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of the

University of Toronto

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E L' E A

RELA TIVËMENT

k L'ÉCONOMIE RUSTIQUE.

mm^Bmma^mameaai^m^

Prix ,

36 fols broche.

9

DEL'

RELAT IVEMENT

A UÉCONOMIE RUSTIQUE,

ou TRAITÉ

DE ^IRRIGATION

DES PRES,

i?E'D7E' A LA SOCIE'TE' E'CONOMWUE DE SERNÈé

Par M. J. Bertrand, Palteur à Oibe , Membre de cette Société.

. , . . Adde dttcius AquArum , dcrivxt'tones Tluminum , Agrorum irrigationes ....

Cicer. ï. ofEc, 14.

A Avignon , er vend ,

A L T O N,

Chez G. Regnault, grande rue Mercière.

M. DCC. LXIV,

Digitized by the Internet Archive

in 2009 witii funding from

University of Ottawa

littp://www.arcliive.org/details/deleaurelativemeOObert

Messieurs les Presidens & les Membres de la Société Economique de Berne.

Hessieurs,

comjjoHttoM, U^"^ ce^ Jtatte, il Voiul.

a 4

vj É P I T R E,

fçcLiLtoiâ tc^ tjaite^ patoitte^ joutC. dC^ vfuj ficuteux aiifviceât. ^ ; e/u ttauaificLiti^ au cA\^emoat^ QueJ) Vouj ave^^ cJVLc^ieuXô^ hoHOte o^ Voô fiifftaaej 5 favotô taUcmbie uiij p ctaiw MomVtc^ cy^^ Htatetiauxl) dont je Hd^ ctu^ paj afotj âciioir^ tjraitc^ ufaqe^ , oanj La ctaiîdte^ àc> ci/da^ùu fcj iotiicj otiiHaitej d'ime^ ^iMettatioru , ou lej tetmej (J^^ feu, giLcHiOH ptovofeej)'

S^evuiS co tcmpj fat lu fzj}

Sùotm^ OS^ g^VL. dû' Tfchamei:

jiLv Tait darrofer les terres, O^ ^c9

oJA^tv/LoitL^ ù^^ oAi^oHHcuu Stapfec

'* F. rAYerçifïement ci-apiès.

Ê P I T R E. vij

i3Ui fe ttouveidt daitct, Votte^ t/^-e-

ciieiL '^ tvitichi oS^ uiLttL. te ruxioniu

&Cc ô^"^ fcutj ùécô , fat teiit^

OS^ ptoiivcucj expeticpiccj , j'iii fait-.

ôctu évtciivctu ^ fat comiiLt^ ^ fai

tccueitlL dej omctvatioitJ ; u\^ touu.

cefa il eft tciuite ilh cotVJ d'ii^Jùtzic-

tioiiô Que^ j ai iiHaqiide -pouvow ettcj

UtiLC^ au ^uuLic 5 c'ctt daidj cette^

Vu^ Que^ic^ tC' livtc^ a iimpteMioru,

CM, attevièant ûiticpie main pfiij ha-

ottc^ deveiovpLy Crr: ttacc^ uh yuitemt^

complet nw 6 irrigation des prés , ma--

tiete^ dont Voiij avez, <:J\\.e<1àteiL'cùL ,

^i Vieil tau coM-Koute Vimpottam^s

d 4

vil'; É P I T R E.

mon navau j je laiHô avec autant ôc^ latL^ faction aue a cmpte^ci^tent ^ Voc-^ caHon oe Vouj aonneu ce tetnoiqnaqc^ xjowte^^ mau x^incete^ oej tentimenàu dc^ tefvcct 2>C- u^"^ teconnoiJ^ancç^ leîquclj fat l'nonnetLu octtçj)^

avec

nA^cMieutit, ,

^Jotte^ ttcj'fmimLc^ Qr^

ttej-ouei^àant ojctviteuf^^

J. BERTRAND, Paftsur d'Orbe,

A 0.yhe le lo Novembre îf6i.

12C

AVE RTISSEMENT.

IL y a quelques années que la Société Économique de Berne, toujours emprefifée de concourir à l'avancement de l'agriculture ôc au bonheur des peuple^, propofa pour fujet de prix , V Arrofiment des Frés de le Dejpchement des Marais. Il parut plufieurs Mémoires fur cette matière ; Teffai que l'Auteur de ce Traité préfenta , fut reçu avec éloge , mais ce n'étoit que Tefquifle de Touvrage qu'il publie aujour- d hui ; ils n'ont de commun que le fujet & les principes. Le fujet eft

jr AVERTISSEMENT.

envifagé fous plufieurs faces nou- velles , & les principes développés avec l'étendue, qu'exigeoit une matière aufli vafte 6c aulli effei> tielle.

L* Auteur a cru devoir joindre à ce Traité , quelques plan- ches, pour faciliter l'intelligence des diverles opérations qu'il indique ; mais il a paru que ce feroic en interrompre inutilement la leélure , que de renvoyer, fur chaque objet, du texte aux planches. Les mé- thodes font claires de funples ; ( y. le Chap. II ^ les fuiv. ) ceux qui voudront les mettre en pra^ tique , après avoir lu Touvragç eu

AVERTISSEMENT. ^ entier , jetteront les yeux fur les planches qui fixeront leurs idées, raflembleront les principes , & rappelleront tous les préceptes renfermés dans le texte ; c'eft une efpece de récapitulation ou de table en forme de tableaux.

mmÊmmmmm n m^

ERRATA.

1 Ag. 8 , lig. 7 •> [w ^ lifez ft.

Pag. Ils lig- 8 , recolts , lifez récolte.

Pag. 31, lig. 1 1 s quelle renferme , lifez qu'elles

renferment, Pag. 5 3 > lig. dernière , cr aient , <ïf/erg , lifez craie %

matière, Ï^^S» M^ï lig* dernière , /^r??î^w , \Kqz formées.

xîll

TABLE

DES CHAPITRES,

\j Hapitre I } Servant d'introduit m. Utilité* "^ des fourrages, Pag, C

Cm A p. II. Irrigation des Prés> Ij]

C H A P. III. Découverte des Sources, xt

Chat. IV. 'Eaux de refervoirs , de grands chemins > d'egoûts , de ruif-

feaux & de rivières. ^^

C H A i>. V. Indices des bonnes Eaux. 40

Chap, VL Des Eaux mauvaifes ou me*

diocres^ 4*

i\v TABLÉ

Chap. VII. Amélioration des Eaux matt-

vaifes ou médiocres, ^cj

Chap VllI. i^c la conduite des Eaux. G%

Chap. IX. Introduction de l'Eau dans les

canaux de conduite. 73

Chap. X. Préparation des Prés, j^

Chap. XI. Des Canaux. ^0

Chap- XII. Ufages & conJirud;ions des

Etangs. pc)

CaAP. XIII. Des Batardeaux :, des Eclu-

[es 3 &c. Ï05

Chap. XÏV. Mesure & quantité de l'ar-

tofement. iiz

Chap. XV. Temps de l'arrofement. iï<>

Chap. XVI. Dïflribution & diredlgn dei

Eaux^ 12-i

DES CHAPITRES. xt

Chap. XVII. Des Eaux graffes & des Eaux

à te'ffips. 134

Chap. XVIII. Irrigation d'un Pré' dc' .':m "* forte dont la pente eji mé- diocre. 137

Chap. XIX. Irrigation d'un Pré dont U terre eji forte & la pente rapide. 145»

Chap. XX. Irrigation d'une terre légère & fans fente. Renouvelle- ment des vieux Pfés. t%i

Chap. XXI. Irrigation d'un Pré dont la- terre efl légère j & la pente douce ou rapide. i6i

Chap. XXII. Irrigation des Marais , des

Chenevieres & des Jardins, i ^5

Chap. XXIII. Calendrier ou Manuel des Fermiers pour L'arrofement des Prés» 171

xvj TABLE DES CHAPITRES.

Au T O M N £. IJÏ

h 1 V E R. 172.

* .. X j.: \ E M V s^ 17 J

È T é, 17^

Fin de la Table,

DE L EAU

E L' E A

RELATIVEMENT

A L'ÉCONOMIE RUSTIQUE,

o u

DE L'IRRIGATION DES PRÉS,

iga^w^———— 111—111 .11 IIIH-» .uair-^T'^'^w

CHAPITRE PREMIER, S;ERVANT D'INTRODUCTION.

UTILITE DES FOURAGES,

^^ OuTES les parties de l'Economie rurale ^-^ répondent les unes aux autres &fe fou-^ tiennent mutueliemenr. Il faut des champs &dcs grains pour la nourriture de l'homme 5

A

2 Utilité' des Fourrages.

les beftiaux font nécefTaires à la culture des terres , & les Prés fournirent à l'entretien des beftiaux ; c'eft donc fervir utilement la Société , que d'indiquer les moyens d'au- gmenter le produit des prés j non feulement les beftiaux qui cultivent les terres & les en- grais qui les fertilifent font en proportion du fourrage que Ton recueille , mais encore au moyen des Prairies on fait des nonrris s on enguailTe des bœufs pour la confommation , on entrerient des vaches qui fourniilent des veaux & toute efpece de laitage , on élevé des moutons qui donnent la matière pre- mière des Manufadures de drapt j on fe procure des cuirs, des fuifs , des faiaifons &c, pour l'ufage domeftique , ou pour la vente. Le commerce des beftiaux eft un objet très- coniid érable j l'exportation en eft facile , le débit aufti avantageux qu'afluré j tout ce qu'on en tire eft véritablement un produit rural 5 c'eft la denrée après le bled la plus utile à la nourriture de Thomme : c'eft celle qui parconféquent favorife davantage la population , & qui accroît plus fûrement les richeftes d'un Etat.

Utilité' des FoupvRages. 3

En effet les Pays de pâturages font ceux les Métiers & les Manufadurcs le (buricn- nent le plus aifément , parce que leur cul- ture exige moins de bras que tout autre & fournit plus d'alimens. Les travaux qu'ils demandent font moins pénibles , dès - lors les Cultivateurs acquièrent ou confervcnc plus fûrement de l'aptitude aux ouvrages plus délicats.

Qu'on, jette les yeux fur les différens Domaines d'un canton : quels font les plus fertiles ? quels font ceux qui s'afferment le plus facilement & le plus avantageufcment ? quels font ceux le Fermier fait un béné- fice plus certain fans nuire à celui du Pro- priétaire ? Il n'eft point de poffcflèur de Fonds un peu confîdérables qui n'avoue , s'il parle avec franchife , & qui n'ait éprouvé que ce font les Domaines le fourrage abonde ; tandis que ceux les Prés ne font pas en proportion avec les terres labourables , ne font jamais portés à une valeur proportion- née , & occafionnent le malheur du Culâ\'a- teur qui s'en charge. Ses terres mal cultivées

4 Utilité' des Fourrages.

& mal fumées rapportent peu j le petit nombre de beftiaux qu'il peut entretenir , exténué par l'excès de travail & par le défaut de nourriture , n'eft d'aucun débit & ne rapporte aucun fruit. Le propriétaire eft mal payé & le fermier ruiné.

Ces différentes réflexions que je ne fais qu'indiquer , ont déterminés tous les efprits éclairés & patriotiques , qui de nos jours ont travaillé à faire refleurir l'Agricul- ture , à recommander l'augmentation & l'améliorificment des Prairies, comme la bafe de toute l'économie ruftiquc. M. Paîullo a donné fur ce fujet la méthode la plus fûre & la plus avantageufe.

Eclaire' des lumières des Anglois , il am- plifie leur fyJLlêmej il propofe ralternati^-e des grains , orges , fromens , &c. & des her- bages artificiels , trcflles , fainfoin , luzerne , rm-grafs , &c. 11 fuppofe la réunion des Domaines , l'abolition des Parcours & des Communes , celle des Jachères & des Soles , obflacles invincibles à la multiplication des Fourrages j il en établit d'artificiels qui fup-

Utilité* des Fourrages. $

plécnt 2 ceux que la nature du pays femblc rcfufer ; il fait voir que cette pratique femblc non feulement quadrupler , mais augmenter dix fois la ferme d'un Domaine. Cette propo- rtion , outrée en apparence , eft démontrée dans L'EjJki fur l'amélioration des Terres , avec une netteté & une évidence qui ne laifle rien à délirer ; nous ne croions cepen- dant pas qu'elle puille s'appliquer à tous les pays. Il eft des lieux très abondans en pâtu- rages où les grains ne fauroient réuilir , des pentes rapides , des furfaces pierreufes ôc irrégulieres arrêtent abfolument le travail de la charrue.

Cette économie exige d'ailleurs des tra- vaux qu'il feroit utile de pouvoir s'épargner , des foins que le dérangement des faifons rend quelquefois impoiîibles , des bras dont on ne manque que trop fouvent , ou qu'on ne peut fe procurer qu'à trop grand frais. Ces difficultés réunies ou feparées font autant d'inconvéniens , qui s'oppofent fouvent à Vexécution du beau plan de M. Patullo.

Il eft donc très effentiel de chercher les

A3

6 Utilité' des Fourrages. moyens de tirer- des Prés naturels tous les avantages qu'ils peuvent fournir 5 tout l'arc confifte dans la connoiflance , la conduite & la diftribution des eaux qui les arrofent, & cet art éclairé par une faine théorie , & par une pratique réfléchie , afllirc ramélioriffement des Prés , leur durée, l'augmentation de leur produit , la diminution du travail , du temps & des frais.

Tel eft l'objet queje me propofe d'exami- ner dans ce Mémoire j j'ai lieu de croire que les Agriculteurs, me fauront gré de mon tra- vail 5 je ne me fuis pas contenté de rédiger feulement mes propres obfervations , j'ai fait ufage de tout ce qui m'a paru utile , j'ai raf- femblé les préceptes des anciens , j'ai indi- que les pratiques de mes contemporains, j'ai examiné leurs avantages & leurs inconvé- niens , j'ai propofé mes doutes , j'ai rap- porté mes expériences ; j'ai taché de ne rien négliger fur un fujet auffi important.

Plus Tufage des Prairies naturelles eft ancien & commun , plus il faut s'efforcer de les perfedionner , nous voyons avec fatis-

Utilité* des Fourrages. 7 faâ:ion nos Compatriotes convaincus de leur utilité , leur facrifier d'anciens préjugés nuifî- bles au bien public.

On a fait en divers temps & en divers lieux plufîeurs Edits pour détruire les Vignes inu- tiles , cesEdits ont été mal exécutés, mais les Propriétaires des vignes baffes qui ont toujours un peu de pente , témoins des avan- tages qu'offrent les Prés abreuvés , on arra- ché les vignes pour y établir des Prairies fans qu'on ait eu recours aux Ordonnances & à leur rigueur.

Enfin l'irrigation eft même favorable aux Prés artificiels , elle équivaut prefqu'à la marne & au fumier avec lefqucls on eft obligé de les engrailTer 5 tous les Domaines n'ont pas des marnes , & pour l'ordinaire les terres à bleds exigent tout le fumier qu'on peut faire.

