup d'œil jeté sur l'état actuel de l'Europe rappelle qu'au milieu de cette lutte inégale des peu- ples qui rivalisent dans la carrière des arts industriels, l'isolement et une lenteur indolente ont indubitable- ment pour effet la diminution ou l'anéantissement total de la richesse nationale. Il en est de la vie des peuples comme de la nature, qui , selon une heureuse expression de Goethe (17), «dans son injpulsion éter- nellement reçue et transmise, dans le développement organique des êtres, ne connaît ni repos, ni arrêt, qui a attaché sa malédiction à tout ce qui retarde et suspend le mouvement. )> C'est la propagation des études fortes et sérieuses des sciences qui contribuera à éloigner les dangers que je signale ici. L'homme n'a de l'action sur la nature , il ne peut s'appropri(^r au- cune de ses forces, qu'autant qu'il apprend à les me- surer avec précision, à connaiire les lois du monde physique. Le pouvoir des sociétés humaines. Bacon — 43 — Ta dit, c'est l'intelligence; ce pouvoir s'élève et sabaisse avec elle. Mais le savoir qui résulte du libre travail de la pensée n'est pas seulement une joie de l'homme, il est aussi l'antique et indestructible droit de l'humanité. Tout en faisant partie de ses richesses, souvent il est la compensation des biens que la na- ture a répartis avec parcimonie sur la terre. Les peu- ples qui ne prennent pas une part active au mouve- ment industriel , au choix et à la préparation des matières premières , aux applications heureuses de la mécanique et de la chimie, chez lesquels cette acti- vité ne pénètre pas toutes les classes de la société, doivent infailliblement déchoir de la prospérité qu'ils avaient acquise. L'appauvrissement est d'autant plus rapide, que des États limitrophes rajeunissent davan- tage leurs forces par l'heureuse influence des sciences sur les ai^ts. De même que, dans les sphères élevées de la pen. sée et du sentiment, dans la philosophie, la poésie et les beaux-arts , le premier but de toute élude est un but intérieur, celui d'agrandir et de féconder l'intelligence, de môme aussi le terme vers lequel les sciences doivent tendre directement, c'est la découverte des lois, du principe d'unité qui se ré- vèle dans la vie universelle de la nature. En pour- suivant la route que nous venons de tracer, les éludes physiques n'on seront pas moins utiles aux progrès de l'industrie, qui est une conquête de l'intelligence de l'homme sur la matière. Par une heureuse con- nexilé de causes et d'effets, souvent même sans — 44 — que l'homme en ail la prévision, le vrai, le beau, le bon se trouvent liés à l'utile. L'amélioration des cultures livrées à des mains libres et dans des propriétés d'une moindre étendue; létat floris- sant des arts mécaniques, délivrés des entraves que leur opposait l'esprit de corporation; le commerce agrandi et vivifié par la multiplicité des moyens de contact entre les peuples, voilà les résultats glorieux des progrès intellectuels et du perfectionnement des institutions politiques dans lesquels ces progrès se reflètent. Le tableau de l'bistoire modeine devrait convaincre ceux dont le réveil paraît tardif. Ne craignons pas non plus que la direction qui ca- ractérise notre siècle, que la prédilection si marquée pour l'étude de la nature et pour les j)rogrès de lin- dustrie, aient pour effet nécessaire de lalentir les no- bles efforts qui se produisent dans le domaine de la philosophie, de l'histoire et de la connaissance de l'an- tiquité ; qu'elles tendent à priver les productions des arts, charme do notre existence, du souflle viviliant de l'imagination. Partout où, sous l'égide d institu- tions libres et d'une sage législation, les germes quel- conques de la civilisation peuvent se développer pleinement, il n'est pas à craindre qu'une rivalité l)aci(ique nuise à aucune des créations de resi)ril. Chacun de ces dévelopjjements oflïe des Iruils i)ré- cieux à l'Etat, ceux qui donnent la nourriture à l'homme et fondent sa richesse physique, aussi bien que ceux qui, plus durables, transmettent la gloire des peu[>les à la postérité la plus reculée. Les Spaitia- — i5 — les, malgré leur austérité dorienne, priaient les dieux « de leur accorder le beau avec le bon (18). » Je ne développerai pas davantage ces considéra- tions si souvent exposées sur l'influence qu'exercent les sciences mathématiques et physiques en tout ce qui tient aux besoins matériels de la société. La carrière que je dois parcourir est trop vaste pour me permet- tre d'insister ici sur l'utilité des applications. Accou- tumé à des courses lointaines , peut-être ai-je le tort de dépeindre la route comme plus frayée et plus agréa- ble qu'elle ne l'est réellement : c'est l'habitude de ceux qui aiment à guider les autres jusqu'aux som- mets de hautes montai^nes. Ils vantent la vue, lors même qu'une grande étendue de plaines reste cachée dans les nuages ; ils savent qu'un voile vaporeux et à demi diaphane a un charme secret, que l'image de l'infini lie le monde des sens au monde des idées et des émotions. Pareillement aussi , de la hauteur à la- quelle s'élève la physicjuedu monde, l'horizon no se montre pas également éclairé et bien arrêté dans tou- tes ses parties. Mais ce qui pourra rester vague et voilé ne le sera pas seulement par suite du défaut de commerce qui résulte de l'état d'iuipcrfection de quel- ques sciences; il le sera plus encore par la faute du guide ([ui, imprudemment, a entrepris de s'élever jusqu'à ces sommités. L'introduction au Cosmos n'avait pas du reste pour but (le faire valoir rimpoitaiicc et la grandeur de la physique du monde, lesquelles ne sont pas con- — iG — lostoos (lo nos jours. J'ai voulu soukMnoul pi-ouvoi- que, saus nuire ii la solidité tles éludes spéciales, on peut généraliser les idées, les concenlrer dans un foyer commun , montrer les forces et les organismes de la nature comme mus et animés par une même im- pulsion. « La nature, dit Schelling dans son poétique discours sur les arts^ n'est pas une masse inerte; elle est, pour celui qui sait se pénétrer de sa sublime grandeur, la force créatrice de l'univers, force sans cesse agissante , primitive, éternelle, qui fait naître dans son propre sein tout ce qui existe, périt et re- naît tour à tour. » En reculant les limites de la physique du globe , en réunissant sous un même point de vue les phénomènes que présente la lerreavec ceux qu'embrassent les espa- ces célestes , on s'élève à la science du Cosmos , on con- vertit la physique du globe en une physi(j[ue du monde. L'une de ces dénominations est formée à limilalion delautre; mais la science du Cosmos n'est point l'agrégation encyclopédique des résultats les plus généraux et les plus importants que fournissent les études spéciales. Ces résultats ne donnent que les matériaux d'un vaste édidce; leur ensemble ne sau- rait constituer la physique du monde, cette science qui aspire à faire connaître l'action simultanée et le vaste enchaînement des forces qui animent l'univers. La (lisliibution des types orgaui(|ues selon les rap- poi-ls de lalitudc, de hauteur et de climats (gc'Ogra- phie des i»lanles et des animaux), est tout aussi dif- féiente de la botanique et de la zoologie descriptives, — 47 — que l'est la géologie de la minéralogie proprement dite. La physique du monde ne doit pas par consé- quent être confondue aves ces Encyclopédies des sciences naturelles publiées jusqu'ici et dont le titre est aussi vague que les limites en sont mal tracées. Dans Touvrage qui nous occupe, les faits partiels ne seront considérés que dans leurs rapports avec le tout. Plus ce point de vue est élevé , et plus l'expo- sition de notre science réclame une méthode qui lui soit propre , un langage animé et pittoresque. En efl'et , la pensée et le langage sont entre eux dans une intime et antique alliance. Lorsque, par Toriginalité de sa structure et sa richesse native, la langue parvient à donner du charme et de la clarté aux tableaux de la nature; lorsque, par l'heureuse flexibilité de son organisation , elle se prête à peindre les objets du monde extérieur , elle répand en même temps comme un souffle de vie sur la pensée. C'est par ce reflet mutuel que la parole est plus qu'un si- gne ou la forme de la pensée. Son influence bienfai- sante se manifeste surtout en présence du sol natal, par l'action spontanée du peuple, dont elle est la vi- vante expression. Fier d'une patrie qui cherche à concentrer sa force dans l'unité intellectuelle, j'aime à rappeler, par un retour sur moi-même, les avanta- ges qu'offre à l'écrivain l'emploi d'un idiome qui lui est propre , le seul qu'il [misse manier avec quelque souplesse. Heureux s'il lui est donné , en exposant les grands phénomènes de l'uLiivers , de puiser dans les profondeurs d'une langue qui , depuis des siècles , par — 48 — le libre essor de la pensée comme par les œuvres de l'imagiiialion créatrice, a si puissamment influé sur les destinées humaines. LIMITES ET METHODE D'EXPOSITION DESCRIPTION PHYSIQUE DU 3I0NDE. Dans les considérations qui précèdent, j'ai tâché d'exposer et d'éclaircir, par quelques exemples, com- ment les jouissances qu'offre l'aspect de la nature, si diverses dans leurs sources, se sont accrues et enno- blies par la connaissance de la connexité des phéno- mènes et par celle des lois qui les régissent. Il me reste à examiner l'esprit de la méthode qui doit présider à l'exposition de la description physique du monde , à indiquer les limites dans lesquelles je compte circon- scrire la science , d'après les aperçus qui se sont offerts à moi dans le cours de mes études et sous les différents climats que j'ai parcourus. Puissé-je me flatter de l'espoir qu'une discussion de ce genre jus- tifiera le titre imprudemment donné à cet ouvrage, et m'affranchira du reproche d'une présomption qui serait douljlement blâmable dans des travaux scien- tifiques ! Avant de présenter le lablcau des phéno- mènes partiels, distribués dans les groupes qu'ils forment, je traiterai des questions générales qui, in- timement liées entre elles, intéressent la nature de nos connaissances sur le monde extérieur et les rap- ports que ces connaissances affectent, à toutes les (''pocpies de Thistoire, avec les différentes phases de — 50 ~ la ciilliiro inlollt^rlucllc dos jiciiplcs. Ces qucsdons ont pour oljjcl : r Les limites précises de la description physique du monde, comme science distincte ; 2" L'énuniération rapide de la totalité des phéno- mènes de la nature, sous la forme d'un tableau géné- ral de la nature; 3" L'influence du monde extérieur sur l'imagination et le sentiment, influence quia donné, dans les temps modernes, une impulsion puissante à léiude dos sciences naturelles, par la description animée des régions lointaines, par la pointure du paysage en tant qu'elle caractérise la physionomie des végétaux, par les plantations ou la disposition des formes végétales exotiques en groupes qui contrastent entre eux ; 4° L'histoire de la conienq)lalion de la nature, ou le développement progi'ossif de l'idée roque. Telle est sur les langues rinfluence d'une longue halji- tude, que, chez une des nations européennes les plus avancées dans la civilisation , le mot de physique est appliqué à la médecine, tandis que la chimie techni- que, la géologie et l'astronomie, sciences purement expérimentales, sont comptées parmi les travaux philosophiques d'une Académie dont la renommée est justement universelle. On a tenté souvent, et presque toujours en vain, de substituer aux dénominations anciennes, vagues sans doute, mais aujourd'hui généralement comprises, des noms nouveaux et mieux formés. Ces changements ont été proposés surtout par ceux qui se sont occupés de la classification générale des connaissances humai- nes, depuis la grande Encyclopédie (Margarita philo- sophica) de Grégoire Reisch (19), prieur de la Char- treuse de Fribourg, vers la fin du quinzième siècle, jusqu'au chancelier Bacon, depuis Bacon jusqu'à dA- lembert, et, dans ces derniers temps, jusqu'il un phy- sicien plein de sagacité, André-Marie Ampère (20). Le choix d'une nomenclature grecque peu appropriée a peut-être été plus nuisible encore à cette dernière tentative (jue l'abus des divisions binaires cl l'exces- sive multiplicité des groupes. Lîi desciiption physique du monde, en envisageant l'univers connue objet des sens extérieurs, a indulii- tahlcment besoin de l'aide de la physique générale et de riiistoire naturelle descriptive connue d'auxi- liaires; mais la contemplation des choses créées, en- chaînées entre elles et lornjanl un tout aniitu' par — 53 — des forces intérieures, donne li la science qui nous occupe dans cet ouvrage un caractère particulier. La physique s'arrête aux propriétés générales des corps ; elle est le produit de l'abstraction, la généralisation des phénomènes sensibles. Déjà, dans l'ouvrage où ont été jetés les premiers fondements de la physique générale, dans les huit livres physiques d'Aristote (21), tous les phénomènes de la nature sont considérés comme dépendant de l'action primitive et vitale d'une force unique, source de tout mouvement dans l'uni- vers. La partie terrestre de la physique du monde , à laquelle je conserverais volontiers l'ancienne dénomi- nation très-expressive de Géographie physique , traite de la distribution du magnétisme dans notre planète, selon les rapports d'intensité et de direction , mais ne s'occupe pas des lois qu'offrent les attractions ou les répulsions des pôles, ni des moyens de produire des courants électro-magnétiques permanents ou pas- vSagers. La géographie physique retrace à grands traits la configuration compacte ou articulée des continents, l'étendue de leur littoral comparée à leur surface, la répartition des masses continentales dans les deux hémisphères, répartition qui exerce une influence puissante sur la diversité des climats et les modifica- tions météorologiques de l'atmosphère; elle signale le caractère des chaînes de montagnes , qui, soule- vées à différentes époques, forment des systèmes par- ticuliers , tantôt parallèles entre eux, tantôt diver- gents et croisés ; elle examine la hauteur moyenne des continents au-dessus du niveau des mers et la po- — oi — siliondu ceiUrc degraviléde leur volume, le rapport entre le point culminant d'une chaîne de montagnes et la hauteur moyenne de sa crête ou sa proximité h un littoral voisin. Elle nous dépeint les roches d'éruption connue principes de mouvement, puis- quelles agissent sur les roches sédimentaires qu'elles traversent, soulèvent el inclinent; elle contemple les volcans selon qu'ils se trouvent isolés ou rangés par série tantôt simple, tantôt double, et étendant à diverses distances la sphère de leur activité, soit par les roches qu'ils produisent en coulées lon- gues et étroites, soit en ébranlant le sol par cercles qui s'élargissent ou diminuent de diamètre dans la suite des siècles. La partie terrestre de la science du Cosmos décrit la lutte de lélément liquide avec la terre ferme; elle expose ce que toutes les grandes rivières ont de commun dans leur cours supérieur ou inférieur, dans leur bifurcation, lorsque leur bas- sin n'est pas encore entièrement fermé; elle nous montre les fleuves brisant les plus hautes chaînes de montagnes ou suivant pendant longlenqis un cours parallèle à ces chaînes, soit h leur pied, soit à de grandes distances, lorsque le soulèvement des cou- ches d'un système de montagnes , la direction du ridemcnt, est conforme h celle des baucs i)lus ou moins inclinés de la [ilaine. Les résultais gént'raux de VOrotjraphic et de \ lUjdrotjrniilnc c()nq>ar('esapi>ar- liennent seuls à la science dont j'ai à cœur de détermi- ner ici les limites léelles, mais non ré'numéralion des plus grandes hauteurs du globe, le tableau des volcans encore actifs , des bassins de rivières ou de la mul- titude de leurs affluents. Ces détails sont du do- maine de la géographie proprement dite. Nous ne considérons ici les phénomènes que dans leur dé- pendance muluelle, dans les rapports qu'ils présen- tent avec les différentes zones de notre planète et sa constitution physique en général. Les spécialités de la matière brute ou organisée , classées d'après l'ana- logie de forme et de composition , offrent sans doute une étude du plus vif intérêt, mais elles tiennent à une sphère d'idées bien distinctes de celles qui font l'objet de cet ouvrage. Des descriptions de pays divers offrent les maté- riaux les plus importants pour la composition d'une géographie physique; cependant la réunion de ces descriptions , rangées par séries , nous donnerait tout aussi peu l'image vraie, la conformation gé- nérale de la surface polyédrique de notre planète , que les flores des différentes régions placées les unes à la suite des autres ne formeiaient ce que je désigne sous le nom d'une Géographie dcsplanles. C'est par l'appli- cation de la pensée aux observations isolées, c'est par les vues de l'esprit qui compare et combine, que nous parvenons à découvrir ce qui , dans l'indivi- dualité des formes organiques (dans la Morphologie ou histoire naturelle desciiptive des plantes et des animaux), s'offre de comnmn par rapport à la dis- tribution cliinatérique des êtres ; c'est l'induclion qui nous révèle les lois numériques dans la pro- portion des familles naturelles à la somme lolale des — 50 — espèces, la lalilude ou position géographique des zones où, dans les plaines, chaque forme organique atteint le maximum de son développement. Ces con- sidérations assignent à la description physique du globe , par la généralisation des aperçus , un carac- tère élevé; elles nous font concevoir comment l'as- pect du paysage, l'impression que nous laisse la phy- sionomie de la végétation, dépend de cette répartition locale des formes , du nombre et de la croissance plus vigoureuse de celles qui prédominent dans la masse totale. Les catalogues des êtres organisés, auxquels on donnait jadis le titre fastueux de Systèmes de la nature, nous montrent un admirable enchaînement d'analo- gies de sti'uclure, soit dans le développement déjà complet de ces êtres, soit dans les diverses phases que parcourent (selon les aperçus d'une évolution en spi- rale) , d'un (^ôté, les feuilles, les bractées , le calice , la corolle et les organes fécondateurs, de l'autre, avec plus ou moins de symétrie , les tissus cellulaires et fibreux des animaux, leurs parties articulées ou va- guement ébauchées ; mais tous ces prétendus systèmes de la nature, ingénieux dans leurs classifications, ne nous font pas voir les êtres distribués en groui>es dans l'espace, selon leurs divers rap[>orts de latitude et de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan , selon les influences climatériques qu'ils subissent en vertu de causes générales et le plus souvent très-lointaines. Le dernier but d'une géograjihie physique est cependant, comme nous l'avons énoncé i)lus haut, de recoimaî- — 57 — Ire l'unité dans l'iinniense variété des phénomènes, de découvrir, par le libre exercice de la pensée et par la combinaison des observations, la constance des phé- nomènes au milieu de leurs changements apparents. Si_, dans l'exposé de la partie terrestre du Cosmos, on doit descendre quelquefois à des faits très-spéciaux, ce n'est que pour rappeler la connexité qu'ont les lois de la distribution réelle des êtres dans l'espace, avec les lois de la classification idéale par familles natu- relles, par analogie d'organisation interne et d'évo- lution progressive. Il résulte de ces discussions sur les limites des sciences, et en particulier sur la distinction néces- saire entre la botanique descriptive (morphologie des végétaux ) et la géographie des plantes, que, dans la physique du globe , la multitude innonjbrable des corps organisés qui embellissent la création est plutôt considérée par zones d'habitation ou de stations, par bandes isothermes diversement infléchies, que selon les principes de gradation dans le développement de l'organisme intérieur ; cependant, la botanique et la zoologie, qui conq^osent l'histoire naturelle descriptive des corps organisés , n'en sont pas moins des sources fécondes ofl'rant des matériaux sans lesquels l'étude des rapports et de l'enchauiement des phénomènes manquerait d'un fondement solide. Nous ajouterons , pour mettre cet enchaînement dans tout son jour, une observation importante. Au premier abord , en embrassant d'un coup d'œil la végétation d'un continent dans de vastes espaces, — 58 — on voit les ioniies les plus dissemblables; les j^rami- néesellesorchiilées, les arbres conifères et les chê- nes, rapproclu's localement les uns des autres; on voit les familles naturelles et les genres, loin de for- mer des associations locales, dispersés comme au ha- sard. Cette dispersion pourtant n'est qu'apparente. La descrii)lion physique du globe nous montre que l'en- semble delà végélalion présente numériquement, dans le développement de ses formes et de ses types, des rapports constants; que, sous les mêmes climats, les espèces qui manquent h un pays sont remplacées, dans le pays voisin, par des espèces d'une même famille, et que cette loi des subsliliitions, qui semble tenir aux mystères mêmes de l'organisme, envisagé dans son origine , maintient dans des régions limitrophes la relation numérique des espèces de telle ou telle grande famille il la masse totale des phanérogames qui com- posent les deux flores. C'est ainsi que se révèle, dans la multii>licit(' des organisations distinctes qui les peuplent, un p.rincipe d'unité, un plan piimitif de disti'ibution ; il se révèle aussi sous chaque zone, diversifiée selon les familles des plantes, une action lente, mais continue sur locéan aérien, action qui dépend de riniluence delà lumière, i>rcmière condi- tion de toute vitalité organique ii la surface solide et liquide de notre [)lanète. On dirait (|ue sous nos yeux se renouvelle sans cesse, selon une belle expression de Lavoisier, l'anliciue merveille du mythe de Pro- méihée. Si nous a|»[»li(pions la marche «pie nous conq»tons — o9 — suivre dans l'exposé de la description physique de la terre , à la partie sidérale de la science du Cosmos , à la description des espaces célestes et aux corps qui les peuplent, notre tâche se trouvera singulièrement simplifiée. Yeut-on, selon d'anciennes habitudes de nomenclature , peu conformes à des aperçus philoso- phiques, distinguer \a physique, c"est-à-dire les con- sidérations générales sur l'essence de la matière et les forces qui lui impriment le mouvement, de la chimie , qui s'occupe de l'hétérogénéité des subs- tances, de leur com])Osition élémentaire, de leurs attractions , qui ne sont pas uniquement détermi- nées par les rapports des masses, il faut convenir que la descriplion de la terre présente des actions physiques et chimiques à la fois. A côté de la gra- yiîalion , qu'on doit considérer comme la force primitive de la nature, agissent autour de nous, dans l'intérieur de notre planète ou à sa surface, des attractions d'un autre genre. Ce sont celles qui s'exercent entre les molécules en contact , ou éloi- gnées à d'infiniment petites distances (22), des forces û'affuiilé chimique, qui, diversement modifiées par l'éleclricilé, la chaleur, la condensation dans des corps poreux, ou le contact d'une substance intermé- diaire , animent également le monde inorganique et les tissus des animaux et des plantes. Les espaces célestes n'olfrent jusqu'ici à notre observation directe (si nous en exceptons les petits astéroïdes qui mous apparaissent sous les formes d'aérolithes, de bolides et d'étoiles filantes) que des phénomènes physiques, — GO — et parmi ceux-ci, avec certitude, que deselîets dépen- dant de la quantité de matière ou de la distribution des masses. Les phénomènes des espaces célestes peu- vent, par conséquent , être envisagés comme soumis à de sinq)les lois dynamiques, aux lois du mouvement. Les elléts qui pourraient naître de la diflërence spécifi- que, de l'hétérogénéité de la matière, ne sont pas jus- qu'ici l'objet des calculs de la mécanique des cieux. L'habitant de la terre n'entre en rapport avec la matière que contiennent les espaces célestes, quelle soit disséminée ou réunie en grands sphéroïdes, que par deux voies , par des phénomènes do lumière (la propagation des ondes lumineuses ), ou par l'in- fluence qu'exerce la gravitation universelle ( l'at- traction des masses). L'existence d'actions périodi- ques du soleil et de la lune sur les variations du magnétisme de la terre, est restée jusqu'à ce jour très- douteuse. Aucune expérience directe ne nous éclaire sur les propriétés ou qualités spécifiques des masses qui ciiculent dans les espaces célestes et sur celles des matières qui peut-être les remplissent entièrement, si ce n'est , comme nous venons de l'énoncer tantôt, la ciiule des aérolithes ou pierres météoriques ipii viennent se mêler aux substances terrestres. Il suffit de rai)peler ici, connue leur direction et leur énorme vitesse de ])r(>jeclion (vitesse toute planétaire) le ren- dent [dus que probable, (jue ces masses, enveloppées de vapeurs et arrivant à l'étal d'incandescence, sont de petits corps célestes que l'attraction de noire [»la- nèlea lait dévier de leur roule [>rimitive. L"as[>ect, si — fil — fîimilier pour nos yeux, de ces astéroïdes , l'analogie qu'ils offrent avec les minéraux qui composent la croûte de notre globe, ont sans doute de quoi sur- prendre; mais tout ce que Ton doit en conclure, selon moi, c'est qu'en général les planètes et les autres mas- ses qui, sous l'influence d'un corps central, se sont agglomérées en anneaux de vapeurs et puis en sphé- roïdes, étant parties intégrantes d'un même système et ayant une même origine, peuvent offrir aussi une association de substances chimiquement identiques. Il y a plus encore. Les expériences du pendule, et par- ticulièrement celles que Bessel a faites avec une si rare précision , confirment l'axiome newtonien , que les corps les plus hétérogènes dans leur composition ( l'eau, l'or, le quartz, le calcaire grenu et différentes masses d'aérolithes) éprouvent, par l'allraction de la terre , une accélération entièrement semblable. Aux observations du pendule se joignent des preuves fournies par des observations purement astronomi- ques. La presque identité de la masse de Jupiter, dé- duite de l'action qu'exerce celle grande planète sur ses satellites , sur la comète d'Encke à courte pé- riode, et sur les petites planètes (Yesta, Junon, Cé- rès et Pallas), donne également la certitude que, dans les limites de nos observations actuelles , l'attraction est déterminée par la quantité seule de la matière (23). Cette absence de toute perception de l'hétérogé- néiié de la matière obtenue par l'observation directe ou par des considérations théoriques, donne à la mé- canique dos cieux un haut degré de simplicih'. L'é- — ()-2 — toiiduo iiKomnionsiirable «les espaces C('lesies étaiil assujettie h la seule science du mouvement, la partie sidérale du Cosmos puise dans les sources pures et fécondes de raslronomie mathématique, comme la ]^ailie terrestre puise dans celles de la physifpi(% de la chimie et de la morphologie organique; mais le domaine de ces trois dernières sciences embrasse des phénomènes tellement compliqués, et jusqu'à ce joiu' si peu susceptibles de méthodes rigoureuses, que la physique du globe ne saurait se glorifier ici de celte certilude, de cette sim]»licité dans l'exposition des faits el de leur enchaînemenl miiluel, (jui caractérise la i>artie céleste du Cosmos. C'est peut-être par la diiïérence que nous signalons en ce moment, qu'on doit expliquer pourquoi, dans les premiers temps de la culture intellectuelle des Grecs, la philosophie de la nature des Pythagoriciens se tourna avec i)ius d'ar- deur vei's les astres et les espaces célestes que vers la terre et ses productions; pourquoi, parPhilolaiis, et, dans la suite, ])ar les vues analogues d'Aristarque de Samos et de Sélcucus «lErythres, elle est devenue plus piolitableà la connaissance du vi'rilable syslèjue du mond«\ rpie la |>hiloso|)hie d(* la nature de l'école ionicinic n'a jamais ])u l'être à la physique d<* la terie. Peu a(lenli\e aux propriétés et aux différences s]M''cili(|uesdps matières (pii rem])lissent les es])aces, la grande ('cole i(ali(]ue, dans sa gravil('' dorienn(^, ]>ortait de jin'fé'reucc ses regards vers tout ce(jui lient ;nix mesures, à la configuration des corps, aux dis- tances des planètes et aux nombres (2i), tandis que les — 63 — physiciens d'Ionio s'arrêtaient aux qualités de la ma- tière, à ses transformations vraies ou supposées, et à ses rapports d'origine. Il était réservé à la puissance du génie d'Aristote , si profondément spéculatif et pratique à la fois, d'approfondir avec le même succès le monde des abstractions et ce monde des réalités matérielles qui renferme d'intarissables sources de mouvement et de vie. Plusieurs traités de géographie physique , et des plus distingués, offrent dans leurs introductions une partie exclusivement astronomique, tendant à faire envisager d'abord la terre dans sa dépendance pla- nétaire , et comme faisant partie du grand système qu'anime le corps central du soleil. Cette marche des idées est diamétralement opposée à celle que je me propose de suivre. Pour bien saisir la grandeur du Cosmos, il ne faut pas subordonner la partie sidérale, que Kant a appelée Vhisloire naturelle du ciel ^ à la partie terrestre. Dans le Cosmos, selon l'antique ex- pression d'Aristarque de Samos, qui préludait au système de Copernic, le soleil (avec ses satellites) n'est qu'une des étoiles innoinbiables qui remplis- sent les espaces. La description de ces espaces, la physique du monde , ne peut commencer que par les corps célestes, par le tracé graphique de l'uni- vers, je dirai par une véritable carie du monde, telle que, d'une main hardie, Herschel le père a osé la fi- gurer. Si, malgré la pelitesse de notre planèle, ce qui la concerne exclusivement occupe dans cet ouviage Iji place la i)lus considérabh; , et s'y trouve développé — ()i — avec le plus de clélail, cela lient iini(|ueinenl à la dis- proportion de nos connaissances entre ce qui est accessible h l'observation et ce qui s'y refuse. Cette subordination de la partie céleste à la partie teries- Irese rencontre dc'jà dans le grand ou vrai^e de Ber- nard Yarenius(2o), qui a paru au milieu du dix-sep- tième siècle. Il distingua le premier la géographie en générale et spéciale, subdivisant celle-là en partie ab- solue, c'est-à-dire proprement terrestre , et en partie relative ou planétaire, selon qu'on envisage la surface de la terre dans ses différentes zones , ou bien les rapports de notre planète avec le soleil et la lune. C'est un beau litre de gloire pour Varenius , que sa Géographie générale et comparée ail pu fixer à un haut degré l'attention de ^'c^vton. L'état inq)arfait des sciences auxiliaires dans lesquelles il devait pui- ser ne pouvait pas répondi'c à la grandeur de Tentre- prise. Il était réservé à notre temps et à ma pairie de voir tracer par Chailes Ritler le tableau de la géo- graphie comparée dans toute son étendue et dans son intime relation avec Thistoire de l'homme 26). L'énuméralion des résultats les plus inqiortants des sciences astronomiques et physiques qui, dans le Cosmos, rayonnent vers un foyer comnnm, légitime juscju'à un certain point le litre que j'ai donné à mon ouvrage. Peut-é(re même ce litre esl-il plus témé- raire (juerenireprise elle-même, circonscrite dans les limites que je lui ai posées. L'introduction de noms nouv('aux,surtoullors(ju*il s'agit d'aperçus gi'iu'raux, d"iHK'S( iciice qui doit et i"(^ accessible h tous, a él(» jus- — 6o — qu'ici tirs-coutrairo à mes hubiliides : je n'ai ajoiilo à la nomenclaliiie que là où, dans les spécialités de la botanique et de la zoologie descriptives, des objets décrits pour la première fois rendaient indispensa- bles de nouveaux termes. Les dénominations Des- cripiion physique du monde , ou Physique du monde, dont je me sers indifléremment, sont formées sur celles de Description physique de la terre, ou Physique du globe, c'est-à-dire Géographie physique, depuis longtemps passées dans l'usage. Un des plus puis- sants génies de tous les siècles, Descartes, nous a laissé quelques fragments du giand ouvrage qu'il comptait publier sous le titre de Monde, et pour le- quel il s'était livré à des études spéciales , même à celle de l'anatomie de l'homme. L'expression peu usitée, mais précise, de Science du Cosmos, rappelle à l'esprit de l'habitant de la terre qu'il s'agit ici d'un horizon plus vaste, de la réunion de tout ce qui remplit l'espace, depuis les nébuleuses les plus lointaines jusqu'à la distribution climatérique de ces légers tissus de matière végétale , qui , diverse- ment colorés, tapissent les rochers. Sous l'influence des vues bornées propres ii l'en- fance des peuples, les idées de terre et de monde ont été confondues de bonne heure dans l'usage de toutes les langues. Les expressions vulgaires : Voyages autour du monde, mappemonde, nouveau monde, of- frent des exemples de celle confusion. Les expres- sions plus précises et plus nobles de Système du monde, monde planétaire, création et âge du monde, — (iO — sp rappovlfnt los unes à la tolalih' dos matières qui roniplissent les es})aces célestes, les autres à rorigiue de l'univers entier. Il i)araît naturel qu'au milieu rie l'extrême varia- Iiililc (les pliiMiomènes (profï'ienl la surface de notre î^iohe cl Toct'an ai'rien (pu renloure, riioinnie ait été fraj)i)é de l'aspect de la voûte céleste, des mouve- ments réglés et uniformes du soleil et des planètes. Aussi le mot Cosmos indiquait-il primitivement, dans les tenq>s homériques, les idées {Vornemcnl et (Vordrr h la fois. Il a passé plus lard dans le lant^age scienti- (ique. On l'applicpia progressivement à Taccord que l'on observe dans les mouvements des corps célestes, à l'ordre qui règne dans l'univers entiei', au monde même dans lequel cet ordre se reflète. D'après l'as- sertion de Philolaùs, dont M. Bœckh a commenté les Iraginents avec une si rare sagacitt', comme d'après le Ic'moignage généi'al de l'antiquité entière, c'est Pythagore cpii, le premi(M', se servit du mot Cos- mos, pour désigner « l'ordre qui règne dans l'univers, l'uni veis ou le monde mème(27).)) De l'f'colede la phi- l(»soj)l)ie itaTupic, Texpression ]>assa eu je(s de Tobserva- lion direele, peuvent èlie disliil)uées loi;i(juenient par elasses, par ordres ou familles. Les tableaux de ces disli'ibulions répandent, à n'en pas douter, du jour sur l'histoire naturelle descriptive; mais Tétude des e(>rps organiséset leur enchaînement linéaire, tout en donnant plus cfunilé et de simplicité à la distri- Ijution des groupes , ne peuvent pas s'élever à une classification fondée sur un seul principe de compo- sition et d'organisation intérieure. De même que les lois de la nalure présentent diiîérentes gradations, selon l'étendue des horizons ou des cercles de phéno- mènes qu'elles embrassent, de même aussi Texploia- tion du monde extérieur a des phases différemment gra- duées. L'enq^irisme commence par des aperçus isolés que l'on groupe selon leur analogie et leur dissem- blance. A l'adr de l'observation directe succède , mais bien tard, le désir d'expérimenter, c'est-à-dire de faire naître des phénomènes sous différentes con- ditions déterminées. L'expérimentateur rationnel n'agit pas au hasard ; il est guidé par des hypothèses qu'il s'est fornu-es, |>ar un ])ress(Mitiment à demi in- stinctil'etplusou moins justedela liaison des choses ou des foices de la nature. Ce qui a été conquis par l'ob- servation ou ])ar la voie des expériences conduit, par l'analyse et p;»r fi iiduction, à la découverte de lois em- piri(iues. Ce sont là les phases que l'intelligence hu- — 73 — niaiue n parcourues et qui ont marqué différentes époques dans la vie des peuples ; c'est en suivant cette route qu'on est parvenu à réunir cette masse de faits qui constituent aujourd'hui la base solide des sciences de la nature. Deux formes d'abstraction dominent l'ensemble de nos connaissances : des rapports de quantité , re- latifs aux idées de nombre ou de grandeur ; et des rapports de qualité , qui embrassent les propriétés spécifiques, l'hétérogénéité de la matière. La pre- mière de ces formes, plus accessible à l'exercice de la pensée, appartient au savoir mathématique; l'au- tre forme , plus difficile à saisir, et plus mystérieuse en apparence, est du domaine des sciences chimi- ques. Pour soumettre les phénomènes au calcul , on a recours à une construction hypothétique de la ma- tièi'e par combinaison de molécules et d'atomes, dont le nombre , la forme, la position et la polarité doivent déterminer, modifier, varier les phénomènes. Les mythes de matières impondérables et de cer- taines forces vitales propres à chaque mode d'orga- nisation, ont compliqué les aperçus et répandu une lumière douteuse sur la route à parcourir. C'est sous des conditions et des formes d'intuition si diverses, que s'est accumulée , à travers les siècles , la masse prodigieuse de nos connaissances empiriques, et qu'elle augmente de nos jours avec un rapidité crois- sante. L'espi'it scrutateur de l'homme essaye de temps en temps, et avec un succès très-inégal, de briser des formes surannées , des symboles inventés pour sou- 6 — 74 — mellre la matière rebelle aux conslruciions méca- niques. Nous sommes encore bien éloignés de Tépofiuc où il sera possil)]e de réduire, par les op(''ratioiis de la pensée, à Tunilé d'un principe rationnel, tout ce que nous apercevons au moyen des sens. On peut même mettre en doute si un tel succès, dans le champ de la philosophie de la nature , sera jamais obtenu. La complication des phénomènes et l'éten- due immense du Cosmos paraissent s'y opposer : mais, lors même que le problème serait insoluble dans son ensemble , une solution partielle , la ten- dance vers l'intelligence du monde, n'en demeure pas moins le but éternel et sublime de toute obser- vation de la nature. Fidèle au caractère des ouvra- ges que j'ai publiés jusqu'ici , comme aux travaux de mesures, d'expériences, de recherches de faits qui ont remi)li ma carrière , je me borne au cercle des conceptions empiriques. L'exposition d'un ensemble de faits ol)servés et combini's entre eux n'exclut pas le désir de giouper les i)hénomènes selon leur enchaînement rationnel , de généraliser ce qui en est susceptible dans la masse des observations particulières, d'arriver à la découverte des lois. Desconce[)lious de l'univers qui seraient uni- quement fondées sui' la raison, sur les princijjfsdeia philosophie sp(''< ulalive , assigneraient sans doute à la science du Cosmos un but plus élevé. Je suis loin do blâmer des elforts que je n'ai pas tentés, de les blâ- mer par la seule laisoji (jue leur succès est resté — 75 — jusqu'ici très-douteux. Contre le gré et les conseils de ces penseurs profonds et puissants qui ont donné une vie nouvelle à des spéculations déjà familières à l'antiquité , les systèmes de la philosophie de la na- ture ont éloigné les esprits, dans notre patrie, pen- dant quelque temps , des graves études des sciences mathématiques et physiques. L'enivrement de pré- tendues conquêtes déjà faites, un langage nouveau bizarrement symbolique , une prédilection pour des formules de rationalisme scolastique plus étroites que jamais n'en connut le moyen âge , ont signalé , par l'abus des forces chez une jeunesse généreuse , les courtes saturnales d'une science purement idéale de la nature. Je répète l'expression abus des forces, car des esprits supérieurs, adonnés à la fois aux études philosophiques et aux sciences d'observation, sont restés étrangers à ces saturnales. Les résultats obtenus par de sérieuses investigations dans la voie de l'expérience, ne sauraient être en conliadiction avec une véritable philosophie de la nature. Lorsqu'il y a contradiction , la faute en est , ou au vide de la sj)éculation , ou aux prétentions exagérées de l'em- pirisme qui croit avoir prouvé par l'expérience bien plus qu'il n'en découle réellement. Qu'on oppose la nature au monde intellectuel, comme si ce dernier n'était pas compris dans le vaste sein de cette nature, ou bien qu'on l'oppose à l'art , défini comme une manifestation de la puis- sance intellectuelle de l'humanité , ces contrastes , reflétés dans les langues les plus cultivées, ne doi- — 7G — vent pas pour cohi conduire à un divorce entre la nature et l'inlelligence, divorce qui réduirait la phy- sique du monde à n'être plus qu'un assemblage de spc- cialilés empiriques. La science ne commence pour riiomme qu'au moment où l'esprit s'empare de la matière, où il lâche de soumetlre la masse des expé- riences h des com!)inaisons rationnelles. La science est l'esprit appliqué à la nature ; mais le monde ex- térieur n'existe pour nous qu'autant que, par la voie de l'intuition, nous le rélléchissons en notre intérieur. De même que rintelligence et les formes du langage , la pensée et le signe , sont unis par des liens secrets et indissolubles, de même aussi le monde extérieur se confond , presque à notre insu , avec nos idées et nos sentiments. Les phénomènes exté- rieurs, dit Hegel dans la Philosophie de r histoire, sont en quelque sorte traduits dans nos représentations internes. Le monde objectif \^ensé par nous, en nous réfléchi, est soumis aux formes éternelles et néces- saires de notre être intellectuel. L'activité de l'esprit s'exerce sur les éléments qui lui sont fournis par l'observation sensible. Aussi, dès la jeunesse de l'hu- manité, se découvre, dans la plus simple intuition des faits naturels, dans les premiers efforts tentés pour les conn)rendre, le germe de la philosophie de la na- ture. Ces tendances idc'ales sont diverses et plus ou moins fortes, selon hs individualités des races, leurs dispositions morales et le degié de culture auquel un peuple s'est élevé au milieu d'une nature qui excite l'imagination ou l'éteint tristement. — 77 — L'histoire nous a conserve le souvenir du grand nombre des formes sous lesquelles on a tenté de con- cevoir rationnellement le monde entier des phéno- mènes, de reconnaître dans l'univers l'action d'une seule force motrice qui pénètre la matière, la trans- forme et la vivifie. Ces essais remontent , dans l'antiquité classique, aux traités sur les principes des choses propres à l'école ionienne, traités où, en s'ap- puyant sur un petit nombre d'observations , on osa soumettre l'ensemble de la nature à des spécula- tions téméraires. A mesure que, par l'influence de grands événements historiques, toutes les sciences se sont développées en s'appuyant sur l'ol^serva- tion, on a vu se refroidir aussi l'ardeur qui portait à déduire l'essence des choses et leur connexité de constructions purement idéales et de principes tout rationnels. Dans des temps plus rapprochés de nous, c'est surtout la partie mathématique de la philoso- phie naturelle qui a reçu d'admirables accroisse- ments. La méthode et l'instrument (l'analyse) ont été perfectionnés à la fois. Nous pensons que ce qui a été conquis par des moyens si divers, par l'appli- cation ingénieuse de suppositions atomistiques, par l'étude plus générale et plus intime des phénomè- nes, et par le perfectionnement d'appareils nou- veaux, est le bien comnum de l'humanité, et ne doit pas plus aujourd'hui que chez les anciens, être sous- trait à la libre action de la pensée spéculative. On ne saurait nier toutefois que, dans le travail de la pensée, les résultats de l'expérience n'aient eu — 78 — plus (l'un dangtor à courir. Dans la vicissilude pcr- pcluello des vues lliéoiiques, il ne faut pas trop s'é- tonner, comme le dit spirituellenienl Tauteurde Gior- dano Bruno (30), « si la plupart des iiommes ne voient dans la philosophie qu'une succession de mé- téores passagers , et si les grandes formes qu'elle a revêtues partagent le sort des comètes, que le peuple ne range pas parmi les œuvres éternelles et perma- nentes de la nature, mais parmi les fugitives appa- ritions de vapeurs ignées. » Ilàlons-nous d'ajouter que l'abus de la pensée et les fausses voies dans les- quelles elle s'engage, ne sauraient autoriser une opi- nion qui tendrait à flétrir l'intelligence, savoir que le monde des idées n'est de sa nature qu'un monde de fanlùmes et de rêveries, et que les richesses accumu- lées par de laborieuses observations ont, dans la phi- losophie, une puissance ennemie qui les menace. Il ne sied pas à l'esprit qui caractérise notre temps de rejeter avec méfiance toute giMiéralisalion des aper- çus , tout essai tl'approfondir les choses par la voie du raisonnement et de l'induction. (>e serait mécon- naître la dignité de la nature humaine et l'inqior- lance relative des facultés dont nous sommes dou<''s, que de condamner, tantôt la raison austère qui selivre h l'invesligalion des causes et d<; leur enchaînement, tantôt cet essor de limagination (pii picliideaux dé- couvertes et les suscite par son pouvoir créateur. TABLEAUX DE LA NATURE. VUE GÉNÉRALE DES PHÉNOMÈNES. Lorsque l'esprit humain s'enhardit jusqu'à vouloir dominer le monde matériel , c'est-à-dire l'ensemble des phénomènes physiques , lorsqu'il tente de faire rentrer dans le domaine de sa pensée la nature entière avec la riche plénitude de sa vie, et l'action des forces ou libres ou cachées qui l'animent, les limites de son horizon s^évanouissent dans le lointain, et, des hauteurs où il s'est élevé, les individualités ne lui ap- paraissent plus que groupées par masses et comme voilées par une brume légère. Tel est le point de vue où nous voulons nous placer pour envisager l'univers et pour tenter de décrire, dans leur ensemble, la sphère des cieux et le monde terrestre. Je ne me suis point dissimulé l'audace d'une pareille tentative , car entre toutes les formes d'exposition auxquelles ces feuilles sont consacrées, l'essai d'un tableau général de la nature est d'autant plus difficile, qu'au lieu de nous borner à décrire en détail les richesses de ses formes si variées, nous nous proposons d'en peindre les grandes masses , soit que leurs contours aient une exislence réelle, soit que les divisions résultent de la nature même de nos conceptions. Pour que cette œuvre réponde à la dignité de la belle expression de — 80 — Cosmos, qui signifie l'ordre dans l'univers et la ma- gnificence dans l'ordre , il faut qu'elle embrasse et qu'elle décrive le grand Tout (ro iràv) ; il faut classer et coordonner les phénomènes, pénétrer le jeu des forces qui les produisent, peindre enfin, par un lan- gage animé, une image vivante de la réalité. Puisse l'infinie variété des éléments dont se compose le ta- bleau de la nature ne pas nuire à cette impression harmonieuse de calme et d'unité, dernier but de toute œuvre littéraire ou purement artistique ! Des profondeurs de l'espace occupées par les nébu- leuses les plus éloignées , nous descendrons par dé- grés à celte zone d'étoiles dont notre système solaire fait partie, au sphéroïde terrestre avec son enve- loppe gazeuse et liquide, avec sa forme, sa tempé- rature etsa tension magnétique, jusqu'aux ètresdoués de la vie que l'action fécondante de la lumière déve- loppe à sa surface. Sur ce tableau du monde, il nous faudra peindre à grands traits les espaces infinis des cieux, et tracer l'esquisse des microscopiques exis- tences du règne organique qui se développent dans les eaux stagnantes ou sur les croupes de nos rochers. Les richesses d'observation qu'une étude sévère delà nature a su accumuler jusqu'à notre époque, forment les matériaux de cette vaste représentation , dont le caractère principal doit être de porter en elle-même le témoignage de sa nd(''lil('. Mais dans les conditions posées par les prolégomènes , un tableau descriptif de la nature ne saurait conq)rendre les détails et les in- dividualil(''s considérées hors de l'ensemble ; ce serait \ — 81 — nuire à l'effet général de cette œuvre , que d'y vou- loir énumérer toutes les formes où la vie se révèle , tous les faits, toutes les lois de la nature. La tendance à fractionner indéfiniment l'ensemble de nos connais- sances est un écueil que le philosophe doit savoir évi- ter, sous peine de s'égarer dans la foule des détails accumulés par un empirisme souvent irréfléchi. D'ail- leurs, nous ignorons encore une partie notable des propriétés de la matière, ou, pour parler un langage plus conforme à la philosophie naturelle, il nous reste à découvrir des séries entières de phénomènes dépendant de forces dont nous n'avons actuellement aucune idée , et cette lacune seule suffirait à rendre incomplète toute représentation unitaire de la tota- lité des faits naturels. Aussi, au sein même de la jouis- sance qu'inspire le tableau de ses conquêtes, l'esprit inquiet, peu satisfait du présent, éprouve-t-il comme une sorte de malaise en cédant au désir énergique qui le pousse incessamment vers les régions de la science encore inexplorées. Ces aspirations de notre âme nouent plus fortement le lien qui unit le monde sensible au monde idéal en vertu des lois suprêmes de lintelligence; elles vivifient cette relation mysté- rieuse « de l'impression que notre âme reçoit du monde extérieur à l'acte qui la réfléchit du sein de ses profondeurs mêmes. » En outre, puisque la nature prise pour l'ensemble des êtres et des phénomènes est illimitée quant à ses contours et à son coiitenu, elle nous pose un problème que toute la capacité humaine ne saurait — 82 — embrasser, problème insoluble, car il exige la con- naissance générale de toutes les forces qui agissent dans l'univers. On peut faire un pareil aveu quand on se propose , pour unique objet des recherches immédiates, les lois des êtres ou de leurs déve- loppements, et quand on s'astreint à suivre une seule voie, celle de l'expérience guidée par une méthode d'induction rigoureuse. 11 est vrai , on renonce ainsi à satisfaire la tendance qui nous porte à embrasser la nature dans son universalité, et à pénétrer Fessence même des choses ; mais l'histoire des théories générales sur le monde , que nous avons réservée pour une autre partie de cet ouvrage , ])rouve que l'humanité peut seulement prétendre à une connaissance partielle, mais de plus en plus approfondie, des lois générales de l'univers. Il s'a- git donc ici de peindre l'ensemble des résultats acquis, en restant au point de vue de l'actualité, tant pour la mesure et pour les limites, que pour rétendue de ce lâijleau. Or, quand il s'agit des mou- vements et des transformations qui s'efl'ecluent dans l'espace , le but final de nos recherches est surtout la délcnninalion numérique des valeurs moyennes qui constituent l'expression des lois physiques elles- niêines; (iQ?, nombres moyens nous représentent ce (piil y a de constant dans les plu'nomènes variables, ce qu'il y a de fixe dans la flucluation perpétuelle des apparences. C'est ainsi que les progrès actuels de la physique se produisent presque exclusivement par voie de mesures et de pes('es, dans le but d'obtenir — 83 — ou de corriger les valeurs numériques moyennes de certaines grandeurs. On dirait que les nombres, ces derniers hiéroglyphes qui subsistent encore dans no- tre écriture, constituent de nouveau pour nous, mais dans une acception beaucoup plus étendue, ce qu'ils étaient autrefois pour l'école italique, les forces mêmes du Cosmos. Le savant aime la simplicité de ces rapports nu* mériques qui expriment les dimensions du ciel vi- sible, la grandeur des corps célestes, leurs pertur- bations périodiques, et les trois éléments du ma- gnétisme terrestre, de la pression atmosphérique et de la quantité de chaleur que le soleil verse en chaque saison de l'année sur tous les points de nos continents ou de nos mers. Mais ils ne sauraient sufTire au poëte de la nature, et moins encore à la multitude curieuse ; la science contemporaine leur paraît avoir fait fausse route , parce qu'elle ne répond plus que par le doute à une foule de questions qu'on s'imaginait autrefois pouvoir faire rentrer dans son domaine, si même elle ne les déclare absolument insolubles. Il faut l'avouer, sous une forme plus sé- vère, avec des limites plus étroites, la science ac- tuelle est dépourvue de cet attrait décevant de l'an- cienne physique, dont les dogmes et les symboles étaient si propres à égarer la raison en donnant car- rière à l'imagination la plus ardente. Du haut dos rivages des Canaries ou des Açores, on croyait aper- cevoir, longtemps avant la découverte du Nouveau- Monde, des terres situées à l'Occident. C'était une — 8V — illusion pi'odiiilo, non par le jeu (Vunc réfraction ex- Iraordinairo, mais par cette ardeur qui nous entraîne au delà de notre portée. La philosophie naturelle des Grecs, la physique du moyen Age et même celle des derniers siècles , olfrent plus d'un exemple ana- logue de cette illusion de l'esprit qui se crée , pour ainsi dire, des fantômes aériens; on dirait qu'aux li- mitesde nos connaissances, comme du haut des rivages des dernières îles, le regard troublé cherche à se re- poser sur l'aspectdes contrées lointaines; puis la ten- dance au merveilleux, au surnaturel, prête une forme déterminée à chaque manifestation de cette puissance de création idéale dont l'homme est doué, et le do- maine de l'imagination, où régnent en souverains les songes cosmologiques, géognostiques, magné- tiques, empiète ainsi constamment sur celui de la réalité. Sous quelque aspect qu'on veuille considérer la Dalure , qu'elle soit l'ensemble des êtres et de leurs développements successifs ou bien celte force inté- rieure d'où naît le mouvement, ou le type mysté- rieux auquel se ratlachent toutes les apparences, l'impression qu'elle produit sur nous a toujours quel- que chose de terrestre. Nous ne reconnaissons même notre paliie que là où commence le règne de la vie organique; comme si l'image de la nature s'associait nécessairement dans notre ànie à celle de la terre, parée de ses Heurs et de ses fruits , animée par les imiombrables races d'animaux qui vivent à sa sur- face. L'aspect du fiiniament et l'inniiensité des es- — 8S — paces célestes forment un tableau où la grandeur des masses, le nombre des soleils diversement grou- pés 5 les pâles nébuleuses elles-mêmes peuvent bien exciter notre élonnement ou notre admiration ; mais nous nous sentons étrangers à ces mondes où règne une solitude apparente, et qui ne peuvent faire naître l'impression immédiate par laquelle la vie organique nous rattache à la terre. Aussi , toutes les conceptions physiques de l'homme, môme les plus modernes, ont-elles toujours séparé le ciel de la terre comme en deux régions; l'une supérieure, l'autre inférieure. Si donc, pour peindre le tableau de la nature , on choisissait le point de vue où nous placent nos sens , il faudrait commencer par le sol môme qui nous porte, décrire le globe terrestre, sa forme et ses dimensions, sa densité et sa tempé- rature croissant vers le centre ; séparer les couches superposées, tant fluides que solides; distinguer les continents d'avec les mers, peindre la vie organi- que développant partout sa trame, envahissant la surface et peuplant les profondeurs ; et cet océan aé- rien perpétuellement agité par les courants, au fond duquel surgissent, comme autant de bas-fonds et d'écueils, les hautes chaînes de nos montagnes cou- ronnées de forôls. Après ce tableau, dont notre globe seul aurait fourni tous les traits, le regard s'élèverait vers les espaces célestes, et la terre, domaine dé- sormais bien connu de la vie organi(jue, serait alors considérée comme planète; elle i)rendrait son rang parmi les autres globes, satellites comme elle d'un — so- cle ces astres sans nombre qui l)ri)lent de leur pro- pre lumière. Cette série d'idées a tracé la voie des premières théories générales qui ont pris leur point de départ dans nos sensations ; elle rappellerait pres- que celle antique conception d'une terre environ- née de tous côtés par les eaux et portant la voûte céleste; elle débute sur le lieu même de l'observa- teur, elle part du connu pour aller à l'inconnu , de ce qui nous touche el nous presse pour alleindre aux limites de notre portée. C'est la méthode ma- thématiquement très -fondée que l'on suit dans Texposition des théories astronomiques, lorsqu'on passe des mouvements apparents aux mouvements réels des corps célestes. Mais s'il s'agit d'exposer l'ensemble de nos connais- sances dans ce qu'elles ont d'arrêté et de positif, ou même dans ce qui est actuellement probable à divers degrés, sans s'astreindre toutefois à en développer la démonstration, il faut recourir à un ordre d'idées tout différent, et renoncer surtout à ce point de déi)arl ter- restre, dontlinqiortance dans la généialité est exclu- sivement relative h l'homme. La terre ne doit plus d'abord apparaître que comme un détail subordonné à l'ensendjle dont elle fait partie; il faut se garder d'a- moindi'ir le caraclère de grandeur d'une telle conce[)- tion pai' des molifs i)uisés dans la in'oximité de cer- tains ph(''noni('nes i)arliculiers, dans leur iidluence plus intime, dans leur utilité plus directe. Une des- cription physi(]ue du monde, c'est-à-dire un tableau général delà nature, doit donc commencer par le ciel — 87 — et non par notre terre ; mais à mesure que la sphère embrassée par le regard se rétrécira , nous verrons s'augmenter la richesse des détails , nous verrons les apparences physiques se compléter, les propriétés spéciliquesde la matière se multiplier. De ces régions où la seule force dont il nous soit donné de constater l'existence est celle de la gravitation, nous descendrons graduellement jusqu'à notre planète, et nous aborde- rons enfin le jeu compliqué des forces qui régnent à sa surl'ace. La méthode descriptive que je viens d'es- quisser est l'inverse de celle qui en a fourni les ma- tériaux ; la première énumère et classe ce que la se- conde a démontré. Par ses organes, l'homme se met en rapport avec la nature ; l'existence de la matière dans les profondeurs du ciel nous est révélée par les phénomènes lumi- neux; on peut dire ainsi que l'œil est l'organe de la contemplation de l'univers , et la découverte de la vision télescopique , qui date à peine de deux siècles et demi, a doué les générations actuelles d'une puis- sance dont elles ignorent encore les limites. Les premières etles plus générales parmi les consi- dérations qui forment la science du Cosmos, ont trait à la répartition, dans les espaces, de la matière ou de la création, pour employer le terme qui sert d'ordinaire h df'signer l'ensemble actuel des êtres et les dévelop- pements successifs dont ils contiennent le germe. Et d'al)ord, nous voyons la matière, tantôt condensée en globes de grandeurs et de densités tiès-diverses, ani- més d'un double mouvement de rotation et de trans- — 88 — laiion, lanioUlisséminéc clans l'espace, sous forme de nébulosités pliospborescenles. Considérons en premier lieu celle malière cos- mique réparlie dans le ciel sous des formes- plus ou moins déterminées , cl dans tous les étals pos- sibles d'aggrégation. Lorsqu'elles ont de faibles di- mensions apparentes, les nébuleuses présentent l'as- pect de petits disques ronds ou elliptiques , soit isolés, soit disposés par couples et réunis alors quel- quefois par un mince filet lumineux ; sous de plus grands diamètres, la matière nébuleuse prend les formes les plus variées : elle envoie au loin , dans l'espace, de nombreuses ramifications; elle s'étend en éventail , ou bien elle affecte la figure annulaire aux contours nettement accusés, avec un espace central obscur. On croit que ces nébuleuses subissent graduel- lement des cbangements de forme , suivant que la matière, obéissant aux lois de la gravitation , se con- dense autour d'un ou de i)Iusieurs cenlres. Environ 2o00 de ces nébuleuses, que les plus puissants t(''les- copcs n'ont pu résoudre en étoiles, sont maintenant classées et déterminées, quant aux lieux qu'elles oc- cupent dans le ciel. En présence de ce dévelo})poment génésique , de ces formations i)erpéluellemcnt i)rogressives , dont une partie des espaces célestes semble cire le théâtre, l'observateur philosophe s'est trouvé conduit à établir une analogie entre ces grands phénomènes et ceux de la vie organique : de môme que nous voyons dans nos forêts des arbres de même espèce — 89 — parvenus à tous les degrés possibles de croissance , de même on peut reconnaître, dans l'immensité des champs célestes, les diverses phases de la formation graduelle des étoiles. Cette condensation progressive, enseignée par Anaximène, et, avec lui, par toute l'école ionique, paraît ainsi se développer simultanément à nos yeux. Il faut le reconnaître , la tendance presque divinatrice de ces recherches et de ces efforts de l'es- prit a toujours offert(31) à l'imagination l'attrait leplus puissant ; mais ce qui doit captiver, dans l'étude de la vie et des forces qui animent l'univers , c'est bien moins la connaissance des êtres dans leur essence que celle de la loi de leur développement , c'est-à- dire, la succession des formes qu'ils revêtent ; car, de l'acte même de la création, d'une origine des choses considérée comme la transition du néant à l'être , ni l'expérience , ni le raisonnement ne sauraient nous en donner l'idée. On ne s'est point borné à constater dans les nébu- leuses diverses phases de formation par les degrés de leur condensation plus ou moins marquée vers le centre ; on a cru pouvoir aussi déduire immédiate- ment d'observations faites à différentes époques, qu'il s'est opéré des changements effectifs dans la nébuleuse d^Andromède, puis dans celle du navire Argo et dans les filaments isolés qui appartiennent à la nébuleuse d'Orion ; mais l'inégale puissance des instruments employés à ces diverses éi)oques , les variations de notre atmosphère , et d'autres influences de nature optique , jettent un doute légitime sur une partie de 7 — 90 — ces résultais, quand on les considère comme des termes de comparaison légués par Ihisloire des cieux. Ni les taches nébuleuses proprement dites , h lormes si variées, à régions brillant d'un inégal éclat, et dont la matière, sans cesse concentrée dans un moindre espace , finira peut-être par se condenser en étoiles , ni les nébuleuses planélaires qui émettent, de tous les points de leurs disques un peu ovales, une lumière douce parfaitement uniforme , ne doivent être con- fondues avec les étoiles nébuleuses. 11 ne s'agit pas ici d'un effet de projection purement fortuit ; bien loin de là, la matière phosphorescente, la nébulosité forme un tout avec Fétoile qu'elle environne. A en juger par leur diamètre apparent souvent considérable, et par la dislance oix elles brillent, ces deux variétés, les né- buleuses planétaires et les étoiles nébuleuses , doi- vent avoir d'énormes dimensions. 11 résulte de consi- dérations nouvelles extrêmement ingénieuses, sur les effets divers que l'éloignemenl doit produire dans Té- clat d'un disque lumineux de diamètre appréciable , et dans celui d'un point isolé, que les nébuleuses pla- nélaires sont probablement des étoiles nébuleuses pour lesquelles toute différence d'éclat entre l'étoile cen- trale et latmosphère environnante aurait disparu même pour lœil armé des plus puissants téles- copes. Les magniliques zones du ciel austral conq>rises entre les parallèles du 50" et du 80' degré, sont les plus riches en étoiles nébuleuses et eu amas de nébulosités -- 91 — irréductibles. Desdeiix nuages magellaniques qui tour- nent autour du pôle austral , de ce pôle si pauvre en étoiles qu'on dirait une contrée dévastée, le plus grand surtout paraît être , d'après des recherches récen- tes (32), « une étonnante agglomération d'amas sphé- « riques d'étoiles plus ou moins grandes et de nébu- « leuses irréductibles, dont l'éclat général illumine le c( champ de la vision et forme comme le fond du ta- « bleau. » L'aspect de ces nuages, la brillante cons- tellation du navire Argo, la voie lactée, qui s'étend entre le Scorpion, le Centaure et la Croix, et, j'ose le dire, l'aspect si pittoresque de tout le ciel austral , ont produit sur mon âme une impression ineffaçable. La lumière zodiacale qui monte au-dessus de l'hori- zon comme une pyramide de lumière, et dont le doux éclat fait l'éternel ornement des nuits intertropicales, est probablement une grande nébuleuse annulaire tournant entre l'orbite de Mars et celle de la Terre ; car on ne saurait admettre que ce soit la couche ex- térieure de l'atmosphère même du Soleil. Outre ces nébulosités, ces nuages lumineux à formes détermi- nées , des observations exactes s'accordent à établir l'existence d'une matière infiniment ténue, qui ne pos- sède probablement pas de lumière propre , mais dont l'existence se révèle par la résistance quelle oppose au mouvement de la comète d'Encke ( et peut-être aussi de celles de Biela et de Faye), par la diminution qu'elle fait subira l'excentricité et la durée de la révo- lution. On peut se représenter cette matière éthérée ou cosmique, flottante dans l'espace, comme animée — 92 — de mouvement; malgré sa ténuité originaire, on peut la supposer soumise aux lois de la gravitation, et plus condensée par conséquent aux environs de rénorme masse du Soleil ; on pourrait admettre, enlin, qu'elle se renouvelle et quelle saugmenle , depuis des my- riades de siècles, par les matières gazéiformes que les queues des comètes abandonnent dans l'espace. Après avoir ainsi passé en revue la variété des formes que revêt la matière disséminée dans les es- paces infinis des cieux (ojpavoO yo^-oc) (33), soit qu'elle s'étende sans limites et sans contours, comme une sorte d'étlier cosmique , soit qu'elle ait été primi- tivement condensée en nébuleuses , il faut consi- dérer la partie solide de cet univers , c'est-à-dire la matière agglomérée en globes auxquels appartien- nent exclusivement les désignations d'astres ou de mondes stellaires. Ici encore nous trouvons des de- grés divers d'agrégation et de densité, et notre pro- pre système solaire reproduit tous les termes de la sé- rie des pesanteurs spécifiques ( rapi)ort du volume à la masse ) (jue les substances terrestres nous ont rendus familiers. Quand on compare les planètes, de- puis Mercure jusqu'à Mars, au Soleil et à Jupiter, et ces deux derniers astres à Saturne moins dense en- core, on se trouve conduit, ]»ar une progi-ession dé- croissante, de la pesanteur spécifique de lantinioine métallique, jusqu'à celle du miel, de l'eau et du sapin. Bien plus, la densité des comètes est si faible que la lu- mière des étoiles les traverse sans être ré'fraclée , même par celte partie plus compacte que l'on nomme — 93 — habituellement la lètc ou la iiébulosilé ; peut-être la masse d'aucune comète n'a atteint la cinq millième partie de celle de la Terre. Signalons ici ce qu'il y a de frappant dans la diversité des effets produits par les forces dont l'action progressive a présidé dès l'origine aux agglomérations de la matière ; du point de vue général où nous sommes placé , nous aurions pu indiquer à priori cette variété indéfinie comme un résultat possible de l'action combinée des forces génératrices; il valait mieux se réserver de la montrer comme un fait réel qui se développe effectivement à nos yeux dans les régions célestes. Les conceptions purement spéculativesdeWright, de Kant et de Lambert, sur la construction générale des cieux, ont été établies par sir William Herschel sur une base plus solide, celle des observations et des mesures précises. Ce grand homme , si hardi et si prudent à la fois dans ses recherches, fut le premier qui osa sonder les profondeurs des cieux pour déterminer les limites et la forme de la couche isolée d'étoiles dont nous faisons partie; le premier il tenta d'appliquer à cette zone stellaire les rapports de grandeur, de forme et de position qui lui étaient révélés par l'étude des nébuleuses éloignées , justifiant ainsi la belle épitaphe gravée sur son tombeau à llpton : Cœlorum pemipil claustra. Lancé, comme Colomb, sur une mer in- connue , il découvrit des cotes et des archipels dont il laissait aux générations suivantes le soin de déter- miner la position exacte. il a fallu recourir à des hypothèses plus ou moins — 94 — vraisemblables sur les diverses grandeurs des étoiles et leur nombre relatif, c'est-à-dire sur leur accumu- lation plus ou moins marquée dans les espaces égaux que circonscrit le champ d'un télescope donné, armé toujours du même grossissement , pourévaluer l'épais- seur des couches ou des zones qu'elles constituent. Aussi est-il impossible d'attribuer à ces aperçus, quand il s'agit d'en déduire les particularités de la structure des cieux , le même degré de certitude auquel on est parvenu dans l'étude des phénomènes particuliers à notre système solaire, ou dans la théorie des mouve- ments apparents et réels des corps célestes en général, ou même dans la détermination des révolutions ac- complies par les étoiles composantes d'un système bi- naire autour de leur centre commun de giavité. Cette partie de la science du Cosmos ressemble aux époques fabuleuses ou mythologiques de l'histoire ; toutes deux remontent en effet h ce crépuscule incertain où vien- nent se perdre les origines des temps historiques et les limites de l'espace que nos mesures cessent déjà d'at- teindre; alors l'évidence commence h disparaître de nos conceptions, et tout invite limaginalion à chercher enelle-mêmeuneformeetdescontoursarrêtéspources apparences confuses qui menacent de nous échapper. Mais revenons à la comparaison que nous avons déjà indicpiée enlie la voûte céleste et une mer par- semée d îles et d'archipels; elle aidera à mieux saisir les îiivers modes de rc'partition des agrégats isolés que forme la matière cosmique, de ces nébuleuses non résolubles, condensées autour d'un onde |)ln- — 95 — sieurs centres, portant en elles-mêmes l'indice de leur antiquité; de ces amas d'étoiles ou de ces groupes spo- radiques distincts qui présentent des traces d'une for- mation plus récente. L'amas d'étoiles dont nous faisons partie, et que nous pourrions appeler ainsi une île dans l'univers, forme une couche aplatie, lenticulaire, iso- lée de toutes parts; on estime que son grand axe est égal à sept ou huit cents fois la distance de Sirius à la Terre, et le petit axe à cent cinquante de ces unités. Quant à la grandeur absolue de l'unité dont il s'agit, pour s'en former une idée, on peut supposer que la pa- rallaxe de Sirius ne dépasse point celle de la brillante du Centaure (0",9 128); dans ce cas, la lumière emploie- rait trois années à parcourir la distance qui nous sé- pare de Sirius; d'après les admirables travaux deBes- sel sur la parallaxe de la 6r du Cygne (0",3483) (34), étoile dont le mouvement propre considérable laissait soupçonner la proximité, un rayon lumineux parti de cet astre ne peut arriver jusqu'à nous qu'après neuf ans un quart. Notre amas d'étoiles, dont l'épaisseur est relati- vement faible , se partage en deux branches sur un tiers environ de son étendue; on pense que le sys- tème solaire y est situé excentriquement, non loin du point de partage, plus près de la région où brille Sirius que de la constellation de l'Aigle, et presque au milieu de la couche dans le sens de son épaisseur. Nous l'avons dit plus haut, c'est en jaugeant systé- matiquement le ciel, c'est en comptant les étoiles contenues dans le champ invariable d'un télescope — 96 — dirige succcssivenienl vers loiUcs les régions de l'es- pace , que l'on est parvenu à fixer ainsi la place de noire système solaire , à déterminer la forme et les dimensions de l'amas lenticulaire détoiles dont il fait partie. En effet, si les nond^res plus ou moins grands d'étoiles que renferment des espaces égaux, varient en raison de l'épaisseur même de la couche dans chaque direction, ces nombres doivent donner la longueur du rayon visuel, sonde hardiment jetée dans les profon- deurs du ciel, lorsque le rayon atteint le fond de la cou- che slellaire ou plutôt sa limite extérieure, car il ne peut être question ici ni de haut ni de bas. Dans le sens du grand axe, le rayon visuel doit rencontrer les étoiles échelonnées suivant cette direction, en beau- coup plus grand nombre que partout ailleurs; les étoiles sont en effet fortement condensées dans ces régions, et comme réunies dans une nuance générale qu'on peut comparera une poussière lumineuse. Leur ensendde dessine sur la voûte céleste une zone qui paraît Tenvelopper complètement. Celle zone élroite, dont l'éclat inégal est intcrronqiu ça et là par des es- paces obcurs, suil, à quelques degrés près, la direction d'un grand cercle de la sphère, parce (pie nous sommes placés près du milieu de la couche d'étoiles et dans le j)lan même de la voie lactée , qui en est la i)erspective. Si noire syslème planétaire se trouvait situé à une grande dislance de cet amas d'éloiles , la voie lactée offrirait l'apparence d'un anneau; à une distance encore plus forle, elle ap- paraîtrait, dans un lélescope, comme une ni'buleuse — 07 — irrédurtiblo terminée par un conlonr circulaire. Parmi tous ces astres lumineux par eux-mêmes , qu'on a longtemps réputés fixes, mais à tort, puisque leur positionchauge continuellement; parmi ces astres qui forment notre île dans l'océan des mondes, lesoleil est le seul que desobservationsréellesnous permettent de reconnaître comme centre des mouvements d'un système secondaire composé de planètes, de comètes et d'astéroïdes analogues à nos aérolithes. Les étoiles doubles ou nmlliples ne sauraient être assimilées complètement à notre monde planétaire, ni pour la dépendance des mouvements relatifs, ni pour les ap- parences lumineuses. A la vérité, les astres brillant d'une lumière propre qui forment ces associations binaires ou plus complexes, tournent aussi autour de leur centre commun de gravité; ils entraînent peut-être des cortèges de planètes et de lunes dont nos télescopes ne peuvent nous révéler l'existence , mais le centre de leurs mouvements se trouve dans un espace vide ou rempli seulement de matière cos^ mique, tandis que, dans le système solaire, ce centre est situé à l'intérieur d'un corps visible. Si, pourtant, on voulait considérer comme étoiles doubles le Soleil et la Terre, ou bien la Terre et la Lune, si on assimilait l'ensemble des planètes à un système multiple,' il fau- drait restieindre aux seuls mouvements l'analogie que ces dénominations rappellent, car on peut admettre l'universalité des lois de la gravitation, nuiis tout ce qui a trait aux apparences lumineuses devrait être exclu de ce rapprochement. — 98 — Places à ce point de vue général qui nous était im- posé par la nature même de notre œuvre , il nous est permis d'envisager actuellement le système solaire sous un double aspect : nous étudierons d'abord, dans les classes diverses qu'on y peut distinguer, les carac- tères généraux de grandeur, de figure, de densité et de situation relative; nous aborderons ensuite les relations qui paraissent unir cet ensemble aux autres parties de notre zone étoilée : c'est indiquer assez le mouvement propre du Soleil lui-même. Dans l'état actuel de la science, le système solaire se compose de onze planètes principales, de dix-huit lunes ou satellites , et d'une myriade de comètes dont quelques-unes restent constamment dans les limites étroites du monde des planètes : ce sont les comètes planétaires. Nous pourrions encore, avec toute vrai- semblance, ajouter au cortège de notre Soleil, et placer dans la sphère où s'exerce immédiatement son action centrale, d'abord un anneau de matière nébuleuse et animé d'un mouvement de rotation; cet anneau est probablement silué entre l'orbite de Mars et celle de Vénus, du moins il est certain qu'il dépasse l'orbite de la Terre (35) : c'est lui qui produit cette appaience lumineuse, à forme pyramidale, connue sous h nom de lumière zodiacale; en second lieu, une mulhlucb^ d'asl(''roïdes excessivement petits, dont les orbites coupent celle de la terre ou s'en écai'tent fort peu : c'est par eux (ju'on explique les apparilions d'étoiles filantes el les chntes d'aérolithes. Lorsque l'on consi- dère ces formations si complexes, ces astres si nom- — 99 — J)reiix qui circulent autour du Soleil dans des ellipses plus ou moins excentriques , sans chercher à expli- quer, avec Timmortel auteur de la Mécanique céleste , l'origine de la plupart des comètes , par des poi lions de matière détachées des nébuleuses et errant d'un monde à l'autre (36), il faut bien reconnaître que les planètes avec leurs satellites ne forment qu'une très- faible partie du système solaire, si on a égard au nond)re et non pas aux masses. On a supposé que les planètes télescopiques, Vcsta, Junon, Cérès et PaUas, forment une sorte de groupe intermédiaire , et que leurs orbites , si étroitement entrelacées, si inclinées, si excentriques, déter- minent dans l'espace une zone de séparation entre les planètes intérieures, Mercure, Vénus, la Terre, Mars, et la région des planètes extérieures, Jupiter, Sa- turne, Uranus (37). Ces deux régions présentent en effet les contrastes les plus frappants. Les planètes inté- rieures, plus rapprochées du Soleil , sont de grandeur moyenne; leur densité est considérable; elles tour- nent lentement sur elles-mêmes en temps h peu près égaux (vingt-quatre heures environ); elles sont })eu aplaties, et, sauf la Terre, elles sont totalement dé- pourvues de satellites : les planètes extérieures sont énormément plus grosses et cinq fois moins denses; leur rotation est deux fois au moins plus rapide, leur aplatissement plus marqué; enfin, le nombre de leurs satellites esta celui du gi-oupe intérieui-, dans le rapport de dix-sept h un, si toutefois Uranus possède effectivement les six lunes qu'on lui attribue. — 100 — Mais les considérations d'où nous avons fait res- sortir les caractères généraux de ces deux groupes , ne sauraient s'étendre avec une égale justesse à cha- cune des planètes en particulier; on ne pourrait com- parer ainsi une à une, les distances au centre connnun des mouvements avec les grandeurs absolues , les densités avec le temps, les rotations, les excentri- cités et l'inclinaison mutuelle des orbites avec les grands axes. Nous ne connaissons point de liaison nécessaire entre les six éléments que nous venons d'énumérer et les moyennes distances, nous igno- rons s'il existe entre ces diverses grandeurs une loi de la mécanique céleste analogue à celle qui unit, par exemple, les carrés des temps périodiques aux cubes des grands axes. Mars est plus éloigne'' du Soleil que Vénus et que la Terre; il est pourtant plus petit, et de toutes les planètes anciennement connues , celle dont il diffère le moins quant au diamètre, c'est la planète la plus voisine du Soleil, c'est Mercure. Sa- turne est plus petit que Jupiter, mais il est beaucoup plus gros qu'Uranus. Bien plus, à la zone des planètes télescopiiiues succède innnédiatemenl Jupiter, le plus puissant de tous les astres secondaires de notre sys- tème; et cependant la surface de ces astéroïdes, dont le diamètie, par sa petitesse, échappe presque à nos mesures, d('j)asse à ju'ine de moitié celle de la France, de Madagascar ou de P.ornéo. Quehjue frappante (jue puisse être la dtînsité si extraordinairement faible des colosses planétaires (jui giavitent vers le Soleil aux confins de notre monde, ici encore il n'y a pas de ré- — 101 — gularité dans la série décroissante (38), puisque Uranus paraît être plusdense que Saturne, même enadmetlant la masse donnée par Lamont , ^^^ , la plus faible de toutes ; et malgré la différence à peine notable qui s'ob- serve dans les densités du groupe des planètes les plus rapprochées du Soleil (39), nous trouvons , de part et d'autre de la Terre , Vénus et Mars, qui sont tous deux moins denses que notre planète. Quant à la durée de la rotation, elle diminue incontestablement à mesure que la distance au Soleil augmente, mais elle est plus grande pour Mars que pour la Terre, plus grande aussi pour Saturne que pour Jupiter. Les plus fortes excentri- cités appartiennent aux ellipses que décrivent Junon, Pallas et Mercure ; les plus faibles sont celles de Vénus et de la Terre , deux planètes qui se suivent pourtant dans l'ordre des distances. Mercure et Vénus nous of- rent précisément le même contraste que les quatre petites planètes, car les excentricités peu différentes de Junon et de Pallas sont triples de celles de Cérès et de Vesta. De semblables anomalies se présentent quand on considère l'inclinaison des orbites sur le plan de l'écliptique , et la position relative des axes de rotation, éléments qui influent bien autrement que l'excentricité sur les climats, la longueur de l'année et la durée variable des jours. Les ellipses les plus allongées, celles que parcourent Junon, Pal- las et Mercure, sont aussi les plus fortement inclinées sur l'écliptique, mais dans des rapports très-diffé- rents : l'inclinaison de l'orbite de Pallas, dont on ne retrouve d'analogue que parmi les comètes, est à peu — 102 — près vingt-six lois plus grande que celle de Jupiter, tandis que linclinaison de la petite planète Vesta, si rapprochée de Pallas, surpasse ii peine le sextuple du même angle. On n"a pas mieux réussi à former une série régulière avec les positions des axes de rotation des quatre ou cintj planètes à 1 égard desquelles cet élément a été déterminé avec exactitude. A en juger, pour Uranus. d'après la position des plans dans les- quels tournent les deux seuls sateliiles qui aient été réobservés récemment, l'axe de rotation de celle pla- nète serait incliné de 11° à peine sur le plan de son orbite ; et Saturne se trouve ainsi placé , sous ce rap- port, entre Jupiter, dont l'axe de rotation est presque rectangulaire à l'orbite, et Uranus. 