MY EN " = DRE Ro d AS AUS SN à Ace) Re DE LA D L'HYBRIDATION COXSIDÉRÉE ATS AVEC L'HORTICULTURE, L'AGRICULTURE ET LAGSYLVICULTURE CONTENANT praliques d'opérer l’hybridation et de eréer facilement des variétés nouvelles, Par HENRI LECOQ . PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURELLE À LA FACULTÉ DES SCIENCES JARDIN BOTANIQUE DE CLERMONT-FERRAND, OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR RRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE L'INSTITUT D'ÉGYPTE DU MIXISTÈRE DE L'INST.UCTION PUBLIQUE, ETC., ETC: + DEUXIÈME ÉDITION L AVEC 106 GRAVURES age a obtenu la médaille d'or des Dames patronesses du Cercle d'horieulture (aujourd'hui Société impériale et centrae d'hortieulture PARIS IE AGRICOLE. DE LA MAISON RUSTIQUE 26. RUE JACOB, 26 Fe 2 + À C , RUF D FRFURTH, — INP. SIMON RACON FT C* PARIS DE LA FEÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE DES VÉGÉTAUX DE L'HYBRIDATION CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC L'HORTICULTURE, L'AGRICULTURE ET LA SYLVICULTURE CONTENANT Les moyens pratiques d'opérer l'hybridation et de eréer facilement des variétés nouvelles Par HENRI LECOQ PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURELLE À LA FACULTÉ DES SCIENCES DIRFCTEUR DU JARDIN BOTANIQUE DE LLERMONI-FERRAND, OFFICIER DE LA LFGION D'HONNEUR CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, DE L'INSTITUT D'ÉGYPTE DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, ETC. DEUXIÈME ÉDITION AVEC 106 GRAVURES Cet ouvrage à oblenu la médaille d’or des Dames patronnesses du Cercle d'horticulture (aujourd'hui Société impériale et centrale d'hortieulture] PARIS LIBRAIRIE AGRICOLE DE LA MAISON RUSTIQUE 26, RUE JACOR, 96 1869 lous droits réservés Fr A LATTES À vu : taie in “ LATE LASER : HOME Yu: Le D ra ‘> +— 0CT15 19 [INTRODUCTION Nous sommes arrivés à une époque où la culture tend à sorur de la routine, dans laquelle l'ont si longtemps laissée l'ignorance et l’incapacité. Ceux qui se sont voués à la belle profession d’horticulteur ont senti la nécessité d'une instruction solide et variée, qui leur permit de baser leurs travaux sur une pratique éclarée et sur la connaissance exacte des grands phénomènes de la vie végétale. Aussi cette profession devient de plus en plus honorable, à mesure que des hommes plus instruits viennent y appliquer les lumières qu'ils ont reçues d’une bonne éducation. | C'est pour favoriser, autant que je puis le faire, cet élan général et ce progrès réel de la science des jardins, que je publie aujourd'hui mes observations sur la fécon- dauon et l'hybridation des plantes. Un essai, je pourrais presque dire une première édition de cet ouvrage, parut en 1527, sous le tre de Recherches sur la reproduction {l vi INTRODUCTION. j des végétaux. Ce travail, présenté et soutenu comme thèse devant une école de Paris, dut subir nécessaire- ment de nombreuses modifications; j'ai dû alors, dans celte thèse, gapprimer la plupart des observations pra- liques, et me contenter d'exposer les géneralités relatives à la fécondation. Depuis lors je n'ai cessé de recueillir des matériaux, J'ai cherché à réunir tous les faits que j'ai pu observer sur cette importante fonction des plantes. La forme, la position, la structure, les rapports des étamines et des pisüils, relativement à l'acte si curieux et si varié de la re production, ont été l'objet de mes études; et je ne crois pas être entré dans une serre ou un jardin, ni avoir fait une promenade à la campagne, sans avoir ajouté quel- ques notions à celles que j'avais déjà acquises. Un travail comme celui que je publie aujourd’hui de- vrailt être le résultat d’une longue pratique et le résumé des tentatives de tous ceux qui se sont occupés de cette partie de l’horticulture. Malheureusement 1l n’a pu en être ainsi. L’hybridation, comme phénomène physiolo- gique, a bien été le sujet de quelques consciencieux et savants mémoires, mais pratiquement peu de personnes l’ont exercée, et encore parmi celles-ci plusieurs ont fait mystère des moyens qu'elles employaient, et surtout des procédés qui leur avaient le mieux réussi. Je dois dire cependant que bien des améliorations se sont opérées depuis que j'ai publié, en 1845, la première édition de ce traité d'hybridation. J'ai lieu de croire que INTRODUCTION, vil ce livre n'a pas été inutile à l'horticulture, et qu'il a pu jusüfier la haute récompense que le cercle d’horticulture de Ja Seine (aujourd’hui réuni à la Société impériale el centrale) lui a décerné, la médaille d’or des dames patro- nesses, comme étant l'ouvrage le plus utile à l'horticulture. Cette seconde édition, que je publie après seize ans d’ob- servations nouvelles, pourra mieux encore guider tous ceux qui aiment les fleurs dans cette voie toujours nou- velle des créations. La fécondation artificielle exige du temps et de la pa- lience; il est donc presque impossible que le même indi- vidu puisse obtenir des résultats positifs sur un grand nombre d'espèces. D'un autre côté, peu de personnes s'occupent de cette partie assez délicate de l'horticulture, sans y avoir un intérèl direct. Les amateurs qui, dispo- sant de leur temps, devraient être les sectateurs les plus zélés de cette pratique, sont arrêtés dans les essais qu’ils voudraient faire par la crainte de mal opérer, quelquefois aussi parce qu'ils regardent cette opération comme plus difficile qu'elle ne l’est réellement. J'ai essayé de diminuer les difficultés qui accom- pagnent l'opération si curieuse de l'hybridation, en dé- crivant les phénomènes physiologiques que présentent les organes sexuels, et en mettant ainsi chacun à même d'opérer à peu près sûrement tous les croisements pos- sibles. En ayant fait moi-même un grand nombre, el ayant d'ailleurs tenté tous les modes praticables, j'ai eru me rendre utile aux horticulteurs en publiant mes obser- vil INTRODUCTION. vations, bien que je reconnaisse toute leur insuffisance. C'est ainsi que J'aurais désiré pouvoir mentionner un plus grand nombre de genres, mais il eût fallu les connaitre autrement que par des descriptions, et même de bonnes figures; il eût fallu les voir pour examiner leurs organes, savoir l'époque de l'épanouissement des fleurs, celle de l’anthèse, étudier enfin sur le vivant la physiologie de la fécondation. Je n'ai pu le faire pour une foule de plantes nouvelles, et j'ai voulu, autant qu'il était en moi, pré- senter un travail pratique, incomplet sans doute, mais contenant le moins d'erreurs possibles, tout en reconnais- sant aussi la difficulté d'arriver à cet état d’infullibilité auquel la science n’a pas le droit de prétendre. Il sera, du reste, assez facile de suppléer à l’absence des détails relatifs à des plantes dont je n'ai pu parler, en se reportant aux genres qui en sont voisins. Souvent le mode de fécondation est le même dans toute une famille, et la description d’une seule plante suffirait pour faire connaître ce phénomène dans le groupe tout entier. Malgré mon regret très-fondé de n'avoir pu me pro- curer plus de matériaux, j'ai dû abandonner une portion de ceux que j'avais recueillis pendant plus de quarante années. J'ai laissé de côté toutes les notes qui n'avaient qu'un intérêt purement scientifique, et je me suis borné à celles qui concernaient les plantes le plus généralement cultivées. Je dois dire cependant que j'ai trouvé peu de documents dans la plupart des recueils qui sont consacrés INTRODUCTION. IX à l'horticulture. Les notes, les mémoires relatifs à l'hv- bridation y sont rares et elair-semés, P’un autre côté, j'ai eu la satisfaction de trouver répétées dans quelques-uns de ees mémoires la plupart des notions que j'avais in- diquées dans ma première édition. C'étaient quelque- fais des observations isolées qui venaient confirmer les miennes, quelquefois des réminiscences des faits que j'avais publiés depuis longtemps. Si J'avais voulu délayer ces notes au lieu de les abréger, étendre mes descriptions au lieu de les restreindre, j'au- rais pu publier deux gros volumes sur le sujet que j'ai essayé de traiter. J'ai préféré tout résumer dans le petit ouvrage que J'offre aujourd'hui à ceux qui s'occupent de la culture des plantes. Je me suis efforcé de le rendre aussi clair que possible, afin que les hommes pratiques ne soient pas effrayés par un étalage inutile de science et d'érudition. L'hybridation touche aux plus hautes ques- tions de physiologie végétale, et j'aurais pu peut-être, si j'avais cherché à les approfondir, ajouter quelques faits et quelques idées théoriques à ceux qui ont été émis sur ce point, par le petit nombre de savants qui s'en sont oc- cupés. J'espère que les horticulteurs, dont le temps est précieux, me sauront gré de ma réserve, J'ai cru que les nombreux amateurs pour lesquels le jardin est le délasse- ment de tous les instants, et qui ne sont pas toujours initiés aux mystères et au langage de la botanique, appré- cleraient aussi mon désir de leur être utile par ma con- eislon, x INTRODUCTION. Quelque restreint que soit un parterre, quelque exigu que puisse être le coin de terre dont un amateur peut dis- poser, que d'expériences utiles et d'essais curieux à tenter, et que de jouissances à obtenir, quand, par une fécondation artificielle, 11 aura doté son jardin, ses amis, son pays même d’une création nouvelle, qui devra le Jour à ses sois, à son intelligence ! Que de plaisirs surtout pour celui qui, s’occupant de plantes de collection, verra naître presque à son gré, et chaque année, des nuances nou- velles, des coloris imprévus; qui verra les corolles grandir, ou les pétales se multiplier à l'infini! La satisfaction ne sera-t-elle pas aussi grande pour celui qui, se vouant à la culture des arbres fruitiers, en perfectionnera les races, obtiendra de nouveaux types, et sera le créateur de fruits inconnus qui, sans atteindre toujours la perfection des anciens, pourront cependant les dépasser aussi, et seront d’ailleurs, dans tous les cas, une conquête pour l’homme, qui souvent préfère le changement à la perfection? L'hybridation ouvre une ère nouvelle au jardin potager; celui qui ne peut cultiver qu'un Chou et un Navet ne peut-il pas espérer de les croiser et de gagner de nouveaux légumes, comme celui qui ne possède qu'une bâche peut créer des espèces remarquables de Melons ou d'Ananas? Si la science des jardins peut tirer un si grand parti de l'hybridation, l'agriculture n’a-t-elle pas aussi le droit de revendiquer sa part de ces végétaux, si utilement modifiés par l’homme? Quoique nous possédions plus de quatre cents variétés de froment, il est possible que nous n'avons INTRODUCTION. XI pas encore le meilleur, et d’ailleurs ne peut-on pas ainsi obtenir des modifications nouvelles, des plantes dont les qualités soient mieux appropriées à tel sol, à tel climat, à telle convenance de celui qui les cultive; et hors des céréales, n'y a-t-1l pas mille perfectionnements à chercher dans les espèces fourragères, les plantes textiles, les oléa- gineuses et toutes celles enfin qui servent à nos besoins, à notre nourriture, où qui alimentent notre industrie ? L'art forestier peut aussi tirer parti de ce levier puis- sant, et changer les arbres comme des végétaux herbacés. Une fécondation arüficielle ne peut-elle modifier les Chênes, les Ormes, les Sapins, les Frênes, ete.? Tous ceux qui aiment la culture, tous ceux qui trouvent du charme dans la contemplation des œuvres du Créateur, ne peuvent-ils pas se rendre utiles, el se procurer de vives jouissances, par des essais d’hybridation? Comme nous l'avons vu, chacun peut agir dans sa sphère, dans son coin, se taire s’il ne réussit pas, ce qui est rare, et S'enor- oueillir, à juste titre, si un gain remarquable est venu couronner ses efforts. Combien d'horticulteurs marchands, surtout en Angle- terre et en Belgique, ont dû leur réputation et leur for- tune à des hybridations opérées avec adresse, intelli- gence, et souvent aussi avec mystère | L'avantage que les étrangers ont eu sur nous tenait uniquement à l'emploi fréquent et raisonné qu'ils ont su faire de la fécondation artificielle. Dans ces contrées où des hommes du plus grand mérite se sont voués au com- XII INTRODUCTION, merce des végétaux, el où un puissant intérêt les | ous- sait à la production de variétés nouvelles et lucratives, il n'est pas étonnant qu'ils aient obtenu des résultats si différents par leur valeur de ceux que le hasard pré- sentait accidentellement à l'incapacité de quelques-uns de leurs collègues. Pourquoi les Français ne réussiraient- ils pas aussi bien? Le climat les favorise, l'instruction ne peut leur manquer, leur amour-propre est un sûr garant de leur succès. Les hybrides sont une preuve de la bonté et de Ja puissance de Dieu, qui permet à l'homme de modifier ses œuvres, en se servant de l'intelligence divine qu'il lui a prêtée pendant sa vie. Il est impossible de suivre les mutations successives d'un végétal, soumis aux in- fluences variées de la culture et de lhybridation, sans être pénétré de reconnaissance pour celui qui semble céder à l’homme une partie de ses droits, et qui l’autorise à soulever un faible coin du voile impénétrable qui cache tous les secrets de la création. Comment se fait-il qu'à notre époque, à Londres, l’une des capitales du monde civilisé, des horticulteurs se soient élevés avec violence, dans une société créée pour étudier spéciale- ment. les mutations ou les changements que peuvent subir les organes des végétaux, contre toute lentative des- tinée à modifier les œuvres du Créateur? Est-ce pré- somption, ignorance où intolérance religieuse, ou plutôt n'est-ce pas absence complète du sens commun chez les membres de la Société morphologique qui, dans cette INTRODUCTION. ‘x circonstance, ont obtenu la majorité, et, la Bible à la main, ont elos les séances d'une réunion qui devait avoir la plus heureuse influence sur la science des champs et des jardins? Si ces zélés sectateurs de la création primitive étaient forcés de se contenter, pour légumes, de la Carotte des champs et des tiges durcies de la Chicorée sauvage, et s'ils étaient condamnés à se rafraîchir avec les fruits du Poirier et du Pommier tels qu'ils sont sortis des mains du Créateur, et qu'ils existent encore dans nos bois, 1ls admettraient sans doute quelque restriction à leur vote ridicule, et reconnaîtraient à l'auteur de la nature le pouvoir de faire le bien, en employant toutefois des intel- ligences supérieures à celle qu'ils ont montrée dans ces pitoyables discussions. L'hybridation est donc un levier d'une puissance in- finie, dont le Créateur à permis à l'homme de disposer pour son plaisir ou son avantage. Îl a donné à celui qui pourra s'en servir avec habileté le moyen de changer la forme du règne végétal, de développer sous diverses in- fluences les organes des plantes, et de les transformer à son gré, pour les adapter à ses besoins, Les hybrides, ou du moins les variations que nous pouvons obtenir, arri- veraient peut-être un jour sur la terre, car pour la nature le temps n'est rien, elle ne se hâte pas; mais l’homme à un grand intérêt à accélérer l'apparition de ces formes nouvelles, car le temps le pousse et l'entraîne avec une incroyable rapidité, Examinons en peu de mots les moyens XIV INTRODUCTION. qu'il doit employer pour arriver, le plus promptement possible dans cette direction, au but qu’il se propose d'at- teindre. Le premier point à obtenir pour faire varier les plantes est d'ébranler leur stabilité, et de faire perdre à un végétal son habitude. Supposons un instant qu’une plante quelconque soït unique, on ne pourra pratiquer l’hybri- dation, si tous les individus sont absolument semblables. Il faudra donc tâcher d'obtenir un changement quel- conque dans cette plante, en semant les graines sous diverses conditions de climat, de température, de terrain, d'humidité, etc. Après plusieurs semis, il arrivera pro- bablement que quelques mdividus auront varié pius ou moins, quelquefois très-légèrement. Pour peu qu'une mutation quelconque se soit opérée, il faudra recueillir la graine sur le pied qui présentera ce changement. La stabilité ou l'habitude étant un peu ébranlée, ces graines donneront sans doute des changements nouveaux. C'est encore sur ces plantes que les semences seront choisies, et ainsi de suite. Il est rare qu'après plusieurs généra- tions on n'ait pas obtenu quelques modifications aux caractères naturels. [ls dépendent alors de phénomènes morphologiques, c'est-à-dire que ce sont des changements de forme naturels sans hybridation. Une fois parvenu à ce point, il faut croiser, hybrider les variétés nouvelles, et d’autres leur succéderont. N'est-ce pas l'histoire si moderne des Dahlia, des Rhododendrum, des Azalea, des Achimenes et d'une foule d’autres genres? INTRODUCTION. xv Si, dès le principe, on a plusieurs espèces voisines capables de s’hybrider, il sera inutile de chercher ou d'attendre des changements morphologiques; le croise- ment les donnera beaucoup plus vite; et, quand une fois des races nouvelles auront apparu, 11 n°y a aucune raison pour qu'en suivant ces mêmes procédés, on ne les mul- tiplie pas indéfiniment; pourvu, toutefois, que nous leur continuions nos soins, car si nous les abandonnons, elles dégénèrent très-promptement, et retournent aux types sauvages dont nous avons pu momentanément ébranler la stabilité, sans pouvoir leur communiquer une habitude nouvelle. Les hybrides se produisent souvent dans la nature; ils sont généralement plus vigoureux que leurs ascendants. Ils donnent des graines ordinairement fertiles et ils se conserveraent, sans aucun doute, s'ils n'étaient pas aban- donnés à eux-mêmes, et si l'habitude des types primitifs ne tendait toujours à reprendre ses droits. La greffe vient alors au secours de l’homme qui veut conserver le résultat de ses patientes recherches. Cette admirable opération est encore une hybridation; c’est le mélange de deux séves et de deux existences, et quoique jusqu’à présent on n'ait considéré pour ainsi dire le sujet que comme le support de la greffe, je ne doute pas qu'il n'ait une grande influence sur le bourgeon qu'on lui confie. Ce serait sortir complétement de mon travail, que d'examiner ces curieuses relations de deux êtres con- XVI ANTRODUCTION. damnés à vivre en commun, d'étudier leurs exigences particulières et les modifications diverses qu'ils peuvent mutuellement s'imprimer : je me contente de les rappeler à l'attention des horticulteurs, et d'engager ceux qui veulent créer et multiplier les espèces et les variétés à semer, hybrider et greffer, et à recommencer successive- ment les mêmes opérations. Ils seront eux-mêmes étonnés des résultats qui viendront progressivement s'offrir à leurs yeux comme récompense digne des efforts qu'ils auront tentés, et de l'intelligence avec laquelle ils auront essayé d'imiter la nature, en s'initiant à l'an de ses mystères les plus profonds. Je répète ici ce que je disais au commencement de cette introduction, je publie un livre très-incomplet, Je laisse de nombreuses lacunes à combler, un nombre infini d’ex- périences à faire. J'ai tâché de réunir en un seul faisceau les connaissances acquises sur ce point; chacun pourra concourir à l'augmenter, et je m'estimerais très-heureux si mes conseils et mon exemple pouvaient répandre des procédés qui permettent à l'homme de former lui-même, dans certaines limites, des êtres nouveaux dont le Créateur, dans sa bonté infinie, n’a pas même gardé le monopole. Je n'ai plus qu'un mot à dire sur cette seconde édition. Pai dû y introduire quelques changements, mais en petit nombre, En revanche, ies additions ont été nombreuses; c'est nn livre presque entièrement neuf par le nombre des faits nouveaux que j'y ai rapportés. Ma première édition, accueillie avec beaucoup de bien- INTRODUCTION. XVII veillance, à reçu dans tous les journaux d'horticulture l'accueil le plus flatteur; mais elle a été vivement eriti- quée dans un rapport fait à la Société impériale et cen- tale par Poiteau et Loiseleur de Longchamps, ce qui n'a pas empêché la Société de lui décerner une mention hono- rable. J'ai dû répondre à des critiques qui, dans ma pensée, pouvaient arrêler les horticulteurs dans la voie qui leur était ouverte depuis longtemps. Mais je n'ai pas cru devoir consigner 1c1 celle réponse, car le temps et les résultats pratiques de l’hybridation ont fait justice des objections qui n'étaient alors adressées. PEAR re “ii DU CU A » us sil rage ANSE AYti n er k Mr. C4 Ne: SAUCES. l el is # 2 Via Gris Lj ‘à k pe « ie és fhesti tue ORDRE DES CHAPITRES Cuaritke À. — Féconpariox NaïukELLE. Des différents modes de fé- condation que l’on observe dans les plantes. . il. :— DE L'ESPÈCE ET DE SES VARIATIONS, . . . . , +. , II. — ÎJE LA FÉCONDATION ARTIFICIELLE; DE L'HYBRIDATION ET DÉS MOYENS. DEYE OPÉRER 2). 25 1-2. Fleurs hermaphrodites. . . . . . . . . Fécondation directe et indirecte, inégalité de dévelop- pement des onganes. . . .". à 2 1, Fleurs monoïques. . . . . . . DANONE ln PS 22 (OU 8 0 Vous Floune polyganens.s 5021 560,1 lune à Chiot des able. 44 6,0 De la couleur des variétés. ; + ,.4 … . . « . . Préparation dentMeie., ds ce 25 ete ie Opérations relatives à la fécondation artificielle. , Castration ou enlèvement des étamimes, . , Pollen: '=- # "E g L dk bit à t PL 1 » Fe a " di sa é ol EXEMPLES DE FORMES DE GRAINS DE POLLEN PL JI Grains ouverts de Cucurbila pepo. Ceorina variabilis Huruh _— 1. ñ cbæa Scandens Cao. Lhiox panieutata Ait N. Perdu lngitanum Des Œrothera biennis LP. feabiosa Caucasiea, Marsh. Pirbes où Goya x polleruques pénétrant dans le lissu du st ymale. ru PTT USE = . . _ ah j LENS due Se TE LA LA £ 2 “dh LEZ Li +. dE Ca : RARE. 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Le pistil, ou organe femelle, offre à sa base l'ovaire qui contient les ovules destinés à former les graines après la f£- condation, et à sa partie supérieure le stigmate qui doit rece- voir le pollen. Les étamines présentent l'anthère qui contient le pollen, dont les fonctions sont de vivifier les ovules en péné- trant dans l'ovaire par le stigmate. Le style souvent placé entre l'ovaire et le stigmate, les filets qui soutiennent presque tou- jours les anthères, semblent destinés les uns et les autres à pla- 1 9 FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. cer les organes qu'ils supportent à la hauteur la plus conve- nable pour que le contact du pollen avec le stigmate puisse avoir lieu. : Le périgone simple ou double entoure les organes sexuels, et sert à les abriter, à les garantir des vents et de la pluie; peut-être aussi, comme le pensait Bernardin de Saint-Pierre, à _ réfléchir de diverses manières la lumière et la chaleur du soleil; Grav. 4. — Fleur de Clerodendron. — 4, calice. — bb, corolle. — ccce, étamines. — d, pistil. il sert aussi à la fécondation, en recevant le pollen et le trans- mettant quelquefois au stigmate. Ainsi tout ce brillant appareil, tout ce luxe de calices, de corolles admirablement nuancées, concourent au même but, à cet acte important qui assure la conservation de l'espèce en multipliant à l'infini les indi- vidus qui la composent. Pour que la fécondation ait lieu, 1l est nécessaire que le pollen se trouve en contact avec le stigmate (grav. 1 et 2). L'enlèvement d'une partie. du stigmate n'empêche pas Grav. 2. — Fleur de sauge. — 4, calice. toujours la fécondation d'a- Ppéorolle. sr de, élamites. 1 pis, soir lieu; maison l'enlève entièrement, les ovules restent mféconds. Plusieurs fois j'ai en- FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. 5 levé le stigmate de la Couronne impériale, du Lis, de la Belle- de-nuit, etc., avant la déhiscence des anthères, et les graines sont restées stériles, tandis qu'en coupant la moitié des styles plumeux des Graminées et particulièrement du Maïs, la fécon- dation avait également lieu, parce que les spongioles pistl- lures, au lieu d’être disposées en tête comme dans le Lis, la Belle-de-nuit, ete., sont situées latéralement sur le style. La nature a employé, pour assurer ce contact, -soit entre organes de la même fleur, soit entre étamines et pistils de fleurs différentes, des moyens qu'on ne peut se lasser d’ad- muirer. Quoique la majeure partie aient été décrits, je les rap- pellerai sommairement pour en faire voir la diversité. Lorsque les étamines et les carpelles sont réunis dans la mème fleur, les étamines placées autour de ces derniers ont leurs anthères situées de manière qu’elles touchent ou avoi- sinent le stigmate. Si ce dernier se trouve placé au-dessus, ses divisions, souvent réfléchies sur les étamines et les fleurs pen- chées, permettent au pollen de s'arrêter sur l'organe femelle. Le stigmate en outre sécrète souvent une humeur visqueuse qui relient les grains du pollen. Ceux-ci ne tardent pas à éclater ; la liqueur et les granules qu'ils renferment pénétrent dans l'ovaire et vont porter la vie aux ovules. Le mode de déhiscence des anthères contribue aussi à assurer le contact du pollen avec le stigmate. Elles s'ouvrent presqué loujours du côté du pisül, et cette déhiscence a souvent lieu subitement ; les anthères s'ouvrent par des pores placés à leur sommet dans les Solanum, à leur base dans les Pyroles, par des valvules dans les Lauriers, les Berberis, l'Épimède des Alpes; elles se fendent longitudinalement dans le Lis, la Tulipe; transversalement dans la Lavande, ete. Outre ces diffé- rents modes de déhiscence, elles affectent encore des mouve- ments très-sensibles qui tendent toujours à diriger le pollen vers le stigmate. Dans le Lis superbe et quelques autres espèces du même genre, les anthères, dès qu'elles commencent à s'ou- vrir, deviennent mobiles sur leurs filets, et s'approchent sensi- n FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. blement du stigmate l’une après l'autre, puis s’en éloignent presque aussitôt qu'elles ont répandu leur pollen sur cet organe. jo Dans la Tulipe, les anthères, fixées latéralement sur leurs filets, deviennent horizontales, et tournent visiblement sur leur pivot à l'époque où elles répandent le pollen. Desfontaines a fait la même observation sur l'Amarillis formosissima et sur plusieurs Pancratium. Les étamines des Rues, du Butome ombellé, viennent suc- cessivement une à une, deux à deux, trois à trois, appliquer leurs anthères contre le stigmate, et s’en éloignent ensuite pour reprendre la place qu'elles occupaient primitivement. Dans les Dictames, les Capucines, les filets se courbent pour rapprocher les anthères du stigmate à l'époque de leur déhis- cence. Dans la Belladone, les étamines d'abord courbées se re- dressent ensuite, et répandent leur pollen quand elles sont à la hauteur du pistil. Dans les Kalmia, les dix étamines ont leurs anthères placées dans des petites fossettes de la corolle, et l'on voit le filet se courber en arc pour retirer l’anthère, à l'époque où elle doit s'ouvrir. Dans la plupart des Renonculacées, les élamines sont serrées contre le pisul, et s'en écartent successivement après leur dé- hiscence, comme si elles étaient devenues inutiles. Dans les Asarum, les filets sont courbés et se redressent deux à deux pour amener les deux anthères vers chaque stigmate, dont le nombre est précisément la moitié de celui des étamines. Dans quelques plantes, telles que les Cistes, l Épine-vinette, on détermine à volonté les mouvements des étamines, en les irritant avec la pointe d'une épingle. Dans l'Ortie divique, le Mürier, ete., les filets sont pliés en are, et maintenus dans cette position par les parois du calice. Lorsque le soleil paraît le matin, le calice s'ouvre, et l'on voit toutes les étamines se redresser tout à coup, et lancer au loin leur pollen. FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. ù Les organes femelles ne présentent pas à l'époque de la fé- condation des mouvements aussi marqués que les étamines; ce- pendant les styles et les stigmates de quelques plantes parais- sent aussi doués d’une certaine irritabilité, comme Desfon- taines l'a fait observer pour les Passiflores, les Épilobes, les Nigelles, les Mimules, le Lis superbe, ete. On observe souvent d'assez grandes disproportions entre la longueur du style et les filets des étamines; et, quoique géné- ralement les fleurs dont le style dépasse les étamines soient penchées, tandis qu'ellés sont droites quand l'inverse a lieu, on trouve pourtant un grand nombre d’exceptions à cette règle. Mais, dans ces exceptions, il arrive que la fécondation s'o- père, soit avant l'épanouissement, soit lorsque la corolle se dé- tache pour tomber. Dans le premier cas, les anthères s'ouvrent avant la fleur, et le contact a eu lieu quand celle-ci s’épanouit : c'est ce que l'on remarque dans les Verbascum, les Campu- nules et la majeure partie des Synanthérées. Dans ces deux der- nières familles, les stigmates, en s’allongeant dans le tube sta- minifère, enlèvent le pollen qui doit féconder leurs ovules ; dans le second cas, la fécondation n’a lieu que lorsque la corolle vient à tomber, et c'est presque toujours dans les fleurs à pétales soudés q'e nous en trouvons des exemples. Le pollen tombe dans le fond de la fleur, et se rassemble dans les poils dont la gorge est garnie, en sorte que le stigmate se trouve nécessaire- ment en contact avec le tube de la corolle quand celle-ci se dé- tache, et souvent même elle est retenue par cet organe, autour duquel elle se dessèche et finit par tomber en l'entrainant dans sa chute. On peut observer ce mode de fécondation sur un grand nombre de Véroniques. Plusieurs plantes, dont les anthères sont extrorses, profitent aussi du secours du périgone. Ainsi dans les Jris, les Aristo- loches, etc., les anthères s'ouvrent en dehors, et le pollen est recueilli sur les parois du périgone, souvent garnies de poils ou d'aspérités ; quand le périgone commence à se flétrir, si le pol- len en séchant n'est pas déjà tombé sur le stigmate, il sy 6 FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. trouve appliqué par les enveloppes florales, qui, dans ces exemples, se dessèchent et se roulent plus ou moins sur elles- mêmes avant de tomber. | Il s’en faut de beaucoup pourtant que la fécondation soit aussi certaine dans les fleurs à anthères extrorses que dans les autres; et nous en avons des preuves dans les Aristoloches, dont une grande partie des fruits avorte ordinairement. Dans un assez grand nombre de plantes, les périgones sont garnis de poils plus ou moins nombreux qui concourent à la fé- condation en recevant le pollen des étamines, et le transmettant au pistil placé sur un des bords, et ordinairement du même côté que les étamines, de manière à en pouvoir recevoir direc- tement le pollen. C'est ce qui a lieu dans presque toutes les fleurs non symétriques des Labiées, des Personnées, etc. Dans les diverses espèces de végétaux que nous venons de citer, le pollen est à l’état pulvérulent, et rien alors ne s'op- pose à la fécondation; mais il en est d’autres où il est plus ou moins épais, quelquefois même solide, et dans ce cas il est plus difficile de voir son contact avec le stigmate. Dans les Asclépiadées, le pollen est en petites masses conte- nues dans les anthères; mais, celles-c1 étant ordinairement ap- pliquées sur’ le stigmate lui-même, rien ne peut s'opposer à la fécondation. Dans le Laurier-rose, le pollen est composé d'une multitude de petits grains agglutinés qui ne sortent pas toujours des an- thères. Mais, si l’on examine les étamines avant l’épanouisse- ment de la fleur, on voit que chaque anthère est en communi- cation avec le stigmate par un petit prolongement placé entre les deux loges, et, si l'on veut séparer avec force ces deux or- ganes, il reste sur le stigmate cinq petites protubérances dues au déchirement de ces appendices. IL paraît que dans ces plantes les grains de pollen se vident et fécondent le stigmate sans sortir de l'anthère; en sorte qu'il y a un véritable accouplement. Dans plusieurs fleurs pourtant on voit distinctement des grains de pollen qui sortent, par une FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. 7 fente longitudinale de l’anthère, et se trouvent placés immé- diatement sur le stigmate, comme dans les Orchidées. Dans cette dernière famille, le pollen offre plusieurs modi- fications : tantôt il forme des masses composées de grains solides, réunis entre eux par une matière élastique, cemme dans les Orchis, les Ophris; tantôt ces masses sont tout à fait granu- leuses, comme dans les genres Epipactis, Loroglossum, etc, ou bien elles sont formées par une substance solide et com- pacte, comme dans les genres Malaxis et Corallorhixza. Dans l’une ou l’autre ide ces plantes, il est nécessaire cepen- dant, pour que la fécondation ait lieu, que le pollen se trouve en contact avec le stigmate; mais il faut remarquer que dans cette famille les étamines sont épigynes, et qu'elles ne sont ja- mais appliquées contre le stigmate, comme dans les Asclépia- dées, Ki l’on suit attentivement les phases de la floraison de ces plantes, on voit qu’à une époque quelconque qui n'a rien de lixe, les masses polliniques sortent des anthères, et plusieurs d’entre elles tombent sur les stigmates visqueux qui ramol- lissent le corps élastique auquel adhère le pollen, et retiennent celui-ci sur leur surface. Souvent même, comme on peut l'ob- server sur l'Orchis bifolia, les masses polliniques sortent en- üèrement, et s'accrochent, soit au stigmate, soit aux diverses parties de la fleur, par un petit disque visqueux qui se trouve à leur base. Tantôt c’est avant la floraison, ou lorsqu'elle com- mence, que les masses polliniques se détachent; tantôt elles restent dans l’anthère jusqu'à ce que le périgone, en se des- séchant, les chasse vers le stigmate. Il s’en faut de beaucoup pourtant que toutes les fleurs des Orchis soient fécondées; car, si l'on examine attentivement les pieds qui ont fleuri, on voit ordinairement avorter une partie des fruits; si l’on recueille les graines de ceux qui paraissent sains et fécondés, et qu'on les sème dans les circonstances les plus favorables à leur germination, il n'y en a jamais qu'un très-petit nombre qui lève : ce qui tendrait à prou- ver que les fleurs sur les stigmates desquels le pollen s’est ar- 8 FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. rêté sont les seules qui puissent donner des graines fertiles. On voit d'après cela que l'aura seminalis n’est pour rien dans la fécondation de ces plantes, et qu'il ne peut remplacer le con- tact du pollen. l D'autres faits tendent encore à prouver que le contact immé- diat du pollen est nécessaire pour obtenir des graines fécondes. Tous les botanistes savent que les plantes aquatiques viennent épanouir leurs fleurs au-dessus de l’eau, et que la fécondation a lieu dans l'air: c’est du moins ce que nous remarquons dans celles dont le pollen est pulvérulent, comme les Hottonia, Myrio- phyllum, Potamogeton, Nymphæa, Vallisneria, ete. Quand des plantes aquatiques fleurissent sous l’eau, et qu’elles sont munies d’enveloppes florales, ces dernières sécrètent de l’air, et la fé- condation est accompagnée des mêmes circonstances que dans l'atmosphère, comme on peut l'observer dans le Ranunculus aquatilis, V Alisma natans, | Ilecebrun verticillatum, le Pilula- ria, ete. Il existe pourtant des plantes aquatiques dans lesquelles les enveloppes florales manquent; il en est d'autres dont les fleurs mâles sont séparées des fleurs femelles, et qui pourtant restent constamment plongées sous l'eau ; mais, si Fon examine ces plantes, on verra que dans la plupart le pollen est liquide, ou au moins capable d'être dissous et entrainé par l'eau. Or il est tout aussi facile de concevoir le transport d’un pollen liquide ou dissous par l'eau, que d'admettre la dissémination d'un pollen pulvérulent par l'air, comme cela a lieu dans les plantes dioïques. On sait du reste que beaucoup d'animaux marins sont aussi fécondés à distance et dans l’eau. Dans celles de ces dernières plantes qui fleurissent dans l'air, le pollen est quelquefois plus fin que dans celles où les sexes sont réunis; il est aussi plus abondant, et les fleurs fe- melles sont ordinairement rassemblées en cônes ou en épis munis de bractées. Ces circonstances favorisent beaucoup le contact du'pollen ; il arrive pourtant assez souvent, comme nous le verrons par la suite, que ce contact n'a pas lieu, et que les graines sont stériles, et c’est, je pense, ce qui arrive aussi assez FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. ( fréquemment pour les plantes aquatiques dont les sexes sont séparés. Examinons maintenant quelques rapports qui existent entre ‘ linflorescence et la fécondation, soit dans les plantes monoi- ques, soit dans celles dont les sexes sont réunis dans la même fleur. On dit communément que dans les plantes monoïques les fleurs mâles sont presque toujours placées au-dessus des fleurs femelles, et le fait est généralement vrai; mais, si l’on considère la manière dont la fécondation s'opère, on trouvera de grandes différences, dont la cause sera dans le mode d'inflorescence et dans l'époque de l'épanouissement. Les fleurs mâles peuvent être placées à l'extrémité d'un ra- meau, et les fleurs femelles au-dessous, comme dans l’Aune, le Noïsetier, ete., et, dans ce cas, ces fleurs doivent être fécondées par les fleurs mäles, sous lesquelles elles se trouvent; mais la même chose n'a pas lieu dans toutes les plantes. Dans les Pins, les rameaux sont disposés avec assez de régularité, et tous, ainsi que chacune de leurs divisions, présentent à leur partie supé- rieure une ou plusieurs fleurs femelles placées un peu au- dessous du sommet. Les écailles qui les entourent forment un petit cône propre à recevoir le pollen et ce petit cône est dirigé par en haut. Les fleurs mâles que portent les rameaux sont tou- Jours latérales et situées au-dessous des fleurs femelles de la même branche, en sorte que les fleurs mâles du rameau supé- rieur correspondent aux fleurs femelles du rameau qui se trouve au-dessous, les fleurs mâles de celui-ci à la branche qu'il re- couvre, et ainsi de suite. Faisant abstraction des causes qui dispersent ou dévient le pollen, celui d'une branche tomberait par son propre poids sur le pistil de la fleur femelle qui se trouve sur la branche qui lui est inférieure, et ainsi de suite. Chaque branche prise isolément féconderait et serait fécondée : mais elle aurait besoin du con- cours des autres branches. Or, comme on peut, avec quelque raison, regarder chaque rameau d'un arbre comme un indi- 10 FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. vidu parfait, mais seulement adhérent à l'ensemble qui constitue l'arbre entier, ces plantes pourraient être considérées comme dioïques. Ce mode de fécondation, bien remarquable dans un grand nombre de Conifères, se présente d'une manière plus frap- pante, et par une autre cause, sur quelques plantes monoïques, et notamment sur les diverses variétés de Courges et de Con- combres. Quoique ces plantes portent sur le même pied des fleurs mâles et des fleurs femelles, 1l arrive souvent que ces fleurs ne s'épanouissent pas en même temps, et la fécondation a lieu dioïquement, quoique les plantes soient monoïques. J'ai cultivé, 11 y a quelques années, une variété de Cueurbita pepo, dont je n'avais qu'un seul pied, et dont je n'ai pu obtenir de fruits à cause de cette alternance des fleurs mâles et des fleurs femelles. | Dans la Pimpr'enelle (Poterium Sanguisorba), les fleurs, ra- rement hermaphrodites et presque toujours unisexuées, sont disposées en capitule et terminent chaque rameau. Presque toutes les fleurs du capitule supérieur sont mâles. Les éta- mines sont pendantes; les fleurs du capitule inférieur sont en : partie mâles, en partie femelles : ces dernières sont toujours placées au sommet, et les mâles à la base du capitule. Il serait naturel de supposer que les fleurs femelles de chaque capitule sont fécondées par les mâles de ce même capitule; mais on re- marque bientôt la difficulté de ce mode de fécondation, en oh- servant la situation inférieure des fleurs mâles et leurs étamines pendantes; et l'on voit qu'elle est impossible, si l'on fait at- tention que les fleurs femelles d'un capitule sont flétries quand les mâles s'épanouissent. Il faut admettre 1e1 la même chose que dans les Pins : les fleurs femelles des capitules inférieurs sont fécondées par les étamines des capitules qui leur sont supé- rieurs, et ainsi de suite (grav. 11, page 52). Il y a pourtant quelques circonstances où, les fleurs mâles étant au-dessous desfleurs femelles, la fécondation a lieu comme à l'ordinaire; c’est quarid les fleurs sont disposées en épis moi- FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. i lié mâles, moitié femelles, et que les épis sont penchés comme dans le Carex gracilis et plusieurs autres. Ce que nousvenons d'observer dans plusieurs plantes mo- noïques, nous le retrouvons aussi dans quelques plantes herma- phrodites, et notamment dans les Graminées. Les fleurs de ces plantes sontdisposées en épi ou en panicule, et ce sont toujours les fleurs inférieures qui s’épanouissent les premières. Si nous prenons le Phleum ou le Seigle pour exempleynous verrons les étamines de la première fleur qui s'ouvrira rester pendantes, de manière à rendre la fécondation très-difficile ; mais les étamines de la fleur qui se trouve immédiatement au- dessus sont également pendantes, et leurs anthères se trouvent justement placées dans la fleur inférieure, où du moins d'une manière très-propre à favoriser le contact de leur pollen avec le stigmate de la première fleur. À mesure que la floraison s'opère, les fleurs sont successivement fécondées par celles qui sont placées immédiatement au-dessus. Dans les Graminées à panicule, les épillets offrent la même disposition que les épis; mais, en outre, ils sont placés entre eux à peu près comme les rameaux des Pins, en sorte que la fé- condation est plus certaine encore que dans les fleurs tout à fait hermaphrodites”. | Enfin, on retrouve encore fréquemment la fécondation indi- recte quand les fleurs sont disposées en ombelles, en corymbhes ou en capitules. Dans les différents exemples que je viens de citer, le pollen 1 Sans vouloir pousser très-loin la comparaison dans les deux branches du règne organique, on ne peut s'empêcher de remarquer l’analogie de ces sortes de fécon- dation avec celles de certains mollusques. Ainsi les Hélices, quoique hermaphro- dites, comme les rameaux des Pins, ont besoin d’un second individu pour s'accou- pler; ils fécondent et sont fécondés en même temps. Les Lymnées de Lanark forment des séries analogues aux épis des Graminées ; leurs organes sexuels étant très-éloignés les uns des autres, le premier n’agit que comme mäle seulement, et le dernier comme femelle, mais tous les intermédiaires donnent en même temps qu'ils recoivent. 12 FÉCONDATION N\TURELLE DES VÉGÉTAUX. des fleurs inférieures est entièrement perdu, et les fleurs supé- rieures des épis, des capitules supérieurs et du rameau termi- nal, doivent nécessairement rester stériles: c'est ce qui a lieu quelquelois, mais rarement, parce que deux causes s'y op- posent. La première, c'est que ces plantes, telles que les Pins, les Graminées, les Joncs, la Pimprenelle, etc., vivent en société, et peuvent, par conséquent, très-souvent être fécondées dioïque- nent. La seconde, c'est que les vents, les insectes et un grand nombre de causes secondaires et accidentelles peuvent changer la direction du pollen, le dévier de sa route, le transporter à de grandes distances; et qu'ensuite sa quantité est si considé- rable, que le hasard peut bien aussi avoir quelque part dans ces fécondations. Mais, parmi les movens dont se sert la nature pour accom- plir toutes ces fécondalions indirectes, le plus fréquent et le plus sûr est, sans contredit, le transport du pollen par les msectes. Ce sont les véritables médiateurs dans les mariages des fleurs. , Leur rôle est souvent indispensable dans l'acte de la fécon- dation. Une foule de plantes exotiques restent stériles dans nos serres, parce que nous n'avons pas importé avec elles les in- sectes étrangers qui butinaient sur leurs fleurs. Si, par une ruse innocente, nous promenons doucement un pinceau sur ces fleurs ; si, pénétrant jusqu'au fond du calice, nous offrons aux fiancés abrités sous les tissus des corolles la coupe du nectar qui doit sceller leur union, nous avons plus tard la preuve qu'un être vivant, appartenant à un autre règne, manquait à la consé- cration de l'hyménée. Que deviendraient ces plantes dioiques dont le pollen, visqueux comme celui des Saules, ne peut être emporté par le vent, si des légions d'insectes qui éclosent en même temps que ces fleurs printanières ne leur prêtaient le concours de leurs ailes et leur turbulente vivacité? FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. 13 Que l'on me permette de citer 1c1, au sujet des insectes, un paragraphe d'un ouvrage récemment publié". « Un papillon aux ailes bleues voltigeait au milieu des branches et cherchait à prendre son essor au-dessus du taillis. Je le suivais des veux. Peut-être, me disais-Je, innocent messa- ger, il porte avec lui les soupirs d'amour d'une fleur isolée, Sans doute j'avais deviné, car bientôt, descendant sur le bord d'un ruisseau aux rives fleuries, je vis ses ailes de saphir s’é- taler sur la corolle rose et étoilée d'un Lychnis. On sait que dans celte plante les sexes, séparés, vivent souvent isolés à de grandes distances. C’est ainsi que l'insecte que nous voyons bourdonner dans les champs peut être l'ambassadeur d'une noble fleur exilée, et peut, à notre insu, transporter les plus importants et les plus doux secrets de la nature. « Ce rôle mystérieux accompli pendant tout l'éclat du jour par ces pelits êtres bruyants, à locomotion si rapide, se renou- velle plus tard pour ces fleurs timides qui n'osent braver les rayons du soleil, qui attendent la nuit pour eacher leurs amours. Aussi d'autres acteurs se montrent dès que le crépus- cule arrive. Avant l'apparition des planètes brillantes qui pré- cèdent sur la route du firmament les scintillantes étoiles, les Sphinx au corps annelé et aux ailes rapides sortent de leur re- traite et volent en bourdonnant. Leur trompe, roulée en spi- rale, s'étend dans toute sa longueur. C'est une pompe aspi- rante qui descend jusqu’au fond dés fleurs et qui fonctionne pen- dant que le Papillon, soutenu par l'invisible et rapide mouve- ment de ses ailes, reste un instant immobile devant la fleur qu'il a choisie. Quelle abondance de vie! quelle chaleur développée par cet incessant mouvement! Singulière existence, un mois dans l'œuf, trois mois en chenille, sept mois en chrysalide, un mois à peine de vie aérienne, de véritable vie; pendant ce peu de jours, une ou deux heures chaque soir d'a”itation fébrile, . 1 La Vie des Fleurs, par H. Lecoq, 1 vol. in-18, 3 fr. 90, (T° tableau, les fleurs s’épanouissent, les amours voltigent près d’elles.) 14 FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. d'existence poussée à l'excès; puis un repos absolu jusqu'au re- tour du crépuscule. Voilà la vie du Sphinx, du plus beau et du plus vif de tous les Lépidoptères. Pendant cette existence animée, il courtise mille fleurs différentes; 1l enlève sur sa trompe quel- ques grains de poussière fécondante, et dans sa turbulente in- quiétude il distribue sans discernement ces étincelles de vie qui ne sont pas toujours accueillies. «A la nuit close, quand les étoiles brillent de tous leurs feux, et surtout si la lune s'élève argentée au-dessus des arbres de la forêt, des Phalènes aux larges ailes volent doucement sur les fleurs nocturnes, cachant aux yeux des hommes les char- nantes peintures dont elles sont ornées. Puis les Noctuelles, plus variées que les Papillons du jour, aux nuances délicates et fon- dues, aux ailes d’or ou d'argent, voltigent à leur tour sous la feuillée, descendent butiner sur les Bruyères fleuries, cherchent le miel des corolles, puis s'endorment de fatigue sur des lits parfumés d'amour. Que se passe-t-il dans ces voyages, dans ces ébats des Papillons des nuits? Nous ne pouvons les suivre. N'est- il pas à craindre, malgré les yeux brillants de ces élégantes Noctuelles, qu'elles ne favorisent d'inutiles ou de coupables laisons?..….. Mais un nuage passe sur la lune et cache sa lu- nière ; 1l est nuit close, laissons les fleurs et les Papillons dé- battre entre eux leurs mystères d'amour. « La nature offre aux insectes, pour prix de leurs messages, le nectar parfumé servi dans les vases les plus somptueux au milieu de ces féeriques palais. « Si les parfums et le nectar attirent leurs brillantes légions sur les fleurs du printemps, d’autres émanations : appellent, d’autres tribus et d'innombrables essaims. Certaines espèces resteraient infécondes sans leur concours. Je citerai seulement les Raflesia, ces curieuses productions des climats chauds de l'Asie. Ces fleurs gigantesques et solitaires, dont les sexes sépa- rés sont toujours situés très-loin les uns des autres, ne peuvent compter sur le zéphyr, qui, dans les campagnes, transporte l’encens des fleurs et leur vivifiante poussière. Le calme de FÉCONDATION NATURELLE DES VÉGÉTAUX. ( l'atmosphère dans ces sombres forêts et la nature visqueuse du pollen des Raflesia ne permettent pas aux vents de déposer sur de larges stigmates les émanations fécondantes qu'ils sont impuissants à soulever. Les insectes seuls sont chargés de ce soin : trompés par l'odeur cadavéreuse de ces fleurs, 1ls des- cendent par myriades dans leur calice charnu, et se chargent d'un pollen visqueux analogue à celui des Saules et des Orchi- dées. Ils s’envolent, appelés par une erreur nouvelle; ils vont accomplir au loin des destinées qu'ils ignorent et favoriser de létides amours dont la nature les à rendus les innocents com- plices, et dont la brise a refusé d’être à la fois l'interprète et la messagére, « Souvent les insectes se plaisent à troubler les ménages Les plus heureux, les liaisons les mieux assorties. Ils portent, le jour ou la nuit, la poussière fécondante’ d'une fleur sur une autre, et, avant que le pinceau intelligent de l’horticulteur ait remplacé les hasards de leur course vagabonde, c’est aux insectes que nous avons été redevables des panachures et des variations d'un grand nombre de fleurs de nos jardins. « Ainsi l'insecte aux élytres étincelantes, le Papillon aux ailes de nacre et de rubis, rivalisent de beauté avec de fraiches co- rolles qui leur offrent la coupe ciselée du plus délicieux nectar, en échange de leur médiation. Mais, sous le ciel brülant des ré- gions tropicales, des Oiseaux rapides comme le Sphinx, irisés comme l’opale et simulant le feu des pierreries, disputent aux insectes le rôle que seuls ils remplissent dans nos contrées. Les Oiseaux-mouches et les Golibris sont les confidents discrets des amours des fleurs, et celles-là sont aussi les dépositaires du berceau et de l'hyménée de ces légers habitants des airs. La Providence a voulu que les plus gracieuses créations de la terre eussent des liens communs: Elle a rendu solidaires le bonheur et la beauté. » (Hexni Lecoo, la Vie des Fleurs.) Ld + 16 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. CHAPITRE Il DE L'ESPÈCE ET DE SES VARIATIONS. Avant d'entrer dans les détails pratiques de l'hybridation, que l'on nous permette de préciser quelques termes que les jardiniers emploient à tort comme synonymes, et sur lesquels les naturalistes eux-mêmes ne sont pas toujours d'accord. Il s'agit d'abord de reconnaître ce que l'on entend par espèce, car c'est là l'unité en botanique. C'est l'horizon au- dessus et au-dessous duquel se développent toutes les formes désignées par les botanistes, sous des noms particuliers de système ou de classification. Ainsi le Blé ou Froment est une espèce, mais le Blé barbu, le Blé de printemps, le Blé de miracle, le Blé de Tangarock, etc., ne sont pas des espèces distinctes du Blé. Ce sont des différences désignées sous les noms de races, de variétés, etc. Ce sont des variations infé- rieures à l'espèce. Ce sont les formes diverses du Triticum sulivum . ; Le Rusin muscat, le Chasselas rose, le Raisin de Malaga, et cette multitude de Raisins divers cultivés en France et dans le midi de l'Europe, ne proviennent pas d'espèces différentes de Vignes, mais ce sont des variétés de la Vigne ordinaire, Vitis vimifera; 11 en est de même des formes si variées de nos Pommes, de nos Poires, de nos Choux, de nos Pommes de terre, etc. Mais, si nous comparons le Groseillier rouge, ie Groseillier noir ou Cassis, le Groseillier épineux ou Groseillier à maquereau, 2 SENTE INT TRE, Se DE US ESPÈCE ET VARIATIONS. 17 ainsi que les Groseilliers doré, sanguin, etc., nous aurons des espèces distinctes. Ces Groseilliers, semés, pourront nous donner des variétés ; mais le Groseillier rouge ne produira jamais du Cassis, le Gro- seillier épineux-ne donnera pas naissance au Groseillier sanguin, réciproquement. L'espèce est donc composée de tous les individus qui se res- semblent plus entre eux qu'ils ne ressemblent à d'autres, et qui se reproduisent indéfiniment, mais avec des variations limitées, par les graines qu'ils produisent. Telle est la manière dont nous devons considérer l'espèce, sans nous occuper ici de sa permanence, de sa transformation ou de sa fixité absolue. Les espèces qui se ressemblent, étant réunies, forment des genres, degré de réunion plus élevé que les espèces. Les genres Groseillier, Rosier, Fraisier, renferment toutes les espèces qui peuvent se ranger sous ces titres. Les genres analogues, étant réunis, constituent les familles. Le Blé, le Seigle, l'Orge, l'Ivraie, la Brise, appartiennent à la famille des Graminées; le Persil, le Cerfeuil, la Carotte, le Panais, à celle des Ombellifères; la Renoncule, l'Anémone, la Clématite, à celle des Renonculacées; ete., etc. L'horticulteur s’attache-à l'espèce, et cherche à la modifier par différentes méthodes pour obtenir des plantes nouvelles, et tout changement de forme dans les individus d’une même espèce s'appelle variation. Quand cette variation se montre sur quelques individus seulement, soit dans la forme, soit dans la couleur, on la nomme variété ou sous-variété. Ces accidents ne se repro- duisent pas, ou ne se reproduisent qu'accidentellement par les semis. Mais si, à force de soins et de choix faits successivement sur les porte-graines, on arrive à fixer une variété, de telle sorte qu'elle se reproduit indéfiniment par les semis, on a une race permanente. 18 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Une race permanente est presque une espèce que nous avons créée. | , Nous devons supposer que la nature crée encore des espèces, et si nous ne voulons pas donner ce titre aux formes perma- nentes obtenues par l’homme, nous pouvons assurer au moins qu'il a créé des races. De la variation. On donne le nom de variations, terme vague et général, à toutes les modifications que l’on observe dans une espèce. Nous pensons que l'on devrait le réserver aux modifications obtenues par les semis, sans employer les fécondations croisées ou les hybridations. C’est avec cette restriction que nous allons en parler. Lors de la publication de la première édition de cet ou- vrage, les critiques portèrent principalement sur ce que j'attri- buais à l'hybridation de simples variations produites par le hasard, et pour l'obtention desquelles l'hybridation était inutile. Je conviens que plus des trois quarts des plantes que les jar- diniers mettent en vente sous le nom d'hybrides ne sont que des variations, et qu'ils ont abusé et abusent continuellement de ce mot; mais nous demandons que l'on ne nous accuse pas de confondre ces deux termes, et, à plus forte raison, ces deux choses. Réservons l’hybridation pour le chapitre suivant; nous nous * occuperons seulement ici de la variation. | Examinons donc les plantes livrées aux seules forces de la nature; ne laissons pas intervenir l'hybridation avec ses moyens de création artificiels. « Laissez faire la nature, disaient les patriarches de l’horticulture, elle fait bien ce qu’elle fait. » C’est un véritable abus de confiance. La nature travaille pour elle, pour ce magnifique plan d'ensemble qui lui a été tracé par l’Auteur de l'univers, et dont les scènes mayestueuses, se dé- roulant devant nous, commandent notre silence et notre respec- ESPÈCE ET VARIATIONS. 19 tueuse admiration. Mais l'homme doit s’aider de ses lumières et de sa propre intelligence, et deux grands moyens sont en sa puissance pour obtenir des espèces ou des variétés nouvelles. II doit diriger la variation ou pratiquer l'hybridation. C’est toujours par les semis que L'on obtient la variation. Les boutures, les marcottes, les greffes, la division des pieds, en un mot, toutes les multiplications par gemmes ou bourgeons, reproduisent identiquement le pied mère. Il n'en est pas de même des graines. La plupart des plantes ont une tendance à se modifier par ce mode de reproduction, et nous pensons que les modifications que doivent présenter les nombreux individus issus d’une même plante possèdent dans la graine le germe de leurs modifications. Nous ne croyons pas, par exemple, qu'une graine de Belle-de-nuit à fleur blanche puisse produire une plante à fleur rouge ou à fleur jaune, par suite de la nature chimique ou physique du sol dans lequel elle sera cultivée, par suite du plus ou moins de sécheresse ou d'humidité, ete. Si la variation s'établit, ce qui peut arriver, elle sera indépendante des causes que nous venons de citer. . La variation limitée est la règle générale dans les semis. Toutes les plantes issues de graines sont comme sollicitées par deux forces contraires : cette tendance à la variété, qui n'est qu'une conséquence du mouvement et du progrès, auxquels obéissent tous les êtres de la création ; et la stabilité ou l'habi- tude acquise, qui les retient et compense en partie la première de ces forces. | Mais, si l'homme intervient et qu'il protége efficacement la première de ces forces, la tendance au changement, et qu'il combatte ouvertement la seconde, la stabilité et la force de l'habitude, nous verrons bientôt les générations de ces plantes se ranger de son côté et vivre sous sa protection. Supposons donc qu'une plante quelconque répande ses graines, et que tous les individus qui en proviennent soient placés sous nos veux. Tous ces individus feront partie d'une espèce type. Mais chacun de ceux obtenus par ce semis s’éloi- 20 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. unera un peu du type par une modification légère de l'un de ces organes. Que doit faire alors l'horticulteur qui veut obtenir des nouveautés”? C’est d'étudier soigneusement les changements de caractère qui se présenteront, de poursuivre pendant plu- sieurs générations le développement de ces caractères qu'il veut fixer, de ne recueillir ses graines que sur les individus qui offriront ce caractère développé au plus haut degré, et de s’é- loigner toujours du type par cette méthode que l'on nomme la voie de sélection. Reste à choisir l'organe dont il veut poursuivre le développe- ment ou l'atrophie. Peu lui importe, par exemple, qu'un Chou rod des va- riations dans sa fleur, dans ses siliques ou dans ses graines; il s’attachera surtout à celles de ses variations qui peuvent avoir lieu dans ses feuilles ou dans ses racines. Il ne s’occupera ni des feuilles n1 des racines dans une Rose ou dans une Pensée, mais 1l suivra attentivement les variations qui surviendrônt dans les fleurs, dans la forme, le nombre et le coloris des pétales. Les Carottes, les Betteraves, les Pommes de terre, ne l’inté- resseront que par leurs racines ou par leurs tubercules ; les Poires, les Cerises, les Pêches, que par leur développement et la saveur de leur péricarpe charnu; les Amandiers, les Pois, les Haricots, par leurs graines; les Asperges, par leurs bour- seons; les Artichauts, par leur réceptacle, etc. Puisque les plantes peuvent varier, au moyen des semis, par la plupart de leurs organes, 1l y aura un grand nombre de va- riations, qui n'auront aucun intérêt pour le cultivateur. S'il fallait, par exemple, créer aujourd’hui la Carotte des jardins, il faudrait chercher parmi les individus sauvages ceux qui pré- sentent les racines les plus développées, et semer leurs graines. Dès la première génération on rencontrerait dans la multitude des différences notables dans divers organes. Il faudrait alors choisir comme porte-graines quelques-unes des plantes dont les racines auraient acquis le plus de volume et contiendraient le ESPÈCE ET VARIATIONS. 21 plus de principe sucré. On chercherait les mêmes caractères dans les générations suivantes, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait obtenu des Carottes mangeables. C'est ainsi que M. Vilmorin a transformé en quelques années la Carotte des champs en ra- cine comestible. Des semis successifs de la Carotte cultivée ont sans doute donné les variétés distinguées sous les noms de Ca- rotte blanche des Vosges, Carotte à collet vert, Carotte de Hol- lande, Carotte courte, etc.; et si maintenant on s’attachait à faire de nouveaux semis de ce légume, non au hasard, mais par voie de sélection, en recueillant les graines sur des plantes dont les racines seraient les plus grosses ou les plus blanches, les plus rouges ou les plus sucrées, on parviendrait encore à améliorer ce légume, sans savoir où serait le terme de ces modifications successives. C’est par ce même moyen de sélec- tion que L. Vilmorin, employant un procédé des plus ingé- nieux, parvint à obtenir par semis successifs des variations de Betterave, contenant plus de sucre que celles que l’on eultivait habituellement. Dans ces deux cas et dans tous ceux du même genre, on es- saye autant que possible de s'éloigner du centre de l'espèce pour suivre les modifications d’un seul organe et pour déterminer la naissance d’individus nouveaux jouissant de caractères dif- férents de ceux du type. Ces individus constituent donc ce qu'on nomme des varia- tions. L'hybridation leur est complétement étrangère. Les plantes sont d'autant plus disposées à produire des va- riations qu'elles sont elles-mêmes de création plus récente. Ainsi une variation qui vient de se montrer pour la première fois avec la tendance que l’on cherche à développer doit être préférée pour porte-graine à tous les autres types plus anciens. La culture tend done à modifier continuellement les espèces, à changer quelques-uns de leurs caractères; mais toutes ces formes nouvelles ont besoin d'acquérir la stabilité, qui ne peut leur être dévolue qu’en les maintenant pendant un certain temps sous l'empire des mêmes conditions qui les ont fait naître 22 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Les anciennes variétés de fleurs et de fruits, cultivées depuis des siècles dans nos jardins, ont, pour ainsi dire, acquis l’ha- bitude et la stabilité des véritables espèces. Leur origine et leurs types sont perdus. Nous avons fait le Blé et la Rose à cent feuilles; leur culture s’est propagée à travers les siècles, ils ont acquis la stabilité, en perdant leur acte de naissance. Il n’en est pas de même de nos Dahlias, de nos Œillets, de nos Tulipes. Des semis les plus soignés, des graines les plus précieuses, il sort encore une infinité de plantes qui ne rap- pellent plus les rangs multiples des fleurons, les vives pana- chures, niles brillants coloris de la couronne de leurs ancêtres. Une partie de ces plantes de semis semblent retourner à l’état primitif, et si les soins les abandonnent, ce sont les plus rus- tiques qui donnent la plus grande abondance de graines, qui acquièrent le plus de vigueur et qui, bientôt, détruisent les autres en s'y substituant. Ils reprennent ainsi leurs anciennes habitudes un instant contrariées par le caprice et l'intelligence de l'homme. FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. 23 CHAPITRE III DE LA FÉCONDATION ARTIFICIELLE; DE L'HYBRIDATION ET DES MOYENS DE L'OPÉRER, Pour arriver plus vite à des variations que l’on attendait au- trefois du hasard, du temps ou de circonstances inconnues, on a imaginé (et la nature nous en avait donné l'exemple) de ma- rier des espèces voisines, presque toujours du même genre, et d'élever leurs familles. Bon nombre de ces mariages ont réussi, et leur produit a reçu le nom général d'hybride. L'acte même de l’accomplissement de ces mariages se nomme hybridation. Ce sont les actes et les cérémonies usités dans ces mariages mixtes, les procédés délicats à employer pour vaincre parfois la répugnance des contractants dans ces sortes d'union, que nous avons réunis dans ce petit volume, car dans l'hybridation réside en partie l'avenir de l’horticulture appliquée à nos parterres, à nos potagers, à nos vergers et même à nos forêts. On doit distinguer deux degrés dans les hybrides : le premier est le résultat du croisement de deux espèces bien distinctes comme les hybrides des Mirabilis, Jalapa et M: longiflora, du Cereus speciosissimus et du C. grandiflora, du Digitalis pur- purea et du D. lutea, ete., etc. ; le second degré est le produit du croisement des variétés entre elles, et ici le succès est bien plus certain ; telles sont les variations qui résultent des mariages _des Auricules entre elles, des Tulipes entre elles où du moins de la Tulipe ordinaire, des Mirabilis Jalapa entre eux, ete., etc. On a proposé de réserver le nom d'hybrides au produit 24 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. croisé de deux espèces, et de donner celui de métis aux plantes nées du rapprochement de deux variétés. Ces dénominations seraient utiles si on pouvait toujours les appliquer ; mais dans la pratique de l'horticulture il arrive qu'un hybride est fécondé à son tour par ses propres parents, qu'un hybride féconde un métis ; puis 1l devient tout à fait impossible de se reconnaître dans tous ces croisements de différents de- grés. Nous en avons des exemples dans nos mnombrables variétés de Fuchsia, de Pelargonium, de Rosiérs, de Gladio- lus, etc., etc. La fécondation est artificielle toutes les fois qu’elle est opérée par l’homme. Nous venons de passer en revue, dans un des chapitres précédents, quelques-uns des moyens employés par la nature pour l’assurer; examinons maintenant quels sont ceux que l’homme peut imiter, dans quelles circonstances il doit agir, quelles précautions il doit prendre, et quels résultats il peut espérer. Pour les plantes de serre et pour plusieurs de celles que nous cultivons dans nos jardins, la fécondation artificielle est néces- saire pour en obtenir des graines, et c’est alors avec leur propre pollen, ou mieux avec le pollen d'individus distincts mais de même espèce, que cette fécondation s'opère; mais le plus sou- vent on l’emploie pour croiser les races et obtenir des plantes intermédiaires, en fécondant une espèce ou une variété par une autre. C’est ce que l'on nomme hybridisation ou plus simple- ment hybridation, et ce que l'on pratique souvent, mais trop rarement encore en horticulture. Du reste, que l’on opèresur une même espèce avec son propre pollen, ou que l’on essaye de croiser deux plantes différentes, les procédés sont les mêmes; mais, dans ce premier cas, il y à bien moins de précautions à prendre que dans le second. Nous ne séparerons donc pas, dans les généralités qui vont suivre, ces deux sortes de fécondations artificielles, et nous dé- crirons successivement : L'état de la fleur, relativement à la situation des organes FLEURS HERMAPHRODITES, 25 sexuels ; nous examinerons les fleurs hermaphrodite, monoïque, divique, polygame, la fécondation directe et indirecte, et V'iné- yalité de développement dans les organes. Nous étudierons ensuite le choix et la préparation des sujets que l’on veut hybrider, et nous terminerons par les opérations pratiques nécessaires pour effectuer l'hybridation ou féconda- tion artificielle. Fleurs hermaphrodites. Quand les deux sexes sont réunis daus une même fleur, elle est hermaphrodite, et la fécondation artificielle est moins facile à opérer que sur les plantes dont les sexes sont séparés. Il faut alors retrancher les. étamines ou au moins les anthères d’un certain nombre de fleurs, et ensuite poser le pollen au pinceau (grav. 5 et 4). EXEMPLE DE FLEURS WERMAPHRODITES. Grav. 5, — Fleur du Liseron. IL'est remarquable que dans la plupart des fleurs hermaphro- dites des enveloppes plus ou moins nombreuses et plus ou moins développées entourent les organes sexuels, arrêtent en quelque sorte le pollen qui tendrait à s'échapper, et ren- dent äinsi la fécondation na- = turelle plus certaine, en pré- Grav. 4. — Fleur des Graminées (Festuea). servant les organes de la plupart des causes perturbatrices qui viendraient gêner leurs fonctions. Il est done essentiel que les 26 FÉCONDATION ARTIFICIELLE, anthères en soient totalement enlevées avant leur déhiscence, avant que le pollen ait pu même toucher les enveloppes florales, qui souvent, en se flétrissant, viennent encore l'apporter sur le stigmate. Il s'en faut cependant, comme nous le verrons plus loin, que les enveloppes de la fleur soient un obstacle à l'accès d’un pollen étranger. Fécondation directe et indirecte. INÉGALITÉ DU DÉVELOPPEMENT DES ORGANES. La fécondation est directe dans les fleurs hermaphrodites, quand elle a lieu dans chaque fleur au moyen du pollen contenu dans ses propres étamines; c’est ce qui n'arrive pas toujours, lors même que ces organes sont entourés, comme nous venons de le dire, par des enveloppes protectrices, et alors nous n'avons rien à ajouter aux observations que nous venons de faire sur les fleurs hermaphrodites ; mais elle est souvent indirecte, quand, la fleur étant hermaphrodite, son pistil n’est pas fécondé par ses propres étamines. Cette espèce d’anomalie peut avoir deux causes : la première, la position des organes; la seconde, leur inégalité de développement et d'aptitude. Dans le premier cas se trouvent, comme nous l'avons déjà vu en parlant de la fécondation naturelle, le Blé, un grand nombre de Graminées, d'Ombellifères, de Synanthérées, etc. ; dans le second, les Pelargonium, où les anthères n'ont plus de pollen, quand le pistil est propre à le recevoir, et une infinité d’autres plantes que nous citerons, à mesure que nous étudie- rons dans les différents genres les caractères de leurs organes. La réunion d’un grand nombre de fleurs dans les épis, dans les ombelles, dans les calathides, est souvent une cause de fécon- dation indirecte (grav. 9 et 6). Il nous suffira ici de faire re- marquer l'avantage que présentent, pour l'hybridation, les fleurs hermaphrodites à fécondation indirecte; elles rentrent alors dans la catégorie des fleurs unisexuées. On peut, au be- soin, se dispenser d'enlever les étamines; mais, comme dans DIRECTE ET INDIRECTE. 27 ces circonstances il y a presque toujours un grand nombre de NS Wsrr N /] HA {, Rouycr? Ne, Grav, 5. — Exemple de fécondation indirecte dans l’épi dela Fléole des prés. fleurs qui s'épanouissent à la fois, en suivant un ordre très- 28 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. serré de développement successif, il vaut beaucoup mieux en- lever les anthères à mesure qu'elles paraissent. Grav, 6. — Exemple de fécondation indirecte dans l'épi de fleurs de la Bugle rampante. Fleurs monoïques. On nomme ainsi les fleurs unisexuées qui sont portées sur FLEURS MONOIQUES. la même plante, exemple : le Melon, le dont certaines fleurs sont mâles et d’au- tres femelles. Ces dernières seules don- nent des fruits. On conçoit qu'il est fa- cile sur ces plantes de retrancher les fleurs mâles encore en bouton et à me- sure qu'elles paraissent, de manière à rendre la fécondation impossible; quel- quefois même, ces fleurs ne paraissant pas exactement à la même époque, l’im- prégnation ne peut avoir lieu sans le se- cours de l’art (grav. 7 et 8). 29 Noisetier, le Noyer 1 Grav. 7. — Fleur du Noise- lier. — a, pistil isolé. — b, fleurs femelles. — fleurs mâles. Grav, S. — Rameau de No e, yer portant des chatons S fleurs femelles isolées { de fleurs mâles et de 30 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. On peut donc profiter de cette disposition pour faire des fécondations artificielles plus facilement que sur les fleurs her- maphrodites. Fleurs dioïques. La diœcie a lieu quand les fleurs unisexuées sont portées sur des pieds différents, comme dans le Chanvre, le Dattier. I peut arriver alors que la fécondation naturelle ne s’effectue pas; mais il faut pour cela absence complète de l’un des’sexes, car, EXEMPLE DE DIŒUIE. si les deux existent à une certaine dis- NT de tance, qui peut même être assez éloi- gnée, la fructüification s'opère le plus ordinairement. Tout le monde sait que les Dattiers femelles restent stériles, si l'on ne va au loin chercher des bran- ches fleuries des Dattiers mâles que l’on vient secouer sur leurs grappes épa- nouies, précaution qui devient tout à fait inutile si l’on plante quelques Dattiers mâles au milieu des autres (grav. 9). La fécondation artificielle parait plus y facile à exécuter sur ces plantes que sur Grav. 9. — Chanvre commun. les autres, puisque les fleurs femelles —- «, eur mâle. — b, fleur femelle.— e, la même, privée se trouvent isolées; mais elle offre ce- prune rs pendant d'assez pue obstacles qui sont dus à la difficulté d'isoler complétement les sujets. La nature a suppléé à l'éloignement des sexes en multipliant à l'infini les fleurs inâles, en plaçant dans chaque anthère une grande quantité de pollen, si fin et si léger, que le moindre vent l'emporte et que souvent l'air est rempli de poussière fécon- dante; c’est au point que quelquefois on a cru à l'existence de pluies de soufre, à l’époque où les Pins, quoique monoïiques, répandaient dans l'air leur pollen jaune et abondant. D'un autre côté, si la nature a pris parfois des précautions CHOIX DES SUJETS. 31 pour retenir le pollen des fleurs hermaphrodites autour des pis- tils, au moyen de corolles et de calices enveloppants, elle a agi d’une manière opposée pour les fleurs unisexuées : elles sont souvent privées de toute espèce de téguments ; le pollen peut s'en échapper facilement, voyager dans les airs, et nul obstacle ne s'oppose à ce qu'il vienne se placer sur les fleurs femelles, également dépourvues d’enveloppes et exposées à tous les cou- rants de l'atmosphère, qui sert de véhicule au pollen. L'atten- tion de l'horticulteur doit donc se porter ici, autant que pos- sible, sur l'isolement des sujets femelles. Fleurs polygames. On nomme polygames les plantes qui portent en même temps des fleurs hermaphrodites, des Erin pe asuN St ATTMEEe fleurs mâles et des fleurs femel- les, comme l'Érable, la Pim- prenelle, les Gleditzia et quel- ques autres végétaux (gr. 10 et 11). On conçoit tout de suite tout le parti que l'horticulteur peut tirer de cetétat de choses, en ne laissant sur le pied mère que des fleurs femelles, et retranchant toutes les autres. On opère alors comme sur les ADRERE plantes dioïques que nous ve- Grav. 10, — Gleditzia triacanthos. — 4, fleur À hermaphrodite, — D, fleur femelle. — nons de citer. c, fleur mâle. Choix des sujets. ILest de la plus haute importance, quand on veut tenter des croisements entre des espèces ou des variétés d’un même genre, de choisir avec soin le porte-graine ct la plante fécon- dante. En général, le produit tient des deux; mais J'ai remarqué, dans un très-grand nombre de croisements que j'ai opérés avec tous les soins possiblés, que les hybrides 5: FÉCONDATION ARTIFICIELLE. el tiennent plus des porte-graines ou de la mère que du père. EXEMPLE D'UNE PLANTE POLYGAME, A7 à Grav, 11, — Pimprenelle sanguisorhe. CHOIX DES SUJETS. 