■--;..j.-_>.-!j. A , X'J^v^ V COURS D'ENTOMOLOGIE r s*v^ • ■> A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET, RUE DE V A U G I R A R D , V^ q. COURS L J^- a D'ENTOMOLOGIE, OU DE L HISTOIRE NATURELLE DES CRUSTACÉS, DES ARACHNIDES, DES MYRIAPODES ET DES INSECTES; A l'usage des Élèves de l'école du muséum d'histoire naturelle ; PAR M. LATREILLE, PKOFE.SSEUR-ADM1N1STRATEUR BE CET ETABLISSEMENT; DE L'ACADÉiMIE DES SCIENCES , DE LA LEGION D'hONNEVR , elc. PREMIÈRE ANNÉE. Discours d'ouverture du Cours. — Tableau de l'Histoire de l'Entomologie. — Généraliîés de la classe des Crustacés et de celles des Arachnides, dt-^ Myriapodes et des Insectes. — Exposition méthodique des Ordres, lies l'auiiîles et des Genres de trois prernières Clas isses. OLP^RÂGE ACCOMPAGNÉ D'UN ATLAS. ^' ^msi*3g^^Sm A PAKÎS, A LA LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE RORSCl RUI:: IIAUTEFEUILLE , AU COIN' UE LA RDE DU BATTOIR. l83l . M. SERRES, i>t l'acaukmik dks sciences, médecin en chef df. l hospice DE LA PITIÉ , etc. , etc. Tes lumières, ton expérience et tes soins , animés par la plus tendre amitié , m'ont deux fois arraché â la mort; et, sans toi, cet ouvrage , pour lequel même tes profondes recherches sur le système nerveux m'ont été si utiles, neût jamais vu le jour. S'il m'acquiert de nouveaux droits d cette estime honorable que m'ont value de longs travaux dans la carrière des sciences naturelles , veuillent ceux qui les cultivent se rappe- ler que tu fus mon sauveur, et partager mes sentimens de gratitude. LATREILLE, Professeur d'Entomologie au Muséum d'Histoire uaturelle » de l'Académie des Scieuces , etc. Parii, ce ao mai i83i. AVERTISSEMENT. DÈS le mois de mars de Tannée dernière, époque de ma nomination à la chaire d'Entomologie du Muséum d'Histoire naturelle , créée par une ordonnance spéciale, je me suis disposé à répondre dignement au choix unanime que MM. les professeurs de cet établissement, et mes confrères de l'Académie des Sciences , avaient fait de moi , pour occuper cette place. Elle réclamait avant tout des leçons simples et élémentaires sur cette branche de la zoologie , appropriées aux besoins des élèves. La partie entomologique de la seconde édition de l'ouvrage sur le Hcgne animal de M. le baron Cuvier semblait d'abord pouvoir me suffire; mais, outre que de récentes et nombreuses publications y nécessitaient des changemens et d'importantes augmentations, il fallait en simpli- fier l'ordonnance méthodique, par la suppression, presque universel- le ment désirée, des sous-genres, ainsi que celle d'une multitude de genres équivoques ou peu intéressans. Leur nombre actuel , en effet , s'élevant à près de trois mille, serait-il possible d'en faire l'exposition dans un cours, qui doit être limité à deux années au plus, et à environ quatre-vingts leçons ! D'après ces motifs, je me suis déterminé à rédiger un cours d'Entomologie qui pût remplir le but que je me proposais, et la première partie ou celle du cours de la première année était prête, lorsque des événemens politiques , auxquels la jeunesse a pris tant de part, m'ont forcé, ainsi cpie bien d'autres professeurs, d'ajourner mes leçons. Voulant se prêter au désir que j'avais qu'elles acquissent de la publicité, M. Roret, malgré la situation affligeante de la librairie, s'est chargé de leur impression. Il a d'ailleurs pensé que mon Cours pourrait servir d'introduction à un ouvrage général sur l'Entomologie , qui doit faire partie d'une encyclopédie méthodique des sciences naturelles , dont il a confié la rédaction à des savans des plus distingués , professeurs et membres de l'Institut pour la plupart, et qu'il a intention de publier, si les circonstances deviennent plus favorables. Cette série incalculable d'animaux dont Linné compose sa classe des insectes , se partage naturellement en ceux qui ont plus de six pieds et c{ui sont tous dépourvus d'ailes , et en ceux qui en sont généralement munis et qui n'offrent que six pieds L'exposition des premiers, divisés en trois classes, crustacés, arachnides , myriapodes ow. mille-pieds , sera l'objet du cours de la première année, celui que je publie actuellement. Un tableau de l'Histoire de l'Entomologie, sujet tout-à-fait neuf, et où je passe en revue tous les écrits des anciens sur cette branche des sciences naturelles, en forme, avec le discours d'entrée, le prélude. Je présente ^[[[ AVERTISSEMENT. ensuite successivement les généralités de ces trois classes , ce qui donne le moyen d'en mieux saisir les rapports et l'enchaînement. De l'exposi- tion de ces principes généraux, ou de cette sorte de philosophie ento- mologique, nous arrivons aux détails, c'est-à-dire au signalement des coupes subordonnées aux précédentes, et dont plusieurs sont disposées dans un nouvel ordre. C'est ainsi , par exemple , que relativement aux crustacés et aux arachnides , j'ai profité des recherches de MM. Sa- vi-ny Milne Edwards, Straus, Walckenaer, et des Mémoires pos- thumes de Lyonet. Possédant enfin le dernier volume de la monogra- phie des coléoptères carnassiers terrestres de M. le comte Dejean, j'ai soumis à un nouvel examen cette famille d'insectes. Le gênera de ceUe des brachélytres que vient de publier M. le comte de Manneirem, celui encore de MM Gaury et Percheron, ayant pour objet les scaiabaeides mélitophiles , le travail de M. de ServiUe sur les longicornes , et d'autres Mémoires dont l'énumération serait trop longue, sans parler d une col- lection nombreuse, fruit d'acquisitions pécuniaires et de communica- tions qui m'ont été faites par MM. Kirby, Kliûg, Théodore Roger, Solier, Lefebvre, de Fonscolombe, Banon, Roux, Gâché, etc., m'ont permis d'améhorer ma distribution de la classe des insectes. Mais, à cet égard, je ne mentionnerai dans le courant du texte que les genres principaux; les autres seront exposés dans des tableaux synoptiques , et de cette manière , les élèves pourront se borner aux connaissances les plus essentielles, ou suivre les progrès de la science, s'ils désirent ne pas en rester là. Le Cours que je publie facilitera encore l'étude du tableau général de l'En- tomologie, qui forme les tomes iv et v de l'ouvrage précité de M. le baron Cuvier, et lui servira de complément. Forcé de me circonscrire, et vou- lant d'ailleurs éviter des répétitions inutiles , j'y renvoie souvent mes lecteurs. Les figures de l'atlas qui accompagne ce livre , sont extraites des écrits les plus recommandables par leur véracité et leur exactitude; elles représentent les organes principaux de ces animaux, tant intérieurs qu'extérieurs. L'éditeur a déjà fait exécuter, pour l'ouvrage projeté dont j'ai parlé plus haut, un grand nombre de dessins, ayant pour objet la connaissance des genres les mieux caractérisés et dont plusieurs sont inédits. Les espèces servant de types sont aussi, pour la plupart, nou- velles. Des dessins de cette sorte, eussent été dès-!ors ici superflus, et n auraient fait qu'augmenter le prix d'un ouvrage que l'on peut consi- dérer, ainsi que je l'ai annoncé, comme une introduction, soit au pré- cédent , soit à l'étude générale de l'entomologie. # INTRODUCTION A L'ENTOMOLOGIE, EXTRAITE DU COURS DE CETTE SCIENCE, PROFESSÉ AU MUSÉUM d'hISTOIRE NATURELLE. (l) DISCOURS D'OUVERTURE. i^EizE ans environ après la mort du grand Linné, et lorsque l'ad- ministration du Jardin des Plantes reçut une nouvelle organi- sation, qui, à peu de changemens près, s'est maintenue depuis , la quantité des espèces connues de cette grande division des animaux que l'on distingue par la dénomination d'iwt^e/teèreV, ne s'élevait guère au-delà de vingt mille , et sur ce nombre , le Muséum d'histoire naturelle en possédait tout au plus la quatrième partie. Malgré l'impulsion générale imprimée à la science par cet illustre naturaliste , sa méthode , à l'égard des mêmes animaux , n'avait subi que de légères modifications. De Géer l'avait améliorée quant aux insectes , et Bruguières avait commencé quelques réformes indispensables dans sa classe des vers. Le nombre des ordres et des genres étant alors très borné, l'enseignement établi sur cette méthode devait offrir le même caractère de simplicité : dans un tel état de choses , il pou- vait, pour cette division du règne animal, être confié, sans que les élèves en souffrissent , à un seul professeur. C'est ce qui fut arrêté par le plan de cette organisation. Le savant qui, du temps de Buffon , avait été chargé de la garde des herbiers du Jardin du Roi , qui , par sa Flore française, avait popularisé parmi nous la botanique , et qui , par la forme dichotomique employée dans cet ouvrage pour le signalement des coupes, nous a indiqué une marche comparative qui écarte toute am- (i) Ce cours a été rédigé en i83o. 4! «J* .1 2 COURS D ENTOMOLOGIE. biguité dans l'exposition des caractères , fut destiné à occuper cette nouvelle chaire, à l'exercice de laquelle il était déjà préparé par ses rapports habituels avec Bruguières et Olivier. Qu'est-il besoin de vous rappeler les services éminens qu'il a rendus à cette branche de la zoologie? Qui ne connaît ses travaux, et quelle est la nation cultivant les sciences chez laquelle son nom ne soit prononcé avec la plus profonde vénération ? Il est , quant aux coquilles et aux zoophytes , le Linné de notre époque. Associé à ses travaux peu d'années après qu'il fut devenu professeur 5 adopté , pour ainsi dire, par lui comme un de ses enfans -, témoin journalier de ses efforts pour étendre le domaine de la science, qui pourrait mieux que moi vous entretenir de lui ? Mais à ces sentimens d'admiration et de gratitude viennent se joindre ceux d'une vive affliction et d'éternels regrets. Il n'est plus, ni pour vous , ni pour moi, ce grand naturaliste que j'avais eu le bon- heur de connaître à une époque où , bien jeune encore, je recevais des leçons de botanique de son ami , l'abbé Haùy» Ne pensez pas de grâce , Messieurs , que cette portion de son héritage scientifique que je viens de recueillir, tempère ma douleur , et influe sur ma résignation aux lois d'une destinée générale. Lorsque près de quatorze lustres, dont la moitié s'est écoulée dans les tribulations, pèsent sur ma tête, une voix intérieure ne me répète-t-elle pas souvent : Et toi aussi, tu des- cendras bientôt dans la tombe ! IN'impose-t-elle point silence à la vanité et à l'ambition ? Vous le savez , Messieurs , la pos- térité ne nous jugera pas d'après les honneurs et les titres dont nous nous glorifions, mais sur la manière dont nous aurons rempli nos devoirs envers la société. L'avenir élant près de se fermer pour moi, une dignité nouvelle pourrait-elle me servir de rempart contre le passé ? Ah î si je n'avais suivi que cette pente si naturelle qu'après un long voyage tout homme a pour le repos, je me serais empressé de renoncer à cette place, d'autant mieux que l'obligation d'être toujours au courant des nouvelles découvertes, de marcher avec la science, dont les progrès sont si rapides, exigeront de ma part DISCOURS d'ouverture. des efforts pénibles et capables d'altérer de plus en plus ma santé. Mais lui ayant consacré plus de cinquante ans de ma vie, pouvais-je maintenant lui être infidèle? elle m'avait consolé dans nos orages politiques ; deux fois elle avait détourné le glaive prêt à me frapper, et je me serais refusé à de tels sacri- fices! Non, Messieurs, sentant qu'ils m'étaient prescrits par l'honneur et la gratitude , je me suis armé d'un nouveau cou- rage, et j'ai juré de lui dévouer les derniers instans de ma carrière, à moins d'une impuissance physique absolue. Isolée et comme effacée de la liste des nations par les orages de noire terrible révolution et par ces guerres interminables qui ont embrasé le monde entier , la France triomphante sur terre , humiliée sur l'Océan , ne pouvait , faute de communi- cations, voir ses musées d'histoire naturelle s'enrichir. Quand je dis communications, je veux parler de celles qui n'éprou- vent aucune entrave et que la paix nous facilite-, car la jus- tice nous commande de faire quelques exceptions, et de rendre hommage au gouvernement anglais, qui, oubliant dans ces circonstances la haine qu'il portait à celui qui était à la tête du nôtre , favorisa l'expédition du capitaine Baudin à la Nou- velle-Hollande. Le Muséum d'histoire naturelle , par les ac- quisitions nombreuses qui furent le résultat de ce voyage , par celles que lui avait procurées antérieurement un autre voyage du même navigateur aux Antilles , par la possession du cabi- net du Stathouder et de la collection qu'Olivier avait recueillie dansle Levant, le Muséum d'histoire naturelle, dis-je, changea subitement de face. Mais bientôt devaient luire pour notre infortunée patrie des jours plus sereins et plus propices aux sciences naturelles. La France fut enfin réconciliée avec les autres nations , et la paix , cette fille du ciel , qui était depuis tant d'années l'objet de tous les vœux, en nous rouvrant l'empire des mers et en rétablissant toutes les relations com- merciales, devint aussi pour cet établissement la source de nou- velles prospérités. Malgré la gêne financière qu'il éprouvait pour réparer les maux produits par deux invasions et les guerres antérieures , le gouvernement d'alors seconda parfai- [^ COURS D ENTOMOLOGIE. tement le zèle de divers naturalistes voyageurs. Jamais les amis des sciences naturelles , et particulièrement les profes- seurs-administrateurs du Jardin du Roi, n'oublieront le dé- vouement de Lalande fils , de Duvaucel , de Leschenault , tous martyrs de la science^ ni les services rendus à l'établis- sement par MM. Diard, Auguste de Saint-Hilaire , d'Urville, Quoy , Gaymard , Dorbigny , Leprieur, Perrottet, et les natu- ralistes de l'expédition de Morée. D'autres voyageurs enrichis- saient en même temps les cabinets de Berlin , de Vienne , de Londres, etc. -, de sorte que l'on peut évaluer à près de cent mille le nombre des espèces d'animaux sans vertèbres qui existent aujourd'hui dans les collections d'Europe réunies. Mais plusieurs de ces espèces ne pouvant trouver place dans les méthodes, plusieurs même d'entre elles présentant une organisation qui en sapait les fondemens, il était indispen- sable de réformer ces méthodes dans les points reconnus dé- fectueux , et de créer de nouvelles coupes. L'anatomie com- parée, qui n'avait guère embrassé jusqu'alors que les animaux supérieurs , éclairait maintenant d'une vive lumière la portion négligée de la zoologie, et son illustre restaurateur, M. le baron Cuvier , en reconstruisant l'édifice de la science sur de nouvelles bases, avait changé, sous ce point de vue, la direc- tion des études. Il était dès-lors impossible, sans détriment pour la science , que le même professeur fût chargé de l'en- seignement de l'histoire naturelle de tous les animaux sans vertèbres. Si bien qu'il remplît sa tâche, il lui fallait au moins trois ans pour donner un cours complet de sa partie , et beau- coup d'élèves ne prouvaient le suivre en entier. Désirant de- puis long-temps de venir au secours de celui de leurs collègues auquel était confiée l'étude de ces animaux , MM. les pro- fesseurs-administrateurs du Jardin du Roi ont profité de la vacance de la chaire de M. le chevalier de Lamarck pour demander au monarque qui offrira dans notre histoire la triste parodie du dernier Stuart, la division de cette chaire : division qui pouvait s'effectuer très naturellement en pre- nant pour base du partage la distinction établie entre ces DISCOURS D OUVERTURE. animaux, d'articulés et d'inarticulés. On pouvait espérer que toute mesure capable de contribuer à l'instruction de son peuple et à la gloire nationale , serait sanctionnée par Sa Majesté. La scission désirée a eu lieu, et le choix est tombé sur les personnes désignées par la voix publique , et surtout par des juges compétens, les professeurs-administrateurs du Jardin du Roi et l'Académie des Sciences. Renfermé aujour- d'hui dans le cercle de mes études habituelles, libre de pro- fesser à ma manière, je m'estime heureux de reprendre des fonctions qu'une longue maladie m'avait forcé d'abandonner, et dans l'exercice desquelles , d'ailleurs , certaines formes et certaines limites imposées par mon respect pour M. de La- marck gênaient ma pensée. Que les difficultés dont on hérisse chaque jour l'entomologie par l'établissement d'une foule de genres, ne reposant en grande partie que sur des caractères trop minutieux et trop peu appréciables, ne vous effraient pas. J'ai l'intention de me conformer à la marche suivie dans les collèges, celle de présenter uniquement les principes généraux et les plus élémentaires, de les appuyer sur des définitions claires et précises , et de vous faire aimer la science par l'ex- position de tout ce que l'histoire des insectes nous offre de plus intéressant et de plus propre à piquer votre curiosité. Imbus de ces notions fondamentales, formés, pour ainsi dire, à cette école primaire, je vous abandonnerai ensuite à vous-mêmes. Considérant le vaste champ de l'Entomologie sous un point de vue topographique, vous parcourrez avec moi les grandes roules 5 mais quant aux embranchemens et aux chemins de communication à la faveur desquels vous pourriez pénétrer dans les parties les plus intérieures, moins connues et souvent peu accessibles , il me suffira de vous les indiquer ou de vous fournir la boussole qui vous empêchera de vous égarer. Après y avoir bien réfléchi , j'ai senti qu'il me serait impos- sible de vous faire, cette année (i) , l'exposition de toutes les classes qui partagent maintenant celle des insectes de Linné. il) i83o. 6 COURS D ENTOMOLOGIE. Un cours véritablement élémentaire ne s'improvise pas dans l'espace de quelques mois. Il faut, ce qui n'est pas commun aux savans , que je descende de ces sommités où de longues études m'ont placé , pour être de niveau avec vous ; que j'écarte les ronces, les épines, tous les obstacles en un mot, qui pourraient entraver votre marcbe , et que je n'offre à vos regards que les objets les plus saillans et dont votre mémoire pourra le plus facilement retenir les noms. Vous comprenez , Messieurs, qu'un tel mode d'enseignement exige de longues et profondes méditations. Je sais en outre que dici à l'année pro- chaine il paraîtra sur quelques ordres d'insectes des ouvrages spéciaux qui nécessiteront quelques changemens dans l'expo- sition et la série de certaines familles. C'est ainsi 'que nous attendons la publication d'une nouvelle histoire des crustacés par M. Milne Edwards ; celle des orthoptères , des hémiptères et des névroptères par M. Pescheron 5 la distribution métho- dique des lépidoptères par M. Boisduval, et un travail complet sur les diptères de M. Macquar. Nous posséderons aussi bien- tôt les belles recherches de MM. Léon Dufour et Robineau Des- voidy, qui ont reçu l'approbation de l'Académie des Sciences. J'ajouterai que M. Lepelletier s'occupe d'un ouvrage sur les hyménoptères, et que MM. Carcel et Delaporte en préparent un autre sur les coléoptères. Voici donc l'ordre que je me propose de suivre dans le cours de cette année. Je vous présenterai d'abord des considérations générales sur les animaux sans ver- tèbres et leurs divisions classiques. Delà je passerai à d'autres vues pareillement générales, ayant pour objet ceux de ces ani- maux de l'enseignement desquels je suis exclusivement chargé, les insectes deLinné, et que j'ai distingués par la dénomination commune de cojidjlopes (pieds articulés). Une connaissance préliminaire de leur organisation était indispensable pour l'in- telligence du sujet que j'aborderai ensuite, l'histoire de l'ento- mologie , à partir des temps les plus reculés, et où je passerai en revue tout ce qu'Aristote , Pline et quelques autres auteurs anciens, nous ont appris sur ces animaux. La détermination , du moins probable, de ceux qu'ils ont mentionnés, l'applica- DISCOURS D OUVE11TUR1-. 7 tion abusive qu'ont faite les modernes de cette nomenclature primitive : la connaissance de quelques faits positifs entre- mêlée de beaucoup de fables et de contes merveilleux, une sorte de roman liistorique , voilà ce que vous offrira un tel sujet. Aucun savant ne s'en était encore occupé, et je crois pouvoir affirmer, sans manquer aux convenances et sans m'écarter des règles prescrites par la modestie, que parmi ceux de nos jours , il n'en est point qui possède cet ensemble d'instruction , ces vues embrassant un système général , sans lesquels on ne peut débrouiller un chaos si ténébreux. Mon travail pourra servir, quant à la nomenclature, de commen- taire aux écrits de l'antiquité , et j'ose espérer que malgré l'aridité de semblables discussions , il vous inspirera quelque intérêt. De l'histoire de la science je passerai à l'exposition détaillée de chaque classe et de ses familles. Certes si je voulais vous présenter ces familles dans l'état de leur composition actuelle, j'éprouverais un grand embarras, vu la multitude de genres qui les compliquent , et les difficultés attachées à leur signa- lement. Je dis plus , trois à quatre ans suffiraient à peine pour leur démonstration. Mais, comme j'ai eu l'honneur de vous en prévenir, je désire me placer de niveau avec vous, et vous donner des principes simples , clairs , ou véritablement élé- mentaires. Afin d'atteindre ce but, je supprimerai ce qu'on appelle sous-genres, et je n'exposerai que les coupes généri- ques les plus intéressantes pour vous , et dont vous pourrez fa- cilement vérifier les caractères sur des espèces du pays , ou que l'on trouve dans la plupart des collections. DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS EN GÉNÉRAL. C'est une opinion généralement admise que l'honneur de celte belle et importante distinction appartient aux temps mo- dernes, et qu'elle est particulièrement le fruit des méditations de M. de Lamarck. Je pourrais d'abord objecter que Duchesne, ancien professeur d'histoire naturelle, l'avait établie avant lui, dans une lettre adressée au comte de Lacépède, et insérée 8 COURS d'entomologie. dans le Magasin encyclopédique de Millin; qu'habitant la pro- vince et n'ayant aucune connaissance de cette publication, j'avais, moi-même, dans mon ouvrage intitulé Précis des caractères des ùisectes, dont j'avais commencé l'impression en Tan IV de la république, j'avais défini le mot insecte, animal sans veHèbres ^ etc. , et que j'avais envoyé la feuille où se trouvait cette définition à mon ami M. Duméril , qui se livrait avec non moins d'ardeur que moi à l'étude des insectes; mais, sans insister sur ces réclamations, ne pourrions-nous pas mettre tous les modernes hors de procès , en montrant que cette dis- tinction n'a point échappé aux anciens , du moins quant à ce qu'elle offre de plus important ? or, c'est ce qu'il est facile de démontrer. L'axe de la charpente osseuse des animaux supé- rieurs, la colonne vertébrale ou le rachis, avait paru jouer un rôle si important dans l'économie animale que, dans le langage symbolique des anciens Égyptiens rendu sensible par leurs figures hiéroglyphiques , c'était l'emblème de la constitution virile. Lunibum aut statum constitutionemque lioniinis vo- lentes notare, os spùiœ dorsi pingimus ; sunt enim qui dicunt hinc semen defluere, dit Hor-ApoUon dans son Traité de la sagesse symbolique des Egyptieiis, qui passe pour avoir été traduit de leur langue en grec par un nommé Philippe, ver- sion rendue en latin par le père Caussin , et d'où j'ai extrait le passage précité. Le même ouvrage nous en fournira d'autres non moins curieux , et dont nous ferons d'utiles applications. Mais Aristote a été bien plus loin, car la présence ou l'absence du rachis complète le signalement des deux divisions qu'il fait des animaux , en ceux qui ont du sang , et en ceux qui en sont privés ou n'ont qu'une sanie , ses ajieima, ou les exsangues en latin. On sait que M. le baron Cuvier avait d'abord distingué ceux-ci par la dénomination d'animaux à sang blanc ^ et dans le fait c'est sur cette différence de couleur qu' Aristote paraît s'être fondé -, car en refusant un cœur à ces animaux , il ad- mettait cependant l'existence de quelque chose qui y suppléait, qu'il nommait mytis ou mecon dans les céphalopodes et les crustacés , et qu'il plaçait , relativement aux insectes , dans le DISCOURS D OUVERTURE. 9 thorax. Wolton, dans son ouvrage de Differentiis animaliamy qui n'est qu'un extrait des écrits des anciens sur la zoologie , s'exprime ainsi :Quœ sanguine carejit, indbque aneima, idest exsanguia dicta sunt; continent enim liœc non sanguinem^ sed huniorem alimn qui sanguini proportione respondeat, page ^3, H; et dans un autre passage (174* Ï^O '^^'^ enimvenas , hœc hahent, non vesicam^ non usum spirandij sed tamen ununi quod cordi pj^opoj^ionnetur, id liaheant necesse est. On lit un peu plus bas : osse carent exsanguia omnia, sed neque spinam hahent ut pisces. C'est aussi par la présence de cette épine dorsale qu'Isidore de Séville explique la différence qui existe entre les modes de respiration d'un serpent et d'un ver {Origin., lib. XII , cap. v, au mot Vermis), Le même Wotton ( 174 D. ) remarque que la lame osseuse et représentant une coquille de l'intérieur des seiches , le sepium, ainsi que celle qui dans les calmars lui est analogue, mais de consistance cornée et sous la forme d'une petite épée, gladiolus, ou en ^rec xiphos y semble correspondre à l'épine dorsale des pois- sons. Ces caractères indiqués par les anciens ont été malheu- reusement oubliés ou négligés. Si Swammerdam les avait pris en considération , il n'eût certainement pas placé la grenouille dans la classe des insectes, quoiqu'elle soit sujette comme eux à des métamorphoses. On n'eût point vu un Réaumur (3Iém.y tora. I, pag. 57 et 58) nous déclarer qu'il n'aurait aucune peine à donner le nom d'insecte à un crocodile , en convenant toutefois que ce serait un furieux insecte. Un célèbre natu- raliste formé à son école, mais qui avait aussi reçu des le- çons d'un autre grand maître, de Linné, de Géer (Meni. insect. YII, pag. 680) nous rappela le premier, je crois, la distinction établie par les anciens au sujet des animaux sans vertèbres. Linné définissait les insectes : des animaux cuirassés par une peau osseuse ^ mais de Géer s'exprima à cet égard d'une manière plus rigoureuse. « Les véritables insectes, dit- ce il, sont des animaux, 1°. qui n'ont point de squelelte ni (( d'ossemens intérieurs, mais dont le corps est couvert d'une « peau plus ou moins dure , écailleuse et souvent crustacée j lO COURS D ENTOMOLOGIE. (( 2°. qui ont le corps divisé en plusieurs parties par des étran- ({ glemens, ou des incisions plus ou moins profondes, etc. » C'est uniquement de ce dernier caractère que se sont étayés la plupart des naturalistes des siècles précédens pour circonscrire la classe des insectes. Quelques uns , même , se sont montrés si peu scrupuleux qu'ils leur ont associé les mollusques et les échinodermes. Vainement ai-je essayé, et d'autres après moi , de rapprocher les crustacés et les céphalopodes des poissons , ou de lier les animaux invertébrés avec les vertébrés -, ils en sont évidemment séparés par un grand hiatus, ainsi que le démontre la comparaison de leurs divers systèmes d'organisation. Les céphalopodes, qui sembleraient toucher de plus près aux poissons , n'offrent cependant que les vestiges d'un crâne; point, en outre, de série de ver- tèbres ou de rachis à l'intérieur, ni d'articulations en de- hors. S'il nous était permis, dans une matière aussi étran- gère à nos recherches d'émettre une opinion , nous pourrions dire que le rnjxine glutlnosa nous fournirait la ligne de dé- marcation entre les vertébrés et les invertébrés. Il résulte en effet de la belle anatomie que M. Retzius a donnée de ce pois- son , et qui a été reproduite dans les Annales des Sciences naturelles y que déjà le crâne n'est plus représenté que par une lame cartilagineuse , incolore et transparente ; que le cer- veau est le moins développé de tous ceux que l'on a observés dans les animaux vertébrés , et que suivant la propre compa- raison de l'auteur il se rapproche , sous plusieurs rapports , des ganglions cérébraux des animaux invertébrés ; qu'il y a absence totale du cervelet -, que les seuls nerfs qu'il a pu re- connaître appartiennent à la cinquième paire, et en partie à la dixième, ou au uç^vi vague , le même peut-être que celui appelé récurrent dans les insectes; enfin, que la moelle épi- nière est formée de deux cordons , et que le rachis est rem- placé par un tuyau cartilagineux composé de fibres annu- laires. On concevra maintenant que , puisque le système nerveux des animaux vertébrés est arrivé à un tel point d'ap- pauvrissement, avec un degré d'imperfection de plus, les ves- DISCOURS D OUVERTURE. I I tiges du crâne et du rachis disparaîtront , et que la matière grise qui unissait par une ligne médiane les deux cordons mé- dullaires n'existant plus , ces deux cordons seront libres. Y a-t-il maintenant une grande difTérence entre ce système nerveux ainsi dépouillé de sa gaine propre , ainsi affaibli , à celui des derniers animaux vertébrés? Je ne le pense pas. En se servant , non d'analogies et de raisonnemens comme moi, mais de sa vue de lynx, M. Slraus est arrivé à une opi- nion semblable. Mais , quoi qu'il en soit , considérant que le système osseux suit les mêmes pbases progressives dans les fœtus, j'ai comparé sous ce rapport les animaux sans vertè- bres aux larves des reptiles des batraciens , vues dans un état antérieur au développement de la colonne vertébrale. Que leur corps soit articulé ou non , il résulte des observations de MM. Cuvier, Straus , etc., que leurs tégumens extérieurs représentent la peau des vertébrés -, que dans les articulés même , comme les crustacés , les arachnides et les insectes , ces segmens articulaires ne sont que des portions plus épaisses, plus solides, annuliformes de la peau, qui est toujours conti- nue , les portions les plus minces en formant les jointures : c'est ce dont il est facile de se convaincre en vidant et en soufflant leur corps , et leur abdomen notamment. C'est ce que l'on peut démontrer encore par la comparaison de la queue d'une écrevisse divisée en tablettes , avec celle d'un autre crustacé de la même famille, les pagures de Fabricius ou les hermites , chez lesquels cette queue n'a plus que la forme d'un sac. Ainsi , cette réunion de segmens est un faux squelette, pseudo-skeleton , et telle est la dénomination que j'emploierai désormais. Celle de têt, adoptée par M. Straus, n'étant propre qu'à la coquille des mollusques, me paraît abu- sive et fausse même , puisque le faux squelette a une compo- sition et une forme très différentes. Vainement, pour ap- puyer une opinion contraire, alléguerait-on quelques passages d'auteurs qui ont employé la première de ces dénominations, ou se sont exprimés en termes équivalens. Par suite de l'ab- sence de toute charpente osseuse intérieure , les muscles n'oni 1-2 COURS d'entomologie. eu d'autre attache que la peau. D'autres changemens se sont opérés dans l'organisation. « De quelque manière que l'on « considère le système nerveux , dit M. Serres , en parlant de « celui des animaux invertébrés (Anatomie comparée du cer- « veau des animaux 'vertébrés , tom. I, p. 4^^)' *^^ trouve (( un hiatus insurmontable , si l'on cherche à le mettre en « rapport avec le système cérébro - spinal des vertébrés. « Tout est changé, formes, rapports, structure-, les noms de « moelle épinière et de ganglions cérébraux , donnés aux par- « ties centrales de ce système chez les animaux articulés, ne « sont propres qu'à faire naître de fausses analogies , et à nous « maintenir dans une fausse route d'investigations, w Au sen- timent de ce profond zootomiste , les invertébrés seraient ab- solument privés d'encéphale , de nerfs propres de l'olfaction , de la vision et de l'audition. Ceux que l'on a considérés comme tels dans les mollusques et les animaux articulés, ne seraient que des rameaux nécessaires de la cinquième paire ou du nerf trijumeau, et les ganglions céphaliques qui étaient censés constituer le cerveau , répondraient aux ganglions qu'offre le même nerf dans les vertébrés. D'autres anatomisles non moins célèbres ont pensé que les ganglions préœsophagiens des ani- maux articulés représentaient les tubercules quadrijumeaux des vertébrés, avec les nerfs de la cinquième paire. Les crus- tacés sont les seuls où le même savant précité ait aperçu des traces du nerf intercostal ou grand sympathique. Toujours demeure- t-il constant que les animaux sans vertèbres dif- fèrent considérablement, sous ces rapports, des vertébrés. L'exposition des diverses classes nous fera découvrir d'autres dissemblances essentielles dans les autres systèmes d'organi- sation. Aristole partage ses animaux aneimes, ou sans sang, en quatre classes : les mollusques, malafiia^ mais qu'il restreint aux céphalopodes de M. Cuvier -, les testacés, osùnchoderma, ou ceux que d'Argenville et d'autres conchyliologisles dé- signent ainsi ^ les crustacés, malacoderma ^ et comprenant simplement ceux qui composent notre ordre des décapodes et DISCO€llS d'ouverture. i3 celui des stomapodes ; enfin les entomes, entoma^ classe for- mée de quelques isopodes, des arachnides, des myriapodes, des insectes, d'annélides et de vers intestinaux. Les thétis ou ascidies, les holothuries , les astéries, les mcdusaires, les alcyons et les éponges , connus des anciens , étaient exclus de ces classes 5 ils les regardaient comme des élres ambigus, qui tenaient de la nature de l'animal et de celle du végétal , sans appartenir néanmoins à l'une de ces deux divisions des êtres organisés. De là l'origine de la dénomination de zoophytes , que M. de Lamarck a toujours repoussée, quoique, suivant le sens qu'attachent à ce mot les naturalistes modernes , il ne signifie qu'un animal ayant la forme d'un végétal, et non réel- lement un animal-plante. C'est sans doute de l'observation des zoophytes qu'Aristote avait conclu que le passage des êtres inanimés aux animaux ne s'opérait point brusquement, et que, comme le dit d'après lui Camus, la continuité des dégra- dations couvre les limites qui séparent ces deux classes d'êtres, et soustrait à l'œil les points qui les divisent. Telle est aussi l'opinion d'un grand nombre de zoologistes de notre temps. La dénomination de vertébrés , donnée par M. Cuvier à sa première grande division ou embranchement du règne ani- mal , emporte , quant aux autres , l'exclusion d'un squelette , et dès-lors de toute colonne vertébrale. Ses seconde et troisième divisions , les mollusques et les articulés , se distinguent de la quatrième et dernière classe, celle des zoophytes ou rayonnes, par la présence d'un système nerveux offrant un cerveau placé sur l'œsophage, et l'embrassant au moyen d'un collier nerveux , ainsi que par les organes du mouvement disposés symétriquement aux deux côtés d'un axe. Dans les mollusques, du cerveau partent des masses nerveuses, éparses, réunies par des filets nerveux , et la peau forme une enveloppe molle, contractile en divers sens , et donnant souvent naissance à des corps pierreux appelés coquilles. Dans les articulés, du cerveau partent deux cordons qui , s'étendant le long du ventre , se renflent par intervalles en nœuds ou ganglions 5 des plis trans- verses divisent les tégumens, souvent dans un plus ou moins 1^ COURS D ENTOMOLOGIE. grand nombre d'anneaux, et plus souvent encore aux côtés du corps sont attachés des membres articulés. Les zoophytes ne présentent ni système nerveux , ni organes particuliers -, les organes du mouvement sont disposés comme des rayons autour d'un centre , et, lorsqu'ils n'y forment que deux séries, les deux faces du corps sont semblables -, la plupart n*ont pour tout intestin qu'un sac sans issue. Ces animaux, ainsi que l'in- dique leur désignation , ont , par leur forme , leur homogé- néité, de grands rapports avec les végétaux. Ajoutons qu'un organe de circulation ou un simple vaisseau dorsal qui en re- trace les vestiges, et que des branchies ou des vaisseaux aériens appelés trachées f servant à la respiration , fortifient les carac- tères propres aux mollusques et aux articulés. Tels sont les signalemens essentiels de ces trois grandes coupes , qui par- tagent la division des animaux sans vertèbres. Chacune d'elles se distribue en diverses classes, dont je ne dois, d'après l'or- donnance royale relative aux deux chaires qu'elle a établies à l'égard des animaux invertébrés , exposer que celles que l'on a distinguées par les dénominations de crustacés, à' araclviides çX à' insectes , classes confondues en une seule par Linné, et portant ce dernier nom. Dans la méthode de M. Cuvier , elles composent, avec celle des annélides , son embranchement des animaux articulés. Les annélides , qu'il avait d'abord nom- mées vers à sang rouge , ayant des vaisseaux pour la circula- tion , tandis qu'une partie des arachnides et les insectes qui se lient naturellement avec les autres arachnides en sont dé- pourvus, il fallait, pour ne point rompre ces rapports, et en suivant toujours une série simple, que les annélides fussent en tête de l'embranchement , ou précédassent les crustacés , qui en forment la seconde classe. Mais si l'on considère que , sous les rapports des organes des sens et de la locomotion, les anné- lides sont bien inférieures aux autres animaux articulés 5 que, quoique plusieurs arachnides et les insectes soient dépourvus d'un système de circulation sanguine , la nutrition ne s'opère pas moins chez eux par l'effet d'une imbibition et d'une sorte de circulation aérienne , on sentira que la nature a DISCOURS D OUVERTURE. l5 assigne aux annélides un autre rang , et qu'on ne peut dé- terminer qu'en admettant une série rameuse ou multiple. Dans la distribution méthodique de M. Cuvier, les lépas et les tritons de Linné , ou ces animaux avec laquelle M. de La- marck a formé sa classe des cirripèdes , déjà bien distingués comme une division particulière dans le tableau élémentaire de l'histoire naturelle des animaux du premier , sont rangés , quoique ayant un système nerveux très analogue à celui des articulés, avec les mollusques, dont ils composent la septième classe. Je pense qu'en se rattachant à ces animaux, ils com- mencent une branche latérale , continuée par les annélides , qui semblent se lier avec les vers intestinaux. Certaines anné- lides peuvent avoir des rapports extérieurs avec les insectes myriapodes , mais elles s'en éloignent beaucoup par leur ana- tomie interne. Quoique cette classe paraisse donc conduire aux vers proprement dits, plusieurs de ceux-ci , néanmoins, tels que les lernées de Linné , semblent se réunir à des crus- tacés branchiopodes suceurs , notamment aux cécrops et aux dichélestions. D'après cette disposition, les mollusques acé- phales sans coquilles de M. Cuvier , ou les tuniciers de M. de Lamarck , nous amèneraient tout naturellement aux premiers zoophytes , les échinodermes , et , de ceux-ci , on passerait , sans rencontrer en chemin les vers intestinaux qui termine- raient la division latérale , aux acalèphes. Si on oppose les crustacés aux mollusques, ou que l'on compare leur organi- sation , les premiers paraîtront supérieurs aux seconds , ou sembleront devoir au moins rivaliser avec eux. Leur compo- sition extérieure est d'ailleurs si différente , que , placés avec eux dans une même ligne , ils y formeront un singulier con- traste. La concordance et la symétrie des rapports naturels ne pourra être rétablie qu'en supposant qu'à leur point ini- tial les animaux sans vertèbres sont disposés sur deux lignes , l'une formée par les crustacées , les arachnides et les insectes, et l'autre par les mollusques avec une ramification , et les zoophytes. Sous la considération de l'exuviabilité et des méta- morphoses, les animaux de la première ligne se rapproche- i6 COURS d'entomologie. raient des derniers ordres de la classe des reptiles, et ceux de la seconde viendraient après les poissons. Je n'ignore pas, Messieurs , combien toutes ces combinaisons pour établir la généalogie des êtres organisés sont arbitraires , et qu'il serait peut-être plus sage de ne pas s'en occuper. Mais comme la méthode naturelle est aujourd'hui le sujet le plus habituel de nos recherches , et qu'il ne suffit pas de former des groupes, mais qu'il faut encore les coordonner entre eux , en suivre les connexions et les relations réciproques , il est difficile de résister à cet entraînement, et de ne point s'exposera franchir celte barrière , posée par la raison et la faiblesse de notre in- telligence , et au-delà de laquelle tout est ténèbres ou hypo- thèse. Dans mon ouvrage sur les familles naturelles du règne ani- mal, je partage les animaux en trois grandes séries : les ver- tébrés ou spini-cérébraux , les céphalidiens ou les invertébrés pourvus de ganglions préœsophagiens , représentant plus ou moins une sorte de cerveau , avec un collier nerveux embras- sant l'œsophage , et les acéphales ou ceux qui n'ont point de tête, et qui n'offrent au plus, antérieurement, qu'un ganglion sous-œsophagien. Les premiers sont des animaux intelligens ; les seconds, des animaux instinctifs, et les derniers, des ani- maux automatiques. M. deLamarck a distingué ceux-ci par la dénomination à' apathiques , et les seconds par celle de sensi- bles , expression trop générale , puisqu'elle convient aussi aux premiers. Dans les acéphales, la partie antérieure du corps, ou sac alimentaire, est, selon moi, un grand jabot qui , de même que celui d'un grand nombre d'insectes, des carnassiers notam- ment , présente à sa surface des stries ou des sillons formant un dessin symétrique , et par là j'explique la disposition radiairedu corps de la plupart des zoophytes. Ces considérations n'em- brassent que les premières coupes des animaux invertébrés. D'autres naturalistes ont suivi ces coupes dans leurs divisions et subdivisions en descendant jusqu'aux ordres. Je citerai entre autres, quant à l'ensemble de la zoologie, M. de Blain- ville , et, pour les animaux articulés, M. Straus (Considéra- DISCOURS d'ouverture. I<7 tiojis générales sur Vanat. comp. des anim. articulés). Dans son tableau des affiliations, le dernier rattache ceux-ci au genre ainmocœtos de la classe des poissons par le moyen d'annélides très imparfaites, les sangsues et les gordius. Ces rapproche- mens sont établis sur quelques analogies de formes extérieures, de tissus tégumentaires , mais que, pour motiver suffisam- ment son opinion , il aurait dû fortifier par d'autres rapports anatomiques , si toutefois il en existe. Ne voulant point sortir du cercle tracé par les attributions de la chaire que j'occupe, je n'exposerai que ce qui est relatif aux animaux composant, dans la méthode de Linné, sa classe des insectes, et que je nomme collectivement cojidjlopes, CARACTÈRES DISTINCTIFS DES ANIMAUX CONDYLOPES. Aristote , comme on l'a vu , distinguait classiquement les crustacés, des autres animaux sans sang ou aneimes,qu'il nomme entomes, expression synonyme de celle d'insectes des Latins. De petits crustacés isopodes , les arachnides , les insectes ap- tères et ailés, des annélides et des vers intestinaux formaient cette dernière classe. Linné restreignit la dénomination d'in- sectes à ceux de ces animaux qui , suivant sa définition , ont plusieurs pieds , respirent par des ouvertures latérales, ont une peau osseuse, et dont la tête est munie de ces filets mobiles, articulés, susceptibles de sensations, appelés an- tennes, ou de ces organes que les anciens nommaient coimes. Les crustacés et les arachnides étaient ainsi réunis à d'autres animaux pareillement articulés , munis de six pieds et d'ailes. L'anatomie et le besoin de simplifier la méthode repoussaient un tel assemblage. Dans son tableau élémentaire de l'histoire des animaux, M. Cuvier changea la disposition étabhe à cet égard par Linné, et jeta les fondemens des divisions classi- ques qu'on a introduites depuis dans cette série d'animaux. Sans examiner maintenant quelles doivent être les limites delà classe des arachnides instituée par M. de Lamarck , il est tou- jours certain que celle des insectes, par suite de l'élablisse- 2 l8 CARACTÈRES DISTIIYGTIFS ment de la précédente et de celle des crustacés , a beaucoup moins d'étendue que dans la méthode de Linné. Afin d'éviter, lorsqu'il s'agissait de ces animaux pris collectivement, la répé- tition continuelle des mots animaux sans vertèbres, articulés, et à pieds articulés , j'ai jugé qu'il était convenable de remplacer le mot d'insectes, considéré dans son acception primitive , par celui de condylopes, condylopa^ pieds à jointures ou articulés, en sous -entendant toujours, animaux sans vertèbres. La dé- nomination d'entomes, synonyme d'ailleurs, ainsi que nous l'avons dit, de celle d'insectes, était impropre et eût augmenté la confusion. De tous les animaux sans vertèbres , les condylopes sont les seuls qui changent de peau ou qui soient exuviables -, et ce si- gnalement, joint à la forme articulaire du corps, à la présence de pieds pareillement articulés, et le plus souvent encore d'or- ganes propres au vol , ne permettra point de les confondre avec d'autres animaux articulés , pas même avec certaines an- nélides qui , telles que les néréides, ont quelque ressemblance au premier abord avec les mille-pieds. En général les condy- lopes, considérés extérieurement , sont des animaux sans ver- tèbres , articulés, exuviables, pourvus d'antennes, d'yeux, à organes respiratoires consistant, tantôt en des branchies for- mées par des appendices extérieurs, ou par la peau même devenue branchiale ^ tantôt en des pneumo-branchies ou en des vaisseaux aériens, toujours alors intérieurs et recevant l'air par des ouvertures spéciales pratiquées à la surface de la peau^ ayant inférieurement, et sur deux séries longitudi- nales, des appendices en nombre variable, dont les anté- rieurs propres à la manducation, et dont les autres, toujours articulés, sont tous ou presque tous destinés au transport par la course ou par la natation. Ajoutons qu'ils ont, pour la plupart, des appendices d'une autre sorte , au nombre de quatre ou de deux, situés au-dessus des précédens , et formant des organes du vol. Tous ces appendices inférieurs sont de véritables pieds, mais dont les antérieurs peuvent, en quantité variable , sous des proportions et des formes plus ou moins diverses, suivant DES CONDYLOPES. I^ qu'ils sont destinés à triturer les matières alimentaires, ou à pomper des substances plus ou moins liquides, changer de fonc- tions et devenir ainsi buccaux. C'est ainsi encore que je re- garde les mandibules des scorpions , des araignées , des fau- cheurs, comme des pièces représentant les antennes intermé- diaires des crustacés, mais concourant ici àlamanducation.Les palpes et les quatre pâtes antérieures de ces mêmes arachnides nous paraissent répondre aux mandibules palpigères , et aux quatre mâchoires des mêmes crustacés , et ces pièces ont pour analogues, dans les ïules , les quatre pieds antérieurs. C'est en suivant les mêmes analogies que nous avons cru retrouver dans les six pieds des insectes hexapodes les six pieds mâchoires des crustacés. Dès-lors ce qu'on a nommé thorax dans les pre- miers n'est plus en rapport avec la partie du corps des seconds désignée sous le même nom. Cette confusion dans la nomen- clature des parties provient de ce qu'elle n'est fondée que sur des considérations isolées, abstraction faite de toute corré- lation d'une classe à l'autre. J'ai essayé de régulariser cette nomenclature à l'article Condjlopes de mon ouvrage sur les familles naturelles du règne animal. Nous avons besoin , et tel est le vœu que j'y ai exprimé, d'une nouvelle ou plutôt d'une réelle philosophie entomologique -, car je ne crois pas que celle de Fabricius, adaptée en majeure partie à son sys- tème , qui ne repose d'ailleurs sur aucune observation anato- mique, mérite cette qualification. Je ne pousserai pas plus loin cet examen comparatif des rapports généraux des condy- lopes, me proposant de revenir sur ce sujet à mesure que, passant d'une 'lasse à l'autre, j'exposerai les changemens qu'a subis le type radical. L'histoire de la science que je vous ai annoncée et que je présenterai, non comme un traité complet et bibliographique , mais sous la forme d'un simple essai ou d'un tableau général, va fixer votre attention. Quel- ques uns de vous auraient peut-être désiré que j'eusse choisi pour mon début un autre sujet, tel que celui par exemple de l'utilité ou des agrémensde ces études. Mais quel est l'homme qui, devant aussi traiter en général de ces animaux, n'ait donné 20 CARACTERES DISTINCT rFS un prologue de cette sorte , et souvent embelli par des exagé- rations ? qu'aurais-je donc pu vous dire que vous n'eussiez trouvé partout ? A une époque où le goût de l'histoire natu- relle est devenu si universel et si dominant, où une jeunesse active consacre ses instans de loisir à former des collections- d'insectes, où les agronomes et les cultivateurs sont déjà initiés dans cette science, soit par des connaissances acquises de cette manière , soit par des lectures ou des rapports avec des hommes instruits et plus répandus aujourd'hui qu'autrefois y ne serait-ce pas vous faire injure que de vous supposer point ou peu de zèle , et de vouloir l'exciter par des exhortations puisées dans les ressources et les avantages que vous offre l'entomologie ? Oui , Messieurs , je suis persuadé que ces solli- citations sont superflues , et que tous mes efforts ne doivent tendre qu'à vous diriger dans vos études, aies faciliter, à faire exploiter en un mot ces richesses que la nature vous offre à chaque pas, dont l'acquisition ne troublera jamais votre con- science , qui écarteront l'ennui , emploieront utilement votre temps , élèveront sans cesse votre pensée vers celui qui a créé tant de merveilles -, car jamais la sagesse de l'Etre-Supréme ne se manifesta plus hautement que dans cet instinct admirable et si varié dont il a doué les insectes. S'il existait des apôtres de l'athéisme et des détracteurs de la Providence , je leur di- rais : Approchez de cette ruche, pénétrez dans l'intérieur de cette cité populeuse , observez le caractère des trois classes d'habitans qui la composent, étudiez les lois qui régissent cette société, voyez avec quelle étonnante harmonie elles s'exécutent *, admirez surtout l'effet de cet instinct qui ne permet pas à la reine-mère de se méprendre dans le choix des trois sortes d'alvéoles qui doivent recevoir les œufs d'autant d'espèces d'individus d'une génération nouvelle ; remarquez encore que ceux , les plus nombreux , qui sont chargés de tous les travaux , travaux si étonnans par leur construction géo- métrique qu'ils ont été le sujet des méditations de plusieurs mathématiciens célèbres , ont pour cette postérité à la repro- duction de laquelle ils n'ont eu aucune part , toute l'affection DES CONDYLOPlîS. 21 el toutes les sollicitudes des mères les plus tendres , quoique les sensations agréables provoquant la malcrnilé leur soient interdites. D'où leur vient l'idée de mettre à mort tous les mâles de l'habitation à une époque où l'espoir d'une nouvelle génération est assuré et où ces individus seraient désormais des bouches inutiles? Expliquez-nous maintenant tous ces mys- tères avec des systèmes donnant tout au hasard, ou bien en admettant des lois sans vouloir en reconnaître le suprême or- donnateur (i) ? Laissez-nous dans cette croyance qu'il en existe un , et si vous persistez à fermer l'oreille à tant de voix qui le proclament sans cesse et de toutes parts , souffrez que nous joignions les nôtres à cet unanime concert ^ et, si nous sommes dans l'erreur, ne cherchez pas à détruire des illusions utiles plutôt que nuisibles à la société , qui nous rendent heureux , ou du moins nous consolent dans le pèlerinage si traversé de la vie. (i) Par ce mot la nature, si souveut répété dans aies écrits, j'cuteuds la providence Ue la création. -^ TABLEAU DE L'HISTOIRE GENERALE DE L'ENTOMOLOGIE. Les noms des hommes célèbres qui oui fait faire à l'ento- mologie les plus grands pas , ou qui lui ont rendu les services les plus signalés , formeront les titres et les ères des périodes mémorables qui partageront son histoire. Nous préférons cette méthode , fondée sur de riches souvenirs et sur la reconnais- sance , à celle qui n'aurait d'autre base qu'un pur ordre chro- nologique ou séculaire. La première période remontera à Aristotc , et précédera l'ère chrétienne d'environ trois siècles et demi. Elle n'est pas moins mémorable dans les annales du monde , puisqu'elle nous rappelle un élève de ce célèbre philosophe qui s'illustra par ses conquêtes, Alexandre -le- Grand ; et, coïncidence singulière , c'est sous le règne d'un homme non moins extra- ordinaire et non moins renommé , que l'Aristote de notre âge s'est principalement acquis son impérissable réputation. Le caractère distinctif de la science entomologique de cette épo- que , est l'admission pour un grand nombre d'insectes , ceux dont on n'avait point suivi les accouplemens, de la général ion spontanée. Dès-lors , l'animal en état parfait et sa larve étaient classés dans des genres différens. Avec les insectes étaient confondus classiquement des annélides et d'autres animaux très dissemblables par leur organisation. On avait cependant recueilli les premiers élémens d'une bonne méthode. Cette entomologie est la réunion de traditions populaires, souvent labuleuses, ou en partie erronées , souvent encore plus du do= maine de l'art médical que de celui de la zoologie , entremêlées néanmoins de quelques faits positifs, mais qui ne pouvaient 24 TABLEAU échapper à la plus simple investigation , et qui , lorsqu'il s'a- gissait d'organisation , ne pouvaient être approfondis , parce que la puissance oculaire était abandonnée à elle-même ou n'avait aucun secours. Ces traditions , transmises par les Grecs aux Romains , et par ceux-ci aux peuples du Nord , qui ren- versèrent leur domination , furent long-temps stalionnaires , et il nous faut traverser l'espace de dix-neuf siècles pour arriver à la seconde période, qui date de i55o, à partir de l'ère chré- tienne. Elle est remarquable par l'existence simultanée des trois pères de la zoologie moderne , Gessner , Belon et Ron- delet. Ici encore, l'entomologie est infectée de ce vice radical, la génération spontanée , qui caractérise l'époque précédente. Mais on ne se traîne plus sur les pas de l'antiquité *, on observe , on recueille de nouveaux faits , on s'aide pour la connais- sance des objets , de figures gravées sur bois et de verres am- plificateurs. Quelques hommes même se dévouent exclusive- ment à l'étude de cette science. C'est ainsi que MoufFet imprime, en i634, son Théâtre des Insectes , ouvrage qu'il est encore nécessaire de consulter , parce qu'il y a représenté beaucoup d'insectes, que l'on regarde comme inédits. Ici , ce- pendant , comme dans Aldrovande un peu antérieur, il faut rejeter grand nombre de détails fastidieux , qui ont trait à la matière médicale. Nous ne devons pas , toutefois , les négliger quant au fond , attendu que cet emploi médicamentaire peut remonter par tradition aux anciens médecins , et nous mettre sur la voie de recherches propres à nous faire découvrir les objets dont ils ont parlé. La troisième période , celle de l'entomologie expérimentale, aura en tête Pvedi et Swammerdam, qui renversèrent de fond en comble le faux principe de la génération spontanée, et achevèrent de déchirer le voile qui dérobait à nos regards les métamorphoses des insectes. Le second, surtout, comprit toute l'importance des études anatomiques, et par des obser- vations de cette nature, par sa distribution basée sur les mé- tamorphoses , posa les premiers jalons d'une méthode natu- relle. C'est à son école que se forma le modèle des observateurs, DE l'histoire de l'entomologie. 25 le célèbre Réaumur. C'est par lui et par quelques naturalistes étrangers, Frisch notamment, que nous terminerons celte troi- sième période. Elle n'est pas moins signalée par l'application que l'on fit à l'iconographie des insectes , du burin ou de la gravure en taille-douce. Linné ouvrira la quatrième période. Quel est le naturaliste qui ne bénisse sa mémoire ? ]N'est-il pas pour nous tous notre Minerve ? Et si l'on a divinisé des bienfaiteurs de l'humanité^ la gratitude ne nous commande-t-elle pas d'ériger des autels à celui qui a été le suprême législateur des sciences naturelles? Création d'une nouvelle langue propre et devenue univer- selle, d'une méthode fondée sur l'ensemble des caractères extérieurs, empruntée en partie des anciennes , mais épurée et perfectionnée , et qui , à quelques additions et inversions près , survit encore à tous les bouleversemens des novateurs -, enfin , un code de lois et de préceptes fixes écartant l'arbi- traire , une école de nombreux disciples et de zélés mission- naires , qui ont propagé la science , voilà des faits qui mettent ce grand homme bien au-dessus de Pline , auquel on l'a com- paré, et le recommandent à notre admiration et à celle de tous les siècles. L'un de ses élèves les plus illustres , Chrétien Fabricius , déterminera la date de notre cinquième période. Par les principes sur lesquels il a établi son système , ceux des organes de la manducation déjà employés, mais dans quelques cir- constances seulement , et non sous un point de vue embras- sant toute la généralité des insectes , ni avec le détail de toutes les parties , il a ouvert une nouvelle minej tous les caractères extérieurs semblaient être épuisées , et il a suppléé à cette indigence par les ressources que lui a fournies ce genre d'observations. Sans elles , vu la multitude d'espèces décou- vertes depuis Linné , il nous eut été impossible d'assigner des caractères propres à les grouper génériquement et à les faire reconnaître. Enfin , notre sixième et dernière période aura pour point de départ l'illustre savant, qu'une voix unanime a proclamé 26 TABLEAU l'Aristote moderne, mais qui , pour la méthode naturelle , est devenu notre Linné , et qui n'a pas moins d'ascendant par sa réputation littéraire que le célèbre BufFon. Qu'est-il besoin de le nommer? En rejetant la génération spontanée , en n'ad- mettant plus comme caractère classique la différence des milieux d'habitation , en prenant pour base des coupes toutes les parties de l'organisation extérieure , la méthode semblait avoir acquis toute sa virilité et la perfection dont elle était susceptible; mais elle n'était qu'artificielle. Aucune digue n'ar- rêtait les faiseurs de systèmes. L'ordre, dans la distribution des coupes , soit premières , soit secondaires , dépendait des caprices de chacun. L'anatomie comparée pouvait seule mettre fin à ces innovations perpétuelles. Elle a parlé , et c'est par la bouche de M. Cuvier. Jusqu'à lui , tous les observateurs mo- dernes avaient considéré le vaisseau dorsal des insectes comme un véritable cœur, ou même comme une réunion de plusieurs viscères de cette sorte. Lyonet seul avait remarqué qu'il n'en partait aucun vaisseau. Les organes de la respiration avaient bien fixé l'attention , tant de ce célèbre naturaliste que de quelques autres antérieurs , tels que Swammerdam , Réau- mur, de Geer-, mais ceux de ces mêmes organes dans les- quels cette fonction s'opère par l'intermédiaire de l'eau , les branchies ; d'autres encore , constituant une sorte de poumon et qui sont propres aux scorpions , aux arachnides , n'avaient pas été étudiés avec assez de soin ou d'attention , ni en eux- mêmes , ni comparativement. Quelques recherches isolées sur le système nerveux , sur celui de la digestion , se présentaient çà et là dans les divers écrits , publiés jusqu'alors sur ces ma- tières -, mais point d'applications générales , aucun emploi de ces faits dans les distributions méthodiques , renversement absolu de l'ordre naturel dans les plus accréditées , puisque les crustacés et les arachnides pulmonaires , supérieurs aux insectes sous le rapport de l'anatomie , sont au contraire sur les dernières limites de cette classe. Qui a réparé un tel dés- ordre ? M. Cuvier. Qu'importe qu'on ait fait ensuite de nou- velles classes. C'est lui qui en avait établi les caractères , et DE L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. 1^ qui, ne voulant pas surcharger la nomenclature déjà trop compliquée , s'était contenté de présenter ces classes comme de simples divisions. Et depuis quand celui qui met sur un édifice une inscription indiquant sa destination Temporterait-il en mérite sur son architecte .^ J'aurais pu distinguer d'autres époques, mais moins pro- noncées et moins influentes. Je vous aurais montré l'historien des insectes des environs de Paris , Geoffroy , améliorant la méthode de Linné par l'emploi des variations numériques des articles de cette partie terminale des pâtes qu'on nomme tarse. Je vous aurais parlé d'un autre célèbre naturaliste qui a honoré la patrie des Bonnet, des Saussure , des Huber, feu Jurine père, veux-je dire, qui a trouvé dans la réticulation diversifiée des ailes des hyménoptères et des diptères, de nou- veaux caractères propres à faciliter l'étude de ces insectes. Une malheureuse victime de son zèle pour les progrès de la zoologie, qui, pour mieux nous éclairer, s'est précipité dans les ténèbres d'une nuit éternelle , l'infortuné Savigny , se fût offerte à vos regards attristés. Mon confrère , M. de Blain- ville , vous exposera ses découvertes sur les annélides , les mollusques et les zoophytes 5 ce n'est plus de mon domaine. Mais je vous citerai les observations si fines et si délicates , au moyen desquelles il est parvenu à coordonner au même type les insectes suceurs et les insectes broyeurs , vérité que j'avais entrevue le premier, mais à laquelle je n'avais pas donné suite. Lorsque nous ferons la démonstration des crus- tacés , des arachnides et de quelques ordres de la classe des insectes, vous aurez encore l'occasion de l'admirer et de le plaindre. Il est bien d'autres zootomistes dont les recherches ont aussi beaucoup contribué à l'avancement de la science ^ mais nous ne les citerons pas maintenant , afin de ne pas anti- ciper sur l'histoire de l'entomologie de leur époque. 28 TABLEAU Première période. — ARISTOTE. 55o ans environ avant l'ère chre'tienne. S'imaginant, sans doute , que la nomenclature entomolo- gique des anciens naturalistes était indéchiffrable , ou qu'il était impossible d'en faire une application suffisamment mo- tivée , Linné , Fabricius et d'autres naturalistes modernes ont donné , sans discernement et sans critique , plusieurs des noms d'Aristote , de Pline et autres , à des genres d'insectes. C'est ainsi que les cantharis de quelques auteurs anciens, qui sont certainement nos cantharides , désignent , dans Linné , un genre de coléoptères très différent. Fabricius, entraîné par l'autorité ou le mauvais exemple de son maître, voulant sépa- rer génériquement les cantharides des meloés , auxquels elles étoient réunies, les appelle Ijtta , nom d'une espèce de ver qui se trouvait , disait-on , sous la langue des chiens. Les vrais cicada des auteurs latins , nos cigales proprement dites , sont pour lui des tettigones , nom donné par les Grecs à de petites cigales muettes, cicadastrœ , et celles-ci sont, au contraire, transformées en cigales. Les grandes cigales étaient aussi appelées acheta j et dans Fabricius , ce nom désigne des gril- lons. Des espèces de sauterelles ou de criquets avaient reçu la dénomination à'attacos; c'est, dans Linné, celle d'une division du genre plialœna. D'autres noms , consacrés par les anciens à des oiseaux, à des reptiles, à des poissons, etc. , sont devenus propres à d'autres genres d'insectes. Je ne suis pas moi-même exempt de tout blâme à l'égard de ce renver- sement de la nomenclature. Mais la vérité avant tout j et ici , du moins , il n'y a rien à craindre quant à ses consé- quences. Peut-être même que la détermination de noms an- ciens que je vais entreprendre , quoique n étant souvent fondée que sur des probabilités, produira quelques bons ré- sultats en arrêtant ces désordres , et en forçant les faiseurs de genres à mettre plus de circonspection dans remj)loi de ces désignations tirées de l'antiquité; c'est , du moins, le but que je me suis proposé. DE l'h(stoire de lentomologie. 29 Vainement tenterions-nous de nous soustraire au pouvoir d'une multitude d'agens destructeurs que l'auteur de la na- ture a répandus sur la surface de notre globe. Voulant en renouveler perpétuellement la scène , il oppose à tous nos efforts des myriades de petits animaux qui se dérobent à nos regards , et parmi eux les insectes jouent le rôle principal -, tout est soumis à leur empire. Non seulement ils détruisent avec plus ou moins de rapidité les végétaux qui nous sont le plus utiles, tourmentent nos animaux domestiques , mais ils nous harcèlent jusque dans nos propres foyers , rongent nos meubles , nos provisions ^ quelques uns même se fixent sur nous. D'autres insectes réveillent notre attention par des pro- priétés physiques qui frappent nos sens , par leur industrie , leurs brillantes couleurs ou la singularité de leurs formes. Il en est qui , par des habitudes particulières , fournissent à la superstition et à la terreur , ces produits de l'ignorance , de nouveaux alimens. Le malade , en désespoir de cause , cédant aux caprices d'une imagination inquiète , et se prêtant à tous les essais qui lui paraissent susceptibles de lui procurer du soulagement, va jusqu'à chercher des curatifs ou des caï- mans dans quelques uns de ces animaux. Deux substances bien précieuses , le miel et la cire que nous procure l'a- beille ^ des couleurs fournies par d'autres insectes ^ la soie pour les contrées où les chenilles qui la donnent sont indi- gènes , semblent être une compensation ménagée par la sa- gesse de la Providence pour les dommages et les pertes que nous occasionnent tant d'autres animaux de la même classe. Ces observations , propres en général à tous les temps et à tous les lieux , sont l'origine de l'entomologie , comme , sous les mêmes rapports d'intérêt , celle des autres branches de l'histoire naturelle. Nous pouvons encore soupçonner que l'écriture hiéroglyphique , qui emprunta plusieurs de ses em- blèmes des végétaux et des animaux , parmi lesquels même certains insectes,, tels que le bousier sacré, l'abeille, etc., se rattachant allégoriquement à des pensées religieuses , mé- ritaient plus d'attention , est encore l'une des sources de l'en- 36 TABLEAU lomologie primitive ; car le besoin de rendre ces images avec plus de fidélité et d'exactitude obligea les premiers peintres à faire une étude plus spéciale de ces animaux et de leurs parties. Nous en verrons plus tard une preuve au sujet du scarabé sacré. Joignez à ces données quelques observations recueillies par des hommes purement contemplatifs; c'est ainsi qu'a dû se former le noyau primitif de cette science. J'ai indiqué plus haut la manière dont Aristote partageait les animaux sans sang ou aneimes. Deux de ces divisions , les malacostracés et les entomes , doivent seules nous occuper. Ces animaux se distinguent de ses malakia, ou mollusques céphalopodes , en ce que les parties solides de leur corps sont en dehors, et les parties molles ou charnues en dedans. Dans les malacostracés , il est enveloppé d'une croûte mince qui se rompt plutôt que de se casser en morceaux , et pourvu de pieds 5 celui des testacés est défendu par un test pierreux , qui ne se casse point de cette sorte ; dans les entomes , il est par- tagé en plusieurs incisions , soit sur le dos seulement , soit en dessous, ou bien sur les deux faces. Ces animaux ne sont ni osseux ni mous -, leurs tégumens sont d'une consistance inter- médiaire tant en dehors qu'en dedans , avec une peau très fine. Ayant peu de chaleur et de vivacité , la nature y a sup- pléé en leur accordant plusieurs pieds , ce qui facilite leurs mouvemens. Lorsque le corps est allongé et plus froid , ce nombre est plus considérable , et tel est le cas des ïules : les ailes suppléent dans ceux qui en ont moins. Si le corps est peu allongé , le principe vital est unique et en occupe le milieu. Il est mulliple dans ceux dont le corps est long ; ce qui fait que ses différentes parties, quoicjue séparées les unes des autres, donnent des signes de vie. L'histoire des animaux que nous a laissée Aristote , et son traité de leurs parties , annoncent qu'il avait fait une étude assez particulière des malacostracés , ou des crustacés , dont les yeux sont portés sur des pédicules mobiles , sans cepen- dant en avoir bien approfondi l'anatomie , car il leur refuse , ainsi qu'aux insectes , des viscères , se tait sur les organes de DE l'histoire de L ENTOMOLOGIE. 3l la respiration , ou paraît les assimiler , sous ce rapport , aux poissons, puisqu'il dit qu'ils avalent l'eau et la rejettent. Il remarque qu'ils ont tous deux dents, ou ce que nous nom- mons mandibules , et , dans l'intérieur de la bouche , une partie charnue qui tient lieu de langue : ce doit être le labre. Dans un passage relatif à l'écrevisse, ce qu'il appelle col a em- barrassé quelques critiques. Il nous semble qu'il désigne ainsi la séparation du plastron et de la tête. Ce plastron , ou la poi- trine , est divisé en cinq parties , et , suivant Aristote , on peut compter pour une sixième cette extrémité large qui se partage en cinq tablettes ; c'est , selon nous, la queue. Quoi- qu'il parle de l'estomac, il ne fait pas mention des pièces dures et dentées qu'on y trouve , ni de ces concrétions pierreuses qu'on nomme vulgairement jeux d'écreuisse. L'intestin est droit, et la matrice est située tout auprès^ le dessous du corps est composé de plusieurs tablettes, et là sont déposés les œufs. C'est à cette époque de la gestation que ces animaux sont les meilleurs à manger. La chair du crustacé appelé ourse est cependant plus estimée lorsque la femelle n'a pas encore fait sa ponte. Dans l'accouplement, dont la durée est longue, les deux sexes s'approchent par derrière , relèvent tous les deux leur queue , et en appliquent l'une contre l'autre la face inférieure *, ce qui suppose que le corps de l'un des deux est renversé sur le dos , quoique Aristote n'en dise rien. Il n'ad- met aucune intromission , et cependant il ne pense pas que le . mâle puisse féconder les œufs à la manière des poissons. La femelle les porte d'abord dans son corps ^ il se fait ensuite une première ponte , ils passent sous la queue , y demeurent , du moins quant aux langoustes , l'espace d'environ vingt jours, y subissent une sorte d'incubation , et s'en détachent ensuite. C'est au commencement du printemps que cette union a lieu. A la même époque aussi, et quelquefois en automne, ils chan- gent de peau . qui , par les efforts de l'animal , éclate et tombe pièce par pièce. Ils sont omnivores , et ils se tiennent cachés pendant les jours de l'hiver où le froid est le plus rigoureux, Quelques uns sont employés dans la médecine. Telles sont , 3^ TABLEAU par rapport aux malacostracés , les observations les plus gé- nérales d'Aristote -, il a d'ailleurs décrit avec assez d'étendue les écrevisses et les langoustes. Mais quels sont les crustacés mentionnés par lui et d'autres anciens auteurs ? quels noms leur ont-ils donnés? C'est ce qui va être l'objet de notre exa- men. Heureusement que M. Cuvier nous a prévenus à cet égard , et qu'il a débrouillé en grande partie cette nomencla- ture dans un Mémoire qu'il a joint au recueil de ceux qu'il a publiés sur les mollusques. Aristote distingue quatre genres de malacostracés : les lan- goustes , cajYibosj les écrevisses, astacos-, les squilles , caris, et les cancres ou crabes, carcinos : ceux-ci sont des bracbyures , et les trois aulres des macroures. Pline a jeté une grande con- fusion dans la nomenclature de ces animaux , et qui a égaré plusieurs naturalistes modernes. Après avoir parlé des lan- goustes, locustœ, qu'il place avec Aristote parmi les animaux exsangues, il dit que les diverses sortes de cancres , cancri, sont : les carabes, caiabij les écrevisses, astacij les maïa , maÙBj les pagures , pagurij les héracléotiques , heracleotici ; les lions, leoneSy et d'autres moins connus. Les carabes, sui- vant lui , s'éloignent des aulres cancres par leur queue. Les Phéniciens les nomment Iiippei, cavaliers , parce qu'ils cou- rent d'une telle vitesse qu'on ne peut les atteindre. Nous savons que les crustacés qui ont de telles habitudes , et qui ont été désignés sous le même nom par Aristote {Hist., liv. X, ch. Il) sont desocypodes, division des décapodes bracbyures, et que dès-lors ils ne doivent pas être confondus avec les ca- rabes de celui-ci , qui sont des macroures. Traitant immédia- tement après des cancres , Pline avance que le premier pied de la femelle est double , et celui du mâle simple ; mais ce ca- ractère emprunté d'Aristote n'est propre qu'aux langoustes, ou sesca;YiZ>05.Il se contredit, ou du moins il commet une nouvelle méprise , en disant que ces cancres ont de plus deux bras en forme de tenailles, et dont la partie supérieure seule est mobile. Il nous montre ces animaux réunis en troupe, et qui, ne pou- vant forcer l'entrée du Pont-Euxin, reviennent sur leurs paSj en DE l'hISTOFRE de L ENTOMOLOGIE. 33 faisant un circuit par terre. Lepinnothère, pimiotheres, est le plus petit de tous , et le plus exposé par là à tous les dangers. Il a l'adresse de se cacher en Ire les écailles des huîtres vides , et de passer dans de plus grandes lorsqu'il se trouve trop gêné à raison de l'accroissement du volume de son corps. En com- parant ce passage avec ceux d'Arislote , où il parle du cancre petit , carcinion, et dont il désigne plus particulièrement une espèce vivant dans les conques sous le nom de petit boiteux j il nous paraît qu'il s'agit des mêmes animaux que dans le jjassage de Pline \ mais avec cette différence , que le naturaliste grec leur donne exclusivement ])our habitation des coquilles uni- valves , et que le naturaliste romain réunit génériquement comme identiques ces carcinions , les pagures de Fabricius ou les hermites, avec le pinnothère ou pinnophylax, le gardien de la pinne marine , et avec quelques petits crabes blancs dont parle l'autre, naissant dans quelques testacés bivalves, comme les pétoncles et les huîtres , ceux qui composent aujourd'hui le genre pinnothère proprement dit. Fabricius , s'embarrassant fort peu du nom donné ancien- nement aux langoustes , a imposé à ce genre la dénomination de palimuus , dont l'étymologie signifie : qui uriiie , ou qui regarde somment) qui veille. Point d'ambiguité à l'égard des astacus. Ce nom est propre aux crustacés que nous appelons homards, astacus marinuSy Fab., écrevisses, astacus Jluvia- tilis, du même , et qu'Aristole a distingués sous le rapport des milieux d'habitation, ou les eaux marines et les eaux douces. Les Vénitiens nomment le homard , astase , mot qui nous rappelle celui ^ astacus-^ c'est le gammaro des habitans actuels de Rome , dénomination presque la même que celle de gani- marus^ ou cammarus des anciens. Mais il paraîtrait , d'apiès Columelle, Athénée , et quelques autres auteurs , que l'on dé- signait plus particulièrement ainsi diverses salicoques ser- vant de nourriture au peuple. Le gammarus était, suivant Athénée , une espèce de carjdon , expression presque identi- que avec celle de caridion , qui nous rappellerait une squille d'Aristote, qu'il désigne sous le nom à^ petite. Ces crustacés 3 34 TABLEAU ont le corps voûté , sont très agiles et sautillent , et c'est peut- être pour cette raison qu'on les a nommés cammarus et ganunarus. C'est encore au homard ou à quelqu'une de ses variétés , remarquable soit par sa taille , soit par ses couleurs , que nous rapporterons le crustacé que Pline nomme elephaii- thus. Celui qu'il appelle leOy décrit sous la même dénomina- tion par Elien , est semblable à la langouste, mais avec des pro- portions plus grandes et plus grêles , et des bras tantôt très grands , tantôt pareils à ceux des crabes -, il est bleu , avec des taches noires. Parmi les décapodes macroures de la Méditer- ranée , auxquels ces traits peuvent convenir, je ne vois que les galathées , et telle avait été aussi l'opinion de Ptondelet { galathea j^ugosa , Fab.), ou Yastacus norwegicus, qui, sui- vant ce que m'a dit M. Milne Edwards , est très abondant dans la mer Adriatique , et qu'Aldrovande a aussi mentionné. Scylla (i) , scjllaros ou scjllarus, sont des noms dont on a fait des applications très diverses , mais dont l'étymologie pa- raît indiquer des corps rudes, raboteux ou comme rocailleux. Les crustacés du s^enre scjllarus deFabricius sont dans ce cas, et on peut y reconnaître avec Rondelet la cigale de mer de quelques auteurs anciens , puisque , suivant M. Roux , les scyllares sont encore appelés aujourd'hui, dans quelques points de la Méditerranée , cigalo. Nous y rapporterons encore Yarc- tos d'Aristote, ow.Yursa des Latins. La chair de ces scyllares étant excellente, il est probable que ces crustacés ont été sous ce rapport connus des anciens. La Méditerranée en offre deux espèces , l'une plus grande, noire S. large, Yorchetta de Ron- delet , et l'autre le S. ours. On comparait la cigale de mer avec la langouste de nos côtes, palinurus locusta , Oliv. 5 mais on avait remarqué qu'elle en différait par les antennes et l'absence d'aiguillons : observations qui confirment le rap- prochement que nous avons fait. Ces aiguillons, ou ces épines, dont est hérissé le lest de notre langouste , nous rappellent un (1) Nom d'un poisson clans Pline. DE l'histoire de l'entomologie. 35 trait inouï de cruauté de Tibère , qui , au rapport de Suétone , ordonna que l'on déchirât avec ces épines la bouche d'un pécheur. Aristote distingue les caris , ou squilles , des autres genres de crustacés indiqués par lui , en ce que ces crustacés ont une queue , qu'ils sont dépourvus de pinces , que cette queue n'a que quatre nageoires avec des épines intermédiaires , et qu'ils ont plus de pieds que les autres. Les naturalistes ont généra- lement retrouvé dans ces squilles ces petits crustacés, qu'on nomme communément chevrettes , crevettes, salicoqiies , et autres analogues. Quoiqu'il ne soit pas vrai de dire qu'ils n'ont point de pinces, il est certain qu'à l'égard de la grandeur et de la force elles ne sont point comparables à celles des crabes , des écrevisses, etc. Le dernier segment de leur queue est étroit, allongé et épineux- les appendices inférieurs de cette queue , et souvent aussi les pieds-màchoires étant plus allongés que dans les autres macroures , Aristote , sous le rapport du nombre des pieds , a pu être induit en erreur ou s'exprimer inexactement. Il y a , suivant lui , trois espèces de squilles : les squilles bossues , les cranges et les squilles de la petite es- pèce. La crange a d'abord quatre pieds de chaque coté , et ensuite trois autres. Ce caractère paraît exclusivement con- venir au genre squilla de Fabricius , et probablement à l'es- pèce la plus grande de la Méditerranée , celle qu'il appelle mantis. Quant à la squille bossue , qui a , suivant lui , cin([ pieds de chaque côté , il paraît , d'après Athénée , qu'elle était des plus recherchées pour la table , et c'est probablement celle que Rondelet nomme caramot, et dont on fait un grand commerce dans le Levant, ou notre penée caramot. Ces crustacés macroures et comestibles , d'une taille inférieure , connus sous les noms de crevettes^ salicoques, etc., qui appar- tiennent aux genres /7rtZemo7z^ squilla, nika, etc., seront donc la petite espèce de squille du naturaliste grec. Son dernier genre , celui de carcinos, ou de cancre , se compose de diverses espèces , telles que le maia , le pagure , l'héracléotique , le carcin de rivière et le carcin cavalier. La 36 TABLEAU forme arrondie du corps, dont la queue très courte est repliée en dessous , et ne paraît pas , l'animal étant vu sur le dos, ce qui a fait dire à Aristote qu'il n'en avait pas , dénote que les carcins sont des décapodes brachyures. Leur marche , en di- vers sens , est déterminée , selon lui , par le mouvement de quatre pieds. La flexion de leurs jambes est sur le côté, et toute différente de celle des jambes des quadrupèdes. Il décrit la forme générale du corps et la bouche \ il dit que les femelles ont la queue plus large , que ces crustacés vivent long-temps , et qu'on s'en sert comme de remèdes dans les morsures des phalanges et des araignées. Le maia est , suivant Belon , le crabe appelé squinado à Marseille, ou notre maia squinado. Il rapporte au paguros d'Aristote le crustacé que l'on nomme dans la même localité calebassi, en Grèce paguro, et pagule sur quelques côtes de France 5 c'est le cancer paguj^s de Linné. Le carcin maia, d'après le naturaliste grec, surpasse en grandeur toutes les autres espèces. Ce crustacé était cé- lèbre par les vertus médicales qu'on lui attribuait , et il est représenté sur plusieurs médailles. L'application qu'en fait Belon nous paraît devoir être adoptée. Son sentiment au sujet du pagure, espèce qui, suivant Aristote, est ensuite la plus grande, nous semble aussi constaté par l'identité de sa nomen- clature. Mais on n'a point les mêmes données à l'égard du carcin héracléotique , ainsi nommé , soit qu'il fût abondant sur le rivage de l'une des villes appelées Héraclée , soit qu'il fût consacré à Hercule. Aristote s'est contenté de nous ap- prendre qu'il a les jambes courtes, et que ses yeux sont plus rapprochés que ceux du maïa. Si l'on pouvait sur ces faibles renseignemens hasarder quelque conjecture, nous fixerions nos regards sur le calappe granulé , auquel ces caractères con- viennent, et qui a pu être remarqué des anciens, à raison de sa forme hétéroclite. Le carcin de rivière est si bien repré- senté sur quelques anciennes médailles grecques et de Sicile, qu'on y reconnaît sans difficulté notre Iclpliure fluvialile. Nul doute encore relativement au carcin ipeis ou cavalier 5 c'est bien Xocypode ippeus d'Olivier , décrit et figuré par lui dans DE l'histoire de l'entomologie. 37 la relation de ses voyages en Orient. Aristole parle de petits crabes que l'on trouve dans de petits poissons , et dont les pieds de derrière sont plus larges , et peuvent servir de rames pour nager. On juge à ces traits qu'il a eu en vue des por- tiines deFabricius. D'autres crabes, très petits, naissant dans les coquilles de quelques testacés , comme les pétoncles , les huîtres, etc., sont évidemment, ainsi que nous l'avons dit, des espèces de notre genre pinnothère , dont quelques unes sont très communes à certaines époques de l'année dans les moules. Mais le crustacé nommé pinnothère oMpinnophjlax, gardien de la pinne marine par les anciens, est-il congénère? La comparaison que l'on a faite de cet animal avec un cari- dion, ou petite squille, donne lieu à quelque doute, et qui serait d'autant plus fondé , qu'Olivier a effectivement trouvé dans la pinne marine une espèce particulière de salicoque. D'autres auteurs anciens assimilent le pinnothère à une petite araignée , ce qui conviendrait assez au crustacé que nous dé- signons ainsi. Nous savons en outre qu'on en rencontre aussi dans les pinnes marines , les éponges , les alcyons , etc. Un animal analogue est figuré sur quelques zodiaques égyptiens et indiens. Ce que l'on a dit des habitudes du pinnothère remonte à la plus haute antiquité. Au témoignage d'Hor- Apollon , il était représenté avec la coquille de la pinne ma- rine, comme un symbole indiquant le sort d'une personne qui ne peut vivre sans le secours des siens ou de ses proches. On supposait , en effet , que le propriétaire naturel de la co- quille l'ouvrait afin de donner entrée aux petits poissons , et qu'il était averti du moment opportun pour la fermer , par son gardien le pinnothère, qui le pinçait. Ils partageaient en- suite leur proie; mais, faute d'un moniteur si vigilant, le premier animal périssait. J'ajouterai qu'à l'égard de la con- stellation zodiacale du cancer , on a beaucoup varié dans sa représentation. Là c'est la telphure fluviatile ou un portune; ici une langouste ou une écrevisse; sur un zodiaque japonais c'est un limule. J'ai parlé plus haut du carcinion ou petit carcin d'Aristote, 38 TABLEAU le cancelliLS des Latins , les bernards ou hermites , les paguH des naturalistes modernes. Il croyait qu'il naissait de la terre ou de la vase. Swamnierdam , en opposition avec tous, a soutenu que les coquilles lui servant d'habitation lui étaient propres. Ici , Messieurs , se terminent les connaissances des anciens par rapport aux animaux qu'ils désignaient sous le nom de malacostracés ou de crustata. Les cloportes et autres crusta- cés isopodes étaient rangés avec les insectes munis d'un grand nombre de pieds ^ ce sont les onos ou oniacos de Dioscoride , petits animaux qui se trouvent , disait-on , sous des vases destinés pour l'eau, ayant plusieurs pieds, se contractant en boule , lorsqu'on les saisit , et semblables alors à des graines de fèves comestibles, d'où ils furent aussi appelés, cjamos , faba. D'autres les ont nommés tylcs. Alors, comme depuis, la médecine en faisait usage. Dans la même série des insectes polypodes étaient classés ceux qu'ils distinguaient par les dénominations suivantes : muliipeda, centipedes , inillepeda , seps , juins , l'm/o^ des Grecs , scolopendra. Aristote se borne à citer Viulos comme un exemple des insectes sans ailes. Quant aux scolopendres, ce sont encore, suivant lui, des insectes aptères ayant plu- sieurs pieds , et dont les parties , lorsqu'on coupe leur corps , ont un mouvement progressif. Il en mentionne deux espèces , Tune terrestre, et l'autre marine. Celle-ci, d'après ce qu'il en raconte, paraît être une néréide, ou quelque autre anne- lide d'un genre voisin. Les scolopendres étaient encore nom- més ophiocteiia , tueurs de serpens , centipeda et seps. Lors- qu'on les coupait en deux , cbaque portion était censée former un animal, allant alors en sens contraire, ou c'était, si l'on veut, un animal à deux têtes. Moufifet a figuré comme des scolopendres marines une nymphe de libellule. Occupons -nous maintenant des arachnides, confondues pareillement avec les insectes. Le travail de l'araignée est trop merveilleux pour n'avoir point fixé primitivement l'attention de l'homme et obtenu DE l'histoire de L ENTOMOLOGIE. 3g son admiration. Salomon , en remarquant qu'elle fixait son domicile et établissait son atelier jusque dans son palais, la proposait à ses courtisans comme un modèle de prudence , d'amour du travail et de dextérité, \ ous connaissez cette fable de la Mytbologie , où l'on nous peint une Lydienne, élève de Minerve, punie de son ingratitude envers elle et de sa vanité, et cependant sauvée de son désespoir par sa métamorpbose en un animal , arachne, ou l'araignée , Varaneus des Latins. Les pbalanges, phalanx , les petites phalanges, ou phalangium , ou psjUon, les psylles , les scorpions, les acari, le croton, ou le ricinus des Latins, tels sont, avec les animaux précé- dens , les arachnides mentionnées par Arislote. Mais comme les mêmes espèces ont pu, suivant la diversité des idiomes, avoir reçu plusieurs dénominations, qu'on a pu parler d'es- pèces qu'il n'a point connues, qu'on a pu confondre avec les araignées quelques hyménoptères sans ailes , telles que les mutilles , des fourmis, et vice verset, on verra, en consultant les autres auteurs anciens , que cette nomenclature est bien plus étendue , et que n'étant accompagnée d'aucun détail descriptif, elle est en majeure partie presque indéterminable. Wotton (De differentiis animal., lib. IX, cap. ccx etccxi) a donné un extrait de tous les anciens écrits sur ce sujet. S'il faut en croire Pline , les plialajigiurn sont des espèces d'arai- gnées venimeuses, inconnues en Italie. Cela supposerait, ce qui n'est guère croyable , que de son temps la tarentule n'était pas regardée comme venimeuse. Aristote nous a dit que deux espèces de phalanges mordent. Il en a observé qui font des toiles, d'autres qui, telles que le psjllon, sont vives et sau- tillantes , d'autres dont le mouvement est lent et qui ne sautent point. Ces animaux couvent, se multiplient beaucoup , et se reproduisent à la manière des araignées. D'ailleurs mêmes dif- férences sexuelles, mêmes abstinences prolongées. Une telle variété d'habitudes et de caractères, un vide aussi absolu de renseignemens descriptifs , exclut tout moyen de recon- naissance positive. La dénomination de phalange rappelle à notre souvenir le redoutable corps d'infanterie macédo- 4o TABLEAU nienne désigné de même ; l'anatomie , par comparaison , s*est aussi emparée d'elle. Beaucoup d'aranéides ont sur le dos des taches, des lignes disposées en séries, et formant des dessins qui représentent grossièrement , comme sur nos plans figu- ratifs de cartes militaires , un corps de troupes -, peut-être aussi désignait-on ainsi les araignées qui, slationnaires , portaient leurs quatre pieds antérieurs en avant ^ peut-être encore les petits de plusieurs espèces se réunissant en grand nombre , lorsqu'ils viennent de naître , est-ce de là que dérive le nom de phalange. Lycos ou loup est , suivant Aristote , un nom commun à deux sortes d'araignées qui se mettent en embuscade dans un petit trou , où elles attendent le moment de saisir leur proie. La plus petite ne fait point de toile, l'autre en ourdit une inégale et mal tissue près des terres et des masures. Celle-ci est probablement une espèce de clubione ou de segestrie 5 l'autre, à ce que je présume, est une espèce de lycose. Pline nous dit que les Grecs appellent aussi p7îala7igmm un genre d'araignées , mais qu'ils le distinguent par la dénomina- tion de loups. Ce seraient des araignées des champs , suivant JNicandre. " Prévenons à Aristote. L'araignée, d'après lui , vit de mouches qu'elle prend dans ses filets , quelquefois même de plus grands animaux, paraît les enchaîner, et ne craint même pas de se jeter sur de petits lézards. Elle suce sa proie, et peut sup- porter sans périr une longue abstinence. Ses fils ne sortent pas de l'intérieur de son corps comme les excrémens, mais du corps même 5 il veut dire , je présume, des appendices ex- térieurs , appelés fi licites. La femelle seule travaille , et partage son butin avec le mâle. Ce naturaliste parle du travail de trois espèces d'araignées. La première, du nombre des tondeuses, se lient au centre de sa toile, guette sa proie, la lie en l'en- tourant de ses fils, et la transporte dans un endroit particulier destiné à ses provisions. Les deux autres espèces ourdissent des toiles d'un tissu serré 5 l'une , grosse et à jambes longues , se suspend à l'extrémité de son fil pour attendre sa proie ; DE l'histoire de l'entomologie. 4ï l'autre se lient en haut , à une petite fenêtre qu'elle fabrique dans sa toile. Ces deux araignées appartiennent à la division des tapissières, et la première pourrait bien être notre araignée domestique, ou quelque espèce voisine. Ces animaux se reproduisent par la voie de la génération. Le mâle monte sur la femelle , et celle-ci fait l'intromission. Mais il est une sorte de phalange faisant une toile , où les deux sexes , pour cette copulation , tirent chacun de leur côté un fil 5 et qui , après avoir répété plusieurs fois cette manœuvre , s'approchent et s'unissent par leur partie postérieure. Aristote, qui, d'après ce que je viens d'exposer, croyait que ces ani- maux s'accouplaient à la manière de la mouche domestique , donne à leurs cocons le nom de vers, dit que les femelles les couvent , et qu'au bout de trois jours on en distingue les mem- bres. Les araignées des prés déposent les germes de leur repro- duction dans une toile , dont la moitié est appliquée sur leur corps et dont l'autre est en dehors. Il s'agit , à ce qu'il nous semble , de quelque espèce de dolomède ou de lycose. Swara- merdam voudrait qu'on nommât le cocon, nymphe, animal à forme d'œuf , nymphœ oi^iformes, dénomination inadmissible. Les araignées sont aussi vivipares suivant Pline ^ il appelle araneus la toile qui enveloppe les raisins et les olives. Le thé- ridion bienfaisant de M. Walckenaer nous offre un fait sem- blable , du moins quant au premier de ces fruits. Démocrite prétendait que les araignées dardaient leurs fils , ainsi que le fait le porc-épic à l'égard de ses piquans. On supposait qu'elles tuaient les serpens qui reposaient sous leurs toiles, en les mor- dant à la tête. On avait remarqué qu'elles pouvaient servir de baromètre ; une élévation plus grande annonçant le mauvais temps , c'était alors le moment du travail ; si les jours étaient sereins, elles se reposaient. Quatremère Disjonval a observé tout le contraire. On vantait les propriétés médicales de quel- ques unes ; elles entraient même dans la composition de la thériaque. Leur toile était regardée comme un excellent spécifique coûtre les hémorrhagies et les inflammations des yeux. 42 TA.BLEA.U Uaraneus lanuginosus de Pline , remarquable par la gran- deur de sa tête, avait, dit-on , dans son intérieur deux vermis- seaux qui, attachés avec une peau de cerf, sur la femme avant la conception, en détruisaient le principe. Aurait-on parlé des galéodes , arachnides ayant aussi une grande tête et dont les mandihules portent dans quelques individus un petit appendice ou stylet ? Parmi les diverses espèces de phalanges mentionnées par Aëlius et d'autres, et dont il serait aussi fastidieux qu'inutile de donner la nomenclature , il y en avait dont le dessous du col était armé d'un dard. La languette des galéodes et des phrynes dont M. Riffaut a trouvé une espèce en Nubie , nous présente cette ressemblance. L'organe sexuel de nos faucheurs , lorsqu'il est saillant , a aussi une forme analogue. La manière dont Aëtius parle des tétragnathes , et ces quatre bouches ou plutôt ces quatre mâchoires qui leur ont valu cette dénomination , nous donne lieu de soupçonner qu'elle s'applique à ces Galéodes. Ces animaux étaient si abon- dans une contrée de l'Ethiopie habitée par des peuples acri- dophages, et si redoutés, que ceux-ci avaient été forcés de s'expatrier. Dans notre Mémoire sur les insectes sacrés des Egyptiens, nous avons cité la figure d'un abraxas donné par le père Montfaucon , où l'on a représenté une galéode. Olivier a publié quelques observations sur ces arachnides réputées dan- gereuses. Selon ce que m'a raconté un excellent entomologiste qui a parcouru le Caucase et en a étudié avec soin les insectes, M. Godet, une espèce de ce genre y est très commune. Elle vit dans des terriers et se présente avec hardiesse en relevant sa tête , fiiisant mouvoir ses mandibules ou plutôt ses chelicères, au-devant de son agresseur, de l'homme même. Pline a aussi parlé des tétragnathes, mais il est bien certain que l'une d'elles, celle qui, suivant lui, tend sur les murs des toiles fort larges pour prendre des mouches , n'est point une galéode , mais une espèce d'araignée tapissière , du genre segestrie ou de ce- lui de clubione probablement. Le nom de solpuge donné par Lichtenstein et Fabricius aux galéodes , est emprunté d'an- ciens auteurs et synonyme do ceux de saipuga et solifuga. DE l'pîISTOIHK de L'ENTOMOLOGfE. 4^ Les uns ont comparé l'animal que l'on désignait ainsi à une espèce de fourmi ; d'autres en ont fait une araignée. Il fuyait la lumière de l'astre du jour, comme l'indique la dernière dénomination. Serait-ce quelque termes? M. Coquebert de Montbret, lorsqu'il était à la tète du bureau de statistique du ministère de l'intérieur, me communiqua une espèce de mutille de la Corse, dont la piqûre passe pour être très venimeuse. Or parmi les espèces de phalanges , il en était une appelée myr- mecion dont les caractères donnés par Pline paraissent indiquer cette espèce ou quelque autre très analogue. Le myrmécion ( Hist, nat., lib. XXVIII, cap. iv ) ressemble par la tête à une fourmi , son ventre est noir avec des taches blanches. Elle ap- paise les douleurs produites par la piqûre des guêpes ; je pense aussi qu'au même genre de mutille se rapporte une autre espèce de phalange, semblable encore, d'après ce naturaliste, à une fourmi , mais beaucoup plus grande , ayant des lignes blanches et formant des chevrons sur un fond noir ; sa piqûre est plus vive que celle des guêpes. L'application du corps écrasé de cet insecte ou son infusion, réduit en poudre , était son antidote. L'astérion et les phalanges nommés sphecium, d^sderi, sont peut-être encore des mutilles. L'espèce de pha- lange appelée sclerocephaloji , dont la tête avait une consis- tance pierreuse et dont tout le corps était marqué de petites lignes représentant en quelque sorte ces petits insectes qui vo- lent autour des chandelles allumées, serait- elle, ainsi que le scolecion , quelque arachnide du genre lycose , la tarentule par exemple , ou quelque autre espèce voisine ? Il serait in- croyable que les anciens n'eussent pas observé et noté diverses aranéides remarquables par leur grandeur, et dont la morsure d'ailleurs pouvait les alarmer 5 mais leur nomenclature , faute de renseignemens convenables, est inextricable. J'ai soupçonné, d'après ceux que nous possédons sur le rhagium, que cet animal pourrait être la punaise venimeuse de Miana , ou l'argus de Perse de la tribu des acarides. Pour débrouiller un tel chaos, il faudrait qu'un nouvel OEdipe descfîjuiUtdu ciel. /u\CiA^ /^ ^:j» 71/^rz. 44 TABLEAU Les arachnides ayant des bras terminés en pinces , et dont la queue noueuse est armée à son extrémité d'un aiguillon , les scorpions, veux-je dire, ont retenu tant dans la langue latine que dans la nôtre et quelques autres , cette dénomina- tion reçue antérieurement en Grèce. Les caractères distinctifs exposés ci-dessus n'avaient pas échappé à Aristote , et il faut convenir qu'il n'y avait pas grand mérite à les recueillir. On ne le trouvera pas aussi attentif lorsqu'on saura qu'il les fait provenir de vers à forme d'œuf. C'est aussi ce que dit Pline. Elien les fait vivipares. Le nombre des petits n'est , suivant le naturaliste grec , que de onze , qui sont quelquefois dévorés par les mères : fait dont Maupertuis a été aussi témoin ocu- laire. Les dangers résultant de la piqûre sont plus ou moins grands , selon la température des climats et d'autres circon- stances. Ils deviennent nuls dans quelques uns. Plutarque assure avoir vu des gens bien sains manger de ces animaux sans en être incommodés. Pline , qui enchérit sur tout, et qui s'appuie du témoignage d' Aristote , dont les écrits parvenus jusqu'à nous n'offrent cependant rien de semblable , dit que les scorpions du mont Latmus , en Carie , ne font aucun mal aux étrangers , tandis qu'ils tuent les gens du pays. Certes , c'est un trait d'hospitalité bien digne de reconnaissance. Tou- jours imbu de l'idée de la supériorité du sexe masculin sur le féminin , il veut que la piqûre des individus du premier soit plus dangereuse que celle des individus de l'autre. Nicandre compte sept espèces de scorpions. Le naturaliste romain en admet deux de plus , d'après Apollodore , et dont la plus re- marquable est ailée. Les Psylles avaient souvent, mais en vain, essayé d'acclimater celle-ci en Italie. Strabon , d'après Mégas- thène , parle aussi des scorpions ailés que l'on trouvait dans l'Inde , et même , disait-on , en Egypte. Quelques passages d'auteurs anciens, tels que Manilius, Plante, Varron, Colu- melle , etc., nous montrent que les scorpions étaient aussi dé- signés sous le nom de nepa, Feslus appelle ainsi le crabe. Cette confusion provient de ce que le scorpion , qui a d'ail- leurs quelque ressemblance avec ces crustacés, est appelé DE l'histoire de L ENTOMOLOGIE. ^5 cancrah en hébreu , el acrah encore , ainsi que dans la langue arabe. Il existe dans les eaux des contrées intertropicales des deux mondes , de grandes espèces du genre nepa de Linné , et à l'une desquelles il a donné le nom de grandis. Quelques espèces indigènes ont été appelées scorpions aquatiques. Leurs pâtes antérieures ressemblent à de petits bras, et au bout de leur abdomen sont deux petits filets, formant une sorte de queue. ^ oilà , je présume, l'origine de l'histoire ou mieux de la fable des scorpions volans ou ailés. Au rapport d'Elien , les prêtres d'Isis de Coptos , en Egypte , foulaient impunément aux pieds les scorpions , qui étaient très communs dans le territoire de cette ville. Le dessin de cet animal , accolé à celui du crocodile, désignait, dans le langage hiéroglyphique , le contact de deux ennemis égaux en forces. Il n'est pas besoin de dire que le scorpion est un emblème astronomique 5 ce qui prouve que la connaissance de cet ani- mal remonte à la plus haute antiquité. A entendre Pline , une fois qu'on a été piqué par lui , on n'a plus à craindre de l'être par les guêpes et par les frelons. Tous les scorpions sont éga- lement venimeux à l'heure de midi. Ils ne font aucun mal aux animaux sans sang. Suivant Elien , ils tuent toute sorte de serpens. Une espèce , la septième de Nicandre , naissait , di- sait-on, de la putréfaction du crabe appelé pagure, qui, pour se dérober aux poursuites des pêcheurs , se retirait dans des cavernes, et y périssait quelquefois. Ovide y fait allusion dans quelques uns de ses vers. Elien nomme cette espèce flammeus , couleur de feu , parce qu'il prend cette couleur l'animal étant cuit. On croyait encore que ces arachnides nais-- saient du cadavre du crocodile , idée probablement fournie par l'hiéroglyphe dont je viens de parler. Suivant d'autres ^ ils devaient le jour à la putréfaction de certaines plantes. On savait qu'il en existait de très grands aux Indes. Elien rapporte qu'à deux journées de distance de Suze , dans le pays des Mèdes , il y a une telle abondance de ces animaux , que le roi des Perses , devant faire ce voyage , en faisait acheter , trois jours auparavant et à tout prix , le plus qu'il était possible , 46 TABLEAU afin de ne pas être arrêté dans sa marche. On était dans l'idée qu'ils se réunissaient pour former, en s'accrochantles uns aux autres par la queue , une sorte de chaîne 5 que le dernier des- cendait pour aller piquer l'homme qui dormait au-dessous , qu'il était successivement suivi des autres de la bande, et qu'ils s'accrochaient mutuellement par le dos. Un passage des stro- mates de saint Clément d'Alexandrie a rapport à cette idée. On avait vu des scorpions à double queue. Le Muséum d'his- toire naturelle en possède effectivement un , et chez lequel cette monstruosité paraît être naturelle. Mais il nous paraît plus probable qu'il s'agit ici des nèpes. Aristote mentionne une petite espèce de scorpion sans queue , qui s'engendre dans les livres. C'est évidemment une espèce du genre pince ou faux scorpion , chelifer de Geoffroy. Nous craindrions de vous faire perdre un temps précieux et d'abuser de votre pa- tience , si nous vous entretenions des recettes données par les anciens pour la guérison des piqûres du scorpion , ainsi que des vertus médicales dont un charlatanisme intéressé ou stu- pide les avait gratifiés. On classait avec les insectes se nourrissant des humeurs des animaux , le pou , plithir ou pediculus , la puce , psjlle ou pille X ^ le ricin, ricinus ou redwus ^ redwius , le cioton des Grecs , les punaises , cîmices ou coreis. En général , tous ces insectes engendraient des lendes, lendes, ou des conides dans la langue des Hellènes, productions oviformes, mais sans résultats ou stériles. Ils naissaient d'eux-mêmes des anfrac- tuosités ou crevasses de la peau des animaux, ou des humeurs les plus chaudes de la chair même. Il faut cependant en excepter la puce de mer, distinguée par Aristote, et qui paraît être quel- que espèce de gammarus deFabricius, et le pou de mer nommé œstros en grec , asilus en latin , qui s'attache aux branchies de divers poissons , et les tourmente comme une autre espèce d'œstre ou asile, mais ailée., le taon. Il s'engendre au fond de la mer, et il empêche souvent les poissons, en les éveillant et les excitant, d'être surpris par les pêcheurs dans leur som- meil. C'est quelque espèce du genre cjmothoa de Fabricius. DE l'histoire de l'entomologie. 4? Parmi les poux vivant sur d'autres animaux , les terrestres , on en avait remarqué de diverses sortes 5 mais on confondait avec eux des hippobosques sans ailes ou nos melophages. La maladie dite phthùiasis avait déjà eu des victimes-, le poète Alcmane , Phérécide le Syrien , le dictateur Sylla, furent do ce nombre. L'on s'imaginait que les peaux de moutons ou de brebis tués par les loups , ainsi que les vétemens faits avec leur laine , étaient plus sujets que d'autres à la vermine. On distinguait sous le nom à^ pou féroce (^pediculus ferox^ une espèce de ce genre plus tenace et plus cruelle , pediculus pu- bis. On savait aussi que certains oiseaux en nourrissaient. L'âne avait reçu de la nature une exemption totale. Le cheval était encore à l'abri des morsures du ricin. Mais relativement à celui-ci, les chiens étaient très exposés à ses attaques , et le ricin était appelé , pour cette raison , cjnorhœstes. Tout ce que raconte Pline de sa manière de vivre , de sa tuméfaction , nous dénote qu'il est question de ces arachnides qu'on nomme tiques, louvettes^ et qui composent notre genre ixode. Aristote dit que ces animaux, ou crotones, sont engendrés du gramen. C'est en effet sur les graminées et sur d'autres plantes des bois fourrés qu'on les rencontre. Il a aussi connu, ainsi que Dioscoride , la punaise des lits, qu'on emplovait, de même que les punaises des champs, dans certaines maladies , et particulièrement contre la morsure de l'aspic et d'autres serpens. Elle a pour ennemi le scolopendre 5 c'est un basilic pour elle , son regard lui donne la mort. Columelle donne le nom de puce à un vermisseau ou une espèce de chenille qui ronge certaines plantes^ et, comme il est à présumer qu'il a eu en vue les potagères , il est probable qu'il a voulu parler de cette espèce d'altise , que l'on nomme populairement puce des jardins. Les acares, acari en latin , et acaridion en grec, sont men- tionnés par Pline et Aristote. Ce sont les plus petits de tous les animaux , et de couleur blanche. On en trouve dans la vieille cire , et , suivant quelques variantes du passage du naturaliste grec , relatif à ces arachnides , dans le vieux fro~ ^8 TABLEAU mage. D'après quelques étymologistes , le mot acarus dérive- rait de cheiro ou tondeo, je tonds, et de V alpha privatif. D'autres le font venir du mot insecahile, parce qu'un animal aussi petit est incapable d'être divisé par le tranchant d'un instrument coupant. Nous expliquerons d'une autre manière l'origine de cette dénomination, lorsque nous arriverons aux insectes de l'ordre des névroptères , appelés termes ou ter- mites. Ici se terminent nos recherches sur les arachnides et autres insectes sans ailes de Linné. Ceux, bien plus nom- breux , qui ont des ailes , vont être le sujet de notre examen , et nous inspireront plus d'intérêt. Le champ que nous par- courons ensemble ressemble à ces déserts arides , dans les- quels on ne rencontre que de loin en loin des oasis. Anciennement comme aujourd'hui , on distinguait au corps des insectes ailés trois divisions ou parties principales : la tête , l'abdomen, et une troisième, intermédiaire, dont le dessus portait le nom de dos, et la face opposée celui de poitrine. Cette division n'avait point lieu dans les myriapodes. Les in- sectes ont deux yeux sans paupières , et comme ils sont sou- vent fermes, peu favorisés dans leur destination, les pieds antérieurs , plus longs dans plusieurs , y suppléent ; ces ani- maux s'en servent pour sonder ou tâtonner les corps sur les- quels ils sont placés, et pour se nettoyer les yeux. On n'avait point observé leurs organes respiratoires , ou du moins il n'en est pas parlé -, mais on avait remarqué qu'ils périssaient si on les frottait d'huile , particulièrement à la tête. Les abeilles et les cnipes sentant le miel de loin , on ne pouvait douter de l'existence du sens de l'odorat. Il en était de même à l'égard de celui du goût, par rapport aux insectes pourvus d'une langue. Tantôt cet organe est retiré comme dans les fourmis, tantôt il est extérieur et formant soit une trompe fistuleuse et charnue propre à goûter les alimens et à les saisir, comme dans les abeilles, les cigales, les mouches, etc., soit une arme offensive ou aiguillon , ainsi qu'on le voit dans les œstres ou taons , nommés aussi asiles, les cousins, etc. La bouche ï DE LlilSTOlRE DE l 'ENTOMOLOGIE. 49 tle ceux-ci n'offre point de dents , et aucun diptère n'a d'ai- guillon à sa partie postérieure. Ces dents ne ressemblent point à celles des autres animaux , et peuvent exister simultané- ment avec la langue, comme dans les fourmis. Les insocles qui en sont munis , et quelques uns même de ceux qui n'ont qu'une langue , sont omnivores. Les taons sont sanguisugcs, mais il leur faut peu d'alimens , moins à raison de la petitesse de leur corps que parce qu'ils sont d'une nature froide. Plus le nombre des pieds est considérable et le corps allongé, plus ce tempérament froid domine. Tel est le cas des iules et autres myriapodes. La plupart des insectes à quatre ailes nues , généralement vagabonds , ont un aiguillon au bout posté- rieur du corps, et qui peut être cacbé ou extérieur. Les pa- pillons et les carabes (vojez ci-après^ ont à la tête de petites cornes avancées et inofiFensives. Les ailes sont destinées à sup- pléer aux autres organes de la locomotion. Elles ne sont point fendues ni composées de plumes, mais d'une membrane sèche, de la nature de la peau. Le bourdonnement est le résultat du mouvement rapide avec lequel elles s'élèvent et s'abaissent alternativement. Plusieurs, toujours dépourvus d'aiguillon, et dont la vie est généralement sédentaire, ont des écailles, eljtron y qui recouvrent et protègent leurs ailes-, ce sont les coléoptères ou vaginipennes. On appelle ajiéfytres ceux qui les ont à découvert , et cbez lesquels leur nombre varie de quatre à deux. Les insectes qui n'en ont que deux sont petits et vagabonds. Tous ces animaux sont dépourvus de viscères; Aristote , cependant , accorde à quelques uns un estomac. Les femelles qui s'accouplent sont généralement plus grandes que leurs mâles. L'organe de reproduction est indiqué par une fente située au bout des intestins. Cela est surtout très visible dans les sauterelles-, mais dans les autres insectes, qui sont le plus souvent de petite taille, cet organe n'est point connu. Les uns reproduisent , par voie de copulation , des êtres semblables à eux , les sauterelles, les cigales , etc. -, les autres, s'accouplant encore , donnent le jour à des animaux d'une nature différente , à de petits vers , les guêpes, par exemple , 4 6o TAELEAÎJ et plusieurs mouches ^ d'autres , s'unissanl aussi sexuellement , sont cependant engendrés par la pourriture seule , les matières humides , comme d'autres mouches , les puces , les cantha- rides , etc. Les autres ne s'accouplent point et ne doivent point leur existence à des insectes semblables à eux , mais naissent de feuilles , de la rosée , de la boue , du fumier, des racines , du vieux bois , se forment aussi dans les poils des animaux et dans leurs excrémens expulsés au-dehors ou non , dans la lie du vinaigre , la neige vieille , le feu même. Dans la copula- tion , les corps sont opposés l'un à l'autre , et la femelle intro- duit le bout de son ventre dans une ouverture de celui du mâle , ainsi qu'on le voit dans la mouche domestique ou com- mune. Il y a cette différence entre l'animal produit par un œuf et celui qui l'est par un ver, que le premier n'est formé que d'une portion de l'œuf, tandis que l'autre s'accroît par une augmentation générale de volume des parties supérieures surtout , et au détriment des inférieures. La plupart des insectes naissent sous cette dernière forme , et Aristote considère leurs œufs comme de petits vers immobiles. Les chenilles provien- nent de feuilles, de celles du chou particulièrement. On y voit d'abord quelque chose se rapprochant pour la forme d'un grain de millet. Le vermisseau se contracte ensuite ^ un peu accru, il devient une petite chenille. Quelque temps après et ayant grossi , cette chenille perd ses mouvemens et est transformée en chrysalide ou aurélie recouverte d'une écorce ou pellicule assez ferme : elle ne prend alors aucune nour- riture. Sa peau se rompt, et il en sort un insecte ailé qu'on nomme papillon, psyché, hepiolos en grec, le papilio des Latins. Au sujet de la génération de ces insectes, Aristote faisait une exception -, il avait observé qu'une espèce produi- sait un corps dur, semblable à un grain de carlhame. Les cou- leurs des papillons sont le produit de celles de leurs chenilles, si celles-ci tirent leur nourriture du dehors. Il est des vers qui croissent aux dépens de leur substance intérieure. Tout ver, n'importe son origine , qui se métamorpliosc en chrysa- lide, a, dans ce dernier état , la forme et les propriétés d'un DE L'HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. 5l œuf. Ainsi, non seulement les papillons, mais encore les abeilles, les guêpes, etc. , sont soumis à cette loi. La durée de ces changemens et de la vie n'est point constante. Les insectes qui donnent le jour à des èlres de leur sorte ou sem- blables à eux , vivent généralement plus long-temps ; cette durée néanmoins ne passe guère un an. Quelques uns se retirent , aux approches de l'hiver, dans l'intérieur des mai- sons ^ les autres se tiennent cachés pendant cette saison. Les années chaudes et humides sont les plus favorables à leur multiplication. Leurs habitudes avaient été peu observées. On avait seulement remarqué que les cantharides contrac- toient leurs pieds et se mettaient en peloton. Voilà, Messieurs, le résumé des connaissances générales que les anciens nous ont transmises sur les insectes. On voit que, par rapport aux ailes , ils avaient observé leur nature et leur nombre , et que , d'après ces données , ils formaient dans cette classe d'animaux trois divisions : deux ailes recouvertes par deux écailles , les coléoptères ^ quatre ailes nues ; deux ailes. On voit encore que les tétraptères pouvaient être partagés en ceux qui ont un aiguillon postérieur et en ceux qui sont inermes^ qu'à l'égard des organes de la manducation , ils avaient aperçu quelques unes de leurs modifications principales. Ceux dont la langue ou plutôt la trompe était propre à percer la peau , étaient censés pourvus d'un aiguillon extérieur-, mais ce caractère n'était propre qu'à certains diptères. Je n'en découvre aucun dans Aristote ni dans Pline qui soit relatif à la nature fari- neuse des ailes des lépidoptères , ni à la forme de leur trompe. Quant à la génération , tous ceux dont la ponte n'avait pas été suivie , et c'était le plus grand nombre , étaient considérés comme naissant spontanément des diverses substances où on trouvait leurs larves ou leurs œufs , désignés sous ces deux états par le nom collectif de ver, scolex , qui s'étendait jus- qu'aux chenilles même. Parmi les vers , ceux qui se trouvaient sur les chairs pourries étaient appelés plus particulièrement eulaij et ceux de l'intérieur du corps de l'homme et des ani- maux , ou les vers intestinaux , étaient des elmins , nom qu'on 5^ TABLEAU a traduit en latin par les mots lumbricuSf tinea ou tœnia , et des ascarides. Cependant Aristote emploie le mot de scolex à l'égard de la larve d'une espèce d'œstre qui se trouve dans la bouche du cerf, et celui d'ascaride pour des larves de cousins, conops ou empis. Quelques autres larves d'insectes ont aussi reçu des dénominations particulières^ celle, par exemple, de teredon (chenille-tarière, Camus), quant à la chenille de la galerie de la cire ^ de setis, quant à celles qui rongent nos meubles, et que nous appelons teignes, et celle encore de cleros pour une autre larve des ruches. Lorsqu'on ignorait les transformations de diverses larves , on les distin- guait par leurs lieux d'habitation. Toutes les nymphes inac- tives étaient appelées chrysalides, ou aujelies. Ces notions gé- nérales plus développées, accrues de quelques considérations nouvelles, et purgées du vice de la génération spontanée, ont servi de base aux premières bonnes méthodes modernes. Passons maintenant en revue la nomenclature des insectes mentionnés par les anciens, et donnons un extrait des ob- servations qu'ils leur avaient fournies. Procédons avec ordre , et commençons par les coléoptères ou les vaginipennes. Le cantharos des Grecs , le scarabœus des I^atins, celui que divers traducteurs ont nommé pilulaire, fut le plus célèbre de tous , du moins chez les Egyptiens et chez les peuples qui eu- rent avec eux des relations habituelles et leur durent en grande partie leurs connaissances. De tous les auteurs qui en ont parlé, Hor-Apollon , dans l'ouvrage que j'ai déjà cité , de la sagesse symbolique des anciens , est celui qui l'a fait avec le plus d'étendue. Nous allons donner un extrait du passage, mais avec plus d'ordre dans les idées. Il distingue trois espèces de cantharos ou de scarabées. La première , ou le scarabée proprement dit, présente des sortes de rayons, d'où par ana- logie elle a été consacrée au soleil , et ressemble à un chat 5 car les F.gyptiens disent que le chat mâle suit par le mouvement de ses prunelles le cours de cet astre , qu'elles se dilatent le matin au lever du dieu , qu'elles s'arrondissent vers le milieu de sa course , et qu'elles s'obscurcissent vers son coucher. DE L HISTOIRE DE l'eNTOMOLOGIE. 53 C'est pour cela qu'on voit à Héliopolis une statue qui repré- sente ce dieu sous la forme d'un chat. Tous les individus de ce scarabée sont du sexe masculin. Lorsque l'insecte veut se re- produire , il cherche de la fiente de bœuf, et après en avoir trouvé, il en compose une houle dont la figure est celle du monde. Il la fait rouler avec les pieds de derrière , en allant à reculons et dans la direction de l'est à l'ouest , sens dans lequel le monde est emporté par son mouvement. Celui des astres se fait dans un sens opposé ou du vent du couchant vers celui du levant. Le scarabée enfouit sa boule dans la terre où elle de- meure cachée pendant vingt-huit jours, espace de temps égal à celui d'une révolution lunaire , et pendant lequel la race du scarabée s'anime. Le vingt-neuvième jour, que l'insecte con- naît pour être celui de la conjonction de la lune avec le soleil et de la naissance du monde , il ouvre cette boule et la jette dans l'eau 5 il en sort des animaux qui sont des scarabées. C'est par ces motifs que les Égyptiens voulant désigner un être unigène ou engendré de lui-même, une naissance, un père , le monde, l'homme, peignaient un scarabée. La seconde espèce a deux cornes, et la forme d'un taureau -, elle est con- sacrée à la lune , déesse dont le taureau céleste , au rapport des Egyptiens, indique l'élévation. La troisième espèce est uni- corne , et d'une figure particulière 5 on croit que , comme l'ibis, elle a été consacrée à Mercure. Hor-Apollon nous ap- prend dans un autre endroit que la figure d'un scarabée aveu- gle est l'emblème de la mort d'un homme qui a péri d'une fièvre occasionnée parla grande ardeur du soleil. La première espèce est celle que dans la partie zoologique de la relation du voyage de M. Cailliaud, j'ai appelée ateuchus des Ègjptie/is. Elle offre un reflet métallique que n'a point Y ateuchus sacré qui lui ressemble d'ailleurs beaucoup. Elle est propre à la Nubie et à l'Ethiopie , contrée qui , à ce que l'on croit , fut d'abord habitée par ce peuple. Lorsqu'il s'avança plus au nord, la seconde espèce devint, faute de l'autre, l'objet de son culte. Je n'ai vu retirer que celle-ci de l'intérieur des momies ou- vertes en ma présence ^ le chaperon est découpé en six festons 54 TABLEAU que l'on a comparés aux rayons du soleil. La seconde espèce paraît être un bousier voisin du midas ou de l'hamadryas. La troisième , ou i'unicorne , est probablement une espèce du même genre, soit le paniscus , soit le lunaiis , ou quelque autre espèce voisine. Au surplus , les dessins de ces insectes présentent tant de variétés, sont souvent si peu prononcés dans leurs contours , quelquefois si défigurés par le caprice des sculpteurs , que plusieurs de ces déterminations doivent être très douteuses. Mais en général ce sont des espèces de bou- siers , en restituant à ce genre son étendue primitive. Il n'en est pas moins vrai que l'effigie de ces coléoptères retraçait à la mémoire des Egyptiens leur système de cosmogonie et une partie de leur mythologie. Messagers du printemps , annon- çant par leur reproduction le renouvellement de la nature , singuliers par cet instinct qui leur apprend à réunir des mo- lécules excrémentitielles en manière de corps sphériques, oc- cupés sans cesse , comme le sisyphe de la fable , à faire rouler ces corps , distingués des autres insectes par quelques formes particulières, ces scarabées parurent aux prêtres égyptiens offrir l'emblème des travaux d'Osiris ou du Soleil. Leur effigie fut multipliée de mille manières. Il ne suffisait pas à la supers- tition qu'elle se trouvât dans tous les temples , sur les bas- reliefs et sur les chapiteaux des colonnes, sur les obélisques^ on voulut encore qu'elle fût gravée avec d'autres hiérogly- phes sur des pierres de diverses sortes et façonnées en ma- nière de médaillons, sur des cornalines taillées en demi-perles percées dans toute la longueur de leur axe , et propres à com- poser des colliers , ainsi que des anneaux servant de cachet. L'image de ce dieu tutélaire suivait partout les Egyptiens , et descendait même avec eux dans la tombe. Le métal le plus précieux, l'or, était souvent employé par le statuaire ou le graveur, à la place du marbre ou du granit. Ces idées gran- dioses , qui caractérisaient le génie de ce peuple, s'étendaient jusqu'à ces insectes , et l'on en a des statues colossales. Dans mon Mémoire sur les insectes sacrés des Égyptiens, j'ai pré- senté à col égard diverses autres observations fondées sur les DE l'histoire de l'entomologte. 55 anciens monumens , la considération des médailles , etc. -, j'ai fait voir, par exemple , qu'en supposant qu'on eût pris chaque article du tarse pour un doigt , on avait eu raison d'en don- ner trente au scarabée , puisque chaque tarse a cinq articles , et que le nombre des pieds est de six. L'une de ces pierres gravées , dites ahraxas, et figurée par Montfaucon , repré- sente un scarabée ayant à chaque pâte antérieure une main étendue avec cinq doigts. Aristote dit que le cantharos passe l'hiver dans les boules de fiente qu'il a formées , et qu'il y dépose des œufs qui le reproduisent. Des mâles perpétuant seuls leur postérité, voilà toujours une idée bien bizarre. Le même cantharos est le coprion, ou bousier, d'Hippocrate. Le scarabée étant un insecte printanier, et disparaissant peut-être lorsque les rosiers sont en fleurs, cela a pu faire dire à Théo- phraste qu'il était tué par leur odeur. De l'étude et de la comparaison de divers passages d'auteurs anciens, j'ai conclu qu'iïn autre insecte de la même famille, celle des lamellicornes, mais vivant sur les fleurs , la cétoine fastueuse, ou quelque autre espèce voisine, était le mélolonthé des Grecs , avec lequel , du temps d'Aristophane et de Pol- lux, les enfans jouaient, comme le font les nôtres avec le hanneton ordinaire. C'est, dans Pollux , b jeu de la galeru- que. Dans un passage de la comédie des Nuées, Aristophane fait dire à Socrate s'adressant à Strepsiade : « Laissez aller votre pensée comme le mélolonthé, qu'on lâche en l'air avec un fil à la pâte »» Son scoliaste remarque que c'est un in- secte couleur d'or semblable au cantharos , que les enfans lient et font voler. Suivant Aristote, le mélolonthé provient de vers se formant dans les excrémens du bœuf et de l'âne. Pline désigne la même cétoine sous le nom de scarabée veit; celui, dit-il, qui a aiguisé la vue de ceux qui ont jeté les yeux sur lui , et que les graveurs en pierres précieuses ou gemmes se plaisent à contempler. J'ai vu en eff'et des pierres antiques où la figure de ces cétoines est très bien rendue , même avec l'écusson , caractère qui empêche de confondre cet insecte avec un bousier. Le recueil des médailles de la Bi- [)6 ïablkau b'iiolhèque royale, et ces salles du Louvre réservées aux anti- quités égyptiennes , placées sous la garde de celui que ses dé- couvertes et ses profondes recherches ont si bien initié dans leurs mystères , M. Champollion le jeune, ouvriront un nou- veau champ aux entomologistes archéologues , et nous inspi- reront de nouveaux sentimens de reconnaissance pour nos souverains qui ont acquis ces richesses , non au prix du sang du peuple qui les possédait , mais par des ressources plus con- formes à l'humanité, à leur bonté et à leur munificence , cette portion du revenu public consacré à l'encouragement des sciences et des beaux-arts. En vous nommant le coléoptère connu des Latins sous le nom de buprestis ou de vidprestis , et des Grecs sous celui de voupristis y enfle-bœuf, un sentiment bien opposé, celui de l'exécration , se présente à votre pensée. Signalé déjà comme produisant une tympanile mortelle chez les bœufs qui le dévoraient avec l'herbe , cet insecte fixa aussi l'attention du législateur, et la loi Cornelia condamna à la peine de mort l'homme pervers qui , de dessein prémédité , empoisonnerait avec cet animal , ainsi qu avec une chenille appelée pitjo- campe, la processionnaire du pin , son semblable. Suivant Pline , cet insecte é^ait rare en Italie , et ressemblait à un sca- rabée à longues pales. Geoffroy, d'après Mouffet sans doute, a cru retrouver ces buprestes dans les coléoptères du genre carahus de Linné. Mais, outre que ces insectes ne fréquen- tent point ou guère les pâturages-, que nos grandes espèces, ou les carabes proprement dits , sont très rares ou en petit nom- bre dans le midi de l'Europe \ que ces animaux se tiennent à terre, sont très agiles et doivent dès-lors se soustraire facile- meqt aux dents meurtrières des bœufs ou des chevaux qui paissent , quelques passages d'anciens auteurs nous indiquent que l'on considérait les buprestes comme des espèces de can- tharides et jouissant des mêmes propriétés vésicantes. C'est donc plutôt au genre méloé de Linné qu'ils appartiennent ; cl dans un Mémoire que j'ai publié à ce sujet , j'ai été d'avis que c'étaient les hétéromères auxquels Geoffroy, Fabricius et DE l/HiSrOIRK DK l'enTOMOLOGIE. 5'] d'autres entomologistes posléi leurs ont restreint cette dénomi- nation. M. Bolsduval , qui a employé ces insectes pour des vésicaloires , leur a reconnu plus d'énergie qu'à la cantharide des boutiques. Bélon, cependant, dans ses voyages en Grèce et autres contrées du Levant , dit que l'insecte nommé vou- piistis par les habitans du mont Atlios, vole, qu'il répand une odeur très fétide , qu'il ressemble à la cantharide ^ mais qu'il est plus grand , jaune ou d'un jaune fauve, et qu'on le trouve très souvent entre les plantes chicoracées, les orties et les conizes. Ces caractères annonceraient plutôt une espèce de mylabre que de méloé; mais il faudrait savoir si le nom de voupristis lui est exclusivement propre. Quoi qu'il en soit , cet insecte n'en serait pas moins de cette famille , et c'est peut-être par suite d'une ancienne tradition dont il est l'objet que quelques Italiens connaissent la manière de préparer la cantharide en l'un des poisons les plus violens. Aristote parle de la cantharide comme d'un coléoptère, de son accouplement qu'il assimile à celui de la mouche domestique , dit qu'elle aime les odeurs fortes, et la fait naître de la chenille du figuier et de matières sèches. Suivant Pline, elle ronge le froment, sans doute parce qu'on l'avait trouvée sur ses épis. Il lui donne pour origine un ver du bedeguar, mais plus particu- lièrement le frêne , arbre sur lequel on la rencontre le plus souvent. Il y avait de son temps partage d'opinion à l'égard du siège de ses propriétés vésicantes; il était cependant reconnu que les élytres au moins les possédaient éminemment. Diosco- ride distingue plusieurs sortes de cantharides. Les meilleures pour la médecine sont celles dont les élytres sont entrecoupées de bandes jaunes et noires, ce qui paraît indiquer quelque espèce de mylabre de Fabricius , celui de la chicorée , proba- blement, dont on se sert encore aujourd'hui dans certaines contrées de l'Italie. Pris en boisson , ces insectes peuvent être un poison très violent, et c'est de telle manière qu'un médecin égyptien fit périr ainsi un chevalier romain nommé Cossin, ami delNéron. Il eût été à désirer pour l'humanité que l'erreur tombât sur l'empereur, plutôt que sur son favori. 58 TABLEAU Le mot de silphe n*est prononcé qu'une fois par Aristote , et il se contente de nous dire que cet insecte change de peau. Le scoliaste d'Aristophane, comédie delà Paix, ajoute qu'il répand partout où il passe une mauvaise odeur. Les natura- listes modernes y ont reconnu nos blattes. Pline mentionne à plusieurs reprises ces derniers animaux. Dans le chapitre où il traite des ailes des insectes , il dit que les blattes fuient la lumière et fréquentent les lieux où sont des cuirs. Au cha- pitre sixième du livre vingt-neuvième, et où il donne diverses recettes médicales, il distingue trois sortes de blattes : les molles, molles, qui, cuites avec de l'huile, détruisent les verrues^ celles qu'on appelle milœcon ou mjlicon, des mj- laiis ou mjlabris selon d'autres, qui habitent près des meules de moulins , dont on ôtait la tête , et qui , broyées ensuite et appliquées sur les parties de la peau affectées de la lèpre , la guérissaient; enfin la dernière avait des pennes (des étuis), le derrière allant en pointe , exacuta dune, et avait une mau- vaise odeur. Celle-ci paraît être une espèce de blaps de Fa-^ bricius. C'est aussi la hlatta d'Isidore de Se ville , puisqu'il dit que lorsqu'on la prend dans la main elle la teint d'une cou- leur nommée blatteus, et que nous savons que les blaps font sortir par quelques articulations, lorsqu'on les saisit, une cou- leur rougeâtre. Les blattes molles de Pline sont probablement de véritables blattes. Quant à la seconde espèce, il serait possible que ce fût le tenebrio molitor. Le silphe d' Aristote étant sujet à des mues, et fétide, ne peut guère se rapporter qu'aux blattes proprement dites, la première espèce du naturaliste romain. Carabos, dans Aristote, n'est pas seulement le nom d'un crus- tacé, de la langouste, mais encore celui d'un insecte cité dans deux passages des éditions ordinaires. Il dit d'abord (liv. IV, chap. xvii) qu'il porte ses cornes ou ses antennes en avant comme le papillon. Camus (article Criquet) pré- sume que c'est une espèce de sauterelle , et dit qu'il faut lire cantharos-, mais comme Aristote désigne toujours collecti- vement les sauterelles et les criquets par la dénomination èi'ahisy cette opinion me semble invraisemblable. L'autre DK l'histoire de l'entomolggie. 59 passage du naturaliste grec (liv. V, chap. xix), où il est parlé du carabos^ est sujet à des variantes , et Camus même pense qu'il est fautif. Gaza le traduit par les mots JIi//o et scarahœus taurus. Scaliger supprime simplement ce dernier nom. Sui- vant un ancien traducteur , c'est carabus ou karambius , Dalechamp , dans ses notes sur le chapitre vingt-huitième , livre deuxième, de Pline , où il s'agit des vaginipennes et des scarabées, cite ce second passage d'Aristote ^ et Wotton, à cet égard, s'exprime ainsi : Carabo^quem Theodorus modo tau- rum vocat, modo fullonem) antennœ ante oculos prœten- duiitur ut papilioni. GignUur hic ex vermibus qui in lignis aridis nascuntur, et primiim quidem vermes ipsi immobiles Jiunt : mox dimpto putamine carabus exit alioTum m.ore qui ex vermibus giguantur. L'habitation de ces vers , ou plutôt de ces larves , ces antennes qui se dirigent en avant , et qui , à raison de leur longueur encore , ont pu faire comparer cet insecte à la langouste , et lui valoir la même dénomination , celle de karambius d'un ancien traducteur, si rapprochée du mot cerambjx, me portent à croire que ce passage fait allusion à quelque coléoptère de la famille des longicornes , notam- ment le ceramhjx héros de Linné , ou quelque autre espèce voisine. Il en est , je pense , de même de ce scarabée des ar- bres , qui rend des sons , le carabe d'Hésychius , que produit le platane , semblable à une araignée , mais n'ayant que six pâtes. Quant au scarabée fullo de Pline , comme il le dis- tingue par les taches blanches de ses élytres , je ne doute pas que ce soit le melolontha fullo de Fabricius. Son scarabée taureau , qu'il appelle encore pou de terre , et qu'il dit sem- blable au ricin , non probablement pour la taille , mais pour la couleur rougeâtre ou brune , appartient , à ce que je pré- sume , à la même famille, et peut-être au genre orjctès. Il dit, liv. XXX, chap. v, qu'on frotte les écrouelles avec de la terre que ces animaux ont fouillée. Cette habitude , et l'épithète de taureau, me donnent lieu de former cette con- jecture. On suspendait au cou des enfans les cornes ou dé- fenses de l'insecte nommé lucanus par Nigidius. Ces amulettes 6o TABLEAU étaient regardés comme un spécifique dans quelques unes de leurs maladies, et notamment dans les flux d'urine. Tous les naturalisles modernes ont rapporté cet insecte au lucamis cer- sms , et je pense que c'est avec raison. La m.ême unanimité n'existe pas à l'égard du cossus de Pline et des autres auteurs anciens , qui , engraissé dans de la farine , était réputé chez les Piomains , les Phrygiens , etc. , un mets délicat , et qui servait aussi en médecine. La chenille appelée ainsi, ou celle du cossus ligniperda , jette par la bouche une liqueur trop acre et trop fétide pour avoir pu devenir un objet comestible. On n'en aurait point trouvé, d'ailleurs, une assez grande quantité. Les larves de quelques grands capricornes ( les ha- maticlierus de M. Dejean), toujours cachées dans le tronc des arbres , et pas assez abondantes , n'auraient pu suffire non plus à la consommation. Festus, en parlant des cossus, dit qu'ils sont ventrus et paresseux. L'étymologie de ce mot in- dique un corps ridé , plié , et quelques personnages consulaires étaient, pour cette raison , nommés cossi. Peut-être aussi que l'emploi du même nom dérive de la même source, en désignant Yobcsité, et au figuré Vopulence. Ceux de ces insectes qui vivaient sur les chênes , ou plutôt dans les chênaies , et qui étaient les plus grands, étaient préférés. D'après toutes ces données, je crois, avec MoufFet et quelques autres natura- listes, que le cossus des anciens était la larve du hanneton or- dinaire , insecte malheureusement trop commun , et qui , dans des années favorables à sa multiplication , dépouille de feuilles des forêts de chênes. La dénomination de cossus pouvait ce- pendant s'étendre à d'autres larves et lignivores-, car il est raconté que les pies savaient les découvrir en frappant les arbres à coup de bec pour savoir s'ils étaient creux. Aristote dit que ces oiseaux cherchent sur le chêne le scjiipe y et ce nom différant très peu de celui de cnips, qu'il donne à un in- secte qui sent de loin l'odeur du miel , le niulio de Théodore, on a pensé (Camus, Notes sur Aristote, au moi 3Ioucheron) qu'il y avait identité spécifique. Mais nous croyons que par ie premier il faut ontendre des insectes lignivores, et que le DE l'histoire de l'eî^tomologie. 6i second s'applique à quelque autre insecte. Plusieurs arbres fruitiers sont sujets à être attaqués par diverses larves qui avaient reçu les noms de cérastes, de rauca, de vers rou- tes, etc., mais dont il est impossible de faire une application tant soit peu fondée. Certains arbres, très durs, odorans ou amers , étaient réputés privilégiés ou à l'abri de leurs ravages. Il eût été difficile que, dans des pays si riches en vignobles, on n'eut pas remarqué divers insectes qui , en état parfait ou dans leur premier état, rongent les feuilles ou les grappes de la vigne, les plient et leur font prendre la forme de cornets ; et ce sont en effet ces petits animaux qu'on nommait involvulus , vohox , volucra, bjturus , ips. Au témoignage de Slrabon , l'ipoctone ou tueur d'ips, un oiseau probablement, était, pour un certain peuple dont les vignes n'étaient pas exposées aux ravages de ces insectes, l'objet d'un culte particulier. Le rhyncbite bacchus, l'eumolpe de la vigne, et certaines py- rales , doivent être compris dans cette nomenclature. La ca- landre des grains et celle du riz furent désignées par les Grecs sous le nom de cis ou kis , et sous celui de curculio , ou plu- tôt , à cause de son prolongement guttural et rostriforme , gurgulio, par les Latins. On croyait que ces insectes ne s'en- gendraient point au-dessous d'une palme de profondeur, à prendre de la surface du monceau de blé. Dans Aristote ^ kalendrion paraît être le nom d'un oiseau 5 celui de mida ou midas avait été donné par les Grecs aux bruches, qui rongent les graines des pois, des lentilles, etc. On avait distingué les larves , ou vers , qui perforaient l'intérieur du bois coupé et mis en œuvre. Quoique Pline dise que l'on trouve , tant sur lesvétemens que sur les chairs, des térèdes [teredoji)^ sui- vant Théophraste cette dénomination serait propre à certains vers à grosse tête , rongeant , au moyen de fortes dents , des matières soumises uniquement à l'influence des eaux de la mer \ le pin , dit larice , employé dans la construction des vaisseaux, était attaqué par eux. Les dommages qu'ils cau- saient étaient si prompts , qu'on ne pouvait y porter remède. Il paraîtrait, dès -lors, qu'il a eu en vue les tarets , nom TABLEAU d'ailleurs dérivant de celui de teredo. Mais on pouvait réparer les pertes qu'occasionnaient des térèdes terrestres, nommées scoleces , thrlps , dont l'action était plus lente , et dont quel- ques unes minaient les poutres des maisons , en plongeant les matières attaquées dans de l'eau de mer. Les larves de ly- mexylons., de bostriches, de scolytes, d'hélops et de divers lon- gicornes , toutes xylophages , sont probablement ces térèdes de terre. On avait remarqué les impressions sinueuses, ou sortes de sillons , formées par quelques unes d'entre elles. L'une, que l'on trouvait dans la farine, farris vermiculus y enfermée avec de la cire dans les dents creuses , les faisait , assurait-on , tomber d'elles-mêmes. Un ver rongeant des ra- cines sèches est appelé thripes par Théopbraste , et peut-être ce nom est-il le même que celui de thrips. Nous verrons plus bas qu'Aristote a encore donné le nom de teredon à la fausse teigne de la cire \ il répond en général à celui de teigne, ou il indique une larve vermiforme , mineuse ou perforante , et plus particulièrement lignivore. Isidore de Séville dit qu'en Espagne on nomme termites les teredojies des Grecs , ou vers du bois. Tarmus est , suivant lui , un ver du lard , et il est naturel de soupçonner que c'est la larve du dermestes larda- rius. D'autres larves à corps grêle se nourrissant de substances alimentaires, étaient appelées ga/^/2. Un passage d'Aristote , très embarrassant , est celui qui est relatif au prasocuris que Camus traduit par les mots : mite qui mange le porreau. Cet insecte se trouve dans les ruches. Nous savons qu'une larve très pernicieuse aux abeilles , celle des trichodes apiarius, y naît aussi et y subit ses métamor- phoses. On trouve souvent l'insecte parfait sur les ombelles du porreau, de l'ognon , dans les parties méridionales de l'Eu- rope où l'on cultive plus en grand ces légumes. Voilà, je pense , le prasocuris du naturaliste grec. En traitant particu- lièrement des abeilles , nous verrons qu'il a connu la larve du trichodes als^earius. Parmi les ennemis des abeilles , il cite le teredon, ie pjraustes et le cleros. Celui-ci est un petit ver s'engendrant dans le plancher de la ruche , semblable à une DE L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. 63 araignée, et qui , parvenu à sa croissance, remplit toute la ruche de fils analogues à ceux de cet animal , ce qui fait pourrir les gâteaux. Le teredon ayant les mêmes habitudes provient de petits papillons qui se brûlent à la chandelle , et dans lesquels on reconnaîtra facilement , soit la gallerie de la cire de Fabricius , soit la phalène de la graisse. Puisque Aris- tole distingue le cleros du Teredo, il faut qu'il ait eu connais- sance de deux larves habitant les ruches , fileuses l'une et l'autre , mais distinctes , et son cleros pourrait être dès-lors la chenille de cette phalène , ou celle d'une autre espèce de gallerie , Yalvearia. Mais comme il mentionne en outre le ver produisant le ;7/'a5ocu7'i5_, nous verrons dans celui-ci la larve du trichodes apiarius . Ce sont jusqu'ici les seuls insectes parasites des ruches, bien connus. Pline, trompé par ce que dit Aristote du cleros et de ses fils, met l'araignée au nombre des ennemis les plus dangereux des abeilles , et ce nom devient celui d'une maladie qui est caractérisée par le vide des gâteaux. Si le cou- vain n'arrive pas à sa perfection , c'est une autre maladie , la blapsigonie. La vieille neige produit des vers, les oripœ de Théophrasle : les uns velus et rougeâtres, les autres blancs et plus grands. Si on les en retire , ils meurent de suite. H est certain que les ouragans d'hiver, en déracinant des arbres , enlèvent avec la neige des larves de téléphores et de divers autres insectes. Voilà probablement l'origine de cette tradition relative aux oripes , ou à quelques uns de ces vers ainsi nommés. L'étymologie du mot pjrgolampis, cu-luisant , nom donné par Aristote à des insectes , nous indique qu'il avait observé nos lampyres ou vers luisans. Il les cite comme un exemple d'un même genre offrant des individus ailés et des individus sans ailes. Certaines chenilles noires et velues, qui ne sont pas fort grandes , donnent naissance aux pyrgolampis aptères , et leur seconde métamorphose leur procure des ailes. Celui-ci est alors un bostrichos, cirrus en latin , expression que Camus traduit par celle de boucle de cheveux. Si l'on réfléchit que le corcelet des lampyres recouvre la tête, et que les antennes sont 64 TABLEAU seules saillantes et en manière de barbillons , cette désignation s'expliquera facilement. « Les lampyrides , dit Pline, brillent la nuit comme des feux , par la couleur éclatante de leurs flancs et de leur croupe. Etincelans lorsqu'ils déploient leurs ailes , cachés dans l'ombre lorsqu'ils les ferment , on ne les voit ni avant que les fourrages soient mûrs, ni après qu'on les a fauchés. » Les mêmes insectes ont été appelés cicindula ou cicendulay lucion, noctiluca^ lucula , Jiitidula ou nitidule-, la dénomination de cicendela avait été aussi donnée à des lustres. Un autre insecte , le pjralis d'Aristote , le pjjigona d'Elieii , et appelé aussi pyrausta, de la grandeur d'une mouche , n'ayant que quatre pieds , se formait dans les fournaises de File de Chypre : le feu était son élément natal. Pjralis était aussi , suivant le même philosophe grec , le nom d'un animal ennemi de la tourterelle , peut-être quelque espèce d'oiseau de proie couleur de feu. Quant à l'autre pyrale , que pour- rons-nous dire ? Rien. Même ignorance de notre part au sujet de ces insectes (lib. XI, cap. xxviii) qui sont dorés , très grands , et creusent dans les terres arides des cavités , où ils construisent des rayons dans la forme d'une petite éponge très poreuse , et dont le miel est un poison. Serait-ce quelque es- pèce de bourdon, bomhus? Quelle conjecture pourrait-on encore se permettre à l'égard de son scarabée , caniharo-le- ilnus, qui ne peut vivre que dans un canton près d'Olinthe, ville de Thrace ? Pour terminer l'ordre des coléoptères, il ne nous reste plus à parler que du spondyle d'Aristote , mentionné par lui deux fois. Ici c'est un insecte qui s'accouple \ là, selon Scaliger, il est question d'une plante. Dans Pline , spondjlus est le nom d'un poisson. Dans un autre passage , il est parlé d'une espèce de serpent, le spondyle, rongeant les racines. Aristophane^ttri- bue au spondyle une mauvaise odeur -, son scoliaste le fait semblable, probablement pour ce motif, au silpbe dont nous avons déjà parlé. Le mot serpent, employé par Pline , ne doit pas s'entendre rigoureusement d'un ophidien, mais d'un animal rampant, vivant aussi dans des terriers; et le sentiment y: DE l'histoire de l'entomologie. 65 de ceux qui regardent cet animal comme notre courtilière ou taupe-grillon, paraît assez vraisemblable. D'autres naturalistes ont rapporté l'insecte d'Aristote au genre des staphylins , qui ont en effet une odeur désagréable, mais qui sont moins dignes d'intérêt sous les autres rapports que l'insecte précédent , et qu'on a pu dès-lors négliger. Mouflet est de cette opinion , et fait un staphylin de la chenille dite V écureuil, celle du bom- hjx fagi, qui a le derrière relevé et terminé par une queue. Arrivé aux insectes de l'ordre des orthoptères , commençons par des espèces tellement communes, qu'il est bien difficile de croire que les anciens auteurs n'en aient pas fait mention , les forficules ou perce-oreilles , qui composent l'ordre des labi- boures de M. Léon Dufour. L'insecte nommé par Aristote orsodacjie ou orcadacne, la mordelle, mordella de ses traduc- teurs , me paraît être le seul capable de représenter ces or- thoptères. Un ver se métamorphosant dans le chou le produi- sait. L'étymologie du mot orsodacne dérive , suivant Camus , àioro , j'excite ou j'élève, ou de dacne , je mords. Tout cela convient très bien, et exclusivement aux forficules^ car ils relèvent l'extrémité postérieure de leur corps , ayant au bout un forceps leur servant d'arme offensive et défensive. Les tiges creuses des vieux choux, et les intervalles qui se trouvent entre leurs feuilles, en recèlent souvent un grand nombre. Pline désigne évidemment les grillons dans le passage du chap. XXVIII , liv. XI , où il dit que des insectes creusent une multitude de trous dans les foyers et dans les prés , et font entendre pendant la nuit un bruit aigu et perçant. Il ne leur donne ici aucun nom \ mais au chap. vi du liv. XXIX , il recommande , à l'occasion des maux d'oreilles , une onction faite avec le grillon et la terre de son habitation. Il conseille aussi l'emploi de cet insecte, torréfié et 6n friction, pour une autre incommodité , au ch. x du même livre. Des propriétés médicales semblables , et les mêmes habitudes , nous le font aussi reconnaître dans un passage de jNigidius. Il ajoute qu'il marche à reculons , et qu'on lui fait la chasse dans ^!df0x^\ au moyen d'une fourmi attachée par un fil. PRi%è:>pjesèpt^ /N^ v.v'- ^«?* .c:> 56 TABLEAU encore l'usage d'un insecte semblable à la locusta , mais sans ailes, (jue les Grecs appellent tiyxalis, et que divers auteurs regardent comme un grillon qui serait alors en état de larve. Mais je soupçonnerais que ce serait plutôt la locuste ephip- piger, insecte assez gros , très commun dans le midi de l'Eu- rope , bruyant , et différant de nos sauterelles ordinaires , en ce qu'il n'a que des élytres très courtes. Il parle aussi de pe- tites locustes sans ailes appelées attelabes, Yattelahos d'Aris- tote. Selon celui-ci , ces insectes pondent des œufs comme Vacris, et meurent ensuite. Les pluies d'automne, lorsqu'elles sont très abondantes, font périr ces œufs. Swammerdam les prend pour des nympbes de sauterelles^ mais comme diverses espèces de ce genre sont aptères à tout âge , on ne peut déter- miner quelles sont celles dont il s'agit. Saint Jérôme donne aux altelabes de petites ailes. Les noms à'onos, asellus, asira- cus ou axjracus, désignant d'autres orthoptères sans ailes et à grosses cuisses, nous présentent aussi , dans leur application , le même embarras. La locusta onos , espèce aptère des plus saillantes , paraît être , d'après M. Lefèvre , qui en a rapporté beaucoup d'individus , commune dans quelques cantons de l'Asie -Mineure, et c'est à elle, ou à l'ephippiger , que nous serions tenté de rapporter Vonos et Vasellus. La dénomination ancienne de bjucus ou bruchus , donnée à des espèces d'in- sectes du même ordre , s'est conservée en Illyrie , où elle dé- signe les sauterelles et les criquets, c'est-à-dire les acris d'Aristote. En lonie, au rapport de Nicandre {de Thejiaca) , ces insectes ont été appelés en général, et à raison du nombre de leurs ailes, tetrapeljrides : c'étaient aussi des conops , parnops ou pornops ; et Hercule , pour les avoir chassés d'un territoire où ils étaient sans doute un fléau , fut surnommé Cornoplon o\\.Painopion. En Ambracie, on les nommait mas- tace. Ceux qui ravageaient les fromens étaient les moluris. Nicandre désigne ainsi ceux des prés. Il semblerait que le nom polonais de înulalaurij et celui de molj^ qui est hongrois, don- nés l'un et l'autre aux sauterelles en général, retracent quelques vestiges du précédent. Une telle diversité de noms dépendant DE l'histoire de l'entomologie. 