11 semble résulter de l'énumération de ces irrégu- larités, que le monde des formations célestes doit être accepté comme un fait, comme une donnée naturelle qui se dérobe aux spéculations de l'esprit par l'ab- sence de tout enchaînemciit visible de cause à effet. En d'autres tciincs, les rapports de giandeurs ab- solues et de position relalive des axes, les relations qui existent dans le système [danétaire entre les den- sités, les durées de rotation et les excentricités, ne nous paraissent pas autrement nécessaires dans la nature (pie la distribution des eaux et des terres à la surlace de notre globe, les conloursde ses continents ou la hauteur de ses chaînes de montagnes; point de loi générale qu'on puisse établir, sous ces divers rap- ports, dans lescieux ou dans les inégalités des couches terrestres : ce sont autant de laits naturels produits — 103 — par le conflit de forces multiples qui ont agi aulrelois dans des conditions tout à fait inconnues. Or, en fait de cosmogonie , lliomme attribue au jeu du hasard ce qu'il ne peut expliquer par l'action génératrice des forces qui lui sont familières. Si les planètes ont été formées par la condensation progressive d'anneaux de matières gazeuses, concentriques au Soleil, les densités, les températures, les tensions magnétiques inégales de ces anneaux expliquent les différences actuelles de forme et de grandeur, tout connue les vitesses primitives de rotation, et de petites variations dans la direction des mouvements^ peuvent rendre compte des inclinaisons etdes excentricités ; en outre, les attractions des masses et les lois de la pesanteur jouèrent ici leur rôle aussi bien que dans les soulève- ments qui produisirent les irrégularités de la surface terrestre; mais il est impossible de déduire, de l'é- tat actuel des choses, la série'entière des mutations qu'elles ont dû parcourir avant d'y arriver. Quant à la loi bien connue par laquelle on a voulu relier les distances des planètes au Soleil , on en a constaté nu- mériquement l'inexactitude pour les intervalles qui séparent Mercure, Vénus et la Terre ; d'ailleurs, elle est en contradiction manifeste avec la notion même de série, à cause du premier terme qu'on y suppose. Les onze planètes principales qui conqiosent à pré- sent le système solaire, sont accompagnées, dansleurs mouvements, par quatorze planètes secondaires (/«wes ou sale Ht les) , dont l'existence est incontestable; ce dernier uondjre s'élèverait même plus haut si on le- — 104 — liait compte des quatre satellites dont la réalité est moins bien établie. Ainsi, les planètes principales sont h leur tour les centres des mouvements de systèmes subordonnés. Évidemment la nature a procédé dans les formations célestes comme dans le règne de la vie organique, où nous voyons si souvent les classes se- condaires reproduire les types primitifs autour des- quels les animaux et les végétaux viennent se grouper. Les satellites sont plus nombreux vers les régions extrêmes du monde planétaire, au delà des orbites si étroitement assemblées de ce qu'on nomme les petites planètes. Mais, du côté opposé, les planètes sont dé- pourvues de lunes, excepté la Terre, dont le satellite est proportionnellement ti'ès-grand , car son diamètre est le quart de celui de notre globe, tandis que le plus grand satellite connu, la sixième lune de Saturne, est linéairement dix-sept fois plus petit que cette dernière planète. Ce sont précisément les planètes les plus éloignées du Soleil, les plus grandes, les moins denses et les plus aplaties, qui possèdent le plus de satellites; Uranus lui-même ne fait excei>tion à cette remarque sous aucun ra})porl, car son aplatissement, Uxé, par les nouvelles recbercbes de Maedler, à -p^, dépasse celui de toutes les autres planètes. Mais dans ces sys- tèmes éloignés , la différence entre les satellites et l'astre central quant aux diamètres et aux masses, est beaucoup })lnsj»iononcée que dans le système analo- gue lorni(''iiarlaTeircetlaLune(iO, dont la distanceest de 38,400 myriamètres(ol ,800 milles géograpbiques). Les relations de densité y sont aussi tout à fait dille- — 105 — rentes, car la densité de la Lune est | de celle de la Terre, tandis que le deuxième satellite de Jupiter pa- raît être plus dense que sa planète centrale , s'il est permis toutefois d'ajouter une confiance entière à des déterminations aussi délicates, que celles des masses et des volumes de ces satellites. Parmi tous ces systèmes secondaires, du moins parmi ceux dont la théorie ofl're un certain degré d'exactitude , le plus singulier est assurément le monde de Saturne. Les cas extrêmes en fait de gran- deurs absolues et de distances des satellites à la pla- nète centrale, s'y trouvent réunis. Ainsi, le sixième et le septième satellite de Saturne sont énormes ; dans l'ordre des volumes, ils passent avant tous ceux de Ju- piter; peut-être même le sixième satellite ne dif- fère-t-il guère de Mars, dont le diamètre est préci- sément le double du diamètre de notre Lune. Au contraire , les deux satellites les plus voisins de Sa- turne, que William Herschel découvri t en 1 787, à l'aide de son télescope de 40 pieds, les mêmes qui, plus tard, furent revus à grand'peine par John Herschel au Cap de Bonne-Espérance, par Yico à Rome, et par La- mont à Munich , ces deux satellites sont, disons-nous, avec ceux d'Uranus , les astres les plus petits et les plus difQciles à voir de tout notre système solaire ; les plus puissants télescopes n'y sauraient suffire, il Aiut encore savoir choisir les circonstances favorables. Au reste, les disques apparents de tous ces saleliites sont extrêmement petits, et la délermi nation de leurs dimensions réelles ne peut s'obtenir que [)ar des me- 8 — 106 — sures luirromélriqiu's où l'on reucontie à la fois Ions les genres de dilïieullés; heurensenienl raslrononiio qui représente par des nondjres les mouvenienls des astres, tels qu'ils apparaissent à un observateur place sur la terre, l'asironomie calculatrice, en un mol, a bien moins besoin de connaître exactement les vo- lumes que les masses et les distances. De toutes ces planètes secondaires, c'est le septième satellite de Saturne qui s'écarte le plus de sa planète centiale. Sa dislance dépasse un tiers de million de myriamètres; elle est donc décuple de celle de la Lune h la Terre. Dans le monde de Jupiter, le dernier satellite est éloigné de 193,000 myriamètres; il est vrai que dans celui d'Uranus celle distance attein- drait 252,000 myriamètres, si l'existence du sixième satellite était bien constatée. Pour achever de mettre en relief ces singuliers contrastes, comparons actuel- lement le volume de chaque }>lanète centrale aux di- mensions de l'orbite où circule son dernier satellite. Les distances des satellites extrêmes de Jupiter, de Saturne et d'Uranus, exprimées en rayons de leurs planètes centrales respectives, sont entie elles comme 91, 64 et 27 : le septième satellite de Saturne [)araît alors à peine [»lus éloigné du centie de Salurne que ne l'est noire Lune du centre de la Terre; la dillércnco n'est que de ,'... Le satellite le plus rapproché de sa planète ccnliale est, sans contredit, le jjremier satellite de Saturne, ([u\ nous oflVe en outre l'exemple unique d'une révolution tout entière accomplie en moins de vingt-(|uatie heures. Sa distance, exprimée en demi- — 107 — diamètres de Saturne , est 2,47 d'après Maedler, ce qui revient à 14,857 niyriamètres ; elle se réduirait à 8808 myriamètres, si on la comptait à partir de la surface de Saturne, et à 912 myriamèlres à pailir du bord extëi'ieur de l'anneau; c'est une bien faible dis- lance, et l'on comprendra qu'un voyageur puisse s'en faire aisément une idée, si Ton se rappelle l'assertion d'un hardi navigateur, le capitaine Beeciiey, qui dit avoir parcouru 18,200 milles géographiques (13,500 myriamètres) en trois ans. Enlin, si, au lieu de com- parer entre elles les distances absolues, on continue à les évaluer en rayons de chaque planète centiale, on trouve que la distance du quatrième satellite de Ju- piter au centre de cette planète , distance qui dépasse en réalité de 4800 myriamètres celle de la Lune à la Terre, se réduit à six fois le demi-diamètre de Ju- piter, tandis que la Lune est éloignée de nous de 60 1 rayons terrestres. Au reste, les relations mutuelles des satelHles et leurs rapports avec la planète centrale, prouvent que ces mondes secondaires sont soumis aux lois de la gravitation qui régissent les mouvements des pla- nètes autour du Soleil. De même que celles-ci , les douze satellites de Saturne^ de Jupiter et de la Terre, se meuvent de l'occident à l'orient dans des ellipses peu différentes du cercle ; la Lune et le premier satel- lite de Saturne, dont l'excentricité est 0,0C8, sont les seuls dont l'orbite soit plus elliptique que l'orbite de Jupiter; l'orbite du sixième satellite de Saturne, qui a été pour Bessel l'objet d'observations si précises. — 108 — ollro unccxcciUricilé de 0.029, siii>(-'i'iciire pai" consé- quent à celle de la Terre. Aux confins du monde plané- taire , dans ces régions éloignées de dix-neuf rayons de Torbite terrestre , où la force centrale du Soleil se trouve déjà notablement affaiblie, le système des sa- tellites d'Uranus présente des anomalies vraiment étranges : tandis que les autres satellites parcourent, comme les planètes, des orbites peu inclinées sur le plan de l'écliptique et se meuvent de l'occident vers l'orient, sans même en excepter l'anneau de Saturne, qu'on pourrait assimiler à une agrégation de satel- lites fondus ensendjle ou du moins invariablement liés entre eux , les satellites d'Uranus, au contraire, se meuvent de l'est h l'ouest dans des plans situés pres- que perpendiculairement à l'écliptique. Les obser- vations que sir John llerscbel a poursuivies pendant plusieurs années conlirment parfaitement ces sin- gularités. Si les plauèlcs et leurs satellites ont été formés par la condensation des atmosphères primi- tives du Soleil et des planètes principales; si ces at- mosphères se sont divisées successivement en an- neaux lluides animés d'un mouvement de rotation, il faut que des effets de retardation ou de réaction bien énergiques se soient produits, d'une manière in- connue, dans les anneaux d'Uranus, pour que les mouvements du deuxième et du quatrième satellite se trouvent ainsi dirigés en sens inverse de la rotation de la planète centrale. 11 est extrêmement probable que le temps de la lo- lalion de chaque satellite autour de son axe, est égal — 109 — an temps que chacun de ces astres emploie à faire sa révolution sidérale autour de la planète qu'il escorte; d'où l'on conclut que le satellite doit toujours pré- senter la même face à la planète. En réalité , l'accord de ces deux périodes ne saurait être rigoureux, h cause des inégalités dont la révolution sidérale est pério- diquement affectée ; telle est la cause de la libration apparente , c'est-à-dire d'une sorte de balancement dont l'amplitude , pour la Lune, atteint plusieurs de- grés, tant en longitude qu'en latitude. C'est ainsi que nous découvrons successivement un peu plus de la moitié de la surface de notre satellite, la partie nou- vellement visible étant tantôt vers l'est, tantôt vers l'ouest du disque apparent. Ces petits mouvements libratoires et d'autres du même genre qui se mani- festent vers les pôles, placent mieux en vue, à certaines époques, des parties intéressantes, telles que le cir- que de Malapert, qui cache parfois le pôle austral de la Lune , les contrées arctiques qui entourent le cratère de Gioja, et la grande plaine grisâtre, située prèsd'En- dymion, dont l'étendue surpasse celle du Mare vapo- rum (41). Cependant, les ~ de la surface entière de la Lune échappent à nos regards, et resteront éternelle- ment cachés pour nous , sauf l'intervention peu pro- bable de nouvelles forces perturbatrices. La contem- plation de ces belles lois du monde matériel invite l'esprit à chercher quelque analogie dans le monde de l'intelligence, et l'on pense alors h ces régions inabor- dables où la nature a caché le mystère de ses créa- tions : elles paraissaient aussi destinées h rester igno- — 110 — réos à jamais, o{ poiirtanl,(lcsièclo on sioclo, la naliiro nous on a dôvoilô do iaiiilos parlios, où 1 liomnio a pu saisir une vérité, quelquefois une illusion de plus. Jusqu'ici, nous avons considéré comme produits d'une vitesse initiale, et comme reliés entre eux par le lien puissant d'une attraction réciproque, d'abord les planètes, puis les satellites et les anneaux con- centriques en forme d'arche non interrompue , dont une des planètes les plus éloignées nous olfre un exemple ; il nous reste encore à signaler (Vautres corps qui se meuvent aussi autour du Soleil dont ils rétlé- chisscnt la lumière, et d'abord, l'innondjrable essaim des comètes. Quand on discute suivant les règles du calcul des probabilités, la répartition uniforme des oi-bites de ces astres, les limites de leurs plus courtes distances au Soleil, et la possibilité qu'ils échappent aux regards dos habitants de cotlo terre, on est con- duit à leur assigner un nondjre dont l'énormité élonne l'imagination. Déjà Kepler disait, avec celte vivacité d'ex[)ression qu'il possédait à un si haut degré : « Il y a plus de comètes dans le ciel que de poissons dans rOcéan. » Et pourtant le nombre des orbiles cal- culées jusqu'ici atteint à i)eine 150. Il est vrai de dire qu'on évalue à six ou sept cents le nond)re des co- mètes dont l'apparition et la course à travers des con- stellations connues, se trouvent constatées par des documents i)lus ou moins authonli(iuos. Tandis que les [K'uplos classi(pios do rOccidonI, les llomains et les Grecs, se )>urnaionl ;» indi(pior, de tom[>s à autre, le lieu du ciel où une comète faisait son apparition, sans — 111 — jamais rien préciser sur sa trajectoire apparente, es Chinois , au contraire , observaient et notaient avec soin tous ces phénomènes : leurs riches annales con- tiennent des détails circonstanciés sur la route suivie par chaque comète ; ces documents remontent à plus de cinq siècles avant l'ère chrétienne , et les astro- nomes en tirent encore aujourd'hui des résultats utiles (42). De tous les astres de notre système solaire , les co- mètes, avec leurs queues longues parfois de plusieurs millions de lieues , sont ceux qui remplissent les plus grands espaces d'une moindre quantité de matière. En effet, il est impossible de leur attribuer une masse équivalente au 7— j de la masse terrestre , du moins si l'on s'en tient aux seules données que l'on possède en- core sur ce sujet; et cependant le cône li([uer ce phénwnène exceptionnel, à certaines modifications — 116 — do la polariic agissant siicccssivcniont cl piovoqiianl ces deux couranls de malière nél)ulouse qui se se- raient ensuite librement continués (4-7)? On trouve dans la philosophie naturelle d'Aristote un rappro- chement bizarre entre la voie lactée et les phéno- mènes que nous venons de décrire. Les étoiles in- nombrables dont elle est composée, formeraient dans le firmament une zone incandescente (lumineuse), que le Stagirite présente comme une immense comète dont la matière se renouvellerait sans cesse (48). Les occultations d'étoiles par le noyau d'une co- mète ou par la couche atmosphérique (|ui renloure immédiatement , jetteraient un grand jour sur la con- stitution physique de ces astres remarquables, s'il existait des observations où Ion pût se convaincre que l'occultation a été réellement bien centrale (49) ; mais cette condition est difiicilement remplie, à cause des couches concentriques de vapeurs alternativement denses et rares qui entourent le noyau, et dont il a déjà été question. Voici pourtant un fait de ce genre que les mesures exécutées par Bessel;, le 29 septembre 1835, ont mis hors doute. Une étoile de dixième gran- deur se trouvait alors à 7", 78 du centre de la tète de la comète de Ilalley, et sa lumière dut traveiser une partie fort épaisse de la nébulosité ; or , le rayon lu- mineux ne fut nullement dévié de sa direction recti- ligne (50). Une absence aussi complète de pouvoir ré- fringent ne permet guère d'admetti-e que la mal ière des comètes soit un iluide gazi'i forme. Faut-il l'ccourir à l'hypothèse d'un gaz presque infiniment raréfié, ou — 117 — bien les comètes consistent-elles en molécules indé- pendantes dont la réunion formerait des nuages cos- miques dépourvus de la faculté d'agir sur les rayons lumineux , de même que les nuages de notre atmos- phère , qui n'altèrent point les distances zénithales des astres que nous observons ? Quant à l'affaiblisse- ment de lumière que les étoiles paraissent éprouver par l'interposition de la substance cométaire , on l'a justement attribué au fond éclairé sur lequel se pro- jettent alors leurs images. Nous devons aux recherches d' Arago sur la polari- sation, les données les plus importantes et les plus dé- cisives sur la nature de la lumière des comètes. Son polariscope lui a servi à résoudre les plus difficiles problèmes sur la constitution physique du Soleil, comme sur celle des comètes; cet instrument permet, dans beaucoup de circonstances, de décider si un rayon de lumière qui arrive jusqu'à nous après avoir parcouru un espace quelconque, est un rayon direct, un rayon réfléchi ou un rayon réfracté, et si la source de lumière d'où il émane est un corps solide, liquide ou gazeux. A l'aide de cet appaieil^ la lumière de la Chèvre et celle de la grande comète de 1819 furent analysées simultanément à l'Observatoire de Paris : la lumière de l'étoile fixe se comporta comme on de- vait s'y attendre , c'est-à-dire comme doivent le faire des rayons émis, sous toutes les inclinaisons et dans tous les azimuths possibles, par un soleil brillant de son propre éclat; mais la lumièie de la comète parut polarisée, il y avait donc de la lumière réfléchie (51). — 118 — J^'oxisience de rayons polarises dans la lumière qui nous vient des eomèles ne fui poinl seulenienl con- slalée par l'inégalité d'éclal de deux images ; une preuve nouvelle en fut donnée par le contraste en- core plus rra})panl des couleurs complémentaires, basé sur les lois de la polarisation chromali(}ue dont Arago avait Tait la découverte en 1811. Ces observa- tions furent renouvelées, avec le même résultat, en 1835 , époque de la dernière apparition de la comète de Ilalley. Cependant , ces brillants travaux ne per- mettent pas encore de décider si de la lumière propre aux comètes ne se mélange point h la lumièie solaire que ces astres rétléchissent ; or , c'est là une condji- naison dont certaines planètes , telle que Vénus, ol- frent un exemple assez probable Il n'est guère possible d'attribuer toutes les varia- tions qu'on a remarquées dans Téclat des comètes à leurs changements déposition par rapport au Soleil. Elles peuvent naître aussi de la condensation pro- gressive et des modilications qui doivent survenir dans le pouvoir rélléchissant des matières qui les con- stituent, lîévélius trouva que le noyau de la comète de 1618 diminua vers Tépocpie de son passage au pé- rihélie, et qu'il se dilatait à mesure que 1 astre s'éloi- gnait du Soleil. Ces faits remanpiables furent long- temps négligés , et ce fut Valz qui en renouvela robscrvalion siii' la comèteà courte période; Ihabile astronome de Marseille lit voir avec (juelle régularili'^ son volume décroît en juème tenq>s (pie son rayon vecteur, mais il paraît bien diiïicile d'en chercher l'ex- — 119 — plicaliou dans raction d'un éllier cosmique, plus con- densé vers le soleil ; car il faudrait alors se représen- ter l'atmosphère de la comète comme une masse ga- zeuse impénétrable à cet élhcr (52). Grâce aux formes si variées des orbites cométaires, l'astronomie solaire s'est enrichie, dans ces derniers temps, d'une brillante découverte. En 1819, Encke démontra l'existence d'une comète à courte période; cette comète ne quitte jamais l'enceinte où les planètes se meuvent, et le point de son orbite le plus éloigné du soleil se trouve compris entre la région des petites planètes et celle de Jupiter. Son excentricité est0,845 ( celle de Junon, la plus forte de toutes les excen- tricités planétaires, est 0,255). La comète d'Encke a été vue à l'œil nu h diverses reprises , notamment en 1819 en Europe , et par Rûmker en 1822 dans la Nouvelle-Hollande , mais toujours avec difiiculté. Le temps de sa révolution est d'environ trois ans et demi. Il ressort d'une comparaison soigneuse des retours successifs au périhélie, ce fait capital, que les périodes comprises entre 1786 et 1838 ont diminué régulière- ment de révolution en révolution ; la variation totale pour les cincpiante-deux ans est de 1 jour et ,-j. Pour accorder ensemble les calculs et les observations, il n'a pas sufïi de tenir un compte exact des perturbations planétaires , il a encore fallu recourir à une hypo- thèse, du reste très vraisemblable , et supposer f|ue les espaces célestes sont reniplis par une matière lluide excessivement ténue, qui opposeiait une cer- taine résistance aux mouvements , diminuerait la — 120 — force langoiUielle, el par i.ons(kj lient aussi les grands axes des orbites eoniëlaires. La valeur de la constante de cette résistance paraît être un peu différente avant et après le passage de la comète à son périhélie, peut- être à cause des variations de forme que subit alors celte petite nébulosité , ou de la densité vaiial^le des couches formées par Téther cosmique (53). Ces faits, ainsi que les théories qu'ils ont fait naître, sont assu- rément une des plus intéressantes parties de l'astro- nomie nouvelle. Ajoutons que les calculs des pertur- bations de la comète d'Encke ont fourni l'occasion de soumettre à une épreuve délicate la masse de Jupiter qui joue un si grand rôle en astronomie, et apporté une diminution sensible à la masse de Mercure. A cette première comète à courte période vint s'en joindre bientôt une seconde ( en 1 826 ) , également planétaire, dont l'aphélie est situé par delà lorbite de Jupiter, mais bien loin encore do celle de Saturne. La comète de Biela accomplit sa révolution autour du So- leil en 6 ans ~. Elle est encore plus faible que celle d'Encke; elle se meut, comme celle-ci, dans le même sens que les planètes, tandis que la comète de Ilalley est rétrograde. Cest le seul cas qui se soit i)résenté jusqu'ici d'une comète qui cou[)e l'orbite teriestre, et qui pourrait occasionner une catastrophe par sa ren- contre avec la Terie, si toutefois il est permis d'em- ployer un ])areil terme en parlant d'un phénomène inouï dans l'histoire, et dont les conséquences échap- pentii toute appréciation, llestviai, de faibles masses animées d'une vitesse énorme pourraient produire — 121 — des effets considérables ; mais après avoir prouvé qu'il est impossible d'attribuer à la comète de 1770 une masse égale à la cinq millième partie de celle de la Terre, Laplace, montre qu'on peut admettre, avec un certain degré de probabilité, que la masse moyenne des comètes est bien inférieure à ~n ^^ ^^^^^ ^^ ^^ Terre [environ ^i— de la masse de la Lune] (54). Quoi qu'il en soit, il faut se garder de confondre la ren- contre de la Terre et de la comète de Biela , avec le passage de celle-ci à travers notre orbite; ce pas- sage s'est effectué le 29 octobre 1832 , mais la Terre était alors située à une distance telle de ce point de son orbite , qu'il lui fallait un mois entier pour y arriver. Les orbites de ces deux comètes h courte période se coupent aussi , et l'on a justement remarqué que les fortes perturbations auxquelles ces petits astres sont soumis pourraient bien amener leur rencontre (55) ; si elle avait effectivement lieu vers le milieu d'octobre , les habitants de la terre auraient le merveilleux spec- tacle du choc de deux corps célestes, ou plutôt d'une pénétration mutuelle, peut-être d'une agglutination qui les réunirait en un seul corps, mais peut-être aussi les verrions-nous se dissiper complètement dans l'espace. De telles conséquences de l'action pcr^ lurbalrice des masses prépondérantes, ou de la si- tuation relative d'orbites qui se sont toujours croi- sées, pourraient s'être réalisées fréquemment, depuis des m illieri^^ siècles , dans l'immensité des cieux; ces événeme^Pn'en seraient pas moins des accidents isolés, sans action sur les grands faits généraux , et — ■ 122 — sans plus cVinducncc que IV-rupllon ou roblitera- tion cFun volcan n'en peuvent avoir sur l'élroit do- maine que nous occupons. Une troisième comète à courte période a e'té dé- couverte par Faye , l'année dernière (22 nov. 1843), h l'Observatoire de Paris. Son orbite elliptique se rapproche plus de la forme circulaire que celle d'au- cune autre comète connue; elle est comprise entre Forbite de Mars et l'orbite de Saturne. La comète de Faye, qui, d'après les calculs de Goldschmidt, dépasse, à son aphélie, la région de Jupiter, appartient au petit nombre de comètes dont le périhélie est situé au delà de l'orbite de Mars. Sa période est de sept ans -^ , et la forme actuelle de son orbite est due peut- être à l'action perturbatrice de Jupiter, dont cette comète fut très-voisine, vers la fin de l'année 1 839. Si nous considérons toutes les comètes à orbites el- liptiques comme parties intégrantes du monde solaire, et si nous les rangeons dans l'ordre de leurs grands axes et de leurs excentricités, nous en trouverons plusieurs qu'on peut placer immédiatement après les trois comètes planétaires d'Encke, de Biela et de Faye: d'abord, la comète découverte par Messier en 1766, que Clausen regarde comme identique à la troisième comète de 1 819 ; puis la quatrième comète de cette der- nière année, découverte par lîlanpain, et dontClausen a signalé l'analogie avec la comète directe de 1743 (cette comète auiait, comme celle dojnell, éprouvé de fortes perturbations de la part d(^JIq>iler) ; leurs périodes paraissent être de cinq à six ans, et leurs — 123 — nplirlios lombenl dans la région de Jupilcr. Ensuite viennent les comètes dont la période est comprise entre soixante-dix et soixante-seize ans ; ce sont : la comète de Halley, qni a joué un rôle si important pour la théorie et la physique du ciel; sa dernière réappa- rition (J835) fut moins brillante que les précédentes; la comète d'Olbers (6 mars 1815), et celle qui fut dé- couverte par Pons en 1812, et dont l'orbite elliptique a été calculée par Encke. Ces deux dernières n'ont jamais été visibles à l'œil nu. Nous connaissons actuellement neuf apparitions certaines de la grande comète de Halley; car des calculs récents, dont Laugier a puisé les éléments dans la nouvelle table des comètes extraite, par Edouard Biot, des Annales chinoises, ont établi l'identité de la comète de 1378 avec celle de Halley (56). De 1378 à 1835 , le temps de la révolution de la comète de Halley a varié de 74,91 h 77,58 ans : la période intermédiaire a été de 76,1. Cette classe de comètes contraste avec un autre groupe d'astres de même genre, dont la période, tou- jours incertaine et difficile à déterminer, embrasse plusieurs milliers d'années. Telle est la belle comète de 1811, qui emploie 3000 ans, d'après les calculs d'Argclander, à accomplir sa révolution, et l'ef- frayante comète de 1680, dont le temps périodique dépasse quatre-vingt-huit siècles, suivant Encke. Ces astres s'éloignent du soleil, l'un à vingt-un, l'autre à quarante-quatre rayons de l'orbile d'Uianus, c'est- à-dire à 6200 et à 13,000 millions de myriamèlres. — 124 — La force allraclivc du Soleil s'exerce donc encore à ces énormes dislances ; mais aussi , la comcle de 1680, qui parcourt 393 kilomètres par seconde à son périhélie , et dont la vitesse est alors treize fois plus grande que celle de la Terre, ne se meut à son aphélie qu'à raison de 3 mètres à peine par se- conde; c'est à peu près le triple de la vitesse de nos fleuves d'Europe, et ce n'est que la moitié de celle que j'ai constatée dans un bras de FOrénoque, le Cassiquiare. Certes, parmi les comètes que l'on n'a pu calculer, et dans le nombre immense de celles qui ont passé inaperçues, il doit s'en trouver plu- sieurs dont le grand axe dépasse beaucoup celui de la comète de 1680. En nous bornant à cette dernière, nous citerons quelques nombres, afin d'aider l'esprit à se faire une idéC;, non de l'étendue qu'embrasse la sphère d'attraction des autres soleils, mais seu- lement de la dislance qui les sépare encore de l'a- ph('lie déjà si reculé de celte comète. D'après les ré- centes déterminations de la parallaxe des étoiles les plus proches, leur dislance au Soleil serait deux cent cinquante fois plus grande que la distance de l'aphélie de la comète de 1680; car cette dernière distance équivaut à quarante-quatre rayons de l'orbite d'I la- nus, tandis que celle de a du Centaure en contient 11,000, et celle de la 61" du Cygne, 31,000. Après nous cire occupé des cas où les comètes s'éloignent le plus de l'astrQ central, il nous reste à parler des plus courtes dislances qui aient été mesurées. La comèlc de Lexell et de Burckhardt — 12o — ( 1770), célèbre à cause des fortes perturbalions qu'elle a éprouvées de la part de Jupiter, s'est rap- prochée de la Terre plus que toute autre comète ; le 28 juin, sa distance était égale à six fois la distance de la Lune. Cette même comète traversa deux fois, à ce qu'il paraît (en 1767 et en 1779) , le système des quatre satellites de Jupiter, sans faire éprouver le moindre dérangement à ces petits astres, dont les mouvements sont si bien connus. La distance de la comète de 1680 au Soleil fut huit ou neuf fois moin- dre que celle de la comète de Lexell à la Terre; le 17 décembre, jour de son passage au périhélie, celle distance n'était que le sixième du diamètre solaire, ce qui revient aux ^ de la distance de la Lune. Quant aux comètes dont le périhélie dépasse l'orbite de Mars, elles sont rarement visibles pour les habitants de la Terre , à cause de leur éloigne- menl. Pourtant la comète de 1729 atteignit son pé- rihélie dans la région située entre les orbites de Pal- las et de Jupiter; elle fut même observée par delà cette dernière planète. Depuis que les connaissances scientifiques, mé- langées de quelques notions imparfaites et confuses, ont pénétré plus avant dans la société, on s'est pré- occupé plus qu'autrefois des catastrophes dont nous sommes menacés par le monde des comètes ; mais ces craintes ont pris une direction moins vague. La cer- titude qu'il existe, au sein même de noire monde i)la- nélaire, des comètes qui reviennent, à de courts inler- vallos, parcourir les régions où la Terre exécute ses — 126 — mouvements ; les perliirl)alions considérables que Ju- piter et Saturne produisent dans leurs orbites, pertur- bations dont le résultat peut être de transformer un astre indifférent en un astre redoutable; la comète de Biela, qui traverse l'orbite de la Terre ; cet éther cos- mique dont la résistance tend à rétrécir toutes les or- bites ; les différences individuelles de ces astres qui laissent soupçonner les degrés les plus divers dans la quantité de matière dont leurs noyaux sont formés; tels sont actuellement les motifs de nos appréhensions, et ils remplacent, par leur nombre, les vagues ter- reurs qu'ont inspirées aux siècles plus reculés ces épées enflammées, ces étoiles chevelues qui menaçaient le monde d'un embrasement univerel. Les motifs de sécurité qu'on a empruntés au calcul des probabilités s'adressent à l'entendement, éclairé par une étude raisonnée du sujet, mais ils ne sauraient produire la conviction profonde qui résulte de l'as- sentiment de toutes les forces de notre âme; ils sont impuissants sur l'imagination; et le reproche qu'on a fait à la science moderne de vouloir étouffer les pré- occupations qu'elle a elle-même éveillées, n'est pas dénué de justesse. Toujours l'imprévu, l'extraordi- naire, feront naître la crainte, jamais la joie ni l'espé- rance (37) ; c'est là une secrète loi de la nature humaine qu'un investigateur sérieux ne doit pas méconnaître. Aussi, dans tous les pays, îi toutes les époques, l'aspect étrange d'une comète, la lueur blafarde de sa cheve- lure, son apparition subite dans le firmament, ont-ils produit sur l'esprit des peuples l'effet d'une puissance — 127 — redoutable, menaçante pour l'ordre anciennement établi dans la création; et comme le phénomène est li- mité à une courte durée , il en résulte la croyance que son action doit être immédiate ou du moins prochaine ; or, les événements de ce monde offrent toujours , dans leur enchaînement, un fait que l'on peut regarder comme l'accomplissement d'un présage funeste. On dirait pourtant que les tendances populaires ont pris, à notre époque , une autre direction , et qu'elles ont revêtu une forme moins sombre : c'est ainsi que, dans les gracieuses vallées du Rhin et de la Moselle, on ac- corde à ces astres , si longtemps calomniés , une in- fluence bienfaisante sur la fécondité des vignobles. A notre époque, les comètes abondent, et les faits con- traires à ce mythe météorologique n'ont pas manqué ; mais rien n'a pu él^ranlcr la croyance nouvelle que ces astres errants amènent de la chaleur. J'abandonne maintenant ce sujet pour passer à une autre série de phénomènes encore plus mystérieux ; je veux parler de ces petits astéroïdes dont les frag- ments prennent le nom de pierres météoriques ou à\iéroliihes , dès qu'ils ont pénétré dans notre atmo- sphère. Si j'aborde ici, comme pour les comètes, des détails qui peuvent paraître, de prime abord, étran- gers au plan de cet ouvrage , ce n'est pas sans y avoir mûrement réfléchi. Nous avons montré tout ce que les caractères distinctifs de ces derniers astres ont de variable et d'individuel, et combien la science , si avancée sous le rapport des mesures et des calculs , paraît en retard dès qu'il s'agit de la constitution phy- — 128 — siqiic (les comètes. C'est qu'en effet il n'est guère pos- sible actuellement de discerner, au milieu de cette masse d'observations plus ou moins exactes, les fiiits généraux et essentiels des accidents ou des particula- rités. Les choses étant ainsi, nous avons du nous borner à décrire les principaux caractères pliysiciucs, ce qu'on pourrait appeler les différences de physio- nomie, à comparer les durées des révolutions, à si- gnaler enfin les variations extrêmes, soit dans les dimensions des orbites, soit dans les distances aux astres les plus importants. Dans ces phénomènes, comme dans ceux dont nous allons parler, les types individuels dominent forcément l'ensemble du ta- bleau ; pour atteindre à la réalité , il faut faire res- sortir plus énergiquement les contours. Tout porte à croire que les étoiles filantes, les bo- lides et les pierres météoriques sont de petits corps qui se meuvent autour du Soleil en décrivant des sec- tions coniques, et en obéissant de tout point, connue les planètes, aux lois générales de la gravitation. Quand ces corps viennent à rencontrer la Terre, ils deviennent lumineux aux limites de notre atmo- sphère, et souvent alors ils se divisent en fi'agmcn[s, recouverts d'une couche noirâtre et brillante, qui londjcnt dans un étal de caléfaction plus ou moins marqué. Une analyse minutieuse des observations qu'on a pu recueillir à certaines époques où les étoiles lilantes apparaissent péri()di(iuemenl (à Cu- niana en 1709, et dans l'Américpie du Nord en 1833 et en 1834) , n'a pas permis de considérer les bolides — 129 — et les éloiles filantes comme deux ordres de pliéiio- mènes distincts ; non-seulement les étoiles filantes sont souvent entremêlées de bolides , mais encore leurs disques apparents , leurs traînées lumineuses et leurs vitesses réelles n'offrent que. des différences de grandeur, et non des différences essentielles. Tan- dis qu'on voit d'énormes bolides, accompagnés de fu- mée et de détonations, éclairer le ciel d'une lu- mière assez vive pour être sensible , même en plein jour (08), sous l'ardent soleil des tropiques, on voit aussi des éloiles filantes si petites qu'elles ap- paraissent comme autant de points traçant sur la voûte céleste d'innombrables lignes phosphores- centes (59). Mais ces corps brillants, qui sillonnent le firmament d'étincelles stellaires, sont -ils tous d'une seule et môme nature? C'est une question qu'il faut laisser actuellement sans réponse. Je revins des zones équinoxiales sous cette impression que, dans les plaines ardentes des tropiques, comme à 4 ou 5 mille mètres au-dessus du niveau de la mer, les étoiles filantes sont plus fréquentes, plus riche- ment colorées que dans les zones froides ou tem- pérées; mais c'est dans la pureté et dans l'admi- l'able transparence de l'atmosphère de ces contrées qu'il faut en chercher la cause (60); là, notre re- gard pénètre plus facilement les couches d'air qui nous entourent. C'est aussi à la pureté du ciel de Bokhara que sir Alexandre Burnes attribue « le ma- gnifique si)ectacle, sans cesse renaissant, des étoiles filantes à couleurs variées » qu'il put y admirer. — 130 — An phénomouo l)rillant des ])olitlcs vicnnonl se ral- laclier les chiUcs de pierres météoriques qui s'en- foncent parfois dans le sol jusqu'à 3 el 5 mètres de profondeur. Cette dépendance mutuelle est établie par des faits nombreux, et surtout parles observations fort exactes que Ton possède sur les aérolithes qui tond)èrent à Barbolan dans le département des Landes (24 juillet 1790), à Siene (16 juin 1794), à Weston dans le Connecticut (14 décembre 1807), et à Juvenas, département de l'Ardèche (15 juin 1821). Ces phénomènes se présentent aussi sous un tout autre aspect : d'abord , un petit nuage très-obscur apparaît subitement dans un ciel serein ; puis , au mi- lieu d'explosions qui ressemblent au bruit du canon, les masses météoriques sont précipitées sur le sol. On a vu quelquefois ces nuages parcourir des contrées entières et en semer la surface de milliers de frag- ments très-inégaux, et de nature identique. On voit aussi, mais plus rarement, les aérolithes lond)er d'un ciel parfaitement pur, sans formation préalable d'aucun nuage précurseur; ce cas s'est pré- senté, il y a quelques mois (16 septembre 1843), lors du grand aérolithe qui loml)a, avec un fracas sendjlable à celui de la foudre, à Kleinwenden, non loin de Mulhouse. Enfin, des faits établissent une analogie intime entre les étoiles filantes et les bolides qui lancent sur la terre des pierres météoriques ; car il arrive souvent que ces bolides atteignent à peine les dimensions des petites étoiles de nos feux d'arti- fices. — 131 — Oiiclle est ici la force productrice? quelles sont les actions ou physiques ou chimiques qui sont en jeu dans ces phénomènes ? Les molécules dont se com- posent ces pierres météoriques si compactes, étaient- elles originairement à l'état gazeux ou simplement disséminées commo dans les comètes, et se sont- elles condensées dans l'intérieur du météore au mo- ment même où elles commencèrent à briller à nos yeux ? Que se passe-t-il dans ces nuages noirs où il tonne des minutes entières avant que les aérolithes en soient précipités ? Faut-il croire que ces étoiles fdantes laissent tomber aussi quelque matière com- pacte , on bien seulement une sorte de brouillard,, de poussière météorique formée de fer et de nic- kel (61)? Ces questions sont encore environnées d'une obscurité profonde. On a mesuré l'effrayante rapi- dité, la vitesse toute planétaire des étoiles filantes, des bolides et des aérolithes ; on connaît le phéno- mène dans ce qu'il offre de général , on a pu cons- tater une certaine uniformité dans les apparences; mais les antécédents cosmiques, les transmutations originaires de la substance restent complètement ignorés. Si les pierres météoriques circulent dans l'espace, déjà formées en masses compactes [d'une densité plus faible pourtant que la densité moyenne de la Terre] (62) , il faut admettre qu'elles ne forment qu'un petit noyau , entouré de gaz ou de vapeurs inflammables, dans ces énormes bolides dont les diamètres réels, déduits des hauteurs et des dia- — 132 — mrlros apparcnls , se sont Iroiivcs de 100 et de 850 mèlres. Les plus grandes masses météoriques que nous connaissions sont celles de Bahia, dans le Brésil, et celle d'Olumpa, dans le Chaco, que Rubi de Celis a décrites ; elles n'ont que 2 mètres et 2 mèlres et demi de longueur. Quant à celte pierre iV/Egos-Polamos, mentionnée dt»jà dans laclironi(pie de Paros et si célèbre dans l'antiquité , elle tomba vers l'époque de la naissance de Socrate : suivant la description qui nous en est restée , elle était grosse comme une double meule de moulin; son poids était celui de la cbarge entière d'une voiture. Malgré les tentatives que le voyageur Browne fit inutilement pour la découvrir, je ne renonce pas à l'espoir qu'un jour on pourra retrouver , plus de 2300 ans après sa chute, cette masse météorique dont la destruction ne me paraît guère admissible. Cet espoir est d'autant mieux fondé, que la Thrace est maintenant plus que jamais accessible aux Européens. Au commence- ment du x" siècle, il tomba un aérolithe colossal dans la rivière de Narni, et, d'après un document décou- vert par Perlz , il dépassait d'une aune entière le niveau des eaux. Il faut remarquer ici que toutes ces masses météoriques anciennes ou modernes, doi- vent être considérées comme les principaux frag- ments du noyau qui s'est brisé avec explosion , soit dans le bolide enflammé, soit dans le nuage obs- cur. Mais quand je considère l'énorme vitesse, ma- tliématiquemonl di.'monlrée, avec laquelle les i»ierros méléoriques se précipitent des couches extrêmes de — 133 — l'ataiosphère jusque sur le sol, et la courte durée de leur trajet, je ne puis me résoudre à croire qu'un si petit espace de temps ait suffi à condenser une ma- tière gazéiforme en un noyau solide, métallique, avec des incrustations parfaitement formées de cristaux d'olivine, de labrador et de pyroxène. Au reste, toutes ces masses météoriques possèdent un caractère commun , quelles que soient les diffé- rences de leur constitution chimique interne ; c'est un aspect bien prononcé de fragment , et souvent une forme prismatique ou pyramidale à sommet tronqué , h faces larges et un peu courbes, à angles arrondis. Or, d'où peut provenir, dans ces corps qui circulent au milieu de l'espace, comme les planètes, cette forme fragmentaire signalée d'abord par Schreibers? Avouons-le, ici, comme dans la sphère de la vie orga- nique, tout ce qui se rattache aux périodes de forma- tion est entouré d'obscurité. Les masses météoriques commencent à briller ou h s'enflammer h des hauteurs où règne déjà un vide presque absolu. A la vérité, les nouvelles recherches que l'on doit h Biot sur l'important phénomène des crépuscules (63) , abaissent considérablement cette ligne qu'on nomme d'ordinaire , et peut-être avec trop de hardiesse , la limite de notre atmo- sphère ; d'ailleurs, les phénomènes lumineux peuvent se produire indépendamment de la présence du gaz oxygène , et Poisson inclinait à croire que les aéro- lilhes s'enflamment bien au delà des dernières cou- ches de noire enveloppe gazeuse. Mais cette partie de — 134 — la science, comme celle qui s'occupe dos aiilres corps plus grands dont se compose le syslème solaire, n'oll're de base solide à nos raisonnements et à nos racherches que là où le calcul et les mesures géomé- liiques peuvent s'appliquer. Déjà on 1G86, Ilalloy considérait comme un phéno- mène cosmique le grand météore qui parut à celle époque, et dont le mouvement s'effectuait en sens inverse de celui de la terre (64). Mais c'est à Chladni qu'appartient le mérite d'avoir le premier reconnu , en toute généralité , la nature du mouvement des bo- lides, et leurs rapports avec les pierres qui paraissent tomber de lalmospbère(G5). Plus tard, les travaux de Denison Olmsted, àNewhaven (Massachussets), con- firmèrent d'une manière éclatante l'hypothèse qui assigne à ces phénomènes une origine cosmique. Lors de l'apparition des étoiles filantes dans la nuit du 12 au 13 novembre 1833 , époque devenue depuis si célèbre, Olmsted mon Ira que, d'après le témoignage de tous les observateurs , les bolides aussi bien que les étoiles filantes paraissaient diverger d'un seul et même point de la voûte céleste, situé près de l'étoile y de la constellation du Lion ; ce point resta cons- tamment le point commun de divergence des météores, quoit^ue lazimulh et hi hauteur apparente de l'étoile eussent varié notablement pendant la longue durée des observations. Une telle indépendance du mouve- ment de rotation de la Terre prouve que ces météores venaient de r<''gi<»ns silu('es hors de notre atmosi)hère, cl (ju' avant de latteindre ils parcouraient les espaces — 135 — célestes. D'après les calculs d'Encke (06), bases sur l'ensemble des observations qui furent faites dans les Etats-Unis d'Amérique, entre les latitudes de 35" et de 40°, le point de l'espace d'oii ces météores semblaient tous diverger, était précisément celui vers lequel le mouvement de la Terre était dirigé à cette époque. Les apparitions de novembre se reproduisirent en 183i et en 1837, et furent toutes observées en Amérique ; ■celle de 1838 le fut à Brème : ces observations cons- tatèrent de nouveau le parallélisme général des tra- jectoires, ainsi que leur direction commune vers le point du ciel opposé à la constellation du Lion. Comme les étoiles fdantes périodiques affectent une direc- tion parallèle , plus généralement que les étoiles fi- lantes sporadiques, on a cru remarquer en 1839, dans l'apparition du mois d'août (les larmes de saint Laurent) que les météores venaient, pour la plupart, d'un point situé entre Persée et le Taureau, point vers lequel la terre se dirigeait alors. Un phénomène aussi frappant que la direction rétrograde de toutes ces orbites en novembre et en août , mérite certaine- ment d'être établi ou infirmé par les observations les plus exactes qu'on pourra recueillir h l'avenir. Rien n'est plus variable que la hauteur des étoiles fdantes, c'est-à-dire de la portion visible de leur tra- jectoire ; elle oscille entre 3 et 26 myriamètres. On doit cet important résultat , ainsi qu'une connais- sance plus exacte de l'énorme vitesse de ces problé- mali(iues astéroïdes , aux observations simultanées de Brandcs et de Benzenberg, et aux mesures de pa- — 136 — mllaxc qu'ils firent à l'aklc d'une base de 13,000 inèlres de longueur (67). Leur vitesse relative est de 4- I il 9 milles par seconde ; elle est donc de l'ordre de celle qui anime les planètes. D'abord , cette vi- tesse vraiment planétaire des bolides et des étoiles filantes (68) , puis la direction bien constatée des mouvements en sens inverse de celui de la Terre, tels sont les principaux arguments qu'on oppose d'or- dinaire à l'hypothèse qui attribue l'origine des aéro- liihes à de prétendus volcans lunaires encore en ac- tivité. Or_, quand il s'agit d'un petit astre dépourvu d'atmosphère, toute supposition numérique sur l'é- nergie des forces volcaniques est arbitraire de sa nature, et rien n'empêche d'y admettre une réaction de l'intérieur contre la couche extérieure cent fois plus énergique, par exemple, que dans nos volcans actuels. On peut encore expliquer comment des masses, lancées par un satellite dont le mouvement s'effectue de l'ouest à l'est, peuvent nous paraître ani- mées d'un mouvement rétrograde : il suffît pour cela que la Terre arrive plus lard que ces projectiles dans la partie de son orbite qu'ils auront traversée. Mais si on considère l'ensemble des l'ails dont j'ai dû laire rénumération, a(in d'éviter Ir rei»roche qui s'adresse aux théories hasardées, on trouve que l'hypothèse de l'origine sélénitique de ces météores suppose un con- cours de circonstances nombreuses, dont le hasard seul pourrait amener la réalisation (69). 11 est plus simple d'admettre l'existence de petites masses planétaires, circulant dès l'origine dans les espaces célestes, et celte — 137 — hypothèse s'accorde mieux avec les idées acceptées déjà sur la formation de noire système solaire. Il est très-probable que ces masses cosmiques pas- sent en grand nombre dans le voisinage de notre at- mosphère et continuent leur course autour du Soleil, sans avoir éprouvé d'autre effet de l'attraction du globe terrestre, qu'une modification dans l'excen- tricité de leur orbite ; sans doute, nous ne les revoyons ensuite qu'après de longues années et lorsqu'elles ont accompli un certain nombre de révolutions. Quant aux météores ascendants, que Chladni, moins bien inspiré cette fois, expliquait par la réaction des cou- ches d'air violemment comprimées pendant une chute rapide, on put voir d'abord, dans ces phénomènes, l'effet d'une force mystérieuse qui tendrait à lancer ces corps loin de la terre; mais Bessel a montré que de tels faits seraient théoriquement inadmissibles ; puis, en s'appuyant des calculs exécutés par Feldc avec le plus grand soin , il a prouvé que la réalité de ces prétendus faits s'évanouit, même dans les obser- vations qui paraissent l'établir, si l'on tient compte des erreurs inhérentes à l'appréciation simultanée, faite par deux observateurs éloignés, de la disparition d'une même étoile filante; ainsi, cette ascension des météores ne doit pas être considérée jusqu'ici comme un résultat de l'observation (70). Olbers pensait que les bolides enflammés pouvaient éclater et lancer verticalement des fragments , à la manière des fu- sées; il croyait (juc cette rupture altérerait, en cer- tains cas, la direction de leurs trajectoires; mais ces — 138 — vues doivent èlre l'objet d'observations nouvelles. Les étoiles lilanles tombent tantôt rares et isolées, c'esl-à-dire sporadiqtœs , tantôt en essaims et par milliers. Ces dernières apparitions, que les écrivains arabes ont comparées à des nuées de sauterelles , sont périodiques et suivent des directions généralement parallèles. Les plus célèbres sont celle du 12 au 14 novembre et celle du 10 août, jour de la fête de saint Laurent , dont les larmes brûlantes paraissent avoir été autrefois, en Angleterre, le symbole traditionnel du retour périodique de ces météores (71). Déjà Klœ- den, à Potsdam, avait signalé, dans la nuit du 12 au 13 novembre 1823, l'apparition d'une multitude d'étoiles filantes et de bolides de toute grandeur; en 1832, on vit le même phénomène dans toute l'Europe, depuis Porlsmouth jusqu'à Orenburg , sur les bords de l'Ou- ral, et même à l'Ile de France, dans l'hémisphère austral. Cependant, l'idée que certains jours de Tannée sont affectés à ces grands phénomènes, ne prit nais- sance qu'en 1833, à l'occasion de l'énorme essaim d'étoiles fdanles qu'Olmsted et Palmer observèrent en Amérique, dans la nuit du 12 au 13 novembre; alors elles tombaient comme des ilocons de neige; en un seul endroit, pendant neuf heures d'observation, on en compta plus de 240000. Palmer remonta à l'ap- parition des météores de 1799, qui fut décrite par Klli- cot et par moi (72); il résultait du rapprochement que j'avais fait de toutes les observations de cette épocpie, que l'apparilion avait été simultanée pour les lieux situés dans le Nouveau Continent, depuis l'équa- — 139 — tour jusqu'à New-Herriiluit dans le Groenland (lati •■ tude 64° 14'), oiitreiG" et 82^16 longitude. On reconnut, avec élonnement, l'identité des deux époques. Ce flux de météores qui sillonnèrent le firmament entier, du 12 au 13 novembre 1833, et qu'on aperçut depuis la Jamaïque jusqu'à Boston (lat. 40° 21') , se reproduisit en 1834, dans la nuit du 13 au 14 novembre, aux États-Unis d'Amérique ; mais le phénomène eut alors une intensité un peu moindre. Depuis cette époque, sa périodicité se confirma en Europe de la manière la plus régulière. L'apparition de saint Laurent (9-14 août), deuxième pluie d'étoiles filantes, procède tout aussi régulière- ment que la première. Déjà, vers le milieu du dernier siècle , Musschenbroek avait signalé la fréquence des météores qui paraissent dans le mois d'août (73) ; mais Quételet, Oîbors , Benzenberg , ont prouvé, les pre- miers, la périodicité de ces apparitions, et on ont fixe l'époque àla fête de saint Laurent. Sansdouie, l'avenir nous réserve la découverte d'autres époques analo- gues, afTectécs pareillement aux retours périodiques de ces phénomènes (74) : telles sont peut-être celle du 22 au 2o avril, celle du 6 au 12 décembre, et, comme suite des recherches de Capocci , les dates du 27 au 29 novembre ou le 17 juillet. Ces phénomènes ont paru jusqu'ici se produire dans une indépendance complète de toutes les circons- tances locales , telles que la hauteur du pôle , la température de l'atmosphère , etc.. Cependant leur apparition est souvent accompagnée d'un autre phé- — 140 — nomène météorologique, et, quoique cette coïnci- dence puisse être un simple jeu du hasard, il n'est peut-être pas hors de propos de la signaler. Une au- rore boréale très-intense accompagnait la plus ma- gnifique apparition d'étoiles filantes que l'on con- naisse, celle du 12 au 13 nov. 1833, dont nous devons la description à Olmsted ; à Brème , en 1 838 , même accord des deux phénomènes : toutefois , la chute pé- riodique des étoiles filantes y fut moins remarquable qu'à Richmond, près de Londres. J'ai signalé, dans un autre écrit, la remarque de l'ami rai Wrangel (75), et j'eus souvent l'occasion de l'entendre lui-mùmecon- firmer cette singulière observation : lors de son voyage sur les côtes sibériennes de la mer Glaciale , l'amiral a vu , dans un ciel brillant des lueurs d'une aurore boréale, certaines parties restées obscures s'allumer tout à coup lorsqu'elles étaient traversées par une étoile filante, et garder ensuite leur éclat rougeàlre. Ces myriades d'astéroïdes constituent sans doute divers courants qui viennent couper l'orbite terrestre comme le fait la comète de Biela. En poursuivant cette idée, on peut imaginer que leur ensemble forme un anneau continu, dans linlérieur duc^uel ils suivent une direction commune. Déjà les petites planètes, situées entre Mars et Jupiter, sauf Pallas, nous olfrent des relations analogues dans leurs orbites si étroite- ment entrelacées. Mais s'il s'agit de la théorie même de ces anneaux, il faut avouer que bien des points restent encore à décider : par exenq»le, les époques de CCS apparitions éprouvent-elles des variations; les — îii — lelards qu'elles subissent et que j'ai signalés depuis longtemps proviennent-ils d'une rétiogiadalion ré- gulière , ou d'un simple déplacement oscillatoire de la ligne des nœuds , c'est-à-dire de la ligne d'in- tersection du plan de l'orbite terrestre avec le plan de l'anneau? Peut-être ces petits astres sont- ils groupés très -irrégulièrement, peut-être leurs dis- tances mutuelles sont-elles fort inégales, et leur zone a-t-elle une largeur si considérable, qu'il faudrait à la Terre des jours entiers pour la traverser. Le monde des satellites de Saturne nous présente déjà un groupe d'une immense largeur formé d'astres intimement reliés entre eux. L'orbite que parcourt le dernier sa- tellite, le septième, est si vaste, que la Terre, dans son mouvement autour du Soleil , emploie trois jours à parcourir un espace égal au diamètre de cette orbite. Supposons maintenant que ces anneaux, que nous considérons comme formés des courants périodiques d'étoiles filantes, au lieu d'être homogènes, ne con- tiennent qu'un petit nombre de parties où les groupes soient assez denses pour donner lieu à une de ces grandes apparitions, et l'on comprendra pourquoi les brillants phénomènes du mois de novembre, en 1799 et en 1833, se reproduisent si rarement. Olbers avait trouvé, dans ses profondes méditations sur ce su- jet difiicile , quelques raisons d'annoncer , pour l'é- poque du 12 au 14 nov. 1867, le premier retour de ce grand phénomène où les étoiles filantes, mêlées de bolides , tombent du ciel comme des flocons de neige. Quelquefois l'apparition de novembre n'a été visi- — 142 — blc que pour des parties Irès-rcslrcintes de la surface IciTeslre. Par exemple, en 1837, elle fut brillante eu Angleterre , et on la comparait à une averse de mé- téores [meleoric shower) , tandis qu'à Braunsberg , en Prusse , un observateur fort exercé et très-attentif ne vit , pendant cette môme nuit, qu'un petit nombre d'étoiles filantes isolées ; pourtant le ciel resta cons- tamment serein , et l'observation , commencée dès sept heures du soir, fut prolongée jusqu'au lever du soleil. Bessel a conclu de ces faits qu'un groupe peu étendu des astéroïdes dont l'anneau se compose, a pu atteindre la région terrestre vers le point où FAngleterre est située , tandis que les contrées plus orientales traversaient une partie de l'anneau, beau- coup moins riche comparativement (76). Si l'hypo- thèse d'une rétrogradation régulière ou d'une simple oscillation de la ligne des nœuds prenait de la consis- tance , les documents anciens deviendraient l'obje t d' u n intérêt tout spécial. Telles sont les annales chinoises, où l'on trouve, parmi les notices comélographiques, plusieurs mentions relatives à des apparitions de mé- téores qui remontent à des époques antérieures à celles de Tyrtée où de la deuxième guerre Messé- nienne. Citons, entre autres, deux ai)paritions qui eurent lieu dans le mois de mars, et dont l'une date de 687 ans avant lèro chrétienne. Edouard Biot en a faitlarcmar(jue : parmi Icscimpiante-deuxapparitions qu'il a recueillies dans les annales chinoises, celles qui ont eu lieu du 20 au 22 juillet (ancien style) sont les plus fréquentes ; elles pourraient bien correspondre ;i l'aj^- — 143 — parition actuelle de la fête de saint Laurent, qui au- rait ainsi avancé (77). Boguslawski fils a découvert, dans les annales de l'Eglise de Prague (Benessii de llorowic Chronicon Ecclesiœ Pragensis), une appari- tion d'étoiles fdantes, à la date du 21 octobre 1366 (anc. st.) ; si cette apparition, qui fut alors visible en plein jour, répond au phénomène actuel du mois de novembre, on peut conclure de la précession en 4-77 ans, que le système entier des météores ou plutôt que son centre de gravité décrit , d'un mouvement rétrograde, une orbite autour du Soleil. Enfin, il ré- sulte des théories développées plus haut , que s'il se rencontre des années où les deux apparitions d'août et de novembre fassent défaut à la fois, sur toute la surface de la terre , il faut en chercher la cause , so4t dans une interruption de l'anneau, dans les inter- valles que laisseraient entre eux les groupes succes- sifs d'astéroïdes , soit , comme le veut Poisson (78) , dans les actions planétaires dont l'effet serait de mo- difier et la forme et la situation de l'anneau. Nous l'avons dit, ces masses solides qui tombent du ciel sur la terre sont lancées par les bolides enflam- més que l'on voit pendant la nuit ; pendant le jour, et surtout par un ciel serein, on les voit tomber avec fracas du sein d'un nuage sombre ; elles sont alors fortement échauffées , mais non incandescentes. Or, quelle que soit leur origine , ces masses portent, en général , un caractère commim qu'il est impossible de mécon- naître ; quelle que soit la date de leur chute, en quel- que lieu du globe qu'on les ait recueillies, ce sont les — \.ïï — mômes formes extérieures , les mômes propriétés physiques de la croûte, les mômes modes d'agréijja- tion chimique de leurs éléments. Une parité d'aspect et de constitution aussi frappante n'a point échappé aux observateurs, mais quand on la poursuit dans les individus, on rencontre aussi de notables exceptions. Que l'on compare les aérolithes dont Pallas a fait mention , la masse de fer malléable de Hradschina dans le comitat d'Agram, et celle des rives du Sisim, dans le gouvernement d'Ieniseisk, ou bien encore celles que j'ai rapportées de Mexico (79) , et qui toutes contiennent 96 pour 100 de fer, avec les aérolithes de Siène, où l'on trouve à peine -^ de ce métal , avec ceux d'Alais , de Jonzac et de Juvenas, qui tous sont dépourvus de fer métallique, et qui se réduisent à un mélange dont le minéralogiste peut distinguer les élé- ments tout séparés déjà en cristaux; est-il possible de concevoir une opposition plus tranchée ? Aussi a- t-il fallu distinguer ces masses cosmiques en deux classes , celle des fers météoriques combinés avec le jiickel, et celle des pierres à grains fins ou grossiers. Un autre caractère particulier aux aérolithes, c'est l'aspect de leur croûte extérieure dont l'épaisseur ne dépasse jamais quelques dixièmes de millimètre ; !'('- clat de la surface ressemble à celui de la poix; on y voit aussi quel(|uefois des veines ou des ramifications Irès- niarcpiées (80). Un seul , ({ue je sache , fait exception sous ce rapport : c'est l'aérolithe de ('hantonnay (Ven- dée), dont les pores et les boursouflures constituent, comme dans l'aérolithe de Juvenas, une seconde — 14o — singularité presque aussi rare. Dans tous les autres, la croûte noire est distincte du reste de la masse d'un gris assez clair , et la ligne de séparation y est tout aussi nette que dans le bloc de granit blanc , à gangue noire ou gris de plomb (81), que j'ai rapporté des ca- taractes de l'Orénoque, et qu'on retrouve dans beau- coup d'autres cataractes , celles du Nil et du tleuve Congo , par exemple. Le feu le plus violent de nos fours à porcelaine ne produirait rien d'analogue à celte croûte, si nettement distincte de la masse des aérolithes dont l'intérieur n'a subi aucune altération. A la vérité, quelques faits semblent indiquer, dans ces fragments météoriques, une sorte de ramollissement ; mais en général, le mode d'agrégation de leurs par- ties, l'absence d'aplatissement après la chute, et le peu de chaleur qu'ils possédaient à cet instant, ne permettent point d'admettre que leur masse inté- rieure ait été en fusion pendant le court trajet qu'ils ont parcouru , depuis les limites de l'atmosphère jus- qu'à la surface de la terre. On retrouve dans ces corps, dont l'analyse chimique a été si bien faite par Bcrzélius , les mêmes élé- ments que nous voyons répandus à la surface de la terre ; ce sont : huit métaux , le fer , le nickel , le cobalt, le manganèse, le chrome, le cuivre, l'arsenic et l'étain ; puis cinq terres ; enfin la potasse, la soude, le soufre, le phosphore et le charbon; c'est le tiers du nombre des corps simples actuellementconnus. Quoi- qu'elles soient formées des mêmes éléments chimi(iues que les espèces minérales de nos montagnes et de nos — Ii6 — plaines, les masses méléoriqiies n'en présenleni pas moins, dans la manière dont ces éléments y sont com- binés, un caractère tout diflerent, un aspect étranger h notre globe. Le fer à l'état natif qu'on rencontre dans presque tous les aérolithes, leur imprime aussi un cachet spécial; maison n'en saurait attribuer le type exclusif h la Lune ; car, pourquoi d'autres astres ne seraient-ils pas, connue elle, dépourvus d'eau, et privés de ces réactions chimiques d'où naît l'oxyda- tion? Quant h ces vésicules gélatineuses, quant à ces masses organiques, semblables «à la trcmcUa noslor, qu'on a regardées, depuis le moyen âge, comme un produit cosmique; résidu des étoiles fdantes quant h ces pyrites de Slerlilamak (à l'ouest de l'Oural), qui passaient pour des noyaux de grêlons (82), il f;mt les classer parmi les mythes de la météorologie. Les aérolilhes à texture fine et grenue, composés d'oli- vine, d'augite et de labrador (83) , sont, d'après la remarque de Gustave Rose, les seuls qui se rappro- chent de nos minéraux (tel est l'aérolithe de Juve- nas, assez semblable à la dolérite) ; ils contiennenten effet des substances cristallines qu'on retrouve dans l'écorce terrestre ; et même dans le for météorique de Sibérie, cité par Pallas, l'olivinenesc distingue do l'o- livine ordinaire que par l'absence du nickel, auquel l'ox yded'étain s'est sul)stitué (8i) . Si on se rappelle que l'olivine météorique contient, comme nos basaltes, 47 ou 49 pour 100 de magnésie, et qu'elle forme plus de la moiii(' des parties terreuses des ac'rolithes, d'a[)rès l>(M'zélius, ou ne s'étonnera point de la grande — 147 ~- quanlilé de silicates de magnésie qu'on trouve dans ces masses cosmiques. Et puisque l'aérolithe de Ju- venas renferme des cristaux séparables d'augile et de labrador, on peut conclure de l'analyse des pierres météoriques de Château -Renard, de Blansko et de Chanlonnay, que la première est probablement une diorite composée de hornblende et d'albite, et que les deux autres sont des combinaisons de hornblende et de labrador. Mais ces analogies me paraissent de bien faibles arguments à citer en faveur de l'origine ter- restre ou atmosphérique qu'on a voulu assigner aux aérolithes. Pourquoi , et ici je pourrais rappeler le célèbre entretien de Newton et de Conduit, à Ken- sington (85), pourquoi les éléments qui forment un même groupe d'astres , un même système planétaire, ne seraient-ils pas en grande partie identiques? Com- ment admettre en principe l'hétérogénéité des pla- nètes , en présence du beau système qui explique leur genèse, par la condensation graduelle d'anneaux ga- zeux que l'atmosphère solaire aurait successivement abandonnés? A mon avis, nous sommes tout aussi peu autorisés à attribuer exclusivement au nickel, au fer, à l'olivine ou au pyioxène (augite) des aéro- lithes, la qualification de substances terrestres, que je pourrais l'être h désigner, par exemple , comme espèces européennes de la flore asiatique , ces plantes allemandes que j'ai rencontrées par delà rOby. Et si les astres d'un même système se com- posent des mêmes éléments, comment refuser d'ad- uiettre que ces éléments , soumis aux lois d'une — 148 — mutuelle alliaclioii, puissent se comhiner dans des lapporls déterminés , et donner naissanee soit aux dômes resplendissants de neige ou de glace qui cou- vrent les régions polaires de Mars, soit, dans d'au- tres astres, aux petites masses météoriques qui renferment , comme les minéiaux de nos monta- gnes, des cristaux d'olivine, daugile et de labra- dor? On "ne doit jamais rien abandonner à l'arbi- traire, et jusque dans le domaine des conjectures, il faut que l'esprit sache se laisser guider par l'induc- tion. A certaines époques, le disque du Soleil s'obscurcit momentanément, et sa lumière s'affaiblit à tel point qu'on voit les étoiles en plein midi. Un phénomène de ce genre, qui ne peut s'expliquer ni par des brouillards, ni par des cendres volcaniques, eut lieu en 1547, vers l'époque de la fatale bataille de Mùhlberg, et dura trois jours entiers. Kepler vou- lut en chercher la cause, d'abord dans l'interposi- tion d'une maleria comelica, puis dans un nuage noir que des émanations fuligineuses, sorties du corps même du Soleil, auraient contribué à former. Chladni et Schnurrer attribuaient au passage de masses mé- téoriques devant le disque du Soleil, les phéno- mènes analogues des années 1090 et 1203, qui du- rèrent moins longtemps, le premier pendant trois licurcs , le second pendant six heures seulement. l)('j>uis que les étc>iles filantes sont considérées connue Iniinant un anneau continu, situé dans le sens de leur direction commune, on a remarqué une singu- — 149 — ière coïncidence entre les retours périodiques des )luies de météores et les manifeslalions des myslé- ieux phénomènes dont nous venons de parler. D'in- génieuses recherches, une discussion approfondie de ous les faits connus , ont môme conduit Adolphe ilrman à signaler deux époques de l'année où cette oïncidence s'est manifestée d'une manière frap- )ante, le 7 février et le 12 mai. Or, la première de es deux dates répond à la conjonction des étoiles liantes qui sont, dans le mois d'août, en opposition ivec le Soleil ; la seconde répond à la conjonction des istéroïdes de novembre et aux fameux jours froids les croyances populaires (saint Mamert , saint Pan- Tace et saint Servais) (86). Les philosophes grecs, dont on connaît le peu de )enchant pour l'observation, mais qui fuient si ar- lents et si féconds en systèmes, lorsqu'il s'agissait l'expliquer les phénomènes qu'ils n'avaient fait ju' entrevoir, nous ont laissé, sur les étoiles filantes 't les aérolithes , des aperçus très- voisins des idées [ue l'on accepte généralement aujourd'hui sur l'ori- ;ine cosmique de ces météores. « Quelques philo- > sophes pensent , dit Plutarque dans la vie de : Lysander (87), que les étoiles fdantes ne provien- : nent point de parties détachées de l'éther qui t viendraient s'éteindre dans l'air, aussitôt après s'ê- « tre enflanmiées ; elles ne naissent pas davantage ( de la combustion de l'air qui se dissout, en grande ; quantité, dans les régions supérieures ; ce sont plu- « tôt des corps célestes qui tombent , c'est-à-dire qui , — 150 — « soustraits d'une certaine manière à la forcederota- « tion générale, sont précipités ensuite, irréguliè- « rement, non - seulement sur les régions habitées « de la Terre, mais aussi dans la grande mer, d'où « vient qu'on ne les retrouve pas. » Diogène d'A- pollonie s'exprime en termes encore plus nets (88) : « parmi les étoiles visibles, se meuvent aussi des étoiles «invisibles, auxquelles, par conséquent, on n'a pu « donner de nom. Celles-ci tombent souvent sur la « terre et s'éteignent, comme cette étoile de pierre, « qui tomba toute en feu près d'/Egos Potamos. » Sans doute une doctrine plus ancienne avait inspire le philosophe d'Apollonie , qui croyait aussi que les astres étaient semblables h la pierre ponce. En ef- fet , Anaxagore de Clazomène se figurait tous les corps célestes « comme des fragments de rochers quo « l'éther , par la force de son mouvement gyraloire , « aurait arrachés à la Terre, enflammés et tranformés « en étoiles. » Ainsi, l'école ionique plaçait, avec Dio- gène d'Apollonie, les aérolithes et les astres dans une seule et même classe ; elle leur assignait une même origine terrestre , mais en ce sens seulement que la Terre, comme corps central;, aurait fourni la matière de tous ceux qui l'entourent (89), de même que nos idées actuelles font naître le système planétaire de l'atmo- sphère primitivement dilatée d'un autre corps cen- tral , le Soleil. Il faut donc se garder de confondre ces idées avec ce (|u'on nomme comunn^Muent l'ori- gine terresti-e ou atmosphérique des aéroli llies, ou avec cette singulière opinion d'Arislote, qui ne voyait — 151 — dans l'énorme masse dVEgos Potamos qu'une pierre enlevée par un ouragan. Il est une disposition d'esprit plus nuisible encore peut-être que la crédulité dénuée de toute critique : c'est une arrogante incrédulité qui rejette les faits sans daigner les approfondir. Ces deux travers de l'esprit font obstacle aux progrès de la science. En vain, depuis vingt-cinq siècles, les annales des peuples parlaient de pierres tombées du ciel ; malgré tant de faits appuyés sur des témoignages oculaires, irrécusa- bles , tels que ces bœtylies qui jouèrent un si grand rôle dans le cuite des météores chez les anciens; cet aérolithe que les compagnons de Corlez virent à Cholula, et qui était tombé sur la pyramide voisine; ces masses de fer météorique dont les califes et les princes mongols se firent forger des lames de sabre ; ces hommes tués par des pierres tombées du ciel : un frate à Crémone le 4 septembre 1 .^11 , un autre moine à Milan, en 1650, deux matelots suédois frappés sur leur vaisseau en 1674; malgré tant de preuves accu- mulées, un phénomène cosmique de cette importance fut laissé dans l'oubli, el ses intimes rapports avec le monde i)lanétaire restèrent ignorés jusqu'au temps de Chladni , illustré déjà par sa découverte des li- gnes nodales. Mais aujourd'hui, il est impossible de contempler d'un œil indilïcicnt les magnifiques appa- ritions des nuits de novembre et d'août ; je dirai plus, un seul de ces rapides météores suffira souvent h faire naître de sérieuses méarler de Fanneau de matière cosmique auquel on attribue la lumière zodiacale, déjà citée plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage. Quiconque aura passé des an- nées entières dans la zone des palmiers, conservera toute sa vie un doux souvenir de cette pyramide de lumière qui éclaire une partie des nuits toujours égales des tropiques. 