33 Ainsi donc, que l'on opère sur des fruits, sur des légumes ou sur des plantes d'agrément, le premier soin devra se porter sur la mère. On ne peut cependant toujours choisir hbrement, car 1l peut arriver que la variété préférée donne difficilement des graines, et l'on peut être forcé d'en prendre une autre. Dans tous les cas, le choix ne doit pas être fait légèrement; on ne doit rien laisser au hasard. Le choix du père exige les mêmes altentions, et quand on a su réunir des plantes dont les qualités et les défauts peuvent s'unir, se combattre ou se modi- lier, on a fait déjà une bonne partie du travail. Si, par exem- ple, on veut améliorer un fruit précoce, c'est de le féconder par une autre variété meilleure, et qui s'éloigne le moins pos- sible de l’époque de maturité du premier. Si l'on cherche à obtenir un fruit qui se conserve longtemps, mais qui soit plus volumineux que celui que l'on possède, il faudra croi- ser ce fruit tardif avec une variété plus belle, plus volu- mineuse, mais dont l’époque de maturité soit un peu retardée aussi, Les qualités sucrées, farineuses, aromatiques, etc., que l'on reconnait dans les légumes, pourront également être augmen- tées ou modifiées par des croisements raisonnés, aussi bien que leur volume ou leur précocité. Les caractères de beauté et d'élégance qui font rechercher certaines variétés de fleurs de collection éprouveront aussi de notables améliorations par des hybridations bien entendues; mais dans tous les essais 1l faut se garder d'employer des types inférieurs, c'est-à-dire des plantes qui ont déjà été dépassées de beaucoup par des gains nouveaux. On peut parvenir à obtenir aussi beau que ces nouveaux gains, mais on perd du temps pour y arriver, tandis que si on les prend pour point de départ, on a la chance de les perfectionner encore. Ainsi il ne faut pas craindre de se procurer de belles variétés, bien qu’elles soient en petit nombre. Il faut prendre toutes les précautions possibles pour opérer convenablement et être sûr de ses graines. Ce n'est jamais la quantité qu’il faut chercher, mais la 5 94 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. qualité, et lorsqu'on s’est donné la peine de faire des hybrides, de les cultiver et de les amener à fleurir, il est pénible de n'a- voir rien de beau et de ne pouvoir faire un choix de quelques variétés nouvelles et méritantes. Il'est encore un point sur lequel nous devons appeler l’atten- on des horticulteurs, c’est sur la stabilité des espèces et l’a- vantage que l'on trouve à hybrider les variétés ou espèces nou- velles, plutôt que les anciennes. Les plantes, comme tous les êtres vivants, les espèces et les variétés, comme les individus, sont soumises à l'habitude. Une variété que l’on vient d'obtenir donnera des graines qui pro- duiront plus facilement des variétés nouvelles que les graines des anciens types. Cette variété n'aura pas encore acquis cette stabilité que donne l'habitude. Ainsi nous avons dans nos jar- dins des plantes dont nous avons conservé les variétés à force de soins, en les maintenant toujours dans des circonstances favorables à leur stabilité, et nous leur avons enfin donné l’ha- bitude. Tout ce qui est de création nouvelle ne l’a pas encore acquise et varie avec la plus grande facilité. Pendant longtemps on à cultivé le Dahlia sans changement de couleur ; dès qu'une nuance différente s’est montrée, elle en a bientôt fourni de nouvelles qui se sont multipliées à l'infini. Si, au lieu de semer les graines de la première variété obtenue, on avait persisté à semer celles du type, un long espace de temps se serait sans doute écoulé encore avant l'apparition de nouvelles couleurs. Aussi, dès que nous avons obtenu dans nos jardins quelques différences dans les formes ou les couleurs des individus d’une même espèce, la voyons-nous ensuite se modifier de mille ma- nières, soit en variant simplement par semis, ou par hybridation naturelle ou artificielle. Le plus difficile était d’ébranler la sta- bilité de la première race, de rompre son habitude, et, une fois l'impulsion donnée, la variation commence, et il n’en est aucune dont nous soyons sûr de connaître les limites. Avec le levier puissant de l'hybridation, le pouvoir de l'horticulteur est illimité. Nous recommandons, d’après des expériences posi- COULEUR DES VARIÉTÉS. 3) tives, d'opérer toujours sur les plantes les plus belles et surtout les plus nouvelles, et de ne jamais juger un gain à sa première fleur ni à son premier fruit. Bien des plantes méritantes ont certainement été perdues par trop de précipitation dans le Jugement que l’on a porté sur elles. Les fleurs doubles méritent aussi une attention particulière ; on peut les obtenir accidentellement dans un semis, mais on à la presque certitude de les acquérir si l’une des deux plantes que l’on à croisées a elle-même sa corolle doublée. Il n’est pas nécessaire que les deux plantes soient pleimes, il suffit que l’une des deux le soit, et il arrive souvent, dans ces sortes de fleurs, que les pistils restent intacts malgré la multiplication des pétales, comme dans la Rose à cent feuilles et la plupart des Pivoines, ou que l’on parvient aussi à trouver au centre de la fleur quelques anthères échappées à la transformation, et contenant assez de pollen pour opérer une fécondation. Deux plantes à fleurs demi-doubles donnent souvent des va- riétés très-pleines, mais il est rare que deux espèces à fleurs simples en produisent de doubles immédiatement. J'ai fait sur l'hybridation des variétés très-doubles une ob- servation assez curieuse. Dans quelques circonstances deux va- riétés doubles hybridées m'ont donné des individus à fleurs tellement pleines, que les boutons crevaient et ne pouvaient s'ou- vrir, comme dans quelques Pivoines et un grand nombre d'Œil- lets. Mais il m'est arrivé aussi de n'avoir que des fleurs simples ou de les avoir en majorité. On remarque un fait semblable dans les animaux. Deux serins huppés, réunis, produisent sou- vent des serins à tête pelée, comme si les deux huppes se neu- tralisaient. On est donc plus sûr d'obtenir des fleurs doubles si l'un des deux parents seulement présente ce caractère. De la couleur des variétés. Nous venons de voir que les variétés nouvelles participaient des qualités de leurs parents à des degrés différents, mais qu'en 96 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. général, d'après mes observations particulières, la mère sem- blait communiquer ses propres caractères d’une manière pré- pondérante. Il en est de même pour les couleurs. Elles tiennent souvent le milieu entre celles des deux variétés qui viennent d'en produire une troisième ; il y a, il est vrai, une foule d’ex- ceptions à cette règle, et ceux qui ont fait des croisements un peu en grand et sur des plantes dont les couleurs changent fa- cilement ont vu combien il y avait de variations dans le coloris. Au milieu de ces perpétuelles variations, j'ai cru cependant re- connaître quelques règles dont l'expérience confirmera plus tard la vérité ou affaiblira la constance des résultats. On sait depuis longtemps que le bleu, le rouge et le jaune, qui sont les trois couleurs primitives, donnent du brun par leur mélange sur la palette; elles en donnent également quand elles apparaissent toutes trois dans la même corolle. Un grand nombre de croisements faits sur des Primevères et des Auricules m'ont démontré qu'une Primevère jaune, fécondée par une Prime- vère violette, c'est-à-dire bleue et rouge, produisait souvent des variétés brunes à couleurs fausses; tandis que le rouge fécondé par le jaune ou par le violet donnait des teintes plus pures, parce que les trois couleurs y étaient plus rarement mélangées dans la même corolle. J'ai fait la même observation sur les Au- ricules, dont les fleurs jaunes, croisées par les violettes, ont aussi donné un grand nombre de fleurs brunes, à couleur de bois ou d'acajou sale, IL est donc essentiel de combiner, autant que possible, les couleurs une à une et uon deux à deux ou même une à deux, quand on veut avoir des couleurs pures, telles que des violets, des orangés, des rouges, des jaunes ou des bleus ; mais, si l'on recherche ces teintes brunes qui ont quelquefois. tant d'éclat quand elles appartiennent à des tons rabattus, c’est-à-dire qui semblent contenir du noir, il faut le mélange des trois couleurs ou l’action de l’une d’elles sur une plante dont la corolle est déjà brune. Le plus ordinairement les couleurs se fondent et se mélangent = PRÉPARATION DES SUJETS. 517 par l’hybridation, comme si on les réunissait sur une palette, et il en résulte une teinte moyenne et fondue; mais, dans quelques espèces, au lieu de se fondre, elles s’isolent et paraissent en panachures dans la corolle, comme dans la Belle-de-nuit, les Tulipes ; en stries, comme dans la Reine-Marguerite, les Mu- fiers; en pointillé, comme dans certains Dahlias; en bordure, comme dans quelques Primevères et Auricules, etc. IL est une autre couleur qu'il faut autant que possible cher- cher à introduire dans l'hybridation, c’est le blanc pur, quand ôn peut se le procurer. Les types à fleurs blanches sont souvent les meilleurs porte-graines, et ils reçoivent facilement toutes les couleurs, qu'ils affaiblissent en leur conservant cependant toute leur pureté. Ce n'est que lorsque le type sauvage est na- turellement blanc qu'il faut éviter de le prendre pour porte- graines. Quand on obtient, par des semis, des variétés à couleurs re- marquables, avec de mauvaises formes, il faut les conserver et en semer les graines; on a l'espoir de voir renaître les mêmes teintes avec des fleurs mieux faites. L'étude des couleurs et de leur mélange par les croisements des fleurs pourrait donner lieu à des considérations beaucoup plus étendues ; mais nous nous bornerons à l'exposition de ces détails, qu'il était nécessaire de joindre au sujet que nous trai- tons. Nous renvoyons, pour des considérations nouvelles sur les couleurs, à notre grand travail sur la géographie botanique de l'Europe (9 vol, in-8). Préparation des sujets. I ne suffit pas d’avoir fait un bon choix des plantes que l’on veut croiser, il faut encore savoir les préparer de manière à fa- ciliter la maturation de leurs fruits, et à éviter le contact du pollen des autres fleurs avec celles que l'on veut hybrider. Quand les plantes ont les fleurs réunies en ombelles, en co- rymbes, en grappes, en panieules ou en bouquets, ou enfin 38 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. chaque fois que, sur un même pied, un grand nombre de fleurs se trouvent épanouies ou sur le point de s’ouvrir, la première opération est de se rendre maître de son sujet, en élaguant tout ce qui n’est pas utile, mais en réservant les fleurs de la base dans les grappes et les épis, les fleurs extérieures des ombelles et des capitules, et les prenant, autant que possible, sur l’inflo- rescence terminale de la plante si l’on veut obtenir des indi- vidus très-développés, et sur les inflorescences latérales si l'on recherche des fleurs doubles. Ainsi presque toutes les bran- ches à fleurs seront coupées, à moins qu'il ne doive s’écouler un certain temps entre leur floraison et celle des rameaux sur lesquels on veut opérer. On choisit donc seulement une, deux ou trois grappes, ou bouquets de fleurs. Ce choix étant fait, on retranche à chaque groupe de fleurs une bonne partie des boutons, n’en laissant que deux ou trois, quelquefois moins, sur chaque branche ; c'est ainsi que l’on prépare son sujet, et l’on trouve à cela deux avantages. Le premier est de disposer la plante à donner de meilleures fleurs, à nouer plus facilement ses fruits et à former des graines plus nourries. Le second est de ne pas être assailli par le pollen de toutes ces fleurs que l’on a retranchées, et de n’opérer que sur un petit nombre de boutons que l’on surveille plus attentivement. Il ne faut jamais perdre de vue que ce n’est pas le nombre des graines qu'il faut rechercher, mais leur bonne qualité, et l’as- surance qu'elles proviennent d’une fécondation croisée. Un seul fruit fécondé, avec toutes les précautions nécessaires, peut don- ner plus de résultats que cent autres dont on ne sera pas sûr, et pour lesquels on perdra le temps et le terrain nécessaires à l'éducation des jeunes plantes qui en proviennent, Quand on opère sur des arbres, il est souvent impossible de leur enlever la plupart des branches, il vaut mieux alors en choisir une avec un ou deux bouquets de fleurs, ce qui peut avoir lieu de deux manières : soit en enveloppant la branche d'une PRÉPARATION DES SUJETS. 39 gaze gommée, soit en la plaçant sous une cloche. Ce dernier moyen est préférable au premier, car la pluie peut détruire la gaze gommée , il est quelquefois difficile de l’appliquer conve- nablement, et quand elle est fortement serrée autour d’une branche, l'air renfermé dans l'intérieur se dilate parfois à tel point, par l’action des rayons solaires, qu'il peut faire déchirer la gaze, tout en s’échauffant trop fort pour les fleurs qui s’y trouvent plongées; il vaut done mieux employer une cloche. A cet effet, on fabrique une petite table en clouant une planche sur un piquet, on pratique une fente sur un des côtés de la planche, et, après avoir placé cette petite table à la hauteur de la branche dont on veut féconder les fleurs, on fait entrer la branche par cétte fente et on l’assujettit. On couvre ensuite la petite planche de mousse que l'on humecte légèrement, on perce cette planche de plusieurs trous assez larges, qui sont re- couverts par la mousse et permettent cependant à l'air de cir- culer, puis on recouvre le tout d'une cloche qui isole tout à fait la petite branche, et en fait en quelque sorte un arbre à part quoique tenant à un autre. On peut ombrager la cloche pendant la plus grande chaleur du jour, et l’on doit opérer le matin, et, autant que possible, à l'abri du vent. Dès que les fruits sont noués, on peut enlever la cloche, en ayant soin de la lever un peu les joursprécédents, de manière à sevrer la branche, comme on le ferait pour une bouture. Par ce moyen très-simple on est maître de la plante, on modifie la chaleur, on humecte ou on dessèche son atmosphère selon les besoins, c’est-à-dire selon les espèces de fruits et selon les variations atmosphériques; il faut ensuite enlever une bonne partie des fruits non fécondés artificiellement, car on sait que la maturation est une cause d’é- puisement. Non-seulement quand on voudra pratiquer la fécon- dation artificielle sur une plante on coupera la majeure partie de ses fleurs, de ses fruits, mais, si on le peut, on les retran- chera déjà l'année précédente, pour les arbres surtout, Quand un arbre n'a pasfleuri l'année précédente, et lors même qu'ayant fleuri il n'a pas donné de fruits ou qu'ils ont été retranchés, la 40 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. floraison suivante est préférable, et les fruits qui en proviennent ont plus de volume et de vigueur. C'est peut-être parce que ces plantes sont moins fatiguées puisqu'elles ne donnent pas de fruits, que les variétés à fleurs doubles s'épanouissent presque toujours les premières, comme on le remarque dans les Hépa- tiques et plusieurs autres plantes. S'il n’est pas difficile de détruire une partie des fleurs sura- bondantes que donnent certains végétaux, il arrive très-souvent que l’on ne peut au contraire obtenir la floraison de quelques autres ; mais les horticulteurs savent que l’on y parvient souvent en coupant quelques racines, en plaçant les végétaux dans un sol plus maigre, en laissant, le plus longtemps possible, les plantes sans eau, pour leur en donner ensuite à satiété; enfin, en greffant ou bouturant celles qui ne veulent pas se mettre à fruit; mais ce serait sortir de notre sujet que d'entrer dans ces détails, et nous nous contenterons de prendre nos plantes fleuries. Un moyen que l’on ne doit pas négliger non plus pour assurer la fécondation naturelle ou artificielle, c’est de supprimer les bourgeons à bois, s’il s’en trouve dans le voisinage des fleurs, comme cela se présente souvent pour certaines plantes qui fleurissent de bonne heure, et notamment pour les Camellias. L'isolement des plantes entières est tout aussi nécessaire que celui des branches; quand ces plantes sont petites, 1l y a pres- que toujours avantage à les placer sous cloche, et souvent même ce moyen très-simple fait fructifier naturellement des espèces qui ne donnent pas toujours des graines. Les espèces printa- nières, exposées aux pluies, à la neige, aux dernières gelées, traversent les mauvais jours sous une cloche, et, pour peu que le pinceau de l’horticulteur vienne suppléer aux insectes et aux courants d’air qui manquent sous cet abri, la fécondation est certaine. C’est ainsi qu’elle s'opère, quelle que soit la saison, sur les Crocus, les Iris de Perse, etc. Pour les grandes plantes, les légumes, les céréales, il faut aussi les isoler dans le coin d’un sr et les éloigner, autant OPÉRATIONS Y RELATIVES. 41 que possible, de tous les autres individus dont le pollen pourrait opérer une fécondation qui nuirait à celle que l'on veut obtenir, Opérations relatives à la fécondation artificielle, Elles consistent dans l'enlèvement des étamines, la conserva- tion du pollen et son application sur le stigmate. Une petite pince, une aiguille, un canif, de petits ciseaux et quelques pin- ceaux, semblables à ceux dont on se sert pour l’aquarelle et la Grav. 12. — Instruments. miniature, composent la trousse de l’horticulteur; c'est un né- cessaire aussi utile que la bêche et la serpette, et qu'un jardi- mer habile doit toujours avoir sous la main. Un peu d'adresse, beaucoup de soins, sont les conditions indispensables au succès, et chacun peut ensuite créer à son gré des plantes nouvelles, sans craindre que la nature se lasse des demandes réitérées qu'on lui adresse. Nous reproduisons ici les figures d'instruments qui ont été | données déjà dans la Revue horticole du 16 septembre 1858, 42 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. et nous accompagnons ces figures de la note qu'y a jointe M. V. R. « Les instruments nombreux dont nous donnons ici le des- sin sont destinés à favoriser les travaux de ce genre (fécon- dation naturelle et artificielle des végétaux). Ces instruments, d'abord fabriqués par M. Bernard, ont été considérablement perfectionnés par M. Groulon, dont nos lecteurs connaissent Grav. 15, 14, 15, 16. — Instruments. les bons produits. Nous avons placé à côté des outils les plus délicats un détail de grandeur naturelle, afin que ceux de nos lecteurs qui voudraient en faire fabriquer chez eux puissent donner à leur coutelier un modèle suffisant. Les figures nous paraissent suffire pour faire connaître l'emploi des instruments . qu’elles représentent, et rendre toute description superflue. » (Grav. 12,15, 14, 15, 16,7,18, 19, 20, 21.) INSTRUMENTS. 43 Grav, 17, 18, 19, 20, 21, — Instruments. 44 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. Mon nécessaire pour hybrider a toujours été composé de deux gros étuis en bois ordinaire, et un seul suffit awe besoin. On y renferme les pinces, les ciseaux, le canif et les pinceaux. Le second étui porte, dans sa partie la moins profonde, un bouchon de liége ordinaire, lequel est percé de plusieurs coups de canif. Ces petites fentes permettent d'y insérer plusieurs pin- ceaux, par l'extrémité opposée au poil de blaireau (grav. 22). Il n'est pas difficile de comprendre que ces pinceaux sont destinés à re- cueillir du pollen, que l’on emporte et que l’on conserve quelquefois très-long- temps. Un coup de pinceau donné sur une variété nouvelle peut donner naissance, par l'intermédiaire d'une autre variété, à des hybrides remarquables, et plus” d'un larcin a été commis au moyen d'une parcelle de poussière fécondante, fournie par une plante généreuse. J'étais un jour chez un amateur qui possédait une très-belle collection d'Au- _ricules, et qui m'en faisait les hon- neurs avec beaucoup d'aménité. « Je vous offre, me dit-il, des œilletons de la plupart de ces plantes. » Je le remer- dans un étui et destinés à re- ciai et lui demandai seulement l’autori - cueillir et à transporter le < pollen. sation de charger mes pinceaux de leur pollen. Il n'y comprenait rien, et me laissait faire avec un sou- rire d'incrédulité, qu'il ne pouvait dissimuler. Je lui donnai ren- dez-vous dans deux ans, pour visiter la collection d’Auricules que j'allais former à ses dépens. Un nouveau sourire, plus significatif que le premier, accueillit ma nouvelle proposition. Rentré chez moi, mes pinceaux furent essuyés sur un pied d'Auricule jaune, à fleurs larges et bien faites, et, deux ans après, je montrais à cet amateur étonné des coloris qu'il _—_ AA MAUUN = uutuiuu = a — "(ON (TD 4 ë | - CASTRATION. 49 ne connaissait pas, des fleurs plus larges qu'une pièce de cinq francs, et je lui remettais, en échange cette fois d’un sou- rire de gratitude, mes pinceaux, qui venaient de caresser mes plus belles variétés. : Examinons d'abord la castration ou l'enlèvement des éta- mines, la conservation du pollen et son application; nous étu- dierons ensuite son action et celle de la liqueur nectarifère. Castration ou enlèvement des étamines. Quand la fleur s’épanouit et que l'on aperçoit ses organes dans son intérieur, rien de plus facile que de les enlever avec la petite pince; quelquefois même on peut les ôter avec les doigts, comme dans certains Lis; mais on peut et l’on doit même, dans la plupart des fleurs, devancer l'époque de lépa- nouissement pour enlever les étamines, surtout quand celles-ci se fendent de bonne heure et répandent leur pollen sur les stigmates. On ouvre alors mécaniquement la corolle ou le calice, et on extrait adroitement les étamines ou au moins les anthères, à l’aide d’une petite pince. Cette opération doit être faite avec quelque adresse ; il faut éviter de les serrer trop fort, ce qui Les écraserait et pourrait leur faire répandre le pollen ; 1l faut éviter de toucher le pistil en les retirant, et, au lieu de les jeter par terre au pied de la plante, où elles mürissent exposées au soleil et d'où le vent peut transporter le pollen sur les stigmates, il faut les recueillir dans une petite boîte ou un cor- net de papier. On les jette plus loin, ou bien on les conserve, si l'on a besoin du pollen pour opérer d’autres fécondations. . La castration ne présente, comme on voit, de difficultés que dans les cas où il faut ouvrir la fleur avant son épanouissement, ou bien lorsque, celle-ci étant épanouie, les anthères sont cachées au fond d'une corolle en entonnoir ou dans un tube allongé, comme cela a lieu dans un grand nombre de plantes monopétales, Dans ces différentes circonstances, on peut quel- quefois dérouler la corolle et enlever les anthères ; mais le plus 16 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. souvent il faut la fendre elle-même, soit avec la pointe du canif, soit avec celle de l'aiguille, au besoin même enlever un mor- ceau du tube, assez grand pour qu'on puisse, dans tous les cas, aller chercher les anthères qui y sont enfermées. Il est rare que cette opération nuise à la plante; la fleur s’épanouit presque toujours comme à l'ordinaire, et l’on attend cet épanouisse- ment naturel pour y poser le pollen étranger. Les observations de Gærtner comme les miennes n’assignent à la corolle qu'un rôle insignifiant dans la fécondation. On peut la couper, la mutiler et l'enlever entièrement, sans que cela uuise à l'imprégnation du stigmate. Il y a des plantes dont les anthères s'ouvrent entièrement et restent pendant plusieurs jours couvertes d'un pollen adhérent qui acquiert sa maturité, puis se détache et va féconder le stigmate. Il vaut mieux ne pas attendre qu'elles soient ouvertes pour les enlever; mais, si l’on doit agir sous cette condition défavorable, 1l faut couper les filets avec les ciseaux pour ne pas donner de secousses, et enlever adroitement et très-légère- ment les anthères avec les pinces. Enfin, si les étamines sont très-nombreuses, et qu “il ne soit pas idee de les enlever, ce qui arrive souvent pour des plantes de serre où le pistil peut rester couché sur un lit d'étamines sans être imprégné, comme dans la plupart des Cactus, on isole le pistil dans un petit tube de verre pendant que l’on coupe toutes les étamines, ou l’on se contente de le placer dans un tube de papier, ouvert des deux côtés, et l'on féconde au pinceau, sans toucher à la fleur, dont le fllais un peu filandreux ou glutineux, reste ainsi robot éloigaé du stigmate. Pollen, — Conservation. Îl arrive assez souvent que l’on ne peut se procurer le pollen d’une plante à l'époque précise où l’on en aürdit besoin pour en féconder une aütre; dans diverses circonstances, on peut v CONSER VATION DU POLLEN. 47 remédier, en avançant l'une et retardant l’autre des deux plantes par les moyens connus; mais il arrive aussi que la chose est impossible. On peut alors conserver le pollen, en re- cueillant les anthères quand elles sont mûres et au moment où elles vont s'ouvrir. On place ces anthères dans de petits verres de montre, que l’on colle deux à deux avec un peu de gomme arabique légèrement posée sur les bords ; on a soin de les lais- ser auparavant quelques heures ouverts avant de les coller, pour que le pollen puisse se dessécher et perdre la majeure partie de son humidité. Il ne doit être séché qu'à l'air libre, sans chaleur artificielle, et, une fois enfermé, il faut entourer les verres de montre avec une petite feuille d’étain, semblable à celle dont on se sert pour première enveloppe du chocolat. Ce procédé, indiqué déjà par M. Ragonnot Godefroy dans la Revue horticole, a été essayé par un de nos honorables col- lègues, M. Giraud, secrétaire de l’ex-Société d'horticulture de l'Auvergne. On doit à cet habile expérimentateur une tentative très-remarquable sur la conservation du pollen. Voici comment il s'exprime à cet égard : « Il est aujourd'hui bien prouvé que le pollen des fleurs peut être gardé pendant un temps plus ou moins long ; mais quelle peut en être la durée? C'est là ce que des expériences répétées pourront nous apprendre plus tard. Nous pouvons cependant aujourd'hui assurer que nous avons conservé, depuis 1842 jusqu'en 1845, du pollen de Lis blanc, qui nous a servi à féconder des fleurs de Lis auxquelles nous avions entièrement enlevé toutes les anthères, et que nous avons obtenu des fruits et des graines dans les meilleures con- ditions. » M. Haquin, de Liége, a fécondé avec succès des Lis avec du pollen extrait depuis quarant-huit jours; des Azalées avec du pollen de quarante-deux jours, et des Camellias qui ont fructifié avec du pollen de soixante-cinq jours. M. Haquin coupe les éta- mines dès l'épanouissement des fleurs, les place dans du papier bien collé, dépose ce paquet pendant vingt-quatre heures dans un endroit sec et chaud. Au bout de ce temps, la poussière fé: 48 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. condante est tout à fait développée; alors il ôte le pollen du pa- pier, le place dans une feuille de plomb laminé, mince comme du papier, et renferme le tout dans un papier étiqueté, et dans un endroit froid sans être humide. M. Hay Brown, horticulteur anglais, a obtenu un hybride de L'Epiphyllum Jenkinsoni, fécondé par le pollen du Gereus gran- diflorus, qu'il avait conservé cinq à six semaines enveloppé dans un morceau de papier !. M. Perottet a rapporté qu'à la Guadeloupe M. Barrau conser- vait pendant trois mois le pollen des fleurs mâles d'un Dattier dont la floraison avançait du même laps de temps sur celle d’un Dattier femelle. ù Au reste, la connaissance de ce fait que le pollen se conserve longtemps date de loin, car Linné a conservé six semaines le pollen du Jatropha urens et s’en est servi avec succès pour fé- conder des fleurs femelles. M. Brown pense que si certaines plantes nefructifient pas, c'est que dans nos serres le pollen ne peut acquérir assez de matu- rité ; tel est, par exemple, celui du Cereus grandiflorus, dont la fleur reste ouverte une seule nuit. Il croit aussi qu’en conser- vant le pollen quelque temps il devient apte à donner des va- riétés plus distinctes qu’à l’état frais, chose qui n’est pas impos- sible, puisque déjà l'expérience a démontré que les graines de certaines fleurs, telles que les Giroflées, donnent plus d’indi- vidus à fleurs doubles quand elles sont vieilles que lorsqu'elles sont nouvelles. Quand on opère tout de suite et sur quelques plantes seule- ment, on transporte le pollen au bout du pinceau; mais, quand on pratique en grand, soit comme simple amateur, soit comme horticulteur marchand, pour livrer au commerce des graines remplies d’espérances ou pour obtenir des gains nouveaux de ses semis, on est obligé de recueillir le pollen dans de petites boites, et, sous ce rapport, je ne connais rien de plus utile ! Horliculteur universel, rédigé par Lemaire, t. 11,/p. 185. APPLICATION DU POLLEN. : 49 qu'une petite boîte d’étain ou de bois, en forme de tabatière allongée, et séparée en plusieurs compartiments. On recueille dans chacune des cases le pollen d’une variété de couleur, et l’on a ainsi séparées les poussières fécondantes qui représentent des teintes différentes et dont on peut approximativement garder le souvenir en collant au couvercle au-dessus de chaque com- partiment un pain à cacheter d’une couleur analogue à celle de la fleur qui a fourni le pollen. Si l'on veut plus de précision, rien n'empêche de mettre une étiquette : on évite, par ce moyen, de féconder des variétés jaunes entre elles, de mettre du pollen représentant du rouge sur un stigmate où l’on vou- drait appliquer du blanc; chaque case doit avoir son pinceau. On raisonne, on calcule, rien n’est livré au hasard, et, bien que ce dernier ait obtenu souvent de grands succès, je crois qu'il les doit surtout à ce que pendant longtemps il a conservé le monopole de la création des variétés. be l'application du pollen ou de la fécondation proprement dite. Rien de plus simple, assurément, que de poser du pollen sur un stigmate; il suffit de prendre ce pollen au bout d'un pin- ceau et de toucher très-légèrement le stigmate avec ce pinceau. On voit bientôt cet organe couvert de poussière fécondante, qui peut y rester très-longtemps adhérente. Il faut à la rigueur très-peu de pollen pour opérer la fécondation; mais, quand il y à plusieurs styles ou que le stigmate offre seulement plusieurs lobes, il faut que ses différentes parties soient touchées, car chaque stigmate représente un carpelle ou pisül particulier, et leur soudure dans un grand nombre de fleurs n’entraîne pas leur réunion complète, Si un seul stigmate reçoit le pollen, la loge à laquelle il correspond est la seule qui soit féconde. La quantité de pollen appliqué sur un stigmate a done une assez grande importance sur la fécondation. Si l'on emploie le pollen de la même espèce, il en faut moins; mais, si l'on se sert d'un pollen étranger, il en faut davantage, parce que beaucoup 4 oÙ FÉCONDATION ARTIFICIELLE. de grains ne se trouvent pas dans les circonstances favorables pour développer leur tube pollinique. De là nécessité de l’appli- quer à plusieurs reprises sur le même stigmate et à des heures différentes de la journée. Quand le stigmate est saillant, toute espèce de pinceau peut y poser le pollen; mais, quand il est inclus, il est nécessaire d'en avoir de très-petits qui puissent pénétrer dans les tubes des corolles et atteindre cet organe. IL arrive aussi que l'organe femelle est tellement enfermé ou placé si bas dans la corolle, que l'on ne peut l'attemdre et que toute fécondation deviendrait impossible, si l'on n'avait recours à de véritables opérations. Il ne faut pas craindre, dans ce cas, de lendre la corolle, ce qui souvent a déjà été nécessaire pour l'ex- traction des étamines. On profite de cette même ouverture pour y placer le pollen. J'ai plusieurs fois pratiqué de semblables incisions sur des Jacinthes, sans nuire en rien à la production des graines; il faut seulement avoir grand soin de ne pas blesser le pistil avec l'instrument. D'autres fois, les pistils de quelques Synanthérées, des Chry- santhèmes, par exemple, sont placés si profondément dans des tubes allongés, qu'ils sont inaccessibles au pollen. On doit les lendre longitudinalement avec la pointe d’une aiguille, ou, au besoin, commencer par raccourcir toutes les corolles avec les ci- seaux, Jusqu'à ce qu'on puisse arriver au stigmate. Une fois Ha fécondation assurée, il est toujours utile de couper avec des ci- seaux, et non d’arracher la majeure partie des pétales des fleurs doubles et des Synanthérées : on évite la pourriture, qui, à moins l’une année extraordinaire et d'une sécheresse prolongée, ne manque jamais d’altérer les graines. Une fois qu'un stigmate est imprégné par un pollen étran- ver, le propre pollen de la fleur elle-même n'a plus d'action sur lui. | Dans out ce que nous voulons faire, 1l faut, autant que pos- sible, imiter la nature, et, à plus forte raison, quand il s’agit d'un de ses principaux mystères. Il faut donc attendre, pour APPLICATION DU POLLEN. o poser le pollen sur le stigmate, l'heure ordinaire de l’épanouis- sement des fleurs. Les unes ne s'ouvrent que le matin, d’autres à midi et en plein soleil, quelques-unes le soir ou la nuit, et il n'est pas douteux que ce ne soit à ces époques diverses, si va- riées pour chaque espèce, que la fécondation s'opère. Comme plusieurs de ces plantes n’ont leurs fleurs épanouies que pendant un temps très-court, il faut savoir saisir l'instant et en profiter ; pour d'autres, on peut attendre, car les fleurs restent long- temps épanouies, et cela tient en général au mode de féconda- lon. Les fleurs doubles, qui n'ont pas d'étamines, restent long- temps ouvertes, comme si les pistils attendaient, pour se flétrir, l’arrivée du pollen. Dans celles où la fécondation s'opère len- tement, parce que les étamines se défleurissent successivement pendant plusieurs Jours, les enveloppes florales attendent pour tomber que cette grande opération soit terminée. Enfin, si les étamimnes et les pistls ne sont pas aptes en même temps, la co- rolle persiste jusqu'à ce que les deux sortes d'organes aient ac- compli leurs fonctions. Les fleurs dioiques ou monoïques sont aussi souvent plus du- rables que celles qui sont hermaphrodites. En général, c’est le matin que la fécondation artificielle doit être tentée de préfé- rence, puisque toutes les fleurs sont alors complétement épa- nouies entre sept et neuf heures ; quelques-unes, comme celles des Graminées, répandent leur pollen aux premiers rayons du soleil, et c'est aussi l'instant qu'il faut saisir. Le matin est, dans la plupart des fleurs, l'époque où le stigmate est le plus apte à retenir le pollen. La nuit lui a permis de sécréter un peu de cette liqueur visqueuse dont toutes ses papilles sont imbibées, et le soleil n’a pu l'enlever encore. Enfin, il y a des fleurs dont la durée est si courte, que c'est au lever du soleil seulement qu’on les trouve dans un développement parfait; bientôt après, les pétales se détachent et tombent immédiatement. C’est donc ordinairement le matin, quelquefois dans la jour- née, mais presque toujours avant midi, qu'il faut poser le pollen au pinceau sur les stigmates, excepté cependant pour les fleurs 92 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. nocturnes, où 1l faut attendre la nuit; encore plusieurs de ces plantes, qui ne s’épanouissent qu'à l'obscurité, peuvent-elles aussi être fécondées le matin, au lever du soleil, un peu avant qu'elles se flétrissent. Quand les fleurs durent plusieurs jours, il est utile de recommencer à poser le pollen tous les matins et plusieurs jours de suite, afin d’être sûr d'arriver au point conve- nable, c'est-à-dire au moment où le stigmate est apte à le rece- voir. Si l’on attend, pour féconder une fleur, l'époque de l'épa- nouissement ou plutôt la puberté du stigmate, il faut avoir soin d'opérer le retranchement des étamines bien avant cette époque, comme nous le verrons en nous occupant des genres et des familles. Disons seulement d'une manière générale que l’on peut re- connaître, avec M. Fermond, quatre époques distinctes dans l’accomplissement du phénomène de fécondation, relativement à la durée de l'épanouissement : 1° Fécondation dans le bouton avant l'épanouissement ; 2° Fécondation au moment de l'épanouissement ; 9° Fécondation pendant la durée de l'épanouissement ; 4° Fécondation au moment où les enveloppes se ferment. C'est qu'en effet, si la corolle est inutile à la fécondation dans. une foule de plantes, il en est d’autres où, par ses mou- _vements de torsion, d'involution ou de chute, elle favorise le contact du pollen avec le stigmate. Nous avions fait depuis longtemps cette remarque; elle a été confirmée, il y a quelques années, par M. Fermond, particulièrement sur les Iridées, dont les anthères sont extrorses, sur les Malvacées, les Campanu- lacées, certaines Papilionacées, etc. F4 Action du pollen, — Sa structure. Le pollen ou poussière fécondante des plantes a été étudié par de nombreux observateurs. Dès l'année 1711, Geoffroy avait consigné ses observations dans les Mémoires de l'Académie des sciences. Il a décrit et figuré la forme des grains de pol- ACTION ET STRUCTURE DU POLLEN. »3 len dans un grand nombre de plantes, formes très-variées, comme on le sait, mais n'ayant peut-être aucune influence sur celles des granules qui s’y trouvent enfermés. Linné avait aussi fait des observations sur le pollen et sur son action fécondante. « Chaque globule de poussière séminale, dit-il, renferme dans ses enveloppes une substance élastique, qui, quoique très-déliée et presque invisible, se répand cepen- dant au moyen de l’eau chaude et souvent avec force; lorsque les plantes sont en fleur, la poussière séminale s'échappe des anthères et est dispersée en dehors, comme les semences sortent du fruit et se répandent çà et là à l’époque de la maturité. En même temps que la poussière fécondante sort des anthères, le pistil présente son stigmate; cet organe est alors dans l'état le “plus parfait, et paraît couvert d'une humeur particulière au moins pendant une partie du jour; il est entouré des étamines, ou, si les fleurs sont naturellement penchées vers la terre, ces mêmes étamines sont couchées, de manière que la poussière séminale peut être portée aisément sur le stigmate; elle y est retenue, non-seulement par l'humeur qui enduit cette partie, mais encore par le fluide qu'elle contenait et qu’elle répand. Ce qui sort des globules de la poussière séminale, mêlé avec les fluides du stigmate, est porté jusqu'aux rudiments des se- mences. » (Linné, traduit par Broussonet, Journal de phy- sique, 1711, p. 451.) Les Linné, quoique très-bon observateur, se laissait entrainer quelquefois par son imagination, et des études ultérieures n'ont pas confirmé, à beaucoup près, ni ses principes généraux sur la position des fleurs mâles au-dessus des fleurs femelles, ni lés détails que nous venons de lire sur l'imprégnation. Les grains de pollen offrent des formes très-différentes dans les diverses familles du règne végétal et souvent même dans les genres. Ces grains, qui nous paraissent semblables à une poussière très-fine, ne sont que les grossières enveloppes d’un liquide fécondateur que l’on nomme fovilla. | Nous reproduisons ici les figures coloriées de quelques es- 54 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. pèces de pollen, telles qu'elles ont été dessinées par Guillemin dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris, en 1825 (voyez planches 1 et 2). M. A. Brongniart considère ces grains comme formés de deux enveloppes. La membrane externe est la plus solide, et elle paraît percée de distance en distance par de petits orifices, au travers desquels la membrane interne fait des espèces de bosses ou hernies saillantes, et, lorsque ces gras sont en con- tact avec les stigmates, les hernies s’allongent et se transfor- ment en tubes allongés, qui s'ouvrent à leur extrémité et par lequel la fovilla s'échappe. Ce tube ou boyau fécondateur, ob- servé d'abord par M. Amici sur le pollen du Pourpier, a été retrouvé depuis par M. Brongniart et plusieurs autres observa- teurs. Il n'est done plus douteux maintenant que la fécondation ne s'opère dans les plantes par l'introduction de ces boyaux” fécondateurs entre les cellules du stigmate, comme l'indiquent la dernière figure de la planche 2 et les gravures 23 et 24. La matière visqueuse qui couvre ce dernier organe et dont la liqueur miellée ou nectarifère n'est peut-être que l'excédant, paraît destinée à faire éclater les grains polliniques. L'eau pro- duit le même résultat, mais le tube du pollen semble plutôt s'y dissoudre que s’y allonger, comme dans la liqueur visqueuse du stigmate. Ce qu'il x a de certain, c'est que l’eau tombant sur le pollen en trop grande quantité s'oppose à la fécondation, ee que l’on remarque souvent quand des pluies surviennent pendant la floraison de la Vigne et des Céréales et font couler ou avor- | ter leurs fruits. Ces accidents n'arrivent pas avec la liqueur visqueuse de chaque stigmate, qui paraît appropriée au pollen qui doit y adhérer. On peut même remplacer cette liqueur par celle des nectaires ou même par l’eau miellée; le miel, employé dans cette circonstance, n'étant en quelque sorte qu'une restitution inexacte, sans doute, aux plantes qui l'ont fourni aux abeilles, Quand les grains de pollen sont posés sur le stigmate, ils restent souvent longtemps, quelquelois plusieurs jours, sans ACTION ET STRUCTURE DU POLLEN. Do laisser échapper les tubes qui doivent répandre la fovilla. Pour assurer les fécondations artificielles, j'ai quelquefois humecté, à plusieurs reprises, le stigmate avec la liqueur des nectarres, et je suis parvenu ainsi à faire fructifier des plantes qui bien rarement donnaient des graines dans nos serres. Malgré ce que nous venons de dire sur le pollen, il n’est pas probable que dans toutes les plantes les tubes fécondateurs Grav. 25.— Coupe longitudinale d'un ovule Grav. 24. — Coupe longitudinale d'un ovule de Polygonum dans lequel on voit la de la pensée dans lequel pénètre le tube naissance de l'embryon, e, »#. et le fil pollinique, {, p, il entre dans le micro- suspenseur /, 8, qui le soutient; €, d,p, pyle et se prolonge jusqu'au nucelle, où indiquent le commencement de la for- il atteint le sac embryonnaire, s, e; près mation de l'endosperme de la graine. du micropyle se trouvent les vésicules embryonnaires, 2, e, cellules très-déli- - cates qui naissent à l'époque de l'im- prégnalion, soient produits par ces globules; tout porte à croire qu'il suffit, pour plusieurs d’entre elles, que le pollen puisse se rompre et répandre ses granules sur les papilles du stigmate. L'adhérence du pollen au stigmate est souvent. un signe de fécondation. Ce n’est pas toujours le liquide visqueux du stig- male qui en retient les granules, mais souvent ce sont les tubes polliniques qui ont pénétré dans les tissus et qui font adhérer les grains. C’est pour cela que le pollen même d'une plante D 56 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. semble s’y attacher plus facilement et plus promptement qu'un pollen étranger. M. Brongniart a déterminé la grandeur ou plutôt l'extrême petitesse des granules contenus dans la liqueur qui sort de chaque grain de pollen, granules qui sont conduits par les boyaux fécondateurs dans les tissus du stigmate, et qui, selon toute apparence, arrivent jusqu'à l’ovule. Il a reconnu que les uns étaient globuleux, avec un diamètre de 1/456 à 1/700 de millimètre, et les autres ellipsoïdes ou cylindroïdes avec des diamètres de 1/46 de largeur sur 1/350 de longueur, ou de 1/456 de largeur sur 1/700 de longueur. Ces dimensions sont déterminées pour chaque genre, et M. Brongniart pense, avec raison, que ces granules sont adap- tés aux méats intercellulaires de ces genres, et que de cette proportion peut dépendre la possibilité ou la non-possibilité de la formation des hybrides parmi des plantes congénères ou analogues. Les recherches plus récentes de M. Mohl attribuent aux gra- nules de la fovilla des dimensions beaucoup plus petites que celles indiquées par M. Brongniart. Pour que l’on puisse prendre une idée de l'extrême variété qui règne dans la forme et dans l’organisation des grains de pollen, nous allons donner un aperçu de la classification pro- posée par M. Hugo Mohl. Ce n’est pas que la forme si différente de ces grains soit un obstacle direct à la fécondation entre espèces dont le pollen ne présente pas la même configuration, puisque le grain lui-même n'est que l'enveloppe grossière du liquide ou des organismes fécondateurs. Le grain de pollen flétri reste sur le stigmate et le tube fécondateur seul pénètre entre les tissus ou à travers les tissus jusqu’à l'ovule. Mais la différence extérieure du grain entraine des dis- semblances physiologiques que nous ne pouvons apprécier, el nous pouvons être certains d'avance que des plantes à pollen dissemblable ne peuvent pas se croiser. ACTION ET STRUCTURE DU POLLEN. 07 On remarque une grande analogie entre les pollens d'espèces du même genre et souvent encore entre genres différents de la même famille. Le volume des grains de pollen offre aussi de très-grandes variations, et il en est de même de celui des granules ou molé- cules organiques contenus dans le liquide appelé fovilla et que le tube pollinique conduit jusqu'à l'ovule, avec la liqueur dans laquelle ils nagent. Le professeur Mohl partage d’abord le pollen en trois grandes séries : A. PorLexs À UXE SEULE MEMBRANE. — (Cette série ne con- tient que le pollen des Asclépiadées. 9. PoLLENS A DEUX MEMBRANES. = D. POILENS A TROIS MEMBRANES. 2. POLLENS A DEUX MEMBRANES Cette seconde division est partagée en quatre groupes, d'après l’organisation plus ou moins compliquée de la membrane exté- rieure : À. Membrane externe sans plis ni pores ; B. Membrane externe présentant des plis longitudinaux. . Membrane externe présentant des pores. D. Membrane extèrne présentant des plis longitudinaux et des pores. Première division. L. Membrane externe granuleuse : Strelitzia reginæ, Calla palustris, Grocus vernus, Ranunculus arvensis, beaucoup d'Euphorbiacées. IT. Membrane externe papilleuse, Canna indica, Bauhinia fureata. WI. Membrane externe cellu - leuse :, Aleurites triloba, Phlox undulata, Tribulus terrestris. A la suite viennent les formes dérivées qui résultent de la réunion de plusieurs grains souvent soudés quatre à quatre : Periploca græca, Juneus Jacquini, Luzula vernalis. 5S FÉCONDATION ARTIFICIELLE, B. Deuxième division. L. Un seul pli longitudinal : La plupart des Monocotylédons. 1. Deux plis longitudinuux : Watsonia plantaginea, Tamus communis. IE. Trois plis longitudinaux : Cynomorium, Nelumbo, Quercus robur. IV. Quatre plis longi- ludinaux, Sideritis scordioides, Solanum tuberosum. V. Six plis longitudinaux : une partie des Labiées et des Passiflorées. VI. Plus de six plis longitudinaux : beaucoup de Rubiacées, Se- samum orientale. Formes dérivées. M. Mohl considère comme des dérivés le pollen du Pin, du Sapin, du Nymphæa Lotus, le pollen prisma- tique de la Capucine et les formes qui tendent au tetraèdre, au cube et au dodécaèdre, comme dans le Corydalis capnoides, le Fumaria spicata, le Rivina brasiliensis, etc. C. Troisième division. 1. Un seul pore : Graminées, Cypéra- cées. IT. Deux pores : Colchicum, Broussonetia. WI. Trots pores : Dombeyacées, Onagrariées, Protéacées, quelques Amen- tacées et Passiflorées. IV. Quatre pores : Myriophyllum verticil- latum, Gampanula rotundifolia, Impatiens noli tangere. V. Plus de quatre pores : Alnus glutinosa, Gampanula speculum, beau- coup de Nyctaginées, de Convolvulacées, de Chénopodées, de Caryophyllées, Cucurbita pepo, Malvacées, Polygonées. Formes dérivées : assemblage tetraédrique du J'ussiæa erecta; réunion des grains de pollen des Mimosa. D. Quatrième division. !. Trois pores et trois enfoncements: beaucoup de Dipsacées et de Géraniacées. IT. Trois plis et trois pores : la plupart des Synanthérées, Syringa vulgaris, Ligus- trum vulgare. UE. Plus de trois plis, dont chacun contient un pore : la plupart des Boraginées, les Polygalées. IV, Six à neuf plis, dont trois contiennent un pore : Lythrariées, Melastoma- cées, Combretacées. V. Trois à quatre plis, avec six à huit pa- pilles : Hyræa odorata. NI. Trois plis et trois papilles, non situées sur les plis : Carolinea campestris. | Formes dérivées : assemblage tétraédrique des grains : Éri- cinées, Épacridées, Vacciniées. Forme cubique et dodécaédri- que : Gaudichaudia suffruticosa, Malpighiacées. Formes polyé- ACTION ET STRUCTURE DU POLLEN. 59 driques : la plupart des Lactucées, Tragopogon pratense, Grepis rubra, etc., etc. 3. POLLEN A TROIS MEMBRANES. Cette division peu nombreuse contient le pollen de plusieurs plantes de la famille des Conifères. M. Mohl termine ces observations, dont nous n'avons donné qu'un extrait très-abrégé, par les considérations suivantes : « Il résulte de ce que l’on vient de voir que la structure plus simple ou plus composée des grains de pollen n’est pas en rapport direct avec la place plus ou moins élevée que les plantes occupent dans la série des familles, mais la même forme de pollen se trouve dans des familles différentes, et sou- vent très-éloignées par tout le reste de leur organisation. « À la vérité, on peut dire, en général, que chez les Mono- cotylédones dominent les formes à un seul pli longitudinal, ou à un seul pore, et que celles à trois plis ou à trois pores se trouvent presque exclusivement chez les Dicotylédones; c’est presque la seule règle que nous trouvions dans le partage des formes entre les différentes familles, et encore est-elle sujette à des exceptions. Les mêmes formes de pollen se rencontrent fréquemment dans des familles très-éloignées, ce que Guillemin et M. Brongniart ont établi d'une manière incontestable. Au contraire, ces deux auteurs voulaient, et leur opinion à cet égard a été soutenue par d’autres observateurs, que les plantes de la même famille eussent une même forme de pollen, règle dont M. Brongniart excepte toutefois les Cucurbitacées. Comme ce rapport, outre la grande vraisemblance qu'on lui trouve d'abord, est encore appuyé sur des exemples frappants, tels que ceux des Graminées, des Cypéracées, des Thymélées, des Protéacées, des Onagrariées, des Dipsacées, des Éricinées, des Épacridées, des Polygalées, des Grossulariées, des Chénopodées, des Silénées, des Myrtacées, des Mélastomacées, des Laurinées, c’est à ma grande surprise que j'at trouvé dans le cours de mes 60 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. recherches que la forme du pollen varie extrêmement, non- - seulement dans les genres d’une famille, mais aussi dans les espèces d'un même genre, et que même, dans plusieurs plantes, la même anthère contient des grains de pollen de for- mes assez diverses. Un petit nombre d’exceptions ne peuvent pas renverser une loi générale; mais ici les exceptions se multi- plient tellement, que l'assertion de la conformité du pollen dans la même famille ne peut être considérée comme vraie, prise dans cette extension. » M. Mohl produit un tableau des formes du pollen dans deux cent onze familles, en groupant les espèces de chaque famille d’après la forme de leur pollen, et il ajoute : « Quoique ces observations soient contraires à la loi en question, toutefois, d’un autre côté, il faut reconnaitre que les différentes formes de pollen ne se trouvent pas répandues au hasard dans le règne végétal, mais que, sinon les familles, sou- vent un certain nombre des genres d'une famille, où du moins des espèces d’un genre, présentent des pollens semblables ou analogues. D'où l’on peut déduire, comme règle générale, que les plantes très-voisines forment des groupes, qui ont des for- mes de pollen semblables ou rapprochées. Toutefois il ne faut pas oublier ici que les groupes formés d'après les formes du pollen ne coïncident pas du tout d'une manière régulière avec les genres et les familles admis dans la botanique systémati- que. » (Ann. des sc. nat., 2 série, t. HE.) Des nectaires et des insectes, On trouve, dans le plus grand nombre des fleurs, des glandes d’un tissu tout particulier, diversement logées dans les autres organes, et auxquelles on donne le nom de nectaires, parce que leurs fonctions sont de sécréter une liqueur sucrée dont le rôle nous est encore à peu près inconnu. Beaucoup de botanistes ont négligé les nectaires, d’autres ont donné ce nom aux appen- DES NECTAIRES ET DES INSECTES. 61 dices particuliers qui les portent, ou bien l'ont appliqué à tout ce qui dans la fleur ne pouvait se rapporter aux organes sexuels ni aux pièces du périgone, se débarrassant ainsi, par un mot jeté dans une description, de tout ce qui pouvait nuire à cet ancien arrêt porté par les botanistes, que les fleurs étaient tou- Jours formées du calice, de la corolle, des étamines et du pistil, plus quelquefois des nectaires. Les glandes nectarifères existent dans presque toutes les plantes, et si très-souvent on ne les a pas aperçues, c’est qu’elles n'étaient pas entourées d’un appareil particulier qui les faisait remarquer, comme, par exemple, dans les Hellébores, où elles occupent le fond d'un cornet ; dans la Capucine, où elles sont situées au fond de l’éperon du calice ; dans la Couronne impé- riale, où elles tapissent d'admirables fossettes, véritables sources de liquide nectarifère. Plus souvent, le nectaire s'étend, sous la forme d'une couche glanduleuse plus ou moins épaisse, sur le torus ou sur le récep- tacle des fleurs, et là distille sa liqueur, quelquefois si abondante, qu'elle s'écoule d’elle-même de la fleur et tombe sur le sol, comme dans le Strelitxia reginæ. En somme, 1l y a peu de plantes qui, à l'époque de l’anthèse, manquent de cette sécré- tion de l'humeur miellée, soit sur les papilles de leur stigmate, soit sur des organes particuliers. La fréquence des nectaires dans les végétaux a fait penser à quelques botanistes que l'humeur miellée avait un rôle à rem- plir dans la fécondation, et l'on doit au célèbre Vaucher, de Genève, une foule de remarques du plus grand intérèt sur les fonctions du nectaire ou plutôt de la liqueur qu'il sécrète. Jai puisé souvent, dans l'ouvrage! de cet excellent observateur, des documents du plus haut intérêt pour le travail que je rédige. Son livre est une mine inépuisable de recherches dirigées dans une voie qui, malheureusement pour la science, est peu suivie par ses adeptes. 1 Histoire physiologique des plantes d'Europe, par Vaucher; Paris, Marc- Auvel, 1841, 69 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. L'humeur miellée est-elle destinée, comme le croit Vaucher, à recevoir le pollen et à renvoyer l'aura seminalis sur les stig- mates”? J'avoue que je crois peu à une fécondation qui n’est pas opérée par le contact immédiat du pollen sur le stigmate, et, comme la plupart des stigmates sont glanduleux et qu'ils sé- crètent une sorte de liqueur, ne serait-il pas plus rationnel de considérer l'humeur miellée comme destinée à être absorbée par l'organe femelle, à l’époque de l'imprégnation? 1 ya toujours un fait certain, c’est que le pollen, mis en con- Lact avec la liqueur des nectaires, ne tarde pas à éclater et à se trouver dans les conditions nécessaires à la fécondation. Aussi, chaque fois que j'ai opérésur des fleurs à nectaires, j'ai préalu- blement imprégné le stigmate de la liqueur nuellée, et j'en ai obtenu d'excellents résultats. Le procédé pratique est très-simple ; il consiste à prendre avec un pinceau très-propre un peu d'humeur miellée dans la fleur même sur laquelle on opère, ousur une fleur semblable s’il faut la détruire pour en obtenir, et à la poser très-délicatement sur le stigmate, en ayant soi de ne pas noyer cet organe. Avec un autre pinceau, on recueille le pollen et on l'applique avec les mêmes précautions. On sait que l'humidité est nécessaire à l’explosion du pollen, et je me suis bien trouvé, quand les plantes sécrétaient peu de matière sucrée, de mouiller le pin- ceau avec de l'eau, de le passer sur les glandes nectarifères pour enlever le peu de matière sécrétée et l'appliquer sur le stig- mate. J'ai même employé avec succès de l'eau sucrée avec du miel ordinaire, et même de l’eau pure sur des genres entièrement dépourvus de glandes, comme les Pelargonium: On sait, du reste, qu'une pluie douce favorise souvent la fé- condation, et que de grandes pluies font couler les fleurs, c'est- à-dire produisent un effet contraire. L'imbibition préalable du stigmate est donc une opération qui doit être faite avec tous les ménagements possibles; mais elle est souvent nécessaire, car, avec des organes parfaitement secs, l’imprégnation n’a pas lieu: DES NECTAIRES ET DES INSECTES. (1 Du reste, dans la fécondation que l'on opère sur des fleurs à nectaires, rien n'empêche de faire tomber avec le pinceau du pollen surla liqueur miellée, qui peut-être agit aussi comme le soupçonne Vaucher. Kælreuter croyait que le fluide sécrété par le stigmate était huileux et il recommandait de lubréfier cet organe avec une goutte d'huile fraiche de noix ou d'amandes douces. Le doc- teur Aldrige, de Dublin, ayant observé que les acides produi- saient la déhiscence des grains de pollen, a essayé de poser sur les stigmates de quelques plantes du papier de tournesol, qui a rougi. Îl en a conclu que la fécondation s’opérait par l’action de l'acide du stigmate qui faisait éclater les grains et produisait les tubes polliniques. Nous n'avons essayé ni l'huile recommandée par Kæœlreuter, ni les acides faibles du docteur Aldrige. La présence de la liqueur miellée, et sa sécrétion plus abon- dante à l époque de l' anthèse, ne rentreraient-elles pas dans ces moyens si variés et si mystérieux que l’Auteur de la nature a mis en œuvre pour assurer ses immuables volontés? Ce miel n’atti- rerait-il pas ces tribus vagabondes d'insectes bourdonnants dont le corps, couvert de mille pinceaux, disperse le pollen sur toutes les parties de la fleur, et concourent aimsi, en butinant pour leur propre compte, au grand œuvre de la reproduction? Long- temps les horticulteurs ont laissé faire les insectes, sans com- prendre cette grande leçon qu'ils recevaient tous les jours, et la récolte d’une cellule de miel a peut-être produit les premières variétés de Jacinthes et de Tulipes qui sont venues décorer nos parterres. Le transport du pollen par les insectes est un fait parfaitement avéré. Il y a des plantes qui, sans eux, seraient constamment infécondes, et si plusieurs espèces de nos serres chaudes ou tempérées restent stériles, c’est souvent parce que nous n’avons pas importé avec elles les insectes qui vivaient sur leurs fleurs, qui pénétraient dans leurs corolles, et qui, secouant leurs ailes sans cesse agitées, échangeaient avec elles des bienfaits dont la nature seule connaissait la valeur et avait dicté la réciprocité: 64 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. Nous aurions pu nous étendre beaucoup plus sur ces généra- lités, mais nous n'avons dit que ce qui nous semblait indispen- sable, réservant pour chaque genre ou pour chaque famille les détails dont nous aurions pu faire 1ci le résumé. Il est impossible de faire un travail comme celui-ci sans répélitions; peut-être quelques-unes d'entre elles sont-elles nécessaires. Nous avons voulu, avant tout, faire un ouvrage de pratique, non un livre de science, ni une œuvre de littérature. QUELQUES CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES HYBRIDES. On a singulièrement abusé, comme nous l'avons déjà dit, du mot d'hybride, en l'appliquant sans discernement à de simples va- riations ou à de véritables espèces. Personne, sous ce rapport, w'a porté l'abus aussi loin que Linné, qui admettait les hy- brides entre genres différents, et surtout entre genres linniéens, car, depuis cette époque, les hybrides sont venus bien souvent attaquer la légitimité de plusieurs genres modernes. Nous ne savons pas où s'arrête la possibilité des croisements, inais nous devons supposer qu'ils ne peuvent avoir lieu qu'entre des plantes qui ont entre elles beaucoup d’affinité, entre espèces du même genre, entre genres de même famille, tout au plus, et rarement encore. La crédulité de certaines personnes est parfois poussée bien loin. Un jeune homme vint un jour me confier qu'après avoir bien étudié mon livre sur l'hybridation, il avait fait depuis plu- sieurs années des tentatives multiphées pour croiser les Pri- mevères de la Chine avec son plus beau Fuchsia (ce dernier agissant comme père), et me demandait sérieusement s'il n'eût pas mieux valu employer la Fuchsia comme porte-graine. Si la nature aidée par l'homme se refuse obstinément à ces unions ridicules, elle accomplit seule de très-nombreux ma- riages adultérins dans les espèces sauvages. Le nombre des hybrides qui se forment naturellement dans CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 65 les campagnes et dans les jardins est considérable. C’est à peine si dans les écoles de botanique, où les plantes sont rap- prochées, on peut conserver les types des Nicotiana, des Digi- talis, des Dianthus. Dans les champs, les Verbaseum se croisent tellement, qu'il devient difficile de déterminer les hybrides et de reconnaitre leurs parents. Les Cirsium se sont hybridés si souvent, que Koch, dans la seconde édition de son Sinopsis, en décrit 56 appartenant seu- lement au centre de-l'Europe. Et que savons-nous si la Rosomanie, la Rubomanie, la Hié- raciomanie el autres manies dont quelques botanistes sont gra- vement atteints, n'ont pas pour causes, outre les variations naturelles, de fréquentes hybridations? Une des grandes questions relatives aux hybrides est de sa- voir s'ils sont fertiles. J'ai été vivement attaqué, lors de la pre- mière édition de cet ouvrage, pour avoir affirmé qu'il y- avait plus d’hybrides fertiles que d'hybrides stériles, et depuis cette époque j'ai été plemement confirmé dans cette opinion. Les expériences si nombreuses de M. Naudin sur les hybrides lui ont démontré, comme à moi, contre l’opinon généralement reçue, que la plupart des hybrides sont fertiles, et que, sauf l'avortement des grains polliniques, ce qui a lieu quelquefois, tous pouvaient le devenir dans certaines conditions d'âge et de culture. Mais la grande question, comme le reconnait aussi M. Nau- din, est de savoir « si les hybrides fertiles par leur propre pol- len conservent indéfiniment, par voie de génération, leurs ca- ractères mixtes ou leurs anomalies, de manière à faire souche d'espèces. » (Naudin.) M. Naudin ne le pense pas. Il en donne pour raison que la nature, qui à fait les espèces parce qu'elle en avait besoin, et qui les à organisées pour des fonctions déterminées, n’a que fre des hybrides, qui ne répondent pas à son plan; aussi les fait-elle généralement disparaitre en un petit nombre de gé- » J 66 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. nérations, et quelquefois dès la première, en leur refusant la faculté de se reproduire. » Nous ne savons ni pourquoi mi comment la nature a fait les espèces, et nous doutons qu'elle ait grand besoin de toutes celles qu'elle a faites; aussi avons-nous bien plus de con- fiance dans les expériences patientes et ingénieuses de ce sa- vant naturaliste que dans des idées sur les besoins de la nature. Toutefois nous ne croyons pas la question résolue par la néga- live, et nous pensons, au contraire, qu'en choisissant parmi les hybrides fertiles les individus, quelquefois en petit nombre, bien semblables aux types déjà hybrides, qu'en agissant pendant longtemps, par voie de sélection, sur ces hybrides, on par- vient à fixer certains types et à les conserver indéfiniment. Par ce dernier mot nous ne voulons pas dire que le nouveau type fixé ne variera jamais; il y aura bien quelques écarts; nous voulons dire qu'il restera, comme les autres espèces, sensible- ment fixe, tant qu'il se trouvera entouré des mêmes conditions. On ne peut nier ni la fertilité nt l'indépendance de certains hy- brides de Mirabilis et d’ Ægilops. Nous reconnaissons dans tous ces hybrides fertiles une grande tendance à l’atavisme, c’est-à-dire une propension à retourner tantôt à l’un des types, tantôt à l’autre, plus souvent à la mère qu'au père. Mais l'atavisme, comme l'indique son nom, re- monte au delà des derniers parents, 1l rappelle souvent le grand- père, la grand'mère, les bisaïeuls, et l’on est tout étonné, au bout de quelques générations d'hybrides, de voir reparaître des formes que l’on croyait perdues. Cette tendace à l'atavisme, observée par tous ceux qui se sont occupés de croisements, fait que souvent les plus belles variétés de Pélargonium, d’Azaléa, de Rhododendron et d'une foule d’autres plantes ne produisent par les semis que des formes très-ordinaires et souvent moins belles que la plante qui à fourni la graine. Il faut soutenir ces belles variétés par des hybridations nouvelles et successives. Tous ceux qui ont pratiqué longtemps savent par expérience et par cette seule voie que certaines variétés, qui ne sont pas tou- CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 67 jours les plus belles, sont les meilleurs porte-graines, celles qui donnent les plus beaux gains. (Qu'on le demande à M. Sou- chet, pour ses Glaïeuls.) «IL est à remarquer, dit M. E. Regel, que, parmi les milliers de plantes qu'on obtient chaque année dans le jardin de Zurich au moyen de fécondations artificielles, 1l y en a toujours un très- grand nombre qui ressemblent aux formes ordinaires ou qui s'en écartent fort peu, tandis que, dans les mêmes semis, on n'en trouve qu'un fort petit nombre qui s’écartent notablement de ce que l’on connaît. La raison en est simplement que la fé- condation entre des espèces voisines et des hybrides est propor- üonnellement facile et donne en abondance de bonnes graines, tandis que celle qu'on opère artificiellement sur des hybrides avec une plante qui n’est pas l’un des parents est toujours dif- ficile et donne peu ou pas de bonnes graines. Mais le petit nombre de plantes qu'on obtient dans ce dernier cas constitue des nou- veautés remarquables. De là il résulte qu'on obtientles meilleurs résultats en prenant des hybrides pour porte-graines. La nature conduit du reste elle-même à cette méthode; car le plus souvent les hybrides ne produisent pas de bon pollen, etla conséquence en est qu'on peut rarement les employer comme pères. L'état défectueux du pollen est souvent un moyen certain pour distin- guer un hybride d'une variété. Il faut cependant rappeler qu'il existe quelques hybrides qui produisent toujours de bon pollen, tels que le Matthiola maderensi-incana, ceux des Petunia, quelques-uns de ceux de Begonia, etc. » (Soc. imp. et centrale d'hortic., t.f, p.252.) Si l'hybridation a pour résultat de produire souvent des plantes d'une vigueur extrême, l'inverse a également lieu. Ainsi, dans nos nombreuses hybridations de Mirabilis, nous avons tous les ans quelques sujets qui donnent des boutons en abon- dance, mais des boutons qui se dessèchent et tombent sans s'é- panouir. Il est vrai que ce phénomène ne se présente jamais sur les individus obtenus directement par la fécondation du pisül du M. jalapa par le pollen du M. longiflora, mais seulement 68 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. à la seconde génération provenant des graines de ces hybrides. Charles Morren cite un fait semblable au sujet des Hymeno - callis distichà et rotata. Leurs hybrides, quand le temps de la floraison était arrivé, produisaient des hampes stériles où les boutons étaient décolorés et mourants. Il est encore une observation du plus grand intérêt relative à la vigueur des sujets ou à l’'hybridation. Plus on développe le sujet, plus on le nourrit, plus en l’arrose, en un mot, plus en développe ses organes foliacés et ses bourgeons, moins on a de chance de réussir dans l'hybridation. Ce fait est la conséquence d'une loi que l’on désigne sous le nom de loi du balancement des organes. Les plantes ont deux moyens de se reproduire : par gemmes ou bourgeons, et par semences. Or la vigueur d’un individu le pousse toujours à produire de nouveaux bourgeons, et ceux-ci sont formés aux dépens des organes de la reproduction ou des graines. Si au contraire une plante souffre par une cause quel- conque, elle tend à fleurir et à fructifier. Elle s'empresse de le faire comme si elle craignait que sa race fût perdue. On sait du reste que, pour mettre à fleurs ou à fruits certains végétaux rebelles, il faut leur faire le plus de mal que l’on peut: les faire souffrir de la soif longtemps, courber leurs branches, les couper à moitié, les mutiler à coups de bâton, etc., pour diminuer leur vigueur. Cet excès de développement des organes de la végéta- tion sur ceux de la reproduction est la cause qui rend souvent les hybrides infertiles, et par la même raison on peut être assuré qu'un individu souffrant sera plus apte à fructifier et à recevoir le pollen d’une autre espèce que s'il était en pleine végétation. Le développement complet et normal du péricarpe par suite du contact d’un pollen étranger est une chose quel’'on voit sou- vent sans que pour cela les graines soient fertiles. Quelquefois même les graines manquent totalement. La maturation du fruit d'une plante hybridée est ordimaire- ment plus longue que celle du fruit fécondé par le propre pol- len de la plante. L'ovaire semble hésiter avant de s’accroitre, CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 69 et quand il a commencé il müûrit un peu moins vite. Dans tous les cas, le fruit et la graine conservent exactement la forme ha- bituelle à la plante mère, et rien n'indique, avant la nouvelle génération qui doit en sortir, les caractères de l'espèce qui à fourni le pollen. Telle est du moins l'opinion généralement admise, mais qui laisse encore des doutes dans l'esprit de plusieurs horti- culteurs; c’est de savoir si l'hybridation réagit sur les péricar- pes et sur les graines des fleurs hybridées. L'exemple que nous citons plus loin du Pommier d'Abbe- ville semblerait répondre affirmativement à cette question. L'o- pinion, généralement reçue, que de mauvais Melons placés près de variétés méritantes en altèrent la saveur immédiatement, ap- puierait encore cette manière de voir; nous devons dire qu'elle est partagée aussi par un pomologiste distingué, M. J. de Li- ron d’Airolles, qui, nous l’espérons, parviendra à donner par expérience une solution à cette grave question. Il est certain toutefois que dans les expériences assez nom- breuses que j'ai tentées, mais à la vérité sur des fruits à péri- carpes secs, je n'ai jamais pu reconnaitre, n1 sur les péricarpes, ni sur les graines, aucun signe qui püt m'indiquer que l'hybri- dation avait eu lieu. Parmi les quantités de graines de Mira- bilis que j'ai obtenues, aucune ne différait des grames prove- nant de fleurs non hybridées de la même plante. Il était de toute impossibilité de les distinguer, et pourtant les graines des Mirabilis varient .de forme et de grosseur avec la plus grande facilité. Dès que ces graines levaient, il était facile de constater les différences, et les plantes hybrides donnaient elles-mêmes des graines qui tenaient souvent le milieu entre celles des deux es- pèces; mais, jusqu'à cette génération, l'embryon paraissait avoir seul subi l’action du pollen modificateur. En dehors d'expériences directes il est ‘un fait qui, dans cette question, ferait pencher pour la négative; c'est que le même arbre fruitier donne constamment des fruits sembla- 70 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. bles. Nous ne trouvons pas sur le même Pommier plusieurs variétés de pommes, sur le même Cerisier des cerises distinc- tes par la forme et le coloris, sur un pied de Prunier des prunes intermédiaires entre la reine-Claude et les mura- belles, ete.; et cependant le vent et les insectes ne peu- vent être restés étrangers à la fécondation de toutes ces fleurs. Le développement des fruits des plantes hybridées se fait souvent d’une manière très-inégale. Ainsi l’on voit les péri- carpes se développer comme.