67 ie plus souvent de celle des dialectes , et il est impossible de dissiper la confusion qui en résulte. On croyait que quelques uns de ces orthoptères s'attachaient à la gorge des scrpcns , et les faisaient périr-, de là l'épithète iïophiomachus, qui combat les serpens. D'autre part , la rapidité de leur vol , leurs ra- vages , et quelques autres caractères , les ont fait comparer , par les Arabes spécialement (voyage de Niébur) , à ces mêmes ophidiens, à l'aspic en particulier. C'est ainsi que j'explique- rai , avec un savant helléniste , traducteur d'Hérodote , M. Miot (i) , le passage de cet historien relatif aux serpens ailés dont , dans un canton de l'Arabie voisin de la ville de Bulhus , il avait vu des cadavres amoncelés et une multitude inouïe d'os et d'épines, ou leurs pâtes postérieures. Il est in- dubitable que diverses espèces de grands criquets voyageurs, réunis dans les airs en masses, semblables à des nuages, et plus terribles que ceux où se forment la grêle , s'abattent dans les li^T'UX cultivés et fertiles , et y portent la désolation en dévo- rant les récoltes -, et que quelquefois aussi , accablés de faim et de lassitude , rejetés par les vents sur des plages désertes, souvent dans la mer ou sur ses bords, ils y périssent ainsi ras- semblés. Quelques espèces d'oiseaux en font spécialement leur nourriture ^ mais leur plus cruel ennemi est une espèce d'é- tourneau ou de merle, le turdus roseus de Linné , connu des Arabes sous le nom de samavmac ou samarmaj , c'est-à-dire mangeur de sauterelles. Trompé par quelque faux rapport, Hérodote l'a pris pour Y ibis , dont le bec n'est nullement propre à saisir des insectes. C'est près de Peluse, ou dans le canton même mentionné par Hérodote , qu'Aristote établit le séjour de cet oiseau. La locuste, locusta, a été ainsi nommée, suivant Isidore de Séville , parce que , à raison de la longueur de ses pieds , elle ressemble à une pique , hasta, et c'est pour cela que les Grecs appellent , tant celle de terre que celle de mer , has- tago. D'autres font dériver cette étymologie des mots locis (i) Tome î, page .^00. 68 TA.BLEAU ustisj et en effet Pline dit que ces insectes brûlent ce qu'ils touchent, multa contacta adurentes. Soit pour ces in- sectes , soit pour les crustacés , la nomenclature latine s'éloi- gne souvent beaucoup de celle des Grecs , et doit dès-lors avoir une origine propre. Le passage suivant et curieux , tiré de cet auteur , nous fera bien connaître tout ce que l'on savait alors sur ces or- thoptères. J'emprunterai à cet égard la traduction de Gue- roult, mais en conservant les dénominations propres de lo- custa et de gj^aculus , qu'il a remplacées par celles de saute- j elles et de choucas, a Les insectes qui ont des pieds les meuvent obliquement. Il y en a dont les pieds de derrière , plus longs que les autres, se courbent en dehors. Telles sont les locustes. Celles-ci , enfonçant dans la terre la pointe de leur queue (spinœ caule), y déposent en automne les œufs, qu'elles rassemblent en un tas commun. Ils restent enterrés tout l'hiver. L'année suivante, à la fin du printemps, il^fn éclot de petites sauterelles noires, sans jambes, et qui se traî- nent à l'aide de leurs ailes (i). Les pluies du printemps font périr les œufs ^ dans un printemps sec , le produit est très abondant. Quelques auteurs disent que l'espèce se renouvelle et se détruit deux fois chaque année j qu'elles se reproduisent au lever des pléiades^ qu'ensuite, au lever de la canicule, ou , suivant quelques autres, au coucher d'Arcturus, elles meu- rent , et d'autres renaissent. Il est certain que les femelles meurent après avoir jeté leurs œufs. Un petit ver qui leur vient à la gorge les étrangle. Les mâles périssent à la même époque. Quoique leur vie tienne à peu de chose, une seule suffit pour tuer un serpent , en le saisissant et le mordant au cou. Elles ne naissent que dans des lieux crevassés. On pré- tend que dans l'Inde elles ont jusqu'à trois pieds de long. Leurs jambes et leurs cuisses servent de scie. Il est encore pour elles une cause de destruction. Enlevées en masse par le vent , elles tombent dans la mer ou dans les étangs , ce qui (i) Pline fait ici preuve d'uue grande ignorance. Comment ces insectes pourraient- ils avoir des ailes et être privés de jambes? ' DE L'iIlSTOirxE DE LEKTOiMOLOGlE. (jQ arrive par des circonstances fortuites , et non , comme l'ont pensé les anciens, parce que leurs ailes ont été mouillées par l'humidité de la mer. Ces mêmes anciens ont dit qu'elles ne volent pas la nuit, à cause du froid. Ils ignoraient qu'elles traversent une vaste étendue des mers , et même , ce qui est plus merveilleux, qu'elles supportent la faim pendant plu- sieurs jours, dans le dessein de gagner des pâturages lointains. On les regarde comme un fléau de la colère céleste. En effet, elles apparaissent quelquefois d'une grandeur démesurée. Le bruit de leurs ailes les fait prendre pour des oiseaux. Elles obscurcissent le soleil. Les peuples les suivant d'un œil in- quiet, tremblent que cette armée formidable ne s'abatte sur le pays. Leur vol se soutient long-temps , et , comme si c'était peu d'avoir franchi les mers, elles traversent des contrées im- menses qu'elles couvrent d'un nuage épais, ravageant les mois- sons, brûlant tout ce qu'elles touchent, rongeant jusqu'aux portes des maisons. L'Italie est souvent infestée par celles qui viennent d'Afrique. Souvent le peuple romain , menacé de la famine , fut contraint de recourir aux remèdes sibyllins. » « Dans la Cyrénaique une loi ordonne de leur faire la guerre trois fois l'année ^ la première , en écrasant leurs œufs -, la se- conde , en tuant les petits \ la troisième , en exterminant les grandes. Quiconque néglige ce devoir est puni comme dé- serteur. Dans l'île deLemnos on a déterminé une mesure que chaque habitant est obligé d'apporter au magistrat , remplie de locustes tuées. C'est pour cette raison que ces peuples ré- vèrent les gracules qui volent au-devant des locustes pour les détruire. En Syrie , on est obligé d'employer les troupes pour les exterminer , tant cette engeance funeste est répandue sur le globe. Les Parthes en font un de leurs mets. » (c La voix des sauterelles semble sortir du derrière de leur tête. On prétend qu'à la jointure de leurs épaules, elles ont des espèces de dents dont le frottement produit les sons aigus qu'elles rendent (i). Elles se font entendre surtout aux deux (i) C'est eu frottant leurs gouvernails, dit Aristote, yO TABLEAU équinoxes. La cigale ne chante qu'au solstice d'été. L'accou- plement des sauterelles se fait comme celui de tous les insectes chez lesquels la copulation a lieu. La femelle porte le mâle, en repliant conlre lui l'extrémité de sa queue. Elles demeurent long-temps accouplées. Dans toute cette espèce, les mâles sont plus petits que les femelles. » On croyait que ces insectes vivaient entre eux dans la plus grande concorde sans avoir besoin de chef-, et Salomon , dans un de ses proverbes , fait allusion à ces républicains si inouïs et si introuvables. Non seulement les Parthes , mais beaucoup d'autres peuples , tant de l'Afrique que du Levant , se nour- rissaient au besoin de sauterelles, ou plutôt de criquets -, et de là le nom d'acridiphages qui leur fut donné par les Grecs. Le sort de ces contrées ne s'étant pas amélioré , cet usage s'y est maintenu. Aucun passage d'Aristote ou de Pline ne m'a paru men- tionner ces singuliers orthoptères appelés mantes ou dei^ins'^ les prega-diou des Provençaux, qui, dirigeant leurs deux premières pâtes en avant , et en repliant une portion sur l'autre , offrent l'attitude d'un suppliant. Dans l'opinion po- pulaire , ils indiqueraient au voyageur sa route , ou ils annon- ceraient la famine. Telle serait l'origine du nom de mantis , devin. Quelques espèces sont encore aujourd'hui pour des peuplades africaines, des fétiches. Mais, suivant MoufFet, le poète Anacréon et deux autres auteurs anciens auraient parlé de ces insectes. Je pourrais vous amuser en vous citant les moyens tout-à- fait risibles que l'on indiquait pour se garantir du fléau des sauterelles. Je n'en citerai qu'un , qui est relatif aux vignes. Il consistait à semer trois grains de moutarde près de leurs racines, afin que l'odeur de cette plante, lorsqu'elle aurait poussé, éloignât ces insectes. Voilà , Messieurs , tous les renseignemens que nous fournit l'antiquiié sur les orthoptères. Voyons ce qu'elle nous apprend des hémipières, en commençant, ainsi que dans l'ordre pré- cédent , par les plus intéressans. 1 » DK L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGI F. "7 I Comment n'aurait-on point connu ces insectes si communs dans les pays chauds , si incommodes par leurs sons bruyans , qu'on nomme cigales, cicadœ, mais qu'il ne faut pas confondre avec les insectes précédens , ainsi que cela a lieu dans les contrées septentrionales où les vraies cigales ne se trouvent point ? Les hiéroglyphes égyptiens déposent en faveur de l'ob- servation de ces insectes. Par l'organe du chant qui les carac- térise , et qui est placé sur le dos et non à la bouche , ils re- présentaient emblématiquement les ministres de la religion. Aristote , qui nomme ces insectes teUix, dit qu'ils n'ont point de bouche, mais une sorte de langue placée sous la poitrine, et servant à pomper la rosée. Les mâles seuls chantent, et l'abdomen, où est situé l'organe propre à cette fonction, offre une séj)aralion avec des membranes , c'est-à-dire les opercules. Pline leur attribue simplement une poitrine fistuleuse. Le ventre est censé n'avoir point d'issue pour les excrémens. Les ailes, ainsi que celles des abeilles, sont des membranes sè- ches ; et de là l'origine du mot hyménoplère , ailes membra- neuses , et appliqué par Linné à un ordre d'insectes. Aristote distingue deux espèces de tetrix , les grandes ou chanteuses , achetés y et les petites ou muettes , teltigoiiioji ou tettigoiiia , cicadrastœ en latin , cigaletles dans notre langue. Les yeux sont faibles, et Pline ajoute que, si on présente le doigt à ces insectes, ils viennent s'y poser comme sur une feuille. Il eût été facile à l'un et à l'autre de s'assurer du contraire; car l'on sait que, dès que l'on s'approche d'eux, ils ne vous attendent pas et s'envolent de suite. Le naturaliste grec avait observé leur accouplement et leurs organes générateurs. Le mâle in- troduit les siens. La femelle est pourvue d'un instrument pointu ou sorte de tarière , qui pénètre la terre , les roseaux , les ceps de vigne , ou d'autres corps , lorsqu'elle doit y déposer ses œufs. Il en sort de petits vers. Les nymphes étaient appelées tettigonietra y ou mères de cigales. Certains cantons contigus à d'autres où l'on trouvait des cigales chanteuses n'en avaient que de muettes. Diodore de Sicile nous apprend qu'il n'y en avait point dans le territoire de Locres , parce qu'Hercule ^ n2 TABLEAU incommodé de leur bruit , avait prié les dieux de l'en délivrer, et que ses vœux avaient été exaucés. Les substances sur les- quelles ces insectes aiment à se reposer avaient donné lieu aux épitbètes suivantes : sarcularia , frumentaria , arenama. Une espèce portail le nom de cejxops; et Fabricius, en l'ap- pliquant à un genre de cette famille, ne mérite cette fois au- cun reprocbe. Divers peuples orientaux mangeaient les ci- gales. On préférait les mâles avant l'accouplement , et les femelles après leur fécondation. Isidore de Séville, trompé sans doute par ce qui est propre aux larves de la cigale écu- meuse , la spumaria de Linné, dit que les cigales provenaient du crachat des coucous, cuculorum nascuntur sputo {Orig. , lib. XXII, cap. viii). Quelques médecins les donnaient avec un pareil nombre de grains de poivre , dans les coliques. Nous avons vu plus haut qu'un crustacé , du genre scyllare , à ce que nous présumons, était encore appelé cigale; mais avec l'adjectif distinctif tiré de son milieu d'habitation. Il est fait mention de la punaise sous le nom de coris, dans Aristote (Hist. , liv. V, chap. xxxi). Il ne résulte de son acouplement , de même que de ceux de la puce et des poux, que des lentes. Galien , Dioscoride , Pline, etc. , parlent des vertus médicales qu'on lui accordait , et de son utilité surtout contre la morsure des serpens. On la distinguait des punaises des champs et des jardins. L'usage du kermès ou cochenille du chéne-vert pour la teinture en rouge des laines, était déjà pratiqué. On faisait la récolte de la galle considérée comme une espèce de pomme , C0CCUS3 avant la dernière métamorphose des individus ailés, ou des mâles que l'on assimilait à des cousins, conops. C'était avec l'espèce de sanie de l'intérieur de la galle que l'on prépa- rait la teinture. Nous avons parlé des népes en traitant des scorpions. Parvenu à l'ordre des insectes névroptères, nous débute- rons par ceux anciennement connus qui nous paraissent ap- partenir au genre actuel des termes ou termites, vulgairement fourmis blanches. DE l'histoire de l'entojvîologie. 7*3 Déjà, au sujet des teredo , nous avons dit que du temps d'Isidore de Séville , on désignait selon lui en Espagne ces vers du bois par le nom de termites. Les espèces européennes de ce genre font beaucoup de tort aux oliviers, dont le tronc avait pareillement reçu la dénomination de termes. Nous avons dès-lors présumé que les insectes nommés ainsi aujour- d'hui étaient compris avec ces térèdes ou vers du bois. J'ai encore soupçonné qu'il avait voulu parler des mêmes termites en état de larves que l'on trouve aussi en grande abondance sous les écorces des chênes, dans les contrées méridionales de l'Europe. La dénomination de caria provenant de celle de cane5 ( carie ) , appliquée dans quelques contrées du Levant aux mêmes insectes, vient fortifier mes conjectures. Servius, cependant (i) , ayant dit que les termites ne rongeaient que la moelle des arbres , il serait possible que ce nom eût été aussi donné à des chenilles d'hépiales ou plutôt de zeuzères. Camus, dans ses notes sur l'histoire des animaux d'Aristote, article Fourmi, dit que les observations relatives aux habi- tudes du fourmilion ne sont point aussi modernes que l'a cru Réaumur, et qu'elles remontent à Albert-le-Grand cité par Cardan. Mais Isidore de Séville , antérieur de six siècles à Albert-le-Grand (2), parle de cet insecte. Le fourmilion {for- micoleoji) est, dit-il, ainsi nommé de ce qu'il est le lion des fourmis , en ce qu'il se cache dans le sable et qu'il tue les fourmis portant du froment^ il est ensuite appelé lion et fourmi , parce qu'il est fourmi pour les autres animaux , et comme un lion pour les fourmis propres {Origin. y liv. XII, cap. m). Aristote (Hist. liv. V, chap. xxxii) parle avec assez d'éten- due d'un insecte qu'il nomme xjlophtoroiiy perce-bois, et qui est une sorte de teigne ayant les pieds sur le dos et se formant un habillement composé de paille et de fétus de paille. Il y est (1) Foyez Mouffet. (2) Il vivait dans le vii^ siècle, et Albert-le-Grand dans le xni'. «74 TABLEAU adhérent et si on l'en retire, il périt. Quoique des chenilles de j3sychés se fabriquent des habitations analogues, il paraît cependant plus probable , ainsi que l'avait dit Réaumur, que ce passage s'applique aux charrées ou larves de phryganes, bien plus communes d'ailleurs et qu'il était facile d'observer. Ces chenilles en outre n'emploient point de sable dans la con- struction de leurs fourreaux. Sous les dénominations à^ephemeron, àliemerobion et de monomerus , ayant toutes une étymologie commune, qui ne vit qu'un jour, ou peu de temps, Aristote , Pline et d'autres ont désigné des insectes auxquels les naturalistes modernes ont rapporté ceux du genre éphémère. Le premier leur donne quatre pieds, autant d'ailes, et, suivant lui, les humeurs inté- rieures de leur corps suffisent à leur courte existence. Dans un autre endroit , il dit que l'on trouve sur les eaux de l'Hy- panis, fleuve du Bosphore cimmérien, des espèces de coques plus grosses qu'un grain de raisin , s'ouvrant pour donner passage à un insecte ailé , qui , vieillissant à mesure que le soleil baisse, meurt dès que cet astre est couché. Cicéron et Pline citent ce passage^ celui-ci nomme ces insectes liemero- hion , et Elien , qui en parle aussi, monomeros , Il est assez na- turel d'y voir nos éphémères, qui sortent quelquefois et simul- tanément en si grand nombre de nos rivières , qu'elles sont pour le peuple même une sorte de phénomène extraordinaire. Les deux pâtes antérieures des éphémères simulant des an- tennes , Aristote a pu s'y méprendre , et faire de ces insectes des tétrapodes. Il ne paraît pas, à l'égard des névroptères, que les connaissances des anciens se soient étendues plus loin. L'agriculteur n'ayant pas à s'en plaindre , et ces insectes n'in- téressant que le naturaliste de profession , ils auront été né- gligés ou peu remarqués. Il n'en a pas été ainsi de ceux de l'ordre des hyménoptères; les abeilles, les guêpes, les fourmis , etc. , leur ont fourni sous le rapport de l'intérêt am- ple matière d'observations. C'étaient, ainsi que les précédens, les fourmis ouvrières exceptées, des tétraptères, ou insectes à quatre ailes nues. DE l'histoire de l'entomologie. 75 Leur organisation n'ayant pas encore été étudiée ou assez ap- profondie, des différences d'habitudes, qu'il était aisé de dé- couvrir, devaient naturellement servir de base au signalement des groupes que Ton établissait dans cet ordre d'insectes. On remarqua , par exemple , que plusieurs construisaient, à l'ins- tar des abeilles, de petites cellules rassemblées aussi en manière de gâteaux ou de rayons , et, sans avoir égard à la nature des substances mises en œuvre , ils formèrent avec ces hyménop- tères une petite famille, celle des insectes à ruches ou alvéo- laires, et qui comprit plusieurs espèces des genres apis, vespa et sphex de Linné. L'abeille domestique en fut le prototype. Elle fixa naturellement l'attention des premiers hommes , et puisque les sauvages de nos jours savent profiter du fruit de son travail , il est à présumer qu'il en fut de même dans les temps anciens, ou qu'on avait commencé à observer cet in- secte antérieurement à toute civilisation. Les Grecs le dési- gnaient par la dénomination de melitta et melissa. Hésiode l'appelle nielia, et , fait assez intéressant pour les philologues, en chinois , mi signifie miel , et nii-la , la cire (^voyez Abel Rémusat, extrait de V Encyclopédie japonaise). Aristote con- sidérait comme des sortes d'abeilles les bourdons, bombus , les guêpes et les autres hyménoptères alvéolaires. Dans le chi- nois encore , ^bw/ze^ est le nom de l'abeille, et le radical de quelques autres noms désignant les insectes précédens. Je re- marquerai aussi que les Latins me paraissent être le seul peuple qui ait distingué l'abeille par la dénomination à'apis. On a beaucoup différé et varié sur son étymologie. Peut-être vient- elle des anciens Égyptiens j car, suivant une fable populaire, cet insecte était censé naître spontanément de la fiente ou du cadavre du bœuf ou du taureau , si vénéré par ce peuple sous le nom à' Apis, lorsqu'il réunissait certaines qualités tirées principalement de ses couleurs. Ce dieu, sur quelques figures de leurs temples, est représenté avec un manteau où l'on voit des dessins d'abeilles. S'il est vrai , comme on le croit commu- nément d'après plusieurs analogies de langage, que des peuples de la Germanie soient originaires de la Perse, qui, à 76 TABLEAU des époques très reculées , était sous la domination des rois d'Egypte , ces figures d'abeilles sculptées sur quelques espèces d'armoiries que l'on trouva dans un tombeau de l'un des pre- miers rois francs , découvert sous Louis XIV , ne nous sur- prendront point d'après ce que je viens d'exposer et ce qui va suivre. Après le scarabé sacré , l'abeille est sur les hiéroglyphes égyptiens l'objet le plus souvent reproduit. Sa figure repose sur celle d'un segment de cercle désignant probablement une portion de la terre, une contrée, et elle est accompagnée d'une autre figure que j'avais comparée à la représentation d'un faisceau d'étamines avec un pistil au milieu : c'est, à ce que je présume, une sorte de sceptre ou de bâton pastoral, em- blème de la royauté, car, suivant Hor- Apollon, l'abeille était celui d'un peuple obéissant aux ordres de son souverain. Qu'on me permette une dernière conjecture. Dans quelques langues anciennes du nord de l'Asie, sej^ ou zer veut dire or. Que cette syllabe précède le mot apis , nous aurons serapis , et voilà peut-être ce veau d'or qui à certains intervalles fut l'objet du culte idolâtre des Hébreux, et dont la source devait être égyptienne. Ceux qui font dériver apis du mot apus , sans pieds , parce que la larve de cet insecte n'a pas de pieds , n'ont pas remarqué qu'on avait dû lui donner un nom antérieure- ment à une observation de cette nature , et qui n'est propre qu'à un peuple assez avancé en civilisation. Mettant à profit toutes les traditions et tous les renseigne- mens qu'ils avaient pu obtenir, Aristote et Pline ont exposé longuement l'histoire de l'abeille. « Parmi tous les insectes , dit le dernier, les abeilles tien- « nent le premier rang. Plus que tous les autres , elles ont (( droit à notre admiration , puisqu'elles sont les seuls animaux « de ce genre qui aient été créés pour l'homme 5 elles com- « posent le miel , le plus doux , le plus subtil , le plus salubre « de tous les sucs -, elles fabriquent les rayons et la cire , qui « servent pour une infinité d'usages. Elles supportent le tra- ce vail , exécutent des ouvrages, forment des associations poli- ce tiques j elles ont des conseils , des chefs , et , ce qui est le DE l'histoire de i/eNTOMOLOGIF. 'J'J ({ plus merveilleux , une morale et des principes. Encore (( qu'elles ne soient ni de la classe des animaux domestiques « ni de celle des animaux sauvages, telle est pourtant la puis- ce sance de la nature , que d'un avorton , que de l'ombre d'un «animal, elle a su former un chef-d'œuvre incomparable. « Quels nerfs, quelle force, mettrez-vous de pair avec leur in- « fati^able et féconde industrie? Quel génie égale leur intel- (( ligence ? Elles ont, du moins, sur nous cet avantage que « chez elles tout est en commun. Ne disputons point sur leur (c respiration \ accordons même qu'elles ont du sang. Toute- « fois, combien peut-il y en avoir dans de si petits êtres? « N'envisageons que leur art et leur talent. » Il serait, je pense, inutile de vous prémunir contre plu- sieurs fausses idées émises dans ce passage -, elles appartiennent à un temps où l'homme était considéré comme le centre et le but de la création , où l'on ne distinguait point l'intelligence et ses opérations de celles de l'instinct , et où l'on soumettait les animaux , ainsi que l'espèce humaine , à des règles de morale. Aristote distingue neuf sortes d'abeilles, dont six sociales et trois vivant isolément ou solitaires. Les six premières sont la melitte, ou l'abeille propre \ le roi des abeilles, le bomhilus^ ou bourdon leur cohabitant -, le sphex , Xajithrine et le teji- thredon, qui est Varthredo ou Y anthredo de quelques autres. Les trois premières ne sont que les trois espèces d'individus dont se compose la société de nos abeilles ou son espèce , savoir : l'ouvrière , la femelle transformée ici en roi , le mâle ou faux-bourdon, nommé aussi en grec castros (Isidore de Séville). Camus traduit le mot sphex par ceux de guêpe annuelle ^ Xanthine est le frelon , et le tenthredon le grugeur. Ce dernier insecte a des rapports avec le sphex par la couleur et la taille-, il ressemble cependant à l'abeille. Il est friand, et va cherchrT dans les cuisines du poisson et autres mets de ce genre , il se reproduit sous terre de même que le sphex , mais sa retraite forme une cavité plus grande et plus allongée. Ces paroles , ainsi que tout ce qu'il dit de ce dernier et de -^8 TABLEAU Vanthriiie ou anthrena, ne peuvent convenir qu'à des gué- piaires, dont nous parlerons ci-après. Les trois dernières sortes d'abeilles , ou les solitaires , sont le grand et le petit seiren ou sîren ^ et le bombjlios ou bom~ bjle. L'étyraologie du mot sireji peut nous faire présumer que les insectes auxquels ce nom est donné font entendre une sorte de chant, ce qui s'appliquerait à diverses espèces d'apiai- res -, mais ce naturaliste ne nous apprenant autre chose sinon que le grand siren est noir et tacheté, et le petit brun, il faut renoncer à toute investigation utile. Camus présume qu'il s'agit des deux sexes de l'abeille maçonne de Réaumur (xylo' copa muraria , Fab.) \ mais aucun des deux individus n'a le corps noir et varié de taches. Cette conjecture est d'autant plus fausse qu'Aristote fait de l'abeille maçonne un iclnieu- niOTi] suivant lui , de petits insectes coléoptères qu'il ne dé- signe pas déposent des vers dans de petits nids , que ces ïchneumons font avec de la boue, et qu'ils appliquent contre les murs et les tombeaux. (^Hist., liv. V, chap. xx). Ce pas- sage convient très bien à l'abeille maçonne, dans les nids de laquelle nous savons que le trichodes alvearius de Fabricius dépose ses œufs , et dont Réaumur a donné l'histoire. Pline parle aussi du siren. Après avoir dit que le roi des abeilles ne se montre point d'abord sous la forme de ver, mais muni de ses ailes, il ajoute que les autres abeilles ayant commencé à prendre une forme sont appelées nymphes comme les faux-bourdons, fuci , les sirènes ou céphènes. Il semblerait dès-lors que , dans l'opinion de cet auteur, cephen serait synonyme de siren. Or, d'après Aristote ( Camus , au mot bourdon)^ le nom de cephen est propre aux mâles, les fiici de Pline. Daléchamp , dans ses remarques sur ce passage, donne une version qui supprime la particule disjonctive. Quant au bombjle , cet insecte, au rapport du naturaliste grec , se reproduit sur la terre nue, sous une pierre où il fait un petit nombre de cellules renfermant un miel imparfait , et qui n'est pas bon. On peut présumer que c'est \apis lapidaria de Linné , espèce de genre bombus ou bourdon. DE L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. ^Q Quoique Pline nous dise que certains hommes aient été passionnés pour les abeilles^ qu'Aristomachus de Sole s'en soit uniquement occupé pendant cinquante -huit ans; que Philiscus de Thasos , surnommé agrius , ou le sauvage , ait vécu au milieu des déserts pour soigner ces insectes ; cepen- dant il confesse, et tel avait été aussi l'aveu d'Aristote, que leur génération était encore un problème, parce qu'on n'avait pas vu leur accouplement. Selon quelques auteurs , dans le cas de la destruction de l'espèce^ on pouvait la renouveler en enter- rant dans le fumier le ventre d'un bœuf tué récemment. Sui- vant Virgile, le corps d'un jeune bœuf qu'on a fait expirer sous les coups , produit des abeilles , comme celui d'un cheval donne naissance à des guêpes et des frelons , et celui d'un âne à des scarabées, la nature changeant ces animaux en d'autres. Plusieurs , au récit de Pline , avaient pensé que les abeilles se formaient de fleurs combinées et disposées d'une manière convenable. Au dire d'Aristote , elles y recueilleraient les se- mences destinées à leur reproduction. D'autres prétendaient qu'elles n'v récollaient que les semences à^^ faux-bourdons ^ et qu'elles étaient engendrées par le roi qu'on qualifiait du nom de mère. Il y en avait qui croyaient qu'elles prove- naient de l'accouplement d'un seul individu et seul mâle, et pour cette raison plus grand , plus fort ; il était le roi de cha- que essaim , et sans lui la reproduction ne pouvait avoir lieu ; les autres abeilles raccompagnaient. Mais alors , disait-on , comment expliquer la génération des faux-bourdons , et com- ment se fait-il que, du même accouplement, il résulte des cires parfaits et d'autres imparfaits? Aristote , en déclarant toutefois que l'expérience seule pouvait nous éclairer, pense que le roi des abeilles et les abeilles ouvrières sont herma- phrodites-, que, sans accouplement, le roi produit celles-ci, qui, à leur tour, et sans accouplement encore, donnent le jour aux faux-bourdons. Pline avance que l'on voit quelque- fois naître au bord des ruches des abeilles plus grandes qui donnent la chasse aux autres, et que cette espèce nuisible se nomme œstrus. Aristote a ignoré ce fait;, du moins il ne le 8o TABLEAU mentionne pas. Il n'est pas croyable qu'il s'agisse ici d'une espèce de taon, Xasilus des Romains. Mais quel est cet ani- mal? C'est ce qu'on ne devinera pas, je crois, aisément. Je sais que quelques espèces de guêpes , telles que Vholsatica , ne fabriquant que de petits nids , choisissent quelquefois l'inté- rieur des ruches pour domicile ^ que la philanthe apivore dé- truit beaucoup d'abeilles^ mais on ne peut prononcer d'après un simple nom^ appliqué même diversement. L'erreur qui faisait naître ces insectes de la corruption du cadavre d'un bœuf, d'une vache , ou d'un taureau , s'est main- tenue jusqu'au xvii^ siècle, puisque Jonston est dans cette croyance. Suivant Aristote , la semence devant reproduire les abeilles et les faux-bourdons est blanche ^ celle des rois est roussâtre. Ceux-ci ne passent point par l'état de ver. Les cel- lules où ils se forment , ainsi que celles des faux-bourdons , sont plus grandes. Les abeilles couvent comme les oiseaux. Le ver est situé transversalement ^ il se relève , prend de la nour- riture fournie par les abeilles ^ et , lorsqu'il est sur le point de passer à l'état de nymphe , il ferme l'alvéole , file de la soie pour en tapisser l'intérieur, et , sous sa nouvelle forme , ne mange plus. Les pieds et les ailes se développent^ et lorsqu'il a acquis sa perfection , il rompt la membrane qui le renfer- mait et sort. La petite abeille travaille trois jours après sa sortie. Si on ôte la tête à un embryon d'abeille avant qu'il ait acquis des ailes , les abeilles mangent le reste du corps. Selon Pline , les petits sont parfaits au bout de quarante-cinq jours , ainsi que cela avait été vérifié à la campagne d'un consul ro- main qui avait fait construire des ruches de corne transparente. Avec le naturaliste précédent , il admet deux sortes de rois distingués l'un et l'autre par la grandeur, l'éclat, des ailes plus courtes, des jambes droites, une démarche fière , et, comme s'il avait voulu l'assimiler au bœuf Apis des Egyptiens, par une tache blanchâtre et en forme de diadème sur le front. Ils ne piquent point quoique armés d'un aiguillon. Le meilleur est noir et tacheté. La piqûre des abeilles a fait périr de grands animaux, des chevaux meme^ mais elles meurent elles-mé- DE l'histoire de L ENTOMOLOGIE. 8i mes, leur intestin sortant avec l'aiguillon. Si on le retire de la plaie, l'on ne souffre plus de la blessure. « Qu'on cherche maintenant, dit Pline, combien il faut compter de Bacchus , et tant d'autres choses effacées par la rouille des siècles ! Voici un fait bien simple que toutes nos campagnes offrent sans cesse à l'observation , et sur lequel les auteurs ne peuvent s'accorder. Le roi des abeilles est-il seul privé d'aiguillon , sans autres armes que sa propre majesté ; ou la nature, en lui donnant un aiguillon, lui en a-t-elle à lui seul refusé l'usage ? Ce qu'il y a de certain , c'est qu'il ne s'en sert jamais : son peuple est un modèle d'obéissance. Lorsqu'il sort, l'essaim entier l'accompagne, forme un groupe autour de lui, l'enveloppe, le couvre et le cache à tous les yeux. Dans les autres temps , lorsque le peuple est à ses travaux , il parcourt les ouvrages intérieurs, comme pour animer ses gens. Seul, il est exempt de travail. Des satellites, des licteurs, rangés au- tour de lui, annoncent la présence du souverain. Il ne sort ja- mais que lorsque l'essaim doit changer de demeure. On en est averti plusieurs jours à l'avance -, un bourdonnement qui se fait entendre dans la ruche annonce que les abeilles font leurs apprêts et qu'elles n'attendent qu'un jour favorable. Si on arra- che une aile au roi, l'essaim ne se déplacera pas. Lorsqu'elles se sont mises en marche, chacune ambitionne d'être auprès du roi -, leur gloire est d'en être vues remplissant leur devoir. S'il commence à se lasser, elles le soutiennent avec leurs épaules ; elles le portent tout-à-fait s'il est fatigué. Celles qui sont res- tées suivent la troupe , conduites par l'odorat. En quelque lieu que le roi s'arrête , l'armée entière établit son camp. Alors j, suspendues en grappes dans les maisons et dans les temples , elles forment des présages privés et publics , souvent accomplis par de grands événemens. Elles se posèrent sur la bouche de Platon encore enfant, annonçant la douceur de son éloquence. Elles se posèrent aussi dans le camp de Drusus lorsqu'il combattit avec le plus heureux succès auprès d'Ar- balon ; ce qui met en défaut la doctrine des aruspices, qui pen sent qu'un tel présage est toujours sinistre. Le roi une fois 6 32 TA.BLEAU pris, on est le maître de tout Tessaim. A-t-il disparu, toute la troupe se disperse et va se joindre à d'autres chefs. Lors- qu'il y en a plusieurs, elles les tuent, mais à regret , et quand elles désespèrent d'une année abondante , elles préfèrent dé- truire les cellules où ils doivent naître. Alors elles chassent aussi les faux-bourdons. Quant à ces derniers, je vois qu'on ne s'accorde pas sur leur nature. Quelques auteurs pensent qu'ils forment une espèce particulière ainsi que les grosses mouches noires à large ventre qui se rencontrent parmi les abeilles, et qu'on nomme bourdons- la? rons, parce qu'elles dérobent et mangent le miel. Il est constant que les abeilles tuent les faux-bourdons. Ceux-ci n'ont point de roi ^ mais comment se fait-il qu'ils naissent sans aiguillon ? c'est ce qu'on n^explique pas. » Yoilà , Messieurs , le passage de Pline qui m'a paru , relati- vement à ces insectes , le plus digne de sa plume , quoique toujours marqué au coin de l'exagération, Aristote nous dit que les faux-bourdons sont utiles dans une ruche lorsqu'ils y sont en petit nombre, leur présence rendant les abeilles plus ardentes au travail 5 leur destruction et celle de leur couvain est l'effet de la même prévoyance. Si on ôte les ailes à un de ces individus et qu'on le jette dans l'habitation , les abeilles mangent les ailes des autres faux-bourdons. Suivant Pline , c'est le faux-bourdon lui-même qui prive les autres de cet organe : son faux-bourdon-larron est l'abeille voleuse ou le voleur, phoj^ ou phorios d'Aristote. Il fait des gâteaux iné- gaux semblables à ceux des frelons, mais avec peu ou point de miel; il ne s'occupe qu'à détruire les ouvrages des autres, même ceux qu'on lui abandonne 5 mais les petites abeilles lui donnent la chasse, et le tuent si elles l'attrapent. De ces abeilles voleuses viennent les rois de la mauvaise espèce, beaucoup de faux-bourdons ou des individus de leur propre race, c'esl-à-dire des voleurs. La description qu'en donne le naturaliste romain pourrait convenir à la xylocope violette , dont les métamorphoses s'opèrent dans les vieux châssis , et peut-être aussi dans le vieux bois employé pour la construc- DE l'histoire de i/entomologie. 83 tion des ruches. Le naturaliste grec distingue deux sortes d'abeilles ordinaires : la meilleure est petite, ronde et versi- colore ^ l'autre est allongée et semblable au frelon, f^lien parle d'abeilles fainéantes, mais qui cependant font la garde, ap- portent de l'eau, et ensevelissent les morts. Les deux autres naturalistes ont décrit les travaux des abeilles et leurs gâteaux; ces gâteaux sont formés de deux rangs de cellules , de manière que deux d'entre elles étant réunies, elles représentent une double coupe-, observation dont on trouve des traces dans y Iliade d'Homère. Pline dit formellement que ces cellules sont hexagones , et que les abeilles les forment avec leurs pieds; elles commencent la chaîne par le haut sous le cou- vercle de la ruche, et la continuent en descendant et en faisant plusieurs rayons. Suivant lui , le miel vient de l'air ; il se forme généralement au lever des astres, surtout sous la constellation de Sirius , jamais avant le lever des Pléiades, et vers l'aube du jour-, aussi les feuilles des arbres sont-elles, à la naissance de l'aurore , humectées de cette liqueur, et ceux qui se trouvent le matin dans les champs sentent leurs habits et leurs cheveux enduits d'une matière onctueuse. « Au sur- plus , nous dit-il , que le miel soit une rosée du ciel , une transpiration des astres , une épuration de l'air ; plût aux dieux qu'il nous parvînt pur, liquide , naturel , tel qu'il a coulé d'abord ! Aujourd'hui même, tombant d'une grande hauteur, contractant mille souillures dans sa route , infecté par les exhalaisons terrestres qu'il rencontre, recueilli ensuite sur les feuilles et sur les herbes , entré dans l'estomac des abeilles , car c'est de là qu'elles le retirent pour le dégorger, corrompu par le suc des fleurs macéré dans les ruches , tel qu'il est enfin après tant d'altérations, sa délicieuse saveur conserve encore une nature céleste. » Il paraîtrait , d'après cela et ce qui va suivre , que Pline ne distinguait pas la miellée du miel. Le calice des fleurs les plus exquises donne le meilleur, tel que celui du mont Hymète en Attique , du mont Hybla en Sicile, et de l'île de Calidna. D'abord liquide, il fermente et s'épure ; l'abondance de sa récolte n'est pas la 84 TABLKAU même partout : on a eu en Germanie un rayon de huit pieds. Le miel du printemps est nommé anthidium, ou miel des fleurs -, celui d'été est Varaion j et celui d'automne , récollé sur les fleurs de bruyère , et dont on ne fait aucun cas , est Véricée. Pline fait connaître les diverses qualités et propriétés de cette substance. Le rouge est d'une qualité supérieure, et le plus pur est appelé aceron , sans cire. Il parle du temps propice à sa récolte, et qu'il fait souvent dépendre d'un cer- tain aspect du ciel ou de considérations astrologiques ; elle est i)lus abondante dans la pleine lune -, il faut aussi que les abeilles se tiennent sur les rayons , afin de cuire le miel. C'est au solstice d'été que les ruches sont le plus approvisionnées^ une sage économie doit cependant présider à leur dépouil- lement. Le dixième ou le douzième de la récolte est abandonné aux abeilles : c'est en juin et juillet, au temps de la capri- fication , que les habitans de l'Attique la font ^ elle n'a lieu ailleurs qu'à la fête de Vulcain ou dans le mois d'août. Le miel que Ton retire sans employer la fumée est appelé aca- piion , sans fumée. Si le printemps est humide , les essaims multiplient davantage ^ est-il au contraire sec , le miel est plus abondant. L'abeille se nourrit de cette liqueur, et mange aussi du cerinthe , que Pline nomme encore sandaraque et érithaque. Dans la disette , ces petits animaux attaquent et pillent les ruches voisines. Le transport des fleurs occasionne aussi des rixes et des combats oii chaque armée, disposée en ordre de bataille , a son chef ^ un peu de fumée ou de la poussière sépare les combattans : une légère aspersion de lait ou d'eau miellée réconcilie les deux partis. Le produit d'une ruche est, d'après Arislote , de deux à trois mesures -, ce qui , d'après la comparaison de ces mesures avec le congé des Romains, donnerait une capacité susceptible de recevoir cent douze onces d'eau. Les ruches dureraient neuf à dix ans au plus, et les abeilles ne vivraient pas au-delà de six à sept. Les vieilles sont plus velues, et travaillent dans l'intérieur^ les jeunes sortent, et ne piquent point comme les autres. Ces inôecles ne nuisent point aux fruits \ jamais ils ne se posent DE l'histoire Dli L ENTOMOLOGIE. 85 sur un corps mort , ni même sur des fleurs desséchées. Ils travaillent dans une circonférence dont le rayon est de soixante pas. A mesure que les fleurs sont épuisées , ils en- voient plus loin reconnaître de nouveaux pâturages -, si la nuit surprend ces avant-coureurs, ils veillent couchés sur le dos, afin de garantir leurs ailes de la rosée. Lorsque le temps est mauvais, les abeilles ne sortent point. Elles craignent les mauvaises odeurs, celles qui sont factices, les parfums même-, elles sentent le miel de fort loin. Le bruit produit par l'airain leur est agréable. Chaque abeille a sa tâche dans la ruche. Le soir, elles font entendre à leur rentrée un bourdonnement qui diminue peu à peu. L'une d'elles vole autour de la ruche , comme pour donner le signal du repos ^ alors toutes se taisent, e^se livrent au sommeil. L'une d'eUes les éveille par deux ou trois bour- donnemens. Les bonnes abeiUes ont soin de nettoyer leurs habitations des petits animaux qui s'y engendrent ^ elles emportent celles qui meurent ; elles font leurs ordures en volant , et d'ordinaire dans des cellules qui n'ont point d'autre destination. Aristote et Virgile ont dit que, dans les grands vents, elles emportaient une petite pierre, afin de se lester^ ils ont sans doute confondu avec elles d'autres apiaires , l'abeille maçonne notamment , déjà citée. La cire est aussi récoltée sur les fleurs , quelquefois encore sur les feuilles de l'olivier -, c'est avec les cuisses que ces insectes l'em- portent-, ils ne vont, à chaque voyage, que sur une seule espèce de fleurs. A leur arrivée dans la ruche , trois à quatre autres de ceux de l'intérieur s'empressent de les décharger. Les divers enduits recueillis sur différentes fleurs, sur plu- sieurs arbres dont quelques uns sont résineux, et employés par les abeilles lorsqu'on leur donne une ruche vide, sont le conysis , le mjtis y le poix-cire ou. pisso-ceros , et le kerosis. Les naturalistes modernes ne font point ces distinctions, et ces diverses sortes de mastics ont reçu une dénomination com- mune , celle de propoUs, Pour qu'il ne manquât rien à ce tableau, fruit en majeure partie de l'imagination, Pliu-t?. 86 TABLEAU ajoute que lorsque leurs travaux sont achevés, ces insectes se livrent à des jeux et à des exercices communs, ceux par exemple de se lancer dans les airs , de tournoyer en volant jusqu'à ce que l'heure du repas les rappelle. Ils se dégoûtent quelquefois de leur habitation-, on les y fixe en soufflant sur l'essaim du vin sucré ; on les rassemble aussi en faisant du bruit. Il est à propos de planter dans leur voisi- nage certains végétaux qui leur plaisent, comme des fèves, de la luzerne, du myrte, du pavot, du thym, du serpolet, des amandiers , des poiriers, etc. Les abeilles sont sujettes à diverses maladies, et ont encore plusieurs ennemis. Parmi les maladies, nous avons déjà fait mention de celles qu'il nomme clerus et blapsigonia; une autre conf^ 'ste en une sorte de durillon de cire d'une saveur amère, afrpelée clou, cla^us ^ et provenant, ainsi que les précédentes , de l'inertie de ces insectes et des suites qui en résultent pour le couvain. Si l'année est sèche et que les fleurs soient gâtées par la rouille , elles peuvent en être incommo- dées. Qnoiqu'en général elles soient très ménagères, qu'elles chassent les prodigues , gourmandent les paresseux et les lâches , cependant il leur arrive quelquefois d'être victimes de leur intempérance. La mauvaise qualité du miel peut éga- lement influer sur leur santé ; si on frotte leurs corps ou simplement sa partie extérieure avec du miel ou de l'huile , elles périssent. Les hirondelles et d'autres oiseaux, les guêpes, les frelons , en détruisent aussi beaucoup. Une grenouille de haie (rainette) vient souffler aux portes de la ruche , ce qui excite la curiosité de l'abeille , l'attire au-dehors , et la fait tomber dans la gueule de l'animal qui lui a tendu ce piège. Parmi leurs ennemis intérieurs , Pline cite le pyrauste , la chenille tarière ou teredo, et l'araignée -, il en a déjà été ques- tion lorsque nous avons traité des coléoptères. Le même na- turaliste rapporte que , suivant quelques personnes , on peut rendre à la vie les abeilles mortes en gardant leur corps dans la maison , en les exposant ensuite au soleil du printemps , et en les réchauffant un jour entier dans la cendre du figuier. DE l'histoire de l'entomologie. 87 Aristole parle d'abeilles très blanches qui se trouvent dans le royaume de Pont, et donnent du miel deux fois par mois, de celles de Themyscis et deThermodon qui font leurs gâteaux dans la terre, de quelques autres habitant les montagnes voi- sines d'Amise , déposant sur les arbres un miel très blanc , sans gâteaux de cire, et de quelques autres enfin faisant dans la terre de triples gâteaux contenant du miel, mais sans vers. De la di- versité de la nature de leurs lieux d'habitation, s'en suivraient des variétés dans leur tempérament et leurs habitudes. Il y en aurait de plus ardentes au travail et de plus méchantes. Selon Pline, depuis le solstice d'hiver jusqu'au lever d'Arctuius, c'est- à-dire pendant soixante jours , elles dorment sans prendre de nourriture ; depuis le lever d'Arcturus jusqu'à l'équinoxe de printemps, la saison étant plus douce, leur sommeil cesse, mais elles ne sortent pas encore , et elles vivent des provisions qu'elles ont réservées pour ce temps. En Italie, elles commen- cent à manger au lever des pléiades , et elles dorment jusqu'à cette époque. Le coucher cosmique de cette constellation est l'époque de leur retraite. Mais on a fait remarquer que cet au- teur , ainsi que Columelle , place le lever du matin de cette constellation quarante-huit jours après l'équinoxe du prin- temps, et que ce calcul n'est vrai que pour le temps de Méton, qui vivait 4o3 ans avant Jésus-Christ , et pour le climat de la Grèce, Les Romains avaient adopté le calendrier des Grecs, sans examiner s'il convenait à leur position et à leur siècle. Tels sont , Messieurs , les principaux traits de l'histoire de l'abeille tracée par les anciens. Vous y avez vu beaucoup de fables , dont deux erreurs , savoir que les femelles étaient des rois, et que ces insectes étaient doués d'une intelligence rivalisant avec celle de Thomme , sont les sources principales. Les autres sont fondées sur des observations inexactes ou sur de faux rapports. L'imagination est un véhicule précieux^ mais lorsque l'on s'abandonne trop à elle , le roman prend la place de l'histoire. Pour terminer tout ce qui est relatif aux diverses espèces d'abeilles d'Aristote , il ne nous reste plus qu!à j^uki, tîû /X S8 Tableau spheXy de Vanthine et du tenthredoji, qu'il range parmi celles qui se réunissent en société, he tenthredon, que Camus rend dans notre langue par le mot de grugeur, ressemble assez à Y anthrine ', cependant par les couleurs et la taille il se rappro- che de l'abeille. Ses habitudes, que nous avons exposées à l'occasion des distinctions établies par le naturaliste grec dans son genre jiielitta ou abeille , étant les mêmes que celles de la guêpe commune, et sa taille et ses couleurs cependant lui donnant plus de rapports avec l'abeille que n'en a l'anthrine, il y a tout lieu de présumer que c'est une espèce très voisine de celte guêpe , mais où la couleur noire domine davantage. Camus , ainsi que nous l'avons dit , traduit le mot sphex par celui de guêpe , et l'anthrine est le frelon. Selon Aristote , les anthrines construisent leurs ruches, dont les alvéoles sont composées d'une matière tenant de l'écorce et de la toile d'araignée, sous la terre, qu'ils creusent comme les fourmis; et quelquefois le nombre de leurs gâteaux est considérable. S'ils manquent de chef, ils les font dans quelque lieu élevé. Les guêpes placent le leur dans des trous ; ces ruches souter- raines et dont les rayons sont quelquefois très nombreux , se- raient plutôt l'ouvrage de nos guêpes ordinaires que des frelons, et ceux-ci se logeant souvent dans des trous devien- draient les sphex d'Arislote. Quant aux anthrines qui, privés de chef, fabriquent leur ruche dans quelque lieu élevé, ce naturaliste aurait confondu avec la guêpe commune ou sous la même dénomination, soit les frelons, qui quelquefois font leur nid dans l'intérieur des bâtimens, soit plutôt quelque autre espèce ayant les habitudes du moyen frelon de De Géer, qui fixe le sien aux branches des arbres , ou bien quelque es- pèce de poliste. Il dit d'ailleurs que les anthrines se nourris- sent ordinairement de chair, qu'ils attrapent de grosses mou- ches et qu'ils les emportent après leur avoir enlevé la tête. Qui ne sait que les bouchers sont obligés de faire la chasse à notre guêpe commune, et qu'on la voit aussi souvent em- porter des mouches ? Mais les frelons fréquentent plus parti- culièrement les jardins dont ils attaquent les fruits , et les bois. DE l'histoire de l'entomologîe. 89 Pline ne parle point des guêpes ou des frelons privés de chef. Ceux-ci, suivant lui, s'établissent dans des cavernes ou sous terre. Les autres , ou les guêpes , font leur nid avec de la boue et dans un lieu élevé. Les alvéoles de ces deux espèces sont hexagones. Leur cire , la matière composant leurs gâteaux veut-il dire , tient de l'écorce et de la toile d'araignée , expres- sions qu'il emprunte d'Aristote: les petits éclosent sans ordre et sans règle. Les uns s'envolent tandis que les autres sont encore en état de nymphes ou de vers , et tout cela s'opère en automne et non au printemps. C'est dans la pleine lune qu'ils prennent leur plus grand accroissement j parmi les frelons il y en a de forestiers, vivant dans des creux d'arbres, dont la vie n'excède pas deux ans , et dont la piqûre occasionne la fièvre. Il y a même des personnes qui prétendent que vingt- sept de ces piqûres suffisent pour tuer un homme. Ces frelons forestiers paraissent être notre frelon ou quelque espèce de la même taille. Cela est d'autant plus vraisemblable qu'Aristote dit que les sphex sauvages sont plus grands et plus noirs que les autres^ Pline a donc converti les sphex en crahrones. Il parle d'autres frelons qui semblent moins malfaisans, et dont la société se compose des travailleurs qui sont plus petits et meurent l'hiver, qui paraissent être l'anthrine annuelle d'A- ristote , et de femelles ou les mères qui vivent deux ans et ne font point de mal. Au printemps elles construisent des nids , qui d'ordinaire ont quatre ouvertures. C'est là qu'elles enfan- tent les travailleurs ^ ceux-ci étant élevés , elles font d'autres nids plus grands pour y produire les mères , et elles sont aidées dans leurs travaux par les individus précédons. Leur taille est plus grande que la leur \ on doute si elles ont un aiguillon parce qu'elles ne le montrent jamais. Les frelons ont aussi leurs faux-bourdons ^fuci, mais ni eux ni les guêpes n'ont de chef. Si l'on excepte les frelons forestiers, tout ce que Pline raconte des habitudes des autres, nous semble indiquer la guêpe commune. Quant aux insectes qu'il désigne ainsi , nous croyons qu'il s'agit des anthrines sans chef d'Aristote. Celui- ci donne un aiguillon aux femelles , mais qu'elles perdent , go TACLJiAU suivant lui , aux approches de l'hiver. Etant effeclivemenl alors très faibles, elles doivent moins s'en servir. Après avoir d'abord rejeté pour la reproduction de ces insectes la voie or- dinaire, il déclare dans un autre passage qu'ils s'accouplent et donnent naissance à des petits ou plutôt à ce qu'il appelle se- mence. Le ver mange , rend des excrémens , devient une nymphe immobile qui s'enferme. Point d'essaims ni de pro- visions. La reproduction se fait au printemps -, Elien fait venir ces insectes de la moelle épinière du cheval , et c'est sans doute d'après cette idée que les Egyptiens représentaient le cadavre de ce quadrupède pour désigner les frelons ou les guêpes. Les hyménoptères du genre sphex de Linné , ou les guêpes- ichneumons, sont tout simplement des ichneumons pour Aristole, et des guêpes nommées ichneumons pour Pline. Tel est, à l'égard d'Aristote, le passage du chap. i", liv. IX, de son Histoire des Animaux y où il parle du combat de l'ichneu- mon avec la phalange, espèce d'aranéide; et comme il ne classe pas cet insecte avec ceux qui font des ruches , on ne peut le rapporter au genre pélopée-, ce doit être un sphex propre ou un pompile. Pline rapporte le même fait. Il est dit dans un autre passage du naturaliste grec, liv. V, chap. xx, d'un autre ichneumon, ou sorte d'anthrine plus petite que les autres et qui est peut-être le pseudo-spliex de Pline, qu'il tue aussi de petites phalanges , les porte dans un trou de mur ou dans quelque autre cavité, dont il ferme l'entrée avec de la boue , après y avoir déposé sa semence , et qu'il en vient un autre insecte semblable. C'est ce que font aussi d'autres sphex de Linné, notamment ceux des genres actuels try- poxjlon et crahro. Nous avons remarqué plus haut qu'Aris- tote réunissait aussi , avec ses ichneumons , l'abeille maçonne de Réaumur. La fourmi était , dans les hiéroglyphes des Égyptiens , le symbole de l'intelligence et de la prévoyance. La figure de l'origan, dans la croyance où l'on était que cette plante semée près de son habitation la mettait en fuite , indiquait son éloi- DE L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. QI gnement. Tout le monde sait que le sage des sages , Salomon , renvoie le paresseux à son école. Suivant Aristote les fourmis , myrraiceSy vivent en société, mais sans chef, dans des demeures propres à leur conserva- tion, et où elles passent l'hiver. Les unes sont ailées, et les autres aptères. Elles ne s'accouplent point, et font cependant des petits vers ayant la forme d'un œuf, et qui ne sont atta- chés à rien. De ronds et de petits qu'ils étaient d'abord, ils s'allongent, grandissent, et leurs membres prennent ensuite leurs formes. Ce sont des animaux très industrieux, qui serrent et amassent leur nourriture. Leurs dénis leur servent non seulement à manger, mais à saisir et à emporter divers objets. Du soufre ou de l'origan mis en poudre, et jeté dans leur habitation , les font déserter. Il y en a de diverses grandeurs. Outre l'espèce commune, on en distingue deux : l'une, ap- pelée scnips, qui sent le miel et les substances dont elle se nourrit, de fort loin (formica emarginata?)'^ et l'autre, très grosse, à tête de cheval, hippomjrmex {f. Egjptia, Lin.), et qu'on ne trouve point en Sicile-, mais Pline attribue cette exclusion aux individus ailés. Transformant les fourmis en espèces de porte-faix , il raconte que lorsque leur charge est trop pesante, elles se retournent, font effort avec les épaules contre quelque point d'appui , et poussent leur fardeau avec leurs pieds de derrière. Avant que de serrer les grains elles les rongent, pour qu'ils ne germent pas; trop grands, elles les divisent à la porte de leurs magasins •, s'ils viennent à être mouillés par la pluie , elles les sortent , et les font sécher. Pendant la pleine lune elles travaillent même la nuit , et elles se reposent lorsqu'elle est nouvelle ou en conjonction. Leur mémoire et leur prévoyance sont étonnantes. Les fourmis , laissant toujours parler le même historien, nous offrent une sorte d'organisation républicaine. Elles ont certains jours de marché. Pour se reconnaître mutuellement, quel concours et quels nombreux rassemblemens ! On dirait qu'elles causent avec celles qu'elles rencontrent, qu'elles se demandent de leurs nouvelles. Nous voyons, ajoute-t-il, des cailloux usés 92 TABLEAU par le frottement de leurs pieds. Le terrain qu'elles traver- sent pour aller à l'ouvrage devient un sentier battu. Grand exemple , dit-il encore , de ce que peut en toute chose la continuité du plus petit effort de tous les êtres vivans. Elles seules , avec l'homme , donnent la sépulture à leurs morts. Il nous apprend que les cornes d'une fourmi de l'Inde furent attachées comme une merveille dans le temple d'Hercule à Erythie ; que chez les Indiens septentrionaux , appelés Dan- dares, certaines fourmis tirent l'or des mines, et qu'elles sont de la couleur du chat et de la grandeur du loup d'Egypte. Les Indiens leur dérobent, pendant la chaleur de l'été, le métal qu'elles ont extrait dans l'hiver, parce qu'alors elles sont retirées pour se garantir du chaud. Averties toutefois par l'odorat, elles sortent, volent après les ravisseurs de leurs tré- sors, et souvent les mettent en pièces, sans que la légèreté de leurs chameaux puisse les sauver. Les Dandares habitant le nord de l'Inde, près du Gange, pouvaient extraire des paillettes d'or que quelque quadrupède fossoyeur mettait à dé- couvert en creusant sa tanière. Serait-ce une espèce d'ours, ou le pangolin à courte queue ? C'est ce que je ne discuterai point. Un autre hyménoptère dont il nous reste à parler, est celui que les Grecs nommaient psen, et dont on se servait pour la caprification , ou pour faire hâter la maturité des figues. Cet usage s'est perpétué. On cultive dans l'Archipel deux sortes de figuiers. Le premier s'appelle ornos, du grec littéral erinos, qui signifie sauvage, ou le caprificus des Latins. Ses fruits se succèdent à diverses époques, et ont été distingués par les dénominations Aq f omîtes , de cratirites et de orni. Les pre- miers , fornites , paraissent dans le mois d'août , et durent jusqu'en novembre sans mûrir. Il s'y engendre de petits vers, d'où sortent des moucherons ou le psen, qu'on ne voit vol- tiger qu'autour de ces arbres. Dans les mois d'octobre et de novembre, ces insectes piquent d'eux-mêmes les seconds fruits des mêmes pieds de figuier, qu'on nomme cralirites , et qui ne se montrent qu'à la fin de septembre. Les fornites tombent à peu près à la sortie des moucherons. Les cratirites, au con- DK l'histoire de l'êintomologie. 93 traire, restent sur Tarbre jusqu'au mois de mai, et renfer- ment les œufs que les moucherons des fornites y ont déposés en les piquant. Dans le mois de mai, la troisième sorte de fruit , qui est beaucoup plus gros , et que l'on nomme oimi, commence à pousser sur le même arbre. Lorsque son œit commence à s'entrouvrir, il est piqué en cette partie par les moucherons des cratiriles qui se trouvent en état de passer d'un fruit à l'autre pour y faire leur ponte. Ces trois sortes de fruits ne sont pas bonnes à manger, mais elles sont destinées à faire mûrir les fruits des figuiers domestiques. Aux mois de juin et de juillet, les cultivateurs prennent les orni, dans le temps que les moucherons sont prêts à sortir, et les portent tout empilés dans des fétus sur les figuiers domestiques. Si Ton manque le temps favorable, les orni tombent, et les fruits du figuier domestique ne mûrissent point, et tombent aussi. Aussi ces cultivateurs font-ils la revue tous les matins , et ne transportent-ils sur les figuiers domestiques que les fruits bien conditionnés. Ils ménagent si bien les orni , que les mouche- rons font mûrir les fruits du figuier domestique dans l'espace de quarante jours. Voilà ce que nous a appris, sur la capri- fication , Hasselquist, dans son voyage au Levant, traduction française, t. I , p. 338. Pline en a parlé avec plus d'étendue qu'Aristote^ mais nous pensons que cette opération a seule- ment pour but d'avancer la maturité des fruits 5 car pourquoi , sans elle, ne réussiraient-ils point, puisqu'ils viennent à bien dans des contrées septentrionales, 011 cette pratique est in- connue ? Le psen est probablement une espèce de cinips, mais sur laquelle nous n'avons encore aucune donnée certaine. Si l'on en excepte ce qui est relatif aux bombyx, tout ce qu'Aristote et Pline nous apprennent des lépidoptères est très succinct et presque insignifiant. Les seules dénominations- propres par lesquelles le premier distingue ces insectes en état parfait, sont celles de psjche et àliepiolos, de penia et d'/zr- pera. Le psyché , dont il paraît faire un genre , a de petites cornes devant les yeux-, ces insectes proviennent , en général, de chenilles , campe y et attendu qu'il fait mention de celles g4 TABLEAU du chou , il serait possible qu'il eût désigné par ce nom de psyché quelque papillon brassicaire ou quelque espèce de piéride. A l'occasion de l'un des insectes qui incommodent les abeilles, il le compare à Vhepiolos, qui vole autour de la lumière des lampes; il dit d'un autre insecte pareillement nuisible aux abeilles , qu'il est semblable au précédent. Quant aux chenilles , il distingue celles qui marchent par ondula- tions , en avançant d'abord une partie de leur corps et cour- bant ensuite l'autre pour la ramener en avant. On y recon- naîtra sans peine les chenilles arpenteuses ou géomètres -, il en vient les penies et les hypères. Dès-lors, ces deux déno- minations s'appliquent à des phalènes proprement dites ^ celle à'hepiolos peut convenir à tout lépidoptère nocturne. Une autre chenille, le teredoji , attaque les gâteaux des abeilles, et y fait une toile dont les fils ressemblent à ceux des arai- gnées -, c'est , ainsi que nous l'avons dit, la fausse teigne de la cire , ou la chenille de la galleria cereana. Nicandre , d'après la citation qu'en fait Wotton , nomme phalœnes les lépidop- tères qui viennent voler à la lumière 5 leurs ailes sont sau- poudrées d'une espèce de poussière comme de la cendre , caractère que je ne trouve point exprimé dans les écrits antérieurs. On les appela aussi kandelobeses et psora ^ gale, à raison de cette poussière farineuse ; peut-être aussi que cette dernière dénomination ne s'applique qu'aux teignes. Nous avons aussi fait mention du cleros ou pjrauste. Aristote a connu les teignes, seds , de nos appartemens, celles qui rongent la laine et se fabriquent avec elle un fourreau; la chenille serait une espèce de ver, et qui serait produit par la laine même : telle est aussi l'opinion de Pline. Tineœ duram genus, dit Virgile en parlant de ces animaux. Hippocrate paraît avoir eu connaissance de la chenille du sphinx de l'eu- phorbe ou de celui du cjparissias, car il fait mention d'une chenille vivant sur le tithymale, et ayant une corne. Les passages d'Arislote, de Pline et des autres auteurs anciens, concernant les bombyx, ont été pour nous le sujet de recherches particulières et l'objet d'un Mémoire que nous DE l'histoire de l'entomologie. 95 avons communiqué à l'Académie des Sciences , et que nous intercalerons ici. Nous y avons essayé d'éclaircir l'une des difficultés les plus inextricables de l'histoire primitive de l'Entomologie ; mais sans embrasser une question secondaire, celle qui a rapport aux divers emplois de la soie et leurs déno- minations. Malgré toutes les peines que se sont données des commen- tateurs des plus instruits et d'habiles critiques pour éclaircir les passages d'Aristote et de Pline où ces auteurs parlent des bombyx , cette question est restée enveloppée d'épaisses té- nèbres. On n'a enfanté que de simples conjectures, et souvent très hasardées^ j'ai pensé que, pour y répandre quelque lumière, il fallait moins la connaissance des langues mortes que celle de l'histoire naturelle des insectes, et que, sous ce rapport, je pourrais être plus heureux^ j'avais d'ailleurs à ma disposition des moyens qui leur ont manqué , et que j'in- diquerai plus loin (1). Entrons en matière. Après avoir rapporté ce que dit Aristote des bombyx d'As- syrie et de ceux qui ourdissent une toile à la manière des araignées , et que Pamphyla , fille de Latoùs , parvint la première à dévider et à convertir en tissus, Pline nous parle des bombyx de l'île de Co , que ses traducteurs et ses com- mentateurs ont prise pour l'île de Cos, l'une de celles de l'archipel de la Méditerranée, et où Hippocrate vit le jour. Voici comment il s'exprime, en adoptant à cet égard la tra- duction du passage donnée par Guéroult. ( Hist, Jiat. des Animaux de Pline, t. III , p. Ç>5). « On dit que l'île de Cos produit aussi des bombyx. S'il (1) Ou a tant écrit sur ce sujet, qu'il m'a été impossible de me procurer, ou même de conuaître tous les ouvrages qui ont été publiés à cet égard. Il m'est cepen- dant permis de douter qu'aucun auteur ait eu autant de ressources que moi , et qu'il ait pu combiner cet ensemble de recherches d'histoire niturelle et de géographie que nécessitait une semblable discussion. La liste nombreuse des auteurs que l'on mMfffâit A y^^^v, citer, m'offre les noms d'hommes justement célèbres , et dont je respecte les/iuipi^b&i — / ^ mais je n'en vois aucun qui ait fait une étude spéciale de l'entomologie/ &t^e jjjn«& O^ que, sans ce secours, on ne pouvait résoudre ces difficultés. '^1/ # g6 TAlîLKAÙ faut croire ce qu'on rapporte , la chaleur de la terre anime et vivifie les fleurs que les pluies ont fait tomber du cyprès , du térébinthe , du frêne et du chêne. Il se forme d'abord de petits papillons tout nus ^ bientôt ils se couvrent de poils qui les défendent du froid. Ils se composent eux-mêmes des tuniques épaisses pour l'hiver 5 ils arrachent le duvet des feuilles, qu'ils grattent avec leurs pieds-, puis, rassemblant ce duvet en un tas , ils le cardent avec leurs ongles , le traînent sur les branches, en forment une espèce de filasse; après quoi ils saisissent les brins, les roulent autour d'eux, et s'enveloppent tout entiers. C'est dans cet état que les lia- bitans les emportent -, on les dépose dans des vases de terre, où ils sont entretenus par une chaleur douce et où on les nourrit avec du son. Il leur pousse des ailes d'une espèce particulière ; alors on leur rend la liberté pour qu'ils aillent commencer d'autres travaux. Leurs coques, jetés dans l'eau, s'amol- lissent; puis on les file avec un fuseau de jonc. Les hommes n'ont pas eu honte d'usurper ces étoffes , parce qu'elles sont légères pour l'été. Il n'est pas dans nos mœurs d'endosser la cuirasse-, nos vêtemens eux-mêmes sont une charge incom- mode. Toutefois, nous laissons encore aux femmeSj.la bombyce assyrienne. » Dans un passage antérieur, où le naturaliste romain parle , d'après Arislote, de l'espèce de bombyx dont Pampliyla a appris à utiliser le travail , il est dit qu'elle fit cette décou- verte à Ceo, dénomination d'une des îles composant l'archi- pel des Sporades. Dans le texte analogue du naturaliste grec, on lit cependant, et, à ce qu'il paraît, sans variantes, l'île Cos. Suivant une version donnée par Isidore de Séville , à l'occasion des noms des vêtemens (Orig., lib. XIX, c. xxii), celui de bombycine vient, dit-il, du bombyx, vermisseau qui produit , de sa substance , des fils très longs , dont le tissu est appelé hombjcinum y et qui se fait dans l'île Choo. D'après tous ces passages, il était bien naturel de penser que ces bombyx , dont Pline nous a donné une histoire particulière , et que, suivant les rapports, il dit être originaires de l'île Co, DE l'histoire de l'entomologie. 97 étaient réellement propres à l'Europe. Mais si nous compa- rons ces renseignemens avec ceux que nous fournit un auteur postérieur, Pausanias , nous aurons lieu de soupçonner qu'on a pu se méprendre sur la patrie de ces animaux, et qu'en nous transportant bien loin de là , et dans ces contrées où , depuis un temps immémorial , on cultive le ver à soie , nous arriverons peut-être à la solution de la difficulté. Voyons donc ce qu'il nous apprend , et recourons à la traduction qu'a publiée Clavier de l'ouvrage où nous puisons ces documens, sa description de la Grèce , et celle de l'Élide en particulier (tome III, page 426). Nous remarquerons seulement que le texte grec porte : (( un petit animal » , au lieu du mot insecte, et que , dans les traductions latines , cette expression est remplacée par celle de ver, permis, « L'Elide est un pays fertile en productions de tous les genres, et entre autres en byssus (coton herbacé). On y sème du chanvre , du lin ou du byssus , suivant la qualité du ter- rain. Les fils que les Seres emploient à faire des vétemens ne sont point tirés d'une écorce \ voici comment ils sont pro- duits : Ils ont dans leur pays une espèce d'insecte , que les Grecs nomment ser (i) , mais à qui les Seres donnent un autre nom. Cet insecte est deux fois plus fort que le plus gros des scarabées-, il ressemble, pour tout le reste, aux araignées qui font leurs toiles, et il a huit pieds comme elles (2). Les Seres nourrissent ces insectes dans des maisons construites exprès pour eux, où ils sont à l'abri du froid et de la chaleur-, leur ouvrage consiste en des filets très déliés, qui s'entortillent autour de leurs pieds. On Tes nourrit durant quatre ans avec des panics, et la cinquième année (car on sait qu'ils ne vi- vraient pas plus long-temps) on leur donne du roseau vert. Cette nourriture est la plus agréable à ces animaux j ils se jet- (1) Thsan, en cliinois , signifie chenille. Il n'y a point de z en cette langue. Youan thsan, Ter à soie; kian , cocon, (2) On a pu prendre les antennes que les bombyx portent en avant, pour des pieds, et dès-lors ces insectes seraient ceusés en avoir huitj car , lorsqu'ils sont en repos, les pieds eux-mêmes sont avancés. C)8 TA.BLEAU tent dessus avec avidité , et s'en remplissent tellement qvkih crèvent. On trouve encore beaucoup de ce fil dans leur corps. On sait que la Série est une île , dans le fond de la mer Ery- thrée-, d'autres disent que ce n'est pas la mer Erythrée, mais un fleuve, qui l'embrasse, comme le Nil embrasse le Delta, et qu'elle n'est pas entourée par une seule mer^ ils ajoutent qu'il y a une autre île Série. Les Seres , et ceux qui habitent Lhassa et Sacœa, îles voisines, sont Ethiopiens d'origine*, cependant ils ne se disent pas Ethiopiens , et se prétendent un mélange de Scythes et d'Indiens. » Avant d'aller plus loin, je crois devoir présenter les ob- servations suivantes, et qui sont relatives à la situation des Seres \ car, pour éclairer davantage mon sujet, je me suis vu forcé d'appeler à mon secours la géographie et l'histoire : i**. Ctésias (i) nous paraît être le premier qui ait fait men- tion des Seres , nom qui dérive du mot persan zer ou ser, qui veut dire oi\ et qui est commun à la langue thibétaine. Le même métal est appelé, en chinois, kin^ et de là, ou du mot tsiriy l'origine de celui de sinae. Ce même nom de kin ou d'or distinguait la tribu des Tatars Mantchoux, et les Thibétains désignent encore l'empereur de la Chine sous la dénomina- tion de ser kji, roi de l'or. Les auteurs anciens, à commencer par Hérodote, ont été dans l'opinion qu'il existait, aux extré- mités orientales de l'Asie , un pays très riche et fortuné , une espèce d'Ophir, ou, comme nous dirions, un Pérou, et que plusieurs ont nommé Sjria ou Séria. 2**. La culture du ver à soie (2) ordinaire n'a été introduite qu'assez tard dans les provinces méridionales de la Chine , les peuples de ces contrées étant restés long-temps dans un état demi-sauvage. Cette branche d'industrie n'y a été florissante que plusieurs siècles après l'ère chrétienne : voilà ce qu'at- testent les historiens chinois. Mais ces peuples, au défaut du (i) Ceci est extrait de ma Notice sur les Seres, imprimée dans le recueil de plu- sieurs de mes Mémoires. (2) l'oyez, sur l'origine du mot soie ^ le Journal asiatique, tome II, page 2^3, no'c de M. Klaproth, et l'addition qu'y a faite M. Abel Rémusat. DE l'histoire de l'entomologie. 99 ver à soie domestique , liraient partie de l'industrie de vers à soie sauvages-, et, de leur coté, les empereurs de la Chine ne s'avisèrent que tardivement d'encourager ce nouveau genre d'industrie. Les habilans de diverses contrées limitrophes, au sud de ce grand empire, jouissaient et jouissent encore au- jourd'hui des mêmes avantages, ayant aussi d'autres vers à soie indigènes non moins utiles. Il s'ensuit que les Européens ayant eu , par le commerce maritime, des relations assez fré- quentes avec ces derniers peuples , ont pu acquérir d'eux quelques notions sur ces insectes -, mais ils n'avaient pas les mêmes movens à l'égard du ver à soie ordinaire, ou du homhyx mori. Il fallait aller par terre, en s'exposant à une foule de dangers , jusqu'aux frontières du nord-ouest de la Chine \ ces voyages devaient être fort longs et très dispendieux. Les fai- bles documens que l'on put se procurer sur le ver à soie, transmis d'ailleurs par des négocians peu instruits, et que l'on pouvait tromper, durent naturellement être combinés avec ceux que l'on avait acquis sur les autres vers à soie , ou ceux qui étaient indigènes des contrées méridionales de l'Inde et pays circonvoisins. Les étoffes que l'on fabriquait avec la soie des derniers, quoique d'un emploi différent, furent confon- dues avec les autres par les auteurs qui nous en ont parlé , ou du moins les modernes n'ont pas donné assez d'attention aux distinctions nominales qu'ils en ont faites. 3°. Le passage précité de Pausanias se rattachant à un point de géographie ancienne, j'ai été forcé de me livrer à quelques recherches sur les pays occupés par les Seres, et sur les limites des connaissances géographiques des anciens à l'orient. Quoi- que le célèbre géographe que la mort vient de nous ravir, M. Gossellin , se fût beaucoup occupé de cette dernière ques- tion et y eût jeté le plus grand jour (i), j'ai cru , comme dans toutes mes études, devoir ne m'en rapporter aveuglément à aucune autorité, parce que je pouvais encore découvrir quel- ques faits inaperçus. Mais ne voulant point vous fatiguer par (i) M, Walckenaer, par la publication de son Orbis ojetus, achèvera d'éclaircir ces difficultés. lOO TABLEAU des discussions qui vous sont étrangères, je n'en exposerai que les résultats^ ils viennent d'ailleurs à l'appui de mon sujet* Ce promontoire que Pline nomme Tabin, et qui , dans sa description de l'Asie , est , du côté de l'orient , son nec plus ultra, est le cap M art ah an , composé de deux mots : mar, grand, et Taban, presque identique avec celui de Tabin. M. Gossellin avait très bien reconnu dans le sinus magjius de Ptolémée, le golfe de Martaban, et l'adjectif magnus semble être une application de celui donné au cap méme^ mais une observation qui m'est, je pense, particulière, c'est que le lieu nommé Bramma par le géographe grec, et qui avait proba- blement reçu cette dénomination à raison du culte plus spé- cial qu'on y rendait à cette divinité , correspond , sur la carte de l'Inde du major Rennell, à la situation de Quekmi Pa- goda, près de la côte occidentale de la presqu'île de Malacca. J'ajouterai que la ville d'Ava me paraît être XUrathinne du géographe grec , la Sera major de Peutinger, la Juvia de Cosmas Indicopleustes , et la Sinia Siniarum du traducteur de la géographie abrégée d'Edrisi. Me fussé-je égaré dans ces recherches, j'aurais du moins l'avantage d'avoir découvert un fait d'histoire naturelle de quelque intérêt, c'est que le kakatoès des Moluques, ou celui à huppe blanche, était déjà connu du temps de Ptolémée 5 car, en parlant d'une cité qua- lifiée de royale, nommée Trigljphon, et dont la situation nous reporterait au nord du royaume d'Aracan , il dit que , suivant les rapports, on y trouve des coqs gallinacés barbus, ainsi que des corbeaux et des perroquets blancs. Je ne crois pas que, vu les localités, on puisse appliquer à d'autres perro- quets que le kakatoès indiqué ci-dessus, l'épithète de blanc, (i) Ces prémisses établies , on reconnaîtra facilement cet ar- chipel ou ce delta , ainsi que l'île nommée Série dont parle Pausanias , dans cette partie méridionale de l'empire des Bir- mans que la rivière d'Ava ou l'Irraouadi , et plus à l'orient , celle du Pegu , le Serus de Ptolémée , divisent en une infinité d'îlots, en se partageant vers leurs embouchures en un grand (i) Je vieas d'apprendre que M. le barouWalckenaer avait fait la même remarqua. \ ) DE l'histoire de l'i£NTOMOLOGIE. IOI nombre de branches. C'est la Chersonnèse d'or du même géo- graphe, et l'île Chryse de quelques autres. La petite île où est située la ville de Sirian nous rappelle très bien l'île Série de Pausanias, et son fleuve Ser se retrouve dans celui que Ptolé- mée appelle Serus^ et qui, selon M. Gossellin, est identique avec la rivière de Pegu ou le Sitang. La description que nous donne ce géographe du peuple qu'il nomme Basades , celle que fait Arrien des Sesates, dont l'habitation était au nord de ces contrées , nous annoncent qu'ils étaient en effet un mélange de Scythes et d'Indiens. Le fleuve Chrjsoana du premier, dont l'étymologie est toujours analogue à celle de l'épithète donnée au pays, est cette branche de la rivière d'Ava qui, sur la carte du major Rennell, porte le nom de Kéogong. La dénomination de Negrais affectée à une île et à un cap situés dans le voisinage de son embouchure n'est peut-être qu'une modification de celle d'Éthiopiens. Me fon- dant sur ces corrélations géographiques, je ne saurais voir avec les auteurs de quelques cartes classiques récentes, la Chersonnèse d'or des anciens dans la presqu'île de Malacca. Il est d'ailleurs reconnu qu'elle est peu fournie de ce métal , et que sous ce rapport, ainsi que sous ceux des autres objets de commerce, les royaumes d'Ava et de Pegu sont plus favorisés. Examinons maintenant si ces bombyx de l'île Co, men- tionnés par Pline , et dont l'un pourrait bien être le même que celui de Ceo dont il a parlé d'après Aristote , en substi- tuant toutefois cette dernière dénomination à celle de Cos em- ployée par celui-ci, ne seraient pas des vers à soie propres aux contrées méridionales de la Chine , et à celles des Indes situées à l'est du Gange. C'est ce que n'ont pas fait les com- mentateurs de ces deux célèbres naturalistes , et de là l'impos- sibilité pour eux de donner une explication plausible de ces passages. A Dieu ne plaise que je veuille me permettre ici la plus légère censure. Eussent-ils été versés dans la connais- sance des insectes, ils n'avaient pas, ainsi que j'en ai pré- venu, les secours dont j'ai été pourvu , comme le Mémoire de "William Ro.xburgh sur les vers à soie du Bengale nommés I02 TABLEAU tuffeh et arrindj, inséré dans le VIl^ volume des Actes de la Société Linnéenne de Londres, et la connaissance surtout d'un manuscrit chinois très précieux, accompagné de figures, qui m'a été confié par mon confrère à l'Académie, M. Huzard. Ce manuscrit du père Cibot, enrichi d'explications données par le P. d'Incarville , a servi de base à un Mémoire sur les vers à soie sauvages de la Chine que l'on trouve dans le second volume du recueil des Mémoires des missionnaires de Pékin. Déjà Tavernier, dans la relation de ses voyages, avait parlé du cocon de l'un de ces vers à soie qui l'avait frappé par sa grosseur. Déjà encore le P. Du Halde avait fait mention dans sa description de la Chine de deux espèces de vers à soie sauvages de Quang-Fong , province de cet empire. L'un, le tsoueu-kien , et avec la soie duquel on fabrique l'étoffe ap- pelée hien-tcliou^ est évidemment celui du fagara du manu- scrit chinois et du Mémoire précité des missionnaires 5 l'autre, le tiao-kien, et qui fournit une soie d'une qualité inférieure, est le ver à soie sauvage du chêne des précédçns. Selon Du Halde, le premier ne tire pas la soie en rond ni en ovale comme le ver à soie domestique , mais en fils très longs et qui s'attachent aux arbrisseaux et aux buissons , suivant que les vents les poussent d'un côté ou d'un autre. On les amasse , et l'on en ourdit une sorte de droguet. Voulant me restreindre dans ce mémoire à l'explication des passages de Pline et d'Aristote, je ne parlerai point de la qualité ni des usages de cette étoffe \ mais j'ai dû exposer ce que Du Halde raconte de la manière dont ce ver à soie dispose son cocon , pour faciliter l'intelligence de quelques auteurs anciens où cette substance est comparée à une sorte de laine suspendue aux arbres et où il ne s'agit nullement , comme on l'avait cru , de notre ver à soie , qu'on ne connut bien en Europe que depuis qu'il y fut introduit, ce qui eut lieu, comme on le sait, sous l'empereur Juslinien. Le cyprès, le térébinthe, le frêne et le chêne , tels sont les arbres mentionnés par Pline dans le passage qui a pour objet le bombyx de l'île Co. Or, des deux espèces de vers à soie sau- vages qui sont le sujet du manuscrit chinois et du Mémoire DE L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. lo3 des missionnaires, Tun donnant un bombyx du sous-genre satujnia, et que je nommerai spécifiquement /:7<2/7ip^) /a , vit sur le fagara ou poivrier de la Chine et sur un arbre appelé en langue du pays tcheou tchun , que l'auteur du Mémoire considère comme un frêne qui lui avait paru d'abord ne pas différer du nôtre , mais qu'il en a plus tard distingué. Le fagara a été rapporté par plusieurs botanistes à la famille des térébinthacées -, c'est donc, en nous exprimant d'une manière générale, une sorte de térébintbe. L'autre espèce de ver à soie sauvage, celui qui produit notre saturnia vestiaria , vit sur un chêne dont les feuilles ont des rapports avec celles du châtaignier. Voilà donc trois des arbres cités par Pline, le thérébinthe, le frêne et le chêne, mentionnés aussi dans ces mémoires, et même dans un ordre semblable , comme nour- rissant des vers à soie ou bombyx. Reste à découvrir le pre- mier des arbres delà liste du naturaliste romain, le cyprès. Au témoignage d'Isidore de Se ville (0/%m., lib. XVII, cap. vu), les Grecs appelaient cet arbre conon , à raison de la forme de son fruit. A une époque où la botanique n'existait pas encore comme science , où sa nomenclature était extrêmement res- treinte et très vague , des végétaux très différens par les carac- tères botaniques pouvaient avoir une dénomination commune. Ainsi tous les arbres dont le fruit était ovoïde ou conoide pouvaient être assimilés au cyprès. Aussi M. Abel Rémusat, dans son Extrait de V Encyclopédie japonaise, remarque que tout ce qui concerne, dans cet ouvrage, les végétaux coni- fères et autres végétaux analogues , c'est-à-dire conocarpes , est très obscur. L'un des deux vers à soie sauvages décrits par Roxburgh, celui qu'il noxïimç^ tus s eh, et qui donne la phalène /7a/7/iia de Linné, le bombyx niylitta de Fabricius , vit non seulement sur le rhammus jujuba, mais encore sur le rhizopliora cas- colaris et diverses espèces de jambolifera ou de jambosiers , dont le fruit est rond ou conoide. Ce ver à soie , dont le cocon est employé, se trouve au Bengale et dans pksieurs autres contrées orientales de l'Inde. L'autre, Vanindy, qui produit I04 TABLEAU la phalène cjntliia de Drury , et dont la soie est encore mise en œuvre par les Indiens, se nourrit de feuilles du ricinus palma Christi, connu des Grecs sous le nom de croton. Il ne serait point surprenant que Pline, trompé par quelques rap- prochemens de noms et de propriétés physiques , car le fruit de cette plante est oléagineux de même que le cyprès, égaré aussi peut-être par quelque orthographe vicieuse, fût tombé à cet égard dans quelque méprise. Ainsi, voilà la nomencla- ture des végétaux cités par cet auteur toute retrouvée. Mais après nous être transportés dans des climats bien éloignés de celui où il nous avait placés, l'île de Cos , comparons main- tenant les renseignemens historiques transmis par les anciens au sujet des bombyx avec ceux que nous avons sur les vers à soie sauvages de cette partie de l'Asie. Nous verrons que, malgré quelques exagérations , quelques accessoires fabuleux et peu d'ordre dans l'exposition des faits , la vérité cependant n'est point tellement altérée qu'on n'en découvre les traits les plus saillans ^ en un mot , tout découle des mêmes traditions orientales. L'extrait d'un Mémoire d'un auteur chinois sur la culture du ver à soie , publié par Du Halde , dans sa descrip- tion de la Chine , nous prêtera un nouveau secours. Pour l'in- telligence des passages d'Aristote et autres , il faudra se péné- trer de sa doctrine et de celle des autres anciens naturalistes, sur la reproduction des insectes. Ils avaient bien observé que les chenilles se transformaient en chrysalides, état que le pre- mier comparait à celui d'un œuf (i) *, et que de ces chrysalides naissaient des lépidoptères-, mais n'ayant point vu ou suivi l'accouplement de ces insectes, ils croyaient que ces chenilles provenaient de feuilles vertes, de fleurs, de la rosée, etc. L'œuf proprement dit, ainsi que la chenille venant de naître, étaient assimilés à une sorte de ver , et il fallait que cette chenille eût une forme plus prononcée pour qu'on la désignât ainsi. En général, selon eux, les insectes commençaient par (i) L'œuf était censé être uu ver imuiobile. Aristote le désigne quelcjnefois sous le nom de semence. DE l'histoire de l'entomologie. fo5 un état vermiforme. L'insecte parfait même, lorsqu'on n'en avait qu'une connaissante vague , et qu'on le considérait dans les premiers instans de sa reproduction , recevait la qualifica- tion de ver. C'est ce qui paraît résulter d'un passage d'Aris- tote qui a mis l'esprit des critiques à la torture. Après avoir parlé de diverses espèces de chenilles, il dit qu'il existe un certain grand ver qui a comme des cornes et qui est différent des autres ^ que sa première métamorphose produit une che- nille qui devient bombyle, et se change ensuite en nécjdale (né de nouveau de lui-même) , et qu'il suhit ces métamor- phoses dans l'espace de six mois. Il ajoute que quelques fem- mes en tirent une soie qu'elles développent en la dévidant, et dont on fait ensuite des étoffes , et qu'on attribue cette inven- tion à Pamphyle , fille de Latoùs, habitant de l'île de Cos. Ce grand ver, ayant comme des cornes , et dont la première mé- tamorphose est une chenille , nous paraît être évidemment un homhyx femelle , considéré au moment de sa ponte -, et , comme Aristote nous fait entendre qu'il est originaire de l'île de Cos, nous présumons qu'il doit être compris parmi ces bombyx de Pline , indigènes d'une île homonyme , et qu'il a fait un double emploi , puisqu'il copie d'abord Aristote , et que les bombyx de l'île de Cos sont ensuite le sujet d'un autre paragraphe. Par suite des mêmes principes erronés sur la gé- nération des insectes, ce naturaliste ajoute qu'il se forme d'abord de petits papillons tout nus , et que bientôt ils se couvrent de poils qui les défendent du froid. Nous savons par le Mémoire des missionnaires de Pékin sur les vers à soie sau- vages de la Chine , que celui du chêne paraît être beaucoup plus velu dans les premiers temps , ou lorsqu'il est jeune, que lorsqu'il approche de l'époque de sa métamorphose. Les figures du manuscrit qui traite des mêmes insectes le montrent clai- rement. Pline attribue ce caractère aux papillons, puisque, selon lui, ils sont petits et d'abord tout nus. Il s'ensuit qu'il u confondu sous la dénomination de petits papillons le bombyx femelle en état parfait, ses œufs et les chenilles qui en pro- viennent. Ces chenilles étant d'abord velues ne sont point ïo6 tablf.au notre ver à soie, puisque sa peau est toujours rase. Pausanias nous représente l'animal donnant la soie comme une sorte d'araignée à huit pâtes, et deux fois plus grande que les scarabées ordinaires. Il est encore incontestable qu'il s'agit ici d'un bombyx femelle de grande taille , du papliia ou Mjlitta^ par exemple , dont la grandeur surpasse de beaucoup celle du bombyx du mûrier, ou de notre ver à soie. J'ai prévenu au commencement de ce Mémoire , que , dans les traductions la- tines de cet auteur , on avait rendu l'expression de petit ani- mal dont il se sert , par celle de vermis. Aucun de ces passages n'est donc applicable au ver à soie domestique , et nous en fournirons bientôt de nouvelles preuves. Mais, commençons par nous débarrasser des passages les plus obscurs et les moins détaillés, ceux d'Aristote et que Pline a reproduits sans y ajouter aucun éclaircissement. Ils sont au nombre de deux. Dans l'un {Hist. des Anim., liv. V, cb. xxiv ) , il est parlé des bombycies [bomhjcia) ou espèce de bombyx, bombjcum , selon Pline, de l'Assyrie, qui forment avec de la boue, contre une pierre ou quelque autre corps semblable , un nid ter- miné en pointe , recouvert d'un enduit ayant l'apparence de sel , ou, suivant quelques manuscrits , celle du verre, si épais et d'une telle dureté qu'on a de la peine à le percer d'un coup de lance. Elles y engendrent et produisent de petits vers blancs recouverts d'une membrane noire. En debors d'eux , et dans cette boue , elles font une cire beaucoup plus pâle (^ue celle des abeilles. Pline dit qu'elles en font en plus grande quan- tité, et que le vers auquel elles donnent naissance est aussi plus gros. Ce passage , ainsi que l'ont remarqué la plupart des commentateurs qui ont connu les Mémoires de Réaumur, ne peut s'entendre que de son abeille maçonne, dont Aldrovande, long-temps avant lui , avait donné l'histoire. Il faut cependant convenir qu'Aristote a connu par lui-même les nids de l'abeille maçonne-, car dans son Histoire des y4nimaux, liv. V, c. xx, à l'occasion de l'insecte ichneumoji , il dit que de petits co- léoptères déposent des vers dans de petits nids que l'ichneumon se fait avec de la boue , et qu'il applique contre les murs DE L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. IO7 et les tombeaux. Ce coléoptère est le trichodes alveaiius de Fabricius , ou quelque autre espèce analogue. Pour prononcer à l'égard du bombyx d'Assyrie , il nous faudrait d'autres do- cumens qui eussent pour objet les habitudes des insectes de ce pays. Mais est-ce à ce bombyx assyrien que Pline fait allu- sion lorsque, après avoir parlé de ceux de l'île de Cos et des étoffes que l'on fabrique avec les fils composant leurs coques, il termine ainsi : « Toutefois, nous laissons encore aux fem- mes labombyce assyrienne ? » Nous ne le pensons pas. Ici, le mot de bombyce est appliqué à une sorte d'étoffe que l'on tirait de l'Assyrie, mais qui venait d'une contrée beaucoup plus éloi- gnée , de la Sérique proprement dite , et dont notre ver à soie avait fourni la matière , celle en un mot qui formait l'habille- ment désigné sous le nom de vestismedica. [Hist, des Jnim., liv. V, chap. XIX.) Le second passage d'Aristote a pour objet ce grand ver ayant deux espèces de cornes , qui devient d'abord chenille , ensuite bombyle , puis nécydale , et dont nous avons fait mention plus haut. Selon la leçon commune, on lit bomhjlios, expression que Pline remplace par celle de hombjlis ,* mais Gaza , Scaliger et d autres , sont d'avis que l'on doit lire partout homhyx. Camus , dans une note sur ces passages , observe que ce changement jette ici de la confusion. Comment concevoir, en effet , qu'après avoir distingué généralement ces insectes sous un nom commun , celui de bombyx , l'on puisse désigner l'un de leurs états sous la même dénomination? S'ils étaient d'abord bombyx, ils n'ont pas besoin de le deve- nir-, lisez homhyle , et il n'y aura plus d'équivoque. Ce nom est reproduit dans Aristote , lorsqu'il traite des insectes qui , comme les abeilles , construisent des cellules ou alvéoles réunies en manière de rayons , et dont il compte neuf espèces {Hist. des Anim, y liv. IX, chap. xl). Ce bombyle est solitaire , se reproduit sur la terre nue ou sous une pierre , où il fait un petit nombre de cellules dans lequelles on trouve un miel imparfait, et qui n'est pas bon ( ch. xliii). A ces traits on reconnaît facilement un insecte de la division des lo8 TABLEAU apiaires, et qui paraît être Vapis lapidana femelle de Linné , ou quelque autre espèce du même genre bourdon , et con- struisant sans aucun aide son ouvrage au printemps. Tous les interprètes s'accordent à faire dériver les mots hombyle et homhjx de celui de bomhos ^ signifiant en grec bourdonne- ment, bruit des moucbes. Suivant Isidore de Se ville {Origin., lib. XII , cap. V ) , le ver produisant la soie serait nommé bombyx , parce qu'en expulsant au-debors les fils de cette substance il devient vide et ne contient plus que de l'air. Dans son cbapitre des laines (xxvii, lib. XIX), il dit que la soie , sericum , a été ainsi nommée de ce que les Seres l'ont envoyée les premiers , et qu'on raconte que l'on trouve dans leur pays de petits vers appelés par les Grecs bombyx, qui filent autour des arbres^ et de là l'expression bombyx fron- dium vermis. Si ce nom , ainsi que celui de bombjle, dérive de bombos, bourdonnement, je ne comprends pas trop comment on a pu en faire l'application au ver à soie , puisque considéré dans tous ses états , ou sous ceux de ver et de chry- salide au moins, il ne produit aucun son. Ne serait-ce pas plutôt parce que la soie a des rapports avec le coton des cap- sules du bombax, ou avec le duvet qui revêt le corps des bourdons, bombjlis , insectes qui bourdonnent.^ Pline , en parlant de diverses espèces de roseaux dont les feuilles sont plus ou moins soyeuses (lib. X\T, cap. xxxvi) , emploie l'épithète de bombjciœ. Le cocon du ver à soie ayant, comme on le sait , une forme ovoïde, quelques interprètes ont pensé que la dénomination de bombjle avait pu lui être donnée à raison de sa ressemblance avec un vase de même forme , que les Grecs appelaient de même -, mais il faudrait qu'ils eussent connu celle de ces cocons , et tous les passages qu'on peut alléguer semblent prouver qu'ils regardaient la soie comme une sorte de laine ou un assemblage de fils suspendus aux arbres. Pline, en effet, dit bien qu'ils enveloppaient l'animal, mais il se borne là. Puisque le grand ver dont parle Aristole passe immédiatement de l'état de chenille à celui de bombyle^ il est naUircl de conclure que ce second état désigne celui de DE L HISTOIRE DE L EINTOMOLOGIE. I O9 r-hrysalide , et que le suhant, celui de nécydale (né de nou- veau de lui-même, suivant divers interprèles), doit être la dernière métamorphose de l'insecte , celle qui le fait jouir de toutes ses facultés, ou ce que nous appelons état parfait. Ces diverses transformations s'opèrent , suivant Aristote , dans l'espace de six mois j celles de notre ver à soie n'en exigeant que deux, on en a conclu qu'il s'agissait ici d'une autre es- pèce. Celte conclusion serait cependant fausse dans le cas où il serait question de la dernière génération , celle dont on conserve les œufs pour les faire éclore l'année suivante ; mais nous croyons néanmoins qu'Aristole a voulu parler, ainsi que nous l'avons dit plus haut , d'un ver à soie sauvage et de l'un prohablement des bombyx de l'île de Co de Pline. Quelques critiques ont pensé que par le mot de nécydale il fallait en- tendre la chrysalide; mais alors, d'après la succession des métamorphoses, l'état où l'insecte est représenté sous la forme de chenille répondrait à celui où il est sous la forme d'œuf , et la chenille garnie de poils serait ce qu'Aristole nomme hombjle. Ces changemens n'exigeraient pas , à coup sûr, un laps de temps dont la durée serait d'une demi-année. La découverte de l'art de dévider la soie et d'en faire des étoffes est attribuée par ce naturaliste, ainsi que par Pline son copiste , à Pamphyle, fille de Latoùs, habitant de l'île de Cos, ou de Ceo suivant le dernier \ c'est aussi à une femme , Si- Ling , l'une des épouses de l'empereur Hoang-Ti , dont l'his- toire remonte aux premiers temps de leur monarchie, que les Chinois font honneur de cette invention. Sénèque , en parlant de ces étoffes de soie servant de vétemens aux femmes, qui ne garantissaient ni le corps ni la pudeur, ou de ces bom- bycines qui formaient une sorte de gaze , dit qu'on les faisait venir, à grands frais, de pays inconnus même au commerce. On pourrait dès-lors soupçonner que cette Pamphyle d'Aris- tole est le même personnage que celui de la tradition chinoise 5 mais on est arrêté par ce passage de Pline dans lequel , à l'occasion de la soie que l'on recevait des Seres (lib. VI, cap. XVII ), il s'exprime de manière à nous faire croire que ÎÎO TARLÉA.U les femmes romaines savaient effiler des étoffes composées de celte matière, en retordre les fils , et ourdir, en les réunissant probablement avec une certaine quantité de fils provenant de substances indigènes , un nouveau tissu , ou ce qu'on appelait tramo-serica , dont la chaîne était de lin et la trame de soie ; Undè ge minus fœniinis nostris labor^ redoj^diendi jïla , jur- sîimque texere. J'ignore quelle est en chinois l'étymologie du mot Si-Ling ^ mais si celui de Pamphyle, en écrivant par un y^ signifie , au dire de quelques lexicographes , qui a toutes sortes de nations, il faut avouer que cette étymologie ne con*^ vient guère ni à l'île de Cos ni à l'un de ses habitans. Mais outre que les conséquences déduites des étymologies sont souvent erronées ou très douteuses , comme il est dit que Pamphyle était fille de Latoùs , et que la tradition chinoise garde le silence sur l'origine de Si-Ling, il est plus probable que Pamphyle était native de l'une des îles de la Grèce , et qu'elle découvrit réellement une manière de tirer parti de la soie ouvrée -, mais, je le répète , je ne pense pas qu'on la tirât de l'île de Cos. Si les bombyx de cette île avaient fourni de la soie , comment ce genre d'industrie s'y serait-il perdu , et comment n'en serait-il pas resté quelque souvenir ? Parmi les villes situées dans le Delta formé par les diverses branches de la rivière d'Ava ou de l'Yarrouddi , celle des Cosmin est réputée l'une des plus anciennes et des plus célèbres par son commerce. Min, en chinois, veut dire peuple (i) , et ce mot peut être commun à d'autres idiomes indiens, de même que celui de man , homme. Ainsi, l'on pourrait traduire Cosmin, peuple de Cos ; et comme cette ville est placée dans une petite île, on aurait pu substituer à cette expression île de Cos. Telle est peut-être l'origine de cette confusion nominale ^ mais ce n'est qu'une simple con- jecture , et à l'adoption de laquelle je n'attache point une grande importance. Reprenons ce passage de Pline, afin d'en (i) C'est ce qui m'a été dit par un excellent philologue, M. Julien, sous-bibliothé- caire de r Institut. DE l'histoire de L ENTOMOLOGIE. tîl continuer l'explication ; nous reviendrons après sur celui de Pausanias. Nous avons dit que les vers à soie du chêne étaient beau- coup plus velus dans les premiers jours de leur existence que lorsque , devenus plus gros , ils étaient prêts à se changer en chrysalides -, c'est ce qui a fait dire à Pline que ces petits papillons , d'abord nus , se couvraient de poils , villis inhor- rescere. Il est évident que cela ne s'applique point au bombyx proprement dit, puisqu'il ajoute qu'ils se fabriquent des tuniques pour passer l'hiver, en ratissant avec leurs ongles le duvet des feuilles , et en en formant une sorte de filasse qui les enveloppe entièrement. On comprendra aisément que ces tuniques sont des cocons, et que ce naturaliste a dénaturé la manière dont ces insectes s'y prennent pour les faire. Sui- vant lui , les habilans les emportent dans cet état , disposés dans des vases de terre, où ils sont entretenus par une chaleur douce, et où on les nourrit avec du son. On se demandera, sans doute , pourquoi et comment nourrir ces insectes ainsi emprisonnés en état de léthargie, et surtout, ce qui paraît fort étrange , avec du son ? Voici les faits , dégagés de tout merveilleux , et puisés dans les sources indiquées plus haut. Parmi les cocons de vers à soie sauvages provenant de la der- nière ponte , on en met à part une certaine quantité pour obtenir au printemps suivant une nouvelle génération ^ mais leur conservation exige quelques soins. Les bombyx étant nés , on donne la liberté aux mâles , et l'on fixe les femelles sur un paquet de moelle d'une espèce de millet (^amndma- ceum) , où elles ne tardent pas à être fécondées par les indi- vidus de l'autre sexe et à déposer leurs œufs. Tantôt on sus- pend le faisceau de moelle où les vers sont nés sur une branche de l'arbre destiné à les nourrir, afin qu'ils puissent passer sur les feuilles -, tantôt on en coupe une branche, et on la met dans un vase plein d'eau, en y attachant le faisceau. Les petits vers gagnent vile les feuilles, se réunissent d'abord en société , et devenus plus forts , manquant d'ailleurs de vivres, ils se dispersent pour en chercher ailleurs. Les vers à 1 I 2 TABLEAU soie du chêne sont plus délicats que ceux du fagara , et leur première éducation a lieu dans une chambre bien fermée et exposée au midi. Tout ce qui a rapport à cette éducation est transposé dans Pline, ou bien il passe d'une génération à une autre sans l'annoncer, et comme si c'était toujours la même. Mais que veut-il dire par ces paroles : On les nourrit avec du son ? Le Mémoire sur l'éducation des vers à soie , publié par Du Halde, y répondra. On peut alimenter les jeunes vers à soie avec une farine , expression propre de l'auteur, formée de feuilles de mûriers recueillies durant l'automne et réduites en poudre -, pour cela , on humecte des feuilles printanières de cet arbre , et on répand dessus cette sorte de farine ou de son pour me servir de la comparaison de Pline. Ce naturaliste arrive enfin à la dernière métamorphose des vers à soie , en disant qu'il leur pousse des ailes d'une espèce particulière ; elles sont, en effet, très remarquables par la tache oculaire et vitrée qu'offre le disque de chacune d'elles. Il en est aussi où les supérieures se terminent en manière de faux. Du Halde a exposé très en détail les procédés relatifs au cocon , à la ma- nière de dévider ou de filer les fils , et au tissage. Pline en avait eu quelque idée , puisqu'il nous dit que leurs coques , jetées dans l'eau , s'amollissent , et qu'on les file ensuite avec un fuseau de jonc. Nous remarquerons cependant que M. Gue- roult , dont nous citons la traduction, n'aurait pas dû em- ployer le mot de coques, car le texte dit simplement : Quœ vero cœpta sint lanijicia. Aucune personne un peu versée dans l'éducation des vers à soie et des autres chenilles, en général, ne croira ce que raconte Pausanias de la durée du temps, quatre à cinq années, que demande l'éducation des vers dont il parle dans le passage que nous avons rapporté. Selon lui, on les nourrissait quatre ans avec des panics ^ et la cinquième année, car ils ne vivent pas plus long-temps , on leur donnait du roseau vert, nour- riture la plus agréable pour eux , sur laquelle ils se jetaient avec avidité, et dont ils se remplissaient tellement qu'ils cre- vaient. Si nous consultons le Mémoire du père Du Halde , DJ; L HISTOIRE DE L ENTOMOLOGIE. Il3 cette fable ridicule se réduira à la confusion qu*a faite Pau- sanias du mûrier avec l'insecte et à quelques autres faits très simples. « Les jeunes arbrisseaux , est-il dit dans ce Mémoire, « qu'on a trop effeuillés avant qu'ils eussent trois ans se ressen- « tent dans la suite de cet épuisement -, ils deviennent faibles « et tardifs. Il en arrive de même à ceux dont on ne coupe « pas bien net les feuilles et les brancbes qu'on emporte tout « effeuillées. Quand ils ont atteint trois ans , ils sont dans « leur grande vigueur -, mais ils commencent à la perdre vers « l'âge de cinq ans, lorsque leurs racines s'entrelacent. » Nous apprenons aussi par ce Mémoire que, pour rendre les arbres tche, ou le mûrier sauvage , plus propres à nourrir des vers domestiques , il est bon de les cultiver à peu près de même que les mûriers véritables -, il est surtout à propos de semer du mil dans le terrain, où on les aura plantés un peu au large. Le mil corrige l'âpreté des petites feuilles de l'arbre tche, qui deviennent plus épaisses et plus abondantes-, les vers qui s'en nourrissent travaillent les premiers à leurs coques, et leur soie en est plus forte. Le même arbre nourrit aussi des vers à soie sauvages ou campagnards, ainsi que les appelle le P. Du Halde \ et comme , suivant lui , le fruit du tche ressemble au poivre, je présume que cet arbre est le fagara dont j'ai parlé. Quant à ce que dit Pausanias du roseau vert , que les Seres donnent la cinquième année au ver à soie élevé par eux , on comprend que puisque , d'après son opinion , cette cin- quième année est le terme de la vie de cet insecte ou l'époque de sa dernière métamorphose , celle de la réunion des sexes et de la ponte des femelles , il a défiguré la tradition relative à l'usage d'employer la moelle d'un panicum du pays , pour y attacher ces derniers individus et les contraindre à déposer dessus leurs œufs. Lorsqu'il dit que les vers crèvent à force> de manger de ce roseau , on comprend qu'il s'agit ou de la ponte ou de la construction du cocon. Toutes les tentatives qu'on a faites pour rendre domestiques les vers à soie sauvages ont été inutiles , suivant les auteurs des Mémoires dont je me suis servi , tant ces insectes ont un caractère d'indépendance 8 Il/j TABLEAU et d'amour de la liberté; il en est de même de celui appelé au Bengale tusseh ou bughj, et qui produit la phalène paphia de Linné. Mais le ver à soie arrendj, celui qui vit sur le ricin palma chnstiy a été réduit par les soins des Indiens à l'état de domesticité -, ils l'élèvent chez eux à peu près comme le ver à soie ordinaire (i). On récolte sur l'arbre nommé mango-tree par les Anglais, ou une espèce de manguier, un cocon que l'on file avec celui de Yairendj ; mais on ne connaît pas encore bien ni le ver à soie ni son bombyx. Je réserve pour un autre mémoire la description de ces vers à soie sauvages de la Chine , ainsi que celle de plusieurs autres espèces , dont nous pourrions tirer parti. Le cocon de notre bombyx grand-paon pourrait aussi être employé. Un jeune et habile chimiste , M. liassaigne , professeur à Alfort , a bien voulu , à ma solli- citation , faire divers essais pour lui enlever le gluten qui embarrasse ses fils , et il y est parvenu. De mes recherches l'on doit tirer cette conséquence que les passages d'Aristote , de Pline, de Pausanias, et de plusieurs autres auteurs anciens concernant les vers à soie , ne sont que des traditions indiennes, chinoises ou thibétaines, relatives à des vers à soie sauvages, plus ou moins altérées et entremêlées de quelques circonstances propres à la culture de l'espèce domestique. Maintenant , si l'on peut donner le nom de Sérique aux con- trées propres à ces insectes , et qui servirent jadis d'entrepôt au commerce de diverses sortes de soieries, produits de leur industrie et de celle de l'homme, on distinguera , comme nous l'avions fait , trois Sériques : i°. l'ultra-gangétique ou la Série, celle dont nous avons le plus souvent parlé dans ce Mémoire, d'où l'on tirait des étoffes fabriquées en grande partie avec la soie de quelques espèces de vers sauvages ; 2°. la Sérique , au nord de l'Imaùs, ou la Sérique propre, celle de Ptolé- mée , et dont la métropole était, selon moi , la ville actuelle de Turfan 5 3°. la Sérique nord-indienne, ou le Ser-Hend, co- (i) M. Picot-Lamarre m'a communiqué, sur l'éducatiou de cet insecte, de nouveaux reuseigucmeos. DE l'histoirk de i/entomologie. ii5 lonie de la précédente, et qui se forma dans les premiers siècles chrétiens , lorsque les Huns du nord, les Yve-Chi , etc., com- pris sous le nom générique de Seres, refoulés par les conquêtes des Chinois, qui s'étaient avancés jusqu'à la mer Caspienne, s'étahlirent au nord de l'Inde , près des sources du Gange; car on sait que c'est de Sérinda , ou Ser-Hend , que du temps de Justinien des moines apportèrent à Constantinople des œufs de notre hombyx du mûrier. Déjà aussi la culture de ce précieux insecte s'était introduite dans la Bactriane, ou la grande Bu- charie. On voit bien par Ptolémée qu'à l'époque où il écrivait , les Saces et d'autres peuples de la Scythie avaient émigré dans l'Inde, où leur établissement portait le nom à' Indo-Scjthia ', mais il nomme Cjlindnnes le peuple qui occupait l'empla- cement correspondant à celui des Seres indiens. Ici se ter- minent le Mémoire relatif aux vers à soie , que j'ai lu à l'Aca- démie des Sciences , et mes recherches sur les lépidoptères connus des anciens. Dans l'ordre des diptères s'offrent d'abord ceux, et les plus communs, qui ont reçu le nom de mouches, nom qui s'est même étendu à des insectes tétraptères , comme l'abeille. Ce sont les maia ou myïa d'Arislote. Ici il leur donne un aiguillon per- çant la peau jusqu'au sang , et les confond dès-lors , ainsi que le vulgaire , avec les espèces du genre stomoxe , et peut-être avec la calcitrante, si importune pour nous ; là leur langue ne sert qu'à pomper. La femelle se comporte extérieurement dans l'acte de la génération comme le mâle -, ces insectes s'at- tachent à tout , et se nettoient au moyen de leurs pâtes anté- rieures. Il est aisé de pressentir, pour peu que l'on ait observé les habitudes de la mouche domestique et de quelques autres espèces analogues , que c'est d'elles qu'il s'agit. Les mouches produisent des vers -, ceux que l'on trouve dans les excrémens séparés de la litière se convertissent en insectes ailés ainsi désignés. Ailleurs, Aristote semble supposer que ces vers se forment d'eux-mêmes dans ces matières j si une mouche meurt, on la rappelle à la vie en la mettant dans de la cendre qu'on expose au soleil. b J î 6 TABLEAU Parlons maintenant d'un diptère souvent cité , sujet d'a- larmes et de terreur pour les troupeaux , ainsi que l'a si bien exprimé dans ses Géologiques le prince des poètes latins, l'œs- tros des Grecs, veux-je dire , et qui est, suivant lui, Yasilusdie?, Romains -, c'est aussi la mouche asile de quelques auteurs fran- çais. Nous avons vu que cette dénomination diœstros avait déjà été donnée à de petits crustacés parasites, et que Pline désignait encore de même un insecte nuisible aux abeilles, naissant sur le bord des ruches ; ici il est question d'un diptère ayant une trompe avancée servant d'aiguillon, et perçant la' peau de l'homme et celle des animaux. Il est évident, d'après ce carac- tère, que les modernes ont appliqué ce nom à des insectes très difFérens. Dans le chap. xix du liv. V de son Hist. des Anim,, Aristote fait venir Yœstros de petits animaux plats qui nagent sur la surface des rivières. Au chapitre i^', livre P% il dit qu'il se forme de l'empis de rivière j mais, suivant Camus , le texte pourrait être fautif. L'asile , d'après Elien , a le corps ferme et dur, avec un aiguillon sorlantde la bouche. Le taon , le tahanus des Latins , ou le mjops des Grecs , ressemble à la mouche du chien , a l'aiguillon plus petit que l'asile , mais son son est plus fort. Aristole dit que les myops viennent du bois, qu'ils n'attaquent que l'homme, que lorsqu'ils sont près de leur fin , ils deviennent ridés , et que leurs yeux se rem- plissent d'eau. Ces insectes sont les tahani ou taons de Pline; car, ainsi que le naturaliste grec, il les fait naître dans le bois, ainsi que les cossons , cossoni, et ils meurent quelque- fois aveugles. Suivant lui , ces insectes portent aussi le nom (Y asiles ,• et Camus cite d'autres passages relatifs à cette syno- nymie, ou au rapprochement de ces diptères. Ces taons, qui deviennent ridés et aveugles, sont des espèces du genre chrysopS) dont les yeux sont brillans et très agréablement co- lorés lorsque l'animal est en vie , mais qui s'altèrent et s'obs- curcissent à leur mort. Leur abdomen , assez mou , est encore sujet à se dessécher et à se rider ; ce qui n'a point lieu dans les grandes espèces ou les taons propres. Trois naturalistes, l'un allemand , M. Keferstein , et les deux autres anglais , DE l'iiistoirt: de l'entomologie. m y MM. Mac-Leay fils et Bracq-Clarck ( Bulletin des Se. naiur, : l'histoire de l'entomologik. iSq depuis lahidoures y expression empruntée de M. Duméril. Les autres orthoptères d'Olivier composent deux autres ordres, celui des orthoptères propres, si la suture des élytres est droite, et celui des dictuoptères, si ces élytres se croisent. Ils sont suivis des hémiptères formant encore deux ordres qui corres- pondent aux deux divisions que j'y ai établies; le premier re- tient seul cette dénomination , il nomme avec moi le second omoptères. Le genre pulex de Linné est le type du neuvième ordre , celui des aptères -, succèdent ensuite les suivans : les lépidoptères y les trichoptères y comprenant le ^enre phrjganea de Linné , les néwroptères , les hyménoptères , les rhipiptères, les diptères et les omaloptères. Celui-ci déjà indiqué par moi a pour objet les hippobosques. M. Mac-Leay fils , qui , dans un ouvrage rempli de recher- ches, ses Horœ entomologicœ, a éclairci la famille des coléop- tères lamellicornes , a cru reconnaître qu'en suivant une filia- tion naturelle , les crustacés , les arachnides et les insectes subdivisés d'après la considération des métamorphoses et la nature des organes de la manducation , pouvaient être repré- sentés par cinq groupes composés chacun de cinq divisions ou ordres , et disposées circulairement tout autour d'un centre commun , les annélides. Il a étendu cette combinaison jus- qu'aux ordres et à certaines familles. C'est ce que M. Kirby nomme système quinaire, et ce que nous regarderons comme un jeu d'esprit, ou comme une hypothèse assez gratuite et sans aucun résultat avantageux pour la science. Ceux, au surplus , qui désireront connaître toutes les vicis- situdes de la méthode en trouveront l'exposition dans l'excel- lente ouvrage de MM. Kirby et Spence , destiné à servir d'in- troduction à l'entomologie, ainsi que dans un autre , de même nature , mais plus succint de M. Samouelle , leur compatriote. Sans vouloir faire d'innovations importantes à la classe des insectes, M. de Blainville dans une distribution générale des animaux , a cru devoir néanmoins disposer ceux qui sont ar- ticulés, ou ses entomozoaires , dans un nouvel ordre. Nous ferons d'abord observer que tous ses caractères sont tirés des l4o TABLEAU parties extérieures, ou que l'anatomie interne en est ex- clue. Terminant cette division générale par les sétipodes ou annélides , il a composé et divisé la série des autres animaux articulés de manière à arriver aux précédens par ceux qui sous le rapport de la forme générale du corps, le nombre de leurs appendices locomotiles ou des pieds, paraissent s'en rap- procher le plus, et tels sont les myriapodes. Ses divisions sont dès-lors établies sur une progression croissante du nombre de ces organes. C'est ainsi qu'il met en tête ceux qui n'ont que six pieds pour passer ensuite à ceux qui en ont huit , dix, etc. Ces divisions deviennent des classes , de sorte qu'il y en a six , savoir les hexapodes, lesoclopodes, les décapodes, les hétéro- podes , les télradécapodes et les myriapodes. Parmi les hexa- podes les tétraptères forment une sous-classe qui se compose des ordres que Linné y a établis et de celui des orthoptères. Les diptères et les aptères en constituent deux autres ; les dé- capodes , les hétéropodes et les tétradécapodes sont pareille- ment divisés en deux sous-classes. Aux premiers se rapportent nos crustacés décapodes ; aux seconds nos branchiopodes et nos stomapodes ou ses squillaires , et aux troisièmes nos autres or- dres des crustacés, mais en outre les épizoaires de M. de La- marck. Voyez , pour plus amples détails , son prodrome d'une nouvelle distribution systématique du règne animal. Tels sont, Messieurs, les principaux systèmes d'entomolo- gie, dont je devais, d'après mon plan, vous présenter une analyse succincte. Aux ouvrages de Fabricius, d'Olivier, et à ceux de quelques autres naturalistes , se rattache le souvenir d'un savant qui , sans avoir beaucoup écrit sur les insectes , a cependant bien mérité de la science par les secours qu'il a fournis à ceux qui s'y livraient de son temps , feu M. Bosc , si souvent cité par ces auteurs. D'autres entomologistes ont restreint beaucoup plus le cer- cle de leurs études. Quelques uns ont embrassé une seule classe. Celle des crustacés a plus particulièrement fixé l'atten- tion d'Othon-Frédéric Mùllcr, de SchœfFer, de de Géer, de Jurine père et de l'un de ses fils , d'Herbst , ainsi que de DE l'histoire de t/eivtomologie. i4i M^I. Ramdhor, Leach , Tilésius, Savigny, Brébisson , Risso, Desmarest , Rafinesque et Thomas Say. Le Spicilegia zoolo- gica, du célèbre Pallas, est aussi à consulter, tant pour ces animaux que pour des arachnides et divers coléoptères. M. Milne Edwards , qui , de concours avec son ami M. Vic- tor Audouin , a enfin éclairci tous nos doutes sur le mode de circulation des crustacés , a communiqué à l'Académie des Sciences un grand nombre d'observations destinées à faire partie d'un travail général sur cette classe. MM. Straus , Quoy, Gaymard, d'Orbigny père, Adolphe Brongniart, Gué- rin et Marion , ont contribué à améliorer cette branche de la zoologie. Beaucoup d'espèces du littoral de la Méditerranée n'avaient pas été figurées, et M. Roux, conservateur du Musée de Marseille , a commencé à remplir cette lacune par la publication de six fascicules, dont les planches, quoique simplement lithographiées , ne satisferont pas moins les vœux des naturalistes, parce que tous les caractères distinctifs y sont rendus avec une rare fidélité , et que l'ouvrage est d'ail- leurs accompagné de bonnes observations. Lister, Albin , Clerck , et de Géer principalement , avaient fait une étude spéciale , les uns, comme le dernier, de toutes les arachnides en général, et les autres desaranéides. Dans ces derniers temps , l'abbé Sauvage et Dorthez réveillèrent l'at- tention des entomologistes par leur Mémoire sur l'araignée maçonne. Je fus l'un des premiers à répondre à cet appel , et peu de temps après l'arachnélogie trouva dans M. Walckenaer un homme tout dévoué à elle , qui , depuis plus de trente ans, et malgré des fonctions importantes , n'a point cessé d'obser- ver ces animaux , et a publié sur eux des ouvrages qui ne laissent rien à désirer. Les espèces de divers autres genres de cette classe , tels que les scorpions , les phrynes , les thely- phones , les galéodes ou solpuges , les phalangium ou fau- cheurs, ont été figurées dans des monographies spéciales par Herbst. M. Cuvier nous a fait connaître les points essentiels de l'anatomie des scorpions. Elle a été ensuite donnée plus en grand par MM. Marcel de Serres, Léon Dufour et Tréviranus. \l^2 TA.BLEAU M. Ehrenberg vient de proposer une nouvelle distribution de ces animaux , d'après le nombre des yeux , sur lequel on s'était trompé. MM. Léon Dufour, Gaëde, Tréviranus et Straus, ont encore exercé leur scalpel sur quelques aranéides. Le grand ouvrage sur l'Egypte nous offre plusieurs planches con- sacrées aux arachnides, et il suffit de dire qu'elles ont été exécutées sous les yeux et la direction de M. Savigny. Othon- Frédéric Muller, destiné par la nature à découvrir cette mul- titude d'animaux inférieurs qui peuplent les eaux , avait de- puis long-temps décrit et figuré ces acarus aquatiques , qui forment le genre hydrachné. Beaucoup d'autres acarus et arachnides , de la famille des holètres , ont fourni à feu Her- mann fils grand nombre d'observations intéressantes, consi- gnées dans son Mémoire aptérologique. Le docteur Leach , qui a embrassé presque toutes les parties de la zoologie, a donné une monographie du genre chelifer. Notre ordre des parasites ayant pour type un genre d'insectes bien dé- goûtans, celui de pediculus a été aussi le sujet de ses re- cherches , et plus particulièrement encore de celles du pro- fesseur Nitsch. Nous devons à M. Savi fils, professeur à Pise, de nouveaux faits sur les jules. Voilà, pour les crustacés, les arachnides et les insectes aptères , les noms les plus re- commandables. Avant de continuer la série , en parcourant successivement tous les ordres , je dirai un mot de quelques auteurs dont les études ont embrassé l'universalité de ces ordres ou quelques uns d'entre eux. Le titre Aq faune, donné à plusieurs ouvrages, est trompeur ou abusif, en ce qu'on n'y traite que d'une partie de la zoologie ou même d'un seul ordre. La faune du Groenland d'Othon Fabricius est pres- que, à ma connaissance, le seul livre qui puisse entrer en pa- rallèle avec la faune de Suède de Linné. Celle de Toscane, par Rossi , dont deux célèbres entomologistes , Hellwig et lUlgcr, ont donné une édition enrichie de leurs notes, se borne aux insectes ^ celle de Paykull , intitulée encore : Fauna suecica , ne comprend que les coléoptères. Sans par- ler de Pallas et de quelques autres savans qui ont écrit sur les DE L HISTOIRE DE l'eNTOMOLOGIE. i43 diverses branches de la zoologie , je citerai , relativement aux insectes, Dalman et MM. Savigny, Kirby, Klùg, Germar , Leach, Mac-Leay fils, Donovan, Hummel, Serville, Lepelle- tier de Saint-Fargeau , Panzer, etc. Ils ont montré plus ou moins que la plupart des ordres de cette classe d'animaux leur étaient familiers. De tous les ouvrages qui ont paru sur les coléoptères, ceux d'Olivier , de PaykuU , d'Illiger et de MM. Gyllenhal , le comte Dejean, Klûg, Scbœnherr, Germar, Sturm , Knoch , Duftchmid, Marsbam, Zetterstedt, m'ont paru renfermer le plus d'espèces. Nous mentionnerons , quant aux orthoptères , et toujours d'une manière générale, StoU , Thunberg et MM. Lichtenstein et Toussaint Charpentier. L'ouvrage de celui-ci , ayant pour titre Horœ entomologicœ , sera d'un grand secours pour la connaissance des espèces d'Europe. On a aussi une monographie des orthoptères de la Suède , par M. Zetterstedt. Schellenberg a publié , avec figures , un gé- néra des hémiptères. Celles que Stoll a données des cigales et des punaises , l'ouvrage aussi de WolËP, sur les géocorises , qui est accompagné d'excellens dessins en couleur, et ceux de Fallen , sont indispensables. Celui déjà cité de M. Toussaint Charpentier, intéressera encore les entomologistes qui vou- dront étudier plus spécialement les névroptères. On y trou- vera une bonne monographie des libellulines européennes , et qui , à l'égard des caractères propres à bien signaler les espèces, est en parfaite harmonie avec une autre monogra- phie des mêmes insectes, mise au jour en même temps par M. Vander-Linden , qui avait décrit auparavant les espèces des environs de Bologne. Ce dernier savant vient aussi de terminer une autre monographie, pareillement restreinte aux espèces d'Europe, celle des fouisseurs, ordre des hyménoptères. M. Klùg semble avoir affectionné ces derniers insectes , té- moins les excellens Mémoires qu'il a publiés sur divers genres de cet ordre. Nous citerons, entre autres, sa monographie des sirex et des tenlhrèdes de Linné. M. Lepelletier de Saint- Fargeau a achevé d'applanir les obstacles qui embarrassaient l44 TABLEAU l'étude de ces derniers insectes par une autre monographie. Une autre famille du même ordre , bien plus pénible à étu- dier, celle des ichneumonides , a été l'objet des investigations de MM. Nées d'Esembach et Gravenborst. Il faut véritable- ment avoir reçu du ciel un don extraordinaire de courage et de patience pour pouvoir, comme ce dernier, consacrer plu- sieurs années de sa vie à l'étude d'un groupe d'animaux si nombreux en espèces, n'inspirant aucun attrait, dont la plu- part sont très petits, et dont il est si difficile de distinguer les sexes. Mais déjà M. Gravenborst, par sa Monographie des coléoptères microptères ou bracbélytres , nous avait fait voir que son zèle et sa persévérance n'avaient point de bornes. M. Maximilien Spinola est aussi l'un de ces savans pour qui les hyménoptères ont été des objets de prédilection. Depuis long-temps M. Rirby s'est acquis une gloire immor- telle par sa Monographie des abeilles d'Angleterre. Peut-on maintenant écrire sur cette intéressante famille sans avoir sans cesse sous la main les ouvrages de MM. Hubert père et fils ? Quel naturaliste n'a pas entendu parler des découvertes du dernier sur les fourmis, genre dont j'avais aussi donné une histoire générale ? La Suisse s'enorgueillit encore d'avoir donné le jour à Bonnet, le Réaumur de cette contrée, et à Jurine. Celui-ci en établissant, ainsi que je l'ai dit plus haut, d'après la réticulation des ailes, une nouvelle classification des hyménoptères, a rendu à tous les entomologistes un service des plus signalés. L'ordre des lépidoptères, si brillant, mais si délicat et si fragile , est devenu abordable depuis que Rœsel , Sepp, Esper, Herbst, Drury, Ernest, Cramer, Stoll, Abbot, Donovan , et surtout Hûbner, ont suppléé, par des figures, à des descriptions presque toujours insuffisantes. Mais, comme l'on ne peut cependant se passer de méthode , le catalogue des lépidoptères des environs de Vienne , les ouvrages de Bork- auscn, d'Ochsenheimer et de Treitschke, sur les espèces d'Eu- rope -, celui de feu Godart, sur les espèces de France, continué par M. Duponchel; la monographie des sésies , par Laspeyres; celle de Castnies de Dalman 5 celle des torlrices du royaume DE l'histoire de L ENTOMOLOGIE. l45 de Wurtemberg , par M. Frôlich, doivent faire partie de la bibliothèque de tout entomologiste. Espérons qu'on y joindra bientôt celui que prépare sur ce même ordre M. Boisduval, qui a si avantageusement débuté par sa monographie des zygé- nides , plusieurs fascicules sur les lépidoptères de l'Amérique septentrionale , et ceux de l'iconographie et de l'histoire natu- relle des coléoptères d'Europe, qu'il a publiés en commun avec M. le comte Dejean. M. de Basoches s'est acquis des droits à la gratitude des naturalistes français auxquels la connais- sance de la langue allemande est étrangère , par une traduction des caractères de divers genres de l'ouvrage précité d'Ocbsen- heimer et de M. Treitschke. Un travail sur les lépidoptères diur- nes de Java, dont M. Horsfield vient d'enrichir cette partie de la science, nous promet de nouvelles lumières et dès-lors de nou- veaux progrès. M. Hérold a complété en quelque sorte les con- naissances anatomiques que nous avait procurées sur cesinsectes l'incomparable ouvrage qu'avait donné Lyonet. Nous avons , à M. De Haan , l'un des conservateurs du cabinet de Leyde , l'obligation d'avoir sauvé de la destruction des Mémoires post- humes de ce dernier. On a commencé à les imprimer dans le recueil de ceux du Muséum d'histoire naturelle. Un ordre presque négligé , celui des diptères , est enfin sorti de son obscurité , et son catalogue s'est de beaucoup agrandi par la description d'une quantité considérable d'espèces inédites. Schellemberg avait déjà essayé, par un généra iconographique, de faciliter la connaissance des genres, mais qui était insuffisant j on ignorait d'ailleurs à cette époque que la disposition des cellules des ailes offrait de bons caractères distinctifs. M. Mei- gen , par son excellent ouvrage sur les diptères d'Europe , est venu à notre secours. MM. Wiedemann, Fallën et Macquart, celui-ci surtout , ont puissamment concouru à cette régénéra- tion. Le docteur Leach, par son intéressante monographie du genre hippohosca de Linné , n'y a pas été non plus étranger. Quelques observations de M. Lepelletier de Saint-Fargeau pa- raissent constater l'hybridité de certaines espèces. Les articles de l'Encyclopédie méthodique, relatifs aux mêmes insectes 10 j46 tableau qu'il a traités conjointement avec M. x\udinet-Serville, pré- sentent des vues neuves, et qui ne doivent pas être négligées. Nous jouissons enfin du grand travail de M. Robineau Des- voidy sur ses myodaires ou mes muscides , mais qui malheu- reusement, par la multiplicité des genres, est un vrai dédale. Vous savez qu'à l'égard d'un grand nombre d'espèces , leur détermination réclame le secours de figures. Il est donc de mon devoir de vous indiquer les livres où vous trouverez les meilleures. Celui de M. Curtis , sur les genres d'insectes indi- gènes de l'Angleterre , me paraît avoir atteint Vultimatum de la perfection. Tous les caractères de détail y sont rendus avec la plus grande netteté et fidélité. Je vous ai déjà cité l'Icono- graphie du règne animal de M. Guérin : en harmonie avec l'ou- vrage de M. le baron Cuvier , elle est pour le zoologiste un livre de première nécessité. Tous les dessins exécutés par M. Leprétre pour le Dictionnaire des sciences naturelles , sont dignes de cet habile artiste; ils ont été d'ailleurs faits sous l'inspection de deux profonds naturalistes , MM. Duméril et Desmarest , qui se sont également proposé de les faire servir à un généra. Ceux de l'ouvrage sur les malacostracés de la Grande-Bretagne , publié par le docteur Leach , sont encore de M. Curtis-, il est donc inutile d'en faire l'éloge. M. Sturm s'est acquis depuis long-temps en ce genre une réputation bien méritée *, il est en outre un très bon entomologiste. La Faune d'Allemagne de Panzer, à laquelle il a concouru, l'ouvrage de Woët sur les coléoptères, et ceux, pour divers ordres, d'Harris, de Drury , de Donovan , ainsi que l'entomographie de la Russie , par M. Fischer de Waldheim, ne sont pas moins estimés et ad- mirés. J'ai déjà mentionné d'autres auteurs, et il serait superflu d'en reproduire la nomenclature. Il est cependant encore, relativement aux coléoptères , des monographies ou des généra particuliers qu'il est essentiel de connaître. Ainsi , quant à ceux de la famille des coléoptères carnassiers , je vous citerai MM. Clairville et Bonelli , et pour les espèces dont elle se compose, le beau travail de M. le comte Dejean, intitulé Specics y à l'appui duquel vient l'iconographie mentionnée DE l'histoire de l'entomologie. r47 précédemment. M. EschschoUz a débrouillé , au moyen d'un autre généra , la tribu des élatérides. La famille des curcu- lionides , bien plus difficile encore , a été , sous ke même rap- port , le sujet des recbercbes de M. Schœnberr. La monogra- pbie du genre agra et de quelques autres de la famille des coléoptères carnassiers de M. Klùg , celles des genres mega- lopus et chlamySy qu'il a encore données, celle de M. KoUar, sur ce dernier, enrichies d'ailleurs de très belles figures, ont mérité la reconnaissance de tous les entomologistes. La monographie des histéroides de Paykull, celle des cholèves par M. Spence , celle des pselaphes de M. Reichenbach , et celle des érotyles de M. Duponchel , peuvent encore être proposées pour modèles. M. le comte de Manheiren , zélé protecteur des amis des sciences naturelles, s'est distingué par son travail sur le genre Eucnémis et par quelques autres Mémoires. Parmi les naturalistes anglais dont le début nous fait concevoir les plus belles espérances , nous mention- nerons M. Westwood , profond observateur, et non moins habile critique. MM. Sahlberg et Steven ne doivent pas non plus être omis dans cette énumération. H me serait impos- sible, Messieurs, de l'étendre davantage sans convertir ce discours en une sorte de catalogue biographique très fas- tidieux. Je suis encore plus contraint de passer sous silence une foule de Mémoires particuliers , disséminés soit dans des recueils académiques , soit dans des journaux littéraires. Vous consulterez plus particulièrement le Magasin entomologique d'IUiger, continué par M. Germar-, le Bulletin de la Société Philomalique -, les Actes de la Société Linnéenne de Londres et de Paris -, les Mémoires des Académies ou Sociétés savantes de Suède , de Berlin , de Bonne -, le Zoological Journal , et quelques autres Recueils d'un genre analogue , publiés en Angleterre -, les Annales des sciences physiques de Bruxelles et celles des sciences naturelles, par MM.* Victor Audouin , Adolphe Brongniart et Dumas ^ les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle et le Bulletin universel de M. le baron de Férussac, pour diverses annonces. Les Mémoires du Muséum l48 TABLEA.U d'histoire naturelle vous en offriront plusieurs sur les organes du vol des insectes , de M. Chabrier -, d'autres , de M. Marcel de Serres, suj;- quelques points de leur anatomie. Mais si vous vous proposez de vous livrer à cette partie fondamentale de l'entomologie, la lecture des Annales des sciences naturelles vous sera rigoureusement imposée. Vous y trouverez un grand nombre de Mémoires de M. Léon Dufour, concernant le sys- tème digestif et générateur des coléoptères, de plusieurs hémi- ptères et de divers autres insectes. MM. Audouin , Milne Edwards et Guérin y ont aussi inséré d'autres observations pleines d'intérêt. Quelques unes, de M. Desmarest, professeur à l'école vétérinaire d'Alfort , nous font regretter qu'il ne se soit pas adonné plus long-temps à l'étude de l'entomologie. Tous les savans n'avaient pu voir sans être saisis d'admira- tion , les travaux que M. Savigny a publiés sur les animaux sans vertèbres , à la suite desquels il a perdu la vue. La Pro- vidence nous a ménagé une consolation , en nous donnant M. Straus. Son anatomie du hanneton est un chef-d'œuvre de patience et de dextérité. J'aurais seulement désiré qu'il eût cité quelques zootomistes qui avaient éclairci , avant lui, plusieurs points de cette matière, et tels sont MM. Léon Dufour et Chabrier. S'il avait ouvert mon ouvrage sur les familles natu- relles du règne animal, il aurait encore vu que j'avais adopté la classe des myriapodes et que je l'avais prévenu à l'égard de l'établissement de quelques coupes dans la division des crusta- cés branchiopodes ou des entomostracés. Mais qu'il soit per- suadé que ces omissions n'affaibliront jamais les sentimens de ma haute estime pour lui. Enfin, Messieurs, je vous recommanderai la lecture des voya- ges, soit que leurs auteurs, comme Pallas, MM. Tilésius, Cail- liaud, etc., y aient traité séparément des objets d'histoire na- turelle recueillis par eux, soit qu'ils aient fondu dans le corps de leurs ouvrages les renseignemens qu'ils nous donnent à cet égard. On y trouve souvent des observations curieuses, des traditions qui ne sont pas à négliger, et des données qui, très vagues d'abord, peuvent s'éclaircir avec le temps, au moyeu Dïù LÏlISTOlllE DE l'eNTOMOLOGIE. 1 49 (le la possession des objets propres au pays dont a parlé le voyageur, et du discernement du naturaliste qui en est le pro- priétaire ^ des relations même très anciennes m'ont été souvent utiles^ je pourrais aussi remonter beaucoup plus baut , et citer des auteurs grecs et latins. O vous, mes cbers compatriotes , Messieurs Lefebvre, Ba- non , Roger, Pioux , Boyer-de-Fons-Colombe , Solier, Darge- las , Gâché , Gaury , Percheron , Chevrolat , Barthélémy, La- cordaire , Maille, Lebas , etc. , pourrais-je oublier les services que vous m'avez rendus , ainsi qu'à l'entomologie , par vos in- téressantes et généreuses communications ! Peut-être quelques personnes d'entre vous murmurent-elles secrètement de n'avoir pas entendu prononcer leurs noms. Je les prie de croire que ni l'insouciance ni l'ingratitude n'y ont pas la moindre part-, mais si elles veulent bien réfléchir que ma mémoire se ressent de mon âge , j'ose espérer qu'elles au- ront pour moi de l'indulgence. J'ai craint d'ailleurs de m'é- carter de mon plan par une prodigalité inconsidérée d'éloges ou de citations. Que le tableau de tant d'efforts de l'esprit humain pour le progrès de cette branche des sciences naturelles ne décourage point ceux qui voudraient entrer dans la même carrière. Combien l'anatomie et la physiologie de ces animaux vous promettent encore de découvertes ! combien sont peu con- nues leurs métamorphoses et leurs habitudes ! quelle riche moisson d'espèces nouvelles à récolter ! que de difficultés en- core à surmonter pour arriver à une méthode parfaitement naturelle ! Songez que, dans quelques années, les soutiens ac- tuels de la science auront cessé de vivre. C'est à vous dont les travaux et l'âge n'ont point altéré la santé qu'elle fait un ap- pel. Méritez ses faveurs et la reconnaissance de la postérité -, elle fera votre bonheur comme elle a fait le mien. DIVISIONS GÉNÉRALES DES CONDYLOPES. {INSECTA, LiNN.) Il en est une première et si naturelle qu'elle a été saisie par les premiers observateurs , celle qui repose sur l'existence et l'absence des ailes •, ainsi, les uns sont ailés, alata, et les autres sont aptères, optera, ou sans ailes. Mais, pour se conformer aux règles grammaticales de la science , il faudrait remplacer la première de ces dénominations par celle de pterota, ou , en la conservant, substituer à la seconde celle à'impenjiia. Tous ces animaux se trouvant, à leur naissance, dans cette dernière condition , ou aptères , et les ailes ne se développant qu'avec l'âge , les deux coupes établies sur la considération de ces or- ganes ne pouvaient être ordonnées d'une manière rigoureuse et naturelle , qu'autant que l'on aurait observé soit les divers changemens qu'éprouvent ces animaux dans le cours de leur vie, soit leur sexe, puisque nous en connaissons dont les mâles sont ailés et les femelles aptères, et que nous savons que dans un grand nombre d'espèces du même genre ou de la même race ces deux sortes d'individus peuvent êtce privés , par avorte- ment, des organes locomotiles. Ces données préliminaires ayant manqué aux premiers naturalistes, leurs distributions métho- diques furent, sous ce rapport, défectueuses. Le même animal, méconnu dans ses divers âges, fut réparti dans l'une et l'autre division. Eclairé par les observations de Malpiglii, de Swam- merdam et de Réaumur, Linné, en adoptant cette base^, sut éviter l'écueil où étaient tombés les anciens. Les aptères for- ment le dernier ordre de sa classe des insectes , qui comprend DIVISIONS GÉNÉRALES DES CONDYLOPES. l5l toute la série des condylopes. Brisson , dans sa distribution du règne animal, crut devoir, relativement à ces animaux , faire usage, en première ligne, de la considération des pieds et de leur nombre. La classe des insectes fut restreinte à ceux qui n'en ont que six , et ne \int qu'après celle des crustacés , com- posée non seulement de ces animaux proprement dits, mais des mille-pieds et des aracbnides , en un mot, de tous les condylopes ayant huit pieds et plus. Ainsi, la disposition lin- néenne fut renversée , puisque les insectes aptères y ont le pas sur les insectes ailés , et cette inversion s'est trouvée en harmonie avec la méthode naturelle , ou celle qui a pour base l'anatomie. Dans notre tableau de l'histoire de l'entomologie, nous avons présenté une esquisse de diverses méthodes, et si nous revenons sur le même sujet, ce n'est que pour faire sentir que la distinction d'insectes en apiropodes et hexapodes de M. Savigny répond à celle qu'avait proposée Brisson, mais avec des dénominations différentes, pieds sajis fui, et six pieds, ou, ce qui est synonyme, les hjperliexapes , ayant plus de six pieds, et les hexapes , n'ayant que six pieds. Les myriapodes ou mille-pieds offrant un système de respi- ration analogue à celui des insectes hexapodes, doivent, si ces premières divisions sont uniquement fondées sur l'anatomie, être réunis avec eux dans la même classe j et telle est en effet la marche qui a été suivie dans les deux éditions de l'ouvrage sur le règne animal de M. Cuvier. Mais anciennement, à la publication de la seconde , nous avions , à l'exemple du doc- teur Leach , séparé classiquement les myriapodes -, de sorte que notre classe des insectes se compose aujourd'hui de ceux qui n'ont que six pieds , n'importe qu'ils soient ailés ou aptères , et qu'elle embrasse la classe des insectes de Lamarck , et ses arachnides antennistes hexapodes. Nous remarquerons cepen- dant que cette quantité numérique souffre quelques exceptions, puisque quelques espèces d'arachnides sont aussi hexapodes. Ajoutons encore que, s'il est vrai de dire que certains insectes de la division de ceux qui sont ailés sont réellement aptères , cette division néanmoins ne s'applicjue bien rigoureusement l52 DIVISIOIVS GÉNÉRALES OU naturellement qu'à ceux qui , dans leur série classique , sont tous privés d'organes du vol , ou qui n'ont aucune disposition à les acquérir. Le nombre de ceux qui ne présentent aucun rudiment d'élytres et d'ailes est même très petit. PREMIÈRE SECTION. APIROPODES {APIROPODA), Jamais d'ailes. Plus de six pieds. Des branchies, soit aquatiques, soit aériennes, dans le plus grand nombre (i). Des trachées, clans les autres, dont les troncs principaux, ainsi que les ouvertures ou stigmates, par lesquelles elles reçoivent l'air, tantôt limités à la ré- gion abdominale ou la partie postérieure du céphalothorax , tantôt s'étendant, ainsi que ces ouvertures, dans toute la longueur du corps, divisé alors en segmens nombreux, pedigères jusqu'au bout, sans distinction apparente de thorax et d'abdomen. Organes sexuels si- tués , à l'exception d'un petit nombre , en avant de l'anus , et doubles dans plusieurs. L'organisation buccale nous fournit aussi un caractère gé- néral. Aucun apiropode n'offre de parties rigoureusement comparables à la lèvre inférieure des insectes. Dans ceux qui sont broyeurs , on voit à sa place , tantôt deux mâchoires , ou deux espèces de pieds, soit très rapprochés, soit réunis inférieu- rement ^ tantôt , comme dans quelques arachnides , un simple (i) J'ai donné à ces branchies aériennes le nom de pneumo - branchies , parce qu'elles ressemblent à de véritables branchies , et qu'elles font cependant l'office de poumons. Dans plusieurs crustacés, les branchies proprement dites ne forment point d'appendices propres ou détachés; mais elles sont suppléées par des poils ou par des espaces dermiques susceptibles d'absorber l'oxigène. J'ai appelé fausses-bran- chies des appendices latéraux du corps de certaines larves, jouissant, et par les mêmes moyens , de cette propriété ; mais ici il n'y a point de vaisseaux aériens , et des trachées les remplacent : ce sont des exotrachées. Les crustacés stomapodes, amphipodes, et divers autres, ont à la base d'un certain nombre de leurs pieds des vésicules , qui paraissent concourir à la locomotion , et que je compare à des sortes de vessies natatoires. C'est sur un plan analogue , et pour le même but , que la na- ture a formé les ailes des iusectes. Le fluide où vivent ces insectes étant beaucoup plus léger que Teau et plus mobile, il fallait convertir ces vessies en rames aériennes. Lorsque les ailes inférieures sont très étendues, les deux sui>érieurcs deviennent pour elles des organes protecteurs ou des écailles servant d'étuis. DES CONDYLOPES. I 53 j)rolongement sternal , que l'on considère comme une lèvre , mais sans palpes. Dans les apiropodes suceurs, celte pièce forme la gaine inférieure du suçoir, tandis que dans les in- sectes où le suçoir est renfermé dans un tuyau , c'est la pièce correspondante à la lèvre inférieure, proprement dite, qui compose cette gaine. Je dois encore faire remarquer que , outre le menton et la pièce terminale appelée languette , constituant la lèvre infé- rieure , il existe une autre partie correspondante à la langue des crustacés maxillaires ou dentés , et dont on a souvent né- gligé l'observation. Dans les coléoptères , de la famille des carnassiers, elle compose les deux appendices latéraux que M. Bonelli nomme paraglosses -, mais elle n'est ordinairement visible que lorsqu'on observe la face antérieure ou cacbée de la lèvre j on la distinguera très bien dans les suceurs. Elle y est divisée en deux petits lobes oblongs, et situés derrière la naissance de ceux qui forment la languette , expression qu'il faudrait dès-lors cbanger. PREMIÈRE CLASSE. CRUSTACÉS {CRUSTACEA). Des branchies dans tous, tantôt formant des appendices propres, soit ca- chés sous les côtés du test thoracique , soit extérieurs ; tantôt ne consistant qu'en des poils ou des soies barbues des organes de locomotion , ou en une portion plus ou moins étendue de la peau de ces parties ou du corps, ayant la propriété d'absorber exclusivement l'oxigène. Point d'ouvertures respi- ratoires ou stigmates à la surface de la peau. Dix pieds au moins. Quatre antennes dans la plupart. Yeux à facettes. Animaux généralement aquatiques. SECONDE CLASSE. ARACHNIDES {ARACHNIDES). Respiration tantôt pneumobranchiale (i), tantôt (le plus grand nombre) (t) Il est nécessaire de distinguer les ouvertures communiquant avec des pneumo- branchies , des stigmates proprement dits , ou des ouvertures extérieures des trachées. Je les nommerai branchioslomes , bouches de branchies. l54 DIVISIONS GÉNÉRALES trachéenne ; ouvertures destinées à l'entrée de l'air au nombre de deux à huit , uniquement situées sur le céphalothorax ou sur le ventre , nulles dans quelques : deux pâtes de plus et ovifères, dans les femelles de ces derniers. Jamais plus de huit pieds ambulatoires ; les deux antérieurs précédés immé- diatement de deux palpes, en forme de serres , dans quelques. Deux cheli- cères ou antennes-pinces , et coopérant à la manducation, à la place des an- tennes proprement dites , les mitoyennes des crustacés décapodes et autres. Des yeux lisses uniquement. Corps généralement composé d'un céphalo- thorax (r) et d'un abdomen souvent réunis en une masse. Tarses pluriar- ticulés et terminés par deux ou trois crochets. Animaux pour la plupart terrestres. TROISIÈME CLASSE. MYRIAPODES [MYRIAPODA). Respiration uniquement trachéenne; ouvertures (stigmates) destinées à l'entrée de l'air ( souvent cachées ou peu distinctes) , s'étendant dans toute la longueur du corps, très nombreuses, en quantité variable, disposées en une suite considérable et pareillement indéterminée (leur quantité augmen- tant avec l'âge ) de segmens ; tous , à l'exception des deux ou trois posté- rieurs , pédigères. Corps d'une même venue, généralement linéaire, sans distinction apparente de thorax et d'abdomen. Deux antennes. Languette et mâchoires plus ou moins en forme de pieds, très rapprochés ou réunis au côté interne. Un à deux segmens incomplets surajoutés à la tête, recouvrant les appendices correspondans aux mâchoires. Yeux de la plupart composés de deux groupes d'yeux lisses. Mandibules divisées transversalement en deux par une sorte de suture. Animaux tous terrestres. DEUXIEME SECTION. HEXAPODES {HEXJPODjy Des ailes, susceptibles d'avortement , dans la plupart, se déve- loppant graduellement, à la suite de mues ou de métamorphoses. Six pieds dans l'animal parfait, paraissant simultanément, soit lors- qu'il naît, soit lorsqu'il passe à l'état de nymphe, quelquefois accom- pagnés de plusieurs autres pieds, mais abdominaux, sans crochets au (l) L'écaillé, ou espèce de scutum, recouvrant le dessus du céphalotorax, ne porte que les yeux. La portion antérieure de la tête portant les chclicères, et formée de l'éplstome , du labre et de cette pièce carénée , hérissée de poils , que des auteurs ont considérée comme «ne langue ou une languette, mais à tort, puisqu'elle est située eu avant du pliarynx, est très petite, inclinée , et ne paraît pas au premier abord DF.S CONDYLOPES. l55 bout, et s'évanouissant lorsqu'il passe à l'état de nymphe. Respiration uniquement trachéenne. Troncs des trachées s'érendant , ainsi que leurs ouvertures ou stigmates, placées à la surface extérieure de la peau, dans toute la longueur d'un corps, divisé en trois parties, la tête, le thorax et l'abdomen, et dont le nombre des segmens, la tête non comprise, ne s'élève jamais au-delà de treize. Deux organes sexuels, les masculins de quelques uns exceptés, situés à l'anus. Deux yeux à facettes dans presque tous. QUATRIÈME CLASSE. INSECTES {INSECTA). PREMIÈRE SECTION. APIROPODES {APIROPODA). PREMIÈRE CLASSE. CRUSTACÉS {CRUSTACEA). Ils ont tous une circulation et les organes sexuels doubles. Ils respi- rent, soit par des branchies , tantôt cachées sous les côtés inférieurs du test ou de l'écailIe dure et en partie calcaire, qui recouvre la tête et le thoi'ax, tantôt extérieures et situées su/ides appendices locomotiles , et quelquefois sur quelques uns de ceux de la bouche, soit par la surface du corps; cette surface n'offre jamais de spiracules. Le canal alimentaire est toujours droit. Leur foie, suivant M. Straus, est une réunion de glandes conglomérées, formées d'un parenchyme granuleux, et recouvert d'une membrane très miuce et molle , et probablement celluleuse , ou bien d'un grand nombre de vaisseaux aveugles, assez gros, repliés «ur eux-mêmes et enveloppés par une membrane générale , très faible et celluleuse. Ils ont le plus souvent quatre antennes, dix pieds au moins, non com- pris les pieds-mâchoires (i), et terminés par un seul crochet. Ces pieds- mâchoires, qui, dans les espèces occupant le premier rang, celles de l'ordre des décapodes, sont des sortes de pieds buccaux , recouvrant les autres or- ganes de la manducation, sont susceptibles de devenir propres à la locomo- (l) M. Savigny les appelle mâchoires auxiliaires, à l'égard des crustacés décapodes, La paire supérieure est pour lui , quant aux crustacés aiuphlpodes et isopodes , une lèvre auxiliaire , et les suivantes sont des pieds. M. Straus s'est mépris en lui attri- buant la déuoniluatiou de pieds-raàchoircs : je l'ai emplojée le premier. I 56 DIVISIONS GÉNÉRALES DES CONDYLOPES. tion, ce qui augmente alors le nombre des pieds proprement dits. Ils ont deux yeux à facettes, quelquefois réunis en un seul. Quelques uns offrent, en outre, un ou deux yeux lisses. Ceux qui sont broyeurs, et c'est le plus i^rand nombre , ont plusieurs mâchoires. Les crustacés sont généralement aquatiques , carnassiers , et vivent plu- sieurs années. Ils changent plusieurs fois de peau avant que de devenir ndultes, et quelques uns alors éprouvent des changemens notables, ou des métamorphoses proprement dites. DIVISION DES CRUSTACÉS EN ORDRES. J'avais d'abord partagé cette classe en deux grandes sections, l'une appelée, d'après les anciens , malacostracés , et l'autre distinguée par Mùller sous la dénomination à! entomostracés (insectes à coquille), et que j'ai remplacée par celle de bran- chiopodes. Les premiers sont généralement les plus grands de tous, pourvus de tégumens plus solides, d'une nature cal- caire , de quatre antennes , et d'une bouche composée d'un ^ labre, de deuxmandibulesportant souvent un palpe, d'une lan- guette , et de deux paires de mâchoires, recouvertes par deux à six pieds-mâchoires. Le nombre de leurs pieds varie de dix à quatorze, et va même quelquefois jusqu'à seize (stoma- podes), selon les changemens qu'éprouvent les pieds-mâ- choires. Ils peuvent, le plus souvent, servir à marcher, à nager, et à la préhension, étant terminés par un onglet. Le dessous du post-abdomen , ou ce que l'on nomme la queue , est presque toujours garni d'appendices disposés par paires, et ordinairement ovigères. Ils ont toujours deux yeux et portés dans plusieurs sur un pédicule articulé. Les entomostracés , au contraire , sont le plus souvent fort petits, presque microscopiques, mous, avec des tégumens minces et cornés. Le nombre de leurs antennes et de leurs pieds est moins constant \ ces derniers organes, en tout ou en partie, garnis de poils ou d'appendices, faisant l'office de branchies, sont, dans quelques, réduits à six, et dans d'autres, comme les phyllopes , leur nombre est très considérable; ils ne sont point ordinairement propres à la préhension. Plusieurs de ces animaux sont suceurs, et les mâchoires des autres ne sont jamais DIVISIOJV DES CRUSTACÉS EN ORDRES. l F)'J recouvertes par des pieds-machoires. Les yeux sont presque loi:- jours sessiles, et dans plusieurs on n'en voit qu'un. Les der- niers anneaux du corps sont le plus fréquemment nus ou sans appendices inférieurs. Là les œufs sont renfermés dans deux sortes d'ovaires extérieurs en forme de capsules ou de grappes; ici la gestation est tout-à-fait intérieure. Aucune espèce ne vit sur terre. On voit par cet ensemble de caractères, que la dis- tinclion de ces deux groupes est compliquée et inappréciable ou ambiguë , dans quelques unes de ses applications. Plusieurs de ces entomostracés se rapprochent des derniers malaco- stracés, à l'égard des organes de la manducation. Ainsi, ils consistent en un labre .