Il eft encore une confidération que nous

ne devons pas paflèr fous filence. Les Prés

irrigables favorifent l'établiflèment des Che-

nevieres & des Linieres , dont le produit

augmenté peut nous mettre en état de nous

A 4

8 Utilité' des Fourrages,

paflcr plus facilement du Coton , dont la plante ne peut fupporter notre climat. Cet objet eft ttès-grand. Partout on file du coton, partout on ufe des toiles de coton. L'achat de cette matière fait fortir de l'Etat des fommes confidérables qu'on pourroit retenir fi les Lins & fur les Chanvres étoient plus communs , plus beaux & mieux ouvrés. On emploit principalement deux couleurs pour les toiles qu'on nomme Cotonnes , le bleu & le rouge j l'une & l'autre peut devenir aullî folide fur le Lin & fur le Chanvre que fur le Coton.

'L.'^rQUgc àc Turquie , ou IncfimM ., n'eft bien connu que de quelques Artiftes j cepen- dant un de mes amis l'a découvert & en a fait des épreuves en grand & en petit ; la couleur a très-bien foutenus le débouilli , & a refifté à tous les lavages. Le bleu n'eft plus un fecret.

Voila tout ce que j*avois deflein d'expofer dans cette efpece d'introduction , mais il eft tombé entre mes mains un Ouvrage imprimé à Paris , l'année dernière , qui m'oblige d'ajouter ici quelques réflexions. Ce Livre

Utilité' des Fourrages. 9

eft intitulé : PrefervMîf contre l Agromunie , oui' Agriculture réduite Àfes "vrais principes. Comme l'Auteur s'écarte de l'avis de tous les Cultivateurs , il me permettra de n'être pas du fien.

Il prétend pag. 116." que les Prairies arti- 5, ficielles ne produifent pas de Fourrage verd: que les bœufs qu'on laifle paître pendant quelque-temps dans un pareil Pré , au lieu de s'y engraiflcr y dépériflènt : qu'il faut 5, ufcr de précautions pour en nourrir les 5, vaches à lait : & que fi par hazard elles 5, s'échappent dans la plupart de ces Prés , elles courrent rifque d'en mourir. Il n'eft pas propofable de nourrir avec ces pâtura- „ges des troupaux de moutons un peu nombreux „,

Il paroît que l'Auteur ne connoît pas les Fourrages artificiels , qui font principale- ment deftinés à nourrir en verd les beftiaux , furtout la Luzerne & le Trèfle : il ignore qu'on ne les fait point pâturer , qu'on don- ne l'herbe dans la crèche aux chevaux , aux boeufs, aux vacliçs,aux cochons & aux brebis.

lo Utilité' des Fourrages.

Et qu'à l'égard de l'Efpar cette ou Sainfoin & de la Fetmjfe , on en fait pour l'ordinaire du Foin. On peut confultcr fur cela rEfTaiy/zr r amélioration des Terres. On verra qu'on ne doit mener les moutons que fur les champs de Navets & fur des Landes , qui ne produi- fent que des herbes clair - femées & courtes.

Le même Auteur , à la pag. 184, attaque diredement l'irrigation des Prés. " Les Ecri- vains , dit-il , qui projettent d'améliorer l'Agriculture aux dépends des anciens écou- „lemens , ou épanchemcns des Sources d'eaux abondantes , ne propofent que des travaux coûteux. . . N'envions point à une jjPuifTance voifine le trifte talent d*élever j, des Digues , qui tiennent , pour ainfî dire , la Mer fufpendue fur *fa tête , & la contraignent de lui céder un afyle & quel- ques terres fécondes : les Fruits qu'elle en recueille valent-ils les inquiétudes efFraian- tes qu'elles doivent lui caufer ?

Qu'ont fait à l'Auteur les induftrieux Hollandois ? ils ont créé un Pays qui excite l'admiration de tous ceux qui le voient ,

Utilité' -des Fourrages. ii Et ils n'ont jamais connu les inquiétudes qu'on leur fuppofe. J'ai demeuré en Hollan- de pendant quelques années , j'y ai dormi aufli tranquillement que fur nos Mon- tagnes les plus folidement établies. Ses nom- breux Habitans , ni les Etrangers , qui y abordent de toutes parts , n'ont jamais craints d'être engloutis par les eaux. Dans ce Pays faétice, comme dans ceux qui ne font, dûs qu'à la Nature , il y a un mélange de bien & de mal. Les Pays montagneux font fujets aux éboulemens & à des neiges extraordinai- res , les Plaines aux inondations , les Pays chauds aux tremblcmens de terre & les froids à d'autres calamités , tel eft le fort des cho- {cs humaines.

Quoiqu'il en foir , je ne vois ici qu'une feule objcdion qui mérite quelque confîdé- ration ; elle eft tirée des frais exceflifs qu'exi- gent ces établiiTemens.

Je conviens qu'en effet la dépenfe ne doit jamais excéder le profit , ou l'agrément , qui en certains cas , eft encore d'un plus grand prix : mais je me flatte que l'on aura lieu

iz Utilité' des Fourrages. d'être content de Téconomie , que je pro- pofe ; il ne s'agit pas d'inonder & d'en- fevelir les Terres fous les Eaux , comme l'Auteur femblele fuppofer : il s'agit fimple- ment de les abreuver avec difcernement & avec principe , de rafraîchir les racines des Plantes , & d'augmenter par avec le moins de frais poflîble , la Récolte des fourrages les plus abondans.

f4^

13

CHAPITRE IL

IRRIG.4TI0N DES P R É S.

J'A 1 dit précédemment qu'il y avoit deux fortes de Prairies , des Prés artificiels Se des Prés naturels. Les Prés artificiels font ceux qui ayant été préparés par de bons Labours ôc par des engrais , ont été femés en graines de Plantes propres à nourrir à récurie les beftiaux , foit en verd foit en fec. Les Prés naturels , font ceux qui donnent naturellement de Therbe ordinaire & du foin , fans être femés ni cultivés. Ces Prés naturels , font fecs ou arrofables. Les Secs peuvent être améliorés par des fumiers confommés & des engrais qu'on y répand en Automne. Les arrofables , font ceux qui peuvent être abreuvés , ou qui font en effet arrofés par des eaux naturelles. Ces Prés fourniffcnt des Récoltes abondantes. On les coupe ordinairement trois fois l'année , fou- vent mêiriC quatre fois, lorfqu'on en éloigne

14 DE l'Irrigation des Pre's. les beftiaux en Automne , & il n'eft pas rare de fortir d*un Arpent 4 ou 8 milliers de foin fecj enforte que cette économie a depuis une cinquantaine d'années triplé , & décuplé le produit de plufieurs Domaines de la Suiflfe.

L'Irrigation des Prés n'eft pas une découverte moderne. L'ufage d'arrofer ou d'abreuver les Prés pour les améliorer , cft plus ou moins fuivi en divers lieux , dans le Dannemarck , dans le Holftcin , dans quel- ques endroits de la Saxe , & de la Thuringe ; en Italie & en Piémont. Il n'eft pas abfolu- ment inconnu en France. On l'emploit dans quelques endroits de la Provence , du Lan- guedoc , du Dauphiné ôc dans quelques autres Provinces.

La Suifife le fert d'une infinité d'arrofe- mens imaginés , établis s variés & conduits avec une jnduftrie qui fait honneur au génie de cette Nation laborieufe : le Canton de Berne que je connois plus particulièrement en met en ufage plufieurs , dont on ne peut allez admirer l'invention & les fuccès. Dans

DE l'Irrigation des Pre's. i^ les Vallons fertiles de l'Aargau , arrofés par la Sour & la Wigger , il n'y a pas pour ainfi dire , une goutte d'eau qui ne foit mife à profit. Ces deux Rivières prifes à l'entrée fupérieure de la Vallée fe divifent en mille canaux : l'on voit des Ruilïèaux , qui reçus dans des diverfes conduites , traverfent d'au- tres Ruiflèaux, & jufques à trois cours d'eaux qui fe croifent & fe coupent : quelquefois on en voit deux par étages au-deflus de celui qui coule fur la terre. Ailleurs ce font de longs Canaux , qui foutenus par une fuite d'appuis & de chevalets de bois ou de maçonnerie , conduifent l'eau au travers d'un chemin creux , d'une rivière , d'une vallée pour arrofer des Prés placés à l'oppo- fite. De toutes parts on trouve des Etangs deftinés à raflcmbler les Eaux , à les corriger & à les diftribuer convenablement. Souvent des machines mouvantes puifent l'eau dans des fceaux pour l'élever fur les parties fupé- ricures d'une Prairie. Par-tout on a cherché & l'on trouve des Sources abondantes. On a percé des Montagnes , on a fait fauter des

i6 DE l'Irrigation des Pre's. Rochers , on a tiré les ruiflcaux des abymes profonds ils étoient inutiles , pour les conduire far des plaines arides , qu'ils ont fertilité. Du fein des marécages on a fait for- tir des ruiffeaux qui ont abreuvé des cam- pagnes plus baflès , en defféchant en même temps le marais. Les étrangers qui parcou- rent avec quclqu'attention ce pays, ne peu- vent s'empêcher d'admirer jufqu'à quel point l'art & l'induftrie fécondent la nature.

Cependant , jufqu'ici on ne s'eft point en- core attaché à réduire en art cette pratique. Pour l'ordinaire , les fermiers ne fuivent que leur propre fantaifie , la coutume & la rou- tine , fans avoir ni régies ni principes ; d'où il fuit qu'ils ne retirent pas des eaux & de leur ufage tout l'avantage qu'ils en pour- roient attendre. J'ai été furpris que I'Ency» clope'die , ce tréfor immenfe de toutes les connoifïances humaines , ce dépôt précieux de la pratique de tous les arts , ne contienne encore rien de développé fur un article fi intéreflant. Peut - être réparera - 1 - on cette omifîîon aux articles Pr/, Prairie, &c. qui

n'ont point encore parus.

Mon

De L Irrigation DES Pre's. 17 Mon projet cft declaiicir ce fujetj je vais cxpoici: la manière dont il faut ramaf- kr , conduire , diriger, diftribuer , répandre & ménager les eaux fur les Prés , pour qu'ils produifent la plus grande quantité de fou- rage poffible , fans que la quantité nuife à la qualité ; en cela confille tout l'art de l'irri- gation des Prés.

On fait en général que l'eau eft fouvent très-utile pour les prés , & quelquefois auflî très-nuifible j cela dépend de la nature du terroir , de celle de l'eau , ou de la méthode qu'on emploie.

Toutes les plantes ont befoin d*une cer, taine quantité de parties humides , pour croître 6i pour végéter : l'eau eft le véhi- cule qui charie , & qui porte dans leurs vaiffeaux les parties végétales. Les herbages en demandent même très-abondamment , puifque les Prairies féches , qui n'ont d'eau que celle qui vient du ciel, produifenr peu de foin dans les années de fécherefïè , û Ton compare ce produit à celui des années

pluvicufes. L'expérience prouve de mcoïc ^

B

î^ De l'Trrigatiôn des Pre's. que les Prés arrofés avec prudence font d'Urt beaucoup plus grand rapport que ceux qui font abandonnés à la fiiPiple nature. Il n'eft pas moins certain que les Prairies fîtuécs dans un pays les pluies & les neiges font abondantes en automne , en hyver &c au premier printems , font conûamment les plus fertiles. Toutes ces obfervations font fondées fur l'expérience , qui doit être notre premier maître , & notre guide le plus fur.

Nous fa vous d'un autre côté , que fi les Prés bas , les Marais & les Prés fur lefquels les eaux font mal diftribuées , produifent beaucoup de foin , il eft fouvent grofïîer , peu nourrifiant , rebuté par les beftiaux , & nuifible à leur fanté. La raifon en eft que les fucs portés par l'eau dans les vaifleaux des plantes , ne font pas fufîîfamment m.o- diiiés ou préparés , ni proportionnés à la chaleur du foleil , & à la nature de la plante.

Il feroit donc très-avantageux d'avoir des régies fixes , pour tirer des eaux le meilleur parti pollible , & pour abreuver les Prés , de manière qu'ils produififfcnt . beaucoup

De l'Irrigation des Pre's. t^ d'herbe , fans détériorer fa qualité. Ces régies auront toute la perfedion defirée , Il d'un côté elles font juftes , & que de l'autre elles foient faciles à fuivre , qu'elles prennent peu de temps , & qu'elles puiflent être exécutées par des femmes ou des enfans , après que les premières difpofitions auront été faites.

Pour procéder avec quelque ordre , nous parlerons en premier lieu de la décou- verte des eaux & de leur conduite ; nous indiquerons enfuite les fignes des bonnes eaux & des mauvaifes , avec les moyens de corriger les unes & d'employer les autres i nous examinerons la manière de préparer le terrein , de difpofer les canaux , d'établir les étangs y de conftruire les chauffées & les éclufes , & de diftribuer toutes les efpeces d'eaux. Nous confidérerons le temps , la fai- fon & la quantité de l'arrofement , fuivant la nature du terroir & celle de l'eau. Nous donnerons des régies particulières fur les eaux à temps , & les eaux d'égouts. Nous tacherons de faire connoitre les meilleures méthodes pour ariofer les marécages, Ici

Eo De l*Irrigation des Pre's. jardins & les chenevieres. Le dernier cha- pitre fera le réfumé de tout l'ouvrage , & préfentera en racourci aux yeux des fermiers un manuel ou un calendrier des régies qu'ils doivent obferver dans l'irrigation des Prés naturels.

21

CHAPITRE III.

'Découverte des Sources.

T E premier objet eft de fe procurer des ■*^ eaux à portée du cultivateur , des eaux de fources , de réfervoirs , de rivières > d'égouts ou de grands chemins.

Divers Auteurs anciens & modernes fe font attachés à dciigner les (î^nes qui peu- vent diriger dans la recherche des fources ôc des eaux fbuterreines.

ViTRUVE eft entré dans quelques détails a ce fujet , ( chap. i. liv. xiii. de fon archi- teélure ) : Je vais donner le précis des ob- fervations de ce célèbre Architede , en y ajoutant celles de Palladius , de Pline > de Cassiodore , du père Kircher , du père Jean-François & de Be'lidor. Les eaux font d'une fi grande conféquence pour une campagne , qu'on ne doit négliger au- cun des fignes qui peuvent contribuer à leur découverte j quoique ces lignes fe trouvent

B3

tZ De' COUVERTE

déjà indiqués dans divers ouvrages imprf- més, je crois qu'il manqueroit un article eflentiel ^ un traité fur l'irrigation des Prés , fi je les onicttois ici.

i^. On peut connoître , dans un temps calme les fources cachées , en fe couchant un peu avant le lever du foleil , le ventre contre terre , ^yant le menton appuyé , & regardant la furface de la campagne. Si Ton apperçoit en quelquendroit des vapeurs s'élever en oilÉoyant , on doit hardiment y faire fouiller. L'attirude qu'on vient de preC-, crire , elt néceffaire pour faire cette épreuve ^ parce que la vue ne s'élèvera point plus haut qu'il ne faut 5 elle s'étendra précifément au niveau du terrein qu'on fe propofe d'exa- miner.