à l’ordmaire sans contenir de graines, Dans d’autres conditions, on trouve des péricarpes et des graines, mais celles-ci sont sans embryon. Dans de meil- leures circonstances quelques graines sont fertiles. Enfin, dans le plus petit nombre des cas, toutes les graines sont bonnes. La quantité de pollen appliquée, laquelle doit toujours être consi- dérable, peut faire varier ces résultats. C'est à tel point même, que dans les espèces fécondées naturellement par leur propre pollen, si les graines sont très-nombreuses, comme dans les Pa- vots, les Tabacs, les Digitales, on rencontre toujours un certain nombre de graines qui ont échappé à l'imprégnation. Il résulte d'observations très-précises qu'il y a même des plantes stériles par elles-mêmes dans certaines circonstances, qui se laissent féconder par un pollen étranger. William Herbert rapporte que les Zephiranthes carinata et Z. tubispatha ne donnent pas de graines en Angleterre; mais, si le dernier est fé- condé par le pollen du premier, il fructifie et produit des graines fertiles. Le même fait s’est reproduit sur des Amaryllis cultivés par M. Herbert. On l'a reconnu également sur quelques Passi- flores et sur plusieurs autres plantes. Pendant que j'écrivais ces lignes, j'ai reçu de M. Charles Darwin un Mémoire tiré des Proceedings de la Société linnéenne de Londres, et qui m'a fait d'autant plus de plaisir qu'il à trait au sujet dont je m'occupe et qu'il vient confirmer des observa- tions que j'avais faites depuis longtemps sans en tirer les mgé- nieuses conséquences que M. Darwin’ a pu y voir. Il s'agit du CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 71 dimorphisme des organes sexuels de plusieurs plantes, mais particulièrement du genre Primula. On savait, et ceux qui hybrident le savent mieux que les autres, que dans les Primevères de nos prairies, comme dans les Auricules et les Primevères de Chine, on distingue deux formes très-différentes par la longueur du style et par la position des étamines; mais on n’en savait pas davantage. Dans l’une de ces formes, le stigmate est inclus et les étamines se montrent à l'issue du tube de la corolle; dans l’autre, ce sont les étamines qui sont enférmées et le stigmate qui fait saillie, porté par un long style. Ceux qui cultivent les Auricules ap- pellent clouées celles qui présentent'ce dernier caractère, ils donnent le nom de paillettes aux étamines saillantes, et dési- : gnent sous le nom d'œil la réunion des étamimes au sommet du tube quand le stigmate est inclus. Après avoir reconnu que dans ia plupart des Primevères, et peut-être dans toutes, il y avait un nombre à peu près égal d'individus cloués et d'individus œillés, M. Darwin en a re- cherché la cause. Il a fait précéder cette recherche des observa- tions suivantes : Les Primevères longuement stylées ont une pistil beaucoup plus long, avec un stigmate globuleux et beaucoup plus ru- gueux, situé bien au-dessus des anthères. Les étamines sont courtes; les grains de pollen moins volumineux et de forme oblongue. La moitié supérieure du tube de la corolle est plus renflée, le nombre des graines produites est relativement plus faible. Les Primevères brièvement stylées ont un pistil court dont la longueur est moitié de celle du tube de la corolle, avec un stigmate lisse aplati, placé au-dessous des anthères; les éta- mines sont allongées ; les grains de pollen sphériques et plus volumineux ; le tube de la corolle conserve son même diamètre jusqu'à son extrémité supérieure; le nombre des graines pro- duites est relativement plus grand. « J'ai examiné, dit M. Darwin, un grand nombre de fleurs, 72 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. et, quoique la forme du stigmate et la longueur du pistil soient variables, surtout dans la forme à court style, je n'ai jamais vu aucune transition graduelle entre ces deux formes. Il n’y a ja- mais le plus léger doute relativement à la forme sous laquelle on doit classer l'individu, jamais je n'ai rencontré les deux formes sur la même plante. » Après ce court résumé des longues observations de M. Dar- win, on se demande avec lui si ce dimorphisme n'indiquerait pas une tendance à la diæcie, et si ces plantes à long style ne tendraient pas à devenir femelles ou à en Jouer le rôle, tandis que les individus à étamines saillantes rempliraient les fonctions de mâles? M. Darwin est arrivé à reconnaitre cette tendance, mais avec cette différence que ce sont les plantes à court style qui seraient les femelles. Ge sont les plus fertiles dans la pro- portion de 41 à 54. « Quoi qu'il en soit, dit M. Darwin, la possibilité du passage lent et graduel d'une plante à l'état dioïque mérite d'autant plus d’être mentionnée que le fait pourrait facilement échapper à l'observation. » En poursuivant ses expériences sur le plus ou le moins de fertilité des Primevères, M. Darwin eut l'idée de les isoler au moyen d'une gaze et de mettre ainsi les ombelles fleuries à l'abri des insectes turbulents qui pourraient venir contrarier ses essais. Il obtint ce résultat curieux que des plantes à court style, mu- nies ensemble de 27 ombelles de fleurs, ne produisirent que 90 graines, et 18 plantes à long style, pourvues de 74 ombelles, n'en donnèrent pas une; d'autres plantes abritées dans la serre furent également stériles. Iei, comme dans la plupart des plantes dioïques, l'intervention des insectes est donc indispensable. Mais il faut remarquer que dans le transport du pollen par les insectes la fécondation est souvent indirecte, c'est-à-dire qu'ils peuvent prendre sur une fleur le pollen dont ils sau- poudrent le stigmate d’une autre fleur, et c’est ce qui arrive dans les Primevères. | CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 13 La plus curieuse peut-être des expériences de M. Darwin est d'avoir fécondé artificiellement, d'un côté, les plantes à court style par leur propre pollen, celles à long style aussi par leur propre pollen, et, d’un autre côté, celles à court style par le pol- len de celles à long style, et réciproquement; ce qu'il appelle fécondation homomorphe dans le premier cas, fécondation hété- _romorphe dans le second. Toutefois, dans les fécondations ho- momorphes il a pris soin encore de prendre le pollen sur une fleur différente de celle qui était destinée à le recevoir. Or les fécondations hétéromorphes ou entre plantes dissem- blables ont toujours été plus fertiles que les autres, et cela dans la proportion de 64 à 40 pour le Primula sinensis, et de 54 à 95 pour le P. veris. Nous reproduisons ici la figure au moyen de laquelle M. Darwin montre les rapports qui existent dans la fécondation réciproque des plantes à long style et à court style (grav. 25). Union hétéromorphe. Complète fertilité. Dern bi Qi Union / \ Union homomorphe. | Homomorphe. . Fertilité ; Fertilité incomplète. ; incomplète. î < Se 1 Union hétéromorphe. Complète fertilité. Grav. 25, — Forme à long style. Forme à court style. « La signification et le but de l'existence, dans les Primula, de deux formes en nombre à peu près égal, avec leur pollen ap- 74 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. proprié à une union réciproque, est suffisamment claire : le but est de favoriser le croisement entre individus distincts. Parmi les végétaux il y a de nombreuses combinaisons qui tendent à cette fin, eton ne peut comprendre la cause finale ou la structure d'un grand nombre de fleurs si l'on ne tient compte de ce fait. » Quoique généralement le pollen d’une plante soit plus ap- proprié au stigmate de cette plante que celui d'une espèce très-voisine, nous ne savons pas si nous n'obtiendrions pas des variétés nouvelles, ou des plantes plus vigoureuses, ou des in- dividus plus fertiles, en fécondant artificiellement le stigmate par le pollen de la même espèce, mais provenant d’un individu différent. La nature accomplit souvent elle-même ces sortes de mariages par une foule de moyen indirects dans lesquels les insectes, comme nous l'avons reconnu, jouent un rôle très-actif. M. Darwin croit tellement à la nécessité de ces croisements, qu'il est persuadé que le pollen d’une Primevère, de l’une des deux sections à court ou à long style, doit être préféré par le stigmate de la forme opposée. « Les deux formes, dit M. Darwin, quoique présentant cha- cune les deux sexes, sont en fait dioïques ou unisexuelles. Quel- que avantage qu'il puisse y avoir à la séparation des sexes, séparation vers laquelle nous trouvons une tendance si fré- quente dans la nature, cet avantage est ici si exactement réa- lisé, qu'une des deux formes est fécondée par l’autre et réciproquement; et cela parce que la poussière fécondante de chaque forme a moins d’action que celle de l'autre forme sur son propre stigmate. « Que l’état dimorphe des Primula, continue M. Darwin, ait ou non quelque rapport avec d’autres points d'histoire natu- relle, il a de l'importance en ce qu'il montre comment la nature s'efforce, si je puis m’exprimer ainsi, à favoriser l'union sexuelle d'individus distincts de la même espèce. Les res- sources de la nature sont sans bornes; et nous ne savons pas pourquoi les espèces de Primula ont acquis ce nouveau et curieux secours, pour empêcher de continuelles fécondations CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 7 de la plante par elle-même, au moyen de la séparation des individus, et deux groupes d’hermaphrodites possédant une puissance sexuelle différente, au lieu de la méthode plus fré- quente de la séparation des sexes, ou bien de l'aptitude à des périodes distinctes des organes mâles et femelles, ou, enfin, de tout autre artifice. » M. Darwin cite ensuite un grand nombre de cas de dimor- phisme plus ou moins complet, et plus ou moins apparent. Il est évident pour moi que le dimorphisme n'est autre chose qu'une de ces modifications employées par la nature pour obtenir des fécondations indirectes. La séparation directe des sexes ou diœcie est le eas le plus exceptionnel. Dans la monæcie, les sexes, comme nous l'avons vu, sont disposés de telle manière, que la fécondation est presque toujours indi- recte. La fleur femelle d’un rameau, contrairement à l'opinion de Linné, que l'on a reproduite sans y regarder, ne reçoit guère le pollen que de la fleur mâle d'un autre rameau: or, les végétaux pouvant être considérés comme des agrégations d’in- dividus, la fécondation monoïque, dans les conditions que je viens d'indiquer, devient presque dioïque. J'ai publié dès l’année 1827, dans une thèse soutenue à l'É- cole de pharmacie de Paris, de nombreuses observations de fécondations indirectes, sujet dont on s’occupait peu à cette époque. La question des hybrides, étudiée avec som, est venue confirmer mes idées sur le croisement des types à des degrés différents. J'ai vu partout la fécondation indirecte plus fré- quente que la fécondation directe, même dans les fleurs herma- phrodites, et j'avais comparé même ces fécondations indirectes à celles de certains mollusques, tels que les Helix dans une cir- constance, les Lymnées dans une autre. La nature semble avoir antipathie pour les fécondations directes des plantes, comme pour les alliances consanguines des animaux. Seulement, l'inconvénient de ces alliances directes entre parents paraît d'autant plus sérieux que les êtres sont placés plus haut dans la série. Faibles dans les plantes et dans 76 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. les animaux inférieurs, les conséquences fâcheuses de ces unions deviennent plus graves chez les oiseaux et les mammi- fères, si terribles dans l'espèce humaine, qu'une grande partie des dégradations qui touchent même à l'intelligence provien- nent de mariages entre parents. Parmi les plantes hermaphrodites se présentent des causes nombreuses d'unions indirectes. Nous pouvons citer : la situa- tion relative des organes, souvent contraire au contact du pol- len avec le stigmate ou le dimorphisme, la disproportion des dimensions entre les filets et les styles, la viscosité du pollen ou son adhérence, l'ouverture extrorse des anthères, les diffé- rences entre les époques d'aptitude des organes mâles et des organes femelles, l'avortement plus ou moins complet d'un des organes essentiels, ce qui nous conduit à la séparation com- plète ee sexes. Dans le mois d'avril nu (1862), j'eus la bonne fortune de communiquer ces observations sur les fécondations eroi- sées entre individus de même espèce à la Société centrale d’horticulture de Paris: Mes savants collègues voulurent bien écouter avec attention et bienveillance l'exposition de faits qui touchaient si directement à l’horticulture, et je reçus sur ce su- jet quelques communications d'un grand intérêt. M. Rivière me dit avoir inutilement essayé de féconder un Oncidium Cavendishianum par son propre pollen; les fleurs restèrent stériles. Mais, en prenant le pollen sur un pied diffé- rent, 11 obtint immédiatement des fruits fertiles. Il fit alors la contre-partie de l'expérience, c’est-à-dire qu'il prit le pollen du pied devenu fertile pour le poser sur le stigmate de ceiui qui venait d'agir dioiquement, et il obtint les mêmes résultats. La fécondation directe était donc sans résultat et la fécondation réciproque parfaitement assurée. M. le docteur Pigheaux a bien voulu aussi m'adresser une note que je transcris presque littéralement. « Les arbres fruitiers, dit mon savant collègue, aiment à vivre en famille ; ils sont d'autant plus féconds qu'un espace CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 77 limité ne contient que des fruits de même espèce. Il est même profitable de les rapprocher d'autant plus les uns des autres, que leur floraison est simultanée et qu'ils fructifient dans la même saison. Cette observation porterait à croire que la pous- sière pollinique de plusieurs individus concourt, soit par l'in- termédiaire des insectes, soit par les vents, à féconder des in- dividus moins aptes à imprégner leurs propres fleurs. « Dans un grand jardin, un arbre unique de son espèce est en général peu fécond. L’Amandier, qui le premier nous montre ses fleurs au printemps, est de ce nombre. J'en ai eu deux dans mon jardin; il n'y en avait jamais qu'un seul qui fructifiait, celui qui était sous le vent du sud-ouest, qui souffle presque constamment sous le climat de Paris. Depuis la mort de l'arbre fécondateur, l'autre est resté presque stérile. « Les Cerisiers de la reine-Hortense sont peu cultivés, à: cause de leur délicatesse et de leur peu de fécondité habi- tuelle. Eh bien, si l’on en constitue un petit groupe dans une encoignure de jardin, on voit leur fertilité égaler celle de toutes les autres espèces; mais les plus féconds, comme mon Amandier, sont toujours sous le vent. « Quand on cultive des arbres à haute tige et des arbres à basse tige, soit en rangée, soit en quinconce et suffisamment espacés et alternant entre eux, les plus fertiles d'abord sont ceux qui reçoivent par leur position inférieure l'influence pollinique du plus élevé, et en tout temps les plus féconds sont toujours ceux qui sont situés sous le vent du sud-ouest, ce qui fait présumer que les vents ont au moins d'autant d'in- fluence que les insectes pour féconder les fleurs. « En Syrie, les Dattiers mâles agissent par leur pollen à de grandes distances quand ils sont dans certaines conditions bien connues des Arabes, qui s’en rapportent tous à l'influence du vent du sud-ouest. Ils ne fécondent artificiellement, à l’aide de fleurs mâles prises sur les Dattiers sauvages, que ceux qui sont à contre-vent du sud-ouest, et encore ont-ils reconnu leur moindre fertilité et leur assignent-ils une valeur bien momdre. 78 FÉCONDATION ARTIFICIELLE. « Je pourrais multiplier à l'infini ces exemples; mais, comme ils ont tous la même signification et la même portée, ceux que J'ai cités suffisent pour confirmer de tous points votre manière de voir. Vos observations ont d'autant plus de valeur que la nature seule s’est chargée d'en fournir les éléments. » Nous pouvons donc, en envisageant la question au point de vue pratique de l'hybridation, remarquer dans les différents modes de fécondation des degrés divers que nous allons citer, dans l’ordre de leur éloignement de la fécondation directe et hermaphrodite. Premer DEGRÉ. — La fleur est fécondée par son propre pol- len, c'est-à-dire par les étamines de celte même fleur où existe le stigmate. SEconp pEGRÉ. — La fleur est fécondée par le pollen d’une . autre fleur, appartenant à la même grappe, au même épi, ou enfin à la même inflorescence. TROISIÈME DEGRÉ. — La fleur est fécondée comme ci-dessus, mais par le pollen d'une fleur appartenant à une autre mflo- rescence ou à un autre rameau florifère du même individu. QuarrièMe DEGRÉ. — La fleur est fécondée par le pollen de la même espèce, mais pris sur un individu différent. CnQuiÈME peGRé. — La fleur femelle est fécondée par une fleur mâle, appartenant au même rameau ou à la même inflo- rescence. Sruème DEGRÉ. — La fleur femelle est fécoudée par une fleur mâle, appartenant à un rameau différent ou à une inflorescence différente, mais sur le même pied. SEPTIÈME DEGRÉ. — La fleur femelle est fécondée par le pollen d'une fleur mâle, située sur un pied différent. Hurmème pecré. — La fleur hermaphrodite ou unisexuée est fécondée par le pollen d'une autre variété. Neuvièse vecré. — La fleur hermaphrodite ou unisexuée, est fécondée par le pollen d'une espèce différente. Dixièue veGré. — La fleur hermaphrodite ou unisexuée CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 19 hybridée est fécondée par le pollen d’une autre fleur, égale- ment hybride. ; | On comprend tous les intermédiaires qui peuvent exister entre ces derniers degrés, et toutes les exceptions que les insectes peuvent apporter partout, en troublant les unions les plus régulières. Les détails que j'ai réunis dans ce livre se rapportent pres- que entièrement aux derniers de ces degrés de fécondations, c'est-à-dire aux hybrides de variétés et d'espèces, et aux hybrides d'hybrides. Les essais de fécondation entre individus distincts de la mème espèce n'ont été pratiqués, à ma connaissance, que sur les Primula, par M. Darwin, et sur les Mirabilis, par moi-même, et pendant plusieurs années. J'ai acquis la certitude que la gé- nération qui résultait de ces croisements était extrêmement vi- goureuse, plus robuste que les parents, et cette sorte de vitalité ou d'énergie attemt son maximum dans les hybrides d'espèces. Certaines plantes, qui n'acceptent pas leur propre pollen, deviendraient peut-être fertiles, si, au lieu de recueillir le pollen sur le porte-graine, on se la procurait sur un individu distinct de la même espèce. Toute une série de nombreuses ex- périences reste à faire sur ce sujet, et le travail de M. Darwin ouvre une ère nouvelle à tous ceux qui voudront entrer dans cette voie si Curieuse et si pleine d'avenir et de progrès. Sans vouloir donner aux insectes plus de pouvoir qu'ils n’en exercent réellement dans les grandes harmonies de la nature, nous devons rappeler encore une fois l'importance de leur rôle dans les fécondations indirectes. Il est évident qu'ils fécondent souvent des fleurs par le pollen de la même espèce, mais par des pollens pris sur des individus différents, et qu'ils croisent ainsi des générations qui, sans cet intermédiaire, auraient lieu entre proches parents. L'importance bien constatée d'un rucher à proximité d’un verger ou d'un jardin vient appuyer cette opinion du rôle actif des insectes pour favoriser les fécondations indirectes. SU FÉCONDATION ARTIFICIELLE. On ne sera pas étonné de cette importance, si l'on se rappelle les curieuses conclusions qu'Hubert de Genève a tirées de ses nombreuses observations. D’après lui, les abeilles d’une ruche voyagent dans une circonférence dont le rayon moyen est de quatre kilomètres. En donnant pour population moyenne à chaque ruche douze mille habitants, en attribuant à chaque abeille quatre voyages par jour, on obtiendra quarante-huit mille chances multiphiées par le nombre de fleurs que chaque inseete pourra visiter par voyage. Mettons dix fleurs seulement, et nous aurons quatre cent quatre-vingt mille visites qui s'augmente- ront dans une énorme proportion si un autre rucher est situé tout près du domaine qu'il devra exploiter. Si nous ajoutons aux abeilles de notre ruche ces innombrables hyménoptères sau- vages que nous voyons partout butiner sur les corolles, si nous supputons les myriades de mouches, de papillons et d’imper- ceptibles insectes qui trouvent aussi leurs aliments ou leurs plai- sirs au sem des fleurs, nous serons forcés de reconnaître que chacune d'elles a bien des chances pour recevoir la poussière fécondante d’une autre fleur. Nous terminmons en citant en leur faveur une observation faite dans les serres du Luxembourg par M. Rivière, dont personne ne conteste le talent et l'habileté, et rapportée par M. Duchartre à la Société de botanique (séance du 27 dé- cembre 1861). e Un Agave, l'A. potatorum, Zucc., ayant développé ses fleurs, M. Rivière fit sur elles divers essais de fécondation artificielle. « Dans ce but, 1l transporta sur le stigmate de ces fleurs le pol- len que les anthères ouvertes offraient en abondance, et, afin d’avoir plus de chances de succès, ilse servit de tous les moyens habituellement employés dans ce but. Il prit donc le pollen avec un pinceau fin, avec des barbes de plume, avec les doigts, et le déposa sur les stigmates des fleurs épanouies. D'un autre côté, pensant que l'heure à laquelle l'opération était faite pouvait exercer quelque influence sur le résultat, il agit sur ces stig- mates à des moments très-divers de la journée, toujours sans CONSIDÉRATIONS SUR LES HYBRIDES. 81 exception, la fécondation artificielle échoua, et pas un seul ovaire ne subit un commencement appréciab'e d'accroisse- ment. Cependant une circonstance imprévue et tout à fait acet- dentelle amena le résultat désiré, au moment où l'on désespé- rait de l'obtenir. | « L'Agave fleuri se trouvait dans le tambour ou le vestibule vitré qui sert d'entrée à une serre; un essaim de mouches s’in- troduisit dans cet endroit, et peu de jours après M. Rivière reconnut, avec une vive surprise, que les fleurs de sa plante étaient fécondées, que les ovaires commençaient à prendre un développement rapide. Ainsi s'offrait à ses yeux une nouvelle preuve de l'utilité, déjà plusieurs fois constatée et cependant encore aujourd'hui contestée par certaines personnes, qu'ont les insectes pour la fécondation des diverses plantes. » Ne se pourrait-il pas que l’insuccès de M. Rivière tint à ce qu'il a recueilli le pollen qu'il a posé sur le stigmate dans la fleur même où ce stigmate se trouvait placé, opérant ainsi une fécondation directe, laquelle souvent ne réussit pas? Les in- sectes, au contraire, recueillaient indistinctement la poussière fécondante sur toutes les fleurs, appartenant aussi à d’autres branches, et croisarent les unions autant que cela peut avoir lieu sur le même individu. D'un autre côté, et en supposant que cet Agave que je ne connais pas ait eu de la liqueur miellée, M. Rivière a-t-il posé sur le stigmate un peu de cette liqueur lubréfiante qui détermime l'apparition des tubes polliniques et que les insectes posent sou- vent avec le pollen dans les fleurs qu'ils vont courtiser? J'ai manqué des fécondations de Strelittia pour avoir négligé de poser au pinceau sur le stigmate un peu de cette liqueur nec- tarifère. Ce sont de simples indications que je donne ici aux botanistes et aux horticulteurs pour ne rien négliger dans l'application d'une pratique (l'hybridation) à laquelle j'attache toujours une grande importance. 82 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. CHAPITRE IV DYCOTYLÉDONES THALAMIFLORES PLANTES- A PÉTALES DISTINCTS INSÉRÉS SUR LE KÉCEPTACLE. FAMILLE DES RENONCULACÉES. Genre Clématite. —- Clemalis. Les organes reproducteurs des Clématites sont nombreux et presque à découvert, car les sépales de ces plantes sont quel- quefois caduques, et n’opposent par conséquent aucun obstacle à la fécondation indirecte. Les étamines sont en assez grand nombre et entourent les pistils, qui sont eux-mêmes assez multi- pliés. Les étamines extérieures répandent les premières leur pollen, qui peut atteindre non-seulement les pistils de la même fleur, mais encore celles du même bouquet et celles des bran- ches inférieures; les étamines plus rapprochées des pistils s'ouvrent ensuite, puis successivement celles qui les touchent, en sorte que si les pistils ne sont pas aptes à recevoir dès les premières émissions du pollen, ils le deviennent nécessairement pendant la longue anthèse nécessitée par la maturité progres- sive de toutes les anthères. Ajoutez à cela que les pistils sont souvent plumeux, qu'ils semblent avoir des mouvements qui les éloignent du centre en les rapprochant des étamines, et vous FAMILLE DES RENONCULACÉES. 85 remarquerez que toutes les conditions d’une fécondation très- sûre sont admirablement remplies. Une fécondation artificielle devient donc assez difficile dans Grav. 26. — Clématite barbelée « les Clématites, et cependant que de belles variétés pourraien naître de fécondalions adultérines entre l'azurea, le bicolor, let peregrina et même le vitalba! Je pense cependant qu'il serait 84 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. facile d'y parvenir, en employant quelques précautions. D'abord, l'isolement du sujet, indispensable toutes les fois que les plantes hermaphrodites peuvent être fécondées dioïquement, et même l'isolement des fleurs, quand, par la même raison, le pollen d'une autre fleur située sur la même plante peut venir déranger “a Ro EE Grav. 27, — Rameau de la Clématite à calice, moitié grandeur naturelle, et fleur de grandeur naturelle. et rendre inutiles les précautions que vous employez. Si done vous n'avez rien à craindre des fleurs voisines, épiez le moment de l'épanouissement, que vous pouvez au besoin accélérer de quelques heures mécaniquement, et enlevez avec les pinces tous les organes mäles. C’est seulement le lendemain, ou même plu- FAMILLE DES RENONCULACÉES. 85 sieurs Jours après, que vous pourrez appliquer le pollen étran- ger, car dans ces plantes les pistils ne sont pas aptes le jour de l'épanouissement; mais ils le deviennent bientôt et successive- ment, suivant, comme les étamines, un ordre de développement progressif que la nature a employé, dans son admirable pré- voyance, pour assurer la conservation des espèces. Quelques Clématites étrangères monoïques ou dioïques se prêteraient plus facilement à la fécondation artificielle (grav. 26 et 27). Nous devons sans doute rapporter déjà à des croisements une partie de ces nouvelles variétés de Clématites qui viennent maintenant orner nos jardins de leurs larges fleurs blanches ou azurées. Genre Pigamon. — Thalictrum. ' Les organes sexuels sont moins nombreux dans les Thalic- trum que dans les Clématites; mais leur mode d'inflorescence rapproche ces deux genres. Un très-grand nombre de fleurs s'é- panouissent à la fois dans la plupart des espèces; elles sont dis- posées en panicule, et les anthères vacillantes entourent, au moindre vent, la plante d'un véritable nuage de pollen. La fé- condation est done à la fois directe et indirecte, et a lieu d'autant plus facilement, que les sépales se détachent presque toujours dès l'épanouissement, et laissent les pistils parfaite- ment nus. Il serait done difficile de féconder les Thalictrum ; on ne pourrait le faire qu’en employant les moyens qui ont été indiqués pour les Clématites. Il y a cependant des Thalictrum dont les fleurs ne sont pas paniculées et d’autres qui sont dioïques. Jusqu'à présent ces plantes n'ont pas été l'objet de grands soins de la part des horticulteurs; elles mériteraient ce: \ pendant d’être plus cultivées. L'aquilegifolium, l'un des plus élé- gants, a deux variétés, l'une à fleurs blanches ct l'autre à fleurs carminées, qui déjà, par leur croisement, donneraient toutes les teintes intermédiaires. Toutes les difficultés que les botanistes 86 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. éprouvent à classer les Thalictrum et à en différencier les nom- breuses espèces nous font supposer qu’il pourrait y avoir parmi eux des hybrides naturels. Genre Anémone, — Anemone. Le genre si remarquable et si beau des Anémones a déjà donné une multitude d’hybrides, qui peuvent prendre place avec les Roses, les Jacinthes, les Tulipes, ete., parmi les plus admirables productions du règne végétal. Les pistils et les éta- mines sont nombreux, comme dans la plupart des Renoncu- lacées, mais leur développement est successif. Tantôt, comme dans l’Anémone des jardiniers, les extérieures s'ouvrent les premières; tantôt ce sont les intérieures, comme dans l’arborea, ou bien les intermédiaires, comme dans celle de Haller, en sorte que le premier soin doit être de les retrancher toutes soigneu- sement dès que les pétales s'entr'ouvrent. La fécondation artificielle peut s’opérer facilement sur l'Ané- mone des fleuristes, sur les doubles surtout, qui sont privées d'étamines, pourvu qu'elles conservent quelques pistils, ce qui a toujours liéu dans les semi-doubles. C'est sur celles-ci, quand elles conservent des étamimes, et au besoin sur des simples bien colorées avec un anneau de couleur différente au fond de la fleur, qu'il faut recueillir le pollen, pour le porter au pinceau sur Lés pistils des porte-graines. Les simples donnent aussi de très-beaux résultats par les fé- condations croisées; leurs pisuls forment une tête assez longue au milieu de la a , et ne deviennent pas tous aptes à la même époque. En sorte que si la plante avait déjà donné du pollen avant la castration, l'hybridation pourrait encore avoir lieu en supprimant ou ne recueillant, pas les graines inférieures, qui auraient pu être fécondées avec leur propre pollen. Les Anemone pavonina, coronaria, stellata et palmata, si communes dans les champs du midi de la France, ont produit FAMILLE DES RENONCULACÉES. 87 naturellement une si grande quantité d'hybrides intermédiaires, que l'on ne peut presque plus distinguer les types. Ce sont toutes des plantes extrêmement belles, sur lesquelles on pourrait tenter avec succès des fécondations croisées, et qui augmenteraient Grav. 28, — Anemone narcissiflora. certamement nos richesses en belles Anémones. Ce sont des essais que je recommande aux horticulteurs du Midi, notamment à ceux qui habitent le littoral, entre Gênes et Toulon. 88 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Les mêmes procédés d'hybridation pourraient s'appliquer aux différentes espèces de la section des Pulsatilles; mais ces plantes se ressemblent tellement, que Je ne verrais aucun avan- tage à ces croisements, à moins que l’on ne puisse obtenir des hybrides entre les Pulsatilles à fleurs brunes ou bleues, et cette belle Anémone des Alpes, dont les variétés à fleurs blanches ou soufrées décorent les pelouses de toutes les régions monta- gneuses. Les fécondations artificielles n'ont pas été tentées non plus sur la belle Anémone bleue des Apennins, n1 sur les Sylvies, telles que les nemorosa, sylestris, trifoliata, ranunculoides, plantes dont on possède déjà de très-jolies variétés qu'il serait très-possible d'accroître. Quoique toutes ces espèces soient un peu différentes, il est probable qu'elles se féconderaient réci- proquement. L'Anémone à fleur de narcisse serait certaimement une de celles qu'il faudrait chercher à varier ; mais elle forme un type séparé qu'il serait difficile de croiser. C'est donc du temps qu'il faut attendre quelque variété naturelle qui servirait ensuite à créer des variétés intermédiaires (grav. 28). Genre Hépatique. — {epatica. On trouve peu de difficultés pour la fécondation des Hépa- tiques, et M. Rodegaze, de Saint-Trond, a obtenu de grands suc- cès dans cette opération. Il a fourni à M. Van Houtte, de Gand, de nouveaux types que cet habile horticulteur a lui-même très- heureusement croisés. La bleue, la blanche et la rouge s’hy- brident réciproquement et donnent d'admirables résultats. I y a aussi, je crois, deux espèces étrangères, moins belles que la nôtre, mais que l’on pourrait peut-être introduire dans les croi- sements, avec d'autant plus de facilité qu’elles sont faites sur le même type que l'A. triloba. H faut beaucoup de précautions pour enlever les étamines qui s'ouvrent de l'extérieur à l'inté- rieur, péndant sept à huit jours de suite, et leur pollen est fa- cilement retenu par les petits stigmates sessiles et finement FAMILLE DES RENONCULACÉES. . sy glanduleux. Les fleurs étant très-nombreuses, le porte-graine a besoin d'être préparé par la suppression de bon nombre de boutons à fleurs; il peut être fécondé en pot, ce qui est plus facile ; mais il y a plus de chances de succès en pleine terre et sous cloche. Les graines mäûrissent vite; quand on s'aperçoit qu'elles approchent de la maturité, on remet la cloche, et par- dessous un morceau de papier blanc ou de carton, sur lequel toutes les semences viennent se déposer. Les variétés doubles sont difficiles à obtenir, parce que ces plantes, comme les Anémones, perdent leurs pistils en dou- blant au moins la bleue et la rose. Il faut donc choisir des va- riétés semi-doubles, ou chercher dans les fleurs doubles si l'on ne trouve pas un pistil ou quelque étamine échappée à la trans- formation. Genre Adonis. — Adonis. Ces plantes font un des plus beaux ornements des champs ; mais elles ne sont pas assez répandues dans nos jardins, où l’on ne rencontre presque jamais ces beaux Adonis à fleurs jaunes, qui s'épanouissent au premier printemps dans les Pyrénées et le midi de la France. Les Adonis à fleurs rouges, malgré quel- ques variétés à fleurs citrines ou jaunâtres, forment un groupe très-distinet et très-net. Les fécondations croisées ne seraient pas plus difficiles sur ces plantes que sur les Anémones ; mais le retranchement des étamines exige beaucoup de soin, car elles s'ouvrent successivement; leurs filets s'allongent après l'épanouissement, et finissent par dominer le pistil, puis ce der- nier s'allonge à son tour, c'est-à-dire que l'axe qui porte les carpelles se développe un peu plus tard, en sorte qu'au milieu de ces mouvements il est difficile que tous les carpelles ne soient pas complétement et naturellement fécondés. Il faut donc retrancher toutes les étamines avant d'appliquer le pollen au pinceau. Je ne doute pas que l'on ne puisse féconder l'autumnalis par l'æstivalis et réciproquement, et je présume, en cas d'impossi- 90 EÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. bilité, que l'on pourrait au moins féconder l’une par l’autre les variétés de couleur de ces jolies plantes. C'est une culture né- gligée qui peut amener de très-beaux résultats. Il ne faudrait pas songer à féconder une section par l’autre : Grav. 29. — Fleur d’Adonis DHithniète de grandeur naturelle. les différences sont trop grandes; si cependant un tel résultat pouvait être obtenu, il dédommagerait certainement d'un grand nombre de tentatives infructueuses (grav. 29). FAMILLE DES RENONCULACÉES. DA Genre Renoncule. — Ranunculus. Ces plantes ont, comme les précédentes, bon nombre d’éta- mines et de pistils, entourés de pétales concaves, qui forment un véritable bassin, dans lequel la fécondation naturelle s'opère avec la plus grande facilité. Comme dans toutes les fleurs qui contiennent beaucoup d'étamines et de pistils, la fécondation est lente et s'opère successivement. Aïnsi les étamines placées sur plusieurs rangs s'ouvrent les unes après les autres de dehors en dedans. Les carpelles, disposés en tête ou en épi court, re- tardent généralement sur les étamines, et deviennent aptes à l'imprégnation, en commençant par les plus inférieurs. Il ré- sulte de cette disposition que souvent ce sont les dernières éta- mines qui fécondent, et que les plus extérieures sont mutiles. ILest vrai de dire aussi que le pollen reste assez longtemps adhé- rent à l’anthère et peut se conserver pendant plusieurs jours. La fécondation artificielle est donc presque assurée dans ces plantes, car, lors même qu'on aurait négligé d'enlever assez tôt les or- ganes mâles, 1l n’y aurait jamais que les premièrs carpelles qui auraient reçu le pollen, et l'on pourrait encore imprégner les autres au pinceau. C’est donc pendant plusieurs Jours de suite qu’il faut opérer, jusqu'à ce que les nombreux carpelles du centre de la fleur se soient tous épanouis. C’est surtout pour obtenir de nouvelles variétés de la Re- noncule d'Asie que l'on emploie les fécondations croisées, en” choisissant très-soigneusement ses porte-graines parmi celles des plantes les plus doubles qui ont conservé des carpelles. Le pollen est pris sur les semi-doubles de belle forme et de belle couleur. | Quant aux autres espèces de ce genre, je ne crois pas que l’on ait essayé leur hybridation, et je ne pense pas non plus qu'en cas de succès on obtienne rien de bien remarquable. =) 2 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Genre Trolle.,-— Trollius, Les diverses espèces de plantes exercent sur nous une sorte d'influence que l'on ne peut définir, et pour mon compte ces magnifiques Trollius qui couvrent les prairies alpines de leurs fleurs soufrées et globuleuses ont toujours produit sur mon es- prit une impression des plus vives. Cela tient sans doute à un souvenir d'enfance que l'on m’excusera de rapporter. À une époque où Jj'ignorais encore le nom des fleurs, j'avais aperçu dans un jardin de ma ville natale, la ville d’Avesnes, dans le dé- partement-du Nord, une touffe de Trallius europæus qui fleu- rissait admirablement. Le jardin de mes parents n'étant séparé que par un mur, Je passais des heures entières sur ce mur pour admirer ces fleurs et pour attendre leur épanouissement complet, qui n'arrivait jamais. Depuis lors je n’ai pu voir sans émotion cette belle plante, à l’état sauvage, disputant la place dans les prairies des montagnes au Narcisse des poëtes, aux Pédiculaires, aux Gentianes et à ces nombreuses tribus de plantes alpines qui constituent les grands parterres de Ja nature. Bien que le T. europæus soit, sans contredit, le plus beau, il en est un autre, le T. asiaticus, dont les fleurs sont moins grandes, mais orangées. Je n'ai jamais tenté d’hybrider ces deux plantes, soit entre elles, soit avec les autres espèces du nord de l'Asie; mais il parait que des hybrides se sont formés tout natu- rellement dans quelques jardins du Loiret, car voici ce qu'écrit M. Bailly dans le numéro du 4° juillet 1861 de la Revue horti- cole : « Nous ignorons si aucun horticulteur s’est livré à des essais de fécondation artificielle entre ces deux espèces voisines pour en obtenir des produits hybrides qui ajoutassent à nos richesses horticoles; mais, que ces tentatives aient eu lieu ou non, la na- ture s’est chargée d'opérer ce croisement dans le jardin d'uñ de nos amis, M. Bariller, habitant de la ville de Gien (Loiret), le- quel cultivait côte à côte les deux espèces de Trollius. Des FAMILLE DES RENONCULACÉES. 93 graines recueillies par lui sur le Trollius asiaticus et confiées à un autre amateur très-éclairé de la même ville, M. Abicot, pro- duisirent non pas l'espèce d'Asie type, mais tout un groupe de plantes plus ou moins semblables à chacune des deux espèces, sans être complétement identiques à l'une d'elles. Ce sont autant de plandes hybrides qui présentent des caractères propres aux Trolles d'Europe et de Sibérie, mais qui en diffèrent assez pour former des plantes nouvelles, qui peuvent tourner au bénéfice de l’horticulture, et dont une des plus belles est celle que nous indiquons aujourd'hui, en la recommandant fortement à l'at- tention des horticulteurs, qui en obtiendront facilement du plant ou de la graine en s'adressant à M. Abicot, à Gien. « Des semis faits avec ces graines, outre l'intérêt horticole qui s’y rattache, pourront servir à éclaircir une question encore obscure de physiologie végétale, à savoir, le degré de fécondité des hybrides végétaux. On sait en effet que, dans le règne animal, les produits de deux espèces voisines sont entièrement privés de la faculté de se reproduire ou sont doués d’une fé- condité qui ne tarde pas à s'éteindre dans des générations suc- cessives; précaution admirable de la nature, qui ne veut pas laisser altérer son œuvre en l’abandonnant aux hasards de nos caprices. Eh bien, cette loi du règne animal, la retrouve-t-on également puissante dans le règne végétal? Voit-on 1e1 la nature se départir de ses droits et permettre à l'homme de créer en quelque sorte, par le croisement, des espèces intermédiaires, qui se reproduiraient fidèlement par une suite indéfinie de gé- nérations, comme on le voit dans les espèces naturelles? « L'opinion des botanistes se trouve encore partagée sur ce point: tandis que quelques-uns, en petit nombre, il est vrai, croient à la persistance des hybrides végétaux par voie de semis, les autres pensent que l'existence de ces mêmes hybrides se suspend après un nombre variable de générations, de telle sorte que la race nouvelle périrait bientôt par l'absence et l'infertilité des germes ou par le retour des produits à l’un ou l’autre des types dont 1ls procèdent. Nous le répétons, des semis successifs 94 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. faits avec les grames du Trollius hybride que nous annonçons aujourd’hui pourront devenir le sujet d'observations précieuses pour la solution d'une question importante, et qui ne peut être résolue autrement que par des expériences nombreuses et pour- suivies avec persévérance. « M. Abicot, de qui nous tenons cette plante, est déjà entré dans cette voie. Il nous écrit : «Il y a au moins cinq ans que « j'ai obtenu mon premier gain; j'ai semé depuis des graines « récoltéessur ce premier gain, et j'ai vu avec plaisir qu'ilse re- « produisait, je pourrais dire très-exactement, peut-être même « plus beau. » Plus loin il ajoute : « J'ai au moins quatre géné- « rations successives de cette variété. J'ai semé quelques graines «en 1859; j'ai dans un terrine cinq à six pieds qui ont réussi, «un seul a fleuri en 1861 et parait identique à mon hybride ; « les autres ne fleuriront que l’année prochaine. J'ai semé, en « 1860, dans deux terrines; le plant est levé en ce moment, je le « soignerai, » Comme on peut en Juger par ce passage, ce pre- nier essai donnerait quelque espérance que cette variété nou- velle puisse être fixée et se reproduire de semis; toutefois nous sommes d'avis qu'on ne saurait, dès aujourd'hui, juger défint- tivement la question, et que, pour être concluante, cette épreuve doit être prolongée encore pendant une assez longue série d'années. » « Nous dirons quelques bts, en terminant, sur les principaux caractères de la variété qui fait l’objet de cet article. Comme la plupart des hybrides végétaux, elle offre une vigueur et des di- mensions supérieures à celles des parents. Les tiges tubuleuses, striées et teintes par plaies de violet foncé, forment de fortes touffes hautes de 0”,50 à 0",70. Le Rails palmé, à cinq lobes incisés-dentés, se ouhe plus de celui du Trollius eu- ropæus en ce qu'il est moins découpé et à dents moins aiguës que dans l'espèce d'Asie. La fleur terminale, d'un beau jaune orangé clair, est un charmant intermédiaire entre les deux pa- rents. C'est un énorme bouton d’or dont le calice globuleux, à demi ouvert, laisse voir au centre un groupe de nombreuses éta- FAMILLE DES RENONCULACÉES. 95 mines orangées, entourées de pétales étroits, d’une belle teinte orangé foncé, comme ceux du Trolle d'Asie, mais moins longs que dans cette dernière espèce. C’est, en somme, une très-belle Renoncule, fort ornementale, et, comme beaucoup de plantes de ce dernier genre, précieuse en ce qu'elle donne ses fleurs à une époque où la déco de nos ir ne repose que sur un petit nombre d'espèces. « La culture est facile, la plante est vivace et se multipliera de graines et d’éclats. Elle préfère une terre légère, humide, avec un peu d'ombre. Dans de telles conditions elle fournit une grande quantité de fleurs, qui paraissent en avril-mai. » Lémon a aussi indiqué une variété du T. europæus obtenue de semis, et dont les fleurs étaient, dit-il, plus grandes que celles du Trollius ordinaire. Nous ignorons si c'était un hybride ou une simple variété qui se serait perdue depuis longtemps. C'est le Trollius europæus qu'il faut prendre pour porte- graine, écarter de bonne heure ses pétales, et enlever les éta- mines :< rrhidhriA dont les extérieures s'ouvrent les pre- mières, comme dans la plupart des Renonculacées. Genre Hellébore. — Helleborus. Les nombreuses étamines des Hellébores emploient un temps très-long pour s'ouvrir, en sorte que la floraison est très-pro- longée. Ce sont les extérieures qui répandent les premières leur pollen, puis, successivement, celles qui sont le plus rap- prochées des pistils. Ces derniers sont serrés dans le niger, et au contraire écartés dans le viridis. Rien de plus facile que d'opérer des fécondations sur ces plantes, puisque l’on peut toujours, longtemps d'avance, en enlever toutes les étamines ; mais je ne sache pas que, jusqu’à présent, on ait tenté de les croiser. Le niger, le seul qui soit véritablement ornemental, n'offre que deux variétés, une rosée plus grande et une blanche plus petite et plus florifère. Il n'y aurait aucun avantage à ob- tenir des intermédiaires. Si donc on tentait quelque hybridation, 96 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. il faudrait opérer entre le niger et l'orientalis, ou le viridis, l'odorus, l'atrorubens, le dumetorum ou le purpurascens ; en- core tous ces derniers sont-ils d’une autre section, celle des Hellébores à tiges mulüflores. [ls se féconderaient certaimement entre eux, car ils se ressemblent beaucoup, et, à l'exception de l'orientalis, ne sont peut-être que des variétés les uns des autres. L'époque de la floraison de ces plantes rend la cloche néces- saire au succès de l'opération. On obtiendrait peut-être de fort belles variétés avec un peu de persévérance. Genre Isopyre. — /sopyrun. J'ignore si l’on pourrait hybrider ces jolies plantes, dont Je n'ai cultivé qu'une seule, le thalictroides. Elles ont peu d’éta- mines et devraient se traiter comme les Hellébores et sous cloche. Elles sont d’une délicatesse extrême. Le thalctroides donne tous les ans des graines dans mon jardin; peut-être ob- tiendrait-on des hybrides avec le fumarioides, assez commun dans nos cultures, et avec le grandiflora ou l'adoxoides, si l’on pouvait se procurer vivantes ces deux dernières espèces. Genre Nigelle. — Nigella. Dans ce genre et dans le Garidella, qui en est très-voisin, les étamines sont nombreuses, comme dans la plupart des Re- nonculacées, et disposées tantôt sur un rang, comme dans lo- rientalis, tantôt sur plusieurs. Alors les anthères se fendent successivement de, dehors en dedans. Chaque anthère est mu- nie de deux petites valves qui s'ouvrent couvertes de pollen et le conservent assez longtemps. Aussitôt que le pollen est ré- pandu, les étamines se déjettent en dehors. Les pistils ont des sugmates quelquefois terminaux, mais d’autres fois latéraux, et qui toujours se développent très-tard. Ils s'allongent alors et se FAMILLE DES RENONCULACÉES. 97 recourbent, de manière à atteindre les étamines, dont les an- thères extrorses se trouvent précisément dans la position la plus favorable pour abandonner leur pollen. Cette inégalité de développement dans ces deux organes rend les croisements très-faciles; mais, malgré l'élégance de plusieurs espèces de ce beau genre, je ne crois pas que l'on se soit encore occupé d'hybridation. | Genre Aneolie., — {quilegia. Ce genre, composé de magnifiques espèces, nous offre en outre un grand nombre de variétés plus ou moins remarqua- bles par leurs belles couleurs et jar la forme de leurs fleurs. Celles-ci, en effet, doublent, par la multiplication et l'emboite- ment des cornels, par leur renversement, par le nombre de leurs sépales, et se distinguent encore par des dégénérescences particulières. Toujours ou presque toujours elles portent graine, en sorte que, l'ancolie pouvant facilement s’hybrider, cette plante est appelée à jouer un grand rôle dans les jardins, par ses nombreuses et élégantes variétés toutes printanières. Les étamines sont serrées contre les pistils et semblent dis- posées par rangées, quoique, en réalité, elles soient placées par faisceaux allongés el situés sur des rayons partant du centre de la fleur, caractère que cependant on ne trouve pas dans le pyrenaica. A l'opposé de la règle générale, ce sont les étamines inté- rieures et les plus rapprochées du pistil qui s'ouvrent les pre- mières, bien qu'à cette époque les stigmates soient en retard comme dans les Nigelles. Il y a souvent une grande quantité de pollen répandu, et les styles ne sont pas encore allongés; il est donc facile d'enlever les étamines à un petit nombre de fleurs et de porter sur les pistils, à l'époque de leur développement, le pollen d’autres espèces ou variétés. On peut ouvrir l'extré- mité des cornets et favoriser la fécondation en posant sur les stigmates un peu de la liqueur nectarifère que les plantes y sé- 7 98 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. crètent. Une capsule contient toujours beaucoup de graines, et l'on est sûr du succès. Je recommande aux amateurs ces plantes remarquables. Ils choisiront de préférence, pour porte-graines, la variété blanche à fleur double, et éviteront la bleue, celle- ei tendant assez à reprendre cette couleur. Il serait curieux aussi d'essayer le croisement de l'A. canadensis, qui forme un type séparé, avec les autres espèces qui ont les plus grands rapports entre elles. L’Ancolie deviendra une des plus belles plantes de collection dans les mains qui sauront en tirer parti. M. Lemaire cite un À. blanda né dans le jardin de M. Wer- schaffelt et qui proviendrait de l'A. vulgaris fécondé, très- vraisemblablement, et, par accident, par l'A. leptoceras ou vice versû. Genre Dauphinelle. — Delphinium. Ces plantes ont encore des étamines nombreuses, dont les anthères s'ouvrent par des valves comme celles des Ancolies. Ces étamines se redressent une à une contre les pisüils, et pres- que toutes ont fini de répandre leur pollen quand les stigmates sont aptes à le recevoir. Il devrait résulter de cette mégalité de développement des organes de nombreux hybrides, si des pé- tales en capuchon ne mettaient obstacle à l’arrivée des pous- sières étrangères; malgré cela, il est probable que la féconda- tion s'opère monoïquement, et cela explique peut-être le peu de différences qui existe entre les espèces de chaque section de ce genre nombreux. Il serait donc facile de pratiquer des fécondations artificielles sur les Delphinium entre les espèces ou variétés de même sec- lion, C'est ainsi que les Ajacis ou Pieds-d’alouette des jardins seraient facilement croisés, non-seulement entre eux, ce qui serait, du reste, inutile, ces croisements ayant lieu tout naturel- lement par fécondation mdirecte, mais encore avec le consolida, qui donne lui-même de bien belles variétés dans nos parterres, et peut-être aussiavecle flavum, la seule espèce à fleur jaune, et qu'il serait curieux de cultiver pour essayer les croisements. Déjà on FAMILLE DES RENONCULACÉES. 99 a obtenu aussi de très-belles plantes probablement hybridées dans la section des Delphinastrum, ceux qui sont à longs épis de fleurs bleues, etil y en a bien d’autres à espérer.Le D. Barlovi, l'azureum, qui en est voisin, le Barlovii hybridum et quelques espèces voisines donneront déjà de très-beaux hybrides, et le genre tout entier promet de grandes richesses à l'horticulture. Les sujets à féconder devront être préparés en retranchant la majeure partie de leurs fleurs. Depuis que j'ai écrit cet article, en 1849, les grands Delphi- nium à fleurs bleues, issus du formosum et de plusieurs autres, ont été croisés si fréquemment et si heureusement, qu'ils sont, pour ainsi dire, tombés dans le domaine public de l'horticul- ture. On n'en reconnait plus les types ni les espèces. Ce sont d'admirables plantes. Nous ignorons si des hybridations ont été tentées avec le pollen du Delphinium cardinale, assez difficile à culüver, et nos beaux Delphinium bleus, si rustiques et si florifères. Genre Aconit. — Aconilum. Ce genre est un des plus curieux de la famille des Renoncu- lacées. Les organes sexuels sont enfermés dans un pétale qui a la forme d'un casque et qui les isole assez complétement, sur- tout dans la section des napels. Les étamines et les pistils se développent généralement à des époques différentes,:en sorte que la fécondation doit être imdi- recte; d'un autre côté, les stigmates sont quelquetois avortés, surtout dans les bu en sorte que ces causés réunies, # surtout l'isolement produit par le casque, rendent les féconda- tions naturelles assez rares dans les Aconits, excepté cependant dans la section des Lycoctonum, où ils sont plus fréquents. Comme les Aconits sont de fort belles plantes dont l'horti- culture s'est emparée avec raison, il importe d'essayer d’en obtenir des graines hybridées. Le meilleur moyen à employer consiste à bien préparer le sujet en s’y prenant longtemps d'a- vance; on enlève plus de la moitié des jeunes boutons d'une 100 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. branche, dès que ces boutons paraissent, et une quinzaine de jours plus tard on ne laisse que trois à quatre boutons sur cette même tige. On donne ainsi un plein développement à ces fleurs, et l’on parvient à leur faire compléter leurs stigmates, qui, malgré ces précautions, avortent quel- quefois encore dans la sec- tion des napels. À l'époque de la floraison, il faut atten- dre que les fleurs soient très-avancées, mais préala- blement on peut enlever les étamines avec les pinces. Les plus intérieures se dé- veloppent les premières, mais bien avant que les stiymates soient propres à l'imprégnation. Si le casque gêne pour enlever les éta- mines ou pour poser le pol- len sur le pistil, on peut le couper, mais il suffit ordi- nairement d'écarter les pé- Grav. 50. — Aconitum eminens. Grav. 31. — létales cucullés et orga- nes de la fécondation d'un Aconit. tales avec les doigts, pour être à portée de saisir toutes les étamines, dont celles qui ont répandu le pollen se déjettent FAMILLE DES RENONCULACÉES. 101 immédiatement. Les graines, une fois nouées, mürissent assez . . U ’ . facilement et exigent beaucoup de précautions pour les se- mis, de l'ombre, de la fraîcheur et un abri (grav. 30 et 31). Genre Pivoine, — Pæonia. Voici le genre le plus éclatant de toute la famille des Renon- culacées, et l’un de ceux sur lesquels la fécondation artificielle a donné les plus beaux résultats. Les nombreuses étamines des Pivoines sont très-délicates et très-mobiles ; elles répandent par le sommet et ensuite par les côtés de l’anthère un pollen abon- dant. Les plus intérieures s'ouvrent les premières et souvent aussi avant le développement des stigmates. Ces derniers sont latéraux, velus et ordinairement colorés en rose. La fécondation s'opère seule très-facilement dans les Pivoines quand elles con- servent quelques-unes de leurs nombreuses étamines;7 mais celles-ci ont une si grande tendance à se changer en pétales, que l'on voit souvent des Pivoines entièrement plemes et pri- vées d'organes mâles. Dans ce cas, les pistils qui persistent peu- vent être fécondés artificiellement en posant doucement le pollen sur les stigmates roses. Comme il arrive souvent que les trois à quatre stigmates de la Pivoine ne sont pas aptes à la même époque, il faut renouveler l'opération deux à trois fois à deux ou trois jours d'intervalle. Dans les Pivoines très-doubles, le pistil lui-même est souvent stérile par manque de nourri- ture; on peut remédier à cet inconvénient en arrachant, dès le commencement de la floraison, mais avec précaution, une bonne moitié des pétales, ou en les coupant près de l'onglet. Toutes les belles variétés de Pivoines arborescentes s'obtien- nent ainsi par des fécondations croisées sur des individus dont les étamines ont été enlevées avant l’anthèse. La même chose a lieu pour les herbacées, qui forment maintenant de magnifi- ques plantes de collection. On est quelquefois embarrassé pour trouver le pollen sur les étamines des Pivoines, mais il est toujours facile de le recueillir sur le fond de la fleur, sur les pétales, qui en sont quelquefois 102 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. couverts. Des arrosements très-fréquents sont nécessaires après la fécondation pour que les capsules ne soient pas entièrement vides. Les Pivomes sont longtemps à se développer, mais ce sont des plantes tellement belles et si chères, que les horticul- teurs marchands fe doivent pas craindre de s’en occuper et d'y consacrer quelques expériences. L'introduction en France des Pivoines en arbre ne date que du commencement de ce siècle. Trois variétés parurent en même temps : la Pivoine Moutan, la Pivome à odeur de rose, la Pivoine papavéracée. Sont-ce trois espèces distinctes ou trois variétés? Cette dernière supposition est plus probable. Il est certain qu'elles peuvent s’hybrider entre elles, car il y a plus de cinquante ans que Noisette avait obtenu de belles variétés, en fécondant entre elles ces trois Pivoines. Depuis lors, on a continué les croisements avec les hybrides. On les a modifiés au moyen de types nouveaux, arrivés de la Chine, et l'on est parvenu à ces créations infinies et variées qui ne permettent plus de reconnaître les formes types dont elles proviennent. Beaucoup de ces Pivoines sont tellement doubles, que les organes de la reproduction sont atrophiés ou mal conformés. J'en ai même obtenu qui tendaient à être prolifères, comme certains Boutons d'or. En général, il reste des étamines, et les Cétoines aux élytres d'émeraude qui viennent butiner et dor- mir sur ces lits de Pivoines suffisent quelquefois pour échanger les pollens et pour vivifier les ovules. Il vaut mieux, avec lé pinceau, couvrir de pollen tous les stigmates bien conformés. Quelques graines, souvent une seule, nouent done leur follicule. Ce fruit s'ouvre en été, offrant la belle nuance de carmin qui colore son intérieur et montrant au soleil ses belles graines à découvert. Il faut les laisser mürir complétement jusqu’à ce qu’elles se détachent, les semer ou les stratifier immédiatement. Elles lèvent un ou doué ans après et fleurissent de six à dix ans. Dernièrement encore, M. Werschaffelt à mis les le com- FAMILLE DES MAGNOLIACÉES. 103 merce, sans le nom d'Alexandre II, une. magnifique variété ob- tenue du croisement direct du P. papaveracea avec le P. rosea. Ses grandes fleurs, pleines et odorantes, aux larges pétales écla- tants, sont colorées en pourpre, marginées de blanc carné et de franges. Le Triomphe-de-Gand de Van-Gert présente aussi d’é- normes et d’admirables fleurs. Nous ne connaissons rien de plus beau que ces massifs de Pi- _voines arborescentes venues de semis et constiluant des buis- sons d’une extrême vigueur. Toute une race d'autres Pivoines hybridées est sortie des Pi- voines herbacées désignées sous les noms de P, edulis ou fra- grans, P. sinensis et P. albiflora, Pallas. Cette trimité, comme la précédente, a été croisée d'abord par Lémon, qui en a obtenu des plantes charmantes, offrant comme les parents tous les co- loris, depuis le blanc pur, le rose le plus tendre, jusqu'au car- min et au jaune sulfureux. L'odeur même du P. fragrans est restée dans un grand nombre de variétés et s'exhale des globes colorés que présentent ces Pivoines dans ces moments de frai- cheur et d'éclat où elles vont nous montrer toutes leurs riches parures. M. Lémon fils, M. Jaques, M. Guérin-Modeste, ont continué l'œuvre de Lémon père, qui date de 1898. Plusieurs de ces Pivoines ont'les filets des étamines élargis en pétales et en languettes, présentant ainsi l'aspect d'énormes Anémones à fleurs doubles, tandis que d’autres sont pleines comme les Roses à cent feuilles. Mälgré mes tentatives, je n'ai jamais pu faire fructifier le P. anemonæflora; peut-être y aurait-il toute une race nouvelle à créer avec le Pæonia adonidifolia, si Von parvenait à la fé- conder avec une autre espèce herbacée. FAMILLE DES MAGNOLIACÉES. Genre Magnolier. — Maignolix. On trouve dans les organes sexuels des Magnolia une dis- position très-singulière, et qui semble s'opposer à la féconda- 104 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. tion : c’est la position des pistils au-dessus des étamines et le redressement desfleurs, en sorte qu'il est à peu près impossible que le pollen puisse atteindre les organes femelles. Les anthères s'ouvrent en dehors dans le grandiflora, qui est le type d'une section de ce beau genre, et en dedans dans le yulan, qui forme le type d’une seconde division; la position des organes rend les hybridations très-faciles dans les Magnolia; mais le succès est bien incertain. D'abord, les Magnoliers de la première section, et notamment de grandiflora, ont leurs stigmates avortés dans toute l'Europe septentrionale; ce n’est qu'à partir du 45° degré que l’on rencontre de bons stigmates, et par conséquent que l'on peut espérer d'obtenir des graines, ce qui arrive souvent et tout naturellement dans l'Europe australe. A Hyères, le Ma- onolier fructifie quelquefois. L'yulan, le pumila, le discolor, ne donnent jamais de graines; ainsi, avant de chercher à les hybrider, il faudrait tächer de les féconder avec leur propre pollen, ou bien se servir du pollen des Magnolia de cette section pour féconder ceux de la section pré- cédente. Il est douteux que de semblables croisements réussis- sent. Ainsi ce que l’on doit chercher pour le moment dans ce genre, c’est de faire fructifier les espèces en aidant la nature, et d'obtenir des graines pour semis. On considère cependant le Magnolia Soulangiana comme un hybride. Genre Talipier. — Liriodendron. Le Tulipier est la seule espèce du genre, par conséquent l'hy- bridation ne peut être tentée; mais il est possible que l’on puisse obtenir des graines fertiles en fécondant la plante avec son propre pollen. Le secours de l'homme paraît d'autant plus né- cessaire dans cette opération que les étamines du tulipier s’ou- vrent en dehors par deux rainures longitudinales; le pollen se répand sur les pétales et non sur les stigmates. Les plantes exo- liques, n'ayant pas dans nos climats les insectes qui les fréquen- tent dans leur pays natal, restent souvent infertiles. Il paraîtrait même qu'en Amérique la fécondation du Tulipier est souvent 105 2 FAMILLE DES MAGNOLIACÉES. ginie, aux deux tiers de la A > © . ne == SÈ TS 3 £ Es S = SE 22 3 S È 5 = cs 5 ea = 3 Li cu E æ Æ F Gi Grav. 106 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. nulle ou imparfaite, car les graines que l’on reçoit ne sont pas toujours bonnes. On a obtenu du Tulipier ordinaire une variété qui donne l'espoir d’en acquérir d’autres avec le temps (gr. 32). FAMILLE DES BERBÉRIDÉES. Genre Épine-vinette. — Berberis. 1 La fécondation des Berberis s'opère avec une telle précision, qu'il serait difficile de la remplacer par une imprégnation arti- ficielle. Les deux loges de chaque étamine se fendent à l'époque de l’anthèse, et deux petits fragments, attachés par le haut, souvrent comme deux véritables portes, se relèvent, et, par un mouvement tantôt spontané, tantôt excité par des insèctes, vien- nent s'appliquer immédiatement sur le stigmate, qui est à l'in- stant recouvert de pollen ; aussi chaque fleur est fer- tile. Il faudrait donc, pour hybrider entre elles les différentes espèces de Ber- beris, enlever de très-bon- ne heure des étamines, avant que les anthères soient ouvertes. On con- naît de belles variétés NAN EE d’Épine-vinette, qui sont \ URSS cultivées comme plantes ARCS P à A | à). : ANS d'ornement, et l’on doit RNI AN PO espérer encore des modi- fications nouvelles qui se rangeront peut-être un \ jour au rang des arbres fruitiers. EE : Grav. 33. — Port de la plante du Mahonia realii, Genre Mahonie. — Mahonia. Les organes sexuels des Mahonia présentent à peu près la FAMILLE DES BERBÉRIDÉES. 107 même disposition que ceux des Berberis, et ce que nous avons dit de ces derniers peut leur être appliqué. On pourrait essayer Rameau de Mahonia intermedia. Grav, 54. d'hybrider les belles et nombreuses espèces qui le composent et qui ont entre elles de grands rapports (grav. 35, 34). * 108 FÉCONDATION. NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Genre Épimède. — Epimedium. Ce genre contient des espèces très-jolies et très-délicates, toutes remarquables par la structure et l'élégance de leursfleurs, ‘munies de quatre nectaires tubuleux. Les étamines, également au nombre de quatre, sont extrorses, et le pollen toucherait diffi- cilement le stigmate sans l’admirable arrangement d’une petite valvule qui se détache de chaque loge de l’anthère, et seroule de bas en haut de telle sorte que, garnie elle-même d’un pollen qui alors a acquis toute sa maturité, elle vient s'appliquer sur le stigmate et opère la fécondation. Les huit plaques polliniques forment une espèce de petit chapiteau au-dessus du pistil. On voit alors que, pour les hybridations, il faudrait enlever les éta- mines avant l’évolution de ces valvules, et l'attendre au contraire pour les sujets destinés à fournir le pollen. Les charmantes es- pèces à fleurs blanches et violettes, actuellement connues, ont déjà donné d’élégants hybrides : les Epimedium atroroseum, lilacinum, rubrum, sulphureum, versicolor, sont des hybrides obtenus par Donkelaar. _ Un journal anglais, le Gardener's Chronicle, contient aussi une note sur un hybride d'Epimedium, né en 4853 de la fe- condation de l'E. colchicum par le pollen d'un E. macran- thum. La couleur jaune pâle des fleurs est presque intcrmé- diaire entre le jaune et le blanc des fleurs des parents. FAMILLE DES NYMPHÉACÉES. Genre Nelombo. — Nelumbium. Parviendra-t-on jamais à faire fructifier sous nos climats ces végétaux éclatants de majesté et de magnificence qui déjà sont cultivés et fleurissent dans le midi de la France? Les fécondations artificielles seraient faciles sur des ovules presque nus et placés chacun dans une cavité. Les étamines, quoique nombreuses, se- rent facilement retranchées, et d’ailleurs ce serait sans doute FAMILLE DES NYMPHÉACÉES. 109 inutile, car ce ne sera certainement qu’en imprégrant les ovules au pinceau que l'on pourra espérer d'obtenir un jour des graines fertiles ; pourquoi alors les deux variétés rouge et blanche du Nelumbium speciosum ne donneraient-elles pas des intermé- diaires? pourquoi n’essayerait-on pas leurs croisements avec le N. luteum? Le luxe des serres n'est-il pas arrivé déjà à cultiver en pleine eau ce que les lacs de l'Asie et de l'Amérique pré- sentent de plus admirable ? Genre Nénuphar. — \Nymphæu. L'hybridation n'a pas abdiqué sa puissance en face des bril- lantes Nymphéacées, et nous ne savons pas encore où elle arré- tera ses conquêtes. Ces belles plantes sont munies d’étamines nombreuses dont les anthères s'ouvrent successivement et dont il est indispensable de priver entièrement le porte-graine. Le pollen doit être appliqué sur les côtés du stigmate, qui a la forme d’un écusson, et non à sa surface supérieure, qui n'est pas apte à le recevoir. ; En 1851, M. Ortgies obtint des graines fertiles en retran- chant les étamines des fleurs du N. rubra, qui fleurissait dans l’a- quarium de Van Houtte et en saupoudrant les stigmates vierges de cette espèce avec le pollen du N. Ortgiesana. Les graines semées aussitôt après la récolte ne tardèrent pas à lever. M. Planchon nous apprend que ces plantes fleurirent en 1852. « Elles étaient intermédiaires entre le père et la mère par leur couleur rose, tenant du premier par le mode, le temps et la durée de leur épanouissement. Ajoutez à ces qualités une vi- gueur insolite de croissance, la faculté de fleurir presque à l'air libre, une prolificité telle, que, jusqu’en décembre, le même pied étalait parfois jusqu’à sept fleurs en un jour. » (Flore des serres et des jardins, t. VII, p. 69.) . Des observations pleines d'intérêt ont été faites à ce sujet par M. Ortgies et par M. Planchon. Le N. hybride nommé Ortgiesa- no-rubra est stérile, et cela malgré des organes reproducteurs 110 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. parfaitement conformés, malgré un pollen qui émet facilement ses tubes remplis de fovilla. Ce pollen, stérile sur sa propre fleur, peut en fertiliser d’autres. On observe ici ce fait smgulier, que l'on à déjà remarqué dans les Passiflores et dans quelques autres plantes. M. Planchon propose avec réserve une explication de cette singulière anomalie. Après avoir constaté dans la fleur des Nymphéacées une augmentation de température lors de la fé- condation naturelle et nocturne de plusieurs plantes de cette famille, accroissement qui fait défaut dans celle de l'hybride, il suppose que c'est à l'absence de ce dégagement de chaleur que la plante peut devoir sa stérilité. Nous croirions plutôt qu'il faut attribuer cette infertilité à cet ordre de faits que nous avons déjà signalés dans nos géné- ralités, c'est-à-dire à la tendance qu'ont les fleurs hermaphro- dites à être fécondées de préférence par d'autres fleurs, et, mieux encore, par d'autres individus de la même espèce. M. Planchon termine en exposant les résultats obtenus jus- qu'à ce Jour (1852) dans le croisement des Nymphéacées. Déjà les hybrides sont nombreux, non-seulement entre Nymphæa | de la même section, mais entre espèces de sections différentes. D'autres essais sont restés infructueux, sans qu'il faille en con- clure à l'impossibilité du croisement. Nous ne pouvons trop recommander de nouveaux essais pour hybrider ces admirables plantes. Tout le monde n’a pas à sa dis- position l'aquarium d'une serre chaude; c’est donc un devoir, pour ceux qui sont dans cette disposition exceptionnelle, de cou- rir les chances d'expériences aussi belles et aussi intéressantes. Voici, d’après l’article de la Flore des serres et des jardins, le mode opéräloire à suivre pour la fécondation du Nymphæa. «La première fois qu'une fleur s'ouvre, les änthères restent constamment fermées, le pollen n'est pas tout à fait mür; la coupe stigmatique est remplie d’un liquide clair. C’est alors que l’on enlève soigneusement avec un camif les élamines de Ja fleur destinée à devenir porte-graine. Quand cette flcur s'ouvre FAMILLE DES PAPAVÉRACÉES. 111 pour la seconde fois, le liquide du stigmate a disparu; ce stig- mate est tout prêt à recevoir le pollen de l'espèce qui sert de mâle, pollen que lon prend bien mûr et que l'on fait tomber en abondance sur la coupe stigmatique. Après cela, si la troi- sième fois que la fleur s'ouvre les processus stigmatiques (ou parastigmates) se montrent fortement courbés en dedans, c’est un signe que l'imprégnation s’est faite, D'autres symptômes, du reste, annoncent promptement la réussite ou l'insuccès de l’opé- ration. Si l'ovaire et la partie supérieure du pédoncule jau- nissent, peine perdue; si ces parties restent vertes, si l'ovaire grossit, espoir de récolte. » En 1855, M. Bouché, inspecteur du jardm botanique de Berlin, a obtenu aussi un joli Nymphæa à fleurs d’un rose tendre en croisant le N. rubra avec le pollen du N. lotus. On doit encore à M. Bouché de magnifiques hybrides de ce beau genre. Profitant,en 1857, de la vaste étendue d’un bassin alimenté par l'eau chaude d’une fabrique près de Berlin, il y cultivait de nombreux Nymphæa ; l'en a décrit alors seize hy- brides, sept provenaient de la fécondation des fleurs du Nym- phæa rubra avec le pollen du N. lotus, et pour les autres il a opéré sur ces premiers hybrides en appliquant sur leur stig- mate le pollen du N. lotus. Donkelaar à fécondé le Victoria regia avec du pollen pris sur différentes espèces de Nymphæa, et réciproquement. Il en a ob- tenu des graines qui ont parfaitement levé, mais dont le résul- tat n'a rien produit de très-heureux. (Belgique horticole, t. VI, p. 280.) . FAMILLE DES PAPAVÉRACÉES. Genre Pavot. — lPapaver. Il est difficile de rencontrer un.genre de plantes dont la fécondation naturelle soit plus assurée que dans le Pavot. On trouve souvent dans chaque fleur plusieurs centaines d’éta- 112 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. mines qui inondent un large stigmate à écusson de leur pous- sière fécondante. La floraison presque éphémère de ces plantes est en rapport avec l'ouverture pour ainsi dire instantanée des anthères, en sorte que, si l'on voulait hybrider des Pavots, 1l faudrait enlever les étamines au moment même où le calice s’entr'ouvre pour l'épanouissement des pétales. Dans les fleurs doubles, l'hybridation paraît plus facile, mais il faut remarquer que, malgré le nombre très-considérable de pétales qui se développent, il reste presque toujours quelques étamines. Je ne crois pas, du reste, que le croisement puisse avoir lieu entre toutes les espèces de Pavots, mais seulement entre les variétés nombreuses des Pavots des jardins, entre celles également belles et multipliées des Coquelicots doubles, et enfin entre ces belles espèces de Pavots écarlates, telles que le bracteatum, l'o- rientale, etc. On pourrait sans doute obtenir encore dans ces diverses plantes des variétés nouvelles, et toutes produisent beaucoup d’eflet. L'hybride entre ces deux éclatantes espèces est connu et cultivé depuis plusieurs années. Il a été obtenu à Anduze par le docteur Miergue. Il a sufüi d'enlever toutes les étamines du P. orientale, au moment de l'ouverture du calice. Les stigmates qui ne sont pas aptes dans le bouton le deviennent immédia- tement après l'épanouissement ; leurs papilles, qui étaient blan- ches et à peine saillantes, se redressent et ressemblent alors à des bandes de velours violet posées sur l’ovaire, et sur les- quelles le pollen doit alors être appliqué. * Le spectabile, qui, malgré son nom, n’est pas le plus beau, pourrait peut-être se croiser avec les coquelicots et donner ainsi des nouvelles plantes très-remarquables. Broussonet dit avoir vu dans le jardin d'Édimbourg un hybride du Pavot d'Orient et du Pavot sommifère. Cet hybride était connu de Linné. Genre Sanguinaire. — Sanguinaru. Les fleurs du Sanguinaria n'ont qu'une courte durée; la FAMILLE DES FUMARIÉES. 115 fécondation s'opère très-vite, comme dans les Pavots, au moyen de nombreuses étamines qui fécondent très-facilement un stigmate à deux lobes épaissis. L'hybridation serait facile en supprimant de bonne heure les étamines; mais je ne sais si on pourrait l'opérer avec le S. Bartonis, que je ne connais pas, ou sil existe d'autres espèces ou variélés voisines. Genre Escholtie. — Escholzin. Dans ce genre, comme dans les autres de la même famille, les étamines, souvent au nombre de douze, au moins dans le californica, répandent très-promptement leur pollen sur des sügmates filiformes ou épaissis, mais toujours très-rapprochés Le anthères, On peut maintenant tenter des croisements entre les espèces, puisqu'elles grainent très-facilement sous notre cli- mat, en prenant les mêmes précautions que pour les Pavots. FAMILLE DES FUMARIÉES. On cultive dans nos jardins un certain nombre de Fumariées appartenant surtout aux genres Corydalis et Dielytra. Leur fécondation naturelle est assurée par la position des six anthères, souvent portées sur deux filets unis, appliqués sur le stigmate même. Cet appareil est ensuite enfermé dans la corolle, en sorte que les fécondations croisées ne doivent jamais avoir vs naturellement dans ces plantes. Je ne crois pas non plus qu'il y ait grand motif de les tenter artificiellement : inais pourtant elles seraient possibles en enlevant de bonne heure les anthères sur quelques fleurs que l'on aurait ménagées en préparant le sujeL. Depuis l'introduction de ce nouveau et admirable Dielytra, qui à fait si grande sensation lors de son entrée dans le monde horticole et depuis l'apparition du D. cucullaria, À Y aurait certainement des essais de croisement à faire sur ces plantes ornementales. 11% FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. FAMILLE DES CRUCIFÈRES. Genre Giroflée. — Üathiolu. Dans ce genre se trouvent le Mathiola annua, désigné sous le nom de quarantain, qui donne dans nos jardins de si belles variétés, et l'incana, qui en produit de plus belles encore, dont la vie se prolonge quelquelois plusieurs années, et les variétés désignées sous le nom de cheiri, qui appartiennent au glabra. Ces belles plantes sont connues sous la dénomination générale de Giroflées. Le pisüil est surmonté d'un stigmate épaissi, contre lequel viennent s'appliquer les six tar des étamines. La fécon- dation directe est donc entièrement assurée; les anthères ne s'ouvrent, du reste, qu'après l’épanouissesient de la fleur, en sorte qu'il est facile de les enlever et d'imprégner ensuite le sligmate au pinceau. Ce n’est que sur les fleurs simples que l’on peut opérer l'hy- bridation, car les doubles sont dépourvues de pistils, ce qui rend la reproduction impossible. Il est vrai que les pieds à fleurs simples produisent des graines qui donnent souvent des individus à fleurs doubles; mais il n'y a rien de certain ni de constant. J'engage toutelois les amateurs de ce beau genre à tenter les croisements pour obtenir encore de nouvelles va- riétés. Il arrive, il est vrai, mais rarement, dans les M. añnua, græca, inchna, que l’on trouve çà et là quelques pisüls, et par suite quelques graines sur des individus à fleurs doubles, et ces graines reproduisent assez exactement la mère. Le docteur Messer de Cabo a publié, en 1828, un Mémoire dans lequel il assure que l’on peut, à volonté, obtenir des fleurs doubles des Giroflées, en recueillant les graines sur des _ fleurs simples dont toutes les anthères sont retranchées avant l’anthèse. Il dit que, sur cent plantes de quarantains, il en obtenait toujours soixante à soixante-dix à fleurs pleines, tandis FAMILLE DES CRUCIFÈRES. (RE qu'en ne supprimant pas les anthères du porte-graine il n'ob- tenait pas plus de 20 à 30 pour 100 de plantes à fleurs dou- bles. Il ajoute que, si les étamines sont encore trop jeunes lors- qu'on leur fait subir la castration, l'ovaire avorte. Quand elles ne la subissent que lorsqu'elles sont mieux formées, mais tou- jours avant qu'elles aient répandu leur pollen, l'ovaire se déve- loppe et devient fruit; mais, au lieu de contenir de quarante à cinquante graines, il n'en renferme que cinq ou six, toujours plus courtes et autrement configurées. (Annales de Fromont, avril 1833.) Si ce fait très-curieux est exact, le résultat ne tiendrait-il pas à une fécondation croisée, opérée par les insectes entre plantes de même espèce, mais entre individus distincts, comme nous l'avons fait pressentir en rappelant les ingénieux essais de M. Ch. Darwin sur les Primula ? | ILest donc probable que les fleurs privées d’anthères sont fécondées par le pollen d'autres variétés, et il est possible que l’hybridation-seule produise ce singulier résultat. Ce sont de curieuses expériences à répéter. | Genre Lunaire. — Lunari«. On cultive dans les jardins le biennis et le rediviva, qui paraissent trop distinctes pour qu'on puisse les croiser; mais, comme le biennis offre des variétés à fleurs blanches, on pour- rait obtenir tous les intermédiaires entre le pourpre et le blanc. Toutefois il faut convenir que ces plantes ne valent pas la peine qu'on leur sacrifie un temps qui serait mieux employé à opérer sur une multitude d'autres végétaux. Cette observation s'applique à presque tous les genres de cette famille, tels que les Arabis, Turritis, Sysimbrium, Cardamine, Erysimum, etc, qui n'appartiennent pas aux plantes d'ornement proprement dites, et dont les procédés d'hybridation sont, du reste, abso- lument les mêmes que ceux de toutes les plantes de ce groupe. M. Reuter décrit, dans son supplément au catalogue des plantes de Genève, une nouvelle espèce d’Arabis, qu'il nomme 116 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. hybrida, parce qu'elle tient le milieu entre les A. stricla et les A. vernalis. Ces trois espèces croissent ensemble dans les ro- cailles du pied de la montagne de Salève, et la forme intermé- ill Î 7] Grav. 5. — Lunaria bienuis. diaire y est assez abondante pour faire supposer qu'elle est du nombre des hybrides qui se reproduisent de graines (grav. 35). FAMILLE DES CRUCIFÈRES. 