^ en deux mandibules , une languette et deux paires de mâchoires ; mais les limules d'abord, et ensuite les caliges et autres entomostracés suceurs ou parasites , for- ment deux types particuliers, qui dans une série naturelle , semblent composer une branche particulière, se dirigeant vers les arachnides. Il paraîtrait même qu'ainsi que dans ces derniers animaux et les décapodes brachyures , leur système nerveux est plus centralisé que celui des autres crustacés -, ces deux types constituent dans l'ouvrage sur le règne animal de M. Cuvier l'ordre des pœcilopesj mais il est évident qu'ils en forment deux très distincts. Ces observations et quelques autres nous ont conduit à diviser cette classe d'une autre manière (Familles Jiaturelles du règne animal^ p. 264), et qui nous semble beaucoup plus simple et plus facile, surtout si l'on adopte l'ordre des stiri- podes de M. Straus.Lesphyllopesbioculés me paraissent se lier par le haut avec les mvsis et par l'autre bout avec les cyclopes. La sériede ces entomostracés se continue ensuite, en formant un rameau latéral , et se termine par les phyllopodes et les trilo- bites. Voici le tableau des ordres de cette classe. PREMIÈRE DIVISION. —- Crustacés maxillaires [maxillosa). Bouche composée au moins d'un labre, de deux mandibules d'une languette et de mâchoires rapprochés antérieurement, com nip-^Tcrr^ / ^ àm^âve. (Crustacés vagabonds.) /^vVD'V-'-^. ^ I. Pieds très distincts. Segraens du corps, vus en dessus, ^ol^t^xd^és ..... 1 58 DIVISION DES CRUSTACÉS quelques uns offrant au plus près des bords latéraux une section ou fissure longitudinale. A. Seize pieds thoraciques au plus. a. Deux yeux séparés (pédicules dans plusieurs). Cinq paires de pieds thoraciques , immédiatement précédés de trois autres paires d'appen- dices articulés en forme de palpes ou de pieds (soit remplissant, en tout ou en partie, les fonctions de véritables pieds , soit formant des pieds- mâchoires ou des pieds qui leur ressemblent ). * Yeux portés sur des pédicules articulés et mobiles. PREMIER ORDRE. — Décapodes {Decapoda). Test toujours indivis. Branchies situées sous un replis de ses côtés. Dix pieds thoraciques. Les deux ou quatre derniers pieds-mâchoireS rarement am- bulatoires. DEUXIÈME ORDRE. — Stomapodes {Stomapoda). Test biparti dans la plupart. Branchies extérieures ou nulles. Pieds-mâ- choires conformés de même que les quatre premiers pieds thoraciques au moins, ou peu différens. t ** Yeux sessiles et immobiles. 4- Thorax toujours articulé (sept segmens dans presque tous). Branchies sous-abdominales, ou inconnues et remplacées peut-être par des corps vésiculaires , situés à la base d'un nombre variable de pieds; ces pieds tous ou en grande partie onguiculés, préhenseurs ou ambulatoires, point bifides , ni raraeux . TROISIÈME ORDRE. — L^MODiPODEs {Lœmodipoda), Tête toujours confondue avec le premier segment thoracique, portant les quatre pieds antérieurs , ou les analogues des quatre premiers pieds- mâchoires. Point d'appendices bien distincts sous le post-abdomen (la queue). QUATRIÈME ORDRE.— Amphipodes {Amphipoda), Tête presque toujours distincte du premier segment thoracique, et ne por- tant que la première paire de pieds-mâchoires. Des appendices très appa- rens (servant, du moins en partie , à la respiration) sous le post-abdomen ; les trois paires antérieures différant des suivantes, terminées chacune par deux pièces plus ou moins coniques ou sétacées , digltiformes, striées ou dentelées. CINQUIÈME ORDRE. — Isopodes (Isopoda). Tête presque toujours distincte du premier segment thoracique, ne portant que la première paire de pieds-mâchoires. Des appendices très apparens EN ORDRES. I 59 (servant, du moins en partie, à la respiration) ; les quatre à cinq paires antérieures identiques, et point terminées par deux pièces digitiformes. -j. -}. Thorax tantôt confondu avec la tête, et recouvert, ainsi qu'elle, parle test; tantôt ( alvi-thorax ) articulé, et de six segmens au plus. Branchies adhérentes à quelques uns des appendices articulés qui pré- cèdent le post-abdomen, ou inconnues. Pieds simplement natatoires, ciliés, dont les deux antérieurs au moins et les appendices articulés qui le précèdent, divisés en deux branches, à leur extrémité. SIXIÈME ORDRE.— Dicladopes {Dicladopa). Ce nouvel ordre comprendra les genres ncbalie, ponde , condyliire et cumc f qui se lient d'une part avec les inysis et de l'autre avec les cyclopes, premier genre de Tordre suivant. b. Un seul œil et toujours sessile et immobile. Quatre à cinq paires de pieds thoraciques, précédés au plus de deux paires d'appendices arti- culés en forme de palpes ou de pieds dans ceux qui en ont quatre paires, et d'une seule dans ceux qui en ont cinq. (Tête confondue avec le thorax. Un test renfermant plus ou moins le corps dans un grand nombre. Pieds, peu exceptés, conformés comme dans l'ordre précé- dent. Branchies situées de même, ou inconnues.) * Thorax segmentaire ou recouvert, ainsi que la tête, d'un test d'une seule pièce, pouvant se plier en deux et formant comme deux valves, mais point séparées et sans charnière. Pieds toujours découverts en totalité ou en partie. Quatre antennes, ou deux, mais en forme de bras et rameuses. SEPTIÈME ORDRE. — Lophyropes [Lophyropa). ** Un test, formé de deux valves distinctes, réunies par une charnière, et pouvant entièrement renfermer le corps. Deux antennes simples et velues. Nota. Le nombre des pieds et autres appendices articulés paraît être moindre que dans l'ordre précédent; mais le genre cjpris est le seul où l'on ait observé ces parties avec soin. HUITIÈME ORDRE.— Ostrapodes (Ostrapoda). B. Vingt paires de pieds thoraciques au moins (tous lamellaires ou fo- liacés ). NEUVIÈME ORDRE.— Phyllopes {Phjllopa). 2. Pieds indistincts. Segment de corps, succédans à l'antérieur et qui a la forme d'un bouclier plus ou moins semi-circulaire, divisés Ion- gitudinalement en trois parties ou lobes. lf)0 DIVISION DKS CRUSTACl^S DIXIÈME ORDRE.— Trilobites (TrilobUa). DEUXIÈME DIVISION. — Édentés {Edentata). Bouche consistant soit en des appendices maxilliformes de la base des pieds antérieurs, au centre desquels est le pharynx, soit en un siphon servant de suçoir. Portion antérieure du corps au moins, recouverte par une sorte de bouclier , ou présentant un grand segment. Diverses sortes de pieds. ONZIÈME ORDRE. — Xyphosures ( Xyphosura ). Base des pieds de la division antérieure du corps ou du céphalothorax, les deux derniers exceptés , formant un appendice niaxilliforme. Test dur, divisé eu deux boucliers, recouvrant tout le corps, divisé en dessus par deux sillons longitudinaux; le dernier terminé par une pièce très dure» ensiforrae et mobile. Onze paires de pieds , tant les antérieurs que les pos- térieurs, ou ceux de ces deux parties du corps, compris. DOUZIÈME ORDRE. — Siphonostomes {Slphonostoma). Bouche consistant en un siphon ou en un mamelon servant de suçoir. Test, lorsqu'il existe, ne formant qu'un seul bouclier, mou et membra- neux. Six à sept paires de pieds au plus, tant les antérieurs que posté- rieurs compris. Crustacés parasites. Il semble que les pycnogonides doivent former un autre ordre dans cette classe, et cela serait d'autant plus avanta- geux pour la méthode , qu'en les plaçant avec les ai^achnides, ils interrompent la série des condylopes, ayant des stigmates ou des ouvertures analogues (i). Mais, après y avoir long-temps réfléchi , il m'a paru que par les organes de la vision , leur nombre et leur situation, la composition des pâtes et celle du suçoir, ces animaux étaient plus voisins des arachnides. Une idée à laquelle on n'a point donné de l'attention, ou (|ui ne s'est point présentée à l'esprit, c'est que la nature a pu repro- duire ici, comme dans les crustacés, des myriapodes. Les pycnogonides ayant, à ce qu'on a dernièrement observé, une circulation, et respirant probablement par la surface de la (i) Les laemorlipodos et les pycnogonides forment penf-êfre nn rameau latéral, partant des ampliipodes. EN ORDRl'S. i6r peau , peuvent terminer sous une forme, s'éloignant du type ordinaire d'organisation , les arachnides pulmonaires. Dans toute hypothèse quelconque , on ne saurait citer une seule arachnide qui fasse le passage des pulmonaires aux tra- chéennes. J'ai toujours cru que, malgré l'inconvénient de multiplier les classes , il fallait en former une pour les arach- nides trachéennes, celle des phalajigides j en les réunissant avec les pulmonaires , on pèche contre les règles fondamen- tales del'anatomie, et on n'a d'autre excuse que le peu d'éten- due de la classe des arachnides. M'étant proposé de vous offrir d'abord un tableau général de l'entomologie , l'exposition , veux-je dire , de ses divisions classiques et ordinales , de vous montrer leur enchaînement , de vous préparer ainsi aux connaissances des coupes subsé- quentes , comme les familles et les genres, je vais passer im- médiatement à la seconde classe , celle des arachnides , sur les détails de laquelle et des suivantes je reviendrai ensuite, en prenant pour base la méthode que j'ai suivie dans la nou- velle édition du règne animal de M. le baron Cuvier. DEUXIÈME CLASSE. ARACHNIDES [ARACHNIDES). Elle a reçu ce nom de celui à'arachne^ sous lequel les Grecs désignaient les animaux les plus nombreux de cette coupe, les araignées, araneus ou araneœ des Latins. Confondus par Linné avec les insectes , et relégués à la fin de cette classe avec ceux qui sont privés d'ailes , ayant ensuite formé dans la méthode de Fabricius, mais toujours dans la même classe, un ordre particulier, celui des unogates, distingués plus tard par moi (Préc. des caract. gén. des Insect.) sous la dénomination à! acéphales , il leur fut assigné, dans le tableau élémentaire de l'histoire des animaux , le rang que la nature leur a assigné. Ils vinrent immédiatement à la suite des crustacés, transportés 1 1 162 DEUXIÈME CLASSE. en léle de celle classe. Ces crustacés en ayant ensuite composé une particulière, M. deLamarck sentit qu'il était pareillement nécessaire d'en former une nouvelle avec les autres insectes aptères de Linné , et telle est celle qu'il nomme arachnides . Mais, d'après l'étendue qu'il lui donne, elle comprend des ani- maux d'une organisation très différente sous les premiers rap- ports d'anatomie. Pour remédier à ce désordre, nous restrei- gnons la classe des arachnides à celles qui constituent son ordre des palpistes -, celui qu'il appelle antennistes compose notre classe des myriapodes et les premiers ordres de celle des in- sectes , avec cette seule différence , que nous rangeons encore parmi les insectes aptères hexapodes venant en tête, son ordre des insectes aptères établi avec le genre pulex , puce , et par lequel il termine sa classe des insectes. Ainsi bornée , celle des arachnides se distingue facilement des autres , sauf quel- ques exceptions à l'égard du nombre des pieds et des organes respiratoires , par les caractères suivans : des ouvertures pour la respiration à la surface extérieure de la peau du ventre ou de l'extrémité postérieure et inférieure du thorax. Corps di- visé en deux parties , la postérieure formée par l'abdomen , et l'antérieure par la tête , confondue avec le thorax , sous la forme d'un céphalothorax. Huit pieds dans le plus grand nombre, six dans les autres. Point d'antennes proprement dites ^ tantôt deux pinces, tantôt deux lancettes styliformes les remplaçant. Point d'yeux à facettes. Des yeux lisses (au nombre de deux à douze). Organes sexuels situés en avant de l'anus. Animaux ne changeant pas essentiellement de forme dès leur sortie de l'œuf. Dans le tableau général des classes, partageant la division des animaux sans vertèbres articulés et à pieds articulés , nous avons présenté quelques autres caractères , fondés principalement sur l'anatomie , et qu'il est inutile de répéter. Mais nous ajoulerons que les organes visuels des arach- nides ont , d'après les recherches du docteur Mùller, profes- seur à l^onn , un cristallin et un corps vitré -, ou que de même que ceux des animaux vertébrés , des céphalopodes et de quel- ARACHNIDES. l63 nues gastéropodes , ils ont des milieux réfringens recevant la lumière , qui va se réunir en un foyer sur une rétine , tandis que dans les yeux composés des crustacés et des insectes , la lumière qui tombe perpendiculairement sur la surface suscep- tible de sensations est seule perçue 5 toute celle qui arrive obliquement est interceptée par un organe quelconque. La surface sentante, en ce cas, doit être nécessairement sphé- rique, afin d'offrir un plus grand nombre de points d'inci- dence particulière. Dans les yeux de quelques scorpions d'A- frique les deux grands yeux lisses ou simples du cépbalolborax se composent toujours d'une cornée , d'un cristallin sphérique ,* d'un corps vitré à face antérieure convexe extérieurement, d'un pigmentum faisant la fonction de choroïde, et d'une rétine membraneuse supportant la base du cône formé par le nerf optique. Les yeux lisses latéraux et plus petits ont pro- bablement la même organisation. Le corps sphérique , blan- châtre et mou , situé derrière la cornée , de ceux de la my- gale aviculaire , et que Sœmmering a pris pour la rétine , n'est que le corps vitré. D'ailleurs ces observations, ainsi que celles du professeur Gaëde, s'accordent quant aux autres faits. Jus- qu'ici on n'avait compté au plus , dans les arachnides , que huit yeux lisses , mais MùUer en a vu dix dans ces mêmes scorpions ; les deux latéraux postérieurs n'avaient pas été com- pris dans cette supputation , ou on ne les avait pas considérés comme des yeux. MM. Hemprich et Ehrenberg en donnent douze à d'autres espèces , celles qui composent leur genre an- droctonus. Il m'a paru que les derniers yeux lisses latéraux de ces scorpions étaient progressivement plus petits , et avaient une tendance à s'oblitérer ou à avorter. Je pense aussi que l'on peut facilement confondre ces organes avec quelques petites élévations arrondies et luisantes de la peau , et que c'est par suite d'une telle méprise que M. MùUer attribua six yeux lisses aux solpuges , ou quatre de plus qu'on n'en avait compté, et situés, deux par deux, de chaque coté. Si ce sont réellement des organes de la vision , il faut convenir qu'ils sont très imparfaits. |64 DEUXIÈME CLASSK. Diverses observations nous ont prouve que des membres des arachnides pouvaient se régénérer, lorsque ces animaux les perdaient. Cette faculté , la longévité reconnue de quel- ques espèces , et d'autres caractères d'organisation les rap- prochent évidemment des crustacés. M. Savigny les assimile <à des animaux de cette classe , mais dont la tête serait em- portée. Leur corps ne serait composé que d'un thorax et d'un abdomen. Il avoue cependant (Explication des planches de l'atlas de Zoolog. de l'ouvrage sur l'Egypte) que la présence ,^ des yeux décèle l'existence de cette léte. Ils sont situés de même H que le labre et ces deux appendices qu'on a nommées man- dibules y qui sont pour lui des forcipules et pour moi des antennes-pinces ou des chélicères, analogues aux antennes mi- toyennes des crustacés, mais ayant d'autres usages, sur le pre- mier segment du thorax. La bouche s'ouvre à la jonction de ce segment et du suivant. Elle consiste principalement en un pharynx , qu'il avait d'abord considéré comme double , à raison de deux conduits ou ouvertures , mais qui lui paraît maintenant unique , avec trois ouvertures. Il est pourvu supé- rieurement d'un labre , et inférieurement d'une lèvre ster- nale , pièce que l'on désigne communément sous le nom de lèvre. Elle est quelquefois , suivant lui , munie de deux palpes , et insérée sur le troisième segment thoracique. Deux mâ- choires, portant chacune un palpe, dont le dernier article, le digital , est transformé dans les mâles adultes de quelques espèces , en organe excitateur ou provoquant la copulation , sont annexées au second segment. Ces derniers palpes sont des bras palpaires , et les deux autres des palpes labiaux. Le i thorax présente ensuite quatre autres segmens , portant chacun deux organes locomoteurs ou pieds. La première et la seconde paire sont quelquefois dilatées à leur base interne , et cette dilatation forme une mâchoire surnuméraire. Quelquefois encore la première paire devient tentaculaiie , et c'est alors un pied paipaire. Le nombre des segmens varie ; tantôt on en distingue bien treize ou douze, tantôt neuf à dix ; ils s'oblitèrent ou se con- ' ARACIUNIDES. l65 foiuleiit, et ne forment qu'une masse. Les organes de la géné- ration ont toujours leur issue sous le premier segment, et l'on voit par là que M. Savigny adopte le sentiment de M. Trévi- ranus, relativement à la situation des parties sexuelles des aranéides. Il nomme épigyjie un organe prévalvulaire , dont la fonction principale est de recevoir, l'un après l'autre , dans le prélude de l'accouplement , les organes excitateurs mâles. Cette pièce est tubuleuse et percée de deux orifices plus re- marquables, un de chaque côté. L'anus est placé au dernier segment, et accompagné de filières dans les aranéides. Les pieds se divisent en quatre parties principales : la hanche , formée d'un article radical, suivi quelquefois de deux autres supplé- mentaires ^ la cuisse, qui en offre deux, l'exinguinal et le fé- moral ; la jambe, composée aussi de deux articles, le génual et le tibial^ enfin le tarse, qui se subdivise ordinairement en plusieurs phalanges ou articulations , et dont la dernière est munie d'un à trois ongles , portés sur un support commun , ou d'un pédicule vésiculeux, sans ongle. Les forcipules se ter- minent communément par uu ou deux doigts , ou sont mono- dactyles ou didactyles j dans quelques autres, ils ont la forme d'un stylet dentelé à sa pointe. M. Savigny fait observer que les limules, genre de crustacés de l'ordre des xyphosures, ont de l'affinité avec les arachnides : c'est même dans cette dernière classe que, suivant M. Straus, il faudrait les placer. Ces rapports se montrent , en effet , dans la division du corps en deux parties , le céphalothorax et l'abdomen , ainsi que dans l'organisation buccale et celle du système nerveux , formé de trois ganglions au plus , non compris le cerveau ; les scorpions , en ayant sept, semblent faire exception ; mais les quatre der- niers aj)partiennent à la queue ou au post-abdomen , partie du corps qui, comparativement à la plupart des arachnides et à un grand nombre de crustacés, peut être considérée, par les modifications qu'elle subit et par son anéantissement même , comme surnuméraire. Si M. Savigny avait réfléchi que c'est plutôt sur elle que sur la portion antérieure du corps, dont les fonctions sont autrement importantes, que la nature opère des l66 DEUXIÈME CLASSE. réductions , il n'aurait pas comparé les arachnides à des crus- tacés sans tête. Pour terminer sa nomenclature des organes extérieurs de ces animaux, nous envisagerons la structure du thorax des arachnides d'une autre manière ^ et , tout en ren- dant hommage à l'exactitude de la description qu'il a donnée de ses parties , nous ne pouvons adopter les applications ana- logiques qu'il en déduit. La portion antérieure du corps, et qui se présente, indépendamment des forcipules ouchélicères, insérées à son origine , ou sous le bord de cette partie anté- rieure de l'écaillé dorsale portant les yeux , sous la forme d'une languette triangulaire , se compose , dans la nomencla- ture de M. Savigny, de l'épistome , du labre et de l'épichile. Sa face inférieure , et qu'on peut désigner, avec ce savant , sous le nom àe palais , est ordinairement carénée longitudinalement dans son milieu. La carène est hérissée de poils dans les ara- néides, et offre, dans son milieu, un canal longitudinal. Le même naturaliste dit avoir observé sous l'épichile , qui peut se relever de devant en arrière , une fente servant probablement à l'émission de quelque liqueur. Lyonet, dans ses Mémoires posthumes, et Tréviranus , dans son Anatomie des Araignées et des Scorpions , ont considéré cette pièce comme une langue. Le premier en a donné plusieurs figures détaillées -, mais , com- parativement à la pièce désignée ainsi dans les crustacés , cette dénomination ne saurait lui convenir, puisqu'elle est située en avant du pharynx. M. Savigny en a bien observé toutes les parties, mais sans les distinguer nominativement. Elle forme, au-dessus des autres organes de la manducation , une sorte de toit ou de voûte , et je l'appellerai conséquemment cainerostome (camerostoma^. Dès-lors celle qui a reçu la dénomination de lèvre , labium, et qui est pour M. Savigny une lèvre sternale, étant située en arrière du pharynx, le recouvrant, et s'appliquant sur la face inférieure, ou le palais, du camérostome, serait plutôt une lan- guette proprement dite : mais, comme dans les scorpions, elle est formée de deux pièces, qui sont chacune un appendice de la base des seconds pieds, et que, dans les crustacés, la lan- ARACHNIDES. •> 1 67 cueltc est isolée et tout-à-fail indépendante des autres organes buccaux, la pièce qui, dans ces arachnides, semblerait, par sa situation, devoir la représenter, quoique essentiellement différente de la lèvre des insectes , puisqu'elle ne porte point de palpes, peut être assimilée à une sorte de lèvre, faisant aussi l'office de languette. C'est ce qui m'avait déterminé à lui don- ner le nom de glossoïde. Dans les limules, l'organe que M. Savi- gny nomme languette, consiste dans deux appendices maxilli- formes de la cinquième paire de pieds, mais libres ou détachés. La lèvre des aranéides est peut-être formée de la réunion d'ap- pendices analogues et pareillement libres. Dans tous les cas , elle se présente sous la forme d'un prolongement pectoral ou sternal^ et afin de ne pas trop embarrasser la nomencla- ture , nous lui conserverons la dénomination eénéralement reçue. ^ Quant aux parties du camérostome, celle que M. Savigny nomme diastome , est cet espace de la tête qui précède immé- diatement le chaperon ou le véritable épistome , et où sont in- sérées les chélicères ou forcipules. Ce qu'il nomme labre sera dès-lors cet épistome , et la pièce qui le termine ou l'épichite , le labre proprement dit. Le sillon longitudinal et médiaire du palais est un canal proœsophagien. Les galéodes et quelques autres arachnides ont, suivant ce naturaliste, deux palpes à la lèvre sternale ^ mais il est aisé de voir, à l'égard au moins de ces galéodes, que les pièces qu'il considère comme des palpes et dont l'extrémité offre une soie plumeuse , ne sont que deux lobes terminaux de la lèvre , qui est formée par le prolongement interne et antérieur de la base des deux palpes ; ce qu'il nomme ici lèvre sternale est le castérostome. D'après notre manière de voir, les appendices venant immédiatement après la lèvre sternale répondront successivement et comparativement aux crustacés dentés , à deux mandibules membraneuses et pal- pigères , à deux paires de mâchoires , mais sous la forme de pieds, et ayant quelquefois à leur base, comme dan faucheurs, des mâchoires, et à deux paires de piéc^^'^iS»^ l, choires , représentés par deux autres paires de piod§V^pl3a- *~*'^ l68 DEUXIÈME CLASSE. toiles (i). Cette hypothèse ne suppose aucune anomalie , et s'accorde avec la marche toujours simple de la nature. La plupart des arachnides sont carnassières; les plus gran- des , telles que celles de notre premier ordre , et beaucoup de celles du dernier, vivent d'insectes qu'elles saisissent vivans ; les autres T dont l'instinct est le même et qui sont toujours de petite taille, se fixent sur divers animaux vertébrés, l'homme même, et sur des insectes, et en sucent les humeurs. Quelques espèces y pullulent en telle abondance, qu'elles épuisent ces animaux et finissent par les faire périr. Il en est qui attaquent les collections d'insectes , lorsqu'on les laisse dans des appar- temens froids et humides. Sans les détruire , elles leur nuisent néanmoins par l'action qu'elles exercent sur les parties molles des objets conservés, et en les disposant à la putréfaction ou à la dissolution de leurs parties. Les autres arachnides, et tou- jours très petites , souvent même presque imperceptibles, ron- gent quelques unes de nos provisions de bouche, comme la farine, le fromage, etc. On trouve aussi quelques espèces sur des végétaux. Dans plusieurs, deux de leurs pâtes ne se mon- trent que vers les dernières mues. M. Savigny, dont la méthode est d'ailleurs restreinte aux espèces recueillies par lui en Egypte et dans les contrées adja- centes, a uniquement fondé sa distribution des arachnides sur les organes de la manducation et de la locomotion , ainsi que sur le nombre et la disposition des yeux. Elles forment onze séries -, dans les dix premières, les forcipules sont monodactyles ou didactyles. Ils ont la forme d'un stylet dentelé , et les mâchoires sont soudées supérieurement entre elles dans la der- nière ou la onzième. Toutes les espèces des cinq premières sé- ries ont des forcipules monodactyles ; ceux des cinq suivantes se terminent en une pince didactyle. Les autres caractères sont tirés de la forme des palpes maxillaires, tantôt simples, tantôt finissant aussi en pince , du nombre des ongles , des tarses et des yeux , du rapprochement ou de l'écart de ces 1 (i) Les quatre antérieurs des insectes. ARACHNIDES. ! 69 derniers organes, de la présence ou l'absence des palpes, de la lèvre slernale et des mâchoires surnuméraires. Il com- mence par les mygales , passe de Là aux autres aranéides , dont la série s'éloigne peu de la nôtre , aborde ensuite notre famille des pédipalpes , qui le conduit à celle des faux-scor- pions et aux autres arachnides trachéennes. Enfin , nos genres ixode et argas constituent sa dernière série. Cette distribution est, relativement aux groupes principaux, en harmonie avec celles de notre généra, et de l'ouvrage sur le règne animal de M. le baron Cuvier. Ici , cependant , et après de mûres réflexions, nous ferons quelques changemens à cette méthode : 1°. Nous mettrons en tête les scorpions et autres arachnides pédipalpes , parce que leur organisation nous a paru supé- rieure à celles des autres animaux de cette classe, et plus rapprochée de celle des crustacés-, 2°. les pyenogonides com- poseront un nouvel ordre, celui des aporohranches (bran- chies sans issue) , attendu qu'il est impossible de les conserver dans les ordres déjà établis, sans en troubler ou en obscurcir les caractères distinctifs. Je partagerai donc la classe des arachnides en trois ordres , et que je signalerai ainsi : PREMIER ORDRE. PULMONAIRES {PULMONARIM). Des vaisseaux pour la circulation. Des pueumobranchies, couiposées d'un grand nombre de petits feuillets, renfermées dans des bourses ou sacs { au nombre de huit à deux), situées, par paires , de chaque côté du ventre , i sous la peau , et recevant chacune l'air par une fente transverse (ùranchios- tome) analogue aux stigmates des insectes. Organes de la génération dou- bles. Six à huit yeux lisses. Huit pâtes dans tous. Bouche toujours maxillaire. DEUXIÈME ORDRE. APOROBRANCHES {ÂPORODRANCHIM). Aucun stigmate apparent à la surface du corps. Respiration s'opérant probablement par quelques portions de la peau , ayant les propriétés des branchies. Corps linéaire, composé 1°. d'une bouche en forme de siphon 3-0 TROISIEME CLASSE. avancé, tubulaire, et dont les pièces intérieurement soudées; a», de cinq se-mens : le premier portant les deux premières pâtes, et dans les femelles deux autres, mais uniquement ovigères ; un tubercule dorsal, muni de quatre yeux ; souvent deux chélicères et deux palpes , situés en avant, sur ce même segment ; les trois suivans portant chacun une paire de pieds ; le cinquième et dernier, petit, tubulaire, cylindrique, remplaçant l'abdomen 5 deux cro- chets réunis en un, inégaux et dont l'un bifide, au bout des tarses. Organes sexuels inconnus. Animaux marins. TROISIÈME ORDRE. TRACHÉENNES {TRACHEARIM). Point de vaisseaux pour la circulation. Des trachées recevant l'air par deux ouvertures ou stigmates, situées à la surface de la peau, soit sur les côtés inférieurs de l'extrémité postérieure du thorax, soit sur le ve-ntre. Quatre yeux au plus, et jamais réunis , lorsque ce nombre existe sur un tubercule commun. Organes sexuels uniques (.). Huit à six pâtes. Bouche tantôt maxillaire, tantôt en siphon, mais à pièces libres. TROISIÈME CLASSE. MYRIAPODES {MYRIAPODA). Eli prenant uniquement pour base d'une méthode naturelle les caractères fournis par l'anatomie intérieure , ces animaux offrant, comme les insectes hexapodes, absence de tout organe de circulation et des trachées (2) pour la respiration , doivent leur être réunis , et ne point former une classe particulière 5 mais ils contrastent tellement avec eux par la configuration générale de leur corps , la multitude de leurs pieds et quel- ques autres traits distinctifs , qu'une semblable association paraît monstrueuse et vicier la classe des insectes. Fabricius en fit un ordre spécial , sous le nom de mitosates. Dans mon Précis des caractères génériques des insectes , je (i) Les galéodes peut-être exceptés, car leurs palpes sont terminés par uu boutou présentant les vestiges de quelques appendices, qui sont peut être sexuels. ^ (2) Les unes artérielles et les autres pulmonaires {^vojez les généralités de la classe des insectes). Ces animaux ont aussi un très grand nombre de vaisseaux hé- patiques MYRIAPODES. I^I riiunis, au même ordre, que je nommai myriapodes , les clo- portes et les aselles. M. Cuvier, dans son Tableau élémentaire de l'Histoire naturelle des animaux, combinant la méthode de Fabricius avec celle de Linné , mais en plaçant , sauf les genres pediculus et acanis , l'ordre des aptères en tête de la classe des insectes , forma avec les mitosates du premier sa seconde division du même ordre , celle des mille-pieds , pré- cédée immédiatement de celle des crustacés , terminée par les cloportes , et suivie de celle des aracnéides, mais dont il n'au- rait pas dû exclure les acarus. Les myriapodes font partie, dans la méthode de M. de Lamarck, de sa classe des arach- nides , ordre desantennistes. Ils composent le premier de celle des insectes , dans l'ouvrage sur le règne animal de M. Cuvier. Enfin, M. Leach en a formé une classe particulière, sous la même dénomination de myriapodes, et l'a signalée par des caractères tirés des antennes , de l'organisation buccale et du nombre des pieds. Il a mis à profit les observations curieuses publiées à cet égard par M. Savigny dans ses Mémoires sur les animaux sans vertèbres , et d'après lesquelles la bouche des myriapodes serait composée de deux mandibules , d'une lèvre inférieure produite de la réunion des deux paires de mâchoires des crustacés broyeurs, et de deux sortes de lèvres auxiliaires , formées par des palpes ou par les deux ou quatre pieds antérieurs, conjoints ou très rapprochés à leur naissance. Mais la pièce qu'il nomme lèvre inférieure n'est point , selon nous , une réunion de mâchoires. L'ordre des successions des parties de la bouche indique qu'elle correspond à la langue de ces crustacés , et si elle paraît plus composée , c'est que la nature voulant multiplier ici d'une manière excessive le nombre des organes du mouvement, donner même à ceux de la bouche une forme analogue ou des caractères qui nous la rappellent, a assujetti à ce plan la langue même. Ainsi cette prétendue lèvre inférieure se compose de deux sortes de palpes avec un appendice interne , soit séparés comme dans les sco- lopendres , soit soudés comme dans les iules. Les deux lobes de la langue de certaines crevettes, des apus, etc., sont même 1^2 TROISIÈME CLASSE. divisés longitudinalement en deux parties , et la division ex- térieure, dans ce dernier genre, est déjà biarticulée. En admettant dès-lors que cette lèvre inférieure représente la langue des crustacés, il s'ensuivra que d'après l'ordre de succession des autres parties de la bouche , les deux lèvres auxiliaires sont les analogues des quatre mâchoires des mêmes animaux. Ainsi que semble l'indiquer l'alternation des stig- mates, les segmens du corps, comparés à ceux des insectes, ne sont que des demi-segmens , ou deux des premiers équi- valent à l'un de ceux-ci-, par conséquent encore les deux paires de paîes n'en représentent qu'une des dernières, ou l'une d'elles est surnuméraire. Dans les iules, la tête propre- ment dite ne porte que les antennes , les yeux , les mandibules et la langue-, et les quatre premières paires de pieds au moins, sont annexées à autant de segmens, mais incomplets en des- sous, ou point entièrement fermés. Dans les scolopendres, la première lèvre auxiliaire, cor- respondante à la première paire de pieds des myriapodes pré- cédens, lient évidemment à la tête, et le segment suivant porte à la fois la seconde lèvre auxiliaire , consistant en deux pieds en forme de crochets , et les deux premiers pieds ordi- naires. Ici donc ce segment est formé de la réunion de deux des suivans ; et en effet les deux premiers stigmates distincts sont sur le troisième , et leur seconde paire est placée sur le mnquième. M. Straus , comparant la tête du hanneton ordi- naire avec celle des scolopendres , estime que les pieds à cro- chets de ces derniers animaux sont les analogues des mâ- choires des insectes , ou des appendices de la pièce qu'il appelle basilaire, et nullement les analogues de leur lèvre inférieure. Mais d'après les faits exposés ci-dessus , l'orga- nisation extérieure des myriapodes s'éloigne fortement, sous beaucoup de rapports, de celle des insectes coléoptères^ et si l'on peut établir ici quelques similitudes, c'est plutôt avec les crustacés qu'avec ceux-ci , qu'il faut comparer les myriapodes ^ telle a été aussi notre marche. L'ordre graduel des pièces buccales nous a montré dans leur seconde lèvre MYRIAPODES. l'jS auxiliaire, le représentant de la lèvre inférieure des insectes, et tout ce que peut dire, à cet égard, M. Slraus, ne nous a point fait changer d'opinion. S'il s'était donné la peine de consulter les écrits publiés avant lui, sur les sujets dont il traite, il ne nous aurait pas reproché de n'avoir point adopté la classe des myriapodes, puisque nous l'avions déjà fait dans notre ouvrage sur les familles naturelles du règne animal , qui a paru en 1825 , et que nous y avions présenté quelques aperçus nouveaux. De tous les animaux sans vertèbres et aptères, respirant par des trachées aériennes , les myriapodes sont les seuls dont le corps, composé d'une série ordinairement très considérable, indéterminée , et souvent variable avec l'âge, d'anneaux, soit pourvu, dans toute sa longueur, de pales, et dont le nombre est au moins de douze paires. Soustraction faite des gloméris et des pollyxènes , genres peu nombreux , ces animaux ressem- blent à des vers ou à de petits serpens, ainsi qu'aux né- réides , de la classe des annélides ; mais ils sont tous ter- restres , au lieu que ces annélides sont toutes marines et respirent d'ailleurs par des branchies. Le corps étant d'une même venue ou sous la forme d'un fût, scapuSy et ses segmens, à l'exception au plus des deux derniers, étant munis de pâtes, le thorax n'est point distinct de l'abdo- men. Mais la situation des organes masculins, ou un change- ment dans l'ordre sériai des stigmates , semble cependant an- noncer cette séparation. Ainsi dans les iules les parties sexuelles masculines sont situées sur le septième segment, et à la place de la huitième paire de pâtes. Dans les grandes scolopendres , celles qui ont vingt-une paires de pieds (ceux à crochets non compris), les deux premiers stigmates sensibles se trouvent sur le troisième segment^ le cinquième et le septième en offrent chacun deux autres. Si cette alternation se con- tinuait , la quatrième paire serait placée sur le neuvième ; mais elle anticipe , et on la découvre sur le huitième. J'ai présumé que ces changemens établissaient en quelque sorte la démarcation du thorax et de l'abdomen. J'ai dit que dans iy4 TROISIEME CLASSE. les iules, la langue, ou la pièce que M. Savigny appelle lèvre inféiieure, fermait inférieurement la bouche , de sorte que celles qui représentent les mâchoires en étaient séparées. Quoique dans les scolopendres les analogues de la pre- mière paire de ces derniers organes soient annexés à la tête , il serait possible qu'ils dépendissent d'un segment propre, mais rudimentaire -, et , dans cette supposition , autorisée- d'ailleurs par la considération du premier segment, portant les pieds à crochets et les deux premiers pieds ordinaires , la lansfue fermerait aussi en dessous la cavité buccale. A sa base antérieure est situé le pharynx. Les deux antennes sont simples, presque toujours plus longues que le corps, soit composées de peu d'articles et un peu plus grosses au bout , soit sétacées et très articulées. Les scutigères sont les seuls myriapodes qui aient des yeux à facettes 5 ils sont composés dans tous les autres d'un groupe de petits yeux lisses , placés derrière les antennes et s'oblitérant dans quelques espèces. Les mandibules des uns semblent être divisées en deux par une suture transverse , et se terminent en manière de cuiller, dentelée sur ses bords avec un petit appendice latéral , re- présentant le palpe des mandibules des crustacées décapodes-, celles des autres sont formées de trois pièces dont la der- nière garnie au bout de dents écailleuses , en recouvre- ment ou imbriquées , et s'articulant avec elle , ou paraissant formée de petits appendices propres et mobiles. Ces mandi- bules diffèrent dq^c beaucoup de celles des insectes , et ont plus de rapports avec celles des crustacées. Il en est de même de la composition des pieds et de la manière dont ils se ter- minent. Si l'oti en excepte les scutigères, ils sont courts, de six articles, presque d'égale longueur, à partir du second, et avec un seul onglet au bout. Le nombre de ces pieds , de même que celui des segmens qui les portent , croît avec l'âge, dans toutes les espèces serpentiformes ou le plus grand nombre -, dans les insectes , tous ces organes se développent à la fois. Beaucoup de myriapodes, tels que ceux du premier ordre , se rapprochent encore des crustacés , à l'égard de la MYRIAPODES. 17^ consistance plus ou moins calcaire de leurs tégumens. Ils vi^ vent et croissent aussi plus long-temps que les insectes , et , selon M. Savi , il faut au moins deux ans aux iules , pour que les organes de la génération soient apparens. Ils se tien- nent généralement à terre. Les uns , d'une nature carnas- sière, courant avec agilité , sont nocturnes et se cachent sous les pierres ou difFérens corps -, les autres marchent très len- tement et sont rongeurs. Le canal alimentaire est droit. Ces animaux formant maintenant une classe propre , les deux familles qui les comprenaient , lorsqu'ils ne compo- saient qu'un ordre , reçoivent naturellement cette dernière qualification. PREMIER ORDRE. CHILOGNATHES {CHILOGN ATHA). Organes sexuels extérieurs, situés à la partie antérieure et inférieure du corps. Bouche coraposée de deux mandibules sans palpes et d'une lame crustaçée , formant une sorte de lèvre inférieure. Corps le plus souvent dé- fendu par des tégumens solides , calcaires , c} lindrique , ou en forme de serpent dans les uns, ovale et se mettant en boule dans les autres, pénicil- ligère lorsqu'il est mou ; chaque anneau portant le plus souvent deux paires de pieds. Antennes grossissant vers le bout, ou filiformes, de sept articles. Stigmates cachés ou peu distincts. DEUXIÈME ORDRE. CHILOPODES {CHILOPODA). Organes sexuels intérieurs et postérieurs. Bouche composée d'un labre, de deux mandibules palpigères, d'une languette multifîde, de deux appen- dices en forme de palpes, et de deux forts crochets, percés au bout, et réunis inférieurement. Corps déprimé , à tégumens flexibles ; chaque anneau ne portant ordinairement qu'une paire de pieds; les deux derniers formant une sorte de queue. Antennes sétacées, composées d'un grand nombre d'ar- ticles. Stigmates distincts. iy6 QUATRIEME CLA.SSE. INSECTES. QUATRIÈME CLASSE. INSECTES [INSECTA). tJn corps pourvu , dans le plus grand nombre , de quatre ou de deux ailes , se développant au moyen de mues plus ou moins remarquables, appelées métamorphoses , et de tégumens coriaces ou membraneux, ayant de chaque côté, dans toute sa longueur, une rangée d'ouvertures ou de stigmates pour l'entrée de l'air ; divisé en trois parties , savoir : i°. une tête offrant deux antennes de figure très variée, des yeux, au nombre de deux et compo- sés dans la plupart; une bouche formée, dans les uns ou les broyeurs, d'un labre, de deux mandibules sans palpes, de deux mâchoires et d'une lèvre inférieure, munies de palpes; dans les autres, ou les suceurs , d'or- ganes correspondans , et constituant une sorte de trompe; 2°. un tronc, ou thorax, partagé en trois segmeus {prothorax, mésothorax et métathorax), portant chacun une paire de pâtes, et dont les deux derniers, ou le dernier seul, servant d'attache aux ailes; 'i'^. un abdomen de dix segmeus au plus, avec les organes sexuels uniques et situés, les mâles de quelques uns {li- bellules de Linné) exceptés, à son extrémité postérieure. Les six pâtes parais- sant simultanément , soit à la sortie de l'œuf, soit lorsque l'animal passe à l'état de nymphe. Tel est l'ensemble des caractères qui signalent maintenant cette classe d'animaux, considérés dans leur état parfait, ou lorsqu'ils sont susceptibles de se reproduire. Je dis mainte- nant, car nous avons vu que, dans la méthode de Linné, elle est bien plus considérable , puisqu'elle comprend les crusta- cés, les arachnides et les myriapodes. Telle que nous l'avons restreinte, elle est un peu plus étendue que dans la méthode de feu M. de Lamarck , attendu que nous y faisons entrer ses arachnides antennistes, ou les insectes aptères hexapodes et ne subissant pas de métamorphoses proprement dites , du naturaliste suédois. Nous allons d'abord nous occuper de leur anatomie inté- rieure , et nous reviendrons ensuite à l'examen de leurs or- ganes extérieurs, qui réclament un examen plus détaillé, vu leur emploi plus fréquent. Déjà, dans les arachnides trachéennes, nous n'avons plus trouvé d'organe de circulation ^ il y est remplacé par un vaisseau sans branches , et qui , à raison de sa position , est GÉNÉRALITÉS. 17 77 appelé dorsal : c*est, dans l'opinion la plus générale, un ves- tige ou une ébauche du cœur. Swammerdam, Malpighi et d'autres naturalistes, jusqu'à Lyonet, croyant qu'il en faisait les fonctions, l'avaient désigné ainsi. Mais le dernier, dans son admirable Traité de V Anatomie de la Chenille du saule, ayant déclaré qu'il n'en partait aucun vaisseau , un savant qui devait, à l'aide de semblables recherches, poser les bases immuables d'une nouvelle classification zoologique, M. le baron Cuvier, confirma ces observations, et réduisit le mode de nutrition des insectes à une simple imbibilion. Depuis, d'autres investigations, parmi lesquelles je citerai plus par- ticulièrement celles de M. Marcel de Serres , sont venues à l'appui de son sentiment. Les propriétés de cet organe sont cependant encore contestées. Il semblerait même, depuis la publication du travail de M. Straus sur l'analomie du han- ricton, que l'on n'aurait pas bien connu sa structure. Suivant Lyonet, il renfermerait une substance gommeuse , de couleur orangée 5 et, selon M. Marcel de Serres, il sécréterait la graisse, qui serait ensuite élaborée dans le tissu adipeux l'en- veloppant. Ces deuxsavans, ainsi que les autres zootomistes, ne l'avait considéré que comme un vaisseau très simple, ou un organe tubulaire, aminci vers ses deux extrémités, fixé par des ligamens latéraux, formant des espèces d'ailes, et sus- ceptible d'un mouvement de systole et de diastole. Mais, au sentiment de M. Straus, sa structure serait autrement com- pliquée, et peu s'en faudrait qu'elle ne se rapprochât de celle d'un cœur proprement dit. Déjà, avant l'impression de l'ou- vrage précité, et en rendant compte d'un Mémoire de M. Hé- rold sur le même sujet {^BuUet. des Sciences natur., de M. le baron de Férussac) , il avait donné un extrait de ses obser- vations, et de l'opinion qu'il s'était formée à cet égard. Sui- vant lui , le cœur de cet insecte est un gros vaisseau dorsal , droit , placé dans la ligne médiane et dorsale de l'abdomen , depuis le dernier segment jusqu'au tergum, où il se recourbe subitement en dessous, et se termine par une artère unique qui entre dans le thorax par l'échancrure du tergum , par- ] 2 M V 1^8 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. court i(3 thorax, s'y rétrécit fortement, et va se rendre à la tête, sans produire aucune branche. A chaque segment abdo- minal, il offre latéralement deux ouvertures transversales, auriculo-ventriculaires , par lesquelles le sang qui remplit la cavité de l'abdomen s'insinue dans l'intérieur de ce vaisseau. Au bord postérieur de chacune de ces huit paires d'ouver- tures , est une valvule semi-lunaire , dirigée obliquement , en avant , dans l'intérieur , servant à fermer l'ouverture dans le mouvement de systole et empêchant le sang de ressortir. Au bord antérieur de ces ouvertures est fixée une autre val- vule, dirigée pareillement en dedans et en avant, mais beau- coup plus grande que la postérieure , se prolongeant jusqu'au milieu du cœur, aux parois duquel elle adhère par ses bords supérieur et inférieur^ tandis que l'antérieure, qui est libre, s'applique contre la valvule opposée. Le cœur se trouve ainsi partagé, au moyen de ces valvules, en huit chambres consé- cutives, correspondantes à autant de segmens abdominaux, et dont la dernière seule et très petite est terminée en cul-de- sac. Il s'ensuivrait que ce qu'il nomme artère, pourrait n'être qu'une autre chambre, de forme et proportions différentes, opposée à celle-ci. Le cœur présente deux tuniques (i) , dont l'extérieure, consistant en une m.embrane épaisse, fibreuse, fort dense, semblable à la seconde des crustacés, forme, en se repliant dans les ouvertures auriculo-ventriculaires, les valvules, et dont l'intérieure est une couche musculeuse, très épaisse, composée de fibres circulaires, irrégulièrement pa- rallèles , et parfaitement distinctes les unes des autres. Les ligamens du cœur y forment, de chaque côté, huit expansions ou toiles, de figure triangulaire, dont la base est adossée au cœur, et auxquelles on a donné le nom d'ailes. Ils naissent d'un teiidon fixé au bord antérieur des huit arceaux supérieurs de l'abdomen, et ces expansions forment, près du cœur, une toile composée d'une infinité de petites lanières , se réunissant (x) Celui des crustacés et des arachnides piilraor aires en offre trois, selon ce zootomistc. • GKNÉRALITÉS. J -^Q en une membrane adhérente à la face intérieure du viscère, et se continuant avec celles du coté opposé, tandis que les supérieures se fixent le long de ses côtés. Les lanières qui se dirigent vers ces ouvertures latérales s'attachent à de petites arcades ligamenteuses , se portent de leur lèvre antérieure à la postérieure, de manière que les arcades étant tirées en dehors par les ligamens, on observe près de chaque ouverture un trou semi-circulaire dans les ailes du cœur, et par lequel le sang de l'abdomen y arrive plus facilement. Une graisse formée de petits grains recouvre, dans la plu- part des insectes, les fibrilles de la surface des ailes, qui paraît ainsi granuleuse , et c'est sous cet aspect qu'elles sont repré- sentées dans la figure de la chenille du saule de Lyonet. (( Lorsque , dit M. Straus , la dernière chambre du cœur se dilate, le sang que contient la cavité abdominale se précipite dans son intérieur par les deux ouvertures auriculo-ventri- culaires , qui se trouvent à l'extrémité de celte première chambre. Celle-ci venant à se contracter ensuite, ses valvules semi-lunaires s'appliquent sur ces ouvertures, pour empêcher le sang de ressortir^ et par la compression que ce dernier éprouve, il force les valvules inter-ventriculaires de s'écarter, et passe dans la seconde chambre , qui se dilate au même moment. Mais, outre le sang que cette première partie du cœur pousse dans la seconde , celle-ci en reçoit encore , lors de son mouvement de diastole, par ses propres ouvertures auriculo-ventriculaires. Cette seconde chambre se contrac- tant à son tour, le sang qu'elle contient pressant sur les val- vules inter-ventriculaires postérieures, elles s'appliquent l'une contre l'autre , et s'opposant à son retour dans la première chambre, le liquide pénètre dans la troisième, qui se dilate pour le recevoir. Le sang passe ainsi successivement d'une chambre à l'autre, et enfin dans l'artère, qui va l'épancher dans la tète, d'où il revient à l'abdomen. » Telle est la des- cription du vaisseau dorsal, donnée par M. Straus 5 organe qui serait ainsi bien plus compliqué qu'on ne l'avait cru, puisque aucun autre analomiste n'avait découvert ces loges, l8o QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. ces ouvertures et ces valvules dont il parle. Ce serait presque le cœur d'un crustacé stomapode, ayant pareillement une forme allongée, avec des ouvertures pour l'entrée du sang, mais sans vaisseaux propres à l'y conduire ou à l'en faire sortir et le répandre , et sans péricarde , son enveloppe extérieure n'étant composée que de deux tuniques. Il est à désirer que de nou- velles recherches, faites surtout sur des larves d'insectes où les tégumens sont moins solides et les divisions segmentaires moins tranchées, confirment ces faits, et nous garantissent qu'il n'y a pas eu d'illusion. Ce vaisseau reposant immédiate- ment sur une couche épaisse de graisse, l'opinion de M. Marcel de Serres, sur la nature de ses sécrétions, paraîtrait motivée. Mais cette graisse étant elle-même contiguë au canal intesti- nal, doit, par ce contact, éprouver une sécrétion particu- lière, qui modifie celle de la suhstance adipeuse. On ne sau- rait douter que cette matière ne contribue puissamment à la conservation de la vie des insectes dans leur hybernalion, ou dans les longs jeûnes auxquels quelques uns sont exposés, et le vaisseau dorsal peut dès-lors y avoir une bonne part. Ses mouvemens, qui se prolongent quelquefois, ainsi que je l'ai vu, lorsque l'animal ne donne d'ailleurs aucun signe de vie, doivent communiquer aux autres organes intérieurs une impulsion vitale, et maintenir le corps dans la température qui lui est propre. La petitesse de ces animaux ne permet point de déterminer cette température , et tout se réduit à quelques données approximatives. Puisque des chrysa- lides et des nymphes, exposées à l'air libre, dans les ré- gions les plus hyperhoréennes et où le mercure se congèle , ne périssent point par la rigueur extrême du froid , il faut que quelques uns au moins aient une grande force vitale. On sait encore qu'ils peuvent supporter , et pareillement sans succomber, une forte chaleur-, et l'on a même trouvé de petits hydrophiles dans des eaux thermales bouillantes. M. Le- fehvre m'a donné plusieurs coléoptères qu'il avait psis près des bords du cratère de l'Etna. MM. Hubert fils et Spallanzani ont fait diverses expériences sur la chaleur naturelle de nolr(i % GÉNÉRALITÉS. l8l abeille domestique. Ils se sont assurés qu'elle peut rester, pendant plusieurs heures et sans geler, à un froid de deux ou trois degrés au-dessous du terme de la congélation du thermomètre de Réaumur, et qu'elle s'engourdit lorsqu'il est à neuf degrés et demi au-dessus du même point ou de zéro. La chaleur intérieure d'une ruche bien fournie peut excéder d'environ seize degrés celle de la température atmosphérique ^ de sorte que ces insectes peuvent jouir des douceurs du prin- temps au milieu de l'hiver, ou éprouver les chaleurs de la zone torride , lorsfju'à l'extérieur la température diffère peu du terme moyen. Mais on ne doit point perdre de vue que cet excédant de calorique est produit par la fermentation de l'acide carbonique qui résulte de la respiration de ces in- sectes , ainsi que des matières , comme la cire et le miel , ren- fermées dans la ruche. Aussi , désertent-ils , en partie , leur habitation , ou périssent-ils lorsque cette chaleur intérieure atteint son maximum. Spallanzani a observé que plus le froid qu'ils ont éprouvé est grand , plus il leur faut de temps et une température élevée pour se ranimer. Diverses expériences nous ont montré que Ton peut accélérer ou retarder le déve- loppement des insectes en augmentant ou en diminuant , par des moyens artificiels , la température du local où on les place. De la même cause dépendent aussi , du moins en par- lie , des différences spécifiques et certaines variétés ^ mais ces considérations se rattachent plus particulièrement à la géographie des insectes , sujet dont nous traiterons plus bas. Il résulte de celles que nous venons de présenter, par rapport au vaisseau dorsal , que cet organe est , comme on le pense communément , un cœur ébauché ou très imparfait , sans ar- tères ni veines proprement dites, et que, dans l'hypothèse même de M. Straus , la circulation se réduirait à une simple transfusion alternative du sang du ventricule dans la cavité du corps, et de celle-ci dans le ventricule. La nutrition s'opère néanmoins tout aussi bien que dans les animaux pour- vus d'un cœur véritable ; de nombreux vaisseaux aériens , infiniment propres, d'ailleurs, à diminuer la pesanteur spé- l82 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. cifique du corps et à favoriser le vol, y suppléent : ils consistent en deux tubes principaux, appelés irac/zee^^ s'étendant pa- rallèlement l'un à l'aulre , dans toute la longueur du corps de l'animal , recevant le fluide respirable au moyen d'ouvertures nommées stigmates (i) , pratiquées à la surface extérieure de la peau , et d'où partent, comme autant de centres , beau- coup de rameaux qui se prolongent , en s'anastomosant d'une manière indéfinie, dans tout l'intérieur du corps, et jusqu'à l'extrémité même des appendices les plus longs et les plus déliés, comme les antennes , par exemple. Les intervalles compris entre les ramuscules peuvent remplir l'office de tubes capillaires , et , comprimés par le fluide aérien , transmettre les sucs nourriciers dans les diverses parties du corps, qui s'y distribue avec une parfaite symétrie -, car les monstruosités sont très rares dans cette classe d'animaux. Ajoutons-y le concours de quelques vaisseaux particuliers , tels que les biliaires, les salivaires , etc. Notez bien que d'après les ob- servations de Swammerdam , de Lyonet et autres , des fibrilles unissent le corps graisseux avec les autres organes intérieurs. Celte action réciproque et générale doit produire le mode de nutrition que M. Cuvier appelle imbihition. Sous le rapport de la composition , on distingue deux sortes de tracbées : les tubulaires , ou élastiques , et les vésiculaires. Les premières, de couleur de nacre , ou argentées, sont for- mées de trois membranes, dont l'intermédiaire, consistant en un filet cartilagineux , élastique, roulé en spirale , et les deux (r) Chaque stigmate, suivant M. Stiaus , communique intérieurement avec une grosse trachée, qu'il nomme trachée d'origine, de laquelle part un certain nombre débranches; les unes, ordinairement très fortes, se portant sur les stigmates voisins du même côté, forment des trachées de communication longitudinale, ou des tra- cJièes longiludiaales ; les autres s'anastomosant avec leurs correspondantes du côte opposé, établissc-nt des communications entre les deux moitiés symétriques du corps: ce sont des tracliées de communication transversale, ou plus simplement des trachées transversales. Une foule de petites branches partant soit de chaque trachée d'origine, soit de leurs trachées longitudinales, se répandent sur les organes. Ce système tra- chéen est pins compliqué dans divers orthoptères, tels que les blattes, les saute- relles. GENERALITES. l83 autres celluleuses. Les secondes n'offrent que les deux der- nières membranes, et sont des espèces d'ulriculcs, ou poches pneumatiques , susceptibles de se gonfler, et communiquant les unes aux autres par des trachées de la première espèce. Elles sont propres aux insectes gymnoplères , ou à ailes nues (i), à divers coléoptères et orthoptères, ainsi qu'aux hémiptères terrestres. Les insectes aquatiques en sont dé- pourvus , ou , lorsqu'elles y existent , elles sont accompagnées de trachées tubulaires. Sous le rapport du mode de respira- lion , les larves des libellules méritent surtout une attention propre , et M. Cuvier en a fait l'objet d'un Mémoire par- ticulier. On les voit ouvrir sans cesse le rectum , le rem- plir d'eau , et l'instant d'après la repousser avec force , mêlée de grosses bulles d'air, ce qui facilite leur progression. L'in- térieur du rectum offre , à l'œil nu , douze rangées longitu- dinales de petites taches noires, rapprochées par paires, et imitant des feuilles ailées ou pinnées. Vues au microscope, ces taches paraissent être formées par une mullilude de petits tubes coniques , ayant la même structure que les trachées élastiques, parcourant la longueur du corps, et desquelles partent les branches distribuant l'air dans ses diverses parties. Ces trachées sont au nombre de quatre. Lyonet dit que si on met ces larves sur le feu , l'air renfermé dans les trachées se dilate, sort par fusées, et souvent avec bruit, par les deux stigmates antérieurs du corselet. Il croit que ces larves ont des organes propres h extraire lair de l'eau , et telle avait été d'abord aussi l'opinion de M. Cuvier. L'insecte parfait , quoi- qu'il ait le même nombre de trachées principales , respire par les stigmates latéraux. Les trachées ne sont pas toujours uniquement intérieures; dans quelques larves aquatiques , telles que celles des gyrins , des éphémères, elles parcourent, en forme de veines anasto- (i) L'intérieur de leur abdomen offre souvent à sa base deux grosses vessies aériennes, et accompagnées de quelques autres plus petites. Il y en a quatre, pa- rcillcmeut volumineuses, dans l'hydropliile piceus. l84 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. mosées , l'intérieur de divers appendices ou nageoires , que j'ai désignés par la dénomination Aq fausses-branchies, M. Marcel de Serres a observé que les troncs de ces or- ganes respiratoires , soit tubulaires, soit membraneux, vont , dans plusieurs insectes , s'aboucher immédiatement avec d'autres trachées. Celles-ci reçoivent alors la dénomination de pulmonaires et les autres ai artérielles . Il me paraît que les précédentes sont les mêmes que celles que M. Léon Dufour, dans un excellent Mémoire sur l'anatomie de la ranatre li- néaire et de la nèpe cendrée , désigne par l'épithète de pec- torales. Des espèces de fausses côtes , ou arcs cartilagineux du sternum , soutiennent , dans divers orthoptères , les trachées artérielles. Les stigmates , ou bouches aériennes (spiracules)^ se présentent à l'extérieur sous la forme de boutonnières , ou de deux lèvres rapprochées, mais susceptibles de s'écarter. Ces lèvres sont formées par un anneau corné ou écailleux , dont le diaphragme (épiglotte , Straus) est divisé, au moyen d'une fente longitudinale, en deux, à la manière de deux volets ou battans , avec des fibres ou stries transverses , barbues ou hérissées de poils, formant même des houppes ou des arbus- cules dans quelques espèces. Ces stigmates ont un petit sup- port, donnant naissance aux muscles contracteurs et exten- seurs. Supposons que le diaphragme disparaisse ou se confonde avec l'anneau ou le rebord extérieur, que cet anneau acquière un peu plus d'extension, et forme lui-même deux volets, ou paupières, s'ouvrant et se fermant à volonté, on aura cette sorte de stigmates, que M. Marcel de Serres nomme trérnaèr-es, qui est particulière au mésothorax des orthoptères, de divers coléoptères, et qui a été très bien figurée par MM. Léon Dufour et Straus. Le premier et M. Sprengel ont publié plusieurs observations intéressantes sur les trachées des in- sectes. Mais il nous manque encore un travail général et comparatif sur ces organes. Lyonet a remarqué que , dans les ixodes , les stigmates forment une petite plaque presque circulaire , percée d'un trou. Dans des corées et d'autres hé- miptères , ils apparaissent sous la forme d'une cavité arrou- GÉNÉRALITÉS. l8j die, bordée inlérieurement d'un petit feuillet, entourant lui-même une autre cavité plus intérieure. Les deux du pre- mier segment abdominal diffèrent souvent des suivans , soit par leur grandeur, leur forme plus ohlongue, soit par d'au- tres caractères. Dans les mâles des cigales , des criquets , ils se combinent avec les organes de la stridulation , et dans les diptères avec les pièces qu'on a nommées halanciers. Ceux du prolhorax des diverses sauterelles y forment deux grandes cavités. C'est par une étude scrupuleuse et suivie de ces or- ganes que l'on pourra parvenir à donner une explication sa- tisfaisante du bourdonnement de certains insectes. Les larves, celles de plusieurs diptères exceptées , ont dix- huit stigmates, ou neuf de chaque côté, et distribués par paires. La première est sur le premier anneau après la télé *, la seconde sur le quatrième , et les autres sur les suivans, sans interruption. Le second et le troisième anneau en sont dé- pourvus, parce que, du moins relativement aux insectes à quatre ailes, le développement de ces organes s'y oppose. Dans les larves de diptères, anomales sous ce rapport, les deux premiers stigmates sont situés sur le second anneau , et les autres, dont le nombre est de deux à huit, sont placés sur le dernier , et souvent recouverts par les chairs de son contour, formant alors une sorte de bourse. Quelques autres larves , du même ordre, respirent par l'anus; le corps s'allonge, s'amin- cit en arrière tubulairement, et se termine par des appendices rayonnes ou par deux filets propres à cet usage. C'est aussi ce qui a lieu dans les ranatres et les nèpes : mais ici ces deux filets composent un tube. Certains insectes aquatiques, en état parfait, comme les hydrophiles, les gyrins, les dytiques^ les notonectes , les naucores, etc., viennent pour respirer à la surface de l'eau et s'y suspendent par le derrière , de sorte que l'on croirait que leur anus remplit cette fonction. Mais ik se bornent à soulever ou à écarter l'extrémité postérieure de leurs élytres, afin que l'air puisse pénétrer dans les stigmates situés sur le dos , et les seuls organes propres à la respiration. Quelques nymphes de l'ordre des diptères respirent au l8G QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. moyen d'un ou de deux tubes ; mais, généralement, le nombre des stigmates des insectes, dans cet état de transformation, est le même que dans l'état parfait. On n'en attribue commu- nément à ceux-ci que dix-liuit • mais il y en a deux de plus , ou vingt, savoir : deux, que Swammerdam avait très bien aperçus Çojyctès nasicorne) ^ appartenant au prothorax et intérieurs dans un grand nombre \ deux au mésothorax ou au segment suivant , et les huit autres paires sur les huit pre- miers anneaux de l'abdomen -, les deux derniers , et même quelquefois les deux précédens , sont oblitérés ou très petits et peu sensibles. Les stigmates de cette partie du corps y sont situés tantôt en dessus , près de ses bords , et tantôt sur ses côtés inférieurs. Ceux des coléoptères et des orthoptères sont dans le premier cas, et alors recouverts par les ailes. Ceux du mésothorax , ou les trémaères de M. Marcel de Serres , sont placés immédiatement derrière les élytres dans les premiers , et sur les flancs du thorax, immédiatement au-dessus de la naissance des secondes pâtes , ou un peu plus en arrière dans les orthoptères (i) et les hémiptères. Je n'ai pu en dé- couvrir que deux au thorax des insectes à ailes nues ; ils sont placés en dessus, et à la jonction de ses deux premiers seg- mens. Les portions membraneuses des côtés de l'abdomen , qui unissent les anneaux supérieurs de ses segmens avec les inférieurs, présentent souvent de petits espaces plus solides, et portant les stigmates de cette partie du corps ^ ce sont , dans la Nomenclature de M. Audouin , des péritrèmes. Réaumur pense que l'expiration s'opère au moyen de petites ouvertures placées sur la peau. De Géer, en admettant aussi une inspiration et une expiration alternatives , croit qu'elles s'efFecluent l'une et l'autre de la même manière , et par les l)roncbes et les stigmates. Lyonet , qui a fait diverses expé- riences sur la chrysalide du sphinx du troëne , présume qu'elle vit un certain espace de tem.ps sans respirer, et que | (i) Le second segmeut thoraciquc des spectres aplcres n'a point «le stigmates, mais on en voit quatre sur le suivant, et dont les deux postérieurs plus petits. GÉNÉRALITÉS. 1 87 ses deux stigmates antérieurs, qui sont les plus grands et se ferment les derniers, ne servent alors qu'à faciliter l'évapo- ralion des humeurs surabondantes , et à permettre à l'air extérieur d'occuper leur place. De diverses expériences faites sur la respiration des in- sectes , et parmi lesquelles celles du célèbre chimiste Vau- quelin doivent surtout être mentionnées , l'on doit conclure que, dans cette fonction , le gaz oxigène a la plus grande in- fluence , et que si l'acide carbonique ou le gaz azote viennent à dominer, ces animaux périssent. Ils peuvent cependant, ainsi que cela résulte de plusieurs expérimentations faites par Lyonet sur des chenilles privées quelque temps d'air, ou tenues , pendant dix-huit jours dans de l'eau , sans qu'elles aient péri , suspendre leur respiration un long espace de temps, et leurs organes, quoique momentanément paralysés, reprennent leur activité primitive dès que la cause perturba- trice cesse. Ils peuvent vivre dans une quantité plus grande de gaz dé- létères que les animaux vertébrés , et ces gaz leur sont moins pernicieux. Il résulte aussi des observations de Spallanzani, qu'ainsi que ces derniers , ils absorbent Toxigène par la res- piration ; qu'ils produisent même après leur mort et en état de putréfaction , quoiqu'en moindre quantité alors , l'acide carbonique et de l'azote ; que l'oxigène est absorbé , non seulement par les organes de la respiration , mais par tout le corps ; que, transporté dans le fluide nourricier, il s'y combine avec le carbone et forme ainsi l'acide carbonique, qui s'exhale aussi par toutes les parties du corps. Il a fait voir encore que, placés dans l'oxigène pur, ils en absorbent une plus grande quantité que hors de cette situation ou dans l'air atmosphérique^ que la respiration est plus active chez les chenilles et les papillons que chez les chrysalides-, que son énergie est en rapport avec l'élévation de la température 5 qu'elle cesse à un certain degré et que l'animal tombe en état de lélliargie sans cesser de vivre : la chenille du pa- pilio hiassicœ de Linné n'absorbe plus d'oxigène et ne pro- l88 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. duit plus d'acide carbonique à un degré au-dessous de o, et gèle déjà à 2 7. Sa chrysalide gèle à 4 ? et supporte un froid considérable. Ces animaux peuvent résister à l'air libre, à un froid de ly degrés au-dessous de o. Nous avons dit plus haut qu'ils produisaient, en élat de vie, de l'azote, mais il paraît qu'il s'en dégage une plus grande quantité après leur mort. M. Straus, qui a fait aussi un grand nombre de recherches intéressantes sur ce point de physiologie , et de l'ouvrage du- quel nous avons extrait une partie de ces renseignemens, dit que les crustacés, XQ\^à(\aQV Astacus flii^iatilis oul'écrevissede rivière , absorbent l'oxigène et dégagent l'acide carbonique , quoique morts, mais que cet effet cesse lorsqu'ils ont subi un degré d'ébullition. Privés de leurs branchies, ils absorbent encore à peu près la moitié de l'oxigène qu'ils consomme- raient élant intacts , et rendent aussi la moitié de l'acide carbonique qu'ils fourniraient dans ce dernier état. Il rapporte d'autres expériences comparatives de Spallan- zani , et desquelles il s'ensuivrait que trois individus de la même chenille du chou auraient absorbé, dans l'espace de quatre heures, douze fois plus d'oxigène et produit quinze fois autant d'acide carbonique qu'une grenouille-, et que re- lativement à une espèce de mammifères , du genre des loirs Çniyoxus a^ella/iaràis)^ la respiration des mêmes chenilles serait à celle de ce dernier animal , comme 8,17 est à 59,45, pour l'absorption de l'oxigène-, et comme 0.77 est à 19,81, pour la production de l'acide carbonique. Psous re- grettons de ne pouvoir rendre compte des propres expérien- ces de M. Straus. Swammerdam avait décrit le premier le système nerveux de quelques insectes , comme l'abeille , le ver-à-soie , l'o- ryctès nasicorne , etc. Mais c'est à l'incomparable ouvrage sur l'anatomie de la chenille du saule de Lyonet qu'il faut recourir pour se former une idée parfaite de sa composition , et c'est d'après lui que nous nous sommes exprimé ainsi dans la seconde édition du règne animal de M. le baron Cuvier. « Le système nerveux de la plupart des insectes hexapodes y GÉNÉRALITÉS. 1 89 est généralement composé d'un cerveau formé de deux ganglions opposés , réunis par leurs bases , donnant huit paires de nerfs et deux nerfs solitaires, et de douze (i) ganglions, tous intérieurs. Les deux premiers sont situés près de la jonclion de la tête avec le thorax , et corttigus longiludinalement ; l'antérieur donne des nerfs à la lèvre inférieure et aux parties adjacentes; le second et les deux suivans sont propres à chacun des trois premiers , ou ceux qui , dans les insecles hexapodes , composent le thorax -, les autres ganglions appartiennent à l'abdomen , de manière que le dernier ou le douzième correspond à son huitième (9.) anneau , suivi immédiatement de ceux qui composent les or- ganes sexuels-, chacun de ces ganglions donne des nerfs aux derniers anneaux du corps. La région frontale offre trois ganglions particuliers, désignés par Lyonet sous le nom de frontaux j et dont le premier produit postérieurement un gros nerf, ayant des renflemens, le plus long de tous, et qu'il nomme récurrent. Le premier ganglion , ou le sous- oesophagien, pousse, selon lui, quatre paires de nerfs, et les suivans deux paires chacun ; de sorte qu'en y comptant les huit paires du cerveau , les dix brides épinières que l'on peut considérer comme autant de paires de nerfs, on a , en tout, quarante-cinq paires de nerfs , indépendamment des deux nerfs solitaires , ou douze à quatorze de plus que n'en offre le corps humain. Les deux cordons nerveux, qui forment par leur réunion les ganglions, sont tubulaires et composés de deux tuniques , dont l'extérieure offre des trachées ^ une substance médullaire remplit le canal central. Le bel ou- vrage de M. Hérold sur l'anatomie de la chenille du pa- pillon du chou , étudiée dans sa croissance progressive et jusqu'à sa transformation en chrysalide, nous montre que le système nerveux et celui des organes digestifs éprouvent des (i) Trois spuleineut dans les coléoptères laniillicoriies , où ou a observé ce sys- tème, et deux dans les ranatres , les uèpcs , genres de l'ordre des hémiptères, et même, à ce qu'il paraît, dans la plupart des autres du inéaic ordre. (2) Septième , par erreur. iC)0 QUATRIÈ3IE CLASSE. — INSECTES. changemens notables : que les cordons nerveux sont dans rorigine plus longs et plus écartés , observation qui favorise l'opinion de l'un des plus grands zootomistes de notre époque , le docteur Serres , sur l'origine et le développement du sys- tème nerveux. )> Suivant M. Straus , le cerveau du hanneton commun pro- duit cinq paires de nerfs , savoir : les antennaux ou acousti- ques, les optiques, et trois autres paires, naissant des gan- glions accessoires. Les autres nerfs proviennent des ganglions sous-œsophagiens. Le cerveau est beaucoup plus volumineux que les ganglions de la moelle épinière. Il en offre deux très grands, formant sa masse principale, et deux autres paires, mais qui ne sont qu'accessoires ou collatéraux, et qui pa- raissent n'être composés chacun que d'un nerf simple, terminé par un petit ganglion, et jetant au côté interne une branche finissant de méme^ ils naissent de la face postérieure des pré- cédens. Il existe encore deux ganglions impairs , et qui dé- pendent de ce qu'il nomme système nerveux vital. Ils sont situés sur l'œsophage, auquel ils distribuent leurs nerfs. Le premier est placé devant le cerveau sur le muscle constric- teur du pharynx , auquel il adhère -, c'est une petite masse triangulaire qui produit un cordon médullaire unique, sui- vant la ligne médiane de l'œsophage jusqu'au-delà du cer- veau , où il forme le second ganglion , qui est presque im- perceptible j celui-ci adhère également à l'œsophage et se prolonge de même en un cordon médullaire : l'un et l'autre donnent chacun une paire de nerfs. Peut-être le cordon se rend -il à un anneau blanc qui entoure l'extrémité posté- rieure de l'œsophage. Le premier de ces deux ganglions cor- respond , à ce qu'il paraît , à l'un de ceux que Lyonet appelle frontaux. La figure que celui-ci a donnée du cerveau et des nerfs de la tête de la chenille du saule , présente encore des ganglions latéraux analogues à ceux que M. Straus considère comme accessoires ou collatéraux. Les deux cordons médullaires , embrassant l'œsophage , en forme de collier, se rendent inférieurement au ganglion sous- f 4 / GKNERAMTES. IQT œsophagien , composé de deux ganglions réunis en une masse, et placés dans la concavité de la pièce basilaire (i), sous l'arcade que cette pièce forme dans l'intérieur de la tète. Ils produisent trois paires de nerfs, dont les deux premières sont lesmandibulaires et les maxillaires 5 la troisième se com- pose de deux petits filets nerveux postérieurs, se dirigeant en arrière et au-dessus, et allant se perdre dans les muscles adducteurs des mandibules. Le tronc ou le thorax des insectes hexapodes est divisé, ainsi que nous l'exposerons plus bas, en trois segmens . que l'on désigne maintenant, en partant de la tête, sous les noms de prothorax , de niésothorax et de niétathorax. Geoffroy et d'autres naturalistes français ont appelé corselet toutes les parties découvertes de ce tronc, de sorte que celte dénomina- tion s'applique tantôt, ainsi que dans les coléoptères, les or- thoptères, etc., au segment antérieur ou au prothorax, tantôt aux trois segmens réunis, comme dans la plupart des insectes à ailes nues ou sans élytres. M. Straus a conservé au premier de ces segmens la désignation de corselet -, mais les deux autres étant censés composer le thorax propre , il appelle prolhorax le segment intermédiaire , ou le mésothorax. Le troisième et dernier ne change point de nom , ou forme le métathorax. Le corselet renferme deux ganglions, composant une masse triangulaire , écbancrée postérieurement et réunie par les deux cordons médullaires, formant un pédicule, à deux autres ganglions, ceux du métholhorax, qui composent une masse orbiculaire, évidée dans son centre. Ces divers ganglions jet- tent des nerfs aux membres attachés à ces scijfmens. Chez les insectes dont les arceaux inférieurs de l'abdomen sont soudés ; (i) Cet espace du dessous de la tête, compris entre le trou occipital et la nais- sauce de la lèvre inférieure , qu'on appelle le gosier, gula , se divise en deux parties^ la supérieure, celle sur laquelle repose immédiatement la lèvre, et qui, dans le liannetou , est lisse, G^tXn. pièce prébasilaire ; l'autre, ou l'Inférieure et la plus spa- cieuse , est la basilaire. Mais comme cette division n'est fondée que sur de simples impressions superficielles, il n'existe réellement qu'une seule pièce, partagée trans- versalement en deux plans. . 192 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. OU peu mobiles, les ganglions abdominaux, suivant M. Straus, sont ordinairement réduits à une seule paire et il en fait une loi : c'est ce qui a lieu dans le hanneton. Ces deux ganglions sont placés dans le thorax , immédiatement derrière les deux du métathorax. Il y a aussi ici une transposition des nerfs -, les deux premiers segmens abdominaux reçoivent leurs nerfs, au nombre de cinq paires , des ganglions du métathorax , et non de leurs ganglions propres. Les deux cordons médullaires sor- tent de ceux-ci ou des abdominaux , se portent droit en arrière et commencent à ne jeter des branches qu'au cinquième segment^ les premières sont plus fortes que les autres, qui s'affaiblissent graduellement. Tels sont les deux types princi- paux du système nerveux des insectes , l'un normal ou ordi- naire , formé d'un nombre de ganglions correspondant presque à celui des segmens du corps, et l'autre exceptionnel en ce que leur quantité est très inférieure à celle de ces segmens. Il four- nirait, suivant la théorie de M. Straus, relativement au système nerveux des animaux sans vertèbres et articulés , une application de sa sixième loi , savoir que lorsque le tronc est composé de segmens distincts, soit mobiles, soit soudés, et que ceux de l'abdomen, ou leurs arceaux inférieurs au moins, sont très peu mobiles ou soudés , celte dernière partie du corps reçoit ses nerfs d'une grosse paire de ganglions. Placés dans la partie antérieure de la cavité viscérale, ou bien le tronc lui- même, les cordons médullaires se prolongent jusqu'à l'extré- mité postérieure du corps , mais sans y produire , comme dans le tronc, de ganglions. Mais je ne vois pas que les segmens abdominaux des lucanes, des carabes, etc., soient plus mobiles que ceux du hanneton , et cependant ici , le système ganglion- naire est poursuivi dans toute la longueur du corps. Si celle soudure ou celle immobilité des segmens influait sur le nombre des ganglions, le tronc des hyménoptères, des lépidoptères et de plusieurs autres insectes étant composé d'anneaux intime- ment unis et sans mouvement individuel, devrait être soumis à la même loi fjuc l'abdomen , et cependant chacun de ses segmens offre un ganglion propre. Kii un mot, ainsi que je GKNEP.ALITKS. If)3 l'ai dit ailleurs, ce n'est pas sur un petit nombre d'observa- tions de cette nature que l'on peut établir solidement des lois générales. La théorie des sensations des insectes présente encore de grandes difficultés, ainsi que le montre le partage des opi- nions sur les sens de l'ouïe, de l'odorat et du goût. L'organe de la vision, quoique ayant été depuis long-temps l'objet des recherches de plusieurs célèbres anatomistes, n'a été bien connu que tout récemment. On sait que les yeux des insectes sont de deux sortes, les uns appelés lisses ou simples, se pré- sentant sous la forme d'une simple petite lentille tout unie , toujours ronde ou ovale, et les autres distingués par les déno- minations à' jeux composés , à' y eux à facettes ou à réseau , parce qu'ils sont un assemblage de petites lentilles, souvent hexagones, et dont le nombre est quelquefois de plusieurs mille; ceux du hanneton ordinaire en ont environ 8,828, suivant M. Straus (i); il les assimile à des crystallins , ayant la forme de petits prismes hexaèdres, avec les deux bases convexes, ayant o,oooo3 de grosseur, sur 0,0000^7 de long. Les premiers yeux manquent dans plusieurs , mais les seconds existent toujours, du moins dans les insectes ailés. La descrip- tion qu'il a donnée des derniers a donné lieu à une contro- verse , et nous a valu de précieux éclaircissemens fournis par MM. Mùller et Antoine Dugès. Une choroïde incapable de livrer passage à la lumière , une supposition de trachées imaginaires , l'impossibilité d'expliquer d'une manière rai- sonnable les phénomènes optiques, telles étaient les consé- quences de l'opinion que l'on s'était formée avant ces deux savans , sur cet organe. M. Dugès , désirant vérifier les ob- servations de MM. Marcel de Serres, Straus et Mùller, s'est plus spécialement attaché à étudier la composition des yeux de la libellule grise ou commune (^ Annal, des Scienc. natur., tom. XX , pag. 341 et suiv. ) , genre où leur grandeur est des (i) L'œil d'un papillon en offre, suivant Pngct, 17, 325. / Vy • O ^a- iq4 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. plus remarquables (i). De ses recherches à cet égard, il en déduit cette conclusion générale , que les organes sont une réunion d'yeux qui , considérés isolément, peuvent, jusqu'à un certain point, être assimilés à l'œil des vertébrés. « Nous y trouvons en effet , dit-il , un filet nerveux inséré à l'extré- mité d'un corps transparent qui représentera facilement , si l'on veut , l'humeur vitrée et le crystallin -, une cornée trans- parente précédera cet appareil , et une choroïde représentée ici par un pigment coloré , enveloppera , comme chez les ver- tébrés , chacun de ces petits appareils de réfraction et de sen- sation , dont l'assemblage constitue un œil à réseau. » Etudié plus en détail , nous y distinguerons , en allant de l'extérieur à l'intérieur, et dans un sens longitudinal, trois parties : i°. la cornée; 2°. un enduit coloré ou pigment; 3®. le ganglion optique et ses filets nerveux. La cornée est formée d'une réunion de petites facettes ou cornéules , distinguées les unes des autres par des apparences de suture qui résultent de l'opa- cité de leurs limites respectives , divisée en petites lamelles , et paraissant avoir un épiderme. L'enduit ou pigment co- loré , représentant la choroïde , se partage longitudinalement en trois couches ; la première (2) ou la sous-cornéenne est noire , pure et homogène ; la seconde ou l'intermédiaire est large , noirâtre en avant , orangée en arrière , traversée dans sa longueur par des vaisseaux appelés cônes ou prismes par divers auteurs , assez solides , tubulaires , cylindriques , per- pendiculaires, transparens , remplis d'une humeur visqueuse, plus dense que l'eau , congelable par l'alkool , beaucoup plus grêles et cylindriques inférieurement , épaissis supérieure- ment , rétrécis au sommet (3), et aboutissant chacun à une fa- (i) Ils diffèrent surtout de ceux des autres insectes, en ce que les facettes de leur partie postérieure et supérieure, et autrement colorées, sont deux fois au moins plus grandes que les antérieures. Svrammerdam l'avait déjà dit. (2) Appelée uvée par Swammerdam. (3) Il paraîtrait que ces renflemens supérieurs forment , dans la description des yeux de l'abeille donnée par Swammerdam, le premier rang de fibres pyramidales, cx qu'il sépare du second par une double membrane, au-dessous de laquelle sont des fibres transversales. GÉNÉRALITÉS- IqS celte ou cornéule , de manière qu'il existe en ce point , dans la première couche du pigment , un espace vide , ou sorte de chambre située immédiatement au-dessous de la cornéule. La troisième couche, qui est d'un noir assez foncé, s'étend jus- qu'au ganglion optique , dont elle environne immédiatement la partie blanche ^ les filets nerveux qui en partent la parcou- rent dans sa longueur, et vont aboutir chacun à l'un des vais- seaux Iransparens dont nous venons de parler. Le ganglion optique , quoique pulpeux et homogène au premier abord , soumis à une compression modérée , offre cependant une structure fibreuse et radiée. Ainsi la couche supérieure du vernis ou pigment qui revêt la face inférieure des cornéules, quelque variable que soit son épaisseur, n'est point continue, mais cloisonnée, et forme, par un vide, entre chacune d'elles et le sommet du vaisseau cylindrique et transparent corres- pondant , un iris , ou du moins une uvée qui ne permet à la lumière de traverser que le centre de l'appareil, u Là , dit M. Dugès , est une ouverture, ou véritable pupille, qui pa- raît noire, comme chez l'homme lui-même, lorsqu'on l'exa- mine à un fort grossissement , après avoir aminci et applani la cornée avec un instrument bien tranchant. L'ensemble des pupilles, dont l'axe répond à celui de l'œil de l'observateur, forme , comme l'a prouvé M. Mùller, et comme me l'a appris le microscope à la lumière réfléchie , cette tache noire et mo- bile qui a embarrassé plus d'un observateur. )) Il a paru à M. Dugès que ces taches noires éprouvaient des élargissemens comme les pupilles des mammifères ; que derrière chaque cornéule il existait une petite cavité , une sorte de chambre antérieure, remplie d'humeur aqueuse, et dont la paroi pro- fonde aurait été formée en partie par l'iris ou la portion du pigment dont il s'agit en ce moment , et en partie par l'extré- mité libre du cylindre transparent qui appartient à l'appareil examiné. La diaphanéilé et le brillant des vaisseaux cylin- driques les a fait prendre , par divers observateurs, pour des faisceaux de trachées mélangées de filets nerveux. Telle est la structure des yeux des insectes diurnes j car il paraîtrait igG QUATRIÈME CLASSE. — • INSECTES. d'après M. Dugès , que la couche supérieure du pigment est nulle dans les insectes lucifuges ^ il a remarqué que cet enduit est peu abondant dans les langoustes. Les teintes de ses couches varient, et ce que nous avons dit à ce sujet s'applique aux libellules, dont M. Dugès a plus particulièrement observé les yeux. Dans la mouche domestique , le pigment est d'un rouge de sang , et voilà pourquoi lorsqu'on écrase sa tête, il en sort une liqueur ayant toute l'apparence du fluide sanguin. Dans beaucoup d'insectes la cornée est hérissée de poils que l'on a comparés aux cils des paupières , ou , quant à leur usage , aux paupières mêmes. Ils peuvent en effet recevoir la poussière , que l'animal enlève ensuite aisément au moyen d'un frotte- ment produit par les deux pâtes antérieures. Les insectes se te- nant souvent cachés dans des retraites, et leurs yeux étant sou- vent en contact avec divers corps , il était nécessaire que leur cornée fût solide. Dans sa description de ceux du hanneton , M. Straus ne s'est point essentiellement éloigné de celle qu'on avait donnée jusqu'alors de ces organes. La première couche du pigment , celle qui revêt intérieurement la cornée , est la choroïde propre; les vaisseaux tubulaires et transparens y sont considérés comme des nerfs optiques propres , se portant d'une rétine perpendiculaire à la cornée ^ d'autres nerfs , les secondaires, partent des ganglions optiques, traversent les autres couches du pigment, rencontrent une membrane d'un rouge brillant , concentrique à la cornée , la choroïde de M. Cuvier, ou la choroïde commune de M. Straus ^ derrière cette membrane , les nerfs secondaires se réunissent pour for- mer une expansion médullaire qu'il nomme rétine générale. M. Dugès a fait une étude assez suivie et assez complète des yeux lisses (i) ou stemmates, pour se prononcer à cet égard. Ceux de la mantis religiosa semblent être formés , selon lui, d'un sac conique , et ceux du gryUus lineola d'une cupule hémisphérique. Les différences que l'on observe à cet égard dans les yeux de quelques crustacés isopodes , des myriapodes , (t) Ocelli , ocelles. GÉNÉRALITÉS. T97 nous porteraient à croire que les yeux lisses ou simples sont les éicmens primitifs des yeux composés, et que l'on peut con- sidérer comme tels , ou comme rudimentaires , ceux de di- verses larves d'insectes, et particulièrement des chenilles. La description qu'a donnée Lyonet de ceux de la chenille du saule jious semhle appuyer cette conjecture. Ils sont certainement, dans la classe des arachnides, les organes de la vision. On a cru en reconnaître l'existence dans quelques espèces de co- léoptères du genre staphylin de Linné 5 mais cela nous paraît encore douteux. Cet ordre d'insectes , ainsi que plusieurs es- pèces des autres ordres , en est dépourvu ^ ils sont ordinaire- ment au nomhre de trois , et disposés triangulairement sur le sommet de la téte^ on n'en voit que deux, et de situation va- riable , dans d'autres. On s'est plus attaché , dans les Mémoires publiés à ce sujet , à constater leur existence et leur quantité, qu'à étudier leur structure et leurs propriétés. Nous avons déjà parlé de ces organes en traitant des arachnides. Ces filets articulés , situés entre les yeux ou au - devant d'eux, qu'on nomme antennes, et qu'il ne faut pas confondre avec les antennules ou palpes , autres filets pareillement arti- cules, généralement plus courts, et de formes moins variées, mais faisant partie de la bouche , ont été regardés tour à tour comme le siège de l'ouïe, de l'odorat et du tact. La première opinion , et qui est celle de M. Straus, est appuyée sur l'ana- logie, puisque, dans les crustacés décapodes, l'organe de l'ouïe est situé à la base des antennes extérieures. Les nerfs qu'elles renferment dans les insectes sont généralement, sui- vant lui, de seconde grosseur, ou de seconde importance^ car, dans sa manière de voir, la grosseur des nerfs est en rai- son inverse de la densité de l'agent qui doit être perçu; d'où il résulte que la lumière étant le corps le plus subtil dont l'animal doit distinguer les variations, ce sont, toutes choses d'ailleurs égales , les yeux qui reçoivent les nerfs les plus forts. Après ceux des antennes , viennent ceux des palpes maxillaires et labiaux, qui paraissent les uns et les autres ser- vir à un sens, mais dont il n'indique point la nature. Les nerfs ig8 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. maiidibulaires , dans lesquels réside probablement, suivant lui, la perception du goût, ont une grosseur moins forte en- core. Les pâtes, comme des organes du toucber proprement dit, reçoivent toujours des nerfs très considérables. Enfin, la peau , comme organe du toucher général , ne reçoit que des branches extrêmement faibles chez toutes les espèces dont les tégumens sont solides, et ce sens doit nécessairement être très obtus. Les nerfs des sens sont toujours proportionnés au vo- lume de l'organe auquel ils se rendent. Pour ne pas nous éten- dre trop sur ce sujet , nous ne suivrons point cet auteur dans l'exposition qu'il fait de l'importance des nerfs, relativement à l'action musculaire , à la respiration , et aux autres fonctions de la vie animale. Il avance diverses propositions que l'état de nos connaissances en anatomie et en physiologie ne nous permet point d'aborder et de discuter. Faisant observer, avec raison, que la pulpe auditive ne servant à transmettre, en der- nier résultat , que les vibrations de l'air au nerf acoustique , n'est pas rigoureusement nécessaire à la perception du son , il pense que cette transmission peut s'opérer par d'autres moyens , et que les tégumens des antennes qui enveloppent assez étroitement le nerf dans une grande étendue , peuvent très bien remplir cette fonction. Dans les astacus ou écre- visses , la pulpe auditive contenue dans le follicule du pre- mier article reçoit les vibrations de l'air, d'une manière di- recte, par la membrane tympanique du vestibule, et la partie terminale des antennes est un second appareil acoustique sur- ajouté au précédent. Celui-ci manquant dans les insectes, le second appareil en remplirait les fonctions. Mais dans cette supposition , les insectes où la faculté auditive est plus puis- sante , tels que les cigales , les criquets , les sauterelles , il semblerait que les antennes devraient avoir un plus grand développement, et c'est ce qui n'a pas lieu, principalement dans les cigales , où elles sont au contraire fort petites. Plu- sieurs grandes espèces de criquets offrent, près de leur nais- sance , les traces d'un tympan, ce qui confirmerait l'opinion (Je Scarpa, qui place à l'origine de ces organes le siège du scuà I GÉNÉRALITÉS. 1 99 de Touic. J'ai vu dans quelques cigales deux cavités particu- lières, situées une de chaque cote, près de la base de l'épi- stome. Correspondraient-elles aux mêmes organes? On peut concevoir que la membrane tympanique , seule partie néces- saire pour recevoir les vibrations de l'ouïe , pouvant persé- vérer , sans que son contour soit déterminé , l'organe de ce sens n'en existera pas moins , quoiqu'il ne soit plus dis- tinct à nos yeux. Quelques lépidoptères m'ont offert, près du bord interne des yeux, deux petits trous, et j'ai soupçonné qu'ils pouvaient être des conduits auditifs. Les antennes , et plus particulièrement celles des mâles , tantôt se terminant en massue perfoliée ou lamellée , tantôt garnies de barbes ou d'appendices, dans quelques familles, dont les espèces se nour- rissent, elles ou leurs larves, de matières putrides, animales ou végétales, j'avais cru qu'en admettant que ces organes fussent le siège du sens de l'odorat, il était facile d'expliquer ces diffé- rences. Dans plusieurs autres insectes, les coléoptères longi- cornes surtout, et plus spécialement encore dans leurs mâles, les antennes sont fort allongées , et filiformes ou sétacées. Il est naturel de présumer qu'elles servent alors au tact , d'au- tant plus qu'ils les portent souvent en avant. Les impressions qu'elles peuvent recevoir peuvent-elles au moins les prémunir contre les dangers qui les menacent ? Les tarses antérieurs des phrynes , ceux des faucheurs et de diverses autres arachnides paraissent, sous ce rapport et par des motifs semblables, jouir des mêmes propriétés. M. Straus combat l'opinion de ceux qui regardent les an- tennes comme les organes du toucher proprement dit. Il an- nonce qu'il a fait de nombreuses recherches à ce sujet, et qu'il n'a jamais pu reconnaître que les insectes explorassent les ob- jets en les palpant avec les antennes \ il dit qu'il est fort rare, au contraire , qu'ils le fassent , et que ce n'est alors que par un pur hasard. Celte conjecture, suivant lui, ne serait fondée que sur des faits mal observés, sinon entièrement faux. L'on serait tenté de croire , d'après une telle assertion , qu'il n'a jamais observé de fourmis dans leurs marches et leurs rcu^ 200 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. contres mutuelles , et qu'il n'a pas lu cetle partie de l'ouvrage de MM. Hubert sur les abeilles où sont exposées leurs cu- rieuses recherches à l'égard de ces organes, et qui prou- vent qu'ils servent non seulement au tact, mais qu'ils sont, pour ces insectes , un moyen de communication et une sorte de langage. M. Hubert fils observe, à cette occasion, que le bruit du tonnerre , les décharges d'armes à feu , ne paraissent point affecter ces petits animaux, et que, s'ils sont doués du sens de l'ouïe , il doit y être modifié différemment que dans ceux d'un ordre plus élevé. Les arachnides ayant , à la place des antennes , des instrumens de préhension ou de manducation , devraient , si les antennes étaient exclusive- ment le siège de ce sens , en être privées. Il faut donc , dans ce cas , que ces animaux ne fassent point exception à la règle générale , et que ce sens y soit situé ailleurs. Par notre exposition de l'encéphale des insectes, on a vu qu'il existait à sa partie antérieure un système ganglionnaire spécial. La découverte de quelques nerfs particuliers , situés à la même place , dans quelques crustacés , fait présumer à M. Robineau-Desv^oidy, que les antennes intermédiaires de ces animaux sont le siège de l'odorat. Baster l'avait placé à l'entrée de l'appareil respiratoire, opinion que M. Duméril a soutenue et développée , et pour laquelle incline aussi M. Straus. Mais les stigmates s'étendanl dans toute la lon- gueur du corps, comment, s'il n'existe point un centre de rapports ou un point unique de perceptions , l'animal pourra- t-il se diriger vers le lieu d'où partent les émanations odo- rantes, ou les fuir, si elles lui sont pernicieuses ? Quel sera d'ailleurs le siège du même sens dans les crustacés , qui ont un tout autre appareil respiratoire? M. Marcel de Serres, d'après diverses recherches sur les orthoptères , a pensé que les palpes étaient des organes olfactifs (i) ^ mais plusieurs in- (i) Il a observé que deux nerfs, qu'il regarde comme olfactifs, et partant, l'ini du cerveau etTautre du premier ganglion venant après, ou du ganglion sous-œsoplia- gien, parcourent rintérieur de ces palpes ; qu'il y a entre eux une trachée, formant d'abord une poche pneumatique , et se développant ensuite entièrement lorsqu'elle GENERALITES. 20I sectes en sont privés , ou n'en ont que de très petits ; seraient- ils donc privés de ce sens? Ces parties, lorsqu'elles ont une expansion remarquable, la languette , dans les espèces où elle est proportionnellement plus développée, et dans les crusta- cés, le labre, nous semblent être plutôt l'organe du goût, et tout nous porte à présumer que le système nerveux et spécial dont nous venons de parler, joue un rôle principal dans ces affections ou dans celles de l'odorat , qui se lient naturelle- ment avec les précédentes. Des expériences directes pourront seules éclaircir ces difficultés, et jusqu'alors nous nous in- terdirons tout jugement positif. M. Straus, qui a traité ce sujet avec assez d'étendue, soupçonne que les palpes pour- raient être l'organe d'un sens analogue à celui que l'on suppose résider dans ce que M. de Blainville nomme l'o/- gane de Jacobson, et qui permet aux mammifères, les her- bivores surtout, de reconnaître la nature de leurs alimens, et de repousser ceux qui peuvent leur être nuisibles j il y est placé près des fosses nasales. Il ne nous appartient point de nous livrer à une discussion sur l'existence de cet organe 5 mais nous pensons que la nature a pu arriver au même but sans créer un sens spécial 5 car une impression désagréable, produite directement, soit par l'odorat, soit par le goût, nous paraît pouvoir suffire. M. Straus pense encore que cer- tains appendices articulés, semblables à des palpes ou à des nntennes, que l'on voit à l'extrémité postérieure de beaucoup d'orthoptères, des lépismes , etc., peuvent aussi être le siège d'un sens sur lequel il n'ose hasarder aucune conjecture. Mais quelle nécessité v a-t-il encore d'admettre un nouveau sens? Ces appendices ne peuvent -ils pas être , soit des organes excréteurs, soit des organes du toucher? Lorsque des in- ductions fondées sur l'analogie peuvent nous conduire à des pénètre la cavité de ces organes. Nous ajouterons que dans les espèces les plus grandes de plusieurs genres, le dernier article des palpes est beaucoup plus volumi- neux que daus les petites , et qu'ici ce deruier article s'eufonce dans le précédent on Huit eu mauièrc d'altnc. !202 QUATRIEME CLASSE. =— INSECTES. explications raisonnables, qu'est-il besoin, je le répète en- core , d'ajouter de nouvelles bypolbèses à celles que la fai- blesse de nos conceptions n'a que trop multipliées ? Déjà, en traitant de la composition buccale des crustacés, des araclinides et des myriapodes , nous avons fait connaître plusieurs des organes de lamanducation qui, tels que le labre, les mandibules , les mâchoires , les palpes et la languette^ se retrouvent aussi dans les insectes broyeurs , et sont même com- muns à tous , mais sous un travestissement propre à un autre mode de manducation. Ici, il nous est plus facile de ramener ces organes , malgré toutes les modifications qu'ils nous pré- sentent, à un seul type. « La bouche des insectes à six pieds , avons-nous dit dans la nouvelle édition du règne animal, est, en général , composée de six pièces principales , dont quatre latérales, disposées par paires et se mouvant transversalement \ les deux autres , opposées l'une à l'autre , dans un sens con- traire à celui des précédentes , remplissent le vide compris entre elles : l'une est située au-dessus de la paire supérieure, et Tautre au-dessous de l'inférieure. Dans les insectes brojeurs, ou qui se nourrissent de matières solides , les quatre pièces latérales font l'office de mâchoires, et les deux autres sont considérées comme des lèvres-, mais, comme nous l'avons déjà observé , les deux mâchoires supérieures ont été distin- guées par la dénomination particulière de mandibules ,* les deux autres ont seules conservé celle de mâchoires -, elles ont d'ailleurs un ou deux fdets articulés qu'on appelle palpes ou antennules , caractère que n'offrent jamais, dans cette classe, les mandibules. Leur extrémité se termine souvent par deux divisions ou lobes , dont l'extérieure est nommée , dans l'ordre des orthoptères , galète. Nous avons encore dit qu'on était convenu d'appeler labre, la lèvre supérieure j l'autre, ou la lèvre proprement dite , est formée de deux parties : l'une , plus solide et inférieure, est le menton-, la supérieure, et qui porte le plus souvent deux palpes , est la languette. Dans les insectes suceurs, ou ceux qui ne prennent que des alimens fluides , les divers organes de la manducation se présentent GENERALITES. io3 SOUS deux sortes de modificalions générales : dans la première , les mandibules et les mâchoires sont remplacées par de petites James en forme de soies ou de lancettes, composant, par leur réunion , une sorte de suçoir, qui est reçu dans une gaine tenant lieu de lèvre, soit cylindrique ou conique, et articu- lée en forme de bec (le rostre) ^ soit membraneuse ou char- nue , inarticulée , et terminée par deux lèvres ( la trompe ) : le menton n'est qu'un avancement d'une portion des tégu- mens inférieurs ou gulaires de la télé , distingué à son origine par une suture. Dans la plupart des hyménoptères, ceux sur- tout, comme les abeilles, qui ont une trompe , au lieu de for- mer une sorte de plaque ou de bouclier, il a pris la figure d'un tube, soutenu par des muscles et mobile. Les mâchoires des insectes, ainsi que je l'ai dit en traitant des crustacés, me paraissent représenter les pieds-mâchoires de ceux-ci, et les premiers surtout des amphipodes ; et la lèvre inférieure ne serait encore, dans mon opinion , que des pieds-mâchoires analogues , mais dont les appendices intérieurs seraient réunis et confondus en une pièce , la languette ; le labre est triangu- laire , voûté , et recouvre la base du suçoir. Dans la seconde sorte d'organisation , le labre et les mandibules sont presque oblitérés ou extrêmement petits 5 la lèvre n'est plus un corps libre, et ne se distingue que par la présence de deux palpes, dont elle est le support; les mâchoires, qui ont acquis une longueur extraordinaire, sont transformées en deux filets tubuleux, qui, se réunissant par leurs bords , forment une espèce de trompe , se roulant en spirale , et qu'on nomme Icmgiie^ mais que , pour éviter toute équivoque , il serait préférable d'appeler spi- ritrompe (spijigjiatha) ; son intérieur présente trois canaux, dont celui du milieu est le conduit des sucs nutritifs; à la base de chacun de ces filets est un palpe, ordinairement très petit et peu apparent. » Dans notre histoire générale des crustacés et des insectes, imprimée bien long-temps avant l'observation de M. de Blain- ville sur le rapport du palpe interne des mâchoires avec leur iobe terminal et la galèlc , avions-nous reconnu cette identité ? 2o4 QUATRIÈME CLASSE. — INSECTES. Mais comme ces distiiiclions sont fondées sur des changemens de formes bien tranchés, qu'elles sont avantageuses à la mé- thode, je crois devoir les maintenir, et je ne saurais approu- ver M. Straus, qui, n'ayant pas égard à ces modifications, donne au galea une acception trop générale. C'est ainsi, par exemple , qu'il nomme la pièce dentée terminant les mâ- choires du hanneton. On verra, lorsque nous traiterons des orthoptères , que la galète a une forme très différente. Dans la description de la lèvre de cet insecte, il a bien distingué, et avec raison , la languette d'une autre pièce située en avant du menton, et cachée par lui , la langue. La plupart des entomo- logistes l'ont confondue avec la précédente -, elle constitue , dans la famille des coléoptères carnassiers , ces deux lobes que M. Bonelli nomme paraglos ses , et qui correspondent aussi aux deux latéraux de la lèvre des staphylins 5 mais le plus souvent elle est cachée par la languette. Afin d'éviter la confusion que peuvent produire ces deux expressions presque identiques de languette et de langue, il conviendrait de ne faire usage que de celle-ci, et de remplacer l'autre par celle de Zèpre,* le tout serait le glossaire (glossaîium). Le menton ou ganache n'est qu'un prolongement de cet espace inférieur et gulaire de la tête que M. Straus nomme pièce prœbasilaire, et sur laquelle nous reviendrons , en exposant la composition générale de la tête des insectes. Les hémiptères , insectes suceurs , sont aussi pour- vus d'une langue proprement dite , mais non pénétrante , ou ne coopérant point à la manducation. L'observation de cette pièce est propre à M. Savigny, qui a étudié, avec une attention si scrupuleuse, l'appareil buccal des insectes. Un fait qui lui a échappé est qu'une autre pièce , dont Réaumur avait déjà parlé , à l'occasion de la trompe des bourdons , mais négligée depuis , Vêpiglosse ou espèce de sous-labre fermant l'entrée du pharynx, se retrouve aussi dans des hémiptères, comme les cigales , les ranatres , et beaucoup d'autres insectes -, on l'a confondue avec le labre. Ces deux pièces sont, dans la description du suçoir de la ranatre linéaire donnée par M. Léon Dufour, les deux de la base de ce suçoir, formant comme deux GÉNKR ALITÉS. 2o5 bractées cngaînaiiles. Mais je soupçonne que la pièce slyli- forme et dentée qu'il considère comme la langue , est double , et ne représente point celle que M. Savigny et moi désignons ainsi. Je ferai remarquer qu'il est nécessaire de restreindre l'appli- cation trop générale et trop vague du mot de trompe. Ainsi à l'égard des charansonites et des panorpes, où la tête se pro- longe antérieurement en forme de trompe , mais sans chan- gement dans les organes de la bouche, je nommerai cette saillie probosci-rostre ou museau-trompe [probosciroslmm). La trompe de la puce sera un ros telle [rostellum), et celle des crustacés siphonostomes et de plusieurs arachnides, un siphon (siphon). L'expression diminulive de siphoncule (siphun- culus) sera propre aux poux. Atcc Fabricius et Olivier, je continuerai d'appeler, quoique le mot soit très impropre , la trompe des hémiptères^ un rostre (rostrum). La dénomina- tion de proboscide ou trompe (proboscis) sera exclusivement réservée aux diptères , et celle de promuscide {pj^omuscis') ne sera aussi consacrée qu'aux hyménoptères. Enfin, à l'égard des lépidoptères , j'ai rejeté le mot de langue, et je l'ai rem- placé par celui de spiiitivmpe (spirignatha). Les insectes, considérés sous le rapport de la situation corré- lative des organes buccaux, forment deux divisions principales, les gjmnosLomes et les thécostomes . Dans la première, tous les organes de la manducalion sont à nu, et quatre d'entre eux ont toujours une forme maxillaire. Quoique leurs proportions va- rient, ils conservent toujours leur type caractéristique 5 c'est ainsi que les lépidoptères, qui semblent le plus s'en éloigner, appartiennent néanmoins à cette division . Dans la seconde, plu- sieurs de ces pièces très déliées, rapprochées en un faisceau et forantes , ou propres à percer, composent un suçoir, renfermé dans une gaine; tel est le caractère qui signale les poux, les puces , les hémiptères et les diptères. Dans les uns , comme les hémiptères, la pièce représentant la langue ne coopère point à la perforation ou du moins n'agit point comme un instru- ment offensif; il n'en est pas ainsi dans les diptères. Nous di- âo6 QUATRIKME CLASSE. INSECTES. rons enfin que l'ascension des liquides dans les insectes suceurâ s'opère par un rapprochement graduel des pièces du suçoir, renfermant ces liquides ou les parois de leur canal , c'est-à-dire qu'elles s'écartent d'abord par leur extrémité , afin de leur li- vrer passage, et que se rapprochant ensuite peu à peu et tou- jours en avant, afin de leur interdire tout retour, elles les ohli- gent par cette compression à monter et à pénétrer enfin dans le pharynx situé au centre de réunion des parties. Nous re- marquerons , en outre , que dans les insectes véritablement suceurs , celte portion inférieure et mobile des mâchoires qui dans les insectes broyeurs, s'étend depuis leur naissance jus- qu'à celle des palpes, est maintenant très raccourcie et fixe, ou même presque nulle. Les palpes disparaissent souvent. L'appareil digestif des insectes se compose de deux sortes d'organes, les uns extérieurs ou introducteurs, et les autres in- ternes.-Les premiers forment l'appareil buccal; les autres comprennent le tube intestinal, les organes sécréteurs, tels que les vaisseaux biliaires ou hépatiques , les vaisseaux sali- vaires , ceux que l'on désigne sous le nom à' excrémentitiels ou urinaires , le vaisseau dorsal et l'épiploon ou le corps graisseux. L'appareil buccal ou les instrumens que la nature a donnés à ces animaux pour saisir leurs alimens et les faire passer dans le canal alimentaire , soit après les avoir triturés comme dans les insectes dits hrojeiirs, soit immédiatement et sans préparation , vu leur liquidité , comme dans les insectes suceurs, doit fixer plus particulièrement noire attention , en ce qu'il fournit les principaux caractères de la méthode. Le canal alimentaire des animaux articulés , et par consé- quent des insectes, est formé, suivant M. Straus , de trois tuniques. L'interne est muqueuse, analogue à celle des verté- brés, mais pas toujours distincte dans quelques parties du canal. La seconde , nommée par lui membrane propre, est ordinairement blanche et fort mince, présentant dans plusieurs endroits des granulations très petites, alignées, qu'il soupçonne être des follicules destinées à sécréter quelques liqueurs digcs- tives, et qu'il désigne par la dénomination de glandes gastri- GENERALITES. o.O'] (jucs. La troisième tunique est une couche musculeuse , qui ne revêt que certaines parties de ce canal j elle est surtout fort épaisse sur les intestins, le gésier, et souvent sur l'œsophage , mais le jabot et le ventricule succenturié en sont en grande partie dépourvus j elle est ordinairement fournie de fibres transversales. Les anatomistes ont partagé le tube intestinal suivant les modifications de forme qu'il éprouve dans toute sa longueur en divers espaces, ayant autant de noms propres , mais sur les- quels ils ne s'accordent pas toujours. Nous suivrons à cet égard les distinctions adoptées par M. Léon Dufour dans ses recher- ches anatomiques , qui ont jeté tant de lumière sur cette partie. Le pharynx , l'œsophage , le jabot , le gésier^, l'estomac ou le ventricule chylifique , l'intestin grêle, le gros intestin, le cœcum et le rectum , telle est la nomenclature des parties du tube alimentaire, en commençant par la bouche. Le pha- rynx en formera l'entrée, qu'elle soit distincte ou non par sa figure et ses muscles particuliers. Cette portion initiale du tube, s'étendant depuis le pharynx jusqu'au premier renfle- ment venant après, est ce qu'on appelle l'œsophage. Il est très court ou confondu avec cette dilatation , et quelquefois , comme dans le blaps gigas, précédé d'une épiglotte. Les di- vers renflemens que présente le canal alimentaire , à partir de ce point, jusqu'à l'intestin exclusivement, ont été désignés par MM. Cuvier et Straus sous les noms àe jabot , de ventri- cule succenturié et de gésier. Chez plusieurs oiseaux , l'œso- phage porte latéralement une poche , où les alimens séjour- nent avant que de passer dans le gésier, et c'est ce qu'on appelle le jabot. Chez d'autres , une portion de l'œsophage en remplit les fonctions ^ c'est le ventricule succenturié. Le tube alimentaire des courtilières ou grjllo-talpa ressemble à celui des premiers , qudnt à la présence de cette poche latérale (i) ^ mais dans beaucoup d'autres insectes, elle n'existe pas , et la (i) Des syrphes et des lépidoptères, ainsi qu'on peut le voir dans Swammerdam. eu ont aussi uue. 2o8 QUATRIEME CLASSE. — INSECTES. porlion de Tœsophage qui précède le gésier la remplace *, M. Straus lui applique la dénomination de jabot succenturié. Nul doute ^ d'après ce qu'il dit de sa longueur extraordinaire et de ses circonvolutions dans les insectes herbivores, que cette partie ne soit celle que M. Dufour nomme ventricule chjrlifique, ou plus simplement V estomac. Il paraîtrait cepen- dant que M. Straus, relativement à plusieurs insectes, tels que les carabiques , regarde ce ventricule chylifique comme la première portion de l'intestin , qu'il nomme duodéjium , car il dit qu'il est recouvert par une infinité de petits vais- seaux ou glandes gastriques , manquant sur le colon , et que les vaisseaux biliaires s'insérant souvent sur l'intestin , marquent encore la limite du duodénum et du colon j or, cette portion du tube alimentaire hérissée de papilles et recevant des vais- seaux biliaires , considérée dans les carabiques, est, pour M. Dufour, le ventricule chylifique. Mais il en serait tout au- trement à l'égard du hanneton commun, puisque, comme nous le remarquerons bientôt, le dernier considère comme faisant partie des intestins, celle qui, d'après les principes de M. Straus, est un duodénum, venant immédiatement à la suite d'un renflement nommé par lui gésier et regardé comme une sorte de colon , et précédé d'un intestin grêle , suivant M. Dufour. D'après l'ordre d'énumération des parties, donné par M. Straus, le gésier vient immédiatement après le jabot succenturié , et précède immédiatement les intestins , tandis que dans la série adoptée par le second , le gésier , lorsqu'il existe, est toujours antérieur au ventricule chylifique ou au jabot succenturié; mais M. Straus dit ailleurs qu'il est situé à des points différens de la longueur du tube intestinal , que , chez les insectes dépourvus de jabot, il est souvent très grand et en remplit les fonctions , et qu'il se distingue des autres dilatations antérieures par ses muscles, les côtes et les pièces diversement conformées qu'il présente souvent. Ses deux orifices sont désignées par les dénominations de cardia et de pylore. Lorsque le ventricule chylifique est précédé de deux dilatations , la seconde , dans la nomenclature de GÉNÉRALITÉS. 2O9 M. Dufour, est toujours le gésier, et l'antérieure le jabot, quelle que soit d'ailleurs sa composition. Il s'ensuit que, relativement aux coléoptères carnassiers , où l'on observe ces deux renflemens , et où le premier ofFre ordinairement des côtes ou une granulation , celui-ci doit être pour M. Straus un gésier. En comparant les dénominations qu'ils ont affectées aux diverses parties du tube alimentaire du hanneton commun , on voit que M. Dufour n'indique point cette dernière ; que le ventricule chylifique , ouïe jabot succenturié de M. Straiis , est immédiatement suivi d'un intestin grêle fort court , transformé en jabot par celui-ci^ et que le renflement strié, succédant immédiatement à cet intestin, est une sorte de colon pour le premier et un gésier pour le second. Mais il paraît qu'en général M. Straus comprend sous la dénomi- nation commune de colon l'intestin grêle et le cœcum de la nomenclature suivie par M. Dufour. Il fait observer que le colon se confond avec le rectum , et que celui-ci forme, dans plusieurs insectes , une poche très volumineuse. L'anus , ainsi que chez les oiseaux et les reptiles , s'ouvre dans un cloaque , où aboutissent les organes de la génération , et don- nant ainsi passage à la verge du mâle , aux œufs et aux ex- crémens. Dans les sauterelles , cependant , ce cloaque, suivant lui , n'existe point, et l'anus s'ouvre séparément à l'extérieur. Plusieurs insectes offrent près du gésier , et tantôt plus en arrière , des cœcums ordinairement simples , mais qui dans certaines espèces se subdivisent en plusieurs poches ou bran- ches. On en observe six, dans les acjydium , formant en ar- rière du gésier une couronne , et ayant chacun un petit appendice latéral. Nous présumons que ces organes sécrètent les liqueurs digestives et les transmettent aux parties voi- sines , ce qui les distingue des vaisseaux biliaires ou hépati- ques, ceux-ci versant au contraire dans le canal intestinal les humeurs qu'ils renferment. La nomenclature des parties du canal intestinal , présentée par M. Marcel de Serres , ne s'accorde pas non plus, en divers points, avec les précé- 14 2IO QUA^TRIKME CLASSE. INSECTES. dentés , et nous en tirerons naturellement cette conséquence qu'il est à désirer qu'un habile zootomiste la régularise d'après des principes rationnels , afin qu'elle soit désormais uniforme. Passons maintenant à l'examen des glandes sécré- toires , qui dépendent de l'appareil digestif , pour arriver ensuite à essayer d'expliquer la manière dont la digestion s'opère dans ces animaux. Nous puiserons dans l'ouvrage de M. Straus de nouvelles lumières sur ce sujet , si digne de l'attention du physiologiste. Les glandes sécrétoires , sous l'apparence de vaisseaux flot- tans , varient tant par leur nombre que par leurs formes et leur point d'insertion. Les unes débouchent aux deux ex- trémités opposées du tube intestinal , et sont distinguées par la dénomination de salwaires si leur issue est antérieure, et par celle à' excrémentitielles si elle a lieu près de l'anus. Les au- tres s'insèrent dans le tube, entre le ventricule chylifîque et le rectum. Elles ont reçu, par analogie, le nom àliépatiques ou de biliaires. L'expression de vaisseaux est plus communément employée à la place de celle de glandes. Ils paraissent, en efî'et, provenir d'un réservoir formant la glande proprement dite. Les premiers ou les salivaires, ordinairement au nombre de deux , versent leurs produits dans le pharynx ou dans l'œso- phage ; ce sont en général des vaisseaux dissolvans , et géné- ralement plus propres aux insectes suceurs qu'aux insectes broyeurs ; quelques uns de ceux-ci en offrent cependant ; des espèces de la même famille ( inelasoines ) , et d'autres du même genre en sont dépourvues , tandis qu'on en trouve dans les autres. Les vaisseaux hépatiques , beaucoup plus longs et très compliqués dans quelques, sont le plus souvent ij au nombre de six ou de quatre , disposés en un ou deux pa- quets, et rapprochés ou réunis en manière de verticille aux points d'insertion. Je vois, d'après les recherches anatomi- ques de M. Léon Dufour sur le système digestif des coléop- tères, que dans ceux de la section des pentamères , les clai- rons exceptés , ces vaisseaux n'y forment qu'un seul faisceau, Tandis qu'il y en a un autre plus en arriére dans presque GliJNI^RALlTÉS. 211 tous les hétdromères et les tëtramères , coléoptères , se nour- rissant généralement de substances végétales. Je remarque aussi qu'aucun de ces derniers n'offre de vaisseaux excrémen- titiels, et que ces vaisseaux paraissent être propres aux co- léoptères pentamères carnassiers , et à quelques autres vivant de matières animales corrompues (i). Les vaisseaux hépati- ques inférieurs ou ceux du second rang contiennent une substance d'un blanc pur , qui paraît composée d'acide urique, de potasse et d'ammoniaque, ou d'acide urique à l'état de sous-urate de potasse et d'ammoniaque. Quant à celle, de couleur jaunâtre, des vaisseaux antérieurs, l'on pré- sume que cette sécrétion a de l'analogie avec celle de la bile. M. Straus pense que ces petits vaisseaux courts et aveugles , recouvrant tantôt le jabot succenturié et tantôt le duodénum, désignés par lui sous le nom de glandes gastriques , et dont nous avons déjà fait mention , sécrètent une liqueur digestive, de la nature du suc gastrique ou pancréatique. Ce sont des absorbans du chyle , suivant M. Rengger. Les vaisseaux ex- crémentitiels , qui , parmi les coléoptères , sont propres aux pentamères carnassiers et à quelques autres de la même section , soit doubles , soit uniques , et débouchant dans le canal intestinal près de l'anus , sont considérés , par le pre- mier , comme des reins ou vaisseaux urinaires. Ils sont le réservoir de ces liqueurs acres et caustiques que plusieurs jettent par l'anus. La glande à venin, qui se trouve à l'ori- gine de l'aiguillon de plusieurs hyménoptères est du nombre de ces vaisseaux. Ils portent souvent près de leur insertion un réservoir faisant les fonctions de vessie. Mais , ainsi que dans la catégorie des vaisseaux salivaires , il en existe , parmi les excrémentitiels, qui renferment une substance analogue à celle de la soie ou gommeuse ^ c'est ce qui a lieu dans les hv- drophiles femelles. Peut-être, dès-lors, serait-il à propos de substituer la dénomination à'iiropygiejis à celle d'excrémen- ioAi (i) M. Stiaus admet dans le hauneton deux vaisseaux urinaires. La/û^^'/éQJil eu ^ .- a donnée, ainsi que celle du canal alimentaire, qc m'a point paru a/s'ï*»^açfe /««»» ^' . 2 12 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. llliels , qui, d'après le sens qu'on y attache dans notre langue, ne convient guère à cette dernière sorte de vaisseaux. Un tissu adipeux, flottant dans les cavités splanchniques , formant autour des viscères une atmosphère plus ou moins dense, et que l'on a nommé epiploon , avait d'abord été rangé par M. Léon Dufour parmi les dépendances du sys- tème digestif. Il a cru ensuite , ])ar prudence , décrire simple- ment ce tissu , sous la dénomination de tissu adipeux splancli- nique, et garder le silence sur ses fonctions. M. Straus a encore été plus réservé ^ car il me paraît n'avoir pas même abordé ce sujet. Ce tissu existe généralement dans tous les insectes. On n'en voit que des vestiges membraneux dans ceux dont la vie est très active, et qui parcourent habituellement les airs , tandis qu'il abonde dans la plupart des larves et dans les insectes qui ont moins d'énergie vitale. M. Dufour a ob- servé que des carabes proprement dits, ouverts en automne, étaient bien moins agiles qu'au printemps et en été; qu'ils étaient presque dépourvus de ce tissu ; que leurs viscères étaient comme flétris et sans énergie , et qu'il s'était fait aussi un changement dans de petits corps particuliers , sous la forme de globules, ayant la plupart un col tubuleux, qu'il avait trouvés adhérons aux lambeaux graisseux, déchiquetés, blanchâtres et comme pulpeux , composant ce tissu. Ces cor- puscules étaient alors presque tous dépourvus de col, libres et transparens , ou n'off'rant plus cette pulpe homogène et très blanche, dont ils étaient remplis dans le principe. De là, cet habile anatomisle en déduit, mais conjecturalement , qu'on peut les regarder comme des réservoirs de graisse pour les temps de disette. Ce soupçon me semble d'autant mieux fon- dé, que certains hétéromères aptères, comme des blaps, des akis, vivent plus de six mois , quoique percés d'une épingle, et que ce tissu adipeux y est pareillement abondant et déchi- queté. Il est formé de filets membraneux, plus ou moins plissés, et représente un véritable mésentère dans les dyti- ques. Là , il se compose de petits grains ou de petites utricules; ici , de sachets oblongs, enfilés par des trachées et réunis en CEINERA^LITKS. i3 "rappes élégantes. Il paraît être le réceptacle du parfum à la rose , propre au cerarnhix nioschatiis de Linné , et à quel- ques autres longicornes. Sa couleur varie : il est , soit rosé , soit safrané ou jaune, dans divers insectes -, des fibrilles ou de petits vaisseaux en lient les parties. Par son voisinage immé- diat avec le canal alimentaire , il doit absorber une portion du chyle qui s'en échappe , et contribuer à la formation des sé- crétions particulières des différens vaisseaux dont nous avons parlé (i). Dans les larves, des portions ou lobes du corps grais- seux qui paraissent contribuer à la formation et au développe- ment des appendices extérieurs de l'insecte futur et de sa peau, doivent différer substantiellement, en quelques points, des autres portions. L'épiploon qui entoure les intestins , dans la chenille du saule, y forme, à commencer au quatrième an- neau, vingt-huit paquets ou masses. Ici, suivant Lyonet , il représenterait le foie. Le chapitre relatif aux fonctions digestives de l'ouvrage de M. Straus , si souvent cité par nous , n'est presque qu'un extrait de celui de M. Rengger, sur la physiologie des in- sectes. Les expériences de ce dernier ont été faites sur la che- nille du sphinx du tithymale, sur le carabus granulatus , et plusieurs espèces de sauterelles (locusta). Il en résulte les faits suivans : Le mouvement péristaltique ne pouvant avoir lieu qu'au moyen de fibres musculaires , dont l'œsophage et la partie antérieure du jabot succenturié sont presque entière- ment privés , n'est apparent que sur l'intestin. Aussi , à l'égard de cette chenille , M. Rengger a-t-il remarqué que des mor- ceaux de feuilles , coupés avec ses mandibules, ne parviennent à ce jabot que poussés par ceux qui les suivent. Le bol alimen- taire s'imbibe déjà dans le pharynx d'une salive aqueuse et incolore, paraissant être d'une nature alcaline, sécrétée par les parois de l'œsophage , et que cet animal , ainsi que d'autres chenilles , rend par la bouche lorsqu'on l'irrite. Les substances alimentaires s'imprègnent aussi, dans le jabot ou l'estomac, (î) C'est surtout aux espèces hivernautcs qu'il est plus nc-cessaire-. 2l4 QUATRIÈMt: CLASSE. INSECTES. d'un suc gastrique qui lui est propre , et qui paraît être , d'après des expériences chimiques , de la même nature que la salive. On trouve souvent, entre les deux tuniques de cette partie du canal intestinal, un suc brun, ou une matière concrète et blanchâtre , qui parait être du chyle qui a transpiré à travers la membrane muqueuse. D'autres essais chimiques montrent que ce chyle a une grande analogie avec celui de l'homme. Le suc obtenu des excrémens pris dans l'intestin ne donne point ce précipité blanc que produit le chyme de l'estomac délayé dans de l'eau distillée , et filtrée ensuite , avec un mélange d'acide sulfurique étendu d'eau, précipité que donne encore la liqueur que vomissent les chenilles quelque temps après qu'elles ont mangé. Ce suc consiste en une substance biliaire (urine, Straus ) ; celle du précipité ne se trouvant point toute formée dans les plantes, avant que l'animal s'en soit nourri, ni dans les matières fécales , il est évident qu'elle est formée du chyle élaboré dans la partie antérieure du canal alimen- taire ^ l'estomac étant plus humide que l'intestin , doit répan- dre , par les parois , plus de liqueur. Les viscosités ou glandes pancréatiques du troisième estomac contiennent d'ordinaire du chyle, et M. Rengger pense qu'elles sont plutôt destinées à servir de réservoir à ce liquide qu'à sécréter une liqueur digestive. M. Straus est d'une opinion contraire , parce que , suivant lui , le chyle n'a pas besoin d'un autre réservoir que la cavité du corps dans laquelle il doit se répandre. Il nous semble cependant que des papilles ou des glandes où le fluide s'accumulerait , en faciliteraient l'extrac- tion , et cela paraît d'autant plus naturel qu'elles sont plus nombreuses et plus apparentes dans les coléoptères , pourvus de vaisseaux excrémentitiels. Le docteur Gaëde , professeur d'histoire naturelle à Liège , s'était aussi occupé de semblables recherches , mais dont M. Straus ne fait point mention. Nous désirons avec lui qu'on en tente de nouvelles, afin de pouvoir éclaircir un point de physiologie encore si peu connu. Continuant de poursuivre l'anatomie interne des insectes , nous passerons à la description des organes génitaux , et ensuite ^ GÉNÉRALITÉS. 2l5 à celle des systèmes musculaire cl légumeutaire. M. Cuvier distingue les organes sexuels des insectes en piéparateurs , copalatcurs Qi édiiccUeurs . Les organes préparateurs masculins se composent de deux testicules et de deux vésicules séminales. Ceux des femelles sont constitués par les ovaires , formés de longs canaux tubulaires, ou d'espèces d'intestins très fins, dans lesquels les œufs sont rangés à la file , à peu près comme les grains d'un chapelet , et de manière que les plus gros et les plus à terme sont les plus près de l'oviducte , et que la gros- seur des autres diminue graduellement à mesure qu'ils en sont plus éloignés. Sous le nom à'o^iducte , l'on désigne un canal auquel aboutissent les ovaires , formant ordinairement deux paquets , qui se rend dans une cavité oblongue , regardée comme l'analogue de la matrice, et que M. Cuvier a distinguée par l'épithète d'éducateur : c'est là que la liqueur du mâle est déposée. Selon IMalpighi , cette liqueur pénétrerait ensuite dans le conduit commun des ovaires par un canal de commu- nication , et y féconderait les œufs à l'instant où ils passeraient par l'embouchure de ce canal pour venir au jour. Chez les in- sectes appelés vwipaieSj ou les o^o-vwipares de M. de Lamarck, l'économie des ovaires est changée : tantôt les jeunes larves sont disposées par paquets , tantôt elles composent une espèce de cordon roulé en spirale , et dont la longueur, la largeur et l'épaisseur répondent précisément à la longueur et à la gros- seur de ces petits. Par organes copulateurs , on entend les par- lies les plus extérieures ou terminales de la génération , et , relativement aux femelles , le canal conduisant de ces parties à l'organe éducateur ou la matrice. Les individus de ce sexe n'ont pour parties extérieures qu'une simple ouverture , celle de la vulve , et qui est souvent munie de deux crochets propres à retenir le mâle dans l'accouplement. Dans plusieurs , les derniers anneaux composent un autre oviducte destiné à introduire les œufs dans les lieux propices. Ici c'est un tube réUactile-, là c'est une sorte de tarière, que M. Marcel de Serres a nommée o^iscaptt^ j elle devient pour la plupart des hyménoptères une arme offensive ou un aiguillon. Tantôt cet 2l6 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. oviscapte n'est composé que de deux pièces agissant Tune et l'autre 5 tantôt il est formé de trois dont les deux extérieures servent simplement d'étui ou de fourreau à l'intermédiaire , la tarière proprement dite. Dans quelques diptères, le tube terminant l'abdomen , va chercher l'organe copulateur du mâle. Celui-ci est ordinairement composé de deux écailles cornées et extérieures , susceptibles de s'écarter au moyen de muscles particuliers situés à leur base , et de faire l'office de coin , en contraignant la vulve de s'ouvrir, ou de deux cro- chets saisissant et retenant l'extrémité postérieure de l'ab- domen de la femelle et de la verge placée au milieu -, elle est cylindrique ou conique , terminée dans plusieurs par un stylet plus ou moins long , membraneuse à l'extérieur, et composée intérieurement d'une substance analogue à celle du corps ca- verneux de la verge des autres animaux. Les pièces extérieures lui forment une sorte de gaine ou d'armure que M. Rirby nomme forceps : on peut encore distinguer avec lui, dans l'or- gane fécondateur, le pénis et le phallus. C'est par la méditation des beaux Mémoires de M. Du- four sur ces organes , considérés dans les coléoptères , que l'on pourra acquérir une connaissance profonde de leur structure, si modifiée selon les genres. A l'égard de ceux des mâles , outre les parties mentionnées plus haut , il faut distinguer les deux vaisseaux déférens qui se rendent aux vé- sicules séminales , et le vaisseau éjaculateur qui part de ces vésicules et pénètre la verge. Les organes reproducteurs des femelles sont formés , suivant lui , des parties suivantes : 1°. deux ovaires , composés chacun d'un calice plus ou moins prononcé , et d'un nombre variable de gaines ovigènes , unilo- culaires ou multiloculaires , terminées le plus souvent par une pièce charnue où se fixe un ligament suspensoir -, 2°. une glande sébacée , de structure diverse , et destinée , suivant l'opinion générale , par l'humeur qu'elle recèle , à lubréfier ou à enduire les œufs à l'époque de la ponte ^ 3". un oviducte plus ou moins long, qui se continue en un vagin ^ 4"- ^^^^^ vulve souvent atcompagnée de pièces copulatricesj 5". des GJiNKRALITES. 21 7 œufs de formes différentes, mais ordinairement globuleux ou ovales 5 6°. enfin , dans quelques cas rares, l'on voit un appa- reil sécréteur particulier, propre à former une enveloppe com- mune ou une coque aux œufs. Les organes générateurs des deux sexes (les masculins des libellules seuls exceptés) dé- bouchent, avec le canal intestinal, dans cette cavité com- mune qu'on a nommée cloaque : ils sont formés par les der- niers anneaux de l'abdomen. La glande sébacée , mentionnée ci-dessus, serait, dans l'opinion de M. Audouin , une poche où les œufs seraient fécondés à leur passage \, mais cette idée , qui a d'ailleurs des rapports avec l'opinion de Malpighi , et qui n'est point étayée par un assez grand nombre de recher- ches, a rencontré dans M. Dufour une puissante opposition. Réaumur, pour donner une idée de la fécondité des insectes, a fait un calcul très intéressant sur celle de l'abeille femelle -, il a trouvé qu'une seule mère met au jour, dans moins de deux mois , au moins douze mille œufs , et d'où il conclut qu'elle doit en pondre deux cents au moins par jour. Lyonet en obtint d'une seule ponte de la phalène à brosses de cet auteur, trois cent cinquante. Leeuwenhoeck a calculé qu'une seule mouche pouvait pro- duire , en trois mois , sept cent quarante-six mille quatre cent quatre-vingt-seize individus , c'est ce qui a fait dire spirituel- lement à Linné que trois mouches consumaient aussi vite qu'un lion le cadavre d'un cheval. Nous ne parlerons pas ici de la nature et de la variété de formes des œufs, ce sujet se rattachant à l'exposition des habi- tudes des insectes , dont nous traiterons après avoir décrit leurs organes. Il est à désirer qu'à l'imitation de M. Dufour et de M. He- getschweiler ( Dissertatio inauguralis zootomica de insecto- rum genitalibus, Turici , 1820) , on fasse une étude plus sui- vie et comparative des organes générateurs. Se bornerait-on à l'examen de l'appareil copulateur, et pour beaucoup d'in- sectes aux appendices postérieurs de l'abdomen , on en reti- rerait encore un grand avantage pour l'établissement des dé- '2 1 8 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. marcalions spécifiques , ainsi que l'a montré , d'après des recherches sur les bourdons , M. Audoin , conjointement avec feu Lâchât, et comme le prouvent encore les observations de MM. Vander-Linden et Toussaint Charpentier , à l'égard des libellules. Nous terminerons cet article par une remarque qui nous paraît digne d'intérêt , et que nous a fournie l'étude des beaux ouvrages de Lyonet et de M. Herold sur l'anatomie des chenilles soumises à leurs recherches, c'est que les deux corps intérieurs que le premier distingue par la dénomination de reniformes , constituent les élémens primitifs des organes de la génération des lépidoptères qui en proviennent. Examinons maintenant la composition du tissu tégumen- taire , et traitons sommairement des muscles qui s'y ratta- chent, et mettent en jeu ses diverses parties. MM. Cuvier et Straus seront nos guides. D'après les recherches de celui-ci, la peau des annélides, et particulièrement celle des sangsues, se compose i°. d'une membrane extérieure, très mince , cor- née, incolore, sans fibres, V épidémie', 2°. d'une matière muqueuse, placée immédiatement au-dessous-, et 3^. d'une autre membrane fort épaisse , d'un tissu serré et fibreux , le derme. Chez les limuleSy genre de crustacés , sa contexture est la même , mais avec cette différence que le derme est aussi sans fibres, et que la matière muqueuse s'est portée à sa face interne. La peau des insectes est pareillement composée de trois couches -, l'extérieure consiste dans cette portion de la matière muqueuse qui , d'après les analyses chimiques dont nous allons parler, est seule soluble dans l'alcool , forme une sorte de vernis répandu sur tout le corps , et donne à ces animaux ces couleurs si brillantes et si variées qui fixent nos regards , c'est la matière colorante-, l'épiderme et le derme constituent les deux autres couches. L'épiderme est percé d'une infinité de pores , d'où sortent souvent des poils qui y naissent , ainsi que ceux des animaux vertébrés, sur des bulbes, présentant deux renflemens placés l'un sur l'autre -, il est le plus souvent noir ou brun , ce qui le distingue du derme , sur lequel il est ap- GÉNÉRALITÉS. ^IQ pliqué, et qui est d'un brun pâle ou blanc; il est ordinaire- ment dur, cassant, friable et sans traces de fibres. Le derme au contraire en offre , s'entrecroisant en divers sens , mais qui cependant sont la plupart longitudinales ou transversales , par rapport à la direction de la pièce , dont elles font partie ; il est formé de lames très minces , dont le nombre est difficile à déterminer, mais qui va au moins de trois à cinq. Telle est, suivant M. Straus , la composition de la peau ou du test des insectes. Considéré dans toutes les parties du corps, ce test est beaucoup moins solide ou presque membraneux sur le dessus de l'abdomen des coléoptères, les élytres recouvrant et proté- geant cette partie. On sait que les ailes des insectes sont for- mées de deux membranes appliquées l'une sur l'autre ; en les comparant avec les demi-élytres des hémiptères et les élytres des orthoptères, il m'a paru que celles des coléoptères n'étaient que des ailes , renfermant entre leurs membranes une plus grande quantité de matière muqueuse que celle des orthop- tères. Dans les élytres du hanneton foulon et de plusieurs autres coléoptères , le derme se détache aisément et souvent de lui-même de l'épiderme , et l'on voit qu'il est formé d'une pellicule très mince, presque transparente , et velue en des- sous dans cette espèce. Sous l'épiderme , couvert en dessus de petites écailles blanches , on aperçoit une autre couche plus pâle , parsemée à sa face intérieure de petits poils nais- sant d'une petite bulbe. Si les autres tégumens ont, comme il y a tout lieu de le présumer, la même organisation , il existe- rait entre l'épiderme et le derme une couche de matière mu-* queuse , et à en juger par la manière dont Réaumur a expliqué les taches dorées ou argentées de certaines chrysalides de lé- pidoptères diurnes, le principe colorant résiderait dans la portion supérieure de cette couche muqueuse ; n'étant re- couverte que par une peUicule très mince et diaphane , où la membrane supérieure de l'aile , ses couleurs perceraient et paraîtraient former la couche extérieure mentionnée par M. Straus. Mais cette huile colorée et soluble dans l'alcool, qyxe M. Odier a trouvée dans son analvse chimique des élytres 220 QDATRIÈx"^I£ CLASSE. INSECTES. du hanneton commun, leur donnerait, au moyen d'une trans- sudation , l'éclat ou cette apparence de vernis que Ton ob- serve à ces écailles et autres portions tégumentaires. Suivant cet habile chimiste , les ailes ne sont composées que d'une substance particulière, la chitine , dont le poids égale le quart de celui des élytres , et les nervures , qui sont plus solides , sont de la même nature que cette écaille, ou formées de cette chitine et des autres substances découvertes par l'analyse. Un autre chimiste non moins distingué , M. Lassaigne , professeur à l'école vétérinaire d'Alfort, qui a pareillement analysé les élytres et les ailes du même hanneton , a trouvé que ces der- niers organes ne différaient des précédens que par une plus grande abondance de cette substance qu'il nomme entomei- Une, et dont le poids forme les } de celui des élytres. L'on voit ainsi que cette matière , qu'il dit être animale , est la même que celle que M. Odier nomme chitine, et qui, suivant lui , n'est soluble que dans l'acide sulfurique à chaud. Le premier a observé que la portion insoluble des élytres conser- vait la forme de ces parties , qu'elle était presque incolore , transparente et légèrement flexible, comme les ailes d'une mouche^ d'où j'en déduis qu'elle est formée de la portion membraneuse ou de l'épiderme et du derme isolés. Négligeant quelques autres substances , telles que le phosphate de chaux , ceux de magnésie et de fer, etc. , qu'ils ont retirées de ces analyses , mais qui paraissent n'y être qu'accessoires , celles qui après la chitine ou l'entomeiline méritent le plus d'atten- tion sont : 1°. cette matière animale soluble dans l'eau bouil- lante , appelée par M. Lassaigne coccine , parce qu'elle se comporte comme la matière animale des coccus et des insectes de la même famille , et qui nous semble être la même que la matière extractive et soluble dans l'eau , de M. Odier ; 2^ la substance brune , provenant d'une solution de potasse caus- tique , de la même nature que la précédente , selon M. Las- saigne , et qui ne diffère pas encore de la substance animale \ brune, obtenue par M. Odier de la même solution, mais ré-^ sistant à l'action de l'alcool 5 3°. l'huile colorée, qu'il a rcli- GENERALITES. 22 1 j rée par une solution clans ce liquide, ou la substance dissoute ' par l'alcool et l'éther du chimiste précédent. En résumant , les tégumens des insectes se composent d'une substance ani- male , dont la majeure partie , V entomeiline ou la chitine , est insoluble , et dont l'autre est soluble dans l'eau bouillante , la potasse caustique , mais non dans l'alcool \ d'une huile colo- rée provenant d'une solution opérée par ce liquide, ou par l'éther , et de divers phosphates. L'huile retirée des élytres du hanneton est brune comme elles-, celle que donnent les élytres du criocère du lis , et qui sont rouges , est pareille- ment concolore. D'après l'analyse chimique du test de Yas- tacus marinus et du cancer pagurus, faite par M. Chevreul , le carbonate de chaux , et ensuite l'eau et la matière animale y dominent; les tégumens des insectes s'en distinguent par l'absence de ce carbonate et la présence du sous-carbonate de potasse , accompagné de phosphate de fer. Des fibres molles, disposées en faisceau et propres, par leur raccourcissement, à rapprocher l'une de l'autre les parties sur lesquelles elles sont fixées, forment ce qu'on nomme muscles. Ceux des insectes ne sont pas entourés de ces fibres aponévrotiques, que l'on observe à ceux des animaux verté- brés. Ils sont toujours attachés par un tendon de substance cornée , et qui est le plus souvent un appendice de la partie qu'ils doivent faire mouvoir. D'ordinaire , il n'y a dans chacune des parties que deux muscles ^ ils sont placés dans leurs cavités , et agissent très près des points d'articulation ou du centre du mouvement : l'un, \ extenseur, étend la partie, et l'autre, \q fléchisseur, la plie. « Dans les insectes, dit M. Cuvier [Anatom. compar. , tom. I, p. 444) -) l'articulation de la tête sur le corselet pré- sente deux dispositions principales. Dans l'une, les points de contact sont solides, et le mouvement est subordonné à la configuration des parties -, dans l'autre , l'articulation est liga- menteuse : la tête et le thorax sont réunis par des membranes. L'articulation de la tête, par le contact des parties solides, 2 22 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. se fait de quatre manières clifFérentes : i°. ou la tête porte , à sa partie postérieure, un ou deux tubercules lisses, que reçoivent des cavités correspondantes dans la partie antérieure du cor- selet -, c'est ce qu'on observe dans les scarabées , les lucanes , les capricornes, etc. : dans ce premier cas, la tête est mobile d'avant en arrière ; 2°. ou la partie postérieure est absolument arrondie , et tourne sur son axe , dans une fossette correspon- dante de la partie antérieure du tborax , comme on le voit dans les charançons, les brentes, etc. : la tête se meut en tout sens 5 3°. ou la tête est tronquée postérieurement, et présentant une surface plate, et articulée tantôt sur un tuber- cule du tborax , tantôt sur une autre surface aplatie et cor- respondante , comme dans presque tous les hyménoptères et dans le plus grand nombre des diptères, tels que les taons, les mouches, les syrphes , etc.; 4°- enfin, ou comme dans quelques espèces d'attelabes, la tête se renverse en arrière par un tubercule arrondi, reçu dans une cavité correspon- dante du thorax *, le bord de cette cavité est échancré , et ne permet le mouvement de la tête que dans un seul sens. Il n'y a guère que dans les insectes orthoptères et dans quelques névroptères , continue M. Cuvier, qu'on remarque l'articula- tion ligamenteuse : la tête, dans cette disposition articulaire, n'est gênée que dans ses mouvemens vers le dos , parce qu'elle est retenue par une avance du thorax , mais au-dessous elle est absolument libre. Les membranes ou les ligamens s'éten- dent du pourtour du trou occipital à celui de la partie anté- rieure du corselet, ce qui donne une grande étendue aux mouvemens. » Les muscles qui meuvent la tête sont situés dans l'intérieur du corselet ou protborax ; les principaux sont ceux qui ser- vent à la relever ou à l'abaisser , et qu'on nomme , à raison de cela, éléuateurs et abaissées. Il contient en outre ceux qui font mouvoir la première paire de pâtes antérieures; ceux qui mettent en jeu les ailes et les autres pâtes sont renfermés dans les autres segmens du thorax. Le mouvement des an- neaux de l'abdomen s'opère au moyen de fibres musculaires GÉNÉRALITÉS. 