'A' « v*^ ♦I® <£-// Culture et Exploitation Caoutchouc au Brésil Culture et Exploitation du CAOUTCHOUC au Rapport présenté à M. le Ministre de l'Agriculture, Industrie et Commerce des Etats-Unis du Brésil par M. O. Labroy,°«.* Ex-Chef de Culture du Muséum de Paris, Ex-chargé de Miss;on des Ministères de l'Instruction Publique et des Colonies Directeur de la "Station Expérimentale pour la culture du Caoutchouc à Para " avec la collaboration de M. V. Cayla, Ingénieur-Agronome. LIBRAIÎ. ï NE CAL 1913 Société Générale d'Impression 21, Rue Ganneron, Paris. 173 L3^ Exmo. Sr. Ministro da Agricultura, Temos a subida honra de remetter a V . Ex. o relatorio officiai da missào que V. Ex. houVe por bem conjiar-nos, em principios do corrente anno, ajim de estudar, com a collaboraçâo do Dr. V. Cayla, engenheiro agronomo, as condiçôes actuaes da producçào da borracha nos principaes centros productores do Brazil, examinar as possibilidades agricolas d'essas mesmas regiôes e finalmente determinar o local apropriado ao estabelecimento de duas estaçôes agronomicas: uma na zona da Hevea, outra na da Maniçoba. Sendo o tempo de que dispunhamos materialmente insufficiente para emprehender uma Visita detalhada aos districtos da borracha que se estendem nos Vastos territorios do Norte et do Centro do paiz, onde as communicaçôes sâo ainda lentas e difficeis, jomos forçados a limitar nossas investigaçôes â zona do baixo e médio Amazonas, comprehen- dendo a bacia do Xingû, assim como â regiâo méridional e occidental do Estado da Bahia, atê o rio Sâo Francisco. Conseguimos, entretanto, reunir uma intéressante e bem compléta documentaçâo sobre as très arVores cautchutiferas mais importantes para a producçào brasileira : Seringa (Hevea), Caucho (Castilloa) e Maniçoba. Nossas obserVaçôes pessoaes, harmonizadas com as anteriormente jeitas nas mesmas regiôes e em diversos paizes de plantaçâo, taes como: a Peninsula da Malasia, Ceylào, Ajrica Oriental, etc., leVaram-nos a dar a este relatorio um desenvolcimento que excède talvez as dimensôes habituaes de um documento d'esté genero. Mas, ao traçar este esboço, â falta de uma monographia compléta da borracha no Brasil (o que exi- giria muito tempo e investigaçôes mais profundas), inspiramo-nos nas » 10 # Vistas actuaes do GoVerno Fédéral, organizando um pequeno guia manual, para uso do explorador e do plantador brasileiro. Neste modesto trabalho, preoccupâmo-nos particuiarmente em expôr a situaçâo exacta da industria extractiva do cautchu no Valle do Amazonas, em indicar os melhoramentos praticamente realizaveis, jinal- mente em considerar a organizaçào de emprezas culturaes nas locali- dades mais jaûoraveis ao seu desenvolcimento. Devemos accrescentar que nossa tarefa joi particuiarmente jacili- tada pelo gracioso concurso de numerosas pessôas, com que travâmos relaçôes, no decorrer de nossa missâo. Seja-nos permittido patentear a todos os nossos sinceros agradecî- mentos, particuiarmente aos srs.: dr. R. Pcreira da Silva, superinten- dente da Dcjesa da Borracha ; Director do Museu Commercial do Rio de Janeiro e seu actioo collaborador dr. F. Figueira de Mello; coroneis José Porjirio de Miranda Junior e Castello Branco, que nos permittiram jazer uma proVeitosa estaçâo em seus seringaes no Xingû; engenheiro Paul Le Cointe, director da Sociedade Commercial e Agricola do Baixo Ama- zonas, em Obidos; dr. Enéas Pinheiro, inspector agricola do Para; dr. Arlindo Fragoso, secretario do Estado da Bahia; coronel Marcionilio Souza, jazendeiro em Maracâs; dr. Domingos Bloisi, plantador em Tambury; sr. Girdwood, director da jazenda Lajayette, em Machado Portella; coronel Angelo de Souza, jazendeiro em Villa Nova; srs. Hirsch, Hcn V. C; dr. Zentner, director da Estaçâo Botanica (Obras contra as Seccas), em Joazeiro; capitâo Gabriel Godinho, représentante do Museu Commercial na Bahia, etc. Os desenhos das jiguras que illustram o texto d'esté Relatorio sào detiidos a Mme. R. Labroy. Terminando, queira V. Ex. aceitar os protestos de nossa estima e consideraçâo, O. Labroy. Rio, 16 de Setembro de 1912. Sr. Dr. O. Labroy, Accusando o recebimento de Vossa carta de 16 do corrente, dando conta do resultado da commissâo que vos foi conjiada em o anno pas- sado, concernante â escolha dos pontos mais convenientes â installaçâo de campos de experiencia e demonstraçâo, destinados ao estudo da mani- çoba, da mangabeira e da heVea, tenho a satisjaçâo de louOar-Vos pelo desempenho satisjactorio que déstes ao contracto para tal jim celebrado em 1 5 de dezembro ultimo, como consta da injormaçâo prestada em 29 de agosto proximo passado pelo superintendente da Dejesa da Borracha, por mim incumbido de examinar o vosso relatorio. A gradecendo-Vos os esjorços que jizestes para leVar a bom termo a Vossa commissâo, espero poder em brève dar execuçâo ao disposto na clausula XIII do alludido contracto. Quanto â publicaçâo do Vosso relatorio, esta o mesmo superinten- dente autorizado a providenciar para que seja publicado com a maxima brevidade, cabendo-Vos a revisâo das respectivas provas typographicas (aviso n. 487). PEDRO DE TOLEDO. Do « Diario Ojjicial » , de 1 5 de Outubro Je 191 2. PREMIERE PARTIE - GÉNÉRALITÉS Considérations économiques sur la Production mondiale du Caoutchouc Le caoutchouc, mentionné sous différents noms par plusieurs voya- geurs plus de deux siècles auparavant, n'a été connu qu'en 1736, grâce à de La CONDAMINE, qui en envoya des échantillons de Quito à Paris. Mais, soit d'Amérique, soit d'Asie, soit même d'Afrique (depuis 1860), l'exportation du caoutchouc des régions productrices ne prit une réelle importance qu'à la suite de la découverte de la vulcanisation, par GOODYEAR. En 1840, le port de Belem n'exportait que 380.160 kg. de caoutchouc, chiffre porté graduellement à 1 .630 tonnes en 1856. La mise en évidence des qualités spéciales que confère à la gomme élastique sa combinaison avec le soufre (vulcanisation) ouvrit au caout- chouc des débouchés considérables que le développement intensif de l'industrie élargissait et multipliait chaque année. Les besoins grandissants de l'industrie amenèrent alors un accrois- sement plus rapide de la production et, parmi les pays producteurs, l'Amazone prit, dès le début, une place prépondérante sur le marché. La progression de l'exportation amazonienne est mise en évidence par ces quelques chiffres : ANNÉES BELEM MANAOS IQUITOS TOTAL 1880 9.926 t. 374 t. ... 10.300 t. 1892 14.693 t. 3.284 t. 531t. 18.318 t. La production mondiale de cette dernière année (1892) ayant été de 30.000 tonnes environ, il en résulte donc une proportion de 61 ,7 % pour la région amazonienne. Depuis 1892, la production mondiale s'est * 16 # accrue assez régulièrement jusque vers 70.000 tonnes en 1909 et 80.000 tonnes en 191 1 , ce qui correspond, en moins de 20 ans, à une augmen- tation de 16,5 %. Cependant les situations respectives des diverses régions productrices se sont modifiées : le caoutchouc des forêts d'Asie a pratiquement disparu, celui d'Afrique fournit à l'exportation des quantités peu variables d'une année à l'autre, avec plutôt une tendance à la faiblesse; mais un nouveau concurrent s'est dressé: le caoutchouc des plantations indo-malaises. Pendant la période comprenant ces 1 3 dernières années, la produc- tion amazonienne s'est accrue très notablement puisqu'elle est passée de 22.900 tonnes environ en 1898 à 37.623 tonnes en 1910-1 1 (année commerciale comprise du 1er juillet au 30 juin) et 41.950 tonnes en 1912-13 ; c'est dire qu'elle a plus que doublé en moins de vingt ans. Mais la production des plantations accuse une progression beaucoup plus rapide ; de 1 .247 tonnes en 1 907, elle s'est élevée à plus de 1 3.000 tonnes en 1911, de 28.500 tonnes en 1912 et doit encore s'accroître réguliè- rement pendant plusieurs années. Le tableau comparatif suivant donne une idée du développement relatif de ces deux principales provenances « Para sylvestre » et u Para cultivé » : ANNÉES 1898-99 .... PARA SYLVESTRE ET CAUCHO 21.909 t. PARA CULTIVÉ 1 t. 285 1900-01 .... 28.161 t. 3 t. 790 1903-04 .... 31.095 t. 19 t. 690 1906-07 .... 38.767 t. 670 t. 1910-11 .... 37.623 t. 7.930 t. 1911-12 .... 39.581 t 13.000 t. 1912-13 .... 41.950 t. 28.500 t. La production de l'Amazone ne représentait donc plus, en fin de 1912, que 40 % de la production mondiale; elle comprenait environ 77 % de « borracha » d'Hevea et 23 % de « caucho » de Castilloa, celui-ci ayant surtout pris de l'importance depuis 1882. Ajoutons toutefois que le Brésil produit chaque année 2.500 tonnes environ de caoutchouc de Maniçoba et de Mangabeira, non comprises dans les statistiques pré- cédentes. Ces chiffres indiquent suffisamment que le Brésil tenait toujours la tête des pays de production à la fin de l'année dernière, mais que sa part g 17 « contributive à l'alimentation du marché s'est proportionnellement amoin- drie depuis 12 ans. Les chiffres des exportations malaises correspondant au 1er semestre de 1913 laissent entrevoir pour cette année une production de caoutchouc de plantation qui excédera probablement pour la première fois celle du Brésil. Suivant les prévisions de LAMPARD, la récolte du Para cultivé attein- drait 45.000 tonnes en 1913. ScHIDROWITZ, l'expert anglais bien connu, élève même ce chiffre à 50.000 tonnes. En présence de ce déplacement, en tous cas inévitable, du grand centre de production mondiale du caoutchouc, le Brésil ne saurait songer sérieusement à vouloir adopter et mettre en application aujourd'hui les mesures tendant au relèvement artificiel des cours ou à la Valorisation du caoutchouc au Brésil ; ces mesures ne pourraient que faire le jeu des planteurs asiatiques. Au reste, les cours de février et mars 1912 à Liverpool étaient, pour le Para fin du Haut-Amazone, de 12 fr. 75 à 14 fr. le kilo ; ces prix, considérés par les producteurs comme insuffisants, étaient cependant très normaux. Certainement, ils apparaissent fort en dessous du cours maximum de 34 fr. 40 en 1910 et même du cours moyen (26 fr. 25) de cette année de boom et de spéculation ; mais il faut considérer que ces prix excessifs ne pouvaient se maintenir sans nuire fortement à la con- sommation du caoutchouc naturel, au profit des factices. D'ailleurs, il suffit de comparer les prix de ces 25 dernières années pour constater que le cours de 12 fr. 75 a été atteint pour la première fois en 1903 et celui de 14 fr. en 1904, encore la moyenne de ces deux années n'a-t-elle pas excédé 1 1 fr. 35 et 13 fr. 30. Le cours moyen de ces 25 dernières années (1886-1912) ressort à 11 fr. 66(1). Le caoutchouc devrait, par ailleurs, être produit en Amazone pen- dant de longues années en raison des immenses ressources constituées par ses seringaes naturels. Il est évidemment impossible de donner, du nombre des arbres exploitables, autre chose que des évaluations dont (1) Toutefois les cours du caoutchouc accusent une baisse de plus en plus sensible depuis le commencement de l'année. La cotation moyenne du Para fin Haut-Fleuoe sur le marché de Liverpool ressort seulement à 10 fr. 50 le kilo pour les sept premiers mois de 1913, sans qu'il soit possible d'escompter un prochain relèvement des prix. Aujourd'hui, 18 septembre, la première qualité du caoutchouc de l'Amazone est cotée officiellement sur la place de Belem à 6 fr. 50 (3$900). ® 18 © on ne peut définir l'approximation: l'ingénieur P. Le CoiNTE estime ce nombre à 200 millions dont 1/10 seulement en exploitation. La super- ficie des plantations asiatiques d'Hevea est actuellement évaluée à plus de 450.000 hectares répartis entre les Straits, les Etats Malais, Ceylan, Java, Sumatra, Bornéo, Burma et la Cochinchine ; elle comprend envi- ron 150 millions d'arbres dont 15 % à peine seraient en exploitation. Ces chiffres permettent d'apprécier l'importance que, sauf imprévu, sont appelées à prendre les plantations asiatiques ; elles montrent suffi- samment la réalité du danger qu'elles font courir à l'industrie extractive du nord du Brésil, si les mesures de défense adoptées par la loi fédérale du 5 janvier 1912 ne sont strictement et rigoureusement appliquées. 19 Examen sommaire des principales sources de Caoutchouc Caoutchouc naturel. — C. Synthétique. — Substituts. — Le caoutchouc est un carbure d'hydrogène de formule (C10H16)". C'est dire que la composition centésimale seule du caoutchouc est connue, sa for- mule moléculaire restant ignorée. Cette ignorance a singulièrement compliqué les recherches pour l'ob- tention d'un caoutchouc synthétique ; aussi les seuls résultats intéressants acquis jusqu'à présent l'ont-ils été plutôt par tâtonnements. Ce sont, chronologiquement, ceux du professeur BOUCHARDAT, de Paris, qui, en faisant agir un acide faible sur l'essence de térébenthine, a obtenu un corps un peu élastique, mais trop plastique ; puis ceux du professeur TlLDEN, de Londres, arrivé au même résultat, en maintenant l'essence de térébenthine en flacon pendant plusieurs années. Mais ces découvertes sont dépourvues d'intérêt pratique, puis- qu'elles ont pour point de départ l'essence de térébenthine, matière pre- mière trop coûteuse, qu'il a été impossible de réduire le temps néces- saire à la polymérisation du terpène, enfin, parce que le produit obtenu est loin de posséder toutes les qualités et propriétés du caoutchouc. Les recherches plus récentes du professeur HarR!ÈS, à Kiel, celles de H. PERKIN, F. STRANCE et E. MATHEWS, de HEINEMANN, de HODG KlNSON, enfin de HoFMANN et K. CONTELLOS d'Elberfeld, qui marquent cependant de réels progrès scientifiques, n'ont pu aboutir à un produit qui saurait davantage concurrencer sérieusement le caoutchouc naturel. Ajoutons que, parmi les centaines de brevets pris depuis quelques années, et tout récemment encore, aucun n'a réellement franchi l'enceinte du laboratoire. Le caoutchouc naturel aurait plus à souffrir de la frbrication du caout- chouc régénéré, dont la production annuelle s'élève à plusieurs milliers de tonnes, ainsi que des divers factices à base d'huiles siccatives, aux- quelles on incorpore des charges, des gommes, des résines, etc. Aucun de ces substituts ne se compare au caoutchouc, au point de vue de l'élas- ticité, mais certains peuvent néanmoins se mélanger à la gomme natu- » 20 ® relie ou même la remplacer complètement dans la fabrication de divers articles. On peut donc aisément prévoir que le caoutchouc naturel sera très difficilement supplanté sur le marché par un produit synthétique, doué de ses qualités physiques et chimiques et livré à un prix assez bas pour lui porter une concurrence sérieuse. De ce côté, du moins, l'avenir du caoutchouc brésilien n'a rien d'inquiétant. SOURCES DU CAOUTCHOUC NATUREL. — Avant ces dernières années, le caoutchouc était exclusivement un produit de cueillette, provenant de l'exploitation, soit par abatage, soit par saignée, de diverses essences laticifères originaires de la zone intertropicale. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, comment cette industrie extractive se transformait graduellement en une exploitation agricole ayant ses principaux centres dans la région indo-malaise. Toutes les essences caoutchoutifères actuellement connues sont loin d'avoir la même valeur économique ; la plupart ne présentent qu'un inté- rêt nul ou médiocre pour l'exploitation ; d'autres s'épuisent rapidement et disparaîtront bientôt de la liste des plantes à caoutchouc, si bien qu'un petit nombre d'espèces seulement continueront à jouer un rôle plus ou moins important dans l'avenir. L'espèce prépondérante est indiscutablement YHeVea brasiliensis ou seringueira de l'Amazone, auquel nous consacrerons la partie la plus importante de ce travail. Cette essence domine toutes les autres, non seu- lement par la qualité exceptionnelle de sa borracha jina do Para, qui représente toujours le type commercial de caoutchouc le plus parfait, mais également par des aptitudes culturales fort rares, que les planteurs indo-malais ont su admirablement mettre à profit. L'expérience a montré, en effet, que l'Hevea, transporté avec suc- cès des seringals amazoniens dans les terres défrichées de la Péninsule malaise, de Ceylan et des Indes néerlandaises, n'offrait pas de sérieuses difficultés d'acclimatement, tant que l'on ne s'écartait pas des zones à climat chaud et humide, où se rencontraient des terrains fertiles, argilo- siliceux, peu surélevés au-dessus du niveau de la mer et suffisamment abrités des vents secs et des cyclones. La plantation du caoutchoutier de Para a été trouvée d'un excellent rapport dans maints endroits où avaient échoué le Castilloa (Caucho) et le Ficus d'Assam. Ce prodigieux succès » 21 » de l'Hevea en Indo-Malaisie doit être attribué à plusieurs facteurs écono- miques favorables au développement des grandes entreprises, en particu- lier aux cours élevés du caoutchouc dans les dernières années et plus spé- cialement en 1909, 1910 et 191 1 , à une propagande très habilement faite dans les milieux financiers européens, au bon marché et à la facilité de la main-d'œuvre, enfin aux avantages et encouragements accordés aux planteurs par les Gouvernements locaux. Mais ce sont également des considérations d'ordre cultural qui ont élevé la plantation de cette essence au niveau d'une puissante industrie : adaptation au sol et au climat de la région ; exploitation rémunératrice dès la sixième, parfois même la cin- quième ou la quatrième année ; résistance et entraînement de l'arbre aux saignées répétées ; rendement progressif jusqu'à 1 kilo et plus de caout- chouc sec par arbre et par an vers la dixième année ; coagulation facile du latex par la voie rationnelle et obtention d'un produit de grande pureté et de valeur approchant le Para fin de l'Amazone. Si les résultats obtenus sur les estâtes de Malaisie et de Ceylan ont été généralement très satisfaisants, il ne faut cependant pas se dissimuler que l'on a eu à enregistrer nombre d'échecs. Ceux-ci résultaient le plus souvent du mauvais choix de l'emplacement et du terrain, des conditions défectueuses de mise en place des arbres, d'un manque d'entretien de la plantation et de l'invasion d'ennemis et de maladies, qui en est la consé- quence inévitable. Les organisateurs de telles entreprises s'étaient davan- tage préoccupés du côté spéculatif que du côté cultural. C'est dans les Straits et les Etats Fédérés Malais que se rencontrent les plantations d'Heveas les plus prospères, ce qu'il faut expliquer par la grande analogie de climat et de sol que cette région présente avec celle des centres de seringals de l'Amazone. Des résultats très satisfaisants ont été obtenus également sur la côte est de Sumatra, où de récentes statistiques portent à 200.000 acres l'étendue des plantations. A Ceylan, à Java, en Cochinchine où la saison sèche est plus accentuée, on cons- tate déjà une très notable diminution dans la croissance des arbres et, par suite, dans le rendement des premières années. Partout ailleurs où l'on a fait des essais de culture avec l'Hevea, les résultats sont encore douteux ou négatifs. Le Gouvernement du Congo Belge et quelques Sociétés concession- naires de la colonie ont entrepris des essais sur l'avenir desquels il serait prématuré de se prononcer. Nous ne saurions davantage fonder une S 22 # ppinion sur la culture du caoutchoutier de Para au Dahomey, à la Côte d'Ivoire et au Congo français où quelques expériences sont en cours. A la Gold Coast, la question ne semble pas avoir avancé beaucoup, depuis les premières et intéressantes tentatives de JOHNSON, remontant déjà à nombre d'années. Il faut être aussi réservé en ce qui concerne le Cameroun et les Antilles. En résumé, la culture de l'Hevea a donné lieu à de sérieux essais en de nombreux pays tropicaux hors de la zone d'habitat de l'espèce, mais il faut constater que nulle part ailleurs qu'en Malaisie, à Ceylan, aux Indes Néerlandaises et en Cochinchine, on n'est sorti de la période expérimentale. Nous verrons que, dans ce vaste bassin de l'Amazone qui est le pays d'élection de l'Hevea, on rencontre d'excellentes possibi- lités culturales, en particulier sous le rapport du climat et du sol, facteurs des plus importants pour l'établissement de plantations d'avenir. Le Castilloa ou arbre à caucho est représenté dans la vallée de l'Amazone par le C. Ulei WaRB., qui fournit environ le quart de la pro- duction caoutchoutière du Brésil, mais il existe un certain nombre d'espèces du Centre- Amérique, dont la plus répandue serait le C. elastica (1). Les belles perspectives auxquelles cette dernière espèce avait donné naissance en diverses régions chaudes pour l'organisation d'entreprises de rapport ont échoué en général, soit en raison du mau- vais choix de l'espèce ou du type producteur, soit par suite des difficultés rencontrées pour l'exploitation (saignée et coagulation rationnelles), soit encore par suite de l'incompétence du personnel technique chargé de ces plantations, comme le fait a été souvent observé dans le sud du Mexique. Certains résultats plus récents obtenus à Trinidad et Tobago tendraient cependant à réhabiliter le Castilloa dans les pays à main- d'œuvre rare et à climat insuffisamment humide pour la culture indus- trielle de l'Hevea. Nous ne pouvons nous étendre plus longuement sur le Castilloa, non plus que sur les Maniçobas et le Mangabeira, qui seront étudiés dans une autre partie de ce rapport. Ajoutons cependant que le Maniçoba de Cearâ (Manihot Glaziowii), auquel sont venues s'ajouter en 1907, trois espèces nouvelles pour la science, le Maniçoba de Jéquié (M. dichotoma), le M. du San Francisco (M. heptaphylla) et le M. de Remanso (M. piau- (1) M. H. PlTTIER, dont les travaux sur la flore de Costa-Rica et des divers pays centre-américains font autorité, porte à onze le nombre des espèces de Castilloa. » 23 « hyensis), interviennent encore pour une part appréciable (2.000 tonnes environ) dans les exportations du Brésil et font l'objet de plantations assez étendues dans les Etats de Bahia et du sud de Piauhy. La culture du M. de Cearâ, qui a été trouvée rémunératrice sur les entreprises de l'Est-Africain Allemand et du British East Africa, mérite d'être prise en considération dans les zones sèches et peu fertiles, comparativement avec celle des types de Bahia et de Piauhy. Le Mangabeira (Hancornia spe- ciosa), dont la distribution géographique est considérable au Brésil, est exploité assez activement dans certains Etats du Centre du Brésil, mais n'offre pas l'intérêt cultural des essences précédentes en raison de la qualité secondaire de son caoutchouc et de la longue attente de sa mise en exploitation. Le caoutchoutier d' Assam (Ficus elastica) ne fournit plus qu'une bien faible contribution au marché mondial du caoutchouc. On sait que les peuplements de cette espèce, l'une des plus anciennes sources de caout- chouc, sont à peu près épuisés. Le Gouvernement de Java a créé des peuplements forestiers, du même type que ses plantations d'arbres à Gutta, mais dont les résultats paraissent insuffisants pour rémunérer une entreprise privée. En Assam, la célèbre plantation gouvernementale de Charduar a été mise en vente dernièrement, après avoir été à peu près abandonnée par le service local. Quant aux lots de plantations établis par quelques Sociétés ou particuliers de Java, Sumatra et Etats Malais, ils ont été généralement négligés ou remplacés par l'Hevea. Cet échec d'un arbre vigoureux, rustique, producteur d'un caoutchouc qui, bien préparé, approche la qualité du Para fin, doit être attribué à l'insuffisante résis- tance du Ficus aux saignées et à son rendement plus tardif et plus faible que celui de l'Hevea. Ce rendement n'excède pas sensiblement 650 gram- mes de caoutchouc sec par arbre de dix-huit ans. L'arbre à caoutchouc de l'Afrique Occidentale ou Ireh (Funtumia elastica) a été planté sur une assez grande échelle en diverses colonies africaines, notamment au Congo Belge, en vue de remplacer les peuple- ments de lianes et d'/re/is sauvages, détruits par l'exploitation indigène ; les résultats obtenus jusqu'ici ont été peu encourageants car le Funtumia supporte difficilement plus de deux ou trois saignées, exige de sept à dix ans pour être mis en exploitation et donne un latex assez difficile à traiter rationnellement. Ces faits, constatés par la pratique, ont enrayé le mouvement en faveur de la culture du Funtumia. Notons toute- » 24 32 « coagulum avec l'alcool d'une part, l'acide chlorhydrique et le sulfate de magnésie d'autre part. Avec une très faible solution d'acide sulfurique et d'hyposulfite de soude, la coagulation a été obtenue en quelques minutes, mais le produit ainsi préparé était de consistance résineuse, très cassant, dépourvu d'élasticité et de ténacité. Il pourrait cependant y avoir un certain intérêt à reprendre ces recherches et à procéder à une étude chimique et industrielle complète de ce latex et du produit qui en résulte ; l'arbre est en effet abondant en certains points très accessibles à l'exploitation, si celle-ci était trouvée rémunératrice. Rappelons, à ce propos, que l'industrie du jelutong en Malaisie et dans les Indes Néerlandaises porte sur une essence dont la valeur économique n'est peut-être pas tellement supérieure à celle de YH. Spruceana du Bas- Amazone . L'HeOea guyanensis, prototype du genre, est une espèce surtout répandue dans les Guyanes, mais qui s'avance cependant jusque dans le nord et l'ouest de Marajo, où l'a observé le Dr J. HuBER, le savant Direc- teur du Musée du Para. Les seringueiros la connaissent sous le nom de seringueira Mangue, sans attacher grand intérêt à sa production, qu'ils négligent généralement. Son latex, de couleur blanc-jaunâtre, est fort peu abondant. Nous devons cependant signaler les essais d'exploitation aux- quels elle a donné lieu en Guyane hollandaise ; le service forestier de cette colonie a publié, sur les résultats de ces expériences, diverses notes et brochures qui ne concluent pas catégoriquement à la possibilité d'une exploitation rémunératrice de l'arbre; le latex qu'il fournit est d'ailleurs peu riche en caoutchouc et celui-ci est lui-même de qualité inférieure. L'H. guyanensis se distingue aisément de YH. brasiliensis par les moindres dimensions de l'arbre, son port plus dense, ses folioles obo- vales, à nervure médiane courte, obtuse, tendant à se redresser, l'absence de glandes au sommet du pétiole, enfin par la petite dimension de ses graines, dont la longueur n'excède pas lc/m30. L'HeVea Benthamiana, MULL. ARC, sur lequel on ne possède encore que des renseignements incomplets, présente cependant un réel intérêt puisqu'il constitue, avec YH. Duckei, HUB., le principal producteur de caoutchouc du Rio Negro. D'autres espèces telles que YH. lutea, MULL. Arc, du Rio Negro, YH. cuneata, Hub., de terres fermes, YH. apiculata, MuLL. Arc, YH. minor, HEMSL., YH. rigidijolia. MULL. ARC. YH. Kunthiana, Fig. 1. Rameaux fructifères d'Hevea brasiliensis, montrant à la fois des fruits normaux avec 3 graines et des fruits anormaux à 4 graines. efi(ir«ffi««f Fig. 2. Rameaux fructifères, graines et latex à'Hevea Spruceana récoltés sur la propriété de M. P. Le CoiNTE, près d'Obidos. 33* ® 33 ® HUB., etc., ne sont pas suffisamment connues pour qu'il soit possible d'émettre une opinion définitive sur leur valeur caoutchoutifère. L'étude botanico-économique des Heveas du Haut-Amazone est encore peu avancée; cette région, dont la climatologie diffère déjà nota- blement de celle du Bas- Amazone, renferme des seringals de grande richesse qui pourraient donner lieu à des observations intéressantes pour l'exploitation, peut-être même pour la culture des meilleurs types pro- ducteurs du caoutchouc indigène. Il n'est pas douteux que le Dr ULE, qui a visité dernièrement les seringals de l'Acre, chargé de mission par l'Association Commerciale de l'Amazone, n'ait rapporté de son voyage des renseignements précieux sur les HeVeas de ce territoire. Les forêts du Matto Grosso, à la limite sud de la zone naturelle de YHeVea, ren- ferment également des peuplements très denses d'arbres à fort rende- ment au sujet desquels il y aurait intérêt à procéder à une enquête approfondie, qui pourrait peut-être révéler l'existence d'un type d'Hevea avantageux pour la culture dans des conditions différentes de celles exigées par l'arbre du Para. 34 Physiologie et Biologie de l' « Hevea brasiliensis » La physiologie de YHeVea brasiliensis comprend deux groupes de phénomènes: des manifestations d'ordre général qu'on retrouve chez tous les végétaux supérieurs, comme la respiration, l'assimilation chlorophyl- lienne, etc., et des manifestations spéciales à lui seul ou qui lui sont communes avec un certain nombre de plantes, comme la production de latex. L'étude des premiers phénomènes ne peut trouver place ici ; mais des indications succinctes sur la production du latex, sa conduc- tion, sa composition, son rôle, doivent être données dès maintenant. On ne possède actuellement que des données très incomplètes sur l'anatomie et la physiologie de YHeVea; elles viennent toutes de l'Extrê- me-Orient. Nous ne pouvons donc tenir compte que des résultats obtenus dans ces régions fort lointaines de l'Amazone en faisant remarquer qu'ils peuvent très bien subir de notables modifications pour les arbres des seringaes américains. Mais ces études exigent beaucoup de temps et des installations de laboratoire, sur place, que le Brésil ne possède malheu- reusement pas encore. Nous signalerons donc les faits qui, sans con- teste, sont généraux et, pour ceux qui sont susceptibles de varier avec les régions, nous invoquerons l'autorité du savant qui les a signalés. Tous les organes vivants de YHeVea brasiliensis : les racines, le tronc, les branches, les feuilles, les fleurs, les fruits et les graines, sont parcourus par un réseau de fins canaux, appelés vaisseaux laticifères, et dans lesquels circule un liquide blanc laiteux : le latex. Ces vaisseaux sont formés de cellules disposées en files plus ou moins longitudinales et dont les cloisons de séparation se sont résorbées, soit totale- ment, soit presque complètement (D. H. Scott), constituant ainsi un canal continu plus ou moins parfait. Lorsque deux de ces canaux arrivent en contact latéralement, de nombreuses et larges perforations se produi- sent dans les parois qui se touchent, multipliant ainsi les communica- tions. Ces canaux sont d'ailleurs ramifiés et anastomosés, et, dans l'écorce de la tige, par exemple, circulent en tous sens. L'importance de ce 35 réseau n'est cependant pas la même partout: chez YHeCea, il ne présente actuellement un intérêt pratique que dans le tronc, et même seulement dans une portion de cet organe, dans la partie de l'écorce comprise entre le cambium et la couche subéreuse externe. Couche subéreuse externe de l'écorce Couche libérienne et hticifere de lecorce .... Cambium - - Bois Fig. 3. Coupe transversale schématique dans un tronc A'Hevea. L'épaisseur de cette couche laticifère est variable, mais normale- ment ne dépasse pas 5°^ (d'après PETCH). Dans l'exploitation des arbres, c'est elle qu'on doit atteindre, et même sa partie la plus profonde (2°^ d'après Petch), qui est la plus riche en caoutchouc. Mais il faut autant que possible, ne pas léser le cambium sous-jacent qui, en raison de sa très faible épaisseur (0m/m25 d'après GaLLAGHER), est détruit aussitôt atteint. L'intégrité du cambium ou assise génératrice a une grande importance, car c'est lui qui régénère l'écorce enlevée par la saignée, qui permet donc la cicatrisation de la blessure et au bout d'un certain temps — qu'on admet égal à quatre ans — une nouvelle exploi- tation à la même place. C'est ce réseau de vaisseaux qui sert à la conduction du latex, dont le mécanisme d'élaboration reste encore assez mystérieux malgré les recherches effectuées. Les cellules qui forment les laticifères étant for- mées par le cambium, le latex semble être produit in situ. Mais, dès que les canaux sont constitués il y a des échanges avec les divers tissus de la plante, qui modifient sans cesse sa composition et introduisent de nou- velles substances. Quant au produit qui est le plus important au point de ® 36 <© vue pratique, le caoutchouc, la discussion entre les partisans de la for- mation sur place et les partisans de la formation dans les feuilles n'a pas apporté de résultat décisif. Le latex, liquide blanc laiteux, de réaction sensiblement neutre, qui remplit les laticifères, a une composition complexe. C'est essentiellement un sérum constitué par de l'eau tenant un certain nombre de matières en dissolution et d'autres en suspension, ces dernières sous forme de glo- bules microscopiques plus ou moins ovales, animés de mouvements plus ou moins rapides et d'amplitude différente. Les dimensions de ces glo- bules, qui contiennent le caoutchouc, varient. SEELIGMANN, PARKIN, VIC- TOR HENRI, PETCH, SPENCE ont donné des chiffres divers. Comme nous avons pu le voir sur du latex d'Hevea de l'Amazone, dans une même goutte, il y a des différences de dimensions de un à quatre. Mais pour la plupart, le diamètre est d'environ 1 V- (un millième de millimètre). En dehors du caoutchouc, on trouve dans le latex des résines, des gommes, des matières azotées, un peu de matières grasses, des hydrates de car- bone et des sels divers d'acides minéraux et organiques, notamment des phosphates, des sels de potasse, de sodium, de calcium, de magnésium, de fer. Les théories émises sur le rôle que joue le latex chez les végétaux sont assez contradictoires et aucune n'a pu jusqu'ici s'imposer. 11 semble bien qu'on doive rejeter la théorie défendue par KNIEP, RlDLEY, BuR- GESS, RoBINSON et autres, que le latex protège la plante contre les para- sites animaux ou végétaux, puisqu'en Extrême-Orient de nombreux arbres sont détruits par les termites et par divers champignons. Son rôle dans la cicatrisation des plaies (Vries) est aussi peu défendable ; si sa coagulation obture les laticifères sectionnés, on ne peut non plus soutenir que ce soit là une fonction primordiale. La théorie suivant laquelle ce serait un produit d'excrétion, soutenue par les élèves de Van TlEGHEM, par WaRNING, PARKIN, etc., réunit aujourd'hui beaucoup moins d'adhé- rents que celle attribuant au latex dans la plante un rôle complexe ; il aurait pour but : l'accumulation de l'eau (PARKIN, WARNING, VeRNET, etc.), l'accumulation des réserves de substances alimentaires (TrÉCUL, FAIVRE, MOLISCH, M'" BRUSCHI, SPENCE, VERNET, etc.), le transport des substances alimentaires d'une partie de la plante à l'autre (SCHUL- LERUS, TREUB, BAILLON etc.). On sait toutefois que les canaux à latex constituent le tissu qui se différencie le premier dans l'embryon de la » 37 « graine (d'après SCOTT, CHAUVEAUD) : leur contenu a donc une importance de premier ordre pour la vie de la plante toute jeune, ce qui tend à faire rejeter le rôle d'excrétion que certains lui attribuent. L'explication ingé- nieuse donnée récemment par H. P. STEVENS du rôle du caoutchouc et des résines dans le latex confirmerait la fonction d'accumulation et de conduction d'aliments. C'est à notre connaissance la meilleure tentative d'explication, les autres savants ayant du reste surtout cherché à établir l'existence de la fonction. Si l'on peut affirmer pour beaucoup des substances du latex qu'elles sont un aliment pour la plante, par exemple la potasse, l'acide phospho- rique, les hydrates de carbone, on n'a pas encore pu trancher de façon satisfaisante cette question : le caoutchouc, qui est continuellement éla- boré par VHeVea, est-il un aliment (SPENCE, VeRNET, etc.), ou un déchet? Ce point a cependant une importance considérable pour l'exploi- tation des HeVeas, les arbres ne pouvant supporter sans dépérir l'enlève- ment de trop grandes quantités d'aliments. Nous avons donné la composition qualitative sommaire du latex d'Hevea. Mais il faut faire remarquer que les proportions relatives des divers éléments qui le composent varient suivant un certain nombre de facteurs: l'âge de l'arbre, les diverses parties de cet arbre, les conditions de sol, d'altitude, d'atmosphère, etc. On n'a quelque peu étudié que les variations de la teneur du latex en caoutchouc (teneur moyenne 52 à 55 % chez les arbres non encore saignés, d'après VERNET), en résines et en eau. Le latex des jeunes arbres contient très peu de caoutchouc et beau- coup de résines ; les incisions profondes donnent moins de résine (d'après ULTÉE, TROMP DE HAAS, C.-J. WEYS) que si elles sont 'superficielles. Quant à sa teneur en eau, on sait qu'elle est influencée par la teneur en eau de l'air et du sol, que le latex est moins épais, c'est-à-dire plus aqueux, en période de pluies. L'abondance du latex est également soumise à des variations. Ainsi l'exsudation, due à un phénomène de turgescence, est plus abondante, pour un même arbre, le matin que le soir: c'est du reste un fait connu de tous les seringueiros ; elle est aussi plus abondante après un certain nombre de saignées qu'à la première: c'est un phénomène spécial à 1 Heûea, toujours constaté, mais non expliqué, la réponse à la blessure, le Wound response des Anglais. Il a été observé également que les incisions pratiquées sur la face ® 38 « du tronc exposée au soleil accusaient un rendement quantitatif en latex, inférieur à celui obtenu de saignées faites sur le côté ombragé. Cette remarque n'est d'ailleurs pas particulière à l'Hevea, mais s'applique également à d'autres essences telles que le Castilloa (H. Pittier). D'autres phénomènes biologiques doivent encore ère notés pour VHeVea. C'est d'abord l'époque de la chute annuelle de ses feuilles, au début de la saison sèche, à la fin juin et en juillet dans le Bas-Amazone (HUBER); mais l'arbre n'est jamais complètement défolié, de nouvelles feuilles se développant toujours en petite quantité. On trouve dans l'Ama- zone chaque année deux floraisons. La floraison la plus importante se produit dans le Bas-Amazone dès le 1 5 juin et en juillet, la seconde en octobre-novembre (HUBER). Nous avons vu, dans le Xingû, la fin de la grande fructification vers le milieu de mars (mi-décembre, mi-mars). Cette époque du reste, varie dans une même région, de façon assez sen- sible suivant la marche de la saison. Elle varie aussi avec les pays. En Extrême-Orient les deux fructifications n'ont pas lieu aux mêmes époques qu'en Amazonie ; il y a même des variations entre Ceylan et les Etats Fédérés Malais (H. Wright). Dans le Sud-Annam, à Suoi-Giao, il n'y a chaque année qu'une seule période de fructification (VERNET). 39 Exploitation de l'Hevea naturel Organisation et tracé des estradas. — Les descriptions qui ont été données de la méthode d'exploitation de l'Hevea en forêt ne sont pas toujours concordantes ; on y remarque certaines différences, plusieurs con- tradictions, qui tiennent à une insuffisance d'observations et à des modi- fications locales, introduites dans le procédé classique du Bas- Amazone par les seringueiros d'autres régions. Ces modifications sont toutefois peu importantes lorsqu'elles ne portent pas sur des espèces autres que \'H. brasiliensis , comme par exemple la Seringueira torrada (H. pauci- jlora) ou la Seringueira amarella (H. lutea) qui fournissent une gomme inférieure (borracha f raga) . Le système d'exploitation que nous avons vu pratiquer dans le Xingû et dans les îles peut être ainsi résumé. Les seringals sont généralement établis à proximité d'un point navi- gable et dans une localité où les peuplements d'Hevea Verdadeira (fig. 4) possèdent une densité et une étendue suffisantes pour donner lieu à une exploitation rémunératrice. Chaque seringal (jig. 5) comprend un nombre variable (40 à plu- sieurs centaines) d' estradas ou sentiers tracés en forêt pour relier entre eux les arbres correspondant au travail journalier d'un seringueiro. On compte de 80 à 170 arbres par estrada, suivant l'écartement des arbres, de façon à ce que le parcours n'excède pas quatre à cinq kilomètres, et selon l'âge de ces arbres et leur valeur productrice. Un ouvrier exploite généralement deux estradas, en faisant alterner les jours de saignée sur chacune d'elles. L'ouverture de l'estrada ou picada est confiée à un ouvrier possé- dant une grande expérience de la forêt et de ce genre de prospection. Ce matteiro, habitué à distinguer à distance les arbres à borracha, détermine rapidement un parcours fermé, de tracé irrégulier, d'où s'écartent de petites bifurcations ou mangas accédant à un ou plusieurs exemplaires situés en dehors du sentier principal. A l'entrée ou bocca de l'estrada, le seringueiro construit une hutte très primitive, dans des conditions de salubrité et d'hygiène presque tou- 40 jours déplorables. C'est un simple abri couvert en feuilles de divers pal- miers (Paxiûba ou Ubussû), préservant très mal ses habitants des intem- péries et de l'excessive humidité du climat; il est toujours accompagné Fi*. 11. Fig. 8. Fig. 9. •ig 10. d'un autre abri servant à l'enfumage du caoutchouc (fig. 6). Chaque groupe d'estradas possède son magasin ou centro attenant à l'habitation du patron seringueiro. EXPLOITATION DE L'EsTRADA. — Après avoir ainsi tracé l'estrada et dégagé l'accès des arbres, le seringueiro se dispose à commencer l'exploi- tation. Son outillage et matériel, dont la valeur peut être estimée à Fig. 12. Cuia, faite avec la moitié d'un fruit de calebassier. •'£■ 13. 300$000 pris à Belem ou à Manâos, comprend essentiellement: un léger machadinho, pesant 125 à 1 50 gr., à tranchant de 25 m/m et à manche de 40 à 60c> (jig. 8), d'un terçado ou sabre d'abatis (fig. 9), de quelques frascas ou récipients de deux litres fournis le plus souvent par des boîtes à conserves, d'un bidon ou balde en fer-blanc d'une capacité de six à dix litres (fig. 10), de 500 à 600 tigelinhas en fer embouti (fig. 11), de forme Fig. 4. Vue montrant l'aspect des bords d'une île de l'Estuaire de l'Amazone. On voit au centre la hutte d'un seringueiro. (Terres inondables). Fig. 5. Vue du Rio Arapary (région des Iles de l'Amazone) Seringaes exploités depuis de nombreuses années. (Terre argileuse grise). 41 tronconique avec, parfois, un côté méplat pour faciliter l'application sur l'arbre, quelques calebasses ou cuias (1) pour les manipulations du latex au moment de l'enfumage {jig. 12), une bassine en fer-blanc ou bacia, de 90°'ta de diamètre pour l'enfumage (jig. 13), enfin d'un boiào ou che- minée à dégagement (diable) en terre cuite, en tôle ou même improvisée à l'aide d'un bidon à pétrole, pour la coagulation et l'enfumage du latex sur les formes en bois appelées tanibocas (jig. 14). Ce matériel peu compliqué se complète toujours d'un rifle, que le seringueiro emporte chaque matin en même temps que son machadinho, son sabre d'abatis, le balde à latex et le sac à godets. Lorsqu'une estrada vierge a été ainsi préparée pour l'exploitation, le seringueiro commence par pratiquer quelques incisions sur le tronc des arbres, à une hauteur de trois à quatre mètres, et à intervalle de 30 °/m ; ces incisions, dont on néglige la production, ont simplement pour but d'exciter le flux du latex et de faire appel vers la partie inférieure du tronc. C'est seulement après avoir répété ces blessures pendant trois ou quatre jours pour descendre à 1 m80 ou 2 mètres du sol , de façon à profiter du phénomène de la réponse à la saignée, signalé précédemment, que commence véritablement la mise en exploitation des arbres reconnus bons ou assez bons producteurs et accusant un diamètre minimum de 20 à 30 c/m de tronc à 1 mètre au-dessus du sol. Dans la région du Moyen- Xingû, le diamètre des arbres en production varie entre 20 c/m, grosseur correspondant approximativement à dix années d'existence, et lm30, pour exemplaires âgés. De bon matin, le seringueiro se met au travail. Il pratique succes- sivement sur chacun des arbres, à l'aide du machadinho, en partant de la (1) Ce récipient est fourni par l'écorce très dure (péricarpe) de la moitié d'un fruit de calebassier (Crescentia Cujete). » 42 « bocca de l'estrada, une série d'incisions distantes de 30 c/m sur une même ligne de circonférence du tronc, à une hauteur de 1m50 à 2 mètres. Cet écartement de 30 c/m entre les incisions ne constitue pas une distance fixe, mais varie suivant la capacité productrice des arbres. Nous avons vu, sur le seringal d'Itapera-Batuba, au-dessus de la boucle du Xingû, le même seringueiro pratiquer six incisions sur un arbre de 2m30 de cir- conférence et six autres incisions sur un exemplaire voisin mesurant seu- lement 1m70 de circonférence, mais d'un rendement supérieur. Les incisions ont une direction oblique et une longueur de 6c/m envi- ron ; elles sont pratiquées avec plus ou moins d'habileté, tantôt d'une pro- fondeur n'excédant pas celle de l'écorce libérienne, tantôt au contraire pénétrant la couche génératrice et entamant le bois. Dans ce der- nier cas et surtout lorsque l'incision, trop profonde, est accompagnée de l'éclatement d'une portion d'écorce-Iiber et même de bois, on détermine des blessures de cicatrisation lente et difficile, à la suite desquelles appa- raissent des excroissances de turgescence très nuisibles à la future exploi- tation des arbres (jig. 7). Par contre, les incisions limitées à la couche extérieure du cambium, c'est-à-dire à l'intégralité de l'écorce et du liber, tout en donnant un rendement maximum en latex, laissent des tissus parfaitement cicatrisés et reconstitués, exploitables à nouveau deux ans plus tard. Il suffirait donc de contrôler un peu plus sérieusement le travail du seringueiro pour éviter les inconvénients d'une saignée mal comprise, sans pousser la réforme jusqu'à l'abandon du machadinho pour un outil de saignée, sans doute plus moderne, mais avec lequel l'ouvrier ne sera pas familiarisé, qui exigera plus de temps et ne donnera pas de résultats réellement supérieurs. Les couteaux et gouges à réglage, dont on a pu préconiser l'emploi dans les seringals sont loin de fournir toujours un travail parfait sur les plantations ; a fortiori sont-ils peu recommandables en forêt. Sur ce point nos vues diffèrent sensiblement de celles de AkERS qui, dans son rapport sur la Vallée de l'Amazone considère la suppres- sion du machadinho et son remplacement par la gouge ou la reinette comme l'une des premières réformes à imposer au seringueiro. AKERS n hésite pas à réclamer le vote d'une loi interdisant rigoureusement l'emploi de la hachette dans les seringals de l'Amazone. Nous estimons que c'est là une mesure bien radicale, dont il con- viendrait, en tous cas, de ne généraliser l'application qu'après avoir » 43 « procédé à des expériences et à des essais suivis ayant abouti à des résultats positifs et inattaquables. Les expériences de AkERS sur deux estradas du seringal Bom Futuro, dans le Rio Madeira pendant les mois de juin et juillet 1913, avec du personnel malais, n'auraient pas suffi- samment établi la supériorité de la saignée en arête appliquée cependant à des arbres en bonnes conditions ou encore vierges. C'est du moins l'opinion que nous a exprimée JOSÉ MARQUES BRAGA, le propriétaire de ce seringal, l'un des mieux traités du Madeira. A la suite de nos observations et de nos essais personnels en diverses localités de l'Etat de Para, nous persistons à croire qu'il serait imprudent de condamner absolument le procédé classique d'exploitation au machadinho pour adopter sans transition la méthode de saignée en arête de poisson, qui est évidemment plus méthodique, mais sur laquelle tous les experts des plantations sont encore loin d'être entièrement d'accord. Certes, on ne saurait prétendre que l'emploi du machadinho est exempt de toute critique. Lorsque cet outil est manié par un ouvrier inexpérimenté, ou n'envisageant que le rendement maximum immédiat des arbres, sans égard pour leur existence, les conséquences de son emploi deviennent rapidement désastreuses : les entailles pénétrant au delà du cambium, jusqu'au bois, déterminent des blessures d'une nature très dangereuse, aboutissant à l'inexploitabilité et à la mort des arbres. Toutefois les effets de la saignée par la méthode amazonienne sont beaucoup moins préjudiciables aux arbres lorsque le travail est exécuté par un seringueiro habile et sérieux, soumis à un contrôle effectif. Les incisions obliques peu étendues, n'entamant pas, ou rarement le cam- bium, répétées dans un ordre systématique, fournissent un rendement normal et se cicatrisent rapidement sans déterminer d'excroissances du tissu cicatriciel et de déformations des écorces avant de nombreuses années d'exploitation. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de rencontrer, dans les seringals, des exemplaires ayant résisté à vingt années de saignée et continuant à produire régulièrement. D ailleurs, il n'est pas suffisamment démontré par la pratique que la saignée en arête, appliquée sur les estradas de seringueira, c'est-à- dire sous l'épais couvert de la grande forêt, dans des terrains parfois inondés ou détrempés une grande partie de l'année, et sur des arbres spontanés, de développement très variable, procurerait les mêmes avan- » 44 « tages et serait aussi facilement praticable que sur une plantation métho- dique. Les arbres exploités au machadinho et présentant des troncs enkystés à la base, recouverts d'excroissances comparables à celles que montre notre figure 7 , ne sauraient se prêter à un traitement à la gouge ; il faudrait s'en tenir aux jeunes arbres vierges des seringals actuellement en exploitation, ou aux arbres adultes des parties reculées du bassin de l'Amazone, encore inexploitées, mais où l'on se heurtera à d'autres difficultés se rapportant à la surveillance et aux conditions économiques. N'est-il pas à craindre, d'autre part, que les arbres en forêt soumis à des ravivages d'écorces presque journaliers, ne reconstituent plus diffi- cilement ces écorces que sur une plantation où le milieu est moins favorable au développement des cryptogames parasites, où la surveil- lance et le contrôle sont en tous cas beaucoup plus aisés. Ces raisons nous amènent à conclure qu'il est préférable de s'en tenir actuellement à la saignée au machadinho, en apportant plus de soin à son exécution, afin de maintenir les arbres en bon état de produc- tion et d'exploitation. Les recherches tendant à modifier ce procédé ou même à le rem- placer par un autre plus rationnel méritent néanmoins d'être suivies avec intérêt ; elles peuvent en effet aboutir à des résultats réellement pratiques. Aussitôt après avoir pratiqué une incision, le seringueiro ajuste une tigelinha en dessous, soit en faisant pénétrer le bord dans l'écorce en exerçant sur le fond et la paroi du récipient une pression avec la paume de la main, de manière à ce que le bord se trouve coincé et immobilisé, soit plus rarement en fixant le godet sur l'écorce avec un peu de glaise. La plupart des ouvriers récoltent le latex et le conservent facilement jus- qu'au moment de l'enfumage sans addition d'aucun agent chimique; toutefois, pendant la saison sèche, lorsque le latex a perdu de sa fluidité et menace de se coaguler spontanément avant l'arrivée à la case d'enfu- mage, l'ouvrier prend soin d'ajouter une petite quantité d'eau dans le balde, ou encore d'y faire dissoudre un anticoagulant. En général, il emploie à cet effet des spécialités coûteuses, préparées à Belem, alors qu'il aurait sans doute plus d'économie et arriverait à un résultat meilleur en se servant simplement d'eau formolée ou d'une très faible solution ammoniacale. De retour à son point de départ après avoir incisé tous les arbres de @ 45 « l'estrada, le seringueiro refait une seconde fois le parcours en recueillant dans son balde le contenu des tigelinhas posées depuis deux heures envi- ron. Ces tigelinhas sont nettoyées grosso modo avec le doigt, puis emboî- tées et renversées sur un piquet fiché en terre à cet effet, ou sur une tige d'arbuste étêté à un mètre de hauteur. La récolte de latex est ensuite trans- portée au defumador pour être traitée dans l'après-midi. Le lendemain, on opère une nouvelle série d'incisions à 1 0c/m en des- sous des premières et l'on continue ainsi les jours suivants jusqu'à la base du tronc. Chaque série d'incisions verticales distantes de 20 à 30c/m, cons- titue une arreaçâo que l'on arrête au-dessus du sol, plus rarement et par abus sur les racines principales. On entreprend ensuite une nouvelle série d'incisions à côté des premières, toujours dans le même ordre et de la même façon. Dans la région de Cametâ, où l'on produit un sernamby coté régu- lièrement et distinctement sur le marché de Para, le procédé de récolte et de préparation diffère de celui qui vient d'être décrit. Là, on ne prépare que du sernamby. La façon d'opérer est ainsi relatée par H. DELAIRE, dans une note récente et encore inédite. Les Heveas sylvestres croissent en mélange avec les cacaoyers dans la région de Cametâ et Mocajubâ, à l'embouchure du Tocantins. Les saignées sont faites au machadinho, à la façon ordinaire. Le latex s'écoule tantôt dans une tigelinha fixée par pénétration du bord dans l'écorce, ce qui nécessite un certain effort, le plus souvent dans un coquillage d'Oruâ, espèce du genre Ampularia, très commune dans la région. Dans ce dernier cas, le coquillage est appliqué et maintenu en dessous de l'incision du tronc au moyen d'un peu d'argile. La saignée en tigelinha est exécutée par les hommes, tandis que la récolte dans les coquilles d'Oruâ est pratiquée par les femmes. On donne souvent la préférence à ce curieux récipient qui possède l'avan- tage de permettre l'exploitation par une main-d'œuvre meilleur marché, n occasionne aucune lésion corticale et fournirait d'après les proprié- taires consultés sur ce point, une coagulation plus rapide du latex. Par contre, le produit retiré des coquillages est moins pur que celui des tigelinhas parce qu'il s'y incorpore toujours un peu d'argile détachée au moment de la pose. Le rendement en latex est très faible ; il faut au moins quatre jours ® 46 ® pour remplir une tigelinha. C'est pour cette raison que la coagulation par enfumage est à peu près inconnue dans la région. Le latex se coagule spontanément par fermentation. Lorsqu'une tigelinha est pleine, on détache son contenu qui, à ce moment doit être coagulé. Ces coagulum sont ensuite réunis dans un récipient, le plus souvent un bidon à pétrole vide. On obtient alors une masse qui épouse la forme de ce récipient. L'emballage pour le transport à Belem se fait en tonneaux fermés à l'aide d'une toile d'emballage. DURÉE ANNUELLE DE L'EXPLOITATION. — Les seringaes sont exploi- tés pendant une durée annuelle qui souffre de grands écarts suivant la région considérée, l'emplacement de la propriété et les années. Dans la région des îles de l'estuaire du fleuve, où le sol est plus ou moins sou- mis à l'action des marées et des crues, l'exploitation n'est guère suspen- due que pendant les mois de février, mars et avril, ainsi que pendant la durée de la chute des feuilles, précédant la floraison principale, en août. Dans le Xingû, le Tapajoz et la plupart des autres affluents producteurs de caoutchouc, la durée totale de l'exploitation annuelle est estimée à six ou sept mois ; une période d'arrêt est observée pendant les fortes pluies et la grande sécheresse. C'est généralement de juillet à février que se poursuit le plus activement la récolte du caoutchouc, mais il convient de déduire de nombreuses journées de maladies, de repos et de fêtes pour s'en tenir à une moyenne de 100 à 140 jours de saignée par an. RENDEMENT. — Le rendement d'une estrada peut présenter d'énor- mes différences suivant l'âge et le degré d'épuisement du seringal, la valeur des arbres qui le composent, le climat local, la fertilité et la nature du terrain, l'habileté et l'activité du seringueiro, l'intensité de l'exploita- tion. Les variations individuelles qui s'observent entre les arbres d'une même estrada au point de vue de leurs aptitudes à la production sont bien connues des seringueiros qui négligent souvent l'exploitation d'exem- plaires mauvais producteurs. Tandis qu'une estrada vierge ou récemment exploitée dans le Alto Xingû arrive à fournir jusqu'à 1 .000 kilos de caoutchouc sec, une autre estrada de la partie inférieure de cet affluent, des Ilhas ou du Madeira, » 47 <® travaillée depuis un certain nombre d'années (recursos), n'arrive plus à produire que 300 et même 200 kilos de caoutchouc sec par an. La production journalière d'un arbre moyen a été évaluée à 22 gram- mes de caoutchouc fin; à raison de 140 jours de saignée annuelle, on obtient 22 gr. x 140 = 3.080 gr., par arbre et par an, c'est-à-dire, 400 kilos environ de caoutchouc sec par estrada. Ce rendement, auquel il conviendrait d'ajouter 100 kilos environ de sernamby, est encore atteint assez couramment dans le Bas- Amazone ; il est souvent dépassé, parfois aisément doublé, sur les seringals du Haut-Fleuve où l'exploitant se heurte malheureusement à de grosses difficultés économiques, notam- ment en ce qui concerne la main-d'œuvre et le transport. » 48 méthode amazonienne de coagulation du latex et de préparation du Caoutchouc Chaque matin, pendant la saison d'exploitation, le seringueiro ren- tre au defumador, entre dix heures et midi, avec son balde (fig. 10) rempli de latex. C'est dans l'après-midi qu'il va procéder à sa coagu- lation par la seule méthode en usage dans les seringals d'Amazone pour le lait d'HeCea : l'enfumage. Dans le defumador {fig. 6), sorte de hutte ouverte aux deux extrémités et couverte en feuilles de palmier, est amé- nagé un foyer rudimentaire creusé dans le sol. Assis devant cet empla- cement, le seringueiro trouve à sa droite à portée de sa main, une large bassine de fer battu, appelé bacia (jig. 13), dans laquelle il verse le contenu du balde. Cette opération se fait lentement, de façon que l'opé- rateur puisse placer son doigt dans le courant et arrêter les plus grosses impuretés : c'est le seul et très primitif nettoyage subi par le latex. Le feu est alors préparé. Pour cela on allume un morceau de ser- namby qu'on recouvre de bois résineux assez sec coupé en fins morceaux, disposés de façon à laisser circuler l'air. Une fois ceux-ci bien en ignition, on ajoute une partie des matériaux nécessaires à la production des fumées coagulantes, et on recouvre le foyer avec le boiâo, sorte de diable en terre cuite ou en fer, de forme tronconique, muni d'une ouverture à la partie supérieure, et d'autres vers la base, pour régler l'entrée d'air. Bien sou- vent le seringueiro se contente d'utiliser un bidon à pétrole vide (lata) qu'il renverse, après avoir enlevé le couvercle, et avoir percé au centre du fond un trou rectangulaire long de six à huit centimètres. Dans ce cas, il règle l'entrée d'air en soulevant plus ou moins la lata au-dessus du sol. Par le trou supérieur, issue des fumées, on fait pénétrer, au fur et à me- sure des besoins, les matériaux qui doivent alimenter le feu. Ce sont différents bois à l'état vert et des noix de palmiers, sub- stances plus ou moins résineuses et oléagineuses. Pour la qualité des fumées, il faut que la combustion de ces matières ne soit pas complète. La liste des bois et noix de palmiers employés, est assez longue ; tous ne sont pas considérés comme ayant la même valeur ; mais, pour compren- dre leur emploi, il faut tenir compte de leur existence et de leur abon- 9 49 . « dance dans les diverses régions. Parmi les bois les plus utilisés, nous cite- rons VItauba Silcia sp., le Pâo mulato, le Massaranduba (Mimu- sops sp.), le Pâo d'arco Tecoma sp., le Carapana ubâ, VAcapu. D'après ce qu'on nous a dit dans le Xingû, cette dernière sorte comprendrait deux espèces différentes, l'une à fleurs rouges, l'autre à fleurs jaunes, de valeur inégale pour la production des fumées. Quant aux palmiers, ceux dont les noix sont préférées sont YUrucuri (Attalea excelsa) (1), YInaja (Maximiliana regia), le Tucuma {Astrocaryum Tucuma) et VAuassû (Orbignya speciosa). On emploie aussi dans bien des cas les coques des noix du Brésil ou châtaignes de Para, produites par le Bertholletia excelsa. Dans la région du Xingû, que nous avons parcourue, on n'utilise, comme noix de palmiers que celles de l'Auassû, et on leur préfère les bois résineux de Massaranduba, d'.<4 capu, de Carapana ubâ et surtout de Pâo d'arco. Tout le caoutchouc, coagulé par ces fumées, est vendu comme jina. Pour utiliser ces fumées, le seringueiro se sert du taniboca ou du pâo suivant qu'il s'agit s'obtenir une bolacha (galette) ou une bola (boule). Le taniboca (jig. 14) se présente comme une pelle de bois arrondie et à manche court que l'opérateur manœuvre sans utiliser de support; elle sert à confectionner les bolachas qui ont la forme de disques plus ou moins épais, dont le poids ne dépasse pas dix à douze kilos. Nous avons vu utiliser un taniboca qu'un seringueiro avait obtenu en retaillant une pagaie. Le pâo est un simple bois, rond sur toute sa longueur, dont les deux extrémités reposent sur des supports de bois en fourche, disposés de telle façon que le milieu du pâo soit à une vingtaine de centimètres au-dessus de l'orifice supérieur du boiâo ; c'est avec lui que l'on confec- tionne les boîas qui pèsent de 30 à 60 kilos. Le feu bien allumé, les fumées s'échappent par l'orifice supérieur. L'opérateur attend, pour commencer la coagulation, qu'elles soient par- faitement blanches. S'il veut faire une bolacha, il tient de sa main gau- che le taniboca au-dessus de la bacia, tandis que de la main droite, il prend à l'aide d'une cuia une certaine quantité de latex dont il arrose la partie élargie de son instrument. 11 tourne celui-ci au-dessus de la (I) L'Association Commerciale de Para s'est émue dernièrement de l'envoi d'un lot de graines fraîches â'Urucuri en Europe. Elle a pris aussitôt l'initiative d'une démarche officielle en vue d'obtenir l'interdiction de la sortie des semences de ce palmier du territoire de Para. ® 50 <& bassine, de façon à avoir une couche de latex recouvrant tout le bois avec autant d'uniformité que possible et ne porte le tout dans la fumée que lorsque le lait ne goutte plus. Tout le latex adhérent au taniboca est alors transporté dans la fumée à 5 ou 6"/m au-dessus de l'ouverture, les deux faces de la pelle étant alternativement présentées au jet de fumée, grâce au mouvement de rotation que le seringueiro imprime au manche. La première couche devenue consistante, on reporte le taniboca sur la bacia, où on le recharge de latex, et l'opération recommence jusqu'à ce qu on ait épuisé la provision récoltée le matin. Si la bolacha n'est pas de dimen- sions suffisantes, on reprend sa fabrication dès qu'on a du nouveau latex. On détache ensuite le caoutchouc du bois en incisant la bolacha dans son épaisseur sur une moitié. Ceci se fait sans règle fixe, suivant qu'on a un besoin plus ou moins pressant du taniboca, soit quelques heures, soit plu- sieurs jours après avoir fini la galette. On opère de même si on emploie le pâo avec cette différence qu'on arrose la boule sur place pendant qu'on fait tourner l'outil sur ses sup- ports. Mais le commencement de la bola est assez long; aussi, bien des seringueiros débutent-ils en plaçant autour du bois un morceau de ser- namby. On gagne du temps, mais on a un produit déprécié, car, alors, même s'il ne se produit pas d 'entrefine du fait de la mauvaise coagula- tion de quelques feuilles, il ne sera pas constitué jusqu'en son centre par de la gomme fine. La bola terminée est généralement laissée assez long- temps sur son support ; on l'en détache en coupant les extrémités adhérant au bois. Nous avons dit que les fumées coagulatrices sont blanches. Très chargées en vapeur d'eau, elles contiennent aussi de l'acide acétique, de la créosote, des traces de dérivés de la pyridine (BlFFEN), de l'oxyde de carbone, de l'azote, de l'aldéhyde formique, des goudrons divers, etc. Elles sont épaisses et très chaudes, au moins à la hauteur où le serin- gueiro place son taniboca: nos mesures ont montré qu'en ce lieu elles sont à environ 67-68° centig. Dès qu'elles s'élèvent elles se refroidissent vite, de même qu'au début, elles mettent un temps assez long à prendre cette température. La durée nécessaire pour la coagulation d'une pellicule de caoutchouc est assez variable ; elle dépend d'un certain nombre de fac- teurs. Elle est plus longue quand on commence la boule, phénomène dû sans doute à ce que le taniboca ou le sernamby du début sur lequel on étale le latex frais, n'est pas encore bien échauffé; elle est plus longue 51 avec un lait plus fluide, ou lorsque l'opérateur a déposé une couche plus épaisse de latex. Pour donner une idée de cette durée nous prendrons comme exemple la confection d'une bolacha au milieu du travail en nous plaçant dans des conditions moyennes (fluidité moyenne du latex, couche moyenne de latex à coaguler) : de nombreuses mesures nous ont montré qu'elle est d'environ 30 secondes. Mais, nous le répétons, il y a pour cette durée de grandes variations au cours de la fabrication d'une bolacha. C'est le seringueiro qui juge pour chaque nouvelle pellicule quand il doit arrêter l'action des fumées. Au moment où il retire son taniboca, le caout- chouc est très chaud, très moite et encore plastique, c'est-à-dire qu'une légère pression du doigt à sa surface laisse une empreinte permanente. C'est cette plasticité qui fait que les boules de Para présentent souvent une surface plane, celle sur laquelle elles reposaient parfois même avec empreintes du tissu des nattes ; d'autres qui ont été empilées, présentent quatre faces planes, et, seules, celles qui sont restées suspendues gardent leur forme ronde. Le caoutchouc préparé par enfumage est d'un beau blanc crème ; il garde cette coloration cinq à six jours, ne noircissant qu'à la longue à l'air et à la lumière. Le noircissement est plus rapide au soleil, mais diminue d'intensité au fur et à mesure qu'on pénètre dans l'épaisseur de la boule, comme on s'en rend compte sur une coupe. Le caoutchouc coagulé est très aqueux, et, pendant plusieurs jours, au fur et à mesure qu'il prend plus d'élasticité et de nervosité, l'eau, assez fortement colorée en brun, s'élimine. La perte de poids, du moment de la coagulation au moment de la vente, est, de ce fait, importante (environ 50 %). Nous avons vu — en saison pluvieuse — du latex donner les 3/4 de son poids en caoutchouc frais, pesé aussitôt après coagulation. Quelques jours après 1/3 de ce poids était perdu. La perte, sur le poids du latex récolté, varie naturelle- ment avec la dilution du latex. L'enfumage, tel qu'il se pratique dans l'Amazone, présente des avan- tages très appréciables. C'est à lui que la plupart des spécialistes attribuent la qualité supérieure du caoutchouc du Para ; mais nous savons que tous les essais tentés en Extrême-Orient pour mettre en pratique l'enfumage, n'ont guère réussi à améliorer la qualité et que dans certains cas on l'a reconnu impraticable (Vernet) ; cela tient peut-être à la qualité du lait, peut-être aussi à la qualité des fumées. On connaît à peu près, comme nous l'avons dit, la composition de ces dernières ; mais les avis sont partagés sur le rôle 52 des divers éléments qu'on y rencontre: ils ont un rôle dans la coagulation et la conservation du caoutchouc du Para, mais, si on fait agir séparément chacun d'eux ou des groupes de ceux-ci, on obtient des résultats très infé- rieurs. C'est ce qui nous incite à dire qu'on ignore la raison pour laquelle l'enfumage donne le caoutchouc le meilleur et qui se conserve le mieux. Les inconvénients principaux de l'enfumage, auxquels il semble difficile de remédier, sont, d'une part, le temps nécessité par l'opéra- tion (coagulation de deux litres de latex en une heure en saison favorable, c'est-à-dire avec du lait de fluidité normale) qui exige beaucoup de main- d'œuvre possédant la pratique nécessaire ; d'autre part les conditions antihygiéniques qu'entraîne cette opération telle qu'elle se pratique actuellement. Le seringueiro reste trois heures et quatre heures par jour dans une atmosphère de fumée, qui, rabattue par le vent, l'enveloppe parfois complètement ; et ces fumées contiennent — outre des antisepti- ques puissants, comme la créosote, l'aldéhyde formique (si dangereux pour les muqueuses), etc. — beaucoup d'oxyde de carbone (la qualité des fumées exige une combustion incomplète), gaz excessivement toxique. Il semble donc certain que l'enfumage à la façon amazonienne, n'est pas praticable pour de grandes quantités de latex, mais seulement pour la préparation de sa récolte par le seringueiro. Un appareil à enfumer le latex dans les seringals de l'Amazone a été imaginé dernièrement par J.-A. MENDES, l'actif secrétaire de l'Asso- ciation Commerciale du Para. Il ne s'agit plus cette fois, d'une machine coûteuse et compliquée, mais d'un appareil très simple, léger, solide, peu encombrant et bon marché, établi par un connaisseur en vue d'amé- liorer le système de coagulation à la fumée. Nous reproduisons ici {jig. 14 bis) le tambour MeNDES, comprenant essentiellement un cylindre cannelé monté sur un axe carré pourvu d'une manivelle et supporté par deux chevalets en fer. Le cylindre mesure 39Vm de longueur sur 31*" de diamètre; avec un rebord de 2°^ 1/2, correspondant approximativement à la moitié de l'épaisseur de la plaque de caoutchouc à préparer. La photographie représente en outre sur la gauche, un boiâo ou diable de forme tronconique servant au dégagement des fumées et sur la droite, une bacia renfermant le latex à coaguler. Le tambour est recouvert {jig. ]4 bis) d'une plaque de caoutchouc préparée sur un cylindre de plus grand diamètre. » 53 ® On conçoit facilement la manière d'opérer avec cet appareil. Le dégagement des fumées est obtenu de la même façon que dans le pro- cédé ordinaire ; on utilise les mêmes combustibles spéciaux. Le propagateur du tambour formule toutefois quelques recomman- dations pour le traitement du latex dans les meilleures conditions. 11 conseille de filtrer le latex à travers un tamis, d'opérer rapidement, de verser le lait coagulé par petites quantités dans la bacia et d'éviter l'addition de tout agent chimique, anticoagulant ou autre. Soumettre d'abord le tambour à l'action des fumées, puis étaler sur toute sa surface une première couche uniforme de latex, qui sera aussitôt coagulée par quelques tours de manivelle ; on opère sur une deuxième couche de latex et ainsi de suite jusqu'à 20 couches successives, nombre considéré comme suffisant pour obtenir une bonne épaisseur de plaque. La plaque doit demeurer une demi-heure sur le tambour, après la fin de l'opération ; d'après A. MENDES son enlèvement immédiat pourrait nuire aux qua- lités physiques du caoutchouc. Le séchage s'effectuera dans un local ombragé, en l'espace d'une quinzaine de jours. On obtient par ce procédé, un caoutchouc que MENDES assimile à la meilleure qualité de Para fin et qui, en raison de sa plus grande pureté, réaliserait une prime très appréciable sur le marché. Il serait toutefois intéressant de posséder, sur ce point, l'appré- ciation des fabricants qui décideront certainement de la valeur de la gomme préparée au tambour. Au nombre des avantages qui résulteraient de l'adoption de cet appareil par les seringueiros, A. MENDES signale les suivants : 1 ° Grande économie de temps puisqu'il suffirait d'imprimer 40 à 50 tours de tambour pour obtenir la coagulation d'un banho exigeant au moins 100 tours avec le procédé actuel ; 2° Facilité de transport du caoutchouc au magasin du patron ; 3 ° Possibilité de remettre le produit sec 1 5 jours après sa prépa- ration, sans qu'il ait à subir aucun rabais ; 4° Obtention d'un caoutchouc plus pur et de qualité uniforme, à l'abri des fraudes actuelles ; 5° Facilité et économie dans le transport jusqu'au port d'expédition et dans l'emballage ; » 54 « 6" Suppression de l' entrefine et du sernamby de fine ; 7° Economie sur les prix de transport et de fret. Le Gouvernement du Para s'intéresse à ce système qui lui a paru réaliser un sérieux progrès et dans son message publié récemment, le Gouverneur de l'Etat annonce qu'une commande importante d'appa- reils a été faite en vue d'une distribution aux seringueiros. 9 55 Sortes commerciales et Qualités du Caoutchouc Le commerce distingue trois grandes catégories dans les caoutchoucs d'HeVea de l'Amazone, suivant la qualité. Ce sont : borracha fina, entre- fina et sernamby. Les boules préparées par enfumage, comme nous l'avons indiqué, constituent la gomme fina. {-' entrefina est une qualité inférieure formée par du caoutchouc mal coagulé ou par le produit résul- tant d'addition frauduleuse au latex d'Hevea brasiliensis de latex bien inférieurs d'autres HeVeas ou de Mimusops. Quant au sernamby, on englobe sous cette dénomination tout le caoutchouc qui s'est coagulé spontanément et qui n'a pas subi l'enfumage ; on trouve dans cette sorte le sernamby d'écorce, coagulé sur les incisions de saignée ou dans des anfractuosités d'écorce, le sernamby du fond et des parois des tigelhinas et des autres récipients. Le sernamby est assez impur, surtout celui d'écorce, qui comporte beaucoup de débris. Les proportions relatives des trois sortes de borracha, — calculées d'après la récolte 1912-13, — sont environ : Fina 63 % Entrefina 10 % Sernamby 27 % La quantité de sernamby produite est sujette à des variations qui sont sous la dépendance du système de saignée (on doit faire remarquer à ce sujet que l'exploitation par pica de l'Amazone est celle qui devrait donner le moins de sernamby, puisqu'elle assure la surface minima de tissu blessé en contact avec l'air), et aussi de la fluidité du latex. Quant à Y entrefina, les seringueiros habiles et consciencieux n'en produisent guère ; dans le seringal du Xingû, où nous avons séjourné pour suivre le travail, il n'est produit que de la gomme fine. La différence de valeur entre ces trois sortes est assez sensible. Ainsi, avec des cours cependant bas, les prix moyens ont été, en janvier 1912, à Manâos : Fina 5$541 (I) le Icilogr. Entrefina 4$841 — Sernamby 4$341 — (I) Change: I $000=1 fr 65 environ. » 56 « Pour chaque sorte, les écarts entre ie prix le plus bas et le prix le plus élevé furent de 900 reis. L'enrrefina valait donc 87,36 % et le sernamby 78,34 % de la fina. Le seringueiro exploitant ne connaît que ces trois sortes ; mais le commerce de Para distingue dans chacune d'elles des provenances : ilhas, sertâo, Itaituba, Xingu, Caviana, Cajary, Cameta, etc. Nous avons pu. par exemple, relever les différences de prix suivantes, pendant le mois d'avril 1912, à Para. Nous faisons de nouveau remarquer que les cours étant plus bas qu'en 1910-191 1 , ces écarts sont d'autant plus faibles en valeur absolue. I Ilhas 4$900 le kilogr. \ Xingû 5$000 — hma j Caviana 5ÇI00 — f Sertâo 5$ 800 — ( Ilhas 2$700 — Sernamby Cameta 2$900 — f Sertâo 4$500 — On voit donc que la jina des îles était cotée environ 15,5 % moins cher que la jina de sertâo, la plus appréciée ; quant au sernamby, l'écart est bien plus considérable, puisqu'il atteint 40 % de plus forte valeur. Fig. 14 bis. Tambour de J.-A. MENDES pour la coagulation par enfumage sur les seringals. » 57 Commerce du Caoutchouc du Brésil. — Manipulation. — Conservation. — Emballace. — Expédition La boule de caoutchouc terminée, l'ouvrier seringueiro la dépose en un lieu quelconque, bien souvent simplement sur le sol, exposée aux alternatives de pluie et de soleil ; peu à peu l'eau qu'elle contenait s est en grande partie éliminée, son poids a diminué de moitié environ et sa surface est devenue très foncée, presque noire. Pendant la saison d'ex- ploitation, l'ouvrier va de temps à autre — cela varie avec les régions et aussi avec ses besoins en aliments ou autres marchandises — porter au patron seringueiro le caoutchouc qu'il a fabriqué depuis sa dernière visite. Celui-ci le lui paie au poids. Mais tout en achetant à son ouvrier le caout- chouc, le patron lui vend les marchandises qu'il possède dans son bar- raçâo et qu'il est seul à pouvoir lui fournir, en sorte que l'ouvrier est presque toujours en compte avec son patron et que, si sa paye n est pas complètement absorbée par les dettes antérieures, elle passera presque en totalité dans les nouveaux achats qu'il va faire et dont les prix sont, en moyenne, majorés de 100 % sur leur valeur. Le patron seringueiro réunit ainsi dans son barracâo, situé sur le bord d'une rivière, le caoutchouc provenant de toutes les estradas de son seringat et c'est chez lui que l'embarcation à vapeur ou gaïola de Yaviador vient le chercher périodiquement, au moment des hautes eaux pour le bassin supérieur de l'Amazone, une ou deux fois par mois pour les îles et le cours inférieur des fleuves affluents du Bas- Amazone, comme le Xingû, le Tapajoz. Les boules de borracha fina, marquées chacune de façon spéciale par le seringueiro qui les a confectionnées, puis par Yaviador, sont chargées une à une sur le vapeur ainsi que le sernamby qui a été mis, soit en barrique, soit en sacs. La gaïola de Yaviador décharge chez le patron les marchandises qu'il a commandées au voyage précédent : farine de manioc, viande séchée, poisson séché, haricots, sel, tabac, alcool de canne, étoffes, armes, munitions, objets divers. Quand la gaïola a terminé sa tournée, elle rentre à son port d'atta- che, Manâos ou Para. La douane prend connaissance du chargement et © 58 ® les maisons d'exportation font leurs offres aux adadores. Les affaires se traitent d'ordinaire d'après le cours de la veille. Ce sont les maisons d'exportation qui font l'emballage et l'expédition sur les marchés d'Eu- rope et des Etats-Unis. Les intermédiaires ne manquent donc pas entre le seringueiro, producteur du caoutchouc et le fabricant qui le consomme ; si le seringueiro n'a guère de bénéfices, en raison du prix auquel on lui vend tout ce qui est nécessaire à son existence, le patron seringueiro doit de son côté payer à Yaviador un intérêt excessif pour les avances qui lui sont faites; et bien souvent VaViador lui-même ne retire qu'un bénéfice infime de sa vente à la maison d'exportation. Quant aux manipulations et à la main-d'œuvre qu'exige le simple transport du caoutchouc du dejumador à l'embarquement pour l'étran- ger, elles sont excessives. Les boules doivent généralement être portées du dejumador sur des barques qui les amènent au barraçâo du patron où elles sont déchargées; au passage de la gaïola, nouveau chargement, puis déchargement à Manâos ou à Para (exigeant dix à douze hommes pour un bateau), pour les mettre dans les docks du port ; charge- ment sur des charrettes (trois ou quatre hommes et un charretier), qui les transportent chez l'exportateur-acheteur où se fait le triage et l'emballage ; puis, nouveau transport en charrette aux quais où on les embarque sur les navires gagnant les marchés d'Europe (Liverpool, Londres, Anvers, Hambourg ou le Havre), ou des Etats-Unis (New- York) . Le chargement de ces paquebots peut se faire à quai à Manâos et à Para, depuis que les travaux réalisés dans ces ports l'ont permis. Le triage s'effectue à l'entreprise par les soins d'ouvriers spécialis- tes. La boule de caoutchouc est posée sur une caisse, son grand axe étant vertical. Deux hommes piquant leur crochet près de l'extrémité supé- rieure de la boule, la tirent de façon à permettre à un troisième de fendre complètement la boule de haut en bas suivant son grand axe à l'aide d'un sabre d'abatis (terçado). Avec la pointe de son instrument, ce même ouvrier retire du milieu de la boule toutes les parties qu'il juge de qualité inférieure. Il les met de côté pour constituer V entrejina : le reste est la borracha jina. L'emballage du caoutchouc se fait dans de grandes caisses parallé- lipipédiqucs en bois de sapin pesant de 35 à 42 kilos. La tare, inscrite sur la caisse, est vérifiée par la douane. Des ouvriers emballeurs spécia- listes, qui reçoivent un salaire élevé, garnissent les caisses avec 160 kilos 59 « de caoutchouc jina ou entrejina, ou 1 1 0 kilos de sernamby ou de caucho (prancha). Tantôt on remplit la caisse sur la bascule, tantôt on pèse le caoutchouc nu et on le loge ensuite. La douane, en vérifiant le poids de la caisse pleine et clouée, ne tolère entre le poids brut et le poids déclaré qu'un écart très faible. C'est sur le poids contrôlé de ces caisses de caoutchouc que sont perçus les droits de sortie. En avril 1912, ceux-ci s'élevaient à Para à 23,32 % du prix de la borracha, comprenant les droit de l'Etat de Para, ceux du municipe de Belem, la taxe pour la Bourse de Belem, le droit de port et de dockage. Dans ce chiffre n'est pas compris l'impôt perçu par le municipe d'où provient le caoutchouc, impôt qui varie avec les municipes. L'Etat d'Amazonas ne perçoit d'impôt que sur le caoutchouc de Manâos, l'Etat fédéral sur celui qui provient du territoire fédéral de l'Acre et l'Etat de Matto Grosso sur le caoutchouc de sa provenance à son arrivée à Manâos. Ainsi la jina du Bas- Amazone valant à Para 5 $000 (8 fr. 25) le kilo, revient à Liverpool à environ 9 sh. 3 d. (1 1 fr. 60) le kilo. 11 faut tenir compte de ce que, pendant la traversée, il y a une nouvelle perte de poids. Voici comment se répartissent les droits exorbitants que supporte le caoutchouc pour son exportation des centres de production amazoniens : De Manâos : Impôts d'exportation ad valorem 19 %. Droit de magasinage 9 reis par kilo. Taxe de la Compagnie du Port d'exportation .... 3 reis par kilo. De Para : Impôt d'exportation ad valorem 19 % pour la jina. — — — 22 % pour le sernamby. Droit d'exportation additionnel 2,5 %. Taxe de la Bourse 3/8 %. Taxe Municipale (Belem) 1 %. Droit de Magasinage 1 1 réis par kilo de jina. — — 1 1 ,8 reis par kilo de sernamby. Taxe de la Compagnie du Port d'exportation .... 3 reis par kilo. Caoutchouc de l'Acre : Impôt d'exportation ad valorem 20 %. Droit de Magasinage 9 reis par kilo. Taxe de la Compagnie du Port d'exportation .... 3 reis par kilo. 60 Les multiples manipulations que subit la gomme depuis sa produc- tion jusqu'à son embarquement pourraient, avec un meilleur outillage et surtout des moyens économiques plus perfectionnés, être sensiblement réduites. Elles devraient aussi être effectuées avec plus de soins et de pro- preté. Les boules sont presque toujours abandonnées au soleil et à la pluie, se souillent de terre, de poussières de toutes sortes, etc.. Elles sont souvent enfermées, mouillées et souillées, dans des soutes malpropres, puis, comme nous 1 avons souvent vu à Para, entassées, encore enduites d'une boue liquide, dans les armazems du port. Ce manque de soins est beaucoup plus sensible pour le sernamby ; car, pour cette sorte, il peut amener une dépréciation importante de la gomme. La gomme est en effet, sujette à des altérations dont la plus préjudi- ciable est le poissage, encore appelé tournage au gras ou stic\age. Le caoutchouc subit une transformation qui, lui enlevant toute nervosité, en fait une masse collante et visqueuse: il est inutilisable s'il est modifié tota- lement et très déprécié, s'il ne l'est que partiellement. On n'a pu encore déterminer les causes de cette transformation et plusieurs théories ont été émises à ce sujet. Mais on connaît un certain nombre de conditions qui facilitent le poissage, et l'on sait aussi que toutes les sortes n'y sont pas également sensibles. C'est ainsi que, si la plupart des caoutchoucs d'Afri- que, qui n'ont pas été préparés ou conservés avec soin, ont tendance à poisser, on n'a jamais trouvé d'exemple de boules de borracha ainsi altérées. Par contre, on voit quelquefois du sernamby d'HeVea, notamment du sernamby provenant du fond des tigelhinas, qui présente cette altération. C'est ce qui nous a fait dire que, si le manque de soins n'a pour la jina, que l'inconvénient d'augmenter la proportion d'impuretés — la perre au lavage des manufacturiers — il peut déprécier beaucoup plus le sernamby en amenant la destruction complète des propriétés qui lui donnent sa valeur. D'autres altérations peuvent atteindre le caoutchouc : moisissure, pourriture, etc. Mais nous ne croyons pas qu'on les ait jamais rencon- trées pour le caoutchouc d'HeVea préparé par enfumage dans l'Amazone. De même PETCH a signalé des parasites (champignons et bactéries) pro- voquant des taches sur les crêpes des plantations de Ceylan. Mais jamais on n a rien reproché de semblable au caoutchouc amazonien. Celui-ci se trouve donc dans des conditions de conservation excep- tionnellement bonnes, et il est probable qu'on doit considérer comme » 61 « exacte la conception commune, attribuant cette qualité à l'enfumage. Il a de plus l'avantage, apprécié des manufacturiers, de contenir une assez forte quantité d'eau, malgré les pertes qu'on peut noter par la diminu- tion de poids. Mais on doit souhaiter cependant dans ces manipulations plus de soins et de propreté : sans élever les frais, cela augmenterait sa valeur à l'unité de poids, puisque sa pureté serait plus grande sans que ses hautes qualités soient modifiées. » 62 Ennemis et Maladies Dans sa zone naturelle, l'Hevea brasiliensis se développe abon- damment et avec une remarquable vigueur. Mais pas plus qu'aucun autre végétal, il n'est exempt d'ennemis ou de maladies. Les animaux qui pour assurer leur nourriture, s'adressent aux jeunes plantes encore ver- tes, ne dédaignent pas la seringueira et c'est là une preuve que le latex n'a pas, dans ce sens, le rôle de défense que certains ont voulu lui attribuer. On a signalé, en Amazonie, un insecte appelé broca (Captotermes marabitanos, SlLV.) qui l'attaque, de préférence, sur les points saignés. Il serait assez difficile de se débarrasser de ce parasite. Les termites ou fourmis blanches causent parfois de sérieux dom- mages aux Heveas sylvestres en se portant sur les blessures de machadinho ayant entamé le bois. Parmi les parasites végétaux, il faut attirer tout spécialement l'at- tention sur trois champignons qu'a décrits HenNINGS et qui se dévelop- pent sur les feuilles. Leur existence doit surtout être prise en considé- ration pour les dangers qu'ils peuvent faire courir à des plantations. Dans la forêt, ils n'ont guère de prise sur des arbres vigoureux et la répartition même des HeVeas, qui ne sont jamais qu'en petit nombre très proches les uns des autres, empêche la dissémination de la maladie. La seringueira possède aussi des parasites végétaux phanérogames. Sans être aussi fréquents que le sont dans certaines régions des îles, les épiphytes hébergés par YHevea (surtout des Broméliacées), on trouve en certains endroits des Loranthacées (fig. 15) qui ont choisi pour hôte l'ar- bre à gomme du Para. Mais, nous le répétons, pour l'Hevea naturel, dans son milieu, ces ennemis et parasites n'ont qu'une très minime importance. HEVEA CULTIVE Aperçu de l'Origine et du Développement des Plantations L'intérêt que pouvait présenter la culture de l'Hevea et la transfor- mation graduelle d'un produit de cueillette à grands débouchés, toujours grevé de frais assez considérables, en un produit exclusivement agricole, ne pouvait échapper aux pays d'Europe à colonisation avancée. L'Angle- terre et la Hollande, qui avaient remporté un premier succès avec une autre espèce arborescente à débouché restreint, le Quinquina du Pérou et de la Bolivie, comprirent bien vite tous les avantages qui pouvaient résulter pour leurs possessions asiatiques de l'introduction d'une essence économique dont le produit prenait rapidement de l'importance et de la valeur et qui, de plus, était appelé à un gros avenir industriel. En 1873, l'anglais CoLLINS, désigné par la direction des jardins de Kew pour tenter l'introduction de l'Hevea en Angleterre, — tentative demeurée infructueuse — , produisit un rapport d'un grand intérêt tech- nique, contenant les premières données précises sur l'exploitation de la seringueira. C'est à un autre anglais, WlCKHAM, alors résident à Santa- rem, que revient l'honneur d'avoir importé à Kew, en 1876, les premiè- res graines fraîches d'HeVea brasiliensis , grâce à la bienveillance du Gouvernement du Brésil qui fit récolter ces graines par des Indiens sur les seringals de terre ferme, situés dans le Bas-Tapajoz. Cet envoi histo- rique comportait 70.000 graines qui germèrent dans la faible proportion de 3,34 %. Lorsque les jeunes plantes eurent atteint 40c/m de hauteur, VIndian Office de Londres en expédia 1 .900 dans des caisses vitrées, embarquées sur le Du\e de DeVonshire, et accompagnées de M. W. CHAPMANN, à destination de Ceylan. L'année suivante (1876), un autre voyageur, CROSS, arrivait à Liverpool avec un millier de plantes, élevées et préparées par ses soins dans plusieurs centres du Bas-Amazone ; mais cet essai ne fournit qu'un pourcentage de 3 % à la reprise. • 64 S Les jeunes Heveas parvenus à Ceylan furent soignés et mis en place dans plusieurs stations, notamment à Henaratgoda ; en même temps, un certain nombre d'entre eux étaient distribués aux jardins des colonies voisines. Ce n'est cependant qu'en 1 877 que les premiers plants, ayant été la souche d'une bonne partie des plantations de la Péninsule malaise, furent introduits au Jardin Botanique de Singapore, où ils fruc- tifiaient en 1 88 1 . A dater de cette époque, les bases rationnelles de l'industrie agri- cole naissante, ayant eu pour point de départ les graines du Tapajoz, furent successivement tracées par les travaux d'une pléiade de savants et d'agronomes au nombre desquels nous devons citer les TRIMEN, Parkin, Ridley, Willis, Treub, Carruthers, Petch, Kelway Bam- ber, Derry, Tromp de H/vas, G. Vernet, H. Wright, Holloway, Macadam, Stanley-Arden, etc.. Le développement des plantations d' Heveas dans le Moyen-Orient a été prodigieux, en ces douze dernières années, à la suite des premiers résultats obtenus par saignées répétées et des cours élevés du caoutchouc. Aujourd'hui, nous sommes en présence d'une industrie fortement et habilement organisée, s'efforçant de conquérir le marché du caoutchouc, mettant en œuvre plus d'un milliard et demi de francs et occupant plu- sieurs centaines de milliers de travailleurs recrutés sur place ou importés de pays voisin, principalement de Chine. Les plantations du caoutchou- tier du Para couvrent maintenant plus de 450.000 hectares répartis entre la Péninsule Malaise qui, à elle seule, en possède près de 250.000 hec- tares, Ceylan, Java, Sumatra, Bornéo, le sud de l'Inde, Burma et la Cochinchine française. Quant à la production, on peut considérer qu'elle a sensiblement doublé dans ces quatre dernières années (1908-1912). On aura une idée de la progression et de l'importance actuelle des plantations en comparant ces quelques chiffres, relatifs à la seule Pénin- sule malaise, y compris les Straits, les Etats Fédérés Malais, Johore, Kedah, Kelantan et Trengganu. Nous les empruntons aux statistiques officielles publiées par LEWTON-BRAIN, directeur de l'Agriculture. Production en caoutchouc : 1906 935.056 livres 1911 24.904.043 — 1912 42.462.401 — Fia. 15. Hevea couvert de parasites et d épiphytes (Broméliacées). $ 65 « Pour le l"r semestre de 1913 la production aurait atteint 23 millions 492. 1 29 livres (chiffre non officiel). La superficie plantée accuse le développement suivant : 1906 99.230 acres 1910 362.853 - 1911 542.877 — 1912 621.621 — Cette aire considérable de 621 .621 acres, se répartit entre 1 .055 pro- priétés ; elle comprend 587.874 acres plantés exclusivement en Heveas et 33.748 acres avec cultures intercalaires. La main-d'œuvre occupée par cette industrie atteignait 255.912 ouvriers en 1912, dont 145.848 Tamils, 63.210 Chinois, 23.583 Java- nais, 19.426 Malais et 3.848 travailleurs divers. Dans les Indes Néerlandaises l'étendue globale couverte en Heveas était évaluée à 413.540 acres au début de 1913 ; 187.535 acres pour Java et 226.505 acres pour Sumatra. Il y a donc là un concurrent sérieux pour la production brésilienne, un danger grandissant qui a été compris du Gouvernement Fédéral, lequel s'efforce actuellement de le conjurer par l'établissement d'un nou- veau régime économique tendant à abaisser le prix de revient du caout- chouc sylvestre et à organiser l'industrie agricole dans cette région ama- zonienne particulièrement riche et fertile qui, jusqu'ici, a vécu presque exclusivement de ses produits de cueillette. Notons que le mouvement de la plantation de l'Hevea sur une grande échelle ne s'est pas encore étendu sérieusement aux autres régions tropicales. 