Palladîus fait avec raifon beaucoup de fonds fur ce iigne , qu'il tâche même de perfcdionner. Il confeille de s'y prendre au inois d'Août , temps les pores de la terre étant plus ouverts , donnent un paffage plus libre aux vapeurs. 11 veut aufïî qu'on prenne garde que les lieux d'où Ton verra s'çleyeï.

DESSoURCES. 23

des vapeurs , ne foieiit point humides à leur iiiperticie , comme fei-oit un marécage , qui pounoit fort bien donner de l'eau , mais dont la qualité leroit mauvaife.

2°. Cassiodoue dans une lettre à The'o- DORic , indique un ligne qui a quelque rap- port à celui-là : il eft tenu pour infaillible par les Fontainiers les plus experts. Lors , dit-il , qu'après le foleil levé Ton voie comme des nuées de petites mouches qui volent vers la terre , fi fur-tout elles vol- tigent conftamment fur le même endroit , on doit cri conclure qu'il y a de l'eau au- defTous.

S*. Lorsque l'on a lieu de foupçonner par ces figues extérieurs , ou par d'autres ^ qu'il y a de l'eau dans quclqu'endroit , oa doit , pour s'en affurer encore mieux , faire quelques-unes, des expériences fuivantes.

Ayant creufé la terre à la profondeur de cinq ou, fix pieds , fur trois pieds ou en- viron de largeur , mettez , au foleil cou- chant , au fond de cette folle, un ch-iudron lenveifé ou un balîîn d'étaim dont l'inié-

S 4

24 D e' C O U V E R T E

rieur foit frotté d'huile. Fermez l'entrée âc cette manière de piiits avec quelques plan- ches couvertes de terre ou de gazon. Si le lendemain matin vous trouvez des gouttes d'eau attachées au-dcdans du chaudron ou du baflîn , c'eft une marque certaine que ce lieu renferme des veines d'eau. Au défaut d'un vafe de métal , on pourroit fe fervir d'un vafe de terre non cuite , fans qu'il foid nécelTaire de le frotter d'huile. S'il y a de Teau , ce vafe fe trouvera intérieuremend couvert d'humidité , & même extérieure- ment , dans le cas ou la fource feroit abon- dante.

Pour plus d'affurance , on peut mettre fous ces vafes quelques poignées de laipe, îifin de voir fi en la prellant, l'on en fait fortir beaucoup d'eau. Tous ces fignes font infaillibles , Ôc confirmés par une expérience confiante.

Autre épreuve. On connoîtra aufîî qu'il y a fous ce creux de l'eau fouterrcine , fi après y avoir renfermé une lampe allumée & plei- ne d'huile , on la trouvoit mouillée le icnde-

DES SoiTR\CES. 1$

main , & fur-tout s'il y reftoit encore une partie de la mèche & de Thuile qui ne fuflènt pas confumés.

Le père Kifxher , dans Ton Traité de Magnetifmo , lier. iij. chap. vij. indique une expérience également facile & certaine 5 il afliire en avoir fait ufage , & toujours avec beaucoup de fuccès.

Il faut faire une aiguille de bois , longue de deux ou de trois pieds , compofée de deux pièces de bois entées , l'une d'un bois péfant, ferré & compaâ:e, peu fufceptible d'humidité , & l'autre de bois poreux , fpongieux & facile à s'imbiber. Le bois d'aulne ou verne fera très-propre pour faire cette pièce de rapport. On placera le matia l'aiguiîle en équilibre fur un pivot , ou bien on la fufpendra à un fil dans un foflfé creufé dans l'endroit fous lequel on conjeèlure qu'il y a de l'eau. S'il y en a effectivement , les vapeurs qui s'en élèvent fans cefle , péné- trant la partie fpongieufe de l'aiguille , la feront incliner vers la terre. Cette expérience iculïit infiniment mieux le matin , avant que

26 D E' C O tr V E R T É

l'humidité qui eft alors très-abondante , ait été diflîpée par la chaleur du foleil.

4^^. Pline , dans fon hiftoire naturelle , parle d'uue autre marque de fource cachée , qu'il allure avoir éprouvé lui-même. Si Ton remarque, dit-il , quelqu'endroit l'on voie fréquemment les grenouilles fe tapir , & prefîèr la terre , on peut être fur d'y trouver- 4es rameaux de fburces, Les grenouilles ti« rent dans certe pofition Thumidité & les vapeurs qui s'exhalent de cet endroit.

5". On peut aufîî efpérer de trouver des eaux dans les lieux l'on remarquera des joncs , des rofeaux , du baume fauvage , de l'argentine , du lierre terreftre , du perill de marais , & autres herbes aquatiques, qui croiflent dans certains endroits , fans que les eaux marécageufcs les nourriflent.

6^. De plus , quand on cherche de l'eau , ViTRUVE veut qu'on examine la nature du terroir. Un terroir de craie , dit- il , n'en fournit que très-peu , qui même n'eft jamais. de bon goût. Dans le fable mouvant, on ft'en trouve qu'en très-petite quantité. Dans,

DESSoURCES. ^7

la ttttc noire , folide , non fpongieufe , elle çfl plus abondante. Les fourccs qui fc trou- vent dans une terre fabloneufe, fcmblable » celle qui le voit au bord des rivkres , font auflî fort bonnes , mais peu abondantes î elles le font davantage dans le fablon mâle , dans le gravier vif; elles font excellentes & abondantes dans la pierre rouge.

Le Père Jean-François , ( Traité de l'arÊ des Fontaines) approuve particulièrement les indices qui fe tirent de la nature même du fol & des différentes couches qu'on y trou- ve > & pour les découvrir fans beaucoup de peine & de dépenfe , il recommande l'ufagc des tarrieres de fer j en les enfonçant en terre & les retirant , on juge de ce qui eft ren- fermé dans fon fein. On fait de ces tarrie. res qui percent les pierres qu'elles rencon- trent. Si l'on n'en a pas d'affez longues , il faut , avant de les employer , faire un creux de cinq ou iix pieds , plus ou moins , dans l'endroit qu'on veut fonder. M. le Marquis die TuRBiLLY , dans fon EfTai des Défriche- fnens , nous a appris mieux que tous les

15 D e' C O U V E R T Ê

auteurs qui l'ont précédé , à conftruirc ces fondes , la manière de les allonger , & celle de s'en fcrvir.

Si fous des couches de terre , de fable ôc de gravier on apperçoit un lit d'argile , de marne , ou de terre fi-aiche & compade , on rencontre bientôt & infailliblement une fource ou des filets d'eau , que le plus mal habile cultivateur faura fort bien raflèmbkr par des tranchées.

Enfin , Vitp.uve confeille de faire atten* tion à la lituation des lieux & à leur afped. Au pied des montagnes , parmi les rochers & les cailloux , les fources font plus abon- dantes , plus fraîches , ' plus falubres & plus communes que par-tout ailleurs. Les neiges & les pluies s'amaflànt dans les terres fur la furface des montagnes , pénétrent infenfi- blement jufques dans leurs cavités internes; elles rcmplilTent les cavernes , les grottes & les réfcrvoirs fouterreins 5 après quoi ces eaux s'écoulent par les fiffurcs des rochers, les lits de gravier , & les canaux naturels qui aboutilîcnt^ au dehors.

DESSOURCES. 29

C'est fur-tout au pied des pentes tournées au Septentrion , qu'il convient de fouiller ; ces lieux n'étant prefque point expofés aux ra^^ons du foleil , la montagne par fa pente faifant ombre fur elle-même , & les rayons ne tombant fur le terrein que pendant peu de temps , & fort obliquement. 5, On peut auilî , dit M, Be'lidor ( Archit. Hydraul. ziolum. ILp^^g. 341. ) , efpérer de trouver de l'eau le long des montagnes ex- 5, pofées aux vents humides , tels que font en France ceux qui viennent de l'occident. " En Suiife , il paroît que l'afpcclEft ou Nord- Eft , eft communément le plus humide , tou- tes les autres circonftances d'ailleurs égales.

Il eft bon de remarquer que les montagnes fort efcarpées fournilTcut moins d'eau que les autres j au contraire les montagnes qui ont une pente douce , & qui font couver- tes de verdure , renferment d'ordinaire quan- tité de rameaux , dont les eaux réunies fonc abondantes & faines.

Je ne parle point ici de la baguette four- chue de coudrier , appcllée Divimtoire , ni

50 D É* d d û V B R f E

de et prétendu frémilTement que dirent éprouver certaines perfonnes , lorfqu'elles paflènt fur des térreins qui renferment deà fources dans leur fein. 11 n'y a que des dupes qui puiflcnt y être encore trompés , & des Fontainiers fuperftitieux charlatans qui ofent propofer ces moyens. On doit fans doute préférer les indices que les ancien? nous ont donnés. L'expérience apprend que l'afped du terrein , nature , fes produc- tions , fes différentes cOuches & fa fituation , fuffifent pour faire connoître s'il y a de l'eau dans quelqu'endroit. Il eft même certain qu'il y en a par-tout , & qu'il n'eft aucua fol l'on ne puiflè s'en procurer. Je fa^s qu'en divers lieux il n'en paroit aucun in- dice au dehors ; on n'y voit ni fontaine , lii tuiffeau , ni puit ; mais alors les eaux font répandues fous le terrein & fur la couche de glaife intérieure , elles caufent beau- coup de dommage , & troublent fouvent la végétation. On ne fauroit donc rien faire de mieux que de ralfembler ces eaux , de cou- per leurs cours nuifibk , ôc de les réunir

b ES s otr R c E s.

pour fervir à rembélillcment & à la fertilité d'une campagne.

Les Phyficiens ont donné divers fyftêmes fur l'origine des fources d'eau, mais tous leurs fyftêmes confirment le fait que j'avance fondé fur une expérience conftante & réfléchie , que fous les terreins les plus arides on peut trouver de l'eau. Ils ont dit i". qu'elle pro- venoit des pluies & des neiges , qui tombant fur les montagnes , diftille dans les cavi- tés qu'elle renferme j d'où elle reffoit peu à peu en coulant fur les bancs folides de ro- cher ou de terre compade qu'elle rencontre. Ils prétendent 2°. que ces eaux font pro- duites par celles de la mer , qui ont des routes fouterreines , par elles fe rendent à des réfervoirs , d'où elles fortent enfuite. 3«. Que ces fources tirent leur origine des va- peurs fouterreines qui s'élèvent dans l'intérieur des hautes montagnes , & qui s'y condenfenr. Mais quelque fyftême que l'on em- braffe , il eft manifefte que par-tout l'on fouillera , on trouvera de l'eau , & que dès qu'il y aura dc la pente , on pourra la cou-

^z Découverte des Sources. duire : Auflî je connois des campagnes , pendant cinquante années Ton avoit cher- ché inutilement des eaux, & qui ont ac- tuellement des ruiflèaux capables de faire moudre un moulin.

CHAPITRE

CHAPITRE IV.

Eau)t de Réfervoirs , de Grands Chemins ;, d'Ego ut s , de Ruijfeaux & de Rivières.

Q I l'on craint la dépcnfe ôc qu'on ne ^ veuille pas courir rifque de faire des ten- tatives inutiles , on peut quelquefois , avec peu de frais & quelqu'intelligence , fc procurer des eaux d'arrofement , en établif- fant en certains lieux des réfervoirs propres à recevoir les eaux de pluie ou de neige qui découlent des collines & des montagnes, & en conftruifant des bafîîns ou des étangs femblables à ceux que j'ai vu établis pour fournir à des moulins qu'on fait moudre par éclufes.

On peut placer ces réfervoirs au pied de quelque gorge & dans quelque ravin , d'où l'on a reconnu qu'il s'écouloit plufieurs fils d'eau pendant prefque toute l'année. On doit aider & foutenir le terrein fupérieur par quelque bouylet , ou par de petits foC fésî on raflèmblera par-là une très-grande

^4 Eaux de Re'servoïrs ,

quantité d'eau. On préviendra la plupart des défalires caufés par les chûtes impérueu- {es des pluies , par la fonte fubite des neiges , & par les inondations, on fera des amas d'eau fuffifans pour arrofer les prairies voiiines.

Ces eaux ainfi ramafTées font pour l'or- dinaire très-bonnes & chargées de fucs nu- tritifs & de limons gras très-propres à fer- tilifer les prés fur lefquels on les répand à propos. Si même depuis quelques fîecles ou avoir fait quelque chofe de femblable dans plufieurs ravins que je connois , on auroit aîTurément prévenu' les excavations & les éboulemens qui font manifeftement des effets des fréquentes avales d eau qui ont rendus ces endroits inacceflîbles & affreux.

Plus on laiflb ces eaux qui creufent des lits profonds, s'égarer ôc s'enfoncer, plus elles font inutiles pour les Terres. Prévenir ces excavations par des baflîns , ou combler ces lits , feroit très-fouvent une dépenfe fort bien employée , quoiqu'aflez conlidérable.

Pour conftruire:«#s. Baflîns ou ces Etangs

DE GRANDS ChEMINS , &C. ^S

de manière qu'ils tiennent l'eau , il faut pren- dre bien des mefures î cet Elément cherclie continuellement à s'échapper , & s échappe en effet par la moindre petite fiflure , qui bientôt s'élargit & dégrade tout l'ouvrage.

Mais ces précautions ne doivent effrayer perfonne. Les lieux l'on établira ces Refervoirs feront/ur des terres franches qui tiennent l'eau ; ainfi Ton n'aura befoin pour fermer le Bafïin que d'une Chauffée de terre tirée de la fouille même , ou tout au plus d'un B^J.rrdeau en pierre fur le devant, les trois autres côtés fe trouvant prefque tout fermés par le Ravin. Il ne s'agit point ici de forcer la nature ni de faire des dépenfcs au- deifus de nos forces , ni au-deU du bénéfice qu'on en attend 3 il ne s'agit ni du Lac de Mœris ni même de l'Etang à'Agrigente ^ mais uniquement d'un Baflin qui occupera un ou deux Arpcns , ou moins encore dans un Terrein inculte ou efcarpé.

Il y a toujours quelques moyens de tirer parti d'un Fond , fans qu'il foir néceUaire de tenter rimpofïiblc. Si faute d'eau ou d'argeni

^6 Eaux de Re'servoirs,

on ne peut y établir des Prés naturels , on erî fera d'artificiels qu'on ménagera fuivant les diredions & les fages principes de M. Pa- tullo ^ & de M. Miroudot ^^.

En fait de culture on doit toujours fe demander : le profit compenfera-t-il les frais ?