22 3 (lui s'étendent de tout le bord antérieur de chacun d'eux , au bord postérieur de celui qui le précède. Les fibres dorsales se contractent-elles, l'abdomen est obligé de se recourber; si ce sont celles du ventre, il se fléchit en dessous. L'étendue du mouvement est ensuite subordonnée au nombre et à l'espèce d'articulation des anneaux. Ainsi , il est plus borné dans les coléoptères que dans les hyménoptères à abdomen pédicule. Il y a ici une véritable articulation solide, une espèce de charnière, le premier anneau étant écbancré en dessus, et relevant une portion saillante de l'extrémité postérieure du thorax. Des ligamens élastiques unis et forts rendent plus so- lide cette articulation. Les parties principales des pâtes, qu'on nomme la hanche, la cuisse ou fémur, la jambe ou tibia, le tarse ou doigt, sont autant d'étuis tubulaires et cornés, jouant les uns sur les autres , par ginglyme, parce que la substance dure étant en dehors, l'articulation n'a pu se faire par moins de deux tubercules : le mouvement de chaque article n'a lieu que sur un plan , à l'exception de celui de la hanche , qui joue dans une cavité cotyloïde de la poitrine , sans y être articulé d'une manière positive. Les muscles de ces hanches sont pla- cés dans l'intérieur du thorax. Celui qui étend la cuisse est très considérable , et s'attache un peu au-dessous de celui qui fait tourner la hanche en arrière. Les muscles de la jambe sont situés dans l'intérieur de la cuisse, et le fléchisseur est le plus fort. Il y en a deux pour chacun des articles des tarses; l'un , l'extenseur, sur la face supérieure ou dorsale ; l'autre , ou le fléchisseur, sur la face opposée. Les dytiques, coléop- tères aquatiques et carnassiers , ont les deux hanches posté- rieures immobiles , et les fémurs de ces pâtes ont quatre mus- cles , deux extenseurs et deux fléchisseurs. Les autres appen- dices extérieurs , les parties de la bouche même , ont des muscles propres. Ceux des élytres et des ailes ont été plus particulièrement l'objet des études de MM. Chabrier et Straus. Feu Jurine père a publié un excellent Mémoire sur les ailes des hyménoptères. Le système musculaire des insectes est bien plus compliqué que celui des animaux vertébrés , puisque le 2^4 QUATRIEME CLASSE. INSIiCTES. nombre des muscles du corps humain n'est guère que de cinq cent vingt-neuf, et que Lyonet en a compté quatre mille quarante et un dans la chenille du saule. Si ici ceux des pâtes membraneuses forment un excédant remarquable , il y a dans l'insecte parfait, n'offrant plus que six pâtes, une compensa- tion sous le rapport des muscles des ailes , dont il était privé dans son premier état. La force et la disposition des muscles des chenilles arpenteuses ou géomètres doit être prodigieuse, puisqu'elles se tiennent presque horizontalement en l'air, n'étant fixées que par leurs pâtes postérieures. Vous sentez. Messieurs, que de plus grands détails seraient fastidieux, et deviendraient même inutiles à une simple lecture. Il nous manque d'ailleurs un travail général ou embrassant le système musculaire, considéré dans tous les ordres de cette classe. Fai- sons des vœux pour que M. Straus, qui a le mieux approfondi la myologie de ces animaux , publie le résultat de ses impor- tantes recherches. Il a communiqué tout récemment à l'Aca- démie des Sciences celles qui sont relatives à la myologie des mygales, et qui sont, comme son travail sur le hanneton, un monument admirable de patience et d'un talent supérieur dans l'art du dessin. Ici je terminerai l'exposition générale de nos connaissances anatomiques des insectes. Considérons maintenant leurs or- ganes extérieurs, d'un emploi beaucoup plus précieux, et qui, bien étudiés et éclairés par l'observation des habitudes, nous ramènent également à la méthode naturelle. Le corps de ces animaux se compose , ainsi que nous l'avons dit au commencement de ces généralités, de la télé, du tho- rax ou du tronc, de l'abdomen , et des appendices annexés à ces parties. Lyonet nomme l'ensemble des parties solides, composant l'enveloppe extérieure de la tête de la chenille du saule , le casque ou le crâne. Il y distingue trois écailles, deux parié- taies portant les mandibules, les yeux et les antennes, et la frontale, dont la lèvre supérieure est une annexe. Les mâ- choires, les barbillons ou palpes, et la lèvre inférieure ou la GÉNÉRALITÉS. 9.25 filière , forment un assemblage particulier au-dessous de la tète. M. Slraus considère cette partie du corps des insectes comme une réunion en une seule masse de plusieurs segmens simples , analogues aux autres ; il établit une comparaison entre elle et celle des scolopendres, et il en déduit que les segmens céphaliques sont au nombre de sept, représentés par le labre, le cbaperon , l'épicrâne , avec les mandibules, la lèvre , la pièce prébasilaire et la basilaire , dont les appen- dices réunis formeraient les mâchoires. Il ajoute cependant qu'il serait possible que le labre , ou plutôt le chaperon , ne fût que la partie supérieure du même segment , auquel appar- tient la lèvre, et que l'épicrâne fît également partie de celui duquel dépend la pièce prébasilaire , et alors la tête ne serait réellement composée que de cinq segmens. Nous avons déjà parlé de ces analogies en traitant des myriapodes , et elles nous ont paru peu fondées. C'est d'ailleurs une question assez oiseuse ou peu importante pour l'entomologie j et si elle est susceptible d'amener quelques résultats intéressans , ce ne sera pas avec quelques faits isolés qu'on pourra les obtenir. Selon Lyonet , les antennes sont une dépendance des écailles pariétales-, il est cependant positif que, dans beaucoup d'in- sectes, elles sont insérées sur l'écaillé frontale, La tête de l'hippobosque du mouton , qui , par sa simplicité , semble devoir fixer plus particulièrement l'attention , se partage, vue en dessus, en deux pièces : l'une, postérieure, beaucoup plus grande, presque semi- circulaire , portant les yeux sur une aire bien distincte et les yeux lisses^ l'autre, antérieure, petite, triangulaire, et portant les antennes. Ici, comme dans la plu- part des diptères , le chaperon , ou la portion de la tête ser- vant d'attache au labre , est incorporé avec la trompe , de sorte qu'il se meut avec elle. Les ganglions de la tête fourni- raient peut-être des données moins arbitraires pour l'expli- cation de sa composition. Ainsi , les deux lobes latéraux du caveau correspondraient aux écailles pariétales ^ les petits gan- glions situés en avant, dans l'espace intermédiaire, à l'écaillé frontale, et le ganglion sous-œsophagien à la portion infér i5 ^26 QUATIUÈME Cl-ASSE. INSFXTF.S. rieure de la tête placée au-dessous de la cavité buccale , et portant les mâchoires et la lèvre inférieure. La gorge, ju^u- luni, ou l'espace situé immédiatement au-dessous, est di- visé, par M. Straus, en deux pièces ou aires : la prébasilaire, f[ui est antérieure -, et la basilaire , venant à la suite de la pré- cédente , et terminant inférieurement la télé. Ces deux pièces composent, selon lui, avec quatre autres, l'épicrâne, le cha- peron et les deux cornées des yeux, le crâne du hanneton, et sont toutes soudées ensemble. Il expose les diverses modi- fications qu'elles présentent dans plusieurs genres d'insectes du même ordre. On avait antérieurement partagé la surface de la tête en plusieurs petites aires, que, par analogie avec les vertébrés, on avait distinguées par les dénominations de front, de sinciput , d'occiput et déjoues, outre le chaperon, que , pour éviter toute équivoque, j'appelle épistome ou sur- boucle. M. Kirby le nomme nasus , nez. Ayant déjà parlé des organes de la vision , il est inutile de revenir sur cet objet. Par la variété de leurs formes, de leur saillie et de leur étendue , ils présentent souvent de bons si- gnalemens^ mais il faut remarquer que, dans beaucoup de genres, les différences relatives de grandeur sont uniquement sexuelles : ceux des mâles sont généralement plus spacieux dans les diptères et divers hyménoptères. On tire aussi parti du nombre et de la situation respective des yeux lisses , sur- tout dans ces deux ordres. La tête des insectes nous offre des filets articulés , appelés cornes par le vulgaire et antennes par les entomologistes. Ils sont au nombre de deux , et insérés entre les yeux , quelquefois même dans une échancrure de leur bord interne , ou bien au- devant d'eux. Leur composition, leur forme et leurs propor- tions variant beaucoup, ils ont fourni à la méthode des carac- tères iraportans, mais qu'on ne peut souvent généraliser ou employer rigoureusement qu'après les avoir observés dans les deux sexes, ceux des mâles étant beaucoup plus compliqués 6U proportionnellement plus longs que ceux des femelles. Considérés sous le rapport des modifications qu'ils éprouvent GENERALITES. 2 2 y clans leur épaisseur, ces orcjanes onl reçu diverses déiiomina- lions. Sont-ils de la même grosseur partout , sans être com- posés d'articles globuleux, on les compare h un fil, et on dit qu'ils sont filiformes ou linéaires. Si, avec cette forme, ils sont courts , la désignation de cylindriques leur est alors af- fectée. Que ces articles prennent une figure arrondie ou glo- buleuse , de manière à former par leur réunion une sorte de collier de perles, ces antennes sont moniliformes ou grenues. Sont-elles allongées et amincies insensiblement pour se ter- miner en pointe, on les appelle sétacées , du mot latin seta^ soie. Courtes et finissant brusquement d'une manière aiguë , imitant une sorte de poinçon , elles sont suhulées ou en alêne ^ elles peuvent aussi, en allant graduellement en pointe, être comprimées et ressembler à une lame d'épée; c'est ce qu'in- dique l'expression à* ensiform.es . Là , elles sont renflées ou plus épaisses dans une partie de leur longueur \ si c'est vers leur milieu, avec leurs faces arrondies, elbs sont fusifoj^mes ou en fuseau-, si, dans le même cas, leur coupe transverse présente celle d'un prisme , on les distingue par la dénomina- tion de prismatiques. Le renflement va-t-il en augmentant notablement, elles sont en massue {clavatœ)-^ n'est-il dis- tinct qu'au bout et arrondi , on les dit terminées en bouton (capitatœ) -, est-il formé graduellement et faible, on emploie les expressions latines suivantes : extrorsum sensim cras- siores. Celles des mouches ordinaires sont en palette, parce que leur troisième et dernier article , plus grand que les pré- cédens, en a la figure^ et comme il est accompagné d'une soie simple ou barbue , on exprime ce caractère par l'épitlièle à'aristatœ y antennes en aigr^ette. La forme particulière des articles de ces organes leur a fait donner divers noms : pei- foliées, ou composées d'articles aplatis, lenticulaires et enfilés dans le milieu ^ serrées ^ ou à articles en dents de scie ; pec- tinées , si, plus longs et parallèles, ils imitent, réunis, un peigne -, lamellées ou feuilletées , s'ils ont la forme de lames ou de feuillets, rapprochés sur un centre commun , et suscep- tibles de s'épanouir et de se fermer. Elles sont aussi , dans plu- Q28 QUATRIÈME CLASSK. TNSFXTES. sieurs, flabellées ou en éventail , hranchues ou rameuses : ces saillies peuvent être communes aux deux côtés ou à l'interne seulement ; elles peuvent encore n'être propres qu'à la mas- sue. Dans ceux où elle est ordinairement feuillettée, le pre- mier article de cette massue peut se contourner de manière à former un entonnoir, enveloppant les suivans : telle est la si- gnification du mot tunicatœ : ce sont des antennes en coruet. Les articles de cette massue sont quelquefois si étroitement unis entre eux , que l'on croirait qu'il n'y en a qu'un ^ c'est une massue solide y qui peut se terminer en pointe ou être tronquée Dans quelques, l'avancement de l'un des articles inférieurs , et les suivans composant une massue courte, fait paraître l'antenne auriculée^ de là, l'origine des mots aiui- culatœ , proliferœ, IN'ofFre-t-elle aucune saillie, elle est alors simple; considérée dans sa direction, tantôt elle est droite ^ tantôt elle est coudée. Dans ce dernier cas , l'expression de geiiiculatœ est plus convenable que celle de fractœ. Le plus ordinairement ces organes sont entièrement libres; mais, dans quelques, ils peuvent se loger, en tout ou en partie, dans des cavités ou rainures de la tête, ou du prothorax. On tient encore compte du nombre des articles , des différences res- pectives de leurs longueurs, et de celle de l'antenne comparée à celles du corps, de la tête et du thorax. Le nombre de ces articles n'est pas toujours identique dans les deux sexes. Les coléoptères et les hémiptères sont ceux où il varie le moins. Dans les premiers , il est ordinairement de onze , et de quatre à cinq dans les seconds. Ayant déjà exposé les diverses opi- nions émises par les naturalistes sur les propriétés de ces or- ganes, et fait connaître d'une manière générale ceux de la manducation, nous passerons à l'examen du thorax. Linné désigna d'abord, sous la dénomination de trojic, celte partie du corps des insectes qui supporte les organes du mouvement, et sa face supérieure devint le thorax, Fabricius, son disciple, établit évidemment cette distinction dans sa Phi- losophie enlomologique : Thorax supcrior trujici pars . La (aco inférieure élail censée formée de la poitrine et du sternum. GENERALITES. '^29 <]ette petite pièce triangulaire qui est située entre les élytres et à leur base , et qui est une annexe du mësothorax ou second segment, fut appelée scutellum , Vécusson. Il était cependant aisé de voir que le tronc d'un cruslacé, d'une arachnide, dif- férait de celui d'un insecte hexapode, par sa composition et le nombre des appendices qui y sont attachés , et qu'il fallait en modifier l'application nominale, ainsi que celle du mot thorax. Geoffroy, dans son Histoire des Insectes des environs de Paris , en fît le corselet-, et cette dénomination , plus par- ticulièrement affectée au premier segment du tronc des co- léoptères , des orthoptères et des hémiptères , s'étendit au tronc entier, lorsque ses trois segmens sont réunis en une masse, comme cela a lieu dans les hyménoptères, les lépidop- tères et les diptères. De Géer sentit néanmoins la nécessité de distinguer le premier de ces segmens, et ne portant que les deux pâtes antérieures, des deux autres. « Le corselet des insectes , dit-il (Mém. ^ tom. III, pag. 4^0)5 ^^^ composé de deux parties , dont l'antérieure est celle à qui appartient propre- ment le nom de corselet, auquel sont attachées les deux pâtes antérieures. La seconde partie est celle à laquelle tiennent les quatre autres parties, aussi-bien que les étuis et les ailes dont elle est entièrement couverte en dessus , de façon à n'être pas aperçue de ce coté -là : j'ai déjà nommé ailleurs cette partie la poitrine. » Olivier nomma cette seconde partie le dos. Mais , dans la pratique , ni lui , ni le naturaliste précédent , ne firent guère usage de cette distinction. M. Kirby, dans son excellente Monographie des Abeilles de la Grande-Bretagne , désigna cette même seconde partie du tronc par l'expression de metathorax. Soit dans mon Gênera ( tom. Il, pag. 286) , soit dans la première édition du Règne animal, je partageai le thorax ou le tronc en trois segmens, savoir : \e prothorax , le mesothorax et le metathorax, dénominations qui, sans j que j'en eusse connaissance, avaient été employées, par le docteur Nitzsch , dans sa Monographie des Insectes épi- zoiques, publiée en 1818 , et que i\J. Audouin a ensuite adop- tées dan-s son ouvrage intitulé : Recherches anatoniiques siw 23o QUATRIÈME CLASSE. — - INSECTES. le thorax des animaux articulés et celui des insectes en parti" culier^ travail qui a rendu un important service à la science, mais qui aurait probablement été modifié s'il avait été plus approfondi quant aux classes formées aux dépens de celle des insectes -, car, dans le compte qui en a été rendu par M. le baron Cuvier à l'Académie des Sciences, il n'est question que des insectes hexapodes ailés. Nous allons en donner un extrait. Le tronc de ces animaux est divisé en trois anneaux, portant chacun une paire de pâtes, savoir : le protliorax , le meso- thorax et le metathorax ,• les deux derniers segmens portent, en outre, chacun, du moins dans la division des tétraptères, une paire d'ailes. Ils sont tous formés de quatre parties , une in- férieure , le sternum j deux latérales ou les flancs, et une supé- rieure , ou le dos. Les flancs se composent chacun de trois pièces principales : l'une , tenant au sternum , esiV épisternumj la se- conde, placée en arrière de la précédente et à laquelle la hanche s'articule, est Vcpi/nère, la troisième et dernière, Vhjpop- tère, est située sous chaque aile en avant de l'épisternum \ une autre pièce servant à unir l'épimère et la hanche, est le tro- chantin y nommée ainsi par opposition avec la pièce des pâtes appelée trochanter. Quelquefois il y a encore autour des stig- mates une petite pièce cornée , c'est le péritrème. La partie supérieure , ou le tergum, de chaque segment , en offre quatre : prœscutum j scutum , s eut e Hum , postscutellum , et dont la première est souvent, et la quatrième presque toujours, ca- chée dans l'intérieur. On n'avait guère distingué que le scu- tellum ou l'écusson , pièce du mésothorax mentionnée plus haut. En y comprenant les hypoptères, le nombre des pièces du tronc peut aller à quarante-trois , plus ou moins visibles à l'extérieur. Quelques unes d'entre elles donnent intérieure- ment naissance à diverses productions qui , à raison de leur importance et de leurs usages, méritent des noms particuliers. Ainsi, de la partie supérieure du sternum de chaque segment s'élève, en dedans, une apophyse verticale, quelquefois figu- rée en Y, et qui sera Ventothorax. Elle fournit des attaches aux muscles des ailes , et protège le cordon médullaire. Son anu- GENERALITES. 23r logue se montre dans la tète, et même quelquefois dans les premiers anneaux de l'abdomen. D'autres proéminc-nces inté- rieures , résultant des pièces externes voisines soudées en- semble , et dont les unes donnent attacbe aux ailes et les autres aux muscles, sont des apodcmes. M. Audouin nomme épi- dèmes d'autres petites pièces mobiles , situées , soit à l'inté- rieur entre les muscles , soit à la base des ailes. Ces pièces ne se laissent pas toujours séparer, et ne se distinguent souvent que par des traces de leurs sutures -, mais on en trouve tou- jours les vestiges. Il a depuis remplacé le nom d'hjpoptère par celui de paraptère. La dénomination à' ento thorax chan- gera aussi dans quelques circonstances. Relativement à la tète, ce sera Y entocéphale , et Ventogastrcj par rapport à 1 abdomen. Il considère aussi la tète comme formée de plu- sieurs segmens. Nous ne le suivrons pas dans quelques appli* cations qu'il fait de quelques unes de ces pièces aux crustacés, aux arachnides, et à quelques ordres ou quelques genres d'in- sectes. Mais une observation à citer, et qui ne m'avait pas non plus échappé, c'est que dans les hyménoptères (Mémoire sur quelques appendices particuliers du thorax des insectes ) , le premier anneau de l'abdomen s'unit toujours intimement au tergum du métatliorax, et que, dans les insectes de cet ordre , où l'abdomen est pédicule , c'est son second anneau et non le premier qui est rétréci à sa base , pour former ce pé- dicule. En un mot, le premier anneau recouvre et termine postérieurement le thorax , de sorte que ce thorax avec cette addition est ce que j'appelle surcomposé. Le métathorax se trouve réduit en dessus à un arceau très étroit, portant les ailes inférieures. Celui du premier arceau abdominal vient s'adosser au précédent , et forme une plaque plus ou moins étendue, sur laquelle on distingue quelquefois un arriére- écusson de figure carrée. Ainsi que dans les autres insectes , il offre, de chaque côté, un stigmate, caractère qui ne per- met pas de confondre ce segment avec le métathorax propre, puisque celui-ci en est dépourvu. J'ai nommé ce segment devenu thoracique , et faisant , en quelque sorte , l'office de 2^2 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. bascule, médiaire. Si on veut le regarder comme partie in- tégrante du métalhorax , il faudra supposer que ce dernier segment se compose de deux parties. Le prothorax , que des auteurs modernes , comme M. Klùg , appellent collier (collare), est aussi, dans les lépidoptères, les diptères et beaucoup d'hyménoptères, partagé en deux. Les deux pâtes antérieures, réunies au moyen de l'arceau inférieur, leur ser- vant de support, forment entre la tête et le tronc un petit collier distinct du prothorax (voyez surtout les g. parnopès , et autres dérivés de celui de chrjsis). Deux autres natura- listes, M. Chabrier, ancien officier supérieur d'artillerie, et M. Straus, se sont encore occupés de la composition du thorax. Ce dernier surtout a décrit, de la manière la plus détaillée, celle du hanneton. Mais il est fâcheux que , sans avoir égard au travail de M. Audouin , il ait donné une nomenclature particulière , qui augmente la confusion , et nous rejette dans un dédale inextricable-, car déjà Knoch, et d'autres natu- ralistes après lui, avaient aussi désigné, sous d'autres noms, les épimères , l'arrière-poitrine , et les hanches des deux pâtes postérieures qui , dans les coléoptères , sont très grandes , et entrent, sous la forme de lames,, dans la composition de la poitrine (i). Nous devons ajouter que, quoique les épimères s'articulent avec les hanches, tantôt sur les côtés inférieurs et les extrémités latérales de ces hanches , et tantôt transver- salement et avec leur bord postérieur, elles ne sont point leur support proprement dit. Les arceaux inférieurs, ou l'épi- sternum réuni avec le sternum du mésothorax et du méta- thorax , fournissent les points d'attache des pâtes. Les épi- mères du premier de ces deux segmens sont toujours voisines des stigmates qui lui sont propres , ou les portent même comme dans divers orthoptères. Elles sont très remarquables par leur épaisseur et leur saillie, dans les cétoines, vues en dessus. En général , les épimères me paraissent représenter, à l'égard du (i) Telles sont les dénominations suivantes : scapulœ , paraiileurœ , acelabttlum , perislœthiuni , meriaiaia , etc. GÉNÉRALITÉS. 23'^ thorax , les paraptères de l'abdomen ^ et ces deux sections prin- cipales du corps des insectes me semblent avoir pour base une division quaternaire. Destinés à habiter les airs et Teau , ces animaux ont aussi des organes locomoteurs de deux sortes , des ailes et des pieds. Plusieurs ont en outre d'autres appendices , comme des espèces de balanciers, d'épaulettes ou ptérygodes, qu'il est nécessaire de faire connaître. Considérées dans leur plus simple composition, telle qu'elle se présente dans quelques hyménoptères du genre chalcis de Fahricius, les ailes sont formées de deux membranes transpa- rentes appliquées l'une sur l'autre , implantées sur les côtés supérieurs du mésothorax et du métathorax , ou du premier seulement, et se mouvant par des muscles renfermés dans leur intérieur. Il y a ici absence de ces nervures ou de ces conduits aériens qui , dans d'autres insectes où l'organisation de ces parties est plus avancée , divisent leur surface en une suite de mailles ou d'aréoles plus ou moins nombreuses, et lui donnent même l'aspect d'un réseau. Des crustacés amphipodes nous ont montré des corps vésiculeux accompagnant leurs pâtes , et que nous avons comparés à des vessies natatoires. Diverses annélides sont aussi pourvues d'appendices sem- blables. Pour donner aux insectes la faculté de voler, la na- ture nous paraît avoir employé des moyens analogues , mais en convertissant ces organes en espèces de rames aériennes , de formes et d'étendue variées. C'est probablement dans le même but qu'elle a remplacé des vaisseaux sanguins par des vaisseaux remplis d'air, et qu'elle a ainsi diminué la pesanteur spécifique des corps de ces animaux. Elle n'a eu besoin , à cet effet , que d'accroître la portion membraneuse de leur peau , de la rejeter en dehors, d'y ajouter des muscles, et d'intro- duire , dans l'intérieur de ces nouveaux appendices , des tubes aériens, et, relativement aux élytres ou étuis, une portion de ce tissu , qu'on nomme muqueux. Ces deux écailles allongées et parallèles qui recouvrent , dans le repos , les ailes du han- neton et de divers autres insectes analogues , sont ce qu'on s 34 QUATRIÈME CLASSE. — INSECTES. appelle éljtres ou étuis. De là, l'origine de la dénomination de coléoptères , ailes à étuis, qu'on a donnée à un ordre com- posé de ces insectes. Ces écailles, par leur peu d'étendue, leur épaisseur et leur solidité , diffèrent beaucoup de deux appendices membraneux , beaucoup plus larges , plies trans- versalement , coupés par des nervures , situés en dessous. On sent bien que ceux-ci sont de véritables ailes. Si nous examinons ces étuis dans une sauterelle , ils nous paraîtront moins solides , plutôt coriaces que cornés , flexibles et non cassans, et se rapprochant déjà de la nature des ailes, qui ici d'ailleurs sont plissées longitudinalement en éventail. Ceux de la punaise des jardins, si commune sur le chou et autres plantes crucifères , nous offriront une composition mixte : ils ressemblent, jusque près de leur extrémité, à ceux des co- léoptères ; mais ils se terminent brusquement par une mem- brane. On les nomme à^mi-étuis ou héméfytres. Dans les libellules ou demoiselles, plus d'élytres ni de demi-étuis : ces organes sont remplacés par deux ailes proprement dites, sem- blables à des lames de talc ou de mica, nous présentant un lacis considérable de petites nervures, formant un réseau très fin , et qui leur a valu l'épithète de réticulées. Les deux autres ailes ont la même structure, les mêmes dimensions, et s'é- tendent horizontalement ou verticalement, ainsi que les précé- dentes. Les ailes des guêpes, des abeilles, etc., sont encore d'une composition essentiellement pareille^ mais ici les nervures, celles des secondes ou inférieures surtout , sont moins nom- breuses, ne forment, en se croisant, que de grandes mailles appelées aréoles ou cellules , et dont il est facile de compter le nombre. Les ailes inférieures sont d'ailleurs plus petites, et les supérieures, dans les guêpes, sont doublées longitudina- lement, lorsque ces animaux n'en font point usage. Ici, en outre , nous observons à leur naissance une petite écaille cor- née, ayant la figure d'une valve de coquille, dont la convexité est en dessus ; c'est Vécaillette, squamula ou tegula. Près du point du bord extérieur où les ailes des coléoptères sont cou- dées pour fonmr un pli, on voit aux supérieures des insectes GENERA.LITES. 235 précédens, et généralement de ceux du même ordre, celui des hyménoptères, une callosité formée par la conjonction des nervures de ce bord , qu'on a nommée tantôt stigmate^ tantôt le point calleux y mais que feu Jurine père appelle simplement le point, ou le carpe de l'aile, parce que, la comparant à celle d'un oiseau , cette callosité est située à la terminaison de Tavant-bras , et que l'articulation se trouve entre ces deux parties : il serait , ce me semble , plus convenable de rem- placer cette expression par celle de calus. Le bord extérieur des ailes inférieures offre aussi , dans plusieurs insectes sans élytres ou gymnoptères , de petits crochets, hamuli, ou de petits cils en forme d'épines , dont on peut profiter dans la classification , d'autant plus qu'ils peuvent servir dans ceux qui sont pourvus de quatre ailes à maintenir fixe la supé- rieure avec l'inférieure correspondante. Quoique ces organes soientrgénéralement nus et transparens , il est cependant plu- sieurs espèces on leur surface est parsemée ou hérissée de poils ou de petites soies ^ mais, sous ce rapport, l'ordre des lépidoptères, ou celui qui renferme les papillons, les pha- lènes, les teignes, etc. , se distingue éminemment. Si on froUe leurs ailes, soit avec le doigt, soit avec un pinceau, on en détache une poussière ou un^ sorte de farine; la partie qui en est dépouillée a perdu ses couleurs, et n'offre plus qu'un espace membraneux , transparent et veiné. Vue au micro- scope, cette poussière est un amas de petites écailles de formes très variées , mais pour la plupart plus ou moins cunéiformes ou ovales, dentées au bord postérieur, et les unes sessiles, et les autres pédicellées. Observée avec le même instrument , la surface de l'aile offre des points enfoncés et alignés, où les écailles sont implantées et disposées en recouvrement les unes sur les autres, à la manière des tulles d'un toit. L'étymologie du mot lépidoptères , ailes à écailles, exprime ce caractère. Cette pièce, dont nous venons de parler sous la dénomination à! écaillette , se montre ici sous une dimension extraordinaire , et fournit un nouveau trait dislinctif. Nous verrons encore, en traitant particulièrement de cet ordre , que les ailes infé- 236 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. rieures du plus grand nombre ont à leur base un appendice corné, en forme d'épine ou de crochet, ou une sorte de bride, de frein (frenum) , qui , se glissant sous une petite saillie en forme de boucle ou de demi-anneau de la face intérieure des ailes de dessus, les maintient dans l'inaction. Ces organes, considérés d'une manière générale, ont la figure d'un triangle allongé, en partie curviligne, dont le côté le plus long, celui qu'on nomme côte, bord extérieur, bord antéiieur, forme la base. L'angle opposé , ou celui du sommet du triangle , est appelé angle postérieur ou interne ,• le même, aux ailes inférieures, est distingué du précédent par la dénomination à' anal-, les deux autres terminent le bord ex- terne , et l'un est apical, et l'autre basilaire. Le bord interne s'étend de celui-ci à l'angle interne, ou à l'angle anal, s'il s'agit des secondes ailes , et le bord posténeur du dernier à l'apical ou le bout de Taile. Frisch, naturaliste allemand, dont un ouvrage sur les insectes date de près d'un siècle , avait pres- senti que l'on pourrait employer la considération du nombre et de la disposition des cellules de ces organes du mouvement, ainsi qu'on peut le conclure du soin qu'il a mis à figurer les ailes à part, et d'une manière assez exacte. Harris, auteur anglais , mais postérieur, leur donna aussi une attention par- ticulière , et désigna même les nervures de quelques lépi- doptères par des noms propres. Mais il était réservé à feu Jurine père d'établir à cet égard une théorie générale, et de l'approprier à la méthode. Une certaine quantité de cellules des ailes supérieures, les antennes, les mandibules, et la ma- nière dont l'abdomen se joint au thorax, forment la base de sa classification des hyménoptères. Il se proposait de l'appli- quer aux diptères, lorsque la mort nous l'a enlevé. Il aurait pu cependant tirer un meilleur parti de la considération des ailes, en ne se restreignant pas aux aréoles , dont il se sert, et c'est ce que j'ai fait dans mon Gênera. MM. Fallën, Meigen, Macquart, et Lepelletier de Saint-Fargeau surtout, ont aussi généralisé l'emploi de ces nouveaux caractères, mais je n'y allachc pas la même importance que le savant auquel nous en GÉNÉRALITÉS. 1?in sommes redevables. Plusieurs de ses genres sont, sous ce rap- port, très artificiels, et se composent d'espèces assez dispa- rates, quant aux habitudes et à la forme des organes de la manducalion. La base de l'aile présente quatre nervures, qu'il nomme priniitwes. Dans les hyménoptères à abdomen sessile , il y en a cinq. Les trois internes, et pour ceux où il est pédicule, deux de ces nervures seulement sont appelées brachiales [i). Le disque est toute la portion de l'aile renfermée entre ses bords \ cette dénomination est dès-lors synonyme de celle de surface , et en opposition avec les idées reçues , puisqu'on a coutume de ne l'affecter qu'à l'espace central ou le milieu. La première nervure du bord externe, qui , partant de la base et se dirigeant presque en ligne droite dans le sens de la lon- gueur, va se réunir près du milieu de ce bord , soit directe- ment, soit au moyen d'un rameau, avec le calus ou renfor- cement de la partie cornée du même bord , est le rayon. La nervure située immédiatement au-dessous de la précédente est l'os du coude , ou le cubitus. Une autre, plus petite, par- tant de la précédente, ou du calus, c'est-à-dire le carpe, dans la nomenclature de Jurine , et se dirigeant vers le bout de l'aile, forme avec l'extrémité postérieure du bord externe, auquel elle se réunit souvent, la cellule radiale, que j'avais nommée, dans mon Gênera, marginale j elle est quelquefois divisée en deux par une très petite nervure. Si elle descend de la callosité, elle forme deux cellules radiales j mais si elle prend naissance au-delà , la petite cellule terminale n'est plus que rudimentaire , et prend le nom d'appejidicée. De l'extré- mité de la nervure cubitale et près du calus, descend une seconde nervure secondaire, allant aussi vers le bout de l'aile. L'intervalle compris entre elle et celle qui a aidé à former la cellule radiale, est coupé par des nervures transverses, d'où résultent d'autres cellules, les cubitales, ou celles que j'avais (i) Dans son Mémoire sur les ailes des hyménoptères, il nomme humérales les cellules antérieures aux radiales et cubitales. 238 QUATRIEME CLASSE. ÏIVSECTES» appelées sous-marginales . Leur nombre varie de un à quatre. Quelquefois l'une d'elles ne s'étend pas dans toute la largeur de l'espace qui les limite-, elle n'est produite que par la bifur- cation intérieure d'une nervure transverse, ressemblant à un Y renversé. La cellule paraît alors être surmontée d'une tige ou d'un pétiole , et voilà pourquoi on la distingue par l'épitbète de pétiolée. Si la dernière cellule cubitale n'atleint pas le bout de l'aile et n'est pas fermée, soit par son bord postérieur, soit par une nervure transverse, on dit qu'elle est incomplète. Une ou deux autres nervures pareillement trans- verses, et appelées récurrejites , réunissent les cellules discoi- dales avec les cubitales. On note lesquelles de celles-ci reçoi- vent ces nervures. Dans un grand nombre d'ichneumons, la première de ces dernières cellules est fort grande, parce que le commencement de la nervure qui les circonscrit est avorté. Dans d'autres espèces de la même famille , elle est partagée en deux par cette nervure , et sa portion inférieure devient une cellule discoidale. Dans plusieurs autres hyménoptères, le nombre des mêmes cellules cubitales diminue peu à peu, se réduit ensuile à une,, qui finit par n'être plus fermée-, enfin, l'extrémité de l'aile n'offre plus que des nervures isolées ou perdues -, celles de la base disparaissent même avec les précé- dentes, et on ne voit plus que le calus ou le point marginal. Les ailes inférieures peuvent être dépourvues de nervures, quoique les autres en aient. Le rayon s'éloigne quelquefois assez du bord externe pour composer avec lui une cellule étroite et allongée -, les ailes des fourmis sont dans ce cas. MM. Lepelletier de Saint-Fargeau et Serville ont traité ce sujet ex professo dans V Encyclopédie méthodique , au mot Radiales. Les mâles de quelques phalènes ont , proche l'ori- gine des ailes inférieures, un appendice de même consislance qu'elles, couché sur leur face supérieure, plat, ovale, et plié en double. Ces lépidoptères paraissent ainsi avoir six ailes; mais les deux surnuméraires ne sont qu'un repli du bord in- terne des inférieures. Les nervures des ailes sortent immédiatement du thorax GÉNÉRA riTÉS. 289 ot sont autant de lul)es solides , élastiques , et recevant dès leur origine une véritable trachée roulée en spirale , suscep- tible de s'étendre ou de se contracter. Ces vaisseaux se di- visent et communiquent entre eux par des espèces d'anasto- moses. Dans divers hvménoptères , la continuité des tubes esl interrompue par de petits points ronds et transparens, semblables à des bulles d'air. Au point où ils se forment , la substance cornée, composant ces tubes, s'étend de chaque coté en petits filets , dans la duplicalure de l'aile , et en s'é- parpillant perd ainsi sa couleur^ mais il n'y a aucune inter- ruption dans les trachées. Les poils dont la surface des ailes est hérissée servent , suivant Jurine , à mettre ces organes à l'abri des injures extérieures-, mais je leur soupçonne une autre destination. Les muscles qui les font mouvoir et tous renfermés dans l'intérieur du tronc paraissent être de deux sortes, qui se distinguent par la différence de leurs longueurs. Les plus courts servent à les étendre ou à les plier, et les plus longs à les élever ou à les abaisser. Ils se correspondent ou se bifurquent pour s'attacher de chaque côté aux ailes, puisque si l'on remue l'une d'elles , l'insecte étant mort , l'opposée exécute les mêmes mouvemens. Nous renverrons pour d'au- tres détails au beau Mémoire de Jurine sur les ailes des hy- ménoptères , à ceux de M. Chabricr et à la description de ces organes , considérés dans le hanneton commun , donnée par M. Straus. Les élytres étant aussi solides et aussi épaisses que les tégu- mens du corps sont susceptibles des mêmes modifications , de sorte que leur surface offre souvent des dessins en relief très variés , diverses sortes de ciselures , des éminences sous la forme de tubercules, de piquans, d'aiguillons et quelquefois, comme dans quelques dytiques , elle diffère selon les sexes. Plusieurs coléoptères , néanmoins, n'ont point des étuis aussi solides et aussi épais. Ils sont alors minces , flexibles, et géné- ralement unis. La ligne où ils se joignent , ou s'appliquent l'un contre l'autre par leur bord interne , et qui dans les co- léoptères et les forficules , est toujours droite , est ce qu'on 24o QUATRIÈME CLASSA. INSECTES. appelle la suture. Dans plusieurs espèces ces étuis sont sou- dés , et les ailes manquent toujours dans cette circonstance. Elles avortent aussi ou ne sont que rudimentaires dans d'au- tres. Mais on ne connaît encore aucun coléoptère qui soit privé d'élytres. Leur situation est horizontale dans ce même ordre -, il n'en est pas ainsi dans les criquets , les sauterelles et autres insectes de l'ordre des orthoptères -, elles y forment un toit ou un angle au-dessus de l'abdomen. Ici elles le dé- passent notablement , tandis que dans l'ordre précédent elles se terminent avec lui ou sont même plus courtes. Les in- sectes à étuis étaient distingués anciennement par la dénomi- nation de vaginipennes , et ceux dont les ailes sont nues par celle à' anélytres , ou sans étuis. Les premiers sont mes élj- troptères , et les seconds mes gjmnoptères. L'expression de coléoptères, synonyme primitivement de celle de vaginipen- nes, ayant été restreinte à une partie d'entre eux, je lui ai substitué celle d'élytroptères, qui présente la même signifi- cation. J'ai dit précédemment que les écaillettes des lépidoptères étaient remarquables par leur grandeur. Elles forment en effet des espèces d'épaulettes prolongées en arrière , le long d'une partie du dos et appliquées sur lui. Je leur donne alors le nom de pterjgodes (ptery godes). Il nous reste à examiner, pour compléter la description des appendices supérieurs du thorax relatifs au vol , ceux qui ont reçu la dénomination de balariciers , d'ailerons ou cueille- rons , de prébalanciers . Les deux premiers sont propres aux diptères , et les derniers aux rhipiptères. Les balanciers (^haltères) , au nombre de deux, et [)lacés 50US l'origine des ailes des diptères, immédiatement au- dessous des ailerons ou cueillerons , consistent en un petit torps membraneux , dont la longueur est en raison inverse de celle de ces derniers appendices ; ils sont en forme de maillet , ou composés d'une tige filiforme, terminée en un bouton ovale ou triangulaire, et susceptibles d'un mouvement très rapide de vibration. Le renflement terminal ressemble à une vessie GÉNÉRA LITÉSi 9,4 I dont le sommet est tantôt concave et tantôt saillant. Ce corps est un peu élargi ou dilaté au point d'attache. Une opinion assez généralement adoptée , est que les balanciers repré- sentent les ailes inférieures ou en sont les rudimens. Mais dans mon Mémoire sur quelques appendices du thorax de divers insectes , j'ai essayé d'en prouver la fausseté ; voici en peu de mots mes motifs. La construction du thorax des diptères est essentiellement la même que celle du thorax des hyménoptères. Ici le méla- thorax , ou le segment portant les ailes inférieures , ne forme , ainsi que nous l'avons dit , qu'un arceau dorsal très court , et suivi de la portion supérieure du segment médiaire , ou de la partie de l'abdomen qui ferme postérieurement le thorax , et offre dans plusieurs , de chaque côté , un angle ou une dent saillante , avec un stigmate. Son milieu présente aussi , dans plusieurs , un petit espace carré , que l'on a nommé arrière- écusson y on faux-écusson. Jamais ces ailes ne sont insérées à cette extrémité et près de l'articulation de l'abdomen avec le tronc. Or, c'est positivement près de ce point de réunion et au côté extérieur de deux stigmates , que les balanciers pren- nen t naissance. Dépendans du segment médiaire, ils ne peuvent^ par leur situation , correspondre aux ailes inférieures. Le méta- ihorax est encore plus réduit que dans les hyménoptères , et ne paraît point ou presque pas-, mais le thorax , ainsi qu'on peut s'en assurer par l'inspection de celui des grandes lipules et autres diptères à corps allongé , se termine de même , et on y voit aussi un faux-écusson. La membrane plissée de l'organe du chant des cigales et faisant partie du segment médiaire, cette lame , percée d'un petit trou et servant d'opercule à une cavité remarquable , qu'on observe de chaque côté , au même anneau , dans les criquets , nous font présumer que les balanciers n'en sont aussi que des appendices, communiquant probablement avec les trachées voisines , pouvant recevoir une certaine quantité de fluide aérien , et analogues en quelque sorte à ceux qui accompagnent les organes respiratoires des aphrodites, ou à ceux qui sont sur les côtés de l'abdomen des 16 'X[\1 QUATRIÈME CLASSE. — INSECTES. machiles et des forbicines. Je ne doute point, d'après cela, qu'ils ne jouent un rôle dans l'acte du vol, et qu'ils ne servent de contrepoids, ainsi qu'on l'avait pensé. On nomme aileron, cueilleron {alula, squamuld) une petite écaille membraneuse, située au-dessous de l'origine des ailes des diptères, recouvrant plus ou moins les balanciers, ordi- nairement blanchâtre , arrondie et ciliée sur ses bords , for- mée de deux pièces convexes d'un côté et concaves de l'autre , semblables auxbattans d'une coquille bivalve, réunies par l'un des bords , placées l'une sur l'autre dans le repos , mais s'é- tendant et se trouvant sur le même plan lorsque l'insecte vole. Par leur position , ces appendices auraient plus de rapports avec les ailes inférieures que les balanciers. Ils me sem- blent néanmoins partir d'un point un peu plus élevé que les ailes. Les prébalanciers (^prœJialteres) sont , ainsi que je Tai dit plus baut , exclusivement propres à des insectes très singu- liers, avec lesquels M. Rirby a établi son ordre des strepsitères (ailes torses), dénomination qui m'a paru devoir être changée, et que j'ai remplacée par celle de rhipiptères , ailes en éven- tail. Ce sont deux pièces étroites, allongées, arquées ou con- tournées à leur extrémité , creuses ou tubulaires , à ce qu'il paraît , insérées , une de chaque côté , près de l'extrémité antérieure du thorax et de l'origine des premières pâtes , et que l'insecte meut avec une grande rapidité lorsqu'il vole. M. Kirby les a prises pour des élytres. Il semble, en effet, que les ailes étant plissées longitudinalement correspondent aux inférieures des orthoptères, et que dès-lors ces appendices remplacent les élytres. Mais le thorax ayant bien plus d'a- nalogie avec celui des hyménoptères et des lépidoptères qu'avec celui des orthorptères , j'ai considéré ces organes comme des pièces analogues aux ptérygodes des lépidoptères. Les côtés du prothorax de quelques espèces de psychodes et des scénopines , genres de l'ordre des diptères , se prolongent aussi latéralement , et les prébalanciers des rhipiptères pour- raient être des appendices similaires 5 mais comme ils se GÉNÉRALITÉS. l[\h meuvent avec les ailes, qu'ils sont plus allongés et dirigés en arrière , j'ai pensé qu'ils avaient plus d'analogie avec les pté- rygodes. Au surplus nous en parlerons plus en détail lorsque nous serons arrivés à cet ordre d'insectes. Le bourdonnement produit par certains insectes, les sphinx, les abeilles, et les moucbes notamment, est considéré comme un effet des vibrations rapides de leurs ailes. Mais cette expli- cation est trop générale , et mérite un examen plus appro- fondi et confirmé par un grand nombre d'expériences : il en est de même du mécanisme du vol. Deux savans déjà cités , MM. Chabrier et Straus , ont traité , dans ces der- niers temps , ce sujet \ mais l'opposition que le premier a trouvée dans les membres de la commission nommée par l'Académie des Sciences pour l'examen de son travail , nous prouve que cette matière est au moins sujette à controverse \ n'ayant pas assez de lumières en mécanique et en anatomie pour discuter et peser ces diverses opinions, de telles expli- cations ne devenant d'ailleurs intelligibles qu'avec le secours de figures , nous passerons outre , en invitant néanmoins ceux qui désireraient s'instruire sur un semblable sujet , de recourir aux ouvrages précités, sans préjudice des antérieurs, et surtout au Mémoire de Jurine sur les ailes des hyménoptères , inséré dans le recueil de ceux de l'Académie des Sciences de Turin , admirable pour les détails et les planches qui l'accompagnent , et où tous les objets sont prodigieusement grossis. Mais je dois prévenir que chacun de ces auteurs ayant une nomenclature propre, l'on éprouvera souvent de grands embarras, et je ne puis m'empécher de dire que M. Straus , qui a écrit le dernier sur ce sujet , aurait dû , afin de ne pas accroître cette confusion , comparer ce qui avait été fait sur la même matière avec son travail , et s'il jugeait nécessaire de créer de nou- veaux noms , d'indiquer au moins leur correspondance avec ceux de MM. Chabrier et Jurine. Les autres et derniers appendices du thorax des insectes dont nous ayons à parler, sont ceux qui naissent du sternum servent à la marche , et dans plusieurs au saut ou à la nata- 244 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES, lion , el qu'on appelle pieds. Ils consistent en une suite d'ar- ticles tubuleux , formés de même que les tégumens d'un épi- derme et d'un derme , renfermant des muscles propres, deux dans la plupart , l'un extenseur et l'autre fléchisseur. Ces arti- cles ont reçu les mêmes dénominations que les membres ana- logues des vertébrés, c'est-à-dire qu'ils se composent d'une ban- cbe , d'une cuisse , d'une jambe et d'un tarse , ou plutôt d'un doigt , partagé en phalanges ou articles, dont le nombre est de cinq, au plus, quantité constante dans les insectes anélytres ou sans étuis, l'ordre des névroptères seul excepté, et qui, quelle qu'elle soit, est pareillement généralement identique dans les insectes de la même famille naturelle. Le dessous de ces articles est fréquemment garni de poils ou de soies , formant dans un grand nombre des sortes de brosses ou des pelotes. Quelque- fois encore , la même face présente de petites palettes mem- braneuses ou des espèces de soles. La pénultième est souvent partagée en deux lobes , et le dernier se termine presque tou- jours par deux petits onglets ou crochets. Les deux tarses antérieurs des hyménoptères , de la famille des mellifères , sont appelés par M. Kirby la main , et leur premier article en est la paume (palma). La dénomination des tarses n'est ap- pliquée qu'aux quatre postérieurs. Ici le premier article reçoit le nom de planta ^ la plante, et les autres constituent le doigt. La hanche ou la rotule (coxa, capitulunï) n'est composée que d'une seule pièce. Il ne faut pas négliger d'observer, ainsi qu'on l'avait généralement fait , sa forme , ses proportions relatives , ainsi que celles de la cavité cotyloide où elle s'em- boîte. La cuisse (fémur) est formée de deux articles , dont le premier, beaucoup plus court , est le trochanter. La jambe^ divisée ordinairement en deux articles dans les crustacés , les arachnides , n'en offre qu'un seul dans les insectes , et qui se termine par deux épines ou éperons. On donnera encore une attention particulière à la forme des deux pieds antérieurs ou avant-pieds {prœpedes) ^ et on les étudiera dans les deux sexes , parce qu'elle est quelquefois différente. Les deux pieds postérieurs eux-mêmes peuvent aussi offrir des caractères par- GÉNÉRALITÉS. '2^5 ticuliers , ainsi qu'on le voit par les abeilles , où ils sont polli- niferes (^polliniferi) . Dans d'autres insectes , ils se terminent par un tarse comprimé , très cilié ou fort velu , propre à ramer ou à nager ; ce sont des pieds natatoires [jiatatorii) . Les jambes des deux premiers sont encore , dans quelques espèces , plus larges, dentelées ou épineuses au bord externe. Ces pieds deviennent ainsi aptes à fouir, et on les distingue par l'épi- tbète Aq fossoyeurs {fossorii). Les mêmes, dans quelques lépidoptères diurnes, sont très courts , coudés et repliés , sans ongles, ou n'en ayant que de très petits, inutiles en un mot pour la marche : ce sont des pieds mutiques on faux [mutici, spurii). Geoffroy, à l'égard de quelques espèces , les appelle pieds en palatine. Dans les mantes , les nèpes , ils ont reçu la dénomination de iriuisseurs^ parce que pouvant se replier avec prestesse sur eux-mêmes , ils font l'office de serres ou de pinces , avec lesquelles ces insectes saisissent et retiennent leur proie. L'obligation d'étudier avec soin les organes de la locomotion s'étendra aussi à ces mêmes insectes dans leur premier état, ou sous celui de larve. Réaumur, qu'il faut toujours citer pour le modèle des vrais observateurs , avait remarqué de notables différences dans la forme des pâtes membraneuses des chenilles , et de celle des dents ou petites épines qui cou- ronnent plus ou moins leur extrémité. Depuis cette époque , si l'on en excepte Roesel et de Géer, on n'a pas tenu compte de ces considérations , et le bel ouvrage d'Hùbner sur les che- nilles des lépidoptères d'Europe étant, à cet égard, incomplet, l'on se verra un jour dans la nécessité d'en publier un autre de même nature , avec les détails qu'il n'a pas représentés , et qui néanmoins sont indispensables pour la connaissance positive de ces larves. L'abdomen (^abdomen) ou la troisième et dernière division principale du corps , renferme les viscères , les organes sexuels , et se compose de neuf à dix anneaux ou segmens , divisés chacun en deux arceaux ou demi-segmens , l'un supé- rieur et l'autre inférieur , et réunis latéralement par une membrane sur laquelle sont ce que M. Audouin nomme péri- ^46 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. trèmes. On est convenu d'appliquer le nom de ventre à la partie inférieure, l'opposée est le dos. Les derniers anneaux sont souvent rapetisses et cachés dans l'intérieur de l'abdo- men , de sorte qu'il n'en offre souvent à l'extérieur que six à sept. Dans les coléoptères même , le nombre des demi-seg- mens inférieurs ou ventraux est moindre que celui des demi- segmens supérieurs -, les deux ou trois premiers de ceux-ci embrassent toute l'étendue de l'espace occupé par le premier des autres ; mais on distingue en avant, sur celui-ci, des su- tures ou des lignes enfoncées transverses, indiquant sa com- position. Les organes de la génération sont situés, les mascu- lins des libellulines exceptés, à l'extrémité postérieure, et sortent par l'anus. Ainsi que nous l'avons dit, une tarière ou un o\^is capte , ordinairement extérieure et souvent saillante, accompagne ceux de plusieurs femelles. Dans quelques au- tres, elle est transformée en un aiguillon, mais caché dans l'intérieur. L'extrémité de l'abdomen offre aussi d'autres appendices, comme des espèces de stylets coniques et arti- culés , qui paraissent être des organes sécréteurs , des filets composant une queue , une pince ou tenaille à deux branches. Dans les malachies , genre de coléoptères , des tentacules membraneux et rétractiles, appelés cocardes, sortent des côtés de sa base , ainsi que de ceux de la poitrine. Quelques uns des demi-segmens intérieurs diffèrent aussi dans les deux sexes , soit par des échancrures , soit par des saillies parti- culières , sous la forme de dents ou de tubercules. Enfin , re- lativement à la manière dont l'abdomen s'articule avec le thorax , il peut être sessile ou pétiole. Telle est. Messieurs, la physionomie générale des insectes, ou leur organisation tant intérieure qu'extérieure. Leur con^ servation , but principal que s'est proposé en les créant l'au- teur de la nature, entraîne l'examen de leur mode de nulri-r tion et de reproduction. Leurs principales habitudes , leur accouplement , leurs pontes et les soins admirables que leur suggère l'instinct pour garantir et défendre les germes de leur postérité \ leur éducation ou le tableau des premiers GKNÉRÂLITtS. 9.47 âges de ces animaux , c'est-à-dire leurs métamorphoses , enfin leur distribution géographique sur la surface du globe , d'où dépendent aussi leurs moyens d'existence et de propagation \ voilà , Messieurs , ce qu'il nous reste à vous présenter pour compléter cette introduction à l'Entomologie. Il n'est presque aucune substance, tant animale que végé- tale, qui ne serve d'aliment à quelque espèce d'insecte. Mal- heureusement pour nous, les végétaux les plus nécessaires à nos premiers besoins sont pareillement soumis à leur pouvoir destructeur. Des larves de lipulaires, vivant dans l'intérieur des tiges de plusieurs de nos plantes céréales, détruisent, lors- que des circonstances favorisent leur multiplication , tout l'es- poir du laboureur. Les ravages de l'alucite des blés et de la fausse teigne qui en ronge encore les grains, ne sont que trop connus; la première surtout a porté la désolation dans plu- sieurs de nos départemens méridionaux. Deux espèces de calandres, dont l'une en vit aussi, et dont l'autre attaque le riz, infestent les dépôts où sont renfermées ces précieuses se- mences. Celles des lentilles, des pois , du mais , sont dévorées par des larves de bruches. D'autres coléoptères très voisins des précédens , tels que les anthribes , les attelabes 5 d'autres charansonites , l'eumolpe de la vigne, plusieurs petites che- nilles, les guêpes, etc. , nous privent de différens fruits, ou nous obligent d'en rejeter une bonne partie. Nos plantes potagères, les feuilles de plusieurs de nos arbres fruitiers, sont la proie de divers autres animaux, parmi lesquels nous citerons prin- cipalement les pucerons et les gallinsecles. Des myriades de larves d'une espèce de galéruque , des légions innombrables de chenilles ou de fausses chenilles, dépouillent encore de feuilles nos ormes, nos chênes, nos pins, lorsque la nature prend à peine la livrée du printemps , et presque tout à coup se reproduit à nos regards le triste spectacle de l'hiver. Des larves de cossus, d'hépiales, de capricornes, de scolites, de bostriches , etc. , sont bien plus pernicieuses encore , puisque elles attaquent le cœur de nos arbres forestiers. Qui n'a pas à se plaindre des fourmis? Quels sont les colons des deux Indes HqS QUATIUÈME CLASSE. — INSECTES. et d'Afrique qui ne gémissent des dommages incalculables que leur occasionnent les termes ? Quel est le cultivateur d'abeilles qui ne maudisse souvent l'existence de ces teignes qui dévorent la cire ? Combien de fois n'avons-nous pas vu avec une extrême douleur plusieurs de nos pelleteries, de nos étoffes, de nos meubles, dévastés par d'autres teignes? Et vous, qui recueillez avec tant de zèle, tant peut-être de sa- crifices pécuniaires, des objets d'histoire naturelle, n'avez- vous pas éprouvé fréquemment des regrets? N'avez-vous pas fait une guerre acharnée à des larves d'anthrènes , de ptines, de dermestes? La conservation de nos provisions de bouche, de la viande surtout, sollicite encore toute notre vigilance. Quelques heures suffisent pour faire éclore les œufs qu'une mouche y a déposés. D'autres insectes du même ordre, tels que les cousins , les taons , les stomoxes , sans parler des poux , de la puce, ne nous ont que trop souvent tourmentés par leur aiguillon. D'autres larves de diptères, celles des œstres, ayant pour domicile diverses parties du corps des bêtes à cornes et des chevaux, soit extérieures, soit intérieures, les font souf- frir, et quelquefois périr par leurs corrosions , aussi fatales que celles des vers intestinaux. Rendons cependant hommage à la sage prévoyance et aux bontés du Créateur^ il nous offre quelque compensation dans les services que nous rendent d'au- tres larves en purgeant la terre de cadavres et de plusieurs matières putrides, qui, par leurs exhalaisons délétères, cor- rompraient le fluide que nous respirons. Les produits de l'abeille, du ver à soie, la cochenille, doivent aussi exciter notre gratitude , sans que nous voulions dire toutefois que c'est nous qu'il a eu en vue en donnant l'existence à ces êtres. Ainsi que dans les classes supérieures d'animaux, beaucoup d'insectes fuient la lumière du jour -, d'où il résulte que plu- sieurs de ceux que nous avons intérêt à détruire échappent à nos poursuites. C'est ainsi que nous chercherions en vain le jour, sur des végétaux, certaines chenilles qui les dé- pouillent de leurs feuilles: elles se tiennent alors cachées dans ' GÉNÉRALITÉS. 249 la terre ou sous quelque abri \ mais comme c'est ordinaire- ment à peu de distance, des fouilles ou des recherches faites aux environs pourront souvent nous amener à leur décou- verte. Aussi les collecteurs zélés d'insectes ne se bornent pas à des chasses diurnes : munis d'une lanterne ou d'un flam- beau , ils essaient de les surprendre , lorsqu'ils accourent , attirés par la lumière. Cependant, lorsque l'habitude nous a appris à bien connaître les lieux de leurs retraites, on n'a pas besoin de recourir, du moins aussi souvent, à ces moyens. Tous les individus, dans cette classe d'animaux, sont mâles ou femelles^ mais parmi ceux-ci il en est dont les ovaires, n'ayant pas reçu une élaboration convenable, ne sont point propres à la génération, et ces individus, réunis en société, sont uniquement chargés des travaux de construction, des approvisionnemens, du maintien et de la défense de cette réu- nion , ainsi que de l'éducation des petits ^ ce sont des mulets ou des neutres. Les fourmis, les guêpes, les bourdons et les abeilles, nous en offrent exclusivement des exemples. Dans les sociétés si innombrables des termes , les individus désignés par des naturalistes ou des voyageurs sous le nom de soldatSy paraissent en être uniquement les défenseurs*, mais nous n'avons pas encore sur eux des renseignemens positifs. Outre les caractères proprement dits sexuels , les mâles dif- fèrent des femelles par une taille plus petite, et souvent en- core par des antennes composées d'un ou de plusieurs articles de plus , soit aussi en ce qu'ils sont plus développés latérale- ment, ou bien en ce qu'elles sont plus longues. Dans un grand nombre de coléoptères lamellicornes, la tête et le thorax, comparés dans les deux sexes, présentent des disparates re- marquables^ les mâles ont une ou plusieurs cornes, que l'on ne retrouve pas dans leurs femelles. Dans plusieurs hymé- noptères, ces différences affectent quelques unes des pâtes. L'abdomen, vu à l'extérieur, a un segment de plus, comme sept au lieu de six. Quelquefois encore les femelles sont aptères. Les couleurs sont plus brillantes, ou même différentes dans plusieurs mâles. Quelques uns, tels que ceux des cigales, aSo QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. des sauterelles , rendent , au moyen d'organes propres , un son plus ou moins bruyant, qu'on a qualifié du nom de chant, mais qui n'est qu'une simple stridulation produite par un frottement. Les vrillettes s'appellent réciproquement en fai- sant aussi entendre un bruit, mais semblable à celui du batte- ment d'une montre, et qui est le résultat des coups réitérés de leurs mandibules sur des cbâssis ou des corps ligneux-, se dirigeant d'après l'intensité progressive du son, ces insectes finissent par se rencontrer, et vaquent à leurs amours. Les femelles aptères de divers lampyres ont les derniers anneaux de l'abdomen lumineux ou pbosphorescens. Cette propriété peut devenir commune aux deux sexes de plusieurs insectes nocturnes. L'accouplement se fait à la manière ordinaire , ou le mâle se place sur le dos de sa compagne , et la retient avec l'espèce de forceps qui accompagne ordinairement ses parties génitales. Dans plusieurs coléoptères, les tarses antérieures des mêmes individus sont dilatés ou en forme de palette , ce qui favorise la copulation. Dans certains apiaires les mêmes parties sont garnies, pour un but semblable, de brosses ou de poils serrés. Les libellules font seules exception à cette règle générale. Le mâle a, ainsi que les autres insectes, des crochets au bout de I l'abdomen -, mais les organes proprement dits de la génération étant situés près de l'origine du ventre , l'accouplement ne peut avoir lieu de la manière accoutumée. Nous verrons, lors- que nous en serons à ces insectes, comment il s'effectue. Tantôt le mâle reste dans l'attitude qu'il a d'abord prise tout le temps qu'il dure , tantôt il se tient à côté de sa femelle ou dans une même ligne avec elle et en sens opposé, et très ra- rement celle-ci est-elle placée au-dessus du mâle dans cet acte; la puce et les éphémères nous en montrent seules un exemple. Des mouches nous offrent aussi une autre anomalie , en ce que la femelle introduit les derniers anneaux de l'abdomen dans l'intérieur de celui de l'autre individu. La durée de l'accou- plement varie 5 elle est longue dans quelques espèces. Il n'est pas vrai, ainsi qu'on l'a avancé, que les insectes ne s'unissent GléNÉRALITéS. aSi ,qu'uDe fois dans le cours de leur vie. Cet acte terminé, les fe- melles se livrent à la ponte des œufs. Les éphémères, ainsi nommées de la courte durée de leur vie , les font sortir tous à la fois et en une masse. C'est encore ce qui a lieu dans les mantes , les blattes, les hydrophiles 5 les œufs se trouvent ren- fermés dans une capsule ou sous une enveloppe qui se forme dans l'intérieur de l'abdomen ^ mais le plus souvent ils sont pondus un à un , et par intervalles plus ou moins longs. On a remarqué que les grosses mouches bleues de la viande ne pon- dent que lorsqu'elles trouvent de la chair morte à leur dispo- sition. Il est probable que cette habitude est générale , parce que , sans celte précaution , le but de la nature ne serait pas atteint , les larves devant périr faute de nourriture. Par suite de cette prévoyance , les femelles des guêpes et des abeilles qui se sont accouplées dans l'arrière-saison ne mettent bas leurs œufs qu'au printemps suivant. Jamais la Providence ne se manifesta plus admirablement que dans les moyens qu'elle a choisis pour assurer la conser- vation de ces germes. L'histoire de ces animaux nous en four- nira les preuves les plus palpables , mais qu'afin de ne pas tomber dans des redites , nous ne pouvons maintenant exposer. Parmi les œufs des insectes, les uns sont crustacés ou de consistance ferme et solide, et les autres membraneux. Leurs figures et leurs couleurs sont prodigieusement diversifiées^ le ' sculpteur y trouverait des modèles qu'il aurait de la peine à imi- ter. Il en est, comme ceux des hémérobes, qui ressemblent à des j plantes parasites, et que des botanistes se sont même appropriés-, mais , en général , leur forme la plus habituelle se rapproche de celle d'une sphère ou d'un corps ovalaire. Il est probable que le fœtus s'y développe de la même manière que dans les œufs des crustacés et des araignées , dont quelques savans déjà cités ont suivi avec une patience bien digne d'éloge tous les progrès. Des observations semblables nous manquent à l'égan des insectes. On sait seulement que leurs œufs ne présoïïteljtA> / qu'une substance aqueuse, avec un point obscur auQiilieuc^^ ^^/ 232 QUATRIEME CLASSE. — INSECTES. qui, suivant Swammerdam , n'est nullement l'animal entier, mais uniquement sa tête , qui prend sa première consistance et sa couleur. Il n'y croît point , et ses parties s'y forment et s'y affermissent. Sous la coque de l'œuf est une pellicule très fine qui l'enveloppe , et que l'on peut comparer au chorion ou à l'amnios. Lorsque l'humidité intérieure et surabondante est dissipée , et que les membres du petit ont acquis assez de force pour pouvoir rompre la coque , il en sort ordinaire- ment par une ouverture circulaire , soit naturelle , soit exé- cutée par ses dents. Il avance d'abord sa tête , qui était re- pliée en dessous -, puis il développe ses organes , les meut , et fait sortir ses pâtes , s'il en est pourvu , les unes après les autres. Tout a été calculé par l'auteur de la nature pour qu'il ait à sa portée , en venant au jour, les alimens qui lui ont été des- tinés. On conçoit dès-lors que les œufs pondus aux approches de l'hiver ne doivent éclore que lorsqu'une température plus élevée aura développé les substances animales ou végétales dont se compose cette nourriture, c'est-à-dire au printemps ou à l'été de l'année suivante. Si la durée de ces alimens est fugace, si la chaleur est comparativement plus forle , l'éclosion des œufs sera aussi plus prompte. Quelques heures suffisent pour ceux de quelques diptères \ pour d'autres , même en été , il faut une ou plusieurs semaines. La plupart des femelles se bor- nent à les placer dans les lieux où leurs petits, dès leur nais- sance, auront à leur disposition leurs substances alimentaires, ou sur ces matières mêmes ^ mais celles d'un grand nombre d'hyménoptères leur préparent un nid, où elles déposent cette pâture , consistant , soit en cadavres de divers autres insectes ou d'arachnides , soit en un mélange de poussière d'étamines et de miel. Les œufs de quelques diptères éclosent dans l'inté- rieur du corps de leur mère , et ces insectes sont alors vwipares ou oi^O'Vwipares . Les femelles des hippobosques sont encore , sous ce rapport, plus remarquables , en ce qu'elles mettent au monde des larves déjà prêtes à passer à l'état de nymphes , ou en ce qu'elles sont pupipares. GÉKÉRALITÉS. ^53 Ces réunions de trois sortes d'individus dont nous avons parlé , le spectacle de leur régime , ces soins merveilleux que prennent les mères pour la conservation de leur postérité , nous conduisent naturellement à l'examen du principe qui di- rige leurs actions , ou de leurs facultés intellectuelles. Faut-il , avec quelques auteurs, leur prêter ces combinaisons d'idées et ces jugemens qu'une organisation beaucoup plus parfaite et beaucoup plus compliquée permet à d'autres animaux? ou bien doit-on rapporter tous ces faits surprenans à une cause purement mécanique, ou à une disposition naturelle qui rend ces animaux propres à exécuter, sans aucun effort de leur part, d'une manière déterminée et constante, ce qui est nécessaire au soutien de leur existence et à la propagation de leur race , à l'instinct en un mot ? C'est à cette dernière idée que je m'ar- rête (i). Trop passagers sur la scène de la nature , ils n'avaient ni le temps de délibérer, ni celui de profiter des leçons de l'expérience ] tout faux calcul eût compromis le sort de leur postérité^ l'instinct pouvait donc seul leur servir de guide. L'abeille vient à peine de naître, qu'elle se met déjà au travail -, qu'elle montre les talens de l'artiste le plus expé- rimenté ; qu'elle exécute , dans les proportions les plus régu- lières, sans avoir aucun modèle, sans la moindre hésitation, un ouvrage qui suppose les calculs d'une haute géométrie , et dont un habile mécanicien ne pourrait venir à bout qu'après de longs tâtonnemens , et avec des instrumens dont l'abeille est dépourvue; en les accordant même à cet insecte , il lui se- rait impossible de construire d'avance ses alvéoles dans des proportions convenables au nombre de la population future (i) Ce qui suit est textuellement copié de trois de mes Mémoires; le premier, in- titulé Considérations nouvelles et générales sur les insectes vivant en société, fut lu à la séance publique de l'Académie des Sciences, du 17 mars 1817, et a été publié dans le recueil des Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle; le second, relatif aux mé- tamorphoses des insectes, a été imprimé dans la seconde édition du Nouveau Dic- tionnaire d'histoire naturelle, à l'article Insectes; enfin, le troisième, ayant pour objet la géographie de ces animaux , a été aussi communiqué à l'Académie des Sciences , et fait également partie des Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle. 254 QUATRIEME CLASSE. — INSECTES. qu'il ne prévoit pas , et de donner aux alvéoles qui doivent renfermer le couvain des mâles et des femelles , la grandeur requise pour ces individus qui n'existent pas encore. Mais la nature a été le précepteur de l'abeille , et l'a formée géomètre. Ne voyons -nous pas aussi parmi les hommes même des indi- vidus qui naissent avec des dispositions heureuses pour les arts mécaniques , et y excellent sans avoir eu de maîtres •, les idées les plus justes et les plus ingénieuses, qui sont d'ordi- naire le fruit de la méditation et de l'enseignement , se pré- sentent , avec vivacité et sans efforts , à leur esprit -, l'instinct le plus parfait des insectes n'est que ce don accidentel de la nature , converti en habitude nécessaire , persévérante et se perpétuant de race en race. Aux causes habituelles et stimu- lantes de ce penchant , telles que l'impression qu'excitent sur les sens les objets extérieurs, la faim, le désir de se repro- duire, il faut ajouter un sentiment prédominant, celui de la conservation de la postérité. Pourquoi l'abeille neutre, à la- quelle la maternité est interdite, étant mise, dès l'instant de sa naissance, dans une ruche neuve, travaille-t-elle aussitôt à la construction de ses rayons ? si ce n'était que pour sa propre nourriture , serait-il nécessaire qu'elle se livrât à des travaux aussi longs et aussi pénibles .^^ et alors pourquoi se laisserait-elle mourir de faim , lorsqu'elle est privée de cette reine qui doit propager sa race ? qui peut lui inspirer ces soins si détaillés , si attentifs ? pourquoi les femelles des insectes , lors même qu'elles ont vécu isolées et solitaires, déposent- elles leurs œufs avant de terminer leur vie ? n'est-ce pas l'effet d'une impulsion intérieure ou d'un sentiment maternel au- quel ces animaux sont forcés d'obéir ? Les premiers natura- listes, pénétrés d'une sorte de respect pour l'industrieuse société des abeilles , et envisageant aussi son utilité , leur don- nèrent la première place dans leurs classifications méthodiques des insectes ^ mais , à cet égard , l'organisation intérieure est le caractère essentiel sur lequel nous devons nous régler : le don plus ou moins étendu de l'instinct serait un indice peu fidèle. Parmi les abeilles elles-mêmes , on trouve plusieurs GÉNÉRALITÉS. 255 espèces qui, bien qu'extrêmement rapprochées par leur orga- nisation de l'abeille commune, mais vivant solitaires, lui sont extrêmement inférieures sous le rapport de l'instinct. La per- fection de cette qualité est donc en quelque sorte accessoire à l'organisation de l'animal. Ainsi, le castor, quoique plus in- dustrieux que les mammifères carnassiers, est bien au-dessous d'eux quant à l'organisation. On voit souvent des insectes ras- semblés en grande quantité dans le même lieu; mais si leur conservation individuelle est leur seul motif de réunion , s'ils ne sont là que parce qu'ils y ont trouvé avec plus d'abondance des alimens qui leur sont communs , un abri où ils sont moins exposés , soit aux intempéries des saisons , soit aux attaques de leurs ennemis, ces réunions accidentelles ne peuvent être considérées comme des sociétés proprement dites. Certaines cJienilles que l'on a désignées sous le nom de communes , de processionnaires , déjà rapprochées les unes des autres lors- qu'elles étaient sous la forme d'œufs, filent, de concert, une toile qui, semblable à un hamac ou à une tente, leur sert d'habitation jusqu'à leur dernière métamorphose. Mais ces travaux n'ont trait qu'à leur propre existence; elles ne s'oc- cupent que d'elles-mêmes ; point de famille à élever ; point de peine ni de soins au sujet des générations auxquelles elles don- neront un jour naissance. Il règne parmi elles, dit Bonnet , la plus parfaite égalité; nulle distinction de sexe et presque nulle distinction de grandeur; toutes se ressemblent, toutes ont la même part aux travaux; toutes ne composent proprement qu'une seule famille issue de la même mère. Cette société temporaire est dissoute dès le moment que ces chenilles pas- sent à l'état de chrysalides. Tout rentre alors dans l'inertie, et dans un isolement absolu. Il n'en est pas ainsi des sociétés dont je vais vous entretenir; elles se distinguent éminemment des précédentes, non seulement à raison des différences très remarquables que l'on observe dans les formes extérieures des individus qui les composent , mais encore par les institutions qui les gouvernent. Leur fin principale est l'éducation des pe- tits, et ceux même qui , sous la forme de nymphes, n'auront ^56 QUATRIÈME CLASSE. IWSECTES. plus besoin de nourriture , trouveront dans des sentinelles ac- tives et vigilantes , de prévoyans défenseurs contre les dangers qui menacent leur existence. A l'époque où cette éducation est achevée , ces associations nous offrent trois sortes d'indi- vidus parfaits et jouissant de leurs facultés : des mâles, des fe- melles, et des individus du même sexe, mais nuls pour la reproduction. On a désigné ces derniers sous les noms de neutres , de mulets y à^ ouvriers , et même sous celui de soU dats, comme dans les termes (i). La dénomination d'ouvrier, employée le plus souvent, est équivoque, puisque les guêpes et les bourdons femelles sont aussi laborieux que ces individus; celle de neutre me semble donc préférable. Ces sociétés sont temporaires ou continues; temporaires, elles doivent leur ori- gine à une femelle qui , sans aides, et abandonnée à ses propres moyens , jette les fondemens de la colonie, et trouve bientôt des auxiliaires dans les neutres qu'elle commence par mettre au monde ; telles sont les sociétés des guêpes et des bourdons ; mais celles qui sont continues nous offrent en tout temps des neutres. Tantôt , ainsi que parmi les fourmis et les abeilles, ils sont chargés exclusivement de tous les travaux et des soins de la famille-, tantôt ils n'ont d'autres fonctions que de veiller à la défense de la communauté , et peut-être à la conservation des germes de la race, comme dans les termes. Les contrées situées entre les tropiques sont celles, en général , où la nature a le plus d'énergie, et où ces réunions d'insectes sont plus multipliées et plus redoutables. L'action qu'exercent sur les substances animales et végétales les insectes qui vivent isolés et solitaires, est ordinairement lente, et ces effets ne sont sensibles qu'au bout d'un temps quelquefois assez long -, mais que ces animaux soient rassemblés dans le même lieu en grandes corporations ; qu'ils forment, comme les termes et les fourmis, des légions innombrables; bientôt, malgré leur pe- titesse, ils dévoreront et feront disparaître tout corps orga- (l) royez la page 2 ',9. GENERALITES. 2^7 iiisé qu'ils trouveront privé de vie. Le but de l'Auteur de la nature , en établissant de telles sociétés d'insectes , paraît donc avoir été d'augmenter l'énergie de cette force active et réac- tive qui maintient l'équilibre parmi les êtres , et qui , par des créations et des destructions continuelles, rajeunit sans cesse sur notre globe la matière organisée. Si les régions voisines de l'équateur développent des productions plus nombreuses, le nombre des agens destructeurs, par une juste compensa- tion, y est aussi bien plus considérable. Des millions de fourmis et de termes travaillent sans cesse à purger la surface du sol des cadavres par lesquels l'air serait bientôt corrompu , et tels sont leur voracité et leur nombre que souvent en une journée ces armées d'insectes-vautours ont dévoré les chairs d'un qua- drupède colossal . A leur tour ils deviennent lapâtured'une infi- nité d'oiseaux , de reptiles et de quadrupèdes , sans parler des ennemis que leur oppose la classe d'animaux dont ils font eux- mêmes partie. Les femelles des insectes sociaux sont d'une fé- condité prodigieuse. Réaumur évalue à douze mille le nombre des œufs que l'abeille domestique pond au printemps dans l'espace de vingt jours. Mais cette fécondité est bien inférieure à celle des termes du même sexe. Leur ventre , à l'époque de la ponte, est tellement distendu, à raison du nombre des œufs dont il est rempli , que cette partie est alors , suivant Smeathman , quinze cents ou deux mille fois plus grosse que le reste de leur corps -, son volume est vingt ou trente mille fois plus grand que celui du ventre des neutres-, enfin le nombre des œufs que la femelle pond dans l'espace d'un jour s'élève au- delà de quatre-vingt mille. Or, cette excessive fécondité des insectes vivant en société , et la nature des alimens dont les petits se nourrissent , me paraissent établir la nécessité de l'existence d'une troisième sorte d'individus ou des neutres, qui n'aient de la maternité que les affections, sans faculté re- productive. Tous ces insectes, à l'exception des termes, sont du nom- bre de ceux qui subissent des métamorphoses complètes , et a 58 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. qui, dans leur premier âge, ont la forme d'un vermisseau 7 très mou , sans pieds , dont la bouche est si petite qu'elle est à peine visible, incapable, en un mot, de pouvoir lui-même suffire à ses besoins. D'ailleurs vainement chercherait-il à se procurer sa nourriture , puisqu'elle consiste en matières ani- males ou végétales ayant subi une préparation digestive. Il est certain que , dans cet état de choses , des secours presque journaliers lui sont indispensables. Comment les mères, si elles eussent été seules , auraient-elles eu le temps et la force de rassembler des magasins de vivres pour une famille aussi nombreuse ? Ces provisions , celles du moins qui auraient été recueillies les premières, auraient- elles pu se conserver jus- qu'an temps où les petits viendront à éclore ? Si nous prolon- geons au-delà le terme de l'existence de ces mères, et si nous leur confions l'éducation de leurs enfans , les difficultés croîtront encore^ trouveront-elles chaque jour, surtout dans les temps pluvieux, la quantité d'alimens nécessaire? Sup- posant même qu'elles s'en procurent en abondance , auront- elles le temps de les distribuer à leurs petits ? Comment pour- raient-elles aussi veiller sur eux , et les préserver d'un nombre infini de périls qui les menacent ? Il n'en est pas ainsi des in- sectes solitaires : leur famille, peu nombreuse, isolée, cachée, n'occupant qu'un très petit espace , peut aisément se soustraire aux recherches de ses ennemis. Mais les insectes réunis en grand nombre dans le même nid ont plus de chances défa- vorables à courir 5 n'avons-nous pas été souvent touchés de la sollicitude des fourmis neutres pour leur famille lorsque leur habitation éprouve quelque désordre ? Observez-les sur- tout au moment où la pluie , pénétrant la terre en trop grande abondance, peut atteindre les galeries où les petits sont dé- posés -, voyez avec quelle vivacité elles les saisissent et les transportent à de plus grandes profondeurs ! l'orage a-t-il cessé et le soleil a-t-il séché leur asile , considérez avec quel soin elle les rapportent au faîte de l'édifice pour les exposer à l'influence d'une, bienfaisante chaleur! La conservation de GÉNÉRALITÉS. 269 ces animaux et la prospérité de leur famille ne pouvaient donc être assurées que par Télablissement d'un ordre parti- culier et nombreux d'individus qui suppléassent aux fonctions des mères, et qui n'en n'eussent même que les sentimens et les affections. La nature, en formant ici des neutres, s'est vue contrainte de s'écarter de ses lois ordinaires pour que son ouvrage subsistât , et sa prévoyance a modifié ses ressources selon les circonstances où les êtres devaient être placés. Par exemple, elle a suivi un autre plan à l'égard des termes dont les jeunes individus n'ont point cette faible enfance, et ne diffèrent de ceux qui sont adultes que par une taille plus petite , l'absence ou la brièveté des ailes , et quelques autres particularités peu importantes^ alors les neutres , justement appelés soldats, ont une grande tête, de fortes mâchoires {rnandibules) agissant en manière de pinces , et ne composent ^uère que la centième partie de la population \ ils en sont simplement les vedettes et les défenseurs. Les autres indi- vidus , jusqu'au moment où leurs organes sont entièrement développés, demeurent exclusivement chargés de tous les travaux intérieurs. Encore délicats et sans défense , ils ont seulement besoin d'être garantis de l'impression trop forte de la chaleur, et des attaques des ennemis qui pourraient s'in- troduire dans leur habitation. En travaillant à couvert et dans des galeries souterraines, ils évitent le premier de ces dan- gers -, les neutres armés les préviennent contre le second , et la société se maintient par cette réciprocité de services. Une activité commune à tous les membres de la population dis-» tingue ainsi la société des termes , qui sont un des plus ter^ ribles agens de destruction des contrées équatoriales. Comme ils ne travaillent que dans leur enfance, et qu'à cet âge ils sont privés d'ailes ou n'en ont que les rudimens , ils ressem- blent alors beaucoup, parleurs habitudes, aux fourmis. Ce- pendant leur puUulation étant bien plus grande , ils con- struisent des habitations plus vasies , plus solides , et comme leurs besoins sont plus grands , leur force destructive est aussi plus puissante. On peut d'autant moins s'opposer à leurs in- a6o QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. vasions qu'ils agissent dans les Jénèbres , et qu'ils échappent ainsi aux regards de l'homme et à sa vengeance. L'historien de ces insectes , Smeathman , n'a pas connu leurs nymphes ^ les individus qu'il semble considérer comme tels sont des neutres, et sont ceux qui défendent l'habitation; les indi- vidus qu'il appelle ouvriers ne sont que des termes dans leur premier âge , ou en forme de larves : ces insectes ne subis- sent pas leur dernière métamorphose à la même époque. Les individus moins avancés recueillent les femelles qui ont été fécondées , et prennent soin des œufs. Les termes forment donc , sous tous les rapports , une société très distincte de celle des fourmis , des guêpes , des bourdons et des abeilles , insectes qui subissent tous une métamorphose parfaite. Ces dernières sociétés , d'après la considération des organes du mouvement , sont établies sur trois modèles : dans l'une , telle que celle des fourmis , les neutres sont dépourvus d'ailes , et n'ont , pour la confection de leurs travaux , d'autres instru- mens que les parties de la bouche. Tous les individus des autres sociétés ont des ailes , mais les guêpes ne sont pas mieux partagées que les fourmis à l'égard des moyens directement propres à l'exécution de leurs ouvrages. Il n'en est pas ainsi des bourdons et des abeilles 5 les jambes et les tarses de leurs pâtes postérieures ont une forme particulière qui leur permet de récolter le pollen des fleurs. Ces insectes ont en outre des organes destinés unique- ment à élaborer et à sécréter le miel et la cire. Ainsi que parmi les guêpes , la femelle fait partie intégrante de la so- ciété tout le temps qu'elle subsiste : les femelles des guêpes et des bourdons commencent même l'établissement, et sont fondatrices en même temps que mères. Ces différences orga- niques ont une grande influence sur l'instinct de ces insectes; car la perfection de leurs ouvrages est proportionnée à leurs moyens. Privées d'ailes, les fourmis neutres vivent à terre ou s'établissent dans les fentes des murs et des arbres, à peu d'élévation au-dessus du sol. Celles qui construisent des habi- tations emploient un temps considérable à charrier les maté- GÉNÉRALITÉS. 261 riaux qui doivent les composer ; aussi se contentenl-elles do les rapprocher et d'y pratiquer diverses routes conduisant au séjour de la famille qu'elles élèvent. Tous leurs ouvrages sont d'une construction rustique et simple. Les guêpes, les bour- dons et les abeilles, auxquels les organes du vol donnent la facilité de s'éloigner rapidement et à de grandes distances de leur domicile, et d'y revenir avec autant de célérité, après avoir récolté les matières de leur choix , sont plus favorisés dans leurs travaux. Leurs produits sont connus, et l'objet de notre admiration ; mais l'observation suivante me paraît avoir échappée aux historiens de ces animaux. De toutes les sub- stances qu'il est possible de mettre en œuvre, celles qu'ils préfèrent sont les plus propres à la construction d'un édifice , qui, suspendu dans les airs, soit, sous un volume donné, le mieux distribué pour le nombre de la population , le moins pesant et le plus solide, relativement à la durée de la société. Ainsi les nids des guêpes sont de carton ou d'un papier très épais, dans la construction duquel domine la matière ligneuse. L'abeille sait recueillir et préparer une substance résineuse, susceptible , par sa ductilité , d'être réduite en lames très minces , d'être façonnée au gré de l'animal , en un mot , la cire, matière pareillement résistante et légère, dont l'abeille est seule le fabricant. I/entrée des pièces qui composent l'édi- fice est tantôt verticale, tantôt horizontale, mais toujours inférieure , ce qui met ses habitans à l'abri de la pluie , lors même que des murs solides ne les protègent pas. L'abeille est, de tous ces insectes, celui dont l'instinct est le plus parfait, le seul qui n'ait point d'habitudes carnassières, et son existence est un bienfait de la nature ; les autres sont nés pour la des- truction. Elle semble, au contraire, être faite pour assurer la fécondation des végétaux , en transportant des uns aux au- tres le pollen de leurs fleurs , que les vents seuls n'auraient pas aussi certainement propagé ^ elle a , seule , une brosse et une corbeille pour recueillir ce pollen , une espèce de siphon pour puiser le miel , et des organes spéciaux et intérieurs où il est reçu, et 011 il s'élabore et se convertit en cire. Les 9/6-2 QUATRIEME CLASSE. INSLCTES. rayons qu'elle construit sont disposés sur un plan vertical , et garnis de deux cotés d'alvéoles, tandis que ceux des guêpes sont toujours horizontaux, et n'offrent qu'un seul rang de cel- lules. La société des guêpes est temporaire -, celle des abeilles , dont le régime est d'ailleurs monarchique, est durable, et ne cesse que par des circonstances accidentelles. Notre abeille domestique peut s'acclimater partout-, elle brave les froids de la Sibérie , comme les chaleurs de la zone torride , où les Européens l'ont transportée. Quoique l'instinct de ces insectes soit assujetti à une marche uniforme , il est cependant des cas extraordinaires où, pour le salut de leur race, ils varient leurs procédés : l'Auteur de la nature a prévu ces circonstances particulières, et a permis à l'instinct de se modifier avec elles , autant qu'il le fallait pour la permanence des sociétés qu'il avait formées. C'est ainsi que, pour réparer la perte des abeilles femelles, l'unique espoir de leurs sociétés, il apprend aux abeilles neutres à transformer la larve d'un individu de leur caste , qui n'est pas âgé de plus de trois jours, en une larveJ de reine ou de femelle : c'est ainsi encore que cette espèce] d'abeille solitaire (osmie du pavot) qui revêt l'intérieur d( l'habitation de ses petits d'une tenture formée de morceau: arrondis de pétales de coquelicot, emploie au même usage,] lorsqu'elle en est dépourvue , les pétales de fleurs de navette :| il est évident que, dans cette occasion, le sentiment intérieui qui la guide sait se plier à la nécessité. Les sociétés dont nous avons parlé jusqu'ici sont toutes composées d'individus de la même espèce -, mais deux sortes de fourmis , que l'on désigne par les dénominations de roussâtre et de sanguine , nous présentent à cet égard un fait bien étrange , dont l'ob- servation est due à M. Hubert fils. Les sociétés de ces insectes sont mixtes-, on y trouve, outre les trois sortes d'individus ordinaires, des neutres provenus d'une, ou même de deux autres espèces de fourmis , enlevés de leurs foyers sous la forme de larves ou de nymphes. Les neutres de l'espèce rous- sâtre composent un peuple de guerriers, et de là viennent les noms d'amazones, de légionnaires, sous lesquels M. Hu- GÉNÉRALITÉS. ^63 hcrt les a désignés. Vers le moment où la chaleur du jour commence à décliner, si le temps est favorable , et régulière- ment à la même heure , du moins pendant plusieurs jours consécutifs , ces fourmis quittent leur nid , s'avancent sur une colonne serrée, et plus ou moins nombreuse, selon la popu- lation, se dirigent jusqu'à la fourmilière qu'elles veulent envahir, y pénètrent malgré la résistance des propriétaires, saisissent avec leurs mâchoires les larves ou les nymphes des fourmis neutres de l'habitation , et les transportent , en sui- vant le même ordre , dans leur propre domicile. D'autres fourmis neutres de l'espèce conquise , nées parmi ces guer- riers , et autrefois arrachées aussi dans l'état de larves à leur terre natale, prennent soin des larves nouvellement appor- tées, ainsi que de la postérité même de leurs ravisseurs. Ces fourmis étrangères, que M. Hubert compare à des nègres esclaves et à des ilotes, appartiennent aux espèces que j'ai désignées, dans mon histoire de ces insectes, sous les noms de noir-cendrée et de mineuse. Les fourmis amazones s'em- parent indistinctement de l'une ou de l'autre. J'avais été témoin, en 1802, d'une de leurs excursions militaires. L'ar- mée traversait une de nos grandes routes , dont elle couvrait la largeur sur un front d'environ deux pieds. J'attribuais ces mouvemens à une émigration forcée. Cependant, d'après la forme de cette espèce, j'avais déjà soupçonné, avant que M. Hubert en publiât l'histoire , qu'elle avait des habitudes particulières. J'ai depuis retrouvé cette fourmi dans les bois des environs de Paris , et tous les faits avancés par ce natura- liste ont été vérifiés. J'essaierai ici d'en donner une explication, et de prouver qu'ils sont en harmonie avec d'autres lois déjà connues. Les fourmis'neutres enlevées par les guerriers de la fourmi amazone , ne sont qu'expatriées , et leur condition n'éprouve aucun changement. Toujours libres, toujours des- tinées aux mêmes services, elles retrouvent dans une autre lîmille des objets qui les auraient attachées à la leur, et même desrjgtits (Je jç^j, propre espèce : elles les élèvent ainsi que c€ux ig leurs conqucrans. Ne voyons-nous pas plusieurs de 204 QUATRIÈME CLA.SSE. INSECTES. nos oiseaux domestiques nous donner l'exemple de pareilles adoptions, et se méprendre dans l'objet de leur tendresse maternelle , les fourmis ne sont donc ni des esclaves ni des ilotes. Afin de diminuer certaines races et d'en propager d'au- tres, la nature, toujours fidèle à son système d'actions et de réactions, a voulu que plusieurs animaux vécussent aux dé- pens de quelques autres. Les insectes, dont les espèces sont si multipliées, nous en fournissent une infinité de preuves; c'est ainsi que , dans la famille des abeilles , celles qui forment le genre des nomades vont déposer leurs œufs dans les nids que d'autres abeilles ont préparés à leurs petits , et les provisions que celles-ci avaient rassemblées deviennent la proie de la postérité des nomades. Ces sortes de larcins eussent été in- suffisans à des insectes qui , comme les fourmis amazones , sont réunis en grandes corporations; les vivres auraient bien- tôt été épuisés. Il n'y avait de remède sûr que de s'approprier ceux qui les récoltent, et de profiter, non seulement de leurs labeurs d'un jour, mais de ceux de toute leur vie. Au sur- plus, il était physiquement impossible aux fourmis amazones, d'après la forme de leurs mâchoires et des parties accessoires de leur bouche , de préparer des habitations à leur famille , de lui procurer des alimens, et de la nourrir. Leurs grandes mâchoires, en forme de crochets, annoncent qu'elles ne sont destinées qu'au combat. Leurs sociétés sont peu répandues, au lieu que celles des fourmis noir-cendrées et mineuses sont très abondantes dans notre climat. Par leurs habitudes para- sites , ces fourmis amazones mettent un obstacle à la trop grande propagation des dernières, et l'équilibre est rétabli. Les fourmis sanguines, assez rares en France, très rappro- chées , quant à leurs organes et leur amour du travail , des fourmis communes , semblaient devoir se passer d'auxiliaires; aussi ne se livrent -elles à ces déprédations que dans une extrême nécessité. M. Hubert remarque qu'elles n'altaquen»^ que cinq ou six fois , dans un été , les fourmis noir-cendrép > et qu'elles emportent beaucoup moins d'individus qur les iourmis amazones. Celles-ci sont presque toujours en cotises, GÉNÉRALITÉS. 265 dans Tété , lorsque le temps est beau -, les précédentes étant très carnassières, presque toujours occupées de chasse, sor- tant souvent ensemble, afin de se prêter des secours dans les dangers, seraient obligées de laisser leur famille sans défense; elles chargent de ce soin les fourmis noir-cendrées , qu'elles ont associées à leurs travaux. Mais les fourmis sanguines se procurent encore, et par des procédés également violens, d'autres auxiliaires, les neutres des fourmis mineuses; leurs sociétés offrent ainsi trois sortes de neutres , dont deux étran- gères. On a soupçonné , d'après les observations relatives aux abeilles, et rapportées plus haut, que les individus neutres tiraient leur origine de femelles imparfaites, sous le rapport des facultés génératrices , et qui auraient formé , par voie de génération , avec le laps de temps , une race particulière et constante. Mais je crois avoir prouvé que le régime po- litique des insectes sociaux émanait d'un plan général , complet, parfaitement ordonné, et que l'existence des neu- tres était liée au maintien de cet état des choses. Nous avons vu encore qu'une impérieuse nécessité maîtrisait toutes leurs actions ; tout changement dans leur manière de vivre est donc impossible , d'autant plus que ces animaux , à l'ex- ception des abeilles , ne sont point du nombre de ceux que l'homme a fait entrer dans son domaine , et dont il peut modifier, jusque dans certaines limites , les propriétés. Si on ne veut point admettre un plan primitif, que l'on me dise d'où proviennent ces différences extérieures et si frappantes que l'on remarque entre les neutres et les fe- melles capables de se reproduire , celles , par exemple , que nous offrent comparativement les pieds et les mâchoires des abeilles , le thorax des fourmis , la tète des termes ? que l'on m'explique l'origine de ces insectes et de quelques lois si extraordinaires de leurs gouvernemens , par exemple cette proscription générale à laquelle sont voués les mâles des abeilles , devenus inutiles , et les larves et les nymphes des guêpes qui n'ont pu se développer avant l'arrivée des mauvais temps? Comment encore les fourmis amazones ont- a 66 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. elles pu acquérir ce tact si fin par lequel elles discernent , toujours sans erreur, les larves et les nymphes des fourmis neutres, qu'elles enlèvent pour la prospérité de leur race? Quoique les abeilles puissent transformer, dans quelques cir- constances, des larves d'abeilles neutres en celles de mères ou de femelles, il n'en est pas moins vrai que les germes de ces larves neutres existent, et sous un nombre déterminé, dans le ventre de leur mère-, qu'elle sait distinguer les alvéoles qui leur sont propres. Enfin les insectes qui , dans le premier âge , n'ont pas été aussi bien nourris qu'ils auraient pu l'être dans un état ordinaire, ne diffèrent absolument que par la petitesse de leur taille , de ceux qui , à la même époque de leur vie , n'ont pas éprouvé de semblables privations. De tout ce que je viens d'exposer, je me plais à déduire cette conséquence : les lois qui régissent les sociétés des insectes, celles même qui nous paraissent les plus anomales , forment un système com- biné avec la sagesse la plus profonde, établi primordialement, et ma pensée s'élève avec un respect religieux vers cette rai- ,, son éternelle qui , en donnant l'existence à tant d'êtres divers, a voulu en perpétuer les générations par des moyens sûrs et invariables dans leur exécution , cachés à notre faible intelli- gence , mais toujours admirables. Portons maintenant nos regards sur les insectes considérés dans leur enfance , ou dans les divers changemens qu'ils éprouvent , et qu'on a nommés métamorplioses . Nous avons souvent rencontré , dans nos promenades ou dans nos courses , des femelles de papillons et de divers autres insectes, occupées à faire leur ponte. Nous avons pu remar- quer leurs œufs ; nous avons pu observer leurs figures variées et régulières , la disposition symétrique qu'ils forment par leur assemblage , la manière dont ils sont fixés , la nature presque liquide et la couleur ordinairement blanchâtre de leur substance intérieure-, enfin nous avons appris à les dis- tinguer des corps qui n'ont qu'une forme analogue , et sur- tout de plusieurs graines de végétaux avec lesquelles on serait tenté de les confondre. Or, supposons qu'une curiosité bien I ! GIÉNÉR/VLITÉS. 267 louable , aiguillonnée par le désir de s'instruire , nous invite à suivre la destinée de ces œufs et à connaître les animaux qui y prennent naissance, il nous vient aussitôt en pensée de ra- I masser une certaine quantité de ces œufs , et d'en choisir le I plus de variétés possibles. Mais une difficulté nous arrête-, quels alimens donnerons -nous aux animaux, lorsqu'ils se montreront pour la première fois à la lumière du jour? Inter- rogeons la nature , qui met tant de soins à conserver les races des êtres répandus sur notre globe. Elle nous répondra que la mère a déposé les germes de sa postérité dans les lieux où les petits, venant à éclore, trouveront à leur bienséance la nour- riture qui leur est propre. Recueillons donc, avec les œufs, les substances végétales ou animales sur lesquelles ils sont placés, ou qui les avoisinent. A une époque déterminée, va- riable, selon la disposition ou la reproduction des substances qui doivent servir de nourriture aux espèces, et subordonnée à l'influence momentanée de l'atmospbère , nous vovons pa- raître des animaux , ayant des conformations plus ou moins diverses ^ les uns ont une grande ressemblance avec les pu- naises de nos jardins, nos sauterelles^ on prendrait les autres pour de petits vers, mais ayant six pieds ^ ceux-ci en ont un plus grand nombre , et à ce caractère , à la forme étroite et allongée de leur corps , nous y reconnaissons sans peine de très jeunes chenilles-, en voilà qui sont tout-à-fait dépourvus de pâtes , et dont la physionomie est celle d'un vermisseau : nous avions trouvé leurs œufs sur de la viande. Ayons l'at- tention de séparer par espèces ces animaux , et de leur fournir la pâture qui leur convient. Dans le cas que plusieurs d'entre eux refusent les alimens que nous leur présentons , nous pou- vons trouver dans nos jardins ou à la campagne des animaux parfaitement identiques , dans l'instant où ils prennent leur repas , connaître ainsi les mets qui sont de leur goût , et l'édu- cation que nous ferons de ces derniers nous conduira au même but. Bien tôt nos nourrissons grandissent à vued'œil^ quelques uns cependant paraissent languir, faire abstinence et rester à la même place. Nous ne tardons pas à en découvrir la cause; a63 QUATKIEME CLASSE. INSECTES. ils se préparaient à une mue ou à un changement de peau , et c'était pour eux un état de crise. Si nous continuons notre examen , et sans négliger aucun de ces animaux, nous demeu- rerons convaincus que cette habitude de muer est , pour eux , une loi presque générale, et dont l'exécution se renouvelle quatre à cinq fois. Mais quelle est l'utilité de ces mues? L'ob- servation nous l'apprendra peut-être. En effet, nous voyons que quelques uns de ces animaux , ne cessant pas d'ailleurs d'agir et de manger, ont sur le dos , immédiatement à la suite d'une mue , de petites pièces que nous n'avions pas encore aperçues, et nous ne doutons point qu'à raison de leur forme et de leur situation elles ne soient des commencemens d'ailes. D'autres élèves ne prennent plus de nourriture , et leur état stationnaire nous surprend par sa durée ; mais nous sommes encore plus étonnés de les voir se former autour d'eux une sorte de berceau , de construire une habitation , dont leur propre corps même leur fournit les matériaux. Ils ont rempli leur tâche , et les voilà dans une retraite qui les dérobe à nos yeux. Tenons-nous en garde contre la précipitation , et retenons l'impatience où nous sommes de savoir ce qui se passe à l'in- térieur. Nous pourrions suspendre le cours des opérations de la nature, en empêcher même les effets. Quelques jours se sont écoulés , et nous forçons l'entrée de plusieurs de ces ha- bitations, qui ont, pour la plupart, la forme d'une coque. Qu'y voyons-nous ? un animal presque sans vie, ayant des organes entièrement analogues à ceux des insectes qui volent autour de nous , mais mous , rapetisses et d'une teinte uni- forme , tirant sur le blanc ou sur le jaunâtre. Mais bientôt les coques auxquelles nous n'avions pas touché , sont percées et livrent passage à l'insecte captif. Il marche , il agite , étend ses ailes et ses pieds en tout sens ^ toutes ses parties se déve- loppent , reçoivent , par l'action de l'air , la solidité et le co- loris plus ou moins brillant qui leur sont propres ; en un mot l'insecte devient semblable à tant d'autres qui s'offrent jour- nellement à notre vue , et dont la multiplicité nous incom- GÉNÉRALITÉS. 269 mode. Ceux mêmes sur lesquels nous avions déjà observé des rudimens d'ailes , dont l'activité et les habitudes n'ont pas été interrompues , ont maintenant des ailes parfaites , et qui leur permettent de prendre l'essor. Nous avons donc été témoins de changcmens bien extraordinaires , et qui retracent à notre imagination les métamorphoses (i) de la Mythologie. Puis- qu'elles sont aussi merveilleuses, pourquoi ne les désignerions- nous pas de la même manière? Cette série instructive d'ob- servations nous apprend que les animaux dont nous avons suivi la croissance, passent successivement par trois sortes d'élat (2) , et qui sont autant de grandes périodes de leur vie. Dans le premier, ils n'ont point d'ailes : quelques uns même n'ont aucun organe du mouvement^ dans le second, n'importe que ces animaux soient agiles ou dans une espèce de léthargie apparente , ces mêmes organes ont commencé à paraître , quoique plus petits et raccourcis ^ le troisième , enfin , nous montre l'insecte jouissant de toutes ses facultés, et tel qu'il sera jusqu'à la fin de sa carrière. Il est donc prouvé que ces métamorphoses développent graduellement l'animal , et que les peaux ou les vêtemens qui le recouvrent , et qu'il rejette les uns après les autres, sont une espèce de voile ou de masque qui nous le cache. Ainsi le mot de larve (/<2/va) , qui signifie masque , peut s'appliquer à l'insecte considéré dans son pre- mier état -, le second nous le présente, du moins dans un grand nombre , sous une forme contractée et comme emmailloté : de là l'origine du nom de nymphe Çjvympha) qu'on a donné à cette seconde mutation. Quelques unes de ces nymphes ont des taches dorées ou argentées , et celles-ci ont reçu la déno- mination particulière de chrysalides (chrysalis) ^ d'aurélies [aurelia). Le troisième état est le complément de l'existence de l'insecte, le terme qu'il devait atteindre pour avoir le plein (1) Meta, au-delà , tt morphe , forme, ou forme extraordinaire. (a) Fabricius en compte quatre, metamorphosis quadruplex , parce qu'il y com- prend celui où l'animal est encore dans l'œuf; mais nous ne partons que du moment où il est né. 2'-?0 QUATRIEME CL.\SSE, INSECTES. exercice de ses fonctions : c'est l'insecte parfait ou dévoilé (inseclLuii perfectum, declaratiun, imago recelât a). ha. marche que nous avons adoptée pour cette exposition préliminaire , nous a transportés à l'origine de la science -, elle nous a con- duits lentement , il est vrai , mais d'une manière simple, na- turelle, et qui nous facilitera les connaissances de détail où nous devons entrer. Quoique les métamorphoses des insectes se réduisent à trois cliangemens principaux , nous avons ce- pendant remarqué que chacun de ces étals présentait des dif- férences importantes, selon les divers groupes de ces animaux. Il est conséquemment essentiel d'établir à cet égard des dis- tinctions , et d'en fixer les caractères généraux. Les natura- listes qui nous ont précédés en ont-ils fait le sujet de leur contemplation? ont-ils décrit les variétés de ces métamor- phoses ? quels noms leur ont-ils imposés ? Voilà ce que nous allons examiner, maintenant que des observations préalables nous permettent d'étudier avec fruit celles qu'on a pu re- cueillir sur une partie de la science si pleine de charmes et d'intérêt. La connaissance générale de ces singulières transformations que subissent les insectes pour arriver , si je puis m'exprimer ainsi, à leur état de puberté est une découverte du xviii" siè- cle , et qui eût seule immortalisé son illustre auteur , Swam- merdam(i). J'ai dit la connaissance générale, parce que des passages d'auteurs anciens, d'Aristote notamment, nous don- nent lieu de soupçonner qu'ils observèrent les mutations suc- cessives de quelques lépidoptères , et que d'ailleurs l'éducation du ver à soie avait pu , dans des temps postérieurs , faire naître de nouvelles idées et laisser entrevoir quelques rayons de lu- mière. Willugbby, Lyonet,Réaumur, Roësel, de Géer, suivi- rent une découverte si curieuse en elle-même , mais plus avan- tageuse du coté des résultats , puisqu'elle rectifiait les méthodes anciennes, où l'animal, dans chacun de ses états , était regardé (r) ro/ez notre Tableau de l'histoire de rEntoraologie. GÉNÉRALITÉS. 2^1 comme un être différent , el que Ton reproduisait sous d'autres noms, dans autant d'ordres ou de classes. Si nous voulons con- cevoir d'une manière claire et positive le sens qu'il faut atta- cher au mot de métamorpliose, il est nécessaire que nous nous formions auparavant une idée exacte de celui de mue^ car leurs significations paraissent avoir beaucoup d'affinité , et il est essentiel de les déterminer aussi rigoureusement qu'il est pos- i sible. La mue est un état par lequel l'animal se dépouille uni- quement, et sans altérations organiques essentielles, de sa peau, ou des appendices de sa surface, pour reparaître avec des parties analogues. D'après cette définition , j'en distingue deux sortes : l'une est imparfaite ou superficielle, et consiste simplement dans le renouvellement des appendices cutanés , telle est celle des quadrupèdes , et plus spécialement encore celle des oiseaux 5 l'autre est parfaite et complète. La peau ne recevant plus de nourriture par suite de l'interposition d'une autre peau qui s'est formée au-dessous d'elle, se détache entiè- rement et fait place à l'autre. Plusieurs reptiles, notamment les sauriens, les ophidiens, nous montrent ce fait. Tous ces chan- gemens n'influent que sur la robe de l'animal ; il a toujours une forme identique, les mêmes organes extérieurs, et dans la même quantité : voilà les caractères particuliers et exclusifs de la mue. Mais dans les transformations qu'éprouvent les reptiles batraciens, comme les grenouilles, les salamandres, dans celles surtout des insectes, chaque produit a un ordre de choses si différent que l'animal semble n'être pas lui-même. Ici , le nom- bre des organes locomoteurs suit même celui des organes du corps, qui se multiplie, et quelquefois d'une manière pro- digieuse. Là , vous trouverez constamment , et dans tous les âges , le même nombre d'organes ambulatoires; mais ceux de la partie supérieure du tronc , ou ceux qui ne servent qu'au vol , sont cachés et ne se montrent que par des transitions gra- duelles. D'autres insectes plus imparfaits ont , dans leur état primitif, absence tolale de pieds et d'ailes. Aucun de ces di- vers changemens , celui même qui est le moins éloigné du type constitutif ou de la dernière forme de l'animal , ne peut être Q.'j'i. QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. assimilé à une mue , puisqu'il augmente le nombre des organes extérieurs dont il était muni en naissant, et souvent même, comme dans les millepieds , les sections articulaires du corps. La mue n'offrait jamais des modifications aussi grandes -, à moins donc qu'on ne désigne sous une nouvelle dénomination des changemens par lesquels plusieurs crustacés et des insectes aptères de Linnaeus acquièrent de nouvelles pâtes , il faut les comprendre sous le nom général de métaînorphoses , et telle a été l'opinion d'un de nos plus grands maîtres, de Géer. L'on ne peut établir de comparaisons exactes entre les métamorphoses ^ des crustacés, des arachnides, et celles des insectes, parce que ces derniers ont des organes spéciaux , tels que les ailes, que la nature a refusés aux autres. C'est uniquement sous la con- sidération des parties similaires , communes aux uns et aux autres , et qui se manifestent par le moyen de transformations successives , que l'on peut fonder un tel parallèle. Je pense donc que ce serait trop restreindre le sens du mot inétamor^ phose que de la considérer seulement comme une mutation qui dévoile de nouvelles sortes de parties. Distinguer les crus- tacés et les arachnides des insectes , parce qu'ils n'acquièrent pas de parties nouvelles, c'est dire, en d'autres termes, qu'ils ne prennent point d'ailes , ou qu'ils sont essentiellement! aptères. Ces principes établis, je définis la métamorphose: changement d'un animal qui augmente, par une mue com- plète , le nombre de ses organes extérieurs , ou qui en déve- loppe de nouveaux. Etudions maintenant les différentes sortes ou nuances de métamorphoses. Essayons de les soumettre à une méthode plus analytique et plus rigoureuse qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour-, désignons-les enfin par un choix d'expres- sions simples, significatives et sans équivoque. Linnaeus, con- sidérant en général tous les animaux qu'il appelle insectes comme sujets à des métamorphoses, distingue cinq espèces de nymphes. La première , celle qui est complète , ou qui est agile , et qui a toutes les parties de l'insecte parfait ; ici vien- nent les araignées, les mites, les cloportes. La seconde, celle qui est demi-complète : elle diffère de la précédente par GÉNÉRALITÉS. 278 la présence de rudimens d'ailes-, il y rapporte les grillons, les ci^^ales, les punaises. La troisième , la nymphe incomplète : elle est pourvue d'ailes et de pieds, mais elle est immobile ; voyez les abeilles, les fourmis , les lipules. La quatrième , la nymphe enveloppée ou emmaillotée : le corps est recouvert d'une pel- licule commune , en forme d'écorce , mais avec le thorax et l'abdomen distincts \ l'ordre des lépidoptères nous offre exclu- sivement cette espèce de nymphe. La cinquième, enfin, est celle qu'il nomme resserrée : elle est renfermée dans un corps ou une coque globulaire-, telles sont les nymphes des mouches. Ces dénominations désignent seulement les divers états des nymphes, et, sans avoir des significations bien frappantes, elles sont néanmoins exactes ou d'accord avec les faits 5 mais si on les applique sans discernement aux métamorphoses mêmes, elles deviennent , pour la première et la troisième, un sujet d'erreur, et sont, à l'égard des deux dernières , d'une étendue trop générale. C'est le vice de la nomenclature de Fabricius. Les crabes , les écrevisses , les araignées , appartiennent à cette sorte de métamorphose qu'il appelle complète, et ces animaux sont précisément ceux qui n'en éprouvent aucune , et qui ne sont sujets qu'à de simples mues. Les scarabées,les abeilles, les fourmis ont , suivant lui , une métamorphose incomplète 5 et ce sont , parmi les insectes, les derniers principalement , ceux dont les transformations sont des plus complètes et des plus bizarres. Peut-on dire encore métamorphose enveloppée, mé- tamorphose resserrée , lorsque les nymphes présentent seules ces caractères ? L'autorité imposante de Fabricius a cependant entraîné , presque sans examen , la plupart des naturalistes qui ont écrit après lui sur le même sujet. Ceux qui ont résisté , comme MIVL Cuvier , de Lamarck , Brongniart , donnent à la troisième espèce de métamorphose la dénomination de com- plète 5 mais son emploi , dans un autre sens , quoique réelle- ment bien fondé , augmente la confusion de la nomenclature, et ce correctif est en outre insuffisant. Les animaux articulés et pourvus de pieds , ou conservent toute leur vie leur forme 18 y" I 274 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. primitive , et sont uniquement sujets à des mues (vernantiaY ou ils éprouvent une métamorphose , soit partielle, soit totale. Le mot grec homotêne , sejnblable jusqu'à la Jin , convient très bien aux premiers, et celui de polymorphe , qui prend plusieurs formes , désigne parfaitement les seconds. Je dis- tingue trois sortes de métamorphoses : l'ébauchée (i) , la demi- métamorphose (2) et la métamorphose parfaite (3) ^ on pour- rait comprendre les deux premières sous le titre général de partielle, à raison de plusieurs rapports qu'elles ont entre elles. L'influence que la métamorphose exerce sur le corps n'est pas assez puissante pour détruire le type de forme qui lui est propre , et c'est par de légères altérations qu'elle le modifie. Un œil un peu exercé , et qui voit l'animal dans son dernier période, le reconnaît sans peine lorsqu'il est au premier âge \û de sa vie : l'action principale se porte sur les appendices exté- rieurs , et particulièrement sur les organes de la locomotion ^ elle accroît le nombre des pâtes, et même quelquefois, ainsi que nous l'avons dit , celui de leurs supports ou des anneaux, dans ceux qui sont aptères; elle développe presque exclusive- ment les ailes dans ceux qui sont destinés à en avoir, parce que ces animaux naissent avec le nombre invariable de pieds, c'est-à-dire six, qui leur a été accordé. Les uns et les autres jouissent toujours de la même activité , tant à l'égard des mou- vemens que des facultés nutritives , et ont , depuis leur nais- sance jusqu'à leur mort , des habitudes uniformes et constantes. Dans la métamorphose parfaite ou totale , opposée à la par- tielle, la larve est si différente du même animal, parvenu à son dernier état, qu'on ne peut se convaincre de l'identité qu'en suivant tous les degrés de croissance. Quelle distance , énorme n'y a-t-il pas entre la forme de ce qu'on appelle vul- gairement en France ^wr blanc, et celle du hanneton ordi- naire , qui en est le produit ? entre le ver de la viande et la (1) Mêtamoiplwsis inchoata. (•i) Dimidia. (3) Perfecta. 1 GÉNÉKALITÉS. Qi'J^ mouche, qui résulte de sa dernière transformation (i)? Les nymphes de cette métamorphose , quoique leurs formes soient en raccourci presque semblables à celles qu'elles vont acquérir par un dernier changement , ne prennent plus de nourriture, restent ordinairement immobiles, et ne donnent, à moins qu'on ne les touche , aucun signe de vie ^ ce sont , pour me servir des expressions de M. de Lamarck , des nymphes inac- tives. Mais la privation volontaire d'alimens est le caractère le plus rigoureux ; car les nymphes des cousins et de plusieurs tipules continuent de se mouvoir et de nager , et nous offrent à cet égard une anomalie singulière. Telles sont les propriétés générales de ces deux principales métamorphoses , que j 'ai nom- mées partielle et totale ou parfaite. Je rapporte à la première celles que j'ai indiquées sous les dénominations d'ébauchée {in- choata) et de demi-métamorphose (semi-metamorphosis). Cette dernière expression a déjà été employée, et je la conserve, quoiqu'elle soit un peu longue , parce qu'elle est caractéris- tique. La métamorphose ébauchée est propre à plusieurs in- sectes aptères de Linnaeus , tels que ses genres monoculus , juins, scolopendra , et, du moins en partie , à celui à^acarusj car la mite de la gale, par exemple, ne naît qu'avec six pieds, et il lui en pousse deux autres peu de temps après. Son objet spécial est le développement numérique de ces organes. Ici , Dous ne ferons point usage des mots de larve et de nymphe , parce qu'il est impossible de poser d'une manière exacte et précise les bornes qui séparent ces deux états , particulière- ment dans ceux qui ont un grand nombre de pieds. La per- fection des organes fécondateurs est, tant pour ces animaux i que pour ceux qui ne sont sujets qu'à des mues , le signe cer- tain de leur puberté ou du troisième état. Ainsi , dans les aranéides , les parties sexuelles masculines ne paraissent qu'à (i) Les yeux ne formeut qu'un petit point, ou ne sont composés que d'une réu- nio^ de petits yeux lisses, quelquefois même manquent tout-à-fait. Dans la méta- morpliose partielle, ils sont ordinairement presque aussi parfaits dans le jeune à^^e que dans l'état adulte. Ce caractère est l'un des plus distinctifs. 2^6 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. cette époque , et le bouton de leurs palpes qui les renferme , examiné dans le jeune âge , a une composition très simple. De toutes les métamorphoses, celle que je nomme ébauchée est la moins sensible, et qui dès-lors se rapproche davantage du changement d'état appelé jnue. La demi-métamorphose a des caractères plus tranchés-, la demi-larve est aptère, et la demi- nymphe a des rudimens d'ailes ou d'élytres. Celte sorte de métamorphose est intermédiaire entre la précédente et la sui- vante^ elle répond à la métamorphose demi-complète de Fa- bricius. Les hémiptères , les orthoptères et plusieurs névrop- tères offrent ce mode de transformation (i). Plusieurs in- sectes de ce dernier ordre et de celui des névroptères, ne su- bissant qu'une demi-métamorphose, méritent de faire une division particulière. Je veux parler des espèces qui passent leur premier et leur second âge dans l'eau. Les organes res- piratoires des uns forment des appendices extérieurs qui imi- tent des feuillets, soit simples, soit composés ou pinnés, et que nous nommerons fausses-branchies : c'est ce que Ton voit dans les éphémères. Un faisceau pyramidal de petites lames termine l'anus des demi-larves et des demi-nymphes des libellules^ elles s'épanouissent pour donner passage à l'eau, et se ferment lorsque ces animaux , après en avoir extrait l'air qui en faisait partie, ont rejeté l'eau superflue. Dans les divers insectes, en état parfait, le fluide respirable pénètre , comme à l'ordinaire, par ces trous placés à fleur de peau, que l'on connaît sous le nom de stigmates : et c'est aussi de cette manière qu'il s'insinue dans les autres hémiptères , sans diffé- rence d'âge. Ici encore, les antennes, les pieds, et généra- lement tout le corps, considéré dans ces divers changemens, a une plus grande ressemblance que dans les névroptères aquatiques , examinés à des époques correspondantes. Ainsi les (f) Les termes suivans, tirés du grec, désignent d'une manière plus laconique ef l'ius expressive ces trois sortes de métamorphoses : i^. Métamorphose (thdiuchée , podophantre , pâtes manifestées. 20. Demi-métamorpliose, plérophanère , ailes manifestées. 3°. Métamorphose parfaite ou totale, holophan<)re , tout manifesté. GÉNÉRALITÉS. 277 insectes à demi-métamorphose se partagent en deux sections : point de stigmates, des fausses-branchies ou des feuillets à l'anus pour la respiration , voilà le signalement de la pre- mière 5 des stigmates , voilà le caractère de la seconde. Mais comme les métamorphoses de celle-ci sont encore plus im- parfaites que celles de la première , l'ordre naturel exige qu'elle soit placée avant l'autre. Une étude également soute- nue de larves et de nymphes proprement dites , nous donnera aussi le moyen d'établir, dans la métamorphose parfaite , des subdivisions commodes. Parmi ces nymphes , celles-ci res- semblent à l'insecte parfait , mais contracté et comme mort : elles ont des membres, en tout ou en partie , libres, c'est- à-dire saillans et distincts les uns des autres. Celles-là , sous la figure d'une sorte de fœtus , ont ces membres entièrement recouverts , avec le corps , d'une enveloppe générale ou com- mune , formée de sa peau, et qui , par sa consistance assez solide, sa couleur presque toujours brune ou noirâtre, imite une sorte d'écorce , coHicata, pour me servir de l'expression de Linnaeus. Elle est immédiatement appliquée sur le corps , dans les unes ; elle en est détachée et lui forme, sous la figure d'une coque , un étui ou capsule , dans les autres : ce sont des nymphes coléodermes. Il ne faut pas confondre cette enve- loppe avec une autre plus extérieure , et qui , semblable aussi à une coque, est commune à un grand nombre de plusieurs sortes de nymphes : celle-ci est composée de fils soyeux , pro- pres à l'animal , ou de parcelles de différentes matières liées ensemble. Les nymphes dégagées , à membres libres ou nus (artus solutœ) ^ sont comprises par Fabricius dans sa méta- morphose incomplète. Celles que recouvre une enveloppe générale , mes nymphes emmaillotées (ob\^olutœ) appartien- nent à ces deux espèces de métamorphoses qu'il appelle ob- tecta et coarctata, ou enveloppée et resserrée. L'expression à'obtecta convient aux deux , ainsi que je viens de l'obser- ver, et celle de coarctata est trop vague. L'existence et le nombre des pieds des larves , la forme permanente et variable de leur tête , la comparaison des parties de la bouche avea 2^8 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. celle de l'insecte parfait, le nombre des stigmates et la dis- position des trachées, leurs mues ou la non-mutabilité de leur peau , l'immobilité ou l'activité des nymphes , telles sont les considérations d'après lesquelles on peut diviser , en cou- pes secondaires , les larves des nymphes à membres libres : i". Existence et nombre des pieds. Les unes n'en ont point, ou ils y sont remplacés par des mamelons ou d'autres appen- dices. Les coléoptères nous en fournissent quelques exemples 5 mais ce caractère est dominant dans tout l'ordre des diptères, et dans une grande partie de celui des hyménoptères. D'autres larves , et c'est le plus grand nombre , en ont dix ^ enfin il y en a où ce nombre est de huit ou de dix-huit à vingt-deux, et on les connaît sous le nom àQJaus s es-chenille s (suberucœ). 2°. Constance et variabilité de la forme de la tête. Dans la très grande majorité de ces larves, cette partie du corps est plus ou moins écailleuse , et sa figure ne change point. Mais, dans les larves de beaucoup de diptères , elle est membraneuse et contractile comme le reste du corps. On ne la distingue que parce qu'elle en forme le premier segment , et qu'on y ob- serve un ou deux crochets , avec des barbillons ou mamelons tenant lieu de bouche. Les antennes , les yeux même n'exis- tent point, ou sont à peine visibles : ces larves sont les plus imparfaites de toutes , et si rapprochées des vers intestinaux , qu'on les confondrait avec eux , si on n'apercevait pas leurs trachées et leurs stigmates. Cependant, parmi les nymphes dégagées, je ne connais encore que le leptis vermileo de Fa- bricius et le dolichope bronzé dont les larves aient une tête variable. Lorsque sa forme est constante, l'étude peut encore faire découvrir des caractères utiles pour la classification. Ainsi , dans plusieurs larves , la calotte de la tête est comme divisée en deux hémisphères , tandis que celle des autres n'offre pas cette distinction. L'étude des yeux n'est pas à né- gliger, y. Comparaison des parties de la bouche avec celle de l'insecte parfait. Ces organes, dans toutes les larves de co- léoptères, de névroptères, d'hyménoptères , ont , avec les or- ganes correspondans de l'insecte arrivé à son dernier état, GÉNÉRALITÉS. 279 des rapports essentiels, et portent les mêmes noms ^ mais, dans les larves des ordres suivans , les lépidoptères et les dip- tères , ces mêmes organes, comparés de la sorte, n'ont entre eux aucune analogie évidente. L'emploi de ce caractère sé- pare les larves des lipulaires , des taons , des asiles , etc. , des autres larves sans pieds, et de la même division des nymphes à membres libres. On pourra m'objecter les observations de M. Savigny, relatives aux lépidoptères-, mais, quoique cet ha« bile naturaliste ait vu à la bouche de ces insectes deux pièces qui paraissent correspondre à des mandibules, il n'en est pas moins certain qu'à raison de leur extrême petitesse , de leur éloignement réciproque, elles n'ont, avec les mandibules des chenilles, qu'une affinité très éloignée pour ne pas dire hypo- thétique. On ne connaît que trop les ravages que font les che- nilles avec ces inslrumens, et personne ne comparera leurs fonctions et celles des parties qui les accompagnent, avec les propriétés des mandibules , et de la trompe ou de la langue du papillon , dont tous les efforts se réduisent à entr'ouvrir la corolle ou le calice d'une fleur. La bouche des larves, aussi- bien que celle de l'insecte parfait , mérite de fixer l'atten- tion des naturalistes. C'est par leur comparaison que l'on pourra connaître les changemens qui s'opèrent dans le pas- sage du premier état au second. On obtiendra également des moyens pour classer les larves aussi-bien que les insectes adultes. Celles des myrméléons , des hémérobes , et probable- ment des ascalaphes , sont distinguées de toutes les autres lar- ves hexapodes par leurs mandibules, qui font l'office d'un suçoir, et peut-être par les mâchoires et la lèvre inférieure, qui sont très petites , si même elles existent. Ce sont aussi les seules larves dont les filières soient à l'anus. 4°- Nombre des stigmates et disposition des trachées. Les larves de la plupart des diptères n'ont que quatre à deux stigmates , ou même qu'une ouverture unique pour la respiration. Une seule larve de tipule , d'après tous les faits que j'ai pu recueillir à cet égard , en a seize. Or, nous savons que le nombre est de dix- huit dans les autres ordres d'insectes , les mvriapodes seuls 2 8o QUATRIEME CLASSE. INSECTES. exceptés : ici il va à vingt et au-delà. Nous distinguerons, par ce moyen , les larves des diptères que la forme de leurs nym- phes range dans notre subdivision. Les larves de la tribu des hydrocanthares , de celle des hydrophiliens , des friganites , plusieurs chenilles du genre botis , dans les lépidoptères noc- turnes , ont des organes respiratoires particuliers. Ces che" nilles , ainsi que les larves des gyrins et des friganites , ont de fausses-branchies ; celles des dytiques , des hydrophiles , et de quelques autres genres analogues, ont l'extrémité pos- térieure de leur corps terminée d'une manière tubulaire, et souvent avec des appendices , qu'elles élèvent à la surface de l'eau pour respirer. 5°. Mues ou non-mutabilité de la peau. Il me paraît que les larves apodes des hyménoptères ne sont point sujettes à des mues, et en cela elles présenteraient une exception remarquable dans l'espèce de métamorphose qui leur est propre. Geoffroy {Hist. des Insectes , tome II, p. 890) dit que les larves d'abeilles changent plusieurs fois de peau, précisément de la même façon que les chenilles. Mais j'ai lieu de conjecturer qu'il n'avance ce fait que par analogie ; car Réaumur, qui a si bien observé leurs larves, n'en fait pas la moindre mention ^ et j'ai , en effet , de la peine à croire que, vu le peu de temps qu'elles restent dans cet étal et la gène où elles se trouvent , ces mues puissent avoir lieu. Au reste, ce n'est pas le seul exemple où Geoffroy se soit trompé , en se guidant d'après l'analogie. N'a-t-il pas distingué trois sortes d'individus dans l'abeille à cinq crochets {apis manicatd) de Linnseus , quoique cette espèce ne vive pas en société , et que dès-lors elle ne puisse offrir que des mâles et des femelles. 6". Immobilité ou locoraotilité des nymphes. La plupart des nymphes sont immobiles-, cependant celles des cousins et de quelques tipulaires conservent leur agilité pri- mitive. Celles des friganites la reprennent vers l'époque de leur dernière métamorphose. Je viens aux nymphes emmail- lotées , ou celles dont le corps est renfermé totalement sous une peau de la larve. Ici la bouche de celte larve est constam- ment différente de celle de l'insecte parfait , ou du moins n'a GEiVERALITES. i8i pas avec elle de ces rapports de nombre et de corrélation d'or- ganes que nous observons à la boucbe des autres larves , comparée à celle des insectes qu'elles produisent. Ici la nym- phe, immédiatement après qu'elle s'est revêtue de cette peau, n'offre, si on la déchire ou si on la fend, qu'une matière très molle , gélatineuse , semblable à de la bouillie , et à la surface de laquelle on ne peut encore distinguer les organes exté- rieurs de l'animal adulte. Il faut que la nature passe quelque temps à les élaborer, ou du moins à prononcer plus fortement leurs traits et à les consolider. Dans les autres métamorphoses, la nymphe , quoique encore fort tendre , a néanmoins , dès le principe de son apparition , les caractères propres au der- nier état de l'insecte ; ses parties seulement occupent moins d'espace , et ont besoin de l'influence de l'air pour acquérir leur extension naturelle et les couleurs dont elles sont ornées. Les nymphes emmaillotées se partagent en deux sections très naturelles , et que Linnaeus , d'après Swammerdam et Réau- mur, avait formées : les unes montrent , à l'extérieur ou sur la peau , la plupart des organes du corps et ses divisions, ou sont à membres distincts. Cette peau leur forme une sorte de gaine ou de moule extérieur ; les fourreaux particuliers des membres , qui sont membraneux , adhèrent à sa surface inté- rieure -, l'insecte parfait en sort par le moyen de la désunion de quelques unes de ses parties. Les larves appelées chenilles ont communément de dix à seize pieds , dont les six premiers sont terminés par un onglet 5 je dis communément, parce que quelques unes, en petit nombre à la vérité, n'ont absolument que des mamelons dont la quantité peut s'élever à dix-huit, d'après une observation de de Géer. Ces chenilles, dont la tête est toujours écailleuse, qui ont toujours dix-huit stigmates , changent plusieurs fois de peau avant de se mettre en chrysalides. Ces sortes de nymphes ne donnent absolument que des lépidoptères j Linnaeusles dé- signe sous le non à'obtectœ , que Fabricius a, comme nous l'avons dit plus haut , étendu à la métamorphose entière. Les nymphes emmaillotées de la seconde section sont renfermées 282 QUA.TRiÈME CLASSE. INSECTES. dans une espèce de coque formée par la peau de leur larve , celle même qu'elle avait à sa sortie de l'œuf. Leur chair se dé- tache peu à peu de la peau, prend la figure d'une houle al- longée, suivant les expressions de Réaumur, et ensuite celle de l'insecte qui en doit naître. La nymphe est lihre dans sa demeure passagère, et peut même y changer de place. Sa coque, qui a le plus souvent une forme ovoïde, ou ovoido- conique , ne présente aucun des organes extérieurs de l'ani- mal ; on n'y voit que des anneaux , encore même celle des hippobosques n'en a pas , et ressemble à une graine légumi- neuse ^ ce sont des nymphes à membres indistincts. Les larves n'ont jamais de pales véritables^ leur tête est toujours de figure variable , sans antennes et sans yeux perceptibles -, elles n'ont en général que quatre stigmates, dont deux à l'extré- mité antérieure du corps , et les deux autres à sa partie posté- rieure. Ces nymphes ne produisent que des diptères , et presque tous des genres œstnxs et musca de Linnaeus^ ce sont celles qu'il nomme coarctatœ. Les chrysalides ou nymphes des lépidoptères, ou plutôt leurs enveloppes, me paraissent avoir une grande ressemblance extérieure, tant pour la forme que pour le dessin en relief, soit avec le cercueil des momies égyp- tiennes, soit avec les momies elles-mêmes. J'en appelle, à l'égard de cette comparaison , au jugement des personnes qui ont vu la chrysalide ou la fève du ver à soie. Je substituerai donc à l'épithète trop générale d'enveloppée (obtecta) que Lin- naeus donne à la nymphe des lépidoptères, l'expression plus caractéristique, en forme de momie (^mumiformis) (i) ^ mais je ne l'emploierai que d'une manière descriptive, ou comme ca- ractère spécifique, et je distinguerai toujours ces nymphes sous la dénomination reçue de chysalides (p) , dont les unes sont angulaires, et les autres sans angles ou coniques. Plusieurs chenilles ont été appelées géomètres ou arpenteuses (geo- (i) M. de Lamarck, auquel j'avais communiqué verbalement plusieurs de mes observations sur les métamorphoses des insectes , a fait , dans son histoire naturelle des Animaux sans ^vertèbres , une application très différente du nom de momie. (2) Leur abdomen , lorsqu'on les touche, donne des signes d'existence ou se meut. GÉNÉRALITÉS. 2 83 tnctrœ), demi-arpenteiises , à raison de celle allernative de courbes perpendiculaires et de lignes horizontales qu'elles dé- crivent en marchant, et que nécessitent la diminution du nombre ordinaire des pales , et la longueur des intervalles qui les séparent entre elles. Ces organes sont au nombre de dix à douze dans les arpenleuses, et de quatorze dans les autres. Les chenilles qui en ont seize devraient, par opposition, être nommées rectigrades {rectigradœ) ^ il y en a qui n'ont que de simples mamelons; ce sont les apodes (apodœ). Je dési- gnerai exclusivement sous le nom de nymphes (nymphœ) celles dont les membres sont libres ; et sous celui de lances (laivœ) l'état qui précède. Les mots de chenille {eruca) et de chrysalide (chrysalis) indiqueront les deux premiers états des lépidoptères, ou les nymphes, sous la forme de momie. Ces dénominations particulières font connaître , sans autre explication , la nature de la métamorphose propre à l'animal. D'après cette marche, qui est avantageuse à la méthode, je consacrerai le terme de pupe [pupa) (i) aux nymphes ovi- formes , et je désignerai leurs larves par l'épithète de vermicu- (i) Je traduis littéralement, comme on l'a déjà fait, cette expression, pour ne pas employer le mot trop trivial de poupée, qu'il signifie dans notre langue. L'enve- loppe ou la coque de ces nymphes n'a point de conformité extérieure avec celle des chrysalides des lépidoptères^ rien ne décèle au-dehors l'animal qui y est renfermé; elle est en apparence presque inorganique, et on la prendrait pour une espèce d'œuf ou pour une capsule séminale; elle ne donne même aucun signe de vie. La peau ne se feud point sur le dos pour la sortie de l'insecte , comme dans les autres nymphes; mais une de ses extrémités s'ouvre , par le moyen d'une pièce qui s'en détache, ea forme de calotte , nouveau trait de ressemblance qu'elle a avec les œufs des insectes. Ces nymphes , ou , pour mieux m'exprimer , leurs coques , sont donc oviformes ( oviformes .^ Ces coques nous présentent les divisions suivantes : 1°. Coque annelée, conservant la forme de la larve, qui est terminée en une queue tubulaire pour la respiration. Straliomydes. 1°. Coque annelée, différant par sa contraction de la larve, qui est terminée eu une queue tubulaire pour la respiration. Plusieurs larves de syrphies. 3°. Coque annelée, différant par sa contraction de la larve qui respire par des stigmates ordinaires , ou n'ayant point de queue tubulaire pour cette fip*''!^ A 7"*^ muscides, plusieurs syrphies, etc. /^'-.-yS '"^t-^-Z^^ 4°. Coque sans anneaux, n'ayant qu'une division eu forme d'opercule, ou sèttihlahlé "O^ à une graine de fève. Les pupipares. /<^ O ^^•'^^ / rr ^ ^ fi, V^ ^ \ l r\*^ 284 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. laire (vermi-lan^a) , ou plus simplement par le mot de vermi- larve. Les métamorphoses dont j'ai parlé jusqu'ici ne nous ont offert que trois passages ou transformations. Les éphé- mères font une exception à cette règle générale. Peu de temps après être sorties de l'état de nymphe , et avoir reçu la forme qui leur est propre , elles se défont de leur nouvelle robe , pour en prendre une semblable, et avec laquelle elles ont bientôt terminé une vie de quelques heures. Sous ce rapport, leur métamorphose est quaternaire et non ternée ^ mais leur dernier changement n'est rigoureusement qu'une mue , cet animal a toujours la même organisation. Les métamorphoses sont communes aux deux sexes. Cependant le genre des co- chenilles présente encore une anomalie ^ le mâle seul prenant des ailes et changeant de forme, est aussi le seul qui se méta- morphose ^ il sort même de sa coque d'une manière particu- lière et que nous exposerons (article cochenille). Ces consi- dérations, que l'on pourra étendre et augmenter, serviront à établir dans les ordres des divisions naturelles , et nous aide- ront à découvrir les rapports d'affinité qu'ils ont entre eux. Les métamorphoses des névroptères et des diptères sont de deux sortes. Dans l'ordre des hémiptères, le genre des coche- nilles trouble seul l'uniformité qui y règne à cet égard , et qui est constante dans les autres ordres que je n'ai pas mention- nés. En analysant ces faits, nous pouvons déduire les consé- quences générales suivantes : 1°. Les métamorphoses des in- 1 sectes ont des caractères qui les distinguent essentiellement des mues. 2°. On peut les diviser ainsi : métamorphose ébau- chée , demi-métamorphose et métamorphose parfaite. ^°, Dans les deux premières , la mutabilité affecte principalement les organes de la locomotion , soit en développant les ailes, soit en augmentant le nombre des pâtes -, l'insecte , dans tous ses âges, est toujours reconnaissable , toujours actif et toujours constant dans ses habitudes. 4° «Dans la métamorphose parfaite, le premier et le troisième (le dernier) état de l'insecte sont très différens l'un de l'autre ; les yeux surtout ne sont pas ou presque point développés. La nymphe ne mange pas, et passe presque GÉNÉRALITÉS. '^85 loujours cet état dans une inertie absolue ^ tantôt elle a les membres libres, tantôt elle est emmaillotée. Celle-ci se subdi- vise en nymphe à forme de momie , et en nymphe à forme d'œuf. 5°. Les figures particulières et comparées de ces nymphes et de leurs larves, offrent des caractères propres à établir des coupes , et qui donnent même le moyen de distinguer les ordres classiques auxquels elles appartiennent. 6°. Les dénominations suivantes : demi-larve, demi-nymphe, larve, nymphe, che- nille , chrysalide , vermi-larve , pupe , indiquent primitive- ment les deux premiers états de ces métamorphoses. 7°. Deux genres d'insectes dérogent aux lois générales de la métamor- phose, l'un en éprouvant quatre transmutations, et l'autre en nous faisant voir que l'un des sexes n'est sujet qu'à de simples mues. 8**. La considération des métamorphoses peut nous être utile pour former des divisions naturelles dans les ordres. Ici ou dans quelques uns, ces changemens sont de même nature ou de même espèce -, là ou dans d'autres , ils diffèrent à cet égard , comme nous le ferons voir lorsque nous traiterons particulièrement des lépidoptères. M. le chevalier de Lamarck {Hist. des Anim. sans vertèbres , t. ÎII, p. 2^0) a recher- ché la cause de ces singuliers phénomènes , et en a donné une explication ingénieuse, qui sera alors exposée. Swam- merdam a distribué les animaux qu'il appelle insectes en quatre ordres , dont les caractères sont tirés de différentes transformations ou développemens de ces animaux. Le pre- mier ordre comprend tous les insectes qui sortent de leur œuf parfaitement formés et pourvus de leurs membres , qui crois- sent ensuite par degrés, et qui deviennent nymphes (nymphe- animal) en arrivant à leur dernier degré d'accroissement; dans cet état , ils n'ont plus aucune transformation à subir, mais seulement un simple changement de peau. Swammerdam rapporte à cet ordre les crustacés, les arachnides, nos insectes aptères , qui ne subissent pas de métamorphose , et même des mollusques et des annélides. Le second ordre est celui où l'insecte sort de son œuf muni de six pieds et arrive à l'état de nymphe (nymphe-ver) , lorsque ces membres ont pris tout 286 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. leur accroissement dans les gaines où ils sont renfermés : les hémiptères , les orthoptères et plusieurs névroptères. Le troi- sième ordre est celui où la larve ou la chenille sort de son œuf, soit avec six pieds ou plus , soit sans pieds -, et lorsque les membres de l'insecte ont pris tout leur accroissement sous la peau qui les cache, la nymphe ou la chrysalide se montre en se dépouillant de sa peau. Cet ordre est divisé en deux genres , le second est propre aux lépidoptères, et la nymphe prend le nom de cJufsalide; l'autre est composé des insectes qui , dans leur second état , que Swammerdam désigne sous le nom de nymphe proprement dite , sont inactifs et présentent à l'exté- rieur la forme de l'insecte parfait. Tels sont les coléoptères , les hyménoptères , et une partie des névroptères et des dip- tères : c'est la métamorphose à nymphe incomplète de Lin- naeus. Enfin le quatrième et dernier ordre nous offre les in- sectes qui sortent aussi de leurs œufs sous la forme de vers sans pieds , ou pourvus de six pieds ou plus , et dont les membres croissent de même cachés sous la peau du ver, enfin qui pas- sent à l'état de nymphe (nymphe vermiforme) sous celte même peau : la mouche et un grand nombre d'autres diptères. Cet ordre est divisé en deux genres^ les larves dont la peau est ferme , dure et tenace, composent le premier. Dans le se- cond elle est mince, molle et flexible. Lyonet, Réaumur et de Géer ont ajouté, par leurs observations, de nouveaux déve- loppemens à leur méthode. Willughby, célèbre naturaliste anglais , mettant à profit les découvertes de Swammerdam , divisa les animaux auxquels il donnait, avec les anciens, le nom àHnsectes , en ceux qui n'éprouvent pas de transforma- tions, et en ceux qui y sont sujets. Les premiers sont apodes ou sans pieds : et tels sont les sangsues , les lombrics , les asca- rides , en un mot les vers à sang rouge , ou annélides, et les vers proprement dits ou intestinaux ^ les autres insectes in- Iransmutables ont des pieds qui , à raison de la variété de leur nombre, 6,8, 14, ^4 5 3x) , ou indéfini (polypodes) , forment, avec les différences des milieux d'habitations , les caractères des divisions qui suivent. Rai , autre célèbre naturaliste anglais, GÉNÉRALITÉS. 287 distribua ensuite les insectes qui subissent des mélamorplioses , en trois ordres correspondans aux trois derniers de Swammer- dam. Sa méthode, et celle des deux autres naturalistes précé- dens, publiée peu de temps après, forment, dans l'Histoire de l'Entomologie, une grande époque , puisqu'elles ont changé la face de cette science , qui , depuis Aristote , était restée sta- tionnaire (i). Swammerdam, par ses observations sur l'ana- lomie d'un grand nombre d'animaux sans vertèbres, et sur les métamorphoses des grenouilles, nous a frayé le premier la route qui conduit à la méthode naturelle, et dans laquelle les moder- nes ont fait tant de progrès. Cet élan une fois donné à l'ento- mologie, un siècle a suffi pour l'élever au degré de perfection qu'elle peut atteindre, quant aux bases sur lesquelles elle doit reposer, ou quant à ses divisions principales et leur disposition. Linnaeus, Fabricius, MM. Cuvier et de Lamarck, par des méthodes établies sur des considérations différentes, ont em- brassé tous les genres de rapports sous lesquels il est possible d'envisager cette branche de la zoologie , et ce n'est plus que dans les détails qu'elle est susceptible de perfectionnement. Les noms de ces grands naturalistes forment, comme nous l'avons vu , autant d'ères célèbres dans les fastes historiques de la science. Il me serait facile de ramener aux méthodes précé- dentes toutes celles qui ont paru depuis , et qu'on a souvent données comme nouvelles. Parvenus à leur dernière transformation, ou jouissant de toutes leurs facultés, les insectes se hâtent de propager leur race , et , ce but étant rempli , ils cessent bientôt d'exister. Aussi , dans nos climats , chacune des trois belles saisons de l'année nous otfre-t-elle plusieurs espèces qui lui sont propres. Quelquefois la même reparaît une ou plusieurs fois dans la même année , ce qui dépend de la rapidité du temps qui s'é- coule entre leur premier et leur dernier âge , et de quelques circonstances favorables. Plus la durée des métamorphoses est courte , plus le nombre des œufs est grand , plus aussi la pul- (i) Voyez uotre Tableau de l'Histoire de l'EutoraoIogie. 288, QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. lulation de ces animaux est considérable. Mais, en général, cette excessive multiplication n'a lieu que dans les espèces les plus petites et les plus faibles , comme dans quelques hémip- tères et plusieurs diptères. Les femelles et les individus neu- tres paraissent avoir , sous leur dernière forme , une carrière plus longue. Plusieurs individus nés en automne se dérobent aux rigueurs de l'hiver en cherchant un asile dans les re- traites les plus cachées : c'est ce qu'on appelle leur hivernage ( hihevnatio ) \ plusieurs , comme des lygées , des brachines , se réunissent alors en famille assez nombreuses. Les hivers humides leur sont plus nuisibles que ceux qui sont rigoureux. Ils ont un grand nombre d'ennemis. Sans parler de ceux de leur propre classe , qui leur font la guerre , et de l'homme , beaucoup d'oiseaux , les chauves-souris , les lézards , en dé- truisent une grande quantité. Les reptiles batraciens et les poissons nous délivrent de ceux qui font aussi leur séjour dans l'eau ou sur les rivages. Les insectes , ainsi que les autres animaux , essaient de se soustraire aux dangers qui les me- nacent^ les uns par la retraite ou l'inaction, quelquefois même par la ruse, en se laissant tomber, en feignant d'être morts , en se mettant en boule ; d'autres s'échappent par la rapidité de leur course ou de leur vol , ou en sautant \ d'autres , en- core , trompent les regards de leurs adversaires , soit par des formes singulières , soit par des couleurs tantôt semblables à celles des objets sur lesquels ils sont placés, tantôt éclatantes ou très variées. Il en est qui emploient dans cette lutte, ou des armes ordinaires , comme leurs mandibules , ou des moyens spéciaux que la nature leur a donnés, tels que des pinces, des aiguillons , des tentacules rétractiles , des excrétions d'hu- meurs , dont les unes oléagineuses , les autres soit acides ou alcalines, soit caustiques^ quelques uns se garantissent au moyen de l'odeur qu'ils répandent j enfin plusieurs trouvent leur salut dans l'espèce de cuirasse dure et écailleuse , sou- vent même hérissée de piquans ou d'aspérités , qui protège leur corps. L'étude de leurs mœurs et de leurs habitudes, une extrême vigilance soutenue par quelques sacrifices , di- GÉNÉRALITÉS. 