11 m'est arrivé de la voir aussi brillante que la voie lactée dans le Sagittaire, non pas seulement sur les cimes des Andes, à ces hauteurs de 3000 ou de 4000 mètres, où l'air est si pur et si rare, mais aussi dans les immenses prairies (L(anos) de Venezuela , et au bord de la mer, sous le ciel toujours serein de Cumana. Quelquefois pourtant, un petit nuage se projette sur la lumière zodiacale, et tran- che d'une manière piltorescpie sur le fond lumineux du ciel; alors le phénomène devient d'une grande beauté. Ce jeu de l'atmosphère se trouve signalé dans mon journal de voyage , lors de mon trajet de Lima à la côte occidentale du Mexique : « Depuis trois ou quatre nuits (par 1 0" et 14" de latitude septentrionale), j'aperçois la lumière zodiacale avec une magnificence toute nouvelle ]>our moi. Léclat des étoiles et des nébuleuses peut faire croii'C que , dans celte partie de la mer du Sud , la transparence de raimosi)hèix? — loo — esl extraordinaire. Du 14 au 19 mars, très-régulière- menl trois quarts d'heure après le coucher du soleil, il était impossible d'apercevoir la moindre trace de la lumière zodiacale, et pourtant l'obscurité était com- plète. Une heure après le coucher du soleil, elle pa- raissait tout à coup avec un grand éclat, entre Aldé- baran et les Pléiades ; le 18 mars, elle atteignit 39° 5' de hauteur. Çà et là , près de l'horizon, s'élendaient de petits nuages allongés qui se détachaient sur un fond jaune ; plus haut, d'autres nuages diapraientl'.izur du ciel de leurs couleurs changeantes; on aurait dit un second coucher du soleil. Alors, vers cette partie de la voûte céleste, la clarté de la nuit augmentait jusqu'à égaler presquecelle du premier quartier delà lune. A dix heures, la lumière zodiacale élait déjà très-affai- blie, et à minuit, j'en voyais à peine une trace dans cette partie de la mer du Sud. I^ 16 mars, au moment où elle brillait de son éclat le plus vif, on apercevait à Torient une faible réverbération. » Il en est autre- ment dans nos climats du Nord, dans ces régions brumeuses qu'on appelle tempérées : la lumière zo- diacale n'y est visible , d'une manière distincte , que vers le commencement du printemps, après le cré- puscule du soir, au-dessus de l'horizon occidental; et vers la fm de l'aulonme , à l'orient , avant le crépus- cule du matin. On comprend à peine qu'un phénomène aussi re- marquable n'ait point attiré l'attention des physiciens et des astronomes, avant le milieu du xvn" siècle, et qu'il ait échappé aussi aux Arabes qui ont tant ob- — loG — serve dans l'ancienne Baclriane, sur les rives de l'Eiiphrale et dans le midi de l'Espagne. Au reste, la tardive découverte des deux nébuleuses d'Andromède et d'Orion,que Simon Marius et Iluyghens décrivirent les premiers, n'est pas moins surprenante. C'est dans la Brilannia Baconica de Childrey (91), en 1661, que Ton trouve la première description bien nette de la lumière zodiacale; la première observation peut re- monter à deux ou trois années auparavant ; mais à Do- minique Cassini revient le mérite incontestable d'a- voir, le premier, soumis le phénomène à un examen approfondi (dans le printemps de 1683). Quant à la lu- mière qu'il vit à Bologne en 1668, et que voyait aussi, à la même époque, le célèbre voyageur Chardin (les astrologues de la cour d'ispahan ne l'avaient jamais remarquée auparavant; ils la nonnnaient nyzeh., petite lance) , ce n'était point la lumière zodiacale , comme on l'a si souvent supposé (92) ; c'était l'énorme queue d'une comète dont la léte était cachée sous l'horizon, et qui devait présenter une grande analogie d'aspect et de position avec la longue comète de 1843. Mais il est impossible de ne pas reconnaître la lumière zodiacale dans la brillante lueur que l'on vit en 1509, pendant quarante nuits consécutives, monter comme une pyramide au-dessus de l'horizon oriental du l)lateau mexicain : c'est dans un majuiscrit des an- ciens Aztèques appartenant à la l>ibliothè([ue royale ôeVuv'is {Codex Telleriano-Remcnsis), que j'ai décou- vert la mention de ce curieux idiénomène (93). Ainsi, la lumière zodiacale a existé de tout temps. quoique sa (Iccouvcvte ne remonîe, eu Europe, ([u'à CliiUlrey et à Dominique Cussini. On a voulu l'aUri- buer à une certaine atmosphère du Soleil ; mais cette explication est inadmissible ; car, d'après les lois de la mécanique , l'aplatissement de cette atmosphère ne peut dépasser celui d'un sphéroïde dont les axes se- raient dans le rapport de 2 à 3; par conséquent, ses couches extrêmes ne sauraient s'étendre au delà des ~ du rayon de l'orbite de Mercure. Ces mêmes lois fixent aussi les limites équatoriales de l'atmosphère d'un corps céleste tournant sur lui-même , au point où la pesanteur fait équilibre cà la force centrifuge ; là seulement, le temps de la révolution d'un satellite se- rait égal au temps de la rotation de l'astre central (94). Cette limitation si restreinte de l'atmosphère «dwe//e de notre Soleil devient surtout frappante lorsqu'on la compare à celle des étoiles nébuleuses. Herschel en a trouvé plusieurs dont le diamètre apparent at- teint 150"; or, en admettant pour ces astres une pa- rallaxe un peu inférieure à 1", on trouve que la dis- lance de l'étoile centrale aux dernières couches de la nébulosité équivaut à 150 rayons de l'orbite ter- restre. Si donc une de ces étoiles nébuleuses occu- pait la place de notre Soleil, non-seulement son at- mosphère comprendrait l'orbite d'Uranus, mais elle s'étendrait encore huit fois plus loin (95). Ainsi, l'atmosphère solaire est renfermée dans des limites beaucoup plus restreintes que celles où s'é- tend la lumière zodiacale. Ce phénomène s'explique mieux si l'on suppose qu'il existe, entre l'orbite de — 158 — Vénus et relie de Mars, un anneau très-aplaii , for- mé (le matières nébuleuses et tournant librement dans les espaees célestes (96). Peut-être cet anneau n'est-il pas sans rapport avec la matière cosmique que l'on croit plus condensée dans les régions voisines du Soleil ; peut-être s'augmente-t-il continuellement des nébulosités abandonnées dans l'espace par les queues des comètes (97); il est aussi difficile de prononcer à cet égard, que d'assigner les véritables dimensions de l'anneau, dimensions variables sans doute, puisqu'il semble parfois compris tout entier dans l'orbite de la Terre. Les particules des nébulosités dont cet an- neau se compose peuvent être lumineuses par elles- mêmes, ou réfléchir seulement la lumière du Soleil. La première supposition ne paraît pas inadmissible : on pourrait citer, en effet, le remarquable brouil- lard de 1783, qui, en pleine nuit, à l'époque de la nouvelle lune^, produisait une lumière phosphoiique assez intense pour éclairer les objets et les rendre nettement visibles, même à une distance de 200 mètres (98). Dans les régions tropicales de l'Amérique (in Sud , les variations d'intensité delà lumière zodiacale oui souvent excité mon étonnement. Comme je passais alors, pendant des mois entiers, les nuits en i>lein air, sur le bord des fleuves ou dans les prairies {Uanos), j'eus de fréquentes occasions d'observer le phéno- mène avec soin. Lorsque la lumière zodiacale avait atteintson maximum d'inlensilé, il lui arrivait, quel- ques minutes après, de s'affaiblir notablement , puis — 159 — elle reprenait soudain son éclat primitif. Je n'ai ja- mais Yu , comme le veut Mairan , de coloration rou- geâtre, ni d'arc inférieur obscur, ni même de scin- tillation ; mais j'ai remarqué plusieurs fois que la pyramide lumineuse était traversée par une rapide ondulation. Faut-il croire à des changements réels dans l'anneau nébuleux? Ou bien n'est-il pas plus probable qu'au moment même où, près du sol, mes instruments météorologiques n'accusaient aucune variation de température ou d'humidité dans les ré- gions inférieures de l'atmosphère , il s'opérait ce- pendant, à mon insu, dans les couches plus élevées, des condensations capables de modifier la trans- parence de l'air , ou plutôt son pouvoir réfléchis- sant? Des observations d'une nature toute différente justifieraient au besoin ce recours à des causes de nature météorologique agissant à la limite de l'at- mosphère : Olbers, en effet, a signalé « les change- ments d'éclat , qui se propagent , en quelques se- condes, comme des pulsations, d'un bout à l'autre de la queue d'une comète, et qui, tantôt en augmen- tent, tantôt en diminuent l'étendue de plusieurs de- gi'és. Or, les diverses parties d'une queue longue de quelques millions de lieues, sont très-inégalement distantes de la terre ; par conséquent, la propagation graduelle de la lumière ne nous permettrait pas d'apercevoir, en un si court intervalle de temps, les changements réels qui pourraient survenir dans un astre occupant une si vaste étendue (99). » Disons-le, toutefois, ces remarques ne contredisent — 1()() — nnlloniciu la réalité dos variaiions que l'on a observées dans les queues des comèles ; elles n'ont pas davan- tage pour but de nier que les changements d'éclat si soudains de la lumière zodiacale, puissent provenir, soit dun mouvement moléculaire à l'intérieur de l'anneau nébuleux, soit d'une altération subite de son pouvoir réfléchissant ; j\ai seulement voulu dis- tinguer, dans ces phénomènes, la part qui revient ii la substance cosmique elle-même , de celle qu'on doit restituer h notre atmosphère , intermédiaire obligé de toutes nos perceptions lumineuses. Quant à ( e qui se passe à cette limite supérieure de ratmosphère , li- mite si souvent controversée pour d'autres motifs, des faits bien observés montrent combien il est difficile d'en rendre un compte satisfaisant. Par exemple, les nuits de 1831, si merveilleusemen tclaires en Italie et dans le nord de l'Allemagne, qu'on pouvait lire à minuit les caractères les plus fins, sont en contradic- tion manifeste avec tout ce que les recherches les l)lus nouvelles et les plus savantes ont pu nous ap- prendi'e sur la théorie des crépuscules et sur la hau- (cur de l'atmosphère (100). Les phénomènes lumineux tiépendcnt de conditions peu connues, dont les variations imprévues nous surprennent, qu'il s'a- (Msse de la hauteur des crépuscules, ou de la lumière zodiacale. Jusqu'à présent nous avons considéré ce qui ap- ];'irtient à notre Soleil, le monde des formations qui ^ ibissent son action régulatrice, c'est-à-diie lespla- î.otes, les satellites, les comèles à courte et à longue — 161 — période, les astéroïdes météoriques isolés ou réunis en anneau continu, cet anneau nébuleux enfin, au- quel sa position dans les espaces planétaires auto- rise à conserver le nom de lumière zodiacale. Par- tout règne la loi de la périodicité dans les mouve- ments, quelle que soit la vitesse ou la masse; les seuls astéroïdes qui traversent notre atmosphère peuvent être arrêtés au milieu de leurs révolutions planétaires et retenus par une grosse planète. Dans cet immense système dont la force d'attraction du corps central détermine les limites, les comètes sont forcées, même à une distance égale à 44 rayons de l'orbite d'Uranus , à revenir au point de départ , à parcourir une orbite fermée ; et jusque dans ces co- mètes qui nous apparaissent sous l'aspect d'un nuage cosmique , tant la masse en est faible , le noyau re- tient encore , en vertu de son attraction , les der- nières particules d'une queue longue de plusieurs mil- lions de lieues. Ainsi les forces centrales sont à la fois celles qui constituent et celles qui maintiennent un sysl.me. Le Soleil peut être considéré comme immobile par rapport aux astres grands ou petits , denses ou né- buleux qui accomplissent autour de lui leurs révo- lutions périodiques ; en réalité , il tourne lui-même autour du centre de giavité de tout le système, et ce point est situé d'ordinaire dans l'intérieur même du Soleil , malgré les changements qui surviennent sans cesse dans les positions respectives des planètes. Mais le mouvement progressif qui transporte dans l'espace I 9 — 162 — \o Soloil, ou plulnl le ccniro do î^ravilô du syslènio solaire, est d'une nature dilTerenle ; la vitesse en est telle, que le déplacement relatif du Soleil et de la 61' du Cygne va, d'après Bessel, à 619000 niyriamètres par jour (1). Nous ne saurions rien de ce mouvement de translation du système solaire, si l'admirable exac- titude des instruments démesure que possède actuel- lement l'astronomie, et les progrès de ses méthodes d'observation, n'étaient parvenus h rendre sensibles les petits déplacements dont les étoiles nous paraissent affectées, semblables en cela aux objets situés sur un livage mobile en apparence. Le mouvement proj)re de la 61*^ du Cygne est pourtant assez considérable pour produire, en 700 ans, un déplacement de 1° en- tier. Malgré les difficultés inhérentes h la détermina- lion des mouvements pi'opres des étoiles (on nomme ainsi les changements qui surviennent dans leurs po- sitions relatives), il est encore plus facile de les me- surer avec précision que d'en assigner la cause. Après avoir tenu compte de l'aberration produite par la propagation successive des rayons lumineux, et de la petite parallaxe qui provient du mouvement de la terre autour du Soleil , les déplacements ob- servés contiennent encore les mouvemens réels des étoiles, combinés avec les mouvements appa- rents qu'a di\ faire naître la translation générale de tout le système solaire. Les astronomes sont parvenus à séparer ces deux «'ic'ments, grâce à l'exactitude avec lacpielle on connaît maintenant la direction du mou- — 163 — vonionl proprede certaines éloilcs, et par relie consi- déralion fort ingénieuse , emprunléc aux lois de la perspeclive: si les étoiles étaient absolument immo- biles, elles devraient encore paraître se mouvoir en s'écarlant du point vers lequel le soleil dirige sa course. Il résulte , en dernière analyse , de ces travaux où le calcul des probabilités joue un rôle important, que les étoiles et le système solaire sont à la fois en mouve- ment dans l'espace. Par des lecherches exécutées sur un plan plus vaste et plus parfait que celles de W. Hers- cbelet de Prévost, Argelandcr a prouvé que le Soleil se dirige actuellement vers un point situé dans la constel- lation dllercule, à 257" i9',7 d'ascension droite, et à 28° 49', 7 de déclinaison boréale (équin. de 1792,5) ; ce résultat important est fondé sur la combinaison des mouvements propres de 537 étoiles (2). On conçoit toutes les dinicultés qu'ont dû présenter ces recber- ches délicates où il s'agissait de distinguer les mou- vements réels des mouvements apparents, et de faire la part du système solaire. Si l'on considère les mouvements propres des étoiles, dégagés de tout effet de perspective, on en tj'ouve un grand nondjre dont les directions sont op- posées par gi'oupes ; les données actuelles sont bien loin d'établir la nécessité d'admettre que toutes les parties de notre amas d'étoiles, que toutes celles des auti'cs zones étoilées dont l'univers est rempli, doi- vent se mouvoir autour d'un gi-and corps inconnu, bi'illantou obscur. Sans doute, une pareille Iiypothèsc est de nature à plaire h ^imagination et à l'incessante — 164 — arlivilé do l'osprit liiiniain, toujours ardent à pour- suivre les dernic'ies causes. Le Stagirite ii'a-t-il pas déjà dit : « Tout ce qui est mû suppose un moteur ; « renchaînement des causes n'aurait point de fin, s'il « n'exisinïiun p?rmiermoteitr immobile » (3). Mais l'étude de ces mouvements slellaires non pa- rallactiques , indépendants du déplacement '^de l'ob- servateur, a ouvert à l'activité humaine un champ de recherches où elle peut s'exercer librement, sans se lancer dans les conceptions vagues, dans le monde sans limites des analogies. Je veux parler des étoiles doubles, dont les mouvements lents ou rapides s'exé- cutent dans des orbites elliptiques, d'après les lois de la gravitation, donnant ainsi l'irrécusable preuve que ces lois ne sont pas spéciales à notre système solaire, mais qu'elles régnent jusque dans les régions les plus éloignées de la création. Cette belle et solide conquête de l'astronomie est encore due aux progrès récents des méthodes d'observation et de calcul. Le nombre de ces systèmes binaires ou multiples, dont les astres composants circulent autoui' d'un centre de gravité connnun, peut, à juste titre, exciter l'étonnement ( il dépassait 2800 en 1837) ; mais ce qui place sur- tout cette découverte au rang des plus brillantes conquêtes scientifiques de notre époque , c'est l'ex- tension qu'elle a donnée à nos connaissances sur les forces essentielles de l'univers, c'est la preuve qui en ri'sulte de l'universalité de la gravitation. Les teuq)s einployc's par ces étoiles à accouq)lir une révolulioii entière varient depuis quarante-trois ans, connue — 165 — dans Tt de la couronne, jusqu'à des milliers d'années, comme pour 66 de la Baleine, 38 des Gémeaux et 100 des Poissons. Depuis les mesures d'Herschel, en 1782, le satellite le plus voisin de l'étoile prin- cipale dans le système triple Ç de l'Ecrevisse , a déjà accompli et même dépassé une révolution en- tière. En combinant convenablement les distances et les angles (4) qui déterminaient, à différentes épo- ques , les positions relatives des composantes des étoiles doubles, on parvient à calculer les éléments de leurs orbites réelles ; on arrive même à fixer pro- visoirement leurs dislances à la Terre , et le rapport de leurs masses à celle du Soleil. Mais ce qui con- servera longtemps encore à ces résultats un carac- tère hypothétique, c'est que nous ignorons si la force d'attraction se règle invariablement, dans ces sys- tèmes comme dans le notre ;, sur la quantité des mo- lécules matérielles ; Bessel a fait voir qu'elle pour- rait y être spécifique et non pas proportionnelle aux masses (5). La solution définitive de ces pro- blèmes semble donc réservée à un avenir encore bien éloigné. Quand on compare le Soleil aux astres qui compo- sent la couche lenticulaire d'étoiles dont nous faisons partie, c'est-à-dire à d'autres soleils qui brillent eux- mêmes de leur propre lumière , on reconnaît la pos- sibilité de parvenir à déterminer, pour quelques-uns du moins , certaines limites extrêmes entre lesquelles leurs distances, leurs masses, leurs grandeurs et leurs vitesses de translation , doivent se trouver comprises. — iOG — Prônons pour unité de mesure le rayon do l'orlïilo d'Uranus qui contient dix-neuf rayons de l'orbite ter- restre; la distaneede a du Centaure au centre de notre système planétaire contiendra 11900 do ces unités; celle de la 61° du Cygne en contient près de 31300, et celle de a de la Lyre, 41600. La comparaison du Yolmne des étoiles de première grandeur avec celui du Soleil dépend de leur diamètre apparent, élément optique dont la détermination présentera toujours une grande incertitude. Admettons, avec Ilerschel, que le diamètre apparent d'Arcturus ne dépasse point un dixième de seconde ; il on résul- terait encore, pour celte étoile, un diamètre réel onze lois plus giand que le diamètre du Soleil (6). Mainte- nant que la dislance de la 61" du Cygne est connue, grâce aux travaux de Bessel , il est possible de déter- miner approximativement la masse de cette étoile doubloi A la vérité , la portion de l'orbite apparente que le satellite a parcourue depuis les observations de Bradley, n'est pas sulïisante pour donner, avec! une grande précision , les éléments de l'orbite réelle , et particulièrement le grand axe; cependant le célèbre astronome de Kœnigsberg (7) croit pouvoir affirmer que « la masse de cette étoile double ne diflère pas « beaucoup de la moitié de celle du Soleil. » C'est là un résultat do mesures edéctives. Des analogies fondées sur la masse prédominante des planètes pourvues de satellites, et sur ce que Struve a trouvé, parmi les étoiles brillantes, six fois plusde systèmes binaires que parmi les étoiles télescopi(iues, ont porté d'autres as- — 107 — Ironoines à attribuer, à la plupart des étoiles doubles, une masse moyenne supérieure à celle du Soleil (8). De longtemps encore on ne peut espérer d'obtenir à ce sujet des résultats généraux. Ajoutons qu'Argelander place le Soleil au rang des étoiles dont le mouvement propre est considérable. Des causes nombreuses, incessantes, qui font va- rier les positions relatives des étoiles et des nébu- leuses, l'éclat des diverses régions du ciel et l'appa- rence générale des constellations , peuvent , après des milliers d'années, imprimer un caractère nouveau à l'aspect grandiose et pittoresque de la voûte étoilée. Ces causes sont : les mouvements propres des étoiles, lemouvementde translation qui emporte dans l'espace notresystème solaire toutentier, Tapparilion subite de nouvelles étoiles, l'affaiblissement, l'extinction môme de quelques étoiles anciennes, enfmetsurtout, leschan- gements qu'éprouve la direction de l'axe terrestre, par suite de l'action combinée du Soleil et de la Lune. Un jour viendra où les brillantes constellations du Cen- taure et de la Croix du sud seront visibles sous nos latitudes boréales, tandis que d'autres étoiles (Sirius et le Baudiier d'Orion) ne paraîtront plus sur l'bo- rizon. Les étoiles de Céphée ((3et «) et du Cygne {S) serviront successivement à reconnaître dans le ciel la position du pôle nord ; et dans douze mille ans , l'é- toile polaire sera Véga de la Lyre , la plus magnifique de toutes les étoiles auxquelles ce rôle puisse échoir. Ces aperçus rendent sensible, en quelque sorte, la grandeur de ces mouvenienls cjui procèdent avec len- — 108 — leur, mais sans jamais s'inlerrompiv^, et dont les vasles périodes forment comme une horloge éternelle de l'univers. Supposons, un instant, qu'un rêve de rimaginalion se réalise, que notre vue, dépassant les limites de la vision télescopique, acquière une puis- sance surnaturelle; que nos sensations de durée se contractent de manière à comprendre les plus grands intervalles de temps , de même que nos yeux perçoi- vent les plus petites parties de l'étendue; aussitôt dis- paraît rinunobililé apparente qui règne dans les cieux. Les étoiles sans jiombre sont emportées, comme des tourbillons de poussière, dans des directionsopposées, les nébuleuses errantes se condensent ou se dissol- vent, la voie lactée se divise par places comme une innnense ceinture qui se déchirerait en hunbeaux; partout le mouvement règne dans les espaces célestes, de même qu'il règne sur la terre, en chaque point de ce riche tapis de végétaux, dont les rejetons, les feuilles et les ileurs, présenlenl le spectacle d'un per- IM'luel dévelo|)pen.ient. Le célèbre naturaliste espa- gnol Cavanilles eut, le premier, lidée de voir» l'herbe pousser, » et il dirigeait une forte lunette, munie d'un fil micrométrique horizontal, tantôt sur la lige d'un aloès américain {Agave amcricana) , dont la croissance est si rapide, tantôt sur la cime d un bourgeon de bambou , précisément connue font les astronomes, lorsqu'ils placent la croisée des fils de leurs télescopes sur une étoile culminante. Dans la nature physicpie, i^our les astres comme pour les êtres organisés, le mouvement paraît être une con- — 1G9 — Jilioii essentielle de la produelion, de la conserva- tion et du développement. La rupture de la voie lactée, à laquelle je viens de faire allusion, mérite une mention spéciale. En jau- geant le ciel à l'aide de ses puissants télescopes, Wil- liam Herschel, qu'il faut toujours prendre pour guide dans cette partie de l'histoire des cieux, a trouvé que la largeur réelle de la voie lactée surpasse de 6 à 7 de- grés sa largeur apparente , visible à l'œil nu , et fi- gurée sur les cartes célestes (9). Les deux nœuds brillants où se réunissent ses deux branches , et dont l'un est situé vers Céphée et Cassiopée , l'autre vers le Scorpion et le Sagittaire , paraissent exercer sur les étoiles voisines une attraction puissante. Entre /S et 7 du Cygne, on voit une région éclatante de lumière et large d'environ 5". Cet amas d'étoiles en contient au moins 330000, dont une moitié paraît attirée dans un sens, tandis que l'autre moitié paraît l'être dans le sens opposé. Herschel soupçonne, dans cette partie de la couche stellaire, une tendance à la rupture (10). On porte, par estime, à 18 millions le nombre des étoiles que le télescope permet de distinguer dans la voie lactée. Pour se faire une idée de la grandeur de ce nombre, ou plutôt pour s'aider d'un terme de comparaison, il suffît de se rappeler que nous ne voyons pas, à l'œil nu , sur toute la smface du ciel , plus de 8000 étoiles; tel est, en effet, lenondjre des étoiles comprises entre la [uemière et la sixième grandeur. Au reste, les deux extrêmes de l'étendue, les corps célestes et les animalcules microscopiques 12 ~ 170 - concourent 1 un cl l'uulre h produire celle impression d'élonnement que les grands nombres excitent en nous, sentiment stérile, qTiand on les présente isolés, sans rapports avec le plan généial de la nature ou avec rinlelllgence humaine. Un pouce cubi(]ue de tripoli de Bilin, contient, d'apiès Ehrenberg, 40000 mil- lions de carapaces siliceuses de Galionelles. Comme l'a lait remarquer Aigelander, les étoiles brillantes sont plus nombreuses dans la région de la voie lactée que dans les autres parties du ciel. Mais outre cette voie lactée composée d'étoiles, il existe encore une autre voie lactée conq)osée de né- buleuses, qui rencontre la première à peu près à an- gles droits. D'après les vues de sir John Herschel , la première formerait un anneau analogue à celui de Saturne, une sorte de ceinture isolée de toutes parts et située à quel(iue distance de notre amas lenticu- laire d'étoiles. Notre système planétaire est situé dans l'intérieur de cet anneau, mais cxconlriquement , l)lus près de la région où se trouve la Croix du Sud que de la région opposée , celle de Cassiopée (11). Une néi)uleuse que Messier découvrit en 1774, mais qui n'avait été vue quimparlaitement, paraît re[>roduire avec une exactitude étonnante tous les traits de l'ensemble que nous venons d'esquisser : on y retrouve l'amas intérieur et l'anneau formé par les diverses parties de la voie lactée (12). Quant à la voie la( léc com|)osé(! de n(M)uleuses, elle n'appar- tiendrait pas à notre zone slellaire ; elle rentourei'ait beulemcnt, à une énorme distance, sous la forme — ITi — d'un grand cercle presque parfait, el elle traverserait les nébuleuses de la Viej-ge (si nombreuses vers l'aile septentrionale), la chevelure de Bérénice, la Grande Ourse, la ceinture d'Andromède elle Poisson boréal. C'est probai)lement vers Cassiopée qu'elle cioiserail la voie lactée des étoiles, dont elle réunirait ainsi les pôles situés dans la direction où notre couche slel- iaire a le moins d'épaisseur, pôles dévastés sans doute par les forces qui ont condensé les étoiles en groupes (i3). D'après ces aperçus, il faudrait se représenter dans l'espace, d'abord notre amas d'étoiles où Ton trouve les indices d'un changement progressif de formes, et même d'une dislocation que détermine sans doute l'attraction de centres secondaires; puis deux anneaux, dont l'un, placé à une giande distance, se compose exclusivement de nébuleuses, tandis que l'autre, plus rapproché de nous (c'est la voie lactée), est entièrement formé d'étoiles dépourvues de nébu- losités. En moyenne , ces étoiles paraissent être de dixième ou de onzième grandeur (î i) , mais , prises séparément, elles difl'èrent beaucoup entre elles; au contraire, celles dont se composent les amas isolés offrent presque toujours une parfaite uniformité de giandcur el d'éclat. Presque partout où la voûte céleste a été étudiée h l'aide de certains télescopes Irès-puissanls pour péné- trer dans l'espace, on a vu des étoiles, ne fût-ce que des étoiles de vingtième et de vingt-cpialriènie gran- deur, ou bien des nébuleuses dans lesquelles des ins- — i72 — iruuieiUs plus puissaïUs nous feraient sans doule dis- tinguer des étoiles encore plus petites. En efl'et, les rayons lumineux que la rétine reçoit, dans ces divers genres d'observation, proviennent, soit de points iso- lés;, soit de points extrêmement rapprochés, et. dans ce dernier cas, la visibilité est plus grande que dans le premier, ainsi qu'Arago l'a montré récemment (15). La nébulosité cosmique universellement répandue dans l'espace, en modifie vraisemblablement la trans- parence ; elle diniiiiuerait donc linlensité de cette lumière homogène qui devrait exister sur toute la voûte céleste, suivant Hailey et Olbers, si chacun de ses points était la base d'une série infinie d'éloiles disposées dans le sens de la profondeur (16). Mais ces idées sont en désaccord avec ce que l'observai ion nous enseigne. Celle-ci nous montre des régions en- tières dépourvues d'éloiles, des ouvertures dans le ciel, comme le disait Uerschel ; il en existe une dans le Scorpion, large de 4 degrés ; et une autre dans le Serpentaire. Près de ces deux ouvertures cl vers leurs bords, se trouvent des nébuleuses résolubles. Celle qu'on remarque au bord occidental de l'ouver- ture du Scorpion est un des plus riches amas de i)e- liles étoiles qu'on puisse rencontrer dans le ciel. Au reste, c'est par l'attraction de ces groupes qullers- chel explique l'absence des étoiles dans les régions vides (17). « Il existe, disait-il, dans notre amas stel- laire, des régions que le temps a dévastées. » Si l'on veut se re[)résenler les étoiles télescopiques, éche- lonnées dans l'espace, comme formant un tapis qui — 173 — couvre toute la voûte apparente du ciel , alors les ré- gions vides du Scorpion et du Serpentaire seront autant de trous par lesquels notre œil pénètre jusque dans les profondeurs les plus reculées de l'univers. Là où les couches du tapis sont interrompues, il y a peut-être d'autres étoiles, mais nos instruments ne peuvent les atteindre. L'apparition des météores ignés avait aussi conduit les anciens à supposer qu'il existe des fissures ou des brèches [chasmata) dans la voûte céleste ; mais ils les considéraient seulement comme passagères; puis ils croyaient que ces fissures de- vaient être brillantes et non obscures , à cause de l'élher lumineux qu'on devait, suivant eux, aper- cevoir par ces ouvertures accidentelles (18). Der- ham et Huyghens lui-même ne paraissent pas avoir été fort éloignés d'expliquer de cette manière la tranquille lumière des nébuleuses (19). Lorsqu'on compare les étoiles de première gran- deur aux étoiles télescopiques qui sont certainement en moyeime beaucoup plus éloignées de nous, quand on compare les groupes nébuleux avec les nébulo- sités irréductibles conmie celle d'Andromède, ou bien avec les nébuleuses planétaires , nos conceptions sur ces mondes situés à des distances si ditférentes et comme perdus dans l'immensité, sont dominées [)ar un fait qui modifie, suivant certnines lois, tous les phé- nomènes et toutes les apparences célestes : c'est le fait delà propagation successive des rayons lumineux. Les dernières recherches de Struve ont fixé à 30808 my- riamètres par seconde la vitesse de la lumière; elle — 17i — ost ainsi un million de fois environ plus grande que la vitesse du son. D'après ce que les travaux de Maclear, de Bessel etde Slruve nousont appris sur les parallaxes et les distances absolues de trois étoiles fort inégales en éclat , a du Centaure , 61 du Cygne et y. de la Lyre , un rayon lumineux emploierait respectivement trois ans, neuf ans j, et douze ans, pour venir de ces as- tres jusqu'à nous. Or, dans la courte, mais mémorable période de 1572 à 160i, c'est-à-dire depuis Corné- lius Gemma et Tyclio, jusqu'à Keplei", trois étoiles nouvelles apparurent successivement dansCassiopée, dans le Cygne et dans le pied du Serpentaire. Le même phénomène se reproduisit, en 1670, dans la constellation du Renard, mais avec des intermit- tences. Dansées derniers temps, sir John Herschel a reconnu, pendant son séjour au cap de Bonne-Espé- rance, que l'éclat de l'étoile -n du Navire avait aug- menté graduellement depuis la deuxième jusqu'à la première grandeur (20). Tous ces faits appartiennent en réalité à des époques antérieures à celles où les phénomènes de lumière \im'ent les annoncer anx hahilanls de la terre ; ce sont connue des voix du passé qui arrivent jusqu'à nous. On a dit avec vérité que. grâce à nos puissants télescopes, il nous est donné de pénétrer à la fois dans l'espace et dans le temps. Nous mesui-ons en effet l'un par l'autre; une heure de chemin, c'est pour la lumière 110 millions de myrianic'tresà parcourir. Tandis que, dans la Théo- gonie d'Hésiode, les dimensions de l'univers sont exprimées à l'aide de la ( hute des corps (« pendant — 173 — lieu r jours et neuf nuits seulement, l'enclume d'airain tomba du ciel sur la terre ») , Herschel estimait que la lumière émise par les dernières nébuleuses en- core visibles dans son télescope de 40 pieds , devait em})loyer près de deux millions d'années pour venir jusqu'à nous (21)! Ainsi, bien des phénomènes ont dis-^ paru longtemps avant d'être perçus par nos yeux, bien des changements que nous ne voyons pas en- core, se sont depuis longtemps effectués. Les phéno- mènes célestes ne sont simultanés qu'en apparence; et quand on voudrait placer plus près de nous les fai- bles taches de nébuleuses ou les amas d'étoiles, quand même on réduirait les milliers d'années qui mesurent leurs distances, la lumière qu'ils ont émise et qui nous parvient aujourd'hui n'en resterait pas moins, en vertu des lois do sa propagation , le témoignage le plus ancien de l'existence de la matière. C'est ainsi que la science conduit l'esprit humain des plus sim- ples prémisses aux plus hautes conceptions, et lui ouvre ces champs sillonnés pai* la lumière où « ger- ment des myriades de mondes comme l'herbe d'une nuit (22). » Abandonnons maintenant les hautes régions que nous venons de parcourir, pour redescendre sur no- tre étroit domaine ; api'ès la nature céleste, abordons la nature terrestre. Un lien mystérieux les unit toutes deux, et c'était le sens caché dans le vieux mythe des Tllans (23), que l'ordre dans le monde dépend de l'u- nion du ciel avec la terre. Si, par son origine, la Terre npparlient au Soleil, ou du moins à son âlmosphèie ~ 17{) — jadis subdlvisco eu aniicaiix, acliicllomcnl encore la Terre esl en rapport avec l'astre central de notr{^ système et avec tous les soleils qui brillent au fir- mament, par les émissions de chaleur et de lumière. La disproportion de ces inlluences ne doit pasemjiè- cher le physicien d'en reconnaître la similitude et la connexité. Une faible partie de la chaleur terrestre provient de l'espace où se meut notre planète, et cette température de l'espace, résultante des radiations ca- lorifiques de tous les astres de l'univers, est presque égale, d'après Fourier, à la température moyenne de nos régions polaires. Sans doute, l'action prépondc'- rante appartient au Soleil : ses rayons pénètrent l'at- mosphère, éclairent etréchauflentsasurfacC;, ils pro- duisent les courants électriques et magnétiques, ils font naître et ils développent le germe de la vie dans les êtres organisés; cette influence bienfaisante sera plus tard l'objet de notre étude. Comme désormais nous nous renfermons dans la sphère de la nature terrestre, nous aurons d'abord à considérer la répartition des éléments solides et li- quides, la figure de la Terre, sa densité moyenne et les vaiiations de cette densité jusqu'à une certaine profondeur; enfin, la chaleur et la tension ('lectro- magnétique du globe. Nous serons ainsi conduits à étudier la réaction ([ue l'ir.térieur exerce contre la surface; rintervenlioii dune force universellement répandue, la chaleur souterraine, nous expliquera le j)hénomène des trend)lements de terre, dont l'eiïet se l'ait ressentii' dans des cordes do commotion plus ou — 177 — moins étendus, le jaillissement des sources thermales, et les puissants efforts des agents volcaniques. Les secousses intérieures, tantôt brusques et répétées, tantôt continues, et par suite peu sensibles, modifient peu à peu , dans le cours des siècles , les hauteurs relatives des parties solides et liquides de i'écorce ter- restre, et changent la configuration du fond de la mer. En même temps , il se forme des ouvertures tempo- raires ou permanentes qui font communiquer l'inté- rieur de la terre avec l'atmosphère : alors, d'une pro- fondeur inconnue, surgissent des masses en fusion; elles s'épanchent en étroits courants sur les flancs des montagnes, tantôt avec l'impétuosité d'un tor- rent, tantôt d'un mouvement lent et progressif, jus- qu'à ce que la source ignée se tarisse et que îa lave fumante se solidifie sous la croûte dont elle s'est re- couverte. Alors des roches nouvelles se produisent sous nos yeux , tandis que les forces plutoniques mo- difient les roches anciennes par voie de contact im- médiat avec les formations récentes, plus souvent encore par l'influence d'une source voisine de cha- leur; même là où la pénétration n'a pas eu lieu, les par- ticules cristalliues sont déplacées et s'unissent en un tissu plus dense. Les eaux nous offrent des formations d'une tout autre nature : telles sont les concrélions de débris d'animaux ou de végétaux , les sédiments ter- reux , argileux ou calcaires, les conglomérats com- posés des déii'ilus des roches, recouverts par des cou- ches formées des carapaces siliceuses des infusoires et parles terrains de transport, où gisent lèses- — 178 — pè('es aniniah^s, furent vio- lemment S('[>ai'és, et les restes fossiles de coipiillages et de zoophytes (juon retrouve partout idcnticpies , lénioigncnt assez de ces révolutions. Ainsi, en sui- — 183 — viuil les phéiiuiiièiics dans leur niuluelle dëpeiidaiico, ou découvre que les forces puissantes dont l'action s'exerce dans les entrailles du globe, sont aussi celles qui ébranlent récorce terrestre, et qui ouvrent dis issues aux torrents de lave chassés par rénornie pression des vapeurs élastiques. Or, ces forces qui jadis soulevèrent, jusqu'à laré- i^ion des neiges perpétuelles, les cimes des Andes et de l'Himalaya, ont produit aussi dans les roches des com- binaisons et des agrégations nouvelles ; elles ont trans- formé les couches qui s'étaient antérieurement dé- posées du sein des eaux^ où déjà pullulait sous mille formes la vie organique. Nous reconnaissons ici toute la série des formations superposées par ordre d'an- cienneté ; nous retrouvons, dans ces couches, toutes les variations de forme qu'a subies la surface, les efi'els dynamiques des forces de soulèvement, et jusqu'aux actions chimiques des vapeurs émises par les fis- sures. Les parties solides et desséchées de la surface ter- l'cstre où la végétation a pu se développer dans toute sii luxuriante vigueur, c'est-à-dire les continents^ sont en rapport continuel d'action et de réaction avec les mers environnantes où règne presque exclusivement l'organisation aiiimale. L'élément licjuidc est à son tour recouvert par les couches atmosphériques, océan aé- rien dont les chahies de montagnes et les plateaux sont les bas-fonds. Là se produisent aussi des couranls et des variations de température ; l'humidité rassem- blée dans les régions luuigeuses de l'air, se condense — 185 — autour des somuiels élevés, coule sur l<*s lianes des iiionlagnes , el de là va répaiulre partout dans les plaines le mouvement el la fécondité. Mais si la distribution des mers et des continents, la forme générale de la surface , et la direction des lignes isothermes (zonesoù les températuresmoyennes de l'année sont égales), règlent et dominent la géo- graphie des plantes, il n'en est plus de même quand il s'agit des races humaines, le dernier, le plus noble but d'une description physique du monde. Les progrès de la civilisation , le développement des facultés , et cette culture générale de l'intelligence qui fonde, dans une nation, la suprématie politique, concourent avec les accidents locaux , mais d'une manière bien au- trement eiïicace, à déterminer les cai'aotères dif- férentiels des races, et leur distribution numérique sur la surface du globe. Certaines races, fortement at- tachées au sol qu'elles occupent, peuvent cire refou- lées, anéanties même par d'autres races voisines plus développées ; h peine s'il en reste un souvenir que l'his- toire puisse recueillir. D'autres races, inférieures par le nombre seulement, traversent alors les mers. C'est presque toujours ainsi que les peuples devenus navi- gateurs ontacquis leurs connaissances g(''ograi)hi(jues, quoicjue la surface entière du globe , celle du moins des pays maritimes;, n'ait été connue d'un pôle à l'au- tre que beaucoup plus tard. Avant d'aborder dans ses détails le vaste tableau de la nature terrestre, j'ai voulu indi(iuer i(i, d'une manière générale, conunent il est [)osbible de réunir, — 185 — dans une seule cl même œuvre, la descripiion de In surface de notre globe ; les manifeslalions des forces sans cesse en action dans son sein , l'éleclro- magnétisme et la chaleur souterraine ; les rapports d'étendue et de configuration dans le sens horizontal et en hauteur; les formations typiques de la géognosie; les grands phénomènes de la mer et de l'atmosphère; la distribution géographique des plantes et des ani- maux; enfin la gradation physique des races hu- maines, les seules qui soient aptes à recevoir, paitout et toujours, la culture intellectuelle. Cette unité d'ex- position suppose que les phénomènes ont été envi- sagés dans leur dépendance mutuelle et dans l'ordre naturel de leur enchaînement. Une simple juxtaposi- tion des faits ne remplirait point le but que je me suis proposé ; elle ne pourrait satisfaire le besoin d'une exposition cosmique qu'a fait naîti'e en mon àme l'aspect de la nature dans mes voyages de terre et de mer et sous les zones les plus diverses ; désir qui s'est formulé plus énergiquement à mesure que l'étude at- tentive de la nature développait en moi le sentiment de son unité. Sans doute cette tentative sera impar- faite sous plus d'un rapport ; mais les progrès rapi- des dont toutes les branches des sciences physiques offrent aujourd'hui le beau spectacle, permettent d'espérer qu'il sera bientôt possible de corriger et de compléter les parties défectueuses de mon œuvre. 11 esl dans l'ordre même des progrès scientifiques, que les faits restés longtemps sans lien avec l'ensemble , viennent successivement s'y rattacher et se soumettre i3 — 186 — aux lois générales. Jo n'indique ici que la voie de l'ob- servation el de l'expérienee; c'est celle où je suis entré, comme l'ont fait l)ien d'autres avec moi, en atten- dant qu'un jour vienne où, comme Socrale le de- mandait (26), « l'on interprète la nature à l'aide de la seule raison. » Puisqn'il s'agit maintenant de peindre la nature terrestre sous ses principaux aspects, il faut commen- cer par la figure et par les dimensions de la planète elle-même. C'est qu'en effet , la ligure géométrique de la terre décèle son origine et retrace son histoire aussi bien que l'élude de ses roches et de ses miné- raux. Son ellipticilé accuse la tluidité primitive , ou du moins le ramollissement de sa masse. Pour tous ceux qui savent lire dans le livre de la nature , i'apla- lissemenl de la terre est une des données les i)lus anciennes de la géognosie; de même, la form<' elli[)tique du s[)héroïde lunaire et la direction cons- tante de son grand axe vers notre planète, sont des faits qui remontent à l'origine de notre satellite ; « La figure mathématique de la terre est celle (]ue prendrait sa surface, si elle était couverte d'un licpiide en repos »; c'est ii celte surface idénic. ([ui ne repro- duit ni lesin('galilés, ni les accidents de la partie so- lide de la surface réelle (27), que se rapportent toutes les niesures géodési(}ues, quand elles ont été réduites au niveau de la mer; elle est (omplétement délenni- née lorsque Ion cdimaîl la valeur de l'aplalissemenl et la longueur du diamc'tre é(juatorial. Mais léludc <:oiuplète de la surface exigerait une double me- — 187 — sure cxéciiléc dans deux direclioiis retlaugulaircs. Déjà onze mesures de degrés (déierniinalions de la courbure de la terre en différents poinis de sa surface), dont neuf appartiennent à notre siècle, nous ont appris à connaître ia figure de notre gîol)e que déjà Pline appelait « un point dans Tunivers » (28). Ces mesures ne s'accordent point à donner, pour différents méridiens, la même courbure sous la même latitude; cette contradiction même est un argument en fa- veur de l'exactitude des instruments employés, et de la fidélité des résultats partiels. La d<'croissancc de la pesanteur, quand on marche de l'équateur au pôle, dépend de la loi que suivent les variations de la den- sité dans l'intérieur du globe ; il en sera de même de toute conclusion qu'on en voudra déduire sur la fi- gure de la terre. Aussi, lorsque Newton, inspiré par des considérations théoriques, et sans doute aussi par la découverte de raplalissemcnt de Jupiter, que Cas- sini avait faite avant 1666; quand Newton , dis-je, annonça, dans ses immortels Philosophiœ Naluralis Principia, raj)lalissement de la terre , il en fixa la valeur à ^, dans l'hypothèse d'une masse homogène ; tandis que les mesures effectives, soumises aux puis- santes méthodes d'une analyse récemment pei-fection- née, ont prouvé que l'aplatissement du sphéroïde terrestre, où la densité des couches, est considérée comme croissant vers le centre, est à très-peu près 5-^. Trois méthodes ont été employées pour <1étcrini- ner la courbure de la terre : ce sont les mesures de degrés, les observations du pendule, et certainesiné- — 188 — galitc'S liiiiaiics; loules les trois oui coiuluil au munie résultat. La première méthode est à la fois géomé- trique et aslronomi(iue; dans les deux autres, on passe des mouvements observés avec exactitude aux forces qui les ont produits, puis de ces forces mêmes à leur cause commune, qui est liée à l'aplatissement de la terre. Si, dans ce tableau général de la nature, où il ne peut être question des méthodes, j'ai fait excep- tion pour celles que je viens de citer , c'est qu'elles sont éminemment propres à faire ressortir l'étroite so- lidarité qui relie la forme et les forces aux phéno- mènes généraux. D'ailleurs, ces méthodes ont joué dans la science un rôle capital : elles ont foui-ni loc- casion de soumettre à une épreuve délicate les ins- truments de mesure de toute espèce, de perfectionner en astronomie la théorie des mouvements de la lune, et en mécanique celle du pendule oscillant dans un milieu résistant ; on peut dire enlin qu'elles ont sol- licité l'analyse à s'ouvrir de nouvelles voies. Après la recherche de la parallaxe des étoiles qui a conduit h la découverte de l'aberration et de la nutation , on ne trouve, dans l'histoire des sciences qu'un seul problème, celui de la ligure de hi terre, dont la so- lution puisse rivaliser d'importance avec les progrès généraux (jui résultent indirectement des efforts tentés pour atteindre le l)ut. Onze mesures de degrés, dont trois furent exécutées hors d'Europe, une an Pérou (ranciennemesure française), et tieux aux Indes orien- tales , ont ét(; ( om[)arées et calculées par Hessel, d'après les méthodes h's plus rigoureuses : il en est ré- — 189 — sullé un aplatissement de 5^ (30). Ainsi, dans cet el- lipsoïde de révolution, le demi-diamètre polaire est plus court de 10938 toises (21 kilomètres environ ou 5 lieuesde poste) que le demi-diamètre équatorial ; le renflement équatorial a donc à peu près cinc] fois la hauteur du Mont-Blanc, et deux fois et demie seule- ment la hauteur probable du Dhawalagiri, la plus haute montagne de la chaîne de l'Himalaya. Les inégalités lunaires (perturbations du mouvement de la Lune en longitude et en latitude) ontdonné, à Laplace, un apla- tissement de —7, c'est-à-dire le même résultat que les mesures de degrés. Mais les observations du pen- dule (32) ont conduit en moyenne à un aplatissement beaucoup plus fort (y~). On raconte que, pendant le service divin, Galilée, encore enfant et'sans doute un peu distrait, reconnut qu'on pourrait mesurer la hauteur du dôme de l'église par la durée des oscillations des lampes suspendues à la voûte, à des hauteurs inégales ; mais qu'il était loin de prévoir que son pendule dût être un jour trans- porté d'un pôle à Taulre, pour déterminer la figure de la ïene, ou plutôt pour constater que l'inégale den- sité des couches terrestres influe sur la longueur du pendule à secondes! On ne peut trop admirer ces propriétés géognostiques d'un instrument destiné d'abord à mesurer le temps , et qui peut servir à son- der, en quelque sorte, les profondeurs ; à indiquer, par exemple , s'il existe dans certaines îles volcani- ques (32), et sur les versants des chaînes de monta- gnes (33), des cavités souterraines ou des masses pe- — 190 — sanles do basaho ol de iiK'Iapbyro. Malhourousonionl, ces belles propriétés dcvionnoiii aulaiit d'iiuonvé- nieiils graves, quand il s'agit d'ai)p]iquer la méthode des oscillations du pendule à l'étude de la forme i^^^- néi'alede la Terre. Lescliaînesdemoiitacçnes et la den- sité variable des couches réagissent aussi, mais d'une manière moins nuisible, sur la partie astronomique d'une mesure de degré. Quand la figure de la Terre est connue, on peut en déduire l'influence qu'elle exerce sur les mouve- ments de la lune; réciproquement, de la comiais- sance parfaite de ces mouvements on peut remontei- à la forme de notre planète. C'est ce qui a fait dire à Laplace (34) : « 11 est tiès-remarquable qu'un as- tronome, sans sortir de son observatoire, en compa- rant seulement ses observations à l'analyse, eut pu déterminer exactement la grandeur et Taplalisse- menl de la Terre, et sa distance au Soleil et à la Lune, éléments dont la connaissance a été le fruit de longs et pénibles voyages dans les deux hémisphères. » L'aplatissement qu'on déduit ainsi des inégalités lu- naires, a, sur les mesures i\o degré isolées et sur les observations du pendule, l'avantage d'être ind(''[)en- danl des accidents locaux; c'est l'aplatissement moj/rn de notre planète. Comparé à la vitesse de rotation de la Terre, il prouve que la densité des couches ter- restres va eu croiss.aut de la surface au centre; l'on obtient le même r('sultat pour Jupiter et pour Satiu'ne , quand on compare leurs aplatissements avec les dui'ées de leurs rotations respectives. Ainsi, la — 191 — connaissance de la figure extérieure des astres con- duit à celle des propriétés de leur masse inté- rieure. Les deux hémisphères paraissent avoir h peu près la même courhure sous les mûmes latitudes (35); mais les mesures de degrés et les observations du pendule donnent, pour les diverses localités, des résultats tel- lement différents, qu'aucune figure régulière ne peut s'adapter à toutes les déterminations ainsi obte- nues. La figure réelle de la Terre est, à une figure ré- gulière, géométrique, « ce que la surface accidentée d'une eau en mouvement est à celle d'une eau tran- quille. » Après avoir ainsi mesuré la Terre, il fallait encore la peser. Plusieurs méthodes ont été imaginées dans ce but. La première consiste à déierminer , par une combinaison de mesures astronomiques et géodési- ques, la quantité dont le fil à plomb dévie de la verti- cale, sous rinduence d'une montagne voisine; la seconde est fondée sur la comparaison des longueurs d'un pendule qu'on a fait osciller d'abord au pied , puis au sommet d'une montagne; la troisième mé- thode est celle de la balance de torsion , qu'on peut aussi considérer cemme un pendule oscillant hori- zontalement. De ces trois procédés (30), le dernier est le plus sûr, parce qu'il n'exige pas, comme les (îeiix auîres, la détermination toujours difficile de la densité des minéraux dont se compose une montagne. Les recherches récentes que Reich a faites avec la ba- lance de torsion, ont fixé la densité moyenne de laTerre — 192 — entière h o,44, celle de l'eau pure étant prise pour unité. Or, d'après la nature des roches qui composent les couches supérieures de la partie solide du t,dohe , la densité des continents est à peine 2,7; par consé- quent, la densité moyenne des continents et des mers n'atteint pas 1,6. On voit par là combien la densité des couches intérieures doit croître vers le centre, soit par suite de pression qu'elles supportent, soit h cause de la nature de leurs matériaux. C'est une nou- velle raison à ajouter à celles qui ont fait donner, au pendule vertical ou horizontal, le nom d" instrument géognostique. Plusieurs physiciens célèbres , placés à des points de vue différents, ont tiré de ce résultat des conclu- sions diamétralement opposées sur l'intérieur de no- tre globe. Ainsi, Ton a calculé à quelle profondeur les liquides et même les gaz doivent avoir acquis, sous la pression des couches supérieures, une densité supé- rieure à celle du platine ou de l'iridium ; puis, pour accorder l'hypothèse de la compressibilité indélinie de la matière avec l'aplatissement, dont la valeur est fixée aujourd'hui entre des limites lrès-i'aj>prochées, l'ingénieux Lesliese vit conduit à présenter l'intérieur du globe terrestre comme une caverne sphérique « renq)lie d'un (luide impondérable, mais doué d'une force d'expansion ('norme. » Ces conceptions hardies firent naître bientôt des idées encore plus fantas- tiques dans des esprits entièrement étrangers aux sciences. On en vint à faire croître des plantes dans cette sphèie creuse; on la peupla d'animaux. — 193 — et, pour en chasser les ténèbres, on y fil circuler deux astres , Pluton et Proserpino. Ces régions sou- terraines furent douées d'une température toujours égale , d'un air toujours lumineux par suite de la pression qu'il supporte : on oubliait sans doute qu'on y avait déjà placé deux soleils pour l'éclairer. Enfin, près du pôle nord, par 82° de latitude, se trouvait une immense ouverture par où devait s'écoider la lumière des aurores boréales, et qui permettait de descen- dre dans la sphère creuse. Sir Humphry Davy et moi, nous fûmes instamment et publiquement invités, par le capitaine Symmes, à entreprendre cette expédi- tion souterraine. Telle est l'énergie de ce penchant maladif qui porte certains esprits à peupler de mer- veilles les espaces inconnus, sans tenir compte ni des faits acquis à la science, ni des lois universellement reconnues dans la nature. Déjà, vers la fin du xvn' siècle , le célèbre Halley , dans ses spéculations ma- gnétiques, avait creusé ainsi l'intérieur de la Terre : il supposait qu'un noyau, tournant librement dans cette cavité souterraine, produit les variations an- nuelles et diurnes de la déclinaison de l'aiguille ai- mantée. Ces idées, qui ne furent jamais qu'une pure fiction pour l'ingénieux Ilolberg, ont fait fortune de nos jouis, et l'on a cherché, avec un sérieux i!i- croyable, à leur donner une couleur scientifique. La figure, la densité et la consistance actuelles du globe sont intimement liées aux forces qui agissent dans son sein, indépendamment de toute inlluence extérieure. Ainsi, la force centrifuge, conséquence — 194 — (lu mouvement de rotation dont le sphéroïde terrestre e-^t animé, a (l(''tcrniin('; laplalissement du globe; à son loui", Taplalissement dénote la tluidité prinii- îive de notre planète. Une énoiine (pianliK' de cha- leur lalartie de la chaleur qui a pénétré les couches équatoriales, se meut dans l'intérieur de l'é- corce terrestre jusque vers les pôles; là, elle se dé- verse dans l'atmosphère et va se perdre dans les rc'gions éloignées de l'espace. Le troisième mode de propagation est le plus lent de tous; il consiste dans le refroidissement séculaiie du glohe, c'est-à-dire dans la perte de cette faihle partie de la chaleur prî- nïitivc qui est actuellement transmise à la surl'ac(\ A l'époque des plus anciennes révolutions de la Terre, celle déperdition de la chaleur centrale a dû être con- sidérahle: mais, à partir des temps historiques, elle — 197 — s'est tellement ralentie, qu'elle échappe presque à nos instruments de mesure. Ainsi , la surface de la Terre se trouve placée entre l'incandescence des couches intérieures et la basse température des espaces cé- lestes, température vraisemblablement inférieure au point de congélation du mercure. Les variations périodiques que la situation du So- leil et les phénomènes météorologiques produisent dans la température de la surface , ne se propagent dans l'intérieur de la Terre qu'à une très-faible pro- fondeur. Cette lenletiansmission de la chaleur à tra- vers le sol diminue la déperdition qu'il éprouve pen- dant l'hiver ; elle est favorable aux arbres à racines profondes. Ainsi, les points situés à diverses profon- deurs, sur une môme ligne verticale, atteignent, à des époques très-différentes, le maximum et le minimum de la température qui leur écheoit en partage, et plus ils s'éloignent de la surface , plus la dilférence de ces deux extrêmes diminue. Dans la région lenq^érée que nous habitons (lat. 48"-52"), la couche de tem- pérature invariable se trouve à une profondeur de 24 à 27 mètres; vers la moitié de cette profondeur, les oscillations que le thermomètre éprouve par suite des alternatives des saisons vont à peine à un demi- degré. Sous les tropiques, la couche invariable se trouve déjà à 1 mètre au-dessous de la surface, et Boussingault a tiré parti de cette circonstance pour déterminer, d'une manière simple et, à son avis, très-sûre , la température moyenne de l'atmosphère du lieu (39). On peut considérer celle température — 198 — moyenne de l'atmosplière, en un point donne de la surfilée ou mieux dans un groupe de points rappio- ches, comme l'élément rondamental qui détermine, dans chaque contrée, la nature du climat et de la vé- gétation. Mais la température moyenne de la surface entière est trcs-dillerente de celle du globe terrestre lui-même. On s'ejiquiert souvent si le cours des siè- cles a sensiblement modilîé cette moyenne lempéra- lure du globe, si le climat dune légion s'est détérioré, si riiiver n'y serait pas devenu plus doux et l'été moins chaud. Le thermomètre est lunique moyen de résoudre de pareilles questions, et c'est à peine si sa découverte remonte à deux siècles et demi; il n a guère été employé d'une manière rationnelle que de- puis cent vingt ans. Ainsi, la nature et la nouveauté du moyen reslieignent considéiablement le clianq) de nos recherches sur les tenipératures atmosphéii- ques. II nen est plus de même, s'il s'agit de la cha- leur centrale de la Teire. De même que de l'égalité dans la durée des oscillations d'un pendule , on peut conclure à l'invariabilité de sa température, de même la constance de la vitesse de rotation qui anime le globe terrestre nous donne la mesure de la stabilité de sa température moyenne. La découveiie de celle relation enti e la longueur du jour et la chaleur du globe, est assurément l'une des plus brillantes appli- cations (ju'on ait pu faire d une longue comiaissiuice des mouvements (('lestes,:» l'c'lude de l'état tii('r;nifjue (le noire j>lan('le. On sait (]ue la viti^sse de rotation de la Terre dépend d(3 son volume. La masse de la I — 199 — Terre venant à se refroidir par voie de rayonnement, son volume doit diminuer; par conséquent, tout dé- croissement de température correspond à un accrois- sement de la vitesse de rotation, c'est à-dire à une diminution dans la longueur du jour. Or, en tenant compte des inégalités séculaires du mouvement de la Lune dans le calcul des éclipses observées aux époque:') les plus reculées , on trouve que, depuis le temps dHipparque, c'est-à-dire depuis deux mille ans, hi longueur du jour n'a certainement pas diminué de la centième paitio d'une seconde. On peut donc affir- mer, en restant dans les mêmes limites, que la tempé- rature moyenne du globe terrestre n'a pas varié de j\- de degré depuis deux niiiie ans. Cette invariabilité dans les dimensions suppose une égale invariabilité dans la répa; lilioii de la den- sité l\ lintérieui' de la Terre, il en résulte que la ibr- mat ion des volcans actuels, l'éruption de laves fer- rugineuses, et le transpoit des lourdes masses de pierres qui ont couiblé les fentes et les crevasses, n'ont [jroduit, en réalité, que des modiricalions insi- gniliantes; ce sont des accidents superHciels dont les dimensions s'évanouissent quand on les compare à celles du globe. Les considérations que je viens de présenter sur la chaleur interne de notre planète re[)osent presipie exclusivement sur les résultais des belles recherches de Foui'iei". Poisson a élevi' des doutes sur la réalité de cet accroissement continu de la chaleur terrestre, depuisla suiTace du globe jusiju^au centre ; suivant lui, — 200 — loiiie chaleur a pénétré de l'exlërieur à l'intérieiir, et celle qui ne provient pas du Soleil dépend de la tem- pérature, ou très-haute ou très-basse, des espaces cé- lestes que le système solaire a traversés dans son mou- vement de translation. Cette hypothèse, émise par un des plus profonds géomètres de notre époque, n'a pu satisfaire ni les physiciens, ni les géologues. Mais, quelle que soit l'origine de la chaleur interne de notre l)lanète, quelle que soit la cause de son accroissement, limité ou illimité vers le centre, toujours est-il que la connexité intime de tous les phénomènes primordiaux de la matière, et le lien caché qui unit entre elles les forces moléculaires, nous conduisent à rattacher, h la chaleur centrale du globe, les mystérieux phéno- mènes du magnélisme lerreslre. En effet , le magné- tisme terrestre, dont le caractère principal est de \\Yé- senter, dans son triple mode d'action, une continuité de variations périodiques, doit être attribué, soit aux inégalités de la température du globe (41), soit à ces courants galvaniques que nous considérons comme de l'électricité en mouvement dans un circuit fermé (42). La marche mystérieuse de l'aiguille aimantée dépend à la fois du tenqis et de l'espace, du cours du Soleil et de la position géographique. A Tinspeciion d'une aiguille aimantée, de même que, sous les tropiques, à la vue des oscillations du baromètre, on peut recon- naître Theure do la journée. Bien ])lus, les aurores boréales, ces lueui's rougeàli'es qui colorent le ciel de nos régions arctiques, exercent sur elle une action pas- sagère, mais immédiate. Lorsque le mouvement ho- — 20i — mire de l'aiguille estlroublé par un orcKjc inaynélique, il arrive souvent que la perturbation se manifeste simullanément et dans toute la rigueur de ce terme, sur terre et sur mer, à des centaines et à des milliers de lieues ; ou bien elle se propage dans tous les sens à la surface du globe, d'une manière successive et à de pelits intervalles de temps (43). Dans le premier cas, la simultanéité des phénomènes pourrait servir à déterminer les longitudesgéogi'aphiques,toutcomnie les éclipses des satellites de Jupiter, les signaux de feu et les étoiles fdantes convenablement observées. On reconnaît avec admiration que les mouvements sac- cadés de deux petites aiguilles aimantées pourraient laîre connaître la distance qui les sépare, même quand elles seraient suspendues sous terre h de grandes profondeurs, et nous apprendre, par exenq)le, à quelle distance Casan se trouve placé à l'orient de Gœttingueou de Paris. Il existe, sur le globe, des ré- gions où un navigateur, enveloppé par les brouillards pendant de longues journées, est souvent privé des moyens astronomiques (jui servent h déterminer l'heure et la position du navire : rinclinaison de l'aiguiile lui indi(pieniit alors , avec exactitude , s'il se trouve au nord ou au sud d'un port où il doit re- lâcher (44). Maissi la[)erlurbatioii(iui vient affecter subitement la marche horaire de l'aiguille, annonce et pi'ouve rexistence d'un orage magnétique, il faut avouer que le lieu où gît la cause pertuibatrice est encore à cher- cher; oxiste-l-elle dansTécorcc terresli-eou dans les » i — 202 — levions suiJLTicui es ilcralinosplu'ir'? la(|uesliuii n csl nialheiirouspiiient pas soluble actiielleinonl. Si Ton considère la Ton'c fomnio ;m aimant réel, il ("atil alors, suivant l'expression du célèbre l'ondateur dune théorie générale du inaL;nélisnic (erivslre , Frédi'ric Gauss, altribner à la Terre, par cha(]ue huitième (ie mètre cubi(}ue, la force maL-nélique d'un harnau ai- luanté, dont le })oids serait d'une livre (45). S'il est vrai que le fer, le nickel, et probablement le cobalt (mais non le chrome (46), qu'on a loni>temps adjoint aux pi'écédenls métaux), soient les seules substances qui puissent relenii' dune manière duiable les pro- priétés magnétiques, en vertu d'une certaine force coercilive, d'un autre côté, le magnétisme de lola- lion d'Ârago et les courants d'induction de Faraday, ])rouvent (]ue louteslessubslances lerreslres i)euvenl devenir pasaaycmnrtd magnétiques. Les recherches du premier de ces deux ilhisires physiciens ontétab'i que l'eau, la glace 'Jt-'î), le verre, le charbon et le mercure, exercent une action sur les oscillations de l'aiguille aimantée. Pres(|ne toutes les substances pié- sentent un certain degré d'aimantation lors(ju'elles joueiîl le rôle de conducteurs, c'est-à-dire, lors- (ju'elies sont traversées par un courant d'électricit(''. Les peuples occidentaux pai-aissent avoir connu tiès-anciennement la force dallrac tion des aimants naturels; mais, l'ait bien remar(piable,ce sont les peu- ples de rexiremite orientale de l'Asie, les (Chinois, qui seuls oui connu l'actioti dii'cctrice (pie le globe ter- reslK* exerce sur l'aiguille aimantée. Mille ans et plus — 203 — avant noire vve , à rc'i)oque si obscure de Codrus el du retour des Héraclides dans le Péloponnèse , les Chinois avaient déjà des balances magné tiques, dont un des bras portail une fii^ure humaine qui indiquait constanuïienl le sud ; el ils se servaient de celle bous- sole pour se dirigera travers les steppes innnenses de laTartarie. Déjà, au ni" siècle de notre ère, c'est-à- dire sept cents ans au moins avant l'inlroduclion de la boussole dans les n;ers européennes , les jonques chinoises naviguaienl sur l'Océan indien (48) d'après 1 indication magnétique du sud. J'ai lait voir, dans un autre ouvrage, quelle supériorité (49) la connaissance et l'emploi de l'aiguille aimaiilc'C , à ces époques l'e- culées, avaient donnée aux géogra[)hes chinois sur les géographes grecsou romains, qui ignorèrent loujoui's, jiar exemple, la vraie direction des Apennins et des Pyrénées. La force magnétique de notre planète se manileste à la surface par trois classes de phénomènes, dont l'une répond à Vinlcnsilé variable de la force elle- même , tandis que les deux autres conqiiennent les faits lelalifs à sa direction variable, c'est-à-dire V in- clinaison et la déclinaison ; ce dernierangle esl compté, en chaqueliei», dans le sens horizonlal, à partir du mé- ridien lerrestre. L'elfet complet que le magnélisme produit à l'exU'rieur, \)Oul ainsi se rcprésentei'giaphi- (juement à l'aide de trois systèmes de lignes, àsavoii*: les lignes isodynamiques, les lignes isocliniques et les lignes isogoniques, ou, en d'aulres K iiik s, les li^rnos d'égale intensité, d'égale inclinaison , < i d'é'-ale dé- — ±{)'t — clinaisoii. La disianceel la position ivlalivc ck' ces li- t;iK's lie rcslenl point constantes : elles sont soumises h (le conliiuiels (lé[)lacenïents oscillatoires. Cepen- dant, il est sur la surface du i^IoIm' des points (50), tels (pie la pai'lie occidentale «les Antilles et le S[mI/- beig, où la d(''clinaison de raiguille aimantée ne vai'ie pas, ou du moins ne varie que de (|uanlités à [)eine sensibles dans le cours entier d'un siècle. De ic.ème, si des lignes isogoniqiies, par suite de leur mouve- ment séculaire , viennent à passer de la surface^ de la mer sur un continent ou sur une île un peu considé- rable, elles s'y arrêtent longtemps, et s'yrecouibent à mesure qu'elles avancent ailleurs. Ces déplacements successifs et ces modi Méritions in('gales des déclinaisons orientales et occidentales , compliquent les représentations graphiques qui lé- poiidejità des siècles diflei-ents, et empêchent d'y re- connaître lacilenient les rajjports et les analogies des larmes. Telle branched'nneeourbea toute une histoire ])arliculièrc; mais, chez les peu[)les occidentaux, celle histoire ne remonte pas ;h! delà de réq)oqne mémo- rable (î3 sept, l'id'l) où le grand homme (pii lit la se- conde découverte du Nouveau-Monde, leconnui une ligne sans d(''( linaison vei's T à l'ouest du méridien de Tune des Açores, l'île de Flores (51). Sauf une petite partie de la Russie, rEui'0[)e entière a maintenant une déclinaison occidtMilale, tandis (pi'iila îin du wif siè- cle, à Londres en l()o7, puis en 1G09 à Paris, l'aiguille ('laitdirig(''e <'xale dislance de ces deux villes, la dill^'ience des deux — 20o — époqiios osl ici (\o douzo nmi('Os). Doux oxcollonts oli- sorvafoms, Hanslooii el Adolphe Kiiikui, oui signai.' rétonnaul phénomène qneles hgnes d'égale déclinai- son })réscntent dans les vasies régions de l'Asie sep- lend'ionaic : concaves vers le pôle entre Ohdoriï sur rOhi et Turuchanslv , elles sont convexes eiitre] le lac Baikal et la lucr dOcholsk. Dans ces régions dn nord de l'Asie orientale, entre la chahie de AYer- chojansk, Jakoutsk et la Corée septentrionale, les lignes isogoniques forment un système particulier très-remai'qnable, dont la forme ovalaire (52) se re- produit sur une pins grande échelle dans la mer du Sud, presque sous le méridien dePilcairn et del'ai'- chipel des Marquises, entre 20° de latitude boréale et 45" de latitude austiale. On serait porté à attribuer ces systèmes isolés, fermés de toutes parts, et formés de courbes presque concentriques, à des pi'Oi)iiétés locales du globe terrestre ; mais si de tels systèmes, en apparence isolés , doivent se déplacei' aussi dans la suite des siècles, il faudrait en conclure que ces phé- nomènes, comme tous les graiuls faits naturels, se l'apportent il une cause beaucoup i)lus générale. Les variations hoi-aires de la déclinaison dé[)endent du temps vrai ; elles sont réglées par le Soleil, tant que cet asire est sur l'hoiizon du lieu, et elles dé- croissent en valeur angulaire avec la latitude mai^né- ti((ue. Près de l'i^quateui" , par exem[)Ie dans l'île de Rawak, elles sont à peine de trois à quatre minutes, tandis qu'elles montent à treize ou quatorze minutes dansl'luiropi' ceniralc. Or, comnu' depuis 8 ' licuris — 200 — (In inatin . jusqu'à 1 \ du soir, lormo moyon, IVxtrô- luilé l)oi('alo (le raiguillo niarclio do iV'st à l'ouest dans riiôniisphoio soplendional, ol de l'ouest à l'est dans l'hémisphère austral ; on a en raison d'avancei- (53) qu'il doil y avoir sur la terre une région , située probahleinent enire l'équatenr terrestre et l'équatenr magnétique, on la variation horaire de la déclinaison est nulle. Celle dernière courbe pourrait être nom- mée ligne sans rahation horaire de la déclinaison : elle n'a pas été trouvée jusqu'à présent. De même qu'on a donné le nom de pôles mamiéli- ques à ces points de la surface terrestre où la force horizontale dispaïaît, poiîitsdont l'importance a du reste été fort exagéi'ée (5i) , de même Yéqnaleur nia- gnéliqne oM la courbe des points où l'inclinaison de aiguille est nulle. La position de cette ligne et les changements séculaires de sa forme, ont été, dans ces dej'niers temps, l'objet de sérieuses i-echerches. D'a- près les excellents travaux de Dnperrey (.")o), qui a traversé l'équatenr magnétique à six reprises diiïé- renles , de 1822 à 1825, les nœuds des deux équa- leurs , c'est-à-(li.''e les deux points où la lifine sans inclinaison coupe l'équatenr terrestre et ]>assc ainsi d'un luMuisphère dans l'autre, sont placés d'une manière peu régulière : en 1825, le nœud qui se liou- vait près de l'île de Saint-Thomas , vers la côte occi- dentale de l'AIViqne, était à 188° J du nonid silué dans la mer du Sud, pris des petites îles de Gilbert, à peu pri's sous le nKM'idien de laïc hi[>el deViii. Au conmiencemenl de ce siècle , j'ai déterminé astrono- — 207 — iniquement, i\ 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer, le point (7° l'ial. aust. et 48° 40' long, oceid.) où la chaîne des Andes est coupée par l'équateur magnétique, entre Quito et Lima. A l'ouest de ce point, l'équateur magnétique traverse presque toute la mer du Sud dans l'hémisplière austral , et se rap- proche lentement de l'équateur terrestre. Il passe dans l'hémisphère septentrional un peu en avant de l'archipel Indien , touche seulement les extrémités méridionales de l'Asie, et pénètre ensuite dans le con- tinent africain, à l'ouest de Socolora, vers le détroit de Bah-el-Mandeb; c'est alors qu'il s'écarte le plus de l'équateur terrestre. Après avoir traversé les régions inconnues de l'intérieur du continent africain dans la direction sud-ouest, l'équateur magiiélique revient dans la zone australe des lropi(|iîcs, vers le golfe de Guinée ; il s'écarte alors lellcment de l'équateur ter- restre, qu'il va couper la côte brésilienne par 15" de lalitude australe, vers Os ïlheos, au nord de Porto-Sc- guro. De là aux plateaux élevés des Cordillères , où je pus observer l'inclinaison de l'aiguille entre les mines d'argent de Micuipampa et l'ancienne résidence des ïncas, Caxamarca, il parcourt toute l'Amérique du Sud, vaste contrée, qui, vers ces latitudes, est en- core pour nous une terra tncognita magnétique , de même que l'Afrique centrale. De nouvelles observations , recueillies et discutées par Sabine (56), nous ont appris que de 1825 à 1837, le nœud de l'île Saint-Thomas s'est déplacé de 4° en avançant de l'Orient vers l'Occident, il serait ex- — 208 — irèmcinoiit iniporlanl do savoir si raiUro nœud, siliK' dans la mer du Snd,Yors les îles Gilhcit, a iiiarclié vers l'oiiesl d'une (juanlilé égale, en se lap- j)roeliant du méridien des Carolines. On peut Aoir, par ecl apei'çu général, conimenl les dillérenls sys- tèmes de lignes isocliniques se relient à cette grande ligne sans inclinaison dont les variations de forme et de position changent les latitudes magnéli(pios, et influent ainsi sur linclinaison , de l'aiguille, jus(|ue dans les contrées les plus éloignées (57). On voit aussi que , par une favorable répartition des terres et des mers, les ~ de Téqualeur magnélique sont situés sur l'Océan ; or, connue nous possédons au- jourd'hui les moyens de mesurer en mer, avec la dernièie exactitude, rinclinaisou et la déclinaison de l'aiguille aimantée, celt(» position océanique n'est pas un médiocre avantage pour l'étude du magné- tisme terrestre. Apiès avoir exposé la distribution du magné- tisme à la surface du globe, sous le double point de vue de la di'clinaison et de l'inclinaison de l'ai- guille aimantée, il nous reste encore à lenvisagcr par rapi)ort à l'intensité de la force elle-même, in- tensité que les lignes isodynami(pies sont destinées à représenter graphicpiement. Le vif intérêt (pi'inspirent universclleiiK'nt aujourd'hui l'élude ol la nu^sure do celte force par la nK'thode des oscillations d'une ai- guille voiticale ou horizontale, ne remonte ])as au delà du connnencement de ce siècle. Grâce aux les- souicos pciTcciiiMHK'r , (!<• Toplique ol do lachrono- — 209 ~ métiic , ce ^eine de mosiiro di'pMSSC o\\ oxarlitiide toutes les autres déleruiinalions magnétiques. Sans doute, les lignes isogoniques sont pins impoi'tanles pour le navigateur el pour le pilote; mais s'il s'agit de la théorie du magnétisme terrestre, les lignes d'égale intensité sont eelles dont on espère aujour- d'hui les résultats les plus féconds (58). Le premier fait que l'on ait constaté, par des mesures directes, c'est la décroissance de l'intensité totale en allant do l'écpiateur vers le pôle (59). Si nous connaissons actuellement la loi que suit cette diminution d'intensité et la distribution géo- graphique de tous les termes dont elle se compose, nous le devons, surtout depuis 1819, à l'infatigable activité d'Edouard Sabine; après avoir observé les oscillations de l'aiguille avec les mêmes appareils , au pôle nord américain, au Groenland, au Spitz- berg, sur les côtes de Guinée et au Brésil, Sabine s'est encore occupé de rassembler et de coordonner tous les documents capables d'éclaircir la grande question des lignes isodynamiques. J'ai moi-même domié, pour une petite partie de l'Amérique du Sud, le premier essai d'un système isodynamique divis{» }>ar zones. Ces lignes ne sont pas parallèles à celles d'égale inclinaison; la force magnétique est loin d'at- teindi'eson minimum d'intensité à l'équalcui', couime on le crut d'abord; elle n'y est même uniforme nulle part. Lorsque l'on compare les obsei'valions d'Iù'inan dans la partie méridionale de l'océan Atlantique, où se trouve une zone de faible in(ensil('' (0,70()) (pii va — 210 — (l'Angola, par lîlo do Sainlo-Hc'lèno. jusqu'aux cùlos (In Brésil , avec les dernières ol>servalions du gT'and navigateur James Clark Ross, près du (ap Crozier, on trouve que la force magnétique augmente presque dansl(* rapport de 1 à 3, vei'S le pôle magnétique aus- tral (ce pôle est siluésur la terre Victoria, h l'ouest du volcan Erebus, dont le sommet s'élève, au milieu des glaces, à 3800 mètres au-dessus de la mer) (60). L'in- tensité, près du pôle magnétique austral, étant h très- j,eu piès 2,0o2 (l'unité qu'on a adoptée dans ce genre d'évaluation est rintensitc' que j'ai déterminée au Pé- rou sur l'équaleur magn(''titi(Mueul ci pai' laclialeur. dit IMiiH' d'après Tlialès ci Tccolc iouiepic. il allii»^ les — 211 — IVagnionls df-rorce et de feuilles sèches , loiil roui nie raiiuaut attire le fer. » On retrouve la même idc'e dans les annales scientifiques d'un peuple (jui occupe rexlrémitë orientale de l'Asie, et le physicien chi- nois Kuopho l'a reproduite, avec les mêmes termes, dans son éloge de Taimant (62). A ma grande sur- prise, j'ai dû reconnaître que les sauvages des bords de rOrénoque , une des races les plus dégradées de la terre, savent produire de l'électricité par le frot- tement; les enfants de ces trihus s'amusaient à frotter les graines aplaties , desséchées et brillantes, d'une plante grimpante à siliques (c'était probablement une ncgretia), jusqu'à ce qu'elles attirassent des brins de coton ou de roseaux. Ce n'était là qu'un jouet d'en- fant pour ces sauvages nus , au teint cuivré ; mais pour nous, quel sujet de sérieuses réflexions ! Quel abîme entre ces jeux électi'iques des sauvages et nos l>ara(onneiTes , nos piles voltaïques, nos appareils magnétiques producteurs d'étincelles! Des milliers d'années de progrès et de développement intellectuel ont creusé cet abîme. Quand on rélléchit à la perpétuelle mobilité des phénomènes du magnétisme terrestre, lorsqu'on voit l'intensité, la déclinaison, l'inclinaison, variera la fois avec les heures du jour et de la nuit, avec les sai- sons de l'année, et même avec le nombre des années écoulées, on ne peut se refuser à croire queles courants éleclri(jues dont ces phénomènes dc'pendeiit, forment des systèmes partiels tiès-complexes dans 1 intérieur de récorce de; notre planète. Mais ([uelle est l'origine — 212 — (lo (('S coiiraiils? Sont-ils, coimiio dans los oxjx'- lionccs (le Seobcck , do simples eouranis ihernio- éleelriques, pi'Otluils par I iiK'L^ale i(''[)arlili(>ii de la chaleuî', ou plulol des eouranis d"indu( lion nés de l'action caloiidciue du Soleil? Accordeions-nous une eeilaine indueuee sur la disli'ibulion des forées nia- gn(''li(|ues au niouvenienl de rolalion de la Terre el aux vitesses différentes que les zones possèdent d'a- près leurs dislanees à Téquateur? Peut-être exist<'-t-il un eentre d'aelion magnétique dans leses[)aces inler- plauélaires, ou dans iie.e certaine polariié du Soleil et de la Lune. Ces dei'uières hypothèses ra[)pellent que Galilée, dans son célèbre Dialogo, explique la di- rection constante de l'axe de la terre, [)ar un rentre d'aelion magnétique situé dans les espaces célestes. Si l'on se l'cprésenle l'intérieur du globe terrestre comme une niasse liquéliée par une chaleur énorme, il faut renoncer à ce noyau magnétique, dont cei- taiiis [)hysiciens ont doué la terre , pour explicpier les phénomènes (pii nous occupent. Cependant , le niagn(''lisme ne disparaît compl<'*tenient qu'à la cha- leur blanche (6'^), el le lér en conseive encore des Iraces quand sa température ne dé[)asse point lerouge obscur : (juclies (jue soient, d'ailleurs, dans ces e\p(''- riences, les modifications quVq>rouve l'étal molécu- laire (les coi'ps, el par suite, leur force coercilive , il r(^slei'a toujours une notable épaisscMir de TcHon^e terrestre oîi nous pouri'ons cherchei' le siège des courants niagn(''ti(jues. Ou attribuait autrefois les va- riations hoi'aiics de la (!('( liiiaisoii l\ \'r(\\M\\]i'nu'U{ — M3 — progressif do la Terre sous rinlliieiKe (]ii iiiouvciiictu cli'.inie apparent du Soleil ; mais celte aclioii n'inlé- resse que la couche la plus superficielle , car des ob- servalions faites avec soin en plusieurs lieux du globe, à l'aide de îliennoinèlres enfonces dans le sol à di- verses profondeurs, ont montré avec quelle lenteur la chaleur solaire pénètre à quelques pieds seulenienl. En outre, l'état thermique de la surface de la nier , qui forme les : de celle du globe entier , s'accordera (liiïicileinenl avec cette ihéorie, tant qu'il s'agira d'une action immédiate , et non d'ujic action d'induction exercée par les couches d'air ou de vapeurs aqueuses de l'atmosphère. Ainsi, dans l'état actuel de nos connaissances, il faut se résoudre à ignorer les dei'nières causes physiques de ces phénomènes compliqués; si la science a fait j'é- cemment de brillants progrès, c'est dans une auti'e voie; c'est par la détermination numérique des va- leurs moyennes de tout ce qui peut-être souuiisà nos mesures de tenq)SOu d'cs})ace; c'est en dirigeaiit tous les efforts vers ce qu'il y a de constant et de réguHei* au fond de ces apparences variables. De Toronto, dans le haut Canada, au cap de Bonne-Espérance et \\ la terre de Yan-Dicmen , de Paris h Pékin, la leirc est couverte, depuis d8'28, iVobsrrcdloirrs inagnétiqucs , où l'on épie sans cesse cha(jue maniiésialionn'gidière ou irrégulière du magnétisme terrestre, à l'aide d'ob- seivations simultanées. On y mesure des variations de 7;;^ dans l'intensité totale. A certaines époques, on y observe pendant 2 ï heui'cs consécutives, par iiitei- — 214 — vallr's tic deux iniiiulescl demie. Kn liois ans, d'a- près les calculs d'un illustre astronome aniilais , le nombre des observa lions à discuter s"<'lèvera à 19o8000. Jamaisell'ons aussi i;iandioscs, aussi dii^nies d'admiration, n'ont été tentt's dans le but d'approfon- dir une des giandes lois de la nature. En comparant ces lois à celles qui régnent dans notre atmosphère ou dans certaines régions plus éloignées encore, on pourra remonter, tout nous le porte h lecioire , jus- qu'à la source même des manileslations magn(''ti- ques. Dès à [nésenl du moins, il nous est permis de nous glorilier du nond)re el de rim[>orlance des moyens qui sont mis en œuvie; mais prétendre que la théorie physi(juedu macïnélisnie terrestre ne laisse plus rien ii désirer aujourdhui, ce serait agir comme l'ont ceux qui ne tiennent compte des laits qu'autant qu'ils s'acconunodent à leurs spéculations. 1) intimes rapports unissent à la fois le magnétisme du globe et les forces électro-dynami(jues (prAmpère a mesurées '^67j Jila production de la hnnière polaire, ainsi quàla chaleur de notre jdanèle, dont les pôles magnétiques sont considérés connue des pôles de froid (68). Il y a plus de 128 ans, Halley soupçonnait que les aurores boréales j^ourraient bien ètredesim- ples phénomènes magnétiques: aujojn-d'hui , la bi'il- lante découveiic de Faraday, (pii fit naître de la lu- mière par l'action des seules forces magnétiques, a donné à ce vague soupçon la valein- dune ccililude exj)érimenlalc. Il existe des phénomènes avaiil-couieuis de 1 au- — 213 ~ rorc boréale: déjà, peiulanl le jour qui précède Taupa- rilion nocturne, la marche irrégulière de l'aignillo ai- manléc annonce une perlurbalion dans réquilii)re des lorccs niagnéliques de la teri'e. I^orsque celle per- lurbalion s'est développée dans toute son énergi<' , l'équilibre troublé se rétablit par une décharge ac- compagnée de lumière. « Il ne faut pas considérei- l'aurore boi'éale elle-même comme la cause extérieure de la perluibalion, mais comme le résultat d'une ac- tivité terrestre, dont la puissance s'élève jusqu'à faire naître des phénonèmes lumineux, et qui se manifeste ainsi, d'un coté, par celle production de lumière, de l'autre , par les oscillations de l'aiguille aiman- tée » (70). L'a})parilion de l'aurore boréale est l'acle qui met fin à un oraye maynélique^ de même que dans les orages électriques , un phénomène de lumière , réclair, annonce que l'équilibre momenlanémenl lioublé, vient de se rétablir enfin dans la distribution de l'électricité. L'orage électrique est d'ordinaire cir- conscrit dans un faible espace, hors duquel l'élat élec- trique de l'atmosphère n'a point été troublé. L'orage magnétique, au contraire, étend son influencesurune grande partie des continents ; et, c'est encore là mic découverte d'Arago , celte action se fait sentii* loin des lieux où le jihénomène de lumière a été visible. Lors- que le ciel se couvre de nuages orageux, lors(|ue l'at- niosphère passe fn'quenniient d'un étal électrique à l'état opposi', il n'arrive pas toujours que les décharges se manifestent par des éadakschan, jusqu'à lOxus supérieur, et même jusqu'à Bokhara (90). 11 arrive aussi que les cercles d'ébranlement gagnent du teriain : il suffit, pour cela, d'un seul tiendiiemcnt de terie plus vio- lent que les autres. De[)uis la destruction de Cuniana (14 septembre 1797), et seulement depuis cette épo- que, la presqu'île de Mani(]uarez, située en face des collines calcaires du continent, ('prouve, dans ses cou- — 239 — clies de micaschiste, toutes les secousses de la côte méridionale. Les secousses qui agilèrent presque sans interruption, de 1811 à 1813, le sol des vallées du Mississipi, de l'Arkansas et de l'Ohio, allaient en ga- gnant vers le nord d'une manière frappante. On dirait des obstacles souterrains successivement renversés; dès que la voie est libre , le mouvement ondulatoire s'y propage , chaque fois qu'il se produit. Si, au premier aspect, les tremblements de terre paraissent produire des effets purement dynamiques, en étudiant les faits les mieux constatés, on recon- naît bientôt qu'ils ne se bornent pas à soulever, au- dessus de leur ancien niveau, des pays entiers, tels que la côte du Chili, en novembre 1822, et Ulla- Bund, en juin 1819, après le tremblement de terre de Cutclî ; ils font naître aussi des éruptions d'eau chaude (à Catane, 1818), de vapeurs aqueuses (dans la vallée du Mississipi , près de New-Madrid , 1812) , de mofettes, si nuisibles aux troupeaux qui paissent sur les Andes, de boue, de fumées noires et même de flammes (h Messine , 1783, et à Cuman^ ,x 1XP7 ). Peu dant le grand tremblement de terre qui détruisit Lis- bonne, le 1" novembre 1755, on vit des flammes et une colonne de fumée sortir, près delà ville, d'une crevasse nouvellement formée dans le rocher d'Aï- vidras ; plus les détonations souterraines devenaien t intenses, et plus cette fumée s'épaississait (91). 