< >i* ■■^:"~ r "V-' >,, * «'• *. /4-33 «i- V^'»V 1^ <- Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Open Knowledge Gommons and Harvard Médical School http://www.archive.org/details/delagnrationOOclem DE LA GENERATION ÉLÉMENTS ANATOMIQUES ^T- Paris. — Imprimerie de B. Martinet, rue Mignon, 2. 'i'.oo DE LA GÉNÉRATION r r llWmi ÂMÎOiiPES PAR LE DOCTEUR G- CLEMENCEAU Ex-interne des hôpitaux de Nantes, ex-interne provisoire des liôpitaux de Paris PRÉCÉDÉ D'UNE INTRODUCTION M. CH. ROBIN Membre de l'Inslilut, professeur à la Faculté de médecine de Paris PARIS LIBRAIRIE GERMER BAILLIERE il, RUE DE L'ÉCOLE-BE-MÉDECINE , 17 1867 Tous droits réservés ÛV|M \ \ *4£brakX % INTRODUCTION DE M. LE PROFESSEUR RORIN Le but de M. Clemenceau, en publiant le travail dont il fait paraître la deuxième édition^ a été d'exposer l'ensemble des faits particuliers et généraux dont l'étude l'a conduit aux convictions qu'il exprime, touchant le mode de génération des éléments anatomiques. Le but de cette préface est de faire comprendre l'importance, souvent méconnue, des questions de méthode lorsqu'il s'agit d'une analyse qu'il est indispensable d'étendre au delà de l'examen de la forme, du volume et de l'arran- gement réciproque des parties directement actives dans l'économie animale. Chacune de ces parties ne remplissant un rôle spé- cial, comme élément élastique^ contractile^ innervable, etc. , qu'autant que sa substance même est en voie de rénovation moléculaire continue, cette analyse doit né- cessairement être poussée jusqu'à la détermination de la nature chimique de ces molécules, c'est-à-dire des principes immédiats composant cette substance, dite organisée. D'un autre côté, l'apparition d'individus non- Il INTRODUCTION. veaux parmi ces élénients anatomiques, ne peut avoir lieu sans l'apport d'une nouvelle quantité de principes immédiats, transmis d'un élément anatomique à ceux qui l'avoisinent , et sans la formation incessante de certains d'entre eux. On comprend donc que l'analyse anatomique doit inévitablement être poussée jusqu'à l'examen de la nature de ces principes, lorsqu'il s'agit de suivre les éléments dans l'ordre de leur progression ascendante, depuis l'instant où chacun d'eux apparaît. Le but de cette préface est conséquemment aussi de donner un court résumé de l'état de nos connaissances, sur les conditions et les modes de la génération des élé- ments anatomiques. La nature des parties constituantes élémentaires de l'économie, que seul le microscope nous dévoile, est telle que nul des objets que nous montre l'œil nu ne peut donner une idée nette des premières en dehors de toute observation personnelle. L'interprétation de la nature des caractères constatés exige en outre une éducation de l'œil pour l'étude de ces objets, de Timage desquels nous regardons la projection sur un seul plan ; elle exige encore une éducation des facultés d'analyse et de syn- thèse pour arriver à considérer toujours, par exemple, comme ayant trois dimensions et une surface des corps qui sont vus par lumière transmise, de telle manière aue l'image de leur superficie et celle des parties pion- INTRODUCTION. III gées dans leur épaisseur se trouvent projetées sur un même plan . On sait en effet que sur chaque espèce de ces parties il est nécessaire d'étudier : 1° leurs caractères d'ordre mathématique relatifs à leur siège, à leur volume, à la durée de leur existence par rapport à l'organisme ; 2° leurs caractères d'ordre physique relatifs à leur con- sistance, à leur élasticité, à leur couleur; 3° leurs carac- tères d'ordre chimique relatifs aux actions colorantes, coagulantes ou décomposantes des agents physiques et chimiques, puis relatifs aussi à leur composition immé- diate. La valeur logique et l'importance pratique de la con- naissance de chacun de ces ordres de caractères vont en augmentant à mesure qu'on approche davantage de l'examen des caractères chimiques; elle devient parti- culièrement prédominante lorsqu'on arrive à celui des réactions décelant les analogies et les différences de la composition immédiate de chaque espèce. La raison de ce fait est que la connaissance de ces données nous place plus près des conditions moléculaires des actions exercées par chacune d'elles, et elle nous rapproche davantage des notions relatives à leur état d'organisation, c'est-à-dire des conditions les plus directes de leur acti- vité organique. Il y a donc dans l'étude des réactions et des autres caractères d'ordre chimique des éléments anatomiques, des humeurs et des tissus, un point de méthode qui nous donne la raison scientifique de ce qui rend la connaissance de ces caractères plus impor- tante encore que celle des caractères d'ordre physique, IV INTRODUCTION. OU de ceux de forme et de volume, lorsqu'il s'agit de distiuguer les éléments anatomiques d'une espèce de ceux d'une autre espèce. C'est ainsi, par exemple, que deux éléments de même forme, de même volume, de même consistance, etc., ne peuvent être considérés comme étant de même espèce s'ils réagissent différem- ment, si l'un par exemple est attaqué par l'acide acé- tique lorsque l'autre ne l'est pas. Aussi nulle description des éléments n'est-elle acceptable, quand il s'agit de déterminer une espèce de l'un d'eux, si l'indication comparative des caractères de cet ordre a été omise(l). Le désir de voir et surtout de produire vite entraîne plus d'un observateur à négliger ces données qu'il est si indispensable de prendre en considération ; par suite, bien des erreurs d'interprétation sont commises par ceux qui pensent pouvoir en méconnaître impunément l'importance. Rien ne saurait donner une idée du peu de rigueur scientifique qu'ils apportent à la détermi- nation de la nature des éléments anatomiques, facteurs individuels des actes qui se passent en nous, et à celle des tissus. D'une part, ils ne distinguent pas l'étude des (1) On détermine la nature d'un élénnent anatomique en tant qu'ap- partenant à telle ou telle espèce, par la détermination de son siège, de sa forme, de son volume, de sa consistance, de ses réactions chi- miques, de sa composition immédiate et de sa structure, comparés entre eux dans le plus grand nombre possible des phases de son évolution. Chaque élément anatomique, en effet, doit être envisagé non seule- ment sous le rapport de sa structure propre, mais encore au point de vue du lieu, du mode et de l'époque de son apparition dans l'orga- nisme^ puis des modifications normales et accidentelles qu'il présente à partir de cette apparition. Car chaque espèce présente des phases d'évolution différentes de l'une à l'autre ; c'est-à-dire qu'il y a pour INTRODUCTION. V premiers, qui relativement représentent des corps sim- ples, de celle des seconds ou corps complexes que ceux- là forment en s'associant par juxtaposition. D'autre part, ne reliant pas l'étude des altérations de tissus, tant par modifications évolutives de leurs éléments constitutifs pro- pres, que par génération entre ces derniers éléments d'es- pèces différentes, ne reliant pas, dis-je, cette étude à celle de l'état normal du tissu affecté, leurs descriptions et l'incohérence qui résulte du mélange des nomenclatures adoptées rendent insaisissables le résultat scientifique et les applications possibles de ces efforts. Ici des éléments qui diffèrent par leur structure, par leurs réactions, par les modes que suivent leurs altérations sont décrits sous le même nom parce que leur forme et leur volume sont à peu près semblables. Ailleurs, le même nom est donné chacune un lieu et un mode particuliers d'apparition, puis chacune en- suite se développe à sa manière. Puisque toute propriété normale ou troublée suppose un siège correspondant, il fest nécessaire de connaître avant tout d'une manière complète chaque élément anatomique indi- viduellement, il est indispensable d'en avoir fait la biographie, avant d'aborder l'examen anatomique et physiologique des parties de plus en plus complexes que ces éléments forment essentiellement par leur réunion. Alors seulement il est possible de déterminer la nature des tissus sains ou malades, parties complexes, et cela par la connaissance des éléments ou individus relativement simples qui les composent. Los éléments analomiques, parties du corps véritablement nouvelles pour nouSj^une fois connus, il ne reste plus rien de nouveau à décrire dans l'économie. Une fois connus, il n'y a plus à étudier que leurs arran- gements de plus en plus complexes, sans qu'il y ait, à proprement parler, d'autres parties nouvelles à observer dans l'organisme ; car par leur groupement ils forment les tissus dont l'ensemble représente les systèmes, et ce sont les parties primaires de divers systèmes qui, réunies, constituent les organes, comme l'association d'organes diffé- rents compose les appareils dont l'ensemble est l'économie vivante. yi INTRODUCTION. à des produits morbides formés d'espèces d'éléments reconnus comme manifestement distincts. Là encore on voit les épithéliums considérés comme ne pou- vant être distingués des autres éléments quelconques, malgré les différences si caractéristiques que l'observa- tion faite avec un peu de méthode permet de saisir aisément, quand on les compare aux autres espèces d'éléments anatomiques, tant en ce qui touche leur mode de génération qu'en ce qui regarde leurs carac- tères anatomiques et physiologiques normaux et acci- dentels. Ailleurs enfin, ce qui logiquement prend le nom de trame dans la description des tissus normaux reçoit dans celle de leurs altérations celui de stroma; et cela malgré l'évidente différence de signification de ces mots aux points de vue historique et étymologique, et malgré surtout l'impropriété du dernier dans le sens qu'on lui donne ainsi. Le manque de rigueur dans l'emploi des méthodes scientifiques là même où elle est le plus néces- saire, ne peut en effet que faire oublier que la sévérité et l'exactitude dans le choix des termes sont, en tout état de cause, des auxiliaires aussi utiles en biologie qu'en chimie (1). • ('1) L'étude de la composition élémentaire et delà texture des tissus morbides, lorsqu'elle est basée sur la connaissance des caractères cor- respondants des tissus normaux et du mode de développement de ceux-ci, ne valide point les classifications et les nomenclatures ana- tomo-pathologiques établies d'après les caractères extérieurs seule- ment. Elle conduit à des résultats tout autres, imprévus, parce qu'on ne pouvait les prévoir avant d'avoir vu les parties simples de la réu- nion desquelles les organes dont les caractères extérieurs nous frap- pent sont la résultante. En cherchant, d'après l'examen de la couleur, INTRODUCTION. VII D'accord avec l'anatomie, la physiologie arrive à démontrer graduellement que chaque espèce d'élément remplit un rôle qui lui est propre, et s'altère acciden- tellement d'une manière autre aussi que ne le font les éléments dissemblables. Parmi ceux-là même qui cher- chent à étudier celte diversité des altérations de tissus, il s'en trouve cependant qui tombent dans les incohérences que je viens de rappeler. C'est là une conséquence à peu près inévitable des observations an atomiques lorsqu'elles sont faites empiriquement, c'est-à-dire sans distinguer l'étude des divers ordres de caractères des éléments anatomiques, du même de la consistance, du mode de déchirure, et autres caractères visibles à l'œil nu, à deviner la nature intime, c'est-à-dire la composition anatomique élémentaire des tumeurs, par exemple, qui ne peut être constatée qu'avec des instruments amplifiants et à tel ou tel grossis- sement déterminé, on n'est jamais tombé juste. Associer dans les des- criptions les nomenclatures anciennes (fondées sur cette forme de l'empirisme alors inévitable), à d'autres plus récentes, mais qui ne s'appuyent pas sur la comparaison de l'état morbide à l'état normal, constitue une inconséquence manifeste ; celle-ci ne laisse que des rapports rares et éloignés entre les descriptions et la réalité qu'elles sont destinées à traduire en signes, parce que les termes sont con- tredits par la nature même des faits qu'ils devraient exprimer. Lorsqu'on recherche la cause de cette manière de faire, on ne la trouve que dans la tendance qu'ont certains esprits à subordonner les résultats de leurs observations à d'anciennes hypothèses que ces ob- servations même renversent, dans l'espoir de donner une autonomie à l'anatomie pathologique et à ses nomenclatures. L'examen des liens naturels (bien que ne se manifestant qu'accidentellement) qui unissent les états morbides à l'état sain , et qui font que la nomenclature pathologique doit être un dérivé de celle qui est usitée en anatomie normale, se trouve ainsi rejetée au dernier plan, au grand détriment de la pratique de l'art aussi bien que de la science. VIII Ix\ïllODUCTION. genre d'examen fait sur les tissus ; sans observation des éléments aux différentes phases de leur évolution nor- male avant d'en constater les altérations. C'est par cette confusion qu'on arrive à la doctrine qui n'admet pas de délimitation entre les épithéliums et les cellules ner- i^euses ou les globules rouges et blancs du sang, les fibres musculaires, les spermatozoïdes, etc., etc.; à cette doctrine, en un mot, qui réduit toutes les espèces d'éléments anatomiques à une seule ou à n'être que des formes instables d'une seule et même espèce type, avec possibilité pour chaque forme de passer à l'une quel- conque de toutes les autres indifféremment, sous de nombreuses influences accidentelles et en moins de temps qu'un élément n'en met normalement pour arriver de l'état embryonnaire à celui de plein dévelop- pement; doctrine séduisante, car elle évite toute préoc- cupation sur les connaissances qu'il est nécessaire d'ac- quérir d'abord avant de pouvoir arriver à constater les caractères distinctifs de ces espèces. L'unité d'agent entraînant l'unité d'action, cette doc- trine ne peut faire aussi de toutes les propriétés d'ordre organique que des formes instables les unes des autres ou d'une propriété fictive et met toute la vie dans une cellule, c'est-à-dire dans la seule des formes d'éléments iont ce système admet l'existence. Placer les proprié- tés végétatives, plus la contractihté et l'innervation tout à la fois, dans une seule espèce d'élément anato- mique revient , en fait , à ne plus laisser possible une distinction entre des propriétés aussi radicalement dif- férentes, pas plus qu'entre les éléments qui en sont LNTRODUGTION. IX doués. Autant vaudrait réduire à uo seul ordre égale- ment les altérations si distinctes dont chaque espèce d'élément est le siège, alors que les différences qui séparent ces espèces se manifestent aussi bien par leurs altérations , que par leur constitution normale et le rôle qu'elles remplissent; alors que ces différences se montrent, dès les premières périodes de leur évolu- tion, par des altérations qui parfois les atteignent à cette époque comme plus tard. Ramener ainsi de force le normal ouïe pathologique à l'unité n'est que réduire tout cà une illusion. C'est dans l'intérêt d'une hypo- thèse, remplacer par l'homogénéité et conséquemment par la confusion la plus complète, la notion de solidarité entre les parties nécessairement diverses, qui constituent un organisme; notion de solidarité qui, dans l'étude du normal et du pathologique, couronne celle des divers degrés de l'organisation et celle de la diversité tant du siège que de la nature des actes accomplis ; notion qui montre non pas l'unité, ni l'identité des composants, mais leur concours dans un tout formé d'espèces de parties simples, diverses de nature, aussi bien que géo- métriquement distinctes individuellement; sans que cette solidarité vienne rien enlever à chacune de celles-ci de leur individualité anatomique et physiologique, en l'absence de laquelle le tout pourrait encore représenter une masse, mais non un organisme. D'un autre côté, les bizarreries dans les interprétations sont nombreuses, ainsi qu'on le comprend facilement, de la part de ceux qui croient qu'il est possible de juger les résultats auxquels conduisent les observations mi- X INTRODUCTION. croscopiques sans avoir étudié les éléments anatomiques et les tissus. Il serait injuste pourtant de ne pas re- connaître que leurs préventions antiscientifiques sont en partie justifiées par les incohérences dont je viens de parler, et qui pourtant séduisent tant de personnes par l'apparente facilité qu'elles semblent donner à tout saisir rapidement dans ces questions. Mais ce n'est pas là faire de la science que de chercher à soumettre ainsi de force la description des objets observés et l'inter- prétation des faits, aux arbitraires limites d'un sys- tème absolu, dans l'espoir de faire croire à sa vahdité; la question, au contraire, est de se préoccuper de con- stater l'ensemble des caractères de chaque objet et de chaque phénomène, afin de voir de mieux en mieux comment les choses sont réellement, pour s'élever en- suite graduellement par induction à une formule gé- nérale exprimant le mieux possible la réalité. Il faudrait donc se garder de supposer avec beau- coup de ceux qui se refusent à répéter toute obser- vation de ce genre, que l'anatomie générale ne consiste guère qu'en une série de systèmes arbitraires ; dans l'impossibilité où ils se trouvent d'apprécier la somme considérable de données réelles, sur lesquelles les inter- prétations seules varient, ils méconnaissent l'importance de celles qui demeurent acquises comme base et point d'appui scientifique immuable. Les remarques précédentes sont applicables égale- ment aux questions de physiologie générale qui corres- pondent aux données anatomiques de cet ordre. C'est ainsi qu'en ce qui touche la génération des éléments INTRODUCTION. XI anatomiques d'une part, et leur évolution de l'autre, des hypothèses sur ces deux ordres de phénomènes (ordinairement confondus en un seul), ont été généra- lisées, d'après l'observation d'un petit nombre de faits, avant qu'on pût, par induction après observation du plus grand nombre, établir une véritable doctrine sur ce point. Ces théories ne pouvaient pas ne pas varier tant que le mode d'après lequel a lieu la naissance des éléments et tant que les phases de leur développement n'avaient été observées que sur un nombre restreint des espèces de ces parties du corps. Elles ont dû, au contraire, se modifier pour exprimer de mieux en mieux la réalité à mesure que ces phénomènes venaient à être connus sur quelques-unes des espèces où ils n'avaient pas encore été décrits. II On peut voir dans le travail de M. Clemenceau combien, dans l'exarnen des questions complexes de l'ordre de celles qui concernent la génération des élé- ments anatomiques, il importe de distinguer l'étude d'un phénomène de celle des conditions qui per- mettent l'accomphssement de ce phénomène lui-même. Sans parler ici de tout ce qui touche à ce sujet, notons que partout où existe de la substance organisée en voie de nutrition, on peut saisir sur le fait la génération d'éléments anatomiques. Notons d'autre part, qu'on n'a XI [ INTRODUCTION. encore vu cette génération que là ; par suite \'à genèse des éléments anatomiques est une génération spontanée^ en ce qu'elle consiste en une apparition de particules formées de substance organisée, alors qu'elles n'existaient pas là quelques instants auparavant; mais on voit d'un autre côté que par les conditions dans lesquelles a lieu cette apparition aujourd'hui bien connue, cette genèse est nettement distincte de Xhétérogénieou génération d'êtres dans des milieux cosmologiques, ou non organisés. Dans la rénovation moléculaire continue ou nutrition, l'acte d'assimilation consiste, comme on le sait, en une formation dans l'intimité de chaque élément anato- mique, de principes immédiats qui sont semblables à ceux de la substance même de ce dernier; ils sont pourtant différents de ceux du plasma sanguin qui en a fourni les matériaux avec transmission endosmo-exos- motique de chaque élément à ceux qui l'avoisinent et réciproquement. Alors que cette formation l'emporte sur la décomposition désassimilatrice, elle amène l'aug- mentation de masse de l'élément; mais, fait capital, cette formation de principes s'étend bientôt au delà, au dehors même de cet élément, dès qu'il a atteint un certain degré de développement; ce sont là ces principes immédiats qui, envisagés synthétiquement dans leur ensemble, comme un tout temporairement distinct des parties ambiantes, reçoivent le nom de hlastèi'jie. A mesure qu'a lieu leur formation, ces prin- cipes ne peuvent pas ne pas s'associer moléculairement en une substance amorphe ou figurée, semblable à celle de composition immédiate analogue, qui a été INTRODUCTION. XIII la condition essentielle de la formation de ces mêmes principes. Telle est la cause directe de cette formation des principes constitutifs du nouvel individu élémentaire, formation qui elle-même est chimiquement la cause iné- vitable de leur réunion ou groupement moléculaire; car, formation et association sont choses simultanées ou à peu près, en raison même des lois de l'affinité chimique, qui là, non plus qu'ailleurs, ne perd aucun droit. Tel est le mécanisme intime d'après lequel la nutrition d'une part, et l'arrivée du développement de chaque élément jusqu'à un certain degré, d'autre part, deviennent les conditions nécessaires de l'accomplissement de la ge- nèse ou génération de nouvelles particules élémen- taires de substance organisée amorphe ou figurée ; conditions capitales, sur l'importance desquelles Auguste Comte a tant insisté d'une manière générale sans être compris de la plupart des physiologistes. Il y a là, comme on le saisit facilement, tout un ordre de notions dont on ne saurait trop se pénétrer par un examen approfondi de la nutrition et du déve- loppement, si l'on veut comprendre quoi que ee soit à l'étude de la génération des éléments ; notions dont la méconnaissance est la source des erreurs systématiques et des hypothèses contradictoires qui partagent tant d'observateurs et jettent le trouble dans bien des esprits en ce qui touche ces problèmes. Toute apparition de substance organisée, amorphe ou figurée, est caractérisée par ce fa4t que rien n'exis- tant que des éléments anatomiques dont la substance XIV INTRODUCTION. est en voie de rénovation moléculaire continue, des éléments de même espèce ou d'espèce différente appa- raissent de toutes pièces, par genèse ou génération nou- velle, à l'aide et aux dépens des principes immédiats fournis par les premiers ; principes qui s'associent nio- léculairemenl en une masse de forme* déterminée ou pour quelques-uns sans autre forme que celle que lui permettent de prendre les interstices qu'elle occupe lors de son apparition. Cette apparition a lieu ainsi sans qu'il y ait de lien généalogique substantiel direct de l'élément nouveau avec quelque autre élément préexis- tant que ce soit. Ce sont, comme on le voit, des éléments qui n'exis- taient pas et qui apparaissent; c'est une génération d'individus nouveaux qui ne dérivent d'aucun autre directement. Ces éléments nouveaux, pour naître, n'ont besoin de ceux qui les précèdent ou les entourent au mo- ment de leur apparition que comme condition d'existence et de production ou d'apport des principes qui s'associent entre eux ; d'où les termes genèse, naissance^ etc. On observe la genèse sur l'embryon, le fœtus et l'adulte, tant chez les animaux que dans les plantes. Dans aucune de ces circonstances, les éléments ne sont, au moment de leur apparition, semblables à ce qu'ils seront plus tard. Quelques-uns, en petit nombre, peuvent rester pendant plus ou moins longtemps, ou toute la vie tels qu'ils étaient lors de leur genèse, mais le plus grand nombre est consécutivement le siège des phénomènes du développement; ces derniers consistent en une augmentation de masse en même temps qu'en INTRODUCTION. XY une succession d'apparitions de parties nouvelles, par génération au sein de cette masse de divers granules, de nucléoles, etc.. Les phénomènes primitifs de la genèse vont donc se répétant durant le développement en même temps que la masse augmente, et c'est ainsi que chaque élément atteint peu à peu les caractères qu'il offre chez l'adulte. Ces caractères ne doivent pourtant pas être dits définitifs, car, par les progrès de l'âge ou pa- thologiquement, les éléments anatomiques peuvent s'atrophier, s'hypertrophier ou être le siège de défor- mations diverses avec des modifications presque con- stantes dans leur structure. Mais dans les animaux particulièrement, et, pour certains éléments sur les plantes, toute espèce qui naît par genèse, prise au mo- ment de son apparition, diffère des autres espèces quel- conques prises à la période correspondante, et nulle, dans son évolution, ne devient semblable temporaire- ment ou d'une manière permanente à quelque autre espèce. Il importe de connaître ce fait, car la plupart des espèces d'éléments anatomiques qui ont forme de libre ou de tube ont pour centre de génération un noyau, né antérieurement (mais qui souvent s'atrophie et disparaît dans la suite du développement), ce qui donne temporairement, à quelques-uns une ressemblance avec les éléments appelés cellules, au moins quant à l'aspect extérieur. Parmi les phénomènes dont une fois née, la matière organisée sans configuration propre est le siège, les plus remarquables sont ceux qui ont pour résultat son indi- vidualisation en éléments anatomiques proprement dits XVI INTRODUCTION. OU figurés, offrant la forme spéciale de cellule dont cha- cune présente une évolution normale ou morbide indé- pendante. On sait, par exemple, qu'une fois apparu par genèse, puis développé et fécondé, le vitellus devient le siège du phénomène dit de segmentation^ qui débute après qu'a eu lieu, vers son centre, l'apparition par genèse du noyau vitellin (1). Ce phénomène a pour résultat la division piogressive de la substance vitelline en cellules ; celles-ci se juxta- posent graduellement en membrane blastodermique, et l'on arrive ainsi jusqu'à l'apparition des rudiments de l'embryon. C'est de la sorte que de l'état de masse (l) Un quart d'heure ou vingt minutes après l'achèvement du troi- sième globule polaire (et par conséquent longtemps après la dispari- tion du noyau dit vésicule germinaiive), on peut saisir au milieu de la partie centrale du vitellus, devenue plus foncée, un petit espace clair circulaire, large d'un centième de millimèlre environ. Il se dessine de mieux en mieux et atteint peu à peu une largeur de cinq centièmes de millimètre. Au bout d'une heure environ, ses contours deviennent saisissables par demi-transparence, bien qu'avec difficulté. On peut alors constater qu'il s'agit là d'un corps solide, bien que facile à aplatir, corps séparable du reste du vitellus, qui doit recevoir le nom de noyau vitellin. Ce dernier, en se divisant en même temps que la substance même du vitellus, forme les noyaux des cellules blastoder- miques ; en naissant par genèse de toutes pièces, molécule à molécule, longtemps après la disparition complète de la vésicule germinaiive ^ il ne représente plus, quand il existe, le noyau de l'ovule, mais bien celui du vitellus fécondé qui, par la fécondation, vient d'acquérir les qualités d'un nouvel cire, l'embryon; qui vient d'acquérir une indé- pendance qui lui est propre, une indépendance par rapporta la mem- brane vitelline en particulier, dont auparavant il était solidaire. Ces deux faits de la disparition de l'un de ces noyaux, que suit, après la fécondation, l'apparition d'im noyau différent, caractérisent nettement INTRODUCTION. XVII amorphe le contenu de l'ovule ou vitellus arrive à l'état d'éléments anatomiques d'une configuration détermi- née, formant par leur arrangement réciproque les rudiments transitoires d'un nouvel organisme; car ces cellules disparaissent peu à peu par atrophie à mesure qu'apparaissent entre elles les éléments anatomiques définitifs et permanents du nouvel individu , ou bien elles ne forment que des organes qui lui sont extérieurs et sont caducs (vésicule ombihcale, chorion et amnios). Dans l'ovule des Insectes et des Araignées le vitellus ne se segmente pas, mais c'est \mv gemmation d'une por- tion seulement de la substance vitelline, la portion su- perficielle, que cette substance s'individualise en autant de cellules embryonnaires. Celles-ci constituent le blas- toderme enveloppant le reste du vitellus, qui ne gemme plus, et qui sert ultérieurement à la nutrition de l'em- bryon (1). la succession directe d'une individualHé nouvelle à une autre (vitellus fécondé), représentée jusque-là par un élément analomique plus ou moins développé (ovule non encore fécondé) . Or, fait capital, ce n'est pas la segmentaiion du vitellus qui est le phénomène initial par lequel débute l'indicalion de la constitution de celte individualité nouvelle ; celle-ci est, au contraire, annoncée par un acte de genèse, celui de la génération autonome du noyau vilellin aa sein d'une masse homogène en voie de rénovation moléculaire continue, le vitellus fécondé. Ce n'est que postérieurement à Faulogenèse de ce noyau que commence la segmentation, tiuit de ce dernier même que du vitellus, segmen- tation qui a pour résultat l'individualisation de la masse vitelline en cellules blastodermiques ou embryonnaires. (■i) Chez les animaux dont le blastoderme se forme par segmenta- tion du vitellus, le point où ce phénomène va commencer est décelé d'avance par la production d'une cellule appelée g/o6u/e polaire. C'est par cjsmmaiion que s'individualise cette cellule dont le mode d'appa- b XVIII INTRODUCTION. Sur la surface du derme, sur celle des muqueuses à la face interne de la paroi propre des tubes urinipares, de celle des culs-de-sac glandulaires, etc., l'apparition des couches épithéliales débute par la genèse des noyaux, d'abord contigus, très-petits, et peu à peu ces derniers grandissant sont écartés graduellement les uns des autres, par suite de la genèse entre eux d'une couche de matière amorphe. Bientôt, cette substance interposée devient le siège de phénomènes de segmen- tation qui ont pour résultat son individualisation en cel- lules. Des plans ou sillons de division se produisant dans l'intervalle des noyaux, partagent ces couches en rition et la signification physiologique sont restés longtemps ignorés. Le second mode d'apparition du blastoderme est caractérisé par ce fait que cette gemmation s'étend (Insectes et Araignées) à toute la surface vitelline, au lieu d'être bornée à un seul point comme chez les animaux dont le vitellus se segmente. Le résultat de la gemmation comme celui de la segmentation est d'amener V individualisation de la substance du vitellus en cellules, en éléments anatomiques de configuration et de structure déterminées, juxtaposés en blastoderme et en tache embryonnaire ; elle conduit par suite la partie principale de l'ovule, le vitellus, à se trouver dans les conditions de rénovation mo- léculaire continue avec échange des principes immédiats de l'un à l'autre de ces éléments qui sont immédiatement contigus, conditions mentionnées plus haut (page xii), qui sont celles-là même qui ont pour résultat d'amener la genèse d'éléments anatomiques nouveaux. Ces éléments sont les premiers éléments définitifs du nouvel être (cellules et gaîne de la notocorde, éléments du tissu du cœur, de l'axe nerveux, des cartilages vertébraux, etc.). Au point de vue physiologique, la segmentation conduit, en un mot, à l'apparition dans l'ovule des mêmes conditions générales de la genèse que l'on retrouve ensuite pendant toute la durée de l'existence individuelle, pour l'accroisse- ment proprement dit des organes, la régénération des tissus lésés ou la production des éléments des tissus accidentels. INTRODUCTION. XIX autant de cellules prismatiques ou polyédriques qu'il y a de noyaux comme centre de segmentation. Ce n'est que postérieurement à cette individualisation que les cellules et leurs noyaux peuvent s'hypertrophier, se creuser parfois, et par exception aussi, devenir indivi- duellement le siège d'une scission ou d'une gemmation. Dès que leur augmentation de masse dépasse certaines limites, ces dernières ont alors pour résultat la repro- duction par le noyau ou par la cellule divisés, d'un élément semblable à eux-mêmes. La découverte de ces faits lie entre eux de la ma- nière la plus logique les phénomènes de segmentation, et de gemmation quelles que soient les périodes de la vie, où, depuis l'état ovulaire jusqu'à l'âge le plus avancé, on peut les observer. Mais, d'un autre côté, donnée capitale, elle les subordonne partout au fait de la genèse préalable de la substance dont ils amènent l'individualisation en cellules et à celui du développement des cellules et des noyaux dont ils amènent la multipli- cation par reproduction. Dans le premier cas, la seg- mentation comme la gemmation ont pour résultat la prise de forme déterminée et individuelle d'une sub- stance déjà née, qui n'avait pas une figure qui lui fût propre (vitellus et couches de matière amorphe épi- théliale non encore segmentée). Dans le second cas, elles ont pour résultat l'apparition d'un nouvel individu ayant configuration propre, mais toujours semblable à l'élément figuré dont il dérive de toutes pièces et jamais d'espèce différente. La matière organisée préexistant s'individualise, ou les individus qu'elle constitue se mul- XX INTRODUCTION. tiplient par scission ou par gemmation, mais ces actes n'ont pas pour résultat la formation d'espèces nouvelles par division d'espèces différentes. Depuis leur première manifestation dans l'ovule jusqu'à l'âge le plus avancé, ces phénomènes ont pour résultat l'individualisation en éléments figurés de substances sans configuration déterminée par fraction- nement régulier en cellules nettement délimitées. Les tissus exclusivement formés de cellules, depuis le blastoderme jusqu'aux couches épithéhales, se rappro- chent ainsi les uns des autres par le mode d'après lequel leurs éléments constitutifs naissent d'abord et s'individualisent ensuite. Les phénomènes de segmentation et de gemmation peuvent avoir heu encore sur les noyaux apparus par genèse ; ils peuvent aussi avoir lieu sur les cellules, soit blastodermiques , soit épithéhales, dont l'individuali- sation en éléments de forme déterminée résulte de la segmentation de la substance du vitellus ou de celle qui est née par genèse entre les noyaux d'épitiiélium qu'elle écarte. Ils s'observent même sur un certain nombre de noyaux et de cellules apparus par genèse, ayant pris dès l'apparition première de leur sub- stance une forme déterminée et ne résultant pas, comme les cellules épithéhales et blastodermiques d'une individualisation par scission ou par gemmation de cou- ches ou de masses sans configuration spécifique. Tels sont, par exemple, les hématies, les leucocytes, les cel- lules du corpus hiteum parmi les ceUules, les noyaux em- bryoplastiques parmi les noyaux libres. Mais beaucoup INTRODUCTION. XXI d'autres cellules comme les cellules nerveuses gan- glionnaires et céphalo-rachidiennes, les fibres-cellu- les, etc., ne sont jamais le siège de cette segmentation ni de cette gemmation, qui sont les phénomènes corres- pondants à ce qu'en botanique d'abord, puis dans divers écrits médicaux, on a nommé kyperplasie par proUfication^ prolifération ou proligération des noyaux et des cellules. Mais ces cellules une fois individualisées de la sorte, et les noyaux et les cellules apparus par genèse, qui peu- vent être aussi le siège d'une division par segmenta- tion ou scission, ou par gemmation, ne se segmen- tent, etc. , que lorsqu'ils ont atteint ou dépassé leur entier développement, leurs dimensions les plus habituelles. Ainsi, lorsque des cellules et des noyaux reproduisent un élément semblable par suite de cette segmentation ou de cette gemmation, ces phénomènes sont un signe que l'entier accroissement de ces éléments est atteint ou dépassé. En d'autres termes, ces derniers phéno- mènes (caractérisant ce qu'on a nommé parfois \di proli- fération des cellules) ne s'observent que sur les noyaux et les cellules devenus grands, sur ceux de ces éléments qui nés et doués de leur individualité propre, depuis plus ou moins longtemps, dépassent en volume les limites du développement du plus grand nombre (1). On constate, (1) Les faits de cet ordre s'observent sur la plupart des éléments anatomiques, tant animaux que végétaux, ayant les caractères de cel- lules ou de noyaux libres. C'est à ce litre qu'ils ont lieu sur des cel- lules reproductrices animales (ovules de quelques animaux) et végé- tales appelées autrefois spores libres {conidies de Tulasne), telles que celles des ferments et autres iwjcéliums dits nnjcodermes et considérés XXII INTRODUCTION. inversement, que les noyaux et les cellules encore petits, nés depuis peu, tant sur l'embryon que dans les cas de régénération sur l'adulte, ne sont pas le siège de ces phénomènes, contrairement à ce qu'admettent implici- tement ou explicitement, sans pouvoir le constater for- mellement, ceux qui, croyant à l'absolue généralité de la scission et de la gemmation, comme phénomènes souvent comme autant d'espèces végétales distinctes, sans que toutes les phases de leur évolution aient été suivies. Toutes les fois que ces éléments anatomiques se trouvent placés dans des conditions qui favo- risent leur nutrition et par suite leur accroissement de manière à leur faire dépasser le volume habituel pour un état donné des premiè- res phases de leur évolution au lieu d'acquérir lentement la disposition de tube mycélial, ils se segmentent eux-mêmes en deux éléments ou cellules semblables ou en émettent un ou plusieurs par gemmation à leur surface. De là cette multiplication rapide de ces cellules encore à l'état embryonnaire et sans que parfois elles atteignent même jamais l'état de complet développement. Cette multiplication rapide a pour condition d'existence l'énergie de leur propriété assimilatrice nutritive en ce qui les regarde; mais en ce qui touche le milieu ambiant particulier qui leur fournit les principes ou matériaux assimilés, cette énergie de leur propriété de nutrition a elle-même pour cause la décomposition et le dédoublement de certains des principes de ce milieu ; phénomènes appelés fermentations. C'est ainsi qu'ils jouent le rôle de ferment, le- quel, comme on le voit, repose d'abord sur l'intensité de leurs actions assimilatrices et auquel leur multiplication, conséquence de leur ra- pide développement, tend à donner une extension progressive. Or, comme les actes d'assimilation et de désassimilation nutritives qui amènent ce dédoublement chimique (dit catalytique) sont eux-mêmes des actions chimiques, on voit qu'il n'y a, dans les fermentations qu'amène la présence de ces corps, rien autre que des phénomènes chimiques de même nature que tous ceux qui sont déjà connus. Les conditions qui en suscitent la manifestation sont seules différentes ; mais ce serait à tort qu'on voudrait les regarder comme d'ordre diffé- rent ou comme étant les effets d'un principe fictif particulier, vital ou autre. INTRODUCTION. XXIII primitifs et essentiels de toute génération, pensent expli- quer tout et lever toute difficulté en ces questions par une phrase qui est sacramentelle, dès que s'y trouvent les termes hyperplasie ou prolifération^ que vont répétant de confiance les imitateurs auxquels les mots suffisent en dehors de la trop difficile observation des faits et des trop dures exigences de la logique inductive. Ainsi l'apparition des individus nouveaux d'une même espèce d'éléments, tant par scission que par gemmation d'éléments déjà individualisés et d'une con- figuration déjà nettement déterminée, loin d'être un fait général, reste bornée à un nombre restreint d'es- pèces et de circonstances particulières en ce qui regarde ces espèces. La segmentation et la gemmation sont donc des actes particuliers subordonnés aux phénomènes d'évolution ou de développement d'une partie déjà exi- stante ; ils ont bien pour résultat soil X individualisation de couches déjà produites, soit la reproduction d'élé- ments déjà individualisés par scission ou nés par ge- nèse , mais ils ne caractérisent nullement la production proprement dite. A plus forte raison, la naissance dans l'embryon d'es- pèces d'éléments anatomiques qui n'y existaient pas encore, loin d'être la conséquence d'une scission, suite du développement outrepassé d'une autre espèce préexistante, c'est, au contraire, le développement qui comprend entre autres choses pour chaque élément anatomique individuellement, des phénomènes de géné- ration intérieure, amenant successivement l'apparition de granules, de nucléoles, de stries, etc. XXIV INTRODUCTION. L'examen général des résultats auxquels conduit l'ob- servation de tous ces phénomènes, montre que la for- mation de l'organisme est due à une succession d'êpi- genèses d'éléments anatomiques ; chaque espèce des éléments anatomiques définitifs a un lieu, une époque et un mode d'apparition qui lui sont propres, comme chacune est douée de propriétés d'élasticité, de contrac- tilité, d'innervation, etc., que ne possèdent pas les au- tres. Ce n'est pas par métamorphose ou transformation d'une seule espèce-type d'élément, en plusieurs espèces distinctes, qu'a lieu la formation des fibres lamineuses ici, là des fibres élastiques, des fibres musculaires, des éléments nerveux, etc., pas plus que la contractilité n'est une transformation de l'élasticité et l'innervation de la contractihté. Jamais on ne voit un élément ayant atteint son plein développement présenter une succession de nouvelles modifications le faisant passer à l'état d'espèce différente, comme de l'état de cellule épithéhale à celui de fibre élastique, etc. Quelles que soient les suppositions im- plicitement ou exphcitement admises comme vraies par les fauteurs de l'hypothèse de la métamorphose des élé- ments d'une espèce en ceux d'une autre espèce, jamais on ne voit un élément venant de naître, ayant les carac- tères d'une fibre lamineuse, ou d'une fibre élastique en- core aux premières phases de leur évolution devenir fibres musculaires, cellules épithéliales ou nerveuses, etc. ou réciproquement. Et pendant leur évolution ou après qu'ils ont atteint leur plein développement, les aberra- tions accidentelles de forme, de structure, etc., que INTRODUCTION. XXV présentent parfois les éléments de telle ou telle de ces espèces, n'amènent en aucune manière l'un d'entre eux à prendre les caractères des éléments de l'une quel- conque des autres ou vice versa. Dans leurs modifica- tions accidentelles, ils oscillent autour d'un type, si l'on peut dire ainsi, sans perdre leurs attributs essentiels pour en acquérir d'autres permanents ou non, mais propres à des éléments doués de propriétés différentes. Ni jeune ni adulte, un élément quelconque n'est indifférent, ana- tomiquement ni dynamiquement parlant, c'est-à-dire apte à rester inerte plus ou moins longtemps pour, sous des impulsions dont on masque en vain l'état d'indéter- mination sous le nom vague de besoins fonctionnels des ■parties., devenir à un moment donné fibre élastique, musculaire, etc., etc., contrairement à ce qu'admettent explicitement ou non quelques hypothèses. On ne voit pas non plus des éléments adultes émettre par scission ou par gemmation des éléments qui, encore très-petits, et avant d'avoir atteint leur développement complet, pro- lifieraient abondamment de la même manière, pour se transformer en individus doués d'attributs anatomiques et physiologiques différents de ceux qu'on dit avoir été le point de départ de la multiplication ainsi admise. Cet examen montre, en outre, que tout élément ana- tomique, tout tissu, tout organe qui est né devient, par le fait de son apparition, de son développement et de sa nutrition, la condition de la genèse d'un élément an ato- mique, d'espèce semblable ou différente, et par suite de l'apparition d' un tis^u, d'un organe, etc. ; il devient même, à certaines périodes, l'une des conditions de l'atrophie de XXVI INTRODUCTION. quelque autre partie. C'est de la sorte que les éléments anatomiques deviennent successivement générateurs les uns des autres, sans l'être primitivement, c'est-à-dire sans qu'il y ait un lien généalogique direct entre la sub- stance de celui qui apparaît avec celle des éléments de même espèce ou d'une autre espèce entre lesquels il naît. C'est par cette série de conditions survenant suc- cessivement, que s'établit la connexité qui existe d'une part entre l'apparition constante de plusieurs éléments à la fois, se montrant aussitôtavec une forme spécifique, et d'autre part leur réunion suivant un arrangement réciproque déterminé, conduisant ainsi pas à pas l'or- ganisme à présenter les dispositions qui entraînent avec elles l'accomplissement de chaque fonction. Toute méthode rigoureuse exige que cette succession de conditions soit logiquement étudiée, depuis les pre- miers phénomènes de la fécondation jusqu'à ceux qui ont lieu dans les derniers temps de la vie ; hors de là il est absolument impossible d'arriver à pouvoir se rendre compte exactement des phénomènes normaux et morbides d'ordre organique, même de ceux qui nous apparaissent comme les plus simples. Aussi, lorsqu'on s'est rigoureusement soumis à ces exigences inévitables de la science, on voit que ceux-là vont tombant d'er- reurs en erreurs, qui croient pouvoir se passer de l'observation des dispositions et des phénomènes em- bryonnaires pour entrer de plain-pied dans les études anatomo-pathologiques ; il en est encore ainsi de ceux qui pensent pouvoir donner la théorie exacte des faits relatifs à la génération des éléments en étudiant les INTRODUCTION. XXVII actions évolutives observées chez l'adulte ou dans les produits morbides, alors que les premiers sont indispen- sables pour comprendre les secondes. Il en est enfin de même de ceux qui admettent que tout élément anatomique serait une provenance évolu- tive substantielle et directe par scission répétée d'un élé- ment anatomique-souche d'espèce différente ou sem- blable indistinctement. Cette hypothèse est, par une générahsation forcée, l'extension à tous les éléments anatomiques d'un fait que l'observation prouve être res- treint à un certain nombre d'espèces seulement. Elle substitue la notion d'évolution à celle de génération que, malgré l'évidente supériorité de son importance, elle supprime de fait; car la segmentation d'un élément préexistant caractérise une des phases de l'accroisse- ment ou développement de certaines espèces d'entre eux; cette phase a pour résultat la séparation d'un nouvel individu, mMS semblable {reproduction)^ et dont la substance existait avant la division qui l'a individua- hsé. Cette hypothèse supprime davantage encore toute notion de génération en admettant, contrairement à l'observation embryogénique, que les éléments doués de propriétés physiologiques différentes, telles que r inextensibilité, l'élasticité, la contractilité, l'innerva- tion, ne naissent pas différents les uns des autres, mais que c'est en se développant qu'ils arrivent à être spé- cifiquement distincts de ceux dont ils viendraient de dériver ainsi directement. En supprimant toute obligation de l'étude des faits précédents concernant la génération, ces hypothèses ac- XXYIII INTRODUCTION. quièrent une simplicité qui est des plus séduisantes et cela explique leur succès ; malheureusement elles sont erronées par suite de ce fait même qu'elles ne tien- nent pas compte de toutes les conditions indispensables à l'accomplissement de phénomènes dont il importe tant de déterminer les lois. 11 n'est pas nécessaire de rap- peler ici comment l'hypothèse d'après laquelle l'ap- parition de tous les éléments anatomiques dans les conditions normales et morbides résulterait d'une scis- sion continue d'éléments d'espèce semblable ou difFé- rente, supprime en fait la notion de génération en faisant de l'apparition d'un nouvel individu un cas particuher du développement de son antécédent; il n'est également pas nécessaire de montrer en détail comment, par là, elle constitue une simple extension de la théorie de révolution, dite aussi de l'emboîtement des germes. Mais, sans étabhr une identification qui ne serait pas soutenable ici, il n'est pas inutile de faire observer qu'au point de vue logique l'hypothèse de la production des éléments par scission continue ^\iQ prolifératio7i est, à la théorie inductive de l^uv genèse, avec ou sans reproduc- tion ultérieure par scission, ce que l'hypothèse de l'émis- sion de la lumière est à la théorie des vibrations lumi- neuses. Les auteurs qui admettent la première, en sont encore en cet ordre de questions où en étaient ceux qui, au temps de Fresnel, admettaient l'hypothèse de l'émission substantielle de la part des corps lumineux, au lieu de reconnaître la validité des notions prouvant la réalité des vibrations lumineuses delà matière. Nous avons vu, en effet, que le mouvement intime de rénovation mole- INTRODUCTION. XXIX culaire continue ou nutritive de chaque élément, suscite de proche en proche, autour de celui-ci, la formation chimique de principes immédiats analogues ou sem- blables à ceux qui constituent sa substance même, sans que ces éléments émettent directement et abandonnent en cela leur propre matière constitutive. Quant à l'émission par gemmation endogène ou exofjène d'un élément semblable à soi, lorsqu'elle a lieu, elle n'est qu'un phénomène ultérieur, qui n'est ni constant, ni général, et qui ne s'observe que dans un certain nombre de cas particuliers et déterminés. Dans l'hypothèse de la proHfé ration par gemmation ou scission tant endogène qu'exogène, on admet que la matière organisée émettrait incessamment et substan- tiellement d'autre substance organisée ; ce sont les élé- ments figurés qui émettraient continûment des éléments semblables ou non ; quant aux substances sans confi- guration propre, autre que celle des interstices qu'elles comblefit (et dites intercellulaires), bien que sans analogie de constitution avec les sécrétions elles sont considérées alors comme des produits sécrétés par les éléments qui ont forme distincte. D'un trait se trouve ainsi supprimée la nécessité de toute notion des mouvements moléculaires nutritifs et évolutifs incessants qui, arrivés à un certain degré, deviennent la condition de la génération d'une substance analogue par uite de la formation de principes qu'ils entraînent au- tour d'eux; formation qui, en ce qui touche les substances coagulables propres à chaque espèce d'éléments, telles que la musculine, l'élasticine, etc., est le fait initial de toute XXX INTRODUCTION. génération (1). Les éléments anatomiques, en effet, d'après l'hypothèse précédente, ne naîtraient pas, ils se- raient directement émis par d'autres éléments et, au lieu de génération par association moléculaire avec innéité possible, il n'y aurait plus qu'émission par un individu d'un autre individu de même espèce, ou, qui plus est, d'une autre espèce que lui-même. D'un trait se trouve également supprimée toute diffé- rence entre le phénomène si remarquable de la genèse et cet autre acte non moins admirable, par lequel les substances sans configuration spécifique nées et suffi- samment développées s'individualisent en corpuscules, de configuration et de structure propres, celle de cellules ; acte qu'on observe sous des aspects divers, selon les con- ditions de lieu et de temps depuis la période embryon- naire la plus primitive représentée par le vitellus fécondé (4) La. naissance ne saurait être confondue sans erreur grave avec la rénovalion moléculaire continue ounutrition, et définir celle-ci par la première comme on l'a fait si souvent depuis Harvey et Leibnitz (Voyez Nouvelles lettres et opuscules inédits de Leibnitz. Paris, 1857, in-S", Inlroduclion, par M. Foucher de Careil, p. Lxxvi et suivantes, et p. 412-435), n'est qu'une manière de reculer une difficulté faute de pouvoir la résoudre. Dans la nutrition, les éléments anatomiques, sans cesser d'être les mêmes individuellement, sans disparaître de l'éco- nomie, sont le siège d'un remplacement matériel, molécule à molé- cule, de la matière inapte à servir davantage et qui sedésassimile, rem- placement opéré par des principes immédiats qui n'ont pas encore été utilisés. Dans la génération, c'est l'apparition de substance organisée, amorphe ou à l'état d'éléments anatomiques figurés, qui n'existait pas, ou qui ayant existé n'existe accidentellement plus comme dans le cas de la régénération ou cicatrisation. Si ces deux phénomènes n'en fai- saient qu'un, l'économie durerait toujours, car, dans le cas où la nu- trition serait une génération continue, il y aurait remplacement inces- INTRODUCTION. XXXI dans lequel vient de naître le noyau vitellin, jusqu'à l'âge le plus avancé, sur les couches épithéliales les plus diverses s'individualisant en cellules par segmentation de leur matière amorphe, segmentation intercalaire par rapport aux noyaux; acte qui, dans l'un et l'autre cas, est consécutif à un fait de genèse préalable, celui du noyau viteUin au sein du vitellus clans le premier cas, celui de la genèse des noyaux épithéliaux et delà matière amorphe interposée dans le second. En résumé^ on trouve dans l'organisme des parties constituantes solides élémentaires, qui ont une confi- guration individuelle déterminée, et d'autres qui n'ont pas d'autre forme que celle des interstices qu'elles com- blent entre les parties figurées ou des surfaces tégu- mentaires, glandulaires, etc., qu'elles tapissent. Celles-ci ne sont pas une provenance substantielle directe, ou proligération immédiate des éléments anatomiques figurés, mais apparaissent par genèse (pagexm etxiv). Arrivées à un certain degré de développement avec ou sans genèse de noyaux dans leur épaisseur, quelques- saat de toutes pièces, par néo-genèse de parties n'ayant pas encore servi; ou bien, en cas d'identité de celle-ci avec la nutrition, ces par- ties supposées préexistantes et apparues on ne sait comme, ne feraient que renouveler leurs principes immédiats, sans qu'il y eût possibilité de régénération des parties enlevées comme dans le cas de la cicatri- sation des brûlures, etc. , autreniient que par allongement des éléments restants, ce qui n'est pas. La nutrition seule exprime réellement dans l'économie ce que Leibnitz entend sous le nom de loi de continuité, et cela par la série de phénomènes rigoureusement de même ordre qu'elle représente tant que persistent certaines conditions de composition im- médiate de la substance organisée et de circonstances extérieures à celte dernière. XXXII INTRODUCTION. unes d'entre elles (vitellus, couches épithéliales encore amorphes, etc.), elles peuvent secondairement gemmer ou se segmenter en corpuscules d'une forme et d'une structure déterminées, celles dites de cellules, qui ultérieurement s'accroissent individuellement plus ou moins, et chacune à leur manière, selon la composi- tion immédiate de leur substance et leur siège, et par suite, selon la nature et la quantité des principes qu'elles reçoivent et assimilent. Arrivées à un certain degré de développement, ces cellules ou les noyaux peuvent se diviser également; chacun se double ainsi, pour cha- cun se doubler ou non de nouveau à son tour en un semblable et nullement en un dissemblable, c'est-à-clire nullement, de manière que tant dans l'ovule, après la segmentation vitelline, que sur l'adulte, un élément non contractile, non doué d'innervation, etc., puisse, par exemple, émettre un corpuscule devenant peu à peu fibre musculaire, cellule ou tube nerveux , etc. C'est entre d'autres éléments ou des éléments semblables en voie de rénovation moléculaire continue que croissent par genèse, et en prenant chacun dès l'origine, une forme et une structure spécifiques distinctes, modifiées, mais jamais renversées, par l'évolution, ({ue naissent, dis-je,- ces éléments, ainsi que tant d'autres, tels que les éléments élastiques, cartilagineux, osseux, etc., etc. ÉLÉMENTS ANATOMIQUES « Ces cellules sont autant d'individus vivants, jouis- sant chacun de la propriété de croître, de se multi- plier, de se modifier dans de certaines limites, et qui sont les matériaux constituants des plantes. La plante est donc un être collectif. » (De Mip.bel, Nouvelles notes sui' le Cambium, in Comptes rendus de l'Académie des sciences, 29 avril 1839.) Le minéral le plus complexe, en quelque point qu'on interroge sa structure, offre toujours une substance identique avec elle-même. Pour raisonner des combinai- sons chimiques, il faut reculer jusqu'à l'atome, qui seul est immuable. Il n'est pas besoin de remonter si haut pour interpréter les phénomènes de la physiologie. La matière organisée, qui n'est après tout qu'un des modes de la matière brute, présente un arrangement moléculaire très-complexe, mais aussi très-fragiie, et qui diffère suivant le point de l'organisme où on l'étudié. Constituée par des principes immédiats d'ordres divers et diverse- ment combinés, la matière organisée s'observe sous deux aspects. Elle est amorphe ou figurée (Buffon). CLEMENCEAU. 1 2 DE LA GÉNÉRATION Amorphe, elle est dépourvue dé toute structure. « Mais, dit M. Robin, ce n'est pas la forme qui caractérise l'organisation, c'est la composition intime et immédiate, le mode d'union molécule à molécule de principes d'une nature spéciale (i). » C'est là le degré le plus simple d'organisation, mais c'est aussi le caractère fondamental de la substance organisée. Les granulations moléculaires établissent une sorte de transition entre l'état amorphe et les éléments figurés, ou éléments anatomiques proprement dits. Ceux-ci (cellules, fibres ou tubes) offrent pour carac- tère particulier d'avoir une structure qui leur est propre et varie suivant l'espèce. C'est de Mirbel qui, en 1801, est arrivé à la notion de l'élément anatomique entrevue par Glisson (1650), Leeuwenhoeck (1680), Boerhaave, Haller (2) (1750) et (1) Programme du cours d'hislulogie, p. 1 4, 1 864. (2) Haller dit formellement, au commencement de ses Elementa physiologiœ : « La fibre (fibra) est pour le physiologiste ce que la ligne est pour le géomètre. » Plus tard, on regarda la libre comme servant de base à presque toutes les parties du corps. C'est à la fibre qu'on ramena, en dernière analyse, les tissus les plus variés. A la fin du dernier siècle, il se produisit une réaction contre la théorie de la fibre. Celle-ci fut remplacée par le globule. On alla jusqu'à considérer la fibre comme un alignement idéal de globules. On suppo- sait que la cellule se formait par suite de la disposition des globules en membrane, cette dernière entourant les globules qui formaient le con- tenu (Baumgàrtner et Arnold). La théorie de la formation des cellules par enveloppement fut la conséquence de cette doctrine. Les globules élémentaires étaient supposés se trouver, dans le principe, dispersés dans le fluide formateur. Sous l'influence de diverses causes^ ces glo- bules se rassemblaient en petits amas qui s'entouraient d'une mem- brane d'après le procédé que nous avons dit. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 3 Bichat. — Il dit le premier que l'organisme était le résultat de l'association de parties élémentaires, vivant chacune pour son compte. Gruithuisen (1811), Trevira- nus (1815), Turpin (1818), reprirent sur les animaux les observations de de Mirbel sur les plantes. En 1828, Turpin arrivait à cette conclusion : « 1° Les êtres orga- nisés les plus compliqués sont des sortes de composés par surajoutement d'êtres organisés plus simples qu'eux. 2° Chaque vésicule, chaque fibre et la cuticule générale dont se compose la masse tissulaire d'un végétal, sont des individualités qui ont leur centre vital particulier de végétation et de propagation. Mais toutes ces individua- lités simplement contiguës les unes aux autres ou collées par leur surface, deviennent solidaires et constituent par leur assemblage l'individualité composée d'un arbre (1). » Les recherches modernes n'ont fait que confirmer ces vues. Ce que de Mirbel disait de la plante peut donc s'entendre de l'homme. C'est un être collectif, — une fédération d'éléments anatomiques. Son indivi- dualité n'est qu'une synthèse de la leur. L'analyse anatomique, en effet, réduit le corps de l'animal, et de l'homme par conséquent, en corpuscules ultimes : ce sont les éléments anatomiques, que l'ana- lyse chimique décompose à son tour en principes immé- diats. Chaque élément anatomique jouit d'une individua- hté qui lui est propre, aussi bien au point de vue de sa nutrition et de son développement que de sa forme. Il (1) Turpin, Mémoires du Muséum d'histoire naturelle , 4 828, t. XVI, p. 157. k DE LA GÉNÉRATION naît, s'évolue et meurt d'une façon aosolument indé- pendante et d'après les lois physiologiques qui régissent son espèce. — Chaque espèce a son autonomie, son rôle physiologique, sa manière de se juxtaposer ou de s'en- chevêtrer dans de certaines proportions et suivant cer- taines lois pour former les tissus. Enfin ces derniers s'associent pour constituer les organes du fonctionne- ment desquels résulte l'organisme. Quel que soit l'ar- rangement moléculaire de la matière organisée, elle possède deux ordres de propriétés : les unes en commun avec la matière brute, les autres qui lui sont spéciales. M. Robin a caractérisé ces dernières du nom de pro- priétés d'ordre organique ou biologique. « Elles varient dans leurs manifestations, non-seulement avec la con- stitution physique et la composition moléculaire ou élé- mentaire, mais avec la forme et le volume de chaque élément anatomique en particulier » (1). Elles sont au nombre de cinq : les unes dites végétatives, parce que ce sont les seules qu'on retrouve dans les éléments végé- taux; les autres qui, si l'on excepte les spermatozoïdes de quelques plantes, ne s'observent que dans les éléments animaux, sont appelées propriétés animales. Les pre- mières sont la nutrition.^ le développement., la naissance; les secondes : la contractilité et Xinnervation. Cette classification appartient à M. Robin. L'impor- tance de cette distinction est grande, surtout en ce qui concerne les propriétés végétatives qu'on a souvent (4) JReuuedes cour& scientifiques , n" 47, 22 octobre 1864. Cours de M. Robin, De l'organicisme, des propriétés vitales et de l'irritation, recueilli par M. Taule. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 5 cherché à ramener à une seule. Aussi croyons-nous utile, avant d'entrer en matière, de définir les trois termes : nutrition, développement^ naissance ^ et de les distinguer. La nutrition est en même temps la plus élémentaire et la plus générale de ces propriétés. Il y a des éléments anatomiques qui n'en ont pas d'autre, mais tous ont au moins celle-là. Nous la définirons avec M. Robin (1) « le double mouvement continu de combinaison et de décombinaison que présentent sans se détruire les élé- ments anatomiques » , Elle est la condition d'existence même de toutes les autres propriétés d'ordre organique. Toutes la supposent ; elle n'en suppose aucune. Le développement consx^iQ dans l'accroissement (2) en tous sens de l'élément anatomique, depuis sa naissance jusqu'à sa mort, c'est-à-dire jusqu'au moment où la nu- trition y cesse. Cette propriété de se développer est sans doute le résultat de la nutrition (o.), mais ce n'en est (1) Dictionnaire dit de Nysten^ art. Nutrition. (2) Le développement, dit M. Robin {Programme du cours d'histo- logie,-p. 32), consiste en H" une augmentation dans les trois dimen- sions ; 2° en un changement de forme ; 3" en modifications graduelles de structure. Si le développement produit V accroissement, il ne faudrait pas pour cela se croire autorisé à confondre ces deux termes. L'accroissement, c'est-à-dire l'augmentation de masse, est aussi bien le résultat du développement que de la multiplication (par naissance) des éléments anatomiques. (3) « Les phénomènes d'évolution, quels qu'ils soient, consistent en changements incessants, ayant lieu dans les éléments anatomiques pendant toute la durée de leur existence, phénomènes qui restent incompréhensibles, si l'on cesse un instant de se rappeler que le développement est subordonné à la nutrition. On entend par là que la e ■ DE LA GÉNÉRATION pas la conséquence inévitable. Il peut très-bien en effet se rencontrer un élément anatomique qui se nourrisse sans s'accroître, par suite d'un équilibre parfait entre l'assimilation et ladésassimilation. — Ainsi se trouvent distinguées l'une d'avec l'autre les deux propriétés que nous venons de définir. D'ailleurs, si le développement entraîne des modifications successives de forme, de vo- lume et de structure, l'apparition même des propriétés animales n'est qu'un fait d'évolution, puisque l'élément se montre avant la propriété. «Nul élément n'est, lors de son apparition, ce qu'il sera plus tard. —Alors il diffère plus de ce qu'il sera étant adulte que cet état ne diffère de l'état sénile ou d'aberration morbide extrême » (1). nutrition par la rénovation continue des principes immédiats fournit ou enlève incessamment des matériaux à chaque élément, et devient ainsi la condition, l'accomplissement de ces changements de forme, de volume et de structure qui caractérisent toutes les particularités du développement. » (M. Rohin, Mémoire sur la naissance des élém. anaî.j Journal d'anal, et de phiisioL, 1864, p. 364.) Toutes les propriétés d'ordre biologique étant subordonnées à la nutrition, la plus simple mais la plus nécessaire de toutes, la propriété de naissance ne pourra se manifester que consécutivement à la nutrition. C'est dire qu'on n'o5jserve la génération des éléments anatomiques que dans un orga- nisme en voie de nutrition. (1) M. Robin, Programme du cours d'histologie, p. 26. Depuis Turpin (1826), beaucoup d'auteurs ont tenté d'expliquer la génération des éléments anatomiques par l'idée àhm développement continu, supprimant toute idée de naissance proprement dite, ou par celle d'une génération de cellules dans d'autres cellules, c'est-à-dire par ce qu'on a décrit depuis sous le nom de génération endogène. La con- fusion est manifeste : ces deux propriétés, définies comme nous l'avons fait, sont parfaitement distinctes. Quant à l'endogenèse, nous verrons plus loin que c'est un phénomène très-rare et qui ne s'observe que dans certains cas pathologiques. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 7 Dans un être vivant, c'est-à-dire eo voie de nutrition, la production d'un élément anatomique au moyen de principes immédiats variés est ce qui caractérise la nais- sance. C'est la propriété dont jouissent les éléments ana= tomiques de déterminer dans leur voisinage la produc- tion ou génération d'autres éléments, ou d'en reproduire directement de semblables à eux. Cette définition est celle de M. Robin. Il ajoute seulement que, pour mani- fester cette propriété, les éléments anatomiques doivent se trouver placés dans de certaines conditions de nutri- tion et de développement. Le mot naissance exprime donc une seule propriété, mais à deux points de vue différents. C'est la propriété que possède l'élément de donner lieu à la génération d'éléments semblables à lui, à' engendrer en un mot d'une façon plus ou moins di- recte. — Mais c'est aussi la propriété qu'a l'élément de naître, d'apparaître. Que cette naissance ait lieu par reproduction.^ c'est-à-dire aux dépens de la substance môme des éléments préexistants, ou de toutes pièces par genèse^ molécule à molécule, à l'aide et aux dépens d'un blastème fourni par ces derniers, le fait caractéristique est toujours l'apparition d'un élément qui, quelques in- stants auparavant, n'existait pas. Un nouvel individu a surgi ; ce fait capital permet de séparer nettement cette propriété de celles de nutrition et de développement avec lesquelles on a cherché à la confondre. « La nais- sance^ écrit M. Robin, y compris la reproduction et la régénération., ne saurait être confondue, sans erreur grave, avec la rénovation moUéculaire continue ou nutri- tion; et définir celle-ci par la première, comme on l'a 8 DE LA GËiNÉRATION lait si souvent depuis Harvey et Leibnitz, n'est qu'une manière de reculer une difficulté, faute de pouvoir la résoudre. Dans la nutrition, les éléments anatomiques, sans cesser d'être les mêmes individuellement, sans dis- paraître de l'économie, sont le siège d'un remplace- ment matériel molécule à molécule, de la matière deve- nue inapte à servir davantage et qui se désassimile, remplacement par des principes immédiats qui n'ont pas encore été utilisés. Dans la génération, c'est l'appa- rition de substance organisée, amorphe ou à l'état d'éléments anatomiques figurés, qui n'existait pas, ou qui, ayant existé, n'existe accidentellement plus, comme dans le cas de la régénération ou cicatrisation^ etc. » (1). 11 nous suffit d'avoir défini les termes dont nous au- rons à nous servir. — Nous allons étudier la génération des éléments anatomiques, c'est-à-dire que nous cher- cherons à déterminer, d'après les données de l'expé- rience, où, quand et comment ils naissent. On observe la naissance des éléments anatomiques, soit dam l'ovule fécondé, « devenu par là un individu nouveau » (2), soit dans le corps de l'être déjà formé (embryon, fœtus ou adulte). Le premier de ces phéno- mènes est la génération même de l'organisme : ici l'ap- parition dans l'ovule du premier élément anatomique et la naissance de l'être sont un seul et même fait qu'il est impossible de scinder. Le second a pour résultat (1) Robin, Journal d'anatorme et de physiologie; Mémoire sur la naissance des éléments anatomiques, 1864, t. I, p. 40, note. (2) Robin, Journal d'anatomie et de physiologie, p. 31, 1" année, n»4. Paris, 1864. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 9 l'accroissement de l'organisme , qui est en même temps amené par le développement des éléments an- térieurs. La naissance des êtres nouveaux, je veux dire des éléments anatoraiques qui arrivent à l'individualité, s'opère d'après deux modes : par reproduction ou par genèse. Il y a reproduction quand un élément anatomique figuré en produit directement un semblable par gem- mation ou par segmentation. La genèse consiste dans l'apparition d'un élément anatomique qui n'e;iistait pas, « dont les principes seuls étaient répandus dans le lieu où se passe ce phénomène moléculaire, mais en des pro- portions qui ne sont pas celles qu'on trouve dans l'élé- ment apparu » (1 ). Enfin V individualisation est un mode de naissance des éléments, intermédiaire à la genèse et à la reproduction. Elle tient en effet de ces deux phénomènes à la fois. Elle est un résultat de la segmentation ou de la gemma- tion (au fond ces deux phénomènes sont identiques) d'un élément amorphe engendré entre les éléments voi- sins ou à leur surface. Nous traiterons plus spécialement de la génération des éléments anatomiques dans l'ovule. L'ovule fécondé, c'est Xêtre à l'état virtuel, et lorsque s'accomplit cette intéressante succession de phénomènes qui commence à Xovule et aboutit à Xêtre.^ l'observateur y saisit mieux que partout ailleurs les moindres phases de l'acte phy- siologique. Aussi, cette étude faite, ne nous restera- t-il (1)M. Robin, Journal d'oMat. et de physiol., \86i,\), 1S3. 10 DE LA GÉNÉRATION que peu de choses à dire de la naissance des éléments analomiques chez l'être déjà formé, d'autant que dans ce dernier cas les conditions du phénomène sont chan- gées, mais non pas le mode. Une espèce donnée d'élé- ments ne naît pas d'une façon différente dans l'ovule, l'embryon, le fœtus ou l'adulte. Le milieu varie ainsi que l'origine des matériaux de l'élément, mais le mode d'après lequel celui-ci acquiert son individualité reste le même. Notre premier chapitre contiendra la série des phé- nomènes qui se passent dans l'ovule jusqu'au moment de la liquéfaction des cellules embryonnaires, c'est dire que nous étudierons la gemmation et la segmentation, ou, pour employer un terme plus général, la reproduc- tion : ce qui nous conduira à nous occuper, dans un dernier paragraphe, de l'étude de ce phénomène chez l'être déjà formé. Dans le second chapitre, nous repren- drons l'ovule où nous l'aurons laissé, et nous assisterons à la naissance successive des éléments définitifs de l'em- bryon : ce qui nous fera connaître le phénomène de la genèse et ses conditions. Pour en compléter l'étude, nous le poursuivrons chez l'être déjà formé en termi- nant ce chapitre. Mais au début de ce travail, il nous aura fallu consi- dérer l'ovule comme une matière préexistante, sans nous préoccuper en rien de son origine. Il nous restera donc à établir que l'ovule lui-même est un élément anatomique et à déterminer où, quand et comment il naît, c'est ce que nous ferons dans un troisième chapitre : après quoi nous aurons épuisé tout ce qui concerne la DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 11 naissance des éléments anatomiques au point de vue physiologique. Le dernier chapitre comprendra ce que nous consi- dérons comme la conclusion pratique de ce travail : la génération des éléments anatomiques dans les cas pa- thologiques. Nous ne pourrons point donner à cette question tous les développements qu'elle comporte. Nous avons tenu cependant à ne point l'omettre. Cette étude révèle en effet loute la portée des investigations micros- copiques que certains se plaisent encore à accuser de stérilité. Elle établit la transition insensible qui relie la physiologie à la pathologie et donne la première de ces sciences pour base à la seconde. Elle montre enfin com- ment les phénomènes de l'une dérivent des phénomènes de l'autre, suivant des lois invariables qu'elle s'applique à déterminer en dehors de toute conception à priori. Si l'on veut interpréter utilement les phénomènes pathologiques, une vue de l'esprit, si ingénieuse qu'elle soit, ne saurait remplacer l'observation. Ce n'est qu'en pénétrant dans l'intimité même de l'organe et de la fonc- tion, qu'on peut arriver à comprendre l'acte m.orbide, sa signification, son rôle, et quels moyens il convient de lui opposer. CHAPITRE PREMIER DE LA REPRODUCTION L'ovule subit deux séries de phénomènes, depuis sa naissance jusqu'au moment de la segmentation du vitel- lus. Les uns précèdent la fécondation , les autres lui sont postérieurs. L'étude des premiers et de la féconda- tion elle-même se trouve naturellement renvoyée au chapitre Ilï, où nous décrirons la naissance de l'ovule. Nous y verrons alors comment l'ovule, après être né en véritable élément anatomique, après avoir été morpho- logiquement une cellule, « acquiert, par suite de son développement, des dimensions et des particularités de structure intime qui en font un organe spécial » (1). En effet, les phénomènes d'évolution qui s'y passent, et qu'on n'observe dcins aucun autre élément, en font bien un organe nouveau et sans analogue dans l'économie. Sa structure anatomique modifiée, il en résulte que sa fonction physiologique reçoit une direction nouvelle. C'est à ce moment même de son évolution que nous allons commencer à étudier l'ovule. (1) Robin, Mém. sur les phénomènes qui se passent dans l'ovule avant la segmentation du vitellus {Journal de la physiologie^ 1862, p. 75), ik DE LA GÉNÉRATION Sa structure est alors très-simple : un contenu gra- nuleux, dit vitelhis, une membrane enveloppante, homo- gène, hyaline, nommée par M. Coste membrane vitelUne. Nous verrons (chapitre III) comment les spermatozoïdes la traversent. Le vitellus est séparé de la membrane vitelhne par un espace clair que remplit un liquide par- faitement hmpide. On peut y observer (1) des sperma- tozoïdes sur le point de se liquéfier. De forme sphérique, les ovules ont, chez les mammi- fères, de 1 à 2 dixièmes de millimètre (2). Dans l'espèce humaine, la membrane vitelhne, épaisse de 0""", Ol/i,est élastique, amorphe, homogène, hyaline, transparente. A ce moment, c'est-à-dire après le phénomène du re- traitih), le vitellus offre un diamètre de 0"™,i3 à 0'""\16 (au lieu de 0""",16 à 0""",i^i son diamètre avant le re- trait). « C'est une masse sphérique, cohérente, granulée, transparente et visqueuse » (4). A mesure qu'on se rap- (1) Au moment où commence la segmentation du vitellus, il n'y a plus de spermatozoïdes mobiles entre la membrane vitelline et le vitellus. M. Lacaze-Duthiers dit cependant avoir observé des spermatozoïdes mobiles dans l'œuf du dentale passé la période de fractionnement. M. Robin n'a rencontré ce phénomène chez aucun mollusque, pas plus que chez les hirudinées. Il considère ce fait, s'il est confirmé, comme une exception. (2) « Les différences qu'ils offrent à cet égard ne sont pas propor- tionnées à celles qui existent entre les animaux eu égard à leur taille. » Robin, Bict. dit de Nysten, art. Ovule. (3) Nous verrons, chap. III, que les premiers phénomènes qu'on observe dans l'ovule sont, par ordre de succession, la disparition de la vésicule ainsi que la tache germinative et le retrait du vitellus. (4) Loc. cit. supra, Dict. ditde Nysten. « De toutes lesparties constituantes de l'ovule, le vitelluri est la seule DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 15 proche du centre, on trouve le vitellus composé de gra- nulations de plus en plus foncées, unies par une sub- stance amorphe et visqueuse. Il est plus clair et possède un reflet plus brillant à sa surface, où la ténacité de la substance amorphe est d'ailleurs plus prononcée que dans sa profondeur. Une mince couche de cette matière déborde les granulations à la périphérie de la sphère vitelline (1). Tel est l'ovule au moment oii vont s'y produire les phénomènes qui suivent la fécondation. Alors commence cette série de phénomènes dont j'ai parlé en commen- qui prenne part postérieurement à la formation du blastoderme. » (M. Robin, Mém. sur les ■phénomènes qui se passent dans l'ovule avant la fécondation, iSGS, p. 73.) (1 ) Cet aspect et cette disposition ont fait croire à quelques auteurs que Je vitellus possédait une membrane spéciale immédiatement appli- quée sur lui. M. Coste, le premier (1834), puis MM. Bergmann, Bischoff, Vogt et Robin, ont démontré l'absence de cette membrane sur laquelle M. Lacaze-Dulhiers disait avoir vu un micropyle. M.Robin a observé que si l'on déchire par écrasement le vitellus en un point de sa surface, les granulations vitellines se rassemblent du côté de la rupture, en laissant à l'extrémité opposée la substance visqueuse, qui apparaît limpide et transparente. Les granulations extrêmement fines qui restent dans cette dernière ne sont douées d'aucun mouve- ment brownien. Ce qui démontre qu'elles ne se trouvent point dans une cavité. D'ailleurs, aucune trace de plissement à la surface du vitellus ; et cela ne manquerait pas d'avoir lieu s'il possédait une çaembrane. On observe, en effet, constamment ce dernier phénomène lorsqu'on vient à rompre la membrane vitelline. Les granules qui s'accumulent du côté de la rupture s'épanchent alors dans l'espace plein de liquide qui sépare le vitellus de l'enveloppe ovulaire, et sont doués d'un mouvement brownien très-prononcé. D'où l'on peut dire que « le vitellus est exclusivement constitué par un globe granuleux qui est le contenu de la cellule ovulaire développée. L'œuf n'a pas d'autre enveloppe que celle dite vilelline, qui provient de l'accroisse- 16 ])K LA GÉNÉRATIOiX çant et qui précèdent la segmentation du vitellus. Il y en a trois sur lesquels M. Robin a tout particulièrement in- sisté ; ce sont : 1° Les phénomènes de déformation et de giration du vitellus ; 2° La production des globules polaires ; 3° L'apparition du noyau vitellin. § 1". — Phénomènes de déformation et de giration du vitellus. Immédiatement après le retrait du vitellus, on voit certains mouvements s'y manifester. La longue durée de ses phénomènes, ses interruptions à des périodes déterminées, son retour régulier, le rendent extrême- ment remarquable. « 11 commence, en effet, quelques minutes après la ponte chez les grenouilles, les poissons, les insectes, les mollusques et les hirudinées, pour se continuer jusqu'à l'époque oii, comme conséquence de la division du vitellus en nombreuses parties, le blasto- derme se trouve formé par celles-ci » (1). Ce phénomène est double : il consiste dans des chan- ment de la paroi de la cellule par laquelle l'ovule commence. » (Robin, Mé^n. sur les pliénomènes qui se passent dans l'ovule avant la segmenta- tion du vUellus, p. 73.) Le nom de membrane \itelline, proposé par M. Coste, est donc parfaitement exact. Ceux d'enveloppe ovarique (Quatrefages), sone pellucide (Bischoff), coque (Lacaza-Duthiers), membrane coquillière (Vogt), sont évidemment impropres. (1)M. Robin, Mémoire cité, 1862, p. 100. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 17 gemenls successifs de la forme du vitellus et dans la ro- tation lente de celui-ci sur lui-même. Pour M, Robin, ce second fait est la conséquence du premier, « dû lui- même à des contractions amibiformes ou sarcodiques de la substance homogène fondamentale du vitellus » (1). Les changements de forme qu'affecte le vitellus sont variables. De sphérique qu'il était d'abord, tantôt il de- vient pyramidal, à angles plus ou moins arrondis, tantôt il figure un ovoïde plus ou moins allongé. Parfois il se déprime à ses deux extrémités, puis s'étrangle à son mi- lieu, ce qui simule un commencement de segmentation. D'autres fois, enfin, son contour devient légèrement sinueux et se hérisse de saillies que le retrait des gra- nulations rend transparentes. Pendant que ces déformations s'accomplissent, le vi- tellus tourne sur lui-même. En effet, si l'on fixe un point quelconque du vitellus reconnaissable à quelque parti- cularité, on le voit se déplacer vers la circonférence, disparaître, puis Teparaitre du côté opposé. Selon M. Robin, pour faire un tour complet sur lui-môme, le vitellus demande de quarante-cinq à cinquante-cinq mi- nutes, par une température de 11 L 12 degrés. La gi- ration deviendrait moins rapide, à mesure que baisserait la température. Ces deux ordres de phénomènes coexistent. Ils cessent au moment de l'apparition de la saillie qui va donner naissance au premier globule polaire pour recommencer (1) Loc. dt.,p. 4 04. M. Robin a, le premier, décrit ce phénomène avec détails. Bischoff (1843) l'avait observé sur l'œuf du lapin, et M. Quatrefages sur les œufs dliermelles non fécondés, CLEMENCEAU. 2 18 DE LA GÉNÉRATION pendant que s'achève la séparation de celui-ci : après quoi il se produit un nouveau temps d'arrêt, suivi d'un nouveau retour du phénomène dès que se dessine la saillie du second globule polaire. Ces faits se répètent autant de fois qu'il se produit de ces éléments. Pendant que le noyau vitellin naît et se développe, le vitellus reste immobile et régulier. Mais, dès que le noyau vi- teUin se divise, le phénomène réapparaît et se complique même , grâce à la segmentation du vitellus. En effet, les deux premiers globes vitellins, d'abord ovoïdes, après avoir glissé l'un sur l'autre, s'aplatissent et s'accolent par leur face contiguë, au point de reproduire la forme primitive du vitellus avant sa segmentation : puis il se produit un nouveau temps de repos, après lequel les globes reprennent leur forme primitive, puis se segmen- tent à leur tour. Pendant toute la durée de la segmenta- tion, et à chacune de ses phases, les mêmes phénomènes se reproduisent dans le même ordre avec une régularité toujours constante. Seulement ils deviennent d'autant plus lents que la subdivision du vitellus approche davan- tage de sa fin (1). Ce qui rend ces phénomènes importants à connaître, c'est le fait de leur coexistence avec l'apparition des (1) Les phénomèqes de déformation et de giration du vitellus s'ob- servent en général sur les œufs fécondés ou non, chez les animaux dont les cellules blastodermiques s'individualisent par segmentation. M. Robin a vu que, chez les Upitlaires culiciformes [chironomes, tamjpes, etc.), ces mouvements du vitellus ne s'observent pas même sur les œufs fécondés. L'œuf est de forme ovoïde. Le vitellus ne se sépare de la membrane vitelline qu'aux deux extrémités, et fécondé se fragmente par gemmation. Sur les œufs inféconds, le vitellus se trans- DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 19 premiers éléments anatomiques et les différences d'as- pect qu'ils impriment à la masse embryonnaire pendant la durée d'une même période. Ce dernier cas est sur- tout manifeste quand les globes vitellins, réduits à un Yolume de 0"'",03 à O'^^'^Oô, passent à Fétat de cellules blastodermiques proprement dites. C'est ici le lieu de noter un phénomène que M. Robin a seul décrit jusqu'à présent : je veux parler des chan- gements qui surviennent dans la structure intime du vitellus après la fécondation. « Ils consistent essentiel- » lement en ce que les granules jaunâtres du vitellus, » qui jusque-là étaient restés très-petits, deviennent » rapidement plus volumineux, se rassemblent un peu » plus vers le centre du vitellus qu'auparavant, s'é- » cartent légèrement de la surface de celui-ci et su- » bissent des modifications moléculaires, qui font qu'ils » réfractent plus fortement la lumière » (1). Quant à la substance fondamentale, homogène et visqueuse, elle est étrangère à ces phénomènes et reste interposée à ces granules graisseux réunis en gouttelettes, comme elle l'était aux granules isolés. forme par gemmation en globules qui remplissent la cavité de la mem- brane vitelline, puis se déforment incessamment et glissent à chaque instant les uns sur les autres. Au bout de vingt-quatre à quarante-huit heures, ces globules se ramollissent, se gonflent, se réunissent par coalescence en une seule masse qui distend la membrane vitelline et se putréfie. (1) M. Robin, Mém. sur les phén. qui se passent dans l'ovule avant la segment, du vitellus, p, 107. 20 DE LA GÉNÉRATION § 2. — PE.ODUCTION DES GLOBULES POLAIRES. Ce phénomène consiste dans l'apparition en un point du vitellus, quelques heures après le retrait de celui-ci, de globules translucides qui ont reçu les différents noms de globules muqiieux, huileux ou transparents^ corpus- cules hyalins^ globules joolaires, etc., etc. « Le point » même de la surface du vitellus où naissent ces glo- !) bules marque, quelques heures d'avance, le pôle de » ce dernier qui va se déprimer, puis se creuser d'un » sillon de division devenant peu à peu équatorial ; de » là le nom de globules polaires qui doit leur être donné. » C'est aussi le point où apparaîtra plus tard l'extrémité » céphalique » (1). Après leur naissance, les globules polaires, au nombre de deux, trois ou quatre, se ré- unissent en un seul; leur évolution s'arrête là. En effet, pendant toute la durée du développement, ce globule reste à côté del'embryon sans participer aux phénomènes qui se passent près de lui. A l'époque de l'éclosion, il demeure dans la membrane vitelline et se détruit en même temps qu'elle par putréfaction. Il semble, comme le dit M. Robin, que son rôle physiologique se borne à [\) M. Robin, Mémoire sur la production des globules polaires de l'ovule, p. -150, Les globules polaires ont été découverts par Carus (1828), sur les gastéropodes. Duraortier ('1837), Warthon Jones (1837), Pouchet (1828), Bisohoff (4 841), les ont successivement décrits. Mais tous ces auteurs les ont fait provenir de la vésicule germinalive. Nous verrons, chap. m, que la vésicule de Purkinje a depuis longtemps disparu quand apparaît le premier globule polaire. DES ÉLÉMENTS ANATOMÏQUES. 21 préparer par sa production le début de la segmentation du vitellus, et par suite la génération des cellules du blastoderme. La production des globules polaires se fait par gem- mation (1) du vitellus et aux dépens de la substance (1) La gemmation et la segmentation sont deux modes d'individuali- sation de la substance organisée en éléments anatomiçues, phénomènes qui ont lieu, comme nous l'avons dit, soit sur une matière amorphe déjà née (et ont alors pour résultat l'individualisation des éléments), soit sur des noyaux ou des cellules (d'où résulte, dans ce cas, la re- produclion des éléments anatomiques figurés. Nous définirons la seg- mentation § 4 de ce chapitre. Ce qui caractérise la gemmation, c'est l'apparition (à la surface du vitellus aussi bien que d'une cellule) d'une saillie qui se sépare de l'organisme souche, soit par cloisonnement, soit par resserrement graduel de sa base. Ce fait qu'il apparaît dès le principe une partie nouvelle, affectant une direction qui lui est propre, distingue seul la gemmation de la segmentation. La gemmation ou surculation, génération accrémentitielle surculaire (Burdach), généra tion propagulaire («d.), génération exogène (Henle), développement superutriculaire (de Mirbel), s'observe surtout sur les éléments anato- miques des plantes acotylédones cellulaires particulièrement, et sur quelques animaux et végétaux entiers des plus simples. On la rencon- tre encore sur un certain nombre d'éléments anatomiques des animaux, en particulier sur le vitellus. Chez les animaux dont le vitellus se seg- mente, la gemmation ne se produit qu'en un point de celui-ci. Elle a pour résultat l'apparition des globules polaires. Enfin, il est des ani- maux (les articulés) dont l'œuf ne présente point le phénomène de la segmentation. Les cellules blastodermiques naissent alors par gemma- tion de toute la surface du vitellus. Chez ces animaux, les globules polaires concourent à la formation du blastoderme ; ils sont au nombre de quatre ou de huit qui naissent simultanément par gemmation l'un à côté de l'autre. Au lieu de se réunir par coalescence, ils se seg- mentent, possèdent des noyaux et finissent par se confondre avec les cellules blastodermiques. Pour cette raison l'étude des globules polaires, chez les articulés, sera renvoyée au § 4, où nous décrirons la naissance des cellules blastodermiques. C'est sur les œufs des tipulaires culiciformes que M. Robin a fait les observations dont nous parlons. 22 DE LA GÉNÉRATION hyaline de ce dernier. « Ce phénomène débute par le » retrait des granules du vitellus sur une portion circu- » laire de la surface, large de 0'°'",05 ou environ, de » manière à laisser la substance hyahne complètement » seule et translucide » (l). Après quelques minutes, cette partie transparente forme une saillie hémisphé- rique qui, en s'allongeant, devient conoïde, mais, comme sa base se resserre au fur et à mesure que l'al- longement continue, elle affecte d'abord la forme d'un cylindre large de O^^^OS sur une largeur double, puis devient piriforme. Enfin elle se sépare du vitellus, touten lui restant contiguë, tantôt par une division transversale, tantôt par le rétrécissement progressif de sa base. Pen- dant ce temps, le vitellus est, comme on sait, le siège de déformations incessantes plus prononcées à la fin de la production de chaque globule, et subissant un arrêt momentané après le phénomène de la séparation. Les faits que je viens de signaler et que M. Robin (2) a décrits dans tous leurs détails (mémoire déjà cité) ne concernent que l'apparition des globules polaires en gé- néral. Nous n'avons que peu de mots à dire de la nais- sance de chacun d'eux en particuher. Ils naissent le plus souvent l'un après l'autre : quelquefois cependant (1)M. Robin, Mém. sur la naissance des élém, anat, [Journal d'anat. et de physioL, t. I, n° 4, p. 359). (2) Nordmann (ISie), Vogt (1846), admettent que la production du globule polaire résulte de l'excrétion de la vésicule germinative. Lovén le fait provenir de la tache germinative. Les nombreuses obser- vations de M. Robin sur les nephelis, les clepsines, limnées, an- cyles, etc., sont absolument en contradiction avec ces faits. Outre qu'il a suivi toutes les phases de la naissance des globules polaires, il DES ÉLÉMENTS ANÂTOMIQUES. 23 M. Robin a vu se scinder en deux et même trois glo- bules une gemme détachée ou non du vitellus. Quelles que soient les différentes particularités de la gemmation, le premier globule reste, après sa sépara- tion complète, adhérent au vitellus à l'endroit où il est né. Mais à ce point-là même naît un second globule po- laire avec la même série de phénomènes qu'a présentés le premier; celui-ci se trouve ainsi soulevé. Sur certains œufs de Nephelis et à'Himdo il naît de la même façon un troisième et même un quatrième globule. Chez les giossiphonies, M. Robin en a compté jusqu'à quatre. En général, ces globules sont limpides, réfractent fortement la lumière et sont dépourvus de granulations. Quand des granules y ont été entraînés, on n'y observe jamais de mouvement brownien, ce qui indique dans ces éléments l'absence d'une cavité distincte de la paroi. Après leur apparition, les globules restent adhérents les uns aux autres, le dernier se trouvant en contact di- rect avec le vitellus. Ils forment donc une chaîne de deux ou trois globules sphériques, larges de O^^jOl à 0"'°,03, à bord pâle mais net. Outre les fines granu- lations qu'on y observe et qui sont tantôt réunies en n'a jamais rien vu sortir de toutes pièces du vitellus. On sait d'ailleurs, depuis M. Coste (voy. chap. III), que la vésicule germinative est tou- jours liquéfiée avant la segmentation, et M. Robin a montré qu'elle se liquéfie avant l'apparition du premier globule polaire. MM. de Quatre- fages (1848), Lacaze-Duthiers (1858), avaient suppose que des glo- bules polaires provenaient de la substance vitelline profonde qui sorti- rait par rupture en vm point de la surface du vitellus ; mais, d'après ces auteurs eux-mêmes, cette opinion ne reposait pas sur l'observation directe des faits. 24 DE LA GÉNÉRATION amas, tantôt éparses, on y trouve parfois quelques-unes des gouttelettes résultant de la réunion des granules vi- tellins (voyez la fin du § i" (1). Ainsi disposés, les globules polaires deviennent le siège de phénomènes qui s'achèvent en général avant le commencement de la segmentation et parfois même avant l'apparition du noyau vitellin. M. Robin, qui établit ce fait, dit cependant les avoir assez souvent vus accompagner le début de la segmentation. Ils consistent en la réunion des globules en un' seul. Cette réunion s'accomplit dans chaque espèce animale de deux ma- nières différentes : le plus ordinairement, le globule le plus extérieur (qui à ce moment est encore pédicule) diminue peu à peu de volume. Toute sa substance passe insensiblement dans le globule qui lui est subjacent. Celui-ci disparaît à son tour de la même façon, et le dernier globule subsiste seul, accru de toute la masse des deux globules disparus. Quelquefois les deux globules polaires les plus exté- rieurs s'appliquent l'un sur l'autre, et s'aplatissent et se soudent par une portion de leur surface de plus en plus étendue. Il semble que le premier apparu soit ab- sorbé par le second, qui lui-même se fond dans le der- (1) Nous n'avons pas à parler ici d'un globule particulier que M. Robin a décrit chez les mollusques. Son caractère spécial est de naître de toutes pièces au sein du vitellus immédiatement au-dessous du dernier globule né par gemmation. Une autre particularité à noter, c'est qu'il soulève la périphérie du vitellus en une mince pellicule qui le sépare de l'autre globule polaire. Ces deux globules coexistent l'un à côié de l'autre, pendant toute la durée du développement de l'em- bryon. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 25 nier. Il ne reste alors plus qu'un globule polaire, « le seul, dit M. Robin, qui ait été signalé jusqu'à présent, sans qu'on ait observé la succession des phénomènes qui en déterminent la production » (1). Postérieurement à ces faits, M. Robin a vu, chez les Nephelis, le globule polaire devenir parfois granuleux. lUui est même arrivé d'y observer deux ou trois petits noyaux sphériques, trans- parents, à bords nets, sans nucléoles, larges de 0'"'",006 à O^^jOOS. Ces noyaux se produisent par cohérence des granules. Enfin le globule polaire unique réfracte- rait un peu plus fortement la lumière que ne le faisaient ceux qui l'ont précédé. Nous avons déjà dit que le glo- bule polaire se retrouve, sans jamais subir de modifica- tions, à côté de l'embryon, jusqu'à l'issue de celui-ci hors de la membrane vitelhne. Chez lesçiossip/iomes^ le mouvement brownien, qui ^manquait dans les globules disparus, a été vu par M. Robin dans le globule po- laire unique. Aussi lorsque ce dernier vient à être brisé, on voit la membrane mince qui forme sa paroi se plisser, tandis que son contenu s'échappe. Quant aux globules polaires primitifs, il est parfaitement sûr qu'ils ne pos- sèdent pas de paroi propre. Sans parler de l'absence du mouvement brownien, la façon dont se produit leur coalescence le prouve surabondamment. S'ils avaient une paroi distincte du contenu, cette paroi ne pourrait pénétrer dans le globule voisin. Elle resterait à l'extérieur flétrie et plissée, ce qui n'a pas lieu. C'est au point de contact du globule polaire unique (I) M. Robin, Mémoire cité ci-dessus, p. 173, 26 DE LA GÉNÉRATION et du vitellus que se montre le premier sillon de la seg- mentation (1). Mais, avant le début de ce phénomène, nous avons à en noter un autre non moins important : je veux parler de la production du noyau vitellin (2). Ce fait précède la segmentation. 11 se produit quelque- fois pendant, le plus souvent après la réunion des glo- bules polaires en un seul. Au point de vue anatomique et physiologique, l'apparition du noyau viteUin « carac- térise plus nettement encore l'individualité nouvelle acquise par l'ovule depuis la fécondation » (3). Nous au- rons occasion de revenir là-dessus dans le paragraphe qui va suivre. § 3. — Production du noyau vitellin. L'apparition d'un noyau au centre du vitellus est le terme de cette série de phénomènes que l'on observe dans l'ovule, depuis la fécondation jusqu'au moment de la segmentation . L'ovule, qui est né cellule, avait pour noyau la vési- cule germinative, et pour nucléole la tache germinative. Celles-ci se sont liquéfiées : c'est là le signe que l'œuf est devenu un organe distinct, séparable du lieu où il est né et apte à subir une évolution individuelle propre. (1)Fr. MiJlIeretLowen, 1848. (2) La production du noyau vitellin ne s'observe que dans l'œuf fécondé. Il n'en est pas de même des globules polaires, qui toujours apparaissent, « que la fécondation ait lieu ou non. » (Robin, Journal d'anal, et de physiol. , 1. 1, n" 2, p. 18-1.) (3) M. Robin, Mémoire déjà cité, p. 186. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 27 Puis le vitellus s'est contracté, la fécondation est sur- venue; dès lors l'ovule a perdu son individualité, il a cessé d'être un des éléments anatomiques de l'animal adulte qui Fa produit, et c'est le vitellus qui se trouve constituer un nouvel être (1). «L'apparition du noyeau vitellin caractérise essentiellement l'individualisation du vitellus comme être distinct de l'ovule, en tant que pro- duit de l'être femelle » (2). Séparé delà membrane vitel- line par un liquide, et dépourvu de toute membrane spéciale, le vitellus n'a, au point de vue anatomique et physiologique, d'autre valeur que celle d'un élément amorphe. Indépendamment de tout concours de la membrane vitelline, et grâce aux phénomènes d'évolu- tion qui lui sont propres, il va donner naissance aux premiers éléments anatomiques de l'embryon. Le pre- mier acte par lequel il manifeste son individualité nou- velle est l'apparition du noyau vitellin /Celui-ci, en effet, n'est pas le noyau de l'ovule (ce rôle appartenait à la vé- sicule germinative, maintenant disparue) ; il est le noyau du vitellus « qui vient d'acquérir les qualités d'un nou- vel être, l'embryon; qui vient d'acquérir une indépen- dance propre par rapport à la membrane vitelline en particuher, dont auparavant il était solidaire » (3). Après la naissance du dernier globule polaire, on voit cesser les mouvements de déformation du vitellus. A (1) Nous essayerons de démontrer ces deux propositions à la fin du chap. III. (2) M. Robin, Mém.sur la naissance des élém. anat. [Jonrn. d'anal. etde physîoh,t.\, n° 4, p, 339). (3) M. Robin, Mém. sur la naissance des élém, anat. (Joiirn. d'anal, et de physioL, t. I, a° 2, p. 182). 28 DE LA GÉNÉRATION mesure que celui-ci reprend sa forme sphérique, les granulations se retirent peu à peu de sa périphérie pour s'accumuler vers son centre. Aussi cette partie de l'or- gane devient-elle plus opaque en même temps qu'une zone plus claire se forme à la surface. En cet endroit, la substance amorphe devient de plus en plus tenace. Quand elle se rompt en un point, les granules vitellins s'échappent, et si l'eau ne la dissolvait pas, si elle ne contenait des granulations dans son épaisseur, on pour- rait croire qu'elle forme une membrane (1). Deux ou trois heures après la production du dernier globule po- laire, un quart d'heure chez les Nephelis (on sait que les observations de M. Robin ont tout particulièrement porté sur ces animaux), on aperçoit au centre du vi- tellus un petit espace clair, circulaire, large de 0'"'",01 à 0""",03, qui atteint bientôt O^'jOS. C'est un corps solide, homogène, à bords nets ; c'est le noyau vitel- lin (2). Il représente une goutte claire que les granula- tions masquent en grande partie ou même tout à fait. (1) Les observations de M. Coste concordent là-dessus avec celles de M. Robin. M. Coste, dès '18.45, montrait qu'il y avait continuité de substance, depuis le centre du vitellus jusqu'à sa superficie, et que cet organe ne possède pas de membrane qui lui soit propre. [Sur les premières modijications de la matière organique {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4 845, t. XXXI, p. 4 370.) (2) Cette dénomination est exacte anatomiquement et physiologi- quement. La suite de ce chapitre montrera, en effet, qu'il joue, par rapport au vitellus, le rôle du noyau dans chaque cellule. L'absence d'une membrane spéciale au vitellus réfute l'hypothèse de la naissance des cellules par involution ou enveloppement . Reraak (1852), le promoteur de cette théorie, admet que la segmentation du vitellus « est due à une division de cellules, grâce au développement et à la fusion de cloisons membraneuses dans l'intérieur de l'œuf». Le DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 29 On dirait alors une tache ronde un peu plus transpa- rente que le reste du vitellus. Il se forme, suivant M. Robin (i), par séparation d'une certaine portion de la substance visqueuse interposée aux granules vitellins. Ceux-ci délimiteraient simplement le noyau en s' écar- tant du centre et l'entoureraient d'un cercle plus foncé de granulations qui lui sont adhérentes. Cependant sa consistance est plus considérable que celle de la sub- stance amorphe en tout autre point du vitellus. « Ce vitellus {protoplasma de la cellule ovulaire) se diviserait en cellules nucléées par une série régulière d'étranglements successifs. Dès le troisième degré de la segmentation, les sphères de fraction- nement laisseraient voir un gros noyau et une double membrane d'en- veloppe. La division des cellules de segmentation procéderait de celle du noyau, et cette dernière de la scission du nucléole quand il en existe un. Mais il resterait toujours à déterminer quelle est la cause de ce dernier phénomène : et l'on se trouverait ainsi conduit à admettre chez le nucléole cette scission spontanée qu'on refuse au vitellus. Dans les premières phases de la segmentation, toujours d'après Remak, les deux membranes des cellules de segmentation participeraient à l'étranglement qui suit la division du noyau. Cependant, vers la fin, on trouverait, dans l'intérieur de l'œuf, les cellules de segmentation pourvues d'une seule membrane qui seule participerait à l'étrangle- ment. Elles seraient entourées par des membranes communes (mem- branes mères) ne subissant point d'étranglement, a Ce serait là, dit M. Robin, le premier exemple de ce qu^on nomme la formation endo- gène des cellules. » {Mém. sur la production du blastoderme chez les articulés, p. 380, note.) Les observations de Remak ont été faites sur les batraciens. Dans ses nombreuses recherches sur les mollusques, les hirudinées, etc., M. Robin n'a jamais rien constaté de semblable. Lors donc que les observations de M. Remak viendraient à être con- firmées, elles auraient la valeur de faits particuliers et non de lois. Dès aujourd'hui l'on peut dire^ en effet, qu'elles manquent absolu- ment du caractère de généralité que leur avait attribué leur auteur. {\) Mémoire sur la production dunoyativitellin, p. 314. 30 DE LA GENERATION fait indique une modification intime due aux actes mo- léculaires de la nutrition dont cette matière est le siège d'une manière très-active à ce moment » (1). Le noyau vitellin est parfaitement sphérique, dépourvu de granulations, réfracte assez fortement la lumière et n'offre pas de cavité distincte d'une paroi (2). Il paraît d'une -densité égale dans toute sa masse. Quand on exerce une pression sur lui, on le déprime; mais aussitôt qu'on la cosse, il revient sur lui-même. Enfin on y ob- serve souvent un nucléole « à contours plus foncés que les siens et à centre plus brillant » (3). Le noyau vitellin n'apparaît que dans l'ovule fécondé. A ce moment, comme M. Coste l'a constaté le premier, la vésicule germinative a disparu depuis plusieurs heures. L'observation ne permet donc pas d'admettre l'opinion qui fait dériver directement le noyau vitellin soit de la ' vésicule germinative (de Baer), soit de la tache germi- native (Bischoff) (II). (1) M. Robin, Journal d'anat. et de phjsiol., t, I, n"^ 4, p. 339; Mém. sur la naissance des éléments anat. (2) Vogt (1846) le considère comme formé d'une paroi enfermant un liquide transparent; mais, outre qu'il ne présente pas de paroi distincte, M. Robin l'a toujours trouvé d'une égale densité dans toute son épaisseur. (3) M. Robin, Jowru. d'anaf, el de phrjsiol., loe. cit. (4) Bagge (1841), Reichert (1846), M. Coste (1845), ont décrit le noyau vitellin. Le dernier de ces auteurs a observé la production indépendante de cet organe ainsi que les phénomènes ultérieurs qui s'y passent ; il avait supposé que le noyau ne se montrait jamais qu'après le nucléole, qu'il appelle, pour cette raison, globule primor- dial. Mais M. Robin a toujours vu l'apparition du nucléole (et celui-ci manque quelquefois) précéder celle du noyau. ((Ainsi qu'on le voit, dit DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 31 Peu après (une demi-heure environ chez les Nephelis) l'apparition du noyau au centre du vitellus, celui-ci commence à se déprimer au-dessous des globules po- laires. En même temps le noyau s'allonge, « suivant » une direction perpendiculaire à l'axe dont les globules » polaires occupent une extrémité 0 (1). Se rétrécissant vers son miheu, le noyau viteUin finit par se diviser eu « deux noyaux plus petits que le premier, mais dont les » volumes réunis sont plus considérables que celui du » globule unique » ("2). Au même moment, le vitellus se segmente en deux sphères de fractionnement. Sui- vant M. Robin (3), ce phénomène a lieu dans la moitié supérieure de la trompe (douze heures environ après le coït fécondant chez le lapin). En étudiant la segmenta- tion du vitellus, nous verrons que le même phénomène se répète sur chaque nouveau segment. Il y a quelques différences individuelles et spécifiques dans le mode de production du noyau vitellin qu'il est bon M. Robin [Mém. sur la producHon du noyau vilellin), la succession des phénomènes que présentent, dans leur apparition, leur évolution et leur fin, la vésicule germinative, les globules polaires et le noyau, contredisent toutes les hypothèses qui voudraient les rattacher à une origine commune. » D'un autre côté, M. Coste avait pensé que le noyau vitellin (auquel il donne le nom de globule oléagineux) était de nature graisseuse. Cependant, au contact de l'iode, de l'alcool, dq l'acide acétique, etc., M. Robin l'a toujours vu présenter les réactions des substances azotées. (1) Robin, Mém. sur la production du noyau vitellin, p. 313. (2) Robin, Mém. sur la naissance desélém. anat. [Journd'anat. et de physiol., p. 339, t. I, n" 4). C'est à ce moment que se pro- duisent, dans le globule polaire, deux ou trois petits noyaux clairs de O'°,006. (3) Idem, 32 DE LA GÉNÉRATION de noter, car nous pourrons en tirer des conclusions importantes au point de vue de la physiologie générale. « Chez les limnées, les physes, les ancyles, les pla- » norbes, les Purpura, il n'est jamais possible de décou- » vrir un noyau viteUin dans le vitellus, ni dans les » quatre premières sphères de segmentation, même en » écrasant ces parties ; tandis qu'on l'observe sur d'autres » espèces de mollusques, tels que les actéons et les acé- » phales lamellibranches. Chez les gastéropodes, dont » le vitellus et les quatre premiers globes vitellins man- » quent de noyau, il s'en produit un dans les sphères » vitellines secondaires (1). )^ Chez quelques Nephelis, le noyau vitellin ne se pro- duit qu'après le début de la segmentation. C'est quand il existe quatre sphères de fractionnement qu'on voit naître un noyau clair dans chacune d'elles. Ce fait, qui est ici exceptionnel, est, d'après M. Robin ("2), habituel chez les gastéropodes d'eau douce. Chez les gastéropodes, dont ie vitellus et les quatre globes vitellins primitifs ne renferment pas de noyau, il s'en produit un dans chacune des quatre petites sphères vitellines secondaires^ trrjisparentes ou non (voy. Cellules claires, § 4). Nous verrons que ces dernières se pro- duisent par gemmation des globes vitellins primitifs. Au centre de chaque gemme il se produit un noyau, molé- cule à molécule, qui ne dérive jamais (par gemmation ou segmentation) du noyau des sphères primitives, (1)M. Robin, Mém. sur laproduclion du noyau viteUin, p. 318. (2) Journ. d'anat. et dephysiol. de M. Robin, il/e'm.swr lanaissance des élém. anat., p. 339, t.I, n° 4. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 33 ({uand celles-ci en possèdent un comme chez \esNep/ielis. L'absence du noyau dans le vitellus et dans les quatre sphères primitives (glossiphonies et gastéropodes d'eau douce) montre que ce corps ne doit pas être considéré comme un centre d'attraction agissant sur les molécules du vitellus, de manière à produire sa segmentation (1) (ainsi que l'admet M. Claparède, 1862). — D'ailleurs, il n'est pas rare de voir les sillons de segmentation du vitellus atteindre une certaine profondeur avant la com- plète division du noyau vitellin ; et de plus, on voit quel- quefois chez les Nephelis le sillon de segmentation passer à côté de ce noyau. Une des sphères se trouve ainsi dé- pourvue de noyau. Un peu plus tard il s'en produit un, à son centre, molécule à molécule, aux dépens de la substance amorphe dont s'écartent les granulations. Et d'ailleurs, chez les insectes dont le vitellus ne se seg- mente ni n'éprouve des mouvements de déformation, il ne naît point de noyau vitellin. Les cellules du blasto- derme naissent par gemmation à la surface du vitellus. Tantôt elles ne présentent pas de noyaux [tipulaires cu- licif ormes) ^ tantôt il s'en produit un à leur centre pen- dant leur gemmation [Melophagus^ Miiscides) (2). (1) Dans cette théorie, la segmentation n'est qu'un cas particulier de Yinvolulion. Le noyau vitellin agirait comme centre d'attraction sur les molécules du vitellus, qui, plus tard, s'envelopperait d'une mem- brane et formerait ainsi les cellules embryonnaires. Au reste, cette hypothèse ne fait que reculer la difficulté. On veut expliquer la division spontanée du vitellus par l'attraction produite sur sa substance par chaque nouvelle moitié du noyau vitellin. Comment expliquera-t-on la scission de ce noyau ? Il faudra bien admettre qu'il y a là division spontanée. (2) M. Robin, Mém. sur la production du noyau vitellin, p. 321. CLEMENCEAU. 3 3& DE LA GÉNÉRATION Enfin la genèse (voy. chap. Il) de ce noyau vitellin avec ou sans nucléole est un fait sur lequel il importe d'insis- ter. La génération s'pontanèe de ce noyau, molécule à molécule, au sein du blastème représenté par le vitellus, explique la possibilité d'un fait analogue dans d'autres conditions. Nous retrouverons en effet ce phénomène chez l'embryon aussi bien que chez l'adulte, à l'état normal, comme dans les cas pathologiques ; et nous ver- rons naître des noyaux de toutes pièces, « molécule à mo- » lécule, au sein de substances amorphes plus ou moins » granuleuses , qui plus tard se segmenteront en au- » tant de cellules ou à peu près qu'il y a de noyaux » (1). § 4. — Segmentation et gemmation du vitellus. Le vitellus qui depuis son retrait n'était, à proprement parler, qu'un élément anatomique amorphe, devient bientèt d'une structure de plus en plus complexe. C'est ainsi que dès la naissance de son noyau on voit s'indivi- dualiser sa substance en parties de moindre volume douées d'une structure différente de la sienne : ce sont en effet des éléments anatomiques figurés, des cellules. « Cette individuahsation s'accomplit de deux manières » distinctes d'un groupe animal à l'autre, c'est-à-dire par » segmentation de la masse du vitellus ou "^dx gemmation » de la substance hyaline de sa surface, sans qu'y » prennent part les granules et gouttelettes vitellins (1) Robin^ Mémoire sur la production du noyau vitelHn, p. 323. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 35 p jaunâtres j d'aspect graisseux, qu'elle relie entre » eux » (1). Chez certains mollusques même la segmentation et la (I) M. Robin, Joarn. d'anat. et de physiol.; tome 1, n" 2; Mém. sur la naissance des éléments anatom. ^ p. 181. Nous avons vu que la segmentalion est un des modes de génération des éléments anatoraiques. Elle consiste essentiellement en une division de la substance amorphe ou figurée qui en est le siège. Cette division se manifeste par l'apparition d'un sillon, puis de lignes foncées qui indiquent les plans de contiguïté des deux parties en lesquelles se sépare la masse primitive. On observe la segmenlaiion ou sillonnement, scissiparité, llssipa- rité, etc., etc., chez les plantes (dans l'ovule, comme dans le végétal tout formé), et chez les animaux, aussi bien dans l'œuf que sur les éléments de l'être constitué. On rencontre enfin ce phénomène sur quelques organismes entiers, animaux et végétaux, mais les plus sim- ples, soit unicellulaires, soit déjà composés d'éléments anatomiques, et par suite, de tissus divers. Le phénomène de la segmentation a cié décrit, pour la première fois, sur l'œuf des grenouilles, par Prévost et Dumas [2'^ mém.'sur la qénéraiion; Aiin. des sciences iiaf., Paris, 1824). Ils regardèrent cette formation de sillons ou division en segmenls, comme une loi géné- rale devant s'étendre aux autres classes d'animaux. Aujourd'hui on a constaté la segmentalion du viteilus, chez presque toutes les classes animales, et chez toutes les plantes sans exception. Décrit également par Baer, en 1834, ce phénomène fut regardé par Schwann (1838) comme étant probablement un mode de production des cellules. Ber^- mann(1841) l'étudia sur l'oêuf des grenouilles et le considéra comme une «introduction à la formation des cellules » dans l'œuf aux dépens du viteilus. M. Robin, à qui nous empruntons cet historique, a décrit ce phénomène avec beaucoup de soin, en lui assignant sa véritable signification. {Hist. nat. des végétaux parasites. Paris, 1853, p. 147- 246). « Ce qu'on a décrit, dit-il ailleurs {Journ. d'anat. et de physiol., p. 340), sous le nom de génération endogène dans l'ovule, n'est autre chose que l'individualisation de la substance du viteilus en cellules em- bryonnaires mâles [gvains de pollen et spermatozoïdes), et en cellules embryonnaires femelles, par segmentation du contenu des diverses va- riétés A'ovules (utricules ou cellules mères des spermatozoïdes et du 30 DE LA GÉNÉRATION gemuialioii se succèdent pour concourir directemenl à la production du blastoderme. En somme, si ces deux phénomènes constituent deux actes distincts pendant toute la durée de leurs.phases, il faut dire qu'ils s'accomplissent dans des conditions sem- blables et conduisent chacun au même résultat. Ce sont deux modes d'individualisation de la substance amorphe née par genèse. Mais souvent ils se continuent sur les cellules qui ont atteint un certain degré de développement. Dans ce cas, ce sont alors deux modes de reproduction des éléments figurés (1). pollen; ovules proprement dits, sac embryonnaire des phanérogames, sporanges et archégones des cryptogames). » L'ovule étant devenu, par suite de son développement, un organe spécial, la segmentation du vitellus ne ressemble en rien à la scission d'une cellule. En effet quand ce dernier phénomène se produit, le contenu et la paroi se divisent en même temps. Il ne se produit rien de semblable dans l'ovule, dont le contenu seul (vitellus) se segmente. Il est vrai qu'on a décrit comme un phénomène analogue à ce dernier la scission des cellules de cartilage. Mais on sait aujourd'hui que le chon- droplaste n'est point une cellule. La scission des cellules du cartilage est de tous points analogue à la scission des autres cellules. (l) Le phénomène a deux aspects ; par rapport à l'élément amorphe ou figuré préexistant, la segmentation et la gemmation sont, il est vrai, une individualisation (blastèxne), ou une reproduction (cellule). Mais, par rapport à l'élément qui apparaît, ces deux phénomènes sont véritablement une naissance. Sans parler des différences générales que présentent dans leurs ré- sultats les phénomènes de la segmentation et de la gemmation, nous pouvons, dès à présent, signaler une importante distinction. Dans la gemmation, chacune des gemmes, aussitôt sa séparation achevée, passe directement à l'état de cellule ; et cette cellule offre de suite le volume qu'elle conservera toujours. Dans la segmentation, l'élément nouveau offre, à sa naissance, un volume moindre que celui qu'il présentera plus tard : aussi s'accroît-il plus ou moins rapidement. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 37 II en résulte que la segmentation et la gemmation se rencontrent dans l'ovule aussi bien que dans l'être déjà formé (embryon ou adulte), tant à l'état normal qu'à l'état morbide. Leur seule condition nécessaire est la présence d'un blastème (1) ou d'éléments anatomiques figurés. Les phases du phénomène varient d'ailleurs sui- vant l'état amorphe ou figuré de la substance qui en est le siège. Nous y reviendrons. Nous n'avons à nous occu- per ici que de la segmentation et de la gemmation dans l'ovule. Dans le paragraphe suivant nous poursuivrons cette étude chez l'être déjà formé. Chez les vertébrés et la plupart des invertébrés, les (i) «Les blastémes ou cytoblastèmes sont des substances amorphes liquides ou demi-liquides, soit épanchées entre les éléments anatomi- ques préexistants d'un tissu, ou à sa surface, soit interposées entre des éléments qui naissent à leurs dépens, au fur et à mesure qu'a lieu leur production au sein ou à la surface d'un tissu. » {Dict. dit de Nysten, art, Blastème.) Ils jouent le rôle de milieu, favorable à la génération des éléments ou à la production des matériaux nécessaires pour l'ac- complissement de ce phénomène. M. Robin insiste sur ce qu'on doit éviter de confondre les blastémes , avec les plasmas, « ces derniers n'étant que les parties organisées que représente la portion fluide des humeurs (sang et lymphe), circu- lant en vaisseaux clos ». (M. Robin, Programme du cours d'hisloL, p. 4 5.) Il y a autant d'espèce de blastémes, c'est-à-dire diff'érant par leur composition immédiate, que de conditions dans lesquelles ils sont versés. Ce sont des espèces transitoires. A peine produits, ils servent à la génération de parties élémentaires plus élevées, soit comme milieu, soit comme matériaux. « Leur existence n'est qu'une succes- sion de phénomènes. D'un côté leur production est incessante ; de l'autre leur disparition est continuelle, par suite de la naissance à leurs dépens d'éléments anatomiques divers. » (Robin^ Programme du cours d'/i}s/oi., p. 4 7.) Ils proviennent tantôt des cellules environ- nantes, par exsudation ou liquéfaction, tantôt du plasma même des capillaires voisins. 38 DE LA GÉNÉRATION cellules embryonnaires s'individualisent par segmenta- tion du vitellus. Après avoir décrit ce phénomène, nous dirons quelques mots de la formation du blastoderme des articulés. Chez ces animaux, c'est par gemmation de la substance hyaline du vitellus que se produisent d'une manière directe les premiers éléments de l'em- bryon. Nous verrons enfin que, chez certains mollus- ques, ces éléments se forment successivement par seg- mentation et par gemmation (cellules claires). Chez le plus grand nombre des espèces animales, les sphères vitellines naissent par segmentation du vitellus. Dépourvu d'enveloppe (Coste), celui-ci ne saurait être considéré comme un élément anatomique ; aussi allons- nous le voir se segmenter à la manière d'un blastème, et nous pourrons saisir le moment où les (/lobes vite l lins, s'entoureront d'une paroi et deviendront de véritables cellules. Peu après sa naissance, le noyau vitelUn s'allonge et se scinde eu deux autres noyaux. Eo même temps, on voit partir du globule polaire un sillon circulaire qui sé- pare bientôt le vitellus en deux moitiés égales. A mesure que le sillon gagne en profondeur, les granulations s'é- cartent de lui, laissant ainsi à son niveau une ligne plus claire de substance amorphe. Avant que le noyau se di- vise complètement, les granulations se rassemblent au centre du vitellus. Elles y forment deux masses, ayant chacune pour centre une des moitiés du noyau vitellin. La ligne claire qui les séparait se déprime circulaire- ment. La substance amorphe déborde au fond du sillon les granulations qui s'y trouvaient et les deux masses DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 39 granuleuses se séparent pourvues chacune d'un noyau : ce sont les sphères de fractionnement ou globes vitellins. Le sillon dont nous venons de parler se montre à la fois sur le noyau et sur le nucléole, quand ce dernier existe; quelquefois même on l'observe sur le nucléole avant de le voir sur le noyau. « Mais il est des cas dans lesquels le sillon se produit sur le noyau sans diviser le nucléole qui reste sur un des côtés : en sorte que l'un des deux noyaux manque de nucléole et reste ainsi, ou bien, peu après, il en naît un de toutes pièces par genèse » (1). Parfois aussi le sillon de la masse granuleuse passe à côté du noyau sans que celui-ci se segmente. Un des globes vitellins manque alors de noyau : ou bien cet état de choses persiste, ou bien il y naît un noyau par ge- nèse. Les globes vitellins sont soumis aux mouvements de déformation et de giration dont nous avons parlé. Ovoïdes au début, ils reprennent bientôt la forme sphé- rique. Chacun d'eux offre le même aspect et la même constitution anatomique que le vitellus. Nous avons dit, paragraphe o, que ce phénomène s'accomplissait au- dessus du milieu de la trompe (douze heures après le coït fécondant chez le lapin). La production des deux sphères vitellines est à peine terminée que déjà celles-ci deviennent à leur tour le siège d'une segmentation en tout point semblable à celle qu'a subie le vitellus. Il se forme ainsi quatre globes vi- tellins moitié plus petits que les deux premiers. Le même phénomène se répète successivement sur chaque seg- (I) Robin, Journ. d'anuL et de physiol.., l. I, n° 4, p. 342 ; M^m. sur la naissance des élém. anat. hO DE LA GÉNÉRATION ment nouveau. Le nombre des sphères de fractionne- ment va toujours en augmentant, et leur volume tou- jours en diminuant. Leur structure reste la même : elles sont toutes pourvues d'un noyau, et c'est invariablement par celui-ci que la segmentation commence; mais les globules vitellins subissent alors des changements évo- lutifs qui les font passer à l'état de cellules. Au quatrième jour, chez les lapines, un peu après l'arrivée de l'ovule dans l'utérus, M. Robin (i) trouve les globes vitellins pressés contre la face interne de la membrane vitelline qu'elles tapissent. Il s'est accumulé au centre de l'ovule un liquide (*2) qui écarte les unes des autres et refoule contre la paroi vitelline les sphères de segmentation devenues par là un peu polyédriques. En même temps, leurs granulations moléculaires grais- seuses deviennent plus petites et plus pâles, quelques- unes même disparaissent. C'est à ce moment que les globes vitellins deviennent de véritables cellules. En effet, la substance de leur surface se modifie, se con- dense, et, grâce à une série de phénomènes molécu- laires, acquiert tous les caractères d'une paroi (3). (1) M. Robin, loc. cit., supra. (2) Ce sera plus tard le liquide de la vésicule ombilicale. (3) On a décrit ce phénomène en disant que les globes vitellins s'entourent d'une paroi. Mais il importe de dire « que le développe- ment de cette paroi de cellule est un phénomène qui s'opère sur place, molécule à molécule, dans le globe vitellin, aux dépens de sa ma- tière, à laquelle s'ajoutent et dont s'éliminent certains principes immédiats, par suite des actes de rénovation moléculaire nutritive. Les espèces de ceux-ci qui ne sont pas déterminées encore amènent qn changement de nature de la substance, changement démontré par les différences de réactions des globes vitellins, comparées à celles des DES ELEMENTS AN ATOMIQUES. hl La partie superCcielle du globe vitellio devient ferme, demi-solide, susceptible d'être déchirée. Dans ce cas, elle ne se rétracte pas et ne revient pas sur elle-même, comme faisait la substance amorphe interposée aux gra- nulations du vitellus et de ses sphères de segmentation. C'est alors une véritable paroi, une membrane de cel- lule épaisse de 0"'",002 à 0"'",003. Elle est homogène et transparente. Il n'y a pas de granulations dans son épaisseur, tandis qu'il y en avait toujours quelques-unes à la surface du globe vitellin. Déprimées par leurs faces contiguës et par la pression de la membrane vitelline, ces cellules sont polygonales ; cependant elles font en- core une saillie hémisphérique dans le liquide de l'inté- rieur de l'œuf (l). Pendant que la substance amorphe du globe vitellin devient plus ferme à sa surface, elle se ramollit à son centre. En devenant contenu de cellules, elle passe à l'état demi-liquide et tient en suspension les granula- tions moléculaires qu'elle unissait auparavant. Le noyau ne subit aucun changement et reste tel qu'il était dans les globes vitelhns. Il est transparent et contient d'un à cinq nucléoles brillants. Ainsi, quelles que soient les variétés du fractionne- ment que nous décrirons plus tard, quand chaque sphère vitelline est réduite à un volume qui varie de 0"",0/tOà 0"",009 (suivant les espèces), elle s'entoure cellules qui viennent de naître. » (Robin, Mém. sur la naissance des élém. anat.; Journ. d'anal, et de pliysiol., p. 366.) (1 ) a Elles conservent leur forme polyédrique, lors même qu'elles sont isolées. » {l\ohm, loc. cil.) 42 DE LA GENERATION d'une paroi. Dès ce moment, ce ne sont plus des sphères de fractionnement, mais bien des cellules avec un con- tenu remplissant une cavité limitée par une membrane distincte, a Ce sont des éléments anatomiques de l'em- bryon qui ont atteint leur dernier degré de développe- ment » ('!). Au fur et à mesure de leur production, ces cellules, qui continuent à acquérir par pression réciproque la forme polyédrique, se rangent en série pour constituer le blastoderme ou vésicule hlastodermique ^ aussi les ap- pelle-t-on cellules hlastodermiques. Ce sont les premières cellules qui naissent dans l'ovule aux dépens des globes vitellins. Mais tous les globes vitellins n'ont pas subi cette transformation. Quelques-uns d'entre eux sont groupés à l'un des pôles de l'ovule, et donnent lieu à ce qu'on appelle \amas mûnforme ^ alors que déjà les autres globes sont arrivés à l'état de cellules hlastodermujues . La segmentation continue dans les sphères de l'amas mûriforme et les réduit à un volume beaucoup plus petit que celui des globes vitellins qui se sont transfor- més en cellules blastodermiques. Plus tard, enfin (vers le huitième jour, après le coït fécondant chez le lapin), les globes de l'amas mûriforme s'entourent d'une paroi et prennent alors le nom. de cellules de la tache embryon- naire ('2). En môme temps et de la môme manière, les (1) Robin, Mèm. surlaslnict. intime de la vésicule ombilicale^ 4 861, p. 319. (2) Le nom de tache embryonnaire a été proposé par Goste et em- ployé, plus tard, par Wagner. C'est le Cumulus proliger de Biirdach et de Baër, VArea germinativa de Bischofl. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. ftS globes vitellins de la circonférence profonde de l'amas mûriforme constituent les cellules des parois de la vési- cule ombilicale. Une fois individualisées, les cellules blastodenniciues^ embryonnaires et des parois de la vésicule ombilicale se segmentent à leur tour de la même façon que les élé- ments dont ils dérivent directement. Le volume de ces cellules s'accroît peu à peu : on ne tarde pas alors à ob- server dans les plus grandes un rétrécissement ou un étranglement au milieu de leur noyau. Les granulations se groupent autour de chaque nouveau noyau, pendant qu'une ligne claire, qui est la trace du sillon ou plan de séparation, divise la cellule en deux moitiés égales. Il résulte de là deux cellules plus petites que la première, qui grandissent ou présentent ou non, à leur tour, le même phénomène (i). Le noyau des deux nouvelles cel- (1) On a plus particulièrement désigné sous les noms de fissiparité, scission, sc/ss/ptïnie (reproduction mérismatiquedes cellules végétales: Unger, 1846), le phénomène de la segmentation quand il s'accomplit sur des éléments anatomiques figurés, cellules végétales ou animales, organismes entiers unicellulaires ou non. Quand la scission a lieu, les deux moitiés de la cellule se séparent simplement par une ligne ou pian de démarcation sans étranglement de la masse cellulaire. On réserverait pli!s particulièrement le nom de segmentation à ce même mode de génération des éléments anatomiques^ quand il se produit sur une substance amorphe (vitellus et globes vitellins, pro- duction de l'épithélium des muqueuses, etc). C'est encore ce même phénomène qui a reçu le nom de cloisonnement dans les cellules avec paroi et cavité distinctes, parce que la paroi se prolonge en une cloi- son ou qu'il se forme de toutes pièces une cloison qui plus tard se dédouble. (Le cloisonnements'observe surtout sur les cellules végétales.) Dans le cloisonnement, comme dans la fissiparité, on ne voit ni sillon ni dépression circulaire sur l'élément qui va se segmenter. Tous ces phénomènes ne sont, au demeurant, ([ne des variétés de la segmentation. liU DE LA GÉNEKAÏION iules se trouve d'abord très-rapproché de la paroi repré- sentant leur cloison de séparation. Ordinairement, il gagne bientôt le centre de l'organe. Quelquefois une cellule se divise en deux moitiés inégales; d'autres fois le noyau se divise en deux, mais non la cellule : d'où l'on rencontre des cellules à deux noyaux. Ou bien, au contraire, la cellule se segmente et non pas le noyau : dans ce cas, une des deux cellules nouvelles manque de nucleus. Ainsi se reproduisent et se multiplient ces cellules. C'est de cette multiplication même que résultent les changements évolutifs des organes qu'elles composent : blastoderme^ tache embryonnaire, vésicule ombilicale. Les cellules blastodermiques, en se multipliant, per- mettent au blastoderme de s'agrandir et de se replier autour de la tache embryonnaire et de l'embryon, pour former l'amnios. « Ce sont, du reste, dit M. Robin, des cellules qui prennent bientôt tous les caractères des cel- lules de l'épithélium pavimenteux, à couche unique de cellules » (I). De cette couche de cellules, qui a reçu le nom de ieuillet externe (séreux ou animal, BischofF) du blastoderme, proviennent par la suite, outre les cellules pavimenteuses de l'amnios, les cellules du chorion. Schwann (1838), Yogt (1841), ont les premiers décrit le phéno- mène de la segmentation chez les cellules animales. M. Geste a le pre- mier montré que les cellules du blastoderme continuaient à être le siège du phénomène observé dans le vitellus et les sphères vitellines. Coste, Recherches sur les premières modificalions de la matière organique et des cellules. [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1 845, t. XXXI, p. 1374). Voy. M. Robin, les Mémoires déjà cités. (1) M. Kobin, loc. cit., supra. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. Zi5 Après donc que les globes vitellins ont donné lieu à la production des cellules extérieures ou superficielles de la vésicule blastodermique, après que les petites sphères de l'amas miiriforme ont donné naissance aux cellules embryonnaires, les cellules ombilicales (ou des parois de la vésicule ombilicale) apparaissent (1). Elles résultent, comme nous l'avons déjà dit, de l'individualisation des globes vitellins situés à la circonférence profonde de l'amas mûriforme. Aussitôt nées, ces cellules se multi- (l) La paroi de la vésicule ombilicale est formée de trois tuniques : l'externe, qui se forme après les deux autres, est mince, lisse, formée de tissu lamineux ; elle est en rapport avec le tissu lamineux normale- ment œdéraatié, dit magma réticulé, lequel est interposé entre le cho- rion et l'amnios. La tunique moyenne de la vésicule ombilicale est mince, transpa- rente, assez résistante et constiiuée par des cellules polyédriques, granuleuses, avec noyau et nucléole, et par des noyaux libres. Ces cellules proviennent du feuillet vasculaire du blastoderme. La tunique interne est plus épaisse, presque opaque, mais plus molle ; elle est composée de cellules de forme sphéroïdale, peu adhé- rentes entre elles. Leur diamètre est de 0""",17 à 0™™,29 ; elles sont transparente, peu granuleuses; un quart ou un tiers d'entre elles manquent de noyau. Quand elles en ont un, il est dépourvu de nu- cléole. Ces cellules sont celles de la portion extra-embryonnaire du feuillet muqueux blastodermique, aux dépens de laquelle se forme essentiellement la vésicule ombilicale. Entre ces dernières tuniques rampent les vaisseaux qui sont une provenance des cellules de Varea vasculosa. Les mailles polygonales de cette tunique vasculaire sont formées de capillaires dont les plus fins ont de O^^'jOIS à 0'"'^,020. Enfin, le contenu de la vésicule ombilicale est un liquide de trans- parence et de consistance variables, tenant en suspension des granu- lations et des cellules. On sait qu'il a commencé à s'accumuler au centre de l'ovule dès les premiers temps de la segmentation du vitellus. (Pour plus de détails, voyez M. Robin, Mémoire sur la structure intime de la vésicule ombilicale, 1861.) 46 , DE LA GÉNÉRATION plient par segmentation. Elles engendrent ainsi plusieurs rangées de cellules « qui, de la circonférence des feuil- lets, moyen et interne ou viscéral de la tache embryon- naire, s'étendent et se prolongent au-dessous de la cou- che extérieure ou la plus superficielle de. la vésicule blastoderraique » (I). Ce feuillet externe du blastoderme se trouve ainsi doublé par ces nouvelles couches de cel- lules, plus grandes et plus granuleuses que les cellules embryonnaires, qui constituent ce qu'on a appelé le feuillet interne (muqueux ou végétatif, Biscboff), et le feuillet moyen (2) (ou vasculaire du blastoderme). Ces deux feuillets naissent donc postérieurement au feuillet externe de la vésicule blastodermique : ce sont eux qui, s' étendant en dehors de la circonférence de la tache em- bryonnaire, forment les deux parois de cellules de la vésicule ombilicale et du conduit omphalo-mésentéri- que (3). La vésicule ombilicale contient de la sorte dans sa cavité le liquide du centre de l'ovule. Dans cette portion du blastoderme, appelée tache em- bryonnaire, les trois feuillets sont constitués par des éléments semblables, à savoir les cellules embryonnaires. Celles-ci pourtant « sont sous-jacentes à une rangée unique de cellules blastodermiques tout à fait extérieure, (1) M. Robin, Mémoire sur la structure intime de la vésicule ombili- cale, p. 320. (2) Ce feuillet contient les premiers rudiments des vaisseaux de l'embryon, limités par des îlots de cellules. (3) Ces deux parois de cellules (tunique interne et tunique moyenne) s'arrêtent à la circonférence de l'ombilic intestinal, qui, après l'appa- rition de l'intestin, correspond à la circonférence du feuillet interne de la tache embryonnaire. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. ^7' formant le feuillet le plus externe de cette tache » (1); (1) M. Robin, Mémoire sur la naissance des élémejils anatumiqiies {Journ. d'anat. et de physiol. , 186-5, t. I,n" 4. p. 345). C'est cette rangée de cellules qui semble donner (par multiplication de ces éléments) l'amnios ; car les différences que nous venons de mentionner se retrouvent entre les cellules minces, pâles, nettement pavimenteuses de l'amnios, et les cellules polyédriques plus larges, plus granuleuses, du reste de la vésicule blastodermique qui compose te chorion et demeure appliqué à la face interne de la membrane vitelline ou ovulaire. On sait en effet que c'est le feuillet séreux du blastoderme qui forme le chorion. M. Coste admet trois espèces de chorion qui se succèdent successivement. Le premier serait formé par les végétations dont se couvre la membrane vitelline à l'arrivée de l'ovule dans i'utérus ; végétations qui, à défaut de vaisseaux, appor- tent des matériaux au vitellus qui se segmente. Le deuxième chorion serait constitué par le feuillet externe du blastoderme, repoussé peu à peu contre la membrane vitelline, après la résorption de laquelle il deviendrait enveloppe extérieure de l'œuf ou chorion pourvu de villo- sités, mais sans vaisseaux. Le troisième chorion, enfin, serait formé par l'allantoïde qui s'applique à la face interne du chorion précédent, (en déterminerait l'atrophie et deviendrait ainsi membrane externe définitive de l'œuf), d'abord couverte parlout de villosités vasculaires et n'en possédant plus tard qu'au point où se développe le placenta. Pour M. Robin, il n'y a qu'un seul chorion, le deuxième, ou chorion rèd. La membrane vitelline n'est pas un chorion, puisqu'elle n'existe qu'autant que l'embryon n'est pas encore formé. Quant au deuxième chorion, M. Robin affirme qu'il ne se résorbe jamais et reste jusqu'à la fin de l'évolution fœtale tapissé à sa face interne par l'allantoïde dont les anses vasculaires s'enfoncent dans les villosités qui le recou- vrent. Un fait à noter, c'est qu'au moment où le feuillet externe blastodermique s'applique contre la membrane vitelline qui s'atro- phie, l'œuf a atteint, d'après M. Robin, de 3 à 6 millimètres selon les espèces mammifères dont il s'agit. La membrane vitelline a donc beau- coup grandi. Ce cas ne s'observe que chez les mammifères. Dans les autres espèces, elle ne grandit plus après la ponte ou après le début de la segmentation. L'évolution de l'embryon a lieu dans son extérieur sans qu'elle y participe. Elle est abandonnée après sa rupture qui constitue l'éclosion. A8 DE LA GÉNÉRATION et moins granuleuses, plus petites, plus minces et plus pâles qu'en tout autre point de la portion extra-em- bryonnaire de ce feuillet blastodermique superficiel. Quant aux cellules embryonnaires, elles s'arrêtent à la circonférence même de la tache où elles rencontrent la couche de cellules ombihcales qui tapissent la face in- terne du reste du blastoderme. Dans l'œuf du lapin, on trouve les cellules embryon- naires, à partir du huitième jour qui suit le coït fécon- dant; on les voit persister jusqu'au quatorzième ou au quinzième jour. Cette espèce d'élément anatomique présente deux variétés : 1" la variété cellule^ qui est de beaucoup la plus abondante partout, et quelquefois existe seule ; 2° la variété noyaux libres, semblables aux noyaux que renferment les cellules. On les rencontrerait dans le foie en plus grande quantité que partout ailleurs. Les cellules embryonnaires ont de 0'"'",008 à 0"'",012; elles sont de moitié moins grosses que celles des divers feuillets de la vésicule ombilicale, le plus souvent polyé- driques, mais d'une façon irrégulière, quelquefois ar- rondies et même sphériques, pâles, transparentes, à contour net, quoique peu foncé, uniformément granu- leuses. Les noyaux ont de 0"'",00,4 à O^^^OOe, sont sphé- riques, assez foncés, à contour noirâtre, rarement pour- vus de nucléole. Beaucoup de cellules ont deux noyaux. .Ces cellules, dit M. Robin (1), ne diffèrent pas notable- ment d'une espèce de mammifères à l'autre. D'ailleurs, les différences que l'on observe sont moindres que celles (1) Mémoire sur la slruclure intime de la vésicule ombilicale, p. 318. 0J> DES ELEMENTS ANATOMIQUES. ^9 qui existent dans deux embryons humains de même âge; elles portent sur le volume et ie nombre des gra- nulations. Nous verrons, chapitre II, que « leur rôle physiologique spécial est de préparer des matériaux aptes à la génération des éléments qui succèdent, mais n'existent pas encore » (1). C'est donc dès l'origine des éléments du blastoderme, et même dès la naissance des éléments anatomiques qu'il s'établit une distinction entre les parties perma- nentes et les parties transitoires du nouvel organisme. Cette différence peut être en effet constatée dès l'appa- rition de la tache embryonnaire. Dès l'époque de la naissance des premières cellules, il est facile de distin- guer celles qui vont former certains organes transitoires de l'embryon (chorion villeux, amnios, vésicule ombili- cale) de celles qui vont former la tache embryonnaire. De ces dernières seules proviendra l'embryon : c'est à elles que succéderont les éléments anatomiques perma- nents des organes définitifs du nouvel être. Et bien plus, dès que ces éléments anatomiques permanents apparaî- tront (à la place des cellules embryonnaires liquéfiées), nous pourrons les distinguer dès l'origine en cellules d'espèces différentes. Dès leur naissance, ces éléments sont d'espèces distinctes, tant par leurs caractères anato- miques que par leurs propriétés physiologiques, « et on ne voit pas, dit M. Robin, qu'ils commencent par être (1) a Elles ne représentent donc aucunement en fait tout ce qui exis- tera plus tard dans l'organisme, comme on l'a admis d'après ce fait seul queces cellules naissent avant tous les autres éléments. »M. Robin, Progr. du cours d'hislologie, Tp. 41. '-'^'"X^-. *"" "ÇîÇi: CLEMENCEAU. k . -M ' >: 50 DE LA GENERATION d'espèces semblables pour devenir difFérents par méta- morphose directe » (1). Les cellules embryonnaires ne s'individualisent pas chez tous les animaux par la segmentation du vitellus. Les premiers éléments de l'embryon se produisent alors par gemmation d'une portion de la substance hyaline du vitellus, « et cela directement, sans passer par l'état in- termédiaire de globules vitellins et sans se segmenter une fois nés » (2). C'est à M. Robin qu'appartient la découverte de ce fait, qui est un des plus importants parmi ceux que comptent les progrès de la physiologie et de la zoologie. Il a reconnu qu'il existait des animaux chez lesquels le vitellus ne se segmentait pas, et a décrit dans leur ovule fécondé un blastoderme formé de deux rangées de cellules superposées, d'abord ovoïdes, puis devenant polyédriques par pression réciproque. Le phé- nomène de la gemmation limité en un seul point du vi- tellus, des vertébrés et de la plupart des invertébrés, s'observe sur la périphérie tout entière du vitellus chez le plus grand nombre des articulés (diptères, hyméno- ptères, coléoptères, Robin ; et probablement aranéides, Claparède, Leuckart. — M. Robin a vu se segmenter les œufs de certains articulés : acariens, tardigrades, cy- clops). Nous allons suivre rapidement, avec M. Robin, les différentes phases du phénomène chez les tipulaires culiciformes (3) . (1) M. Robin, Mémoire sur la structure intime de la vésicule ombili- cale, p. 322. (2) M. Robin, Mémoire sur la productioii du blastoderme chez les arli- 'culés, 1862, p. 351. (3) ^^"T J\ifi'^'^''^-(WuL" f"^"'-^"^ '-'"■" du blastoderme cheg les articulés. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 51 Chez ces animaux, le vitellus, qui se compose exclusi- vement de gouttelettes graisseuses ténues, agglutinées par de la substance amorphe, rempHt d'abord complè- tement la cavité de la membrane viteUine. Au moment de la ponte, le retrait du vitellus a lieu, mais il ne s'opère qu'aux deux extrémités de l'œuf, qui est ovoïde. (Notons qu'on n'observe pas, chez les insectes, les mouvements de déformation et de giration du vitellus, que nous avons signalés chez les animaux dont le vitellus se seg- mente.) Quelques minutes après le retrait du vitellus, débute la production des globules polaires, suivie de la nais- sance des cellules blastodermiques, qui commence même avant l'achèvement des premiers. Les globules polaires se produisent à la petite extrémité du vitellus, par gem- mation de la substance hyaline. Il en naît deux et sou- vent trois Tun à côté de l'autre. Quatre à huit globules polaires apparaissent ainsi, qui ne tardent pas à se mul- tiplier par scission. Un noyau y naît par genèse et ils finissent par acquérir ainsi les caractères de véritables cellules. Aussi, au lieu de se réunir par coalescence et de rester comme un corps étranger à côté de l'embryon, ces cellules prennent part à la constitution du blasto- derme au même titre que les autres cellules embryon- naires. On n'observe pas la production d'un noyau vi- tellin. (Nous savons que le noyau vitellin manque même chez certaines espèces animales dont le vitelhis se seg- mente.) Alors qu'il n'existe encore que cinq ou six globules polaires, les cellules blastodermiques cominencent à 5-i DE LA GÉNÉRATION naître. Kiles apparaissent à la grosse extrémité du vi- tellus, à l'opposé des globules polaires. Naissant les unes à côté des autres par gemmation de la substance hya- line, elles gagnent peu à peu le reste du vitellus. On voit alors à la surface du vitellus de petites éminences hémisphériques dont la saillie augmente graduellement. Quand elles sont aussi hautes que larges (0""°,01/i à 0'""\016), elles se compriment réciproquement. Leur pédicule se rétrécit, elles se séparent du vitellus et de- viennent polygonales. Une fois cette rangée de cellules blastodermiques constituées ainsi, il s'en produit une seconde de la même façon à la périphérie du vitellus. Après l'apparition d'une troisième rangée de cellules, il ne reste plus de substance hyaline dans le vitellus, qui reste exclusivement composé de gouttes huileuses. Chez les tipulaires culiciformes , les cellules que nous venons de décrire manquent de noyau. Chez les musca carnana et domestica, M. Robin a vu un noyau se produire de toutes pièces par genèse, au centre de chaque cellule, à mesure qu'elle gemmait de la substance hyaline du vitellus. Pressé par le blastoderme , l'amas de cellules résultant de la scission des globules polaires (1) finit par se confondre avec les cellules blastodermiques. Selon M. Robin (-2), ces dernières n'éprouveraient jamais de scission. Leur augmentation de nombre ne pourrait pro- venir que de la continuation de la gemmation du vitellus (I ) La scission des globules polaires n'a jusqu'à présent été observée que chez les diptères. (2) Mémoire sur la production du blastoderme chez- les arliculéfi^ p/376. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 53 à sa surface. Enfin la portion du vitellus réduite à des granules graisseux, ne subit ni gemmation ni segmen- tation. « Elle ne concourt qu'indirectement, molécule à molécule, à l'évolution de l'embryon » (1). En ré- sumé, chez ces animaux, les éléments de blastoderme naissent par gemmation et offrent immédiatement les dimensions et la structure qu'ils conserveront pendant toute la durée de leur existence individuelle. Au con- traire, dans le plus grand nombre des espèces végétales et animales, « ces mêmes éléments n'arrivent à l'état de cellules douées d'une individualité propre, que gra- duellement, en passant par les phases intermédiaires de globes vitellins, par segmentation progressive du vitel- lus, division dont la formation de blastoderme marque la fin » (2). Dans l'ovule de certains animaux, la gemmation et la segmentation s'associent en quelque sorte pour concoli- rir à l'individualisation du vitellus en cellules. Chez les mollusques gastéropodes, par exemple, la segmentation conduit à la production des quatre premiers globes vi- tellins, qui d'ailleurs sont dépourvus de noyau. De ces globes vitellins primitifs naissent alors par gemmation les sphères vitellines secondaires. Elles naissent au point de contact même des quatre globes primitifs et des glo- bules polaires, par une saillie conoïde dont la base se rétrécit peu à peu ; un plan de division en achève la sé- paration. Mais, avant que cette séparation soit complète et pendant que le prolongement s'allonge, on voit se (1) M. Robin, loc. cit. suprà. (^) Robin, loc. cit. suprà, \). 379. 54 DE LA (iÉNÉHATK)N former vers sou centre un espace clair, sphérique, sans granulations, réfractant fortement la lumière, avec ou sans nucléole. C'est un noyau qui y naît par genèse, au même titre que le noyau vitellin dans le vitellus. Ces sphères vitellines secondaires ont aussi reçu le nom de sphères vitellines transparentes^ ou de cellules claires. Elles sont en effet transparentes chez beaucoup de mollusques (^^W/f/o, nephelis (1), glossiphonies); mais chez les gastéropodes d'eau douce, elles sont aussi opa- ques que les globes viteUins plus volumineux dont elles dérivent. Le noyau apparaît toujours pendant leur pro- duction, qu'elles soient claires ou obscures. Elles sont transparentes, lorsqu'il y a eu gemmation de la substance hyaline seulement, chez les espèces où elles sont opaques. Cette apparence est le résultat de la gemmation de la substance vitelline (granules et substance amorphe en même temps). « Les qUatre globes vitellins secondaires sont plus petits que les quatre globes primitifs, et rem- plissent un rôle différent dans l'évolution embryonnait^e. Une fois individualisés par gemmation, ils se segmentent eux-mêmes comme le vitellus et passent ainsi à l'état de cellules » (-2). La production du blastoderme ne peut avoir lieu sans fécondation. Pour subir les phénomènes que nous ve- (1) Les sphères vitellines primitives des nephelis possèdent des doyaux ; mais on constate très-bien, au dire de M. Robin, «que ceux-ci restent toujours sans relation de contiguïté et de continuité avec les noyaux des globes secondaires en voie d'individualisation par gemma- tion. » {Mémoire sur la production du noyau vitellin, p. 319.) (2) M. Robin, Mémoire sur la naissance dès éléments dhaïbmiques {Journal d^anatomie et de physiologie, t. \, n" 4, p. 361). DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 88 lions de décrire dans ce paragraphe, le vitellus a besoin du contact immédiat des spermatozoïdes. Bischotf (1) rapporte que chez une truie en chaleur tuée vers la lin du rut, avant tout coït, il trouva sept œufs dans la plu- part desquels le vitellus était partagé en un nombre con- sidérable de sphères. On a généralement admis depuis lors, qu'indépendamment de toute fécondation, le vitel- lus pouvait tout au moins éprouver un commencement de segmentation. Quelques-uns admettaient même la possibilité de la formation du blastoderme. A plusieurs reprises, l'observation parut même (Robin, Quatrefa- ges, etc.) confirmer cette opinion. D'après de récentes observations faites en particulier sur les mollusques, M. Robin professe que le vitellus d'un œuf non fécondé se fragmente^ mais ne se segmente pas. Alors, en effet, le vitellus ne se divise pas en segments réguliers de la façon que nous avons décrite, mais il se fragmente irré- gulièrement en un plus ou moins grand nombre de par- ticules, pendant que se plisse et se flétrit la membrane vitelline (M. Robin). Les deux phénomènes diffèrent es- sentiellement, mais peuvent, à un moment donné, im- primer à l'œuf quelque analogie d'aspect. C'est là ce qui aura trompé Bischoff et les observateurs qui l'oiit suivi. Nous verrons, chapitre 111, que, contrairement à ce que nous venons de dire pour l'ovule femelle, le vitellus de l'ovule mâle se segmente spontanément. Les sphères de fractionnement deviennent des cellules embryonnûitès [\) Annales des sciences naturelles, 1844, p. 134. ^56 DE LA GÉNÉRATION màle^ qui, au lieu de se souder (comme les cellules em- bryonnaires de l'ovule femelle pour former un blasto- derme), restent distinctes et libres; c'est d'elles que dé- rivent les spermatozoïdes. Mais ces éléments ne naissent pas toujours par segmentation du vitellus mâle. Dans l'ovule mâle de divers animaux, tels que les hirudi- nées, etc., les cellules embryonnaires mâles naissent par gemmation à la surface du vitellus. t § 5. — Segmentation et gemmation chez l'être déjà FORMÉ. Les éléments anatoiniques naissent, s'individualisent et se reproduisent suivant des modes qui restent iden- tiques, aussi bien dans le vitellus que chez l'embryon ou l'adulte, à l'état normal comme à l'état pathologique. Nous verrons, chapitre II, se produire, chez l'em- bryon (pour constituer même ses premiers éléments anatomiques définitifs) et chez l'adulte, le phénomène de la genèse^ mode de génération des éléments, que nous avons observés dans l'ovule (noyau vitellin). , jDans ce paragraphe, nous allons étudier chez l'être déjà formé la segmentation Qi\di gemmation (modes d'm- dividualisation des éléments, quand ils ont lieu dans des blastèmes; — modes de reproduction des éléments, quand ils s'accomplissent sur un élément figuré), phé- nomènes que déjà nous avons vu se produire dans l'ovule (globes vitellins ; cellules blastodermiques et em- bryonnaires; globules polaires). Cependant nous ne dirons rien de la gemmation : la DES ÉLÉMENTS ANATOMKJUES; . 57 raison eu est que la gemmation est eu quelque sorte un phénomène d'ordre inférieur. On le rencontre, comme nous l'avons dit, surtout sur les éléments anatomiques des plantes et sur quelques organismes entiers, végé- taux ou animaux des plus simples (acotylédones cellu- laires, polypes liydraires, etc.). Chez les animaux supé- rieurs, depuis l'embryon jusqu'à l'adulte, on n'observe pas la gemmation ; elle s'est, pour ainsi dire, réfugiée dans l'ovule (organisme de structure aussi simple que possible), et encore y est-elle limitée en un seul point (production des globules polaires). D'ailleurs, elle se produit sur l'ovule fécondé ou non, ne concourt que très-indirectement à la naissance de l'embryon, et pas du tout à son évolution. Enfin nous avons vu qu'une exception devait être faite pour le plus grand nombre des articulés dont le blastoderme se produit par gem- mation. Mais si la gemmation n'a pas lieu sur les éléments de l'état déjà formé, il n'en est pas ainsi de la segmenta- tion, qui joue un rôle important chez l'embryon et l'adulte, l'individu sain et malade. Pour prendre les deux exemples les plus remarquables de ce fait, nous citerons les cellules des cartilages et les épithéhums nu- cléaires. Les cellules des cartilages, surtout celles des cartilages permanents, présentent en effet constamment le phéno- mène de la segmentation. Les chondroplastes gran- dissent peu à peu en même temps que les cellules qu'ils renferment. Celles-ci, parvenues à un certain degré de développement, sont traversées par un sillon transversal 58 DE LA GÉNÉRATION qui devient l'origine de la séparation de la cellule pri- mitive en deux autres plus petites. L'apparition du noyau se fait de diverses manières (1). Parfois le sillon de segmentation passe à côté du noyau de la cellule primitive; une des deux cellules nouvelles est alors dé- pourvue de noyau. On en voit naître un par genèse, quelquefois avant l'apparition du sillon. Parfois il n'en naît pas du tout, et la cellule reste sans noyau. M. Ro- bin a même vu le noyau de la première cellule s'atro- phier, pendant qu'il naissait un noyau de chaque côté du sillon à mesure que celui-ci se produisait. Le cas liB plus fréquent, c'est que le noyau, subissant d'abord la segmentation, les sjranulations s'accumulent autour de chacune de ces deux moitiés, avant que se divise la masse cellulaire (2). Quand ce phénomène se produit, un sillon apparaît vers le miheu du noyau. Puis, à la pé- riphérie de celui-ci, vers les deux extrémités du sillon transversal, on voit apparaître deux légères dépressions (1) Voy. M. Fiobin, Mémoire sur la naissance des élémenls anato- miqiies [Journal d'unalomie el de physiologie, t. I, n° 4, p. 346). (2) Ce phénomène est constant chez l'adulte et chez l'embryon. Il prouve que le noyau joue certainement vm rôle particulier dans les phénomènes de composition et de décomposition nutritive, puisque toujours autour de lui se produisent et se disposent d'une façon spé- ciale les plus grosses granulations. Robin dit {lac. cit.] : a De là à faire jouer au noyau le rôle primordial comme centre d'attraction, il y a très-loin. » Nous avons tenu à citer toutes les façons d'agir du noyau ; il en ré- sulte, en effet, pour les cellules, des apparences diverses, diver- sement interprétées par les auteurs. La succession de phénomènes que décrit M. Robin s'étant passée sous ses yeux, ces faits ont certainement une valeur incontestable, en tant qu'ils fixent ce point d'histologie. DES ÉLÉMEiNTS ANAÏOMIQUES. 5>j indiquant un étranglement circulaire. Enfin la division du noyau (de la périphérie an centre) s'accomplit « par l'action moléculaire nutritive qui limite, en les séparant, la surface des deux moitiés de cet organe » (1). D'après M. Robin, il n'est pas rare d'observer cette scission du noyau dans les fibres- cellules (notamment celles de l'utérus), sans qu'il y ait division du corps de l' élément. On rencontre souvent ce phénomène dans les noyaux libres, principalement dans les noyaux embryoplasti- ques, et les noyaiix libres d'épithélium (surtout dans les tumeurs). Mais ce n'est pas là le mode ordinaire de pro- duction des noyaux; la plupart naissent par genèse ('2). Chez l'adulte, c'est à la surface des muqueuses que la segmentation est surtout curieuse à étudier. Ce phé- nomène se produit dàtis la substance amorphe qui s'in- terpose aux noyaux d'épithélium (épithéliums nucléaires de M. Robin) nés par genèse, molécule à molécule. Il en résulte une individualisation de cellules épithéliales (pavimeuteuses ou prismatiques) pourvues d'un ou de plusieurs noyaux. C'est de la sorte que toutes les cel- lules épithéliales nouvelles s'individualisent et rempla- cent celles qui tombent. Ce phénomène s'accomplit donc « à la surface des membranes cutanées, mu- (1) M. Robin, loc. cit., p. 347. (2) Valentin (1840), llenle (1843), ont les premiers observé ce phénomène. M. Robin dit {loc. cit.) : a C'est à cette scission des noyaux et des cellules (ainsi qu'à la prétendue génération endogène), consi- dérée à tort comme mode général de génération normale et patho- logique des éléments analomiques, que quelques auteurs modernes ont donné le nom de prolifération. » Voyez la noie A à la fin de ce travail. 60 DE LA GÉNÉRATION qiieiises, séreuses et à la face libre des tubes propres et des vésicules closes des parenchymes tant glandulaires que non glandulaires » (1). A la superficie de la membrane tégumentaire, entre elle et les cellules les plus récemment individualisées, on voit naître de toutes pièces, molécule à molécule, des noyaux. En même temps ils apparaissent sous la forme de corpuscules ovoïdes dans certains cas, arron- dis dans d'autres. Pâles, sans granulation, sans nucléole, ils sont nettement délimités, et ont seulement, au mo- ment de leur naissance, le quart du volume qu'ils offri- ront plus tard. Les nucléoles y apparaissent dans le cours de leur développement. Ils manquent quelquefois (2). En même temps, et pendant qu'ils grandissent peu à peu, il se produit entre eux une certaine quantité de matière amorphe, finement granuleuse, qui les tient unis en une seule couche. Ces noyaux, s'écartant d'une distance environ égale à leur propre diamètre, des sil- lons (sous l'aspect de lignes fines et un peu foncées) se produisent dans leur intervalle, et la segmentation com- mence. Ces sillons se rencontrent sous des angles nets plus ou moins obtus, et limitent ainsi des cellules régu- lièrement polyédriques, aplaties, ayant pour centre un noyau. En un point où les noyaux sont rapprochés, il (1) M. Robin, loc. cit., p. 348. (2) Nous pouvons dire de suite qu'il arrive parfois à ces noyaux de rester libres ; le cas ordinaire est qu'ils deviennent le centre de la production d'autant de cellules par segmentation du blastème. Nous verrons plus tard que ces noyaux peuvent également naître entre des éléments préexistants ; dans ce cas, les phases du phénomène sont les mêmes que précédemment. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. fil arrive que quelques-uns ne sont pas séparés par des sillons, et l'on voit se former des cellules à deux ou plu- sieurs noyaux. Souvent M. Robin a observé, sur un même cul-de-sac glandulaire hypertrophié, les diffé- rentes phases du phénomène, depuis le point oii les cel- lules sont facilement séparables, jusqu'à celui oii on ne peut plus séparer ces cellules sans les déchirer : ce qui provient de ce que le sillon, quoique nettement indiqué, n'est pas assez profondément tracé. On arrive enfin à des couches de noyaux séparés par des sillons « qui vont se perdre dans la substance homogènes (1). C'est, à pro- prement parler, ce blastème dont la segmentation n'est pas encore achevée, qui constitue cette couche dite d'épithéliums nucléaires (2). Les conséquences théori- ques de l'exacte observation de cette succession de phé- nomènes sont très- importantes. Nous dirons dans la note B, placée à la fin de ce chapitre, quelles conclu- sions nous sommes en droit d'en tirer, au point de vue de la génération des éléments anatomiques (o). Cette série de phénomènes s'observe exactement sem- blable dans tous les épithéliomas, et principalement, (1) Loi. cit., p. 350. (2) On voit par là, fait remarquer M. Robin, que, pour juger ce que représente anatomiquement la matière amorphe interposée aux noyaux, il faut l'avoir étudiée physiologiquement, c'est-à-dire avoir suivi sur le vivant les phénomènes dont elle est le siège. (3) « Le phénomène remarquable qui vient d'être décrit suffirait à lui seul, dit M. Robin, indépendamment de beaucoup d'autres, pour prouver qu'il n'est pas vrai que toute cellule naisse d'une autre cellule, car la substance amorphe qui se segmente entre les noyaux ne compte pas au rang de cellules. 11 n'est donc pas exact de dire : Omnis cellula e celliila, et de nier la formation d'une cellule par une substance ^2 DE LA GÉNÉRATIOiN d'après M. Robin, « dans ceux qui k la surface ou dans la profondeur des tissus offrent l'aspect papillifonne » (1). Les papilles de production morbide et la substance qui les supporte sont composées d'une matière homoefène, finement granuleuse, transparente et nettement limitée à la surface des papilles. Dans toute son épaisseur, cette matière est parsemée de noyaux plus ou moins gros, avec ou sans nucléole. Cette substance est dépourvue de vaisseaux. En l'examinant dans toute sa profondeur, on y peut suivre toutes les phases de la segmentation telles que nous les avons précédemment décrites. Il se forme plus fréquemment qu'à l'état normal de ces grandes cellules à deux ou plusieurs noyaux dont nous avons parlé. Le mécanisme de leur production est d'ailleurs identique dans les deux cas. « La connaissance de ces phénomènes physiologiques pouvait seule rendre compte de l'existence de cellules épithéliales et autres, ayant deux, trois ou quatre noyaux, telles qu'on en trouve dans les bassinets, le foie, le pancréas, etc. Elle seule pouvait faire juger ce que ces cellules représentent aux points de vue normal et pathologique, par rapport aux non cellulaire (Vircliow, Patliol. cellulaire). Ce n'est pas là une scis- sion de cellules débutant par celle du nucléole, suivie de celle du noyau et du corps de la cellule ; mais il y a au contraire division d'une substance amorphe entre des noyaux que respectent les écartemetits moléculaires qui se présentent sous forme de plan ou ligne de segmen- tation, et qui donnent ainsi une individualité à autant d'éléments (sous forme de cellules) qu'il y a de noyaux préexistants ou à peu près. L'hypothèse de la génération endogène ne saurait non plus être in- voquée ici. » (Robin, loc. cit., p. 354, note.) (1)M. Robin, loc cit., p. 352. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 63 cellules pourvues d'un seul noyau » (I). La conclusion de ceci peut être déjà prévue. La segmentation du blas- tème autour de deux noyaux s'observe aussi bien à l'état normal qu'à l'état morbide, quoique plus fréquemment dans ce dernier cas. Mais il est évident que cela ne sau- rait suffire pour caractériser comme éléments hétéro- morphes, les cellules à noyaux multiples, quand on les trouve dans les tumeurs (voy. chapitre IV). De cette détermination du mode suivant lequel s'ac- complit la génération des éléments anatomiques à la surface du tégument cutané, muqueuxet séreux, M. Ro- bin a déduit l'interprétation de certains faits pathologi- ques, tels que Xulcération. \ envahissement^ etc. Selon lui, Y infiltration des épithéliums dans la profondeur des tissus résulte de l'accomplissement en ce point des deux phénomènes que nous avons décrits : ■V « La production progressive de matière amorphe finement granuleuse entre les éléments du tissu voisin ou à leur place, à mesure qu'ils s'atrophient et dispa- raissent » (2) ; 1" La genèse de noyaux dans le sein de cette matière amorphe, et l'individualisation des cellules épithéliales par segmentation. Ce sont également ces deux phéno- mènes élémentaires qui amènent X envahissement des tissus voisins par des tumeurs épidermiques, ou d'ori- gine glandulaire ulcérées (S). (1) Loc. cit., p. 353. (2) Loc. cit., p. 355. (3) Pour comprendre ce phénomène, dit très-justement M. Robin, il faut connaître comment s'individualisent normalement les cellules. 6Ù DE LA GÉNÉRATION « Les phénomènes précédents nous rendent encore compte, dit M. Robin, de la marche physiologique de Yidcération, avec agrandissement en largeur et en pro- fondeur de certaines plaies qui envahissent les tissus circonvoisins sans jamais former de tumeurs, ou après avoir eu quelque tumeur épithéliale ou glandulaire pour point de départ » (1). Les papilles (s'il s'agit par exemple d'un ulcère cu- tané ou d'une muqueuse pourvue de papilles) et le tissu qui les supporte sont entièrement composés par la sub- stance homogène que nous avons décrite. Elle est par- semée d'une grande quantité de noyaux ovoïdes (de 0™"',008 à 0'"",0H) pourvus d'un ou de deux nucléoles. Souvent ces noyaux sont contigus (2). La substance amorphe est segmentée à sa surface en cellules polyé- driques, dont quelques-unes ont deux ou plusieurs noyaux. Sur quelques papilles, on trouve les cellules de la surface sur le point de se desquamer, tandis que se montre au-dessous d'elles une rangée de cellules plus adhérentes. Dans les papilles, et surtout dans la couche sous-jacente, on trouve des globes épidermiques simples ou composés. Les papilles sont toujours dépourvues de vaisseaux, et la couche qui les supporte n'en contient que dans sa profondeur « au-dessous de cette couche la substance amorphe granuleuse est parcourue par des (1) Loc. cil. ii) L'hypergenèse des noyaux les oblige à se rapprocher les uns des autres. Il se pourrait que ce phénomène fût simplement la cause de la plus grande fréquence des cellules à deux noyaux dans les tissus morbides. DES ÉLÉMENTS ANATOiMIQUES. 65 faisceaux de fibres du tissu lamineux de plus en plus abondantes ,à mesure que l'on approche des parties sous- jacentes » (1 ). Puis l'on arrive à la trame des fibres lami- neuses et des capillaires, où la matière amorphe granu- leuse va toujours diminuant, interposée qu'elle est à de nombreux amas de cytoblastions. Enfin, les huit ou neuf dixièmes de l'épaisseur du produit morbide sont consti- tués de la même façon, et renferment beaucoup de ma- tière amorphe et de cytoblastions. D'après cette description, que nous empruntons à M. Robin, cet ulcère a donc pour base un tissu particu- lier, gris, dur, lardacé, sans suc, et différant de struc- ture à la surface et dans la profondeur. La profondeur représente le derme, mais modifié par la multiplication d'un de ces éléments, les cytoblastions qui sont à l'état normal peu nombreux. La surface correspond à la couche papillaire qui a augmenté d'épaisseur aux détri- ments de la portion dermique sous-jacente. Cette couche est conservée, malgré la profondeur de l'ulcère (souvent 1 centimètre), mais elle diffère plus de son état normal que la portion dermique. Il n'y a pas en eff'et seulement multiplication d'un de ces éléments ; il y a dans l'épais- seur des papilles production d'éléments qui ne se trouvent normalement qu'à leur surface, les noyaux d'épithélium. « La surface même de ces papilles en se segmentant par division de la substance interposée aux noyaux, fournit à la production incessante de cellules, qui en se desquamant approfondissent de plus en plus (1) Loc. cit. CLEMENCEAU. 66 DE LA GÉNÉRATION l'ulcère. Mais pourtant la couche papillaire ne disparaît pas, parce qu'à mesure qu'elle perd à sa surface, elle gagne en profondeur, aux dépens de la portion dermi- que sous-jacente, qui en fait autant à l'égard du tissu sain sur lequel elle repose. Telle est la marche physiolo- gique de cette ulcération, c'est-à-dire de l'agrandisse- ment en profondeur et en largeur de la plaie )^ (1). Ainsi la segmentation et la gemmation se manifestent principalement sur deux points de l'organisme : le vitel- lus et les surfaces épithéliales normales ou pathologi- ques. Dans les deux cas, c'est un blastème (2) qui est le siège du phénomène. Dans les deux cas, les éléments in- dividualisés de la sorte n'ont qu'une existence temporaire et transitoire par rapport à l'être qu'ils concourent à former (3). Dans les deux cas, enfin, nous ferons re- (1) M. Robin, \oc. cit., p. 357. Voy. M. Rohia, Mémoire sur le tissu hétéradénique [Gaz. /le&dom., 1855); Note sûr quelques hypertrophies glandulaires (Gaz. des hôp., 1 8S2) ; Cli. Robin et Lorain, Notice sur le cancer des ramoneurs ; épithélioma papillaire du scrotum [Monit. des hôp., 1855). (2) M. Robin regarde la segmentation et la gemmation des cellules, après leur individualisation, comme des phénomènes en quelque sorte exceptionnels. « La matière de ces cellules; dit-il, conserve la pro- priété de se segmenter ou de produire des gemmes, propriété dont jouissait la substance dont ces éléments représentent des parties iso- lées. Ainsi ces phénomènes ne se montrent plus que réduits à un moindre degré d'énergie sur les cellules et seulement lorsque, par suite de certaines phases de leur développement, elles ont dépassé leur volume le plus habituel. » (Loc.Cîï. ,p. 362, et Journal d'anat. et de physiol., 1865, p. 331 .) C'est d'ailleurs à ce mode de génération des éléments anatomiques qu'on a donné le nom de prolijication ou prolifération. (3) Nous verrons que, dans le vitellus, c'est par genèse que nais- sent les éléments anatomiques définitifs de l'embryon. DES ELEMENTS ANATOMIQUES. 67 marquer qu'il y a le plus souvent concours de la genèse et de la segmentation pour arriver à l'individualisation d'un élément anatomique complet (1). Nous allons maintenant étudier le phénomène de la genèse, ses phases, ses conditions, ses résultats. (1 ) Les blastèmes et les noyaux naissent par genèse. La segmenta- tion de ces derniers éléments est l'exception, sauf dans le vitellus, où nous devons cependant noter la genèse du noyau vitellin comme fait primordial, précédant toujours la segmentation. Et d'ailleurs, dans ce cas, la substance qui se segmente, le vitellus lui-même est-il autre chose qu'un élément anatomique amorphe ou blastème, né par genèse? A ce compte, la prolifération (production par gemmation ou par scission d'un noyau par un noyau ou d'une cellule par une cellule) est le seul phénomène qui ne rentre pas dans la proposition générale, énoncée plus haut, touchant le concours de la genèse et de la segmen- tation. Nous venons de dire que la prolifération (^si tant est que cette expression doive sortir de la tératoloyie végétale pour être introduite dans la physiologie générale) devait être regardée comme un fait excep- tionnel. CHAPITRE II DE LA GENÈSE DES ÉLÉMENTS ANÂTOMIQUES La genèse (1 ) est ce mode de naissance des élé- ments anatomiques dans lequel on voit apparaître un élément de toutes pièces et molécule à molécule, soit au sein d'un plasma, soit au sein d'un blas- tème entre les éléments anatomiques préexistants. Ce fait est dû à la combinaison en proportions di- (1) De Mirbel, le premier, reconnut sur les éléments anatomiques des plantes le phénomène qu'avec M. Robin nous appelons genèse et qu'il nomma génération interutriculaire [Recherches anal, et physiol. sur le marchantia polymorpha. Paris, 1 831-1 832, p. 30-33). Plus tard (dans ses nouvelles notes sur le cambium, 4 839), il décrivit en détail cette « formation de toutes pièces » des éléments qu'il dit avoir lieu partout où abonde le cambium . Enfin ce phénomène observé par plusieurs auteurs reçut de chacun d'eux des noms différents, expri- mant tous au fond la même idée. Valentin (1852) l'appelle formation isolée des éléments des tissus; Hugo Mohl (1840), formation libre des cellules; Schwann (1840) dit que, chez les animaux, ce mode de nais- sance des cellules est le plus habituel ; KôUiker lui donne le nom de formation spontanée des cellules. Dès 18 48 [Sur le développement des spermatozoïdes, des cellules et des éléments anatomiques des tissus végé- taux et animaux, dans le journal l'Institut, 1 848), M. Robin avait dé- crit ce phénomène sous le nom de génération sp07ilanée des éléments, génération de toutes pièces ou par substitution. Plus tard, il lui donna 70 DE LA GÉNÉRATION verses des principes immédiats fournis par le plasma ou les éléments préexistants : le résultat de cette combinai- son étant la réunion moléculaire de ces principes en une masse amorphe ou figurée. Pour caractériser d'un mot la genèse, c'est une génération spontanée (C) d'éléments anatomiques. En effet, ceux-ci ne dérivent alors d'aucun parents. Il y a même plus, les principes qui les consti- tuent sont répandus en des proportions différentes dans l'élément apparu et dans le milieu qui lui a donné nais- sance. « Et certains de ces principes présentent en outre dans l'élément anatomique des caractères spécifiques nouveaux, distincts de ceux qu'ils offraient dans le blas- tème, par suite de changements isomériques survenus dans les substances coagulables » (l). « Dans la genèse, dit en se résumant M. Robin, ap- parition d'une forme et formation de substance organi- que propre à l'élément, par conséquent différente de Ja trés-jusle dénomination de genèse que depuis longtemps Valenlin, Schleiden, Reichert, employaient pour désigner en général la naissance des éléments anatomiques. Les considérations générales qui termi- nent le chapitre 11 et la note sur la métamorphose, à la fin de ce travail, feront suffisamment ressortir l'importance des travaux de M. Robin, et montreront quel intérêt s'attache en physiologie générale à l'étude de la genèse. Nous nous bornerons à dire ici que la genèse est un phéno- mène général qu'on observe dans l'embryon, le fœtus et l'aduUe, chez les animaux comme sur les plantes, à l'état sain comme à l'état patho- logique. Enfin, on le retrouve dans l'ovule, aux deux termes de l'exis- tence de cet organe. Nous verrons que l'ovule (véritable cellule) naît par genèse. Nous avons déjà vu qu'après la fécondation, l'apparition par genèse du noyau vitellin signifie que l'ovule a perdu son indivi- duahté, dont en quelque sorte a hérité le vitellus. (1)M. Robin, Mémoire sur la naissance des éléments aualomiques (Journ. d'qnatomie et de physiologie, p. 154). DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 71 celle du blastème (comme le montrent les réactions), sont deux phénomènes simultanés » (1). Notre définition donnée, nous reprendrons tout de suite, au point où nous l'avons laissée, l'étude des phénomènes qui se passent dans l'ovule. Nous avons vu les premiers éléments anatomiques naître de la segmentation du vi- tellus. Nous avons vu les uns donner par voie généalogi- que directe [segmentation) le blastoderme et la vésicule ombilicale. Nous allons voir les autres donner par voie généalogique indirecte [genèse] les éléments anatomiques définitifs de l'embryon. § 1". — Genèse des éléments anatomiques DANS l'ovule. Nous avons décrit les cellules embryonnaires, nous n'y reviendrons pas. Nous avons dit aussi qu'elles étaient des éléments transitoires, qu'au point de vue physiolo- gique elles avaient la valeur d'un état intermédiaire, et qu'elles élaboraient les matériaux nécessaires à la nais- sance des éléments définitifs de l'embryon. l^\) Programme du cours d'histologie, p. 33. Citons un exemple de formation de substance organique propre à l'élément : dans un blas- tème, nous trouvons de la fibrine ; mais dans l'élément anatomique qui a nom fibrille musculaire et qui naît par genèse au sein de ce blas- tème, nous trouvons, non plus de la fibrine, mais de la musculine, et cela dès la naissance de l'élément. Qu'est-ce que la musculine? Une espèce particulière de principe immédiat « oflrant des réactions spé- ciales » et ne se rencontrant nulle part ailleurs que dans l'élément musculaire. Au moment précis où l'élément est né, la fibrine du blas- tème s'est donc transformée en musculine, etc., elc, etc. 72 DE LA GÉNÉRATION Les cellules embryonnaires forment d'abord, comme nous l'avons vu, la totalité des tissus de l'embryon. Cette période de l'existence embryonnaire, pendant la- quelle l'être nouveau n'est absolument constitué que par ces éléments, dure peu. Chez le lapin, les premières cel- lules embryonnaires se montrent dès le huitième jour après le coït fécondant ; mais après le quinzième jour, il n'y a en plus de traces (1). Quelle que soit la durée de leur évolution, ces éléments, pour accomplir cette évo- lution même, ont besoin de se nourrir et de se dévelop- per : ce qu'ils font au moyen des principes immédiats qu'ils empruntent, soit à la mère, soit aux milieux am- biants, suivant les espèces animales dont il s'agit. Arrivées au dernier terme de leur évolution, les cel- lules embryonnaires passent directement par liquéfac- tion graduelle à l'état de blastème. C'est dans ce blas- tème que naissent au fur et à mesure qu'a lieu sa formation les éléments qui doivent persister. A partir du douzième jour après le coït fécondant chez les lapins, à partir du moment où l'embryon humain vient d'attein- dre une longueur de o millimètres environ (2), on voit apparaître entre les cellules des feuillets de la tache em- bryonnaire, les premiers éléments anatomiques qui doi- vent définitivement constituer le nouvel être. Au fur et à mesure de leur naissance, ces derniers éléments écar- tent et refoulent peu à peu les cellules embryonnaires qui continuent à se transformer en un blastème généra- (l) M. Robin, Mémoire sur la vésicule ombilicale,]}. 