289 vers essais pour arriver à un moyen de destruction , à la fois ]e plus sûr, le plus général et le plus économique , des réu- nions formées pour le même but , des peines ou des récom- penses accordées au zèle ou à l'assiduité du travail , voilà les seules armes que nous pouvons opposer à tant d'insectes des- tructeurs. Mais ne nous faisons pas illusion ^ il n'est pas en notre pouvoir d'anéantir leurs races : les affaiblir ou en diminuer le nombre , voilà tout ce que celui qui veille à leurs destinées nous permet d'espérer et d'atteindre. Exécuteurs de ses ordres , ils contribuent à maintenir l'équilibre général qu'il a établi parmi les corps organisés. L'existence de plu- sieurs de ces petits animaux est même pour nous un bienfait de l'Etre suprême qui doit exciter notre gratitude , et tels sont les insectes carnassiers et ceux qui se nourrissent de ma- tières cadavéreuses, excrémentitielles ou putrides. Quelques uns , mais en petit nombre . sont employés dans la médecine (^'OJ ezÉcrevisse, Cloporte, Cantharide , Mylabre , Kermès) ^ d'autres dans les arts et l'économie domestique [voyez Crus- tacés , Cochenille, Bombyx, Abeille, Cynips)^ il en est qui , dans certaines circonstances , deviennent des inslru- mens de météorologie [voyez Araignée , Abeille , Stomoxe , Tipulaires ). Des peuplades sauvages de l'Amérique se font des colliers avec les élytres de quelques espèces de hanne- tons et de chrysomélines. Il en est d'autres parmi celles de l'Afrique pour qui d'autres insectes , comme des phasmes , sont, à la honte de l'espèce humaine , un objet de superstition ou de fétichisme. Un sujet des plus curieux , et qui n'a pas encore été traité, la détermination du moins approximative des climats propres aux races des insectes, se rattache à celui qui a pour objet leur nutrition. En effet, puisque l'Auteur de la nature a répandu sur tous les points de la surface de notre globe , susceptibles de les nourrir, les corps vivans-, puisque ces êtres ont dû varier avec les climats , il faut que les sub- stances alimentaires des animaux diffèrent pareillement à raison des lieux où ils passent leur vie , et que dès-lors ces J9 2O0 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. subslaiices , ainsi que ces animaux , aient une même circon- scription géograpliique. Indépendamment de cette considéra- tion , la température qui convient au développement d'une espèce n'est pas toujours propre à celui d'une autre -, ainsi l'étendue du pays qu'occupent certaines espèces a nécessaire- ment des bornes qu'elles ne peuvent franchir, du moins subi- tement 5 sans cesser d'exister. Ces principes amènent une autre conséquence : là où finit l'empire de Flore , là se ter- mine aussi le domaine de la zoologie. Les animaux qui se nourrissent de végétaux ne pourraient vivre dans des lieux tout-à-fait stériles , et ceux qui sont carnassiers y seraient également privés de matières alimentaires , ou des animaux dont ils font leur proie ^ ils ne peuvent donc s'y établir. L'ob- servation nous apprend que les pays les plus féconds en ani- maux à pieds articulés , en insectes surtout , sont ceux dont la végétation est la plus riche et se renouvelle le plus prompte- ment. Tels sont les effets d'une chaleur forte et soutenue , d'une humidité modérée et de la variété du sol. Plus , au contraire , on s'approche de ce terme où les neiges et les glaces sont éternelles , soit en allant vers les pôles , soit en s'élevant sur des montagnes à un point de leur hauteur qui y par l'affaiblissement du calorique , présente les mêmes phé- nomènes , plus le nombre des plantes et des insectes diminue. Aussi Othon Fabricius , qui a publié une bonne faune du Groenland , n'y mentionne que 468 espèces d'animaux , et le nombre de celle des insectes, en y comprenant, à la ma- nière de Linnseus , les crustacés et les arachnides, n'y est porté qu'à iio. Enfin, dès qu'on aborde ces régions que l'hiver obsède sans cesse , les êtres vivans ont disparu , et la nature n'a plus la force de reproduire. Les plaines qui avoi- sinent les pôles se trouvent , à cet égard , dans le même état d'inertie que les parties où commence la région des glaces per- pétuelles dans les montagnes de la zone torride, ou dans celles des contrées les plus fécondes ; ces montagnes, envisagées sous le rapport des végétaux et des animaux qui leur sont propres, forment graduellement, et par superposition , des climats par- GENERALITES. 29I tiruliers, dont la température elles productions sont sembla- bles à celles des plaines des contrées plus septentrionales. C'est ainsi que les Alpes sont l'habitation de plusieurs espèces d'insectes que l'on ne trouve ensuite qu'au nord de l'Europe. Le prionus depsarius , qui semblait jusqu'ici n'avoir d'autre patrie que la Suède , a été découvert dans les montagnes de la Suisse. J'ai pris moi-même au Cantal le lycus minutus, qu'on ne reçoit que des provinces les plus boréales de l'Europe. Ainsi encore, le papillon nommé apollon par Linnœus, très commun dans les campagnes et les jardins d'Upsal, ainsi que dans d'autres parties de la Suède , n'habite en France que les montagnes dont l'élévation est au moins de 600 à 700 toises au-dessus du niveau de la mer. Le carabus auratus, Yacrj- diiun grossum, plusieurs de nos papillons, la vipère commune (coluber berus) , vivant ici dans nos plaines , ou s' élevant peu au-dessus de l'horizontalité du sol , ont dans le midi de la France, en Italie, leur domicile sur les montagnes alpines ou sub-alpines. Là, ces animaux retrouvent la même tempéra- ture et les mêmes matières nutritives. L'entomologiste éclairé tiendra compte de la hauteur, au-dessus de la mer, des lieux où il prend des insectes , et il observera avec soin leur tempé- rature moyenne. Ainsi que les géographes , les naturalistes ont partagé la surface de la terre en divers climats : ceux-là ont pris pour bases les différences progressives de la plus longue durée du jour naturel , ceux-ci ont fondé leurs divi- sions sur la température moyenne des régions propres aux animaux et aux végétaux. Dans la Philosophie entomologique de Fabricius, l'acception du mot de climat est générale et embrasse l'universalité des habitations des insectes, ou de tous les animaux à pieds articulés. Il divise le climat en huit sta- tions ou en autant de sous-climats particuliers , savoir : l'in- dien, l'égyptien, l'austral, le méditerranéen, le boréal, l'orien- tal, l'occidental et l'alpin. Mais il est aisé de voir, par l'énumé- ration des contrées qu'il rapporte à chacun d'eux , que ces di- visions ne sont pas toujours établies sur des documens positifs , et qu'il faudrait , si l'on suit rigoureusement le principe sur 2Q2 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. lequel elles reposent , la chaleur moyenne , en supprimer quelques unes. Le sous -climat qu'il appelle méditerranéen comprend les pays adjacens à la mer Méditerranée , et en outre la Médie et l'Arménie ^ le boréal s'étend depuis Paris jusqu'à la Laponie ; l'oriental est composé du nord de l'Asie , de la Sibérie et de la portion froide ou montagneuse de la Syrie-, l'occidental renferme le Canada, les Etats-Unis, le Japon et la Chine. Ce simple exposé suffit pour nous con- vaincre qu'il y a dans ces divisions beaucoup d'arbitraire. Plusieurs de ces contrées peuvent avoir, et ont réellement une température moyenne identique-, elles ne sont pas cepen- dant rangées sous le même climat. Mais, outre que ces dis- tinctions ne sont presque d'aucune utilité pour la science , puisque des lieux où celte température est la même ont des animaux difFérens , il est impossible , dans l'état actuel de nos connaissances , d'assurer sur une base solide ces divisions de climats. Les diverses élévations du sol au-dessus du niveau de la mer, sa composition minéralogique , la quantité variable des eaux qui l'arrosent , les modifications que les montagnes, par leur étendue , leur hauteur et leur direction , produisent sur sa température, les forets plus ou moins grandes dont il peut être couvert, l'influence qu'exerce encore sur sa tempéra- ture celle des climats voisins, sont des élémens qui compliquent ces calculs, et qui y jettent de l'incertitude, vu la difficulté où l'on est d'en apprécier la valeur soit isolément, soit réunis. Je considérerai les climats sous un autre point de vue , celui qui nous offre les genres d'arachnides et d'insectes exclusi- vement propres à des espaces déterminés de la surface de la terre. Nos catalogues, relativement aux espèces exotiques, sont trop imparfaits pour qu'il soit en notre pouvoir de suivre un autre plan -, on n'a même encore qu'ébauché l'entomo- logie européenne ^ mais_, supposé que nous n'eussions pas à nous plaindre de cette pénurie de matériaux , irais-je vous fatiguer par d'ennuyeuses nomenclatures d'espèces , par tous les petits détails où ce sujet m'entraînerait? ne faudrait-il pas toujours se fixer à quelques idées sommaires et générales , et aux ré- GÉNÉRALITÉS. 293 sultats les plus imporlans ? Tel est le but que je dois me pro- poser; et quoique, avec plus de secours, je pusse mieux l'at- teindre , j'espère cependant qu'un bon emploi des faibles moyens que mes études m'ont fournis, me conduira à des vues nouvelles , et que je crois dignes d'intérêt. Je vais , au reste , fraver la roule , ou plutôt je planterai le premier les jalons qui pourront servir à la percer, et mes efforts, fussent -ils infructueux , mériteraient au moins quelque indulgence. On doit reprocher à plusieurs naturalistes voyageurs de l'incurie ou de la négligence , au sujet de l'indication précise des lieux où ils ont pris les objets qui enrichissent nos musées. Cette première faute commise, on ne doit pas être surpris qu'ils n'aient pas remarqué les qualités particulières du sol considéré physiquement et sous des aperçus minéralogiques. Ces détails sont cependant une partie essentielle de l'histoire des ani- maux. Les licines, le papillon cléopàtre , plusieurs dasyles, quelques lamies , etc., ne se trouvent que dans des terrains calcaires. J'ai observé que la pimélie biponctuée , très com- mune aux environs de Marseille, ne s'éloignait guère des bords de la mer. Si l'intérieur des terres , en Barbarie , en Syrie, en Egypte, offre d'autres espèces du même genre , c'est que le sol y est imprégné de particules salines, ou abonde en plantes du genre soude salsola^ ainsi ces pimélies habitent toujours un terrain analogue à celui où vit la première. Les insectes des pays qui bordent la Méditerranée , la mer Noire et la mer Caspienne , ont de grands rapports entre eux , et se tiennent, pour la plupart, à terre ou sur des plantes peu élevées. Ces contrées semblent être le siège principal des co- léoptères hétéromères, des lixes, des brachycères, des buprestes à forme conique -, et quoique le cap de Bonne-Espérance en soit très distant, beaucoup de ses insectes ont cependant en- core , avec les précédens, des traits de famille. INous pouvons déduire de ces faits que le terrain et les productions végétales de ces diverses régions ont plusieurs caractères d'affinité natu- relle. Il est facile de sentir qu'on doit porter les mêmes soins dans l'observation locale , tant des espèces qui vivent dans les 2o4 QUATRIÈME CLASSE. — INSECTES. eaux , et dont il faut distinguer la nature , que de celles qui sont littorales. Toutes ces connaissances accessoires peuvent nous éclairer sur les habitudes particulières de ces animaux, ou faire naître à leur sujet des présomptions raisonnables. Ayant ainsi réveillé l'attention des naturalistes voyageurs, et pré- senté quelques observations préliminaires, je viens directe- ment à mon sujet. Les propositions suivantes sont établies sur l'étude que j'ai faite d'un des plus beaux musées de l'Europe, des collections privées de Paris , et sur les renseignemens que j'ai pu acquérir, tant par les ouvrages que par mes recher- ches, et une correspondance très étendue : i". La totalité , ou un très grand nombre des arachnides et des insectes qui ont pour patrie des contrées dont la température et le sol sont les mêmes, mais séparées par de très grands espaces, est composé en général d'espèces différentes, ces contrées fussent-elles sous le même parallèle. Tous les insectes et arachnides qu'on a rap- portés des parties les plus orientales de l'Asie , comme de la Chine, sont distincts de ceux de l'Europe et de l'Afrique, quelles que soient les latitudes et les températures de ces contrées asiatiques. La plupart des mêmes animaux diffèrent encore spécifiquement, lorsque les pays où ils font leur séjour ayant identité de sol et de température , sont séparés entre eux , n'importent les différences en latitude , par des barrières na- turelles , interrompant les communications de ces animaux , ou les rendant très difficiles , telles que des mers , des chaînes de montagnes très élevées, de vastes déserts. Dès -lors , les arachnides, les insectes, les reptiles même de l'Amérique, de la Nouvelle -Hollande, ne peuvent être confondus avec les animaux des mêmes classes qui habitent l'ancien continent. Les insectes des Etats-Unis , quoique souvent très rapprochés des nôtres, s'en éloignent cependant par quelques caractères^ ainsi ceux du royaume de la Nouvelle - Grenade , du Pérou , contrées voisines de la Guyane , et pareillement équinoxiales, diffèrent néanmoins en grande partie de ceux de la dernière . les Cordillères divisant ces climats. Quand on passe du Pié- mont en France par le col de Tende , on aperçoit aussi un G^NliRALlTÉS. SqS changement assez brusque. Ces règles peuvent souffrir quel- ques exceptions, relativement aux espèces aquatiques. Nous connaissons encore des insectes dont l'habitation s'étend très loin : le papillon du chardon (cardui) , ou la belle-dame , si commun dans nos climats et même en Suède , se trouve au cap de Bonne-Espérance ; la JNouvelle-Hollande offre aussi une espèce qui en est très voisine ; le sphinx du nérion , le sphinx celerio, ont pour limites septentrionales notre climat , et pour bornes méridionales l'Ile-de-France. Parmi les insectes aquatiques, le dytiscus gris eus , qui vit dans les eaux de la ci-devant Provence , du Piémont, n'est pas étranger au Ben- gale. Je ne parle pas d'après les auteurs qui confondent sou- vent des espèces de pays très éloignés, lorsqu'elles ont des rapports communs, mais d'après mes propres observations. Beaucoup de genres d'insectes, et particulièrement ceux qui se nourrissent de végétaux, sont répandus sur un grand nom- bre de points des divisions principales du globe. Quelques autres sont exclusivement propres à une certaine étendue du pays , soit de l'ancien , soit du nouveau continent. On ne trouve point dans le dernier les suivans : anthie , graphiptère , érodie , pimélie , scaure , cossyphe , mylabre , brachycère , némoptère , abeille, anthophore, ni plusieurs autres de la tribu des carabiques ^ mais cet hémisphère occidental en pré- sente aussi qu'on ne rencontre pas ailleurs , et dont voici les principaux : agre , nilion , tétraonyx , rutèle , doryphore , alurne , érotyle , cupès , corydale , labide , pélécine , centris , euglosse , héliconien , érycine , castnie : nos abeilles y sont remplacées par les mélipones et les trigones. On n'a encore observé les genres manticore, graphiptère, pneumore, ma- saris , qu'en Afrique-, le premier et le troisième sont même restreints à la colonie du cap de Bonne-Espérance. Les col- liures sont propres aux Indes orientales-, les genres lamprime , hélée, céraptère , paropside, panops , viennent uniquement de la Nouvelle-Hollande ou de quelques îles voisines. Plusieurs espèces, dans leur pays natal, affectent exclusivement cer- taines localités , soit dans les parties basses , soit dans celles 296 QUA.TRIÈME CLA.SSE. INSECTES. qui sont élevées , et à une hauteur constante. Quelques pa- pillons alpins sont toujours confinés près de la région des neiges perpétuelles. Lorsqu'on s'élève sur des montagnes, à une hauteur où la température, la végétation, le sol, sont les mêmes que ceux d'une contrée bien plus septentrionale , on y découvre plusieurs espèces qui sont particulières à celle-ci , et qu'on chercherait en vain dans les plaines et les vallons qui sont au pied de ces montagnes. J'ai cité plus haut des exem- ples qui appuient cette règle. Si , dans le même pays , la tem- pérature de quelques unes de ses parties basses , ou au niveau de l'horizon , est modifiée par des circonstances locales , ces cantons ont aussi plusieurs espèces que l'on trouve plus fré- quemment y soit un peu plus au nord , si la température moyenne s'est abaissée , soit un peu plus au midi , dans le cas de son ascension. C'est ainsi que nous commençons à voir au nord du département de la Seine des insectes spécialement propres aux départemens plus froids , à l'Allemagne , et que les terrains chauds et sablonneux situés au midi et à l'est de Paris , nous offrent quelques espèces méridionales. On divisera l'ancien et le nouveau continent en zones, s'éten- dant successivement dans le sens des méridiens, et dont la lar- geur est mesurée par une portion de cercle parallèle à l'équa- teur. Les espèces propres à une de ces zones disparaissent graduellement et font place à celles de la zone suivante, de sorte que , d'intervalle en intervalle , les espèces dominantes , ou même leur totalité , ne sont pas les mêmes. Je compare ce changement à cette suite d'horizons que le voyageur découvre à proportion qu'il s'éloigne de son premier point de départ. La Suède a beaucoup d'espèces d'insectes qui lui sont par- ticulières , et dont quelques unes sont reléguées dans ses pro- vinces les plus boréales , comme la Laponie. Mais son midi , la Scanie par exemple , offre , quoiqu'on petite quantité , plusieurs insectes de l'Allemagne. La France , jusque vers le 45* à 44* degré de latitude , en a plusieurs que l'on retrouve dans ces mêmes contrées -, mais il semble que le Rhin et ses montagnes orientales forment , à l'égard de quelques autres GFNER ALITES. ^97 espèces, une sorte de frontière qu'elles n'ont point franchie. Les premières de celles qui sont propres aux pays chauds de l'Europe occidentale , se montrent vers le cours inférieur de la Seine , précisément au point où la vigne commence à pros- pérer dans les terrains en plaine , et sans le secours de quelques circonstances locales. L'ateuchus flagellé , le mylabre de la chicorée, la mante religieuse, la cigale hématode, l'ascalaphe italique , annoncent ce changement. Il est plus manifeste à Fontainebleau , aux environs d'Orléans , qui offrent , outre ces espèces , le phasma rossii , la mantis pagana, le sphinx celerioj mais ces insectes, si je puis m'exprimer ainsi, ne sont que les avant-coureurs de ceux qui sont propres aux contrées vraiment méridionales. On reconnaît le domaine des derniers à l'apparition de quelques autres espèces de cigales , de mantes ^ à celle des zonitis , des akis , des scaures , des termes , mais surtout à la présence du scorpion européen et de l'ateuchus sacré. La culture de l'olivier, la croissance spontanée de l'ar- bousier, du grenadier, de la lavande , parlent encore plus sen- siblement aux yeux. Ce changement est extrêmement remar- quable, lorsqu'en allant de Paris à Marseille on atteint le territoire de Montélimart. Les bords de la Méditerranée sont un peu plus chauds ^ les mj gales , les onitis , les cébrions , les h rente s y les scarites , y paraissent pour la première fois. Si nous pénétrons dans l'intérieur de l'Espagne , et si nous y visitons les belles contrées de l'est , où les orangers et les pal- miers viennent en pleine terre , un nouvel ordre d'espèces d'arachnides et d'insectes , entremêlées de quelques unes déjà observées dans le midi de la France , frappera nos regards -, nous y voyons des érodies, des sépidies, des zygies, des némop- tères , des galéodes et beaucoup d'autres insectes analogues à ceux de Barbarie et du Levant. La connaissance de ces espèces nous étant devenue familière , l'entomologie des contrées at- lantiques de l'Afrique , ou de celles qui sont situées sur la Méditerranée jusqu'à l'Atlas, ne nous causera point une sur- prise extraordinaire. Nous y découvrirons cependant des genres d'insectes qui ont leur centre de domination dans les 9AjS QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. régions comprises entre les tropiques, comme des anthies, des graphiplères , des siagones. Nous n'avons sur les insectes du sud-est de l'Europe que des notions très imparfaites. Je remarque seulement que le papillon chrysippus de Linnaeus , commun en Egypte et aux Indes orientales , parait dans le royaume de Naples. La plupart des espèces d'Egypte sont étrangères à l'Europe , sans qu'elles sortent néanmoins des familles naturelles où se placent les nôtres. Son extrémité méridionale , en tirant vers la Nubie, offre une de ces grandes sortes de bousier, le midas, qui , tels que le bucephalus , Van- ténor, le gigas , n'habitent que les climats les plus chauds et rapprochés de la ligne équinoxiale de l'ancien continent. Transportés sur les rives du Sénégal, et gagnant de là les con- trées plus au midi , nous ne voyons presque plus aucun insecte d'Europe. C'est de ces régions brûlantes que viennent les plus grandes espèces du genre golialh de M. de Lamark ^ les autres nous sont fournies par l'Amérique méridionale et Java. La colonie du cap de Bonne-Espérance abonde surtout en espèces ■des genres anthie et brachycère : on y trouve encore les genres manticore , pneumore , doryle et eurychore. M. Savigny a découvert en Egypte une nouvelle espèce du dernier , et dans les insectes recueillis au Bengale par Macé, j'ai trouvé une espèce de celui de doryle. L'Afrique et les Indes orien- tales nous offrent des sagres, des paussus et des diopsis. L'Ile- de-France a aussi une espèce inédite du second de ces genres. Palissot de Beauvais avait rapporté du royaume de Benm <îelui qu'il a nommé pelatocheirus , et qui est voisin des ré- duves , mais très singulier par la forme en bouclier ou en ron- dache de ses deux jambes antérieures. Celui d'encelade paraît propre à la côte d'Angola. Quelques excursions que M. Des- fonlaines a faites sur le domaine de l'entomologie , durant son voyage dans les États barbaresques , et qui nous font regretter qu'il ne se soit pas livré plus long-temps à la re- cherche de cette partie de l'Afrique , nous ont procuré le genre masaris , dont le midi de l'Europe cl le Levant nous pré- sentent l'analogue , dans celui de célonilc. Enfin cette grande GÉNÉRALITÉS. 299 diTision de l'ancien continent a plusieurs lépidoptères qui forment des coupes particulières, et beaucoup d'aulres insectes qui resteront long-temps inconnus. Toutes ces successions d'espèces s'opèrent graduellement de l'ouest à l'est , et réci- proquement. Plusieurs de celles que l'on trouve dans les ci- devant provinces de Normandie et de Bretagne habitent encore la partie méridionale de l'Angleterre. Les départemens situés sur la rive gauche du Rhin au nord , sont , à cet égard , en communauté de biens avec les provinces voisines de l'Alle- magne , mais pour une simple portion. Quelques insectes du Levant , tels que la cantharide orientale , le mylabre crassi- corne, une belle variété du hanneton occidental rapportée par Olivier, des lépidoptères diurnes, semblent avoir voyagé au couchant, et s'être fixés dans le territoire de Vienne en Au- triche. Il me paraît, d'après la collection que ce célèbre natu- raliste avait formée dans l'Asie mineure , en Syrie , en Perse , que les insectes de ces régions , quoique très affiliés à ceux du midi de l'Europe , en sont cependant distincts , pour la plupart , d'une manière spécifique. Je porte le même juge- ment sur la plupart de ceux de la Russie méridionale. Les arachnides et les insectes de la côte de Coromandel , du Bengale, de la Chine méridionale , du Thibet même , dont quelques uns m'ont été communiqués par mon généreux ami M. Mac- Leay, secrétaire de la société Linnéenne , ont de grands rap- ports entre eux^ mais ils sont absolument distincts de ceux de l'Europe , quoiqu'ils puissent être classés pour la plupart dans les mêmes genres et dans quelques uns de ceux de l'A- frique. On n'y trouve point de graphiptères , d'akis , de scaures ^ de piméUes , de sépidies , d'érodies , genres dont la nature pa- raît avoir accordé la propriété exclusive aux parties méridio- nales et occidentales de l'ancien continent. Fabricius donne pour patrie , à quelques espèces de brachycères , les Indes orientales ; mais je n'en ai pas vu un seul dans les collections nombreuses qui y ont été formées. Le genre anthie se trouve au Bengale ; il est remplacé , dans la iNouvelle-Hollande , par celui à'helluo. L'île de Madagascar se rapproche sous quelques 3oO QUATRIEME CLA.SSE. — INSECTES. points, quant aux familles naturelles, des insectes de l'Afrique, mais ces espèces sont très distinctes , et plusieurs même n'ont pas d'analogues. L'Ile-de-France et celle de Bourbon offrent aussi des vestiges de ces affinités -, les insectes de ces colonies paraissent, en général, tenir davantage de ceux des Indes orien- tales : leur nombre est très borné. Quoique l'entomologie de la Nouvelle-Hollande forme un type spécial , elle se compose néanmoins , en grande partie , d'espèces analogues à celles des Moluques et du sud-est des Indes. Le genre des mylabres, dont les espèces sont si abondantes au midi de l'Europe , en Afrique et en Asie , semblerait ne pas dépasser l'île de Timor. La Nouvelle-Hollande aurait , à cet égard , des traits de simi- litude avec l'Amérique. On y trouve pareillement des passales , genre dont les espèces habitent plus particulièrement le Nou- veau-Monde. Je soupçonne que les productions naturelles de cet hémisphère occidental , considérées sous le rapport des groupes génériques , se rapprochent plus de celles de l'est de l'Asie que des nôtres. On sait que les animaux à bourse sont confinés dans les extrémités orientales de l'ancien continent , et qu'on en retrouve ensuite dans le nouveau. Je pourrais alléguer d'autres exemples , dont quelques uns seraient pris dans la classe des crustacés. Les insectes de la Nouvelle-Zé- lande , de la Nouvelle-Calédonie , et ceux probablement des îles circonvoisines , me paraissent avoir beaucoup d'affinité avec les insectes de la Nouvelle-Hollande. Je présume qu'il en est de même de ceux de quelques autres archipels du grand Océan austral. Ces îles, composées, en grande partie, d'agré- gations de polypes , forment une chaîne qui les unit à l est aux précédentes , et ont pu recevoir d'elles leurs productions. Cette communication, faute de tels moyens , n'a pu avoir lieu du côté de l'Amérique. Ainsi plusieurs de ces îles , quoique américaines par leur position géographique, peuvent être asia- tiques quant aux productions animales et végétales de leur sol. Le nouveau continent présente une marche progressive semblable dans les changemens des espèces, relatifs aux diffé- rences notables des latitudes et des longitudes. Feu notre col- 1 GÉNÉRALITÉS. 3o I Ir^^ueBosc a recueilli clans la Caroline beaucoup d'espèces qu'on lie trouve pas en Pensylvanie , et encore moins dans la pro- vince de New-York. Les recherches d'Abbot, sur les lépidop- tères de la Géorgie , nous prouvent qu'on y voit déjà quelques espèces de cet ordre , dont le siège principal est aux Antilles. Les bords de la rivière de Missouri , à une vingtaine de degrés environ à l'ouest de Philadelphie , servent d'habitation à plu- sieurs insectes particuliers , et dont je dois encore la commu- nication à M. Mac-Leay. J'ai vu aussi une collection formée à la Louisiane , et j'y ai remarqué d'autres mutations. L'entomo- logie des Antilles , à quelques espèces près , contraste absolu- ment avec celle des États-Unis. L'île de la Trinité , à dix de- grés de latitude au nord , a des espèces équatoriales , comme des papillons de la division de ceux qu'on nomme melenaus , teucer, qu'on n'observe pas à Saint-Domingue. Ici on trouve encore des tatous , quadrupèdes inconnus dans cette dernière île. Le Brésil a des espèces que Cayenne offre également \ mais il en possède une foule d'autres qui lui sont particulières. Cependant, si l'on compare les parallèles de l'ancien et du (nouveau monde , sous le rapport de la température convenable aux diverses espèces d'insectes , l'on verra que ces parallèles ne se correspondent point à cet égard. Les insectes méridio- naux de l'hémisphère occidental ne remontent pas si haut que ' dans le nôtre. Ici , comme nous l'avons observé , ils commen- cent à paraître entre le quarante-huitième et le quarante-neu- vième degré de latitude nord ^ là , ce n'est guère que vers le quarante-troisième. Les scorpions, les cigales, les mantes, sont toujours nos signes indicateurs. Quand on réfléchit sur la constitution phvsique de l'Amérique , quand on considère que son sol est très arrosé , considérablement montagneux , couvert de grandes forets , que son atmosphère est très humide , l'on conçoit sans peine que certains genres d'in- sectes de l'ancien continent, qui aiment les lieux secs, sa- blonneux et très chauds, tels que les anthies, les pimélies , les érodies , les brachycères , n'auraient pu vivre sur le ter- , rain gras, aqueux et ombragé du nouveau monde. Aussi, 3oCi QUATRIEME CLASSE. INSECTES. proportions gardées , le nombre des coléoptères carnassiers y est-il moins considérable que dans l'ancien continent ; la grandeur des insectes, ayant souvent les mêmes habitudes, est souvent inférieure à celle des nôtres. Les scorpions de Cayenne et des autres contrées équinoxiales de l'Amérique ne sont guère plus gros que celui du sud de l'Europe , qu'on a nommé occitaniis. Ils sont donc bien loin d'égaler en volume le scorpion africain, afer, qui est presque aussi grand que notre écre visse fluviatile. Mais aussi l'Amérique ne cède pas aux contrées les plus fécondes de l'ancien monde , à l'égard des espèces qui se nourrissent des végétaux , et surtout en lépidop- tères , en scarabéides , en cbrysomélines, en cérambycins , et particulièrement en guêpes, fourmis, orthoptères et aranéides. Cependant la Chine méridionale et les Moluques semblent con- server une sorte de supériorité en donnant naissance à des lé- pidoptères tels que le papilio priamus , le bombjx atlas , dont les dimensions surpassent celles des lépidoptères de l'Amé- rique. Un fait que je ne dois pas omettre est que l'Europe, l'Afrique et l'Asie occidentale n'ont presque pas d'insectes du genre phasme ou spectre , et que les espèces qu'on y trouve sont petites, tandis que les Moluques et l'Amérique méridio- nale nous en présentent d'une taille très remarquable. L'humi- dité atmosphérique et habituelle du nouveau continent, sa forme étroite et allongée , la vaste étendue des mers qui l'en- vironnent de toutes parts et la nature de son sol , nous four- nissent l'explicaiion de la discordance que l'on observe entre ses climats et ceux de notre hémisphère , considérés sous les mêmes parallèles. Le nouveau monde est à l'ancien continent ce qu'est l'Angleterre à une grande partie de l'Europe. La Nor- mandie et la Bretagne , comparées aux provinces de la France situées à leur levant, pourraient encore nous offrir des rappro- chemens analogues. La seconde partie de mon Introduction à la géographie des arachnides et des insectes a pour objet une nouvelle division de la terre en climats ou zones , dont les limites circonscrivent d'une manière approximative les lieux d'habitation exclusivement propres aux différentes races de GÉNÉRALITÉS. 3o3 ces animaux. Ces coupes géographiques sont fondées sur les observations suivantes : i°. Les extrémités septentrionales du Groenland et du Spilzberg paraissent être , dans notre hémi- sphère boréal , le dernier terme de la végétation j elle s'arrête , vers le pôle sud , à la terre de Sandwich , le nec plus ultra des découvertes géographi(|ues dans l'iiémisphère austral : le quatre-vingt-quatrième degré de latitude nord, et le soixantième de latitude sud , formeront ainsi les deux extrémités de cette partie de notre globe qui sert d'habitation aux plantes et aux insectes. 2°. L'entomologie du nouveau continent, ta commencer du moins au nord des Etats-Unis et en tirant vers le sud , diffère , même quant aux espèces , de l'entomologie de l'ancien contient. 3°. La portion du Groenland dont Othon Fabricius a fait connaître la zoologie , nous offre beaucoup d'insectes et même d'autres animaux que Ton retrouve dans les contrées les plus septentrionales et occidentales de l'Europe. On peut donc considérer le Groenland comme formant au nord , et sous ce point de vue, la limite des deux mondes. 4°- Les insectes de l'Asie orientale , à partir des contrées dont la lon- gitude est d'environ soixante-deux degrés plus orientale que le méridien de Paris , les insectes de la Nouvelle-Hollande , ceux de la partie de l'Afrique qui s'étend depuis l'Atlas et le tropique du cancer jusqu'à l'extrémité méridionale de cette péninsule, diffèrent des animaux de la même classe qui habi- tent les autres contrées de l'ancien continent. S''. Un espace en latitude , mesuré par un arc de cercle de douze degrés , produit, abstraction faite de quelques variations locales, un changement très sensible dans la masse des espèces -, il est même presque total si cet arc est double ou de vingt-quatre degrés , comme du nord de la Suède au nord de l'Espagne. Etayé de ces observations et de quelques autres moins générales , je sé- pare à l'ouest les deux hémisphères par un méridien qui, par- tant du Groenland, et suivant une direction moyenne entre les îles Canaries , celles du cap Vert , Madère , et la pointe la plus avancée à l'est de l'Amérique méridionale , le cap Saint- Koch, finit près de la terre de Sandwich 5 sa longitude est de I 3o4 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. trente-quatre degrés à l'ouest du méridien de Paris. Un autre méridien , plus oriental de soixante-deux degrés que celui de cette ville , détache la partie orientale de l'Asie de ces contrées occidentales, de l'Europe et de l'Afrique ^ la différence en longi- tude de ces deux méridiens est ainsi de quatre-vingt-seize degrés. Un troisième méridien, plus oriental, de cette même quantité, déterminera à l'est, en traversant le grand Océan , les limites de l'ancien monde et du nouveau. Les autres cent quarante- quatre degrés compléteront le cercle de l'équateur , et seront, en longitude , l'étendue de la grande zone propre aux insectes de l'Amérique. Nous le partageons , au moyen d'un quatrième méridien , en deux portions égales , ayant chacune soixante- | douze degrés en longitude. Ces quatre grandes zones seront ' arctiques ou antarctiques, selon leur situation en deçà ou au- |B delà de la ligne équinoxiale. Je divise chacune d'elles en cli- mats , auxquels je donne douze degrés de latitude -, celui qui est compris entre le quatre-vingt-quatrième de latitude et le soixante-douzième porte le nom de tropical. Nous aurons en- suite, en continuant toujours la division duodécimale , les cli- mats suivans : sous-polaire, supérieur, intermédiaire, sous- tropical , tropical , équatorial. Les zones antarctiques , divisées de la même manière , ont deux climats de moins , le polaire et le sous-polaire , puisqu'elles se terminent au soixantième de- gré de latitude. Ces zones, considérées dans chaque hémi- sphère , sont distinguées en occidentales et orientales. La géo- graphie tirera avantage de ces connaissances-, elle peut s'en servir pour déterminer auquel des deux hémisphères appar- tiennent naturellement plusieurs îles situées sur leurs limites. De telles considérations ne seront pas inutiles aux minéralo- gistes et aux géologues. On voit , par exemple , que les insectes et même les plantes du pays qui circonscrivent le bassin de la Méditerranée , ceux de la mer Noire et de la mer Caspienne , se ressemblent singulièrement quant aux genres et aux familles où ces productions se groupent. Ces rapports paraissent favo- riser l'opinion des naturalistes qui supposent que les contrées baignées jadis par les eaux de la mer ont été découvertes les I GÉlsilRALlTES. ?toC) dernières. Un passage de Diodore de Sicile (liv. lî), con- cernant l'Égide, ce monstre horrible, enfant de la Terre, semble nous conserver, sous le voile de l'allégorie, la tradi- tion de l'étal de ces contrées à l'époque où elles étaient rava- gées par des volcans , aujourd'hui éteints , et plus voisins alors des eaux maritimes. La progression croissante de l'intensité et de la durée du calorique influe beaucoup sur le volume et le développement du tissu muqueux des arachnides et des in- sectes. Plus en général on s'avance vers les régions équi- noxiales , plus on trouve des espèces remarquables par leur taille , les inégalités et les éminences de leur corps et la variété du coloris. L'augmentation de la lumière tend à convertir le jaune en rouge ou en orangé. Les papillons diurnes de nos montagnes ont ordinairement le fond des ailes blanc, ou d'un brun plus ou moins foncé. Ces observations mériteraient d'être suivies , parce qu'elles aideraient à éclaircir nos doutes sur la distinction des espèces et des variétés. Ce serait ici le lieu de vous entretenir de la manière de for- mer des collections d'insectes , et de celle de les conserver. Mais ces opérations, étant plutôt mécaniques ou manuelles que scientifiques , ne sauraient trouver place dans un cours. Il n'est guère d'ailleurs de personne, du moins parmi celles qui ont fait leurs premières études dans des collèges ou des pensions de cités populeuses, qui ne se soit livrée à la chasse des insectes, celle des lépidoptères surtout , et qui n'ait acquis plus ou moins ce genre d'instruction. Tous les endroits où ces animaux se cachent ou font leur ponte doivent être soigneu- sement visités ^ il est nécessaire de connaître le temps de leur apparition, les localités où ils trouvent les alimens qui leur sont propres, et, quoique l'hiver ne soit pas une saison favorable à cette récolte, il est cependant des espèces qui ne se montrent qu'alors. Souvent, d'ailleurs, en fouillant sous la mousse, les écorces d'arbres, en soulevant les pierres ou d'autres corps posés à terre , on en découvre qui nous échap- pent parfois aux époques où elles jouissent de toute leur activité. Le tact et une longue habitude donnent à cet égard 20 3o6 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. de grands avantages. Les voyageurs devront avoir soin de tenir note des noms donnés aux insectes par les habilans des contrées qu'ils parcourent, de l'emploi qu'ils peuvent faire de quelques uns d'entre eux , des qualités qu'ils leur supposent , et, s'ils n'ont pas de connaissances botaniques, ils formeront un herbier des végétaux dont se nourrissent certaines espèces, afin de pouvoir un jour les faire déterminer. Pour tous ces dé- tails, et d'autres relatifs aux musées ou aux collections, je vous renverrai à l'article Taxidermie de la seconde édition du Nou- veau Dictionnaire d'Histoire naturelle, et quant aux insectes, en particulier, à un petit ouvrage de M. Roger de Bordeaux, ainsi qu'à un excellent Manuel d'Entomologie de M. Samouelle, publié en anglais. Il est cependant un point, à l'égard de la conservation des objets, auquel on n'a point donné assez d'at- tention ; c'est celui de les préserver de l'humidité en les tenant dans un lieu sec. Un acaruSj Veruditus de Schrank , se mul- tiplie à l'infini dans les boîtes que l'on tient habituellement dans les appartemens froids et humides. En général, il faut beaucoup se méfier des insectes que l'on reçoit ou qu'on achète, de ceux surtout de l'ordre des or- thoptères , et la prudence nous commande de les soumettre, au préalable , à un bain de vapeur d'eau bouillante , dans une machine en fer-blanc , à double boîte , qu'on a imaginée dans ces derniers temps. Lorsqu'on est sûr que les boîtes ne sont pas infectées, il est convenable de calfeutrer celles dont on n'a pas besoin, avec des bandes de papier^ du moins faut-il visiter souvent sa collection, particulièrement au printemps et vers la fin de l'été. Fabricius a donné , dans sa Philosophie entomologique , une espèce de code qu'il compose de quatre sections ou cha- pitres, ayant successivement pour titres : Dispositio, nomina, dijjerejitiœ , adunihratio. Quelques unes de ces règles , pure- ment grammaticales , peuvent s'adapter à toute la zoologie en général-, les autres sont plus spécialement appropriées à sofi système , exclusivement établi sur la considération des parties de la bouche. Outre qu'il n'avait pas suffisamment appro- GÉNÉRALITÉS. So-I fontli leur élude, qu'il n'est pas toujours d'accord avec lui- même dans l'application de sa nomenclature , ces préceptes ne s'étendant point à la méthode naturelle, dans l'état actuel de la science, un lel code est incomplet, ou plutôt il faut en créer un nouveau. Quoique nous attachions , avec tous les zoologistes, une grande importance à ces organes, nous pen- sons cependant qu'ils ne peuvent être exclusivement la base d'une bonne méthode , et qu'il faut employer les autres par- ties toutes les fois qu'elles nous présentent des caractères vrai- ment distinctifs , et parmi elles nous mettrons en première ligne celles qui sont propres à la locomotion. Mais cette grande latitude peut entraîner de graves abus, et il est bien difficile de les prévenir, par l'embarras où l'on est d'établir des limites j)ositives. Tel verra un caractère générique où tel autre ne reconnaîtra qu'un caractère divisionnaire, ou même simple- ment spécifique. On en est venu au point de considérer des différences relatives dans les proportions de quelques organes et de leurs parties , quelques légères modifications de formes , des éminences même, savoir des cornes ou des tubercules, quelques changemens dans la disposition des nervures des ailes, le nombre et la figure de leurs cellules , comme pou- vant signaler des coupes génériques. Où s'arrêtera-t-on , si l'on continue de suivre cette marche ? Yoilà , Messieurs, ce qui nous fait apprécier de plus en plus les secours que peuvent nous fournir l'anatomie et l'observation des mélamorphoses et des habitudes. Si des insectes , qui diffèrent sous quelques rapports d'organes extérieurs, se ressemblent cependant quant aux considérations précédentes, ils appartiennent, selon moi , du moins dans une méthode naturelle, au même genre. \ous comprendrez, Messieurs, que, vu l'imperfection de nos connaissances anatomiques et des mœurs des insectes, il est presque impossible d'établir, à cet égard , une théorie vé- ritablement philosophique. Laissons ce soin à nos neveux, et bornons-nous maintenant à recueillir des faits. Si, comme dans une langue, des relations habituelles avec des hommes qui la parlent bien, ou avec de bons écrivains, peuvent nous 3o8 QUATRIÈME CLASSE. INSECTES. former et suppléer aux préceptes, je vous dirai : Apprenez à observer par la lecture assidue des Mémoires de Réaumur et de de Géer ^ apprenez à décrire , en prenant pour modèle Gyllenhal^ les ouvrages d'Illiger et de Schœnherr vous en serviront , quant à la critique -, cette concision rigoureuse qui, jointe à la clarté et à la simplicité d'expressions, doit carac- tériser les signalemens spécifiques, vous la trouverez souvent dans les écrits de Fabricius. Enfin, étes-vous dans la nécessité de représenter les objets que vous avez décrits, ayez toujours sous vos yeux les incomparables plancbes d'histoire naturelle que M. Savigny a fait exécuter pour la description de l'Egypte, et les beaux dessins de M. Straus. Profitez des leçons données par ces grands maîtres, et comme eux vous mériterez la reconnaissance de la postérité ! TABLEAU DES ORDRES DE LA CLASSE DES INSECTES. I. Point d'ailes; de simples yeux lisses , pour organes de la vision , dans la plupart. 1. Point de métamorphoses; de simples mues et vie toujours active. Des mandibules et des mâchoires dans les vins; un museau renfermant un su- çoir exsertile dans les autres. PREMIER ORDRE. -^ Thysanoures {Thysanoura). Des mandibules et des mâchoires dans tous. Yeux composés le plus souvent de plusieurs yeux lisses. Corps garni d'écaillés ou de poils. Abdomen terminé par des filets ou par une queue fourchue servant à sauter. Li- sectes errans. DEUXIÈME ORDRE. — Parasites {Parasita), Un museau, renfermant un suçoir exsertile, dans plusieurs. Un ou deux yeux lisses de chaque côté de la tête. Corps nu, sans filets , ni queue four- chue à son extrémité postérieure , déprimé; des pâtes terminées par de forts crochets, ou en manière de pince, pour pouvoir se fixer sur d'au- tres animaux et y vivre, (i) 2. Des métamorphoses complètes. Larves apodes. Nymphes inactives. Bouche en forme de siphon inférieur dirigé en arrière, composé d'une (i) Cet ordre est appelé anophira par le docteur Leach. On pourrait eu séparer le genre pedicul us proprement dit, sa boucJie consistant en un siplion. ORDRES. 3o9 gaine bivalve, articulée, renfermant un suçoir de trois soies, avec deux écailles à fa base. Corps très comprime, sautant. Insectes parasites. TROISIÈME ORDRE — Sii'HONAPTÈREs {Siphonaptera). Nota. De Géer l'avait désigne sous le nom de snceurs , que j'ai d'al)ord adopté , et auquel j'ai substitué eusuite celui de siphonaptères , le précédent étant trop vague, en ce qu'il convient à tous les autres insectes pourvus aussi d'une trompe. II. Des ailes, mais susceptibles quelquefois d'avorter. Des yeux à facettes, et des yeux lisses dans plusieurs. I. Elytroptères (Eljfroptera). Deux ailes recouvertes par deux étuis ou élytres, soit crustacés en tout ou en majeure partie , soit coriaces. A. Des mandibules et des mâchoires. ( Élytres de même consistance. ) QUATRIÈME ORDRE. — Coléoptères {Coleoptera). Elytres entièrement crustacées, toujours horizontales , à suture droite. Ailes pliées simplement en travers. Extrémité supérieure des mâchoires point en forme de galète. Métamorphoses complètes. CINQUIÈME ORDRE. — Der^i.vptèrks (Dermaptera). Elytres entièrement crustacées , toujours horizontales , à suture droite. Ailes pliées transversalement, et en partie longitudinalement, d'une manière rayonnée ou en éventail. Mâchoires terminées supérieurement par une galète. Deux fortes pinces à l'extrémité postérieure de l'abdomen, dans les deux sexes. Des demi-métamorphoses. Insectes toujours actifs, (i) SIXIÈME ORDRE.— Orthoptères (Orthoptera). Elytres coriaces, en toit, ou inclinées dans les uns, horizontales et se croi- sant au bord interne dans les autres. Ailes simplement plissées en éven- tail, ou doublées, dans leur longueur. Mâchoires terminées supérieure- ment par une galète. Des api>endices articulés et latéraux à l'extrémité de l'abdomen, et communs aux deux sexes, dans les uns 5 celui des fe- melles des autres terminé par un oviscapte, généralement saillant ou exté- rieur. Des demi-métamorphoses. Insectes toujours actifs. B. Point de mandibules ni de mâchoires. Un rostre ou sorte de Iroïnpe, formé d'une gaine articulée, renfermant un suçoir de quatre soies. (Ely- tres membraneuses à l'extrémité dans plusieurs. Des demi- métamor- phoses, un petit nombre excepté. ) (0 Le Q.forjicula de Linuéj ordre des labùloures de M. Dufonr. 01 0 QUATRIEME CLASSE. INSECTES. SEPTIÈME ORDRE. — Hémiptères [Hemiptera). 2. Gymnoptères [ Gjmnoptera y •Point d'élytres ; quatre ou deux ailes découvertes. A. Quatre ailes. a. Des mandibules et des mâchoires. Ailes généralement transparentes , point farineuses , ou saupoudrées de très petites écailles s'eulevant au lou- cher. Tégules ( écailles situées à l'origine des deux supérieures ) petites e6 tuberculiformes. HUITIÈME ORDRE.— Névroptères {Nei>roptera). Ailes finement réticulées, les inférieures de la grandeur des supérieures, ou soit plus longues, soit plus larges. Point d'oviscapte saillant dans le plus grand nombre. Jamais d'aiguillon anal. ( Diverses sortes de méta- morphoses. ) NEUVIÈME ORDRE (i). — Hyménoptères {Hymenoptera). Ailes (toujours horizontales ) à grandes mailles ou simplement veinées; les inférieures plus petites. Mâchoires, le plus souvent, valvulaires, engainant latéralement une lèvre inférieure tubulaire , et composant une espèce de trompe (^promuscide) plus ou moins prolongée. Un oviscapte extérieur, ou un aiguillon anal dans la plupart des femelles. l>. Mandibules rudimentaires. Mâchoires remplacées par une spiri-trompe , formée de deux filets tubulaires réunis et roulés en spirale sur elle-même , entre deux palpes labiaux. Ailes farineuses. Tégules (ptérygodes) grandes, en forme d'épaulettes, rejetées en arrière. DIXIÈME ORDRE.— Lépidoptères {Lepidoptera), B. Deux ailes. ONZIÈME ORDRE. — Rhipiptères {Rhipîptera). Deux prébalanciers ou petits corps crustacés et mobiles, en forme de petites élytres, au-devant des ailes 5 ces ailes plissées en éventail. Bouche offrant deux pièces en forme de soies, et croisées à la manière de deux mandi- bules. DOUZIÈME ORDRE. — Diptères {Dlptera). Ailes étendues, accompagnées, dans presque tous, de deux corps mobiles, en forme de balanciers , situés au-dessous d'elles. Une trompe coudée à sa II base , et ordinairement terminée par deux lèvres , inarticulée, renfermant un suçoir composé d'un nombre variable de soies. (i) -^ partir de cet ordre inclusivement, les tarses sont toujours composés de cinq articles , et les métamorphoses sont toujours complètes. V^''^ ^'^ ^ ^-"^ "^ V-^^ ^ ^''«''^ ^•''Vt''^- ^ EXPOSITION MÉÏHOIDQUE DES ORDRES, DES FAMILLES ET DES GENRES DE LA CLASSE DES CRUSTACES. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES {DECAPODA). Ces crustacés , ceux de l'ordre suivanl , ou des stomapodes y et les branchipes sont les seuls condylopes connus dont les yeux soient portés sur des pédicules mobiles. Dans les diopsis elles acbias, insectes de l'ordre des diptères , et dans quelques autres insectes , les côtés de la tête se prolongent bien en ma- nière de cornes, portant les yeux à leur extrémité; mais ces supports sont immobiles. Les pédicules oculaires des déca- podes et des stomapodes sont divisés en deux articles, ce qui les distingue de ceux des brancbipes, où ces articulations n'existent point , et qui ont d'ailleurs un plus grand nombre- de pieds et d'une forme particulière. Si les décapodes se rap- procbent, sous la considération de l'organe de la vue, des sto- mapodes, ils s'en éloignent par beaucoup d'autres. Leurs, brancbies, situées à la naissance des quatre derniers pieds-mà- cboires et des pieds tboraciques, sont recouvertes par le repli inférieur de cliaque bord latéral du test , qui s'ouvre en de- vant, pour livrer passage à l'eau; une soupape formée par une dilatation de la base des secondes mâchoires ferme à vo- lonté celte ouverture-, les quatre branchies antérieures, et surtout les deux premières, ont moins d'étendue que les sui- vantes. Le test recouvrant entièrement la télé et le thorax, est 3l2 CRUSTACÉS. — PllEMIEil ORDRE. DÉCAPODES. entièrement fixe, et ne présente aucune articulation. Les pièces que j'ai nommées pieds-mâchoires , et dont je parlerai ci-après, recouvrent et ferment inférieurement la bouche, ou en font réellement partie, au lieu que, dans les stomapodes , elles sont transformées en véritables pieds. Telles sont les différences les plus frappantes de ces deux ordres. Nonobstant les recherches analomiques de Willis, deRœsel, de MM. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire , etc. , la manière dont la circulation s'opère dans ces animaux n'était pas encore parfaitement connue. En méditant, tant sur tout ce qu'on avait dit à cet égard , que sur les derniers vertébrés , sur les céphalopodes et les mollusques, j'avais émis, dans mon Es- quisse du Règne animal, page i5i, imprimée en 1824, une opinion dont la justesse a été confirmée par les observations récentes de MM. Victor Audouin et Milne Edwards. L'éclair- cissement de cette importante difficulté a été l'objet d'un Mémoire qui a été couronné par l'Académie royale des Sciences. Je m'applaudis d'autant mieux de ce triomphe que j'avais provoqué ces recherches. Dans un cours aussi général et aussi restreint que celui-ci, je ne puis vous pré- senter les détails où ils sont entrés. Je me bornerai donc aux faits principaux. Le cœur des décapodes , de figure ova- laire et à parois musculaires, produit six troncs vasculaires, ou artères , dont trois antérieurs , deux inférieurs , et le troi- sième , plus volumineux , naissant de l'extrémité postérieure du corps , soit à droite , soit à gauche ^ des trois artères anté- rieures, la médiane reçoit le nom à' ophthalmique , et les deux latérales, celui à' anteiinaires ; les deux inférieures sont appelées /^e/7afï^we5, et la postérieure sternale. Celle-ci dis- tribue plus spécialement le fluide nutritif à l'abdomen et aux organes de la locomotion ; parmi le grand nombre des vais- seaux qu'elle fournit, on distinguera l'artère abdominale su- périeure, naissant de cette artère sternale, un peu avant l'ar- ticulation du thorax et de l'abdomen , qu'on nomme queue ^ pénétrant bientôt dans celte dernière partie, où elle se bi- furque, et se terminant à l'anus, en s'amincissant de plus en GÉNÉRALITÉS. 3l3 5 plus. Le sang qui a servi à la nutrition de ces divers organes , et devenu ainsi veineux, afflue dans deux vastes sinus, un de chaque côté , au-dessus des pâtes , formés de golfes vei- neux réunis longitudinalement en manière de chaîne , et qui paraissent représenter les deux cœurs latéraux des céphalo- podes; le sang se rend dans un vaisseau externe des hran- chies ; l'afférent, s'y renouvelle, redevient artériel, passe ensuite vers le cœur, en traversant des canaux , les branchio- cardiaques, logés sous la voûte des flancs; tous les canaux d'un même côté se réunissent en un large tronc , s'abouchent avec la partie latérale et correspondante du cœur, par une ouverture unique , dont les replis forment une double val- vule ou soupape, et s'ouvrent pour que le sang puisse aller des branchies à ce viscère, mais se ferment pour l'empêcher d'aller du cœur aux branchies. Ce fait est précisément celui où on était dans l'incertitude. L'intérieur du cœur est coupé par beaucoup de faisceaux de fibres musculaires entre-croisées en divers sens, et formant, par leurs vides, au-devant des ori- fices des artères , de petites loges ou oreillettes communiquant entre elles, lorsqu'il se dilate, mais qui paraissent former pour chaque vaisseau, dans la contraction , autant de petites cellules d'une capacité proportionnelle à la quantité du sang veineux qui y afflue. Ces vaisseaux débouchent dans l'inté- rieur de ce viscère par huit ouvertures , les deux latérales et à soupape comprises. Quelques unes de ces observations ont été cependant combattues par M. Straus {Considérations sur VAnat. comp. des anim. artic, p. 345 et suiv.) , et il avance même que les auteurs précédens n'ont pas bien reconnu toute l'organisation du cœur. Suivant lui, ils ne parlent point de l'oreillette^ qui, comme une gaine membraneuse, enveloppe le cœur de toute part, comme un péricarde, et où le sang venant des branchies s'épanche d'abord, pour passer ensuite dans le ventricule, au moyen d'ouvertures propres à ce vis-- cère, déjà aperçues par M. Lund, et dont ils nient l'exis- tence. Ce ne seraient point de simples enfoncemens fermés par une membrane , ainsi qu'ils le prétendent , mais des trous 3l4 CRUSTACÉS. PREMIEH ORDRE. DÉCAPODES. réels. Tous les crustacés et les arachnides pulmonaires offri- raient une disposition organique semblable , et la différence ne consisterait que dans les proportions du cœur- à l'excep- tion des crustacés décapodes et de quelques branchiopodes, |fl il est généralement fort long. Il nous semble que ce que M. Slraus prend pour une oreillette est un véritable péricarde. Quant à l'existence des ouvertures auriculo-ventriculaires, u nous laissons à MM. Victor Audouin etMilne Edwards le soin de défendre leur cause. Il est d'autant plus important d'é- claircir ces faits, que l'opinion que s'est formée à cet égard M. Straus paraît avoir influé sur celle qu'il a conçue relati- vement au vaisseau dorsal des insectes. Quoi qu'il en soit, ainsi que je l'avais soupçonné, le cœur de ces crustacés représente, par ses fonctions , le tronc artériel et dorsal des poissons et des larves des batraciens. Kojez ce que j'ai dit à ce sujet dans la nouvelle édition du Règne animal ^ par M. Cuvier (tom. IIl , pag. 20 ). J'y ai exposé de la manière suivante , et d'après cet illustre savant , ce qui concerne le système nerveux. tt La face supérieure du cerveau est partagée en quatre lobes, dont les mitoyens fournissent chacun de leur bord anté- rieur , le nerf optique qui se porte directement dans le nerf de l'œil et s'y divise en une multitude de filets , se rendant cha- cun à autant de facettes de la cornée de ces organes. La face inférieure du cerveau produit quatre autres nerfs qui vont aux antennes et donnent aux parties voisines quelques filets. De son bord postérieur naissent deux cordons nerveux fort allongés , embrassant l'œsophage et se réunissant en dessous. Là, comme dans les brachyures, cette réunion n'a lieu qu'au milieu du thorax , et la moelle médullaire prend ensuite la forme d'un anneau , et sous des proportions huit fois plus | grandes que le cerveau 5 cet anneau donne naissance, de chaque côté , à six nerfs, dont l'antérieur se rend aux parties de la bouche , et les cinq autres aux cinq pâtes du même côté. Du bord postérieur part un autre nerf, se rendant dans la queue sans produire de ganglions sensibles, et paraissant représenter le cordon nerveux ordinaire. Ici, comme dans \ GÉNÉRALITÉS. 3l5 les macroures (i) , les deux cordons nerveux, avant que de se réunir sous l'œsophage, donnent chacun naissance, au mi- lieu de leur longueur, à un gros nerf, se rendant aux man- (i) MM. Audûuia et Milne Edwards viennent de publier, dans les annales des Sciences naturelles , juin i83o, nue note sur le système nerveux des crustacés. Après avoir annoncé que le résultat de leurs observations s'accorde parfaitement avec les prin- cipes que M. Serres avait déduits de ses recliercbes sur le système nerveux de divers autres animaux et sur l'embryogénie en général, et après avoir dit que ce système, dans la même esjièce de crustacés, se modifie, en passant par plusieurs états à différons âges , ils s'expriment ainsi : « D'après les belles recliercbes que M. Ratbke vient de publier eu Allemagne, sur la génération des écrevisses, on voit que c'est effectivement ce qui a lieu. Chez ces animaux, le système nerveux thoracique, étudié dans l'œuf, présente d'abord deux séries de ganglions parfaitement distinctes entre elles , et le nombre de ces paires de noyaux médullaires est alors égal à celui des appendices , tandis que dans l'écrevisse adulte les mêmes ganglions sont beaucoup moins nombreux, plusieurs s'étant réunis pour former une seule masse nerveuse. Or, ce premier état du sys- tème nerveux de l'écrevisse , qui n'est que transitoire , a beaucoup d'analogie avec ce que nous avons trouvé, mais d'une manière permanente, chez les talitres adultes, crustacés qui , dans la série naturelle , occupent une place très inférieure. A une époque plus avancée de l'incubation , on trouve dans l'œuf de l'écrevisse les mêmes ganglions déjà rapprochés de la ligue médiane , réunis entre eux, et ne formant plus qu'une série unique. Cette disposition, encore transitoire, est alors comparable à celle que présente le système nerveux des cymothoés adultes. Le système médul- laire de l'écrevisse subit ensuite des modifications analogues à celles que nous avons rencontrées, en comparant entre eux les cymothoés, les homards, les palémons, les langoustes , les carcins , les majas , c'est-à-dire qu'il éprouve une sorte de cen- tralisation longitudinale ; les ganglions qui correspondent aux appendices de la bouche se rapprochant entre eux et finissant par ne plus former qu'ime seule masse nerveuse. « On voit donc que chez l'écrevisse le système nerveux central se développe de la circonférence vers le centre, et qu'il présente, pendant la vie fœtale, une suite de modifications analogues à celles que nous avons trouvées en étudiant la série des crus- tacés à l'état adulte. En combinant ensuite les observations de M. Rathke avec celles qui nous sont propres , on arrive à cette conclusion générale , que le système ner- veux des crustacés se compose originairement de deux chaînes de noyaux médullaires , eu nombre égal à celui des appendices locomoteurs ou autres , et que toutes les mo- difications qu'on y rencontre , soit à diverses époques de l'incubation , soit dans les différentes espèces de la série, dépendent en majeure partie du rapprochement plus ou moins complet de ces ganglions ; rapprochement qui s'opère sur deux sens, savoir : longitudinalement et transversalement. » Nous ajouterons que les modifications qu'éprouve la forme du cœur et les autres viscères , doivent exercer une grande in- iluence sur les changemens du système nerveux. M. Straus, dans son ouvxage ayant pour titre Considérations générales sur l'anatomîp 3l6 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. dibiiles et à leurs muscles. Réunis , ils forment un premier ganglion médian fournissant des nerfs aux mâchoires et aux pieds -mâchoires. Rapprochés ensuite dans toute leur lon- comparée des animaux articulés , p. 36o et sulv., a essayé de réduire les modifications de leur système nerveux à quelques lois générales. Les crustacés décapodes bvacbyures seraient soumis à la troisième , savoir que lorsque le tronc se trouve formé de segmens soit mobiles , soit immobiles ou soudés, mais distincts dans leur partie sternale, tandis que ceux de l'abdomen sont immobiles, soudés ou non, et dépourvus inférieu- rement de muscles moteurs, le tronc seul offre des ganglions, et dont la dernière paire , plus grosse alors que les autres , fournit les nerfs de l'abdomen. Les cordons médullaires se prolongent toutefois jusqu'à son extrémité. Si celui des macroures, si semblables d'ailleurs aux précédens , offre des ganglions, c'est que , parce que ses segmens sont mobiles, ils sont du domaine de sa seconde loi. Les crustacés ampbi- podes et isopodes, ainsi que la plupart des insectes, dépendraient de la même loi et qu'il aurait pu réunir à sa secoude, celle qui s'applique aux scolopendres ou aux articulés, dont le corps est composé de segmeus semblables, et où il y a autant de ganglions qu'il y a de sternum au corps , ou , pour mieux dire , de segmens distincts. Sa cinquième loi , et dont les insectes coléoptères du genre staphylin lui fournissent un exemple , nous paraît encore peu distincte des deux précédentes II remarque seu- lement que les ganglions abdominaux sont beaucoup plus petits que ceux du tronc, souvent moins nombreux que leurs segmens, et dans une situation moins constante. Si les segmens du tronc sont confondus , et que les pâtes rayonnent autour d'un centre commun , il n'offre alors qu'une seule paire de ganglions , donnant tous les nerfs de cette partie du corps, et en occupant le centre ; tel est le cas des limules et des aranéides. Dans ces animaux, l'abdomen est pareillement indivis, ou ne forme qu'une seule pièce ; aussi dans les aranéides ne renferme-t-il de même qu'une paire de ganglions. Celui des limules en présente d'excessivement petits ; mais ici cette partie renferme des muscles mixtes , à raison des appendices destinés à la respiration. Dans tous les animaux articulés où il existe un cerveau, il est constamment placé au-dessus du canal alimentaire, et sa grandeur varie suivant le nombre et la nature j des organes auxquels il fournit des nerfs ; tel est le caractère propre de sa huitième et dernière loi. Peut-être que, dans une acception rigoureuse du sens attaché à cette expression, on jugerait que M. Straus présente moins des lois que des faits; peut-être aussi pensera-t-on qu'il n'en avait pas recueilli un assez grand nombre pour aspirer au titre de législateur. Des exceptions qu'il n'aura point prévues pourront l'arrêter; et dans son Mémoire sur le genre hiella , il reconnaît qu'il aurait dû créer une nouvelle loi pour le cas où le tronc étant composé de segmens mobiles , ou immobiles , ou soudes , mais non distincts dans leur partie sterualc , et sans que les pâtes rayonnent sur ua même point, les ganglions de la moelle épinière s'y répètent, mais ne se trouvent point rigoureusement dans leurs segmeus respectifs , et sont d'ordinaire plus eu avaut. En disant que les segmens du tronc peuvent être mobiles, sans être distincts dans leur partie sternale , il u"a sans doute voulu parler que de leurs arceaux supérieurs ; car comment pouiiaicat ib se mouvoir, si leurs arficulatious u'élalcut point distmctcs ? i GÉNÉRALITÉS. Siy gueur, ils ofFrcnl successivement onze aulres ganglions, dont les cinq premiers donnent chacun des nerfs h. autant de paires de pâtes , et les six aulres fournissent ceux de la queue ; celle des pagures a quelques ganglions de moins, et ces crus- tacés paraissent ainsi faire le passage des bracliyures aux macroures. » Swammerdam a décrit et représenté le système nerveux d'une espèce du même genre ainsi que son cœur. Dans la figure de cet organe, on distingue les artères anté- rieures , l'artère postérieure avec celle qu'elle donne et que M. Audouin nomme abdominale. M. Serres a reconnu, dans des crustacés du même ordre , les vestiges du grand nerf sympathique, et MM. Victor Audouin et Milne Edwards ont découvert dans \machus inaja et dans la langouste un nerf analogue à celui que Lyonet nomme récurrent dans son Traité de l'anatomie de la chenille du saule , et qui , dans l'opinion de MM. Tréviranus et Meckel, correspondrait aussi au même grand nerf sympathique. Nous ajouterons, pour terminer ce qui est relatif au système nerveux , que M. de Blainville a publié quelques observations sur les yeux des décapodes. Derrière la cornée est, suivant lui, une choroïde percée d'une infinité de petits trous, puis un véritable cris- tallin appuyé sur un ganglion nerveux, qui se divise en une multitude de petits faisceaux. Swammerdam a donné une figure de ces fibres , considérées dans la pagure ou l'ermite Bernard ( Cancer BernharduSy Linn. ) , cité plus haut. Ceux qui désireront des connaissances plus détaillées et plus générales à cet égard les trouveront dans un Mémoire de M. MùUer écrit en allemand, et dont les rédacteurs des Annales des Sciences naturelles ont donné une traduction française dans le tome dix-septième de cet excellent recueil. Il ne s'est point borné aux organes de la vision des crustacés, et il a étendu ses recherches à ceux des arachnides et des in- sectes. On y joindra celles de M. Straus relativement aux hannetons , d'autres plus générales de M. Marcel de Serres , et quant à d'autres organes analogues , les stemmates ou yeux 3l8 CRUSTACÉS. PIlEMIER ORDRE. DÉCAPODES. lisses , l'ouvrage de Lyoïiet sur l'analomie de la chenille à\x saule. Si l'on en excepte le rectum , qui parcourt ce qu'on nomme la queue, tous les viscères sont renfermés dans celte portion du corps comprise entre elle et la tête, ou le thorax. Dans les arachnides et les insectes , au contraire , la majeure partie de ces viscères est plus en arrière et occupe l'ahdomen. Ainsi si l'on compare un crustacé décapode avec un insecte , sous le rappoit de la correspondance des articles ou segmens du corps , à commencer de celui qui vient immédiatement après la tête , celui qui dans ce crustacé porte les premiers pieds- mâchoires, et qui, dans l'autre animal, un coléoptère par exem- ple, est appelé thorax et sert d'attache aux deux pâtes anté- rieures, on verra que les cinq articles du premier portant les pieds amhulatoires ou thoraciques , correspondent aux citiq premiers segmens de l'ahdomen du second, et que dès-lors les derniers de celui-ci représentent la queue du premier; en un mot , que l'ahdomen de l'insecte a pour analogue toute cette partie du corps du crustacé qui est en arrière des pieds- mâchoires. L'ahdomen du premier peut être , d'après ces considérations , divisé en deux parties 5 l'une antérieure , composée de cinq segmens , et que nous désignerons sous le nom de pré -abdomen, et l'autre postérieure , qui sera le post-abdomen. La queue du crustacé correspondant à celle dernière partie recevra aussi la dénomination de posl-ahdo- men. On pourrait encore l'appeler urogastre , queue-ventre. Une sorte de squelette cartilagineux, et armé intérieure- ment de cinq pièces osseuses et dentelées , achevant de hroyer les matières alimentaires , soutient l'estomac des crustacés dé- capodes. Au temps de la mue, son intérieur offre deux corps calcaires, ronds, ayant l'une des faces plane, et l'autre con- vexe , et qu'on appelle vulgairement yeux d'écj'ei^isse. On présume qu'étant dissous, ils sont employés dans la formation du nouveau test. Le foie consiste en deux grandes grappes de vaisseaux aveugles, remplis d'une humeur hilieusc , (ju'ils versent , près du pylore, dans l'intestl!). Le canal alimentaire GÉNÉRALITÉS, 3l9 est court et droit. Les flancs offrent une rangée de trous, placés immédialement à l'insertion des branchies, et ne pa- raissant que lorsqu'on les a enlevées. Dans plusieurs grandes espèces , la surface interne du plastron ou de l'espace pectoral compris entre les pâtes , est divisé , par des lames transverses^ en plusieurs petites loges , et dont les médianes peuvent rece- voir le cordon médullaire. La bouche étant située du même coté, on ne peut considérer cette face du corps comme la dor- sale ou la supérieure; ces crustacés ne sont donc pas des ani- maux retournés ou ayant les pieds sur le dos , ainsi qu'on l'a avancé dans ces derniers temps. Les organes sexuels des mâles m'ont paru consister chacun en un petit corps mem>braneux , tantôt en forme de soie, tantôt filiforme ou cylindrique, sor- tant d'un trou situé k l'articulation de la hanche des deux pieds postérieurs avec le plastron. On a pris pour tels , ou comme leurs fourreaux , deux pièces articulées solides , ayant la forme de cornes , de stylets , etc. , placées à la jonction du thorax et de la queue , et remplaçant la première paire d'appendices sous-caudaux. Les deux vulves sont placées, tantôt, comme dans les brachyures ou les décapodes à courte-queue , sur le i plastron , entre les pieds de la troisième paire ; tantôt, ainsi que dans les macroures ou les décapodes à longue queue , sur le , premier article de ces pieds , différence de position dépen- dante du plus ou moins de largeur du plastron et du plus ou j moins d'allongement du thorax. L'accouplement se fait ventre à ventre. Je passe sous silence ce qui est relatif à la myologie , • et je vous renverrai pour cet objet aux leçons d'anatomie comparée de M, Cuvier. Exposons maintenant l'organisation extérieure de ces ani- imaux. Le test ou l'écaillé formant le dos d'un homard vivant m'a paru composé , en allant du dedans au dehors , i". d'une pel- licule mince, un peu velue, appelée dcime, et surperposée d'une couche de matière colorante , parsemée de points ombi- 'liqués, d'où j'ai vu suinter luie liqueur d'un rouge tirant j sur l'orangé, et retenue supérieurement par une lame meni- ;^20 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. braiieuse très mince, diaphane, présentant des fibres longi- tudinales, jaunâtre en quelques endroits, et produisant une liqueur oléagineuse , qui tache le papier; i"". d'une matière grasse, blanche, très fine , et qui m'a paru former trois cou- ches ; 3°. d'une autre matière, de consistance calcaire, la- melleuse , recouverte de l'épiderme , et formant la partie cas- sante et extérieure du lest. Ce principe colorant , qui se développe par l'action du calorique et se transmet jusqu'à l'épiderme , se retrouve aussi dans l'intérieur des articles des pâtes lorsqu'on les casse. M. de Blainville a reconnu que la peau des langoustes était formée de quatre couches superpo- sées , et ses observations concordent avec les miennes , à cette différence près qu'il place la matière colorante ou le pigmen-^ tum dans la couche supérieure , et que je l'ai vue plus près d( sa formation ou des organes qui la sécrètent. (c Chez les oniscus (cloportes) de la classe des crustacés , dil M. Straus (^Considérations géjiérales sur V Anatomie compa- rée des animaux articulés, P^'^ge 29 ) , le test est fortement chargé de substances calcaires , ce qui le rend fort dur et cas- sant ; l'épiderme et le derme ne sont plus distincts , et on n'y aperçoit aucune trace de fibres. Ce test est entièrement sans couleurs , et celles qu'il présente , ou à l'extérieur , sont dues , comme chez plusieurs insectes , à une couche de matière mu- queuse placée à sa face interne. Le test de la plupart des crusta- cés DÉCAPODES, comme les astacus (écrevisses) ne diffère de ce- lui des oniscus que par la matière colorante qui est placée dans la couche la plus extérieure des tégumens, où elle se fait re- marquer par la couleur qu'elle donne à cette partie du test. » M. Chevreul , mon célèbre confrère à l'Académie royale des Sciences et au Jardin du Roi, a analysé chimiquement le test du homard (^astacus marinus) et du crabe tourteau [cancer pagurus , LiNN.). Le carbonate de chaux et ensuite une ma- tière animale , unie à de l'eau, et que M. Slraus soupçonne être identique avec cette substance que M. Lassaigne a trouvée dans les coléoptères , et qu'il nomme cntomeiline , composent un peu plus des neuf dixièmes de la substance du test. Dans GÉNKR ALITÉS. 3^1 îo premier de ces crustacés, le carbonate de chaux ne domine que de très peu sur cette dernière matière 5 dans le second , il l'excède d'un peu plus de moitié (vojez les analyses dans l'ouvrage précité de M. Straus). M. Desmarest , dans son Histoire naturelle des Crustacés fossiles y et dans un autre ouvrage extrait du Dictionnaire des Sciences naturelles , intitulé Considérations générales sur la classe des Crustacés , a profité des diverses impressions de la surface du test pour la partager en différentes aires , corres- pondantes aux organes intérieurs , et a établi à cet égard une nomenclature ingénieuse, mais qui surcharge peut-être inuti- lement la mémoire. Quoique cette écaille ne présente aucune division , elle n'est réellement qu'une série des tégumens su- périeurs de la tête et de ceux des demi-segmens, pareillement supérieurs , des huit premiers articles du corps , intimement soudés les uns aux autres , et confondus en une seule pièce. Afin de distinguer le thorax des insectes d'avec la partie du corps désignée ainsi dans les crustacés et les arachnides , nous avons créé deux nouvelles dénominations , tJioracide et alvi- thorax, et adopté celle de céphalothorax de M. de Blain ville. La première s'applique aux crustacés dont le test recouvre la tête et un tronc supportant les six pieds-mâchoires et les cinq paires de pieds thoraciques. Si ce nombre d'organes est moindre, comme dans plusieurs entomostracés et les arachnides , et où la tête est toujours confondue avec le tronc . nous employons la dernière dénomination. Supposons que le tronc soit aussi complet que dans le premier cas , mais séparé de la tête^ c'est l'alvithorax. La tête sert de support à quatre antennes, aux pédicules oculaires , qui se logent dans des cavités proportion- nelles à la grandeur et à la forme de ces pédicules, et aux parties de la bouche, renfermées aussi dans une cavité propre. Elles sont composées d'un labre , de deux mandibules, portant cha- cune un palpe, d'une languette et de deux paires de mâchoires, membraneuses ou foliacées, ainsi que la pièce précédente. Nous en distinguerons encore une autre , savoir : la conque auricu- laire, qui est en forme d'un tubercule aplati, et située au-des- 21 32 2 CRUSTACÉS. • — PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. SOUS de l'origin e des antennes lalérales ou les extérieures. En sui- vant la marche de la dégradation de l'ouïe , depuis les premiers vertébrés , on arrive , en dernière analyse , suivant M. Straus , par une espèce de transition qu'offrent les astacus ou écre- visses , à la composition la plus simple de cet organe. Le ves- tibule , avec la pulpe auditive , est la seule partie que possè- dent encore certains poissons , ainsi que les sepia. Enfin , chez les crustacés précédens , on ne trouve pour l'appareil auditif qu'un follicule placé dans le premier article des antennes exté- rieures, et renfermant une pulpe dans laquelle se répand le nerf acoustique , qui n'est qu'une branche du nerf antennal. Cette poche, l'analogue du vestibule, reçoit le nerf, par l'une de ses extrémités , et se termine par l'autre, à la peau , vers la face inférieure de l'antenne , où elle n'est fermée que par une membrane tympanique , qui est plutôt une membrane fermant la fenêtre ovale. Dans le reste des animaux articulés , le vestibule disparaît lui-même en entier. « L'appareil acous- tique étant accompagné , chez les animaux vertébrés , ajoute- t-il, de plusieurs organes de perfectionnement, qui disparais- sent dans les classes inférieures , ne serait-il pas possible que la partie terminale des antennes fût, chez les astacus, un nouvel organe de perfectionnement que la nature aurait intro- duit , et qui remplacerait dans ces insectes le premier appareil qui a disparu ? » Il faut aussi ajouter aux parties de la bouche les pieds-mâchoires ; mais comme ils sont annexés aux demi-seg- mens inférieurs suivans ou ceux qui forment le plastron, nous n'en parlerons que ci-après. Les quatre antennes sont composées d'un pédoncule épais, de trois articles , portant à son extré- mité une ou deux tiges , et quelquefois trois , toujours multi- articulées , en forme de filets plus ou moins allongés et allant en pointe. Les latérales ou les extérieures n'en ont jamais qu'une , mais il y en a au moins deux aux intermédiaires^ et lorsque celles-ci sont plus courtes , repliées et logées dans deux cavités sous-frontales , ces deux tiges sont courtes , coniques , de grosseur inégale , et semblent imiter deux doigts. Nous verrons même qu'elles ont réellement cette forme, et servent I GÉNÉRALITÉS. Zl3 aussi de pince dans quelques crustacés , et que dès-lors les pièces que , dans les arachnides pulmonaires, on a prises pour des mandibules , ont une position et une structure analogues , et qu'elles représentent ainsi ces mêmes antennes. 3e les ai dis- tinguées par la dénomination de chelicères , antennes en pince. Les quatre antennes des décapodes s'allongent en général , lorsqu'on est arrivé aux macroures j les intermédiaires ne sont souvent plus coudées, et se terminent dans plusieurs par trois filets-, souvent aussi le pédoncule des latérales est accompagné d'une écaille , et inséré plus bas que celui des intermédiaires. Suivant M. Robineau-Desvoidy , ces antennes extérieures seraient les organes de l'ouïe, et les intermédiaires, qu'il nomme antennules ou petites antennes , celui de l'olfaction -, les premières seraient des antennes auditwes , et les secondes des antennes olfactwes j par leur position et leur organisa- tion , elles deviendraient les antennes des insectes hexapodes. Mais dans les cloportes et quelques autres genres analogues , crustacés qui se rapprochent le plus des insectes , ces antennes sont presque rudimentaires -, ce qui semble indiquer qu'elles ne tarderont pas à disparaître. Dans les ocypodes et les tourlou- rous , crustacés très carnassiers , et qui doivent avoir un odorat très fin , ces mêmes organes sont beaucoup moins développés que dans les autres décapodes. Qu'il existe dans l'article basilaire des antennes intermédiaires des écre visses , un canal communiquant à l'extérieur , que deux nerfs se rendent du cerveau à ces parties , cela ne démontre point , d'une manière positive, qu'elles soient le siège de l'olfaction. Des expériences directes peuvent seules nous éclairer sur la destination de ces organes. J'ai nommé épistome ou surbouche l'espace qui s'étend de l'origine des antennes au bord supé- rieur de la cavité buccale. Le labre ressemble , ainsi qu'on l'avait dit anciennement , à une petite langue membraneuse ou vésiculeuse , renflée et carénée, les mandibules sont os- seuses, et ont la figure d'une forte dent tranchante à son son sommet , allongéeet rétrécie insensiblement en manière ^le cône ou de manche à l'extrémité opposée, et doîH les 324 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. muscles d'attache sont à la face interne; elles ont chacune sur le dos un palpe triarticulé. Nous avons remarqué plus haut cjue les mandihules des arachnides pulmonaires étaient les analogues des antennes médianes des crustacés décapodes -, et comme l'on voit au-dessous un petit épistome et un labre , rien n'empêche , en se guidant d'après la corrélation des situa- tions des organes inférieurs , de considérer les palpes et leurs mâchoires coxales comme les analogues des mandibules de ces crustacés. Dans les faucheurs ou phalajigium, l'origine interne des quatre pieds antérieurs ou des organes suivans offrant des mâchoires semblables , nous y reconnaîtrons des pièces corres- pondantes aux quatre mâchoires des animaux précédens, mais transformées en pieds, mais qui en remplissent néanmoins, en partie , les fonctions. Les limules nous présenteront des analo- gies semblables. La languette située immédiatement au-des- sous des mandibules est lamelleuse, profondément échancrée, et comme formée de deux lobes arrondis au sommet et réunis inférieurement. Les mâchoires sont pareillement lamelleuses et plus ou moins multifides ou partagées en petites feuillets , et dont l'extérieur semble représenter le palpe flagelliforme des pieds-mâchoires. Les divisions des secondes sont plus nombreuses. Tous ces organes peuvent donc être considérés comme des sortes de pieds modifiés et devenus buccaux. Nous avons dit qu'il y avait trois paires de pieds-mâchoires, déno- mination que nous avons substituée à celle de mâchoires auxi- liaires , employée par M. Savigny, attendu qu'elle est plus appropriée à la forme de ces pièces. Les deux paires infé- rieures , en effet , ressemblent à de petits pieds , ordinairement composés de six articles, courbés en dedans vers leur sommet, et portés sur un article basilaire , donnant naissance extérieu- rement à une pièce ressemblant à une petite antenne, formée d'un pédoncule grand , inarticulé , et terminé par une tige sétacée et divisée en un grand nombre de petits articles , à l'exception du premier, dont la grandeur surpasse notablement celle des suivans. Cette pièce antenniforme a reçu de Fnbri- cius \\ dénomination de palpe fïa^ellij'orme , parce quelle GENERAI, I TÉS. 3*2 5 ressemble à une sorte de fouel avec son manche. Il existe aussi aux deux pieds-mâchoires supérieurs ; mais les articles de la division interne et pédiforme se sont élargis et dilatés inté- rieurement pour former de petits feuillets distincts. Les pieds- mâchoires des décapodes macroures sont plus étroits et plus allongés. Les pieds sont composés de six articles 5 les deux antérieurs , quelquefois même les deux ou quatre suivans , sont ordinairement en forme de serres , ou terminés par un grand article , ayant au bout deux doigts , dont l'un mobile et Tautre fixé , c'est ce qu'on a nommé main ou pince j l'article radical de ces pieds est la hanche, le suivant le trochanter, le troisième le bras, et le quatrième le carpe , ou le poignet 5 le suivant, jusqu'à l'origine des doigts , ou la main , abstraction faite d'eux , deviendra pour nous le métacarpe , expression dont on ne s'est pas encore servi , mais dont l'introduction nous paraît nécessaire. On est convenu d'appeler le doigt mobile , ou le sixième et dernier article , le pouce , pollex , et la saillie en forme de dent avancée de l'article précédent > formant le doigt fixe , l'index , index. Ces doigts sont encore désignés par le nom de mordans. A l'égard des pieds ordi- naires ou simples , l'article qui portait le nom de bras est maintenant la cuisse; le suivant estla jambe; le cinquième, ou celui qui succède immédiatement , devient le métatarse , et le dernier le tarse. Lorsque les serres n'offrent qu'un seul doigt, nous le désignons par le mot de gyijfe. Les proportions res- pectives et la direction de ces organes de la locomotion sont telles , que l'animal peut non seulement se porter en avant , comme d'ordinaire , mais aller de côté ou à reculons. Le post- abdomen ou la queue est divisé en sept tablettes ou segmens , mais dont le nombre , dans plusieurs brachyures , paraît moin- dre, parce que quelques uns des intermédiaires se soudent , et que les soudures s'oblitèrent. Le docteur Leach a le pre- mier fait usage de ce caractère pour la distinction des groupes génériques. Le dessous de celte queue est garni de quatre à cinq paires d'appendices , formés de deux tiges , portées sur un article commun et radical, et plus développés dans les ma- 326 CRUSTA.CÉS. PRE3IIEII ORDRE. OÉCAPODES. croures que dans les brachvures : à ceux des femelles sont attachés les œufs. Ils contribuent même à la natation : on peut les considérer comme des pieds raccourcis , et de là la dénomination défausses pâtes qu'on leur a donnée. Les crustacés décapodes se tiennent pour la plupart dans l'eau , mais ne meurent pas sur-le-champ lorsqu'ils en sont dehors. On les conserve même plus long-temps en vie dans cette situation que si on les mettait dans ce fluide sans avoir soin de le renouveler. Quelques espèces au moyen d'une organisation particulière découverte par MM. Victor Au- douin et Milne Edwards , ont la faculté de vivre habituelle- ment hors de cet élément , et ne vont à l'eau qu'à l'époque de leurs amours, et pour y déposer leurs œufs. Selon M. Thom- son , les cancers et genres voisins sont toujours aquatiques dans leur premier âge , ou ce qu'il appelle état de larve. Il paraît, au reste, que les espèces même vivant à terre s'éta- blissent dans des lieux frais et humides ; sans cela , leurs branchies pourraient se dessécher et se désorganiser, ce qui entraînerait la destruction de ces animaux. Quelques uns fré- quentent les eaux douces. Tous sont, en général , voraces et carnassiers. Il en est qui vont jusque dans les cimetières, pour y dévorer les cadavres. Leur croissance est lente , et quelques uns atteignent une grandeur extraordinaire. Le corps de cer- taines langoustes et de quelques homards a quelquefois près de trois pieds de long. Leurs membres se régénèrent très promp- tement -, mais il est nécessaire que la fracture ait lieu à la jonc- tion des articles de leurs pâtes , et ils y suppléent par une telle cassure lorsqu'il en est autrement. Les pinces sont sujettes à des déformations assez nombreuses et assez bizarres, dont on trouve des figures dans quelques auteurs. Lorsqu'ils veulent changer de peau, ils cherchent un abri pour y être plus en sûreté et n'être pas dérangés dans cette opération. La ponte se fait au printemps, et même en automne , pour plusieurs espèces. C'est au même ordre des décapodes que se rapporte le plus grand nombre des crustacés fossiles découverts jusqu'à ce jour. Ceux des terrains les plus anciens de nos contrées se rappro- GÉNÉRALITÉS. 32^ client des espèces vivant habituellement dans les ïones inler- tropicales ; les autres , ou ceux des dépôts les plus récens , ont, au contraire, de l'affinité avec celles que nous offrent nos mers. Les crustacés fossiles que nous rec:evons des Indes ou des pays équatoriaux nous paraissent offrir les mêmes rapports , c'est-à-dire avoisiner les espèces que Ton y trouve aujourd'hui vivantes. L'ordre des décapodes, depuis les travaux de Daldorff, de Fabricius, de Leach et les miens, se compose maintenant d'un assez grand nombre de genres , rentrant dans ceux de cancer et à'astacus qu'on avait anciennement distingués, et qui ré- pondent, en majeure partie, aux deux divisions, les bra- chjures ou courte-queue, et les macroures , longue-queue, du genre cancer de Linné. C'est sur ces principes que, dans l'ouvrage sur le Règne animal par M, le baron Cuvier, a été établie la division des décapodes en deux grandes familles, et formées de deux coupes génériques analogues. Elles sont si naturelles, qu'elles doivent rester, du moins comme sections principales. Mais quant aux détails ou aux divisions secon- daires, je ne doute pas qu'une étude plus particulière du sys- tème nerveux et des organes respiratoires n'y apporte des changemens qui améliorent leur disposition méthodique. Les recherches que fait à cet égard M. Milne Edwards sont pour nous d'un augure favorable. Nous partagerons aussi les décapodes , ainsi que dans l'ou- vrage précité de M. Cuvier, en deux familles, mais avec cette différence que la série des tribus subira quelques inversions, et que nous présenterons comme genres ce qui n'y forme que des sous-genres. Les ocypodes sont évidemment des crustacés plus terrestres qu'aquatiques , et d'après une observation communiquée par M. Milne Edwards, leurs branchies sont moins nombreuses. C'est dès-lors par ce genre que nous débuterons \, et , puis- qu'il appartient à la tribu des quadrilatères , nous la mettrons en tête de l'ordre. Telle a été leur disposition méthodique dans notre ouvrage sur les familles naturelles du règne animal. 32 8 CRUSTACÉS. — PREMIER ORDRE. DECAPODES. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES {BRACHYURI). — {Canceres bra- chjuriy LiNN.; Kleistagnatha, Fab. ) Des branchies disposées sur un seul rang, dans ceux au moins dont les pieds postérieurs ne sont point dorsaux, ou qui sont de niveau avec les autres, en forme de languettes pyra- midales, composées d'une multitude de petits feuillets empi- lés les uns sur les autres , parallèlement à Taxe -, les deux vulves situées sur le plastron , entre les pieds de la troisième paire ^ une queue plus courte que le thoracide , repliée en dessous et reçue dans une fossette de ce plastron , sans appen- dices ou nageoires à son extrémité \ les pieds-mâchoires exté- rieurs à articles inférieurs lamelleux ; voilà , avec les diffé- rences du système nerveux déjà exposées, ce qui distingue particulièrement cette famille de la suivante. Nous ajouterons que le tube auriculaire est presque toujours pierreux ; que les pédicules des yeux sont généralement plus longs; que les antennes sont plus courtes -, que les intermédiaires sont logées dans une cavité sous le bord antérieur du test , et que la queue est triangulaire dans les mâles , et garnie à sa base , vue en dessous, de quatre à deux appendices, dont les deux antérieurs en forme de cornes , tandis que celle des femelles est plus large, plus arrondie, et porte inférieurement quatre paires de filets velus et ovifères. On n'en voit que des rudimens dans l'autre sexe. Si l'on en excepte les pactoles, les deux pieds antérieurs sont , et exclusivement, en forme de serres. Le test est aussi presque constamment plus solide que celui des ma- croures. J'avais dit , dans la nouvelle édition du Règne animal de M. Cuvier (tome IV, page 3o), que la distribution des bra- cbyures que j'y présentais n'était pas toujours naturelle. J'ai revu depuis cette ordonnance , et j'y ai fait quelques change- mens , au moyen desquels les genres de cette famille s'affi- lient, ce me semble, beaucoup mieux entre eux. C est ainsi PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. Sig que je crois devoir placer les ranines avec les macroures près des albunées , auxquelles Fabricius les avait en effet asso- ciées. Ces crustacés me paraissent s'unir par une extrémité avec les brachyures nageurs , et par l'autre , avec les scyl- lares, les langoustes, etc.-, les porcellanes et les galathées semblent tenir aux dromies , aux dynomènes, et les hermites , surtout les birgus , aux lithodes. Les thalassines , les callia- nasses , et autres genres de macroures analogues forment le point de réunion de ces trois séries, dont deux latérales et l'au- tre directe. Ma tribu des notopodes m'avait paru rassembler des objets assez disparates ou être mal assortie. J'en détache les lithodes et les homoles, qui, par plusieurs caractères, font le passage des brachyures aux macroures -, ils composent une nouvelle tribu, celle des hypophthalmes , parce que les yeux, très rapprochés à leur base, sont insérés au-dessous de la saillie frontale. Les notopodes propres remontent plus haut , et précèdent la tribu des orbiculaires et celle des trian- gulaires. Dans les caractères de cette famille , j'ai fait une exception à l'égard de la situation des branchies sur une même ligne. On conçoit en effet que , si quelques uns des pieds postérieurs sont insérés sur le dos , il doit en résulter un changement dans la disposition des organes respiratoires. Les dromies sont dans ce cas , et cependant elles se placent naturellemest entre les cryptopodes et les triangulaires. Dans cette dernière tribu, ainsi que dans celle des hypophthalmes, la grandeur des serres diffère notablement selon les sexes. D'après ce caractère et quelques autres, les corystes et les leucosies de Fabricius, composant ma tribu des orbiculaires, doivent être rapprochés des crustacés précédens ; et par là les do- rippes , dernier genre des notopodes, se lient très bien avec celui de coryste , le premier des orbiculaires. J'ai rétabli la tribu des nageurs, que je termine par ceux qui ont un autre faciès , et dont les pinces sont en crête ; tels sont les genres orithyie et matute. Les mursies et les hépates offrant de grands rapports avec les précédens. et avec les calappes , composeront une nouvelle petite tribu , celle des cristi- 33o CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. mânes , et qui conduira ainsi des nageurs aux cryplopodes. Ceux qui ont une colleetion de genres de crustacés suffisam- ment complète pourront voir , en les disposant d'après ce nouvel arrangement , qu'ils s'enchaînent graduellement les uns aux autres. Voici le tableau de ces tribus : PREMIÈRE SECTION. HOMOGHÈLES (HOMOCHELES). Serres de grandeur identique ou peu différente dans les deux sexes. Test ou carapace tantôt trapézoïde, carré ou cordiforme, tantôt en segment de cercle, tronqué à sa pointe (vers la réunion du test avec le post-abdomen), généralement plus large ou évasé en de- vant, à l'exception de quelques, où il est dilaté vers les angles postérieurs pour former une voûte recevant et cachant les pieds. Nota. Épistome ou surbouche le plus souvent transversal. Des pieds nageurs dans un grand nombre. PREMIÈRE DIVISION. Tous les pieds insérés sur la môme ligne, ou de niveau, à leur nais- sance. A. Tous les pieds (i) toujours à découvert. Test rétréci postérieure- ment , ou point dilaté, vers les angles postérieurs, pour former une voûte au-dessus de ces organes. Cette subdivision comprendra les tribus suivantes : Les QUADRILATÈRES, IcS ARQUES, IcS NAGEURS Ct IcS CHRISTIMANES. B. Test dilaté vers les angles postérieurs, et formant une voûte sous laquelle les pieds , dans la contraction, se retirent, et sont cachés, l'animal étant vu snr le dos. Tribu des cryptopodes. DEUXIÈME DIVISION. Les quatre ou deux pieds postérieurs insérés sur le dos (Plus petits que les autres). Tribu des notopodes. (i) J'en excepte les serres. PREMIÈRE FAMILIK. BRACHYURES. 33 1 DEUXIÈME SECTION. HÉTÉROCHÈLES {HETEROCHELES). Serres des mâles notablement jilus longues que celles des femelles. Test se réirécissant généralement d'arrière en avant, pour se ter- miner en pointe, soit triangulaire, soit ovoide ou presque globu- leux, quelquefois en rhomboïde transversal. Nota. Epi stome généralement presque carré, jamais transversal. Point de pieds nageurs. Test ordinairement très inégal, denté ou épineux, et unicolore. PREMIÈRE DIVISION. Tous les pieds insérés sur la même ligne; les deux postérieurs sem- blables aux précédens, tant pour la forme que pour l'usage. Pieds- mâchoires extérieurs point saillans au-delà de la cavité buccale. Tribu des orbiculaires et celle des triangulaires. DEUXIÈME DIVISION. Les deux pieds postérieurs notablement plus petits que les précédens, soit insérés sur le dos, purement préhensiles, soit de forme diffé- rente, et comme faux ou inutiles. Pieds -mâchoires extérieurs saillans. Tribu des hypophthalmes. PREMIERE SECTION. HOMOCHÈLES {HOMOCHELES). PREMIÈRE DIVISION. Tous les pieds insérés sur la même ligne. PREMIÈRE TRIBU. QUADRILATÈRES {qUADRILATERA). Tous les pieds sont toujours découverts, et aucun d'eux n'est terminé par un tarse comprimé, lamelliforme, ou en nageoire; la queue est presque toujours (i) de sept tablettes, à sutures distinctes dans toute leur étendue. Le test est soit carré ou trapézoïde, soit cordi-. (i) Les j^agusies seules paraissent faire exception. 332 CRUSTACES. PREMIER ORDRE. I)ÉC4POnES. forme, avec le front souvent prolongé ou incliné, en manière de chaperon. Nota. Yeux souvent portés sur de longs pédicules. Quatrième article des pieds- mâchoires extérieurs (ou ceux de la paire inférieure recouvrant les autres) inséré en dehors de l'extrémité interne du précédent , ou uni avec lui par toute la largeur de sa base. J'ouvrirai cette tribu par les espèces qui passent une grande partie de leur vie hors de l'eau , et se creusent près du bord des eaux , ou sur les rivages , des terriers leur ser- vant d'habitation pendant le jour. Ce sont, en quelque sorte, des crabes de terre , et divers voyageurs les ont en effet appelés ainsi. De ce nombre sont plus particulièrement les crabes cavaliers des anciens, et ceux qu'on nomme tourlourous aux Antilles et dans l'Amérique méridionale. Nous expliquerons plus bas comment des animaux natu- rellement destinés , par leurs organes respiratoires , à vivre au sein des eaux , ainsi que les poissons , ne sont point , comme eux, sujets à périr. Tous ces quadrilatères terrestres peuvent être compris dans une première section ou sous- tribu que nous signalerons ainsi : Pieds-màchoires extérieurs toujours composés de six articles , dont le quatrième inséré en dehors de l'extrémité supérieure et interne A\\ précédent. Pédicules oculaires (le plus souvent allongés) insérés près du milieu du bord antérieur du test ou du front; ce test soit carré ou trapézoïdal, soit en forme de cœur. Nous partagerons cette section en deux : 1°. Ceux dont le test est toujours trapézoïde ou presque carré, .épais, ayant les angles antérieurs aigus on prolongés en pointe, et flont les pédicules oculaires, naissant près du milieu du front ou sur les côtés d'un chaperon peu spacieux, se prolongent ordinairement jusqu'aux angles latéraux antérieurs. Les uns ont les antennes intermédiaires très petites, très briève- ment bifides au bout ; les deux divisions ou liges sont presque coni- ques ; l'interne offre seule des articulations, et qui ne sont qu'au nombre de deux. PREMIÈRE FAMILLE. BR^CIIYURES. 333 Celle subdivision se compose de trois genres , ceux d'ocy- pode, de gélasime et de mictyre. Là le test est ferme et solide, plan en dessus -, les pédicules oculaires sont grands ou fort allongés ; le second article des pieds-mâchoires extérieurs est d'une étendue ordinaire. Ces caractères sont communs aux deux premiers genres. Les ocYPODEs (oc/pode j, Fab. ) s'éloignent des gélasimes par les yeux , qui tantôt occupent une grande partie de la lon- jgueur de leurs pédicules , tantôt forment à son extrémité une sorte de massue j par le troisième article des deux pieds- mâchoires extérieurs qui est en carré long, et par leurs serres, presque de grandeur égale , ou ne contrastant pas du moins considérablement sous le rapport de leurs proportions. La queue est plus allongée que dans les gélasimes -, son dernier segment est en triangle allongé dans les mâles. L'étymologie du nom générique, la dénomination à'eques, donnée à ces crustacés par les anciens, annoncent la vélocité de leur marche : elle est telle , qu'un cavalier a de la peine à les suivre ou à les atteindre. Des voyageurs les ont appelés crabes de terre , et d'autres en ont fait des tourlourous. Les ocypodes fréquentent les rivages maritimes , et s'y creusent des terriers où ils se tiennent cachés pendant le jour. La nuit est le temps de leurs excursions. Les deux espèces les plus remarquables sont FO. céra- TOPHTHALME Çceratophtkalmus y Fab. ; cancer eu? sor, Liwn. ; PalL Spicil. zool. , fasc. ix , tab. 5 , fîg. 2-8) , dont l'extré- mité supérieure des pédicules oculaires finit en une pointe conique et simple, au-delà des yeux-, et l'O. chevalier (O. ippeuSy Oliv., voyez dans V Empire ottom. , tome II, Ipage 234, pi. XXX, fig. I ; Savig. , ouvrage sur l'Egypte, iCrustac. , pi. I, fig. i), où ces pédicules se terminent par un faisceau de poils. La première est des Grandes-Indes , et la seconde se trouve sur les côtes de la Syrie , celles d'Afrique bordant la Méditerranée et jusqu'au cap Verd. Voyez, pour d'autres espèces, le Règne animal de M. Cuvier, seconde édition, tome IV, page 4^, et Oliv. , EncycL méthodique. 334 ClUISTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. Les GÉLAsiMEs (gelasùnus , Lat. ^ uca, Leach) ont des pédicules oculaires grêles , et terminés en une petite tête formée par leurs yeux. L'une de leurs serres est ordinaire- ment beaucoup plus grande que l'autre , soit dans les deux sexes , soit dans les mâles seulement ( au témoignage de M. Marion). Le troisième article des pieds-mâchoires exté- rieurs est en carré transversal. Le dernier segment de la queue des mâles est presque demi-circulaire ; elle est presque orbiculaire dans l'autre sexe. Ce sont toujours des crustacés terriers , fréquentant les mêmes localités que les ocypodes , et d'aussi bons coureurs. Certains auteurs ont donné à quelques espèces la dénomina- tion de crabes appelans {cancer vocans) , parce qu'ils élèvent en l'air la serre la plus grande , et que par ce geste ils sem- blent appeler quelqu'un. Feu Leschenault de la Tour m'a dit qu'elle leur servait à boucher l'entrée de leur terrier, et \ comme les pagures emploient le même moyen pour fermer l'entrée de la coquille qu'ils habitent, je suis porté à croire que cette différence dans les pinces est propre aux deux sexes , et que l'opinion de M. Marion , n'attribuant qu'aux mâles ce caractère, a besoin d'être confirmée. Feu Bosc , qui avait observé ces animaux dans la province de la Caroline, nous apprend qu'ils demeurent l'hiver dans leurs retraites , et soup- çonne qu'ils passent leur premier âge dans l'eau. On en trouve des espèces fossiles , et qui ont été représentées par M. Desma- rest. f^oyez mon article Gélasiine y dans la seconde édition du Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle , et le Règne ani- nal, par M. Cuvier. Ici le test est membraneux , mou , convexe en dessus ; les pédicules oculaires sont proportionnellement plus courts; les pieds-mâchoires extérieurs sont fort larges depuis leur base jusqu'à l'origine du quatrième article. Tels sont les ca- 1 raclères des mictyres (rjiictjiis) , genre que j'ai établi dans mon Gênera sur une espèce de la notasie. M. Savigny en a décrit et représenté une autre, avec tous les détails, dans l'ouvrage sur l'Egypte {Crust., pi. I, fig. 3). PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 335 ' Dans les autres quadrilatères de la même division de la première section , les deux tiges terminant les antennes inter- jmédiaires sont allongées, presque sétacées , multiarticulées , l'externe surtout 5 celle-ci est barbue au côté interne. Ces crustacés ressemblent d'ailleurs aux gélasimes^ leur test est seulement plus transversal -, les serres sont étroites , cylln- driques, presque égales. Les pédicules oculaires sont longs, grêles , et couronnés par de petits yeux. Nous avons formé avec ces animaux le genre des macrophthalmes ( niacropli- ,thalmus). Toutes les espèces sont exotiques. M. Savigny en a figuré deux [Cnist,, pi. II, fig. i , 2). Leur port étant presque le même que celui des rhombilles ou gonoplax , il est facile de les confondre avec ces derniers crustacés. C'est ce que j'avais fait dans V Encyclopédie à l'égard du gonoplax transv^ersus. i^Vojez le Règne animal de M. Cuvier, seconde édition , tome IV, page 440 La seconde division de cette première section nous offrira d'autres quadrilatères terrestres, ayant les antennes intermé- diaires terminées de même que dans les macrophthalmes , mais dont le test diffère du leur et de celui des précédens, en ce qu'il a la figure d'un cœur, et que les pédicules ocu- laires, sensiblement plus courts, n'atteignent pas ses angles latéraux antérieurs. Les côtés du thoracide sont ordinaire- ment dilatés , bombés et arrondis, par-derrière les angles. Ces crustacés , qu'on a nommés tourlourous , crabes peints , crabes violets , cancres de rivière , et plusieurs de ceux qu'on a aussi appelés crabes de terre , composent cette division. Ils sont propres aux contrées inter-tropicales, et la plupart des voyageurs en ont parlé , mais plutôt en hommes crédules ou ■ amis du merveilleux qu'en vrais observateurs. Il paraît néan- ' moins constant que, de même que les ocypodesetlesgélasimes, ils vivent dans des trous , et n'en sortent que la nuit , et qu'ils vont fiire leur ponte dans la mer. On raconte qu'ils se ras- semblent alors en grand nombre , (ju'ils suivent la route la plus directe, sans s'embarrasser des obstacles , et qu'après efvï^^ A L / iOO 336 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. rempli leur destination , ils reviennent très affaiblis. Ils bou- chent, dit-on, leurs terriers, lorsqu'ils veulent changer de peau. Lorsque la mue est faite et qu'ils sont encore mous, on estime beaucoup leur chair, et on les nomme alors crabes boursiers. Elle empoisonne cependant quelquefois , et on at- tribue cette qualité délétère à la nourriture de l'animal , et particulièrement au fruit du mancenilier, qu'ils sont censés avoir mangé. Deux habiles observateurs, et bien autrement dignes de confiance, MM. Quoy et Gaymard, nous ont dit un mot des habitudes de ces crustacés. C'est dans les vastes ma- rais , et ne présentant souvent qu'une vase très molle de la baie de Rio-Janeiro au Brésil, qu'ils ont vu les telphuses et des myriades de gélasimes faire leur domicile. Ces animaux ne fuient vers leurs retraites que lorsqu'ils sont sur le point d'être pris. Mais les tourlourous se tiennent à l'entrée de leur ter- rier, et y rentrent au moindre danger. Il est curieux de leur voir creuser leur profonde et dégoûtante demeure -, ils en sortent tout couverts d'une boue noire qu'ils portent à l'aide de leurs pinces , et qu'ils vont entasser à quelque distance. Si la terre qu'habitent ces animaux ne contient pas de substance nutritive, nous ne savons, disent-ils, ce qui peut fournir un aliment à un aussi grand nombre d'individus qui ne paraissent jamais abandonner leur stérile contrée. Mais, comme nous l'avons remarqué , le temps de leurs excursions et de la re- cherche de leurs alimens, est la nuit. On n'avait pu expliquer jusqu'ici comment des animaux respirant, tels qu'eux, par des branchies , pouvaient vivre long-temps hors de l'eau , sans que ces organes ne perdissent leurs propriétés. MM. Victor Audouin et Milne Edwards ont découvert dans les tourlou- rous ougécarcins une sorte d'auge ou de rigole, formée par des replis, qui tapisse et constitue les pourtours de la cavité bran- chiale, et destinée à conserver une certaine quantité d'eau, propre à humecter les branchies. Le cancer uca a de plus une poche ou vessie pareillement remplie de ce fluide. Dans les ocypodes , la rigole existe , mais elle est plus petite , et une masse spongieuse cellulo-glanduleuse fournit l'humidité con- PREMIÈRE FAMILLE. RRACHYURES. 337 voiiable-, elle est surtout très apparente dans la telphuse den- telée. Les organes respiratoires de ces animaux ou les bran- chies ressemblent d'ailleurs à ceux des autres crustacés séjour- nant habituellement dans l'eau. Il est néanmoins à désirer que des observations multipliées faites sur le vivant , et une con- naissance plus positive des habitudes de ces crustacés dissipent les doutes que peuvent faire naître des recherches faites uni- quement sur des animaux conservés dans de la liqueur. Des expériences moins sujettes à controverse faites par ces natura- listes leur ont montré que des homards vivans, forcés de sé- journer dans une petite quantité d'eau salée, périssaient bien plus vite que lorsqu'on les conservait dans un espace rempli d'air atmosphérique , libre , mais humide ^ que l'on pouvait dès-lors prolonger pendant quelques jours leur vie, si l'on trouvait le moyen d'entretenir cette humidité, mais que par . I un procédé opposé , c'est-à-dire en séchant l'air où ces ani- maux sont renfermés, à l'aide de la chaux vive et autres substances absorbant ce fluide , on les privait promplement ( de six à dix-huit heures au plus ) de la vie . J'ai restreint le genre gécarcin {gecarcmus) de M. Leacli aux espèces qui , telles que le cancer ruricola de Linné , ont les quatre antennes recouvertes par le chaperon ; le second et le troisième article des pieds-mâchoires exté- rieurs grands, aplatis, foliacés, arqués, laissant entre eux un vide , et le dernier de ceux-ci en forme de triangle curviligne , obtus au sommet et recouvrant les trois suivans. Les couleurs de cette espèce paraissent varier beaucoup avec l'âge. Elle est d'un rouge de sang plus ou moins vif et plus ou moins étendu, et quelquefois tacheté de jaune. Le dos offre une impression très marquée, en forme de H. C'est le crahe peint , le crabe violet, de divers voyageurs, et le vrai tourlourou , selon moi. Dans ce genre , ainsi que dans le suivant , la troisième et la quatrième paire de pieds sont plus longues que la seconde et la dernière j tous les tarses ont des arêtes dentelées ou épineuses. Il y en a six dans les gécarcins, et quatre dans le genre suivant . Les cARDisoMEs (curdisoma , Lat.) ont leurs antennes dé- 22 338 CRUSTACÉS. PRIIMIER ORDRE. DECAPODES. couvertes, les pieds-mâchoires extérieurs rapprochés parallè- lement au bord interne , avec tous leurs articles découverts, et dont le troisième, plus court que les précédens, est échancré à son sommet. Le cancer cordatus de Linné est de ce genre , ainsi que , à ce que je présume , les crabes blancs de quelques voyages. Cette espèce est cependant quelquefois jaune et rayée de rouge. Mes ucAs ( iica ) diffèrent des deux genres précédens par la diminution progressive de la longueur des pâtes, et leurs tarses simplement sillonnés, sans dentelures ni épines, très saillantes. Le cancer iica de Linné en est le type. Il vit dans les marais de la Guyane et du Brésil. IJans mon article Thelphuse (i) de V Encyclopédie métho- dique, j'avais formé une division particulière avec l'espèce de l'Amérique méridionale nommée dentata , et j'avais dit qu'elle paraissait se rapprocher desgécarcins et descardisomes, et qu'elle devait peut-être constituer un genre propre. Les observations de M. V. Audouin et Milne Edwards ont con- firmé la justesse de mes présomptions. Cette espèce sera donc séparée des thelphuses, et deviendra le type d'une nouvelle coupe générique, votamib ( potaniia ^ , distincle des précé- dentes par l'aplatissement du corps , et par le troisième article des pieds-mâchoires extérieurs, qui est en forme de triangle tronqué transversalement au sommet, avec le côté extérieur plus grand et arqué. Notre seconde section ne comprendra que des quadrilatères vivant habituellement dans l'eau, et dépourvus, par consé- quent , de ces moyens auxiliaires que la nature a donnés aux premiers, pour rafraîchir leurs branchies, et les conserver dans un état propre à remplir leurs fonctions. Nous les carac- térisons ainsi : Pieds-mâchoires extérieurs n'offrant, dans qnekjues, que trois ar- ticles ; !e rjuatriènje, dans ceux qni en ont six , soit inséré en dehors (i) Télphuse , par iiiadvertance. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. '63g de l'extrcmiré interne et supérieure du précédent, mais pédicules ocu- laires occupant alors les angles latéraux et antérieurs du test, soit in- séré à l'extrémité interne du même article, qui est tronqué oblique- ment. Je diviserai d'abord celte section en deux coupes : la pre- mière se composera de petits crustacés parasites , où le tho- racide est presque globuleux ou rond et solide , dans les mâles, et mou ou membraneux et presque carré dans les femelles. Les pieds-màchoires extérieurs n'ont distinctement que trois articles, dont l'intérieur très grand et arqué. Cette division ne comprend qu'un seul genre , celui que l'ai nommé pinnothère (^pinnotheres) , et dont le docteur Leach a représenté dans son ouvrage sur les malacostracés podophthalmes de la Grande-Bretagne, diverses espèces. Ces crustacés, généralement très petits, et qui vivent une partie de l'année , surtout dans l'arrière-saison , dans l'in- térieur des moules , des modioles , des jambonneaux et autres coquilles bivalves , offrent deux caractères très remar- quables. Le test des mâles , qui est presque ovoïde et un peu rétréci en avant , est solide , tandis que celui des femelles est presque orbiculaire, très obtus en devant, et mou. Leur post- abdomen est très ample. L'autre caractère est fourni par les pieds-mâchoires extérieurs ; ils paraissent n'avoir que trois articles, dont le premier grand , transversal , arqué , et dont le dernier est appendice à sa base. J'ai rapporté dans mon Exposé historique de la science l'opi- nion fabuleuse des anciens sur ces animaux. On leur attribue aujourd'hui des qualités malfaisantes, et si cela est fondé , cela tient à des circonstances particulières, dignes de re- cherches. On n'a point mis dans la distinction des espèces cette préci- sion et cette opposition comparative de caractères qui peuvent seules faire atteindre le but que l'on s'est proposé. La plus commune, la P. pois (P. pisum. Latr. ^ Leach, malac. pod. Brit. tab. i4, fig. i 5 î?^ , la fem. ; P. varians , ejusd. ibid. fig. 9 , 10 , 1 1 5 le mâle) a le lest presque carré, 34o CRUSTA.CÉS. PREMIER ORDRE. nÉCAPODES. lisse , sans échancrure en devant -, son post-abdomen ou lâ queue est très large , festonné sur ses bords , avec l'extrémité largement échancrée. Les pinces ont une rangée de petits poils en dessous -, les cuisses en ont une semblable sur les deux faces. Voyez , pour les autres espèces , l'ouvrage de M. Des- marest , mais surtout le grand ouvrage sur l'Egypte ( Crust, pi. YII, fig. i). Les quadrilatères de l'autre division ont tous un test solide, tantôt carré ou trapézoïde , tantôt en forme de cœur. Les pieds-mâchoires extérieurs sont composés de six articles. Dans les uns , et dont le thoracide est carré, aplati, ainsi que les pâtes , avec les yeux portés sur des pédicules courts et situés aux angles latéraux de son bord antérieur (i), le quatrième article de ces pieds-mâchoires est inséré en de- hors de l'extrémité supérieure interne du précédent. Le premier genre, celui de plagusie (plagusia, Latr. ), offre un caractère unique dans cette classe. Les antennes mi- toyennes sont logées dans deux fissures longitudinales et obli- ques traversant toute l'épaisseur du milieu du chaperon. Le post-abdomen ne m'a paru offrir, dans l'un des sexes, au moins, que quatre segmens bien distincts •, c'est la seule exception dans cette tribu. On n'en connaît qu'un petit nombre d'es- pèces, et dont on ignore les habitudes. La plus connue est le crabe déprimé , cancer depressus de Fabricius. Dans le se- cond genre, celui des grapses {grapsus , Lam.) , les quatre antennes sont recouvertes par le chaperon. Le test est d'ail- leurs un peu plus large en avant qu'en arrière. Le post- abdomen a sept segmens très distincts dans les deux sexes , avec le troisième dilaté sur les côtés angulairement. On en a décrit plusieurs espèces , et qui, à l'exception du grapse madré , sont toutes des deux Indes. Marcgrave en a figuré quelques unes du Brésil. Ces crustacés sont nommés à Cayenne Ragabeuniba , c'est-à-dire soldats. Il me paraît que (i) Le genre trapézie a les yeux placés de même; mais il s'éloigne de ceux de cette division par d'autres caractères. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 34 1 ce sont les cériques des habitans de la Martinique j on les appelle aussi crabes des palétuviers . On trouve dans le Mu- séum de Rumphe, et dans le Règne animal de M. Cuvier, la figure d'une espèce très singulière par les bouquets de poils de ses pinces. Ces animaux se tiennent cachés , durant le jour, sous des pierres et autres corps qui sont dans la mer. Quelques espèces vivent dans les rivières sujettes au flux et au reflux , mais le plus souvent sur les bords ou hors de l'eau. On prétend même qu'elles grimpent sur les arbres et se ré- fugient sous leurs écorces. Elles se rassemblent en grand nom- bre, et dans le danger elles se retirent dans l'eau, en frappant leurs serres l'une contre l'autre. Le GRAPSE MADRÉ (varîus , Latr. ), décrit par Rondelet sous le nom de cancre madré , et par Fabricius sous celui de marbré , marmoratus , n'est pas rare sur nos cotes , celles d'Espagne , et se trouve aussi quelquefois sur celles d'Angleterre. Son test, long d'environ seize lignes, sur un peu plus de largeur, est jaunâtre et coupé par une grande quantité de petites lignes et de points d'un roussâtre foncé , qui le font paraître marbré -, ses côtés ont antérieurement chacun trois dents, et à la base du chaperon sont quatre tu- bercules déprimés. Le grand ouvrage sur l'Egypte offre une excellente figure de celle espèce. [Crust. pi. IL fig. 4-) Voyez aussi l'ouvrage de M. Roux sur les Crust. de la M éd. fasc. ?.. pi. VL Dans les autres , les yeux prennent ordinairemeiit nais- sance près du milieu du front. Le quatrième article des pieds- mâchoires extérieurs est inséré au sommet interne du précé- dent et tronqué obliquement. Ici le test forme un trapèze transversal et les pédicules oculaires insérés près du milieu de son bord antérieur se prolongent jusqu'à ses angles latéraux. Tel est le caractère du genre rhombille ou goneplax (goneplax) du docteur Leach , qui, à l'exception des pieds postérieurs , ressemble beaucoup à celui de podophtalme de la tribu des nageurs. Les deux seules espèces de rhombilles indigènes sont : 3/\'l CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DECAPvJDES. i*». le R. RHOMBOÏDE {cancer rhomboïdes, Linn. ) , qui se trouve dans les lieux rocailleux de la Méditerranée. Les bords latéraux de son test n'ont qu'une seule dent , celle qui est formée par les angles antérieurs-, 5**. le R. a deux épines (jbispinosa, Leach), qui en a une autre en arrière de l'antérieure. Elle habite les côtes de l'Angleterre et celles de nos dépar- temens de l'ouest. Consultez les ouvrages de MM. Leach , Roux et Desmarest. Là , le test a la forme d'un cœur , ou bien celle d'un tra- pèze , mais non transversal. Les pédicules oculaires sont tou- jours courts. Dans un premier cas ils sont situés entre le mi- lieu du front et les angles latéraux du bord antérieur-, dans l'autre , ils occupent ces mêmes angles. Le genre trapézie (trapezia, Latr.) nous en offre un exem- ple pour le dernier. Il a des rapports avec les deux genres pré- cédens. Le thoracide est aplati et uni. Les serres sont grandes. Toutes les espèces sont exotiques, et celles qui me sont cou- i nues ont été décrites dans V Encyclopédie méthodique. L'une i d'elles, appelée c} mcxioce ( Herbst_, hrahh, tab. LI. fig. 5), paraît avoir été figurée par M. Savigny [Crust. tab. V, fig. i ). |P Dans les trois genres suivans et les derniers de la tribu , le test a la forme d'un cœur , et les yeux sont insérés près du milieu de son bord antérieur. Les THELPHUSES [thelphusu , Latr.-, potamon , Savig. ; potamohia, Leach) forment un genre composé de crustacés décapodes vivant dans les eaux douces , et le plus souvent dans les ruisseaux , les torrens ou les lacs des montagnes. Leurs antennes extérieures ou latérales sont plus courtes que les pédicules oculaires, de peu d'articles, et terminées par une tige cylindrico-conique , guère plus longue que le pédoncule. Les tarses offrent des arêtes épineuses et dentées. L'espèce la plus connue, la T. fluviatile {fluviatihs) , ou le crabe fluviatile de Belon , de Rondelet , figurée par Olivier dans son voyage en Egypte , et avec tous les détails par M. Savigny dans le grand ouvrage sur cette contrée ( Cru jï. pL IL fig. 5, 6.), a joui, chez les anciens, d'une assez grande I PREMIÈRE FAMILLE. BRACIlYURES. 3^3 célébrité , puisque sou effigie se trouve sur plusieurs mé- dailles greeques , celles de Sicile particulièrement. Les cotés de son test offrent antérieurement des aspérités et des rides incisées ^ d'ailleurs le dos est lisse. Le front est incliné , rc- bordé et sans dents. Les serres sont un peu raboteuses, avec les doigts coniques , allongées , inégalement dentées et mar- i quées au bout d'une tache roussatre. La couleur générale du corps tire sur le blanc ou sur le jaunâtre. Celte espèce est commune dans toute l'Italie méridionale , s'y rencontre jusque dans les lacs des cratères de volcans éteints , et n'est pas moins commune dans tout le Levant. Elle est pour les Italiens un aliment de carême , et les moines grecs du mont Athos la mangent crue. Leschenault en a trouvé une autre es- pèce dans les montagnes de Ceylan. De Lalande fils en a rap- porté une troisième du cap de Bonne-Espérance. Une qua- trième, représentée par Herbst (Crusi. tab. X. , fig. 1 1.), sur un dessin du père Plumier , et que M. Goudot aîné m'avait donnée, comme ayant été prise par lui à la Martinique, est plus déprimée , avec les bords du test finement dentelés, et quelques autres caractères plus essentiels , tirés de la forme des pieds-mâchoires et des appendices sous-caudaux. C'est la THELPHLSE DENTELÉE ( SeîTClta ) , Ct dout UOUS a VOUS dit (pag. 338) qu'elle pouvait former un genre propre. Dans celui que j'ai nommé trichodactyle (^trichodactjlus) ^ et que j'ai établi sur une espèce fluviatile du Brésil, les tarses sont couverts d'un duvet serré. Les piLUMNEs (^pilumnus) du docteur Leach , à antennes latérales insérées comme dans les thelphuses, s'en distinguent par la longueur de ces organes , excédant celle des pédicules oculaires , et dont la tige sétacée est en outre composée de beaucoup de petits articles. C'est sur le cancer hirtellus de P| Linné que ce genre a été établi, (i) (i) Voyez l'article Pilumne de V Encyclopédie méthodique , et de l'ouvrage «îe M. Desmarest sur les Crustacés; 'voyez aussi le grand ouvrage sur l'Egypte , Expli- cation des Planches relatives aux animaux sans vertèbres , donnée par M. Victor Audonin. 344 CRDSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. Dans le dernier genre de cette tribu , celui d'ÉRiPHiE (^eriphia, Latr.), les antennes latérales sont insérées entre celles du milieu et les cavités oculaires. Le cancer spinifrons de Fabricius, ouïe pagurus d'Aldro- vande, est le type de ce genre ^ il est aussi représenté dans le grand ouvrage sur l'Egypte (pi. IV, fig. 7). Il est commun dans la Méditerranée ^ mais on le trouve rarement sur nos côtes océa- niques. M. de Brébisson le mentionne dans son catalogue des crustacés du département du Calvados. Le devant du test est refendu dans son milieu, et garni d'un grand nombre de pe- tites épines -, ses côtés ont cinq dents , dont la seconde et la troisième bifides^ les serres sont grosses, très épineuses , avec les doigts noirs. Les espèces de ces derniers genres nous amènent insensible- ment à celles de la tribu suivante, qui semble elle-même se lier avec la troisième par le cancer mœnas. DEUXIÈME TRIBU. ARQUÉS {ARCUATA). Si l'on en excepte les plagusies, genre d'ailleurs très distinct de tous les autres par ses antennes intermédiaires logées dans deux fentes supérieures du test , tous les quadrilatères , tant mâles que femelles, nous ont présenté un post-abdomen com- posé de sept tablettes, dont les jointures sont bien distinctes dans toute leur étendue. Ici, ou dans les arqués, deux de ces sutures s'eÊfacent , du moins au milieu , dans les mâles , de P sorte que leur queue n'a distinctement que cinq segmens; celle des femelles en a sept comme d'ordinaire; tous les pieds sont encore toujours à nu, et aucun d'eux n'est terminé en nageoire , ce qui distingue celte tribu de la suivante. La ca- vité buccale est carrée supérieurement; le test est plus arqué en devant que celui des derniers genres de la tribu précédente, où le bord antérieur est presque en ligne droite; ses contours dessinent un segment de cercle tronqué à sa pointe, c'est-a- dire à la jonction du test avec la queue. Les pilumnes, les iPREMlÈRE FAMILLE. BRACHYURES. ^^5 ëriphies, etc., sont si voisins des crabes ordinaires, que, sans la considération du post-abdomen , on ne pourrait guère les en séparer; c'est ce qui m'a déterminé à passer immédiate- ment des quadrilatères aux arqués. Si on voulait intercaler entre eux les nageurs , on terminerait les premiers par les rhombilles, et on commencerait cette dernière tribu parles podophthalmes , dont les yeux sont portés sur des pédicules analogues : mais en plaçant les nageurs à la suite des arqués, j'arrive graduellement aux matutes , aux orithyies , qui se lient avec les mursies , genre nous offrant déjà de grands rapports avec les cryptopodes. Au surplus, nous n'avons pas encore assez de données pour pouvoir nous fixer d'une manière irrévocable. Deux genres établis par le docteur Leacb, ceux de thia et de carcinus , nous paraissent, par la forme elliptique et très comprimée des tarses ou des deux postérieurs au moins , faire le passage des arqués aux nageurs , et constituer ainsi une division particulière, qui doit être sur leurs limites. L'autre division, ou la première, se composera des genres où les tarses ont , ainsi que de coutume , une forme conique. La direction des fossettes recevant les antennes intermé- diaires tantôt est transverse , ou dans le sens de la largeur, ce qui est commun à la tribu précédente , tantôt oblique , ou presque longitudinale. Les genres qui nous offrent le premier de ces caractères sont les suivans : Les xANTHEs {^xantho y Leàch), où les antennes latérales sont insérées dans le canthus interne des cavités oculaires. On en trouve deux espèces sur nos cotes, l'une nommée poressa, d'après Olivi, et l'autre fleurie [florida). (i) Dans les autres coupes de cette division , les antennes laté- rales sont insérées en dehors des cavités oculaires. Les CLORODIES [clorodius y Leach) ont les doigts de leurs pinces creusés à leur extrémité , en manière de cuiller. C'est ce qui est propre au crabe à onze dents {^cancer i i-dentatus) (i) yojez Leach et Desmarest. 34^ CRUSTACÉS. PEEMlER ORDRE. DECAPODES. de Fabricius , et , à ce que je crois , à quelques autres espèces figurées par M. Savigny. Dans les carpilies {caj^pUius) , ces doigts se terminent en une pointe simple. Les C. coraUinus, maculatus, de Fabricius, et beaucoup d'autres espèces , et dont quelques unes pourraient former des genres propres, mais que nous n'avons pas encore assez étudiées, rentreront dans celui-ci. Nous ne réserverons le nom générique de crabe , cancer, qu'au genre suivant , qui appartient à la seconde subdivision^ ceux dont les fossettes des antennes intermédiaires sont plutôt longitudinales que transverses, ou du moins dans une direction mitoyenne. Les CRABES proprement dits (cancer) ont pour type l'espèce appelée sur nos côtes poupart ou tourteau {cancer pagurus , " LiNN.). Elle offre un caractère unique dans cette tribu ^ l'ar- ticle basilaire des antennes extérieures a la forme d'une lame, terminée par une dent saillante et avancée, fermant inférieu- rement le coin interne des cavités oculaires. Cette espèce, roussâtre et plane en dessus, a les bords latéraux de son test divisés par de courtes fissures^ les espaces compris forment de cbaque côté neuf festons; le front est tridenlé; les doigts sont noirs , avec de gros tubercules mousses au côté interne. Ou trouve des individus d'une telle taille, qu'ils pèsent jusqu'à cinq livres. Les ATÉLÉcYCLEs (atelecjclus , Leach), dont le test, pareil- lement assez élargi , même orbiculaire dans une espèce , a aussi un grand nombre de dents sur ses bords , sont remar- quables par leurs antennes extérieures, assez saillantes et ve- lues, et par leurs grosses pinces, garnies encore de poils. Le troisième article de leurs pieds-mâchoires extérieurs se rétrécit vers le bout, et se prolonge en manière de dent obtuse, (i) Les piRiMÈLEs (pirimela, Leach) ont encore les antennes extérieures assez prolongées au-delà du front, mais glabres, ainsi que leurs serres , dont les pinces sont d'ailleui^ moyennes. (2) (i) Foyez Desmarest, Leach et Guérin ÇJconog., fasc. i ). (2) rojez ausbi Dt^^mareit et Leach. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 347 Viendront maintenant les deux genres ambigus composant notre seconde division des arqués. Les THiEs {tliia, Leach) ressemblent aux atélécycles quant aux antennes latérales, aux dimensions des fossettes des antennes intermédiaires , et à la forme du troisième article des pieds- mâchoires extérieurs^ mais tous leurs tarses sont très compri- més, et presque elliptiques; les pédicules oculaires sont très petits , à peine saillans -, leur test est plus oblong , sans dente- lures au front , et les serres sont de grandeur moyenne. Ces crustacés paraissent avoisiner soit les corystes et les leucosies , soit les platyoniques. L'espèce servant de type, la thye polie {polita, Leach), vient sur nos côtes océaniques, et a été aussi observée près de Naples par M. Milne Edwards. M. Guérin en a donné une nouvelle figure dans son Iconographie du règne animal, (i) Les cARCiivs {carcinus y Leach) ont les antennes extérieures courtes, les fossettes des antennes intermédiaires transverses, le troisième article des pieds-mâchoires extérieurs presque carré, les seuls deux tarses postérieurs subelliptiques, et le test plus large que long. Ils lient en un mot certains crabes avec les portunes. C'est sur le cancer mœnas de Linné que ce genre a été éta- bli. Cette espèce est très commune sur les bords de nos mers, et paraît s'étendre jusqu'aux rivages de l'Egypte (Savigjny, Crust., pi. IV, fig. 6). Son test est verdâtre, avec l'impres- sion dorsale ordinaire bien prononcée, cinq dents à chaque bord latéral , trois au front et une à chaque carpe \ les pinces sont anguleuses. Suivant M. de Brébisson , le peuple, dans le département du Calvados , lui a donné le nom de crabe enrage. (i) Voyez Leach et Desmarest. 348 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. TROISIÈME TRIBU. NAGEURS {PINNITARSI). Les deux tarses postérieurs au moins sont très comprimés, ovales ou arrondis, en forme de nageoire, servant aussi à la natation j ce caractère distingue ces crustacés de tous les autres de la famille des brachyures. Le genre des orithyies est le seul des nageurs où la queue des mâles soit nettement partagée en sept segmens, de même que dans les femelles. Dans tous les autres mâles , elle n'en offre que cinq. Les espèces dont tous les tarses sont en nageoire étant, sous le rapport de la natation, plus favorisées, peuvent dès- lors gagner la haute -mer, et s'éloigner davantage des terres. Une première division comprendra les genres dont la cavité buccale n'est point rétrécie supérieurement pour se terminer en pointe, et où le troisième article des pieds-mâchoires ex- térieurs est plus ou moins carré ou hexagone , ou n'a pas du moins la forme d'un triangle étroit, allongé et pointu. Viendront ensuite les genres ayant un test en segment de cercle, plutôt longitudinal que transversal, ou du moins presque isométrique, ayant le plus souvent, à chaque bord la- téral;, cinq dents, dont la postérieure de la grandeur des autres ou peu différente. Il en est parmi eux dont les tarses des seconds pieds et des trois paires suivantes sont aussi très comprimés, presque en forme de lames ellipliques et paraissant dès-lors favoriser la natation. Leur test est proportionnellement un peu plus long, et se rapproche de la forme d'un cœur. Tels sont les deux genres suivans : Les PLATYONiQUES ( plaljofiichus , Latr. ^ portumnus , Leach). Les yeux ne sont guère plus gros que leurs pédicules. Le troisième article de leurs pieds-mâchoires extérieurs est rétréci à son sommet et va en pointe ^ la nageoire ou le tarse des deux pieds postérieurs est étroite et allongée. La seule 1.- I PREMIÈRE FA^IILLE. BRACHYURES. 34g espèce connue est le cancer latipes de Plancus \ on la trouve dans nos mers, (i) Les POLYBIES {polybius y Leach ) ont le lest moins allongé et plus large, les yeux gros, presque globuleux, les tarses plus propres encore que ceux du genre précédent à nager, et dont les deux derniers formant une lame ovale , notablement plus large que la même des platyouiques. Le troisième article des pieds-mâchoires extérieurs est obtus et échancré. Le bord supérieur des cavités oculaires offre en outre deux fissures , tandis qu'il n'en existe pas dans les précédens. Nous n'en con- naissons aussi qu'une seule espèce propre à nos côtes océa- niques et à celles de l'Angleterre, (p.) Dans le genre suivant, les deux tarses postérieurs sont seuls en nageoire , dont la forme est plus ou moins ovale ou arron- die; le test est généralement plus large. Ce genre est celui de FORTUNE ou d'ÉTRiLLE {povtunus ) , de Fabricius , mais qu'on a maintenant réduit. Nos côtes offrent communément : i°. le P. ÉTRILLE (puber, Fab. ) , dont le test est garni d'un duvet jaunâtre , avec cinq dents à chaque bord latéral , et huit pe- tites au front 5 les pinces sont sillonnées , avec les doigts noirs, 2°. Le P. RIDÉ [covrugatus , Leach ) , ayant aussi le test garni de poils et armé à chaque bord latéral de cinq dents, mais très ridé, avec le front trilobé. Il est entier dans les P. de RONDELET de M. Risso. (Roux, Crust, i, pi. IV , fig. 3.) Le P. DE TRANQUEBAR ( tranquebavicus ) a neuf dents à chaque bord latéral. (3) De ces nageurs à lest presque isométrique , ou plus long que large, nous passons à ceux où il est très évidemment transversal, et où souvent la dent postérieure de chacun de ses bords latéraux est plus grande, en forme d'épine. Dans les THALAMiTEs (thalumita y Latr.) , il a la forme d'un qua- (i) Voyez Leach et Desmarest. (2) Les mêmes. (3) Les mêmes, et l'article Fortune de V Encyclopédie méthodique , et du Nouveau Dicticjinaire d'Histoire naturelle , a*' édition. 350 CRUSTACÉS. -— PREMIER ORDRE. DECAPODES. drilalère , rétréci postérieurement , portant les yeux aux angles antérieurs , ayant cinq à six dents de chaque côté , mais dont aucune ne surpasse jamais de beaucoup en longueur les autres. L'insertion des antennes latérales est bien plus éloi- gnée des cavités oculaires que dans les autres genres. Les figures i , 3 , 4 ^ 5 , ou celles qui forment les deux ran- gées latérales de la planche IV des Crustacés de l'ouvrage sur l'Egypte , se rapportent à ce genre. Je n'ai pu encore m'assu- rer si l'une d'elles ne serait pas le cancer admete d'Herbst (pi. LYII , I ) , que j'ai cité comme exemple de cette nouvelle coupe. M. Gaérln [Iconog. ^ fasc. , i ) en a représenté , mais faussement sous le même nom , une autre espèce. Les podophthalmes (^podophthabnus , Lam.) ont aussi un test en forme de trapèze transversal , mais avec une dent très forte, derrière les cavités oculaires. Les pédicules oculaires rapj)rochés au milieu du front, à leur naissance, se prolon- gent jusqu'aux angles latéraux du bord antérieur, en se lo- geant dans une rainure pratiquée au-dessous de lui. Dans ce genre, ainsi que le suivant, les serres sont fort allongées et très dentées, (i) Les LUPEs (lapa , Leach ) ont aussi les yeux rapprochés près du milieu du front, mais portés, ainsi que dans les autres nageurs, sur de courts pédicules. Le test a la figure d'un rhombe transversal , avant de chaque côté neuf dents , dont la postérieure beaucoup plus forte, en forme d'épine. La queue des mâles diffère souvent beaucoup de celle de la fe- melle. La planche III, division des crustacés, de l'ouvrage sur rÉgvpte, représente une grande espèce de ce genre [pela- gica) avec tous ses délails d'organes extérieurs-, nous n'en possédons qu'une pedle, que j'ai rangée avec les portunes ( Diifourii) ^ et qui n'est, je présume , qu'une variété du can- cer hastatus , de Linné. (2) (r) Voyez mon Gênera Criist. et Insect., les Mélange:; de Zoologie de Lpacli , De.-.marest, et Guér'iu '^Iconog., fasc. i ). (2) Voyez l'art Joie PoRTrriE du TÇoiweau Dïcdonnaire rV Histoire naturelle, de V Encyclopédie méthod. , et de l'ouvrage de M. Dcsniarcst sur la classe des Crustacés. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 35 ï Notre seconde et dernière division des nageurs se compo- sera de deux genres se rapprochant de ceux de la tribu sui- vante, où nous les avions même placés (^Faniill. natiir. du Règne ajiiwal) ^ par la forme de leur cavité buccale, qui se rétrécit en pointe à son sommet, et par celle du troisième ar- ticle des pieds-mâchoires extérieurs, qui est triangulaire , al- longé et pointu. Le test est presque orbiculaire ou ovoïde, et tronqué en devant ^ les pinces sont comprimées et presque en crête à la tranche supérieure. Les MATUTES (^inatuta, Fab.) ont les tarses de tous les |)ieds venant après les serres, en forme de nageoires, et se rapprochent des lupes , à l'égard de la dent postérieure des bords latéraux du test , qui est pareillement très forte et spini- forme. Les mains sont très dentelées supérieurement*, les an- tennes latérales sont extrêmement petites, (i) Les ORiTHYiEs (orithyiciy Fab.) n'ont que les deux pieds postérieurs en nageoire, et le post-abdomen des mâles, par une exception particulière dans cette tribu , offre sept seg- mens distincts au lieu de cinq. (:i) QUATRÎÈ?.ÎE TRIBU. CHRISTIMANES {CURISTIMANI). Par la forme générale de leur test, ils ont de grands rap- ports avec les crabes et les atélécycles , de la tribu des arqués. La queue est aussi composée de même , mais la cavité buccale va en se rétrécissant veis son extrémité supérieure , ainsi que le troisième article des pieds-mâchoires extérieurs , dont la figure est ainsi plus ou moins triangulaire. Les pinces sont fortes , élevées, comprimées et dentées , en manière de crête , à la tranche supérieure ; ainsi que les autres pieds, elles sont toujours à découvert , ce qui distingue cette tribu de la sui- vante. Elle n'offrira que deux genres. Dans celui d'nÉPATE (i) Voyez le Règne animal de M. Ciivi(^r, i^ édition, tome IV, page 3i ; Desmc- ipst , sur les Crustacés; Guérin , Tconog., fasc. t. (2) Les mêmes ouvrages. 352 CRUSTACÉS. PREMfER ORDRE. DÉCAPODES. (hepatus, Latr. ) , cet article des pieds-mâchoires extérieurs est en forme de triangle étroit , allongé , pointu , sans échan- crure apparente. Les bords de la carapace présentent un grand nombre de petits plis ou de dentelures, mais sans au- cune saillie remarquable, (i) Dans celui de mursie ( mursia , Leach ) , les bords latéraux du test ont, à la suite de plusieurs dents antérieures, une forte pointe ou épine , et le même article a , au côté interne , une échancrure. (2) CINQUIÈME TRIBU. CRYPTOPODES {CRYPTOPODÀ). Tous les pieds, à l'exception des serres, peuvent se retirer sous deux voûtes formées , une de chaque côté , par des dila- tations latérales et postérieures du test , de sorte que lorsqu'on considère l'animal par le dos dans ce moment de contraction , on ne voit aucun de ces organes -, car il applique aussi ses serres sur la face antérieure du corps, et peut d'autant mieux la voiler, si je puis m'exprimer ainsi , que la tranche supé- rieure des pinces forme , par son élévation , sa compression et les dentelures de son bord , une crête. Aussi a-t-on nommé ces crustacés coq-de-mer , crabe honteux. Tout le contour du test est le plus souvent incisé et denté \ la disposition et la forme de ces dents , ainsi que la configuration des serres, in- diquent l'affinité de ce genre avec les précédens^ mais l'incli- naison assez brusque des doigts lui donne aussi des rapports avec les parthénopcs et quelques autres crustacés de la tribu des triangulaires. Deux genres composent uniquement celle-ci. Le premier, celui de calappe ou migrane {^calappa , Fab. ) , que la forme bombée du test , le rétrécissement et la division biloculaire de l'extrémité supérieure de la cavité buccale , l'espèce de (i) Foyezlc Règne animal de M. Cuvier, i^ édition, tome IV, pages Sg et 40 ; Desmarest, sur les Crustacés; Guérin , Iconog., fasc. i. (2) Voyez la figure de la seule espèce connue dans le même ouvrage de M. Des- marest, pi, IX, fig. 3, Mursie en crête. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 353 crochet que forme, en se terminant, le troisième article des pieds-mâchoires extérieurs, séparent nettement de l'autre genre. Les mers inter-tropicales en fournissent plusieurs espèces ^ la Méditerranée seule nous en offre une, le C. migraive , ou GRANULÉ [granulatus^ Fab.), bien signalée par son test verru- queux divisé par deux sillons, couleur de chair et parsemé de taches d'un rouge carmin , ayant au bord postérieur quatre dents très courtes , et six fortes , à chaque dilatation latérale. M. Roux vient d'en publier une nouvelle figure dans le pre- mier fascicule de son ouvrage sur les crustacés de la Médi- terranée, pi. II (i). Cette espèce se tient ordinairement dans les fentes des rochers des côtes, et en sort vers le crépuscule, pour chercher sa nourriture. Une monographie de ces crus- tacés, quoique très bornée quant au nombre des espèces, plairait cependant beaucoup à l'œil , à raison de leurs formes particulières. ( /^o^ez Fabricius , Desmarest, etc.) Le cancer scruposus de Linné , ou celui qu'Herbst a nommé poljnome (LIII, 4 5 ^i), fait partie du genre ^thra (œthra) de M. Leach. Son corps est très aplati , et le troisième article des pieds-mâchoires extérieurs est presque carré, ce qui ne per- met pas de confondre cette coupe avec la précédente. Dans ce crustacé , le test forme un ovale transversal , et les serres sont peu allongées ; mais dans une autre espèce , rapportée au même genre, la parthenope fornicata de Fabricius, ce test est trian- gulaire et les serres sont plus longues et anguleuses. Je pré- sume qu'elle doit former un genre propre près de celui-ci. L'une et l'autre habitent les mers des Grandes-Indes. DEUXIÈME DIVISION. La situation des deux ou quatre pieds postérieurs, qui, insérés sur le dos ou au-dessus des autres , sont tournés vers le ciel , distingue très bien cette division de la précédente , et (i) Il en a aussi représenté une variété remarquable dans le quaîrième'J^^Yiï— ^ /i ■i\ .. . A*' 354 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. même de tous les autres crustacés , à l'exception des homoles. Au moyen de cette disposition des pieds et du crochet aigu de leur extrémité, ces animaux peuvent retenir et fixer sur leur dos divers corps marins , comme des alcyons , des éponges , et jusqu'à des valves de coquilles, et tromper ainsi leurs ennemis. SIXIÈME TRIBU. NOTOPODES {NOTOPODA). Elle est formée de cinq genres. Le premier, celui de dromie (di^omia) , nous présente un test presque orbiculaire ou presque globuleux , bombé , lai- neux ou velu , avec les yeux rapprochés près du milieu du front, et les quatre pieds postérieurs dorsaux et terminés par un double crochet. La D. DE RuMPHius (cancer dormia^ Linn.; C. heracleoticus aller, Aldrov.) est l'espèce la plus connue, et qui habite presque toutes les mers, à l'exception de celles du Nord. Elle est assez grande, toute couverte d'un duvet brun, munie de cinq dents à chaque bord latéral, avec les doigts des serres forts, en partie rosés, et très dentés dans leur contour. La D. TÊTE-DE-MORT ( C. caput-mortuuïTi , LiNN.) est plus I petite, presque globuleuse, et n'a, à chaque bord latéral du test, que trois dents bien distinctes. On la trouve sur les côtes ^ de Barbarie. Dans les quatre genres suivans , le corps est aplati , soit en forme d'ovoïde, largement tronqué en devant, ou presque carré et un peu plus étroit à sa partie antérieure; soit en segment de cercle, comme nos crabes ordinaires. Le second et le troisième sont les seuls de cette tribu qui n'aient que les deux pieds postérieurs insérés sur le dos. L'un, celui de dynomène {dynoniene, Latr.), se distingue des autres notopodes par son test taillé en segment de cercle tronqué. M. Desmarest a figuré (pi. XVIII, fig. 2) la seule espèce connue , et qui se trouve sur les côtes de l'Ile-de- France. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 355 L'autre, celui de cymopolie (cjmopolia) (i), établi par M. Roux (Cjust, de la Médit. , pi. XXI), a le test presque carré , un peu plus large que long , avec les yeux latéraux , écartés , la troisième et la quatrième paire de pâtes longues , presque égales , et l'abdomen de six tablettes dans les deux sexes. Ce genre se rapproche, par \q faciès, de celui de pla- gusie. Un test déprimé , en forme d'ovoïde tronqué par-devant , des yeux insérés près de ses angles antérieurs, portés sur des pédicules assez longs ; les pieds-mâchoires extérieurs allongés et droits 5 la seconde et la troisième paire de pâtes longues, et les deux paires postérieures insérées sur le dos , signalent les deux derniers genres. Dans celui d'ÉTHUsE (^ethusa mascarone , Roux, Cnist. de la Médit., pi. XYIII), les antennes latérales ou extérieures sont insérées au-dessous des intermédiaires-, le troisième ar- ticle des pieds-mâchoires extérieurs est presque cordiforme ; l'abdomen est de sept segmens dans les femelles et de cinq dans les mâles. Dans le cinquième et dernier genre, celui de dorippe {do- rippe, Fab.), cet abdomen est de sept segmens dans les deux sexes 5 les antennes extérieures sont insérées au-dessus des in- termédiaires, et le troisième article des pieds-mâchoires exté- rieurs est étroit et allongé. Au-dessus delà naissance est, du moins dans certaines espèces, une fente oblique, en forme de boutonnière, coupée par un diaphragme, cilié ainsi que les bords de cette fente, et communiquant avec les branchies. On pourra consulter, à l'égard des espèces, l'ouvrage de M. Desmarest, qui le premier, à ce que je crois, avait observé ce dernier fait. On en trouve quelques unes dans la Méditer- ranée , et de ce nombre est la laineuse (Roux, Crust. de la Médit., pi. XYII). Celle que Fabricius nomme quadiidens a été observée en état fossile. (i) Dans ce genre et les deux suirans les serres sont petites. 356 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. DEUXIÈME SECTION. HÉTÉROCHÈLES {HETEROCHELES). C'est principalement avec les genres leucosia, parthenope et înachus de Fabricius , ou avec la tribu des triangulaires et une portion de celle des orbiculaires , de ma distribution métho- dique antérieure, que je forme cette division des brachyures. La dénomination d'hétéjvchèles que je lui donne ne provient pas seulement de la considération isolée des serres de l'indi- vidu, mais de leur comparaison dans les deux sexes. Celles des mâles sont , en effet , sensiblement plus longues que celles des femelles (i). Le thoracide va en se rétrécissant d'arrière en avant, de sorte qu'il est ovoïde ou triangulaire, et quelque- fois aussi presque globuleux. Il est surtout remarquable par ses inégalités, comme les tubercules, les épines dont il est chargé, et ses saillies ou cornes frontales. A raison de sa forme, les pédicules oculaires sont insérés sur les côtés et dans des cavités petites et circulaires. Dans plusieurs , ils peuvent être rejetés en arrière. Aucun des pieds n'a de nageoire. L'épi- stome est ordinairement presque isométrique , ou plus long que large et carré. La teinte est uniforme, grise ou cendrée, et l'on peut juger, d'après cela, que ces crustacés ne quittent guère leur séjour habituel ou la mer. La queue du plus grand nombre est de sept ou six segmens, dans les deux sexes. Nous terminerons cette section de la même manière que la première , ou par ceux dont les pieds sont placés sur deux rangs, ou dorsaux. (i) Cela doit s'entendre de la généralité des espèces, et ce caractère ne sauffre point d'exception relativement à la tribn des orbiculaires, qui, sous le rapport de la forme du test et des organes de la manducation , pourraient présenter quelque ambi- guïté. PREMIÈRE FAMILLE. BRACHYURES. 