11 n'y eut aucune éruption pendant la catastrophe de Riobamba, malgré le voisinage de plusieurs mon- tagnes volcaniques; mais il sortait du sein de la terre — 2'fO — r.Li grand nombre d'éminences coniques, formées d'une matière que les indigènes nomment moya : composé singulier de charbon, de cristaux d'augile et de caraprices siliceuses d'infusoii'es. l ne grande quantité de gaz acide carbonique, qui soitit des cre- vasses , pendant le tremblement de terre de la Nou- velle-Grenade (16 novembre 1827) dans la vallée du Magdalena, asphyxia une multitude de sei-pents, de rats et d'autres animaux qui vivaient dans les ca- vernes. Enfin, de violentes secousses ont occasionné, au Pérou et dans la province de Quito, des change- ments brusques de température, et l'invasion subite de la saison des pluies avant l'époque où elle arrive ordinairement sous les tropiques. On ne sait s'il fiiut attribuer ces phénomènes aux vapeurs qui sorti- rent des entrailles de la terre et se mêlèrent à l'at- mosphère, ou à une perturbation que les secousses auraient déterminée dans l'état électrique des cou- ches aériennes. Dans les régions intertropicales de l'Amérique, dix mois entiers se passent quelquefois sans qu'il tombe du ciel une seule goutte d'eau , et les indigènes regardent les tremblements de terre qui se répètent souvent, sans nuire à leurs huttes de bambous, comme d'heureux avant-coureurs de pluies fécondantes. L'origine commune des phénomènes que nous ve- nons de décrire est encore entourée d'obscurité. Sans doute, il faut attribuer à la réaction des vapeurs soumises à une pression énorme, dans l'intérieur de la terre, toutes les secousses qui en agitent la — 241 — surface, depuis les explosions les plus formidables jusqu'à ces faibles secousses, nullement dangereuses, qu'on ressentit, pendant plusieurs jours, h Scaccia en Sicile, avant le soulèvement volcanique de la nou- velle île de Julia ; il est évident que le foyer où ces forces destructives naissent et se développent, est situé au-dessous de l'écorce terrestre; mais à quelle profondeur? nous l'ignorons, tout comme nous igno- rons la nature cbimique de ces vapeurs si violemment comprimées. Lorsque j'étais en observation sur les bords du Vésuve ou sur le rocher qui s'élève comme une tour au-dessus du cratère du Pichincha, je ressen- tais constamment les secousses 20 ou 30 secondes avant l'éruption des vapeurs ou des scories incandes- centes ; plus les explosions étaient tardives , et plus les secousses étaient fortes, parce que les vapeurs s'é- taient alors accumulées en plus grande quantité. C'est dans cette remarque, si simple et si souvent confir- mée par l'expérience de tous les voyageurs , que se trouve l'explication générale du phénomène. Les volcans actifs doivent être regardés comme des sou- papes de sûreté pour les contrées voisines. Si l'ou- verture du volcan se bouche, si la communication de l'intérieur avec l'atmosphère se trouve interrom- pue, le danger augmente, les contrées voisines sont menacées de secousses prochaines. Cependant, les plus forts trendilements de terre ne se produisent pas, en général, auprès des volcans en activité, té- moins ceux qui ont amené la destruction de Lis- bonne, de Caracas, de Lima, de Cachemir (92), et d'un — 242 — nombre considôrahle de villes on Calabic, en Syrie cl dans l'Asie mineure. Si l'activité des volcans, lorsqu'elle ne trouve pas d'issue , réagit sur le sol et provoque des tremble- ments de terre, ceux-ci réagissent à leur tour sur les phénomènes volcaniques. Les fissures aident à la formation des cratères d'éruption ; elles favorisent les réactions chimiques que le contact de l'air en- gendre dans ces cratères. Une colonne de fumée que Ton voyait sortir du volcan de Pasto, dans l'Amérique du Sud, dis[)arut subitement , le 4 fé- vrier 1797, pendant le grand tremblement de terre qui détruisit Riobaniba, 36 myriamètres plus loin vers le sud. Des tremblements de terre qui se faisaient ressentir dans toute la Syrie, dans les Cyclades, et en Eubée, cessèrent tout d'un coup, au moment même où un torrent de matières ignées jaillissait dans les plaines de Chalcis (93). En rapportant ce fait, le cé- lèbre géographe d'Amasea ajoute : « Depuis que les bouches de l'Eti^n sont ouvei'tes et qu'elles vomissent le feu, depuis que des masses d'eau et de laves en fu- sion peuvent être rejetées au dehors , le littoral est moins sujet aux tremblements de terre qu'à l'époque où, avant la séparation de la Sicile et de l'Italie in- férieure, toutes les issues ('talent bouchées. » Ainsi la puissance volcani(pie iiUervient dans les li'cmblements de terre; mais cette puissance, uni- versellement répandue comme la chaleur centrale de la jdanète, s'élève rai-ement et seulement en cpiel- qucs points isolés, juscpi'à produire des phénomènes — 243 — crériiplion. Les masses liquéfiées do basalte, demcla- phyre et de grunstein qui surgissent de l'intérieur, remplissent peu à peu les fissures et finissent par fermer toute issue aux vapeurs. Alors ces vapeurs s'accumulent, leur tension s'accroît, et leur réaction contre l'écorce terrestre peut s'exercer de trois ma- nières différentes : elles ébranlent le sol , ou elles le soulèvent brusquement, ou elles font varier lente- ment la différence de niveau entre les continents et les mers. Cette dernière action ne devient sen- sible qu'après de longues années; elle a été observée, pour la première fois, sur une étendue considérable de la Suède. Avant de quitter ce grand phénomène , que nous avons considéré bien moins dans ses détails que dans ses rapports généraux avec la physique du globe , je dois encore signaler l'origine de l'impression pro- fonde, de l'effet tout particulier qu'un premier trem- blement de terre produit sur nous, même quand il n'est accompagné d'aucun bruit souterrain. Cette im- pression ne provient pas , à mon avis, de ce que les images des catastrophes dont l'histoire a conservé souvenir, s'offrent alors en foule à notre imagination. Ce qui nous saisit, c'est que nous perdons tout à coup notre confiance innée dans la stabilité du sol. Dès noire enfance , nous étions habitués au contraste de la mobilité de l'eau avec rimmobilité de la terre. Tous^ les témoignages de nos sens avaient fortifié notre sécurité. Le sol vient-il h trembler, ce moment suffit pour détruire l'expérience de toute la vie. C'est — 2ÏÏ — une puissance inconnue qui se révèle tout à coup ; le calme de la nature n'était qu'une illusion , et nous nous sentons rejetés violemment dans un chaos de forces destructives. Alors chaque bruit, clKupiesouflle d'air excite raltcntion ; on se défie surtout du sol sur lequel on marche. Les animaux, principalement les porcs et les chiens, éprouvent cette angoisse; les crocodiles de TOrénoque, d'ordinaire aussi muets que nos petits lézards, fuient le lit ébranlé du fleuve et courent en rugissant yers la foret. Un tremblement de terre se présente à l'homme comme un danger indéfinissable, mais partout mena- çant. On peut s'éloigner d'un volcan, on peut éviter un torrent de lave , mais quand la terre tremble, oii fuir? partout on croit marcher sur un foyer de des- tiuction. Heureusement les ressorts de notre àme ne peuvent rester ainsi tendus pendant bien longtemps, et ceux qui habitent un pays où les secousses sont fai- bles et se suivent à de courts intervalles, éprouvent à peine un setîtiuient de crainte. Sur les côtes du Pérou, le ciel est toujours serein ; on n'y connaît ni la grêle, ni les oiages , ni les redoutables ex[)losions de la foudre; le tonnerre souterrain qui accompagne les secousses du sol , y remplace le tonnerre des nuées. Gn\ce à une longue habitude et à l'opinion très-répandue (pi'il y a seulement deux ou trois se- cousses désastreuses à craindre par siècle, les trem- blements de terre n'inquiètent guère plus à Lima (pie la chute de la grêle dans la zone tempérée. Aj>rès avoir considéré la terre connue source de — 245 — chaleur, de courants électro-magaétiques , de la lu- mière des aurores polaires, et des niouvemenls irré- guliers qui agitent sa surface, il nous reste à décrire les produits matériels des forces qui animent notre planète , et les modilications chimiques dont ses cou- ches supérieures et l'atmosphère elle - même sont le théâtre. Nous voyons jaillir du sol des vapeurs aqueuses , des efiluves de gaz acide carbonique, pres- que toujours sans mélange d'azote (94) ; du gaz hydro- gène sulfuré, des vapeurs sulfureuses, plus rarement (les vapeurs d'acide sulfureux ou d'acide hydrochlo- rique (95) ; enfin du gaz hydrogène carboné, dont on se sert, depuis des milliers d'années, dans la province chinoise de Sse-tchuan (9G), pour l'éclairage et le chauffage, et qu'on vient d'appliquer tout récemment aux mêmes usages dans les Etats-Unis d'Amérique, à Frédonia, petite ville de l'Etat de New- York. Les i'issures d'où s'échappent ces gaz et ces vapeurs ne se pi ésentent pas seulement dans le voisinage des vol- cans ; on les rencontre aussi dans des contrées oii manquent le trachyte et les autres roches volcani- ques. Dans la cordilière de Quindiu, à 2080 mètres au-dessus du niveau de la mer, j'ai vu de chaudes va- peurs sulfureuses déposer du soufre dans le mica- s( iiiste (97) , et au sud de Quito, près de Ticsan , dans le Cerro-Cuello, cette même roche qu'on regardait naguère comme une roche primitive , renferme un énorme lit de soufre au milieu du quartz pur. De toutes ces émanations gazéiformes , les plus nondjreuses et les plus abondantes sont celles d'à- — 240 — cide carbonique qu'on nomme aussi mofetles. Dans les contrées volcaniques, comme sont, en Allemagne, la vallc'c prolondt'ment ravinée de TEifel, les envi- rons du lac Lach, le cirque de Wehr et la Kolième occidentale , les émissions d'acide carbonique appa- raissent connue un dernier eflbrt de l'activité volca- nique. Aux époques antérieures, la cbaleur plus toile du globe terrestre et le nombre considérable de l'ailles que les roches ignées n'avaient pas encoie condjiées, favorisèrent puissanniient ces émissions ; de gran- des quantités de vapeurs d'eau chaude et de gaz acide carbonique se mêlèrent à ratmosi)hère et produi- sirent, sous presque toutes les latitudes, cette végé- tation exubérante , cette plénitude de dévelojipe- ment organique dont Adolphe Brongniart a tracé le tableau (98). Dans les régions toujours chaudes, tou- jours humides, de cette atmosphère surchargée de gaz acide carbonique, les végétaux rencontrèrent des conditions si favorables à leur développement et une abondance telle de sul)slanccs propres cà leur nutri- tion, qu'ils purent former les matériaux des couches de charbon de terre et de ligniies, souices presque iné- ]>uisables de force physique et de bien-être pour les nations. Ces lits de combustibles sont prin(i[>alement répartis en bassins (pie la nature semble avoir spécia- lement accordés à certaines contrées de l'Europe , telles que les IlesBritanniques, la Belgique, la France, les provinces Rhénanes inférieures et la Silésie supé- rieure. L'iMioiine (piantité d'acide carbonique doii! hi combinaison avec la chaux a produit les roches cal- — 247 — caires, et dont le carbone seul contribue, pour unbni- tième environ , à former ces couches puissantes (99), sortit alors du sein de la terre, sous rinfluence prédominante des forces volcaniques. Ce que les terres alcalines ne purent absorber, se répandit dans l'atmosphère, oii les végétaux de l'ancien monde puisèrent incessamment; l'air, ainsi purifié par le développement de la vie végétale, ne contient plus aujourd'hui qu'une pi'oportion de gaz acide carbo- nique extrêmement faible et sans influence délétère sur les organisations animales du monde actuel. Alors aussi, d'abondantes émissions d'acide sulfu- rique en vapeurs ont amené la destruction des mol- lusques et des poissons , dont les nombreu ses espèces habitaient les eaux de l'ancien monde; elles ont formé les couches de gypse contournées en tous sens, et soumises alors, sans aucun doute, à de fréquentes secousses. Des causes physiques analogues font jaillir encore aujourd'hui, du sein de la terre, des gaz, des liquides, de la vase et des laves fondues; celles-ci sortent des cratères d'éruption qu'on peut considérer comme des espèces de sources intermittentes (100). Toutes ces matières doivent leur température et leur constitu- tion chimique aux lieux mêmes d'oii elles surgissent. La chaleur moyenne des sources est inférieure à celle de l'atmosphère, quand leurs eaux descendent des hauteurs. Leur chaleur augmente avec la profondeur des couches (pi'elles traversent; nous avons d('jà in- diqué la loi numérique de cette progression. Les eaux — 248 — qui proviennent du haut des montagnes, peuvent se mélanger à celles de rinlérieur de la terre : il en ré- siille que la lenqK'ralure des sources ne donne pas toujours avec exactitude la [losition des lignes iso- géolhermes [lignes d'égale température interne de la Terre] (1); nous avons eu plus d'une occasion d'en faire la remarque dans l'Asie septentrionale, mes conq^agnons de voyage et moi. La tenqjéralure des sources, dont les physiciens se sont tant occupés de- puis un demi-siècle, est, comme la limite des neiges éternelles, le produit de causes très-complexes et très-nombreuses. Elle est fonction de la tenq^éiaturc de la couche terrestre où elle jaillit, de la chaleur spécifique du sol, enfin, de la quantité et de la tem- pérature des eaux pluviales (2) ; or, ce dernier élé- ment difïere essentiellement de la température des couches inférieures de l'atmosphère (3). Pour que les sources froides puissent donner fidè- lement la température moyenne, il faut qu'elles soient pures de tout mélange avec les eaux qui descendent des hauteurs, ou avec celles qui viennent des cou- ches très-profondes; elles doivent, en outre, parcourir un long trajet souterrain, à une profondeur constante de 13 à 19 mètres, dans nos climats, et de 1 inètre seulement, d'après Boussingault, dans les contrées équinoxiales (4). En efl'et, les couches dont nous ve- nons d'indi(pier la profondeur sont, dans ces régions diverses , celles où la température commence à être constante; en d'autres termes, ce sont les couches où les variations horaires, diurnes ou même men- — 249 — suelles de l'almosphère cessent de se faire sentir. On rencontre des sources thermales dans toute es- pèce de terrain et même les sources permanentes les plus chaudes ont été trouvées loin des Yolcans. J'en vais citer ici deux exemples que j'cxlrais de mes jour- naux de voyage : ce sont les Aguas calienies de las Trincheras dans l' Améiique du Sud , entre Porto Ca- bello et Nue va Valencia , et les Agiias de Comangillas, près deGuanaxuato, dans l'empire du Mexique. Les premières sortent du granit; elles avaient 90°, 3; les secondes sortent du basalte , et marquaient 9G%4. D'a- j)rès ce que nous savons sur l'accroissement de la chaleur dans l'intérieur de la terre, les couches où ces eaux ont acquis une température si élevée doi- vent être situées à une profondeur de 2200 mè- tres. Si la chaleur interne de la terre est la cause gé- nérale qui produit les sources chaudes , les roches que celles-ci traversent ne peuvent en modifiei' la température qu'en vertu de leur perméabilité ou de leur capacité pour la chaleur. Les plus chaudes de toutes les sources permanentes, celles dont la tem- pérature est de 95° ou de 97% sont aussi les plus pures et les moins chargées de matières minérales en dis- ; olution; leur chaleur paraît être moins constante nie celle des sources comprises entre 50° et 74". L'in- -, ariabilité de celles-ci , sous le rapport de la lempé- :alure et de la composition chimicjue, s'est niaiiuenue d'une manière bien remarquable, du moins en Eu- rope, depuis cinquante ou soixante ans, c'est-à-dire depuis que l'exactitude de nos mesures thermométri- 17 — 250 — qucsetde nos analyses a permis de la constater. Boiis- singaiilt a trouvé que les thermes de Las Trincheras ont varié do 7° environ en vingt-trois ans; leur température a monté de 90°, 3 à 97% depuis mon voyage, en 1800, jusqu'à 1823, époque de celui de Boussingault (5). Cette source, dont les eaux cou- lent avec la plus grande régularité, est donc mainte- nant d'environ 7" plus chaude que les sources inter- mittentes du Geyser et du Strokr, récemment étu- diées, avec un soin extrême, par Krug de Nidda. L'apparition subite du Jorullo, volcan nouveau, dont l'existence était inconnue avant mon voyage en Amérique, a montré comment les sources d'eau chaude peuvent provenir des eaux pluviales qui tom- bent dans l'intérieur de la terre, pour reparaître plus loin, après avoir été en contact avec un foyer volcanique. Lorsque le Jorullo s'éleva tout à coup, en septembre 1759, à 513 mètres au-dessus des plaines environnantes, deux petits ruisseaux , Rios de Cui- timba y de San. Pedro, disparurent à la fois : quelques temps après, de fortes secousses leurouvi-irent une issue, et ils reparurent sous forme de sources ther- males. En 1803, je mesurai leur température : elle était de 65°,8. Il est certain que les sources de la Grèce coulent actuellement aux lieux mêmes où elles coulaient dans les teuq)s helléniques. La source dErasinos, située à deux heui'esde marche au sud d'Argos, sur le ver- saut du Chaon, a été citée par Hérodote. A Delj)h« s, on voit encore la Cassolis (nuiinlenant la fontaine de 1 — 251 — Saiiil-lNicolas) qui sort de la lene, au sud do Lesché, et qui traverse le temple d'Apollon; la Castalie coule toujours au pied du Parnasse, et le Pirène près de l'Acrocorinlhe; les thermes d'uEdepse, où Sylla se baignait, pondant la guerre de Milhridate , existent encore aujourd'hui en Euboe (6). Je cite volonliers ces détails: ils montrent que, dans ce pays si souvent agité par de violents tremblements de terre, les cou- ches intérieures ont conservé, au moins depuis deux mille ans, leur forme primitive et jusqu'aux petites fissures d'où s'épanchent les eaux de ces sources. La Fontaine jaillissante do Lillers, département du Pas- de-Calais, fut forée vers Tan 1 126 ; depuis cette épo- que, elle a coulé, sans interruption, à la même hauteur et avec la même abondance. Enfin , l'habile géogra- phe des côtes de la Caramanie, le capitaine Beaufort, a vu briller, près de l'ancienne Phaselis, les ilanunes volcaniques que Pline a décrites comme des llammos vomies i)ar la Chimère de Lycie (7). En faisant remarquer, dès 1821 , que plus les puits art('siens sont piofonds et plus les eaux en sont chaudes^ Arago a singulièrement éclairci la théorie des sources thermales; cette observation ouvre une voie nouvelle aux recherches qui ont pour but de fixer la loi du décroissement de la chaleur interne du globe (8). On a reconnu, dans ces derniers temps, que saint Patrice (9), évoque de Pertusa, s'était formé une idée fort juste de ces phénomènes, vers la fin du troi- sième siècle, par l'examen des sources d'eau chaude de Carthage. On lui demandait quelle pouvait être l'o- — 252 -- rigine de ces eaux bouillaïUes qui jaillissent du sein de la terre, et il répondit : « Non -seulement les nuages, mais encore les profondeurs de la terre con- tiennent du feu, ainsi que vous le démontrent TElna et une aulro montagne des environs de Naples. Les eaux souterraines montent par des espèces de si- phons ; les eaux qui coulent loin du feu intérieur ap- paraissent froides; celles dont la source est voisine de ce feu sont écliaufTées et arrivent à la surface de la terre que nous habitons , avec une chaleur insup- portable. » Puisque les tremblements de terre sont souvent accompagnés d'émissions d'eau et de vapeurs, on peut considérer les salses, ou petits volcans de boue, comme formant la transition des jets de vapeur et des sources thermales, aux redoutables éruptions des monts igaivomes. En effet , si les volcans, ces sources irré- gulières de matières fondues, donnent naissance aux roches volcaniques, de leur côté, les sources ther- males, dont les eauxsontchai-gées d'acide carbonique et de gaz sulfureux, produisent, pai- voie de dé])ùt, d'une manière lente mais contiiiue, des couches de travertin horizontalement superposées; ou bien elles forment des monticules coniques , en Algérie, par exemple , et dans les Baûos de Caxamarca , sur le versant occidental des Cordillères péruvieimes. Chailes Darwin a trouvé des restes d'une végétation primitivedans le travertin de la terre de Yan-Diémen, près d Hobarl-Town. Nous avons cité ces deux ro- ches, la lave et le travertin , dont la production se — 253 — conliniie encore sons nos yeux , afin de signaler les deux extrêmes des formations géologiques. Les salses, ou volcans de boue, me paraissent mé- riter plus d'attention que les géologues n'ont coutume de leur en accorder. Ou a méconnu la grandeur de ce phénomène, parce que, des deux phases qu'il pré- sente , la dernière , c'est-à-dire la période de calme où les salses persistent pendant des siècles, est la seule dont on se soit occupé. L'apparition des salses est accompagnée de Ireniblemenlsde terre, de tonnerres souterrains, du soulèvement de contrées entières, et de jets de flammes très-élevés, mais de courte durée. Lorsque la salse de Jokmali se forma, le 27 novemlu'c 1827, dans la presqu'île d'Ahscheron , à l'orient de Bakou (mer Caspienne ), les flammes s'élancèrent à une hauteur extraordinaire ; ce phénomène dura trois heures. Pendant les vingt heures suivantes, elles s'élevèrent à peine à un mètre au-dessus du cratère d'où la boue s'épanchait. Près du village de Bakli- chi, à l'ouest de Bakou, la colonne de iiamme fut si haute, qu'on l'apercevait hune distance de 4 ou 5 my- riamètres. D'énormes blocs de pieri-e, arrachés sans doute h de grandes profondeurs, furent lancés au loin. On retrouve des blocs de ce genre aux alentours de la salse, aujourd'hui si calme, du mont Xibio , près de Sassuolo, dans l'Italie septentrionale. Depuis quinze siècles, la salse sicilienne deGii'genti (Macalubi), dont les anciens nous ont laissé une description, se main- tient dans !a seconde période de son activité. Cette salse so romposf'de moniieiiles (^onifjues disposés par — 254 — rangées, hauts de 2, de 3 et même de 30 mètres ; leur hauteur est variahie, ainsi que leur forme. Le bassin supérieur est fort petit et rempli d'eau ; il en coule des torrents de fiinge argileuse , ac- compagnés de dégagements périodiques de gaz. Or- dinairement ces boues sont froides; quelquefois elles sont chaudes, par exemple dans l'île de Java, à Da- mak , province de Samarang. Les éruptions gazéi- furmes, accompagnées de bruit, sont aussi de nature variajjlc : on y a trouvé de l'hydrogène mêlé à des va- peurs de naphte, du gaz acide carbonitjue , et même de l'azote presque pur (10). L'existence de ce dernier gaz a été constaté par Parrot, dans la presqu'île de ïaman, et par moi, dans les volcancitos de ïurbaco (Amérique du Sud). L'appai'ilion des volcans de bouc olïre toujours un caractère de violence, quoiqu'il n'y ait peut-être pas deux phénomènes de ce genre qui l'offrent au même degré; après cette première éruption accompagnée de llannnes, ils présentent à l'observateur Tiiiiage d'une activité intérieure du globe terieslre, faii)le, il est vrai, mais continuelle et gagnant toujoui's du terrain. La communication avec les couches profondes, où règne une forte chaleur, est bientôt interrompue, et les éruptions de boues froides montrent que le siège du j)hénoinène , dès qu'il est parvenu à sa deuxième phase, n'est i)eut-êlre pas très-éloigné de la surface. La réaction de l'intérieur du globe contre son écorce extérieure se manifeste avec une tout autre puissance dans les volcans proprement dits, c'est-à-dire dans — 255 — cos, poinlsoii il existe une communication, soi l perma- nente, soit périodiquement renouvelée, avec un foyer situé à une grande profondeur. 11 faut distinguer soi- gneusement entre les effets volcaniques plus ou moins prononcés, tels que les tremblements de terre, les sources d'eau chaude ou de vapeurs, les volcans de boue , l'érection de montagnes de trachyle en forme de dôme ou de cloche, mais sans excavation , la for- mation d'une ouverture au sommet de ces monta- gnes, ou celle d'un cratère de soulèvement dans les terrains basaltiques, l'apparition finale d'un volcan permanent dans le cratère même de soulèvement, ou au milieu des débris de son échafaudage primitif. A des époques différentes et suivant les degrés divers de leur activité ou de leur puissance, les volcans per- manents émettent des vapeurs aqueuses ou acides, des scories incandescentes , et, quand les résistances sont vaincues, d'étroites coulées de lave fondue sous forme de longs ruisseaux de feu. La réaction de l'intérieur de notre planète s'est encore manifestée avec une grande énergie , mais d'une manière locale, lorsque des portions isolées de la croûte terrestre ont été soulevées, par les vapeuis élastiques, en dômes arrondis de trachytefeldspathi- que et de dolérite (Puy-de-Dôme et Chimborazo); ou lorsque les couches, pressées de bas en haut, ont été brisées, puis relevées extérieurement de manière à produire un escarpement intérieur et à former ainsi l'enceinte d'un cratère de soulèvement. Si ce phéno- mène s'est produit au fond de la mer, ce qui n'est — 23G — nullement le cas général, le cratère de soulèvement offre alors Taspect d'une île volcanique. C'est ainsi que s'est formé le cirque de Nis\îos, (!;uis la mer Egée (11), et celui de Palma , dont Léopold de Buch a donné une savante description. Il arrive parfois qu'une moitié de l'enceinte est détruite , et que la mer y creuse des bassins où des familles de coraux élèvent leurs demeures cellulaires. Même sur les con- tinents, les cratères de soulèvement sont souvent reuî- plis d'eau ; ils donnent alors aux paysages un carac- tère particulier et un aspect éminemment pittoresque. Leur formation est indépendante de la nature des terrains; lisse produisent également dans le basalte, dansle trachyle, dans le porphyre leucitique (Somma), ou dans les mélanges d'augite et de labrador, analo- gues à la dolérite. C'est là ce qui donne aux bords des cratères une si grande variété d'aspect. « Ces enceintes ne présentent aucune apparence d'éruption; il ne s'y est point ouvert de communication permanente avec un foyer souterrain, et il est rare de trouver, soit dans l'intérieur, soit dans le voisinage de ces cratères, des traces d'une activité volcanique encore existante. La puissance qui a produit des effets aussi considérables a dû être longtemps accumulée et renforcée dans Tin- térieur, avant d'avoir pu vaincre la résistance qu'op- posait la pression de la masse supérieure, et d'avoir pu soulever, par exemple, de nouvelles îles au-dessus du niveau de la mer, en brisant des roches à texture gre- nue et des conglomérats (courliesde tuf contenant des plantes marines). Les vapeurs fbrtemejit comprimées — 257 — s'échappent par ces cratères de soulèvement, maisTé- normemasse ainsi soulevée retombe et refermeaussilôt l'ouverture qui n'a pu se former, un moment, que par un tel effort; il ne se produit pas de volcan (12). » . Un volcan proprement dit n'existe que là où il s'est formé une communication permanente de l'inté- rieur du globe terrestre avec l'atmosphère. Alors la réaction de l'intérieur contre la surface procède par longues périodes. Elle peut, comme ce fut autrefois le cas du Vésuve [Fisove] (13), s'interrompre pendant des siècles, et se reproduire ensuite avec une énergie nouvelle. A Rome, on penchait déjà, du temps de Néron , à classer l'Etna parmi les volcans qui s'étei- gnent peu à peu (14) ; plus tard , ^lien affirmait que le sommet s'affaissait et que les navigateurs ne pou- vaient plus l'apercevoir d'aussi loin qu'autrefois (15). Si les traces de la première éruption subsistent, si l'é- chafaudage primitif, qu'on me permette d'employer ce mot , s'est conservé intact , on voit le volcan s'é- lever au centre d'un cratère de soulèvement; le cône d'éruption est entouré d'un rempart circulaire de roches dont les assises ont été fortement relevées. Quelquefois , ou retrouve à peine quelques vestiges de l'enceinte qui a formé d'abord cette espèce de cirque, et le volcan, dont la forme n'est pas toujours circu- laii'e, s'élève innnédiatement au-dessus d'un [)lateau, comme une croupe alongée; tel est le Pichincha,au pied duquel est bâtie la ville de Quito. De même que la nature des roches, c'est-à-dire le mélange ou l'association des espèces minérales — 258 — simples qui se réunissent pour former le granit , lo gneiss et le micaschiste, ou le trachyle, le basalte et la dolérite , est complètement indépendante de nos climats actuels et reste identique sous toutes les latitudes, de même nous voyons partout les mêmes lois présider à l'ordre de superposition des couches dont se conq)Ose l'écorce terrestre, à leurs pénétrations mutuelles, et aux efléts de leur soulève- ment. C'est surtout à l'aspect des volcans que l'on est frappé de cette identité générale de forme et de structure. Lorsque le navigateur, éloigné de sa patrie, est parvenu sous d'autres cieux où des étoiles in- connues ont remplacé les constellations accoutumées, il voit , dans les îles des mers loilaines, des palmiers, des arbustes nouveaux pour lui, et les formes étranges d'une flore exotique ; mais la nature inorganique lui offre encore des sites qui lui rappellent les dômes arrondis des montagnes de l'Auvergne , les cratères de soulèvement des Canaries ou des Açores , le Vé- suve et les fissures éruplives de l'Islande. Un coup d'œil jeté sur le satellite de notre planète permet de g(''néraliser l'analogie que nous venons de signaler. Les caries de la Lune , dessinées à l'aide de téles- copes moyens, nous montrent la surface de cet astre parsemée de vastes cratères de soulèvement, qui entourent des éminences coniques, ou qui les suppoileiit sur leui'S enceintes circulaires. Il est im])ossible de méconnaîli'e ici les effets d'une r(''action de l'intérieur du globe lunaire couli'c les couches extérieures, réaction éminennnenl favorisée — 259 — par la faiblesse de la pesanteur qui règne à la sur- face de notre satellite. Si les volcans portent à juste titre, en beaucoup de langues , le nom de montagnes ignivomes , il ne faut pas en conclure que ces montagnes ont toujours été formées par l'accunnilalion incessante des cou- lées de lave. Leur formation paraît plutôt résulter, en général , d'un soulèvement brusque des masses ramollies de tracbyte, ou d'augite mélangée au labra- dor. La hauteur du volcan donne la mesure de la force qui l'a produit ; cette hauteur est si variable , que certains cratères ont à peine les dimensions d'une simple colline (tel est le volcan de Cosima, l'une des kouriles japonaises), tandis qu'on voit ailleurs des cônes de GOOO mètres d'élévation. La hau- teur des volcans m'a paru exercer une grande in- fluence sur la fiéquence des éruptions ; il m'a sem- blé que leur activité était en raison inverse de leur hauteur. Considérez, en effet, la série suivante : Le Stromboli (707 mètres ) ;dans la province deQuiros, le Guacamayo, qui tonne presque tous les jours (je l'ai souvent entendu près de Quito, à une distance de 16 myriamètres); le Vésuve (1181 mètres); l'Et- na (3313 m.) ; le Pic de Ténériffe (371 1 m.) ; le Coto- paxi (o812 m.). Si les foyers de tous ces volcans sont situés à la même profondeur, il est évident que la force nécessaire pour élever la masse de lave en fusion jusqu'il leurs sommets, doit croître avec leurs hauteurs. Il ne faut donc pas s'étonner si le plus petit de tous, le Stromboli (Strongyle), est en pleine — 260 — activité depuis le temps d'Homère, et sert encore aujourd'hui de phare aux navigateurs, tandis que des volcans six ou huit fois plus élevés paraissent condamnés à de lonss intervalles d'inaction. Tels sont, pour la plupart, les colosses qui couroriuent les Cordiliëres; leurs éruptions se renouvellent à peine une fois par siècle. Cette loi, que j'ai signalée depuis longtemps, souft're à la vérité quelques exceptions; mais on pourrait lever toute difficulté en admettant que la connnunicalion du cratère avec le foyer volcanique n'est pas libre au même degré, dune manière per- n)anente , dans Ions les volcans. En outre , le canal de communication d'un volcan peu élevé pourrait s'oblitérer pendant un certain laps de temps et par suite, ses éruptions pourraient se ralentir, sans qu'on fût en droit de conclure à une extinction prochaine. Les considérations précédentes sur le rapport qui existe entre les hauteurs absolues des volcans et la fré- quence de leurs éruptions, nous conduisent naturelle- ment h l'examen des causes qui déterminent Tépan- chement de la lave en tel ou tel point d'une montagne volcanique. Rarement l'éruption se fait par le cratère même; elle s'effectue presque toujours j ar des ouver- tures latérales, vers les points où la paroi delà monta- gne olfre le moins de résistance ; cette remanpie a été faite sur IKlna, dès le xvi* siècle , par un jeune homme qui fut plus lard le célèbre historien Bembo (16). Il se forme quelquefois des cônes d'éruption sur ces tissures latérales; les plus grands passent souvent, mais à tort, pour des volcans nouveaux; ils se sui- — 2Gi — vent dans la direction même de la tissure qui s'est refermée. Les cônes moins élevés sont arrondis en forme de cloche ou de ruche ; ils sont rassemblés par groupes sur d'assez grandes étendues de ter- rain. [Tels sont : les hornilos de Jorullo (17), les cônes qui surgirent sur les flancs du Vésuve pendant l'éruption d'octobre 1822, ceux du volcan d'Awatcha, d'après Poslels , et ceux du Lavenfeld , près des monts Baïdai'cs, dans le Kamtschatka, d'après Er- mann. Au lieu d'être libres et isolés au milieu des plaines, les volcans peuvent être entourés , comme ceux de la double chaîne des Andes de Quito , d'un plateau élevé de trois à quatre mille mèlres. Cette circonstance suffirait peut-être pour expliquer les phénomènes particuliers à ce genre de volcans , dont le cratère ne vomit jamais de lave, même au milieu de for- midables éruptions de scories incandescentes et d'ex- plosions qui se font entendre à plusde cent lieues (18). Tels sont les volcans de Popayan, ceux du plateau de Los Pastos, et ceux des Andes de Quito, sauf le volcan d'Antisana, le seul, peut-être, qui fasse excep- tion parmi ces derniers. Ce qui donne h un volcan sa physionomie particu- lii're, c'est d'abord la hauteur du cône de cendres; puis c'est la forme et la grandeur de son cratère; mais ces deux éléments principaux de la configuration gé- nérale des montagnes ignivomes, le cône de cendres et le cratère, ne dépendent imllementdes dimensions de la montagne elle-même. Ainsi, la hauteur du cône — 262 — de cendros du Vésuve est le tiers de celle de la mon- lai^iie entière; pour le PicdeTëiiériffe, celle haulour est Yi seulement de la hauteur totale, et cependant le Vésuve est trois fois moins élevé que le Pic. Sous ce rapport, un volcan beaucoup plus grand que celui de ïénérifle se rapproche du Vésuve ; c'est le Rucu-Pin- chincha. De tous les volcans qu'il m'a été donné de voir dans les deux hémisphères, le Cotopaxi est ce- lui dont le cône est le plus régulier et le plus pitto- resque. La fonte subite des neiges qui en recouvrent le sommet annonce une éruption prochaine; avant que la fumée ne monte dans l'air raréfié qui baigne le sonnnet et l'ouverture du cratère, les parois du cône de cendres deviennent incandescentes et brillent d'une lueur rougeàtre , tandis que la montagne ai>- paraît comme une énorme masse noire, d'un aspect sinistre. Situé presque toujours sur le sonnnet de la mon- tagne, le cratère forme une vallée profonde, en foi'ine de cône tronqué, dont le fond est souvent accessible malgré ses continuels changements. Le phis ou moins de profondeur du cratère est même un indice qui per- met de juger si la dernière éruption est récente ou ancienne. De longues crevasses, d'où s'échappent des torrents de fumée, ou bien depelitesexcavationscircu- laires remplies de matières en fusion, s'ouvrent et se referment alternativement dans celle vallée. Le fond se gonlle et s'alïaisse ; il s'y élève des monticules de scories et des cônes d'éru[»tion (|ui sui'gissenl parfois au-dessus des bords du cratère et changent ainsi — 263 — l'aspect de la montagne, pour des années entières ; mais à léruplion suivante, ces cônes retombent et disparaissent tout à coup. Les ouvertures de ces cô- nes d'éruption qui surgissent ainsi de l'intérieur du cratère, ne doivent pas être confondues, comme cela n'est arrivé que trop souvent, avec le cratère même qui les renferme. Ce dernier est-il inaccessible à cause de sa profondeur et de l'escarpement de ses pa- rois, et c'est là le cas du Rucii-Pichincha (4855 m.); on peut du moins se placer sur le bord et considérer les sommités du cône qui s'élève du fond de la vallée intérieure, au milieu des vapeurs sulfureuses; c'est un magnifique spectacle ; jamais la nature ne s'est - olferte à moi sous un aspect plus grandiose que sur les bords du cratère du Pichincha. Dans l'intervalle de deux éruptions, il se peut qu'un volcan ne pro- duise aucun phénomène lumineux , mais seulement des vapeurs d'eau chaude qui sortent des crevasses ; ou bien l'on trouve, sur l'aire à peine échauffée du cratère, des monticules de scories dont on peut s'ap- procher sans danger. Dans ce dernier cas, le géologue voyageur peut se livrer sans crainte au plaisir devoir, en miniature, le spectacle d'une éruption : des masses de scories enflanuiiées,sans cesse r(*jetées par ces pe- tits volcans, retombent sur les flancs des monticules, et chaque explosion est régulièiement annoncée par un tremblement de terre purement local. La lave sort quelquefois des crevasses ou des puits qui se forment dans le cratère lui-même ; mais cette lave ne par- vient pas à en rompre les parois ni à s'épancher par- — 26 't — dessus les bords. Si pourlaut une rupture a lieu dans les flânes de la nionlagne, réeouîenient de la lave fon- due se fait par celle issue, et le courant igné suit une direction telle, que le fond même du cratère [)ropre- ment dit ne cesse pas d'être accessible, à Tcpoque de ces éruptions paitielles. Pour donner une idée juste de ces pbénomènes si souvent défigurés par des nar- rations fantastiques, nous avons dû insister sur la description de la forme et de la structure normale des monts ignivonies; nous avons dû surtout lixer le sens de ces mots cratères, volcans, cônes iVériiplion, dont le vague et les acceptions diverses ont introduit tant de confusion dans celte parlie de la science. Les bords du cratère sont moins exposés à varier qu'on ne le croirait de prime abord, car la comparai- son des mesures de Saussure avec les miennes a mon- tré que, dans un intervalle de quarante-neuf ans (de 1773 à 1822), le boid du Vésuve , situé vers le nord- ouest (llocca dei Palo) a conservé la même bauleur au-dessus du niveau de la mer, du moius dans la limite des erreurs de l'observation (19). Les volcans qui s'élèvent au-dessus de la limite des neiges perpétuelles, comme ceux de la chaîne des Andes, présentent des phénomènes particuliers. Ix'S masses de neige qui les recouvrent fondeiil su- bitement pendant les éruptions et produisent des inondations redoutables, des- torrents qui entraînent pèle-mèle des blocs de glace et des scories fumantes. Ces neiges exos du volcan, par leuisin- — 2Go — fillrations incessantes dans les roches de Irachyte. Les cavernes qui se trouvent sur les flancs de la mon- tagne ou à sa base, sont transformées peu à peu en ré- servoirs dVaux souterrains que d'étroits canaux font communiquer avec les ruisseaux alpestres du plateau de Quito. Les poissons des ruisseaux vont se multi- plier de préférence dans les ténèbres des cavernes; et quand les secousses qui précèdent toujours les érup- tions des Cordillères, ébranlent la masse entière du volcan, les voûtes souterraines s'entr'ouvrant tout à coup, l'eau, les poissons, les boues tofacées sont expulsés à la fois. Tel est le singulier phénomène qui a fait connaître aux habitants des plaines de Quito le petit poisson Pimelodes Cydopum, qu'ils appellent Prenadilla(^Qi). Dans la nuit du 19 au 20 juin 1698, le sommet du mont Carguairazo , de 6000 mètres de hauteur, s'écroula subitement, sauf deux énormes piliers , derniers vestiges de l'ancien cratère ; les terrains environnants furent recouverts et rendus sté- riles, sur une étendue de près de sept lieues carrées, par du tuf délayé et par une vase argileuse [lodazales) contenantdes poissons morts. Les fièvres pernicieuses qui se déclarèrent, sept ans plus tard, dans la ville d'ibarra, au nord de Quito, furent attribuées à la pu- tréfaction d'un grand nombre de poissons morts que le volcan bnbabaru avait rejetés. Comme les boues et les eaux ne sortent point du cratère même, mais des cavernes qui existent dans la masse trachylique de la montagne, leur apparition n'est pas un phénomène volcanique, dans le sens strict i8 — 2()6 — de ce mot : elle ne se rattache (jue d'une manière in- directe à l'éruption du volcan. On pourrait en diio autant d'un phénomène météorologique fort singulici- que j'ai décrit ailleurs sous le nom d'orarje volcani- que. Des vapeurs d'eau extrêmement chaudes s'échap- pent du cratère pendant l'éruption, s'élèvent à plu- sieurs milliers de mètres dans l'atmosphère, et for- ment, en se refroidissant, un nuage épais autour de la coloime de fumée et de cendres. Leur conden- sation subite, et, selon Gay-Lussac, la formation d'un nuage à large surface augmentent la tension électri- que : des éclairs sortent, en serpentant, du sein de la colonne de cendres ; l'on distingue parfaitement les roulemenlsdu tonnerre et les éclats de la foudre, au milieu du hruit qui se produit dans l'intérieur du vol- can. Tels furent en effet, en 1822, dans les derniers jours d'octobre, les phénomènes qui signalèi'cnt la ïm de l'éruption du Vésuve. D'api'ès Olafsen , la foudre éclata au sein de ces nuages volcaniques, pendant l'éruption du Katlagia (Islande^), le 17 octobre 17oo ; elle tua deux hommes et onze chevaux. Ce tableau général des phénomènes volcaniques serait incomplet , si nous nous bornions à y décrire l'activité dynamique et la structin-e des volcans; il nous reste à jeter un coup d'œil sur rimmense va- riété de leurs i)roduits matériels. Les forces souter- raines détruisent les anciennes combinaisons deséh'- ments pour en loriuer de nouvelles; leur action s'exerce sur la matière liipiéfiée par la chaleiu', aussi longtem[)S (jue le [»ermet son étal de lluidilé ou de — 2Ô7 — ilësagrcgalioii. Les inatières liquides ou siinplemenl lamcllies, se solidifient sous F influence d'une pression plus ou moins considérable, el la différence des pres- sioiîs paraît être la cause principale de la différence qui existe entre les roches pltitoniq lies et les roches vol- caniques. Le nom de lave s'applique aux matières fon- dues qui sortent, en longues coulées, d'un orifice vol- canique. Lorsque plusieurs courants de lave se ren- contrent et sont ari'élés par un obstacle , ils s'é- tendent en largeur, reniplissent de grands bassins et s'y solidifient en formant des couches superposées. C'est là tout ce qu'on peut dii-e de général sur le genre d'activité volcanique dont il s'agit. Des fragments de roches appartenant aux terrains que les volcans traversent , sont souvent rejeîés au dehors avec une enveloppe d'origine ignée. C'est ainsi que j'ai vu des fragments angulaires de syénite feld- spathique contenus dans la lave noire du volcan mexi- cain de Jorullo, lave composée principalement d'au- gile. Mais les masses de dolomie et de calcaire granulaire qui contiennent de magnifiques groupes de minéraux cristallisés (vésuvianes et grenats re- couverts de méïonite, de néphéline et de sodalite), n'ont point été rejetés par le Vésuve :« ilsapparliennent plutôt à des couches de tuf, fonitalion très-répandue el [)lus ancienne que le soulèvement de la Sonnna ou du Vésuve ; ce sont probablement des produits d'une action volcanique sous-marine, dont le foyer devait être situé à une grande piofondeur (21). » Paiini les [»roduitsdes volcans actuels, se trouventcinq métaux: — 268 — le fer, le cuivre, le plomb, Tarsenic, et le sélénium découvcrl par Slromoyer dans le cratère de Yolcano. Les vapeurs des fuuiarolles coiilienueut des subliiua- lious dechloiures de fer, de cuivre, de plomb et dam- moniaque. Du fer spéculai re (22) et du sel marin (le dernier surlout en grande quantité) remplis- sent les cavités des coulées de lave récenle, et ta- pissent les fissures qui se sont formées dans les parois du cratère. La composition minéralogique des laves varie sui- vant la nature des roches cristallines qui composent le volcan, suivant la hauteur du poinloù se fait l'érup- tion (soit au pied de la montagne, soit plus près du cratère), et suivant la ch.deur plus ou moins forte qui i'ègne à l'intérieur. Plusieurs produits vitrifiés, l'ob- sidienne, la perlite et la ponce manquent complète- ment dans certains volcans ; ailleurs, ces roches pro- viennent du cratère, ou de points situés iiUérieure- nient, à de faibles profondeurs. L'élude de ces rela- tions importantes, mais complexes, exige une grande exaclilude dans les analyses chimiques ou cristallo- graphiques. Mon compagnon de voyage en Sibérie, Gustave Rose, et, après lui, Hermann Habi(h, ont obtenu de^jà d'heureux résultats dans leurs recherches sui' la structure de ces roches volcanicjues si variées. Les émissions gazeuses sont formées, en grande partie , de vapeurs d'eau pure ; elles se condensent et donnent naissance à des sources, comme celles qui servent aux chévi'irrs de l'île de Pantellaria. Un ma- lin, le 2G octobie 1822, on vit sortir du Vésuve , par — 269 — une fissure latérale du cratère , un courant que l'on crut longtemps formé d'eau bouillante; en l'exa- minant de plus près, Monlicelli trouva que c'était un courant de cendres sèches , de lave réduite en pous- sière par le frottementet coulant comme du sable fin. Quant aux cendres qui , chassées par les vapeurs , s'élèvent dans les airs comme une colonne immense, leur apparition signale ordinairement la fin de cha- que grande éruption ; elles obscurcissent l'atmo- sphère pendant des heures et môme pendant des journées entières; puis en retombant, elles recou- vient d'un endnit les feuilles des arbres , et nuisent particulièrement aux vignes et aux oliviers. C'est cette colonne de cendres ascendantes que Pline le Jeune décrivait, dans sa célèbre lettre à Tacite, en la comparant à un pin dont la cime seule se- rait garnie de branches. Les lueurs qu'on aperçoit pendant les éruptions de scories , et l'éclat rougeâ- tre des nuages placés au-dessus du cratère ne sont point de véritables flammes et ne peuvent être attribuées à du gaz hydrogène brûlant; ce sont des reflets de la lumière des masses incandescentes que le volcan a lancées à une grande hauteur: elles pro- viennent aussi du cratère lui-même, qui éclaire les vapeurs ascendantes. Quant aux flammes qu'on a vu sortir du sein de la mer, comme au temps de Stra- hon, pendant les éruptions de volcans situés près de la cote , ou quelque temps avant le soulèvement d'une île nouvelle, nous n'avons aucune explication h doimcr. ■— 270 — Demander ce qui brûle clans les volcans, chorcher ce qui cnirendre la chaleur, fond les métaux et les roches , et produit les courants de lave d'une grande épaisseur (2.3), dont la température est encore très- élevée plusieurs années apiès leur sortie du cratère , c'estdéjh préjuger la question ; du moins, c'est admet- tre implicitement que tout volcan suppose un amas de matières combustibles propre à alimenter son acti- vité, de môme que les lits de charbon de terre ali- mentent des incendies souterrains. Suivant les phases diverses que les sciences chimiques ont parcourues, les phénomènes volcaniques ont été successivement attribués au bitume , puis aux pyrites ou à un m('- lange humide de soufre et de fer réduits en poussière, tantôt à des pyrophores naturels , tantôt aux métaux des alcalis et des terres. Hàions-nous de dire que, dans son dernier ouvrage, Consolation in travd and last daj/s ofa Philosopher , livre dont la lecture ins- pire un sentiment de ti'istesse, le célèbre chiniisle auquel nous devons la découverte des métaux alca- lins, sir Humphry Davy, a renoncé lui-même à son hypothèse chimique. La densité moyenne de la terre (-1,44) comparée aux poids spécifiques beau- coup plus faibles du potassium (0,8G5), du sodium (0,972), et des métaux terreux (1 ,2"!, l'absence d'hy- drogène dans les émanations gazéiformes des fissures volcaniques ou des laves encore chaudes, et bien d'autres considérations chimiques (24) sont encon- tiadiction manifeste avoc les anciennes idées de Davy et dAmpf're. Si r(''ru[)!ion des laves donnait liru h \\\\ — 271 — (logagement d'hydrogène, en quelle énorme niasse ce gaz ne devrait-il pas se dégager, quand la lavo qui s'épanche d'un cratère d'éruption couvre des con- trées entières, et acquiert une épaisseur de plu- sieurs centaines de pieds là où elle a été arrêtée par un obstacle! Telles furent pourtani, d'apiès Macken- zie etSoeniund Magnussen, les suites d'une éruption qui eut lieu en Islande, au pied du Skaplar-Jœkuî , du 11 juin au 3 août 1783. Yeut-on, pour étayer l'hypothèse d'une conibusiion souterraine, recourir à l'introduction de l'air dans l'intérieur des volcans, ou, comme on l'a dit par métaphore, à une aspira- lion de notre planète ? on rencontre des difficultés analogues : Là, c'était l'hydrogène qui faisait défaut parmi les produits des volcans; ici, c'est l'azote, dont on retrouve à peine quelques traces dans leurs exha- Kiisons. Une activité si puissante et si généralement répandue dans les entrailles de la terre, ne saurait avoii" sa source dans les réactions chimiques qui s'engendrent au contact de certaines substances particulières à quelques localités. La nouvelle géo- gnosie préfère en chercher la cause dans la cha- leur centrale de notie globe, chaleur dont l'exis- tence se révèle à la surface par la température croissant rapidement avec la profondeur, sous toutes les latitudes , et dont l'origine remonte à ces épo- ques cosmogoniquesoù notre planète elle-même fut formée par la condensation progressive d'une partie de ratmosi)lière nébuleuse du soleil. La science de la nature, nous l'avons déjà rappelé plusieurs — 272 — IMj, n'est point une aride acruniulalion de faiis isolés; elle n'est pas bornée par les étroiles limites de la eerlitude nialériclle ; elle doit sV-lever aux vuesgénéiales et aux conceptions synlhéliques. Pour- quoi serait-il inlerdil à l'esprit humain , avide de savoir, de s'élancer du présent pour remonter vers les temps passés, de soupçonner ce qu'il ne peut dé- montrer, et de poursuivre enfin la solution du pro- blème qui a été posé de tout temps à son activité, jusque sous les formes variées des mylhrs de lagéo- gnosie ? Si les volcans sont pour nous des sources in~ lermiltcnlcs, mais irrégulières, d'oii jaillit un mélange fluide d'oxydes métalliques, d'alcalis et de terre, sous la puissante pression des vapeurs élastiques, si ces sources ignées coulent aussi, calmes et paisibles, là où les masses liquéfiées ont trouvé une issue per- manente, pouvons-nous oublier combien la riche imagination de Platon s'était rapprochée de ces idées, lorsque ce grand philosophe assignait, aux éruptions drs volcans et à la chaleur des sources thermales , une cause unique, universellement répandue dans les entrailles de la terre , et symbolisée par un fleuve de feu souterrain , le Pijrip]dé(jélon (25)? Indépendants de linfluence des climats dans leur mode de distribution géographi(iue , les volcans ont été rangés en deux classes essentiellement dilïe- rentes : les volcans cent? aux et les chaînes volca- niques. « Les piemiers forment toujoui's le centre d'un groupe de volcansj secondaires fort nombreux et assez régulièrement dispost's dans tous les sens. C3UX qui composent les chaînes volcaniques sont échelonnés, à de faibles distances, dans une même direction , comme des cheminées qui se seraient formées sur une grande faille. Cette seconde classe se subdivise à son tour : ou bien les volcans d'une même chaîne s'élèvent du fond de la mer, sous forme d'îlots coniques , et alors ils sont ordinaire- ment distribués au pied d'une chaîne de montagnes primitives qui court dans la même direction; ou bien ils sont situés sur la ligue de faîte de celle chaîne primitive dont ils forment les sommets (26) ». Le Pic de Ténériffe , par exemple, est un volcan central ; il est le centre d'un groupe auquel appartiennent les îles volcaniques de Palma et de Lancerote. L'im- mense rempart naturel qui s'étend depuis le CJiili méridional jusqu'à la côte nord-ouest de l'Amé- l'ique , tantôt simple , tantôt divisé en deux ou trois branches parallèles , renouées de distance en dis- tance par d'étroites articulations transversales , la chaîne des Andes, en un mot, nous offre, sur une grande échelle , l'exemple d'une chaîne volcanique si- tuée sur la terre ferme. Dans celte chaîne, la proxi- mité des volcans actifs est constamment annoncée par l'affleurement brusque de certaines roches (dolé- rite, mélaphyre, trachyte, andésite, porphyre diori- tique) qui ont traversé les roches primitives, les ter- rains de transition formés d'argile ou de grès , et les strates récentes. Celte remarque m'a conduit, il y a longtemps, à admetlie que les roches spora- diques dont je viens de faire l'énumération, ont été — 27i — le siège d'anciens phénomènes volcaniques, et la cause dëteiniinanle des éruptions. C'est au pied du puis- sant Tunguragua , près de Penipe (sur les bords du Rio-Puela) , que j'ai vu nettement, pour la première fois , une roche volcanique traverser une couche de micaschiste reposant sur le granit. Lorsque les volcans des chaînes volcaniques du Nouveau-Continent sont très-rapprochés, il existe entre eux une certaine liaison. Au Pérou, l'acti- vité volcanique paraît se propager peu à peu , depuis des siècles , dans la direction du sud au nord. Le foyer général s'étend sous le plateau tout entier qui forme la province de Quito (27) ; çà et là des soupii-aux établissent des communications en- tre ce foyer et Tatmosphèrc : ce sont les volcans du Pichincha, du Cotopaxi et du Tunguragua; leurs cimes élevées et leur distribution pittoresque for- ment le tableau le plus grandiose qu'on puisse ren- contrer dans une contrée volcanique aussi resser- YvQ. Les extrémités de ces chaînes volcanicpies sont donc reliées entre elles par des comnumications souterraines, et les preuves nombreuses (jui jus- tifient cette assertion rappellent une parole bien remarquable de Si'nèque : « un cratère n'est que l'is- sue des forces volcaniques qui agissent h une grande profondeur (28). » Une d<''pendance mutuelle relie ])ai'eillement les volcans du plateau mexicain , l'Ori- zaba , le Popocatcpetl , le JoruUo, le Colima, tous si- tuas dans la mémo direction, sur une grande faille qîii s'est ('tendue transversalement d'une mer à Tau- — 275 — tre , par 18° 59' et 19'' 12' de latitude septeulriomile. C'est précisément dans cette direction , reconnue et signuiée par moi-même (29), c'est sur la môme faille que le volcan de Jorullo a surgi , le 29 septembre 1759, à 513 mètres au-dessus des plaines environnantes. Ce volcan n'a vomi de la lave qu'une seule fois; de même, le mont Epoméo, dans l'île d'Ischia, n'a eu qu'une éruplionvers l'an 1302. Mais si le Jorullo, situé à 15 myriamètres de tout volcan actif, peut passe li pour une montagne nou- velle, dans le sens propre do ce mot, son apparition ne doit pourtant pas être assimilée à celle du Monte- Nuovo (19 septembre 1538), qui n'est qu'un simple cratère de soulèvement. 11 est plus exact et plus natu- rel, à mon avis, de comparer, comme je l'ai fait au- trefois, l'érection subite du volcan mexicain, au sou- lèvement volcanique du pic de Méthone (actuellement Melhana), dans la presqu'île de Trézène. Ce dernier ph(Miomène, décrit par Slrabon et par Pausanias, a fait naître, dans la riche imagination d'un poëte ro- main , des aperçus qui offrent une affinité frap- pante avec les idées actuelles:» On voit, près de Trézène, un pic aride et escarpé : c'était autrefois une plaine unie, maintenant c'est une colline. Les vapeurs enfermées dans de sombres cavernes cher- chaient en vain une issue; sous leur effort puissant, le sol se tuméfia comme une vessie qui se gonfle d'air ou comme une outre formée de la peau d'un bouc. La terre, ainsi soulevée, a conservé la forme d'une haute colline que le temps a changée en un dur rocher. » Le -- 276 — pic de Méllione s'est élevé entre Trézène oi l-^pidaure , en un lieu où Russegger a rencontré des veines de tra- cliyte ; sa fonnalion remonte h 282 ans avant notre ère, c'est-à-dire à ïo ans avant la séparation volca- nique de ïliéra (Santorin) et de Théiasia. Ajoutons que tous les faits analogues, actuellement acquis h la science , justifient la poétique description qu'Ovide nous a laissée de ce grand événement naturel (30). De toutes les îles d'éruption qui font partie de chaî- nes volcaniques , la })lus importante est Santorin. «C'est le type complet des îles de soulèvement. De- puis 2000 ans, aussi loin que l'histoire et la tradition peuvent remonter, on voit la nature travailler sans relâche à former un volcan au milieu du ci-atère de soulèvement (31).» L'île de San-Miguel , l'une des Açoies,estaussi le théâtre de phénomènes semblables qui se produisent par périodes de quatre-vingts ou de quatre-vingt-dix ans(32); mais le fond de la mer n'y a })as toujours été soulevé aux mêmes points. L'île Sabrina, ainsi nonnnée par le capitaine ïillard, pa- rut le 30 janvier 181 1 ; malheureusement les événe- ments politicpies de celte époque ne permirent pas aux puissances maritimes de l'Europe occidentale de donner à ce grand phénomène toute rattenlion qui fut accordée ])lus tard (33) à l'apparition éphf'inère de l'île Ferdinandea (le 2 juillet 1831, dans la mer de Sicile, entre les côtes calcaires de Sciacca et l'île volcanifpie de Pantcllai'ia). Le grand nombr*' de volcans actifs situés dans les — 277 — lies ou sur les côlos, et les éruptions sous-marines qui se produisent encore de temps en temps, ont fait penser que l'activité volcanique est subordon- née au voisinage de la mer; on a cru que l'une ne pouvait se développer ni durer sans l'aulie. « L'Etna et les îles Eoliennes, dit Justin (34), ou plutôt Trogue Pompée que Justin a abrégé, brûlent depuis bien des siècles; or, comment ce feu pourrait-il durer si la mer ne lui fournissait un aliment? » En acceptant ces vieilles idées comme point de départ , on a cherché, dans ces derniers temps, à fonder toute la théorie des volcans sur Ihypothèse de l'intro- duction des eaux marines dans leurs foyers, c'est-à- dire, dans les couches profondes de l'écorce terrestre. Cette théorie a soulevé une discussion fort compli- quée; pourtant, après avoir considéré, dans leur en- semble, les données que la science possède aujour- d'hui, il m'a semblé que le débat pouvait se résumer dans les questions suivantes. Les vapeurs aqueuses que les volcans exhalent incontestablement, en grande quantité, même dans leurs périodes de repos, pro- viennent-elles des eaux salées de la mer, ou des eaux douces météoriques ? La force d'expansion de la va- peur d'eau qui se développe, à diverses pi'ofondeurs, dans les foyers des volcans (à une profondeur de 28600 mètres, cette force serait de2800 atmosphères), peut-elle faire équilibre à la pression hydrostatique des eaux de la mer, et leur permettre, dans certains cas, un libre accès dans les foyers volcaniques (35;? La production d une grande (juantité de chlorures — -278 — iiiélalliqiies, la présence du sel marin dans les ci'e- vasses des ci'alères, celle de Tacide hydioclilorique libre dans les vapeurs d'eau qui s'en dégagent, sup- posenl-elles nécessairement rinlervenlion des eaux de la mer? L'inactivité des volcans, soit temporaire, soit permanente et définitive, est-elle déterminée par l'obliiéralion des canaux qui auraient primitivement conduit, vers leurs foyers, les eaux de la mer ou les eaux météoriques? Enfin et suitout , comment con- cilier l'absence de flammes et le manque de gaz hydro- gène pendant la période d'acti vile, avec riiypolhèse qui attribue cette activité à la décomposition d'une énorme masse d'eau (il ne faut pas perdre de vue que le déga- gement d'hydrogène sulfuré est particulier aux solfa- tares, plutôt qu'aux volcans actifs)? Je dois me borner h poser ces importantes questions de physique générale, car leur discussion ne saurait rentrci" dans le plan de cet ouvrage. Mais puisqu'il s'agit ici de la distribution géographique des volcans, il est permis du moins de rétablir, dans leur intégrité, les faits dont on n'a pas assez tenu compte lorsqu'on a supposé que le voisinage de la mer est une condi- tion nécessaire de l'activité volcanique. On trouve, dans le Nouveau Monde, trois volcans, le Jorullo, le Popocatepetl et le volcan de la Fragua, situés respec- tivement à 15, 25 et 29 myriamètres des bords de l'O- céan ; dans l'Asie centrale, presque à égale distance de la merGlacialeetde l'océan Indien (27.3 et 284 my- riamètix's), s'f'lend une grande chaîne de montagnes volcaniques, le Thian-chan [les MonUfijîics Cclesles, — 279 — signalées aux géologues par Abel Rémusal](36), dont font partie le Pé-chan qui vomit delà lave, lasolfalare d'Uruni-tsi, et le volcan encore actif du Turfan (ilo- tseu). Le Pé-chan est situé à 250 myriamètres de la mer Caspienne, à 32 et à 39 myriamètres des grands lacsd'Issikoulet de Balkasch(37); les écrivains chinois ont décrit ses éruptions qui dévastèrent les contrées environnantes, vers le premier et le septième siècle de notre ère ; il est impossible de ne pas reconnaître les courants de lave, lorsqu'ils disent : « Les masses de pierres fondues coulaient , aussi fluides que de la graisse fondue, sur une étendue de 10 H. » Enfin, painii les quatre grandes chaînes parallèles, l'Altaï le Thian-chan, le Kuen-lun et l'Himalaya, qui tra- versent de l'est à l'ouest le continent asiatique, ce sont les deux chaînes intérieures, situées à 297 et à 134 myriamètres de toute mer, qui possèdent des volcans vomissant du feu , connue l'Etna et le Vésuve , exhalant des vapeurs ammoniacales comme les volcans de Giiatimala , tandis qu'il n'en n'existe aucun dans la chaîne la plus voisine de la mer, dans l'Himalaya. Ainsi les phénomènes vol- caniques ne dépendent point du voisinage de la mer, en ce sens qu'ils ne sauraient être causés par l'introduction des eaux dans les régions souterrai- nes. Si les côtes paraissent offrir un gisement favo- rable aux éruptions, c'est qu'elles forment les bords de i»rofonds bassins occupés par la mer, et ces boids recouveris seulement par des couches d'eau, situés d'ailleurs h quelques milliers de mètres au-dessous — 280 — (le l'intérieur des continents, doivent présenter, en général, à Taelion des forces souterraines, beaucoup moins de résistance ({ue la terre ferme. La formation des volcans actuels, dont les cratères établissent une communication permanente entre l'al- mosphère et l'intérieur du globe, ne remonte pas à une époque bien reculée, car les couches de craie les l)lus élevées, et toutes les formations tertiaires exis- taient avant ces volcans. C'est ce que montrent les éruptions de Irachyteet les basaltes qui forment sou- vent les parois des cratères de soulèvement. Les mé- laphyres s'étendent jusqu'aux moyennes couches ter- tiaires ; mais ils commencent déjà à se montrer sous la formation jurassique, puisqu'ils traversent les grès bigarrés (38). H faut se garder de confondre les cra- tères actuellement actifs , avec les épanchements antérieurs de granit, de porphyre quartzeux et d'eu- photidc qui eurent lieu par des failles de l'ancien terrain de transition. L'activité volcanique peut disparaître complète- ment, comme en Auvergne; quelquefois elle se dé- place et cherche une autre issue dans la mémo chaîne de montagnes; alors l'extinction n'est que partielle. Sans qu'il soit nécessaire de remonter, au deli» des temps hislori(]ues , on trouve des exemples d'extinc- tion lolale beaucoup plus récents que ceux de l'Au- vergne. Ainsi , le volcan situé dans Tile consacrée à Yulcain, le Mosychlos (39) dont So[)hocIe cite « les tourbillons d<' llanuncs, » est actuellement éteint; on peut en dire autant du volcan de Médine, — 281 — qui , d'après Burckhardl , u vomi un dernier tor- rent de lave le 2 novembre 1276. Chaque phase de l'activité d'un volcan, depuis sa naissance jus- (ju'à son extinction , est cîiractérisée par des pro- duits difTërenls. D'abord, le volcan vomit des sco- ries incandescentes, des courants de lave formée de Irachyte, de pyroxène et d'obsidienne, des rapillis et du tuf sous forme de cendres , accompagnés d'un dégagement considérable de vapeurs d'eau presque toujours pure. Plus tard , le volcan devient solfatare ; les vapeurs d'eau qu'il émet sont mélangées d'hydro- gène sulfuré et d'acide carbonique. Enfin, le cialère lui-même se refroidit entièrement , et il ne s'en ex- hale plus que du gaz acide carbonique. Il est pour- tant une classe singulière de volcans, tels que le Galunggung de Java, qui ne vomissent point de lave, mais qui lancent des torrents dévastateurs d'eau bouillante, chargés de soufre en combustion et de roches réduites en poussière (40). Avant de décider si leur état actuel est un élat normal ou une simple modification passagère de l'aclivilc vol- canique , il faut attendre qu'ils aient été examinés par des géologues initiés aux doctrines de la chimie moJerne. * Nous voici arrivés au terme de la description géné- l'ale des volcans, l'une des plus importâmes mani- fesUitions de l'activité intérieure de notre planète. Je l'ai fondée, en partie, sur mes propres observations; mais, pour en ti'acer les contours généraux , j'ai dû prendre pour guide les travaux de mon ami Léopold *9 O0-> (le Buch , le plus grand géologue de noire époque, le premier qui ait reconnu rintiine connexilé et la dé- pendance muluelle des phénomènes volcaniques. Longlemps on n'a vu dans la vulcanicUé [ la réac- tion de liuléricur d'une planète contre son écorce ) qu'un phénomène isolé, qu'une force locale, remar- quable seulement par sa puissance de destruction. 11 était réservé à la géognosie nouvelle de se placer h un point de vue plus élevé et d'envisager les forces volcaniques comme formant de nouvelles roches , ou connue modifianl les roches préexistantes. A ce point de vue, que nous avons déjà signalé, deux sciences différentes, la partie minéralogique de la géognosie (structure et succession des couches terrestres), et l'étude géographique de la forme des conlinents et des archipels soulevés au-dessus du niveau de la mer , viennent se rattacher à une seule el même doc- trine , celle de la vulcanicilé. Si la science est parvenue à rattacher ainsi deux grandes classes de phénomènes à une seule conception, elle le doit à la direction vraiment {>hilosoi»hique que sui- vent aujourd'hui tous les géologues. Les sciences procèdent comme les grands intérêts politiques de l'humanité; elles tendent incessamment à ramener à Tunité les parties qui sont restées longlenq)S isolées. On peut classer les roches, d'après leurs diffé- rences de slrncture ou de superposition, en roches stratifiées et non stratifiées, en lamellaires et coin- pactes i en normales cl anorinulcs; mais quand oa — 283 — cherche h découvrir^ par l'étude des phénomènes qui se produisent encore sous nos yeux, comment les roches ont été formées, puis modifiées, on trouve qu'elles peuvent être distribuées en quatre classes fondamentales : r Lesroches d'é^iiption, sorties de l'intérieur de la terre , ou volcaniquemmt, à l'état de fusion , ou plulo- niquemenl , à l'état de ramollissement plus ou moins marqué. 2" Les roches de sédiment, pi'écipitées ou déposées du sein d'un milieu liquide où elles étaient primitive- ment dissoutes, ou tenues en suspension ( telle est la plus grande partie des groupes secondaire et ter- tiaire). 3° Les roches transformées ( métamorphiques), dont la texture et le mode de stratification ont été altérés, soit par le contact ou la proximité d'une roche d'érup- tion plulonique ou volcanique [roches endogènes] (41), soit par l'action des vapeurs et des sublimations (i2) qui accompagnent la sortie de certaines masses à l'état de fluidité ignée; ce dernier mode d'altération est le plus fiéquent. 4° l^s conglomérats, les grès à grains fins ou gros- siers, les brèches. Ces roches sont formées de débris destî'ois roches précédentes, divisées mécaniquement. Ces quatre genres de roches se produisent encore sous nos yeux par l'épanchcment de masses volca- niques en couléns étroites, par l'action de ces masses sur des roches anciennes , par la séparation méca- nique ou chimique de matières suspendues ou dis- — "IHï — soutes dans des eaux, chargées d'acide (■arl)OJiique, enfin pai* la ciinentalion des détritus de roches de toute nature. Mais ce n'est là qu'un faiblo lellet de ce qui s'est passé pendant la période chaotique du monde primitif; alors , sous de tout autres conditions de chaleur et de pression , l'activité de notre globe s'est développée avec plus d'énergie , sur un sol moins résistant et dans une atmosphère plus étendue, plus chargée de vapeurs. Aujourd'hui, les énormes frac- tures de l'écorce terrestre ont disparu ; les failles béantes des couches superdcielles déjà consolidées, ont été comblées par les chaînes de montagnes que les forces souterraines ont soulevées et poussées au deliors, ou par des roches d'éruption (le granit, le porphyre, le basalte, le mélaphyrc); à peine s'il est resté, sur une étendue telle (pie celle de l'Europe, quatre ouvertures, quatre volcans par où les matières ignées puissent fairo irruption. Mais autrefois, l'écorce naissante, fracturée en tous sens, encore peu épaisse, soumise à des lluclualions continuelles, tantôt soule- vée, tantôt alfaissée, laissait presque partout coni- muni(pier la masse intérieure en fusion avec Talmo- sphère, et leseffluvesgazeuses, dont lanature chimique devait varier autant que les profondeurs d'oij elles s'écha|)[)aient, venaient donner comme une vie nou- velle aux (h'veloppements successifs des formations plutoniipies et niéiamor[)hi(pies. (le que nous venons de dire pour la péiioilc ignée, nous pouvons le dire aussi de cell<* où les terrains de sédiment se sont formés. Les couches de travertin qui se dé[>osent — 285 — journellement à Rome comme à Hobarl-Town, en Australie, nous retracent l'image, mais une image bien affaiblie, tle la formation des terrains fossili- fères. Sous des influences encore peu connues, nos mers actuelles pioduisenl incessamment, par voie de précipitation, d'atterrissement et de cimentation, sur les côtes de la Sicile , sur celles de l'île de l'Ascension, dans la lagune du Roi Georges (Australie), de petits bancs de calcaire dont certaines parties ont ac- quis une dureté comparable à celle du maibre de Carrare (43). Ces formations de l'océan actuel ont enseveli, sur les côtes des Antilles, dos produits de l'industrie humaine, et jusqu'à des squelettes de la souche caraïbe (à la Guadeloupe). Les nègres des colonies françaises nomment cette formation ma- conne-bon-Dieu (44). On a trouvé dans l'une des Ca- naries, l'île de Lancerote , une petite couche d'oolithe qui, malgré sa nouveauté, rappelle le calcaire du Jura ; c'est une production de la mer et des tem- pêtes (45). Les roches composées sont des associations déter- minées de certains minéraux simples , le feldspath , le mica , la silice, l'augite , la néphéline. Les volcans produisent encore sous nos yeux des roches send^la- bles à celles du monde primitif; les éléments sont les mêmes de part et d'autre, mais ils sont différennnent groupés. Nous avons dit plus haut (46) qu'il n'existe aucun rapport entre les caractèies minéralogiques et la distribution gcfographique des roches; c'est qu'en effet le géologue s'étonne de oir, dans les zones les — 286 — plus éloignoos , au nord comme au sud de réquateur, les moindres détails se réprier dans la disposition al- lernanle des couches siluriennes , et les mêmes effets se reproduire au contact des masses augilicpies d"é- iu[)lion. H nous faut maintenant considérer de plus près les quatre classes fondamentales de roches (classes coiTespondanles à quatre phases de formation ) que nous offrent les couches slratihées ou massives de récorce terrestre. Et d'abord , parmi les roches endo- gènes ou d'éruption que la géognosie moderne a dési- gnées sous les noms de roches massh'cs et anormales, nous trouvons plusieurs produits de l'action immé- diate des forces souterraines , dont nous allons énu- mérer les groupes principaux : Le granit et la Sf/énite , appartenant à des époques très différentes 5 cependant le granit traverse souvent la syénite ( i" ); il est alors d'une origine plus récente que la force qui a soulevé celte dernière roche. Lorsque le granit apparaît en grandes masses isolées, sous forme d'ellipsoïdes faiblement voûtés, que ce soit dans le Harlz, ou dans le Mysore, ou dans le Bas-Pérou, partout il est surmonté d'une croule di>isée en blocs. Proba'olement cette espèce de mer formée de rochers, doit son origine à la contraction de la surface primitive du granit (-^8). Dans l'Asie septentrionale (49), sur les rives pilloresques du lac Kolivan ( Altaï i , comme sur les revers de la chaîne maritime de Caracas, à Las Trincheras (50), j'ai vu aussi (!es assises de granit doi.l les divisions pr()\icnnent — 287 — sans doute d'iin reirait analogue; mais il m'a paru que cette structure s'étendait profondément sous terre. L'as- pect des roches d'éruption sans trace de gneiss, que j'ai rencontrées sur les frontières delà province chinoise d'ili (au sud du lac Kolivan , entre Buchtarminsk et la rivière Narym ) , m'a vivement frappé ; je n'avais jamais rien vu de semblahle dans les autres parties du monde. Le granit, toujours écaillé à la surface , toujours caractérisé par des divisions prismatiques, s'élé^e dans la steppe, tantôt en petits monticules hémisphériques , hauts de 2 ou 3 mè- tres tout au plus, tantôt, comme le basalte, en forme de coupe dont la base présente deux coulées étroites dia- métralement opposées (51 ). Aux cataractes de l'Orôno- que comme dans le Fichtelgebirge (Seissen), en Galice comme sur le Papagallo (entre la mer du Sud et le pla- teau du Mexique) , j'ai vu le granit en grands globes aplatis qui offraient des divisions concentriques semblables à celles de certains basaltes. Dans la vallée d'Irtysch, en- tre Buchtarminsk et Ustkamenogorsk, le granit recouvre le schiste argileux de transition sur une longueur de près d'un myriamètre (52); il envoie dans cette couche, de haut en bas, d'étroites veines qui se ramifient et se ter- minent en pointes effilées. Je cite ces détails dans l'unique but de faire ressortir , par quelques exemples, le caractère fondamental des ro- ches d'éruption^ dans une des roches les plus généralement répandues dans la nature. De même que le granit couvre l'argile en Sibérie et dans le département du Finistère ( île de Mihau), de même il recouvre le calcaire juras- sique , dans les montagnes d'Oisaus ( Fermonts ) , do méuie — 288 — il recouvre la syénite, et au milieu de celte roche, la craie, à WciiilKchia , eu Saxe (53). Dans TTral , à Wnrsiiisk, le granit est poreux; ses cellules sont, comme les cellules cl les fissures des roches volcaniques récentes , remplies (Je magnifiques cristaux, principalement de hé- rils et de topazes. Le poî^phyre quartzeux , qui se joint souvent en forme de gangue avec les autres rociies. La pâte est ordinuire- nient un mélange à grains fins des mômes éléments qui s'y trouvent disséminés en gros cristaux. Dans le porphyre cfraniliqnc , très-pauvre en quartz , la pâte feldspathiquc est presque granulaire et feuilletée (54). Les grunslc'ins ;, les diorites, mélange granulaire d'al- hite hianchc et de hornhlendo d'un vert noirâtre , formant des porphyres dioriliques lorsque les cristaux d'alhilc sont disséminés dans une pâte compacte. Ces grunsteins , tantôt purs, tantôt mêlés de feuillets intercalés de diallage (Ficlitelgehirge) , et passant, dans ce dernier cas, à la ser- prntine, ont été injectés quelquefois entre les anciennes slrates du schiste argileux vert, où ils forment des litsj plus souvent ils tra>ersent le sol sous forme de filons , ou bien ils s'élèvent sous forme de dômes tout à fiiit analogues aux dômes de basalte et de porphyre (55). \' hyperslhenfcls est un mélange granulaire de labra- dor et d'hypersthéne. Ijeupholide et la serpentine, où le diallage se trouve quelquefois remplacé par des cristaux d'augite et d'ura- lile, et alors très-rapprochées d'une rorlie plus commune, y. dirais presque d'une roche d'éruption j)lus a(li>e, Ir porjdiyre augili(jue (5()j. — 289 — Le mélaphyre, et les porphyres à cristaux d'augite, d'u- ralite et d'oligoklas. C'est à cette dernière espèce de por- phyre qu'appartient le pur verl-anlique , si célèbre par son emploi dans les arts. Le basaîte avec l'olivine et ses éléments, qui, traités par les acides, donnent des précipités gélatineux, la. pho- nolilhe (porphyre argileux), le trachyte et la dolérite; lu première de ces roches est partiellement divisée en pla- ques minces; la deuxième présente toujours cette struc- ture qui donne à ces deux roches, même sur de grandes étendues, l'apparence d'une sorte de stratification. D'après Girard , la mésotype et la néphéline entrent pour une part importante dans la composition et la texture interne des masses basaltiques. La néphéline du basalte rappelle au géologue la miascite des montagnes de rihneu, dans rOural (57', minéral qu'on a confondu avec le granit , et qui contient quelquefois de lazircone; elle rappelle aussi la néphéline pyroxénique, découverte par Gumprecht près de Lœbau et de Chemnitz. La deuxième classe de roches, les roches de sédi- ment, comprend la majeure partie do ces formations auxquelles on a donné autrefois les dénominations sys- lémaiiques, mais peu correctes, de formations plaie s, formations de transition, formations secondaires et ter- tiaires. Si les roches d'éruption n'avaient [)oiiit soulevé l'écorceteirestrc, si les tremblemenlsdeterie qu'elles ont occasionnés n'avaient point agi sur les formations sédimentaires, la surface de notre planète consisterait en couclies horizontales, régulièrement disposées les — 290 — unes au-dessus (les autres. Dépourvue de nos chaînesde montagnes dont les versants reflètent, pour ainsi dire, de la base au sommet, dans la gradation pittoresque des espèces végétales, l'échelle des températures décrois- santes de l'almosplière, à peine si la surface des con- tinents serait accidentée par quelques ravins , par l'accumulation de quelques détritus, insignifiants pro- duits de la force d'érosion et de transport de faibles courants d'eau douce; d'un pôle à l'autre, lasui'face monotone de la (erre pi'ésenlerail le triste spectacle des Llanos de l'Amérique du Sad ou des steppes de l'Asie septentrionale; partout nous verrions la voûte céleste reposer immédiatement sur les plaines et les astres monter, au-dessus de cet uniforme horizon , connue du sein d'une mer sans rivages. Mais le monde primitif lui-même n'a point présente partout cet as- pect; du moins l'état de choses que nous venons de décrire n'a pu durer longtemps , car, à toutes les époques, les forces souterraines ont agi pour le mo- difier. Les terrains de sédiment ont été p?'écfpi!és ou dé- po!