66 Choix de l'Espèce. — Sélection lu'HeVea brasiliensis a été considéré jusqu'à présent comme l'unique espèce du genre offrant des garanties suffisantes pour l'établissement des plantations et, de fait, elle a seule été adoptée par les planteurs des divers pays. Parmi les autres espèces connues, aucune ne semble mériter l'attention, sinon pour éviter toute confusion avec la seringueira verda- deira. Le planteur devra s'assurer que les graines destinées à la culture n'appartiennent pas à l'une des espèces barrigudas (H. Spruceana, H. discolor, etc.), ou jragas (H. lutea, H. paucijlora, etc.). A priori, il ne semble cependant pas impossible que les régions du Haut-Amazone fournissent un jour quelque type d'Hevea d'une réelle valeur culturale. Mais, en attendant qu'un inventaire forestier de ces régions nous ait fixé sur ce point, il faut s'en tenir à VH. brasiliensis, tout en appliquant à cette espèce les règles de la sélection naturelle, afin d'arriver à la création de types à grand rendement en caoutchouc, ainsi que l'on a procédé avec le Quinquina, à Java (1). (I) Dans une brochure tirée à part du Bulletin du Musée Gœldi (Vol. VII, octobre 1913), le Dr HUBER nous apporte toute une série de nouvelles et intéressantes observations sur le genre Hevea. Il consacre une première note (en allemand) à une discussion de grande valeur scientifique sur la systématique du genre ; c'est la réplique à une controverse soulevée par le professeur PaX, dans Pjlanzenreicht, au sujet de la classification des espèces. Une seconde note décrit deux nouvelles espèces d'Hevea du Rio Iça-Putumayo, d'après les échantillons remis au Dr HuBER par l'explorateur Fox, à la suite de son voyage dans les seringals de la région, en 191 I . Ce sont : VHevea Foxii Hl)B., qui fournirait 75 % du caoutchouc de ce territoire tristement célèbre; V Heoea glabescens HuB., dont le produit se classerait commercialement entre la jraca du Bas-Amazone et la jina jraca du Rio Negro. La troisième étude est consacrée à la distribution des principales espèces d'Hevea dans l'Etat de Para. Elle est accompagnée d'une excellente carte en couleurs, dressée avec la collaboration du Dr DlNIZ, qui permet de distinguer les zones naturelles respectives des quatre types d'Hevea les plus répandus dans l'Etat de Para, ainsi que celle du Castilloa Uiei. Enfin, une dernière note d'un caractère scientifique et pratique, analyse la variabilité dans les caractères des espèces d'Hevea et les possibilités d'une sélection rationnelle. L'auteur y examine méthodiquement les variations flottantes et les variations héréditaires, portant succes- sivement sur les dimensions des feuilles, les variations dans le système laticifère, les carac- tères de la région florale et des graines. Non sans raison le Dr HlIBER n'a pas limité ses observations à l'HeOea brasiliensis, mais aux autres espèces qui végètent naturellement dans son voisinage, susceptibles d'amener des confusions ou d'intervenir dans la fécondation. Il termine cette intéressante étude par ces conseils, adressés surtout aux planteurs amazoniens qui vont choisir leurs semences en forêt : I ° Eliminer les graines d'Hevea qui ont moins de 20 millimètres de longueur ; 2° Eliminer les graines dont l'épaisseur excède la largeur : 3° Eliminer toutes les semences mesurant plus de 30 millimètres de longueur, surtout lorsque leur largeur est inférieure aux trois quarts de leur longueur. 67 Nous sommes ici en présence dune essence forestière portée natu- rellement à de grandes variations individuelles, comme nous l'avons montré précédemment. Ces variations ne sont pas seulement d'ordre morphologique, mais s'observent également dans les aptitudes physio- logiques de l'espèce. Qu'il s'agisse d'une estrada de seringal ou d'un carré de plantation, on remarque toujours des individus excellents pro- ducteurs à côté d'autres à rendement inférieur, médiocre ou pratique- ment nul. D'autre part, la proportion des arbres à faible rendement est assez élevée sur la plupart des plantations de l'Est pour justifier la néces- sité d'une sélection rigoureuse et rationnelle, telle qu'elle est appliquée à la plupart des cultures de climat tempéré. On ne saurait soutenir sérieusement que cette sélection devient illu- soire lorsqu'il s'agit d'une culture arborescente parce que ses résultats ne seront apparents qu'à la suite de plusieurs générations. En effet, il suffit de remarquer que la plantation établie avec des graines bien choisies, soit dans un lot d'arbres cultivés, soit dans une estrada peu éloignée, aura toujours une incontestable supériorité sur une autre plantation créée avec des semences récoltées indistinctement sur des arbres de valeur très diffé- rente pour l'exploitation. Cette plantation issue de graines de choix comportera forcément une proportion plus élevée d'arbres de bonne valeur; c'est là un premier résultat immédiat. La création et la fixation d'un type à grand rendement est évidem- ment beaucoup plus longue chez une espèce ligneuse arborescente que chez une plante herbacée, mais ce n'est pas là un argument suffisant pour justifier le désintéressement du planteur dans une question d'ordre aussi fondamental que la sélection. La récolte des graines en forêt, tout en permettant de s'en tenir aux semences provenant d'arbres de valeur éprouvée et de parfaite adapta- tion à la localité, exige pourtant certaines connaissances et beaucoup de soins pour assurer les meilleures chances de succès. Ce travail ne peut être confié à un ouvrier quelconque. Avant tout, on évitera la confusion qui peut s'établir, pour des per- sonnes peu averties, entre les graines de Y H. brasiliensis et celles d'es- pèces végétant dans les mêmes stations ; une erreur de cet ordre serait grosse de conséquences pour le planteur. D'autre part, on sait que les graines d'H. brasiliensis peuvent varier notablement de forme et de grosseur. M. G. VERNET, chimiste de Tins- ® 68 « titut Pasteur de Nha-trang (Annam), a constaté que le poids des graines observées sur des arbres cultivés (1) accusait des différences extrêmes, allant de 1 gr. 02 à 9 gr. 55, tandis que leur volume variait de 4c/mS 32 à 10c/m3 8. Il a noté également que le poids des semences augmentait pro- gressivement avec l'âge des arbres jusque vers la dixième année, ainsi qu'il ressort de ces quelques chiffres : AGE DES ARBRES NOMBRE DE GRAINES POUR 100, DONT LE POIDS EXCÉDAIT 5 GRAMMES 7 ans 16 % 8 à 9 ans 42 % 10 ans 57 % Si on admet que les graines dont le poids est inférieur à 5 grammes doivent être éliminées a la sélection, nous pouvons conclure, avec VER- NET, que les arbres âgés de moins de dix ans fournissent généralement des graines inférieures pour le semis. Les observations faites par AUCHIN- LECK, à Grenade, confirment pleinement celles qui précèdent. Plusieurs auteurs semblent également d'accord pour considérer les arbres à fructification précoce, c'est-à-dire mûrissant leurs fruits au début de la saison normale, comme incapables de constituer de bons porte-graines, sauf de rares exceptions, leur caractère de précocité indi- quant souvent de médiocres qualités de production en caoutchouc. Dans la pratique, on veillera donc à ne récolter les graines à semer que sur des Heveas d'âge moyen, en tout cas supérieur à dix ans, dont les fruits mûrissent en saison ordinaire. Ces porte-graines présenteront un aspect sain, une bonne vigueur, une écorce lisse, exempte d'excrois- sances, de chancres ou autres maladies. Il est essentiel de contrôler leur rendement en caoutchouc et de limiter son choix à ceux qui seront vérita- blement reconnus de toute première valeur à ce point de vue. Des indi- cations suffisantes seront fournies par l'examen de la production en latex, sans aller jusqu'au rendement en caoutchouc, il suffira donc de mesurer exactement la quantité de latex recueillie à la suite de dix saignées opérées successivement en saison normale d'exploitation et de déterminer ainsi avec certitude la moyenne de chaque exemplaire, préalablement repéré avec soin et muni d'un numéro d'ordre. On arriverait ainsi à déterminer, (I) Journal d'Agriculture Tropicale, juin 1907. ®> 69 « même sur une estrada, les arbres à rendement supérieur et à les adop- ter, à l'exclusion des autres, pour la fourniture des graines. Les fruits seront récoltés à complète maturité, directement sur les arbres ainsi choisis. On soumettra ensuite les graines à un sérieux triage à la main pour séparer toutes celles qui paraîtront mal conformées, vides ou pré- senteront des traces d'altération, piqûres ou maladies, enfin celles dont le poids n'est pas inférieur à cinq grammes, considérées comme devant fournir un meilleur pourcentage de germination et, suivant les lois géné- rales de la sélection des espèces cultivées, une croissance et un rende- ment supérieurs aux semences légères. Ajoutons, en conformité avec d'autres observations, qu'il ne semble y avoir aucune relation entre l'abondance de floraison et la fertilité des arbres, non plus qu'entre l'abondance de fructification et le rendement en caoutchouc. Enfin, il ne paraît y avoir aucun avantage à rechercher uniquement les fruits des arbres vierges, inexploités, ceux des Heveas soumis à des saignées raisonnées, n'ayant pas affaibli leur végétation, pouvant donner d'excellentes semences pour la multiplication. Si les graines d'Hevea doivent supporter un voyage d'une certaine durée, il est nécessaire de les emballer spécialement, en raison de la faible durée germinative qu'elles possèdent lorsqu'on les laisse expo- sées à l'air libre. Plusieurs procédés d'emballage ont été indiqués; le suivant nous semble particulièrement recommandable : Stratifier les graines fraîches, préalablement séchées pendant vingt- quatre heures à l'ombre, dans une caisse en bois blanc au fond de laquelle a été étalée une épaisseur de 2c/m environ de matière isolante et peu fermentescible, comme le coir (déchets de la fibre de noix de coco), la balle de riz, partiellement brûlée et mélangée d'un peu de matière terreuse, le terreau de bois recueilli dans les vieux troncs d'arbres en décomposition, etc. Un essai effectué en 1907, avec ce dernier substra- tum nous a donné 85 % de succès à la germination avec des graines envoyées du Bas-Madeira à Paris, via Manâos. Observons toutefois que ces substances doivent être employées à l'état plutôt un peu sec que trop humide. Sur cette première couche de matière isolante, on dispose un lit de graines en évitant de laisser celles-ci en contact immédiat ; on conti- nue à remplir la caisse en alternant une couche de substratum d'embal- lage et de semences, pour terminer par une bonne épaisseur de coir ou de terreau. La caisse ainsi préparée et solidement fermée peut supporter 0 70 <© plusieurs semaines de voyage, en évitant de la tenir dans le voisinage des chaudières et en la préservant du plein soleil et de l'eau de mer. La sélection et l'emballage des graines d'Hevea, sans offrir de grandes difficultés, constituent cependant deux opérations assez déli- cates, demandant à être exécutées consciencieusement. Nous pensons que les stations expérimentales et les champs de démonstration sont tout indiqués pour livrer aux planteurs des semences rigoureusement sélectionnées et de bonnes qualités germinatives, ainsi que des plantes de choix, élevées en pépinières et préparées pour la mise en place. * 71 Choix de l'Emplacement et du Terrain pour les Plantations Les futures entreprises culturales d'Heveas dans la vallée de l'Amazone devront s'inspirer de l'expérience acquise sur les estâtes du Moyen-Orient, tout en tenant compte des conditions locales susceptibles d'amener quelques modifications se rapportant à l'emplacement, au terrain, à la main-d'œuvre. De nombreuses plantations indo-malaises ont été créées dans des conditions de milieu défavorables. Pendant la période de boom qui a sévi sur les valeurs de caoutchouc, en 1909-10, on s'est davantage préoccupé de mettre en terre le plus grand nombre possible de graines ou de jeunes plants que d'observer les règles les plus élémen- taires de la culture rationnelle. On a vu nombre de propriétés s'ouvrir dans des terrains peu appropriés à la culture de l'Hevea, s'y établir sur des emplacements à peine défrichés, plantations à peine dignes de ce nom et d'un avenir très incertain ! Depuis, ces erreurs ont été reconnues, corrigées et aujourd'hui on s'est rendu compte de la nécessité d'opérer avec plus de méthode et de soin pour arriver à des résultats durables. Le bassin amazonien, avec ses six millions et demi de kilomètres carrés, offre de vastes emplacements pour l'établissement de plantations d'Heveas; toutefois, il convient de se limiter d'abord aux endroits les plus favorisés sous le rapport du sol et des facilités de communication. Les points reculés du Haut-Amazone sont beaucoup moins indiqués actuelle- ment pour ces entreprises que la région des îles, les rives du fleuve jusqu'au delà du Rio Negro, la partie inférieure du Tocantins, du Xingû, du Trombetas, du Tapajoz et du Madeira. Dans les îles alluvionnaires de l'estuaire de l'Amazone, l'Hevea se développe avec une remarqua- ble vigueur, mais on a objecté l'insalubrité du climat comme un obstacle au développement des entreprises agricoles de cette région. En réalité, ces îles se trouveraient beaucoup assainies par le défrichement et la mise en culture des terres; d'ailleurs, il faut observer que la grande mortalité qui sévit parmi les seringueiros est due pour une bonne part à une mau- vaise alimentation, à des excès de boisson, à des conditions d'hygiène 72 absolument déplorables et à l'absence de tout secours médical ; les cen- tres d'élevage de Marajo mieux organisés à ces divers points de vue, jouissent d'une excellente réputation de salubrité. En dehors des îles, on peut arrêter son choix sur les terres fertiles et inondables en saison des pluies, sur les terres fermes, alluvions plus anciennes à l'abri des inondations, enfin sur les terres hautes de certai- nes localités du Xingû, du Tapajoz et du Madeira. Ces dernières, d'ori- gine latéritique, sont en général moins riches que les terres basses; les cultures s'y ressentent davantage des effets de la sécheresse et doivent être surveillées contre les dégâts des sauvas et autres insectes nuisibles, peu à redouter dans les endroits inondables. Les terrains sableux, qui dominent le long du chemin de fer de Bragança et sur différents points de la rive gauche de l'Amazone et du Rio Negro, nous ont paru peu favorables à la culture de l'Hevea. Les arbres y végètent beaucoup trop lentement pour donner lieu à une exploi- tation lucrative. On accordera donc la préférence aux sols alluvionnaires, de nature argilo-siliceuse, plus consistants et généralement plus fertiles que les précédents. Les argiles grises de Marajo et les terres rouges du Solimôes, du Xingû et autres affluents rive droite assureront un bon développe- ment à l'Hevea et au cacaoyer. Par contre, les terres pauvres, celles à sol peu profond et à sous-sol rocheux, celles de nature marécageuse, acides sont peu favorables. En forêt, la grande vigueur de la flore spon- tanée étant l'indice d'une bonne fertilité du sol, on ne devra pas reculer devant un faible supplément de dépenses au moment du défrichement pour s'assurer d'un terrain où les Heveas prendront un plus rapide développement et arriveront plus tôt en âge d'exploitation. Fig. 16. SÀO MATHEUS, près Belem (Para). — Capoeira, montrant la repousse composée surtout de palmiers Burity et Assahy. Fig. 18. Plantation d'Hei'eas dans l'île des Onças, exposée aux vents du large. 73* *R& r '/a ) - 1 ' ' " :- ■*■* ■^81 ^ 1 H 1 "* ' SsP 'SHB tri*$^?Pi ffîiér. ■ 1 « . *vi.'ï ?**^13b3 ■I' - rff'?'' h- - .jéF K,;.:^ ^SKjA'-g jjg Lst$: R*Sa ."^^fij î ' *.» v« 5* ■ • ■ .ç*. ■ ?^K!!?.o£ ^^^^_ _j^____ ' Fig. 19. Champ d'expériences de l'Etat de Para : carré d'Heveas, semis de l'année. Fig. 20. Champ d'expériences de l'Etat de Para : Heveas de semis âgés de 26 mois. Fig. 21. Heveas plantés entre hananier> 73 DÉFRICHEMENT. — TRACÉ ET ORGANISATION D'UNE PLANTATION Avant de défricher le terrain, on dressera un plan coté et à l'échelle de la propriété, sur lequel on précisera l'emplacement des divers bâti- ments de l'exploitation, les routes principales, les rideaux forestiers dont la conservation serait utile pour abriter et isoler les carrés de cultures. Le défrichement peut être partiel, c'est-à-dire limité à l'abatage des arbres au-dessus du sol et au brûlage sur place, ou total, auquel cas il comporte l'enlèvement des souches et le nettoyage complet du terrain. Dans ce dernier cas, on effectue un travail beaucoup plus parfait, permettant l'emploi des machines pour les diverses façons culturales et offrant le grand avantage de ne laisser aucun bois mort sur la plantation, ce qui diminue considérablement le danger des insectes xylophages, termites, blancs des racines et nombre d'autres maladies cryptogamiques ayant déjà un caractère inquiétant en Indo-Malaisie. Malheureusement, ce défrichement intégral constitue une opération de début assez coûteuse, nécessitant une mise de fonds plus considérable. Rarement nous avons vu procéder au dessouchage dans les proprié- tés du Bas- Amazone ; on reculait généralement devant la dépense que plusieurs directeurs évaluent à 1.500 fr. environ par hectare, alors que le défrichement ordinaire revient à 1 80 ou 200 fr. Sur les terrains anciennement cultivés, mais délaissés à la suite de l'abolition de l'esclavage, la repousse d'une vingtaine d'années {capoeira) étant surtout formée de palmiers et d'arbres de petite ou moyenne dimension (jig. 16) le prix de revient du défrichement s'établit à un taux encore inférieur. Si donc, par mesure d'économie ou en raison de capitaux insuffi- sants, on s'en tient à l'abatage simple, il sera nécessaire de carboniser extérieurement les souches laissées en terre, en dégageant un peu la partie superficielle du sol, ou, ce qui est préférable, de goudronner ces souches ainsi que la base des grosses racines. Cette dernière opération constitue une excellente mesure prophylactique contre les maladies cryptogamiques . L'abatage des arbres se fait à la hache ou à la scie. Plusieurs types ® 74 & de scies mécaniques ont été recommandés pour les défrichements en forêt. L'un d'eux, dont le poids n'excède pas 250 kilogrammes, compris le poids d'un moteur spécial, permettrait l'abatage d'arbres de 1m80 à 2 mètres de diamètre en quelques minutes (1). Pour le dessouchage, on s'est servi principalement de divers systè- mes de leviers ; mais dans ces derniers temps, d'excellents résultats pra- tiques ont été obtenus par l'emploi des explosifs. Nous avons vu employer ce procédé avec succès et dans des conditions assez économi- ques à Igarapé-Assu, sur la ligne du chemin de fer de Belém à Bra- gança. On opère de la façon suivante : l'ouvrier dégage la base du tronc en enlevant une petite quantité de terre, puis, avec une tarière de 8c/m de diamètre, il pratique trois trous également répartis pour un arbre de force moyenne, soit sous la culée, soit au départ des racines principales. Ces trous, dirigés vers l'axe du tronc, reçoivent ensuite chacun une cartouche de dynamite dont l'explosion simultanée suffit à déraciner et à faire sauter les souches. Le tracé de la plantation doit obéir à une conception basée sur l'éco- nomie du travail et la facilité de la surveillance. On détermine des carrés de superficie variable avec le système de travail, le rendement de la main-d'œuvre et la composition des équipes. VERNET évalue cette sur- face à 66 hectares par carré, correspondant au champ d'action et de sur- veillance d'un contremaître ayant le contrôle de dix équipes composées chacune de douze ouvriers et deux aides, soit un total de cent quarante personnes. Cette étendue de 66 hectares suppose un écartement de six mètres sur 5m40 entre les arbres et une exploitation de 200 arbres par ouvrier et par jour ; elle peut donc encore être modifiée suivant la dis- tance adoptée entre les Heveas et le système de saignée. Chaque équipe de douze ouvriers est placée sous la surveillance directe d'un chef et doit travailler sur une même ligne de front. Il faut donc donner aux ran- gées d'arbres une longueur correspondant à la moitié du nombre d'ar- bres qu'un ouvrier peut saigner dans sa matinée. D'autres auteurs préfèrent la division en carrés de moindre étendue ; WlCHERLEY s'en tient à seize hectares. Enfin, R. Lyne, directeur de l'Agriculture à Ceylan est arrivé dernièrement (2) à cette conclusion, basée sur une série d'observations, (1) Journal d'Agriculture Tropicale, 28-2-1912. (2) Bulletin n" 4 Royal Botanic Garien, mai 191 3. 75 que les facteurs les plus importants pour obtenir le meilleur rendement de l'Hevea, sont ceux relatifs à l'éclairage, à l'aération et au développe- ment du système radiculaire. La Commission des Expériences Agricoles de l'île décida en conséquence d'établir une plantation sur ces données -" — fc ir GO il 50, oT o loi 0 ( o 1 0 O i! o o o o Fig. 17. Plantation en allées doubles à grand écartement (d'après LYNE). en adoptant une disposition en allées doubles à grand espacement, soit 12%0 entre les allées et 3m50 entre les deux rangées d'arbres d'une même allée (fig. 17). Les routes principales de la propriété auront une largeur de quatre à cinq mètres et une direction commandée par les mouvements et la con- figuration du terrain plutôt que par les règles de la symétrie et de la régu- larité. Si le terrain à planter retient une humidité excessive et constitue un milieu compact, imperméable à l'air et à l'eau, c'est-à-dire défavorable à la bonne végétation de l'Hevea qui, malgré ses tendances nettement hydrophiles, se complaît néanmoins dans un sol sain, il devient néces- saire de recourir au drainage. Les lignes de drains seront alors établies à des distances de vingt à vingt-cinq mètres en sol plat et de six à dix mè- tres en pente. Dans les endroits exposés à l'action directe de vents secs, il y a sou- ® ■ 76 <& vent utilité à conserver ou même à établir au besoin, un rideau d'arbres- abri ou brise-vents. Nous avons vu, à Cacaual Impérial, près d'Obidos, employer à cet effet le châtaignier du Brésil (Bertholletia excelsa) ; mais on peut utiliser dans ce but d'autres essences à croissance rapide telles que le Taperiba (Spondias lutea), le Bois-noir (Albizzia Lebbeck), etc. Dans la région amazonienne, l'emploi des brise-vents est surtout indiqué en bordure du fleuve ou de ses affluents, dans les localités où l'action du vent se fait sentir assez fortement pour déjeter les jeunes arbres (jig. 18). Par contre, le rôle de ce rideau protecteur est beaucoup moins efficace entre les carrés d'une même plantation, étant donné que les vents violents et les tornades sont à peu près inconnus dans la région. Un léger ombrage est favorable aux jeunes Heveas, mais on a rare- ment recours à un porte-ombre dans l'établissement d'une plantation, les avantages qui en découlent n'ayant pas paru compenser les frais sup- plémentaires qui en résultaient. Dans quelques localités de Java où la saison sèche est très marquée pendant six ou sept mois consécutifs, on a établi un petit nombre de plantations sous le léger ombrage fourni par les boutures du Dadap (Erythrina umbrosa), mais en général, les arbres sont toujours cultivés à découvert. {Fig. 19 et 20.) Le bananier, employé sur les plantations d' Heveas de la Compagnie Agricole et Commerciale du Bas- Amazone (jig. 21), donne un ombrage très épais, devient enva- hissant et épuise assez fortement le sol ; peut-être, cependant, serait-il recommandable si les fruits trouvaient sur place un débouché facile et avantageux, ce qui ne semble pas être le cas. Par contre, nous n'hésitons pas à conseiller l'ombrage des jeunes semis effectués à demeure en saison sèche, parce que l'action directe du soleil peut les détruire avec facilité. La propriété devra être entourée d'une bonne clôture en ronce arti- ficielle, afin de préserver les plantations des incursions et dégâts de mam- mifères sauvages et domestiques. ® 77 « Multiplication de l'Hevea. Obtention et préparation du plant. — Stumps Plusieurs modes de multiplication sont applicables à l'Hevea. Dans la pratique, c'est le semis qui est exclusivement employé ; cependant, des expériences ont montré que le marcottage et le bouturage pouvaient réussir dans certaines conditions. H. WRIGHT, dans son traité de l'Hevea cultivé, mentionne que le bouturage permit de propager l'espèce au début de son introduction à Ceylan ; il ajoute que ce mode de propagation asexuée fut abandonné lorsque les premiers arbres arrivèrent à fructification. Ce fait ne semble pourtant pas corroboré par les expériences effectuées à Peradenyia en 1904 (1). Les essais ayant porté sur 2.000 boutures ne fournirent aucun enracinement. La possibilité du bouturage était cependant démontrée en 1905 par un planteur de Ceylan, M. GOLLEDGE, puis en 1907, par Von ElSSAM (2), qui opéra dans l'Est- Africain allemand, sous bâche vitrée. Aujourd'hui, il est possible de voir des lots importants d'Heveas obtenus par bouturage à l'air libre et sans soins spéciaux au Campo Expé- rimental du Para. Les boutures, qui fournissent un bon pourcentage à la reprise, sont constituées par les sommités de plantes de semis âgées de neuf à douze mois, rabattues pour la préparation des stumps. Quant au marcottage, généralement applicable aux plantes qui se multiplient de boutures, il a été réussi par M. HEIJL, à Java. Ces deux procédés de multiplication asexuée ne présentent qu'un intérêt très relatif, puisque le semis réunit des avantages qui semblent l'imposer au planteur soucieux d'obtenir un plant vigoureux, donnant naissance à des arbres à rendement plus prompt et sans doute plus élevé. On peut semer l'Hevea directement en place (at stalle), ou en pépi- nière ; aujourd'hui, c'est ce dernier procédé qui est le plus couramment suivi sur les plantations. Le semis en place a peut-être l'avantage de fournir des arbres plus résistants à l'action des ouragans, peu à redouter (1) Annual Report, 1905. (2) Tropenpjlanzer, sept. 1907. 9 78 « dans la vallée de l'Amazone ; et de hâter de quelques mois la mise en exploitation, mais il a l'inconvénient de laisser des vides souvent nom- breux dans les rangées d'Heveas, d'occuper le terrain plusieurs mois plus tôt et d'exiger un entretien plus coûteux, enfin, de rendre difficile la sélection des jeunes plantes. Avec le semis en pépinière, les jeunes plantes sont élevées pendant près d'un an sur une surface de terrain très limitée où il est facile de con- centrer un maximum de soins et d'obtenir une meilleure croissance. On arrive ainsi à éduquer des lots de jeunes plantes de force plus régulière, qu'il est possible de sélectionner encore au moment de la mise en place. Toutefois, le semis en place pourra être adopté avec profit dans les cas, peu fréquents en Amazonie, où le planteur disposera d'un terrain déjà défriché et préparé pour la mise en culture. Le semis par pieds isolés en paniers d'arouma serait évidemment très recommandable si son prix de revient n'était trop élevé pour de fortes quantités; on peut cependant y avoir recours pour l'élevage des plantes en vue de combler les vides de la plantation. Sur les plantations de la Mojû Rubber Cy (Etat de Para), il nous a été donné d'observer un essai de semis d'Heveas en feuilles d* Arouma (Marantacée indigène) enroulées en cornet remplies de bonne terre et rangées côte à côte ; c'est un procédé dont nous n'avons pu vérifier l'intérêt pratique, mais qui aurait surtout l'avantage d'être peu coûteux. On sème en pépinière, soit directement en planches de terre riche, bien ameublie, à 15-20c/m de distance, ou mieux dans des caisses à ger- mer, de 2CT/m de profondeur, remplies de terre sableuse, où les graines seront enfoncées de 2c/m environ, à faible écartement. La désinfection préalable des graines dans un bain de sulfate de cuivre à 2 % ou une solution de formol à un pour mille, comme mesure prophylactique con- tre certaines maladies cryptogamiques, ne semble pas avoir l'impor- tance que lui a attribuée le Gouvernement de 1* Indo-Chine en édictant une réglementation contre laquelle tous les planteurs de la colonie se sont élevés avec énergie. Les caisses de germination seront tenues dans un lieu ombragé et d'une fraîcheur convenablement entretenue par des bassinages légers ; la levée doit être à peu près complète en l'espace d'un mois. Mais les jeunes plantules seront enlevées successivement et repiquées dans un carré spécial, bien abrité des vents et des inondations ; ce carré, formé » 79 # dune bonne terre mélangée de terreau, sera divisé en planches régu- lières de 1 m50 de largeur. Le repiquage y sera effectué par temps couvert ou après les heures de grand soleil, en lignes distantes de 20c/m, et à 20°/m également sur les rangs, en évitant de décoller ou de briser le jeune pivot. L'opération doit être suivie d'un bon arrosage. Pour éviter es mauvais effets du plein soleil, pendant les premiers jours, il est recommandable d'ombrager les planches avec de légères claies en feuilles de palmier que l'on pourra enlever le soir. Dans un Etablissement situé près de Para, les graines d'Heveas sont mises à germer sur une aire de terre battue, couverte de claies les abritant à la fois contre le soleil et l'action des grandes pluies. Lorsque les jeunes tiges ont atteint 1 0 à 1 5 centimètres de hauteur, on trans- plante dans un carré de pépinière, sans aucun abri. Les soins d'entretien consistent en quelques arrosages pendant le premier mois, si le temps reste sec, en sarclages et binages pour main- tenir le sol propre et aéré. On peut hâter notablement la croissance des jeunes plantes en appliquant, vers le quatrième mois après le repiquage, une fumure au terreau ou au guano. Les Heveas seront généralement d'une force suffisante pour la mise en place après un séjour de neuf à douze mois dans la pépinière. 80 « Mise en place. — Piquetage du terrain. — Ecartement des arbres. Education des plantes. — Cultures intercalaires. Entretien du sol. Dans un terrain défriché intégralement et dessouché, le sol peut être préparé par un bon labour mécanique suivi d'une ou plusieurs autres façons culturales ; mais en milieu non dessouché, il est souvent recommandable d'occuper le sol, peu après le brûlage, avec une culture de couverture à croissance rapide. (Légumineuse annuelle, maïs, etc.). Le piquetage du terrain qui précède la plantation demande à être opéré avec un certain soin. On donnera aux rangs d'Heveas une direc- tion voisine de la ligne Nord-Sud, qui assure un maximum d'éclairage à la couronne des arbres. Les piquets sont placés à 0m50 en avant des points d'occupation des arbres, de façon à demeurer en place au moment de la trouaison. A cet effet, on place d'abord les piquets d'extrémité, à des distances de cinq mètres, ecartement adopté entre deux rangs voisins. Puis, à l'aide d'un cordeau muni de repères visibles à des intervalles réguliers de 6m50, on piqueté chaque rangée, par sections de 65 mètres. Il importe seulement de tenir compte de l'ordre quinconcial à observer entre les arbres, c'est- à-dire que chaque pied d'une rangée doit être placé dans le milieu de l'intervalle compris entre deux arbres du rang voisin. S'il se produit une erreur d'alignement, elle est facilement corrigée à l'œil, en se basant sur quelques jalons plus élevés, préalablement posés en des points fixes. Les trous de plantation devront être aussi grands que possible ; tou- tefois, comme il convient souvent de se limiter, on peut adopter une dimension minima de 0m60 de côté et de profondeur. Pour s'assurer de tous les avantages de la trouaison, il est nécessaire de pratiquer cette opération un ou deux mois avant la mise en place. S'il est possible d'in- corporer à la terre de déblai deux bonnes pelletées de terreau ou de fumier décomposé avant la plantation, le développement des jeunes arbres en profitera certainement. Tous les engrais organiques à décom- position lente constituent, d'ailleurs, une excellente fumure fondamen- Fig. 22. Transplantation de jeunes Heveas en motte, au Cacaual Impérial, près d'Obidos. pi ■ ] „■ _ Une seconde sélection accompagnera la mise en place. Tous les plants mal conformés, chétifs, montrant des traces d'altérations ou de maladies, seront éliminés ; seuls, les pieds vigoureux, à tige bien droite, à écorce et à feuillage sains, seront admis dans la plantation. Les jeunes Heveas peuvent être transplantés à toute époque de l'an- née ; néanmoins la fin de la saison sèche est particulièrement favorable à la reprise. Dans les terres inondables, il conviendrait d'attendre le retrait des eaux pour procéder à cette opération avec toutes chances de succès ; les plantes auraient ainsi tout le temps de prendre possession du sol et résisteraient sans danger à l'action des crues et des marées de l'année suivante. Les arbres seront plantés dans une direction verticale, le collet au niveau du sol ou légèrement surélevé dans les terres lourdes. S'il s'agit de stumps, on prendra soin de goudronner les sections faites sur le pivot et la tige, afin d'éviter la pénétration d'insectes ou de germes de mala- dies cryptogamiques. Les arrosages sont rarement nécessaires; par contre, l'emploi d'un paillis d'herbes ou de fumier long au pied des arbres maintiendra une humidité favorable à l'enracinement. Dans une plantation en terrain défriché et dessouché, on luttera facilement et économiquement contre les mauvaises herbes et on maintiendra le sol dans d'excellentes condi- tions d'ameublissement et d'aération par les façons culturales à la machine ; en terrain non dessouché, il faut recourir au sarclage à la main, plus long, plus coûteux et de résultats moins parfaits. En général, l'entretien du sol laisse à désirer sur les plantations amazoniennes, ce qu'il faut attribuer au prix élevé de la main-d'œuvre et à l'insuffisance de capitaux. Certains propriétaires se contentent de nettoyer une bande de 1 mètre de chaque côté des rangs d'Heveas, d'autres effectuent cette opération sur toute la surface de la plantation, mais à des intervalles trop espacés {fig. 23) ; enfin un directeur d'entre- prise a ménagé, parmi les espèces qui apparaissent à la suite du défri- chement, une Solanum (Jurebeba), dont le couvert fournirait un ombrage plutôt favorable à l'Hevea et suffisant pour enrayer la croissance des plantes envahissantes. Ce Jurubeba atteint la dimension d'un petit arbre à port étalé (fig. 24) ; malheureusement, il est très épineux sur le tronc et sur les branches et paraît dépourvu de tout intérêt économique. De temps à autre, on vérifiera l'état sanitaire des jeunes arbres et on » 83 « surveillera leur croissance pour obtenir des tiges droites, non ramifiées au-dessus du sol. Lorsque plusieurs bourgeons se développent au som- met des stumps, il faut intervenir en temps opportun afin de ne laisser que le bourgeon le mieux placé pour continuer la tige. D'ailleurs, cette éducation des arbres doit se poursuivre au delà de la première année. En effet, il peut y avoir intérêt à modifier le port natu- rel de l'Hevea, si cette modification doit avoir pour effet de hâter le gros- sissement du tronc et, par suite, l'entrée en rapport de la plantation. On sait que la saignée des arbres reste généralement localisée à la partie inférieure du tronc, sur une hauteur de lm80 à 2 mètres; au delà, le rendement s'affaiblit et le travail devient plus coûteux. Théori- quement, on n'a donc pas avantage à élever les arbres sur tronc unique jusqu'à sept mètres et plus de hauteur, mais à provoquer leur ramifica- tion à 2m50 ou trois mètres au-dessus du sol. Dans la pratique, il faut cependant tenir compte des inconvénients que cette ramification à faible hauteur peut présenter dans les localités exposées aux typhons et ouragans en diminuant la résistance des arbres à l'action des vents violents. Ce danger étant peu à craindre dans la vallée de l'Amazone, le planteur d'Heveas pourrait y profiter des avan- tages de la formation rationnelle des arbres. Il n'est certainement pas sans importance de déterminer expérimentalement le traitement qu'il convient d'adopter pour hâter l'accroissement du tronc sur la hauteur exploitable, sans nuire aux facultés productrices de l'arbre. H. WRIGHT a montré que l'écimage et la ramification de la tige à une certaine hauteur favorisent le développement circonférentiel du tronc, considéré à un mètre du sol, dans une mesure de 20/m 1 /2 par an. Il cite l'exemple d'arbres de même âge, plantés à Henaratgoda et mesu- rant 75 pouces de circonférence en exemplaires à tronc unique, et 105 pouces en exemplaires ramifiés. La ramification sera facilement obtenue par le pincement du bour- geon terminal herbacé à trois mètres environ de hauteur, de façon à pro- voquer le développement de bourgeons anticipés dont on choisira deux ou trois des mieux placés, pour constituer la grosse charpente de l'arbre. Ces branches, prises au même niveau, seront réparties régulièrement et obliquées légèrement afin d'évaser le centre et de faciliter ainsi la péné- tration de l'air et de la lumière vers l'intérieur. Nous avons insisté sur la nécessité de planter l'Hevéa par carrés 84 ® homogènes, en utilisant des plants de force égale, issus de graines d'un même lot sélectionné. Les vides qui pourront se produire dans ces car- rés seront comblés au moyen de plantes de même origine, élevées à cette intention, soit en vases, soit en paniers, et faciles à transplanter. Notre avis est nettement hostile à la culture mixte de l'Hevêa et du cacaoyer. Ces deux essences, dont les exigences culturales au point de vue du sol et du climat, sont très comparables, gagneront à être plantées isolément, non seulement en raison des maladies communes à l'une et à l'autre et transmissibles, mais aussi parce qu'il sera plus facile d'appli- quer à chacune d'elles un traitement adéquat. Quoique peu partisan des cultures intercalaires avec des espèces arbustives, telles que le caféier, la coca, le cotonnier, l'indigotier, adop- tées sur quelques plantations des Etats Malais et de Java, nous reconnais- sons que certaines considérations peuvent motiver leur emploi. Ces sous- cultures permettent, en effet, de couvrir une partie des frais de création et d'entretien de la plantation d'Heveas ; elles ont l'inconvénient d'appau- vrir le sol et de n'avoir qu'une durée temporaire, excédant rarement qua- tre à cinq ans. Actuellement, le Coffea robusta, espèce congolaise à grand rendement mais de qualité secondaire, est en faveur à Java et Sumatra, pour la plantation entre les Heveas. Certains planteurs préfè- rent, aux espèces arbustives, des plantes herbacées telles que le manioc, le maïs, le gingembre, etc., à rendement plus immédiat et qui n'occupent le terrain que deux ou trois ans au maximum. La canne à sucre a été essayée également : dans les Straits, il existait 5.315 acres interplantés de canne en 1909 et 3.790 acres dans les Etats Malais. Il faut noter, toutefois, que la pratique des cultures intercalaires perd beaucoup de ses partisans : en Malaisie, il y a environ 6 % des Estâtes d'Hevea ainsi traitées; dans les Straits, la proportion était de 28 % en 1909 et de 10 % seulement en 1910. L'occupation du sol par une légumineuse à enfouir comme engrais vert a été opposée depuis quelques années à la méthode du clean-wee- ding ou entretien du sol nu. A Ceylan, c'est ce dernier système qui est généralement suivi ; le terrain est totalement nettoyé par des sarclages, des binages ou des labours superficiels jusqu'à ce que les arbres aient pris un développement suffisant pour ombrager le terrain. Cette pratique fort rationnelle est malheureusement assez onéreuse lorsque le travail ne peut se faire à la machine. On lui a reproché, en outre de laisser le sol exposé ® 85 tf à l'érosion et au lessivage des grandes pluies, ainsi qu'à l'insolation directe. M. RlDLEY, ex-directeur des Jardins de Singapore, s'est prononcé en faveur de l'engazonnement du sol par les légumineuses, en indiquant parmi les meilleures : Tephrosia candida, T. purpurea, Crotalaria striata et Cassia mimosoides. On sait que ces légumineuses enrichissent le sol d'une certaine quantité d'azote atmosphérique; c'est là un avantage appréciable. ■9 86 Fumure de l'Hevea. L'Hevea, au même titre que les autres cultures, doit bénéficier des avantages d'une fumure rationnelle ; toutefois, il nous paraît prématuré de tirer des conclusions définitives du petit nombre d'expériences qui ont été faites durant un an ou deux sur de jeunes plantations. C'est aux Stations Expérimentales qu'incombe la tâche de renseigner les planteurs sur l'application des engrais les plus appropriés à l'Hevea, leur action sur la croissance des arbres et leur rendement en caoutchouc. Ce sont des recherches de longue haleine, qui demandent à être poursuivies avec méthode dans des conditions différentes de sol et sur une échelle assez grande pour fournir des résultats pratiques. Indépendamment des engrais verts et de la plupart des engrais organiques (fumier, tourteaux, etc.) dont l'emploi sera surtout avanta- geux dans les sols peu riches en humus, on a préconisé les engrais minéraux. L'azote, apporté le plus généralement sous forme de nitrate de soude ou de sulfate d'ammoniaque, agit sur la végétation herbacée des arbres ; son emploi dans une terre ne manquant pas de matières organiques, n'offre aucun avantage et peut même nuire à la lignification des tissus, rendre les Heveas cassants et les mettre à la merci d'un coup de vent. — L'acide phosphorique, qui peut être fourni à l'état de super- phosphate double, la chaux, la potasse, apportée à l'état de sulfate de potassium ou de kaïnite, pourront agir favorablement sur la croissance des arbres, leur production en latex et la teneur de celui-ci en caoutchouc. Les analyses de HARRISON ont indiqué que les éléments prédomi- nants dans les feuilles d'Hevea sont la magnésie et la potasse ; mais ses recherches demandent à être complétées par d'autres analyses portant sur les diverses parties de l'arbre et surtout par des observations précises sur l'accroissement comparatif du tronc, la lignification des tissus, le rendement en latex et la composition de ce dernier. Plusieurs formules, modifiables selon le sol, le climat, l'âge des » 87 * arbres, ont été proposées pour la fumure de l'Hevea. Celle-ci a été indi- quée par COUTURIER, ingénieur-agronome, pour un hectare de planta- tion (1) : Chlorure de potassium 300 kil. Superphosphate double 200 — Tourteau (nature?) 1.000 — Sulfate d'ammoniaque 100 — LEWTON BRAIN recommande pour les sols argileux (2): Chaux éteinte 1 .000 à 1 .500 kil. à l'hect. Superphosphate 400 Sulfate d'ammoniaque 200 Sulfate de potassium 120 Le directeur de plantation procédera par essais avant de tenter l'application en grand d'un engrais ou d'un mélange d'engrais chimi- ques sur l'Hevea ; il ne saurait s'en tenir à l'étroite limite d'une formule ayant pu fournir de bons résultats sur une propriété de Ceylan ou de Malaisie, mais qui, sans doute, pourrait ne pas s'adapter à une plantation amazonienne. (1) Bulletin Société Française de Colonisation, n° 2, 1911. (2) Bulletin des Straits, nov. 1911. & 88 Saignée des arbres. — Récolte du latex Accroissement des arbres. — Age d'exploitation. — L'ex- ploitation rémunératrice de l'Hevea cultivé est permise lorsque les 2/3 des arbres d'un carré ont atteint 45 à 50clm de circonférence à 1 mètre du sol. Dans de bonnes conditions, ce développement est facilement atteint la 5e ou la 6° année ; on constate pourtant des écarts de plusieurs années suivant le climat du lieu, la nature et la fertilité du terrain, la façon dont la plantation a été entretenue, le système de saignée adopté, etc. Les mensurations que nous avons faites en diverses localités du Bas- Amazone, sur des Heveas groupés en peuplements d'âges connus, per- mettent d'affirmer qu'une plantation bien comprise peut aisément entrer en exploitation dans le courant de la 6e année de culture (jig. 25). Des arbres de trois ans de semis, observés sur la plantation de la Compagnie Agricole et Commerciale du Bas-Amazone mesuraient 25c/m de circonfé- rence à 1 mètre du sol ; c'est là un accroissement très comparable à la moyenne de Ceylan et qui pourrait être dépassé sur une propriété dispo- sant des capitaux nécessaires pour assurer un meilleur entretien des plantes. Certains exemplaires âgés de 13 ans (jig. 26), complètement abandonnés à eux-mêmes, atteignaient néanmoins lm13 de circonférence de tronc. Si les essais culturaux tentés sur quelques points de la zone du che- min de fer de Bragança accusent une croissance plus lente, répétons que la cause en est exclusivement due à la nature siliceuse du terrain et à sa médiocre fertilité ; les Heveas se trouvent là dans une des conditions défavorables qu'il importe de ne pas généraliser. MÉTHODES DE SAIGNÉE. — La saignée de l'Hevea consiste à prati- quer, au moyen d'un instrument approprié, un certain nombre de bles- sures ou de piqûres dans la couche libérienne, en pénétrant dans le voisi- Fig. 25. Heveas de 7 à 8 ans, dans le cacaual de la Société agricole et commerciale du Bas-Amazone, près d'Obidos : première exploitation en demi-arête. Fig. 26. Exploitation en demi -arête sur un Hevea de 13 ans ; 18 grammes de borracha et 2 grammes de sernamby. » 89 « nage de la zone génératrice, sans toutefois l'entamer sérieusement, afin de sectionner les canaux laticifères et de recueillir, dans un récipient ad hoc, le latex écoulé de ces blessures. 