De MEME tout Fermier un peu attentif ne laifiera jamais perdre les Eaux des grands chemins , il les amalîèra foigneufement. Ces Eaux font toujours très-bonnes fur les Prés , fur- tout après une longue fécherelTe j elles y charient quantité d'engrais & de fcmences. Elles font d'autant plus avantageufes , que fouvent avec un fimple Ruiflfcau pavé , qui traverfe le chemin en biais , on les conduit dans le Pré. Cet arrofement n'exige d'autre foin que de voir de temps en temps fi l'ou- verture n'eft point obftruée , & de la fermer lorfque l'heibe efl grande , dans la crainte qu'elle ne fe couvre de terre ou de fable. Les Eaux graffes qui lavent les rues & celles qui reçoivent les égouts de fumier font fi pré-

* V. le Traité des Prairies artificielles de M. Patullo. ** V. le Mémoire fur le Fromenial, imprinié à Lyon cher, Regnaulc , avec un Mémoire fur k Sainfoiu & la Luzerne.

DE GRANDS ChEMINS , SCC. ^7

cicufcs , qu'il ne faut épargner aucun foin pour les raircmbler & pour les économifcr î elles font propres à corriger les plus mau- vaifes Eaux & à fertiiifer les Terroirs les plus ingrats. Elles divifent les Terres les plus fortes î elles produifcnr fur les plus froid js une fermentation qui les réchauffe , & les ranime ; elles lient & donnent de la confif- tance aux Terres les plus légères & les plus fabloneuics. Je connois des Fonds aujour- d'hui d'une fertilité extraordinaire , qui avant d'avoir été arrofés de cette manière, paf- foient pour très-ingrats & l'étoient en effet.

Quelque favorable cependant que puiiïè être l'égout de fumier pour les Prés , il efl bon d'avertir qu'il importe d'empêcher que les Pluies , ni aucun cours d'eau ne lavent en aucun temps le pied du tas , s'il eft dediné à être répandu fur les Champs : les eaux entraî- neroient la meilleure & la plus fucculente fubftance d'un engrais û néccflàire.

Cette attention eft très - rare chez nos

Gens de campagne , ils placent frcquem-

pîcnt leurs tas > dans les endroits les plus eX'

C 5

|8 Eaux de Re'servoirs,

pofés, lors même que leurs Fonds ne profitent pas de régout. Ils détériorent ainfi confidé- rablement leur fumier j ils le privent de fes Sels urineux qui font l'ame de la végéta- tion. Si donc en bon Cultivateur , on veut profiter de Tégout & conferver en même- temps la vigueur au Tas qui doit fervir à fu- mer les Terres , on élèvera l'Aire fur laquelle on veut rétablir , d'environ fix à huit pouces au-dciTus du Terrc-plain. On la pavera foli- dément & uniment , en forme de bafîîn , de manière qu'il régne tout-au tour fur les bords extérieurs & aux quatre faces, une Rigole de quatoze à quinze pouces de lar- geur fiir trois pouces de profondeur î elle doit venir par une pente infenlible fe rendre à la conduite qui doit porter l'eau dans le Pré. De cette manière le Tas fera à l'abri des eaux de pluie , qui coulant autour de lui en manière de ruiiTeaux , prendront une couleur brune qui annonce les fucs dont elles font chargées.

On aura auflî l'attention de ranger régu- lièrement les Fourchées ou Croflées de

DE GRANDS ChEMINS , &C. ^9

fumier , ce qui non feulement eft plus agréable à l'œil, mais qui empêche que le fumier ne sevente , ne fe dégrade & ne vienne à remplir & à fermer les Rigoles.

Si le fumier doit fervir pour les Prés , on eft obligé à moins de précautions. Dans ce cas on creufera un grand Etang , dont une partie fera deftinée à ranger & à dcpofcr le fumier à mefure qu'on le fort des écuries , & une autre à recevoir les eaux d'arrofc- ment , que l'on difpenfe & diftribue fuivant les régies de Tlrrigation que nous détermi- nerons ci-après.

Pour terminer ce que j'ai à propofer fur l'Art de fe procurer des Eaux , j'obfcrve que fouvent avec quelque induftrie , on pourroit profiter des Rivières ou des Ruiflcaux , lors même qu'ils paroiffent trop bas j il ne s'agit que de conduire ces différentes eaux fur nos pofîèfîîons , ou en les prenant plus haut par un Canal , ou en élevant le lit du RuiGTcau , ou en les élevant par des machines. Mais avant que de s'engager dans des frais confi- dérablcs , il eft de la prudence de connoltre fi les eaux le méritent.

Indices des bonnes Eaux*.

CHAPITRE V.

Indices des bonnes Eaux.

TP\ E s que nous avons des Eaux à notre "■-^ difpolition , nous devons examiner li elles font de bonne qualité 5 car h la plupart portent avec elles la fertilité & l'abondance , il en eft aufîi quelques - unes naturellement plus préjudiciables qu'elles ne font utiles. Sans cette attention on s'expoferoit quel- quefois à des embarras , à des travaux , à des ditîicultés & à des dépenfes fuperfiues, en amenant des ruiUcaux éloignés & pro- fonds , ou en creufant à grands frais des Sources qui ne feroicnt que du mal , & qu'on feroit enfuite obligé d'abandonner pour fe réduire aux Prés artificiels , unique reflburce du Fermier dans les lieux l'on manque de bonnes Eaux,

Mais lorfqu'on s'eft afluré de la bonté de les Eaux , & qu'on a une Prairie arrofa- ble 5c de quelque étendue, il ne fautépar-

Indices des bonnes Eauk. 41 gner ni art ni indiilliic , je dis prcfquc ni frais pour le les procurer. On ne Tçauroit travailler à une amélioration plus durable , & moins pénible : fouvent elle ne demande aucune efpece de culture , de labours ni d'engrais , & elle luffit quelquefois à centu- pler le revenu d'un terrcin & à fertilifcr i demeure le Fond le plus Hérile. Je pourrois en citer cent exemples.

Arrestons-nous donc un momait à ex- pofer les fignes aufquels on peut facilement reconnoître les bonnes Eaux & les diftin- guer des mauvaifes : cet article eft eflentiel. Si l'on veut des connoillànces plus approfon- dies fur la nature de l'Eau , on peut conllil- ter l'excellente Diflertation de M. Margraf , qui ell: à la tête du fécond volume de Ces OpufcHlcs chymiques.

ViTRuvE & Perrault, fon commenta- teur , ont indiqué plufieurs lignes extérieurs que nous allons réunir ici , lans omettre nos propres Obfervations qui tomberont plus directement fur leurs propriétés relatives à la fcrtililation des Prés.

f**6*

40 Indices des bonnes Eau^t.

CHAPITRE V.

Indices des bonnes Eaux.

"ff^ E s que nous avons des Eaux à notre "*-^ difpofition , nous devons examiner fi elles Ibnt de bonne qualité j car fi la plupart portent avec elles la fertilité & l'abondance , il en eft auiîî quelques - unes naturellement plus préjudiciables qu'elles ne font utiles. Sans cette attention on s'expoferoit quel- quefois à des embarras , à des travaux , à des difficultés & à des dépenfes fuperflues, en amenant des ruiiïèaux éloignés & pro- fonds , ou en creufant à grands frais des Sources qui ne feroient que du mal , & qu'on feroit enfuite obligé d'abandonner pour fe réduire aux Prés artificiels , unique reûburce du Fermier dans les lieux l'on manque de bonnes Eaux.

Mais lorfqu'on s'eft afluré de la bonté de fcs Eaux , & qu'on a une Prairie arrofa- |)le ôc de quelque étendue, il ne fautépar-

Indices des bonnes Eaux. 41 gner ni art ni induftrie , je dis prcfquc ni frais pour fe les procurer. On ne fçauroit travailler à une amélioration plus durable , & moins pénible : fouvent elle ne demande aucune efpece de culture , de labours ni d'engrais , & elle fuifit quelquefois à centu- pler le revenu d'un terrein & à fertilifer à demeure le Fond le plus ftérile. Je pourrois en citer cent exemples.

Arrestons-nous donc un moment à ex- pofer les {ignés aufquels on peut facilement reconnoître les bonnes Eaux & les diftin- guer des mauvaifes : cet article eft effentiel Si Ton veut des connoilTances plus approfon- dies fur la nature de l'Eau , on peut conful- ter l'excellente DiiTcrtation de M. Margraf , qui eft à la tête du fécond volume de fes Opiifcules chymiques.

ViTRuvE & Perrault, fon commenta- teur , ont indiqué plufieurs fignes extérieurs que nous allons réunir ici , fans omettre nos propres Obfervations qui tomberont plus diredement fur leurs propriétés relatives à la fcrtilifation des Prés.

4-2 Indices des bonnes Eau3?,

lo. Suivant Vitruve , les bonnes Eaux connoifiènt à la vigueur , à la bonne conftitution & au tein fleuri de ceux qui en ufent. L'on voit en certains lieux de la Flandre un grand nombre de perfon- nes , dont le tein pâle & livide annonce les ïïaauvaifes Eaux dont elles font ufage. De même dans la Vallée de Moricnne & dans le Vday on trouve des Villages entiers , dont les Habitans font incommodés du Goitre, & l'on croit communément que cette incommodité eft caufée par la mauvaife qualité des Eaux. On doit établir pour-prin- cipe en Agriculture , que toutes les Eaux bonnes pour être bues, le fontaufîî pout fertilifer les Prés.

Vitruve prétend que celles qui font bonnes ne font point de tache fur le bon Cuivre , lorfqu'on en a laifle tomber quel- ques gouttes fur fa furface.

Il remarque en troificme lieu, que les bonnes Eaux , font propres à cuire prompte- ment les Légumes. Il eft certain que toutes ks Sources qui fertilifent les Prés rendent les

Indices des bonnes EaujT. 4j Pois , les Fcves , les Lentilles , &c. plus ten- dres loriqii'on les cuit dans l'eau qui en fort. Elle cft d'autant plus pure , qu'elle approche d'avantage de l'eau du Ciel par fes effets dans la cuiflbn des divers Légumes.

4°. Perrault, dans les Notes, obfcrve que la légèreté de l'Eau doit être confiderée comme la marque la plus certaine de fa bonté. En efFet , plus elle efl légère ôc plus elle approche de l'eau de pluie qui eft mervcilleufe pour la végétation & l'accroît fement des Herbes & des Plantes.

Cet Elément n'a pas une pe(anteur fixe & déterminée. 11 devient plus pcfant à propor- tion de la pefanteur des parties étrangères dont il efl chargé , comme du Fer , des Minéraux , & des Bitumes 5 il eft plus léger en proportion des parties d'Air ou de Feu qu*il renferme. Ainfi l'eau de Mer eft à l'eau Douce comme 103 & à 100. L'eau de pluie eft la plus pelante de toutes les Eaux du Ciel» cependant elle eft plus légère que l'Eau dif^ tillée comme 1000 à 999,

O N détermine le plus ou le moins de

'44- Indices des bonnes Eaux. légèreté de l'eau , par le moyen du Pep^ Liqueur , inftrument bien fimple qui fcrt à découvrir combien un corps liquide cft plus pefant qu'un autre; c'eft une Bouteille de verre , prefque remplie de Mercure. Le col de cette phiolc eft divifé en parties égales dans toute fa longueur. Lorfqu'on veut éprouver ou comparer des Liqueurs & juger de leur pefantcur relative , on y plonge le Pefe- Liqueur & l'on voit jufqu'à quel degré il enfonce. L'eau dans laquelle il enfonce le plus eft la plus légère , puifqu'il en faut un plus gros volume pour faire équi^ libre avec la pefanteur de la phiolc. Qiioi- qu'il en foit les Sources qui font voir à leur origine la plus belle verdure , font toujours d'une eau limpide & légère.

E N cinquième lieu le même Auteur ajoute , qu'après plufieurs expériences , on n'a point trouvé de caradere moins équivo- que & plus afiuré que la diflblution du Savon. Les eaux qui le détrempent plus aifé- ment,qui s'incorporent plus intimement avec lui , qui le font écumcr d'avantage , & qui

Indices des bonnes Eaux. 45 par fon mélange deviennent blanches com- me du Lait , font plus légères & meilleures que celles dans lefquelles il ne peut fe diflbu- dre qu'en grumaux blancs qui nagent fans dillbudre entièrement.

Il ajoute en fixiemc lieu , que les Sources qui fortent du fond des Vallées après avoir roulé des montagnes , font légères & très- bonnes , auiîî-bien que celles qui fortent des Terres fablonneufes , du Sable mâle , du Gravier & de la Pierre rouge. La dernière partie de l'Obfervation eft certaine , mais la première fouffre bien des exceptions.

Septième Indice. Les Eaux qui viennent par les fiflures de la pierre de grais ou aréna- cée & fablonncufe ne font pas les meilleures ni pour la boiflbn ni pour Tirrigation.

8°. On connoît les Eaux de bonne qualité au goût. Si elles font faumâtres , améres , fades , &c. elles font rejetables. Les bonnes Eaux font douces ,• favonneufes «Se entière- ment exemptes de goût & d'odeur.

9°. Les bonnes Eaux prennent aifément le goût , la couleur ôc l'odeur qu'on veut leur donner.

4^ Indices des bonnes Eaux.

10°. Si elles font fraîches en été ,& quel- les paroiffènt chaudes en hyver & fumantes^ elles font bonnes. Les Eaux dont le cours ne gèle que difficilement , & qui dans les diverfes Saifons n'elTuyent que de très-petites variations dans leur température , font éga- lement réputées très-bonnes,

1 1°. Les bonnes Eaux s'échauffent facile- ment au feu , & fe refroidifîènt prompte- ment à l'air , parce qu'elles font légères & remplies d'une quantité fuffifante d'air.

1 20. Elles font bonnes û l'on voit le long de leur cours un gazon frais & veid,

130. Elles font bonnes , elles produî- fent du Crelfon , du Bécabunga , & du Souci aquatique j û les pierres fur lefquelles elles coulent prennent un enduit brun, gras j doux au toucher.

Ï40. Les Eaux font mauvaifes , lorfqu*elles couvrent les Cailloux d'une efpece de rouille jaune, & très -bonnes pour l'arrofement lorfqu'elles les couvrent d'une moufle che- velue , longue , épaiife & d'un verd brun.

150. Les Eaux des ruifleaux poilfonncux

LVDÎCES DES BOHNES EaUX. 47

font bonnes , & celles les Poiflbns périt fent ou ne profpérent pas font mauvaifes.

Enfin les Eaux font excellentes pour l'arrofement , lorfquc dans leurs cours Ôc dans les ballins on voit de longs filamens vcrds qui ne font autre chofe que des parties végétales réunies.

Tels font les fignes qui caraélérifent les Eaux falubres & les Eaux fruétifiantes. Quel- ques - uns de ces caraderes défignent en même - temps celles qui font propres aux arrofemens , & celles qui font propres à la fanté.

Mais pour nous rapprocher encore plus de notre Sujet, examinons les diverfes ef- peces d'Eaux qui font mauvaifes dans kiu: rapport dired aux arrofemens.

48

CHAPITRE VI.

Des Eaux mauvaifes on médiocres.

IL paroît par les Réflexions que je viens de propofer que toutes les Eaux ne font pas également propres à l'Irrigation , qu'il y en a même de nuifible : ce Chapitre eft deftiné à développer les cara<^eres qui les diftinguent.