^és du sein des eaux, suivant que la matière cons- tituante, le calcaire ou le schiste argileux, se trouvait chimiquement dissoute dans le milieu liquide, ou à l'état de mélange et de suspension. Lorsque des terres dissoutes dans l'eau, à l'aide d'un excès d'acide car- bonicpie, viennent à se précipiter, leurdescenleet leur accumulation en couches sont exclusiveuient réglées par les lois ordinaires de la mécanique. Celte remar- que n'est pas sans importance pour l'étude de l'en- — 291 — foiiissemenl des corps oiganiques dans les couches calcaires où s'effectue la pétrification. Il est probable que les plus anciens sédiments des terrains de tran- sition ou des terrains secondaires , se sont formés dans des eaux maintenues à une température assez élevée, parla forle chaleur qui régnait alors à la surface de la terre. C'est à ce point de vue qu'il est permis de dire que If s forces plutoniques ont agi sur les couches sédimentaiies, et surtout sur les plus anciennes; mais ces couches paraissent s'être durcies et avoir acquis leur stî'uclure schisteuse 'sous S'influence d'une grande pression, au lieu que les roches sorties de l'intérieur (le granit, le porphyre ou le basalte) se sont solidi- fiées par voie de refroidissement. La haute tempé- rature des eaux primitives venant à baisser peu à peu, ces eaux absoi'bërent , en plus grande quantité, le gaz acide carbonique dont l'atmosphère était sur- chargée; elles purent dès Ioj'S tenir en dissolution une plus grande masse de calcaire. Yoici l'énuméraiion des couches do sédiment, dont nous exclurons toutes les couches exogènes qui pro- viennent de l'accumulation mécanique des sables ou des galets : Le schiste argileux des terrains tle transition inférieurs et supérieurs, comprenant les formations siluricnneetdeA o- nienne, depuis les couches inférieures du système silurien, qu'on nommait autrefois formation cambrienne, jusqu'à la couche la plus élevéeduvieuxgrcsrouge,oadela formation dcYonienne, couche qui avoisine le calcaire de montagne. — 292 — Les lits de charbon de terre. Les calcaires intercalés dans les formations de transi- tion et dans les couches de charbon; le zeclistein, le calcaire coquillcr, la formation jurassique, la craie, et tous les terrains du groupe tertiaire (jui ne peuvent être rangés ni parmi les grès, ni parmi les conglomérats. Le travertin, le calcaire d'eau douce, les concrétions siliceuses des sources thermales, les formations qui se sont produites, non sous la pression de grandes masses d'eau\ marines, mais presque à l'air libre, sur les bas-fonds des marais et des rivières. Les 6«/iCsrf'm/'MS"02>TS, donnée géologique d'une grand» portée, en ce qu'elle nous révèle l'influence que raclivitc organique delà nature a exercée sur la formation des ter- rains ; c'est une découverte toute récente dont la science est redevable aux Iraxaux de mon ingénieux ami Ebren- berg, l'un de mes compagnons de voyage. Il semble que dans cet examen rapide, mais com- plet, (b'S élémonls minéralogiques de récorce terres- Ire , nous aurions dû j)lacer , immédiatement api-ès les roches simples de sédiment, les conglomérats et les grès (jui sont aussi , du moins en partie, des sé- diments séparés dun milieu licpiide, et qui alternent, dans les terrains de transition et dans les couches fossilifères, avec le schiste argileux et avec la craie. Mais les con^loiiK'rats et les grès ne se composent pas seulement des débris de roches d'éruption et de ro- ches de sédiment; ils contiennent encore des détritus de gneiss, de micaschiste et d'autres masses mêla- — 293 — niorp lu que s. Ces dernières roches doivent donc com- poser la troisième classe de formes fondamenlales. La roche endogène ou d'éruption (le granit, le por- phyre et le mélaphyre) n'est point un agent exclusi- vement dynamique ; non-seulement elle soulève ou ébranle les couches sur-jacentes, non-seulement elle les relève ou les repousse latéralement, mais encore elle modifie profondément les combinaisons chimiques de leurs éléments et la nature de leur tissu intérieur. Il en résulte des roches nouvelles, le gneiss, le micas- chiste et le calcaire saccharoïde (marbre de Car- rare et de Paros). Les anciens schistes de transition de formation silurienne ou devonienne, le calcaiie bélemnitique de la Tarentaise, le macigno (gi'ès cal- caire), gris et terne, contenant des algues marines , qu'on rencontre dans l'Apennin septentrional, pren- nentsouvent, après leur transformation, une structure nouvelle et un éclat qui les rendent presque mécon- naissables. La ihéorie du métamor[)hisme a été fon- dée, du moment où l'on est parvenu à suivre pas à j)as toutes les phases de la transformation, et à guider les inductions du géologue par les recherches directes du chimiste sur riniluence des degrés divers de fusi- bilité, de pression et de refroidissement. Lorsque l'étude des combinaisons de la matière est dirigée par une idée féconde (58), la chimie peut, de l'é- troite enceinte du laboratoire, répandre une vive lu- mière dans le champ de lagéognosie, vaste atelier de la natui'c on les forces souleriaines ont formé eL métamorphosé les couches terrestres. Mais si lélé- — 294 — iiuMit nialéric'l nous est bien connu aiijom'dMiiii, il n'en est pas ainsi de la mesure des forces qui onl agi avec lant dVnergie dans le monde priniilif; sous peine de tomber dans des analogies trompeuses cl de ne s'élever qu'à des vues rëliécies sur les grands phénomènes de la nature, Tobservaleur pliilosoplie doit avoir sans cesse présentes h la pensée les con- ditions si complexes qui onl dû modifier autrefois les réactions chimiques. Sans doute les corps sim- ples onl obéi, de tout temps, aux mêmes affinités; si donc il se rencontre encore quelques contradictions, le chimiste parviendra le plus souvent, j'en suis con- vaincu, h les faire disparaître, en remonlaîU aux con- ditions primitives de la nature ({ui n'auraient point été reproduites identiquement dans ses travaux. Des observations fort exactes , embrassant une grande étendue de terrain, montrent que les roches d'éruption ne se sont pas produites avec un caractère de violente et de bonlevcrsement. On voit souvent , dans les contrées les plus opposées, le granit, le ba- salte ou la dioriie exercer régulièrement, jusque dans les moindres détails , leur ariion transformatrice sur les strates du schiste argileux, sur celles du calcaire compacte, et sur les grains de quartz dont se compose le grès. Tandis qu'une roche endogène (juelconérature déterminent le mode d'agrégation des mo- lécules qui s'unissent dans l'acte de la cristallisation, et influent sur la forme du cristal lui-même (63). En outre, il est telle circonstance où les molécules d'un corps peuvent acquérir une disposition nou- velle qui se manifeste par des propriétés 0[)tiques diirérenles, sans (pie le corps ail passé par l'état do lluidiié (6i). C'est ainsi que les phénomènes de la 9A) — 298 — dévitrificatioii , de la produclioii de l'acier par la fonte ou la céinenlaiion, du passage du fer fibreux à l'état de fer granulaire par l'action de la chaleur (65), cl peut-être sous linfluencede pelils chocs réguliers cl longlenips répétés, contribuent h éclaircir réliule géologique du métamorphisme. La chaleur peut même produire, dans les corps cristallisés, des elîels complètement opposés; car, depuis les beaux travaux de Mitscherlich (66), on sait que le spath calcaire se dilate suivant l'un de ses axes, tandis qu'il se con- tracte suivant lautre. Si nous descendons maintenant de ces considéra- lions générales à quelques exemples particuliers, nous voyons d'abord le schiste transformé en ardoise d'un noir l)lcuàlre et brillant par le voisinage des roches plutoniqucs. Les plans de stratification sont alors in- terrompus par d'autres plans de division (joints) pres- que perpendiculaires aux premiers, indice certain d'une action postérieure à la métamorphose de la ro- che primitive (67). L'acide siiiciquo, qui a pénélré le schiste argileux, y produit des veines de quartz et le transforme, en partie, en pierre h aiguiser et en schiste siliceux (cette dernière roche est quelquefois carbonifère; elle peut alors -donner naissance à des l>hénomènes galvaniques). Le schisle, au plus haut ih- Qiédit si liai fical ion (68), devient une malière précieuse pour les arts; tel est le jas}>e rubanné qui s'est produit, dans rOural, par l'éruption et le contact du porj)hyre augilique (Orsk), du porphyre dioritique (Auschkai) ou d'une masse arrondie d'hypersthène (Bogoslowsk). — 299 — Dans l'île d'Elbe (Monte-Serrato), d'après Frédéric Hoiîmaiin, et en Toscane, d'après Alexandre Bron- gniart, le jaspe rubanné s'est formé au contact du schiste avec l'euphotide et la serpentine. Le contact et l'action plutonique du granit don- nent au schiste argileux une texture grenue et le transforment en une masse granitoïde, c^est-à-dire en un mélange de feldspath et de mica où se trou- vent empâtées de grandes parcelles de ce dernier mi- néral (69) ; ce genre de métamorphose a été observé par Gustave Rose et par moi dans l'intérieur de la for- leressede Buchtarminsk (Altaï) (70). « S'il est une hy- pothèse universellement admise en géognosie, dit Léo- pold de Buch, c'est celle qui attribue à l'action trans- formatrice du granit sur les couches siluriennes des terrains de transition, tout le gneiss compris entre la mer Baltique et le golfe de Finlande; ellea même, pour la plupart des géologues, la valeur d'une vérité dé- montrée. Dans les Alpes, au mont Saint-Gothard, la marne calcaire a été pareillement transformée, par le granit, en micaschiste d'abord et puis en gneiss » (71). La production du gneiss et du micaschiste, sous l'in- fluence du granit, se remarque aussi dans le groupe oolithique de la Taranlaise (72), où l'on a trouvé des bélenmites dans des roches qui pourraient déjà passer poui' du micaschiste, dans le groupe schisteux de la partie occidentale de l'île d'Elbe, non loin du cap Ca- lamila, et dans le Fichlelgcbirge de Baïreulh , entre LomilzetMarkleiten (73). Nous avons dit que le jaspe, dont les masses consi- — 300 — tlérables ne fureul pas connues dans l'antiquité (74), avaitété produit par l'action volcanicpic du porphyre auij;ilique; une autre matière dont l'art ancien lit un grand et noble usage, le marbre granulaire (saccha- roïde), doit être également considérée comme une couche de sédiment modifiée par la chaleur terrestre et par le voisinage dune roche d'éruption. Cette der- nière assertion est justifiée par l'analyse exacte des phénomènes qui naissent au contact des roches ignées, et par les recherches directes de sir James Hall sur la fusion des substances minérales ; ces belles recher- ches, qui datent de plus d'un demi-siècle, jointes à l'étude approfondie des veines granitiques, ont singu- lièrement hâté les progrès de la géognosie modeine. Quelquefois l'action de la roche d'éruption s'arrête à une faible distance de la surface de contact ; il se pro- duit alors une transformation partielle qui s'étend dans la couche comme une sorte de pénombre ; telle est la craie de Belfast (Irlande) traversée par des veines de basalte; telles sont les couches fossilifères de calcaire compact, partiellement infléchies ])ar un granit syénitique, vers le pont de Boscanipo , et à la cascade de Canzocoli (Tyrol), que le comte Marzari Pencati a rendue célèbre (75). i^n autre mode de Iranformation est celui où toutes les couches du cal- caire compact ont été entièrement changées en cal- caire granulaire par l'action du granit, de la syénile ou du porphyre dioriliijue (76). Qu'il me soit permis d'accorder ici une mention spéciale aux marbres de Paros et de Carrare, aux(|uels — 301 — les chefs-d'œuvre de la sculpture ont donné tant d'im- porlance , et qui ont figuré si longtemps dans nos collections géologiques comme types des calcaires primitifs. Tantôt l'action du granit s'est exercée par la voie du contact immédiat, dans les Pyrénées , par exemple (77); tantôt elle s'est propagée à travers des couches intermédiaires de gneiss ou de micaschiste, comme sur le continent grec et dans les îles de la mer Egée. Dans les deux cas, les transformations des cou- ches calcaires ont été synchroniques , mais elles ont procédé différemment. On a remarqué dans l'Attique, dans l'île d'Eubée et dans le Péloponnèse, que« le cal- caire superposé au micaschiste est d'autant plus beau, d'autant plus cristallin que le micaschiste lui- même est plus pui", c'est-à-dire moins argileux. » Cette dernière roche, ainsi que des strates de gneiss, affleurent en beaucoup de lieux profonds de Paros et d'Antiparos (78). D'après le fondateur de l'école d'Elée, Xénophane de Coloplion (79), qui pensait que la terre avait été recouverte autrefois par la mer, on aurait trouvé des fossiles marins dans les carrières de Syracuse, et l'empreinte « d'un petit poisson » (une sardelle), au fond de celle de Paros-, si cette assertion, rapportée par Origène, était exacte, on pourrait croire que certaines couches fossilifères n'ont subi qu'une métamorphose incomplète. Quant au marbre de Car- raie (Luna), dont l'emploi remonte h une époque an- térieure au siècle d'Auguste, et qui conservera le pri- vilège de fournir à peu près exclusivement aux besoins de la statuaire, aussi longtempsque l'exploitation des — 302 — carrières de Paros restera négligée , c'est une cou- che, transformée par les actions plutoniques , du même grès calcaire [macigno) qui se montre dans les Alpes Apuanes, entre le micaschiste et le schiste lal- queux (80). On a assigné une toute autre origine aux marbres de certaines localités : le calcaire granulaire se serait formé d'abord dans l'intérieur de la terre ; puis, repoussé à la surface par le gneiss et la syénite, il aurait rempli des fissures, comme h Auerbach, sur le Bergstrasse (81); mais avant d'avoir étudié la question sur les lieux mêmes, je ne puis me permettre de prononcer à ce sujet. De toutes les métamorphoses produites par une ro- che d'éruption sur les strates de calcaire compact, la plus remarquable est celle que Léopold de Buch a si- gnalée dans les masses dolomiliques , surtout dans celles duTyrol méridional et du versant italien de la chaîne des Alpes. Ce mode de transformation du cal- caire procède des fissures dont il est traversé dans tous les sens. Partout les crevasses sont tapissées de cris- taux rhomboïdes de magnésie; la formation tout en- tière n'est plus qu'une agglomération granulaire de cristaux de dolomie où Tonne retrouve plus de tra- ces de la stratification originaire, ni des fossiles qui y étaient primitivement contenus. Des feuilles de talc et des masses de serpentine sont disséminées çàel là dans la roche nouvelle. Dans la Fassathal, la dolomie s'élève verticalement en murailles polies d'une blnn- cheuréblouissante, jusqu'à plusieurs milliers de pieds de hauteur. Elle forme des cimes aiguës, nombreuses, — 303 — Irès-rapprochces, mais qui ne se touchent point. Leur aspect rappelle le gracieux paysage de montagnes fantastiques dont Léonard de Yinci a orné le fond du portrait de Mona Lisa. Les grands phénomènes géologiques que nous ve- nons de décrire parlent à notre imagination autant peut-être qu'à notre intelligence ; ils sont l'œuvre d'un porphyre augitique qui a soulevé, brisé, métamor- phosé les couches sur-jacentes (82). L'illustre obser- vateur qui a signalé la conversion du calcaire en do- lomie , n'attribue pas ce phénomène à l'introduc- tion d'une certaine quantité de talc provenant du porphyre noir; il le considère seulement comme une modification contemporaine de la projection de cette dernière roche à travers de larges fissures remplies de vapeurs. Mais, il faut le dire, on trouve aussi, en certains lieux, des lits dedolomie intercalés entre ceux du calcaire , et il reste à expliquer com- ment la transformation a pu s'opérer sans l'interven- tion d'une roche endogène. Quelles peuvent être, en effet, dans ces cas exceptionnels, les voies suivies par l'aclion plutonique? Faut-il abandonner déjà des théo- ries si souvent éprouvés et se borner à répéter le vieil adage romain : « souvent la nature a suivi des voies différentes pour arriver aux mêmes fins? » Quoi! nous aurions constaté pas à pas, sur toute une contrée, dans des zones entières, l'accord de deux phénomènes; partout nous aurions vu la projection du mélaphyre accompagner la métamorphose du calcain» compact en une niasse cristalline douée de nouvelles propriétés — 304 — cliiiiii(iuo8,ot. quand nous viendrions à ronconlror un lieu où le premier pliénoniène ferait (K'faul au second, il ne nous sérail pas peiniis d'allendre que des obser- vations ullérieures vinssent lever celte contradiction apparente, contradiction qui ne dépend peut-èlre, en dernière analyse, que d'une anomalie cachée dans les conditions sous lesquelles la cause principale exerce ordinairement son action? Autant vaudrait mettre en doute la nature volcanique et la fluidité ignée du ba- salte, parce qu'il s'est présenté, çà et et là, quelques cas isolés où des veines de basalte ont pénétré un lit de charbon de terre, sans lui avoir enlevé une partie notable de son carbone ; des couches de grès , sans leur avoir donné un aspect de fritte ou de scorie; des couches de calcaire , sans que la craie ait été co'.i- verlie en marbre granulaire. En résumé, il serait im- prudent d'abandonner le fil conducteur, ou si l'on veut, le demi-jour qui nous guide dans l'obscure ré- gion des formations minérales, en se fondant sur ce qu'il reste quelques desiderata dans l'histoire de la transformation des roches et dans celle des intercala- tionsde certaines couches altérées au milieu de strates qui n'ont subi aucune métamorphose. A})rès avoir déciit la liansformation de la chaux carbonat(^e compacte en calcaire granulaire et en dolomio, il nous reste à parler d'un troisième mode d'altc'ration (pie les vapeurs d'acide sulfmi(pie , vol- cani(juemont émises aux époques j)rimilives, ont produit sur la mrmc roche. Le gypse, lU' de cette r<'ac- tion, offre de l'analogie avec les dépôts de sel gemme — 305 — et de soufre ( ce dernier minéral a été abandonné par des vapeurs d'eau chargées de vapeurs sulfureuses). Sur les hautes Cordillères de Quindiu , loin de tout volcan, j'ai trouvé des dépôts de soufre qui s'étaient formés d'une manière analogue dans les fissures du gneiss, tandis qu'en Sicile, àCat{olica,prèsdeGirgenii, le soufie, le gypse , et le sel gemme appartiennent aux plus récentes couches des terrains secondaires , c'est-à-dire aux terrains crayeux (83). J'ai vu, sur les bords du cratère du Vésuve, des fissures renjplies de sel gemme en masses assez considérables pour don- ner lieu quelquefois à un commerce prohibé. Dans les Pyrénées , il est impossible de douter que l'appa- rition delà dolomie, du gypse et du sel gemme ne se rattache à celle des masses dioritiques (ou pyroxéni- ques? ) (84). Tout, dans ces phénomènes, nous an- nonce l'action des forces souterraines sur les couches sédimentaires déposées par l'océan primitif. Il est bien difficile d'assigner une origine aux puis- santes assises de quarlzpur, qui forment l'un destrails caractéristiques des richesses minérales de la chaîne des Andes (85) , dans l'Amérique du Sud. De Caxa- marca à Guangamarca, en descendant vers la mer du Sud, j'ai trouvé des lits de quartz d'une puissance de deux à trois mille mètres; ces lits reposent tanlot sur du porphyre dépourvu de quartz, tantôt sur une dioiite. Peut-être proviennent-ils de la transforma- tion du grès, comme les lits de quartz du col de la Poissonnière ( à l'est de Briançon ), auxquels Elie de Beaumont altiibuo cette origine (86). Au Brésil, — 306 — dans les districts de diamant des provinces de Minas- Geraës et de Saint-Paul , qui ont été récemment étu- diés avec soin par Clausen, les forces plutoniques des filons de diorile ont produit du mica commun et du fer spéculaire dans l'itacolumite quartzeux. Les dia- mants de Grammagoa sont renfermés dans des cou- ches d'acide silicique solide ; quelquefois ils sont enveloppés par des feuilles de mica , tout comme les grenats du micaschiste. Les diamants les plus septen- trionaux qu'on ait découverts depuis 1829 (par 58" de latitude nord , sur le versant européen de l'Oural) se trouvent en rapport géologique avec la dolomie noire carbonifère d'Adolfskoï(87), et avec le porphyre augi- tique; mais ces rapports n'ont pas encore été sulfi- samment éclaircis par de bonnes observations. Enfin , il faut ranger au nombre des plus remar- qual)les phénomènes de contact , la formation des grenats dans le schiste argileux en contact avec le basalte ou ladolérite ( Northumberland , île d'Angle- sey ), et la production dune grande quantité de beaux cristaux très-variés (le grenat, la vésuviane , l'augile et la ceyianite) qui se sont développés sur la surface de contact de roches d'éruption et de couches sédi- menlaires , ou à la jonction de la syénite de Monzon avec la dolomie et le calcaire conq^acl (88). Dans l'île d'Elbe, des niasses de serpentine, (pii peut-être ne présentent nulle i»art aussi nettement le caractère de roches d'éruption , ont produit des sublimations de fer spéculaire et d'oxide rouge de fer dans les fissures d'un grès calcaire (89). Nous voyons journellement — 307 — ce fer spéculaire se déposer ainsi aux bords du cra- tère et dans les coulées de laves récentes du volcan de Slromboli , du Vésuve et de l'Elna (90). Ces veines et ces filons que les forces volcaniques font naître sous nos yeux , dans des roches déjà parvenues h un certain degré de solidification , nous enseignent comment les filons métallitjues et pierreux se sont formés, pendant les premiers âges géologiques, par- tout où l'écorce solide de notre planète, écorce alors peu épaisse , souvent ébranlée par les secousses , crevassée et fracturée en tous sens , par suite du re- froidissement et du changement de volume, a présenté des communications nombreuses avec l'intérieur, et des issues multipliées aux vapeurs ascendantes, aux sublimations de toute espèce. La disposition des par- ticules en couches parallèles aux salbandes, la répéti- tion régulière des couches homologues dans les par- ties opposées de la veine [le toit et le mur), la cavité cellulaire allongée de la partie moyenne, font aussi- tôt reconnaître, dans un grand nombre de filons mé- tallifères, l'acte plutonique de la sublimation. Comme les veines pénétrantes sont d'une origine plus nou- vdle que les couches pénétrées, les gisements relatifs du porphyre et des formations argentifères des mines de Saxe , les plus riches de toute l'Allemagne, prou- vent que ces formations sont au moins plus récentes que les souches d'arbres du terrain houiller et du nouveau grès rouge inférieur (Rothliegendes) (91). Ce fut une inspiration bien féconde pour la théo- rie de la formation de l'écorce terrestre , et pour celle — 308 — du métamorphisiDo, que l'heureuse idée de comparer les minéraux naturels aux scories de nos hauts-four- neaux , et de chercher h les reproduire de toutes pièces (92). Toutes ces opérations nous olTrenl en ef- fet le jeu des mêmes affînités qui déterminent les com- binaisons chimiques , dans nos laboratoires comme dans le sein de la terre. On a retrouvé, parmi les mi- néraux formés artiiiciellement, les minéraux simples les plus importants dont les roches d'éruption plu- toniques ou volcaniques et les roches métamorphi- ques se composent, non pas "grossièrement imités, mais reproduits à l'état cristallin , avec la plus com- plète identité. Toutefois, il convient de distinguer les minéraux qui se sont accidentellement formés dans les scories, de ceux dont le chimiste s'est proposé la reproduction. Parmi les premiers, on compte le feld- spath, le mica, l'augite, l'oiivine, la blende, l'oxide de fer cristallisé (fer spéculaire), l'oxide de fer magné- tiqueoctaëdrique et le titane métallique (93); parmi les seconds, le grenat, l'idocrase, le rubis (aussi dur (jue le rubis oriental), l'oiivine et l'augite (94). Ces miné- raux forment les parties constituantes du granit , du gneiss et du micascliiste, du basalte , de la dolérite et d'un giaïul nombi-e de por[)hyres. La reproduction arlilicielle du feldspath et du mica est particulière- ment importante , en géologie, pour la théorie de la conversion du schiste argileux en gneiss. Le premier contient les éléments du granit, sans même en excep- tei- la potasse (^l^). Il n'y auiail donc pas lieu de s'é- tonnei' si, comme l'a dit un ingc'nieux géologue, M. de — 309 — Dechen, il arrivait qu'un fiagment de gneiss se formât un jour sur les parois d'un haut-fourneau bâti avec du schiste argileux et de la grauwacke. Après avoir passé en revue, dans ces considérations gén(îrales sur la partie solide de l'écorce terrestre , les trois classes fondamentales de roches ( les roches d'éruption , les roches de sédiment et les roches mé- tamorphiques), il nous reste encore à nommer la qua- trième et dernière classe qui comprend les conglo- mérats ou les roches cUlriliqnes. Ces noms mêmes rappellent les révolutions de la surface de la terre; ils rappellent aussi Tacte de la chnenlalion qui a con- solidé, par l'intermédiaire de l'oxyde de fer ou de matières argileuses et calcaires, des amas de frag- ments arrondis ou à vives arêtes. Les conglomérats et les brèches , dans leur plus large acception, pré- sentent les caractères d'une double origine. Les malé- riaux qui les composent mécaniquement n'ont pas été seulement accumulés par les vagues de la mer, ou par les eaux douces en mouvement; car il existe telle roche détritique dont la formation ne peut être attri- buée à l'action des eaux. « Lorsque des îles de ba- salte ou des monts de trachyte ont été soulevés à tra- vers de grandes fractures, il est résulKîdu frottement des masses ascendantes contre les parois des failles , que le basalte ou le trachyte se sont trouvés entourés de conglomérats formés aux dépens de leur pi'opre matière. Lcsgrainsquiconq^osent les grès d'un grand nombre de foiinations ont été détachés, plutôt [)ar le froltemcnt des rociios d'éruption plutoni^jucsou vol- — 310 — caniques, que par la force crérosion d'une mer voisine. L'existence de celle espèce de conglomérat, qu'on rencontre en masses énormes dans les deux hémis- phères, révèle rinlensilé de la force avec laquelle les rochesd'éruption se sont fait jour à travers les couches solides de Técorce terrestre. Les eaux se sont ensuite emparées de ces débris, et les ont disséminés par cou- ches sur le fond môme qu'ils recouvrent aujour- d'hui» (96). On rencontre des formations de grès in- sérées entre toutes les couches , depuis les terrains siluriens de transition les plus bas, jusque dans les formations tertiaires, au-dessus de la craie. A la lisière des plaines innnenses du Nouveau-Continent, en de- dans et en dehors des tropiques, on voit ces assises de grès s'étendre en longues murailles , comme pour indiquer l'ancien rivage où les vagues de la mer sont venues se briser. Au premier coup-d'œil que l'on jette sur la distri- bution géographique des roches, et sur l'étendue (jue chacune d'elles occupe dans les parties accessibles de l'écorce du globe , on reconnaît que la substance la plus répandue est Vacide silicique ordinairement opaipie et coloré. Immédiatement après l'acide sili- cique solide vient la chaux carbonatt-e ; puis les com- binaisons de l'acide siliciciue avec l'alumine, la potasse et la soude, avec la chaux, la magnésie et l'oxyde de fer. Les substances que nous comprenons sous le nom générique de roches sont des associations détermi- nées d'un nondjre fort restreint de minéraux simples, auxquels viennent se joindre quelques autres miné- — 311 — raux parasites, mais toujours d'après certaines lois fixes. Ces éléments ne sont pas particuliers à telle ou telle roche; ainsi le quartz (acidesilicique), le feldspath elle mica, dont la réunion constitue essentiellement le granit, se retrouvent, isolés ou combinés deux à deux, dans un grand nombre de formations différentes. Une citation suffira pour montrer combien les proportions de ces éléments peuvent varier d'une roche à l'autre, par exemple, d'une roche feldspathique à une roche micacée : Mitscherlich a fait voir que, si l'on ajoute au feldspath trois fois la quantité d'alumine, et le tiers de la proportion de silice qu'il renferme déjà, on ob- tient la composition chimique du mica. Ces deux mi- néiaux contiennent de la potasse dont la présence dans un grand nombre de roches est un fait anté- rieur, sans aucun doute, à l'apparition des végétaux sur la terre. L'ordre de superposition des strates sédimentaires, des couches métamorphiques et des conglomérats, la nature des terrains que les roches d'éru[>tion ont at- teints ou traversés, la présence des restes organiques et leurs différences de structure, tels sont les in- dices qui permettent de reconnaître l'âge relatif dos formations successives; tels sont les monuments de l'histoire du globe et les points de repère de sa chronologie que le génie de Hooke pressentit autre- fois. L'application des moyens d'épreuve botaniques et zoologiques, à la détermination de l'âge des roches, a signalé l'èrela plus brillante delà géognosic moderne. Sousl'inlluence viviiiante des études paléontologiques, — 312 — lu théorie des formations solides de l'étorce du globe s'est enfin dégagée, au moins sur le continent, de ses entraves originelles, pour revêtir un caractère tout nouveau de profondeur et de variété. Les couches fossilifères sont les catacombes où gi- sent les faunes et les flores des époques antérieures. Lorsque nous descendons de couche en couche pour étudier leurs rapports de superposition, des mondes engloutis d'animaux et de végétaux s'offrent à nos yeux, et nous remontons en réalité dans la série des âges. Chaque cataclysme du globe, chaque soulève- ment de ces chaînes de montiignes dont nous pou- vons déterminer l'ancienneté relative, a été signalé par la destruction des espèces anciennes et par l'ap- parition de nouvelles organisations. Comme pour marquer la transition, quelques espèces anciennes ont su])sisté, pendant un temps, au milieu des créa- tions plus récentes. Cette dernière expression, disons- le en passant , accuse la limitation forcée de nos con- naissances sur l'être, et dans le langage figuré qui nous sert à masquer cette limitation, nous appelons créa- tions nouvelles le phénomène historique des variations qui surviennent parinlervalies, soit dans les foi-nics organicpies, soit dans les bassins des mers primitives, soil dans les contours des continents soulevés. Sou- vent ces êtres organisés ont été conservés intactes jusque dans les moindres détails de leur tissu, de leurs cellules et de leurs divisions. On a lrouv(%dans l'oolithe inférieure; ( lias de Lyme-Regis), une s(^]>ia si admirai)lement conservée, (ju'on apu tirer la couleur — 313 — destinée h en peindre l'image, de la matière noirâtre dont cet animal se servait, il y a des myriades d'an- nées, pour échapper à ses ennemis (97). Ailleurs , on ne retrouve que des vestiges : par exemple , les em- preintes qu'un animal a laissées en courant sur une argile molle, ou les résidus de sa digestion (copro////ies). D'autres couches nous offrent seulement l'empreinte d'une coquille ; mais si cette coquille appartient à un genre cm^actérislique (98), il n'en faut pas davan- tage pour faire reconnaître aussitôt la formation où elle a été recueillie, et la nature des autres débris or- ganiques qui y sont enfouis avec elle. La coquille que le voyageur rapporte de ses excursions nous raconte l'histoire des pays où elle a été trouvée. L'étude analytique du règne animal et végétal du monde primitif a suivi une double direction; il en est résulté deux sciences distinctes. L'une, purement morphologique, décrit les organismes et s'applique à leur physiologie ; elle cherche à combler, par les for- mations éteintes, les lacunes qui se présentent dans la série des êtres acluellemeut vivants. La seconde est plus spécialement géologique ; elle considère les restes fossiles dans leurs rapports avec les couches sédimen- taires où on les rencontre et dont ils peuvent servir h fixer l'ancienneté relative. Longtemps la premièic a prédominé. En comparant d'une manière tiop su- perficielle les espèces fossiles avec les espèces ac- tuelles, on avait été conduit h une erreur dont les traces se retrouvent encore aujourd'hui dans les sin- gulières dénominations qui furent imposées à cer^ 21 — 31i — lains corps de la nature. On voulait reconnaître les espèces vivantes parmi les organisations éteintes, tout comme, dans le xv!*" siècle, on confondait, sur de fausses analogies, les animaux de l'ancien monde avec ceux du nouveau cojitinent. Peter Camper, Sœm- mering, Blumenbach entrèrent les premiers dans une voie plus rationnelle; à eux revient le mérilç d'avoir appliqué les ressources de l'anatomie compa- rée, d'une manière vraiment scientifique , à la partie delapaléontologie(cettearchéologiede Torganisatioa) qui s'occupe des ossements des grands animaux ver- tébrés. Mais ce sont les grands travaux de Georges Cuvier et d'Alexandre Brongniart qui ont fondé la géologie des fossiles par riicurcuso condjinaison des types zoologiques avec l'ordre de succession et l'âge relatif des terrains. Les plus anciennes couches sédimcntaires et les terrains de transition présentent, dans les restes or- ganiques qu'ils renferment, un mélange de formes très-diversement placées dans la série progressive des êtres. En fait de i)lanles, ces couches ne contiennent que de rares fucus, des lycopod lacées peut-être arbo- rescentes, des équisétacées et des fougères tropicales; mais parmi les organisations animales, nous rencon- trons dans ces couches une association singulière de crustacés (des Irilobites avec des yeux réliculaires), de brachiopodes (spirifères, orthis), d'élégants sphé- ronitcs qui se rapprochent des crinoïdes (99), d'or- thocératiles de la famille des céphalopodes, de po- lypiers pierreux; [mis, au milieu «!e ces oiganisat:< ns — 315 — inférieures, des poissons d'une forme étrange se trou- vent déjà dans les couches supérieures du système silurien. La fauiilledes céphalaspides aux lourds bou- cliers, dont certains fragments du genre ptériclitys ont été pris longtemps pour des trilobites, caractéri- sent exclusivement la formation devonienne (0/rf red)\ d'après Agassiz, cette famille constitue un type aussi nettement prononcé dans la série des poissons que les ichlhyosaures et les plésiosaures parmi les repti- les (100). Les goniatites, de la tribu des ammo- nites (1), commencent également à se montrer dans le calcaire de transition, dans la grauwackedes cou- ches devoniennes et même dans les dernières couches du système silurien. On n'a pas réussi, jusqu'à présent, à reconnaître de relation bien certaine entre l'âge des terrains et la gradation physiologique des espèces qu'ils renfer- ment, tant qu'il s'est agi des invertébrés (2); au con- traire, celte dépendance se manifeste de la manière la plus régulière pour la classe des animaux à ver- tèbres. Parmi ceux-ci, les plus anciens, comme nous venons de le voir, sont les poissons; puis, en par- courant de bas en haut la séiie des formations, on trouve successivement les reptiles et les mammifères. Le premier reptile (un sauricn du genre monitor, dV près Cuvier) se rencontre dans le schiste cuivieux du zechstein,enThuringe; il avait déjàattiré l'attention de Leibnilz (3) ; suivant Murchison, le paleosaurus et le thecodontosaurus de Bristol sont de la même époque. Le nombre des sauriens va en augmentant dans le cal- 9 — 31G — Caire coquiller (4), dans le keu[)er et dans la fornialion jurassique, où il alleinl son niaxiniuui.  répofiue de celle (ornialion, vivaienl des |)l(''siosaures au long cou de cygne roriné de lien le verlèhres, le niegalosauius, crocodilien gigantesque de 15 mèlres de longueur ; les os de ses pieds ressemblent à ceux d'un lourd mam- mifère terrestre; huit espèces d'ichlhyosaures, legéo- saurus ou \a Lacerla giçjantea de Sœmmering, enfin sept espèces de hideux ptérodactyles ou sauriens nm- nis d'ailes membraneuses (o\ Le nombre des sauriens semblables aux crocodiles diminue déjà dans la craie ; on trouve cependant, dans cette formation, le croco- dile de Maeslric/U ( le mososaurus de Conybeare), et le colossal iguanodon , qui était peut-être herbivore. Selon Cuvier, les animaux appartenant à l'espèce ac- tuelle des crocodiles remontent presque dans la for- mation tertiaire ; et même Y homme témoin du déluge, de Scheuchzer [homo diluvii teslis) , grande salaman- dre alliée à l'axolotl que j'ai rapportée des grands lacs situés autour de Mexico, apparlienl aux plus récentes formations d'eau douce de OEningen. En cherchant à lire dans Tordre de superposition des terrains l'âge relatif des fossiles qu'ils contiennent, on a découvert d'importantes relations entre les fa- milles et les espèces (ces dei'uières toujours peu nom- breuses) (jui ont disparu, elles familles ou les espèces encore vivantes. Toutes les observations s'accordent sur ce point , (jue les faunes et les flores fossiles dif- fèrent d'autant plus des formes animales ou végétales actuelles que les formations sédimentaires où elles — 317 — gisent sont plus inférieures, c'est-à-dire plus ancien- nes. Ainsi, (le grandes variations ont eu lieu successi- vement dans les types généraux de la vie organique ; ces phénomènes grandioses, signalés d'abord par Cuvier (6), offrent des relations numériques, dont DeshayesetLyellont fait l'objetde leurs recherches, et qui déjà ont conduit ces deux savants à des résultats décisifs, surtout pour les fossiles si nombreux et si bien connus des formations tertiaires. Agassiz_, qui a examiné 1700 espèces de poissons fossiles, et qui porte à 80001e nombre des espèces actuelles, décrites ou con- servées dans nos collections, affirme, dans son grand ouvrage, « que, sauf un seul petit poisson fossile, par- ticulier aux géodes argileuses du Groenland , il n'a jamais rencontré, dans les terrains de transition ni dans les terrains secondaires et tertiaires, d'animal de cette classe qui fût identique avec un poisson ac- tuellement vivant ; » il ajoute cette importante re- marque : « Déjà le tiers des fossiles du calcaire gros- sier et de l'argile de Londres appartient à des familles éteintes; sous la craie, on ne trouve plus un seul genre de poisson de l'époque actuelle, et la singulière ^famille des saurdides ( poissons dont les écailles sont recouvertes d'émail, qui se rapprochent presque des reptiles , et remontent de la formation carbonifère où gisent leurs plus grandes espèces , jusqu'à la craie où on en rencontre encore quelques individus) pré- sente, avec deux espèces qui habitent aujourd'hui le Niletcertainsffeuvesdc l'Amérique (le lepidosteus et le polypterus), les mêmes ra^iports qui existent entre — 318 — nos éléphants on nos tapirs, et les niasloilonlesou les anoplolheriiim du monde primitif (7). » Quoi qu'ilen soit, les belles recherches d'Elnenberg ont prouvé que les couches de craie où gisent encore deux espèces de ces poissons sauroïdes, des reptiles gi- gantesques et tout un monde détruit de coraux et de coquilles , sont entièrement composées de polythala- mes microscopiques, dont un grand nombre vit au- jourd'hui dans nos mers et même, sous les latitudes moyennes, dans la mer du Nord cl dans !a l»altique. Ainsi, en toute rigueur, le groupe tertiaire qui repose immédiatement au-dessus delà craie, groupe ordinai- rement nommé couches de la période tfocè/ie, ne mé- rite pas ce nom , « car l'aurore du monde où nous vivons s'étend bien plus avant dans les âges anté- rieurs qu'on ne l'a cru jusqu'à présent (8). » Nous venons de voir que les plus anciens vertébrés, les poissons, se montrent dans toutes les formations, à partir des strates siluriennes de transition, jusqu'aux couches de l'époque tertiaire. De même , les sau- riens commencent au zechstein. Si nous ajoutons que la formation jurassique ( schiste de Stoneslîeld) nous présente les premiers mammifères [le thylaco- theriuni Prevostii et t. Bucklandi, allié aux marsu- piaux , d'après Valenciennes (9) ] , et que le premier oiseau a ét«î trouvé dans le ])lus ancien dépnt de la formation cr(''lac('e (10), nous aurons indiqu»* les li- mites inf('rieurcs des quatre grandosdivisionsdc la sé- rie des vertébrés. Tel est, sur ce point, Télat actuel de la paléontologie. — 319 — Quant aux animaux sans vertèbres, les coraux pier- reux et les serpulites se trouvent, dans les plus an- ciennes formations, avec des céphalopodes et des crustacés d'une organisation très-élevée; ainsi les ordres les plus différents de cette partie de la série ani- male sont confondus. Toutefois, on a pu découvrir des lois fixés pour beaucoup de groupes isolés appartenant h un même ordre. Des coquilles fossiles de même espèce, des goniatitcs , des trilobites, des nummu- lites, forment desmonlagnos entières. Là où différents genres sont mêlés, il existe souvent une relation ré- gulière entre la série des organismes et celles des for- mations ; on a même observé que l'association decer- taines familles et de certaines espèces suit une loi régulière dans les strates superposées dont l'ensemble constitue une même formation. C'est ainsi qu'après avoir classé les ammonites en familles bien définies , à l'aide de son ingénieuse loi de la disposition des lobes, Léopold de Buch a montré que les cératites ap- partiennent au muschelkalk ( calcaire coquillcr), les aiiétesau lias, les goniatitcs au calcaire de transition et à la grauwacke (il). Les bélemnitesont leur limite inférieure (12) dans le keuper, situé au-dessous du calcaire jurassique, et leur limite supérieure dans la craie. Onsait aujourd'hui que les eaux ont été habitées aux mêmes époques et dansles zones lesplus éloignées par des testacés identiques, du moins en partie, aux fossiles de l'Europe. Pai* exemple, Léopold de Buch a signalé dans l'hémisphère austral (volcan de May))0, Chili), desexogyrcs et dos trigonics, d'Orbigny a in- — 320 — cliqué des ammonites et des gryphées de l'Himalaya et des plaines indiennes de Culch, qui sont exacte- ment de même espèce que celles de l'ancienne mer jurassique, en France et en Allomagnc. Los couches dont la nature a été déterminée par les fossiles ou par les galets qu'elles renferment, consti- tuent un horizon géologique d'après lequel l'observa- teur indécis peut s'orienter etreconnaîtrer/rfen/Z/c^ou Y ancienne lé relative des formations , la rêpélilion \)é- l'iodique de certaines couches, \q\\v parallélisme ou leur suppression com\Ah{la- nèle. C'eslqii'enefïet il existe un point de contact ohIk; riiisloire des rcîvoUuions du globe et la dcscriplion de sa surface acluelle, enli'ela géologie et la géographie physique ; ces deux sciences concourent à fonder la doclrine générale de la forme et du partage des conti- nents. Les contours qui séparent la terre ferme de l'élément liquide , et les rapports d'étendue de leurs surftices respectives ont singulièrement varié dans la longue série des époques géologiques. Ils ont varié quand le charbon de terre formait ses lits horizon- taux sur les couches redressées du calcaire de mon- tagne et du vieux grès rouge. Ils ont varié encore lorsque le lias et l'oolilhe se déposaient sur les assises du kcuper et du calcaire coquiller, ou quand la craie se i)récipilail sur les pentes du sable vert et du cal- caire jurassique. Si nousdonnons, avec Elie de Beau- nioni, les jionis de mer jurassique et de mer crétacée aux eaux dont l'oolilhe et la craie se sont séparées en forni;int dcsdépc)ls limoneux , nous reconnaissons aussilùt que les limites de ces deux formations indi- quent, pour les époques géologiques correspondantes, la ligne de démarcation entre la terre ferme et les eaux d'un océan alors en voie d'engendrer une partie solide de l'écorce teri'cstre. On a eu rinuiénieuse idée de dessiner la cai'te de cette ^lartie de la géogra[)liie pri- mitive : carte plus sùie peut-être que celles des voyages d'Io cl de l'Odyssée d'Homère; car, dans celles-ci , ce — 333 — sont des opinions ou des mythes , dans les premières, ce sont les fails positifs de la géologie qu'il s'agit do représenter graphiquement . Voici le résultat des recherches que l'on a faites dans le but de déterminer l'étendue de la terre fer- me à différentes époques. Dans les tenips les plus anciens, pendant les périodes de transition silurienne et devonienne , et vers les premières formations se- condaires, y compris le trias, le sol continental consistait exclusivement en îles détachées recou- vertes de végétaux. Dans les périodes suivantes, ces îles se sont reliées les unes aux autres, de manière à former des lacs nombreux et des golfes profondément découpés. Enfin, lorsque les chaînes des Pyrénées, des Apennins et des monts Karpathes furent soule- vées, par conséquent vers l'époque des premiers ter- rains tertiaires, les grands continents apparurent presque sous la forme qu'ils ont h présent. Dans le monde silurien, et h l'époque où régnèrent les cyca- dées et les sauriens gigantesques , l'étendue des ter- i-ains émergés fut certainement moindre, d'un pôle à l'autre, qu'elle ne l'est aujourd'hui dans la Mer du S'id et dans l'Océan Indien. Nous verrons plus tard comment cette prépondérance de l'élément liquide a pu concourir, avec d'autres causes, à régulariser les climats et à maintenir une haute température. Ici, il est nécessaire d'ajouter, pour achever de décrire l'agrandissement (agglutination ) successif des terres éjnergées, que, peu de temps avant les cataclysmes qui ont amené, par intervalles plus ou moins longs, la — 334 — (lestrnclioii suhilcd'un si grand noiubi'O de vorlébrés gigantesques, une partie des masses continentales of- frait déjà les divisions actuelles. Cette ressemblance s'étendrait même plus loin, d'après la grande analogie qui règne, dans l' Amérique du Sud et dans les terres australes, entre les animaux indigènes actuels et les espèces éteintes. On a trouvé, par exemple, dans la Nouvelle-Hollande, des restes fossiles de kangourous, et dans la Nouvelle-Zélande, les os a demi-fossi lises d'un oiseau gigantesque, semblable h l'autruche, le dinornis d'Owcn, allié à l'aptéryx actuel, mais diffé- rant un peu du dronle (dodo) de lîle Rodriguez, dont l'espèce a disparu fort tard. Nos continents doivent peut-être leur hauteur au- dessus du niveau général des eaux ambiantes h l'é- ruption du porphyre quart/eux qui a si violemment bouleversé la première grande ilore terrestre et les strates du terrain houiller. Les parties unies des con- tinents auxquelles nous donnons le nom de plaines , ne sont en réalité que les croupes extrêmement larges de collines et de montagnes dont les pieds gi- sent au niveau du fond de la mer ; en d'autres termes, chaipie plaine est un plateau par lapport au sol sous-marin. Les inégalités primitives de ces plateaux ont été nivelées par les couches sédimentaires , puis elles ont été recouvertes par les terrains d'alluvion. Cette partie du tableau de la nature se compose d'une sc'riedo considc'ralions géïK'rales dont l'ordre n'est point arbitraire. En première ligne doit figurer l'évaluation de la quantité des terres soulevées au- — 335 — dessus du niveau de la mer. Ensuite vient l'examen de la configuration particulière de chaque grande masse dans le sens horizontal ( forme articulée des continents ), et dans le sens vertical (hypsomélrie des chaînes de montagnes). Enfin le tableau se complète par la description des deux enveloppes que notre planète possède; l'une est générale : c'est Talmo- sphère composée de fluides élastiques; l'autre est locale , c'est-à-dire restreinte à certaines régions : c'est la mer qui délimite la terre ferme et en déter- mine la figure. Ces deux enveloppes de notre globe, l'air et l'eau, constituent un ensemble naturel. Elles dispensent , à la surface de la terre , la variété des climats , d'après les rapports d'étendue superficielle de \'ù terre et de la mer, d'après la forme articulée et rorientalion des continents , d'après la hauteur et la direction des chaînes de montagnes. Il résulte de cette action réciproque de l'air, de la mer et de la terre ferme, que les grands phénomènes météorologiques ne sau- raient êtie compris sans le secours de la géognosie. Aussi la météorologie, lagéographie des plantes etcelle des animaux n'ont-elles fait de véritables progrès qu'à dater de l'époque où cette dépendance mutuelle a été nettement reconnue. Il est vrai que le mot climat désigne une constitution particulière de l'atmosphère; mais cette constitution est elle-même soumise à la double influence de la mer, sillonnée à la surface et dans ses profondeurs de courants doués de temp(4a- tures très-diverses, et de la terre ferme dont la sur- face articulée, accidentée, colorée de mille manières, — 330 — tantôt nuo, tnnlot recouverte de forèls ou de gazons , rayonne le calorique avec une intensité exUèniement variable. Dans l'état acluel delà surface de notre planète, la superficie de la terre ferme est à celle de Télément li- quide dans le rapi)ort de 1 à 2 | , ou , d'après Ri- gaud (35), dans le rapport de 100 à 270. Les îles réu- nies égaleraient à })eine la vingt-troisième partie des masses continentales ; elles sont réparties d'une ma- nière si peu régulière, quelles occupent, sur riiéini- sphère boréal, trois fois plus de surface que sur llié- niisphère austral. Depuis le 40^ degré de latitude sud jusqu'au pôle antarctique, l'écorce terrestre est près- qu'entièrement couverte d'eau ; l'hémisphère austral est donc essentiellement océanique. L'élément liquide prédomine également dans l'espace compris entre les côtes orientales de l'Ancien Continent et les côtes occi- dentales du Nouveau - Monde ; là , il n'est interrompu que par de rares archipels, et sous les tro[)iques, il règne sur 145 degrés de longitude; aussi le savant hydrographe Fleuiieu a-t-il très-justement donné à ce large bassin le nom de Grand Océan , afin de le distinguer de toutes les autres mers. L'hémisphère austral et l'hémisphère occidental ( occidental en comptant ici à partir du nKMidion deTenérillo) sont les régions du glol>e lesi>lus abondanimcnt pourvues d'eau. Telles sont les prin( ijtales données dont il faut tenir compte quand il s'agit de conq)arer les superficies respectives de la terre ferme e( de la nier, et d'éln- I — 337 — (lier l'influence que ces rapporls exercent sur la dis- iribulion des températures, les pressions variables de l'atmosphère, la direction des vents, l'étal hygromé- trique de l'air, et, par suite, sur le développement delà végétation. Si l'on considère que l'eau recouvre près des trois quarls de la surface tolaledu globe (36), on s'étonnera moins de l'imperfection où est restée la météorologie jusqu'au commencement de ce siècle; car c'est seulement à partir de cette époque que l'on a commencé à recueillir et à discuter une masse consi- dérable d'observations exactes sur la température de la mer, à différentes latitudes, et dans différentes saisons de l'année. Déjà dans l'antiquité , les philosophes grecs spécu- laient sur la configuration horizontale de la terre ferme. On cherchait alors quelle était l'étendue maxi- mum dans le sens de l'ouest à l'est, et d'après le té- moignage d'Agathémère, Dicéarque avait trouvé ce maximum sous la latitude de Rhodes , dans la direc- tion des colonnes d'Hercule à Thiné. C'est cette ligne que l'on nomme le parallèle du diaphragme de Di- céarque ; l'exactitude de sa position astronomique , discutée par moi dans un autre ouvrage, peut à bon droit exciter l'étonnement (37). Guidé sans doute par les idées d'Eratosthène, Strabon paraît avoir été si fermement persuadé que le 30" degré, à titre de maximum d'étendue linc'aire dans le monde alors connu, devait être en ra[)porl intime avec la figure de la terre, que ce lut précisc'ment sous ce degré, enti'e l'Ibérie et les cotes de Thiné, qu'il jilaça la terre ferme — 338 — donl il annonça pronbéliqucmcnt rexisience (38). Si , comme nous l'avons remarqué plus haut , l'é- tendue des terres émergées est beaucoup plus grande sur l'un des hémisphères que sur Ihémisphère opposé (et cela a lieu quand on divise le globe suivant l'équa- Icur, ou suivant le méridien de TénérifTe), il est l'acile de reconnaître qu'il existe bien d'autres conlrasles entre les deux continents , l'ancien et le nouveau , véritables îles entourées de tous côtés par l'Océan. Leurs configurations générales et les directions de leurs grands axes sont totalement différentes. Le con- tinent occidental est dirigé en masse de l'ouest h l'est, on plus exactement du sud-ouest au nord-est, tandis que le continent occidental suit un méridien; il court du sud au nord (plus exactement du S. S. 0. au N. N. 0.). Malgré ces différences saillantes, on aper- çoit aussi quelques analogies, surtout dans la confi- guration des côtés opposées. Au nord, les deux conti- nents sont coupés dans la direction d'un parallèle (celui de 70"). Au sud, ils se terminent tous deux en pointe ou en pyramide , avec des prolongements sous-marins, signab's par la saillie d îles et de bancs ; raicirqjel de la Terril de Feu , le banc Lagullas, au sud (lu cap de Bonne-Espérance, la Terre de Van- Ri('n)en, séparée de la Nouvelle-Hollande (Australie) par le détroit de Bass, ne sont pas autre chose. La plage septentrionale de l'Asie dépasse le ])arallèle dont nous venons de parler; vers le cap Taimoura, elle atteint TSMG'de latitude, d'après Krusenstern; mais depuis leinbouchure de la grande rivière — 339 — (le Tschoiikolschja , jusqu'au dclroit de Behring, le promontoire oriental de l'Asie ne dépasse point 63° 3' , d'après Beechey (39). Le rivage septentrional du Nouveau Continent suit assez exactement le par- rallèle de 70° ; car au sud et au nord du dé- troit de Barrow , de Bootliia-Felix , et de la Terre de Victoria , toutes les terres ne sont que des îles détachées. La forme pyramidale des extrémités méridionales de tous les continents rentre dans la catégorie de ces simililvdincs physicœ in configuralionemundi, sur les- quelles Bacon a tant insisté dans le Novmn Organon, et que l'un des compagnons de Cook, Reinhold Fors- ter, a pris pour texte de considérations ingénieuses. Si on marche vers l'est, en partant du méridien de Ténériffe, on voit les pointes de trois continents, celle de l'Afrique (extrémité de tout l'ancien monde), celles de l'Australie et de l'Amérique méridionale se rapprocher graduellement du pôle Sud. La Nouvelle- Zélande, longue de douze degrés de latitude, forme un membre intermédiaire entre l'Australie et l'Amé- rique du Sud ; elle se termine également au sud par une île (New-Leinster). H est aussi bien remarquable que les saillies des continents vers le nord et leurs prolongements vers le sud soient situés presque sur les mêmes méridiens : ainsi , le cap de Bonne-Espé- rance et le banc Lagullas sont situés sur le méridien du cap Nord; la pc'ninsule de Malacca, sur celui du capTaïmoura en Sibérie (40). Quant aux pôles mêmes, on ignore s'ils sont placés sur la terre ferme ou au — 340 — milieu d'un océan coiivcit de glace. Au non], on n'a pas dépassé le parallèle de 80° 55', et vers le sud, on n'est allé que jusqu'au parallèle de 78° 10'. La forme pyramidale que les grands continents alTectent à leurs exlrémilcs se reproduit fré(piom~ ment sur une moindre échelle , non-seulement dans l'Océan Indien (péninsules Arabique et Indienne, pres- qu'île de Malacca), mais encore dans la Méditerranée, où déjà Eralosthène et Polybe avaient comparé, sous ce rapport, les péninsules Ibérique, Itarujue et Hellé- nique (M). L'Europe elle-même, dont la surface est cinq fois moindre que celle de TAsie, peut être consi- dérée connue la péninsule occidentale de la masse presque entièrement compacte du continent asiati- que; cela est si vrai que, sous le rapport du climat, l'Europe est pour l'Asie ce que la presqu'île de Rre- lagnc est au reste de la France (42). Les articula- lions nombreuses, la forme richement accidentée d'un continent exercent une grande influence sur les arts et la civilisation des peuples qui l'occupent : d(''j:iStrabon préconisait, comme un avantage capital, « la forme variée » de notre petite Europe (43). L'Afrique (4 î) et l'Amérique du Sud, qui offrent, sous d'autres rapports , tant d'analogies dans leur configu- ration, sont, de tous les continents, ceux dont les côtes pressentent le plus d'uniformité. Mais le l'ivage oriental de l'Asie, di'chiré, pour ainsi dire, par les cou- rants de la u\ov { [raclas ex œf/norr Irrras) (45), est termiiK' par ime ligne fortement accidentée; sur celte côte, les péninsules et les îles voisines du livage se — 341 — succèdent, sans inlerriiplion, depuis l'équateur jus- qu'au 60" degré de lalitiide. Noire océan Allanlique présente toutes les traces qui caraclérisent la formation d'une vallée. On dirait que le choc des eaux s'est dirigé d'abord vers le nord- esl ; puis vers le nord-ouest; puis encore vers le nord-esl. Le parallélisme des côtes situées au nord du 10' degré de latitude australe, les angles saillants et les angles l'entrants des terres opposées , la convexité du Bré- sil tournée vers le golfe de Guinée, celle de l'Afiiquc opposée au golfe des Antilles, tout, en un mot, con- firme ces vues, qui peuvent d'abord paraître témé- raires (46). Dans la vallée Atlantique et même dans presque toutes les parties du monde , les rivages pro- fondément déchirés et garnis d'îles nombreuses sont opposés aux rivages unis. Depuis longtenq)S j'ai fait remarquer combien la comparaison des côtes occi- dentales de l'Afrique et de l'Amérique du Sud, sous les tropiques, offre d'intérêt poin* la géognosie. La côle alVicainc se recourbe fortement en forme de golfe, à Feinando-Po, par 4° J de latitude australe; de même, le iivagc de la mer du Sud, qui court du sud au nord jusqu'au 1 S'degrédelatitude australe, change brusque- ment de direction entre le Vaile de Arica et le Mono de Juan-Diaz, et court vers le nord-ouest. Ce change- ment de direction s'étend même à la chaîne des Andes, partagée, dans cette n'gion, en deux branches parallè- les; il affecte non -seulement la branche maritime (47), mais encore la Cordillère orientale, qui a été le siégo de la plus ancienne civilisation indigène de TAméri- — 3i>2 — que, el rinlloxioii se trouve là où la pelile mer al- pestre de Titicaca baigne les pieds de deux monta- gnes colossales, l'IUimani et le Sorala. Plus loin au sud, depuis Yaldivia et Cliiloë (par 40 ou 42° de lat. sud), jusqu'à Tarcliipel de Los Clionos, et de là jus- qu'à la Terre de Feu, on retrouve la configuration particulière aux côtes occidentales de la Norwége et de l'Ecosse , c'est-à-dire un labyrinthe de fiords ou de golfes étroits dont les ramifications pénètrent pro- fondément dans les terres. Telles sont les considérations les plus générales que l'examen de la surface de notre planète puisse suggérer relativement à la forme et à l'étendue ac- tuelle des continents (dans le sens horizontal). Nous avons rassemblé les faits, nous avons mis en relief quehpies analogies de formes des régions éloignées, mais nous ne prétendons pas avoir posé les lois de la forme générale de la terre ferme. Lorsqu'un voya- geur examine les soulèvements partiels qui se pro- duisent assez souvent aux pieds de certains volcans actifs, du Vésuve par exemple; lorsqu'il voit le ni- veau du sol varier de plusieurs pieds avant ou après les éruptions, el former une saillie semblable à un toit ou une éminence aplanie, il ne tarde pas à recon- naître qu'il suffit de la variation la i)Ius insignifiante dans rinlensité des forces souterraines ou dans la résistance que le sol leur opi)Ose, pour déterminer les parties soulevées à piendre cette forme-ci ou celle- là, cette direction ou une autre direcfion comi)lé- tenient diflerenle. De même, une faible pertui'bation — 343 — survenue dans l'équilibre des aciions inlérieurcs de noire planète, aura déterminé les forces soulevantes à réagir, contre une partie de la croûte terrestre, avec plus d'énergie que sur la partie opposée ; il n'en aura pas fallu davantage pour que ces forces aient pu soulever, dans l'hémisphère occidental, un continent compacte dont Taxe est presque parallèle à l'équa- teur , et faire émerger , sur un même méridien de l'hémisphère oriental , une bande étroite de terres qui abandonnent aux eaux plus de la moitié de cette partie du globe. Malgré ces analogies et ces contrastes , il n'est pas donné à la science de scruter bien profondément les grands phénomènes qui ont dû présidera la naissance des continents. Ce que nous en savons se réduit à ceci : la cause agissante est une force souterraine ; les continents n'ont point été formés tout d'un coup tels qu'ils sont aujourd'hui, mais leur origine re- monte, comme nous l'avons vu plus haut, à l'époque silurienne (séparation neptunienne), et leur fornja- tion occupe les périodes suivantes jusqu'à celle des terrains tertiaires; elle s'est effectuée peu à peu à travers une longue série de soulèvements et d'affais- sements successifs; elle s'est accomplie enfin i)ar l'agglutination de petits continents d'abord isolés. La ligure actuelle est le produit de deux causes qui ont agi l'une après l'autre. La première est une réaction souterraine dont la mesure et la direction restent arbitraires, car il nous serait inq^ossible de les déterminer; elles sortent pour nous du cercle des — 3ii — lails iiccessaiivs. La seconde cause comprend toutes les puissances qui agissent à la surface, et, parmi ces forces, les éruptions volcani(|ues, les tremblemenls de terre, les soulèvements des chaînes de monlai^nes, les courants de la mer ont joué le pi'incipal rôle. Combien la température actuelle de la terre, la végétation, l'agriculture, la civilisation elle-même eussent été difTérenles, si les axes de l'Ancien et du Nouveau-Continent eussent icçu la même direc- tion; si la chaîne d(.'s Andes, au lieu de dessiner un méiidien, eût été soulevée de l'est à l'ouest; si au- cune terre tropicale ( l'Afrique) n'eût rayonné forte- ment le calorique au sud de l'Europe ; si la Méditer- ranée, qui communiquait primitivement avec la mer Caspienne et avec la mer Rouge, et qui a puissam- ment favorisé l'établissement des races humaines, eût été remplacée par un sol aussi élevé que les plaines de la Lombardie ou de l'antique Cyrène ! Les changements qui sont survenus dans les ni- veaux relatifs des parties solides et liquides do la croûte terrestre et qui oui déterminé l'émersion ou l'inmiersion des basses teires et les contours actuels des continents , doivent être attribués à un ensemble de causes nombreuses qui ont agi tour à tour. Parmi ces causes, les plus efficaces sont, sans contredit , la force ('laslique des vapeurs renléi'nK'es dans l'inté- rieur de la leri-e; les variations bruscpiesde la tenqié- rature de certaines couches épaisses (48); le refroi- dissement séculaire et irréguliei- de l'écorce et du noyau du globe, d'où proviennent les rides el les — 345 — plisscMiieiits de la surface solide ; les modifications lo- cales de la gravitation (49), et, par suite, les change- ments de courbure en certaines parties de la surface d'équilibre de l'élément liquide. C'est un fait aujour- d'hui reconnu de tous les géologues , que l'émersion des continents est due à un soulèvement effectif , et non à un soulèvement apparent , occasionné par une dépression réelle du niveau général des mers. Cette conception capitale, qui paraît s'accor- der avec l'ensemble des observations et avec les phénomènes analogues de la vulcanicité, a été énon- cée , pour la première fois , par Léopold de Buch dans son mémorable Voyage en Norwège et en Suède, pendant les années 1806 et 1807 (SO). Toute la côte suédoise et finlandaise s'élève progressivement, h raison de 1,3 mètre par siècle, depuis la limite de la Scanie septentrionale ( Sœlvitsborg), jusqu'à Tor- neo, et de Torneo à Abo , tandis que la Suède méri- dionale s'affaisse, d'après Nilson (51). La force de soulèvement paraît atteindre son maximum dans la Laponie septentrionale; vers le sud, elle diminue peu à peu jusqu'à Calmar et Sœlvitsborg. Les lignes de l'ancien niveau que la mer atteignait avant les temps historiques, sont indiquées dans toute la Nor- \Yège (52), depuis le cap Lindcsnaîs jusqu'à l'extré- juiié du cap Nord , par des bancs composés de co- quilles identiques à celles de la mer actuelle; Bravais a mesuré ces lignes avec le plus grand soin , pendant son long hivernage à Bosekop. Leur hauteur au-des- sus du niveau moyen de la mer est dé 195 mètres, 23 — 3iG — el cfaprôs Kcilliau et Eugène Robert, elles reparais- sent sur les côtes du Spilzijcrg, vis-à-vis du cap Nord (au N.N.O. ). Mais Léopold de Buch, (pii a signalé le premier le banc de coipiilles de Tromsoe ( la- tit. 69" iO'), a montré que les plus anciens soulève- ments des terres baignées par la mer du Nord nonl aucun rapport avec l'émersion lente , graduelle et régulière du littoral suédois, dans le golfe de Both- nie. Il ne faut pas non plus confondre ce dernier phénomène , dont nous possédons d'irrécusables té- moignages historiques , avec les changements qui surviennent dans le niveau du sol , à la suite des tremblements de terre , comme sur les côtes du Chili et du Cutch. 11 a déterminé les géologues à faire des recherches semblables dans d'autres pays. Quelquefois un aiïaissement sensible, occasionné par le plissement des strates, corres})ond à un soulève- ment général ; cette remai'(pie a été faite dans le Groenland occidental (par Pingel el Graah), en Dal- matie et en Scanie. Puisqu'il est hautement probable que les mou- vemenis oscillatoires du sol, les soulèvements et les affaissements de la surface , pendant les premiers âges de notre planète, ont été plus intenses qu'au- jourd'hui, on ne doit pas être surpris de rencontrer, dans l'intérieur même des continents, des dépres- sions locales et des j>lages entières situées bien au- dessous du niveau i)arlout ('gai des mers actuelles. Tels sont les lacs de natron , décrits par le général Andréossy, les petits lacs amers de l'Isthme de Suez, — 347 — la mer Caspienne, le lac de Tibëriade et suHoiit la Mer Morte (53). Les niveaux de ces deux dernières mers sont respectivement situés à 203 et à 400 mètres au-dessous de celui de la Méditerranée. S'il était pos- sible d'enlever tout d'un coup le terrain d'alluvion qui recouvre les couches pierreuses, dans un grand nombre de parties planes de la surface du globe , on verrait combien l'écorce terrestre, ainsi dénu- dée, offrirait de dépressions profondes au-dessous du niveau actuel des mers. En certains lieux, le sol paraît être encore sujet à de lentes oscillations indépendantes de tout tremblement de terre piopre- ment dit, et assez semblables à celles qui ont dû se produire presque partout dans la croûte déjà soli- difiée , mais peu épaisse , des époques primitives. Il faut probablement attribuer à des oscillations de ce genre, les périodes irrégulières d'exhaussement et d'abaissement du niveau de la mer Caspienne, phé- nomène dont j'ai vu moi - même des traces sensi- bles dans le bassin septentrional de cette mer (54); on peut expliquer de la même manière les ob- servations faites, par Darwin, dans la Mer de Co- rail (55). Ces phénomènes , sur lesquels nous avons voulu fixer un instant l'attention, rappellent combienl'ordn^ actuel des choses est encore éloigné d'une parfaite sta- bilité; ils montrent (ju^il se produitsans cesse des clian- gemenlscai)abl('s demodilici', à la longue, les contours et la conliguialion des continents. Ces varia lions, à peinescnsiblesd'unegénéralionà l'autre, s'accumulent — 348 — })nr |)crio(los doiil la dinro rivalise avec relie des grandes périodes asti-onoiniques. Depuis 8000 ans, le rivage oriental de la péninsule Scandinave s'est peut- être élevé de plus de 1 00 mètres ; si ce mouvement est unifornie. dans 12000 ans, des parties du fond de la mer, voisines de ce littoral et couvertes actuellement de 50 brasses d'eau , commenceront h émerger et deviendront terre ferme. Ce laps de temps étonne d'abord l'imagination : en réalité, à peine est-il compa- j'able à ces longues périodes géologiques qui embras- sent des séries entières de formations superposées et des mondes d'oi'ganismes éteints. Nous n'avons con- sidéré jusqu'ici que les faits de soulèvement; mais si nous poursuivons les mêmes analogies, en abordant les phénomènes qui semblent indiquer une dépression progressive, nous reconnaissons aussitôt que ce dernier effet pourrait se produire également sur une grande échelle. Ainsi, la hauteur moyenne de la région des j)laines, en France, n'atteint pas lo6 mètres; il suf- firait donc du moindre de ces changements intérieurs dont les âges géologiques nous offrent tant de traces frappantes , pour opérer, en assez peu de temps, la subnicision d'une partie notable du nord de l'Europe occid(.'ntak'. ou du moins pour modifier profondément la forme actuelle de notre littoral. Le soulèvement, la dépression de la terre ferme ou de la masse des eaux, phénomènes réciproques, puis- que le soulèvement réel de l'un de ces éléments fait naître aussitôt l'ajiparence d'une dépression dans l'autre, telles sont les causes de toutes les variations de — 349 — forme des continents. Il convient à une œuvre lil)re et impartiale d'envisager ainsi cette grande question sous toutes ses faces, et d'accorder au moins une mention à la possibilité d'une dépression réelle du niveau des mers, c'est-à-dire d'une diminution de la masse des eaux. Qu'à l'époque où la température de la surface était plus élevée, où les eaux s'engloutissaient dans des fractures plus grandes , où l'atmosphère pos- sédait des propriétés tout autres , il se soit produit de grandes variations dans la quantité de l'élément liquide et par suite dans le niveau des mers, c'est ce dont personne ne doute aujourd'hui. Mais dans l'étal actuel de notre planète, aucun fait n'annonce une diminution semblable; rien ne prouve directement que la masse des eaux augmente ou diminue d'une manière progressive. De môme rien ne pi'ouve que la hauteur moyenne du baromètre, au niveau de la mer, change peu à peu en une même station. Les recherches de Daussy et d'Antonio Nobile ont établi que l'abaissement du niveau de la mer serait inunédiatement accusé par une augmentation corres- pondante dans la hauteur de la colonne barométrique; mais comme cette hauteur n'est pas idenlicpie sous toutes les latitudes , et qu'elle dépend de plusieurs causes météorologiques , telles que la direction gé- nérale des vents et l'état hygrométrique de l'air, il s'ensuit que le baromètre seul n'est point un indice sûr des variations du niveau de la mei". Si, au com- mencement de ce siècle, certains ports de la Méditer- ranée ont été abandonnés par les eaux et laissés à sec — nrio — pondant plusieurs heures, ce nesl pas à dire que la masse des eaux de la nier ail réellement diminu(', ou que le niveau général de l'Océan ait subi une dépres- sion ; ces faits prouvent seulement que des courants de lamer pcurent, en changeant de Corée et de direction, occasionner nn retrait local des eaux et même l'émer- sion permanente d'une petite portion du littoral. Les données que la science possède aujourd'hui sur cette question délicate ne sauraient être interprétées avec trop de réserve ; autrement on risquerait d'attribuer h l'nn des « anciens éléments», à l'eau, ce qui ap- partient en réalité à deux autres éléments, c'est-à- dire à l'air et à la terre. De même que la forme extérieurement articulée des continents, et les découpures nombreuses de leurs rivages exercent une influence salutaire sur les cli- mats, sur le commerce et jusque sur les progrès géné- raux de la civilisation, de même, la configuration du sol dans le sens de la hauteur, c'est-à-dire l'articula- tion intérieure des grandes masses continentales, peut jouer un rôle non moins important dans le domaine de riionmie. Tout ce qui fait naîti'e une vaii(*!(î quelconcpie de forme ( polymorphie ) en un point de la surface terrestre, que ce soit une chaîne de montagnes, un plateau, un grand lac, une steppe V(M- doyanto, que ce soit même un désert bordé, comme par un rivage , d'une lisière de forêts, tout accident du sol, en un mol , impiime un cachet par(i( ulierà l'état social du parliculière, et plus il est nécessaire de montrer, par une exacte évaluation nuuKnicpie de leur volume, combien ce volume est faible en réalité quand on le com|)are h («'lui des continents, ou nième à l'étendue des —• 353 — contrées voisines. Supposons, par exemple, que la masse entière des Pyrénées, dont on a mesuié avec une grande exactitude la hauteur moyenne et la base, soit uniformément répartie sur la surface de la France : tout calcul fait , on douve que le sol serait exhaussé de 3 mètres. De même , si les matériaux qui forment la chaîne des Alpes étaient disséminés sur la surface de l'Europe , ils en aug- menteraient la hauteur de 6 mètres f. Par un travail long et pénible qui , de sa nature, ne pou- vait conduire qu'à une limite supérieure, c'est-à- dire à un nombre trop faible peut-être, mais non à un nombre trop fort, j'ai trouvé que le centre de gra- vité de la terre ferme est situé, pour l'Europe et pour l'Amérique du nord, à 205 et à 228 mètres au-dessus du niveau actuel des mers; à 355 et à 351 mèlres pour l'Asie et l'Amérique du sud (GO). Ainsi les ré- gions septentrionales sont relativement basses. En Asie, la faible hauteur des steppes de la Sibérie se trouve compensée par l'énorme renflement du sol compris entre les parallèles de 28° | et de 40", entre l'Hiuialaya, le Kouen-Iun du Thibet septentrional et les Montagnes Célestes. On peut, jusqu'à un cerlain point, lire dans les nombres quej'ai trouvés, en quels lieux de la surface les forces pluloniques ont agi avec le plus d'énergie , pour soulever les grandes masses des continents. Rien ne nousgaranlil(iue ces puissances piulonicjues n'ajouteront point, dans le cours des siècles à venir, de nouveaux systèmes de monlagnes à ceuxqu'<'lles ont — 3.Vt — déjà produits , cl dont l^Jie de Beaiimonl a si bien d(''lorininé les âges relatifs. Quelle cause , en ef- fet, aurait pu faire perdre, à l'écorce terrestre , la fa- culté de se rider sous l'intluence des aclious souter- raines? Loi'squ'oii voit dans les Alpes et dans les Andes, qui comptent parmi les systî'mes les plus récents, des colosses comme le Mont-Blanc et le Mont-Rose, comme le Sorata , rillimani et leChimborazo, est-il permis d'admettre que les puissances souterraines qui soulevèrent ces colosses suivissent une période dé- croissante? qu'elles en fussent à leur dernier ell'orl? Tous les phénomènes géoi!;nostiques révèlent des al- ternatives périodiques d'activité et de repos (61). Lo repos dont nous jouissons n'est qu'apparent. Les trem- blements de terre qui ébranlent indifféremment tous les genres de terrains, sous toutes les zones, la Suède qui monte sans cesse, l'apparition subite de nouvelles îles d'éruption ne prouvent guère que l'intérieur de notre planète soit parvenu au repos définitif. L'enveloppe liquide et l'enveloppe gazeuse dont notre planète est enlourc'e, pn'sentenl à la lois des contrastes et des analogies. Les contrastes naissent de la différence qui existe entre les gaz et les Tupiides, par lapport à l'élasticité et au mode d'agrégalion de leurs molf'ciilos. Los analogies proviemuMit delà mo- bilitc'; conmuine :i toutes les parties des lluides et des r^piides, et par suite, elles se manifestent surtout dans les couranis et dans la propagation arhr de la surface. — X'iC) — à mesure que la profondeur aiiginenle, les poissons et les autres habilanls de la mer qui aiment les eaux profondes (peut-être à cause de leur respiration bran- chiale et cutanée) peuvent trouver, jusque sous les tro- piques, les basses températures et les frais climats des zones tempérées ou même des régions froides. Cetle circonstance influe puissamment sur les migrations et sur la distribution géographique d'un grand nom- bre d'animaux marins. Ajoutons que la profondeur à laquelle les poissons habitent, modifie leur respira- tion cutanée en raison de l'accroissement de pies- sion, et qu'elle détermine le rapport des gaz oxygène et azote dont leur vessie natatoire est renq)lie. Comme l'eau douce et l'eau salée n'atteignent point leur maxinunn de densité à la même température, et comme la saluie des mers abaisse le degi'é thermo- métrique correspondant à ce maximum, on com- prendra que l'eau puisée dans la mer à de grandes profondeurs, pendant les voyages de Kotzebue et de Dupetit-Thouars, n'ait accusé au thermomètre (pie 2%8 et2%o. Cette tenq)érature presque glaciide rè- gne mênie dans les abîmes des mers des tropicpies; elle a fait connaître lescoui'ants inférieurs qui se dirigent des deux pôles versl'équateur. Kt, en effet, si ce double courant sous-marin n'existait pas, la dialeur des couches {)iofondes ne s'abaisserait jamais au-dessous du miiiimiini de la t(Mnp(''ratui'e des ( ouches aérien- nes qui reposent immédiatement sur la mer. La Mé- diterranée ne pic'sente pas, il est vrai, une dimiiui- lion considéiablc dr clialcm- d;nis ses couches de — 357 — fond; mais Arago a levé toiile dilïiculté à ce sujet en montrant qu'au détroit de Gibraltar, où les eaux de l'Océan Atlantique pénètrent en produisant un courant superficiel dirigé de l'ouest à l'es!, un contre- courant inférieur déverse les eaux delà Médilenanée dans le Grand-Océan, et s'oppose à l'introduction du courant polaire inférieur. Dans la zone torride et surtout entre les parallèles du 10' degré au nord et au sud de l'équateur, l'enve- loppe liquide de notre planète possède, loin des côtes et des courants, une température qui reste singuliè- rement uniforme et constante sur des milliers de my- riamètres carrés (63). On en a conclu, avec raison, que la manière la plus simple d'attaquer le grand pro- blême, si souvent agité, de l'invariabilité des climats et de la chaleur terrestre, serait de soumettre la tem- pérature des mers tropicales à une série d'observa- tions longtemps prolongée (64). S'il survenait, sur le disque du soleil, quelque grande révolution dont la durée fût considérable, cette révolution se relïèlerait dans les variations delà chaleur moyenne de la mer, encore plus sûrement que dans celle des températures moyennes de la terre ferme. La zone où les eaux de la mov atteignent le maxi- mum de densité (de salure), ne coïncide ni avec celle du maximum de température, ni avec l'équa- teur géograi)hique. Les eaux les plus chaudes pa- raissent former, au nord et au sud de cette ligne, deux bandes non parallèles. Lenz a trouvé, dans son voyage autour du mond<' , que les eaux les plus — 358 — denses étaient, en mer (aime, par 22° de lalilude nord et par 18° de lalilude sud ; la zone des eaux les moins salées se trouvait à quelques degrés au sud de léqualeur. Dans la région des calmes , la elia- leur solaire ne produil qu'une faible évaporalion, parce que les couches d'air salure d'iiumidilé, qui reposent sur la surface de la mer, sont rarement renouvelées par les vents. En général , toutes les mers qui communiquent entre elles doivent être considérées, par rap[)oil à leur hauteur moyenne, comme étant parfaiiemenl de niveau. Cependant des causes locales (probable- ment des vents régnants et des couranls) produisent, en certains golfes profonds , des différences de ni- veau permanenles, mais toujours peu notables. Par exemple, à 1 isthme de Suez, la hauteur de la Mer Rouge surpasse celle de la Méditerranée de 8 à 10 mètres , selon les diverses heures du jour. Celte diffé- rence remarquable était déjà connue dans ranti(|uilé; il paraît qu'elle dépend de la forme particulière du détroit de Bab-cl-Mandeb, i)ar kMjuel les eaux de 1 Océan Indien pénètrent dans le bassin de la Mer Rouge plus facilement qu'elles n'en peuvent sortir (65). Les excellentes opérations gcodésiques de Cora- bœuf et de Delcros montrent (pie, d'un bout à laulre de la chaîne des Pyrén(^es, comme ôo Marseille à la Hollande sept('nlri(jiiale, il n'existe aucune (hilé- rence appréciable entre le niveau de la Méditerrant-e cl celui de l'Océan (GG). Lt^s perturbations do l'équilibre; des eaux cl les — 359 — mouvemenls qui en résultent sont de trois sortes. Les unes sont iriégulières et accidentelles comme les vents qui les font naître; elles produisent des vagues dont la hauteur, en pleine mer et pendant la tem- pête, peut aller à 11 mètres. Les autres sont régu- lières et périodiques ; elles dépendent de la position et de l'attraction du soleil et de la lune (flux et reflux). Les contrants pélagiques constituent un troi- sième genre de perturbations permanentes et varia- bles seulement quanta l'intensité. Le flux et le reflux aft'ectent toutes les mers, sauf les petites méditerra- nées dans lesquelles l'onde produite par le flux est très-faible ou même insensible. Ce grand phénomène s'explique complètement dans le système nevvtonien : « il s'y trouve ramené dans le cercle des faits néces- saires. » Chacune de ces oscillations périodiques des eaux de l'Océan dure un peu plus d'un demi-jour; leur hauteur en pleine mer est à peine de quelques pieds, mais, par suite de la configuration des côtes qui s'opposent au mouvement progressif de l'onde, cette hauteur peut aller à 10 mètres h Saint-Malo, à 21 et même à 23 mètres sur les côtes de l'Acadie. « En négligeant la profondeur de l'Océan, comme insensible par rapport au diamètre de la terre , l'analyse de l'illustre Laplace a montré que la slahi- lUé de l'équilibre des mers exige , pour la niasse liquide, une densité inféiieure à la densité moyeime de la terre. En fait , cette dernière densité est , comme nous l'avons vu déjà, cinq fois plus grande que celle de l'eau. Les hautes terres ne peuvent donc — 3(iO — jamais être inondées par la mer, et les restes d ani- maux malins que Ton rencontre au sommet des montagnes, n'ont point été transportés là par des marées jadis plus hantes que les marées actuelles » (67). Un des plus beaux triomphes de cette analyse que certains esprits mal faits allectent de déprécier, c'est davoir soumis le phénomène des marées à la prévision humaine; grâce à la théorie comi)lëte de La place, on annonce aujourd'hui, dans les éphémé- rides astronomiques, la hauteur des marées qui doi- vent arriver à chaque syzygie, et l'on avertit ainsi les habitants des côtes des dangers qu'ils peuvent courir à ces époques. Les courants océaniques , dont on ne saurait mé- connaître rinduence sur les relations des peiq)les et sur le climat des contrées voisines des côtes, dépen- dent du concours presque simultané d'un grand nombre de causes plus ou moins importantes. On peut compter parmi ces causes : la propagation suc- cessive de la marée dans son mouvement autour du globe; la durée et la force des vents régnants; les variations que la pesanteur spécifique des eaux do la mer éprouve suivant la latitude, la profondeur, la température et le degré de salure (68)5 enfin les variations horaires de la pression atmosphérique; ces vaiialions. si régulières sous les tropi(jues, se propagent successivement de 1 est à l'ouest. Les cou- rants présentent au milieu des mers un singulier spectacle : leur largeur est déterminée; ils traver- sent l'océan connue des fleuves dont les rives se- — 361 — raient formées par les eaux en repos. Leur mouve- ment contraste avec l'inmiobilité des eaux voisines , surtout lorsque de longues couches de varecs, entraî- nées par le courant, permettent d'en apprécier la vitesse. Pendant les tempêtes , on remarque quelque- fois, dans Tatmosphère, des courants analogues iso- lés au milieu des couches inférieures; une foret se trouve-t-elle sur le passage d'un courant pareil , les arbres ne sont renversés que dans la zone étroite qu'il a parcourue. La marche progressive des marées et les vents alizés font naîtj'e, entre les tropiques, le mouvement général qui entrahie les eaux des mers de l'orient à l'occi- dent ; on le nomme courant équatorial ou courant de rotation. Sa direction varie par suite de la résistance que lui opposent les côtes orientales des continents. En comparant les trajets exécutés par des bou- teilles que des voyageurs avaient jetées , à dessein , à la mer, et qui furent recueillies plus tard, Daussy a récemment déterminé la vitesse de ce courant; son ré- sultat s'accorde, à -^ près , avec celui que j'avais dé- duit d'expériences plus anciennes (10 milles marins français de 1 8o6 mètres, par 24 heures) (G9). Chrislo- l)he Colomb avait reconnu l'existence de ce courant pendant- son troisième voyage, le premier où il ait tenté d'atteindre les régions tropicales par le méri- dien des Canaries. On lit, en eflet, dans son livre de loch (70j : « Je tiens pour certain que les eaux de la mer se meuvent, comme le ciel, de l'est à l'ouest (las agucis van con ios cielos) » c'ost-à-dire 24 — 362 — selon le niouvemeiil diurne apparent du Soleil, de la Lune et de tons les astres. Les courants, véritables lleuves qui sillonnent les mers , sont de deux sortes : les uns portent les eaux chaudes vers les hautes latitudes, les autres ramènent les eaux froides vers Téquateur. Le fameux courant de l'Océan Atlantique, le Gull-Stream (71), déjà reconnu dans le xvr siècle par Anghiera (72) et surtout par sir Humfrey Gilbert , appartient h la pre- mière classe. C'est au sud du Cap de Bonne-Espérance qu'il faut chercher l'origine et les [)remières traces de ce couiant; de là il pénètre dans la mer des Antilles, parcourt le golfe du Mexique, débouche parle dé- troit de Bahania , puis, se dirigeant du S.S.O. au N.N.E. , il s'éloigne de plus en plus du littoral des Etats-Unis, s'inlléchit vers l'est au banc de Terre- Neuve et va frapper les côtes de llrlande, des Hé- brides et de la Norwège, où il })orle des graines tiopicales ( Mimosa scandcns , GuUandina honduc , Dolichos in^ens). Son prolongement du N.E. ré- chauffe les eaux de la mer et exerce sa bienfaisante influence jusque sur le climat du promonloiie sep- tentrional de la Scandinavie. A lesldu banc de Terre- Neuve, le Gulf-Stream se bifurcjueet envoie, non loin desAçores, une seconde branche vers le sud ^^73). C'est là que se trouve la mer des Saiyasscs ^ inuuense banc formé de }>lanl('S mai-ines {fucus nalaits, lune des plus i'<''i>audu(s jiarmi les piaules sociah^s de rOcc'an), dont limaginaliou de Cluisloi>lie (Colomb fut si vive- ment Iraiipée, qX qu'Oy'wdo nomme praderias de y erva — 363 — (prairies de varecs). Un nombre immense de petits animaux marins habitent ces masses toujours ver- doyantes , transportées ç«à et là par les brises tièdes qui soufflent dans ces parages. On voit que ce courant appartient, presque tout entier , à la partie septentrionale du bassin de l'Atlantique ; il côtoie trois continents : l'Afrique , l'Amérique et l'Europe. Un second courant dont j'ai reconnu la basse température, dans l'automne de l'aimée 1802, règne dans la mer du Sud et réagit dune manière sensible sur le climat du littoral . Il porte les eaux froides des hautes latitudes austi'ales vers les côtes du Chili; il longe ces côtes et celles du Pérou en se dirigeant d'abord du sud au nord, puis, à partir de la baie d'Arica , il marche du S. S. E. au N.N.O. Entre les lropi(iues, la température de ce coulant froid n'est que de 15 ,0 en certaines saisons de l'am.