11 est évident que cette opération doit reposer essentiellement sur les données anatomiques et physiologi- ques de l'espèce, que l'on trouvera résumées dans un précédent chapitre. La saignée amazonienne (1) est l'une des méthodes qui s'accorde le mieux avec la théorie admise aujourd'hui, à condition d'être pratiquée par un ouvrier sérieux et expérimenté. D'une exécution simple et rapide, elle donne un rendement satisfaisant ; ses blessures se cicatrisent rapide- ment et complètement, lorsqu'elles n'ont pas pénétré le bois. En pra- tique, il est difficile à un ouvrier, même expérimenté, d'éviter les attein- tes au cambium et au bois car, en admettant qu'il arrive à mesurer la force de pénétration de son coup de machadinho, il ne peut juger de l'épaisseur exacte de l'écorce, variable avec l'âge des arbres, l'altitude du lieu et les caractères individuels. C'est là une des raisons qui ont con- duit les planteurs de l'Est à employer des méthodes différentes, d'autant que la main-d'œuvre locale ne pouvait être facilement dressée au manie- ment du machadinho. On a reproché également au procédé amazonien d'exiger une tigelinha pour chaque incision. Les planteurs asiatiques exploitent leurs arbres suivant des métho- des qui diffèrent sensiblement d'une région à l'autre, souvent même entre propriétés voisines. Aucun système ne s'est encore imposé par d'indiscutables avantages, après plusieurs années de recherches et d'ex- périences. Il nous est impossible de décrire en détail chacun des procédés con- nus sur les plantations; d'ailleurs, plusieurs d'entre eux, abandonnés aujourd'hui, ne présentent plus qu'un intérêt rétrospectif. Incisions obliques simples. — Au début, les planteurs de l'Indo- Malaisie, cherchant à se rapprocher de la méthode amazonienne, essayè- rent la saignée par incisions obliques de 1 5-20°/™ de longueur, pratiquées à l'aide d'une gouge ou d'un couteau spécial. Il est à noter, d'ailleurs, que tous les systèmes modernes procèdent par incisions obliques, à 45° environ ; les modifications ne portent que sur leur disposition, leur lon- gueur, leur écartement, etc. Les incisions obliques simples ont été délais- (1) Voy. p. 39 à 47. 90 sées, en raison surtout de la quantité de tigelinhas nécessitée par leur application. (Fig. 27.) Incisions en V. — La longueur des branches du V peut varier de 3 à 25c/m ; tantôt ces branches se rejoignent à la base (V), tantôt elles demeurent faiblement écartées, suivant la méthode HoLLOWAY. La distance entre deux V immédiatement superposés est de 150/m, à partir de 1 m80 jusqu'à la base du tronc ; on pratique une ou plusieurs séries d'in- cisions selon la force des arbres. Ce mode de saignée offre, sur le précé- dent, l'avantage de réaliser une économie de 50 % dans le nombre des godets employés ; néanmoins il est peu en faveur dans les plantations, Fig. 27. Incisions obliques simples. Fig. 28. Incision en V. sauf cependant pour l'exploitation des arbres jeunes. Sur ceux-ci, on pra- tique un seul V embrassant les 2/3 de la circonférence du jeune tronc, à 40e/™ du sol. Cette incision a fréquemment pour effet d'interrompre le circuit séveux et de provoquer une hypertrophie de l'écorce sur le bord supérieur de la blessure, ce qui nuit à la pratique des saignées ulté- rieures. (Fig. 28.) Spirales simples et multiples. — Ce sont des incisions en spirales régulières, pratiquées à des intervalles de 30/m, sur une hauteur de lm80 à 2 mètres, et ravivées ensuite tous les jours ou tous les deux jours avec » 91 une gouge d'un modèle adapté à ce travail. (Fig. 29 et 30.) Ce procédé, qui a eu sa vogue lorsque chacun s'efforçait d'obtenir un maximum de rendement sans se préoccuper des conséquences souvent fatales à 1 exis- tence des arbres, n'est plus employé qu'exceptionnellement pour la sai- gnée à blanc des arbres en excès sur une plantation. Il épuise très rapi- dement les Heveas et ne peut être considéré comme un mode de saignée applicable à une plantation d'avenir. Demi-spirale. — Diffère du précédent et se confond en partie avec l'incision oblique simple. Les incisions, intéressant le tiers ou la moitié de la circonférence des arbres, sont pratiquées en séries verticales et parallèles. Fig. 29. Incisions par spirales multiples. Fig. 30 Saignée en spirale. Fig. 31. Arête sur section verticale demi-circonférentielle. Arête et demi-arête de poisson. — Ce système, qui comporte des variantes assez nombreuses, est le plus généralement adopté dans les plantations. Il consiste à préparer, sur un secteur vertical de la circonfé- rence, une gouttière collectrice superficielle, destinée simplement à cana- liser le latex, puis un certain nombre d'incisions latérales, venant rejoin- dre la première à 45°, mais d'une plus grande profondeur. Ces arêtes d'exploitation sont ravivées à des intervalles de 24 ou 48 heures ; on enlève ainsi, à chaque excision, un copeau d'écorce-liber de 1 millim. 25 environ, suffisant pour assurer un écoulement normal du latex. Celui- 92 ci s'écoule le long de la gouttière verticale jusqu'à la base de l'arbre où il est recueilli, au moyen d'une petite allonge métallique, dans un godet disposé ordinairement sur le sol. Les auteurs ne sont pas encore d'accord sur la longueur à donner aux incisions de l'arête. Fig. 32. Fig. 33. Fig. 34. Demi-arête sur sections verti- Arête sur sections verticales de Arête sur sections verticales de cales de 1 '4 de circonférence. 1/4 de circonférence; inci- 14 de circonférence; inci- sions latérales à 30 'a . sions latérales à 60 'm . Dans les premiers temps, elles s'étendaient jusqu'à moitié et au delà de la circonférence, mais on reconnut bientôt que l'on portait atteinte à la vitalité des arbres. (Fig. 31 .) On limita ensuite les incisions à un seul côté de la gouttière (demi-aiête) ; cette modification a été combattue comme donnant un rendement inférieur à une arête double pratiquée sur un même secteur vertical d'écorce. (Fig. 32.) Actuellement, la saignée en arête simple ou double se pratique généralement sur des secteurs d'écorce correspondant au quart de la cir- conférence. (Fig. 33 et 34.) Chacune de ces portions est exploitée suc- cessivement par saignées répétées à intervalle d'un ou deux jours et comportant à chaque opération l'enlèvement d'un mince copeau d'é- corce-liber suivi de piqûres plus profondes. Les séries d'incisions latérales (jig. 33) sont distantes de CT30, écartement qu'il serait préférable de doubler (jig. 34), d'après VeRNET. Cet auteur considère également que l'exploitation par secteurs d'un quart de circonférence serait avantageu- 93 sèment remplacée par la saignée sur bandes de 1/5 seulement de la cir- conférence du tronc. (Fig. 35.) On divisera donc la circonférence du tronc, prise à 1 mètre du sol, en 4 ou 5 parties égales: la division en 4 parties s'obtiendra facilement à l'aide d'une simple ficelle pliée en quatre; celle en 5 parties, un peu plus compliquée, exige l'emploi d'un collier à 5 portions mobiles à char- nières ou mieux encore d'un gabarit en fer-blanc, souple (fig. 36) de 60c/'" de longueur et d'une largeur correspondant au 1/5 de la grosseur des plus gros arbres à exploiter. Le même gabarit peut être utilisé pour Fig. 35. Saignée en arête sur 1/5 de la circonférence. Fig. 36. Gabarit de fer-blanc souple pour le traçage des incisions. des arbres de faible ou moyen développement ; il suffit de tracer, paral- lèlement à son bord extérieur et à 10c/m de distance, des lignes qui guide- ront le marqueur. Chaque secteur d'écorce ainsi obtenu est exploité suc- cessivement et dans l'ordre alternatif (1, 3, 5, 2, 4, 1, etc., ou 1,3, 4, 2, 1) jusqu'à excision totale de l'écorce. On a longuement discuté sur la fréquence des saignées ; les uns 94 étant partisans de l'exploitation journalière, les autres de la saignée tous les deux jours. Les saignées journalières, forcément interrompues lors- que le titrage du latex tombe en dessous de la normale, à la suite d'une exploitation trop intense ou de fortes pluies, ou lorsque le latex s'épais- sit et coule difficilement (sécheresse, chute des feuilles), sont adoptées aujourd'hui sur de nombreuses propriétés. Le tracé des arêtes est un travail préliminaire, qui doit être exécuté avec soin, par un ouvrier habile. Les ravivages portent sur le bord infé- rieur des incisions obliques et consistent à enlever chaque fois une ban- delette d'écorce-liber n'excédant pas 1m/m5, ce qui permet de prati- quer 6 saignées par centimètre superficiel d'écorce. Si nous admettons l'écartement de 30°/™ entre deux incisions latérales, il sera donc possible de saigner 210 jours sur un même secteur d'écorce; si cet écartement est de 60e/1", l'exploitation du même secteur pourra se poursuivre pendant Fijr. 37. Saijjnée par ponctions (Méthode de Vernet). 420 jours. Notons que la saignée en arête, devant être limitée à une hau- teur de lra80 à la base du tronc, chaque secteur vertical d'écorce com- prendra, suivant l'écartement adopté (30 ou 60'/™), 3 ou 6 arêtes latérales. Une seule arête est suffisante pour des arbres de 40 à 50c/ni de circonfé- rence, 2 arêtes pour troncs de 50 à 60e/™ et 3 arêtes ou davantage pour exemplaires d'un développement supérieur. La piqûre du tronc ou pric\ing a été fortement critiquée par des physiologistes de valeur comme PETCH à Ceylan, CARRUTHERS en Malai- 95 sie et FlELDING à Java, qui lui ont attribué la formation d'excroissances et de déformations de l'écorce nuisibles à une seconde exploitation. Quelques auteurs ont cependant défendu le pricking et VERNET appli- que depuis plusieurs années un système de saignée par ponctions sur rigoles hélicoïdales qui lui a donné toute satisfaction. Dans la saignée en arête, les piqûres sont faites avec l'angle de la gouge servant à l'excision de l'écorce ou avec un instrument spécial ou pricker (jig. 43), sur les blessures fraîchement ravivées. La méthode VERNET (jig. 37) s'efforce d'exploiter les couches profondes du liber, par- ticulièrement riches en latex, sans exciser l'écorce du tronc ni détermi- ner de blessures ou d'excroissances préjudiciables à l'avenir des arbres. Les rigoles collectrices hélicoïdales, dont le rôle est limité à la conduc- tion du latex, ne doivent pas entamer le liber; elles sont préparées la Fig. 38. Gouge Vernet. Fig. 39. — Couteau Vernet. veille de la saignée, suivant une inclinaison de 60 à 70°, et munies à leur base d'une allonge métallique aboutissant au-dessus du godet de récolte. La hauteur de tronc intéressée par ces rigoles n'excède pas 1 mè- tre pour les arbres de moins de sept ans et s'élève à 2 mètres et plus sur les arbres de dix ans. Une même rigole suffit pour 1 2 saignées consécu- tives ; on exploite ensuite successivement de nouvelles rigoles pratiquées à 5°/m en dessous. Après avoir ainsi exploité toute la surface inférieure du tronc, on entreprend une seconde série de rigoles dans l'intervalle des premières. Les rigoles sont faites avec la gouge représentée ici (jig. 38) et les piqûres au moyen d'un couteau très simple (jig. 39). Ces piqûres sont réparties à des distances de 20c/m le long du bord supé- rieur de la gouttière, perpendiculairement à sa direction ; elles pénètrent jusqu'au cambium, sans l'attaquer violemment. De nouvelles ponc- 96 tions, à 1 0/m en dessous de celles de la veille, sont pratiquées pendant douze jours consécutifs, après quoi on opère sur une nouvelle rigole. Avec ce système, un ouvrier arrive à exploiter plus de 200 arbres par jour, chiffre qui peut être considéré comme une bonne moyenne avec les autres méthodes, telles que l'arête et la demi-arête. Lorsque le mode de saignée auquel s'est arrêté le planteur procède par excision de l'écorce, il faut établir le cycle d'exploitation de manière qu'une nouvelle écorce ne soit pas entamée avant la quatrième année révolue après l'excision, au moins sur des arbres de plus de sept ans; les récentes recherches de R. H. LoCK, à Ceylan, tendent à confirmer ce fait, déjà établi par de précédentes observations. r Fig. 40. Gouge ordinaire, (Vernet). Fig. 41. Reinette de terreur. Fig. 42. Gouge triangulaire. Fig. 43. "Pricker" Barrydo. 97 « Le nombre de jours de saignée annuelle doit être avant tout subor- donné à la capacité productrice des arbres. En principe, il est permis d'exploiter journellement l'Hevea tant que la teneur en caoutchouc de son latex ne s'abaisse pas en dessous de 40 % environ. Il faut tenir compte, indépendamment des interruptions parfois nécessaires pour per- mettre au latex de récupérer son titrage normal, des journées de mauvais temps, de la grande sécheresse, des fêtes, etc., de sorte qu'il est prudent de s'en tenir à 200 jours environ de saignée annuelle. Fig. 43 «». Gouge Burgess. Fig. 44. Couteau Sculfer. Fig. 45. Inciseur Barrydo. INSTRUMENTS DE SAIGNÉE. — Parmi les nombreux modèles d'ins- truments et outils de saignée mis au commerce dans ces dernières années, le choix du planteur se portera sur les plus robustes et les plus simples. Toute la série des outils à réglage, qui peuvent être d'excel- lente conception théorique, trouvera difficilement son emploi dans la pra- tique courante, sauf peut-être pour les ravivages où ils peuvent réaliser certains avantages, en limitant notamment l'épaisseur de la bande d'écorce à enlever. 98 La gouge ordinaire, à fer droit, de 7 millimètres de largeur, peu con- cave, à angles émoussés (jig. 40), a été adoptée avec succès sur diverses plantations, le couteau du ferreur ou reinette (jig. 41) et la gouge trian- gulaire (jig. 42), sont également d'un usage assez répandu. Ces trois outils, de solide construction, d'une grande simplicité et d'un prix peu élevé doivent être maniés avec quelque précaution au début ; mais l'ouvrier acquiert rapidement l'expérience nécessaire pour en obtenir d'excellent résultats. Mentionnons encore les modèles Burgess (jig. 43 bis), assez répan- dus dans les plantations de Ceylan, le Sculjer (jig. 44), le Barrydo (jig. 45), etc., beaucoup moins employés. Pour le pricking des blessures, on a imaginé plusieurs instruments spéciaux, qui laissent encore à désirer, en particulier au point de vue de la solidité ; la figure 43 représente l'un des prickers les plus connus. GODETS A LATEX. — Le latex exsudé par les blessures de saignée est recueilli dans des récipients qui, en général, ne sont pas fixés directe- ment dans l'écorce des arbres, suivant la pratique amazonienne. On adapte ordinairement une petite gouttière métallique (jig. 50), à la base de la rigole collectrice (jig. 27 à 31), afin d'amener le latex dans le godet simplement posé à terre. Ce dispositif évite la perte de temps qui résulterait de la fixation des godets sous l'écorce, la gouttière demeurant en place pendant toute la durée d'exploitation d'une même arête, sauf pour les nettoyages indispensables. Les godets employés sur les plantations sont de forme assez varia- ble, le plus souvent tronconique ou demi-sphérique. Leur contenance varie entre 300 et 500 centimètres cubes (Fig. 46). S'il sont en fer-blanc ou Fig. 46. Tigelinha de fer. Fig. 47. Tigelinha d'aluminium. Fig. 48. Tigelinha de porcelaine ou de fer. 99 en fer embouti, leur poids est léger et leur prix bon marché, mais leurs parois font adhérer facilement le latex et Ion a à craindre l'oxydation rapide. Les godets (jig. 47) en aluminium uni ont l'avantage d'une légè- reté presque excessive et sont inoxydables; par contre, ils sont coûteux. Fig. 49. Godet en verre ou porcelaine. Fig. 50. Gouttières métalliques pour l'écoulement du latex. Ceux en verre épais, de la forme d'un demi-citron (jig. 49), sont faciles à nettoyer ; leur usage se généraliserait rapidement, avec celui des réci- pients en porcelaine (jig. 48), si le prix de vente en était moins élevé. Ajoutons que les godets de chaque propriété devront porter une marque spéciale. CONSERVATION DU LATEX. — Pour éviter la coagulation spontanée du latex avant son transport à l'usine, les planteurs ont pris l'habitude Fig. 51. Brouette-chariot pour le transport de l'eau ou du latex. de déposer une faible quantité d'eau dans le fond des godets. Cette eau devra être, en tous cas, aussi pure que possible ; on pourra la transporter avec une brouette-réservoir du modèle figuré ici (jig. 51). Son action » 100 « est d'ailleurs fréquemment contrariée par la différence de densité entre les deux liquides: le latex surnage sans se mélanger à l'eau et se coagule assez facilement. Un meilleur résultat serait sans doute obtenu en ajou- tant l'eau au latex réuni dans les brocs de transport. Mais un moyen plus efficace de prévenir la coagulation et même de la retarder indéfiniment, tout en aseptisant le latex, consiste à y ajou- ter une faible solution d'eau ammoniacale et de formol. Il suffit de 3 à 5 ** de formol du commerce par litre de latex pour obtenir le résultat désirable. Nous conservons du latex dans ces conditions depuis plus de six mois et, actuellement encore, il ne présente pas la moindre trace de coagulation. MATÉRIEL DE TRANSPORT DU LATEX. — Le contenu des godets est déversé dans des seaux cylindriques ou tronconiques ou dans les brocs en zinc ou en fer émaillé d'une contenance de 5 à 10 litres. Sur certaines plantations, l'ouvrier transporte directement ces récipients à la jactory où sera traité le latex. Dans d'autres exploitations, le contenu des brocs est réuni dans des récipients de 1 30 à 450 litres, montés sur roues, ces brouettes-réservoirs à bascule {jig. 51) sont peu différentes de celles employées pour le transport du lait dans les grandes fermes. TRAITEMENT DU LATEX MÉTHODES DE COAGULATION La transformation en caoutchouc du latex récolté chaque jour sur la plantation, est une opération dont l'importance pratique, considérable, puisqu'elle influe à la fois sur la quantité et sur la qualité de la produc- tion de gomme, justifie les plus grands soins et nous oblige à un examen théorique sommaire de la question. La coagulation est le passage du caoutchouc, ou des produits sus- ceptibles de le former, de l'état colloïdal, sous lequel il se trouve dans le latex à l'état de réseau solide. Aucune des théories énoncées jusqu'ici pour expliquer par quel mécanisme les globules de caoutchouc du latex finissent par former ce réseau serré, élastique et nerveux n'a pu s'impo- ser comme une vérité démontrée. Pour les uns, ce sont les albumines du latex qui, coagulées, englobent le caoutchouc; pour les autres, le caout- chouc coagule directement soit concurremment avec les albumines, soit indépendamment d'elles. Quoi qu'il en soit, la coagulation du latex d'HeVea brasiliensis peut s'obtenir par de nombreux procédés que nous grouperons en: 1 ° Procédés mécaniques ; 2 ° Procédés physiques ; 3° Procédés chimiques. Nous devons faire remarquer que ces divisions sont purement théo- riques et que certains procédés peuvent se classer à la fois dans deux groupes. 1 ° PROCÉDÉS MÉCANIQUES. — On peut coaguler le latex par frotte- ment ou par action de la force centrifuge, les globules de caoutchouc et 102 le sérum, dans lequel ils se trouvent, ayant une densité différente. Au- cune de ces méthodes n'a donné de résultats pratiques; aussi n'insiste- rons-nous pas. 2° PROCÉDÉS PHYSIQUES, — V. HENRI a montré que, si on fait pas- ser dans le latex un courant électrique, les globules de caoutchouc se por- tent vers l'électrode positive (différence de potentiel de 100 volts). La chaleur est aussi un coagulant, mais seulement en milieu acide, comme l'a montré V. HENRI : on sait que dans ces conditions le latex fait prise vers 70° centigr. et à une température plus basse s'il est plus acide. La dessiccation, ou évaporation de l'eau du latex, peut aussi donner du caoutchouc ; mais ce n'est pas là un procédé applicable dans la pra- tique. La coagulation graduelle du latex que l'on conserve est aussi un phé- nomène d'ordre physique inapplicable dans une exploitation. 3° PROCÉDÉS CHIMIQUES. — Eux seuls ont donné jusqu'ici, pour l'Hevea, des résultats pratiques certains sur les plantations. Pour les appliquer, il faut se pénétrer de quelques principes généraux mis en évi- dence par les travaux de VlCTOR HENRI : la structure du coagulum varie avec la nature et la concentration des corps employés pour la coagulation ; une très petite quantité d'alcali empêche la formation du caillot ; les pro- priétés élastiques du caoutchouc, obtenu par la coagulation d'un même latex, varient suivant le coagulant employé. Acides. — Tous les acides coagulent le latex d'Hevea brasiliensis avec des variations suivant l'acide employé, et, pour un même acide, avec la concentration à laquelle on emploie sa solution. L'acide sulfuri- que très dilué agglutine le caoutchouc, c'est-à-dire donne un produit qu'on peut à nouveau transformer en latex ; s'il est plus concentré on a la coagulation. Par contre, l'acide trichloracétique, même très dilué, est un bon coagulant. L'acide fluorhydrique donne aussi des résultats satisfai- sants. Parmi les acides organiques, les plus avantageux sont les acides acétique et formique ; les acides tannique et picrique, quoique coagulant bien, présentent des inconvénients (mauvaise conservation ou altération postérieure du caoutchouc) qui empêchent de les recommander. Pour « 103 <8 arriver au même résultat coagulant, il faut employer une plus grande quantité d'un acide organique que d'un acide minéral. Sels. — Un grand nombre d'entre eux déterminent le phénomène. V. HENRI a montré que les sels de sodium, de potassium et d'ammo- nium, employés seuls, sont sans effet ; par contre les sels de calcium, de baryum, de magnésium, de zinc, de plomb et d'alumine, employés en quantité suffisante, amènent la coagulation; le sublimé est aussi un coa- gulant énergique. Nous ne pouvons donner ici que ces indications géné- rales, la plupart de ces sels n'ayant pas trouvé leur application pratique. Sels et acides. — En employant des quantités suffisantes d'un des sels des métaux ou métalloïdes déjà mentionnés, on a une coagulation ; mais il est bon d'ajouter au latex une certaine quantité d'acide, si on veut avoir un produit bien élastique. Les études sur la coagulation par les mélanges ne sont pas encore suffisamment avancées pour permettre des applications de la part des planteurs. On a cependant préconisé le mélange d'alun et d'acide tartrique. Alcools. — L'alcool ordinaire provoque la coagulation du latex tel qu'on le récolte. Cependant V. HENRI a montré qu'aucun des alcools méthylique, éthylique et amylique n'est en lui-même un coagulant puis- que la réaction ne se produit qu'en présence des sels qui se trouvent dans le latex. Aldéhydes. — Ces corps amènent la coagulation, mais seulement si on les emploie en fortes proportions. Parmi les autres bons coagulants, il faut citer, l'acétone. L'addition de sucs végétaux acides tels que des solutions aqueuses de fruits de Citrus, de Tamarinier, etc., donne en général du caoutchouc de bonne qualité. Autres procédés. — Il est des moyens de coagulation qu'on ne peut classer dans aucun de ces groupes ou qui participent de plusieurs d'entre eux. Il faut citer parmi ceux-ci: Coagulation spontanée. — Elle se produit, par exemple, sur les incisions (scraps) ou dans le fond des godets. Elle peut être due, tout à $ 104 sS la fois, sur l'écorce, à l'action des sucs végétaux des tissus sectionnés, à celle de l'oxygène de l'air et à la dessiccation ; dans les récipients, à ces deux dernières causes et à l'action des parois, s'ils sont métalliques. Coagulation par fermentation. — La coagulation du latex peut encore être amenée par l'action de microbes et de ferments. L'activité vitale de ces micro-organismes, s'exerçant sur certains éléments du latex, amène la production d'acides, et ce sont eux qui, dans ce cas, doivent provoquer la coagulation (fermentations acétique et butyrique). Coagulation par enjumage. — On a essayé de reproduire de diver- ses manières le procédé amazonien d'enfumage. Des brevets ont été pris, des appareils construits, basés sur divers principes, mais qui, tous, sou- mettent de façon plus ou moins complète le latex à l'action de fumées. Nous pouvons citer dans cet ordre d'idées, le jumero CoUTINHO-DANIN, le fumero transportable G. VAN DEN KeRCKHOVE, l'appareil de MACADAM, celui de H. A. WlCKHAM, l'appareil JOSÉ SlMAO DA COSTA, le SHAW's SMOKER COAGULATOR, le procédé KREBS, l'appareil de BROWN et DAVID- SON, la machine à enfumer de E. R. RlCHARDSON, celle de R. DERRY, etc.. La plupart d'entre eux n'ont pas été mis dans la pratique ou ont été abandonnés des planteurs. 105 « Epuration du Latex Le latex apporté à la jactory dans des seaux ou des brocs en zinc ou en fer émaillé ou dans de grands récipients métalliques est versé directement sur des tamis-filtres en fer galvanisé ou en crin {fig. 52) (ces derniers s'usent plus vite), pour arrêter les grosses impuretés ; on élimine ainsi la plupart des impuretés légères : débris Fig. 52. Passoire métallique pour le latex. Fig. 53. Appareil pour décanter et filtrer le latex (Vernet). d'écorce, de scraps... Une partie des impuretés lourdes peut passer (débris de terre, etc.). C'est pourquoi VERNET conseille la décantation après repos du latex pendant un quart d'heure dans le bac à décanter fjtg* 53), après quoi on écume les impuretés légères et enlève de temps à autre les plus lourdes. On a essayé à Ceylan, pour l'épuration du latex, des centrifugeuses, mais sans grand succès. 106 Coagulation sur les Plantations Nous avons envisagé à un point de vue théorique les moyens de coagulation du latex d'HeVea. Parmi eux nous ne retiendrons maintenant que ceux qui ont fait pratiquement leurs preuves ou qu'on a espoir de voir les fournir. Un procédé de coagulation pratique doit réunir les deux conditions essentielles suivantes : donner un bon caoutchouc et être bon marché. Nous éliminerons les procédés mécaniques et l'électrolyse, jusqu'ici sans utilisation ; la dessication, qui exigerait un matériel trop considé- rable pour l'évaporation à froid de l'eau du latex. Parmi les procédés chimiques, l'alcool méthylique (qui ne doit pas être dénaturé par un corps attaquant ou dissolvant le caoutchouc) est trop cher, ainsi que les aldéhydes, en raison des grandes quantités nécessaires, et que l'acétone. Le grand succès sur les plantations a été jusqu'ici pour la coagula- tion par les acides. De tous les acides, en raison, soit de leur prix trop élevé (ac. trichloracétique), soit du produit inférieur qu'ils donnent ou de leur action sur les substances accompagnant le caoutchouc, soit de leur action destructive sur la machinerie, on n'a pu jusqu'ici garder qu'un seul: l'acide acétique. L'acide formique était trop cher, et ce n'est que tout récemment que l'industrie a pu le fabriquer à bon compte. Nous ne croyons pas qu'on l'ait encore employé en grand sur les plantations quoi- que les expériences de D. SPENCE aient montré qu'il donne un caout- chouc aussi bon que celui préparé par l'acide acétique et que l'on emploie une quantité d'acide beaucoup moins forte. Ce chimiste indique comme la formule la meilleure 4 ou 5 parties d'une solution à 5 % d'acide formi- que, pour 100 parties de latex. Il ne faut jamais dépasser 10 % pour la solution d'acide formique, mais ajouter plutôt une quantité plus grande de solution moins concentrée. L'acide fluorhydrique, qu'on a préconisé, est peut-être un excellent coagulant et antiseptique ; mais il coûte cher, est dangereux et difficile à manipuler. Reste donc l'acide acétique ou pyroligneux qui est à peu près le seul 107 acide employé sur les plantations d'Extrême-Orient, et nous allons, pour lui, indiquer sommairement la façon de procéder. Le latex filtré est versé dans des bacs de coagulation, récipients variables suivant les différentes formes sous lesquelles on veut mettre le caoutchouc: les cuves ont une soixantaine de litres de capacité, si on veut préparer des crêpes ; les réci- pients ne dépassent pas 5 litres pour la confection des biscuits et des sheets. Les cuves sont en faïence vernissée et bien propres. Les autres récipients sont plats (les plus hauts ont 9 centimètres), en faïence ou fer émaillé, ronds pour les biscuits, rectangulaires pour les sheets. (Fig. 46.) 11 ne faut employer les récipients en bois que s'ils sont bien lisses à l'inté- rieur. Tous ces récipients doivent être parfaitement propres et offrir le moins- d'adhérence possible au caoutchouc frais. Dans le bac contenant le latex on ajoute l'acide acétique. Il est néces- saire, si on veut obtenir un bon résultat et un caoutchouc toujours sem- blable à lui-même, d'opérer toujours dans les mêmes conditions. Pour cela, il est bon de ramener le latex à une dilution donnée, c'est-à-dire Fig. 54. Récipients pour la coagulation du latex. qu'un litre de celui-ci contienne à peu près les mêmes proportions de caoutchouc et des autres constituants, quantités qui varient normalement avec de nombreux facteurs ; on y arrive en ajoutant de l'eau propre. Il faut aussi pour la même raison qu'on mélange toujours à ce latex la même quantité d'une solution, au même titre, d'acide acétique. On a une meil- leure coagulation, plus uniforme, en diluant l'acide qu'en l'employant pur. En prenant ces précautions, on peut savoir combien de temps sera nécessaire à la coagulation ; car ce temps varie avec la richesse du latex en caoutchouc et avec les proportions d'acide; mais l'acide acétique se trouvant dans le commerce à des titres différents, le planteur doit connaî- tre le titre de celui qu'il emploie. VERNET indique que pour avoir la coa- gulation en 15 minutes, il faut employer, si on veut avoir des crêpes : ® 108 « jl volume d'acide acétique pur pour 100 volumes de latex pur ; 1 gramme d'acide acétique pur pour 2 litres \ de latex dilué ; 25 centimètres cubes d'acide acétique pur pour 60 litres de latex dilué ; Pour avoir la coagulation en 24 heures : \ volume d'acide acétique pur pour 8.000 volumes de latex dilué. Pour avoir des sheets, on augmente la dose d'acide et la durée de la coagulation, ce qui donne un caillot plus ferme. Ainsi, d'après VERNET, on coagule en deux heures par: 2 a d'acide acétique pur pour 5 litres de latex dilué ; 50 c3 d'une solution d'acide acétique pur à 5 % pour 1 litre de latex contenant 33 % de caoutchouc. Dans un récent travail sur la préparation du caoutchouc de Para cultivé (1), J.-B. EATON, chimiste du Gouvernement des Etats Malais, conclut en faveur de l'acide acétique employé à la solution de 5 % . Ses expériences en vue de déterminer les doses minima de divers coagulants, nécessaires pour amener la coagulation complète d'un latex pur, c'est- à-dire non additionné d'eau ou d'anticoagulants, lui ont donné les résul- tats suivants r Acide acétique : 0 gr. 10 pour lOO^8 de latex. — citrique : 0 gr. 17 — — — — formique : 0 gr. 06 — — — Bichlorure de mercure : 2 gr. 25 — — Chlorure de sodium : 5 gr. 00 — — PaRKIN, qui a opéré sur des latex conservés, aurait indiqué des chiffres très différents : 0 gr. 95 avec l'acide acétique, 0,50 avec l'acide citrique, tandis que SPENCE est arrivé à 0 gr. 85 d'acide formique pour l00o/ma de latex. EATON affirme que la coagulation rapide avec des quantités exces- sives de coagulants peut amener des défauts sur les feuilles de caout- chouc ; c'est ce qu'il dénomme les coagulation marias. Enfin, il conseille de ne pas séparer le coagulum aussitôt après la coagulation, mais (I) Iniia Rabber Journal, 24 et 31 mai 1913. # 109 ® d'attendre au lendemain en le laissant baigner dans le sérum. Pour éviter le noircissement du caoutchouc et obtenir un produit de nuance claire, EATON préconise l'addition de bisulfite de soude, à raison de deux onces (environ 60 gr.) pour 10 gallons (45 litres) de latex. Certaines des observations de ce chimiste semblent corroborées par celle de SCHIDROWITZ lorsqu'il écrit (2) : « La qualité du caoutchouc serait en raison inverse de la quantité d'acide acétique employé pour la coagulation, suivant recherches effectuées avec des caoutchoucs vulca- nisés. » Pour mesurer ces quantités de solutions, on utilise des verres ou éprouvettes gradués ou des mesures en fer-blanc. Chacun de ces réci- pients a ses avantages et ses inconvénients et leur valeur dépend surtout du plus ou moins de soins qu'on apporte dans leur usage. La coagulation est complète lorsque le sérum n'est plus laiteux et que le caillot a une consistance suffisamment ferme. Les avantages de l'acide acétique sont, qu'il est bon marché, mania- ble, abondant et assez actif. Mais il a des défauts: on lui attribue la moin- dre qualité de la gomme fournie par les plantations ; quoique certains spécialistes l'aient démenti, d'autres attribuent aux petites quantités d'acide, qui restent forcément emprisonnées dans le coagulum, un rôle néfaste dans la conservation du caoutchouc ; enfin, comme il n'est pas antiseptique, il est bon, quand on l'emploie, de faire subir aux biscuits et aux sheets un traitement subséquent. Des sels divers et des mélanges de sels ou de sels et d'acides ont été employés pour coaguler. La plupart d'entre eux ont fait l'objet de bre- vets, et on ne connaît pas exactement leur composition. Nous pouvons citer parmi eux: le Purub, à base d'hydrofluosilicate, qui n'a guère été employé pour YHevea; le coagulant Elias; VHeoina, de R.-C. Mon- TEIRO DA COSTA, qui a servi à préparer, dans le rio Madeira, des échantil- lons dont nous avons vu la belle qualité ; la Lactina, de CARLOS DE CERQUEIRA PlNTO; le Tupy du Système CANTUARIA ET C° ; des coagu- lodoses diverses parmi lesquelles un à base d'alun et d'acide tartrique, qui ont été essayées sur les plantations de l'Est sans détrôner l'acide acétique. Nous estimons, qu'en général, ces produits sont vendus trop cher par leurs fabricants. (2) Iniia Rubber Journal, 7 décembre 1912. S> 110 « Mais nous ne croyons pas que pour les mélanges de sels et d'acides, on soit sorti de la période des expériences. VERNET en a essayé et, de ses essais, a tiré quelques déductions générales: il faut ajouter au latex la solution du sel d'abord, puis celle de l'acide ; la coagulation est souvent plus lente, si on opère avec les mélanges que dans le cas d'acides seuls en solution plus concentrée. Nous avons vu près d'Obidos des essais de ce genre effectués par l'ingénieur Paul Le CoiNTE: de petits biscuits de belle qualité ont été préparés en ajoutant au latex dilué un peu d'acide sulfurique ou chlorhydrique, puis une solution d'hyposulfite de soude. La coagulation doit être due, comme l'indique M. Le CoiNTE, à la production d'acide sulfureux par action de l'acide sur l'hyposulfite. Mais ce ne sont là que des expériences encourageantes et qui n'ont pas encore eu d'application dans la pratique. Machines à enfumer. — Les inconvénients, notamment la moindre qualité, le manque d'uniformité et la moins bonne conservation de la gomme coagulée par le meilleur procédé chimique, par l'acide acétique, ont incité depuis longtemps à construire des appareils permettant de réa- liser sur la plantation, avec quelques modifications, l'enfumage amazo- nien. Nous avons déjà cité la plupart d'entre eux. A notre connaissance, un seul a été employé sur les plantations, peu souvent même pour YHeVea : c'est le procédé SlMÂO DA COSTA, dont le principe est le sui- vant : de la vapeur produite par une chaudière entraîne des fumées formées indépendamment par la combustion de feuilles, noix ou bois vert fournissant un peu d'acide acétique et de créosote ; ce courant débouche par un injecteur dans les cuves à latex dont il agite violemment le contenu. Le caoutchouc coagulé est pressé et mis en blocs. VERNET déclare que des planteurs ont abandonné ce procédé parce qu'il ne donne pas une plus-value au caoutchouc et que son rendement est insuffisant. Nous signalerons aussi un procédé assez récent dont nous ne con- naissons pas encore les résultats sur les exploitations, mais que l'appré- ciation flatteuse de RlDLEY, ex-directeur du Jardin botanique de Singa- pore, nous engage à mentionner: c'est le procédé R. DERRY. Une toile sans fin, constituée par un tissu spécial, pour lequel l'auteur a pris un brevet, se déplace dans une caisse séparée en deux parties. Une de ces parties contient le latex, l'autre reçoit la fumée d'un foyer. La toiJe pas- sant dans le latex s'y charge de l'émulsion et la porte lentement dans la • 111 # caisse à fumée où elle coagule en couches successives. La nature spéciale de la toile sans fin permet un décollement facile du caoutchouc coagulé. On obtiendrait ainsi, avec une machine de 2 HP \, un caoutchouc égal au meilleur Para, et les journaux de Malaisie ont rapporté la bonne impression que les expériences firent sur les planteurs qui y assistèrent. Cependant, il ne s'agit là encore que d'expériences. Quant à la coagulation naturelle, elle donne un caoutchouc très apprécié des industriels, mais exige beaucoup de matériel en raison de sa durée (plus de 48 heures parfois), et il y a des pertes importantes au lavage. 112 Epuration du Caoutchouc Le caoutchouc coagulé contient encore une grande quantité d'eau et des impuretés diverses dont on cherche de suite à éliminer la plus grande partie. En effet, la présence d'eau et de corps étrangers a pour effet de faciliter le développement des moisissures et des fermen- tations ; les impuretés gênent le séchage du caoutchouc, le colorent : l'élimination de l'eau petit à petit occasionne une perte de poids. Lorsqu'on fait des crêpes, pour purifier le coagulum, on l'oblige à passer entre deux cylindres cannelés qui tournent à des vitesses différentes, sous un filet d'eau ; on recommencera plusieurs fois entre des cylindres de plus en plus rapprochés, ce qui aplatit, étire et lave la gomme (jig. 55 et 56) ; ce traitement, s'il n'est pas opéré avec beaucoup de soins, diminue l'élasticité du caoutchouc. Il faut évidemment que l'eau employée soit de bonne qualité. Les biscuits et les sheets d'abord pressés à la main, sont ensuite pas- sés entre les rouleaux de bois d'un laminoir, à moins que l'on ne se con- tente de rouler sur le coagulum une bouteille ou un rouleau. SÉCHAGE. — Le caoutchouc est ensuite desséché. Cette opération ne doit pas se faire au soleil. Divers moyens ont été préconisés pour rempla- cer le séchage à l'air libre et à l'ombre, par exemple, la centrifugation, le froid. Mais les procédés les plus employés dans les plantations sont autres. On y trouve des séchoirs à air libre, bâtiments en bois d'un étage avec le plancher à claire-voie et cheminée d'appel : les crêpes sont suspen- dues dans l'obscurité et sèchent en cinq ou dix jours suivant la saison. (Fig. 56b".) On peut aussi y provoquer un courant d'air froid par un venti- lateur ou un aspirateur amenant l'air d'une pièce où on l'a desséché par le chlorure de calcium. L'air sec et froid semble donner de meilleurs Fig. 55. Batteries de machines à laver, enfumer et crêper le caoutchouc (Cliché D. BRIDGE). Fig. 56. Photographies prises en Malaisie (Cliché D. BRIDGE). (Dans l'Etat de Bahia, à Machado Portella, il existe une installation de ce genre ainsi qu'à Manaos). 113* » 113 0 résultats que l'air chaud. La dessiccation dans le vide et à chaud a été abandonnée ; la dessiccation simplement dans le vide est préférée. Il faut noter que les fabricants donnent souvent la préférence au caoutchouc desséché lentement sur la gomme desséchée rapidement. Un autre procédé est utilisé en Indo-Malaisie: la dessiccation dans des fumées qui sont toujours antiseptiques. C'est à l'enfumage qu'on Fig. 56 bis. Séchoir pour crêpes de caoutchouc en chambre spéciale. attribue la qualité et la conservation de la gomme de Para. La lenteur du procédé et la main-d'œuvre qu'il nécessite ont empêché d'adopter la coa- gulation par enfumage ; mais on a essayé, en soumettant, dans le séchoir, la gomme à l'action des fumées de lui conférer une partie au moins de ses propriétés, car il faut bien remarquer que les acheteurs de caoutchouc, de même que RlDLEY, estiment que l'avenir est au caoutchouc fumé. Le procédé est moins nécessaire pour les crêpes qui sont très propres ; mais il est certain qu'il empêche les biscuits et les sheets de moisir. Pour cela, on dispose la gomme sur le plancher à claire-voie, au premier étage du séchoir qui doit être en bois, tandis que la fumée vient du rez-de-chaus- 8 ® 114 <9 sée, produite par un foyer brûlant lentement de façon continue. On ne pratique pas d'appel d'air pour que le contact de la fumée avec le caout- chouc soit plus long ; mais alors l'évaporation est plus lente et les gom- mes, très humides, doivent commencer à être desséchées dans un autre séchoir. C'est du reste ce qu'a fait RlDLEY dans ses essais de Singapore. Il faut veiller à ce que les feuilles soient bien uniformément fumées et que la température de la maison d'enfumage ne s'élève pas trop pour ne pas roussir le caoutchouc. 115 Rendement de l'Hevea cultivé 11 est difficile d'assigner un rendement moyen aux Heveas cultivés ; des écarts considérables peuvent être constatés suivant la nature du sol et sa fertilité, les influences climatériques, le mode de préparation et d'entretien du terrain, le degré de sélectionnement des graines et des plantes, la fumure des arbres, le système et l'intensité des saignées et divers autres facteurs moins essentiels. A Ceylan, M. KELWAY BAMBER, l'habile chimiste du Gouverne- ment, évalue le rendement d'une plantation de dix ans, en moyennes conditions, à 350 kilogrammes de caoutchouc sec par hectare et par an. Il ajoute que, dans cette île, la production des arbres âgés de moins de sept ans est inférieure à celle obtenue sur des Heveas de même âge dans la Péninsule malaise (1). Le rendement moyen observé avec des arbres de sept ans pris sur diverses plantations de Ceylan, ressort à 500 grammes de caoutchouc. Notons toutefois que cette moyenne a été ramenée à 80 kilos par acre de plantation à Ceylan, pour des arbres de six à sept ans, alors qu'elle atteindrait 1 10 kilos pour les lots de cinq à six ans plantés en Malaisie (2). Parmi les arbres de la plantation historique d'Henarat- goda (Ceylan), il est un exemplaire sans doute peu commun, qui a fait l'objet d'intéressantes observations publiées par M. LocK, le distingué successeur du Dr WlLLIS. Cet Hevea, âgé de trente-quatre ans, a fourni 38 kilos 314 de caoutchouc sec en 122 saignées réparties sur l'année 1 91 0 ; il avait produit l'année précédente 34 kilos 1 62 en 89 jours, soit au total 72 kilos 932 en deux ans. La méthode de saignée adoptée pour ces expériences était l'arête double avec ravivages des écorces et ponctions du liber, par secteurs verticaux de 1 /4 de la circonférence du tronc. Il est évident qu'il s'agit d'un cas exceptionnel, sur lequel il serait puéril de vouloir tabler pour un devis sérieux, d'autant que ce spécimen est demeu- ré inexploité pendant de nombreuses années et a pu accumuler des réser- ves qui ont accru la production 1909-10 (3). (1) India Rubber Journal, 1er juillet 1911. (2) Ibid, 4 janvier 1913. (3) LynE a obtenu de ce même pied d' Hevea plus de 20 kilos de caoutchouc sec en 76 jours de saignée, en fin 1912 et commencement de 1913. » 116 $ En Malaisie, on a obtenu un rendement allant de 500 grammes à 1 kilogr. 350 par arbre âgé de moins de dix ans. Sur la Vallombrosa, l'une des principales plantations malaises, la production moyenne sur les carrés en exploitation s'est élevée à 220 kilos par hectare de 350 arbres. Enfin, des statistiques portant sur 1912 fixent la moyenne de rende- ment d'une plantation d'Heveas de huit ans dans les Etats Malais à 1 tonne de caoutchouc sec par 5 acres et par an. Pour le Bas- Amazone, M. P. Le CoiNTE a indiqué les rendements suivants: par arbre de sept ans: 607 gr. 5 ; huit ans: 891 gr. ; neuf ans: 1 .095gr. ; dix ans : 1 .296 gr. ; quinze ans : 1 .962 gr. Nos observations et expériences personnelles nous conduisent à admettre les moyennes suivantes, pour une entreprise bien organisée, bien dirigée et disposant des capitaux nécessaires, dans la même région de l'embouchure de l'Amazone: De quatre à sept ans: 1 00 à 1 30 kilogr. à l'hectare de 300 arbres. De sept à dix ans : I 50 à 350 kilogr. à l'hectare de 280 arbres. De dix à quinze ans : 350 à 500 kilogr. à l'hectare de 250 arbres. SORTES DE CAOUTCHOUC DE PLANTATION. — Dans la gomme des plantations, le commerce distingue un certain nombre de sortes, suivant les propriétés, la forme, l'aspect. On trouve: 1 ° Le sheet ou feuille assez épaisse, rectangulaire ; 2° Le biscuit de forme ronde ; 3° La crêpe en bandes plus ou moins larges, minces, élastiques, à surface crêpée, actuellement la plus demandée par l'industrie. C'est la forme la plus facilement manipulée, et qui arrive dans le meilleur état ; 4° Le block rubber, formé en comprimant des crêpes sous une presse hydraulique ou mécanique ; cette fabrication n'a eu qu'un temps, l'in- dustrie n'ayant pas apprécié cette forme ; 5° Le scrap ou caoutchouc coagulé spontanément. D'autres formes ont été fabriquées, mais ont disparu du marché. A titre d'indication nous donnons ici quelques cotations, des sortes 9 117 « commerciales les plus courantes des plantations, relevées sur les mercu- riales des marchés de Liverpool et Anvers à la date du 20 août 1913. Feuilles et biscuits (Liverpool) : 3 fr. 30 la livre anglaise (453 gr. 59). Feuilles fumées (Liverpool) : 3 fr. 45 — — — Crêpes pâles (Liverpool) : 3 fr. 25 — — Crêpes lre qualité Java, Sumatra et Straits (Anvers) : 7 fr. 50 le kilogr. Crêpes fumées même provenance: 7 fr. 80 le kilogr. Par comparaison, le Para fin cotait, même date, à Liverpool : 4 fr. 75 la livre anglaise. La couleur du produit est assez variable — du blanc crème au brun foncé — suivant sa pureté, suivant son temps d'exposition à la lumière et à l'air (l'oxygène étant une des causes les plus importantes de l'alté- lation de la gomme), suivant qu'on a coagulé à chaud ou à froid, la vapeur surchauffée, par exemple, détruisant les oxydases du latex qui, en présence de l'oxygène de l'air amènent le noircissement, etc.. Toutes les pièces de gomme provenant d'une estate en portent la marque. ASSORTIMENT, TRIAGE. — L'assortiment et le triage doivent être effectués avec le plus grand soin pour qu'il ne se glisse pas le plus petit morceau de qualité inférieure dans un lot. Le commerce distingue deux qualités dans les sheets et quatre ou cinq dans les crêpes : pâle, brun, scrap, bark (écorce) et shavings (rognures). PRODUCTION D'UN TYPE UNIFORME. — Le grand reproche que, depuis trois ans, les manufacturiers ont fait au produit des plantations est moins de ne pas atteindre la qualité la meilleure que de trop manquer d'unifor- mité, reproche qui n'a jamais été fait au Para jin. Il est difficile de dire d'où provient ce défaut, car les causes peuvent en être multiples. Nous voudrions rapidement signaler la plupart d'entre elles, car il est néces- saire que le planteur, de quelque région qu'il soit, se pénètre de leur exis- tence et opère toujours pour en réduire le nombre au minimum. Pour avoir le plus de chances de produire une gomme uniforme, il faut opérer sur la même matière avec les mêmes substances et de la même façon. Mais la matière première, le latex, peut varier spontané- ® 118 « ment dans d'assez larges limites et en dehors de la volonté du planteur-, il faut donc alors modifier en conséquence le traitement pour revenir au type. Le latex peut varier en effet, dans l'intérieur des vaisseaux de YHeVêa avec l'âge de l'arbre, la partie de l'arbre où il est récolté, avec les conditions agrologiques et climatériques, même avec l'individu. Mais sur une plantation, ces différences ne seront que secondaires, puisqu'on opère toujours sur un latex moyen, résultant du mélange de la produc- tion de divers arbres. Les variations du caoutchouc viennent surtout des modes divers de préparation, des soins apportés à cette opération. Ainsi, il faudrait coaguler, toujours au bout du même temps après la récolte, le latex ramené sensiblement à la même teneur en caoutchouc par addition d'eau ; employer le même coagulant dans les mêmes conditions (concen- tration, température) ; procéder toujours de même au lavage, à l'enfu- mage et au séchage. C'est de cette façon qu'on a le plus de chances de produire le type uniforme que l'industrie réclame. EMBALLAGE. — Le caoutchouc pour le transport sur les marchés d'Europe, est emballé dans des caisses en bois. Certains préfèrent des caisses perforées, permettant l'aération, mais la plupart emploient des caisses pleines, faites sur place avec des bois locaux ou bien venant d'Eu- rope où elles ont été fabriquées spécialement (robustesse, surface interne lisse). Ces caisses une fois fermées, ont leurs angles protégés par des pare- ments métalliques. Le bois à l'intérieur doit être bien lisse, sans débris qui viendraient s'incorporer au caoutchouc. Il n'est pas avantageux d'employer du papier pour entourer les morceaux de gomme, qui y adhèrent s'ils ne sont pas très bien séchés. Pour empêcher l'adhérence, on peut saupoudrer la surface du caoutchouc de poudre de talc. Mais il vaut toujours mieux n'employer aucun empa- quetage. Autant que possible ne pas plier les sheets dans la caisse pour laquelle on choisira des dimensions appropriées. Les dimensions les plus employées en Malaisie sont Om475 x (T475 x 0ra600. Dix d'entre elles font la tonne marine de 50 pieds cubes. Pour les larges crêpes on emploie beaucoup les dimensions Om525 x Om525 x (T600. Dans les caisses le caoutchouc subit toujours, pendant le transport, une perte de poids. Elle est de 1 à 5 % pour les sheets insuffisamment secs et atteint jusqu'à 20 % pour les blocs fumés (d'après VeRNET). 