Les Eaux ferrugineufes & vitrioliques , font fans contredit les plus mauvaifes pour îarrofement. Ce font celles , qui dans leur cours ont rencontré des parties martiales affez diflbutes par l'acide vitriolique pour fe mêler & s'incorporer avec l'eâu.

Les Eaux martiales à la vue , à l'odorat & même au goût n'ont rien de particulier 5 Elles ne font pas nuifibles à la fanté & font même employées avec fuccès par les Méde- cins pour détruire les Obftructions j mais elles font fouvent préjudiciables aux Terres 5

au

Des Eaux mauvaises , &.c. 4^ au lieu de les diviler & de les ameublir , elles les durciflent , en augmentent la ténacité ôc châtient dans les vailleaux des plantes , des parties contraires à la végétation.

Les eaux vitrioliques lui font toujours nuifiblesj l'adivité de leur acide fait périr les plantes qu'elles touchent. On les recon- noît en y jcttant des noix de galles pilées j le mélange noircit fur le champ.

Les eaux qui ont coulé fur des pyrites font ordinairement très- vitrioliques & con- ftamment pernicieufes à la végétation.

Toutes les eaux minérales ne font pas dans le même cas j leur effet dépend de leur qualité , de la quantité du minéral diffout , de la nature de la diflblution & du mixte qui l'a occafionnée.

Il n'eft pas rare de voir un ruiilèau très- fertile en un certain temps & très-nuifîble dans d'autres. Cette différence vient de ce qu'il s'y mêle après de grandes pluies , des eaux étrangères chargées de parties hétéro- gènes & nuifibles > au bout de quelques

jours on voit difparoîtrc h rouille qui cou-^-

D

50 Des Eaux mauvaises

vroit les cailloux arrofés par le ruiflfeaiîj une moufle du plus beau verd en prend la place; & a infi alternativement.

Quant aux eaux fulphureufes , elles ne font pas pour l'ordinaire pcrnicieufes : mais en voila aifez fur les eaux minérales.

Celles que Ton nomme pétrifiantes font très-funeftes aux prés. Ce font celles qui^ chargées de fucs lapidifiques , d*un fable glutineux très-fin , ou de fubftances topheu- fcs , les dépofent fur les lieux qu'elles arro- fcnt. Ces parties enveloppent quelquefois les tiges baffes des plantes , fe raffemblent , fe durciffent & détériorent la qualité du foin, en même temps qu'elles rendent le terreiiî ftcrile & mouffeux. Je mets au troifiemc rang des mauvaifcs eaux , les eaux maréca- gcufes. J'appelle de ce nom , non-feulement les eaux croupiffantes qui fe trouvent dans les marais & les terreins bas , mais encore les eaux de fources & de ruiflèaux qui , arrêtées dans leur cours fur des terres baflès vifquel^ fes & glutineufes , perdent leur propriété végétative & fe corrompent dans le repos.

O U M e'd lO C R E 3.

Les eaux de cette nature ne valent rien pour rarfofement des prés fi elles ne font corri- gées par le mouvement ; c'eft-à-dîre , en leur redonnant un cours qui les améliore & leur rende leur première qualité.

La quatrième efpece de mauvaifes eaux j ce font les eaux vifqueufes. Je ne parle pas en Phyfîcien , mais en Cultivateur. Je fais que toutes les eaux ont de la vifcôfité, puifqu elles s'attachent aux corps les plus unis , qu'elles fe réuniflent en gouttes , & qu'elles fervent à lier l'argille & le fable dans la formation deâ briques j mais j'entends ici celles qui péchenc par Texcès de ces parties glaifeufes.

C'est un défaut très-ordinaire aux eaux de puits , à celles qui découlent par les aque- ducs ou les fofles des terres blanches , lour- des & argilleufes , ou qui paflent fur ces terres. Elles font gluantes & compades, fucent Teau comme une éponge & ne tendent qu'après lui avoir communiqué une vifcofité très-nuifible aux terres, peut-être même après avoir abforbé fes parricak»

végétatives,

D %

S^ Des Eaux mauvaises

Observation générale : tant que les eaux coulent fur un lit de gravier, de fable bu de petits cailloux , elles font de bonne qua- lité & ne contradent aucun vice.

Pour découvrir la vifcofitéde Teau, on prend une éponge bien lavée , fur laquelle on fait tomber pendant quelque temps l'eau qu'on fe propofe d'éprouver j elle eft bonne , elle dépofera dans l'éponge une matière liflè , huileufe & graiiTeufe qui n'cft autre chofe que du limon fin & des végétaux difibus. Mais les eaux dangereufes dont nous parlons , y laiflènt une vifcofîté gluante & épaifle qui , à la vue & au toucher , reflèmble aflez à un blanc d'oeuf: matière qui infenfî- blement durcit le terrein , ferme Ces pores & en diminue la fertilité. Les terres fortes fur- tout , qui de leur nature font déjà argilleufes, ne fçauroient les recevoir fans être détério- rées î mais les terres fabloneufes peuvent en profiter 5 elles ont befoin d'une con- fiftance & d'un gluten qu'elles trouvent dans les partie* limoneufes que ces eaux y dépo- fent.

ou me'diocres. 5J

Nos Economes diftingucnt deux autres cfpeces d'eaux , qui forment la ciuquieme ôc fbciemc clallc. Ce font les eaux fatiguées & les eaux craietifes. Ils appellent C2i\ix fatiguées celles qui , étant bonnes naturellement , ont perdu leur fertilité dans le cours & fur les terres qu'elles ont arrofées î ils difent que Teau la plus fertile auprès de fa fource , perd une partie de fa qualité à mefure qu'elle s'ea éloigne. Je connois en effet plufieurs fources ou ruiffcaux qui font dans ce cas 5 mais ces eaux fatiguées ne font peut-être que des eaux trop réchauffées dans leur cours , ou des eaux remplies de parties glutineufes , vitrioliques , ferrugineufcs dont elles fe font chargé fur leur route. Peut-être auliîréuniffent-elles plu- fieurs de ces vices 5 il eft vrai que très-fou- vcnt elles deviennent nuiiibles à la végérarion. Quant aux eaux craïcufcs , je ne connois, dans ce pays , aucune carrière de craie pro- prement dite. Nous n'avons que des terres mêlées d'une argile blanche très glurineufe & par-là très-mauvaife. Les eaux qui lèroicnt imprégnées de véritable ciaiem, atiere abfoi}.

D 3

54i D£S Eaux mauvaises

bante, feroient très-bien fur nos terres argîUeu-» fes, tandis que celles que nous nommons mal- à=propos craieufes , les gâtent entièrement.

La feptieme efpece comprend les eaux çriies ou naturellement froides î elles pro- viennent des neiges & des glaces fondues , & pafiènt par des lieux couverts , profonds , dans lefquels les rayons du foleil ne parvien- nent pas. Elles ne peuvent qu'être nuifibles aux terres > elles les gerfent en hiver , elles arrêtent la fève en été & au printemps elles fufpendent & arrêtent le cours de la fève à qui la chaleur eft nécefïàire j enfin elles occa- sionnent des moufles. Onfçait combien les froids fubits & les pluies froides , qui fur- viennent quelquefois en été , caufent de dommage aux campagnes. Bientôt les her- bages fe flétriiTent , les vignes jauniflènt , & toute la végétation languit , jufqu'à ce qu*il Itirvienne une pluie douce & chaude, ou une chaleur modérée qui s'accroilfe infenfible- ment.

Les Phyficiens , qui ont examiné les diffé- ïentcs eauxj difcnt que la neige ou la glace

OUME*Dr0CRES. 55

fondues & dans leur état de liquidité , font les plus légères de toutes les eaux , qu'elles furpaflent même en légèreté toutes les eaux diftillées j mais ils obfervent en même temps qu'elles ne fermentent que difficilement , qu'elles ne laifTent que peu de fédiment , ôc qu'elles font mal faines.

La huitième efpece d'eaux nuifibles en certains temps pour l'arrofement , font celles qui gèlent profondément en hiver : ce qui dépend autant de la nature du terrein & de fon expofition , que de la qualité de l'eau ; les eaux glaifeufes font fînguliérement fuf^ ccptibles de gelée , & perfonne ne fçauroit ignorer les funeftes effets de la gelée fur les plantes chargées d'humidité.

Il me refte à dire un mot des eaux limo- ncufcs. Elles varient dans leurs effets; elles font quelquefois très-bonnes & d'autrefois très-mauvaifes. Leur bonté ou leur malignité dépend des fubftances qu'elles ont entraînées, ou de la nature des terres qu'elles doivent abreuver. Un limon vi(^queux ne nuit pas

D4

^6 Des Eaux MAUVAfSEs

aux terres fabloncufcs , il rend trop com-"

padles les terreins argilleux.

Je palfe fous filence les eaux d'égoûts de fumier , de grands chemins , de rues , de végétaux diflbus & d'immondices , leur ex-« eellence pour rarrofement ne fera jamais conteftée.

Celles qui charient des matières homo- gènes aux terres qu'elles doivent arrofer, réufliiient rarement fur ces terres j mais celles qui charient des matières hétérogènes ou dilférentes , font un effet merveilleux. Les eaux troublées par des parties argilleufes, donnent à un pré dont le fol eft fabloneux,' ulie confiiftance & une température qui favo- rife fa fertilité & celles qui portent des par- ties calcaires ou du fable fur les terres argil- leufes, les ranimant & les rendent plus meubles.

Les eaux qui découlent des montagnes à la fonte des neiges , font toujours limoneufes & conftamment mauvaifes. Tous nos Culti- vateurs 3 fans exception , le fa vent &

Otr ME*DIOCRE S. $7

manquent jamais de les détourner de leurs prairies, comme très-nuifibles: j'enai indi- qué la raifon dans le pénultième article.

Il y a quelque choie de plus fingulier en- core dans ces mêmes eaux qui découlent des montagnes dans les temps de pluye. On a obfervé que les eaux de torrens ou de rivières font merveilleufes pour les prés au com- mencement de lacriie & que leur qualité s'affoiblit peu à peu jufqu'à devenir très-nui- fible , fur-tout en Eté , quoiqu'elle continue d'être auiïî trouble qu'auparavant.

Voici la caufe de ce double phénomène : Les premières eaux qui font enfler le tor- rent , font les pluies qui ont lavé les terres les plus prochaines fur lefquelles il n'y a ni glaces ni neiges. Cette eau eft bonne comme toutes celles qui lavent les terres ; nos Pay- fans l'appellent la mère - goutte. Les eaux qui fuivent celles-ci , font celles qui tom- bées à une plus grande diftance , & fur les amas de neige ou de glace dont les hautes montagnes font couvertes , participent de

58 Des Eaux mauvaises , 5cc.

la qualité dçs eaux de neiges & de glaces

fondues.

Il exifte donc bien des eaux mauvaifcs ou médiocres j on peut cependant les em- ployer avec prudence j & l'induftrie fournit quelques moyens de les corriger jufqu'à un certain point.

5f

59

CHAPITRE VII.

Amélioration des eaux mmvmfcs eu médiocres.

LES eaux qu'on a dans fon héritage, ou qu'on peut fe procurer fans des frais confidérables , quoique d'une mé- diocre qualité , ne doivent pas être né- gligées. Elles peuvent fervir à abreuver les prés en les employant avec quelques précautions ou bien après avoir été cor- rigées. Les eaux vifqueufes font un aflèz bon effet fur les terres légères elles dépofent toujours des particules propres à leur donner plus de confîllance. Celles de tuf font utiles fur les mêmes terres légères ou peu compades ; les eaux marécageufes , après qu'on leur a donné du cours & qu'on les a rendues vives, de ftagnantes qu*cllcs étoient ; les eaux trop chaudes ou çrop froides , en les employant dans les

do Ame'lioration

temps qu'elles ont une température propor- tionnée à celle du terrein.

Mais on comprend aifément que la diC- tribution de ces eaux vicieufes ou médiocres, exige plus d'attention, de foin & d'exaâ:itude que l'économie des bonnes eaux.

Le parti le plus (impie, lorfque nous avons découvert quelque vice dans les eaux dont nous fommes en poiTeiïîon , eft de chercher à le corriger : En voici les moyens.

Il y a fans doute des eaux qui dans leur état aétuel ne font point propres aux arro- lèmens, avec quelqu'attention qu'elles foient ménagées ; cependant on ne fçauroit difcon- Venir qu'elles ne foient toutes plus ou moins imprégnées des fels végétatifs & des fucs nutritifs qu'elles ont détachés des plantes , des terres & des amendemens rencontrés dans leur cours ; d'où vient donc leur ftérî- lité ? On doit inconteftablement l'attribuer à quelques parties hétérogènes & malfaifantes qui empêchent aux parties végétales de fe développer , à fa grande froideur ou à fon exceflîve chaleur.

DES Eaux mauvaises , S:c. 61 Tout l'art de Tagriculture confifte donc à purger ou à garantir l'eau de ces parties antivégétatives par l'atténuation , la préci- pitation , révaporation , l'enveloppement , les influences de l'air , ou la température convenable.

1°. On peut quelquefois avec afTez de facilité , empêcher les eaux de contracter de mauvaifes qualités , en changeant leur cours & en les détournant des terres vifqueufes, topheufes , marécageufes , ferrugineufes & vitrioliqucs. Celui qui laifîè couler les ruif- feaux & les fources au hazard , fans faire attention qu'en changeant leur cours , il en reviendroit des avantages réels, ne mérite pas fans doute le nom de cultivateur intelli- gent. Réformer la nature & chercher , la fonde à la main , à connoître fon fond , pour remédier aux inconvéniens : c'eft appeller la raifon & l'expérience au fecours d'un travail aveugle & mécanique.

20. Le mélange d'une eau bonne avec des eaux de qualité inférieure , elt un moyen qu'on doit mettre en ufage toutes les fois que

èi Aii E'L R A TIOÎT

la bonne n'eft pas en quantité fuffiranle éc que la mauvaife n'eft pas aflèz abondante pour noyer la bonne. Faites pafîèr vos eaux vifqueufes , ferrugineufes &c. dans l'égout de fumier, vous les rendrez excellentes. Réu- nifiiez vos fources de différentes qualités fanS rien craindre j leur réunion vous met en état de conduire vos eaux par tout il eft né- eeflàire & de donner de féconds arrofemens à vos prairies. Je confeille cependant au fer- mier de ne pas mêler fes eaux de manière qu'il ne puiflè les féparer , pour employer à part les bonnes lorfqu'il le jugera à propos» 11 y a telle faifon les eaux médiocres doi- vent être détournées, lorfque celles de la première qualité peuvent être fuffifantes.