316. ['i) M. Robin, Mémoire sur la naissance des éléments anatomiques {Journal d'anal, et de physiol. , p. 1 55). DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUËS. 73 teur d'éléments nouveaux. On ne sait pas bien encore comment s'opère le passage de la cellule embryonnaire à l'état de blastème; si ce dernier résulte de la liquéfac- tion complète de la cellule ; ou si la cellule s'atrophie, en cédant graduellement le liquide nécessaire à la généra- tion des éléments. Jusqu'à présent, M. Robin n'a pas pu saisir toutes les phases du phénomène. Cependant, vu le grand nombre de noyaux qu'on rencontre à ce moment, il incline à penser que cette modification des cellules embryonnaires s'accomplit par liquéfaction de la cellule d'abord, et du noyau ensuite. La disposition graduelle de la masse des cellules em- bryonnaires se mesure, pour ainsi dire, sur l'apparition successive des éléments nouveaux; elles reculent en quelque sorte devant ceux-ci. Par exemple, quand les noyaux embryoplastiques commencent à naître dans la partie centrale des membres, il n'y a plus qu'une mince couche de cellules embryonnaires sous l'épiderme. M. Robin a trouvé ces cellules dans les embryons hu- mains, depuis les plus petits jusqu'à ceux mesurant de 19 à ^2 millimètres de longueur. Alors on rencontre les cellules embryonnaires dans les endroits suivants : « 1" Quelques-unes qui n'ont pas encore disparu dans les conduits limités par les cellules épithéliales propres du foie. » 2" Dans le tissu des parois de l'intestin où elles sont alors déjà très-rares ; » o" Dans celui du cœur qu'elles composent d'abord presque entièrement, mais oii elles diminuent relative- 1k DE LA GÉNÉRATION ment, de quantité à mesure qu'a lieu la naissance des faisceaux musculaires ; » k" Dans les parois de l'aorte ventrale ou peut-être de la veine cave » (1). Telle est la manière de se comporter des cellules em- bryonnaires. Voyons maintenant quels sont les éléments qui leur succèdent, quand et comment ils naissent, quel rôle ils jouent. Nous avons dit qu'au moment oi^i l'embryon humain atteignait la longueur de 3 millimètres, on voyait naître ses premiers éléments définitifs au sein du blastème, ré- sultant de la liquéfaction des cellules embryonnaires. Celles-ci ne formaient qu'un embryon transitoire. De la sorte, l'embryon véritable, dont les éléments fondamen- taux naissent par genèse, s'y substitue peu à peu. Mais ces éléments ne peuvent pas dériver du seul vitellus. Aussi, lasubstancedecelui-ci épuisée, il pénètre d'autres principes dans l'œuf, d'abord, molécule à molécule, par endosmose, puis par la circulation une fois le système placentaire constitué (2). De telle sorte que les éléments (1) M. Gh. Robin [Mémoire sur In vésicule ombilicale, page 316), ajoute qu'il a constaté la présence de ces mêmes cellules dans plusieurs autres parties, soit chez les embryons humains ayant moins de 1 0 mil- limètres de long, soit chez les embryons de la vache, jusqu'au mo- ment où ils atteignent une longueur de 14 à 1 8 millimètres. (2) « Le rôle des cellules embryonnaires, dit M. Ch. Robin, est d'élaborer le blaslème à l'aide et aux dépens duquel naissent ces élé- ments définitifs, alors que les matériaux que fournit la mère ne peu- vent pas encore être soumis par l'embryon à des modifications corres- pondantes à celles qu'ils subiront bientôt dans le placenta et dans tout l'appareil circulatoire. » (Mémoire sur la naissance des éléments analomiques, dans Journal d'anatomic el de phnsiologie, p. 155.] DES ÉLÉMENTS ANAïOMIQUES. 75 qui naissaient et se développaient d'abord aux dépens du vitellus finissent par naître et se développer aux dépens des principes fournis par la mère (mammifères) ou par les milieux ambiants. Ces deux modes de provenance des principes immédiats « ne se suivent pas avec alternatives de brusque cessation de l'un et de subite apparition de l'autre ; ils coexistent souvent, seulement l'un est à son déclin quand l'autre com- mence » (1). Quelle que soit l'origine du blastème, les éléments qui (1) M. Robin, Mémoire sur la naissance des éléments analomiques [Journal d'analomie et (h physiologie, p. 33). «Que l'on se figure au moment de la fécondai on un ovule composé de son vitellus que pro- tège la membrane vilelline ; représentez-vous, d'autre part, le jeune au moment de sa naissance, ou la graine au moment de sa maturité. Cet être est composé d'éléments anatomiques bien constitués, et pourtant rien de visible n'est entré dans cet organisme, nul élément anatomique n'y a pénétré du dehors et tout formé. Ce n'est que molécule à molécule que lui sont arrivés, au travers des membranes d'enve- loppe, des matériaux venus de la mère, ou du dehors, si l'èlre est ovipare. » Puisque dans cet être nul élément n'est entré déjà formé de toutes pièces, et que pourtant le fœtus a grandi beaucoup, ne faisant que dilater ses enveloppes sans en sortir; tout est donc né dans l'œuf: 1° soit directement à l'aide et aux dépens du vitellus; 2" soit par génération de toutes pièces à l'aide de matériaux venus molécule à molécule du dehors. Ce soiit là les seuls cas de généraiion spontanée qui soient connus : c'est-à-dire que ce sont des générations de toutes pièces des parties élémentaires d'un être au sein de cet être déjà en- gendré, car, lorsqu'il n'est pas encore formé, ses éléments dérivent directement de la masse du vitellus. Or, le vitellus est la portion fon- damentale de l'ovule, qui est lui- même déjà né de toutes pièces, molécule à molécule (à la manière des éléments anatomiques dont nous parlons), dans un organisme déjà arrivé à un certain degré de développement. » (M. Robin, ioc. cit., p. 32.) 76 DE LA GÉNÉRATION doivent persister chez l'embryon naissent tom par ge- nèse {\). Dans quel ordre apparaissent-ils? M. Robin a publié (1) La genèse des éléments anatomiques a lieu, d'après M. Robin [Dictionnaire dit de Nysten, art. Ge.vèse), dans trois conditions diffé- rentes : \° far substitution ; 2° par interposition ou accrémontition ; 3° par apposition ou sécrémentition . 1 ° « C'est le fait de cette genèse ou génération de toutes pièces d'éléments nouveaux à la place et aux dépens de ceux qui disparaissent en se liquéfiant, qui a reçu le nom de genèse par substitution (Robin), ou mieux dans des conditions de substitution, avec substitution. Comme la liquéfaction, cette substitution est graduelle. » (M. Robin, Mémoire sur le développement des spermatozoïdes, des cellules et des éléments ana- tomiques des tissusvégélaux et animaux ;daï)s]eiourna\V Institut,] 848.) Celte dénomination n'indique en effet que les conditions dans les- quelles a lieu la genèse, c'est-à-dire « le fait du remplacement de cer- taines cellules qui se liquéfient ou se résorbent par des éléments d'une autre espèce. » {Loc. cit.) « C'est là chez l'embryon le mode de géné- ration de tous les éléments constituants définitifs, de tous ceux qui, outre les propriétés végétatives ou dénutrition, peuvent être doués de propriétés animales. » {Diciionnaire de Nysten, art. Substitution.) « La subslilution d'éléments anatomiques qui naissent à d'autres qui disparaissent s'observe dans un grand nombre de cas, postérieurement à l'état embryonnaire et chez l'adulte, mais toujours dans des circon- stances morbides. Tel est le cas dans lequel les cellules épithéliales des tumeurs envahissent, suivant l'expression reçue, les organes voi- sins. >) (Mémoire sur la naissance des éléments anatomiques ; dans Jour- nal d' anatomie et de physiologie, p. 35, M. Robin.) 2° La genèse par accrémentition (le mot est de Burdach) est carac- térisée par la genèse d'éléments entre leurs semblables, aux dépens d'un blastème fourni par ces derniers qui l'empruntent aux capillaires, d'où accroissement des tissus et par suite du corps entier, a La géné- ration accrémentitielle s'observe pendant toute la durée du développe- ment de chaque être végétal ou animal dans tous les tissus. Ceux-ci augmentent ainsi de volume à la fois : 1 " par multiplication du nombre des éléments ; 2" par amplification de ceux qui sont primitivement nés. Sur les végétaux on observe ce mode de naissance des éléments lors DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 77 un tableau dans lequel il indique cet ordre d'appari- tion (1). Des observations récentes l'ayant conduit à y apporter quelques modifications, il a eu l'obligeance de nous communiquer ses notes, et nous reproduisons son tableau modifié d'après ses indications. Ordre d'apparition, dans l'œuf, des éléments anato- miques définitifs de l'embryon : de la formation de chaque couche nouvelle entre l'aubier et le liber. » {Dictionnaire de Nysten, art. Accrémentition) . Ce sont donc des élé- ments consiihiants qui naissent ainsi. Chez les plantes, d'après M. Robin, loc. cit., quelques éléments produits naissent ainsi. A l'état morbide, ce mode de génération s'observe dans un très-grand nombre de circonstances. Quand il y a hypergénèse, par exemple, la multipli- cation de l'élément se fait par genèse accrémentitielle, d'abord ; mais, plus tard, à mesure que la tumeur acquiert un volume plus considé- rable, l'élément qui est le siège de l'hypergenése remplace les élé- ments normaux préexistants et naît véritablement par substituHon. Dans tous ces cas, ce sont des produilsqui subissent l'hypergenése. Ils naissent au sein des tissus composés, d'éléments constituants, et à leurs dépens par substitution. 3° La genèse sècrémentilielle (Burdacli)oupar apposition s'entend de la genèse qui se fait à la surface des tissus. Il y a ainsi apposition des éléments récemment nés contre ceux qui sont plus anciens. Ce sont les éléments des produits qui naissent ainsi, et non ceux des constituants. Grâce à ce mode de genèse, les produits diffèrent des éléments qui leur ont fourni des matériaux pour servir à leur production. Ce mode de genèse s'observe à la surface des membranes cutanées, muqueuses et séreuses, et sur les noyaux des cellules épithéliales. Les ovules mâle et femelle, les cellules pigmentaires de la choroïde, etc., naissent par genèse sècrémentilielle. Chez les plantes, ce mode de génération s'ob- serve à peu près à la surface de tout l'organisme. De ce mode de naissance résulte pour les produits l'état de stratification «au lieu de l'état d'intrication dans lequel se trouvent le plus souvent les éléments du groupe des consliluanls. » (Sur produits et constituants, voyez note, p. 71.) (1) Voyez loc. cil., p. .36, et Progr. du cours d'histol., p. 33. 78 DE LA GÉNÉRATION 1° Cellules de la notocorde au food de la liajne primi- tive le huitième jour ; 2° Quelques heures après, cartilages des vertèbres dorsales moyennes ; 3° Tissu nerveux gris central dans la gouttière (myé- locytes, cellules multipolaires); !i° Tissu embryoplastique des lames ventrales et dor- sales se substituant au feuillet séreux, puis au feuillet muqueux du blastoderme ; 5" L'enveloppe de la notocorde et la paroi des capil- laires ; 6" Fibres musculaires du cœur ou tube cardiaque entre les deux feuillets blastodermiques (!) ; 7" Fibres élastiques de l'endocarde et de l'aorte, uo- tablement après les fibres musculaires; 8° Fibres lamineuses; 9° Fibres musculaires du dos ; En même temps le feuillet interne ou végétatif se re- plie en intestin. 10° Tissu osseux; 11° Médullocèles et myéloplaxes ; 12." Tubes glandulaires. A ce moment le foie apparaît en dehors de l'in- testin. Ainsi les premiers éléments définitifs qui apparaissent dans l'embryon sont les cellules de la notocorde. Chez les mammifères, jusqu'au dixième ou douzième jour après la segmentation, l'embryon se trouve ainsi exclusivement (1) Ce qui fait que certains auteurs ont admis un feuillet moyen blastodermique, le feuillet vasculaire, area vasculosa. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 79 constitué par des éléments ayant forme de cellules, cel- lules embryonnaires et cellules de la notocorde. Ces der- nières, grandes cellules (00'""', 005) hyalines à noyau sans nucléole, se distinguent facilement des premières. Elles naissent dépourvues de noyau : plus tard il en ap- paraît un à leur centre. L'embryon ne possède encore que ces deux sortes de cellules, dont Tune est sur le point de disparaître. Cependant la naissance des élé- ments du centre du cartilage des vertèbres dorsales moyennes suit de près (quelques heures seulement) l'ap- parition des cellules de la notocorde. L'élément cartilagineux apparaît autour de la noto- corde : ce sont des noyaux rapprochés les uns des autres, plus petits que les noyaux embryoplastiques, et plongés dans une matière amorphe, pâle, qui les écarte peu à peu à mesure qu'elle augmente de quantité. Quand on suit les phases du développement de ces éléments, on les voit d'abord renfermés chacun dans une petite cavité de la substance amorphe, cavité qui est un chondroplaste. Plus tard, la matière amorphe qui les entoure se condense en une paroi de cellule qui se trouve contenue dans le chondroplaste. Presque en même temps que les noyaux cartilagineux, ou du moins très-peu après, les myélo- cytes apparaissent. lisse montrent dans le fond du sillon primitif au-dessus de la notocorde. Ce sont des noyaux libres (1), sans nucléole, à contour foncé, à teinte grise. Ils ont 0"",006 à 0™",007 ; ils ont été confondus avec les noyaux embryoplastiques : ils sont plus grenus et ne sont (1) La variété cellule est très-rare, sauf chez le fœtus, le chien, les rongeurs et dans les tumeurs. (Robin, Progr. du cours d'histoL, p. 47.) 80 ■ DE LA GÉNÉRATION ni déformés ni resserrés par l'acide acétique. C'est au milieu des myélocytes que les cellules nerveuses multi- polaires prennent naissance. Dès leur apparition, elles possèdent leurs cylindres-axes. Ces cellules naissent par genèse. On voit apparaître d'abord un noyau transpa- rent assez volumineux, pourvu d'un nucléole. La ma- tière amorphe qui l'entoure subit, au bout de très-peu de temps, les phénomènes moléculaires qui la transfor- ment en une membrane de cellule avec ses prolonge- ments. En augmentant de volume, la cellule devient granuleuse. C'est seulement après l'apparition des myélocytes et des cellules multipolaires que naissent les éléments em- bryoplastiques. Ces éléments naissent en quantité beau- coup plus considérable que ceux dont nous avons parlé jusqu'ici. C'est ce fait et le peu d'intervalle qu'on observe entre l'apparition successive de chaque espèce des élé- ments déjà cités, qui avaient fait croire d'abord que les noyaux embryoplastiques naissaient avant tout autre élé- ment. Dès que l'embryon humain a 3 milhmètres (et chez les lapins douze jours environ après le coït fécondant), des noyaux ovoïdes nombreux apparaissent entre les cel- lules des feuillets de la tache embryonnaire ou, pour mieux dire, dans le blastème qui leur est interposé : « Ce sont des corpuscules ovoïdes, larges de O^'^OO/i à 0""",006; d'abord pâles, à contours peu foncés, mais pourtant déjà nets, bien délimités » (1). Ils n'ont pas de (1) Robin, Mém. sur lanaiss. des éléments anat. [Jôurn. d'anal, et de physiol., p. 1S6). DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 8T nucléole et renferment peu de granulations. A mesure qu'ils augmentent de volume (et ils atteignent en quel- ques heures de O'^^OOO à 0""\010), leurs granulations deviennent plus nombreuses, et souvent alors ils acquiè- rent un ou deux nucléoles jaunâtres, à centre brillant. « Ils sont serrés les uns contre les autres, maintenus, réunis par une petite quantité de matière amorphe gra- nuleuse et composant les parois ou la masse des organes qui apparaissent alors» (1). C'est dans les lames ven- trales et dorsales de l'embryon qu'ils se montrent d'abord. A ce moment, les cellules embryonnaires persistent en- core vers les surfaces interne et externe du corps de l'embryon. La variété cellule est peu abondante et n'ap- paraît que plus tard. Ce sont ces cellules et ces noyaux (éléments embryoplastiques) réunis par un peu de ma- tière amorphe qui constituent d'abord, presque à eux seuls, le tissu du corps de l'embryon, tissu grisâtre ou blanchâtre, mou, friable, pulpeux, demi-transparent, gélatineux (tissu cellulaire ou muqueux 'primordial em- bryonnaire des auteurs) . « Les noyaux embryoplastiques, dit M. Robin, en ap- paraissant par genèse sq substituent diUX cellules embryon- naires liquéfiées et deviennent l'élément fondamental des tissus de l'embryon, sauf le cœur, la notocorde, les car- tilages vertébraux, l'axe nerveux, le foie (2). » Les éléments embryoplastiques jouent donc un rôle spécial dans l'embryon. Ils remplacent en quelque façon (1) Robin, loc. cit., p. 35. (2) Robin, Progr. du cours d'hislol., p. 33. CLÉMF.NCEAU. 6 82 DE LA GÉNÉRATION les cellules embryonnaires en ce sens qu'ils forment, comme elles, pendant un temps, la plus grande partie du corps de l'embryon. Comme les cellules embryonnaires aussi, ils dispa- raissent peu à peu, au fur et à mesure que naissent, au milieu d'eux, de nouvelles espèces d'éléments consti- tuants (1) de l'embryon. Mais ils ne disparaissent pas com- ('!) Les éléments, les tissus et humeurs, et les systèmes ont été divisés par M. Robin, au point de vue de l'anatoraie générale, en constituants et en produits. V La vie, réduite à sa notion la plus simple et la plus générale, est essentiellement caractérisée par le double mouvement continu de com- position et de décomposition dû à l'action réciproque de l'organisme et du milieu ambiant et propre à maintenir l'intégrité de l'organisme entre certaines limites de variation pendant un temps déterminé. » [Dict. de Nyslen, art. Produit). Par conséquent, tout corps vivant présente à tout moment^ dans sa structure et dans sa composition, deux ordres de matières très-différentes: celles à l'état à' assimilation, celles à l'état de désassimilalion ou séparation. Telle est, d'après M. Robin, c( la source primordiale de la grande distinction anatomique entre les constituants elles produits I) . [Loc. cit.] Les éléments constituants, ainsi nommés parce qu'ils constituent essentiellement l'organisme, naissent généralement par genèse, et entrent dans la constitution des tissus vasculaires, contractiles ou sen- sibles. « Une fois engendrés, ils persistent sauf atrophie sur place ou destruction morbide. » (Robin, Progr. du cours d'histol., p. SO). «On les appelle aussi produisants, parce qu'ils portent avec eux les condi- tions de la génération des produits. » (Loc. cit.) Ce sont eux qui four- nissent les matériaux nécessaires à la production de ces derniers. Jouissant seuls des propriétés de la vie animale, les constituants (élé- ments musculaires nerveux, lamineux, élastiques, adipeux, osseux, cartilagineux, derme des muqueuses et des séreuses, etc., sont, les uns directements actifs dans l'organisme, les autres indirectement, en favorisant les actes physiologiques, et rendant leur accomplissement et leur résultat plus parfaits. Le rôle des produits est essentiellement passif. Ils ne font que servir à favoriser et à perfectionner les actes des autres éléments. Ils ne sont que DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 83 plétement : d'éléments fondamentaux qu'ils étaient ils deviennent éléments accessoires. On les retrouve à ce titre dans les tissus fibreux, lamineux, musculaires, etc., de l'adulte. La plupart des noyaux embryoplastiques jouent un rôle important dans le phénomène de la nais- sauce (par genèse) dés éléments constituants dont nous déposés pour un temps plus ou moins limité, sur toutes les surfaces in- ternes ou externes avec lesquelles ils sont contigus ou adhérents, mais sans contracter de continuité véritable. Il en résulte qu'ils présentent l'état de slralificalion^ pendant que les constituants sont disposés de manière à présenter l'état àUnlrication. Les premiers sont contigus, et les seconds offrent une texture. Nous n'avons pas à parler ici des produits liquides ou demi-liquides qui sont contenus dans des réservoirs communiquant avec l'extérieur et annexés aux organes qui sécrètent. Les produits ne séjournent dans l'économie que pendant un temps très-limité. Ils sont expulsés comme de véritables corps étrangers plus ou moins longtemps après leur naissance (épithéliums, ongles, ovule mâle, ovule femelle, et aussi poils, sueur, salive, etc.). En général, ioutes les cellules sont douées de propriétés végétatives énergiques : c'est à cela qu'est due l'énergie du développement de l'em- bryon, chez lequel ces éléments prédominent. C'est encore pour cela que les cellules de l'embryon qui persistent chez l'adulte (noyaux em- bryoplastiques) sont plus souvent que les autres éléments atteints d'hypergenèse. Mais les produits, cellules ou non, s'ils ne possèdent pas les propriétés de la vie animale (contraclilité, sensibilité), jouis- sent des propriétés de la vie végétative (nutrition, développement, re- production), à un degré plus énergique que les constituants. «Delà résulte la facilité de leur reproduction à l'état normal, la fréquence de leur hypergenèse ou de leur naissance hétérotopique, donnant Meu à des tumeurs», [bict. de Nysten, art. Produit.) Pour la même rai- son, ces tumeurs se développent (par envahissement) beaucoup plus rapidement que celles qui dérivent d'éléments constituants. Chez les constituants, la nutrition se fait par emprunt direct aux capillaires, et chez les produits, par emprunt de matériaux de proche en proche aux tissus vasculaires voisins. 84 DE LA GÉNÉRATION venons de parler; ils servent, en effet, de point de dé- part et de centre de génération. Mais reprenons les faits : nous avons signalé l'époque de la naissance des éléments embryoplastiques. Dès ce moment, les noyaux naissent en quantité considérable, au point d'accaparer pour ainsi dire tout le blastème provenant de la liquéfaction des cellules embryonnaires, comme nous l'avons dit, la presque totalité des tissus de l'embryon (1). Pendant que s'accomplissent les phases de ce phéno- mène et avant que les cellules embryonnaires soient complètement disparues, il naît encore de nouveaux élé- ments. La substance homogène, qui constitue l'enve- loppe de la notocorde, apparaît en même temps que les premiers noyaux embryoplastiques. A ce moment se montre également la paroi homogène des premiers ca- pillaires avec les noyaux qu'on y observe. Ils constituent d'abord des prolongements pleins qui, plus tard, se creu- sent d'une cavité. Quand naissent entre les deux feuillets du blastoderme les fibrilles musculaires du cœur ou plu- tôt du tube cardiaque, les dernières cellules embryon- naires subsistent encore ; mais on n'en trouve plus lors de l'apparition des éléments qui se montrent plus tard dans l'ordre que nous avons dit. Pour éviter les répétitions qu'entraînerait la descrip-- tion de la naissance de chaque espèce d'éléments en particuher, nous allons grouper sous deux chefs princi- (1 ) Celle dernière proposition reste vraie lanl que l'embryon ne dépasse pas une longueur de 20 millimètres. DES ÉLÉMENTS ANATOMIOUES. 85 paux les faits communs à chacune de ces apparitions nouvelles. Pour connaître le rang d'apparition de chaque espèce d'éléments, il suffira de se reporter au tableau que nous avons donné : 1° Genèse des éléments ayant forme de cellules ; hé- maties, leucocytes, médullocelles, rnyéloplaxes, myélo- cytes, cytoblastions, cellules nerveuses de la substance grise, etc. Ces éléments, comme nous l'avons dit (ce sont tous des constituants)^ naissent par genèse. Qu'ils possèdent ou non une cavité distincte de la paroi, cette genèse a lieu dans les trois ordres de conditions suivantes : A. Le plus ordinairement, c'est le noyau qui naît le premier, de la façon que nous avons décrite : « Le nu- cléole, dit M. Robin, lorsque l'espèce dont il s'agit en possède, apparaît seulement alors que le noyau est par- faitement développé, et marque une des phases de son évolution en quelque sorte (1). ))Les matériaux du blas- tème, en se réunissant molécule à molécule, sous une forme déterminée, entourent simultanément le noyau d'une masse cellulaire dont la surface se solidifie en une paroi de cellule. Le contour de cette paroi est d'abord très-rapproché de celui du noyau. Souvent même ils se confondent en quelques points, mais ils s'écartent à me- sure que la cellule grandit. Celle-ci devient granuleuse, et quelquefois c'est alors seulement qu'elle se pourvoit d'un nucléole. Ce mode de genèse est habituel aux élé- ments embryoplastiques de la variété cellule, aux mé- (1)Loc. cil., p. '160. 86 DE LA GÉNÉRATION duUocelles, aux myélocytes, aux cellules de l'ovariule, etc. Dans toutes ces espèces, d'ailleurs, il existe un certain nombre de noyaux qui jamais ne deviennent le centre de génération d'une cellule et restent toujours noyaux libres. B. La genèse de quelques autres espèces d'éléments est caractérisée par X apparition simultanée ^ dans le blas- tème, du noyau et de la masse de la cellule. Comme dans les cas précédents, ils sont à leur naissance plus petits et plus pâles qu'ils ne seront plus tard; ils man- quent également de granulations et en acquièrent plus ou moins, suivant les espèces, à mesure qu'ils gran- dissent et se développent. Les bématies (1) naissent ainsi chez les mammifères dans l'âge embryonnaire et pen- dant toute la durée de l'existence chez les ovipares. C'est aussi le mode de genèse des myéloplaxes, des cel- ^ Iules de la dentine, etc. C. « Toutes les hématies qui naissent à compter de l'époque où l'embryon atteint 30 millimètres de long, la plupart des leucocytes, quelques myéloplaxes et médul- locelles, mais en petit nombre, offrent cette particula- rité que le corps de la cellule apparaît seul, d'abord pâle et de petit volume, mais grandissant rapidement... Ils (1) « Les hématies naissent partout dans le système vasculaire, avant la naissance des globules blancs, avant la formation de la rate et des ganglions lymphatiques, et chez les cyclostomes qui manquent de ces organes. » (M. Robin, Programme du cours d'histologie, p. 44.) Les hématies ne sauraient donc être produits (ni détruits) par ces or- ganes, pas plus que les leucocytes qu'on rencontre également chez les cyclostomes. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 87 constituent la variété cellule sans noyau des éléments de cette espèce (1). » En effet, il ne naît ici que la masse cellulaire qui, pendant toute la durée de son existence, reste dépourvue de noyau. Sur certaines espèces de cellules, on observe encore un autre mode de genèse qu'on peut cependant ratta- cher à ce dernier. C'est le cas où il est de règle que le noyau ne naisse que postérieurement à la masse cellu- laire. On voit naître le corps de la cellule qui reste sans noyau, plus ou moins longtemps, suivant les espèces dont il s'agit. Le noyau naît plus tard, devient plus foncé, grandit, et quelquefois même acquiert un nu- cléole. On observe ce phénomène sur les cellules du cristallin, de la corde dorsale, etc. (2). Malgré les obser- vations que nous venons de signaler, il résulte de tout ceci qu'en général le noyau est le centre, le point de dé- part de la naissance et de la reproduction des cellules. T Genèse des éléments ayant forme de fibres^ de tubes ^ etc. Chaque espèce de ces éléments possède une manière qui lui est propre de naître, de se nourrir, de se déve- lopper. Cependant, relativement à leur mode de nais- sance, il y a un fait qui est commun à beaucoup d'entre eux. « Ce fait consiste en ce que, pour chaque individu de ces éléments, naissent d'abord un et rarement plu- sieurs noyaux qui servent de centre à la génération pro- (1) M. Robin, loc cit., p. 160. (2) MM. Vogt et Coste ont les premiers décrit ce phénomène, dans les cellules des poissons et dans les cellules de la corde dorsale des batraciens. 88 DE LA GÉNÉRATION gressive et au développement de chaque individu ; puis ils disparaissent sur un certain nombre. d'espèces une fois que l'élément auquel ils ont servi de centre de gé- nération est arrivé à tel ou tel degré d'évolution (1). » Certains éléments ayant forme de fibres ou de tubes, etc. , échappent à ce mode de genèse : ainsi les éléments de la substance osseuse, de l'ivoire, les prismes de l'é- mail, etc., apparaissent par autogenèse ^ sans présenter de noyau pour centre de génération (M. Robin). Mais, comme chacun d'eux a sa manière de naître, on peut dès leur apparition distinguer ces éléments l'un de l'autre. Chez quelques espèces d'éléments (fibres lami- neuses, etc.), les noyaux qui jouent le rôle que nous ve- nons d'indiquer sont bien véritablement des noyaux embryoplastiques. Quant aux éléments élastiques et aux éléments doués de la propriété de la vie animale (tubes nerveux, tubes du myolemme, faisceaux musculaires de la vie animale, etc.), les noyaux qui leur servent de centre de génération diffèrent notablement des noyaux embryoplastiques, par leurs dimensions plus considé- rables, par leurs granulations, etc. , bien que les uns et (1) M. Robin, 7oc. a7., p. 164. M. Robin dit encore (Pro(/ramme au cours d'histologie, p. 34): ((Ces éléments (iéfinitifs débutent par genèse d'un ou de plusieurs noyaux comme centre, avec addition successive, molécule à molécule, de substance aux extrémités du noyau d'abord et développement intime par nutrition, sans que le noyau y participe Cette masse de sub- stance apparaissant elle-même par genèse autour du noyau, a pour chaque espèce de fibres ou de tubes, soit une forme allongée, soit une forme polygonale avec irradiations, qui grandit et qui est le siège inté- rieur de phénomènes de nutritionetde développement. » DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 89 les autres soient ovoïdes. « Ce ne sont point les noyaux embryopl astiques qui ont succédé aux cellules nées du vitellus, qui d'une manière commune servent de point de départ à la génération des éléments de la vie animale. Ce sont des noyaux (V une espèce particulière poiir chacun d'eux^ des noyaux qu'on peut réellement distinguer des embryoplastiques (1). » Dès son origine, chaque espèce de ces éléments diffère donc spécifiquement de toute autre espèce. La substance homogène qui s'ajoute au- tour de ces noyaux ou à leurs extrémités, et les phéno- mènes évolutifs qui suivent, ne font que rendre de plus en plus tranchées ces différences spécifiques. Ces élé- ments, en effet, « ne naissent pas semblables à ce qu'ils seront plus tard, aux différences de volume près (2) » . Chez eux, le développement amène, outre l'augmenta- tion de volume, des changements incessants de structure jusqu'à l'âge adulte de l'élément (o). Ainsi, ceux qui seront très- ramifiés, comme les fibres élastiques, nais- sent peu subdivisés. Ceux qui, dans leur plein dévelop- pement, seront creux naissent pleins. C'est ce qu'on ob- (1) Robin, loc. cit., p. -169. (2)Loc. cit., p. 165. (3) « Ces modifications successives de leurs caractères dans la série des âges, tant à l'état normal (à compter du moment de leur genèse jusqu'à l'état sénilele plus avancé) que dans des conditions morbides, ces modifications, dis-je, ne ramènent en aucune circonstance ces éléments à l'un quelconque des états par lesquels ils ont passé pendant leur évolution, ni à celui qu'ils ont offert lors de leur apparition. » (M. Robin, loc. cit., p. 165.) C'est ce retour supposé des éléments vers un de leurs états antérieurs qu'on avait appelé métamorphose régressive. Mais ce phénomène ne s'observe jamais. Voyez la note C, sur la métamorphose, à la fin de ce travail. 9Ô DE LA GÉNÉRATION serve pour les capillaires, pour la paroi propre des tubes nerveux périphériques et les tubes du myolemme. Les fibres lamineuses qui auront une longueur qu'on ne peut mesurer naissent très-courtes. Parmi les éléments qui ont des noyaux pour centre de génération, il y a cer- taines espèces chez lesquelles un seul noyau sert de centre à l'apparition de plusieurs fibres (fibres élas- tiques, lamineuses). Mais on trouve aussi d'autres espèces chez lesquelles plusieurs noyaux servent de centre à ce qui, plus tard, ne constituera qu'un seul tube (tubes du myolemme, tubes de la paroi propre des nerfs périphé- riques, etc.). Quant aux noyaux mêmes faisant fonction du centre de génération, souvent ils se résorbent et dis- paraissent une fois qu'ils sont développés. D'autres fois ils persistent, comme dans les fibres lamineuses. Il en est enfin auxquels s'ajoutent des parties nouvelles (1). En ce qui concerne les particularités de la genèse de chaque espèce de ces éléments, nous ne citerons que les espèces les plus remarquables, et nous serons très-bref. Nous avons trois points principaux à noter au sujet de la naissance des éléments musculaires. Dans le cœur, ils sont dépourvus de myolemme ; aussi y observe-t-on mieux que partout ailleurs la genèse de la fibrille mus- culaire. Aux extrémités des noyaux embryoplastiques (spéciaux), on voit se grouper des filaments qu'on a ap- (1) « C'est ainsi qu'au cylindre-axe qui représente seul les éléments nerveux centraux, lors de leur genèse, s'ajoute plus tard le tube mé- dullaire ou graisseux. C'est encore ainsi qu'à la cellule unique qui, lors de la genèse des cartilages et pendant longtemps encore remplit chaque chondroplaste, s'ajoutent souvent une ou plusieurs cellules par division de la première. -■■ (M. Robin, loc. cit., p. 166.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 91 pelés corps myoplastiques^ et qui ont 0""",001 de dia- mètre. Ces filaments ou fibrilles, qui dès l'origine pré- sentent de petites taches alternativement claires et foncées, s'allongent et se multiplient. Plus tard, un certain nombre de noyaux s'atrophient ; quelques-uns persistent. Le groupement régulier ou irrégulier des fibrilles produit des faisceaux striés ou ponctués. Dans le cœur, ils sont sans myolemme et anastomosés. Partout ailleurs où l'on trouve la fibrille musculaire, son apparition est précédée par celle du myolemme dans lequel elle naît. Nous savons déjà que c'est dans les lames dorsales de l'embryon, quand celui-ci atteint une lon- gueur de 6 à 7 millimètres (avant l'apparition du tissu osseux, après celle des fibres musculaires du cœur, des fibres élastiques et lamineuses), que naissent les premiers tubes du myolemme et les fibrilles musculaires qui ap- paraissent dans, leur intérieur. De chaque côté de la co- lonne vertébrale, on voit à chaque extrémité des noyaux embryopl astiques (particuliers) naître graduellement une substance homogène qui se termine en pointe (1). Les corps qui en résultent, étant disposés bout à bout, for- ment ainsi un filament alternativement rétréci et élargi. Ce filament devient tubuleux : c'est le myolemme, dans la cavité duquel on voit bientôt apparaître des noyaux embryoplastiques qui deviennent le centre de génération des fibrilles musculaires. C'est dans l'intestin de l'embryon qu'on voit naître les (1) Cette substance amorphe se distingue de celle qui entoure les noyaux des fibres lamineuses, en ce qu'elle est plus granuleuse et résiste davantage à l'aclion de l'acide acétique. 92 DE LA GÉNÉRATION éléments musculaires de la vie organique ou fibres-cel- lules. C'est le noyau embryoplastique (toujours un noyau embryoplastique particulier) qui est le centre de leur genèse. Il s'allonge en bâtonnet avant de s'envelop- per de la substance homogène qui doit constituer la masse cellulaire. Les renflements ou nodosités brillants qu'on trouve sur ces cellules dans certaines régions (intestin, vessie, etc.), n'y apparaissent que vers le troi- sième mois. Chezrembryon, l'élément élastique se montre aussi- tôt après les fibres musculaires du cœur, dans l'endo- carde et dans l'aorte. Autour du noyau embryoplastique qui lui est spécial, une matière amorphe et transparente apparaît. Elle envoie dans plusieurs directions des pro- longements qui s'allongent et deviennent des fibres élas- tiques, ou se soudent entre eux pour former des lamelles. Le noyau s'atrophie et disparaît bientôt. Les éléments du tissu lamineux, fibres lamineuses, naissent dans l'embryon après les fibres élastiques, presque en même temps que les fibres musculaires des lames dorsales de l'embryon, au milieu desquelles elles apparaissent. Elles ont les noyaux embryoplastiques pour centres de géné- ration. Ces noyaux, s' enveloppant à leurs extrémités de substance amorphe, prennent un aspect fusiforme. C'est à ces éléments ainsi constitués qu'on a donné le nom de corps fusiformes ou fibro-plastiques . Ce ne sont, à vrai dire, que des fibres lamineuses à l'état embryonnaire, à la première période de leur évolution . Ce sont des cor- puscules allongés, possédant un noyau au niveau duquel on observe un renflement qui détermine cet aspect fusi- DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 93 forme. « Les extrémités pointues de ces corps fusiformes sont quelquefois Irès-prolongées et très-minces, soit d'un seul côté, soit des deux à la fois. Quelquefois elles sont très-courtes et larges, à pointes obtuses ; ou bien très- courtes, étroites, aiguës, plus ou moins droites ou recourbées, soit d'un seul, soit des deux côtés; quel- quefois une extrémité entière manque d'un côté » (1). Le plus souvent les extrémités de ces corps fusiformes sont divisées en deux ou trois fdaments, dont chacun représente une fibre lamineuse. Ces prolongements s'allongent rapidement, et le noyau qui avait servi de centre à l'apparition du corps fusiforme, puis d'une ou de plusieurs fibres lamineuses, s'atrophie et disparaît. Nous disons u:ie ou plusieurs fibres lamineuses, car si les extrémités du corps fusiforme ne se divisent pas, celui-ci ne forme en s' allongeant qu'une fibre lamineuse ayant à elle seule pour point de départ un noyau em- bryoplastique, qui ne tarde pas à disparaître (*2j. Le tissu osseux apparaît pour la première fois chez l'embryon après la naissance des premières fibres lami- neuses. Il se montre au centre du cartilage vertébral encore non vasculaire et ne possédant pas encore d'en- veloppe lamineuse périchondrique ou périostique. Il se substitue vraiment au tissu cartilagineux ; c'est le mode de genèse dit par substitution. La substance amorphe du (1) DicL dit de Nyslen, art. Lamineux. (2) On sait que les tumeurs dites [ibro-plastiques doivent ce nom à la grande quantité de corps fusiformes qu'on y rencontre. Cela est dû à ce qu'elles sont formées exclusivement ou non, suivant les cas dont il s'agit, par du tissu lamineux en voie d'hypergenèse. 9k DE LA GÉNÉRATION cartilage est envahie par le dépôt terreux qui y forme la substance fondamentale osseuse. L'ostéoplaste dérive directement du chondroplaste, qui se rétrécit à mesure que s'accroît le dépôt salin. Les saillies et dépressions du chondroplaste qui en résultent deviennent les prolonge- ments de l'ostéoplaste ou canalicules osseux. La mem- brane qui tapissait la paroi du chondroplaste se trouve ainsi tapisser la cavité de l'ostéoplaste. Les canaux de Havers apparaissent un peu plus tard, en même temps que les vaisseaux sanguins qui y sont contenus. Mais nous devons dire que les os du tronc et ceux do la base du crâne sont les seuls à naître de cette façon. Vers le quarante-cinquième ou cinquantième jour, chez l'embryon, le tissu naît dans les conditions dites d'envahissement, sans cartilage préexistant au sein du tissu embryoplastique (mâchoires inférieure et supé- rieure, osjugal, etc.). Les méduUocelles et les myéloplaxes ne naissent dans l'embryon qu'après l'apparition du tissu osseux. Cepen- dant les myéloplaxes se montrent « dans les canaux vas- culaires du cartilage avant l'os » (1). Les méduUocelles naissent dans les premières cavités médullaires dont se creuse le premier tissu osseux. Ces éléments naissent par genèse ; les myéloplaxes d'après le mode que nous avons indiqué. Quant au plus grand nombre des méduUocelles, le noyau paraît d'abord, le corps de la cellule ensuite, plus tard les granulations ; nous avons signalé les excep- tions à ce fait, (1) Robin, Progr. du cours d'histol.^ p. 48, DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 95 Nous avons dit Tépoque de la naissance des myélo- cytes et des cellules multipolaires avec leur cylinder axis. Ajoutons que la substance médullaire se montre autour des cylindres-axes vers le deuxième mois de la vie em- bryonnaire. Les tubes nerveux périphériques apparais- sent avant le périnèvre. Ils résultent de la fusion bout à bout de leurs noyaux embryoplastiques spéciaux s'enve- loppant de matière amorphe. Ils forment alors des ban- delettes aplaties, pâles, de 0"'",005 à 0"'",006 de largeur, contenant des noyaux de distance en distance (c'est alors qu'apparaît le périnèvre). Vers la fin du quatrième mois, ils se creusent d'une cavité dans laquelle apparaît le cyhndre-axe, puis la substance médullaire. Après le septième mois ils augmentent de volume, et il y a atro- phie des noyaux du tube propre. Enfin les tubes capil- laires et les tubes glandulaires naissent de la même façon que les tubes nerveux : les premiers immédiatement après les noyaux embryoplastiques, et les seconds après les méduUocelles et les myéloplaxes. On voit qu'en général le rôle du noyau est de servir de centre de génération , et cela aussi bien chez les cel- lules que chez les fibres, les tubes, etc., à part les quel- ques exceptions que nous avons indiquées en parlant de la genèse de ces divers ordres d'éléments. La genèse des noyaux constitue donc le phénomène primitif de la génération du plus grand nombre des éléments an ato- miques. Il arrive cependant assez souvent qu'après sa naissance le noyau ne s'entoure point d'une masse cel- lulaire, et demeure toujours à l'état de noyau libre. « De là l'existence constante de la variété noyau libre 96 DE LA GKNÉRATION dans chacune des espèces de cellules., el la prédotiii- Dance de cette variété dans beaucoup d'espèces sur les cellules complètes » (1). Si le noyau appartient à l'espèce épithéliale, et qu'il soit né dans une matière amorphe, il peut encore rester à l'état de noyau libre ; mais le plus souvent il devient le centre autour duquel a Heu la seg- mentation de cette dernière : d'où l'individuahsation des cellules épithéliales. Ce phénomène doit être soigneusement distingué de ce qui se passe quand la cellule naît par genèse (consti- tuants ou ovule, etc.). Dans les deux cas le noyau naît de la même façon, mais dans ce dercier le blastème enveloppe le noyau sans qu'on voie nulle part de traces de segmentation (2). Ce qui caractérise la genèse, c'est (1) Robin, Mém. sxir la naissance des élém. anat. [Journ. d'anal, et de physiol. , p. 161.) (2) Quand les noyaux embyoplastiques se segmentent, la scission de chacun d'eux est toujours précédée d'une augmentation de volume. Il dépasse ainsi peu à peu les limites du développement de ceux qui l'entourent; et c'est alors seulement que se produit la segmentation. Be même qu'il y a, pour les deux éléments anatomiques, des condi- tions de structure, de texturej de milieu, etc., il y a également, pour chacun d'eux, des conditions de volume qu'ils ne sauraient dépasser. S'ils les dépassent, ils se segmentent: le phénomène de la scission n'a pas d'autre signification, car il ne se produit que dans les conditions de volume relativement ou absolument exagéré. La scission est donc le signe que les limites ordinaires du dévelop- pement sont atteintes et dépassées. Toute reproduction directe, soit par scission, soit par gemmation, indique l'achèvement de l'évolution individuelle de l'élément qui se divise et par suite se multiplie. En ce qui concerne les noyaux embryoplastiques, que la segmentation s'ac- complisse sur eux par un rétrécissement graduel de leur milieu ou (comme le plus souvent) par reproduction d'un sillon transversal ou oblique, elle n'amène point, ainsi que sur les noyaux d'épithéliums, DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 97 que ce blastèine, « par suite des modifications qui résul- tent de sa rénovation nutritive (ou moléculaire continue), la naissance de petits noyaux sphériques aux dépens d'un noyau ovoïde et allongé. « Ces deux noyaux sont ou ovoïdes, empiétant un peu l'un sur l'autre, ou conoïdes, adossés base à base, et souvent chacun d'eux a un nucléole lors de la scission. L'état cadavérique ou les réactifs durcissent les tissus, laissent ces noyaux généralement transparents, presque sans granulations, et ne les rendent pas finement grenus, contrairement à ce qui a lieu pour les noyaux d'épithéliums au mo- ment de leur genèse : noyaux d'épithéliums qui alors aussi manquent tous de nucléole. » (Robin, Journ. cVanat. et de physiol., 1865, t. II, p. 331 .) Les deux noyaux embryoplastiques résultant de la segmenta- tion du premier sont plus petits que lui, aussi ne les voit-on jamais se segmenter, tant qu'ils conservent ce moindre volume. On n'en trouve jamais ayant ces dimensions qui soient en voie de segmentation. « Ce n'est qu'après un développement ultérieur qui les a conduits à dépasser un peu les dimensions du plus grand nombre, qu'ils peuvent se diviser de nouveau. Ce fait est important, car il en est ainsi pour toutes les espèces de noyaux et de cellules. On ne les voit jamais se segmenter, lorsqu'ils sont encore petits, récemment nés, en voie d'apparition par genèse, tandis que les phases de la segmentation se constatent aisé- ment sur ceux (en petit nombre généralement) qui dépassent un peu le volume moyen. « (Robin, lac. cit.) Quant aux noyaux épithéliaux, qui, nésles premiers par genèse, de vien- nent un centre de génération pour les cellules épithéliales s'individua- iisant par segmentation de la substance amorphe, ils ne présentent rien d'analogue aux phénomènes précédents. Dans quelque tissu normal ou pathologique qu'on les. observe, sur la peau, sur les muqueuses, à la surface interne des tubes glandulaires, etc., on voit ces noyaux (sur une seule ou sur plusieurs rangées, suivant qu'ils sont dans des condi- tions normales ou morbides), exister seuls, sans mélanges de noyaux ovoïdes, comme sont les noyaux embryoplastiques. ce A cette époque^ on n'en trouve jamais qui soient en voie de segmentation, comme on en peut rencontrer lorsque le développement individuel est achevé. Lorsqu'ils naissent accidentellement, par hétérotopie, dans l'épaisseur des papilles, dans le derme, dans la trame des glandes, hors des culs- de-sac dont la paroi est intacte ou non, leur nombre l'emporte telle- ment sur celui des noyaux embryoplastiques qui préexistaient à leur CLEMENCEAU. 7 &S m LA GÉNÉRATION passe à l'état demi-solide ou solide, et prend la formé et autres caractères déterminés du corps de cellule de gen^sç ^ao§ la trame normale, qu'on ne saurait rattacher les plas petite qui sont sphériques et grenus sur le cadavre, aux plus gros qui sont ovoïdes et clairs, sans granulations. Du reste on n'en trouve ni parmi les uns, ni parmi les autres qui soient en voie de segmentation.» (Robin, loc. cit.) La génération des cellules épithéliales est toujours précédée de l'ap- parition de ces noyaux. Mais jamais on ne voit ces noyaux, qui vont devenir le centre de la génération d'autant de cellules d'épithéliums, provenir directement d'une scission de cellules épithéliales préexis- tantes. Sauf un très-petit nombre de cas, on n'observe pas davantage les naissances directes de ces cellules épithéliales complètes, par scis- sion de cellules préexistantes. La génération des éléments d'épithéhums débute par la genèse de noyaux nombreux, à peu près contigus, sphériques, larges de 0™,003 à Oni,00o, à contour net, hyalins sur les pièces très-fraîches, mais devenant rapidement grenus (sans nucléole pourtant), et grisâtres sous l'influence des modifications cadavériques, ou sous celle des réactifs durcissants. En même temps qu'ils grandissent, ils deviennent souvent ovoïdes. Parfois un nucléole se produit vers leur centre, et la substance homogène qui naît dans leurs interstices les écarte les uns des autres. Dans le cas de génération hétérotopique, cette dernière et les noyaux eux-mêmes se substituent aux éléments anatomiques du tissu au sein duquel ils naissent; les fibres élastiques de ce dernier seules résistent. C'est seulement quand les noyaux sont arrivés à un certain volume et à un certain degré d'écartement que survient la segmentation intercalaire de a substance interposée aux noyaux. Cette segmentation a lieu autour de chacun d'eux comme centre, et, a pour résultat l'individualisation de la matière amorphe en cellcles^ dont chacune contient un noyau (quelquefois deux), vers son raiHeu ou à peu près. Une fois individua- lisées, les cellules s'accroissent, et souvent aussi leurs noyaux. Il en est de même pour ceux de ces derniers qui, pathologiquement, restent libres, sans devenir le centre de la segmentation intercalaire de la substance amorphe. «C'est alors que parfois quelques noyaux libres et quelques cellules peuvent devenir le siège d'une scission, quand ces éléments dépassent les limites de leur accroissement habituel. » (Robin, loc. cit.) DES ÉLÉMENTS ANÂTOMIQUES. 99 telle ou telle espèce » (1). Nous avons vu cependant qu'il pouvait y avoir genèse du corps de certaines cel- lules sans qu'un noyau lui servît de point de départ. Cette particularité physiologique nous rend d'ailleurs compte de l'existence des cellules sans noyau que l'on trouve dans la plupart des espèces. Dans quelques-unes des cellules qui naissent d'après ce mode de genèse (cellules de cristallin, cellules delà notocorde), on voit apparaître un noyau, ce qui n'a rien que de naturel, puisque la genèse des noyaux a lieu aux dépens du blas- tème interposé aux éléments, dans la matière amorphe des surfaces épithéliales ou dans le vitellus. Cela prouve seulement que le contenu de la cellule possède à ce mo- ment les qualités d'un blastème. A mesure que les éléments anatomiques naissent, ils se groupent, se juxtaposent, s'enchevêtrent. De ce grou- pement, « de cet agencement réciproque et déterminé des éléments anatomiques, soit entre eux, soit avec les autres espèces qui les accompagnent, il résulte des corps complexes qui sont les tissus » (2) . Nous n'avons pas à ('1) M. Robin, loc. cit., p. 162. (2) Robin, Progr. du cours cl' histol, p. 157. Si la physiologie seule peut faire comprendre les faits de la patholo- gie, en revanche, il arrive quelquefois à cette dernière science d'é- clairer quelques points de la première. C'est ainsi que l'hypergenèse d'un tissu doué d'une structure déterminée, et se produisant avec cette même structure dans une région où nul tissu semblable n'existe nor- malement ; c'est ainsi, disons-nous, que ce fait prouve péremptoire- ment que (( la propriété de naître est connexe chez les éléments avec celle d'offrir un arrangement réciproque, en rapport avec leur struc- ture de cellules, de fibres, etc., de telle ou telle variété. » (Robin, Mém, sur la naissance des élém. anal.; Journ. d'anat. et de physiol.^ lOG DE LA GÉNÉRATION insister sur leur apparition (1). Chaque espèce d'élé- ments dans un tissu naît à sa manière, chacune ayant son lieu, son époque, son mode d'apparition. Tantôt l'élément fondamental naît le premier (2), tantôt au milieu d'éléments qui, de fondamentaux en ce point, y deviennent bientôt accessoires (3) . Ainsi, chaque espèce d'éléments anatomiques appa- raît successivement. « Chacune naît en son lieu, en son temps et à sa manière, de même aussi que chacune a sa manière d'agir et de se modifier, soit avec l'âge, soit accidentellement» (/i). Non-seulement ces espèces dif- fèrent entre elles par leur évolution et par leurs pro- priétés, mais elles diffèrent également dès le moment de leur apparition. On n'observe pas, en effet, qu'on puisse à leur naissance les ramener à un type unique de cellules, entre lesquelles le développement consécutif établirait seul les différences qu'on y remarque. t. II, p. 128). Eq un mot, chez les éléments anatomiques la propriété de naissance, et la faculté de texture sont connexes. ('l)Nous évitons à dessein d'employer le terme de naissance. «L'idée de naissance se rattache aux éléments et non aux tissus qui résultent d'une (( génération continue et répétée » d'éléments anatomiques. (Robin, Progr. du cours d'histol., p. 32.) (-2) Les culs-de-sac elles épithéhums des parenchymes, par exem- ple, apparaissent avant la trame, etc., etc. Le cartilage et l'os nais- sent avant leurs vaisseaux, qui y jouent le rôle d'éléments acces- soires, etc., etc. (3) C'est le cas des muscles au sein du tissu erabryoplastique, du tissu élastique dans le lamineux, etc. c Ce fait important se retrouve dans les cas pathologiques d'hypergenèse des éléments accessoires pré- dominant accidentellement peu à peu sur l'élément fondamental de tel ou tel tissu. » (M. Robin, Progr. du cours d'histoL, p. 1 65.) (4) Robin, Mémoire sur la naissance des éléments anatomiques. Uourn d'anat. et de physioL, p. 36.) DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 101 « Dans l'hypothèse d'après laquelle tous les éléments dériveraient de cellules, il n'y a donc de vrai que ce fait, que chez l'embryon ils ont été précédés par des cellules qui ont primitivement composé le blastoderme. Mais ces cellules se sont liquéfiées peu à peu ; elles ont disparu, et l'on ne peut dire jusqu'à quel point ce sont les matériaux qu'elles ont ainsi fournis, plutôt que les principes immédiats venus de la mère, qui ont servi à la génération des éléments qui leur succèdent » (1). Ces cellules embryonnaires avaient une liaison généalogique directe avec la substance du vitellus, elles étaient le résultat de son individualisation. Les éléments anato- miques définitifs de l'embryon naissent dans l'œuf par genèse, de toutes pièces, au milieu d'éléments absolu- ment dissemblables avec lesquels ils sont sans relation ni liaison généalogique directe. C'est amsi que l'embryon, d'abord exclusivement composé de cellules nées de la segmentation du vitellus, se trouve bientôt constitué par des noyaux nés par genèse, molécule à molécule. Puis ces noyaux servent en général de centre et de point de départ à la génération des éléments définitifs, après quoi ils sont parfois résorbés et disparaissent. « Par l'inter- médiaire de ces noyaux, la naissance des éléments ana- tomiques définitifs est rehée à l'existence et à la dispari- tion des cellules provenues du vitellus maternel (1). » « L'observation montre, dit M. Piobin, qu'ils (les élé- ments définitifs) n'ont pas commencé par être des cel- (1) Robin, loc. cit., p, 168. (2) Loc. d«.,p. 168. 102 DE LA GÉNÉRATION Iules embryonnaires (1). » Celles-ci existent encore dans l'œuf, il est vrai, quand naissent les premiers éléments de la notocorde et de son enveloppe, des cartilages ver- tébraux, du tissu nerveux gris central, les éléments em- bryoplastiques et les fibres musculaires du cœur (2). Mais nous avons décrit les divers modes de genèse de toutes ces espèces d'éléments, modes qui, en raison des caractères spéciaux affectés à chacun d'eux, démontrent suffisamment qu'on ne peut considérer ces éléments nouveaux comme dérivant d'une manière immédiate de la cellule embryonnaire, qui aurait peu à peu changé d'état. Cela doit s'entendre, à fortiori, de tous les autres éléments (élastiques, musculaires, lamineux, osseux, tubes glandulaires, etc.), qui naissent alors qu'il n'y a plus dans l'œuf de cellules embryonnaires. « En fait, ce que l'on a dit du rôle des cellules em- bryonnaires, comme point de départ de l'apparition de tous les éléments anatomiques, doit être rapporté en général aux noyaux embryoplastiques, mais avec cette particularité que ces noyaux ne viennent pas des cel- lules embryonnaires, et que ce ne sont pas eux qui se métamorphosent en fibres, tubes, etc., comme on le disait du corps des cellules. Ils ne sont pas non plus le (1) Robin, loc. cit., p. 37. (2) L'observation montre, dit encore M. Robin {loc. cit.), que les éléments que nous venons de citer, en y ajoutant les hématies a dont la genèse suit de près la disparition des cellules embryonnaires, ne sont pas des portions de celles-ci qui se seraient détachées sous une forme différente de celle de l'élément dont elles proviendraient pour subir une évolution propre à les éloigner de plus en plus du type de leur procréateur». DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 103 point de départ d'une cellule qui deviendrait ensuite fibre ou tube. Ils ne sont que le centre de génération de tubes, de fibres (1), » chacune de ces espèces d'éléments offrant dès l'origine des caractères qui la distinguent de toute autre. Pas plus, d'ailleurs, à leur naissance qu'à tout autre moment de leur évolution, aucun de ces tubes ou fibres ne présente les caractères des cellules embryonnaires. Aucun d'eux même n'offre à son appa- rition les caractères propres des cellules, « en tant que corps sphéroïdal ou polyédrique. Aucun d'eux n'a com- mencé par avoir l'une de ces formes pour présenter plus tard une configuration différente, par suite de soii propre développement ou de sa soudure avec ses sem- blables » (2). Nous avons vu qu'autour du noyau qui est leur centre de génération, ou à ses extrémités seule- ment, s'ajoute, molécule à molécule, une certaine quan- tité de matière amorphe. C'est alors qu'ils figurent un corps allongé, plus ou moins effilé h ses extrémités, et auquel la présence d'un noyau central donne une struc- ture analogue à celle des cellules en général. Mais il im- porte extrêmement de comprendre que c'est dès le début qu'ils offrent cette figure, bien différente de celle d'une cellule, et que dans aucun moment de leur existence antérieure, même à leur naissance, on ne les a vus pré- senter la configuration ni l'état ordinairement grenu des cellules. « Or, ils s'éloignent de plus en plus de cette forme sans avoir passé et sans passer désormais par celle {\) Robia, loc. cit., p. 169. (2) Idem, p. 167. 