3^J PREMIÈRE DIVISION. Tous les pieds sont insérés sur la même ligne , et les deux postérieurs ne diffèrent point de ceux qui les précèdent immé- diatement par leur forme et leurs usages. Les pieds-mâchoires extérieurs ne font point de saillie en avant. Les yeux sont généralement écartés et latéraux. SEPTIÈME Tl\IBU. ORBICULAIRES {ORBICULATA). De la tribu désignée ainsi par nous, dans notre ouvrage sur les familles naturelles du règne animal, nous avons détaché les genres hépate et mursie pour en former une nouvelle tribu , celle des chrislimanes. Elle est ainsi réduite au genre coryste et à celui de leucosie de Fabricius, composant, dans la mé- thode de M. Leach , une petite famille , celle des leucosidées (leucosided) , Le rétrécissement supérieur de la cavité buccale, la forme étroite , allongée et plus rétrécie vers l'extrémité supérieure du troisième article des pieds-mâchoires exté- rieurs , souvent encore la petitesse des yeux et des antennes latérales, et le nombre des segmens de la queue, qui n'est que de quatre, dans les deux sexes, voilà ce qui distingue la tribu des orbiculaires de la suivante. Un test ovoïde-oblong, simplement crustacé et non pier- reux-, des antennes latérales longues, avancées et ciliées 5 des yeux de grandeur moyenne ^ une échancrure au côté interne du troisième article des pieds-mâchoires extérieurs; enfin Une queue de sept segmens , mais dont deux des intermédiaires , oblitérés dans les mâles, éloignent des leucosies le genre CORYSTE {corjstes)^ que j'avais établi sur Yalbunea dentata de Fabricius, espèce de nos côtes, et figurée par Herbst, ainsi que par MM. Leach et Desmarest. Feu de Lalande en a rap- porté une autre de son voyage au Cap de Bonne-Espérance. Les LEUCOSIES (^leucosia) de Fabricius nous offrent un test très dur, pierreux, semblable, sous ce rapport et par sa cou- leur, à de la porcelaine ou à de la faïence, en forme d'ovoïde 'doS CRUSTACÉS. — PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. court , OU presque globuleux , rhomboïde dans quelques , très peu avancé et souvent tronqué en devant ^ des pédicules oculaires et des antennes latérales très petits • des pieds- mâchoires extérieurs contigus par leur bord interne et dont le troisième article, plus court que le précédent , sans échan- crure ou sinus apparent au côté interne^ une cavité buccale en forme de triangle allongé, et partagée longitudinalement en deux-, enfin une queue très ample, presque orbiculaire dans les femelles, et n'étant composée, tant dans ces individus que dans l'autre sexe, que de quatre à cinq segmens au plus. Ce genre en forme maintenant dix dans la distribution mé- thodique du docteur Leach , mais dont l'exposition est hors de mon plan, et serait d'autant plus inutile ç, que, faute de figures grossies des parties , je ne pourrais vous en montrer les caractères. Les plus saillans, et les seuls que vous puissiez saisir, sont tirés de la forme du test et des proportions des serres comparées avec celles des autres pieds. Il en est où elles sont évidemment plus grosses qu'eux, et parmi les genres qui sont dans ce cas , le test est tantôt rhomboidal , comme dans les ébalies et les nursies, coupes formées de petites espèces , et dont quelques unes se trouvent sur nos côtes-, tantôt plus ou moins globuleux , ou du moins suborbiculaire, comme dans les leucosies propres , les pivy lires et les persephones . Dans les genres où ces pieds antérieurs diffèrent peu en grosseur des suivans , ici le test est conformé de même que dans la division précédente , et vous avez pour exemples les genres mjra, ilia, arcania et iphis -, là les côtés de ce test se prolon- gent transversalement, et ces dilatations sont cylindriques. Le genre ixa est le seul de cette division. Elle a reçu , avec trois autres, la qualification nominale de jace. De bonne foi, le docteur Leach aurait bien pu se restreindre à en faire unique- ment autant de coupes génériques. Si vous désirez plus de dé- tails , l'ouvrage de M. Desmarest vous les fournira. PREMIÈRE FAMILLE. BRA.CHYURES. SSq ! C'est au genre ilie (ilia) que se rapporte l'espèce la plus ^ AI commune des côtes de la Méditerranée , la leucosie noyau , leucosia nucleus , de Fabricius , dont vous pourrez voir une bonne figure dans l'ouvrage de M. Roux , sur les crustacés de la Méditerranée , ya5czcM/e ii, pi. VIII, fig. i. Front point débordé par la cavité buccale *, pédoncule du flagre allongé , presque linéaire \ test presque globuleux \ serres guère plus grosses que les autres pieds, longues , avec les mains cylin- driques et à doigts allongés , voilà le signalement propre de ce genre. Quant à l'espèce ci-dessus , elle est granuleuse sur les côtés et postérieurement , avec le front échancré , deux dents au bord postérieur, et deux autres plus fortes, latérales^ les serres sont en partie graveleuses^ le corps est roussâtre. On trouvera sur la même planche la figure d'une autre espèce, très voisine de la précédente, \ilia ruguleuse. On en con- naît de fossiles. ( Voyez l'ouvrage sur les crustacés fossiles de M. Desmarest. ) HUITIÈME TRIBU. TRIANGULAIRES {TRIGONJ). Dans quelques genres de cette tribu , tels que les doclées , les libinies y etc. , le test , ou plutôt le thoracide , c'est-à-dire le corps , abstraction faite de la queue , se rapproche assez , par sa forme arrondie, de celui des leucosies*, mais, en géné- ral, il est triangulaire ou subovoide , rétréci antérieure- ment , et terminé par une sorte de bec , ou par des saillies en forme de cornes et de pointes ^ son dos et les bords en offrent aussi dans un grand nombre. La cavité buccale est coupée carrément à son sommet. Le troisième article des pieds- mâchoires extérieurs est généralement semblable au même des quadrilatères , ou ne se termine pas en pointe comme dans les leucosies ♦, la queue est ordinairement composée de sept à six segmens dans les deux sexes, ou bien de cinq dans les mâles, et de six dans les femelles. Ces crustacés sont appelés communément araignées de mer. Suivant MM. Quoy et Gay- mard , les maias , ainsi que les portunes , ne quittent pas le 36o CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. fond des eaux ; ayant , à leur départ du Brésil , retiré leurs ancres , ils trouvèrent sur le sable un grand nombre de ces animaux. On n'en a découvert , en état fossile , que deux es- pèces, ou M. Desmarest , du moins, n'en a pas observé un plus grand nombre dans les collections de Paris. Le docteur Leach a introduit , dans celte considérable tribu, plusieurs nouveaux genres. Une première section compren- dra tous ceux dont les secondes pâtes et les suivantes ont une forme identique. Ceux dont la queue , ou celle des femelles au moins, est composée de sept tablettes, qui ont le troisième article des pieds-mâcboires extérieurs presque carré , tronqué obliquement , ou échancré à l'angle supérieur interne , et y donnant naissance à l'article suivant , formeront dans cette section une première division , à la tête de laquelle nous place- rons des genres se distinguant des suivans par la grandeur extraordinaire et la direction de leurs serres. Dans le repos , elles s'étendent latéralement, se recourbent et se replient sur elles-mêmes , en formant avec l'axe du corps une espèce de croix. Les uns ont les antennes latérales très courtes, de la longueur au plus des yeux -, leur premier article est totale- ment situé au-dessous des cavités oculaires. Tel est le genre PAE.THÉN0PE {partheiiope) de Fabricius. Les espèces dont les mâles n'ont que cinq segmens à la queue composent celui de LAMBRE {larnbrus) du docteur Leach. M. Roux a donné de bonnes figures de trois espèces de la Méditerranée, et dont deux au moins avaient déjà été connues d'Aldrovande. Dans le genre eurynome {eurynomé) de M. Leach encore , établi sur un crustacé de nos côtes et de celles de l'Angleterre , les an- tennes latérales sont sensiblement plus longues que les yeux , et leur premier article atteint l'extrémité supérieure interne des cavités propres à ces derniers organes \ la queue est tou- jours de sept segmens \ les serres des femelles sont beaucoup plus courtes que celles de l'autre sexe. Celles du genre mi- THRAx {mithrax , Leach) sont aussi très robustes , mais avan- cées , et leurs doigts se terminent en manière de cuiller. Dans les coupes suivantes , les pâtes , ou celles des femelles au PREMIERE FAMILLE. BRACÏIYURES. 36 I moins, sont de grandeur ordinaire. Les stenocionops {steno- cionops y Leach) contrastent avec tons les autres triangulaires de cette section par leurs pédicules oculaires fort allongés et toujours saillans. On distinguera les acanthonyx (acantho- nfXj Latr.) à la saillie, en forme de dent ou d'épine, que leurs jambes offrent en dessous ; les maïas (maia) de M. Leach , à leurs antennes latérales , qui paraissent naître des cavités oculaires, et à la longueur de l'article précédant les pinces , qui égale presque la leur. Ce dernier caractère se retrouve dans les camposcies {camposcia , Leach ) -, mais ici la longueur des pieds , à partir des seconds , semble augmen- ter progressivement , et les pédicules oculaires , plus allon- gés , sont très courbes , et vont se loger en arrière dans des fossettes situées sous les bords latéraux du test. Un crustacé très commun sur nos côtes , oii il est connu sous le nom à'araignée de mer, et dont on trouve des individus d'une grande taille , est le type du genre maïa , dénomination qui lui avait été donnée par les Grecs, chez lesquels il a joui d'une grande réputation. On lui attribuait une grande sagesse et de la sensibilité pour les charmes de la musique. Son effigie est empreinte sur plusieurs anciennes médailles : c'est Vinachus cornutus de Fabricius. Nos HYPÉRicÈREs (hypericero) ^ très voisins des amathia de M. Roux , ont leurs antennes latérales insérées sous le museau , et plus rapprochées des fossettes recevant les antennes inter- médiaires , que des cavités oculaires. On reconnaîtra le genre naxie [naxia, Leach) aux deux rangées inférieures de dentelures de leurs tarses. Ceux de pise (pisd) et de cho- RiTfE [chorinus) du docteur Leach n'en offrent qu'une à la même partie. Le dernier se distingue de l'autre en ce que les troisièmes pieds sont brusquement plus courts dans les mâles que les précédens. On peut réunir celui de lissa à celui de pise. Les micippes (^micippe , Leach) ont leur test large- ment tronqué en devant , et terminé par une sorte de chaperon incliné ou de bec denté. Le premier article de leurs antennes alérales est courbe, dilaté à son extrémité supérieure en ma- 302 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. nière de lame oblique , et fermant la cavité oculaire. Les HYAs (Jijas , Leach) offrent derrière les fossettes un avance- ment en forme d'oreillette -, le test est presque ovoïde -, le côté extérieur du second article de leurs antennes latérales , beau- coup plus grand que le suivant , est comprimé et caréné \ les antennes se terminent par une tige très courte , en forme de stylet allongé. Dans les halimes [halimus , Latr.) , les pédicules oculaires, quoique courts, sont toujours à décou- vert ^ la tige des antennes latérales est longue , sétacée, avec le troisième article de leur pédoncule aussi long au moins que le précédent. Les libinies {libinîà) du même naturaliste, et auxquelles on peut associer ses doclées {doclœa) , ont un test presque globuleux et les pédicules oculaires très courts , à peine exsertiles. Ses égéries (œgeiia) sont signalées par leurs serres presque linéaires, et leurs autres pieds filiformes et très longs. Dans les genres de notre seconde division , jamais la queue n'a plus de six segmens^ le troisième article des pieds-mâ- cboires extérieurs est plus étroit que dans les genres pré- cédens , rétréci à sa base , et c'est en dehors de son extrémité interne que le suivant est inséré. Tantôt l'épistome est presque isométrique ou un peu trans- versal , et la base des antennes intermédiaires est peu éloignée du bord supérieur de la cavité buccale. C'est ce qui a lieu dans les hyménosomes {hjmenosoma , Latr.), dont le corps est très aplati , et dans les inachus (inachus) , tel que le doc- teur Leach borne cette coupe , et où le corps a une épaisseur ordinaire. Le sternum de quelques espèces (Roux, Crustacés de la Méditerranée, pi. XXVI et XXVII) offre, dans les mâles, deux dilatations en forme d'écaillés ou de plaques arrondies , avec une élévation intermédiaire. Près de ce genre vient celui d'EURYPODE (eurypoda) de M. Guérin , distinct du précédent par l'élargissement de l'avant-dernier article des pâtes, venant après les serres. Il ne comprend encore qu'une espèce , et recueillie par MM. Quoy PREMIÈRE FAMILLE. BRA.CHYURES. 363 et Gaymard dans leur premier voyage aux Terres australes. Dans le même voisinage se rangeront les achées (achœus , Leach), qui ont six segmens à la queue ^ dont les quatre tarses postérieurs sont en faucille , et dont les pédicules oculaires , toujours saillans ont en devant un tubercule. ' Tantôt Tépistome est plus long que large , en forme de triangle allongé et tronqué au sommet , et l'origine des an- tennes mitoyennes se trouve ainsi notablement éloignée du bord supérieur de la cavité orale. Ici viennent les sténorhynques (s tenorhjnchus) àehcimsirck ou les macropodia de M. Leach , qui ont Textrémité antérieure du test bifide; les leptopodies (leptopodia) du dernier, où cette extrémité forme une pointe entière , longue et dentelée-, et un genre très remarquable, celui de latreillie (la- treillia) , établi par M. Roux (Cnistacés de la Méditerranée, jpl. XXII) sur une espèce découverte, par M. Caron, sur les ' cotes de la Sicile. Quant à la forme générale du corps et la j longueur des pieds, il avoisine le précédent-, mais les yeux 'sont portés sur de longs pédicules, et le front présente deux forte épines divergentes. Un caractère très insolite signale les triangulaires de notre seconde section. Les quatre ou six pieds antérieurs sont simples , et l'extrémité interne de l'avant-dernier article des quatre postérieurs se prolonge en une dent , qui forme avec le suivant une pince didactyle. Le genre pactole (pactolus), de M. Leach , est le seul de cette section. Je ne puis vous présenter les autres sans en excepter même ceux qui me sont propres. Je suis également forcé de ne citer ^aucune espèce ^ les sources auxquelles vous pouvez recourir, vous sont connues par mes renvois ordinaires : j'y ajouterai M. Savigny quant aux genres maïa et sténorhynque. DEUXIÈME DIVISION. Les deux pieds postérieurs sont subitement plus petits que les autres , tantôt cependant très à découvert , insérés sur le 364 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. dos, terminés par un crochet et préhenseurs; tantôt beau- coup plus petits et moins apparens , mutiques , comme inu- tiles ou avortés. Les pieds-mâchoires extérieurs sont allongés, saillans et courbés en dehors. Les yeux sont très rapprochés à leur inserlion , qui est située sous le museau. Le test est épineux. NEUVIÈME TRIBU. HYPOPHTHALMES {HYPOPHTHALMA). Elle se compose de deux genres. Le premier, celui d'uG- MOLE (^liomola) de M. Leach, avait été désigné par Aldro- vande sous le nom d! hippocarciiius , que je lui avais conservé dans un Mémoire sur ces Crustacés , lu à l'Académie des Sciences, mais que j'ai ensuite abandonné pour éviter une confusion de noms, ce savant ayant publié le même genre , sans avoir connaissance de mon travail , resté manuscrit. M. Rafi- nesque a aussi établi la même coupe , et l'a appelée thelxiope. Les homoles ont les deux pieds postérieurs insérés sur le dos , courbés en manière de crochet à leur extrémité , et onguiculés. Les yeux sont portés sur des pédicules assez longs et saillans. La queue est formée de sept segmens dans les deux sexes. On en connaît deux espèces , et habitant l'une et l'autre la Méditerranée. La première est l'H. front-épineux (^cancer spinifrons , Fab. ) , figurée par le docteur Leach (Miscell. zool.y ii , tab. 88) ; la seconde est l'H. de Guvier (cuuieri) , représentée par M. Roux, dans son second fasci- cule des crustacés de cette mer, pi. VIL Celle-ci est très grande. Le second genre , celui de lithode (lithodes, Latr.) , a été établi sur le cancer maja de Linné (^parthenopes maja^Fka. ^ inachus maja , ejusd.). Ici les deux pieds postérieurs sont très petits, mutiques, peu apparens, et paraissent n'avoir aucune fonction. Les pédicules oculaires sont courts. La queue est membraneuse , avec sept plaques ou lames crustacées , trois de chaque côté , transverses , et l'autre au bout. Cette espèce est assez grande , et habite les mers du Nord. Seba et MM. Leach ctDesmarcst l'ont figurée. C'est la lithode arctique (arciica). DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. 365 DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES {MACROURI). — {Canceres macrouri, LiNN.; Exognathay Fab.) Tous , à l'exception des ranines , distingués cependant des brachyures par leur queue étendue et par des pieds dorsaux natatoires , ont des appendices latéraux au bout de la queue , et formant le plus souvent , avec son dernier segment , une nageoire. Cette queue, aussi longue au moins que le test, est , les porcellanes exceptées , étendue , découverte , et sim- plement courbée en dessous vers son extrémité postérieure. Elle offre ordinairement à sa face inférieure cinq paires de fausses pâtes , formées de deux feuillets ou de deux filets , insérés à l'extrémité d'une petite tige ou de support commun. Telle est aussi la composition des deux appendices latéraux mentionnés plus haut , et qui prennent naissance , un de chaque côté, de l'avant - dernier segment, ou le sixième^ car il y en a toujours sept. Les ouvertures génitales de la femelle sont situées sur le premier article des pieds de la troisième paire. Les branchies consistent en des pyramides vésiculeuses, barbues et velues , disposées , dans plusieurs , sur deux rangées ou par faisceaux. En général, les antennes sont plus longues , les pédicules oculaires sont plus courts , et les pieds-mâchoires extérieurs plus allongés que dans les brachyu- res. Les pieds paraissent être plus propres à la natation , sans être cependant terminés, du moins pour la plupart, en manière de nageoire. Le corps a aussi moins de largeur , et le test se termine en pointe par -devant. Vers la fin de cette famille l'épaisseur des tégumens s'affaiblit , et ils deviennent flexibles et presque membraneux. La queue étant plus à découvert que dans les brachyures est mieux protégée. MM. Audouin et Milne Edwards ont observé , dans le homard , un troisième sinus veineux , logé dans le canal sternal et s'étendant entre les deux sinus latéraux,- s'il existait aussi dans les autres ma- 366 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. croures, cette famille offrirait un autre caractère anatomique qui la distinguerait de la précédente. Elle embrasse le genre écrevisse, astacus, de de Géer, de Gronovius, d'Olivier, etc.-, nous la partagerons en trois sections : r^. Ceux dont les antennes et les pieds sont toujours à nu , et où le pédoncule des antennes latérales, de niveau avec les intermédiaires, n'est point recouvert par une grande écaille , ou en offre une, mais latérale , et le laissant à découvert. II®. Ceux qui , ayant aussi les antennes et les pieds toujours à nu, ont une grande écaille au-dessus du pédoncule des antennes latérales, le recouvrant , et où les intermédiaires sont supérieures aux précé- dentes. IIP. Ceux dont les antennes et les pieds peuvent se retirer sous un test , qui forme, par l'abaissement et le repli de ses côtés , une sorte de boîte, avec une ouverture longitudinale en dessous, en manière de fente. Tous les pieds sont mutiques , simples , en forme de lanières, avec un a[)pendice latéral. La première section se partagera en deux : ceux dont les deux ou quatre pieds antérieurs au plus sont didactyles ou terminés par deux doigts , et ceux où les six premiers pieds présentent ce caractère. Nous distribuerons ensuite les premiers ou ceux de la pre- mière division de la manière suivante : 1°. Appendices du bout de la queue, soit nuls, soit rejelés sur les côtés, et point réunis en une pièce commune avec le dernier segment; les deux derniers pieds tantôt filiformes et très différens des précé- dens, tantôt conformés de même, natatoires et dorsaux, soit seuls, soit avec les deux pénultièmes. Nota. Jamais plus de quatre paires de fausses pâtes sous-caudales (î) • pédicules oculaires souvent plus longs que dans les macroures suivans. Les tribus suivantes : NOTOPTÉRYGiENS , hippides et paguriens. 2°. Appendices du bout de la queue réunis avec son dernier seg- ment, pour composer une nageoire en éventail, membraneuse ou moins épaisse à son extrémité. Tous les pieds onguiculés et sembla- bles; les deux antérieurs simplement un peu plus forts, avec l'avant- (i) Il y en a, le plus souvent, cinq dans les divisions suivantes. DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. 36^ dernier article unidenté au plus dans l'un des sexes , mais ne formant point , avec le dernier, une pince. La tribu des scyllarides et celle des langoustines. 3°. Appendices du bout de la queue réunis aussi avec le dernier segment, en une nageoire, mais entièrement crustacée. Les deux pieds antérieurs en pince parfaitement didactyle; les deux derniers ordi- nairement très petits et repliés: yeux très gros et appendices du bout de la queue composés d'une seule lame, clans ceux dont les deux pieds postérieurs ne diffèrent pas des autres. Antennes mitoyennes cou- '•' dées , et dont le pédoncule est plus long que les deux filets du bout. La tribu des galathines. 4°, Appendices du bout de la queue comme dans la division pré- cédente. Les deux pieds postérieurs presque de la grandeur des pré- cédens, et point repliés; les quatre premiers en pince didactyle, dans la plupart ; index plus court que le pouce dans ceux où les deux antérieurs sont seuls didactyles. Antennes mitoyennes avancées, droites, et à pédoncule de la longueur au plus des deux filets du bout. La tribu des thalassinides. La seconde division, distinguée par les six pieds antérieurs en forme de serres et didactyles, composera la tribu des as- TACIKES. Notre seconde section comprendra, ainsi que nous l'avons dit , les macroures dont les antennes latérales , plus basses que les mitoyennes , ont leur pédoncule recouvert par une grande écaille. Elle nous offrira la tribu des Salicoques. La troisième section sera formée de la tribu des Coléo- PODES. l| Les uns, toujours errans et nageurs, ont des tégumens solides^ un test en forme de triangle renversé (dont la base est antérieure) , ou bien en ovoïde tronqué en devant, sans impression transverse , le divisant en deux ; les pieds anté- rieurs terminés , soit par une pince triangulaire comprimée , soit par un article tantôt comprimé, ovale, tantôt conique; tous les autres pieds, à l'exception au plus des deux derniers, natatoires , et une queue crustacée en dessus , à tablettes très •distinctes : ils composent nos deux premières tribus. 368 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. Dans l'exposition que nous allons faire de ces tribus et des suivantes, nous ne répéterons point, pour abréger, les carac- tères des sections et des divisions, et nous nous bornerons, lors- que ces divisions renfermeront plus d'une tribu à donner les signalemens respectifs et comparatifs de ces dernières coupes. PREMIÈRE SECTION. PREMIÈRE DIVISION. PREMIÈRE SUBDIVISION. PREMIÈRE TRIBU. NOTOPTÉRYGIENS {NOTOPTERYGIA). Ce sont les seuls macroures qui n'aient point d'appendices à Textrémité latérale de la queue , dont tous les pieds , à l'ex- ception des deux antérieurs , et pourvus d'une pince didac- tyle, triangulaire et comprimée, soient à la fois terminés en nageoire et disposés sur deux rangs , les deux ou quatre posté- rieurs étant dorsaux. Les antennes médianes sont coudées, et ressemblent à celles des brachyures. Le test est allongé, et a la forme d'un triangle renversé , dont la base ou le bord antérieur est dentelé. Les pédicules oculaires sont allongés. Les antennes latérales sont longues et avancées. Les pieds- mâcboires extérieurs sont étroits, allongés, et, comme dans la famille précédente, appliqués sur la bouche, et repliés sur eux-mêmes au côté interne. Les pieds sont fort rappro- chés-, les doigts des pinces sont brusquement fléchis. La queue est étendue , allongée , et ressemble à celle de la plupart des brachyures mâles. Cette tribu se compose du genre ranine ( ranina ) de» Lamarck, et a pour type Valbiuiea scabra de Fabricius, oui le cancer raninus de Linné, figuré par Rhumphius (Mus., tab. VII , fig. T. V), qui dit que cet animal vient à terre, et grimpe même jusque sur le toit des maisons, ce qui me paraît impossible d'après la forme de ses pieds. Ainsi , d'après les ' DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. 869 mêmes motifs, l'ont jugé MM. Quoy et Gaymard, en parlant d'une grosse espèce de ce genre qu'on prit à la ligne, par quatorze brasses de profondeur. On en trouve en Italie une autre espèce en état fossile , dont Aldrovande avait parlé , antérieurement à M. l'abbé Ranzani et M. Desmarest. JJalbunea dorsipes de Fabricius, rapportée au même genre, doit certainement en former un autre, si la figure de Rhumpbe est exacte , puisque les deux pieds postérieurs sont beaucoup plus petits que les autres , et semblent être les seuls qui soient insérés sur le dos. DEUXIÈME TRIBU. HIPPIDES {HIPPIDES). w Ils ont, de même que tous les macroures suivans, des appen- dices latéraux au bout de la queue, mais, ainsi que dans la tribu des paguriens , repliés sur les cotés , et point conni- vens avec le dernier segment , en forme de petites nageoires courbes. Les deux pieds postérieurs sont très grêles, filiformes et repliés. Les quatre antennes, velues ou fort ciliées, sont avancées et saillantes \ aucune d'elles n'est coudée. Ainsi que dans la tribu précédente, le test est tronqué, et plus ou moins denté à son extrémité antérieure. Leurs pieds- mâchoires extérieurs ont également plus de rapports avec .ceux des brachyures qu'avec ceux des macroures. Les deux pieds antérieurs se terminent, soit par une pince comprimée, dont le doigt mobile ou le pouce s'applique sur la main , soit par un article en forme de palette ovale ou bien conique. Les tarses des suivans, à l'exception des deux derniers , forment une nageoire plus ou moins lunulée et en faucille dans la ;plupart. Les appendices sous -caudaux sont au nombre de quatre paires et dont la tige est très grêle et filiforme. Le premier segment de la queue est court et large ; les suivans sont étroits j le dernier est grand et a la figure d'un triangle allongé. MM. Quoy et Gaymard nous apprennent que les hippes fuient constamment la lumière et vivent sous les sables bu- 2 A 3^0 CRITSTACKS. PREMIER ORDRE, DÉCAPODES. mides; mais je pense, d'après la conformation de leurs organes, que ce n'est que pendant le jour ou dans leur repos. Le genre albunée ( albunea) de Fabricius , que nous ré- duisons à l'espèce qu'il nomme sjmnista , se distingue de» suivans par ses pieds antérieurs terminés en une pince trian- gulaire , monodactyle ; par les antennes , dont les latérales sont courtes et les mitoyennes longues , sétacées et simples; par les pédicules oculaires formant réunis un petit museau plan , triangulaire -, enfin par son test presque carré et plan. Dans les hippes [hippa, Fab. ) , les deux serres se terminent en une palette ovoïde , sans doigt mobile \ les antennes la- térales sont plus courtes que les mitoyennes , et contournées 5 celles-ci portent deux filets courts, placés l'un sur l'autre 5 les pédicules oculaires sont longs et filiformes; le test est convexe, et en ovoïde tronqué. Les RÉMiPÈDEs {^remipes , Latr.) ont un test semblable; mais les deux pieds antérieurs, plus allongés, s'amincissent graduellement pour se terminer en pointe; les quatre antennes sont très rapprochées , fort courtes , et presque de la même longueur ; les intermédiaires sont d'ailleurs terminées par deux filets; les pédicules oculaires sont fort courts et cylindriques; les pieds-mâchoires extérieurs ont la forme de petites serres amincies , arquées et crochues au bout ; la nageoire de la qua- trième paire de pieds, ou le tarse, est étroite et allongée. On en connaît deux espèces , l'une des mers de la Nouvelle- Hollande , et l'autre des Antilles et des côtes du Brésil. ly Les autres macroures de cette division sont faiblemenÉI crustacés, et leur queue, ordinairement molle, en forme de sac et contournée, ne présente, et dans les femelles seule- ment , que trois appendices, divisés chacun en deux branches, et situés sur l'un des côtés; le thoracide, rétréci en devant, et plus ou moins triangulaire, tantôt terminé en pointe, tantôt tronqué , est comme divisé en deux par une impression trans- verse et arquée ; les deux pieds antérieurs se terminent tou- jours en une pince didactyle , et dans le plus grand nombre , l'une est plus forte que l'aulre; les quatre suivans vont en \ DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. 3'] ï pointe, ou ont un tarse conique^ l'extrémité des quatre der- niers forme une petite pince plus ou moins didactyle-, les pé- dicules oculaires sont cylindriques et de longueurs variées. Ces crustacés vivent , pour la plupart , dans des coquilles univalves et vides. TROISIÈME TRIBU. PAGURIENS {PAGURII). « Les hermites ou pagures, disent MM. Quoy et Gaym;u d dans l'exposé de leurs observations sur quelques crustacés de leur premier voyage , sont ceux que nous avons trouvés le plus fréquemment : il n'existe peut-être aucun lieu où on ne les rencontre j mais les Mariannes, les îles des Papous et Timor, nous en ont offert un plus grand nombre. Les grèves de la petite îleKera, dans la baie de Coupang , en sont couvertes. A l'instant de la plus forte chaleur, ils cherchent l'ombre sous des touffes d'arbrisseaux ^ et lorsque la fraîcheur du soir se fait sentir , on les voit sortir par milliers , roulant leur co- quille , se heurtant , trébuchant , et faisant entendre par leur choc un petit bruit qui les annonce , avant qu'on les aper- çoive. Toutes les coquilles univalves leur sont bonnes , comme on sait -, cependant la plupart étaient logés dans des nérites marines , qui , très communes dans les lieux où nous avons fait cette remarque , ne sont pas les coquilles les plus favora- bles au développement de ces animaux parasites. Quand ils aperçoivent quelque danger, ils se sauvent en toute hâte , soit dans des trous qu'ils rencontrent et qu'ils ne creusent pas , soit préférablement sous les racines, ou dans les troncs pourris des vieux arbres , rarement dans la mer , quelque près qu'ils en soient. Cette observation , que nous avons faite bien sou- vent , prouve qu'il existe deux familles distinctes de ces ani- maux -, celle qui habite dans les eaux, et celle qui n'y va ja- mais, ou du moins que très rarement. Ce n'est pas que les individus de toutes deux ne puissent vivre plus ou moins de Ij temps hors de l'élément qui leur est naturel, c'est-à-dire les uns dans l'air, et les autres dans l'eau : ils en ont la faculté, 3j1 CRUSTACéS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. comme nous nous en sommes assurés ^ mais le temps nous a manqué pour dire jusqu'à quel point ils pourraient supporter les expériences. Nous avons remarqué que les espèces ma- rines se distinguaient des autres par des yeux arrondis, portés à Textrémité de longs pédoncules cylindriques. A Guam , à Vaigiou , on rencontre dans les forets, à plus de mille pas du rivage , de très gros pagures , à pinces violacées , logés dans des buccins, revêtus d'une croûte terreuse, qui, très évi- demment, paraissent être dans leur séjour habituel. Quel- ques uns ont la faculté de rendre de l'écume lorsqu'on les tourmente. La lumière les attire ; car une nuit que nous étions campés autour d'un feu que nos matelots avaient allumé , nous entendîmes venir d'assez loin un gros pagure, qui s'étant approché trop près , devint victime de sa curiosité ^ il fut cuit dans sa maison et mangé. » M. de La Bêche a trouvé à la Jamaïque , en grande quantité , à terre , et dans un terrain sec , élevé de trente pieds au-dessus du Rio Minho , à plus de quatre lieues de la mer, le pagure diogène , connu, dans cette île , sous le nom de soldat. On le rencontre même dans toute l'île, et il y passe une grande partie de sa vie, n'allant à la mer que pour y déposer son frai , et , à ce qu'il paraît, pour s'emparer d'une coquille univalve marine , dans laquelle il demeure habituellement. Cette distinction de pagures ter- restres et de pagures aquatiques avait déjà été faite , et nous avions formé avec les premiers , ou du moins avec une es- pèce (^cljpeatus) qui nous paraissait être de cette série, le genre cénobite. Celui de birgue (birgus) du docteur Leach s'éloigne du précédent et des autres par plusieurs caractères , et par des habitudes propres , à ce qu'il semble résulter de ce qu'on raconte de l'espèce dont il est le type , le cancer latro de Linné, et la plus grande connue. Les tégumens sont plus solides-, le test est en forme de cœur renversé , et pointu en devant -, les deux pieds postérieurs sont repliés et cachés -, la queue est presque orbiculaire , avec deux rangs d'appendices lamelliformes en dessous. Cet animal se loge probablement dans des fentes de rochers ou dans des DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. S^S trous en terre. On croit, mais faussement, qu'il mange les amandes des fruits de cocotier tombés à terre , et pour la recherche desquels il sortirait la nuit. Un autre genre à queue allongée, droite et régulière, est celui que j'ai nommé pro- PHYLACE (jjrophjlax). Elle offre aussi en dessous deux ran- gées d'appendices -, ceux de son extrémité sont presque égaux y et la pièce la plus grande est foliacée et ciliée \ le corps est li- néaire 5 les quatre pieds postérieurs ne m'ont point paru aussi distinctement bifides que ceux des autres paguriens. M. Milne Edwards a établi , sous le nom de glaucothoé, un nouveau genre qui nous semble très voisin du précédent , s'il n'est pas identique. Nous n'avions vu que trois paires d'appendices , et nous n'en avions pas indiqué la forme. Le sien en offre une de plus, et ces appendices sont foliacés ou lamelleux. \oilà les seules différences essentielles \ il unit, ainsi qu'il l'a bien re- marqué , les paguriens avec nos thalassinides. . Les paguriens à queue molle , contournée , et n'offrant qu'un seul rang d'appendices et tous filiformes , composent deux autres genres, celui de pagure ou d'nERMiTE (pagurus) ^ et celui de cénobite (cœnobita) -^ dans le premier, les an- tennes médianes sont plus courtes que les latérales, courbées, avec les deux filets courts , et dont le supérieur en forme de cône allongé ou subulé ; elles sont presque aussi longues que les deux autres , et terminées par deux filets allongés , dans le second -, le thorax est aussi plus étroit et comprimé latéra- lement. On consultera , à l'égard des espèces, l'article pagure de XEncjclop, méthodique^ et les ouvrages de M. Leach , Desmarest , Risso , et celui de M. Roux sur les crustacés de la Méditerranée. M. Savigny en a aussi représenté deux es- pèces (pi. IX). M. Geoffroy Saint-Hilaire a fait sur ces crustacés quelques recherches anatomiques , qu'il a exposées sous un point de vue conforme à ses opinions particulières. 374 CRUSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. DEUXIÈME SUBDIVISION. QUATRIÈME TRIBU. SCYLLARIDES {SCYLLARIDES). C'est du genre scjllarus de Fabricius que se compose cette tribu. M. Roux nous apprend que les espèces de la Méditer- ranée sont appelées , selon la diversité des lieux situés sur cette mer, cliiambré , macoto , cigalo et masquo. L'une d'elles est la cigale de mer de Rondelet. I^a forme bizarre des antennes latérales caractérise parfaitement ces animaux. La tige manque, et les articles de leur pédoncule se dilatant latéralement et horizontalement , forment une sorte de crête aplatie et plus ou moins dentée sur ses bords -, le test est presque carré. Au rapport de M. Roux , leur natation est vive et très bruyante , et c'est par bonds , comme les langoustes , qu'ils l'exécutent. Les uns se tiennent sur les terrains argileux , à de moyennes profondeurs ^ d'autres n'habitent que les profon- deurs rocailleuses. Dans la saison des amours , ils approchent des endroits où croissent les ulves et les fucus. La femelle n'abandonne ses œufs que lorsqu'ils sont développés. La chair de ces macroures est excellente. Les deux seules espèces que l'on trouve dans cette mer appartiennent au genre scyllàre {scjllarus , Leàch) proprement dit, distingué des deux sui- vans par son test , aussi long ou plus long que large , sans inci- sions , et près des angles antérieurs duquel sont logés les yeux -, le pénultième article des deux derniers pieds est uni- denté dans les femelles. Ces deux espèces sont le S. ours (^arctus) de Fabricius, représenté par M. Roux [fasc. m , pi. IL ) , et le S. large {latuSy Latr.) , dont on trouvera une très belle figure , accom- pagnée de détails , dans le grand ouvrage sur l'Egypte (Crust., pi. YIII). Celle-ci est l'une des plus grandes, et n'a point, comme la précédente , d'arêtes sur le test , ni de dents aux crêtes antennaires. C'est Xorchetta de Rondelet 5 sa chair est très estimée. DEUXIÈME FAMILLE. MACROURLS. '^'jS Dans le genre thène (thenus) de M. Leach , les yeux sont insérés de même-, mais le test est plus large en devant, avec une incision profonde de chaque côté. Ses iBAcus (ibacus) diffèrent des précédens par leurs yeux rapprochés de l'origine des antennes intermédiaires. JNfous avons traité amplement de ces crustacés dans VEncj - c/opédie métliodique . CINQUIÈME TRIBU. LANGOUSTINES {PALINURINI). Elles se distinguent des scyllarides par leur corps proportion- nellement plus étroit , plus allongé et demi-cylindrique, ainsi que par leurs antennes latérales , qui sont fort longues , séta- cées et hérissées de petites épines. Les yeux sont moins écartés et situés sous des saillies anguleuses. Les femelles , de même que celles de la tribu précédente , ont une dent ou ergot à ! l'avant-dernier article des deux pieds postérieurs. Cette tribu ne comprend encore qu'un seul genre , celui de LANGOUSTE ou PALiNTjRE (^palînurus ^ Fâ.^.) , qui peut le dis- puter à tous les autres par la grandeur des espèces , la variété de leurs couleurs et d'autres caractères particuliers. Personne i n'ignore qu'elles sont un excellent comestible , mais dont les habitans du Nord ne peuvent jouir, ces crustacés ne faisant plus leur séjour au-delà de la zone tempérée, et préférant les mers des contrées inter-tropicales. MM. Victor Audouin et Milne Edwards ont observé que tous les ganglions thoraciques de leur système nerveux sont , pour ainsi dire , soudés bout à . bout, caractère qui rapprocherait ces macroures des bra- cbyures -, et nous avons vu , dans nos généralités sur la liaison de ces deux familles , que les langoustines étaient presque en télé de l'un des deux embranchemens par lesquels nous com- mençons les macroures. Nous renverrons , quant aux espèces , à l'article Palinure de VEncjclopédie méthodique. 376 CRUSTACÉS. — PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. TROISIÈME SUBDIVISION. SIXIÈME TRIBU. GALATHINES {QALATHINM). Ecartant de notre méthode toute coupe générique dont les caractères nous paraissent douteux ou de peu d'importance , nous nous bornerons à l'exposition succincte de trois genres. Le premier, celui de porcellane {porcellana) de Lamarck, se présente sous l'aspect d'un véritable brachyure. Le test est en effet presque carré ou suborbiculaire. La queue est tout- à-fait repliée en dessous , mais elle est pourvue à son extré- mité de ces appendices qui sont propres aux macroures. Les antennes mitoyennes sont logées dans des fossettes ^ le corps est très aplati ^ les serres se terminent par une grande pince triangulaire 5 les deux pieds postérieurs sont beaucoup plus menus que les précédens , et repliés sur eux-mêmes. Il semble dès-lors que ce genre se lie avec les brachyures. Ces espèces sont fort petites, répandues dans toutes les mers, et se tien- nent cachées sous les pierres littorales ou entre les plantes marines. Les GALATHÉEs [galuthea , Fab.) ont encore des pieds pos- térieurs analogues ; mais le corps est allongé , avec la queue étendue , du moins en grande partie , et les quatre antennes saillantes. Le docteur Leach , qui fait de ces crustacés une petite famille , celle des galatédées , a institué trois nouveaux genres , qu'il faudrait ajouter au précédent si l'on jugeait con- venable de les admettre. Le troisième de cette tribu , et dont il est encore le fonda- teur , celui de mégalope (megalopus) , repose sur des carac- tères moins précaires. Ici , la cinquième paire de pâtes est semblable en tout aux précédentes. Le corps est plus élevé ; les yeux sont fort gros \ la queue est étroite , et ses appendices postérieurs ne sont composés que d'une seule lame. Le genre jawira de M. Risso ne différerait des galalhées DEUXIÈME lAMîLLE. MACROURES. 877 que par ses pieds postérieurs , dont les proportions et la forme seraient les mêmes que celles des précédens. L'ouvrage de M. Desmarest vous offrira de plus nombreux détails , ainsi que la description des espèces. Nous vous indi- querons aussi la planche VII , fig. 2 , classe des crustacés de M. Savigny , et le quatrième fascicule des crustacés de la Mé- diterranée de M. Roux. Nous arrivons à des macroures qui ont encore plus d'analo- gie que les précédens avec les écrevisses , soit par leurs formes , soit par leurs habitudes , et qui , d'autre part , tiennent de près aux paguriens par des considérations semblables, n'im- porte que ceux-ci se tiennent dans des coquilles : ce sont tou- jours des animaux tubicoles. Dans la seconde édition du Règne animal de M. Cuvier , nous avions compris la tribu suivante dans celle des astacins ou homards. QUATRIÈME SUBDIVISION. SEPTIÈME TRIBU. THALASSINIDES {THALASSINIDES). Elle est formée de quatre genres (i) , dont les deux pre- 1 miers sont distingués des deux autres , en ce que le doigt im- ' mobile ou l'index de leurs serres est sensiblement plus court que le doigt mobile , ou n'a presque que la forme d'une dent. 'I Le premier genre , celui de Gébie {gebia, Leach) , n'offre ; que deux serres , celles formées par les deux premiers pieds -, les feuillets des nageoires latérales du bout de la queue s'élar- ; gissent de la base au bord postérieur, et ont des arêtes. Dans le second genre , les thalassines (thalassina, Latr.),^ ces feuillets sont linéaires , unis , et les quatre pieds antérieurs se terminent en pince. Il y en a aussi quatre dans les deux autres genres^ mais ici j les deux doigts sont de la même longueur ou forment parfai- (i) Fojez, pour d' autres détails, et quant aux espèces, MM. Lcacli et Desmarest. 37B CRUSTACÉS. PREMIBR ORDRE. DÉCAPODES. tement la pince , de sorte qu'ils peuvent s'appliquer longitu- dinalement l'un contre l'autre. Dans le genre callianasse (^callianassa) , l'une des deux serres antérieures est beaucoup plus grande que l'autre , et l'article précédant la main ou la pince forme avec elle un corps commun ^ les pédicules oculaires ressemblent à de pe- tites écailles -, les deux pieds postérieurs sont presque di- dactyles. Les AxiES {axius y Leach) ont des serres presque égales , et où l'article précédant la pince n'est pas réuni avec elle \ les filets des antennes mitoyennes sont plus longs que leurs pédon- cules , et les pieds postérieurs ressemblent aux précédens. Le genre des thalassines est seul exotique. DEUXIÈME DIVISION. HUITIÈME TRIBU. ASTACINES ou HOMARDIENS {ASTACINI). Outre que les six premiers pieds , dont les deux antérieurs beaucoup plus grands , se terminent en une pince didactyle, les antennes latérales offrent un autre caractère en ce que leurs pédoncules ont deux saillies en forme de dents ou d'é- pines , ou bien qu'ils sont accompagnés extérieurement d'une grande écaille , mais ne les recouvrant pas , ce qui , avec la situation sur une même ligne de ces antennes et des inter- médiaires, distingue cette tribu de la suivante. Le genre ÈRYON [eryon) , formé par M. Desmarest sur un crustacé fos- sile , se distingue des suivans par les entailles profondes des côtés du test , les deux filets de ses antennes mitoyennes , qui sont fort courts , et par le rétrécissement postérieur des feud- lets de la nageoire caudale. Il se rapproche un peu des scyl- lares. Nous séparerons ensuite des autres homardiens ceux où les pédoncules des antennes latérales n'ont que de petites saillies en forme de dents ou de petites écailles , dont les yeux ne sont ni très gros , ni réniformes , et dont les pinces sont ovales, sans arêtes ni sillons longitudinaux. Ceux-ci conserve- DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. S^Q ront le nom générique d'ÉcrxEvissE (astacus). Ceux où les an- tennes latérales ont, sur le côté extérieur de leur pédoncule, une grande écaille , dont les yeux sont très gros et en forme de rein, et dont les pinces sont allongées, prismatiques, compo- sent le genre wephrops ( nephrops ) de M. Leach , qui a pour type le cancer nor^vegicus de Linné , mais dont le nom spé- cifique pourrait être changé , cette espèce se trouvant non seulement dans les mers de la Norwége, mais encore dans la Méditerranée , et surtout dans la mer Adriatique , où Ton en fait une assez grande consommation. Aux écrevisses d'eau douce, il faut y joindre celles de mer, marz/zw^^ vulgaire- ment le homard. Les précédentes ont le dernier segment cau- dal coupé transversalement en deux par une suture. En sus de l'espèce commune ( cancer astacus , Linn. ), on connaît TE. de Bartok {Bartonii)^ propre à l'Amérique septentrionale , I et une autre du même pays , habitant les rizières , et leur nui- sant beaucoup , à ce que m'a dit un très bon observateur an- glo-américain , M. Lecomte. Notre écrevisse a été , pour plu- sieurs naturalistes , le sujet de leurs études; Rœsel est celui qui s'est le plus appesanti sur cet objet. Il s'était néanmoins trompé à l'égard de quelques points d'anatomie , erreur déjà relevée par nous , et qui l'a mieux été encore par MM. Au- douin et Milne Edwards. On sait que ce crustacé se plaît plus particulièrement dans les eaux vives, qu'il se tient dans des trous ou sous des pierres , qu'il est très carnassier, se nourrissant même de chairs corrompues, et au moyen des- quelles on le surprend , soit dans des filets , soit dans des fagots d'épines où il s'embarrasse *, qu'on le pêche aussi au j flambeau-, on sait encore que sa mue a lieu vers la fin du printemps, que l'accouplement se fait ventre contre ventre 5 que ses œufs , rassemblés d'abord en tas , adhèrent aux appen- dices sous-caudaux , au moyen d'une liqueur visqueuse ; qu'ils grossissent avant que d'éclore , et que les petits restent plusieurs jours sous la queue de la mère , afin que leurs tégu- mens prennent une certaine consistance. Nous avons parlé de ces deux concrétions pierreuses, appelées yeux d'écne\^^^[^ T^\.' 38o CHUSTACES. PREMIER ORDRE. l)ECA.PODES. qu'on trouve dans leur estomac avant la mue , et que la mé- decine employait jadis. La vie de ces animaux se prolonge au-delà de vingt années et leur taille s'accroît aussi avec l'âge , mais très faiblement dans les derniers temps. Celle du homard est, relativement à cette classe, presque gigantesque, dans les individus les plus vieux ^ car on en a vu qui avaient près de trois pieds de long. Les pinces éprouvent accidentel- lement des déformations monstrueuses. M. Odier nous a fait connaître une annélide parasite de l'écrevisse d'eau douce , formant un nouveau genre , celui de branchiodelle, DEUXIÈME SECTION. NEUVIÈME TRIBU. SALIGOQUES {CARIDES). Ce sont aussi des crustacés comestibles , et dont quelques espèces étant salées, sont un objet d'exportation. Leur corps est arqué , comme bossu , et ses tégumens sont si faibles dans quelques espèces , que l'on n'est pas obligé d'enlever l'écaillé de leur test , et que Ton se contente de les presser sous la dent ou de les sucer. Le front se prolonge en avant en manière de bec ou de rostre. Les antennes sont toujours avancées , et les latérales sont ordinairement fort longues et toujours com- posées , ainsi que les intermédiaires ou les supérieures , d'un grand nombre d'articles. Les yeux sont très rapprochés. Les pieds-mâchoires antérieurs , et quelquefois même les intermé- diaires, sont étroits et allongés dans certains genres , de sorte qu'ils ressemblent à des pâtes et en font même l'office. Sou- vent les mandibules sont arquées et rétrécies à leur extrémité. L'une des deux premières paires de pieds est doublée ou pliée sur elle-même dans plusieurs. Les segmens de la queue sont dilatés ou élargis sur les côtés -, le dernier est allongé , va en se rétrécissant , et a en dessus des rangées de petites épines. Les appendices sous-caudaux , ou les fausses pâtes , sont la- melliformes. Le feuillet extérieur des deux nageoires latérales du bout est toujours divisé en deux par une suture, comme DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. 38 1 dans quelques crustacés des dernières divisions. Quelques espèces offrent sur l'un des côtés de leur test une grosseur ou loupe , formée par une boursouflure de cette pièce , et sous laquelle est un autre crustacé parasite du genre bopjre. Une première division se composera des salicoques , dont les deux ou quatre pieds postérieurs ne manquent point , ou ne sont point très raccourcis et rudimentaires 5 dont deux au moins des quatre antérieurs se terminent en pince , et dans les- quels les deux pieds-mâchoires extérieurs au plus peuvent être assimilés, par leur forme et leur usage, aux pieds thoraciques. Je placerai en tête de cette division les salicoques , qui , par le nombre de leurs serres , tiennent de plus près aux derniers macroures,, ou les genres dont les six pieds antérieurs sont didactyles : ce sont ceux de péinée (pejiœus , Fab.) , de si- CYONiE (sicjonia, Edvvt. ) et de stéjvope (stejiopus , Latr.). Leurs antennes mitoyennes n'ont , dans tous , que deux tiges ou filets , et la longueur des serres s'accroît progressivement en allant de devant en arrière. Dans les deux premiers, aucun article des pieds n'offre de divisions annulaires. Ces organes sont de longueur ordinaire , et les tégumens sont assez solides. Les pénées ont une lame elliptique à la base des pieds , et les appendices sous-caudaux en ont deux à leur extrémité. Il n'y en a qu'une aux mêmes appendices , dans les sicyonies , et la base des pieds n'en offre point. Les deux avant-derniers ar- ticles des quatre derniers sont annelés dans les sténopes. Tous leurs pieds , ainsi que les quatre antennes , sont fort longs , et leur corps est mou. Les autres salicoques ont au plus quatre pinces didactyles. Nous citerons d'abord les genres dont les antennes inter- médiaires sont terminées par trois filets. 1°. Les PALÉMONs (palœmon, Fab.), qui comprennent plus particulièrement ces crustacés qu'on nomme sur nos côtes crevettes et salicoques. Le carpe est inarticulé ; les quatre pieds antérieurs sont terminés en pince didactyle^ ceux de la seconde paire sont les plus grands de tous , et ceux de la première sont repliés. 382 CRDSTACÉS. PREMIER ORDRE. DÉCAPODES. 2°. Les LYSMATEs {Jysmata, Riss.) , où le carpe est articulé ôu annelé , ayant d'ailleurs , ainsi que les palémons , quatre paires de serres , dont la seconde plus grande. 3°. Les ATHANAs {athanas , Leach ). Semblables pour le carpe et le nombre des serres , mais dont la première paire est la plus forte. Viendront maintenant les genres dont les antennes mi- toyennes ou supérieures n'ont que deux filets. Les uns n'offrent aucun appendice sétiforme à la base ex- térieure de leurs pieds. Ces organes ne sont point très grêles, et le corps n'est point fort allongé ni très mou. Quelques genres se détacbent , au premier coup d'œil des autres, par la forme bizarre ou anomale de leurs quatre pieds antérieurs. C'est ainsi que dans les atyes (atja , Leach) ils se terminent par une pince fendue jusqu'à sa base , comme si elle était formée de deux doigts réunis à leur naissance et précédée d'un article lunule. C'est ainsi encore que dans les PROCESSES [processa) de M. Leach, ou les nika de M. Risso, l'un des deux pieds antérieurs est simple et l'autre didactyle, et que l'un des deux suivans , mais terminés aussi par deux doigts , est beaucoup plus long que l'autre , avec le carpe et l'article précédent annelés. Un troisième genre , pareillement anomal , sous le rapport des mêmes pieds , est celui d'nYMÉ- NOCÈRE ( /y^me/zocera ^ Latr.)-, les deux premiers sont ter- minés par un long crochet, bifide au bout^ les deux suivans sont fort grands : leurs mains, le doigt fixe , et la tige su- périeure des antennes mitoyennes sont membraneux et comme foliacés. Les pieds-mâchoires extérieurs offrent le même ca- ractère et recouvrent la bouche. Tels sont aussi ceux des GNATHOPHYLES [gnathophjllum , Latr.). Mais ici les quatre pieds antérieurs ne sont plus disparates. Ils ont la forme de serres didactyles sans aucune articulation au carpe; les se- conds sont plus grands que les premiers. Nous rentrons main- tenant dans la série des genres normaux. Commençons par l'exposition de ceux dont les quatre pieds antérieurs finissent en une pince très distinctement et DEUXIÈME FAMILLE. MACROURES. 383 parfaitement didactyle. Les alphées ( alpheus , Fab. } , où les seconds sont plus courts que les premiers , et où le carpe est annelé. Les b.ivvoi.^t:es (hippoljte ^ Leach) , qui n'en dif- fèrent qu'en ce que ceux-ci sont au contraire plus courts. Les poNTONiEs (pontonia , Leach ) , à carpe inarticulé. Voyons maintenant les genres qui ont, soit les quatre pieds antérieurs terminés en pince , mais où elle est imparfaite aux deux premiers , c'est-à-dire où l'index est fort court, en forme d'une simple dent, soit deux de ces pieds seulement très distinctement didactyles , et les deux autres simples ou à peine bifides. Le genre crangow [crangon) de Fabricius nous présente tm exemple du premier de ces cas -, les deux pieds antérieurs sont notablement plus robustes que les suivans , et terminés par une pince assez forte , mais dont le doigt fixe est fort court comparativement au pouce ou doigt mobile, et en forme de dent; les seconds sont repliés , et plus ou moins distinctement bifides ou didactyles : aucun des articles n'est annelé. La saillie frontale est très courte. Les égéons de M. Risso , ou les pontopJiiles de M. Leach , ont les seconds pieds plus courts que les troisièmes , et les plus petits de tous. Dans le genre auquel ils conservent le nom de crangon , ces quatre pieds sont d'égale longueur , de même que les deux derniers articles des pieds-mâchoires extérieurs. Les deux genres suivans ne nous montrent bien distincte- ment que deux pieds didactyles. Les premiers , ou les se- conds, sont simples comme les autres , ou à peine bifides. Dans les autonomées [aulonomea , Riss. ) ce sont les deux antérieurs qui finissent en pince didactyle ; et ce sont les seconds dans les pawdales ( pandalus ^IjEAcq ). Ils sont plus longs , d'inégale longueur, avec le carpe et l'article précédent annelés. Les pieds-mâchoires extérieurs sont grêles et très longs, du moins dans quelques. Enfin le dernier genre des salicoques , n'ayant au plus que quatre serres, celui de vksivu At (pasiphae , Skyig.), est re- marquable par son corps très mou , fort long et très com- 384 CRUSTACÉS. — PREMIER ORDRE. DECAPODES. primé; par ses pieds munis à leur base extérieure d'un appendice sétiforme , et qui tous , à l'exception des quatre antérieurs et en pince didactyle, sont très grêles et filiformes. Le museau et fort court. M. Risso a décrit la seule espèce connue sous les noms à'alphée swado. Tous ces genres sont exposés dans l'ouvrage de M. Desma- rest et dans le Règne animal de M. Cuvier, seconde édition. Notre seconde et dernière division des salicoques , et dont on pourrait former une nouvelle tribu , comprendra deux genres établis dernièrement par M. Milne Edwards. Ici les deux dernières paires de pieds-mâchoires sont transformées en véritables pieds ambulatoires , et sont toutes, comme eux, grêles, filiformes, et terminées en pointe. Tantôt les quatre derniers pieds thoraciques sont très courts et les deux posté- rieurs même presque rudimentaires , comme dans le genre SERGESTE (^sergcstes) ; tantôt ces quatre pieds manquent tout- à-fait , comme dans celui d'AcÈTE (^acetes ). Aucun des pieds n'offre d'appendice à sa base. Ces genres ont été publiés , avec figures , dans le tome dix-neuvième , pag. 333 et suiv., des Annales des Sciences naturelles. TROISIÈME SECTION. DIXIÈME TRIBU. COLÉOPODES (COLEOPODA), Dans la seconde édition du Règne animal de M. Cuvier nous avons conservé la tribu des schizopodes , que nous avions établie dans la première. Mais, outre que plusieurs genres de salicoques se rapprochent des derniers , par l'ap- pendice que Ton observe à la base de leurs pâtes , et que le \ caractère de cette dernière tribu devient ainsi équivoque , les observations récentes de M. Milne Edwards nous obligent à reporter ailleurs les mysis et les nébalies (i) , genres qui en (0 ^^* genres , et plusieurs autres crustacés des ordres suivaus, ont été figures et décrits par par Tilésius , dans la relation du voyage de l'amiral russe Krusensteru 1 CRUSTACÉS. — DEUXIÈME ORDRE. STOMAPODES. 385 faisaient partie 5 sur les trois autres , dont cette tribu se composait avec les précédens , deux , ceux de mulcion et de zoe , méritent un nouvel examen , que nous n'avons pas été à portée de faire. Celui-ci devrait même être totalement supprimé , suivant M. Thompson , puisqu'il aurait été uni- quement formé sur des larves du cancej- pagurus -, mais cette opinion a grand besoin d'être étayée par des expériences po- sitives , si toutefois elle n'est pas erronée , ainsi que le pense M. Edwards. Ce naturaliste , accoutumé à bien observer et à ne négliger aucun détail, se propose d'éclaircir ce sujet, d'après des individus que l'on possède au Muséum , et qui ont été recueillis par le docteur Reynaud. La tribu des schizopodes se trouve ainsi réduite au seul. genre cryptope {cjyptopus), et cette coupe offrant néanmoins des caractères qui la distin- guent nettement des salicoques , je l'ai conservée, dans son ! isolement , mais en changeant la dénomination de la tribu , et en lui en donnant une plus appropriée aux formes particulières de ce genre , celle de coléopodes , parce que le test sert comme d'étui ou de gaine aux pâtes \ il est presque ovoïde , renflé , replié inférieurement sur les côtés, de manière à recouvrir aussi une bonne partie du dessous du corps, et ne laisser entre ses bords rapprochés, qu'un vide étroit, ou une fente longitudinale 5 les antennes latérales sont accompagnées , ainsi que dans les salicoques , d'une écaille \ les yeux sont gros et écartés^ les pâtes sont en forme de lanières, allant en pointe , et ont à leur base un appendice latéral. DEUXIÈME ORDRE. STOMAPODES {STOMAPODA), Nous le diviserons en trois familles , les caridioïdes , les xjwicuiiiAssÉs et les bicuirassés. » autour du monde. Nous regrettons que l'extrême concision et le plan de notre ou- j vrage, ainsi que la pénurie d'objets, ue nous aient point permis de le citer. 25 ï 386 CRUSTACÉS. DEUXIÈME ORDRE. STOMAPODES. PREMIÈRE FAMILLE. GARIDIOIDES {CARIDIOI DES). Par leur test sans divisions , leurs antennes latérales accom- pagnées d'une écaille, les mitoyennes terminées par deux filets, leurs yeux et généralement par la forme du corps , ces crustacés se rapprochent beaucoup des salicoques , et c'est même dans cette dernière tribu que nous avions d'abord placé le genre mysis \ toutes les pâtes sont grêles , filiformes , comme divisées en deux branches , dès leur base , et paraissent ainsi former quatre rangs d'appendices locomotiles. Les uns ont leurs branchies situées à la base de ces organes et en forme de panache. Ce sont les thysanopodes (^thysano- poda) de M. Milne Edwards. Les autres n'en présentent au- cun vestige , et tels sont les mysis (mysis). Les œufs sont ras- semblés dans une poche, à l'extrémité postérieure du thorax, entre les dernières pâtes. Le genre lucifer de M. Thomp- son est de cette famille -, mais n'ayant vu aucun individu , je n'en donnerai point le caractère. DEUXIÈME FAMILLE. UNIGUIRASSÉS {UNIP ELTATA). Cette famille, que j'avais d'abord nommée squil/aj^es , et que des naturalistes anglais appellent squillades , comprend le genre squilla de Fabricius , qu'il est facile de reconnaître aux caractères suivans : Le test , en forme de quadrilatère al- longé, ordinairement plus large et libre postérieurement, est divisé antérieurement en deux parties très inégales *, l'anté- rieure, terminée en pointe, ou précédée d'une petite plaque finissant de même , porte les antennes mitoyennes, terminées par trois filets et deux yeux très rapprochés portés sur de courts pédicules.* Les antennes latérales ont une écaille à leur base. Sur chaque mandibule est un palpe relevé. Les appen- dices répondans aux pieds-mâchoires, et dont les seconds très dilUxïème famille, unicuirassés. 387 grands, et les quatre pieds antérieurs, sont très rapprochés de la bouche, sur deux hgnes convergentes postérieurement , en forme de serres, avec un seul doigt mobile et replié. Tous ces organes, les seconds pieds exceptés, ont extérieurement, à leur origine , une petite vessie pédiculée. Les autres pieds , au nombre de six , sont terminés par une brosse et ne servent qu'à nager; leur troisième article offre à sa base un appendice linéaire. Le corps est étroit et allongé , avec des tégumens minces ou peu solides. Les branchies sont à découvert et adhérentes aux cinq paires d'appendices inférieurs de l'ab- domen , dont la nageoire terminale est souvent épineuse ou dentée. Le système de la circulation , comparé à celui des déca- podes , présente déjà un changement notable. Le cœur est al- longé , semblable à un gros vaisseau , et se termine postérieure- ment près de l'anus ; ses parois sont minces et presque mem- braneuses; sa face supérieure ne produit aucune artère, mais ses côtés en donnent un grand nombre , et dont chaque paire paraît répondre à chaque segment du corps, à commencer aux pieds-mâchoires extérieurs. Cinq paires de vaisseaux, et que M. Milne Edwards prend pour les analogues des canaux branchio-cardiaques des décapodes , se rendent au cœur. Un canal central situé au-dessous du foie et de l'intestin, reçoit le sang veineux qui y afflue de toutes les parties du corps ; au niveau de chaque segment portant les pieds-nageoires et les branchies , il jette de chaque côté un rameau latéral, se ren- dant à la branchie située à la base du pied-nageoire corres- pondant. Les vaisseaux afFérens ou internes des branchies , qui ici forment des houppes en panache, se continuent avec les canaux branchio-cardiaques , ne sont plus logés dans des cellules, gagnent le bord antérieur de l'anneau précédent , et vont se terminer à la face supérieure du cœur, près de la ligne médiane. D'ailleurs , plus de sinus veineux latéraux , ainsi que dans les ordres suivans. Le cordon médullaire ne présente , outre le cerveau, que dix ganglions , dont l'antérieur fournit ks nerfs des parties de la bouche , les trois suivans ceux des 388 CRUSTACES. DEUXIEME ORDRE. STOMAPODES. six pieds natatoires, et les six derniers ceux de l'abdomen. L'estomac est petit et n'a que de très petites dents, rangées sur des lignes transverses et parallèles. Il est suivi d'un intestin grêle, droit, régnant dans toute la longueur de l'abdomen , avec des lobes glanduleux , sur les côtés , paraissant tenir lieu du foie j un appendice en forme de rameau , inséré à la base interne des deux pieds postérieurs , est présumé l'indicateur du sexe masculin. Celte partie postérieure du corps qu'on nomme queue, renfermant une grande portion du cœur et de l'intestin , ainsi que les organes respiratoires, diffère ainsi beaucoup de la queue des décapodes, et représente réellement l'abdomen des aranéides et des insectes. Les Grecs désignaient ces crustacés sous le nom de cragon et crangines. Sur les côtes de la Méditerranée, ils sont ap- pelés mantes de mer ou préga-diou , parce que deux de leurs pieds, les plus grands de tous et terminés par un grand doigt, en forme de griffe ou de crocbet plus ou moins denté , res- semblent aux deux pieds antérieurs et pareillement ravis- seurs, des insectes nommés mantes. Les pécheurs de la Pro- vence les appellent aussi ^«/ero, qui veut dire, selon M. Roux, mille -pâtes , scolopendre» Ces animaux se tiennent dans des profondeurs de trente à quarante mètres , et fréquentent les lieux fangeux ou sablonneux, où ils se nourrissent, à ce que l'on dit , d'annélides et d'actinies. La réunion des sexes a lieu au printemps. M. Risso dit que les femelles portent leurs œufs sous les appendices abdominaux-, mais quoique j'aie vu un grand nombre d'individus, je n'en ai jamais observé un seul portant des œufs. On les dit d'un caractère craintif. Leur mode de natation est semblable à celui des homards ^ mais ils font moins d'usage de leurs pieds pour se traîner. Ils sont inconnus dans les mers du nord , et plus abondans dans celles des con- trées équatoriales. Les uns , dont le test est plus épais , ont au-dessus de l'ar- ticulation portant les antennes mitoyennes , une petite plaque triangulaire. Ce test ne recouvre point antérieurement le DEUXIÈME FAMILLE. UNICUIRASSÉS. 889 ihorax, et ne se replie point latéralement pour envelopper une partie du dessous du corps. Ils forment , dans notre mé- thode, trois genres, mais que l'on peut réduire à deux. Celui de sQuiLLE (squilla), dont le corps est presque demi-cylin- drique , avec les appendices latéraux des pieds natatoires sty- liformes ou linéaires-, et celui de coronis {coronis y Latr.),oii le corps est très étroit , déprimé , avec les mêmes appendices en forme de palette. On trouve dans la Méditerranée diverses espèces de squilles. La plus grande et la plus répandue est celle qui a reçu le nom de mante {cancer mantis, Likn.); elle est longue d'en- viron sept pouces. Ses grandes serres ont à leur base trois épines mobiles , et leurs griffes, ou le doigt mobile et termi- nal , offrent six dents longues et acérées , dont celle du bout plus forte. Les segmens du corps , le dernier excepté, ont six lignes élevées terminées pour la plupart en une pointe aiguë. M. Risso en a dédié une espèce à M. Desmarest , et M. Roux a donné le nom de l'un de nos plus habiles ingé- nieurs de la marine et très versé dans l'entomologie , M. de Cerisy, à une autre ( Crust. de la Méditerr.^ fasc. i. pi. V), Vojez encore, dans le même ouvrage (pi. XX\III), celle qui porte le nom de M. le baron de Férussac , bien digne de cet hommage , par son zèle pour le progrès des sciences. Les autres crustacés de cette famille ont un test très mince, diaphane, se repliant latéralement en dessous, et formant une sorte d'étui , prolongé en pointe antérieurement et recou- vrant tout le thorax. C'est mon genre ericthe [erlcthus)^ celui de smerdis de M. Leach , et dont un autre qu'il a nommé alima diffère peu. TROISIÈME FAMILLE. BICUIRASSÉS {BIPELTATA), Un corps très aplati , presque aussi mince qu'une feuille de papier , transparent , divisé en trois parties dont les deux premières , l'antérieure surtout , beaucoup plus grandes , en 390 CRUSTACÉS. DEUXIÈME ORJDKE. STOMAPODES. forme de boucliers, dont le premier, ovale, ou arrondi, com- pose la tête j dont le second, plus ou moins semi-circulaire ou lunule, transversal, porte sur ses bords anguleux des mâchoires (les seconds), deux pieds-mâchoires (les premiers) rudimen- taires , quatorze pieds , y compris les quatre derniers pieds- mâchoires , généralement fort longs , filiformes, avec un ap- pendice à leur base ; et dont la troisième partie du corps , fort petite, presque triangulaire , en forme de queue, a en dessous deux rangées d'appendices natatoires-, absence de branchies et de palpes mandibulaires : tels sont les traits les plus caractéris- tiques de cette famille , qui n'est encore composée que d'un seul genre , celui de phyllosome [phjllosoma , Leach ) , ou corps en feuille. Si les crustacés de la précédente représentent les mantes , ceux-ci sont à leur tour les analogues d'un genre voisin du précédent, celui des phyllies. Les antennes sont pe- tites-, les latérales plus ou moins longues, d'une seule pièce dans les uns , de six articles dans les autres, n'ont point d'é- caille à leur base , et les mitoyennes sont divisées au bout en deux filets. Les pédicules oculaires sont souvent grêles et allongés. Les quatre premiers pieds, ceux qui représentent les deux dernières paires de pieds-mâchoires , sont compo- sés de plusieurs articles , et l'appendice de leur base n'est quelquefois que rudimentaire. Les autres pieds sont généra- lement fort longs , divisés en quatre articles et ordinairement terminés par un ongle crochu ; les postérieurs sont très courts dans quelques espèces. La bouche est tantôt située au milieu du premier bouclier, tantôt un peu plus bas. « Les crustacés les plus extraordinaires , disent MM. Quoy et Gaymard , sont , sans contredit , les phyllosomes. Nous en vîmes , pour la première fois, en novembre 18 ly, par 5° de latitude et 56° de longitude à l'ouest de Paris , en allant des Canaries au Brésil. Nous crûmes être les premiers à les faire connaître, et leur configuration nous détermina à les nommer Ijroïdes , ne sachant pas alors que M. Leach venait de former le genre qui nous occupe. Nous ignorions aussi, avec M. Leach lui-même , que dès 1781 , dans un journal allemand intitulé TROISIÈME FAMILLE. BICUIRASSÉS. 39 1 Naturforscher ( le Naturaliste ) , une espèce qui appartient bien certainement à ce genre , avait été décrite et figurée par Jean Reinhold forster, sous le nom de cancet cassicleus. » [p^ojez tom. YI. i6* ch. p. 206. pi. Y. ) « Depuis nous avons retrouvé ces animaux dans plusieurs mers : aux environs de la Nouvelle-Guinée, par 2° de lati- tude nord, en janvier 1819; dans le grand Océan austral , par 18° de latitude sud, et près des îles des Amis, dans le mois d'octobre de la même année. Yivans , ils sont transpa- rens dans toutes leurs parties comme du cristal , les yeux ex- ceptés , qui sont bleu de ciel; ce qui fait qu'il est impossible d'en donner, sous le rapport de la couleur, une figure rigou- reusement exacte. La teinte jaunâtre de ceux qu'on a dans les collections est occasionnée par l'alcool ou par la dessicca- tion. Il est vrai aussi que par ce moyen , on aperçoit quel- ques parties de leur organisation , qui, dans l'état naturel, sont invisibles et confondues dans la transparence générale , comme les muscles des pâtes et quelques canaux latéraux qui aboutissent au canal longitudinal (ce qu'on peut bien voir sur l'individu qui est dessiné dans la pi. LXXXII, fig. i, de l'Atlas de notre voyage). On voit quelquefois circuler dans ces détours une espèce de sanie blanchâtre , et nous y avons remarqué de petits points rouges. Nous ne connaissons rien des mœurs de ces animaux , qui sont condamnés , par leur fragilité , à fuir les côtes pour vivre au milieu des flots. Ceux que notre filet nous amenait encore en vie avaient des mou- vemens excessivement lents , bien différens en cela des agiles alimens , qui , transparens comme eux , s'agitaient et nageaient avec vitesse dans le vase qui les recevait. » M. Guérin a fait une étude spéciale de ces singuliers crus- tacés, et en a présenté à l'Académie des Sciences une mono- graphie , dont il a publié un extrait dans le Bulletin des Sciences naturelles de M. le baron de Férussac (nov. 1829). M. Milne Edwards s'en est pareillement occupé , et nous avions nous-méme traité , avant eux , le même sujet. M. Risso eu avait découvert une espèce dans la Méditerranée, dont 3i)2. CRUSTACÉS. TROiSiÈME ORDRE. LvEMODIPODES. M. Roux vient de donner une bonne figure ( Crust. de la Méd. pi. XXV). TROISIÈME ORDRE. L^MODIPODES {L^MODIPODA). Ici commence la série des crustacés à yeux sessiles , ceux que M. de Lamarck nomme sessiliocles , et M. Leach édrio- phthalmes. Quoique l'organisation intérieure des lœmodi- podes n*ait pas encore été observée , il est probable qu'elle doit avoir une grande analogie avec celle des amphipodes , dont nous parlerons ci-après. Nous remarquerons cependant qu'ils paraissent en différer à l'égard des organes respiratoires -, car ils n'ont point de branchies extérieures , à moins qu'on ne veuille attribuer leurs fonctions à des corps vésiculaires situés à la base de quatre paires de leurs pieds au moins , à commen- cer à la seconde ou à la troisième , y compris ceux de la tête , et qui représentent les quatre premiers pieds-mâchoires anté- rieurs. Ces crustacés sont petits, et ont, pour la plupart, le corps étroit, allongé ou linéaire , composé de huit à neuf arti- cles, avec quelques petits appendices sous l'anus. Ils ont tous quatre antennes sétacées , simples , avec un pédoncule de trois articles ^ des mandibules sans palpes ^ les pieds , ceux des troi- sième et quatrième paires de quelques espèces , moins articu- lés et comme rudimentaires , exceptés , terminés par un fort crochet ^ les quatre antérieurs sont en pince monodactyle. Les femelles , du moins celles des cyames , portent leurs œufs sous les second et troisième segmens du corps , dans une poche formée d'écaillés rapprochées. Ces crustacés sont tous marins. Suivant M. Savigny, ils avoisinent les pycnogonides , et les uns et les autres conduiraient aux arachnides. l'ai divisé cet ordre en deux familles : les ovales {o^alia) , qui ont le corps ovale, avec les segmens transversaux , la tige des antennes sans articulations distinctes , et les pieds courts ou peu allongés ^ ceux du second et du troisième segment se CKUSTACÉS. TROISIEME ORDRE. L^MODIPQDES. SqS terminent par un long article cylindrique et sans crochet au bout ; à leur base est un corps vésiculaire , allongé. Cette fa- mille n'est formée que d'un seul genre , celui de cyame {cya- mus , Latr.) , qui a pour type Vojiiscus ceti de Linné. La se- conde famille, celle des filiformes (Jilifonnia) , se compose de loemodipodes à corps long et linéaire , à segmens allongés, ayant la tige des antennes formée de petits articles très dis- tincts , et les pieds déliés et allongés. On les trouve parmi les plantes marines , où ils marchent , au rapport d'Othon Fabri- cius (Faun. Groënl.) , à la manière des chenilles arpenteuses, tournant quelquefois avec rapidité sur eux-mêmes , ou redres- sant leur corps , en faisant vibrer leurs antennes ^ ils courbent en nageant les extrémités du corps. Ils forment trois genres : celui de leptomère (^leptomera, Latr. ^ proto ^ Leach), où les pieds, dans une série continue, sont au nombre de qua- torze -, celui de nauprédie (naupredia, Latr.) , où ces organes sont pareillement dans une série continue, mais au nombre de dix seulement , et où les seconds et les quatre suivans ont à leur base un corps vésiculaire ; et celui de chévrolle {ca- prella, Lam.) , ayant la même quantité de pieds, mais dans une série interrompue , à commencer inclusivement au second segment , la tête non comptée : ce segment et le suivant ont chacun deux corps vésiculaires , et sont apodes. J'ai indiqué , dans la nouvelle édition du Règne animal, les espèces qui se rapportent à ces genres. QUATRIÈME ORDRE. AMPHIPODES {AMPHIPODA). Ainsi que l'a remarqué M. Milne Edwards , dans un inté- ressant Mémoire sur les amphipodes , cet ordre pourrait être réuni , à raison d'un grand nombre de caractères communs et de la difficulté , d'en bien déterminer les limites, avec l'ordre des isopodes. Néanmoins ses propres observations nous ayant permis d'établir d'une manière nette cette ligne de démar- ^94 CRUSTACIÎS. QUATRIÈME ORDRE. AMPHIPODES. cation , et ces coupes étant assez considérables , nous avons jugé à propos de conserver ces ordres^ la tête des amphipodes est presque toujours distincte du thorax, et porte quatre antennes. Les deux premiers pieds-mâchoires forment une sorte de lèvre inférieure. Le thorax est divisé en sept segmens , munis chacun d'une paire de pieds ^ il est suivi d'une espèce de queue composée d'un nombre variable de segmens-, le cœur forme un vaisseau étroit et allongé , s'étendant le long du mi- lieu du dos. D'après les recherches de MM. Audouin et Milne Edwards , les deux cordons médullaires et ganglionnaires des amphipodes sont parfaitement symétriques et séparés dans toute leur longueur. Suivant M. Cuvier , ceux des cloportes auraient quelques ganglions de moins, et n'offriraient point dans tous les segmens la même uniformité. Les organes sexuels sont placés à la naissance inférieure de la queue -, les deux appendices du dessous de son premier anneau présentent à cet égard des différences. La mâle se place sur le dos de la femelle dans l'accouplement *, celle-ci porte ses œufs sous la poitrine, entre des écailles , formant une sorte de poche. Les petits res- tent attachés au corps de leur mère j usqu'à ce qu'ils aient acquis assez de force pour pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance. Tous ces crustacés sont petits, aquatiques ou terrestres; parmi les premiers , il y en a de parasites. Aux caractères qui distinguent les amphipodes, nous ajou- terons que ces crustacés ont généralement à la base extérieure des pieds , à commencer à la seconde paire , des bourses vési- culaires dont on ignore l'usage. Celles des deux pieds posté- rieurs sont plus petites , ou même quelquefois oblitérées. On les trouvera figurées sur la planche IX^ des crustacés de l'Atlas d'histoire naturelle du grand ouvrage sur l'Egypte. Envisagés sous la considération des habitudes, les amphi- podes peuvent être partagés en trois sections, les sauteurs, les marcheurs et les parasites. Les premiers composeront la famille des crevettines , les seconds celle des podocérides , et la dernière celle des hypérines de M. Milne Edwards. Les deux premières, composées d'amphipodes errans ou vagabonds, se PREMIÈRE FAMILLE. CREVETTINES. 390 distinguent de celle-ci par les caractères suivans : pieds-mâ- choires (ceux de la première paire , et présentant l'apparence d'une lèvre inférieure recouvrant les autres parties de la bouche) pluriarticulés , el réunis seulement à leur naissance ^ deux paires de lobes triangulaires , et dont les deux supérieurs plus grands, mais n'atteignant pas l'extrémité de ces organes dans leur entre-deux , et annexés à leur côté interne. PREMIÈRE FAMILLE. CREVETTINES {GAMMJRINM). Elle compose, dans le travail sur cet ordre de crustacés de M. Milne Edwards , sa première tribu des crevettines. Le corps est très comprimé sur les côtés , courbé en dessous à son extré- mité postérieure , avec les divisions latérales des premiers an- neaux du thorax grandes, clypéiformes, et recouvrant la nais- sance des pâtes correspondantes -, le premier article des der- nières pâtes est large et lamelliforme. Ces crustacés nagent sur les flancs et sautent. M. Milne Edwards a supprimé plusieurs des genres établis par M. Leach , et les a dispersés dans d'autres. Il en a aussi formé de nouveaux , mais dont la publication doit lui être réservée (i), et dont il est d'ailleurs d'autant plus inutile de parler qu'ils sont composés de peu d'espèces , et rares. Voici ceux qu'il a conservés , et nous en formerons deux sections. Dans la première, composée du genre leucothoé (leuco- thoe) de M. Leach , le doigt mobile des deux pinces antérieures est divisé en deux articles. Dans la seconde, lorsque les pieds antérieurs se terminent aussi en pince, le même doigt n'est formé que d'un seul article. Ici la longueur des antennes supérieures dépasse sensible- ment le pédoncule des inférieures 5 les mandibules portent un palpe très distinct, saillant , de grandeur ordinaire. (i) Un extrait de son travail vient de paraître, et nous le ferons connaître dans un supplément. 396 CRUSTACÉS. QUATRIÈME ORDRE. AMPHIPODES. Un premier genre , celui de crevette (gammarus) , est dis- tingué des suivans par ses antennes supérieures, qui ont sur leur pédoncule un petit appendice sétacé et articulé. La crevette des ruisseaux , ou le cancer pulex de Linné , si commune dans les ruisseaux et dans quelques fontaines, sera citée pour exemple. Au genre phéruse (pherusa) de M. Leach , nous en réu- nirons plusieurs autres de ce naturaliste , tels que ceux d'ampithoe, de mœja^ melita et dexamine , dont les carac- tères ne sont ni bien tranchés ni bien importans , et qui va- rient d'ailleurs selon les sexes. Là , les antennes supérieures sont , au plus , de la longueur des inférieures. C'est ce qui est propre au genre que j'avais nommé talitre (^talitrus). On en a séparé les espèces dont les mâles ont les seconds pieds terminés par une grande pince, avec un seul doigt ( le pouce ) long et un peu courbe , tandis qu'on en voit deux au bout des mêmes dans les femelles. Elles sont marines , ainsi que les phéruses , et composent le genre d'oRCHESTiE (oixhestia). Outre les ouvrages de Montagu, de MM. Leacb et Des- marest, et la seconde édition du Règne animal , on pourra consulter, pour ces divers genres , celui de M. Savigny, fai- sant partie de la description de l'Egypte, Crust. , pi. XI, avec l'explication des figures donnée par M. Audouin. ^ DEUXIEME FAMILLE. PODOCÉRIDES {PODOCERIDES). Leur corps n'est point ou peu comprimé sur les cotés , et les divisions latérales de leurs segmens tboraciques étant étroites, ne peuvent couvrir l'insertion des pâtes correspon- dantes ^ le premier article des dernières est peu étendu et point lamelliforme. Ces crustacés , tous marins , ne sautent point , nagent sur le ventre , et plusieurs , comme les cérapes et les corophies , vivent dans des petits tubes cylindriques. Les habitudes de l'espèce sur laquelle a été établi par moi ce DEUXIÈME FAMILLE. PODOCERIDES. 307 dernier genre, ont été bien observées par M. d'Orbigny père, conservateur du Musée de la Rochelle. Elle se tient dans des trous qu'elle creuse dans la vase , couverte en grande partie par des parcs en bois , nommés bouchons par les babitans. Elle ne commence à paraître que dans les premiers jours de mai. Rien de plus curieux que de voir, à la marée montante , des myriades de ces animaux s'agiter en tout sens , battre la vase de leurs grands bras , et la délayer pour y découvrir leur proie , consistant en néréides , en amphinomes et autres anné- lides marines. En ont-ils trouvé une, souvent dix et vingt fois plus grosse qu'eux 9 ils se réunissent pour l'attaquer et la dé- vorer. Ils se jettent même sur les mollusques, les poissons, les cadavres restés à sec. Ils grimpent sur les clayons renfer- mant les moules et sur elles. Les boucholeurs prétendent même qu'ils coupent les soies retenant ces coquillages , afin de les faire tomber dans la vase , et de pouvoir ensuite les dévorer. Ils paraissent se multiplier pendant toute la belle saison , puis- qu'on trouve , à diverses époques , des femelles portant des œufs. Ils sont dévorés à leur tour par divers oiseaux du rivage et plusieurs poissons. Ce crustacé, que Fabricius nomme gammarus longicornis , forme , comme nous l'avons dit , notre genre corophie (coro- phiuni) ^ distinct par les antennes inférieures, grandes, pédi- formes , beaucoup plus longues que les supérieures. Aucun des pieds n'est terminé en pince. Celles des podocères (podocej'us ) sont aussi en forme de pieds, mais guère plus longues quelesdeux autres , et d'ailleurs les seconds pieds sont en forme de serres. Dans les jasses [jassa , Leach ) , rapprochés des podocères quant aux antennes et aux pieds , les yeux ne sont point sail- j lans. Les quatre antennes sont presque identiques dans les \ deux genres suivans. L'un d'eux , celui de cerape {cerapus) de M. Say, composé de crustacés tubicoles, a les seconds pieds ter- minés en pince , dont le doigt mobile est biarticulé , comme dans les leucothoés. Les quatre antennes sont d'égale longueur, portées sur de longs pédoncules , et terminées par une tige très courte. Les inférieures sont un peu plus longues que les supé- 398 CîlUSTACÉS. — QUATRIÈME ORDRE. L^ÎIMODIPODES. rieures. Dans les atyles {atylus ^ Leach) , la tige ou le filet multiarticulé qui termine les unes et les autres est assez long, et aucun de leurs pieds ne se termine bien distinctement en pince à doigt mobile et biarticulé ; leur tête est rétrécie et pointue en devant. TROISIÈME FAMILLE. HYPÉRINES [HYPERINM). Les premiers pieds-mâchoires forment , réunis , une sorte de lèvre inférieure , terminée supérieurement par trois lobes triangulaires, dont l'intermédiaire notabjement plus petit, sans appendices palpiformes et saillans , en dehors de ses côiés. Le corps est ordinairement renflé , avec la tête grosse ou allongée , et terminée en pointe. Plusieurs des appendices sous-abdominaux sont composés soit d'un pédoncule long ou gros et de deux feuillets courts et lancéolés , soit d'un petit tubercule portant une seule lame. Plusieurs de ces crustacés, tous marins , sont parasites. Le thorax de quelques uns (genres lestiigon et daira de M. Edwards) n'offre que six segmens bien distincts -, mais , dans tous les autres , il y en a sept , comme d'ordinaire. Le genre dactylocère (^dactjlocera , Latr. ; vibilia, Edw.) se distingue de tous les suivans par plusieurs caractères. La tête est de grosseur ordinaire ou moyenne. Au-devant de la fausse lèvre inférieure , à l'origine de ses lobes latéraux , est de chaque coté un petit corps palpiforme \ les antennes supé- rieures sont très courtes et terminées par un grand article lamelliforme. M. Edwards exposera les autres caractères de ce genre dans sa Monographie des amphipodes : j'y rapporterai la phrosine en croissant de MM. Risso et Desmarest. Les TYPHis (tjphis , Riss.) forment aussi un genre très dis- tinct. Leur tête est grosse, munie de quatre antennes, dont les supérieures grosses , beaucoup plus courtes qu'elle , insé- rées à sa partie antérieure et inférieure , et dont les infé- rieures , fixées au-dessous des yeux , sont grêles , cylindriques, beaucoup plus longues que la tête, repliées sur elles-mêmes, TROISIÈME FAMILLE. ÎIYPEHINES. 899 len formant trois coudes et cachées ; les mandibules portent un palpe -, les yeux sont grands , mais n'occupent que les icôtés de la télé ^ la forme des deux pieds antérieurs varie, mais les deux suivans sont toujours terminés par une main didactyle , dont le doigt mobile est de deux articles ; le pre- mier article des cinquième et sixième paires est très grand , en forme de lame, et suivi de quatre autres très petits, composant une petite tige cylindrique ; les pâtes de la sep- tième paire sont presque rudimentaires. Ces animaux , en rapprochant leur queue de la poitrine et en contractant leurs pieds, prennent la figure d'un sphéroïde; les quatre lames , formées par le premier article des cinquième et sixième paires de pieds , se réunissent pour fermer, à l'instar des battans d'une porte, le vide inférieur. Nous devons tous ces détails à M. Milne Edwards , qui vient d'en publier d'ex- cellentes figures (pi. II, tome XX des Annales des Sciences naturelles). Les PHE.ONIMES [phronima, Latr.) ne sont pas moins fa- ciles à reconnaître. Leur tête est pareillement grosse , et n'offre que deux antennes, qui sont très courtes, de deux ar- ticles , dont le dernier beaucoup plus long 5 leurs mandibules n'ont point de palpe ; leurs quatorze pieds sont allongés et grêles \ ceux de la cinquième paire sont terminés par une main ovalaire, renflée et didactyle; ceux de la dernière sont faibles, subulés et repliés. Ces crustacés vivent, ainsi que les suivans, dans l'intérieur du corps de divers acalèphes. Un genre établi par M. Guérin, sous le nom de thémisto (themisto) , sur une espèce dédiée à M. Gaudichand , corres- pondant de l'Académie des Sciences, compagnon de voyage de MM. Quoy et Gaymard dans l'expédition de la corvette la Coquille j, se rapproche du genre précédent, en ce que deux des pieds, les seconds, finissent par une pince didac- tyle , et s'en éloigne par la forme des pieds suivans et les antennes. Les troisièmes pieds sont fort allongés avec l'avant-dernier article presque aussi long que les précédei réunis , et comme pectine au coté interne. Les antennes jT ^£Ai. / C^ lo-' >iO. /|00 CRUSTACÉS. — QUATRIEME ORDRE. L^IVtODfPODES. nombre de quatre , sont rapprochées au-dessous du milieu du front , et placées par paires les unes au-dessus des autres -, les supérieures sont presque une fois plus courtes que les infé- rieures et subulées j celles-ci sont sétacées. La tête est presque entièrement occupée par les yeux -, les mandibules portent un palpe. Les quatre pieds antérieurs , ou ceux qui représentent les deux dernières paires de pieds-mâchoires , étant , dans ce genre et les deux suivans , plus petits que les autres et appli- qués sur la bouche, je les avais considérés comme faisant par- tie des organes de la manducation, et je ne les avais pas com- pris d'abord parmi les pieds thoraciques 5 de là l'origine de la dénomination de décempèdes , que j'avais donnée à une fa- mille de cet ordre. Mon genre hypérie {Ivyperid)^ ayant aussi quatre antennes , et dont deux plus longues , se distingue du précédent par ses pieds tous simples : ce dernier caractère est commun à celui que, dans la nouvelle édition du. Règne ani- mal de M. Cuvier, j'ai appelé phrosine (phrosme) ^ et qui a pour type une espèce que je crois être la phrosine gros-œil de M. Risso. Mais toujours est-il certain qu'il ne diffère pas de celui que M. Straus a décrit et figuré dans le tome XVIII des Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle , page 4-^ et suiv. , sous le nom àliiella, et que M. Edwards, dans sa Monographie des Ainphipodes , communiquée antérieure- ment à l'Académie des Sciences , a regardé comme identique avec celui à'hjpérie. Les quatre antennes des phrosines , in- sérées de même que dans le genre précédent , sont fort courtes et subulées -, la tête est d'ailleurs grosse et occupée , en grande partie, par les yeux, de même que dans toute cette famille, les dactylocères exceptés. Les mandibules sont munies d'un palpe. Le Mémoire de M. Straus fait parfaitement connaître l'organisation , tant extérieure qu'interne , de l'espèce ( hiella Orbignii) servant de type. Il nous paraît seulement qu'il s'y est glissé une erreur relativement au nombre des segmens de la queue : il est de six et non de sept. C'est ce que M. Milne Edwards a vérifié sur des individus étiquetés de la main même de M. Straus. CRUSTACES. CINQUIÈME ORDRE. ISOPODES. /|0I CINQUIÈME ORDRE. ISOPODES {ISOPODA), On peut se former une idée générale des crustacés de cet ordre , en jetant un coup d'œil sur ces animaux si communs, qu'on appelle vulgairement cloportes , et qui en font partie. Le corps est ordinairement ovale ou oblong, déprimé, ou con- vexe en dessus, mais jamais plus haut que large, ni comprimé latéralement : dans quelques genres , il est plus étroit et plus allongé, ou de figure linéaire. Ces appendices vésiculaires , que nous avons observés à la base extérieure des pâtes , dans les deux ordres précédens , ne sont ici propres qu'à un petit nombre d'espèces. Les deux premières lames sous^caudales de plusieurs mâles se prolongent au côté interne en manière d'appendice filiforme , allant en pointe \ des crochets distin- guent le même sexe dans quelques autres. Les femelles por- tent leurs œufs sous la poitrine, tantôt entre des écailles, tantôt dans une poche ou un sac membraneux, s'ouvrant lors- que les petits sont éclos. Ces nouveau-nés ressemblent à leurs parens ; quelques uns cependant {cloportes) ont un anneau de moins au thorax , et n'offrent dès-lors que six paires de pâtes, au lieu de quatorze. Les organes respiratoires, les an- tennes et quelques parties de la bouche présentent des mo- difications sensibles vers les dernières limites de l'ordre. Dans les trois dernières familles , les mandibules sont dépourvues de palpes , tandis que , dans la plupart des isopodes précé- dens, elles en offrent un. M. Cuvier a remarqué, à l'égard des cloportes , que les deux cordons médullaires du système nerveux ne sont pas entièrement rapprochés, qu'on les dis- tingue dans toute leur étendue , et que, non compris le cer- veau, ils forment neuf ganglions, dont les deux premiers et les deux derniers très rapprochés. Les branchies étant situées sous le post-abdomen , c'est là aussi que doivent être les ca- naux branchio-cardiaques , apportant le sang qui a respiré des branchies au cœur. 26 4o2 CRUSTACÉS. CINQUIÈME ORDRE. ISOPODËS. MM. Victor Audouin et Milne Edwards ont en effet observé que cet organe , au niveau des deux premiers segmens de la queue, recevait, à droite et à gauche, de petits vaisseaux pa- raissant venir des branchies. D'après des recherches faites sur les lygies , le système veineux est moins complet que dans les décapodes macroures. Le sang chassé du cœur, qui a la forme d'un long vaisseau, étendu sur l'intestin, et qui jette trois artères en avant , et d'autres sur les côtés , reviendrait , après avoir circulé , dans des lacunes de la face inférieure du corps, qui communiqueraient librement avec les vaisseaux afférens des branchies. Ce système circulatoire ferait le pas- sage de celui des crustacés décapodes à celui de certains crus- tacés branchiopodes. L'ordre des isopodes se compose du genre oniscus de Linné , et embrasse la classe des polygonathes de Fabricius , en en retranchant le genre monoculus. Nous le partagerons en deux sections , les anomaux et les normaux, PREMIÈRE SECTION. ANOMAUX [ANOMALJ). Ici, moins de sept segmens au thorax; pieds propres à la lo- comotion, soit au nombre de dix seulement, soit au nonîbre de quatorze , mais dont les deux antérieurs terminés en pince didactyle ; là, sept segmens thoraciques, comme d'ordinaire, et pieds au nombre aussi de quatorze, mais très petits, nulle- ment propres à la locomotion , l'animal étant constamment fixé sur les branchies de quelques espèces de salicoques, et recouvert par une portion latérale et renflée en manière de loupe du test : tels sont les caractères qui signalent cette sec- lion : elle est véritablement anomale sous le rapport du nombre des segmens et de celui des pieds , ou des usages de ces der- niers orçanes. PREMIÈRE FAMILLE. HléxiÉROPODES. 4^3 PREMIÈRE FAMILLE. HÉTÉROPODES {HETEROPODA). Ainsi que dans ks lœmodipodes , le premier anneau du îhorax est confondu avec la tête , mais les six autres sont dis- tincts. Il y a sept paires de pâtes , dont les deux antérieures , annexées à la tête, présentent au bout une serre didactyle. Le corps est terminé postérieurement soit par des stylets courts et articulés , soit par deux longs filets velus ou soyeux. Un genre établi par M. Milne Edwards , sous le nom de TANAïs {tanais ) , el figuré avec détails par M. Savigny [Des^ cription de V Egypte ^ Crust. , pi. XI, fig. i ), s'éloigne des deux autres de cette famille par la forme presque cylindrique du corps, la brièveté des appendices styliformes de son extré- mité postérieure , et en ce que les seconds pieds ne diffèrent que par des proportions un peu plus allongées des suivans -, C€S seconds pieds , dans les deux genres suivans , sont dilatés ou élargis et dentés vers leur extrémité , et le corps se termine en arrièi^ par une sorte de longue \ „ D'après les observations de Ramdohr, de Jurine père , e1 M. Straus, relatives aux organes de la manducation et de la locomotion, comparées avec celles que nous offrent ces mêmes parties, considérées dans les crustacés des ordres précédens , il paraîtrait que la dernière paire de pâtes thoraciques de ces entomostracés serait l'analogue de la troisième paire des am- phipodes et des isopodes, ou de la première des décapodes. Suivant Jurine , le nombre des pâtes thoraciques est de huit 5 420 CRUST/VCÉS. SEPTIEME ORDRE. LOPHYROPES. mais l'on voit d'après l'ordre successif des appendices qui les précèdent , que ceux qu'il désigne sous le nom de mains , ré- pondent aux secondes mâchoires, et que dès-lors les trois paires antérieures de pieds proprement dits représentent au- tant de pieds-màchoires. Les daphnies ont , selon M. Straus , dix pieds -, mais ici les deux premiers correspondent aussi aux secondes mâchoires. Je partagerai les lophyropes en deux petites familles. PREMIÈRE FAMILLE. SÉTIGÈRES {SETICERA), Le thorax , plus ou moins ovoïde ou ovalaire , est divisé en quatre segmens , dont l'antérieur beaucoup plus grand, et avec lequel la tête se confond , offre , en devant et dans son milieu, l'organe de la vision. Les antennes supérieures sont longues , sétacées , simples et formées d'une multitude de pe- tits articles \ on n'en distingue guère que quatre aux infé- rieures (^ antennules , Jurine ) : celles-ci sont fort courtes, filiformes , simples ou fourchues -, les mandibules portent un palpe, tantôt indivis, tantôt partagé en deux branches. Im- médiatement à la suite des pièces répondant aux deux mâ- choires supérieures, viennent cinq paires de pieds, divisés en deux branches cylindriques , plus ou moins garnies de poils. La queue est formée de six anneaux , avec deux sty- lets et des soies au bout. L'on voit, sous le premier, dans la femelle, deux appendices en forme de petites pâtes (i), (i) Ce sont peut-être les analogues des seconds pieds thoraciques des décapodes. Dès-lors les organes sexuels, étant situés sur l'anneau suivant , occuperaient une place correspondante à celle des parties sexuelles féminines de ces décapodes. Dans les apus, les deux capsules renfermant les œufs se trouvent à la base de la onzième paire de pâtes. Les premières représentent les pieds-mâchoires. Si on compare ces organes , ainsi que les suivans, aux pieds des myriapodes , ils seront censés doubles ; et les dix paires, précédant celle qui porte les œufs , équivaudront à cinq paires or- dinaires. Par conséquent les œufs seront situés sur la troisième paire des pieds tho- raciques. N 1 PREMIÈRE FAMILLE. SÉTICÈRES. 4^1 et SOUS le second^ dans les deux sexes , les organes de la gé- 1 iiération , et les deux sacs ovifères et pédicules. Cette fa- mille ne comprend qu'un seul genre , celui de cyclope ( cjclops ) . Jurine a observé que les antennes supérieures font presque l'office de pieds, et que les inférieures, par la rapidité de leurs mouvemens, font tourbillonner l'eau. Dans les mâles, ks deux premières , ou l'une d'elles seulement {castor) , pré- sentent des étranglemens et un renflement suivi d'un article à charnière. Au moyen de ces organes, ou de l'un d'eux, le mâle saisit , dans ses préludes amoureux , soit les dernières pâtes de la femelle, soit le bout de sa queue, et la retient dans une situation appropriée à la manière dont ils se fixent -, si celle-ci ne veut pas d'abord se prêter à ses désirs , elle em- porte l'autre individu. La copulation s'opère ainsi que dans I les crustacés précédens et par des actes prompts et réitérés. Jurine en a compté trois dans un quart d'heure. Les œufs sont contenus dans deux sacs ovalaires, sortes d'ovaires externes , situés , un de chaque côté de la queue de la femelle , et fixés , au moyen d'un pédicule , au second anneau , près de sa jonc- tion avec le troisième , où est aussi l'orifice du canal déférent des œufs. Leur nombre augmente et leur couleur change avec l'âge. Sur le point d'éclore, ils deviennent transparens et ne grossissent plus-, isolés ou détachés, du moins jusqu'à une certaine époque , le germe périt. Une seule fécondation , mais nécessaire , suffit pour plusieurs générations successives. La même femelle peut faire jusqu'à dix pontes, dans l'espace de trois mois ^ on a calculé qu'en n'en supposant que huit, et quarante petits pour chaque , la somme totale des nais- sances serait de quatre milliards et demi. La durée de l'état ^ oviforme varie de deux à dix jours, selon les différences de température, les saisons et quelques autres circonstances. Quelques animalcules infusoires s'attachent quelquefois, et en société plus ou moins nombreuse, aux sacs ovigères, et y forment des corps allongés, ayant la figure de glandes. Les petits n'ojît . en naissant, que quatre pales, et \qux 422 CRUSTACÉS. — " SEPTIEME ORDRE. LOPHYROPES. corps est arrondi et sans queue ^ Mûller en avait fait son genrç amymone. Peu de temps après , il leur pousse une nouvelle paire de pâtes , et ces individus composent, dans l'ouvrage du même auteur, une autre coupe générique^ celle de nau- plius. On a dit qu'après la première mue, ils avaient tous les caractères de l'animal parfait, mais sous de moindres pro- portions, surtout quant aux antennes et aux pâtes , et qu'après la troisième, ces animaux étaient adultes. Mais est-il bien constant qu'ils acquièrent deux paires de pâtes de plus, sans changer de peau ? Au défaut de matières animales, les cyclopes se nourrissent de substances végétales. Jurine nous a appris que dans l'espèce i nommée castor, le cœur, de forme ovalaire, donnait nais- sance à chacune de ses extrémités à un vaisseau, ayant au- dessous de lui un autre organe analogue, en forme de poire et situé sous le second et le troisième segmen du corps. De ses expériences sur des individus alternativement asphyxiés et rappelés à la vie , il résulterait que l'irritabilité du cœur a moins d'énergie que l'extrémité du canal intestinal et des supports. Lorsqu'on coupe une portion d'antenne, il ne s'y fait aucun changement ; la réintégration s'opère sous la peau et tout est réparé à la mue suivante. Quelques espèces offrent des différences assez notables pour que l'on puisse les sépa- rer dans autant de divisions ou même de genres. C'est ainsi , par exemple, que la femelle du cyclope staphjli/i, distingué d'ailleurs, dans les deux sexes, des autres espèces, par les antennes et quelques autres rapports , a , sous le dessous de la queue , une sorte de corne arquée en arrière. Dans le C. cas- tor et quelques autres, les palpes des mandibules sont divi- sés en deux branches. On cite une espèce où les antennes in- férieures manquent ; elle compose le genre calakus du docteur Leach. La plus commune est le C. quadricorjne Çmonociilus quadricornis y Liinn) : elle est longue de deux lignes, tantôt rougeâtre , tantôt verdâtre ou blanchâtre, avec les antennes simples; les inférieures, dont la longueur ne fait guère que le tiers de celle des supérieures, ont quatre articles. Le corp? DEUXIÈME FAMILLE. CLADOCÈRES. ^^3 jusqu'à la queue, est presque ovoïde et renflé ^ la queue est étroite et de six segmens. DEUXIÈME FAMILLE. CLADOGÉRES {CLADOCERA). Une grosse tête , saillante , souvent terminée en pointe ou en manière de bec inférieurement , portant supérieurement un œil de grandeur variable, précédé, dans quelques [Ijncées), d'une tache noire oculiforme , ayant de chaque côté, près de sa jonction avec le thorax, une antenne toujours saillante, ordinairement fort grande , en forme de bras , servant de rame, divisée à la suite d'un pédoncule, en deux ou trois 'branches, articulées, garnies de soies ou de filets; un test plié en deux, mais sans charnière, enveloppant le thorax et les pâtes, le plus souvent finissant en pointe à son extrémité postérieure \ dix pâtes plus ou moins divisées , et garnies de filets ou de soies au bout ; une queue courte, se repliant en dessous, et terminée par deux appendices coniques ou séta- cés ; œufs toujours intérieurs jusqu'au moment où la femelle les dépose dans l'eau , passant des ovaires situés sur les côtés dans une cavité dorsale , entre le corps et le test, tels sont les caractères généraux de cette famille, (i) Des trois genres dont elle se compose , celui de daphnie , le plus nombreux de tous, est celui qui a été le mieux observé. Ici les mandibules n'offrent point de palpes , et le second article des pâtes est vésiculeux. ( Voyez le genre apus. ) L'analogie nous porte à soupçonner que les autres genres sont dans le même cas. Les deux autres antennes , ou les in- férieures , sont très courtes , cylindracées , d'un à deux arîi^ clés, avec une ou plusieurs soies au bout. Ces crustacés ont des mouvemens très prompts et sautent pour la plupart. (i) Ces animaux, d'après M. Straus, seraient aussi les seuls brancliiopodes dont le cœur serait fort court et ne s'étendrait point dans la cavité abdominale. 424 CRUSTACÉS. SEPTIÈME ORDRE. LOPHYROPES. Les uns ont une télé arrondie, presque entièrement oc- cupée par l'œil, et les branches des grandes antennes di- visées en cinq articles. L'on reconnaît à ces traits le genre poLYPHÈME {poljphemus , Muller). On n'en a découvert qu'une seule espèce, nommée par Linné monoculus pedi- culus , et par Mùller poljpliemus oculus : c'est le cepJialocu- lus stagnomm de Lamarck. De Géer et Jurine, celui-ci sur- tout , en ont fait une étude spéciale. La coquille est tellement diaphane qu'elle laisse apercevoir tous les viscères ^ les œufs ^ dont la quantité dans les plus fortes pontes ne va pas au-delà de dix, en occupent la majeure partie 5 de son extrémité an- térieure partent et s'avancent deux petites antennes d'un seul article , et terminé par deux filets. Les pieds se composent d'une cuisse , d'une jambe et d'un tarse de deux articles, dont le dernier , la paire postérieure exceptée , offre aussi à son extrémité de petits filets. L'abdomen , d'abord contourné d'ar- rière en avant, "se recourbe ensuite brusquement en arrière, et forme une queue longue , grêle , pointue , donnant nais- sance à deux longs filets articulés. L'animal nage toujours sur le dos, et, à l'aide des mouvemens rapides de ses bras et de ses pieds , il exécute , avec une grande justesse et beaucoup d'agilité , toutes sortes d'évolutions. L'œil d'abord verdâtre , d'un noir plus ou moins foncé ensuite , apparaît très promp- tement dans le fœtus. Réduit en captivité, ce crustacé vit peu de temps , et Jurine n'a pu le conserver après les pre- mières mues. Il est sujet, après celles-ci, à la maladie de la selle, dont nous parlerons à l'article des daphnies, mais sans offrir , dans ce cas , ces deux boules ovales que l'on observe en pareille circonstance dans ces derniers animaux. a Le poljphème des étangs est très abondant dans les étangs et marais du nord, où il forme, à ce qu'il paraît, des réu- nions considérables. Dans les autres , l'œil n'occupe qu'une petite portion de la surface de la tête ^ elle est presque toujours terminée en pointe à son extrémité antérieure et inférieure. Les branches des grandes antennes n'ont pas au-delà de quatre articles. DEUXIÈME FAMILLE. CLADOCERES. 4^5 Les DAPHNIES {daphnia , Mull.) ont leurs deux antennes en forme de bras, entièrement découvertes, aussi longues, ou presque aussi longues que la tête et le test. On ne voit aucune tache oculaire au-devant de leur œil. Les troisième et quatrième articles , ou les deux derniers des huit pre- mières pâtes , forment une sorte de nageoire bordée de soies ou de filets ^ le côté interne du troisième article de la se- conde paire et des deux suivantes offre , en outre , une lame branchiale , mais plus fortement prononcée , à raison des soies plus nombreuses et plus serrées , aux troisième et quatrième paires de pâtes \ les filets du dernier article de ces trois paires de pâtes branchiales sont articulés , barbus , et forment une sorte de digitation ou de peigne ; l'extrémité du troisième article des secondes pâtes présente aussi au côté interne des soies barbues. Les deux derniers articles de la dernière paire se prolongent en manière de pointes sétacées, dirigées en sens opposés, et dont l'une velue. La partie cor- respondante à la lame branchiale est dépourvue de soies ou de filets. Le quatrième et dernier article des deux premières pâtes est terminé par un ergot ou crochet , mais plus fort dans le mâle : ici l'article précédent offre aussi une longue soie. Ces derniers individus ont , en général , les antennes infé- rieures plus longues, la tête proportionnellement plus courte, avec le bec moins saillant , le test plus étroit , moins gib- beux postérieurement, et plus ouvert en devant-, il se termine d'ailleurs de même , dans les deux sexes , en une pointe ou stylet dentelé , qui se raccourcit et devient obtus avec l'âge. Le corps proprement dit est parfaitement libre ou dégagé du test, divisé en huit segmens, avec une pointe ou corne au quatrième , et une rangée de mamelons sur le dessus du sixième. Le long de ses côtés antérieurs sont situés les ovaires; ils s'ouvrent séparément dans une cavité dorsale , entre le corps proprement dit et le test, et que Jurine nomme ma- trice. Il attribue à une maladie une grande tache obscure et rectangulaire , appelée ephippium ou selle par Mùller , qui, à quelques époques de l'année, et principalement en été 4^6 CRUSTACES. SEPTIÈME ORDRE. LOPHYKOPKS. et après la mue , se montre dans les femelles à la partie su- périeure de la coquille. Suivant M. Straus , qui a observé ces animaux avec une rare patience, et en a donné une très bonne monographie , cet ephippium , qui se divise, ainsi que les valves dont il fait partie , en deux moitiés latérales , pré- sente deux ampoules ovalaires , transparentes, placées l'une au-devant de l'autre , et formant avec celles du coté opposé deux petites capsules ovales, s'ouvrant comme une coquille bivalve ou le test. L'intérieur de cet ephippium en offrirait un autre , mais plus petit , à bords , le supérieur et tenant aux valves excepté , libres , et dont les deux moitiés, jouant en charnière l'une sur l'autre, présenteraient les mêmes ampoules que les battans extérieurs. Chaque capsule renferme un œuf semblable aux œufs des autres entomostracés , mais se déve- loppant plus lentement et devant passer l'hiver sous cette forme. A l'époque de la mue, cet ephippium, abandonné avec les œufs, leur servirait d'abri. Ils sont absolument libres dans les réceptacles qui leur sont propres. Cet observateur n'a jamais vu éclore ceux qui avaient été desséchés , quoique Schaeffer assure qu'une longue dessicca- tion ne leur est point nuisible. Suivant Jurine, le petit naît, en été , au bout de deux ou trois jours après la ponte. Au rapport de M. Straus , qui a suivi ces œufs dans toutes les sai- sons de l'année et sous le climat de Paris , il faut au moins cent heures. Le fœtus commence à se mouvoir à la quatre-vingt- dixième, lorsque l'œil a paru et que les bras et les valves se sont allongés. Il est très actif à la centième. Vers la fin du cin- quième jour, la queue , qui termine les valves dans le jeune âge , et les soies des bras se débandent comme un ressort , et les pâtes commencent seulement alors à s'agiter. Les petits devant paraître au jour , la femelle abaisse son abdomen, et ils s'élancent au-dehors. Le naturaliste genevois précité a suivi les développemens progressifs du fœtus en hiver , et comme les petits n'ont apparu que le dixième jour, il a pu observer leur formation d'une manière plus précise et plus détaillée. Il faut recourir à son ouvrage pour bien connaître ces change- DEUXIÈME FAMILLE. CLADOCÈRES. 4^7 mens. Je dirai simplement qu'en thèse générale l'œuf, dès son principe , se compose d'une bulle centrale , paraissant corres- pondre au canal alimentaire, entourée de plusieurs autres bulles plus petites , avec des molécules colorées dans les inter- valles ^ que le nombre de ces petites bulles décroît au fur et à mesure que les organes se développent ^ que le huitième jour elles ont presque entièrement disparu , mais la centrale, occu- pant le canal alimentaire sous le cœur, subsiste encore-, le dixième , le petit , entièrement formé , sort de la matrice , et reste un instant immobile. Les mâles sont très ardens à poursuivre leurs femelles , et souvent le même individu. Jurine , plus heureux à cet égard que M. Straus, a vu leur accouplement. Le mâle, placé d'abord sur le dos de sa compagne , la saisit avec les longs filets de ses pâtes antérieures , rapproche ensuite le bord inférieur de sa coquille , du même bord de celle de la femelle , y introduit les filets et les crochets ou harpons de ses pâtes, et ramène sa queue près de la sienne. La femelle ne cède pas toujours , et emporte alors avec elle l'autre individu. Les œufs , d'abord sous la forme de petits grains verts , rosés ou bruns , suivant les saisons , remontent graduellement dans la matrice pour y prendre la grosseur et la figure qui leur sont propres. Au témoignage du même observateur, les mâles seraient moins nombreux que les femelles. On n'en trouve que diffici- lement au printemps et en été ; ils sont moins rares en au- tomne. Environ huit jours après leur naissance , les petits subissent une première mue. Non seulement le corps, mais les branchies et les soies des rames se dépouillent alors de leur épidémie. Les mues suivantes ont lieu par intervalles de cinq à six jours , selon le plus ou moins d'élévation de la tempéra- ture. Ce n'est qu'à la troisième que ces crustacés ont acquis la faculté reproductrice. La ponte n'est d'abord que d'un œuf: mais les suivantes augmentent progressivement , et une espèce [D. magna) produit jusqu'à cinquante-huit œufs. Un jour après la ponLe, la femelle mue, et les tégumens abandonnés renferment les coques des œufs de la dernière ponte. Un mo' 428 CRUSTACÉS. SEPTIEME ORDRE. LOPllYROPES. ment après, elle change encore de peau. Les jeunes d'une même portée sont presque toujours du même sexe , et sur cinq à six pontes estivales , il s'en trouve au plus une de mâles. Les mues et les pontes cessent aux approches de l'hiver. Les œufs contenus dans les éphippiums , et qui avaient été déposés en été, éclosent le printemps suivant. M. Straus n'a jamais remarqué que ces animaux , rassemblés en grand nom- bre , donnassent aux eaux qu'ils habitent une couleur rouge , ainsi qu'on l'avait avancé. Ils nagent par petits bonds , et ne se nourrissent , suivant lui , que de parcelles de substances vé- gétales. Il leur a vu avaler jusqu'à leurs propres excrémens , que le courant de l'eau , produit par les mouvemens de leurs pâtes , avait portés à leur bouche. L'extrémité de leur queue leur sert souvent à nettoyer leurs branchies. L'espèce la plus abondante dans nos eaux est la daphnie puce {pionoculus pulex , Linn.) , le perroquet d'eau de Geoffroy , ou la puce aquatique arborescente de Swammerdam. Les soies des branches de ses antennes sont plumeuses. Son bec est grand et convexe. Le premier mamelon du sixième segment du corps est en languette. Les valves de la coquille , dentelées au bord inférieur , se terminent par une queue courte , obtuse dans les femelles , et c'est par là que , suivant M. Straus , cette espèce se distingue d'une autre , avec laquelle on l'avait con- fondue , et qu'il nomme longispina. Les LYNcÉEs (IjnceuSy Mïill.) ne diffèrent des daphnies que par leurs antennes rémiformes , sensiblement plus courtes que la tête et le test, et dont le pédoncule est presque entiè- rement caché. Au-devant de leur œil est une petite tache, qui a l'apparence d'un autre œil. Le bec est proportionnellement plus court que celui des daphnies, courbé et pointu. M. Straus place ce genre dans la division de sa famille des daphnies, dont la queue ou le post-abdomen est courbée en dessous ; les figures de Mùller et de Jurine indiquent en effet ce caractère. Mais quoique dans les polyphèmes celle queue se courbe en sens opposé ou du côté du dos , il m'a paru difficile de faire CRUSTACÉS. HUITIÈME ORDRE. OSTRAPODES. 4^9 l'application du même caractère aux diverses espèces de daphnies, et je n'ai pas cru dès-lors devoir en séparer celles qui forment les genres latona et sida de ce naturaliste , surtout dans un cours où je ne dois présenter que ceux qui sont le plus tranchés. Outre MùUer, consultez Y Histoire des Monocles de Jurine. Sa treizième espèce et les trois suivantes , ou les quatre der- nières de sa division des monocles à coquille univalve, sont des lyncées. HUITIÈME ORDRE. OSTRAPODES {OSTRAPODA), Quoique nous eussions établi cette coupe avant M. Straus, et sous la dénomination à' ostrachodes , nous adopterons ce- pendant celle à' ostrapodes , qu'il a donnée à cet ordre , soit parce qu'elle est plus en harmonie avec les noms des autres ordres , soit pour ne pas augmenter les difficultés de la nomen- clature. Il n'en existe aucune relativement à la distinction de cet ordre -, ses caractères sont parfaitement tranchés. Trois célèbres observateurs , Ramdohr , Jurine père et M. Straus , et le dernier surtout , nous ont dévoilé l'organisation des cy- pris, qui , avec le genre cythérée , compose cette coupe ordi- nale. Mùller, qui a formé l'un et l'autre, n'est entré dans aucun détail approfondi , et nous ne pouvons séparer le second de ces genres du premier qu'en admettant, avec lui, qu'il y a une paire de pâtes de plus , ou huit , au lieu de six , et que les poils des antennes sont épars , tandis qu'ils se réunissent en une sorte de pinceau terminal dans les cypris. Mais ces deux genres ont , pour tout le reste , tant d'analogie qu'il serait possible que ce naturaliste eût considéré comme des pieds des organes qui ne le sont pas. On n'accorde que deux antennes à tous ces crustacés ; mais peut-être que les organes que l'on a pris pour les deux pieds antérieurs sont , à raison de leur inser- tion , deux autres antennes, faisant, comme dans beaucoup 430 CRUSTACÉS. HUITIÈME OBDRE. OSTR APODES. d'autres entomostracés, l'office de rames ou de pieds-, peut- être aussi sont-ce de véritables pieds , suppléant les antennes en rames. Les cypris seraient donc des crustacés tétrapodes, mais dont la natation serait facilitée par les appendices bran- chiaux des mandibules et des mâchoires supérieures. Leur test forme une coquille bivalve ovalaire , comprimée latérale- ment, arquée et bombée dorsalement , et presque droite ou un peu échancrée au côté opposé , celui de l'ouverture. En avant de la charnière , dans la ligne médiane , l'œil se présente sous la figure d'un gros point noirâtre. Les antennes^ immé- diatement insérées au-dessous , sont sétacées, plus courtes que le corps, de sept à huit articles, dont les derniers plus courts , et terminées par un faisceau de filets servant de nageoires , et que , suivant Jurine , l'animal développe de différentes ma- nières pour se mouvoir plus ou moins rapidement. La bouche se compose d'un labre caréné , de deux mandibules dentées , portant chacune un palpe de trois articles , avec une petite lame branchiale et digitée sur le premier. On en voit une autre beaucoup plus grande , pectinée à son bord antérieur , sur le côté extérieur de deux mâchoires supérieures , qui ont au côté interne quatre appendices mobiles et soyeux. Au-des- sous sont deux autres mâchoires , composées de deux articles , avec un palpe court , inarticulé , et soyeux au bout. On observe plus bas une sorte de sternum. Les pieds sont au nombre de six, dont les deux antérieurs , beaucoup plus forts , dirigés en avant , terminés par deux articles , munis de soies roides ou de longs crochets , rassemblés en un faisceau , sont insérés au- dessous des antennes : peut-être que ces soies concourent au- tant à la natation qu'à la respiration -, les quatre autres pieds en sont dépourvus ; les seconds sont d'abord rejetés en arrière, arqués , et terminés par un long et fort crochet 5 les deux der- niers ne se montrent point au-dehors : relevés et appliqués sur les côtés du corps , ils soutiennent les ovaires , et se terminent par deux petits crochets. C'est du Mémoire de M. Straus sur les cypris, que nous avons emprunté la description de ces di- vers organes. En la comparant avec celle que M. Ramdohr a GÉNÉRALITÉS. 4^1 (Ion née du cjpris stiigata, nous y trouvons des différences qui nous jettent dans l'incertitude. Il paraîtrait que celui-ci aurait vu quelques appendices de plus, comme deux mâchoires, et qu'elles précéderaient ainsi les deux autres , celles de la se- conde paire du premier^ les parties que celui-ci prend pour r les deux premières. Près de celles-ci , que M. Ramdohr nomme lès^re intérieure, serait placée une autre lèvre, V externe. Les mâchoires supérieures, d'après la figure et la description de M. Straus , ou la lèvre intérieure, selon la nomenclature de M. Ramdohr, se terminent par cinq appendices. Ne seraitil pas possible qu'il eût confondu avec elles les pièces que le der- nier appelle lèvre extérieure? Quoi qu'il en soit, ces doutes ne peuvent être dissipés que par un nouvel examen , et réitéré sur plusieurs espèces. Peut-être qu'alors l'on découvrira que les cypris ont autant de pâtes que les daphnies, mais que les quatre dernières seront toujours très différentes des mêmes des cruslacés précédens. Le corps n'offre aucune articulation distincte , et finit pos- térieurement par une queue molle, repliée en dessous, avec deux filets coniques ou sétacésau bout -, ils sont armés chacun , près de leur extrémité , de deux épines ou onglets , et dirigés en arrière. Les ovaires forment deux gros vaisseaux , situés sur les côtés postérieurs du corps , au-dessous du test , et s'ou- vrant à la partie antérieure de l'abdomen : les œufs sont sphé- riques. Le docteur MùUer paraît être le seul qui ait vu l'accouple- ment de ces animaux, et aucun naturaliste n'a encore décou- vert positivement leurs organes sexuels, quoique d'ailleurs les pontes et les mues de ces crustacés ne soient pas moins nom- breuses que celles des cyclopes, des daphnies, etc. Les femelles déposent leurs œufs en masse, et les fixent sur des plantes ou sur le limon avec une substance visqueuse. Cramponnées alors par le moyen de leurs seconds pieds , elles ne craignent pas les secousses de l'eau, et emploient environ douze heures à faire leur ponte , qui , dans les plus grandes espèces , peut \ se composer de vingt-quatre œufs. Jurine, ayant isolé ceux 43'2 CRUSTACÉS. NEUVIÈME ORDRE. PHYLLOPODES. d'une ponte ou d'un paquet , a vu éclore les petits et a obtenu i une autre génération sans le concours des mâles. Une femelle > qui avait fait sa ponte le 12 avril, a, jusqu'au 18 mai suivant et inclusivement, mué six fois. Le 27 du même mois, elle a fait une seconde ponte, et deux jours après une troisième. Il lire de là cette conséquence que le nombre des premières mues est en rapport avec le développement graduel de l'in- dividu. Depuis Mùller, aucun naturaliste n'a décrit d'une manière moins imparfaite son genre cythérée (^cjthere - cjtherina , Lam.). Ici les deux antennes sétacées, composées de ciriq ar- ticles , seraient garnies de poils épars , et non rassemblées au bout en guise de pinceau. Le nombre des pieds serait de huit. Toutes les espèces habitent les eaux salées et saumâtres des bords de la mer, parmi les varecs et les conferves. NEUVIÈME ORDRE. PHYLLOPODES {PHYLLOPODA). Il semble se rattacher, par les limnadies , aux daphnies et aux lyncées. Le premier de ces genres ressemble en effet aux suivans, par la forme du test , les antennes et quelques autres caractères j mais le nombre des pâtes est plus considérable, et il offre deux yeux. Ces rapports sont si évidens , qu'Herman fils avait placé avec les daphnies l'espèce sur laquelle cette coupe a été établie par M. Adolphe Brongniart. Le mode de gestation est encore identique, et diffère de celui des autres phyllopes. Ces motifs nous déterminent à isoler les limnadies , et à for- mer avec elles une petite famille. Le corps des phyllopes , tantôt nu , tantôt défendu par un test qui l'enveloppe en manière de coquille bivalve ou le re- couvre supérieurement , sous la forme d'un bouclier en dinii- ovale et échancré postérieurement , est divisé en un grand nombre de petits segmens qui, les derniers au plus exceptés. PREMIERE FAMILLE. MYTILOÏDES. 4^3 portent chacun une paire de pâtes foliacées ou à articles la- melliformes^ il est souvent terminé par une queue, ayant à son extrémité deux filets ou deux appendices en forme de na- geoires , étroites et allongées. La tête offre deux yeux , et même quelquefois trois, quatre à deux antennes, un labre, deux mandibules, quatre ou deux mâchoires et une languette. Certaines mares, des fossés remplis d'eau stagnante ou peu coulante nous offrent, à une ou deux époques de l'année , ou dans quelques circonstances particulières, des masses considé- rables de ces animaux qui disparaissent bientôt après. Un fait très remarquable à l'égard de quelques espèces, c'est que tous les individus que l'on a observés étaient des femelles , et que leurs mâles sont encore inconnus. Ces crustacés nagent sur le dos , et le mouvement de leurs pâtes produit des ondulations agréables à voir. Abstraction faite des limnadies , les fe- melles portent leurs œufs dans deux capsules ou dans une espèce de sac , situées à l'extrémité du thorax proprement dit, ou un peu plus en arrière vers l'origine de la queue. Les petits éprouvent, jusqu'à ce qu'ils soient adultes , des change- mens de forme très remarquables. Schœffer est de tous les auteurs celui qui a le mieux observé ces animaux. Je partagerai les phyllopes en deux sections : i°. ceux qui sont pourvus d'un test en forme de coquille bivalve , ou de bouclier, dont le nombre des pâtes est au moins de quarante- quatre, et dont les yeux sont sessiles-, i°. ceux qui n'ont point de test bivalve ou clypéiforme , dont le nombre des pâtes est . de vingt à vingt-deux, et dont les yeux sont pédicules. Les premiers composeront deux familles. PREMIÈRE FAMILLE. MYTILOÏDES (MYTILOÏDES). Elle ne comprend qu'un seul genre , celui de limnadie (limnadia) , institué par M. Adolphe Brongniart. Ces phyllopes n'ont que deux yeux , qui sont très rappro- chés, et portés sur une téîe distincte du test. Ce test a la 58 434 CRUSTACÉS. DfEUVlÈME ORDRE. PHYLLOPODES. forme d'une coquille bivalve, comme d'une moule ou d'une modiole, susceptible de renfermer le corps. Il y a quatre an- tennes, dont les deux extérieures fort grandes, composées chacune d'un pédoncule de huit articles et de deux tiges ou branches sétacées , de douze articles, et soyeuses, et dont les intermédiaires petites, simples, élargies à leur extrémité. Au- dessous de deux mandibules renflées, arquées et tronquées au bout , est une paire de mâchoires foliacées. Le corps est divisé en vingt-trois segmens , portant chacun , le dernier excepté , une paire de pâtes égales , bifides au bout , avec la division extérieure simple , ciliée au bord interne , et l'autre quadriarticulée et fortement ciliée au bord extérieur. Les douze premières paires sont de même longueur et un peu plus grandes que les autres-, celles-ci décroissent graduellement. La onzième paire et les deux suivantes ont à leur base un filet mince, remontant dans la cavité qui est entre le dos et le test, et servant de support aux œufs. Il esta présumer, d'après ce qui a lieu dans les autres phyllopodes , que l'issue des ovaires est placée près de la naissance de quelques unes de ces pâtes. Ces ovaires s'étendent sur les côtés du corps, depuis la première paire de pâtes jusqu'à la dix-huitième, et les œufs, quelque temps avant la ponte, passent dans la cavité dorsale , sorte de matrice où ils achèvent de se développer. Ils sont d'abord ronds et transparens -, leur couleur s'obscurcit ensuite, et ils deviennent irréguliers ou anguleux. M. Adolphe Brongniart , auquel nous devons tous ces détails , n'a point trouvé un seul mâle dans tous les individus de l'espèce qu'il a observée, et qu'il nomme limnadie d'Hermann {L. Her- manni). Voyez les Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle, tome VI, tab. xiii , et le Mémoire aptérologique de l'auteur auquel ce crustacé est dédié , et qui l'a décrit sous les noms de daphnia gigas. Il est commun dans les petites mares de la foret de Fontainebleau. DEUXIÈME FAMILLF. ASPIDTPHORES. 4^^^ DEUXIÈME FAMILLE. ASPIDIPHORES (ASPIDIPHORJ). Elle n'est pareillement formée que d'un seul genre , celui d'APus (apus) de Scopoli , dont une espèce fait partie de celui de binocle de Geoffroy, et de celui de limule de Mûller. Trois yeux, dont un plus petit, groupés sur un test clypéi- forme^ deux antennes courtes et simples, une soixantaine de paires de pâtes, portant près de leur base un corps vésiculaire, diminuant progressivement de grandeur, foliacées, dont les antérieures terminées par trois longs filets, multiarticulés, an- tenniformes, et dont les autres finissant en manière de pince à deux doigts comprimés ^ deux feuillets circulaires, appliqués l'un sur l'autre, renfermant les œufs, et situés près de la nais- sance de la onzième paire j une queue composée de plusieurs articles, et dont les derniers sans pâtes, avec deux filets à son extrémité postérieure , tels sont les caractères principaux de cette famille et de ce genre. Un examen plus particulier nous fera découvrir les suivans. Le corps , dépouillé du test , est d'abord presque cylin- drique, convexe en dessus , concave en dessous, avec un sillon longitudinal au milieu, et terminé ensuite en un cône allongé. Il se compose de la tête, et de trente et quelques an- neaux, diminuant beaucoup de grandeur vers l'extrémité postérieure , et dont les cinq à sept derniers dépourvus seuls de pâtes. Le test , parfaitement libre , depuis son attache an- térieure , recouvre une grande portion du corps et consiste en une grande écaille cornée, très mince, presque diaphane, formant un grand bouclier ovale , échancré en manière d'angle et dentelé postérieurement. Sa face dorsale est divisée transversalement en deux aires, dont l'antérieure répondant à la tête et l'autre au thorax. La première offre , au milieu , trois yeux très rapprochés , sans facettes sensibles , dont les deux antérieurs plus grands , presque réniformes , et dont le postérieur beaucoup plus petit et ovale. Une duplicature du 436 CRUSTACÉS. NEUVIÈME ORDRE. PHYLLOPODES. bord antérieur de ce test forme en dessous une sorte de bou- clier frontal, semi-lunaire, et servant de base au labre. L'aire ihoracique est carénée longitudinalement dans son milieu. Les deux antennes sont insérées de chaque coté des man- dibules , très courtes , filiformes , et de deux articles. La bouche se compose d'un labre , de deux mandibules fortes cornées , dentelées, sans palpes*, d'une grande languette pro- fondément échancrée, et de quatre mâchoires , dont les deux supérieures en forme de feuillets dentelés et ciliés au bord interne, et dont les deux inférieures presque semblables à de petites pâtes, prolongées extérieurement à leur base en une oreillette, portant un appendice cilié, d'un seul article, et que l'on peut considérer comme un palpe. C'est par les fi- gures d'un excellent Mémoire de Schaeffer sur ces crustacés , que l'on pourra se former une idée claire et précise de la forme des pâtes. Il désigne les deux antérieures ou les plus grandes , sous le nom de pieds en rames ; les neuf suivantes sont des pieds proprement dits^ celles de la onzième paire sont les pieds à matrice j il distingue les suivans et derniers , mais trop exclusivement , par l'épitbète de branchiaux. Les deux premières, beaucoup plus grandes, se terminent par deux longs filets, sétacés, pluriarliculés , et dont l'un un peu plus long-, ils sont les analogues des deux doigts en pince , terminant les pâtes suivantes- ces mêmes pâtes en rame , ont aussi , au côté antérieur, deux autres filets de même forme , dont le posté- rieur beaucoup plus petit. Ils représentent deux des feuillets latéraux que l'on voit aux autres pâtes. Le coté postérieur du premier article de ces organes présente une grande lame bran- chiale, triangulaire, et celui de l'article suivant, un corps ovalaire, vésiculeux et de couleur rouge. Sur le bord opposé sont quatre feuillets triangulaires et ciliés , dont le plus rap- proché du bout semble former sur les pâtes précédant celles qui portent les œufs, une sorte de troisième doigt. Celles-ci sont dépourvues du corps vésiculeux dont nous venons de parler. Les changemens de grandeur qu'éprouvent ces organes en apportent aussi quelques uns dans la forme et la disposition j DEUXIÈME FAMILLE. ASPIDIPHOIIES. 4^7 respective des articles dont ils se composent. Mais c'est sur- tout dans le jeune âge de l'animal que ces modifications sont plus remarquables j elles sont si frappantes, que celui qui n'au- rait aucune connaissance des transformations qu'il subit , pourrait, s'il ne les suivait pas, considérer cbacune d'elles comme propre à autant d'êtres difFérens , et former ainsi pareil nombre de genres. A leur sortie de l'œuf, les petits n'ont point de queue , ne présentent qu'un œil et quatre pâtes en forme de rames , dont les secondes plus grandes. Le test a la figure d'une petite plaque , ne recouvrant que la moitié antérieure du corps. Les mues qui s'opèrent ensuite développent peu les autres organes et modifient les précédens. Nous avons donné, dans le quatrième volume de notre Histoire générale des In- sectes, faisant suite au Buffon de Sonnini , la traduction du Mémoire de Shsefifer, ainsi que les figures qui l'accompa- gnent. Les apus paraissent plus ordinairement au printemps et au commencement de l'été. Ils fourmillent dans certaines mares ou dans des fossés dont les eaux sont dormantes , et s'y nour- rissent de têtards. Ils nagent le plus souvent sur le dos , et lorsqu'ils s'enfoncent ils élèvent leur queue. Ils sont quelque- fois enlevés par des vents très violens et tombent sous la forme de pluie. L'oiseau appelé vulgairement lavandière en dévore un grand nombre. On n'en connaît qu'un petit nombre d'espèces et toutes indigènes. Le monoculus apus de Linné se distingue des au- tres par un appendice en forme de lame , situé entre les deux filets de la queue. M. Leach en a formé le genre lépidure (lepidurus). Le binocle à queue en jîlet de Geoffroy, ou le i limulus palustris de Mùller , dépourvu de cet appendice , forme alors avec une autre espèce le genre AvvsÇapus^ pro- prement dit. La seconde section des phyllopes, ceux qui n'ont point de test, dont le nombre des pâtes est de vingt à vingt-deux, et dont les deux yeux sont pédicules, se compose d'une seule famille. 438 CRUSTACÉS. NEUVIÈME ORDRE. PHYLLOPODES. TROISIÈME FAMILLE. GÉRATOPHÏHALMES {CERATOPHTHJLMA). Deux des trois genres qu'elle comprend , les eulimènes {eulimene, Latr.), et les artémies {artemia, Leach ), sont peu connus. Le premier se distingue de tous les autres du même ordre , en ce que le corps , muni de quatre antennes courtes et filiformes , se termine immédiatement à la suite de la on- zième et dernière paire de pâtes , par un article presque semi-globuleux, remplaçant la queue , et duquel sort un filet allongé. La seule espèce décrite estl'E. blanchâtre {alhicans\ trouvée dans la rivière de Nice et qui m'a été communiquée par M. Cuvier. L'autre genre , celui d'artémie , n'a que dix paires de pâtes ^ son corps se termine par une queue longue et pointue -, sa tête se confond presque avec le thorax , et les pédicules oculaires sont fort courts. Il n'est aussi formé que d'une seule espèce , le cancer salinus de Linné , et dont Fabricius fait un gammarus. On la trouve en Angleterre dans des marais salans , et lorsque l'évaporation des eaux est très avancée. Le troisième genre , celui de branchipe ( bran- chipus^LkT^.), a fixé particulièrement l'attention de Schaeffer, de Mûller, de M. Bénédict Prévost et de quelques autres ob- servateurs. Ici , les yeux sont portés sur d'assez longs pédi- cules. La tête est bien distincte du thorax-, sur son sommet, près du côté interne des yeux, sont deux antennes courtes, ^rêles et sétacées. L'on voit immédiatement au-dessous deux appendices sous la forme de cornes dans les uns , sous celle d'un tentacule biarticulé dans d'autres, plus grands et accom- ^^nés à leur base d'un filet antenniforme dans les mâles , et | quelquefois dans les mêmes individus d'un autre appendice interne. Ces appendices ne sont peut-être qu'une division de deux antennes inférieures, dont l'existence est indiquée dans ces individus par le filet ci-dessus mentionné. La composition de la bouche paraît être essentiellement la même que celle des, apus {voyez le Mémoire sur le chirocéphalc de M. Bénédict TROISIÈME FAMILLE. CÉUATOPHTHALMES. 4^9 PreTOst) j mais nous manquons, à cet égard, d'observations complètes et précises. Le thorax est divisé en onze segmens , portant chacun une paire de pâtes, composés d'articles lamel- laires , avec les bords garnis d'une frange de poils ou de soies barbues , qui , suivant les observations de Schaeffer , sont des vaisseaux aériens. La surface même de ces pâtes paraît ab- sorber une portion de l'air qui s'y attache sous la forme de petites bulles. Les deux antérieures sont un peu plus courtes que les suivantes, et ne sont composées, du moins dans le branchipe stagnai, que de deux articles. Les autres en ont un de plus, et M. Prévost en a compté quatre, dans l'espèce qu'il a décrite, le chirocéphale diaphane. La queue est allongée, de huit à neuf segmens, dont le premier, soit seul, soit conjoin- tement avec le suivant , porte les organes sexuels, et dans la femelle des ovaires extérieurs sous la forme de sacs ^ elle se termine par deux feuillets elliptiques et bordés de soies ou de poils. Le chirocéphale diaphane àç, M. Bénédict Prévost, et auquel nous rapportons le cancer paludo sus de Mùller, et le crustacé décrit dans le Manuel du Naturaliste de Duchesne , sous le nom de marteau d'eau, éprouve, ainsi que les autres branchio- podes, des métamorphoses remarquables, à sa sortie de l'œuf: le corps est partagé en deux masses presque globuleuses-, l'anté- rieure oJBFre un œil lisse , deux antennes courtes , deux grandes rames ciliées au bout , et deux pâtes assez courtes , grêles , de cinq articles. Après la première mue, les deux yeux compo- sés se montrent -, le corps est allongé et terminé par une queue conique, articulée, avec deux filets au bout. Les mues sui- vantes développent graduellement les pâtes, et celles en rame s'évanouissent. Un organe que cet auteur nomme soupape, et que nous présumons être le labre, s'étend dans le jeune âge jusque sous le ventre, et diminue ensuite à proportion. Les branchipes se trouvent en grande abondance dans les petites mares d'eau douce trouble , et souvent dans celles qui se forment à la suite des grandes pluies, mais plus particuliè- rement au printemps et en automne. Les premiers froids lei 44^ CRUSTACÉS. NEUVIÈME ORDRE. PHYLLOPODES. font périr. Ainsi que les apus , ils nagent sur le dos et par ondulations; mais lorsqu'ils veulent avancer, ils frappent vi- vement l'eau, de droite et de gauche, avec leur queue, et ils vont alors comme par sauts et par bonds. Retirés de ce liquide, ils remuent quelque temps leur queue, et se recour- bent circulairement. Privés d'une humidité convenable, ils ne font plus de mouvemens. Ils paraissent se nourrir de petits corpuscules que les courans de l'eau portent à leur bouche. Le mâle de l'espèce qui fait le sujet du Mémoire de M. Pré- vost , saisit avec ses cornes le cou de sa femelle , après s'être placé au-dessous d'elle, et s'y tient fixé jusqu'à ce que celle- ci recourbe l'extrémité postérieure de sa queue, pour rappro- cher ses organes sexuels de ceux du mâle. Mais il suppose que les deux vulves de la femelle sont au bout de cette queue , ce qui, d'après l'analogie, et d'après les observations de SchaefFer sur une autre espèce congénère , est invraisemblable. Les œufs sont jaunâtres, d'abord sphériques, ensuite anguleux, avec la coque épaisse. Il paraîtrait que la dessiccation, à moins qu'elle ne soit trop forte , n'altère pas le germe , et que les petits naissent lorsqu'il y a une quantité d'eau suffisante. Les femelles font plusieurs pontes distinctes à la suite d'un seul accouplement, et qui durent ensemble plusieurs heures, et jusqu'à un jour entier. Chaque ponte est de cent à quatre cents œufs. Ils sont lancés au-dehors avec une grande vitesse, et par jets de dix ou douze. Ces observations sont dues à M. Desma- rest. Suivant M. Bénédict Prévost, le chirocéphale diaphane est sujet à quelques maladies. Dans cette espèce, les deux cornes situées au-dessous des antennes supérieures sont com- posées, dans les deux sexes, de deux articles, mais dont le dernier grand et arqué dans le mâle , très court et conique dans la femelle. Dans le branchipe stagnai, ces cornes n'offrent aucune articulation , et celles du mâle ressemblent aux man- dibules des lucanes ou cerfs-volans. Nous ajouterons que, dans l'autre espèce , ces deux appendices singuliers , situés au-dessous des antennes, se composant de deux articles, dont le dernier grand, arqué ^ en forme de corne, dans le mâle, TROISIÈME FAMILLIl. CÉR ATOPHTHALMES. [\l\ 1 i court et conique dans l'autre sexe , présentent d'autres diffé- rences. Dans les premiers individus ou les mâles , à leur côté 1 irierne est un autre appendice allongé, offrant, à la suite j d'un premier article, une sorte de languette membraneuse, | longue, se roulant en spirale, à la manière de la trompe d'un i éléphant, dentelée latéralement, et jetant en dessous quatre rameaux en forme de doigts. M. Bénédict Prévost désigne * l'un et l'autre appendice sous la dénomination de mains, et les rameaux sous celle de doigts. L'extérieur offre aussi , \ près de sa base, un autre petit appendice. Je présume que ces parties représentent deux antennes divisées en deux bran- j cbes, analogues aux antennes en rames des daplmides, mais j qui ont ici reçu une autre destination, et dès-lors une forme \ appropriée à leur usage. ; Le Mémoire de M. Bénédict Prévost, qui avait d'abord paru j dans le Journal de Physique , a été ajouté à la suite de l'ou- \ vrage po:ithume de Jurine père sur les monocles. • \ 1 SECONDE DIVISION GÉNÉRALE. \ CRUSTACÉS ÉDENTÉS {EDENTATJ). \ \ Tous les crustacés dont l'organisation buccale est établie ! sur un autre type que le précédent composeront cette divi- : sion. Là, comme dans les xyphosures , plus de parties compa- rables par leurs formes aux mandibules et aux mâchoires ; \ l'article radical des six premières paires de pâtes fait l'office ■ de mâchoires, que j'avais distinguées par Tépithète de scia-- tiques. Ici, comme dans les siphonostomes, une sorte de si- ] phon ou de suçoir tient lieu de bouche. Dans les uns et les autres, quelques unes au moins de ces pales antérieures dif- fèrent singulièrement des dernières ; elles servent à l'ambula- \ tien ou à la préhension : celles-ci , tantôt très larges , mem- braneuses , tantôt digitées ou multifides , sont natatoires et ; 44^ CRUSTACÉS. DIXIEME ORDRE. XYPHOSURES. branchiales. C'est ce que j'avais voulu exprimer en désignant collectivement ces crustacés sous le nom de pœcilopodes , pâtes variées. Comparé avec celui des crustacés de la première division , le corps offre moins de segmens , et paraît manquer au moins du post- abdomen , ou cette arrière-partie du corps est remplacée par des appendices. A cet égard , ils semblent se rapprocher des arachnides. Le nombre des antennes est encore souvent réduit à deux. Si on en excepte les xypho- sures , ils sont tous parasites, et se nourrissent du sang de di- vers poissons et de batraciens. DIXIEME ORDRE. XYPHOSURES. {XYPHOSURA). Absence de siphon -, des mâchoires formées par un prolon- gement maxilliforme et épineux de l'extrémité interne et su- périeure des hanches des six premières paires de pieds , et entourant le pharynx -, un test de deux pièces -, l'antérieure solide , grande , bombée , semi-lunaire , ayant en dessus deux yeux à facettes et deux yeux lisses, offrant en dessous deux antennes en forme de serres didactyles, rapprochées et insé- rées sur une saillie représentant une sorte de labre , et six paires de pieds, tous, à l'exception des deux ou quatre anté- rieurs au plus , et seulement dans les mâles , terminés par deux doigts et dont les deux postérieurs foliacés et portant les or- ganes sexuels^ seconde pièce du test presque plane, en forme de triangle tronqué et échancré postérieurement, épineuse sur les côtés, renfermant, dans une cavité inférieure, cinq paires de pieds-nageoires en forme de grands feuillets, réunis à leur base interne , garnis , à leur face postérieure , dune couche de fibres composant l'organe respiratoire \ enfin un stylet très dur, corné , mobile, inséré dans l'échancrure de la pièce précédente , tel sera le signalement général des cruslacés de cet ordre, auquel j'ai conservé le nom de xyphosures, donné GÉNÉRALITÉS. 44^ par Groiiovius au genre dont il se compose , mais que nous appellerons limule avec la plupart des autres entomologistes. Ils sont connus dans le commerce sous la dénomination de crabe des Moluques. La première pièce du test (i) , celle qui a la forme d'un bouclier semi-lunaire et voûté , est rebordée , repliée antérieurement en dessous en une facette frontale , plane , triangulaire , et sous laquelle sont les deux antennes palpiformes. Le dos présente trois arêtes longitudinales , dont celle du milieu , séparée des deux autres par deux sillons lon- gitudinaux , a , à son extrémité antérieure , deux yeux lisses rapprochés. Les yeux à facettes, de forme ovale, sont adossés au côté extérieur des carènes latérales, près de leur bout an- térieur, et plus ou moins élevé, en manière de dent. La concavité inférieure du bouclier nous offre , de devant en arrière, les appendices suivans : un petit labre renflé , ca- réné au milieu , portant deux petites antennes en forme de palpes, ou deuxchélicères, coudées, de deux articles, dont le second composant une petite main ou serre didactyle •, ensuite douze pâtes rapprochées par paires , et sur deux lignes , dont la première , à l'exception des deux ou quatre antérieures , et dans les mâles seulement , terminées aussi en pince didactyle , dont la longueur augmente graduellement , avec l'extrémité interne de leur premier article ou des hanches, avancée, com- primée , et hérissée de petites épines. Les huit premières sont composées de six articles , dont le dernier renflé , allant en pointe , aux deux ou quatre antérieures des mâles \ celles de la cinquième paire ont un article de plus ; sur le côté infé- rieur de l'article coxal ou du premier , et près de son articula- tion latérale, est un appendice dirigé en arrière, de deux articles, dont le dernier beaucoup plus long, en forme de lame (i) J'ai dit ailleurs que je désignais sous le nom de thoracide la pièce écaiileuse ou le test des crustacés décapodes , recouvrant la tête , et les segmens portant les dix pieds ambulatoires; et que si la même pièce recouvrait un moindre nombre de pieds , je la distinguais alors par la dénomination de céphalothorax. Tel est le cas des arach- nides pulmonaires , et tel serait dès-lors celui des crustacés édeutés pourvus de test. 444 CHUSTy^CÉS. DIXIEME ORDRE. XYPHOSURES. allongée, comprimée, subelliptique et obtuse; le cinquième article est terminé par cinq petits feuillets mobiles, et les deux doigts de la pince , plus petite que celle des pieds précédens , sont articulés à leur base , ou pareillement mobiles. Dans l'entre-deux de ces deux pâtes sont deux lobes maxilliformes, et qui me paraissent être des appendices isolés de ceux des mêmes pieds, et représenter la lèvre des aranéides et la por- tion intermédiaire de celle des scorpions. Enfin les deux der- nières pâtes, ou celles de la sixième paire , sont réunies sous la forme d'un grand feuillet coriace , presque demi-circulaire, dont la surface offre des lignes imprimées ou des espèces de sutures, avec le milieu du bord postérieur échancré, et rempli par deux petites pièces lamelleuses, représentant les doigts internes des pinces -, les sutures indiquent les autres articles de ces pales*, à la face postérieure sont situés les or- ganes sexuels. L'intérieur de ce bouclier est occupé en grande partie par les ovaires , dans les femelles , et par les testicules dans l'autre sexe. La seconde pièce du test, s'arlicu- lant avec la précédente au milieu de son échancrure posté- rieure, offre cinq paires de pâtes natatoires, presque sembla- bles à la dernière , mais unies simplement à leur base interne , et portant à leur face postérieure une couche de fibres nom- breuses et serrées, disposées sur un seul plan, et constituant l'organe branchial. Ces pâtes remplissent la concavité infé- rieure , et sont appliquées les unes sur les autres. Les bords latéraux de cette seconde pièce sont alternativement échancrés et dentés , et , à partir de la seconde, les écbancrures ont cha- cune, dans leur milieu, une épine comprimée, allongée et mobile. Cette seconde division du test est fortement évasée , en manière d'angle, à son extrémité postérieure, et au milieu de cette échancrure s'articule avec elle , et par gynglime, une pièce très dure , en forme de stylet ou d'épée , droite , souvent prismatique et très pointue. Ces organes maxillaires , formés par la saillie de l'article radical des pieds, semblent, au premier coup d'œil, présenter un caractère tout-à-fait anomal, et dont quelques arachnides GÉNÉRALITÉS. 