3o. On corrige les eaux par le moyen des étangs, A cet égard on fuit diverfes pratiques, fuivant le vice qu'on veut ôter à l'eau. Si elle eft trop froide & que fa température ne foit pas accommodée à celle du terrein , on lui procure la chaleur convenable au moyen d'un étang expofc au mûdi , dans lequel ort fait féjourner cette eau jufqu'à ce qu'elle

î)Es Eau5c mauvaises , Sec. 6^ ôît perdu fa trop grande fraîcheur. On au- gmente encore fa chaleur plus promptement par le moyen de la chaux & du fumier de cheval nouvellement tiré des écuries & que l'on jette dans l'étang. Quand même on ne pourroit ôter à ces eaux toute leur crudité , on en tirera encore quelque parti, en les employant dans les féchereffes fur les terres légères , en les détournant dès le matin & ea ne les faifant couler qu'au coucher du foleil. Si l'eau eft chargée de tuf, on la fait pal* fer, avant de s'en fervir, dans des étangs qu'on a foin de nétoyer quelquefois en en- levant le tuf qui s'attache au fond & fur les côtés & l'on jette du fumier dans le dernier. Elle devient plus ou moins propre à l'arro- fement.

Toutes les eaux médiocres font également améliorées en paflant par un étang l'on jette du fumier j & les bonnes eaux devien- nent par ce moyen encore meilleures.

4°. Toutes les eaux mauvaifes pourroient être corrigées par le moyen de quelque roua^ gc qu'on établiroit fur le ruiûcau ou bien en

64 Ame'lîoration

la faifant jaillir en formé de jet d'eau j YesM agitée perd fa crudité. On atténue ainfi fon tuf, on dillbut fes glaires , on liquéfie fes glaces , on rcxpofe aux influences de Tair , on lui donne de Tadivité, On fçait qu'en ver- fant à diverfes reprifes de l'eau d'un vafe dans l'autre , on la rend plus apéritive ^ plus difîblvante & moins criie. Plus l'eau eft bat- tue , plus elle acquiert les qualités rcquifes.

Si l'eau qui pèche par un excès de froid ^ coule dans un lit profond, couvert & ombra^ geux, il faut,, s'il eft poflîble, donner du jour au canal en extirpant les arbres & les broufiailles qui lui dérobent la chaleur du folcil. Si cette eau étoit abondante , il feroit à propos d'en féparer un bras par quelque canal de conduite , qu'on tiendroit plus large que profond Oc expofé au fud. Un petit volume acquiert plus promptement la tem- pérature néceflaire qu'un plus grand.

60. Si l'eau étoit trop chaude , on pourroit quelquefois en changer le cours & le pla- cer de manière qu'il fût moins expofé à l'ar- deur du foleii, ou planter fur l'aïi de fes

bords

DES Eaux mauvaises , &c. tfj bords une rangée de faules , d'aulnes , de peupliers ou d'autres arbres convenables au climat & au fol.

Mais de toutes les méthodes plus efficace feroit la filtration : la nature elle- même rindique. Nous avons en SuïfTe bien des fources qui ne coulent que pendant que le foleil a allez de force pour fondre la neige & la glace & qui tarifîènt dès que le foleil n'a plus la même force. Toutes ces eaux font évidemment des glaces & des neiges fon- dues. Si elles filtrent au travers des rochers durs ou des terres fablonenfes , elles acquiè- rent prefque les mêmes propriétés que les eaux du ciel , au lieu que fi elles paflent entre des pierres tendres & fur des terres non pier= reufes , elles reftcnt mauvaifes Ôc pernicieu- fes. Je ne doute donc point que fi imitant la nature , on faifoit paflcr les eaux vifqueufes ^ fatiguées , crues , froides , marécageufes , pétrifiantes , peut-être les eaux ferrugineufes & vitrioliques , au travers d'un banc de fable fadice , on ne leur enlevât leurs qualités tiuifibleSi

€6 A M e' L I o n A T I Ô N

Il me paroît que la dépenfe ne doit pis rebuter fi Ton a déjà ces eaux , qu'elles foient à portée & que la prairie foit un peu con- fîdérable , l'amas de gravier néceffaire pourroit , du moins en plufieurs lieux , fe faire à un prix afîèz modique. Je fouhaite qu'on réfléchifle fur le moyen que je pro- pofe ici 3 je le regarde comme très-propre à donner de la falubrité aux eaux de boifïbn ôc à procurer des avantages ineftimables à une ville qui a le malheur d'être abreuvée d'eaux qui caufent le goitre ou qui ont quelques autres défauts effentiels.

On a indiqué une féconde efpece de fil- tration qui eft très-propre à corriger les eaux de tuf & les eaux vifqueufes. Il faut les faire pafîer au travers de plufieurs branches de fapins verds , munis de leurs feuilles ou pi- quans. On les emploie de deux manieiesj quelquefois on {c contente d'en remplir un étang en les ferrant fortement contre riflue, d'autrefois l'on en forme deux haies trelfées dont l'une tapiflè tout l'intérieur de l'étang du côté de l'ilTue ôc l'autre eft placée en

DES Eaux mauvaises, kc. 6j dehors. Les parties nuifibles , vifqueufes , tofeufes, &c. s'attachent à ces branches que l'on change dès que les piquans font tombés j l'expérience a appris que le poi(ïbn qui ne peut vivre dans ces eaux vifqueufes , &c, s'y plait afîèz après qu'elles ont paffé au tra= Vers de ces claies ou fafcines qui retiennent une partie, des corps hétérogènes qui les rendoient mauvaifcs.

6$

CHAPITRE VIII.

De la conduite des Eaux.

Orsque nous avons à notre difpofîtion des eaux , il faut les conduire à la tête & à la partie fupérieure de la prairie. Déve- loppons ce principe.

On commencera par niveller le terrein, s'il eft néceflaire , pour voir s'il a de la pente & fi elle eft ruftifante. On ne doit point s'en rapporter à fes yeux. J'ai vu très- fou vent des fources amenées fur des lieux à la vue fimple , on jugeoit la chofe abfolument impoûîble.

ViTRuvE exigeoit fix pouces par cent pieds : c'eft beaucoup trop. Les modernes , qui ont fait fur ce fujet les expériences les plus exactes, fe contentent de deux pouces par cent toifes , lorfqu ils n'en peuvent pas avoir d'avantage 5 mais ils recommandent d'adou- cir les coudes & d'unir le fond des condui- tes. La pente doit croître en raifon direds

LA CONDUITE DES EaUX. ^9

des frotemcns. Ccll à peu près la pente de Taquediic de Bclidor - Rocqumiconrt qui amené l'eau à Vcrfailks ; il n'a que trois pieds de pente fur une longueur de dix-fepc cens toiles; celui d'Arcueil a trois pouces fur cent toiles. Puifque les ouvriers ont plus de facilité à mener une tranchée de niveau , il convient de les faire toujours travailler de cette manière & de faire de diftance en diftance un gradin.

On garnira de béton ou de glaife ou bien on pavera les conduites dans la plaine , fi le fol n'cfl: ci d'argile ni de terre franche \ on les pavera toujours dans les endroits la pente eft rapide.

Si les pentes & contrepcntes obligent d'approfondir la conduite , on a befoin de pierrees , ouvrage qui demande beaucoup de précaution. D'abord le fond doit être fur glaife ou fur terre franche , ou glaifé , bien battu & bien pétri.

Les pieds droits ou pierres de côté feront bien affurées & folidement pofés.

Les d,^lles ou pierres plates qui doivent

L 3

^o Delà conduite

fervir de couverture , rcpoferont fermement fur leurs pieds droits avec environ trois pou- ces de portée j on aura foin de bouciieir tous les vuides & les interftices avec des morceaux de pierre ou des cailloux.

Sur les dalles on étendra une couche épaiiïè de mouûe , de foin groflier de marais, pu faute de mieux de paille , pour empê- cher qu'en recomblant la fouille, il ne tombe dans la conduite aucun corps qui puifle y çaufer des engorge mens , ce qui rendroit f ouvrage inutile & obligcroit de le recom- mencer à nouveaux frais.

Dans les lieux le terrein manque , on pourra employer des gouttières ou chenaux de bois creufés , pofés fur des chevalets de pierres ou de bois.

C'est le feul cas j'approuve de pareil ics conduites , à moins qu'on ne manque de pierres j je ne puis que condamner les Fontainiers qui , dans les lieux la pierre çft commune, font les conduites profondes çn planches ou en cheîtaux de fapin creufés j ^'eft prodigi\er le boi^ dont on doit êti:e par-.

D E s E A U X. 71

tout plus économe. Pour s'épargner quelques frais aducls & un peu de peine , on fait un nfauvais ouvrage ; on emploie du bois qui pourroit fcrvir ailleurs , tandis que les pierres le plus (buvent ne font qu'crabair- rafler & nuire aux travaux de la terre.

On peut fort bien fe difpenfcr de couvrir le canal lorfqu'il coule rez terre , au travers d'un terrein folide ; mais il le ruiiTeau étoit dominé par une terre mouvante , graveleufe, friable , il feroit bientôt rempli & obftrué l'on n'avoir pas foin de le pré fer ver en le couvrant de dalles ou pierres plates.

Enfin il eft abfolument nécelîaire de mé- nager un fentier ou une banquette le long de la conduite lorfqu'elle côtoie une colline efcarpée , afin de pouvoir la vifiter facile- ment & obvier à propos aux accidensj je ne propofe cette pratique que d'après ce que j'ai vu exécuté avec fuccès dans un chef- d'œuvre en ce genre pour la hardiefie de l'entreprife , l'cxaditude du fuccès , la mé- diocrité des frais & la commodité de l'ar- ïofemcnt,

E4

7^ De la conduite des Eait^c,

Si Ton eft obligé de profiter de la pcnt© pour forcer Icau à remonter , on a befoin de canaux que nous faifons ordinairemeilt de fapin ou de pin & quelquefois de chêne. Nos Fontainiers ne connoiflènt d'autre moyen pour les joindre enfemble , que des viroles de fer tranchantes de trois à quatre pouces de hauteur & autant de diamètre. Ils pofcnt une virole entre deux tuyaux , au milieu bout à bout î à Tautre extrémité ils frappent à grands coups de maillet , jufqu'à ce que la virole entrant en même temps dans l'un & dans l'autre bout , les tuyaux fe puchent<

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CHAPITRE IX.

Introduciion de Veau dans les ca?mux de conduite,

T T N E prairie fituée fur les bords d'utt ^ ruiiTeaii ou d'une Tiviere , pourroit quel- quefois être arrofée en ménageant dans les endroits commodes , des éclufes qu'on ou«« vriroit ou qu'on fermcroit fuivant le befoin, J*en dis autant d'une prairie placée dans une vallée dont le fond eft occupé par un ruif- feau ou une rivière qui ferpente ; à l'aide d'une éclufe & de canaux placés de proche en proche aux points les plus élevés , oa peut arrofer toute la colline avec le même ruifTcau.

Si l'on manquoit de pente pour prendre l'eau à l'entrée de la prairie , il faut examiner s'il n'y a pas moyen d'en gagner en faifant prendre le canal de conduite plus haut. Tel ruifleau qui fe perd & qui n'eft d'aucune Utilité , pourroit fouvent , avec quelque m-

74 Introduction

duftrie, fournil: des arrofemens capables de feitilifcr une vafte prairie. C'cft ici l'Agri- culteur a» principalement befoin de faire un nivellement exad & précis.

Il eft prefque inutile d'obierver que pour jetter l'eau dans le canal, on barre le ruifleaii ou la rivière & qu'on en fait monter les eaux par un arrêt , un gradin , une digue ou une chauffée plus ou moins conlidérable, fui- vant la pente & la quantité d'eau qu'on veut procurer.

Si le ruiffeau ou la rivière, a, affez d'eau & de courant , on peut , par quelque machine iimpie , peu coûteufe & de petit entretien » en amener l'eau fur la prairie qu'on fe pro- pofe d'arrofer. Celle dont le Père de Châles donne la defcription ( Traité des Machines Hydrmliques y propojîtion xv , opér. tom. 111^ fd. 164) eft très-fimpîe &ne confifte qu'en une feule roue mife en mouvement par le courant même de la rivière. Elle a été exé- cutée à Brème ou , fuivant cet Auteur , elle fournit quarante-huit muids d'eau à chaque tOLu: , ce qui donne dans la ville une quaniirc

D E L' E A U , &C. 75-

d'can très-coniidérable. Mais comme dans le fonds ce n'cft que le timpan dont parle ViTRUVE , elle ne fait monter l'eau qu'à la hauteur de l'axe.

Si l'on avoir befoin d'une hauteur pliis conddcrable , on pourroit conftruire une roue à godets ou plutôt à féaux mobiles , telle que Be'lidor la décrit dans fon hydrau- lique , tom. I. liv. II. ch. IV. pag. 384 , &c. J'ai vu en divers lieux des roues à godets beaucoup moins parfaites que celle dont cet Auteur donne la defcription & la figure j elles travaillent depuis plufîeurs années & malgré leurs défauts elles ont très-bien réuffî.

Dmfin on pourroit quelquefois fe procu- rer une grande quantité d'eau par le moyen du vent. Ces machines font fort communes en Hollande & ont été exécutées avec fuccès dans quelques parties de la France, à Ver-, failles , à Meudon , à Argenville , à Châ- tillon , &c. Ces moulins ont la commodité de fe mettre d'eux-mêmes au vent par le moyen d'une queue en forme de gouvernail, qui tourne en tout fens. Il eft certain qu'ils

7^ Introduction

réuffîroient très-bien en une infinité d'autres lieux , quoiqu'en puiflent dire les adorateurs des pratiques anciennes & les défenfcurs opiniâtres des ufages reçus. N'eft-il pas dé- montré que par l'art & l'induftrie , on a re- médié à divers autres inconvéniens qui pa- roiffoicnt pour le moins auflî infurmonta- blés que ceux qu'on oppofe à cet établiflc- ment ?

Mais ici j'entends les propriétaires des moulins à bleds , des fcies , &c. ainfî que les Mhergatmres , &c. former des oppo- sitions fans nombre contre ces arrofemens , & fe plaindre de ce que , contre les ordonnances, on ofe afFoiblir & altérer le cours des eaux dont ils ont befoin pour leurs rouages.

Sans doute l'état aduel des chofes peut apporter quelque obftacle aux arrofemens des prés; mais fouventles meuniers abufent de leurs droits & il ne tient qu'aux perfon- nes intelligentes de ne plus occuper par des rouages des eaux qui pourroient & qui dcvroient être employées à augmenter le

DE l' E A r, &:c. 'Jj

produit des terres. Devenons plus induf- trieux : Pour moudre nos bleds 6c pour fcier nos bois , établirons des moulins à vent qui réuiïîront certainement dans nos plaines , dans nos coteaux découverts & fvir nos lieux élevés , comme ils ont réufïis dans les divers endroits on les a introduits > ils^ ont commencé en Afie , d'où l'invention a été apportée en Europe j elle a été mile en ufage depuis le Portugal julqu'cn Pologne. Voilà notre première obfervation.

D'à I l l e u r s on pourroit quelquefois beaucoup mieux placer les moulins a eau > qu'ils ne le font aduellement. Il n'eft pas rare de voir une prairie arrofable bordée d'un ruiffeau auquel il eft défendu de toucher^ parce qu'il doit fervir à l'ufage du moulîa qui fe trouve au-deffous & dont les eaux vont fe précipiter & fe perdre fans retour^ En tranfportant ce moulin plus haut , la prairie pourroit être abreuvée après que Peau auroit fervi à mettre en mouvement les rouages.