117 Genre JIbéride, — Jberis. Il y à peu de croisements à faire dans ce genre, quoique ses espèces soient fort nombreuses; mais elles ne sont pas toutes ornementales. Le semperflorens, seul de sa section, ne peut certainement pas s’hybrider avec les Iberis herbacés. Il serait facile de croiser l’umbellata, qui est le plus cultivé, avec le ciliata et le tenuifolia, ou même avec le nana et le spathulata, ou du moins ces plantes ont de si grands rapports, que l'on pourrait presque les considérer comme des variétés. Il'en serait sans doute de même des croisements que l’on voudrait essayer entre l'amara, l'odorata et le pinnata, puisque l'intermedia est déjà peut-être un de ces hybrides. Enfin, on trouve aussi les plus grands rapports entre le sem- pervirens, le saxatilis, le conferta et quelques autres. L'inflorescence des Iberis est ordonnée de telle manière, que presque toutes les ombelles s'épanouissent en même temps, en sorte qu'elles sont littéralement couvertes de fleurs, et produi- sent beaucoup d'effet dans les parterres. Il faudrait donc, pour assurer le succès des fécondations artificielles, isoler le sujet et le préparer par le retranchement de presque toutes les ombelles et de la majeure partie des fleurs de celles que l'on . conserverait. | Genre Julienne. — Hesperis. Une espèce de ce genre, le matronalis, a doublé dans nos jardins, et produit ces belles variétés blanches ou las que l’on désigne sous le nom de Girardes. Leurs fleurs, comme celles des Mathiola, perdent leurs pistils en doublant, en sorte qu'on les mulüplie de boutures ou en séparant les vieux pieds, rarement par les graines. Celles-ci s'obtiennent facilement sur les pieds simples, car dans ces plantes la fécondation est d'au- tant plus certaine, qu'elle s'opère avant l'épanouissement, ou du moins les étamimes sont déjà ouvertes quand la corolle s'é- tale. Ilest vrai que les deux stigmates qui sont appuyés l'un 118 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. contre l’autre semblent un peu moins hâtifs que les étamines; mais il faudrait toujours, pour une hybridation, enlever celles-ci avant le déroulement complet des pétales; peut-être le matro- nalis pourrait-il être hybridé par le runcinata ou l'heterophylla. Genre Chou. — Brassica. Le Chou est un des légumes les plus importants pour la nourriture de l’homme et des animaux. Il est remarquable par la grande quantité de variétés ou d'hybrides que le hasard a fait obtenir et que la culture a conservés. Je suis convaincu que l’on est loin encore de connaitre toutes les variétés possibles de cet excellent légume, et je pense que l’on peut arriver sûrement, par les procédés d'hybridation, à en créer un grand nombre de nouvelles. Avant d'émettre quelques idées sur ce sujet, il convient d'être fixé sur les prin- cipaux types de ce genre, et le résumé que nous allons donner, en suivant la classification adoptée par de Candolle, suffira pour remplir ce but. 1. B. Oleracea. Celte espèce est la plus importante; on la croit originaire des rochers maritimes de l'Europe. Elle a pro- duit cinq grandes races, dont nous allons citer les principales variétés. A. Cnoux roumés. 0. capitata; à grosse tête allongée, ronde ou aplatie, verte ou rouge, tels que les Choux d'Yorck, petit et gros. — Cœur de bœuf. — Pain de sucre. — Rouge, petit et gros. — Vert de Vaugirard. — De Hollande à pied court. — Pomme de Saint-Denis. — D'Allemagne ou Quintal. — De Hollande tardif. — Vert glacé d'Amérique. — Trapu de Brunswick, etc. B. CHoux ne Minax. O. bullata; frisés à lête ronde ou oblongue à jets gemmifères. Là se trouvent les diverses variétés de Choux de Bruxelles. — Les milans hâtifs. — Pied court. — Doré à tête longue. — Le pancalier de Touraine. C. Cnoux verrs xox romués. O. acephala; à grosses côtes, FAMILLE DES CRUCIFÈRES. 119 vert, blond, frangé, et les jolies variétés vertes, roses, lilas, carminées, à feuilles laciniées, désignées sous le nom russe de kapousta, et qui sont de véritables plantes d'ornement, D. Cnoux-raves. 0. caulo-carpa ; à tige renflée au-dessus du collet ; tels sont : — Le blanc de Siam.— Le violet. — Lenain hâtif. E. Cuoux-rLeurs. 0. botritis ; à corymbes charnus et renflés, dans lequel on distingue : — Le tendre. — Le demi-dur. — Celui d'Angleterre. — De Hollande et es Brocous. — Violet. — Pommé vert. — Blanc d'Angleterre. | 2. B. Campestris. Indigène des champs de l'Europe, a pro- duit trois variétés principales, le colza, le pabularia ou chou à faucher, et le napo-brassica, différent du navet. En croisant le Chou et le Navet, Sageret a obtenu un hybride entièrement semblable au colza, et il en a conclu que cette dernière plante était une espèce nouvelle, créée par” hybridation et stabilisée par une longue habitude. 3. B. Rapa. Type de la navette à graines oléagineuses et de la rave à racine comestible, dont on connait aussi beaucoup de sous-variétés. j , 4. B. Napus. Qui à produit une variété oléifère, désignée sous le nom de navette d'hiver, et un grand nombre de variétés tubéreuses, connues sous le nom de navets, et que l’on partage en trois types : Texores. Des Vertus. — Des Sablons. — Rose du Palu- tinat. — Gros-long d'Alsace. — Blanc-plat hâtif. — Rouge plat hâtif. — De clair-fontaine. — Turneps. — DEem-rENDREs. Jaune de Hollande. — Jaune d'Écosse. — Jaune de Malte. — Noir d'Alsace. — Gris de Morigny. — Secs. Freneuse. — De Meaux. — Saulieu. — Berlin. — Jaune long des États-Unis. 5. B. Præcox. N'est cultivé que comme plante oléifère. I est bien probable que plusieurs des variétés rangées sous ces cinq types sont de véritables hybrides entre les espèces, et que l’on pourrait en obtenir d'autres encore; mais 11 y aurait certainement avantage à croiser au moins les races de la pre- 120 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. mière espèce, ou les variétés de chaque race entre elles. On trouve souvent dans les jardins des hybrides entre le Chou de Milan et le cabu, et entre ce dernier et le Chou rouge, et ces hybrides sont quelquefois préférables aux types. Le colza, croisé par d’autres variétés du B. campestris, ou par le B. præcox ou les erucastrum, donnerait peut-être une race encore plus séminifère que celle qui est cultivée pour l'huile que l’on en extrait. Toute la série des B. rapa et napus, en Y ajoutant même les Choux-raves et les rutabagas, pourraient sans doute former encore des variétés nouvelles, plus grosses, plus tendres, plus précoces ou plus tardives, plus douces, ou d’une plus longue conservation ; enfin, je crois qu'il reste dans ce genre un grand nombre de découvertes à faire, et, du moment où l'on admet le mérite d’une variété nouvelle de Rose ou de Dahlia, on ne peut contester celui d'un légume nouveau qui vient augmenter nos richesses. IL serait possible aussi qu'en croisant les diverses espèces de la section des erucastrum, on obtienne des plantes oléifères, mains productives peut-être que le colza, mais susceptibles de croître dans les sables ou des terrains médiocres, où le colza ne pourrait végéter. Enfin, le pe-tsaie ou Chou chinois, qui fleurit et fructifie si facilement dans nos jardins, sans donner un légume bien remarquable, ne pourrait-il pas être fécondé par nos races européennes, ou les féconder à son tour, et produire ainsi des légumes tout à fait nouveaux et précieux peut-être par leur végétation hâtive? M. Pépin cite des pe-tsaïes, semés Île 1% avril, et dont les graines étaient récoltées le 16 juillet. L'hybridation est facile à faire dans le genre qui nous occupe. Il suffit de laisser au sujet une seule branche de fleurs, et, comme celles-ci s'épanouissent lentement et successivement de bas en haut, on enlève soigneusement et de bonne heure toutes les étamines de plusieurs fleurs, et l'on abat le reste de la branche au-dessus de la dernière, que l'on à artificiellement FAMILLE DES CAPPARIDÉES. 121 fécondée. Si deux ou-trois siliques seulement réussissent, on à assez de graines pour connaitre, dès l’année suivante, les résultats de ses essais. Les mêmes remarques s'appliquent aux Sinapis et aux Ra- phanus. Dans les familles très-naturelles, comme celle des Cru- cifères, où les genres sont à peine distincts les uns des autres, l'hybridation a quelquefois lieu entre eux. Ainsi Sageret, qui a porté dans l'étude des hybrides la science et le talent d'ob- servation que l’on remarque dans tous ses écrits, a obtenu un hybride entre le Chou et le Radis noir : ce dernier était le porte- graine. L'hybride avait des siliques doubles, c’est-à-dire pla- cées l’une au-dessus de l’autre et très-distinctes par la forme; l’une ressemblait à celle du Chou et l’autre à celle du Radis. Genre Radis. — Baphanus. Le R. sativus ou Radis a produit, comme on le sait, de nom- breuses variétés que l'on pourrait multiplier encore. On les partage en trois sections. Les roxps, qui renferment le rose or- dinaire, le blanc hâtif de Hollande, le violet hâtif, le saumonné, le jaune ou roux. Les Loxes, que l'on désigne aussi sous le nom de raves, où l’on trouve le blanc, le rose, le rouge et le petit hâtif. Enfin, les xoms, qui contiennent le violet de Chine, le rose d'hiver, le blanc ordinaire et le gros blanc d'Auysboury. Avec un si grand nombre de modifications, il serait très-facile d'en obtenir d'autres. FAMILLE DES CAPPARIDÉES. Genre Câprier. — Capparis. Les Câpriers ne sont pas assez cultivés comme plantes d'orne- ment et forment cependant un des plus beaux genres qui existent. Leurs fleurs ont peu de durée; leurs étamines sont très-nombreuses et le pistil est unique. Malgré la courte exis- tence des fleurs, les étamines ne s'ouvrent pas en même temps 122 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. que la corolle, et l'on peut facilement les retrancher avant l’an- thèse, en sorte que les croisements seraient faciles et pour- raient peut-être s’obtenir sur le spinosa avec l'odoratissima, le pulcherrima, le rupestris, l'ægyptia, ete. Genre Cléome. — (Cleome. Il est extrêmement facile d'opérer l'hybridation sur les Cleome, puisque les pistils sont très-distincts des étamines et que l'on peut très-aisément retrancher ces dernières avant l’an- thèse; mais j'ignore si les croisements, qui auraient lieu néces- sairement entre espèces assez distinctes, pourraient réussir, FAMILLE DES PASSIFLORÉES. Genre Passiflore. — Passiflora. Vaste et magnifique genre qui renferme près de deux cents espèces d'un éclat et d’une originalité remarquables. La fleur offre cmq étamines dont les anthères sont pivotantes et renver- sées. Les styles, au nombre de trois, se terminent chacun par un . stigmate épais et glanduleux. Les Passiflores peuvent s’hybrider, car M. Delaire, directeur du jardin de botanique d'Orléans, qui s’est depuis longtemps occupé d'hybridation, et qui est, je crois, un des premiers qui aient fait des expériences positives dans les serres du Museum de Paris, où il était alors jardinier, a re- marqué que plusieurs Passiflores, qui ne pouvaient être fécon- dées avec leur propre pollen, fructifiaient en les croisant avec d’autres espèces. | Ces plantes, déjà très-belles sans qu'elles soient croisées, ont donc offert déjà des hybrides remarquables. Une des plus belles à fleurs d'un rouge vif est le Passiflora amabilis de M. Schach- ter, obtenu à Loos-lès-Lille, du P. princeps (mère) et du P. alata (père), fait d'autant plus curieux que le P. princeps ne fructifie pas ordinairement avec son propre pollen, ou du moins sans fé- condation artificielle. Les P. Lemicheziana, Londoni, Colvillii, FAMILLE DES PASSIFLORÉES. 123 princeps, racemosu, sont encore de jolis hybrides de ce genre. M. Belot, de Moulins, a obtenu aussi, en 1847, une remar- quable plante en fécondant le P. alata par le P. cœrulea. Au sujet du P. Lemicheziana, M. Lemichez m'écrivait en 1845 que cet hybride provenait du P, alata, fécondé par Grav. 56. — Passiflora edulis. le pollen du P. kermesina, lequel faisait toujours fructifier le P. alata, tandis que l'inverse n'avait pas lieu. Si une fois on s’occupait de ce genre, comme on l’a fait pour les Pelargonium, on finirait sans doute aussi par perdre la trace des espèces, et on doterait l'horticulture de plantes admirables. 194 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE: ILest vrai qu'avant de chercher à faire de nouvelles plantes il vaudrait mieux peut-être se procurer d’abord celles qui existent dans la nature, déjà si riche en formes variées et singulières. La fécondation artificielle sera toujours utile pour les Passi- flores comme pour les autres plantes de serre, pour en obtenir des graines, qui souvent, sans cette opération, manquent to- talement. Ainsi, soit qu'on opère dans cette intention, soit que l’on cherche à croiser les espèces, il faudra poser le pollen sur les stigmates et humecter ceux-ci au pinceau avec l'humeur miel- lée que l’on cherchera au fond de la corolle. Si c’est un croise- ment que l’on opère, on retranchera les anthères avant qu'elles soient ouvertes; mais les Passiflores laissent tout le temps de faire cette ablation, car ce n’est guère qu'à la défloraison que la fécondation s'opère (grav. 36). FAMILLE DES VIOLARIÉES. Genre Violette, — Viola. Ce genre offre de très-grandes différences dans la forme du stigmate, qui tantôt est pointu et courbé en forme de bee, comme dans la Violette odorante, tantôt bilobé, comme dans le biflora, ou creusé en entonnoir, comme dans les Pensées. Les ‘étamines, au nombre de cinq, presque adhérentes entre elles, sont collées contre le pistil, et leurs anthères sont terminées par deux petites lamelles brunes qui forment une sorte de couronne autour du stigmate. Ce dernier est apte avant les étamines, en sorte que l’on pourrait pratiquer la fécondation artificielle sans enlever ces organes; c’est peut-être ainsi naturellement que se sont formés plusieurs hybrides naturels. M. Godron à signalé un. Viola hirto-alba. M. Timbal-Lagrave en a décrit plusieurs dans les Mémoires de l’Académie impériale de Tou- louse. C’est peut-être aussi à des croisements que sont dues les nombreuses variétés de l’altaicu. On a supposé du moins que c'était le V. altaica qui avait FAMILLE DES POLYGALÉES. 195 communiqué à notre VW. tricolor la tendance à produire des fleurs d’un grand diamètre et de formes arrondies. Il est égale- ment positif que les plus belles Pensées couronnées en Angle- terre sont provenues par l'hybridation naturelle et artificielle de Faltaica (La Pensée, par le baron Biedenfeld, Duchartre, Revue, t. 1, p.95). Si ces croisements ne sont pas possibles entre les espèces de cette division, ils ont eu lieu au moins entre les variétés obtenues par la culture, et il est peu d'espèces qui aient produit autant de variations que la Pensée ordinaite. C’est du reste une de ces plantes que l'on pourrait appeler chan- yeantes, car on trouve, sur le même pied, des fleurs entière- ment différentes ; aussi les plus belles variétés obtenues sont- elles dues au hasard. On ne prend plus la peine de féconder une plante qui donne d'elle-même de si admirables changements, et qui n'attend même pas que l’on prenne la peine de semer ses graines pour les produire. M. Fermond explique la fécondation de la Pensée par l'in- termédiaire de la corolle. Les anthères s'ouvrent assez long- temps avant que la fleur s’épanouisse et le pollen arrive au con- tact de la gorge de la corolle, dont trois pétales se trouvent, à cet endroit, munis de poils collécteurs destinés à retenir ce pol- len; mais, pour s'épanouir, la corolle s’accroit, le tube s’al- longe, et, en s’allongeant, il glisse le long du style et va porter sur le stigmate le pollen qui s'y était attaché. FAMILLE DES POLYGALEES. Genre Polygala. — Polygulu. La fécondation des Polygalas n’a pas toujours lieu facilement dans nos serres, où très-probablement on obtiendrait plus sou- vent des graines fertiles en imprégnant au pinceau. , : « . . A Les étamines, au nombre de huit, entourent un stigmate à deux lèvres, dont l'intérieur seulement parait être le véritable stigmate. Je ne crois pas que l’on ait tenté d'hybrider les Poly- galas, mais on le pourrait certainement, en enlevant de bonne ’ 126 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. heure les anthères et appliquant sur le stigmate le pollen d’une espèce voisine, car ces plantes forment plusieurs sections assez nombreuses, et l’on ne pourrait espérer de croisements entre des espèces de section ‘différente. Le P. Dalmaisiana, ré- cemment obtenu, paraît être un hybride du grandiflora, fécondé par le cordifolia. FAMILLE DES RÉSÉDACÉES. Resedu. Genre Réséda. Les plantes de ce genre ne présentent rien de gracieux mi d’élégant, et la seule espèce cultivée, l'odorata, ne l'est que pour le parfum qu'elle répand. Il n'y a donc rien à tenter pour des fécondations artificielles qui seraient faciles, car dans les résédas, comme dans les Pelargonium, le stigmate n'acquiert son aptitude qu'après l’anthèse des étamines, de sorte que la fécondation naturelle n’a lieu qu'indirectement par les fleurs supérieures de l’épi ou par les épis voisins, comme dans la plupart des céréales. FAMILLE DES CISTINÉES. Genre Ciste. — Cistus. £: Je ne sache pas que l’on se soit occupé sérieusement en France des Cistes sous le rapport horticole ; ils forment cepen- dant un bien beau genre, qui semble avoir un grand avenir, mais dont les fleurs ont l'inconvénient de ne pas durer long- temps. Les étamines sont nombreuses, les anthères répandent le pollen par des fentes qui partent du sommet, et la fleur en- tière en est quelquefois couverte; les mouvements que l’on ob- serve souvent dans ces organes facilitent la dispersion du pol- len, qui est recueilli par un stigmate en forme de tête tellement situé, qu’il est impossible que la fécondation ne soit pas parfai- tement assurée. Les fleurs des Cistes s’épanouissent de très-bonne heure, et FAMILLE DES CISTINÉES. 127 c'est au lever du soleil, ou mieux un peu auparavant, qu'il faudrait enlever les étamines. On peut, pour faciliter l'opéra- tion, écarter les pétales, ou même les couper et les supprimer avec les étamines. Le stigmate est apte à recevoir immédiate- ment, ou du moins peu d'heures après l'époque de l'épanouis- sement. ’ L'hybridation peut done se faire facilement, et déjà elle a eu lieu dans la nature, car 1l est impossible que toutes les formes de Cistes que l’on ob- serve autour du bassin de la Méditerranée, et seulement en France, soient des espèces dis- ünctes. Ce genre est divisé en deux sections assez naturelles, et ce n’est qu'entre les espèces de même section que les croise- ments peuvent s’opérer. Ainsi on peut considérer comme des hybrides naturels : le floren- linus, intermédiaire entre le monspeliensis et le salvifolius ; le ledum, qui paraît provenir du laurifolius et du monspe- liensis. Ce dernier semble en- a de ts: core avoir donné naissance au longifolius en fécondant le popu- lifolius. Les croisements opérés par les espèces à fleurs sim- ples sur les variétés doubles déjà obtenues par la culture don- neraient, sans aucun doute, de bien belles nouveautés, comme on en obtient maintenant dans les Roses, par le même pro- cédé. Le Cistus vaginatus de Ténérife est une des plus belles espèces que l'on pourrait employer dans les croisements. Le C. ladaniferus est aussi un des plus remarquables (grav. 57). 128 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Genre Hélianthème. — Helianthemum. Ce que nous venons de dire des Cistes s’applique aussi à ce genre, qui présente, dans les organes sexuels, de très-grandes ressemblances, mais dont les sections, assez distinctes du reste, ont pour principal caractère différentiel la longueur du style, qui tantôt élève le stigmate au-dessus des étamines, et d’autres lois le tient en dessous, ou bien enfin le place dans une région moyenne. Dans tous les cas, il peut recevoir directement le pollen. La fécondation est sûre comme dans les Cistes; elle a lieu de très-bonne heure, et les croisements doivent être aussi faciles entre espèces voisines seulement, car il y a dans ce genre des herbes et des arbustes, des plantes vivaces et d'autres .qui sont annuelles, des plantes dressées et des espèces rampantes dont les analogies sont trop éloignées pour qu'on puisse, dans ces circonstances, regarder l’hybridation comme possible. FAMILLE DES CARYOPHYLLÉES. Genre Œillet. — Diurthus. * Dans ce genre nombreux, quatre espèces, qui sont mainte- nant le type de nombreuses variétés, se disputent nos parterres : le D. chinensis, aux fleurs éclatantes ; le barbatus, chargé de bouquets multicolores; le plumarius, type de nos charmantes mignardises; et enfin le caryophyllus, qui a produit cette pro- fusion de variétés désignées par les noms d’OEillets flamands et de fantaisie. WU faudrait encore ajouter à ces plantes le su- perbus à pétales frangés, le cæsius, le glacialis, le virgineus et l'alpinus, dont les gazons s'étendent sur les rochers qu'ils cachent sous leurs fleurs parfumées. ÿ Toutes ces plantes ont des étamines dont les anthères sont portées sur des filets généralement assez longs pour qu'elles sor- tent du tube, quoique cependant elles y restent quelquefois en- fermées. Il Y en a presque toujours cinq grandes et cinq plus : FAMILLE DES CARYOPHYLLÉES. 129 petites, qui ne s'ouvrent pas à la fois. Les styles sont allongés au nombre de deux ou trois et garnis sur la majeure partie de leur longueur de stigmates papillaires. Les pétales sont velus ou au moins veloutés à la base, et reçoivent le pollen. Ce n'est quel- quefois qu’à la défloraison que le pistil se trouve fécondé par son contact avec les étamines elles-mêmes ou avec les pétales couverts de pollen. La fécondation artificielle est donc très-facile dans les Œillets, car les styles sont saillants et les étamines ne le sont pas tou- jours, et précèdent assez souvent le développement des stig- mates. Ces derniers avortent quelquefois. : On rencontre assez souvent des hybrides dans la nature. Plusieurs sont cités dans les ouvrages de botanique. Ils appar- tiennent surtout à la section des plumarius, et nous-même avons signalé le D. Monspessulano-Sequieri, assez répandu sur les pelouses des montagnes de l'Auvergne. Les caractères de ces hybrides varient selon qu'ils ont pour père le D. Mons- pessullanus ou le D. Sequieri. Le chinensis et le barbatus ont une si grande tendance à va- rier, que l'on ne tente guère de croiser leurs fleurs. On pourrait cependant féconder les variétés doubles par les simples nuancées d’autres couleurs. Le barbatus, désigné aussi sous les noms de bouquet tout fait ou bouquet parfait, présente le singulier phé- nomène de fleurs diversement colorées sur le même pied et dans le même fascicule. On en voit de rouges et de blanches qui se touchent. Les plantes qui offrent ce caractère sont déjà des hybrides qui viennent appuyer une observation faite depuis longtemps par Sageret et que mes remarques ont également con- firmée : c’est qu'au lieu d'obtenir toujours un hybride qui tient le milieu entre le père et la mère, on est souvent étonné de trou- ver des sujets dont tel ou tel organe appartient complétement à l’un des ascendants, sans avoir été modifié par l’autre. C’est sans doute à cette raison qu'il faut attribuer les fleurs de couleur différente sur un même pied, comme cela se présente dans l'Œillet qui nous occupe. 130 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. L'apparition du D. Heddewigii, avec ses grandes et magni- fiques fleurs et sa facilité de croisement, à fait naitre dans cette section des races nouvelles et des plus éclatantes. L'avenir ce- pendant nous réserve bien d’autres surprises, et tend à mêler dans nos jardins les diverses espèces de Dianthus, comme il a confondu les types des Roses, des Fuchsia, etc. Les mignardises se fécondent très-bien; les doubles consér- vent assez souvent quelques étamines, et d’ailleurs on peut prendre le pollen sur les semi-doubles et même sur les simples. Peut-être même y a-t-1l déjà des hybrides entre le plumarius et le caryophyllus. Quant à ce dernier, c’est par l'hybridation que l’on a acquis ses nombreuses variétés ; mais ces croisements, comme la plu- part de ceux obtenus avant notre époque, sont entièrement dus aux insectes. Ce n’est que dans ces derniers temps que l’on a su pratiquer l'opération si simple de l'hybridation. Elle est extrêmement facile sur les Œillets : il suffit d'attendre le déve- loppement des stigmates et d'y porter le pollen au pinceau. Il est même imutile d'enlever les étamimes de la fleur fécondée, quand elle en conserve. Si on ne trouve pas le pollen sur de belles fleurs doubles, 1l faut le chercher, comme dans le pluma- rius, sur les semi-doubles, et, au besoin même, sur les simples; mélanger les flamands et les fantaisies, dont les graines pour- ront alors donner les deux races; mais féconder entre eux les beaux flamands, si l’on tient à conserver la race pure; choisir avec soin ses porte-graines, et, une fois le choix fait, sur un seul pied, de deux à trois fleurs ayant les pistils bien conformés, supprimer toutes les autres. Les Œillets ne donnent pas tous de la graine, surtout les flamands, qui manquent quelquefois de pistils et souvent d'éta- mines, à cause de leur transformation en pétales. Presque toutes les variétés dites fantaisies en produisent, et l'on conçoit alors toute la facilité qu'elles présentent à la fécondation arti- ficielle et le nombre infini des modifications qu’elles peuvent subir, si les couleurs sont habilement croisées. Les flamands, FAMILLE DES CARYOPHYLLÉES. 151 moins féconds, offrent cependant d'excellents porte-graines que l’on peut hybrider entre eux ou quelquefois féconder avec d’au- tres qui conservent quelques étamines. Voici, d'après le baron de -Ponsort, les types que l’on doit s'attacher à cultiver pour la récolte des graines : Pourpres. Philippe de Belmas. — Léoni- das ocelle. — Marrons. De Coussemaker. — Icelus. — Baïlde. Puis en déclinant, néanmoins dans leur ordre de mérite, Quarre-reux. Mutten. — Loridan. — Martin. — Schiller. — Bizarre Feu. Gœthe.— Cramoisi cerise. Arius.—Viorer. Olinde. — Rose. Orphée. — Bizarnes roses. Sœur Isabelle. — De Coussemaker. — Reine de Chypre. Nous trouvons dans la Flore des serres et des jardins, t. Il, p. 29, une note extraite du Floricultural cabinet, où nous li- sons ce qui suit sur l'hybridation des Œillets : « On choisit les fleurs parfaitement doubles, et pour que ces fleurs puissent produire des graines, il est nécessaire de lais- ser tous les boutons arriver à fleur. Lorsque les fleurs sont en- üièrement ouvertes et que les pistils prennent une apparence glacée, on prend une autre fleur à moitié épanouie et on l’oavre de manière à découvrir les anthères. On enlève une de celles-ci; si elle n'est pas déjà ouverte, on l’ouvre et on la promène le long des stigmates jusqu'à ce que l’on voie quelques grains de pollen s'y attacher. Si cette opération est bien faite, la fleur se lerme en deux ou trois heures. Dans le cas contraire, il faut recommencer. Deux ou trois jours après cette fécondation arti- licielle, on enlève tous les autres boutons et l’on porte la plante dans un lieu bien exposé au soleil, on l’arrose abondamment et l'on protége la capsule contre la pluie au moyen d'un mor- ceau carré de planche mince que l’on fixe au sommet du tu- teur. On cueille ce fruit lorsqu'il est mür et on le conserve tout entier dans une fiole bien bouchée, » Genre Silène. — Silence. s Je ne cite ce genre que pour faire voir avec quelle facilité on peut croiser les espèces. Il y a évidemment dans les Silènes 152 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. des plantes qui sont intermédiaires et peut-être hybrides; mais ce qui rendrait les croisements très-faciles, c'est l'inégalité de développement des organes sexuels ; non-seulement plusieurs sont dioiques, mais ordinairement les dix étamines se déve- loppent en deux séries : les cinq premières avant les trois styles, et les cinq autres en même temps qu'eux, et quelquefois plus tard, en sorte que la fécondation d’une fleur a généralement lieu par les étamines d’une autre, ce qui rendrait très-faciles les essais d'hybridation. Ce genre nombreux n'offre, du reste, qu'un petit nombre d'espèces cultivées dans les jardins. Genre Lychnide. — Lychnis. Très-beau genre qui fournit à nos jardins un grand nombre d'espèces; elles ont dix étamines et cinq styles. En général, les anthères ont jeté leur pollen avant que les stigmates soient aptes à le recevoir ; en sorte que la fécondation, qui est réelle- ment dioique dans certaines espèces, comme dans le sylvestris et le dioica, est presque toujours monoïque, quoique les fleurs soient hermaphrodites. Il serait donc facile de former des hy- brides entre les plantes de ce genre qui ont le plus de rapports : il suffirait d’attendre le développement des stigmates pour les imprégner au pinceau. Les variétés du Lychnis chalcedonica ou croix de Jérusalem pourraient s’augmenter encore de cette manière. Les variétés doubles des Lychnis dioica, sylvestris et flos-cuculi pourraient se croiser ou du moins être fécondées par les simples, et réciproquemeut, quand elles ont des styles et des stigmates bien conformés. Il y aussi des hybrides à espérer entre le fulgens, le Bunjeana et les belles espèces à grandes fleurs récemment introduites. La fécondation artificielle pour- rait au moins leur faire donner des graines, mais les Lychnis, comme la plupart des Caryophyllées, se croisent si facilement, que l'hybridation de ces belles espèces serait une chose très- probable. Déjà, en 1854, M. Pépin a indiqué dans les Annales de Flore et de Pomone un Lychnis hybride provenant du Luchnis ou FAMILLE DES MALVACÉES. 155 Agrostema flos-Jovis et du L. ou À. coronaria. « Cette variété, dit M. Pépin, est d'un bel effet par ses grandes fleurs. Elles ne forment pas le corymbe comme dans la première espèce, mais elles sont moins dichotomes que dans la seconde; enfin, le calice est moins renflé et ses angles moins saillants que dans celle-ci, et, au contaaire, plus saillants et plus allongés que dans celle-là. Genre Lin. — Linum. Ces plantes produisent des fleurs très-éclatantes, mais éphé- mères, qui s'ouvrent de grand matin, ét dont les pétales tom- bent de bonne heure. Elles ont cinq étamines et cinq stigmates, quelquefois réduits au nombre de trois. Les anthères s'ouvrent en dedans, en dehors ou sur le côté, etles stigmates papillaires, aptes à recevoir immédiatement le pollen, sont disposés de telle manière, que la fécondation est à peu près certaine. Les Lins ont cependant une grande tendance à s’hybrider, comme Kælreuter l'avait reconnu depuis longtemps. Les nom- breuses espèces à fleurs bleues, voisines du perenne, n'en sont peut-être que des variétés. Ne pourrait-on pas, avec ces espèces, hybrider le lin commun et produire de nouvelles variétés tex- tiles? Les Lins à fleurs blanches et roses pourraient aussi se croiser ; ils forment une section particulière du genre comme ceux à fleurs jaunes en forment une autre. Viennent ensuite ces beaux Lins à grandes fleurs rouges qui deviendront peut-être la source de nouvelles variétés. Il faut, du reste, se lever matin pour tenter les croisements sur ces plantes. Il est nécessaire d'enlever les anthères de très- bonne heure, car, peu de temps après l'épanouissement, la fé- condation est opérée, et les pétales tombent. FAMILLE DES MALVACÉES. Genre Mauve. — Halva. Un assez grand nombre de Mauves sont cultivées dans les serres et dans les jardins, bien que ces plantes ne soient pas, à 154 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. beaucoup près, aussi éclatantes que plusieurs autres de la même famille. Leurs anthères, très-nombreuses, sont situées au som- met de filets qui ne sont libres qu'à leur partie supérieure et qui sont soudés à leur base. Les stigmates forment une espèce de houppe au-dessus des anthères, et les styles passent au mi- lieu du tube formé par la soudure des filets (grav. 38.) Quelque- fois ces stigmates sont aptes en même temps que les anthères, d’autres fois ils ne se développent qu'après; mais, comme le pollen des Mauves et des autres Mal- vacées est garm de papilles, il Grav. 58. — Étamines monadelphes d'une en reste assez de Eee Apte Mauve. rents à toutes les parties de la fleur pour assurer la fécondation. Il serait, dans tous les cas, facile de la pratiquer artificiellement, en enlevant de bonne heure les étamines et imprégnant au pinceau. Je ne vois pas quelles variétés ornementales pourraient être créées avec les Mauves, et je pense que si l’on voulait prendre la peine d'hy- brider des plantes de cette famille, ce serait dans les Althæa, et surtout dans les Hibiscus, qu'il faudrait chercher ses sujets. Genre Guimauve. — Althæa. La principale espèce cultivée de ce beau genre est l’Athæa rosea ou Passe-rose, admirable plante qui commence à lutter dans nos jardins avec le Dahlia, qu'elle surpasse en éclat, qu'elle atteindra en variétés de couleur, mais moins faciie à conserver comme plante vivace. Les Passe-roses, quoique très- doubles, donnent presque toujours de la graine, car elles conser- vent une partie de leurs nombreuses étamines, soudées par leurs filets comme dans les autres Malvacées. Le pistil reste ordinaire- ment intact, et développe ses stigmates assez longtemps après que les étamines ont répandu leur pollen, en sorte que la fé- condation artificielle peut s’opérer au pinceau, après avoir eu FAMILLE DES MALVACÉES. 135 toute facilité pour retrancher les étamines. On peut même né- gliger cette précaution, mais alors il faut, avant la défloraison, entourer le stigmate d'un petit tube en carte ou en papier pour empêcher son contact avec la corolle, qui se tord et se rap- proche du stigmate, lui apportant ainsi une partie des grams polliniques qui lui sont restés adhérents. On peut féconder les simples par les doubles, ces derniers par des semi-doubles; hy- brider le rosea par le ficifolia, le pallida par le sinensis, et vé- ciproquement : on obtiendrait ainsi des variétés naines ou éle- vées, de couleurs extrêmement variées. On en a déjà de bordées de couleur différente; on aurait des striées, des veinées. Ce sont des plantes dont le croisement, très-facile comme celui des Malvacées, mérite toute l'attention des horticulteurs. Après l’hybridation de cinq à six fleurs sur un pied, il faut couper l'extrémité de l'épi; les graines sont meilleures, et l'on n'a plus à craindre le pollen des fleurs supérieures; si l’on ne veut pas se priver d'un reste de floraison, on ôte seulement les bou- tons qui sont placés immédiatement au-dessus des fleurs fécon- dées, et dont le pollen pourrait altérer les opérations. Une seule fleur, bien fécondée, donne une grande quantité de graines. Ce que je viens de dire de l'Althæa rosea peut s'appliquer à toutes les espèces de ce genre qui sont cultivées dans nos serres et nos jardins. Le genre Malope et la plupart des Malvacées doivent être traitées de la même manière. Genre Lavatère, — Lavatera. L'organisation des Lavatères est la même que celle des Mauves et des Althæa; nous ne les mentionnons que pour en- gager les horticulteurs à tenter quelque hybridation sur ces belles espèces, renvoyant, pour tout ce qui est relatif à cette opération, au genre précédent. Genre Hibiscus. — /ibiscus. On cultive dans nos serres un grand nombre d'espèces de ce 156 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. beau genre, qui, chez nous, fructifie assez rarement, malgré un {|| | 2777177724 |) i Grav. 39, — Hibiscus speciosus. FAMILLE DES TILIACÉES. 197 bon nombre d’étamines et cinq stigmates bien conformés, qui généralement s'épanouissent à l'époque où les anthères répan- dent leur pollen. La fécondation artificielle, avec le pollen de la même fleur, faciliterait sans doute la fructification de plusieurs espèces, et l'hybridation pourrait aussi avoir lieu entre les es- pèces très-voisines seulement et dérivant du même type, car il y à dans ce genre nombreux une douzaine de sections particu- culières formant chacune des groupes assez nettement sé- parés. L'opération serait, dans tous les cas, très-facile; les fleurs sont peu nombreuses, les étamines peuvent être enlevées sans difficulté, et les stigmates peuvent être préservés par des tubes. C'est un genre brillant qui récompensera dignement l’horticul- teur qui le prendra sous sa protection (grav. 39). Genre Sida. — Sida et Abutilon. | Les Sida et les Abutilon présentent un mode de fécondation analogue à celui des autres Malvacées, et doivent être traités de la même manière. On s’est peu occupé d'hybrider ces plantes, mais la fécondation artificielle rendrait sans doute productifs presque tous ceux qui restent stériles dans nos serres. M. Lambotte, de Namur, a exposé en 1855 à la Société d'hor- ticulture de Gand des hybrides qu'il dit avoir obtenu en fécon- dant l’Abutilon striatum par le pollen du Sida albida. Quelle que soit l’origine de ces plantes, elles ont sans doute du mérite, puisque la Société d’horticulture a cru devoir donner un prix à ces nouvelles variétés. FAMILLE DES TILIACÉES. Genre Tilleul. — 7ilia. Ces beaux arbres constituent un genre assez nombreux dont les espèces peuvent être groupées sous deux sections. La pre- 158 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. mière contient nos Tilleuls ordinaires, parvifolia, grandifolia, rubra, intermedia; 11: n°y aurait peut-être aucun avantage à chercher à les hybrider. La seconde renferme les belles espèces nommées argentea, petiolaris, glabra, pubescens, laxiflora, qui pourraient entre elles produire des arbres forestiers nou- veaux, Ce serait, du reste, chose assez diflicile que d'isoler les fleurs de ces Tilleuls; il faudrait, comme pour les arbres frui- tiers, faire porter une branche sur un support et la recouvrir d'une cloche, ou l’envelopper dans une gaze imperméable. Les fleurs de Tilleul ont peu de durée; les étamimes sont nom- breuses et répandent immédiatement leur pollen; il faudrait les enlever de bonne heure et appliquer le pollen tout de suite, au pinceau, sur le stigmate qui termine le style unique. FAMILLE DES HIPPOCASTANÉES. Genres Marronnier et Pavia. — Æsculus et Pavia. Les Æsculus et les Pavia forment deux types séparés que l’on ne peut pas espérer de croiser, mais on pourrait obtenir des hybrides dans chacune de ces deux sections. Leurs fleurs disposées en grappes ne fleurissent pas en même temps. Celles de la base s'ouvrent les premières, et parmi celles-là seulement se trouvent quelques fleurs dont le pistil est bien conformé et dont les pédicelles, destinés par cette raison à supporter des fruits, sont plus fermes que ceux des fleurs mâles ou infcrtiles. Il faut donc choisir celles de ces fleurs qui sont munies d'un style et d’un stigmate, et y poser le pollen des espèces voisines en supprimant ensuite toute la partie supéricure de la grappe. Il est bien entendu qu'il faut auparavant enlever, dans la fleur à féconder, les étamines, qui y sont souvent au nombre de sept. Si le Marronnier à fleurs doubles a son pistil bien conformé, on obtiendrait probablement de nouvelles variétés à fleurs doubles, en le fécondant avec le type à fleurs simples. FAMILLE DES SARMENTACÉES. 139 FAMILLE DÉS HYPÉRICINÉES. Genre Millepertuis. — Hypericum. Les Millepertuis ont de nombreuses étamines réunies par les filets en plusieurs faisceaux qui entourent trois à cinq styles distincts, surmontés par des stigmates papillaires. Les fleurs s'ouvrent le matin d'assez bonne heure, et les styles semblent doués de mouvements qui tendent à les rappro- cher des étamines. Ce serait donc de bonne heure, et presque dans le bouton, qu'il faudrait faire l’ablation des organes mâles, si l'on voulait tenter quelques croisements sur le genre si nom- breux des Hypericum. FAMILLE DES SARMENTACÉES. Genre Vigne. — Vitis. On ne comprend pas qu'une plante aussi importante que la Vigne n'ait pas donné lieu plus souvent à des croisements ra- tionnels opérés avec soin sur ses nombreuses variétés. Îl en se- rait résulté, sans aucun doute, des races nouvelles, qui bientôt se seraient répandues par la culture, et auraient présenté cha- cune des qualités ou des avantages particuliers. Ces variétés nouvelles doivent rarement se produire naturellement, car le stigmate, garni d’une humeur gluante, ne peut manquer de re- cevoir le pollen de quatre étamines serrées au-dessus de lui par quatre pétales capuchonnés et soudés par la pointe. Quand ces pétales tombent, les filets s'étendent, les anthères s'ouvrent et l'imprégnation a lieu. Cette structure indique tout de suite la manière d'opérer pour pratiquer des fécondations artificielles. C'est de couper, dès le commencement de la floraison, avant que le pollen se répande, les anthères et les pétales, tout à la fois, ce qui est très-facile, avec de petits ciseaux. Cette opé- 140 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. ralion faite pendant quelques jours sur un certain nombre de fleurs, on coupe le reste de la grappe, ainsi que celles qui naïi- traient encore sur le cep, à moins qu'on ne les opère de la même manière. Il est essentiel d'isoler les Vignes sur lesquelles on veut opérer, car le pollen de ces plantes est fin et léger, et le vent peut le transmettre dioïquement à de grandes distances. Les diverses variétés de raisins noirs, blancs, roses ou rouges, s hybrideraient facilement, et de nouveaux chasselas, ou des variétés plus précoces, plus sucrées ou à grains plus volumineux, ne tarderaient pas à paraître comme admirable résultat des ex- périences qui seraient tentées. Depuis que nous avons écrit ces lignes, de nombreuses ten- tatives d'hybridation ont été faites sur la Vigne, et plusieurs d'entre elles ont été couronnées de succès. Plusieurs de ces essais ont été faits aux États-Unis. Les détails des expériences faites par M. Fisk Allen sont con- tenus dans une lettre adressée par lui à la Société d’horticul- ture de l'État de Massachusetts, et publiée dans l’avant-dernier numéro du journal de New-York, the Working Former. Le Journaliste fait remarquer que M. Allen est une excellente au- torité pour tout ce qui se rapporte à la culture de la Vigne. L'an dernier, M. Allen a commencé à obtenir les fruits de plusieurs Vignes hybrides, parmi lesquelles quelques-unes lui ont donné des raisins de très-bon goût. Plusieurs de ces gains ont figuré à différentes Expositions des États-Unis. Dès 1848, il avait planté un pied d'Isabelle dans une serre, dans le but de le féconder et avec l'espoir d'en obtenir une variété qui mûriît de bonne heure et qui fût, dès lors, plus avantageuse que ies variétés déjà cultivées en grand dans le pays. Afin d’éloigner, dit-il, toute incertitude relativement à l’origine des graines, il a procédé de la manière suivante : le pied de Vigne sur lequel il voulait agir se trouvait seul dans une serre dont la plus. grande partie était occupée par des Pêchers. Dans le but d’em- pêcher que les abeilles ou des causes extérieures quelconques ne produisissent une fécondation hybride et ne vinssent ainsi FAMILLE DÉS SARMENTACÉES. 141 contrarier l'expérience, M. Allen força sa Vigne au mois de janvier, de manière à la faire fleurir avant que les Vignes en plein air fussent entrées en végétation. Lorsque les jeunes grappes approchèrent du moment de l'épanouissement, il choi- sit les mieux fournies, et il supprima les autres, du moins celles qui se trouvaient dans leur voisinage. Il éclaircit encore les grappes conservées, n'y laissant environ que le quart des bou- tons, choisis parmi les plus vigoureux et les niieux placés. Lors- que les fleurs commencèrent à s'épanouir, 1l les surveilla avec la plus grande attention, et il enleva les anthères dès qu'il put les saisir avec de petits ciseaux pointus. Cela fait, il appliqua _sur le stigmate, avec un pinceau très-doux, le pollen de quel- ques variétés européennes. Ce pollen avait été pris sur des Vignes forcées dans une serre, et il avait été mélangé dans une boîte ; il appartenait aux variétés Chasselas, Prince noir, Ham- bourg noir. Lorsque la fécondation avait lieu, l'ovaire grossis- sait très-promptement ; dans le cas contraire, il restait dans le même état qu'auparavant. «J'étais ainsi assuré, dit M. Allen, que toutes les graines obtenues produiraient des Vignes hy- brides. À la maturité des fruits, les graines furent soigneuse- ment recueillies et ensuite semées dans une terre où l’on était certain qu'il n’y avait pas déjà d’autres graines de Vignes semées accidentellement. Les jeunes plants obtenus de ces graines ont été soignés constamment par M. Allen lui-même. Il les a lui-même dépotés et rempotés, et ensuite plantés en pleine terre. Celles de ces Vignes qui ont déjà fructifié ont donné toutes du raisin noir, une seule exceptée ; leur fruit s’est montré d'une précocité remarquable, beau et très-sucré. Ces * Jeunes plantes ont été exposées à l’action de l'hiver dès qu'elles ont eu pris quelque force. Les plus délicates ont péri, et 1l en est resté une vingtaine qui sont dès lors assez rustiques pour résister aux hivers de New-York, avec un. simple paillis léger sur leurs racines. Cette nouvelle Vigne a été nommée Hybride d'Allen. On ne sera pas encore £ssez certain de son raérite avant deux ou trois ans pour pouvoir l'introduire avec toute 142 FÉCONDATION NATURELLÊ ET ARTIFICIELLE. assurance dans la culture en pleine terre. » (Soc. imp. et cent. d'hortic., t. 1, p. 252.) De magnifiques produits d'hybridations ont été décrits et ligurés dans la Flore des serres et des jardins, éditée par Van Houtte. Un de ces produits a reçu le nom de Raisin doré de Stock- wood. On le donne comme un produit métis né du raisin noir de Hambourg, fécondé par le pollen du chasselas de Hollande. C'est M. Busby, jardinier à Stockwood, qui a obtenu cette ma- gnifique variété à grains énormes et dorés. Une autre superbe variété de raisin noir qui a paru aussi dans le même recueil, le muscat hamburghs, est aussi sans doute un hybride. Comme il faut souvent attendre longtemps la mise à fruit d’une vigne de semis, on pe@ la greffer sur un pied vigoureux et abréger ainsi de beaucoup les années d'attente. FAMILLE DES GÉRANIACÉES. Genre Pelargonium, — Pelargonium,, Les Pelargonium, comme les Camellia, ont été croisés de toutes les manières, et à tel point, qu'il est presque impossible maintenant de reconnaitre les véritables types qui ont donné : naissance à de si nombreuses variétés. Ce genre a été entière- ment changé par la culture, et il n’en est aucun dans le règne végétal qui présente des couleurs plus éclatantes et une plus belle inflorescence. Toutes les espèces de Pelargonium ne s’hybrident pas entre elles ; et l'essentiel, en croisant ceux qui admettent les fécondations artificielles, c’est de bien choisir ses couleurs, afin d'obtenir quelque chose de nouveau en éclat, en grandeur, en coloris: Dans la plupart des Pelargonium, l'hybridation est très-facile par le développement inégal des anthères et des stigmates. Ces derniers sont plus tardifs, et les anthères de chaque fleur FAMILLE DES GÉRANIACÉES. 145 ont ordinairement fini de répandre leur pollen quand les stig- mates s’écartent et acquièrent leur aptitude. La fécondation À | 1l ) 1) Y) | | | | + Grav. 40. — Pelargonium Endlicherianum. naturelle étant indirecte, l'hvbridation est'facile, puisqu'il suffit de recueillir le pollen au pinceau et de l'appliquer sur les stig- 144 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. mates. Je me suis bien trouvé de mouiller très-légèrement ces organes, avant l'application du pollen, avec un peu d’eau miel- lée, qui facilite l'explosion des grains polliniques. La féconda- tion des Geranium, opérée avec réciprocité sur une douzaine de variétés choisies, peut donner d’admirables résultats. Cette fécondation doit se faire en serre bien claire et bien aérée, et toujours dans la matinée. On ne doit l'opérer que sur des variétés nouvelles et très-belles. Si on ne possède pas ces variétés, 1l laut les acquérir ; et tous les ans des gains nouveaux viennent surpasser les anciens (grav. 40). Ce genre a été tel- lement travaillé, et par des hommes si habiles, que si on ne prend pas leurs derniers et plus beaux succès pour point de dé- part, on restera toujours en arrière. Alors on perd son temps, et il vaut mieux l’employer à hybrider des genres moins perfec- tionnés, et dont on a déjà à sa disposition les plus belles va- riétés. La section des Zonale, cette éclatante parure des massifs, a beaucoup encore à gagner, et pourtant combien de variétés méritantes obtenues même celte année encore par MM. Babouil-. lard, Dufoy, Delpaute, Lemoine, Van Houtte, Rendlater, et par les Heboitdre anglais ! Genre Capueine. — Tropæolum. L Les corolles les plus bizarres et les plus éclatantes ornent les espèces de ce beau genre, dont les fleurs ont huit étamines, trois ovaires, un style et un stigmate trifide. Je ne sais si le différentes espèces d2 Capucines pourraient s’hybrider entre elles; elles se ressemblent assez pour qu'on puisse l'espérer, et l'on obtiendrait ainsi des plantes bien curieuses et bien élé- gantes. Les variétés de couleur de la grande Capucine, que l’on cultivé partout, se croisent d'elles-mêmes dans les jardins, où 1l n'est pas rare de voir des fleurs panachées de jaune et d’orangé, d'oranvé et de brun, provenant évidemment des diverses slin tes plus ou moins colorées que nous possédons maintenant, On FAMILLE DES GÉRANIACÉES. 145 peut obtenir le croisement entre variétés de la manière la plus assurée, et peut-être entre espèces, en enlevant les huit anthè- \ \ \ | AU Gray. #1. — Tropæolum Lobbianum. res le jour de l’épanouissement et posant, ce Jour même ou le lendemain, sur les trois stigmates, la poussière fécondante; on | AR 146 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. brise immédiatement l'extrémité de l'éperon, on enlève au pin- ceau un peu de la liqueur sucrée qu'il renferme, et on en touche les stigmates ; aucune graine ne manque. Ces belles plantes peuvent donc s’hybrider assez facilement, mais on ne connaît pas bien encore les espèces qui se prète- raient le mieux au croisement. Depuis longtemps déjà on a si- gnalé plusieurs hybrides entre le Tropæolum Moritzianum et le T. majus, entre ce dernier et le T. Lobbianum, entre celui-ci et le T. Stockeanum. Les T. Lobbianum, Stoch. et T. Smithü, D. C. ont Jan aussi un grand nombre d’hybrides. M. és indique comme les plus méritantes de ces plantes croisées : Louise Kœller, Lilli Smith, massiliense, triomphe du Prado, Zanderi grandiflorum, Zipseri, Zipseri maus, et Chaixianum. Nous ne connaissons encore aucun croisement parmi les Ca- pucines de serre, si multipliées et si belles, dont les fleurs bleues, rouges outricolores se présentent toujours avec grâce el avec originalité (grav. #1). Genre Oxalide. — Oxalis. On cultive maintenant un assez grand nombre d'Oxalis, parmi lesquels il existe de véritables espèces et des variétés. Dans toutes, 1l y a dix étamines, dont cinq grandes et cinq plus petites, ainsi que cinq styles qui portent leurs stigmates, tantôt entre les deux systèmes d’étamines, tantôt en dessus, et quel- quefois en dessous. Les anthères s'ouvrent de bonne heure, et la corolle, en se roulant sur elle-même, opère leur rapprochement avec les stigmates. La fécondation artificielle ne serait done possible qu'autant qu'on opérerait le premier jour de la florai- son, qui, du reste, a lieu très-facilement quand on expose la plante au soleil (grav. 42). Genre Balsamine. — Balsamina: Les Balsamines ont cinq anthères portées sur de très-courts FAMILLE DES GÉRANIACÉES. 147 filets, et qui enveloppent exactement un ovaire ovoïde surmonté de cinq stigmates. La fécondation est donc assurée dans ces plantes, et pour la pratiquer artificiellement il faut beaucoup IA 4" Grav. 42. — Oxalis Bowici. d'adresse pour enlever les étamines dans le bouton, un peu avant l'épanouissement, et ne pas endommager l'ovaire. C'est une peine que l'on ne prend pas habituellement, car les Balsa- 148 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. mines non croisées donnent elles-mêmes d'assez nombreuses variétés, quoique les graines proviennent d'un seul pied dont la couleur, cependant, est toujours dominante. Quelques fleurs, et surtout les dernières des rameaux, manquent d'une tache Jaune nectarifère et restent infertiles. On a introduit, dans ces derniers temps, plusieurs espèces nouvelles de Balsamines. Elles sont remarquables par leur belle végétation, mais ne mé- ritent pas les éloges dont quelques journaux d’horticulture se sont plu à les glorifier. Si ces plantes pouvaient acquérir quel- que importance ornementale, ce ne serait qu'autant qu'on par- viendrait à les hybrider avec la Balsamine des jardins et ses nom- breuses variétés. Ces croisements donneraient certamement, s'ils pouvaient réussir, des plantes nouvelles d'un grand intérêt et d'une grande richesse. Peut-être parviendrait-on à les obtenir avec le glandulifera. FAMILLE DES HESPERIDÉES. Genres Oranger et Citronnier. — Cilrus. La culture et les semis ont déjà produit tant de variétés dans ce groupe si remarquable du règne végétal, que si l'on ne con- naissait l’inépuisable fécondité de la nature, on croirait que l’on ne peut plus rien obtenir de nouveau. Telle n’est pas ma con- viction. Je crois possible et très-facile de multiplier et d'amélio- rer les races d'Orangers, car Je crois que dans le pays où ils fructifient avec une si grande facilité, on ne s’est pas encore occupé de les hybrider. Dans l’état actuel de nos connaissances, et d'après M. Risso, qui a publié d'importants travaux sur ce genre, on peut ranger sous cinq types les espèces cultivées : 1° Le Cédrat (C. medica), à pétioles nus, fruits oblongs, à écorce ridée, épaisse, chair acidule, 3 variétés ; 2° Bergamotte (C. limetta), à fruits globuleux, couronnés en. bouclier, 7 variétés ; FAMILLE DES CAMÉLIÉES. 149 5° Citron (GC. limonum), à pétioles peu ailés, à fruits oblongs, écorce mince, suc très-acide, 25 variétés ; É 4 Oranger (C. aurantium), fruit d'un beau jaune, orangé, globuleux ou un peu déprimé, à suc doux, 19 variétés ; »° Bigarade (C. vulgaris), à pétioles ailés, fruits tuberculés, à pulpe amère, 11 variétés. IL est certain que les variétés réunies dans chacune de ces espèces peuvent se féconder réciproquement, et peut-être aussi pourrait-on hybrider les espèces elles-mêmes, puisqu'elles ont déjà de grandes affinités. L'isolement d'un rameau est néces- saire, et, pour opérer plus facilement, on peut enlever toutes les fleurs et tous les boutons, sauf celui que l’on veut féconder. C'est dans le bouton même qu'il faut soustraire les anthères. On le presse légèrement entre les doigts, et les pétales se sépa- rent; s'ils résistent ou si les fleurs qui s'ouvrent ainsi ont déjà répandu leur pollen, il ne faut pas craindre d'inciser le bouton avec un canif, en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas endommager le stigmate. On peut même couper en- tièrement un morceau de la corolle, de manière à introduire une pince pour enlever les anthères. On attend alors l’époque de la floraison, et, dès le premier jour, on pose le pollen sur le stig- mate élargi qui termine le style. Les anthères, au nombre de vingt à trente, réunies par les filets en plusieurs faisceaux, donnent abondamment du pollen au moment de l'épanouisse- ment des fleurs. On connaît un hybride de Citronnier et d'Oranger dont les fruits sont souvent orange d'un côté, citron de l'autre. FAMILLE DES CAMÉLIÉES. Genre Camélia. — Camelia. S'il est un genre sur lequel la fécondation artificielle a été pratiquée avec succès, c'est certainement celui qui nous occupe en ce moment. Les milliers de variétés obtenues sont dues, 150 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. pour la plupart, à ce nouveau perfectionnement de l'horticulture. Il est à regretter que plusieurs jardiniers français ne soient pas encore suffisamment initiés aux mystères de cette opération, qui peut apporter autant de jouissance aux amateurs que de réputation aux horticulteurs marchands. Dans le Camélia, les étamines sont nombreuses, réunies par paquets, soudées par les filets. Les anthères contiennent beau- coup de pollen, et s'ouvrent ordinairement en dehors. L'ovaire est simple et surmonté par deux à cinq styles souvent soudés à leur base, jusqu'à la moitié et même aux deux tiers de leur longueur. Les stigmates qui les terminent sont simples et papil- laires. Rien de plus simple que la fécondation du Camélia : il suffit d'attendre le développement de l'organe femelle, qui a heu deux à trois jours après l'épanouissement, et d'y poser légère- ment le pollen au pinceau. Si l'air de la serre n'est pas chaud et humide, il faudra élever un peu la température, et poser douce- ment, sur le stigmate couvert de pollen, une petite goutte d'eau miellée avec un pinceau. Pourvu que le pistl soit bien con- formé, l'ovaire nouera, et le Camélia donnera des graines, ee qui, cependant, lui arrive assez rarement quand on l’abandonne à lui-même, Il est inutile d'enlever les étamines du sujet que l'on féconde: il faut seulement éviter de les toucher avec le pinceau qui porte le pollen d’une autre espèce; mais, si elles sont trop rapprochées des stigmates, il faut les supprimer. Tous les Camélias ne peuvent pas donner des graines ; il en est" qui sont trop doubles et dans lesquels le pistil même a disparu; mais on obtiendra de nouvelles races, en fécondant tous les semi-doubles avec le pollen d’autres variétés également semi- doubles. Il y a bien moins de chances d’avoir des fleurs pleines, en hybridant les simples par les semi-doubles, quoique cepen- dant cela arrive quelquefois. En employant les procédés faciles que j'indique, j'ai toujours réussi dans la fécondation des Camé- has. Reste done à choisir les plantes que l’on veut allier. Les pro- FAMILLE DES RUTACÉES. 151 duits ne participent pas toujours des qualités de leurs parents ; mais cela arrive souvent, et l'on aura toujours avantage à choisir les fleurs les mieux faites, les couleurs les plus pures, les arbus- tes les plus prolifères, ceux dont la floraison s'effectue le plus facilement et ceux dont la culture présente le moins de difficulté. Les suivants paraissent, jusqu'à présent, les meilleurs porte- graines : C.-carnea, Donckleari, Weimari, waratah, mar- morata, king, press-eclips, lady Henriette, nobilissima, pictu- rata, variegata, striata, punctata, Cliviana, Campbelli, con- spicua de Loddiges ; ce sont du moins ceux que M. Haquin, de Liége, emploie pour ses croisements. Le C. altheæflora est or- dinairement muni d'étamines el de pistl; le reticulata a produit aussi des fruits très-volumineux. M: Coquet a fécondé le C. expansa par le rubra variegata, ct a obtenu de très-belles variétés, dont une porte son nom. Les premiers voyageurs qui virent au Japon des Camélias rapportèrent que dans cette merveilleuse contrée on voyait des Rosiers grands comme des Chênes et dont le feuillage restait vert ct luisant comme celui des Lauriers. Bien entendu que l'on n'en crut rien jusqu à l'époque où le jésuite Kamel, missionnaire au Japon, en rapporta deux pieds en 1759; ils étaient rouges ct simples. Ces Camélias, placés en serre chaude, périrent à force de soins. Un petit nombre de variétés furent introduites direc- tement du Japon et bientôt les hybridations commencèrent, hors de France, et les variétés de semis se multiphièrent à l'infini. Nous ignorons de quelles variétés sortent les nouveaux Camé- lias de notre époque. Rien de mieux fait ni de plus beau que les C. Poxs, vera Levpold, bicolcre de la reine, comtesse de Derby, tricolor angela cocchi, ete, etc. FAMILLE DES RUTACÉES. Genre Diosma. — Diosnu. On trouve dans les serres de nombreuses espèces de Diosmu, qui ressemblent à de petites Bruyères et qui fleurissent pendant 152 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. l'hiver. Leurs fleurs, petites, souvent rapprochées en tête au sommet des rameaux, présentent cinq étamines et un pistil bien conformé. Le pollen reste longtemps adhérent aux anthères sans toucher le stigmate, en sorte que les Diosmas sont souvent stériles. Fécondés artificiellement, ils donnent assez facilement des graines. On peut aussi essayer de les croiser, et il est même probable que plusieurs de ceux que nous cultivons ne sont autre chose que des hybrides. Genre Boronie. — Boroni«. Il faut espérer que ces jolis arbrisseaux se multiplieront dans nos serres, comme les Pimelea, et que l'on parviendra aussi à les hybrider, ou au moins à féconder artificiellement leurs fleurs. Leurs étamines, au nombre de huit ou de quatre, ré- pandent un pollen assez abondant qui reste souvent éloigné des quatre stigmates, et qu'il serait facile d'en rapprocher au pin- ceau. Genre Correa. — Correu. Depuis quelque temps les Correa ont attiré l'attention des horticulteurs, et de nombreux hybrides ont apparu, laissant loin derrière eux les anciennes espèces qui leur ont servi de type. L'hybridation n'est pas difficile dans ce genre, où les huit étamines peuvent être enlevées très-facilement, dès l'ouverture de la corolle, et où le pollen peut être posé au pinceau sur un stigmate quadrifide. C’est donc, comme dans le Boronia, une fécondation simple à opérer, et aussi facile que celle des Fu- chsia, que les Correa semblent remplacer en hiver. FAMILLE DES RHAMNÉES. 153 CHAPITRE V DICOTYLÉDONES CALICIFLORES. PLANTES À PÉTALES LIBRES OÙ PLUS OU MOINS SOUDÉS, INSÉRÉS SUR LE CALICE.* FAMILLE DES RHAMNÉES. Genre Fusain., — Evonymus. Ces arbres sont cultivés pour la beauté de leurs fruits, et leurs espèces, assez voisines, pourraient peut-être s'hybrider. Déjà on a obtenu des variétés dans la couleur du fruit de l'eu- ropæus. Les Fusains ont quatre étamines, et le stigmate n'est pas apte quand celles-ci répandent leur pollen, en sorte que la fécondation est probablement indirecte. Les croisements se- raient donc très-faciles à opérer; on pourrait même régliger l'ablation des anthères. Les latifolius, verrucosus, et peut-être même les espèces américaines, telles que l'obovatus etl'ameri- canus, pourraient sans doute s'hybrider avec l’europæus et pro- duire des plantes à fruits éclatants de couleur. Genre Houx. — //e7. Les Houx, presque tous dioiques, pourraient probablement s’hybrider. Le Houx ordinaire femelle graine facilement et les autres espèces, qui se ressemblent assez, pourraient, quand elles 154 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, fleurissent dans nos climats, donner le pollen pour le croise- ment. Un Houx femelle, cultivé seul dans un jardin, éloigné d'individus mâles, et par conséquent infertile, serait précieux pour de telles hybridations, qui donneraient sans doute des produits très-remarquables. Les croisements seraient d'autant plus faciles dans les Houx que le pollen visqueux ne peut être transporté que par les in- sectes. Ces derniers sont largement récompensés de leurs mes- sages par le miel que les fleurs des deux sexes sécrètent en abondance. ; Genre Jujubier. — Zixyphus. Les fleurs du Jujubier ordinaire sont polygames, et l’on pour- rait alors très-facilement essayer l'hybridation avec d'autres es- pèces, et notamment avec celles dont les fruits comestibles sur- passent en qualité nos jujubes ordinaires. Il faudrait alors choi- sir les fleurs femelles et retrancher toutes les autres, opération d'autant plus nécessaire que, dans l’état ordinaire du Jujubier, il ne conserve que très-peu de fruits sur chaque grappe. La dif- ficulté est de se procurer le pollen des autres espèces qui sont peu cultivées dans les jardins; mais on pourrait l'obtenir par correspondance, car le pollen des plantes unisexuées peut se conserver longtemps et parvenir très-loin sans altération. Genre Phylique. — Phylica. Nos serres coñtiennent en abondance ces jolis petits arbustes qui attendent l'hiver pour fleurir et qui ressemblent à des Bruvères. Leurs fleurs sont petites et munies d'étamines presque dépourvues de filets, mais très-rapprochées de deux ou trois stig- mates, qu'elles fécondent quelques jours après l'épanouisse- ment Elles restent ouvertes ou plutôt entr'ouvertes assez long- temps. Je ne sais si on obtiendrait mieux que ce que l'on a, en fécondant ces plantes artificiellement et en croisant les espéces. IL est probable que l’hybridation aurait lieu, puisque ces plan- Les sont voisines, peut-être même déjà hybridées en partie ou FAMILLE DES LÉGUMINEUSES. 155 susceptibles de l'être par celles qui appartiennent à la même sec- tion, car le genre présente deux types assez distincts. FAMILLE DES LÉGUMINEUSES. Genre Choryzème, — Choryzemu. Dans ce genre, comme dans ceux qui en sont voisins, tels que le Podolobium, V'Eutaxia, le Brachysema, le Daviesia, et qui appartiennent tous à l'Océanie, la fécondation s'opère na- turellement par la position des dix étamines qui entourent le stigmate. Ces organes sont enfermés ensemble dans le pétale inférieur plié sur lui-même et qui a reçu le nom de earène. Cette carène s'ouvre presque toujours d'elle-même à l'époque de la fécondation, mais alors l’anthèse a eu lieu. Si donc on voulait essayer de croiser les espèces connues de Choryzemu, qui fleurissent facilement dans nos serres, il faudrait ouvrir la earène et enlever les anthères; il suffirait ensuite de poser le pollen au pinceau et d'humecter, au besoin, légèrement le stigmate avec un peu d'eau miellée. Genre Hovée, — /loveu. Daus ce genre, comme dans le Platylobium, les anthères s'ouvrent de bonne heure, mais à cette époque la carène écarte ses deux pétales et la fécondation s'opère à l'air libre. On peut done, sans difficultés, féconder ces plantes pour les faire grener dans les serres ou tenter de les hybrider par des croisements, Genre Cytise. — Cylisus. Dans ces jolis arbrisseaux, la fécondation s'opère dans l'inté- rieur de la carène et avant l'épanouissement complet de la fleur, en sorte que si lon voulait essayer des croisements, il faudrait enlever les anthères dans la carène lorsque le bouton commence à s'ouvrir. Plusieurs espèces sont tellement voisines, que l'hv- 156 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. bridation aurait certamement lieu; tels sont les C. canescens, albicans, eapitatus, elongatus, supinus, hirsutus, ete. Le C. la- burnum s'hybriderait aussi avec ses diverses variétés et peut- être avec quelques espèces voisines ; mais il est douteux qu'il puisse en résulter un arbre plus élégant que celui qui décore au printemps nos jardins et les parties inférieures des monta- gnes alpines. Le C. Adami est considéré comme un hybride des C. labur- num et C. purpureus; il arrive même quelquefois que l’hybri- dation se révèle dans quelques bourgeons par la réapparition de branches isolées appartenant complétement à l’un ou à l’antre des parents. Genre Luzerne. — Medicago. Excepté l'arborea et quelques autres, ces plantes sont ex- clues des jardins d'ornement, et reléguées dans les champs, où deux espèces, le lupulina et le sativa, mais cette dernière surtout, constituent un fourrage très-abondant et très-estimé, C'est peut-être la plante fourragère la plus utile. Ce ne serait donc que sous le point de vue agricole que l'on pourrait essayer l’hybridation des Luzernes, et encore est-il permis de se de- mander si l'on obtiendrait mieux que ce que l'on a. On arri- verait peut-être à des variétés plus robustes, plus capables de résister au froid dans les pays du Nord, ce qui serait un grand avantage ; mais le croisement du sativa ne pourrait guère avoir lieu qu'avec le falcata, et ce mélange s'opère quelquefois natu- rellement par le pollen du sativa sur le fuleata; 11 en résulte des plantes infertiles, en sorte que, cette expérience étant faite natu- rellement, ce serait l'inverse qu'il faudrait essayer, c’est-à-dire de poser le pollen du fulcata sur le sativa, et d’avoir, par consé- quent, ce dernier pour porte-graine. Le lupulina pourrait sans -doute s'hybrider avec toute la sec- tion des Luzernes à fruits épineux et contournés, mais Je ne vois pas quel avantage agricole on pourrait retirer de tels hybrides. I n'y a pas nécessité de créer de nouvelles plantes, tant qu'on FAMILLE DES LÉGUMINEUSES. 157 n'aura pas essayé les avantages ou reconnu les inconvénients de celles qui existent depuis la création. La fécondation artificielle est difficile dans la Luzerne; les fleurs sont très-petites, les anthères à peine visibles, et, comme dans la plupart des Légumineuses, l’anthèse a lieu un peu avant l'épanouissement; mais il arrive quelquefois qu'à cette époque le pollen n’a pas encore touché le stigmate, en sorte qu'on peut espérer de réussir. Genre Trèfle. — Trifolium. Ce que nous venons de dire des Luzernes peut s'appliquer parfaitement aux Trèfles ; leurs fleurs petites rendent l'opé- ration du croisement très-difficile, et je ne sais réellement pas ce que l'agriculture aurait à y gagner. Les T. pratense, repens, hybridum et incarnatum, peuvent remplir toutes les indica- tions, occuper la plupart des terrains et constituent d'excellents lourrages. Genre Clitorie. — Clilori. On trouve dans ce genre de très-belles espèces, dont plusieurs sont assez voisines pour qu'on puisse espérer de les croiser. Les fleurs sont grandes, renversées, souvent solitaires, et 1l est extrêmement facile d'en enlever les étamines et de féconder ensuite le stigmate au pinceau. On peut toujours employer ce moyen sur les plantes qui ne donnent pas de graines d'elles- mêmes dans nos serres et qui fructifient souvent, quand on opère artificiellement le contact du pollen et du stigmate. Genre Robinier, — Jiobinia. Comme la plupart des Légumineuses, les Robinia ont leurs élamines enfermées dans la carène, qui cependant s'ouvre lé- gèrement à l'époque de la fécondation. Le pseudo-ucacia donne abondamment des graines, et c’est sur celui-là que l'on pourrait essayer d'hybrider les autres en y portant leur pollen 158 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. au pinceau. La fécondation artificielle, pratiquée avec le pollen même de la plante, ferait peut-être nouer quélques fleurs de l’Acacia rose, qui est généralement mfertile. On l’a vu cepen- dant fructifier à Hyères, chez M. Farnous, et malheureusement un coup de vent a brisé l’arbre qui portait les graines. Il y a tant de choses à tenter avec l'hybridation, tant d'avenir dans cette opération bien conduite, que l’on ne sait pas où s’arrête- ront sès résultats. Genre Sainfoin. — Onobrychis. Le Sainfoin ordinaire ou Onobrychis sativa pourrait très- probablement être hybridé par le saxatilis, le procumbens, le petræa, l'alba, le conferta, le supina, ete. Mais je ne pense pas qu'il puisse résulter de ces croisements une plante plus utile à l’agriculture que l'espèce ordinaire. Si cependant on voulait tenter l’'hybridation, on devrait, comme dans les autres Légumi- neuses, agir de bonne heure, car la fécondation s'opère dans la carène, au moment même de l'épanouissement. Genre Fève. — Faba. L’hybridation peut avoir lieu entre les diverses variétés de Fèves que l'on cultive comme plantes maraïchères ou agricoles. Elle peut s’opérer comme dans les autres genres de Légumi- neuses, par l'application directe du pollen sur le stigmate, en enlevant de très-bonné heure les anthères. On en connait déjà de très-bonnes variétés. Les plus cultivées sont les Fèves de marais, — de Windsor, — julienne, — à longue cosse, — mazagran, — toujours verte, — violette, — naine'‘hâtive, — à fleur pourpre; et toutes pourraient sans doute s’hybrider. Genre Pois. — Pisum. Dans ce genre encore, la fécondation s'opère dans l'intérieur de la carène, et cependant cette plante a donné un grand nom- bre de variétés, que l'on pourrait sans doute multiplier encore FAMILLE DES LÉGUMINEUSES. 159 en employant les procédés opératoires que nous avons déjà in- diqués plusieurs fois pour les plantes de cette famille. Quand la carène est génante, on peut, avec des ciseaux, en retrancher une portion sans nuire au résultat que l'on attend. Ce n’est guère, du reste, qu'entre variétés que les croisements peuvent se faire, car les autres espèces, peu nombreuses, ne servent ni à l'alimentation nt à l'ornement. Voici, d'après M. Courtois-Gérard, la liste des meilleures va- riétés, puisque ce sont celles que cultivent les maraîchers de Paris, et que nous copions textuellement dans son excellent Traité de la culture maraîchère : A écosser, — Le plus hâtif, — Michaux de Rueil, — Mi- chaux ordinaire, — Michaux à œil noir, — d'Auvergne, — nain hâtif, — dominé, — nain de Hollande, — très-nain de Bretu- qne, — gros nain sucré, — nain vert gros, — nain vert pe- tit, — nain impérial, — de Clamart ou carré fin, — de Marly, — sans pareil, — carré blanc, — carré vert, — gros vert, — ridé ou knight. Pois sans pañchemin ou mange-tout. — Nain hätif de Hol- lande, — nain à la moelle d'Espagne, — à fleur rouge, — cro- chu à larges cosses, — très-nain ou éventail, — ture ou cou- Le FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Genre Salsifix. — Tragupogon. On connait peu de variétés de ce légume, mais il est probable que l’on pourrait en obtenir de nouvelles en essayant de croiser les espèces sauvages, qui se ressemblent toutes, avec celle qui est cultivée. Il y aurait ici la même difficulté que dans les autres Chicoracées, car tous les fleurons sont hermaphrodites, et 1l faudrait enlever les tubes staminifères avant l’anthèse. Cette opération est facilitée par le mode d'épanouissement de ces plantes. La floraison s'exécute de six à dix heures du matin, et à midi elle est ordinairement terminée. Cette floraison n'a lieu que pour un seul rang de fleurons, qui est le plus extérieur; le lendemain, le second rang s'ouvre et se féconde ; le troisième jour, le troisième ‘rang, et ainsi de suite. Si donc on attend le premier jour, il faudra couper entièrement les fleurons, dont on ne peut pas très-facilement empêcher la fécondation natu- relle, mais on coupera aussi les étamines du second rang, qui ne doivent s'ouvrir que le lendemain. La fleur se refermera comme à son ordinaire, et le lendemain matix, quand elle s’ou- vrira avec ses stigmates bien développés, on pourra alors opé- rer la fécondation artificielle. On agira de même sur le troisième rang, et ainsi de suite; mais-on fera bien, après avoir opéré sur deux rangées de fleurons, de couper les autres pour éviter toute cause d'erreur. On sait que Linné a obtenu un hybride entre le Tragopogon pratense et le T. porrifolium, lequel tenait à la fois des deux espèces. Voici, du reste, les propres expressions du grand na- turaliste : | «Le Tragopogon hybridum fixa mon attention, l'automne der- nière, dans une partie de mon jardin où j'avais planté le T. pra- tense et le T. porrifolium ; mais l'hiver détruisit toutes ces se- mences. L'année dernière, lorsque le T. pratense était en fleur, j'enlevai de bonne heure, dans la matinée, toute la poussière sé- minale des fleurs en les frottant; à huit heures du matin je fis tomber sur ces mêmes fleurs de Ja poussière prolifique du T. por FAMILLE DES COMPOSÉES OÙ SYNANTHÉRÉES. 