44^ nous ofFiiraient seuls un autre exemple. C'est ainsi qu'a paru l'envisager M. Savigny, et ensuite M. Straus : mais l'examen comparatif des premiers pieds-mâchoires des crustacés amphi- podes et des isopodes , des mâchoires et de la lèvre des in- sectes , nous montre que la nature a suivi à cet égard le même plan -, que , pour composer ces mâchoires, elle a donné plus de développement au premier article des palpes , et l'a muni d'appendices maxillaires 5 et quant à la lèvre inférieure , elle s'est hornée à réunir inférieurement les palpes, de ma- nière que ce qu'on appelle improprement languette, car on confond avec elle la pièce qui mérite seule cette dénomination , est formé des appendices de ces palpes. Observez les palpes maxillaires des larves des dytiques, et vous verrez que les mâ- choires y sont représentées par un grand article radical , avec une épine au bout (i). Quelquefois cependant, ainsi que dans les crustacés isopodes et quelques autres, les palpes disparais- sent, et les appendices maxillaires seuls subsistent. Ainsi les xyphosures ne diffèrent à cet égard qu'en ce qu'ils ont un plus grand nombre de mâchoires coxales, et annexées plutôt à des pieds qu'à des palpes, qui sont, au reste, eux-mêmes de pe- tits pieds, mais uniquement propres au service de la bouche. Les pieds du bouclier antérieur nous paraissent représenter, dans leur série graduelle, les mandibules, les quatre mâ- choires et les six pieds-mâchoires des crustacés décapodes, et ceux de la seconde pièce du test les dix pieds ambulatoires ou propres de ces derniers. Dès-lors le post- abdomen ou la queue n'existerait plus, ou serait remplacé par l'appendice styliforme. Quoique les limules présentent quelques rapports avec les arachnides, il est évident néanmoins que, par tout l'ensemble de leur organisation , ils n'appartiennent point à cette classe , ainsi que l'a avancé M. Straus, mais à celle des crustacés. Suivant lui, le système nerveux se compose du cer- (1) Je développerai ces considérations dans mes généralités sur la classe des insectes. 446 CRUSTACÉS. : DIXIÈME ORDRE. XYPHOSURES. veau, d'un ganglion sous-œsophagien, situés l'un et l'autre dans le bouclier antérieur, et de deux cordons nerveux s'étendant dans la longueur de la seconde pièce du test, et formant à l'origine, à des pâtes branchiales, de faibles ganglions. D'après M. Cuvier, le cœur ressemblerait à celui des stomapodes. Un œsophage ridé , remontant en avant , conduit dans un gésier très charnu, garni intérieurement d'un velouté cartilagineux tout hérissé de tubercules, et suivi d'un intestin droit et large. Le foie y verse la bile de chaque côté , par deux canaux. Quoique ces crustacés nous paraissent d'abord s'éloigner du type normal , nous venons de voir que l'on pouvait expliquer facilement ces aberrations, en supposant que le post-abdomen ou les derniers anneaux du corps ont disparu ou ont été rem- placés par un stylet , et que tous les organes de la manduca- tion sont devenus, ainsi que dans les myriapodes, des organes de locomotion , en conservant néanmoins une partie de leurs ' facultés primitives. M. Straus, au contraire, voit dans les limules des animaux sans tête, et dont le corps est dès-lors formé d'un tronc et d'un abdomen. Je ne me permettrai au- cune réflexion sur cette manière de voir, qui , au surplus , est moins la sienne que celle de M. Savigny. Je me contenterai d'observer que s'il faut admettre des suppressions de parties, c'est plutôt par celles qui composent l'extrémité postérieure du corps , qui sont moins importantes , et dont il est prouvé que le nombre est variable. M. Straus se propose, dit-il, de for- mer avec les limules un nouvel ordre , celui des gnathopodes. S'il avait bien voulu consulter mon ouvrage sur les familles naturelles , il aurait vu que je l'avais prévenu , et peut-être y aurait-il trouvé quelques autres observations qu'on pourrait croire , à la simple lecture de son ouvrage , lui être propres , parce qu'il est très sobre de citations. Les limules habitent généralement les rivages des mers des pays chauds, et plus particulièrement celles des Indes orientales et de l'Amérique. Quelques individus ont jusqu'à deux pieds de long. Ils sont connus aux États-Unis sous la déi?omination de poissoji-casserole , parce qu'ils en ont la ressemblance , et GENRES. 447 qu'en enlevant leurs pâtes, on s'en sert pour puiser l'eau. On les donne à manger aux porcs. Les sauvages emploient leur stylet en guise de flèche , et oji en redoute la pointe. On en mange les œufs à la Chine , et il paraîtrait que sur d'anciens zodiaques japonais la figure de ces crustacés est l'emblème de la constellation du cancer. Leurs pieds ne paraissent point lorsqu'ils marchent. On en a trouvé de fossiles , et ils parais- sent être les premiers crustacés dont nous ayons des analogues, ou ceux qui ont immédiatement succédé aux crustacés perdus, tels que les trilobites. Les espèces dont les quatre pieds antérieurs sont simples PI dans les mâles, et dont j'en avais décrit une sous la dénomi- nation à'hétérodactjle, composent le genre tachyplée (^ta- chrpleus) du docteur Leach ; et les autres, ou celles dont les deux pieds antérieurs offrent seuls ce caractère sexuel , con- servent le nom générique de limule (limulus). Des différences d'âge en produisent dans les dents du test-, et faute d'y avoir égard, on a trop multiplié les espèces. Le monocle polj- phème, dont le limule cjclops deFabricius n'est qu'un jeune individu, se distingue par sa queue un peu plus courte que le corps, triangulaire, finement dentelée à son arête supérieure, sans sillon en dessous. Les jeunes individus sont d'un jaunâtre pâle, et les plus âgés d'un brun très foncé ou noirâtre, et beau- coup plus grands. ONZIÈME ORDRE. SIPHONOSTOMES {SIPHONOSTOMA). Un siphon ou suçoir plus ou moins apparent , quelquefois caché ou peu distinct , formé , autant qu'il est possible d'en juger d'après quelques observations particulières , de quatre pièces correspondantes au labre , à la languette et aux mandi- bules des crustacés dentés, compose exclusivement la bouche de ceux-ci. De tels organes indiquent qu'ils doivent être des ani- 44^ CRUSTA.CÉS. ONZIÈME ORDRE. SIPHONOSTOMES. maux suceurs , et c'est , en effet , sur des poissons et quelques reptiles aquatiques de Tordre des batraciens qu'ils se tiennent habituellement fixés , du moins-à une époque de leur vie ; car ils peuvent nager et errer dans l'eau avant que de s'établir à demeure. Lorsqu'ils se multiplient beaucoup sur l'un de ces animaux dont ils sucent le sang, ils l'épuisent tellement qu'il finit par périr. Un propriétaire de l'un de nos départemens de l'ouest me consulta au sujet d'une perte considérable qu'il éprouvait à raison d'une mortalité extraordinaire des brochets de ses étangs , et m'envoya l'animal parasite auquel il l'attri- buait, et que je reconnus pour être l'argule foliacé , crustacé de l'ordre des siphonostomes. Ajoutons que dans cet ordre le nombre des pâtes ne va jamais au-delà de quatorze, et que le test n'est jamais composé que d'une seule pièce, formant en devant une sorte de bouclier. Tous les siphonostomes connus sont de petite taille. On peut les distribuer en deux familles. PREMIÈRE FAMILLE. GALIGIDES {CALIGIDES), Plusieurs de leurs pieds , ou les postérieurs au moins , sont propres à la natation , soit sous la forme de nageoires plus ou moins muUifides , soit sous celle de larges membranes re- couvrant le dessous de l'abdomen , ou l'enveloppant même en manière de fourreau. Cette partie postérieure du corps est précédée d'un test clypéiforme ou semi-lunaire. Je partagerai cette famille en deux tribus. PREMIÈRE TRIBU. P.INNODACTYLES {PINNODACTY LA). Leurs pieds postérieurs au moins sont terminés par des pin- nules ou des digitations plus ou moins nombreuses, servant de rames ou de nageoires. Les uns, dont le test, en forme de grand bouclier, recouvre PREMIÈRE FAMILLE. MITYLOÏDES. 449 presque tout le corps, ont un siphon dirigé en avant, les deux pieds antérieurs terminés en manière de ventouse , les deux suivans propres à la préhension , avec un tarse articulé et muni de deux crochets , et quatre autres paires de pâtes finis- sant par deux doigts ou pinnules, allongés, ciliés^ les deux dernières sont insérées à la base d'une petite queue bilobée , portant aussi les organes sexuels. Ces crustacés ont deux yeux distincts et quatre petites antennes , dont les supérieures ar- mées à leur base d'un fort crochet. Ils forment le genre ARGULE [argulus) de Mùller, et que j'avais nommé d'abord ozole, parce que , d'après la description très imparfaite qu'il en a donnée, je n'avais pu le reconnaître. C'est au second fils du célèbre Jurine que nous sommes redevables de la connaissance complète de la seule espèce encore décrite de ce genre , le rnonoculus foliaceus de Linné, Xargulus delphinus de Mùller , celui qu'il nomme charon ^ et le rnonoculus gjrbii du tableau élémentaire de l'Histoire naturelle des animaux de M. Cuvier. Mais elle avait été ob- servée bien antérieurement par Baker et par un pécheur de Strasbourg, nommé Léonard Baldaneur, dans un manuscrit portant la date de 1666. L'argule foliacé [argulus foliaceus ^ Jurine fils. Annal, du Mus. d'Hist. natur. , tom. VIL pi. XXVI) aie corps recouvert, son extrémité postérieure exceptée, d'un bou- clier ovale, échancré postérieurement, et portant sur un es- pace antérieur et mitoyen, à contour triangulaire , deux yeux et quatre antennes, très petites , presque cylindriques et diri- gées en avant. Les supérieures, plus courtes et de trois articles, ont à leur base un crochet fort , édenté et recourbé -, les in- férieures ont un article de plus , et une dent sur le premier. Le siphon prend naissance entre la seconde et la troisième paire de pâtes , se porte en avant , et renferme un suçoir ré- tractile et très aigu : il ne présente aucune articulation. Un empâtement annelé, circulaire , strié et dentelé sur ses bords, offrant à l'intérieur une sorte de rosette formée par les muscles et paraissant servir de ventouse , termine les deux 45o CRUSTACÉS. ONZIEME ORDRE, SIPITONOSTOMES. pieds antérieurs. Ceux de la paire suivante ont la cuisse grosse, épineuse , et un tarse de trois articles avec deux crochets au bout du dernier. Les huit autres pieds se terminent par deux pinnules allongées, barbues sur les bords, et formant une nageoire -, mais celles de la troisième paire , ou les deux pre- mières de ces pâtes en nageoire, ont une pinnule de plus, re- courbée et en forme de doigt. Les deux dernières sont an- nexées à cette extrémité postérieure du corps qui est à dé- couver!, el forme une sorte de queue en nageoire et bilobée , sans poils au bout. Le pénis du mâle est situé à l'extrémité interne du premier article de ces pâtes , près de l'origine des deux doigts ou pinnules. Sur le même article des deux pâtes précédentes , et en regard avec ces organes copulateurs , est une vésicule présumée séminale. Les femelles n'ont qu'un seul oviducte , et l'on voit à la base de leurs deux pâtes pos- térieures une palette -, on les distingue encore à deux taches noires situées au-dessous. Ainsi les organes sexuels sont si- tués comme ceux des limules sur la sixième paire de pâtes. La transparence du corps permet d'apercevoir le cœur. Il est situé derrière la base du siphon, logé dans un tubercule so- lide , demi-transparent et composé d'un seul ventricule. Le cerveau , placé derrière les yeux , paraît être divisé en trois lobes égaux, l'un antérieur el les autres latéraux. Delà partie antérieure du test part, de chaque côté, un grand appendice dont les rameaux nombreux et très divisés se répandent dans les ailes du test. Les excellens dessins du Mémoire de Jurine représentent, avec détails , toutes ces parties. Les mâles, très ardens en amour, et qui se méprennent souvent dans leurs poursuites, se cramponnent sur le dos de leurs femelles, dans l'accouplement , au moyen de leurs pieds à ventouse, et y restent plusieurs heures. La durée de la gestation est de treize à dix-neuf jours. Les œufs, dont le nombre , dans les pontes les plus fortes, peut s'élever jusqu'à quatre cents, sont unis, fixés par un gluten, et disposés, soit en tas , soit sur une ou deux lignes , sur les pierres el autres corps durs. Pressés les uns contre les autres , ils pieu- PREMIÈRE FAMILLE. MITYLOIDES. 4^' ncnt une forme hexagonale. Vingt-cinq jours après la ponte, leur couleur étant devenue jaunâtre et opaque , on y dis- lingue les yeux et quelques autres parties de l'embrYon. Dix jours après , leur coquille se fend longitudinalement et le têtard en sort. Mais les organes locomotiles diffèrent alors beaucoup de ceux de l'animal parfait , et c'est ce qui a trompé MùUer , qui a fait de ces jeunes individus une espèce sous le nom de chai on. Quatre sortes de rames, terminées chacune par un pinceau de soies flexibles, leur servent à nager, ce qu'ils font par saccades. Deux fortes pâtes , coudées vers leur ex- trémité et terminées par un fort crochet, occupent la place des pieds en ventouse. De toutes les autres propres à l'état adulte , les deux paires suivantes et les deux dernières sont les seules qui se montrent et qui soient libres. Les intermé- diaires, d'abord emmaillotées et appliquées sur le corps, ne se développent qu'avec les mues suivantes. A la quatrième, l'on commence à distinguer les traces des ventouses : à la sui- vante , les pâtes à ventouse sont entièrement formées , mais en conservant le crochet terminal. Au bout de six jours, autre mue, apparition des organes sexuels et de tous les au- tres , de manière que l'animal ne diffère point quant à la forme, de ses parens; mais il faut qu'il change encore de peau, ce qui a lieu au bout de six autres jours, pour qu'il puisse se multiplier. Ainsi la durée de ses métamorphoses est de vingt- cinq jours. Ils n'ont cependant pas encore acquis toute leur grandeur. D'autres mues, distantes les unes des autres de six à sept jours , sont, pour cela , nécessaires. Les femelles ne peuvent devenir mères sans la coopération des mâles. Celles que Jurine avait isolées ont péri d'une maladie dont les symp- tômes sont annoncés par l'apparition de plusieurs globules bruns, disposés en demi -cercle vers l'extrémité postérieure du chaperon , ou de l'espace triangulaire et antérieur du test dont nous avons parlé. L'argule foliacé se fixe sur le dessous du corps des têtards des grenouilles , sur les épinoches , les perches , les bro- chets, etc., mais jamais sur leurs ouïes. Ainsi que les in- 4^2 CRUSTACÉS. ONZIEME ORDRE. SIPHONOSTOMES. sectes coléoptères du genre gjrinus , il tourne sur lui-même j en manière de girouette. Dans tous les pinnodactyles suivans le siphon se dirige vers l'extrémité postérieure du corps , ou n'est point visible. Le test occupe , au plus , la moitié de la longueur antérieure du corps. Aucun des pieds ne se termine en ventouse , et les derniers au moins sont multifides. Le corps est terminé pos- térieurement par deux longs filets ou deux appendices arti- culés, en forme de nageoires. Ici l'abdomen, terminé par deux longs filets , considérés par plusieurs naturalistes comme des tubes ovifères ou des ovaires extérieurs, est nu en dessus. Le siphon n'est point apparent. Le genre calige ( caligus ) , dont nous connaissons deux es- pèces , l'une appelée curliis par Mùller [Entom. , tab. XXI. fig. I, 2), et qui est le monoculus piscinus de Linné ^ l'autre, vivant sur la morue , et qui est le caligus mulleri de Leach. (i) Là, comme dans les deux genres suivans, le dessus de l'abdo- men est recouvert de petites pièces ou d'écaillés imbriquées. Le genre pandare [pandarus , Leach), où le siphon n'est pas non plus apparent, et où le corps se termine aussi par deux filets. Nous citerons l'espèce que le docteur Leach nomme bico- lor , et celle qu'il a dédiée [Boscii) à feu M. Bosc , et qu'il a figurée dans les supplémens de V Encyclopédie britanîiique. Voyez l'ouvrage de M. Desmarest quant à ces espèces , et quelques autres. Le genre ptérygopode {pteiy gopodd) ^ ayant un siphon bien distinct et deux appendices articulés , en forme de nageoires , à l'extrémité postérieure du corps. Nous avons établi ce genre sur une espèce trouvée sur un requin , et dont M. Gaudlchand nous avait donné plusieurs individus -, peut-être faut-il y rapporter le genre nogaiis du docteur Leach. ( 0 Voyez aussi les Mémoires de la Société léopoldine d'Hist. nat. PfiEMlÈRE FAMILLE. MITYLOIDES. 4^^ DEUXIÈME TRIBU. HYMÉNOPODES {HYMEN OPODJ). Les pâtes abdominales ou les quatre à six postérieures au moins , sont en forme de lames membraneuses , recouvrant le dessous de Tabdomen , et quelquefois même l'enveloppant aussi en dessus 5 tous ont un siphon distinct. Ici le corps est allongé., rétréci à la suite du test, et ter- miné postérieurement par deux filets. Le genre dijnemoure (dinemoura , Latr.) , dont les pâtes membraneuses simplement appliquées sur le dessous de l'ab- domen , sont libres, et dont le test ne présente point , en de- vant , deux petites serres avancées et monodactyles. Ce genre a pour type le caligus productus de Mùller , ou le monoculus sabnoneus de Fabricius. Le genre anthosome (^anthosoma , Leach), remarquable par ses six pâtes membraneuses réunies, enveloppant , en ma- nière d'étui , l'abdomen , et par la présence de deux petites serres avancées et monodactyles, situées à l'extrémité anté- rieure du test. La seule espèce connue est l'^. de Smith (Sniithii), figurée dans V Encj clopédie hritannique , ainsi que dans l'ouvrage de M. Desmarest. Elle avait été trouvée sur un squale (cornu- hiensis) ^ c'est le caligus imbricatus de M. Risso. Là , le corps est presque ovale , un peu plus large posté- rieurement, sans appendices filiformes et saillans au bout de l'abdomen. Cette dernière partie du corps est recouverte par deux lames ou écailles échancrées , et dont la postérieure plus grande et voûtée ; une autre lame , mais petite , en forme de cœur renversé , située vers le milieu du dos , semble unir l'abdomen avec l'écaillé ou le tégument supérieur du céphalo- thorax , dans une échancrure postérieure de laquelle elle est insérée. Les antennes sont petites, de deux articles, dont le dernier conique et pointu. Le nombre des pâtes, selon la supputation du docteur Leach , est de quatorze j les deux 454 CRUSTACi^S. ONZIÈME ORDRE. SIPHONOSTOMES. premières, que j'avais considérées comme des antennes in- termédiaires , sont fortement onguiculées , ainsi que celles de la troisième paire ; celles de la seconde , de la quatrième et de la cinquième sont bifides •, les quatre pieds postérieurs sont réilnis par paires , en forme de grandes lames , un peu sinuées et dentées au bord postérieur. De chaque côté du siphon, qui est situé derrière les deux antérieures, est un appendice ovale. Deux feuillets ou écailles ovales, placés sous l'extrémité postérieure du corps, recouvrent dans la femelle les œufs. Tels sont les caractères du genre cécrops (^cecrops , Leach). Le C. de Latreille (^Lati^eillii) , qui en est le type et la seule espèce décrite , est représenté encore dans V Ency- clopédie britannique et dans Touvrage de M. Desmarest. On le trouve sur les branchies du thon et du turbot. DEUXIÈME FAMILLE. LERNiEIFORMES ( LERN.mFORMES). Leur corps est allongé, cylindrique, rétréci postérieurement,, de sept à dix segmens, la tête, quelquefois beaucoup plus grande, comprise. Les pieds, à l'exception au plus de deux serres frontales, sont très petits 5 ceux des dernières paires, ou les analogues des pieds natatoires des précédens , ne sont com- posés que d'un article et de deux doigts , ou de deux petites tiges articulées \ quelquefois les côtés du corselet se dilatent en manière de grands lobes ou d'ailes arrondies au bout , arqués , formant un fer à cheval et embrassant dans leur entre -deux les autres parties postérieures du corps. Ils ont tous deux antennes au moins, filiformes ou sétacées, et des pieds à crochets. Les uns vivent sur des poissons, et les autres sur les branchies du homard : ce sont , à ce qu'il paraît , les crustacés les plus rapprochés des lernées , et peut-être même devrait-on réunir quelques uns de ces derniers animaux avec les précédens. Cette famille comprendra trois genres : DEUXIÈME FAMILLE. LERWyEIFOHMES. 4^5 Le premier celui de kicothoË (nicothoe) ^ a été découverl par MM. Victor Audouiu et Miliie Edwards. Au premier aspect et à la vue simple, l'animal qui en est le sujet se présente sous la forme d'un fer à cheval, renfermant deux petits corps ovalaires. Mais, observé avec une forte loupe, on découvre que cet animal est composé, i". d'une tête por- tant deux yeux, deux antennes sétacées de onze articles, et divers appendices autour d'une bouche circulaire; 2°. d'un thorax , fortement dilaté de chaque coté en une grande ex- pansion lobiforme, rejelée en arrière , offrant dans son inté- rieur des espèces des cœcums, et composé de quatre segmens, avec cinq paires de pieds , dont les deux antérieurs terminés par un fort crochet, et dont les autres formés d'un grand ar- ticle et de deux tiges, presque cylindriques, soyeuses, de trois articles -, 3°. d'un abdomen allant en pointe , de cinq segmens, dont le premier donne naissance à deux sacs ovi- fères , et dont le dernier terminé par deux longs poils. Les deux expansions thoraciques réunies forment cette portion du corps qui se présente d'abord sous la figure d'un fer à cheval , et les deux sacs ovifères sont les deux petits corps qu'il ren- ferme. Le N. DU HOMARD (astacî) est long d'une demi-ligne, sur trois de large , mesuré dans sa plus grande expansion , et de couleur rosée. Il adhère intimement aux branchies du homard , et les naturalistes qui l'ont décrit (annales des Sciences naturelles, déc. 1826, pi. XLIX, fig. i, 2) pensent qu'il peut nager dans son jeune âge, ou avant que ses lobes thoraciques soient développés. Le second genre, celui de dichelestion {dichelestium, Her- MANN fils), a le corps composé de sept segmens ; le premier beau- coup plus grand, presque rhomboïdal , porte deux antennes filiformes, de sept articles, deux serres frontales, didactyles, un siphon distinct , des appendices multifides sur les côtés et quatre pieds à crochets, propres à la préhension ; les second et troisième segmens sont presque lunules, et ont chacun une paire de pieds formés d'un article , avec deux doigts dentelés au bout. Une cinquième et dernière paire , mais ne consistant 456 CRUSTACÉS. ONZIÈME ORDRE. SIPHOPfOSTOMES. qu'en une vésicule ovalaire , esl annexée au segment suivant, qui est presque carré , ainsi que le cinquième ^ le sixième est allongé , presque cylindrique , et le dernier, le plus petit de tous , est presque orbiculaire et terminé par deux vésicules. Le D. DE l'esturgeon (sturionis) se tient fixé sur les arcs ossaux des branchies. Hermann fils , qui a décrit avec détail ce crustacé (^Mémoire aptérol. , page 126 , pi. V, figv 7, B) , en a trouvé jusqu'à douze sur ce poisson -, quelques uns étaient d'un tiers plus courts que les autres , et leur corps était courbé ; il présume que c'étaient des mâles -, ce crustacé tourne avec beaucoup de vivacité et s'accroche fortement. Nous devons la connaissance du troisième et dernier genre wÉMÉsis ( nemesis ) , à M. Risso , et une description plus dé- taillée , ainsi qu'une bonne figure, à M. Polydore Roux (Crust. de la Méditerr. , pi. XX). Le corps, qui a la figure d'un parallélipipède étroit et allongé , se compose de cinq grands segmens , presque égaux , presque carrés , tous pédigères , à l'exception du cinquième, et de quatre autres petits composant avec le précédent un abdomen terminé en cône , porte deux sacs ovifères , globuleux , et deux longs filets cylindriques , faiblement annelés , insérés , ainsi que ces ovaires , sur le cinquième segment , ou le premier de l'abdomen , et se ter- mine par deux appendices très courts. Le segment anté- rieur, un peu plus oblong , presque ovale et relevé en bosse , offre deux antennes sétacées , presque aussi longues que lui , de sept à huit articles , dont le premier plus grand \ un siphon conique , court , triarticulé , dirigé en arrière , et trois paires de pâtes , dont la première et la troisième onguiculées , et les secondes membraneuses, sans ongles, et simplement dentelées au bout. On ne voit point d'yeux. Au second segment est sus- pendue une autre paire de pâtes semblable à la précédente , et deux expansions charnues , terminées postérieurement par deux appendices très courts et trifides , ou sorte de doigts ; les deux segmens suivans portent chacun une paire d'organes con- formés de la même manière que les deux précédens , ce sont des pieds en raccourci -, ainsi leur nombre total est de qua- DEUXIÈME FAMILLE. MITYLOÏDES. 4^7 torze. La première paire toutefois pourrait être considérée comme deux antennes. Des individus sont dépourvus de sacs ovifères, et M. Roux les prend pour des mâles. Il en décrit deux espèces. Ces ani- maux vivent sur les branchies de quelques espèces de squales, et ne les abandonnent jamais. Ils conduisent au genre con- dracanthe de la famille des lernées. DOUZIÈME ORDRE. TRILOBITES {TRILOBITES). Ces singuliers animaux , désignés ainsi par M. Brongniart , notre confrère à l'Académie rovale des Sciences et au Jardin du Roi , que Dalman a nommés depuis palœades , innovation d'autant plus répréhensible qu'elle substitue , sans aucune I utilité et avec danger pour la science , une expression très vague et propre à tous les corps organisés fossiles , à une autre , énonçant un caractère spécial (i) , ont été et sont en- core , quant à la place qu'ils occupent dans l'échelle natu- relle , un sujet de controverse. J'avais d'abord pensé [Règne : animal àQ M. Cuvier, i""^ édit.) qu'ils remplissaient une partie de ce vide qui existe entre les crustacés et le genre gloméris , le premier de l'ordre des myriapodes, classe des insectes. Je suis revenu ensuite sur ma première opinion , et je les ai rap- prochés des oscabrions , près desquels les rangent aussi quel- ques savans. Mais quoique variant dans la manière de les rattacher aux crustacés , tous les autres naturalistes , et parmi j lesquels on citera plus spécialement M. Brongniart , qui a traité de ces animaux ex professa , s'accordent à les associer aux précédens. J'ai derechef adopté ce sentiment dans la nouvelle édition du Règne animal de M. le baron Cuvier. La (i) La dénomination de trilohicrabes serait, ce me semble, préférable aux pré- cédenlci. /lj8 CUUSTACÉS. — DOUZIÈME ORDRE. TRILOBlTES. versatilité que j'ai montrée à cet égard provient de mon atta- chement aux principes rigoureux de la méthode , et c'est ce que n'a pas compris M. Victor Audouin en défendant , dans un Mémoire particulier, l'opinion de M. Brongriiart. Celui-ci, en effet , convient qu'il n'a pu découvrir dans les trilohiles aucun vestige de pâtes ou d'organes locomoteurs ; il présume même qu'ils n'existent point. Gomment alors peut-on classer avec les crustacés , animaux essentiellement pourvus de ces organes , les précédens , qui sont censés en être privés ? Ceux- ci n'ont certainement pas de rapports avec les annélides. Il fallait donc chercher dans d'autres classes quels seraient les animaux qui auraient avec eux le plus d'analogie : or les os- cabrions m'avaient paru être les seuls qui pouvaient offrir, avec eux, sauf quelques modifications, une certaine res- semblance de conformation. M. Victor Audouin , dans le Mémoire précité et qui a aussi pour objet d'établir les rapports naturels des trilobites avec les animaux articulés , faisant une application de sa théo- rie sur la composition du thorax des insectes à ces animaux fossiles, en a conclu qu'ils devaient manquer de véritables pâtes , et que si l'on venait un jour à leur trouver des ap- pendices locomoteurs , ils se montreraient sous les formes de pâtes branchiales. Mais qu'ils ne servent , comme les pâtes des apus et de plusieurs autres entomostracés , qu'à la respiration et à la natation , ce ne seraient pas moins de véritables pieds, et on n'a fait à cet égard aucune distinc- tion lorsqu'on a donné pour caractère essentiel aux crus- tacés et autres animaux de la classe des insectes de Linné , d'être pourvus de tels organes. M. Brongniart lui-même n'en admet d'aucune espèce -, et certes , s'il avait supposé comme probable l'existence de pâtes branchiales , il était évident que je n'avais plus de motifs pour exclure les trilobites de la classe des crustacés. L'organisation du thorax de ces derniers ani- maux , ainsi que des arachnides , comparée avec celle du thorax des insectes hexapodes , m'a conduit à des rapproche- mcns très dilférens dans leur application de ceux de M. Au- GÉNÉRALITÉS. ^->[) douin 5 car, selon moi , les trois segmens dont se compose cette partie (lu corps, considérée dans les insectes, ont pour ana- logue la portion du corps des crustacés décapodes à laquelle adhèrent les pieds-mâchoires. Si l'on compare graduellement et en commençant par le labre , les pièces composant la bouche de ces derniers animaux avec celles de la bouche des insectes hexapodes , on verra que les mâchoires palpigères de ceux-ci venant aussi immédiatement après les mandibules , corres- pondent à la paire supérieure des mâchoires de ces crustacés , et que la lèvre inférieure de ces insectes représente l'autre paire de mâchoires des animaux précédens , mais réunies et adossées à la languette. Dès-lors , en continuant la même cor- respondance de parties , les six pâtes des insectes succédant immédiatement aux organes précédens , simuleront , par leur situation corrélative, les six pieds-mâchoires de ces crustacés; la même analogie s'étendra à leurs supports , c'est-à-dire aux trois segmens du thorax. On pourra établir un parallèle sem- blable entre les arachnides, mais plus particulièrement celles qui composent les genres scorpion etphalangium ou faucheur, et les condylopes précédens. On observe en effet que dans ces deux genres , les palpes et les quatre pâtes antérie^jres ont à leur base interne un appendice maxilliforme , et que nonob^ stant des contrastes de formes , ces organes ne correspondent pas moins , en suivant les mêmes principes , aux mandibules et aux quatre mâchoires de ces crustacés. Dès-lors encore les. quatre pieds postérieurs seront aussi les analogues , quant a leur situation , des premiers et seconds pieds-mâchoires , e| le tégument supérieur ou l'écaillé du céphalothorax de ces. animaux ne différera point de cette portion antérieure du test des crustacés décapodes recouvrant ces divers organes. A ea juger par la comparaison du thorax de plusieurs crustacés isopodes , les deux séries latérales et segmentaires de la por^ tion mitoyenne du corps des trilobiles , ou les flancs de l'ab- domen, ne sont que des divisions des côtés des segmens thora- ciques 5 car on voit que dans les cymothoés , les idotées , les lygies et les tylos, le segment antérieur est parfaitement en-» 46o CRUSTACÉS. — DOUZIÈME ORDRE. TRILOBITES. lier, quoique semblable , pour le reste , aux suivans. Parmi les sténosomes , il en est , comme V hectique , dont les segmens sont indivis 5 tous ceux des sphéromes , des armadilles et des gloméris , quoique ces crustacés se contractent sphéroidale- ment , ainsi que plusieurs trilobites , sont encore entiers. Les tylos ayant les mêmes habitudes, mais à segmens tlioraciques divisés , et dont le post-abdomen est dépourvu postérieure- ment d'appendices , sont de ces divers crustacés ceux qui par ces considérations se rapprochent le plus des trilobites -, mais ils s'en éloignent à raison du nombre de leurs segmens thoraci- ques, qui, de même que dans presque tous les autres isopodes, n'est jamais que de sept. Dans les crustacés de cet ordre , où ces segmens ont , de chaque côté , une section analogue à celle des jQancs des trilobites , tantôt elle n'est que superficielle , comme dans les lygies , les idotées -, tantôt elle est plus pro- fonde , et l'on aperçoit dans la séparation une membrane , ce qui dénote alors une véritable articulation : les cymothoés nous en offrent un exemple. Les pâtes prennent naissance de la face inférieure de ces divisions latérales. Dans les insectes hexapodes , elles sont insérées le long du milieu du sternum , et les demt-segmens supérieurs ou plaques dorsales du thorax , qui ne correspond d'ailleurs, ainsi que je l'ai observé plus haut , qu'à la portion du corps des crustacés portant les pieds- mâchoires , ne présentent aucune division latérale. Pour ex- pliquer ce partage ternaire des segmens, M. Audouin suppose que les flancs remontent sur le dos , lorsque ce dos ou ce tergum est plus étroit que de coutume. Mais nous avons vu que le segment antérieur de divers crustacés isopodes, quoique de la même étendue que les suivans , n'offre point cependant , comme ceux-ci , de divisions latérales ^ et que dans quelques autres isopodes où ces segmens ont des proportions analogues à celles qu'on observe aux segmens des crustacés précédens , les côtés n'ont néanmoins aucune scission ; si donc elle a lieu , c'est uniquement pour faciliter les mouvemens des portions laté- rales des segmens avec lesquelles les pâtes s'articulent. Mais à l'égard des trilobites , la grande expansion des flancs était GÉNÉRALITÉS. /^6 1 nécessaire pour que ces animaux pussent mieux s'appliquer sur les corps où ils vivaient fixés , et pour qu'ils pussent , en élevant le dos , former un vide en dessous , propre à recevoir les œufs ; par là encore , diverses espèces pouvaient plus aisé- ment , en repliant les côtés du corps , prendre la figure d'un sphéroïde. Nous avons vu qu'il fallait comparer les tégumens supérieurs du céphalothorax des araignées au test des crus- tacés décapodes. Avant que de diviser ce test en demi-segmens ou arceaux , la nature les réunit en une seule pièce ; elle n'est donc point formée , comme le dit M. Audouin , par une com- binaison des flancs. Les gloméris , premier genre de l'ordre des chilognathes , classe des myriapodes, ont sur chaque côté du dessous du corps une rangée de petites écailles , fixées par leur bord antérieur, et libres ensuite, que j'avais d'abord été tenté de prendre pour les analogues de ces divisions latérales segmentaires-, mais ici les pâtes naissent de la ligne médiane du dessous du corps , et n'ont aucune connexion avec ces écailles. Je soup- çonne que ces écailles , ayant une grande ressemblance avec celles du dessous du post-abdomen de plusieurs isopodes, des cloportes et des armadilles notamment , font partie des organes respiratoires. Le dessous des flancs de l'asaphe pustule , espèce de trilobite , a offert à M. Golfuss ( Annales des Sciences naturelles , tome XV, pag. 83 et suiv.) des vestiges de petits pieds à nageoires ou branchiaux, et dont quelques uns à arti- culations apparentes. Si nos présomptions , à l'égard des écailles des gloméris , étaient fondées , ils se rapprocheraient , sous ce rapport , des trilobites. Il paraîtrait que ces derniers ani- maux étaient habituellement fixés à plat sur des schistes , des grès, diverses roches, etc. Les uns ont été saisis dans cette position -, les autres ont eu le temps de se contracter en boule. On conçoit dès-lors qu'étant destinés à une sorte d'inaction , des appendices locomotiles de grandeur ordinaire leur étaient inutiles ^ peut-être même ceux dont ils étaient munis ne ser- vaient-ils qu'à la respiration. Très plats et membraneux , ils n'ont pu laisser aucune empreinte durable sur les corps où ils 462 CRUSTACÉS. — DOUZIÈME ORDRE. TRILOBITES. étaient posés. Par leurs habitudes , ils ont des traits de confor- mité avec les cyclobranches , dont les oscabrions font parties ceux-ci prennent aussi par la contraction une forme sphéroî- dale , ce que l'on n'observe point dans l'ordre des crustacés branchiopodes. Ces motifs, cette apparence d'articulations for- mée dans les mêmes mollusques par les écailles dorsales , la disposition Irisériale qu'elles offrent dans quelques espèces , et quelques autres considérations jointes à la supposition de toute absence de pales , m'avaient fait présumer que les trilobites se rapprochaient des oscabrions , et avaient pu , dans une créa- tion primitive , établir une liaison entre eux et les animaux articulés, ou former même le noyau de ceux-ci. Mais ayant re- connu depuis que plusieurs trilobites avaient réellement des yeux , que ces animaux pouvaient avoir des pâtes , et que leur physionomie générale avait la plus grande ressemblance avec celle de divers crustacés, j'ai abandonné mon opinion pour revenir à celle que j'avais d'abord émise , savoir : qu'ils jporment à la suite des crustacés isopodes une famille rem- plissant le vide qui existe maintenant entre ces animaux et les myriapodes. Les trilobites sont des crustacés fossiles , n'ayant point d'ana- logues vivans connus, dont le corps obovoido-oblong ou ellip- tique , muni de petits pieds branchiaux , insérés sur les cotés inférieurs, et probablement nombreux, se compose i^ d'une grande tête , en forme de bouclier semi-lunaire ; i°. d'une suite de segmens transversaux, divisés par deux sillons, en trois aires longitudinales, dont les huit à douze antérieurs correspondent au thorax des crustacés isopodes , et dont les autres , rarement séparés dans toute leur largeur, et le plus souvent réunis entre eux , composent une sorte de queue , analogue à celle des j mêmes crustacés , triangulaire ou semi-circulaire , à côtes ou stries transverses , et sans appendices articulés au bout. Si ces fossiles se rapprochent des limules par la forme de la portion antérieure du corps ou le bouclier, ils en diffèrent néanmoins par les nombreux segmens du corps , et en ce que la région médiane du dessous est nue, ce qui résulte des GÉNÉRALITÉS. /fi'd observations de M. Golfuss et de quelques figures publiées par M. Brongniart. S'ils avoisinent les entomostracés phyllo- podes , sous le rapport du nombre considérable de segmens , on voit néanmoins que ces articulations , à raison de leurs formes , de la solidité de leurs tégumens , ont plus d'affinité avec celles des isopodes qu'avec les segmens du corps des ph vl- lopodes , qui sont mous et étroits -, d'ailleurs aucun de ces der- niers crustacés , ainsi que nous l'avons observé , ne se met en boule , et ce caractère est propre à divers isopodes et divers trilobiles. Le bouclier des trilobiles pourrait représenter la tête et les trois premiers segmens du corps des gloméris. L'asaphe corni- gère de M. Brongniart, et qui me paraît devoir constituer un genre propre , semble autoriser ces conjectures. En effet , la portion de son corps qu'il nomme abdomen n'est compo- sée que de huit segmens, et le post- abdomen n'en offre qu'un , uni ou sans arcs costaux bien distincts , ni sillons. Telle est aussi la composition et la forme du post- abdo- men des gloméris , ou de son dernier segment, celui qui est apode. La portion du corps comprise entre lui et la tête , celle qui correspondrait à l'abdomen des trilobites , est partagée en onze anneaux. Si les trois antérieurs , réunis avec la tête , for- maient un bouclier semblable à celui de ce trilobite , le nombre des segmens abdominaux ne serait plus que de huit ; trois paires de pâtes , dont les quatre premières paraissent , dans ma ma- nière de voir , représenter les quatre mâchoires des crustacés, et les deux suivantes les deux pieds-mâchoires supérieurs, sont, dans les gloméris , des annexes de trois segmens antérieurs. Supposé maintenant qu'ils fissent partie de la tête ou du bou- clier , le nombre de ces appendices buccaux serait le même que celui de la tête des isopodes. D'après notre définition de ces fossiles , nous en excluons , du moins provisoirement, le genre agnoste de M. Brongniart, qu'il y comprend , ainsi que Dalman , et dont la structure , de son propre aveu , s'éloigne de tous ceux que nous connaissons , tant vivans que fossiles. Il témoigne aussi des doutes sur la 464 CRUSTACÉS. DOUZIEME ORDRE. TRILOBITES. détermination de la nomenclature des parties de ces singuliers êtres. Nous en dirons un mot plus bas. Jusqu'ici on n'a point découvert d'antennes aux trilobites, soit qu'elles soient mutilées , soit qu'elles soient inférieures et cachées, ou qu'il n'en existe pas. Le bouclier, de figure plus ou moins semi-lunaire , souvent rebordé , a ses angles pos- térieurs et latéraux saillans , aigus , très prolongés en arriére , en manière d'épines , dans quelques espèces , et quelquefois recourbés en sens opposé , comme dans Vasaphe de Brojigniart, décrit et figuré par M. Eudes Deslonchamps , dans un Mémoire sur le grès quartzeux des environs de Caen , et sur les trilobites fossiles de ce grès. Si l'on en excepte les paradoxides, ce bouclier a son bord antérieur divisé par des lignes et des articulations, et il offre deux yeux. J'avais d'abord nié l'existence de ces organes, mais je n'ai pu les méconnaître dans une espèce de calymène, parfaitement conservée , que m'a montrée M. Audouin. Dans plusieurs trilobites , et notamment dans des paradoxides re- présentées par M. Brongniart , la région médiane du bouclier est divisée par quelques sillons transversaux , en lobes ou por- tions de segmens analogues à ceux qui forment la série dorsale du corps , à la suite du bouclier. Le post-abdomen des tylos , genre de l'ordre des crustacés isopodes , semble avoir des rapports avec celui des trilobites, mais avec moins de divisions. Il est voûté, de contour presque semi- circulaire , sans appendices articulés, ce qui le dis- tingue de celui des cloportes , des lygies et de quelques autres genres voisins , et composé , tantôt de six segmens , et tantôt de deux , dont le premier plus grand , avec deux incisions latérales et courtes. Les sept segmens qui précèdent immé- diatement le post-abdomen ou la queue, correspondent, aux deux pieds-màchoires supérieurs près , qui ici dépendent de la tête , à cette portion du corps des crustacés décapodes qui porte les quati*e autres pieds-mâchoires et les dix pieds ordi- naires;, vue en dessous, elle se divise en autant de portions de segmens qu'il y a de paires de ces divers organes , ou en sept. En comparant le corps de ces crustacés à celui des in- GENRES, 465 secles , il m'a paru que les cinq premiers segmens de l'abdo- men de ceux-ci représentaient ceux de ces crustacés aux- quels sont attachées les cinq paires de pieds ambulatoires. Leur réunion a formé ce que j'ai nommé pré-abdomen , et celle des suivans la division postérieure de l'abdomen , ou le post-abdomen , appelé aussi queue, dans la plupart des crus- tacés. Si on appliquait ces considérations à la nomenclature des parties des trilobites, telle qu'elle est aujourd'hui em- ployée, peut-être jugerait-on qu'elle n'est pas d'une exacti- tude rigoureuse. Ainsi l'abdomen , comparé à celui des crus- tacés, paraît se composer d'une portion de leur thorax, la postérieure, et de ce que j'ai nommé pré-abdomen. Cet en- semble est pour moi V alvithorax . La queue des décapodes ma- croures, comme celle des écrevisses, des salicoques, etc., fait essentiellement partie de leur abdomen , puisque l'ouverture des déjections excrémentielles se trouve sous le dernier seg- ment 5 et comme sa dénomination est synonyme de celle de post-abdomen , comment peut-on , à l'égard des trilobites , distinguer celte dernière partie de l'abdomen , expression qui , prise dans sa généralité , s'étend aussi à la précédente ? M. Brongniart a exposé, avec tout le savoir d'un grand mi- néralogiste et d'un profond géologue , tout ce qui est relatif au gisement des trilobites. Etranger à ce genre de connais- sances, et qui le sont elles-mêmes au but de ce cours , je vous renverrai à ce beau travail, et je me bornerai, après avoir donné le tableau des caractères des genres qu'il a créés dans cet ordre de crustacés , à vous offrir quelques considérations générales, extraites en majeure partie de son ouvrage , et qui sont un résumé de ses conclusions. Je diviserai l'ordre des trilobites en deux sections. I. Côtes latérales du post-abdomen, tantôt réunies par une membrane com- mune, tantôt nulles ou presque pas sensibles , ainsi que les dorsales. Deux 3'eux ou des protubérances oculiformes. A. Deux tubercules élevés, oculiformes et réticulés. Corps, soit susceptible de se contracter en boule , soit non contractile et en ovale , assez large et peu allongé. 3o !.fi6 CPxUSTACLS. — DOU2IÈMK ORDRE. TRILOBITFS. PREMIER GENRE.— CALYaièwE {Calymene). Corps susceptible de se contracter en houle. Toutes les côtes latérales pro- longées jusqu'au bord extérieur; celles du post-abdomen jîoint dépassées par la membrane qui les réunit, et bifurquées au bout. (Bouclier tuber- culeux ou plissé.) DEUXIÈME GENRE. •— Asaphe {Asapkus). Corps en ovale court, point contractile. Post-abdomen soit, mais rarement, presque uni, sans côtes, soit avec des côtes, dont les latérales dépassées par la membrane , et point bifurquées au bout. B. Deux protubérances oculiformes peu élevées et sans réticulation. Corps non contractile, en ellipse allongé; un sillon longitudinal et médiane l'extrémité antérieure du bouclier. TROISIÈME GENRE. — Ogygye ( Oxygya). II. Tous les segmens du corps parfaitement distincts dans toute leur lar- geur et ayant, le dernier excepté, leurs extrémités latérales saillantes et aigiies. Point de protubérances oculiformes ( Corps très aplati , point contractile.) QUATRIÈME GENRE.— Paradoxiue [Paradoxides). Celui d'AGNOSTE ( agnostus ) peut être caractérisé ainsi : Corps en demi-cercle un peu allongé, composé d'un limbe uni, large , rebordé , formant son contour, jusqu'au diamètre transversal-, espace compris, ou lobe moyen, sans côtes, di- visé transversalement en deux , avec deux tubercules glan- duleux, soit séparés, soit se réunissant à un autre et formant une sorte de trèfle à l'extrémité de la division extérieure , au niveau du diamètre ou de la troncature. Ces deux tubercules forment , suivant M. Brongniart , le bord antérieur. La division antérieure du lobe moyen , ou celle qui est au-dessous des tubercules, représenterait le bou- clier ou le corselet, et la suivante l'abdomen. Ces deux par- ties auraient pour rebord le limbe , c'est-à-dire les flancs, qui, commençant au bord antérieur, se prolongeraient ensuite, sans interruption , tout autour. Le corps ressemble à celui des insectes du genre casside , avec une troncature antérieure. On pourrait renverser l'ordre des dénominations , et con- sidérer le limbe comme un grand bouclier semi- lunaire, renfermant les autres parties du corps , de manière que les GENRES. 4^7 tXibercules glanduleux seraient censés terminer le post-abdo- men; mais la forme de ces fossiles est si étrangère à tout ce que nous connaissons, que toute conjecture serait hasardée. Ils sont propres à la Suède. On les trouve en quantité innom- brable et formant presque la masse de la pierre , dans un cal- caire noirâtre ou brunâtre, solide, sub-lamellaire et fétide. Ils varient en dimension , depuis la grosseur d'un grain de moutarde jusqu'à celle d'un pois; mais tous les individus d'un même banc de pierre sont tous de la même taille , et sont si nombreux qu'ils donnent à cette pierre calcaire l'apparence d'un oolite. Quelques oscabrions ( chiton amiculatus de Pallas) ont aussi une forme analogue, celle d'un rein, (i) M. le comte de Rasoumousky, qui a publié, après M. Bron- gniart , des observations intéressantes sur les trilobites et leurs gisemens {^Annal. des Scienc. nat.ur.^ tom. VIII, pag. i86) , remarque qu'on trouve presque toujours ces fossiles avec des pétrifications de testacés marins , comme orthocératites , lytbuites, bélemnites, cornes-d'Ammon, au lieu que les crus- tacés, comme on le voit à Pappenheim, à Solenhofen et ail- leurs , se trouvent toujours avec des restes de crustacés et de poissons qui ont vécu jadis ensemble, à la même époque et dans les mêmes eaux. Mais, ainsi que l'a remarqué M. Bron- gniart , ces trilobites et ces coquillages semblent avoir été les premiers habitans solides des premières eaux marines qui aient laissé dans nos couches des traces de vie , et ceux de tous les animaux fossiles qui s'éloignent le plus des êtres vivans actuels. Ils vivaient aune époque où les roches de cristallisation se for- maient encore, et où les terrains des sédimens les plus anciens, mêlés de minéraux pierreux et métalliques en dissolution , se déposaient abondamment sur toutes les parties du globe. Parmi ces trilobites , les ogygyes , les paradoxides , deux calymènes et une espèce rapportée avec doute au genre asaphe, sont particulières aux terrains de transitions schis- (i) M. Milne Edwards m'a appris qu'on avait, depuis peu, établi un nouveau genre dans cet ordre; mais n'ayant pu me procurer l'ouvrage où il est décrit, je n'en parlerai point. 468 CRUSTACÉS. DOUZIÈME ORDRE. TRILOBITES. toïdes, réputés les plus anciens. Toutes les autres appartien- nent aux terrains de transitions calcaires, et dont M. Bron- gniart distingue trois variétés principales : le premier, noi- râtre, sub-laraellaire , observé en Suède, en Bohême et dans le pays de Galles ^ le second , gris de fumée ou gris verdâtre , compacte, fin, avec des térébratules, découvert en Angleterre et dans l'Amérique septentrionale ^ enfin le troisième , com- posant les terrains de sédiment inférieur, d'un gris de cendre ou jaunâtre, compacte, ayant quelquefois des grains verts cliloriteux. C'est, dans celui-ci, le moins ancien de tous, et des environs de Saint-Pétersbourg, qu'on a trouvé l'a- sapbe cornigère, espèce la plus rapprochée de nos crustacés isopodes, et particulièrement des tylos, ainsi que des gloméris, mais sous moins de rapports, puisque dans ceux-ci les segmens du corps n'offrent latéralement aucune division. Les agnostes appartiennent à la première variété calcaire, et paraissent être jusqu'ici exclusivement propres à la Suède. Les crustacés fos- siles observés dans les couches calcaires de formation posté- rieure aux terrains de transition , et quoique de beaucoup inférieures à la craie , commencent à se rapprocher de nos espèces vivantes. Nous citerons le lunule de Tf^alch, le spJié- rome antique et le sphérome des marnes. Mais encore ces espèces tiennent-elles de près, quant à la place qu'elles oc- cupent dans la méthode , aux trilobites. Parmi les autres crustacés fossiles, plusieurs, tels que ceux de quelques par- ties de l'Italie, quoique moins anciens que les précédens, n'ont pour analogues ou pour voisins que des espèces vivant actuellement dans les mers inlertropicales, et qui sont presque toutes littorales, tandis que ceux que l'on trouve actuellement en état fossile dans les contrées baignées par ces mers dif- fèrent peu , s'ils ne sont pas identiques , de ces dernières es- pèces vivantes. On conçoit, en effet, que la température de ces contrées ayant toujours été très élevée, les animaux qui leur sont propres se sont peu éloignés de leur type primitif ^ et comme il a existé une époque à laquelle celle de notre climat était à la même élévation que celle de certaines parties CRUSTACÉS. PREMIEH ORDRE. PULMONAIRES. 4^9 de la Nouvelle-Hollande, on peut y trouver, et ce n'est même plus une simple supposition , des coquilles fossiles ayant de grands rapports avec d'autres coquilles vivant maintenant dans ces derniers parages. Enfin quelques uns de nos crustacés fossiles sont d'une origine très postérieure, puisqu'ils s'éloi- gnent très peu de certaines espèces que l'on rencontre aujour- d'hui sur nos côtes maritimes. M. Cailliaud {Voyage à Mé- roé et au Fleuve-Blanc , tome P", p. 1B9) nous apprend que la surface du désert situé entre le Fayoum , Syouah et la petite Oasis, est couverte en nombre d'endroits de coquilles fossiles , et surtout d'oursins et de nummulites, ce qui indique pour ces localités la dernière retraite des eaux de la Méditer- ranée. Une étude approfondie de ces fossiles contribuera sans doute beaucoup à éclaircir ces questions géologiques. Je ter- minerai ces considérations générales par une remarque digne, je crois, d'attention. A partir de l'Islande, les contrées occi- dentales de l'Europe et celles de l'Afrique, jusqu'au voisi- nage des tropiques , et plusieurs contrées plus orientales , bai- gnées par la Méditerranée, ou en étant peu éloignées, offrent une suite de volcans dont les fréquentes éruptions ont entraîné de grands bouleversemens et la mort de beaucoup d'animaux que l'on trouve aujourd'hui en état fossile. %>^/W W'-V'V «/-tt.-^ «^m^^V %/''«/^ «.^«r'^ ^.'«^'W «.'^''%. ^r-X. "^ «.''*.'%«. 'm,'^ ^/"«.^^ «-««/^ «^''«/'l^ fc.^'x,-^*,"»''*.^'*^ EXPOSITION MÉTHODIQUE DES ORDPiES, DES FAMILLES ET DES GENRES DE LA CLASSE DES ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES (PULMONARI^y-Xi.. < Nul doute que ces arachnides n'aient des vaisseaïlx pour fa circulation, et des branchies aériennes, ou tenant heu de pou 470 ARACHNIDES. PREMIER ORDïlE. PULMONAIRES. mons, composées de vingt et plus de petites lames semi-lunaires, unies, rapprochées comme les feuillets d'un livre, situées dan» des poches latérales du ventre, qui s'ouvrent en dehors, au moyen d'une fente transverse, et dont la place est souvent in- diquée par une tache jaunâtre ou blanchâtre-, mais la manière dont le sang circule n'a pas encore été bien constatée. A en juger par ce qui se passe à cet égard dans les crustacés, le cœur, qui est toujours situé le long du milieu du dos de l'abdomen, étroit , allongé et rétréci aux deux extrémités , répand , au moyen d'artères , le sang dans les diverses parties du corps , d'où il revient aux branchies , et où , après avoir respiré , il re- tourne au cœur par des veines pulmonaires. M. Tréviranus a observé dans le scorpion d'Europe et diverses espèces d'ara- néides des vaisseaux partant du cœur , et se rendant directe- ment au corps graisseux et au foie , où ils s'épanouissent et se ramifient à l'infini. Dans la clubione atroce, le cœur, vers son extrémité postérieure, donne naissance à quatre grands vaisseaux , qui se dirigent en arrière , et non vers les bran- chies, situées en avant, et se terminent aussi en manière de réseau : ces vaisseaux sont donc artériels. Chaque poche bran- chiale du même scorpion offre sur son plan inférieur, au- dessous de l'organe respiratoire , les ramifications d'un vais- seau , qui , par sa forme et sa nature , a paru au même savant différer de ceux qui vont du cœur au corps graisseux. Dans cette arachnide, les branchies étant plus nombreuses que dans les autres pulmonaires , et s'étendant dans toute la longueur des côtés de l'abdomen , ainsi que dans les crustacés stoma- podes , amphipodes , etc. ^ il est probable que le sang qui a respiré retourne au cœur par des moyens analogues (i) 5 mais comme dans les aranéides ces branchies ne sont le plus sou- vent qu'au nombre de deux , et placées , de chaque côté , à l'origine du ventre , il semble que le retour de ce fluide doit s'effectuer d'une manière un peu différente. M. Tréviranus (i) M. Straus assimile l'organisation du cœur des arachnides pulmonaires a cellc qu'a ce viscère dans les crustacés. XSrÉNÉRALITÉS. [[Jl a effectivement observé de chaque côté du cœur un vaisseau longitudinal, paraissant aboutir, par son bout antérieur, aux sacs pulmonaires correspondans, et s'abouchant par l'autre avec le cœur vers le milieu de sa longueur ou un peu au-delà; les deux réunis forment une courbe elliptique. Dans une espèce au moins (Vépéire diadème) , ils jettent latéralement de petits vaisseaux , qui s'anastomosent à leurs extrémités. Sont-ils des- tinés à recevoir le sang qui a circulé , pour le transmettre en- suite aux branchies et de là au cœur ? c'est ce que je ne puis dire; mais toujours est-il certain que M. Tréviranus n'a rien observé de semblable dans le scorpion d'Europe. Lorsqu'on pense que les aranéides touchent de si près aux phalaiigium ou faucheurs , où il n'existe plus de système de circulation , l'on pourrait conjecturer qu'elle est dans les premières arach- nides plus imparfaite que dans les crustacés , et que peut-être tout le sang qui a circulé ne revient point aux branchies. L'enveloppe du cœur paraît être formée d'une double peau, dont l'extérieure musculeuse, du moinsvers sa partie mitoyenne^ et où son diamètre transversal a plus d'étendue. Dans les scor- pions , où cette peau est entièrement de cette consistance , il est fixé latéralement par des muscles, dont les expansions forment des espèces d'ailes , semblables à celles du vaisseau dorsal des insectes. On en voit aussi sur les côtés du cœur des aranéides , mais M. Tréviranus soupçonne que ce sont des vaisseaux. Tant dans les scorpions que dans les aranéides, seuls ani- maux de cette classe dont on ait encore étudié l'organisation intérieure , le tube alimentaire est droit , presque linéaire ou cylindrique , dilaté au plus vers l'estomac et vers l'anus , avec l'œsophage allongé. Il reçoit de droite et de gauche un certain nombre de paires de vaisseaux hépatiques , venant d'un amas pulpeux de petites glandes, remplissant la majeure partie de la capacité abdominale , et considéré comme le foie. M. Tré*^ viranus cependant lui donne le nom de corps graisseux , et réserve la dénomination précédente à de petits vaisseaux frisés. Il se divise , dans les scorpions au moins , en quelques paires de grappes. Deux vaisseaux biliaires et longitudinaux parais- l\'J1 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. sent fournir , ainsi que dans les aranéides , mais allant en sens contraire , la liqueur des glandes du venin. Toutes les arachnides pulmonaires ont deux chélicères terminées par un doigt mobile , en forme de crochet ou d'onglet corné , dans plusieurs (aranéides), et accompagné, dans les autres, d'un autre doigt opposé , mais fixe , et formant ainsi , avec le pré- cédent, une pince didactyle. Ces organes constituent, avec la pièce que nous avons nommée camérostome , la lèvre , les palpes et leurs mâchoires , représentant, selon nous, les man- dibules palpigères des crustacés , la bouche proprement dite. La lèvre est simple ou composée. Les deux palpes, tantôt en forme de bras ou de serres , et terminés en pince didactyle , tantôt en forme de petits pieds ou de palpes ordinaires , sont généralement composés de six articles , le maxilliforme compris, avec un petit crochet , dans les mâles au moins , au bout du dernier. La tête est toujours confondue avec le thorax, et forme avec lui cette division antérieure et pédigère du corps, appelée céphalothorax-, sa peau est toujours ferme. Les yeux , au nombre de six à huit, sont distribués par groupes, ou rapprochés les uns des autres \ deux , au moins , d'entre eux sont situés au milieu du front. L'abdomen, ou l'autre divi- sion générale du corps , est le plus souvent pédicule. Toutes les arachnides pulmonaires se nourrissent de petits animaux , et notamment d'insectes, qu'elles saisissent vivans, et souvent , comme dans les aranéides , au moyen de pièges singuliers préparés par elles. Plusieurs espèces s'accouplent plusieurs fois dans leur vie, qui s étend à plusieurs années. Ainsi que l'ajustement remarqué M. Savigny, ces habitudes ne sont pas générales ; car , par exemple , les épéires et d'au- tres aranéides meurent , de même que les insectes , après leur ponte , qui a lieu vers la fin de l'été ; de sorte qu'étant nées au printemps , elles vivent moins d'une année. Les arachnides pulmonaires composent les six premières séries de la distribution des animaux de cette classe proposée par M. Savigny. Les cinq premières correspondent à notre famille des aranéides , et la sixième à notre tribu des scor- PREMIÈRE FAMILLE, PEDIPALPES. f\'j'^ pionides , famille des pédipalpes , par où nous allons com- mencer. PREMIERE FAMILLE. PÉDIPALPES {PEDIPJLPI). Les scorpions , qui font partie de celte famille , s'éloignent évidemment de toutes les autres arachnides , par le nombre de leurs branchies, qui est de huit , au lieu de quatre ou de deux ; par la manière dont se termine leur abdomen , la présence de ces appendices , situés à sa naissance , auxquels on a donné le nom de peignes , et par quelques autres caractères anatomi- ques, indiquant, à ce qu'il paraît, une organisation plus avancée que celle des autres animaux de la même classe. Ils conduisent naturellement au genre des thélyphones , qui n'of- fre plus, ainsi que celui de phryne, venant immédiatement après, que deux paires de branchies. Les mygales, et autres genres d'aranéides de la division des théraphoses de M. Walc- kenaer, sont dans le même cas ; cette série générique est donc parfaitement naturelle. Deux grands palpes en forme de serres, terminés en pince didactyle ou par une griffe -, deux chélicères ou antennes- pinces finissant de même 5 un abdomen toujours revêtu , ainsi que le thorax, d'une peau coriace, à segmens nombreux et bien distincts, sans filières au bout -, les organes de la généra- tion situés, dans les deux sexes, à la base du ventre^ enfin, des yeux lisses, distribués en trois groupes écartés , dont deux latéraux et l'autre médian , et uniquement composé de deux de ces organes , signalent sans équivoque cette famille , qui paraît exclusivement propre aux contrées intertropicales. Le nombre des branchies et des stigmates est de huit à quatre. De même que dans notre ouvrage sur les familles naturelles du Règne animal, nous diviserons cette famille en deux tribus. 474 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PU LBIOIN AIRES. PREMIÈRE TRTBU. SCORPIONIDES {SCORPIONIDES^. Il sera facile de reconnaître ces animaux aux caractères sui- vans (i) : deux grands palpes, en forme de serres, terminés par une main didactyle -, chélicères formant une pince sem- blable^ lèvre de deux pièces, et qui sont autant d'appendices de la base de la seconde paire de pâtes ^ celles des deux der- nières , à hanches soudées ^ abdomen sessile , portant en des- sous, à son origine , les organes sexuels \ ensuite deux peignes ou lames étroites et allongées , garnis , le long du côté posté- rieur, d'une rangée de dents articulées à leur base \ puis, sur chacun des quatre segmens, venant immédiatement après, deux sacs branchiaux , un de chaque côté , avec une ou- verture extérieure ou stigmate \ segment suivant terminé brusquement , par une queue mobile , composée de six nœuds , dont le dernier ampulliforme , finissant en une pointe très aiguë , servant d'aiguillon , et percé pour le passage d'une liqueur venimeuse -, tous les pieds ambulatoires , avec un tarse de trois articles, muni au bout de deux crochets; les quatre derniers soudés entre eux à leur naissance. Cette tribu comprend uniquement le genre scorpion de Linné, de Fabricius et de la plupart des auteurs. Ces arach- nides ont le corps allongé et rétréci brusquement à la nais- sance de la queue. La plaque écailleuse et dorsale du céphalo- thorax est en forme de quadrilatère allongé, ordinairement échancrée au milieu du bord antérieur, marquée au milieu d'un sillon longitudinal, et portant six à douze yeux lisses, savoir: (i) Les pinces {chelifer) et les obisies paraissent se rapprocher singulièrement, par la forme générale du corps, des scorplouides; mais ces arachnides sont dépour- vues de peignes, et ne m'ont offert que deux stigmates. Peut-être cependant viennent- elles, daus un ordre naturel, après cette tribu, et en forment-elles une propre. Mon ami M. Dufour m'apprend que d'après ses reclierches analomiques, elles s'éloignent du rang que je leur ai assigné. PREMIÈRE FAMILLE. PÉDIPALPES. 4?^ deux plus grands près du milieu du dos , un de chaque côté du sillon, el les autres rapprochés en une ligne courte, oblique ou courbe près des extrémités antérieures des côtés. Les deux chélicères , insérées et rapprochées parallèlement sous le bord antérieur de cette écaille, sont courtes, en partie saillantes ou extérieures, et formées de deux articles, dont le second plus grand, terminé par deux doigts dentelés au côté interne, se croisant , et dont l'extérieur mobile. A la ligne médiane du dessous du céphalothorax sont fixés les deux palpes ou serres , et quatre paires de pieds dont la longueur augmente progres- sivement , et tous composés d'une hanche à deux articles dont le premier fixe, d'une cuisse et d'une jambe , l'une et l'autre d'un seul article, et d'un tarse en offrant trois, avec deux cro- chets mobiles à l'extrémité supérieure du dernier, qui est le plus court de tous. Les deux serres, dont la longueur fait à peu près la moitié de celle du corps, sont divisées en six ar- ticles^ le radical forme une mâchoire concave et arrondie-, la pince , plus ou moins ovoïde ou cordiforme , se termine par deux doigts allant en pointe , de longueur égale , dentelés au côté interne, et dont l'intérieur mobile, et composant le sixième article. Entre les mâchoires , est le camérostome. La longueur du premier article des hanches augmente graduellement-, celui des deux pieds antérieurs se prolonge, à la suite d'une impression longitudinale, en avant, et sous une forme triangulaire ^ le même des seconds pieds pro- duit dans la même direction un appendice distinct, pareille- ment triangulaire , mais plus étroit et plus allongé : les deux composent la lèvre, et comme les prolongemens de l'article radical des deux pieds précédens sont adossés à leur côté ex- térieur, cette lèvre paraît au premier coup d'œil quadrifide. L'espace sternal, compris entre les quatre pâtes postérieures s'étendant ensuite jusqu'à la naissance des peignes inclusi- vement, est divisé en trois portions segmentaires, dont l'anté- rieure séparant les quatre derniers pieds, la seconde en forme de plaque arrondie, divisée en deux dans son milieu, recou- vrant la parlie la plus extérieure des organes de la génération , 476 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. et qu'à l'égard des femelles. M. Savigny nomme épigjne, et dont la troisième et dernière servant d'insertion aux lames pectinées. La plaque operculaire dont je viens déparier est for- mée par la porùon correspondante de la peau, et non par une pièce propre. Il en est de même des aranéides^ c'est toujours une portion dermique du premier segment abdominal, celle qui occupe l'intervalle compris entre les deux sacs pulmo- naires de ce segment. Si l'on consulte l'analogie , il semblera dès-lors que le premier segment de l'abdomen des scorpions est indiqué par la place des organes sexuels, et que les peignes sont des annexes du suivant. Cet abdomen , olFrant ensuite cinq anneaux bien distincts dont les quatre premiers renfer- mant chacun deux sacs branchiaux, il s'ensuivrait que le nombre des segmens abdominaux qui précèdent la queue serait de sept , et tel est effectivement le nombre des demi-segmens dorsaux ^ mais les trois premiers ne paraissent recouvrir que le premier des segmens branchiaux et la portion du corps où sont situés les peignes, ce qui réduirait à douze le nombre de ces segmens. On n'a pu découvrir jusqu'ici quelles sont les fonctions de ces singuliers appendices appelés peignes; on s'est borné à de simples conjectures , au lieu de se livrer à des re- cherches expérimentales physiologiques. Ces appendices sont formés d'une lame étroite, allongée, articulée et mobile à sa naissance, divisée longitudinalement en deux par un léger sillon , et dont l'aire supérieure est comme partagée en trois faibles articulations par deux impressions transverses, et dont l'autre aire est garnie le long de son bord inférieur d'une rangée de petites lames étroites, allongées, parallèles, un peu arquées, imitant les denîs d'un peigne, creuses intérieure- ment , comme tronquées obliquement à leur extrémité , du moins dans plusieurs espèces, avec la peau de cette troncature membraneuse. Ces dents sont portées chacune sur une petite apophyse plus ou moins prononcée. Les deux pieds posté- rieurs du premier bouclier des limules nous ont offert à leur base un appendice pareillement insolite , et qui semble re- présenter une sorte de hanche à deux articles. Les peignes PREMIÈRE FAMILLE. PÉDIPALPES. 4? 7 des scorpions, en y ajoutant les organes sexuels, corres- pondent à ces deux pieds postérieurs des limules. Les han- ches des deux derniers des galéodes ont au côté postérieur une rangée de petites écailles pédicellées terminées par un feuillet en forme de demi -entonnoir, et qui semblent avoir quelque analogie avec les dents des peignes des arachnides précédentes. Ces derniers appendices pourraient donc être des espèces de lames coxales ou des rudimens de pieds, et munis de petites languettes en forme de dents et jouant peut-être quelque rôle dans la respiration 5 je serais, en un mot, tenté de croire que ce sont des espèces de branchies extérieures , qui, avec les huit suivantes, mais intérieures, seraient les analogues des dix branchies accompagnant les pieds du second bouclier des limules. Le nombre des dents des peignes est plus ou moins considérable selon les espèces, et peut varier sui- vant l'âge , mais d'une légère quantité , dans les individus de la même. Il en est de ce caractère comme de celui tiré du nom- bre des plaques abdominales des ophidiens -^ il ne faut pas le négliger, quoiqu'il ne soit point d'une valeur rigoureuse. Les cinq premiers nœuds de la queue des scorpions sont souvent creusés ou déprimés en dessus, avec des arêtes sur les côtés et en dessous -, le dernier ou sixième est plus ou moins ovoïde ou ampullaire , et terminé en une pointe très fine et arquée , l'aiguillon proprement dit. M. Tréviranus semble révoquer en doute, du moins quant au scorpion d'Europe, l'existence d'une ouverture destinée au passage de la liqueur venimeuse -, mais il y en a certainement deux bien visibles dans les grandes espèces, et situées sous l'extrémité de l'ai- guillon. Le réservoir de cette liqueur est renfermé dans l'in- térieur de ce dernier article, et formé d'une vésicule revêtue d'une membrane assez épaisse, contenant deux glandes jau- nâtres, conduisant au canal que doit suivre le venin. Ces ani- maux peuvent recourber leur queue sur le dos, la porter ainsi en avant, la diriger même en tout sens, et s'en servir dès-lors comme d'une arme offensive et défensive. Le segment lui donnant naissance , ou le dernier de l'abdomen proprement 47^ ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. dit , est rempli par une masse musculaire très forte servant a produire ces divers mouvemens ^ les nœuds ont aussi un pani- cule charnu, à fibres disposées obliquement de chaque côté et se rendant à la ligne médiane , servant d'axe commun 5 le dernier offre encore de chaque côté de sa base un muscle robuste. L'anus est situé à sa jonction avec l'article précé- dent. Les stigmates se présentent sous la figure de fentes transverses ou obliques , ayant un rebord linéaire , et dont le contour intérieur est bordé d'une petite membrane en forme de lèvre. Ils ont un faible mouvement de contraction et de dilatation. Telle est l'organisation extérieure des scorpions^ l'intérieure nous a été, en majeure partie, dévoilée par MM. Cuvier, Tréviranus, Léon Dufour, Meckel, Marcel de Serres , etc. Nous avons remarqué , dans les généralités de l'ordre , que leur mode de circulation avait besoin d'éclaircis- semens. Le canal intestinal est très étroit et linéaire, sans aucune dilatation ou appendices à l'estomac, et il diffère parla beaucoup de celui des aranéides. Le système nerveux est encore bien distinct de celui de ces dernières arachnides. Il se com- pose d'un cerveau bilobé ou de deux ganglions réunis, placé immédiatement au-dessus de l'œsophage, fournissant des nerfs aux yeux et à d'autres parties du corps, et de deux cordons médullaires contigus, se confondant par intervalles pour former des ganglions, qui sont au nombre de sept , trois dans la cavité abdominale et les autres dans la queue. Le dernier se termine par quatre filets nerveux, se distribuant les uns sur les muscles moteurs de la vésicule du venin , et les autres sur elle-même. Le foie, d'une consistance pulpeuse, remplit presque la capacité du céphalothorax et de l'abdomen , et sert de réceptacle au tube intestinal ^ les vaisseaux hépatiques , dont les troncs prin- cipaux forment quatre paires de grappes glanduleuses, se ren- dent , par huit branches, dans l'estomac. Deux autres vaisseaux biliaires , mais longitudinaux , paraissent sécréter l'humeur vénéneuse et la porter à la vésicule. Le cœur est long, presque cylindrique, très aminci aux deux bouts, entièrement muscu- leux à l'extérieur, fixé par le dos et sur les côtés 3 les attaches PREJVIIÉRK FAMILLE. PEDIPALPES. 479 latérales forment des expansions en manière d'ailes. Des espaces plus foncés le font paraître, suivantTréviranus, comme articulé, et il croit avoir aperçu sur ses côtés des apparences de languettes. Ce serait une peine perdue que d'essayer de décrire les organes de la génération sans les accompagner de figures^ en- core faudrait-il que ces recherches eussent pour objet des in- dividus de la même espèce, pris dans les mêmes circonstances, et que Ton s'accordât sur la désignation des parties. ]N 'ayant point ce secours à vous offrir, je vous renverrai au Mémoire de M. Dufour et à celui de M. Tréviranus, en vous faisant remarquer toutefois que le scorpion d'Europe a fourni à ce- lui-ci le sujet de ses observations, tandis que M. Dufour a fait l'anatomie d'une autre espèce et plus grande , le scorpion Toussdtre. Je me bornerai à vous dire que le mâle a deux verges , et des testicules formés de quelques vaisseaux anas- tomosés ; et que la femelle présente deux vulves donnant dans une matrice composée de plusieurs canaux, communiquant les uns avec les autres, et où l'on trouve, au temps du part, des petits vivans. D'après Tréviranus , cette matrice con- siste en trois longs vaisseaux tubulaires, dont deux latéraux placés sous les branchies, et le troisième médian, situé sous le canal intestinal , mais plus court , et ne commençant qu'à quel- que distance du point de départ des deux autres 5 ils se réu- nissent tous les trois postérieurement ^ celui du milieu ou l'impair communique , en outre , avec les latéraux par des canaux transverses , trois de chaque côté. Le tout dessine une figure ovale, divisée en sept compartimens ou chambres, dont l'un supérieur et occupant toute la largeur, et les six autres disposés sur deux rangs, trois de chaque côté. Chaque orifice extérieur de la matrice est situé à la même place que le pénis dans le mâle. Ici de petites lames transverses, dont la su- périeure présente dans son milieu deux petites languettes lon- gitudinales, formant une sorte de lèvre bifide, et dont l'in- férieure produit également une autre languette opposée aux précédentes, dans la même direction , mais plus grande, re- couvrant l'ouverture des organes générateurs. Dans l'autre 48o ARACrTINriDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. sexe ou la femelle , l'on voit à la même place deux appen- dices en forme de cornets , d'où partent les deux tuyaux latéraux de la matrice, et un autre appendice de figure co- nique entre les deux précédens. Les scorpions habitent les pays chauds des deuji mondes , vivent à terre, se tiennent cachés sous des pierres ou d'au- tres corps , dans les masures, ou dans les lieux sombres et frais, souvent même dans l'intérieur des maisons-, ils sont très multipliés dans quelques cantons. Leur nourriture con- siste en divers insectes , en cloportes et arachnides , qu'ils piquent avec leur aiguillon, en portant leur queue en avant, et qu'ils font ensuite passer entre leurs chélicères et les mâchoires 5 on les dit même très friands des œufs de plu- sieurs de ces animaux. Leur course est assez rapide. Il ne paraît pas que la piqûre de l'espèce commune du midi de l'Europe ( europœus ) soit ordinairement dangereuse. Mais il n'en est pas ainsi des grandes espèces -, leur venin paraît être plus actif, mortel même dans quelques circonstances, ce qui tient surtout beaucoup à la nature du climat, à la sai- son , et au tempérament de la personne qui a été piquée ; on en combat les effets par l'emploi , tant extérieur qu'inté- rieur, de l'alcali volatil. M. Ziégler cadet, botaniste agriculteur du gouvernement, qui a habité plusieurs années notre colonie du Sénégal, et qui y a recueilli une belle collection d'insectes , en a rapporté un scorpion , presque entièrement semblable à Vafer de Linné , mais ayant quatre à cinq dents de plus à chaque peigne , ou environ dix-sept en tout , et le dernier nœud de la queue d'un brun roussâtre. Les nègres, qui le redoutent beaucoup, ap- pliquent des feuilles pilées d'une espèce de casse sur la bles- sure. Ce scorpion ne m'a offert que huit yeux. Suivant quelques observateurs , nos espèces indigènes font deux pontes par année. Celle qui a lieu au mois d'août parait être la mieux constatée. La femelle, dans l'accouplement, est renversée sur le dos. Elle met au monde ses petits vivans, et à plusieurs reprises-, les premiers jours, elle les porte sur son PREMIÈRE FAMILLE. PEDIPALPES. 4^1 dos, ne quitte pas sa retraite, veille à leur conservation l'es- pace d'un mois, et les abandonne ensuite à eux-mêmes. Ces arachnides changent de peau , et l'on prétend que ce n'est qu'au bout de deux ans qu'elles peuvent engendrer. On a dit encore que la naissance des petits était précédée d'une mue , et qu'elle avait pareillement lieu dans le mâle , à la même époque. Le docteur Leach avait séparé des scorpions les espèces qui ont huit yeux, et avait formé avec elles le genre buthus (^m- thus). Dans un Mémoire sur les scorpions de l'Afrique sep- tentrionale et de la partie occidentale de l'Asie , MM. Hem- prich et Ehrenberg ont adopté cette coupe , à laquelle on rapporte le scorpion africain {cifer) de Linné, la plus grande de toutes celles qui nous sont connues , dont le corps , long de cinq à six pouces , est d'un brun noirâtre , avec les pinces en cœur , très chagrinées , et treize dents à chaque peigne. Elle se trouve aux Indes orientales , et sa piqûre peut devenir mortelle. On avait placé dans le même genre le S. roussatre {occitanus , Amor. ) , figuré par le docteur Leach dans ses Mélanges de Zoologie (pi. CXLIII). Mais cette espèce pa- raît avoir, de chaque côté , quatre yeux , dont le postérieur plus petit; elle rentrerait dès-lors dans le genre centrure ( centT'ujiis ) des naturalistes précédens. Je vois cependant qu'ils placent, dans celui d' and? octane , le scorpioji de l'unis (tunetanus) d'Herbst, qui a certainement de grands rap- ports avec l'espèce précédente , par le nombre des yeux et d'autres caractères. Les espaces du céphalothorax, avoisiiiant ces organes , sont chargés de petits grains luisans que Ton peut confondre avec eux. Le S. joussdtre est jaunâtre ou roussatre , avec la queue un peu plus longue que le corps , ayant des lignes élevées et crénelées. J'ai compté vingt huit dents à chaque peigne. Le docteur Maccary, qui a fait di- verses expériences sur cette espèce, et même à ses risques et périls, leur en donne une quantité double { 52 , 64). Notre €spèce ordinaire , le scorpion d'Europe ( europœus ) , ne changerait point de nom générique , ou appartiendrait au 3i 482 AIIACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES, genre scorpion {scorpio) proprement dit, celui de scorpius de MM. Hemprich et Ehrenberg. Il est d'un brun foncé , avec les pinces en forme de cœur et anguleuses, la queue courte, et dont le dernier article est d'un brun jaunâtre ainsi que les pieds. Les peignes ont communément neuf dents. Les es- pèces où le nombre des yeux est de douze composent le genre androctone iandroctonus) de ces savans. Je n'ai encore vu aucun scorpion qui offrît ce caractère. Voyez la remarque que j'ai faite, à cet égard , à l'occasion du buthus roussâtre. J'ajouterai que M. Savigny, observateur dont personne ne contestera la scrupuleuse exactitude , n'a représenté que huit yeux, pour les deux espèces qu'il a trouvées en Egypte. Il paraît n'avoir pas considéré comme organe de la vision le petit œil lisse qui termine postérieurement chaque rangée latérale. Herbst a donné une monographie de ce genre , en- richie de belles figures , mais très incomplète encore , tant pour le nombre des espèces que pour les détails d'organi- sation. DEUXIÈME TRIBU. TARENTULES {TARENTULE, Fab). Elle se compose du genre tarajitula de Fabricius , et d'es- pèces de celui de phalangiuni de Linné et de Pallas. Ces arachnides se rapprochent des mygales , premier genre de la famille suivante , quant au nombre de sacs branchiaux et de leurs ouvertures , qui n'est plus de quatre-, sous le rapport des chélicères , ou mandibules des auteurs , terminées en griffe, ou par un crochet se repliant verticalement en des- sous, et quant à l'abdomen , rétréci et pédicule à sa base ^ mais il est composé d'une dizaine de segmens très distincts , protégés, du moins en dessus, par un derme coriace, et il est dépourvu de filières ; il se termine , au plus , par un appendice filiforme , composé d'un grand nombre de petits articles -, on ne voit point de lames pectinées à l'origine du ventre. Les palpes sont épineux, tantôt grêles et longs et ter- minés en griffe , tantôt plus courts , plus épais , avec une pince didaclyle au bout , comme ceux des scorpions. Les PREMIÈRE FAMILLE. PEDÏPALPES. 4^3 yeux, au nombre de huit, sont distribués en trois groupes; l'un , composé de deux et porté sur un tubercule commun , est situé près du milieu du bord antérieur du céphalothorax; et les deux autres placés , un de chaque côté , près de ses ex- trémités latérales antérieures , et formés chacun de trois yeux disposés en triangle. La lèvre est cachée entre les deux mâ- choires, constituées de même que celles des scorpions par l'article radical des palpes , et en forme de petit dard , corné , linéaire et droit, (i) Ces arachnides diffèrent en outre de toutes celles du même ordre par la forme des deux pieds antérieurs , qui sem- blent faire les fonctions de palpes ou d'antennes ; leurs tarses, souvent très longs, sont composés d'un grand nombre de petits articles, et mutiques ou sans crochet au bout. L'ani- mal porte ces pieds en avant. Toutes les espèces connues sont exclusivement propres aux pays des deux continens situés entre les tropiques, et forment deux genres. i°. Celui de THÉLYPHOWE ( thelyplioTius , Latr. ) , dont le corps est oblong , avec les palpes en forme de serres, courts, as- sez gros , et didactyles à leur extrémité ; le céphalothorax ovale , et l'abdomen terminé par un appendice filiforme et pluriarticulé. Les palpes sont dilatés à leur origine , de manière que les mâchoires se touchent par une suture droite et ferment ainsi la bouche. Les tarses des deux pieds tentaculaires sont peu allongés et filiformes. On en a ob- servé trois espèces ; l'une de Java , et qui est le phalangiwn caudatum de Linné ; la seconde du Bengale et la troisième de la Martinique , où on l'appelle le 'vinaigrier. 2°. Le genre PHRYNE (pJirjnuSy Oliv.), où le corps est aplati, plus large, avec le céphalothorax presque en forme de rein ; les palpes longs 5 étroits et terminés en griffe , et les tarses des pieds tentaculaires très longs, fort menus, semblables à des an- tennes sétiformes. (i) Terminé par deux poils roides et spiniformes dans les phrynes. Ici le camé- rostome eut très petit. 484 ARACHNIDES. — PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. L'extrémité postérieure de l'abdomen n'offre point d'ap- pendice imitant une queue. L'espèce qui dans Fabricius porte le nom de réniforme, est propre à l'Amérique intertro- picale. On trouve aux Antilles quelques espèces analogues, mais plus petites et figurées dans la monographie de ce genre, publiée par Herbst. Celle dont Linné et Pallas ont fait un phalangium , avec la dénomination spécifique de j'éniforme , vient des îles Séchelles^ j'ai vu le dessin d'une espèce obser- vée dans la Nubie par M. Rifaud, et qui peut-être ne diffère pas de la précédente, (i) DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉIDES {ARANEIDES). Quatre ou six appendices cylindriques ou coniques, articu- lés, situés sous l'anus , désignés sous le nom àe filières , parce que ces parties , à l'exception de deux , ont leur extrémité , soit percée d'un très grand nombre de trous , livrant passage à des fils soyeux , soit hérissée de petits mamelons d'où sor- tent aussi ces fils , distinguent ces animaux de tous les autres de la même classe : aussi pourrait-on substituer, ainsi que je l'ai fait dans l'ouvrage sur le Règne animal de M. Cuvier, la dénomination àefileuses à celle d'aranéides. Un autre carac- tère , et non moins important, nous est fourni par les palpes. Le dernier article de ceux des mâles présente des organes particuliers , qui , suivant le sentiment le plus général , sont ceux de la génération, et qui, dans tous les cas, y concourent par des excitations préliminaires. Les chélicères se terminent par un crochet courbé inférieurement, et percé près de son extrémité, pour la sortie d'une liqueur venimeuse, autre trait particulier dont nous ne trouvons plus d'exemple dans cette classe. L'abdomen est toujours pédicule, sans anneaux dis- (i) M. Guérin a donné, dans le troisième fascicule de son Iconographie du Règne animal , la figure d'une espèce de ces deux genres. Voyez aussi la Monographk- d'IIerhht. DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉIDES. 4^5 tincls, et ordinairement mou. Le céphalothorax semble être divisé en deux par une impression en forme d'angle ou deV, et paraissant indiquer la démarcation de la tête et du thorax. Le céphalothorax est en outre élevé , et quoique les yeux . situés en tout ou en partie sur la face anté- rieure , soient plus ou moins espacés et divisés en petits groupes, les écarts qui les séparent ne sont jamais aussi étendus que dans la famille précédente. Un caractère souf- frant très peu d'exceptions, et dont on peut dès-lors se servir à raison de sa grande généralité, est que tous les tarses sont terminés supérieurement par deux crochets dentelés ou pec- tines en dessous , accompagnés même dans plusieurs d'un troisième, mais inférieur, plus petit, et ordinairement sim- ple. Quant au nombre des branchies, quoique plusieurs en aient quatre , ainsi que les arachnides de la tribu précédente , on n'en voit que deux dans le plus grand nombre. Les œufs sont renfermés dans une coque soyeuse, ce qui ne peut avoir lieu dans la famille précédente , puisque ces animaux sont privés d'organes propres à sécréter la soie et de filières. De l'exposition de ce signalement général , passons à un examen plus détaillé de l'organisation des aranéides, et à l'his- toire de leurs habitudes. Il en est peu d'aussi propres à exci- ter notre attention parmi les animaux vivant de proie \ il n'en est même pas qui , sous le rapport des moyens de se la pro- curer, leur soient comparables. Ils consistent uniquement dans la ruse , la surprise et la force : mais les aranéides sont de véritables oiseleurs, dressant des pièges très variés, con- struits avec un art admirable, et pourvues, en outre, d'une arme meurtrière. Le céphalothorax est généralement ovoïde ou en cœur ren- versé, déprimé , ou légèrement élevé en carène vers le milieu du dos , avec l'extrémité antérieure , ou la pointe , tronquée ou très obtuse. C'est à celte extrémité que sont placés les yeux lisses : ils sont ronds ou ovales, brillans, et quelques uns des latéraux sont dirigés obliquement, et souvent portés sur de petites élévations. Les chélicères (mandibules ou griffes 4S6 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. de la plupart des auteurs) prennent immédiatement nais- sance au-dessous de l'écaillé tégumentaire (scutum) du cé- phalothorax , sont contiguës , parallèles , avancées ou incli- nées ; elles se composent de deux articles , ou d'un seul , si l'on considère le second ou le crochet comme une pièce par- ticulière. Le premier est grand, presque cylindrique ou en cône tronqué , aplati ou plan à sa face interne , et offre le plus souvent, au-dessous de son articulation avec le crochet, une gouttière , bordée de chaque côté de dents plus ou moins nombreuses. Ce crochet , ou le second et dernier article, est de consistance écailleuse , comprimé latéralement _, mobile , replié inférieurement , arqué , allant en pointe , avec une petite ouverture oblongue en dessus, près de la pointe. Elle donne passage à la liqueur venimeuse que la nature a accordée à ces animaux, comme à plusieurs ophidiens, pour vaincre plus promptement la résistance des animaux destinés à leur servir de nourriture. Si l'on compare ces chélicères avec celles des scorpions, on trouvera qu'elles n'en diffèrent essentielle- ment que par l'absence du doigt fixe , accompagnant le doigt mobile de celles des derniers , et qu'elles ressemblent , de part et d'autre, aux pinces des pâtes antérieures d'un grand nombre de crustacés. Elles constituent , avec le camérostome , et par- ticulièrement la carène velue de son dessous et offrant un canal proœsophagien, ainsi qu'avec les deux mâchonnes portant chacune un palpe de cinq articles, et la lèvre inférieure, tout l'appareil buccal (i). Les palpes, presque filiformes dans les femelles, grossissant vers le bout, ou presque terminés en massue dans les mâles , s'avancent de chaque côté des chéli- (i) Ce que je Tiomme camérostome forme avec la lèvre inférieure cette partie de Li bouche que M. Straus appelle museau, et à l'extrémité duquel il place l'orifice de cette bouche. Il considère la partie antérieure du museau contigiie aux mandibules, comme une lèvre supérieure. Il dit que la bouche des phalangiarn ne diffère de cell»; des araiiea que par les palpes. Les figures qu'a données M. Savigny des parties composant la première , établissent cependant des disparités remarquables. Je n'ai point vu ce long dard , fort dur et dentelé , qu'il annonce exister entre Ie& Kkachoires de plusieurs acarus. DEUXIÈME FAMILLE. ARANEIDES. 4^7 cères, et de même que les pales font un coude immédiatement à la jonction d'un grand article, le troisième et représentant la cuisse, avec le suivant, ouïe premier de la jambe, de manière €|ue ces palpes sont réellement des sortes de pieds, mais plus petits que les autres , et dont le tarse n'est composé que d'un seul article, au lieu de deux. Cet article , ou le cinquième de tous, est terminé, dans les femelles, par un petit crochet, et porte , dans l'autre sexe , les organes que l'on prend générale- ment pour ceux de la génération, et dont nous parlerons plus bas. Dans les mygales femelles au moins, où ces palpes sont relativement plus grands, le même article est garni en dessous d'un duvet serré, ou d'une brosse, de même que les tarses des pieds ^ et nul doute que ces aranéides ne l'appuient sur les corps où elles sont posées. Les rapports des palpes avec les pieds sont ici d'autant plus frappans, que les mâchoires sont dans la même direction que les palpes, et en forment le pre- mier article. Dans les autres aranéides , ce même article se dilate au côté interne, pour former la mâchoire. Si l'on compare la nomenclature établie par M. Savigny à l'égard des articles des palpes , qu'il appelle aussi hras pal- paires , et de ceux des pieds, on trouvera la correspondance suivante : Palpes. Pieds. Mâchoires .... o ..... « la hanche. Article soiis-axillaire ou le premier l'exinguinal. (i) — humerai fémoral. — cubital génual. — radial , tibial. — digital (le cinquième et dernier) le tarse. Cet article est inerme ou sans onglet dans les mâles. Les organes présumés copulateurs naissent de sa face interne , et sont tantôt entièrement saillans, comme dans les théraphoses (i) L'analogue du trochanter des insectes. Il est toujours très court de part et d'autre. Je l'avais considéré jusqu'ici, mais à tort, comme le second de la JiancJie; il est aisé de voir, surtout par les crabes, qu'il fait partie de la cuisse. 488 ARACHNIDES. PREMIKR ORDRE. PULMONAIRES. et les ségestries, tantôt plus ou moins reçus dans une con- cavité ou échancrure [cueiller^ Trévir.), et alors ordinaire- ment très compliqués. Mais ils ne se développent entièrement que lorsque l'animal est adulte ou susceptible de procréer. Divers auteurs, comme de Géer, Lyonet, Tréviranus, ont figuré ceux de quelques espèces. Mais M. Savigny, dans la partie zoologique de l'ouvrage sur l'Egypte , dont il a été chargé , les a surpassés sous le rapport des détails et du soin à les représenter. Adoptant le sentiment de Tréviranus , re- lativement à la situation des organes de la génération , il les distingue dans leur ensemble par la dénomination de bouton excitateur. Une à trois saillies de ces boutons plus ou moins prolongées, quelquefois en forme de filets et roulés en spirale, allant eu pointe , sont ce qu'il appelle les conjonctions ; et une à deux valves de la concavité interne , embrassant plus ou moins la face interne du bouton , reçoivent le nom de valves digitales. Le conjoncteur propre à l'araignée domes- tique et à une autre espèce voisine est appelé dard par Lyo- net, et la partie d'où il sort en est le conducteur. L'organe excitateur ou copulateur est généralement com- posé de pièces écailleuses , très irrégulières, et dont plusieurs offrent des crochets ou des dents. Dans diverses espèces, néanmoins, l'on observe un corps mou ou charnu, blanc, ou sorte de gland, sur lequel serpentent des vaisseaux en appa- rence sanguins , et que l'on prend pour le pénis. Le côté in- terne de l'avant-dernier article des mêmes palpes présente aussi quelquefois des appendices, ou quelques caractères par- |! ticuliers et corrélatifs. . I Les mâchoires et la lèvre se portent en avant et dans un sens horizontal , ou celui de la longueur du corps. Les pre- miers de ces organes sont velus à leur extrémité , qui est plus ou moins arrondie et souvent tronquée obliquement au côté interne ou rétrécie en pointe -, ici , ils sont droits \ là , ils se courbent ou s'inclinent sur la lèvre. Cette pièce est carrée dans les uns , triangulaire , en demi-ovale ou presque ovoïde dans les autres. Les pieds , au nombre de huit , sont disposés DEUXIÈME FAMILLE. AT. ANl^JDFS. 4^9 presque circulairement sur le contour de la poitrine. Ils se composent d'une hanche d'un seul article , d'une cuisse et d'une jambe formée chacune de deux autres articles et d'un tarse divisé de même, à l'exception d'un seul genre, celui d'hersilie , qui en a trois. Le dernier est terminé par deux crochets supérieurs pectines ou dentelés en dessous , et dans beaucoup par un autre inférieur, plus petit et simple. Plu- sieurs ont aussi sous les crochets des poils ou soies formant des espèces de pinceaux ou de brosses. La longueur respec- tive de ces organes varie , et souvent dans le même genre et quelquefois dans les deux sexes. L'abdomen , suspendu au céphalothorax au moyen d'un court pédicule cartilagineux, est, celui des épéires épineuses excepté , mou , et revêtu d'une peau continue , sans articu- lations et formant un sac tantôt ovalaire ou globuleux, tan- tôt oblong ou cylindracé. A l'extrémité postérieure est si- tué l'anus, qui s'avance sous la forme d'un petit chaperon arrondi , ou presque semi-circulaire et ayant une fente au milieu. L'on voit immédiatement au-dessous de petits appen- dices articulés^ cylindriques et rétrécis en pointe au bout, ou presque coniques, au nombre de six dans le plus grand nombre et de quatre ( théraphoses ) dans les autres : on les a désignés sous le nom de filières. Mais , comme l'ont remarqué Lyonet et MM. Savigny et Tréviranus , deux de ces appen- dices, les plus extérieurs, ordinairement les plus longs, et divisés en trois articles, ne présentant à leur extrémité ni petits trous, ni petites papilles percées, ne méritent point une telle qualification. Les filières, proprement dites, sont courtes, disposées en carré, tantôt droites , tantôt inclinées ou cou- chées et convergentes , de deux articles, dont le dernier très court , en forme de mamelon arrondi , tout criblé de petits trous sur un espace presque circulaire , avec une échancrure donnant passage aux fils de soie, ou hérissé de petites pa- pilles, composant de petites filières propres. Lyonet en a observé de ces deux sortes dans le même individu. Si on en avait étudié la composition d'une manière spéciale dans les 49^ ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. divers genres , on aurait probablement trouvé , dans ces par- lies, de nouveaux secours pour raffermissement de ces coupes. M. Tréviranus a distingué, sur le dessus de l'abdomen , quatre paires de petites impressions punctiformes , mais qui ne sont pas toujours bien apparentes, et qu'il nomme , très improprement , des stigmates j les deux antérieures sont plus grandes et environnées , ainsi que la paire suivante , d'un cercle brun , qui lui a semblé contenir de la liqueur. Il les a représentées dans son beau travail sur l'anatomie de ces ani- maux. Il dit aussi avoir vu quatre autres paires de stigmates de chaque côté de la poitrine , et situés dans la peau qui joint son plastron au dos du corselet, ou à la racine des pâtes. Mais , à l'égard des premiers ou des stigmates abdominaux supé- rieurs, M. Dufour a reconnu que ces petites dépressions orbi- culaires étaient déterminées par l'attache des muscles fili- formes qui traversent le foie , et qu'il a aussi trouvés dans les scorpions. Ces impressions sont bien plus nombreuses dans les épéires épineuses, et y forment des points ombiliqués, dont les extérieurs disposés circulairement près des bords de l'abdomen -, ici encore la peau présente en dessous des rides annulaires. J'avais d'abord soupçonné , d'après les figures de M. Tréviranus , que ces stigmates pourraient servir à l'ex- piration ou à la sortie de l'azote-, toujours nous paraît -il convenable de faire à cet égard de nouvelles recberches. Deux ou quatre taches blanchâtres ou jaunâtres , situées, par paires , de chaque côté de la base du ventre , décèlent ex- térieurement les organes respiratoires. Sur un repli trans- versal, qui semble représenter le bord postérieur de la por- tion inférieure du premier anneau , est de chaque côté une fente transverse , conduisant dans une cavité renfermant une véritable branchie , mais aérienne ou respirant l'air en nature , de couleur blanche , triangulaire , recouverte d'une peau tendre , composée de petits feuillets plus nombreux et plus mous que ceux des branchies des scorpions , et sous un aspect glaireux. Le bord supérieur des ouvertures est fixé par un arc cartilagineux , et une plaque de même consistance DEEXiÈMli FAMILLE. ARANÉIDES. 49^ bouche l'entrée des cavités branchiales. Dans les aranéides létrapneumones , immédiatement au-dessous de ces cavités, on en voit deux autres et renfermant des organes respira- toires semblables. Dans l'entre-deux des premières , et sur une espèce de plateau , sont situées les parties génitales. Deux paires de muscles, les uns droits, les autres courbés et servant , avec les deux arcs cartilagineux , à fermer et à ouvrir le couvercle des branchies , soutiennent les parties cartilagineuses, et contribuent, avec deux ligamens partant de ces branchies et se rendant aux filières , à l'affermissement de la peau , qui se compose de deux membranes , dont l'ex- térieure plus tenace , et l'autre presque mucilaglneuse. Dans les espèces dont l'abdomen est plus mou , la plupart des ten- deuses , par exemple , sa transparence permet de distinguer sur le dos le cœur ainsi que le foie , au milieu duquel il dessine une bande longitudinale. Dans plusieurs , les taches colorées que l'on y observe forment une suite de petites bandes trian- gulaires disposées sérialement et de grandeurs décroissantes. M. Léon Dufour a remarqué que , dans certaines espèces d'épéires et de lycoses , la surface du cœur est recouverte d'un enduit d'un blanc de chaux, fendillé en aréoles , et que Ton aperçoit aisément lorsque la peau est glabre et molle. Il a aussi observé que les individus des deux sexes lancent souvent par l'anus une liqueur excrémentielle , en partie d'un blanc laiteux , et d'un noir d'encre de l'autre. Nous avons dit que les parties génitales de la femelle étaient placées au milieu de l'espace compris entre les deux cavités branchiales, et toujours au même lieu, puisque c'est tou- jours entre les premières lorsque ces cavités sont au nombre de quatre. N'ayant été étudiées jusqu'ici que dans un très petit nombre d'espèces , et où elles ont présenté des struc- tures diverses, il nous serait impossible d'en donner une des- cription générale commune. Elles consistent en une quan- tité plus ou moins considérable de petites lames, recouvrant une ouverture ronde destinée à la sortie des œufs. Dans l'épéire diadème , du milieu de ces pièces operculaires naît un ap- l\()9. ARACHIVIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. pendice mobile en forme de long crochet , couché longitu- dinalemeiit sur le ventre, cartilagineux, aplati, très mince, avec une large gouttière en dessus, dans sa moitié anté- rieure, ensuite cylindrique, mou, flexible et strié. Ce cro- chet est placé sur une érainence écailleuse formée de deux cloisons garnies de poils et réunies au moyen d'une pièce in- termédiaire. A la base de ces cloisons sont deux autres pièces ovales , écailleuses. L'ouverture propre à la sortie des œufs est cachée par le crochet. M. Tréviranus a observé dans la clubione atroce femelle , au-dessus de l'ouverture précédente , et qui est entourée d'un cercle cartilagineux, deux petits tubes tendineux , ayant une ouverture à leur extrémité. La surface interne de l'es- pèce de plateau où ils sont situés, lui a offert deux cartilages tortus. Il suppose que les appendices crochus des organes excitateurs des palpes se cramponnent aux cartilages situés des deux côtés des parties génitales de la femelle -, que le gland y pénètre ensuite , et que celle-ci, se prêtant aux désirs du mâle , introduit dans deux petites fentes , qu'il a obser- Tées dans cet individu ainsi que dans les mâles de quelques autres espèces , entre les branchies , les deux mamelons ten- dineux mentionnés ci-dessus. Deux vaisseaux spermatiques provenant de deux testicules allongés se rendent à ces fentes. Dans l'explication des planches des arachnides de l'ouvrage sur l'Egypte, M. Savigny s'est borné à nous dire que l'épi- gyne est un organe prévalvulaire , dont la fonction la plus essentielle est de recevoir l'un après l'autre , dans les pré- ludes de l'accouplement , les organes excitateurs mâles *, qu'elle est tubuleuse et percée de deux principaux orifices , un de chaque côté, et que les conjoncteurs de ses deux ca- vités intérieures sont cernés comme ceux du sexe mâle , mais moins développés. J'ai vainement cherché à découvrir dans les mâles de diverses grandes mygales ces ouvertures , et M. Straus n'a pas été plus heureux que moi. Cependant, il est certain que dans les mêmes individus de quelques autres espèces du même genre , l'entre-deux des branchies offre un DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉIDES. ^9^ t^enflement notable. J*ai vu très distinctement dans le mâle de l'atype de Sulzer , à l'extrémité inférieure de cette por- tion tégumentaire et plus solide qu'occupe cet espace et qui semble, comme nous l'avons dit, indiquer les traces d'un segment propre, une ouverture circulaire dont le contour est blanchâtre et qui est l'entrée d'un petit tube , au fond du- quel je crois avoir aperçu un corps particulier. Les deux ou quatre pieds antérieurs diffèrent dans les deux sexes, et ce- pendant la position des organes générateurs est la même. M. Savigny affirme que dans toutes les arachnides leur issue est pratiquée sous le premier segment de l'abdomen. Quoi qu'il en soit , il n'est pas moins positif qu'aucun naturaliste n'a été témoin à l'égard des aranéides du mode d'accou- plement semblable à celui qu'imagine M. Tréviranus. M. Walckenaer, qui a observé, avec l'attention la plus sou- tenue , celui d'une espèce de théridion , n'a fait que confir- mer ce que Lister, Lyonet et de Géer avaient rapporté sur le même sujet, savoir que le mâle, à la suite de tentatives in- fructueuses et multipliées, étant enfin parvenu à vaincre l'obstination de sa femelle , appliquait alternativement , avec une grande promptitude, l'extrémité de ses palpes sur le dessous du ventre de celle-ci, qu'il faisait sortir à chaque attouchement , et comme par ressort , l'organe fécondateur renfermé dans le bouton du dernier article de ces palpes, qu'il introduisait dans la fente située entre les branchies , et qu'après quelques instans de repos , il renouvelait les mêmes actes, et souvent à plusieurs reprises (i). Ces animaux étant très voraces , les mâles ne s'approchent des femelles qu'avec une grande circonspection, de peur d'être dévorés par elles. Le canal intestinal , qui occupe une grande partie de la cavité abdominale , et se trouve immédiatement enveloppé par la peau , est droit et d'une consistance pulpeuse , formée de petits grains , dont les conduits excréteurs particuliers se réunissent en plusieurs canaux hépatiques , versant dans le (i) M. Théis fils a fait depuis les mêmes observations. 494 ARACHNIDES. — PREMIER ORDRE. PULMOTfAIRES. tube alimentaire le produit de la sécrétion. Il offre d'abord un premier estomac composé de plusieurs sacs (quatre , sui- vant M. Tréviranus , dont deux plus petits)- puis vers le milieu de l'abdomen une seconde dilatation stomacale , en- tourée de soie. Il est recouvert immédiatement par une pièce cart^agineuse , ressemblant à un demi-tube , écbancrée en devant , et ayant sur ses bords latéraux des ligamens triangu- laires qui la fixent avec le couvercle ou scutum du céphalo- tborax. Les muscles qui partent en rayonnant et pour se rendre aux pâtes de la cavité centrale de celui-ci , forment sur cette pièce des rigoles. Le rectum est fixé à l'anus par un long cœcum , dans lequel se rendent immédiatement quatre vais- seaux biliaires 5 s'unissant par paires près de leur extrémité, en deux tiges , ayant leur orifice près de l'anus. Le système nerveux se compose d'un cerveau formé de deux lobes pyriformes, jetant des nerfs aux diverses parties de la bouche et aux yeux^ d'un grand ganglion inférieur et central , d'où partent d'autres nerfs gagnant les pâtes; enfin, d'un autre ganglion , joint au précédent par un fort cordon nerveux longitudinal, placé près de l'origine de l'abdomen , et jetant aussi des nerfs , quatre de chaque côté , dont la longueur augmente graduellement , et dont les deux derniers, les plus longs de tous , se bifurquent au bout et se terminent dans le prolongement du rectum ; les autres se dirigent vers les bran- chies , les organes sexuels et les intestins. D'après la figure de ce système donnée par Lyonet , le premier ganglion serait évidé dans son milieu ou formé de deux filets. Dans les géné- ralités sur les arachnides pulmonaires , nous avons parlé du cœur et de ses vaisseaux. Sa forme varie ; mais il est toujours fort allongé et beaucoup plus étroit postérieurement. M. Tré- viranus en a donné deux figures , qui font connaître deux de ces modifications. Les réservoirs du venin consistent en deux glandes sali- vaires , une par chaque chélicère , se présentant sous la forme de vessies allongées , tortues , composées de fibres cartilagi- neuses , Iransverses , mais obliques ou en spirale , parallèles DEITXIÈME FAMILLE. AR A.Ï\ÉII)ES. 49«^ Cl annexées à une peau molle-, elles se prolongent supérieure- ment en un cordon étroit qui se rend à l'extrémité du cro- chet. Ces observations , extraites du Mémoire de M. Trévi- ranus, s'accordent avec celles de Lyonet (Mémoires posthu- mes), qui avait trouvé une disposition semblable dans les filières de la chenille du saule. Ces lignes obliques de la tu- nique des glandes sont formées d'une fibre musculaire , au- tour de laquelle s'entortille en spirale un filet contourné de même. Les ovaires, au nombre de deux, sont logés dans une espèce de capsule formée par le foie , et se présentent sous l'aspect de deux sacs ovalaires, rétrécis vers le haut en manière de pédicules , qui aboutissent par deux ouvertures à celle des parties génitales , qui doit livrer passage aux œufs. N'étant point fécondés , ces ovaires paraissent composés d'un tissu spongieux , comme floconneux , et qui est une agglomération des germes des œufs. A mesure que l'influence de la fécon- dation s'accroît , la grappe formée par ces œufs est moins serrée , et les canaux ou tubes oii ils sont contenus devien- nent plus distincts. Chaque sac est divisé en deux par une cloison longitudinale ; une autre cloison , mais dans un sens contraire ou transverse, les partage de nouveau, ce qui forme quatre chambres principales. On voit par là que ces ovaires ont de grands rapports avec ceux des scorpions. Les cloisons transverses sont perforées, d'où résulte qu'il y a communi- cation de chaque côté entre les deux chambres 5 mais la cloi- son longitudinale n'offrant point ce caractère , cette com- munication n'a point lieu de chaque moitié du sac à l'autre. Rœsel a observé , relativement à l'épéire diadème , que l'expulsion des œufs s'opérait par un moyen particulier, et dont le mécanisme est très curieux. Une palette ovale , aussi longue que l'abdomen , formée de petits tendons , singuliè- rement entrelacés , s'engrenant respectivement les uns dans les autres , et recouverts d'une peau forte qui les fixe entre eux , est mis à cet effet en mouvement. M. Hérold a suivi le développement progressif du fœtus dans l'œuf, et a publié 4q6 ARA.CHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. sur ce sujet un beau travail , dont on trouvera un extrait dans le Bidletùi des Sciences naturelles , de M. le baron de Fé- russac , et dans le XIIP volume des Annales des Sciences naturelles . Suivant Réaumur, le réservoir de la soie des aranéides con- siste en six vaisseaux recoudés six à sept fois, communique supérieurement par des brandies très repliées elles-mêmes , et formant divers lacis , à d'autres vaisseaux , qu'il compare à à des larmes de verre , où cette matière subit une première élaboration , et d'où elle passe ensuite dans les précédens ^ ceux-ci se rendent aux filières par des extrémités très déliées , et allant en pointe. Rœsel a décrit aussi et figuré les mêmes vaisseaux , et , à ce qu'il paraît , d'après la même espèce , Vépéire diadème. Mais M. Tréviranus n'a observé dans la clubione atroce que quatre vaisseaux , deux plus grands et deux plus petits , se terminant chacun par deux branches ^ celles des derniers sont simples , mais celles des plus grands se subdivisent ou sont dichotomes. On voit en outre , à leur extrémité inférieure, un grand nombre de petits vaisseaux lubulaires , dont il n'a pu découvrir la connexion avec les filières. \J araignée domestique ne lui a aussi offert que quatre vaisseaux et sans ramifications-, les petits n'existent point. Réaumur estime à mille au moins le nombre des fils qui sortent de chaque mamelon ; mais l'animal en réunit plusieurs à leur sortie. Collés à quelque objet, ils se dévident et sont tirés des mamelons, à mesure qu'ils s'éloignent du point d'attache ^ il les tire aussi avec ses pâtes postérieures , c'est ce qu'il est aisé de voir, lorsqu'il cherche à garotter l'insecte qu'il a saisi. Il se sert encore de ces fils, après les avoir fixés, pour descendre. Ils se dévident naturellement par le poids de son corps 5 voulant ensuite remonter , il les réunit en une pelotte au moyen de ses pâtes. Il leur faut, ainsi qu'à la soie , un certain degré d'éva- poration pour qu'ils se dessèchent et acquièrent une consi- stance convenable. Lister pensait que les aranéides pouvaient darder les fils à une grande distance , et comme par éjacu- lation, et qu'elles pouvaient même les retirer de nouveau DEUXIÈME FAMILLt. ARANWDES. 497 dans leur corps. De Géer a combattu avec raison cette opi- nion ^ mais ils peuvent, en sortant de leurs mamelons , con- server jusqu'à une petite dislance la force que l'animal leur a imprimée , leur rigidité et la même direction ; nous avons vu ceux de quelques thomises tourner circulairement et sous l'aspect de rayons, par suite d'un mouvement de girouette de leur corps. Les flocons blancs connus sous le nom de fils de la vierge , que l'on voit souvent voltiger en l'air , en au- tomne et à la suite des brouillards, sont produits par de longs fils que jettent alors au hasard de jeunes aranéides et qui , dans cette circonstance, devenus plus pesans par l'effet de l'humidilé, s'affaissent, se rapprochent les uns des autres et se réunissent : c'est ce que divers observateurs ont vérifié. Ces flocons peuvent , dans quelques circonslances, être si abondans , que leur chute semble produire une sorte de pluie de colon. M. Mendo Trigozo a publié dans les Mémoires de V jÉ cadémie des Sciences de Lisbonne (III, i^ Part., p. 85), un fait semblable arrivé dans le voisinage de Libonne , le 6 no- vembre i8ii.Le Tage fut couvert pendant plus d'une demi- heure de ces flocons et d'une quantité innombrable d'araignées qui les accompagnaient et qui nageaient à la surface de l'eau (Bullet. des Sciences Tzaii^/. ;, juillet 1820). Analysés chi- miquement ces fils ont présenté les mêmes éléniens de com- position que la soie de ces animaux. Le docteur \irey a pensé que de petites araignées pouvaient, par l'action seule de leurs pâtes, s'élever en l'air ^ mais les petits fils au moyen desquels elles exécutent cette ascension , ont probablement échappé à ses regards. Cette soie peut être employée de trois manières : à la con- struction de la toile servant de piège , à celle de la demeure propre de l'animal, et à celle de la coque destinée à renfermer ses œufs. Les toiles de diverses épéires sont souvent fixées soit à des troncs ou à des branches d'arbres, soit à d'autres objets assez éloignés entre eux , sans aucun corps intermédiaire , et quelquefois même séparés par des courans d'eau. On ne peut d'abord concevoir comment ces aranéides sont parvenues à 32 4q8 arachnides. PREMIER OHDilE. PULMONA.1RES. franchir de tels obstacles, et cela leur serait, en effet, impossible si de heureux hasards ne favorisaient leur entreprise. Un point d'appui trouvé, elles laissent échapper de longs fils^qui , libres et poussés par le vent, peuvent s'attacher, du moins en par- tie , par l'autre bout, à d'autres corps, et former ainsi une sorte de pont ou de corde de danseur , assez solide pour qu'elles puissent aller d'un lieu à l'autre ajouter de nou- veaux fils à ceux-ci et fortifier le second point d'appui. Elles peuvent aussi se laisser aller elles-mêmes, suspendues par un fil, au gré du vent. « Ayant ainsi tendu , dit de Géer en parlant de l'araignée qui file une toile circulaire , ou d'une épéire , un premier fil, qu'elle double , triple et quadruple pour lui donner toute la force nécessaire pour soutenir tout le reste de l'ouvrage, l'araignée ne trouve plus d'obstacle pour passer sur cette espèce de pont , et pour se rendre d'une branche à une autre et y filer de nouveaux fils dans toutes les directions possibles, soit en montant, soit en descendant. Voici comment elle achève sa toile : elle en trace d'abord pour ainsi dire le plan en tendant entre les branches des fils horizontaux, verticaux et obliques , selon que le demande la position de ces mêmes branches et l'espace qui se trouve entre elles. Ensuite elle file entre les fils extérieurs ou de traverse des rayons, qui tous aboutissent à un centre commun , au milieu de la toile ; après quoi elle commence à tendre, en partant du haut du filet ébauché, et jamais du centre , un fil en ligne spirale très ré- gulière , formant des mailles allongées à mesure que l'araignée avance dans son travail et s'approche de plus en plus du centre -, mais , à quelque distance de ce même centre , elle met un plus grand espace entre les tours du fil spiral , qui s'y trouvent ainsi moins près les uns des autres , que dans le reste de l'étendue du rets. En passant successivement sur les rayons, elle ne manque pas d'y attacher toujours le fil qu'elle dévide, en l'ajustant dans l'endroit convenable, à l'aide de ses pâtes; et c'est ainsi que les mailles sont formées pour diriger vers le point convenable du rayon le fil qui se dévide continuelle- DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉIDES. 499 ment des mamelons du derrière : elle se sert donc de l'une de ses pâtes postérieures avec une adresse merveilleuse en le sai- sissant avec les ongles du pied, et l'attachant parallèlement au fil du tour précédent. Pour construire les rayons du filet , elle commence d'abord à tendre un fil en ligne diagonale au travers de l'étendue de la toile ébauchée , et se plaçant ensuite au centre de cette ligne , elle y attache un nouveau fil , qu'elle dévide en montant vers l'un des fils de traverse , auquel elle le fixe à une certaine distance du fil diagonal, et c'est le pre- mier rayon près duquel elle ne tarde pas à en ajouter un autre , et puis encore un autre , en passant toujours alternativement du centre à la circonférence sur le rayon achevé en dernier lieu. Après avoir tendu plusieurs rayons dans tout le contour du cercle , et ne les trouvant pas d'abord assez près les uns des autres , elle y en ajoute encore d'autres entre les précé- dens avant que de commencer à travailler au fil spiral , qui doit traverser tous les rayons , et que l'araignée parcourt suc- cessivement ^ et comme les rayons sont trop éloignés l'un de l'autre à la circonférence de la toile pour qu'elle puisse attein- dre avec ses pâtes d'un rayon à un autre , elle descend sur celui où elle se trouve jusque dans l'endroit où elle peut passer sur le rayon suivant , qu'elle remonte dans l'instant pour y attacher son fil parallèlement avec le tour précédent. Tous les fils de la toile se trouvent très bien tendus et bandés, à l'exception de celui qui traverse les rayons en spirale , et qui est un peu plus lâche , pour que les mouches y soient arrêtées et engagées plus facilement. » L'espèce dont de Géer a décrit les procédés industrieux est du nombre des épéires qui ne se tiennent pas au centre de leur toile , mais qui , comme les espèces de la deuxième et de la troisième race de la sixième famille de M. Walckenaer , se construisent à l'une des extrémités de cette toile, sous quelque feuille ou quelque autre corps , une loge de soie , qu'elles placent ordinairement sous la toile, vers le haut de l'un de ses côtés , et dans laquelle elles se tiennent tranquilles et à l'abri des oiseaux qui cherchent à en faire leur pâture ; mais elles 5oO ARACHNTPES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. ont toujours soin de tendre un fil redoublé plusieurs fois, allant de la loge au centre de la toile , et qui leur sert de pont ou de corde pour se rendre dans cette toile, lorsqu'elles sentent que quelque mouche y est prise. Les aranéides qui , telles que celles de la division des vagabondes , ne construisent point de piège , se font néanmoins une habitation , où elles se reti- rent après leurs courses, dans les mauvais temps , et près de laquelle elles déposent leurs œufs , ou veillent à la conserva- tion de leurs petits. C'est aussi avec de la soie que toutes les aranéides fabriquent les coques renfermant les germes de leur postérité. Leur contexture et leurs formes varient selon les habitudes des races; mais elles sont généralement sphériques ou orbiculaires -, quelques unes sont portées sur un pédicule. Un tissu plus fin , une sorte de bourre , souvent d'une autre couleur que l'enveloppe extérieure, recouvre fréquemment et immédiatement les œufs, qui y sont libres ou agglutinés les uns aux autres , et en quantité variable. Des matières étrangères , comme de la terre, du sable , des feuilles, dérobent à la vue ces cocons. La femelle les garde assidûment, non seulement par affection , mais parce qu'elle est obligée , à ce qu'il paraît, de les ouvrir pour que les petits puissent en sortir. On a fait divers essais pour utiliser cette soie^ on est même parvenu à en faire des gants : mais, outre que l'éducation de ces animaux éprouverait des difficuhés insurmontables, qu'on ne pourrait jamais employer en grand cette matière, ces tentatives de- viennent inutiles par la possession du ver à soie. Il est constant, d'après diverses expériences , que les espèces vivant plusieurs années ont la faculté de régénérer les mem- bres qu'elles ont perdus. L'activité de leur venin sur de petits insectes n'est pas moins démontrée. De grosses mouches qui ont été piquées par ces animaux périssent presque instantané- ment^ et il n'est pas douteux que la morsure de certaines grosses mygales ne puisse produire, chez l'homme même, du moins dans quelques circonstances, quelques symptômes alar- mans , tels que des accès de fièvre, etc.; mais cette piqûre peut-elle occasionner la mort? C'est ce qu'on ne peut, faute DEUXIÈME TAMILLE. ARANl-IDES. 5o f d'expériences sagement faites, affirmer. De Géer a observé que ces animaux pouvaient percer le papier. Les petits qui viennent de naître sont toujours faibles, comme engourdis, et restent souvent dans cet état pendant une durée de temps assez grande, d'une semaine à quatre-, ce n'est même guère qu'après une première mue qu'ils jouissent de l'activité qui leur est propre, et qu'ils abandonnent leur berceau. Le cocon de la mygale aviculaire m'a offert un grand nombre de ces dépouilles. Si la saison est favorable , les œufs , ou ceux du moins de diverses espèces, éclosent vers la fin de l'été ou en aulomne^ mais c'est généralement au printemps ou au com- mencement de l'été que les petits viennent au jour. La coque de l'œuf est membraneuse, molle, flexible, et se décbire à leur naissance. L'accroissement progressif du fœtus exigeait une telle consistance. La distribution mélbodique des araignées donnée par Lisîei', qui avait décrit et observé avec tant de soin celles d'Angle- terre, a servi de fondement aux travaux publiés sur le même sujet par Clerck, de Géer, Geoffroy, Olivier, etc. De Géer partage ces animaux en sept familles : les tendeuses [retiariœ)y \es Jîlandières Çtejctojiœ) , les tapissières (^vestiarice) , les ^. loups (lupi^, les phalaiîges ou sauteuses (^phalarigia^, les ^. crabes (^cancroides) ^ et les ^. aquatiques Çaquaticœ^. Olivier y a ajouté celle des mineuses (voyez mygale)-^ mais, jusqu'à M. Walckenaer, le genre des araignées avait conservé son étendue primitive. Il commença par en détacher celui de mygale. Je publiai, peu de temps après, l'ébauche d'un tra- vail plus général; et profitant, plus tard , d'un autre du même savant, inséré dans sa Faune parisienne ,'^e, perfeciionnai ma distribution , et j'y établis la plupart des genres admis aujour- d'hui {Nouv. Dict. d'Hist. nat.). Quoique chargé d'une par- tie de l'administration du plus grand et du plus important département de la France , nonobstant des entreprises litté- raires d'une nature très différente, M. Walckenaer n'a cessé de poursuivre son sujet favori, et les naturalistes attendent avec impatience la publication du grand ouvrage où il réunira 503t ARACHNIDES. PREMIKR ORDRE. PUIMONAIRES. toutes les connaissances que lui ont procurées sur ce sujet ses nombreuses et laborieuses investigations. Son tableau des ara- néides, publié en i8o5, peut momentanément suffire quant à ces coupes génériques , leurs divisions et la synonymie des espèces. S'éclairant du flambeau de l'anatomie , M. Léon Du- four a poàé les premières bases d'une distribution naturelle^ on lui est redevable de la distinction des aranéides en deux sections principales, celles qui ont quatre poumons et celles qui n'en ont que deux. Observant, en outre, les caractères extérieurs et les habitudes de ces animaux, il a augmenté le catalogue des espèces par la description de celles qu'il avait recueillies en Espagne, et qui étaient inédites, PREMIÈRE TRIBU. TÉTRAPNEUMONES {TETRAPNEUMONES). C'est à ce savant que nous sommes redevables de l'éta- blissement de cette division naturelle. On avait bien, il est vrai, remarqué que les mygales différaient des autres ara- néides , en ce qu'elles avaient quatre spiracules ou ouvertures stigmatiformes donnant dans pareille quantité de sacs pneu- mo-branchiaux , mais on n'avait point déterminé quelles sont les autres aranéides offrant les mêmes caractères, et c'est ce qu'il a fait. La tribu des létrapneumoues comprend les aranéides théraphoses de M. Walckenaer et sa division des araignées claustralicoles (genre dysdère). Sans m'ètre livré à des re- cherches anatomiques, je n'en avais pas moins saisi ces rap- ports naturels-, car la série générique que j'avais proposée dans mon ouvrage intitulé Considérations générales sur la classe des Crustacés, n'a éprouvé d'autre changement que le transport du genre ségestrie après celui de filistate , tandis que dans la disposition méthodique du naturaliste précédent , ces deux genres sont placés à une assez grande distance des thé- raphoses. Le dernier et celui de dysdère se rapprochant de plusieurs arachnides de la seconde tribu par l'organisation DEUXIÈME FAMILLE. ARAJN'ÉIDLS. 5o3 buccale, les yeux et le nombre des filières, la distinction des deux tribus repose uniquement sur le nombre des branchies et de leurs ouvertures. Si l'on voulait conserver la division des théraphoses dans son intégrité primitive , il faudrait ne point faire usage de ces considérations, et mettre simple- ment en tête de la division suivante ces deux genres. Un autre trait dislinctif des aranéides de cette tribu, qu'on n'avait pas observé, et qui ne se retrouve que dans les ségestries, genre de l'autre tribu , nous est fourni par les palpes des mâles. Les organes censés copulateurs sont de la plus grande simplicité , ne consistant qu'en un corps écailleux plus ou moins ovoïde ou globuleux, toujours extérieur, rétréci et terminé en pointe, se rejetant en arrière, de manière à s'appuyer sur l'article précédent. Sous ce rapport , les ségestries ressemblent beau- coup aux grandes mygales , et lient ainsi les théraphoses avec les clubiones , les drasses, etc. Les aranéides tétrapneumones ont, comme beaucoup d'au- tres de la tribu suivante, trois crochets au bout des tarses, dont les deux supérieurs et constans sont cependant peu ou point dentelés. La quatrième paire de pieds, et ensuite la première, sont les plus longues. Les théraphoses formaient , dans la première édition du Règne animal de M. Cuvier, la première section des arach- nides fileuses , celle des territbles. Elles composeront aussi la première division de la tribu des tétrapneumones, et que nous signalerons de la même manière. Crochets des organes appelés mandibules, ou des chélicères , fléchis en dessous ou sur leur coté inférieur-, quatre filières, deux grandes et deux petites. Ce dernier caractère, que personne n'avait employé avant moi , suffirait seul. Je remarquerai , à cet égard , que les deux petites filières sont presque placées entre les deux autres , mais cepen- dant un peu plus en avant ou plus rapprochées de la base du ventre, et que les deux extérieures ou les plus grandes, et composées de trois articles , sont celles que Lyonet nomme palpes y et que, ainsi que M. Tréviranus, il ne considère point comme des filières proprement dites. Il paraît cependant 5o4 ARACHNIDES. PREMIER OUDRE. PULMONAIRES. qu'elles en font le service dans la mygale maçonne : car les deux autres étant extrêmement petites et presque rudimen- taires, ne peuvent être d'aucun usage. La face supérieure des chélicères est arquée, et l'interne plane. Une première subdivision se composera des espèces où les palpes naissent de l'extrémité supérieure des mâchoires , de sorte qu'ils sont de six articles, ces mâchoires en augmentant ainsi le nombre apparent , ou formant l'article radical 5 la lèvre (i) est toujours très petite, carrée^ le dernier article des palpes des mâles est court et en forme de bouton ; les yeux, au nombre de huit , sont groupés sur une éminence frontale , trois de chaque côté , formant un triangle renversé , et dont les deux supérieurs rapprochés et les deux autres disposés transversalement dans l'intervalle ; l'extrémité du second ar- ticle des deux jambes antérieures est , une seule espèce con- nue exceptée, armée en dessous d'une forte épine courbée en avant et très acérée ; le dessous du dernier article des palpes des femelles, et le plus souvent aussi celui des tarses, est garni de poils courts et serrés formant une brosse bifide^ divisée en deux petits paquets au bout. Cette subdivision comprend le genre mygale (mjgale) de M. Walckenaer, mais dont nous avons détaché les espèces formant la division des araignées mineuses d'Olivier, ou les araignées maçonnes , et qui composent notre genre cténize {cteniza)^ le même que celui de némésie [nemesia) de M. Sa- vigny, dont la publication est postérieure à la nôtre. Il forme la troisième famille, celle des digitigrades mineuses, du genre mygale de M. Walckenaer. Sa seconde famille, les digi- tigrades inermes, pourra , lorsqu'on en aura observé un plus grand nombre d'espèces, constituer un troisième genre; car ces aranéides s'éloignent des autres mygales en ce que tous les (ï) Suivant M. Savigny, cette pièce, qu'il nomme languette sternale , est pourvue en dessous d'une concavité correspondant exactement au palais du labre, et circon- scrite antérieurement par un rebord. Le milieu de ce sous-palais offre une arête, divisée postérieurement par un canal triangulaire , qui communique avec le pharynx. deuxifml; famille, arakjidls. 5o5 tarses, ou quatre au moins, sont i?;aniis d'épines mobiles, que leur brosse inférieure est moins apparente ou presque nulle, et laisse à découvert les crochets ou griffes du bout. D'autres épi- nes, mais plus fortes, semblables à celles d'un râteau et en for- mant un à l'extrémité supérieure de la première pièce des cbé- licères, indiquant des habitudes particulières et qu'on n'avait pas observées avant moi , sont exclusivement propres à ce genre ; dès-lors celui des mygales sera signalé par l'absence de ce râteau. Nous le diviserons en deux petites sections, suivant que les tarses sont ou dépourvus d'épines et garnis en dessous d'une brosse de duvet renfermant à son extrémité les deux crochets supérieurs, ou qu'ils sont munis dans toute leur longueur d'épines mobiles , simplement velus, sans brosse serrée , avec les deux crochets supérieurs à nu. Quelques espèces de la première section , telle que la M. aviculaire [aranea avncu- lana y Lmisi .) , diffèrent des autres par leurs pâtes, propor- tionnellement plus courtes et plus velues. La brosse des tarses est plus fournie , plus large , et forme de chaque côté une frange ; leur dernier article , guère plus long que large , a presque la figure d'une palette carrée, arrondie au bout. Dans les autres mygales de cette section , ces tarses sont plus grêles, plus allongés et filiformes. La M. aviculaire est longue d'en- viron un pouce et demi, d'un noir plus ou moins foncé, avec l'extrémité des palpes , des pieds et les poils intérieurs de la bouche rougeâtres. L'organe sexuel des palpes du mâle est presque globuleux , et se termine en une pointe arquée et très aiguë. L'habitation de cette mygale est formée d'une toile blanche, serrée, demi- transparente , semblable à de la mousseline, dont la longueur est, du moins quelquefois, étant développée, de deux décimètres sur six de large. Elle la con- tourne en forme de tube , rétréci à son extrémité posté- rieure, la fixe entre des feuilles ou dans des cavités, et s'y tient à l'affût de sa proie. On prétend qu'elle saisit jusqu'à des colibris ou des oiseaux-mouches. Son cocon , composé d'une soie analogue et formé de trois couches, a la figure et la grandeur 5o6 AHACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. d'une grosse noix. On trouve à Cayenne une mygale beaucoup plus grande [M. de Leblond) , et dont l'organe génital mâle est creusé à sa pointe en manière de cure-oreille. Le Brésil , les Antilles, le Cap de Bonne-Espérance et les Grandes-Indes en fournissent d'autres, et qui, parmi celles que j'ai vues, m'ont paru appartenir à la division des mygales dont les tarses, garnis de brosse en dessous, sont étroits, allongés, avec le premier article au moins fort long. Suivant M. Walckenaer, les griffes n'offrent point de dentelures en dessous , tandis que celles de la M. calpéienne sont sensiblement pectinées. Ici , d'ailleurs, les tarses sont épineux , caractère dont ne parle point ce savant, mais que j'ai observé dans un individu fe- melle que m'a donné mon ami M. Léon Dufour. Les colons français des Antilles désignent les mygales sous le nom à' arai- gnées ~ crabes -^ leurs piqûres passent pour être très dange- reuses. Nous n'avons point en France d'espèce de ce genre ou de ces divisions , en supposant qu'on en sépare celui de CTÉNïZE (cteniza)^ qui se distingue du précédent, comme nous l'avons dit plus haut, par une suite de dents cornées, mobiles, aiguës , avancées , formant une sorte de râteau , et situées à l'extrémité supérieure du premier article de leurs chélicères; mais nous possédons deux espèces de cette dernière coupe. La plus anciennement connue est Varaigjiée maçonne de l'abbé Sauvages, etquiaétédepuisl'objetdesrechercbes particulières de quelques autres naturalistes , et parmi lesquels nous cite- rons plus spécialement M. Léon Dufour. On avait dit que les crochets des tarses n'avaient point de dentelures sensibles , et il a reconnu qu'il y en avait deux rangées, et en plus grand nombre dans le mâle que dans la femelle , et que dans ce der- nier individu il existait en outre une sorte d'ergot à la base de ces crochets. Le mâle diffère aussi par ses pâtes plus longues, et par ses filières plus courtes; j'en avais fait une espèce sous le nom de cardeuse. M. Savigny dit, au sujet de la némésie cellicole, que les ongles supérieurs des tarses du mâle sont pectines sur deux rangs , et que ceux de la femelle sont bidentés à leur base. Il est certain que dans la cténize DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉlDES. Bo'J maçonne i'emelle ces dentelures sont peu nombreuses et si- tuées vers la base, tandis que l'autre sexe en offre sensiblement une plus grande quantité et disposées tout le long du dessous de ces crochets. Ce savant remarque que les quatre filières de la même némésie sont peu saillantes, et que les deux anté- rieures sont infiniment plus petites que les postérieures. C'est aussi ce que l'on observe dans la C. maçonne, et qui contribue à la distinguer de la seconde espèce indigène. La femelle , longue d'environ huit lignes, est d'un roussâtre tirant sur le brun, avec l'abdomen d'un gris de souris, et marqué de pe- tites taches plus foncées. Les chélicères sont noirâtres, et leur râteau se compose de cinq dents , dont l'interne plus courte. L'organe copulateur des mâles est presque globuleux , porté , à ce qu'il m'a paru , sur un pédicule très court (i) et terminé en une pointe, dont l'extrémité est bifide. L'autre espèce de cténize, la pionnière (M.fodiens, Walck.), a été décrite par Rossi, sous les noms à' araignée de Sauwages. Elle est beau- coup plus grande que la précédente , d'un brun roussâtre clair, avec les chélicères plus fortes , un plus grand nombre d'épines à leur râteau , et deux rangées de dents sous le des- sous du premier article. Les quatre tarses antérieurs de la femelle, les seuls individus que j'aie vus, sont épineux. Les filières postérieures ou les plus longues sont très saillantes. Cette espèce habite la Corse et la Toscane. Les cténizes se creusent, dans les lieux secs et montueux, exposés au midi , des galeries souterraines , en forme de boyaux, ayant souvent deux pieds de profondeur, et tellement courbes, qu'on a souvent de la peine à les suivre jusqu'au bout. Un tube soyeux en revêt l'intérieur-, son entrée est fer- mée au moyen d'un opercule circulaire, composé de terre et de soie , mobile , fixé supérieurement par une charnière , par- (\) Il est triarticulé dans la némésie cellicnle de M. Savi^ny. II m'a paru qti£-4att9 -^ quelques espèces , l'un de ses côtés offrait un espace circulaire euvlronu«/0 ^-^*r ^I C'est uniquement en courant après leur proie ou eu sautant sur elle, ou bien encore en se tenant à lafFût et se bornant à jeter çà et là quelques fils, ne pouvant arrêter que de très petits insectes, que les aranéides suivantes pourvoient à leur subsistance. Ce n'est pas que plusieurs ne fassent aussi des toiles -, mais elles forment leur habitation , et souvent aussi celle des germes de leur postérité. Des espèces auxquelles on avait donné le nom à' araignées- crabes, parce que , outre quelques rapports de formes avec des crustacés, elles peuvent, comme beaucoup d'entre eux, mar- cher de côté et à reculons , composent notre section des ara- néides latéiigrades. Les yeux, toujours au nombre de huit, souvent très inégaux , forment, réunis, un segment de cercle ou un croissant^ les deux latéraux postérieurs sont plus rejetés en arrière , ou plus rapprochés des bords latéraux du céphalo- thorax que les autres. Les chélicères sont ordinairement pe- tites. Les quatre pieds antérieurs surpassent les autres en lon- gueur -, ici ils sont presque égaux -, là les seconds sont les plus grands. Les tarses n'ont que deux crochets à leur extrémité , mais ils sont accompagnés de deux brosses de poils. Les pâtes , dans le repos, sont étendues sur le plan de position. Quel- ques unes de ces aranéides vivent à terre ^ les autres se tien- nent sur les troncs d'arbres , sur les feuilles, les fleurs , etc. ; il y en a qui se forment une retraite dans des feuilles dont elles rapprochent les bords, et qu'elles maintiennent dans cet état, avec des fils de soie. Le cocon est orbiculaire et déprimé. La femelle se tient auprès et veille , avec grand soin , à sa conservation. Abstraction faite des micrommates, ces ara- néides sont généralement petites, et les mâles diffèrent sou- vent beaucoup des femelles. Cette section se compose de quatre genres , mais dont les caractères se nuancent tellement, qu'il est presque impos- sible de déterminer rigoureusement les limites de ces coupes. Les latérigrades dont les quatre derniers pieds ne contras- tent pas brusquement avec les précédens par des proportions beaucoup moindres, où les brosses du bout des tarses sont très 532 ARA.CHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. fournies de poils , et dont le céphalothorax est entièrement déprimé ou légèrement et insensiblement plus élevé dans son milieu, formeront une première section ^ les chèlicères sont plus robustes , et leur premier article est souvent dentelé en dessous. Ces aranéides, dont plusieurs sont d'assez grande taille, courent avec une grande rapidité. Il paraît que quel- ques unes des exotiques se tiennent dans les maisons, font la guerre aux kakerlacs et à d'autres insectes , et ont ainsi fixé , par leur utilité, l'attention générale : car l'une d'elles, voisine de Yaianea venatoria de Linné , est représentée sur un grand nombre de dessins et de tapisseries apportés de la Chine. Cette première division des latérigrades comprendra trois genres. Dans les deux premiers, les mâchoires sont droites ou peu inclinées-, la lèvre est courte et presque semi-circu- laire. Mes MicROMMATEs ( micronimata ) , ou les sparasses de M. Walckenaer, ont les yeux sessiles, disposés, quatre par quatre, sur deux lignes transverses, parallèles, très rappro- chées , dont la postérieure plus longue , et dont l'antérieure placée très près du bord antérieur du céphalothorax , avec les deux yeux latéraux plus grands que les intermédiaires. Les seconds pieds et les premiers ensuite sont les plus longs. La M. SMARAGDIJNE [avaneu smaragdula , Fab. ) , qui est d'un vert tendre , bordé d'un jaune clair, avec l'abdomen d'un jaune verdâtre , coupé sur le milieu du dos par une ligne verte , lie quelques feuilles , en forme un paquet triangulaire , revêt son intérieur d'une couche de soie épaisse et place dans son milieu son cocon. Il est rond, blanc , demi-transparent, et les œufs y sont libres. La M. ARGELAS [ylrgelasu, Latr. ) se fabrique, sur les fragmens des rochers, selon M. Dufour, une tente ovale, de près de deux pouces de diamètre , qu'elle applique sur ces corps, et qui lui sert d'habitation. Elle se compose d'une enve- loppe extérieure, semblable à du taffetas, susceptible de ré- sistance , jaunâtre , et d'un fourreau intérieur, plus souple , plus moelleux et ouvert aux deux bouts. Son cocon, de figure DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉIDES. 53'^ globuleuse, est placé au-dessous, de manière que l'animal semble le couver. Les bords de la tente offrent des ouvertures servant de portes. \Jaranea venatoria de Linné , la première famille des tho- mises de M. Walckenaer , et quelques autres espèces exoti- ques analogues , me paraissent faire partie de ce genre. J^oj. aussi la Descript. de U Egypte, Arachn. , pi. VI, fig. 2. Celui de selenops (selenops) a les plus grands rapports avec le précédent • mais la ligne oculaire antérieure est com- posée de six yeux ; les deux autres , et les plus gros de tous , sont situés , un de chaque côté , derrière les deux terminant la première ligne; les seconds et troisièmes pieds sont plus longs que les premiers. J'en connais plusieurs espèces -, l'une se trouvant en Espagne (omalosome) a été décrite et figurée avec détail par M. Léon Dufour. Quelquefois deux des yeux de la ligne antérieure sont un peu plus avancés , et c'est peut- être une espèce offrant le même caractère, que M. Savigny a figurée , arachn., pi. VI , fîg. 1. Les PHiLODROMEs (^phUodromus , Walck.) ont leurs mâ- choires inclinées sur la lèvre , qui est plus haute que large. Les yeux , presque égaux , forment un demi - cercle ou un croissant. On trouve très communément sur les arbres le philodrome TIGRÉ (^A. margaritarius y Clerck) ; il s'y tient les pâtes éten- dues, et dès qu'on le touche il s'enfuit avec une extrême ra- pidité , ou se laisse tomber à terre en dévidant un fil. La femelle place son cocon dans les fentes des arbres ou des poteaux exposés au nord. M. Walckenaer a décrit dans la Faune française plusieurs espèces de ce genre , qu'il partage en divers petits groupes , d'après les formes et les proportions du céphalothorax , de l'abdomen , les différences respectives des longueurs des pâtes, etc. Nous rapporterons à ce genre la fig. 3 de la pi. VI à^s Arachnides d'Egypte de M. Savigny, espèce qui nous semble très voisine du P. rhomhijere . Notre seconde division des latérigrades comprendra le genre thomise (thoniisus). Les (piatre pâtes postérieures sont 534 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. notablement ou brusquement plus petites. Les brosses du bout de leurs tarses sont beaucoup moins fournies de poils. Le céphalothorax, proportionnellement plus court et plus large que dans les latérigrades précédentes , et sensiblement plus élevé dans son milieu, tombe brusquement par-devant , et va en talus sur les côtés et à son extrémité postérieure surtout , où il semble être coupé de biais. Les chélicères sont petites , cunéiformes et peu ou point dentées. Les mâchoires sont in- clinées, et la lèvre est plus haute que large. Les yeux sont ordinairement disposés en demi-cercle ou en croissant, et les latéraux sont souvent placés sur des éminences. M. Walckenaer en a décrit vingt-deux espèces de France. Celle qu'il nomme , d'après moi , hérissé, se rapproche beau- coup d'une figurée par M. Savigny, dans l'ouvrage sur l'Egypte (^Arachn. , pi. YI, fîg. lo). M. Guérin a représenté une es- pèce très singulière par son abdomen multifide (^Iconogr. du Règne animal, Avachi., pi. I, fig. 4? ^' hetei^ogaster). L'une , de nos environs , des plus faciles à reconnaître , est le T. CITRON {aranea citrea, De G.). Elle est d'un jaunâtre citron , avec l'abdomen plus large postérieurement , et ayant souvent sur le dos deux raies ou deux taches rouges , ou cou- leur de souci. On la trouve sur les fleurs ou sur les plantes. Mais le T. a ceete {^cristatus^ ^ autre espèce très commune, se tient presque toujours à terre. M. Walckenaer a donné une description très complète des deux sexes. J'ai désigné les autres et dernières aranéides , ne faisant point de toile pour surprendre leur proie , et dont les yeux , au nombre de huit , s'étendant plus dans le sens de la lon- gueur du céphalothorax que dans celui de sa largeur, forment réunis , tantôt un triangle curviligne ou un ovale tronqué , tantôt un grand quadrilatère , sous la dénomination de vaga- bondes, par opposition aux précédentes, qui sont sédentaires. Elles se partagent en deux sections, les citigrades , et les mêmes que les araignées-loups de divers anciens auteurs , et les saltigrades ;, ou celles qu'ils ont appelées phalanges et sauteuses. DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉlDES. 535 Pieds uniquement propres à la course 5 mâchoires tou- jours droites et arrondies^ céphalothorax généralement ovoïde et élevé dans le milieu de sa longueur^ yeux formant dans les uns un triangle curviligne ou un hexagone irrégulier, dans les autres , un quadrilatère , mais dont le coté antérieur est plus étroit que le céphalothorax mesuré dans sa plus grande largeur^ tels sont les caractères généraux des citigrades. Nous ajouterons que si l'on en excepte les ctènes, les tarses sont terminés dans toutes par trois crochets. Les femelles se tiennent sur leur cocon, et beaucoup même l'emportent avec elles dans leurs courses, appliqué contre la poitrine , à la hase du ventre ou à l'anus ^ forcées quelquefois , pour échapper à des dangers imminens, de l'ahandonner , elles reviennent ensuite le chercher. Elles veillent aussi à la conservation des petits qui viennent de naître , et quelques unes les portent sur leur dos. Nous commencerons par deux genres qui se rapprochent plus que les autres des latérigrades. Le premier, celui d'oxYOPE (^oxyopes, Latr. 5 sphasus , Walcr.) , est même très voisin des thomises par son céphalo- thorax très élevé, tombant brusquement en devant, et pré- sentant une face élevée , sous le sommet de laquelle , et en dessus ensuite , sont placés les yeux , et de la manière sui- vante : quatre rapprochés au-dessous du milieu du front , dis- posés deux par deux sur autant de lignes , et composant un petit quadrilatère plus étroit en devant , ceux de la ligne an- térieure étant plus rapprochés et plus petits; les quatre autres formant par-derrière, au haut du front, une ligne plus longue que les précédentes , transverse , arquée en arrière , avec les espaces interoculaires égaux. Les chélicères sont perpendicu- laires ; la languette est en ovale allongé , rétrécie inférieure- ment , avec une ligne imprimée transverse au-desssus de sa base : les deux premiers pieds sont les plus longs , et ensuite les deux suivans et les deux derniers j ceux-ci sont presque égaux \ les tarses sont triongulés. On en a observé deux espèces en France (^vojez la Faune 536 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. française). M. Savigny en a figuré une, qu'il a trouvée en Egypte {Araclin.^ pi. IV, fig. i ). On en connaît d'autres, les unes de l'Inde et les autres d'Amérique. Le genre ctène Retenus) se compose de grandes aranéides propres à l'Amérique méridionale , qui , par leurs tarses bion- gulés et garnis de brosse sous les deux crochets, tiennent des latérigrades, et par les autres caractères, des dolomèdes et des iycoses. La quatrième paire de pieds, et la première ensuite, sont les plus longues. Les yeux sont disposés sur trois lignes transverses, savoir : 2 , 4? 