119 Ennemis. — Maladies. — Prophylaxie Dans les plantations encore peu développées de l'Amazone, on n'a pas signalé — et nous n'avons pas rencontré — d'animal (insecte ou autre) causant des dégâts aux HeVeas, à l'exception toutefois d'une fourmi très commune au Brésil, la sauva (atta sexdens). En s'attaquant à toutes les parties herbacées de la plupart des plantes cultivées, cette fourmi cause de grands ravages dans les plantations. Sur l'Hevea en particulier, elle dévore rapidement les feuilles et les pousses, déterminant en quelques semaines la mort des jeunes arbres. Elle est surtout abon- dante dans les terres hautes, néanmoins, on la rencontre également dans les terres basses, inondées pendant les marées d'équinoxe. C'est ainsi que nous avons visité une plantation située dans l'île des Onças, en face du port de Para où les sauvas avaient détruit une forte proportion d'Heveas. Dans ces localités, elles établissent leurs nids sur les points les plus surélevés du terrain, qu'elles rehaussent parfois au moment des inondations. La destruction de ces fourmis est assez difficile et coûteuse ; on y parvient en dégageant les nids et en employant divers formicides ou les vapeurs sulfureuses dégagées par certains appareils. Le prix de revient pour la destruction d'un nid de sauvas dans les environs de Para, varie de 40 à 60 francs. En Indo-Malaisie, les plus grands dégâts sont occasionnés par un termite, le Termes Gestroi, alors que les espèces voisines sont inoffensi- ves. Le Termes Gestroi ronge le bois à l'intérieur et tue l'arbre. Des gale- ries partant du nid permettent aux membres de la colonie d'aller attaquer des arbres fort éloignés (jusqu'à 60 mètres, d'après ToWGOOD), parfois sur une superficie de 20 hectares, comme l'a vu PRATT. Les insectes se mettant à l'abri des feux de brousse et des inondations, leur destruction s'obtient de la façon suivante: on détruit le nid principal situé souvent dans un tronc ou une souche de bois mort, près d'un fossé de drainage ; certaines essences végétales sont préférées par les termites. On brûle les bois morts de la plantation. Enfin, on ouvre une tranchée de O^O, cou- pant une galerie, et à l'aide d'un injecteur, on introduit dans le réseau des galeries des gaz toxiques: vapeurs sulfureuses ou arsénieuses. Nous avons cru utile de donner ces indications parce que dans le » 120 . « Xingû nous avons rencontré des Manihot de plantation entièrement détruits par des fourmis blanches. Quoique nous n'ayons pas observé le fait, d'autres fourmis de la région amazonienne pourront peut-être s'atta- quer à des Heveas plantés. On a indiqué d'autres insectes (Coléoptères), des limaces, etc., nui- sibles aux plantations d' Heveas, mais principalement en Malaisie. Les maladies cryptogamiques peuvent prendre, dans les cultures, une importance considérable, caractère qu'elles ne revêtent pas dans les forêts. A vrai dire, on sait peu de choses sur les champignons parasites de VHevea au Brésil. HENNINGS a décrit trois espèces sur les feuilles de YHeVea en Amazonie, sans donner de détails sur les dégâts. Nous avons trouvé, au Campo Expérimental de Para, déjeunes Heveas dont les feuil- les étaient atteintes par un champignon que le regretté GRIFFON a déter- miné comme étant le Dothidella Ulei de HENNINGS. Mais nous ne croyons pas que ce parasite doive être bien dangereux pour les plantations au Brésil, si celles-ci sont établies dans de bonnes conditions. Cependant, nous avons tout dernièrement observé, à une année d'intervalle, les progrès accomplis par cette maladie dans les carrés de pépinière du même champ d'expériences. Le Dothidella Vlei attaquait sans grande violence les feuilles adultes des Heveas, tandis que la forme conidienne, due au Fusicladium macrasporium KujPER causait des dégâts plus sérieux aux jeunes tiges et feuilles. Un grand nombre de plantes de l'année avaient l'extrémité de la tige déformée et hypertro- phiée par le parasite ; quelques-unes étaient entièrement détruites ou sans valeur pour la mise en place. La bouillie bordelaise pourrait être employée avec un certain succès contre cette maladie qui vient d'être étudiée sur place par VlNCENS, biologiste de la Station Expérimentale de Para. Les maladies sont nombreuses en Indo-Malaisie où des spécialistes les ont étudiées avec soin. Certaines d'entre elles seraient, pensons-nous, susceptibles de se développer au Brésil, et comme les meilleurs moyens de lutte contre les champignons parasites sont des moyens prophylacti- ques, il est bon d'indiquer les conclusions auxquelles ont amené les recherches des agronomes anglais et hollandais. En établissant une plantation, on détruira les foyers d'infection qui se trouvent sur le sol défriché: bois mort, souches des arbres abattus. Ces derniers hébergent quantité de champignons dont l'un (Fomes semitostus) 9 121 «,. provoque dans les plantations asiatiques la très grave maladie des racines. Quand on le peut, il vaut mieux dessoucher le terrain ; mais cela coûte fort cher. Pour empêcher le développement des champignons, il faut diminuer autant que possible l'humidité atmosphérique et favoriser l'ac- tion du soleil. Cela exige qu'on ne plante pas les Heveas trop serrés, qu'entre les lignes d'HeVeas on n'intercalle pas d'arbres d'ombrage ou d'autres arbres de rapport (cacaoyer par exemple). Il est excellent, d'après PETCH, de préserver les plantations en entourant les carrés d' Heveas de ceintures de protection, c'est-à-dire de bandes de terrain plantées en d'autres essences, de préférence des arbres de forêts : cette mesure arrêterait l'extension des maladies. Il faut savoir aussi que certains para- sites de végétaux cultivés passent facilement sur YHevea où ils déter- minent de graves maladies : on doit citer à ce sujet le champignon provo- quant le chancre du tronc et VHymenochœte noxia, BERK., occasionnant la maladie brune des racines qui vivent d'ordinaire sur le cacaoyer. En Amazonie le chancre existe sur les cacaoyers comme nous l'avons vu au Campo Expérimental de Para. Enfin, il ne faut pas oublier que la meilleure condition de lutte con- tre les maladies est de posséder des arbres sains et vigoureux. De mau- vaises conditions de végétation donnent évidemment plus de prise aux maladies. Et, sans doute, si les jeunes Heveas du Campo Expérimental de Para, atteints par le Dothidella Ulei étaient souffreteux, c'est qu'ils poussaient en terrain très peu favorable. On voit donc que les mesures prophylactiques peuvent déterminer dans une certaine mesure le mode d'établissement des plantations et le mode de culture de YHevea. 122 Considérations économiques sur la Culture et l'Exploitation de l'Hevea. — Améliorations nécessaires Le voyage que nous avons effectué dans l'Amazone, nous a con- vaincus, comme nous lavons déjà dit, que la culture de VHevea brasi- liensis, celle du cacaoyer, d'autres encore, telles que celles du cocotier, du tabac, de la canne à sucre, du manioc, du riz, du maïs, des haricots, du cotonnier, de l'ananas, du bananier, etc., sont parfaitement possibles ; et si elles sont établies dans de bonnes conditions, dirigées par un per- sonnel compétent qui leur accorde des soins appropriés, elles doivent donner d'heureux résultats. La question était importante à élucider pour VHevea brasiliensis , qu'on exploite dans les plantations d'Extrême-Orient avant même sa sixième année, et que certains prétendaient ne pouvoir être exploitable dans l'Amazone qu'à treize ou quatorze ans. Les forêts du bassin de l'Amazone renferment des ressources, inépuisables peut-on dire, en arbres à caoutchouc. La question de savoir si l'Amazone est encore capa- ble de produire, pendant de longues années, du caoutchouc de cueillette et du caoutchouc de plantation ne se pose donc qu'au point de vue des conditions économiques de sa production, du prix de revient de la matière brute. La source de caoutchouc ne peut être tarie, elle ne pourrait être qu'abandonnée, faute d'être rémunératrice. La région indo-malaise fournit un caoutchouc de qualité un peu inférieure à celle du Para jina, cela est certain. Mais ce n'est pas sur cette meilleure qualité que doivent exclusivement compter les Etats du Nord du Brésil pour accroître et même maintenir dans l'avenir leur exporta- tion ; car, d'une part, il n'est pas certain que les planteurs d'Extrême- Orient n'arriveront pas à améliorer le produit de leur très jeune indus- trie, et, d'autre part, pour les utilisations du caoutchouc, qui en font la consommation la plus grande, la qualité des plantations est générale- ment suffisante. Il importe cependant d'enregistrer l'écart actuel entre les prix de la meilleure sorte des plantations et la fine du Para : 123 Tandis que la jeuille fumée 1™ qualité, réalisait 2 sh. 9 d. la livre en fin d'août 1913, sur le marché de Liverpool, le Hard fine cotait 3 sh. 9d. à3sh. 11 d. Le relevé suivant, que nous empruntons aux Tropenpflanzer (mai 1913), met en évidence la différence des prix entre les principales provenances, durant ces quatre dernières années (valeurs en marks par kilogramme). PROVENANCES 1910 Courant Janvier Fine de Para. . . . — d'Afrique . . . Sernamby Manâos . Para de Plantation . Maniçoba Plantation Funtumia Plantation 17.80 11. » 10.50 16.90 Fin Mars 24.50 19. » 14.80 24.50 1911 Courant Janvier 12.50 11. » 9.50 13.15 7. » 8. » Fin Mars 14.20 11.80 10.40 14.40 8.50 9.50 1912 Courant Janvier 9.90 9.20 8.30 11.50 9 60 7.90 Fin Mars 11.25 10.55 9.20 12.75 10.60 8.80 1913 Courant Janvier 10.35 8.80 7.75 10.25 7.70 Fin Mars 8.25 7.75 6.35 7.95 6.40 7.90 Si nous comparons maintenant les cotations fournies par la Maison HECHT frères, de Paris, depuis le commencement de l'année, il est facile d'observer que les prix du Para fin et du Para cultivé 1" qualité, qui étaient à peu près à parité en janvier 1913, accusent en juillet-août une prime supérieure à 2 fr. par kilogr. en faveur de la première qualité du Brésil, sans tenir compte de la perte au lavage atteignant 15 % pour ce dernier produit. ANNÉE 1913 JANVIF.R . •! Para fin . . Para cultivé 11 . OJ à lz. » / La prime en faveur 11.85 à 11.90 { du Parc?moisdisparu FÉVRIER . Para fin . . Para cultivé 11.25 10.90 à 11. » Mars. . . \ Para fin . . 10 60 ■ ) Para cultivé 10.60 (first latex) Avril . . \ Para fin . . 9 . 55 (est descendu à 9 . » ) ■ I Para cultivé 8.55 à 9.25 Mai . . . \ Para fin . . 10.30 (après 10.55) 9 124 l Para fin . . 10.20 JUIN • ■ • Para Cultivé 8. » t. Çrêptî dair« 1" qualité, l \ des sortes intérieures vendues a moins de o rr. j Para fin . . 9.70 à 9.95 Juillet • • • j Para cultivé 7 60 le kilo (2 sch. 9 d. la livre) AOUT l Para fin . . 9.70 le kilo / Para cultivé 7.70 Il semble bien que cet écart devenu considérable ne doit pas être uniquement attribué au manque d'entente entre les producteurs et les vendeurs du caoutchouc de plantation, ni même au défaut d'uniformité de ce produit, comme il a été affirmé. Les qualités industrielles du Para jin interviendraient ici, comme un facteur des plus importants, si nous nous en rapportons à l'opinion émise dernièrement par deux experts des plus autorisés. C'est d'abord le Dr Ed. MARKWALD qui écrit, dans une lettre datée du 29 août 1913, adressée à un correspondant de Para, lettre qui a été reproduite dans le Bulletin de l'Association Commerciale de cette ville : <(... L'acide acétique ne constitue pas un bon agent de coagulation, il altère les qualités du caoutchouc et amoindrit sa valeur manufacturière. Pour cette raison, les prix de la gomme d'Orient pourraient tomber encore plus bas. Au début, le Para cultivé a atteint des prix supérieurs à ceux du caoutchouc sylvestre ; mais actuellement il est coté 35 % en dessous de la fine de Para. La pratique de l'enfumage constitue le meilleur mode de préparation du caoutchouc. » D'autre part, DESBANS FRÈRES, agents de la Maison WaRNE & Cie adressent au Caoutchouc et la Gutta, une note parue dans le n° du 1 5 août 1913 de cette revue, d'où nous extrayons cette conclusion : (( Le Brésil veut conserver à ses caoutchoucs bruts et spécialement au Hard Rubber, sa renommée ancienne ; s'il veut arriver à ce que l'on ne puisse se passer de sa qualité, il lui faut : I ° Conserver jalousement sa vieille façon de coaguler le caoutchouc ; 2° Arriver à réduire autant que possible le déchet existant, de façon à amener sur les marchés de consommation un caoutchouc bien sec, et aussi exempt d'impuretés que possible. » II résulte de ces chiffres et appréciations que la baisse actuelle des cours du caoutchouc a atteint les sortes de plantation dans une propor- tion beaucoup plus forte que la jine du Para. Cette dernière qualité conserve toujours la faveur des industriels, et se trouve moins directe- » 125 « ment menacée que les sortes inférieures comme l' entrefine et surtout le sernamby. Une nouvelle preuve nous en est fournie par l'Amirauté anglaise qui vient de décider l'adoption exclusive d'articles fabriqués avec la gomme fine du Para pour ses fournitures. Le producteur brési- lien a donc intérêt à diminuer les caoutchoucs inférieurs, pour augmenter la jine qui n'entre actuellement dans la récolte totale annuelle du caout- chouc d'Hevea, que dans la proportion de 63 % , alors que le médium et le coarse représentent encore 37 % de cette même production. L'Indo-Malaisie produit le caoutchouc à un prix moindre que l'Ama- zonie; il faut donc, sans aucun doute, diminuer le prix de revient de la gomme brésilienne, qu'il s'agisse du caoutchouc de cueillette actuel ou du caoutchouc de plantation de demain. La production de l'Asie tropicale devant s'accroître régulièrement pendant encore plusieurs années, un peu plus vite sans doute que la consommation, il faut prévoir un abaissement du prix de la gomme plutôt qu'un relèvement, pourtant anxieusement attendu par les produc- teurs amazoniens, fortement éprouvés par les cours actuels. Il est donc nécessaire d'améliorer les conditions économiques qui leur permettront de réaliser un juste bénéfice tout en vendant moins cher leur caoutchouc. Cet abaissement est surtout commandé par les voies et moyens de trans- port, l'outillage, la main-d'œuvre, les mesures gouvernementales de protection ou de faveur. 126 Transport. — Voies de communication Le transport est une des plus grandes difficultés que rencontre le producteur amazonien. Pour développer l'exportation de la gomme qui s'accroît en moyenne de 6 % par an, et dont la progression, après un court arrêt, semble reprendre en 1912, l'homme a dû s'enfoncer de plus en plus loin dans l'intérieur du pays. Mais dès qu'il est parvenu dans le cours supérieur des affluents de l'Amazone, il a trouvé, ajoutée souvent à la difficulté des cachoeiras, l'impossibilité de descendre son caout- chouc en dehors de la période des hautes eaux qui dure deux ou trois mois par an. En des années comme 1912, caractérisées par une séche- resse excessive et prolongée, le caoutchouc du haut fleuve ne peut des- cendre à Manâos. D'autre part les cachoeiras qui parsèment peut-on dire beaucoup des affluents de l'Amazone, rendent la navigation toujours dangereuse et souvent impossible. En se limitant même aux trois grands affluents de droite du cours inférieur de l'Amazone, le rio Tapajoz, le rio Xingû, et le rio Tocantins, on peut déjà voir quel préjudice énorme ces rapides causent à l'extension de la production caoutchoutière dans des régions qui semblent privilégiées, puisqu'elles sont relativement proches du port d'exportation et qu'elles posséderaient, sans cet obstacle, d'admi- rables voies de communication. Le préjudice causé est énorme: dans le Xingû comme dans le Tapa- joz, la vallée supérieure, fort riche en caoutchouc, est pour ainsi dire séparée de l'Amazone par la succession des cachoeiras qui obligent la navigation à vapeur à s'arrêter en aval de la première d'entre elles. Au- dessus, la navigation se fait au moyen de barques mues à la rame ou à la perche par un équipage de jeunes hommes vigoureux (fig. 57) : il y a du fait de ce transport une perte de temps considérable. Dans le Xingû — comme sur les autres affluents — pour passer les cachoeiras supérieures, deux moyens se présentent: ou bien décharger la barque, faire traverser par terre au caoutchouc le passage dangereux et passer la barque vide: c'est la manière prudente ; mais quelle perte de temps, quelle consomma- tion de main-d'œuvre ! Ou bien lancer la barque chargée dans les rochers et ce sont les risques d'accidents, du reste fréquents, avec la perte de la barque, du caoutchouc et souvent de vies humaines. Tous ces inconvé- nients, graves à la descente du caoutchouc, s'accentuent à la montée qui » 127 128 « président de l'Association commerciale de Manâos. Les troncs énormes soit flottants, soit enfoncés dans la vase par une extrémité, tandis que l'autre affleure à peine la surface de l'eau, peuvent causer des avaries très graves aux gaïolas. Les riverains en débarrassent autant que possible le fleuve. Mais à Manâos, nous avons entendu exprimer le désir que les pou- voirs publics s'occupent de la question. Parallèlement à l'amélioration du réseau navigable, il faut envisager la création de voies ferrées prévues par la loi de défense du caoutchouc. Dans le bassin de l'Amazone, une seule voie ferrée, en dehors de la ligne de Bragança qui dessert une zone dépourvue de caoutchouc, est actuelle- ment construite et entre en période d exploitation: le chemin de fer du Madeira-Mamoré. Cette ligne doit rendre de grands services en permet- tant de parcourir en deux à trois jours une distance qui, en raison des cachoeiras, demande une trentaine de jours aux barques qui remontent le fleuve. La construction d'autres voies ferrées est prévue, dont certaines à voie étroite le long notamment des nos Xingû et Tapajoz dans le Bas- Amazone. Pour le rio Xingû par exemple, on pourrait rapidement, et sans qu'il en coûtât beaucoup, établir un chemin de fer à voie étroite, coupant la dernière grande boucle du fleuve sur laquelle se trouvent des cachoeiras infranchissables. Actuellement, caoutchouc et marchandises coupent cette boucle à travers la forêt par un des chemins qui, partant d'Altamira (jig. 58), en amont, aboutissent à Victoria, à Independencia et à Redempçâo, à peu de distance de Souzel. Pour une de ces routes au moins, quelques rectifications de parcours et quelques nivellements peu importants suffiraient pour permettre de poser la voie d'un Decauville. Mais il ne faudrait pas croire qu'un tel chemin de fer, long de 55 à 70 kilom., suivant l'itinéraire, augmenterait l'exportation du rio Xingû. Elle permettrait d'effectuer plus vite le transport sur terre à travers la boucle et sans doute de réduire son prix qui est actuellement de 400 reis par kilogr. de matière transportée (caoutchouc ou marchandise) entre Altamira et Victoria. (Fig. 59 et 60.) Et toute réduction de ce prix serait intéressante, le caoutchouc payant pour le transport du Haut-Xingû à Para, la somme excessive de 1 $500 par kilog., soit au cours de ce caout- chouc, à Belem, en avril 1912, environ 30 % de sa valeur. Toutes les mesures ayant pour effet de faciliter les moyens de trans- port, d'améliorer ceux qui existent, d'encourager leur multiplication par Fig. 57. Embarcation servant pour le transport du caoutchouc dans la région des chutes (Rio Xingù). ■Wi, m> mV p n'iïi i i ■;<-' *4wJ? Fig. 58. Départ d'un convoi de caoutchouc d'Altamira pour Victoria (Rio Xingù). 120* Fig. 59. Bertholletia cxcelsa (châtaignier du Para). (Route de Forte à Victoria, Rio Xingû). Fig. 60. VICTORIA DU XiNC.U. — Chargement du caoutchouc. ** Fia. 61. Bords de l'Amazone, aux environs d'Obidos, pendant la période des crues. Ferme d'élevage. Fig. 62. Type des bovidés des centres d'élevage de l'île de Marajô. Fig. 63. Parcelle de tabac aux environs de Belem. L'arbre situé à l'angle de l'abri est un Sumahuma ( Cetba pcntandra), sorte de fromager donnant une fibre assimilable à celle du kapok mais de teinte brune. Fig. 64. Culture du riz sur le Rio Mojû. » 129 « l'initiative privée, doivent encore avoir pour résultat d'amener à un moindre prix dans ces régions mal desservies, les produits importés néces- saires à la vie des seringueiros, et ceux-ci pourront, par conséquent travail- ler à meilleur compte. Elles permettront aussi l'exploitation de richesses naturelles des forêts autres que le caoutchouc, qui, se payant moins cher que la borracha, ne valent pas actuellement qu'on s'en occupe, même dans le cas où il y aurait une main-d'œuvre suffisante ; nous voulons par- ler surtout de la châtaigne du Para (fruit du Bertholletia excelsa et du B. nobilis) et du Sapucaia (Lecyihis paraensis), très abondants dans les forêts de l'Amazone, demandés par l'industrie européenne et qui ne sont récoltés que dans la région des îles et le long du cours moyen de l'Amazone; du Copahu, pour lequel, en avril 1912, l'Europe n'ayant pas de stock, on offrait, sorte Para clair, de 5 fr. 50 à 6 fr. le kilogr. ; de la fève Tonka ou Coumarou, etc. Si la question du transport est primordiale pour les produits spon- tanés des forêts amazoniennes, elle est très importante pour les cultures qui existent déjà et qui doivent se développer. Il est évident qu'il faut commencer par effectuer les plantations aussi près que possible des ports où touchent les bateaux qui se chargent de l'exportation vers l'Europe ou 1 Amérique du nord. La région des lies, le cours moj'en de l'Amazone la partie inférieure de ses affluents, offrent des terrains suffisamment étendus et de qualité assez bonne pour permettre un développement agri- cole sans grands travaux publics pour la création des voies de transport, mais il est nécessaire d'améliorer ici même les moyens de transport. Il faut multiplier les services de bateaux à vapeur: du fait de la concurrence, le fret, trop élevé, s'abaissera de lui-même et l'assurance d'écouler sou- vent et rapidement leurs produits donnera confiance aux producteurs ; il faut que ces services soient réguliers, qu'on ne voie pas, comme à quel- ques heures de Manâos, une colonie prospère, qui s'est formée sponta- nément, qui possède des fabriques d'alcool de canne, qui cultive des produits alimentaires, dont certains propriétaires ont même planté des Heveas, qu'on ne voie pas cette colonie péricliter parce que le service dit régulier reste des semaines sans y toucher (1) ; il faut donner toutes faci- lités aux particuliers pour qu'ils puissent se procurer et utiliser, sans de (1) Dans son allocution prononcée à l'occasion de l'ouverture du Congrès et de l'Expo- sition le 15 août 1913, le Gouverneur du Par?., s'élevant contre ces tarifs excessifs, constatait avec regret aue. aujourd'hui encore, le prix d'un passage de Para à Oyapock n'était pas moindre de 200 francs. » 130 « trop lourdes charges, des embarcations à vapeur qui déchargeront d'autant le service régulier, au moins à proximité des points où touche- ront les cargo-boats : Manâos, Itacoatiarâ, Parintins, Obidos, Santarem. OUTILLAGE. — Ce dernier point, à vrai dire, rentre dans l'outillage économique pour lequel la loi fédérale n° 2543 A, du 5 janvier 1912, a prévu des encouragements. En ce qui concerne les embarcations desti- nées à la navigation fluviale, les instruments, machines, ingrédients, etc. destinés à la culture et à la préparation des produits des plantations (caout- chouc, cacao, plantes vivrières, etc.), est accordée l'exemption totale des droits d'importation. Le vœu unanime dans l'Etat de Para est que, tout en prenant les garanties indispensables pour éviter la fraude, les forma- lités administratives se règlent avec rapidité et n'entravent pas le succès des entreprises, par suite l'essor agricole de la région. Il serait par exem- ple déplorable qu'après un long séjour à la douane, l'exploitant entre en possession de ses instruments après la saison pendant laquelle il avait à s'en servir. Il est aussi, comme on nous l'a fait remarquer à Manâos, des diffi- cultés que de moyennes exploitations auront de la peine à surmonter. Ainsi, par exemple, il est des règlements qui imposent pour toute embar- cation à vapeur naviguant sur l'Amazone, un personnel déterminé quant au nombre et aux aptitudes professionnelles. C'est là certainement une garantie de sécurité ; mais il n'en est pas moins vrai que pour un exploi- tant ne disposant pas de gros capitaux, c'est dans la plupart des cas lui rendre trop onéreux, et par suite impossible, l'usage d'embarcations à vapeur. MAIN-D'ŒUVRE. — On considère généralement que sa rareté, qui est une des causes de son prix élevé, est un obstacle insurmontable au déve- loppement de la production amazonienne. On estime qu'actuellement le nombre des ouvriers seringueiros de la région est d'environ 1 50.000 hom- mes. Les Indiens aborigènes ne sont utilisés qu'à de rares exceptions et pour quelques tribus seulement. Un grand nombre des travailleurs de l'Amazone sont des émigrants qui viennent des Etats peu éloignés de Cearâ, Piauhy et Rio Grande do Norte au nombre d'environ 5.000 par an, qui comblent les vides causés par la mort et poussent plus avant dans l'intérieur pour mettre en valeur de nouveaux seringaes. 0 131 @ Occupés dans des régions lointaines à des travaux pénibles, vivant dans des conditions d'hygiène particulièrement défectueuses, les mala- dies font parmi eux de nombreuses victimes, la mauvaise alimentation et les excès débilitent un organisme qui, dès lors, donne beaucoup plus de prise aux agents pathogènes. Ces conditions mêmes font que la main- d'œuvre ne se fixe pas dans ces régions, que la plupart de ces immigrés n'ont qu'une hâte: économiser assez d'argent pour retourner dans leur pays. Et dès lors à quoi bon défricher tout autour du barracâo, cultiver quelques plantes alimentaires, avoir une basse-cour? Demain peut-être ne seront-ils plus là. Un fait encore nous a été signalé à Manâos, comme empêchant leur fixation: alors qu'on paie son passage à l'ouvrier serin- gueiro immigrant pour venir travailler, c'est à ses frais qu'il doit amener sa femme. Ce sont donc presque uniquement des célibataires qui remon- tent vers le haut-fleuve, et il est bien évident que la base même de la colo- nisation est la constitution du foyer domestique. Les conditions ne seront plus les mêmes, lorsque la région du Bas- Amazone entreprendra les plantations sur une grande échelle. Ce seront évidemment les endroits qui, tout en présentant de bonnes conditions agricoles, seront les plus sains, sur lesquels se fixeront d'abord les entre- prises ; il faudra que l'on s'attache à y améliorer autant que possible l'hy- giène, que les autorités administratives veillent à ce que les particuliers prennent des mesures indispensables pour assurer la santé de leur per- sonnel, des logements suffisants pour les ouvriers et leur famille. Dans le Bas- Amazone, où déjà les conditions économiques seront les meil- leures pour l'établissement de grandes entreprises dans un bref délai, il se présentera d'autres commodités pour la fixation de la main-d'œuvre. Les ressources alimentaires variées que présente cette zone, les cultures et l'élevage qu'il suffit de vouloir développer, hâteront la formation de ces foyers domestiques, base de la colonisation, dont on trouve déjà bien des exemples dans la région. C'est en effet par ces moyens, en produisant sur place le manioc, le maïs, les haricots, le riz, la viande (que l'on fait venir de fort loin), que l'existence deviendra plus agréable et moins chère. Hygiène, agrément, vie moins chère et sa conséquence, travail plus rému- nérateur, possibilité d'intéresser au sol l'ouvrier qui le travaille, parce qu'il sait devoir y rester longtemps, tout cela amènera la création de noyaux de colonies. Actuellement dans le Bas- Amazone, le long du fleuve, il existe » 132 ® suffisamment de familles fixées pour que les premières entreprises qui se créeront trouvent sur place assez de main-d'œuvre. Celle-ci doit devenir de plus en plus nombreuse, les occupants satisfaits, faisant venir leurs amis et la grande source d'hommes se trouvant dans des Etats tout proches de ceux de Para et d'Amazonas. Ceux-ci s'acclimatent bien, de même que les Portugais. On pourrait donc, en dehors des immigrants nationaux, faire appel aux immigrants étrangers, au moins aux Portugais parmi les Européens. Ceux-ci, mieux que tous autres, nous ont paru pou- voir fournir dans ce climat, un peu pénible pour des étrangers, un rende- ment suffisant, au moins pour certains travaux. Cela nous amène à parler de la qualité de la main-d'œuvre. On la décrie souvent, ou bien, quand on compare la main-d'œuvre d'Amazone avec celle d'autres pays tropicaux ou équatoriaux, on passe sous silence la question de quelité. Nous croyons que dans ces régions chaudes, la main-d'œuvre indigène, noire ou jaune, ne vaut pas celle que l'on ren- contre dans les Etats du Nord du Brésil. Les blancs ou les métis de blancs et d'Indiens fournissent certainement un travail moindre que les blancs dans les régions tempérées: cela tient du reste en partie au climat, et il est impossible d'exiger le même rendement dans des conditions aussi dif- férentes. Mais les Cearenses de l'Amazone, quand on sait les conduire, qu'ils sont bien encadrés par de bons contremaîtres, donnent des résul- tats très satisfaisants et somme toute meilleurs que les noirs où les jaunes. Cela contribue encore à diminuer le prix de la main-d'œuvre, qui, à première vue, si on ne détaille pas, semble excessif. Un Cearense faisant dans le même temps un travail plus considérable et meilleur qu'un noir d Afrique ou un indonésien de Malaisie par exemple, reviendrait en réa- lité moins cher à l'employeur s'il recevait un salaire égal. Le prix de la main-d'œuvre ne nous semble donc pas devoir être un obstacle insurmontable au développement des cultures. On n'a guère actuellement comme point de comparaison que le prix de la main- d'œuvre dans les seringaes et celui d'exploitations dont la plupart n'ont pas été bien dirigées: on serait donc amené à des appréciations erronées. Par l'établissement des cultures, la main-d'œuvre deviendra moins chère: parce qu'on la fixera, parce que, placée dans de meilleures conditions hygiéniques et fixée, elle se multipliera sur place, que l'immigration con- tinuelle sera plus abondante et qu'elle s'ajoutera d'année en année au lieu de seulement combler les vides causés par les maladies ; parce que les » 133 «p cultures de plantes alimentaires, l'élevage, permettant aux travailleurs de vivre mieux à meilleur compte, le salaire pourra être réduit si l'ouvrier doit se nourrir lui-même ou bien les charges du propriétaire seront réduites s'il doit subvenir à l'alimentation de son personnel. D'ailleurs, il est cer- tain que sur une plantation d'Heveas, il faut moins de main-d'œuvre pour récolter une quantité donnée de latex que dans les seringaes naturels. Enfin, les procédés perfectionnés qu'on est amené à employer sur les plantations pour la coagulation du latex et la préparation du caoutchouc exigent moins de main-d'œuvre et sont plus hygiéniques que l'enfumage amazonien. Du fait même de la main-d'œuvre le prix de revient du caoutchouc récolté sur les plantations qui s'établiront en Amazone doit donc dimi- nuer ; nous croyons qu'il en sera tout autrement sur les plantations concur- rentes d'Indo-Malaisie. Ceylan, Bornéo, la Péninsule malaise, Sumatra, sont obligés d'importer des travailleurs du sud de l'Inde, des Chinois, des Tamils ou des Javanais. Cette main-d'œuvre importée est instable et insuffisante en nombre pour travailler les plantations ; de 1 906 à 1910 cependant dans la péninsule malaise, le nombre des travailleurs occupés sur les estâtes à caoutchouc est passé de 40.000 à 180.000, d'après LEWTON Brain ; cela ne représente qu'un coolie pour deux acres en culture. Même en pleine exploitation, le défrichement terminé, la mor- talité parmi les coolies est encore de 8 % dans les plantations malaises ; enfin le salaire quotidien s'est considérablement accru du début de 1910 à 1911. S'il n'était encore que de 0 fr. 75 par jour à Java, il atteignait alors dans la presqu'île de Malacca 2 fr. 25 et 3 fr. par journée de coolie, et il faut ajouter à ce salaire les frais de recrutement et d'importation qui s'élèvent à 200 ou 300 fr. par homme. Ce renchérissement de la main- d'œuvre est probablement le principal facteur de l'augmentation du prix de revient du caoutchouc dans la péninsule malaise, lequel est passé de 2 fr. ou 2 fr. 50 à 6 fr. le kilo. Si la main-d'œuvre est déjà actuellement insuffisante, alors qu'une faible partie des estâtes à caoutchouc est seule en exploitation, ces défauts se feront sentir de façon encore plus sensible par la suite, ce qui doit fatalement amener son renchérissement progres- sif. Et il ne serait pas étonnant que, par la suite, le prix de la main- d'œuvre s'égalisât sensiblement (à qualité égale) entre les plantations malaises important des travailleurs étrangers, et les plantations de l'Amazone peuplées par l'immigration nationale. ® 134 ® CAPITAUX. — Les conditions énoncées étant réalisées, pour permet- tre une exploitation suffisamment rémunératrice, il faut prévoir un mini- mum de surface cultivée et un minimum de capitaux à engager. Comme il a déjà été dit plusieurs fois précédemment, une entreprise de plantation d'essences à caoutchouc dans l'Amazone doit, pour être rémunératrice, faire d'autres cultures : à côté de l'Hevea devront être exploités le cacaoyer (jig. 65, 66, 67, 68, 69), les plantes vivrières, potagères et frui- tières diverses : riz {jig. 64), maïs, manioc, légumes (jig. 69), bananier, pour ne citer que les principales d'entre elles. La surface minima en Hevea doit être, pour une grande entreprise, de 250 hectares qui, à raison d'environ 300 arbres à l'hectare, représentent 75.000 Heveas en exploitation. Une telle exploitation suppose au moins sur une surface égale les autres cultures annexées. On aurait donc au moins 500 hectares » ■- — •» cultivés, ce qui dans une région neuve, comme l'Amazone, en tenant compte des espaces inutilisables : voies de communication, rios, igarapés, terrains inondés ou de qualité insuffisante, bâtiments, etc., représente une concession d'environ 5.000 hectares. Le prix de revient d'une telle plantation est assez difficile à établir; il y a des variations d'une région à l'autre; il faudrait prendre des cas particuliers, et on doit bien reconnaître que, dans l'Amazone, les grandes entreprises de ce genre, qui pourraient servir de base à une telle évalua- tion, font défaut. Comme point de comparaison, les plantations d'Extrême-Orient peuvent intervenir. Mr. H. N. RlDLEY, ancien directeur du Jardin botanique de Singa- pore, a donné pour une plantation d'Heveas d'environ 400 hectares (350 arbres à l'hectare), établie dans les Straits settlements, le coût d'établisse- ment et le rapport suivants en admettant qu'on mette en valeur 1 00 hectares par an et qu'on ne dessouche pas. DÉPENSES \TC Année. — Redevance. — Intérêt. — Débrousssage. — Plantation. — Plants. — Chemins. — Bungalow. — Service médical. — Superintendance. — Outils. — Etables 67.950 fr. 2' Année. — Entretien des 100 hectares. — Débroussage de 100 autres hectares. — Intérêt. — Plants. — Che- mins. — Travail. — Service médical. — Superinten- dance. — Outils 54. 700 » 135 3e Année. — Mêmes dépenses. — Entretien de 200 hectares. 69.450 » 4e Année. — Mêmes dépenses. — Entretien de 300 hectares. 82.950 » 5" /Innée. — Mêmes dépenses sauf les frais de débroussage et de plantation supprimés. — Entretien de 400 hect. 71 .400 » 6° Année. — Mêmes dépenses que la 5e année (nettoyage plus cher) ...4 77.300 » 7" Année. — Mêmes dépenses 86.400 » La dépense (frais d'entretien) reste la même pour les années sui- vantes; mais dès la septième année 100 hectares sont en production. Il faut donc ajouter les frais de récolte et de préparation qui s'élèvent: T Année. — 100 hectares en production..., coût 180.800 fr. 8e Année. — 200 hectares en production 325.443 » 9e Année. — 300 hectares en production 470.088 » \Çf Année. — 400 hectares en production 542.400 » 1 Ie Année. — 400 hectares en production 578.569 » En outre pendant quatre années 86.400 fr. de frais d'entretien. 345.600 » Total 2.953.050 fr. La plantation rapporte à partir de la septième année ; chaque arbre est compté donner pendant les années suivantes 1 lb , 1 lb \ ou 2lbs de caoutchouc suivant son âge : T Année. — Recette 361 .600 fr. 8e Année. — Recette 650.886 » 96 Année. — Recette 940. 1 76 » 10e Année. — Recette 1 .084.800 « IIe Année. — Recette 1.157.138 » Total 4. 194.600 fr. Recettes brutes 4. 194.600 fr. Dépenses 2.953.050 » BÉNÉFICE NET 1 .241 .550 fr. Nous avons donné les chiffres de recettes fournis par M. RlDLEY. Mais il est évident qu'il ne faut pas les prendre à la lettre ; ils doivent 136 subir des variations puisqu'ils dépendent du cours du caoutchouc qui est lui-même assez variable. Déduction faite d'un intérêt de 5 % , le bénéfice net sur l'estate avec les chiffres donnés par M. RlDLEY est donc: T Année 13 % 88 Année 42 % 9e Année 70 % 10e Année 84 % IIe Année 92 % Pour la douzième année et les années suivantes, ce même agronome évalue le bénéfice net minimum à 578.569 fr., diminués des 86.400 fr. de frais d'entretien, soit 492.169 fr. Nous répétons que tous ces chiffres ne peuvent servir que comme indications. M. WlCHERLEY a donné les chiffres provenant d'une estate de Cey- lan de 186 hectares (543 Heveas à l'hectare). L'établissement et l'entre- tien de cette plantation pendant quatre ans ont occasionné une dépense de 241.125 fr., soit 1.300 fr. par hectare. La cinquième année (1910), la plantation a produit 2.320 kilogr. de caoutchouc vendu 14 fr. 02 le kilog. net (soit 32.526 fr. 40). On prévoyait pour 1911 une récolte six fois plus forte vendue pour la plus grande partie par avance à 13 fr. 80 le kilog. La dépense à l'hectare est ici très faible; pour avoir une idée de l'écart qu'on peut trouver dans ces évaluations, nous dirons qu'en Annam M. VERNET estime les frais totaux à 3.000 fr. par hectare. M. P. Le CoiNTE, qui dirige une plantation voisine d'Obidos, estime que, pendant les six premières années, les dépenses totales seraient de 855.000 fr. dans la région du Bas-Amazone pour une plantation de 350 hectares à raison de 587 pieds par hectare, c'est-à-dire environ 2.515 fr. par hectare sans tenir compte des bénéfices que peuvent procurer d'autres cultures effectuées entre les Heveas pendant les premières années. Ces données, essentiellement variables, ne peuvent servir qu'à fixer approximativement sur les capitaux nécessaires pour entreprendre une exploitation intéressante de caoutchouc dans l'Amazone. Chacune de celles qui voudront s'établir devra procéder tout d'abord à une étude pré- cise sur les lieux après que l'emplacement aura été choisi conformément aux indications fournies dans les chapitres précédents et qui se rappor- J J - 9 I • J à ,M > J ^ Fig. 65. Spécimens des fruits des principales variétés de cacaoyers des rives du Bas-Amazone. N" 1. Variété Jacaré, fruit oval allonge, contracté par la base, coque souple (1 'a) irrégulière et rugueuse. Fève aplatie ; longueur du fruit: 20 ,„ ; largeur: 6 '„, ; type le plus commun de la région. — N" 2. V. Amelonado, 15 de longueur, 8 m de largeur, forme régulière Coque de 15 mn d'épaisseur marquée par deux sillons ; surface unie ; fève plus arrondie ; qualité excellente, mais de rendement plus faible que la précédente. — N 3. Forme intermédiaire entre les deux précédentes; résultat, sans aucun doute, d'un croisement spontané, écorce à sillons peu marqués. Longueur : 14 =, ; largeur: 8 ',,. — N° 4. Autre forme locale, voisine de la précédente, la coque moins sillonnée et moins unie; longueur: 17 '„ ; largeur: 8 „. — N 5. Calabacillo : longueur: 7 :„ K2 ; largeur : 5 ', ; écorce lisse, plus réduite, forme assez ressemblante au N' 3. j£ Se*-»} .1-- -*f ' Fig. 66. Cacaual Impérial. — Cacaoyers séculaires du Bas-Amazone. 13" Fig. 67. Cacaual Impérial. — Ouverture des cabosses de cacaoyer. méê* *.v. Fig. 68. Cacaual Impérial. — Séchoirs à cacao, type de la région de Cametâ. Fig. 69 Station AlIGUSTO MONTENEGRO. — Bâtiments de la rizerie, planches potagère?. » 137 # tent au climat, au sol, à l'emplacement, etc. Il est meilleur croyons- nous d'acheter les titres de propriété et de n'acheter que les titres défini- tifs, non les provisoires. Enfin, les mesures prévues par les décrets n° 2543 A du 5 janvier 1912 et n° 9521 du 17 avril 1912 vont stimuler la bonne volonté des planteurs dans l'Amazone. Cette action fédérale était indispensable pour coordonner les efforts et les encouragements des gouvernements, pour leur assurer une continuité sans laquelle sociétés et particuliers s en- gageraient difficilement dans cette voie encore si neuve pour la région, pour permettre un contrôle des lois et arrêtés pris par les autorités muni- cipales, qui dans certains cas et de la meilleure foi du monde, ont pris des décisions tout à fait défavorables au développement de l'agriculture; pour enfin établir et entretenir sur le modèle des services remarquables déjà existants dans les colonies anglaises et hollandaises, tout un orga- nisme, charge, par des recherches méthodiques et suivies, d'étudier au point de vue agronomique les aspects divers de ce problème économique considérable, d'en déduire les règles directrices auxquelles devront se plier les planteurs pour assurer, avec leur prospérité, celle du bassin de l'Amazone. C'est là le rôle des stations expérimentales prévues dont l'établissement et les travaux sont d'une urgence incontestable. Ajoutons que les Etats directement intéressés, en particulier l'Etat de Para, accordent divers avantages et toutes facilités aux entreprises agricoles qui s'organisent sur leur territoire. Un récent accord intervenu entre le Gouvernement Fédéral et l'Etat de Para (6 juin 1913) stipule d'autre part que le premier s'engage à : 1 ° Créer une Station Expérimentale dans les environs de Belem ; 2° Installer une usine d'épuration de caoutchouc ; 3° Etablir une manufacture d'articles en caoutchouc ; 4° et 5° Construire différentes lignes de chemins de fer ; 6° Organiser un poste zootechnique dans l'île Marajô ; 7 ° Constituer une entreprise de pêcheries ; 8° Construire un asile capable de recevoir 1 .500 immigrants ; 9° et 10° Installer trois hôpitaux pour 100 malades chacun en différents points de l'Etat ; 1 1 ° Entretenir deux dépôts de charbon ; ® 138 ê De son côté l'Etat de Para s'oblige à : 1° Réduire graduellement de 10 % l'impôt d'exportation du caoutchouc dans un délai de cinq ans ; soit de 2 % par an à commencer du 1er janvier 1914 ; 2° Exempter de tout impôt d'exportation le caoutchouc de plantation pendant une période de vingt-cinq années à dater du 5 janvier 1912 ; 3° Etablir une taxe fixe de 400 reis (0 fr. 65) par kilo sur les caoutchoucs impurs (plus de 6 % d'impuretés) ; 4° Exempter de tout impôt, pendant vingt-cinq ans, certaines entreprises agricoles organisées dans les conditions déter- minées par le décret d'avril 1912 ; 5° Diminuer, d'accord avec le Gouvernement de l'Union, et dans une proportion de 40 %, les tarifs de fret des Com- pagnies de navigation, administrées ou subventionnées par l'Etat de Para. Enfin, le Gouvernement Fédéral sollicitera du Congrès une réduc- tion de 20 % sur les droits actuels d'importation qui frappent les pro- duits de première nécessité destinés aux seringals. TROISIÈME PARTIE MANIÇOBA Le genre Manihot, de la famille des Euphorbiacées, ne renferme pas seulement des plantes alimentaires et industrielles aussi précieuses que le M. utilissima et le M. Aïpi, dont les racines féculentes fournissent le Manioc et ses dérivés ; il possède également des espèces caoutchoutifères d'une grande valeur économique. Ces Manihot à caoutchouc ou Mani- çobas sont exclusivement originaires du Brésil où ils occupent une aire géographique encore imparfaitement délimitée, mais qui paraît comprise approximativement entre le 5° et le 15° latitude sud. Vers l'ouest, on rencontre le Maniçoba dans la vallée du rio Parnahyba, à la limite des Etats de Piauhy et de Maranhâo ; d'après des informations dignes de foi, il s'avancerait jusque dans le nord de Goyaz et peut-être même sur les plateaux du nord-est de Matto-Grosso. Les Maniçobas sont des arbres de taille moyenne ou petite, réduite chez certaines espèces aux dimensions d'un arbuste ramifié au-dessus du collet. Leur habitat diffère absolument de celui de l'Hevea et du Castilloa et, à notre avis, il est utopique de songer à la culture combinée de ces trois caoutchoutiers. Nous avons toujours observé le Maniçoba sur les plateaux élevés de 300 à 800 mètres (environs de Maracas) au-dessus du niveau de la mer, ou au pied des montagnes (serras), dans des régions où le climat est caractérisé par une saison sèche très marquée, s'étendant normalement de mai à novembre, suivie de pluies intermittentes, très rares en certaines années. On constate, d'ailleurs, au point de vue du sol, du climat et des méthodes d'exploitation, des différences notables suivant les espèces actuellement connues. 