945 rifolium, et je marquai avec un fil les fleurs sur lesquelles J'avais fait cet essai. Je cueillis les graines aussitôt qu’elles fu- rent müres; et je les semai dès cette automne; elles levèrent très-bien, et elles ont produit cette année, 1799, des fleurs pour- pres, jaunes à la base, qui ont donné des semences; je doute qu'on puisse faire aucune expérience qui démontre plus claire- ment que celle-ci la génération des végétaux. » « J'ai vu, dans le jardin botanique d'Edimbourg, une plante hybride produite par le Pavot d'Orient et le Pavot somnifère. On avait eu soin de couper toutes les étamines des fleurs du Pavot somnifère avant qu'elles fussent épanouies, et on plaçait les éta- mines du Pavot d'Orient sur les pistils lorsqu'ils étaient bien développés. Cette expérience était répétée tous les ans avec un égal succès, » (Journal de Physique, t. XXXIE, p. 459.) Genre Laitue. — Lactuca. Quoique la culture ait déjà produit un très-grand nombre de variétés de Laitue, on est en droit d'en espérer encore. Le Lac- luca sativa, qui les a produites, ainsi que les quercifolia, Sca- riola, peut-être même le virosa et le saligna, seraient pro- bablement susceptibles de se croiser, car toutes ces plantes ont entre elles de grands rapports. Le Lactuca perennis, que l’on mange dans plusieurs contrées et que l'on peut forcer et blanchir comme la Chicorée, ne pourrait-il pas être croisé avantageusement avec quelques variétés de nos Laitues pota- gères ? En prenant pour porte-graine ces énormes salades récemment introduites dans nos jardins, et les fécondant par les autres va- riétés cultivées ou par les espèces sauvages, 1l y aurait certaine- ment espoir d'avoir encore des plantes nouvelles. C’est le soir que la plupart de ces plantes s’épanouissent, et c’est à cette épo- que qu'il faudrait enlever adroitement le tube anthérifère et attendre le lendemain matin pour poser le pollen sur les stig- mates. Souvent les capitules n’ont que cinq fleurons, et il est 244 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. nécessaire d'opérer sur tous, et débrancher considérablement la tige, pour pouvoir opérer en même temps sur tous les capi- tules qui s'ouvrent à la fois (grav. 64). Voici, d'après M. Courtois-Gérard, la liste des laitues cultivées par les maraichers de Paris, et dans laquelle on peut choisir des porte-graines pour des hybridations : A. Pommées. Pommées de printemps. Crêpe ou petite noire. — Golte ou George. Grav. 64.— Fleuron ligulé — POMMéeES d'été. Palatine ou rouge. — LT EE Grosse brune paresseuse où grise. — Sr De Versailles. — Blonde d'été. — De Berlin. — Trapue. — Royale. — Batavia blonde, — Brune ou Laitue chou. — De Malte. — Turque. — Grosse améri- caine. — Impériale. — De Gênes. — Cocasse. — Méterelle. — Rousse à graines jaunes. — Rouge chartreuse. — San- quine ou flagellée. — Pommées d'hiver. — Passion flagellée. — Morine. — De Groslay. — Coquille. — Laitues à cou- per. — À couper ou petite laitue. — Chicorée. — _Épinard ou à F. de chêne. B. Romaines. Verte. — Hûtive. — Grise maraîchère. — Al- phange. — Blonde de Crunoy. — Panachée ou sanguine. — Romaine rouge d'hiver. Un article de M. Pepin, dans la Revue horticole, indique une salade nouvelle, la Laitue incomparable, comme la meilleure ro- maine que l’on connaisse. Elle a été introduite par M. Bossin, et vient de la maison Cormack, de Londres. On a aussi annoncé, depuis lors, plusieurs variétés nouvelles de Laitue. Elles diffèrent peu de celles que nous venons de citer. Genre Artichaut. — Cynaru. Les nombreux fleurons, rassemblés sur le large réceptacle de l’Artichaut, sont tous en entonnoir et munis d’étamines et de pistils généralement bien conformés. Les anthères doivent être FAMILLE DES CAMPANULACÉES. 245 retranchées de bonne heure ou peu avant l'épanouissement, et les styles se développent ensuite en toute liberté, ne devenant aptes qu'après. On doit aussi retrancher une bonne partie des fleurons du centre pour donner plus de développement aux graines de la circonférence. Deux espèces de ce genre sont cultivées dans les potagers : l’une, le C. cardunculus, a produit les Cardons, dont on dis- tingue plusieurs variétés, telles que celui de Tours, d'Espa- gne, le plein inerme, celui à côtes rouges et le nouveau Cardon de Chambéry, dépourvu de piquants et atteignant jus- qu'à deux mètres de hauteur. Ces variétés s’hybrideraient et en produiraient d’autres. La seconde espèce est l'Artichaut proprement dit ou C. sco- hymus, dans laquelle on trouve le vert de Provence, le gros vert de’Laon, le violet, le camus de Bretagne. Les plantes qui pro- viennent de graines sont plus rustiques que celles que l’on mul- üplie par œilletons. On peut y trouver de bonnes variétés nou- velles, mais il y a toujours un certain nombre de pieds qui se sont rapprochés du type.sauvage, qui grandissent comme des Cardons ou qui deviennent épineuses. FAMILLE DES CAMPANULACÉES. Genre Campanule. — Campanur. Le beau genre des Campanules offre un mode de fécondation bien remarquable. Les cinq anthères s'ouvrent longtemps avant l’anthèse et déposent leur pollen sur le style, muni, à sa partie supérieure, d'un certain nombre de lignes de poils collecteurs. Plus tard, à l’époque où la corolle s'ouvre, on voit paraître ses cinq stigmates qui se roulent en dehors et recueillent ce pollen. Si l'on voulait hybrider ces plantes, il faudrait donc fendre le bouton avant son épanouissement, et en extraire les an- thères avant qu'elles n'aient pu déposer leur pollen sur les 246 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. poils collecteurs, attendre ensuite la floraison, et poser à la fois sur le stigmate et sur les lignes de poils la poussière fécon- dante avec laquelle on voudrait opérer le croisement. On a déjà obtenu dans les Campanules plusieurs variétés à fleurs doubles, et si ces plantes conservent les styles intacts, c’est sur elles qu’il faudrait tenter d'opérer. On introduit tous les jours de nouvelles espèces, et, parmi les anciennes même, les grandis, media, pyramidalis sont des plantes d'un admirable effet, Si on s’occupait sérieusement de collectionner et d'hybrider ces beaux végétaux, on arriverait certainement à de nouvelles variétés plus belles encore que les types. . Genre Lobélie. — Lobelia. Les Lobélies ont cinq étamines dont les anthères serrées les unes contre les autres, sont presque soudées. Ce tube est tra- versé par un style simple, ordinairement muni d'une partie couronnée de poils collecteurs pour rassembler le pollen, et un stigmate simple d’abord, mais qui, le plus souvent, se partage en deux lobes qui se retournent et s’imprégnent de pollen sur la couronne de poils, si déjà ils n'ont pas recueil ce pollen auparavant. Les anthères s'ouvrent de bonne heure dans les Lobélies. Si l’on voulait pratiquer des fécondations artificielles, il faudrait ouvrir les fleurs avant l'épanouissement, et en enlever adroite- ment les anthères, puis attendre la floraison pour poser, sur le stigmate et sur l'anneau qui l'entoure au-dessous, le pollen avec lequel on voudrait hybrider la plante. Ce genre contient de très-belles espèces à fleurs rouges, bleues et violettes. Il n'y aurait peut-être aucun avantage à croiser leurs couleurs, mais, fécondées entre plantes de même couleur, on pourrait arriver à des variétés plus brillantes encore que leurs types. Pès l'année 1771, Kælreuter avait hybridé les Lobélies, ct avait obtenu des résultats très-intéressants dans ses hybrides de L. cardinalis ct de L. syphilitica. W avait été moms heu- FAMILLE DES GESNÉRIACÉES. 247 reux en voulant croiser les L. urens, Cliffortiana, Erinus avec le cardinalis. Genre Syphocampilos. — Syphocampilos. Les quatre étamines, soudées par les filets et les anthères, forment un tube que traverse le style. Celui-ci s'élève encore au-dessus du tube anthérifère et s’épanouit en un stigmate bila- bié. Le pollen sort abondamment des anthères quand on fend le tube, mais ordinairement il y reste emprisonné, en sorte que, pour féconder ces plantes, soit, avec le pollen de l'espèce, soit avec un pollen étranger, il faut aller le chercher dans le tube anthérifère, humecter légèrement le stigmate avec un peu de la liqueur miellée qui se trouve abondamment au fond de la corolle, et poser ensuite ce pollen, dont les grains crèvent humectés par cette liqueur. Le stigmate, d'abord très-court, recueille en s'allongeant, et au moyen des poils collecteurs dont il est muni au sommet, le pollen des anthères au moment où la fleur s'épanouit , mais ne Cri. 65 . — Syphocampilos betulifolius, devient apte, comme celui des Synanthérées, qu’un certain laps de temps après s'être couvert de pollen (grav. 65). FAMILLE DES GESNÉRIACÉES. Genre Gesnerie. — Gesneria. On compte maintenant un assez grand nombre d'espèces ou 248 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. de variétés de ce beau genre, qui semble exclusivement des- tiné à l'ornement des serres chaudes. Ces plantes ont quatre étamines qui réunissent leurs anthères au sommet de la corolle, et forment un disque glanduleux dont la partie inférieure est couverte de pollen. Le style, qui s’allonge pendant l'épanouissement, amène le stigmate à une certaine distance des anthères, et les dépasse même dans quelques es- pèces. Cependant la fécondation ne s'opère pas toujours. On peut la pratiquer artificiellement en enlevant le disque anthéri- fère avant l’anthèse, c’est-à-dire au commencement de l’ouver- ture de la corolle, et en posant sur le stigmate le pollen d'une espèce voisine et un peu de la liqueur miellée sécrétée par la corolle. , De magnifiques hybrides ont été obtenus ainsi aux dépens des Gesneria, des Tydæa et de quelques autres genres démem- brés des Gesneria. Le stigmate bilabié de presque toutes ces Gesnériacées semble indiquer par l’écartement de ses lèvres le moment pré- cis où la fécondation doit être opérée. Le Gesneria Douckelaarü a été obtenu, par l'habile jardinier dont elle porte le nom, par la fécondation artificielle du Gesne- ria discolor par le pollen d'un Gloxinia rubra, hybridité peut- être douteuse. C’est une plante magnifique, portant une belle panicule de fleurs d'un beau rose en dehors et jaunâtre en de- dans. [Il faut encore considérer comme hybrides obtenus par Douckelaar le Gesneria Miellexii à fleurs lilas et le G. gloxi- niæflora à grandes fleurs carminées. Nous trouvons encore dans la Flore des serres et des jardins, sous le nom de Dircæa Gesneriu purpurea Planchon, une très- belle plante que M. Van Houtte, qui l'a obtenue, prétend issue du Gesneria Douglasi verticillata, fécondé par le Dircæa Cooperi, croisement qui a fourni des hybrides de diverses nuances. Le même horticulteur cite encore un hybride du Direæa lobulata Lem., fécondé par le Gesneria Leopoldi Schwd., produits divers qui prouvent que le démembrement FAMILLE DES GESNÉRIACÉES, 249 de plusieurs genres des Gesnériacées ne serait pas ‘accepté aussi bien par la nature que par les botanistes. Genre Gloxinie, — Gloxinia. On peut enlever aussi les quatre étamines des Gloxinia dont les anthères se réunissent quelquefois en un disque comme celles des Gesneria. La fécondation s'opère de même, et l'on peut pratiquer l'hybridation comme sur le genre que nous ve- nons de citer. Le Gloxinia speciosa à déjà donné de superbes Grav. 66. — Exemple de Gloxinia. variétés, qui peuvent elles-mêmes en produire de nouvelles, et parmi lesquelles nous citerons l'insignis, le bicolor, le Cartoni, le magniflora maxima, rubra rosalba, etc. J'ignore si l'on pourrait hybrider ces plantes avec d’autres espèces, telles que le cerina et le hirsuta (grav. 66). 250 FÉCONDATION NATURELLE El ARTIFICIELLE. M. Van Ioutte annonce, dans l'Horticulteur universel, qu'il a hybridé mystérieusement les plus beaux Gloxinia, des maxi- ma, des rubra, et qu'il n'a obtenu que des bleus ordinaires, c'est-à-dire le type de l'espèce. Il n’y a rien là cependant qui doive décourager ceux qui voudraient s’occu- per de ce beau genre. On ne réussit pas toujours, lors même qu'on est ha- bile, ct d'autrefois on est dédommagé, témoin les belles Calcéolaires de . ul LL M. Van Houtte, qui ne A] A _/ peut, pour ce genre, de- \ LU mander de plus beaux succès. | Nous écrivions ces li- gnes en 1845, et depuis lors M. Van Houtte s’est amplement dédommagé de ses premiers imsuc- cès. En 1845, M. Fvyfe, jardinier à Cothesay, a obtenu pour la première fois un magnifique Glo- æinia à hampe droite ou Il plutôt à fleur droite et non inclinée, qu est Grav. 67. — Fleur de Gloxinia. — Me Pinard, devenu le type de tous de grandeur naturelle. nos Gloxinia dressés (grav. 67). Un fait plus remarquable encore s'est produit : c'est le développement de la cinquième étamine et la forme parfaitement régulière de la corolle. On suppose que cet hybride remarquable provient du G. spe- FAMILLE DES GESNÉRIACÉES. 251 ciosa, V.maxima et du G. caulescens, mais on n'est pas cer- tain de cette origine. On lui a donné le nom horticole de G. Fy- fiana. Le G. Teichleri, si admirablement panaché de rose et de bleu, est encore un hybride du G. speciosa et du G. caulescens, deux espèces dont les mariages ont été si souvent heureux. Après tous ces gains brillants viennent les plantes vraiment extraordinaires récemment obtenues par M. Van Houtte et figu- rées dans le tome X de la Flore des serres et des jardins. On ne peut rien voir de plus admirable que ces charmants coloris adaptés aux formes les plus gracienses. Quelle descendance sortira done maintenant de ces merveilles? Comment concevoir que l'on puisse obtenir plus beau”? Nous pouvons affirmer que dans des mains aussi habiles que celles de M. Van Houtte l'h- bridation des Gloxinia n’est pas au bout de ses prodiges. Genre Achimènes. — Achimenes. On peut appliquer à ces plantes ce que nous venons de dire des Gloxinia et ce que nous avons dit plus haut des Gesneria. Leur structure florale est la même, et l'hybridation viendra sans doute modifier et mulliplier les formes d’un des genres les plus éclatants du règne végétal. Les A. grandifloru, longi- flora, rosea, hirsuta, pedunculata, picta, alba ont déjà fourni de nombreux hybrides. Les genres divers que les botanistes ont établis aux dépens des Achimenes ne les empêchent pas de s’hybrider entre elles. Les Plectopoma, les Tydea (grav. 68), les Achimænes, les Tre- virania et même les Gloxinia, quoique très-différents, peuvent s'allier dans une foule de circonstances, lorsque l'on s'occupe avec quelque persévérance de ces one illégitimes. M. Regel cite des hybrides remarquables des Trevirania. N cite aussi un hybride beaucoup plus compliqué, qu'il désigne sous le nom de Plectopoma fimbriatum Manst., var. Edouard Otto. C'est un hybride entre le P. fimbriatum Hanst., ou 252 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Achimenes gloxiniæflora Lem., où Gloxinia fimbriata, qui a fonrni le pollen, et l'Achimenes (ou Trevirania) coccinea, déjà hybride lui-même du Trevirania grandiflora et du Diastema gracilis. Grav. 68. — Tydæa amabilis, Un tiers de grandeur naturelle. L'Achimenes Escheriana, obtenu à Zurich par M. Regel, est encore un joli hybride de l'A. rosea, fécondé par l'A. lon- giflora. Mais, dans ce genre, il faut avoir soin de recueillir le pollen dans le bouton un peu avant l'épanouissement, et de FAMILLE DES GESNÉRIACÉES. 295 châtrer les fleurs de très-bonne heure, en déroulant ou en fen- dant la corolle. M. Van Houtte a obtenu, il y a quelques années, de magni- fiques hybrides de Tydæa. C'est à M. Ræzl, un de ses chefs de culture, que sont dues ces plantes’si belles et si remarquables. M (4 À] [ pl pr A CE æ 7 ee, a sl sf si! Grav. 69. — Locheria magnifica. Les T. Warscewiexii et T. picta ont été fécondés l'un par l'autre, et réciproquement. C'est par centaines que ces hybrides ont fleuri, avec d'énormes proportions et des fleurs abon- dantes, Le T. gigantea, Vun de ces hybrides, prolonge très- longtemps sa floraison. 954 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Le Gesneria xebrina, fécondé par le Scheeria mexicana, à encore donné à M. Rœzl un magnifique hybride. Il a été pu- blié par M. Planchon dans la Flore des serres et des jardins, sous le nom de Mandirola Nægelia Ræzxlü. « Sur des centaines de graines semées, dit M. Rœzl, deux seulement se sont trouvées fertiles. Pas ne des fleurs de l'hy- bridation n’a les étamines fertiles. Elles n'ont pas de traces de pollen. » Cette plante est aussi très-florifère. Le Mandirola multiflora, fécondé par le Gesneria xebrina, a donné naissance au Mandirola Nægelia picturata Planchon, au feuillage marbré et aux grandes fleurs mouchetées. Les an- thères, au lieu d’être rapprochées et cohérentes, comme dans la plupart des Gesnériacées, se présentent entièrement libres. Un autre hybride plus beau encore, à fleurs plus grandes que le T. gigantea, a paru dans les serres de Van Houtte sous le nom de T. Ortgiesi. I serait né du T. Warscewiezü, fé- condé par le pollen du Locheria magnifica (grav. 69). Un autre encore, de toute beauté, est le T. Eechantei, ob- tenu aussi par M. Rœzl au jardin Van Houtte, et produisant pendant près de six mois ses magnifiques pyramides de fleurs. FAMILLE DES ÉRICACÉES. Genre Arbousier. — Arbutus. L Ce genre offre un pistil simple, à stigmate glutineux, devant lequel viennent successivement se placer dix anthères qui s'ou- vrent chacune par deux pores, et répandent un pollen gras et pulvérulent. Il serait, par conséquent, facile d'enlever les an- thères au moment où la fleur s’épanouit, et de féconder le stiymate immédiatement avec un pollen étranger. L’Arbutus Unedo, qui fructifie très-facilement dans nos serres, pourrait aussi servir de plante mère, sur laquelle on essayerait l'impré- gnation au moyen de poussière fécondante recueillie sur les mucronata, farinosa, xalupensis, chinensis, Gummingü, Mil- leri, procera, etc. C7? FAMILLE DES ÉRICACÉES. 9ÿ Genre Andromède. — Andromeda. La fécondation des Andromèdes est la même que celle des Arbutus, mais toutes les espèces cultivées ne donnent pas des graines fertiles. On pourrait en obtenir de plusieurs d’entre elles en les fécondant au pinceau, peut-être même avoir des hybrides, en choisissant pour mères celles de ces plantes qui fructüfient facilement. Déjà le caliculata à donné des variétés, il serait à désirer que l’on püût en obtenir avec le floribunda, le lucida rubra, le tetrayona, le vaccinoïdes, ete. Cenre Bruyère. — Erica, Les huit étamines des Bruyères forment une espèce de cou- ronne autour du style, et le stigmale quadrifide s'élève au- dessus d'elles. Les an- | thères commencent à s'ouvrir dans le bou- ton, mais, malgré cela, le pollen reste encore quelque temps adhé- rent à l'anthère ; et, comme le stigmate est assez élevé au-dessus d'elles, ilest rare, dans nos serres surtout, que la fécondations’accom- plisse immédiatement. On pourrait donc hy- brider ces plantes sans enlever les anthères, et lors même que cette opération serait néces- saire, elle pourrait être ; faite avant l'épanouis Grav. 70, — Erica cylindrica superba. sement par une petite incision pratiquée sur le côté de la co- rolle. Le pollen sort par une ouverture ovale placée au sommet 256 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. de l’anthère. On trouve aussi des espèces de Bruyère dont les anthères sont saillantes hors du tube, mais, en général, elles sont incluses. Ce genre, un des plus nombreux du règne végétal, semble avoir donné déjà une multitude d'hybrides, et plusieurs se sont faits naturellement dans les plaines du Cap, où abondent ces charmants végétaux. Peut-être nos belles Bruyères indigènes, qui se reproduisent avec tant de prodigalité, pourraient-elles servir de types ou pieds mères, pour des fécondations arti- ficielles : l’'arborea, le me- dhterranea, le tetralix, le vagans, le cinerea, toutes si élégantes, recevraient peut-être un pollen étran- ger qui amènerait des va- riélés nouvelles, dans un genre déjà si nombreux. CC Il y aurait sans doute NN PE. quelques précautions à \ = 5 7 prendre dans les hybrida- ge 1e lions de Bruyères, ce se- rait de ne croiser que des plantes analogues, ou au NS moins de même section. LD Ainsi la forme de la corolle : serait un indice suffisant pour le rapprochement ou l'éloignement des espèces, car elle est liée à certains appen- dices des étamines. Quand les anthères sont nues, la corolle est en lube; quand elles sont terminées par de petites pointes, la corolle devient campanulée, et elle prend l'apparence d’un grelot, quand ces mêmes anthères sont frangées; malgré quel- ques exceptions, ces données sont suffisantes pour guider dans le choix des espèces que l’on voudrait essayer de croiser. On cite comme hybride un erica Hartnello-Hiemalis ou © æ (à PL Grav. 71. — Erica ventricosa. FAMILLE DES ÉRICACÉES. 257 E. Burnetti, charmante plante à grelots roses que l’on attribue à l'E. Hartnelli, fécondé par l'E. Hiemalis de nos jardins (grav. 70, 71). Genre Azalée. — Axalea. Les Azalées constituent un des genres les plus nombreux en variétés cultivées; elles viennent se grouper en deux espèces : l’indica et le pontica, auxquelles on peut joindre le audiflora et le viscosa. L'indica à dix étamines, tandis que les espèces de pleine térre et d'Amérique n’en ont que cinq. Dans les deux types, la fécondation artificielle peut s’opérer facilement. Le stigmate est porté sur un long style, et les étamines, libres et distinctes, peuvent très-facilement être enle- vées lors de l'épanouissement, et avant qu’elles n’aient répandu sur le stigmate un pollen glutineux qui semble attaché par des fils déliés, et qui sort par deux pores situés au sommet de l’anthère. Le stigmate est également visqueux et retient parfaitement le pollen que l'on y applique au pinceau. [l n’y a donc rien d’é- tonnant qu'on ait obtenu de si nombreuses et de si belles varié- tés d’Azalées. Ge que nous venons de dire s'applique égale- ment aux Azalées de pleine terre et de serre froide. Nous re- commandons surtout aux amateurs de s'occuper des féconda- tons artificielles, qui donnent de si beaux résultats ; ils ne trouveront aucun genre aussi facile que celui qui nous occupe en ce moment. Le seul Azalea lateritia a fourni à M, Knight vingt-deux varié- tés remarquables, qui ont été introduites en France. M. Haquin est parvenu à croiser les Azalées de l'Inde avec ceux de pleine terre. Les Azalées ont trouvé à Gand des amateurs distingués, qui se sont spécialement occupés de ce beau genre. C'est au point qu'ilexiste toute une série de ces plantes, série de pleine terre 17 258 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. dans la terreau de feuilles, qui portent dans le commerce le nom d’Azalées de Gand, ou A. de Mortier. « Feu Mortier, boulanger, à Gand, consacrait ses loisirs à croiser l'A. pontica de Turquie avec les À. nudiflora, viscosa, calendulacea de l'Amérique du Nord. Le pollen des variétés hâtives, à corolle étroite, mais de coloris vif, servait à féconder les variétés tardives, et de là cette belle collection si indispensa- ble à l'ornementation de nos jardins, et à laquelle viennent se joindre tous les jours de nouveaux gains, dus surtout à feu Van Castel, Wolf, Louis Verschaffelt et autres. » (Flore des serres et des jardins.) On est obligé de convenir que les Azalées constituent un des genres les plus brillants que nous puissions cultiver, aussi écla- tants que les Rhododendrons avec lesquels ils ont fait alliance, aussi variés que les Pelargonium et les Mirabilis. Nous croyons devoir indiquer ici, d’après un journal anglais, un choix de variétés anciennes et nouvelles qui peut-être ne se- ront jamais surpassées, et qui témoignent hautement de la puis- sance de l'hybridation. Dans l’état actuel des choses (1860), les onze variétés que l'auteur anglais regarde comme les plus remarquables, sont les suivantes : Admiration, Criterion, Étoile de Gand, Extrani, Gem (lveri), Gledstanesi, Sir H. Havelock (Frost), lverniana, Juliana, Perfection (Frost.), Perryana, variegata. Gertaines de ces variétés sont comparativement anciennes ; mais leur mérite est tout à fait supérieur, ctelles ne sont surpassées par aucune des variétés plus récentes. Après ces douze magnifiques plantes, les douze qui viennent immédiatement, par ordre de mérite, sont celles dont voici les noms : Beauty of Reigate, Ghelsom, crispiflora, Distinction, Duc de Brabant, illustris nova, Lecu- na, perfecta elegans, Roi Léopold, rosea elegans,rosea superba, Standard of Perfection (Epps.) Dans cette seconde série, comme dans la première, plusieurs variétés ne sont pas très- modernes, mais aucune parmi les nouvelles ne mérite d’être classée plus haut qu’elles. — Le mérite des vingt-quatre varié- FAMILLE DES ÉRICACÉES. 259 tés dont on vient de voir les noms en fait essentiellement des plantes d'exposition; s'il s'agissait, au contraire, de faire un choix d'Azalées, en les envisageant seulement au point de vue décoratif, il faudrait admettre sur la liste un certain nombre d'autres variétés telles que arborea purpurea, Barclayana, Eu- lalie van Geert, Glory of Sunning Hill, Louis Napoléon, Miltoni Georgiana, petuniæflora, Sir Charles Napier, Stanleyana, Souvenir de l'Exposition, The Bride, qui toutes sont ou bril- lantes ou très-bien caractérisées. Les Azalées ont accepté aussi l'union avec leurs voisins les Rhododendrons. Les Azalées que Smith a obtenues par ces croisements sont devenues les types d’une race nouvelle, remar- quables par l'ampleur de leur corolle et leurs brillantes cou- leurs. Smith a obtenu du croisement d’un Rhododendrum pon- ticum avec l'Axalea sinensis ces beaux Rhododendrons, à fleurs jaunes, dont le premier portait s n nom, et qui ont donné depuis lors de si belles variétés. M. Souchet a obtenu aussi un hybride de l'Axalea Danielsü fécondé par un Rhododendrum. Cette belle Azalée courte de Hainaut, aux fleurs doubles _et carminées, ne serait-elle pas encore un hybride de l'A. indica, dans lequel serait intervenu le pollen d’un Rhododen- drum ? Genre Rosage. — Rhododendrum. Ce que nous venons de dire des Azalécs s'applique également aux Rhododendrum, Leurs dix étamines, ouvertes au sommet par deux petits opercules, répandent aussi leur pollen attaché par des fils déliés, et peuvent être enlevées très-facilement avant que celte émission se soit opérée. On trouve au fond de chaque fleur une belle goutte de liqueur miellée dont il faut légèrement imprégner le stigmate. Les hybrides de ce genre se multiplient tous les jours et presque à l'infini, et provien- nent surtout des Rh. arboreum, maximum, caucasicum, ponti- 260 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. . cum. Ceux qui sortent de ces deux dernières espèces sont tous de pleine terre, les autres de serre froide. Leurs fleurs admira- bles offrent les plus riches coloris, et il serait difficile de faire un choix de porte-graines et de dt fécondantes. Parmi les mnombrables hybrides de ce beau genre nous osons à peine citer quelques variétés, tant elles sont belles et nombreuses et tant leur origine est cachée dans la nuit des temps, comme le diraient les historiens. Le Prince Camille de Rohan est un des plus beaux parmu les bouquets roses, carnés et maculés. On lui attribue pour ori- gine un À. maximum fécondé par une variété de R. arboreum ou de R. caucasieum. Citons encore la fraiche image du R. étoile de Villers, pontico-catawbiense obtenu par MM. Lemi- chez, qui, des premiers en France, se sont occupés d’hybrida- tion. Que voir aussi de plus frais, de plus beau que ce Rho- dodendrum neige et cerise provenant encore du R. arboreum et du R. catawbiense? M. Smith, en fécondant un R. ponticum par le pollen d'un Azalea sinensis, a obtenu toute une lignée de plantes char- mantes, parmi lesquelles nous devons citer les R. aureum, decorum, amæœnum, carneum, elegantissimum, norbitonense, [lavescens, et qui eux-mêmes ont produit des hybrides et des : variations nouvelles. L'introduction dans nos jardins, vers 1846 ou 1847, du magnifique Rhododendrum javanicum aux larges fleurs dorées est devenue la souche de toute une belle série de nouveaux coloris. L'apparition du R. Brooleanum, découvert par M. Low dans l'intérieur de Bornéo, avec ses énormes bouquets de fleurs orangées, deviendra sans doute, comme le R. javanicum, qu'il sürpasse en beauté, le type de nouveaux hybrides, Depuis que l'on a découvert les Rhododendron de l'Himalaya, depuis que l’on a vu les fleurs gigantesques du R. Nuttalii, on arrivera sans doute à croiser ces adinirables végétaux et à faire du genre qui nous occupe ce qu'il est déjà, la plus belle FAMILLE DES ÉRICACÉES. 261 fleur de nos jardins et le plus beau fleuron de la couronne de Flore. ; Que ne ferait-on pas avec une collection de Rhododendrons, d'Axalea, de Begonia, de Caladium et de Fougères! D'après M. Standish (The Florist, etc.; et Journal de la So- ciété impériale et centrale d'horticulture, t. IN, p. 632), les espèces ou variétés desquelles sont provenus la plupart des hy- brides de ce genre sont les R. arboreum, ponticum, purpu- reum, album, caucasicum, campanulatum, catawbiense, ma- œimum. Le Rhododendrum catawbiense, fecondé par l'arboreum, à produit l’altaclarense; le catawbiense, fécondé par l'altacla- rense, a produit le Blandyanum; le Blandyanum, par le Queen Victoria, a donné le Blandyanum superbum, le Manglesii, le Robert Burns, le Menziesii, le Countess de Morella, le général Cabrera, ete. Le Rhododendrum maximum, fécondé par l'arboreum, à donné naissance au Lindsayü; celui-ci, fécondé par le pon- ticum album, a produit un grand nombre d’hybrides à fleurs colorées de teintes purpurines fort délicates et presque blan- ches; à leur tour, ces derniers, fécondés par l’altaclarense, ont donné Paxtoni, mistress Beecher Stowe, Gem, Gulnare, Zuleika; le Paxtomii, fécondé par le Lindsayii, a produit Cli- max et fimbriatum. Du Rhododendrum ponticum purpureum, fécondé par l'alta- clarense, est provenu le Queen Victoria, qui, à son tour, fé- condé encore par l'altaclarense, a produit Vesuvius ; et celui- ci, avec le Blandyanum, a donné Brebnerii, Madame Ti- liens, etc. Le Rhododendrum ponticum album, hybridé par le cauca- siumñ, a donné naissance au Cunningham s White, qui, à son tour, avec le Claudyanum, a produit le limbatum, la plus belle de toutes les variétés bordées. Les Rhododendrum catawbiense hybrides, tels, par exemple, que l'album elegans, hybridés par le pictum, ont - 262 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. produit Standish's Perfection, Minnie, mistress Standish, ete. M. Standish donne les caractères des divers hybrides qu'il vient d'énumérer; nous ne reproduirons pas cette partie de son article. IL ajoute enfin quelques observations impor- tantes. « Les premiers hybrides, dit-il, qui aient été obtenus du maximum et de l'arboreum, sont de tous les moins florifères, mais ils résistent aux temps chauds mieux que tous les autres; ils ont les inflorescences très-compactes et les fleurs de nuances très-brillantes. A leur tour, ces hybrides du maximum, fécon- dés par d’autres hybrides, ont donné naissance aux métis les plus florifères ; car, dit l'habile horticulteur anglais, j'ai toujours vu que les hybrides nés de deux hybrides sont beau- coup plus florifères que ceux qu'on a obtenus entre deux espèces. Pour produire des hybrides vigoureux , il est in- dispensable d'opérer sur des espèces et des hybrides qui aient entre eux beaucoup d'affinité, ou bien les plantes qu'on obtiendra ne végéteront que faiblement. J'ai fécondé plusieurs de mes hybrides à fleurs blanches par le Falconerii, et, quoi- que j'aie obtenu beaucoup de bonnes graines, parmi lesquelles un grand nombre ont germé, tous les plants que j'ai eus ainsi ont péri, à l'exception de quelques-uns issus du cinnamomeum, fécondé par le Falconerii, qui paraissent devoir devenir des plantes vigoureuses. Il est curieux d'observer les plantes qui résultent de la fécondation de deux hybrides entre eux : elles retournent, les uns à l’un des deux parents, les autres à l’autre, tandis qu'il en est qui s'en écartent résolüment et qui prennent une manière d'être à elles propre. » Nous terminons ce long article sur les Rhododendrum en rappelant à ceux qui veulent s'occuper de l'hybridation de ce beau genre que leur pollen peut se conserver longtemps avee toutes ses propriétés, pourvu qu'on le préserve de l'humidité. « Ainsi, dit un journal belge, les amateurs de France, d’Alle- magne et d'Angleterre peuvent s'adresser à leurs amis de Bel- gique, à charge de réciprocité, et se faire envoyer du pollen FAMILLE DES ÉRICACÉES. 265 des plus riches variétés de nos collections actuellement en fleurs; ils sont assurés que les croisements opérés avec ce pollen, quand même ils n'auraient lieu que l’année suivante, auront autant de chances de succès que si les fleurs sur les- quelles on à recueilli ce pollen s'étaient épanouies côte à côte de celles de la variété choisie comme porte-graine. » Genre Kalmia. — Kalmiu. Les Kalmia ont dix étamines dont les anthères sont logées dans les petites fossettes de la corolle, et dont les filets, en s’al- longeant, se recourbent jusqu'à ce que l'arc se détende et en- lève l'anthère qui projette son pollen sur un stigmate gluti- neux à cinq divisions très-petites. La fécondation n’est donc opérée qu'à celte époque, en sorte que, si on coupe les filets avec des ciseaux à l'époque de l'épanouissement et avant qu'ils ne soient détendus, on peut enlever les anthères intactes et fé- conder le stigmate par un pollen étranger. On connait plusieurs espèces de Kalmia, mais elles n'ont donné encore qu'un petit nombre de variétés, et sont loin, sous ce rapport, des Rhododendrons et des Azaleu. Genre Epacris. — Epacris. Ces plantes ont le port des Bruyères et sont tout aussi élé- gantes; elles ont cinq étamines dont les filets portent les an- thères à la hauteur d'un stigmate en tête et glutineux. L'an- thèse a lieu un peu avant l'épanouissement, en sorte que la fécondation artificielle ne peut se pratiquer sur ces plantes que comme sur les Bruyères, avec lesquelles elles ont beaucoup d'analogie. Les Epacris attenuata, elegans, lævigata, refulgens, im- pressa, coccinea, campanulata sont peut-être celles sur les- quelles il conviendrait de faire des essais, mais elles donnent difficilement des graines. 26% FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. CHAPITRE VI DYCOTYLÉDONES COROLLIFLORES A PÉTALES SOUDÉS EN UNE COROLLE HYPO FAMILLE DES JASMINÉES. Genre Olivier. — Ole, L'Olivier a deux étamines dont les anthères sont enfermées dans le tube de la corolle et avoisinent un stigmate qui se pré- sente comme une petite tête élargie, divisée en deux parties et couverte de petites papilles. Les anthères y répandent un pollen d’un beau jaune qui assure ordinairement la fructification. Pour hybrider l'Olivier il faudrait done, après avoir isolé un rameau, détruire une partie des fleurs, et veiller la floraison pour enlever de suite les deux anthères; on appliquerait le même jour, au pinceau, le pollen étranger. | Il'est fâcheux que l'Olivier ait une croissance aussi lente; il y aurait sans doute des essais d'hybridation à faire sur un arbre aussi important. En conservant pour pied mère l'Olivier ordi- naire, ne pourrait-on pas essayer de le croiser avec celui de Madère, et avec cette variété de Crimée récemment annoncée comme pouvant résister aux froids de nos hivers du centre et du nord? Peut-être même un croisement avec le fragrans ou FAMILLE DES JASMINÉES. < 265 l'americana produirait-il, sinon des variétés utiles à la culture, au moins des plantes ornementales par leurs fleurs ou par leur port. Genre Lilas. — Syringa. Le Lilas, comme les autres Jasminées, n’a que deux étamines qui sont enfermées dans le tube de la corolle, mais qui ne ré- pandent leur pollen qu'au moment de la floraison, en sorte qu'en veillant l'épanouissement on peut les retrancher à la pince avant l’anthèse. Ce retranchement se fait d'autant plus facilement que les anthères sont placées près du sommet du tube, tandis que les deux stigmates portés sur un style court sont situés au fond du tube, où il faut aller les féconder avec un petit pinceau. Ce genre est un de ceux où il y a le plus de variétés à obtenir par les fécondations croisées. Déjà le Varin est un hybride, et l’on a encore le Saugé, le Charles X et l'ancienne espèce con- nue sous le nom de Lilas de Perse. On a introduit aussi le Lilas Vallet, le Lilas double de Noisette, le Prince Nottyer et le Josikea, véritable espèce très-distincte. Ce dernier et le Lilas ordinaire sont, je crois, ceux qui seraient préférables pour porte-graines, et qu'il faudrait féconder par tous les autres, quand la chose serait possible; car il arrive très-souvent, dans ces hybrides, le Sauyé et même dans le Lilas de Perse, que les élamines avortent dans le tube. Il est bien entendu qu'il faudrait préparer convenablement le Lilas avant de le féconder, et re- trancher la majeure partie de ses fleurs. Parmi les nombreuses variétés obtenues dans ces derniers temps, nous n'en citerons qu'une seule qui, par sa magnili- cence, devra être employée dans tous les croisements. C'est le Lilas de Lindley. Genre Frène, — fraxinus. Dans un genre aussinombreux que le Frêne, ilest bien proba- ble qu'il s'est formé naturellement des hybrides, et cette suppo- 266 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. sition paraît d'autant plus vraisemblable que les espèces sont polygames, et qu: ‘alors, Indépendamment des fleurs hermaphro- dites, il y a aussi des Fu mâles et d'autres qui sont femelles, souvent portées sur des individus distincts. On voit que la fécon- dation artificielle serait extrêmement facile, et que la seule dif- ficulté consisterait dans l'isolement du porte-graine. Je ne crois pas que l’on ait jamais tenté d'hybrider les Frênes, qui, à l'excep- tion de quelques variétés, doivent plutôt être considérés comme des arbres forestiers que comme des espèces d'ornement. Il suffirait done, si l'hybridation est possible entre leurs espèces, de secouer des rameaux mâles sur des fleurs femelles. L'excel- sior ou frêne ordinaire se croiserait peut-être avec ses propres variétés ou avec l'angustifolia, le parvifolia et le lentiscifoha. L'americana pourrait sans doute s’hybrider avec les autres espèces des mêmes contrées, comme le pubescens, le juglandi- folia, le caroliana, ete. L'importance des bois de construction ou des arbres forestiers devrait engager le gouvernement à faire tenter l Rien de sur tous les ce que en sont susceptibles. Genre Jasmin, — Jasminum. Ces plantes offrent encore deux anthères placées à l'entrée du tube de la corolle, et que l'on peut enlever avec des pinces à l’époque de l'épanouissement. Le stigmate à deux branches, caché dans le tube, est apte avant les étamines et peut recevoir, au moyen d’un petit pinceau, le pollen étranger. Il est douteux, toutefois, que les Jasmins à fleurs jaunes puis- sent être hybridés par ceux à fleurs blanches, qui ont d’ailleurs les feuilles opposées, tandis que les autres les ont alternes, et réciproquement ; mais, entre espèces de la même section, il est très-possible que l'hybridation puisse avoir lieu et qu'il en ré- sulte des variétés supérieures à leurs Lypes. \ FAMILLE DES APOCYNÉES. 19 [=] -1 FAMILLE DES APOCYNÉES, Genre Asclépiade, — {sclepias. Ces plantes offrent un appareil de reproduction qui diffère assez sensiblement de toutes les autres espèces, Voici com- Grav. 72. — Asclepias tuberosa. ment le décrit Vaucher, qui l'a observé avec beaucoup de soin, et dont nous reproduisons textuellement les expressions. « Je remarquerai 4° que les Asclépiades que j'ai exami- 268 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. nées ont leurs lobes anthérifères séparés, aplatis, formés d'une matière homogène, solide, et attachés par un pédicelle liliforme et articulé à un renflement discoïde; 2° que toutes ces anthères sont logées dans le voismage des stigmates plus ou moins papillaires et plus ou moins engagés dans le corps cylindrique et pentagone qui les recouvre, et auquel je donne le nom de couvercle; ordinairement ces stigmates sont pres- que libres, et dans le fruticosa ils sont d'abord couchés. « Les cornets qui entourent le couvercle sont des poches nectarifères, car je les ai vus très-souvent remplis de l'humeur miellée qui, à la floraison, sort en si grande abondance, que non-seulement elle les remplit, mais qu’elle imprègne tout le couvercle où sont engagés les anthères, qu’elle entre par les ouvertures deslames cartilagineuses etse répand même en gout- telettes sur le terrain, comme on peut le voir dans l’Hoya ; or, il n'est pas difficile de comprendre qu'elle détrempe aussi la masse pollinique, dont elle transporte les molécules ou les émanations sur les stigmates. | « La manière dont:s’opère ce phénomène exclut toute forme hybride ou variété; aussi n’en remarque-t-on aucune dans les Asclépiades, dont les espèces sont d’ailleurs si rapprochées. «Ce mode très-extraordinaire de fécondation a été étudié d'abord par Jaquin, Treviranus, Ehremberg, et ensuite Bron- gniart et Robert Brown; ces derniers ont constaté que les deux masses polliniques, jaunes et aplaties, de chaque anthère, étaient autant de sacs qui renfermaient les granules polliniques, réunis ordinairement en petits groupes anguleux; qu'à la fécon- dation, ces sacs se rompaient sur leur angle intérieur, et lais- saient sortir les granules déjà pourvus de leurs queues où boyaux, qui s’insinuaient à travers les vides d'un tissu cellulaire allongé, arrivaient ainsi jusqu'au sommet papillaire et velouté des stigmates, pénétraient de là à travers le tissu lâche des styles jusqu’à la cavité de l'ovaire, et transmettaient immédia- tement aux ovules le’ fluide prolifique, c'est-à-dire un fluide oléagineux, mêlé de molécules extrêmement petites. Ces savants 269 FAMILLE DES APOCYNÉES. ne vont pas au delà et ne prononcent pas si l'ovule, non fé- condé, contenait déjà l'embryon inerte, ou si cet embryon ré- Gray, 73. — Slapelia variegala. sulle du mélange des corpuseules du fluide fécondant avec ceux 270 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. qui sont propres à l'ovule : question qui, sans doute, ne sera jamais résolue, parce que la suprême Sagesse ne l’a pas mise à notre portée. » (Grav. 75.) Nous ne pensons pas, comme le profond observateur que Grav, 7h, — Stapelia grandiflora, nous venons de citer, que l’hybridation soit impossible dans les Asclépiades; nous croyons, au contraire, que les masses polli- niques peuvent être détachées d’une espèce et portées dans la liqueur miellée ‘d’une autre, de manière à y être délayées et à féconder son stigmate. Les insectes ne peuvent-ils pas opérer FAMILLE DES APOCYNÉES. 271 eux-mêmes celte mystérieuse fécondation? Ainsi, dans Îles Stapelia, qui appartiennent à la même famille, l'odeur cadavé- reuse des fleurs, qui est telle que les mouches y déposent cou- tinuellement leurs œufs, comme sur de la viande corrompue, n'a-t-elle pas pour but de faciliter la fécondation par le moyen des insectes, et si une mouche peut transporter le pollen d’une fleur sur une autre, pourquoi l'homme ne ferait-il pas plus sû- rement ces hybrides, en enlevant les masses polliniques du Sta- pelia comme des Asclepias, et en les délayant au pmceau dans la liqueur nectarifère, dont il imprégnerait ensuite les stigmates (grav. 75, 74). Genre Laurier-rose. — Nerium. Les cinq étamines des Lauriers-roses s'ouvrent avant l'épa- nouissement de la fleur, et entourent un anneau glutineux qui forme la base du stigmate, qui s'élève ensuite sous forme d’un petit cylindre. J'ai toujours trouvé les anthères ouvertes avant les fleurs et le stigmate entouré de pollen, mais, comme ce pollen n'est pas pulvérulent, on peut encore enlever adroite- ment les anthères, poser sur le stigmate un pollen étranger et appliquer ensuite l'humeur miellée que l’on trouve dans le fond de la corolle. Les nouvelles variétés d'oléandres, obtenues par M. Mabire, les variations de couleurs que l'on connait, doivent engager les horticulteurs à s'occuper de ce beau genre, dont la fécondation arlificielle est difficile, mais promet de beaux ré- sultats. Il arrive aussi quelquefois que, dans les nouvelles va- riétés de Nerium à fleurs orangées, jaunâtres ou blanches, on rencontre quelques fleurs dont les étamines sont avortées ou contiennent du pollen infertile. Il est facile, quand on les trouve, de les féconder arüficiellement. Le nouveau Nerium Jeanne d'Arc à fleurs odorantes, d'un blanc pur, donnerait certaine- ment des gains nouveaux s'il fruclific facilement. Genre Pervenche, — Finca. Les étamines, dans les Pervenches comme dans les Nerium, 272 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. entourent un stigmate muni d'un anneau en forme de cou- ronne et recouvert d'une étoile de poils. La fécondation est donc assurée avant même que la fleur ne s'ouvre, et l’hybri- dation me paraît impossible. Malgré cette certitude d'impré- gnation, malgré ce contact du pollen avec le stigmate, je n'ai jamais vu de fruit de la petite ni de la grande Pervenche, tandis que celle de Madagascar, ou le rosea, fructifie facilement dans nos SeITES. Peut-être l'absence des fruits des Pervenches herbacées tient elle à ce que le pollen glutineux manque du contact de la li- queur miellée pour opérer la fécondation. $ FAMILLE DES BIGNONIACÉES. Genre Bignone. — Bignonia. Ces plantes ont toutes quatre étamines didynames qui ouvrent leurs anthères à peu près vers l’époque de l'épanouissement de la fleur ou un peu après, et répandent une grande quantité de pollen avant que le stigmate bilamellé, qui termine le style, soit entièrement développé. Ces conditions sont donc favo- rables à la fécondation artificielle que l'on pourrait tenter sur quelques espèces, en ayant som de rapprocher celles qui ont le plus de rapport entre elles, car on y observe des différences assez grandes pour motiver leur séparation en genres distincts; ainsi, le catalpa et le longissima forment le genre Catalpa; le: radicans, le grandiflora, le capen- sis, etc., compensent le genre Tecoma; et le pandorea, V'un- guis, le capreolata, ete., sont restés dans les Bignones. FAMILLE DES POLÉMONIACÉES. Genre Phlox. — PAlox. Les cinq étamines des Phlox sont distribuées à des hauteurs différentes dans le tube de la corolle, de telle sorte que le FAMILLE DES CONVOLVULACÉES. 273 stigmate, à deux ou trois divisions, se trouve toujours placé à la hauteur d’une anthère et ne peut échapper à son pollen. L’an- thère s'ouvre en même temps que la fleur, circonstance qui ren- drait toute fécondation croisée impossible, si on ne pouvait re- trancher les cinq anthères dans le bouton. I faut dont les enlever avec les pinces par une petite fente pratiquée à la corolle, et attendre, pour féconder le pistil, que ces fleurs opérées s'épa- nouissent comme les autres, que l’on a soin de retrancher im- médiatement pour éviter les fécondations indirectes. On peut même, au besoin, attendre l'épanouissement pour enlever les anthères, car le stigmate ne devient apte qu'après les étamines ; mais la difficulté de retrancher les anthères qui sont au fond du tube rend toujours nécessaire la petite imcision, qui, du reste, ne nuit en rien aux fonctions de la fleur. Les Phlox sont déjà tellement perfectionnés que l'on est embarrassé sur le choix des sujets à croiser; les diverses varié- tés du striata, du pyramidalis, du suffruticosa, le vincæflora versicolor, Van-Houttei, triumphans, picta, alba cærulescens et alba glomerata ont été Ta souche des admirables variétés que nous possédons maintenant et qui tendent, par leur beauté, à faire oublier leurs premiers parents. Ce beau genre est loin d’avoir atteint ses limites de perfection, et il y aura certaine- ment toujours gloire et profit à s'en occuper. FAMILLE DES CONVOLVULACÉES. Genre Liseron. — Convolvulus, Ipomea. Le genre très-nombreux des Liserons présente ses organes reproducteurs disposés d'une manière analogue. Cinq étamines, dont les anthères s'ouvrent assez souvent à l'opposé du pistil, un style terminé par deux ou trois stigmates, quelquefois par un seul, et toujours papillaires. Ces stigmates deviennent aptes le jour même de l'épanouissement, qui souvent dure à peine le reste de la journée. La fécondation est presque toujours retardée 18 274 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. jusqu'au moment où la fleur, en se flétrissant, applique sa co- rolle couverte de pollen contre le stigmate. Avec de telles dis- positions d'organes, on peut hybrider, ou du moins tenter l’hy- bridation, soit en retranchant, le matin, les étamines, ce qui est le moyen le plus sûr, soit en isolant le pistil fécondé et em- pêchant la corolle de se flétrir sur lui, au moyen d'un peu de coton ou d'un petit tube de papier. Les fécondations croisées ont déjà donné des variétés panachées, tricolores, rayées ou de couleurs uniformes très-différentes, dans l’Ipomea des jar- dins. Il serait à désirer que l’on puisse en obtenir de même entre les différentes espèces qui composent le beau genre Pharbitis, détaché des Liserons, et dans lequel on trouve le Learü , le longifolia, etc. La patate, Convolvulus patatas, à racine comestible, mériterait aussi toute l'attention des horti- culteurs; les patates palmée et igname surtout ont déjà donné en serre des graines fertiles. Il n'est pas douteux que, si, en Italie, en Espagne, ou même dans le midi de la France, on s’occupait de leur culture et surtout de leur croisement, l’on obtint un grand nombre de variétés excellentes, comme cela a eu lieu pour les Pommes de terre. FAMILLE DES BORAGINÉES. Genre Héliotrope. — Heliotropium. Les cinq étamines des Héliotropes sont placées au-dessus d'un style conique, terminé par deux petits stigmates, en sorte que la fécondation est assurée dans ces plantes. L'anthèse a lieu en même temps que l'épanouissement, et, comme les an- thères sont très-petites, il est difficile de les enlever. Il fau- drait, du reste, faire cette opération le matin, de bonne heure, - car la fécondation ne dure qu’un jour. Il y aurait peut-être de jolis hybrides à obtenir entre les Héliotropes, et surtout en pre- nant pour type l’Héliotrope du Pérou, dont les fleurs odorantes donnent facilement des graines dans notre climat. FAMILLE DES SOLANÉES. 275 Les variations ou les hybrides récemment obtenus dans ce genre ont dignement récompensé les efforts de ceux qui ont eu foi dans la variabilité et dans lhybridation des espèces. Genre Consoude. — Simnphytum. Les Consoudes offrent quelques jolies espèces qui méritent de fixer l'attention des horticulteurs. Peut-être en obtiendrait-on des hybrides en enlevant de bonne heure les cinq étamines et en posant au pinceau le pollen étranger. Les S. coccineum, orientale, echinatum, peregrinum sont ceux qu'il faudrait cher- cher à croiser. Genre Pulmonaïire. — Pulmonaria, On cultive quelques Pulmonaires, dont les jolies fleurs s’épa- nouissent le matin et durent. pendant quelques jours. Leurs cinq anthères s'ouvrent le premier jour de l'épanouissement, et peuvent être enlevées assez facilement du tube de la corolle. Comme les espèces sont assez voisines, l'hybridation doit avoir lieu, bien que je ne sache pas.qu’on l'ait jamais tentée. L'azu- rea, le sacharrata, le sibirica, le dahurica se croiscraient pro- bablement, et non le virginica, qui se rapproche plus des Litho- spermum que des Pulmonaria. FAMILLE DES SOLANÉES. Genre Morelle. Pomme de terre. — Solanum. Les nombreux Solanum forment un genre très-naturel, dont toutes les espèces se ressemblent par les fleurs. Toutes ont cinq étamines à filets courts, à anthères pointues et appliquées les unes contre les autres, de manière à former un tube que traverse un style terminé par un stigmate en tête et glutineux. Les anthères répandent leur pollen par deux pores ou opercules, placés à leur sommet, et ne deviennent aptes qu'après l'épa- nouissement, en sorte qu'on peut très-aisément les supprimer le 276 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Jour de la floraison, et le lendemain ou surlendemain féconder le pistil. | J'ignore si l’on pourrait croiser les diverses espèces de So- lanum que l'on cultive dans les serres. Quelques-unes sont fort belles; telle est, par exemple, le quitoense à grandes fleurs violettes. Mais cependant ce n’est pas dans ce genre qu'il faut chercher les plantes le plus ornementales. L'espèce qui donne à ce groupe sa haute importance, c'est le fuberosum ou la Pomme de terre, dont les variétés sont nombreuses, mais sus- ceptibles de s'augmenter encore. Il faut planter séparément les Pommes de terre que l'on veut hybrider, dans le coin d'une terre ou d’un jardin, supprimer une partie des ombelles de fleurs, en laisser deux ou trois à chaque ombelle et enlever les étamines à mesure que la florai- son s'opère. On choisira ensuite le pollen sur d’autres variétés. Quelquefois on rencontre des anthères stériles, où bien on ne trouve de pollen qu'à la partie supérieure de l’anthère. Il n’est pas difficile, comme on le voit, d’avoir des variétés nombreuses de Pommes de terre, mais il faut en obtenir qui, sous certains points de vue, soient préférables aux anciennes. Ainsi on cherchera par l'hybridation des variétés plus pré- _coces, d'autres plus productives en tubercules, plus riches en fécule, plus savoureuses pour la table, etc., en ayant soin de prendre toujours pour un des types une des variélés qui pré- sentent au plus haut degré la qualité particulière que l'on cherche à obtenir. | Voici la liste de plusieurs variétés principalement destinées à la table ou remarquables par quelques qualités : Kidney, jaune, longue, très-précoce. — Naine hâtive, jaune, ronde, très-précoce. — Truffe d'août, ronde, rouge pâle, très-précoce. — Fine hâtive, jaune, ronde, très-précoce. — Decroizilles, longue, rouge vif, se conservant bien. — Châtaigne-Sainville, jaune, oblongue. — Vitelotte, rouge, longue, de conserve. — Rouge longue de Hollande, produit peu, très-bonne. — Cornichon jaune, longue, très-bonne. — FAMILLE DES SOLANÉES. 277 Petite chinoise, ronde, blanche, petite, très-bonne, peu pro- ductive. — Des Cordillières, rouge, ronde, chair jaune, déli- cate, peu productive, très-bonne. — Violette ronde, très-pro- ductive, bonne qualité. — Tardive d'Irlande, rouge, ronde, se conservant sans pousser jusqu’à la plantation. — Magdelaine, très-précoce. — Seyonsac, végétation très-prompte. — Vierge, produits très-abondants et de bonne qualité. On trouve encore dans ce genre deux espèces potagères, les S. melongena et S. persicum. La première, connue sous les noms d'Aubergine, Melonyène, offre des variétés de couleur et de forme que l’on pourrait mul- tiplier à l'infini par les croisements. Une des plus estimées est la longue blanche de la Chine, à pulpe fondante et peu filandreuse, que l'on pourrait choisir pour porte-graine. La seconde est la Tomate, susceptible aussi de nombreuses modifications. On connaît déjà la grosse rouge, la grosse jaune, la petite jaune et la petite rouge, celle en poire ou cerise, ete. Ce que nous venons de dire des Solanum peut également s'appliquer aux Capsicum ou Poivres rouges, qui en sont très- VOISINS. Genre Cestre. — Cesltrum. La corolle plus ou moins tubulée des Cestrum renferme cinq étamines, au milieu desquelles se trouve un stigmate en tête aplatie. J'ignore si ces plantes peuvent fructifier dans nos serres, où elles fleurissent ordinairement la nuit; mais, à cause de cette floraison nocturne, les essais de fécondation, soit avec leur propre pollen, soit avec celui d'une espèce voi- sine, devront être tentés à l'heure où la corolle est totalement épanouie. Le Cestrum roseum a déjà produit des graines. Genre Stramoine. — Dalur«a. . Les grandes fleurs des Datura contiennent cinq étammes, dont les anthères sont quelquefois soudées en un tube, et dont 278 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. le style, assez long, porte un stigmate à deux lèvres. Les uns ont les fleurs constamment droites, d'autres les ont penchées. Il yen a d’herbacés annuels et d’arborescents que l’on a séparés des autres pour en former le genre Brugmansia. | Grav. 75. — Datura metcloïdes. Les espèces herbacées donnent facilement des graines, et il ny a aucun intérêt à les hybrider. Il en est certainement de même des arborescents, dont une espèce, le D. arborea à grandes fleurs blanches, est très-commun dans nos jardins, où je ne l'ai jamais vu fructifier; peut-être réussirait-on en le fé- FAMILLE DES SOLANÉES. 979 condant avec son propre pollen, ou au moins avec celui du suaveolens, de l'arbuscula, du floribunda ou du Knigthii. Quant au bicolor, il a déjà donné deux variétés, le lutea et le sanguinea, qui se croiseraient entre elles sans grand résultat, mais que l’on peut espérer d’hybrider un jour avec les espèces que nous venons de citer plus haut. M. Naudin, dans ces derniers temps, s’est occupé, avec tout le zèle et toute la sagacité qu'on lui connaît, de l'hybridation des Datura. H a obtenu facilement des hybrides, et nous ren- voyons à son mémoire les personnes qui voudraient renouveler ces croisements, plus importants au point de vue de la physio- logie que sous le rapport horticole (grav. 75). Jai tenté cette année (1862) des croisements entre les magnifiques fleurs des Datura ceratocaulon et meteloïdes. Je ne puis connaître en- core le résultat de ces essais. Genre Tabae. — Nicotiana. Les fleurs des différentes espèces de Tabac ont cinq étamines placées dans le tube de la corolle, et un stigmate capité, un peu échancré sur ses bords. Dès l'épanouissement de la fleur, on peut, avec les pinces, enlever très-facilement les anthères, et le stigmate est bientôt apte à être imprégné du pollen d’une autre espèce. Aussi l'hy- bridation du Tabac a-t-elle lieu très-souvent et même naturel- lement par les insectes. Il y aurait peut-être grand avantage pour l'agriculture à faire des essais d'hybridation sur ces plantes et surtout sur le Nicotiana tabacum. On arriverait peut-être, par des races croisées, à fabriquer en Europe, et surtout en France, ces variétés particulières de tabac étranger, qui sont évidemment supérieures aux nôtres, et qui ne doivent pas seu- lement au climat les qualités qui les distinguent. On a annoncé, en 4839, un Tabac venant d'Alger, N. ma- crophyllé Link, qui pourrait peut-être entrer avec avantage dans les croisements que l’on tenterait sur les espèces de ce groupe. 280 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Ce genre est celui qui se prête le mieux à tous les croisements, et c'est sur des Tabacs que Kælreuter a fait autrefois les.expé- riences les plus positives sur l'hybridation des végétaux. Genre Pétunie. — Petuniu. Comme les Tabaes, les Petunia se croisent très-facilement et ont, comme eux, cinq étamines, dont les anthères occupent dans le tube des hauteurs différentes, et un stigmate renflé, épaissi, à deux lobes glutineux. Il faut enlever de bonne heure les anthères, car l’anthèse suit l'épanouissement. Déjà le nycta- giniflora à fleurs blanches et l’élégant à fleurs violettes se sont hybridés dans nos jardins, et le Petunia est devenu plante de collection. M. Van Houlte en a obtenu des variétés à fleurs énormes. Et, depuis lors, de nombreux essais ont été tentés avec succès dans l'hybridation de ces plantes. Toutes nos variétés proviennent du croisement de deux es- pèces distinctes, mais voisines des P. nyctaginiflora et P. viola- cea. M. Naudin a fait de nombreux essais sur le croisement de ces espèces. On peut presque toujours appliquer aux nombreux hybrides de Pelunia ce que disait avec esprit et poésie mon savant col- lègue Planchon, en parlant du Petunia meleagris : « On soup- çonne, il est vrai, le P. violacea, d'en être la mère; mais, par contre, la paternité n’est pas aisément établie chez des êtres androgynes, dont une corolle forme le lit nuptial; car mille petits butineurs ailés, friands de nectar et saupoudrés de pollen, se font à leur insu les instruments de tendres larcins, et, quand une fleur renchérit sur la beauté de sa mère, la médisance ne manque pas de l'appeler enfant de l'amour. » FAMILLE DES ANTHIRRINÉES. Genre Mufflier. — Anthirrhinum. Quatre étamines, munies chacune d’une anthère à deux grosses loges, sont enfermées dans le tube de la corolle des FAMILLE DES ANTHIRRINÉES. 281 Muffliers et des Linaires, et répandent leur pollen sur un stig- mate bifide. Ces anthères ne s'ouvrent qu'à l'époque de l'épa- nouissement, en sorte que l’on peut facilement les ôter à la pince et pratiquer la fécondation artificielle. Elle réussit parfai- tement entre les variétés d'Antirrhinum majus, ou grandes gueules-de-lion, que l’on cultive maintenant dans tous les jar- dins, où elles produisent beaucoup d'effet. Genre Penstemon. — Penstemon. Les quatre anthères du Penstemon, formées chacune de deux grosses loges ovoïdes et pointues, s'ouvrent un peu après la fieur pour imonder de pollen un stigmate que le style amène à peu près à la hauteur des anthères. Le style, d'abord appli- qué sur la lèvre inférieure, et placé par conséquent au-dessous des anthères, se relève ensuite dans la plupart des espèces et s'applique à la partie supérieure, tandis que les étamines dé- fleuries viennent, au contraire, prendre la place que le style occupait auparavant. Les anthères peuvent s’enlever facilement avec les pinces, et l'hybridation s'opère au pinceau. On peut, au besoin, humecter le stigmate avec un peu d'humeur miellée que chaque fleur sécrète à sa base. Les Penstemons forment un genre nombreux en belles plantes, dont quelques-unes ne sont que des hybrides ou des va- riétés. Le gentianoïides, entre autres, a déjà beaucoup varié, et sa variété coccineus major est une des plus belles. Le conna- tus, le cobæa, le laurifolius, le splendens, le venustus et une foule d’autres pourraient peut-être s’hybrider, et ce sont des plantes assez belles pour qu’on apporte quelques soins à leur croisement. Genre Digitale. — Digitalis. Les belles fleurs des Digitales renferment quatre étamines à anthères didymes et remplies d’une grande quantité de pollen ; elles s'ouvrent en même temps que les fleurs ou peu après, et leur volume permet de les retrancher sans difficulté. C'est seu- 289 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. lement deux jours, quelquefois trois, après l'épanouissement que le stigmate acquiert son développement et présente une ou deux lamelles aptes à recevoir le pollen. Au moyen de cette disposition, les Digitales sont des plantes qui offrent de très- bonnes conditions à l'hybridation. Aussi se croisent-elles na- turellement, comme on le voit dans le purpurascens, hybride du purpurea et du parviflora, mais qui ne se reproduit pas de graines. Je ne sais si les Digitales indigènes ou à épis unilaté- raux, et les exotiques à épis complets pourraient s’hybrider entre elles, mais, en supposant que cette fécondation croisée n'ait pas lieu, en admettant même qu’on n’obtienne, en croi- sant les indigènes, que des plantes moins belles que le purpu- rea, ce qui est probable, on pourrait au moins hybrider les diverses variétés de cette dernière, qui, jusqu’à présent, offre toutes les nuances du rouge pourpre foncé au blanc pur. Dès l'année 1769, Kæœlreuter avait hybridé les Digitales et en avait obtenu des hybrides dont plusieurs lui ont fourni des graines fertiles qui ont reproduit les hybrides. Il a obtenu en premier lieu le Digitalis purpurascens que de- puis on a rencontré çà et là à l'état sauvage. Il a eu des hy- brides extrêmement fertiles par le croisement des D. purpurea et thapsi, des D. ferruginea et ambiqua; les D. canariensis et purpurea lui ont aussi donné des hybrides. M. Pepin, l’un des chefs si habiles du jardin de botanique de Paris, cite un hybride entre le purpurea et l'ambigua, et affirme que toutes les espèces de l’école perdent bientôt leurs caractères par l'hybridation. Genre Mimule. — Mimulus. Ce genre offre quatre étamines enfermées dans la corolle et un style terminé par un stigmate formé de petites lamelles élar- gies et papillaires extrêmement irritables; aussitôt qu'on les touche elles se rapprochent, se serrent et ne s'ouvrent plus. Cette singulière irritabihté du stigmate permet d'opérer la fécon- FAMILLE DES ANTHIRRINÉES. 283 dation artificielle sans enlever les étamines. On pose le pollen au pinceau sur le stigmate qui se ferme tout de suite et en con- serve les granules. J'ai souvent fécondé entre elles, et toujours avec succès, les diverses modifications de M. quttatus, et j'en ai obtenu de très-belles variétés. Je ne sais si on pourrait de même croiser les espèces entre elles, mais il me semble que déjà plusieurs paraissent intermédiaires ou hybrides. Le car- dinalis serait aussi susceptible de produire des variétés nou- velles, surtout s’il pouvait recevoir le pollen des diverses varié- tés du guttatus, du luteus et du glutinosus. On a de très-belles variétés hybrides de divers Mimulus, et les Diplacus, voisins des Mimulus, peuvent aussi être croisés, comme vient de le prouver M. Ingelrelst, et comme on peut s’en assu- rer à Nancy, dans les jardins de M. V. Lemoine. Genre Calcéolaire. — Calceolaria. Ces jolies plantes n’ont que deux étamines munies de deux grosses anthères que l’on aperçoit tout de suite, en écartant un peu le sabot de la lèvre supérieure. Ces anthères répandent leur pollen aussitôt que la fleur s’épanouit; mais cette poussière reste longtemps adhérente sans toucher le stigmate. Ce dernier, très-pelit et très-simple, termine un style qui s'élève plus ou moins au-dessus des étamines, selon les variétés. Celles dont le style est le plus saillant sont celles qu'il faut préférer pour les fécondations croisées, parce que, au milieu de l'atmosphère tranquille d’une serre, le stigmate échappe au pollen de ses propres élamines, et peut être imprégné par un autre, sans qu'on prenne la peine de retrancher les anthères. Au reste, cette opération est très-simple et doit se pratiquer avant l'épa- nouissement, qu'il faut attendre ensuite pour féconder le stig- mate. On s'en dispense le plus souvent quand on veut faire en grand lhybridation des Calcéolaires; mais un amateur, qui opérera seulement sur quelques pieds, sera beaucoup plus sûr du résultat en enlevant à temps les étamines. 28% FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Les résultats si remarquables obtenus à Gand par M. Van Houtte, dans le croisement de ces plantes, doivent engager les amateurs à l'imiter et à créer chaque année des centaines de variétés toutes différentes, toutes plus belles les unes que les autres. On fera bien de recueillir le pollen dans une boîte à com- partiments, munis chacun de leur pinceau pour nuancer en espérance les plantes selon son goût ou ses prévisions. Les organes de la reproduction sont très-petits dans les Cal- céolaires, mais, comme la fécondation croisée n’a lieu qu'entre variétés de coloris, on peut se dispenser de retrancher les éta- mines et poser d'avance sur le stigmate un pollen préalable- ment recueilli, avant que celui des propres étamines de la plante se soit échappé. C'est au père Feuillée que l’on doit, en 1714, la première Calcéolaire que l’on vit en Europe. Elle venait du Pérou. Fo- thergile en introduisit, en 1777, une seconde espèce des iles Falkland. Ces espèces restèrent pures, sans alliance ni bâtar- dise; mais, de 1825 à 1830, parurent les Calcéolaires du Chili, dont les espèces croisées sont devenues la souche de nos bril- lantes Calcéolaires. On ne peut s'attendre à rien de remarquable, et surtout à rien de nouveau, si l’on sème des Calcéolaires qui n’ont pas été hybridées. Il est donc essentiel de réserver pour la graine quel- ques plantes de choix que l'on fécondera indistinctement les unes par les autres. Seulement il faut avoir la précaution de choisir sur chaque plante pour porte-graine, non pas les fleurs les plus larges et les plus brillantes, mais, au contraire, celles qui sont les moins belles. L’ampleur et la beauté de la corolle sont presque toujours en sens inverse du développement des organes de la reproduction. Les belles Calcéolaires sont comme cer- taines femmes qui ne déploient le luxe de leur toilette qu'aux dépens des objets de première nécessité dans le ménage. LL FAMILLE DES LABIÉES. 285 FAMILLE DES RHINANTACÉES. Genre Véronique. — Veronica. Les deux étamines des Véroniques ne répandent leur pollen qu'après l'épanouissement, et peuvent être enlevées dès que la fleur s'ouvre. Quand on a fécondé au pinceau les stigmates des fleurs ainsi débarrassées de leurs anthères, on coupe l'extré- mité de l'épi. Les croisements ont déjà donné naissance à de très-belles plantes. On a donné le nom de V. Andersonii à une Jolie Véronique très-florifère, aux beaux épis bleus ct blanes, que M. Anderson a obtenue près d'Édimbourg, en fécondant le V. salicifolia ou Lindleyana des horticulteurs par le V. speciosa, charmant arbuste à feuilles laurinées. Cet hybride, dit Lindley, cst un des plus intéressants produits que l’art humain ait, en quelque sorte, créés. M. Anderson posséderait encore, d'après M. Planchon (Flore des serres et, des jardins), un autre hybride obtenu avec le V. saxatilis et le V. fruticulosa, et dont les fleurs sont bleues, veinées de pourpre. FAMILLE DES LABIÉES. Genre Sauge. — Salvia. Le vaste genre des Sauges est un de ceux qui offrent le plus d'espèces à l'horticulture et le moins de ressources à l'hybri- dation, car ces plantes sont très-distinctes et, par conséquent, peu susceptibles de se croiser. D'un autre côté, les Sauges ont peu de variétés, et, à l'exception du pratensis, qui varie du bleu au rose et au blanc, ct qui mériterait une plaëe dans les jardins, peut-être aussi du Salvia Grahammi, on ne voit pas les Sauges se modifier comme beaucoup d’autres plantes. Il y au- rait donc à tenter, dans ce genre, d'abord la fécondation arti- 286 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. ficielle avec le propre pollen des espèces qui ne fructifient pas D ——— SRouyer A ï fi PR Grav. 76. — Sauge des prés. dans nos serres; ensuite le croisement des espèces de même FAMILLE DES LABIÉES. 287 section, et enfin l'hybridation des variétés que l'on obtiendrait des graines. Ces dernières tentatives réussiraient très-certaine- ment avec quelques précautions. Les deux anthères des Sauges s'ouvrent avant l'épanouisse- ment de la fleur, et le style, dont les deux branches sont munies de stigmates papillaires, est plié pour ainsi dire sur le pollen. Quelquefois cependant il échappe à la fécondation. Il faut donc dérouler la lèvre supérieure avant l'épanouissement pour enle- ver les deux anthères, ou bien fendre par-dessous la lèvre in- férieure, et attendre ensuite, pour poser le pollen, que le style ait pris tout son développement après l'épanouissement des fleurs. Les Salvia patens, Ræzli ou dielytroïides donneraient de curieux hybrides si on pouvait les croiser. Peut-être ne vau- draient-ils pas le Splendens souchetti, la plus belle du genre (grav. 76). Genre Monarde. — Honardux. Les Monardes ont, comme les Sauges, deux étamines seule- ment, mais chaque anthère est munie de deux loges, tandis qu'il n'y en a qu'une seule dans les Sauges. Comme dans ce dernier genre, les anthères s'ouvrent avant l'épanouissement de la corolle, qu'il faut fendre ou dérouler pour les enlever; le style, assez long, est terminé par un stig- mate à deux lobes que l’on ne peut féconder qu'après le déve- loppement de la corolle. Du reste, comme les différentes es- pèces de Monardes ont beaucoup de rapport entre elles, la fé- condation croisée peut avoir lieu, et l'on connaît déjà un cer- tain nombre de variétés de l'hybride, qui est peut-être elle- même une espèce croisée. Genre Scutellaire, — Sculellaria. Ce genre contient de très-belles plantes, dont plusieurs es- pèces ont pénétré dans nos jardins. La fécondation s'opère dans l’intérieur de la corolle, au moyen de quatre étamines et d'un 288 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. style terminé par deux stigmates, dont l’un supérieur, court et avorté, et un autre inférieur, plus développé, que l'on pourrait essayer de féconder artificiellement en enlevant préalablement, par une ouverture pratiquée à la corolle, les quatre anthères qui devaient répandre le pollen. Le S. japonica, le splendens et nos Scutellaires bleues in- digènes sont des plantes extrêmement élégantes. Genre Dracocéphale. — Dracocephalum. Comme la plupart des Labiées, ces plantes ont quatre éta- mines, dont deux grandes et deux petites, el un style terminé par deux branches en alène couvertes par les papilles des stig- mates. La fécondation s'opère ainsi dans l'intérieur de la co- rolle, de telle sorte qu'il faudrait en ouvrir le tube avant la floraison pour en retirer les anthères, et pouvoir ensuite tenter des croisements. Il est probable qu’ils réussiraient entre espèces de même section, et que les Dracocéphales, déjà très-nombreux, finiraient par donner des variétés. Ce sont des plantes qui mé- ritent de fixer l'attention des horliculteurs. Genre Phlomis. — Phlomis. Ces plantes ont quatre étamines et un style terminé par deux branches faisant les fonctions de stigmates et dont la supérieure avorte presque toujours. C'est encore au moment de l'épanouissement et quelquefois un peu avant que s'ouvrent les anthères des Phlomis ; ainsi, ce que nous avons dit de la fécondation des autres Labiécs s'applique également à ce genre, ainsi qu'à celui des Stachys, qui contient aussi quelques espèces cultivées comme plantes d'ornement. La beauté de certains Phlomis les a fait introduire dans les Jardins, et rien n’est plus facile que de tenter entre eux des croisements d'espèces, les organes des Labiées s’y prêtant par- faitement. M. Pepin a même signalé, en 1843, des hybrides FAMILLE DES VERBENACÉES. 