104 DE LA GÉNÉRATION qu'offre l'une quelconque des espèces de cellules qui conservent ce dernier état pendant toute la durée de la vie individuelle (1). » Il est donc impossible d'admettre que ces éléments dérivent de cellules, puisque la sub- stance amorphe qui entoure les noyaux n'affecte jamais la structure ni la configuration (sphéroïdale) véritable d'une cellule. Enfin le fait physiologique vient à l'appui du fait anatomique, car cette substance amorphe, en- globant le noyau, passe graduellement et sans temps d'arrêt à l'état d'élément nettement caractérisé, ce qui n'aurait pas heu si, à un moment donné de sa vie indi- viduelle, cette substance représentait vraiment une cel- lule. « Ainsi, dit M. Robin, l'apparition de toute substance organisée, amorphe ou figurée, n'a d'autres antécédents que celle des conditions physiques et moléculaires qui ont amené sa genèse. Celle-ci est due à un ensemble de circonstances concomitantes et extérieures à la chose qui naît, laquelle continue à exister et à présenter les qualités qui lui sont immanentes, tant que ces conditions demeurent les mêmes ou analogues (2). » Les conditions de la genèse ne sont que des conditions de milieu, dont le résultat est la naissance spontanée d'un élément ana- (1) Robin. (2) « C'est faute de les avoir étudiées, continue M. Robin, et d'avoir suivi les phénomènes de la genèse, que toujours onn'afait que reculer la difficulté du problème qu'il s'agissait de résoudre, en admettant que tout ce qui a forme et volume dans l'économie proviendrait directement de quelque partie préexistante et toujours visible qui n'aurait fait que céder une portion de sa substance ou changer de figure et de dimen- sions. » {Loc. cit., p. 168.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 105 tomique. Celui-ci ne dérive d'aucun élément qui l'ait précédé, par développement, métamorphose [i) ou trans- formation. Il naît sans parents, de toutes pièces, molé- cule à molécule : c'est une véritable génération sponta- née. Si donc nous observons que l'organisme est un composé d'éléments anatomiques, que sa naissance n'est et ne peut être qu'une génération d'éléments anato- miques (ce que M. Robin exprime très-justement en disant que « la naissance des éléments anatomiques et la production de l'être nouveau se confondent en un point » ('i) ; si nous remarquons enfin que ces éléments anatomiques naissent spontanément sans lien de parenté directe avec un élément préexistant, nous sommes con- duit à considérer la génération de l'organisme dans l'œuf, la naissance de l'homme, en un mot, comme une génération spontanée (3). Quant aux diverses espèces d'éléments anatomiques, nous avons vu chacune naître en son temps, en son lieu, et suivant son mode, avoir ses propriétés spéciales et son évolution distincte. Nous venons de dire enfin que, pour naître, chaque espèce n'avait besoin que de réali- ser les conditions de milieu nécessaires à sa genèse, et spéciales pour chacune d'elles. Or, chez l'embryon, ces conditions se résument dans l'apparition successive des espèces d'éléments qui doivent naître avant l'espèce que l'on considère. « Chaque espèce d'éléments anatomiques naît, dit M. Robin, lorsque celles qui sont nées avant (1 ) Voy., à la fin de ce travail, la note U, sur la métamorphose. (2) Robin, Progr. du cours d'histoL, p. 35. (3) Voy., à la lin de ce travail, la note G, sur la géiiéralion spontanée. m DE LA GÉNÉRATION elle représentent l'ensemble des conditions nécessaires pour la génération de quelque autre espèce entre elles ou dans leur voisinage... La progression croissante du nombre et du volume des derniers éléments apparus, à compter des cellules embryonnaires, représente une partie de l'ensemble des conditions nécessaires à la ge- nèse des espèces qui naissent successivement » (1). Toutes ces espèces n'ont entre elles que des relations de succession, non de similitude, la genèse de l'espèce qui précède étant la condition essentielle de la genèse de l'espèce qui suit. L'organisme se trouve ainsi constitué peu à peu, grâce à une succession d' épigenèses dans les- quelles les éléments nouveaux s'ajoutent constamment à ceux dont l'apparition a précédé la leur, mais n'en dé- rivent pas directement. Nous reviendrons sur cette der- nière considération dans notre paragraphe prochain. § 2. — Genèse des éléments anatomiques chez l'être DÉJÀ formé. La genèse des éléments anatomiques n'est pas un phénomène spécial à l'embryon. La propriété de nais- sance, en effet, est une propriété d'ordre organique inhérente à l'économie pendant toute la durée de son existence, la seule condition imposée à l'organisme pour la manifestation de cette propriété étant qu'il soit en voie de nutrition, c'est-à-dire \ivant. Nous retrouverons donc chez l'adulte, et même chez le vieillard, la pro- ''' (i)-Ioc; cit., p. 36, DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 107 priété de naissance que nous venons d'étudier dans l'œuf ei pendant les phases embryonnaires de la vie. Les faits de cicatrisation à l'âge le plus avancé ne suffisent- ils pas pour démontrer qu'en aucun point, à aucun âge, l'organisme n'est privé de cette propriété. ïl faut noter cependant qu'elle perd son énergie pre- mière et se ralentit graduellement à mesure que l'orga- nisme avance en âge. Ce phénomène se manifeste dès le moment oiî les éléments anatomiques qui viennent de naître commencent à se développer et à subir leur évo- lution individuelle. On peut dire, en général, que l'acti- vité de la naissance est chez eux en raison inverse du progrès de leur développement. 11 arrive également que la génération de certaines espèces d'éléments se ralentit pendant que celle de certaines autres acquiert une éner- gie nouvelle. Nous avons dit, du reste, que l'accroisse- ment normal du corps était aussi bien le résultat de cette génération de nouveaux éléments que du développe- ment de ceux qui existaient déjà. Ajoutons enfin que c'est leur naissance avec aberration de nombre, de lieu et d'époque, qui amène l'apparition de ces produits mor- bides auxquels on a donné le nom de tumeurs solides. Le cadre de ce travail ne nous permet pas de pour- suivre l'étude de l'évolution embryonnaire dans ses phases ultérieures. Pour le faire d'une manière profi- table, il nous faudrait, après avoir décrit à part la struc- ture de chaque tissu, étudier son lieu, son époque, son mode d'apparition, tous phénomènes plus ou moins complexes, suivant le nombre plus ou moins grand d'éléments composant ce tissu, bref cela comprendrait 108 DE LA GÉNÉRATION toute l'histologie. Nous nous bornerons à dire quelques mots de la genèse des éléments anatomiques chez l'adulte, c'est-à-dire que nous signalerons quelques faits généraux, en les subordonnant à la grande loi qui do- mine l'étude de ces phénomènes. Cette loi est très-simple et peut être prévue. M. Robin l'énonce ainsi : « La naissance des éléments anatomiques chez l'adulte reproduit les phénomènes de leur généra- tion chez l'embryon. Elle s'accomplit d'après les mêmes lois; et les phases du développement consécutif à la nais- sance sont aussi les mêmes que chez l'embryon » (1). Nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance de ce fait, qui nous dispense naturellement d'entrer dans de nouvelles explications à propos de la genèse de chaque élément en particulier chez l'adulte. On observe dans l'organisme la naissance d'éléments appartenant, soit au groupe des produits, soit à celui des constituants. Dans les deux, l'animal même qui est le théâtre du phénomène fournit le blastème que laissent exsuder les parois de ses capillaires. « Seulement, dans le cas des produits, ce blastème est versé à la surface d'une membrane tégumentaire ou glandulaire, et dans celui des constituants entre des éléments anatomiques nés antérieurement, qu'il écarte les uns des autres » (2). Dans toutes les parties de l'organisme oii existent les (4) Robin {loc. cit., p. 53) ajoute : «La connaissance de ce fait est un résultat de l'observation. » (2) Nous verrons que ces matériaux, résultant des phénomènes de l'assimilation nutritive, se réunissent et s'assemblent en corpuscules de forme et de structure déterminées. « Ces derniers sont d'espèces dif- férentes, selon la nature de ces matériaux d'une part, et d'autre part DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. M)4 éléments produits, la naissance des éléments anatomiques a lieu d'une manière à peu près continue : c'est ainsi que ce phénomène s'observe à la surface de la peau, des muqueuses, des séreuses, de toutes les membranes épithéliales. Grâce à lui, se renouvellent les épithéliums qui se desquament et tombent incessamment (1). On constate également la naissance des éléments anatomi- ques dans les tissus constituants, même chez les animaux les plus avancés en âge (tissu musculaire, élastique, etc.). Comme chez les produits, ce phénomène a lieu d'une manière à peu près continue ; mais le nombre des élé- selon les conditions (indépendantes de leur constitution moléculaire) dans lesquelles ils se trouvent. )) (Robin, lac. cif., p. 157). (l) « Une des erreurs de fait et de méthode le plus souvent com- mise et qu'il importe le plus d'éviter est celle qui consiste à confondre la naissance des éléments anatomiques avec la sécrétion. C'est celle que commettent ceux qui parlent de la « sécrétion des globules du pus, « des cellules de l'épiderme, des ongles, des spermatozoïdes, des ovules, des éléments de telle ou telle humeur, etc. » 11 n'y a d'exsudés que des blastèmes à la surface des tissus, ou dans les interstices de leurs éléments anatomiques Il ne peut y avoir sécrétion d'un élé- ment anatomique tout formé, d'un corps solide quelconque un liquide seul peut être sécrété. Des éléments peuvent y être entraînés comme des cellules épithéliales par le mucus, ou rester eu suspension dans la portion de blastème qui n'a pas servi à leur production, comme les leucocytes dans le pus. Mais le fait de la sécrétion du liquide et celui de la naissance plus ou moins rapide des éléments n'en sont pas moins distincts.» (M. Robin, loc. cit., p. 51, note.) D'ailleurs, dire que les éléments d'un tissu sont sécrétés par un organe, recule la difficulté et n'explique rien. Il resterait à décrire les phénomènes de cette sécrétion, leurs conditions, leurs résultats, leurs causes. L'observation des faits montre que le derme, par exemple, ne sécrète pas l'épiderme, comme la mamelle sécrète le lait. Le derme, nous l'avons vu, n'est qu'une des conditions de la genèse des noyaux et de la matière amorphe dont dérivent les cellules. Cela est si vrai que, 410 DE LA GÉNÉRATION ments qui arrivent à l'existence individuelle est infini- ment moindre que chez ces derniers. Cela tient à ce que, ddinslesiissus constituants, très-peu d'éléments meurent, c'est-à-dire s'atrophient, se flétrissent et sont résor- bés (1), tandis que les produits perdent à tout instant par desquamation un très-grand nombre de leurs élé- ments. Nous avons déjà vu que les éléments anatomiques possédaient la double propriété et de naître, et de pré- senter dès leur naissance un arrangement réciproque, une texture spéciale, en un mot, en rapport avec leur nature de fibres, de cellules épithéliales, de tubes pro- s'il arrive à ces conditions de se rencontrer dans certaines circonstances accidentelles (tumeurs épithéliales, quel que soit leur siège), il y a naissance de cellules épidermiques sans qu'il y ait là de derme pour les sécréter. De même le bulbe pileux ne sécrète pas le poil, il est la condition de sa naissance ; de même le périoste ne sécrète ni le carti- lage, ni l'os. Chez l'embryon les cartilages apparaissent avant le péri- chondre : plus tard leur ossification débute à leur contre, alors qu'ils ne possèdent pas encore de vaisseaux. La vérité est que le périoste présente aussi bien que le cartilage et mieux que tout autre tissu les conditions de la genèse du tissu osseux. (1) Une des preuves de ce fait, c'est qu'on trouve un beaucoup plus grand nombre d'éléments de la notocorde chez l'adulte et chez le vieillard que chez l'embryon. Cependant chez los premiers toute la portion de la notocorde située vis-à-vis le corps des vertèbres a été résorbée. On ne trouve plus ces éléments qu'au niveau des disques vertébraux, et même chez le vieil- lard il se forme des cavités dans ces amas de cellules par suite de la résorption. D'où vient donc que malgré cela le nombre de ces éléments est infé- rieur chez l'embryon ? Évidemment, de ce que la production des élé- ments nouveaux l'emporte sur la résorption des éléments anciens qui cependant, d'après ce que nous venons de dire, est très -active dans ce tissu. ÎDES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 111 près glandulaires, etc. Ce phénomène se produit chez l'adulte aussi bien que chez l'embryon, sur \q?> produits comme sur les constituants. Mais ces derniers présentant une structure plus compliquée [intrication) que celle des premiers [stratification)^ le phénomène est plus saisis- sable et frappe davantage chez les uns que chez les autres. C'est l'anatomie pathologique qui a révélé ce fait. La propriété de naissance se retrouve, en effet, chez l'adulte aussi bien dans les conditions normales que dans les conditions morbides. C'est même « sur la connais- sance de ce fait que repose l'étude entière du mode de génération et d'accroissement des tumeurs» (!). De plus, à l'état sain comme à l'état pathologique, les phé- nomènes de la génération des éléments sont toujours les mêmes, d'où l'absolue nécessité de connaître le mode de naissance des éléments anatomiques à l'état normal, pour connaître la pathogénie des tumeurs en genèse des tissus morbides. Enfin, dernière analogie, ces tissus morbides eux-mêmes ne sont pas autre chose que des tissus normaux apparus par hypergenèse hétérotopique (»u non. Cela provient de ce que laconnexité de la pro- priété de la naissance et de la propriété d'agencement réciproque se manifeste sur les éléments de l'organisme malade comme sur ceux de l'organisme sain. De telle sorte que des tissus plus ou moins complexes apparais- sent de toutes pièces au milieu d'autres tissus ne possé- dant pas les mêmes espèces d'éléments anatomiques. (1) Loc. cil., p. 52. 112 DE LA GÉNÉRATION Plus tard nous aurons occasion d'insister là-dessus, et nous Terrons que c'est la connaissance de ce fait qui a précisément révélé la véritable nature des produits morbides. « Lorsqu'il s'agit de corps en voie incessante de changements, comme les corps organisés, nous ne connaissons la nature dynamique des choses que par leur origine et par leur fin. La nature des tissus sains et mor- bides ne nous est par conséquent révélée que par la science qui nous montre à la fois les éléments qui les composent^ leur origine^ dont elle constate le mode, et leur évolution, dont elle suit toutes les modifications successives )^ (1). Spécialement, la connaissance de la nature du tissu mor- bide ressort pour nous de sa comparaison avec le tissu sain qui lui correspond, grâce à ce fait que dans les deux cas la naissance des éléments anatomiques est régie par les mêmes lois. Ainsi, étant donné un tissu morbide, dès que nous savons quels éléments le compo- sent, nous connaissons sa provenance, c'est-à-dire à quel tissu sain il convient de le rattacher, et dans quelle limite il en diffère. Nous savons enfin, dès ce moment, quel est son mode d'apparition, quelle sera son évolu- tion, et quelles modifications successives présentent les éléments qui ie constituent et qui sont à diverses pé- riodes de leur développement. Logiquement, ce serait ici le heu de parler de l'hypergenèse, de sej conditions, de ses résultats; mais, ce sujet étant très-important et demandant quelques détails, nous avons préféré le ren- voyer à la fin de ce travail, dans une sorte d'appendice (1) Robin, loc. cit.. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 113 qui sera notre dernier chapitre. D'ailleurs, l'étude de la naissance des éléments anatomiques au point de vue pathologique est la conclusion naturelle et pratique d'un travail sur la génération des éléments anatomiques au point de vue physiologique. Mais il nous reste encore à noter un des résultats de la persistance, chez l'adulte, de la propriété de nais- sance. C'est, en effet, sur ce phénomène que repose la possibilité de la régénération d'une portion de tissu dé- truite, c'est-à-dire de ce qu'on nomme la ckatrisation d'une plaie (1). D'après la loi que nous avons établie, les diverses phases de ia cicatrisation, qui est la régénéra- tion d'un tissu par naissance d'éléments anatomiques divers, ne doivent différer en rien des phases de l'appa- rition de ce même tissu, par genèse de ces mêmes élé- ments, chez l'embryon. C'est précisément ce que l'on observe. La régénération est une naissance partielle. Les éléments y apparaissent dans le même ordre que chez l'embryon, et grâce à la même série des phénomènes. Ainsi, dans la cicatrisation du derme, les noyaux em- bryoplastiques naissent les premiers au sein du blastème épanché, puis les vaisseaux et les fibres lamineuses, puis les éléments élastiques (2), et là comme ailleurs la géné- (4) (( Fhénoraèae dont la perfection et la rapidité ne doivent rien aux choses venues du dehors directement, telles que celles dites cka- irisantes, mais qui est entièrement subordonné à l'état de nutrition réguUère ou non dans lequel se trouve l'individu chez qui s'opère la genèse des éléments, et qui en fournit les matériaux. » (Robin, loc. cit. , p. 51.) (t) c( De même, dans la cicatrisation des artères, le sang distend la cicatrice avant que l'élastique de génération tardive l'emporte sur le tissu lamineux. » (Robin, Progr. du cours d'histol., p. 4 65.) CLEMENCEAU. 8 114 DE LA GENERATION ration est lente pour les constituants, comme pour le derme par exemple, et très-rapide pour les produits, comme pour l'épiderme dès que le derme régénéré offre les conditions de la naissance des épithéliums. Tous les tissus, sauf le musculaire, se régénèrent après une des- truction partielle, et il se reproduit plus ou moins de tissu qu'il n'en a été enlevé : d'où une déformation. Cette apparence avait fait supposer qu'il naissait là un tissu particulier, le tissu modulaire, qui serait le même dans les cicatrices de tous les tissus. L'observation a montré que le tissu inodulaire n'est pas un tissu spécial, mais une simple reproduction ou régénération du tissu lésé. Aux noyaux embryoplastiques qui naissent dans tous les blastèmes épanchés entre des tissus lésés (i), on voit succéder l'apparition dans l'ordre que nous savons des éléments particuliers au tissu dont il s'agit. Le ten- don recouvre ses fibres tendineuses, le derme ses pa- pilles, quoique plus petites et moins régulièrement dis- posées, etc. Ce qui détermine la rétraction des cicatrices, c'est la résorption lente de la matière amorphe épan- chée entre les éléments du nouveau tissu. Quant au tissu musculaire, comme il ne se régénère pas (2), son tissu cicatriciel est seulement formé de fibres lamineuses, de (1) On sait que, chez l'embryon, les noyaux embryoplastiques nais- sent les premiers (à part la notocorde, les cartilages vertébraux et les myélocytes), et qu'ils deviennent le centre de génération de plusieurs espèces d'éléments. (2) Ce fait est probablement le résultat de la rétraction des parties, après la section. Il est à supposer que le tissu musculaire se régénére- rait, comme tous les autres tissus, si l'on parvenait à maintenir en contact les deux plans de section du muscle lésé. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 115 quelques fibres élastiques et de quelques rares vaisseaux. On ne possède que peu de notions sur la régénération des parenchymes ; l'expérience a montré seulement que la rate et la mamelle se régénèrent après leur ablation totale. En résumé, les phénomènes de la genèse ont pour résultat : 1° Dans de certaines conditions, l'apparition de sub- stances amorphes; 2° Dans d'autres conditions, celle d'éléments anato- miques figurés (noyaux libres ou cellules). De telle sorte que la genèse n'est autre chose que la naissance de la substance organisée elle-même, amorphe ou figurée. La segmentation et la gemmation supposent l'existence d'une substance organisée née par genèse. La genèse est le phénomène primordial et dominant. L'individuahsation qui la suit est immédiate ou tar- dive (1), et peut même ne pas se produire. C'est donc un phénomène contingent par rapport au premier. Dans le cas de naissance de la substance anlorphe, le blastème apparaît entre des noyaux déjà nés par genèse à la surface d'un tissu (épithéliums), ou dans les inters- tices des éléments d'un tissu (épithéliums morbides). C'est alors seulement que se produit l'individualisation du blastème sous forme de cellules autour de chaque (1 ) C'est ce fait de l'individualisation tardive d'une substance amor- phe née par genèse qui a pu être pris pour le fait même de la naissance, (( comme la répétition de l'individualisation ou reproduction a pu être confondue avec le fait essentiel qui est la genèse. » (Robin, loc. cit. p. 46.) il 6 DE LA GÉNÉRATION noyau comme centre. Tantôt le blastème s'assemble en masses distinctes avant la segmentation [blastème réel)^ tantôt il est utilisé en même temps que produit {blastème virtuel). Quand la genèse amène l'apparition d'éléments figu- rés, sa répétition a pour résultat la reproduction et la multiplication de ceux-ci. « La reproduction.^ dit M. Ro- bin, n'est qu'un résultat de faits primordiaux, et par suite elle est un fait contingent pouvant, selon les cir- constances, ou ne pas arriver, ou avoir lieu de telle ou telle manière, selon l'espèce d'éléments dont il s'a- git (1), » En effet, \di reproduction peut consister, soit en une genèse répétée, soit en une segmentation ou une gemmation, quand il s'agit de cellules. Mais ce dernier mode de reproduction, qui s'observe dans certains cas sur les cellules [prolifération) résultant de la segmenta- tion d'une substance amorphe, est rare sur les cellules nées par genèse. Jusqu'à présent, on n'a constaté la genèse des élé- ments anatomiques que dans les plasmas tels que ceux du sang et de la lymphe, entre les éléments ou à la sur- face des tissus, aux dépens des blastèmes qu'ils four- nissent (2). Placés dans de certaines conditions de nu- trition et de développement, les éléments anatomiques déterminent dans leur voisinage \di production^ naissance ou génération d'autres éléments, ou bien ils en repro- duisent directement, aux dépens de leur propre sub- (4) Robin, loc. cil., p. 176. (2) On l'a quelquefois observée, mais rarement, dans la cavité d'au- tres éléments anatomiques. Voyez la note B, à la fin de ce travail. DES ELEMENTS AN ATOMIQUES. 117 stance, de semblables à eux. Il faut tenir compte ici de deux influences : 1 " De l'influence spécifique des éléments qui pré- existent et entourent celui qui naît. Son résultat est gé- néralement la ressemblance de l'élément nouveau avec ceux dans la contiguïté desquels il apparaît. « A ce fait élémentaire se rattache, chez l'adulte, dans la généra- tion d'un organisme nouveau, la loi de ressemblance aux parents (1). » Cette ressemblance s'aperçoit surtout quand c'est un élément qui se partage en deux sem- blables. La segmentation et la gemmation des cellules nous offrent, en effet, comme l'ébauche de Y hérédité directe, ce qui est manifeste quand on observe la scission d'un organisme cellulaire. 2° Il faut également prendre en considération l'in- fluence du liquide qui fournit les matériaux et tend à donner un certain degré d'indépendance aux éléments nouveaux. C'est cette aptitude à l'indépendance du nouvel être vis-à-vis de ses parents, que M. P. Lucas a caractérisée du nom de loi d'innéité. La genèse des éléments anato- miques nous offre également à l'état d'ébauche la repré- sentation de cette loi d'innéité. L'innéité , d'après M. P. Lucas, est la force antagoniste de l'hérédité, c'est la tendance de l'organisme à engendrer des individus qui conservent d'ailleurs les caractères spécifiques propres à leurs ascendants, mais sont doués de qualités spéciales en opposition avec les lois habituelles de l'héré- (1) Robin, loc, cit., p. o6, 118 DE LA GENERATION dite (1). En un mot, l'hérédité rapproche le descendant de l'ascendant, etl'innéité l'en éloigne. Si des conditions et des résultats de la genèse nous passons à l'étude du phénomène en lui-même, nous rencontrons un ordre de considérations nouvelles sur lesquelles nous n'avons pas encore eu occasion d'in- sister. Nous avons dit que la genèse consistait essentiellement en l'apparition de toutes pièces d'un élément qui n'exis- tait pas. Nous avons également observé que les principes immédiats qui le composent étaient répandus dans le milieu où se passe le phénomène de la genèse, en des proportions différentes de celles qu'on trouve dans l'élé- ment apparu. « Certains de ces principes, dit M. Robin, présentent en outre des caractères spécifiques nou- veaux, distincts de ceux qu'ils offraient dans le blastème, par suite de changements isomériques survenus dans les substances coagulables (2) . » En effet, le blastème est composé àQ principes immédiats (3) divers, solides et (1)11 faut enfin rattacher à l'innéité l'influence modificatrice des milieux sur le produit de la génération. (2) Robin, loc. cit., p. 154. (3) On nomme principes immédialsles derniers corps solides, liquides ou gazeux, en lesquels on puisse, sans décomposition chimique, ré- duire la substance organisée (humeurs ou éléments). On les obtient par coagulations et cristalUsations successives. « Ce sont des corps, dé- finis ou non, généralement très-complexes, gazeux, liquides ou solides, constituant, par dissolution réciproque, la substance organisée, savoir, les humeurs, et par combinaison spéciale, les éléments anatomiques. » [Dict. de Nysten, art. Immédiat.) Le degré d'organisation le plus simple est précisément caractérisé (( par cet état de dissolution et de combinaison complexe que présentent DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 119 liquides, mais dissous les uns par les autres. A mesure les matières demi-solides, liquides ou solides, formées de principes immédiats d'ordres divers, et provenant d'un être qui a eu ou qui a une existence séparée. » (Robin, Progr. du cours d^histol., p. 10.) M. Robin a divisé les principes immédiats en trois classes natu- relles, d'après la part que les principes de chacune prennent à la constitution et à la rénovation moléculaire continue de la substance organisée. (( C'est en tant que combinés et formant telle ou telle espèce de principes immédiats et non comme corps simples, que l'oxygène, l'hy- drogène, le carbone, l'azote et autres corps simples prennent part à la constitution et à la rénovation moléculaire de la substance organisée, » (^Loc. cit., p. 9.) Les trois classes de principes immédiats sont : \° Principes cristallisables ou volatiles sans décomposition, d'origine minérale, sortant de l'organisme, au moins en partie, tels qu'ils y étaient entrés (eau, sulfates, chlorures, etc.). 2° Principes cristallisables ou volatils, sans décomposition, se for- mant dans l'organisme même et en sortant directement ou indirecte- ment, comme corps excrémentitiels (acide lactique, urée, créatine, cholestérine, sucre de foie, de canne, etc.) 3° Principes non cristallisables, dont les espèces se forment dans l'organisme même, à l'aide des matériaux auxquels les principes delà première classe servent de véhicule. Ils se décomposent dans le lieu même oii ils existent ou se sont formés, et deviennent les matériaux de production des principes de la deuxième classe. On les nomme généralexneni substances organiques, parce qii^ils sont sans analogie avec les principes du règne minéral et constituent la partie principale du corps des êtres organisés (globuline, musculine, cellulose, amidon, fibrine, albumine, caséine, légumine, dextrine, gomme, chloro- phylle, etc.). On retrouve simultanément plusieurs de ces espèces dans toute par- celle de substance organisée. Les deux premières classes de principes immédiats ne peuvent varier dans l'économie qu'en plus ou en moins. Les espèces de la troisième classe peuvent présenter en outre des modifications dans leur constitution moléculaire et dans quelques-unes de leurs propriétés, sans que leur composition élémentaire varie, sans que leurs caractères spécifiques fondamentaux disparaissent. A ce fait se rattache l'altération des sohdes et des liquides dans les maladies générales. Les substances oi'ganiques modifiées, soit dans la quantité 120 DE LA GÉNÉllAÏION qu'apparaît l'élément nouveau, « il y 'à formation [ï) d'une certaine quantité d'une ou de plusieurs espèces de substances organiques qui se réunissent en même temps à d'autres principes çristallisables ou coagulables, pour constituer de suite un corpuscule de figure détermi- née (2). » «Dans la genèse, a dit ailleurs M. Robin, apparition d'une forme et formation de substance organique propre à l'élément sont deux phénomènes simultanés (3). » Il est incontestable, d'ailleurs, que la substance organique nouvelle propre à l'élément se forme au sein du blas- des matériaux qui ont servi ou servent à leur formation, soit dans leurs qualités, acquièrent des propriétés différentes de leurs propriétés nor- males, d'où perturbation dans les actes qu'elles accomplissent. De celte perturbation naît l'état pathologique qui peut rester local, mais qui devient général si l'altération porte sur une des substances liquides circulant avec le sang. (Pour plus de renseignements, voy. Dict. de Nysten, ri'^ édition, art. Immédiat, Général, Inoculable et Virus, auxquels nous avons fait des emprunts nombreux.) (1) I! importe de distinguer la formation d'avec la naissance. Beau- coup d'auteurs parlent de la formation des cellules. M. Robin fait observer avec raison que le terme de formation ne peut s'entendre que de l'apparition d'un composé chimique résultant d'une combinaison. Ce mot ne peut donc s'appliquer qu'aux corps bruts. Quant à la nais- sance, nous savons qu'elle consiste dans l'apparition d'un élément anatoraique aux dépens de principes immédiats variés. Enfin, elle est subordonnée à la nutrition, et n'a été jusqu'à présent observée que dans un organisme vivant. Les espèces chimiques se forment, les espè- ces organisées naissent. (2) Robin, loc. cit., p. 4 53. De plus, cet élément se nourrit et se dé- veloppe par la formation incessante, aux dépens des principes du blastème, des substances organiques spéciales à l'élément dont il s'agit, qui emprunte également au blastème les substances çristalli- sables dont il a besoin. (3) Progr. du couis d'histoL, p. 5"2. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 121 tème et non ailleurs. Les réactions démontrent suffisam- ment que Xélasticine, la musculine, la géline, etc., se trouvent toujours dans l'élément, jamais dans le blas- tème. Elles se sont donc formées de toutes pièces aux dépens des substances coagulables, s' unissant aux prin- cipes cristallisables du blastème à mesure que naissait l'élément. Il faut dire cependant qu'au point de vue chi- mique, la musculine, par exemple, est absolument iden- tique avec la fibrine, dont on constate la présence dans le blastème. Ce qui distingue ces deux substances l'une de l'autre et ce qui nous force à admettre qu'elles sont deux états moléculaires distincts de la même substance, c'est qu'elles présentent chacune des propriétés diffé- rentes, soit de stabihté, soit de combinaison plus ou moins facile avec d'autres corps. Ce tait semble offrir une grande analogie avec les phénomènes de dimor- phisme qu'on observe sur les corps simples ou compo- sés. « Les principes immédiats qui se forment et se réu- nissent à d'autres pour donner naissance à des éléments anatomiques amorphes ou figurés passent ainsi par des états qui sont antérieurs au moment de l'organisa- tion (1 ) . » Ces états antérieurs (2), par lesquels ont passé les principes immédiats, sont importants à considérer pour se rendre compte de la physiologie aussi bien que (1) M. Robin, Mémoire sur la naissance des éléments anatomiques. (Journ. d'anal, et de physiol., t. I, p. 61 .) (2) C'est M. Giievreul qui a le premier formulé la notion de l'état antérieur en l'appliquante l'apparition des organes (1 840). (Jounia/ des Savants^ p. 717.) — En en faisant l'application à la genèse des élé- ments anatomiques, M. Robin est remonté à la source même du phénomène. 122 DE LA GÉNÉRATION de la pathologie des éléments anatomiques. Par exemple, si nous appliquons à la genèse elle-même cette notion des états antérieurs, nous trouvons que les principes immédiats doivent avoir fait partie des plasmas de nos humeurs, avant de constituer des blastèmes réels ou vir- tuels qui soient le siège de la génération des éléments. En d'autres termes, une substance organisée, sohde, amorphe ou figurée, ne peut naître qu'aux dépens de principes immédiats ayant déjà fait partie de la sub- stance organisée liquide de nos humeurs, ou même des solides (1). Les principes immédiats peuvent donc, quoique chi- miquement semblables, présenter une certaine variété dans leurs propriétés, suivant les états antérieurs par lesquels ils ont passé avant de constituer un élément donné. Cela s'observe principalement sur les substances organiques, ou princijws coagulables, en raison de leurs faciles et diverses modifications moléculaires sous de faibles influences. Les principes cristallisables sont éga- lement dans ce cas. « Nombre de composés définis, et » même des corps simples, se combinent plus ou moins » facilement avec d'autres corps, ou forment des composés » plus ou moins stables, selon qu'ils viennent de faire » partie de telle ou telle espèce de combinaison (2). » [\) «Ainsi, dit M. Robin, un plasma ou un blaslème sont néces- » saires à la genèse de la substance organisée, et jusqu'à présent nous » ne connaissons pas de conditions plus simples qui en permettent l'ap- )) parition » [loc. cit.^ p. 54 et 61). «Nous ne pouvons encore faire de » substance organisée, de substance susceptible de vivre, c'est toujours » d'un être qui vit ou qui a vécu qu'elle tire son origine. » (2) M: Robin, loc. cit., p. 61, « 11 est possible, dit M. Robin, p. 58, DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 123 Les principes cristallisables préexistent dans le blastème à l'état de dissolution. Au moment de la naissance de chaque élément, ils s'unissent aux principes coagulables pour former la substance organique spéciale à celui-ci. Plus tard, par désassimilation de la substance organique, il se forme de nouveaux principes cristallisables qui va- rient avec chaque espèce d'éléments (créatine, créati- nine, urée, etc.). Peu à peu ils sont expulsés de l'éco- nomie. Nous verrons (note C) que la notion d'état antérieur, si importante quand on l'applique aux principes immé- diats qui servent, en se réunissant, à la genèse des élé- ments, n'est point applicable aux éléments anatomiques. On ne saurait admettre qu'avant le moment de leur naissance les éléments anatomiques ont passé par un état individuel et spécifique antérieur. Le moment où nous les voyons apparaître est bien véritablement celui de leur genèse. Supposer qu'ils existent avant que nous les apercevions, c'est se mettre en contradiction avec tous les faits observés, tandis qu'avant de constituer l'élément, les principes immédiats passent par des états antérieurs invisibles, que décèlent les réactions. Lorsque la segmentation et la gemmation se pro- duisent sur un élément amorphe ou figuré, il y a lieu encore de tenir compte de l'état antérieur des principes immédiats. L'élément amorphe ou figuré qui se divise » que certaines espèces de substances organiques se forment aux dé- » pans de composés cristallisables, s'unissant ensemble à l'instant de » l'apparition de chaque élément. Ce fait, du reste, ne peut s'accom- « plir qu'au contact moléculaire d'autres substances organiques » i2U DE LA GÉNÉRATION étant né par genèse (1), nous n'avons qu'à répéter ici ce que nous avons dit de l'état antérieur des principes im- médiats servant à la genèse. Ajoutons cependant qu'en plus il y aura à considérer l'état antérieur des principes qui auront servi à la nutrition ou au développement de l'élément qui va se segmenter. En se divisant, celui-ci ne change point de composition immédiate essentielle. Il n'y a point, comme dans la genèse, formation d'une substance organique nouvelle spéciale à l'élément qui naît. Cette dernière existe toute formée dans l'élément qui se segmente : il lui suffit de se partager en deux élé- ments. C'est qu'il n'y a que la, genèse qui constitue vraiment le fait de la naissance d'un élément. La segmentation d'une cellule n'est plus un fait primordial, ce n'est qu'une simple reproduction. Le fait véritablement primordial, la genèse, est une synthèse; une synthèse organique^ dont l'antécédent inévitable est une synthèse chimique. L'élément muscu- laire, par exemple, qui est la. synthèse organique, ne peu apparaître qu'au moment où se forme la musculine, qui , est la synthèse chimique. Si la segmentation (2) n'est pas en elle-même un phé- (1 ) Un blastème naît toujours par genèse. Une cellule qui n'est pas née par genèse ne peut résulter que de l'individualisation d'une sub- stance amorphe parsemée de noyaux (apparus par genèse) ou de la scission d'une cellule. Or nous savons que, si cette dernière n'est pas née elle-même par genèse, il faut tout au moins qu'elle dérive de la segmentation d'une cellule née par genèse. (2) Ce que nous disons de la segmentation peut aussi s'entendre de la gemmation. On sait que ces deux phénomènes sont réellement ou DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 125 nomène de synthèse, elle n'est cependant pas, comme on pourrait le croire, une disjonction des parties d'un tout. Anatomiquement et physiologiquement, « la seg- » mentatiou est un signe ^ organisation sijnthétique y^ (1). Grâce à elle, en effet, « l'organisme total, s'il s'agit de » l'œuf, ou la masse amorphe, s'il s'agit d'un organe nor- » mal ou d'un produit morbide, ne font que croître gra- » duellement en complication synergique » ('2). L'être, avons-nous dit, est le résultat du concours statique et dynamique d'éléments ayant une individuahté distincte. Il en résulte que l'évolution de l'économie est une syn- thèse dans laquelle, à partir de la segmentation du vitellus, « l'organisme ne fait que se synthétiser par l'ad- » dition successive de parties élémentaires » (3). « Rien de plus saisissant sous ces divers rapports, » écrit M. Robin, que de voir, à partir de cette division » du vitellus, sans autres phénomènes qu'un groupement » spécial des éléments qui en résultent, et que des mo- » difications moléculaires dans l'épaisseur de celui-ci, se » constituer, sous les yeux de l'observateur, un nouvel » être doué d'une forme, d'organes, d'éléments anato- » miques et de mouvements propres {k). » Lorsqu'on assiste à l'apparition de l'être nouveau, une prise de forme de la substance organisée amorphe, ou une reproduction d'éléments déjà nés par genèse. (1) M. Robin, loc. cit., p. 369. (2) Idem. (3) Idem. (4) « Et cela, ajoute M. Robin, chez nombre d'animaux, avant » toute augmentation sensible de la masse vitelline, à l'aide et aux » dépens de laquelle l'être vient de se produire sans autre emprunt 126 DE LA GÉNÉRATION quand on le voit se constituer molécule à molécule, grâce à cette série de phénomènes qui se succèdent par des transitions insensibles, on est frappé de ce fait qu'il n'y a point, à proprement parler, de moment précis où apparaisse la vie dans l'embryon. Sans doute, avec la contraction des premiers éléments musculaires dans le cœur, l'animation commence. Mais la vie, dans sa mani- festation la plus simple, y existait déjà. L'ovule n'avait jamais cessé d'être le siège d'un mouvement continu de rénovation moléculaire : à titre d'élément anatomique, il jouissait depuis sa naissance de la vie végétative (1). Avec la contractilité, la vie animale y apparaît en même temps que l'innervation dans l'élément nerveux. L'or- gane constitué, la fonction commence ; et, dès ce mo- ment, l'organisme nouveau, doué de toutes ses pro- priétés organiques, va toujours croissant en complication synergique. La vie ne lui est donc point arrivée du dehors. Les cinq propriétés d'ordre organique qui constituent la vie de l'embryon apparaissent successivement en lui : rien de plus. Vous pouvez surprendre à son début la vie ani- male, non pas la vie végétative, qui se confond avec la » que ceux qui résultent de l'échange moléculaire réciproque entre » les principes du vitelius et ceux du dehors, au travers de l'enve- » loppe de l'ovule. » [Loc. cit., p. 370.) (1) Les œufs mêmes des ovipares jouissent, comme on sait, de la propriété de nutrition après s'être détachés du corps de l'animal. En un mot, ils vivent ; et ils vivent si bien, qu'ils peuvent mourir. Que l'échange continu de substance qui a lieu, molécule à molécule, entre l'air et l'œuf, vienne à s'arrêter, et celui-ci demeure frappé de mort. Toute nutrition y a cessé : l'incubation ne saurait plus y faire naître ou y développer les éléments de l'embryon : la putréfaction commence. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 127 naissance de Fovule, simple élément anatomique. Si la vie résultait pour l'embryon de l'introduction d'un prin- cipe étranger, âme ou principe vital^ on le verrait appa- raître tout d'un coup, mais non point par degrés. Ses manifestations ne seraient point successives; elles se montreraient d'emblée. Le phénomène de la naissance se trouve ainsi dégagé de tout caractère mystérieux et mystique. L'organisme étant un composé d'éléments anatomiques, sa naissance est une génération d'éléments anatomiques, et ces deux phénomènes se confondent absolument dans l'ovule. La naissance de l'être se trouve réduite aux proportions d'un phénomène physiologique de même ordre que celui qui s'accompht tous les jours dans nos tissus. C'est une genèse d'éléments à l'aide et aux dépens de prin- cipes immédiats dans un organe particulier, l'œuf, qui est né lui-même cellule et par genèse. C'est à la physio- logie, et à la physiologie seule, qu'il faut désormais recourir pour résoudre toutes les questions relatives à la naissance. Ce n'est plus à l'imagination, c'est à l'expé- rience, c'est à l'observation qu'il faut demander la solu- tion du problème. Le temps est passé où l'on avait dans l'intervention des forces surnaturelles une explication toujours prête de tout phénomène inconnu. Le merveil- leux a dû reculer devant la science, mais il n'a cédé le terrain que pas à pas et luttant toujours. Aujourd'hui le mysticisme cherche à s'accommoder aux temps et aux faits. Il essaye de faire croire qu'il a changé de nature parce qu'il a changé de nom. 11 annonce bien haut qu'il recherche l'alhance de la science, en avouant qu'il a 128 DE LA GÉNÉRATION réponse à toutes les questions que la science est impuis- sante à résoudre. Voulez-vous connaître l'origine du monde, l'homme, sa naissance et sa vie, la raison d'être de ce qui est, l'essence des choses, etc.? Adressez-vous à lui. Il possède à cet usage des monceaux de démon- strations et de réfutations, des déductions logiques, des inductions irréprochables, des preuves tirées de l'obser- vation de la nature et de l'observation de vous-même. Il peut démonter l'univers devant vous, en compter les rouages et vous en expliquer le mécanisme. Que vous demande-t-il pour cela? Rien... que la concession d'un simple à priori. Et n'allez pas croire que la moindre observation soit nécessaire ici. Tout réside dans la vertu souveraine de l'a priori, et c'est une préoccupation vulgaire que celle de faire accorder la théorie avec les faits. Faut-il expliquer la naissance et la vie? A quoi bon étudier laborieusement des phénomènes quand on peut dès l'abord donner la raison des choses. La moindre conception à priori va nous tirer d'affaire. C'est un souffle vitale un esprit^ un principe immatériel émanant on ne sait comment, de on ne sait quoi, qui intervient tout à coup par une affinité inconnue, se loge on ne saitoii, et de là gouverne la machine humaine, qui, dès lors, vit, agit et pense. C'est aussi simple qu'incompréhensible. Nous naissons parce que le principe de la vie apparaît en nous. Nous vivons parce qu'il y a en nous un principe vital. Nous pensons parce qu'il y a en nous un principe pensant. C'est en suivant la voie féconde de ceux qui ont inauguré ce genre de raisonnement que Molière DES ÉLP'MENTS AN ATOMIQUES. 129 est arrivé à connaître pourquoi l'opium faisait dormir. Alors qu'on n'avait pas encore observé les faits, de pareilles hypothèses avaient leur raison d'être. Il fallait se rendre compte, tant bien que mal, de phénomènes qu'on n'avait point étudiés. On décrétait que l'embryon recevait la vie d'une bouche in visible, incessamment occu- pée à souffler des âmes à tous les embryons de l'univers. Mais la science est venue, et l'hypothèse est en déroute. Voici le vitellus, une matière douée seulement de rénovation moléculaire, et voilà le fœtus, un être animé. Comment du premier le second peut-il naître? Vous me dites : c'est qu'entre les deux l'âme intervient. Soit. Mais à quel moment? Selon vous, il n'y a pas de vie dans l'embryon avant l'introduction de l'âme; avec l'âme la vie apparaît. Vous entendez sans doute que l'âme mani- feste sa présence par quelque phénomène nouveau, qui jusque-là avait manqué. Or, quel est ce phénomène? Où, quand, comment l'observe-t-on ? Quel est l'effet de l'âme sur l'embryon? A quoi peut-on reconnaître l'em- bryon sans âme de l'embryon avec âme? Et si vous ne pouvez rien répondre à toutes ces questions, quelle est la raison d'être de l'âme? à quoi sert-elle? qu'explique- t-elle? La vérité est que la naissance de l'embryon se compose d'une série ^épigenèses, c'est-à-dire de l'apparition suc- cessive et dans un ordre déterminé d'éléments anatomi- ques de diverses espèces. A mesure que se complique l'organe, se complique la fonction (1). La plus simple de (l)La fonction ne peut évidemment se concevoir sans l'organe. Qui pourrait comprendre la contractilité, sans fibre musculaire ? « Un fait CLEMENCEAU. 9 130 DE LA GÉNÉRATION toutes les propriétés organiques, la nutrition (ou réno- vation moléculaire continue) existait dans l'œuf dès sa naissance. Les deux autres propriétés végétatives de la matière organisée, la propriété de développement et la propriété de naissance, y apparaissent avec la féconda- tion. Enfin, la contractilité et l'innervation avec les élé- nienls musculaires et nerveux. Il n'y a là vraiment pas autre chose que des propriétés de la matière organisée, se produisant dans un organe qui provient lui-même d'un organisme. Mais, ce qu'il y a de remarquable, c'est que tous ces phénomènes, qui du vitellus font un em- bryon, s'enchahient avec une telle rigueur, sont telle- ment liés l'un à l'autre, qu'il n'y a pas de moment pour 1 "introduction de l'âme dans l'embryon. Et cependant, si le principe même de la vie est quelque chose d'extérieur à l'organisme, ayant une existence indépendante, une âme, une archée, une entité^ en un mot, comment ne reconnaît-on pas le moment où elle s'applique à l'em- bryon? Comment se peut-il que l'arrivée de ce nouveau principe, qui apporte la vie, ne se manifeste par aucun phénomène saisissable? Pour nous, la réponse est facile. C'est que la vie exis- tait dans l'œuf sous sa manifestation la plus simple (réno- vation moléculaire continue) avant l'apparition de l'em- bryon. Les propriétés organiques nouvelles se sont montrées à mesure que sont apparus les éléments nou- veaux del'enibryon. Si bien que les phénomènes orga-^ » indéniable, dit M. Littré, c'est qu'on ne connaît point de pensée » sans cerveau. » {Cours de philosophie positive d'Auguste Comte, Préface d'un disciple, p. 27 ; Paris, 1 864.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES, 131 niques devenant de plus en plus complexes, la vie a fini par atteindre son complet épanouissement. Où placer l'arrivée de l'âme au milieu de cette succession de phé- nomènes? L'œuf est un organisme vivant. S'il n'est pas vrai qu'un principe vital vienne du dehors lui apporter la vie, il faut donc que Fâme, principe de vie, préexiste dans l'œuf. C'est de là qu'est venue la théorie de \ emboîtement des germes ou de la préformation syn- génétique^ dans laquelle on admet que les germes de toutes les générations futures préexistaient dans un premier œuf. Mais cette hypothèse se trouve égale- ment ruinée par la connaissance des phénomènes de la genèse. — « C'est à l'ancienne hypothèse de \ épi- genèse [postformation deBurdach), écrit M. Robin, que l'observation vient donner raison, et nullement à celle de la préformation évolutive^ qui veut que toutes les par- ties que l'on découvre successivement dans l'organisme y existaient déjà et ne font que se développer... L'appari- tion de l'embryon dans l'ovule résulte d'une véritable épigenèse ou genèse successive d'espèces distinctes . d'éléments anatomiques s'effectuant à des temps diffé- rents (i)...» Il est inexact de dire que l'ovule fécondé renferme en puissance tout ce qui existera plus tard dans l'organisme. Le vitellus se borne à offrir successivement les conditions nécessaires à la genèse de chaque espèce d'éléments. « Ces conditions, il ue fait que les offrir les unes après les autres, chacune comme conséquence du phénomène (^) M. Robin, /oc. a7., p. 154, note. 132 DE LA GÉNÉRATION antécédent; et la génération d'une partie de l'embryon n'a lieu qu'autant qu'une autre l'a régulièrement pré- cédée (1). » Après l'apparition du noyau yitellin, et seu- lement alors, le ^itellus présente les conditions de la segmentation et aucune autre que celles de ce phéno- mène. Une fois les cellules embryonnaires individuali- sées, leurs modifications évolutives amènent l'apparition des conditions nécessaires à la genèse des éléments de la notocorde, du cœur, des noyaux embryoplas- tiques, etc., etc. «Les éléments qui se montrent ainsi ne se détachent d'aucun autre. Mais, pour naître, ils ont besoin de ceux qui les précèdent, comme condition d'arrivée et d'élaboration des matériaux, qui se réunis- sent (d'après certaines lois déterminées de l'attraction moléculaire) en corps organisés, individuellement et spécifiquement distincts de leurs antécédents (2). » Nous avons vu qu'avant leur apparition ces éléments n'avaient point d'existence propre, et nous leur avons refusé tout état spécifique antérieur en tant qu'individus distincts. Le germe d'un élément, pas plus que celui d'une de ses propriétés organiques (contractibté, sensibilité, etc.), ne saurait donc préexister dans l'œuf. Quant aux organes, non-seulement ils ne préexistent pas dans l'ovule, mais ils apparaissent chacun à une époque différente de l'évo- lution embryonnaire, par suite de la genèse successive des éléments dans un ordre déterminé. Nous savons également que « l'accroissement de chaque individu ou de chaque organe résulte à la fois du développement des (1) M. Robin, loc. cit., p. 179. (2) M. Robin, loc. ciU, p. 43. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 133 éléments anatomiques qui viennent de naître, et de la genèse ou épi genèse successive de nouveaux élé- ments (1). » Nous allons voir enfin, dans notre prochain chapitre, que la naissance de Tovule est un phénomène d'épigenèse. Tout cela revient à dire que la génération n'est pas un fait d'évolution de germes préexistants, devenant mani- festes après chaque fécondation, et contenant déjà toutes les successions à venir d'êtres de la même espèce. La propriété de naissance existe bien réellement à titre de propriété de la matière organisée, distincte du dévelop- pement. « C'est sur le fait (supposé jadis par quelques auteurs et aujourd'hui démontré) de la genèse des élé- ments anatomiques que repose toute la théorie de l'épige- nèse^ d'après laquelle les nouveaux individus qui naissent sont réellement les produits des individus qui les engen- drent, et la génération une yié,x\\û^pèce d'éléments dont il s'agit deviennent les propriétés dominantes du tissu. Le terme accessoire s'entend également du nombre et du rôle physiologique des éléments en question. « Mais accessoire ne veut pas dire inutile, et la pathologie montre que bien des espèces accessoires sous le rapport de la quantité sont indispensables physiologiquement. » (Robin, loc. cit., p. 118.) C'est le cas des noyaux embryoplastiques dans le tissu lamineux, des myéloplaxes dans le tissu de la moelle des os, etc. Ces éléments, quoi- que accessoires, sont solidaires des éléments fondamentaux au point de vue de la nutrition. Quand ils viennent à s'altérer, les éléments fon- damentaux subissent invariablement une altération correspondante. Ce qui prouve que, s'ils jouent un rôle accessoire dans l'évolution phy- siologique du tissu dont ils font partie, ils sont cependant indispen- sables à l'accomplissement parfait et régulier de cette évolution . 190 DE LA GENERATION leur disposition à être plus souvent affectés d'hyper- genèse que les éléments fondamentaux d'un autre tissu » (i). Ces tumeurs ont en effet pour facteurs deux phénomènes morbides dont les notions précédentes seules peuvent donner la signification. Le premier fait estl'hypergenèse d'éléments, d'où leur multiplication exa- gérée ; le second consiste en ce que l'hypergenèse rend élément principal d'un tissu nouveau une espèce natu- rellement accessoire. Il arrive, d'autre part, que certains éléments sont fondamentaux dans un tissu et accessoires dans un autre. Les fibres lamineuses, par exemple, con- stituent l'espèce fondamentale du tissu lamineux et l'es- pèce accessoire du tissu musculaire ou glandulaire. La loi que nous avons signalée persiste pour ces éléments. Ils trouvent les conditions nécessaires à leur hypergenèse plus aisément dans les tissus oh ils jouent le rôle acces- soire, que dans les tissus dont ils forment la partie fon- damentale. Ils sont donc dans le premier cas, plus souvent que dans le second , le point de départ de la production d'une tumeur. « Ce produit est donc mor- bide au double titre de la multiplication outre mesure de l'espèce d'élément qui domine en lui, et du passage de celle-ci de l'état accessoire à l'état d'élément princi- pal» (2). Aussi ce tissu pathologique, bien qu'analogue aux tissus normaux constitués comme lui, présente des caractères absolument différents de ceux que possède l'organe au sein duquel il a pris naissance. C'est le cas d'un lipome, d'une tumeur fibreuse, etc., naissant au (1) Robin, loc. cit., 1865, p. H8. (2) Robin, loc. cit., p. M 9. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 191 sein des muscles, des glandes, dont les cellules adipeuses et les fibres lamineuses sont des éléments accessoires. Quand l'iiypergenèse des éléments accessoires est très- restreinte, elle ne suffit pas pour amener véritablement la production d'un tissu nouveau. Le résultat de cette multiplication est alors simplement une augmentation de masse et souvent de consistance de l'organe. Tel est le cas des tumeurs à rayéloplaxes, ainsi que de l'hyper- genèse du tissu fibreux et de la substance amorphe dans le tissu des lèvres du col utérin (engorgement et hyper- trophie du col). Ukypergenèse des éléments peut coexister avec une hypertrophie plus ou moins considérable de quelques- uns d'entre eux. Dans les tumeurs glandulaires, par exemple, en même temps qu'il naît de nouveaux culs- de-sac et de nouvelles cellules épithéhales (qui tapissent et remplissent ces derniers), on voit ces éléments aug- menter de volume et dépasser les conditions normales. On observe encore ce phénomène dans les affections dites hypertrophie des tuniques musculaires de l'esto- mac, de la vésicule bihaire, de la vessie, etc. « On voit donc, écrit M. Robin, que les phénomènes morbides sont des phénomènes complexes qui ne sau- raient être interprétés exactement, si on les envisageait en eux-mêmes comme autonomes et indépendants, sans tenir compte des actes élémentaires normaux dont ils ne sont que la manifestation, dans des conditions diffé- rentes de celles qui président habituellement à leur accomplissement » (1). (1) Robin, loc. cit., 1865, p. 120. 192 DE LA GÉNÉRATION § II. — Aberration de genèse des éléments ANATOMIQUES. Si, d'une part, les éléments anatomiques sont suscep- tibles d'hypergenèse en un lieu où ils existent déjà, il est également constaté qu'ils peuvent, par accident, naître dans des régions de l'économie où normalement ils n'exis- tent point. C'est une véritable génération aberrante, une genèse avec erreur de lieu, dont le résultat est d'amener l'apparition de tumeurs plus ou moins complexes. Tous les éléments en général peuvent être afTectés de genèse hétérotopique. Nous avons déjà cité l'apparition des éléments du cartilage dans la parotide, l'épidi- dyme, etc. Le tissu osseux est également susceptible de genèse aberrante, soit primitivement, soit quelque- fois consécutivement aux éléments de cartilage. « Les éléments mêmes des nerfs, ainsi que les muscles de la vie animale et de la vie organique, peuvent naître avec erreur de lieu, comme le démontrent certaines tumeurs àiiQ^ tumeurs fœtales par inclusion >) (i). Les éléments de l'épiderme, surtout, présentent au plus haut degré la propriété de la naissance hétérotopique. Ils apparais- sent sous la peau, les muqueuses ou les séreuses, tantôt seuls, tantôt avec les éléments du derme. Il leur arrive quelquefois, dans le premier cas, en l'absence des élé- ments du derme et de véritables papilles, de présenter la texture ou plutôt la forme papillaire telle qu'on la trouve dans les épithéliums de diverses régions. C'est en par- (1) Robin, hc. cil., 1865, p. 121. i DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 193 ticulier ce qui arrive dans le cas de tumeurs épithéliales nées primitivement sous la peau, et restant sous-cuta- nées jusqu'au moment de leur ulcération ; car, « malgré ce fait, elles présentent dans l'arrangement de leurs cellules la disposition offerte par celle de l'épiderme cu- tané sur les papilles » (!)• Nous avons dit que les éléments anatomiques naissent toujours en assez grand nombre à la fois, et qu'ils arri- vent à constituer un tissu déterminé, en prenant, dès leur apparition, un arrangement réciproque en rapport avec leur état de cellules, de fibres, etc. Ce fait n'est, après tout, qu'une des conditions générales de la nais- sance des éléments anatomiques, une des lois qui régis- sent la manifestation de la propriété de naissance. Il n'est donc pas étonnant de retrouver cette loi dominant les faits de genèse aberrante et d'observer simultané- ment la naissance de plusieurs espèces d'éléments offrant la même disposition les uns vis-à-vis des autres, la même texture, en un mot, qu'à l'état normal. C'est ainsi qu'on voit naître par genèse hétérotopique les tubes propres des glandes en même temps que les épithéliums les ta- pissant comme à l'ordinaire. Ces éléments représentent ainsi, sous forme de tumeurs, des lobes entiers d'un tissu analogue à celui de la mamelle, de la parotide, des glandes sébacées, des tubes épididymaires ou testi- culaires (2). Le plus souvent les tubes, au lieu d'être (1) Robin, loc.cit., 1865, p. 121. (2) Cette genèse s'observe, soit dans Tépaisseiir des glandes (c'est alors simplement un cas d'hypergenè^e), soit dans lenr voisinaoe (c'est alors une genè>e aberrante). Dans ce dernier cas, la tumeur CLKMENCKAU. 