ée, pendant que celle des eaux voisines en re[>os monte h 27%5 et même à 28,7. Enfin, au sud de Payla, vers cette partie du littoral de l'Amérique méiidiunale qui fait saillie à l'ouest , le courant se recourbe comme la côte elle-même, et s'en écarte en allant de lest à l'ouest; en sorte qu'en continuant à gouverner au nord, le navigateur sort du courant et passe brusquement de l'eau froide dans l'eau chaude. On ignore à quelle profondeur s'arrête le mouve- ment dos masses d'eaux chaudes ou froides (jui sont entraînées ainsi par les courants océaniques; ce qui porterait à cruire que ce mouvement se propage jus- qu'aux couches les plus basses, c'est (jue le courant ^ — 364 — de la t'ùle méridionale de l'Afrique se rélléchit sur le banc de Lagullas, dont la profondeur est de 70 à 80 brasses. Grâce h une découverte du vénérable Franklin , le lliernionièlre est devenu aujourd'hui une vérila- ble sonde. En effet , il est presque toujours possible de reconnaître la présence d'un bas-fonds ou d'un banc de sable situé hors des courants, par l'abaisse- ment de la température de l'eau qui le recouvre. Ce phénomène, dont on peut tirer parti pour rendre la navigation plus sûre , me paraît provenir de ce que les eaux profondes, entraînées par le mouve- ment général des mers, remontent les pentes qui bordent les bas-fonds et vont se mêler aux couches d'eau supérieures. Mon immortel ami, sir Humphry Davy, a proposé une autre explication : les molécu- les d'eau refroidies pendant la nuit, par voie de rayonnement, descendent vers le fond de la mer; mais , au-dessus d'un bas-fonds , ces molécules res- tent plus près de la surface et en maintiennent ainsi la température à un degré moins élevé que partout ailleurs. Des brouillards se forment fréquemment au-dessus des bas-fonds, parce que Teau froide (pii les recouvre détermine une précipitation locale des vapeurs contenues dans l'atmosphère, .l'ai vu sou- vent ces brouillards au sud de la Jamaïque et dans la mer du sud; leurs conlouis ('laienl nets; vus de loin, ils reproduisaient exaclewient la lorme des bas-fonds. CN'taient de véritables images aériennes où se n'iléchissaienl les accidents du sol sous-ma- — 365 — rin. L'eau froide qui recouvre ordinairement les bas- fonds produit un effet encore plus singulier dans les hautes régions de l'atmosphère ; elle agit à peu près comme les îles aplaties de corail ou de sable : on voit souvent en pleine mer, loin des côtes et par un ciel serein, des nuages se fixer au-dessus des points où les bas-fonds sont situés et l'on peut alors relever, avec la boussole, la direction de ces points, tout comme s'il s'agissait d'une chaîne de montagnes ou d'un pic isolé. Sous une surface moins variée que celle des conti- nents, la mer contient dans son sein une exubé- rance de vie dont aucune autre région du globe ne pourrait donner l'idée. Charles Darwin remarque avec raison , dans son intéressant journal de voyage, que nos forêts terrestres n'abritent pas, à beaucoup près, autant d'animaux que celles de l'Océan. Car la mer aussi a ses forêts : ce sont les longues herbes marines qui croissent sur les bas-fonds , ou les bancs flottants de fucus que les courants et les va- gues ont détachés, et dont les rameaux déliés sont soulevés, jusqu'à la surface, par leurs cellules gon- flées d'air. LYHonnement que fait naître la profusion des formes organiques dans l'Océan , s'accroît en- core par l'emploi du microscope ; on sent alors avec admiration que là, le mouvement et la vie ont tout envahi. A des profondeurs qui dépassent la hau- teur des plus puissantes chaînes de montagnes], chaque couche d'eau est animée par des vers poly- gastriques, des cyclidies et des ophrydines. Là, pul- — 366 — IuUmU les animalcuh^s pliosi)horescents , les mam- niaria de l'ordre des acalèphes, les cruslacés, les peridinium , les néréides rolifères, dont les innom- brables essaims sont attirés h la surface par certaines circonstances météorologiques, et Iransfornienl alors chaque vai,aie en une écume lumineuse. L'abondance de ces peliis êtres vivants, la quantité de matière ani- malisée qui résulte de leur rapide décomposition est telle, que l'eau de mer devient un véritable liquide nutritif pour des animaux beaucoup plus grands. Certes, la mer noflie aucun phénomène plus digne d'occuper l'imagination que cette profusion de for- mes animées , que cette infinité d'êtres microscopi- ques dont l'organisation, pour être d'un ordre in- férieur, n'en est [)as moins délicate et variée; mais elle fait naître dauties émotions plus sérieuses, j'ose- rai dire plus solennelles, par l'immensité du tableau qu'elle déroule aux yeux du navigateur. Celui qui aime à créer en lui-même un monde à part où puisse s'exercer librement l'activité spontanée de son àme, celui-là se sont rempli de l'idée sublime de 1 infini, à l'aspect de la haute mer libre dé tout rivage. Son regard cherche sui'tout l'horizon lointain; là, le ciel et l'eau semblent s'unii- en un contour va[»o- reux où les astres montent et disparaissent toui- à tour. Mais bientôt cette éternelle vicissitude de la nature réveille en nous le vague sentiment de tristesse qui est au fond de toutes les joies humaines. Une prédilection particulière pour la mei', lUi sou- venir [)lein de gialilude des impressions que 1 el*-- — 367 — ment liquide, en repos , au sein du calme de la nuit > ou en lulle contre les forces de la nature , a produites sur moi, dans les régions des tropiques, ont pu seules me délerminer à signaler les jouissances individuelles de la contemplation, avant les considéralionsgénérales qu'il me reste à énumérer. Le contact de la mer exerce incontestablement une influence salutaire sur le moral et sur les progrès intellectuels d'un grand nombre de peuples ; il multiplie et resserre les liens qui doivent unir un jour toutes les parties de l'hu- manité en un seul faisceau . S'il est possible d'arriver à une connaissance complète de la surface de notre planète, nous le devons à la mer, comme nous lui de- vons déjà les plus beaux progiès de l'astronomie et des sciences physiques et mathématiques. Dans l'o- rigine, une partie de cette influence s'exerçait seule- ment sur le littoral de la Méditerranée et sur les côtes occidentales du sud de l'Asie; mais elle s'est générali- sée depuis le xvi' siècle; elle s'est étendue même à des peuples qui vivent loin delà mer, à l'intérieur des con- tinents. Depuis l'époque où Christophe Colomb fut en- voyé pour délivrer l'Océan de ses chaînes (une voix in- connue lui parlait ainsi dansune vision qu'il eut, pen- dant sa maladie, sur les rives du fleuve de Belem) (74), l'homme a pu se lancer dans les régions inconnues, avec un esprit désormais libre de toute entrave. La seconde enveloppe de notre ])lanète, l'enveloppe extérieure, universelle, est l'océan aérien dont nous — 368 — liabilons les has-fomls (plateaux et montagnes) ; elle nous présente six classes de phénomènes, tous étroi- tement reliés par une dépendance nuiluelle. Ces phé- nomènes dérivent de laconslitulion chiniicjuo de l'air, des variations qui surviennent dans sa diaplianéilé, dans sa coloration, dans la manière dont il polarise la lumière ; ils naissent des changements de densité ou de pression, de température, d'humidité et de tension électrique. L'air contient le premier élément de la vie animale , l'oxygène. L'air possède un autre attribut non moins relevé : il est le véhicule du son, et par suite, il est, pour les peuples, le véhicule du langage, des idées, des relations sociales. Si le globe tei- restre était dépourvu d'atmosphère, comme notre Lune, ce ne serait qu'un désert où régnerait le si- lence. Depuis le commencement du xix' siècle , la pro- portion des éléments qui forment les couches d'air accessibles a été un sujet de recherches auxquelles nous avons pris une part active, Gay-Lussac et moi. L'analyse chimique de Tatiuosphèie est parvenue , dans ces derniers temps, à un haut degré de perfec- tion, grâce aux excellents travaux que Dumas et Bous- singault ont exécutés par de nouvelles méthodes pl\is exactes. D'après ces analyses, l'air sec contient , en volume, 20,8 d'oxygène et 79,2 d'azote; il renferme en outre de 2 à 5 dix-millièmes d'acide carbonique , une quantité encore plus faible de gaz hydrogène (75), ef, d'après les importantes recherches de Saussure et do ! Jebig , (piehpies traces de vapeuis ammonia- — 369 — cales (76) qui fournissent aux plantes l'azote qu'elles contiennent. Quelques observations de Lewy portent à croire que la proportion d'oxygène varie un peu, suivant les saisons, ou suivant que l'air est recueilli dans l'intérieur des continents et au-dessusdelamer; et en effet , si l'immense quantité d'organisations animales que la mer nourrit peut faire varier la pro- portion d'oxigène dont l'eau s'est chargée, on com- prend qu'il doive en résulter une variation correspon- dante dans lescouches d'air voisines de la surface (77). L'air recueilli par Marlins sur le Faulliorn, à 2762 mètres de hauteur , n'était pas moins riche en oxy- gène que l'air de Paris (78). L'introduction du carbonate d'ammoniaque dans l'atmosphère est probablement antérieure à l'appa- rition de la vie organique sur la surface du globe. Les sources d'où l'acide carbonique se déverse dans l'at- mosphère sont Irès-multipliées (79). Signalons d'abord la respiration des animaux : ceux-ci extraient le car- bone des substances végétales dont ils se nourris- sent, tandis que les végétaux le puisent dans l'at- mosphère. L'intérieur de la terre, dans les contrées où se trouvent des volcans éteints et des sources ther- males, est une source abondante d'acide carbonique. Il s'en produit aussi aux dépens de l'hydrogène car- boné, qui existe dans l'atmosphère, et dont la dé- composition est opérée par les décharges électriques des nuées, si fréquentes sous les tropiques. D'autres substances, des miasmes et des émanations pestilen- tielles, viennent 'se mêler accidentellement , surtout — 370 — près du sol, aux cléinculs que nous venons d'indi- quer connue fornianl la composition normale de l'air, à toutes les hauteurs accessibles. Ces gaz ont échappé jusqu'à présent à l'analyse chimique; mais le fait même de leur existence dans certaines ré- gions de l'atmosphère n'est point douteux : les don- nées les mieux constatées de la pathologie el les phé- nomènes qui accompagnent l'incessante décomposi- tion des matières végétales ou animales, sur toute la surface du globe, l'établissent surabondannnenl. Sans parler des contrées marécageuses et des bords de la mer couverts de mollusques putréiiés ou de toullesde rhizopliora mangleet d'avicennies, il existe une foule de circonstances dans lesquelles certaines vapeurs annnoniacales et nil reuses, de l'hydrogène sulfuré et môme des composés analogues aux combinaisons à bases niultij»les (tei'uaires et quaternaires) du règne végétal (80), peuvent se mêler à l'air, et engendrer la fièvre tierce ou le typhus. Certains brouillards, répandant une odeur particulièie, nous offrent un exenq>le des mélanges qui peuvent s'oi)éi'er ac- cidentellement dans les régions inférieures de l'at- mosphère. Bien plus, des substances solides, ré- duites en poudre fine, sont quelquefois portées à de grandes hauteurs , par les vents el les courants nés de l'échaufTement du sol. Telle est la poussière qui tombe vers les îles du cap Vert , en obscurcis- sant l'atmosphère à de grandes distances; Darwin appela l'attention des hommes de science sur ce phé- nomène , et Ehrenberg découvrit que celte gous- — 371 — sièrc contient d'innombrables infiisoires à carapaces siliceuses. Énumérons actuellement les phénomènes princi- paux qui caractérisent l'atmosphère; nous aurons h distinguer : 1 ° Les variations de la pression atmosphérique ; elles comprennent les oscillations horaires du baro- mètre, espèce de marée atmosphérique, qui ne sau- rait être attribuée h l'attraction lunaire (81) et qui varie considérablement avec la latitude géographi-' que, avec les saisons et avec la hauteur du lieu d'ob- servation. 2" La distribution des climats et de la chaleur; elle dépend de la position relative des masses diaphanes et des masses opaques et de la configuration hypso- métrique des continents. Ces relations déterminent la position géographicpie et la couibure des lignes iso- thermes, dans le sens horizontal et dans le sens ver- tical, c'est-à-dire sur une même surface de niveaju et dans la sr-rie des couches superposées. 3" La distribution de r humidité ; elle dépend de la proportion qui existe entre la surface des terres et celle de l'océan, de la distance à l'équateur et de la hauteur au-dessus de la mer; il faut distinguer parmi les foiines diverses (jue la va[»eur d'eau revêt en se pré- cipitant, car ces foinies vaiient avec la température, la direction et l'ordre de succession des venfs. 4" L'étal électrique de l'atmosphère dont l'origine est encoi'e très-débattue, quand il s'agit de l'éleclri- — 372 — cilé développée par imciel serein. Sous ce litre , nous avons h examiner quels rapports ratlachent l'ascen- sion des vapeurs à la tension électrique et à la forme des nuages ; il faut faire la part d'influence qui revient aux heuies de la journée , aux saisons, aux climats, à la configuration des contrées formées de plaines basses ou de plateaux élevés ; il faut rechercher les causes de la fréquence ou de la rareté des orages , de leur péiiodicité et de leur formation en été ou en hi- *ver; il faut signaler enfin les rapports de l'électricité avec la grêle de nuit, phénomène extrêmement rare, et avec les trombes (tourbillons d eau ou de sable) sur lesquelles Peltier a fait d'ingénieuses remarques. Les variations horaires du baromètre, sous les tropi- ques, présentent deux maxima, à neuf heures on neuf heures un quart du matin , et à dix heures et demie ou dix heures trois quarts du soir. Les deux mininui oui lieu vers quatre heures ou quatre heures un quart de l'après-midi et à quatre heures du matin , c'esl-à- dn'e,4)resque à l'heure la plus chaude et à l'heure la plus froide de la journée. L'étude de ces variations a été longtemps pour moi un ol)jet d'obscivalions assidues de joui* et de nuit (82). Leur régidarité est si grande , qu'on peut , à la sinq)le inspection du baromètre, déterminer l'heure, surtout pendant le jour, sansavoirà craindre, en moyenne, une er- reur dephisdc 15 à 17 miimtes; elle est si perma- nente, (jue ni la tem[K'te, ni l'orage, ni la pluie, ni les trend)lements de terre ne peuvent la troubler; elle persiste dans les ( haudes régions du littoral du Non- — 373 — veau-Monde, comme sm' les plateaux élevés de plus de 4000 mènes où la température moyenne descend à 7". L'amplitude des oscillations diurnes décroît de 2,98 à 0,41 millimëti'es , depuis Téquateur jusqu'au 70" parallèle de latitude nord , sous lequel Bravais a fait une série d'observations très-précises (83). On a cru que, dans les stations beaucoup plus rapprochées du pôle, la hauteur moyenne du baromètre était plus faible à dix heures du matin que vers quatre heures du soir, en sorte qu'il y aurait dans ces climats une véritable interversion des heures du maxinmm et du minimum ; mais les observations de Parry, au port Bowen(73°14'), ne justifient nullement ces idées. A cause des courants ascendants de l'atmosphère , la hauteur moyenne du baromètre, sous l'équateuret généralement sous les tropiques, est un peu moindre que dans les zones tempérées (84) ; elle paraît attein- dre son maximum dans l'Europe occidentale entre les parallèles de 40" et de 45°. Kaîmtz a proposé, pour l'étude de la distribution de ces phénomèmes à la surface du globe, un mode de re[)résentation gra- phi([ue qui consiste à unir, par des courbes, les lieux où les moyennes différences entre les extrêmes hau- teurs mensuelles ôii baromètre sont égales; ce sont les lignes isobarométrif/ues, dont la position géogi-aphi- que et les courbures conduisent à des résultats impor- tants pour l'étude de l'iniluence que la configuration des terres et l'étendue des mers exercent sur les os- cillations de l'atmosphère. L'IIindoustan avec ses hautes chaînes de montagnes et sa péninsule tiiangu- — 37'» — laire, les côle^ orientales du Nouveau-CoiUinent vers le point où les eaux chaudes du Gulf-Streani se diri- gent à l'est (Terre-Neuve), pn'sentent des oscillalions isobaroniélriqucs plus considérables que les Anlillcs el querEiiro[)e occidentale. Les vents ré^^nants sont la cause principale qui détermine la diminution de la pression almosj>hérique, et, suivant Daussy, partout où cette pression diminue, la hauteur moyenne de la mer auinniente dans le même rapport (85). Les variations qui se reproduisent régulièrement, par périodes horaires ou annuelles, dans la pression atmosphérique, les changements brusques el souvent dangereux (86) qui surviennent accidentellement dans cette pression, et, en général, tous les phénomènes dont Tensemble constitue Tétat du ciel, doivent être attiibués, en grande partie, à la puissance calorifique des rayons du Soleil. Il en résulte que la direction des vents, la hauteur du baromètre , les changements de température , l'état hygrométrique de Tair sont des phénomènes connexes. Les résultats d une longue série d obser\ations commencées, il y a lungtenips, surla proposition de Lambert, ont été réduilsen tables qui indiquent la pression atmosphéiique correspon- dante à chaque aire de vent; ces tables, connues sous le nom de ?'oses baromélriqncs des vrnls, ont permis de sciuler plus prorondéujent la liaison des jthéno- mènes météorologiques (87). Avec une admirable finesse d'a|)erçus, Dove areconim, dans la loi de rota- lion des vents «piil a lui même établie pour les deux hémisi»hères, la cause de plusieurs grands phéno- — 375 — mènes dont l'océan aérien est le théâtre (88). La diffé- rence de température, entre les contrées équinoxiaies et les contrées polaires, engendre deux courants op- posés, l'un dans les hautes régions de l'atmosphère, l'autre à la surface du globe. Comme les points si- tués vers l'équateur et les points situés vers les pôles sont animés de vitesses de relation très-différentes, il en résulte que le courant venant du pôle est infléchi vers l'est, tandis que le courant équinoxial s'infléchit vers l'ouest. C'est de la lutte de ces deux courants, c'est du lieu où le courant supérieur retombe et at- teint la surface, c'est de leur pénétration réciproque que dépendent les plus importantes variations de la pression atmosphérique, les changements de tempé- rature dans les couches d'air, la précipitation des vapeurs aqueuses condensées , et ménie , comme Dove l'a montré , la formation et les figures variées que prennent les nuages. La forme des nues , qui donne aux paysages tant de mouvement et de charme, nous annoncée-' qui se passe dans les hautes régions de l'atmosphère; quand l'air est cahne, les nuages dessinent, sur le ciel d'une chaude journée d'été , ft l'image projetée » du sol dont le calorique rayonne abondamment vers l'espace. Lorsque le rayonnement opère sur de grandes sur- faces conlinenUiles et océaniques dojit la position re- lative satisfait à coilaines conditions, comme entre la côte orientale de l'Afrique et la côte occidentale de la péninsule indienne, sesetfets deviennent manifestes: il produit les moussons des mers de l'Inde (89), l'Hippalos — 370 — (les navigalcurs grecs, dont la direction péi'iodique- nienl variable avec la déclinaison du Soleil, a élé faci- lement reconnue et mise h profit de toute antiquité. Ce lurent là les débuts de la météorologie : la connaissance des moussons, répanduedansrHin{loustan,en Chine, à l'orient du golfe Arabique, à l'ouest de la mer Malaise, la notion encore plus ancienne et plus générale des brises de terre et de mer, tels furent les piemiers, les faibles rudiments d\me science qui fait aujourd'hui de rapides progrès. Les slalions magnétiqurs , dont la longue série traverse maintenant , de Moscou à Pé- kin, toute l'Asie septentrionale, et dont les travaux doivent embrasser le magnétisme terrestre et les autres phénomènes météorologiques, sont appelées à fournir d'importants résultats à la théorie des venls. En comparant les observations recueillies sur divers points de cette ligne innnense , on pourra décider, par exemple, si les vents d'est soufflent sans interrup- tion, depuis le plateau désert de Gol)i, jusque dans l'iiitérieur de l'empire Russe, ou bien si le courant produit [»ar la précipitation de l'air des hautes régions ne commence qu'au milieu de la chaîne des sta- tions. Alors on saura , à la lettre, iVoù vienl le vent. Si l'on ne fait concourir, au résultat cherché , que les lieux où les observations sur la direction des vents ont été continuées pendant plus de vingt années, on reconnaît (daiM-ès les calculs ex(''cu((''S rt'cennnent avec soin par G. Mahlmann) que le vent iVouest-sud^ oiiesl Qi^\ le vent régnmil, sous les moyennes latitudes des zones tempérées des deux < on lin» 'i ils. — 377 — Nos idées sur la distribtdion de la chaleur almos- phërique ont gagné en clarté, sous certains rapports, depuis qu'on s'est efforcé de soumettre les phénomènes à un mode uniforme de représentation graphique, en reliant les uns aux autres, par un système de lignes, tous les points où les températures moyennes de l'an- née, de l'été et de l'hiver ont été déterminées avec exactitude. Le système des lignes isothermes, isothères et isochimènes, que j'ai proposé en 1817, pourra peut- être fournir une base certaine à la climatologie com- parée, si les physiciens consentent à réunir leurs ef- forts pour le perfectionner. C'est ainsi que l'étude du magnétisme terrestre est devenue une véritable science, du jour où les résultats partiels ont été réu- nis et représentés graphiquement par des lignes d'égale déclinaison, d'égale inclinaison et d'égale in- tensité. L'expression de climat , prise dans son acception la plus générale, sert à désigner l'ensemble des varia- tions atmosphériques qui affectent nos organes d'une manière sensible : la température, l'humidité, les changements de la pression barométrique , le calme de l'atmosphère, les vents, la tension plus ou moins forte de l'électricité atmosphérique , la pureté de l'air ou la présence de miasmes plus ou moins dé- létères, enfin le degré ordinaire de transparence et de sérénité du ciel. Cette dernière donnée n'influe pas seulement sur les effets du rayonnement calori- fique du sol , sur le développement oi'ganique des vé- gétaux et la maturation des fruits, mais encore sur 25 — 378 — le moral de i'iioniine el 1* harmonie de ses lacullés. Si la surlace de la terrectait formée d'un seul fluide homogène ou de couches possédant même couleur, mèmedensilé, même éclat, même faculté d'absorber les rayons solaires, même pouvoir de rayonner la cha- leur vers les espaces célestes , les lignes isothermes, isothères et isochimènes seraient toutes dirigées parallèlement à Téquateur. Dans cette hypothèse, les pouvoirs absorbant et émissif, pour la chaleur et pour la lumière, seraient partout les mêmes sur la surface du globe, à parité de latitude. C'est de cet élal moyen, qui n'exclut ni les courants de chaleur à l'inlérieur du globe et dans son enveloppe gazeuse, ni la propa- gation de la chaleur par les courants d'air, que la théorie mathématique des climats doit partir, connue d'un état primitif. Tout ce qui fait varier les pouvoirs absorbant et émissif , en quelques points situés sur des parallèles égaux, produit une inflexion dans les lignes isothermes. La nature de ces inflexions, les angles sous lesquels les lignes isothermes, iso- thères, isochimènes coupent les cercles de latitude, la position du sommet de leur convexité ou de leur concavité par rappoit au pôle de l'hémisphère cor- respondant, sont des effets de causes qui modiiient plus ou moins puissamment la température sous les diverses latitudes géographiipies. Il est heui'cux ])our les progrès de la climatologie, que la civilisation européenne se soit établie sur deux rivages opposés, ou plutôt, quelle ait rayonné «le notre côte occidentale jusque sur une côte orieu- — 379 — laie, en traversant le bassin de l'Atlantique. Lois- qu'après plusieurs tentatives éphémères en Islande et au Groenland , les habitants de la Grande-Bre- tagne fondèrent, enfin, sur le littoral des Etats-Unis d'Amérique, leurs premières colonies durables, dont les poursuites religieuses, le fanatisme et l'amour de la liberté accrurent rapidement la population, les co- lons qui vinrent s'établir entre la Caroline du Nord et l'embouchure du tleuve Saint-Laurent , s'étonnè- rent d'éprouver des hivers beaucoup plus froids que ceux de l'Italie, de la France et de l'Ecosse, sous les mêmes latitudes. Une pareille différence de climats devait tenir l'attention en éveil ; cependant la re- marque ne devint réellement féconde en résultats pour la météorologie, que lorsqu'elle put être basée sur des données numériques exprimant les tempéra- tures moyennes annuelles. En comparant de cette manière Nain, sur la côte du Labrador, avec Gothen- bouig, Halifax avec Bordeaux, New- York avecNaples, San-Augustin , en Floride , avec le Caire , on trouve que, par les mêmes latitudes , les différences entie les températures moyennes de l'année de l'Amérique orientale et celles de l'Europe occidentale, sont, en allant du nord au sud : 11° 5; 4° 7; 3" 8; et presque 0". Le décroissement progressif de ces différences , dans une série qui comprend 28" de latitude, est frappant. Plus loin, vers le sud, sous les tropiques mêmes, les lignes isothermes s()nti)ai'l()ut parallèles à l'équaleui'. On voit, par les exemples précédents, que ces ques- tions si souvent posées dans les cei'cles de la société : — 380 — de combien de degrés rAmérique ( sans distinguer entre les côtes de l'ouest et celles de l'est) est-elle plus froide que l'Europe? quelle diiïérence y a-l-il entre les températures nioyeinics de Tannée au Ca- nada ou aux Etats-Unis, et celles de l'Europe? on voit, disons-nous, que, sous une forme si absolue , si géné- rale, ces questions n'ont aucun sens. La différence , en effet, n'est point constante ; elle varie d'un paral- lèle h l'autre , et sans une comparaison spéciale des températures d'été et d'hiver sur les côtes opposées, il est impossii)le de se faire une idée juste des vérita- bles rapports qui existent entre les climats . et dap- précier leur influence sur l'agriculture, l'industrie et le bien-être des populations. En signalant les causes qui peuvent modifier la forme des lignes isothermes, je distinguerai celles qui élèvent la température de celles qui tendent à l'abais- ser. La première classe comprend : La proximité d'une côte occidentale, dans la zone tempérée ; La configuration particulière aux continents qui sont découpés en i)resqu'îles nond)ieuses ; Les méditerranées et les golfes pénétrant profondé- ment dans les terres ; L'orientation, c'est-à-dire la position d'une terre relativement à une mer libre de glaces, qui s'étend au- delà du cercle i)olaire, ou par rajjpoit à un continent d'une étendue considérable, situé sur le même méri- dien , à ré(piateiir on du moins à l'inlérieurde la zone tro[)icaIe ; — 381 — La directîonsudel ouest des venlsrogiiaiils, s'il s'ngit de la bordure occidenlale d'un conlinent situé dans la zone tempérée ; les chaînes de montagnes servant de rempart et d'abri contre les vents qui viennent de con- trées plus froides ; La rareté des marécages dont la surface reste cou- verte de glace au printemps, et jusques au commen- cement de l'été ; L'absence de forêts sur un sol sec et sablonneux ; la sérénité constante du ciel pendant les mois d'été ; enfin le voisinage d'un courant pélagique, si ce cou- rant apporte des eaux plus chaudes que celles de la mer ambiante. Je range parmi les causes qui abaissent la tempéra- ture moyenne : La hauteur, au-dessus du niveau de la mer, d'une ré- gion qui ne présente point de plateaux considérables; Le voisinage d'une côte occidentale, pour les hau- tes et les moyennes latitudes ; La configuration compacte d'un continent dont les côtes sont dépourvues de golfes ; Une grande extension des terres vers le pôle, et jus- qu'à la région des glaces éternelles ( à moins qu'il n'y ait, entre la terre et cette région, une mer constam- ment libre pendant l'hiver ) ; Une position géographique telle, que les régions tro- [)iralesde même longitude soient occupées par lamer, en d'autres ternies, l'absence de toute terre tropicale sur le méridien du pays dont il s'agit d'étudier le climat; Une chaîne de monlagnes qui, par sa forme ou sa — 382 — direclion, gênerait l'accès des vents chauds, on bien encore le voisinage de pics isolés , h cause des cou- rants d'air froid qui descendent le long de leurs ver- sants ; Les forêts d'une grande étendue ; elles enipéclient les rayons solaires dagir sur le sol ; leurs organes appendiculaires (les feuilles) provoquent l'évapora- tion d'une grande quantité d'eau, en vertu de leur ac- tivité organique , et augmentent la superficie capable de se refroidir par voie de rayonnement. Les forets agissent donc de trois manières : par leur ombre, par leur évaporai ion , par leur rayonnement ; Les marécages nombreux qui forment , dans le nord , jusqu'au milieu de l'été, de véritables glacières au milieu des plaines ; Un ciel d'été nél)uleux, parce qu'il interci^ple une partie des rayons du soleil ; Un ciel d'hiver très-pur, parce qu'un tel ciel favo- rise le rayonnement de la chaleur (90). L'action simultanée de toutes ces causes réunies, de celles surtout lus qu'à Milan, (pi'à Pavie, qu'à Padoue, que dans toute la Lonibardie où la chaleur moyenne de l'année monte à 12%7. Aux Orcades (Stromness), un peu au sud de Stockholm (la dilîérence de latitude n'est pas d'un demi-degré) , la température moyenne de l'hiver est de i", c'est-à-dire qu'elle est plus («levée quà Paris et presque aussi chaude qu'à Londres. Bien plus, les eaux intérieures ne gèlent jamais aux îles de Féroë , placées par 62" de latitude, sous la douce inlluence du vent d'ouest et de la mer. Sur les côlesgiacieuses du Dcvonshire. dont l'un des ports (Salcoudte) a ('té surnounnt' le MoulpeUier du Nord, à cause de la dou- ceur de son climat, ou a wxVaijwic Moxicana fleurir en pleine terre, et des orangers en espalier poiler des — 387 — fruits, quoiqu'ils fussent à peine abrites par quelques nattes. Là, connue à Penzance, comme àGospori et à Cherbourg sur les côtes de la Normandie, la tempé- rature moyenne de l'hiver est 5%5 ; elle n'est donc in- férieure à celles de Montpellier et de Florence que de 1%3 (93). Ces rapprochements montrent assez en combien de manières une seule et même température moyenne annuelle peut se répartir entre les diverses saisons , et combien ces divers modes de distribution de la chaleur, dans le cours de l'année, exercent d'in- fluence sur la végétation, l'agriculture, la maturation des fruits et le bien-être matériel de l'homme. Les lignes que j'ai nommées isochmènes et isothères, (lignes d'égales températures d'été et d'hiver) ne sont nullement parallèles aux lignes isothermes (lignes d'égales températures aminelles). Si là où les myi'tes croissent en pleine terre et où le sol ne se couvre jamais, en hiver, d'une neige permanente , les températures d'été et d'automne suffisent à peine pour porter les pommes à maturité ; si la vigne, pour donner un vin potable, fuit les îles et presc(ue toutes les côtes, même les côtes occidentales, ce n'est pas seulement à cause (le la faible température qui règne en été sur le litto- ral ; la raison de ces phénomènes est ailleurs que dans les indications fournies pai- nos thermomètres lors- qu'ils sont suspendus à l'ombre. Il Tant la chercher dans l'intluence de la lumière directe dontonn'a guère tenu conqjte jusqu'ici, bien quelle se manilcste dans une foule de phénomènes (par exemple, dans l'in- flammation d'un mélange d'hydiogène et de chlore). — 388 — Iloxisle, à cet égard, une dilTérence capitale entre la lumière diffuse et la lumière directe, entre la lumière qui a traversé un ciel serein, et celle qui a été allaihlie et dispersée en tous sens par un ciel nébuleux. Je me suis efl'orcé, il y a longtemps (94), d'attirer l'attention des physiciens et des phytologues sur celte dillérence, et sur la quantité de chaleur encore inconnue que l'ac- tion de la lumière directe développe dans les cellules des végétaux vivants. Si Ton parcourt l'échelle thermique des divers genres de culture (95) en commençant par celles qui exigent le climat le plus chaud, on rencontre successivement la vanille, le cacao, le pisang et le cocotier; puis l'ananas, la canne à sucre, le caféier, le dattier, le citronnier, l'olivier, le châtaignier franc et la vigne dont le vin est potable. En étudiant la distribution de ces di- verses cultures dans les plaines et sur les versants des montagnes, on ne tarde pas h reconnaître que leurs limites géographiques ne soat pas exclusivement ré- glées par les moyennes températures annuelles. Ainsi, pour que la vigne produise du vin potable (0()) , il ne suHil [(as que la chaleur moyenne de l'année dépasse 9"^; il faut encore qu'une température d'hiver siq)é- rieure à + 0%5 soit suivie d'une température moyenne de iS" au moins pendant l'cUé. Dans la vallée de la Ga- ronne , à Bordeaux (lat. 40" 30'), les tenqu^atures moyennes de l'année, deThiver, derétéetdcrantomne sont respectivement: 13", 8 ; 6", 2; 21", 7; 1 ï' ï. Dans les plaines du littoral de la mer Baltique (lat. 52"J),où le vin n'est plus potable (il y est consommé cependan(\ ■- 389 — CCS nombres sont : 8", 6; — 0%7 ; 17%6 ; 86. Corlos,il doit exister une opposition bien tranchée entre deux climats dont l'un est éminemment favorable à la cul- ture de la vigne, tandis que l'autre atteint la limite où cette culture cesse d'être productive, et il paraît d'abord surprenant que les indications thermométriques n'ac- cusent pas plus nettement cette différence. Mais on s'étonnera moins si l'on considère qu'un thermo- mètre placé à l'ombre, abrité complètement, ou à peu près, contre les effets de l'insolation directe et du rayonnement nocturne, ne saurait indiquer la tem- pérature du sol librement exposé à toutes ces influen- ces, ni les variations périodiques dont cette tempé- rature est affectée d'une saison à Tautre. Les mêmes rapports de climats qu'on observe en- tre la presqu'île de Bretagne et le reste de la France, dont la masse est plus compacte, dont les étés sont plus chauds et les hivers plus rudes, se reproduisent, jusqu'à un certain point, entre l'Europe et le conti- nent asiatique dont l'Europe forme la péninsule oc- cidentale. L'Europe doit la douceur de son climat à sa contigurationrichemcnt articulée, h l'Océan qui baigne les côtes occidentales de l'Ancien-Monde, à la mer li- bre de glaces qui la sépare des régions polaires , et surtout à l'existence et à la situation géographique du continent africain , dont les régions intertropi- cales rayonnent aboiidannnent et provoquent l'as- cension d'un immense courant d'air chaud, tandisqiie les légions placées au sud de l'Asie sont en grande partie océaniques. L'Euiope deviendrait plus froide — 390 — (97), si l'Afrique était submergée, si la fabuleuse At- laulique , sortant du seiu de l'Océan, venait joindre l'Europe à l'Amérique; si les eaux chaudes duGulf- Slream ne se déversaient point dans les mers du nord^ ou si une nouvelle terre, soulevée par les forces volcaniques, s'intercalait entre la péninsule Scandi- nave et le Spitzberg. A mesure que l'on avance de l'ouest à l'est, en parcourant , sur un même parallèle de latitude , la France , l'Allemagne, la Pologne , la Russie , jusqu'à la chaîne des monts Ourals, on voit les températures moyennes de l'année suivre une sé- rie décroissante. Mais aussi, au fureta mesure que l'on pénètre ainsi dans l'intérieur des terres, la forme du continent devient de plus en plus compacte; sa largeur augmente, l'influence de la mer diminue, celle des vents d'ouest devient moins sensible : c'est là qu'il faut chercher la raison principale de l'abaisse- ment progressif de la température. Déjà même dans les régions situées au-delà de l'Oural, les vents d'ouest sont devenus des vents de terre. Au lieu de réchauf- fer, ils refroidissent ces pays, lorscju'ils y parvieiment après avoir soufflé sur de grandes étendues de terres glacées et couvertes de neige. La rigueur du climat, dans l'ouest de la Sibérie, est un effet de ces causes générales \ elle est due à la conliguiation de la terre ferme, et à la nature des couiauts atmosphériques, mais non (^98), quoiqu'en aient dit Ilippocrate, Tro- gue-Pompée, et même plus d'un voyageur célèbre du xvni° siècle, :i une grande hauleui' du sol au-dessus du niveau de la mci". — 391 — Laissons maintenant les plaines pour nous occuper des inégalités dont la surface polyédrique de notre globe est parsemée, et considérons les montagnes par rapport à leur action sur le climat des pays voisins , et à l'inlluence qu'elles exercent, en raison delà hau- teur, surlalempérature de leurs propres sommets, ou même sur celle des plateaux qu'elles supportent. Les chaînes de montagnes partagent la surface terrestre en grands bassins , en vallées profondes et étroites , en vallées circulaires. Ces vallées, souvent encaissées comme entre des remparts, individualisent ies cVniinis locaux (par exemple en Grèce et dans une partie de l'Asie mineure), et les placent dans des conditions tou- tes spéciales par rapport à la chaleur, à l'humidité, à la transparence de l'air, à la fréquence des vents et des orages. Cette configuration a exercé de tout temps une puissante inlluence sur les productions du sol, le choix des cultures, les mœurs, les formes gouvernemen- lales et même sur les inimitiés des races voisines. Le caractère de Y individualilé géographique atteint, pour ainsi dire , son maxinmm, lorsque la configuration du sol, dans le sens horizontal et dans le sens vertical , est aussi variée que possible. Le caractère opposées! fortement empreint dans les steppes de l'Asie septen- trionale, dans les grandes plaines herbacées du Nou- veau-Monde (savanes, Uanos, pampas), dans les landes à bruyères (ericeta ) de l'Europe , et dans les déserts de sable ou de pierres de l'Afrique. La loi que suit le décroissement de la chaleur, par différentes latitudes, à mesure que la hauteur aug- — 392 — mente, est dune haute iniporlance en météorologie ; elle n'intéresse pas moins la géographie des plantes , la théorie de la réfraction terrestre, et les hypothèses diverses sur lesquelles se fonde révalualion de la hau- teur de Talmosphère. Aussi Télude de cette loi a-l- elle toujours été un des objets principaux de mes re- cherches, dans les nombreuses ascensions de monta- gnes que j'ai exécutées en dedans ou en dehors des tropiques (99). Depuis que l'on sait, avecquelqu'exaclilude, com- ment la chaleur se distribue à la surface du globe , c'est-à-dire , depuis que l'on étudie les inflexions et les distances des lignes isothermes et isoihères, dans les divers systèmes de température à l'est et à l'ouest de l'Asie , de l'Europe centrale et de l'Amérique du nord, il n'est plus permis de poser , sous une forme absolue , cette question : à quelle fraction de la cha- leur thermométrique moyenne de l'année ou de l'été, répond une variation de 1° en latitude, quand on se déplace sur un même méridien ? Il règne dans chaque système de lignes isothermes h cour- bures égales, une liaison intime et nécessaire entre trois éléments : la diminution de la chaleur dans le sens vertical et de bas en haut ; la variation de tem- pérature pour 1*^ de changement dans la latitude géo- gra[»hi(pie; et le rapi)ort(pii existe entre la moyenne température d'une station , sur une montagne , et la dislance au pôle dun point situé au niveau de la mer. Dans le système (\(jV Amérique oricnkdc, la tenipé- — . 393 — rature moyenne annuelle varie , depuis la côte du Labrador jusqu'à Boston, de O^SS par chaque degré de latitude ; de Boston à Charleston de 0",95 ; de Charleston au tropique du cancer (Cuba) la variation diniinue; elle n'est que 0",6G. Dans la zone tropicale même, la température moyenne varie avec tant de lenteur, que, de la Havane à Cumana, le change- ment pour un degré de latitude ne dépasse point 0% 20. Il en est tout autrement du système formé par les lignes isothermes de VEiu^ope centrale. Entre les pa- rallèles de 38° et de 71% je trouve que la température décroît uniformément à raison d'un demi-degré du thermomètre par chaque degré de latitude. Mais comme, d'autre part, la chaleur diminue de 1° dans celte région, quand la hauteur augmente de 1S6 ou de 170 mètres , il en résulte que 78 ou 85 mètres d élévation au-dessus du niveau de la mer produisent le même efTet, sur la température annuelle, qu'un dé- placement vers le nord de l"en latitude. Ainsi la tem- pérature moyenne annuelle du couvent du Mont- Saint-Bcrnai'd, situé à 2491 mètres de hauteur, par 4o " 50' de latitude , se retrouve dans la plaine, par une latitude de 75 "50'. Les observations que j'ai faites jusqu'à 6000 mè- tres de hauteur, dans la partie de la chaîne des Andes comprise entre les tropiques , m'ont donné une di- minution de 1" de tomjjérature par 187 mètres d'aug- mentation dans la hauteur. Trente ans plus tard , mon ami Boussingault a trouvé en moyenne 175 mè- 26 — 394 — très. En coniparaiii les lieux situés sur le versaiU même (les Cordillères, avec d'autres lieux d'égale hau- teur au-dessus de la mer, mais placés sur des plateaux d'une grande étendue, j'ai reinanjué que la tempé- rature moyenne de l'année était plus élevée de l",o à 2', 3 dans ces derniers lieux. La diflérence serait plus forte, sans la déperdition de chaleur que le rayon- nement occasionne pendant la nuit. Comme, dans cette région , les climats se trouvent étages les uns au- dessus des autres, depuis les forets de cacaos des plaines basses jusqu'à la neige éternelle, et comme la tenq>é- rature y varie très-peu d'un bout à l'autre de l'an- née , on peut se faire une idée assez exacte des tem- pératures particulières aux grandes villes de la chaîne des Andes , en les comparant à celles qu'on éprouve en France et en Italie, à certaines époques de Tan- née. Tandis qu'il règne, chatiue jour, sur les rives boisées de l'Orénoque , une chaleur qui dépasse de 4" celle du mois d'août à Palerme, on trouve, h mesure qu'on s'élève sur les Andes, à Popayan (1775 m.), les trois mois d'éle de Marseille; à Quito 1 2908 m.), la lin du mois de mai de P^ris; enlin sur les Païamosoù crois- sent (les plantes alpestres, chélives, il est viai, et cepen- dant couvertes de fleurs, on trouve la température qui règne à Paris, au conmiencement du moisd'avril. Pinson se iap|)ioche de ré(|ualeur, plus la limite des neiges éternelles est élevée ; l'ingénieux Pici le Martyr de Anghiera, un des amis de Christophe Co- lomb, est certainement le premier qui en ail lait la remarque (après l'expédition entreprise, en octobre — 395 — 1510, par Rodrigo Eurique Colmenares ). Voici rw qu'il dit , à ce sujet , dans son bel ouvrage De rébus oceanicis (100) : «La rivière Gaira descend d'une mon- tagne (dans la Sierra-Nevada de Santa Marlaj qui, au dire des compagnons de Colmenares, surpasse en hauteur toutes les montagnes connues , et cela doit être en effet, puisque cette monlagne, située à 10° tout au plus de l'équaleur, conserve en tout temps de la neige sur son sommet. » La limite des neiges éter- nelles, pour une latitude donnée, est la ligne des neiges qui résistent à l'été ; en d'autres termes , c'est la plus grande hauteur à laquelle celte ligne puisse re- monter dans le cours de l'année entière. Cette donnée doit être soigneusement distinguée des trois phéno- mènes suivants : l'oscillation annuelle de la limite infé- rieure des neiges, la chute de la neige sporadique, et la formation des glaciers, qui paraissent ne pouvoir exister ailleurs que dans les zones fi'oides et tempérées. Depuis les immortels travaux de Saussure, le phéno- mène des glaciers a été étudié, dans les Alpes, par Ve- netz et Charpentier, et surtout par Agassiz, dont la per- sévérance et l'intrépidité sont au-dessus de tout éloge. Nous connaissons bien la limite inférieure des neiges perpétuelles ; quant à leur limite supérieure, il ne peut pas en être question, car les cimes les plus hautes sont encore loin d'alteindre ces couches d'air raréfié qui, suivant une opinion très-probable de Bougner, ne contiennent plus de vapeui' vésiculaire cai)able d'engendrer des cristaux de glace, par le re- froidissement, et de prendre ainsi une forme visible. — 390 — La limite inférieure des neiges n'est pas uniquement une fonclion de la latitude géographique et de la température moyenne annuelle du lieu ; ce n'est ni à l'équaleur ni môme dans la zone inlorlropicale, comme on l'a cru longtemps, que colle limite par- vient à sa plus grande hauteur au-dessus du niveau de la mer. Le phénomène dont il s'agilest, en géné- ral, un effet très-complexe de la température, de l'état hygrométrique et de la forme des montagnes ; et si on le soumet à une analyse encore plus détaillée, ce que les observations récentes (1) permettent de faire aujourd'hui, on reconnaît qu'il dépend du concours d'un grand nombre de causes (elles que la différence des températures propres à chaque saison ; la direc- tion des vents régnants et leur contact, soit avec la mer, soit avec la terre; le degré habituel de séche- resse ou d'humidité des couches supérieures de l'at- mosphère; l'épaisseur absolue de la masse déneige qui est tombée ou qui s'est accumulée; le l'apport entre la hauteur de la limite inférieuie des neiges et la hauteur totale de la montagne ; la position relative de cette dernière dans la chaîne dont elle fait partie ; l'escarpement des versants; le voisinage d'autres cimes également couvertes de neige perpétuelle; l'étendue et la hauteur absolue des plaines au sein destpielles la cime neigeuse s'élève connue un pic isolé, ou sur la croupe d'une chaîne de montagnes. Il faut tenir conq)teeniin de la siluationde ces plaines au bord de la mer ou à l'intérieur des continents; il faut examiner si elles sont formées de forets ou de — 307 -- prairies, de marécages ou bien de sables arides et de grands blocs de rochers. Sous l'équaleur et en Amérique, la limite infé- rieure des neiges atteint la hauteur du Mont-Blanc de la chaîne des Alpes, puis elle baisse vers le tropique boréal ; les dernières mesures la placent 312 mè- tres environ plus bas, sur le plateau du Mexique, par 91" de latitude nord. Elle s'élève, au contraire, vers le tropique austral; car Pentland a trouvé que, sur la Cordillère maritime du Chili (de 14° | à 18" de latitude austiale), cette limite est de 800 mètres plus élevée que sous l'équateur, près de Quito, sur le Chimbo- razo, le Cotopaxi et lAntisana. Le docteur Gillies assure même que, par 33' de latitude australe, la limite des neiges élernelles se trouve comprise entre 4420 et 4580 mètres, sur les versants du volcan de Peuquenes. Lorsque le ciel est pur pendant Télé, la sécheresse extrême de l'atmosphère favorise à tel point l'évaporation de la neige, que le volcan d'Acon- cagua (au N. 0. de Yalparaïso, lat. 32' ~) a été vu complètement privé de neige; et pourtant sa hauteur dépasse de 4oO mètres celle duChimborazo , d'après les mesures de l'expédition du Beagle (2). Presque sur le même cercle de latitude boréale (de 30" ~ à 31°), sur le versant méridional de l'Hi- malaya, la limite des neiges est située à 3950 mè- tres de hauleui". En combinant, en conq>aiant des mesures exécutées , sur d'autres chaînes de mon- tagnes, on était arrivé à prévoir ce résultat que les mesures directes ont ensuite confirmé. Mais sur le — 398 — versant seplenlrional, placé sous l'influence du pla- teau thibélain, dont la hauteur moyenne paraît être de 3500 mètres, la limite des neiges éternelles re- monte plus haut, elle est par 40G8 mèli'es environ. Cette difléience a été lonj^temps controversée on Eu- rope et dans l'Inde, et j"ai moi-même consacré plusieurs écrits, depuis 1820, à développer mes vues sur ce sujet (3). 11 s'agissaitde l'un de ces grands faits naturels qui n'intéressent pas le physicien seul, car la hauteur des neiges éternelles a dû exercer une influence puis- sante sur les conditions d'existence des peuples primi- tifs. Presque toujours de simples donné(^s météorolo- giques ont déterminé, sui* de grandes étendues d'un même continent, ici la vie agricole, ailleurs la vie no- made. Comme la «pianlité de vapeur contenue dans l'at- mosphère augmente avec la température, il en résulte que cet élément doit varier suivant les heures de la journée, les saisons, les latitudes et les hauteurs. Nos connaissances sur Télément hygroinc'trique, qui joue un rôle si considéral)lc dans la ci(\ation oignni(]ue, ont sensiblement progressé depuis linlroduction d'un nouveau procédé de mesure où l'on trouve une ingénieuse application des idées de Dallon ci do l)a- niell, et dont l'emploi est promptemenl devenu géné- ral ; il suflil iant, et, par suite, la (juanlité de vapeur contenue dans l'at- mosjjhère. La température , la pression atmosphé- — 399 — rique et la direclion du vent ont d'intimes rap- ports avec riiumidité, dont le pouvoir vivifiant ne dépend pas uniquement de la quantité absolue de la vapeur dissoute dans les couches d'air , mais encore de la fréquence et du mode de précipitation de celte vapeur, soit qu'elle humecte le sol sous forme de rosée ou de brouillard, soit qu'elle tombe condensée en gouttes de pluie et en flocons de neige. D'après Dove (4) : « La force élastique de la vapeur d'eau, con- tenue dans l'almosphère de notre zone tempérée, est au maximum, parle vent de S. 0. et au minimum, par le vent de N. E. Elle diminue à l'ouest de la rose des vents ; elle va en augmentant, au contraire, dans la ré- gion orientale. En effet, du côté de l'ouest, un courant dair froid, pesant et sec, repousse le courant chaud, lé- ger et humide, tandis que, du côté opposé, c'est le se- cond courant qui refoule le premier. Le courant du S. 0. n'estqu'une déviation du courant équatorial, et le courant du N. E. est leseul courant polaiie régnant. » Si quelques contrées des tropiques où il ne lomi)e jamais de pluie ni de rosée sensibles, et dont le ciel reste compléiement pur de nuages pendant cinq et même pendant sept mois, nous offrent cependant un grand nombre d'arbres couverts d'une fraîche et gracieuse verdure, c'est sans doute que les parties appendiculaiies (les feuilles) possèdent la faculté d'ab- sorber l'eau de l'atmosphère par un acte particulier à la vie organique, indépendannnent de la diminution de tempéiature que le rayonnement produit. Les plaines aiides de Cumana, de Coro et de Geara (Bi ésil — iOO — sepleiUi'ioniil), que la [)lnic n'humecte jamais, con- Iraslent avecd'aulres régions des tropiques où l'eau du ciel tombe en abondance. A la Havane, par exemple, Ramonde la Sagra a conclu de six ansd'observalions qu'il tombe , année moyenne, 2701 millimètres de pluie, c'est-à-dire quatre ou cinq fois plus qu'à Paris et à Genève (5). Sur le versant de la chaîne des Andes, la quantité de pluie annuelle décroît comme la tem- pérature, à mesure que la hauteur augmente (6). Cal- das , un de mes compagnons de voyage dans l'Amé- rique du sud, a trouvé qu'à Santa-Fé de Bogota (haut- teur 2600 mètres), la quantité de pluie ne dépasse pas 1000 millimètres; ainsi elle y est moins abondante que sur certains points des côtes occidentales deTKu- rope. Boussingault a vu plusieurs fois, à Quito, l'hy- gromètre de Saussure rétrograder juscpi'à 26', par une température de 12 à 13". Gay-Lussac, lors de sa célèbre ascension aérostatique, a vu le même instru- ment de mesure marquer 23", 3 dans des couches d'air situées à 2100 mèties de hauteur. Mais la plus grande sécheressequi ai télé observée jusqu'ici, dans les plaines basses, est certainement celle qucGustave Rose, Ehren- berg et moi avons eu l'occasion de mesurer en Asie, entre les bassins de l'Irtysch et de l'Obi , dans la steppe d(' Platowskaïa. Le vent de sud-ouest avaitsoufllé long- temps do l'intérieur du continent ; la temp('rature al- mos[>h(''ri(pje étant de 23",?, nous trouvâmes que le point de rosée s'était abaissé à 4-°, 3 au-dessous de la glace. Ainsi, l'aime contenait plus que j*^ de vapeur d'eau (7). Dans ces derniers temps, quelques observa- — 401 — leurs ont élevé des don les sur la grande sécheresse que les mesures hygroniéliiques de Saussure et les miennes semblent indiquer i)our Tair des hautes ré- gions des Alpes et des Andes; mais on s'est borné à comparer l'atmosphère de Zurich h celle du Faulhorn, dont la hauteur ne peut passer pour considérable qu'en Europe seulement (8). Sous les tropiques, piès de la région où la neige commence à tomber, c'est-à- dire entre 3600 et 3900 mètres de hauteur, les plantes alpestres, h feuilles de myrte et à grandes fleurs, particulières aux Paramos, sont baignées d'une humi- dité presque perpéiuelle ; mais celle humidité ne prouve pas qu'il existe, à cette élévîition, une grande quantité de vapeurs ; elle prouve seulement que la précipitation se réitère souvent. On en peut dire au- tant des brouillards si communs sur le beau plateau de Bogota. Les couches de nua2fes se forment et se dissolvent plusieurs fois dans l'espace d'une heure, jeux rapides de l'atmosphère qui caractérisent ,en gé- néral, les plateaux et les Paramos de la chaîne des Andes. L'électricité de l'atmosphère se rattache par mille liens à tous les phénomènes de la distribution de la chaleur, à la pression, aux météores aqueux, et, se- lon toute vraisemblance, au magnétisme dont l'écorce superficielle du globe paraît être doué. Ces lapports intimes se révèlent, soit ([u'on considère rc'lecliicilé des basses régions de l'air où sa marche silencieuse vaiie par périodes encore problématiques, soit qu'on l'étudié dans les couches élevées, au sein des nuages — 102 — où réclair brille, où la foiulro éclate avec fracas. Elle exerce une influence puissante sur les deux règnes des plantes et des animaux, d'abord par les phéno- mènes météorologiques qu'elle fait naître , tels que la pi-é(ipila(ion des vapeurs aqueuses cl la formation de coinjiosés acides ou ammoniacaux, ensuite comme agent spécial excitant directement l'appareil ner- veux et les mouvements circulatoires des liquides organiques. Ce n'est point ici le lieu de renouveler d'anciens débats sur l'oi'iginede l'électricité qui se dé- veloppe dans l'atmosphère par un ciel serein. Nous ne rechercherons pas s'il faut attiibuer celte électricité à l'évaporalion des eaux impures, chargées de sels et de substances terreuses (9), h la végétation (10), aux nombreuses réactionschimiquesdonl le sol est le théâ- tre, à l'inégale répai'lilion de la chaleur dans les cou- ches aériennes (1 1 ', ou s'il Unit i-ecoui'ir à lingéni'nise hypothèse parlaquellePeltier explique l'électricité po- sitive de ralmosphère, en supposant au globe une charge constamu)entnégative(12). Au lieud'aborderce vastechampdediscussions, la description physique du monde doit partir des observations électroméliicines, telles que les fournit, par exemple, l'ingénieux ajtpa- reil éleclio-magnétique proposé par Colladon, pour reche)( her comment la tension de l'électricité posi- tive ci'oît avec la hauteur de la station et la rareté des arbres dans les contrées voisines (13: par quelles pé- riodes vaiieni le 11 ux et le rellux diurnes de lélcMlricité atniosphéiiques (d'après les recherches instituées à Dublin , par Clarke , ces périodes seraient moins — i03 — simples que celles dont j'avais, avec Saussure, re- connu l'existence); et comment la tension varie sui- vant les saisons, la distance à l'équateur, et la propor- tion locale de la surface des terres à celle de l'Océan. S'il est vrai de dire, en thèse générale, que l'équi- libre des forces électriques est sujet à des perturba- tions moins fréquentes, là où l'océan aéiien repose sur un fond liquide , que dans les atmosphères con- tinentales , il n'en est que plus frappant de voir, au sein des plus vastes mers, les plus petits groupes d'îles agir sur l'état électrique de l'atmosphère et provoquer la formation des orages. Souvent, dans de longues séries de recherches entreprises par un temps brumeux, ou lorsque la neige commençait h tomber, j'ai vu l'électricité atmosphérique, d'abord vitrée d'une manière permanente, passer subitement à l'électricité résineuse, et j'ai vu ces alternatives se reproduire, à plusieurs reprises, aussi bien dans les plaines des zones froides que sur les Paramos des Cordillères, entre 3200 et 4500 mètres de hauteur. Le phénomène était de tout point semblable h ceux qu'indiquent les élec- tromètres, quelque temps avant et pendant un orage (1-i). Chaque vésicule de vapour est entourée d'une petite atmos[)hère électrique; quand ces vésicules se ramassent et se condensent en nuages à contours déterminés, l'électricité de chacune d'elle se porte à la surface et contribue à faire croître la tension géné- rale sur renvelo[)pe extérieure (15). Les nuages d'un gris ardoisé sont chargés d'électricité résineuse , d'après les recherches de Peltier , à Paris , et les nuages blancs , roses ou orangés possèdent l'élec- li'icilé vitrée. Les nuages oi'ageux peuvent se for- mer h toute hauteur. Je les ai vus couronner les plus hautes cimes des Andes; j'ai même trouvé des traces de vitrification opérées par la foudre, sur l'un des rochers en forme de tour qui surplondjenl le cratère du volcan de Toluca, à 4600 mètres d'éléva- tion. De même, dans les plaines basses des zones tempérées, la hauteur de certains nuages orageux, mesurée dans le sens vertical, a été trouvée de 8000 mètres ^16). Mais aussi la couche de nuées qui recèle la foudre peut s'allaisser, et descendre quelquefois à 150 et même h 100 mètres du sol des plaines. Dans le travail le plus complet que nous possédions jusqu'ici sur une des branches les plus dc'Iicates de la météorologie, Arago distingue trois espèces de manifestations lumineuses ( les éclairs). II y a des éclairs en zig-zag dont les bords sont nettement ter- minés. D'autres éclairs sans formes définies illumi- nent le ciel; quand ils biillent, on dirait que la nue s'entr'ouvre pour leur livrer passage. Ceux de la troisième classe ressemblent à des globes de feu (17). A peine les premiers durent-ils ,„'q- de seconde; mais les éclairs globulaires sont beaucoup moins ra[iides, ils peuvent durer plusieurs secondes. Quelquefois, des nuages isolés, situ('S h une grande hauteur au-dessus de Ihorizon, deviennent lumineux sans que le ton- nerre se fasse enlcMidi'e et même sans aucune appa- rence d'orage. Cl* plK*noinène singulier persiste assez longtenqis ; il a ('h' signalé d'aboid par Nicholson et — 405 — l)îir Beccai'ia, dont les descriptions s'accordent par- faitement avec les observations plus récentes. On a vu aussi , en l'absence de tout symptôme d'orage , des gréions, des gouttes de pluie et des flocons de neige briller d'une lueur électrique. Indiquons en- fin , comme l'un des Irails les plus frappants de la distribution géographique des orages , le contraste singulier qu'offre la côte péruvienne où il ne tonne jamais, avec le reste de la zone des tropiques, oii presque chaque jour, à certaines époques de l'année, il se forme des orages, quatre ou cinq heures apics la culmination du soleil. Arago a recueilli, sur cette intéressante question , les témoignages d'un grand nondjre de navigateurs (Scoresby, Parry, Ross, Fran- klin) qui mettent hors de doute l'extrême rareté des explosions électriques, par les hautes latitudes boréa- les de 70" et de 75° (18). Nous ne terminerons pas la partie météorologique du tableau de la nature sans insister de nouveau sur l'étroite connexiléqui relieenti'c eux les phénomènes de l'atmosphère. Pas un des agents qui, connue la lumière, la chaleur, l'élasticité des vapeurs, l'élec- tricité, jouent dans l'océan aérien un rôle si considé- rable, ne peut faire sentir son influence, sans que le phénomène produit ne soit aussitôt modifié par l'inter- vention simultanée de tous les autres agents. Cette com- plication de causes perturbatrices nous reporte invo- lontairement h celles qui altèrent sans cesse les mouve- ments des corps célestes, et surtout ceux des corps à faible masse, qui se rapprochent beaucoup des centres — 306 — d'action principaux (les comètes, les satellites, les étoiles filanles). Mais ici la confusion des apparences devient souvent inextricable; elle nous ùte Tespéi-ance de parvenir jamais à prévoir, autremeut que dans des liiuiles fort restreintes, les changements de l'atmos- phère, dont la connaissance anticipée aurait tant d" in- térêt pour la cultuie des vergers et des champs, pour la navigation, le bien-être et les plaisirs des hommes. Ceux qui cherchent, avant tout, dans la météorologie, cette problématique prévision des phénomènes, se persuadent que c'est en vain que tant d'expéditions ont été entreprises, que tant d'observations ont été recueillies et discutées: pour eux, la météorologie n'a point fait de progrès. Ils refusent leur confiance a une science si stérile à leurs yeux, pour l'accorder aux phases de la lune ou à certains jours notés dans le ca- lendrier par d'anciennes superstitions. « 11 est rare qu'il survienne de grands écarts locaux dans la distribution des températures moyennes ; d'ordinaire, les anomalies se répartissent uniformé- ment sur degraiides étendues. L'écart accidenlel at- teint son maximum en un lieu déterminé, et décroît ensuite de part et d'autre de ce point, en allant vers certaines limites. Si l'on dépasse ces limites, on peut trouver de grands écarts en sens opposés. Seulement ils se produisent plus fréquemment du sud vers le nord, que de l'ouest vers l'est. A la fin de l'année 1829 (j'achevais alors mon voyage en Sibérie), le maxinmm de froid tomba sur Berlin , tandis que l'Amérique du nord jouissait dune chaleur insolite. C'est une — i07 — supposition tout à fait gratuite que d'espérer un été chaud à la suite d'un hiver rigoureux, ou un hiver doux après un été froid. » La variété, l'opposition même des conditions accidentelles de la température dans deux contrées voisines, ou sur deux continents producteurs de grains, est un bienfait, car il en résulte une sorte d'égalisalion dans les prix d'un grand nom- bre de denrées. On a justement remarqué que les indications du ba- romètre se rapportent à toutes les couches d'air si- tuées au-dessus du lieu d'observation (19), jusqu'aux limites extrêmes de l'atmosphère, tandis que celles du thermomètre et du psychromètre sont purement locales et ne s'appliquent qu'à la couche d'air voisine du sol. S'il s'agit d'étudier les modifications thermo- métriques ou hygrométriques des couches supé- rieures, il faut procéder à des observations directes sur les montagnes ou à des ascensions aérostatiques. Ces moyens directs manquent -ils? Il faut alors recourir à des hypothèses (pii puissent permettre d'employer le baromètre comme instrument de mesure pour la chaleur et l'humidité. Les phénomènes météorolo- giques les plus importants ne s'élaborent pas, en gé- néral, sur le lieu même où ils s'observent : leur oii- gine est ailleurs. Ordinairement ils débutent par une perturbation qui suivient au loin dans les cou- rants des hautes régions ; puis, de pi'oche en proche, l'air froid ou chaud, sec ou humide de ces courants déviés envahit l'atmosphère, en trouble ou en réta- blit la transparence, amasse les nua^^es aux ibrmes — 408 — lourdes et arrondies (cuinidiis), ou les divise et les disséiiiine en flocons légers comme le duvet [cïîtus). Ainsi la nuilliplicité des perlurbaiions se compli- que encore de réloignemenl des causes souvent in- accessibles, et j'ai peul-èlre eu raison de croire que la météorologie devait chercher son point de départ et jeter ses racines dans la zone tropicale, région pri- vilégiée, où les vents souillent constamment dans la même direction, où les marées atmosphériques, la marche des météores aqueux et les explosions de la foudre sont assujetties à des retours périodiques. Après avoir parcouru le cercle entier de la vie inor- ganique du globe terrestre, etavoir esquissé à grands traits la lorme extérieure de nolie planète, sa chaleur interne, sa tension électro-magnétique, les effluves lumineuses de ses pôles, son vulcanisme, c'est-à-dire la réaction de l'intérieur contre l'écorce solide, ses deux enveloppes, la mer et l'océan aérien, il semble que ce tableau soii achevé, et il le seiait, en effet, au poiiU de vue de la description physique du monde telle qu'on la concevait autrefois. Aujourd'hui nous proposons un but plus élevé à nos efforts : pour nous, le tableau de la nature serait privé de son plus vif at- trait, si loiganisation, avec les phases nondjreuscs de son déveloi)pement typique, en était exclue. La notion delà vie est tellement unie, dans toutes nos concep- tions, à celle des forces que nous voyons incessam- ment h l'œuvre dans la nature, soit pour créer, soit I — 409 — pour détruire, que les mythes des peuples primitifs ont toujours attribué à ces forces l'engendrement des plantes et des animaux , et présenté l'époque où la terre était inanimée et déserte comme celle du chaos primitif et de la lutte des éléments. Mais le do- maine des faits, de l'expérience , de l'observation, l'étude descriptive de l'état actuel de notre planète n'ont de place ni pour la recherche des causes pre- mières, ni pour les inabordables questions d'origine. Enchaînée h la réalité par l'esprit de modération de la science moderne, la description physique du monde reste étrangère, non par timidité, mais parla nature même de son objet et de ses limites, aux obscurs dé- buts del'histoire del'organisation (20)(icinousprenons le mot histoire dans son acception la plus usitée). Une fois ces réserves faites, la description physique du monde doit rappeler que tous les matériaux dont la charpente des êtres vivants est formée se retrouvent dans l'écorce inorganique de la terre. Elle doit mon- trer les végétaux et les animaux soumis aux mêmes les forces qui régissent les corps bruts, elsignalerdans combinaisons ou les décompositions de la matière, l'action des mêmes agents qui donnent aux tissus or- ganiques leurs formes et leurs propriétés : seule- ment ces forces agissent alors sous des conditions peu connues , que l'on désigne sous le nom vague de phénomènes vitaux, et que l'on a groupées systémati- quement d'après des analogies plus ou moins heu- reuses. C'est là ce qui légitime la tendance de notre esprit à poursuivre l'action des forces physiques jus- — 410 — que dans l'évoluliou des formes végétales, et dans celle des organismes qui portent en eux-mêmes le principe de leurs mouvements. C'est aussi là ce qui relie le tableau de la nature inorganique à celui de la réparlilion des êtres vivants à la surface du globe, c'est-à-dire, à la géographie des plantes et des ani- maux. Sans vouloir soulever ici de nouveaux débats sur les différences qui séparent la vie végétative de la vie animale, nous ferons d'abord remarquer que si la nature avait donné la puissance du microscope à nos yeux, et une transparence parfaite aux téguments des plantes, le règne végétal serait loin d'offrir l'as- pect de l'immobilité qui nous semble être un de ses attributs. A l'intérieur, le tissu cellulaire des orga- nes est incessamment parcouru et vivifié par les cou- rants les plus divers. Tels sont les courants de ro- tation qui montent et qui descendent, en se ramifiant, en changeant continuellement de direction ; on les observe dans les plantes aquatiques ( les naïades, les characées , les hydrocharidées), et dans les |)lantes terrestres phanérogames. Tel est le fourmillement moléculaire, découvert par le grand botaniste Robert Brown, et dont toute matière, pourvu qu'elle soit ré- duite à un état de division extrême, doit certaine- ment présenter quelques traces. Tel est le cou- rant gvratoire des globules du cambinm {njclose ) dans un système de vaisseaux pailiculiers. Indi(pi(^ns aussi les filets cellulaires qui s'articulent et s'enrou- lent en hélice, dans les anthéiidies du chara et dans — 411 — les organes reproduc leurs des hëpalhiques et des al- gues, filaments singuliers où Mayen, qui fut enlevé trop tôt aux sciences, croyait retrouver l'analogue des sperinalozoaires des animaux. Qu'on ajoute, à ces courants et à cette agitation moléculaire, les phéno- mènies de l'endosmose, de la nutrition et de la crois- sance des végétaux, ainsi que les courants formés par les gaz intérieurs, et l'on aura une idée des forces qui agissent, presque h notre insu, dans la vie en ap- parence si paisible des végétaux. Depuis l'époque où j'ai décrit, dans les Tableaux de la Nature, l'universelle diffusion de la vie sur la sur- lace du globe, et la distribution des formes organi- ques, soit en hauteur, soit en profondeur, la science a fait d'admirables progrès dans cette voie. Nous devons ces progrès aux belles découvertes d'Ehren- berg « sur la vie microscopique qui règne dans l'océan et dans les glaces des contrées polaires, » et nous les devons, non à d'heureuses inductions, mais à l'observation directe et à l'étude attentive des faits. Depuis cette époque, la sphère de la vie, disons mieux, l'horizon de la vie s'est élargi devant nous : « Près des deux pôles, là où de grands organismes ne pourraient plus exister, il règne encore une vie infi- niment petite, presque invisible, mais incessante. Les forn^es microscopiques recueillies dans les mers du pôle austral, pendant le voyage du capitaine James Ross, offrent une richesse toute [tarticulière d'orga- nisations iuconiuios jusqu'ici et souvent d'une élé- gance remarquable. Dans les résidus de la fonte des — il-2 — glaces qui llolleiit en blocs arrondis, par 78"10' de la- titude, on a trouvé plus de cinquante espèces de l)oly- gaslriques siliceux , et des coscinodiscjues dont les ovaires encore verts prouvent qu'ils ont vécu et lutté avec succès contre les rigueursd'un froid porté à l'ex- trènie. La soiide a puisé dans le goUé de lErebus, de- puis 403 jusqu'à o26 mètres de prolondeur, soixante- huit espèces de polygastriques siliceux et de phytoli- Iharia, accompagnés d'une seule espèce de polijllia- lamia à carapace calcaire. » De toutes les formes microscopiques dont l'obser- vation nous a jusqu'à présent révélé l'existence dans l'océan, les infusoires siliceux sont de beaucoup les plus abondants, quoique l'analyse chimique n'ait pas trouvé de silice parmi les éléments essentiels de l'eau de mer (d'ailleurs la silice ne pourrait exister dans l'eau qu'à l'état de simple mélange ou de sus- pension). Et ce n'est pas seulement en quelques points isolés, dans les mers intérieures ou près des côtes, que l'océan est ainsi peuplé de corpuscules doués de vie, invisil)les à l'œil nu ; le i)hénomène est général. Depuis les recheiches (jue Schayera faites en revenant de la terre de Van-Diémen, sur de l'eau pui- sée dans la mer, au sud du Cap de Bomie-Espérance (par 57° de latitude), et au milieu de la zone tropi- cale, dans l'Océan Atlantique, on peut considérer comme (U'-montré que la mer, dans son ('tat nor- mal, en Tabsence de toute coloration acciden telle, contient d'innombrables organismes niicroscopiques tout à fait distincts des filaments siliceux du i;eni(' \ — 413 — chœtoceros, llotianl ii lélal fragmonlaire comniolos oscillatoires de nos eaux douces. Quelques polygaslri- ques que l'on a rencontrés mêlés avec du sable et des excréments de pingoins dans les îles Cockburn, pa- raissent être répandus par toute la terre ; d'autres es- pèces appartiennent aux deux régions polaires (21). C'est donc la vie animale qui domine dans l'éter- nelle nuit des profondeurs océaniques, tandis que la vie végétale, stimulée par l'action périodique des rayons solaires, est plus largement répandue sur les continents. La masse des végétaux est incomparable- ment plus grande que celle des animaux. Les grands cétacés, les lourds pacbydermes réunis formeraient une masse insignifiante à côté des troncs d'arbres gi- gantesques, de 3 à 4 mètres de diamètre, qui remplis- sent une seule région boisée de l'Amérique du Sud, comme celle qui s'étend entre l'Orénoque, la rivière des Amazones et le Rio da Madeira. S'il est vrai que le caractère de chaque contrée dépende à la fois de tous les détails extérieurs, si les contours des monta- gnes, la physionomie des plantes etdesanimaux, l'azur du ciel, la figure dos nuages, la iransparoncc del'at- mosphère, concourent à produire ce que l'on peut nommer l'impression totale ; il faut reconnaître aussi que la païuie végétale dont le sol se couvre est la déterminante principale de cette impression. Les formes animales ne sont point aptes à produire les grands ell'ets d'ensemble ; d'ailleurs les individus mêmes, en vertu de leur mobilité propre, se dérobent le plus souventh nos ivgards. Au contraire, la création — 41i — végôlale frappe riniagination par lampleur do ses formes toujours présentes : ici, la niasse annonce l'ancienneté, et, par un privilège unique, l'ancien- neté s'y allie à l'expression d'une force toujouis re- nouvelée (22). Dans le règne animal (cette dcinièro considération ressort encore des découvertes d'Eliren- berg), ce sont précisément les animalcules microsco- piques qui, par leur prodigieuse fécondité (23), occu- pent et remplissent les plus grandes étendues. Les plus petits infusoires, les monadines, dont le diamètre no dépassse pas la 1 500' partie d'un millimètre , forment des couches vivantes de plusieurs mètres d'épaisseur sous le sol des contrées humides. Chaque zone possède le don de nous présenter, sous une face particulière, la diffusion de la vie à la sur- face du globe; mais nulle pail l'impression (pte îîous en recevons n'est aussi puissante que sous léquateur, dans cette patrie des palmiers, des bambous, des fou- gères arborescentes, où, des bords d'une mer remplie de mollusques et de coraux, le sol s'élève jusqu'à la région dos neiges éternelles. Les êtres vivants, dans leur distribution générale , ne sont arrêtés ni |)ai- la hauteur, ni par la profondeur. Ils descendent dans l'intérieur de la terre, à la faveur des grandes exca- vations et des fouilles pratiquées par le mineur; ils s'insinuent momc dans les cavernes naturelles formées de toutes i)aits, où les eaux mé'iéoiicjuos paiaissont seules avoii" accès. L'explosion de la [tondre ayant entr'ouvert une de ces cavernes , j'en ai tiouvé les parois recouvertes de slalaciiles blanches connue la — 415 — neige, sur lesquelles une nsnea avait dessiné ses dé- licats réseaux. Des podurelles s'introduisent dans les puits des glaciers du Mont-Rosa, du Grindelwald et de l'Aar supérieur; la chionœa araneoïdes décrite par Dalman, la discerea nivalis microscopique (autrefois nommée prolococcus) vivent dans les neiges polaires comme dans celles de nos hautes montagnes. La cou- leur rouge que prend la neige ancienne (24) avait déjà été remarquée par Aristote, sans doute sur les monts de la Macédoine. Sur les hautes cimes des Alpes suis- ses, quelques rares lecidea, des parmelia , des iimbi- licaria coloient à peine les roches dépouillées de neige, tandis qu'on voit encore de beaux phanérogames , le culcitium rufescens laineux, la sida pichinchen- sis, la saxifî^aga Boussingaulti , fleurir isolément sur les Andes tropicales, cà 4550 et même h 4680 mè- tres au-dessus du niveau de la mer. Les sources thermales contiennent de petits insectes ( hydroporm Ihermalis) , des galionelles, des oscillaires et des conferves; leurs eaux nourrissent le chevelu des ra- cines de végétaux phanérogames. Mais la vie ne se développe pas seulement sur la terre, dans l'eau et dans l'air: elle envahit encore jusqu'aux parties in- ternes les plus variées des animaux. Il y a des animal- cules dans le sang de la grenouille et dans celui du saumon. D'après Nordmann, les humeurs de l'œil des poissons sont rréquemmeiil remplies d'une espèce de vers armés de suçoiis [diploslomum). Le même natu- raliste a découvert, dans les ouïes de Table, un singu- lier animalcule double [diplozoon paradoxon), muni — .i-iO — (le deux lûtes et de deux extrémités caudales, en sorte que son développement complet s'opère dans deux directions croisées. Quoique l'existence des prétendus infusoires mé- téoriques ne fasse même plus l'objet d'un doute, on ne saurait néanmoins refuser d'admettre que des in- fusoires ordinairespuissent ètreenlevés passivement, par les vapeurs ascendantes, jusque dans les hautes régions de l'air, de manière à flotter quelque temps dans l'atmosphère et à retomber ensuite sur le sol conmie le pollen annuel des pins (25). Cette considé- ration est capitale i^our l'antique querelle de la géné- ration spontanée (26); elle mérite d'autant mieux d'être prise en sérieuse considération , qu'elle peut s'étayer d'une découverte d'Ehrenberg dont j'ai déjà parh*. Les navigateurs rencontrent souvent, à la hauteur des îles du cap Vert, et même à 380 milles marins de la cote d'Afrique, une pluie de poussière fine qui trouble la transparence de l'air comme le ferait un brouillard : or, cette poussière contient les débris de dix-huit espèces d'infusoires polygastriques à ca- rapaces siliceuses. La géographie des plantes et des animaux peut être envisagée au point de vue de la variété et du nombre relatif des formes typiques; elle recherche alors le mode de dislribulion dans l'espace des genres et des espèces. Llle peut encore être étudiée par rapport au nond)re des individus dont chaque espèce se compose sur une surface donnée. Sous ce dernier poiiK de vue, il est essenlii'l dodislinguer, jtour les plantes comme — 4J7 — pour les animaux, entre la vie isolée el la vie sociale. Les espèces auxquelles j'ai donné le nom de plantes sociales (27) recouvrent uniformément de grandes étendues; à ces espèces appartiennent un grand nom- bre de plantes marines, les cladonies et les mousses qui croissent dans les steppes de l'Asie septentrio- nale ; les gazons el les cactées qui croissent réunis comme les tuyaux d'un orgue ; les avicennia et les mangles dans les régions tropicales ; les forêts de co- nifères et de bouleaux sur le littoral de la Baltique et dans les plaines de la Sibérie. Ce mode spécial de dis- tribution géographique, joint au port des végétaux , à leur grandeur, à la forme des feuilles et des fleurs, constitue le trait principal du caractère d'une con- trée (28). La vie animale, malgré sa variété et son ap- titude à faire naître en nous des sentimentsde sympa- tliieou derépulsion, est, nous le répétons, d'un aspect trop mobile et trop insaisissable pour influer bien puissamment sur la physionomie d'un pays : elle lui reste presque étrangère. Les peuples agriculteurs ac- croissent artificiellement le domaine des plantes so- ciales; ils donnent ainsi l'aspect d'une nature uniforme à des régions entières des zones tempérées et de la zone boréale ; par leurs travaux, ils font disparaîtieles plantes sauvages, mais ils en propagent d'autres à leur insu, car ceitaines plantes suivent l'honmie jusque dans ses migrations lointaines. La zone tropicale ré- siste avec j)lus d'énergie à ces efforts qui tendent impérieusement à modifier l'ordre étahli dans la création. — il8 — L'idée d'une distribution régulière des formes vé- gélnles dut nnlurellemeut se présenter aux premiers voyageurs qui purent parcouiii'ra])idenirnt dévastes régions et gravir les montagnes où les climats se trouvent superposés romme par étages. Tels fureni, en eiret , les premiers essais dune science dont le nom même était encore h créer. Les zones ou ré- gions végétales que le cardinal Bembo avait distin- guées dans sa jeunesse sur les flancs de lEtna (29) , Tonrnefort les letrouva sur le mont Ararat. Plus tard,Touinefort('omj)ara la floi'edesÂlpes avec celles des plaines situées sous dilléientes latitudes; il mon- tra connnenlla distribution des végétaux est réglée par la hauteur du sol au-dessus du niveau de la mer, ou pai' la distance au pôle, quand ils'agil des plaines. Menzel , dans une flore inédite du Japon, émit par hasard le nom de Géographie des piaules. Le même nom se retrouve encore dans les Eludes de la Naltire, de Bernardin de Saint-Pierre, œuvre d'imagination, il est vrai, mais d'une imagination vive et brillante. C'c'laitti'oppeu: pour(pie la géogiaphie des plantes prît rang parmi les sciences, il lallail que la doctiincdc la distribution géographicjue de la chaleur fut fondée et qu'ellepûtètre rapprochéede celledes végétaux; il fal- lait cncorequ'une classification inivfami/les nalureiles permît de distinguer les formes qui se multiplient, de celles (jui deviennent plus laies, à mesui-e (jue l'on avance d(î r<''(piateur vers les pôles, etdelixerles rapports numéiiques que chacpie famille pii'sente, dans chaque contr<'e, avec la masse entière des j)Iia- — 419 — nérogames de la même région. Je compte au nombre des circonstances les plus heureuses de ma vie, qu'à l'époque où mes vues étaient spécialement tournées vers la botanique , mes recherches aient pu em- brasser en même temps les éléments essentiels d'une nouvelle science, et qu'elles aient été si puissam- ment favorisées par l'aspect d'une nature grandiose où tous les contrastes climatologiques se trouvent réunis. La distribution géographique des animaux, sur la- quelle BulTon a émis, avant tout autre, des vues géné- rales presque toujours justes, a été étudiée d'unr^ uîa- nière plus complète , dans ces derniers temps, grâce aux progrès récents de la géographie des plantes. Les courbures des lignes isotheimes, des lignes isochi- mènes surtout, se manifestent vers les limites que certaines espèces végétales et certains animaux à de- meui'es fixes dépassent rarement, soit vers les pôles, soit vers lesommet des montagnes couvertes de neige. Ainsi l'élan vildans la péninsule Scandinave, sous une latitude plus boréale de 10" que dans l'intérieur de la Sibérie , où les lignes d'égale tempéra lure moyenne del'hiver affectent une forme concave si fra})- pante. Les plantes éinigrent en germe : les graines d'espèces nombreuses sont munies d'organes paiticu- liers qui leur permettent de voyager, àtravers l'atmo- sphère ; la graine, une fois fixée, dépend du sol et de l'air ambiant. Les animaux, au contraire, étendent à leur gré le cercle de leurs migrations, de l'équateur aux pôles ; mais ils retendent surtout du côté où les — i2() — lignes isotlicnucs se voûtent, el où des étés chauds suc- cèdent aux hivers rigoureux. Le tigre royal, par exemple, de tout point identique à celui de llnde Orientale , fait chaque été des incursions dans le nord de l'Asie, jusque sous les lalit.ides de Berlin et de Handjourg. Ce fait a été développé dans un autre ouvrage par M. Ehrenberg et par moi (30). D'après tout ce que j'ai vu de la terre, dans mes voyages, l'association des espèces végétales, désignée d'ordinaire sous le nom de Flore, ne me paraît pas manifester la prédominance de certaines familles, de manière à permeltie d'assigner géographicjuement la région des ombellacées, la région des solidaginées, celle des labiatées ou desscitaminées. Mes vues per- sonnelles diffèrent, sur ce poini, de celles de plusieurs de mes amis, botanistes distingués de rAliemagne. Ce qui caractérise, à mon avis, les ilores du pla- teau du Mexique, de la IVouvelle- Grenade et de Quito, celles de la Russie d'Europe et de l'Asie sep- tentrionale , ce n'esL-pas la supériorité numérique des cspç'ces dont la réunion constitue une ou deux familles: ce sont les rapports bien autrement com- plexes qui naissent de la coexistence d'un grand uom])re de familles, et de la quantité relative de leurs espèces. Sans doute les graminées et les cypéracées prc'dominent dans les prairies et dans les steppes, tout commelosarbi-es à racines pivotantes, les cupnli- fères et les béliiliiu'es ri'gncnt dans nos forèls du Nord. Mais cette |)r<''(lominance de certaines formes estpuremrnt npiinrcnlc: cCst une déception pioduite \ — 421 — par l'aspect particulier aux plantes sociales. Le nord de l'Europe et la zone sibérienne, située au nord de l'Altaï, ne méritent pas plus le titre de régions des graminées et des conifères, que les immenses Lia- nes (entre l'Orénoque et la chaîne de Caracas) et les forêts de pins du Mexique. C'est par l'association des. formes végétales , lesquelles peuvent se remplacer en partie l'une l'autre, c'est par leur importance numé- rique relative et leur mode de groupement, que la nature végétale revêt à nos yeux le caractère de la variété et de la richesse, ou celui de la pauvreté et de l'uniformité. Après avoirpris la cellule simple (31), cette première manifestation de la vie, pour point de départ de ces considérations rapides sur les phénomènes de l'orga- nisation , j'ai dû remonter à des formes de plus en plus élevées dans