289 accidentels tenant le milieu entre le P. laciniata aux fleurs pourpres et le P. iberica aux fleurs jaunes. Les fleurs de ces hybrides variaient de couleur et rappelaient ces deux espèces ornementales. Fa FAMILLE DES VERBENACÉES. Genre Lantane. — ZLantanu. On peut diviser les Lantana en deux sections, ceux qui sont épineux et ceux qui sont inermes. [Il est probable que tous ceux d'une même section se féconderaient entre eux. Dans la première, les épineux, se trouvent les purpurea, mu- labilis, variegata, striata, melissæfolia, amethystina, his- pida, elc., à fleurs rouges, roses ou lilas, les crocea, camara, crenulata, aculeata, à fleurs jaunes ou orangées, et les nivea, ulba et Lokartii, à fleurs blanches. Dans la seconde section, on rencontre les mêmes couleurs, les recta, teucrifolia, odorata, hirta, Geroldiana, etc., à fleurs blanches ; les Moritxiana, glutinosa et horrida, à fleurs jaunes orangées, et l'on compte quelquefois parmi celles à fleurs rouges, roses lilas, ou jaunes pâles, les salviæfolia, radulu, Sellowiana, lilacina, trifolia, involucrata, albopurpurea , ete. Les espèces de ce genre ont quatre étamines, dont deux plus grandes, et qui restent enfermées dans l'intérieur du tube. Le style est surmonté d'un stigmate à deux lobes, qui reçoit direc- tement le pollen des étamines. La fécondation s'opère peu de temps après l'épanouissement, et elle manque rarement dans les Lantana, car presque tous mürissent leurs graines dans nos serres. Ces belles plantes ont déjà donné quelques variétés, et il n'est pas douteux qu'on puisse en obtenir de nouvelles par des fécondations artificielles. Genre Verveine. — Verbena. Les Verbena melindra, incisa et teucroïdes, cette dernière surtout, ont produit de nombreux hybrides qui ornent main- 19 290 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. tenant nos plus modestes jardins, et où elles ont acquis les droits les plus incontestables à nos soins et à notre admiration. La fécondation artificielle n’est pas très-difficile dans les Ver- veines. Les quatre étimines ont leurs anthères à la hauteur du stismate. Le pollen est répandu dès le commencement de l’é- panouissement. La gorge de la corolle est garnie de poils qui en ferment l'entrée; mais les stigmates ne deviennent aptes qu’à l’époque de l’entier épanouissement de la fleur, en sorte que l’on peut espérer de pouvoir les féconder avec: le pollen d'une autre variété. Il suffit d’avoir quelques pinceaux et de puiser le pollen dans les tubes où 1l est rassemblé et de porter le pinceau bien garni dans les corolles du porte-graines que l'on a choisi. Le pinceau amène presque toujours la fécondité de l'ovaire, souvent, il est vrai, avec le pollen de la même fleur. Si l’on veut être sûr de l'hybridation, il faut enlever la corolle dès qu'elle s’ouvre, et imprégner le stigmate de pollen le len- demain du jour où cet organe a été enlevé. Le stigmate étant alors saillant, on est presque sûr du succès, et l’on peut choisir à volonté les sujets que l’on veut unir, étudier leurs goûts et leurs inclinations, pressentir leurs tendances et deviner leur futur coloris. On a cru remarquer que les rouges foncés, hybridés par les bleus intenses, ne produisaient que des coloris pâles et sans éclat; 1l faut donc choisir avec soin les individus que l’on destine à fournir les graines, et ne leur faire contracter de mariages qu avec des sujets ane sous tous les APRES de leur être unis. Dans quelques variétés, on ne trouve que deux étamines, et, dans la plupart, les quatre qui existent sont placées sur deux rangs ou à des hauteurs différentes. Le teucroïides, qui a maintenant donné beaucoup de variétés et beaucoup d'hybrides avec ses congénères, a la fleur plus grande et se prête mieux que les autres à l'enlèvement des éta- mines. On approche déjà du bleu, et c’est vers cette couleur et en même temps vers la grandeur des fleurs qu'il faut diriger ses recherches. Toutefois, les Verveines suivantes, nouvelle- FAMILLE DES PRIMULACÉES. 291 ment créées, peuvent être considérées comme des plantes dignes de devenir les ascendants d’une génération nouvelle ; Great-Eastern, Nemensis, striata perfecta, la belle des belles couronnée de rose sur fond blanc, etc., etc. Nous pourrions grossir indéfiniment cette liste en citant dans ce beau genre les derniers gains de MM. Dufoy, de Paris, Le- moine, de Nancy, Boucharlat, de Lyon, Hoste, de Lyon, Ni- vert, Miellez, de Lille, Poulet, de Beaune, ete. Le Verbena Monetii, si joli par ses stries et ses corolles bor- dées, a donné aussi, par variation ou par hybridation, des va- riétés uouvelles qui laissent leur type bien loin. M. Laloy, horticulteur à Louhans, a obtenu, en 1860, de nouvelles variétés de cette plante, dont le coloris dépasse encore tout ce que l'on connaissait. Nous ignorons si l’on pourra croi- ser celte espèce avec quelques-unes de nos belles variétés, mais on est en chemin d'obtenir, par hybridation des diverses variétés du Monetii, de charmantes et élégantes nouveautés. FAMILLE DES PRIMULACÉES. Genre Mouron. — A{nagallis. Les fleurs des Mourons s’épanouissent de bonne heure et durent très-peu de temps. Aussi est-ce de grand matin qu'il faut enlever les cinq étamines dont elles sont pourvues, et au moment où la corolle s'entr'ouvre. Sur les huit à dix heures, on peut poser au pinceau le pollen étranger sur un stigmate en forme de petite tête et papillaire. Les belles espèces et variétés, actuellement connues, permettent d’obte- nir de grandes variations dans ce genre élégant. Les Ana- gallis Brewerii-et ses variétés, les Monelli, Parkeri, rosalia, elegans, ele., qui, presque tous, portent graine quand ils sont fécondés, donncraient, par leur mélange, d'admirables résultats, auxquels tout horticulteur a le droit de prétendre, 292 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Genre Primevère. — Primula. Ce genre est un des plus beaux du règne végétal, et lun de ceux qui fournissent le p'us grand nombre d'espèces et de va- riétés à l’ornement des jardins. Toutes ces plantes ont cinq étamines placées dans le tube de la corolle, et insérées tantôt à la base, tantôt au sommet de ce tube. Le pistil a toujours un style terminé par un stigmate très-pa- pillaire, glutineux et en tête arrondie ; mais tantôt ce stigmate est élevé, saillant, et dépasse de beaucoup les étamines ; d’au- tres fois, 1l est caché dans le tube et recouvert par les cinq éta- mines que le jardinier nomme les paillettes dans l’Auricule. Ces deux sortes de dispositions, dans des plantes qui malgré cela sont naturellement fertiles, rendent les opérations de fé- condation artificielle également différentes. Si l'on choisit des fleurs moins estimées, à stigmates saillants, rien n’est plus facile que de les imprégner de pollen, même sans enlever les an- Uhères; mais, si l’on préfère celles qui ont le style inclus et les anthères saillantes, il faut enlever celles-ci de bonne heure, avant l'épanouissement, par une petite incision pratiquée dans le tube de la corolle, ou en développant ses pétales, mais le plus commode est de faire une petite fente à la fleur. Une fois les anthères enlevées, on peut attendre deux ou trois jours pour poser le pollen au pinceau. On partage le grand nombre de Primevères connues en plu- sieurs sections qui, je crois, ne peuvent pas se féconder réci- proquement, tandis que les espèces de chaque section, et, à plus forte raison, leurs variétés, se croisent très-bien entre elles. Une de ces sections est formée des Primula acaulis, elatior et odorata ou officinalis, de Linné. Ces plantes passent un peu de l’une à l’autre dans la nature, et sont devenues les types des plus belles Primevères que nous cultivons dans nos jardins. L'acaulis, dont les fleurs ont doublé, est la souche des Prime- vères doubles à fleurs blanches, lilas, carminées, soufrées, etc. ; FAMILLE DES PRIMULACÉES. 293 et l'on trouve à l’état sauvage une de ses variétés désignée sous le nom de umbellifera, ou variabilis de quelques auteurs, qui donne d’abord des fleurs solitaires et radicales comme le type, et ensuite des ombelles comme l’elatior. Une grande partie de nos plus belles Primevères ombellées appartiennent à cette variété. Le P. variabilis, comme l'a constaté M. de la Perraudière, est toujours un hybride du P. officinalis et du P. grandiflora. MM. Godron et Grenier professent la même opinion, et d’ailleurs cette plante ne se présente que dans les localités où se trouvent les deux espèces types, tandis que, chose remarquable, elle exclut le P. elatior. H arrive cependant que le P. variabilis est quelquefois fertile, et qu'il retourne au type probablement ma- ternel du grandiflora, mais à fleurs purpurescentes. J'ai pu constater ce fait aux environs de Grenoble, et ce P. grandifiora à corolle rougeâtre est probablement une des souches des Pri- mevères à grandes fleurs, de nos jardins. M. Lebel, qui a observé le P. variabilis aux environs de Va- lognes, ne le regarde pas comme un hybride à cause de la ra- reté et de l'éloignement du P. officinalis. pense que ce pour- rait être une autre espèce que le P. variabilis Goupil. J'ai fait un, grand nombre de fécondations croisées entre ces diverses Primevères, et j'ai toujours réussi et presque toujours obtenu la variété ombellifère, qui, d’abord, me don- nait des fleurs radicales, et ensuite des ombelles. Ainsi, je sais par expérience que les Primevères de cette section se fé- condent entre elles, et que les fécondations artificielles donnent, dans ces plantes, d’admirables résultats. On doit préférer pour plantes mères celles dont les couleurs sont nettes et franches, car on obtient toujours un assez grand nombre de pieds à couleurs fausses. Il faut choisir les plantes qui ont un fort pédoneule et de grandes fleurs qui se pré- sentent bien et ne sont pas trop penchées. La Primevère blanche à ombelle, que j'ai obtenue par la fécondation entre un eatior très-pâle et un acaulis blane, est un excellent porte- 294 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. graine qui produit une foule de variétés de couleurs tendres bien moins communes que celles à fleurs foncées. J'ai essayé inutilement de féconder la Primevère ordinaire par l'Auricule qui forme une section différente dans ce genre. Grav. 77. — Primevèrc marginée de grandeur naturelle, Cette dernière espèce, l'Auricule ou Oreille d'ours, la plus belle, sans contredit, du genre Primula, dérive du P. auricula des Alpes, et probablement aussi des marginata, viscosa, et peut-être même des hybridations du villosa, de l'hirsuta et in- FAMILLE DES PRIMULACÉES. 295 tegrifolia. Dans les jardins, ces plantes ont donné de très-belles variétés, et leur croisement en produit tous les jours de nou- velles. On y trouve, comme dans les autres Primevères, les deux sortes de fleurs à stigmates saillants ou inclus, et les unes et les autres donnent des plantes qui ont les deux espèces de fleurs. On doit choisir pour porte-graines les fleurs larges et bien portées sur leurs pédonceules, et éviter les plantes à fleurs violettes, car on a obtenu maintenant toutes les nuances de vio- let, à moins que ces plantes ne soient bordées régulièrement. Les jaunes pures, les rouges et les noires, sont d'excellents pieds mères, ainsi que toutes les Auricules dont la gorge est blanche et nettement marquée. On ne doit pas laisser plus de quatre capsules par ombelle et les surveiller à la maturité. On peut souvent attendre le commencement de l'épanouisse- ment pour enlever les anthères, quoique celles-ci soient déjà ouvertes, mais le pollen est resté adhérent sur les poches et n'est pas encore tombé sur le stigmate enfermé dans le tube. Les choses se passent surtout ainsi quand les fleurs sont incli- nées; mais, si elles ne le sont pas, rien n’empêche de les pen- cher vers le sol et d’arracher les anthères à la pince. On les relève ensuite et l'on fait tomber dans le tube les anthères couvertes de. poussière du père que l'on a choisi. Les variétés s’hybrident très-facilement, et un procédé qui ne serait pas suffisamment exact pour tenter des croisements entre espèces suffit parfaitement entre variétés qui s'imprégnent avec le pol- len d'une autre plus aisément qu'avec le leur. Ce procédé per- met de prendre pour porte-graines, dans les Primevères comme dans les Auricules, des variétés à paillettes saillantes. Quoique ce caractère, si recherché des véritables amateurs, ne soit pas, selon moi, indispensable, et que son absence ne doive pas faire rejeter des fleurs, d'ailleurs bonnes de formes ou de coloris, 1l n’en est pas moins vrai que les fleurs qui en sont douées sont généralement plus belles, et que, si on les prend pour porte-graimes, elles donnent plus de plantes à paillettes saillantes que celles dont le style n’est pas inclus. Si l'on obte- 296 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. nait des couleurs remarquables avec de mauvaises formes, il faudrait les conserver pour de nouveaux croisements. Une petite section, composée des Primula farinosa, longi- folia, cortusoïides, donnerait peut-être des hybrides ou des va- riétés, mais on n’a fait aucun essai pour les obtenir (grav. 77), Enfin, dans une autre section du même genre se trouve le Primula sinensis, dont on connait des variétés blanches, car- minées, frangées sur les bords, la belle panachée obtenue par M. Forest, celle à grandes fleurs de M. Fourquet, ainsi que des variétés doubles. Nul doute que la fécondation artificielle ‘n’augmente encore les variétés de cette espèce. Elle offre aussi les deux sortes de fleurs, mais rarement les stigmates sont sail- lants, en sorte qu'une opération est nécessaire pour extraire les anthères avant l'épanouissement. Plusieurs de ces Primevères appartenant aux différentes sec- tions ont des fleurs doubles. J'ai cherché souvent si ces fleurs contenaient par hasard quelques anthères au moyen desquelles on aurait pu hybrider des fleurs simples, mais quand j'en ai trouvé, elles étaient infertiles. Peut-être en découvrira-t-on, et l'on aurait alors une chance pour obtenir des variétés doubles en se servant de ce pollen. Nous renvoyons pour plus de détails aux observations inté- ressantes de M. Darwin, dont nous avons analysé le mémoire dans le troisième chapitre de cet ouvrage. Genre Dodécathéon. — Dodecatheon. Ces élégantes espèces, au lieu d’avoir leurs cinq étamines cachées comme celles des Primevères, les ont, au contraire, saillantes et très-faciles à enlever. Le stigmate reste alors en sail- lie et isolé, on peut l'imprégner au pinceau. Les D. meadia, bicolor, elegans, gigantea, alba, etc., qui ont entre eux beau- coup de rapport, se croiseraient sans aucun doute et donne- raient des graines fertiles. Il arrive souvent cependant que celles-ci sont en petit nombre, malgré la belle conformation ap- FAMILLE DES PRIMULACÉES. 991 parente des capsules. Les anthères doivent être enlevées aussitôt que le bouton s’épanouit, et le pollen posé le lendemain ou le surlendemain. Genre Cyelame, — Cyclamen. Ce que nous venons de dire du Dodecatheon peut s'appliquer aux Cyclamen, dont la fructification est à peu près semblable à celle de ce premier genre. Il faut aussi enlever les anthères de bonne heure. Le petit livre si concis et si clair de M. Jonghe sur les Cyclamens indique les espèces suivantes : C. coum, per- sicum, europæum, vernum, neapolitanum, hederæfolium, dont plusieurs ont donné des variétés par le semis. Tous peuvent servir de porte-graine, mais je pense que l'hederæfolium serait un des préférables en conservant le pollen des autres; car je l'ai toujours vu en fleur en automne, ce qui ne l'empêche pas de donner des graines müres tous les ans dans mon jardin. On annonce aussi un Cyclamen africarmim. 298 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. CHAPITRE VII ZICOTYLÉDONES MONOCHLAMYDÉES A PÉRIGONE SIMPLE OU DONT LES FLEURS N'ONT QU'UNE SEULE ENVELOPPE,. FAMILLE DES PLUMBAGINEES. Genre Dentelaire. — Plumbago. Les Plumbago ont cinq étamines et un style terminé par cinq sügmates. Les anthères s'ouvrent de bonne heure, et si l'on voulait tenter l'hybridation, il faudrait les enlever avant l'épanouissement par une petite incision; mais, comme sou- vent aussi les cinq branches du style ne s’écartent qu’après l'épanouissement complet, 1l faut attendre cet écartement avant de poser le pollen. Les P. rosea, capensis, auriculata, zeyla- nica, sont ceux qu'il faudrait essayer d'hybrider ou au moins de féconder avec leur propre pollen. Genre Statice. — Slatice. On peut croiser les espèces des Statice qui ont entre elles le plus de rapports, mais il ne faudrait pas espérer obtenir des hybrides entre toutes les belles espèces que l'on cultive main- tenant dans les serres et dans les jardins. Après avoir diminué FAMILLE DES PLUMBAGINÉES. 299 considérablement le nombre des fleurs, on enlève les cinq an- thères, à mesure que celles qui restent s'épanouissent, et l'on pose le pollen sur l'extrémité des cinq styles. Il y a beaucoup Grav. 78. — Statice pseudo-armeria. à faire dans les Statices, en choisissant avec discernement les espèces, et opérant avec la patience nécessaire pour la féconda- tion artificielle de toutes les petites fleurs. 300 FÉCONDA TION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. M. Belot, horticulteur distingué, à Moulins, a mis dans le commerce, sous le nom de Sfatice intermedia, un très-bel hy- bride produit de ses cultures. Le S. macrophylla, speciosa, Fortunei et plusieurs autres donneraient sans doute aussi de beaux croisements (grav. 78). FAMILLE DES NYCTAGINÉES. Genre Belle-de-Nuit. — Mirabilis. C'est le soir seulement que s'épanouissent les brillantes co- rolles des Mirabilis; elles restent ouvertes toute la nuit et ne se ferment que sur les neuf heures du matin. Dès le soir on aperçoit les cinq étamines dont les anthères ne sont pas encore ouvertes, et le stigmate globuleux et papillaire porte sur un style assez long qui conserve, comme les filets, une partie de la courbure qu'il avait avant l'épanouissement. C’est le soir qu'il faut enlever les anthères, et c’est le matin de bonne heure qu'il faut poser le pollen sur le stigmate. Le genre Mirabilis de Linné ne renferme, jusqu'à ce Jour, qu'un petit nombre d'espèces, dont la plus commune, connue de tout le monde, est le M. jalapa, cultivé dans tous les jardins pour la beauté de ses fleurs. On remarque, dans les mêmes lieux, le M. longiflora L., dont les fleurs singulières répandent tous les soirs des émanations parfumées. La première de ces espèces est vivace et originaire du Pérou, selon les uns, des Indes-Orientales, suivant d'autres auteurs. La seconde, qui passe pour annuelle, est du Mexique. Une troisième espèce est le M. dichotoma L. du Mexique, vivace par ses racines; puis vient le M. hybrida Lepell. de la Nouvelle-Grenade. Deux autres espèces, le M. suaveolens, Hort. brit., et le M. uniflora Schrank, sont indiquées la première comme du Mexique, la seconde comme du Brésil, Enfin, j'ai reçu du jardin bota- nique de Bruxelles deux espèces désignées sous les noms de M. ambiqua et M. planiflora, toutes deux à fleurs rouges, très- - FAMILLE DES NYCTAGINÉES,. 301 difficiles à distinguer entre elles, et différant à peine du M. ja- lapa, si ee n’est par leurs graines plus arrondies et plus forte- ment striées, caractère qui a peu d’iniportance dans le genre dont nous nous occupons. C'est principalement sur les M. jalapa et les longiflora que nous avons tenté l'hybridation, soit entre espèces, soit entre variétés. s Le M. jalapa, dont le type rouge est naturalisé et se repro- duit de lui-même dans nos jardins, et surtout à la Guadeloupe, nous présente d'abord deux variétés très-distinctes, la blanche et la jaune. Ces trois couleurs se sont depuis longtemps mélan- gées, et l’on obtint d'abord des variétés rouges et blanches, plus tard des panachures de rouge et de jaune, et enfin, plus tard encore, les Mirabilis blancs et jaunes qui restèrent long- temps assez rares. Aujourd'hui, ces six variétés se reproduisent constamment de graines, ce sont des races fixées. On a même obtenu accidentellement quelques pieds qui produisaient des fleurs où les trois couleurs primitives des trois premières, va- riétés se trouvaient réunies sur le même pied, mais cette va- riété tricolore que l’on fait très-facilement par hybridation n'est pas constante. Quaut au Mirabilis longiflora, c'est une espèce d'une grande constance que nous n'avons jamais pu ébranler par la culture. Ses fleurs sont restées constamment blanches, ses jeunes pousses glutineuses, et le tube de sa corolle n'a pas varié de longueur. Hybrides entre variétés du Mirabilis jalapa. Nous avons vu plus haut que le nombre des variétés que nous avions à notre disposition étaient de sept seulement, et que ces variétés diverses ont servi à nos essais. Nous ne prétendons pas que ce soient les seules connues, nous croyons même que plu- sieurs autres coloris ont été accidentellement obtenus; mais nous pensons qu'à notre époque ces sept variétés, tout au plus, se reproduisent sous notre climat, tandis que, sous un ciel plus 302 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. chaud, il existe d’autres coloris qui ne sont également que des variations du Mirabilis jalap«. J'ai donc tenté, en 4846, de nombreuses RE uns entre les six premières variétés que J'ai citées, pour obtenir des va- riations dans la couleur du Mirabilis jalapa. On sait que dans cette espèce on n'obtient guère de couleurs fondues de tons diffé- rents, comme dans les Auricules et les Primevères, mais plutôt, et presque toujours, des panachures plus ou moins complètes. Ainsi, les trois couleurs, telles que le rouge, le blanc et le jaune, restent séparées dans une même fleur et donnentdes mélanges de deux de ces couleurs qui produisent un très-bel effet. Rarement ces panachures sont régulières, et presque Jamais elles ne se reproduisent identiques sur toutes les fleurs d'un même individu. Au contraire, on trouve sur le même pied toutes les panachures possibles, depuis une égale proportion des deux nuances employées, jusqu'à une séparation complète; puisque souvent on voit sur un même rameau des fleurs unico- lores et différentes, représentant chacune une des deux nuances qui panachent les autres fleurs. [l faut dire cependant que, dans ce cas, très-ordinaire pour la plante qui nous occupe, une fleu à nuances uniformes qui naît sur un pied panaché participe sou- vent des deux couleurs fondues. C’est ainsi que le rouge et le jaune se fondent pour constituer des fleurs cuivrées ou d'un rouge briqueté, tandis que le blanc s’unit très-rarement avec Je rouge pour produire des fleurs couleur de chair ou d’un rose pâle. Tous ces jeux de couleur, dans ce Mirabilis, me le firent considérer comme une espèce très-propre à quelques essais que je voulais entreprendre, d'autant plus que l'on sait très- bien que cette plante reproduit exactement ses variétés par la graine. Je choisis donc six pieds de Mirabilis jalapa, tous de couleurs différentes, trois unicolores et trois panachés, et j'o- pérai avec soin une fécondation croisée sur cent fleurs environ de chaque pied. Les sujets avaient été bien préparés, beaucoup de branches retranchées, bon nombre de fleurs supprimées, et FAMILLE DES NYCTAGINÉES. 905 après la fécondation toutes les fleurs ultérieures furent pincées avant leur épanouissement. Ce travail fut assez long, mais j'obtins près de six cents graines parfaitement mûres qui furent semées en 1847 J'avais basé mon hybridation sur le désir que j'avais d’obte- nir des fleurs tricolores, et de voir si les couleurs, qui, réunies .deux à deux, tendaient à rester distinctes au lieu de se fondre sur la même fleur, continueraient à rester séparécs et m’offri- raient de triples panachures. Je fécondais donc une fleur uni- colore par le pollen d'une plante possédant les deux autres nuances, cherchant à réunir chaque fois les trois couleurs, blanc, rouge et jaune, en une seule, et j'ajoutais, par const- quent, la couleur qui manquait quand j'hybridais des pieds déjà panachés. Toutes mes plantes furent ainsi mises à même de me donner les trois couleurs réunies. Un résultat tout à fait inattendu vint me surprendre. Dans toutes ces hybridations, je n’obtins, sur six cents plantes, que deux ou trois pieds entièrement blancs, que je suppose avoir échappé à la fécondation artificielle, un très-pctit nombre de panachures blanches et rouges, un nombre plus considérable de panachures rouges et jaunes, et une quantité prodigieuse de rouges de toutes les nuances. Il est évident, dans cette expérience, que le blanc a pour aiusi dire disparu, el que le rouge au contraire s’est étendu, tandis que le jaune a joué un rôle mixte. Aucune plante ne m'a donné franchement des fleurs. tricolores, mais plusieurs pieds m'ont offert de temps en temps les trois couleurs entièrement séparées sur quelques-unes de leurs fleurs. Examinons maintenant, séparément, comment chaque cou- leur s'est comportée. Branc. — Dans toutes les hybridations, le blanc, comme nous venons de le dire, s'est presque complétement elfacé. Le pied mère, de couleur blanche, hybridé par rouge et jaune, ne m'a, pour ainsi dire, fourni que du rouge ou un mélange fondu de jaune et rouge assez terne et comme cuivré. Je n'ai obtenu ni 304 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. panachures ni rouge pâle, ou du moins très-rarement, et sur deux cents graines Je n'ai eu que deux pieds blanés, que j'attri- bue très-positivement à des fleurs qui auront échappé à l'hy- bridation. Ainsi, chaque fois que le rouge et le jaune se sont trouvés en contact avec le blanc, non-seulement le blane s’est comporté comme teinte neutre et sans influence, mais le jaune s'est combiné au rouge et a produit des nuances cuivrées ou plus ou moins orangées. 1 y a eu cependant quelques plantes à fleurs d'un carmin très-pâle, dans lesquelles le blanc a eu une certaine action. Roue. — Cette couleur est certainement la nuance primi- tive du Mirabilis jalapa. Dans les variétés le plus ordinaire- ment cultivées, on distingue surtout deux nuances de cette cou- leur : le rouge vif écarlate sur les bords de la corolle et le rouge carminé tirant un peu sur le violet. Dans mes hybridations, un pied rouge écarlate d’une nuance très-vive a reçu le pollen de la variété blanche et jaune. Je n'ai obtenu de ces graines que des fleurs rouges; les unes ressem- blant à la mère, et la plupart offrant une teinte de rouge con- tenant évidemment du jaune et tirant à l'orangé. Toutes les nuances saumonées se sont montrées dans ces différents rouges: quelques fleurs ont approché de l'aurore, des teintes cuivrées, mais le blanc à disparu et l'attraction du rouge pour le jaune a été telle, que partout les deux couleurs se sont associées. Après avoir attendu de mes nombreuses hybridations une foule de panachures, J'ai été surpris de voir surgir cette variété de nuances fondues qui provenaient toutes de mélange en propor- tions différentes de rouge et de jaune. Malgré cela, l'orangé pur, si brillant dans la Capucine et dans la variété du Rosier églantier, ne .s’est jamais montré, et cela tient évidemment à ce que le rouge du Mirabilis contient toujours un peu de bleu; et l’on sait que le mélange des trois couleurs primitives, surtout si les proportions sont inégales, donne des tons sales et brunâtres qui masquent toujours la vivacité des couleurs binaires. On voit pourtant dans la nature or FAMILLE DES NYCTAGINÉES. 30 quelques exceptions. Ces nuances si suaves et si pures du cha- mois et de la teinte saumonée sont formées de trois couleurs affaiblies par du blanc qui agit en éloignant, en séparant chaque cellule diversement colorée, et en empêchant le mélange intime qui n’agit plus sur l'œil de la même manière. Ainsi, dans la Belle-de-Nuit, la petite quantité de bleu qui donne aux fleurs rouges une teinte de violet s'oppose aux belles nuances d'orangé que donnerait le mélange du jaune et du rouge par les hybridations. JauxE. — Nous venons de voir la grande attraction du jaune pour le rouge. Aussi, tous les mélanges dans lesquels le jaune a été fécondé par blanc et rouge ont donné des fleurs euivrées ou fauve orangé, et enfin très-différentes des belles panachures que j'attendais. Le blanc a également disparu. Je n’ai pas ob- tenu de ces fécondations croisées beaucoup de plantes entière- ment jaunes, cependant plusieurs se sont montrées, quelques- unes d'un jaune assez pâle et d’autres d'un jaune plus foncé. Cette couleur n’a donc été remarquable que par sa fusion avec le rouge. Panacaunes, — Peu satisfait des résultats que j'avais obtenus, je repris, en 1847, mes hybridations; et cette fois je fécondai des pieds panachés et, par conséquent, bicolores par d’autres fleurs qui offraient aussi deux couleurs, dont l’une était diffé- rente de celles des fleurs que j'hybridais. J'avais alors à ma disposition les panachures ordinaires qui sont des mélanges binaires de blane et de rouge, de rouge et de jaune et de jaune et de blanc. Je n'avais pas vu encore de plantes franchement tricolores. Ces diverses panachures ont été hybridées soit entre elles, soit par des fleurs carminées, et j'ai pu reconnaitre en- core dans ces hybrides l'attraction du rouge pour le jaune. Dans les plantes jaune et rouge, hybridées par rouge et blanc, le rouge a pris le dessus et s'est souvent mêlé au jaune sans panachures. D'autres fois les panachures sont restées, mais le rouge s’est montré sur du jaune affaibli par le blanc. Dans les rouges et les blanches hybridées par jaune et blanc, 20 306 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. le jaune s'est uni au rouge, qui, de carminé qu'il était, s’est orangé ou cuivré, et le blanc est resté intact. Enfin, quand ces différentes plantes panachées ont été hybri- dées par la couleur rouge carminé, c’est-à-dire contenant un peu de bleu, ce bleu du carmin violacé s’est constamment uni au rouge, même dans les panachures sur fond jaune, et s’est soigneusement séparé de cette couleur complémentaire. Aussi ai-je obtenu de très-belles variétés dans les panachures jaunes, sur lesquelles le carmin violacé s’est montré par bandes ou ma- cules, ou comme un pointillé plus ou moins fin, Plusieurs pieds m'ont offert des fleurs tricolores, mais en petit nombre et très-remarquables. En sorte que, sous le rap- port pratique, ce sont surtout les variétés panachées qu'il con- vient d'hybrider entre elles ou avec des fleurs carminées. En 1848, j'essayai ce que je nomme l’hybridation en mé- lange, c'est-à-dire qu'après avoir préparé quelques pieds, dont un tricolore, j'en hybridais les fleurs avec un mélange de pol- len recueilli sur un grand nombre ou du moins sur plusieurs variétés. J'obtins ainsi en grande quantité des. pieds à fleurs tricolores, provenant indistinctément ou de la plante qui pré- sentait déjà ces caractères, ou des autres qui avaient reçu l’im- prégnation d'un pollen composé. Je rappellerai à ce sujet, que j'avais déjà pratiqué, sur di- verses variétés de Primevères et d'Auricules, ces hybridations en mélanges, el que je suis presque convaincu, par les résul- tats que J'ai obtenus, qu'une graine fécondée peut avoir deux pères, Mes essais d'hybridation entre variétés de Mirabilis jalapa furent continués avec persévérance jusqu’en 1862, et les fleurs obtenues celte année, ne m'ont pas semblé offrir de nuances ni de panachures que je n'eusse déjà remarquées. Hybrides entre les Mirabilis jalupa et longiflora. Nous avons déjà dit qu'il était facile de croiser ces deux FAMILLE DES NYCTAGINÉES. 307 plantes, et, dès 1846, j'avais entrepris des fécondations arti- licielles qui m'ont conduit à des résultats assez curieux. J'avais préparé un pied de Mirabilis longiflora, destiné à être fécondé par le jalapa, et un pied de jalapa destiné à rece- voir le pollen du précédent. La premitre combinaison fut infertile, et le Mirabilis longi- [lora, fécondé avec tous les soins possibles, ne me donna pas une seule graine. Cependant les actes de la Société des curieux de la nature de Berlin de 1775 rapportent l'expérience faite par J. Ch. E., qui a fécondé le Mirabilis longiflora par le pollen du Mirabilis jalapa, et qui a obtenu une plante tout à fait intermédiaire entre le père et la mère. Mais si, à plusieurs reprises, je ne pus réussir en employant comme porte-graine le M. longiflora, 11 n'en fut pas de même en prenant pour pied mère le M. jalapa. Je choisis d'abord un pied rouge. Les graines mürirent comme à l’ordimaire, mais, craignant de n'avoir pas pris assez de précaution dans le eroi- sement, je négligeai la récolte des graines, persuadé que les fleurs avaient été fécondées de nouveau et après mot, tous les soirs, par les Sphinx du Liseron, qui étaient älors extrêmement communs. . Ce fut donc par hasard et négligemment que je recueillis quelques graines, qui furent mêlées à d’autres provenant du M. jalapa. Au printemps de 1847, je remarquai avec surprise, au milieu des jalapa, trois pieds qui avaient entièrement l'ap- parence du M. longiflora. Certain de n'avoir semé que des M. jalapa, je soupçonnai bientôt ces plantes de provenir de graines hybridées, et, en effet, elles présentaient des carac- lères parfaitement intermédiaires entre les deux espèces. Les fleurs parurent et me confirmèrent dans mon opinion Elles étaient aussi intermédiaires ; leur couleur était blanche ou d'un Hlas violet, et souvent panachées ou seulement partagées par ces deux couleurs. L'odeur était celle du M. longiflora, et leur aspect géneral rappelait beaucoup plus le père que la mère. 308 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Cependant la plante n'était pas visqueuse, le tube était rac- courci et les trois pétales étaient, sauf quelques variations dans la couleur des fleurs, parfaitement identiques. Vers le milieu de l’été, ces plantes fleurissaient en abon- dance, mais aucune fleur ne nouait, et mes trois pieds étaient stériles. Me promenant un jour avec un bâton à la main, Je donnai, comme plaisanterie, une forte correction à une de mes plantes, sous prétexte de lui faire porter graines. Il restait à peine quelques rameaux, et je fus très-étonné, peu de jours après, de remarquer que leurs fleurs donnaient des graines qui vinrent à maturité parfaite. Les deux autres plantes, qui n'avaient pas été mutilées, m'ont aussi donné des semences, mais à la fin de l'automne seulement, quand les individus eurent perdu en partie leur vigueur. ; Les racines de ces plantes étaient énormes ; elles furent con- servées, bouturées au printemps, et les boutures donnèrent une assez forte récolte de graines. Voyant ce résultat, en 1847, je m'empressai de préparer des sujets et de les féconder par le M. longiflora. Un pied rouge et surtout un jaune, furent destinés comme porte- graines, et la récolte, assez abondante, fut soigneusement cul- tivée en 1848. J'avais un grand nombre d'hybrides, dont la plupart étaient blancs et lilas, comme ceux de l'année précé- dente; quelques-uns violets pâles montraient de temps en temps un peu de blanc. Ün seul était jaune et très-différent des autres. Îl n'avait pas le port du M. longiflora, mais ces fleurs avaient un long tube et un limbe très-rétréci. La fleur s’ouvrait à peine. Le pied n’était pas vigoureux. Il ne m’a donné aucune graine, malgré des fécondations artificielles avec son propre pollen et avec celui des autres. Quant aux graines de ces Mirabilis hybrides, elles repro- duisent la plante, et il arrive aussi qu'elles donnent des sujets très-voisins du M. jalapa, retournant amsi à leur type ma- ternel. FAMILLE DES NYCTAGINÉES. 309 J'ai reçu de M. Vilmorin des graines d'une variété violette du M. longiflora, qui m'ont donné une plante très-différente par la couleur et la vigueur, des hybrides que j'avais créés, mais qui est très-certainement un hybride comme ceux que j'ai cultivés. Sa fleur est plus petite, d'un violet plus foncé, et la plante est faible si on la compare aux M. longiflora et jalapa, et surtout si l'on se rappelle l'extrême vigueur des hy- brides que nous avons obtenus. Cette plante violette donne très-peu de graines fertiles, et il est à remarquer que les hy- brides, qui, comme elle, se reproduisent de graines, perdent peu à peu la vigueur du pied mère qui leur a donné nais- sance. J'ai en ce moment (juillet 1862), dans mon jardin, un pied d'hybride qui date de 1848, qui, depuis cette époque, a passé les hivers sans couverture, dont la racine a plus d'un mètre de longueur, et dont les branches forment un buisson d'environ trois mètres de diamètre. Cet hybride, très-robuste et résistant en plein air depuis plus de dix ans, se couvre chaque soir de plusieurs milliers de fleurs dont les ovaires avortent constamment pendant les mois de juillet et d'août, et souvent même pendant la première moitié de septembre. À parlir de cette époque, on voit quel- ques ovaires grossir, puis un plus grand nombre devenir fer- tiles; et enfin, au mois d'octobre, toutes les dernières fleurs donnent de bonnes graines. On peut en récolter plus de mille sur un seul pied. Si l'on ne veut pas attendre l'automne, et si l’on veut avoir des graines plus {ôt, il faut mutiler la plante, couper et briser ses rameaux ou les déchirer à coups de bà- ton, ainsi que Braconnot le recommandait autrefois pour faire mettre à fruit les arbres trop paresseux, c'est-à-dire trop vi- goureux. Les hybrides se comportent donc absolument comme cer- taines espèces bien caractérisées qui ne donnent presque Ja- mais de graines, parce que chez elles la reproduction gemmi- pare l'emporte sur la génération par sexes. Il y a, dans tous 310 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. les végétaux, comme dans les animaux inférieurs, lutte et ba- lancement entre ces deux modes de multiplication de l'espèce. Si une tendance l'emporte sur l’autre, elle la diminue ou l'anéantit; en sorte que, pour avoir des hybrides fertiles, il faut diminuer leur vigueur par divers moyens; de même que, pour hâter la fructification ou la maturation des semences, on courbe les branches des arbres, on leur enlève des anneaux d'écorce, on les meurtrit, ete., toutes pratiques qui ont pour but de rappeler à l'individu ou au groupe d'individus qui con- stitue un végétal qu'il y a pour lui possibilité de périr, et qu'il est temps, dans cet état de faiblesse, de réunir ses forces pour assurer la perpétuité de son espèce. Je ne suis pas le seul qui ait obtenu un hybride entre les M. jalapa et longiflora. M. Pépin a cilé dans les Annales de Flore et de Pomone pour 1856 deux pieds d'hybride de M. jalapa et M. longiflora. Ils étaient, dit-il, intermédiaires entre les deux espèces et avaient tous deux les fleurs d’un rouge violacé. La racine vi- vace était conservée dans le sol au moyen d'une couverture de feuilles et produisait chaque année un énorme buisson. Il cite encore un pied de ce Mirabilis qui, au bout de dix ans, présentait une racine du poids de 41 kilos. Ces hybrides étaient fertiles. Linné avait essayé, sans plus de succès que moi, de féconder le M. longiflora par le pollen du M. jalapa; mais il ne fit pas l'expérience inverse qui m'a si bien réussi. Hybrides d'Hybrides. Lorsqu'en 1848 j'eus obtenu des hybrides très-nets et très- tranchés, parfaitement intermédiaires par tous leurs caractères entre les M. jalapa et longiflora, j'essayai de féconder ces hybrides par leurs antécédents et réciproquement. J'obtins difficilement quelques graines des hybrides fécondés par le M. jalapa. Je ne pus en recueillir du M. longiflora croisé par FAMILLE DES NYCTAGINÉES. 311 les hybrides, ni réciproquement; mais les M. jalapa hybridés par les hybrides me donnèrent des graines nombreuses, et, par la suite, des plantes extrêmement curieuses et presque toutes fertiles. Ces expériences ont été continuées pendant plusieurs années, et l'an dernier, octobre 1864, j'ai recueilli encore un certain nombre de graines qui me donnent aujourd'hui (juil- let 1862) de curieux résultats. J'ai toujours choisi pour pieds mères des M. jalapa, et sur- tout des plantes à fleurs jaunes ou panachées de rouge, mais J'ai opéré aussi sur des tricolores et des plantes de toutes les couleurs. Il me serait impossible de décrire les types qui sont nés de ces croisements ; ils sont en trop grand nombre, et tellement différents des M. jalapa et longiflora, qu'on les prendrait faci- lement, du moins plusieurs d'entre eux, pour des espèces tout à fait distinctes. Ce qu'il y a de certain, c'est que les diflé- rences spécifiques étaient plus grandes que celles qui existent entre toutes les espèces de Mirabilis et le M. jalapa. Quelques-unes de ces plantes étaient glabres partout, d’autres hérissées et velues. Les tiges étaient couchées dans les unes et dressées dans les autres; les fleurs tantôt rares et éparses, tan- tôt rassemblées et dressées en magnifiques bouquets. Le tube était plus long que dans le jalapa, et l'odeur rappelait encore le M. longiflora. Le limbe de plusieurs fleurs mesurait 50 à 54 millimètres de diamètre (une pièce de 5 fr. en mesure 37), tandis que l’on en voyait de beaucoup plus petites que celles du M. longiflora. L'heure de l'épanouissement était très-différente, et, en géné- ral, elle retardait sur celle du M. jalapu. W y avait même des fleurs qui ne s’ouvraient pas du tout, et les plantes qui pré- sentaient ce caractère ne me donnèrent pas de graines. La forme des corolles offrait aussi beaucoup de variations. On rencontrait des limbes très-profondément divisés et des fleurs éloilées; on en voyait d'autres parfaitement arrondis, sans échancrures, et simulant des Liserons. , 512 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Quant aux couleurs, 1l m'est impossible aussi d'en rendre compte tant elles étaient variées. J'avais des fleurs à long tube, Jaunes ou panachées de rouge et de jaune, et toutes des. J'avais des larges fleurs carnées, roses ou violettes, entière- ment semblables, pour l'aspect, à celles de la Pervenche de Madagascar. Certaines variétés était veinées à l'intérieur comme la fleur de la Jusquiame noire. D'autres, d’un blanc de neige, avaient le tube et la gorge violets. Les teintes de saumon, de jaune-soufre passant au rose, d'abricot, de fauve et d'orangé, se montraient fréquemment. Toutes les panachures imagima- bles : marbrures, macules, pointillé, bandelettes, stries, entin toutes les combinaisons possibles se présentaient, et certains pieds offraient des fleurs dans lesquelles il était facile de dis- tinguer cinq à six nuances bien différentes. Ces singulières modifications se sont encore manifestées sur les graines. Certains pieds n'en donnaient aucune; d’autres les produisaient en abondance, pas une fleur n'avortait, ct quel- quefois même la plupart des fleurs avaient deux ovaires et don- naient deux graines mûres. Leur couleur variait entre le noir, qui est la couleur de la grame du M. jalapa, et le brun moucheté que montre celle du M. longiflora. On remarquait tous les intermédiaires pos- sibles entre ces deux nuances. Les formes étaient plus curieuses encore. Les graines, rare- ment rondes, et plus courtes que celles du M. jalapa, étaient souvent plus longues et quelquefois même très-pointues, à côtes plus ou moins saillantes. Enfin la variété était telle, dans ces plantes obtenues par des fécondations faites au moyen de pollen en mélange, qu'il n'existait plus aucun moyen de séparer net- tement les espèces et de reconnaître les types. J'ai obtenu aussi cette année des hybrides entre les M. ja- lapa et dichotoma. Les fleurs sont restées jaunes, ou panachées de jaune et de blanc. Les graines de ces nombreuses variétés ou espèces, ou, pour ne rien hasarder, de ces curieuses modifications, n'ont pas tou- FAMILLE DES NYCTAGINÉES. 315 jours donné des plantes semblables à celles dont elles prove- naient. Elles ont produit des individus à couleur différente, et sont retournées la plupart au M. jalapa. De nombreux essais restent encore à faire sur les Mirabilis. On peut les considérer comme des plantes éminemment propres à mettre sur la voie de la valeur que l’on peut donner aux va- riations et aux hybridations. Il serait à désirer que l'on puisse recueillir leurs différentes espèces, très-rares ou inconnues dans les jardins, et que les essais d'hybridation et de croise- ment pussent avoir lieu sous différents climats. Considérations générales sur l'Hybridation des Mirabilis. On peut tirer de mes essais d'hybridation la conséquence que, dans les hybrides entre espèces, au moins pour les Mira- bilis, le produit est exactement intermédiaire; mais on arrive aussi à cet autre résultat singulier, que les hybrides d'hybrides ne suivent plus cette loi et deviennent infiniment variés en s'é- . loignañt quelquefois beaucoup de leurs types. Ainsi, j'ai obtenu des Mirabilis à fleurs étoilées et d’autres à fleurs de Liseron, des Mirabilis à fleurs étroites ou à fleurs fasciculées, qui s’éloi- gnaient beaucoup de leurs ascendants. On peut aussi être cer- tain d’un fait, c'est que tous les hybrides végétaux ne sont pas stériles, puisque nos plantes croisées donnent des graines en petite quantité, mais des graines fertiles, et qu'en croisant ces hybrides avec leurs propres parents, on obtient des sujets d’une grande fertilité. D'un autre côté, nous voyons ces graines fertiles avoir une grande tendance au retour vers les anciens types, et nous voyons la force de l'habitude, un moment suspendue par nos efforts, se montrer de nouveau, dès que nous ne nous opposons plus à son développement. Il serait prématuré de tirer des conclusions générales d'un seul fait, quelque précis qu'il soit, et des études sur les Mirabi- lis ne peuvent donner le droit d'établir des théories applicables 214 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. à tout le règne organique. Nous pouvons cependant nous baser sur ces faits et sur ces expériences pour donner de la valeur à l'opinion que j'ai émise depuis longtemps, que l'hybridation, quand elle est possible, est bien plus prompte que la variation pour modifier l'espèce. Je suis de ceux qui croient à la filiation de l'espèce, et, par conséquent, à la variation possible et même nécessaire de la succession des individus, et nous avons partout des preuves de cette variation. Sans sortir de notre sujet, nous savons que lors même qu'une seule espèce de Mirabilis, le M. jalapa, était connue, cette plante a varié ses couleurs seulement, et nous a donné des va- riétés qui se sont maintenues et multipliées par la culture; mais ces variétés se sont montrées lentement, à plusieurs re- prises, et si nous faisons abstraction de celles qui sont connues de tout le monde ct que nous avons citées au commencement de cet article, les autres ne se sont montrées que de loin en loin et ne se sont pas conservées. Si done j'ai pu, en quelques années, faire revivre ces an- ciennes variétés et en ajouter de nouvelles, au point que cette année j'ai pu en séparer quarante bien distinctes, c’est que j'ai eu à ma disposition un moyen plus actif que l'espoir des va- riations naturelles ou accidentelles, e’est que j'ai pu ébranler la stabilité des races et des variétés connues. L'hybridation m'a donné ce moyen, ct une fois la plante dérangée de ses habitudes, elle tend à les reprendre, il est vrai, mais elle donne alors de nombreuses variétés qu’elle n'aurait pu produire au- paravant. Cela est si vrai que les graines de Marabilis que je recueille maintenant en masse, et qui proviennent toutes d’in- dividus autrefois hybridés, c’est-à-dire ébranlés et ramenés par des croisements successifs, au M. jalapa, donnent seules et sans hybridation de nombreuses et nouvelles variétés, que je ne puis prévoir et dont je suis moi-même étonné. Un phénomène semblable m'est arrivé pour les Primula : après avoir créé le P. variabilis par la fécondation des P. acau- FAMILLE DES AMARAVTIHACÉES. 319 lis et officinalis, j'ai obtenu une race dont les variations ne s’ar- rêlent pas, en choisissant toujours les graines sur de jeunes pieds et sur les variétés nouvelles. Cette facilité d'ébranler les races et même les espèces par l'hybridation, de les rendre fertiles par de nouveaux croise- ments qui les rapprochent de leurs types, et de les rendre ainsi propres à fournir des variations et des modifications multiphiées, ne serait-elle pas applicable à de nombreuses espèces des deux grandes divisions du règne organique, et ne pourrait-elle pas contribuer à faire entrer dans la domesticité des races qui S'y refusent, ou qui attendent de la part de l'homme de nouveaux efforts ou des méthodes différentes de celles qui ont été em- ployées ? Quand on considère ces faits, et que l’on pense à l'énergie de la nature lorsque les espèces étaient encore Jeunes, on se demande si des types, aujourd’hui différents et stabilisés par une longue habitude, par un entourage prolongé des mêmes conditions et des mêmes-milieux, ne proviennent pas de sou- ches communes, dont les variations et les hybridations les au- raient fait dériver. | Il est difficile de ne pas admettre cette opinion pour les genres nombreux en espèces; il est presque impossible de ne pas croire à la filiation quand on voit ces mêmes formes se re- produire dans la série-des âges, quand on observe ces créations parallèles si bien indiquées par IL. Geoffroy Saint-Hilare, et quand on étudie géographiquement l'aire d'extension des es- pèces dans tout le règne organique. FAMILLE DES AMARANTHACÉES. Genre Celosie, — Celosix. Les fleurs nonibreuses et très-rapprochées des Celosia ren- dent la fécondation artificielle très-difficile; mais, comme ces . . . D plantes produisent beaucoup de graines, que les stigmates sont 316 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. aptes à recevoir le pollen de leurs cinq étamines un peu avant que celui-ci ne se répande, on peut se dispenser d'enlever les anthères et poser partout le pollen étranger. Ün certain nombre de graines sont ordmairement RYhrMÉes. du moins en opérant sur les diverses variétés du cristata, Grav. 79. — Celosia argentea. L'argentea,\ le margaritacea, le trigyna, pourraient ‘peut- être aussi se croiser et donner, comme le cristata et avec lui, de magnifiques variétés, quand la mode viendra de nouveau ramener ces belles plantes dans nos jardins (grav. 79). FAMILLE DES CHÉNOPODÉES. 317 FAMILLE DES CHÉNOPODÉES. Genre Bette, — Belu. Les plantes qui appartiennent à ce genre ont cinq étamines insérées sur un anneau charnu qui entoure l'ovaire, et ce der- nier porte deux stigmates ordinairement papillaires et très-bien exposés au pollen des anthères. Il est donc essentiel, pour opé- rer l'hybridation, d'enlever les étamines aussitôt que l’épa- nouissement a lieu, et de poser ensuite, le même jour, le pollen au pinceau. Autant que possible, après avoir préparé le sujet en abattant la majeure partie de ses branches, il faut opérer sur les deux ou trois fleurs de chaque petit groupe; car, après la floraison, elles s’accroissent et se soudent à tel point que les graines, au lieu d'être solitaires, sont toujours réunies deux ou lrois sous la même enveloppe commune, ou du moins sont telle- ment adhérentes qu’elles ne se séparent pas, même à la matu- rité, et l’on voit sortir deux à trois plantes de ce qui paraissait une seule graine. Il est vrai que l'on peut presque toujours séparer ensuite les jeunes plantes et les repiquer à distance. Le Beta vulgaris a produit un très-grand nombre de variétés dont les unes, les Poirées, sont cultivées pour leurs feuilles, et d'autres, les Betteraves, pour leurs racines. Toutes ces variétés peuvent donner des intermédiaires, soit que l’on cherche à ob tenir des plantes plus feuillées pour la nourriture des bestiaux, ou des racines plus succulentes, plus sucrées, plus précoces ou plus volumineuses. On peut croiser les Betteraves blanches, jaunes et rouges, obtenir des variétés intermédiaires, et don- ner à l'agriculture ou au potager quelques races nouvelles. J'ignore si des croisements entre le Beta vulgaris et le maritima, le trigyna et même le patula, pourraient s’opérer et si les ré- sultats en seraient favorables. Il est fâcheux que l’on s'occupe si peu de l'hybridation des plantes destinées à la grande culture. C'est au hasard seul que l'on doit les variétés que l’on a obte- 518 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. nues, tandis que quelques pieds de ces plantes utiles, trans- portés dans un jardin et opérés avec habileté et discernement, deviendraient probablement la source de nouvelles richesses agricoles. Les variétés de Betteraves cultivées pour la cuisine sont : la grosse rouge. — La rouge de Castelnaudcry. — La ronde précoce. — De Bassano. — La jaune. — La jaune ronde. — La jaune de Castelnaudary. Ne pourrait-on pas aussi croiser les diverses variétés de nos Betteraves avec celle du Brésil, dont les côtes sont si purement colorées de jaune, d'orange, de rouge et de carmin? Genre Épinard. — Spinacia. L'épinard à quatre étamines et quatre styles allongés et amincis qui portent au sommet des stigmates papillaires. Cette plante est dioïque, les femelles sont bien séparées des mâles qu'il faut arracher avec le plus grand soin, si l'on veut tenter un croisement, qui, du reste, ne présente d'autre difficulté que l'isolement des femelles. On voit dans ces dernières les stigmates sortir de bonne heure, et rester très-longtemps propres à recevoir le pollen. C'est du reste un des caractères des femelles dioïques de con- server longtemps leur aptitude. Les variétés cultivées et qui peuvent toutes se croiser sont : l'ordinaire. — De Hollande. — D'Angleterre. — De Flandre. — V'Esquermes ou à feuilles de laitue. _ FAMILLE DES POLYGONÉES. Genre Renouée. — Polygonum. Le genre très-nombreux des Polygonum ne nous offre que deux sections qui aient de l'intérêt pour l’agriculture ou pour nos jardins. La première est celle des Fagopyrum, dont la prin- cipale espèce est le Sarrasin ou Blé noir. Cette plante, comme L) FAMILLE DES POLYGONÉES. 319 les autres espèces de cette section, a huit étamines, dont trois intérieures à anthères qui s'ouvrent en dehors, et cinq qui alternent avec les divisions du périgone, et par conséquent plus extérieures, et dont les anthères s'ouvrent en dedans. Ces der- nières répandent leur pollen dès le premier jour de l’épanouis- sement, et les autres le second jour seulement. Alors la fleur se fane. L'ovaire triangulaire est terminé par trois stigmates. Ce sont donc les cinq étamines extérieures qu'il faut s'empres- ser de retrancher dès l'épanouissement des fleurs. Rien n'em- pêche, il est vrai, de les enlever toutes en même temps; mais les trois autres, rapprochées du pistil, attendent le lendemain, comme pour assurer la fécondation, si par hasard les premières ne l'opéraient pas. Le troisième jour la fleur est flétrie ; aussi cest pendant le premier et le second qu'il faut imprégner les stigmates au pinceau. J'ignore si les espèces des autres sec- lions pourraient être croisées avec les Fagopyrum,. mais il est très-probable que les tartaricum, cymosum, emarginatum, à fruits triangulaires comme le sarrasin, hybrideraient ce dernier, et l'importance de cette semence nutritive devrait engager quelques expérimentateurs à croiser ces plantes dans l'espoir d'obtenir de nouvelles variétés de Blé noir. La seconde section, contenant les Amblygonum, peut imtc- resser, à la fois, l'horticulteur et l'agriculteur. On y remarque diverses variétés du P. orientale, à fleurs blanches, à fleurs rouges, etc., pui produisent un fort bel cffet dans nos jardins, et qui peuvent donner aussi de la graine en abondance. Ces plantes ont sept étamines, dont les deux intérieures seulement s'ouvrent en dedans; il n’y a que deux stigmates. La féconda- tion artificielle ne présenterait pas plus de difficulté que pour les plantes de l’autre section, et, si on parvenait à les croiser avec les espèces du groupe des Persicaires, on obliendrait sans doute des plantes très-remarquables ou par leurs fleurs ou par leurs produits en grains farineux. 320 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. FAMILLE DES BÉGONIACÉES. Genre Begonia. — Begonia. n On cultive beaucoup d'espèces appartenant à ce beau genre qui ne prospère bien que dans les serres chaudes, où plusieurs donnent des graines fertiles. Les fleurs sont monoïques, les mâles ont des étamimes nom- breuses, quelquefois monadelphes; les femelles ont un ovaire infère, surmonté de trois stigmates contournés, très-gros et bipartis. Ces deux sortes de fleurs naissent ensemble dans de vastes panicules qui, ajoutées au feuillage souvent discolor et toujours élégant de ces belles plantes, en font un des plus riches ornements de nos serres. On peut les féconder avec leur propre pollen, en ayant soin de retrancher une bonne partie de leurs fleurs, et tenter aussi l'hybridation en supprimant toutes les fleurs mâles et conservant cinq à six fleurs femelles sur chaque pied. Il est d'autant plus facile d'hybrider les Begonia que les fleurs mâles s’épanouissent généralement avant les fleurs femelles et que l’on peut aussi en conserver le pollen. Il y a du reste bien peu de plantes sur lesquelles les succès aient été plus nombreux, et l'on ne sait pas où s’arrêteront les nouveaux types que l’on obtient chaque jour. Nous supposons même que ces créations ne s'arrêteront jamais. La Flore des serres et des jardins a publié un B. Presto- niensis que l'on suppose issu du B. cinnabarina et du B. nitida ou peut-être des B. rubra et cinnabarina, si toutefois, comme le suppose M. Planchon, ce n'est pas simplement une variété de cette dernière. , | ù On cite encore le B. Lapeyrousii comme hybride du B. hy- drocotilefolia fécondé par le B. incarnata. « Son port est ma- Jestueux, dit M. Van Houtte, ses tiges robustes, ses feuilles très-grandes, et je ne saurais assez vanter sa beauté. » FAMILLE DES BÉGONIACÉES. 521 M. Putzeis a signalé encore dans la Flore des serres et des jardins de nombreux hybrides de Begonia. Le B. xanthina a été croisé avec succès par le B. rubrovenia; le B. fuchsioi- des par le B. nitida; le B. sanguinea par le B. coccinea, ete. Un de ces magnifiques hybrides du B. xanthina, croisé par le B. rubrovenia, a reçu le nom de B. marmorea, et présente un superbe feuillage préludant à cette belle série des B. rex que l’on devait découvrir plus tard. En cffet, l'apparition du B. rex a été le signal d’une lutte d'émulation qui dure encore. La postérité du roi a saisi les trônes de tous les jardins. Son alliance avec le B. Reichenheimi a été des plus heureuses. Le B. rex leopardinus n’a pas craint de détrôner son père, et les serres de Van Houtte ont vu naître toute une lignée de princes magnifiquement costumés. « On y trouve, dit M. Van Houtte, des velours verts inespérés, teints de coloris fantastiques, des pointillages, des marbrures tout à fait inattendues, et un travail de couleurs, de dessins qui simu- lent de bizarres tissus d'étoffes. Les macules d'argent abondent dans beaucoup de variétés, et l’une d’elle porte des feuilles qui paraissent d'argent pur. C'est l'argent vrai sans aucun mé- lange de teintes de reflets verdâtres. » (Grav. 80 et 81.) Les B. rex et B. xanthina, croisés entre eux et avec leurs hybrides, ont donné des résultats admirables. MM. Mawet de Liége, qui se sont occupés des semis de ces plantes avec le plus grand succès, mettent tous les ans dans le commerce des plantes extraordinaires. Nous ignorons où pourront s'arrêter les panachures, les dessins, les zones colorées et l'admirab'e ornementation de ces riches feuillages. D'innombrables variétés, descendant pour la plupart du B. rex, ont été exposées en 1860 dans les jardins de la Société d'horticulture de Chiswick, ef Angleterre. M. Moore avait pro- posé pour ces plantes une classification que nous ne rapportons que pour montrer jusqu'où l'hybridation peut pousser la va- riété, aussi bien pour le feuillage que pour les fleurs. M. Moore établit trois sections : 922 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. 1° Les Argentées, dont les feuilles sont entièrement blanches, sans zones ni stries d'aucune autre couleur. Cetle section ne contient qu'une seule plante, le B. argentea. Grav. 80. — Begonia rex 2° Les Zonées, où la face supérieure des feuilles est marquée d'une zone concentrique dont la couleur est différente de celle du fond. Cette section se subdivise en quatre groupes : À. FAMILLE DES BÉGONIACÉES. 395 feuilles petites à zones argentées; B. feuilles grandes à zones ar- gentées; C. feuilles grandes teintées de rouge, zonées d'argent et de vert, velues en dessous; D. feuilles entièrement vertes ou rouges. EE — {L R oluyer Grav. 81. — Begonia xanthina. 5 Les Pariolées, dont les feuilles sont marquées de bandes ou de mouchetures argentées ou d'une autre nuance, mais not 324 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. zonées, section qui se divise en deux : A. feuilles obliquement ovales; B. feuilles palmatilobées. Les variétés qui peuvent aujourd'hui se ranger sous ces différents titres, sont innombrables et en grande voie de création. Le croisement du B. rex ct du B. splendida a donné à MM. W. Rollisson, le B. grandis, plus grand que l'hybride Leopardina, et le type de nouvelles séries à conquérir. Des expériences très-intéressantes de M. Regel sur les Be- gonia sont consignées dans le Gartenflora (janvier et février 1858). Elles ont pour objet de reconnaître s'il existe des plantes hybrides qui soient fertiles par le pollen et par le pistil. Il a choisi pour sujet de ses observations les Begonia (Platycen- trum Klotzsch) xanthina et rubrovenia, parce que la première de ces plantes avait déjà occupé M. Klotzsch, qui ne voulait voir dans les produits qu'on en avait obtenus que de simples formes et non des hybrides. La fécondation du B. rubrovenia par le B. xanthina a donné naissance à un hybride qui ressemblait absolument, sous tous les rapports, au B. æanthina-marmorea, et qui, comme celui- ci, était fertile par le pollen et par le pistil. Tous les individus issus de celte fécondation se ressemblent parfaitement quant à leurs caractères typiques, et ne diffèrent quelque peu que pour la coloration des feuilles. La grande majorité a des feuilles tachées de blanc, comme celles du B. æanthina:-marmorea; un petit nombre seulement les a colorées en dessus en vert uni- forme, et correspondent ainsi au B. æanthina-gandavensis. A résulte donc de cette expérience qu'il y a des hybrides dont le pollen est bien organisé, et aussi que l'hybride entre deux bonnes espèces présente exactement un même type, et ne peut varier que pour des caractères peu importants. Un autre résultat a été obtenu dans la fécondation de l'hybride par lui-même. Pour cette expérience, M. Regel s’est servi tant du B. xæanthina-marmorea que du B. xanthina-gandavensis. Il pensait que les générations obtenues au moyen de la féconda- FAMILLE ES BÉGONIACÉES,. 325 tion d'un hybride par lui-même devraient présenter également un type unique; il en a été autrement : les graines obtenues dans ce cas n'ont donné que quelques formes analogues à l'hybride pour leurs caractères typiques, tandis que les autres, en plus grand nombre, étaient retournées plus ou moins vers l’un ou l'autre des parents. Il en résultait un étonnant mélange de formes; tantôt les feuilles étaient grandes et larges comme dans le B. æanthinu, tantôt elles étaient plus étroites et plus allon- gées, comme dans le B. rubrovenia; le plus souvent elles étaient maculées de blanc; quelques-unes étaient d'un blanc d'argent avec des veines vertes; rarement elles étaient unicolores. Les fleurs rappelaient, plus ou moins, tantôt l'hybride et tantôt l'un des parents. Quelques pieds constituaient même des modifica- tions de l'un ou de l’autre de ceux-ci. «IT résulterait de là que même un hybride fertile ne peut se propager par la fécondation comme type fixe ; mais que les gé- nérations, provenues de sa fécondation par lui-même, eonsti- tuent une série de formes qu'on peut concevoir comme ratta- chant l'une à l’autre deux bonnes espèces, ct, en outre, que l'hybride peut retourner au type paternel ou au type maternel. « La troisième expérience, dans laquelle l’hybride a été f6- condé par le pollen de Fun des deux parents, a réussi dans un sens, à savoir : lorsque M. Regel a fécondé l'hybride avec le pollen du B. xanthina. La plupart des plantes qui ont été ob- tenues ainsi étaient presque entièrement retournées au B. æan- thina, et un petit nombre seulement étaient restées intermé- diaires aux deux. Le résultat a donc été à peu près le même que dans la fécondation de l'hybride par lui-même, puisque l'influence de celui-ci sur les générations consécutives à été souvent presque nulle, et ne s'est montrée que rarement d'une manière appréciable. « Au point de vue de l’horticulture pratique, ces expériences ont un grand intérêt, puisqu'elles montrent comment on doit procéder pour obtenir beaucoup de formes nouvelles. Ainsi, lorsqu'on à réussi à produire un hybride entre deux bonne 326 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, espèces, si celui-ci est fécond, c'est-à-dire s’il possède du pol- len bien organisé, il faut le féconder par lui-même; en effet, cette fécondation donne naissance à une bien plus grande va- riété de formes, que si l'on fécondait ce même hybride par l’un de ses deux parents, ou par une autre espèce voisine. « Dans la suite de cet article, M. Regel signale et décrit les principales d’entre les formes qui ont pris naissance dans ses expériences de fécondation sur les B. rubrovenia et xanthina (Platycentrum rubrovenium KI.; PI. æanthinum KL). À la première de ces deux espèces, 1l rapporte les formes qu'il nomme pulcherrima, eximia, marmorata, discolor, splendens, picta et argentea; les trois dernières méritent, dit-il, d’être rangées parmi les plus belles plantes de serre chaude et hu- mide, et elles sont nées à la suite de la fécondation de l’hy- bride (B. xanthina-marmorea) par lui-même. Les autres sont aussi plus belles de feuillage que le B. rubrovenia. Il rattache au B:æanthina trois formes, auxquelles 1l donne les noms de maculata, argyroneura et discolor, issues toutes les trois de l'hybride B. xanthina-marmorea, fécondé par le B. æanthina. « Enfin, au Begonia (Platycentrum) rubrovenio-xanthina. M. Regel rapporte les trois formes suivantes : gandavensis _(B. xanthina-gandavensis), marmorata (B. xanthina-marmo- rata), lætevirens, toutes les trois nées à la suite de la féconda- tion du B. rubrovenia par le B. xanthina. » | De nombreux croisements de Begonia ont été faits en 1856 et en 1857 par M. Stange. Nous ne le suivrons pas dans les dé- tails qu'il donne sur les nombreux hybrides qu'il a obtenus, nous constaterons seulement la facilité avec laquelle les espèces de ce genre se marient, et quelques faits particuliers signalés par lui dans cette opération. Ainsi, il a constaté que des hybrides fécondés par leur propre pollen donnaient des fleurs fertiles et des graines qui repro- duisaient en grande partie les formes dont elles provenaient. Le temps donnerait donc de la stabilité à ces hybrides, et en ferait des races et des espèces nouvelles, FAMILLE DES THYMÉLÉES. 327 M. Stange à aussi observé que certaines formes hybrides perdaient dans leur jeunesse des fleurs mâles en boutons, que peu à peu, avec l’âge, ces fleurs résistaient; plus tard, elles s’épanouissaient avec des étamines sans pollen ; plus tard en- core, le pollen était parfait; d’où il concluait avec raison que des hybrides d’abord inféconds peuvent devenir féconds par la suite du temps et du développement. Ce fait vient à l'appui de nos propres observations sur la cause de la stérilité de quel- ques hybrides, lesquels, trop vigoureux, se multiplient par gem- mation au détriment des semences. 9 M. Stange attache avec raison une grande importance aux conditions de lumière, de température et d'humidité. Il a vu des croisements ne pas réussir dans une serre, et s'effectuer facilement, entre les mêmes plantes, dans une autre serre dont la température était différente. On sait aussi qu'il y a des plantes nocturnes, comme les Vanilles et certains Cactus, qu'il faut féconder pendant la nuit. Si l'on arrive à hybrider les Caladium comme ces beaux Be- gonia, nos serres seront remplies bientôt de ces éclatants feuil- lages qui disputent aux fleurs, comme aux oiseaux colorés de la zone torride, les nuances de l'iris ou le feu des pierreries. FAMILLE DES THYMÉLÉES. Genre Daphne. Daphne. Les jolies fleurs tubulées des Daphne ont huit étamines presque dépourvues de filets, et fixées sur deux rangs dans le tube de la corolle, où elles dominent un stigmate capité, qui n'est séparé de l'ovaire que par un style très-court. La fécon- dation n’a lieu qu'après l'épanouissement, et les fleurs restent longtemps ouvertes, car toutes les anthères ne répandent pas leur pollen en même temps. On peut donc enlever ces organes avec les pinces le premier jour de la floraison, et le lendemain imprégner les stigmates au pinceau. Déjà on a obtenu de beaux hybrides dans les Daphne, et avec les belles espèces que l'on 928 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, possède maintenant, on a l'espoir d'augmenter beaucoup les variétés de ce genre. Plusieurs d’entre eux donnent des graines, et si le collina, que l’on regarde comme métis du dauphin et de l’indica, n’en produit pas ordinairement, cela tient peut- être à ce qu'on ne le féconde pas artificiellement. Du reste, le mexereum ou bois-gentil donne partout des fleurs parfaitement conformées, et l’on pourrait utiliser le type à fleurs rouges, la variété à fleurs blanches et aussi la variété à grandes fleurs, récemment obtenue à Effiat, comme porte-graines, que l’on féconderait avec l'indica, le japonica, le lutetiana, le cneorum, le gnidium, etc.; soit en modifiant l'époque de floraison de ceux qui ne concordent pas avec celle du mezereum; soit en conservant le pollen par les procédés que nous avons indiqués. Le gnidium, le eneorum et l'alpina graiment aussi très-facile- ment, comme toutes les espèces indigènes. Le Daphne Delphini est un hybride obtenu par Fion. Genre Gnidie. — Gnidia. On trouve dans les Gnidia, comme dansles Daphne, huit éta- mines disposées sur deux étages et enfermées. dans le tube de la corolle, à la partie supérieure de laquelle les quatre anthères supérieures viennent se montrer. Le style, quoique assez long, ne porte le stigmate qu’au-dessous des étamines supérieures. Il faudrait les enlever pour opérer la fécondation artificielle, et l'on obtiendrait sans doute de beaux hybrides si les Gnidia fructifiaient facilement en serre. L’aurea, le simplex, le pani- folia se croiseraient probablement. Le sericea, l'argentea, le læviyata et l'oppositifolia forment une autre série sur laqueile on pourrait aussi tenter l’hybridation. Genre Pimélée. — Pimelea. Le beau genre des Pimélées est caractérisé par deux éta- mines et un style latéral qui porte un stigmate en tête. Il est toujours facile de féconder artificiellement les différentes es- pèces de Pimélées. Dans quelques-unes les stigmates ne sont FAMILLE DES THYMÉLÉES. Grav, 82, — Pimelea élégant. 930 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. aptes qu'après la floraison des étamines, comme dans le Jini- folia; dans d’autres, les organes se développent en même temps; mais, comme les étamines sont saillantes, au nombre de deux seulement, et que la fécondation n’a lieu qu'après l’é- panouissement, rien de plus simple que de les enlever. Enfin, il y a aussi des Pimélées où les deux anthères viennent affleurer la partie supérieure du tube de la corolle. Ces plantes, originaires de l'Australie, se sont probable- ment déjà croisées sur leur sol natal, et elles ont une grande tendance à s’hybrider dans nos serres, où l’on en trouve d’ad- mirables espèces. Le decussata, qui graine facilement, pour- rait être croisé avec d’autres Pimélées, parmi lesquelles nous citerons, comme très-dignes de l'attention des fleuristes : les spectabilis, l'affinis, l'Hendersonii, rosea, lanata, linifo- lia, ete. M. Benoit Morlet, horticulteur à Clermont, a obtenu une très-belle variété du decussata, qui serait un excellent porte-graine (grav. 82). FAMILLE DES LAURINÉES. Genre Eaurier. — Laurus. Les Lauriers ont de six à douze étamines toujours placées sur deux rangs, et un pistil simple presque toujours séparé dioïquement des étamines. Comme ces plantes sont générale- ment dioiques, on pourrait tenter l'hybridation sans obstacles ; mais de tels essais ne pourraient avoir lieu que dans les pays chauds. C’est déjà beaucoup si, dans nos serres et au moyen de la fécondation artificielle, nous pouvons obtenir des graines de Lauriers fertiles, en les fécondant avec leur propre pollen. FAMILLE DES ARISTOLOCHIÉES. Genre Aristoloche, — Aristolochia. Les Aristoloches forment un des genres les plus curieux du règne végétal. La corolle, généralement très-grande, souvent FAMILLE DES ARISTOLOCIIÉES, 331 recourbée comme une véritable pipe, offre toujours à sa base un renflement ou espèce de chambre presque fermée, dans la- quelle six anthères sessiles sont placées sous un stigmate à six Grav. 85. — Rameau d'Aristoloche fimbriée, de grandeur naturelle. divisions. Il est très-difficile que le pollen des anthères puisse arriver naturellement sur le stigmate, et c'est peut-être pour 352 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. celte raison que la nature, en enfermant ces organes dans une sorte de chambre close, a ménagé à la partie supérieure une petite ouverture quelquefois garnie de poils dirigés en ar- rière, ct qui ne présentant aux insectes aucun obstacle pour entrer, leur en oppose immédiatement pour sortir. C’est peut- être à leurs ébats dans cette prison végétale que la fécondation est due. Dans tous les cas, on peut la pratiquer artificiellement en ouvrant une petite porte avec le camif vers la base de la corolle, et en suppléant avec le pinceau aux ailes et aux brosses dont les insectes sont munis, Je ne crois pas que l’on puisse hybrider les Aristoloches de nos serres ou de nos jardins, mais je pense Grav. 84. — Fleur de l’Aristolochia sipho. a, Étamines gynandres, — p, Ovaire, — €, Stigmates. qu'à moins de mauvaise conformation des stigmates, comme cela est ordinaire dans le sipho, on pourra quelquefois en faire frucufier.. Il y a dans ce genre des plantes extrêmement cu- rieuses; nous citerons seulement : l'A. gigas et le labiosa, qui fleurit si bien dans nos serres. M. Delaire, l'un des premiers horticulteurs qui se soient occupés de la fécondation artificielle, a obtenu un fruit de cette dernière. Nous avons vu souvent des fruits de l'A. sipho, et nous en avons reçu plusieurs fois des graines; mais, malgré le déve- loppement normal des péricarpes et des semences, ces dernières étaient toujours stériles (grav. 84). FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. 533 FAMILLE DES EUPHORBIACÉES. Genre Euphorhe, — Euphorbia. Linné avait considéré les fleurs des Euphorbes comme ayant douze étamines et un ovaire surmonté de trois styles portant chacun un stigmate simple ou bifide. Les botanistes modernes, considérant avec raison que les étamines, le plus ordinairement Grav, 85, — Euphorbe melon, de grandeur le au nombre de douze, sont cependant au nombre variable de dix à trente-six, ont regardé la fleur de Linné comme un assem- blage de fleurs mâles à une étamiie, qui entourent un seul pistil. Il est difficile, avec dix à trente-six étamines qui paraissent suc- cessivement, que le pisul unique reste infécond; c'est en effet Lrès-rare quand les plantes croissent naturellement; mais, dans les plantes cultivées, l'ovaire reste souvent stérile, Cette stérilité tient, il est vrai, quelquefois à l'inégalité du développement des organes. Le pistil sort assez souvent le premier, et les stig- 934 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. males sont flétris quand les fleurs mâles paraissent, ce qui rend la fécondation indirecte, quand elle a lieu. On pourrait donc féconder artificiellement les Euphorbes, afin d’en obtenir des graines, et tenter aussi des hybridations sur ce beau genre, qui est très-naturel, mais qui présente cependant des types parti- culiers et assez différents entre eux par le port et le facies. La fécondation croisée est d'autant plus facile, dans ce genre, que souvent, comme nous venons de le voir, les étamines et le pistil ne se développent pas en même temps. On pourrait tentér l’hybridation entre les espèces à tiges charnues que l'on cultive comme les plantes grasses, et dont les formes sont aussi curieuses et aussi bizarres. Les unes sont épineuses comme les Cactées, les autres sont privées d’épines. (grav. 85). Mais ce sont surtout les espèces à involucre écar- late dont il faudrait tenter de multiplier les variétés. Les E. pulcherrima, cristata, Breoni, Jacquiniflora, lophogona;, splendens, sanguinea, pourraient sans doute s’hybrider, si ce n'est toutes ensemble, du moins quelques-unes. Déjà le pul- cherrima a donné une variété jaunâtre. FAMILLE DES URTICEES. Genre Chanvre. — Cannabis. La place importante que le Chanvre occupe en agriculture nous oblige à en dire ici quelques mots pour engager les culti- vateurs à y chercher des variétés ou à hybrider celles que l'on connait. Les Chanvres d'Angers et de Piémont, qui sont à peine différents par leurs caractères de l'ordinaire, et qui donnent un produit bien plus abondant, pourraient sans doute créer des hybrides. Si l'on observait attentivement les nombreux indivi- dus qui composent les champs de Chanvre, on y trouverait aussi quelques variétés qui, peut-être, se maintiendraient par les semis et formeraient par la suite des races distinctes propres à l'hybridation. Le Chanvre étant dioïque, la seule difficulté de FAMILLE DES URTICÉES. 