13 194 DE LA GÉNÉRATION seulement tapissés par les éléments épithéliaux, sont véritablement remplis de noyaux et de cellules juxtapo- sés. Ils représentent alors des cylindres pleins. Dans ce cas, « les cellules comme les tubes reproduisent dans leurs dimensions, leur structure, leurs formes (même quand elles sont développées outre mesure), les carac- tères qu'on observe sur les mêmes parties de l'organe primitivement malade » (i). Au moment de leur nais- sance, dans ces conditions morbides, les éléments sont analogues, même identiques à ceux qu'on trouvait dans l'organe avant qu'il fût malade. « Mais leur développe- ment rapide les conduit en peu de temps à s'éloigner de cet état et à prendre les dispositions qu'on observe dans les npyaux ou les cellules correspondants de la mamelle, de l'épididyme, etc., dont l'état morbide a suscité leur genèse » (•2), En un mot, ce tissu de nouvelle formation (dont la seule naissance dans un lieu où normalement il n'existe pas, marque une perturbation des propriétés de produite peut se trouver plus ou moins loin de l'organe, qui parfois reste normal et d'autres fois est directement altéré. « En outre, dit M. Robin {loc. cit., p. 122), dans ces condilions-là, au sein des gan- glions lymphatiques correspondant à l'organe devenu primitivement le siège de l'hypergenèse, on voit naître des tubes glandulaires ramifiés et terminés en caecums de même forme et de mêmes dimensions que dans l'organe précédent. » (1) Robin, loc. cit., p. 122. (2) Robin, loc. cit. , p. 1 22. C'est à ces éléments arrivés à ce degré d'évolution morbide qu'on a donné les noms d'éléments du cancer, noyaux ou cellules cancéreuses, carcinomaleuses, squirrheuses, etc., d'après les caractères du tissu où on les trouve. Ces tissus ont aussi été appelés héléromorplies ou hétérologues. Il n'y a pas dans l'économie d'éléments hétéromorphes, c'est-à-dire distincts des espèces normales; dès lors il ne saurait exister de génération hétéromorphe (ou hétéropla- DES ELEMENTS ANATOMIQUES. 195 l'organisme) peut présenter dans ses éléments les mêmes états morbides que le tissu normal dont il est l'analogue. Il y a donc là deux phénomènes connexes : aberra- tion dans la propriété de naissance, puis aberration dans le développement des éléments mêmes qui sont nés par genèse hétéro topique. C'est ce qui fait que les cellules épilhéliales offrent dans leur propre développement les mêmes aberrations que celles présentées par les épithé- hums des organes précédents devenus malades. 11 y a donc corrélation, Jusque dans leurs états pathologiques, des propriétés de développement et de naissance. Ce fait est révélé par l'examen des manifestations de ces deux propriétés, tant sur l'organe malade que sur le tissu morbide analogue à ce dernier, et produit hétérotopi- quenient. Le tissu dont la production est due à cette per- turbation de genèse se trouve offrir ainsi ces deux signes particuliers : de n'exister pas à l'état normal dans le lieu où il naît et de n'être semblable à aucun tissu normal. sic% Lobsteiii), ou mode de naissance particulier à l'état morbide, et différent de ce qu'on observe à l'état normal. « On a supposé l'exis- tence de tissus hétéromorphes ou hétéroplastiques (Lobstein, Burdach), faute de connaître les phénomènes de la génération des éléments, faute de savoir jusqu'à quel degré peuvent s'étendre leurs aberrations, comparativement aux phases normales de leur développement ; faute de pouvoir rattacher les divers états morbides aux états normaux dont ils dérivent. Ainsi ces mots et ceux de cancer, de cellules cancéreuses-, sqiiirrheuses, ou leurs analogues, ne représentent, par conséquent, qu'un état, une phase d'évolution accidentelle ou morbide de diverses variétés d'épithéliums le plus souvent, et quelquefois des myéloplaxes et des noyaux embryoplasîiques; mais ils ne désignent pas une espèce déterminée et distincte, tant d'élément que de tissu, ne pouvant être rattachée aux tissus naturels par sa structure, son évolution et ses autres propriétés. » (Robin, Zoc. cî7., p. 122. ) 196 , DE LA GÉNÉRATION (Nous avons dit que ces éléments étaient les analogues de ceux de la mamelle, du testicule, etc., diversement déformés par leur évolution morbide.) Mais les tubes glandulaires et les cellules qui les tapis- sent peuvent naître, en offrant une texture analogue à celle des glandes, dans des régions dépourvues de glandes, et alors qu'aucun des organes d'une région voisine n'est malade. De là l'apparition, sous forme de tumeurs, d'un tissu ayant son analogue dans l'éco- nomie, mais non dans ce lieu. Les éléments de ce tissu né par génération hétérotcpique offrent une texture analogue à celle àQ^glande'^ acinenses en général. Ce- pendant il faut dire que les épithéliums qui tapissent ces tubes glandulaires ne peuvent être identifiés avec aucun des épithéliums glandulaires, « bien qu'il leur soient analogues. Ces épithéliums (ceux du tissu morbide) sont disposés en filaments pleins ou creux, ramifiés en forme de doigts de gant, ou présentent d'autres dispositions plus ou moins ressemblantes à celles des acini, sans qu'on puisse pourtant les dire absolument identiques avec ceux d'aucune glande normale » (1). Est-il besoin de dire que cet ensemble de notions sert de base à une interprétation des lésions organiques ab- solument différente de l'interprétation proposée par ceux qui se refusent à tenir compte de ces importantes données scientifiques? M. Robin dit très-justement : ft Avec un ensemble de données pareilles : 1° sur les caractères des éléments anatomiques et sur leur évolu- (1) Robin, loc. cit., p. 124. DES ELEMENTS AN ATOMIQUES. 197 tion; 2° sur la manière dont ils composent les tissus; o" et surtout sur leurs modes de naissance et sur les conditions dans lesquelles celle-ci se manifeste, on doit nécessairement juger les mêmes faits tout autrement que ceux qui croient pouvoir s'exempter de ce prélimi- naire difficile. Combien aussi ces interprétations rappro- chées de la nature réelle des phénomènes que dévoile l'observation, ne sont-elles pas plus satisfaisantes pour l'esprit et n'élèvent-elles pas plus nos idées que l'hypo- thèse étroite d'une nature unique dans les produits mor- bides les plus divers : hypothèse d'après laquelle on sup- posait que ces produits devaient être sans analogie de structure ni de propriétés avec les tissus mêmes de l'éco- nomie, dans l'intimité desquels ils étaient nés » (1). (i) Robin, loc. cit., p. 124. Dès qu'on eut constaté l'existence d'éléments anatoniiques de diverses espèces (Lebert, 1844), dans les tissus que Laennec avait considérés comme étant sans analogue dans l'économie, beaucoup d'auteurs nièrent la spécificité de ces éléments. C'est ainsi que plusieurs regardèrent les éléments dits du cancer comme des cellules épiihéliales modifiées, et non pas comme des élé- ments hétéromorphcs. « Jlais cette notion, donnée ainsi d'une manière isolée, ne pouvait suffire pour changer l'ordre des idées admises tant' que restaient inconnus les faits relatifs : 1° à l'arrangement réciproque de ces éléments sous forme de cul-de-sac ; 'i'-' aux lois de la naissance d'éléments identiques, et semblablement disposés dans les ganglions et dans d'autres parties encore; tant qu'en un mot on ne pouvait savoir ce que représentent ces masses de tissus divers v'^ui naissent simulta- nément ou successivement, ni comment elles se lient par leur struc- ture et leur mode de naissance à la structure et à la genèse des tissus normaux. » (Robin, loc. cit., 1865, p. 125.) Laennec faisait deux divisions du tissu morbide. Dans la première, il comprenait tous les tissus accidentels qui ont des analogues dans les tis- sus naturels. « On pourrait même dire, ajoute-t-il, que tous les tissus qui, dans l'état sain, composent le corps humain (si l'on en excepte 198 DE LA GÉNÉRATION § III. — Des conditions indirectes ou éloignées de l'excès et de l'aberration de la genèse des élé- ments AN atomiques. La production des tumeurs peut donc être due à deux causes : ou à une hypergenèse d'éléments existants dans un tissu normal, le plus souvent à titre d'éléments ac- cessoires; ou à une genèse d'éléments, avec ou sans erreur de lieu, et compliquée ou non d'aberration de leur développement. Dans ces deux cas, d'ailleurs, nous avons à tenir compte de ce fait, que dès leur naissance les diverses espèces d'éléments présentent un arran- gement relatif, ou texture, en rapport avec leur forme de cellules, de jfibres, etc. Ces tissus morbides se trouvant ainsi rattachés de la façon la plus simple et la plus naturelle aux tissus nor- maux , il est à peine besoin de dire que la nais- sance des éléments se fait dans les productions patho- logiques , d'après les mêmes lois , dans les mêmes conditions, avec les mômes phases qu'à l'état normal. cependant les parenchymes de quelques viscères) peuvent être produits par suite d'un état raorbifique. » (Laennec, Note sur l'analomie patho- logique, in Journal de médecine de Corvisart. Paris, an vili,, t. IX, p. 368.) Selon lui, les productions ayant des analogues dans l'état normal ne deviendraient nuisibles qu'à raison de leur position ou de leur volume. Il fait rentrer dans sa seconde division les tissus acciden- tels qui n'auraient point d'analogues parmi les tissus naturels de l'éco- nomie animale et qui ne pourraient exister que par suite d'un état morbifique. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 199 Y a-Wl hypergenèse : le tissu malade se reproduit exac- tement comme il le fait chez Fembryon, chez l'adulte, ou encore après une perte de substance. Y a-t-il géné- ration hétérotopique : la naissance des éléments se fait de toutes pièces par genèse, comme à l'état normal, qu'il y ait ou non aberration de développement. Jamais, dans ce cas, les éléments nouveaux ne peuvent provenir directement, par métamorphose ou scission, des élé- ments préexistants au sein du tissu où se manifeste cette genèse accidentelle. Il n'y a que l'examen anatomique des éléments sous les trois points de vue embryonnaire, normal et morbide, qui puisse nous révéler ces notions importantes, et nous faire comprendre comment ces phénomènes et ces lésions se rattachent tous à des états déterminés des éléments et des tissus qui dérivent de l'état normal par une série de transitions insensibles. c( Dès qu'on sait, écrit M. Robin, comment relier cha- cun de ces phénomènes à son point de départ, leur multiphcité ne fait qu'établir une gradation plus parfaite entre l'état normal et l'état morbide, en comblant les différences qui d'abord semblent les séparer. » En renversant complètement les hypothèses qui ont dominé jusqu'alors, l'examen de la réalité ne laisse plus de place à l'arbitraire et conduit à déterminer, pour chaque altération observée, l'élément anatomique qui la caractérise et la perturbation de celle de ses propriétés qui en a été la cause » (1). C'est par cette méthode qu'on arrive à connaître que l'hypergenèse d'un élément (1) Robin, /oc. cit., p. 127. 200 DE LA GÉNÉRATION accessoire donne lieu à l'apparition d'un tissu nouveau, et à s'expliquer comment il ne présente aucune analo- gie d'aspect extérieur avec les tissus au sein desquels il est né ou même avec un tissu quelconque de l'économie, bien qu'il ne soit composé que d'éléments normaux (tu- meurs à myéloplaxes, etc.). C'est le même examen qui montre l'hypergenèse des éléments de la mamelle, de l'épididyme, etc., survenant seule ou se compliquant d'aberration du développement de ces mêmes éléments. Les caractères extérieurs de l'organe et du tissu se trou- vent ainsi complètement changés : aussi ne saurait-on comprendre leur évolution aberrante qu'à la condition d'avoir suivi leur évolution normale. On ne saurait manquer, sans cela, de méconnaître les analogies de texture qu'ils conservent encore avec le tissu au milieu duquel ils se produisent, ou dont ils sont une modifica- tion pathologique directe. Mais il y a plus, c'est encore ce même examen anatomique qui apprend que, dans les ganglions lymphatiques correspondant aux parenchymes, aux papilles cutanées, etc., ainsi altérés, il y a genèse avec erreur de lieu de tissus, ayant le même aspect ex- térieur, la même texture et les mêmes éléments que les tissus apparus dans l'organe naturel, par hypergenèse et par développement anormal des éléments de ce der- nier. « Ainsi la naissance en excès, avec troubles dans l'évolution des éléments d'un tissu normal, devient une des conditions de la genèse d'éléments semblables dans les tissus voisins » (1). On s'explique d'ailleurs très-bien (1) Robin, loc. cil., 1865, p. -128. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 201 que le tissu nouveau apparu dans une région oi^i nul tissu semblable n'existe normalement, soit doué d'une texture déterminée ; car on sait que la propriété de naître est connexe chez les éléments avec celle d'offrir un ar- rangement réciproque en rapport avec leur structure de cellules, de fibres, etc. , de telle ou telle variété ; que, du reste, cette génération en excès, ce développe- ment anormal, ne restent pas toujours bornés à l'organe dans lequel ils se sont manifestés d'abord, ni aux gan- glions lymphatiques qui lui correspondent ; c'est là un phénomène naturel et qu'on peut interpréter aisément. Les troubles de la nutrition, qui amènent l'hypergenèse et l'évolution anormale des éléments naissants, sont des phénomènes moléculaires généraux comme la nutrition elle-même. Ce fait explique très-bien comment un tissu morbide peut apparaître dans un organe éloigné de celui où il s'est montré tout d'abord. C'est à ce phénomène qu'on a donné le nom de généralisation des tumeurs. Ainsi, quand un produit pathologique se généralise., ce n'est pa.s une propriété nouvelle qui entre en jeu et qui serait distincte des trois propriétés fondamentales « de la substance organisée (dites végétatives). II n'y a là qu'une extension, un degré plus avancé ou une manifestation progressive de la perturbation de la nutrition (ou état morbide général), qui est la condition de l'hypergenèse et des troubles du développement des cellules, des fibres, etc. » (1). La généralisation des tumeurs n'est donc point due, comme on l'avait pensé, à une pro- (4) Robin, loc. cîf.,p. 128. 202 DE LA GENERATION priété particulière inhérente à une espèce d'éléments qui était étrangère à l'économie normale. Le même ordre de notions nous permet d'expliquer également ce qu'on entend par récidive d'une tumeur. Il suffit de se rappeler que la cicatrisation est une régéné- ration d'éléments anatomiques, par conséquent de tissus, et que la génération des tissus n'estqu'une genèse répé- tée d'éléments anatomiques. « Or, de même que la peau, organe de structure complexe, se cicatrise, c'est-à-dire se régénère, un parenchyme, comme' tout autre tissu doué seulement de propriétés végétatives, se reproduit plus ou moins complètement ou irrégulièrement » (I). Ce fait est suffisamment démontré par les expériences qu'on a faites chez les animaux sur l'ablation des glandes telles que la rate par exemple. « C'est ce que montrent plus souvent encore la mamelle, la parotide, le testicule, lorsqu'ils sont enlevés ; et sous ce rapport, ce que nous appelons récidive d'une tumeur n'est autre chose qu'une cicatrisation ou régénération delà glande parles mêmes raisons qu'a lieu celle de la peau » (2). Mais, comme le fait remarquer M. Robin, enlever une tumeur ou le derme ulcéré par suite.de la genèse en excès et du développement anormal d'éléments ana- tomiques, ce n'est pas traiter ces affections , c'est-à-dire l'état général, qui est après tout la seule cause de ces phénomènes. Aussi voit-on le tissu qui se reproduit naître avec les caractères du tissu normal, de la ma- (1) Robin, loc. cit., p. 129. (2) Ibid. IDES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 203 melle, delà parotide, etc., puis prendre rapidement de proche en proche les caractères du tissu malade enlevé. La raison en est que la régénération des éléments se fait dans les mêmes conditions anormales qui avaient déjà donné heu à l'hypergenèse directe des éléments de l'or- gane sain. Dès lors leur développement se fait également d'une manière anormale au point de vue de la forme, de la structure, etc. La régénération morbide del'épiderme, appelée récidive surplace des tumeurs épithéliales, est en- core un fait de même ordre. Le trouble persistant de la nutrition explique aussi bien la récidive que la générali- sation des tumeurs, c'est-à-dire une production et une évolution aberrante d'éléments, après comme avant l'enlèvement d'une tumeur. L'exphcation demeure la même, que la récidive ait lieu dans le tissu qui s'est d'abord réparé normalement (tumeurs épithéliales réci- divant dans la cicatrice), ou dans du tissu de même espèce que celui qui formait la tumeur, mais dans une autre région (production d'une tumeur dans la seconde mamelle après l'ablation de la première pour la même affection), ou même dans un tissu d'espèce différente (production d'un tissu analogue àcelui des tumeurs mam- maires, avant ou après opération), dans les ganglions lymphatiques correspondants, les tissus lamiueux, mus- culaire, etc. (1). Ces phénomènes sont des faits de ge- {\) C'est à cette régénération des tumeurs, successive ousiniiilfânée, surplace ou dans diverses régions, qu'on a donné les noms de pullula- tion, répullulalion, récidive répétée, généralisation de tumeurs, etc. A-t-elle lieu : on dit que la tumeur est maligne; manque-t-elle de se produire : on dit que la tumeur est fc^msfne. « Ces expressions viennent 20a DE LA GÉNÉRATION nèse hétérotopique, et rien de plus. Les éléments de ces tumeurs, après avoir traversé les phases d'une genèse qui s'accomplit dans des conditions normales, deviennent souvent le siège d'aberrations de développement, sem- blables à celles que subissent les parenchymes normaux (mamelles, parotides, pancréas, testicules, etc.). Aussi, à ce moment, leurs éléments ne peuvent plus être iden- tifiés avec ceux d'aucune espèce de glande normale. Mais ces phénomènes morbides, qui sont au fond du même ordre, portent sur des espèces ou des variétés d'é- léments qui diffèrent, et les tumeurs qui en résultent, bien que conservant un fond d'analogie, offrent des ca- ractères dissemblables suivant le tissu qu'elles repré- de ce qu'on a supposé que cette régénération indiquait particulière- ment quelque vice importé du dehors dans l'économie et se manifes- tant par des produits nuisibles ou de mauvaise nature. » (Robin, loc. cit., p. 131 .) En réalité, la généralisation des tumeurs n'est qu'une maladie d'un système, que l'hypergenèse des éléments de telle ou telle espèce en plusieurs points à la fois ou successivement. Comme le dit M. Robin, il n'y a rien là de plus étonnant que de voir des varices atfecter le système veineux dans un grand nombre de régions, ou le système artériel présenter des anévrysmes multiples. De quelque nom, d'ailleurs, qu'on nomme ce phénomène, il ne faut point le regarder comme le résultat d'une propriété nouvelle acquise par la substance organisée; ce n'e&t qu'un trouble de la propriété de naissance, et riendeplus.il n'y a là qu'un phénomène naturel « dont il s'agit d'observer les modifications accidentelles en les rattachant à leur point de départ naturel. » (Robin, loc. cit.) La récidive ne saurait être mise au nombre des caractères des tumeurs. Une tumeur s'est pro- duite une fois, son ablation n'enlève certainement pas la cause de sa naissance, tant qu'il reste darls l'économie des éléments semblables aux siens, puisque c'est la perturbation des propriétés de ces éléments qui cause toute la maladie. La tumeur se reproduit donc une seconde fois au même titre qu'elle est apparue une première fois. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 205 sentent. « On retrouve, en un mot, entre les produits morbides des divers tissus étudiés comme on le ferait de leurs éléments sains, les analogies qui font dire des uns que ce sont des glandes de telle ou telle variété, des autres, que ce sont des tissus proprement dits de telle ou telle classe » (1). Si donc on avait connu les caractères réels des élé- ments sains et altérés, on n'eût jamais admis, par hypo- thèse, dans les tissus les plus divers, Funité absolue de nature anatomique d'un produit attaquant tous ces tis- sus de la même manière. Il y a, si l'on veut, similitude dans la perturbation et dans la nutrition, en ce que les phénomènes résultant de cette perturbation ne sont ja- mais qu'une genèse et une évolution aberrantes; mais les éléments qui en sont alîectés varient comme les tis- sus. « On voit ici, dit très-justement M. Robin, à la fois le danger et l'inutilité d'invoquer l'intervention de causes étrangères venant se fixer dans l'économie pour déterminer ces lésions, lorsque l'observation démontre que celles-ci dérivent directement d'un trouble des pro- priétés naturelles de la substance organisée» (2). (1) Robin, loc. cit., p. 132. (2) Ibid. 206 DE LA GÉNÉRATION § IV. — Des conditions directes de l'excès et de l'aberration de la genèse des éléments anato- MIQUES. Ces conditions sont absolument de même ordre que celles qui président à la naissance des éléments de l'état normal (1). Mais il reste à savoir quels sont les troubles de nutri- tion qui agissent sur les éléments préexistants, de ma- nière à faire entrer une ou plusieurs espèces d'entre eux en voie d'hypergenèse. On doit se demander encore quels sont les troubles qui rendent anormal le dévelop- (1 ) (( La loi de l'identité du développement embryonnaire et du dé- veloppement pathologique a été formulée par Jean Millier, qui s'ap- puyait sur les travaux de Schwann. » (Virchow, Pallwlogie cellulaire, traduit par Paul Picard. Paris, 1861, p. 335.) Cette loi est certainement vraie ; mais il ne faut pas oublier que Millier, que Virchow, etc., s'appuient, pour la démontrer, sur la théorie d'après laquelle tous les tissus du corps humain dériveraient, par métamorphose, d'un tissu partout répandu dans l'organisme. D'a- près Virchow, ce tissu serait le tissu conjonctif^ qu'on peut, dit-il, « regarder comme le tissu germinatif par excellence du corps humain. » {Loc. cit., p. 334.) « Cette hypothèse étant inexacte, dit M. Robin, ne saurait, par con- séquent, servir de point d'appui à cette idée vraie pourtant, que les cas pathologiques reproduisent dans leurs phases essentielles certains des phénomènes de l'évolution normale ; que les premiers se rattachent à la seconde, dont ils sont un cas particulier; qu'ils ne peuvent être bien interprétés que lorsqu'on connaît celle-ci, car les produits mor- bides, étant en voie incessante d'évolution, présentent des éléments à tous les degrés de développement. » (Robin, Mémon-e sur lanaissance des éléments anatomiques , t. I, n° 4. p. 337, in Journal d'anatomie et de physiologie.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 207 pement des éléments préexistants ou nés par hyperge- nèse? M. Robin, qui se pose ces deux questions, répond que ces causes se divisent en générales et locales, et parmi ces dernières il cite le trouble de la circulation des capil- laires nommé inflammation. Quand l'inflammation se manifeste, l'apport des matériaux habituellement four- nis aux éléments anatomiques se trouve modifié. La nu- trition de ces derniers subit une perturbation corréla- tive. « L'influence qu'ils exercent alors dans la genèse par interposition, comme dans celle dite par apposition ou sécrémentitielle, se trouve changée ))(!). La quantité et la composition immédiate des principes fournis par les vaisseaux capiUaires diffèrent de ce qu'elles étaient à l'état normal. « Ces changements suffisent, dit M. Ro- bin, pour amener, selon le degré oii ils sont arrivés, soit l'hypergenèse de certains des éléments existants (comme les éléments embryoplastiques, les fibres lamineuses ou la multiplication même des capillaires), soit la naissance d'éléments différents de ceux qui préexistaient dans le tissu dont il s'agit ou à sa surface, tels que les leuco- cytes (2), etc. Ils suffisent également pour modifier le [\) Robin, loc. cit., p. 133. (2) C'est ce qui arrive dans la production du pus, qui est, comme on sait, le résultat de la double naissance simultanée : 1° d'une ma- tière liquide ou demi-liquide de production hétérotopique et acciden- telle ; 2° de leucocytes. Ces derniers naissent par genèse hétérotopique à l'aide et aux dépens des principes immédiats de la substance amorphe, au fur et à mesure de sa production. Nous avons déjà dit que le terme de sécrétion ne pouvait s'entendre des éléments anato- miques; on doit dire la génération ou \?^ production, et non la secre'izo n du pus. (Voy.M. Robin, Programme du cours d'histçlogi^fT^.^ 4 24-4 37.) 208 DE LA GÉNÉRATION développement des éléments du tissu ou même de ceux qui naissent en excès, quand les phénomènes inflamma- toires se prolongent plus ou moins longtemps ou avec plus ou moins d'intensité après leur naissance» (1). Enfin, M. Robin ajoute que l'examen de la structure des produits morbides (tumeurs, ulcères, etc.), a sou- vent montré qu'il n'y avait aucune trace d'inflammation dans leur voisinage, bien qu'ils fussent regardés par beaucoup comme des produits d'inflammation chronique. C'était uniquement une hypergenèse, avec aberration de développement des éléments des glandes, des épithé- liums, etc. Les causes de ces phénomènes sont encore à déterminer, ou rentrent dans l'ordre de celles que nous allons dire. Il y a des causes générales qui peuvent modifier les éléments de manière à amener au milieu d'eux l'hyper- genèse d'éléments nouveaux et rendre anormal le déve- loppement de ces éléments en changeant l'état des hu- meurs. Ces causes sont encore peu connues. On sait qu'elles agissent lentement et ne modifient que graduel- lement les principes fondamentaux des humeurs. Elles sont produites par des conditions de miheu mauvaises (atmosphère viciée, usage prolongé d'une alimentation de mauvaise nature, etc.), et, après avoir agi pendant longtemps, amènent l'organisme à un état héréditaire- ment transmissible. Les caractères spéciaux de ces états généraux des humeurs ne sont encore connus que par leurs effets, c'est-à-dire par les modifications indivi- (1) Robin, loc. cit., p. 433. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 209 duelles qu'ils apportent dans la niasse des phénomènes physiologiques et pathologiques (affections internes). En- core observe-t-on, d'un individu à l'autre, des diffé- rences très-tranchées que rien ne pouvait faire prévoir, soit dans la rapidité, soit dans l'intensité des phénomènes morbides ou symptômes manifestés par tel ou tel appa- reil. « Ce sont ces différences qui font dire l'affection bénigne ou maligne^ de bonne ou de mauvaise nature ; non pas que des causes différentes soient intervenues chez chacun des individus affectés, mais parce que leur constitution personnelle diffère en quelques points, sous le rapport de l'état moléculaire des humeurs et des élé- ments anatomiques » (1). Ce sont ces causes mêmes qui amènent l'hyperge- nèse et le développement anormal des éléments. Ces phénomènes ne dépendent pas de quahtés nouvelles spé- ciales à l'élément anatomique qui naît et se développe : ils sont amenés par un état général (héréditaire ou ac- quis) des humeurs et des éléments normaux, état plus ou moins favorable à l'hypergenèse ou au développe- ment anormal de tel ou tel élément, ainsi qu'à la durée plus ou moins longue des phénomènes. « Ce ne sont donc pas les fibres ou les cellules multipliées en excès et développées anormalement qui portent en elles des qua- lités spécifiques nuisibles ou bénignes pour l'individu dans les tissus duquel on les voit naître ; mais c'est ce dernier qui est dans des conditions bonnes ou mauvaises déterminant la naissance ou le développement anormal (1) Robin, loc.cit., p. 135. CLEMENCEAU 14 210 DE LA GÉNÉRATION de ces éléments anatomiques. C'est en lui, c'est dans son état général constitutionnel, héréditaire ou acquis, et non dans l'espèce de fibre ou de cellule qui s'est multi- pliée au point de former une tumeur, qu'il faut chercher la cause de cette hypergenèse rapide ou lente, dans une seule ou dans plusieurs régions, simultanément ou suc- cessivement, pendant toute ou une partie de la durée de la vie. C'est en un mot l'organisme tout entier, qui est de bonne ou de mauvaise nature, et non telle es- pèce d'élément en particulier, qui viendrait modifier l'organisme» (i). En un mot, ce n'est pas la présence du tissu morbide qui altère la constitution de l'économie; il est l'effet de cette altération et non la cause. Il faut cher- cher cette dernière dans l'état moléculaire des humeurs et des éléments (2). Selon la constitution individuelle et l'état général ou moléculaire des sujets atteints, les pro- priétés de génération et de nutrition sont, pour une même espèce d'éléments, plus ou moins énergiques ; et les produits morbides prennent plus ou moins vite la place des éléments normaux dont ils déterminent la dis- parition. « Ce n'est pas à tel ou tel élément anatomique qu'on doit attribuer la gravité ou la bénignité de la marche locale des tumeurs ou leur généralisation : au- (1) Robin, /oc. dt., p. 135. (2) « Ici encore la pathologie des affections dites internes et ex- ternes devient une. 11 y a cette seule différence, que les premières sont une manifestation de l'état accidentel du sang, un trouble des propriétés des humeurs, tandis que les autres sont une manifestation de l'état anormal des éléments anatomiques solides ou demi-solides, amorphes ou figurés, une perturbation de leurs propriétés fondamen- tales.,» (Robin, /oc. cit., p. 136.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES, 211 Clin d'eux sous ce rapport ne jouit de qualités spéciale- ment nuisibles. C'est l'état de la constitution individuelle innée ou acquise, qui fait ici, comme pour la variole, la scarlatine, la fièvre typhoïde, que tel ordre de lésions se manifeste plutôt que tel autre et offre une gravité con- sidérable ou nulle » (1). Dans les affections des liquides, comme dans celles des solides, ces lois sont donc au fond de même ordre. « Les lois de la physiologie pathologique, comme celles de l'anatomie pathologique, sont de même ordre dans les affections internes que dans les maladies chirurgi- cales ou externes ; principalement en ce qui concerne la genèse des produits accidentels, par lesquels se mani- feste l'état général de la constitution, ou l'état de nutri- tion de tel ou tel organe » (2) . En ce qui concerne particulièrement les tumeurs, il ressort de ce que nous avons déjà dit, qu'on ne peutpas les considérer comme de simples accumulations d'élé- (1) Robin, loc. cit., p. 4 36. (2) Robin^ loc. cit., p. 136, M. Robin ajoute : a On comprend enfin que c'est pour avoir méconnu les divers états successifs; par les- quels passent les éléments anatomiques figurés, les propriétés diverses dont ils jouissent et les degrés possibles des perturbations de ces pro- priétés, que quelques auteurs ont pu, sous le nom d'humorisme, ne faire dériver les troubles de l'économie que des modifications des hu- meurs seules. Mais c'est surtout en étudiant les tissus que cette question devra être examinée, comme c'est en décrivant les humeurs que peut être éta- blie la solidarité de composition et de production des humeurs et des solides, car c'est pour avoir méconnu la composition et les propriétés des premières que l'on a pu songer à ne faire provenir les affections morbides que de lésions survenues dans les solides : d'où le nom de soliclisme. 212 DE LA GENERATION ments anatomiques, sans ordre ni règle. Elles ont si bien une texture spéciale, il est si vrai que leurs éléments sont tissus d'une manière déterminée, qu'au dire de M. Robin, « on doit considérer certaines d'entre elles comme des organes accidentels particuliers, nés d'une manière anormale chez l'adulte, d'après les mêmes lois que celles qui président à la naissance des anomalies de nombre de divers organes chez l'embryon »(1). M. Ro- bin étend même ce principe aux tumeurs analogues aux glandes, mais qu'on ne peut assimiler à aucune des es- pèces de glande normale : il les considère comme de vé- ritables organes parenchymateux. « La génération de ces tissus, dit-il, constitue des anomalies de nombre des organes de la vie végétative, qui ne sont pas soumises à la régularité des lois connues sous le nom de pnnciiw des connexions^ telle que nous l'offre la tératologie des organes de la vie animale » (2). On peut considérer ces faits comme des exemples de monstruosités par générations d'organes particuliers qui se produisent chez l'adulte, au lieu d'avoir une origine blastodermique (comme c'est le cas de la plupart des anomalies des organes de la vie animale et de ceux de la vie végétative non parenchymateux). Ce qui contri- buerait à corroborer cette idée, c'est que les éléments de ces tissus, après avoir pendant longtemps présenté une grande analogie avec les éléments des tissus sains, peuvent offrir dans certaines conditions les altérations que subissent les éléments normaux. (1) Robin, loc.cit., p. 137. (2) Ibid. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. '213 § V. — De l'envahissement (1). De la multiplication exagérée des éléments anatomi- ques résulte la substitution des éléments nés en excès aux éléments normaux contigus qui s'atrophient et dis- paraissent. « De là provient un fait commun à l'état pathologique et à l'état normal dans lequel seulement il été peu remarqué : c'est X envahissement du tissu d'un organe par celui d'un autre organe, qui d'après cela semble détruire, ronger ou éroder le premier » (2). \] envahissement^ pas plus que la généralisation ou la récidive, ne constitue une propriété particulière des élé- ments anatomiques. Ce phénomène a simplement sa cause dans une perturbation des trois propriétés végé- tatives. Tout élément, et par conséquent tout tissu qui se nourrit plus énergiquement que ceux auxquels il est contigu, se développe et se reproduit plus rapidement (1) Ce chapitre tout entier n'étant, comme nous l'avons déjn dit^ que le résumé d'un article de M. Robin, nous avons cru devoir repro- duire les cinq chefs principaux de son travail. Nous renvoyons, du reste, le lecteur au Journal d'anatomie et de physiologie, t. II, n° 2, où se trouve inséré le travail de M. Robin. (2) Robin, loc. cit., p. 138. Les mots é7-osion, usure, etc., servent à désigner le fait de l'envahis- sement d'un organe par des produits morbides qui se substituent à ses éléments; mais ils ne désignent uoint une proj'riété nouvelle, une propriété de ronger^ d'user, qui apparaîtrait dans les éléments nor- maux ou morbides, et leur donnerait la faculté de se substituer à d'autres. « Cette propriété des éléments d'envahir un tissu et de se substituer à lui n'est qu'une modification des propriétés végétatives naturelles à un degré d'énergie relativement plus considérable chez certains d'entre eux que chez quelques autres, et se montrant d'une 214 DE LA GÉNÉRATION qu'eux, les comprime, en détermine ainsi l'atrophie et prend leur place. « L'atrophie est due tant à ce que les éléments qui naissent s'emparent des principes destinés à la nutrition des autres, qu'à ce que toute compression de la substance organisée en gêne le développement, et fait que la désassimilation l'emporte sur l'assimilation, d'où la disparition graduelle du corps dont il s'agit » (1). C'est donc à vrai dire le concours des trois propriétés végétatives (nutrition, développement^ naissance) qui amène le phénomène de Y envahissement, quand elles se produisent plus énergiquement dans les éléments d'un tissu que dans ceux d'un tissu voisin. Mais l'envahisse- ment est dû surtout à l'hypergenèse, plus encore qu'à la promptitude du développement et qu'à l'intensité de l'assimilation. Ses effets sont beaucoup plus évidents dans les conditions morbides qu'à l'état normal. Ils sont plus réguliers, plus lents et plus uniformes dans ce der- nier cas, aussi ont-ils moins frappé. Mais l 'envahisses- manière permanente ou temporaire, normalement ou pathologique- ment. » (Robin, /oc. cit., p. 1 40.) Cette expression d'erosîon vient pro- bablement de ce qu'anciennement on a considéré les tumeurs comme étant de nature parasitique. Les noms de cancer, chanàre, etc., sont bien évidemment un vestige de cette théorie. Il ne faut pas confondre les exemples d'envahissement que nous citons dans ce paragraphe avec l'envahissement des os, etc., par com- pression d'un anévrysme ou d'un kyste. Dans ce cas, la résorption de l'os a lieu devant la tumeur anévrysmale, agissant en masse, pour ainsi dire. 11 n'y a pas d'envahissement graduel de l'os par les élé- ments du tissu de cette tumeur. Du reste, à part cette légère diffé- rence, le mécanisme est le même dans les deux cas. C'est toujours la désassimilation qui, par suite de la compression, l'emporte dans un organe sur l'assimilation. (1) Robin, loc. cil., p. 138. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 215 meut ne s'en produit pas moins d'une manière très- manifeste dans des conditions physiologiques, ce qui prouve suffisamment qu'il n'est pas l'attribut de quelque corps ou principe étranger introduit dans l'économie. A l'état normal, les conditions et les phases du phénomène restent les mêmes, c'est toujours un élément qui naît plus rapidement qu'un autre, le comprime, en cause l'atrophie et se substitue à lui. C'est par ce mécanisme que, durant l'accroissement du squelette, la substance osseuse envahit le cartilage, etc. C'est encore par ce mécanisme que les fibres lamineuses des tumeurs du périoste, les myéloplaxes, etc., atteintes d'hypergenèse, compriment les éléments osseux, en gênent la nutrition, en déterminent l'atrophie et semblent éroder l'os dont elles prennent la place. Ces phénomènes peuvent se résumer en disant que celle des deux espèces d'éléments qui se trouve dans les conditions de naissance (normales ou morbides) les plus favorables, l'emporte sur l'autre et se substitue à elle. La connaissance de ces faits est indispensable pour se rendre compte des phénomènes de l'accroissement. Tous les éléments étant incessamment en voie de réno- vation moléculaire continue, la substance de chacun d'eux se renouvelle individuellement par l'assimilation et la désassimilation nutritives. Mais de plus, pendant l'accroissement de quelques organes, certaines espèces d'éléments disparaissent pour être remplacées par d'au- tres (i). (I) « C'est là le mécanisme d'après lequel a lieu l'agrandissement du canal médullaire des os longs par disparition de la substance 216 DE LA GÉNÉRATION Les constituants comme les produits peuvent présen- ter le phénomène de l'envahissement, c Mais les produits, loin d'être privés de vie à la manière des hquides sécré- tés, ainsi qu'on le répète souvent » (2), jouissent au contraire de propriétés végétatives beaucoup plus éner- giques que les constituants. Les épithéliums en particu- lier jouissent à un très-haut degré de la faculté de se substituer aux tissus voisins et de les envahir comme s'ils les rongeaient. C'est ainsi qu'une propriété naturelle; utile dans un cas, devient nuisible quand elle se mani- feste à l'excès ou d'une manière aberrante : « et c'est dans ces quahtés naturelles, ainsi modifiées, que réside la cause de tous les phénomènes morbides auxquels osseuse au dedans, en même lemps que la couche compacte s'épaissit: c'est celui du déplacement, si l'on peut ainsi dire, des apophyses et des insertions musculaires, à mesure qu'a lieu raccroissement de l'os... » Enfin, cet envahissement d'un tissu par l'autre qui l'avoisine, pen- dant que le premier se reproduit par le côté immédiatement opposé, représente encore la cause qui détermine l'agrandissement des vais- seaux. Tant que dure ce phénomène, en effet, leur paroi la plus interne prend la place de celle qui lui est contiguë, celle-ci empiétant sur la suivante jusqu'à la plus extérieure, qui envahit les tissus qu'elle touche. A mesure que se produit ce remplacement successif, la struc- ture croît en complication : c'est ainsi, par exemple, que telle artère ou telle veine volumineuse présente ce fait remarquable, qu'avant d'avoir les tuniques de texture complexe qu'elle possède à l'âge adulte, elle offre chez le fœtus la structure des capillaires. Il n'y a donc point seulement un simple accroissement par distension, si l'on peut ainsi dire, avec conservation d'une constitution intime semblable à celle du premier âge, mais une évolution ou développement par production de parties élémentaires nouvelles, prenant la place de celles qui les pré- cédaient dans le lieu où elles naissent. » (Robin, loc. cit., p. '141, U2.) (2) Robin, loc. cit., p. 142. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 217 nous prétendons attribuer souvent des causes étrangères à l'économie » (1). Que l'hypergenèse des éléments anatomiques ait lieu par genèse ou par individualisation en cellules d'une masse déjà née, le mécanisme de l'en- vahissement reste toujours le même. Nous avons déjà dit que, dans les cas pathologiques, des éléments qui se substituent à d'autres ne forment pas seulement une masse juxtaposée à ceux dont ils déterminent l'atrophie : nous avons déjà décrit l'état et la disposition des élé- ments sur la ligne de jonction d'une tumeur épithéliale avec le tissu sain. Cette description s'applique également aux tumeurs hétéradéniques, embryoplastiques péné- trant un muscle, un os, etc. On observe ainsi très-bien l'empiétement du tissu morbide sur le tissu sain, car on peut voir des noyaux d'épithélium ou des noyaux em- bryoplastiques déjà nés dans les interstices des fibres du derme, des faisceaux striés des muscles, etc. Quand ce sont des épithéUums, des culs-de-sac glandulaires, hé- téradéniques, etc., qui envahissent un os, on trouve ces éléments au delà de la tumeur dans les canalicules vas- culaires ou de Havers, dans les vacuoles médullaires naturelles des os spongieux, etc. De même qu'il y a dans certaines conditions généra- tion en excès, ou hypergenèse d'éléments, il peut y avoir dans d'autres conditions génération en moins. Chez l'embryon et chez le fœtus particulièrement, on constate assez souvent ce phénomène, dont les condi- tions d'ailleurs sont peu connues. C'est ce que l'on a (1) Robin, loc. cit., p. 142. 218 DE LA GÉNÉRATION appelé arrêt de développement. Dans ce cas, les organes ont un volume moindre qu'à l'état normal. Il faut en chercher la raison dans ce fait que les éléments anato- miques sont nés en nombre moindre qu'à l'ordinaire. Car jamais on ne trouve qu'ils soient individuellement arrêtés dans leur développement. « Pendant longtemps, dit M. Robin, l'ignorance où l'on était de la constitution de la substance organisée et des propriétés dont elle jouit, a fait croire que les ma- ladies étaient dues à des agents extérieurs indépendants de l'organisme. De là l'expression de germe des mala- dies^ et l'idée que ce prétendu germe, venu du dehors, peut être toléré plus ou moins longtemps par l'orga- nisme dans lequel il a pénétré, et s'y développer sous quelque forme ou état plus ou moins reconnaissable. Or, ces germes n'existent et ne se développent ni au dehors, ni au dedans de la substance organisée » (1). Celle-ci est, en effet, à titre de matière vivante, d'une constitution peu stable, formée de composés facilement altérables en voie de rénovation continue : c'est pour cette raison qu'elle peut devenir par elle-même le point de départ des diverses lésions qu'on y observe. 11 suffit que l'organisme se trouve placé dans des conditions telles que quelques-uns des principes immédiats qui satisfont à sa rénovation incessante viennent à s'altérer. 1 suffît même, pour que ces. lésions surviennent, que cette rénovation soit ralentie ou exagérée dans un ou plusieurs tissus, par suite de l'introduction dans le sang (4) Robin, \oc. cit., p. 144. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 219 de certains corps comme aliments ou poisons. « Sous l'influence de quelqu'une de ces conditions (extérieures quand il s'agit de matériaux nuisibles venus du dehors ; intérieures lorsqu'il s'agit des substances organiques d'une humeur, altérées par rapport à un tissu), il suffît que les propriétés de développement ou de reproduction soient diminuées, exagérées ou perverties d'une ma- nière anormale, pour voir survenir des altérations di- rectes des tissus et des humeurs ; pour voir apparaître des productions nouvelles qui les modifient et détermi- nent bientôt les troubles attribués souvent à quelque germe particulier venu du dehors » (i). Toutes ces données nous conduisent à cette conclu- sion, que la naissance des produits pathologiques, quels qu'ils soient, leur nutrition, leur développement, ne diffèrent point essentiellement des propriétés naturelles des éléments normaux. Ce ne sont, après tout, que des modes anormaux des propriétés normales, de même que les altérations des éléments ne sont que des degrés divers des changements survenus dans leurs caractères anatomiques (hypertrophie, atrophie, déformations ac- cidentelles). L'étude de l'apparition et de l'évolution des tumeurs se trouve ainsi rentrer dans l'examen de la naissance et du développement des éléments anatomi- ques. « Ces produits étant composés d'éléments normaux modifiés, nés et développés en excès ou non, dans leur situation norm.ale ou hors de celle-ci, mais d'après les mêmes lois que les éléments sains, leur description se lie (1) Robin, loc.cit., p. 145. 220 DE LA GÉNÉRATION d'une manière immédiate et toute naturelle à celle des lésions du tissu dont ils dérivent » (1). En un mot, on ne peut étudier le dérangement des parties sans en con- naître l'arrangement. Ces divers états morbides n'étant qu'une modification pathologique des humeurs et des éléments, leur description doit s'appuyer, sous peine d'être stérile, sur des notions exactes touchant leur con- stitution ; de même que l'étude des phénomènes et des altérations qui caractérisent la pneumonie se rattache à la connaissance du tissu pulmonaire et des phéno- mènes respiratoires. » Enfin l'ensemble de ces données, en liant les dénominations des altérations à celles adoptées pour les éléments et les tissus normaux (dont ils sont hyper- genèse, etc.), supprime toute classification et toute no- menclature anatomo-pathologique en général, qui pui- serait en elle-même sa méthode, au heu de partir de la connaissance de l'état normal ; comme si une lésion ne supposait pas une substance qui s'altère et un lieu où se passe le phénomène» (i2). La connaissance de l'état normal conduit ainsi naturellement à celle des états (4) Robin, loc. cit., p. 146. « L'étude de la composition élémentaire et de la texture des tissus morbides, quand elle est basée sur la connaissance des caractères cor- respondants des tissus normaux et du mode de développement de ceux-ci, ne confirme point les classifications et les nomenclatures anatomo-pathologiques établies d'après les caractères extérieurs seu- lement. » (Robin, ioc. cit., p. 147.) (2) Robin, loc. cit., p. 148. Il ne doit donc plus rien rester de toute classification des tumeurs, fondée sur l'examen de ces produits en eux- mêmes, sans tenir compte de leur liaison avec la constitution intime des tissus normaux. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 221 pathologiques en apparence les plus singuliers ; et cela « sans transition brusque, sans interruption du cours des idées, sans dénomination nouvelle qui vienne faire croire à l'intervention d'objets étrangers à celui dont on s'occupe » (1). Il n'y a dans l'économie que des propriétés d'élé- (i) Robin, /oc. cî7., p. 4 48. M. Robin fait remarquer avec raison que c'est faute de connaître le lieu, les conditions et le mode de naissance de la substance organisée, dans ses différentes formes normales, qu'on s'est trouvé réduit à des hypothèses sur la nature de ses altérations, le lieu précis, les condi- tions et le mode de développement de ses lésions. Supposant les élé- ments morbides d'une nature différente de celle des tissus au sein des- quels ils se produisent et se développent, on a cherché pour chaque produit morbide quelque composé particulier qui serait caractéristique. Mais l'analyse anatomique a montré que ces éléments nouveaux n'existent pas. C'est seulement la constitution moléculaire de la sub- stance organisée qui a changé. « Dans les épidémies, dit M. Robin, on s'est toujours préoccupé de trouver au dehors de l'être organisé, dans le milieu où il vit, quelque composé nouveau qui, introduit dans l'organisme, y causerait les troubles qu'on observe. Ce n'est point là ce qu'il faut chercher, mais bien les conditions extérieures nouvelles, les modifications de milieu, autres qu'un changement de composition, ayant peu à peu déterminé un état moléculaire nouveau de la matière organisée, ayant produit une disposition moléculaire des principes coagulables qui change les phénomènes de nutrition, de sécrétion, etc. ; de telle sorte qu'ils ne peuvent plus s'effectuer que quelques jours ou quelques heures, au lieu de continuer réguHèrement, sans que se modifie la substance qui en est le siège. » (Robin, loc. cit., p. 149.) II est impossible d'admettre aujourd'hui que des espèces nouvelles d'éléments anatomiques soient produites par une cause étrangère à l'économie, qui serait en lutte avec les propriétés normales de la sub- stance organisée, et qui, venue du dehors, modifierait l'organisme à la manière d'un poison. Cette hypothèse remonte, d'ailleurs, à une époque où l'on ne connaissait même pas les éléments anatomiques, et, 222 DE LA GÉNÉRATION ments, de tissus, d'organes et d'appareils (1). Quand ces parties s'altèrent, il en résultei mmédiatement une alté- ration corrélative dans leurs propriétés : « Ce sont ces altérations simultanées de substance et de propriété qui constituent les maladies. Il y a donc des maladies d'éléments, de tissus, d'organes et d'appareils » (2). Les liquides, de leur côté, sont susceptibles d'éprouver des altérations primitives, aussi bien que des altérations comme le dit M. Robin, il n'y a donc pas lieu de s'étonner beaucoup si elle ne s'accorde pas avec la réalité. « Lobstein aie premier donné le nom à'homœoplasie au travail vital particulier qui causerait le dévelop- pement de tissus nouveaux, mais analogues et même identiques aux tissus naturels, qu'il appelle homœoplasliques ou homologues,. . 11 appe- lait fiéléroplasie ce travail morbide particulier en vertu duquel des sub- stances étrangères à l'économie normale seraient déposées peu à peu dans les interstices des parties, les forceraient à leur céder la place, soit en les pénétrant, soit en les convertissant en leur propre nature. (Lobstein, Traité d'anatomie pathologique, t. I, p. 293 et 374. Paris, 1 829.) La force organisatrice resterait, dans ce dernier cas, la même que dans l'homœoplasie ; mais c'est la matière amma\e hété7'oplastique qui, au lieu de se convertir sous l'influence de la force en tissu cellu- laire, etc., serait différente, serait ennemie de l'économie, qu'elle alté- rerait et corromprait par sa tendance au ramollissement, à la désor- ganisation et à la liquéfaction. » (Robin, toc. cit., p. 150.) (1) Il est aujourd'hui impossible d'admettre qu'il existe des causes surajoutées à la matière, auxquelles seraient dues les propriétés des corps. Dire que la matière n'est qu'un substratum privé de toute pro- priété et échappant dès lors à tous nos moyens d'investigation, c'est énoncer une hypothèse, à priori, indémontrable et surtout incompré- hensible. En réalité, les notions de cause et de force sont réductibles à la notion primitive et irréductible de propriété. Les corps n'étant gouvernés par aucune entité sont donc véritablement actifs par eux- mêmes, puisque la notion de propriété n'est autre chose qu'un mode d'activité des corps absolument inséparable de la matière. (2) Dictionnaire dit de Nysten, article Métaphysique. I DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 223 consécutives. Par suite du consensus qui existe entre toutes les parties constituantes d'un organisme, la ma- ladie d'un organe retentit sur tous les autres : d'oii la tendance des maladies locales à se généraliser. « La fièvre, à ce point de vue, peut être considérée comme le premier degré de cette tendance qui a l'action réflexe à son service » (1). Il y a enfin des maladies qui résul- tent de changements dans l'état moléculaire des prin- cipes immédiats constituant la substance organisée : ces maladies [totiiis substantiœ) n'entrent dans l'orga- nisme, ni par l'altération d'un solide, ni par l'altération d'un liquide, mais proviennent du jeu même de ces principes, c'est-à-dire de leurs mouvements intimes de rénovation nutritive incessante. Aussi elles intéressent tout l'oreranisme d'emblée. L'anatomie, la physiologie, la pathologie, résultent donc toutes les trois de l'étude des éléments, de leurs propriétés et de leurs altérations. « Au fond, dit M. Robin, la pathologie n'est qu'une annexe des autres sciences : c'est une anatomie et une physiologie com- parées sur un même être, mais dans des conditions di- verses ; car elle étudie les perturbations des propriétés organiques dont l'état moyen d'oscillation constitue l'état appelé état normal. Dans ces phénomènes il n'y a, pas plus qu'en mécanique céleste, d'état normal et d'état anormal. Les perturbations organiques, comme toutes les autres, ne résultent jamais que du développement et du jeu d'influences réelles et conformes aux lois gé- (1) Dictionnaire dit de Nyslen, article MÉTAPHYSIQUE. 224 DE LA GÉNÉRATION. nérales (1). Ainsi, en principe philosophique, contraire- ment à la métaphysique médicale, toujours l'état patho- logique se relie à l'état physiologique » (2). Quanta la maladie, nous la définirons avec M. Rohin: « Toute perturbation survenant dans une ou plusieurs des parties simples ou composées du corps, et se mani- festant par le trouble des actes d'un ou de plusieurs organes, d'un ou de plusieurs appareils» (3). La suc- cession d'actes anormaux qui constitue la maladie, offre, pour une même lésion organique, des différences très-notables d'un individu à l'autre (ou, qui plus est, sur le même individu), selon les âges, les lieux et un très-grand nombre d'autres circonstances qui dépendent (1) Parmi ces influences, celles des milieux sont au premier rang, bien qu'on ne puisse regarder toutes les maladies comme dues à des influences extérieures. (2) Littré et Robin, Dictionnaire ait de Nysten, article Métaphysique. (3) Littré et Robin, Diclionnaire dit de Nysten, article Maladie. Et plus loin : « La maladie à laquelle nous donnons un nom n'est point un objet, un être comparable à un individu animal ou végétal. Elle est un état accidentel de telle ou telle partie solide ou liquide et des actes correspondants de l'économie (comprenant depuis les moindres trou- bles de la menstruation jusqu'à la méningite, depuis la production épi- dermique accidentelle la plus minime jusqu'à celle des plus grosses tumeurs), et interrompant la régularité de la vie d'une manière tem- poraire, s'il décroît graduellement et disparaît, ou d'une manière permanente, s'il détermine ou hâte la fin de tous les actes d'ordre orga- nique. La notion de maladie, en tant que constituant un tout distinct, n'a qu'une existence subjective ou intellectuelle que chacun se repré- sente un peudifi'éremment, selon la nature de ses connaissances. C'est, en outre, toujours par le groupement, par la superposition après coup, si l'on peut ainsi dire, de l'ensemble ou d'un certain nombre des phénomènes accidentels qui ont lieu successivement, que l'on déter- mine et dénomme une maladie. y> {Loc. cit.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 225 du malade. Cependant la maladie amenée par une même lésion organique se reproduit chez les divers individus sous certains traits généraux qui lui donnent un carac- tère à peu près constant. D'où les partisans des doctri- nes d priori n'ont pas manqué d'accorder à la maladie une existence indépendante, d'en faire un être, une entité vivant en dehors de l'organisme et agissant sur lui par des procédés insondables et mystérieux. A titre d'« priori, cette hypothèse est indémontrable et, par- dessus tout, inconciliable avec les saines notions de l'expérience et de la raison. 11 est manifeste que c'est le support et non le germe, le malade et non la maladie, qui imprime à l'état patholos^ique cet aspect constant. Il n'y a en réalité, dans la maladie, qu'une altération d'organes, et, dès lors, de fonctions se succédant dans un ordre déterminé, en raison de la synergie des fonc- tions de l'organisme. Nous entendons par là qu'il existe entre les organes, et, par suite, entre les fonctions, un consensus pathologique dérivant du consensus physiolo- gique. CLEMENCEAU. 15 APPENDICE Note A. p. 53, note 3. « C'est à cette scissioîl dès noyaux et des céilùles (ainsi qu'à la prétendue génération endogène), considérée à tbft comtnë rMOdè gé- néral de génération normale et pathologique des éléments anatomiques, que quelques auteurs modernes ont donné le nom de proUféralion. n (M. Robin, Mém. sur la naissance des éléments anat., in Journal d'anal, et dephysiol., p. 347.) Le mot prolifération est emprunté à là tératologie végétale. Il désigne clans sa véritable aCbeptiôil la production accidëti- telle^ par un organe, d'un organe semblable ou différent qû^ii ne porte pas habituellement. L'axe d'une fleur ou d'ilh friiit prolifère qitand il produit une fleiir stérile oii féconde Dtl liil bourgeon foliaire. L'anomalie qui résulte de l'acte de proli- fération est dite ;)ro//^cflf/on florifère, frondifèreôu fructifère. Une fleur dont le centre porte une autre fleur pédiculée où nori est vAq, prolification florifère. En physiologie, oil â égâlérnëiit doilné lé riôni de proliféra- tion à l'apparition successive de gemmes sur les stolons de certains animaux [ascidies, ëtC). Le tissu dtl Corps de ces aiii- maux émet, en effet;, des prolongements {stolons prolifères) qui, suivant les genres, font saillie au dehors à nu {ascidies sociales) ou restent cachés dans leur enveloppe {ascidies com- posées). Sur ces stolons naissent par gemmation des bourgeons ou mamelons qui, sans fécondation, se développent en animaux parfaits; mais il n'y a pas besoin d'un mot nouveau pour dé- 228 DE LA GÉNÉRATION signer ce phénomène, puisque c'est une véritable gemma- tion. Plus tard, on a détourné tout à fait le mot prolifération (1) de son sens primitif, et on l'a appliqué à la reproduction des cellules, tant par scission ou gemmation que par endogenèse. «Mais, dit M. Robin, malgré ce que sembleraient faire croire certaines descriptions écrites sous la domination des hypothèses dites de la génération endogène^ d'une part, et de la prolifération, ou mieux scission de cellules, d'autre part, on chercherait en vain des exemples de ces modes fictifs ou réels de génération des éléments sur les cellules nerveuses bipolaires ou multipolaires, sur les fibres-cellules, les fibrilles musculaires striées, les corps fîbro-plastiques fusiformes ou étoiles, etc. » (2). Chez les plantes, on observe la scission des cellules, dites scission par cloisonnement (3), pendant toute la durée de l'accroissement du végétal. On constate ce mode de repro- duction des éléments chaque année dans les couches d'ac- croissement. Comme nous l'avons vu, ce phénomène de la scission des éléments est, chez les animaux, infiniment plus rare; on s'est trop pressé de conclure du végétal à l'animal. Et d'abord, les éléments figurés ayant forme de cellules sont les seuls sur lesquels on ait observé la scission. On ne l'a jamais constatée sur les cellules bipolaires ou multipolaires, fibres, tubes, éléments fibro-plastiques, etc. (1) On a aussi employé dans ce nouveau sens le terme de proligération comme synonyme de prolifération. (2) Loc. cî(., p. 347. « La génération embryonnaire ou accidentelle des tubes propres des parenchymes glandulaires et non glandulaires dont on peut suivre toutes les phases sur le fœtus, échappe à plus forte raison à ces hypothèses en tant que provenances de noyaux ou de cellules quelconques, par scission, génération endogène ou autrement. » (Voir M. Robin, Mémoire sur le tissu lictéradénique; Paris^, 1856, in-8, p. 8.) (3) Au fond du sillon naît, en effet, une véritable cloison dont on peut dé- montrer la présence mécaniquement ou par les réactifs. DES ELEMENTS AN ATOMIQUES. 