142 © MANIHOT GLAZIOW1I (Maniçoba du Cearâ) 1 : fruit, 2 : gTaine. MANIHOT DICHOTOMA (Maniçoba de jéquié) 1 : fruit, 2 : graine. MANIHOT PIAUHYENSIS (Maniçoba du Piauhy) 1 : fruit, 2 : gTaine. MANIHOT HEPTAPHYLLA (Maniçoba du S. Francisco) 1 : fruit, 2 : graine. MANIHOT TOLEDI s?. nov. (Maniçoba de VUla Nova) 1 : fruit, 2 : gTaine. Fig. 70. — Fruits et graines des diverses espèces de Maniçobas. © 143 « Manihot Glaziowii, Mull. Arg. (Maniçoba du Cearâ). — Pendant longtemps, cette espèce a été considérée comme l'unique source de caoutchouc de Maniçoba (1); aujourd'hui, il convient, pour être précis, de distinguer le Maniçoba du Cearâ de ceux qui ont été décou- verts ces dernières années dans les Etats de Bahia et de Piauhy. Le M. Glaziowii occupe ou a occupé, dans le nord-est du Brésil, une zone naturelle ayant son centre dans les Etats de Cearâ et de Rio Grande do Norte, mais qui s'étend vraisemblablement au sud de l'Etat de Para, au Maranhâo, au nord de Piauhy et au Parnahyba. C'est un arbre pouvant atteindre 8 à 12 mètres de hauteur, dont le tronc se ramifie régulièrement à 3-5 mètres au-dessus du sol pour consti- tuer une cime étalée, arrondie. Les feuilles sont palmatifides, à trois divisions, plus rarement 2, 5 ou 7, de forme oblongue-ovale, glabres, vert clair, ou glaucescentes, recouvertes d'une matière pruineuse. Les fleurs, en panicules de 7 à 9 centimètres de longueur, sont uni- sexuées: les fleurs mâles, disposées au sommet, ont les sépales beaucoup plus courts que ceux des fleurs femelles, situées sur les pédicelles infé- rieurs. Le fruit est une capsule à trois loges, globuleuse, marquée de six sillons, chaque loge renfermant une graine ovale plan-convexe, de 12 à 15 millimètres de long et 7 à 8 millimètres de large, à tégument externe de grande dureté, brillant, de couleur acajou ou brun clair, tacheté de brun plus foncé. (Fig. 70 A.) Manihot dichotoma, Ule (Maniçoba de Jéquié). — Cette espèce, qui était connue depuis 1900 sous les noms de M. de Jéquié et de M. à grosses graines, a été décrite pour la première fois en 1907, par le Dr Ule (2), à la suite de sa mission dans l'Etat de Bahia. Sa zone natu- relle est comprise entre les 12° et 15° de latitude, dans les municipes de Maracas, Jéquié, Areia, Bôa Nova, Conquista et Umbaranas. Le système radiculaire est formé d'un pivot vertical, d'où se déta- chent un petit nombre de racines superficielles, fines et très allon- gées {fig. 71). Nous n'avons pas remarqué de tubérisations de ces racines latérales, comme il a été observé sur le M. Glaziowii et sur le M. piau- hyensis. (1) H. JUMELLE, Les plantes à caoutchouc et à gutta, 1903, p. 157. (2) NOTIZBLATT, Jardin Botanique de Berlin, n° 41, janvier 1908. $ 144 ® L'arbre, moins développé que celui de Cearâ, atteint rarement plus de 8 mètres de hauteur, avec un tronc de 40 à 50 centimètres de diamètre à la base, dont la couche externe de l'écorce s'exfolie par bandes concen- triques, à la façon de celle du merisier ou du bouleau. La hauteur de ramification varie considérablement avec les indi- vidus et le milieu environnant ; dans les stations où la forêt est dense, la couronne ne s'observe qu'à 3 ou 4 mètres de hauteur, alors qu'en situa- tion découverte elle n'excède ordinairement pas 2 mètres. Cette rami- fication s'opère assez régulièrement dans l'ordre trichotomique (jig. 77.) Les feuilles sont digitées, à 3 ou 5 divisions ovales lancéolées, par- fois découpées irrégulièrement ou contractées-lyriformes ; mucronées à la pointe et n'atteignant pas le sommet du pétiole; la division centrale mesure 10 à 12 centimètres de longueur et les externes 4 à 6 centimètres. Sur certains arbres, le limbe de la feuille est de consistance herbacée, de teinte vert clair avec le bord régulier et uni ; sur d'autres, il est vert foncé, brillant, plus coriace, à nervures teintées de rougeâtre, à bord ondulé. Certains auteurs ont considéré qu'il existait, en conséquence, deux types au moins de Maniçoba de Jéquié qu'ils ont dénommé branca et roxa; les caractères d'après lesquels ils sont établis n'ont malheureusement rien de constant et varient fréquemment d'un arbre à l'autre. Les panicules florales ont 5 à 7 centimètres de longueur ; les pédi- celles des fleurs femelles, de 2 à 3 centimètres de longueur, ces derniers excèdent de moitié environ ceux des fleurs mâles ; les bractées florales mesurent 6 à 8 millimètres. Le fruit présente une forme ovale allongée particulière à l'espèce ; il est muni de six côtes ailées. Les graines sont brun-noirâtre, plus grosses que dans les autres Maniçobas, 2r< " }, longueur, l o | Z « < — z > < 0) oi — a x nî « j: U o < E Z < ■ iC K O ^ c: a. 5, ET g! U "*; < .2 156 « de façon à joindre leur production de latex à celle qui s'écoule du tronc. Cette opération est répétée le lendemain et souvent le surlendemain avant de recueillir le morceau de caoutchouc qui résulte des trois saignées consécutives. Afin d'éviter l'infiltration d'une partie du latex dans la terre, le maniçobeiro prend soin, parfois, de saupoudrer le fond du trou avec un peu de glaise pulvérulente, qu'il a retirée d'une termitière ou d'une poche avoisinante. De nouvelles séries d'incisions sont ensuite effectuées pendant une partie de l'année. On arrive ainsi à pratiquer de 50 à 80 saignées annuelles correspondant à un rendement en caoutchouc qui peut varier de 100 gr. à plusieurs kilogrammes par arbre. Cette méthode d'exploitation est loin d'être à l'abri de toute critique ; elle épuise assez rapidement les arbres et fournit un caoutchouc mélangé de matières terreuses, de fragments d'écorces et autres impuretés. Ses effets sont cependant moins désastreux pour les peuplements naturels que ceux constatés dans la région de Jéquié ; les arbres offrent en général plus de résistance et les réserves sont entretenues en partie par le semis naturel et la rapidité de croissance des sujets. La valeur commerciale des caoutchoucs de Maniçobas est dictée en partie par le degré de pureté de leurs produits ; quant à la valeur indus- trielle comparative, elle ne paraît pas avoir été définitivement établie par des recherches en laboratoire et à l'usine. A l'Exposition des caoutchoucs de Londres en 191 1, les Drs FRANCK et E. MaRCKWALD, deux spécia- listes bien connus par leurs travaux sur la chimie des caoutchoucs, ont émis l'opinion personnelle que les résultats d'une plantation de caout- choutiers dépendaient moins de l'espèce choisie que du sol, du climat et du procédé de préparation. Sans partager cette conviction, on peut admettre que les qualités du caoutchouc de Maniçobas ne diffèrent sans doute pas considérablement d'une espèce à l'autre. Jusqu'ici, les négo- ciants de Bahia ne semblent avoir tenu aucun compte de l'origine botanique des sortes de Maniçobas qui leur sont livrées, il serait cepen- dant intéressant de faire des observations plus complètes à ce sujet. Le caoutchouc du M. de Jéquié, provenant de latex récolté dans des vases, et par conséquent d'une pureté relative, réalise des prix supé- rieurs aux qualités préparées en terre et fréquemment fraudées intention- nellement ; M. GlRDWOOD, directeur de la Lajayette Rubber Cy Ltd, à Machado Portella, nous a dit avoir vendu des crêpes de Maniçoba de Jéquié sur le marché de Londres à des cours représentant environ 90 % » 157 « de la valeur des crêpes fines du Para de Ceylan. D'autre part, les évalua- tions fournies par P. LlZON (1) font ressortir les prix des qualités com- merciales du Sâo Francisco et de Piauhy, qui nous paraissent assimila- bles, à 70 % environ de la valeur du Para fin de l'Amazone. <( Le caoutchouc de Maniçoba, écrivent FRANK et MARCKWALD, dans leur mémoire déjà cité, mal connu d'abord, est maintenant consi- déré comme l'un des meilleurs pour la fabrication des articles exigeant une résistance particulière à la pression et à la friction » . L'emballage du caoutchouc de Maniçoba se fait en sacs de 60 kilos environ pour le transport à Bahia, d'abord à dos de mulet jusqu'à la sta- tion la plus proche du chemin de fer ou au premier point navigable, puis par voie ferrée, de Joazeiro à Bahia pour le caoutchouc du Sâo Francisco, de Machado Portella ou Tambury à Sâo Félix, puis de cette ville à Bahia par vapeur, pour le caoutchouc de Maracas. Les exportations totales du caoutchouc de Bahia s'établissent comme suit pour les dernières années (2) : 1906 1.148 t. 1907 1 .086 t. 1908 973 t. 1909 1.224 t. 1910 1.514 t. Ces chiffres englobent le produit des Maniçobas et du Mangabeira ; on estime que cette dernière sorte figure pour environ 600 à 700 tonnes par an dans l'ensemble des exportations de Bahia. Le port de Bahia exporte également, en transit, une grande partie du caoutchouc du sud de Piauhy, soit environ 500 à 600 tonnes par an. Une quantité sensible- ment égale (730 tonnes en 1909) est expédiée du Cearâ, ce qui représente un total approximatif de 2.200 tonnes de caoutchouc de Maniçoba exporté annuellement du Brésil. (1) Rapport du Dr UlX, loc. cit. (2) Chiffres empruntés aux Rapports annuels de VAssociaçâo Commercial da Bahia. MANIÇOBA CULTIVÉ Aperçu des Plantations dans diverses Contrées tropicales Le Manihot GlazioWii est sans doute l'espèce caoutchoutifère dont la diffusion a été la plus rapide dans la zone intertropicale. Dès 1877, le Maniçoba de Cearâ était introduit dans le sud de l'Inde et àCeylan, où les plantations couvrirent rapidement plusieurs centaines d'hectares. Malheu- reusement, les premiers résultats furent décevants: les arbres se dévelop- pèrent normalement mais ne fournirent qu'un rendement insignifiant, de sorte que les plantations furent délaissées. Pourtant, quelques échan- tillons de caoutchouc présentés à l'Exposition de Ceylan en 1906, furent très remarqués du Jury et classés à côté des meilleurs biscuits de Para cultivé; ce fait ramena l'attention sur le Maniçoba qui possède toujours un certain nombre de partisans dans l'île. Les récentes investigations de KELWAY BAMBER ont même permis d'escompter une reprise de la culture dans plusieurs districts de la partie septentrionale de Ceylan. M. WlNCHERLEY, l'un des experts les plus autorisés dans les milieux de plantation indo-malais, annonçait récemment son intention d'entre- prendre la culture du Maniçoba, du coton et du tabac sur une grande échelle dans la Province North-Central (1). Il convient d'enregistrer ce mouvement, qui s'observe après plus de trente années d'expériences avec le Maniçoba, d'autant qu'il succède à celui qui a porté l'Hevea au premier rang des cultures de la colonie. Dans le sud de l'Inde et le Mysore, on a constaté que le Maniçoba du Cearâ ne fournissait généralement pas un rendement rémunérateur avant douze ou quinze ans et que la production variait énormément d'un arbre à l'autre. De meilleurs résultats auraient cependant été obtenus ces (1) India Rubber Journal, juin 1912. • 160 6 dernières années où l'on serait arrivé à 1 livre anglaise de caoutchouc sec par arbre et par an sur certains lots d'expériences (1). Les nouvelles espèces de Maniçoba, essayées à Ceylan ont montré de fortes variations individuelles et les avis sont encore très partagés en ce qui concerne leur avenir dans la région. L'Afrique Orientale Allemande est actuellement l'unique contrée où la culture du M. Glaziowii ait pris véritablement un développement commercial et fourni des résultats rémunérateurs ; on évalue à 1 5 mil- lions le nombre des maniçobas plantés. En 1910, l'exportation totale du caoutchouc de la colonie était de 474.348 kilogr. ; en 1911 (année commerciale terminée au 30 avril), elle atteignait 743.706 lui. , dont 413.890 provenant des plantations de Maniçoba. Grâce aux efforts du Gouvernement, qui n'a pas hésité à créer la plantation Lewa et à doter généreusement l'Institut de recherches d'Amani, établissements qui ont fourni de précieux exemples et d'utiles indications aux planteurs, le Maniçoba du Cearâ occupe aujourd'hui une place importante dans la colonie, alors qu'il a échoué ou est resté douteux partout ailleurs. Ce succès est dû également aux conditions favorables de climat et de sol que le caoutchoutier du Cearâ a trouvées au pied de l'Usambara. Le M. dichotoma, qui a été essayé comparativement avec le M. Glaziowii, s'est moins bien comporté que ce dernier, considéré comme la meilleure espèce à adopter dans la colonie (2). On ne peut cependant affirmer catégoriquement que les entreprises de Maniçoba dans l'Afrique orien- tale allemande sont assurées d'une prospérité durable avec les méthodes de culture et d'exploitation adoptées actuellement. Le système de saignée doit être amélioré ainsi que la préparation du caoutchouc. Cette opinion a été exprimée récemment par le Dr MaRCKWALD, au retour d'une visite dans les centres de plantation : « Si des améliorations n'aboutissent pas à l'obtention d'un produit de meilleure qualité et à l'abaissement du prix de revient, écrivait-il. les plantations de la colonie sont exposées à la ruine. » Cet avertissement d'une personnalité connue ne doit pas passer inaperçu. Ajoutons que le prix de revient du caoutchouc du Cearâ préparé dans l'Est- Africain allemand, s'élevait en 1911, d'après certaines esti- mations, à 5 fr. le kilo au minimum, rendu en port européen. (1) Planter' s Chronicle, mars 1910. (2) Agricultural Journal British East Africa, 1910. » 161 ® Dans le British East Ajrica, diverses tentatives culturales ont paru montrer que le Maniçoba du Cearâ ne rencontrait pas partout des condi- tions favorables à sa croissance et à sa production commerciale. Il en serait de même dans l'Afrique Orientale portugaise où, cependant, des résultats encourageants auraient été obtenus sur les territoires de Manica, Sofala, Inhambane et Quelimane. Sur la Côte Occidentale d'Afrique, le Maniçoba a fait l'objet de quelques plantations sur l'avenir desquelles on est mal renseigné. A Punto-Andungo, dans l'Angola, notre correspondant, M. C. GlOVETTI, se montre satisfait des résultats d'une plantation de M. Glaziowii, qu'il exploite depuis plusieurs années, par contre, il se déclare peu partisan du remplacement de cette espèce par le M. dichotoma, qui lui a paru infé- rieur. Sous le climat plus humide de la Gold Coast, JOHNSON a constaté que le M. du Cearâ était incapable de fournir un rendement payable, même à l'âge de douze ans, ce qui n'a pas lieu de surprendre. L'arbre se comporte à peu près identiquement au Cameroun, où les statistiques accusent 19.000 pieds de Maniçoba, en regard de 4.915.000 Funtumia et 786.000 Heveas. Nous ne pouvons envisager avec beaucoup plus d'optimisme l'ave- nir du M. Glaziowii au Dahomey, malgré les expériences tendant à démontrer la possibilité de sa culture dans la zone semi-forestière de la colonie (l). Au Congo Belge, le Gouvernement encourage actuellement les plan- tations d' Heveas ; toutefois, des planteurs accordent encore la préférence au Maniçoba. Il n'est peut-être pas impossible d'implanter avec succès ces deux caoutchoutiers dans la colonie, en tenant compte expressément de leurs exigences particulières au point de vue du sol, et surtout du climat. Les essais auxquels on a procédé au Sénégal, au Soudan et en Gui- née française n'ont pas été couronnés de succès ; le vent et les termites ont nui considérablement aux arbres et découragé les premiers planteurs. A Madagascar, les résultats auxquels on est arrivé dans les environs de Majunga n'ont encore rien de décisif. Par contre, le Maniçoba a enthousiasmé certains agronomes et plan- teurs des îles Hawaï, qui ont généralisé un peu hâtivement les résultats (1) Bulletin du Jardin Colonial, Nogent, juillet 1910. M » 162 $ obtenus à Mani. Le rendement de 1 livre et demie de caoutchouc sec par arbre et par an annoncé à la suite d'expériences de courte durée et sur des lots peu importants, constituera difficilement une moyenne durable. Mentionnons encore les recherches qui se poursuivent avec le Mani- çoba en quelques localités de Java et des Philippines sans avoir abouti jusqu'ici à des résultats précis en ce qui concerne l'intérêt cultural de cet arbre et le sort des quelques plantations déjà existantes. Enfin il convient de signaler un essai entrepris en Cochinchine (1), sur une propriété s 'adonnant spécialement à la plantation d'Heveas. Cet essai offre ceci d'intéressant qu'il a porté sur un lot de Manihot piauhy- ensis intercalés entre les lignes d'Heveas. Les maniçobas ont pris, sui- vant l'expression même du directeur de l'exploitation « un développe- ment formidable » en l'espace de trois ans. La saignée fut commencée deux ans et demi après le semis et pour- suivie durant une période de quinze jours à un mois, en saison sèche. On adopta le système de saignée en arête sur un dixième de la circonfé- rence du tronc. Les résultats obtenus furent satisfaisants puisque la moyenne de production journalière indiquée aurait atteint 4 gr. de caout- chouc sec par arbre. Peut-on conclure de cet essai que la culture associée de l'Hevea et du Maniçoba de Piauhy est réalisable en Cochinchine, ou du moins en certaines localités de la Colonie ? En ce cas l'opinion que nous avons émise précédemment se trouverait infirmée par les résultats obtenus à An-Loc. Ne possédant pas de données précises sur la climatologie de l'endroit, non plus que sur la suite de cet essai et sur la façon dont se sont comportés les Heveas, il est difficile d'apprécier ici ces résultats ; toutefois ce que nous pouvons affirmer d'après nos connaissances sur l'habitat naturel des Maniçobas de Bahia et Piauhy, et de l'Hevea ama- zonien, c'est que, à moins d'un phénomène d'adaptation extraordinaire chez le Maniçoba, les deux essences caoutchoutifères sont absolument incompatibles au point de vue du climat. Nous persistons à considérer la culture combinée de l'arbre du Para et du Maniçoba de Piauhy comme impraticable au sens économique du mot. Si le Maniçoba fournit un ren- dement rémunérateur, il est infiniment probable que l'Hevea se compor- tera de façon moins satisfaisante et réciproquement. (I) Journal d'Agriculture Tropicale, n° 144. page 162. 163 DÉVELOPPEMENT ET ASPECT DES PLANTATIONS DE MANIÇOBAS AU BRÉSIL Du rapide aperçu que nous venons de donner des diverses entre- prises et des essais de plantation du Maniçoba en dehors de son pays d'origine, on peut conclure que cette essence à caoutchouc n'a donné de résultats commerciaux satisfaisants qu'en Afrique Orientale allemande, encore ne sont-ils pas absolument incontestables pour l'avenir. 11 con- vient maintenant de passer succinctement en revue les plantations faites au Brésil, avec les différentes espèces indiquées précédemment. Le Manihot Glaziowii a fait l'objet de quelques entreprises impor- tantes près de Baturité et de Monte Alegre, dans l'Etat de Cearâ. Le ren- dement de ces plantations, considérablement accru par celui des nombreux lots de Maniçobas cultivés par de petits propriétaires de la zone du chemin de fer de Baturité, alimente aujourd'hui la plus grande partie des exportations de caoutchouc du Cearâ, estimées à 730 tonnes en 1909. Une plantation existe également à Maranhâo. Enfin, d'autres tenta- tives ont été faites en diverses localités, notamment dans l'Etat de Bahia où l'espèce a été parfois essayée conjointement avec d'autres de la région ; dans l'Etat de Rio de Janeiro où nous avons pu visiter celle de J. DE MlRANDA, à Virgem Alegre, etc. En général, ces entreprises ne sont pas des plus florissantes, quelques-unes même ont été fortement négligées. Nous attribuons cette situation aux difficultés rencontrées pour le recru- tement et la fixation de la main-d'œuvre, à l'absence de toute sélection et à l'apparition de divers insectes, maladies ou accidents provoqués ordi- nairement par un système défectueux d'exploitation des arbres. Le M. dichotoma a été planté sur une échelle assez vaste dans ses districts naturels et on peut estimer à 2 millions environ le nombre des arbres mis en place depuis huit ans. La principale entreprise de M. de Jéquié qu'il nous a été donné d'observer est celle que possède la Lafayette Rubber Cy Ltd, à 3 kilomètres de Machado Portella. (Fig. 67 .) Cette plantation créée vers 1906 par H. GuiMARAES et ANT. PrO- COPIO, comprend au total 500.000 pieds environ, dont une partie seule- ment arrive en exploitation. Son directeur technique, GlRDWOOD, escompte pour cette année une production de 600 kil. de caoutchouc pré- $ 164 ® paré en crêpes d'excellente qualité, dans une petite usine récemment installée (jig. 82). Les arbres y sont bien entretenus et cicatrisent bien la plupart des incisions des premières saignées. D'autres plantations également importantes existent à Bom Jésus (Bahia Rubber Syndicate), à Bôa Nova, dans les environs de Caldeirâo, Porto Alegre, Conquista, etc. Près de Tambury, plusieurs commerçants entretiennent avec peine des plantations de 20.000 à 50.000 arbres. (Fig. 83.) Ces plantations ont été établies à de rares exceptions près, vers 1 906, et sont maintenant âgées de sept ans en moyenne. Aucune d'elles n'est encore entrée en rapport et, de l'avis des meilleurs planteurs, on ne peut songer exploiter cette espèce avec profit avant qu'elle ait atteint huit à dix ans, ce qui diminue considérablement son intérêt cultural. D'ailleurs, il est impossible d'affirmer que cette exploitation sera rémunératrice, même après cette longue attente. Dans ces conditions, nous nous deman- dons s'il y a lieu de s'attacher plus longtemps à la plantation du Mani- çoba de Jéquié. Les planteurs de la région semblent déjà avoir répondu négativement en cessant de mettre en culture de nouveaux terrains et l'un d'eux nous a exprimé très nettement qu'il était hostile à cette espèce, inférieure à tous points de vue (sauf pourtant sous le rapport de la fluidité du latex, plus grand chez le M. de Jéquié) au Maniçoba du Cearâ. Nous avons recueilli le même avis défavorable au Maniçoba de Jéquié sur les plantations de Villa Nova (sur la ligne du Sâo Francisco), qui l'ont adjoint à titre d'essai, aux M. heptaphylla et M. piauhyensis. Ces deux dernières espèces jouissent au contraire, en particulier le M. piauhyensis, de toute la faveur des planteurs de la région du Sâo Francisco, où elles occupent plusieurs milliers d'hectares, localisés près de Villa Nova et de Remanso. Le début de ces plantations remonte à 1904, mais elles ont surtout pris un grand essor en 1906. Depuis, l'acti- vité s'est ralentie, mais sans cesser complètement. Les plus grandes entre- prises, appartenant à des particuliers ou à des sociétés, englobent au maximum 300 tarefas (environ 1 30 hectares) ; mais très nombreuses sont les plantations de quelques tarefas, établies, entretenues et exploitées à peu de frais par de petits planteurs et commerçants de Villa Nova et bourgades avoisinantes. Si elles n'enrichissent pas promptement ceux qui s'adonnent à leur culture, ces deux espèces de Maniçobas l^ur assurent ® 165 « cependant, malgré un système d'exploitation très imparfait, un profit sensiblement égal à celui des autres cultures de la région. 11 y a là une indication très favorable à l'avenir du Manihot piauhyensis dans l'est de Bahia et les régions à climat et à terrains analogues. En effet, cette espèce d'une remarquable rusticité, d'une résistance particulière à la sécheresse, aux vents et aux saignées exagérées, est plantée sans grand soin, sans aucune sélection et exploitée exactement par le système appliqué aux arbres sauvages. Dans ces conditions, le Maniçoba de Piauhy fournit un rendement rémunérateur à partir du début de la troisième année, parfois même au bout de dix-huit mois, et soutient une production régulière pen- dant six à huit ans consécutifs, malgré le peu de soin et de modération apportés à la saignée. On peut donc considérer cette espèce comme l'une des plus intéres- santes et s'efforcer d'améliorer sa culture, son exploitation et la prépara- tion de son produit. Le M. Toledi, qui se rapproche beaucoup du M. piauhyensis, mais dont la valeur culturale n'a pas encore été précisée, mérite également d'être étudié systématiquement en tant qu'espèce caoutchoutifère de plantation. 166 Choix de l'emplacement et du terrain Les Maniçobas, spécialement ceux du Sâo Francisco, Piauhy et Villa Nova, s'accommodent naturellement d'un climat où la hauteur annuelle des pluies, irrégulièrement réparties sur quelques mois de l'année, reste voisine de 75 centimètres à 1 mètre ; le thermomètre pourra accuser de grandes oscillations et s'abaisser à + 10° pendant le repos de la végétation sans que les arbres aient à en souffrir visiblement. Une humidité atmosphérique ou souterraine un peu persistante s'opposera toujours à la culture du M. piauhyensis , beaucoup moins résistant à ces conditions que le M. Glaziowii. Contrairement à ce qui a été écrit récemment par plusieurs auteurs, le Maniçoba n'a aucune chance de succès dans les climats équatoriaux, à moins de s'élever à une altitude suffisante. Nous avons trouvé dans le Xingû, par 31 latitude sud, une petite plantation de Maniçoba de Piauhy faite à titre d'essai par le colonel JosÉ PoRFIRIO ; les arbres qui s'étaient développés rapidement avaient été bientôt détruits par l'humidité exces- sive et par les termites, dans une proportion de 75 %. Les survivants, destinés à disparaître à bref délai, donnaient un latex abondant, très liquide, mais de médiocre valeur caoutchoutifère. (Fig. 84.) Dans tous les cas, il faut aux Maniçobas une situation saine, abritée des vents violents, surtout préjudiciables à l'espèce de Jéquié. Les bas- fonds humides ou marécageux seront rigoureusement écartés. Tous les planteurs intelligents se sont conformés à cette condition primordiale et ont établi leurs cultures dans les ondulations et sur les flancs des serras. A défaut de cet abri naturel fourni par l'orographie particulière du pays, on devrait recourir à des rideaux d'arbres obtenus avec des espèces adap- tées à la fois à ce rôle de brise-vents, au climat et au terrain. Certains Ficus indigènes, Eucalyptus, Casuarina, présentent des garanties de succès dans l'Etat de Bahia, à des altitudes de 300 à 1 .000 mètres. Les Maniçobas ont certaines exigences relativement au terrain. C'est ainsi que l'espèce de Jéquié recherche de préférence un sol argilo-siliceux, ® 167 « tandis que les types du Sâo Francisco et de Piauhy, donnent les meilleurs résultats dans une terre silico-argileuse, c'est-à-dire plus légère. Dans les plantations de M. piauhyensis de Villa Nova, réparties sur le flanc des collines, il est facile d'observer que dans la partie basse, où l'argile domine plus fréquemment, les arbres se développent moins vigoureuse- ment que vers le haut, où le terrain est de nature plus siliceuse. Dans les sols calcaires, la culture du Maniçoba est vouée à un échec certain, de même que dans ceux franchement sableux ou glaiseux. Il sera donc prudent de s'en tenir exclusivement aux terres silico- argileuses ou, à défaut, argilo-siliceuses, pour l'établissement des plan- tations de Maniçoba de Piauhy. Sans être riches, ces terres posséderont cependant une moyenne fertilité car, c'est une erreur de considérer les Maniçobas comme des plantes appropriées à la mise en valeur des terres absolument incultes ou même stériles, comme l'ont prétendu certains auteurs. On peut même admettre, a priori, que l'action de certains engrais appropriés au sol et à la plante sera trouvée efficace et avanta- geuse dans la culture du Maniçoba ; les résultats obtenus aux îles Hawaï, avec le M. Glaziowii, tendent à confirmer cette opinion, sans toutefois l'établir indiscutablement (1). (I) Dans un rapport sur les Muhesa Rubber Plantations Ltd, dans l'Afrique Orientale allemande, le Prof. ZlMMERMANN signale que des essais de fumure systématique ont été entrepris ; les résultats n'étaient pas appréciables après la première année, mais devaient néanmoins être poursuivis. Un essai à l'engrais vert avait été également commencé sur une partie de la plantation. 168 Choix et préparation du plant. — Nécessité de la sélection Le planteur doit, avant tout, être fixé sur le choix de l'espèce de Maniçoba à cultiver. S'il désire adopter une espèce à grand développe- ment, à tronc exploitable sur une hauteur de 1 m80, d'une durée de quinze à vingt ans, il devra discerner entre le Maniçoba du Cearâ et celui de Jéquié. Celui-là est un arbre de bonne grandeur, dont l'exploitation est parfois possible vers la quatrième année, mais se complique assez sou- vent du fait de la rapidité de coagulation du latex. Le Maniçoba de Jéquié de moindres dimensions, croît plus lentement et n'entre en rapport que la huitième année, au plus tôt; sa résistance aux vents est faible et sa variation individuelle considérable ; par contre, on n'éprouve aucune difficulté à récolter son latex à l'état fluide. Les avantages en faveur du Maniçoba du Cearâ semblent assez évidents à l'heure actuelle. Si le planteur veut s'en tenir à une espèce à petit développement, et à rendement plus immédiat, il s'adressera à l'une des trois autres espè- ces qui réclament un climat plus sec et une exposition absolument saine: M. heptaphylla, M. piauhyensis, M. Toledi. La première, dont le tronc est un peu plus développé, ne nous a paru réaliser aucun avantage sur les deux autres ; par contre, elle entre un peu plus tardivement en plein rap- port et fournit un rendement moins élevé en caoutchouc sec. Le M. piauhyensis s'est montré vigoureux et très résistant aux extrêmes de température et aux vents froids ; il est d'une rapide crois- sance et produit dès la troisième année ; les planteurs de Villa Nova et du Sâo Francisco, qui ont reconnu ses indiscutables qualités, n'hésitent plus aujourd'hui entre cette espèce et les Maniçobas du Cearâ, de Jéquié et de Sâo Francisco (M. heptaphylla). Dans les nouvelles roças, elle est admise à l'exclusion de toutes les autres. Quant au M. Toledi, qui se compare au M. piauhyensis par la rapi- dité de son développement et sa facilité culturale, il pourra éventuelle- ment rendre service aux planteurs; mais, avant d'émettre une opinion fondée sur sa valeur, il importe de procéder à des expériences plus sui- vies sur son exploitation et son rendement. Fig. 81. MACHADO PORTELLA (Bahia). — Vue prise dans l'intérieur de la plantation Lafayette. Fig. 82. Machines à laver le caoutchouc, installées sur la plantation Lafayette, à Machado Portella (Bahia). 169* \ 1 Fig. 83. Plantation de Maniçobas de Jéquié, âgés de 5 ans, sur la route de Tambury à Moraes. %?v*° M Fig. 84. Essai de plantation de Maniçoha du Piauhy. près du Rio Xingù (Para). 1 ' arbres, après une rapide croissance, produisent un latex de médioert valeur en caoutchouc et sont, en grande partie, détruits par les termites et par l'humidité. J^: & ••:•• 3 K », US "a « J on C3 n] bo U. •S « Ie2 ^ a o 2 O (fl Ri o ~ c > tt a> £ "O «a -0) o a "S w < M o 3 .o. O c un to e oo == à a U tû o T3 j u j- o O z Z_ < z u N < fcu » 169 « Tous les Maniçobas ont des tendances excessives à la variation spon- tanée, de sorte qu'on observe de nombreuses différences morphologiques et physiologiques entre les arbres d'une plantation, issus d'un même lot de graines. Plusieurs auteurs ont voulu rattacher ces différences à des types caractérisés : c'est ainsi qu'il a été question de Cearâs pleureurs et de Cearâs candélabres; que l'Ingénieur MOSSELMAN DU CHESNOY distingue (1 ) cinq types de Maniçoba de Jéquié ; que le Colonel J. ANGELO DE SOUZA (2) mentionne 8 variétés de Manihot heptaphylla et M. piau- hyensis en mélange sur sa propre plantation. Ces formes spontanées ne possèdent malheureusement aucune fixité de caractère et ne peuvent que confirmer la nature très polymorphe des types botaniques. Le visiteur d'une plantation de Maniçoba quelconque est fortement frappé des diffé- rences qui existent, non seulement dans les feuilles et l'écorce des arbres, mais particulièrement dans le développement du tronc et la hauteur de la couronne. A côté d'exemplaires à tronc de 30 centimètres de circonfé- rence et de lin50 de hauteur, chez l'espèce de Jéquié, on remarquera des individus d'âge égal, dont le tronc ne mesurera que 12 à 15 centimètres de tour et sera ramifié à moins d'un mètre du sol. Des constatations de même ordre pourront être faites dans une roça de Maniçoba du Sâo Fran- cisco ou de Piauhy {Fig. 85.) En ce qui concerne le Maniçoba du Cearâ, nous pouvons invoquer l'autorité de M. CARDOZO (3), un planteur de grande expérience dans l'Est- Africain, qui admet qu'un semis de cette espèce ne fournit en moyenne que 15 à 20 % d'arbres bons producteurs. Nous ne croyons pas qu'il soit possible d'établir actuellement, d'après des caractères extérieurs, des types de Maniçobas, bons ou mau- vais producteurs ; seule, la sélection rationnelle, appliquée aux types spécifiques avec la plus rigoureuse méthode, permettra d'arriver à des résultats pratiques. La sélection sera appliquée conformément aux indications fournies pour l'Hevea, en vue de créer un type pur et stable, à croissance régu- lière et à rendement uniforme. Jusqu'ici on s'est peu soucié de ce travail et les plantations ont été établies avec des graines quelconques, ramas- sées indifféremment sous les arbres. Nous voyons là une des principales causes d'échec de nombreuses entreprises et avons la conviction qu'il (1) Journal d'Agriculture Tropicale, n* 90. (2) O cullioo do Maniçoba. Broch. in- 16, Bahia, 1907. (3) Ibid., n° 84, 1908. ® 170 ■» serait possible de rendre la culture du Maniçoba de Piauhy beaucoup plus rémunératrice en apportant plus d'attention et de jugement dans le choix des porte-graines, des graines et des plants. On s'explique d'autant moins cette absence de toute sélection que l'on se trouve ici en présence d'une espèce à prompt rendement, chez laquelle les résultats se feraient beaucoup moins attendre que chez l'Hevèa. Les planteurs eux-mêmes sont amenés à se rendre compte de la nécessité de modifier leur pratique dans ce sens et nous avons vu l'un d'eux s'inscrire chez un voisin pour une fourniture de graines à récolter sur un lot d'arbres de Piauhy recon- nus gros producteurs de caoutchouc (1 ). D'après ZlMMERMANN dans son récent ouvrage Der Manïhot Kants- chuclz qui constitue à notre connaissance la monographie la plus com- plète du Maniçoba de Cearâ cultivé, la sélection doit être basée sur les caractères suivants : 1 ° Croissance qui doit être vigoureuse, sans excès ; 2° Ramification à une hauteur suffisante ; 3° Exsudation abondante du latex ; 4° Coagulation normale ; 5° Qualité du caoutchouc qu'il faut constante et supérieure. (I) Plusieurs pieds de 6 ans, pris sur un même rang de la plantation, avaient fourni dernièrement plus de 500 grammes de caoutchouc en moins d un mois. 171 Etablissement d'une plantation, défrichement et préparation du terrain Le tracé de la plantation, qui reste toujours subordonné à la confi- guration générale du terrain, sera exécuté de façon à prévenir et à circonscrire le danger d'incendie, toujours à craindre dans la saison sèche, à obtenir un bon rendement du personnel et à permettre facile- ment le contrôle et la surveillance des différentes parties de la plantation. On pourra se reporter à ce que nous avons écrit sur ce sujet à propos de l'Hevea. Toutefois, la distribution devra être faite en carrés d'une superficie de 20 hectares environ, auxquels on pourra donner 600 mètres de longueur et 330 mètres de largeur. Ces carrés seront séparés par des chemins de 5 à 6 mètres de largeur et l'ensemble de la propriété sera isolé de la brousse environnante par un espace suffisant pour opposer une bar- rière efficace aux incendies. {Fig. 86.) Ceux-ci sont particulièrement à redouter dans les plantations mal entretenues, où la végétation spontanée leur fournit un aliment facile ; un accident de ce genre est survenu en 191 1 près de Machado Portella, où le feu a détruit un maniçobal d'une centaine de milliers d'arbres de cinq ans. Il est également nécessaire de préserver la plantation contre les dégâts du bétail en établissant une bonne clôture en ronces artificielles ou en bois {fig. 86) ; ces clôtures existent partout, mais ne sont pas toujours convenablement entretenues. Afin de réduire la dépense de cet entre- tien assez coûteux, peut-être y aurait-il avantage à s'adresser aux haies vives formées d'espèces judicieusement choisies dans la flore indigène ou parmi les essences exotiques propres à cet emploi. Le défrichement des terres à Maniçoba est beaucoup moins dispen- dieux que celui de la grande forêt amazonienne ; les arbres de grandes dimensions sont en petit nombre, et les arbustes et plantes vivaces faciles à détruire en saison sèche. Ordinairement, on se contente de couper les espèces arborescentes au-dessus du sol, en utilisant le bois qu'elles four- ®> 172 174 is S'il permet de constituer des plantations régulières avec des plants de même force et d'attendre la mise en état du terrain, il offre par contre l'in- convénient de diminuer la résistance des arbres à l'action du vent par suite de la réduction du pivot et de retarder la production de près d'un an, ce qui est très appréciable. La germination préalable des semences, en vue de régulariser la plantation, ne nous semble pas avantageuse, à moins de pouvoir entrete- nir les plantules dans un état d'humidité favorable pendant les pre- mières semaines qui suivront leur mise en place. En effet, si ces graines germées sont atteintes de sécheresse, elles fondent immédiatement et occasionnent des vides nombreux dans la plantation. Le même inconvé- nient est à redouter avec les graines trempées dans l'eau. Il est donc pré- férable de s'en tenir au semis en place, avec des graines de choix n'ayant subi aucune préparation en vue de hâter leur germination. Ces graines auront été récoltées sur les arbres, à parfaite maturité des fruits. Si elles doivent être semées en octobre suivant, on les fera sécher dans un local ventilé et ombragé, pour les conserver ensuite en sacs ou en caisses, dans un endroit sain, à l'abri de la dent des rongeurs. Pour le semis en place, on devra piqueter le terrain comme il a été dit pour l'Hevea. L'écartement adopté dans les districts de plantation est le suivant : M. Glaziowii ; 3 à 4 mètres (jig. 87). M. dichotoma : 2 mètres à 2m50. M. heptaphylla : 2 mètres. M. piauhyensis : lm50 à 2 mètres. Dans certaines propriétés, ces distances ont été réduites à l'excès et il nous est arrivé de rencontrer des roças de Maniçoba de Jéquié, plantées à 1 m50 en tous sens et où la confusion était encore accrue par le dévelop- pement de jeunes pieds spontanés dans les interlignes. Sauf dans les plantations de la Lajayette Rubber Cy, à Machado Portella, dans celles du Colonel J. ANGELO DE SOUZA et de la Maison HlRSCH, HESS & Cia, près de Villa Nova, nous avons constaté que la régularité était assez rare- ment observée, ce qui rend la surveillance très difficile et le travail plus coûteux. La distance de plantation doit, d'ailleurs, varier avec la fertilité du terrain. Dans des conditions moyennes, nous considérons que le ® 175 « M. piauhyensis peut être planté à raison de 1 .500 à 1 .800 pieds environ à l'hectare, en adoptant la disposition en quinconce et en allées. Les plants seraient écartés de 2 mètres sur les rangs, de lm80 à 2 mètres entre deux rangs et de 2m25 à 2m50 entre les deux rangs, suivants, plus espacés (jig. 88). On tiendrait compte ainsi du port buissonnant des arbres, dont l'accès et le contrôle seraient plus faciles. 5_50 1"8o 1- G O i Fig. 88. Croquis montrant l'écartement approximatif à donner au M. de Piauhy, planté régulièrement. Pour les plantations de M. GlazioWii, ZlMMERMANN préconise l'écar- tement de 4 mètres x 4 mètres, sauf le cas où l'on voudrait commencer la saignée à deux ans et procéder par éclaircissages successifs, ce qui semble peu recommandable. Les trous destinés à la plantation seront ouverts quelques semaines à l'avance ; on leur donnera 60 à 80 centimètres de côté et 50 centimètres environ de profondeur. On dispose, à l'endroit marqué pour chaque plante, 2 ou 3 graines qui seront recouvertes de 3 centimètres de terre meuble et riche. La germination commence vers le 1 5e jour après le semis et se poursuit assez régulièrement pendant plusieurs semaines, souvent $ 176 « même pendant des mois. Elle est généralement beaucoup plus uniforme dans le semis d'octobre-novembre, favorisée à cette époque par les pluies d'orage et par la plus grande chaleur. L'éclaircissage aura lieu en temps utile pour que la plante conservée, choisie vigoureuse et bien droite, n'ait pas à souffrir de l'arrachage des voisines. Bouturage. — Ce mode de multiplication asexuée a, sur le semis, l'avantage de reproduire la plupart des caractères du pied-mère et de permettre ainsi la fixation plus rapide et plus certaine d'un type particu- lier de Maniçoba. Il reste, cependant, à déterminer dans quelle mesure il reproduit les qualités laticifères d'un individu, s'il n'affaiblit pas trop sensiblement la vigueur des arbres et n'abrège pas leur existence de plu- sieurs années. Des expériences, conduites avec méthode, ne tarderaient sans doute pas à renseigner le planteur sur ces différents points. Certains praticiens ont abandonné le bouturage, après plusieurs essais leur ayant montré que ce système ne pouvait leur donner des résultats aussi satisfaisants que le semis. Nous avons vu, sur la fazenda Bôa Esperança, à Villa Nova, une plantation de 20.000 pieds de M. de Piauhy issue de bouturage qui avait été presque entièrement détruite par le vent et les termites. 11 ne paraît pas douteux que les arbres élevés de boutures sont plus exposés que ceux de semis à l'action des vents et aux attaques des fourmis blanches. Par contre, d'autres planteurs installés à quelques kilomètres de là se montraient favorables au bouturage, après l'avoir appliqué avec succès. 11 faut voir, sans doute, dans ces avis contradictoires, une influence du lieu et peut-être du terrain, dont l'importance est à déter- miner par l'expérimentation. Les boutures de Maniçoba sont des portions de branches de 60 à 80 centimètres de longueur, prises avec un talon de bois de l'année précé- dente et pourvues de deux ou trois ramifications. Elles sont mises direc- tement en place en juin-juillet et s'enracinent sans difficulté dans l'espace de quelques semaines, malgré l'absence de tous soins. Ce procédé de multiplication est employé pour l'établissement de nouvelles plantations ou pour combler les vides d'une jeune plantation de semis. Il fournirait, d'après différents planteurs, des arbres exploitables en dix-huit mois. Fig. 87. Piquetage du terrain pour une plantation de Maniçobas de Céara. ' ■ L *■* '.'.'"■; *T^BB ■•V A* - * - ■ '^m j--" ■ < 'm/-*' P&& % >. jf WÏ'.T'Ciii -??:£ ' ; "- -" ;;_.' j ^^;''ï%M&ir Fig. 89. Nettoyage du terrain dans une plantation de Maniçobas. Fi g. 90. MACHADO PORTELLA. — Plantation de Maniçobas de Jéquie. ë*S* £mHbî *>?■ 91. FAZENDA PARAHY, VILLA NOVA (État de Bahia). — Plantation de Maniçobas du Piauhy, intercalés de coton du Maranhâo (semis de 6 mois). Fig. 92. Vue de la plantation de Bôa Esperança, à Bomfim (Estrella Nova). Au premier plan, en bas, un lot de Maniçobas de Jéquië. intercalés de haricots et de maïs; sur la déclivité du terrain, différents lots de Maniçobas du Piauhy. 177 Entretien. — Cultures intercalaires Pour obtenir une bonne croissance des Maniçobas, il est nécessaire de tenir le sol meuble et exempt de mauvaises herbes pendant les premières années. En réalité, on se contente de couper les herbes sans donner aucune façon culturale. Lorsque les arbres garnissent à peu près le terrain, vers la troisième année, la coupe des herbes (roçagem) se fait une seule fois par an, vers le début ou fin de la saison sèche. (Fig. 89.) Le Maniçoba de Piauhy parvient, d'ailleurs, à étouffer la plus grande partie de la végétation adventice lorsqu'il se garnit de feuilles. Toutefois, il importe de surveiller la plantation contre le déve- loppement des espèces grimpantes qui, dans la région de Jéquié, causent de réels préjudices aux arbres dont elles arrivent à étrangler le tronc et les principales branches. La croissance superficielle des racines et la nature souvent acci- dentée des terrains compliquent la question de l'emploi des faucheuses, charrues ou cultivateurs attelés; il est possible toutefois que l'on arrive à des résultats économiques avec ces machines, au moins pendant les premières années. Le bétail doit être tenu à l'écart des plantations; pourtant, le direc- teur de la Lajayette nous a dit avoir réussi à maintenir les mulets dans une plantation de Jéquié, âgée de six ans, sans inconvénients pour les arbres. (Fig. 90.) Chaque année, les arbres seront également débarrassés de leur bois mort, qui peut engendrer des maladies ou favoriser l'introduction d'in- sectes xylophages. On a envisagé également la question des cultures intercalaires dans les plantations de Maniçobas. Les plantes que nous avons vu cultiver dans les interlignes de Maniçoba de Jéquié et de Piauhy sont : le coton- nier, le caféier, la courge, le haricot du pays, le maïs, etc. Le caféier ne s'accommode pas toujours du voisinage du Maniçoba dont le feuillage lui est fort nuisible après un an ou deux. C'est sans doute le coton- 12 » 178 « nier, variété dite de Maranhâo, qui a donné la plus grande satisfaction en tant que culture d'attente (jig. 91), encore celle-ci ne doit-elle pas être très rémunératrice puisque certains planteurs négligent en partie sa pro- duction. Le haricot et le maïs sont adoptés avec succès dans différentes exploitations (jig. 92). Dans les plantations de Maniçoba de Jéquié, qui occupent le terrain dès la seconde année, on aura souvent peu d'avantages à recourir aux cultures secondaires au delà de cette époque, à moins de s'en tenir à une culture dérobée pendant la saison de repos des arbres. La question des cultures intercalaires est à reprendre sur des bases pratiques, en même temps que celle des cultures de Légumineuses en couverture (Haricot, Arachide, Cowpea, Crotalaria, etc.). Les arbres seront établis sur tronc unique et bien droit, de lm80 à 2 mètres au moins, s'il s'agit du Maniçoba de Jéquié ou de celui du Cearâ, de 1 mètre et plus, s'il s'agit du M. de Piauhy. Ils seront débarrassés du bois mort et des bourgeons adventifs qui peuvent nuire à l'accroissement du tronc et à son exploitation. A la suite de sa visite à la plantation de Muhesa (loc. cit.), ZlMMERMANN écrit (1) que des essais ont été commencés pour déterminer si la taille et l'élagage ne permettraient pas d'arriver à obtenir des arbres à troncs élevés. C'est là, croyons-nous, une question des plus intéres- santes à mettre à l'étude dans les Stations Expérimentales actuellement en voie d'organisation dans les Etats de Bahia, Piauhy et Minas. (I) Tropenpjlanzer, n° 4, 1913. 