Je vais plus loin : pour l'ordinaire ces

78 Introduction de l'EaiT, &c moulins font de fi petite valeur que les pro- priétaires de la prairie gagneroient beaucoup à en faire i'acquifition pour les détruire & pour avoir le droit de profiter de Teau à leur gréj

Enfin on pourroit quelquefois , comme l'a dit Be'lidor , marier la machine qui éleveroit l'eau fur les terres voiiines avec la meule du moulin , en ajoutant que la dé- penfe des machines hydrauliques eft fou- ,, vent encore moins confidérable que l'amas ,j des eaux amenées de loin qui engagent à „^s indemnités & des conteftations qui expofent au défagrément de voir le cours de l'eau interrompu par la méchanceté des ,, payfans qui caflent les tuyaux exprès pouî mortifier le propriétaire.

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7$

CHAPITRE X.

Freparation des Près.

PAr le canal de conduite nous avons amené les eaux à l'entrée des prés qui n'en avoient pas naturellement , mais avant de les introduire , il faut préparer & dif- pofer les prés à les recevoir.

Je fuppofe d'abord que la prairie eft clofe^ que la clôture eft toujours bien entretenue , que le. poflèlTeur , en vrai propriétaire , a le droit de la garantir & d'en interdire abfolu- ment en tout temps l'entrée aux troupeaux. Le droit abufif du parcours eft un mal gé- néral qui répand Tes funeftes influences iur l'arroferaent des prés, comme fur la culture ordinaire , fur la culture Tullienne , & fur celle de M. Patdlo. Les prés abreuvés fouf- frent même plus des pieds & de la bouche des beftiaux que les terreins femés en her- bages artificiels.

Je fuppofe de plus qu'il n'y a far le pré

Pre'paration

ni monceaux de pierres , ni troncs d'arbres ^ ni buiflbns. Ce font-là des défordres qu'il faut laiflèr aux communes : terreins bruts & aban- donnés qui appartenans à plufleurs, n'ap- partiennent à perfonne.

En troifieme lieu , il faut , autant qu'on le pourra » égalifer & diriger le terrein dans une pente naturelle , remplir les cavités j irafer les élévations, & faire ainfi fervir les déhlms aux rempliflàges , afin que la praitie puifle également profiter par tout des eaux & que leur écoulement foit tel qu elles ne faficnt que paflèr fans croupir nulle part. Cette attention eft nécelTaire & facilite l'ar- rofement pour toujours.

En quatrième lieu , les endroits fangeux , pourris & fpongieux feront foigneufement égoutés par des faignées & defféchés par des décombres de vieux bâtimens , par des cendres ou par du gravier j fans cela cet efpace deviendroit chaque jour plus maré- cageux par les arrofemens mêmes j les eaux qui font entre deux terres & qui y féjour-

nent , étant auiîî nuifibles aux prés qu'elles

peuvent

6 E s P R E' 1 ti

peuvent l'être aux champs , aux vignes &C aux vergers. Les meilleures eaux , fi elles croupiflent , produifent conflamment du jonc. On obfervera même de ne point arro- fer , fi Ton peut , les endroits fpongieux qui s'imprègnent facilement d'eau & qui la retiennent. Il faut attendre que le terrein ait changé de nature en s'incorporant avec le fable ou les matières abforbantes , calcaires , dégrmjfantes, qu'on y a mêlées j il faut atten- dre auflî que la conduite couverte & bien affermie ait pris fon afîiette s fans cela elle s'engorgeroit infailliblement en peu de temps.

Les faignées fe font de différentes maniè- res , fuivant le befoin Ôc les facilités qu'on peut avoir.

TRE's-fouvent on creufe avec fuccès aii milieu de Tefpace & du terrein marécageux , un foffé d'un pied & demi de largeur & d^ profondeur ; on le laiffe ouvert , afin de fa- ciliter l*évaporation de l'eau, foit par Id foleil , foit par le vent. Cette tranchée doit être tracée de manière qu'elle profite de cês

$1 PRE*PARATI0Î?

deux caufes de defiechemcnt , autant que k local peut le permettre. Si elle avoit de l'é- coulement , ce feroit fans doute encore mieux -, mais fi par la nature du terrein il n'y en a point , on peut encore lui en donnée par l'approfondilTement & les graduations qu'on y ménage.

Nous avons parlé précédemment des aqueducs ou conduites couvertes & de leur formation ; ce font des pierrees. Quelquefois on fait une tranchée qu'on remplit à moitié de cailloux , de fable ou de gravier qu'on recouvre de terre & de gazons.

En d'autres endroits on emploie des chen* nmx renverfés au fond du foflc , & pofés fur de petites traverfes de bois de diftance en diftance.

On peut aufïî fe fervir , dans quelques cir. confiances , de prifmes faits de deux plan- ches réunies dans leur longueur pour former un angle aigu au fommet y ils font tenus en règle par des traverfes de bois qui repofent au fond de la tranchée.

On emploie auifi en certains cas des qufi-

b È s P R E' s. H

driUtaires faits de trois planches pofées comme les prifmes. Ceux qui font en ufage de fe fervir d'aqueducs de bois , leur trou- vent une grande commodité , en ce qu'ils peuvent les nétoyer de temps en temps, lorfqu'ils craignent qu'ils ne Ibient engorgés. A Textrêmité fupérieure , ils placent perpen- diculairement un tuyau de fontaine percé avec un gros foret : ils y verfent de l'eau qui balaye & qui entraîne tous les corps qu'elle rencontre. On rebouche après l'ope- tation le tuyau avec un tampon , pour em- pêcher que rien ne s*y introduife.

D'autres Cultivateurs , après avoir fait la tranchée large ôc profonde , la rempliflènt à moitié de branches vertes, de faule & d*aulne , &c. mais fans feuilles , ou de fapins avec les piquans , arrangées & pofées dans leur longueur j on remplit fans autre pré- caution le refte de terre , en gazonnant par- deflus.

Il eft encore une méthode très-durable pour conftruire des faignées telles que les ehariots peuvent les traverfer fans les m-

F 2,

§4 Pre'paration

foncer ni les déranger. 11 faut fe procurer des branches de faules , de peupliers , d'aulnes ou d'autres arbres aquatiques : on en fait des pieux & des fafcines j les pieux ont deux ou trois pouces de diamètre & trois pieds ou trois pieds & demi de longueur. Après avoir proprement levé le gazon dans toute la lar- geur du folfé qu'on fe propofe de faire , on le pofera près de & avec foin fur les racines dans la crainte qu'elles ne fe defféchent. Le folfé fera d'un pied de largeur & de la pro- fondeur qu'il conviendra.Tout étant ainfi pré- paré, on enfoncera avec un maillet les pieux dans le foffé , en dirigeant leur pointe dans un des angles du fond du foifé , pendant que l'autre bout en effleurera le haut du côté oppofé. On le chaffera en avant jufqu'à ce que la fommité foit au-deflbus des racines du gazon , dans la crainte qu'il ne pouffe des jets. Vis-à-vis de ce pieux ainfi planté , on en plantera un autre dans l'angle oppofé & avec les mêmes précautions ; en forte que les deux pieux fe trouveront en fautoir ou en croix , ainfi qu'on le ^'oit dans la figure

D E s P R E' s. 8j(

ci- après. A quatre ou cinq pieds de diftance on réitérera Topération , & ainfî de fuire tout le long du foffé. Chaque fafcine fera forte- ment liée de deux ou trois liens ; on les cou- chera fur les deux pieux en fautoir , de ma- nière qu'elles entrent les unes dans les autres par leurs bouts. Le tout fera recouvert avec un peu de terre fur laquelle on replacera exac- tement les gazons. Le terrein paroît d'abord un peu élevé , mais il fera bientôt au niveau du rcfte , & les chariots les plus pefants y pafleront fans rien endommager. Pour plus d'intelligence , voyez la figure fuivante.

a b c d Coupe du foHe. e e e e Les deux pieux

en fautoir. f Lit des fafcinej.

g g g PalTage de l'eau*

Les Cultivateurs ne s'accordent point fur les directions qu'il faut donner aux faignécs quelques-uns les placent horizontalement

8o PRE'pARATrOH

^'autres les font de haut en bas , les troifîe- ïnes les difpofent tranfverfalement & en écharpe. Cette dernière diredion eft fans doute préférable & la plus propre à égoûter le terrein & même à le deffécher.

En cinquième lieu, il eft néceflàire de faire en tout temps la guerre aux taupes , non- fêulemxnt parce que ces animaux caufent dii dommage aux prés dont ils diminuent la récolte en fouillant la terre & en la labou- rant , mais encore parce que leur trous nui- fent aux arrofcmens en engloutifîànt les eaux qui devroient couler fur la fuperficie. Il eft plufieurs inilrumens au moyen defquels on prend & Ton détruit ces animaux -, chaque pays en a de particulier. On a publié il y a quelques années en France , un fecret que plufieurs perfonnes ont mis en ufage avec fuccès > on fait bouillir dans une leiîîve nou- velle , des noix qu'on a précédemment fendu en deux parties & qui doivent avoir encore leur écorcc. Lorfque ces noix ont bouilli afîèz long-temps , on en met un mor- ceau dans tous les nouveaux trous de taupes

D E s P R e' s. %-y

5c dans les derniers paflagcs qu'elles fe font ouverts j c'eft un poilbn certain pour ces animaux deftrudeurs.

En fixieme lieu , on connoît deux efpeces de terrein qui font très-peu propres aux ar- rofemens ; le fable fouvent rougeâtre, & brû- lant & l'argile de potier. Dans leur état natu- rel ces terroirs font nés ingrats , pour ne pas dire ftériles. Le premier eft fi poreux qu'il engloutit les eaux & le fécond d'aiÀant plus fort & plus tenace , que l'eau augmente encore dans lui ces propriétés. Lorfqu'cn a de bonnes eaux d'arrofement , on ne doit point héfîter de corriger ces terres par le moyen que MM. de Turhilly & Patîdio in- diquent dans leurs excellens ouvrages -, les Anglois en ont donné l'exemple ; je veux parler du mélange des terres de natures différentes. Un peu de terre argilleufe fuffira pour améliorer les fables les plus fecs au point de les difpofer à l'arrofement j & l'ar- gile , fi les eaux font de bonne qualité , n'a pas befoin de beaucoup de fable pour être corrigée , puifqu*il n'y a que l'excès de légé-

F 4

Pre'paratïon des Fre's.

reté & de pefanteur qui puifle rendre un

terroir abfolument impropre à l'arrofement.

En feptieme lieu , fi les eaux ferrugineufes font nuiiîbles aux prés , les terres qui ont ce vice ne fouifrent pas moins de l'arrofement. Avant que de les abreuver , il convient donc de chercher à les corriger & le Doreur Home ^ indique la marne , la chaux & toutes les matières calcaires , comme le moyen le plus certain.

Enfin , pour préparer les terres à être abreuvées , il faut creufer des canaux , conf^ truire des étangs & faire des éclufcs. Ces divers articles font eflenticls qu'ils méritent d'être traités avec quelque étendue.

^ Principes de l'agriculture & de la végécation»

^9

CHAPITRE XI.

Des Canaux.

T L n'cft rien dans l'ait d'abreuver les prés ■*- qui foit d'une fi grande importance que les canaux : de leur pofition , de leur direc- tion & de leur conftrudion , dépend tout le fuccès de rarrofement.

Nous allons entrer à cet égard dans un détail qui pourra paroître minutieux à ceux qui connoiffent déjà Tirrigation des prés : mais qui eft abfolument néceflaire pour ceux qui n'en ont qu'une idée fuperficieile ou qui ne Tout jamais pratiquée.

Je divife les canaux qu'on emploie fuivant le befoin , en deux efpeces principales. Les uns s'appellent maîtrejfes-rigoles , on en compte quatre. Les autres , au nombre de fix , font de /impies rigoles. Les canaux de conduite , d'introduction , de dérivation , de détente , font des mmtrejjes-rigoles. Les ca- naux d'arrofement , décharge , de repos , de reprife , d'écoulement & de deiréchemcnc.

po DesCamaux.

font de fîmples rigoles. Indiquons la manière de placer & de former ces divers canaux : montrons leur but & leur ufage. On doit regarder ce chapitre comme eflcntiel pour J'intelligence ds tout ce qui va fuivre.

Le premier canal qui fe préfente eft le canal de conduite ^ : c'cft celui qui amené & qui conduit l'eau à la tête du pré. Nous en avons expofé la conilruûion dans le cha- pitre VIII j nous n'ajouterons ici que trois réflexions : i<'. Il n'ed pas toujours néceffaire de faire la dépenfe du canal de conduite , puifque fouvent l'eau fe trouve à portée de la prairie & qu'en divers cas l'on n'a befoin que d'un batardeau & d'une éclufe pour lui donner entrée j 20, Avant de fe déterminer à amener de loin une conduite difpendieufe , il faut examiner fi l'on n*a pas déjà aflcz d'eau pour abreuver fa prairie. Peu d'eau fuffit lorfqu'elle' eft bien ménagée , fur-tout fur les terres un peu fortes ou mixtes j 3^. Si l'on peut fe procurer commodément du gravier & que le fond du canal ne foit pas

* Voyez \ts planches qui terminent ce Traité,

Des Canaux. ç>i'

naturellement graveleux , il faut en répandre une certaine quantité. Ce gravier maintien l'eau plus fraiche , il lui donne une agitation très- favorable & il empêche le canal & l'eau de fe charger de glaires & de fe creufer.

On prendra la même précaution pour les canaux d'inrrodudion , de dérivation & de détente. Jamais l'eau n'eft meilleure que lorfqu'elle coule fur le gravier.

L E canal à! introduction eft celui qui amené l'eau dans l'intérieur du pré le long de la partie qui domine fur toute fa fuper- ficie , pour que dc-là on puiffe la conduire & la diriger l'on veut.

Ce canal doit être plus ou moins large & plus ou moins profond félon la quantité d'eau qu'exige Tirrigation : il ne doit point déborder , à moins qu'il ne ferve en m^êmc temps de rigole ou de canal d'arrofement j il convient donc de lui donner plutôt de la largeur que de la profondeur. Souvent ce canal eft tout formé par la nature , ce qui arrive lorfque le cours d'eau baigne le bord fupérieur de la prairie j fouvent encore on

Des Canaux.

peut s'en paflfer ; fur-tout lorfqu'à l'entrée de

l'eau dans le pré , on peut tirer le canal de

dérivation qui doit fournir l'eau à ceux

d'arrofement.

Ainsi le canal de dérivation eft celui qui part du canal d'introdudlion. Si la prairie n'eft pas trop large , le canal de dérivation borde la prairie de haut en bas j fi elle a beaucoup de largeur , on le tire dans le même fens de haut en bas , mais dans l'inté- rieur : on en fait même plufieurs fi la pièce eft fort large & qu'elle ait des pentes en plu- fieurs fens î on fuit à cet égard ce qu'indique leur irrégularité. Tout Cultivateur intelligent déterminera fans peine le nombre, la largeur, la pofition & la diredion des canaux de déri- vation , dès qu'il fait qu'ils font deftinés à fournir l'eau aux canaux d'arrofement que nous appelions communément des rigoles.