229 Encore est-il bien entendu qu'on a vu la scission se produire seulement sur certaines espèces de cellules, dans les cas mentionnés dans le cours de ce travail. Nous avons décrit la segmentation ou scission des cellules dans le blastoderme de l'embryon animal; nous avons vu que chez les mammifères adultes on trouve de fréquents exemples de scission des cellules dansles cartilages articulaires, dontles chondroplastes s'agrandissent; et nous avons dit que le plus souvent il naissait un noyau de toute pièce dans celle des deux moitiés de la grande cellule qui ne conservait pas l'an- cien. Nous avons enfin parlé de la scission des noyaux (noyaux scissiles de Henle);, s'observant quelquefois dans les cas pré- cédents en même temps que la scission de la cellule, quel- quefois sur les noyaux embryoplastiques, quelquefois sur les noyaux libres d'épithélium (surtout dans les tumeurs). Il n'est même pas rare de constater la scission du noyau dans les fibres-cellules, celle de l'utérus en particulier, mais dans ce cas même il n'y a jamais scission de l'élément contractile. Tels sont les seuls exemples que l'on puisse citer de repro- duction par scission des éléments anatomiques, ou proliféra- tion. Ce sont en quelque sorte des phénomènes exceptionnels, se montrant sur certaines cellules alors seulement qu'elles ont, par suite d'un développement exagéré, dépassé leur vo- lume habituel. La segmentation du vitellusne saurait être regardée comme un fait de prolifération ou de scission de cellule, lors même qu'on regarderait l'œuf fécondé comme étant encore une cellule aussi bien au point de vue physiologique que mor- phologique. Il n'y a, en effet, que le vitellus qui se segmente, et ce qu'on pourrait regarder comme la membrane cellulaire, c'est-à-dire la membrane vitelline, n'est le siège d'aucun phénomène de scission. D'autre part, le vitellus ne peut être considéré lui-même comme une cellule, puisque nous savons depuis M. Coste qu'il n'a pas de membrane propre. Anatomi- quement et physiologiquement, le vitellus est devenu un élé- m W L4 GÉNÉRATION rnpptfinatomique amorphe dqué d'indépendance par rapport h la membrane vitplline et qui, dans un organe spécial, joue un rôle spécial. Lg, naissance des cellules épitbéliales ne peut en aucune fa- çon se rattacher au pliéiiomône dit de prolifération. La géné- ration des noyaux d'épithélium et la segmentation de la sub- stance amqrphe qui leur est interposée sont des laits ^'observation. Ils offrent surtout une grande netteté à la face interne des tiibes propres du rein, dps culs-de-sfic de la rna- melle, ^es glandes saliyaires, etc. « Il est on ne peut plus n^a,nifeste à ia face interne de la paroi propre des tubes du rein, des gifindes sudoripares, etc., dont la substance esten- tièrenient homogène et des plus nettement isolables, que ni les noyaux d'épithélium, ni la matière amorphe interposée qui va se segmenter, ne sont une provenance de cellules ou de noyaux quelconques (1). La scission ni la génération endo- gpne ng peuvent être invoquées ici comme phénomènes établissant un lien entre des éléments préexistants et ces noyaux, ou la matière am.orphe qui va bientôt s'individuali- spr en cpllules épithéliales de ces parenchymes ou des tégu- ments )) (2). La uais^ancedes noyaux et la segmentation de la substance amorphe, dont on peut saisir toutes les phases, prouvent suf-r (1) La meilleure raison en est que d'abord on ne voit ni cellule ni noyau à la face interne du tube glandulaire. Les noyaux que l'on voit naître par genèse et les cellules qui résultent de la segmentation dublastème ne sauraient donc provenir d'aucun élément préexistant. (2) M. Robin, loc. cit., p. 351. « Voilà donc, ajoute M. Robin, un groupe important de cellules, c'est-à-dire d'éléments anatomiques, conservant pendant toute leur durée la plus grande simplicité, qui, dans des régions nombreuses et très-étendues, échappent à l'hypothèse d'après laquelle tout élément anatomique se rattacherait par un lien de généalogie directe à une cellule ou à un noyau c^n- técédent. Cette vaste exception n'est pas. moins manifeste lorsqu'on voit, sur l'embryon même, où, quand et de quelle manière naissent les éléments ana- tomiques des tissus constituants, tels que les parois propres des culs-de-sac glandulaires, les éléments nerveux, musculaires, cartilagineux, osseux, etc. a DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. lit fisami^ent que la naigsanûB de ces cellules i^'est pas une pro- lifération par scission ou par génération endogène. L'eqdogenèse n'est d'ailleurs^ pas plus que la scissions un mode habituel de la naissance des cellules. En d'autres termes, la genèse d'une cellule dans la cavité d'une autre cellule, (( génération endogène ou intra-utriculaire, n'existe pas comme mode régulier et fréquent de la production des cellules » (1). De Mirbel (1837), décrivant comment les cellules formées d& toutes pièces (genèse) dans le cambium, épaississent peu h peu leur paroi par dépôt de couches concentriques de cel-r lulose, se trompa sur l'interprétation du phénomène. Au lieu d'y voir un phénomène de nutrition lent et insensible, il re- garda cet épaississement de la paroi cellulaire comme dû à la naissance d'vin utricule nouveau dans la cavité de la cel- lule : il crut qu'en grandissant le jeune utricule appliquait et moulait sa paroi sur la face interne de la niembrj^ne cellu- laire, Il fttimil enfin qu'il se formait î^ytani 4'viinewlçi^ ïiaq- veaux emboîtés concentriquement qu'il y a de cpuohes oon^ centriques dans les cellules ligneuses adultes, qu'il appela pour cette raison upHcules complexes ligneux. C'était là, çpmme Qn Ig vQïi, \^^% §arte de générçiUon endogène, ïl est aujour- d'hui reconnu que de Mirbel s'est trompé, sinon dans le ré- •sultat du phénomène (épaississement de la paroi de la cel- lule), du moins dans l'interprétation qu'il liii a donnée. C'est cependant sur cette interprétatiqp même que s'est fondée l'opinion qui admet la naissance des cellules par endogenèse, tant chez les plantes que chez les animaux (2). (1) M. Robin, loc. cit., p. 163, note. (2) La théorie de la génération endogène se rattache de la manière la plus évidente à la théorie de l'emboîtement des germes. Turpin, en exposant le développement des plantes, a le premier, en fait, décrit l'endogenèse. (Essai d'une iconographie élémenlaire et philosophique des végétaux, Turpin, 1820, p. 5.) « Un arbre, dit-il, comme tout autre être organisé, commence par un seul globule. Ce globule, propagateur de sa nature^ se creuse, devient vési- culaire. Des parois intérieures de cette vésicule naît par extension une nou- 232 DE LA GÉNÉRATION Nous avons signalé, dans le cours de ce travail, les deux seuls phénomènes qu'on pourrait, à la rigueur, admettre comme faits d'endogenèse. Chose remarquable, tous les deux ne s'observent que dans les cas pathologiques : nous voulons parler de la naissance de cellules épithéliales ou de leuco- cytes dans les excavations accidentelles dont se creusent quelquefois, dans les productions morbides, les cellules épi- théliales. « Or, il est à remarquer, écrit M. Robin, qu'il s'agit ici de la naissance de cellules dans fes cavités accidentelles qui se sont creusées au sein de la masse ou corps de cellules qui n'ont pas de cavité distincte de la paroi. Le contenu de ces cavités accidentelles s'est trouvé avoir les qualités du blas- tème interposé aux cellules, et il a donné naissance par ge- nèse à d'autres cellules. Mais il ny a jamais genèse de cellule velle génération de globules également propagateurs. Ceux-ci^ en grossissant et en remplissant toute la cavité de la vésicule mère, qui ne peut plus les contenir, font que celte dernière se déchire et verse une génération d'indi- vidus nombreux qui forment masse, qui se soudent plus ou moins entre eux, et continuent à leur tour à engendrer de nouveaux individus, à en multiplier le nombre, à augmenter l'étendue de la masse.... Tout corps propagateur, soit végétal, soit animal, ne peut jamais se former isolément dans l'espace d'une cavité quelconque, il est toujours produit par extension des tissus d'un individu mère qui précède plus tard ce corps propagateur, se sépare et s'isole. » Le phénomène décrit ici est véritablement une sorte de gemmation interne, une génération endogène par gemmation. « Depuis Turpin, dit M. Robin {Journal d'anat., t. I, p. 163, note), auquel nous empruntons ces citations, beaucoup d'auteurs ont cherché à expliquer la naissance des éléments anatomiques par l'idée d'un développement continu supprimant toute idée de naissance proprement dite ou par celle d'une géné- ration de cellules dans d'aulres cellules. » Nous avons vu, en effet, que le propre de la théorie de l'emboîtement des germes (qui remonte à Leibnitz) est de supprimer toute idée de naissance et d'expliquer la génération tant des éléments que des êtres par le dévelo ipemenl successif de germes emboîtés les uns dans les autres. « Ces idées, conclut M. Robin {loc. cit.), contredites par l'observation, ont néanmoins depuis lors été adoptées par un grand nombre d'auteurs et plus ou moins remaniées suivant les époques, sans avoir été jamais aussi nettement exprimées que par Turpin, » DES ÉLÉMENTS ÂNATOMIQUES. 233 dans la cavité d'une autre cellule offrant naturellement une cavité distincte de la paroi » (1). A proprement parler, les faits que nous venons de citer ne sont donc pas une véritable endoge- nèse ; ce sont là pourtant les seuls faits qu'on puisse, chez l'homme et chez les autres vertébrés, rapprocher de la géné- ration endogène (2). Turpin(1820, Schleiden (1838), Schwann (1838), qui admet- taient la génération endogène, avaient donné le nom de cellules mè.res aux cellules qui en renfermaient d'autres semblables à elles, et celui de cellules jeunes aux cellules incluses ; plus tard on les a appelées cellules filles (KOlliker, 4843). «Ces ex- (1) Loc. cit., p. 163, note. (2) Nous avons cité, p. 28 (note), la description que donne Remak de la segmentation du vitellus chez les batraciens. C'est ici le lieu de répéter que, si les choses se passent comme il les a décrites, et si ses observations sont confirmées, nous trouverons là le premier exemple de génération endogène des cellules. On sait que, d'après Remak, la segmentation du vitellus serait due à une division de cellules par suite du développement et de la fusion de cloi- sons membraneuses dans l'intérieur de l'œuf. Il dit avoir vu chez les batra- ciens, dès le troisième degré de la segmentation^ les sphères de fractionnement pourvues d'un gros noyau et d'une double membrane d'enveloppe. Vers la fin de la segmentation, après la division du noyau, la membrane interne (gaine primordiale) et le 'proloplasma (vitellus) subiraient seuls la scission sans que la membrane externe [membrane mère, membrane cellulaire) participât au phénomène. Ce serait là une génération endogène. Aussi trouverait-on dans l'œuf des cellules de segmentation entourées d'une membrane commune. Ces faits ont besoin de confirmation ; ils sont en contradiction flagrante avec ce fait que le vitellus est dépourvu d'une membrane spéciale. Il reste à savoir si les batraciens font exception sous ce rapport, car il est parfaitement certain que les choses ne se passent point ainsi chez les vertébrés, les mollusques, les hirudinées, etc. Citons un dernier fait dit de génération endogène. « C'est à la génération endogène, dit KoUiker (/oc. cit., suprà, p. 27), qu'il faut rapporter la for- mation d'un grand nombre de noyaux dans l'intérieur des cellules. » On sait que c'est en général chez les cellules épithéliales qu'on arrive le plus souvent à rencontrer plusieurs noyaux dans une cellule. Nous avons décrit, d'après M. Robin, comment se produisait ce phénomène. Lors de l'in- dividualisation du blastème, on voit quelquefois deux ou plusieurs noyaux se trouver, par suite de leur rapprochement, compris entre deux ou plusieurs 234 DK LA GÉNEHATIÛN pressions, dit M. Robin, sont justes à la rigueur, quand il s'agit : » 1° De la segmentation ou scission d'une cellule en deux autres cellules semblables, sauf le volume. » 2° De la genèse d'une ou de plusieurs cellules de même espèce que celle de la cavité de laquelle elles naissent , comme dans les cas de cellules épithéliales d'une tun^eur naissant dans la cavité accidentelle d'une autre cellule épithéliale. » Mais elles seraient inexaptes si on les appliquait aux cel- lules épithéliiijfs, dan§ les YS-P^oles desquelles naissent des leucocytes, car ces dernières cellules étant d'une espèce autre que les premières, ne sauraient être considérées comme leur sillons (le s.egrnpç^t^liQn. \\s se trou^ept donc ainsi réunis dans la nouvelle pellule dès le premier moment de son individualisation. U n'y a là rien qui ressemble à la génération endogène. A l'égard des autres cellules, nous en ^vons déjà cité quelques-i^nes qi^i acquièrent leur noyau après la genèse du pprps de la cellule ; c'est le cas des cellules du cristallin et (le la corde dor- galp. Nous lie parlons pas des leucocytes, ce qu'on a pris pour leuv noyau étant une coagulation- Il n'y a là qu'un phériomène de genèse qui rentre exactement dans l'ordre de ceux que npus avops déjà décrits. Qu'un noyau Uaisse dans un blastèuie avant ou après la masse cellulaire, cela np change rien aux conditions du phénomène ni à sa nature. Ce fait ne peut pas plus être ponsidéré pomme un fait d'endogenèse que la naissance du nucléole dans l'intérieur du noyau, et nous savons que les noyaux naissent avant les nu- cléoles. Outre les cellules d'épithélium, on rencontre quelquefois des mé- (luUocelles ayant deux noyaux ; ces noyaux naissent peut-être par genèse dans l'intérieur de la cellule, peut-être par scission du noyau primitif. Nous avons vu, en eftet, que lorsqu'une cellule va subir le phénomène de la scission, la scission du noyau précède en général celle de la cellule, sinon il naît plus tard par genèse un nouveau noyau dans celle des deux jeunes cellules qui en est dépourvue. Il peut arriver, comme dans le cas que nous avons déjà cité, des fibres-cellules de l'utérus, qu'il y ait scission du noyau sans que jamais on observe celle de l'élément. De tous les cas que nous venons de citer, il ressort qu'il y a quelquefois genèse, quelquefois scission d'un noyau dans une cellule. Il est évident qu'on ne peut établir aucune assimilation entre ce phénomène et celui de la nais- sance d'un élément complet (cellule avec noyau et cavité distincte d'une paroi) dans un autre élément. DES ÉLÉMJîNTé 4NAÏ0MIQUES. 235 descendance »(1). Schwann, qui considérait, comme quelques auteurs l'ont fait depuis, la segmentation du vitellus comme un fait d'pndogenèse, av^it dqnné à l'ovule le noin de cellule mère, et aux cellules embryonnaires celui de cellules filles. Mais, par leur origine, leur structure, leur développement, les cellules embryonnaires diffèrent absolument de la cellule que représentait l'ovule, avant la segmentation de son vitel- lus. Ces dénqmjnations sont aussi inexactes que dans le cas de leucocytes naissant dans une cellule épitbéliale ; car la cellule blastodermique qu einbryonnaire diffère autant de l'ovule, coninie le fq.it remarquer M. Robin (Joe cit.), que le leucocyte fie la cellule épitbéliale. D'ailleurs, il faut reniai'- quer.qu'à l'époque qù commence le fractionnement du vitel- lus, l'ovule a déjà perdu les caractères propres aux cellules en général (2). « Au point de vue morphologique ou de la con- formation, c'est bien encore une cellule, puisqu'il y a une paroi {membrane vitelline) et une cavité pleine d'un contenu {vitellus). Mais, au point de vue organique, il est devenu un produit spécial, un qrgane faisant partie de l'appareil géné- rateur ; organe des plus simples parmi les organes connus, piiisqu'il n'est souvent guère plus complexe qu'un élément anf^tomique, mais ne remplissant pas moins un usage partiz culier et des plus importants » (3). Les phénomènes qui se passent dans l'œuf depuis sa fécondation, les modifications de structure qu'on y observe peu à peu, les dimensions nou- velles qu'acquiert cet organe, son développement enfin, mpptrent suftîsamment qu'il n'a plus ni le caractère ni le rôle d'une cellule. Dès lors, Tindividualisation du vitellus en cellules ne peut être considérée comme un cas particulier de l'endogenèse, ainsi que l'admettent quelques auteurs. (j L'œuf, dit Koliiker, ayant la signification d'une cellule (1) Idem. (2) Voir M. Robin, D,es végétaux parasUçs, 1853, p. 241 et suivantes, et Journal de physiologie, 1862, p. 77 et suivantes, et p. 315 et suivantes. (3) M. Robin, lac. cit., p. 45, note. 236 DE LA GÉNÉRATION simple, la segmentation rentre dans la formation endogène des cellules » (1). C'est à ce phénomène qu'il donne le nom de formation endogène de cellules autour de portions de con- tenu. Mais, outre qu'à ce moment l'ovule n'est plus une cellule, il est de toute évidence que la genèse d'une cellule dans la cavité d'une autre cellule est un phénomène absolument dif- férent de la segmentation du vitellus en sphères dépourvues de membrane propre. Si KôUiker a essayé de rapprocher ces deux phénomènes, c'est uniquement parce qu'il considérait l'ovule fécondé comme étant encore physiologiquement un élément anatomique du groupe des cellules. Plus loin, le même auteur donne la scission des cellules de cartilage comme un exemple de formation endogène des cellules par scis- sion. La seule raison d'être de cette dénomination est qu'il considère le chondroplaste comme une cellule; cependant le mode d'apparition embryonnaire montre que cette assi- milation doit être considérée comme inexacte. Arrivant enfin à la formation endogène directe, c'est-à-dire au phénomène qui seul mérite le nom d'endogenèse,Kôlliker dit qu'elle a été con- statée avec certitude par Meissner dans les éléments du sperme du. mermis alhicans. « Je crois, ajoute-t-il, n;voir observé quelque chose de semblable ohQz certains animaux » (3). Evidemment, une pareille affirmation ne saurait suffire pour faire admettre l'endogenèse. «Admettre comme fait général, écrit M. Robin, la nais- sance des cellules dans un élément plutôt qu'au dehors, n'ex- plique rien tant qu'on ne la voit pas s'accomplir, et ne la dé- crit pas. » Ce n'est qu'une manière de reculer la difficulté, faute de pouvoir établir la loi du phénomène, ce qui est le problème (l) Histologie humaine. A. KôUiker. Traduit par MM. Béclard et Sée, p. 23, 1856. (3) Idem, p. 24. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 237 à résoudre et qu'on omet d'examiner. Ce n'est qu'une manière de reculer la difficulté, soit au point de vue d'origine des matériaux, soit au point de vue du mode de l'apparition de l'élément nouveau. Turpin etMirbel ont seuls compris cela, en admettant, bien qu'inexactement, que la génération en- dogène consistait en une gemmation interne » (1). Pour conclure : La scission des cellules est un phénomène exceptionnel qui ne se rencontre que dans un petit nombre de cas particu- liers. La génération endogène, si l'on peut qualifier ainsi les deux phénomènes que nous avons décrits sous ce nom, est un fait plus rare encore, et ne se produisant que dans certains cas pathologiques. Le mode de naissance àxi^diV prolifération, c'est-à-dire tant par scission que par génération endogène, ne saurait donc être considéré comme le mode habituel et normal de repro- duction des éléments. En un mot, ce n'est point au fait de la prolifération qu'il faut rapporter la multiplication des élé- ments pendant l'accroissement normal ou non des tissus. Enfin, le terme de prolifération ayant le tort d'être em- ployé depuis longtemps en tératologie végétale et en mala- cologie dans un sens tout à fait différent de celui qu'on lui attribue en histologie, de désigner à la fois deux phénomènes absolument distincts, et de n'avoir par lui-même aucun sens particulier, doit être abandonné. (1) M. Robin, Mém. sur la naissance des élém. anat., in Journal d'anal. et dephysiol., p. 164. « La prétendue génération endogène et la prolificalion n'expliquent rien tant qu'il reste à déterminer la manière dont elles ont lieu au dedans ou au dehors des cellules. » (M. Robin, Programme du cours d'histologie, p. 38.) SâS M LA GÉNËnA.TION Note B. p. 89. Celui-ci (l'élément aiiatomique né par genèse) ne dérive d'aucun élément qui l'ait précédé, par développement, métamorphose ou transforma- tion; il naît sans parents, de toutes pièces, molécule à molécule : c'est une véritable génération spontanée. Beaucoup d'auteurs admettent, depuis Schwann, que les éléments anatomiques" définitifs de l'embrjon naissent par métamorphose des cellules embryonnaires en fibres muscu- laires, tubes nerveux> etc. En l'état de la science, cette hypo- thèse, dite théorie de la métamorphose (1), ou encore théorie cellulaire, ne peut plus être admise; là encore on s'est trop (1) « Avant qu'on eût constaté où et comment naissent les éléments anato- miques, quelques auteurs ont admis comme antérieure à toute génération, la 'pHexistcnc'ê d'iine itiatiëbe brgarliquë gériéfdie, vivante, répandiie parloiit {'pansipermiÈ), commune à toutes les espèces (Perrault, Treviranus), ou d'une matière nutritive générale existant dans tout le corps de chaque individu en particulier (Needham), et amorphes toutes deux. D'autres ont admis la pré- existence simultanée de la matière vivante et de la forme (pré formation). Dans tous les cas, tout ce qui apparaît en fait de corps organisés aurait pré- senté un état antérieur à son apparition. Les syngénésistes admettaient que toute celte matière organique, préformée par rapport aux êtres individuelle- ment, a été créée en même temps. La naissance ou génération ne serait, dans le premier cas, qu'une prise de forme de cette matière amorphe, en tant qu'organisme vivant individuellement, sous l'influencé 'de causes exté- rieures, et cette forme varierait comme les causes qui la produisent (Trevi- ranus). Dans le second cas, la forme préexistant avec la matière, celle-ci n'aurait besoin que d'arriver dans des conditions convenables pour changer cette forme en celle d'organismes agissants, différant le.; uns des antres selon ces conditions inêmès (Oken), malgré la Communauté d'origine et l'unité ori- ginelle du type. » On a donné le nom dé théorie de la métamorphose à ces deux hypothèses, bien qu'il n'y ait rien là d'analogue à ce qu'on a d'abord appelé la métamor- phose des insectes. Elles sont du reste contredites toutes les deux par l'obser- vation. » Dans ces diverses hypothèses, il n'y aurait pas de génération, puisqu'il n'y aurait, dans ce qu'on nomme ainsi, qu'une prise de forme par une ma- tière préexistante. Ou bien la génération ne serait qu'une involution par une succession de juxtapositions extérieures, comme on l'admet pour les cris- DES ÉLÉMENTS ÂNATOMÎQUES. 239 pressé dé conclure de la plante à l'animal. Tous les éléments anatomiques des plantes, en effet, commencent par être sphéroïdauxou â]iéU près; Plus tard, arrivés à un certain de- gré de développement, on les voit devenir polyédriques où allongés, s'aplatir, etc., et de Tétat de cellules ils passent éf?'- recfement à l'état de trachées^ vaisseaux ponctués^ elc;; c'est ce fait qu'on désigne soiis le nom de métamorphose ^ en anato- mie générale. La métamorphosé ii'èst donc, à vrai dire, qU'Uii cas particulier du développemeiit de quelques éléments chez cértaiîls végétaux (1). Toute métamorphose est un fait de développement, mais tout développement n'est pas lih fait de métamorphose (2). Le développemeiit des éléments ànatomiqlies, chez les animaux^ taux ; ou encore une évolution, c'est-â-diré le simple développement des par- ties préexistantes (Bonnet, Palingénésié philosophique, 1769); » On voit que c'est à ces hypothèses que se rattache celle d'après laquelle les diverses espèces d'éléments anatomiques dériveraient d'un type unique par une simple métamorphose, ou mieux par un simple développement évo- lutif: hypothèse ancienne qui remplace la notion de génération par celle d'évolution, mais que contredit l'étude du lieu, de l'époque et du mode de naissance de chaque espèce d'éléments anatomiques.» (M. Robin, Mém, sur la naissance des éléments anatomiques ; Journal d'anat. et de physiol., note de la page 176, tome I, 186/i.) (i) Il est clair que le phénomène de la métamorphose ne peut pas s'obser- ver sur les plantes ailes plantes cellulaires {dcotylédones). (2) On sait qu'avec les syngénésistes Burdach regarde la prise déforme (car il n'admet pas la naissance) et le développement comme un seul et même phénomène. « Dans le règne organique, écrit-il, se produire est un acte » continu, là formation est un développement, un perfectionnéttlënt graduel )i et positif tenant à l'acquisition d'une diversité plus grande et d'une indi- )j vidualité plus élevée. » Et plus loin : « Le développement est dohc une vé- )) Htablë métamorphose : ce n'est pas seulement la matière, mais c'éSt ici là » forme qui prend le caractère de chose transitoire ou d'acëidènt, et il n'y à » (jHë la force vitale qui ait la pérennité, qui soit là substance. » (BurdacHj Physiol. Paris, 1839, t. IV, p. 154.) « Bien que depuis, ajoute avec raison M. Robin, Ott se soit efforcé de valider ces hypothèses anatomiquement et physiolôgiquémerit parles moyens les pliis divers et eft tihercharit silHsi à leut donner un caractère de nouveauté qu'elles n'ont pas, nous avons vu que l'ob- sêtvàtiijfl lés êdrilrèdit formellement. » (Robin, loc.cit., p. 34, ndte.) 240 DE LA GENERATION n'offre rien qui ressemble au phénomène que nous venons de décrire sous le nom de métamorphose chez les éléments vé- gétaux. La naissance des éléments définitifs de l'embryon dans l'ovule ne se fait pas davantage par métamorphose des cellules embryonnaires. Nous savons, en effet, que celles-ci se liquéfient, et que, dans le bastème résultant de cette liqué- faction, naissent de toutes pièces, par génération nouvelle, les fibres musculaires, tubes nerveux, etc., c'est-à-dire que ces derniers éléments se substituent aux éléments primitifs, morts après avoir vécu quelque temps sous la forme de cel- lules. Ces derniers phénomènes ont, sur l'hypothèse deSchwann, l'incontestable avantage d'avoir été observés. On les a vus s'accomplir. Ils ne sont point le résultat d'une induction, mais bien des faits d'observation. Il est très-curieux de rechercher l'origine de la théorie de la métamorphose dite aussi théorie cellulaire^ parce que les élé- ments constituants sont supposés dériver (par métamorphose) d'éléments ayant forme de cellules (1). En retraçant l'histo- rique de cette théorie, il est facile de faire voir qu'elle n'est, au fond, qu'un remaniement d'anciennes hypothèses. C'est icilathéor^p qui a précédé Tobservation; et plus tard, au lieu d'accommoder la théorie aux faits, les auteurs qui ont accepté cette hypothèse ont dû chercher à accommoder les faits à la théorie. (1) De plus, aujourd'hui, les partisans de cette hypothèse admettent que toute cellule naît d'une cellule : omnh cellula e cellula (Virchow, 1852). En 1839, Valentin analysant les travaux de Schwann, employa pour la première fois le terme de théorie cellulaire ou théorie des cellules. Tous les auteurs, de- puis lors, ont reproduit cette expression ; mais, en fait, il se trouve qu'on a confondu sous le nom de théorie cellulaire trois choses tout à fait distinctes qui sont : 1° Ce fait général ou loi, que les éléments anatomiques définitifs de tous les végétaux et animaux sont précédés d'éléments anatomiques offrant l'état de cellule. 2° Les phénomènes de la naissance des éléments anatomiques, tant cel- DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 241 (1 Faute, dit M. Robin, de connaître la constitution de la substance organisée, et les propriétés qui lui sont inhérentes, on a longtemps supposé que nul élément ne pouvait naître sans provenir d'une manière directe d'un autre élément, et que la condition d'apparition du second était d'être engendré par le premier, à l'aide de sa propre substance, dans le sens que possède le mot prolification. De cette façon, il n'y aurait jamais, à proprement parler, de genèse, génération ou nais- sance d'un élément anatomique quelconque, mais seulement une reproduction ou prolification successive d'éléments par un ou plusieurs autres, dont le mode et les conditions premières d'apparition resteraient inconnues (1). » Iules embryonnaires tju'éléments définitifs : ces derniers étant considérés comme provenant direct ement par mélamorphose des cellules qui les ont précédés. (Nous savons que cette hypothèse est fausse, et les cellules qui précèdent ne sont que les conditions de la genèse des cellules qui suivent). 3° Les phénomènes du développemenl des éléments anatomiques par meVo- morphose. (Hypothèse que les faits contredisent également). 11 est évident que cette dénomination de théorie cellulaire, s'appliquant à trois choses si différentes, ne peut qu'entraîner la confusion. M. Robin, qui est l'auteur de la distinction que nous venons d'établir entre ces trois phénomènes, propose de réserver le nom de théorie cellulaire pour désigner le premier de ces faits, à savoir que les éléments définitifs, végétaux ou animaux, sont précédés de cellules. C'est le seul fait qui reste debout de l'ancienne théorie cellulaire ; la démonstration en est due à Schvvann plus qu'à tout autre. Tous les êtres qui naissent d'un ovule commencent par être entièrement composés de cellules dérivant du vitellus « dès que l'embryon qu'elles consti- tuent atteint un volume déterminé dans chaque espèce ; d'autres éléments anatomiques définitifs et permanents succèdent aux cellules embryonnaires qu'ils remplacent. La présence et la préexistence de ces cellules sont les conditions indispensables de la naissance de ces éléments définitifs (fibres tubes, etc.). n (M. Robin, loc. cit., p. 3i, note)'. Ces derniers ne sont cepen- dant ni les produits directs ni les restes des cellules qui les ont précédés : ce fait seul, qu'ils sont bien plus nombreux que celles-ci, le prouverait suffisam- ment, si l'observation ne l'avait déjà constaté. (1) M. Robin, loc. cit., p. 317. « Nous avons vu, dit M. Robin, qu'on ne peut admettre l'hypothèse d'un mode unique d'apparition des divers éléments anatomiques par provenance directe de la substance d'une seule espèce (comme les noyaux embryoplas- r,LÉMENCEAU= 16 242 DE LA GÉNÉRATION Gruithuisen est véritablement le premier autem* dans les écrits duquel on trouve quelque chose qui ressemble à la théorie de la métamorphose : son ouvrage date de 1811 (1). De Mirbel alors avait introduit déjà dans la science la notion d'éléments anatomiques (1801) (2), mais n'avait point encore cherché à expliquer la naissance et le développement de ceux-ci (1831) (3). « Gruithuisen, dit M. Robin, cherchant à se rendre compte des conditions de la naissance des tissus, plutôt qu'il ne décrit les phénomènes de celle-ci, dit en propres termes que du tissu cellulaire des plantes aussi bien que de celui des ani- maux peut se reproduire de succession en succession de nouveau tissu cellulaire. Selon lui, chaque forme de cellule n'est limitée par aucune condition de volume. Dans chaque cellule peut s'en former une autre intérieurement. Il peut se for- mer, par développement des unes ou des autres, plusieurs autres tubes cylindriques. Toutes peuvent posséder particulièrement tiques ou du tissu lamineux), et ainsi sans fin en remontant d'un antécédent à l'autre dans l'infini des temps antérieurs. Rien donc de moins réel que l'unité de génération des éléments anatomiques^ lors même qu'il s'agit de ceux-là seulement qui ont forme de cellules. C'est ce qu'il est facile de voir en comparant ce que nous savons de l'individualisation des cellules épithé- liales à ce qu'on sait des cellules nerveuses, des leucocytes^ des hématies, des médullocelles, etc. Il n'y a pas plus unité d'origine, qu'unité de compo- sition immédiate et anatornique, qu'unité de propriétés et d'actions physiolo- giques spéciales, et cela aussi bien lorsqu'il s'agit des éléments anatomiques, que lorsqu'il est question des tissus et des organes. Partout il y a diversité bien déterminée, anatomique et physiologique, mais avec solidarité caracté- ristique de ce qu'on entend par économie organique. » (1) Gruithuisen, Organozoonomle oder ueber cler niedrige Leben Verhalt- niss. Munichen, 1811, in-8, p. 151-152. (2) De Mirbel, Observations sur un système d'anatomie comparée des végétaux, fondé sur l'organisation de la fleur, lu à la classe des sciences physiques et mathématiques de l'Institut, le 9 mai 1806. (Mémoires de l'Ins- titut, 1808.) (3) De Mirbel, Recherches anal, et physiol. sur le Marchantia polymor- pha, pour servir à l'histoire du tissu cellulaire, de l'épiderme et des stomates, lu à la classe des sciences de l'Institut, le 27 décembre 1851. DES ELEMENTS ANATOMIQUES. 243 dans leur nature les qualités organisantes que nous pouvons journellement observer comme se manifestant dans les for- mations morbides. On doit aussi, dit-il, chercher dans le tissu cellulaire la matière fondamentale aussi bien de l'organisa- tion la plus inférieure que de celle qui s'élève jusqu'à la vie et à l'intelligence. Seulement, lorsqu'il arrive aux faits de dé- tail, on voit que ces notions générales sont loin d'être fon- dées sur l'examen de la réalité. 11 ajoute en effet que chaque cavité aérienne, chaque cavité médullaire des os est une cel- lule dans laquelle se sont formées des cellules plus molles remplies de substances pulpeuses qui consistent en cellules. Cela se verrait chez l'embryon oii le cerveau est liquide (pagel5/i). » La cavité thoracique est une cellule dans laquelle est de nouveau une grosse cellule, la plèvre, et de nouveau dans celle-ci plusieurs autres cellules, les poumons, le péricarde, le cœur. Et ces grosses cellules consistent en petites cellules et en fibres et vaisseaux formés à leur tour par des cellules allongées. On voit, par le cœur, par l'estomac, etc., que les cellules peuvent posséder en elles la muscularité (p. 155). » Les autres exemples qu'il cite étant tous du même genre, les précédents suffisent pour faire sentir où en étaient, à cette époque, les notions analytiques sur lesquelles reposait la syn- thèse qu'on vient de voir formulée (1). » Heusinger, en Allemagne (1824), de Blainville en France (1822), ont continué ce même ordre d'hypothèses en s'atta- chant, plus que Gruithuisen cependant, à expliquer le mode de génération de l'élément. Heusinger fait provenir les fibres, les tubes, etc., de parti- cules sphériques dont il admet l'existence comme partout démontrée par le microscope. « Comme expression, écrit-il, de la même lutte entre la (1) M. Robin, Analyse du cours de philosophie positive d' Auguste Comte, Journal d'anal, et de physioL, 1864, t. I, n° 3, p. 817, Ce résumé est le texte presque littéral de Gruithuisen. Ihh DE LA GÉNÉRATION construction et l'expansion, s'offre à nous la sphère (1). Par- tout la force contractile^ centrale, positive, est en équilibre avec la force expansive, périphérique, négative. Par suite, tous les organismes, comme toutes les parties organiques, ont été primitivement des globules. L'antagonisme que nous trouvons dans les forces se retrouve dans la matière. Par un surcroît de forces, les vésicules naissent des globules qui souvent ne sont homogènes que d'apparence. C'est ainsi que tous les or- ganismes qui se forment passent de la forme sphérique pleine à la forme vésiculaire. » Dans l'organisme oii se trouvent à la fois des globules et des masses amorphes, celles-ci s'unissent d'après les lois chimiques et représentent alors des fibres. » Si ce sont des vésicules qui se soudent l'une à l'autre, le résultat sera des canalicules, des tubes. » D'après ces principes, je partage les tissus suivant trois formations principales : » 1° La formation de la matière amorphe ; » 2" La formation des globules; celle-ci comprend deux sous-divisions : A, formation de globules parfaits; B, forma- tion de fibres; » 3° La formation de vésicules ; elle comprend deux sous- divisions : A, formation de vésicules parfaites ; B, formation de tubes (p. 112). MATIÈRE AMORPHE. • « La matière amorphe du corps des animaux n'est pas autre chose qu'une substance de formation. Cette matière amorphe, qui est l'origine de tous les autres tissus, doit être accumulée en grande quantité dans le corps des animaux. En effet, tous les autres tissus en sont enveloppés, et ils en naissent constam- (1) Dans les phrases suivantes, nous avons préféré au moi sphère le terme de globule, que déjà plusieurs auteurs ont employé dans ce même sens (lliéo- rie globulaire). DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 2^5 men( pour se transformer en elle. Toutes les sécrétions, le sang même, n'en sont que des métamorphoses; car ce n'est pas le sang, mais bien cette matière qui préexiste dans l'embryon. C'est surtout dans les sécrétions que nous voyons très-nette- ment cette substance de formation se partager en des produits qui sont en antagonisme polaire. Dans les membranes sé- reuses, par exemple, elle se partage en sérum qui est sécrété à la face interne, et en graisse qui est sécrétée à la face ex- terne. Nous voyons cette substance de formation sous diffé- rentes formes dans le corps de l'homme (c'est le seul dont je tiens compte ici pour ne pas être trop long) (p. 113). » Les globules sont les formes que la substance de forma- tion a le plus de tendance à produire, car cette substance apparaît, sous le microscope, composée de petits globules suspendus dans un liquide (p. \\h). A. Formation des globules. » Quoique tous les tissus passent par la forme globulaire, il existe néanmoins dans le corps humain et à l'état normal peu de parties qui soient restées à l'état de globules parfaits. Gela est d'autant plus remarquable que cette forme prédo- mine dans les éléments morbides de nouvelle formation (page 116). B. Formation des fibres. )) Les fibres sont des agrégations de globules soudés en- semble par les forces polaires. » Dans le corps humain adulte, on ne peut prouver la nais- sance des fibres par une agrégation de globules que dans les fibres nerveuses. » La naissance des fibres musculaires par cette agrégation de globules est très-vraisemblable chez les animaux supé- rieurs ; mais elle est très-apparente chez les animaux infé - rieurs. 246 DE LA GÉNÉRATION » La fibre vasculaire, qui est complètement développée dans les troncs des artères, est très-différente, il est vrai, de la fibre musculaire. Mais la fibre musculaire développée des muscles volontaires sert de transition avec la fibre musculaire moins développée de l'intestin et des muscles involontaires. La fibre des parois des veines, qui n'a pas de formes bien ca- ractérisées, a beaucoup de ressemblance avec ces dernières fibres, et elle forme la transition avec les fibres des parois arté- rielles. On peut voir ces transitions d'une manière très-nette chez les animaux. La fibre tendineuse a la même formation, comme on peut s'en assurer chez le fœtus (p. 115). FORMATION DES VÉSICULES . » Pendant que la vésicule s'est formée du globule, elle s'est entourée d'une membrane différente et polarisante : cette membrane rend possible une grande variété de matière et de tissus, A. Formation des vésicules simples. » A cette formation se rattachent toutes les membranes simples, closes, ainsi que celles pourvues d'un orifice, les follicules adipeux, les follicules muqueux, les gaînes des ten- dons, les membranes synoviales, les membranes séreuses. Ordinairement, les éléments sécrétés à leur surface externe sont en antagonisme polaire avec les éléments sécrétés à leur surface interne. Quelques membranes fibreuses ne sont que des précipités de ces sécrétions. Le derme, à l'origine, n'est autre chose qu'un pareil précipité à la surface séreuse de l'amnios, et il en est de même pour les membranes mu- queuses. B. Formation des vaisseaux. )) Les vaisseaux sont des vésicules soudées bout à bout et communiquant ensemble. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 247 » La naissance des vaisseaux dans l'embryon du poulet, dans les parties enflammées (formations nouvelles), et dans le circuit des vaisseaux chez les méduses, prouve à l'évidence cette manière de voir (p. 116) (1). » On peut résumer toute la théorie d'Heusinger en deux points : i° tous les tissus proviennent d'une substance de formation : cette substance est amorphe et précède le sang ; 2° elle forme les globules qui, soudés bout à bout, foi-ment les fibres : elle forme aussi les vésicules qui, isolées, consti- tuent les séreuses, follicules glandulaires, etc., et qui, sou- dées bout à bout, forment les vaisseaux. Aussi admet-il avec Gruithuisen que les valvules des vaisseaux sont des restes de cellules. » Ce sont là d'ailleurs, à peu de chose près, les principaux points de la théorie que de Blainville émettait en France la même année (1822). Ce dernier auteur, en effet, s'appuyant sur les données de l'anatomie comparée (2), admettait un (1) Heusinger, System der Histologie, Eisenach, 1822^ in-<4. Je dois à l'obligeance de mon ami E. Onimus la traduction de ce passage d'Heusinger. (2) « Faute de pouvoir suivre sur un même individu le développement de chaque élément anatomique, consécutivement au fait de sa naissance, on peut remplacer cet ordre d'observation par l'examen de cet élément fait sur un certain nombre d'êtres de même espèce, pris à des âges différents, toutefois aussi rapprochés que possible. Mais on ne saurait lui substituer la description d'éléments de même espèce, étudiés dans la série animale sur des êtres d'or- ganisation de plus en plus simple. Ces deux ordres de conditions sont en effet essentiellement distincts. » Le développement est un phénomène continu d'une rapidité variable, selon la durée de l'existence de chaque individu, pouvant même être si lent qu'il semble avoir complètement cessé, mais c'est toujours sur un même être qu'il a lieu : cet acte s'opère dans des conditions statiques qui restent de même ordre, sans interruption pendant toute sa durée ; c'est cette continuité dans les conditions statiques, comme dans le fait dynamique, qui caractérisé l'évolution. » En comparant au contraire des éléments anatomiques ou des parties plus complexes, dans la série des êtres et non dans la succession des âges, on ne constate plus les phénomènes d'une évolution. Ce ne sont plus des faits d'ordre dynamique assimilables à ceux d'un développement évolutif qu'on a 2/1 8 DE LA GÉNÉRATION seul élément anatomique générateur, le tissu cellulaire. Les libres de ce tissu, en se modifiant depuis leur apparition dans l'embryon devenaient l'origine des fibres nerveuses musculaires, du cartilage, de l'os, etc. (1). Vêlement généra- teur, écrit de Blainville^, est le tissu cellulaire ou absorbant. » Les éléments secondaires sont : » a. La fibre musculaire ou contractile , » h. La pulpe et la fibre nerveuse ou excitante. » Vêlement générateur en se modifiant un peu, mais sans changer beaucoup ses principales propriétés, produit un certain nombre de systèmes (dermique, muqueux, fibreux) » (p. 11). sous les yeux : ce n'est qu'une série de termes distincts plus complexes les uns que les autres, représentant des conditions statiques qui ne sont pas semblables. Si en raison du peu de différence de l'un à l'autre des éléments anatomiques comparés entre eux, d'une espèce animale à l'autre, on peut, par une vue de l'esprit, exprimer leur analogie à l'aide de formules dont les expressions se rapprochent de celles qui servent à décrire un phénomène continu, il importe d'éviter une confusion entre les deux ordres de notions différentes que ces mots servent à désigner. » Dans le cas du développement d'un élément anatomique qui vient de naître, celui-ci ne cesse pas d'être lui-même à partir de ce point initial. Dans son évolution il trace en quelque sorte une courbe non interrompue;, dont l'état adulte marque le sommet, et la mort, ou destruction de l'élément, le point terminal. Les aberrations accidentelles ou morbides de forme, de volume et de structure en sont autant àe points singuliers. n Dans le cas de la comparaison des éléments anatomiques ou des tissus, etc., d'un animal à l'autre, à compter des plus simples pour arriver aux plus com- plexes, il ne s'agit plus d'une continuité de phénomènes et de changements qui les décèlent, on a sous les yeux une série de termes distincts, plus ou moins séparés les uns des autres, et disposés en une certaine progression. La suite des points obtenus dans ce dernier cas ne peut se superposer exactement à la courbe continue que trace cette même partie du corps dans son évolu- tion. » (M. Robin, Journal d'anal, el de physiol. ; Analyse du cours de phi- losophie positive d'Auguste Comle, p. 323.) (1) Dans l'opinion de de Blainville, les fibres du tissu cellulaire allaient également en se modifiant de plus en plus d'une espèce animale à l'autre, à partir des espèces les plus simples, et engendraient successivement ainsi des (éléments de plus en plus complexes. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUËS. 2^19 Page 7. (( (Juand on étudie la structure des animaux, il est aisé de se convaincre que l'élément principal le plus généra- lement répandu, et peut-être Vunique, est le tissu cellulaire. Il n'est autre chose qu'un composé de filaments entièrement fins, blanchâtres, élastiques, entrelacés, enchevêtrés dans tous les sens. Ces filaments forment ainsi des aréoles^ des va- cuoles de formes très-différentes, dans lesquelles peuvent se déposer des fluides de nature également diverse. (( Les propriétés principales du tissu cellulaire sont : » 1" L'élasticité, propriété physique généralement répan- due. » T L'hygrométricité, c'est-à-dire la propriété d'absorber une plus ou moins grande quantité du fluide au milieu duquel il est plongé : c'est un effet dépendant de la capillarité qui n'est elle-même qu'un simple phénomène d'attraction molé- culaire, et dont nous verrons naître l'absorption et la circu- lation des fluides. » 3" Une autre de ses propriétés, qui dérive très-probable- ment des deux premières, est la possibilité d'être raccourcie ou contractée, quoique très-faiblement sans doute, par l'ac- tion des agents extérieurs; ce qui donne naissance à la con- tractilité de tissu ou organique, qui, par degrés^ arrivera à celle que nous connaîtrons sous le nom de contractilité ani- male. Mais, pour jouir de cette dernière propriété au plus haut degré, la fibre élémentaire ou l'élément générateur éprouve une modification remarquable dont nous allons par- ler tout à l'heure. Voyons auparavant comment, sans chan- ger beaucoup de nature, si ce n'est peut-être dans la dispo- sition de ses parties, il produit certaines modifications importantes à connaître. » En se condensant plus ou moins par l'action mécanique et peut-être chimique du fluide ambiant, le tissu cellulaire forme le derme (page 8). » Par sa disposition en filaments très-serrés plus ou moins allongés, et en se combinant avec une quantité presque déter- 250 DE LA GÉNÉRATION minée d'un fluide aqueux, la fibre cellulaire forme les aponé- vroses, les ligaments et les tendons, ou le système fibreux élastique ou non. » En recevant dans ses mailles, et cela dans des endroits déterminés et constamment en dedans de la peau ou du derme proprement dit, une plus ou moins grande quantité de mucus concrète ou de molécules calcaires, l'élément gé- nérateur produit le cartilage et les os. » Enfin, en se contournant, en se disposant en tubes dont la cavité n'est pour ainsi dire qu'une très-grande lacune, le tissu cellulaire forme ce que nous connaîtrons sous le nom de vaisseaux artériels veineux et lymphatiques (p. 9). » Le premier élément secondaire que l'on peut parfaite- ment concevoir comme provenant de l'élément primitif est ce- lui que l'on regarde presque exclusivement comme animal, c'est la fibre contractile. Elle appartient évidemment à la peau ou à l'enveloppe générale avec laquelle elle est d'abord confondue, et dont elle se sépare de plus en plus complète- ment, à mesure que l'animal s'éloigne davantage du moment de sa naissance ou du commencement de la série animale. Cet élément est ordinairement sous la forme de fibres ou de filets extrêmement fins^ plus ou moins allongés, de couleur et d'aspect très-variables » Cette fibre n'est jamais complètement indépendante du tissu cellulaire et surtout du tissu cellulaire fibreux; c'est-à- dire que par ses extrémités elle se continue très-évidemment avec lui, et par là s'attache au corps qu'elle doit mouvoir. En sorte que ■ l'on conçoit que la fibre contractile ne soit réelle- ment que la fibre celluleuse dans les mailles de laquelle s'est dé- posée une certaine partie du sang (p. 10). » L'irritation intérieure est le plus ordinairement produite par le deuxième élément secondaire, modification encore plus inconnue du tissu fondamental ou cellulaire, à laquelle on donne le nom de fibre nerveuse, de fibre productrice, ou DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 251 mieux peut-être conductrice du fluide excitant » (p. 12) (1). M. Robin, qui mentionne la théorie de de Blainville, ajoute, après l'avoir exposée : « On voit tout de suite combien d'hypothèses postérieure- ment émises et encore adoptées par quelques médecins ne sont que des remaniements de celles-ci. Seulement on a donné à ces hypothèses un corps plus voisin de la réalité, en prenant pour les appuyer des exemples dans les éléments ana- tomiques réels, ayant forme de cellules, alors aperçus par le microscope, et non plus dans certaines dispositions anato- miques des organes, comme la plèvre ou les veines (2). » En effets les auteurs des théories que nous venons de citer n'ont pas reconnu les éléments anatomiques réels. On peut faire le même reproche à Dutrochet (1824-1837);, qui énonça cependant en termes précis la théorie que Schwann s'appro- pria plus tard, en l'appliquant aux éléments anatomiques réels et en essayant de l'étayer sur l'observation. Dutrochet affirme en effet que les animaux et les végétaux se développent de la même manière, et que les uns comme les autres dérivent de cellules. « Tout dérive évidemment de la cellule dans le tissu organique des végétaux, et l'obser- vation vient nous prouver qu'il en est de même chez les ani- maux » (3). « Les corpuscules globuleux qui composent par leur assemblage tous les tissus organiques des animaux sont véritablement des cellules globuleuses d'une excessive peti- tesse, lesquelles paraissent n'être réunies que par une simple force d'adhésion. Ainsi, tous les tissus, tous les organes des animaux ne sont véritableinent qu'un tissu cellulaire diverse- ment modifié (U). » Tout dérivant de la cellule, les fibres mus- (1) De l'organisation des animaux, ou Principes d'anatomie comparée. De Blainville, 1812, Paris, in-8°, p. 9 etsuiv. (2) Mém. sur la naissance des élém. anat., Robin, 1. 1, p. 3J.8. (3) Dutrochet, Recherches sur la structure intime des animaux et des vé- gétaux. Paris, 1814, in-8°. (4) Dutrochet, Mémoire pour servir à l'histoire naturelle des végétaux et des animaux. Paris, 1837, in-8, t. II, p. Û68. '252 DE LA GÉNÉRATION CLilaires ne sont que des cellules allongées, etc.... La ques- tion de savoir comment naissent les cellules est complètement omise. C'est par la comparaison entre l'organisation des végétaux et celle des animaux que Dutrochet fut conduit à formuler ces idées. « Mais, pour que toute idée fructifie, dit M. Robin, il faut une démonstration au moins apparente, susceptible de vérification. Aussi, la conception de Dutrochet n'eut pas entre ses mains la même influence qu'entre celles de Schwann . Cela tient à ce que ne pouvant se servir que d'instruments trop imparfaits, le premier de ces auteurs ne décrivit anato- miquement d'une manière exacte que ce qui a rapport aux plantes (1). » De Mirbel, qui, le premier, avait vu et décrit les éléments anatomiques (chez les plantes) (1802), fut aussi le premier à observer sur les végétaux les modes de formation et de déve- loppement des éléments, deux propriétés que d'ailleurs il dis- tingue très-nettement (1831) (2). Il considère les fib)'es et les tubes comme des cellules allongées. Selon lui, les cellules nais- sent de trois façons : dans les cellules (génération intra-cellu- laire), sur les cellules (génération superutriculairé), entre les cellules (génération interutriculaire. Ce sont en réalité la gé- nération dite endogène^ la gemmation et la genèse. Ce ne fut qu'en 1839 qu'il décrivit ce dernier mode de naissance des cellules. Il le nomme aussi formation de toutes pièces, et dit qu'on l'observe partout où abonde le cambium (3). Il vit comment la paroi, commune à deux cellules, d'abord simple, se dédouble en premier lieu vers les angles : d'où résulte (1) « Il est inutile aujourd'hui de discuter l'expérience dans laquelle il crut voir se former sous l'influence de la pile voltaïque dans de l'albumine, du jaune d'œuf, etc., des fibres musculaires par l'agglomération des globules dont il croyait tous les solides formés. » Robin, Analyse du cours de phi- losophie positive d'Auguste Comte; Journal d'anatomie et de physiologie, t. I, n^S, p. 320,1864. (2) De Mirbel, Recherches sur le Marchantia polymorpha, 1831. (3) De Mirbel, Nouvelles notes sur le cambium. 1839. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 253 l'apparition de méats intercèllulaires. A mesure que le dé- doublement gagne de proche en proche, chaque cellule de- vient distincte et n'a plus que des rapports de contiguïté avec les cellules voisines. « Ces cellules sont autant d'individus vi- vants, jouissant chacun de la propriété de croître, de se mul- tiplier, de se modifier dans de certaines limites, et qui sont les matériaux constituants des plantes. La plante est donc vu être collectif {p. 649).» «Il est impossible, ajoute M. Robin, h. qui nous empruntons ce passage, de caractériser d'une ma- nière plus simple et plus réelle comment l'individu total ré- sulte de la réunion d^éléments constituants solubles, com- ment les propriétés vitales de l'être ne sont qu'une manifestation des mômes propriétés de chacun des éléments anatomiques réunis pour le constituer. Ce fait est vrai non- seulement pour les plantes, mais encore pour les animaux. » (Robin, loc. cit. supra, p. 319). De Mirbel enfin montra que les vaisseaux ne sont pas tubuleux dans toute leur longueur, mais qu'ils sont cloisonnés d'espace en espace, étant formés d'utricules superposés. Ces cloisons d'ailleurs ne sontpas tou- jours complètes,, mais se résorbent et se perforentpar places (1). (( Plus tard, de Mirbel crut voir les granulations moléculaires, douées du mouvement brownien, se rencontrer et s'ajuster ensemble pour former des cellules. Il les appelle, à cause de cela, des phytospermes. » (Robin, loc. cit. supra, p. 320.) Raspail (1833) (2) admet, sans le démontrer, que toutes les parties animales sont d'abord des cellules ; il émet cette opinion que la génération est une cristallisation vésiculaire. En 1838, Broussais écrivait : « Il résulte des travaux mo- dernes sur l'organogénie et surtout des savant;es recherches de Raspail, faites au moyen du microscope, que tout être (1) On sait que les trachées naissent trachées, les vaisseaux ponctués, vais- ■ seaux ponctués; mais à leur naissance ces éléments ont la forme de cellules sphéroïdales, ovoïdes ou cylindriques qui s'allongent plus tard. (2) Raspail. Nouveau système de physiol. végct. et de botan, ; Nouveau systè)iie de chimie organique, 1838. 25U DE LA GÉNÉRATION organisé commence par une vésicule imperforée détachée d'un être semblable. « L'analogie obtenue par une induction » rigoureuse » ,dit Garus, » nous conduira à établir que la paroi » de cette vésicule est elle-même formée devésiculesaggluti- » nées côte à côte, qui peuvent aussi être composées d'autres » vésicules, et ainsi de suite, jusqu'à cet infini qu'on est forcé » d'admettre partout, quoique le calcul ne puisse jamais l'at- » teindre (1).» Nous éviterons de nous perdre dans cet infini^ qui n'est qu'une conception confuse et non un fait démontré, et nous admettons avec le môme auteur que la vésicule per- ceptible au microscope, qui sert de point de départ à l'orga- nisation, s'accroît en s'assimilant une partie des éléments ga- zeux et liquides qu'elle aspire, et en rejetant au dehors par l'expiration ce qui lui est superflu. Ce fait étant applicable à l'embryon de l'homme, dont nous nous occupons principale- ment dans cet ouvrage, nous disons que la vésicule embryon- naire ne peut conserver la vie que par l'excitation que pro- duisent sur elle les matériaux propres à sa nutrition.... L'em- bryon les trouve d'abord dans les humeurs de l'utérus, qui ont été elles-mêmes soumises à l'action des modificateurs ex- ternes : ce sont donc des fluides déjà animalisés qui sont ses premiers excitants, comme ses premiers matériaux nutritifs;, et c'est de ces fluides que sont retirés les premiers éléments gazeux proportionnés à la finesse des vésicules qui vont se mul- tipliant par emboîtement et prolongement pour constituer les tis- sus Nous admettons que tout être organisé commence par une vésicule, que toutes les extensions, tous les prolonge- ments, se font également par des vésicules développées dans l'intérieur de la première et de toutes les autres; en un mot, que tout a germé et poussé sous la forme vésiculaire. » Nous reconnaissons que cette forme persiste encore dans les organes creux, mais elle disparaît dans les filaments divers (1) Trailé élémentaire d'anatomie comparée. Carus, traduit par Jourdan, 1835. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. . 255 dont l'entrelacement constitue leurs parois. Nous sommes loin de nier que ces corps linéaires aient été primitivement des vésicules sorties les unes des autres, dont les cloisons se sont rompues pour constituer des canaux ; que cette dispo- sition ait persisté dans tous les organes qui ont conservé la forme canaliculée, qu'elle ait disparu dans les fdaments qui nous paraissent former la trame de ces organes et de tous les autres par une oblitération complète ou incomplète; en un mot, nous ne voulons infirmer ni même attaquer aucun des résultats des observations microscopiques que nous admirons, tout en convenant qu'ils ont besoin de confirmation. Mais tout cela ne nous fait pas renoncer à nous servir du mot fibres^ qu'aucun autrejusqu'à présent ne peut remplacer (1). » En 1838, Schleiden reprend les vues de de Mirbel sur la génération des éléments et leur développement par métamorphose. Dans ce qu'il nomme la phytogenèse endogène et exogène, il est facile de reconnaître la génération intra-cellulaire et interutri- culairede de Mirbel. Mais Schleiden chercha à pénétrer dans l'intimité môme du phénomène de la génération des éléments anatomiques. Sous ce rapport, il alla plus loin que de Mirbel. Il décrivit comme suit la naissance de la cellule : le nucléole apparaissait d'abord de toutes pièces au sein d'un liquide for- mateur (blastème, cytoblastème); deux petits granules pro- venant du blastème venaient se grouper autour du nucléole dès qu'il avait atteint un certain volume ; une membrane ve- nait entourer ces dépôts et constituait ainsi le nuclcus com- plet (2), précédant toujours le corps de la cellule et toujours précédé lui-même par le nucléole. Sur le cytoblaste ou noyau, ainsi développé, apparaissait une membrane sous forme d'une petite vésicule transparente, ou segment de sphère, aplati comme un verre de montre appliqué sur sa sertissure. (1) Broussais, Traité de l'irritalion et de la folie, 1839. Paris, in-8, L I, p. 57 à 64. (2) C'est à Robert Brown qu'on doit la découverte du noyau (nucleus) dans l'intérieur de la cellule végétale (1831). 