179 Saignée des Maniçobas La saignée rationnelle du Maniçoba du Cearâ n'a pu être résolue d'une manière satisfaisante sur les plantations. Elle comporte, en effet, de plus grandes difficultés que celle de l'Hevea, difficultés qui tiennent : 1 °, à la mince épaisseur de l'écorce de l'arbre (3 millimètres environ), qui rend difficile l'exploitation des couches profondes, plus riches en latex, sans qu'il en résulte de graves blessures du cambium ; 2°, à la nature peu fluide de son latex, dont la coagulation a lieu spontanément lorsque la température excède 26° centigr. ; 3°, à l'insuffisance des connaissances actuelles sur la physiologie et l'anatomie de l'espèce. Le Maniçoba du Cearâ doit avoir un tronc de 40 à 50 centimètres de circonférence à 1 mètre du sol avant d'être soumis à une exploitation régulière et rémunératrice. Cette dimension est atteinte à un âge varia- ble avec le climat, le sol, le mode de culture, les soins d'entretien, mais que l'on peut fixer entre trois et cinq ans. A propos de l'âge de saignée du Maniçoba de Cearâ, ZlMMERMANN et MARCKWALD sont d'avis que l'on commence beaucoup trop tôt l'exploitation sur les propriétés de l'Est Africain et que cette exploitation est elle-même trop intense. Quoique le caoutchouc provenant d'arbres de deux ans n'accuse pas une proportion de résine notablement plus élevée que le produit d'arbres âgés, il paraît cependant contenir davantage de matières protéiques, et posséder de ce fait, des qualités physiques moindres que le caoutchouc de sujets plus âgés. C'est une question qui mériterait d'être tirée au clair, car on conçoit toute son importance pour le planteur. On a constaté également que le rendement diminue rapidement à la suite de saignées trop fréquentes ; il en résulte une augmentation du prix de revient du caoutchouc et un épuisement plus marqué des arbres soumis à un traitement trop intensif. Des expériences se poursuivent parallèlement sur les plantations de Muhesa, de Nahuyuni, ainsi qu'à l'Institut d'Amani, dans le but de déterminer la fréquence des saignées. Elles n'ont pas tardé à démontrer ç 180 a que la mortalité des arbres diminuait lorsque les saignées s'espaçaient et l'on peut s'attendre à ce qu'elles fournissent prochainement d'autres résultats intéressants. MARCKWALD recommande de ne pas saigner indifféremment, le Maniçoba à toute époque de l'année; les périodes les plus favorables seraient celles qui correspondent à la défoliaison et au départ de la végé- tation. Il est démontré par la pratique que la saignée effectuée vers la fin de la saison sèche ne fournit que de faibles rendements. Un autre point assez discuté est celui du nettoyage des écorces. Nous avons maintes fois observé le danger qui peut résulter de l'enlève- ment préalable du rhitidone (écorce extérieure sèche), tendant à s'exfo- lier naturellement) sur toute la hauteur exploitable du tronc. Cette opé- ration provoque fréquemment l'apparition de maladies cryptogamiques ou d'insectes taraudeurs ; si elle est pratiquée en période pluvieuse, elle occasionne fréquemment la pourriture de 1 écorce des arbres. La décor- tication externe ne devra donc être faite qu'au moment de la saignée ou peu de jours avant, et sera limitée à la surface du tronc à exploiter de façon continue. On a préconisé plusieurs systèmes de saignée qui ont été adoptés sur les plantations, sans qu'aucun d'eux ait réussi à s'imposer et à se généraliser. Nous avons déjà indiqué la saignée au machadinho, employée sur les plantations du Cearâ et de l'Etat du Rio; en quelques années, ce système affaiblit les arbres et déforme les écorces au point d'en interdire l'exploitation pendant des années. Les incisions en arête de poisson, essayées en quelques endroits, semblent également ne pas avoir donné entière satisfaction, mais il n'est peut-être pas impossible de mettre au point un système de saignée par incisions obliques, avec ou sans ravivages, suivi ou non de ponctions du liber, qui convienne au Maniçoba. C'est par un système d'incisions réduites ou de simples piqûres de l'écorce que le M. Glaziowii est actuellement exploité sur la plupart des plantations de l'Est-Africain allemand et sur quelques-unes de l'Etat de Cearâ. Des différents procédés indiqués, la méthode dite de LeWa est la plus couramment suivie et s'applique en certains cas à des arbres de faible diamètre. Elle consiste à nettoyer l'écorce sur la portion à exploiter et à enduire celle-ci d'une solution coagulante. Ordinairement on utilise simplement le jus de citron ; plus rarement, on a recours à » 181 $ 1 acide acétique, à l'acide fluorhydrique, à l'acide carbolique ou au jus de Sisal. Enfin, récemment, le Dr ZlMMERMANN a conseillé le chlorure de calcium en solution à 0,5 ou 1 % , dont l'emploi est plus économique que celui des autres produits (1). On pratique ensuite, sur cette surface d'écorce, des incisions horizontales d'un demi-centimètre de longueur, distantes de 10 centimètres en tous sens. On se sert, pour cette opération, d'un couteau pointu (jig. 93), d'un pricker spécial ou de roulettes à éperon, de différents modèles {jig. 94), en évitant d'attaquer le cambium. Le latex qui s'écoule de ces blessures est coagulé sur Fig. 93. Modèle de couteau employé dans l'Est Africain pour la saignée du Maniçoba du Cearâ par piqûres sur l'écorce. l'écorce, au contact de la solution employée à cet effet et dont la concen- tration doit être calculée selon le degré de fluidité du latex. On détache aussitôt les pellicules de caoutchouc qui, agglomérées et passées au laminoir ou à la machine à crêper forment des feuilles (sheets) ou des crêpes. Par cette méthode, un ouvrier arrive à saigner de 40 à 100 arbres Fig. 94. Roulettes à éperon pour la saignée par piqûres du Maniçoba du Cearâ. par jour, pour produire une moyenne de 500 grammes de caoutchouc sec. Sans être parfaite, puisqu'elle est assez longue, coûteuse par l'emploi d'une forte quantité de coagulant, et qu'elle ne permet pas la récolte et le traitement rationnel du latex, la saignée Lewa a du moins l'avantage de ne pas altérer sérieusement les écorces et de ne pas détruire les arbres, comme il arrive trop souvent avec d'autres systèmes. Le chimiste du Gouvernement de Ceylan, M. KELWAY-BAMBER a (I) Gummi Zeitung, n° 17, 1911, et Tropenpjlanzer, n° 4, 1913. 182 préconisé un autre système de saignée qui réaliserait certains avantages sur les précédents, au dire de son auteur. Des incisions longi- tudinales sont pratiquées dans l'écorce du tronc, au moyen d'un instru- ment formé d'une monture en T dans laquelle sont enchâssées, sur la tête du T, des lames perpendiculaires, de 2 à 3 millimètres de lon- gueur. (Fig. 95.) Afin de faciliter l'écoulement du latex et de prévenir sa coagulation spontanée, on dispose au sommet des incisions un petit Instrument pour la saignée du Maniçoba du Ceara (Modèle Kelway-Bamber). entonnoir (drip-tin) contenant de l'eau ammoniacale à 0,2-0,5 % {fig. 96). Une gouttière métallique fixée au bas des incisions conduit le latex dans un récipient où il est ensuite recueilli pour le traitement à l'usine. Cette méthode, essayée par ZlMMERMANN à Amani, ne paraît pas encore avoir été employée sur les exploitations. Nous craignons qu'elle ne soit pas toujours à la portée de l'ouvrier indigène et qu'elle soit, en tout cas, d'une exécution trop lente et, par suite, trop coûteuse dans les régions où la main-d'œuvre est chère. Signalons encore, parmi les procédés d'extraction du latex de M. Glaziowii, celui qui consisterait à traiter les écorces par macération, en ajoutant simplement que les recherches faites par plusieurs savants alle- mands et anglais ont démontré que cette méthode était dépourvue de tout intérêt pratique. Par contre, le traitement mécanique des écorces ou portions d'arbres » 183 abattus permettra peut-être d'arriver à de meilleurs résultats si l'opinion de PARKIN, considérant comme inférieur le caoutchouc ainsi obtenu, ne se confirme pas. L'exploitation du Maniçoba de Jéquié sur les plantations de l'Etat de Bahia (fig. 97) diffère à peine de celle qui a été décrite pour les arbres en forêt. Rappelons que la saignée sera difficilement rémunératrice avant la 8" année. L'accroissement du tronc est lent et irrégulier ; des mensura- tions faites en diverses localités montrent que la circonférence moyenne du tronc est inférieure à 20 centimètres sur des arbres de quatre ans et à 30 centimètres sur des pieds de six ans, avec des différences extrêmes de Saignée du Maniçoba de Jéquié. (Méthode Kelway-BamberK Fig. 97. Maniçoba de Jéquié, saigné par la méthode ordinaire appliquée indistinctement aux arbres cultivés ou non. 14 à 45 centimètres. Le latex, d'une grande fluidité par température moyenne, est facile à récolter dans les tigelhinas fixées sous l'écorce, à la base des incisions spiralées, pratiquées sur la hauteur du tronc et la partie inférieure des branches de la couronne (jig. 97). L'instrument employé par les planteurs est le même que celui dont se servent les maniçobeiros de la catinga ; on apporte pourtant un peu plus de soin à son affûtage. Une modification a été apportée à cette gouge par GlRDWOOD, direc- teur de la Lajayette Rubber Cy, en vue de limiter la profondeur des inci- sions (jig. 98). Malgré cette amélioration, nous avons constaté la produc- tion d'excroissances au point d'intersection des incisions; ces accidents 184 © sont diminués en ménageant une solution de continuité de quelques mil- limètres à la rencontre de deux portions de spirale. Si un contrôle sévère n'est exercé sur les ouvriers chargés des saignées, les arbres sont rapi- dement couverts de ces excroissances et hors d'exploitation. On devrait également procéder à des essais comparatifs avec la gouge de Bahia et Fig. 98. Gouge pour la saignée du Maniçoba de Jequié, modifiée et adoptée par M. Girdwood à la Fazenda Lafayette. divers autres instruments employés avec succès pour l'Hevea, notam- ment le Farriers' Knije ou Reinette du vétérinaire, qui aurait été introduit avec succès dans la région de Chique-Chique. Un ouvrier, payé 1 $200, exploite environ 200 arbres par jour. La durée d'exsudation du latex est de 20 minutes par une température de 18" centigr. L'expérience n'a pu encore établir le nombre de saignées annuelles que le M. de Jéquié peut supporter sans inconvénient pour l'avenir. Les planteurs établissent volontiers leurs calculs de rendement sur la base de 6 saignées annuelles. C'est là une hypothèse qu'il convien- drait de vérifier dans la pratique ; nous craignons que le procédé actuel de saignée n'autorise pas une exploitation aussi intensive du Maniçoba de Jéquié. Ses effets sur la production future des arbres sont encore mal con- nus, peu de planteurs ayant saigné leurs Maniçobas plus de 2 ou 3 fois. Les plantations de M. heptaphylla et de M. piauhyensis , dont quelques-unes sont exploitées régulièrement depuis cinq ans, sont trai- tées à la façon des maniçobaes naturels. Une ou deux incisions en V renversé ou double sont faites sur l'écorce du tronc, en même temps que d'autres incisions limitées sur les grosses racines, préalablement déga- gées ; le latex s'écoule dans un ou deux trous ménagés à la base du tronc, entre deux racines principales, dont les parois sont quelquefois enduites de terre argileuse (fig. 99, 100 et 101). On se sert, pour la pra- tique des incisions, d'une gouge à manche plus longue que celle employée pour le M. de Jéquié (jig. 80 bis), dont les blessures lèsent sou- vent le bois et abrègent la vie des arbres, soit en les livrant aux attaques \ N ^sl ■ ■ ■ , . .- a ■2 ~ o- « -~ > o o -S -S JS en «3 1- 00 3 ai B -4) S- Si •I 's ON « < -S Z -1) < ' ad < p z < - 05 Ul [il 0. R W 15 < E <0 « CQ < 3 a z [d N < El, >> -c 3 C Fig. 103. Tronc de Muniçoba du Piauhy montrant les effets produits par une saignée mal faite. (Villa Nova.) Fia. 104. FAZENDA LaFAYETTE. — Plantation de Maniçobas de Jequié. Vue prise au moment de la saignée, peu après une invasion des arbres par une chenille de sphingides. * 185 S de certains insectes ou maladies, soit en les mettant à la merci d un coup de vent. Les désastreux effets de ce mode de saignée s'observent facile- ment dans les environs de Villa Nova où certaines plantations de sept ou huit ans sont éclaircies dans une proportion de plus de 50 % , alors que, convenablement traitées, leur durée pourrait facilement atteindre une quinzaine d'années. Il importe de doter au plus tôt ces plantations d'une méthode d'ex- ploitation permettant de sauvegarder les arbres, d'en retirer un maximum de produit, de récolter le latex dans des godets et d'améliorer ainsi la qualité du produit. C'est là le rôle d'une Station Expérimentale, dont la création en un centre tel que Villa Nova contribuerait certainement au développement des entreprises de Maniçoba et au progrès de l'agriculture. RENDEMENT DES ManiÇ0BAS. — Le rendement du M. Glaziowii a été très discuté et doit forcément être modifié par le climat, le terrain, le mode d'exploitation, l'âge et la force des arbres, etc. Ule, dans sa récente visite aux plantations de Baturité (Etat de Cearâ), a noté qu'un ouvrier saignait de 1 00 à 200 arbres par jour, d'où il extrayait de 2 à 10 k.il. de latex. Ce latex donnait un tiers de son poids de caoutchouc sec. En face de chiffres montrant un tel écart, il est impossible de s'ar- rêter à une moyenne pour les plantations de Cearâ. Ajoutons, toujours d'après Ule, que la saison de récolte dure trois mois, de juillet à octobre et que l'ouvrier reçoit 1 $000 (1 ), par kilo de latex récolté, ce qui porte le prix de revient du kilo de caoutchouc sec à 3 $000, plus les frais de pré- paration (coagulation, épuration, lavage, séchage) et d'emballage, soit environ 500 réis, au total 3$500 (près de 6 fr.). En Afrique Orientale, le Maniçoba du Cearâ produirait annuelle- ment de 100 à 200 grammes de caoutchouc sec pendant les premières années d'exploitation ; ce rendement s'élèverait à 500 grammes sur les arbres de 1 mètre de circonférence de tronc. Les renseignements concernant la production du M. de Jéquié man- quent tout autant de précision. Les planteurs, dont les prévisions nous paraissent optimistes, escomptent un rendement de 300 grammes de caoutchouc sec (dès les pre- mières années ?) Ce chiffre ne repose sur aucune expérience précise et se (I) Environ 1 fr. 65. ® 186 « trouve en contradiction avec les résultats obtenus sur la plantation Lafayette. En effet, d'après les notes aimablement communiquées par son directeur, un lot d'arbres de quatre ans, d'une circonférence moyenne de 20 centimètres, a fourni une moyenne de 5 gr. 1 de latex par arbre. Ce latex du Maniçoba de Jéquié fournit 30 % environ de caoutchouc sec, lorsqu'il provient d'arbres cultivés et 25 % s'il a été extrait d'arbres spontanés. Sur un autre lot de 36 arbres de 25 centimètres de circonfé- rence (de 5 à 6 ans), la production en latex a été de 18 grammes en moyenne, à la suite d'une saignée. Enfin, 8.000 pieds de cinq ans ont donné, en mars 191 1, à la 1r° exploitation, une moyenne de 7 gr. 5 de latex par arbre. Notons que ces essais, d'un caractère pratique, n'ont porté que sur des arbres de 20 centimètres au moins de circonférence ; il n'est pas tenu compte des sujets, assez nombreux, qui n'avaient pas atteint ce développement, quoique de même âge. Une autre série d'expériences nous renseigne sur les écarts qui s'observent dans le rendement en latex du Maniçoba de Jéquié ; les chiffres notés sur des arbres de même âge accusent de 1 à 1 20 grammes de latex par jour. Un exemplaire de six ans a donné exceptionnellement 300 grammes de latex, correspondant à 100 grammes de caoutchouc sec, en une seule saignée. Ce fait démontre, une fois de plus, la nécessité de recourir à la sélection pour régulariser la production de cette espèce, si toutefois elle est jugée digne de la planta- tion, ce qui apparaît de plus en plus douteux. Nous savons que les M. heptaphylla et M. piauhyensis sont des espèces beaucoup plus précoces que les M. Glaziowii et M. dichotoma. Une plantation de Maniçoba de Piauhy peut déjà entrer en exploitation 18 mois après le semis. Les planteurs que nous avons interrogés nous ont invariablement affirmé, sans toutefois pouvoir nous fournir de chif- fres absolument édifiants, que le M. de Sâo Francisco était moins précoce et moins productif que le M. de Piauhy. Le rendement de ce dernier pourrait s'établir de la façon suivante : Plantation faite à raison de 1.800 pieds par hectare, exploitée 50 jours par an : La 2" année 2 grammes par arbre = 180 kilogrammes (1) La y année 3 — = 270 — La 4e année 4 — — = 360 — La 5* année et suivantes . . 5 — = 450 — (1^ En caoutchouc sec. ® 187 Certains directeurs donnent des moyennes de rendement plus éle- vées, jusqu'à 8 grammes par arbre, — mais nous pensons qu'il sera pru- dent de s'en tenir aux chiffres ci-dessus dans l'établissement d'un devis pour une plantation habilement dirigée et soigneusement traitée. Pour donner une idée de la variation qui existe dans le rendement des Maniçobas de Piauhy d'un âge déterminé, reproduisons ces chiffres, empruntés au Dr ZEHNTNER et qui nous semblent exacts : Différences notées sur arbres de 2 ans (caoutchouc sec) 0 gr. 58 à 4 gr. 56 — — 4 — | gr. 08 à 13 gr. 22 5 — I gr. 18 à 18 gr. 81 Le rapport entre la production maxima et la production minima, serait, en conséquence de: 8 sur une plantation d'arbres de 2 ans 12 — - 4 - 16 5 — 188 Coagulation du Latex. — Préparation du Caoutchouc Dans les zones de l'Etat de Bahia où existent des plantations de Maniçoba, la coagulation du caoutchouc se produit toujours spontané- ment. Là où se cultive le Manihot dichotoma (région de Jéquié jusqu'à Machado Portella et Tambury) le latex coagule de lui-même dans la tigellinha, que, sur chaque arbre, l'ouvrier a placée au bas de l'incision oblique la plus inférieure: le petit biscuit a alors la forme du récipient. Les planteurs de Villa Nova et de ses environs laissent la coagulation se produire spontanément dans la terre: un trou creusé dans le sol, au pied même de l'arbre, est garni, dans sa partie profonde, d'une mince couche d'argile sur laquelle se transforme en caoutchouc le latex qui coule des incisions pratiquées sur le collet ou même les racines. La gomme est alors en plaques plus ou moins épaisses et aussi plus ou moins souillées de terre et de détritus divers. Certains planteurs du Cearâ laissent coaguler spontanément le latex sur les incisions même, et, pour le récolter déta- chent la gomme de l'écorce. D'après les indications données par Ul_E, dans ce même Etat et tou- jours avec le Manihot Glaziowii, des plantations importantes, voulant employer des procédés rationnels qui donnent un meilleur produit, réu- nissent le contenu des tigellinhas dans des récipients plus grands, en y associant une solution de formol. Faute d'éléments précis, nous ne pou- vons à ce sujet fournir des renseignements plus détaillés. Il est cependant possible, et dans certains cas sans doute préférable, de provoquer et de diriger la coagulation. Les recherches à ce sujet ont été faites dans les pays qui ont planté les divers Manihot, mais surtout dans les colonies allemandes, anglaises et portugaises d'Afrique. Nous ne croyons pas qu'on ait jusqu'ici publié des résultats d'expériences effectuées avec le latex des Manihot dichotoma, M. heptaphylla et M. piauhyensis, dont l'introduction dans ces régions est trop récente et qui sont à peine à l'âge d'exploitation. D'autre part, on s'est heurté, dans les nombreux essais effectués avec le Manihot Glaziowii, à cette difficulté qu'en Afrique et à Ceylan au moins, le latex coagule de lui-même avec une ga 189 « grande facilité. Pour lui faire subir le traitement désiré, il faut donc d'abord le conservera l'état d'émulsion, et c'est là la raison pour laquelle, dans la méthode de KELWAY-BAMBER, on emploie l'eau ammoniacale qui mouille la rigole de saignée. C'est aussi cette difficulté qui a amené les recherches effectuées sur la plantation LEWA pour obtenir la coagulation volontaire sur l'écorce même, en badigeonnant celle-ci avec le coagulant (méthode LEWA). On a d'abord employé le jus d'oranges et de citrons. La coagulation s'opère assez facilement, et peut donner des résultats éco- nomiques quand il s'agit de très petites plantations. Nous ne croyons pas d'ailleurs qu'un coagulant de ce genre mérite une grande faveur en raison de sa nature même ; c'est donc un procédé qui n'est utilisable que dans des conditions locales très spéciales (proximité de Citrus sauvages et petites plantations). La même observation s'applique aux fruits de Bao- babs et de Tamariniers. De nombreux corps chimiques ont été essayés. La faveur dont jouit l'acide acétique dans les plantations d'Heveas de l'Indo- Malaisie, l'a fait employer par certains ; mais pour le Maniçoba son adop- tion n'avait pas les mêmes raisons que pour l'Hevea, et d'ailleurs, les mauvais effets, pour la qualité de la gomme d'Extrême-Orient, qui lui sont attribués n'encouragent guère la généralisation de son emploi. Néan- moins ZlMMERMANN indique qu'il lui a donné de bons résultats ainsi que l'acide carbolique, qui, lui, possède en outre de réelles qualités antisep- tiques. L'acide fluorhydrique, sous le nom de Purub, serait un bon coagu- lant et un bon antiseptique; mais les planteurs l'auraient abandonné comme trop cher. Le mélange d'acide acétique et d'acide carbolique don- nerait sur diverses plantations un bon résultat et permettrait, à pouvoir coagulant égal, de réaliser une économie très sensible sur chacun de ces acides pris isolément. ZlMMERMANN a préconisé en dernier lieu le chlorure de calcium qui revient encore meilleur marché, car on peut utiliser le sel impur dénommé dans le commerce calcium choratum crudum fusum. Une solution à 0,5 % donne une coagulation passable, tandis qu'à 1 % elle est complète, 1 kilogr. de ce corps donne donc 100 litres de coagu- lant. Il a été employé pour coaguler sur l'arbre suivant la méthode LEWA. Mais on ignore encore actuellement quelle est la qualité du caout- chouc produit, au point de vue industriel. D'autres sels peuvent être employés, tels que les chlorures de Baryum et de Magnésium, le sulfate $ 190 S de magnésium. Mais ils sont ou bien plus chers, ou bien moins éner- giques comme coagulants que le chlorure de calcium. Des essais ont été faits aussi avec la sève de Sisal, qui, en Afrique, pourrait être employée comme coagulant surtout après fermentation. Généralement on active la fermentation en mélangeant du vin de palme à cette sève de Sisal. On l'a employée soit seule, soit en mélange avec les divers corps que nous venons de mentionner dans le but, alors, de diminuer le coût de ceux-ci. Ainsi sur la plantation Prince Albert, à Kiuhiu, on la mélangeait avec de l'acide carbolique à 0,25 %. ZlMMERMANN considère que, pour obtenir un caoutchouc de couleur claire, il conviendrait de remplacer par des seaux en bois, les seaux métalliques actuellement en usage dans les plantations de l'Est-Afri- cain, pour les manipulations du latex. Rien de bien net ne se dégage de tous ces essais ou procédés. D'autre part la faveur des manufacturiers pour la gomme qui s'est coagulée spontanément et les conditions économiques actuelles, engagent plutôt à conseiller au planteur brésilien de s'en tenir à ce procédé. Il est moins coûteux parce qu'il exige le minimum de main-d'œuvre et ne nécessite aucune dépense de produits. Mais il faudrait apporter dans la récolte suffisamment de soins pour ne pas avoir une gomme souillée au point d'être fort dépréciée. SÉCHAGE. — Les plaques de caoutchouc coagulé sont recueillies, soit dans un trou du sol, soit dans les tigelinhas et mises à sécher dans une pièce réservée à cet effet. Sauf à la plantation Lajayette, aucune de celles que nous avons rencontrées ne présentait les conditions requises pour cette opération. C'est toujours une pièce semblable aux autres, qui, dans un bâtiment de la fazenda, reçoit les plaques. Elles sont étalées sur le sol de terre battue, en couche plus ou moins épaisse, — l'épaisseur atteint parfois 20 centimètres — suivant les dimensions de la pièce et l'abon- dance de la récolte. Des conditions essentielles exigées pour le séchage : absence de soleil, aération, cette dernière n'est à peu près jamais réalisée. Si on ajoute à cela que la température, dans ces pièces, est généralement trop élevée, on comprendra que sur un produit aussi impur, les champi- gnons se développent abondamment et que les fermentations diverses, surtout la fermentation butyrique, trouvent l'occasion de prendre une grande extension. Le produit récolté sans soins, souillé et non épuré se * 191 « présente dans des conditions favorisant toutes les altérations subsé- quentes. A la surface des plaques des champignons nombreux et variés se développent ; cette surface est souvent gluante par suite du dévelop- pement de micro-organismes. Les plaques coagulées en terre son tou- jours recouvertes d'argile avec mélange de sable au moins sur une de leurs faces, sans préjudice des inclusions terreuses ; et elles contiennent souvent des poches plus ou moins garnies de liquide surtout dans les pro- duits des tigelinhas. EPURATION. — L'épuration de la gomme coagulée spontanément, n'est guère pratiquée sur la plantation ; nous n'avons trouvé une instal- lation de ce genre qu'à la plantation Lafayette, près de Machado Portella. Les plaques de caoutchouc sont passées entre deux cylindres métalliques, cannelés tournant horizontalement, tandis qu'elles sont arrosées d'eau. Après plusieurs passages, on obtient des crêpes blanc-crème, parfaite- ment pures, qu'il n'y a plus qu'à faire sécher. Le séchage s'opère dans le même bâtiment sur des toiles métalliques ou des supports quelconques : bois, ficelles, etc. Le produit est alors de belle qualité et bien pur. Nous n'y avons vu un peu de gomme poisseuse que dans les portions de crêpes, qui, au début du séchage, s'étaient trouvées accidentellement au soleil. Au contraire dans les chambres de séchage des autres plantations, le caoutchouc impur était fréquemment gluant et poisseux. A Cearâ, les frères BORIS font également l'épuration du caoutchouc. De même que nous considérons que, pour le caoutchouc de Mani- çoba brésilien, on doit actuellement s'en tenir à la coagulation sponta- née, de même nous croyons qu'un complément essentiel de cette façon de procéder est l'épuration du produit immédiatement après la récolte pour éviter les altérations qui se produisent pendant le séchage mal fait. Nous entendons le nettoyage avec des cylindres lisses et non par une machine à crêper. Les petits planteurs, comme la plupart de ceux de Villa Nova, ne peuvent certainement pas faire les frais d'une telle installation, qui exige d'abord une certaine mise de fonds et ensuite suffisamment de matière à travailler pour que le travail soit rémunérateur; mais chaque grande plantation devrait la posséder. Ce problème, très controversé pour les plantations d'Heveas d'Indo-Malaisie, se présente ici dans des condi- tions assez différentes de celles des plantations de l'Est. Il soulève néan- moins diverses questions d'ordre économique, en sorte que sa discus- $i 192 « sion trouvera une place mieux appropriée dans une autre partie de ce travail. Dans les plantations de Maniçobas de Cearâ de l'Afrique orientale, les pellicules de caoutchouc récoltées sur le tronc des arbres à la suite de la saignée par coagulation directe sont recueillies et mises en boule après séchage. Toutefois certaines propriétés possèdent aujourd'hui des instal- lations mécaniques leur permettant de traiter ce caoutchouc, de l'épurer et de le laminer entre des rouleaux lisses. Sur ce point ZlMMERMANN et MARCKWALD diffèrent d'opinions; tandis que le directeur d'Amani accorde la préférence à des laminoirs à cylindres compresseurs, dont l'un peut être cannelé, le chimiste berlinois conçoit une épuration à l'aide d'une machine à laver qui conserverait au caoutchouc de Maniçoba ses précieuses qualités, en particulier sa résistance spéciale à la compres- sion. Un type de laveur répondant à peu près à ces desiderata aurait été établi par une maison allemande ; ses premiers essais sont considérés comme satisfaisants. COMMERCE. — Le caoutchouc de Maniçoba de plantation se présente sous deux formes. La gomme de M. Glaziowii de Cearâ, qui s'est coagulée spontanément sur l'arbre, est en réalité du sernamby d'écorce plus ou moins en forme de larmes, d'où le nom de caoutchouc en choros. Dans l'Etat de Bahia on rencontre presque uniquement des plaques — la proportion de sernamby est très faible — le caoutchouc en chapas. Une fois sèche, la gomme est envoyée, celle de l'Etat de Cearâ, à For- taleza, celle de l'Etat de Bahia, à San Salvador, ports d'exportation sur l'Europe qui en absorbe la majeure partie, et sur l'Amérique du Nord. L'emballage est fait dans des sacs pesant environ 60 kilogrammes. Cet emballage est tout à fait rudimentaire. Sans doute pour le caout- chouc de Para, c'est la maison d'exportation seulement qui met la gomme en caisses. Mais d'une part les boules de jina n'ont pas les mêmes chan- ces de s'altérer que les chapas de Maniçoba, et nous avons déjà déploré que le sernamby amazonien, surtout celui des îles, ne soit pas mieux emballé pour arriver à Manâos ou à Para. Il serait à désirer que le caout- chouc mieux préparé de Bahia, soit mis dans des caisses convenables, analogues à celles dont nous avons parlé pour l'Hevêa. C'est du reste ce qui se produira fatalement quand les plantations fourniront du caout- chouc bien propre. 193 Ennemis et Maladies Les uns et les autres peuvent causer des dégâts sur les diverses espèces de Maniçoba. Les Maniçobas de Bahia sont attaqués par une chenille gris foncé, longue de 5 à 6 centimètres. C'est la lagarta du M. piauhyensis de Villa Nova. On a remarqué à Machado Portella, où nous l'avons vue et où elle attaque le M. dichotoma (jig. 104) de même que dans la région de Jéquié (G. RAILTON), qu'elle n'est pas aussi abondante chaque année: sa grande invasion est périodique. C'est la larve d'un Lépidoptère que ZeHNTNER, qui l'a observée à Villa Nova, rattache à la famille des Sphyngides. Ces chenilles dévorent les feuilles surtout en mars et avril et peuvent en dépouiller les arbres complètement. Elles parasitent aussi le Manioc {Manihot utilissima) . RAILTON indique pour les détruire l'emploi du vert de Paris et ZeHNTNER les sels arsenicaux en général, en les appliquant au début de l'invasion, quand les chenilles sont encore groupées et localisées sur les arbres. ZEHNTNER a rencontré, à Villa Nova, une Thripsidée dont les nom- breux individus, à divers états de développement, sont fixés à la surface inférieure des feuilles. Ils piquent les feuilles qui se dessèchent et tombent prématurément. Toutes les parties vertes de l'arbre peuvent en être cou- vertes, y compris les jeunes bourgeons. Il est évident que la disparition hâtive de l'appareil foliacé doit diminuer la vitalité de l'arbre et sa pro- duction laticifère. Le développement de ces insectes est favorisé par la rareté des pluies. Le Maniçoba de Jéquié serait atteint de façon plus dan- gereuse, et ce sont les arbres jeunes, jusqu'à deux ans, qui y sont le plus sensibles ; les arbres plus âgés résistent mieux. Les moyens de se débar- rasser de l'insecte ne manquent pas. On peut employer la nicotine à 1 % , une solution de savon noir, une émulsion de pétrole. L'application de ces solutions serait sans doute trop coûteuse, s'il fallait opérer sur toute la plantation. On pourrait peut-être se contenter de traiter les jeunes arbres qui sont plus sensibles. 13 ® 194 s ZEHNTNER a aussi signalé la présence d'une Coccidée de la famille des Diaspidées. Les Hyménoptères du groupe des fourmis peuvent être très dange- reux. Les Sauvas, fourmis du Manioc, sont surtout à craindre sur les plantations neuves. Les Termites s'attaquent de préférence aux arbres blessés, soit que des saignées mal cicatrisées laissent le bois à nu, soit qu'il y ait du bois mort et des souches dans le sol des plantations. Il ne faut pas laisser de bois mort à terre, et détruire les souches attaquées. Des Gafanhotos (sauterelles) et, parmi elles, une espèce du genre Tropidacris, dévorent les feuilles. LESNE a mis en évidence (1907) les dégâts causés dans la région de Baturité sur le M. Glaziowii par deux coléoptères curculionides. L'un, assez gros, Cœlosternus rugicollis, a des larves qui creusent des galeries courtes dans les extrémités des branches mortes ou dans le bois mort du tronc. L'autre, Xyleborus confusus, utilise les amorces de galeries percées par le Cœlosternus, les continue et, de proche en proche, peut envahir tout l'arbre. Il peut aussi pénétrer directement par les extrémités des rameaux. Il faut donc surveiller constamment les arbres, enlever les branches mortes, faire des incisions soignées qui puissent bien se cica- triser. En Afrique Orientale le Maniçoba paraît avoir principalement à souffrir d'une espèce de termite qui, s 'introduisant par les blessures de saignées, attaque ensuite le cambium et finit par évider l'arbre complètement et le détruire. La lutte contre ce termite, étudié par MoRSTATT, serait rendue plus difficile par cette particularité que l'espèce ne vit pas en grandes colonies localisées dans un nid, contre lequel l'emploi des insecticides est plus efficace. Beaucoup d'animaux peuvent nuire aux jeunes plantations de Mani- çobas dont ils dévorent les parties vertes: les chèvres, les porcs domesti- ques et sauvages, etc. Pour les parasites végétaux, nos observations effectuées en période de sécheresse, tout à fait défavorable au développement des champi- gnons, ne nous ont permis de noter que les lésions profondes et perma- nentes. Les Maniçobas de Bahia portent aussi des lésions de chancre dont certaines sont très étendues ; elles laissent écouler spontanément le latex qui coagule dans les infractuosités. ZEHNTNER signale qu'à Villa Nova il a vu, par cette cause, des écorces se détachant du tronc décou- » 195 ® vrir des poches de latex. Le même auteur a eu l'attention attirée par un champignon des racines qui se comporte de façon analogue au Fomes semitostus, de Malaisie, dont nous avons parlé à propos de l'Hevea: il entre par le collet et envahit le système radiculaire ; il forme un disque marron clair à la base des arbres. La lutte contre son envahissement con- siste à détruire, en les brûlant, les vieilles souches, bois morts, etc. La chute des feuilles et des jeunes pousses, la déformation de ces dernières peuvent être provoquées sur le M. de Jéquié, comme sur le Manioc, par un autre champignon que signale encore ZeHNTNER. La bouillie borde- laise (solution cuprique) donnerait de bons résultats. Mais un tel traite- ment ne serait-il pas trop coûteux? ULE, de son côté, a signalé sur le M. Glaziowii, un champignon qui, dans les serras voisines de Baturité, provoque des déformations du tronc et des grosses branches. Dans un travail récent, il estime que ce parasite doit être YUredo Manihotis dont il avait précédemment décou- vert la présence sur des Manihot sauvages de l'Etat de Goyaz. Comme son nom l'indique, ce champignon est une rouille : des sortes de tumeurs qu'il détermine sur le bois, il s'étend aux feuilles, y formant des plaques d'un brun-rouge. Ce champignon parasite aussi le Manioc (Manihot utilissima). CHEVALIER a observé les attaques d'un parasite offrant beaucoup d'analogie avec YUredo Manihotis sur un lot de Manihot Glaziowii, du Jardin de Brazzaville, dont les deux tiers environ présentaient des nécroses caractéristiques. Au Gabon, il a trouvé une plantation de ce même caoutchoutier détruite en presque totalité par une maladie des racines d'origine cryptogamique. Une sorte de pourriture des racines a été également signalée par ZlMMERMANN, dans les plantations Est-Afri- caines ; elle est apparue sous forme très sporadique, sur des arbres isolés, n'arrivant pas à former des plaques. Cette pourriture ne semble pas s'étendre dans les endroits où abondent les termites, mais paraît se pro- pager seulement dans le sol, par contact; son caractère ne devient inquiétant que pour les localités très humides. D'après ce qui précède, on voit que, quoique l'étude des ennemis et maladies des Manihot soit à peine ébauchée, ceux-ci ne manquent pas. Il ne semble pas néanmoins qu'aucun d'eux doive avoir pour effet d'em- pêcher le développement des cultures de Maniçoba. Actuellement, tan- dis que les précautions prises peuvent être considérées comme nulles, il » 196 « n'est qu'exceptionnel de voir les dégâts importants, comme ceux, par exemple, déterminés pendant une année à Machado Portella par la chenille du lépidoptère. Il semble donc que si l'on prend des mesures préventives, on doive être complètement à l'abri de mécomptes du fait des parasites animaux et végétaux, dans une exploitation rationnelle de Maniçoba. 197 Considérations économiques sur l'Exploitation et la Culture des Maniçobas Si, actuellement, l'exportation par le port de Bahia du caoutchouc (Maniçoba et Mangabeira) provenant des Etats de Bahia et de Piauhy, atteint un chiffre respectable (près de 2.000 tonnes), il est nécessaire d'envisager son accroissement. Les peuplements naturels exploités sans mesure, tendant de plus en plus à disparaître, doivent faire place à des plantations. La culture des Maniçobas déjà assez développée, surtout dans la région de Villa Nova, doit s'étendre, de manière que, petit à petit, la gomme produite sur les plantations dans les conditions écono- miques qu'on aura choisies les meilleures, prenne sur le marché une prépondérance de plus en plus marquée. Cet essor nécessaire de la cul- ture conduit à envisager les conditions actuelles de production et les améliorations qu'il serait nécessaire d'y apporter. Les deux régions principales de production de caoutchouc de Mani- çoba de Bahia, la région de Villa Nova d'une part, celle de Jéquié d'au- tre part, sont desservies à distance plus ou moins grande des centres pro- ducteurs par deux voies ferrées. C'est au voisinage même de l'Estrada de ferro do Sâo Francisco, à Villa Nova et dans un rayon assez faible autour de cette ville, qu'ont été établies les diverses plantations de la région. La ligne est suffisamment bien desservie pour assurer l'écoule- ment régulier des produits vers Bahia, et, de Joazeiro à Sâo Salvador, nous n'avons nulle part rencontré les gares encombrées de marchan- dises en souffrance, comme cela se produit par exemple dans l'Etat de Para, sur la ligne de Belem à Bragança. Il y aurait lieu par contre d'amé- liorer de suite les services de navigation sur le rio Sâo Francisco, voie qu'emprunte la gomme venant du Piauhy par Remanso, et que devrait prendre aussi toute celle provenant de Chique-Chique. Une grande par- tie de celle-ci vient à dos de mulet de Chique-Chique à Villa Nova, par- courant lentement une distance considérable. Une partie des marchan- dises fait du reste aussi le trajet de Joazeiro à Villa Nova ou même à Bahia à dos de mulet malgré la voie ferrée. Mais il s'agit de convois d'animaux que l'on amène des centres d'élevage de l'intérieur, vers » 193 « Bahia pour être utilisés dans la région et que l'on préfère ne pas faire voyager à vide. La zone de Jéquié se trouve dans d'autres conditions. La voie ferrée de Sâo Félix à Machado Portella (Estrada de Ferro central da Bahia) pour laquelle on doit incessamment commencer l'exécution de travaux de prolongation, traverse une région où les Manihot dichotoma de la catinga ont été presque tous détruits par des saignées irraisonnées. Des particuliers ont établi leurs plantations à proximité de la voie : ainsi, les plantations de Tambury, la plantation Lafayette, de Machado Portella. Mais la route qui mène de Tambury à Maracas, longue de 10 lieues et qui n'est pas carrossable, voit s'échelonner sur sa longueur diverses plantations. Les environs de Maracas en présentent d'autres, et si, de cette ville, on se dirige vers le sud, Calderâo, Porto Alegre, le Rio de Contas en possèdent aussi pour lesquelles les communications sont encore plus longues et plus difficiles dans un pays très accidenté. Les convois de marchandises mettent près de deux jours et demi pour parcourir les 1 1 lieues (66 kilomètres) séparant Maracas de Machado Portella : sur cette distance le transport d'une charge (120 à 160 kilos, suivant la mar- chandise) coûte environ 4 $000. La ligne ferrée actuelle paraît, ici encore, suffire au trafic des marchandises de la région, car elle n'est pas encombrée ; on pourrait cependant souhaiter voir réduire le tarif appliqué aux instruments, machines et tout matériel agricole, tarif qui, actuellement trop élevé, entrave l'essor d'une exploitation plus perfectionnée et plus rationnelle, au moins dans les environs mêmes de la voie ferrée. Dans la région de Maracas les difficultés et le coût du transport de machines sur des voies accidentées sont presque prohibitifs, et les installations, que nous avons vues dans les fazendas environnantes, sont faites sur place avec des moyens de fortune (machines à préparer le café, le manioc, etc.). Enfin, on pourrait souhaiter aussi, pour les voyageurs, qu'il s'établisse une entente définitive entre la Compagnie de chemin de fer de Sâo Félix à Machado Portella et la Compagnie Bahiana de Navi- gation, qui fait le service de Bahia à Cachoeira, de façon qu'il y ait con- cordance entre les départs et les arrivées des trains et des bateaux. De Sâo Félix à Bahia, le transport des marchandises s'effectue dans de grandes barques à voile. Il ne paraît pas nécessaire de leur voir substi- tuer des embarcations à vapeur, le trajet étant assez court. ¥• 199 ï Les conditions de main-d'œuvre, autre point essentiel, sont sensi- blement les mêmes dans la région de Maracas et dans celle de Villa Nova. La main-d'œuvre est suffisante pour le développement actuel de la culture, mais, celle-ci s'étendant, il faudra songer à augmenter son abondance : bien des intéressés, dans l'Etat de Bahia, considèrent comme primordial le peuplement de ces régions, l'immigration de colons. Certaines difficultés se rencontrent du reste dès aujourd'hui. Beaucoup de travailleurs de Tambury, Machado Portella, par exemple, trouvent préférable au travail continu et commandé, d'aller à leur gré récolter la gomme dans la catinga. Dans cette région, et jusqu'à Mara- cas, des propriétaires se plaignent de ne pouvoir, de ce fait, avoir une main-d'œuvre régulière sur laquelle ils puissent compter pour l'exploi- tation de leurs propriétés. A Villa Nova au contraire, où, il est vrai, on ne trouve que peu d'arbres spontanés, nous avons rencontré des travail- leurs recherchant de préférence un emploi régulier et continu. Ils tra- vaillent cinq jours par semaine, (repos le samedi et le dimanche) et reçoi- vent 6$000 de salaire, soit 1 $200 par jour, comme à Maracas. Mais une difficulté se présente alors : peu de planteurs peuvent occuper leurs ouvriers toute l'année parce qu'ils ne font que la culture du Maniçoba, laquelle n'exige de travail qu'une partie de l'année : pendant la période de saignée et le nettoyage de la plantation. Le moyen de régulariser le travail, d'attacher à une exploitation, en nombre suffisant, des ouvriers sur qui l'on puisse toujours compter avec un salaire normal, serait de pratiquer des cultures diverses dont les travaux s'échelonnent tout le long de l'année, et cela est possible. Au point de vue de l'exploitation des Maniçobas cultivés, il peut être intéressant de signaler que le directeur de la plantation Lafayette, à Machado Portella, trouve préférable de faire pratiquer la saignée de ses arbres par des jeunes gens de quinze à seize ans, dont il fait l'éducation spéciale. Il ne nous a pas donné les raisons de cette façon de procéder. Peut-être des hommes agiles, souples, légers lui sont-ils nécessaires, puisqu'ils montent dans l'arbre pour pratiquer des incisions sur les grosses branches. Dans les cultures de Maniçoba l'emploi de machines agricoles pour- rait, en lieu convenable, donner des résultats intéressants et provoquer une économie sensible. Il faut évidemment rejeter l'emploi de toute machine de ce genre (charrues, faucheuses) dans les régions très acci- ® 2C0 « dentées comme les environs de Maracas, Caldeirâo, etc. Par contre, dans les plantations établies en terrain plat comme beaucoup de celles de Tambury, Machado Portella, Villa Nova, qui sont en général au pied des serras, la préparation du terrain ne devrait pas se faire à la main, mais à la charrue ; le nettoyage du sol après plantation pourrait, dans les premières années au moins, s'opérer à la machine. 