la série ascendante des êtres. « Quel- ques granulations mucilagineuses produisent, en se juxtaposant, un cyioblasle de figure déterminée, au- tour duquel un sac membraneux vient se former plus tard et constiteur définitivement la cellule close et isolée. » Ce premier travail de l'organisation peut avoir été provoqué par la production antérieure d'une autre cellule déjà formée (32), ou bien l'évolu- tion originelle de la cellule est cachée dans l'obscurité d'une réaction chimique analogue à la fermentation (jui engendre les filaments byssoïdes de la levure. Mais bornons-nous à toucher légèrement le mystère par lequel la vie apparaît sur la terre : la géographie des êtres organisés ne traite que des germes dc'jà dé- — 4à2 — veloppës ; elle détermine la pairie qu'ils adoptent el les régions où ils sont conduits par des influences ex- térieures; elle recherche leurs rapports numériques; en un mot, se l)orne à décrire leur distribution génc'- rale à la surface du globe. Le tableau général de la nature que j'essaie de dres- ser serait incomplet , si je n'entreprenais de décrire ici également, en quelques traits caractéristiques, V espèce humaine considérée dans ses nuances physi- ques, dans la distribution géographique de ses types contemporaius, dans l'influence que lui ont fait su- bir les forces terrestres , et qu'à son tour elle a exer- cée, quoique plus faiblement, sur celles-ci. Soumise, bien qu à un moindie degré que les plantes et les ani- maux, aux circonstances du sol et aux conditions météorologiques de l'atmosphère , par l'activité de l'esprit, par le progrès de l'intelligence qui s'élève peu à peu, aussi bien que par cette merveilleuse flexibi- lité d'organisation qui se i)lie à tons les( limais, iioli-e espèce échappe })lus aisément aux }>uissances de la nature; mais elle n'en participe pas moins d'une ma- nière essentielle à la vie qui anime nolie globe (ont entier. C'est par ces secrets rapports que le problème si obscm-el si controversé de la possibilité d'ime ori- gine commune |)onr les dillérentcs races humaines, rentre dans la sphèie d'idées (pi'endMasse la desci'ip- tion physicpic du monde. L'examen de ce problème manjuera, si je i)uis m'exprimer ainsi, d'un intérêt — 423 — plus noble , de cet intérêt supérieur qui s'attache à l'humanité, le but final de mon ouvrage. L'immense domaine des langues, dans la structure si variée des- quelles se réfléchissent mystérieusement les aptitudes des peuples, confine de très-près à celui de la parenté des races ; et ce que sonl capables de produire même les moindres diversités de race, nous l'apprenons par un grand exemple, celui de la culture intellectuelle si diversifiée de la nation grecque. Ainsi les questions les plus importantes que soulève l'histoire de la civi- lisation de l'espèce humaine , se rattachent aux no- tions capitales de l'origine des peuples, de la parenté des langues, de l'immutabilité d'une direction pri- mordiale tant de l'àme que de l'esprit. Tant que l'on s'en tint aux extrêmes dans les va- riations de la couleur et de la figure, et que l'on se laissa prévenir à la vivacité des piemières impres- sions, on fut porté à considérer les races, non comme de simples variétés , mais comme des souches hu- maines , originairement distinctes. La permanence de certains types (33), en dépit des influences les plus contraires des causes extérieui'es, surtout du climat, semblait favoriser cette manière de voir , quelque courtes que soient les périodes de temps dont la con- naissance hisloi'iciue nous est parvenue. Mais, dans mon opinion, des raisons [)!us puissantes militent en laveur de T unité de l'espèce humaine, savoir, les nom- breuses gradations (34) de la couleur de la peau cl de la structure du crâne , que les progrès rapides de la science géographique ont lait connaître dans les temps ri I modernes; ranalogie que suivent, ens'allérant, tlau- Ires classes d'animaux, tant sauvages que privés ; les observations positives que l'on a recueillies sur les limites prescrites à la fécondité des métis (35). La plus grande partie des contrastes dont on était si frappé jadis s'est évanouie devant le travail approfondi de Tiedemannsur le cerveau des Nègres et des Européens, devant les recherches anatomiques de Vrolik et de Weber sur la configuration du bassin. Si l'on endjiasse dans leur généralité les nations africaines de couleur foncée, sur lesquelles l'ouvrage capital de Prichard a répandu tant de lumières, et si on les compare avec les tribus de l'archipel méridional de l'Inde et des îles del'Australieoccidentale, avec les Papous et les Alfou- rous (Ilarafores, Endamènes), on aperçoit claiiement que la teinte noire de la peau, les cheveux crépus, et les trails de la physionomie nègre sont loin d'être toujours associés (36). Tant qu'une (\iible partie de la terre fut ouverte aux peuples de l'Occident, des vues exclusives dominèrent parmi eux. La chaleur brû- lante des tropi(]ues et la couleur noire du teint sem- blèrent inséparables. « Les Élliiopiens , » chaulait l'ancien poêle tragique Théodectes de Phaselis (37), « doivent au dieu du soleil, qui s'approche d'eux dans sa course, le sombre éclat de la suie dont il colore leui's corps. » Il fallut les conquêtes d'Alexandre, (jui éveillèient tant d'idées de géographie i)liysi(pie;, pour engager le débat relatif à cette problémati(iue in- fluence des climats sur les races d'hommes. «Les fa- milles des animaux et des plantes, » dit un des plus I — 425 — grands analomistcs de notre âge, Jean Mûller, dans sa Physiologie de l'honimc, « se modifient durant leur propagation sur la face de la terre, entre les limites qui déterminent les espèces et les genres. Elles se perpétuent organiquement comme types de la varia- lion des espèces. Du concours de différentes causes, de diflerentes conditions , tant intérieures qu'exté- rieures, qui ne sauraient être signalées en détail, sont nées les races présentes des animaux; et leurs variétés les plus frappantes se rencontrent chez ceux qui ont en partage la faculté d'extension la plus con- sidérable sur la terre. Les races humaines sont les formes d'une espèce unique, qui s'accouplent en res- tant fécondes, et se perpétuent par la génération. Ce ne sont point les espèces d'un genre ; car, si elles l'é- taient, en se croisant, elles deviendraient stériles. De savoir si les races d'hommes existantes descendent d'un ou de plusieurs hommes primitifs, c'est ce qu'on ne saurait découvrir par l'expérience (38). » Les recherches géographiques sur le siège primor- dial , oîi, comme on dit , sur le berceau de l'espèce humaine, ont dans le fait un caractère purement my- thique. « Nous ne connaissons, » dit Guillaume de Humboldt, dans un travail encore inédit sur la diver- sité des langues et des peuples, « nous ne connaissons ni historiquement;, ni par aucune tradition cerlaine, un moment où l'espèce humaine n'ait pas été séparée en groupes de peuples. Si cet élat de choses a existé dès l'origine , ou s'il s'est produit plus tard, c'est ce qu'on ne saurait décider par l'hisloire. Des légendes 28 — 426 — isolées se retrouvant sur des points très-divers du globe , sans communication apparente, sont en con- tradiction avec la première hypothèse, et font descen- dre le genre humain tout eulier d'un couple unique. Cette tradition est si répandue, qu'on l'a quelquefois regardée comme un anti(|ue souveuir des hommes. Mais cette circonstance même prouverait plutôt qu'il n'y a là aucune transmission réelle d'un fait , aucun fondement vraiment historique, et que c'est tout sim- plement l'identité de la conception humaiue, qui par- tout a conduit les hommes à une explication sendjla- ble d'un phénomène identique. Un grand nombre de mythes, sans liaison historique les uns avec les autres, doivent ainsi leur ressemblance et leur origine à la parité des imaginations ou des réflexions de l'esprit humain. Ce qui montre encore dans la tradition dont il s'agit lecaractère manifeste de la fiction, c'est qu'elle prétend expliquer un phénomène en dehors de toute expérience , celui de la première origine de l'espèce humaine, d'une manière conforme à l'expérience de nos jours; la manière, par exemple, dont, à une épo- que oii le genre humain tout entier compilait déjà des milliers d'années d'existence , une île déserte ou un vallon isolé dans les montagnes peut avoir été peuplé. En vain la pensée se plongerait dans la méditation du problème de celte première origine; l'honnue est si étroitement lié à son espèce et au teuqis, que Ion ne saurait concevoir un être humain venant au monde sans une iàmille déjà existante , et sans un [>assé. Cette question donc ne pouvant être résolue ni par la — 427 — voie du raisonnement ni par celle de l'expérience , faut-il penser que l'élat primitif, tel que nous le dé- crit une prétendue tradition, est réellement histo- rique , ou bien que l'espèce humaine , dès son prin- cipe, couvrit la terre en forme de peuplades? C'est ce que la science des langues ne saurait décider par elle- même , comme elle ne doit point non plus chercher une solution ailleurs pour en tirer des éclaircissements sur les problèmes qui l'occupent. » L'humanité se distribue en simples variétés, que l'on désigne par le mot un peu indéterminé de races. De môme que dans le règne végétal, dans l'histoire naturelle des oiseaux et des poissons, il est plus sûr de grouper les individus en un grand nombre de fa- milles, que de les réunir en un petit nombre de sec- lions embrassant des masses considérables ; de même, dans la détermination des races, il me paraît préfé- rable d'établir de petites familles de peuples. Que l'on suive la classification de mon maître Blumenbach en cinq races (Caucasique, Mongolique, Américaine, Ethiopique et Malaie) , ou bien qu'avec Prichard on reconnaisse sept races (39) (Iranienne, Touranienne, Américaine , des Holtentots et Bouschmans , des Nè- gres, des Papous et des Alfourous), il n'en est pas moins vrai qu'aucune différence radicale et typique, aucun principe de division naturel et rigoureux ne régit de tels groupes. On sépare ce qui semble former les extrêmes de la ligure et de la couleur, sans s'in- quiéter des familles de peuples qui échappent à ces grandes classes et que l'on a nommées , tantôt races — 428 — scylhiques,taiuùl races allophyliques. Iraniens est ^ à la vérité , une dénoininatiou mieux choisie pour les peuples (l'Europe que celle de Caucasiens; et pour- tant il faut bien avouer que les noms géograpl)i(]ues, pris comme désignalions (ie races, sont extrêmement indéterminés , surtout quand le pays qui doit donner son nom à telle ou telle race se trouve, comme le Touranou Mawerannahr, par exemple, avoir été ha- bité , à différentes époques (40) , par les souches de peuples les plus diverses, d'origine indo-germanique et iinnoise, mais non pas mongolique. Les langues, créations intellectuelles de l'humanité, et qui tiennent de si près aux premiers déveloi)pe- ments de Tesprit, ont, par cette empreinte natio- nale ([u'elles portent en elles-mêmes, une haute im- portance pour aider à reconnaître la ressemblance ou la dilférence des races. Ce qui leur donne celte im- poi'tance, c'est que la communauté de leur origine est un fd conducteur, au moyen duquel on pénètre dans le mystérieux labyrinthe, où l'imion des dispo- sitions ))hysiques du corps avec les pouvoirs de l'in- telligence se manifeste sous mille formes diverses. Les remarquables progrès que l'étude pliiloso[>hi(jue des langues a faits en Allemagne depuis moins d'un demi-siècle , facilitent les recherches sur leur carac- tère national (U), sur ce qu'elles paraissent devoir à la ])arenté des peuples qui les [>ailenl. Mais, comme dans toutes les sphères de la spéculation idéale, à côté de l'espoir d "un butin liche et assuré, est ici le dan- ger des illusions si iié(|uentes en pareille matière. — i20 — Des ôliulcs ethnographiques positives, sontemies par une connaissance approfondie de l'histoire, nous apprennent qu'il faut apporter de grandes précau- tions dans cette comparaison des peuples et des lan- gues dont ils se sont servi à une époque déterminée. La conquête, une longue habitude de vivre ensemble, r influence d'une religion étrangère , le mélange des races, lors même qu'il aurait eu lieu avec un petit nombre d'immigrants plus forts et plus civilisés , ont produit un phénomène qui se remarque à la fois dans les deux continents , savoir, que deux familles de langues entièrement différentes peuvent se trou- ver dans une seule et même race ; que, d'un autre côté, chez des peuples très-divers d'origine peuvent se rencontrer des idiomes d'une même souche de lan- gues. Ce sont les grands conquérants asiatiques qui, par la puissance de leurs armes , par le déplacement el le bouleversement des populations, ont surtout contribué à créer dans l'histoire ce double et singu- lier phénomène. Le langage est une partie intégrante de l'histoire naturelle de l'esprit; et bien que l'esprit, dans son heureuse indépendance, se fasse à lui-même des lois qu'il suit sous les influences les plus diverses, bien que la liberté qui lui est propre s'efforce constamment de le soustraire h ces influences, pourtant il ne sau- rait s'affranchir tout à fait des liens qui le retiennent à la terre. Toujoui's il reste qu<'l({ue chose de ce que les dispositions naturelles empruntent au sol, au cli- mat, à la sérénité d'un ciel d'azur, ou au sombre as- — 430 — ppcld'une atmosphère cliargëe de vapeurs. Sansdoiile la richesse et hi grâce dans la structure d'une langue sont l'œuvre de la pensée, dont elles naissent comme de la fleur la plus délicate de l'esprit ; mais les deux sphères de la nature physique et de l'intelligence ou du sentiment n'en sont pas moins étroitement unies l'une à l'autre; et c'est ce qui fait que nous n'avons pas voulu ôter à notre tableau du monde ce que pou- vaient lui communiquer de coloris et de lumière ces considérations , toutes rapides qu'elles sont , sur les rapports des races et des langues. En maintenant l'unité de l'espèce humaine, nous rejetons, par une conséquence nécessaire, la distinc- tion désolante de races supérieures et de races infé- rieures (4-2). Sans doute il est des familles de peuples pins susceptibles de culture, plus civilisées, plus éclairées ; mais il n'en est pas de i)lus nol)les que les autres. Toutes sont également faites pour la liberté, pour cette liberté qui , dans un état de société peu avancé, n'appartient qu'à l'individu; mais qui , chez les nations appelées à la jouissance de véritables ins- titutions politiques, est le droit de la communauté tout entière. « Une idée qui se révèle à travers l'his- toire en étendant chaque jour son salutaire empire, une idée qui, mieux que toute autre, prouve le fait si souvent contesté, mais plus souv(Uit encore mal compris, de la |)('rfectibilité généi'aledor(Spèce, c'est l'idée de Thumaiiité. C'est elle qui tend à faire tom- ber les barrières que des préjugés et des vues inté- ressées de toute sorte ont élevées entre les hommes , — 43 1 - et à faire envisager l'humanité dans son enseml)le, sans distinction de religion, de nation, de couleur, comme une grande famille de frères, comme un corps unique, marchant vers un seul et même but, le libre développement des forces morales. Ce but est le but final, le but suprême de la sociabilité, et en même temps la direction imposée à l'homme par sa pro- pre nature, pour l'agrandissement indéfini de son existence. Il regarde la terre , aussi loin qu'elle s'é- tend; le ciel, aussi loin qu'il le peut découvrir, illu- miné d'étoiles, comme son intime propriété, comme un double champ ouvert à son activité physique et intellectuelle. Déjà l'enfant aspire à franchir les mon- tagnes et les mers qui circonscrivent son étroite de- meure ; et puis, se repliant sur lui-même comme la plante, il soupire après le retour. C'est là, en effet, ce qu'il y a dans l'homme de touchant et de beau, cette double aspiration vers ce qu'il désire et vers ce qu'il a perdu ; c'est elle qui le préserve du danger de s'at- tacher d'une manière exclusive au moment présent. Et de la sorte , enracinée dans les profondeurs de la nature humaine, commandée en même temps par ses instincts les plus sublimes, cette union bienveil- lante et fraternelle de l'espèce entière devient une des grandes idées qui président à l'histoire de l'hu- manité (43). » Qu'il soit permis à un frère de terminer par ces paroles, qui puisent leur charme dans la profondeur des sentiments, la description générale des phéno- mènes de la nature au sein de l'univers. Depuis les — i32 — nébuleuses lointaines, et depuis les étoiles doubles circulant dans les cieux, nous sommes descendus jusqu'aux corps organisés les plus petits du règne ani- mal, dans la mer et sur la terre; jusqu'aux germes délicats de ces plantes qui tapissent la rocbe nue , sur la pente des monts couronnés de glaces. Des lois connues partiellement nous ont servi à classer tous ces phénomènes; d'autres lois, d'une nature plus mys- térieuse , exercent leur empire dans les régions les plus élevées du monde organique, dans la sphère de l'espèce humaine avec ses conformations diverses, avec l'énergie créatrice de l'esprit dont elle est douée, avec les langues variées qui en sont le produit. Un tableau physique de la nature s'arrête à la limite où commence la si)hère de l'intelligence, où le regaid plonge dans un monde dilTérenl. Cette limite, il la marque et ne la franchit point. — a>045=» NOTES. On a supprimé le chiffro des centaines dnns les numéros d'ordre des renvois; celte suppression n'occasionnera point d'incertitude, attendu que le numéro du renvoi est toujours accompagné de celui de la page correspondante. NOTES. (1) [page 6]. Cette expression est tirée d'une belle descrip- tion de foret qui se trouve dans Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre. (2) [page 9]. Ces comparaisons ne sont qu'approximatives; en voici les éléments exacts, c'est-à-dire les hauteurs au-dessus du niveau de la mer : Le Sclmeckoppe ou Riesenkoppe en Silésie, 1606 mètres, d'après Hallaschka ; le Rigi , 1799 m., en admettant 435 m. pour la hauteur de la surface du lac des Quatre Cantons (Esch- mann, Compte rendu des mesures trigonométriques en Suisse, 1840, p. 230); le mont Alhos, 2065 m., d'après le capitaine Gaultier; le mont Pilate, 2300 m.; l'Etna, 3314 m., d'après le capitaine Smyth (cette hauteur est de 3315 d'après une mesure barométrique de sir John Herschel , que ce savant vou- lut bien me communiquer par écrit en 1825 , et de 3322 m,, d après les angles de hauteur mesurés par Cacciatore à Pa- ïenne, et calculés en admettant 0,076 pour la valeur de la ré- fraction terrestre); le Schreckhorn, 4079 m.; la Jungfrau, 4181 m., suivant Trallos , le Mont-Blanc, 4808 m., d'après diverses mesures discutées par Roger {Bibl. univ., mai IH28, p. 24-53), 4795 m., d'après les mesures prises du mont Co- lombier, en 1821 , par Carlini , et 4800 m., suivant les ingé- nieurs autrichiens (juionlopéré à Trélod et sur le glacierd Ani- ))in. La hauteur effective des montagnes de la Suisse varie — 436 — (1 environ 7 m., suivant Eschmann , à cause de lépaisseiir va- riable (le la couche de neige qui en recouvre les sommités; le Chimborazo, 6o29 m., d'après mes mesures trigononiolri- ques (Humboldt, Recueil d'obs. astr., 1. 1, p. lxxhi;; le Dhawa- lagiri, 8ooG m. Comme il se trouve une différence de 136 m. entre les déterminations de Blakc et celles de Webb, il faut re- marquer ici que Ton ne saurait accorder la même confiance à la mesure du Dhawalagiri (montagne blanche, d'après le sanscrit dhawala, blanc et giri, montagne), qu à celle du Jawahir, 7848m., car ccttedcrnièrc repose sur une opération trigonomé- trique complète (Voy. Herbert cl Ilogdson dans les Asiat. lies., V. XIV, p. 189, et SuppJ. (0 EncycL Brit., v. IV, p. 643). J'ai montré ailleurs [Ann. des scienc. nat., mars 1825) que la hauteur du Dhawalagiri (8558 m.) dépend à la fois de plu- sieurs éléments un peu incertains (azimuts et latitudes astrono- miques): Humboldt, Asie centrale, t. III, p. 282. On a cru, mais sans fondement, qu'il existait dans la chaîne Tartarique [au nord du Thibet, vis-a-vis la chaîne de Kouen-lun; plusieurs pics neigeux de 30000 pieds anglais d'élévation (914'i m., presque le double de la hauteur du Mont-Blanc), ou au moins de 29000 p. ang. = 8839 m. {Capt. Alexander Gérard' s and John Gérard' s Journey to Boorendo Pass, \SiO, \.], p. 143 et 311). Le Chimborazo n'est indiqué dans le texte que comme « un des pics les plus élevés de la chaîne des Andes, « parce qu'en 1827, le savant et habile voyageur, M. Pentland, a mesuré, dans sa mémorable expédition dans le Haut-Pérou (Bolivia\ deux montagnes situées à l'est du lac de Titicaca , le Sorata (7696 m.), et l'IUimani (7315 m.) qui dépassent de beaucoup la hauteur du Chimborazo (6530 m.), et (jui atteignent presque la hauteur du .lawahir, la plus grande montagne qui ail clé mesurée jusqu à présent dans 1 Himalaya. Ainsi , le Mont-Blanc (4808 m.) est 1721 m. au-dessous du Chimborazo; le Chimborazo, 116.5 m. au-dessous du Sorata; le Sorata, 154 m. au-dessous du .lawahir , mais probablement 863 m. au-dessous du Dhawalagiri. Les hauteurs des moula- — 437 — gncs sont rapportées dans cette note avec une exactitude mi- nutieuse, parce que de fausses rcduclions ont introduit, dans un grand nombre de cartes et de profils récents, des résultats tout à fait erronés. D'après une nouvelle mesure de riUimani par Pentlanden 1838, la hauteur de cette montagne est de 7275 m.; la ditlerence avec la mesure de 1827 est h. peine de il m. (3) [page 9]. L'absence des palmiers et des fougères arbores- centes sur les versants tempérés de Tllimalaya, est établie par la Flora Nepaleusis de Don ( 1 823) , ainsi que par les remar- quables planches lithographiécs de la Flora Indica de Wallich, catalogue qui contient lénormc nombre de 7683 espèces de l'Himalaya, presque toutes phanérogames, mais dont l'étude et la classification sont restées incomplètes. Dans le Népaul(lat. 26" ^ — 27° *j ) , nous ne connaissons encore qu'une seule espèce de palmier, le Cliamœrops Marliana Wall. {Planlœ Asiat., t. III, p. o, t. 211), qui croît à une hauteur de 1600 m. au-dessus du niveau de la mer, dans la vallée ombreuse de Bunipa. La magniBquc fougère arborescente Alsophila liruno- niana Wall., dont le Muséum britannique possède depuis 1 831 un tronc de 1 5 m. de longueur, ne croît pas dans le Népaul , mais sur les montagnes de Stilhet, au N.-O. de Calcutta, par 24" 50' de latitude. La fougère du Népaul , Paranema cija- thoïdes Don., autrefois Spliœroptera harhala Wall. {PI. Asial.,1. 1, p. 42, t. 48), se rapprochcàla vérité delà Cyalhca dont j'ai vu, dans les missions de Caripe de. l'Amérique du Sud, une espèce de 10 m. de hauteur, mais ce n'est pas un arbre à proprement parler. (4) [page 11]. Rihes nubtcola, R. (flaciale, U. fjro.^sularia. Les espèces qui caractérisent la végétation de 1 Himalaya, sont quatre pins, malgré une assertion des anciens sur «l'Asie orien- tale » (Strabon, lib. XI, p. olO Cas.), vingt-cinq chênes, qua- tre bouleaux , deux œscuhis (un grand singe blanc k face noire vit sur le cliàtaignicr sauvage haut de 30 m. (|ui croît dans le royaume de Kaclicmir, jusqu'au 33"' degré de latitude : — 438 — Cari von Hiigel, Kaschmir, 1840, 2* partie, p. 249, allem.), sept érables, douze saules, quatorze rosiers, trois fraisiers, sept espèces de roses des Alpes [Rhododendra] , dont une atteint la hauteur de 6 m., et beaucoup d autres espèces septen- trionales. Parmi les conifères , on y trouve le Pinus Deo- dœara ou Deodara (en sanscrit dêwa-ddru, bois de construc- tion des dieux) qui se rapproche beaucoup du Pinus cedrus. Près des neiges éternelles brillent les grandes fleurs de la Gen- ihuia venusta, G. Moorcrofliana , Sicerda purpurascens, S. speriosa , Parnassia ai mata, P. nubicoJa, Pœotiia Emodi, Tuh'pa sleUata ; et nicnie, à côté de ces variétés des genres de l'Europe, particulières au\ montagnes de llnde, nous trouvons de véritables espèces européennes, telles que le Leontodon ta- raxacon ,\di Prunellavulgaris, le Galium aparine, le Tldaspi arvense. La bruyère, mentionnée déjà par Saunders dans le Yovage deTurner, et qu'on avait alors confondue avec la Cal- hina vidfjaris , est une Andromède , fait de la plus haute im- portance pour la géographie des plantes de l'Asie. Si je me suis servi dans cette note d'expressions peu philosophiques, telles que genres d'Europe, espèces européennes, croissant en Asie à l'étal sauvage, c'est une suite de l'emploi du langage de la vieille botani(iue qui, à l'idée d'une large dissémination ou plutôt de la coexistence des productions organiques, a très-dog- matiquement substitué l'hypothèse fabuleuse d'une immigra- tion quelle suppose même, dans sa prédilection pour lEurope, avoir procédé de l'Occident vers l'Orient. (5) [page 10]. Sur le versant méridional de l'Himalaya, la limite des neiges perpétuelles se trouve à 39.'i7 m. au- dessus du niveau de la mer, et sur le versant septentrional, ou plutôt sur les pics qui s'élèvent au-dessus du plateau tliibe- lain (tartari(|ue) , cette limite s élève à 50G7 m., depuis 30"! jusqu à 32" de latitude; tandis qu à l'équateur , celte limite se trouve sur la chaîne des Andes de Quito à une hauteur de 4813 m. Tel est le résultat (luc j ai déduit de — 439 — a combinaison d'un grand nombre de données de Webb, de Gérard, de Herbert et de Moorcroft. (Voyez mes deux Mé- moires sur les montagnes de l'Inde de 1816 et de 1820, dans les Annales de chimie et de phijsique, t. III , p. 303 ; t. XIV, p. 6, 22, 50.) Cette hauteur plus grande, à laquelle la limite des neiges éternelles se trouve reléguée sur le versant thibé- tain , est la conséquence du rayonnement des hautes plaines voisines, de la pureté du ciel, et de la rare formation de la neige dans un air à la fois très-froid et très-sec. (Ilumboldt, Asie cen- trale, t. III, p, 281-32(».) Mon opinion sur la différence de hauteur de la neige des deux côtés de l'Himalaya, avait pour elle la grande autorité de Colebrooke. « D'après les documents « que je possède, m'écrivait-il en juin 1824, je trouve aussi « que la hauteur des neiges éternelles est de 13000 pieds an- ce glais (3962 m.). Sur le versant méridional et par 31" delati- « tude , les mesures de Webb me donnent 1 3500 pieds anglais a (411 4 m.), par conséquent 500 pieds (152 m.) de plus que les « observations du capitaine Hogdson. Les mesures de Gérard « confirment complètement votre opinion, et prouvent que la li- ce gne des neiges est plus élevée au nord qu'au sud. » C'est cette année seulement (1 840), que le journal complet des deux frères Gérard a été imprimé par les soins de M. Lloyd [Narrative of a Journey from Caunpoor lo the Boorendo pass in the Uinia- laya by capt. Alexander Gérard and John Gérard, edited by George Lloyd, vol. I, p. 291 , 311 , 320, 327 et 341). On trouve beaucoup de détails sur quelques localités dans la Visit lo ihe Shalool, for the purpose of determining the Une of per- pétuai snow on the southern face of the Himalaya, in aug. 1822; malheureusement, ces voyageurs confondent sans cesse la hauteur où tombe la neige sporadique avec le maxi- mum de hauteur que la ligne des neiges atteint sur le plateau thibétain. Le capilaine Gérard dislingue les sommets qui s'élè- vent au milieu du plateau, et il y place la limite des neiges éter- nelles entre 18000 et 19000 p. angl. (de 5486 à 5791 m.), d avec les \ersauls septentrionaux de la chaîne de 1 Himalaya — 4Î0 — qui bordent le délile traverse par le Sutledgc, et dont les flancs, profoudéinenl sillonnés, ne peuvent rayonner heaucouj) de cha- leur. La hauteur du bourg de Tangno est de U:300 p. ang. (2835 m.) seulement, tandis que celle du plateau qui entoure la mer sacrée de Manasa doit être de 17000 p. ang., ou de 5181 m. Aussi, vers le point où la chaîne se trouve interrompue, lecapitaine Gérard a-t-il trouvé la neige 500 p. ang. (152 m.) plus bas sur le versant septentrional que sur le versant méri- dional qui fait face à Tllindoustan, et il y évalue à 1 5000 p. ang. (4572 m.) la hauteur des neiges éternelles. La végétation du plateau thibétain offre des différences frappantes avec celle des terrasses méridionales qui dépendent de la chaîne de T Hi- malaya. Sur ces dernières, les moissons s'arrêtent à 30 io m,; elles sont même souvent fauchées lorsque les liges sont vertes; la limite supérieure des forets où croissent encorede grands chênes et des pins Dêvadàru, esta 3645 m.; celle des bouleaux nains, à 3957 m. Sur les plans élevés, le capitaine Gérard a vu des pâ- turages jusqu'à une hauteur de 51 8 i m.; les céréales réussis- sent encore à 4300 et même à 5650 m.; les bouleaux àtroncs élevés, il 4300 m., et Ton trouve de petits taillis qui servent de combustible jusqu'à 5200 m., c'est-à-dire 390 m. au-dessus de la limite inférieure des neiges éternelles sous lequateur , à Quito. 11 est d ailleurs à désirer que la hauteur moyenne du plateau tbibétaiu, fixée par moi à 2500 m. seulement entre r Himalaya et le Rouen-lun, ainsi que la différence de hauteur des neiges sur le versant du sud et sur celui du nord, soient dé- terminées de nouveau par des voyageurs habitués à juger de la configuration générale du sol. On a trop souvent confondu jus- qu'à ])rés('nl de simjjles évaluations avec des mesures ellecliN es, et la haulciir (les pics isoles avec celle des [tlaleaux environnants. (Consultez les ingénieuses remarques sur Ihypsométricde Cari Zimmermann, dans son Analifsc de la carie (jéo(jra\)}niiue v (pv/aTToy.-vyi. La plupart des passages des auteurs grecs sur le Cosmos , se trouvent rassemblés d'abord dans la controverse de Richard Bentley contre Charles Boyle [OpuscuJa philolo- (jica, \'7H\ ,\).^il, iio; Dissertation upon the Epistles of Plialaris , 1H17, p. 254) sur rexislence historique de Za- leucus, législateur de Locres; ensuite dans l'excellent ou- vrage de ^iiikii, Sched. crit., 1812, p. !»-l."), et enfin dans Théophile Schmidt , ad Cleom. eijiL tlieor. mrt., T, 1. — U9 — (p. IX, I et 99). Pris dans une acception plus reslrcinlc, le mot Cosmos a été aussi employé au pluriel (Plut., I, 5) pour désigner les étoiles (Stob., I, p. 514. Plut., II, 13) ou les innombrables systèmes disséminés comme autant d'îles dans Timmensité des cieux , et formés chacun d'un soleil et d'une lune (Ânax. Claz., Fm^m.,p. 89, 93, 120; Brandis, Histoire de la PliiL greco-romaine,\o\. I, p. 252). Chacun de ces groupes formant ainsi un Cosmos, l'univers, To Tràiv, doit avoir une signification plus large (Plut., II, 1). Ce fut longtemps après le siècle des Ptolémées que ce mot fut appliqué à la terre. Bœckh a fait connaître des in- scriptions à la louange de Trajan et d'Adrien [Corpus Inscr. Grœc. , t. I, n"' 334 et 1306), où xon^j-o^ est mis pour Qly.o-j'j.vjn^ de même que, par monde, on entend souvent la terre seule. Nous avons déjà indiqué cette division singulière des espaces célestes en trois parties , l' Olympe , le Cosmos et ïOuranos (Stob., I, p. 488; Philolaos, p. 94-102); elle s'ap- plique aux régions diverses qui entourent ce foyer mystérieux de l'univers, cette yiG~(7.rorJ rravro; des Pythagoriciens. Dans le fragment qui nous a conservé cotte division, le nom d' Vranos désigne la région la plus intérieure, située entre la lune et la terre ; c'est le domaine des choses changeantes. La région moyenne, où les planètes circulent dans un ordre invariable et harmonieux, est nommée exclusivement Cosmos, en vue de conceptions très- particulières sur l'univers. Quant à l'Olympe, c'est la région ex- térieure, la région ignée. Un profond investigateur des affinités des langues, Bopp, fait remarquer que « l'on peut déduire, « comme l'a fait Pott (Hecherches étymologiques , part. I, p. 39 « et 252,allem.), le mot xocrp-o^de la racinesanscntc sud^pii- « rificari, en s'appuyant sur deux considérations: d'abord, le « X grec, dans -/.oiixoç, vient de la palatale s, que Bopp repré- « sente par s et Pott par ç; de même Siv.y., decem , en langue a gothique ^a//tM», vient du mot indien dasan; en second lieu, « hd' indien correspond, en règle générale, auO grec {(iramm. — 450 — a comparée, § 22, alloni.\ co qui acliôvo do mollro en cvi- « donco le rapport de xo-rao; (pour xoOy.oç) avec la racine a sanscrite sud'^, d'où vient aussi xaOaooç. Une autre expres- « sion indienne pour dési2;ner le monde , est fjogat 'prononcez « (Iftchagat); c'est proprement le participe présent du verbe « gaydmi (Je vais), dont la racine est gâ). » En restant dans le cercle des étymologies de la langue grecque , on trouve { ElipnoL M., p. 532, 12) que xocrfio; se lie immé- diatement à 7.y/Ç(jiJ, ou plutôt à xx(rj'^y.i (d'où xsxa'jp-vo; ou xcxa^ijiévoç). Welcker [Une colonie Cretoise à Thèhes, p. 23, allem.) y rattache en outre le nom de KiS^xoç, de môme que, dans Ilésychius, xcx'îy.o; signifie une prise d'armes chez les Cretois. Lorsque le langage scientifique des Grecs s'intro- duisit chez les Romains, le mol niundus, qui avait à l'ori- gine la signification première du mot y/iao: ( ornement de femme), servit k désigner le monde et l'univers. En- nius paraît avoir osé, le premier, cette nouveauté. Dans un des fragments de ce poëte, que Macrobe nous a conservés à l'occa- sion de sa querelle avec Virgile, on trouve ce mol employé dans l'acception no"uvelle : « Mwidus cœli vaslus consiitil sihntio » {Sat., VI, 2). Cicéron a dit aussi : qiiem nos hiccn- tcm mundum vocamus. {Timanis , s. de unii\, cap. X). Au reste, la racine sanscrite mand , d'où Pott fait dériver le mot latin mundus {Rech. c7(/m.,part. I, p. 240), réunit la double signification de briller et d'orner. Lôlia désigne en sanscrit le monde et les hommes, comme le mot français monde, et dérive, suivant Bopp, de lôh (voir et briller); il en est de même de la ra- cine slave su'jet, qui veutdireàla fois lumière o[ monde [Ctr'wnm, Gramm. allem. ,\ù\. III, p. 394, allem.). Quant au mol dont les Allemands se servent aujourd'hui (irc/^ en vieil allemand loé'ralt, en vieux saxon ivorold et vè'ruld en anglo-saxon), sa signification originaire aurait été, suivant Jacob drimm, celle d'un la;)sde temps, d'un âge d'homme [sœrulum), et non pas celle du mundus dans l'espace. Les Ulrusqucs se figuraient le — 451 — monde comme unevoûte renversée et symétriquement opposée k la voûte céleste (Otfried Millier, Les Etrusques, part. Il, p. 96, 98 et 143, alliMn.). Pris dans une acception plus étroite en- core, le monde paraît avoir été, pour les (lotlis, la surface ter- restre entourée d'une ceinture de mers (mam,wm); ils l'appe- laient me/'j'gia/Y/, littéralement /ardï/i des mers, (58) [page 67]. Voyez, sur Ennius, les recherches ingé- nieuses de Léopold Krahner, dans son Esquisse historique de la décadence de la religion de l'Etat chez les Romains, 1 837, p. 41-45. Selon toute probabilité, Ennius n'a pa§ puisé dans les fragments d'Epicharme, mais dans des poëmes composés sous le nom de ce philosophe, et conçus dans le sens de son système. (29) [page 69]. Aul. Gell., Noct. att., Y, 18. (30) [page 78] . Bruno, ou Du principe divin et naturel des choses, par J. de Schelling, traduit de l'allemand par Ilusson, 1 845, p. 204. (31) [page 89]. Les considérations relatives à la différence qui existe, sous le rapport de la clarté, entre un point lumi- neux et un disque de diamètre angulaire appréciable , ont été développées par Arago, dans l'Analyse des travaux de Sir William Ilerschel. {Annuaire du Bureau des Longitudes, 1842, p. 410-412 et 441.) (32) [page 91 ]. « Les deux nuées MagcUaniques, Nubecida major et minor, sont des objets fort remarquables. La plus grande se compose d'amas stcllaires irréguliers, d'amas sphé- riqucs et d'étoiles nébuleuses plus ou moins grandes, en- tremêlées de nébulosités irréductibles. Selon toute vraisem- blance, ces dernières ne sont autre chose qu'une poussière stellaire (star-dust) ; mais le télescope de 20 ])ieds, lui- même , est impuissant à les résoudre en étoiles. Elles pro- duisent une clarté générale dont le champ de la vision est — 452 — illuiiiiiu', cl les autres objets setroiiveut (lissé mines sur ce fond brillant. Aucune autre réji;ion du ciel ne renferme autant de né- buleuses et d'amas détoiles dans le même espace. Lu Xubccula uiiiiur est beaucoup moins belle; elle présente plus de né- l)ulosilés irréductibles, et les amas stcUaires y sont à la fois moins nombreux et moins brillants. » (Extrait d'une lettre de sir John Herschel, datée de Feldhuysen, au Cap de Bonne-Es- pérance, 1 3 juin 1830.) (33) [page 92]. Cette belle expression xooto; ojpavo\i, em- pruntée par Hesychius à un poCte inconnu, aurait pu être citée déjà, à l'occasion des Champs célestes (Ilimmels-Garten, litté- ralement : jardins du ciel), si le mot xog-oç n'eût été plus ordi- nairement employé à désigner, dune manière générale, l'es- pace compris dans une enceinte. Au reste , on ne peut mécon- naître raffinité de ce mot avec le Gartcn des Allemands feu lan- gue gothique s, etc. -> fPcrlz, Mo- uuiu. Gerni. lu'st. scriptorcs , t. 111, p. 7lo}. Sur l'aérolithe d'.Egos-Polaiiios , dont la chronique de Paros ])Iacc la chute dans la première année de la IS^ olympiade (Bœckh, Corp. Jnscr. (jnvc, t. 11, p. 302, 320 et 340), Cf. Arislot. Meleur., I, 7 (Ideler, Comm., t. 1, p. 404-407); Stob. EcLphys., I, 25, p. o08, lleeren; Plut. Lys., c. 12; Diog. Laert., II, 10. (Voy. aussi plus bas les notes G9, 87, 88 et 89). D'après une tradition mongolienne , un rocher noir, de 18 mètres de hau- teur, serait tombé du ciel dans une plaine voisine des sources du fleuve Jaune, dans la Chine occidentale. (Abel Rémusat , Jour. JePhys., 1819, mai, p. 264.) (63) [ page 1 33].Biot, Trailé d'Astronomie physique (3® éd.) 1841, t. I, p. 149. 177, 238 et 312. Mon immortel ami Pois- son a expliqué, d'une manière tout à fait neuve, 1 ignition spontanée des pierres météoriques, à une hauteur où la densité de l'atmosphère est pres([ue nulle. « A une dislance de la Terre où la densité de l'atmosphère est tout à fait insensible, il serait difficile d'attribuer, comme on le fait, l'incandescence des aéro- lithes à un frottement contre les molécules de l'air. Ne pour- rait-on pas supposer que le fluide électrique, à l'état neutre , forme une sorte d'atmosphère qui s'étend beaucoup au-delà de la mas.se d'air ; qui est soumise à l'attraction de la Terre, quoi- que phvsiquemcnt impondérable ; et qui suit, en consétjuencc, notre globe dans ses mouvements? Dans celte hypothèse, les corps dont il s'agit, en entrant dans cette atmosphère impondé- rable, décomposeraient le fluide neutre, par leur action inégale sur les deux électricités, et ce serait en s'électrisant qu'ils s'e- chaufl"eraient et deviendraient incandescents. (Poisson, Rech. sur la Probahililé des jugements, 1837. P. VI,) (64) [page 134]. Philos. Tran.< "William Herschel, dans les Transact. for 1802, p. 498. John Herschel, Aslron., § 590. Arago, Annuaire de 1842, p. 334, 359 et 382-385. (22) [page 175]. Ce vers est tiré d'un beau sonnet de mon frère, Guillaume deHumboldt, OEuvres complètes, vol. IV, p. 358, n" 25. Allem. (23) [page 175]. Otfricd Millier, Prolegomcna, § 373. (24) [page 180 ]. Quand il s'agit de la ])lus grande profon- deur à laquelle les travaux des hommes aient pu atteindre , il — 487 — faut distinguer entre la profondeur absolue , comptée à par- tir de la surface même du sol, et la profondeur relative, con\\iléQ seulement à partir du niveau de la mer. La plus grande profon- deur relative qui ait jamais été atteinte, est peut-être celle du puits artésien de Neu-Salzwerk, près de Minden, en Prusse; elle était, en juin 1 844, de 607,4 m.; la profondeur abso- lue était de 680 m. La chaleur de 1 eau, au fond du puits, mon- tait alors à 32°, 7; en admettant 9°, 6 pour la température moyenne de l'atmosphère, on aurait un accroissement de 1° pour 29,6 m. Le puits de Grenelle, à Paris, a 547 m. de pro- fondeur absolue. Au dire du missionnaire Imbert, la profondeur de nos puits artésiens est bien dépassée par celle des fontaines de feu (Ho-tsing), en Chine; on perce ces puits afin de se pro- curer le gaz hydrogène que 1 ou brûle, dans les salines, pour faire évaporer l'eau. Dans la province chinoise deSzou-Tchouan, les fontaines de feu ont ordinairement de 600 à 650 m. de pro- fondeur; àTseou-Lieou-Tsing [lieu de V écoidement perpétuel) , on a foréàlacorde, en1812, un Ho-tsing de 975 m. (Humboldt, Asie centrale, t. Il, p. 521 et 525; Annales de l'association pour la Propagation de la Foi, 1 829, n° 1 6, p. 369). La pro- fondeur relative atteinte à Monte-Massi, en Toscane, au sud de Volterra, n'est que de 382 m., d'après Matteucci. 11 est probable que la houillère d'Apendale , à Newcaslle-sur- Tyne (Staffordshire), vient, en fait de profondeur relative, immédiatement après le puits artésien de Neu-Salzwerk. Dans cette mine, les travaux d'exploitation s'exécutent à 725 yards (658 m.) au-dessous de la surface (Thomas Smith, Miner s Guide, 1 836, p. 1 60); malheureusement , je ne connais pas la hauteur exacte du sol au-dessus du niveau de la mer. La pro- fondeur de la mine de Monk-Wearmoulh, à Newcastle, est de 456 m. seulement (Phillips, dans le Philos. Mayaz., vol. V, 1834, p. 446); celle du charbonnage 1 Espérance, à Seraing, 413 m., d'après II. de Dechen; celle de l'ancien charbonnage Marihaye, près de Yal-Saint-Lambert , dans la vallée de la Meuse, 376 m., d'après M. lingenieur desmines Gernaert. Les — 488 — fouilles les plus profondes (en mesurant maintenant à partir du iol), ont été entreprises, pour la plupart, sur des plateaux ou dans des vallées tellement hautes que le niveau de la mer n'a été dépassé que de bien peu, ou même n a jamais été atteint. Unpuitsdemine, actuellementabandonné, à Kuttenberg, en Bo- hème, était arrivé à l'énorme profondeur absolue de 1 1 olm.(F.A. Schmidt, Lois relatives aux mines dans la Mon. aulrich., 1'^ div., vol. I , p. "sxxii. Âlleni>) A Saint-Daniel et àGeist, sur la Rœrerbubel (district de Kilzbiihl) , les travaux étaient parve- nus, dans le xvi" siècle, à 947 m. On conserve encore les plans des travaux' exécutés sur la Rœrerbiihel, en 1539. (Joseph de Sperges, Histoire des mines du Tyrol, p. 121. Allem.) Cf. aussi llumboldt, Conseils sur Vachèvemcnt de la galerie de Meissner, dans les mines de Frciberg, imprimé dans Uerder, Sur la galerie d'écoulement actuellement en voie d'exécution, 1838, p. cxxiv, allem.) La profondeur extraordinaire de ces travaux paraît avoir été très-anciennement connue en Angleterre; carGilbert,rfe3/a^«de, assure que l'homme a pu pénétrer, dans l'écorce terrestre, à 780 et même à 975 m. de profondeur. ( « Exigua videtur terrai portio, qu?e unquam hominibus spec- tanda emergct aut eruitur : cum profundius in ejus viscera, ul- tra efflorescentis cxtremitatis corruptelam , an! propter aquas in magnis fodinis tancpiam per venas scalurientes, aut propter aeris salubrioris ad vitam operariorum suslinendam necessarii defectura, aut propter ingentes suraptus ad tantos labores exan- tlandos, multasque diflicultates, ad profundiores lerriv partes penelrare non possumus; adeo ut quadringenlas aut [quod ra- rissime] quingentas orgyas in quibusdam metallis descendisse, stupendus omnibus videaturconatus. «Guillielmi Gilberti, Col- cestrensis, de Magnete Pliysiologia nova, Lond., 1G00,p. 40.) Les profondeurs absolues des mines de Freiberg, en Saxe, sont de 592 et 557 m. ; les profondeurs relatives ne dépassent pas 203 et 84 m., en supposant que pour trouver la hauteur du sol au-dessus de la mer, on prenne, avec Reich, 387 ju. pour celle de Freiberg. La profondeur absolue des mines de Joachims- — 489 — thaï, en Bohême, non moins célèbre pour sa richesse que celles de Freiberg, est de 646 m., sans que les travaux soient par- venus pour cela au niveau de la mer, puisque les mesures de H. de Dechen donnent environ 731 m. pour hauteur de la surface au-dessus de ce niveau. Dans leHartz, le puits Samson, à Andreasbcrg, a 670 m. de profondeur absolue. Je ne con- nais pas, dans la ci-devant Amérique espagnole, de mines plus profondes que celles de Yalenciana, à Guanaxuato (Mexique), où j'ai mesuré la profondeur absolue des planes de San- Bernardo : ces planes avaient 514 m.; par conséquent il leur manquait encore 1816 mètres pour atteindre le niveau de la mer. La profondeur des anciens travaux de Kutteoberg surpasse la hauteur du mont Brocken, et n'est inférieure à la hauteur du Vésuve que de 65 m. Si on la compare à la hauteur des plus grands édifices construits par la main des hommes (la pyramide de Chéopset la flèche de la cathédrale de Strasbourg) , on trouve le rapport de 8 à 1 . Nos livres géologiques contien- nent tant de données numériques d'une inexactitude manifeste; ces données ont été si souvent altérées par de fausses ré- ductions , qu'il m'a semblé utile de présenter ici tous les documents certains, que j'ai pu recueillir, sur les profondeurs absolues et relatives des mines et des puits artésiens. — Lors- qu'on descend de Jérusalem vers la Mer Morte, en se di- digeant à l'est , on jouit d'un spectacle unique dans le monde; je dis unique, pour létat actuel de nos connaissances sur l'hyp- sométric de la surface terrestre : à mesure que l'on s'approche de la faille qui sert de lit au Jourdain , on marche à ciel ou- vert sur des couches de roches dont la profondeur au-dessous du niveau de la Méditerranée est de 422 m., d'après le nivelle- ment barométrique de Bertou et de Russegger. (Ilumboldt, Asie centrale, t. il, p. 323.) (25) [p. 181]. A défaut des travaux des mineurs, les cou- ches qui se recourbent en forme de voûtes renversées, et (juc l'on voit plonger et reparaître plus loin, à une dislance déter- 32 — 490 — minée, peuvent donner des indications précieuses sur la con- stitution des parties très -profondes de la croûte terrestre ; les données de cette nature ont un grand intérêt pour la gco- gnosie. Je dois les remarques suivantes à un excellent géo- logue, M. de Dechen : « La profondeur de la dépression formée par les couches carbonifères de Llittich, au mont Saint-Gilles, d'après les mesures que j ai faites, de concert avec notre ami M. deOEynhausen, est d'environ 1 1 86 m. au-dessous de la sur- face; comme le mont Saint-Gilles n'a certainement pas plus de 1 30 m. de hauteur absolue, le fond du sinus est à 1 056 m. au- dessous du niveau de la mer. Le sinus des lits de charbon de terre, àMons, est encore de 568 m. plus profond. Mais ces pro- fondeurs sont bien faibles en comparaison de celle qu'on peut déduire du gisement des lits de charbon de terre de Saar-Re- vier (Saarbriicken) . J'ai trouvé, par différents essais, que la couche de charbon située aux environs de Duttweiler, près de Saarlouis, descend à 67 1 0 m. au-dessous du niveau de la mer.» Ce résultat dépasse de 2600 m. la profondeur que j'ai attri- buée, dans le texte, à un sinus formé par le plissement des strates devoniennes. Les lits de charbon de terre dont parle M. de Dechen , s'enfoncent ainsi au-dessous du niveau de la mer, autant que le Chimborazo s'élève au-dessus du même ni- veau. A cette profondeur, la chaleur terrestre doit être de 224". Des plus hautes cimes de l'Himalaya, jusqu'à ces couches où la végétation du monde primitif est enfouie, la distance.comp- tée verticalement est de 14600 m. ou de —^ du rayon de la terre. (26) [p. 186J. Platon, Phœdo,\^. 97 (Aristot,, Mctaph., p. 985). Cf. Uegel, Pliilos. de Vhist., 1840, p. 16. Allem. (27) [p. 186]. Bessel, Considérations générales sur les travaux d'astronomie (jéodésiquo, à la fin de l'ouvrage de Bessel cl Baeyer, Mrsure d'un arc du méridien dans la Prusse oriental^,]}. 427. Quant an passage relatif à la Lune,voy. La- place, Exp.dusyst. du Monde, 1^. 308.) — 491 — (28) fp. 187). Plin. II, 68. Sénèqne, Nat. Quœst. Prœf., c. II. El mundo es poco (la terre est bien petite), disait Chris- tophe Colonil), dans une lettre qu'il écrivait de la Jamaïque, à la reine Isabelle, le 7 juillet 1503, afin de lui faire comprendre que le chemin d'Espagne ne pouvait être long, quand on cher- chait « rOrient en partant de l'Occident » . Cf. mon Examen crit. de l'hist. de la Géogr. au XV" siècle, t. I, p. 83; et t. II, p. 327. Delisle, Fréret et Gosselin ont soutenu que les contradictions des Grecs, sur les dimensions de notre globe , étaient purement apparentes et pouvaient être levées en tenant compte de la différence des stades pris pour unités de niesure; j'ai montré, dans les deux passages cités plus haut, que cette opinion avait déjà été émise, en 1 495, par Jaime Ferrer, dans une proposition laite par lui pour fixer la ligne de démarcation papale. (29) [p. 187]. Brewster, Life of sir Isaac Newton, 1831, p. 162 : « The discovery of the spheroidal form of Jupiter by Cassini had probably direcled the attention of Newton to the détermination of its cause, and consequently to the true figure of the earth. » La première publication de Cassini sur l'apla- tissement de Jupiter ( il lavait fixé à -^), date de 1691 {An- ciens Mémoires de l'Acad. des sciences, t. II, p. 108). Mais Lalaude nous apprend [Astron., 3" éd., t. III, p. 335) que Maraldi possédait, en quelques feuillets imprimés d'un ouvrage latin de Cassini « sur les taches des planètes », la preuve que Cassini connaissait l'aplatissement de Jupiter avant 1666, c'est-à-dire vingt-un ans avant l'apparition des Principia de Newton. (30) [p. 189]. D'après les recherches faites par Bessel, sur dix mesures de degré, recherches oîi il a été tenu compte de la faute que Puissant a découverte dans le calcul de la mesure de degré française (Schumacher, Nouvelles asironomi(iues,\8ï\ , n- 438, p. 116. Allem.j, le demi-grand axe de l'ellipsoïde de révolution qui se rapproche le plus de la figure irréguliére — 492 — du sphéroïde terrestre, est de 3272077',U (6377398;"1); le demi petit axe est de 3261139*33 (6356079^9); l'aplatis- sement est de yrrrlni;- ^^ longueur du degré moyen d'un méri- dien est de 570 13', 109 (111 120;"64j, avec une erreur de -f 2*8403 (5^536) : ainsi, un mille géographique vaut 3807*23 (7420^43). Les résultats obtenus antérieurement par d'autres auteurs en combinant les mômes mesures de degré, oscillaient entre ^ et y-y, pour l'aplatissement. Ainsi, Walbeck , De for- ma et magn itudine Telluris in demensis arcubus mcridiani de- fmicndis, 1 81 9, a trouvé y^'^Ts *' Ed. Schmidt, en 1 829, a dé- duit T^^rTs»^*^ ^''P^ mesures de àe^ré [Cours de malliem. et de géogr.phijs.,T^. Y;; sur l'influence que de grandes différences en longitudeexercenlsurraplalisscmcnt polaire, v. la Bibliothèque uiiiverseUe , t. XXXIll, p. 181, et t. XXXY, p. o6; v. aussi la Connaissance des temps, 1829, p. 290. — Laplace déduisit des seules inégalités lunaires la valeur de l'aplatissement quilfixa à -gp*--„, d'après les anciennes tables de Biirg; et plus tard, k jg^, d'après les observations de la Lune discutées parlînrck- hardt et Bouvard [Mécanique céleste, t. Y, p. 13 et 1 43). (31) [p. 189]. Yoici les valeurs de l'aplatissement qu'on a déduites des oscillations du pendule : résultat général de la grande expédition de Sabine (1 822 et 1 823, depuis ré(|uatcur, jusqu'à 80" de latitude nord), 2^77; d'après Freycinct, en ex- cluant les séries de l'Ile-de-France, de Guam et deMowi (Maoui), sT^in*' d'après Forster, yx^j^h'-' d'après Duperrey, j^ïï,^; ^1^" près Liitke [Partie nautique, 1836, p. 232), ~^, par onze sta- tions. Les observations qui furent faites entre Formenlera et Dunkcrque [Connaiss. des temps, 1816, p. 330) ont donné ^-^, d'après Mathieu; entre Formcntera et l'île d'Unst, y,\ , d'après Biol. Cf. Baily, Report on Peudulum experimeuts , dans \csMemoirs ofthe royal Astron. Sociefij, vol. YII, p. 06 ; Borenius, dans le Bulletin de VAcad. de Saint-Pétersbourg, 1843, t. 1, p. 2'.i. — Le premier qui ait proposé d'employer la longueur du pendule ii secondes, comme base d'un système de i — i93 — mesure, et deprendrele tiers de cette longueur (supposée cons- tante sur toute la terre) pour ])es/ Plin. XXXIV, 1 4). On aurait donc pu découvrir aussi, dans l'Occi- dent, la force directrice du globe, si on s'était avisé de suspen- dre à un fil ou de faire flotter sur l'eau, à l'aide d'un support en bois, un long fragment d'aimant ou un barreau de fer ai- manté, et d'observer ensuite leurs mouvements dans l'état de [ iberté. (50) [page 204]. Les lieux oii la déclinaison magnétique est invariable ou , du moins , n'éprouve que de lentes variations séculaires, sont les seuls où l'on puisse fixer les lignes de démarcation à l'aide de la boussole, sans tenir compte des corrections de la déclinaison de l'aiguille, et sans s'exposer au danger de voir les actions magnétiques du globe faire changer, à la longue, la superficie légalement constatée des propriétés. « The whole mass of West-India property , » dit sir John Herschcl , « had been saved from ihe bottomless pit of endless litigation, by the invariability of Ihemagnetic declination in Ja- maicaand ihe surrounding archipclago, duringthe whole of the last century, ail surveys of property there having been conduc- ted solely by the compass. » Voy. Robertson , dans la Philos. Transact., for 1806, P. II, p. 248. On ihe permanency of the compass in Jamaica since 1660. Dans la mère-patrie (l'Angleterre), la déclinaison a varié de 1 4" dans le même laps de temps. (51) [page 204]. J'ai montré ailleurs que les documents qui nous sont parvenus sur les voyages de Christophe Colomb, peu- vent servir à fixer la position exacte de trois points de la ligne atlantique sans déclinaison , pour le 1 3 septembre 1 492 , le 21 mai 1 496 et le 16 août 1 498. La ligne atlantique sans dé- clinaison était alors dirigée du N. 0. au S. 0. ; elle touchait le continent méridional de l'Amérique, un peu k l'est du cap Co- dera, tandis qu'elle le touche aujourd hui au nord du lln^vsil (Humboldt, Examen critique de l'Iiist. de lage'ogr., t. 111, p. 44-48). Ou voit clairement par la Phijsiologia nova de \ — 504 — Magnéto de Gilbert (lib. lY, cap. 1), qu'en 1660 la déclinai- son était nulle aux environs des Açores , comme du temps de Colomb. Je crois avoir prouvé , sur des documents certains, dans mon Examen critique (t. III , p. 54 ) , que si la fameuse ligne de démarcation, établie par le pape Alexandre YI pour partager rbémispbère occidental entre le Portugal et l'Espagne, n'a point été tracée par la plus occidentale des Açores, c'est parce que Colomb désirait faire , d'une division naturelle , une division j)o/?7?*(/«(?. Aussi, Colomb a-t-il toujours atlacbe une importance extrême à la zone {raya) « où la boussole est sans variation , où l'air et la mer couverte d'herbes marines commen- cent à offrir une constitution nouvelle , où les brises fraîches commencent à se faire sentir, et la courbure de la terre à chan- ger (ce dernier point lui paraissait résulter de quelques obser- vations de la polaire dont il serait superflu de vouloir aujour- d'hui démontrer la fausseté. ) » (52) [page 205], Une des questions dont la solution im- porte le plus à la théorie physique du magnétisme terrestre, c'est de savoir si les deux systèmes ovales de lignes isogoniques doivent conserver leur forme singulière, pendant toute la durée de ce siècle, où s'ils doivent finir par se dissoudre en se dévelop- pant? Dans le nœud de lAsie orientale, la déclinaison aug- mente de dehors en dedans. Le contraire a lieu pour le nœud ou l'ovale de la mer du Sud; on ne connaît même aujourd'hui dans toute la mer du Sud , à l'est du méridien du Kauischatka, aucune ligne de déclinaison qui soit au-dessous de 2' (Erman, dans hs Annales de Poggend., vol. XXI, p. 129). Cependant Cornélius Schouten aurait trouvé, en 1616, le jour de Piuiues, la déclinaison nulle par 15" de latitude sud et par 132" de longitude occidentale, c'est-à-dire, un peu dans le sud-ouest de Noukahiva (Ilansteen, Maipietisme de la Terre , 1819, p. 28. AUem.). 11 ne faut pas perdre de vue que les déplacements des lignes magnérKiues ni> peuvent être suivis autrement qu'eu projection sur la surface même du globe. — 503 — (53) [page 206]. Arago, dans Y Annuaire, 1836, p. 284 et 1840, p. 330-338. (54) [page 206]. Gauss, Théorie générale du magnélisme terrestre, § 31. Allem. (55) [page 206]. Duperrey, De la configuration de Véqua- tcur magnétique , dans les Annales de Chimie , l. XLV, p. 371 cl 379. (Yoy. aussi Morlct, dans \i^s Mémoires présentés par divers savants à l'Acad. roy. des Sciences, t. 111, p. 132.) (56) [page 207]. Voy. dans l'ouvrage de Sabine {Contri- butions ta terrestrial magneiism , 1840, p. 139.) la remar- quable carte des lignes isocliniques , dans l'Océan Atlantique , pour les années 1825 et 1837. (57) [page 208]. Humboldt, Sur les variations séculaires de l'inclinaison magnétique, dans les Annales de Poggend. , vol. XV, p. 322. (58) [page 209]. Gauss. Résultats des ohserv. de VUniou magnét., 1838, § 21 ; Sabine, Report on the variations of the magnelic Intensity, p. 63. (59) [page 209]. Voici l'exposé historique des faits relatifs à la découverte d'une loi importante pour le magnétisme terres- tre, celle dos intensités croissant (en général) avec les latitudes magnétiques. Lorsque je voulus m'adjoindre, on 1798, à l'ex- pédition du capitaine Baudin, pour un voyage de circumnavi- gation, Borda s'intéressa \ivemont à mon projet, et m'invita à faire osciller une aiguille verticale dans le méridien magnéti- que, par différentes latitudes , sur l'un et l'autre hémisphère, aûn d'examiner si l intensité magnétique varie, ou si elle est partout la même. Ces recherches furent effectivement un des objets principaux que j'eus en vue, lorsque j entrepris mon voyage dans les régions équinoxialcs de l'Amérique. Là, je parvins à constater, par mes observations, qu'une même ai- 33 — 506 — guille faisant, eu 10 minutes, 245 oscillations à Paris, en fait 246 à la Havane, 242 à Mexico , 2 1 6 à San-Carlo del Rio-Ne- gro (lat. r 53' N. , long. 80° 40' 0.) ; 21 \ seulement au Pé- rou, sur l'équaleur magnétique, c'est-k-dire sur la ligne où rinclinai.son=:0 (lat. 7"^ 1' S. , long. 80° 40' 0.), et que celte même aiguille transportée à Lima (lat. 12° 2' S.), exécute 219 oscillations, dans le même intervalle de temps. Ainsi, de 1709 à 1803, j'ai trouvé qu'en représentant par 1 ,0000 la force to- tale sur l'équateur magnétique, dans la chaîne des Andes pé- ruviennes , entre Micuipampa et Caxamarca, la force totale à Paris est représentée par 1,3482; à Mexico par 1,3155; à San-Carlo del Rio-Negro, par 1,0480; à Lima, par 1,0773. Lorsque je développai à l'Institut, le 26 frimaire an XIII, dans un Mémoire dont la partie matliémati([ue appartient à M. Biot, la loi des variations de l intensité de la force magnétique du globe, en montrant qu'elle était vérifiée par les valeurs numé- riques déduites des observations que j'avais faites en 104 points différents, la loi et les faits parurent complètement nouveaux. Ce fut seulement après la lecture de ce Mémoire que M. de Ros- sel communiqua à M. Biot, six observations antérieures, faites, de 1 791 à 1 794, à la terre de Van-Diémen, à Java et h Am- boine : cette circonstance a été expressément consignée par Biot dans le Mémoire indiqué ci-dessus (Lamétherie, Journal de Phijaique, t. LIX, p. 446 , note 2), et par moi-même dans la Relation liistor., t. 1, p. 262, note 1 . Les observationsdeM. de Rossel établissent aussi le décroissement d'intensité dans lar- chipel Indien 11 est à présumer qu'avant la lecture de mon Mé- moire, cet excellent homme n'avait point reconnu, dans ses propres travaux , la régularité avec laquelle l'intensité aug- mente ou diminue ; car il n'avait jamais parlé de ce^te loi im- portante à nos amis communs Laplace , Delambre , Prony et Biot. Ce fut en 1H08 seulement, c'est-ii-d ire quatre ans après mon retour d'Améri(|ue , que les observations de M. de Rossd parurent dans le VoijfKjc d'Enlrecaslcanx, t. Il, p. 287, 291 , 321 , 480 et 644. Dans toutes les Tables d'intensité tnayné- — 507 — tiqtie qui ont paru, soit en Allemagne (Hanstecn, MagmH. de la Terre, 1819, p. 71 ; Gauss, Obs. de l' Union mcujnét. , 1838, p. 36-39; Erinan, 06.?. phys. , 1841, p. 529-579), soit en Angleterre (Sabine, Report on magnet. Intensily , 1838, p. 43-62; Conlributions to lerrestrial Magnetism. , 1843), soit en France (Becquerel , Traité d'EUctr. et de Magnet. , t. YII, p. 354-367), on a conservé l'hahiludc de réduire les oscillations observées en quelque lieu que ce soit sur la surface du globe, à la mesure de la force que j'ai trouvée sur l'équatour magnétique, dans le Pérou septentrional ; c'est ainsi que cette force étant choisie pour unité conventionnelle, l'intensité ma- gnétique a Paris se trouve exprimée par 1,348. Mais d'autres observations, antérieures même à celles de l'amiral Rossel, ont été faites par Lamanon, pendant la malheureuse expédition de Lapérouse, et adressées à l'Académie des Sciences : ces obser- vations commencées pendant la relâche à l'île de TénérifFe (1785), ont été continuées jusqu'à l'arrivée àMacao(1787).On sait positivement (Becquerel, t. VII, p. 320) qu'elles étaient déjà, en juillet 1787, entre les mains deCondorcet; mais quel- ques recherches qu'on ait pu faire jusqu'à présent, ces ob- servations n'ont point été retrouvées. Le capitaine Duperrey possède la copie d'une lettre très-importante de Lamanon adressée au secrétaire perpétuel de l'Académie et oubliée dans 1 impression du Voyage de Lapérouse. Il y est dit ex- pressément :«quela force attractive de l'aimant est moindre dans les tropiques qu'en avançant vers les pôles, et que l'intensité niagnéli(|ue, déduite du nombre des oscillations de l'ai-niillede la boussole d inclinaison, change et augmente avec la latitude. » Si l'Académie des Sciences s'était crue autorisée à devancer le retour alors espéré de l'infortuné Lapérouse, et à publier, en 1787, une vérité qui a dû être retrouvée depuis par deux voyageurs complètement étrangers l'un à l'autre, la théorie du niaguétisme terrestre n'aurait pas attendu dix-huit ans le pro- grès dont elle devait être dotée par la découverte d'une nou- velle classe de pheuouiènes. Cette simple exposition des faits — 508 — justifiera sans doute le passage suivant de ma Relation histo- rique, t. III, p. 6io : « Les observations sur les variations du magnétisme terrestre auxquelles je me suis livré pendant trente- deux ans, au uïoyen d instruments comparables entre eux , en Amérique , en Europe et en Asie , embrassent , dans les deux hémisphères , depuis les frontières de la Dzoungarie chinoise, jusque , vers l'ouest , à la mer du Sud qui baigne les côtes du Mexique et du Pérou , un espace de i 88" de longitude, depuis les 60° de latitude nord, jusqu aux 12° de latitude sud. Jai considéré la loi du décroissement des forces magnéti(iues , du pôle à l équateur, comme le résultat le plus important de mon voyage américain. » Il n'est pas certain, mais il est très-pro- bable que Condorcet a lu la lettre de Lamanon du mois de juil- let 1787, dans une séance de l'Académie des sciences ; et je re- garde une simple lecture de ce genre comme une publication parfaitement valable {Annuait^e du Bureau des Longitudes , 1842, p. 463). Ainsi le compagnon de Lapérouse est incontes- tablement le premier qui ait reconnu rexistencc de la loi; mais cette loi de l'intensité du magnétisme terrestre variable avec la latitude , loi qu'on a si longtemps négligée ou laissée dans un profond oubli, n'a reçu, ce me semble, une véritable existence scientifique qu'à dater de l'époque où j ai publié mes observa- tions de 1798 à 1804. L'objet et la longueur de cette note ne surprendront point les personnes qui connaissent l'histoire ré- cente du magnétisme et les incertitudes quelle a pu faire naître dans quelques esprits ; on m'excusera d'attacher de l'impor- tance au fruit de recherches pénibles, souvent périlleuses, en- treprises dans un noble but , et continuées pendant cinq ans avec énergie, malgré le poids du climat des tropiques. (60) [p. 210]. Les observations que l'on a pu recueillir jusqu'à présent donnent 2,052 pour le maximum d'intensité sur la surface entière du globe terrestre, et 0,706 pour le mi- nimum. Le maximum et le minimum appartiennent à 1 hémis- phère austral ; le premier a été observé près du mont Crozicr , — 509 — à l'ouest-nord-ouest du pôle sud magnétique, par 73° 47' de latitude sud, et par 169° 30' de longitude ouest , en un point où le capitaine James Ross a trouvé 87" il' pour l'inclinaison de l'aiguille (Sabine, Contributions to terrestrialMagnetism, 4 843 n° 5. p. 231). Le minimum a été observé par Erman, par 19° 59' de latitude sud et 37° 24' de longit. ouest, à 80 milles à l'est de la côte brésilienne de la province Espiritu- Santo (Erman, Observ. phjs., 1841. p. 570); en ce point, l'inclinaison est seulement de 7° 55'. Ainsi , le rapport exact des intensités est celui de 1 à 2,906. Longtemps on a cru que l'intensité la plus forte ne dépassait pas deux fois et demie l'in- tensité la plus faible qu'on pût trouver sur la surface de notre planète (Sabine, Report on magn. Intensity, p. 82). (61) [p. 210]. Pline a dit sur l'ambre {Succitium , glas- siim) XXXVII, 3 : « Gênera ejus plura. Attritu digitorum ac- cepta caloris anima trahunt in se paleas ac folia arida quai le- via sunt, ac ut magnes lapis ferri ramenta quoque. » ( Plato in Timœo, p. 80; Martin, Etudes sur le Timee , t. II, p. 343- 346; Strabo XY, p. 703, Casaub.; Sanctus Clemens Alex. Strom. II, p. 370, où l'on trouve une distinction singulière entre to aou^/jov et to e'/ex-oov). Lorsque Thaïes, dans Aris- tot. de Anima I, 2, et Hippias, dans Diog. Laerl. I, 24, attri- buent une âme à l'aimant et à l'ambre, il est évident que ce mot âme désigne simplement ici une force ou une cause de mouvement. (62) [p. 21 1 J . « L'aimant attire le fer, tout comme l'ambre attire les plus petites graines de sénevé. C'est comme si un souffle mystérieux parcourait ces deux matières cl se communi- quait avec la rapidité de la flèche. » Ainsi parlait Kouopho, ce philosophe chinois qui écrivit l'éloge de l'aimant, vers le com- mencement du IV** siècle (Klaprotb, Lettre à M. A. de Hum- holdt, sur l'invention de la Boussole, 1834, p. 125). (63) [p. 212]. « The phenomena of pcriodical variations — 510 — dépend nianifestly on the action of solar hoal, operating proba- bly ihrough the médium of thcrmoelectric currents induced on ibe eartb's surface. Boyond this rude guess bowever , notbing is as yet kuown of the pbysical cause. It is even slill a matler of spéculation , w bether ihe solar influence be a principal , or only a subordinate cause in the pbenomena of terrestrial ma- gnetism. » [Observ. to be made in the Anlarctic exped. , 1840, p. 35.) (64) [p. 212]. Barlow, dans les Philos. Transact. , for 1822, p. I, p. 117; sir David Brewster, Treatise on Mmjne- tism, p. 129. L'influence de la cbaleurpour diminuer la forc^ directrice de l'aiguille aimantée a été enseignée dans l'ouvrage chinois ^Oti-thsa-tsou , long-temps avant Gilbert et Hooke (Klaproth, Lettre à M. A. de HumboJdt, sur l'invention de la Boussole, p. 96). (65) [p. 213]. V. le mémoire On terrestrial magnetism., dans la Quart. Review, 1840, vol. LXYI, p. 271-312. (66) [p. 214]. Lorsque je proposai, pour la première fois, de fonder un réseau d'observatoires, tous munis d'instruments semblables, je n'avais guère alors l'espoir de vivre assez pour voir mes vœux réalisés, comme ils l'ont été en effet par les ef- forts réunis d'astronomes et de physiciens distingués, et sur- tout par l'intervention généreuse et soutenue de deux grandes puissances, la Russie et l'Angleterre. Aujourd'hui, grâce au concours de tant de pouvoir et de tant de lumières, les doux hémisphères sont couverts d'observatoires magnétiques. J'avais formé le projet d'observer, sans interruption , la marche de l'aiguille aimantée pendant cintj ou six jours et autant de nuits , principalement k l'époque des solstices et des équinoxes, et j'avais misée projet à exécution, cV Berlin, en 1806 et en 1807, avec mon ami et mon collaborateur, M. Oltmanns. J"é- tais persuadé qu'une série d'observations continuées, sans in- terruption [observalio perpétua), pendant plusieurs jours et — 511 — plusieurs nuits, serait plus fructueuse que des observations iso- lées faites durant plusieurs mois. L'appareil employé, une lu- nette magnétique de Prony, suspendue dans une boîte à a;laces à l'aide d'un fil sans torsion, permettait de mesurer des angles de sept ou de huit secondes sur une mire éloignée qui portait des divisions fines et qu'on éclairait, la nuit, avec une lampe. Déjà, k cette époque , des perturbations (orages magnétiques) qui revenaient parfois aux mêmes heures, pendant plusieurs nuits consécutives, me faisaient désirer vivement que de sem- blables appareils fussent observés simultanément a l'ouest ei à l'est de Berlin, afin de pouvoir enfin distinguer les phénomènes généraux du magnétisme terrestre, d'avec les perturbations lo- cales qui se produisent, soit dans la croûte inégalement échauf- fée de notre globe, soit dans l'atmosphère oii se forment les nuages. Mon voyage à Paris, et les troubles politiques de cette époque, s'opposèrent alors à l'accomplissement des vœux que j'avais exprimés. Mais, en 1820, la grande découverte d'OErs- ted vint répandre une vive lumière sur l'intime connexité de l'électricité et du magnétisme, et attirer enfin l'intérêt général sur les variations périodiques de la tension magnétique du globe. Arago, qui avait commencé quelques années auparavant, à l'Observatoire de Paris, avec une admirable boussole de dé- clinaison de Gambey, la plus longue série continue d'observa- tions horaires qu il y ait en Europe, Arago, dis-je, montra, par la comparaison de ses observations avec celles de Kasan, faites aux mêmes heures et accusant les mêmes perturbations, tout l'avantage qu'on pouvait retirer de mesures correspon- dantes de la déclinaison. Lorsque je retournai à Berlin, après un séjour de dix-huit ans à Paris, je fis élever un petit ob- servatoire magnétique pendant l'automne de 1828, afin de continuer le travail commencé en 1806, et surtout dans le but d'instituer un système d'observations simultanées, faites à des heures convenues, à Berlin, à Paris et dans les mines de Frei- berg (par 66 m. de profondeur). La simultanéité des perturba- lions et le parallélisme des mouvements de l'aiguille, pendant — 512 — les mois d'octobre et de décembre 1 829, furent dès lors repré- sentés graphiquement [Annales i\e Poggend., vol. XIX, p. 357, tabl. 1-llIj. Bientôt une expédition entreprise en 1819, sur l'ordre de l'empereur de Russie, dans l'Asie septentrionale, vint me fournir l'occasion d exécuter mon plan sur une échelle plus vaste. Ce plan fut développé dans le sein d'une commis- sion spécialement instituée l\ cet effet par l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg ; en conséquence, sous la protection du chef du corps des mines, le comte Cancrin, et sous la savante direction du prof. Kupffer, des stations magnétiques furent éta- blies dans toute l'Asie septentrionale, depuis Nicolajeff, Catha- rinenbourg, Barnaul, Nertchinsk, jusqu'il Pékin. L'année 1 832 figure dans les annalesde la science, comme l'époque où l'illus- tre fondateur d'une théorie générale du magnétisme] terrestre, Frédéric Gauss, commença à établir dans l'Observatoire de Gœttingue des appareils construits sur de nouveaux principes. L'observatoire magnétique fut achevé en 1 834, et dans la même année [Résultats des obs. de VUnionmagnét., 1838, p. 135, et Annales de Poggend., vol. XXXIII, p. 426) , Gauss, active- ment aidé par un ingénieux physicien, G. Weber, fit connaître ses instruments, ses méthodes d'observation, et les répandit en Suède, en Italie et dans une grande partie de l'Allemagne. Telle est l'origine de l'Union magnétique dont Gœttingue est le centre. Depuis i 836, cette Union a fixé quatre époques dans l'année pour les observations qui doivent être continuées pen- dant vingt-quatre heures ; mais ces époques ne coïncident point avec celles que j'avais adoptées ( les équinoxes et les sol- stices) et proposées en 1830. Jusque là, la Grande-Bretagne, en possession des plus vastes relations commerciales du monde entier et de la navigation la plus étendue, était restée étran- gère à ce grand mouvement scientifique, dont les résultats fai- saient espérer, dès 1828, tant de progrés pour l'étude du ma- gnétisme terrestre. Une invitation publique que j'adressai de Berlin , en avril 1836, au Président de la Société royale de Londres , le duc de Sussex ( Lettre de M. de Jlwnboldt à — 513 — S. A. R. le duc de Sussex, sur les moijens propres à perfec- tionner la connaissance du magnétisme terrestre par Vélablis- sement de stations magnétiques et d'observations correspon- dantes), fut couronnée d'un plein succès; j'eus le bonheur d'appeler un intérêt bienveillant sur une entreprise dont l'ex- tension était, depuis bien des années, l'objet de mes vœux les plus ardents. J'insistais, dans cette lettre, sur l'établissement de stations permanentes dans le Canada, à Sainte-Hélène , au Cap de Bonne-Espérance, à l'Ile-de-France, à Ceylan et à la Nouvelle-Hollande, points dont j'avais signalé l'importance cinq ans auparavant. Un comité, dont les attributions devaient s'étendre à la physique et à la météorologie, fut nommé dans le sein de la Société royale, et ce comité proposa au gouverne- ment : iMa fondation d'observatoires magnétiques fixes dans les deux hémisphères ; 2° une expédition navale destinée à re- cueillir des observations magnétiques dans les mers antarc- tiques. On sait assez combien la science a été redevable à la grande et noble activité que sir John Herschel, Sabine, Airy et Lloyd ont déployée à cette occasion, ainsi qu'au puissant ap- pui de V Association britannique pour l avancement des Scien- ces, réunie à Newcastle en 1838. En juin 1839, l'expédition magnétique vers le pôle austral fut résolue et placée sous le commandement du capitaine James Clark Ross. Cette expédi- tion a été glorieusement terminée ; elle a doté la science des plus importantes découvertes géographiques vers le pôle aus- tral, et d'observations simultanées en huit ou dix stations ma- gnétiques. (67) [p. 214]. An lieu d'attribuer la chaleur interne de la terre au passage de la matière, de l'état de nébulosité gazeuze, à l'état solide , Ampère l'explique d'une manière fort peu vrai- semblable , à mon avis, par l'action chimique prolongée d'un noyau composé de métaux alcalins, sur l'écorce déjà oxydée du globe. « On ne peut douter, dit-il, dans son chef-d'œuvre, la Théorie des phénomènes électro-dynamiques (1826, p. 199), — 514 — qu'il existe dans l'intérieur du globe des courants électrn-nia- gnéliques, et que ces courants sont la cause de la chaleur qui lui est propre. Ils naissent d'un noyau métallique central com- posé des métaux que sir Iluinphry Davy nous a fait connaître , agissant sur la couche oxydée qui entoure le noyau. » (68) [p. 2I4J. La remarquable connexité qui existe entre la courbure des lignes magnétiques et celle de mes isothermes a été découverte par sir David Brewster; V. Transactions of the Royal society of Edinhurgh, vol. IX, 1821, p. 318, et Treatise ofMagnctism, 1837, p. 42, 44, 47 et 268. Ce cé- lèbre physicien admet l'existence de àeiw pôles de froid (pôles of maximum cold) dans l'hémisphère septentrional, l'un en Amérique, par 73° de lat. et 1 02" de long, ouest ( près du cap Walker) ; et l'autre en Asie, par 73" de lat. et 78° de long. est. Il y aurait ainsi deux méridiens où régnerait la plus forte cha- leur, et deux autres méridiens pour le plus grand froid. Déjà, au XYP siècle, Acosta enseignait qu'il y avait quatre lignes sans déclinaison, en se fondant sur les observations d'un pilote portugais très-expérimenté [Ilistoria natural de las Indias , 1589, lib. I, cap. 17). Cette opinion parait n'avoir point été étrangère à la théorie des quatre pôles magnétiques de ITalley, à en juger, du moins, par la discussion de Henry Bond (l'au- teur delà Longitude found , 1676) avec Beckborrow. Y. mon Examen critique de Vhist. de la Géographie, t. III, p. 60. (69) [p. 21 4] . Halley, dans les Phihsophical Transactions, vol. XXIX (for 1714-1716), n° 341. (70) [p. 215]. Dove, dans les Annales da Poggendorfî, vol. XX, p. 341; vol. XIX, p. 388 : « L'aiguille de déclinai- son se comporte à peu près connue un électromètre atmosphé- rique dont la divergence indique également la tension crois- sante de l'électricité, avant que cette tension soit devenue as- sez forte pour donner lieu à la production d'une étincelle (éclair), » Cf. aussi les ingénieuses considérations du prof. — 515 — Kœmtz, dans son Co^irs de Météorologie, vol. III, p. 511- 519 ; Sir David Brcwster, Trealise on Magnehsm,^. 380. Sur les propriétés magnétiques d'une llanmie ou d'un arc lumineux galvanique produit par une batterie de Bunsen, zinc et char- bon, V. X^sOhserv. de Casselmann (Marbourg, 1841 . Allem.), p. 56-62. (71) [p. 216J. Argelander, dans un mémoire important sur les Aurores boréales qu'il a joint aux Rapports lus à la So- ciété de physique de Kœnigsberg, vol. I, 1834. p. 257-264. (72) [p. 21 6] . Les résultats des observations que Lottin , Bravais et Siljerstrœm ont faites sur la côte de Laponie à Bose- kop (lat. 70' ), où ils ont vu 1 60 aurores boréales en 21 0 nuits, se trouvent dans les Comptes-tendus de l'Acad. des Sciences, t. X, p. 289, et dans la Météorologie de Martins, 1 843, p. 453. Cf. Argelander, collection citée dans la note précédente. (73) [p. 219]. John Frr.nklin, Narraiivc of a Journcij to the slwres of the Polar Sea in theyears, 1819-1822, p. 552 et 597; Thieneman,. dans le Edinhurgh Philos. Journal, vol. XX, p. 366; Farquharson , même collection , vol. YI, p. 392 ; AVrangel, 065. phys., p. 59. Parry vit même en plein jour Tare de l'aurore boréale sans aucune agitation ; Journal of a second Voyage, performed in 1821-1823, p. 156. Une remarque à peu près semblable fut faite en Angleterre le 9 sept. 1827 : on distinguait, en plein midi , dans une partie du ciel qui venait de s eclaircir à la suite d'une pluie, un arc lumineux de 20" de hauteur d'où s'élevaient des colonnes brillantes. Journal ofthe Royal Institutionof Gr. Britain, 1828, janv., p. 429. (74) [p. 219]. A mon retour d'Amérique, je décrivis, sous le nom de bandes polaires, une disposition ([u'affectont par fois de petits flocons de nuages très-regulièrement détaches comme par l'action de forces répulsives; j avais choisi ce nom, parce (|uc d'ordinaire le point où ces bandes convergeaient eu pers- — 516 — pective sur le ciel, coïncidait d'ahord avec le pôle magnétique, ensortequeles lignes parallèles formées par ces flocons suivaient le méridien mai;nétique du lieu. Ce phénomène énigmatique présentait une autre particularité : le point de convergence pa- raissait s'élever et s'abaisser tour-à-lour: d autres fois il marchait régulièrement dans une même directi(m. Ordinairement, ces Landes ne se forment entièrement que dans une partie du ciel ; d'abord elles affectent la direction du nord au sud ; puis , à mesure qu'elles marchent, elles changent peu à peu de direc- tion et finissent par prendre celle de l'est à l'ouest. Il ne me paraît pas possible d'expliquer les mouvements de ces zones par des variations qui surviendraient dans les courants des ré- gions supérieures de l'atmosphère. Ces bandes se montrent dans le calme le plus complet, lorsque le ciel est parfaitement pur, et sont bien plus fréquentes sous les tropiques que dans les zones froides ou tempérées. Jai remarqué ce phénomène sur la chaîne des Andes, presque sous l équateur, à iooO m. d'élévation, ainsi qu'en Asie, dans les plaines de Krasnojarski, au sud de Bucbtarminsk, et toujours il s'est développé d'une manière si frappante qu'il était impossible de n'y pas voir l'action de forces naturelles très-générales et très-répandues. V. les im- portantes remarques de Ka^nilz [Leçons de Météorologie, 1 840, p. I 46) et les réflexions plus récentes de Martins et de Bravais [Météorologie, 1843, p. 117). Arago a remarqué, à Paris, le 23 juin 1844, des bandes polaires australes, formées de nuages extrêmement légers, et des rayons sombres qui parais- saient sortir d'un arc dirigé de l'est à l'ouest. Nous avons si- gnalé plus haut (p. 217), dans les aurores boréales nocturnes. des rayons noirsy semblables à une fumée épaisse. (75) [p. 220 J. Aux îles Shetland, l'aurore boréale porte le nom de ihe nierrii daneers. Kendal, dans le Quarterly JouDuil of Science, new séries, vol. lY, p. 3y[j. (76) [p. 220 j. Voyez l'excellent travail deMuncke, dans •« — 517 — nouvelle édition du Diclionnaire de physique de Gehler , vol. VU, I, p. M 3-268, et en particulier, p. 158. (77) [p. 221]. Farquharson, dans leEdinb. Philos. Jour- nal, \o\. XVI, p. 304; Philos. Transact., for 1829, p. \ i3. (78) [p. 223]. Kœratz, Météorologie, vol. III, p. 498 et 501. (79) [p. 225]. Àrago, sur les brouillards secs de 1783 et de 1831, qui paraissaient lumineux pendant la nuit, dans \ Annuaire du Bureau des longiludes , 1832, p. 246 et 250; et sur la lumière singulière émise par certains nuages non orageux, voy. Notices sur le Tonnerre, dans Y Annuaire pour l'an 1838, p. 279-285. (80) [p. 228]. Ilérod., lY, 28. Les anciens assuraient que l'Egypte n'était point sujette aux tremblements de terre (Plin. II, 80) ; mais cette assertion est contredite par la néces- sité où 1 on fut de restaurer le colosse de Memnon (Letronnc , la Statue vocale de Memnon, 1833, p. 25-26); du inoins on peut dire que la vallée du Nil est située en dehors du cercle d'ébranlement deByzance, de l'Archipel et delà Syrie (Idelcr, ad Arislot. Meteor., p. 584). (81) [p. 229]. Saint-Martin, dans les savantes notes qu'il a jointes à V Histoire du Bas-Empire , de Lebeau, t. IV, p. 401 . (82) [page 229]. Humboldt, Asie Centrale, t. II, p. 118. Sur la différence entre l'ébranlement de la surface et celui des couches inférieures, voy. Gay-Lussac , dans les Annales de Chimie et de Physique, t. XXII, p. 429. (83) [page 230 j. « Tulissinmm estcum vibrât crispante aîdi- ficiorum crepitu; et cum intumcscit assurgcns alternoque niotu rosidet, innoxium et cum concurrenlia tecta contrario iclu arie- lant; quoniam alter motus alteri rcnilitur. Undantis indinatio et fluclus more qua'dam voluiio infesta est, aut cum in unam partem totus se motus impellil. ^ Plin., II, 82. — 518 — (84) [page 231]. Même en Italie, on commence à reconnaître combien peu les tremblements de terre dépendent des pbéno- mèues météorologiques , et de 1 aspect du ciel a\ant les se- cousses. Les données numériques de Frédéric lloûniann s'ac- cordent très-bien avec les expériences de Tabbé Scina, de Palerme; voy. les Ol^iares posllmmes du premier, vol. II, p. 360-375. J'ai remarqué moi-même, à diverses reprises, qu'un brouillard rougeàtre se montrait peu de temps avant les secousses ; cl le i nov. 1799 , j'ai éprouvé deux violentes se- cousses au moment où un fort coup de tonnerre se faisait en- tendre {Relut, hisl. , liv. iv, ch. x). Un physicien de Turin, Vasalli Eandi , a vu 1 electromctre de Yolta fortement agité pendant les longs tremblements de terre qui durèrent, à Pigne- rol, du 2 avril au 17 mai 1808 {Journal de Pliys., t. LXVII, p. 291). Mais les brouillards, les variations brusques de Télec- tricité atmosphérique et le calme de l'air ne se rattachent pas nécessairement aux tremblements de terre ; on aurait tort de leur attribuer, en général , une signification quelconque; car et a observé partout, à Quito, au Pérou , au Chili, aussi bien qu'au Canada et en Italie, que les tremblemeuls de terre avaient lieu également par un ciel serein, complètement pur de nuages, te par une brise fraîche de terre ou de mer. Mais, tout en re- connaissant qne les tremblements de terre ne sont ni précédés, ni annoncés par aucun signe météorologique , même pendant le jour où ils doivent se faire sentir, il ne faudrait pas cepen- dant rejeter avec dédain certaines croyances populaires qui at- tribuent de l'influence aux saisons (les équinoxes d'automne et de printemps), aux débuts de la saison des pluies, sous les tro- piques, après une longue sécheresse, enfin au retour des mous- sons; il ne faudrait pas, dis-jc, les dédaigner, en se fondant sur nôtre ignorance actuelle des rapports qui peuvent exister entre les phénomènes météoroiogiijuesel les phénomènes souterrains. Des recherches numériques ont été faites avec un zèle extrême par M. de Hoff , Peler Mcrian et Frédéric UoH'mann, dans le but d'établir le mode de distribution des tremblements de terre — 519 — pour les différentes saisons de l'année : ces recherches s'accor- dent à indi([iier un maximum vers l'époque des équinoxes. — 11 est singulier que Pline ait appelé les tremblements de terre : un orage souterrain; il est plus curieux encore de voir quelles raisons il en donne, à la fin de sa fantastique théorie. Pour lui, la ressemblance n'est pas seulement dans le fracas qui accom- pagne souvent ce phénomène redoutable ; ce qui le frappe sur- tout, c'est que les forces élastiques, dont la tension croissante finit par ébranler le sol, s'amassent dans les entrailles de la terre, alors qu'elles font défaut dans l'atmosphère. « Ventos in causa esse non dubium reor. Nequeenim unquam intremiscunt terrae , nisi sopito mari cœloque adeo tranquillo , ut volatus avium non pendeant, subtracto omni spirilu qui vehit ; nec unquam nisi post ventos conditos , scilicet in venaset cavernas ejus occulto afflatu. Neque aliud est in terra tremor, quam in nube tonitruum; nec hiatus aliud quam cum fulmen erumpit, incluse spiritu luctante et ad libertatem exire nitente. » (Plin., II, 79). Au reste, on retrouve dans Sénèque {Nat. Qtiœst. , II, 4-31 ), le germe assez développé de tout ce quia été dit ou imaginé, jusque dans ces derniers temps, sur les causes des tremblements de terre. (85) [p. 231]. J'ai montré, dansla JReL hist., t. I, p. 311 et 513, que la marche des variations horaires du baromètre n'est nullement troublée, soit avant, soit après un tremble- ment de terre. (86) [p. 231]. Humboldt, Rel. hist., t. I, p. 515-517. (87) [p. 234]. "V. sur les Bramidos de Guanaxuato, mon Essai polit, sur la Nouv.