256 DE LA GÉNÉRATION En se distendant peu à peu, cette petite vésicule s'éloignait du cytoblaste et devenait la membrane cellulaire, l'espace qui sépare le noyau de la paroi étant d'ailleurs rempli de liquide. C'est ainsi que, selon Schleiden, naissent toutes les cellules. Il admet également que le développement se fait par métamor- phose, mais il confond la naissance avec le développement^ que de Mirbel avait distingués avec soin. Enfin Schwann (1838) appliqua aux éléments anatomiques des animaux les vues de de Mirbel et de Schleiden concernant la genèse des cellules et leur métamorphose chez les végé- taux. Ce que ces auteurs avaient observé sur la plante, il es- saya de l'observer sur l'animal; ce que Gruithuisen avait sup- posé, il prétendit le démontrer. A ce point de vue, on peut regarder Schwann comme le véritable fondateur de la théorie de la métamorphose, puisqu'il fut le premier à généraliser et à théoriser les faits observés par de Mirbel et Schleiden. Il est vrai qu'avant lui (1811) Gruithuisen avait essayé la même généralisation et posé les fondements de la même théorie. Mais ce n'était là qu'une hypothèse ; Schwann entreprit de le démontrer. L'induction de Gruithuisen ne prit réellement corps que le jour où Schwann observa l'embryon tout formé de cellules, et vit que les tissus sont d'autant plus riches en cellules qu'ils sont plus jeunes, a Schwann, ditM.Robin,a vu les éléments anatomiques réels à telle ou telle période de leur évolution fœtale, à deux ou trois près (1). ■» Pour pouvoir conclure en toute liberté de la plante à l'ani- mal, Schwann chercha à démontrer l'identité delà cellule vé- gétale avec la cellule animale (2). Partant de là, il admit en- tièrement, pour les éléments des animaux, l'opinion de Schleiden sur la génération et la métamorphose des éléments végétaux. Il adopta également, en la développant;, la théorie (1) Robin, Programme du cours d'histologie, p. 37. [2] On sait que la cellule végétale diffère de la cellule animale par l'exis- tence d'une enveloppe de cellulose doublée par un utricule formé de substance azotée auquel se rattache le noyau. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 257 au moyen de laquelle ce dernier auteur cherche à expliquer la formation libre des cellules : dans un liquide riche en substances organiques dissoutes, un grain ou nucléole se pré- cipite; s'entourant de cytoblastème, le nucléole devient un noyau; celui-ci attire les molécules qui l'entourent, les con- dense de plus en plus à sa surface jusqu'à ce qu'elles devien- nent une membrane; celle-ci, laissant passer au travers de ses pores le cytoblastème liquide, s'écarte ainsi du noyau, et la cellule se trouve constituée. Schwann fait intervenir ici, dans la génération des cellules, une attraction moléculaire (1) analogue à celle qui préside à la cristallisation. D'ailleurs il compare formellement, comme l'avait déjà fait Raspail, la cellule au cristal et la générationh. \Si cristallisation. Admettant, comme Schleiden, que le développement se fait par métamorphose, Schwann se trouve ainsi conduit à con- fondre également la naissance et le développement. La théorie (1) Nous avons vu que cette hypothèse, émise dans le but d'expliquer la formation libre des cellules (genèse), manque de justesse. Le noyau joue certainement un rôle dans les phénomènes de l'apparition de la cellule, le plus souvent il la précède (genèse de la cellule ou individualisation de matière amorphe). Cependant les cas assez nombreux et parfaitement constatés où la cellule apparaît avant son noyau (cellules du cristallin) prouvent d'une manière irréfutable que celui-ci ne joue pas le rôle qu'on lui a assigné et n'est pas indispensable à la génération de l'élément. Dès 1840, Reichert avait combattu cette hypothèse en montrant que le nucléole n'apparaît dans les noyaux qu'après leur naissance par les progrès du développement. Vog et Bergmann (1840-1841) réfutèrent également cette théorie en montrant : 1° comment les cellules naissent par segmentation du vitellus ou d'autres cellules ; 2° que dans certaines cellules du cartilage et de la corde dorsale, le corps de la cellule apparaît quelquefois avant le noyau. Plus lard, dans la théorie de l'involution, on cherche à expliquer la segmen- tation du vitellus en disant que le noyau était un centre d'attraction qui agis- sait, après sa scission, sur les molécules du vitellus, de manière à diviser celui-ci en deux moitiés. Mais il resterait toujours, comme le remarque M. Ro- bin, à dire comment a lieu la division spontanée du noyau vitellin. L'absence de noyau vitellin pendantla segmentation chez les gastéropèdes d'eau douce, etc., la production des cellules blastodermiques par gemmation, sans noyaux, chez les tipulaires caliciformes, et avec un noyau chez les muscides, infirment la validité de ces propositions. rXF.MENCEAC. 17 258 DE LA GENERATION de la métamorphose mène par une pente insensible à la con- fusion de ces deux propriétés qu'il importe tant de distinguer. Sil'onadmet que leséléments constituants(fibres, tubes, etc.) dérivent tous directement du type cellule, la naissance de ces éléments (en tant que fibres, tubes, etc.) se confond évidem- ment avec le développement de la cellule qui subit la méta- morphose (1). De là à faire dériver directement toute cellule de la cellule par prolifération (génération endogène ou scis- sion), il n'y avait qu'un pas (2). Remak (1852), qui n'admet- tait qu'un mode de naissance pour les cellules, la formation intra-cellulaire (génération endogène), émit l'axiome : omnis cellula in cellula. Peu après, Virchow (185i); qui rejetait avec Remak la formation libre des cellules (genèse), mais admet- tait trois modes différents de naissance des cellules (par géné- ration endogène^ par scission et par bourgeonnement cellulaire ou gemmation) (3), modifia légèrement la théorie de Remak en (1) On sait que les cellules des plantes pour passer à l'état de fibreS;, tubes, etc., ne subissent pas une véritable métamorphose dans le sens réel du mot, comme l'entendaient les auteurs que nous avons cités. Les éléments qui, après leur développement, constituent les trachées, par exemple, naissent avec la structure spéciale aux trachées, seulement plus courts qu'ils ne seront plus tard. Toute leur métamorphose consiste à s'allonger. Chacun de ces éléments a son mode de naissance particulier, tout à fait distinct de son développement. Il naît cellule ; en changeant de forme, par suite de son développement, il acquiert la figure d'une fibre ; mais toujours, depuis sa naissance, et pendant tout le cours de son développement, il conserve les caractères spécifiques qui lui sont propres. Si, au contraire, comme on l'admettait autrefois, une cellule devenait fibre par métamorphoses, comme une chenille devient pa- pillon, il est clair que le développement de la cellule et la naissance delà fibre seraient deux phénomènes absolument confondus, de même que la naissance de la nymphe et plus tard celle du papillon ne sont, à vrai dire, qu'une des phases du développement d'un même être, la chenille. ('i) Cette idée que la cellule provient directement de la cellule, ne se trouve pas dans Schwann, puisqu'il admet la formation libre des cellules (genèse), il professait seulement que tous les animaux procèdent originairement de cel- lules, et que les parties élémentaires plus élevées se développent de celles-ci (métamorphose). Nous avons vu que ces trois faits si différents ont été con- fondus sous le nom commun de théorie cellulaire. (3) On sait que ces trois modes de génération ont été compris sous le terme DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 259 posant le principe : omnis cellula e cellula. Dans ces deux théories, non-seulement la iiaissance d'une fibre, d'un tube, etc., résulte du f^e'yé'/o^^/'cmm^ (par métamorphose) d'une cellule ('!), mais encore la naissance de la cellule elle-même n'est autre chose qu'un résultat du dévelojjpement de la cellule dont elle dérive par voie de généalogie directe, c'est-à-dire que lanaissanceetle développement sont confondus. Schwann ne faisait cette confusion qu'en ce qui concerne les éléments ayant forme défibres, tubes, etc., et admettait encore la for- mation libre, c'est-à-dire véritablement la naissance des cel- lules. Remak et Virchow, en refusant d'admettre ce dernier mode de génération^ supprimèrent ainsi toute idée de nais- sance, et de cette confusion de deux propriétés distinctes firent une loi. « Enfin, écrit M. Picard, le traducteur de Virchow, parurent Remak et Virchow, qui nièrent la libre formation cellulaire, et qui, en physiologie' comme en patho- logie, considérèrent le développement cellulaire comme une succession régulière et légitime de générations (2). Comme de Blainville, Virchow admet une substance forma- trice répandue dans tous les tissus de l'organisme, et qui, grâce au développement (par métamorphose) de ses cellules, produirait les éléments des tissus. Pour de Blainville, cette substance était le tissu cellukm^e ; selon Virchow, cette sub- stance est le tissu conjonciif, ce qui est tout un. Les cellules du tissu conjonctif, nées par développement des cellules qui les précèdent (prolifération), produisent à leur tour par leur développement les éléments de tous les tissus (métamor- commun de prolifération. Ce mot, dans le nouveau sens qu'on lui a attribué, désigne ce fait qu'une cellule dérive d'une autre cellule par voie généalogique directe. Il comprend donc aussi bien la segmentation et la gemmation cellu- laire que la génération endogène. (1) Nous avons vu que si toute métamorphose est un fait de développement, tout développement n'est pas nécessairement une métamorphose. (2) Pathologie cellulaire. Virchow, traduit par Paul Picard, 1861. Intro- duction du traducteur, p. 11. 260 DE LA GÉNÉRATION phose) (1). Ces cellules du tissu conjonctif seraient même le point de départ unique (toujours par métamorphose) de toutes les néoplasies pathologiques. Virchow écrit : «Du mo- ment où je fus en droit de soutenir qu'il n'est aucune partie du corps qui ne possède des éléments cellulaires; lorsque je pus démontrer que les corpuscules osseux sont de véritables cellules; que, grâce au tissu conjonctif, on trouvait des cel- lules véritables en nombre tantôt moindre, tantôt plus con- sidérable, dans les points les plus divers du corps humain, on eut ainsi des germes qui rendaient compte du développement éventuel de nouveaux tissus. En effet, le nombre des obser- vateurs augmentant, il fut de plus en plus démontré que la plus grande partie des néoplasies du corps humain provient du tissu conjonctif ou de ses équivalents. Les néoplasies pa- thologiques qui n'entrent pas dans cette classe sont peu nom- breuses : ce sont d'un côté les formations épithéliales; d'un autre côté celles qui ont des relations avec les tissus animaux plus élevés, les vaisseaux, par exemple. Ainsi_, avec quelques restrictions peu importantes , vous pouvez substituer à la lymphe plastique, au blastème des uns, à Vexsudat des autres, le tissu conjonctif avec ses équivalents, et vous pouvez le regarder comme le tissu germînatifpar excellence du corps humain, et le considérer comme le point de départ régulier du développe- ment. . . . « Actuellement nous partageons l'idée émise par Reichert, et nous considérons le corps humain comme composé d'une masse plus ou moins continue de tissus appartenant à la sub- stance conjonctive, au milieu desquels on trouve en certains points des tissus différents comme des muscles et des nerfs (2). » Comme le dit Virchow lui-même, on voit qu'à la (1) Ce qui revient à dire : La cellule naît de la cellule par prolifération; la fibre, le tube, etc., naissent de la cellule par métamorphose. (2) « D'après mes recherches, continue le même auteur, c'est au sein de celte charpente plus ou moias continue que se développe la néoplasie d'après les lois qui régissent le développement dans l'embryon. La loi de l'identité du DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 261 théorie du blastème (théorie de la genèse), il substitue la théorie du développement continu des tissus. Aussi^ pour être logique, dut-il refuser déconsidérer le vitellus comme un élé- ment amorphe et n'y voir qu'une substance cellulaire : « Ici encore, il a fallu se convaincre qu'on a affaire à une substance cellulaire^ et s'il est vrai, comme Remakl'a établi mieux que tout autre, que la segmention du vitellus soit due à une divi- sion de cellules, au développement et à la fusion des cloisons membraneuses dans l'intérieur de l'œuf, vous comprendrez alors qu'il ne s'agit plus d'un mouvement organisateur libre s'eflfectuant dans la masse vitelline, mais d'une division conti- nue se propageant d'un élément simple (dans le principe) à une série de générations des éléments (1). » L'embryon se trouve ainsi d'abord uniquement composé des cellules de la substance conjonctive qui, par leur développement, se méta- morphosent en éléments constituants : «L'élément cellulaire, écrit Virchow, peut se développer et devenir fibre nerveuse. Le noyau, cet élément constant;, ne fait pas défaut; mais il se trouve relégué dans la gaîne de la fibre nerveuse en dehors de la portion médullaire (2). » Tel est le résumé succinct des diverses phases par lesquelles a passé la théorie de la métamorphose depuis son origine jusqu'à nos jours. D'une hypothèse Schwann fut conduit à essayer de faire une doctrine. Préoccupé de cette idée que la développement embryonnaire et du développement pathologique a été formulée par Jean MuUer, qui s'appuyait sur les travaux de Schwann. » (Virchow, loc. cit., p. 334 et 335.) (1) Virchow, loc. cil., p. 335. Nous avons déjà démontré que les faits observés par Remak sur l'ovule de quelques batraciens étaient en contradic- tion avec la généralité des faits. Si donc les observations de Remak sont con- firmées, elles auront le caractère de faits particuliers, d'exception même, et non d'une loi générale. (2) Virchow, loc. cil., p. 11. KoUiker fait jouer au tissu conjonctif à peu près le même rôle, il propose de le nommer subslance de soutien parce qu'il sert de charpente à tout l'organisme tant comme substance d'enveloppe, que comme substance de remplissage. 262 DE LA GÉNÉRATION. théorie de Schleiden sur la génération et le développement des éléments végétaux devait nécessairement s'appliquer de tous points à la génération et au développement des élé- ments animaux, il dut se trouver entraîné à interpréter ses observations dans ce sens. Il se laissa guider par l'analogie, et l'analogie le servit mal; il dut sollicitefdoucement les faits pour en tirer les conclusions favorables à son hypothèse. La théorie chez lui précédant l'observation, il lui fallut, quand même, adapter la théorie aux faits. 11 observa bien, mais il in- terpréta mal. Il admit par induction des phénomènes qu'il n'avait point vu s'accomplir. En pareille matière, ce vice de méthode est très-grave; c'est pourtant celui qu'on peut re- procher à beaucoup d'auteurs. On cherche à observer plu- sieurs éléments d'une même espèce, à des états différents, suivant la période de leur évolution, et de cette observation on induit les diverses phases de leur développement. Mais, pour que cette méthode soit rigoureuse, il faut être sûr qu'on a bien affaire à des éléments d'une même espèce et que les dif- férences qu'ils présentent résultent seulement de leur évolution naturelle, toutes conditions qu'il n'est pas toujours facile de remplir. Si l'on peut étudier de cette façon le développement élémentaire^ il devient très-difficile de tirer quelque profit d'une pareille méthode pour arriver à la connaissance du phénomène de la génération. Cependant la scission d'une cel- lule, l'individualisation d'un blastème par segmentation, se prêteront encore à l'emploi de cette méthode. (On observe des cellules en voie de scission; et, dans lesblastèmes en voie de segmentation, on constate la présence de sillons se perdant dans la substance amorphe). Mais la genèse, le phénomène de la naissance par excellence, est absolument rebelle à l'em- ploi de la môme méthode. Il faut voir l'élément naître, il faut constater les diverses phases du phénomène sur le môme élément. Sinon il faudra se contenter d'hypothèses ou rejeter la genèse, c'est-à-dire supprimer la naissance pour en faire une des phases du développement {omnis cellula e cellula). DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 263 « L'étude de la génération des éléments, dit M. Robin, néces- site une série d'observations et d'expériences aussi complexes que celle de la digestion. Le raisonnement suffirait à lui seul pour montrer qu'on ne peut découvrir les lois de cette géné- ration à l'aide seulement d'une hypothèse (l). » Pour citer un exemple : vous observez une fibre nerveuse à double contour avec son cylindre-axe et sa gaîne médullaire. Cette gaîne contient un noyau pourvu de son nucléole. Vous vous exposez à tirer de ce dernier fait une induction fausse, si vous en in- férez, sans autre preuve, que la fibre nerveuse est une cellule allongée, modifiée dans sa structure, métamorphosée en un mot. Ce n'est là que l'interprétation hypothétique d'un fait, et le phénomène que vous décrivez, vous ne l'avez pas vu s'ac- complir. Si, au contraire, nous observons la naissance d'un noyau par genèse, si nous voyons la substance amorphe s'a- masser et prendre figure autour de ce noyau comme centre de génération ; si nous observons les phases successives de , l'apparition de l'élément, nous tirerons vraiment de nos ob- servations des conclusions légitimes concernant la naissance des éléments ânatomiques. Ce dernier cas est celui de M. Ro- bin. A ses observations on peut opposer des analogies, des inductions plus ou moins ingénieuses, mais non pas des faits. Nous avons décrit la naissance de chaque espèce d'éléments ânatomiques, nous n'avons pas à y revenir. Nous avons déjà signalé d'ailleurs quelques-unes des conclusions générales qu'on peut tirer de toutes ces descriptions particulières, conclusions qui sont toutes en contradiction formelle avec l'hypothèse cellulaire ou de la métamorphose. C'est ainsi que M. Robin écrit : « Dans l'hypothèse d'après laquelle tous les éléments dériveraient de cellules, il n'y a donc de vrai que ce fait, que chez l'embryon ils ont été précé- dés par des cellules qui ont primitivement composé le blasto- derme, mais elles se sont liquéfiées peu à peu, elles ont dis- (1) Robin, Progr. du cours d'histologie, p. 37. 264 DE LA GÉNÉRATION paru, et l'on ne peut dire jusqu'à quel point ce sont exacte- ment les matériaux qu'elles ont ainsi fournis, plutôt que les principes immédiats venus de la mère, qui ont servi à la gé- nération des éléments qui leur succèdent (1). » D'un autre côté, il importe défaire ressortir les conditions dans lesquelles a lieu la genèse des éléments définitifs de l'embryon, aux dépens de ceux qui disparaissent en se liqué- fiant (cellules embryonnaires). Nous avons décrit, avec M. Robin, ce phénomène sous le nom de naissance par substi- tution, ou mieux encore dans des conditions de substitution (2). (( On donne le nom de théorie de la substitution à ce fait que chez les animaux tous les éléments constituants naissent par genèse; d'où résulte la substitution de ces éléments nouveaux et définitifs aux cellules embryonnaires qui disparaissent par liquéfaction : il y a remplacement des cellules embryonnaires qui se liquéfient par des éléments définitifs qui naissent spon- tanément à l'aide et aux dépens du blastème résultant de cette liquéfaction... Ce mode de génération, la substitution, est propre aux animaux seulement, et encore uniquement aux éléments de leurs tissus constituants (3). (Ces derniers présen- tant le plus souvent l'état de fibres, de tubes, etc. , et rare- ment celui de cellules, tandis que c'est l'inverse pour les produits). (( C'est, dit M. Robin, pour ne pas avoir poussé l'étude de l'anatomie jusqu'à la connaissance des principes (1) Robin, Mémoire sur la naissance des élémenls analomiques ; Journal d'analomie et de physiologie, 1. 1, p. 168. (2) « La substilulion des éléments anatomiques qui naissent à d'autres qui disparaissent s'observe dans un grand nombre de cas postérieurement à l'état embryonnaire et chez l'adulte, mats toujours dansdes circonstances morbides. Tantôt les éléments qui existaient disparaissent devant ceux qui se multiplient outre mesure et qui les compriment, comme le ferait une poche anévrysmale qui détermine, en se distendant, l'atrophie et la résorption du tissu osseux. Tel est le cas dans lequel les cellules épithéliales des tumeurs prennent la place des autres éléments et envahissent, suivant l'expression reçue, le tissu du derme, des muscles et autres organes voisins. « {Mémoire sur la naissance, desélém. anat.; Journal d'anal, el de physiol., p. 35, note.) (3) Dictionnaire, dit de Nysten, art. Cellulaire. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 265 immédiats, que beaucoup de médecins pensent qu'en disant qu'il y a substitution d'un élément anatomique ou d'wn principe immédiat à un autre, au lieu de dire transformation d'un élé- ment ou d'un principe en une espèce différente, ce n'est qu'une question de mot, c'est au contraire une question de fait. Il y a le fait de la disparition, molécule à molécule, de plusieurs principes immédiats, avec remplacement de ceux-ci par d'autres espèces ; un corps nouveau, qui reste, se met à la place d'un corps qui s'en va. En disant substitution, c'est donc exprimer d'une manière juste la réalité ; ce serait la désigner par un terme faux que dire transformation, ce qui entraînerait l'idée de passage d'une forme à une autre, là où il n'y a que remplacement molécule à molécule d'une espèce de corps par une autre espèce d'une nature chimique ou élémentaire différente 0). » De cette genèse par substitution des éléments nouveaux et permanents aux éléments primitifs de l'embryon, il résulte que toutes les espèces distinctes d'éléments anatomiques naissent successivement et qu'elles ne sont point, au moment de leur apparition, semblables entre elles « sous forme de cellules d'un type unique que différencierait le seul dévelop- pement consécutif à la naissance (2). » Le seul caractère com- mun de toutes ces espèces, c'est de présenter dès le principe une structure bien moins compliquée que celle qu'elles offri- ront plus tard. Chaque élément naît en son temps, en son lieu, à sa manière. Aucun d'eux « n'offre au début les carac- tères propres des cellules, en tant que corps sphéroïdal ou polyédrique : aucun d'eux n'a commencé par avoir l'une de ses formes pour présenter plus tard une configuration diffé- rente par suite de son propre développement ou de sa sou- dure à ses semblables : aucun surtout n'a au début les carac- (1) Dicl., dit de Nysten, art. Substitution. (2) Robin, Mémoire sur la naissance des élém. anat,; Journal d'Oinat, ei de physiologie, p. 37. 266 DE LA GÉNÉRATION tères des cellules embryonnaires, lors même qu'il succède à celles-ci ou naît au milieu d'elles. n Ayant pour centre de génération un noyau autour et aux extrémités duquel s'ajoute molécule à molécule une certaine quantité de matière d'abord amorphe, ces éléments offrent pour la plupart la figure d'un corps allongé, plus ou moins effilé à ses extrémités, et auquel la présence d'un noyau cen- tral donne une structure analogue à celle des cellules en gé- néral; mais, dès le début, ils offrent cette particularité, sans avoir eu la configuration ni l'état ordinairement grenu que présentent les cellules, même lors de leur apparition, et ils s'éloignent de plus en plus de cette forme, sans avoir passé et sans passer désormais par celle qu'offre l'une quel- conque des espèces de cellules qui conservent ce de.rnier état pendant toute la durée de la vie individuelle. » Ainsi, l'apparition d'un élément anatoniique ayant forme de fibre, de tube, etc., de môme que celle de toute autre es- pèce de substance organisée, amorphe ou figurée, n'a d'autres antécédents que l'apparition des conditions physiques et mo- léculaires qui ont amené sa genèse. Celle-ci est due à un en- semble de circonstances concomitantes et extérieures à la chose qui naît, laquelle continue à exister et à présenter les qualités qui lui sont immanentes, tant que ces conditions de- meurent les mêmes ou analogues. C'est faute de les avoir étu- diées et d'avoir suivi le phénomène de la genèse, que toujours on n'a fait que reculer la difficulté du problème qu'il s'agis- sait de résoudre, en admettant que tout ce qui a forme et vo- lume dans l'économie proviendrait directement de quelque partie préexistante et toujours visible, qui n'aurait fait que céder une portion de sa substance, ou changer de figure et de dimensions (1). » (1) Robin, loc. cit., p. 167-168. Les phénomènes de l'apparittion des éléments constituants, tels que nous les avons décrits, ne peuvent pas être considérés comme un fait de métamor- phose. Après la genèse de l'élément, l'acquisition de parties nouvelles et la DES ÉLÉMENTS ANA.ÏOMIQUES. 267 Chaque espèce de ces éléments diffère donc spécifique- ment de toute autre. « Elle en diffère tant par les caractères mômes des noyaux qui, nés par genèse, servent de centre à leur génération, que par les caractères de la substance homo- gène qui s'ajoute aux extrémités ou à la périphérie de ces noyaux. Les phénomènes évolutifs, consécutifs à la naissance, ne font que rendre de plus en pi us tranchées ces différences. En effet, ces éléments ne naissent pas tels qu'ils seront plus tard, aux différences de volume près : le développement chez eux consiste en des changements incessants de structure propre, indépendamment de leur augmentation de volume, jusqu'au moment où ils ont atteint le degré dit adulte ou de plein dé- veloppement, à partir duquel ils peuvent présenter en outre résorpHon (mais non par la mue de parties existant déjà) correspondent bien à ce que chez les animaux et chez les plantes on appelle évolution et déve- loppement ; mais on ne peut nullement les comparer à ce qu'on a nommé métamorphose chez les insectes et les batraciens. . « Ceux-ci, en effet, dit M. Robin [loc. cit., p. 166) ne perdent par une succession de mues que des organes extérieurs, et avant celte perte ils possèdent déjà toutes les parties qui existeront lorsqu'elle sera achevée. L'expression de mélamoriphose ne peut donc être employée sans erreur pour désigner les phénomènes qui se passent durant l'évolution des éléments anatomiques, à moins de changer le sens attribué jusqu'alors à ce mot. Il n'y a enfin dans celte évolution de chaque élément que des âges sans Iransmutalion de specie in speciem (d'épithélium en fibres lamineuses, etc.), comme on l'a cru. Il n'y a pas non plus perte de l'individualité de chacun d'eux comme lorsqu'il s'agit des êlres complexes considérés dans leur entier, qui présentent les phénomènes de la métagenèse, c'est-à-dire chez lesquels des individus donnent naissance à des êtres plus complexes qu'eux-mêmes et meurent sans atteindre l'état dit adulte, ou de la reproduction ovulaire. » D'autre part, rien dans l'étude des éléments anatomiques n'apporte un seul fait à l'appui de l'idée d'après laquelle l'élément nerveux, par exemple, proviendrait directement d'une même espèce d'éléments que celle qui a com- posé la tache embryonnaire ou de celle qui forme les parois des lames ven- trales et dorsales de l'embryon, et cela simplement sous l'influence de con- ditions évolutives diverses ; hypothèse d'après laquelle cette même espèce d'éléments donnerait naissance, sous d'autres influences, à des parois propres glandulaires, à l'épithéiium qui les tapisse, à celui qui naît pathologiquement au sein des muscles, le long des nerfs, dans le canal médullaire des os, etc., loin des régions où normalement existe l'épithéiium. » 268 DE LA GENERATION des modifications accidentelles de structure, de forme, de di- mensions (1). » Par exemple, des éléments naissent pleins qui seront creux à l'époque de leur entier développement (capillaires, tubes du myolemme, parois propres des tubes nerveux périphériques, etc.). Les fibres élastiques qui seront plus tard très-ramifiées naissent peu subdivisées, etc. ; les fibres lamineuses dont plus tard la longueur ne se peut me- surer, naissent très-courtes ; enfin, parmi les éléments qui ont des noyaux pour centre de génération, il en est pour les- quels un seul noyau sert de centre à l'apparition de plusieurs fibres (fibres élastiques lamineuses, etc.). Il en est d'autres pour lesquels plusieurs noyaux servent de centre de généra- tion à un seul tube (tubes du myolemme, tubes de la paroi propre des nerfs périphériques, etc.). Dans certaines espèces, les noyaux disparaissent après le développement complet de l'élément (2). Ce qui ressort principalement de l'étude des phénomènes (1) Robin, loc. cit., p. 165. « Ces modifications successives de leur caractère, dans la série des âges, tant à l'état normal, à compter du moment de leur genèse jusqu'à l'état sénile le plus avancé, que dans les conditions morbides à partir de l'une des phases de cette évolution ou de l'état adulte; ces modifications, dis-Je, ne ramènent en aucune circonstance ces éléments à l'un quelconque des états par lequel ils ont passé pendant leur évolution, ni à celui qu'ils ont offert lors de leur apparition. » (Robin, loc. cit., p. 165.) Cependant beaucoup des partisans de la métamorphose ont admis à l'état pathologique une métamorphose ré- gressive ; ils supposaient une régression, un retour sur lui-même de l'élément qui, pendant cette évolution en arrière, aurait exactement reproduit, mais dans un sens inverse, les diverses phases de la métamorphose par lesquelles il avait déjà passé. La théorie delà métamorphose ruinée, il ne reste plus rien de l'hypothèse de la métamorphose régressive. « Chaque élément, dit M. Pio- bin,a son individualité normale et morbide, sa manière de naître, de se déve- lopper, de se nourrir, a même sa manière de s'altérer, ce qui peut causer des aberrations l'éloignant de l'état normal, sans le rapprocher pathologi- quement d'une espèce normale quelconque. {Progr. du cours d'hisl., p. 38.) (2) Il importe de noter ce point. Jamais dans son évolution une espèce d'éléments ne devient semblable à une autre. IDES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 269 de la genèse, c'est V indépendance spécifique des éléments ana- tomiques figurés. Cette indépendance est absolue, puisque dès leur origine, dans chaque espèce, ils présentent des ca- ractères propres, et que pendant toute la durée de leur évo- lution, ces différences spécifiques ne font que s'exagérer (1). « Chaque espèce a son autonomie des plus nettement ca- ractérisées, son individualité propre, sa manière de naître, de se développer, de se nourrir. Aussi, une fois la série des actes commencée, il la suit immuablement, sauf des varia- tions qui ne l'entraînent hors de la constante que dans des limites toujours susceptibles d'être déterminées. Dans ces variations accidentelles, les divers éléments et tissus d'un même organe peuvent être malades chacun à sa manière. Ce fait montre à lui seul que dans l'état sain les éléments et les tissus distincts offrent nécessairement des modes distincts d'existence dont la vie de l'organe est réellement composée. Cette notion met également à néant l'idée de la réduction des divers éléments anatomiques et de leur mode de nais- sance à un seul type ; car on ne peut ramener à un seul leurs modes d'agir de s'altérer, etc. » Chaque espèce d'éléments observée à l'état adulte rem- plit un rôle physiologique qui lui est propre, en rapport avec une constitution organique spéciale. Chacune d'elles a son individualité jusque dans les moindres détails relatifs au lieu, au mode et à l'époque de sa naissance, de son développement et de sa nutrition (2). » Quant à ces trois propriétés dites pro- priétés végétatives de la matière organisée, l'étude de la ge- (1) « Oa a commencé par admettre que plusieurs espèces d'éléments déri- vaient d'une seule ; aujourd'hui quelques auteurs voudraient qu'une seule pût provenir de plusieurs. L'observation ne permet pas d'admettre cette hy- pothèse. Les éléments n'ont pas non plus une paternité multiple, c'est-à-dire qu'un seul ne peut pas dériver de plusieurs ou. vice ver sa. y> (Robin, Programme du cours d'histologie, p. 38.) (2) Robin, Mém. sur la naissance des élém. anat.; Joiirn, d'anal, et de physioL, p. i3. 270 DE LA GÉNÉRATION nèse fait également comprendre combien il importe de les distinguer. « La nutrition, le développement et la génération sont trois cas pa-rticulieTs et nettement différents de l'activité immanente à la substance organisée ; réduits à un seul, ils rendent incompréhensible le changement évolutif qui nous frappe incessamment dans la substance organisée, considérée dans ce qu'elle a de plus élémentaire et de plus général, aussi bien que dans ce qu'elle a de plus complexe et de plus spécial comme organisme individuel (1). » La naissance est, comme on sait, essentiellement carac- térisée par l'apparition d'un élément anatomique qui n'exis- tait pas. « L'idée de comparer la naissance ou genèse d'un élément anatomique à la cristallisation n'exprime donc rien de réel en soi, quand on considère la nature même du phénomène, si ce n'est peut-être qu'elle indique qu'il est moléculaire, nu dominé par des phénomènes moléculaires. Cette comparai- son n'a pu se produire qu'à l'époque oià, ne sachant encore ce qu'est la nutrition, on ignorait aussi quelle est la condition d'existence de tous les autres phénomènes d'ordre biolo- gique (2). » La comparaison de la naissance des éléments anatomiques à la cristallisation se trouve pour la première fois dans Ras- pail, lorsque parlant du mode de formation des cellules^, il (1) Robin, Zoc. cit., p. 152. (2) Robin, loc. cil., p. 169. Il importe de ne point oublier que la génération n'est possible que dans un organisme en voie de nutrition. Le double mouvement continu de compo- sition et de décomposition de la substance organisée, c'est-à-dire la rénova- tion moléculaire, est la condition nécessaire de toute production d'éléments normale ou accidentelle dans l'économie, « et cela par suite de la formation de substances organiques qui prennent figure et slructure particulières en même temps qu'elles s'unissent aux principes crislallisables ». (Robin, loc. cil., p. 170.) Ce sont en effet ces phénomènes simultanés qui caractérisent essentiellement la génération de la substance organisée, amorphe ou figurée. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 271 dit que Vorganisation est une cristallisation vésiculaire (1). Schwann (1838) a repris et développé longuement ceiteidée, il a tenté d'envisager la formation des cellules comme une cristallisation de substances organiques, et de déduire de la per- méabilité de ces substances les différences entre les deux ordres de phénomènes. Il assimile aussi bien à la cristallisa- tion la formation libre des cellules (genèse), que leur préten- due métamorphose; il considère l'allongement d'une cellule en fibre comme l'analogue de la transformation du cube en prisme : ces deux phénomènes résultant de ce que de nou- velles molécules se déposent en plus grande quantité aux ex- trémités d'un axe qu'aux extrémités àa. l'autre axe. Sa con- clusion est que l'organisme est composé d'une agrégation de cristaux formé de substances susceptibles d'imbibition. Valentin (1839), Henle (IS'iS), s'élevèrent les premiers contre cette hypothèse ; M. Robin l'a également combattue, son argumentation nous paraît décisive ; nous la résumons en terminant : La genèse est caractérisée par deux faits simultanés qui la distinguent de tout autre phénomène moléculaire. En même temps qu'apparaît un corpuscule de configuration spéciale, il se forme un principe immédiat qui n'existait pas dans le blas- tème. « Formation aux dépens du principe du blastème d'une substance organique qui n'y existait pas^ nouvelle pour lui par conséquent, et apparition en même temps de matière organisée, soit amorphe, soit à l'état de noyau, soit même à l'état de cellule, sont des phénomènes simultanés ("2). » Il y a là une synthèse chimique en même temps qu'une syn- thèse organique. Au point de vue chimique, les éléments dif- fèrent donc des blastèraes ou des plasmas dans lesquels ils naissent. Ces derniers, par conséquent, ne sauraient être con- (1) Raspail, Nouveau système de chimie organique. Paris, 1838, t. II, p. 104. (2) Robin, loc.cit., p. 170. 272 DE LA GÉNÉRATION sidérés comme un état antérieur individuel des espèces d'élé- ments anatomiques figurés qui naissent à leurs dépens. Ce fait distingue tout spécialement la genèse d'un élément anatomique de la formation d'un cristal, « Il y a en effet une différence radicale entre : » 1° La simple réunion molécule à molécule des parties dissoutes d'un même composé, ou au plus de trois ou quatre espèces chimiques analogues, pour produire un corps à formes anguleuses déterminées ; » Et 2° la réunion en proportions diverses de principes immédiats, les uns cristallisables, les autres coagulables (parmi lesquels une espèce au moins se forme aux dépens des matériaux du liquide au moment où se produit l'union complexe de ces divers principes), en même temps qu'a lieu l'apparition subite ou à peu près (genèse) de l'élément anato- mique solide, amorphe ou figuré, et de volume variable sui- vant l'espèce dont il s'agit (1). Le seul caractère commun que possèdent ces deux phéno- mènes, c'est d'être tous les deux moléculaires. Dans les deux cas, il y a réunion molécule à molécule, de principes qui étaient à l'état liquide et de diffusion dans une matière liquide ou demi-liquide. Mais on ne peut les comparer sous tout autre rapport, sans confondre en un seul tous les phéno- mènes moléculaires. La génération et la cristallisation se pas- sent dans des conditions tout à fait différentes. En eux-mêmes, les deux phénomènes ne sont pas moins dissemblables : d'une part, réunion en proportions différentes de principes nombreux très-divers par leur nature élémentaire et surtout changement d'état spécifique au moment même de l'union des substances organiques ; d'autre part, réunion sous des angles constants, mais avec les dimensions les plus variables, des parties dissoutes d'un seul composé chimique. « La dissem- blance entre ces deux phénomènes consiste encore en ce que (1) Robin, loc.cit., p. 171. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 273 précisément, dans le cas d'une solution complexe, les diffé- rents composés définis, mélangés ensemble, se séparent les uns des autres pour se réunir exclusivement à une molécule de même composition (1). » Une différence capitale sépare encore la cellule du cristal et la genèse de la cristallisation. C'est l'absence de tout état antérieur en ce qui concerne l'élément anatomique. Quand ce dernier apparaît, nous pouvons dire qu'il n'existait réelle- ment pas avant de devenir perceptible à nos moyens d'inves- tigation. Avant qu'on l'aperçût^ les réactions les plus sen- sibles n'en pouvaient déceler la présence (2). Le composé chimique, au contraire, avant d'être sensible aux pouvoirs grossissants lés plus considérables, peut être reconnu par des réactifs s'adressant à chacune de ses parties élémentaires (3), Avant la formation des cristaux, la matière de chacun d'eux existe donc spécifiquement à l'état antérieur de corps simple ou composé en dissolution, «Il suffit de connaître exactement les conditions des phénomènes essentiels et simultanés qui constituent la naissance des éléments anatomiques, ainsi que les faits caractéristiques du développement et de la nutrition, pour voir qu'on se met en contradiction avec toute démons- tration, en swpposan^ aux éléments un état individuel et spé- cifique antérieur. Mais^ pour chaque espèce chimique ou de (1) Robin, loc. cit., p. 172. a Le cas des sels dont les acides et les bases contenant de l'oxygène en même proportion se réunissent au nombre de deux ou plusieurs dans un même cristal (isomorphisme) (le carbonate double de chaux et de magnésie, appelé dolomie, et beaucoup d'autres composés naturels ou artificiels, en sont des exemples) ne suffit certainement pas pour contredire ce qui précède. » (Robin, idem.) (2) C'est ainsi que dans le blastène où naît l'élément musculaire, on trouve de la fibrine et jamais de la musculine ; c'est seulement dans l'élément lui- même que les réactions signalent la présence de celle-ci. L'élément composé de musculine n'a donc point d'état antérieur spécifique individuel avant le moment de sa naissance. (3) « Quelle que soit du reste l'idée qu'on se forme de ces particules élé- mentaires, d'après les diverses hypothèses sur l'état atomique et moléculaire des sels, etc, » (Robin, loc. cit., p. 173.) CLEMENCEAU» 18 27Zt DE LA GÉNÉRATION corps brut, partout où nous l'apercevons, nous pouvons tou- jours démontrer qu'avant d'être visible (qu'elle soit amorphe ou cristallisée), elle existait déjà à un état antérieur invisible, soit de mélange, soit de dissolution ou combinaison. On peut faire des hypothèses diverses sur la nature atomique ou mo- léculaire de cet état, mais son existence est hors de contes- tation (1). » Il n'est donc pas juste d'assimiler la génération des élé- ments anatomiques à une cristallisation de substances orga- niques, en essayant d'expliquer par la perméabilité de ces substances les différences que présentent ces deux ordres de phénomènes. Le cristal et la cellule sont tous les deux le résultat de phénomènes moléculaires, la cristallisation et la génération. On ne peut pas établir entre eux d'autre point de comparaison. - Note G. p. 90. La génération des éléments de l'organisme dans l'œuf, la naissance de l'homme, en un mot, est une génération spontanée. Il importe de distinguer la génération spontanée de Vhétéro- génie. La connaissance du phénomène de la genèse a scienti- fiquement démontré la génération spontanée des éléments ana- tomiques. « Mais, dit M. Robin, au lieu d'être une génération spontanée hétérogénique, c'est-à-dire s'accomplissant hors de l'économie et donnant naissance à des corps dissemblables à ceux dont ils dérivent c'est une génération spontanée homogé- nique, c'est-à-dire d'éléments anatomiques semblables à ceux des êtres préexistants auxquels on doit les conditions d'ac- complissement de ce phénomène (2). » . (1) Robin, ioc. cit., p. 175. (2) M.Robin, Mém. sur la naissance des élém. anat. (Journal d'anal, et de physiol., 1. 1, p. 49, note.) DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 275 La question de V hétérogénie n'est encore scientifiquement résolue, ni en ce qui concerne les organismes, ni à l'égard des éléments anatomiques. M. Robin définit Vhétérogénie une production d'êtres vivants, ne se rattachant point à des indi- vidus de même espèce, et ayant pour point de départ de leur génération des corps d'une autre espèce; et il ajoute que cette production ne s'accomplit point sous l'influence des mêmes conditions (de rénovation moléculaire continue ou nutritive) que nousavons vuesprésider à la naissance des élé- ments. (( C'est la manifestation d'un être nouveau dénué de parents^ c'est par conséquent une génération primordiale, une création (Burdach) (1), » Jusqu'à présent l'apparition par genèse des éléments ana- tomiques est le seul exemple qu'il y ait dans la science de la génération spontanée d'un corps organisé ayant une forme, un volume, une structure déterminés. En revanche, il offre un grand caractère de certitude, se passant sous les yeux de l'observateur. Mais la production artificielle d'un élément, sa génération hétérogénique, de toutes pièces, molécule à molécule, et loin des éléments préexistants, n'a point encore été observée. Ce qu'on pourrait regarder à la rigueur comme une sorte d'hétérogénie relative, c'est la genèse d'éléments différents de ceux au contact desquels ils naissent, mais ayant leurs analogues dans une autre région de l'économie. ^ La distinction que nous établissons ici est due à M. Robin. Remak (1852)^ qui ne s'en est pas rendu compte, se refuse à admettre la naissance extra-cellulaire des cellules animales, parce que, dit-il, elle est aussi invraisemblable que la généra- tion spontanée des organismes (2). Mais nous venons de voir (1) M. Robin, Journal d'anat. et de physioL, Analyse du Cours de philo- sophie positive d'Auguste Comte, 1. 1, p. 314. (2) Virchow a également confondu ces deux idées. Il écrit : « En patho- logie comme en physiologie nous pouvons poser cette grande loi : Il n'y a pas de création nouvelle ; elle n'existe pas plus pour les organismes complets que pour les éléments particuliers. De même que le mucus saburral ne forme 276 DE LA GÉNÉRATION que si la genèse mérite d'ailleurs le nom de génération spon- tanée, ce n'en est pas moins un phénomène très-distinct de l'hétérogénie. De plus, c'est aujourd'hui un fait d'observation que dans l'organisme vivant et aux dépens d'un blastème vir- tuel ou distinct, on peut voir la génération spontanée de corps organisés, ayant une forme, un volume, une structure spécifiques, les uns plus simples, les autres plus complexes que les infusoires végétaux ou animaux. On n'a point constaté ce phénomène hors de l'économie ou de l'ovule fécondé. Une autre question est de savoir si parmi les infusoires vé- gétaux et animaux, plus compliqués ou non que les éléments anatomiques, il existe des espèces qui puissent naître de toutes pièces, molécule à molécule (par genèse en un mot), aux dépens non plus d'un blastème, mais des matériaux de l'eau et des substances qu'elle tient en dissolution (1). Tel est le problème de l'hétérogénie. Jusqu'à présent personne n'a vu naître d'infusoires dans l'eau, comme on a vu naître les éléments anatomiques dans nos tissus. Cela seul pourrait ce- pendant résoudre définitivement la question. On n'a encore cherché à étudier que les conditions du phénomène, sans se pas un ténia, de même qu'un infusoire, une algue, un cryptogame, ne sont pas produits par la décomposition des débris organiques végétaux ou animaux; de même, en histologie physiologique et pathologique, nous nions la possibi- lité de la formation d'une cellule par une substance non cellulaire. La cellule présuppose l'existence d'une cellule {omnis cellula e cellula), de même que la plante ne peut provenir que d'une plante et l'animal d'un autre animal. » (Virchow, 1858, Pathologie cellulaire, traduit par P. Picard. Paris, 1861, p. 23.) Outre que ce passage ne renferme rien autre chose qu'une affirmation, nous ne pouvons répéter que ce que nous avons déjà dit : la genèse et l'hétéro- génie sont deux phénomènes tout à fait différents ; et de l'existence ou de la non-existence de l'un on ne peut pas légitimement conclure à la possibilité ou à l'impossibilité de l'autre. (1) « C'est là ce qu'on a appelé génération spontanée ou équivoque (gene- ratio heterogenea, œquivoca, primiliva, primigena, originaria seu sponta- nea), par opposition à la génération par germe, dite génération univoque (generatio univoca). » {Dict. dit de Nysten, art. Hétérogénie.) Le terme d'hétérogénie est celui qui s'adapte le mieux à ce phénomène. DES ÉLÉMENTS ANATOMIQUES. 277 préoccuper du phénomène en lui-même. Ceux qui parlent des germes ne les ont point vus. Ceux qui parlent de généra- tion spontanée hétérogénique ne l'ont point observée davan- tage. Les uns cherchent à prouver qu'il n'y a pas de germes dans leurs liqueurs, et concluent à l'hétérogénie par voie d'exclusion. Les autres tâchent de démontrer (par le raison- nement seul) qu'il y a des germes, et en concluent toujours par voie d'exclusion à l'impossibilité de l'hétérogénie. Quant au phénomène en lui-même, de la présence des germes et de leur développement, ou de la naissance des êtres nouveaux, tout le monde en parle et personne ne cherche à le con- stater (1). a II importerait de n'expérimenter, écrit M. Robin, qu'a- près s'être familiarisé avec l'observation du mode de généra- tion des éléments anatomiques dont on peut constater jour- nellement la naissance dans les embryons végétaux et animaux, dans les tissus de l'adulte même. Or, ceux qui admettent que des infusoires, les uns plus simples, les autres plus com- plexes que les cellules, les fibres (2), etc., de nos tissus, peuvent naître dans des circonstances autres que celles qui dépendent du concours d'un être semblable, ne se préoccu- pent pas assez de savoir où, quand et comment a lieu la ge- nèse des éléments anatomiques (3). Ils ne s'inquiètent pas assez de savoir si cette genèse qu'ils admettent pour des êtres vivant librement a lieu ou non pour chacun des éléments anatomiques qui vivent réunis et solidaires dans les plantes (1) La génération spontanée hétérogénique demande à être constatée comme on a constaté la génération spontanée homogénique, ou genèse des éléments anatomiques avec ses conditions de lieux, de temps et de mode. (2) « Les plus simples infusoires ne sont généralement pas plus compliqués qu'une cellule d'épithélium, et même moins, comme les monas, trichomonas, amibes, etc. » {Dict. dit de Nysten, art. Hétérogénie.) Ces organismes sont donc infiniment plus simples de structure que la plupart de nos éléments. (3) M. Robin, Journal d'anat. et de physioL, Analyse du Cours de philoso- phie positive d'Auguste Comte, t. I, p. 314. 278 DE LA GÉNÉRATION elles animaux (1). » Il fallait procéder du connu à l'inconnu, et comparer la genèse de l'élément anatomique avec celle de l'infusoire, organisme élémentaire qui, au point de vue anatomique et physiologique, n'est guère autre chose qu'un élément indépendant (2). D'un autre côté^ ceux qui admettent que les infusoires ne peuvent naître qu'avec le concours d'êtres semblables à eux, et non par création de toutes pièces, ont besoin, pour être irréfutables, de suivre une méthode analogue. « Il importe que, partant de leurs connaissances expérimentales propres sur la génération des éléments anatomiques, ils décrivent comment se développent et se reproduisent les infusoires dont le mode de génération fait l'objet du litige (3). Il leur faut dire en quoi ces phénomènes se rapprochent ou diffèrent des mêmes phénomènes observés sur les éléments anato- ïïiiques de nos tissus; car aujourd'hui nous pouvons suivre l'évolution de ces éléments depuis leur apparition première jusqu'aux dernières périodes de leur développement (^). » Nous avons tenu à citer ici textuellement l'opinion de M. Robin sur la marche à suivre pour arriver à la solution de cet important problème. Elle critique en effet très-juste- ment les travaux faits de part et d'autre sur la matière, en même temps qu'elle replace la question sur son véritable (1) Journal d'anat. et dephysiol. de M. Robin, Mém. sur la naissance des élém, anal., t. I, p. 50. (2) « Ce n'est, en eifet, qu'après qy'on aura étudié la genèse de tous les éléments anatomiques de nos tissus, partout où elle peut être suivie, ce qui est loin d'être fait, que l'on commencera à posséder les notions convenables pour résoudre la question de l'hétérogénie. »(Dicf. dit de Nysten, art. Hétéro- génie.) (3) M. Costeest jusqu'ici le seul adversaire de l'hétérogénie qui soit entré dans cette voie (voyez ses récents travaux sur le mode de génération des kol- podes). Cette manière de procéder est assurément la plus longue, mais c'est la seule vraiment scientifique et qui ne laisse de place à aucune objection. (4) Journ. d'anat. et de physiol. de M. Robin, t. I, p. 315 : Analyse du Cours de philosophie positive d'' Auguste Comte. DES ÉLÉMENTS ANATOMlQUES. Î279 terrain, et rétablit l'enchaînement logique des faits qui pour- raient conduire à une conclusion. On a déjà discuté sur la portée philosophique qu'il convien- dra d'attribuer à cette conclusion, suivant qu'elle sera ou non en faveur de Thétérogénie. Nous ne sommes pas de ceux qui admettent avec l'école primitiviste (1), que la science ne peut nous fournir aucun renseignement sur l'origine des choses. Nous ne pensons pas que jamais on puisse empêcher l'homme de se demander d'où il vient, et oii il va. Supprimer les questions, n'est pas y répondre, et d'aussi graves problèmes réclament une solu- tion. Ils la réclament si impérieusement, que l'humanité a jusqu'ici vécu sur la réponse à priori qu'elle a dû se faire dans son enfance, alors que manquaient les éléments d'une solution à posteriori. De l'état actuel de la matière, on peut induire ses états antérieurs. La géologie ne repose pas sur autre chose. C'est ainsi que les données mêmes de cette dernière science ont prouvé que la matière organisée n'a pu coexister de tout temps avec la matière brute. Il est donc certain qu'il y a eu une genèse d'êtres, c'est-à-dire une génération spontanée hétérogénique, une véritable création (2). Faire intervenir ici une volonté extérieure, est une hypo- thèse toute gratuite qu'on n'a jamais pu démontrer, qui est en contradiction flagrante avec tout ce que nous savons, et dont le moindre défaut est de n'expliquer rien. (1) Il est de notre devoir d'ajouter que sur beaucoup d'autres points nous acceptons les doctrines positivistes si éminemment représentées aujourd'hui jiar MM. Robin, Littré, Stuart Mill, Brewster, etc. (2) Le mot création ne peut évidemment s'entendre ici que des êtres nou- vellement apparus. Il va sans dire que la matière organisée n'a pas plus que la matière brute^, été créée dans le sens biblique du mot, c'est-à-dire de rien, ce qui n'a aucun sens. La matière csl avec ses propriétés immanentes; elle a toujours été, elle fera toujours. La matière organisée n'a pu être, au moment de son apparition, qu'une association moléculaire (avec ou sans dimorphisme) de la matière brûle. 280 DE LA GÉNÉRATION Dire qu'il y a eu une création, parce qu'il y a eu une force créatrice, est déjà une pétition de principe. Mais placer cette force en dehors de la matière, et lui donner l'intelli- gence et la conscience d'elle-même, est une conception qui ne relève ni de l'expérience, ni du raisonnement. « Pour peu qu'on ait réfléchi, dit Buffon, sur l'origine de nos connaissances, il est aisé de s'apercevoir que nous ne pouvons en acquérir que par la voie de la comparaison : ce qui est absolument incomparable est absolument incompré- hensible (1). » Or, les partisans eux-mêmes de la force créa- trice lui rendent cette justice qu'elle est absolument incom- parable. Cette hypothèse exclue, nous ne pouvons plus refuser d'admettre l'hétérogénie des êtres, de par les seules forces naturelles immanentes à la matière. En d'autres termes, nous pouvons affirmer que les êtres sont nés par hétérogénie, car il est impossible qu'ils soient nés autrement. On voit, d'après ce que nous venons de dire, que l'état de la science nous permet d'arriver, au moins par voie d'exclu- sion, à une certaine vue sur l'origine des êtres; vue impar- faite, il est vrai, mais qui ira toujours s'éclairant de la forte lumière de la science. Le jour oii nous aurons observé le phénomène de l'hétérogénie, nos serons en droit de conclure que, dans d'autres conditions, en d'autres temps, en d'autres lieux, le même phénomène a pu se présenter sous d'autres aspects, avec des phases, avec des résultats différents. Mais, dira-t-on, si l'observation conclut contre l'hétérogé- nie ? A cela nous répondrons que l'observation ne peut pas conclure contre l'hétérogénie. Il peut arriver qu'on démontre que telle génération d'êtres considérée comme fait d'hétéro- génie, n'est qu'une naissance au moyen de parents. Peut-être même la présence des germes sera-t-elle constatée, et leur développement décrit partout où jusqu'à présent on avait (1) Buffon, Histoire naturelle. Paris, 1749, in-4j t. II, p. 450. DES ÉLÉMENTS AN ATOMIQUES. 281 supposé, je dirais presque espéré l'hétérogénie. Mais il ne sera jamais scientifiquement démontré que la genèse hétéro- génique ne puisse ou n'ait pu avoir lieu. On établira peut- être qu'on n'est point arrivé à obtenir les conditions de l'hé- térogénie; on ne prouvera jamais que ces conditions n'aient pu se trouver réalisées à un moment donné, ou même ne le soient quelque jour. Ce n'est donc points à vrai dire, l'hétérogénie en elle- même qui est en cause dans tout ce débat, mais bien seule- ment un des cas particuliers de l'hétérogénie. FIN. TABLE DES MATIERES Introduction de M. le professeur Robin I CHAPITRE PREMIER 13 § 1. Phénomènes de déformation et de gy ration du vitellus .... 16 § 2. Production des globules polaires 20 § 3. Production du noyau vitellin 26 § û. Segmentation et gemmation du vitellin 34 § 5. Segmentation et gemmation chez l'être déjà formé 56 CHAPITRE 11. — De la. genèse des éléments anatomiques 69 § 1. Genèse des éléments anatomiques dans l'ovule 71 § 2. Genèse des éléments anatomiques chez l'être déjà formé. . . 106 CHAPITRE III. — Naissance de l'ovule, — Phénomènes d'épigenèse. 135 § 1 . Ovule mâle 140 § 2. Ovule femelle 152 CHAPITRE IV 183 § 1. De l'hypergenèse des éléments anatomiques 187 8 2. Aberration de genèse des éléments anatomiques 192 § 3. Des conditions indirectes et éloignées de l'excès et de l'aber- ration de la genèse des éléments anatomiques 198 § 4. Des conditions directes de l'excès et de l'aberration de la genèse des éléments anatomiques 200 § 5. De l'envahissement 213 Appendice . 227 Paris. — Imprimerie de B. Martinet, nie Mignon, 2, LIBRAIRIE GERMER BÂILLIBRE 17, RUE DE l'école-de-médecine, 17 PARIS EXTRAIT DU CATALOGUE BIBLIOTHÈQUE DE PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE Volumes in- 18 à s fr. 50 Ouvrages publiés. H. TAINE. I.e Positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill. — I/Idéalïsnie anglais. — Philosophie de l'art. — Philosophie de Fart en Italie. PAUL JANET. I.e Matérialisme contemporain. Examen du système du docteur Biichner. — I.a Crise philosophique : MM. Taine, Renan^ Vacherot, Littré. — I^e Cerveau et la Pensée. ODYSSE-BAROT. I^ettres sur la philosophie de l'histoire. ALAUX. Eéisme et Christianisme. CAMILLE SELDEN. I.a Musique en Allemagne. Étude sur Mendelssohn. FONTAINES. I^e Christianisme moderne. Étude sur Lessing. SAIGEY. l,a Physique moderne, étude sur l'unité des phéno- mènes naturels. ÉDITIONS ÉTRANGÈRES. ÉDITIONS ANGLAISES. H. TAINE. The Philosophy of art. 1 vol. in-18 relié. 3 shill. PAUL JANET. The Materialism of the présent day. A criti- que of D'' Biichner's System, translated by prof, Gustav. Masson. 1 vol. in-18 relié. 3 shill. ÉDITIONS ALLEMANDES. H. TAINE. Philosophie der Kunst. 1 vol. iri-18. 1 thaï. PAUL JANET. Uer Matcrialïsmus nnzerer Xeit in Deutsch- land, unberzezt von Prof. Reichling-Meldegg, mit einem Vorwort von D' von Fichte. 1 vol. in-18. 1 thaï. JK. ^ i i^V^),». ^ffk*-^ ^>