2 -, les deux inférieurs ou les deux premiers forment , avec les deux intermédiaires de la se- conde ligne 5 un carré , et chaque œil latéral de celle-ci est placé , avec l'un des deux de la dernière , sur une élévation commune ; celui-ci est un peu plus en dehors -, la languette est carrée et presque isométrique. Les autres genres de la section des latérigrades ont un caractère commun qui les distingue des précédens. Leurs quatre yeux antérieurs , ou les plus rapprochés des chéli- cères , sont disposés sur une ligne transverse , la première j les quatre autres forment , deux par deux , autant de lignes transverses : le tout compose un grand quadrilatère \ la quatrième paire de pieds est la plus longue de toutes ; la languette est carrée. Les DOLOMÈDES (dolomedeSy Latr.), auxquels nous réu- nissons les ocj aies de M. Savigny, ont les yeux disposés en un quadrilatère , dont le côté postérieur, ou l'espace linéaire compris entre les deux derniers yeux , est notablement plus large que l'antérieur , ces deux yeux étant beaucoup plus en dehors que les autres : ils sont situés sur une éminence ^ ce quadrilatère forme ainsi un trapèze plus large que long. Les premiers et seconds pieds sont presque égaux. Des espèces ayant les quatre yeux antérieurs égaux et l'ab- domen arrondi au bout, habitent les bords des eaux, courent, avec une grande vitesse , à leur surface , y entrent même sans se mouiller, et font entre les branches des végétaux une grosse toile irrégulière , où elles placent leur cocon. Elles DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉIDES. 537 forment la famille des dolomèdes riverains de M. Walc- kenaer. Celles où les yeux latéraux de la ligne antérieure sont plus gros que les intermédiaires, et dont l'abdomen finît en pointe, vivent dans les bois , font leur nid aux sommités des arbres ou dans les buissons , lui donnent la forme d'un entonnoir ou d'une cloche, y pondent, mais avec la précaution d'emporter avec elles , lorsqu'elles quittent cette demeure , leur cocon , qu'elles appliquent alors sur la poitrine. Clerck en a vu des individus sautant très promptement sur des mouches qui vo- laient autour d'elles. M. Walckenaer range ces espèces dans sa famille des sylvains. (i) M. Savigny dit que le crochet inférieur et simple du bout des tarses est inséré entre des soies plantaires ^ caractère qui , à en juger par son silence à cet égard , n'existerait point dans les ocyales. Les crochets supérieurs diffèrent aussi dans ces deux genres, mais les yeux et la bouche ne paraissent pas offrir de dissemblances remarquables. Les LYcosEs (lycosuy Latr.) ont leurs yeux disposés en un carré presque de la même largeur partout , les deux derniers n'étant point ou très peu en dehors des latéraux des autres lignes ^ ils ne sont point placés sur une élévation. La première paire de pieds est sensiblement plus longue que la suivante ^ la languette est plus longue que large. Ces aranéides font leur séjour dans des trous en terre, ou dans les fentes des murs , les crevasses des arbres ^ quelques unes s'établissent sous des pierres. Elles tapissent l'intérieur de leurs retraites avec de la soie entremêlée quelquefois exté- rieurement , ou vers l'ouverture , de quelques corps étran- gers , comme des particules de terre , ou des grains de sable. Une espèce (la L. habile) élève verticalement au-dessus de son trou formé dans la terre , un petit tuyau conique et soyeux qu'elle recouvre de ces mêmes matières. Le cocon est soyeux, sphérique ou circulaire , et lorsque -la femelle sort elle le (i) Foyez la Faune française. 538 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. porte toujours fixé à l'anus, tandis que dans les dolomèdes il est placé sous la poitrine et la portion adjacente du ventre ; elle le défend contre les agresseurs avec une grande opiniâ- treté , et nous avons été témoin , à l'égard d'une espèce , que, forcée de l'abandonner, elle revenait le chercher, lorsqu'elle se croyait en sûreté; elle l'emporte alors avec ses chélicères. Il paraît qu'elle déchire l'enveloppe , lorsque les œufs sont éclos; elle garde les petits dans son habitation, et les porte souvent sur son dos. M. Walckenaer a partagé ce genre en trois petites familles : les terricoles , les corsaires et les porte-queue. Les espèces de la seconde , courant comme plusieurs dolomèdes sur les bords et sur la surface de l'eau, leur cocon étant toujours sphé- rique , semblent lier ces dolomèdes avec les lycoses terricoles. C'est avec celles-ci que se range une espèce des plus grandes , et qui jouit d'une grande célébrité, \di tarentule. On croit qu'elle a été nommée ainsi de la ville de Tarente en Italie , où elle est très commune; mais comme dans la Provence un saurien réputé venimeux, le gecko des murailles, est appelé tarente, tarentola , et que les Italiens le nomment terren- tola , il nous paraît bien plus probable que l'aranéide dont il s'agit ici , et dont la morsure passe pour être très dangereuse , a reçu une dénomination analogue des Phocéens, colonie grecque. Dans les individus propres à l'Italie méridionale et à l'Es- pagne (^voyez VIcon. du Règne anim. , fasc. i, Arachn. , pi. I, fig. 6) , le ventre est d'un beau rouge, traversé dans son milieu par une bande noire. Dans la Z. narbonnaise diO. M. Walckenaer (voyez la Faune française) , toute semblable d'ailleurs à la précédente , le ventre est tout noir, avec un peu de rouge sur ses bords. Suivant l'opinion populaire, la piqûre de la tarentule produit des effets très graves (le taren- tisme) , et pouvant être suivis de la mort. On les combat par la danse aidée de la musique. Mais ici les terreurs de l'imagi- nalion doivent principalement occuper l'attention du méde- cin ; un accès passager de fièvre, voilà tout ce qui peut ré- DEUXIÈME JbAMlLLE. ARANÉIDES. SSq sulter de la piqûre de cet animal , dans une personne saine et exemple de ces préjugés. L'art médical fournit à cet égard des moyens de prévenir ces accidens. L'Amérique septentrionale , le Brésil et la Russie méridio- nale ont des lycoses qui ont de grands rapports avec la taren- tule. On trouve aussi, aux environs de Paris, une espèce ayant encore avec elle assez d'affinité : c'est la L. ouvrière. ( Voyez la Faune française. ) La L. allô dr orne y pareillement indigène, s'établit dans les fentes des murs , et , au temps de la ponte , ferme sa demeure , au moyen d'une toile fine recouverte extérieurement de par- celles de sable , de sorte que cette porte ressemble à la coque de certains bombyx. L'espèce la plus commune et que l'on rencontre abondamment à terre , sur les cbemins et dans les champs , surtout au printemps et en automme , est la L. A sac {saccata). Les sillons des terres à blé sont alors traversés par une infinité de petits fils de soie , produits par les jeunes indi- vidus , mais qu'on ne dislingue bien que lorsque ces sillons sont éclairés et sous un certain aspect , par le soleil. La L. albi- mane , type unique de la famille des porte-queue, a la ligne antérieure oculaire un peu courbée en avant, et coupée en deux , dans son milieu , de sorte que les yeux y sont distribués par paires. Elle se cacbe sous des pierres. {Vojez , outre la Faune frajiçaise, les figures des espèces observées en Egypte par M. Savigny, Araclin. , pi. IV, et qui sont au nombre de sept.) Cette iycose nous paraît conduire aux saltigrades, ou les araignées sauteuses, nommées aussi phalanges, dernière sec- tion de la famille des aranéides. C'est moins cependant par la faculté qu'elles ont de s'élancer sur leur proie , en sautant , que par des caractères de conformation , que nous les dis- tinguerons des aranéides précédentes. Leur céphalothorax est très sensiblement plus élevé que celui des ciligrades, plus large en devant, de manière qu'il semble être coupé carrément, avec le dos déprimé ou un peu bombé, et incliné brusquement ou en talus vers son extrémité poslérieure ^ dans quelques 54o AIlACH]>ffDlïS. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. unes même , cette partie postérieure se rétrécit brusquement etform_e une sorte de pétiole -, le front est avancé-, la disposi- tion des yeux varie de quatre manières : i°. Elle est presque la même que celle des lycoses , et c'est ce qui a lieu dans les mjrmédes , genre que j'avais d'abord placé dans la section précédente , mais qui, par la forme de son céphalothorax me paraît aujourd'hui avoir plus de rapports avec les saltigrades. ^°. Ces yeux forment , quatre par quatre , deux lignes trans- verses , l'antérieure droite , beaucoup plus courte , à yeux très rapprochés, et dont les deux intermédiaires plus gros; et la postérieure presque une fois plus longue , un peu arquée en avant , et formée d'yeux égaux , très petits , écartés , et dont les deux extrêmes situés près des bords du céphalo- thorax. C'est ce qui est exclusivement propre au genre j)al- pimane. 3". Maintenant, quatre de ces yeux, tous petits, égaux et très écartés, composent un grand carré \ et au milieu de son côté antérieur, les quatre autres , très rapprochés , forment un petit trapèze , dont le côté postérieur un peu plus long ; les deux premiers yeux sont de niveau avec ceux des angles antérieurs du grand quadrilatère, où le trapèze est inscrit. Le G. érese nous fournit un exemple de cette dis- position. 4°- Enfin ces organes dessinent un quadrilatère al- longé , ouvert par-derrière , un peu arqué en avant au côté opposé, ou en devant; ce côté antérieur se compose de quatre yeux, dont les deux intermédiaires plus avancés et toujours notablement plus gros que les autres et très brillans. Les côtés latéraux sont formés chacun de deux yeux , dont l'antérieur toujours petit; ils sont situés près des bords du céphalothorax; on a aussi comparé cette disposition à une figure parabolique. Nous ne connaissons aussi qu'un seul genre, celui de saltique [atte, Walck.), auquel elle soit particulière. Nous ne re- viendrons point, dans l'exposition de ces diverses coupes gé- nériques , sur ces caractères. Les saltigrades ont généralement la lèvre plus allongée que les citigrades, ou plus haute que large , et rétrécie en pointe , de sorte qu'elle forme un triangle allongé. Les pâtes sont généralement plus courtes, mais plus DEUXIÈME FAMILLE. ARANÉlDES. 54 1 épaisses ou plus robustes que celles des citigrades, et les cuisses antérieures sont plus grosses que les autres , dans plu- sieurs. La longueur de ces organes varie , mais généralement les deux derniers surpassent à cet égard les autres ; ce sont ensuite les deux antérieurs, mais il en est où les quatre pos- térieurs sont les plus longs et égaux , et d'autres oii les deux premiers ressemblent sous ce rapport à ceux-ci. ( Voyez la pi. YII des Arachnides de M. Savigny. ) Ces aranéides se tiennent le plus souvent sur les feuilles , les troncs d'arbres ou sur les murs , afin d'y guetter les petits insectes dont elles se nourrissent. Elles se construisent entre des feuilles, sous des pierres, dans des coquilles, ou dans des corps otFranl des cavités , des nids de soie , en forme de sacs ouverts aux deux bouts , où elles se retirent pour se reposer, se garantir des intempéries de la saison , y subir leurs mues et faire leurs pontes. Les petits de quelques unes vivent avec leur mère sous une tente formée aussi avec de la soie. Plusieurs , comme une espèce de saltique très commune {^aranea scenica , LiJNN.), Y araignée sauteuse, à trois chevrons blancs, de Geoffroy, dévident, en sautant, un fil qui leur sert, en cas de cbute, à se suspendre et à remonter. Quelques autres du même genre , les attes voltigeuses de M. Walckenaer, sem- blables , au premier coup d'œil , à des fourmis , remarquables en outre par leur cépbalotborax divisé en deux par une im- pression transverse , et dont la section postérieure forme une sorte de pédicule obconique , redressent leurs pieds antérieurs et les font vibrer très rapidement. Les mâles ont des cbéli- cères fort grandes, avancées, et ne paraissent pas s'intimider lorsqu'on leur présente le doigt. Les individus de ce sexe se livrent quelquefois , dans leurs amours , des combats très ex- traordinaires. Le genre myrmécie {rnyrmecia) ^ que j'ai établi dans les Annales des Sciences naturelles (tom. III , pag. 27 ) , sur une espèce du Brésil , a le cépbalotborax comme divisé en trois parties, dont les deux postérieures forment une sorte de pé- 542 ARACHNIDES. PREMIER ORDRE. PULMONAIRES. dicule à deux nœuds, et dont l'antérieure beaucoup plus grande, presque carrée , porte les yeux. Celui de palpimane {palpimanus) a été publié par M. Du- four, dans les Annales des Sciences physiques de Bruxelles (tom. V, pi. LXIX, fig. 5). Il a pour type une espèce qu'il a observée en Espagne , mais qui se trouve aussi en Sicile et même en Egypte. Outre le caractère unique tiré de la dispo- sition des yeux , les deux tarses antérieurs en offrent un très singulier 5 le dernier article est rétréci à sa base, inséré obli- quement sur le précédent , et n'offre aucun crochet au bout. Le céphalothorax est brusquement déprimé vers sa partie postérieure. Les deux cuisses antérieures sont fort grandes et grosses. M. Savigny avait aussi formé , avec cet animal , un genre propre , celui de chersis (voyez la pi. Vil , fig. 6 et 7 des Arachn. ) j mais rien n'indique qu'il ait observé la forme par- ticulière des tarses antérieurs. Le mâle , que M. Dufour ne paraît pas avoir connu, a l'avant-dernier article des palpes très gros et globuleux. Ces deux naturalistes et M. Walckenaer ont figuré diverses espèces du genre érèse [ère sus , Wâ.lck. ), bien distinct par la figure de leur groupe oculaire, dont nous avons déjà parlé. Ces aranéides sont généralement propres aux pays chauds. M. Savigny en a représenté deux espèces, pi. IV, fig. 1 1 et 125 la dernière se trouve aussi au Sénégal. Le dernier genre, celui de saltique [salticus, Latr. ^ attus y Walck.), est encore bien signalé par la disposition des yeux. M. Walckenaer en a décrit, dans la Faune fran- çaise ^ trente-trois espèces, qu'il disperse dans trois sections^ les sauteuses , les voltigeuses et les paresseuses. M. Savigny a représenté , pi. VII, fig. 8-22 , celles qu'il a recueillies en Egypte. Nous avons nous-même traité, avec assez d'étendue, ce genre dans la seconde édition du Nouveau Dictionnaire d Histoire naturelle. Celui de Tessarops , de M. Rafinesque , exige de nouveaux éclaircissemens. ARACHNIDES. — DEUXIÈME ORDRE. APOROBRÂNCIIES. 5/|3 DEUXIÈME ORDRE. APOROBR ANCHES {APOROBRANCHIJ). (i) Il compose , dans la seconde édition du Règne animal de M. Cuvier, la seconde famille des arachnides trachéennes, celle des pycnogonides [pycnogonides). Mais l'absence, pour la respiration , de toute ouverture extérieure , ainsi que d'au- tres caractères extérieurs ^ et surtout ces deux pâtes surnu- méraires , qui dans les femelles portent et uniquement les œufs , ne permettent pas de ranger ces animaux, qui sont tous d'ailleurs marins , dans l'ordre des pulmonaires, ni dans celui des trachéennes. Par le nombre des organes de la locomotion et des appendices accompagnant le siphon , ils se rapproche- raient, suivant M. Savigny, des laemodipodes \ mais cette com- paraison est uniquement fondée sur la supposition que les arachnides sont des crustacés sans tête. D'après quelques observations récentes (2), ces arachnides auraient des vaisseaux pour la circulation ; mais il est d'au- tant plus aisé de se méprendre à cet égard , que les mouve* mens qu'on a remarqués dans les pâtes peuvent être produits par les dilatations des expansions latérales du canal intestinal , et s'y présentant sous la forme de vaisseaux noirâtres , que M. Milne Edwards a observées dans ces organes. Ceux de la respiration s'afFaiblissant à mesure que l'on arrive aux der- nières limites d'une coupe , où ils doivent offrir un autre mode de composition , il serait possible que les aporobranches fussent dans ce cas , et qu'ils respirassent , ainsi que diverses annélides et divers crustacés , par quelques parties de leur peau. Ils ont d'ailleurs une grande affinité avec les faucheurs (i) Branchies sans ouverture sligmatiforme. (2) Foj. le Bulletin des Sciences naturelles de M. le baron de Férussac. Mai 1829. 544 ARA.CHIVIDES. PREMIER ORDRE. APOROBRA.NCHES. OU phalangiuni, genre dont ils faisaient anciennement partie. Le siphon paraît être formé par les mâchoires et la lèvre sou- dées ensemble. On les trouve parmi les plantes marines, sous les pierres , près des rivages , et quelquefois aussi sur des cétacés. Nous partagerons cet ordre en deux familles, dont les noms nous rappelleront ceux des deux genres principaux. PREMIÈRE FAMILLE. NYMPHONIDES {N Y M P H O NIDES). Le siphon est accompagné d'appendices, consistant en deux chélicères , et souvent aussi en deux palpes : le corps et les pâtes sont longs. Le genre nymphon (^nymphon , Fab.) nous présente ces deux sortes d'appendices. M. le docteur Leach en a séparé , sous le nom générique d'AMMOTHÉE (^ammothea) , une espèce de la Caroline remarquable par ses chélicères beaucoup plus courtes que le siphon , et par ses palpes de neuf articles , au lieu de cinq qu'ont les nymphons ordinaires, (i) Les PHoxicHiLEs (phoxichilus y Latr. ) diffèrent des précé- dens par l'absence des palpes. DEUXIÈME FAMILLE. PYCNOGONIDES (PY CNOGONIDES). Elle n'est formée que d'un seul genre, celui de pycnogonon (^pycnogojium, Brùnn., Fab.)_, distinct de tous les autres par l'absence de chélicères et de palpes , ainsi que par le corps proportionnellement plus court. Les pâtes ont acquis en épaisseur ce qu'elles ont perdu eu longueur. Il est à remar- quer que dans cette famille les proportions respectives des (i) l^oyez, pour la synonymie de ce genre et des suivans, la seconde édition du fiègne animal. ARACHNIDES. TROISIÈME ORDRE, TRACHÉENNES. 545 arlicles composant la cuisse et la jambe , diffèrent de celles qu'offrent les mêmes articles dans les aranéides , et que ces animaux se rapprochent à cet égard des galéodes , premier cenre de l'ordre suivant. TROISIÈME ORDRE. TRACHÉENNES {TRACHEARIM). Plusieurs caractères extérieurs suppléent à l'impuissance où l'on est , vu l'extrême petitesse de la plupart de ces ani- maux , de s'assurer par le secours du scalpel qu'ils sont privés de tout système de circulation, et qu'ils respirent par des tra- chées (i). Leur céphalothorax, souvent très petit comparati- vement à l'ahdomen , est confondu avec lui , et forme une masse plus ou moins arrondie ou ovoïde , et n'offrant dans la plupart aucune trace d'anneaux ou d'articulations. Les stig- mates, au nombre de deux, et ordinairement peu percep- tibles , sont placés , dans les uns , près de l'origine externe de quelques unes des pâtes , et , dans les autres , sur le ventre , où ils se présentent , lorsqu'ils sont plus dis- tincts , comme dans les ixodes , sous la forme de points écailleux et ombiliqués. Le nombre des yeux, invisibles dans quelques uns, est de quatre au plus. Celui des pâtes est de huit à six dans les deux sexes. Ces animaux diffèrent des pyc- nogonides par l'absence de pâtes ovigères , la forme du corps et le volume de l'abdomen. Quelques uns exceptés , ils sont généralement très petits, et plusieurs même microscopiques; mais ils n'en jouent pas moins un rôle très important sur le théâtre de la nature , puisqu'ils rongent et corrompent plu- sieurs de nos substances alimentaires , nos collections d'his- toire naturelle -, qu'ils se fixent sur divers animaux , où ils se (i) Suivant M. Straus, ces tracliées ne commimiquent point entre elles, et ne for- meut que des houppes isolées, jetant ensuite des raiceaux, dans l'intérieur du corps. 35 546 ARACHNIDES. TROISIEME ORDRE. TRACHÉENNES. multiplient d'une manière si effrayante qu'ils peuvent les faire périr. L'homme lui-même n'est pas à l'abri de leurs attaques , et quelques savans leur attribuent l'origine de cer- taines maladies, comme la gale, la dysenterie, etc., du moins peuvent-ils propager la première. Quelques espèces sont sim- plement phyllophages. Linné comprend ces arachnides dans ses genres phalanglum et acarus. Elles composent , dans le Mémoire aptérologique d'Hermann fils, sa seconde famille des aptères, celle des ho- lètres , mais à laquelle il faut joindre les genres galéode et pince, qu'il met dans la suivante , où il confond les arach- nides pulmonaires avec les crustacés. Malgré ce désordre, son travail sur les acarus est des plus remarquables pour le temps où il a été rédigé , et presque notre unique ressource , avec celui de de Géer (t). Voulant , dans la partie entomologique du Règne animal àe M. Cuvier, mettre autant que possible notre méthode en harmonie avec les genres de Linné , nous avons adopté la coupe des holètres^ mais dans notre ouvrage sur les familles naturelles du règne animal , nous avons suivi une autre marche , et qui nous paraît plus simple. Nous partagerons les arachnides trachéennes en octopodes et en hexapodes . De la première division nous détacherons d'abord les espèces purement aériennes ou terrestres, celles dont les pieds sont simplement propres à la course et non à la natation. Le genre hydrachna ( araignée d'eau) de MûUer, composé d'espèces aquatiques , à pieds ciliés et natatoires , sera ainsi séparé et formera la division opposée. Parmi les arachnides trachéennes octopodes et terrestres , il en est dont la bouche offre des chélicères analogues à celles des arachnides pulmonaires , c'est-à-dire terminées en pince didactyle , ou du moins en griffe , ou par un crochet mobile , (i) M. Tliéls fils prépare sur ces aaimaux uu nouveau travail, et qui , d'après les nombreux et très beaux dessins qu'il m'a fait voir, lui méritera l'adrairation et la reconaaissauce de tons les naturalistes. PREMIÈRE FAMILLE. FAUX-SCORPIONS. bl^'J et d'autres où cette bouche est formée de petites lames plus ou moins allongées, et réunies pour composer un siphon ou un suçoir. Cette dissemblance doit naturellement servir de base à deux subdivisions. Occupons-nous de la première ou des arachnides trachéennes octopodes , terrestres et pourvues de chélicères propres, didactyles ou raonodactyles. PREMIÈRE FAMILLE. FAUX-SGORPIONS ( PSEUDOSCORPIOISES). Les chélicères sont toujours didactyles et saillantes. Les palpes sont toujours grands, soit en forme de serres didac- tyles, soit pédiformes et terminés par un bouton vésiculeux et sans crochet : l'abdomen est généralement annelé ou plissé , du moins en dessous. Le premier genre, celui de galéode (galeodes, Oliv.; solpugay Fab.) , avait été anciennement désigné par la déno- mination de tetragnatha (quatre mâchoires), à raison des chélicères, qui sont très grandes et terminées par deux doigts verticaux, croisés, fortement dentés, l'un supérieur, fixe, muni dans certains individus, présumés mâles, d'un appen- dice ou cirrhe, grêle, allongé-, l'autre inférieur et mobile. Elles composent, avec le céphalothorax , une grande tête. Celui- ci, recouvert d'une plaque trapézoïde, dont le côté antérieur plus large et offrant au milieu, sur une éminence, deux yeux très rapprochés, porte deux grands palpes avancés, de six ar- ticles, dont le coxal maxilliforme , et dont le dernier court obconique , avec un ombilic au bout , présente quelques or- ganes particuliers et rétractiles, servant, lorsque l'animal est irrité. Au céphalothorax sont encore annexés : i°. les deux premiers pieds, qui ont la forme de palpes, sont intimement unis^ à leur naissance, avec eux, grêles, filiformes, de six articles, dont le dernier, soit mutique, soit muni d'un onglet très petit ou peu distinct; 2°. le camérostome, dont le labre est comprimé , relevé et en faucille; et 3°, une lèvre terminée 548 ARACHNIDES. TROISIÈME ORDRE. TRACHÉEiNNES. par deux lobes ligules , avec une soie velue au bout. Viennent ensuite trois autres paires de pieds , portés sur autant de seg- mens , et terminés par un tarse , dont le dernier article muni de deux petites pelotes , avec deux longs crochets insérés supérieurement , en forme de doigts , arqués , et finissant par un petit onglet distinct. Ces pieds sont armés de petites épines-, les deux derniers, manifestement plus grands que les autres, ont chacun cinq petites écailles , pédicellées , en forme de demi-entonnoir, et disposées sur une rangée longitudinale, le long du côté interne des deux premiers articles. L'abdo- men est ovalaire et composé de neuf anneaux. Le corps est oblong , mou , velu , avec la portion thoracique propre , celle qui porte les trois dernières pâtes, plus étroite. J'ai aperçu un grand stigmate entre les premières et les secondes , et une fente à la base du ventre. Ces animaux , propres aux pays chauds , et particulière- ment à l'Afrique et aux contrées de l'Asie adjacentes, cou- rent avec une grande vitesse , sont hardis , redressent leur tête lorsqu'on cherche à les saisir , et font mine de vouloir se défendre. Ils sortt très redoutés des Arabes , et leur mor- sure passe pour être venimeuse. Je n'ai cependant distingué aucun organe extérieur indiquant cette propriété. Herbst a publié une Monographie de ce genre. Olivier a décrit les es- pèces qu'il a recueillies durant son voyage dans l'empire otto- man , et auxquelles l'on peut rapporter comme identiques celles que M. Savigny a figurées avec des détails admirables dans l'ouvrage sur l'Egypte , Araclin., pi. VIII, fig. ^-g. Ce genre se trouve aussi dans l'Amérique méridionale -, mais ces espèces sont inédites (i) : on n'en a apporté encore aucune de TAustralasie et de la Polynésie. Le second genre , celui de pikce ( clielifer , Geoff. ) , est facile à reconnaître. Il se compose d'animaux semblables à de petits scorpions , mais sans appendices pectines ni queue ; (i) M. Guérin a donné, dans le troisième fascicule de son Iconographie , la figure d'une espèce nouvelle, spiiiipalpe, de ces contrées. PREMIÈRE FAMILLE. FAUX-SCORPIONS. 549 leurs palpes sont pareillement en forme de serres didaclyles ^ les yeux sont situés sur les côtés du céphalothorax j les pieds sont égaux et terminés par deux crochets. Ces arachnides courent vite , et souvent à reculons ou de côté, comme certains crabes. Elles se tiennent dans les vieux livres, les herbiers , les collections d'insectes, sous les écorces des arbres , où elles se nourrissent d'acarus , des larves du psoque pulsateur^etc. Rœsel a vu une femelle rassembler ses œufs en un tas. Suivant Hermann fils , elles les portent sous le ventre , et il pense que ces animaux peuvent filer. Depuis Illiger, on ne conserve plus dans ce genre que les espèces bioculées , dont le céphalothorax est partagé en deux par une ligne imprimée , transverse , et dont les chélicères ont au bout du doigt mobile un stylet : caractère offrant quelque analogie avec celui que nous avons observé dans les individus présumés mâles des galéodes. Le phalangiurn cancroides de Linné , dont Fabricius a fait un scorpion , et que l'on connaît aussi sous le nom de scor- pion des Iwres y est le type de ce genre. Les espèces qui ont le céphalothorax indivis et des chéli- cères sans stylet, composent maintenant le genre obisie (^ohi- sium ) , dont les espèces indigènes se trouvent communément sous les pierres. Dalman , dans son Mémoire sur les insectes du copal , en a établi un autre sous la dénomination à'eucaj- pus. Le docteur Leach s'est spécialement occupé des deux précédens dans le dernier volume de son Zoologic'al inisccl- lanj. Leurs caractères sont parfaitement rendus par les ma- gnifiques planches (^Arachn., pi. Mil, fîg. 4-6) du grand ouvrage sur l'Egypte. D'après la figure 4 d'une espèce du genre pince proprement dit , il paraîtrait que les crochets des tarses se terminent , ainsi que dans les galéodes , par deux petits onglets. On y a représenté (fig. 5 et 6) deux espèces d'obisies. Voyez, sur le même sujet, le Mémoire aptérolo- gique d'Hermann. 55o ARACHNIDES. — TROISIÈME ORDRE. TRACHÉENNES. DEUXIÈME FAMILLE. PHALANGIENS {PHALANGITA), Ici encore les chélicères sont toujours didactyles , exté- rieures dans le plus grand nombre , et recouvertes dans les autres par un avancement antérieur de la tête , en forme de capuchon , et visibles en dessous -, l'abdomen présente aussi , du moins en dessous , des anneaux ou des plis : mais les palpes sont filiformes , grêles et terminés par un petit crochet : il n'y a jamais que deux yeux \ les stigmates, dans ceux où on les a découverts [faucheurs') , sont situés à la naissance des pieds postérieurs, et cachés par leurs hanches. Cette famille , ainsi que l'indique sa dénomination , a pour sujet principal le genre phalangîum des auteurs. Une première division comprendra les phalangiens dont les chélicères sont à découvert , et dont les deux yeux sont portés soit sur une éminence commune , soit sur autant de pédicules ou de supports. Elle se composera des trois genres suivans : Le premier, celui de gonolepte { gonoleptes) , établi par M. Kirby sur des espèces exotiques, ayant, comme le second, les yeux portés sur un tubercule commun , s'en éloigne par ses palpes épineux, terminés par un onglet plus robuste, avec les deux derniers articles presque ovalaires et presque de grandeur égale, ainsi que par ses deux pieds postérieurs, dont les hanches sont fort grandes , soudées et formant une plaque sous le corps : ces pieds sont en outre éloignés des autres et re jetés en arrière. L'Amérique méridionale en fournit plu- sieurs espèces, et dont quelques unes très singulières, mais pour la plupart inédites ; de là le nom d'horridus donné par M. Kirby à celle qu'il a figurée ( Trans. Linn. Soc, , t. XII , pi. XXII , fig. i6) comme type du genre. Dans celui de favcuevu. (phalaiigium, Linn.) les palpes n'ont point d'épines -, leur dernier article est beaucoup plus DEUXIÈME FAMILLE. PHALANGIENS. 55 1 long que le précédent, et n'offre qu'un petit crochet. Tous les pieds sont rapprochés , à hanches identiques et conliguës à leur naissance-, les quatre antérieurs ont, à leur origine, un appendice maxilliforme , de même que les palpes , de sorte que ces animaux ont six mâchoires 5 l'intervalle pectoral com- pris entre les pieds, ou le sternum, est rétréci au milieu , tron- qué ou très obtus à son extrémité supérieure , et remplace la lèvre. Si on le presse fortement , on en fait sortir les organes de la génération qui , dans les mâles , ont la forme d'un dard , terminé en demi-flèche , et, dans les femelles, celle d'un long tuyau membraneux , filiforme , flexible et annelé. Le labre , bien distinct de l'épistome , est corné , conique , pointu et avancé. Les deux sexes sont en regard l'un de l'autre dans l'accouplement , qui a lieu vers la fin de l'été. Ces animaux perdent facilement les pâtes, qui , quoique séparées, donnent par leurs mouvemens des signes d'irritabilité. Dans l'espèce la plus commune, le faucheur des murailles^ les pinces des chélicères du mâle (P. cornutum, Likn.) s'élè- vent supérieurement à leur naissance en manière de corne pointue. Linné avait fait une espèce de l'autre sexe (P. opilio). Dans une Monographie des espèces indigènes , publiée à la suite de mon Histoire des Fourmis , j'avais décrit le premier l'organisation singulière de ces animaux. MM. Savigny et Hermann fils ont confirmé depuis ces observations. Herbst a aussi donné une Monographie de ce genre, y compris celui de gonolepte. (i) Le genre que j'ai nommé siron (siro) est distinct des pré- cédens par les chélicères presque aussi longues que le corps , et par les yeux portés chacun sur un tubercule isolé. Je ne connais qu'une seule espèce -, elle est figurée dans mon Gè- ne? a Crust. et Insect. J'ai cité à tort, dans la nouvelle édition du Règne animal , Hermann. Il ne me paraît pas l'avoir con- nue *, mais il a figuré des espèces très analogues , celles qui forment le genre suivant , celui de macrochèle (macrocheles). (i) Voyez aussi l'ouvrage sur l'Egjrpte, Arachn., pi. IX, fig. i-3. 5Sl ARACHJVÏDES. — TROISIÈME ORDRE, TRACHÉENNES. Ici , de même que dans les trogules , genres composant notre seconde division des phalangiens , les yeux sont sessiles ou in- distincts ^ le dessus du corps est recouvert d'une plaque écail- leuse ou solide : les anneaux ne se montrent qu'en dessous. Dans le premier, les chëlicères sont très longues et avancées ^ les deux pieds antérieurs sont longs et antenniformes (i). Dans le second genre, celui de trogule (trogulus) ^ l'extrémité antérieure du corps se dilate et s'avance en manière de cha- peron , et loge, dans une cavité inférieure, les chélicères. Linné a décrit l'espèce servant de type , sous les noms de phalangium tricarinatum. Je l'ai représentée dans mon Gê- nera. On la trouve sous les pierres^ dans le midi de la France , en Espagne , etc. TROISIÈME FAMILLE. TROMBIDITES. {TROMBI DITES), {'j^) Des palpes terminés en pointe , avec un appendice mobile ou une espèce de doigt en dessous ; des chélicères finissant simplement en une pointe très aiguë, ou monodactyles ^ un corps mou (ordinairement rouge) sans anneaux distincts , et des habitudes vagabondes caractérisent cette petite famille, formée de deux genres. Celui de trombidion (trombidium ^ Fab.) a le corps divisé en deux parties, dont l'antérieure, très petite, porte deux yeux situés chacun sur un petit pédicule , la bouche et les deux premières paires de pieds ; l'autre partie du corps est grande , presque carrée , un peu plus étroite postérieurement , avec les angles arrondis. Rien de si commun au printemps, dans les jardins, les champs, etc., que le trombidion satiné (Jiolosericeum , Fabr.). (i) Les acarus crassipes , marginatus et testudinanas d'Hermann. (2) Cette famille, d'après la conformation des chélicères, devrait peut-être venir après la suivante, et conduire ainsi aux arachnides à siphon. Dans le T. tinclormm ces organes sont allongés , étroits, et en forme de laucettes ou de lames de suçoir. QUATRIÈME FAMILLE. ACARIDES. 553 îl ressemble à une très petite araignée, couleur de sang; son dos est chargé de papilles velues à leur base , globuleuses à leur extrémité. Cet animal répand , écrasé , une liqueur rouge. Celle qui sort d'une autre espèce exotique [tinctoriiun) , trois à quatre fois plus grande, est employée dans la teinture. Her- mann a figuré l'une et l'autre espèce , ainsi que plusieurs autres 5 mais il donne à ce genre beaucoup plus d'étendue que moi. {Voyez le Règne animal, deuxième édition.) Dans celui d'ÉRYTHRÉE [erjthrœus, Latr.), le second et dernier de la famille , les yeux sont sessiles et le corps ne forme qu'une masse indivise. {Voyez le même ouvrage. ) QUATRIÈME FAMILLE. ACARIDES {JCARIDES). Nous restreindrons cette famille aux acarus des auteurs , dont le corps ne présente ordinairement aucune trace d'an- neaux , et dont les cbélicères sont didactyles et entièrement cachées. Ce sont des animaux très petits , souvent presque mi- croscopiques, parasites et pullulant beaucoup. Quelques uns vivent sur des insectes , notamment les coléoptères orduriers ou fouisseurs 5 d'autres rongent les provisions de bouche , comme la farine, le vieux fromage, les viandes desséchées. Les collections d'insectes placées dans des lieux froids et hu- mides sont exposées à leurs ravages. On a attribué à quel- ques espèces la maladie de la gale , tant celle de l'homme que de divers animaux domestiques, mais sans preuve dé- monstrative : elles peuvent cependant en inoculer le virus. Quelques acarides propres à quelques mammifères peuvent aussi se multiplier sur l'homme et l'incommoder violemment. D'autres espèces sont errantes et se trouvent sur les plantes , les écorces d'arbres , dans la terre, sous les pierres, etc. Plu- sieurs ne naissent qu'avec six pâtes , les deux autres se déve- loppent peu de temps après 5 leurs tarses se terminent vent de diverses manières , et dignes de fixer TatteRdra^G^A {. j ^1 .oR^nv : 554 ARACHNIDES. TROISIEME ORDRE. TRACHÉENNES. Parmi les cinq genres que nous rapporterons à cette fa- mille, les deux premiers s'éloignent des autres par leurs palpes très perceptibles et saillans.Ceux des CÂMkSEsÇgamasuSy Latr.) sont filiformes (i). Dans le second genre, celui de cheylète [chejletus, Latr.) , ils sont épais, en forme de bras, et termi- nés en faux. On ne les distingue point, ou presque pas, dans les suivans. Sans connaître le travail d'Hermann , j'avais formé un genre, celui d'oRiBATE (oribata, Latr. ; notaspis, Herm.) , avec des acarides que l'on trouve souvent sur les pierres , sur les arbres, dans la mousse , où ils courent lentement , et dont le corps est recouvert d'une peau ferme , coriace ou écailleuse , en forme de bouclier ou d'écusson. Son extrémité antérieure s'avance en manière de museau. Quelques espèces offrent l'apparence d'une sorte de corselet. Les pieds sont longs ou de grandeur moyenne, et l'on voit jusqu'à trois crochets au bout des tarses de quelques unes. Le genre uropode [uropoda , Latr.) , établi sur Yacams végétons de de Géer , nous présente , quant à la consistance de la peau, le même caractère. Mais ici les pieds sont très courts , et l'animal , fixé sur le corps de divers insectes co- léoptères , s'y tient suspendu en l'air au moyen d'un fil par- tant de l'anus. Les ACARus proprement dits [acaims)^ et que j'avais nom- (i) Quelques gamases ont, comme dans le genre suivant, la peau supérieure du corps solide ou écailleuse. J'avais cité à cet égard Vacarus marginatus d'Hermann ; mais les chélicères étant saillantes, cette espèce appartient plutôt au genre macro - chèle. A cette division des gamases, je rapporterai la fig. 4 Arachn. de l'ouvrage sur l'Egypte. Les chélicères sont accompagnées d'une espèce de cirrhe, et la lèvre présente deux soies ou poils, que M. Savigny prend pour des palpes. Dans les Mémoires posthumes deLyonet, faisaut partie du recueil de ceux du Muséum d'Histoire naturelle , tome XVIII , sout représentées quelques espèces de gamases , et qu'il nomme you de pivoine, pou d'une sorte d'émêrillon , pou du limaçon des Jar- dins et pou de la chenille du bois du saule. Il y donne la figure des chélicères de la première , et l'on voit qu'elles se terminent en une pince didactyle. Il y représente encore trois espèces d'acarus ou de mites , savoir : celle du fromage , celle qui atta- que les collections d'insectes, et une troisième sur l'habitation de laquelle il ne donne aucune indication. CINQUIEBIE FAMILLK. TIQUES. 555 mes précédemment sarcoptes^ diffèrent des précédens par leur corps très mou , sans croûte écailleuse 5 leurs tarses ont à leur extrémité une pelote visqueuse. Ce genre se compose particulièrement des acarides qui viennent dans les ulcères de la gale de l'homme , du cheval , du chien , du chat , etc. Le docteur Gales s'est spécialement occupé de l'espèce que l'on trouve dans la gale de l'homme , mais qui paraît différer de celle que divers autres auteurs ont figurée. [Vojez le Nou^. Dict. d'Hist. iiatur.f deuxième édition. ) J'ai indiqué, dans la seconde édition du Règne animal, quelques uns des acarus des auteurs, rentrant dans ces coupes génériques. Je passe maintenant aux arachnides octopodes et terrestres, où les chélicères ayant la forme de petites lames lancéolées ou de lancettes , composent avec la lèvre un suçoir ou un siphon. Tels sont les caractères de la famille suivante. CINQUIÈME FAMILLE. TIQUES (RICJNl/E). Elle a pour type principal le genre ixode , formé d'espèces que les Latins désignaient sous le nom de ricinus , et que nos piqueurs appellent louvettes , tiques , etc. Les unes, dont le corps est entièrement mou, muni de deux yeux distincts, dont les palpes sont toujours libres, ont les lames du suçoir, qui est toujours avancé, membraneuses et sans dentelures. Ces arachnides sont toujours vagabondes. Elles se distribuent dans deux genres. Celui de bdëlle ( bdella, Latr. ; scirus , Herm. ) nous offre des palpes allongés , coudés , avec des soies ou poils au bout, un siphon conique ou en alêne et quatre yeux; les pieds postérieurs sont les plus longs. Dans celui de smaride ( smaridia, Latr. ) , ce sont au contraire les deux antérieurs. Ici , en outre , les palpes sont courts , droits , et sans soies au bout ; les yeux ne sont qu'au nombre do deux. 556 ARACIÎNfDES. TROISIEME ORDRE. TR A^CIIÉENNES. Les autres tiques semblent être aveugles, ou n'ont point d'yeux bien apparens. Tantôt les palpes sont extérieurs et en- gainent le suçoir, ou s'appliquent sur ses côtés -, tantôt ils sont libres , mais inférieurs , et ne paraissent pas , l'animal étant vu en dessus. Les lames du suçoir sont écailleuses et dentées: le corps , toujours ovoïde ou presque orbiculaire , est très plat , lorsque l'animal ne s'est point repu , et présente en devant, dans la plupart, une petite plaque écailleuse , arrondie postérieu- rement, portant à son bord antérieur le siphon. Ces tiques se tiennent soit sur divers végétaux , particulièrement dans les bois , les landes , avec les six dernières pâtes étendues , soit dans l'intérieur des maisons. Les premières s'accrochent, lors- qu'elles en trouvent le moyen , à divers animaux, tels que les bœufs , les chevaux , les chiens , les tortues et même à des oiseaux , engagent profondément leur suçoir dans leur chair, s'y gorgent tellement de leur sang, que leur corps devient très volumineux et prend la forme d'une petite vessie 5 on ne peut les en détacher qu'en enlevant la portion adhérente de la chair. Elles s'y multiplient d'une manière prodigieuse, de sorte que ces animaux peuvent périr d'épuisement. Les tarses des uns se terminent par une petite pelote portée sur un court pédicule, et dans les autres par deux crochets. Ces arachnides composent deux genres : celui d'ixoDE (ixodeSy Latr. , Fab. -, cjjiorhœsthes , Herm.) où les palpes engaînent les côtés du suçoir et forment avec lui un bec avancé , tronqué ou obtus , et souvent dilaté au bout. D'après une observation de M. Cliabrier, les œufs sortiraient par ce siphon. Mais puisqu'il existe une ouverture ovale , pourquoi ne leur servirait-elle pas , comme d'ordinaire , de passage ? Ces aranéides vivent plus particulièrement sur les bœufs , les chiens , d'autres animaux domestiques , le rhinocéros et di- vers reptiles. Elles se tiennent dans les bois (i). (i) Voyez Hermaua et le deuxième volume des Transactions de la Société Lin- neenne de Londres. Lyonnet (Mém. posth. insérés dans le recueil de ceux du Mu- séum d'Histoire naturelle) i donné une description détaillée d'une espèce. Les tarses SlXlhME FAMILLE. HYDRACNELLES. 557 Dans l'autre genre , celui (I'argas ( argas , Latr. ; rhjncho- prion, Herm. ) , le suçoir est inférieur et libre -, les palpes sont coniques et composés de quatre articles au lieu de trois. L'ar- GAs BORDÉ [ixodes reflexus , Fab. ) habite l'intérieur des mai- sons , et suce le sang des pigeons. M. Gotthelf Fischer de A^'aidheim a publié sur une espèce [Vargas de Perse) , dé- crite par des voyageurs sous le nom de punaise venimeuse de Miana, une notice curieuse. M. Savigny en a figuré trois ( Araclin. , pi. IX , fig. 5-6-7 ) ? ^^"^^ 4^^ ^^"^ ^^ genre pré- cédent [ibid. fig. 8-12), le tout accompagné de détails de parties. Ici se termine la nomenclature des genres de la division des arachnides trachéennes , pourvues de huit pâtes et vivant hors de l'eau. Celles qui font leur séjour habituel dans cet élément^ composent le genre hydrachna de Mùller, ou celui d'ATAx de Fabricius . aux dépens duquel nous en avons établi deux autres. SIXIÈME FAMILLE. HYDRACNELLES {HYDRJCNELL^ , Latr.). Leur corps est généralement ovoïde, ou presque globuleux et très mou -, il se rétrécit postérieurement en manière de queue , dans quelques espèces. Suivant Mùller, les organes sexuels masculins sont situés à son extrémité postérieure , et la femelle a les siens plus haut , ou sous le ventre. Le nombre des yeux varie de deux à quatre. Ces arachnides fréquentent les mares, les étangs et se trouvent plus particulièrement au printemps. se terminent par un corps vésiculaire armé de deux crochets , et portés sur uu pé- dicule grêle et mobile. La figure qu'il donne du suçoir est conforme à celles publiées par d'autres auteurs. Mais une observation qui lui est propre est celle qui a pour objet les stigmates. Ils sont comme chagrinés de petits grains ronds ; si ou enlève ces stigmates ou leur plaque, et si on les lave bien eu dedans, fous ces grains paraissent percés à jour. Cependant aucune trachée n'y aboutit ; elles se rendent à un tubercule excentrique du stigmate , et où est l'ouverture. L'anus présente deux valvules arrondies et concaves au côté interne. 558 ARACHNIDES. — TROISIÈME ORDRE. TRACHEENNES. Je réunis dans le genre eylaîs {eylaïs , Latr. ) les espèces dont les chélicèressont terminées par un crochet mobile; dans celui d'HYDRACHNE ( hjdrachno) , celles où les palpes ont sous leur extrémité un appendice mobile , et dont le suçoir est avancé-, enfin dans celui de limnochares {^lininocliares) ^ celles qui ont un suçoir semblable , mais dont les palpes n'offrent point cet appendice mobile; il m'a été, jusqu'à ce jour, impossible de déterminer quelles sont les espèces de MùUer qui rentrent dans chacune de ces coupes. {Voyez mon Gênera Crus t. et Insect. ) La seconde et dernière section des arachnides trachéennes se compose de celles qui n'ont constamment ou en tout temps que six pieds. SEPTIÈME FAMILLE. MIGROPHTHIRES {MICROPHTHIRA , Latr.). Nous l'avons partagée en trois genres , auxquels on en a ajouté depuis deux autres. Le premier, celui de caris (caiis , Latr.), est formé sur une espèce qui vit sur les chauve -souris. Le corps est orbi- culaire , revêtu d'une peau écailleuse, plat , et offre un suçoir et des palpes distincts. Le second , celui de lepte Çleptus^ Latr.) , se rapproche à cet égard du précédent, mais le corps est très mou et ovoïde. Une espèce de ce genre , que les habitans de la campagne nomment le rouget, est commune en automne sur les gra- minées et d'autres plantes. Elle grimpe aux jambes, s'insi- nue dans la peau , à la racine des poils et y occasionne des démangeaisons aussi insupportables que celles produites par la gale. On la distingue par l'épithète d'AuTOMNALE (autuin- nalis^. M. Audouin a formé un nouveau genre ; celui d'ACLvsiB (jaclysia) avec une acaride de cette section, vivant sur des dy- tiques (Mém. de la Soc. d'Hist. natur. , tom. I, p. 98 , pi. 5, MYRIAPODES. PREMIER ORDRE. CHILOGIYATHES. 55g fîg. 2). Le corps a la forme d'une cornemuse; le siphon est situé sous son extrémité antérieure , mais sans palpes distincts. D'autres arachnides hexapodes , vivant sur des diptères , des hyménoptères , etc. , dont le corps est ovale , mou , avec les pieds très courts, et dont la houche ne consiste qu'en une petite ouverture située sur la poitrine, composent le genre ATOME ( atoma ). De ce nombre est Yacarus paj^asiticus de de Géer. Le genre ocypete [ocjpete) du docteur Leach , appartient aussi à cette section -, il lui attribue des mandibules, mais sans nous apprendre en quoi elles diffèrent de celles des autres arachnides. Elles manquent dans tous les genres précédens ou y sont remplacées par deux lames du suçoir. EXPOSITION MÉTHODIQUE DES ORDRES, DES FAMILLES ET DES GENRES / DE LA CLASSE DES MYRIAPODES. PREMIER ORDRE. CHILOGNATHES (CHILOGNATHA, Latr.). Il comprend le genre iulus de Linné , formé de myria- podes dont le corps est généralement crustacé , cylindrique, muni de pieds très courts , distribués par paires uniques sur les anneaux antérieurs , par paires doubles sur les autres , toujours terminés par un seul crochet , et de deux antennes fort courtes , un peu plus grosses vers le bout ou presque filiformes , et composées de sept articles. Les mandibules sont crustacées, sans palpes, de trois articles , avec des dents mobiles et imbriquées au bout. La langue terminant infé- rieurement la tête, se présente sous l'apparence d'une lame >-» 56o MYRIAPODES. PREMIER ORDRE. CHILOGNATHES. OU d'un feuillet, divisée à sa surface extérieure par des sulures longitudinales et des échancrures, en quatre aires principales, couronnées supérieurement par des tubercules, et dont les deux intermédiaires plus étroites et plus courtes situées au-dessus d'une autre aire, leur servant de base com- mune. Mais ce qui caractérise encore mieux cet ordre , c'est que les organes sexuels ne sont point situés à l'extrémité pos- térieure du corps , mais vers sa partie antérieure. Ceux du mâle sont placés sur le sixième segment, après la septième paire de pâtes , et ceux de la femelle derrière ceux de la se- conde paire. Les stigmates (i) , et qu'il ne faut pas confondre , d'après les observations de M. Savi fils , avec des pores la- téraux , destinés à la sortie de la liqueur acide et d'une odeur pénétrante que répandent ces animaux , sont situés, alterna- tivement , en dehors de l'origine de chaque paire de pieds , très petits ou peu apparens. Nous remarquerons encore que ces derniers organes sont contigus à leur naissance ou insérés sur la ligne médiane et inférieure du corps , tandis que dans l'ordre suivant, ils sont latéraux ou séparés par la largeur des segmens. Le premier article, ou la hanche des quatre anté- rieurs est allongé , comprimé , lamelliforme , ce qui nous rap- pelle Varticle maxillaire des palpes des mygales. Le premier segment du corps dans les uns, le second dans les autres, et précédé alors d'un demi-segment clypéiforme, est ordinaire- ment plus grand que les suivans , le pénultième , dans les es- pèces anguiformes , se termine souvent en pointe , et le der- nier ou l'anal, est partagé longitudinalement en deux val- vules. Enfin les yeux lisses sont beaucoup plus nombreux que dans l'ordre suivant. M. Savi a observé que les ouvertures de la respiration communiquent intérieurement avec une double série de (i) D'après M. Straus, les trachées dans lesquelles ils débouchent ne communiquent point entre elles, ou ne se rendent point dans deux troncs longitudinaux, comme le font celles de l'ordre suivant. Ainsi les chiiognathes se rapproclieut à cet égard des arachnides trachéennes , taudis que les chilopodes sont plus voisin s des insectes. I MYRIAPODES. PRKMÎEK ORDRE. CHILOGNATHES. 56 1 poches pneumatiques, disposées longiludinalement en cha- pelet, le long du corps, et d'où partent des branches tra- chéennes, se répandant sur les autres organes. Selon lui en- core, les amours de l'iule commun commencent vers la fin de décembre et finissent vers la mi-mai. Les organes sexuels masculins n'apparaissent que lorsqu'il a acquis le tiers envi- ron de sa tailla ordinaire, et leur place est jusqu'alors occu- pée par une paire de pâtes. Ils m'ont paru formés de deux mamelons terminés chacun par un crochet écailleux et con- tourné. Deux autres mamelons , mais sans crochet , placés der- rière la naissance des secondes pâtes, caractérisent ceux des femelles. Dans l'accouplement, Ces animaux redressent et ap- pliquent l'une contre l'autre, face à face, l'extrémité antérieure de leur corps , et s'entrelacent inférieurement. Celui des in- dividus qui viennent de naître, est en forme de rein , uni et sans appendices. Dix-huit jours après , parlant toujours d'après M. Savi , ces animaux subissent une première mue ^ mais ils n'ont encore que vingt-deux segmens et vingt-six paires de pâtes, dont les dix-huit premières servent seules à la loco- motion. A la seconde mue , l'animal en offre trente-six , et à la troisième quarante- trois; le corps est alors composé de trente segmens. Enfin , dans l'état adulte, le mâle en a trente- neuf, et la femelle soixante-quatre. Deux ans après, ils muent encore , et c'est alors seulement que se montrent au-dehors les organes de la génération. Depuis la naissance, qui a lieu en mars, jusqu'en novembre , où M. Savi a cessé ses observa- tions, ces changemens se renouvellent de mois en mois. On trouvera dans le Bulletin des Sciences naturelles de M. le baron de Férussac (décembre i823), un extrait de ces re- cherches, que M. Savi a consignées dans deux Mémoires écrits en italien , l'un publié en 1817 et l'autre en 1819, mais ayant pour objet une autre espèce d'iule (fœtidissimus) •, nous ferons remarquer toutefois que ces observations ne s'accor- dent pas avec celles de De Géer, qui dit avoir vu de jeunes individus n'ayant que trois paires de pales et huit anneaux. ^'y aurait-il pas, dans les observations de M. Savi, quelques 3a 502 MYRIAPODES. — PREMIER ORDRE. CHILOGNATHES. lacunes? celles, par exemple, qui seraient intermédiaires entre le moment de la naissance , et celle qu'il considère comme une première mue. Les chilognathes marchent très lentement, et se nourris- sent de substances végétales ou animales. Une très petite es- pèce attaque les fraises, une autre ronge la chicorée , d'autres se tiennent sous les écorces humides des arbres. Nous diviserons cet ordre en trois familles. PREMIÈRE FAMILLE. ONISCIFORMES {ON ISCIFORMES). Leur corps est crustacé , sans appendices pénicilliformes, ovale-oblong, susceptible de se contracter en boule, et composé, outre la tête , de douze segmens , dont l'antérieur plus étroit , formant une sorte de collier en demi-cercle transversal ; et dont le second plus grand, ainsi que le dernier, que les autres^ celui-ci est voûté et arrondi au bout. L'on voit de chaque côté, en dessous , à partir du second , jusqu'au dernier exclusivement, une rangée de dix petites écailles lamelleuses , relatives peut- être aux organes de la respiration. Le nombre des pâtes est de trente-deux dans les mâles et de trente-quatre dans l'autre sexe. Ces myriapodes se trouvent sous les pierres , particulière- ment dans les parties montagneuses ou élevées et couvertes de bois. Ils ne composent qu'un seul genre, celui de glomé- Ris (glomeris y Latr. )• (i) DEUXIÈME FAMILLE. ANCxUIFORMES {ANGUIFORM ES). De même que dans la précédente , le corps est crustacé et dépourvu d'appendices pénicilliformes , mais il a une forme (i) Iulu.< ovalis , Lin.; — oniscus zonatus , Pan7,.j — oniscus pustulatus , Fab. yoyez le Règne animal de M. Cuvier, deuxième éditiou, tora. IV, p- 334. TROISIÈME FAMILLE. PÉNI CILLÉS. 563 linéaire ^ il se roule en spirale , et n'offre point sur les côtés inférieurs d'écaillés ^ le nombre des anneaux et des pâtes est d'ailleurs très considérable et augmente avec l'âge. Les uns, toujours munis d'yeux distincts, ont le corps cylindrique , sans saillie en forme d'aréle ou de bord tranchant sur ses côtés, et fort long. Ils composent le genre d'iuLE proprement dit ( m/ii5 ) , et dont quelques espèces exoti- ques ( maximus ) ont jusqu'à sept pouces de long. Les plus grandes de notre pays (sabu/osus ^ terrestris) fréquentent les terrains légers ou sablonneux et répandent une odeur désa-^ gréable. Dans d'autres , les anneaux du corps sont comprimés infé- rieurement sur les côtés , et présentent en dessus une saillie en forme d'arête ou de rebord. Ceux qui ont des yeux dis- tincts forment le genre craspedosome ( craspedosoma ) du docteur Leach, et ceux où ces organes sont oblitérés, celui de POLYDÊME (poljdesmus , Latr.). (i) TROISIÈME FAMILLE. PÉNIGILLÉS {PENICILLJTJ). Le corps est mou, oblong, muni postérieurement et sur les côtés de petites écailles , formant de petits pinceaux. Le nombre des pâtes est de vingt-quatre. Nous ne connaissons encore qu'une seule espèce , Viule à queue en pinceau de De Géer, figurée par lui , ainsi que par Geoffroy et le docteur Leach. Elle compose le genre pol- LYXÈNE [polljxenus j Latr. ). (i) Les iules complanatus, depressus, stigma, tridentatus de Fab. , etc. f^oyez, pour le geure craspedosome, le Zoological rniscellany du docteur Leacli. 564 MYRIAPODES. — DEUXIEME ORDllE. CHïLOPODES. DEUXIÈME ORDRE. CHILOPODES {CHILOPODAl Il embrasse le genre scolopendre de la plupart des auteurs. Le corps de ces animaux est toujours linéaire, déprimé, membraneux , composé d'une série indéterminée d'anneaux recouverts d'une plaque coriace ou cartilagineuse, ne portant, dans le plus grand nombre, qu'une paire de pieds, insérée sur leurs côtés , et dont la dernière est ordinairement prolongée en arrière sous la forme de queue. Les antennes, toujours plus grêles vers leur extrémité, ousétacées, sont composées de qua- torze articles au moins. La boucbe présente : i°. un labre fort court, transversal ^ 2°. deux mandibules écailleuses , munies d'un petit appendice en forme de palpe , comme divisées en deux par l'apparence d'une suture transverse , et terminées en manière de cuilleron dentelé sur ses bords-, 3°. une langue quadrifide, dont les deux divisions latérales plus grandes, arquées , annelées transversalement , semblables aux pâtes membraneuses des chenilles , et dont les deux internes en forme d'appendices maxilliformes, triangulaires 5 et, 4**» 5 deux palpes ou petits pieds, réunis à leur base et terminés par un petit crochet. Quelques uns ont des yeux à facettes -, mais ceux du plus grand nombre ne se composent que de quatre yeux lisses , situés sur les bords latéraux de la tête. Le premier segment du corps porte en dessous deux paires de pieds ^ les deux antérieurs sont horizontaux , avancés , réunis inférieu- rement au moyen d'un article commun , formant une plaque presque triangulaire , avec l'extrémité supérieure comprimée , tronquée et dentelée ; ils sont terminéspar un fort crochet écail- leux , percé sous son extrémité d'un trou , pour la sortie d'une liqueur venimeuse. Les deux autres pieds ressemblent aux sui- vans et sont séparés par un demi-segment ventral. Les stig- mates sont ordinairement situés sur les cotés du corps et al- GÉNÉRALITÉS. 565 ternent parsegmens ^ ceux des autres sont dorsaux. Les trachées sont en totalité ou en partie tubulaires -, les organes de la géné- ration sont placés à l'extrémité postérieure du corps et cachés. Ces myriapodes courent très vite, sont carnassiers, noc- turnes, et se logent sous les pierres, les vieilles poutres, les écorces des arbres, dans la terre, le fumier, etc. Diverses espèces exotiques et de grande taille sont généralement re- doutées, à raison des efifets de leur piqûre. Celle qu'on a nommée morsitans est désignée aux Antilles par l'épithète de malfaisante. Le midi de l'Europe offre une espèce qu'on a confondue avec elle , mais dont le corps est plus déprimé , et dont la morsure occasionne quelquefois la fièvre : d'autres espèces sont phosphoriques. Divers natura- listes, tels que MM. Léon Dufour, Marcel de Serres, Gaëde, Tréviranus , J. Mùller {Bullet. des Se. jiatur. de M. le baron de Férussac, janvier i83o), nous ont dévoilé l'organisation intérieure de quelques unes. Les recherches des deux pre- miers ont eu pour objet les espèces du genre scutigère , et celles des autres les scolopendres propres. Ici les stigmates sont latéraux et conduisent à un faisceau de fortes trachées , s'écarlant en tous sens , et fournissant des anastomoses par ar- cades , avec les trachées des stigmates voisins. Les vaisseaux de Malpighi , au nombre de deux , sont situés sur les côtés du tube digestif 5 et occupent plus des deux tiers de la longueur du corps. On ne peut leur attribuer d'autre usage que celui d'organes excréteurs. L'ovaire et l'oviducte de la femelle sont impairs; l'organe sexuel masculin (i) paraît se composer d'un canal impair terminé par un paquet d'autres petits con- duits longs et droits, et de deux glandes accessoires. Mùller observe que les yeux lisses diffèrent de ceux des araignées et des scorpions , en ce qu'il n'y a pas , comme dans ceux-ci , de corps vitré entre le crystallin et la choroïde. Sur les quatre yeux, composant chaque groupe oculaire, trois de ces crys- (i) Sclou IVI. Straus, les testicules et les ovaires des scolopeudres sout placés sur le caual alimentaire. 566 M Ylir APODES. DEUXIÈME ORDRE. CHILOPODES. tallins sont circulaires, el l'autre est elliptique^ les uns et les autres sont très durs , transparens , très convexes et de cou- leur d'ambre^ leurs convexités internes correspondent à des enfoncemeus , ayant la forme de calices , et contenant les par- ties internes de l'œil; toute la cavité est tapissée par la cho- roïde. Le nerf optique perfore la partie postérieure de chaque calice, s'épanouit derrière la choroïde, sous la forme d'une ré- tine entièrement blanche. Le professeur Gaëde a décrit le canal digestif, le vaisseau dorsal (i) et le système nerveux. La scu- tigère rayée , ou l'espèce de notre pays , a offert à M. Léon Dufour (ifoyez les Annales des Sciences naturelles) deux glandes salivaires , ayant la forme d'une grappe ovale , gra- nuleuse , composée d'utricules , et quatre vaisseaux hépati- tiques , d'inégale grosseur , plus courts que ceux des autres myriapodes. Les organes mâles de la génération consistent en deux testicules oblongs, qui confluent en une anse courte rece- vant le conduit de deux vésicules séminales et formant la partie ia plus apparente de ces organes. Ceux de la femelle se com- posent d'un ovaire et de deux glandes sébacées ; la vulve est armée des deux cotés d'une pièce mobile, qui doit jouer un rôle dans l'acte de la copulation. Sous les plaques dorsales sont des glandes ou des sachets adipeux , d'où s'écoule une humeur d'un violet rougeâtre ; au-dessus des viscères sont des lo- bules adipeux , blancs, et disposés quelquefois en mosaïque. M. Marcel de Serres a observé sous chacune de ces plaques deux poches pneumatiques ou trachées tubulaires recevant l'air, etcommun iquant avec des trachées latérales et inférieures. D'autres détails n'étant pas accompagnés de figures , seraient (l) Selon M. Straus, il s'étend depuis le dernier segment du corps jusqu'au se- cond , où il se termine par une grosse artère, suivant la ligne médiane de la tête jusqu'auprès de la bouche , où elle devient si grêle , qu'on ne peut plus la suivre. Cette artère produirait à sa naissance trois paires de branches se rendant à diverses l»arties de la télé , ce qui indiquerait que ces animaux occupent un rang plus élevé que les autres myriapodes et les insectes Mais la disposition des trachées, la situa- tion des orgaues sexuels , et quelques autres caractères , nous portent à croire que m les scolopendres sont au contraire plus voisines des insectes que les iules et autres ciiilognatiies. FAMILLES. 567 inutiles. M. Savigny a représenté sur l'une des planches de la partie zoologique du grand ouvrage sur l'Egypte, les organes extérieurs des scolopendres et des scutigères. PREMIÈRE FAMILLE. IN^QUIPÈDES {INJEQUIPEDES). Le corps, proportionnellement plus court que celui des autres chilopodes , est recouvert de huit plaques en forme d'écusson , sous lesquelles sont les ouvertures de la respiration conduisant à des poches pneumatiques (i) qui communiquent avec d'autres trachées, mais latérales et inférieures; le des- sous est divisé en quinze demi-anneaux, portant chacun une paire de pâtes terminées par un tarse fort long , grêle et très articulé : les dernières sont plus longues ; les yeux sont grands, et leur cornée est réticulée ou à facettes ; les antennes sont grêles et longues-, les palpes sont saillans et garnis de petites épines. Ces animaux se tiennent dans les maisons, s'y cachent entre les poutres ou les solives des charpentes , courent avec une grande vélocité , et perdent souvent plusieurs de leurs pâtes lorsqu'on les saisit. Ils forment le genre scutigère {scutigera , Lam. 5 cennatia , Illig.) (2) DEUXIÈME FAMILLE. iEQUIPÈDES i^MQUIPEDES). Le corps est partagé , sur les deux faces , en un pareil nom- bre de segmens , portant chacun une paire de pieds ; les stigmates sont latéraux; les yeux, lorsqu'ils sont visibles , se composent de quatre yeux lisses ; les pâtes , à l'exception au plus des deux dernières , sont presque égales , et de six arti- cles-, les antennes sont toujours fort courtes, comparative- (1) Contre l'ordinaire, les trachées que M. Marcel de Serres, auquel nous derons ces observations, uomme artérielles , sont sur le dos , et forment, par chaque anneau, deux poches accolées l'une à l'autre. (a) Voyez la seconde édition du Règne animal. 568 MYRIAPODES. DEtTXiÈME OROrxE. CHILOPODES. ment au corps ^ les trachées artérielles, ou celles qui reçoivent direclement l'air, sont latérales , ainsi que les ouvertures par lesquelles il pénètre , ou les stigmates. Les uns n'ayant, comme les inaequipèdes, que quinze paires de pâtes, et toujours pourvus d'yeux lisses, se distinguent des suivans en ce que les plaques dorsales de leurs segmens sont alternativement plus longues et plus courtes, et en recou- vrement, jusque près de l'extrémité postérieure du corps. Ils composent le genre lithobie [lithobius) du docteur Leacli , ayant pour type la scolopendre fourchue (^forjîcata ) des auteurs , espèce très commune. Les autres ont au moins vingt-une paires de pâtes , et les segmens sont de la même étendue , tant en dessus qu'en dessous. Les genres scolopendre {scolopeiidra) et crytops (czy- tops) nous olFrent vingt-une paires de pieds (en n'y com- prenant pas les pieds à crochets). Dans le premier, les yeux sont très distincts, et les antennes ont dix-sept articles. Il ren- ferme les plus grandes espèces , notamment celle qu'on a nom- mée morsitans, et une autre [cbigulata, Latr.) que Villers a confondue avec elle , et qui se trouve dans le midi de l'Eu- rope , en Barharie , etc. , où elle acquiert quelquefois une taille très rapprochée de celle de la précédente. Dans le se- cond genre , celui de cjytops, les yeux sont peu distincts -, les antennes sont plus grenues, et les deux pieds postérieurs sont plus grêles. Le docteur Leach , qui l'a formé , en mentionne ( ZooL niiscell. ) deux espèces trouvées dans les environs de Londres. Enfin le dernier genre de cette famille , celui de géophile {geophilus), institué encore par lui, nous présente une quan- tité de pâtes beaucoup plus considérable ; le corps est propor- tionnellement plus étroit et presque filiforme-, les yeux lisses sont encore peu visibles. Quelques espèces sont électriques, et telles sont celles qu'on a nommées electrica et posphorea. Nous renvoyons pour les autres au Zoological miscellaiij du naturaliste anglais. FIN DU COURS DE l83l. COURS DTNTOMOLOGIE. ATLAS A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET, RUE DE VAUGIRARD, N° 9. COURS D'ENTOMOLOGIE, OU DE L'HISTOIRE NATURELLE DES CRUSTACÉS, DES ARACHNIDES, DES MYRIAPODES ET DES INSECTES ; A l'usage des élèves de l'école du muséum d'histoire naturelle ; PAR M. LATREILLE, PROFESSEUR-ADMINISTRATEUR DE CET ÉTABLISSEMENT ; DE l'académie des SCIENCES, DE LA LÉGION D' HONNEUR , etc. PREMIERE ANNEE. ATLAS. A PARIS, A LA LIBRAIRIE ENCYCLOPÉDIQUE DE RORET, RLE HAtTEFEUlLlE, AU COIN DE LA RU£ DU BATTOIR. i83i. 1 EXPLICATION DES PLANCHES. Les cinq premières Planches sont relatives à la circulation des Crustacés, et extraites des Recherches anatomiqnes et physiologiques de MM, ^Victor Audouin (i) et Milne Edwards, couronnées par l'Académie des Sciences, et insérées dans les ^innales des Sciences naturelles^ tome XI. PLANCHE I^^ Circulation dans le Ma] a squinado. Fig. I . Système artériel du maja squinado vu en dessus. — a, carapace et b, l'abdomen ouverts. — c, les branchies, —^d^ le foie. — e, ovaire. — f^ muscles d'attache. — g , membrane tomenteuse, couvrant les branchies et les autres viscères , et située immédiatement sous la carapace. — h , extrémité du canal intestinal coupé. — «", le cœur ouvert, et quelques uns des orifices des artères qui en partent. ■ — 7,7, artères des antennes ou antennaires. — A , artère des yeux ow. ophthalmique. — /, artère de l'abdomen ou abdominale , et origine de l'artère du sternum qui s'en- fonce sous la carapace et qui est mise à nu dans la figure suivante. Fig. 2. Artère du sternum ou sternale du même maja, fournissant les artères des pâtes , des pieds-mâchoires et des autres pièces de la bouche. PLANCHE 1. Circulation dans le Maja squinado. Fig. ï. Système artériel du foie dans le maja squinado. — a, a, a, artères du foie ou hépatiques sortant du cœur. — b, artère sternale tronquée à sa sortie du cœur. — • c , artère abdominale tronquée. Fig, 1. Système veineux extérieur des branchies vu de profil. — a, a, les pâtes tronquées. — Z> , les flancs du test mis à découvert par l'enlève- ment de la carapace. — c, les branchies. — d, d , sinus veineux, rece- vant le sang de toutes les parties du corps. — e, vaisseaux externes des branchies. Fig. 5. Système veineux intérieur vu en dessus , et montrant les vais- seaux internes des branchies et les vaisseaux qui vont des branchies au cœur. — a,\e. cœur ouvert. — b , les branchies avec le vaisseau de leur face interne ou les vaisseaux effe'rens. — c , vaisseaux branchio-car- diaques , portant le long des vaisseaux des branchies au cœur. Fig. 4. Coupe verticale d'un des segmens du thorax du ma]a squinado pour montrer le rapport des vaisseaux et la marche du sang indiquée par des petites flèches. — a, a, pâtes tronquées. — ^, ^, vaisseaux par les- quels le sang veineux arrive de toutes les parties du corps. — c, sinus veineux où il se réunit. — ^, vaisseaux externes des branchies. — e, vaisseau interne. — y, vaisseau branchio-cardiaque. — g-, le cœur. — h, ( 1 ) Parmi les services que je crois avoir rendus à l'Entomcdogie , je puis compter celui d'avoir formé plusieurs élèves, et dont quelques uns ont déjà acquis une juste renommée. De ce nombre est M. "Victor Audouin. Après avoir professé plu- sieurs années , et avec succès, pour feu M. le chevalier De Lamarck , il ne m'a pas moins secondé dans cette partie de l'enseignement , en terminant le cours que j'ai fait cette année, en qualité de professeur d'Entomologie. Cours d'Entomologie, i^^ année. Atlas. a. .a EXPLICATION DES PLANCHES. l'une des artères par lesquelles il est chassé du cœur dans toutes les par- ties du corps d'où il revient aux sinus veineux c. PLANCHE 3. Circulation dans le Homard. Fi§. I. Homard femelle ouvert, vu en dessus, et représentant le système artériel superficiel. — a, antennes intérieures. — Z>, antennes extérieures. — c , les yeux. — d , le cœur. — e , artère des yeux ou oph- thnlmique. — f, artères antennaires. — g-, artère abdominale ?,\\^èv'\e.\XYQ. Fig. 2. HoîuardwL en dessous, et montrant le système artériel pro- fond. — a , artère du sternum ou artère sternale fournissant les artères des pâtes. — ^ , c , artère abdominale inférieure. PLANCHE 4» Système veineux du Homard. Fig. I. Thorax du homard v\x en dessous. — « , les pâtes tronquées. — Z>, le canal veineux médian formé par la réunion des sinus latéraux fig. 1, et recevant le sang veineux de toutes les parties du corps. Fie:. 1. Section transversale d'un sesfment du thorax. — a, pâtes tronquées. — ■ b , canal vemeux médian tronque. — • c , sinus veineux latéraux recevant le sang veineux et le transmettant aux vaisseaux exter- nes des branchies d. — e , vaisseaux internes ou efférens des branchies tronquées et vides qui reportent le sang au cœur, et qu'on verra pleins dans la figure suivante. Fig. 3. Même section que la figure précédente , et montrant les vais- seaux qui portent le sang des branchies au cœur. — a, pâtes tronquées. —'b, portion du test ( le sternum). — >c , place qu'occuperait le cœur, qui a été enlevé. — d, vaisseaux externes des branchies qui étaient pleins de sang veineux dans la figure précédente, et qui sont ici tronqués et vides. — e, vaisseaux internes des branchies pleins du sang, qui est devenu artériel par la respiration , et qui arrive dans les vaisseaux branchio-car- diaques f, puis au cœur c. PLANCHE 5. Fig. I . Thorax d'un homard vu de profil , et dont on a enlevé la cara- pace et une portion des flancs pour mettre à découvert les vaisseaux braiichio-cardiaques . — ■ a, fouets qui accompagnent les branchies. — ■ b, plusieurs de ces branchies tronquées à leur base. — c, branchies renver- sées pour montrer leur vaisseau interne ou efferent. — d, vaisseaux bran- chio-cardiaques se réunissant entre eux pour gagner le cœur, qui serait situé en e. Fig. 1. Circulation dans une squille ouverte par le dos. — a, vaisseaux branchio- cardiaques, portant le sang des branchies au cœur c (ces vais- seaux ont été tronqués et même complètement enlevés en b). — c, le cœur, qui a la forme d'un long vaisseau. — d , artères des antennes. — e , artères des yeux. — f, artères des mâchoires. — g , artères des pâtes. — h, artères des appendices de l'abdomen. PLANCHE 6. Arachnides pulmonaires. Organes de la circulation , de la respiration et de la génération. Nota. Les Figures de cette Planche et de la suivante sont copiées da Mémoire de M. Tréviranus snr l'anatomie de ces animaux. Fig. I. a, h , cœur du scorpion d'Europe. - c, c, c , c , muscles allanl du cœur ù ceux entre lesquels sont situées les branchies. — d, d, d, d, d, d, EXPLICATION DES PLANCHES. 3 autres muscles partant du cœur et se rendant à la membrane qui unit les écailles dorsales de l'abdomen. — c, côté droit, représentant les quatre poumons, ou pneumo-brancbies (i), dans leur situation naturelle. — f, le côté opposé , représentant les quatre cavités pulmonaires , ces organes respiratoires ayant été enlevés. — g, g-, g-, g, leurs vaisseaux. — h, h, vaisseaux dorsaux venant de l'épiploon et allant au cœur. Fig. 2. L'un de ces poumons. — a, a, cercle corné de son ouverture ou du stigmate. — b , faisceau des lames composant cet organe, et dont on ne voit que les tranches. -F/g. 5. Le même organe pulmonaire séparé du stigmate. — a, a, les lames, ou feuillets couchés les uns sur les autres. — b , pellicule atta- chant latéralement cet organe. i^?'g•. 4- «, portion de l'une des plaques ou écailles ventrales sur la- quelle est situé un poumon. — b, c, le stigmate, ou le branchiostome {voyez la note i de la page i53). — d, pellicule servant d'attache au poumon. Fig. 5. Araignée domestique mâle dont on a enlevé les pâtes, à l'ex- ception des hanches, vue en dessous. Voyez, pour l'explication des par- ties, la fig. suivante; ici seulement les palpes, a, a, se terminent par un article renflé et ovoïde , dans l'intérieur duquel l'on voit des appen- dices caractérisant ce sexe; la place des ouvertures aériennes est indiquée par la lettre c, c. Fig. 6. Femelle de la même espèce, privée aussi de la majeure partie de ses pâtes, et vue de même. — a, a., les che'licères, ou les organes ap- pelés communément mandibules; ce sont pour M. Savigny àesforcipules. — b, b, les palpes. — c, c, les mâchoires ou coxo-maxilles, représentant, selon moi, les mandibules palpigères des crustacés d-i^capodes et de plu- sieurs autres des ordres suivans. — d, la lè^re inférieure ^ ou plutôt l'ana- logue de la langue des animaux précédens. — e, carène inférieure du camérostome , offrant un canal préœsophagien , désignée par divers auteurs sous le nom de langue. — f, plastron, ou écaille pectorale poly- gone. — g-^ g, les deux ouvertures conduisant aux poumons. — h, les deux filières extérieures, ou celles qui sont le plus apparentes. Fig. -j. Epéire diadème femelle , dont les pieds sont enlevés, vue sur le dos. — a, a, premier article des chélicères. — b,b, palpes. — c, c, c, c, stigmates dorsaux, suivant M. Tréviranus. Fig. 8. Abdomen de la femelle de la même espèce, wl en dessous. — a, pédicule s'attachant au céphalothorax. — b , b, plaques cartilagineuses où sont placés les organes respiratoires. — c , appendice sexuel extérieur en forme de S, propre à cette espèce et à quelques autres épéires. — d, filières. — e, e, e, trois paires de points noirs, que M. Tréviranus soup- çonne être des stigmates, analogues sans doute à ceux du dos. PLANCHE y. Fig. I. Abdomen de V araignée domestique , dépouillé de sa peau et grossi. — a, b,\e cœur. — c, c, quatre vaisseaux postérieurs , en forme d'arcs. — e, e, deux enfoncemens sous la seconde paire des stigmates dorsaux. — fif, épiploon. Fig, 2. Le cœur de la même espèce, vu séparément. — a, son extré- mité antérieure. — b , l'autre bout. — c , c , deux grands vaisseaux jetant (i) M. Tréviranus les désigne sons le nom de branchies, parce qu'ils en ont la forme; mais, comme ces organes fout l'office de poumons, la dénomination de jpjieumo-branchies me semble préférable. ^ EXPLICATION DES PLANCHES. quatre paires de rameaux principaux , dont deux, d,d,e^ e, antérieures, et deux,// g, g, postérieures. Fig' 5. Céphalothorax et abdomen de la clubione atroce , dépouillés de .leur peau, vus sur le dos, et très grossis. — a, a, céphalothorax. — b, b, chélicères (nm?idibules , de la ])lupart des auteurs). — c, c, palpes. — d, d, extrémités inférieures des vaisseaux salivaires, au-dessous desquels sont les muscles des pâtes, disposés en rayons. — e, cartilage intérieur du pédicule de l'abdomen. — // deux ligamens de la plaque g, g, sur laquelle sont situés les organes pulmonaires. — h, h, deux vaisseaux contournés partant du cœur , se rendant , sans jeter aucun rameau , aux écailles ventrales recouvrant les poumons, et s'ouvrant au sommet de l'angle interne et tourné vers le cœur de ces organes ( vojez la Jîg. suivante ). — i, le cœur. — j , j , contour de l'épiploon. Fig. 4- ^; le cœur de la même espèce rejetée en avant ou sur le dos, de manière que son extrémité postérieure est maintenant antérieure. — b , b, ses deux ligamens. — c, c , les deux vaisseaux représentés par h, h, dans la figure précédente. — d, portion tronquée du canal intestinal. — e, e, espace correspondant à la situation des poumons, qui ont été en- levés.— f^fifif) membrane demi-circulaire, située au-dessous de ces organes et de ceux de la génération, propre, par les deux muscles g, g, auxquels elle sert d'attache, et par les deux ligamens h, h, partant de son milieu et descendant jusqu'à l'anus et aux filières, au mouvement de l'abdomen. Fig. 5. L'un des deux stigmates antérieurs du dos de l'abdomen de Vepeire diadème, fortement grossi, et entouré, en partie, de petits om- bilics, de chacun desquels sort un poil. Fig. 6. a, a, pouihons. — b, mamelons situés, dans les aranéides fe- melles, à la surface interne des écailles de la base du ventre, immédiate- ment au-dessous d'une petite proéminence membraneuse et extérieure , placée au milieu de ces écailles entre les organes précédens. PLANCHE 8. Fig. I . Copiée du Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois du saule (celle du cossus ligniperda de Fab.), de Lyonet. L'animal est ouvert en dessus, pour faire voir le vaisseau dorsal avec les parties laté- rales. Ce savant lui donne, ainsi que ses devanciers, le nom de cœur, mais en remarquant qu'on ne s'est guère assuré qu'il en fasse les fonc- tions, et en affirmant qu'il n'a vu aucun vaisseau en sortir. — i, 2, 5, 4, 5, 6, 7, 8, 9, lo, II, 12, divisions segmentaires. — a, a, petits gan- glions nerveux. — b, b , vaisseau dorsal, placé immédiatement sous la peau du dos , en parcourant toute la longueur, en commençant un peu avant la première division, assez près de la bouche, et sous la forme d'un vaisseau délié. Depuis la quatrième division inclusivement jusqu'à la douzième, il offre de chaque côté un appendice qui couvre en partie les muscles droits du dos ; ces muscles se rétrécissant tous à mesure qu'ils approchent de la ligne latérale, forment, deux à deux, des espèces de losanges irréguliers. Lyonet appelle ces appendices, c , c, c , c, etc., ailes du cœur. La première est la plus petite, et les deux avant-dernières paires en sont les plus larges; au milieu est un canal longitudinal. La transparence de la peau permet souvent d'y observer des dilatations alternatives, continuelles et régulières, qui commencent parle quatrième anneau, et se prolongent ensuite successivement jusqu'au quatrième, où ils finissent. A chaque division , depuis la troisième jusqu'à la onzième , le vaisseau dorsal reçoit une paire de nerfs, d, d, r/, d, etc. — e, e, corps EXPLIC.VTION DES PLANCHES. 5 réniformes, terminés par une sorte de queue , couchés sur la cinquième paire d'ailes et les deux suivantes. —f,f,f,f, stigmates. — g, g, faisceaux de cordons musculaires. Fi^. 2, 3, 4, 5, copiées de l'ouvrage de M. Straus-Durckheim , ayant pour titre : Considérations générales sur ï Anaiomie comparée des Ani- maux articulés, auxquelles on a joint l'anatomic descriptive du juelo- lontha vulgaris (hanneton). Ces figures représentent le vaisseau dorsal du hanneton commun. Fig. 2. L'appareil sanguin, suivant cet auteur, va par la face inférieure. — a, b, le cœur. — c, d, l'artère unique qu'il produit. — a, a, a, a, les chambres postérieures du cœur (les antérieures sont couvertes par une partie des ligamens qui fixent le cœur). — e, e, e, e, les ouvertures au- riculo-ventriculaires. — J", g, g , les ligamens ou les ailes du cœur, fixés par les prolongemens h, h, h, aux arceaux supérieurs de l'abdomen. — Jf, une partie du plan inférieur de ces ligamens, qui passe sous le cœur, et se continue avec les ligamens du côté opposé. — 'g, g, plan supérieur de ces ligamens, qui se fixe sur le côté du cœur (on a enlevé ici le plan inférieur). — /, /, i, i, petites arcades tendineuses qui passent sous les ouvertures latérales du cœur, et auxquelles se fixe une partie des ligamens du cœur. Fig. 3. Le cœur et une portion de son artère isolée, vus en dessus. Les lettres sont les mêmes que dans la.Jig. précédente. Fig. 4- La portion antérieure du cœur, avec l'artère qu'il produit, vue de côté. 3Iêmes lettres. Fig. 5. Une partie de la moitié droite du cœur, vue par sa face inté- rieure, pour montrer sa division en chambres. — a, a, a, les parois intérieures du cœur, avec ses fibres charnues circulaires. — b , b' , les ouvertures auriculo-ventriculaires ; celle-ci , b' , est garnie de sa valvule semi-lunaire c. — d, d, les valvules interventriculaires. PLANCHE 9. Système nen^eux des Crustacés. Nota. Ces planches sont extraites des Recherches anatomiques sur le Système nervenx, de MM. Audouin et Edwards, et insérées dans ie tome XIV des Annales des Sciences naturelles. Fig. I . Système nerveux d'un talitre. ( Les ganglions sont écartés entre eux sur la ligne médiane. ) Fig. 1. Système nerveux d'un cymothoé. (Les ganglions sont ici con- fondus sur la ligne médiane. ) de l'estomac. — g , premier ganglion du thorax , fournissant un très grand nombre de nerfs aux parties de la bouche et à la première paire de pâtes. — - h, second ganglion thoracique et nerfs de la seconde paire de pâtes qu'il fournit. (Les cordons qui réunissent les ganglions entre eux sont confondus en avant, et bien distincts l'un de l'autre en arrière. ) Fig. 4- Extrémité postérieure de l'abdomen du même homard, pour montrer la terminaison du cordon nerveux, la fusion des ganglions qui sont à peine sensibles, et la réunion intime des cordons qui les font communiquer entre eux. Fig. 5. Système nerveux dans le maja squinado. Ici le système nerveux est réduit à deux ganglions, le céphaUque a, et l'abdominal b. Celui-ci est 6 EXPLICATION DES PLANCHES. formé par tous les ganglions réunis en un seul noyau d'où partent tous les nerfs des parties delà bouche, des pâtes, et le cordon principal de l'abdomen. PLANCHE I O. Système neri>eux des Insectes, n° i. Figu7'e copiée de l'ouvrage de Lyonet, précédemment mentionné. — a, la tête. — b,\e cerveau, d'après les anciennes dénominations, con- sistant en un ganglion plus large que long , divisé supérieurement en deux élévations presque hémisphériques , réunies , et qui , suivant cet auteur, seraient plutôt les analogues des natcs que des lobes du cerveau. Les deux cordons nerveux qui en partent forment , avec douze autres ganglions, ce qu'on avait appelé moelle e'pinière. Ces ganglions sont in- férieurs, et les deux premiers c, d, sont réunis longitudinalement ; l'an- térieur, que Lyonet rapporte, avec le second, au premier anneau, qui est aussi le premier du thorax, appartient plutôt, à raison de la direction de la plus grande partie de ses nerfs , à la tête : il est placé sous le cou , et je le distingue par l'épithète de sous-œsophagie?i. Deux cordons partant du ganglion céphalique , embrassant l'œsophage en manière de collier (voyez la /?g. i de la planche suivante), se réunissent avec lui. Les deux ganglions suivans, e, f, sont, ainsi que le postérieur des deux précédens, propres au thorax, divisé en trois anneaux ou segmens. Les suivans, et que nous n'avons point distingués par des lettres, font partie de l'abdo- men; ainsi chaque anneau du corps, à partir de la tête jusqu'au dixième postérieur, a son ganglion. Les deux postérieurs sont souvent très rap- prochés, et cette figure en fournit un exemple : le dixième anneau semble alors avoir deux ganglions; mais le dernier, qui renvoie un grand nom- bre de nerfs aux organes de la génération , peut être considéré comme appartenant au onzième anneau. — g, g, g, g, e, c, nerfs partant des gan- glions. — h, h, stigmates du premier segment du corps. PLANCHE II. Système neiveux des Insectes, n° 2. Fig. î , Nerfs de la tête de la chenille qui ronge le bois de saule ou du cossus lignipevda, d'après Lyonet. — ' i, i, antennes. — 2, 2, mandibules. — 5, 3, mâchoires, dont la division extérieure, en forme de cône et arti- culée, représente le palpe. — 4» lèvre inférieure, divisée en trois à son extrémité; les deux divisions latérales sont ses palpes, et celle du milieu, prolongée en pointe, est la filière. — ^ ^^S^ place des yeux. — A, gan- glion céphalique , partagé en deux par un étranglement. Il donne huit paires de nerfs et deux nerfs solitaires ou impairs, non compris les deux cordons médullaires e, e, qui joignent ce ganglion avec le sous-œsopha- gien B. — g, l'un de ces nerfs solitaires, partant du milieu du côté con- vexe du ganglion , et se dirigeant ensuite vers les ganglions du cou. L'autre nerf solitaire est l'anneau nerveux ou collier/, f,f, sortant des deux côtés du môme ganglion, immédiatement au-devant des deux cor- dons médullaires e, e, embrassant l'œsophage. — a, b, c, ganglions frontaux. Le dernier produit le nerf récurrent , qui est ici coupé à la suite de deux renflemens; il traverse l'œsophage et le vaisseau dorsal. Des huit paires de nerfs sortant du ganglion céphalique, deux se répandent sur la partie antérieure de la tête. Nous avons indiqué, au côté gauche, l'un de ces nerfs 7, celui qui s'étend plus particulièrement sur les man- dibules et la base des mâchoires. La paire la plus intérieure ou la plus rapprocbée de la ligne médiane communique, au moyen d'une branche, EXPLICATION DES PLANCHES. '7 avec le ganglion frontal c , donnant naissance au nerf récurrent. — A et / indiquent du même côté les nerfs anteunaires et les nerfs optiques, com- posant deux autres paires. Le nerf optique l est accompagné d'une tra- chée; la tète offre aussi d'autres portions de trachée, indiquées par la lettre n. Les quatre autres paires de nerfs se dirigent en arrière. — h, h, désignent la dernière et la plus interne. — i, petit ganglion produisant six nerfs. Le ganglion sous-œsophagien, ou celui du cou B, donne nais- sance à quatre paires de nerfs. La dernière paire m est insérée postérieu- rement aux autres, et a une direction opposée; elle jette des rameaux aux corps grenus p. — C, ganglion du premier anneau réuni avec le sous-œsophagien, et jetant en arrière deux paires de nerfs o, o, o, o. Fig. 2. Organes de la vision de la même chenille, et d'après le même auteur. Ils consistent en six petits grains ou yeux lisses (ocelles), dont le contour est indiqué par la lettre a. Les cornées ont été enlevées; elles aboutissent chacune à une partie circulaire ayant la forme extérieure d'un vase rouge et opaque. Sa face supérieure , celle qui est immédiate- ment appliquée sur la cornée , est polie et transparente dans son milieu, et rouge ensuite, ou dans son pourtour (i). Le fond du milieu laisse entrevoir une sorte de pistil opaque et arrondi par le bout. — b, mor- ceau de l'écaillé pariétale recevant ces organes. — c , nerf optique. — d, trachée se terminant par six rameaux, aboutissant chacun à un œil lisse. PLANCHE 12. Système nen^eux des Insectes, n^ 3. Fig. I. Système nerveux du hanneton commun, d'après M. Straus. — A, A, les deux ganglions (2) principaux du cerveau. — (i , b , autres ganglions qu'il distingue par le nom de vitaux ; l'antérieur répond à l'un des ganglions frontaux représentés sur la planche précédente, celui de la lettre c probablement. — B , ganglions sous-œsophagiens , ayant de chaque côté deux petits ganglions c, c , d , d , ceux qu'il nomme acces- soires du cerveau, et qui sont peut-être les analogues de ceux figurés par la lettre i sur la planche précédente. — e , e, nerfs mandibulaires. — f,f, nerfs anteunaires. Les deux fdets, en forme de soie, placés près d'eux, et sans indication de lettres, représentent les nerfs maxillaires. ■ — g, g", nerfs optiques. — h, h, les yeux; celui du côté droit est ouvert. — /, /, collier nerveux. — j, j, cordon médullaire divisé en deux branches, partant des ganglions sous-œsophagiens. — Les ganglions sous-œsopha- siens, B, ainsi que les suivans, C, D, E, F, sont distingués des précé- dens, ou de ceux de la tête , par l'épithète de j-achidiens ; C indique ceux du corselet ou du prothorax ; il jette deux paires de nerfs, et dont la plus remarquable est désignée, au côté droit, par la lettre K. — D, ganglion du second segment du thorax , le mésotliorax des entomologistes mo- dernes, et que M. Straus nomme dès-lors mal à propos prothorax. Ils jettent deux paires de nerfs, l'une, l, pour les élytres, et l'autre, m, pour les secondes pâtes ou les intermédiaires. — ■ E, ganglions du méta- thorax qui paraissent réunis avec les précédens. Ils donnent naissance à quatre paires de nerfs , dont les derniers se répandent sur les premiers anneaux de l'abdomen; n indique l'antérieure. — F, ganglions rachidiens (1) Cette couleur est, à ce que je présume, produite par l'enduit appelé pig- inentum. Ce que dit Lyonet de la transparence du milieu paraît confirmer Topi- nion de MM. Millier et Dugès sur la composition des yeux des insectes. (2) M. Straus considère tous les principaux ganglions comme formés de la réunion de deux. 8 EXPLICATION DES PL ANC FIES. abdominaux, produisant cinq paires de nerfs , p, p, v, p, p, se distribuant aux quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième segmens de l'abdomen. — q, a y extrémités des cordons médullaires. Les figures suivantes sont des copies de celles publiées par M. Dugès, dans son excellent Mémoire sur la Structure de l OEil des Insectes, inséré dans le tome XX des Annales des Sciences naturelles , page 34 1. Ha pris pour exemple l'œil composé de la libellule grise ou commune. Fig. 2. Coupe horizontale de cet œil. — a, a, la cornée. — b, le pigment sous-cornéen. — ■ c, zone des filets nerveux. — d, ganglion du nerf op- tique. Fig. 5. Portion de cet œil très grossi. — a, a, la cornée. — b, b, cor- néules (i). — c, c, pigment. — a, d^ cylindres. — e, e, filets nerveux qu'ils surmontent, et séparés par le pigment. Fig. i. a, a, cornée. — b, b, cornéuïes. — c, c, c, c, cloisons formées par le pigment. — d, d, d, d, extrémités supérieures des cylindres. — e, e, les iris. Fig. 5. Mêmes parties, mais avec l'apparence d'une cavité ou d'une chambre a, a, entre les iris et les cornéuïes. PLANCHE l3. Nota. Tontes les figures de cette planche et la première de la suivante sont co- piées de divers mémoires de M. Léon Dufour, correspondant de l'Académie des Sciences, surl'anatomie des insectes. Fig. I . Région dorsale des deux segmens postérieurs du thorax et de l'abdomen du carabus auraius, grossis, pour mettre en évidence les stig- mates. — a, l'un des deux du mésothorax. — b, ceux de l'abdomen. Fig. 2. Le premier, a, très grossi, où l'on voit un duvet qui borde son ouverture. Fig. 5. L'un de ceux de l'abdomen pareillement très grossii Fig. 4- L'un de ces derniers stigmates, avec une trachée correspon- dante. — a, tissu adipeux splanchnique. — b, bourses adipeuses sphé- roïdes, munies ou dépourvues de cou. Fig. 5. Région dorsale des deux derniers segmens du thorax et de l'abdomen du dytiscus marginalis , grossis, pour faire voir les mêmes organes respiratoires. — a, portion d'élytre. — b, cueilleron situé au- dessous. — c, place où est situé l'un des deux stigmates mésothoraciques. On ne l'a point représenté. — d, d, bord latéral du segment abdominal, portant la seconde paire de stigmates. Au-dessous de ces ouvertures sont des stries très fines, perpendiculaires à l'axe du corps, parallèles, serrées, et formant un léger relief. M. Dufour pense qu'elles sont destinées à produire cette stridulation que l'on entend lorsqu'on saisit l'insecte. Plu- sieurs orthoptères en offrent d'analogues. — e, e, autres stigmates ab- dominaux. Fig. 6. L'un de ces derniers stigmates considérablement grossi. Fig. 7. Portion très grossie de la peau dorsale de l'abdomen du ceram- byx héros de Fabricius, portant les deux premiers stigmates. — ■ a, stig- mate pectoro- abdominal. Il est plus grand, plus ouvert, et placé plus obliquement que les autres; son péritrème est garni intérieurement d'un duvet velouté brun, qui, vu au microscope, paraît formé de pinceaux, de barbules, dont les soies sont simples ou rameuses. — b , premier stig- (i) Particule de la cornée répondant à une de ses facettes extérieures , ou à chaqne lentille. EXPLICATION DES PLANCHES. g mate abdominal. Il est en bouton saillant, situé transversalement à l'axe du corps , et le bord de ses valves est garni d'un duvet de poils simples, Fig. 8. Portion très grossie de la peau dorsale de l'abdomen de la casside verte, portant les deux premières paires de stigmates. Fig. g. Premier stigmate abdominal du lucanus cervus, très grossi. Fig. 10. Trachées vésiculeuses, très grossies, de la scolia hortorum de Fabricius (mâle de la scolia Jlavifrons). Fig. II. L'une des trachées abdominales d'un homhus on bourdon. — «, vésicule. — è, portion de trachée élastique. PLANCHE 14. Fig. 1. Organe respiratoire et très grossi, distingué par M. Dufour sous la dénomination de pulmojiaire, du -prionusfaher. — a, stigmate du mé- sothorax. Il est allongé en forme de navette , et son péritrème est garni de duvet. — h, autre stigmate (i) logé profondément au-devant delà branche de la troisième paire de pâtes. — c , c , sorte de parenchyme adipo-tra- chéen qui accompagne les troncs pulmonaires qui vont de l'un de ces stigmates à l'autre. Fig. 1. Copiée de l'ouvrage précité de IM. Straus. Elle représente la section horizontale de la caisse , de l'épiglotte et de la trachée d'origine du troisième stigmate gauche du hanneton commun. — a, cette trachée ouverte. — h, plaque inférieure de l'épiglotte. — c, muscle occluseur du stigmate coupé par le milieu. • — d, membrane qui double l'épiglotte. — e, e, cadre extérieur. — f, l'intérieur. — g, le fond de la caisse. — h, sa fente. Fig. 3. Portion de trachée du hanneton commun, très grossie. — a, son tronc. — è, sa branche. — c , tunique extérieure du vaisseau. — e, fil spiral de la partie c, tirée au dehors. — d, partie où le fil spiral, formant la seconde tunique, se laisse apercevoir à l'extérieur. Voyez, pour plus de détails, le bel ouvrage de M. Straus, et celui de Lyonet, et les Mémoires de MM . Léon Dufour et Marcel de Serres. PLANCHE 1 5. Nota. Elle représente l'appareil digestif de divers insectes coléoptères, d'après les dessins qu'en a publiés M. Léon Dufour, dans plusieurs mémoires faisant partie des Annales des Sciences naturelles. Fig. I . Appareil digestif de la cicindele champêtre [cicindela campes- tris, LiNN.). — a, jabot granuleux. — h, gésier. — c, ventricule chylifique. — d, d, vaisseaux hépatiques. — e, intestin grêle. — f, cœcum. Fig. 1. Appareil digestif du dytique de Rœsel [dytiscus Rœselii). — . a, jabot précédé d'un œsophage allongé. — b , gésier. — c, ventricule chylifique. — d^ d, d, d, vaisseaux hépatiques, tronqués au côté droit. — e, intestin grêle, replié sur lui-même. ■ — y, cœcum, formant une vessie natatoire. — g, g, h, appareil de sécrétions excrémentitielles. — i, der- nier segment de l'abdomen, considéré dans un individu femelle. Fig. 3. Appareil digestif du staphylin erythroptère [staphylinus ery^ ihropterus). — a, œsophage. — b , gésier. ■ — c , ventricule chylifique. — a, d, vaisseaux hépatiques.— e, intestin grêle, —f, appareil de sécré- tions excrémentitielles. — g, g, h, h, appendices de l'abdomen, deux de chaque côté, dont l'interne plus petit, et dont l'extérieur velu sur ses bords, débordant dans l'animal vivant. — /, dernier segment abdominal, considéré dans un individu mâle. (i) L'an des deux premiers de l'abdomeu, à ce qu'il me parait. lO EXPLICATION DES PLANCHAS. Fig. 4 et 5. Trois des lames canaliculées qui garnissent l'intérieur du gésier; l'une d'elles, /?g-. 5, est vue dans un sens opposé à celui des deux autres , afin de montrer la brosse de poils dont elle est bordée. Fig. 6. Appareil digestif du hanneton commun {melolontha vulga- ris) mâle. — a, jabot, précédé de l'œsopliage. — h, ventricule cliyli- fique fort long, et présentant des rides annulaires. — c, c, vaisseaux hépatiques. — ^, sorte de colon, précédé d'un intestin grêle fort court. — e, cœcum. Fig. y. Portion d'un vaisseau hépatique très grossie. Fig. 8. Appareil digestif de Vœdemère jmficolle [œdemera rujicollis) femelle.^ — a, a, vaisseaux salivaires. — b, jabot latéral ou panse con- tractée, précédée de l'œsophage. — c, ventricule chylifique. — d, d, vais- seaux hépatiques supérieurs. — c, intestin grêle. — f,f, vaisseaux hépa- tiques inférieurs ou du second rang. — g-, cœcum. — h, rectum fort long. — /, ovaire, à la base duquel est la glande sébacée de l'oviducte. — j , oviducte. — k, k, muscles d'un étui commun au rectum et à l'ovi- ducte. — /, dernier segment de l'abdomen. PLANCHE 1 6. Organes de la génération de divers Insectes coléoptères , d'après M. Léon Dufour. Fig, I. Appareil générateur mâle, grossi, du carabe dore' [carabus auratus). — a, a, testicules; le vaisseau spermatique du côté droit est déroulé. — b , b, vésicules séminales. — c , conduit éjaculateur. — d, d, muscles de la base de l'armure de la verge e. — f, appendice de cette j:)artie; pénis? Fig. 2. Appareil générateur mâle, et grossi, de V hydrophile brwi [hydrophilus piceus). — a^ a, testicules. — b, b, canaux déférens. — c, c, vésicules séminales principales. — d, d, autres vésicules, et singu- lières. — e, e, autres vésicules. — f, conduit éjaculateur. — g", armure co- pulatrice de la verge. Fig. 5. Structure de l'un des deux testicules du bouclier obscur (silpha ohscura)^ très grossis. Fig. 4- Appareil générateur mâle , grossi, de la cétoine dorée [cetonia aurata). — a, a, a, a, a, testicules formés chacun de douze capsules spermatiques développées au côté gauche. — b, b, canaux déférens. — c, c, vésicules séminales. — d, d, autres vésicules. — e, e, autres. — f, con- duit éjaculateur. — g , armure copulatrice. Fig. 5. Appareil générateur femelle, grossi, du carabe doré {carabus auratus). — a, b, gaines ovigères, dépouillées de leur enveloppe commune. — c , c, calices des ovaires. — d, ligament supérieur des ovaires. — e, ré- servoir de la glande sébacée de l'oviducte. — f, vaisseau sécréteur de cette glande. — g, g, appareil des sécrétions excrémentitielles. — h , cœcum et rectum. — /, crochets vulvaires et dernier segment de l'abdomen. Fig. 6. Appareil générateur femelle , grossi , de V hydrophile brun ( hydrophilus piceus). — a, a, ovaires ou faisceaux des gaines ovigères — b, vaisseau sécréteur de la glande sébacée de l'oviducte. — c, réservoir de cette glande. — d, d, faisceaux des vaisseaux sécréteurs de la matière propre à la fabrication du cocon recouvrant les œufs. — e, e, e, e, e, réser- voirs tubuleux de cette substance. — y, dernier segment de l'abdomen. — g, g, fihères. Fig. 2' Une gaine ovigère, séparée, très grossie. Fig. 8. Filières et appendices, destinés , soit à l'acte de copulation, soit à la fabrication du cocon , très grossis. EXPLICATION DES PLANCHES. I I PLANCHE l'y. Organes extérieurs des crustacés décapodes brachyures. Nota. Figures copiées dn grand ouvrage sur l'Egypte, et publiées par M. Sa- vîgny. Elles sont très réduites. Fi^. I. Portion antérieure et vue en dessous, du corps de la thelphuse Jluviatile [potamon Jluviatile , Savig.) — a, milieu du bord antérieur du test, ou chaperon frontal. — h, b, antennes médianes ou internes. — c, c, antennes latérales ou extérieures. — d, d, yeux. — e, épistome ou sur- bouche. — f,f, pieds-mâchoires extérieurs, ou ceux de la troisième et dernière paire. Fig. 2. L'une des antennes médianes ou internes. — a, troisième ar- ticle du pédoncule ; Z>, c, ses deux tiges. Fig. 3. L'une des antennes latérales ou extérieures. Fig. 4. Le labre. Fig. 5. La langue. Fig. 6. L'une des deux mandibules , avec son palpe, a. Fig. 7. L'une des mâchoires de la paire supérieure ou des premières, Fig. 8. L'une des mâchoires de la seconde paire. — «, division analogue au flagre des pieds-mâchoires suivans. — b, b, b, autres divisions. — c, di- latation extérieure destinée à senir, avec l'autre portion de la mâchoire, de soupape pour l'introduction de l'eau dans les branchies. Fig. g. L'un des pieds-mâchoires de la paire supérieure ou de la pre- mière. — a, b ,le flagre; a, son manche ; Z>, sa tige. — c, c, c, divisions foliacées paraissant correspondre aux articles des autres pieds-mâchoires suivans proprement dits, ou de leur branche interne. Cette première paire , que l'on pourrait distinguer par l'épithète de chiloïde , en forme de lèvre, ferme la bouche dans les crustacés amphipodes et isopodes. Fig. 10. L'un des pieds-mâchoires de la seconde paire. — a, b, \e flagre. — c, le pied-mâchoire propre. Fig. II. L'un des pieds-mâchoires de la troisième et dernière paire, celle qui ferme extérieurement la bouche dans les crustacés décapodes. ■ — a, b, le flagre. — c, le pied-mâchoire proprement dit. — d, le troisième article est tronqué obliquement à l'extrémité supérieure de son bord in- terne, et servant d'insertion à l'article suivant. Cet article et les deux suivans sont ordinairement courbés, et constituent, par leur réunion, dans le système de Fabricius, un palpe. Fig. 12. Extrémité supérieure de l'une des deux serres. — a, b, c, la main ou la pince propre ; a, le doigt mobile ou le pouce, correspondant au dernier article des pieds suivans ; b, l'index ou le doigt fixe, et qui n'est qu'un prolongement de l'article c ou du métacarpe. — d, le carpe. Fig. i3. Plastron pectoral du mâle, avec le post-abdomen ou la queue, replié. Fig. i4- Le post-abdomen vu de tranche, avec les deux paires d'appen- dices de sa base ., a, b , propres à ce sexe. Fig. i5. Plastron pectoral de la femelle, recouvert entièrement par le post-abdomen. Fig. 16. Appendices sous-caudaux, partagés en deux tiges, dont l'une filiforme et articulée. Ces appendices sont au nombre de quatre paires j on a représenté l'une de chaque, a, b , c , d. Fig. 17. Portion antérieure, et vue en dessous, d'un grapse. — a, bord frontal du test. — b , b , antennes médianes ou internes. — c , c, les laté- rales. — d, d, les yeux. — e, e, pieds-mâchoires extérieurs, ou ceux de la troisième paire. 12 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig, i8. Portion antérieure, et vue en dessous, de Vocrpode chevallej- {ipeus). — «, (i, les yeux proprement dits; leur pédicule dépasse et se termine par un pinceau de poils. — b , b , c, bord antérieur du test, dont le milieu c est avancé en manière de chaperon. — d, d, antennes laté- rales.— e, e, pieds-mâchoires extérieurs. — f, le post-abdomen ou la queue. Fig. 19. L'une des antennes latérales. — «, le pédoncule. — b, la tige. Fig. 20. L'une des deux antennes médianes ou internes. — a, le pé- doncule. — b , c, les deux tiges. Fig. 1 1 . L'un des deux pieds-mâchoires extérieurs ou de la troisième paire. — a, manche du flagre. — b , le pied-mâchoire propre. — c, arti- culation du quatrième article avec le précédent. Fig. 22. Appendices sous-caudaux de la femelle. PLANCHE 18. Dwers organes extérieurs de crustacés décapodes , soit brachyures , soit macroures , et de quelques autres de l'ordre des amphipodes et de celui des isopodes. I^ota. Figures copiées du grand ouvrage sur l'Egypte, et réduites. Fig. I. Partie antérieure du corps d'un siâiorynque ,no\ûq. de l'espèce appelée -phalangium om faucheur, vue en dessous. — a, a, pointes fron- tales , et avancées en manière de bec. — b, b, antennes latérales. — c, c, antennes intérieures. — r/, d, yeux. — e, épistome. — f,,f, conduits auditifs. — g, g, pieds-mâchoires extérieurs ou leur troisième paire. Fig. 2. L'un de ces derniers pieds-mâchoires. Fig. 3. Plastron pectoral sur lequel la queue est appliquée. Fig. 4 et 5. L'une des deux dernières paires de pieds d'un pagure. Fig. 6. Portion antérieure du corps du scyllare large Çlatus), vue en dessous. — a, a, antennes médianes ou internes. — b, b, antennes laté- rales , composées simplement d'un pédoncule très aplati , et formant une sorte de crête. — c, c , pieds-mâchoires extérieurs. Fig. 7- Epistome, avec les deux entrées auriculaires a, a. Fig. S. Antenne latérale d'un pale'mon. — a, écaille de son pédoncule. Fig. 9 L'une des antennes médianes ou internes. Fig. 10. L'une des mandibules. — a, son palpe. Fig. II. L'un des pieds-mâchoires extérieurs. — a, le flagre. Fig. 12. Tronc du corps d'une espèce dCamphithoë. — a, a, vésicules de la base des pieds. Fig. i3. L'une de ces vésicules plus grossie. Fig. 14. Le labre. Fig, i5. La langue. Fig. 16. Mandibule, avec son palpe a. Fig. ly et 18. L'une des deux paires de mâchoires. Fig. 19. Pieds-mâchoires, répondant à la paire supérieure de ceux des décapodes, en forme de lèvre palpigère, et fermant la bouche. Fig. 20. Tête grossie, et vue en dessous d'une idotte {pelagica?). — a, «, antennes latérales. — b , b , les internes. Fig. 21. Post-abdomen d'un individu mâle de cette espèce, avec le dernier segment thoracique, vu en dessous, et grossi. — a, a, les deux écailles ou lames biarticulées , recouvrant, en manière de volets, les branchies et autres organes intérieurs. Fig. 22. Le même, avec ces écailles a, a, écartées, pour faire voir celles qui sont immédiatement eu dessous , et qui caractérisent ce sexe. EXPLICATION DES PLANCHES. l3 Fig. 23. Pieds-mâchoires, en forme de lèvre palpigère, et fermant la bouche. — a, a, lames représentant le flagre. Fig. 24 et 25. L'une des deux paires de mâchoires, dont la dernière supérieure. Fig. 26. La langue. Fig. 27 et 28. L'une des mandibules, vue sous deux aspects. Fig. 2g. Chaperon et labre. Fig. 3o. Appendices lamellaires sous-caudaux, a, b , c, d, e, ou ap- pendice de chacune des cinq paires. Fig. 3i. Tête d'une espèce de lygie, grossie, vue en devant. — a, a , portion radicale des antennes latérales. — b , b ,\iis internes. Fig. 32. Tête d'une armadille grossie, vue par-devant. — a, l'une des antennes latérales tronquée. — b , b,\es internes. Fig. 33. Post-abdomen du mâle, avec les derniers segmens thoraciques, vu en dessous, grossi. — a, a, écailles sexuelles. PLANCHE 19. Dn>ers organes extérieurs de crustacés des ordres suivans : stomapo- des, laemodipodes , phyllopodes et xjphosures. Nota. Les figures sont copiées des planches des Mémoires de M. .Savigny snr les animaux sans vertèbres, première partie, premier fascicule. Les numéros i — 3 se rapportent à la squille mante [squilla mantis , Fab.), ordre des stomapodes. Tous les organes analogues par leur situation corrélative et leur composition géné- rale aux pieds-mâchoires des crustacés décapodes, et les deux premières paires de pieds sont terminés en griffe, ou par un crochet recourbé : les autres pieds, ou ceux qui représentent les trois dernières paires de pieds ambulatoires de ceux-ci sont mutiques au bout et natatoires ; le dernier article est muni sur l'un des côtés d'une petite brosse de poils. Fig. I. L'un des pieds onguiculés de la paire supérieure, celle qui correspond à la première des pieds-mâchoires. — «, appendice vésicu- leux peltiforme. — c , onglet ou crochet du bout. La paire suivante ou celle qui est l'analogue des seconds pieds-mâchoii^es , est la plus grande de toutes, et terminée par une griffe plus ou moins dentée. Elle offre le même appendice, ainsi que les autres pieds onguiculés. Fig. 2. L'un des pieds delà troisième paire, celle qui vient immédia- tement à la suite de la précédente ; elle répond à la troisième des pieds- mâchoires. — a, appendice vésiculeux. — Z>, la griffe. Fig. 3. L'un des pieds-natatoires de leur première paire , l'analogue de la troisième paire des pieds ambulatoires des décapodes. — a , appen- dice styliforme. — b, l'article en brosse. Fig. 4 t Cjaine de la baleine { cyanius ccii , Latr. ), mâle , vu en des- sus et grossi. — a, antennes supérieures; les deux autres sont très courtes et n'ont point été figurées , étant cachées parles précédentes. — b, b, deux points que M. Savignyprend pour des yeux lisses. — c , c , d , pieds correspondans à la seconde et à la troisième paire de pieds-mâchoires. Ceux qui représentent la première sont le sujet de la figure 10 , et dépen- dent de la tête , ainsi que ceux de la seconde ., c , c ; mais ceux de la troi- sième, ^, sont annexés au premier segment du corps. — e ,J', appendices allongés, très mous, des deux paires de pieds suivans, qui sont très courts ou rudimentaires et mutiques. — g , h , i , paires de pieds suivans et tous onguiculés, les analogues des six postérieurs des décapodes. — j , vestiges du post-abdomen. Fig. 5. Labre. I^ EXPLICATION DES PLANCHES. Fl^. 6. Une mandibule ; point de palpe. Fi^. n. Langue. F/^. 8. L'une des mâchoires de la première paire, la supérieure. Fi^. 9. La seconde paire, mais dont on a supprimé la pièce a au côté gauche. — h, h, divisions intérieures. i^/g. 10. Pieds représentant la première paire de pieds-mâchoires. Ce crustacé appartient à l'ordre des lœmodipodes . Fig. 1 1 . ^pus caiicriforme ( caiiciiformis)ïen\e\\e, vu en dessous. Ce crustacé]est de l'ordre desphyllopodes. — a, a, a, bouclier supérieur. — b , repli frontal. — c, labre. — d, d , antennes. — e, e, mandibules. — f , f, les deux pieds antérieurs , et ayant la forme d'antennes rameuses, — g , g, pieds lamelleux , foliacés et natatoires. — h, h, deux fdets ter- minant postérieurement le corps. Fig. 12. Le labre. Fig. i3. La langue. Fig. i4- Une mandibule ; point de palpe. Fig. i5. L'une des mâchoires supérieures ou de la première paire. Fig. 16. L'une delà paire suivante. — a, b, ses deux branches ou divisions. Fig. 17. Limule poîjphème ( limulus polyphemus , Fab. ), ordre des xyphosures, vu en dessous. — a, a, bouclier antérieur. — b , son repli frontal. — c , c, bouclier postérieur, denté et épineux sur ses bords. — d, d, chélicèrcs, didactyles, insérées au-dessus d'une sorte de labre, o, et représentant, selon moi, les antennes médianes. — e, e,f,f, g , g, h, h, i, /, pieds ambulatoires , tous terminés en pince didactyle, dont les deux derniers accompagnés de feuillets {voyez la figure 19). —7,7, ap- pendice des mêmes pieds ( voyez la même figure ) . — L'apparence de lèvre inférieure formée par deux appendices maxilliformes , et détachées des mêmes pieds. — m , première paire de pieds natatoires , recouvrant les autres. — n , pharynx. — o , labre. Fig. 18. L'un des pieds antérieurs. — a, coxo-maxille. — ^, c, doigts composant la pince. — c, celui qui est mobile. Fig, 19. L'un des pieds de la cinquième paire , i, i. — a, coxo-maxille. — b, c, doigts delà pince. — d, feuillets du bout de l'antépénultième article. — e, appendicelamelliforme terminant une dilatation coxale de ces pieds. Fig. 20. L'une des pièces delà lèvre inférieure, /. Fig. 21. Labre, avec l'une des chélicères. PLANCHE 20. Dii>ers organes extérieurs d'Arachnides. Nota, Figures copiées des planches du grand ouvrage sur l'Egypte , publiées par M. Savigny, et de quelques unes de celles de ses Mémoires sur les animaux sans vertèbres. Fig. i. Chélicères d'un scorpion figuré par ce savant, qui nous paraît très rapproché de l'espèce appelée occitanus. MM, Hemprich et Ehrem- berg , dans leur monographie des scorpions du nord de l'Afrique et de l'Asie occidentale, citent cette figure à l'occasion de V andi^octoiius 5-siriatiis. Les espèces de ce genre ont , suivant eux , douze ocelles ; on n'en voit cependant que huit dans la figure qu'en a donnée M. Savigny. — a, a, premier article. '— b, b, le suivant, représentant le métacarpe des pinces des crabes. — c, c, d, d, les deux doigts , dont l'extérieur c mobile, ou formant le dernier article. Fig. '1. Sorte de lèvre inférieure de ce scorpion, quadrifide, formée par les coxû-maxilles ou les hanches a, «, 6, b , des quatre premières pâtes. EXPLICATION DES PLANCHES. i5 Fig. 3. Co"xo-maxilles a, a, des palpes c, c, avec une sorte de langue b, ou le camérostome , dans l'entre-dcux. — Les coxo-maxilles et leurs palpes représentent, dans mon opinion, les mandibules palpigères des crustacés décapodes , etc. Fig. 4- L'un des peignes du même animal très grossi. — a, a, sup- port des dents b, b. Fig. 5. Yeux grossis de la ne'mesie ( cienise , Latr. ) cellicole ( celli- cola)., de M. Savigny. Fig. 6. Bouche de cette aranéide, vue en dessous et grossie. — a, pièce considérée comme une languette ou une lèvre inférieure ( lèvre stetnale , Savig.). — b, b, premier article des palpes composant la coxo- maxille. — c, onglet ou crochet terminant les palpes. — d, d, pièces qu'on avait prises pour des mandibules, et qui sont , pour moi, des chéli- cères. M. Savigny les désigne sous le nom dejorcipules. Fig. y. L'une de ces chélicères très grossie. — ■ a, son premier article. — b , son crochet , et composant le second article. — c , espace du pré- cédent où sont situées les dents du râteau. ( Voyez pag. 5o3 et suiv. de cet ouvrage. ) Fig. 8. Extrémité a du tarse, avec ses trois crochets b , b, c. Fig. g. Yeux grossis de la segestrie perfide. Fig. 10. Sa bouche grossie, vue en dessous. — a, la languette. — b, b, c, c, les coxo-maxilles ( mâchoires , Walck. ). — d, d, les palpes, tronqués en grande partie — e , e, chélicères. Fig. 1 1 . L'une des chélicères très grossie. Fig. 12. La languette , vue par sa face interne ou antérieure et cachée. Fig. i5. Le camérostome, vu par sa face supérieure ou dorsale. Fig. i4- Idem, très grossi. — a, aire correspondante, selon moi, à l'épistome ou chaperon des insectes. — Z», le labre. Fig. i5. L'un des palpes avec sa mâchoire ou la coxo-maxille. — a, b, cette partie. — c, c, le palpe. — d, son onglet terminal. Fig. i6. L'un des palpes a, du mâle, très grossi, avec l'organe sexuel b^ copulateur, selon les uns , excitateur, suivant d'autres. Fig. in. Bout du tarse a, avec ses trois crochets b, b, c, dentelés. Fig. ïS. Bouche de V arach ne' familière [familiaris) mâle, de M. Sa- vigny, vue en dessous, et très grossie. — a, languette. — b, b, coxo- maxilles. — c, palpe. — d, organe copulateur présumé {conjoncteur , Savig.). Fig. 19. Portion antérieure du céphalothorax d'une galeode, portant les ocelles a, a et deux petits tubercules pilifères, pris aussi pour des organes analogues par quelques auteurs. Fig. 20. Sa bouche très grossie, vue en dessous. — a, sorte de lèvre inférieure formée par un prolongement membraneux de la base interne des palpes, — b, b, coxo-maxilles. — c , c , appendices {palpes de la lèvre, Savig.) situés à l'extrémité des deux languettes étroites, représentant réunies la langue. — d, le labre. — e, e, e,f, l'un des palpes, dont le dernier article^ en forme de bouton, avec un ombilic au bout. — g, g, g, h, l'un des deux pieds antérieurs soudé , à sa base , avec le palpe ; le dernier article h est mutique. Fig. 11. Portion de la bouche de cette galéode, très grossie, vue de profil. — a , l'un des côtés de l'épistome. — b, le labre. — c, c, appendices sétacés et soyeux des deux languettes. Fig. 23. Extrémité du tarse d'une espèce du genre chelifer, très gros- sie. ^ — a, le bout. — b, b, les deux crochets supérieurs. — c, appendice inférieur. Fig. 24. Corps du faucheur d'Egypte [phalangium œgyptiacum, Sa- j5 explication des planches. VIGNY ) mâle , vu en dessous , avec les pâtes , à l'exception des hanches , retranchées. — a, sternum, en forme de lèvre, renfermant l'organe sexuel. — ' ^, b, les chélicères. — c, c, les palpes. Fig. 25. Chélicères a, a, et palpes h, b Aw.phalangium copticum (Savig.), grossis. Fig. 26. L'une des chélicères du phalangium œgyptiacum, très grossie. — a, b, c, pince didactyle ; a, le métacarpe ; b, le doigt fixe ou l'index; c le doigt mobile ou le pouce, composant le dernier article. — • d, le pre- mier, dilaté à sa base e. Fig. 28. Le céphalothorax de la même espèce, vu en dessous, et grossi; on en a retranché les chélicères et les palpes. — a, sternum. — b, b, place des mâchoires situées à l'origine des palpes. — c, extrémité du labre. — J, d, base des palpes. — e, e,f,f, autres mâchoires situées à la naissance interne des quatre pâtes antérieures. Fig. 29. L'un de ces palpes avec sa mâchoire, très grossi. — a, la mâ- choire. — b, b, b, le palpe. — c, onglet du bout. Fig. 3o. L'une des mâchoires de l'origine des deux premières pâtes , très grossie. Fig. 5i. Mâchoire de l'une des pâtes suivantes ou delà seconde paire. Fig. 52. Suçoir ou siphon d'un ixode, très grossi. — a, a, pièces repré- sentant les palpes. — b, b, c, lames cornées et dentelées du suçoir. Fig. 33. L'une des deux lames supérieures b, b, très grossie. Fig. 34 et 35. La lame inférieure ou l'impaire, très grossie, et vue sur les deux faces, la supérieure 54 et l'inférieure 35. PLANCHE 21. Composition tégumentaire du thorax de dii^ers insectes. Nota. Les figures i-ii sont copiées de l'excellent Mémoire de M. Audouin ayant pour titre : Recherches anatomiques sur le thorax des animaux articulés , et celui des insectes en particulier. Fig. I. Tergum ou dos du mésothorax du grand paon [bombix pavo- nia major). Il est dépouillé des écailles qui le recouvrent, et on a supprimé les ailes et les ptérygodes [voyez la. Jig. 16 ). — a, l'écu, scutuni. — b , l'écusson, scutelluni. — c, l'écusson postérieur, postscutelluni. A l'égard de celui-ci , il faudrait restreindre cette dénomination à la portion dorsale du métathorax, que dans divers hyménoptères on a nommée arrière- e'cusson , faux-e'cussoji [voyez surtout le genre chlorion). Quant à l'écus- son proprement dit , il existe cette différence entre les lépidoptères , les hyménoptères , les diptères , d'une part , et , de l'autre , entre les coléop- tères , les orthoptères , et un grand nombre d'hémiptères , que dans les premiers, le mésothorax est le plus petit de tous les segmens du tronc, celui qui occupe le moins d'étendue , surtout dans le sens de la longueur, tan- dis que dans les seconds, il est celui qui a reçu le plus d'extension. Ces différences influent sur la situation apparente de l'écusson. Dans les coléoptères, il forme en outre une écaille détachée. La lettre d indique la situation de la pièce suivante, qui est désarticulée, ainsi que celles des /s- 3, 4, 5. Fig. 1. L'écusson antérieur, prœscutimi. Cette pièce réunit en dessus le prothorax ou le collier avec le mésothorax. Fig. 3. L'écu, scutuin. Fig. 4. L'écusson, scuiellum. Fig. 5. L'écusson jiostérieur, postscutelluni. EXPLICATION DES PLANCHES. I y Fig. 6, Poitrine du mésothorax du dytiscus Jlavo - scutellatus. Les figures suivantes représentent isolément les parties qui la composent. Fig. n. Le sternum. Fig. 8. L'épisternum. — a, l'hypoptère. Fig. 9. L'épimère. Fig. 10. Epimère, vu par sa face interne, afin de montrer l'apodème d'insertion a. De nouvelles recherches m'ont confirmé dans l'opinion que j'ai émise relativement à cette pièce , savoir, qu'elle est l'analogue de celles de l'ahdomen qui portent les stigmates, ou qui sont appuyées extérieu- rement contre eux , les péritrèmes ; c'est donc moins par leur situation près des hanches que par leur contiguité avec les ouvertures des organes respiratoires qu'elles doivent être distinguées. Aussi voyons-nous que dans les calandres et d'autres coléoptères l'épimère du mésothorax est séparée de l'origine des pieds intermédiaires par l'épisternum ; mais elle est placée tout auprès des deux stigmates de ce segment thoracique. Le métathorax étant privé de stigmates, l'épimère devient l'hypoptère. F^ig. Il, L'entothorax , pièce intérieure. Fig. 12. Moitié antérieure du corps du bupreste géant (gigantea), vu sur le dos. — a, a, la. tête. ' — b, b, le prothorax ou le corselet. — c, l'écus- son. — d, d, le mésothorax. — e, e, le métathorax. — f,f,f,f, les péri- trèmes. — g, g, arceaux supérieurs des deux premiers segmens de l'abdo- men. — h, A, les élytres. — • /, /, les ailes. ^ig. i3. La même moitié du corps, vue en dessous. — a, a, la tête. — ^,^, le pro thorax ou corselet. — c, le présternum prolongé postérieurement. — d, cavité du mésosternum qui en reçoit la pointe. — e, post-sternum ou sternum du métathorax. — f,f, hanches lamelliformes des deux pâtes postérieures. — g, g, espace occupé par l'épisternum et l'épimère. Une suture transverse , qui n'est pas exprimée dans la figure , indique la sépa- ration de ces deux pièces. — h, h, l'épisternum métal horacique. — i, i, naissance des ailes inférieures. — j, j, hypoptères. — A-, arceau inférieur du premier segment abdominal. ■ — /, /, élytres. — j?i , m, petite pièce articulée avec l'épisternum du métathorax. Fig. 14. Portion du thorax et de l'abdomen d'une espèce de me'topie, famille des ichneumonides , vue en dessus. — -a, tergum du mésothorax. — b, l'écusson. — c, c, tergum du métathorax.' — d, premier segment abdominal intimement uni au précédent. — e, e, les deux segmens suivans de l'abdomen , qui semblent être les premiers , et dont le plus antérieur est ainsi le second. — f,f, région scapulaire et paraissant comme for- mée par les prolongemens latéraux du prothorax. — g, g, les écaillettes , tegida. — h, h, origine des ailes supérieures. — i, i, celle des ailes in- férieures. Fig. i5. Portion du thorax et de l'abdomen d'un cimbex , vue en des- sus, et grossie. — a, tergum du mésothorax. — b, écusson. — c, c, tergum du métathorax. — d,d, premier segment de l'abdomen , intimement uni au segment précédent. — e, e, écaillettes. — f,f, origine des ailes supé- rieures.— g, g, celle des inférieures. Fig. 16. Portion du thorax et de l'abdomen d'un sphinx, vue en des- sus. — a, tergum du mésothorax. — b,b, ptérygodes. — c , écusson. — d, d, tergum du métathorax. — e, premier segment de l'abdomen. — f,f, origine des ailes supérieures. — g, g , celle des inférieures. Fig. ly. Portion du thorax et de l'abdomen d'une cténophore JaLmille des tipulaires, vue sur le dos, et grossie. — a, tergum du mésothorax. ~ b, écusson. — c ,c, tergum du métathorax. — d, premier segment abdo- minal. — e, e, les balanciers , ayant chacun près de leur base interne un stigmate, preuve que ces organes ne sont point des ailes rudiinentaires , Cours d'Entomologie, r^ année. Atlas. ^ l8 EXPLICATION DES PLANCHES. puisque Je métathorax dont ils devraient, par analogie, faire partie, n'offre point de spiracules. — /,/, origine des ailes. — X, h, h, h, région scapulaire membraneuse, et offrant aussi, de chaque côté, un stigmate. Fig. i8. Copiée de l'ouvrage précité de M. Straus, et très réduite. Elle représente le profd intérieur du tronc et de l'abdomen du hanneton commun mâle , et plus particulièrement la première couche des muscles ou la plus interne, le cloaque , l'étui de la verge , sa pince, etc. On y dis- tingue encore les six premiers de réduire singulièrement cette il nous est impossible , faute qui y sont rendues. Nous ne donnons cette figure que pour montrer d'une manière générale l'extrême complication de ces organes , et pour faire admirer la sagacité et la patience de l'auteur du beau Traité anatomique, que nous citons. Fig. 19. Elle est copiée de Lyonet, et représente les muscles de l'une des pâtes à crochet de la chenille, qui a été pour ce savant le sujet d'un travail qui semble surpasser tous ceux qu'on a publiés sur l'anatomie du corps humain. PLANCHE 22. Organes buccaux des nymphons , des myriapodes ou mille-pieds , de dwers insectes broyeurs et quelques autres appendices extérieurs de ceux-ci. Nota. Les fîgares 1-24 sout copiées des Mémoires de M. Savigny sar les anitnaax sans vertèbres, et celles des numéros 38 à 5o des planches da grand ouvrage sur l'Egypte. Celles des numéros 36 et 3 7 sont prises du Traité sur l'Anatomie da Hanneton commun de M. Straus. Fig, I. Nymphon grossipède ( grossipes, Fab. ) femelle. -— a, \a trompe ou siphon.— Z>, b, chélicères terminées en pince didactyle. — b,b , palpes. — d, pâtes ovifères. — e, tubercule ocellifère. — g; g"; g'> pieds ambulatoires, "—f, segment anal. Fig. 1. Portion antérieure de la plaque supérieure de la tête de ViuJe terrestre, vue en dessus et très grossie. — a, a, cavités donnant naissance aux antennes. — ' b, b , bord antérieur. Fig. 3. L'une des mandibules. — a, dents écailleuses , voûtées , im- plantées dans la cavité sous-apicale. Fig. 4. Lèvre inférieure composée de deux paires de mâchoires , sui- vant M. Savigny, mais qui, d'après l'analogie, représente plutôt la langue ( Voyez celle des cyames et des apus , figurées sur les planches précé- dentes) ; elle est divisée longitudinalement en trois aires, a, a, Z»; celle du milieu est partagée, dans le même sens, en deux. — c, c, petites saillies tuberculiformes. — d, mandibule. Les fig. 5 , 6 et 7 représentent les trois premières paires de pieds , venant immédiatement après la pièce précédente ; les deux premières et la seconde surtout sont très rapprochées à leur base a ; elles seraient les analogues des deux paires de mâchoires des crustacés dentés ; la troi- sième, ou celle de la figure 7, représenterait la première paire de pieds- mâchoires. Fig. 8-12. Mêmes parties, à la suppression près de la troisième paire de pâtes , prises du glomeris plombe'. Fig. 8. c , c , les yeux. Voyez , quant aux autres lettres de cette fi- gure et quant à celles des suivantes g-12 , l'explication des figures 2 à 6. Fig. 15-17. Organes de la manducation de la scutigère nraneoïde{nra- neoïdes). EXPLICATION DES PLANCHES. JQ Fig. i5. Bord antérieur du chaperon a, a, avec le labre b. Fig. 14. Deux paires de mâchoires a, a, b, b, réunies, et formant encore une sorte de lèvre inférieure, suivant M. Savigny ; mais ces par- ties représentent toujours , selon moi , la langue des crustacés dentés : ici seulement elle est quadrifide. Fig. i5. L'une des mandibules, avec une espèce de palpe a. Fig. 16. Première lèvre auxiliaire, dans la nomenclature de M. Savi- gny ; deux mâchoires palpiformes et réunies à leur naissance , dans la mienne. Fig. 17. Seconde lèvre auxiliaire , suivant M. Savigny ; seconde paire de mâchoires, formées de deux petites pâtes ou palpes onguiculées, a, a, et rapprochées à leur naissance, en manière de lèvre bifide, b, by selon moi. Fig. 18 à 23. Mêmes parties, à l'addition d'une près {fig. 19) , prises de la scolopendre mordante (morsitans). Fig. iS. a , a. Premiers articles des antennes. — b , labre ; chaperon , suivant M. Savigny. — c, ce chaperon ou l'épistome , dans ma nomen- clature. Fig. ig. Langue ou rebord du pharynx , Savig. — Conduit préœso- phagien , analogue à la carène inférieure de camérostome des ara- néides , suivant moi. Fig. 20. L'une des mandibules avec une espèce de palpe a. J^ig. 21. Lèvre inférieure, composée des premières et secondes mâ- choires réunies, a, a, b, b, selon M. Savigny; langue, selon moi. Fig. 22. Pièce précédente, b, b, c, c, mais ayant en devant deux palpes ou petits pieds onguiculés, a, a, composant, selon le môme savant, la première lèvre auxiliaire, et, dans mon opinion, analogues, par leur situation corrélative, aux deux premières mâchoires. (Fig. 16.) Fig. 25. Seconde lèvre auxiliaire, Savigny; secondes mâchoires, sui- vant moi. {Fig. 17.) — a, a, dilatation interne du second article des pieds en forme de crochets , b , b. Fig. 24. Première paire de pâtes; les analogues, selon moi, de celle de la troisième paire des iules. {Fig. 7.) Fig. i5. Tête d'une larve de dytique vue en dessous, très grossie. — > a, la tète proprement dite. — b, b, ocelles, au nombre de quatre de chaque côté. — c , c , mandibules. — d, d, palpes maxillaires, de sept ar- ticles. — e, labre avancé, conique, tronqué, et cilié au bout. — f,/", palpes labiaux, de cinq articles; les mâchoires et la lèvre sont très petites. On voit donc que la composition de ces organes, considérés dans leur état primitif, se réduit presque à deux palpes, ayant un plus grand nombre d'articles que dans l'état adulte, et qu'elle se rapproche dès-lors de la structure des parties des myriapodes analogues aux mâchoires^ Fig. 26. Laljre an calosome sycophante {sycophanta), grossi. Fig. 27. L'une de ses mandibules. MM. Clairville et Curtis se sont bornés à n'en représenter qu'une ; mais l'opposée offre souvent des diffé- rences , à raison de l'engrenage des dentelures de l'autre : il serait donc nécessaire de figurer les deux. Fig. 28. L'une des mâchoires. — a, palfie maxillaire externe. — ■ b, l'in- terne. — £•, le crochet apical de la mâchoire. Fig. 2g. Lèvre. — a, le menton. — b , b,\di languette. — c , c , para- glosses peu sensibles , mais bien développés dans la plupart des autres carabiques. — d, d, palpes labiaux. Fig. 3o. Une antenne. Fig. 3i. L'une des deux pâtes antérieures de l'individu femelle. — a, trochanter. — b, la cuisse. — c, la jambe. — d, e, les deux épines 011 20 EXPLICATION DES PLANCHES. éperons de l'extrémité interne. — /, premier article du tarse, suivi de quatre autres. — g, g, les deux ongles ou crochets terminant le dernier. Fi'g. 32 à 55. Pièces composant la bouche d'un ii^cropliore Çgermani- cus), très grossies. Fig. 32. Le labre. Fi g. 55. Une mandibule. Fig. 54. Lèvre. — a, le menton. — ^, la languette. ^c,€, les para- glosses. — d, d, les palpes. Fig. 35. Une mâchoire. — a, palpe. — b, c, lobes, dont b l'apical, ou l'externe. Fig. 56. Tête du hanneton commun, vue en dessous et renversée, grossie. — a, trou occipital. — b et c, région gulaire ; b, pièce basilaire , Straus ; c, pièce prébasilaire du même. — d, le menton. — e, la lan- guette. — f, fy mâchoires. — g-, g-, premier article des antennes. — A, /i, les yeux. — i, i, palpes maxillaires. — 7, 7, palpes labiaux. — k, k, les mandibules. — /, le chaperon. Fig. 37. Une mâchoire. — b, b, lobe apical denté. Fig. 58 à 45. Organes cibaires (ou de la manducation) d'une blatte d'Egypte, grossis. Celle du n° 58 représente le labre vu en dessous. Fig. 59. Lèvre. — a, menton. — b , b , c , c, divisions ou lobes de la languette. — d, d, palpes. Fig. 40 et 4i . L'une des mandibules vue sous deux sens , ou en dessous et en dessus. Fig. 42. Une mâchoire. — a, sa tige. — b , lobe interne et dentiforme. — c, lol3e apical ou galète. — d, palpe maxillaire. Fig. 45. La languette vue par sa face interne ou supérieure. — a, a, lobes externes. — b, pharynx. — c , c , caroncule formant la langue proprement dite. Les autres et dernières figures (44-5o) représentent les organes de la manducation d'une œshne, avec sa tête. Fig, 44- Le labre vu en dessous. Fig. 45. La lèvre. — a, le menton. — ^, la languette. — -c, c, d, d, les deux derniers articles des palpes. — e, dent interne du pénultième. Fig. 46 et 47- L'une des mandibules vue sous deux faces. Fig. 48. L'une des mâchoires. — «, la tige. — ^, le palpe. — c, pièce écailleuse et dentée terminant la mâchoire. Fig. 49 Antenne très grossie. Fig. 5o. La tête. —' a,a, les yeux. — • b, b , les antennes. — c, d, la face, ou l'espace intéroculaire, divisée en deux. — e, l'épistome, ou cha- peron. — /, le labre. PLANCHE 23. Organes buccaux , et quelques autres appendices extérieurs de dii^ers insectes suceurs. Nota. Toutes les figures , les cinq dernières seules exceptées , sont copiées des planches sur les insectes du grand ouvrage sur l'Egypte , exécutées sons la direc- tion de M. Savigny, ainsi que de ses Mémoires sur les animaux sans vertèbres. Fig. 1-6. Tête d'une eucère femelle , de la division de celles qui n'ont que deux cellules cubitales aux ailes, supérieures, avec tous les détails de son organisation buccale. Fig. 1. Tête grossie, vue de face. — a, le labre. — b , l'épistome, ou chaperon. — c, c, les yeux. — d, les ocelles, ou yeux lisses. Fig. 1. Appareil buccal grossi. — a, muscles de la base. — b, labre. — c, épipharynx ou épiglosse, Sav. — d, langue, ou hypophaiynx , du même. — €, e, lobe terminal des mâchoires, commençant à rinsertioa EXPLICATION DES PLANCHES. Il des palpes y] replié en dessons, dans le repos. — g , tube labial, répon- dant au menton des coléoptères et autres insectes broyeurs. — /, i , divi- sions latérales de la languette. — j, l'intermédiaire, ou la languette propre, désignée par divers auteurs sous le nom de langue. — h, h, palpes labiaux. ^ig. 3. Le labre, très grossi. — b, b, deux filets, que M. Savigny reproduit sur d'autres figures de la même partie, etdont j'ignore l'usage. Sa base offre souvent, de chaque côté , deux taches ou deux points plus luisans. I^ig. 4. L'une des mandibules. Fig. 5. L'une des mâchoires. — a, la tige. — ^, le palpe. Il est divisé en deux branches, caractère insolite que nous n'avons jamais observée. Est-ce une erreur du dessinateur que M. Savigny n'a point corrigée ? c'est ce que j'ignore. — c, lobe apical. /'/g. 6. Lèvre. — «, l'analogue de la pièce nommée par M. Straus pre- basilaire, qui, ainsi que la basilaire , est devenue mobile, pour faciliter le jeu de la trompe ou de la promuscide. — b, tube labial. — c, c, la lan- guette propre. — d, d, ses divisions latérales. — e, e, portion en forme de lame écailleuse des palpes labiaux , composée des deux premiers articles. — f,f, les deux autres articles formant une petite tige, rejetée sur les côtés. — g, g, espace occupé par deux petites écailles, qu'on n'a pas repré- sentées. Fig. ^. Tête de la guêpe orientale {orientalis) , vue de face. — a, a, mandibules. — b, l'épistome ou chaperon. ^ — c, c, yeux, échancrés au côté interne. — d, ocelles. Fig. 8. Labre, grossi, vu par sa face antérieure. Fig. g. Le même , vu en sens opposé. Fig. 10. L'une des mandibules , grossie. Fig. 1 1 . L'une des mâchoires. — a, la tige. — b, lobe terminal. — c, le palpe. Fig, 12. Lèvre, vue en dessous ou par sa face extérieure, lorsqu'elle est repliée. — a, tube labial. — b, b, divisions latérales de la languette. — c, c, les deux lobes de la division intermédiaire; ils sont, ainsi que les divisions précédentes, terminés par des points glanduleux et noirâtres. Fig. i5. Lèvre, vue en dessus. Même explication. Fig. 14. Portion de l'une des pâtes postérieures, très grossie, — a, bout de la jambe. — b, b, épines internes et dentelées. — c, premier ar- ticle du taree. Fig. i5. L'un des deux tarses intérieurs, avec l'extrémité de la jambe, vu en dessous, et grossi. — < a, épine interne et particulière de cette jambe. M. Kirby en désigne la partie membraneuse, ou plus mince, sous le nom de vélum , voile. Fig. 16. Extrémité de cette jambe et premier article du tarse, vus de profil. — a, cette épine. — b, échancrure de l'article du tarse. Fig. ly. Les trois derniers articles du tarse. — a, appendice membra- neux, en forme de petite palette, situé entre les crochets du dernier. Fig. 18-24. Tête du sphinx celerio , avec les détails des parties de la bouche. Fig. 18. Cette tête, vue de profil, avec sa trompe [spiritrompe) a, a, déroulée en majeure partie. Fig. ig. L'une des deux mâchoires, tronquée et très grossie. — a, lame ordinairement cornée , semi-valvulaire , offrant un canal au côté interne , striée finement et transversalement en dehors , avec les bords du canal lisses , imperceptiblement dentelés sur leur tranchant; bord supé- rieur mince et plus saillant. — b, palpe. 22 EXPLICATION DES PLANCHES. Fis. 20. Palpe labial, vu de profil, très grossi. — «, b, c, ses trois articles; le dernier très court, en forme de bouton. Fig. 21 et 22. Tronçons de ces lames maxillaires, réunis. Fig. 11. Tronçon, vu en dessus. — a, a, canaux propres. — b, canal commun supérieur. — c, c, bord interne , lisse. Fig. 11. Le même tronçon, vu en dessous. Fig. 25. Chaperon, avec les mandibules a, a et le labre b, vus en dessus. Fig. 24. Mêmes parties, retournées, ou vues en dessous. Même expli- cation. Fig. nS. Tête de la zygène de la scabieuse {zjgœna scabiosœ, Fab.), vue de profil, grossie. — a, a, spiritrompe. — b, palpe labial. — c, ocelle. — d, antenne mutilée. — e, œil. Fig. 26, a, a, mandibules. — b, labre. Fig. 27. L'une des mâchoires, très grossie; la lame apicale est aplatie et légèrement canaliculée. — a , son palpe , composé de deux articles y dont le dernier ayant un étranglement , de sorte que le palpe semble être formé de trois articles. Fig. 28. La lèvre, très grossie. — a, portion terminale et fixe, parais- sant répondre à la languette. — b, b, palpes labiaux de trois articles, b, c, d; le gauche est dépouillé de ses écailles. Fig. 29. Tête de la lithosie gentille {pulchella)^ vue de face. — « , «, palpes labiaux. Fig. 3o. a, a, mandibules. — b , labre. Fig. 3i. Bouche, vue de face; les lames maxillaires b, b rejetées en avant, et les palpes labiaux d, d écartés. — a, a, portions inférieures et fixes des mâchoires. — b, b, leurs lames terminales, formant la spiritrompe, tronquées. — c, languette. — d, d, palpes labiaux, de trois articles ; les deux premiers allongés, tandis que dans la figure 28 le radical est très court; M Savigny même ne le compte pas. Fig. 32. Tête du cimex uigriconùs de Fabricius, vue en dessous, grossie. — a, a, premiers articles des antennes. — b y b ,\es yeux. — c, le labre. — d, le suçoir, dont les soies sont réunies et renfermées dans un canal de la gaîne extérieure et quadriarticulée du rostre , e, e. Fig. 33. a, le labre. — Z>, le suçoir, composés de deux paires de soies ou filets déliés, c, c, d, d, séparées au bout. Fig. 34. Ce suçoir , plus grossi , avec ses pièces écartées dans leur Ion gueur. — «, a y b, Z>, les soies. — c, la langue. — d, le pharynx. Fig. 35. Trompe grossie du taon italique ( tabanus italiens., Fab ). — a, support. — Z> , la tige. — c, c, les deux lèvres terminales. Fig. 36. Soies impaires du suçoir grossies. : — «, la supérieure , repré- sentant le labre. — b, l'inférieure et l'analogue de la langue. — c, le pharynx. Fig. 37. L'une de la première paire de soies, représentant les mandibules. Fig. 3o. L'une de celles de la seconde paire ou des maxillaires. — a , son palpe, dont le dernier article très grand. — Z>, cette soie. Fig. 09. Tête vue de face et grossie d'un taon., dont les antennes a , a, sont mutilées , et montrant le dernier article b ^ b y des palpes maxil- laires , couché sur le dessus la trompe , c. Fig. 40. Trompe développée et grossie d'une espèce de ce genre. — a, b , soies impaires, la supérieure et l'inférieure. — c , faisceau des soies paires ou latérales. — d , l'un des palpes — e , gaîne membraneuse du suçoir. Fig. 4i. Trompe développée et grossie d'un bombjle ; suçoir com- posé de quatre soies. — a , l'impaire supérieure , représentant le labre. EXPLICATION DES PLANCHES. 23 — b , l'impaire inférieure , représentant la langue. — c, c , la paire des soies maxillaires. — cl, gaine de ce suçoir. t'i^. 42. Tète d'une oxjpière^iippobosca , Linn.) , vue de face et très grossie. — a , l'épistome. — b , b, les antennes. — c , gaine du suçoir for- mée par les palpes. — cl , r/, les yeux. Fis^. 45. Tête d'une puce vue de profd et grossie. — a, a, antennes. — b , l'œil. — c , cavité où l'on aperçoit dans le vivant une pièce , s'éle- vant et s'abaissant alternativement avec promptitude. — d, d, deux écailles recouvrant la base du rostre. — e, e, lames linéaires et articulées composant la gaine du suçoir. — f, f, f, soies de ce suçoir ; les lames ar- ticulées forment, dans la nomenclature de M. Savigny,la lèvre inférieure ; les deux écailles de la base sont des mâchoires extérieures au suçoir, et palpigères; deux des soies représentent les mandibules, et l'impaire ou la troisième , qui est la plus grêle , répond à la langue. PLANCHE 24. Nota. Toutes les fignres de cette planche sont des copies réduites de celles qu'ont données MM. Kirby et Spence , dans leur Introduction à l'Entomologie (seconde édit. tom. III, PI, X et XI), ouvrage auquel nous renverrons toutes les personnes qui désireront faire une étude approfondie des principes de cette science. Ils y ont consacré quatre forts volumes in-8°. , enrichis d'un grand nombre de planches , représentant les plus petits détails d'organisation. Les bornes de notre Cours , dans lequel nous devons d'ailleurs faire l'exposition des principales coupes, ce qui n'entrait point dans leur plan, nous interdisaient de semblables développeraens ; peut-être même eussent-ils fatigué l'attention des élèves , et les eussent-ils éloignés du but que nous nous sommes proposé d'atteindre. Les figures relatives aux antennes des insectes, publiées par ces savans, nous ont paru devoir suffire quant à la connaissance des modifications de formes les plus essentielles de ces parties; mais il n'est pas ainsi des dessins des ailes ; ils ne sont pas assez nombreux , et l'échelle sur laquelle ils ont été tracés, étant ici trop réduite , il a été impossible de désigner par des lettres plusieurs cellules , ayant des noms propres. Nous citerons , par exemple , les ailes des tipulaires et de plusieurs autres diptères. Cette nomenclatare, au surplus, ne pourra devenir rationnelle que lorsqu'on l'aura établie sur une comparaison exacte de ces organes, considérés dans tous les ordres de cette classe d'animaux. Tel est aussi notre sentiment au sujet des diverses parties tégumentaires de leur corps et du thorax spécialement. Nous souhaitons ardemment que M. Audouin , par des applications générales, fixe, régularise et simplifie cette nomenclature, si embrouillée par la discordance qui règne à cet égard dans les écrits de MM. Jurine , Chabiier, Straus , Kirby et Spence, etc. Toutefois, en déclarant que les fignres des ailes que nous donnons, d'après ces deux derniers naturalistes, ne font point assez connaître ces organes, nous croyons que dans leur application à notre méthode , ou dans l'emploi des caractères , elles pourront suffire. Fi^. I . Portion du corps d'un insecte coléoptère , située en arrière du corselet ou prothorax, vue en dessus, les ailes étant pliées. — a, a, élytres. — b , ô, la suture. — c , l'écusson. Fig. 1. Même portion du corps, prise d'une blatte. — a, «, côte des élytres, se croisant au bord interne b. — c , espace distingué par une ligne enfoncée, formant une courbe ou demi-ovale. — d, l'écusson. Fiu,. 5. Même portion du corps considérée dans un pcntatome. ■ — a, a^ côte des hémél}tres ou demi-étuis. — b , leur portion membraneuse. — c, l'écusson. Fig. 4. Ailes étendues (ïun Jbrjîcule. Fig. 5. Ailes supérieures d'un he'me'robe. — «, la côte. Fig. 6. Ailes étendues d'une cicindèle. Fig. 7. Aile supérieure d'un lépidoptère. — a, cellule centrale ou dis- coïdale. ^4 EXPLICAÏION DES PLANCHlîS. Fi^. 8. Aile supérieure d'un hyménoptère du genre bombas, ou bourdon. — «, cellule radiale. — b , première cellule cubitale. — c, la seconde. — ■ ^, la troisième , complète ainsi que les autres, ou fermée par une nervure propre. — e ,f, deux cellules discoidales, l'une , e, externe, et l'autre, y, interne. — •§ , seconde nervure récurrente, fennant posté- rieurement une troisième cellule discoïdale, inférieure aux précédentes; la nervure transverse qui la ferme par l'autre bout , et qui s'insère supé- rieurement sous la seconde cubitale , forme la première nervure récur- rente , que nous n'avons point distinguée par une lettre , pour éviter la confusion. Fig. 9. Aile supérieure d'un cimbex. — a, b , deux cellules radiales. — < c, d, e, trois cellules cubitales, dont la première recevant les deux nervures récurrentes , et dont la troisième fermée en arrière par le bord postérieur de l'aile. Fig. 10. Aile supérieure d'un proctotrope (codrus , Jurine ). — a, cel- lule radiale, point de cubitales. — b, le point, pwictum, et que, pour éloigner toute ambiguïté, je nommerai le calus. Fig. 1 1 . Aile supérieure d'un hyménoptère , divisée en aires ou régions principales. — « et ^ , nervures primitives ; a la radiale ou le radius, b , la cubitale ou le cubitus ; l'espace compris entre elles, jusqu'à leur réunion postérieure k, où est situé le calus , forme l'aire costale. — d, autre ner- vure primitive, la plus extérieure des brachiales. L'espace compris entre elle et la précédente, ou le cubitus, jusqu'à une petite nervure trans- verse , sera l'aire brachiale ; elle peut être divisée en plusieurs cellules longitudinales , selon le nombre des nervures brachiales , qui varie dans les hyménoptères d'un à trois ; l'intervalle s'étendant de la dernière au bord interne de l'aile , deviendra l'aire marginale interne , g. — La région e , commençant au calus , et se terminant un peu avant l'angle du som- met de l'aile, recevra la dénomination de radiale. — y, h, désigneront deux autres aires, la sous-apicaleyet la postérieure h ; la première peut être remplie soit simplement par les dernières cellules cubitales , soit en outre , lorsqu'elles sont éloignées du bord postérieur de l'aile , par un espace nu ou sans nervures ; le champ de la seconde est occupé dans plu- sieurs par des cellules marginales , dont la plus reculée en arrière est située à l'angle interne du bord postérieur, et encore , même en partie , au moins, par la cellule discoïdale impaire ou l'inférieure. — d indique l'aire centrale ou discoïdale ; des cellules cubitales et discoïdales en rem- plissent le vide. L'aile supérieure des cynips , à la suppression près des deux premières cubitales , dont cette figure 1 1 n'offre qu'une légère trace , se rapproche beaucoup du type esquissé par elle. Fig. \i. Aile supérieure d'une psychode , de la famille des tipulaires. — a, bifurcation de l'une de ses nervures , toutes longitudinales et presque parallèles, Fig. i3. Aile d'une tipule , et dont le type se retrouve aussi dans cer- taines espèces du genre limnobic. — ■ a, cellule discoïdale. — c , bifurca- tion d'une nervure , produisant une sorte de cellule pétiolée. Fig. 14. Aile supérieure d'un stratyome. — a, cellule brachiale ex- terne. — b , cellule brachiale médiane. — c , cellule discoïdale. — r/, cel- lule brachiale interne , se prolongeant jusque près de l'extrémité interne du bord postérieur de l'aile , et se terminant par un angle ; une nervure partant de la seconde des brachiales réunit celle-ci avec la troisième ou la plus interne des nervures du même ordre , et forme avec l'extré- mité de celle-ci ce que Fallcn appelle nerf angulaire ; l'aii'e du bord interne offre aussi , dans cette figure , deux petites nervures longitudi- nales réunies par une autre et transverse. EXPLICATION DES PLANCHES. l5 Fig. i5. Aile d'une mouche. — c et d désignent les cellules que j'ai distinguées , dans la seconde édition du Bègne animal , par les noms de cellules terminales extérieures; e,e, sera l'interne des mêmes. — a in- dique l'aire radiale , et ^ , l'aire cubitale ; elles forment , l'une et l'autre, deux cellules allongées et fermées par le bord extérieur de l'aile. Fig, i6. Antenne prismatique (i) d'un j-p^m.r. — i Filiforme. — Sétacée, ou en forme de soie. — Ensiforme. — Capillaire. — Fusiforme , ou en fuseau. — ■ Falci forme , ou en faux. — Moniliforme ou grenue. — Dentée. — Dentée en scie. — 26. — Imbriquée. — 27. — Distichoïde. — Grossissant vers le bout. — Pectinée. — Bipectinée. — Flabellée , ou en éventail. — Ciliée. — Rameuse. — Fourchue. — Auriculée. — a, l'oreillette. — Palmée. — Irrégulière. — Perfoliée. — Mucronée, ou cuspidée. — Capillacée ; son extrémité brusquement plus capillaire. — 4i- — Crochue. , — 1^1. — En massue. — 45. — TVoueuse, à deux massues ( bicla^atœ), — 44- — Contournée , ou en volute. — 45. — Coudée. — 46. — Yjn cornet {Jïinicatœ). — 47- — En honlon {cap itatœ). — 48. — En bouton perfolié. __ ^g, _ Filiforme, d'après MM. Kirby et Spence. —Mais plutôt en massue allongée. — 5o. — Globifère. — 5i. — Connées. — 52 et 55. — Sétigère. — 54. ■ — Subulée ou en alêne. — Sd et 5Q. — Ces savans , d'après Linnée , désignent cette forme d'antennes par l'expression àe filatœ , effilées, et en y ajoutant celle de simple, pour distinguer ces antennes des suivantes ; mais cela me paraît trop vague; il vaut mieux, en pareil cas, préciser la forme du dernier article ; c'est ce qu'a fait De Géer. 18. 19- 20. 21. 22. 23. 24. 25. 28. 29- ÛO. 3i. 52. 35. 54. 55. 56. 07. 5B. 59. 40. grêle et (1) Cette Planche étant très chargée, nous avons adopté, quant aux numéros des figures, la marche la plus propre à faciliter leurs recherches, sans avoir égard à la distribution méthodique des objets. 20 EXPLICATION DES PLANCHES. ,^ Fig.5j- Antenne . LamêmedénoiTiinationy?/rt/œ, avec l'adjectif, composée. Nous ferons la même remarque. Le dernier article est conique , articulé et en croissant. Tel est le caractère des espèces du genre taon , iabanus. ■". .!_. 58. — Toujours le même nom, filatœ. Le dernier article est évi- demment en forme de bouton ovoïde , tronqué au bout. — 59—- ^m/«to, en palette à aigrette. — 60. — En palette, à aigrette (soie) plumeuse. — 61. — Etoupée ( j'/m^oj'^). — 62. — Plumeuse ( ou plutôt à poils verticillés }. — 63. — Scopifère. — 64- — Barbue. — 65. — Verticillée. Cette désignation est trop générale. — 66. — Enflée. Expression encore trop vague. — 67. — Auriculée. — a, l'oreillette. Le même nom est appliqué à la figure 55. Ces antennes, cependant, n'ont de commun que l'avance- ment latéral , et en guise d'oreillette, a, de la base. 11 faudra toujours définir la forme générale de ces organes. Les gyrins nous fournissent le modèle de cette dernière figure. FIN DE l'explication DES PLANCHES. Corrections des fautes principales du Cours d* Entomologie 1 ^^ année. Page loo, ligne î8; \isei , smartim , &xi\\cxi àe sinîarwn. io3, lignes 3o et 3i , paphia de Linné ; lisez, de Cramer. L'espèce désignée ainsi par le premier n'est pas encore bien déterminée , et sa synonymie est confuse. "^ > i44 5 ligne 4 ; lisez , d'Esembeck. iSq, ligne 33; lisez, dix , au lieu de vingt. Ibid. ligne 36 ; lisez , segmens du corps, à la suite de l'antérienr, etc. — — 167. ligne îg; lisez, camérostome. — ^ — 283 , ligne 29 ; lisez , peritrèmes , au lieu de paraptères. â a ^ j Toi