- Espagne, t. I, p. 303. Ce fracas souterrain ne fut accompagné d'aucune secousse, dans les mines profondes, ni k la surface (la ville de Guanaxuato est située à 1955 mètres au-dessus de la mer) ; on ne l'entendit point sur le plateau voisin, mais seulement dans la partie niontiieuse de la Sierra, depuis Cuesta de los Aguilares, non loin de Marfil , — 520 — jusqu'au nord de Sanla-Rosa. Les ondes sonores ne parvinrent pas dans certaines régions isolées de la Sierra, situées à 4 ou 5 myriamèlres au N.-O. de Guana\ualo, près de la source d'eau bouillante de San José deComangillas. On imaginera difticile- mcnt à quels excès d'autorité les magistrats de ce grand centre d industrie métallurgique, crurent devoir recourir, lorsque la terreur causée par le tonnerre souterrain était à son comble. « Toute famille qui prendra la fuite sera punie d'une amende de I 000 piastres, si elle est riche, et de deux mois de prison, si elle est pauvre. La milice a ordre de poursuivre et de ramener les fuyards. » Ce qu'il y a de plus curieux dans cette histoire singulière, c'est la confiance atfectée par l'autorité [el Cabihlo) ; voici ce que j'ai lu dans une des Proclamas : « L'autorité saura bien reconnaître, dans sa sagesse {en su sabiduria) ,\e moment où le danger sera imminent ; alors elle pourra songer à la fuite ; pour le présent, il suffit que les processions soient continuées.» La famine survint ; car la peur des truenos empêcha les habi- tants des hautes terres d'apporter leurs grains à la ville. — Les anciens connaissaient aussi les bruits souterrains sans se- cousses: Aristot., Meleor.y II, p. 802, Plin. II, 80. Lebruit sin- gulier qui se fit entendre, de mars 1822 jusqu'en septembre 1824, dans l'île dalmatc île Meleda (à 3 myriam. de Raguse), bruit dont Partsch a donné une explication satisfaisante, a été parfois accompagné de secousses. (88) [p. 236]. Drake, Nat. and Statist. Wiew of Cincin- nali, p. 232-238 ; Mitchell, dans les Transactions of ihc Litt. and Philos, soc. of New-York, \o\. 1, p. 281-308. Dans le comté piémontais de Pigncrol, des vases remplis d'eau jusqu'aux bords restaient en mouvement pendant des heures entières. (89) [p. 238] . On dit en espagnol : rocas que haccnpuenle. Ces interruptions toutes locales des ébranlements transmis par les couches supérieures, ont peut-être quelque analogie avec un phénomène remarquable (jui s est présenté au commence- ment de ce siècle, dans les mines de Saxe : de fortes secousses — 521 — se firent sentir avec taat de violence dans les mines d'argent de Marienberg, que les ouvriers effrayés se hâtèrent de remon- ter ; sur le sol même, on n'avait éprouvé aucune secousse. Voici maintenant un phénomène inverse : en novembre 1823, les mineurs deFalun et de Persberg n'éprouvaient aucune se- cousse au moment même où, au-dessus de leurs têtes, un vio- lent tremblement de terre jetait l'effroi parmi les habitants de la surface. (90) [p. 238]. Sir Alex. Burnes, Travels into Bohliara , vol. I, p. 18; et Wathen, Mcm. on (he Ushek Stale, dans le Journal of the AsiaticSoc. ofBengal, vol. III, p. 337. (91) [p. 239]. Philos. Transact., vol. XLIX, p. 414. (92) [p. 241]. V. sur la fréquence des tremblements de terre dans le Cachemir, la traduction de l'ancien Radjatarangini , par Troyer, vol. II, p. 297, et les Voyages de Cari de Hugel, vol. II, p. 184. Allem. (93) [p. 242]. Strabon lib. I, p. 100, Casaub. La preuve que l'expression 77///0O S'.y.Tz-jpo-j TTOTa;;.ov ne signihe point de la boue (éruption de boue), mais bien de la lave, résulte claire- ment d un passage du môme auteur, Strabon, lib. VI, p. 412. Cf. Walter, Sur la diminidion de l'activité des Volcans de- puis les temps historiques, 1 844, p. 25. Allem. (94) [p. 245]. Sur les puits de feu artésiens {Ilo-tsing) en Chine, et sur l'emploi du gaz transporté k l'aide de tuyaux de bambou dans la ville de Khioung-Tcheou, voy.Klaproth, dans mon Asie centrale, t. II, p. 519-530. (95) [p. 245]. V. rexccllent ouvrage de Bischof : Théorie de la chaleur interne du Globe. (96) [page 245]. Boussingault [Anttales de Chimie, t. LU, p. 181) n'a point remarqué d'acide hydrochlorique dans les émissions gazeuses des volcans de la Nouvelle-Grenade, tandis 34 — 522 — que Monlicclli en a trouvé d énormes quantités dans les pro- duits de l'éruption du Vésuve, en 1813. (97) [page 245]. Ilumboldt, Recueil d'Observ. astronomi- ques, t. I, p. 3 H [Nivellement barométrique delà Cordillère des Andes, n° 206). (98) [page 246]. Adolphe Brongniart, dans les Annales des Sciences naturelles, t. XV, p. 225. (99) [page 247] . Bischof, ouvrage cité, p, 324, Rem. 2. (100) [page 247]. Humboldl, Asie centrale , 1. 1, p. 43. (1) [page 248]. Sur la théorie des lignes isogéothermes {chthonisothermes) , voy.les ingénieux travaux de Kupffer, dans les Annales de Poggend. vol. XV, p. 184, et vol. XXXII, p. 270; dans le Voyage dans l'Oural, p. 382-398 ; et dans le Edinb. Journal of Sciences , new séries, vol. IV, p. 355. Cf. Kaemtz, Leçons de Météorologie, vol. II, p. 217, et sur l'exhaussement des chthonisothermes dans les pays de monta- gnes, Bischof, p. 174-198. (2) [page 248]. Léopold de Buch , dans les Ann. de Pog- gend. vol. XII, p. 405. (3) [page 248], La température des gouttes de pluie était descendue à 22% 3, lorsque la température de l'air otait de 30 à 31" quelques instants auparavant; pendant la j)luio même, la température atmosphérique était 23°, i; voy. ma lîcl. hist. , t. II, p. 22. La température initiale des gouttes de pluie dé- pend de la hauteur de la couche nuageuse et du degré d'échauf- fement que les rayons solaires ont communiqué à la face supé- rieure de cette couche; mais cette température change pendant la chute. Lorsque les gouttes de pluie commencent à se former, leur température est supérieure à celle du milieu envinuinant, k cause du caloricpie lalenl (jui devient libre; puis, eu lonibant, elles traversent des couches d'air plus basses et plus chaudes, où — 523 — elles s'échauftcnt et grossissent encore un peu, en condensant la vapeur d'eau contenue dans ces couches (Bischof, Théorie de la Chaleur interne du Globe, p. 73) ; mais cet échauffement est compensé par la perte de chaleur qu'entraîne l'évapora- tion des gouttes elles-mêmes. Si l'on met hors de cause l'élec- tricité atmosphérique dont les effets se font probablement sentir pendant les pluies d'orage, on peut attribuer le refroi- dissement de l'atmosphère, pendant la pluie, d'abord à la tem- pérature initiale plus faible, que les gouttes ont acquise dans les hautes régions , puis à l'air froid des couches supérieures qu'elles entraînent avec elles; enfin à l'évaporation qui s'éta- blit sur le sol humecté. Telle est, en effet, la marche or- dinaire du phénomène. Mais , dans certains cas rares , les goutlos de pluie sont plus chaudes que Tair voisin du sol (Uumboldt, Rel. hisl., t. 111, p. 513) , ce qui tient peut-être à la présence de courants d'air chaud dans les hautes régions, ou à la température élevée que Yiusolaiion peut développer dans des couches de nuages très-étendues et peu épaisses. Ajoutons qu'Arago a montré, dans Y Annuaire pour 1836, p. 300, com- ment la grandeur et l'accroissement du volume des gouttes de pluie se rattachent au phénomène des arcs supplchnenlaires de l'arc-en-ciel, qui ont été expliqués au moyen d'interférences des ravons lumineux : celte savante discussion fait voir tout le parti qu on peut tirer d un phénomène optique convenablement observé, pour éclaircir les questions les plus ardues de la mé- téorologie. (4) [page 248], Après les observations décisives dcBoussin- gault, il n'est plus permis de douter (jue la température du sol, à une faible profondeur, ne soit égale à la température moyenne de l'atmosphère , sous les tropiques. Je me permettrai de citer ici les exemples suivants : ~ 524 — STATIONS dans LA ZOSE TROPICALE. 1 PIED (0-,3'2) au-dessous de la surface de la terre. TEMl'ÉRATLRE moyenne de l'atmosphère. HAITEIRS au-dessus du niveau de la mer. Guayaquil Anserma nuevo Zupia Popayan Quito •26% 0 23-,7 21 ',3 15%o 2.D-,6 2.3% 8 2I°,5 18%7 0 î lOoOm. i22.3 1807 2913 Le doute que mes propres observations, dans la caverne de Cïtri^e [Cuevadel Guacharo), ont pu faire naître à ce sujet {/?-jri(; ) , mais bien d'une empreinte de poisson (tjttov àcp-jTiç ) ; Delarue blâme à tort Jacob Gronovius davoir préféré la seconde version et d'avoir substitué le mot sardine au mot laurier. En tout cas, la découverte d'un pois- son fossile est plus vraisemblable que celle d'une image de Si- lène (Plin. XXXVI, 5) trouvée, dit-on, par des ouvriers, dans les carrières de Paros (marbres du montMarpessos, Serviusaci Virg. /En. VI, 471). (80) [page 302]. Sur la constitution géologique des envi- rons de Carrare (ville de la Lune , Slrabo, lib. V, p. 222) ; v. Savi, Osservazioni sui terreni antichi Toscani, dans le Nuovo Giornale de Lelterali di Pisa , N" 63, et Hoffmann , dans lés Archives de Minéralogie de Karsten, vol. VI, p. 2'i8- 263 , et dans le Voyage géogn. en Italie, du même auteur, p. 244-265. Allem. (81) [page 302]. Cette hypothèse a été émise par un obser- vateur distingué, Karls de Leonhard ; v. son Annuaire miné- — 544 — raîogique , 1834, p. 329, et Bernhard Colla, Gcognosie , p. 310. (82) [page 303]. Léop. de Biicli , Lettres geogn. à A. de Ilumholdt, 1824, p. 36 cl 82; le même, Annales de Chimie, t. XXIlï, p. 276 , el dans les Mém. de VAcad. de Berlin , 1822 cl 1823, p. 83-136; H. de Déchen, Géognosie,^. 574- 576. (83) [page 305]. Hoffmann, Voyage géogn. revu par M. de Déchen, p. 113-119, 380-386; Annales de Phijs. de Pog- gend., vol. XXVI, p. 41 . (84) [page 305.] Dufrcnoy, dan? les Mém. géologiques, t. IT, p. 145 et 179. (85) [page 305]. Humboldt, Essai géogn. sur le Gisement des Roches, p. 93 ; Asie Centrale, t. III, p. 532. (86) [page 305]. Elie de Beaumonl, Annales des Sciences naturelles, t, XV, p. 362; Murchison, Silurian system , p. 286. (87) [page 306]. Rose, Voyage dans l'Oural, vol. I, p. 364 et 367. (88) [page 306). Léop. de Biich, Lettres, p. 109-129. Cf. Elie de Beaumonl, sur le contact du granit avec les couches du Jura, dans les Mém. géoL, t. II, p. 408. (89) [page 306]. Hoffmann, Voyage, p. 30 cl 37. (90) [page 307]. Sur la formation du fer spéculairc et sur les réactions chimiques qui la déterminent, v.Gay-Lussac, dans ]cs Annales de Chimie, t. XXII, p. 415, el Mitscherlich, dans les Annales de Poggend., t. XV, p. 630. Les cavités de l'obsi- dienne de Cerro dcl Jacal, que j'ai rapportée du Mexique, con- tiennent aussi des cristaux d'olivine formés sans doute par voie de sublimation (Gustave Rose, Annales de I*ogg., t. X, p. 323). Ainsi l'olivine se présente dan-s le basalte, la lave, l'obsidienne, — 543 — les scories artificielles, les pierres météoriques, lasyénite d'Elf- dalen, et sous le nom d'hyalosidérile , dans la wacke de Kai- serstuhle. (91) [page 307] . Constantin dcBeust, Sur les Formations porplujritiques, 1835, p. 89-96; alleni. C. de Weissenbach , Dessins de plusieurs genres remarquables de pénétration , 1836, fig. 12. Mais la structure en forme de bandes étroites n'est pas générale ; de même l'ordre dans lequel les divers membres de ces masses se succèdent n'indique pas nécessaire- ment leur âge relatif; v. Freiesleben , Sur les Filons métalli- fères de la Saxe , 1843, p. 10-12. Allem. (92) [page 308]. Mitscherlich, Surla reproduction artificielle des Minéraux, dans les Méni. de VAcad. de Berlin, 1822 et 1823, p. 25-41. (93) [page 308]. Les scories ont offert : des cristaux de feld- spath, découverts par Heine, dans un fourneau de fonte pour le minerai de cuivre , près de Sangcrhauseu , et analysés par Kersten [Annales de Pogg., vol. XXXllI, p. 337); des cris- taux d'augite, dans les scories de Sahlc (Mitscherlich, Mém. de VAcad. de Berlin, 1822 et 1823, p. 40); des cristaux d'o- livine (Sefstrœm^ dans l'ouvrage deLéonhard, Formations ba- saltiques, vol. II, p. 495]; du mica, dans les vieilles scories de Garpenbcrg (Mitscherlich . dans l'ouvrage cité de Léonhard , p. 506); des cristaux d'oxyde magnéli([uc de fer, dans les sco- ries de Châtillon-sur-Seinc (Léonhard, p. 441); du fer spécu- laire produit dans de l'argile k poteries (Mitscherlich , dans Léonhard, p. 234). (94) [page 308]. Les minéraux que l'on a réussi à reproduire de toutes pièces, sont : lidocrasc et le grenat (Mitscherlich, Annales de Poggend., vol. XXXIII, p. 340) , le rubis (Gaudin; Comptes rendus de VAcad. des Sciences, t. IV, P. I, p. 999) ; l'olivine et l'augite (Mitscherlich ctBerthier, dans les Annales de Chimie et de Physique, t. XXÏV, p. 376). Quoique Tau- — 546 — gite et la hornblende présentent , d'après G. Rose, la plus grande similitude dans la forme de leurs cristaux, et qu'elles aient presque la même composition chimique ; cependant la hornblende ne sest jamais rencontrée dans les scories, à côté de laugite, et les chimistes n'ont encore pu reproduire ni la hornblende, ni le feldspath (Mitscherlich, Annales de Pogg., vol. XXXIII, p. 340; cl Rose, Voyage dans VOural, vol. II, p. 358 et 363). Cf. aussi Beudant, Mém. de VAcad. desScien- ces, t. YIU, p. 221 , et les recherches ingénieuses de.Becqucrcl, dans son Traité de V Electricité, t. I, p. 334 ; t. III, p. 218; t. V, 1. p. 148 et 183. (95) [page 308]. D'Aubuisson , Journal de Physique, t.XLVIII, p. 128. (96) [page 310]. Léop. de Bach, Lettres géogn.,^^. 75-82: on voit en même temps, dans ce passage , pourquoi le grès rouge (le todtliegende des couches de flœtz de la Thuringe) et le terrain houiller doivent être considérés comme produits par l'éruption des roches porphyritiques. (97) [page 313]. C'est une découverte de miss Mary Anning, qui a trouvé aussi les coprolithcs des poissons. Ces coprolithes et ceux des ichlhyosaures sont si nombreux en Angleterre (par exemple, à Lyme Régis), que Buckland les compare à des pommes de terre répandues en abondance sur le sol. Cf. Buck- land, Geology considered wilh référence to Nalural Theo- logy, vol. 1, p. 188-202 et 305. Sur l'espoir manifesté par llookc « to raise a chronology » de l'étude des co(iuillos fos- siles, « and to State the intervais of the timc whereiu such or such catastrophes and mutations bave happened , » voy. Posth. Works, Lecture Feb. 29, 1688. (98) [page 31 3]. Léop. de Buch, Mcm. de VAcad. de Ber- lin, 1837, p. 64. (99) [page 31 4]. Le même. Roches et terrains de la liussic, 1840, p. 24-40. — 547 — (1 00) [page 315]. Agassiz, Monographie des Poissons fos- siles du vieux grès rouge, p. VI et 4. (1) [page 315]. Léop. de Buch, Mém. de VAcad. de Ber- lin, 1838, p. 149-168; Bcyrich, Documents relatifs au ter- rain de transition des Provinces Rhénanes, 1837, p. 45. AUem. (2) [page 315]. Agassiz , Recherches sur les Poissons fos- siles, 1. 1, lûtrod. p. XVIII (Davy, Consolations in Travel , dial. III). (3) [p. 315]. D'après Hermann de Mayer, ce serait un Pro- tosaurus. La côte d'un saurien trouvée, dit-on, dans le cal- caire de montagne (calcaire carbonifère) du Northumberland (Herm. de Mayer, Palœologica, p. 299), est très -douteuse , selon Lyell [Geology, 1832, vol. I, p. 1 48). L'auteur de la dé- couverte en fixe lui-même la place dans les couches d'alluvion qui recouvrent le calcaire de montagne. (4) [page 316]. F. d'Alberti , Monographie du Bunter Sandstein , du Muschelkalk et du Keuper, 1834, p. 119 et 314. (5) [page 316]. Voyez les ingénieuses considérations de H. de Mayer, sur l'organisation des sauriens volants, dans les Pa- lœologica, p. 228-252. C'est à Solenhofen, dans le schiste li- thographique de la formation jurassicjue supérieure, que l'on a trouvé le Pterodactylus crassirostris, ainsi que le P. longi- rostris {Ornithocephahis, Sœmmcring) plus anciennement connu. Leprofcsseur Goldfuss a même trouvé, sur un exemplaire fossile de la première espèce, des traces de l'aile membraneuse et l'empreinte de plusieurs mèches de poils recourbés, ayant, çà et là, quelques centimètres de longueur. (6) [page 317]. Cuvicr, Recherches sur les Ossements fos- siles, t. I, p. LlI-LVIl. (Cf. 17i'c/te//e des époques gélngi(jucs dans Phillips, Geology, 1837, p. *1 66-1 85). — 548 — (7) [page 348]. Agassiz, Poissons fossiles, t. I, p. XXX et t. III, p, 1-52; Buckland, GeoJofjy, vol. I, p. 273-277. (8) [page 318]. Ehrenberg, sur les espèces animales encore vivantes qu'on a trouvées, à l'état fossile, dans la formation cré- tacée, Mém. de VAcad. de Berlin, 1839, p. 164. (9) [page 31 8j. Valencionnes, Comptes rendus de VAcad. des Sciences, t. Yll, 1838, P. 2, p. 580. (10) [page 31 8J. Dans le Weald-Clay, Boudant, Géologie, p. 1 73. Le nombre dcsornilholithes augmente dans le gypse de la formation tertiaire (Cuvier, Ossements fossiles, i. III, p. 302- 328). (1 1) [page 319]. Léop. deBucb, dans les Mém. de l'Acad. de Berlin, 1830, p. 135-187. (12) [page 319] . Qucnstedt, Terrains de flœlz du Wur- temberg, 1843, p. 135. (13) [page 320]. Le même, p. 13. (14) [page 320]. Murcbison fait deux divisions du hunier sandslein; l'une est le trias supérieur à\K.\hcrti; l'autre di- vision comprend le trias inférieur, auquel appartient le grès vosgien d'Elie de Beaumont; le zecbstcin (calcaire magnésien) et le todlliegendo, (nouveau grès rouge inférieur! forment ]c sys- tème permien. Il fait commencer les formations secondaires au trias supérieur, c'est-à-dire îi la division supérieure du bun- ter sandstcin allemand; le système pormien, le calcaire carbo- nifère ou calcaire de montagne, les strates devoniennos et silu- riennes constituent les terrains paléozo'iqucs de Murcbison. Dans ce système, la craie et le calcaire du Jura portent le nom de formations secondaires supérieures; et le keuper, le calcaire coquiller , le grès bigarré, portent celui de formations secon- daires inférieures ; le système permien et le calcaire carbonifère composent la formation ])aléozoïque supérieure, tandis que les coucbes devoniennes et siluriennes sont, ensemble, désignées — 549 — sous le nom de formation paléozoïque inférieure. Les bases de cette classification générale sont développées dans le grand ou- vrage où l'infatigable savant anglais doit exposer la géologie d'une grande partie de l'Europe orientale. (15) [page 321 J. Cuvier , Ossements fossiles, 1831, 1. 1, p. 1 57, 261 et 264. (Cf. Humboldt, Sur Je plateau de Bogota, dans la Revue trimestrielle allemande, 1 839, vol. I, p. 1 1 7. (16) [page 321]. Journal of the Âsiatic Society, 1844, n15, p. 109. (17) [page 322] . Beyrich, dans les Archives pour la Mi- néraloijie, de Karsten, 1844, vol. XVIII, p. 218. (18) [page 322]. Par les excellents travaux du comte Stern- berg, d'Adolphe Brongniarl, de Gœppert et de Lindley. (19) [page 323]. Voy. Robert Brown, Bolany of Congo, p. 42, et d'Urvillc, dans le mémoire : De la distribution des fougères sur la surface du globe terrestre. (20) [page 323]. Telles sont les cycadées découvertes par le comte Slcrnbcrg dans l'ancien terraiu houiller de Nadnitz, en Bohème, et décrites par Corda ( deux espèces de cijcadites et le zamites Cordai ; V. Gœppert, Cycadées fossiles, dans les Travaux de la Société Silésienne , 1843, p. 33, 37, 40 et 50. On a trouvé aussi une cycadée, le Pterophyllum gonorrachis Gœppert, dans le terrain houiller de la Silésie supérieure. (21) [page 323] . Lindley, Fossil Flora, n« 15, p. 163. (22) [page 323]. Fossil coniferœ , dans Buckland, Geo- logy, p. 483-490. M. Witham a le grand mérite d'avoir le premier reconnu l'existence des conifères dans la végétation primitive de l'ancienne formation carbonifère. Autrefois, la plupart des troncs d'arbre que l'on rencontrait dans cette for- mation étaient considérés comme des palmiers. Au reste , les espèces du genre Araucarites ne sont point exclusivement — 550 — propres aux terrains houillers des îles Britanniques ; elles se trouvent aussi dans la Silésie supérieure. (23) [page 323]. Adolphe Brongniart , Prodrome d'une llist. des Végétaux fossiles, p. 179; Buckland , Geohgy , p. 479; Endlicher et Unger, Eléments de Botanique, 1843, p. 455. AUem. (24) [page 324]. « By means of Lepidodendron a better passage is established from Flowering to Fiowerless plants tlian by eilher Equisetum or Cycas, or any otlier known genus. » Lindley etllutton, Fossil Flora, yo\. II, p. 53. (25) [page 324]. Kuntb, Classification des Familles des Plantes, dans son Manuel de Botanique, p. 307 et 314. AUem. (26) [page 324]. Le charbon de terre ne provient point de végétaux carbonisés par le feu, mais de végétaux décomposés par la voie humide, sous rinducnce de l'acide sulfurique. La preuve la plus frappante dont on puisse arguer en faveur de cette opi- nion a été donnée par Gœppert , dans les Archives de Miné- ralogie de Karsten, vol. XVIII, p. 530. Gœppert a examiné un fragment de l'arbre à ambre qui a été transformé en charbon noir, sans que l'ambre ait subi d'altération; le charbon et l'ambre s'y trouvent juxtaposés. Quant à la part qui revient aux petits végétaux, dans la formation dos couches carbonifères, v. Liuk, dans les Mém. de l'Acad. de Berlin, 1838, p. 38. (27) [page 325]. Yoy. les excellents travaux deChevandicr, dans les Comptes rendus de VAcad. des Sciences, 1844, t. XYIII. P. 1, p. 285. Eu comparant cette couche de carbone, de 10 millimètres d'épaisseur, avec les couches de charbon de terre , il faut tenir compte de l'énorme pression à laquelle ces dernières couches sont soumises; celte pression se manifeste par la forme aplatie de presque tous les troncs d'arbres sou- terrains. « Les montagnes de bois que l'on a vues sur le rivage méridional de la Nouvelle-Sibérie, île découverte eu 1800, — 551 — par Sirowatskoi , consistent , d'après Ilcdcnstrœm , en une série de couches de grès horizontales, alternant , sur une hau- teur d'environ 60 m., avec des troncs d'arbres bitumineux. Au sommet de la montagne, ces troncs sont disposés verticalement. La couche, remplicde bois flotté, C'^t visible sur une étendue de 5 myriamètres. » Yoy. Wrangel, Voyage sur la côte septen- trionale de la Sibérie, pendant les années 1 820-1 824 , P. I , p. 102. (28) [p. 326]. Cette corypha est la soyate (en aztèque, Zoyatl) ou \q Pahna dulce des indigènes; v. Huniboldt et Bonpland, Synopsis Plant, œquinoct. Orbis Novi,i. I, p. 302. Un homme profondément versé dans les langues de l'Amérique, le professeur Buschmann, fait remarquer que le Palma soyate est désigné sous ce nom dans le Vocabidario de la lengua Otiiomi de Yepes, et que le mot aztèque Zoyatl (Molina, Vo- cabidario en lengua mexicana y castellana) , se retrouve dans les noms de lieu tels que Zoyalitlan et Zoyapanco , dans l'état de Chiapa. (29) [p. 326]. A Baracoa et k Cayos de Moa; v. le journal de l'Amiral, k la date du 25 et du 27 novembre i 492, et Hum- boldt, Examen critique de VHist. de la Géogr. du Nouveau- Continent, t. II, p. 252 et t. III, p. 23. Colomb accordait une attention si soutenue à tous les faits naturels, qu'il reconnut, le premier la différence du Poc/ocarpits au PmM5. Je trouve, dit-il, « en la tierra aspcra del Cibao pinos que no llevan piûas, pero por tal ordcncompuestos por naluraleza, que (los frutos) parccen azeytunas del Axarafe de Sevilla. » Le grand botaniste Richard ne soupçonnait guère, en publiant son excellent traité sur les Cycadées et les conifères , que bien avant L'Héritier, le Podo- carpus avait déjà été distingué des Abiétinées, par un naviga- teur du xv^ siècle. (30) [p. 327]. Charles Darwin, Journal ofthe Voyages of the Adventitre and Beagle, 1839, p. 271 . — 652 — (31) [p. 3-27]. Gœppert décrit encore trois Cycadées (espèces du genre Cycaditcs et PteroplujUum] provenant du schiste argileux carbonifère d'Altsatlel et de Conimotau en Bohème; elles appartiennent peut-être à la période éocèue (Gœppert, dans l'ouvrage cité à la note (20), p. 61). (32) [p. 328]. Buckland, Geology, p. 509. (33) [p. 329]. Léopold de Buch, dans les Mcm. de l'Acad. de Berlin, 181 5, p. 161, et dans les Anncdes de Poggendorff, vol. IX, p. 575; Elie de Beaumont, dans les Annales des Sciences Nat. t. XIX, p. 60. (34) [p. 331]. Cf. Elie de Beaumont, Descrip. geol. de la Fiance, t. I, p. 65; Beudant, Géologie, 1844, p. 209. (35) [p. 336]. Transaction of the Cambridge Philos. So- ciety, vol. YI, P. 2, 1837, p. 297. Selon d'autres auteurs, le rapport est celui de 1 00 à 284. (36)i.|p. 337]. On croyait, dans le moyen âge, que les mers couvraient la septième partie seulement de la surface terrestre; et cette croyance, le cardinal d'Ailly la basait sur le 4*^ livre apocryphe dEsdras. Christophe Colomb, qui puisait toutes ses notions cosmologiques dans l œuvre du Cardinal, avait un grand intérêt à défendre celte opinion de la petitesse relative des mers, que l'expression mal comprise de « Fleuve de l'Océan « venait encore renforcer. Cf. llumboldl. Examen critique de l'hist. de la Géographie, 1. 1, p. 186. (37) [p. 337]. Agalliémère, dans Iludsou, Geographi mi- nores, t. II, p. 4. Cf. Ilumboldt, Asie cent., t. 1, p. 120, 1 25. (38) [p. 338]. Strabo, lib. 1, p. 65, Casaub. Cf. Ilumboldt, Examen cril., 1. 1, p. 152. (39) [p. 339J. Voy. sur la latitude moyenne du lilloral de l'Asie septentrionale, et sur la véritable dénomination du Cap Taïmoura (Cap Siewero-Wostotscbnoi) et du Cap du Nord-Est — 553 — (Schalagskoi Mys), Humboldt, Asie cotlrale, t. III, p. 35 et 37. (40) [p. 339]. Même ouvr., t.I, p. 198-200. De même, la pointe méridionale de l'Amérique, ainsi que l'archipel qui porte le nom de Terre de Feu, se trouvent sur le méridien de la partie la plus septentrionale de la baie de Baffin et de la grande terre polaire dont les limites ne sontpas encore fixées et qui appartient peut-être au Groenland occidental. (41) [p. 340]. Strabo, lib. II, p. 92 et 108 Casaub. (42) [p. 340] Humboldt, Asie centrale, t. III, p. 25. Dès 1817, j'ai montré, dans mon ouvrage De distributione geo- graphica plantarum sccundum cœli tcmperiem et aJtiludinem montium, de quelle importance il est, pour la climatologie et l'étude de la civilisation, de distinguer entre les continents «7- ticuïés et les continents compactes : « Regiones vel per sinus lunatos in longa cornua porrect (p. 81 ot 1 82). Sur le rapport de 1 étendue des côtes à la superficie d un continent, rapport qui permet de juger, d'une manière générale, k quel point l'intérieur est accessible, voyez hs Annales de Géogr. de Berghaus, t. XII, 1835, p. 490, et Y Allas physique, 1839, n" III, p. 69. (43) [p. 340]. Strabo, lib. II, p. 126, Casaub. (44) [p. 340]. Pline a dit en parlant de l'Afrique (V, 1) : Nec alia pars terrarum pauciores recipit sinus. La petite pénin- sule ïransgangélique , avec sa figure triangulaire , nous offre une Iroisiénu* forme très-analogue à celles de l'Afrique et de 1 Amérique du Sud. L'idée d'une certaine régularité dans la configuration de la terre ferme a régné dans l'antiquité grecque. On croyait alors qu'il y avait quatre grands golfes, parmi les- quels le golfe l'ersique et la mer d'Hyrcanie (la mer Caspienne) devaient être opposés l'un à l'autre (Arrien, VII, 16; Plut, m 36 — 554 — vila Alexandri, cap. 44; Dionys. Perieg., v, 48 et 630, p. 11 et 38, BcM-nli.). Bien plus, quatre golfes se retrouvaient sur la surface de la Luue, comme un reûet des grandes formes de la surface terrestre (voy. cette fantastique conception d'Agé- sianaxdans Plut, de Facie in Orbe Lunœ, p. 921 , 19). 11 faut lire dans Macrobe, Comm. in Somnium Scipionis , II, 9, la description de la terra quadrifida ou des quatre continents disposes deux par deux , au nord et au sud de l'cquateur. J ai soumis cette partie de l'ancienne géographie à une discussion nouvelle et approfondie, afin de la dégager de la confusion inex- tricable où elle avait été laissée; voy. mon Examen crit. de YHist. de la Géogr., t. I, p. 119, 145, 180-185, et mon Asie centrale, t. II, p. 172-178. (45) [p, 340]. Fleurieu, dans le Voyage de Marchand au- tour du monde, t. IV, p. 38-42. (46) [p. 341]. Humboldt, dans le Journal de Physique, t. LUI, 1 799, p. 33, et Rel hist., t. II, p. 1 9 ; t. III, p. 1 89 et 198. (47) [p. 341 J. Humboldt, dans les Annales de Physique de PoggendorfF, vol. XL, p. 171 . Le dédale de fiords qui s'étend au sud-est de l'Amérique a été décrit par Darwin dans son Jour- nal {Narrative of tke voyages of ihc Adventurc and Bcagle, vol. III), 1839, p. 266. Le parallélisme des deux chaînes se maintient dejTuis le 5" degré de latitude boréale, jusqu'au 5" degré de latitude australe. Le changement de direction que la côte présente vers Arica, paraît être la conséquence d un changement analogue dans l'immense fissure sur laquelle la Cordillera de los Andes a été soulevée. (48) [page 344]. De la Bêche, Sections and Vicws illuslrn- tive of Geologicai Phenomcna, 1830, Tah. 40; Charles Rab- bage, Observations on ihe Temple of Scrapi s at Pozzuoli ncar Naples, and on certain causes tvhirh may produrc (icologiml Cycles ofgreal extent, 1834. « Si la température d une couche de grès, de 8000 mètres d'épaisseur, augmente de 55°, la sur- face de cette couche dilatée s'élèvera de 7 m. Le contraire a lieu pour des couches argileuses ; leur échaufFement produit une contraction, et, par suite, une dépression du sol. « Cf. les calculs que Bischof a faits sur l'exhaussement séculaire de la Suède , en supposant ({uc la température d'une couche de 45500 m. d'épaisseur augmente de 3" Réaumur. Bischof, Théorie de la Chaleur interne du Globe terrestre, p. 303. (49) [page 345] . « On a supposé jusqu'à présent que la pe- santeur reste invariable en chaque point de la surface. Mais depuis que l'on a constaté un soulèvement graduel, sur de grandes étendues de la surface terrestre, cette hypothèse , en apparence si bien établie, est devenue jusqu'à un certain point incertaine. » Bessel, Sur les poids et mesures, Aa.ïi&V Annuaire de Schumacher pour 1840, p. 134. (50) [page 345]. P. II (1810), p. 389. Cf. Hallstrœm, dans les Kongl. Velenskaps-Acadeniiens Jlandlingar (Stockholui), 1823, p. 30; Lyell, dans les P/m7o5. Transact. for 1835, p. 1; Blom, Descr. stal. de la Noriccge, 1843, p. 89-1 16, allem. Des 1 802, avant la publication du voyage de Léopold de Buch en Scandinavie et après l'époque du voyage lui-même , Playfair présumait que le niveau de la mer ne s'abaissait point, mais que le sol de la Suède s'exhaussait [flhuftrations of thc Uutlonian Theonj , ^ ^9^) ; selon Keilhau {On{ Landjordens Stigning in Norge, dans le Nyt Magazin for Naturvidens- kaberne], Playfair, à son tour, aurait été précédé , dans cet ordre d'idées, par le Danois .Tesscn. Hàtons-nous d'ajouter que ces opinions n'ont exercé aucune influence sur les progrès de la physique du globe, ni sur les travaux du grand géologur alle- mand auquel elles restèrent entière?nent inconnues. Dans un ou- vrage intitulé : Kongeriget Norge fremslillel efter dels nalur- lige og borgerligeTilstand,K]œ]wn\i., 1763, Jessen a clierché à approfondir les causes des variations qu'éprouve la (lilFérence de niveau de la nier et de la terre ferme, en prenant pour base — 556 — les déterminations anciennes de Celsius, de Kalm et de Dalin. Après avoir débuté par des assertions erronées sur la faculté qu'il attribue aux. pierres et aux roches de croître comme par intussusception, il se prononce finalement pour une hypothèse plus rationnelle, et il rattache aux Irenibloments de terre, comme conséquence, 1 exhaussement graduel du sol. «Quoique le tremblement de terre (à Egersund) n'ait point été suivi d'un soulèvement de ce genre, il est possible , dit Jessen, que les se- cousses aient préparé les voies à l'action de quelques autres causes. » (51) [page 345] . Berzclius, Rapport annuel sur les progrès des Sciences physiques, n" 18, p. 686. L'île de Bornholm et celledeSaltholm, située vis-à-vis de Kopenhague, s'élèvent fort peu ; l'exhaussement est à peine d'un tiers de mètre par siècle pour Bornholm. Voy. Forchhammer, dans le Philos. Maga- zine, séries III, vol. II, p. 309. (52) [page 345]. Keilhau, dans le Nyt Mag. for Aatur- vid., 1832, vol. I, p. 105-254; vol. II, p. 57; Bravais, Sur les lignes d'ancien niveau de la mer, 1843, p. 15-40. Cf. aussi Darwin, On the Parallel roads of Glen-Roy and Locha- ber, dans les Philos. Transact. for 1839, p. 60. (53) [page 347]. Humboldt, Asie centrale, t. II, p. 319- 324 ; t. m, p. 549-551 . La dépression de la mer Rouge a clé déterminée successivement par les mesures barométriques du comte Bertou , par les mesures beaucoup plus soignées de Rus- segger, et par les opérations trigonométriques du lieutenant de vaisseau Symond. Cette dernière mesure donna, d'après une lettre adressée par M. Alderson à la Société géographique de Londres (celte lettre m'a été communicjuéc par mon ami le ca- pitaine Washingtcm), 489 m. pour la ditreieiice d(> liauteur entre le niveau de la mer Morte et la plus haute maison de Jafl'a. M. Alderson croyait, à cette époque (28 nov. 1 84 1 ), (|ue la mer Morte était à 427 m. au-dessous de la Méditerranée. Dans une — bol — communication plus récente du lieutenant Symond (Jameson's Edinb. New Philos. Journal, vol. XXXIY, 1843, p. 178), le résultat définitif de deux mesures trigonométriques parfaite- ment concordantes est 400 mètres. (54) [page 347J . Sur la Mobilité du fond de la mer Cas- pienne, dans mon Asie centrale , t. II, p. 283-294. En 1830, l'Académie impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg a chargé , sur ma demande , le savant physicien Lenz de poser des marques fixes sur la presqu'île d'Âbschéron, près de Bakou, afin d'indi([uer le niveau moyen des eaux pour une époque dé- terminée. De même, j'ai insisté, en 1839, dans un appendice aux instructions données au capitaine Ross pour l'expédition antarctique, sur la nécessité d'établir, comme en Suède et comme sur les rives de la mer Caspienne , des points de repère sur les rochers qui bordent la mer dans riiémisphère Sud. Si une pareille mesure eût été prise à l'occasion des premiers voyages de Cook et de Bougainville, nous saurions aujourd'hui si le changement séculaire du niveau relatif des eaux et des terres est un phénomène général ou un fait purement local , et s'il existe une loi fixe dans la direction des points qui s'élèvent ou qui s'affaissent simultanément. (oo) [page347J. Sur l'affaissement et l'exhaussement du fond de la mer du Sud , et les diverses « arcas of alternate mo- vements », voy. Darwin's Jour/Ja/, p. 557 et 561-566. (56) [page 351]. Humboldt, Rel. hist., t. III, p. 232-234. Cf. aussi d'ingénieuses remarques sur la configuration de la terre et la disposition des lignes de faîte, dans All)ert de Roon , Principes de Géographie , d'Ethnologie et de Statistique, r" div., 1837, p. 158, 270 et 276. (57) [page 35 IJ, Léopold de Buch, Sur les Systèmes géo- gnostiques de l'Allemagne, dans ses Lettres géogn. à Alexandre de Humboldt, 1824, p. 265-271; Elle de Bcaumont, lie- — oo8 — cherches sur les révolutions de la surface du globe, 1829 , p. 297-307. (58) [page 352]. lîumboldt, Asie centrale, 1. 1, p. 277-283. Voy. aussi mon laissai sur le gisement des Roches, 1822, p. 57, et la Relat. hist., t. III, p. 244-250. (59) [page 352]. Asie centrale , t. I, p. 284-286. La mer Adriatique suit égaleuicnt la direction S. E.-N.O. (60) [p. 353]. De la hauteur moyenne des continents, dans mon Asie centrale, 1. 1, p. 82-90 et 165-189. Les résultats que j ai obtenus doivent être considérés comme des nonibres-l imites. Laplace estime à 1 000 m. la hauteur moyenne des continents; ce nombre est , pour le moins, trois fois trop fort. L'immortel géomètre avait été conduit à ce résultat par certaines considé- rations hypothétiques sur la profondeur moyenne des mers {Mécanique céleste, t. V, p. 1 4). J'ai montré dans VAsie cen- trale, t. I, p. 93, que déjà les mathématiciens de l'école d'A- lexandrie avaient cru que cette profondeur des mers était dé- terminée par lahauteurdes montagnes (Plut. in/EmilioPaulo, cap. 15). La hauteur du centre de gravité des masses continen- tales subit vraisemblablement de faibles variations dans le cours des siècles. (61) [p. 354]. Deuxième Lettre géologique d' Elie de Beau- mont à Alexandre de llumhohlt, dans les Annales de Poasen- dorff, vol. XXV, p. 1-58. (62) [page 355]. Humboldt, Relat. ///*^, t. TII, chap.XXIX, p. 514-530. (63) [page 357] . Voy. la série des observations que j'ai faites dans la mer du Sud, depuis 0" 5' jus([u'à 1 3" 1 6' de la- titude boréale, Asie centrale, t. 111, p. 354. (64) [page 357]. On pourra (par la température de l'Océan sous lei tropiques) atla fuer avec succès une question capitale — 559 — resiée jusqu'ici indécise, la question de la constance des tem- pératures terrestres, sans avoir à s'inquiéter des influences lo- cales naturellement fort circonscrites . provenant du déboise- ment des plaines et des montagnes, du dessèchement des lacs et des marais. Chaque siècle, en léguant aux siècles futurs quelques chiffres bien faciles à obtenir, leur donnera le moyen peut-être le plus simple, le plus exact et le plus direct de déci- der si le soleil, aujourd'hui source première à peu près exclu- sive de la chaleur de notre globe, change de constitution phy- sique et d éclat, comme la plupart des étoiles, ou si au con- traire cet astre est arrivé à un état permanent. Arago , dans les Comptes rendus des séances de VAcad. des Sciences, t. XI, P. 2, p. 309. (65) [page 358]. EamhoUt , Asie centrale , t. II, p. 321 et 327. (66) [page 358]. Voy. les résultats numériques, même ouv. , t. II, p. 328-333. Un nivellement géodésique que mon vieil ami, le général Bolivar, a fait exécuter sur ma prière, en 1828 et 1829 , par Lloyd et Falmarc, a prouvé que le ni- veau de la mer du Sud est à 1 m. tout au plus au-dessus de celui de la mer des Antilles, et même que l'une de ces deux mers est tantôt plus haute, tantôt plus basse que l'autre, selon les heures de leurs marées respectives. Or, comme le nivelle- ment a été effectué sur une ligne de 12 myriamètres, en 933 stations et par autant de coups de niveau, on admettra facilement que l'erreur du résultat final puisse aller à 1 m. , et l'on pourra considérer ce résultat comme une nouvelle preuve de l'équi- libre des eaux qui communiquent vers le cap Ilorn (Arago, Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1831 , p. 319). J'avais déjà cru reconnaître, en 1799 et 1804 , par mes ob- servations barométriques, que, s'il existait une différence entre le niveau de la mer du Sud et celui de la mer des An- tilles, celte différence ne pouvait dépasser 3 mètres. Voy. ma Relut. hi6t. , t. m, p. 5ou-o57, elles Annales de Chimie, — 560 — t. I , p. 00-64. Les mesures qui paraissent établir un excès de hauteur pour les eaux du golfe du Mexique et pour celles de la partie septentrionale de la mer Adriatique (en combinant les opérations trigonométriqucs de Delcros et de Clioppin , avec celles des ingénieurs suisses et autrichiens) , ne paraissent pas mériter, sur ce point, une grande confiance. Malgré la forme de la mer Adriatique, il est invraisemblable que le ni- veau de la partie septentrionale soit à 8"', 4 au-dessus du ni- veau de la Méditerranée, à Marseille, et à 7"', 6 au-dessus de l'Océan Atlantique. Voy mon Asie centrale , t. II, p. 332. (67) [page 360]. Bessel, sur les marées, dans ï Annuaire de Schumacher pour 1838 , p. 225. (68) [page 360). La densité de l'eau de mer dépend à la fois de la température et du degré de salure ; c'est un élément dont on ne s'est pas assez préoccupé dans la recherche des causes qui produisent les courants. Le courant sous-marin qui ramène vers léquatcur les eaux froides des contrées circum- polaires, suivrait une direction diamétralement opposée; il irait de 1 equateur aux pôles, si les différences de salure étaient seules en jeu. Sous ce point de vue, la distribution géo- graphique de la température et de la densité des eaux de la mer est d'une haute importance. Les observations nombreuses de Lenz [Annales de Pogg. , vol. XX, 1830, p. 129), et celles qui ont été recueillies pendant les voyages du capitaine Beechey ( Voyage ta the Pacific, vol. II, p. 727) , méritent une attention particulière. Cf. Ilumboldt, Kelat. hist., t. I, p. 74, et Asie centrale, t. III, p. 3o6. (69) [page 361]. lïumboldt, Relat. hist., t. I, p. 64; Nouvelles Annales des Voyages, 1839, p. 255. (70) [page 361 ]. Ilumboldt, Examen crit. de l hist. de lagéogr. , i. III, p. 100. Colomb ajoute : C est dans la mer des Anlilleç que ce mouvement est le plus fort » (Navarrète, Coleccion de las viages y descubrimieulos de los Espaholes , — 561 — t. I , p. 260). Et en effet, Rennell nomme cette région « not a current, but a sea in motion. » (Investigation of Currents, p. 23). (71) [page 362]. Ilumholdt, Examen crit. , t. II, p. 250. ReJat. hist., t. I, p. 6G-74. (72) [page 362]. Petrus Martyr de Angleria, De Rébus Oceanicis et Orbe iVoro, Bas. 1 523 , Dec. Ill , lib. YI, p 57. Cf. Ilumboldt, Examen critique, t. II, p. 254-257, et t. lII, p. 108. (73) [page 362]. Humboldt, Examen critique, t. III, p. 64-109. (74) [page 367]. Cette voix mystérieuse lui disait : « Maravillosamente Dios hizo sonar tu nombre en la tierra ; de los alamientos de la inar Occana , que estaban corrados con cadenas tan inertes, te diô las llavcs. » Colomb a raconté ce songe dans sa lettre au roi d'Espagne, en date du 7 juillet 1503 (Humboldt, Examen critique, t. III, p. 234). (75) [page 368]. Boussingault , Recherches sur la compo- sition de l'Atmosphère, dans les Annales de Chimie et de Physique, t. LYII, 1834, p. 171-173. D'après Boussingault etLéwy, la proportion d'acide carbonique contenue dans l'at- mospbère, à Ândilly, par conséquent loin des émanations des villes, oscillerait seulement entre 0,00028 et 0,00031 en volume. (76) [page 369]. Liebig, dans son important ouvrage: La chimie organique dans son application à VagricuHure et à la physiologie , 1840, p. 64-72. Sur le rôle que joue l'é- lectricité atmospbérique dans la production du nitrate dammo- niaque, le([ucl est transformé en acide carbonique par le contact avec la cbaiix, voy. Boussingault, Economie rurale considérée da)is ses rapports avec la Chimie et ta Météorologie , 1844 , t. II, p. 247 et 697 (Cf. aussi t. I, p. 84). — 562 — (77) [page 369]. Léwy, Comptes-rendus de l'Acad. des Sciences, t. XVII, B. 2 , p. 235-248. (78) [page 369 ]. J. Dumas, Annales de Chimie , 3* série, t. III, 1841, p. 257. (79) [page 369 ] . J'ai omis de mentionner, dans cette cnu- mération, l'acide carbonique que les plantes exhalent pendant la nuit, en même temps qu'elles absorbent l'oxygène , parce que cette émission d'acide carbonique est largement compensée par l'acte de la respiration des végétaux pendant le jour. Cf. Boussingault , Economie rurale , t. I, p. 53-68; Liebig, Chimie organique , p. 1 6 et 21 . (80) [page 370] . Gay-Lussac, dans les Annales de chimie, t. LUI, p. 120 ; Payen, Mémoire sur la composition chimique des végétaux , p. 36 et 42; Liebig, Chimie organique, p. 299- 345; Boussingault, Economie rurale, t. I, p. 142-153. (81) [page 371]. En appliquant les formules que Laplace avait communiquées au Bureau des Longitudes, peu de temps avant sa mort, Bouvard a trouvé, en 1827, (|ue la partie des variations horaires de la pression atmosphérique qui dépend de l'attraction de la lune, ne saurait augmenter, à Paris, la hau- teur du jnercure danslebaromèlre,de plus 0,0 18'de millimètre: tandis que, d'après onze années d'observations faites à Paris, l'oscillation moyenne du baromètre était de 0,756 de milli- mètre, de 9 heures du malin à 3 heures de l'après-midi; et de 0,373 de millimètre, de 3 heures de l'après midi à 9 heures du matin. Voy. Mémoires de l'Acad. des Sciences, t. Vil, 1827, p. 267. (82) [page 372]. Observations faites pour constater la marche des variations horaires du baromètre sous les Tro- piques, dans n\ii lielation historique du Voyage aux Régions Equinoxiales, t. III, p. 270-313. (83) [page 373]. Bravais, dans Kaemtz et Martins , Météo- — 5G3 — rologie, p. 263. A Halle (lat. 51" 29'), l'amplitude de l'oscil- lation est encore de 0,631 de millimètre. Pour les montagnes do.'^ zones tempérées, la détermination précise des heures du maximum et du minimum paraît exiger une longue série d'ob- servations; Cf. les observations de variations horaires qui ont été recueillies en 1832, 1841 et 1842, sur le sommet du Faul- horn; Martins, Météorologie , p. 254. (84) [page 373]. Humboldt, Essai sur la géographie des plantes , 1807, p. 90. Relat. Iiist. , t. III , p. 313; et sur la diminution de la pression atmosphérique dans les régions in- tertropicales de rOcéan Atlantique, voy. Annales de Physique de PoggendorfF, vol. XXXYII, p. 245-258, et p. 468-486. (85) [page 374] . Daussy, dans les Comptes rendus , t. III, p. 156. (86) [page 374]. Dove, Sur les Tempêtes, dans les An- nales de Pogg., vol. LU, p. 1 . (87) [page 374]. Léopold de Buch, Bose barométrique des vents , dans les Mém. de VAcad. de Berlin, 1818-1819, p. 187. (88) [page 375]. Dove, Becherches météorologiques, 1837, p. 99-343; voy. aussi les remarques ingénieuses de Kaimtz sur le courant d'ouest supérieur, qui retombe vers les latitudes élevées et sur les phénomènes généraux de la direction des vents, dans les Leçons sur la Météorologie, p. 58-66, 196- 200, 327-336, 353-364; Kaemtz, dans l'Annuaire Ac Schu- macher pour 1838, p. 291-302. Dove a publié une exposition très-intéressante des principaux phénomènes météorologiques, dans un petit écrit : Climat de Berlin, 1842. La rotation des vents a été connue des anciens navigateurs (Churruca, Viage al Magellanes, 1793, p. 15); sur une expression remarquable de Christophe Colomb, que son fils Don Fernando Colomb nous a conservée dans la Vida del Al mirante, cap. 55, voy. Hum- — 564 — boldt, Examen critique de Ihist. de la Géographie , t. IV, p. 253. (89) [page 375]. Monsum (en malais musim , Thippalus des Grecs) vient de Tarabe mausim , époque fixée, saison , époque du rassemblement de ceux qui font le pèlerinage de la Mecque. Ce mot a été appliqué à la saison des vents réguliers, lesquels tirent leur nom spécifique des contrées d'où ils souf- flent ; ainsi on dit le mausim d'Aden, le mausim de Guzerate, du Malabar, etc. (Lassen , Archéologie indienne , vol. I, 1843, p. 21 1 , allem.) , sur l'influence contraire de la base solide et de la base liquide qui portent l'almosplière, voy. Dove, dans les Mém. de l'Acad. de Berlin, 1842, p. 239. (90) [page 382]. Eumholài, Recherches sur les causes des inflexions des lignes Isothermes, dans VAsie centrale , t. III, p. 103-114, 118, 122, 188. (91) [page 383]. George Forster , Petits Ecrits , P. III, 1704, p. 87, allem.; Dove, dans V Annuaire de Schumacher pour 1841, p. 289; Kicmtz, Météorologie , vol. 11, p. 41 , 43, 67 et 96; Ârago, dans les Comptes-rendus, t. I, p. 268. (92) [page 385] . Dante, Divina commedia , Purgatorio , canto III. (^3) [page 387]. Humboldt, Sur les lignes Isothermes , dans les Mém. dephys. et de chimie de la Société d'Arcueil , t. m. Paris, 1817, p. 1 43-165; Knighl, dans les Transact. of the horticultural Society of London, vol. I, p. 32;AVatson, Remarks on the geographical distribution of liritish plants, 1835, p. 60; Trevelyan, dans le New Edinb. Philos. Journal de Jameson, n° 18, p. 154; Mahlmann , dans son excellente traduction allemande de mon Asie centrale, P. II, p. 60. (94) [page 388] . « Hc-ec de teraperie aeris, qui terram late circiimfundil, ac in (jno, longe a solo , instrumenta noslra meteorologica suspensa habemus. Sed alia est calorisvis, quem — 3(55 — radii solis nullis nubibus velati , in foliis ipsis et fructibus nia- turescenlibus, magis minusvc coloratis, gignunt, queniquc, ut egregia demonstrant expérimenta aniicissiinoruni Gay-Lussacii et Thcnardi de combustione eblori et bydrogenis, ope ihermo- nielri metiri nequis. Etenim locis planis et montanis, vento libe spirante, circumfusi aeris leraperies eadeni esse potest cœlo sudo vel nebuloso ; ideoque ex observationibus solis thermo- nietricis, nullo adhibilo Pbotometro, haiid cognosces , quani ob causam Galliae septentrionalis tractus Armoricanus et Ncr- vicus , versus littora , cœlo temperalo sed sole raro utentia ; \item ferc non tolérant. Egent enini slirpes non soluni caloris slimulo, sed et lucis, quai magis intensa locis excelsis quam planis, duplici modo plantas movet, vi sua lum propria, tuni calorem in superficie earum excitante. » (Humboldt, de Dis- Uibulione geogt'aphica pJanlarum, 1817, p. 163-164.) (95) [page 388] . Humboldt, ouv. cité , p. 1 o6-1 6 1 ; Meyen, dans son Essai sur la géographie des Plantes, 1836, p. 379- 467, allem. ; Boussingault, Economie rurale, t. II, p. 675. (96) [page 388]. Je place ici un tableau dont l'éclielle dé- croissante représente les diverses situations de l'industrie vini- cole, on Europe, et la dépréciation de ses produits. en raison des climats. Voy. mon Asie centrale , t. III, p. 1 59. Aux exem- ples cités dans le texte du Cosmos, pour la production du vin à Bordeaux et à Potsdam , je joinslci les données relatives aux bords du Rbin et du Mein (lat. 48" 35' — 50"7'). On voit par Cherbourg et Dublin, dont les climats paraissent différer si peu de ceux de 1 intérieur de l'Europe continentale, lors- qu'on en juge par les indications d'un thermomètre suspendu à l'ombre, on voit, dis-jc, que l'état habituellement serein ou nébuleux du ciel peut influer sur les productions végétales, au point de hâter ou d'arrêter la maturation. — o66 — LIEUX. Latitude. DAIITEDR en mètres. .\nD^„e. HiïBf. Printemps. u. i8,l 17,9 19,5 18,7 18,0 Automne. : i i4;4 i' NOMBRE des années d'observation. BORDEAUX. . 'lO" oO' 8 ir.;9 6:i 1,2 15", 4 10 STRASBOURG is ô:> 146 10,0 10,0 1 55 IIEIDELBERG t9 ^2i 101 0,7 1,1 10,0 10,4 9,9 20 I.MANHELM. . . 49 -29 92 10,5 10,1 9, G t,,-) 1,6 0,8 -0,6 4,6 9,8 12 WURZBOURG 49 48 172 10,2 10,0 9,7 27 FRANCFORT sur-le-Mein. .■)0 7 117 9,7 19 BERLIN. . . . 52 51 31 8,6 11,2 9,tl 8,1 10,4 17,5 16,5 15,5 8,6 22 CHERBOURG (point devin.) 49 39 0 <■<. 1 5 DUBLIN. . . . u3 2ô 0 8,4 9,8 15 Le grand accord que les données météorologiques des vallées du Rhin et du Mein présentent entre elles , et dans la manière dont la chaleur de l'année se trouve répartie entre les diverses saisons, prouve l'exactitude des observations sur lesquelles ces données reposent. Dans ce tableau , l'hiver comprend les mois de décembre, de janvier et de février, selon l'usage adopté, avec raison , pour tous les tableaux météorologiques. Quand on compare la qualité des vins en Franconie ou dans les pays des bords de la Baltique , avec la moyenne température des mois d'été etd'automnie à Wurtzbourg et à Berlin, on est presque surpris de ne trouver que des différences de 1 " à 1 ", 2; mais celles du printemps diffèrent de 'i\ l'époque de la fleu- raison de la vigne pendant les gelées tardives de mai, cl — 367 — après un hiver plus froid aussi de 2", est un élément tout aussi important que peuvent l'être l'époque de la maturation tardive de la grappe et l'influence de la lumière solaire directe et non diffuse. La différence dont il est question dans le texle, entre la température vraie superficielle du sol et les données d'un thermomètre placé à l'ombre, a été étudiée par Dove, à l'aide d'observations recueillies pendant quinze ans, dans un jardin de Chiswick, près de Londres [Rapports sur les Actes de VA- cad. de Berlin , août 1844, p. 285). (97) [page 390]. Cf. mon traité Sur les causes principales de la diversité des températures à la surface du Globe , dans les Mém. de VAcad. de Berlin , 1 827, p. 3 ! 1 . (98) [page 390J . Le sol de la Sibérie compris entre Tobolsk, Tomsk et Barnaul , depuis l'Altaï jusqu'à la mer Glaciale, n'est pas aussi élevé que celui de Manheim et de Dresde ; et même Irkutsk, situé à l'est du Jenisei, est ~ plus bas que Munich; la hauteur est de 405 m. (99) [page 392]. Humboldt, Recueil d'Observations as- tronomiques, t. I, p. 126-140; Belation historique, t. I, p. 119, 141 et 227; Biot, dans la Connaissance des temps pour l'an 1841, p. 90-109. (100) [page 395]. Anglerius de Rébus Oceanicis , dec. II, lib. II, p. 1 40 (éd. Col. 1574). Dans la Sierra de Santa Marta, dont les plus hautes cimes paraissent dépasser 5800 m. ( Voy. ma Relation liist., t. III, p. 214) , un de ces hauts sommets porte encore le nom de Pico de Gaira. (1) [page 396]. Cf. ma table des hauteurs des neiges perpé- tuelles dans les deux hémisphères , depuis 71° | de latitude bo- réale, jusqu'à 53° 54' de latitude australe, dans VAsie cen- trale, t. 111, p. 360. (2) [page 397 J. Darwin, Journal of the voyages of ihe Aduenture and Beayle, p. 297. Coniraeà cette époque le vol- — 568 — can d'Aconcagua nétait point en éruption, labsencedes neiges (ce pliénomène se présente parfois sur le Cotopaxi) ne saurait être attribuée à un écliauffcmcnt rapide de l'intérieur du cratère ou à rémission de gaz fortement chauffés à travers les fissures. (Gillies, dans le Journal of Nat. Sciences, 1830, p. 316.) (3) [page 398]. Voy. mon Second Mémoire sur les Mon- tagnes de rinde, dans les Annales de Chimie et de Physique, t. XIV, p. 5-o5, ei Asie centrale, t. 111, p. !^8l-327. Les voyageurs les plus habiles et les plus expérimentés qui aient visité l'Himalaya, Colebrooke , "Webb et Hogdson , Victor Ja- quemont , Forbes Noyle , Cari de Hligel et Vigne , ont tous con- firmé l'excès de hauteur des neiges sur le versant thibétain ; et pourtant le fait a été mis en doute par John Gérard, le géo- logue Mac Clelland, éditeur du Calcutta Journal, et le lieute- nant Thomas Hutton (Assistant Surveyor of the Agra division). L'apparition de mon ouvrage sur 1 Asie centrale a ranime ce débat. Un numéro récent d'un journal publié aux Indes (Mac Clelland and Griffith, the Calcutta Journal o[ natur a] histonj, vol. IV, 1844 January), contient une notice fort remarquable et tout à fait décisive sur les limites des neiges de l'Himalaya. M. Batten (Bengal service) écrit du camp de Semulka , sur la rivière de Cosillah , dans la province de Kumaon : « Je viens de lire avec surprise les assertions de M. Thomas Hutton sur la limite des neiges éternelles. 11 est de mon devoir de contredire de pareilles assertions, surtout quand je vois M. Mac Clelland aller jusqu'à parler du service que M. Hutton vient de rendre aux sciences, en détruisant une erreur généralement répandue [Journal of the Asiatic Society of Bengal , vol. IX. Calcutta , 1840, p. 575, 578 et 580). On a tort d'affirmer que tout voya- geur qui aura parcouru l'Himalaya, partagera les doutes de M. Hutton. Je suis un de ceux qui ont visité le plus souvent la partie occidentale de notre puissante chaîne. Je suis allé , ])ar le Borcndo-Pass, dans la vallée de Buspa ot dans le bas Ku- nawer, et je suis revenu dans les montagnes du Gurwal , en — 569 — traN taisant le col élevé de Rupin. J'ai altcinl les sources de la Jumma, vers Jumnotri ; de là, je me suis dirigé vers les af- fluents du Gange de Mundakni et Wischnou-Aluknunda, vers Kadarnath et le célèbre pic neigeux de Nundidevi. Souvent j'ai traversé le Nili Pass pour atteindre le plateau Ihibélain. J'ai moi-même fondé l'établissement de Bhoti^-Mehals. La situation de ma demeure, au milieu des montagnes, m'a mis, depuis six ans, en communication habituelle avec les voya- geurs européens et indigènes dont j'ai pu tirer les meilleurs renseignements sur l'aspect du pays. Tous les documents que j'ai réussi à rassembler ainsi, dans mes voyages ou par mes rela- tions personnelles, m'ont conduit h une conviction que je suis en mesure de défendre , savoir, que , dans Vllimalmja, la li- mite (les neiges élerneUes est plus élevée sur le versa)il septen- trional [thibétain] que sur le versant méridional [indien). M. Hutton change la question tout en croyant s'attaquer aux conclusions de M. de llumboldt sur le phénomène pris dans sa généralité; il combat une idée qu'il s'est forgée lui-même; il cherche à prouver, et nous sommes prêts à le lui accorder, que dans certaines montagnes de l'Himalaya, la neige a pu durer plus longtemps sur le versant du nord que sur celui du sud. » (Cf. aussi la note (5), p. 438). Si la hauteur moyenne du plateau thibétain est de 3500 mètres, il est permis de le comparer au plateau fertile de Caxamarca, dans le Pérou; mais cette évaluation même le place à 400 mètres au-dessous du plateau de Bolivia, où se trouve le lac de ïiticaca, et du pavé des rues de la ville de Potosi. D'après l'évaluation que Vigne a conclue du point d'ébullilion de l'eau , la hauteur de Ladak est de 3046 m. Cette hauteur est probablement aussi celle de H'Lassa (Youl-Soung), ville entièrement monastique, entourée de vignes et nommée par les écrivains chinois : Royaume de la joie; peut-être ces vignes sont-elles situées dans des vallons profondément découpes. (4) [page 399]. Cf. Dove, Comparaison météorologique de 37 — 570 — [V Amérique du Nord et de l'Europe, dans V Annuaire de Schu- macher pour 1 841 , p. 3 1 1 , et les Recherches méléorologiques du même auteur, p. 140. (5) [page 400J. La quantité moyenne de pluie a été, à Paris, de 1805 à 1822, de 507 millimètres, d'après Arago; à Lon- dres, de 1812 à 1827, de 632 millimètres; à Genève, par une moyenne de vingt-trois années d'observation, de 776 milli- mètres. Sur les côtes de l'IIindou-stan, la quantité annuelle de pluie varie entre 2924 et 8248 millimètres; à Cuba, en 1821 , il n'en tomba pas moins de 3600 millimètres, Voy. sur la dis- tribution de la quantité de pluie, selon les saisons, dans l'Eu- rope moyenne, les excellentes observations de Gasparin, de Schouw et de Bravais, dans la Bibliothèque universelle, t. XXXVIII, p. 54 et 264; Tableau du climat de Vltalie, p. 76, et les notes dont Martins a enrichi sa belle traduction française deKaemtz, Leçons de Météorologie, p. 142. (6) [page 400]. D'après Boussingault {Economie rurale , t. II, p. 693), la quantité de pluie, k Marmato (lat. o"» 27', hauteur 1 425 m., tempérât, moy. 20", 4) a été, en 1 833 et en 1834, de 1629 millimètres pour la moyenne des deux années, tandis qu'àSanta-Fe de Bogota (lat. 4° 36', hauteur 2647 m., et température moy. 14% 5), elle n'était que de 1004millim. (7) [page 400]. Pour le détail de cette observation, voy. mou Asie centrale , t. III, p. 85-89 et 567; sur l'état hygromé- trique de l'atmosphère des plaines basses de l'Amérique du Sud, V. mdilielat. hist., 1. 1, p. 242-248; t. II, p. 45, 164. (8) [page 401]. Ksemtz, Leçons de Météorologie , p. 117. (9) [page 402]. Sur l'électricité qui provient de l'évapora- lioû, à une température élevée ; voy. Pellier, dans les Annales de Chimie, t. LXXV, p. 330. (10) [page 402]. Pouillet, dans les Annales de Chimie, t. XXXV, p. 405. — 571 — ( H ) [page 402]. De la Rive , daus son excellent Essai his- torique sur V Electricité , p. 1 40. (1 2) [page 402]. Peltier, dans les Comptes rendus de lAcad. des Sciences, t, XII, p. 307 ; Becquerel , Traité de l Electri- cité et du Magnétisme , t. IV, p. 1 07. (13) [page 402]. Dupiez, Sur l'Electricité de Vair (Bruxelles, 1844), p. 56-61. (14) [page 403]. Humboldt, Relat. historique , t. III, p. 318. Je ne parle ici que des recherches que j'ai faites avec un électromètrc de Saussure armé d'un 'conducteur métallique long d'un mètre, recherches dans lesquelles 1 électromètrc ne recevait aucun mouvement, de haut en bas, ni de bas en haut, et où le conducteur n'était point armé d'une éponge imbibée d'alcool enflammé. Ceux de mes lecteurs qui sont au courant des points actuellement controversés dans la théorie de lélec- tricité atmosphérique, comprendront le but de cette restriction. Quant h la formation des orages sous les tropiques, voy. ma Relat. hist., t. II, p. 45 et 202-209. (15) [page 403]. Gay-Lussac, dans les Annales de Chimie et de Physique, t. VIII, p. 167. Le désaccord qui règne entre les vues de Lamé, de Becquerel et de Pellier, ne permet guère de rien décider encore sur la cause de la distribution spéci- fique de l'électricité dans les nuages , les uns chargés d'élec- tricité positive, les autres d'électricité négative. L'électricité négative, qui se développe dans l'air, près des cascades où l'eau est incessamment réduite en poussière fine, est un phé- nomène extrêmement frappant; il a été découvert, en premier lieu, par Tralles, et j'ai eu souvent l'occasion de le vérifier sous des latitudes très-diverses ; ses effets sont encore sensibles à 1 00 ou à 1 30 m. de distance pounin boa . électromètrc. (16) [page 404]. Arago, Annuaire du Bureau des Longi- tudes pour 1838, p. 246. — 572 — (17) [page^404J. Même ouv., p. -249-^266 (Cf. p. i(J8-27U). (18) [page 405]. Même ouv., p. 388-391 . Lacadémicieii de Bœr, qui a fait faire taut de progrès à la météorologie du nord de l'Asie , n'a point eu en vue l'excessive rareté des orages en Irlande et dans le Groenland ; il dit seulement que l'on a en- tendu tonner quelquefois à la Nouvelle-Zemble et au Spitzberg [Bullelin de VAcad. de Saint-Pétersbowg , 1 839, mai). (19) [page 407]. Ka?mtz, dans \' Annuaire de Schumacher ])Our 1838, p. 28o. (Sur la comparaison des lois de la distri- bution de la chaleur à l'est et à l'ouest , en Europe et dans l'Amérique du nord , v. Dove, Répertoire de Physique, vol. III, p. 392-395. Allem.) (20) [page 409] . V Histoire des Plantes , quia été esquissée avec talent par Endlicher et Unger [Eléments de lintanique , 1843, p. 449-468), avait été distinguée de la Géotjraplu'e des plantes , un demi-siècle auparavant , dans les aphorismes de ma Flore souterraine : « Geognosia naturam animantem et inanimani vel , ut vocabulo minus apto , ex antiquitate sàltem haud pclito, utar, corpora organica œque ac inorganica consi- dérât. Sunt enim tria quibus absolvitur capita : Geographia oryctologica quam simpliciler geognosiam vel geologiam dicunt, virque acutissimus Wernerus egregie digcssit ; Geograpbia zoologica, cujus doctrinaî fundamenta Zimmermannus et Tre- viranus jeccrunt; et Geographia planlarum quam a'quales nostri diu iulactam reliquerunt. Geographia planlarum vincula et cognationem tradit, quibus omnia vegelabilia inter se con- nexa sint, terrze tractus quos teneant , in aerem atmosphœricum quaB sit eorum vis oslendit, saxa atque rupcs (juibus potissi- mum algarum primordiis radicibusque destruanlur docct, et quo pacto in telluris superficie humus nascalur, commémorât. Kst ita((ue (|uod différât inter geogra])hiam et physi();iri!j)luam, hisloria naturalis peri)eram nuncupatam, quuni Zoogiiosia , Phjtognosia et Oryctoguosia , quaî quidcm omues in ualune ■— o7 3 — invo>tip;ationo vorsantiir, non nisi singuloriiin aniinaliuiii, plaii- larum, ivrtiiii melallicarmn vel (vcnia sit verbo) fossiliuin for- mas, anatomen , vires scrutaïUur. Ilistoria telluris, geognosuc magis qiiain physiographiai aflinis, ncmiiii atlhiic tenlata, plan- taruni aniinaliuinque gênera orbeni inhabilanlia primacvuin , migrationes eorum compliirium([ue interituni , ortum quem montes, valles , saxorum strata et venrc mctallifcrac ducunt , aerem , mutatis lomporuin vicil)us, modo puni m , modo vitia- tuin , terraî superficiem humo plantisquc paulatim obtectam , fluminiim inundantiuni impetu dcnno nudatam , iterumque sic- catam ctgramine vestitain commémorât. Igiliir Ilistoria zoolo- gica , Historia plantarum et Ilistoria oryctologica, quai non nisi prislinuin orbis terrae statiiin indicant , a geognosia probe distinguendœ. » (Ilumboldt, Flora Fribergensis subterranea , cui accedunl aphorisini ex Physiologia cliemica planlarum , 1793, P. IX-X.) Sur les mouvements spontanés dont il est question plus bas dans le texte , Cf. un passage remarquable d'Aristote, de Cœlo , II, 2, p. 284 Bekker, où la distinction entre les corps animés et les corps inanimés est tirée du mode de détermination au mouvement, soit intérieur, soit extérieur. « L'àme nutritive des végétaux , dit le Stagirite , ne produit aucun mouvement , parce qu'elle est plongée dans un en- gourdissement dont rien ne peut la tirer (Âristotc, de Gene- ral, animal., V. I, p. 778 Bekker); ils n'ont en propre aucun désir qui les incite à produire d'eux-mêmes des mouvements « (Âristote, de Somno et Vigil., cap. 1, p. 455 Bekker.) (21) [page 413], Mémoire d'Ehrenberg .sur la vie micrnsco- pi que dan a V Océan, lu k \Acad. des Sciences de Berlin., le 9 mai 1844. (22) [page 414]. Ilumboldt, Tableaux de hi \afurp. (23) [page 41 4] . Sur la mnltiplication par l;i division spon- tanée du corps générateur et par linlercalbiliond une substance nouvelle, voy. Ehrcnberg, Des espèces animales actuellement — 574 — ^m'antes de la formation crétarée , ihnii ]q?< Mém . deVAcmJ. de Berlin, 1839, p. 94. La plus grande faculté génératrice, dans la nature, est celle des Vorlicellcs. On trouve l'évalua- tion du maximum de rapidité que puisse atteindre le dévelop- pement de masse, dans le grand ouvrage d Elirenherg : les infusoires considérés comme organismes complets, 1838, P. XIII, XIX et 244. « La voie lactée de ces organismes est formée des espèces Monas, Vihrio, Bacterium et Bodo. » La vie est répandue dans la nature avec une telle profusion, que de petits infusoires vivent en parasites sur d'autres infusoires plus grands, et même que les premiers servent, k leur tour, de de- meures à d'autres infusoires encore plus petits (V. p. 191,21! et 512). (24) [page 415]. Aristote , Hist. animal., V. 19, p. 552, Bekker. (25) [page 416]. Ehrenberg, ouv. cité, P. XIV, 122 et 493. A. la multiplication rapide des animalcules microsco- piques, vient se joindre pour quelques-uns (anguilles du fro- ment, infusoires roulés en cercle, ours d'eau ou tardigrades) une étonnante vitalité. Après avoir été desséchés pendant 28 jours dans le vide, à l'aide du chlorure de chaux et de l'a- cide sulfurique, après avoir été chauffés à 120°, ces infusoires ont pu encore être rappelés à la vie et sortir de leur engour- dissement. Voy. les belles recherches de M. Doyère, dans son mém. sur les tardigrades et stir leur propriété de revenir à la vie, 1842, p. 119, 129, 131 et 133. Cf. en gênerai, sur la résurrection des infusoires desséchés pendant des années en- tières, Ehrenberg, p. 492, 496. (26) [page 416]. Sur la « transformation primitive » pré- sumée de la matière organique ou inorganique en plantes ci ou animaux, Cf. Ehrenberg, dans les Annales de PoggendoriF, vol. XXIV, p. 1, 48, et le même auteur, Animalcules infu- soires, p. 121 et 525, avec .Tean Milllci-, Phy-'^iologie de — 575 — rhomme (4* éd., 1844), vol. I, p. 8, 17, allem. Il me parait extrêmement remarquable que saint Augustin, en traitant cette question : comment les îles ont-elles pu recevoir, après le dé- luge, de nouvelles plantes et de nouveaux animaux? ne se montre aucunement éloigné d'avoir recours à l'idée d'une gé- nération spontanée (Generaiio œquivoca, spotitanea mit pri- maria). « Si les anges ou les chasseurs des continents, dit ce Père de l'Eglise, n'ont point transporté d'animaux dans les îles éloignées, il faut bien admettre que la terre les a engendrés ; mais alors on se demande à quoi bon renfermer dans l'arche des animaux de toute espèce. » Si e terra exortae sunt (beslise) secundum originem primam, quando dixit : Producal terra animamvivam ! multo clarius apparet, non tam reparandorum animalium causa, quam figuraudarum variarum gentium (?) propter Ecclesiœ sacramentum in Arca fuisse omnia gênera, si in insulis, quo transire non possent, multa animalia terra. pro- duxit. Auguslinus, de Civitate Dei , lib. XVI, cap. 7 [Opéra éd. Monach. ordinisS. Benedicti, t. VII,Venet., 1 732, p. 422). — Deux siècles avant l'évêque d'Hippone, nous trouvons déjà établie, dans les extraits de Trogue-Pompée, entre le dessèche- ment primitif de l'ancien monde, du plateau asiatique, et la génération spontanée, une connexion semblable à celle qu'on re- trouve dans la théorie du grand Linnéesur le Paradis terrestre et dans les rêveries du xviii" siècle sur l'Atlantide fabuleuse : « Quod si omnes quondàm terrae submersse profundo fuerunt , profecto editissimam quamque partem decurrcntibus aquis pri- mum detectam; humillimo autem solo eamdcm aquam diutissime immoratam, et quanto prior quœque pars terrîirum siccata sit, tanto prius animalia generare cœpisse. Porro Scythiam adeo cditiore momnibns terris esse, ut cuncta flumina ibi nala in Mœolim, tuin deinde in Ponlicum et iEgyptium mare docurrant. » Juslinus, lib. II, cap. 1 . L'opinion erronnée qui fait de la Scy- tbieun plateau élevé est fort ancienne; nous la retrouvons déjà très-netlement indiquée dans Hippocratc [De acre et aquis, cap. G, § 96, Coray). « La Scylhie, dit-il, forme une plaine — 576 — liante et sèche qui, sansélre couronnée de montagnes, va tou- jours en s'élevant vers le nord. » (27) [page 4 1 7] . Ilumboldt, Aphorismi ex Phijsiologia cliemica plantanim, dans h Flora Fribergensis suhterranea, 1793, p. 178. (28^ [pagR il 7]. Sur la physionomie des végétaux, voy. Ilumboldt, Tableaux de la nature, \o\. Il, p. I, \io. (29) [page 418]. /Etna Dialogus. Opusrula , liasil., 1556, p. 53-54. Dans ces derniers temps, Philippi a donné une belle géographie des plantes de l'Etna. Yoy. Linnœa, 1832, p. 733. (30) [page 420]. Ehrenberg, dans les Annales des sciences naturelles , t. XXI, p. 387-412; Ilumboldt, Asie centrale, t. I, p. 339-342; t. IIÏ, p. 96-102. (31) [page 421]. Schleiden, stir l'évolution des cellules vé- gétales dans \qs Archives pour l'anatomie et la physiologie de Millier. 1838, p. 137-176, allem. ; même auteur. Principes fondamentaux de la Botanique, P. I, p. 191 ; P. II, p. 11, allem. ; Schwann, Recherches microscopiques sur les simili- tudes de structure et de développement entre les animaux et les plantes, 1839, p. 45 et 220. Cf. J.MuUcr. Physiologie de Vhomme, 1840,P. II, p. 614. (32) [page ï'i\ ] .Schkiilon, Principes de Botanique, 1842, P. I, p. 19^2-197, Allem. (33) [page 423]. Tacite, dans ses considérations sur la po- pulation de la Bretagne [Agricola , cap. II), distingue à mer- veille ce qui peut tenir aux induences du climat, de ce qui, chez les tribus venues du dehors, appartient, au contrnire, à l'anlique et immuable pouvoir du type héréditaire. « Britan- niam qui mortales initio coluerunt , indigenfe an advccii , ul — on — inter harbaros, parum conipertiiin. Ilaliilus rorporis varii , al- qne ex eo argumenta; naniquc rutila' Calcdoniam lia])itantiutii coniœ, niagni artus Germanicam originem adseverant. Siluruni colorati vultus et torti plerumquc crines, et posita contra llis- pania , Ibcros veteres trajecisse, easque sedes occupasse fidem faciunt : proximi Gallis, et similes sunt : seu durante originis vi; seu , procurrontibus in diversa terris , positio cœli corpori- bus babitum dédit. » Cf. sur la permanence des types de confi- guration dans les régions chaudes et froides de la terre et des montagnes du Nouveau Continent , ma Relation historique , t. î, p. 498-50.3; t. H, p. 572-574. (34) [page 423]. Cf. sur la race américaine en général le magnifique ouvrage de Samuel George Morton : Crania ame- ricana, 1839, p. 62-86 , et sur les crânes apportés par Pent- land du haut pays de Titicaca, Dublin Journal of Médical and Chemical Sciences, vol. V, 1834, p. 475; Âlcide d Or- })igny, L'Homme américain considéré sous ses rapports phy- siologiques et moraux, 1 839, p. 22 1 . Voyez aussi les Voyages dans l'intérieur de l'Amérique du \ord, par le prince Maxi- milien de Wied , 1839, allem. ; livre si ricbe en fines obser- vations ethnographiques. (35) [page 424]. Rudolph Wagner, 5m/" la génération des métis et des bâtards , dans ses remarques jointes à la traduc- tion allemande de l'ouvrage de Prichard , Histoire naturelle de l'espèce humaine, t. I, p. 174-188. (36) [page 424]. Prichard, 1. 1, p. 431; t. II, p. 363-369. (37) [page 424]. Onésicrite dans Strabon, XV, p. 690 et 695 Casaub. — Welcker {Sur les Tragédies grecques , en allem., t. m, p. 1 078), pense que les vers de Théodecle cites par Stra- bon étaient empruntés à une tragédie perdue qui portail peut- être le titre de Memnon. — 578 — (38) [page 425]. Joh. Miillcr, Physiologie de l'homme, enallem.,'t. II, p. 768, 772-774. (39) [page 427]. Prichard, t. I, p. 295; t. III, p. 1 1 . (40) [page 428] . L'arrivée tardive des tribus turques et mongoles, soit sur TOxus, soit dans la steppe des Kirghises, est en opposition avec l'opinion de Niebuhr, selon laquelle les Scythes d Hérodote et d Hippocrate auraient été des Mongols. Il est beaucoup plus vraisemblable que les Scythes (Scolotes) doivent être rapportés aux Massagètcs indo-germains (Alains). Les Mongols, les vrais Tatares (ce dernier nom fut donné plus tard mal à propos à des tribus purement turques en Russie et en Sibérie), habitaient alors bien loin dans Test de l'Asie. Cf. mon Asie centrale , 1. 1 , p. 239 et 400 ; et VExamen critique de V histoire de la Géographie, t. II , p. 320. Un linguiste dis- tingué, le professeur Buschmann , rappelle que Firdoussi , dans le Schahnameh , qui débute par une histoire à demi-mythique, fait mention d'une « forteresse des Alains » sur les bords de la mer, où Selm, le fils aîné du roi Féridoun (deux siècles cer- tainement avant Cyrus), voulait se réfugier. Les Kirghises de la steppe dite scythiqne étaient originairement une population finnoise; ils sont aujourd hni vraisemblablement, avec leurs trois hordes, le plus nombreux de tous les peuples nomades, et ils vivaient dej.\ au vi^ siècle dans la steppe où je les ai vus. Le Byzantin Ménandre (p. 380-382, éd. Niebuhr), raconte positivement que le chakan des Turks (Thu-Khiu), en 569, fit présent d'une esclave kirghise k l'ambassadeur de Justin II, Zémarque; il appelle cette esclave une ysoy'ç^ et de même chez Aboulgasi [Uistoria Mongolorum et Tatarorum) les Kirghises sont nommés Kirkiz. La ressemblance des mœurs, là où la nature du pays leur imprime un caractère dominant , est une preuve fort peu certaine de ridcntilédes races. La vie des steppes produit chez les Turks (Ti , Tukiu), chez lesBascli- kirs (Finnois), chez les Kirghises, chez les Torgod et les Dsun- garcs (Mongols), les usages communs aux tribus nomades, celui — 579 — dos tentes do feutre, par exemple, transportées sur des chars , et dressées auprès des troupeaux. (41) [page 428]. Guillaume de Humboldt, Sur la diversité de slniclure des langues humaines, dans le grand ouvrage Sur la langue Kawi, dans Vile de Java, t. 1^ p. XXI, XLVllI et CCXIV. (42) [page 430J. La doctrine si désolante , et plus tard tant de fois reproduite, de l'inégalité du droit à la liberté parmi les hommes, et de l'esclavage comme étant une institution fondée sur la nature, se trouve, hélas! développée avec une rigueur toute systématique dans Arislote , PoUlique, I, 3, 5, 6. (43) [page 431]. Guillaume de Iluraboldt , Sur la langue kawi , t. III, p. 426. Je tire du même ouvrage les réflexions suivantes: «Les impétueuses conquêtes d'Alexandre, cellesdes Romains, conduites avec une habileté toute politique , celles des Mexicains, si sauvages et si cruelles, les despotiques réu- nions de territoire des Incas , ont contribué , dans les deux mondes , à faire cesser l'isolement dos peuples et à former de plus vastes sociétés. De grandes et fortes âmes, des nations en- tières agirent sous l'empire d'une idée qui, dans sa pureté morale , leur était coinplétcincnt étrangère. Ce fut le christia- nisme qui la proclama le premier , dans sa vérité cl sa chaiité profonde, quoiqu'il lui ait fallu bien du temps pour la faire accueillir. L'on ne trouve auparavant que des accents épars et fugitifs préludant à cette grande voix. Les temps ujodernes ont donné un essor nouveau à lidée de la civilisation, et ont suscité le besoin d'étendre de plus en plus les relations des peuples entre eux, et les bienfaits de la culture morale et in- tellectuelle. La cupidité clle-mêm(^ commence à trouver qu'il y a plus il gagner pour elle en suivant cette voie de progrès , qu'en maintenant par la force un isolement rétrograde. Le lan- gage , plus qu'aucune autre faculté de rhonnnc , forme, un — sso — faisceau de l'espèce humaine tout entière. Il semble, au pre- mier abord, séparer les peuples comme les idiomes; mais c'est juslemenl la nécessité de s'entendre recipro([iicment dans une langue étrangère qui rapproche les individualités, en laissant à chacune son originalité propre.» [Ibid.,]). 427). FIN. ERRATA. LISTE DES RENVOIS OMIS DANS LE TEXTE Page H 81, ligne 1, — (2o) voyez page 489. — i87, — ^19, — (29) — 491. — 189, — I:î, au lieu de (32) lisez (31). 1 9o, — 7, — (37) — 497. 196, — 10, — (38) — 498. 199, — a, — (40) — 499. 210, — 30, — (61) — 309. 212, — 5, — (63) — 309. 213, — 25, — (63) — 310. 2li, — 4, — (66) — 510. 214, — 23, — (69) — 31 4. 216, — 26, — (72) — 515. 231, ~ 8, " (84) 518. Page 98, ligne 19, supprimez et. — 100, — 7, le temps, les rotations, iisez le temps de la rotation — i02, — M, rectangulaire à l'orbite, ii«c; perpendiculaireau plan de Porbite. — 109, — 7, telle est la cause, /t«e2 telle est la cause principale. — 126, — 14, univerel, ij«e3 universel. — 146, — 13, un produit cosmique; résidu des étoiles filantes quant. ... iisez un produit cosmique, résidu des étoiles filantes; quant — 197, — 26, à 1 mètre, lisez à 1 pied. — 263, — 4, supprimez d'i-aux. — 270, — 17, Consolation, Usez Consolations. — 272, — 23, Pyriphlégéton, lisez Pyriphlégétlion. — 301, — 23, (une sardcllc), /iJC5 (une sardine). — 58^^ — Page 32-3, lifine 22 el 23, non pas d'arbustes aux grands arbres, lisez lion pas à de grands arbres. — 360, — 3, les Néréides rotifèrcs, lisez les Néréides qui lour- nenl en cercle. — 390, — 1 et 2, Atlantique, lisez Atlantide. — 409, — 21, les forces, supprimez \es. — 421, — 21, constiteur, itsez constituer. — 422, — 4, en un mot, se home, lisez en un mot, elle se borne. — 436, — 23 et 25, aeternas, lisez xternos. — 513, — 29, gazeuze, //lez gazeuse. — 529, — 7, Tvix^";, lisez Tux^^t. Tous les p de cette page doi- vent porter Tesprit rude et non Tesprit doux. ','■•'''• J La B^btLOtkè,qu^ Université d'Ottawa Echéance Th^ ii.bnjaA.ij University of Ottawa Date Due r^^^.py ^m^^^^mm "A^-. < a 3 9 0 0 3 : . _: . j W 7 b » X* j» 0 J" * i-^ - ' CE C 0158 .H8C6F 1646 VOOl COO HUMBPLDT, AL COSMOS, ACC^ 1286361 U D' / OF OTTAWA llllll ll||!||l|II'' .' COLL ROW MODULE SHELF BOX POS C £ 333 12 02 03 08 12 ^m^-- t>*':,m.'W:-,:vV4