359 croisement serait dans l'isolement des pieds femelles dont chaque fleur offre deux stigmates. Les fleurs mâles, très- nombreuses, ont chacune cinq étamines dont les anthères, percées à leur extrémité, répandent dans l'air de gros nuages de pollen très-fin. On trouve aussi quelquefois des fleurs mâles dispersées sur les pieds femelles, et plusieurs expériences po- silives ont démontré que les ovaires peuvent se transformer en graines fertiles sans fécondation. Genre Houblon. — {umulus. Ce que nous venons de dire du Chanvre peut également s'appliquer au Houblon. On a l'habitude de propager cette plante par ses nombreux rejets, et je ne sache pas que l’on ait essayé par les semis à obtenir des variétés nouvelles. Les graines avortent même assez souvent, ce qui n'aurait pas lieu si on imprégnait les ovaires au pinceau. Il y aurait peut-être avantage à essayer les croisements entre les Houblons d'Europe et ceux d'Amérique, car cette plante, originaire de ces deux contrées, est également cultivée dans les deux hémisphères. L'isolement serait difficile, et le pollen du Houblon est peut-être encore plus fin que celui du Chanvre. Genre Mürier. — Morus. Les fleurs des Müriers naissent en petits chatons qui sont unisexuels. On peut donc retrancher les chatons mâles à me- sure qu'ils paraissent, et imprégner les fleurs femelles dont les ovaires sont surmontés de deux stigmates. [Il est essentiel d'opé- rer la castration avec beaucoup de soin, et de bien isoler les sujets qui doivent servir de porte-graines, car les quatre éta- mines des fleurs mâles se détendent tout à coup à l’épanouisse- ment comme celles des Orties, et répandent en même temps un pollen très-fin et très-abondant. Il y a dans les Müriers deux races dont on doit chercher à multiplier et améliorer les variétés : celle du Mürier noir, que 930 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. l'on considère comme arbre fruitier, et celle du Mürier blanc, destinée à l'éducation des vers à soie. Le Mürier noir a déjà produit une variété à gros fruit que l’on pourrait essayer de féconder avec d'autres espèces, sans avoir peut-être beaucoup de chance d'obtenir mieux. Les Müriers blancs, beaucoup plus répandus et ayant une grande importance agricole, ont été l’objet d'assez nombreuses recherches; le multicaule, le Morelti à larges feuilles, le rose d'Italie, sont déjà cultivés sur presque tous les points de la France, et permettent d'espérer par les croisements de nom- breuses et nouvelles variétés. Un jardin - appartenant au gouvernement, et spécialement destiné à l'hybridation des plantes utiles à l’agriculture, serait certainement un des établissements qui contribueraient le plus à l'avancement de cette science. Genre Figuier: — Ficus. Les Figuiers forment un genre très-nombreux qui comprend plus de cent espèces toutes exotiques, à l'exception de l'espèce cultivée et que l'on rencontre sauvage dans le midi de la France. Peut-être existe-t-il déjà des hybrides créés par les insectes dans la longue série d'espèces qui appartiennent à ce genre; mais, comme ils fructifient très-rarement dans nos serres, où l'on n’en cultive, du reste, qu'un très-petit nombre, nous ne nous occuperons que du Figuier ordinaire, considéré comme un des meilleurs fruits qui existent. Nous pensons que l’on pourrait croiser ses différents types et ses nombreuses variétés, et nous recommandons ces essais aux horticulteurs du Midi, les sculs qui puissent espérer quelques succès dans cette opération, Nous devons dire cependant que le nombre des variétés de Figuiers qui naissent seules dans les régions méridionales est très-considérable. Ce sont peut-être de simples variations ou des hybrides produits par les Cynips, mais on trouve, au milieu de ces produits du hasard, des variétés très-méritantes. Il est assez difficile de saisir l’époque de la floraison de nos FAMILLE DES URTICÉES. 531 Figuiers, car leurs fleurs, très-nombreuses, restent enfermées dans leur réceptacle charnu et tapissent tout l'intérieur de sa cavité. Il faut, quand la figue a acquis une grosseur moyenne, en ouvrir une de temps en temps jusqu'à ce que l’on s’aperçoive que les fleurs sont développées et que les anthères sont sur le point de répandre leur pollen. On observe alors que les fleurs sont unisexuées ; les femelles, ayant chacune un ovaire, un style latéral et deux stigmates, occupent la base et souvent aussi les côtés de la figue; les mâles, avec leurs trois étamines, sont fixées au sommet et renversées de telle manière que leurs anthères pendent sur les fleurs femelles, et les féconderaient nécessaire- ment, si les étamines avaient toujours du pollen et si les pistils étaient toujours bien conformés. c I semble nécessaire, pour que la fécondation puisse s'opérer, que le réceptacle soit ouvert à sa partie supérieure: C'est du moins ce qui à lieu naturellement dans les Figuiers sauvages. Risso, qui s'est occupé de la plupart des productions de la Provence, n’a pas oublié le Figuier, dont il a publié l'histoire uaturelle. Il partage l'espèce principale en trois sous-types : le premier contient le CGaprifiquier proprement dit, le Caprifiguier sauvage et celui des bois; le second sous-type est aussi formé de trois sous-espèces, le Figuier du Levant, celui du Midi et ce- lui du Ponent; le troisième comprend le Figuier à fruit cultivé, celui à fruit agréable et l'esculent. H divise chacune de ces neuf sous-espèces en trois variétés, ce qui fait vingt-sept, et chacune d’elles en plusieurs sous-variétés. Il parvient ainsi à classer tous les Figuiers qui pullulent dans le Midi. C’est dans le premier sous-type que se trouvent les fruits secs de ces arbres sauvages qui fructifient toujours et naturellement, et dont les étamines sortent mème quelquefois par l'ouverture qui est au sommet du réceptacle. C'est dans ces mêmes figues que naissent les cynips, petits insectes ailés, qui, par leurs mouvements dans l'intérieur des figues, favorisent la dissémi- nation du pollen qui ne peut manquer de féconder les pistils. Le second sous-type offre des fruits qui sont encore un peu 99 228 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. ouverts au sommet et dont les organes peuvent encore se fécon- der. Si la fécondation n’a pas toujours lieu naturellement, on l'opère par la caprification, qui consiste à apporter sur ces arbres les cynips que l’on va chercher sur les Caprifiguiers. Voici comment on procède à cette curieuse opération. Dans les mois de juin et de juillet, quand les vers, qui ont été en- gendrés dans les figues sauvages, sont prêts à subir leur méta- morphose et à se changer en moucherons, les paysans cueillent ces fruits et les portent enfilés dans des brochettes sur les Figuiers domestiques, qui sont alors en floraison. Les mouche- rons qui sortent des figues sauvages ainsi transportées entrent dans les figues domestiques, y portent la poussière fécondante dont ils se sont chargés en passant à travers les étamines des Caprifiguiers et la font pénétrer jusqu'au centre du fruit, où ils vont déposer leurs œufs. L'entrée des moucherons produit donc un double effet, celui de porter dans la figue domestique le pollen provenant des figues sauvages, et de causer, dans le premier fruit, par leur, présence et celle des œufs qu'ils déposent, une sorte d'irritation qui y appelle les sucs et occasionne un grossissement en quel- que sorte maladif. Les graines sont fertiles. Les figues du troisième sous-type sont celles que nous culti- vons dans nos jardins. Elles ne s'ouvrent pas ou tout au plus à leur maturité; les fleurs mâles sont généralement avortées ou les étamines manquent de pollen; de sorte que leurs graines sont presque toujours infécondes. Ce sont cependant ces derniers Figuiers qu'il faudrait choisir comme pieds mères pour les eroi- sements que l'on voudrait tenter, et il faudrait prendre le pollen sur les figues de la seconde section, plutôt que sur les Capri- figuiers. Quant à la manière de l’appliquer, je suppose que l’on pourrait, sans inconvénient, ouvrir l'œil des figues porte-graines pour appliquer au pinceau la poussière fécondante. J'ignore si des cynips recueillis sur des fruits du second sous-type pourraient agir sur ces figues entièrement fermées et y porter le pollen sur leurs ailes. J'ignore aussi si la floraison de ces divers Figuiers FAMILLE DES JUGLANDÉES. 339 est-concordante, et, par conséquent, si l'on pourrait opérer avec facilité. Ce sont autant de questions qu'il faudrait étudier en Provence, et je ne doute pas qu'un horticulteur instruit, qui voudrait s'occuper sérieusement de l'hybridation du Figuier dans cette partie de la France, n'arrive à multiplier indéfini- ment les variétés et à en obtenir de supérieures encore à celles que nous connaissons. FAMILLE DES PROTÉACÉES. Genre Banksie. — Banksiu. Un très-grand nombre de Banksia sont maintenant cultivés dans nos serres tempérées, où ils fleurissent assez facilement et où ils grainent même quelquefois. Leurs quatre étamines peu- vent être enlevées au moment de l'épanouissement, et le pin- ceau peut ensuite porter le pollen sur l'extrémité du style renflé en stigmate et imprégné déjà de liqueur miellée sur laquelle le pollen adhère facilement. On à maintenant assez de Banksia pour espérer des hybrides, dont plusieurs semblent même exister; et, si l'on ne pouvait en obtenir, la fécondation arti- ficielle servirait au moins à faire fructifier ces plantes, dont le prix est assez élevé et dont les graines, par conséquent, ont toujours une grande valeur. FAMILLE DES JUGLANDÉES. Genre Noyer, — J/uglans. Les grands arbres qui composent ce vaste et beau genre sont déjà assez répandus dans nos jardins, où plusieurs fructifient; mais il en est une espèce, la seule probablement européenne, que l’on rencontre partout et que l'on cultive pour ses fruits. Les fleurs de tous les Noyers sont monoïques; les mâles, en 540 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. longs chatons simples ou rameux, ont de douze à vingt-quatre étamines ct répandent en abondancé un pollen couleur de soufre. Les femelles, placées à l'extrémité des rameaux, ont deux stigmates sous la forme de petites crêtes épaisses et sou- vent glutineuses, sur lesquelles le pollen reste longtemps ad- hérent. AA Le Juglans regia, ou Noyer ordinaire, a déjà produit plu- sieurs variétés, dont les unes sont précoces et d'autres très- tardives, avec tous les intermédiaires possibles; d’autres ont un fruit très-gros. On en trouve à coques dures et à coques tendres, à fruits ronds, anguleux ou allongés. Il serait facile d'hybrider ces diverses variétés, d'obtenir des nouveautés et trèsprobablement des races meilleures. On n'a encore rien tenté sur le Noyer, dont les fruits sont peu perfectionnés, et on réussirait certainement à croiser les bons Noyers ordinaires avec celui à gros fruit ou avec la variété précoce récemment obtenue. Enfin, on pourrait combiner leur précocité de manière à avoir des races que les gelées printanières ne pourraient surprendre, On pourrait aussi croiser ensemble les Noyers de l'Amérique du Nord, comme arbres forestiers, ou au moins tenter les croisements entre les cspèces de la section des carya, qui con- tient des arbres superbes et qui ont entre cux de grands rap- ports. L'isolement des branches sur lesquelles on pratiquerait la fécondation artificielle serait la seule difficulté sérieuse dans cette opération. Il faudrait placer une branche sous cloche, ou l'entourer pendant quelque temps d'un tissu imperméable à Pair. Le Juglans hickory ou alba, si estimé des Américains pour le charronnage, le cinerea, dont la végétation active laisse bien loin celle de la plupart de nos arbres, le porcina, le nigra, l'amara, qui tous se développent si bien sous notre climat, pourraient peut-être aussi se croiser entre eux ou avec le regiu ou Noyer ordinaire. Il existe, dans les pépinières de Versailles, suivant M. Camu- FAMILLE DES JUGLANDÉES. 341 sel, un nouveau Noyer, hybride du N. commun et du N. noir, qui se reproduit exactement par ses fruits. Le J. cinerea fructifie à cinq à six ans; mais il faut se rap- peler que ses noix tombent avant leur maturité, pleines d'une matière glaireuse, et que, selon l'observation de M. Camuset, K; 8€ “) Lex AS ee CEESUS Grav. 86. — Branche de noyer offrant des fleurs mâles et des fleurs femelles. il faut les mettre en tas et qu'elles germent de même que si elles étaient müres. Elles acquièrent toute leur maturité sous terre en hiver. Duhamel, cité par Camuset, annonce la même chose pour les noix ordinaires (grav. 86). 342 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. FAMILLE DES AMENTACÉES. Genre Orme. — Ulmus. s Les Ormes sont hermaphrodites et leurs fleurs ont trois à six étamines et un ovaire aplati, surmonté de deux petits stig- mates. On rencontre bien aussi quelques fleurs mâles mêlées aux autres; et, comme les anthères répandent très-facilement leur pollen, la fécondation est toujours assurée, quoique assez souvent indirecte. On pourrait cependant enlever les étamines dès l'épanouissement et féconder le pistil au pinceau, en pre- nant toutes les précautions nécessaires pour isoler le peu de fleurs qu'il faudrait conserver à chaque bouquet. Les espèces ou plutôt les variétés indigènes sont nom- breuses; les campestris, suberosa, montana, glabra, modio- lina, effusa se croiseraient très-certainement, et parmi les es- pèces exotiques, les fulva, alata, americana, nemoralis, integri- folia et peut-être même les macrophylla et pumila de Sibérie pourraient aussi s’hybrider. L'Orme est un bois si utile dans le charronnage:et les constructions, que l’on devrait chercher des variétés nouvelles qui pourraient offrir quelque supériorité sur celles qui sont connues. Comme nous avons eu occasion de le faire remarquer plusieurs fois, l'hybridation des arbres fores- tiers devrait présenter de très-grands avantages; mais, comme les résultats seraient éloignés et qu’il ne résulterait aucun profit direct pour celui qui les obtiendrait, il serait à désirer que le gouvernement établit, pour ce genre de recherches, un jardin de botanique, dirigé par un homme habile et consciencieux. Genre Planère, — Planera. Très-voisin de l'Orme, ce genre en diffère par ses fleurs po- lygames et la forme de ses fruits. Aussi n'est-il pas probable que l'on puisse obtenir des croisements entre les deux genres. Et, comme le Planera ne contient que deux espèces, l'aquatica FAMILLE DES AMENTACÉES. 945 et le crenata, 11 y a peu de chances d'hybridation entre elles. Mais peut-être en trouvera-t-on d’autres, et, ce que nous ve- nons de dire de la nécessité d'augmenter le nombre des espèces forestières s'applique également au Planera. La fécondation artificielle serait plus facile que dans l'Orme; il suffirait de veiller à l'épanouissement et d'enlever complétement les fleurs mâles et celles qui sont hermaphrodites. Genre Bouleau. — Betule. Les fleurs des Bouleaux sont monoïques; les mâles forment de longs chatons pendant à l'extrémité des rameaux, et les femelles de petits cônes dressés, qui, par la position inclinée des branches du Bouleau, se trouvent ainsi placées au-dessus des mâles et ne peuvent être fécondées que par celles des ra- meaux supérieurs. La fécondation artificielle peut donc s’opé- rer comme sur toutes les plantes monoïques, en prenant les précautions convenables d'isolement. On connait maintenant. un assez grand nombre de Bouleaux, et ils se ressemblent assez pour qu'on puisse espérer l'hybridation. L'aspect particulier de ces arbres et le rôle qu'ils jouent dans les pares et les jardins paysagers sont des motifs suffisants pour chercher à augmenter leurs variétés. è Outre le Betula alba et les autres espèces européennes, comme le viridis, qui fait le passage aux Aunes, le pubescens, le laciniata, y a encore les espèces américaines, telles que le lenta, le nigra, le papyracea, le macrophylla, ete. | Genre Saule. —: Salix. Les Saules sont de très-beaux arbres dont on ne tire pas un assez grand parti dans les jardins paysagers. Presque tous sont dioïques, et il semble que cet éloignement des deux sexes ait favorisé le croisement des espèces ; car, si le genre est distinct et bien séparé des autres Amentacées, les espèces passent telle- ment de l'une à l'autre que l'on ne peut guère distinguer que 544 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. des groupes bien nets et bien tranchés, et dont les différentes espèces ne sont, pour ainsi dire, que des variétés. L'hybridation ne peut offrir aucune difficulté, puisque les sexes sont séparés dans presque tous. Il y a à peine quelques exceptions où l’on trouve des fleurs hermaphrodites ou quel- ques fleurs mâles mélangées aux chatons femelles. L'isolement se présente parfois tout naturellement, car pendant longtemps. on n’a connu que des individus femelles du Salix babylonica ou Saule pleureur. Il semblerait que ce Saule est quelquefois hybridé par d’autres, car M. Jacques qui, une fois, a obtenu et semé des grames, n’a pas eu un seul babylonica. M. Poulamn- Hecquet, pharmacien à Abbeville, a aussi envoyé à la So- ciété royale d’horticulture de Paris un paquet de ces mêmes graines, qu'il suppose aussi hybridées naturellement. Une es- pèce dédiée à M. Seringe, sous le nom de Seringeana, a été trouvée en Suisse, sur les bords de la Kandel, près du lac de Thoun et aux environs de Vevay. Dans la première localité, on n’a rencontré que des femelles, et dans la seconde, des indivi- dus mâles seulement. Ainsi on obtiendrait assez facilement des hybrides; car, dans ces plantes, le pollen n'est pas aussi fin que dans les autres genres dioïques ; il est moins pulvérulent ; il reste longtemps adhérent aux étamines; et, comme j'ai re- marqué très-souvent des graines stériles sur plusieurs chatons femelles, je ne serais pas éloigné de croire que la fécondation n’a lieu que par l'intermédiaire des insectes, toujours très-nom- breux sur ces sortes de fleurs. Une simple gaze, placée sur la fleur femelle, suffirait alors pour éloigner ces messagers ailés. On cultive déjà de très-belles espèces de Saules. Indépen- damment des indigènes, qui sont très-nombreux, on a mainte- nant des saules exotiques, tels-que le babylonica, qui est pres- que indigène, le japonica, le tetrasperma, le nigra, le para- doxa, le coluteoides, le Humboltiana, etc. ‘ Il y aurait aussi des croisements à tenter sur la section si utile des Osiers ou Viminea, mais ceux qui précisément sont le plus employés pour la vannerie fleurissent très-rarement; et, FAMILLE DES AMENTACÉES. 345 pour mon comple, je ne connais pas les chatons de l'Osier Jaune. _ Genre Peuplier. — Populus. Les Peupliers sont, comme les Saules, des arbres dioïques, dont les fleurs mâles ont de huit à trente étamines et dont les femelles ont un ovaire terminé par deux à huit stigmates. Plu- sieurs de leurs espèces sont assez voisines pour qu'on puisse supposer qu'elles se croiseraient; mais il en est qui n’ont ja- mais donné que des fleurs mäles, et d’autres ne fructifient pas sous notre climat, peut-être parce qu'ils ne sont pas assez vieux, ou que, dans la plupart des jardins, ils ne rencontrent pas toutes les circonstances favorables. Ils forment évidemment plusieurs groupes naturels, tels que les Trembles, les Peu- pliers proprement dits, les Leuce, comme l'elba et le cinera- scens. Leur dioëcie rendrait les opérations du croisement aussi faciles que pour les Saules. Genre Hètre. — Faqus. Ce genre est monoïque; les fleurs mâles sont des capitules arrondis, dont les étamines, au nombre de huit à neuf pour chaque fleur, sont pendantes quand les anthères vont s'ouvrir. Les femelles, placées aux aisselles supérieures, ont deux ovaires terminés chacun par trois styles à trois stigmates. On rencontre dans le Hêtre commun des pieds dont les graines avortent tou- jours, mais dans la plupart elles sont fertiles. Ce Hêtre offre . lui-même plusieurs variétés, comme le pourpre, le cuivré, le lacinié ei les panachés, qui s'hybrideraient facilement, mais qui ne fleurissent presque jamais. Il est à regretter aussi que les Hètres que l’on rencontre dans les parties froides des deux Amériques et qui se présentent, comme le nôtre, avec un si beau port, soient à peine cultivés dans nos pares, et par con- séquent presque imconnus en fleurs. 946 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Genre Châtaignier.— Castanea. Les fleurs sont monoïques ; les mâles, en longs épis, portent des étamines dont le nombre est indéterminé; les femelles sont munies d’un ovaire qui présente ordinairement six styles qui correspondent à un même nombre de loges. Les stigmates, à peine visibles, terminent les styles. Le Châtaignier est à la fois arbre forestier et fruitier. Sous ce dernier rapport, il a donné un certain nombre de variétés à plus gros fruits, tels que le marron de Lyon, de Lucques, de Lu- zignan, le gros noir, ete., dont les fruits sont plus gros et plus savoureux, et dont les marrons sont souvent solitaires dans le brou. C'est en partie à l'avortement des loges et des ovules et au développement d’un seul d’entre eux qu’est due la supé- riorité de ces marrons. Il faut pour cela que sur les six stig- mates le premier imprégné fasse de suite développer l'ovule qui prend la place de tous les autres, en sorte que si l'on pra- tiquait la fécondation artificielle ou l'hybridation sur des Chä- taigniers, il serait peut-être convenable de poser le pollen sur un seul stigmate, ou, pour plus de sûreté, de couper les autres. On n'aurait alors, toujours et nécessairement, qu'une seule graine par fruit, et, comme elle ne serait gênée à aucun âge de son accroissement, elle produirait sans doute des sujets plus vigoureux. | Sous le rapport forestier, nous devons nous contenter du Châtaignier ordinaire, qui l'emporte peut-être sur le chêne par les qualités de son bois, que l'on pourrait encore améliorer par des croisements, si on parvenait à introduire et à faire fructifier dans nos jardins les divers Châtaigniers d'Amérique, dont nous connaissons déjà l’americana, mais surtout les belles et nombreuses espèces de l'ile de Java. Genre Chêne. — Quercus. Le chêne est aussi monoïque, comme la plupart des Amen- tacées, Les fleurs mâles, en longs chatons pendants, ont de FAMILLE DES AMENTACÉES. 347 cinq à dix étamines, et les femelles offrent un ovaire à trois loges qui renferment chacune deux ovules. Ici, comme dans le Châtaignier, il y a avortement dans les ovules après la fé- condation, mais plus complétement, car un seul se développe et produit un gland. Les Chènes, dont les nombreuses espèces sont répandues dans presque toutes les contrées de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique, sont de tous les arbres ceux qui ont le plus d'im- portance comme bois de construction et de chauffage. Ils se sont probablement hybridés naturellement, et il serait difficile qu'il en fût autrement, puisque plusieurs d’entre eux semblent formés sur un même type, et sont plutôt des variétés distinctes que des espèces séparées. ; Ceux qui nous intéressent le plus habitent nos forêts, où l'on distingue, parmi ceux qui perdent leurs feuilles, le racemosa, le sessiliflora et leurs intermédiaires, les fastigiata, apen- nina, pubescens, ete. C'est près d'eux que viennent se ranger presque tous ces beaux arbres de l'Amérique du Nord, tels que les rubra, alba, tinctoria, nigra, aquatica, prinos, castanea, bicolor, macrophylla, etc., dont quelques-uns sont déjà eulti- vés dans nos parcs et nos jardins. C’est la section la plus re- marquable du genre, celle dont il conviendrait le plus de eul- tiver les espèces, pour tâcher ensuite d’hybrider et d'augmen- ter nos races forestières. Le cerris, le pseudosuber, l'olivæformis, le toza sont aussi de fort belles espèces. Les Chênes verts sont tous plus méridionaux que les autres. On y remarque de belles espèces indigènes, telles que les bal- lota, coccifera, ilex, suber, et une foule d'arbres étrangers, parmi lesquels nous citerons seulement les maritima, rigida, virens, hemisphærica, cinerea, myrtifolia, ete. Une école forestière, qui réunirait nos Chênes d'Europe avec ceux de l'Amérique, des Indes, du Japon, qui cultiverait au moins ceux qui peuvent réussir sous notre climat et qui ob- tiendrait ainsi des sujets destinés dans leur âge adulte aux 348 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. essais d'hybridation, serait certainement un établissement utiele t qui mériterait d’être institué (grav. 87). Grav. 87. — Quercus glabra. Genre Noisetier. -- Corylus. Les Noisetiers ou Coudriers forment maintenant sept à huit, espèces distinetek, dont les deux principales, toutes deux mndi- FAMILLE DES CONIFÈRES. 349 gènes, les GC. avellana et tubulosa, sont considérés comme ar- bres fruiiers et ont déjà produit un certain nombre de va- riétés. On y remarque les avelines rouge et blanche, la grosse noi- selle d'Angleterre, les Noisetiers pourpres d'Alger, à feuilles lacinicées. Dès le mois de février on aperçoit les fleurs mâles suspen- dues en longs chatons, qui laissent échapper une grande quan- tité de pollen de leurs anthères uniloculaires, et les fleurs fe- melles qui sortent des bourgeons sous forme de petites houppes : carminées. Chaque ovaire est surmonté de deux de ces petits stigmates qui correspondent à deux ovules dont un avorte le plus ordinairement. Quoique déjà on ait de belles espèces de noisettes, je suis persuadé que ce fruit peut être encore amé- lioré par des hybridations d'autant plus faciles, que l'on peut isoler un Noisetier, et enlever toutes ses fleurs mâles deux mois avant le développement des fleurs femelles, ce que l’on pourrait également faire pour le Noyer et pour plusieurs autres Amen- tacées dont les chatons mâles deviennent visibles très-longtemps avant leur développement. FAMILLE DES CONIFÈRES. Genre If. — Taxus. On cultive l'If commun et sa variété à feuilles panachées, celui du Canada et le pyramidal ; les autres sont des raretés à peine introduites dans nos cultures. Les fleurs, monoïques ou dioi ues, sont à huit à dix étamines monadelphes pour les mâles, et les femelles sont très-remarquables par un stigmate concave qui s'enfonce au sommet de l'ovaire, Il faut attendre, pour opérer la fécondation, qu'une petite goutte de liqueur miellée paraisse au sommet de l'ovaire; on pose alors le pollen sur ce liquide. Selon toute apparence, le baccata et le cana- densis s'hybrideraient, et il est probable que l'on parviendrait 390 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. aussi à croiser avec les nôtres les 1fs de la Chine et du Japon, tels que les macrophylla, nucifera, latifolia, verticillata, ete, si l’on arrive à les faire fleurir dans nos jardins, quige ils au- ront acquis des dimensions suffisantes. Genre Genévrier. -- Juniperus. Ces arbres sont presque tous dioïques et par conséquent fa- ciles à hybrider. Les fleurs femelles, réunies en petit nombre, sont protégées par leurs écailles et portent un très-pelit stig- mate sessile sur l'ovaire. Les mâles ont quatre à huit étamines presque sessiles sur leurs écailles. Les graines restent long- temps à mürir. On cultive quelques Genévriers dans les jardins, tels sont l'excelsa, le virginiana, roisin des Cèdres, le lycia, le prostrata, Vhispanica, le glauca, le phœnicea, le sabina, l'oxycedrus, etc., qui peut-être pourraient être croisés. Je ne sache pas qu'aucune tentative ait été faite à cet égard. | Genre Thuya. — Thuy«. Ces arbres verts sont monoïques; les fleurs femelles, offrant deux ovaires et deux stigmates, sont placées au sommet des ra- meaux ; au-dessous se trouvent les mäles, composées chacune d’une seule écaille et de quatre anthères. La floraison a pres- que toujours lieu en hiver ou dès le commencement du prin- temps. Indépendamment de l’orientalis et de l’occidentalis, de- puis longtemps cultivés, on trouve encore le pyramidalis, le nepalensis , l'articulata, qui fructifie à Hyères, le tartarica, l'australis, le cupressoides et quelques autres que l'on com- mence à introduire dans nos parcs ou dans nos serres. Les cror- sements auraient lieu sans doute sur quelques-uns, en ayant soin d'en isoler complétement les fleurs femelles. Genre Cyprès. — Cupressus. A Les Cyprès étant monoïques comme les Thuya, ce que nous venons de dire de ces derniers s'applique nécessairement FAMILLE DES CONIFÈRES. 5o1 à ceux-ci. On en cullive maintenant d'assez belles espèces; le sempervirens, qui fructifie si abondamment dans Je midi de la France, pourrait servir de pied mère pour tenter des féconda- lions croisées avec le thuyoides ou le torulosa, le sinensis, celui du Népaul, V'horizontal et plusieurs autres très-petits dans nos jardins, et dont la floraison se fera encore beaucoup attendre. Genre Pin. — Pinus. Genre nombreux qui ne renferme que des arbres à fleurs monoïques, dont les femelles, réunies en cône, sont placées au sommet des rameaux et formées de deux petits ovaires à stig- mates glanduleux. Les mäles, rassemblées en une foule de pe- lits chatons, sont situées au-dessous des femelles et offrent chacune une écaille qui porte deux anthères uniloculaires. La dernière fleur, c'est-à-dire la plus élevée, est ordinairement femelle et par conséquent la fécondation est indirecte. C’est le pollen de la branche supérieure qui doit féconder la fleur fe. melle de la branche située au-dessous. I serait à désirer que l’on tentät sur les Pins, qui sont à la fois arbres d'ornement et arbres forestiers d'un haut intérêt, des essais d’hybridation, dans le but d'augmenter encore leur nombre et d'obtenir de nouvelles qualités de bois. Les pieds mères ne manqueraient pas, car un grand nombre de Pins sont indigènes. Les sylvestris, rubra, maritima, laricio, cembro, et, parmi les exotiques, le strobus ou Pin du lord, le mugho, le ca- nariensis pourraient non-seulement être croisés entre eux, mais encore et surtout avec les belles espèces d'Amérique et d'Asie nouvellement introduites, quand elles seront assez déve- loppées pour donner leurs fleurs dans nos climats. C'est un genre extrêmement important et qui mériterait, comme le Chêne, le Sapin, le Châtaignier, le Noyer, de former des écoles particulières destinées à l'étude, à la multiplication et à la création des espèces forestières, Ê FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. O1 (1. © Genre Sapin. — Abies. On peut appliquer au Sapin ce que nous venons de dire du Pin, dont le genre ne diffère que par la position solitaire des chatons, par l'isolement des cônes femelles et par les feuilles insérées une à une, et non plusieurs ensemble, dans une gaine, comme dans les Pins. Les cônes dressés ou inclinés semblent partager les Sapins en deux grandes divisions qui, chacune, sont représentées par une espèce europénne. Le pectinala ou piceu a les cènes droits et pourrait être fécondé par le balsamea et plusieurs autres espèces qui se rapprochent de ses caractères. On pourrait ten- ter sur notre À. excelsa, qui a les cônes renversés, des croise- ments avec l’alba, le nigra, lorientalis, le canadensis, etc., qui les ont également pendants, Toutefois, je dois dire que Je ne connais aucun hybride bien caractérisé dans les arbres verts. Genre Mélèze. — Larix. Les fleurs mâles ont deux anthères comme les Pins, et les fleurs femelles, disposées en cône à écailles rouges, ont deux ovaires et” deux stigmates perforés. Les L. europæa et ameri- cana sont les deux seules espèces qui fleurissent dans nos Jar- dins, et ils se ressemblent tellement qu'il est bien probable que l’hybridation aurait lieu entre eux. Ce serait un essai facile, car les Mélèzes fleurissent jeunes, et l'isolement des fleurs fe- melles n’offrirait aucune difficulté. FAMILLE DES ORCHIDÉES. 355 CHAPITRE VIII PLANTES MONOCOTYLÉDONES. FAMILLE DES ORCHIDÉES. Le nombre des Orchidées s’accroit tous les jours dans une si forte proportion, depuis que l'on recherche avec empresse- ment ces admirables végétaux, que l’on ne sait réellement pas à quel chiffre pourront s'élever un jour les membres de cette famille. Toutes les contrées chaudes du globe ont été mises à contribution, et notre zone tempérée nourrit aussi quelques Orchidécs, moins éclatantes, il est vrai, que celles qui végètent sous le ciel brülant de la zone torride, mais bien remarquables aussi par leur fraicheur et leur inimitable coloris. A l'exception de ces dernières, c'est-à-dire des espèces indigènes, les Orchi- dées frucüfient rarement dans nos cultures, et jusqu’à présent on s’est peu occupé de faire germer leurs graines; on en a ce- pendant reconnu la possibilité, mais on a remarqué aussi qu’un grand nombre d’entre elles paraissaient stériles. Il est bien pro- bable que cette stérilité des graines que j'ai observée moi-même sur des Orchidées indigènes ne tient pas aux causes auxquelles on l’attribue généralement, mais simplement au manque de fé- condation ; car M. Scheidweiler a vu dans les serres de Lacken, en Belgique, un Neottia picta, et deux autres espèces qui lui sont encore inconnues, en pleine fructificaion. M. Neumann 354 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. cite le Neottia elata comme croissant partout dans les serres du Muséum, et il dit aussi avoir obtenu des graines fertiles du Calanthe veratrifolia, dont il avait artificiellement fécondé les fleurs. Souvent on voit germer des Orchidées dans la terre qui entoure les plantes que l’on reçoit du Mexique ou du Brésil. Je ne doute pas que l’on n'arrive par la fécondation artificielle à faire fructifier un assez grand nombre d'espèces de cette belle famille, et si l'on parvient à les élever de graines, l'hybridation produira, dans ce groupe, plus de merveilles encore qu’elle n’en a opéré dans les Roses, les Pelargonium, les Dahlia, etc. Nous regrettons de ne pouvoir consacrer un article spécial à chaque genre de cette belle série végétale, dont la culture, quoique faisant tous les Jours des progrès, n'est pas encore assez avancée pour espérer un grand nombre d'hybrides. Ce ne sont pas des variétés que l’on cultive dans les Orchidées, mais des espèces souvent distinctes, qui peut-être se croiseraient aussi facilement que les Cactées et plusieurs autres plantes, mais qui, dans la nature, ont bien peu de chances pour s’hybrider. I arrive même assez souvent aux Orchidées indigènes d’être in- fertiles, parce qu’elles ne sont pas fécondées. La disposition toute particulière de leurs organes, la consistance singulière de leur pollen qui presque jamais n’est pulvérulent, sont des causes qui s'opposent à la fécondation naturelle, mais qui faciliteraient au contraire l'hybridation, si l’on parvenaitun jour à faire fruc- üfier les belles Orchidées qui ornent nos serres chaudes et à reproduire ces plantes par leurs graines. Si, pour le moment, on ne doit pas chercher les hybrides, on doit au moins tenter, par tous les moyens possibles, la fé- condation artificielle avec le propre pollen de chaque espèce; des essais de ce genre, dus à Ch. Morren, à Neumann et à quel- ques horticulteurs anglais, ont parfaitement réussi et promet- tent des succès dans cette opération. C’est pour cela que nous allons donner des indications générales au moyen desquelles pour ra toujours tenter la fécondation sur les Orchidées. L'ovaire, placé sous le périgone, porte à sa partie supérieure FAMILLE DES ORCHIDÉES. 999 el au milieu des enveloppes florales une colonne diversement colorée qui est formée du style, du stigmate, du filet et des an- thères, dont les positions relatives sont ensuite très-variables. Le style semble souvent de même nature que le périgone, et l'on voit tantôt à sa base, tantôt à son: sommet, plus souvent sur un de ses côtés, une espèce de fossette, ou une petite plaque, plus rarement un tubercule, généralement imprégné d'une humeur visqueuse très-tenace, et qui est le stigmate, Ce dernier est souvent enclavé dans de petits appendices de la co- lonne qui s'avancent plus ou moms et isolent, pour ainsi dire, cet organe. On voit aussi la colonne se courber, se renverser, emportant ainsi le stigmate, qui d’autres fois est caché dans un grand pétale creux nommé labelle ou sabot. C'est au point que, malgré des connaissances botaniques, on ne voit pas toujours distinetement où se trouve le stigmate, si déjà on n'a pas l'ha- bitude de l’organisation des Orchidées exotiques, qui diffèrent aussi entre elles. | Les organes mâles sont presque toujours réduits à une seule étamine, dont l’anthère, il est vrai, se partage ordinairement en deux ou quatre parties, ou bien il ; a deux anthères fertiles, et jamais plus. Les filets qui les soutiennent sont généralement soudés à la colonne qui porte le stigmate, et les masses polli- niques sont placées au sommet de la colonne ou sur ses côtés, quelquefois rapprochées du stigmate, et d'autrefois séparées de lui par des appendices qui rendent la fécondation naturelle presque impossible. On ne peut supposer, comme dans les autres plantes, que le pollen, dévié par le vent ou emporté par les insectes, peut venir, malgré ces obstacles, tomber sur le stigmate, car cet état pul- . vérulent est presque inconnu dans la famille qui nous occupe. Tantôt ce pollen est céreux, ressemblant à du véritable céru- men, tantôt 1l est élastique où du moins fixé à un corps qui l'est tellement que la masse pollinique peut être étirée comme du caoutchouc. Enfin, il est rare dans ces plantes que le pollen puisse se 906 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. diviser en granules; quand il tombe sur le stigmate, c’est la masse entière ou une partie de cette masse qui est naturelle- ment divisée en plusieurs parties. J'ai vu plusieurs fois, dans Grav. 88. — Exemple d'Orchidée. — Cattleya de Triana. les Orchis indigènes, les petites agglomérations de pollen se renverser entièrement et tomber sur le stigmate où elles adhé- FAMILLE DES ORCHIDÉES. 357 raient avec force. Les fleurs se maintiennent longtemps épa- nouies, et ce n'est qu'au moment où elles vont se Alétrir que les masses polliniques se détachent et atteignent l'organe fe- meile, aidées alors par le contournement des parties du périgone. Il résulte de ces singulières dispositions que l'on peut tou- jours facilement détacher les masses polliniques avec une pe- tite pince et les poser tout entières sur le stigmate, ou enlever le pollen cé- reux et l’étaler au pinceau sur l'organe femelle. Par la même raison, celui qui est un peu pâteux ou de- mi-pulvérulent pourrait être posé par le même moyen. La seule difficulté sur plusieurs plantes est de trouver le véritable stigmate; mais comme il n'y a jamais sur la colonne qui porte les organes que deux ou trois points que l'on peut supposer stigma- tuides, on a toujours assez de pollen pour que, dans l'indécision, on puisse en imprégner ces parties dour- teuses. Je présume que l'on aiderait l'imprégna- tion de ce pollen gluti- Grav. S9. — Fleur du C ypripedium Fairieënum de grandeur naturelle, neux en mouillant légèrement les stigmates qui ne seraient pas suffisamment humectés avec un peu d'eau miellée, opération qui m'a réussi dans la fécondation artificielle d'espèces étran- gères à cette famille (grav. 88, 89, 90). J'ai dit un peu plus haut que les fleurs des Orchidées duraient 258 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. longtemps; c'est en effet ce qui a lieu le plus ordinairement, mais il y a des exceptions à cette règle, et dans ce groupe, comme dans plusieurs autres, on rencontre des fleurs météo- riques. On doit, par conséquent, pour ces dernières, pratiquer la fécondation dès le commencement de l'épanouissement. a Ÿ 9 È nn DEA fps dy 7770772 SRE Grav. 90. — Cypripedium purpuratum. Malgré ce que nous venons de dire de la rareté des hybrides dans les Orchidées, 1l ne faudrait pas croire que ces hybrides sont inconnus. On trouve dans le Gardener’s Chronicle la citation d'un FAMILLE DES ORCHIDÉES. 359 Culanthe que M. Lindley a nommé C. Dominii, du nom de son producteur, el qui serait intermédiaire entre le C. Masuca et C. fureata. M. Dominy aurait aussi obtenu des hybrides de Cattleya. Dans ce même article, M. Lindley soupçonne |’ Aëri- des maculosum d'être un hybride des À. affine et A. crispum. Il'cite un Saccolobium qui pourrait résulter du croisement da S. qutlatum et du S. Blumei. Nos Orchis indigènes offrent aussi quelquefois des preuves de ces fécondations croisées tout accidentelles, mais que nous pourrions rendre beaucoup plus fréquentes; tels seraient les O. morio-papilionacea et purpureo-militaris Timbal-Lagrave, 0. simio-militaris Gren. et Godr., O. simio-purpurea Weddell. En 1841, M. Weddell avait déjà rencontré des hybrides entre l’Aceras antropophroa et l'Orchis galeata, et vice versä; et, en 1892, il a revu et analysé ce phénomène au point de ne laisser plus de doute sur cette existence non prouvée, il est vrai, par une opération directe, mais par les analogies et les passages d’un genre à un autre genre. Il est vrai de dire que le genre Aceras et le genre Orchis ne sont différents que dans notre esprit et nos classements de convention, et que, dans la nature, il y a là tout au plus un seul et même type; mais, à moins d'admettre que les espèces ne sont pas fixes et qu'elles passent de l’une à l’autre, il faut reconnaître dans les cas in- voqués une hybridation si probable, qu’elle peut être regardée comme réelle, M. Ræœper, en outre, a déjà observé que l'Orchis fusea et lÜrchis militaris peuvent s’hybrider entre eux et produire des plantes intermédiaires. Ces faits sont de nature à engager nos nombreux amateurs d'Orchidées de serre à tenter des hybridations entre espèces d'un genre très-naturel ou entre des genres si voisins qu'ils peuvent être considérés comme n’en faisant qu'un, selon les vues de la nature et non celles de nos conventions arbitraires (C. Morren, Belgique. horticole, t. HI, p. 372). Des observations toutes récentes, recueillies et discutées avec impartialité dans un mémoire sur le polymorphisme, que 360 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, M. Duchartre vient de publier dans le Bulletin de la Société botanique (séance du 28 février 1862), viennent à l'appui de la création des hybrides dans les Orchidées. Il arrive tout à coup dans ces plantes des apparitions, sur un même pied, de fleurs tout à fait différentes par la forme et les coloris. Ce fait n'appartient pas spécialement à la famille des Orchidées, puis- que l’on a vu plusieurs fois une branche de Brugnon se déve- lopper sur un Pêcher ; mais cette observation a plus de valeur peut-être dans cette belle famille, à peme sortie des sites sau- vages de ses forêts, que sur un arbre depuis longtemps civilisé et soumis à nos caprices. Après avoir rappelé que les différents genres d'Orchidées, très-distincts aux yeux des botanistes, tels que les Catasetum, les Myanthus, les Monacanthus, produisaient quelquefois, sur le même pied, des fleurs qui pouvaient appartenir à l’un et à l’autre, comme Lambert l'avait déjà fait remarquer, en 1856, à la Société limnéenne de Londres, M. Duchartre rapporte l’ex- périence de M. Bach. « Ce zélé collecteur d'Orchidées, ayant semé, à la Guyane britannique, des graines de Monacanthus vi- ridis sur un tronc en décomposition, en vit naître plusieurs plantes, dont l’une produisit une hampe chargée de fleurs de. Catasetum tridentatum; M. Schomburgk a vu cette curieuse plante, et il affirme avoir rencontré lui-même des pieds sur lesquels la même hampe portait des fleurs de Monacanthus et de Catasetum, tandis que celui qui fait l'objet principal de sa note réunissait l'organisation florale du Monacanthus à celle du Myanthus. Une conséquence découle nettement de cette in- structive observation, et l’auteur n’a pas hésité à la déduire : c’est que les trois genres Catasetum L. C. Richard, Monacan- thus Lindley et Myanthus Lindley n'en forment, en réalité, qu'un seul, dont les espèces peuvent se présenter sous {rois formes, le plus souvent distinctes, rarement et accidentelle- ment réunies. Quant à la question de savoir laquelle de ces trois formes peut être considérée comme fondamentale, M. Schomburgk ne la résout pas définitivement, mais 1l signale _ FAMILLE DES ORCHIDÉES. 361 un fait qui semble de nature à en faciliter la solution : c'est que plusieurs centaines de pieds, qu'il a observés croissant sponta- nément à la Guyane, ne lui ont jamais montré une seule cap- sule, tandis que, au même lieu, tous les Monacanthus viridis l’étonnaient par leurs fruits gigantesques. On pourrait à la ri- gueur accepter l'opinion de M. Darwin, qui consiste à regarder ces trois sortes de fleurs comme jouant les rôles différents de mâles, de femelles et d’hermaphrodites; mais les nombreux exemples cités par les botanistes et rappelés par M. Duchartre laissent peu de probabilité à cette ingénieuse opinion. Le principal sujet de la communication de M. Duchartre est le Vanda Lowii Lindley, originaire des forêts de Sumatra, et qui parait présenter normalement, et non accidentellement, comme les Orchidées précédentes, deux sortes de fleurs qui n'ont entre elles aucune ressemblance. « La constance qui paraît exister dans le dimorphisme des fleurs du Vanda Lowii, dit M. Duchartre, donne à cette curieuse “particularité un intérêt bien supérieur à celui qu'offrent les variations du Catasetum et du Cynoches. En effet, celles-ci étant accidentelles, rares même, rentrent simplement dans la catégorie de ces jeux de la nature qui échappent à toute règle et se refusent à toute explication; au contraire, la production de deux sortes de fleurs par notre Vanda étant un fait con- stant, paraît dépendre de la constitution même de cette plante, et l’on se sent amené, presque malgré soi, à essayer de l’expli- quer. Or, si l'on songe au rôle important que jouent les in- sectes dans la fécondation des Orchidées spontanées, et au transport qu'ils doivent opérer fréquemment des masses polli- niques d’une espèce sur le stigmate d'espèces différentes; si l'on se rappelle que l'hybridation artificielle paraît être facile chez ces plantes, puisque le petit nombre d'essais de ce genre qui ont été faits jusqu'à ce jour ont donné des résultats heu- reux ; si l’on réfléchit à la difficulté qu'on éprouve souvent pour limiter les espèces de cette famille, peut-être en viendra-t-on à penser que diverses Orchidées, régardées comme espèces dis- 362 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. tinctes, pourraient bien n'être que des hybrides, que le Vanda Lowii particulièrement pourrait être issu de l'union des deux espèces différentes, et que ses deux sortes de fleurs, venant sur un même pédoncule, pourraient n'être qu'un nouvel exemple de la remarquable dissociation qu'offre habituellement aussi le Gytisus Adami et qui a été si bien étudiée par M. A. Braun dans son beau mémoire sur le rajeunissement de la nature. » Que ces anomalies soient le fait de l’hybridation ou de la simple variation, elles peuvent, dans tous les cas, être consi- dérées comme un des agents les plus utiles pour combattre la spéciomanie qui règne en ce moment d'une manière épidé- mique chez une certaine classe de botanistes. Nous renvoyons en outre, au sujet de la fécondation des Or- chidées, à ce que nous avons dit à la page 76 de ce livre sur la fécondation indirecte. Genre Vanille. — Vanilla. Ce genre est caractérisé par un ovaire oblong, cylindrique, surmonté d'un style court, terminé par un stigmate concave adhérent au labelle, et par deux anthères ovales insérées sur le style. Je n'ai pas eu occasion de voir la Vanille en fleur; mais on sait, depuis longtemps, que la fécondation artificielle peut être pratiquée sur ces plantes avec un grand succès, et l’on doit à Ch. Morren, l’un des hommes dont la Belgique ne doit citer le nom qu'avec orgueil, des observations du plus haut intérêt sur la fructification de la Vanille. Le premier, il a mon- tré des fruits mûrs de cette intéressante Orchidée, et j'ai vu moi-même en 1844, dans sa serre à Liége, un pied de Vanille couvert d’un grand nombre de fruits. Les résultats obtenus par Morren ont déterminé un grand nombre d’horticulteurs à tenter la fécondation sur des plantes de serre qui ne fructifiaient jamais. C'est sur le Vanilla planifolia que Morren a opéré. Le savant directeur des serres du Muséum, Neumann, a également fé- FAMILLE DES ORCHIDÉES. 365 condé les fleurs du Vanilla aromatica. « Les cinq divisions su- périeures du périanthe, dit-il, sont un peu charnues, ovales, lancéolées, légèrement concaves, et d'un vert très-jaune et comme verni. Le labelle est trilobé, les deux lobes latéraux recourbés en forme de gouttière, à limbe évasé, un peu échan- cré, le lobe du milieu réfléchi en dehors, un peu bouclé au centre, à limbe marqué de points proéminents, plus jaunes que le fond, qui est d’un vert blanchâtre mat; la colonne est blanche et s'élève entre les deux courbures du labelle. Ces fleurs s'ouvrent peu, et 1l n’est pas facile d'opérer la féconda- tion artificielle, si on n’emploie de petites pinces à cet effet. Le stigmate étant recourbé, on éprouve quelques difficultés pour y appliquer le pollen. À cette occasion j'ai fait une remarque assez intéressante. Sur les onze fleurs produites par notre Vanille, quatre n’ont pas été fécondées, quatre l'ont été après midi, et trois le matin avant neuf heures. Il n'y a que ces trois dernières qui conserveront leurs fruits ou siliques; on voit, d’après cela, qu'il n'y a pas à espérer que la Vanille se féconde d'elle-même dans nos serres. » La durée des fleurs, qui est tout au plus d’un jour, explique la nécessité de procéder de suite à l'imprégnation du stigmate. La présence de la liqueur miellée indique, selon Morren, la nubilité du stigmate, et ce savant n’a pas hésité à enlever quel- quelois le tablier qui cache le stigmate, sans que pour cela la fécondation en fût moins assurée. Bien des fois j'ai pratiqué sur d’autres plantes de semblables mutilations sur le périgone, sans que l’acte mystérieux de la fécondation en ait souffert. Genre Orchis. — Ürchis. Nous appellerons un instant l'attention des horticulteurs sur le genre nombreux des Orchis. Leur culture n’est pas difficile, et l'abondance de la plupart d’entre eux dans les prairies, sur les pelouses des montagnes où à l'ombre de nos forêts, est peut- être la seule cause qui ait empêché d'en faire une culture spé- 364 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. ciale. Mais si les Orchis se maintiennent facilement dans nos jardins, quand l'exposition leur convient, ils ne s'y propagent guère. Et, en eflet, des deux tubercules d’un Orchis, l’un se flétrit en donnant naissance à la fleur, l’autre est en réserve pour l’année qui doit suivre. Ce n’est done que par les graines que ces plantes peuvent se multiplier, et ces graines, dont on ne connait pas encore bien la culture, sont souvent infécondes. La première condition à remplir serait donc de féconder ar- tificiellement les Orchis, en enlevant avec la pointe d’une ai- guille les deux petites masses polliniques, enfermées dans les deux poches de l'anthère placée sur le pistil, et en posant ce pollen sur le stigmate visqueux qui est situé au-dessous d’elles. Cette opération pourrait se faire dans les lieux mêmes où naissent les Orchis, dans les prés où ils abondent; il suffirait de marquer les pieds. Si on parvenait à faire développer ces graines, qui, par ce moyen, sont fertiles, rien n'empêcherait de tenter l’hybridation sur toutes ces belles plantes. Plusieurs sont déjà très-sujettes à varier. J'ai trouvé dans les bois l'O. mascula à fleurs blanches, pourpres, roses, carnées, carminées, etc., le maculata à fleurs blanches, lilacées, violettes, maculées et variées de pourpre en admirables dessins. Le Zatifolia offre tout autant de variétés ; les conopsea, odoratissima, militaris, nigra, pyramidalis, qlo- bosa, galeata, ustulata, ete., varient aussi en couleurs, mais moins que le sambucina à fleurs jaunes ou incarnates. Le bel O. fusca varierait sans doute aussi par semis, et je ne doute pas que l'on obtienne non-seulement des hybrides entre va- riétés, mais entre espèces, et des planches d'Orchis indigènes variés, élevant leurs grappes magnifiques et de longue durée, produiraient dans les parterres les plus merveilleux effets. J'ai souvent cultivé des Orchis dont l’épi avait plus de deux déei- mètres de longueur. Nous avons cité un peu plus haut, en parlant des Orchidées en général, plusieurs exemples d'Orchis hybrides recueillis par M. Weddell et par M. Timbal-Lagrave. FAMILLE DES IRIDÉES. 56 LAMILLE DES IRIDÉES. Genre Iris. — /ris. Les belles fleurs de l'fris ont une organisation toute particu- lière ; elles ont un ovaire infère, surmonté de trois pièces qui remplissent les fonctions de styles, ou qui sont, à proprement parler, des styles ailés. A leur partie supérieure, on remarque une petite duplicature ou une pefite lèvre qui, vue à la loupe, est formée d’un tissu cellulaire très-apparent et qui s’allonge presque sous forme de papilles. Les étamines, au nombre de “trois, ont leurs anthères à la hauteur des stigmates, mais elles s'ouvrent en dehors, et leur pollen tombe naturellement sur des poils glanduleux qui couvrent la partie médiane des trois divisions du périgone qui correspondent aux anthères et aux stigmates. Il est donc presque impossible que la fécondation s'opère directement; mais souvent, lorsque la fleur se flétrit, les téguments, en se roulant, s'appliquent contre les stigmates et leur transmettent le pollen qu'ils ont reçu. Les insectes peuvent aussi contribuer à l'imprégnation; mais, ce qu'il y a de certain, c'est que très-souvent la fleur des [ris n'est pas fécondée. Comme nous l'avons déjà dit ailleurs, plus la fleur à de diffi- culté à se féconder naturellement, plus l'hybridation devient facile; et c’est, en effet, ce qui a lieu pour les Iris. On retranche, le matin, avant l'épanouissement complet, les anthères que l'on enlève avec les doigts ou mieux avec de petites pinces, et, dans le courant de la journée, ou le lendemain seulement, on pose le pollen au pinceau, en ayant som de l'appliquer non-seule- ment sur les stigmates, ce qui suffit cependant, mais encore, et pour plus de certitude, d'en poser sur les poils ou les cellules tubuleuses des trois divisions qui, par leur enroulement, doivent ensuite toucher le stigmate. Quand l'imprégnation a eu lieu sur une ou deux fleurs, il faut supprimer les autres, car beaucoup 565 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. d'Iris donnent difficilement leurs graines, et le germanica est de ce nombre. Sur plus de cinq cents fleurs de cet Iris, sept à huit seulement ont donné des graines, et celles-là seules avaient été fécondées. Les Iris ont la plus grande tendance à varier, même sans fécondation croisée. De nombreuses et très-intéressantes expé- riences, faites par un horticulteur distingué, M. de Bure, lui ont prouvé que plusieurs espèces bien établies et admises par tous les botanistes n'étaient que de simples variétés. Ainsi, dix-sept plantes provenant d’un semis d'I. squalens ont telle- ment varié, qu'aucune n'a représenté exactement son type, et deux de ces plantes étaient des variegata. Un autre semis de la grande variété de ce même squalens a donné vingt-sept plantes fleuries, parmi lesquelles onze s'éloignaient plus ou moins du type, et seize étaient encore des variegata. Des semis de cette dernière espèce ont souvent donné des versicolor, résultat que j'ai également obtenu. Le sambucina a peu varié entre les mains de M. de Bure, tandis que le variegata lui a donné des sambu- ana et un pallida, et jamais de versicolor. Le Svertii lui a pro- duit des variétés entièrement nouvelles, et l'Iris de Bure, issu du plicata, n’a pas donné, sur cent quarante-quatre pieds, une seule plante pareille à ses ascendants. Il y avait encore des squa- lens, un pallida et deux variegata. Que l'on juge, d'après ces faits, des résultats obtenus par l’hybridation, et si l’on en doute, si l’on ne croit pas au succès de cette opération sur les Iris, que l'on aille voir les admirables plantes de M. Lémon. Il est difficile, en effet, de voir un genre plus modifié que ne l'ont été les Iris par cet habile horticulteur. Les variegata, versicolor, squalens, sambucina, flavescens, plicata, pallida se sont confondus en un seul type excessivement varié. Le germa- nica ne lui a pas donné de fruit. J'ai obtenu de croisements entre les diverses variétés d’J, d'Espagne des graines qui ont admirablement prospéré. Les Iris d'Angleterre se croisent entre eux avec la plus grande fa- cilité. L’I, pseudoacorus ou Iris jaune des marais, qui graine + FAMILLE DES IRIDÉES. 367 si abondamment, pourra très-probablement être hybridé par le germanica et plusieurs autres, et donner des plantes incon- Grav. 91, — Iris de Suze de grandeur naturelle. nues, Mais que ne doit-on pas attendre des horticulteurs qui, 568 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. placés sous un climat convenable, pourront hybrider le magm- fique Iris de Suze, qui fructifie si bien à Hyères, et que M. Henon a vu donner des graines fertiles à Lyon même et en jlem champ, ou de ceux qui, conservant le pollen du gracieux Iris de Perse, parviendront à en imprégner les Iris d'Espagne et ceux d'Angleterre (grav. 91). L'Tris est, comme la Rose et le Dahlia, comme l’Auricule et la Pensée, un de ces genres inépui- sables qui répondent toujours à l'intelligence de leur directeur. Toutes les belles variétés obtenues de semis par M. Lémon proviennent des I. sambucina, squalens, flavescens, plicala, variegata et pallida, et non de l'I. germanica, dont M. Lémon n'a pu obtenir de graines, Genre Glaïeul. — Gladiolus. On trouve, dans le Glaïeul comme dans l'Iris, trois étamines, dont les anthères sont aussi extrorses. Le style, assez long, se termine par trois stigmates frangés qui s'écartent à l’époque de l'anthèse et qui, très-souvent, ne sont pas fécondés à cause de la position des étamines. Quand la fécondation a lieu naturel- lement et sans l’aide des insectes, c’est à la défloraison, lors- que le périgone se tord en se desséchant, et applique ainsi le stigmate contre les anthères. En enlevant, comme pour les Iris, les anthères au moment même où la fleur s’épanouit, on reste maître de choisir le père du porte-graine, et il est bien peu de plantes qui s’hybrident aussi facilement que celles-ci. Déjà on a obtenu de charmantes variétés, mais il faut avoir soin de féconder les deux ou trois premières fleurs de l’épi, c’est-à-dire celles qui s'ouvrent les premières, et de couper le reste, ou, si l'on ne veut pas sa- crifier leur belle floraison, les enlever au moins dès qu'elles se flétrissent. | Il y a longtemps déjà que M. Souchet a obtenu des hybrides entre les G. cardinalis, pulcherrimus et blandus, sans l'inter- médiaire des G. psittacinus et gandavensis, car ce dernier était encore Inconnu. FAMILLE DES IRIDÉES. 369 Les G. psittacinus, cardinalis, floribundus et ramosus sont les types de nos admirables collections, et déjà, il y a vingt- cinq ans, M. Schneevogt, d'Haarlem, avait obtenu de semis et répandu dans le commerce des formes assez nombreuses du G. ramosus, et notamment la variété Gloria mundi, encore remarquable par la grandeur de ses fleurs. Quelque temps après naquit à Enghien, chez le duc d’A- remberg, ce beau G. gandavensis, propagé par M. Van Houtte en 1841, heureuse alliance du G. psittacinus et du G. cardi- nalis. Le G. gandavensis, qui a produit dès son entrée dans le monde horticole une si vive émotion, serait une des souches de ces plantes éclatantes encore si récentes dans nos jardins (grav. 92). D'un autre côté, le G. floribundus, fécondé par le G. ramo- sus, a donné le G. Leopoldüi et d'autres encore qui sont de- venus la souche de nouveaux types aujourd’hui multipliés à l'infini. William Herbert, qui s'est beaucoup occupé de l’hybridation des Glaïeuls, dit que le G. psittacinus s’est refusé à toute es- pèce d'union hybride, quoique les tentatives aient été très- nombreuses et réitérées dans des circonstances très-différentes. Nous ne voyons guère cependant que le G. psittacinus, qui ait pu donner ces tons orangés et écarlates aux variétés nom- breuses du G. gandavensis, et surtout cette couleur jaune pur de l'hybride Gandavensis citrinus obtenu par M. Lemonnier, de Lille. Après la création du Gladiolus gandavensis, que nous consi- dérons comme issu du psittacinus, cet hybride a été fécondé par les G. floribundus, cardinalis et ramosus. I] a ainsi’ donné naissance à une immense lignée qui étale aujourd'hui dans nos jardins ses flammes orangées ou ses étendards ornés des plus vives couleurs. C'est M. Souchet, de Fontainebleau qui a produit les plus beaux et les plus remarquables hybrides de ces beaux Glaïeuls 24 5310 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. déjà hvbrides eux-mêmes, et qui les a revôtus des nuances les Ja NY ) plus pures et les plus variées, des macules les plus éclatantes et les mieux limitées. Grav. 92. — Glaïeul hybride de Gandavensis, comtesse de Saint-Marceau. Nous pourrions citer comme variétés les plus remarquables les nouveaux gains de MM. Domage, Mallet, et quelques varié- tés que nous avons vues en 1860 à l'Exposition de Valognes. FAMILLE DES IRIDÉES. 371 IL est peu de plantes dans lesquelles les véritables hybrides, entre espèces très-distinctes, se reproduisent avec autant de fa- cilité que dans les Glaïeuls. Les espèces les plus disparates, croi- sées entre elles, produisent des graines fertiles qui elles-mêmes se reproduisent indéfiniment. À moins de dire que tous les Glaïeuls ne constituent qu'une seule espèce, 1l faut admettre dans ce genre la fertilité des hybrides. C'est encore à l'établissement Van Houtte que sont dus de nouveaux Glaïeuls constituant un type très-différent, mais hy- bride encore de plusieurs espèces distinctes. Ce sont les Glaïieuls nains, issus du croisement du G. cardinalis avec les G. venustus, trimaculatus, tristis, ete. Ces plantes s’éloignent des autres Glaïeuls par la forme et la différence de coloration de leurs fleurs, ainsi que par l’époque à laquelle elles fleuris- sent. Dès le mois de juillet, elles ouvrent la série des florai- sons. La beauté de leur coloris surpasse même celle du G. gandavensis, et les maculcs que portent les trois sépales inférieurs sont remarquables par leur couleur généralement claire, qu'entoure toujours une teinte différente, vive et foncée. De plus, les couleurs de ces fleurs et les desseins qu'elles for- ment varient à l'infini. Voilà donc encore une nouyelle mine à exploiter, car la fa- cilité avec laquelle les Glaïeuls s'hybrident doit nous faire sup- poser la possibilité du croisement des Glaïeuls nains avec les variétés issues du G. gandavensis. Au reste, une personne qui réunirait la collection des es- pèces connues de ce beau genre et qui s'occuperait sérieuse- ment de leur union, arriverait, nous n’en doutons pas, à d'ad- mirables résultats. Pour faire remarquer les progrès de l'horticulture depuis que l’on s'occupe sérieusement d'hybridations, nous rappor- terons ce que disait, en 1855, M. Jaques, au sujet du G. psitta- cinus, qui est un des päles ancêtres de nos éclatants Glaïeuls. « Je dois cette belle plante à MM. Lafay et Lémon, qui tous deux la cultivent et l'ont introduite dans le commerce. On la 572 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. cultive comme toutes les Liliacées du Cap, soit en pots, soit sous châssis. Elle se multiplie de caïeux et par les graines, qui quelquefois mürissent, ce qui peut faire espérer d'en avoir des variétés par la suite, et fait ainsi présumer que c’est une espèce franche, les hybrides ne donnant que rarement des oraines fertiles. » (Annales de Flore et de Pomone, t. I, p. 94.) Et, en 1838, M. Pépin écrivait dans le même journal : «M. Rifkogel, horticulteur distingué, cultive une plante ma- gnifique qu'il vient d'apporter de la Belgique à Paris. C'est le G. ramosus. Je ne connais encore que ce cultivateur qui pos- sède cette plante; 1l la multiplie et ne tardera pas à la répandre dans le commerce. » Genre Ixia. — /xia. Presque toutes les [ridées sont des plantes de collection, et les Ixia ne le cèdent, sous ce rapport, à aucun autre genre. Ce sont des [ris et des Glaïeuls en miniature. Ils exigent un peu plus de soin, mais fleurissent abondamment dans nos serres et sous nos châssis. Leurs étamines peuvent être enlevées aussi facilement que celles des Glaïeuls, et le pollen peut être posé au pinceau sur les trois sligmates entiers ou bifides qui oc- cupent le centre de la fleur. Il faut toutefois remarquer que les Ixia sont pour la plupart météoriques, s'ouvrent à des heures fixes, et qu'il faut choisir ce moment pour pratiquer la fécon- dation artificielle. Les diverses variétés du crocata, dont on a fait le genre Babiana, peuvent se croiser; le flexuosa, le lila- cina, le rosea, le tricolor, et surtout le joli et curieux viridi- [lora, méritent d'être étudiés avec soin sous le point de vue de l'hybridation. Genre Antholize. — {rtholixa. Nous devons renvoyer pour les Antholizes à ce que nous avons dit sur les Glaïeuls. Ces deux genres ont beaucoup de FAMILLE DES IRIDÉES. 979 rapport, mais, en général, les Glaïeuls sont plus élégants, plus variés, et peut-être d'une floraison plus certaine que les Antho- lies. Du reste, il y a tant d’analogie entre ces deux genres, qu'il y aurait peut-être possibilité d'obtenir des hybrides entre eux. Genre Safran, — Crocus. Les Safrans sont un des plus beaux ornements de la riche famille des Iridées. Ils ont trois étamines à anthères extrorses, et un style très-long terminé par des stigmates découpés ou frangés. La fécondation s'opère de bonne heure, quelquefois même avant la floraison ; en sorte que si l’on voulait hybridrer, il ne faudrait pas attendre l'épanouissement, mais écarter les sépales fermés pour enlever les anthères. Le lendemain ou le surlendemain on appliquerait le pollen, en ayant soin de tenir toujours les Crocus sous cloche, à cause des nuits froides du printemps et des insectes qui viennent à chaque instant buti- ner sur les premières fleurs que le soleil fait éclore. Si l'on voit sortir plusieurs fleurs du même tube, c'est-à-dire de la même toufle de feuilles, il ne faut en féconder qu'une et cou- per les autres à mesure qu'elles paraissent. Une fois la fleur flétrie, on enlève la cloche, l'ovaire reste caché sous le sol, et plus tard seulement il s'élève changé en capsule qu'il faut chercher à la surface de la terre et qui reste quelquefois même un peu enterrée. Les Crocus, à l'exception du sativus, fleurissent au prin- temps. Les espèces cultivées, telles que les vernus, aureus, va- riegatus, susianus, ont déjà donné de nombreuses variétés; et, comme elles se ressemblent assez pour supposer qu'elles pour- raient se croiser, il serait à désirer que l'on fasse des essais d'hybridation qui donneraient certainement des plantes nou- velles. Les Crocus arriveront à être panachés comme les Tu- lipes, et le vernus est loin d'avoir atteint ses limites de va- riation. L'agriculture réclame dans ce genre le Grocus sativus, qui 574 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, fleurit en automne et dont les longs stigmates offrent une si belle couleur orangée. Il serait peut-être possible en Espagne, ou même dans le midi de la France, de croiser cette espèce avec les variétés du vernus, et si l'on n'arrivait pas, par ce moyen, à avoir une plante utile, on aurait certainement, si l'im- prégnation pouvait avoir lieu, des variétés ornementales très- différentes de celles que nous connaissons. Genre Tigridie. — Tigridia. Une seule colonne placée au centre de la fleur porte, comme dans les Orchidées, les étamines et le pistil, à l'exception de l'ovaire. Les anthères, au nombre de trois, sont sessiles au sommet de la colonne et répandent leur pollen en dehors. Le stiomate, placé au milieu des anthères, est à trois lobes bifides, ce qui lui donne six divisions. La fécondation a rarement lieu naturellement, mais on peut l’opérer, soit avec le propre pollen de la plante, soit avec celui d'une autre espèce ou variété, en choisissant le T. pavonia pour porte-graine. Ces plantes sont météoriques, elles s'ouvrent dans la ma- tinée et en plein soleil. Il faut être attentif à l'heure de F’épa- nouissement pour enlever les étamines et féconder une heure après. Le T. conchiflora, apporté en 1803 du Mexique, n'est peut- être qu'une variété du pavonia. On a donné comme hybride un T, aurantiaca. Voïlà du moins ce qu’on lit daus un rapport fait par M. Moquin-Tandon à l'Académie de Toulouse : « Cette Tigridie a été obtenue par M. Goudet, archiviste de la mairie. Elle a pour père le T. pavonia et pour mère le T. conchiflora. Sa fleur n'est pas rouge ponceau comme la première, n1 jaune pâle comme la seconde, mais d'une belle couleur orangée. Son oignon, qui est blanc, ressemble à celui du T. conchiflora. » « La floraison de l'hybride s'est montrée un peu plus tardive que celle des deux ascendants, et la fleur, qui dure quelques heures de plus, se trouve un peu plus grande. Les capsules, au lieu d'offrir une soixantaine de graines, n’en ont donné que FAMILLE DES AMARYLLIDÉES. 379 deux ou trois, presque toutes infécondes. Cependant, après plusieurs tentatives infructueuses, M. Goudet est parvenu à faire germer quelques-unes de ces graines qui ont propagé la plante hybride avec tous ses caractères. » (Annales de Flore et Pomone, 1859-1840, p. 26.) M. Jaques a gagné, en 1840, deux variétés nouvelles, sous les noms de speciosa et intermedia. Le T. coccinea et l'Her- bertii pourraient aussi être hybridés. Le cœlestis, qui est un Marica, en diffère davantage, mais il subirait peut-être aussi le croisement et pourrait servir de porte-graine. Je l'ai fécondé avec son propre pollen, et il m'a donné des graines en abon- dance. Au point où l’on est maintenant, il n'est pas douteux que les variétés ne se multiplient à l'infini. Des résultats admi- rables attendent les amateurs qui voudront s'occuper de ces belles Iridées. FAMILLE DES AMARYLLIDÉES. Genre Crinum. — Crinum. Ces plantes ont plus que de la beauté, c’est de la magnifi- cence dans le port, dans le feuillage et dans la fleur. Six grandes étamines sont placées dans l'atmosphère embaumée de la co- rolle, et l'on peut les enlever avec les doigts dès que l'épanouis- sement commence. Il faut avoir soin de supprimer plusieurs fleurs de l'ombelle, ou plutôt, pour jouir de la floraison, on peut leur permettre de s'épanouir en coupant avec l'ongle l'ex- trémité du stigmate, et ne fécondant au pinceau que les deux premières fleurs qui s'ouvrent. Les espèces de ce beau genre sont assez nombreuses et ont entre elles assez de rapport pour espérer l'hybridation. Il est probable du moins que l'on aurait chance de succès en la ten- tant entre les C. asiaticum, latifolium, erubescens, america- num, procerum, pedunculatum, amænum, commelyn, eru- bescens, cruentum, augustum, scabrum, amabile, variabile, 5316 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, roseum; ces derniers surtout sont très-beaux et très-rustiques. Il arrive dans ces sortes de plantes, comme dans plusieurs genres des Liliacées et des Amaryllidées, que les capsules, au lieu de graines, donnent des bulbilles. Il serait curieux de re- chercher si ce n’est pas le manque de fécondation qui apporte cette modification au mode de reproduction, et si ce n’est pas là encore une de ces ressources admirables que déploie la nature pour conserver les espèces. J'ai vu quelquefois, dans plusieurs Liliacées, des graines se reproduire comme à l'ordinaire, mais germer avant d’être mûres et remplir les capsules de bulbilles qui montraient déjà leurs premières feuilles. Ce mode singulier de développement n'aurait-1l pas lieu pour les Grinum, et, dans le cas d’une hy- bridation, les bulbilles reproduiraient-elles la plante mère seu- lement ou une variété intermédiaire aux deux ascendants? Ces curieux problèmes ne pourront être résolus que par des ama- teurs favorisés de la fortune qui peuvent sacrifier le temps et l'argent à leurs cultures de prédilection, et qui voudraient s'occuper spécialement d’un des plus beaux genres du règne végétal. Genre H:emanthe. — /æmanthus. Les Hæmanthus sont, comme les Crinum, des plantes de serre chaude, remarquables aussi par leurs fleurs éclatantes et leurs fruits en forme de baie. Les fleurs, très-nombreuses, sont rassemblées en tête et chacune d'elles offre six étamines, un style simple et un stigmate un peu trilobé. Quoique les Hæmanthus aient été partagés en deux sections, selon que leurs feuilles sont glabres ou ciliées sur les bords, il est probable que l'hybridation s’opérerait entre leurs diverses espèces, dont plusieurs ne sont peut-être déjà que des hybrides ou des variétés, Les H. coccineus, maculatus, ciliaris, carina- lus, multiflorus, pubescens, tigrinus, puniceus pourraient sans doute se croiser, surtout en prenant pour porte-graine le der- nier, qui fructifie assez souvent dans nos serres. Le premier, FAMILLE DES AMARYLLIDÉES. 