11 y a là de sensibles économies à réaliser et c'est pourquoi la multiplication des instruments agricoles devrait être encouragée non seulement par la suppression de droits d'entrée, mais par la diminution des tarifs de transport trop élevés. Il faut noter une autre lacune regrettable dans toute la région à caoutchouc de l'Etat de Bahia ; l'absence d'agronomes compétents et la rareté de moniteurs capables de donner les directions et de présider à l'exécution des travaux qui doivent faire progresser l'agriculture en géné- ral et la culture du Manihot à caoutchouc, en particulier. On peut espé- rer que la création d'une Station expérimentale fédérale portera remède à cette situation sans laquelle les progrès de l'agriculture bahianaise seront fort longs. Si, avec les progrès de la culture, il devient nécessaire de donner plus d'activité au trafic par voie ferrée et d'accroître la quantité de main- d'œuvre, il est non moins essentiel d'améliorer les procédés actuels d'exploitation. La façon dont sont traités les Maniçobas de la catinga est tout à fait fâcheuse ; uniquement préoccupés d'un gros bénéfice immédiat, les Bahianais, aussi bien dans la région de Jéquié qu'aux environs de Tam- bury, tirent des arbres qu'ils rencontrent tout ce qu'ils peuvent donner. Ceux-ci ne tardent pas à mourir et les peuplements naturels disparais- sent avec rapidité. Cet état de choses aura pour unique avantage de ramener au travail régulier et continu, à la culture sur la plantation, tous ces hommes qui, actuellement, se contentent d'aller de temps à autre dans la catinga, récolter le produit qui les fait vivre. La situation s'amé- liorerait donc au point de vue main-d'œuvre. Mais ce faible avantage ne peut être comparé à la diminution de richesse naturelle ainsi provo- quée. On pourrait proposer une réglementation: mais comment assurer sur ces étendues immenses, l'observation de règlements? L'entreprise semble irréalisable. 11 est meilleur, comme le prévoit le décret n° 2543 A du 5 janvier 1912, d'encourager par des primes les habitants des zones à Maniçoba à reconstituer les peuplements naturels. Nous avons pu voir «i 201 « avec quelle facilité les graines de Maniçoba, notamment pour le Jéquié, germent spontanément et donnent de jeunes plants. Il faut d'abord pro- téger ces jeunes arbres tant qu'ils ne seront pas exploitables, et ensuite préconiser, sur des surfaces plus ou moins étendues, l'incendie de la brousse et le semis à la volée des graines de Manihot ; le travail serait minime et ne dépasserait guère les limites de l'effort qu'un travailleur de la catinga peut consentir. Il serait ainsi possible, croyons-nous, d'en- rayer le dépeuplement progressif de la forêt en Maniçobas. Il y aurait peut-être cependant un autre moyen, sans avoir recours à une réglementation inappliclable en pratique, de frapper l'exploitation abusive des arbres naturels : imposer des droits ou des amendes élevées à la gomme mal préparée et fraudée. Ces paysans bahianais, qui se con- tentent de saigner à mort les arbres, ne se donnent pas la peine de pré- parer proprement la gomme ; souvent même ils y ajoutent de la terre, des pierres, des débris de toutes sortes. On peut donc admettre que tout ce caoutchouc très impur qui arrive à Bahia (il contient jusqu'à 60 et 65 % de matières étrangères) est de production forestière abusive et néfaste. D'autre part, l'impureté d'un produit, présenté à l'acheteur aussi malpropre qu'une grande partie de la gomme achetée à Bahia, lui donne, sur les grands marchés du monde une mauvaise réputation. Lorsque les particuliers, qui font l'achat sur place ne peuvent s'entendre pour réprimer pareilles pratiques (mauvaise préparation et fraudes) il semble que des mesures gouvernementales devraient intervenir efficace- ment ; et nous pouvons citer à cet égard un exemple typique. La Guinée française exporte depuis longtemps du caoutchouc d'une certaine valeur, entièrement de production indigène. Vers 1905, les naturels du pays avaient trouvé plus avantageux de mettre au centre de leurs boules, une pierre plus ou moins grosse ou de la terre. Les acheteurs furent ainsi trompés pendant quelque temps ; puis la valeur de la gomme et sa répu- tation baissèrent considérablement sur le marché. Le Gouvernement de la colonie, pour ne pas voir déprécier complètement une de ses ressources importantes, prit des mesures rigoureuses ; à la douane, chaque boule était ouverte ; toute gomme fraudée valait à celui qui la possédait et cher- chait à la vendre une série de difficultés dont la première était l'impos- sibilité de s'en défaire. L'effet fut très rapide, et en quelques mois la fraude disparut. Il nous semble que pour relever la qualité de la gomme de Maniçoba de cueillette, le Gouvernement pourrait prendre des mesu- ® 202 « res analogues. Par exemple au-dessus d'un certain degré d'impuretés on majorerait les droits de sortie et lorsque la teneur en matières étran- gères atteindrait une valeur telle que la fraude serait certaine, frapper l'exportateur d'une amende assez forte pour que le commerce de ce pro- duit, non seulement ne lui laisse aucun bénéfice, mais lui coûte de l'ar- gent. Ce contrôle, nous ne le croyons actuellement possible qu'au port d'exportation. Les mesures que nous proposons devraient avoir pour résultat : I °, de donner sur le marché beaucoup plus d'estime au caoutchouc de Maniçoba, de Bahia et Piauhy ; 2° , d'empêcher les paysans, qui ne trou- veraient plus d'acheteurs pour leur produit fraudé ou mal préparé, pro- venant d'arbres maltraités, de continuer leurs déplorables pratiques et Nur. peut-être même de les amener à la culture. La culture des Maniçobas et la production de gomme de plantation doivent encore voir se produire bien des améliorations, pour atteindre les résultats qu'on est en droit d'attendre d'une exploitation méthodique et raisonnée. La question, au point de vue technique, a déjà été traitée de façon détaillée dans les chapitres précédents de ce rapport, et nous n'y reviendrons que succinctement. La culture rationnelle du Maniçoba est à instituer complètement, depuis l'établissement de la plantation. La sélection des types culturaux qu'il faudra adopter, ne semble même pas soupçonnée, alors qu'elle est d'importance primordiale pour l'avenir de cette culture. Il y a enfin toute une série d'études qui doivent constituer le programme d'une station expérimentale et dont l'exposé sort du cadre de ce travail. L'exploitation des arbres doit également faire l'objet d'études méthodiques et suivies pour obtenir les meilleurs rendements sans les fatiguer. Il faut, par des recherches comparatives, arriver à déterminer un procédé de saignée fournissant de bons résultats au point de vue du rendement (notamment donnant peu de sernamby) de la main-d'œuvre (procédé facile et rapide) et sauvegardant les arbres contre les consé- quences des blessures. C'est là un problème de grande importance exi- geant des études suivies. Enfin, la préparation du caoutchouc doit se faire avec plus de soins. II faut se décider à abandonner la coagulation faite dans un trou creusé en terre (pratiquée surtout pour le Maniçoba de Piauhy). La gomme est toujours souillée et beaucoup plus impure que celle des godets. L'em- ®> 203 S ploi de godets oblige à ne plus effectuer la saignée au collet, mais comme c'est une pratique condamnable, il n'y a que des avantages à cela. Il faudra donc récolter le latex dans des godets et aussi proprement que possible. Nous serions d'avis d'effectuer la coagulation à la jactory, soit par un procédé artificiel qui est à étudier, soit spontanément. Mais dans tous les cas, il faudrait filtrer le latex avant sa coagulation pour avoir une gomme plus pure. Cela nous amène à parler des mesures administratives déjà prévues par les décrets n° 2543 A du 5 janvier 1912 et n° 9521 du 1 7 avril 1912. Ces décrets prévoient des primes à la plantation des essences caoutchou- tifères, primes dont l'importance varie avec la surface cultivée. Très jus- tement un minimum de pieds de Maniçobas est fixé à l'hectare. Mais il faudrait faire, pour ce miminum, des différences entre les divers mani- çobas. Si le minimum de 400 pieds à l'hectare est normal pour le Mani- hot Glaziowii (Cearâ), il faudrait l'amener à 600 pour le M. dichotoma (Jéquié), à 800 pour le M. heptaphylla (Sâo Francisco) et à 1 .000 pour le M. piauhyensis (Piauhy), la distance entre les plants ne devant pas être la même pour des arbres qui, adultes, n'atteignent pas le même déve- loppement. Il reste à examiner la question de l'épuration de la gomme, question qui s'est posée dans tous les centres producteurs de caoutchouc de plan- tation, qui a été très controversée, et qui reçoit, suivant les auteurs, une réponse différente. Beaucoup de planteurs et d'agronomes d'Indo-Malai- sie sont opposés au lavage de la gomme sur place. Ils donnent pour rai- son que quelque bien faite que soit cette épuration, la gomme doit tou- jours subir un lavage à la manufacture qui la travaille. Dès lors, pour- quoi faire une dépense de main-d'œuvre et de matériel, traiter mécani- quement une fois de plus un produit qui gagne à subir le moins possible de manipulations? C'est qu'en effet, le caoutchouc des plantations d'Extrême-Orient, préparé avec soin, est suffisamment propre pour que les impuretés qu'il contient gênent peu. Mais il n'en est pas de même dans toutes les régions productrices de caoutchouc. Nous voyons, par exemple, que dans l'Afrique Orientale allemande, on épure la gomme produite par le Manïhot Glaziowii, tantôt sur la plantation, tantôt dans des usines comme celles de Tanga et de Muheja. La maison BORIS frères (Etat de Cearâ) a une installation dans ce même but. Enfin, dans l'Etat de Bahia nous avons visité la seule installation de ce genre actuel- ® 204 ® lement en fonctionnement, celle de la plantation Lafayette, près de Machado-Portella, où sont épurées et transformées en crêpes non seule- ment les chapas, produites sur la plantation, mais la production achetée aux indigènes. Rien de semblable ne fonctionne à Villa Nova. A con- dition que l'on n'emploie pas, pour l'épuration, des machines qui enlè- vent au caoutchouc de Maniçoba les qualités qui le font rechercher par les industriels, nous croyons, dans l'état actuel des choses, cette pratique profitable à la réputation de la gomme de Bahia. Et cela parce que les impuretés en proportion parfois considérable, d'une part augmentent inutilement le poids du produit brut et d'autre part provoquent ou faci- litent l'altération de la gomme qui ne subit jamais aucun traitement anti- septique préalable. Tant qu'on s'en tiendra à la coagulation spontanée, qui nous semble préférable dans les conditions actuelles, le lavage de la gomme passée entre deux cylindres lisses peut être préconisé pour enle- ver les impuretés lourdes (terre, etc.) que l'on rencontre en plus grande abondance dans les chapas coagulées en terre et les poches intérieures plus ou moins remplies de liquide que l'on trouve dans tout caoutchouc coagulé spontanément en terre ou en godets. En somme, la purification de la gomme rend la chapa homogène et diminue les chances d'alté- ration. Pour avoir toute son efficacité, cette épuration doit s'effectuer sur le caoutchouc frais avant séchage. Si on l'effectue sur la gomme déjà sèche, on perd une grande partie du bénéfice de l'opération, car pen- dant la durée du séchage des altérations se produisent, et il ne faut pas perdre de vue que l'humidité est une des conditions qui favorisent le plus ces altérations': le caoutchouc frais est un milieu de culture très favorable pour les micro-organismes (champignons et bactéries). Nous avons déjà dit quelques mots des améliorations qu'il serait nécessaire d'effectuer dans la conduite du séchage de la gomme de Mani- çoba. Pour qu'il se poursuive dans de bonnes conditions, il faut qu'il ne soit pas trop lent, qu'il présente le moins possible de conditions favo- rables au développement des micro-organismes et aucune des conditions qui amènent spontanément une modification physique ou chimique du caoutchouc. Il faut donc une bonne aération, une température plutôt basse et une faible lumière, ou mieux, l'obscurité. L'aération a pour effet de hâter l'évaporation de l'eau en renouvelant l'atmosphère, par conséquent la plus grande surface possible de la chapa doit être en 9 205 « contact avec l'air sans cesse renouvelé: ceci fait rejeter l'entassement des chapas en quelque lieu que ce soit et leur dépôt sur le sol, même en couche simple et en retournant cette couche de temps à autre ; c'est en effet un supplément de travail et un retard dans le séchage. Il faut se servir de supports à claires-voies que chacun pourra choisir ou cons- truire à son gré (toiles métalliques en fer galvanisé, claies en bambou, etc.). On préconise parfois le séchage à 50-60° ; nous croyons préfé- rable le séchage à basse température ; toute élévation un peu forte de celle-ci altère plus ou moins la gomme, et il semble qu'on ne devrait sécher à chaud que dans les régions purement équatoriales, où l'air, même constamment renouvelé, est toujours chargé de vapeur d'eau : l'élévation de température hâte alors l'opération. Enfin, la lumière agis- sant sur le produit frais nuit à la qualité. Si le soleil frappe un certain temps sur la gomme humide, il n'est pas rare de voir le caoutchouc deve- nir poisseux, c'est-à-dire plus ou moins complètement transformé en résine et perdre toute valeur. Ces conditions permettent de déduire le type d'installation qu'il serait désirable de voir établir pour le séchage : pièce vaste, aussi fraîche que possible, abondamment pourvue de gran- des baies pour le renouvellement continuel de l'air; à l'intérieur, claies de bois, de préférence aux toiles métalliques, superposées à distance convenable et toujours protégées des rayons directs du soleil. On pourrait peut-être essayer la pratique en usage dans les Straits Settlements ; le fumage de la gomme coagulée. Les chapas suspendues dans la pièce sont soumises pendant un temps plus ou moins long à des fumées antiseptiques. Le combustible est constitué par des bois divers, aussi secs que possible pour dégager le moins de vapeur d'eau. Mais il faut alors parfaire la dessiccation dans un local spécial, sans crainte des altérations déjà signalées — sauf le poissage au soleil — puisque la sur- face des plaques a été imprégnée de substances antiseptiques. Mais avant de préconiser un tel traitement pour le Maniçoba de Bahia, des essais seraient nécessaires pour déterminer s'il y a intérêt à l'établir. Telles sont les améliorations les plus urgentes ; on voit qu'elles sont suffisantes pour exiger l'effort long et continu nécessaire pour les faire adopter de tous. Pour qu'une exploitation de Maniçoba soit rémunératrice, quelle étendue faut-il lui donner, quelle est l'importance des capitaux néces- saires ? ® 206 & On peut diviser actuellement les plantations de l'Etat de Bahia en deux groupes : 1°. Les petites plantations. — Nous comprenons dans ce groupe celles qui comportent moins de 30 hectares en Maniçoba. Elles sont assez nombreuses autour de Villa Nova où elles donnent lieu à une exploita- tion assez spéciale. Aux portes mêmes de la ville, de petits propriétaires ont planté, parmi leurs autres cultures, quelques hectares en Maniçoba. 11 s'agit surtout du Maniçoba de Piauhy et du Maniçoba du Sâo Fran- cisco. L'exploitation est certes très irrégulière et laisse assez à désirer ; on n'exploite que six mois de l'année ; le nettoyage n'est pas très soigné ; les semis ont été faits dans des conditions plus ou moins défectueuses, en place, sans sélection; les vides qui se produisent fatalement sont comblés par des boutures prises sur des arbres voisins, elles n'ont subi aucune préparation ; la saignée est généralement mal pratiquée et le caoutchouc coagulé dans un trou du sol, souillé de terre et très impur. Au point de vue progrès de l'agriculture, c'est évidemment une méthode d'exploitation très fâcheuse. Mais il faut reconnaître que celle-ci s'effectue avec un minimum de dépenses : frais d'établissement, d'entre- tien, de récolte ne peuvent pas être moins élevés. Les autres cultures de la propriété, qui ont une extension égale ou supérieure, assurent des bénéfices continus et assez réguliers, la production de la gomme n'est donc que très peu sous la dépendance de son cours sur le marché, et si son prix n'était plus rémunérateur, il n'en coûterait guère de suspendre la saignée des arbres. Malgré les défauts de ce système d'exploitation, on ne doit pas le décourager, mais au contraire chercher à l'améliorer sans faire supporter aux propriétaires des charges injustifiées. II est impossible par exemple de préconiser pour ce genre d'exploitation des installations pour préparer et épurer la gomme ; mais il nous semble qu'elles pourraient se contenter de cultiver et de récolter, puis de porter leur récolte à l'installation plus perfectionnée que devront posséder les grandes plantations voisines. Ce sont les seules améliorations possibles pour ces petites plantations, avec l'éducation de l'exploitant pour faire une meilleure culture. 2°. Les moyennes et grandes plantations. — La région naturelle du Maniçoba de Jéquié ne comporte guère qu'une grande plantation de plus » 207 ® de 100 hectares : la plantation Lajayette, près de Machado Portella. Les autres sont des plantations moyennes dont souvent un certain nombre, disséminées et éloignées les unes des autres de plusieurs lieues, appar- tiennent cependant au même propriétaire, qui, alors, est cependant grand planteur de caoutchouc. 11 s'en trouve aussi plusieurs ayant plus de 100 hectares d'un seul tenant aux environs de Villa Nova. Les méthodes d'exploitation sont encore ici à perfectionner. Quant aux ren- dements ils varient évidemment avec le Maniçoba qui a été planté. Si nous prenons comme type la plantation Boa Esperança de MM. HlRSCH, HESS et ClE, près de Villa Nova, nous voyons que pour 1 20 hectares (non entièrement en rapport) plantés en Piauhy (prédominant) et en Sâo Francisco, elle a donné en 1911, 6.000 kilogr. de gomme pour des arbres de quatre à six ans. Nous négligeons les surfaces plantées en Jéquié qui avaient été à peine saignés. L'exploitation de cette propriété exige 20 ou- vriers fournissant un travail continu toute l'année au tarif que nous avons déjà indiqué (1 $200 par jour) et, en période de saignée, 16 auxiliaires leur sont adjoints. 11 est évident que la petite plantation familiale ne peut convenir qu'aux habitants du pays, ne disposant pas de capitaux. Des entreprises pourvues de capitaux ne devraient pas planter moins de 200 hectares en Maniçoba de Piauhy, à 1 .800 pieds par hectare. Il faudrait y adjoindre d'autres cultures occupant le personnel toute l'année. Ces cul- tures pourraient s'effectuer dans les zones de la plantation — il y en a toujours — telles que creux, dépressions, etc., dont le sol est trop frais pour le Maniçoba de Piauhy. Si on tient absolument à y planter un Mani- çoba, on s'adressera au Maniçoba du Cearâ. Les capitaux nécessaires à l'exploitation des Maniçobas de Bahia ne sont pas considérables compa- rés à ceux exigés par l'exploitation d'autres essences à caoutchouc. Le colonel JOAQUIM ANGELO DE SOUZA, un des plus importants planteurs de Villa Nova, estime qu'une plantation de 50 hectares de Maniçoba de Piauhy comprenant 88.000 pieds coûterait, tous frais compris (terrain, défrichement, bâtiments, clôture, plantation, nettoyage, entretien, des- truction des fourmis, administration, outillage, impôts, intérêt à 8 %, etc.), jusqu'à la fin de la septième année, environ 50.000 fr. et produi- rait pendant le même temps, par la vente de la gomme, environ 80.000 fr. Les grandes plantations, outre les améliorations culturales à réaliser, devraient posséder une usine pour la préparation du caoutchouc 9 208 212 « Pendant l'année commerciale 1910-1 1, les exportations du Caucho de l'Amazone se sont élevées à 7.318 tonnes, sur une production totale de 37.637 tonnes de caoutchouc, soit environ 20 %, provenant en grande partie du bassin supérieur du Xingù, du Tocantins, du Tapajoz, du Purûs, du Juruâ et du Javary. Dans l'estuaire de l'Amazone, dans la région des lies et la zone comprise entre le Tocantins et le littoral, enfin vers les Guyanes, l'exis- tence du Caucho n'a pas été signalée. Le Castiîloa Ulei est un bel arbre de 20 mètres et plus de hauteur, dont le tronc peut atteindre jusqu'à 1m80 de diamètre. Vers la base, ce tronc présente des élargissements en contreforts appelés arcabas, sapu- pemas ou aletas, selon les localités. L'écorce, assez lisse et régulière, est de teinte brune, mais peut être différemment colorée par le dévelop- pement de lichens à sa surface, ainsi qu'il a été observé chez l'Hevèa. La ramification du Castiîloa est assez curieuse : pendant les pre- mières années, la tige du jeune arbre ne donne naissance qu'à des rameaux caducs, d'aspect retombant, de 2 à 3 mètres de longueur au maximum, qui perdent successivement leurs feuilles et disparaissent après une existence de trois ans. Ces rameaux, qui apparaissent égale- ment sur les branches principales sont les seuls qui soient fertiles. Jusque vers la quatrième ou la cinquième année, le Caucho ne porte que des branches de cette nature, puis apparaissent les branches normales et persistantes qui constitueront la couronne de l'arbre. Les feuilles, de dimensions très variables, mesurent de 20 à 40 cen- timètres de longueur et 10 à 16 centimètres de largeur; suivant l'âge des arbres et les conditions climatériques, elles sont oblongues-ovales, velues sur les deux faces, dentées-ciliées sur les bords. Inflorescences mâles et femelles sur le même individu (monoïque), mais distinctes : les pre- mières réunies par groupes, les secondes isolées et composées de 50 à 60 fleurs à ovaire unicolore. Les fruits sont des akènes de la grosseur d'un pois, contenant une graine brune, de courte durée germinative. Dans ses stations naturelles, le Castiîloa Ulei voisine fréquemment avec l'Hevea (Xingû) ; toutefois, il est davantage adapté aux régions des terres hautes, à climat moins humide, par conséquent plus sain. On le trouve en de nombreuses localités situés de 200 à 500 mètres d'altitude, où la température moyenne oscille aux environs de 27 à 28° centigr. et » 213 « la hauteur des pluies entre 2 à 4 mètres, avec une période sèche qui provoque la chute des feuilles en août-septembre. Le système laticifère du Castilloa diffère de celui de l'Hevea et du Maniçoba. Au lieu des vaisseaux du type articulé, dérivant de rangées verticales de cellules dont les parois médianes se sont plus ou moins résorbées, que l'on trouve chez l'Hevea et les Maniçobas, ce sont des tubes continus, se ramifiant et s'étendant constamment à travers les organes de la plante, qui s'observent chez le Castilloa. Il en résulte, au point de vue pratique, que la surface d'écorce drainée par une même incision sera plus grande sur l'arbre à caucho que chez l'Hevea ou le Maniçoba. Une autre remarque également intéressante, faite par WEBER, dans le Centre- Amérique, montre que les canaux laticifères du Castilloa n'ont qu'une faible intercommunication entre eux et s'anastomosent à peine. Cette constatation tendrait à indiquer qu'une méthode de saignée procé- dant par incisions verticales serait mal adaptée au Castilloa puisqu'elle ne fournirait qu'une faible exsudation comparativement à une incision oblique ou horizontale. Le latex de caucho est de nature plus ou moins fluide selon l'âge des arbres, le milieu où ils végètent, la température, la saison et vraisem- blablement aussi l'espèce considérée. En saison pluvieuse, ce latex est généralement très liquide et moins riche en caoutchouc ; mais dans des conditions normales et pour des arbres adultes, sa teneur moyenne est voisine de 30 % . On sait que le latex de Castilloa a la particularité de se colorer en brun après une faible exposition à l'air et de produire ainsi, si on n'y prend garde, un caoutchouc noir bien connu sur le marché ; on a attribué cette modification à la présence d'une oxydase dans le latex de cette espèce. EXPLOITATION. — Dans la région amazonienne, le Castilloa est exploité par un personnel nomade, opérant, soit par groupes organisés en expédition, sous la conduite d'un patron, soit par individu, simple- ment aidé d'un gamin. Si la plupart des peuplements qui existaient dans les localités facilement accessibles (Madeira, Rio Branco de Obidos, etc.) ont en grande partie disparu, il existe encore de vastes et riches cauchaes dans certains affluents de l'Amazone, tels que le Haut-Xingù et le Haut- Tapajoz où l'exploitation a été moins intense en raison des difficultés de transport dues aux chutes qui parsèment le cours de ces rivières. 214 Le matériel du caucheiro est peu coûteux : deux sabres d'abatis, deux haches, quelques douzaines de calebasses et de tigelinhas, quelques seaux ou bidons à pétrole vides, un solide petit baril, une bassine en fer-blanc et environ 50 kilogr. de savon ordinaire. Il complète ce maté- riel d'un rifle et de quelques vivres et provisions. Le caucheiro recherche les arbres dont le diamètre excède 30 ou 40 centimètres et les traite de la façon suivante, après avoir débroussé un rayon suffisant dans leur voisinage et préparé un emplacement pour la chute. Des incisions obliques profondes sont pratiquées à l'aide du sabre d'abatis sur la partie inférieure du tronc, jusqu'à hauteur accessible, ainsi que sur les arcabas. Le latex qui s'écoule en abondance de ces bles- sures est recueilli dans des tigelinhas en fer, maintenues en place pen- dant une demi-heure environ. Fig. 105. ARBRE A " CAUCHO " (Castilloa) Saignée avant l'abatage. L arbre est ensuite abattu à la hache, sans perte de temps, puis exploité par incisions circulaires, répétées à des distances de 1 mètre 9 215 <& environ sur toute la longueur du tronc et des grosses branches. On réu- nit le latex récolté au moyen de calebasses dans la bassine en fer-blanc ou dans une simple fosse rectangulaire creusée en terre argileuse et dont les parois sont rendues plus étanches par un lissage à la main. Le savon est écrasé et délayé dans une faible quantité d'eau, à raison de 100 gram- mes environ par 4 litres de latex, puis cette bouillie versée lentement dans la bacia, tout en brassant la masse qui, en peu de temps, prend un aspect spongieux et plus ou moins solide. Le coagulum ainsi obtenu est déposé dans le baril et foulé fortement avec les pieds pendant que des coups de sabre d'abatis sont donnés dans la masse pour favoriser l'expression du liquide qu'elle renferme toujours en assez grande quan- tité. Le caoutchouc forme ensuite une bolacha qui est mise à sécher à l'ombre. Il arrive malheureusement que la préparation du caucho est prati- quée beaucoup plus grossièrement. Dans le Xingû, par exemple, le latex est abandonné à l'air libre, dans une fosse où il se coagule par évapora- tion ; il arrive même qu'il fait l'objet de manoeuvres frauduleuses du cau- cheiro. On obtient alors des pranchas de 60 kilogr. au moins d'un produit très inférieur, mal séché, et renfermant jusqu'à 40 % d'impuretés. Dans certaines localités, on hâte la coagulation en exprimant dans le latex une certaine quantité du suc d'un Ipomœa indigène, très abondant en quelques régions. Un arbre de 2 mètres de circonférence donne en moyenne 25 litres de latex, fournissant environ 8 à 10 kilogr. de caucho marchand. C'est là un rendement à peu près moyen qui est fréquemment dépassé pour des exemplaires de fortes dimensions ; il n'est pas rare d'extraire 1 5 et 20 kil. de caoutchouc d'un Castilloa en forêt. Indépendamment de ce caucho, en général préparé dans ces conditions défectueuses, on récolte toujours une proportion assez importante de sernamby provenant des incisions du tronc ; cette sorte de caucho recueillie sur les écorces et sur le sol est de qualité supérieure à la qualité ordinaire des pranchas et même des bola- chas. Le sernamby de caucho est à la fois plus sec et moins poisseux que le caucho proprement dit. L'exploitation du Castilloa par abatage a été critiquée par plusieurs auteurs qui considèrent comme parfaitement inutile le sacrifice des arbres et conseillent l'adoption d'un procédé de saignée qui sauvegarde- rait les peuplements. Ce raisonnement soulève de grosses objections qui, # 216 ® à notre point de vue, le rendent inapplicable dans la pratique : 1 ° , la dis- sémination des peuplements et leur éloignement des points de grande navigation fluviale; 2°, la difficulté d'établir, sur les centres de produc- tion, un contrôle efficace du personnel; 3°, les conséquences, souvent fatales pour les arbres en forêt, qui résultent des blessures un peu sévères ; les incisions se cicatrisent lentement et sont fréquemment envahies par des insectes taraudeurs ou des germes de maladies qui diminuent considérablement la valeur du Castilloa pour de futures exploitations, lorsqu'ils ne le détruisent pas en quelques mois; 4°, le rendement assez maigre du Castilloa soumis aux saignées rationnelles. En supposant même qu'un Castilloa en forêt puisse fournir annuellement 1 kilogr. de caoutchouc pendant dix années successives, rien ne démontre que, au point de vue économique, il ne soit pas préférable de récolter en une seule fois les 10 kilogr. de caoutchouc, en sacrifiant l'arbre, surtout si on considère l'évolution actuelle qui s'observe dans les différents centres de production du caoutchouc. Il y aurait lieu également de tenir compte de la facilité avec laquelle le Castilloa émet spontanément des rejets qui, en l'espace de dix ans, arriveraient sans doute en état d'exploitation. Si séduisante que puisse donc apparaître la conception d'une exploi- tation des cauchaes par saignée méthodique et conservation des peuple- ments, nous ne croyons pas qu'il y ait intérêt à transformer aussi radica- lement la pratique actuelle des caucheiros. C'est, d'ailleurs, ce que tend à confirmer l'expérience acquise avec les autres Castilloa exploités en Amérique Centrale et dans le Golfe du Mexique, malgré les avantages d'un climat plus sec; on pourrait également invoquer l'exemple du Fun- tumia et des lianes d'Afrique que toutes les mesures administratives n'ont pu préserver et pour l'exploitation desquels on autorise aujourd'hui l'abatage et la coupe. Les améliorations à introduire dans l'industrie du caucho amazonien doivent essentiellement porter sur la coagulation et la préparation d'un produit de meilleure qualité et d'une plus grande pureté. On arriverait à des résultats pratiques et immédiats, en interdisant rigoureusement la fraude par l'application d'amendes sévères au caoutchouc renfermant une proportion trop élevée de matières étrangères. Le latex devrait être récolté et manipulé dans des récipients en bon état de propreté, il serait soigneusement filtré avant d'être coagulé par un procédé à étudier et à vulgariser dans les différents centres de production. Le caoutchouc serait » 217 ffl ensuite séché dans un local ombragé, ventilé et sec, puis emballé et transporté dans des conditions qui ne puissent altérer sa valeur. CULTURE DU CASTILLOA. — Vers 1900, le Castilloa était considéré par de nombreux planteurs comme une espèce de grand avenir cultural, en raison de la croissance rapide de l'arbre pendant les premières années et des rendements absolument fantaisistes prédits par certains spécula- teurs. Depuis, la coûteuse expérience faite au Mexique a montré que la plantation du Castilloa exigeait des conditions particulièrement favora- bles pour rémunérer une entreprise et que, dans tous les cas, on avait considérablement exagéré la valeur culturale de cette essence. Un grand nombre des entreprises organisées à grand tapage dans l'isthme de Tehuantepec ont dû être abandonnées à la suite des résultats négatifs obtenus à la cinquième ou sixième année. Seules, quelques exploitations mieux organisées et dirigées avec plus de compétence, telle que celle de Zacualpa ont surmonté les difficultés et présentent aujourd'hui une situa- tion assez satisfaisante. D'autres entreprises, peu nombreuses, ont été tentées dans le Centre- Amérique, au Guatemala, au Panama, au Honduras, au Costa-Rica, au Venezuela, en Colombie ; mais on est mal renseigné sur leur sort. A Java, on a planté environ 400.000 Castilloa, mais le mouvement en faveur de cet arbre s'est considérablement ralenti aujourd'hui et c'est à peine si 20.000 pieds ont été mis en place en 1911. En Nouvelle-Guinée et à Samoa, le succès du Castilloa est loin d'être démontré ; on accorde maintenant la préférence à l'Hevêa. Quel- ques tentatives faites en Afrique Occidentale et en Afrique Orientale ont été négatives ou peu encourageantes. Enfin, aux Antilles anglaises, y compris Trinidad et Tobago où exis- tent des plantations assez nombreuses, la culture du Castilloa n'est pas sortie de son stade expérimental. 11 est douteux, croyons-nous, qu'elle y prenne jamais un grand développement, en dépit des résultats opti- mistes publiés à la suite de quelques saignées et insuffisants pour autoriser des conclusions absolues. On ne possède, d'ailleurs, que des données incomplètes sur les méthodes les plus rationnelles de culture et d'exploitation du Castilloa. Les différentes espèces du genre, signalées depuis peu en Amérique Centrale, sont loin de posséder la même valeur caoutchoutifère et les 218 mêmes aptitudes culturales ; de nouvelles recherches s'imposent pour renseigner clairement les planteurs sur le choix du meilleur type à adop- ter dans sa localité. Les plants de Castilloa sont généralement élevés de semis en pépi- nière et mis en place à 5 mètres environ d'écartement. A Java, on plante souvent dans des caféières, à une distance de 8 mètres sur 4 mètres. Plu- sieurs auteurs ont conseillé l'emploi du Castilloa comme arbre d'om- brage pour le cacaoyer ; c'est une pratique contre laquelle l'un de nous n'a cessé de s'élever depuis plusieurs années, en raison de la caducité du feuillage du Castilloa et surtout du danger permanent que cet arbre fait courir au cacaoyer au point de vue de la dissémination de certains insectes, de thrips en particulier et d'une maladie des racines. La mise en place s'effectue vers la fin de la saison sèche, avec des plants suffisamments aoûtés sur la moitié de la longueur de la tige et dont on a rabattu l'extrémité du pivot et de la tige, à la façon des stumps d'Hevëas. L'exploitation n'est guère profitable avant la sixième année, dans de bonnes conditions de sol et de climat. On saigne les arbres deux ou trois fois par an, soit par la méthode en arête de poisson, 3 ou 4 inci- sions latérales, ainsi qu'on pratique sur plusieurs plantations mexicaines, soit par incisions horizontales de 8 centimètres de longueur, en trois séries verticales annuelles (30 incisions sur 4 mètres de hauteur de tronc) distantes de 2c/m5, soit en V superposés à 20-25 centimètres d'intervalle sur lm80 de hauteur et sur secteur vertical de 1 /4 de la circonférence du tronc. Cette dernière méthode est employée aux Antilles pour les arbres dont le latex coule difficilement. Les incisions obliques de la saignée en arête ou en V sont faites généralement sous une inclinaison à 30°, avec des gouges de divers modèles. La coagulation du latex de Castilloa présente certaines difficultés dues à sa nature particulière ; le sérum prend une coloration brune qui se communique à la masse en voie de coagulation si celle-ci n'est pas immé- diatement séparée. Parmi les procédés de coagulation qui ont été appliqués, seuls ou en combinaison, au latex de Castilloa, indiquons : l'évaporation au bain- marie, l'addition d'eau, l'ébullition, la centrifugation, divers coagulants tels que le suc de divers Ipomœa, le savon, l'alun, le formol et l'acide acétique, etc. Un planteur de la Trinidad a établi en 1910 une machine à » 219 «■ centrifuger le latex qui aurait l'avantage de séparer directement le sérum et de préparer un caoutchouc de nuance claire et d'excellente qualité. Il serait intéressant d'avoir, sur cette machine, l'opinion de planteurs qui en auraient fait usage. Quant au rendement du Castilloa de plantation, il varierait sensible- ment avec les auteurs : REHR OLLSONN SEFFER a indiqué 57 grammes par arbre de sept ans et par an ; sur la plantation de Zacualpa, on serait arrivé à 180 grammes par arbre de plus de six ans ; à Java, on considère qu'un rendement de 180 grammes par arbre de huit à neuf ans, est une forte moyenne ; en Nouvelle-Guinée, on a obtenu 100 à 125 grammes par an sur des pieds de huit ans. Nous sommes d'avis qu'on ne doit pas escompter une production sensiblement supérieure à 1 50 grammes sur une plantation de huit à dix ans. Dans plusieurs pays de plantation, notamment au Mexique et dans le Centre- Amérique, en Nouvelle-Guinée et à Samoa, le Castilloa a beaucoup souffert des attaques de divers coléoptères xylophages, qui pénètrent par les blessures de saignée ; on a signalé également des dégâts importants occasionnés au feuillage par une sorte de Thrips, ainsi qu'un champignon des racines, capable de détruire les arbres en quelques mois. En résumé, la culture du Castilloa n'est pas sans comporter un cer- tain aléa pour les nouvelles entreprises ; mais, en ce qui concerne spécia- lement le Brésil, elle ne présente actuellement qu'un faible intérêt, car les régions qui semblent offrir les meilleures conditions climatériques à l'espèce amazonienne sont précisément celles qui jouissent des moins grandes facilités de transports. CINQUIEME PARTIE MANGABEIRA DESCRIPTION. — Le Mangabeira (Hancornia speciosa, MULL. ARC.) est un petit arbre, de 2 à 4 mètres de hauteur, appartenant à la famille des Apocynées. Son port est ramifié-étalé, d'aspect retombant. Les feuilles opposées, ovales-elliptiques et les fleurs, de couleur blanche, odorantes, sont disposées en panicules terminales. Le fruit est une baie ovoïde, tachetée de rougeâtre, rappelant la forme d'une petite poire et contenant quelques graines allongées, triangulaires; ce fruit (mangaba) se consomme à l'état blet et entre dans la fabrication de conserves assez appréciées au Brésil. CLIMAT. — Sol. — La répartition géographique de cette espèce est considérable ; plusieurs auteurs s'accordent pour lui attribuer une zone s'étendant de l'Amazone et même du sud du Venezuela jusque dans l'Etat de S. Paulo et au Paraguay, vers le sud. Elle ne paraît pas exister sur la partie occidentale du continent Sud- Américain. Suivant la latitude du lieu, le Mangabeira s'observe à des altitudes dépassant parfois 1 .000 mètres dans le centre et le nord du Brésil. 11 affectionne particulièrement les plateaux et les serras ou montagnes des sertâos de Bahia, de Goyaz, Matto Grosso, Minas Geraes, Piauhy et S. Paulo où il végète en petits groupes ou en exemplaires isolés, souvent très distants. Au point de vue végétatif, c'est un arbre à feuillage semi- persistant, fleurissant en octobre et mûrissant ses fruits de décembre à février. Il est rustique et possède une rare endurance aux blessures occa- sionnées par une saignée souvent très violente. Son latex est coloré en rougeâtre par une substance particulière qui existe dans l'écorce. L'ac- croissement de l'espèce est peu rapide, mais sa durée pourrait être con- sidérable si elle n'était abrégée par une exploitation irraisonnée. * 224 92 35. Saignée en arête sur 1/5 de circonférence 93 36. Gabarit de fer-blanc souple pour le traçage des incisions 93 37. Saignée par ponctions (Méthode de VERNET) 94 38. Gouge Vernet 95 39. Couteau VERNET 95 40. Gouge ordinaire (VERNET) 96 41. Reinette de ferreur 96 42. Gouge triangulaire 96 43. « Pricker » BARRYDO 96 43** Gouge BURGESS 97 44. Couteau SCULFER 97 45. Inciseur BARRYDO 97 46. Tigelinha de fer 98 47. Tigelinha d'aluminium 98 48. Tigelinha de porcelaine ou de fer 98 49. Godet en verre ou porcelaine 99 50. Gouttières métalliques pour l'écoulement du latex 99 51. Brouette-chariot pour le transport de l'eau ou du latex 99 52. Passoire métallique pour le latex 105 53. Appareil pour décanter et filtrer le latex (VERNET) 105 54. Récipients pour la coagulation du latex 107 55. Batteries de machines à laver, enfumer et crêper le caoutchouc (Cliché D. BRIDGE). 113 56. Photographies prises en Malaisie (Machines pour traiter le caoutchouc) ..... 113 56 '•"Séchoir pour crêpes de caoutchouc en chambre spéciale 113 57. Embarcation servant pour le transport du caoutchouc dans la région des chutes (Rio Xingû) 129 58. Départ d'un convoi de caoutchouc d'Altamira pour Victoria (Rio Xingû) 129 59. Berthulletia excelsa (Châtaignier du Para) (Route de Forte à Victoria, Rio Xingû). 129 60. Victoria du Xingû. Chargement du caoutchouc 129 61. Bords de l'Amazone aux environs d'Obidos pendant la période des crues. Ferme d'élevage 129 62. Type des bovidés des centres d'élevage de l'île de Marajô 129 63. Parcelle de tabac aux environs de Belem 129 64. Culture du riz sur le Rio Mojû 129 65. Spécimens des fruits des principales variétés de cacaoyers des rives du Bas- Amazone 137 66. Cacaual Impérial. Cacaoyers séculaires du Bas-Amazone 137 67. Cacaual Impérial. Ouverture des Cabosses de cacaoyer 137 68. Cacaual Impérial. Séchoirs à cacao, type de la région de Cametâ 137 69. Station Augusto Monténégro. Bâtiments de la rizerie, planches potagères .... 137 ® 233 # Figures Pag«s 70. Fruits et graines des diverses espèces de Maniçobas 142 A. Manihot Claziowii. B. Manihot dichotoma. C. Manihot piauiiyensis. D. Manihot heptaphylla. E. Manihot Toledi. 71. Manihot dichotoma, système radiculaire 145 72. Fazenda Bôa Esperança, près Villa-Nova. — Manihot piauhyensis : Rasteiro de 18 mois 145 73. Fazenda de Bôa Esperança. Manihot Toledi. Maniçoba de Villa-Nova 145 74. Rameau de Manihot Toledi montrant les feuilles, fleurs et fruits de cette espèce. . 147 75. Fruits mûrs de Manihot Toledi : 1. Rameau fructifère; 2. Coupe longitudinale d'un fruit; 3. Graine ' 148 76. Coupe montrant la disposition des vaisseaux laticifères : C. Cambium, L. Latex. . 149 77. Maniçobas de Jéquié spontanés, entre Caldeirâo et Porto-Alegre ........ 153 78. Dans la Catinga de l'Etat de Bahia. Maniçobas de Jéquié (M. dichotoma) . . . ■ 153 79. Tronc de Maniçoba de Jéquié, montrant les cicatrices produites par la saignée faite suivant la méthode locale 153 80. Gouge-reinette introduite sur les rives du S. Francisco, pour la saignée des Mani- çobas à tronc court 154 80 b's « Lega » pour la saignée au collet et sur racines des Maniçobas de S. Francisco et du Piauhy 155 81. Machado Portella (Bahia). Vue prise dans l'intérieur de la plantation Lafayette. . 169 82. Machines à laver le caoutchouc, installées sur la plantation Lafayette, à Machado Portella (Bahia) 169 83. Plantation de Maniçobas de Jéquié, âgés de 5 ans, sur la route de Tambury à Moraes 169 84. Essai de plantation de Maniçobas du Piauhy, près du Rio Xingû (Para) 169 85. Fazenda du Colonel ANGELO DE SOUZA, près Villa-Nova. Variations dans le port de Maniçobas de S. Francisco, âgés de 2 ans 1/2 169 86. Plantation de Maniçobas de Jéquié de 9 ans, à la Fazenda Lafayette. (Phot. mon- trant les chemins extérieurs destinés à arrêter l'incendie 169 87. Piquetage du terrain pour une plantation de Maniçobas de Cearâ 17' 88. Crcquis montrant l'écartement approximatif à donner au M. du Piauhy, planté régulièrement 175 89. Nettoyage du terrain dans une plantation de Maniçobas 177 90. Machado Portella. Plantation de Maniçobas de Jéquié 177 91. Fazenda Parahy, Villa-Nova (État de Bahia). Plantation de Maniçobas du Piauhy, intercalés de coton du Maranhâo (semis de 6 mois) 177 92. Vue de la plantation de Bôa Esperança à Bomfin (Villa-Nova) 177 93. Modèle de couteau employé dans l'Est Africain pour la saignée du Maniçoba du Cearâ par piqûres sur l'écorce 181 94. Roulette à éperon pour la saignée par piqûres du Maniçoba du Cearâ ...... 181 95. Instrument pour la saignée du Maniçoba du Cearâ (Modèle KELWAY-BAMBER) • . 182 96. Saignée du Maniçoba de Jéquié (Méthode KELWAY-BAMBER) 183 97. Maniçoba de Jéquié, saignée par la méthode ordinaire appliquée indistinctement aux arbres cultivés ou non ... 183 98. Gouge pour la saignée du Maniçoba de Jéquié, modifiée et adoptée par M. GlRD- WOOD à la Fazenda Lafayette 184 0 234 « Figures Pages 99. Fazenda Bôa Esperança. Manihot piauhyensis de 18 mois, après la première saignée 185 100. Sujet bien traité de Manihot piauhyensis, près de Villa-Nova 185 101. Maniçoba de Jéquié saigné suivant la méthode du Piauhy 185 102. Fazenda Bôa Esperança. Excroissances causées par les blessures au cambium sur un pied de Maniçoba de S. Francisco 185 103. Tronc de Maniçoba du Piauhy montrant les effets produits par une saignée mal faite 185 104. Plantation de Maniçobas de Jéquié. — Vue prise au moment de la saignée, peu après une invasion des arbres par une chenille de sphingides 185 105. Arbre à Caucho (Castilloa). Saignée avant l'abatage 214 » 235 INDEX ALPHABETIQUE DES NOMS SCIENTIFIQUES ET VERNACULAIRES Abobreira. Acapû. Albizzia Lebbeck. Astrocaryum Tucuma. Auassû. Balata. Bananier. Barriguda. Bertholletia excelsa. Bleekrodea tonkinensis. Castilloa elastica, CER. Castilloa Ulei, WARB. Casuarina. Cassia mimosoïdes. Caucho. Cereus. Citrus. Cocâ. Cocos coronata. Coelosternus rugicollis. Coffea robusta. Crescentia Cujete. Cumarû (Fève Tonka). Dadap. Dorthidella Ulei. Dyera costulata. Erythrina umbrosa. Eucalyptus. Euphorbia Intisy. Ficus. Formes semitostus. Funtumia elastica. Gingembre. Guayule. Hevea apiculata, MULL. ARG. Hevea benthamiana, MULL. ARG. Hevea brasiliensis, MULL. ARG. Hevea collina. — confusa, HEMSI.. — cuneata, HUB. discolor, MULL. ARG. Duckei, HUB. — guyanensis. — kunthiana, HUB. — lutea, MULL ARG. — minor, HEMSL. — rigidifolia, MULL. ARG. — spruceana, MULL. ARG. Hymenockaete noxia. Ipomea. Inaja. Jebe. Jelutong. Landolphia Tholloni. Mangaba. Mangabeira. Maniçoba de Cearâ. — Jequié. S. Francisco. Remanso. Villa Nova. Manihot Aipi. — dichotoma, ULE. — G/aziozuii.MULL.ARG. Manihot heptaphylla, ULE. — piauhyensis, ULE. — Toledi, Lab. — utilissima. Maximiliana regia. Melocactus. Mimusops sp. Opuntia. Pâo d'arco. Pâo mulato. Pâo preto. Parthenium argentatum. Plumeria drastica. Paxiuba. Raphionacme utilis. Sapium biglandulosum. — Jenmanni. Seringueira amarella. — torrada. — mangue. — barriguda. Spondias lutea. Taperiba. Tephrosia candida. — purpurea. Termes Gestroi. Tropidacres. Tucuma. Uredo Manihotis. Ubussu. Urucuri. Virgem de Columbia. Xyloborus confusus. 1913 SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'IMPRESSION 21, Rue Ganneron, 21 PARIS riew tôt* ttuiiinie.il (_>arden Library QL173.H4ml.32 gen Labroy. O/Culture et exploitation du cao 3 5185 00003 9956 ÏVW