371 au contraire, dont les baies arrivent parfois aussi à une bonne maturité, ne donne cependant que des graines stériles. Si on ne parvenait pas à hybrider les Hæmanthus, on aurait tou- Grav. 95. — Hæmanthus toxicarius. jours la presque certitude de féconder les espèces par leur propre pollen, et peut être alors le coccineus lui-même donnerait des 578 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. graines susceptibles de pousser. Il faudrait, dans tous les cas, supprimer la majeure partie des fleurs de l'ombelle, en laisser deux ou trois seulement, enlever les étamines dès l'épanouisse- ment et poser le pollen sur le stigmate en y ajoutant, au be- soin, un peu de la liqueur miellée que sécrète la base du pé- rigone (grav. 93). | Nous plaçons à la suite des Hæmanthus l'indication d’un hÿ- bride d'himantophyllum, genre voisin appartenant aussi à la famille des Amarvllidées. M. Duchartre a publié à ce sujet, dans © le Journal de la Société impériale et centrale d'horticulture (vol. V, p. 758), un mémoire très-intéressant. Cet hybride a été obtenu par M. Van Houtte, «lequel, dit-il, avait d’abord tenu secrète l'origine de cette remarquable Amaryllidée. » Cette plante est le résultat du croisement de l'H. Aitoni Stook. père, et de l'H. miniatum Stook. mère, d'où est résulté V'H. Aitoni- miniatum, décrit comme espèce par Lindley, qui ignorait son origine, et nommée par lui H. cirtanthiflorum. Les divers individus provenant de ce croisement varient un peu dans la teinte et ie plus ou moins de facilité d'épanouisse- ment de leurs fleurs, mais ce sont tous des plantes admirables. Le pollen et les ovules bien organisés de cet hybride le ren- dent fertile, et il ne pourra manquer d'être croisé de nouveau avec ses parents ou avec des espèces voisines. Genre Amaryilis. — Anaryllis. On trouve dans ces belles fleurs six étamines à longs filets dont les anthères ne s'ouvrent qu'après l'épanouissement. Le style, aussi long que les filets, se termine par trois stigmates qui, d’abord serrés les uns contre les autres, s’écartent à l’épo- que de la fécondation, tandis que le fond de la corolle s’'emplit d'une liqueur miellée. Ilest peu de plantes dans lesquelles l'hybridation soit aussi cer- taine et aussi facile à opérer. Les anthères sont encore fermées, ainsi que les lobes du stigmate, quand la fleur commence à s’ou- FAMILLE DES AMARYLLIDÉES, 379 vür; on peut donc les enlever avec les doigts et attendre, pour placer le pollen étranger, que les lobes du stigmate se soient écar- tés, ce qui n'arrive quelquefois que le second ou le troisième jour de la floraison. Si le süigmate est sec, on l'humecte avec une petite quantité d'humeur miellée que l'on puise avec un pinceau dans le fond de la corolle. Indépendamment des belles espèces que l’on importe tous les jours, les Amaryllis ont donné par l'hybridation une multitude de variétés plus éclatantes encore que leurs ascendants. Tous ceux qui ont pu voir les collections exposées à Gand sont restés étonnés des succès des horticul- teurs belges dans ce genre de plantes. Il était impossible de rien voir de plus beau, de plus éclatant, de plus riche. Ces ad- mirables variétés provenaient, a-t-on dit, de l'hybridation des A. vittata, Johnsonü et pulverulenta: Les hybrides peuvent encore s’hybrider entre eux, mais il vaut mieux y prendre le pollen et le reporter sur les espèces types, qui grainent plus facilement, et ne féconder que deux fleurs et même une seule sur chaque plante; on coupe les autres ou l'on en- lève, pour pouvoir jouir de leurs fleurs, la pointe trilobée du stigmate. L'A. fulgida est encore une belle espèce pour l'hybridation. Le curviflora et le sarniensis peuvent aussi se féconder entre eux. Il est à désirer que l’on tente des croisements sur le Lis de Saint-Jacques ou A. formosissima, en portant son pollen sur des plantes qui grainent facilement. On pourrait aussi tenter de féconder entre elles les différentes espèces de la section des Zephiranthes, telles que les candidu, rosea, grandiflora, cari- nata, ete. Ne pourrait-on pas aussi créer de beaux hybrides avec l'A. culyptrata dont les fleurs sont vertes? Il ne faut pas, toutefois, se dissimuler que le genre Amaryl- Us, pris dans sa plus grande extension, offre la réunion de plantes assez différentes, destinées à former, sinon des genres distincts, au moins des sections bien tranchées; et si l’on a + toujours quelque chance de croiser loules les espèces, on en a de bien plus grandes en essayant lhybridation entre _es- 380 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. . pèces qui se ressemblent et appartiennent au même groupe. Dès 1827, le vice-amiral Hamelin a publié un rapport très- curieux sur la multiplication des Amaryllis et des Crinum, au moyen de fécondations croisées, pratique qui alors était à peu près ignorée en France. C’est à Palerme que ces croisements s’opéraient par les soins du baron Melazzo, et en Angleterre par W. Herbert. La plupart des hybrides créés par M. Aimé Turlure proviennent de la fécondation de l'A. pulverulenta ou tricolor du Brésil avec l’'Hyppeastrum viridiflorum. Des variétés très-distinctes de forme et de coloris sont nées de ce mariage de raison. L'avantage de ces hybrides réside surtout dans leur rusticité qui leur permet de montrer en pleine terre leur vigoureuse végétation, et qui n'exigent en hiver que l'abri d’une bâche froide ou de toute autre couverture. On a pu suivre pendant quelque temps la filiation des hy- brides issus de quelques espèces d’Amaryllis. Aujourd’hui les croisements obtenus en France, en Angleterre et en Beloique sont devenus si nombreux, si faciles et si fertiles, que toutes les traces sont perdues, et que l'arbre généalogique de toutes ces plantes magnifiques, qui figurent aujourd’hui aux expositions, ne peut être rétabli. Linné avait déjà observé que dans l’A. formosissima, ou Lis Saint-Jacques, il sort de l'extrémité du stigmate, pendant les Journées chaudes de l'été, une goutte de liqueur limpide et si volumineuse qu'on croit qu’elle est toujours prête à tomber; mais cette liqueur est repompée peu à peu par le pistil, vers les trois ou quatre heures du soir, et ne reparait que le jour suivant sur les dix heures du matin. C'est vers le milieu du jour que la goutte est la plus grosse. Si on secoue les étamines de manière que leur poussière puisse se mêler à cette liqueur, on voit bientôt ce fluide se troubler et devenir jaune. Quelque temps après, lorsque la goutte de liqueur a été entièrement absorbée, on trouve la poussière séminale déposée sur le stig- . mate, mais elle est irrégulière et a perdu sa forme primitive. FAMILLE DES AMARYLLIDÉES. 381 Linné en conclut que les grains de pollen ne sont pas absorhés et ne pénètrent pas à travers le style. Genre Perce-Neige. — Galanthus On ne cultive dans nos jardins qu'une seule espèce de Peree- neige, mais il a produit, depuis très-longtemps, une variété à fleur double, et si l'on examinait celle-c1 avec attention, on y découvrirait quelquefois des étamines avec lesquelles on pour- rait féconder le type à fleur simple. Il est vrai que ce dernier est un peu plus précoce que sa variété, mais il serait facile, par une exposition différente, d'amener ces deux végétaux à une époque simultanée de floraison. Je suis convaincu que des se- mis un peu étendus de cette jolie plante produiraient quelques variétés nouvelles, d'une espèce que l’on remarque à la fois par sa fraicheur et par la saison où elle se développe, pour nous annoncer le retour du printemps. Le Galanthus plicatus à larges feuilles est plus beau et tout aussi rustique que le G. nivalis. Is pourraient certainement être croisés et produiraient peut-être une race plus robuste et plus florifère que leurs parents. Genre Pancrace. — Pancralium. On trouve dans ces plantes, comme dans les Grinum, six éta- mines, dont les filets sont soudés par la base en une élégante couronne et dont les anthères oscillantes peuvent répandre leur pollen sur un stigmate simple ou papillaire qu'un long style amène à la hauteur des anthères. Tout ce que nous avons dit des Crinum, relativement à la fécondation artificielle, à lhybridation et aux bulbilles, peut également s'appliquer aux Pancratium. Plusieurs d'entre eux, comme le caribœum, l'amboinense, le sylvestre, ete., sont de serre chaude; le marilimum, le rotatum, si souvent munis de bulbilles, l'illiricum, le nutans, l'amancaës, le Kniktii sont de 282 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. serre froide ou tempérée, et quelques-uns même de pleine terre. Ces belles espèces se cultiveraient facilement dans la même serre que les Crinum (grav. 94). ème de sa grandeur naturelle. Grav. 94, — Pancratium speciosum, au sixi Genre Narcisse. — Narcissus. Les Narcisses forment un des genres le plus nombreux des Amaryllidées, que l'on désigne aussi sous le nom de Narcissées, à cause de l'importance du genre qui nous occupe. Ces plantes ont six étamines, souvent inégales et enfermées dans le tube du périgonc. Les filcts sont généralement sondés au tube, et FAMILLE DES AMARYLLIDÉES. 285 amènent trois anthères au sommet de l'ouverture ou au fond du godet, et les trois autres un peu au-dessous et totalement incluses. Le style, assez long, porte un stigmate trifide qui, précisément placé entre les deux séries d’anthères, manque ra- rement d'être fécondé naturellement. Les Narcisses sont presque tous de pleine terre et donnent généralement des graines fertiles, aussi peut-on les hybrider assez facilement, en prenant quelques précautions. Il faut d'a- bord enlever les anthères, et, comme celles-e1 s'ouvrent assez souvent avant la corolle, c'est par une petite incision pratiquée au tube du périgone, un peu avant l'épanouissement, qu'il faut les extirper. On attend ensuite le second jour de la florai- son pour poser le pollen, et, s'il n’adhérait pas au stigmate, on humecterait celui-ci avec un peu de la liqueur miellée qui se trouve au fond du tube. Il est peu probable que toutes les espèces de ce genre puis- sent se croiser, car elles semblent appartenir à des types assez distincts, on y trouve : Le N. pseudo-narcissus, dont le major et le minor mème ne sont peut-être que des variétés. Cette espèce double très- facilement, à tel point que, dans les environs de Grasse ct dans la majeure partie de la Provence, le tvpe simple est plus rare que la variété double. Celle-ci donnerait sans doute des graines en la fécondant artificiellement, ear son stigmate est sou- vent bien conformé, mais malheureusement l'ovaire avorte presque toujours. Il faudrait alors chercher quelques anthères fertiles, au milieu des pétales multiples de cette variété, pour féconder des fleurs simples. Le N. pseudo-narcissus a été croisé en Hollande avec le poeticus, et a donné probablement le phæ- nix sulphur, le phœnix orange et le sulphur trumpet, qui sont tous stériles. La section des poeticus comprend aussi le biflorus, le poe- ticus à fleurs doubles, et plusieurs autres espèces ou variétés du Midi, qui peuvent se croiser avec les précédentes et les sui- vantes. 384 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Le N. tazetta est celui qui a le plus varié; déjà très-heau dans les prairies des bords de la Méditerranée, où il abonde il a donné dans les jardins des fleurs bien plus remiarqualilés: c'est à lui, au polyanthes, au stellatus et au chrysanthes, que l'on doit tous ces beaux Narcisses de Hollande, désignés dans les catalogues sous des noms plus ou moins pompeux, et dont les fleurs sont disposées en larges bouquets odorants. Une division particulière des Narcisses comprend tous ceux dont les feuilles se rapprochent de la forme cylindrique. C’est Grav. 95, — Fleur du Narcisse des poëtes. — La même, coupée pour montrer les étamines et le pistil. dans cette section que se trouvent les Jonquilles simples et doubles, et d’autres espèces moins connues et peu cultivées, telles que les bulbocodium, cantabricus, œureus, infundibu- lum, ete. Je présume que l'hybridation aurait lieu entre ces dernières plantes; mais je doute qu'on puisse l'opérer entre celles-ci et celles des sections précédentes. Dans tous les cas, les Narcisses sont loin d'avoir produit toutes leurs variétés, et méritent l'attention des amateurs et des horticulteurs mar- chands (grav. 99). FAMILLE DES BROMÉLIACEÉES. 385 Genre Pérégrine, — Alstræmeria. ‘On trouve dans les Alstræmeria six étammines et un style ter- uiné par un stigmate à trois divisions plissées. En enlevant les anthères lors de l'épanouissement, on féconde ensuite ces plantes artificiellement, en posant au pinceau le pollen sur les lobes du stigmate. Presque tous les genres nombreux en es- pèces, comme celui-ci, ont, en général, de la tendance à s’hy- brider, et comme déjà on cultive bon nombre d'espèces toutes assez belles, on peut assurer d'avance beaucoup d'avenir aux Alstræmeria. Les À. ligtu, tricolor, hæmantha, aurea, Hookeri, auran- liaca, psittacina, pelegrina, pulchella, lineatiflora et plusieurs autres fleurissent dans nos jardins, mais c’est surtout du chi- liensis qu'il faut attendre les plus heureux résultats; même sans hybridation, cette plante produit un grand nombre de variétés, et, à plus forte raison, quand on cherchera à croiser les derniers gains entre eux ou avec leurs ascendants, devra- t-on arriver à d'admirables collections. L’A. Errenbaulti, si remarquable par ses Jolies macules, est encore un charmant hybride, obtenu à Tournay en fécondant le pistil de l'A. pelegrina avec le pollen de l'A. pulchra. Ses étamines, qui paraissent bien conformées, ne contiennent pas de pollen. Ces plantes ont une grande tendance à la variation. Elles donnent naturellement de nombreuses différences dans le co- loris ; mais, si lon hybride entre elles avec du pollen mélangé, les A. hæmantha, aurea, pulchella, versicolor, etc., on ne trouvera pas de terme aux divers coloris qui surgissent de cette facile opération. FAMILLE DES BROMELIACEES. Genre Ananas, — Bromeliu. La culture de l’Ananas, autrefois réservée à quelques horti- culteurs spéciaux où confinée dans la serre des princes, est 29 286 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. devenue pour ainsi dire vulgaire et à la portée du simple ama- teur; aussi a-t-elle fait, dans ces derniers temps, beaucoup de progrès, et les variétés de cet excellent fruit se sont multipliées au point de devenir un jour aussi nombreuses que nos pommes et nos poires. L’Ananas a six étamines, dont les anthères sont rarement fertiles, mais dans lesquelles on rencontre cependant parfois du pollen. Le pistil n’est presque jamais bien conformé; si l'ovaire est intact, le stigmate manque ou est réduit à des appendices dépourvus de papilles et impropres à recevoir le pollen. On trouve cependant des porte-graines parmi les nom- breuses variétés d'Ananas aujourd'hui existantes. En les exa- minant avec soin, lors de la floraison, on découvre quelques stiginates trifides bien couverts de papilles et que l’on peut fé- conder artificiellement. L'hybridation est un moyen sûr d'obtenir de nouvelles variétés, et quand on voit quelques graines pen- dantes, résultat d'une hybridation heureuse, on est presque sûr de variétés nouvelles, qu'il faut attendre quelques années, mais qui dédommagent amplement de la peine que l’on a prise et du temps que l’on a employé. On a déjà des Ananas d'un volume extraordinaire, mais on arrivera par ce moyen à des fruits fabuleux, et aussi différents entre eux pour le volume et la saveur que la groseille à maquereau de nos buissons et les dernières variétés obtenues en Angleterre. FAMILLE DES ASPARAGINÉES. Genre Asperge. — Asparagus. Comme la plupart des Monocotylédones, l'Asperge a encore six étamines; son ovaire simple est surmonté de trois styles à stigmates bifides. L'Asperge officmale ou ordinaire, la seule dont nous ayons à nous occuper, est une plante dioïque ou mo- noïque, et par conséquent facile à hybrider; mais on n'en connaît encoreique deux bonnes variétés, la verte ordinaire et FAMILLE DES LILIACÉES. 387 la violette ou Hollandaise. Elles se croiseraient très-facilement et peut-être y aurait-il avantage à essayer cette hybridation. Il suflirait d'isoler complétement le pied femelle, en coupant tous les mâles, et de vérifier si les porte-graines n'auraient pas aussi quelques fleurs mäles au milieu des autres, ce qui arrive quel- quelois. En supprimant une partie des branches, les graines seraient mieux nourries, plus volumineuses, et l’on aurait plus de chances de succès. Genre Muguet. — Convallaria. Les fleurs ont six étamines à filets courts et à anthères per- cées de deux pores au sommet, un ovaire et un style simple, un stigmate trifide. Le Muguet de mai, C. mañalis, a déjà pro- duit des variétés à fleurs roses, à fleurs doubles, avec lesquelles on pourrait l'hybrider, mais c'est surtout avec le spicata et le japonica qu'il faudrait essayer de le croiser ; 1l faudrait, dès la floraison, enlever avec précaution les anthères du maïalis, en tenant les fleurs renversées, c'est-à-dire le stigmate en haut, et féconder ensuite avec le pollen des autres espèces; laisser sur chaque tige les deux fleurs inférieures seulement et détruire les autres, qui, du reste, avortent souvent naturellement. FAMILLE DES LILIACEES. Genre Tulipe. — Tulipa. Les Tulipes sont un des plus riches ornements de nos par- terres et sont arrivées, par la culture, à un haut degré de per- lecuon qu'elles dépasseront encore. Leurs six étamines à grosses anthères pivotantes sont situées à la hauteur de trois stigmates épais, glanduleux et sessiles, sur un ovaire triangulaire. Le jour où la fleur s’épanouit, les anthères dressées et appliquées le long des filets sont encore intactes et remplies de pollen; on peut les enlever avec les pinces et même avec les doigts, et deux jours après on peut placer, sur le stigmate, le pollen 388 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. étranger, en prenant avec les pinces ou avec les doigts une éta- mine avec laquelle on saupoudre une, deux ou les trois divi- sions du stigmate; car on peut, avec le même porte-graine, essayer trois FRS différentes avec du pollen recueilli sur trois plantes distinctes. La Tu- lipe destinée à devenir mère doit seulement être entourée d'une gaze liée légèrement sur son pédoncule pour empêcher les insectes de péné- trer dans son calice (grav. 96). Si, depuis l’époque où l'on cul- tive les Tulipes, on avait employé ce moyen si simple d'hybridation, au Grav, 96.— Fleur coupée. - 4,4, lieu d'abandonner au hasard et aux e NE ue il insectes des fonctions qu'il était si facile de remplir, on aurait des plantes plus méritantes encore que celles que l’on possède, et dont les plus belles, du reste, sont le résultat de croisements. La Tulipe des fleuristes, ou T. Gesneriana, est celle dont on s’est principalement occupé. On y distingue deux types, celles à fond blanc ou Flamandes, et celles à fond jaune ou bizarres. « A l'égard de ces dernières, dit le savant rédacteur de l'Hor- ticulteur universel, il est un préjugé aussi absurde que déplo- rable, qui s'oppose nécessairement à l'amélioration de ce genre de culture; préjugé que nous avons déjà combattu de toutes nos forces, oralement ou par écrit, et qui consiste à rejeter comme indigne de la collection des Tulipes celles dont la fleur est jaune, et cela quelque grande que soit d'ailleurs leur in- contestable beauté. On conçoit quelles privations s'impose le cultivateur qui, cédant à une coutume absurde, jette au fumier tout le plant qu'il en obtient quand le fond n’est pas blanc. Notez bien que cette blancheur est fort souvent douteuse et n'existe quelquefois qu'à l'extrémité basilaire de l'onglet, et qu'alors elle est à peine où même point appréciable. » Nous partageons tout à fait l'avis de M. Lemaire, ct nous re- FAMILLE DES LILIACÉES, 389 gardons comme une chance de plus pour l'obtention de nou- veaux gains, la possibilité de se servir des fonds jaunes à formes parfaites, ou comme porte-graines, ou comme plantes fécon- dantes, et nous pensons que les collections y gagneront en beauté et en variété. Il est possible que les fonds blancs soient plus flatteurs à l'œil, mais qui sait, si l'on avait cherché à per- fectionner aussi les fonds jaunes en s'en occupant autant que des autres, où l’on serait arrivé à leur égard? et d’ailleurs il en est des Tulipes comme des autres fleurs, comme des (Œillets par exemple, le goût peut être différent. Ainsi, parce que les Œillets flamands sont préférés par plusieurs personnes, est-ce une raison pour rejeter les fantaisies, et se priver de toutes ces belles plantes et des hybrides qu'elles peuvent former ? Les Tulipes monstrueuses, si curieuses et parfois si écla- tantes, ne recevraient-elles pas de notables accroissements si on les fécondait entre elles, et surtout si on les croisait avec les diverses variétés du Gesneriana et du suaveolens. Cette dernière espèce, plus connue sous le nom de due de Thol, à produit des plantes moins belles que le Gesneriana, mais bien plus hâtives et odorantes. De son croisement avec cette dernière espèce sont nées toutes les jolies Tulipes pré- coces qui préludent à la floraison de l'espèce privilégiée des fleuristes. Que de variétés à obtenir encore en croisant ces plantes! Les T. præcox, oculus solis, Gelsiana, sylvestris sont aussi cultivées, mais rarement; il me semble que le Celsiana et le suaveolens produiraient de charmants hybrides. Je crois qu'il y aurait grand avantage à féconder l’oculus solis avec nos belles variétés de Gesneriana, et à introduire dans nos cul- tures plus de douze espèces de Tulipes qui y sont totalement inconnues, et dont les rapports sont assez grands pour espérer des croisements fructueux, et amener ce beau genre à un degré de perfection qui dépasse de beaucoup le nec plus ultra que l'on croit avoir atteint de nos jours. Quelques personnes aiment les Tulipes doubles, jusqu'à pré- 390 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, sent peu variées. On pourrait augmenter nos richesses en ce genre en recherchant sur ces plantes celles qui conservent des étamines et en employant leur pollen pour hybrider des fleurs simples ou des dragonnes. Quelquefois, mais plus rarement, les fleurs doubles pourraient servir de porte-graine en fécon- dant leurs pistils, quand par hasard ils sont bien conformés. Il faut attendre longtemps les Tulipes de semis, mais les an- nées s’écoulent si vite, et les amateurs ont quelquefois tant de loisirs à dépenser ! : Genre Fritillaire., — Fritillaria. Six étamines très-grandes, dont on peut enlever les anthères à la main, et un ovaire surmonté d’un style simple et terminé par un stigmate trifide, caractérisent les Fritillaires. Ces plantes forment deux groupes distincts, les Méléagres et les Couronnes impériales. Les premières ont déjà fourni un grand nombre de jolies variétés, que l'hybridation peut encore augmenter, soit en les fécondant entre elles ou en les croisant avec le pyrenaica; les secondes renferment ces élégantes Couronnes impériales, dont les variétés orangées, rouges ou jaunes, simples ou dou- bles, peuvent également s’hybrider. M. Delorme a obtenu une variété à fleur jaune, plus belle que l’ancienne, et qui servirait de bon porte-graine pour les croisements de ces belles plantes. La grande variété nommée Fritillaria maxima est encore une de celles qui donneraient les plus beaux produits. Il suffi- rait, pour toutes, de placer le pollen sur le stigmate et de sup- primer la majeure partie des fleurs, de manière à laisser sen- lement deux capsules sur un même pied. | On peut placer dans une troisième division le Fritillaria persica, le verticullata, les purpurea, barbatu, rhutenica, qui peut-être s'hvbrideraient entre elles sans grand profit pour l'horticulteur, mais qui donneraient certainement des plantes bien curieuses, si, Contre mon opinion, on pouvait les croiser, et surtout la première, avec les espèces des deux autres sec- tions. FAMILLE DES LILIACÉES. 391 Genre Lis. — Zilium. Les Lis forment un des plus beaux genres du règne végétal, et ont tous six étamines, un style, un stigmate rifide ou à trois lobes. Les anthères, très-grosses, ne répandent leur pollen qu’a- près l'épanouissement. On peut donc les enlever le matin, au moment où le calice s’entr'ouvre, et féconder ensuite le stig- mate le jour même ou le lendemain de la floraison. L'hybridation est, comme on le voit, facile à opérer avec des organes aussi gros et aussi visibles ; reste à savoir si elle peut avoir lieu entre toutes les espèces du genre, qui sont très- nombreuses et présentent d'assez grandes différences physiolo- giques. On peut partager les Lis en deux sections, ceux à sépales droits et ceux à sépales recourhés et réfléchis. Dans la première section se trouve d'abord le Lis blanc, le longiflorum, le peregrinum, le japonicum, le Broussartii, le lancifolium, qui, hybridé avec le précédent, qui n’en est peut- être qu'une variété, a déjà donné de très-belles plantes. Il y a, en Belgique, une grande quantité de jeunes bulbes de ces lis hybridés, dont on attend avec raison des merveilles. M. Sené- clauze, dont le mérite est connu de tous les horticulteurs, a ob- tenu cent graines fertiles en hybridant quatre variétés des Li- lium speciosum et Broussartii. Près de ceux-là viennent se grouper ces Lis à corolle oran- gée, tels que le croceum, l'aurantiacum, le bulbiferum, le spe- ctabile, plantes analogues et dont le croisement semble très- possible. La seconde section est formée par les Lis à pétales réfléchis, et contient les Martagons et toutes leurs variétés, le superbum et le tigrinum, le pyrenaicum, les pomponium, tenuifolium, ca- nadense, chalcedonicum, qui ont. beaucoup de rapports, et entre lesquels, jusqu'à présent, je n'ai pu obtenir l'hybridité. Les lancifolium, dans la première section, les Martagons, dans la seconde, me paraissent être de bons porte-craines. 292 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Les Martagons, dont on connaît un très-grand nombre de variétés, obtenues par la culture, se croisent et fructifient très- bien. J'ai tenté la fécondation sur eux avec le pollen du Lis : — …— = ne ee de RE Grav. 97, — Lilium lancifolium var. : corymbiflorum roseum. blanc et de l'orangé, et j'ai obtenu deux capsules, mais les graines ressemblaient tellement à celles du Martagon, et il y à de si grandes différences entre ces trois plantes, que je croirais FAMILLE DES LILIACÉES. 395 plutôt à une fécondation naturelle, qui n'aurait rien d'impos- sible dans une contrée où les Martagons sont communs, et où, par conséquent, les insectes auraient pu se jouer de mes pré- cautions (grav. 97). On sait que plusieurs Lis, tels que le Lis blanc, ne donnent ordinairement des graines qu'en coupant et suspendant la tige après la fécondation. Peut-être devrait-on agir ainsi, si l'on ten- lait sur ces Lis une hybridation quelconque. Une observation récente de M. Rivière sur l'Agave potatorum £uce. indiquerait que ce mode de traitement réussirait aussi sur ce dernier genre. (Bulletin de la Société botanique de France, 1. VIE, p. 650.) Ce fait curieux d'une tige coupée et suspendue qui vit long- temps et qui mürit ses graines, n'est pas particulier au Lis blanc. Il se reproduit chaque fois que l'on a affaire à des plan- tes qui se multiplient facilement et rapidement par leurs racines. Nous trouvons la preuve de cette opinion dans un mémoire de M. Van den Born, inséré dans la Belgique horticole (fé- vrier 1862). Voici le procédé qu'il emploie pour faire fructi- lier le Lis blanc. « Vers l'époque de la floraison il creuse la terre autour de la plante de manière à mettre le bulbe à nu, puis il en détache délicatement toutes les écailles et toutes les bulbilles de manière à dénuder complétement la tige, Cette opération faite, on remet la terre en place et l’on peut s'at- tendre, neuf fois sur dix, à voir des capsules bien fournies de graines succéder aux fleurs, et les tiges se maintenir en vie au lieu de se dessécher rapidement comme elles en ont l'habi- tude. » La loi du balancement des organes que nous avons déjà citée trouve ici une éclatante confirmation. La tige coupée était soustraite à la voracité des racines ou plutôt des bulbilles qui épuisaient le dépôt de nourriture que la végétation y avait amassé. En s'opposant à la multiplication gemmipare, on favo- rise évidemment la formation et la nutrition des graines. C'est ce que nous avons vu déjà pour les Mirabilis hybrides, et, en 594 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. général, pour toutes les plantes hybrides qui ne fructifient pas par suite d’une trop grande vigueur. Genre Erythronie. — Erythronium. Les six étamines des Érythronies, d'abord dressées et ap- puyées contre un pistil simple, terminé par un stigmate trifide, s’en écartent ensuite et ouvrent leurs anthères. On peut les en- lever avant cette époque et féconder artificiellement le stig- mate. Les variétés blanches, roses et pourprées de l'E. dens camis existent déjà, ainsi qu'une autre venue de Sibérie. On cultive aussi les Æ. lanceclatum et americanum, qui appar- tiennent au même type que l'mdigène, en sorte que l'on pent tenter l'hybridation entre ces différentes plantes, Genre Yucea. — Yu{ccu. Les Vucca ont six étamines assez volumineuses pour qu'on Grav. 98. — Fleur du Yucca augustifolia de grandeur naturelle. puisse les enlever avee les doigts, et trois stigmates épais posés FAMILLE DES LILIACÉES. Grav. 99. — Yucca filamentosa media au dixième de grandeur, 395 396 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. sur l'ovaire. L'hybridation pourrait donc y être opérée aussi fa- cilement que sur la plupart des Liliacées, et comme les espèces Fleur du Yucca orchioïdes de grandeur naturelle. DAADTIC Grav, 100. — Yucea orchioïdes au quart de la grandeur naturelle. sont assez voisines, il serait permis d'en espérer du succès, Déjà les Y. gloriosa et glaucescens ont donné des fruits à Paris. FAMILLE DES LILIACÉES. 997 I v aurait donc possibilité, en les choisissant pour porte-graime, de les féconder l'un par l'autre ou par l'aloefolia ou le filamen- Losa ; car je ne pense pas que les autres espèces, peunombreuses, aient encore fleuri dans nos cultures. Les espèces ou les variétés de Yucca sont devenues très à la mode dans ces derniers temps. Nous en reproduisons seu- lement quelques fleurs, et nous avons l'espoir que la plu- part de ces formes peuvent se croiser (grav. 98, 99, 100, 101,102). , Grav. 101. — Fleur du Yucca stricta de grandeur naturelle. Il y aurait encore un autre avantage à rechercher dans le croisement des diverses espèces de Yucea : ce serait d'obtenir des variétés plus rustiques et capables de supporter en plein air les froids de nos hivers rigoureux. On pourrait ainst aban- donner des groupes de nos plus beaux Yucea au milieu des gazons, où ces plantes produisent un très-bel effet. 998 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Riocreux ( s LL BIUMONTN, Grav. 102. — Yucca pendula au dixième de grandeur naturelle. _ Genre Aloës. — Aloe. Il'existe un très-grand nombre d'espèces d’Aloes, dont plu- sieurs sont remarquables par la beauté de leurs fleurs et pres- que tous par la singularité de leur feuillage. Leurs six étamines FAMILLE DES LILIACÉES. 399 sont tantôt saillantes, tantôt incluses ; le style est plus ou moins long, terminé par un stigmate trifide. J'ignore si lon pourrait hybrider les différentes espèces d'Aloës, mais si on voulait tenter des croisements sur certaines espèces dont les fleurs sont renflées et les anthères incluses, il faudrait fendre les périgones sur le côté et enlever les étamines avec les pinces. Genre Scille, — Scillu. La fécondation s'opère dans les Scilles comme dans les autres Liliactes, au moyen de six étamines qui entourent un pistil simple. L'ouverture des anthères n’a lieu qu'après celle de la fleur: en sorte que, si l'on veut essayer les croisements, on peut très-facilement enlever les étamines le premier Jour de l'épanouissement. Plusieurs Scilles sont cultivées comme plantes d'agrément, ét toutes mériteraient de l'être. Elles offrent entre elles assez de différence pour faire supposer que l'hybridation entre espèces né pourrait avoir lieu; mais presque toutes offrent déjà des variétés à fleurs blanches, à fleurs roses ou lilas, qui permettent d'espérer d'autres teintes par leur mélange. Les Scilla bifolia, peruviana, liliohyacinthus, campanulata, les nutans, amæna, Bertolonii, sibirica présentent ces variétés blanches ou lilia- cées, à l'exception peut-être de la dernière, qui, ainsi que le bifolia, serait un très-bon porte-graine. Genre Jacinthe. — /lyacinthus. Au nulieu des six étamines de la Jacinthe se trouve un ovaire tigone, surmonté d'un style simple et d'un stigmate aplati. Les anthères sont incluses dans un périgone en forme de grelot, et le stigmate reste aussi enfermé avec les organes mâles. On ne peut donc enlever les élamines, ni pratiquer la fécondation arUlicielle sans une petite opération qui consiste. à faire une incision en forme de petite porte sur un des côtés de la corolle, 100 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. C'est par cette petite partie soulevée que l'on ôte les anthères, que l’on pose le pollen, et l'on referme ensuite en l'appliquant exactement sur les lignes que l’on a coupées. J'ai fécondé ainsi de belles variétés de Jacinthes simples, dont les fruits ont par- laitement müri. On doit noter que dans ces plantes chaque grain de pollen ue produit qu'un seul tube pollmique. Quoique ce genre contienne un certain nombre d'espèces, ce n’est guère que sur les diverses variétés de l’orientalis que l’on opère l'hybridation; et, quoiqu'il semble, au premier abord, qu’il n’y ait plus rien à espérer, je suis convaincu que, dans les variétés jaunes, dans les bleues et les rouges très- foncées, il y a encore de très-bonnes plantes à attendre des croi- sements faits avec soin et discernement. Les Jacinthes doubles, moins appréciées pour le moment que les simples, ont aussi beaucoup à gagner. En cherchant dans ces variétés celles qui conservent les étamines fertiles pour en féconder des Jacmthes simples à couleur vive, je suis persuadé que l’on parviendra à améliorer encore ces fleurs déjà si belles. Genre Muscari. — Muscari. Ce que nous venons de dire des Jacithes s'applique égale- ment aux Muscari que l'on a détachés de ce genre pour en faire un nouveau. On ne pourrait non plus enlever les éta- mines sans fendre le périgone en grelot de ces fleurs. L'hybri- dation pourrait, je pense, produire de jolies variétés dans ces végétaux. Le botryoides, qui offre déjà des fleurs blanches, roses, bleues, lilas, donnerait encore de nouvelles teintes. Le comosum, que l’on trouve aussi diversement coloré dans Îles champs, et qui, selon quelques personnes, a fourni l’élégant monstruosum, serait sans doute susceptible de donner encore d'autres plantes, surtout si on pouvait, en préparant convena- blement le monstruosum, c'est-à-dire en retranchant de bonne heure presque toutes ses branches, le forcer de donner quel- FAMILLE DES LILIACÉES. 401 ques fleurs fertiles ou munies seulement de l'un des deux sexes. Enfin, le moschatum et sa variété plus grande, le sessiliflo- rum et le maritimum, pourraient encore présenter de nouvelles modifications par les croisements. Genre Ornithogale. — Ornithogalum. Les Ornithogales sont de belles plantes organisées comme les autres Liliacées, à stigmate simple et obtus, et sur lesquelles l’hybridation peut être tentée aussi aisément que sur les Tulipes et les Lis. Quelques espèces semblent se grouper en sections nom- breuses et pourraient peut-être s'hybrider; telles sont d'abord l'umbellatum, ou dame d'onze heures, à fleurs météoriques, le nutans, Vexcapum, le bæticum. D'un autre côté, se trouvent les plus belles espèces cultivées : le narbonnense, l'arabicum, le pyramidale, le latifolium, le thrysoides ou aureum. Le flavescens et le stachioides, deux variétés du pyrenaicum, forment une autre section qui ne mérite guère d’être cultivée. Enfin, les Ornithogales à fleurs jaunes, dont on a fait le genre Gagea, en constituent une quatrième, dont les espèces sont assez Jolies. Genre Aïil. — Allium. Les diverses espèces d’Ail et l'Oignon, qui en fait partie, ont encore des fleurs à six étamines et un ovaire surmonté de trois sügmates plus ou moins longs. Ces fleurs sont nombreuses et réunies en ombelles ou capitules, dont il faut détruire la ma- Jeure partie pour rester maitre des autres et pouvoir leur enle- ver toutes leurs anthères. Je ne crois pas, malgré cela, que l'hybridation puisse s’opé- rer entre les diverses espèces, dont plusieurs sont de véritables plantes d'ornement, comme les A. azureum, moly, ursinum, roseum, superbum, etc., et encore moins avec le victoriale, qui m'est pas beau et très-dilférent des autres. 26 02 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. C'est parmi les espèces ou variétés comestibles que l'on doit tenter l'hybridation en cherchant de nouveaux Poireaux, de nouveaux Oignous, et en essayant de modifier par des croise- ments bien combinés les saveurs de l’Aiïl, de l’Echalotte, de la Ciboule, qui font partie de ce grand genre. Ainsi le Poireau A. porrum, qui a maintenant produit des variétés très-grandes, à larges feuilles, pourra sans doute en donner de nouvelles. L'Oignon, Allium cœæpa, a été depuis longtemps modifié, et l'on cultive mamtenant le rouge pâle, le paille ou jaune, le blanc hâtif, le gros blanc, YOignon d'Égypte, celui de Nocera, V'oi- gnon patate, etc., variétés qui se croiseraient certainement ensemble et au moyen desquelles on obtiendrait des nouveautés. Charles Morren rapporte, dans les Annales de la Société de botanique et d'horticulture de Gand, que le docteur Wiegman fit, dans la famille des Liliacées, un vrai tour de force en pro- duisant des hybrides Oignons-Poireaux. sema dans le même parterre des Oignons et des Poireaux, et, les fleurs ou- vertes, 1l lia ensemble les têtes fleuries de ces plantes. Les’ graines donnèrent des plantes intermédiaires pour la forme et le goût, et les progénitures de ces hybrides furent elles-mêmes fertiles. On peut dire ainsi que Wiegman créaun légume nouveau. Il est heureux pour ceux qui n'aiment pas les Oignons et-qui détestent les Poireaux qu'un tel légume ait disparu des pota- gers, mais, au point de vue botanique, il eût été bien curieux de s'assurer de sa permanence. Les À. sativum ou Ail ordinaire, ascalonicum, Echalotte, fi- stulosum et schænoprasum ou Ciboules, varient aussi par la cul- Lure el pourraient produire encore des variétés nouvelles. Peut- être l’ampeloprasum, le nigrum et sa variété magicum pour- raient-elles servir aussi à croiser les races cultivées et à les améliorer encore. Il y a toutelois un obstacle qui se présente quelquefois pour la fécondation de plusieurs espèces d’Allium, obstacle qui se retrouve dans plusieurs autres Liliacées; c’est la présence des bulbilles au lieu de graines; mais parfois on trouve, au milieu de ces bulbilles, quelques fleurs qui peuvent FAMILLE DES MUSACÉES. 405 au moins donner du pollen, si même elles ne sont pas entière- ment fertiles. Comme pouvant former de nouvelles plantes potagères, PA mérite toute l'attention des horticulteurs. KAMILLE DES COLCHICACÉES. Genre Colchique. — Colchicum. C’est à l'automne que les Colchiques fleurissent, et, quoique leurs capsules ne paraissent qu'au printemps suivant, c'est au moment de la floraison qu'il faut opérer la fécondation. Ils offrent six étamines, qu'il est facile d'enlever, et trois styles très-longs, terminés par des stigmates simples recourbés. C'est le C. autumnale, si commun dans nos prés et qui à donné de belles variétés dans les jardins, qu'il faudrait choisir pour porte-graime. Il s'hybriderait avec ses propres variétés, et on pourrait essayer aussi le variegatum, le montanum, l'al- pinum et le persicum. FAMILLE DES MUSACÉES. Genre Strelitzia. — Strelitzia. Les Strelitzia ont une organisation très-curieuse ; deux des divisions du périgone, presque toujours d'un beau bleu, se réu- nissent et laissent entre elles un sillon profond où se trouvent placées cinq étamines, dont les anthères sont très-rapprochées, et forment une espèce de tube traversé par le style et le stigmate. Je ne sais pas s'il est possible d'hybrider ces plantes, dont deux ou trois espèces seulement fleurissent dans nos serres, mais on peut au moins employer la fécondation artificielle avec leur propre pollen pour avoir des graines fertiles. Déjà M. Ad. Brongniart et M. Delaire avaient recueilli, par ce moyen, des graines fertiles du Strelitzia reginæ. En fécondant cette même espèce, j'ai obtenu aussi de magnifiques graines parfaitement 404 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. mûres. J'ai opéré sur deux plantes : dans l’une j'ai employé la liqueur nectarifère qui sort en très-grande quantité de la base des fleurs, pour imbiber le stigmate, sur lequel j'ai ensuite posé le pollen. Dans l’autre, j'ai évité au contraire l’action de cette Grav. 105. — Strelitzia reginæ. liqueur, que j'ai fait écouler et que j'ai empêchée d'imprégner le pistil, par de petits tampons de coton que j'ai placés au fond de la"fleur; et cette dernière plante, dont le stigmate a été inondé de pollen, n’a pas fructifié (grav. 103). FAMILLE DES CANNÉES. 405 Voici ce que mon savant et regrettable ami, Charles Morren, écrivait au sujet du Strelitzia. « L'horticulture belge a pro- duit de nombreuses et remarquables variétés de Strelitzia, va- riétés qui ne sont citées par aucun auteur et que nos horticul- teurs regardent comme de vrais hybrides. Nous citerons les S. rutilans, imperialis, aurora, citrina, vitrea, etc., pour exemples. Il est à noter que le pollen du Strelitzia est singuliè- rement construit, en ce que, sphérique, sa membrane externe est fort épaisse, finement ponctuée et ne se détache pas de l'interne. Le fait est que nous avons vu obtenir de semis des variétés très-diverses du S. reginæ, qu'on nous représentait comme ayant été fécondé par le S. augustifolia, le S. parvifo- lia (juncea) etle S. humilis. Nous ajouterons que si les ori- gines sont exactes, elles prouveraient le fait généralement ad- mis sur le continent, mais que M. Hébert met fortement en doute pour l'Angleterre, à savoir, que les plantes hybrides tien- nent leur forme de leur mère et la couleur du père. Tous ces Strelitzia ont en effet l'allure du S. reginæ, et ce n’est que par la coloration des feuilles, des bractées, du périanthe et de l’an- thère, que ses fleurs diffèrent d’une manière si riche et si élé- gante. (Annales de la Société d'agriculture et de botanique de Gand, t. 1, p. A9.) FAMILLE DES CANNÉES. Genre Balisier. — Cannt. Le genre exotique des Balisiers est remarquable par son éta- mine solitaire, dont l'anthère est placée sur le bord du filet, et par son style en languette, terminé par une arête papillaire qui en est le stigmate. Le Canna indica, qui est le plus répandu, donne très-facile- ment des graines, et il en est de même de plusieurs autres es- pèces quand on les cultive en pleme terre, comme les Dahlia. C'est alors seulement que leur floraison est abondante, et l'on 406 KÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE \/ AU NN //4 | à l AA W 2 \' \W | D | (NE | V erandeur naturelle. FAMILLE DES CANNÉES. 107 pourrait très-certainement les hybrider. Les C. iridiflora, san Grav. 105. — Fleur du Canna flaccida de grandeur naturelle. — Fragment pétaloïde avec l’étamine et le pistil. — Coupe d'unlovaire jeune. guinea, speciosa, albiflora, lutea, limbata, etc., se croiseraient 408 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, très-probablement, et le temps n’est pas éloigné où les Bali- siers deviendront de belles plantes de collection comme les Roses trémières, les Asters, les [ris, etc. Celui qui s’occupera sérieusement d'hybrider ce beau genre ne-peut manquer d’'ob- tenir de nombreux succès. Ce que nous annoncions comme possible en 1845 s’est plei- nement réalisé dans ces dernières années. Les Canna, organi- sés sur le même type, se sont parfaitement croisés et ont donné de bien beaux résultats. Dans quelque temps il deviendra im- possible de remonter à l'origme des types comme dans les Fuchsia et dans les Pelargonium (grav. 104, 105). FAMILLE DES COMMÉLINÉES. Genre Éphémère. — Tradescantia. On cultive en pleine terre Le T. virginica, le splendens, le rosea et les variétés blanche et à fleurs roses doubles de la première espèce. Un en trouve dans les serres un assez grand nombre : tels que e discolor, le versicolor, le zebrina, le fuscata. Toutes ces plantes ont six étamines et un style terminé par un stigmate à trois angles. Les fleurs s'ouvrent le matin et se relerment le jour même pour ne plus s'ouvrir, en sorte que si l’on voulait tenter l'hybridation, ce serait dès l'épanouissement qu'il faudrait enlever les anthères et opérer de suite la féconda- tion. [n'y aurait guère, du reste, que des variétés du virginica que l’on pourrait croiser; mais la fécondation artificielle per- mettrait peut-être de faire fructifier plusieurs espèces qui ne donnent pas de graines dans nos serres. FAMILLE DES AROÏDÉES. Comme nous l'avons fait déjà pour les Orchidées, nous ne pouvons donner que quelques notions générales sur la féconda- FAMILLE DES AROÏDÉES. 109 tion de la singulière famille des Aroïdées. Elles sont moins mul- tipliées dans la nature que les Orchidées, et aussi moins culi- Yées dans nos serres, où quelques espèces cependant tiennent Grav. 106, — Inflorescence du Philodendrum pertusum (famille des Aroïdées.) un rang distingué par leur beauté et leur feuillage et la singu- larité de leurs fleurs. Quelques-unes fleurissent, et peu d’entre elles fructifient, à l'exception des indigènes, comme certains 410 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. Arum et le Calla. H est très-probable que, par la fécondation artificielle, on ferait fructifier la plupart des Aroïdées exotiques dont nous pouvons obtenir la fleur. La monoëcie existant ordi- nairement, ou plutôt les fleurs mâles et femelles étant réunies dans une même spathe, ce que nous avons dit jusqu'à présent des moyens employés dans ces diverses circonstances est plus que suffisant pour que l’on opère sans peine l'hybridation on la fécondation artificielle sur ces plantes. Il doit y avoir ce- pendant un moment à choisir pour la pratiquer, car on sait que dans plusieurs de ces végétaux l’anthèse est indiquée par un développement de chaleur assez considérable, et qui se maintient pendant plusieurs heures. N'ayant eu occasion d’étu- dier aucune Aroïdée de serre chaude, et n'ayant opéré la fé- condation que sur le Galla ethiopica, qui a bien fructitié en pleine eau, dans un bassin, je ne puis donner que ces indi- cations générales, et engager ceux qui sont placés dans des circonstances convenables à étudier ce mode de fécondation et à collectionner ces plantes, qui, sans doute, s'accommode- raient parfaitement de la serre à Orchidées (grav. 106). Les insectes concourent puissamment à la fécondation de plusieurs Aroïdées. L’odeur infecte que plusieurs espèces ré- pandent lorsqu'elles fleurissent attire ceux de ces animaux qui ont l'habitude de vivre de viandes corrompues. Les poils qui garnissent souvent l'entrée rétrécie de la spathe dans laquelle les fleurs mâles et les fleurs femelles sont enfermées, tout en permettant par leur flexibilité l'entrée de ces insectes, s'oppo- sent souvent à leur sortie, et la fécondat'on s'opère par les an- goisses des pauvres prisonniers. « FAMILLE DES GRAMINÉES. Cette famille, une des plus nombreuses et la plus utile du règne végétal, contient, indépendamment de nombreuses es- pèces d'ornement pour nos jardins, plusieurs genres qui sont FAMILLE DES GRAMINÉES. m1 l’objet d’une grande culture et qui couvrent nos campagnes. Les céréales et une partie des plantes fourragères appartiennent à ce groupe si remarquable. Les Graminées, devant servir de nourriture aux hommes et aux animaux, ont été organisées de telle manière que la fécon- dation est toujours certaine, et que, par conséquent, les graines sont toujours fertiles. Les étamines, dont on trouve six dans le Riz, sont presque partout au nombre de trois seulement, ra- rement deux, dans les différents genres. Quelquefois les an- thères, portées sur de courts filets, restent dans l’intérieur des écailles florales; d'autrefois, et le plus souvent, les filets sont longs, les anthères vacillantes et pendantes comme dans le Seigle, et ce ne sont point les étamines de la fleur qui fécon- dent son pistil, mais celles de la fleur supérieure et quelquefois celles qui sont les troisièmes ou les quatrièmes dans l’ordre de leur succession en hauteur. Les pisüils sont formés d'un ovaire simple, surmonté de deux à trois stigmates plumeux, en forme d'aigrette ou de pinceau, dont les divisions sont droites, obliques, inclinées ou tout à fait pendantes. Le développement de ces organes n'a pas toujours lieu en même temps ; mais le plus ordinairement cependant il est simultané. Enfin, on trouve dans cette même famille, et quelquefois sur le même pied, des fleurs hermaphrodites, mâles, femelles et neutres. La fécondation artificielle, et surtout l'hybridation, n'a, pour ainsi dire, pas élé tentée sur la famille des Graminées, mais souvent elle s'est opérée naturellement et sans le secours de l’homme. Il ne pouvait en être autrement pour des plantes que l’on cultive ensemble, très-rapprochées sur d'immenses éten- dues, et dont le pollen lisse et léger est si facilement emporté par le vent. Il est à désirer pour l’agriculture que l'on s'occupe de eroi- sements dans plusieurs genres de cette famille. On ne rencon- trerait guère d'autre difficulté que celle d'isoler les porte- graines, Ce qui pourrait se faire en les cultivant séparément M2 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. dans les jardins. On peut aussi coiffer l'épi pendant quelques jours avec un cornet de papier que l'on serre légèrement sur la tige. La castration exige aussi beaucoup de soin. C'est sou- vent à quatre heures du matin que les étamines des Graminées sortent des enveloppes de la fleur, et il est essentiel de les en- lever de suite, car elles répandent leur pollen immédiatement après. IL faut, en outre, supprimer avec les ciseaux une partie des fleurs de l’épi ou de la panicule, et conserver de préférence celles de la base ou du milieu. Enfin, les plus grandes précautions sont nécessaires pour ne pas se Ha voler par les oiseaux les graines que l'on a pris la peine d'hybrider. Les procédés d’hybridation étant les mêmes, nous ne cite- rons qu'un petit nombre de genres de cette intéressante fa- mille. Genre Maïs. — Zeu. Le Maïs ou Blé de Turquie a ses fleurs monoïques, les mâles disposées en panicule au sommet des tiges, ct les femelles en épis latéraux, munis de très-longs styles tout couverts de stigmates papillaires. Ces styles pendent le long de la tige et recueillent sur leurs papilles le pollen qui descend par son propre poids des panicules terminales. Rien de plus facile que d'hybrider entre elles les nombreuses variétés de cette céréale ; il suffit d’abattre le sommet de la tige du porte-graine avant le développement de la panicule, et d’ap- porter ensuite sur les épis femelles, quand ils sont entièrement développés, des FRARRES de fleurs mâles que l’on secoue sur les styles. J'ai obtenu de cette manière des épis de grains qui offraient plus de sept à huit variétés mélangées à la seconde génération. J'ai hybridé le rostrata avec le jaune et le rouge ordinaire, et j'ai détruit son bec; enfin, il n’est aucune variété de cette belle plante qui ne change encore par l'hybridalion, soit en variant FAMILLE DES GRAMINÉES. 415 la forme de ses épis, soit en panachant ses graines ou en per- mutant sa couleur. Genre Sorgho. — Sorghum. Les Sorgho, cultivés en Afrique comme céréales, ont les fleurs en panicule divisée en une multitude de pédicelles, dont chacun porte deux fleurs, une hermaphrodite et une mâle. Les organes femelles sont aptes avant les anthères; en sorte que l’on pourrait facilement hybrider ces plantes, et notamment les diverses variétés de l’alepense, qui est la principale espèce. Ces croisements n'auraient d'intérêt que pour les zones méri- dionales, où cette plante est cultivée en grand. Genre Panie. — Panicum. Les fleurs des Panics, dont plusieurs sont cultivés sous le nom de Millet, sont solitaires sur l’épi ou la panicule, et ac- compagnées d’une fleur neutre, plus ou moins complète, quel- quefois remplacée par une fleur mâle. On peut leur appliquer ce que nous venons de dire des Sorgho. Genre Avoine. — Ave). On ne cultive guère que quatre espèces d’Avome : ce sont les À. communis, orientalis, strigosa, nuda, dont les trois premières ont les glumes biflores et la dernière triflore. Les fleurs sont presque toujours hermaphrodites, quelquefois mo- noïques ou neutres par l'avortement partiel ou complet des or- ganes. Les anthères sont à peine saillantes et les stigmates sont inclus. On connaît un grand nombre de variétés de ces Avoines et surtout de la première espèce, et il serait facile de les aug- menter encore par l'hybridation. On pourrait, pour lAvoine, comme pour la plupart des Cé- réales, pratiquer l'hybridation en grand, en semant dans le mème champ un certain nombre de variétés mélangées; les ‘+ 414 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, graines qui en proviendraient seraient semées ensuite dans un autre champ, et, parmi les descendants de ces plantes, on en trouverait très-certanement un bon nombre d'hybrides avec des caractères particuliers, faciles à reconnaitre et que l'on marquerait pour en conserver les graines isolément. On obtien- drait, par ce moyen, à la portée de tous les agriculteurs, des plantes nouvelles qui pourraient l'emporter sur les autres, soit par leur précocité, leur rusticité, soit par leur rendement plus considérable ou d’autres qualités que le cultivateur saurait ap- précier à son point de vue. Genre Riz. — riz. Le Riz cultivé a les fleurs disposées une à une; elles ont six étamines et deux stigmates plumeux. On en connait un grand nombre de variétés distinguées principalement par la couleur de leurs grames blanches, rouges, noires ou jaunes. On pourrait, comme pour les autres Graminées, en multiplier les modifications à l'infini, ce qui serait impossible sous notre chmat. Genre Froment, — 1rilicum. Les Froments ont ordinairement deux ou trois fleurs dans la même glume, et elles sont hermaphrodites. On en connait maintenant plus de quatre cents variétés produites par de véri- tables espèces, races ou sous-espèces distinctes, des hybrida- tions et des modifications de climat et même de culture. Nous ne nous y arréterons pas, et nous renverrons aux travaux de Seringe et de Philippar, qui se sont occupés avec talent de la classification très-difficile des céréales, et notamment du Blé. Nous croyons que les Froments peuvent être hybridés comme les autres Graminées, soit en s’occupant d'un épi isolé, soit en semant à la volée et en mélange les espèces ou les races que l’on se propose de croiser. Dans le premier cas, il faudra, dès la veille de l'épanouissement, entr'ouvrir adroitement les balles de la fleur et enlever légèrement les anthères sans toucher les FAMILLE DES GRAMINÉES. 415 papilles très-délicates du stigmate. Le lendemain, de bonne heure, on posera le pollen et l'on supprimera au moins la moi- üé supérieure de l'épi. Il est inconcevable qu'une opération si simple, et qui peut avoir de si grands résultats, n'ait pas été essayée sur la plante qui nourrit une partie du genre humain. Il y a toutefois à remarquer que les Triticum offrent deux races distinctes qui semblent trop différentes pour s’hybrider. Ce sont les Blés nus, tels que le vulgare, le durum, Vhyber- num, elc., etles Blés enveloppés, comme l'Épeautre, T. spelta, le mono et le diccocum. Loiseleur Deslongchamps prétend que les pistils du Froment sont lécondés à huis clos, avant l'ouverture des fleurs, par les étamines des fleurs déjà ouvertes. Genre Ægilope. — Æyilops. La question de la transformation de l'Ægilops en Froment, soulevée par M. Esprit Fabre, d'Agde, a: appelé l'attention sur ce genre de plantes, et l'on a reconnu que les Ægilops pou- vaient être parfaitement fécondés par le Blé. Ainsi, l'Ægilops ovala, eroisé par un Froment barbu, a donné à plusieurs bota- nistesune plante désignée sous le nom d'Æ. speltæformis, véri- table hybride fertile, lequel, pendant de nombreuses généra- tions, reproduit toujours la plante hybride. M. Fabre à cultivé pendant vingt ans de suite cet Ægilops sans qu'il se soit mo- difié. MM. Vilmorin el Grœrland ont fécondé l'Ægilops ventricosa par le pollen d'une variété barbue du Triticum sativum. Ms n'ont obtenu qu'une seule plante hybride. « Si nous comparons notre hybride à sa mère, disent-ils, à l'Ægilops ventricosa, nous voyons que c’est surtout son épi qui l'éloigne de cette dernière plante, et qui le rapproche du père. Les épillets de l'Ægilops ventricosa sont fortement ren- flés, ventrus’ vers leur base, » Cette plante est restée stérile. M. Godron a fait de nombreuses expériences sur la féconda- 416 FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE. tion de l'Ægilops triticoides par le Blé. Il en a obtenu l’Æ. spel- læformis, semblable à celui cultivé par M. Fabre, non-seule- ment par les organes de la floraison et de la végétation, mais aussi parce que ce produit hybride de seconde génération est fertile par lui-même. M. Planchon (Bulletin de la Société de botanique) voit dans cette observation plus que la conquête d'un fait. « C’est, ditl, un nouveau triomphe du principe de l'induction, auquel les sciences d'observation doivent leurs pro- grès. [l faut bien dire, en effet, malgré le désir d'éviter toute polémique irritante, que M. Jordan, en soutenant la cause des hypothèses dans une question d'expérience, s’est préparé d'inévitables mécomptes. D'abord, il a nié que l'Ægilops triti- coides sortit du même épi que l'Ægilops ovata; vaincu par l'évidence, il a dû reconnaître son erreur. En second lieu, il a nus en doute l'hybridité de l'Ægilops triticoides. Nouvelles preuves d’une part, nouvelle défaite de l'autre, et nouvelle pa- linodie. M. Jordan se retranche alors derrière un nouveau rempart d'hypothèses. Il soutient que l’Ægilops-blé, de Fabre (Ægilops speltæformis Jord.) est une espèce légitime qui ne dérive en rien de PÆgilops triticoides. Or, cette prétendue espèce, M. Godron vient de l'obtenir de l'Ægilops triticoides, fécondé par un Froment. « Depuis lors, M. Grænland a continué ses études sur les hy- brides d’Ægilops et des Froments, hybrides qui se perpétuent depuis longtemps par leurs graines fertiles, el ces expériences ont prouvé : l'existence d'une plante hybride devenue fertile sans être retournée au type d'un de ses parents. » (Bulletin de la Société botanique de France, t. VI, p. 614.) Genre Seigle, — Secale. Les Seigles diffèrent des Froments par leurs fleurs réunies deux à deux et par une troisième fleur stérile située au som-- met de l'épillet. Toutes les variétés cultivées appartiennent à la mème espèce, FAMILLE DES FOUGÈRES. M7 le S. cereale, dont les hybrides ne seraient pas plus difficiles à obtenir que ceux du Froment. Genre Orge. — Hordeun. Les Urges cultivées ont les fleurs hermaphrodites, à l'excep- lion de quelques fleurs latérales qui sont mâles. On en connait quatre espèces, l'hexastichum à six rangs, le vulgare, également à six rangées, le distichum et le eocriton, qui n’ont tous deux que deux rangs. Plusieurs de ces espèces ont déjà donné des variétés distinctes, telles que les Orgesnues, mais il ne parait pas qu'il existe d'hybrides bien marqués entre les espèces. Il y au- rait des essais à faire pour chercher ces croisements, et Orge semble, sous le rapport de ses modifications, moms avancée que le Froment, bien que l'on ignore sa patrie ct son origine, comme celle de presque toutes les céréales, qui sont peut-être des modifications créées par l'homme, et dont les types sont devenus méconnaissables. FAMILLE DES FOUGEÈRES. Voici ce qu'on lit dans Le Journal d'Agriculture de M. Bixio : « Parmi les moyens les plus puissants de développer le pouvoir de l'homme sur les végétaux, l'hybridation étonne de plus en plus observateur par l'étendue illimitée de ses effets; en Alle- magne, M. Regel croit avoir obtenu des hybrides dans une fa- mille de plantes où la possibilité des croisements semblait diffi- cile à admettre, tant ses organes reproducteurs sont imparfai- tement connus! Le fait mérite cependant d'être constaté. Il s'agit de la famille des Fougères. « On a longtemps dédaigné d'accorder, dans nos serres, une place à ces plantes au feuillage élégant, mais dépourvues de fleurs. Aujourd’hui nous n'avons pas une serre chaude qui n'admette, en raison de F'infinie variété de leur élégant feuil- lage, les Fougères des contrées intertropicales. On sait com- 21 41s FÉCONDATION NATURELLE ET ARTIFICIELLE, bien ces contrées sont riches en Fougères; on trouve dans l'Australie des forêts de Fougères arborescentes dont les tiges, grosses comme des troncs d'arbres, n’ont pas mois de douze à quinze mètres d’élévation. Les Fougères exotiques sont donc en ce moment en grande faveur. Or, l'observation constate pour le genre Gymnogramma, l'un des plus répandus, que dans les serres où une seule est cultivée, elle se reproduit identique à elle-même: tandis que si plusieurs espèces sont cultivées côte à côle, 1l se produit des espèces ou variétés intermédiaires, que M. Regel n'hésite pas à considérer comme des hybrides. « En Angleterre, M. Henderson a observé les mêmes faits, et quoiqu'il ne se prononce pas si ouvertement que M. Regel, quant à l'hybridation, 1l est aisé de voir qu'il ne trouve pas d'autre cause probable à assigner à ces phénomènes. « Pour nous, horticulteurs, dit M. Ysabeau, 1l nous suflit de constater l'existence du fait et de chercher à en profiter en pro- duisant, s'il est possible, de nouvelles espèces et variétés de Fougères, dont les physiologistes auront plus tard à nous expli- quer rationnellement la production. » Nous n'oserions pas supposer qu'il existe quelque procédé pour hybrider les Fougères, mais l’on croit cependant avoir reconnu quelques hybrides parmi ces plantes. L'Asplenium Breynii Schwarz a été considéré comme un hybride de l'Asplenium ruta muraria et de l’Asplenium sep- tentrionule. Bory de Saint-Vincent a publié, sous le nom de Gymno- gramma Martens, une espèce née dans les serres de Louvain, et qu'il considérait comme un hybride des G. calomelanos el G. chrysophylla. La même Fougère hybride a été retrouvée par le docteur L'Herminier dans Les bois de la Guadeloupe. La couleur de cette jolie poussière, répandue sur la face inférieure de cette éclatante Fougère, tenait le milieu entre le mat de l'argent et Te brillant de l'or métallique. Cependant le moyen d'hybridation que recommande Bory, et qui consiste à secouer une fronde fructifiée sur celle d’une autre FAMILLE DES FOUGÈRES. 119 espèce, ne peut amener aucun résultat. Les Fougères sont sou- mises à la génération alternante et à de curieuses métamor- phoses, Leurs organes de reproduction ne se montrent que dans le premier âge et avant l’évolution des frondes, dont la lace inférieure né supporte que des gemmes ou des bulbilles, et non de véritables graines. Nous avons voulu, par cette note, signaler la possibilité de l'existence des hybrides dans les Fougères sans avoir la pré- lention d'indiquer un mode pratique de les obtenir. Nous croyons qu'il faut abandonner au hasard, qui a créé les premières Tulipes, ainsi qu'une partie des nombreuses variétés qui décorent maintenant nos jardins, le soin de faire naître aussi les premiers hybrides de Fougères; c'est, je crois, la seule concession que nous lui ayons faite dans tout le cours de notre travail; mais nous reprenons immédiatement nos droits de médiateur, et nous ne pouvons mieux terminer notre tâche qu'en empruntant les dernières lignes au spirituel cet savant rédacteur de la Chronique horticole du Journal d'agri- culture. « Nous ne saurions trop engager les horticulteurs de profes- sion et les amateurs à essayer toute sorte de croisements hy- brides. La joie et l'honneur que procure la conquête d’une hy- bride nouvelle, n'importe en quel genre, sont au nombre des plaisirs les plus purs que puisse procurer la culture des fleurs.» J'ai dit tout ce que je savais, tout ce que m'ont démontré la pratique et de longues observations; j'espère apprendre en- core, mais les hommes qui cultivent les-fleurs ou qui s'adon- nent à la recherche des fruits, ceux qui espèrent des nouveau- tés dans les légumes et les produits utiles de nos jardins, les forestiers qui voudront marcher dans une voie nouvelle, et les agriculteurs qui chercheront à étendre leur domination sur des plantes encore inconnues, trouveront peut-être dans ce travail quelques documents que je suis heureux de leur offrir. FIN. APR D RONA UE A TE J +1 i à h 4 PRIE TEL MAS rÉ: APT QE A gs MR ER LME TE PK 4, 63 Merris rh CAL SON TER # s % , d ‘ "é $ F3 À UE PET \ à / Lys DATE LR its YF 24 HASPE CR l4 TS TT TE - ai cutter PA Ÿe j ET ÿ & Re CU ne ar # x f Pig Enr ‘ss #4 Eye: ya #8 ae gt me FA ” “épais au y s 1 ln, + ONE L 4 ?A # d Lu é Le ‘ MN RER PMR EEE Hs SR NE COPINE « à re 4 te PE PR PIN rie £ ne 3 ARE HARAS LRU JR: CNT 4 EE : HE | EariT HE à né De LA. é Hal jet if: ral D “ni K LENS “tt jte Autre PE à: À ES CT 04, fr PÉHE fi SES sd Slen 1e disant dun: DU ie mer. et PAUL LS rer buns Manu SAME ES RU Pub SÉEe 1 à at. SEE à “as D CAPCET, A es NE . AT MAUR € Fe Je ) ne “a 7 ‘a $ : tip. rs SO ; ï'æx sh is TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS DES PLANTES DÉCRITES DANS LE COURS DE L'OUVRAGE Les noms des familles sont en petites carirates, les noms francais sont en caractères ordinaires et les dénominations latines en italique. A Abies. 399, Abricotier, 469. Abutilon, 131. Acacia, 166. Acacia, 166. Ache, 225, Achiménès, 251. Achimenes, 251. Aconit, 99. Aconitum, 99, Audonis, 89. Adonis, 89. Æsculus, 138. Ail, 401. Alisier, 191. Allium, 404. Aloès, 398. Aloes, 398. Alstrœmeria, 585. Althæa 154. Armandier, 167. AMARANTHACÉES, 942. AMARYLLIDÉES, 979 Amarvllis, 37. Amaryllis, 31K. AMENTACÉES, 019. Amyqdalus. 167. Anagallis. 291. Ananas, 595. Ancolie, 07. Andromeda, 253. Andromède, 255. Anémone, 86. Anemone, S6. Antholita, 572. | Antholize, 572. | AxTHYRRINÉES, 280. | Anthyrrinum. ?S0. | Apium, 295. Arocixées, 267. Aquilegix, 91. Arabis, 115. Aralia, 225. | Aralie, 295. ARALIACÉES, 225. | Arbousier, 254. Arbutus. 25%. | Aria, AN. Aristoloche, 329. Aristolochia, 529. Armoriaca, 169. ARoOIDÉES, 408. Artichant, 244. Arum, 408. Asclépiade, 267. Asclepias. 261. ASPARAGINÉES, 986. | Asparagus, 586. Asperge, 986. Aster, 230. | Aster, 250. | Astrance, 295. Astrantia, 295. ARISTOLOCHIÉES, 929, Aubépine, 184. Aubergine, 277. Auricule, 292. Aveline, 349, Avena, M3. Avoine, 415. Azalea, 251. Azalée, 257. Balisier, 405. Balsamina, Y46. Balsamine, 146. Banksia, 559. Banksie, 339, Begonia, 520 Begonia, 320. Bécoxracées, 920. Belle-de-nuit, 300. Bellis, 255. Benoîte, 179. Bersérinées, 106, Berberis, 106. Bérgamotte, 147. Beta, 511. Bette, 517. Betterave. 317. Betula, 543. Bigarade, 147. Bignone, 272. Bignonia, 272. Biéxoxracérs, 272, 422 Blé, 414. Blé noir, 518. Blé de Turquie, #12. Bois gentil, 528. Boronia, 192. Boronie, 152. Bonraginées, 214. Boule de neige, 226. Bouleuu, 343. Bouquet parfait, 128. Brassica, 118. Bromelia; 385. BROMÉLIACÉES, 589. Brugmansia, 211. ruyère, 259. nisson ardent, 184. € Cacrées, 205. Calanthe, 559. Calcéolaire, 285. Calceolaria, 285. Calebasse, 195. Calendula, 240. Calla, M0. Calycanthe, 192, CazycanTHÉEs, 192. Calycanthus, 192. Camellia, 149. Camellia, 1449. Canéuiées, 149. Campanula, 245. Campanule, 245, CaAMPANULACÉES, 249. Canna, 405. Cannabis, 554. Canvées, 405. Capparis, 121. CAPPARIDÉES, 121. Caprier, 121. CaPRiFOLIACÉES, 296. Capucine, 144. Cardamine, 119, Cardon, 245. Carotte, 22%. CarvoPHYLLÉES, 198. Casse, 166. Cassia, 166. Castanea, 346. Catalpa, 212. Catasetum, 560. Catlheia, 539. Cédrat, 147. Céleri, 295. Celosia, 515. Célosie, 515. Centaurea, 240. Centaurée, 240, Cerasus, 170. Cereus, 208. Cerisier, 170, Cestre, 271. Cestrum, 211. Chamécerisier, 296. Chanvre, 334. Chätagnier, 346. Chêne, 546. Chêne d'Egypte, 237. CHÉNoronÉéEs, 917. Chèvrefeuille, 226. Chicorée, 241. Chicorium, 2. Chou, 118. Chou-fleur, 118. Chou-rave, 118. Choryzema, 155. Choryzème, 155. Chrysanthème, 237. Chrysanthemum. 257. Ciboule, 401. Cierge, 208. Cinéraire, 240. Cineraria, 240. Ciste, 126. Cisnnées, 126. Cistus, 126. Citronnier, 147. Citrouille, 198. Citrus, 147. Clematis, 82, Clématite, 82. Cléome, 129. Cleome, 122. Clitoria, 151. Clitorie, 157. Coignassier, 191. Corcuicacées, 405. Colchicum, 403. Colchique, 4053. Coloquinelle, 199. Coloquinte, 199. Colza, 118. CoumÉéLinées, 408. Cowrosées, 230, Concombre, 195. ConirèREs, 349, Consoude, 275. Convallaria, 381. CoxvozvuLacées, 273. Convolvulus, 275. Coquelicot, 144. Coreopsis, 257. Coreopsis, 251. Cormier, 191. Cocréa, 152. Correa, 152. Corydalis, 115. Corylus, 348. Courge, 149$. 1 TABLE ALPHABÉTIQUE Couronne impériale, 390, Crassuia, 216. Crassule, 216. CrassuLacées, 216. Cratæqus, 184. Crinum, 3179. Crinum, 319. Crocus, 515. Croix-de-Jérusalem, 152. Crucarères. 114. Cucumis, 195. Cucurbita, 198. Cucurmrracées, 195. Cupressus, 550. Cyelame, 297. Cyclamen, 297. Cydonia, 191. Cynara, 244. Cyprès, 550. Cytise, 155. Cytisus, 155. Dablia, 254. Dahlia, 254. Daphné, 327. Daphne, 521. Datura, 271, Daucus, 224. Dauphinelle, 98. Delphinium, 98. Dentelaire, 298. Desmanthus, 166. Dianthus, 128. Dielytra, 115. Digitale, 281. Digitalis, 281. Diplacus, 283. Diosma, 151. Diosma, 151. Dipsacées, 298. Dodécathéon, 296, Dodecatheon, 296. Dracocéphale, 288. Dracocephalum, 288. E Echalotte, 401. Echinocacte, 207. Echinocactus, 207. Ellébore, 95. Endive, 241. ÆEpacris, 265. Epacris, 265. Ephémère, 408. Epimède, 108. Epimedium, 108. Epinard, 518. Epine, 184. Epine-vinette, 105. Erica, 255. Ercacées, 254. Erysimum, 115. Erythrine, 1653. Erythrina, 165. Erythronie, 39%. Erythronium, 394. Escholzie, 113. Escholzia, 113. Suphorbe, 233. Euphorbia, 255. Evpnorpracées, 297. Evonymus, 155. F Faba, 158. l'agus, 545. Fève, 158. ; Ficoïde, 204. Ficones, 20%. Ficus, 551. Figuier, 537. Foucères, 417. lragaria. AT1. Fraisier, 177, Framboisier, 1476 Fraxinus, 26%. Frêne, 265. Fritillaire, 390. Fritillaria, 390. Froment, #14. Fuchsia, 200. Fuchsia, 200. Fumariées, 113. Fusain, 193. Galanthus, 381. Genévrier, 500. GÉRANIÉES, 142. Geranium, 142. Gesneria, 261. Gesnerie, 267. Gesnéniées, 247. (esse, 159. eule-de-lion, 280, Geum, 175. Girarde, 117. prose 114. friromon, 198. Gladiolus, 568. . Gloainia, 249. Gloxinie, 249, : Glaieul, 368. ” (inidia, 528. -Gnidie, 328. Graunées, M0, Grenadier, 193. Groseillier, 215. GrossuLARIÉES, 215. Guimauve, 434. Gymnogramma, 4?8. Haricot, 161. Hélianthème, 198. Helianthemum, 128. Héliotrope, 274. Heliotropium, 274. Hellébore, 95. Helleborus, 95. Hepatica, 88. Hépatique, 88. Hesrérinées, 147. Hesperis, 117. Hêtre, 345. Hibiscus, 155. Hibiscus, 155. HippocasraxÉEs, 138. Hœrmanthe, 376 Hœmanthus, 516. Hordeum, AAT. Hortensia, 221. Houblon, 535. Houx, 153. Hovea, 155. Hovée, 155. Humulus. 555. Hyacinthus, 399. Hydrangea, 22. Hydrangée, 221. Hyréricnxées, 139, Hypericum, 139. Ibéride, 117. lberis, 117. If, 349. llex, 155. Ipomæa, 275. Irinées, 369. Iris, 565. Ho 565. sopyre, 46. ri O2 Ixia, 3172. J Jacinthe, 599, Jasmin, 264. Jasunées, 264, Jasminum, 264%. Joubarbe, 217. DES NOMS DES PLANTES. 423 JuGLaxnées, 339, Juglans, 339. Jujubier, 154. Julienne, 117. Jduniperus, 550. K Kalmia, 263. Kalmia, 265. Kennedia, 160. Kennedie. 160. Laniées, 285, Lactuca, 243. Lagenaria, 19. Laitue, 245. Lantana, 289. Lantane, 289. Larix, 352, Lathyrus, 159. Laurier, 329. Laurier-rose, 271. Laurixées, 529. Laurus, 529. Lavatera, 155. Lavatère, 135. Lécomneuses, 155. Lilas, 265. Luracées, 381. Lilium, 591. Lin, 153. Linaire, 280. Linum. 133. Liriodendrum, 10%. Lis, 591. Liseron, 275. Lobelia, 246. Lobélie, 246. Locheria, 255. Lonicera, 2926. Lunaire, 115. Lunaria, M5. Lupin, 163. Lupinus, 165. Luzerne, 156. Lychnide, 152. Lychnis, 152. M Magnolia, 105. Macouracées, 105. Magnolier, 105. Mais, 412. Mahonia, 405. : Mahonie, 106. 424 Malus, 188. Malva, 139. Marvacées, 135. Mamillaire, 205. Mamillaria, 205. Mandirola, 254. Marguerite, 259. Marronmier, 158. Martagon, 591. Mathiola. 114. Mauve, 155. Medicago, 156. Melaleuca, 194. Melaleuque, 194. Melastoma, 195." MéLasromacées, 193 Mélastome, 195 Méléagre, 390. Mélèze, 592. Mélocacte, 207. Melocactus, 2071. Melon,:195. Melongène, 275. Mesembryanthemum. 20%. Mespilus, 185. Métrosidéros, 194. Metrosideros, 19#. Mignardise, 128. Mille-pertuis, 139. Mimosa, 166. Mimose, 166. Mimule, 282. Mimulus, 282.” Mirabilis, 300. Monuücanthus, 360. Monarda, 286. Monarde, 286. Morelle, 275. Morus, 33». Mouron, 291, Muflier. 280. Muguet, 587. Mûrier, 553. Musacées, 403. Müscari, 400. Muscari, 400. Myanthus, 360. Mvyrracées, 195. Myrthe, 195. Myrtlus, 195. N Narcisse, 589. - Narcissus, 383. Navet, 119. Navette, 119. Néflier, 185. Nelombo, 108, Nelumbium, 08. Nénufar, 109. Neottia, 554. Nerium, 271. Nicotiana, 278. Nigella, %6. Nigelle, 96. Noisetier, 548. Noyer, 539. NycraGiNéEs, 500. Nymphæa, 109. NywPnæacÉEs, 108. Œillet, 128. OEnothera, 202. Œxoraérées, 200. Oisnon, 401. Oléandre, 271. Olivier, 264. Olæa, 264. OMBELLIFÈRES, 293. Onagraire, 2092. Onobrychis, 158. Opuntia, 213. Oranger, 141. OrcHIDÉES, 399. Orchis, 36». Orchis, ‘565. Oreille-d'ours, 292. Orge, 417. Oryza, 14. OUrine, 342. Ornithogale, 401. Ornithogalum. #01. Orobe, 160. Orobus, 160. Orpin, 217. Oxalide, 147. Oxalis, 147. Pæonia, 101. Pancrace, 581. Pancratium, 381. Panic, 415. Panicum. 415. Papaver, 111. PaPpAvÉRACÉESs, 1441. Päquerette, 233. Passe-rose, 134, Passiflora, 122. Passiflore, 122. PassircoréEes, 199. Pastèque, 195. Pastisson, 198. Patate, 275. Pavie, 168. Pavia, 138. TABLE ALPHABÉTIQUE Pavia, 158. Pavot, 111. Pêcher, 168. Pelargonium, 142. Pelargonium, 142. Pensée, 124. Penstemon, 281. Penstemon, 281. Pepo, 198. Perce-neige, 389. Perégrine, 385. Persica, 168. Persicaire, 518, Persil, 293. Pervenche, 271. Pe-tsaie, 118. Petunia, 280. Pétunie, 280. Peuplier, 545, Pharbitis, 2173. Phaseolus, 161. Philadelphus, 194. Phlomis, 288. Phlomis. 288. Phlox, 272. Phlox, 272. Phylica, 154. Phylique, 154. Pied-d’alouette, 98. Pigamon, 83. Pimelea, 328. Pimelée, 328. Pin, 351. Pinus, 551. Pisum, 158. Pivoine, 101. Planère, 342, Planera, 549.. Plectopoma, 25%. PLomBacinées, 298. Plumbago, 298. Poirée, 317, Poirier, 185. Pois, 158. Pois de senteur, 199. Porénontacées, 272. Polygala, 495. Polygala, 195. Porvcarées, 195. Pozycoxées, 518. Polygonum, 518. Pomme de terre, 27». Pommier, 188, Populus, 545. Portulaca, 205. Ponruracées, 205. Potentilla, AT. Potentille, 178. Potiromon, 198. Potiron, 498. Pourpier, 209. Primevère, 292. Primula, 292. Prinuzacées, 291 PROTÉACÉES, 909. Prunier, 170. Prunus, 170. Pseudo-acacia. 57. Pulmonaire, 275. Pulmonaria, 279. Punica, 195. Pyrus, 185. LU Quaranlain, 114. Quercus, 346. - Radis, 121. Ranunculus, 9. Raphanus, \21. Rave, 119. Raquette, 215. Reine-Marguerile, 230. RexoncuLAcÉES, 82. Renoncule, 91. Renouée, 518. Réséda, 126. Reseda, 126. Résévacées, 126. Ruamnées, 155. RNaANTHaCÉEs, 289. Rhododendrum, 259. Ribes, 215. Riz, M4. Robinia, 197. Robinier, 157. Rochea, 216. Rochea, 216. Romaine, 243. Rouce, 176. Rosa, 181. Rosacées, 167, Rosage, 299. Rosier, 18T. Rubus, 176. Rutabaga, 119. Ruracées, 191, S Salran, 375, Sainloin, 158. Salix, 345. Salsilis, 242. Salvia, 285. DES NOMS DES PLANTES. Sapin, 902. SARMENTACÉES, 199. Sarrasin, 918. Sauge, 289. Sanguinaire, 112. Sanquinaria, V\2. Saule, 545. Saæxifraga, 221. Saxifrage, 221. SAXIFRAGÉES, 221. Scabieuse, 228. Scabiosa, 228. Scilla. 399. Scille, 399. Scutellaire, 286. Scutellaria, 286. Secale, 416. Sedum, 217. Seigle, M6. Sempervivum, 217. Seringat. 19%. Sida, 137. Sida, 137. Silène, 151. Sileïie, 151. Sinapis, 121. Sisymbrium. 11. SoLANÉES, 279. Solanum, 275. Sorbier, 191. Sorbus, 191. Sorgho. 415. Sorghum, #15. Souci, 240. Spinacia, 518. Spiræa, 171. Spirée, 171. Stapelia, 262. Statice, 298. Statice, 298. Stramoine, 2717. Strelitzia, 405 Strelitzia, 105. Sympliytum, 219. Synanthérées, 250, Syphocampilos, 247. | Syphocampilos, 267. | Syringa, 26. v' |'Tabac, 278. |Taæus. 549. | Thalictrum, 89. Thuya, 200. Thuya, 250. | Tuyuérées, 021: | Tigridia, 5174. ES LS cr Tigridie, 374. Tilia, 151. Tuuacées, 197. Tilleul, 137. Tomate, 279. Tradescantia, 408. Tragopogon, 222. Trèfle, 197. Trevirania, 251. Trifolium, 197. Triticum, 414. Trolle, 92. Trollius, 92. Tropæolum, 144. Tulipa, 387. Tulipe, 587. Tulipier, 10%. Turrilis, 119. Tydea, 291. U Ulnus, 542 Unmicées, 994. Ÿ Panda, 901. Vanilla, 564. Vanille, 364. Verbena, 289. VERBÉNACÉES, 28) Veronica, 285. Véronique, 289. Verveine, 289. Viburnum, 226. Victoria, AA. Vigne, 139. Vinca, 2TA. Viola, 12%. Viorariées, 124. Violette, 124. Viorme, 226. Vitis, 139. v Ysopirum, 90. Yucca, 394. Yucea, 39%. LA Zea, 412. Liunia, 200. Zinnia. 256. | Zizyplus, tar FIN LE LA TYAULE ALPHABÉTIQUE DES OMS DES PLANTES > F4s NU Au RME VATALRE PORT ET LU ft à ‘d r £ Li" SRE AMEL DENT LS NUE 2 L& à CNT ru r OUVRAGES DU MÊME AUTEI TRAITÉ DES PLANTES FOUR DEUXIÈME ÉDITION . 1 vol. in 8 de 503 pages et AO gravures. — Pri: La Flore des prairies naturelles et artificielles de Composition des prai France et de l’Europecentrale. lites du sol. — Ch Description, usage, qualités et cullure de toutes les Semis et entretien plantes qui peuvent servir à la nourriture des ani- animaux ets plante maux, à la création et à l'entretien des prairies. grais et amendem: ÉTUDES SUR LA GÉOGRAPHIE BOTANIQUE DE L 9 gros vol. avec planches. — Prix : 70 | BOTANIQUE POPULAIF ; ÉLÉMENTS DE BOTANIQUE AVEC APPLICATIONS DIRECTES A L'AGRICULTURE ET LA 4 vol. in-18 de 360 pages avec gravures, — Prix LA VIE DES FLEURS OU LES MŒURS DES-VÉGÉTA 1 vol, îin-18.— Prix : 3 fr. 50 DICTIONNAIRE RAISONNÉ DES TERMES ET DES FAMILLES NATURELL PAR LECOQ ET JUILLET 4 fort volume in-S., — Prix : 9 fr. 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