Lorsque l'eau coule naturellement le long de la prairie & qu'elle fuit la pente du ruiflèau , on eft difpenfé de faire le canal de dérivation j il fuftit d'ouvrir le long de fon cours des canaux d'arrofement ou des rigoles.

DêsCaînIaux. 9j

Le canal de àétcite cft celui qui reçoit Veau à la fortie de l'étang lorfque la bonde eft ou- verte, il fait lâfondion de canal de dérivation.

Telles font les maîtrcjfcs-rigoles. Pafîbns à la delcription des rigoles fimples.

D'abord fe préfentent les canaux à'arro- fement qu'on appelle proprement rigoles : ce font les ramifications qui partent du canal de dérivation ou en général de quelqu'une des autres mmtrejjes-rigoles dont nous ve- nons de parler , fi elle en fait la fondion & qu'elle en tienne la place. Ces grands canaux font le tronc ou l'arterc, les rigoles, les branches ou les veines. Lorfque le canal de dérivation eft dans l'intérieur de la prairie , on en tire des rigoles doubles , les unes à droite & les autres à gauche.

On donne à ces canaux d'arrofement ou à ces rigoles , un pouce & demi do'profondeur dans les terres fortes & feulement un pouce dans les terres légères ; elles doivent toujours avoir huit à neuf pouces de largeur & aller en diminuant à mefure qu'elles s'éloignent de la fource qui les entretient. Elles fervent à

04 ÎDesCakaux.

porter les eaux fur la prairie , à les répandre fur le gazon, à rafraîchir les racines des herbes , en un mot à arrofer le terrein au gré du Fermier.

Elles font tirées au cordeau fi la pente du terrein eft égale & uniforme & l'on donne aux bords un peu de talus. Qiiand à la dif tance , on les efpace de trente à cinquante pieds , trente pour les terres légères , cin- quante pour les plus fortes & quarante pour les intermédiaires. On leur donne très- peu de pente & même point du tout dans les terres fortes.

On pratique deux efpeces de rigoles : les unes n'ont aucune ouverture dans toute leuE longueur , lorfqu'elles font pleines , l'eau paffe fur leurs bords entre les tiges de l'herbe : les autres ont d'efpace en efpace de petites ouvertures par lefquelles s'échappent les eaux , & l'on ouvre ou ferme ces ouvertures avec un gazon fuivant qu'on le juge à pro- pos. On les fait fans ouvertures , lorfqu'on a une grande quantité d'eau ou que le terrciri a beaucoup de pente? on y ménage des

Des Canaux. 95

ouvertures lorfqu'on a moins d'eau qu'elles fervent à économifer davantage & lorf- qu'on a lieu de craindre que des feuilles , des brins de paille ou de foin, ne mettent obftacle au cours latéral de l'eau.

Tous les canaux , fur-tout les rigoles , doi- vent être faitS' avec propreté, avec exadi- tude & tirés au cordeau , afin que riea n'arrête Teau dans fon cours.

Pour former ces rigoles dans les prés, nos Payfans ontjgsles manières de haches fortes , pefantes , armées d'un long manclie , & aiîèz femblables à celles dont les Charpen- tiers fe fervent pour parer les poutres après les avoir dégrollîes. Lorfque le gazon eft tranché des deux parts le long du cordeau , ils le détachent adroitement avec une bêche de bois garnie de fer , qu'ils poufîènt devant eux.

Quelques-uns emploient un inftrument plus expéditif pour tracer & couper le ga- zon : c'eft un grand couteau avec deux douilles s'emmanchent deux perches. Un homme tire celle qui eft devant , & un autre

56 DesCaî^aùxt.

pOLifle celle de derrière. Le gazon fe coupô ainli le long du cordeau avec beaucoup de propreté & de promptitude : on le détache comme ci-defllis.

Le canal de dechm-ge eft celui qui en tout temps reçoit le fupcrflu des eaux ou le ruif- feau en entier lorlqu'on ne veut pas arrolef. Ce canal a , pour l'ordinaire, une éclufe pour mefurer ou écarter les eaux. Le canal de dérivation, lorfqu'il a une ilTue commode dans le bas , peut fervir é^ décharge , quel- quefois le canal de conduire en fait la fonc- tion , ainfi que le canal d'introduélion j tout cela dépend de la pofition de l'eau & du local. Voyez, les planches.

Les canaux de repos font des folîés ou

tranchées qui coupent tranfverfalem^ent le

pré & qui ont un peu plus de profondeur

& de largeur que les rigoles. Ils fervent à

porter les eaux fur quelques endroits trop

élevés oii les rigoles ne peuvent atteindre ,

ou qu'elles n'arrofent pas fuffifamment 5 ils

diftribuent l'eau avec plus d'uniformité fur

une prairie qui a des pentes en pluficuys

fens 3

Des Caîstaux. ^7

fcnS ou qui cii a peu 5 dans ces cas on donne à ces canaux des courbures alTorties aux inégalités de la furface.

Les canaux de rcprife font les dgoles qui partent des canaux de repos. Leur dérivation dépend des inflexions du canal de repos d'où elles fortent , comme aufîî de la pente du terre in.

Les canaux à' écoulement font des fofles plus ou moins profonds , placés au-dciTous de la prairie & detiinés à recevoir les eaux , après qu'elles ont fervi à rarrofement'& à la jetter dans des fonds elles ne puiiiènt caufer aucun préjudice. Sans ces canaux , il fe formeroit dans les endroits bas des ma* récages.

Enfin les canaux de defje'chemetît font les faignées dont j'ai indiqué la cohftrudion au chapitre précédent. On les établit au bas de la pente ou bien entre les pentes & dans tous les endroits fpongieux fans exception 5 ils font d'une abfolue néceffité. 11 y a des terres qui retiennent Tcau oii qui font fituées & difpofccs de façon à ne pas

9S D E S C A N A IT X.

fa\:orircr fon écoulement 5 elles dégénérc- roient bientôt en marais , û Ton n'avoiî foin d'y couper une tranchée qu'on laifle OU:^ verte ou qu'on couvre 5 je préfère les aque- ducs couverts.

Il eft prefqu'inutile de remarquer que telle eft ordinairement la difpofition du terrein que plufleurs de ces canaux font inutiles ou déjà formés par la nature. Ceft le bon fens qui doit diriger le cultivateur ici comme par-tout. On regarde communé- ment l'Agriculture comme un art grofïîcr, qui demande peu de génie j mais ce font ceux qui ne jugent de cet art que par la iimplicité de mœurs des hommes refpeda- blés qui l'exercent. Ce qui précède a déjà pu les détromper , & ce qui fuit le fera encore mieux , fi Ton daigne y faire attention.

99

CHAPITRE XII.

Ufa^es & conflructïon des Etangs,

IL eft quelquefois très-utile & fouvent vci^ difpenfable pour l'arrofement des prés , d'établir des balïîns , des réfervoirs ou des étangs.

Nous avons eu occafiou dans le ch.ïp. iv. de propofer Tufage qu'on peut faire des étangs pour railembler des eauxj mais leur utilité n'eft pas bornée à ce point.

O N les emploie en fécond lieu pour rompre l'impétuofité de l'eau , lorfque la conduite , à l'entrée du pré , eft rapide & penchante.

En troifieme lieu , les étangs font quel- quefois néceffaires pour porter les eaux fur la hauteur d'un pré fort incliné , l'eau ramaf- fée pouvant toujours abreuver au niveau de l'élévation de la chauffée de l'étang.De même, lorfqu'il eft placé au pied d'une vallée qui a

audelfous une plaine , on peut ménagei:

G 2

100 Usages et Consi'ructïot^ l'efFort de l'eau en levant la bonde de m^ niere que l'eau forte tout-à-coup en abon- dance , aille plus loin & puifle arrofer un plus grand efpace.

Ils font auiîî nécefiaires pour corriger les eaux crues , froides , tofFeufes j pour les dé- pouiller des particules nuidbles à la végéta- tion & leur donner la température conve- nable : nous avons vu la manière de les em- ployer à cet ufage.

On jette quelquefois dans les étangs des pailles pourries , des fumiers confommés , des terreaux ou de la chaux. De cette ma- nière on répand ces engrais avec plus d'éga- lité fur la prairie. Quelquefois on y délaye diverfes matières propres à détruire certai- nes plantes nuifibles , telles que ces groffes plantes umbéliferes trop dures & trop 11- gneufes qui empêchent le gafon de fe for- mer & l'herbe d'épaifiir. Ces matieres^font du fable fin , de la terre de grands chemins , des cendres de bois , même celles qui ont îervi à la leflîve , les cendres de charbon de pierre & de tourbes qui ne peuvent être

DES Etangs. lor

employées au blanchiflagc. On fe trouve aufîî très-bien d'y délayer de la marne argil- leufe , ou même de Targille en petite quan- tité , lorfqu'on a des prés fablonneux qui ne retiennent point Teau. 11 eft fouvent plus commode de mettre ces matières , non dans rétang même , mais le long du canal de détente i l'eau fortant avec impétuofité , pafle fur les monceaux & les entraîne bien- tôt , pour peu qu'on lui aide , en les remuant pendant qu'elle s'écoule.

Les étangs font abfolument néceflaires lorf- qu'on a des eaux graflès ou des égoûts de fu- mier. Ces eaux font fi précieufes qu'elles doi- vent être difpenfées avec le plus grand ména- gement 5 mais cet article mérite un chapitre à part. Les eaux qui fe partagent entre plu- iîeurs perfonnes , exigent aufîî un étang, pour que chacun puifle tirer parti de fon droit & en augmenter le bénéfice.

Ils font encore utiles pour empêcher que les eaux de grands chemins & des égoûts ne falilTent les herbages dans le temps que les prés font en fleurs î comme auili pour retenir

I02 Usages et Construction

k terreau & le limon que l'on répand cii-r

fuite fur les endroits qui en om befoin.

Enfin les étangs fervent à ramafîèr les eaux iucculentes dont on fe fertau printemps, en les tranfportant dans des tonneaux ou dans des cuves , fur les prés ou ces eaux ne peuvent couler par des rigoles. Ces mê- mes eaux ramaflées font auiîî employées quelquefois en été , pour les répandre fur le tas de fumier , de peur qu'il ne fe haie j fou- vent on les porte dans les jardins , pour en verfcr dans les fentiers , ou aux pieds des légumes.

La conllrudion des balîîns , des réfervoirs ou étangs néccflaires dans un domaine , de- mandent fouvent beaucoup d art.

Le fond fera battu , heto?u' , glaife.ovL pavé , fuivant les facilités que Ton aura , ou l'ufagc qu'on fe propofe d'en faire i le pour- tour fera de même glaife.

Le pavé fera battu à pluficurs volées j & à défaut de dcmoifelle , en arrofant à chaque volée.

Î-E cQrvûi de glaife , du fond 5c des

l>Es Etangs. ioj

côtés , doit avoir un pied d'épaiflèur au moins.

Il n'impoite de quelle couleur foit la glaife , qu elle foie rouge , ardoifeufe ou grife ; il fufïit qu'elle foit ferme , dudile , point fablonneufe j qu'elle s'allonge , lorf- qu'on veut la rompre, & qu'elle paroiflb grafle & huileufe en la maniant : c'eft la terre dont fe fervent les Tuilliers , Briquûrs , Potiers , &c.

On prépare la glaife à être mife en oeuvre, en la coupant deux ou trois fois avec la bêche ou le tranchant de la houe j on la bat enfuite & on la pétrit avec la tête de cet outil. Pendant ces opérations , on y répand de temps en temps un peu d'eau i & on l'emploie en la foulant & en la preflànt à pieds nuds , lits par lits , fans y laiiîer aucun intervalle.

La terre qui environne le corroi , aura une

épaifieur & un talus proportionnes à la pref

flon , à la largeur & à la hauteur de l'eau

contenue dans l'étang j les ouvriers connoif'

fcnt cela. L'angle doit cire depuis quarante

u 4

î04 Usages et Construction degrés au-deflbus. Lorrqu'on en a la faci- lité , on fait far le devant un mur de aiaçon- nerie en chaux maigre.

Si nous manquons de glaife pure , nous employons avec fuccès de la bonne terre noire , mêlée de terre graflè ordinaire & de fumier gras & confommé.Ce mélange forme auiîî un excellent corroi qui fe pétrit & fe manie très-bien.

Enfin fi l'on n'avoit à fa difpofition que des terres légères ou mi légères pour la for- mation du badin , ou qu'on ne pût fe pro- curer d'autres terres plus convenables fans des frais conlîdérables , on peut employer les plus légères 5 mais alors il faut s'y pren- dre de la manière qui fuit.

En élevant l'enceinte du bafïîn , l'ouvrier donne aux terres en dedans , la moitié du talus extérieur , & dans la chaufiee même , à fîx pouces de la furface intérieure , il mé- nage un efpace vuide de demi-pouce , par le moyen des planches qu'il levé lorfque le bafîin eu formé dans cet efpace vuide qu'oc- cupoient d'abord les planches 3 & à leur place

DES Etangs, 105

on coule du lait de chaux refroidi aflcz clair pour qu'il remplilie cxadement tout cet intervalle.

On a foin de femer de la graine de fro^ mental * fur les terres qui forment le baflîn 5 cette plante fait des touffes épailTes & ferrées fans s élever beaucoup , ce qui empêche les terres foibles de la chauffée , d ctre dégra- dées par les pluies.

Lorsque l'étang eft conftruit & que nous nous appcrcevons qu'il ne tient pas parfaite- ment l'eau , de manière qu elle filtre au tra- vers de fes bords ou du fond , nous répan- dons fur la fuperficie intérieure de la cendre de bois , de l'épaiiieur d'une ligne ou deuXv

Je ne détermine point la figure , la gran- deur , la profondeur , la contenue du baffîn : c'efl: au cultivateur à voir ce qui convient au local & au but qu'il fe propofe. Lorfqu'on n'a en vue que l'arrofcment , il faut que ,

*»■ V. le Mémoire fur le Tromental , impiirr.é à Lyon che:^ S.egnaulc en I7êz ; Se dans ravcitiflement les raifons pour lef^quelks il ne fiiut pas dgnner à csKe planre le nom Anglois de Ray Cr^fs.

îO(5 Usages et Construction fuivant la faifon , il puiflTe fe remplir en douze ou en vingt-quatre heures : c'eft la règle ordinaire de nos fermiers.

Pour ouvrir & pour fermer l'étang , on y pratique une bonde quarrée qui en ferme exadement rifllie j on l'ouvre & on la ferme au befoin.

Cette opération qui ne paroît rien d'abord , eft cependant très - afifujettiflante , lorfque l'étang eft éloigné de la ferme. On a cherché à remédier à cet inconvénient en faifant fervir l'eau même de Tétang à l'ouvrir dès qu'il eft plein & à le fermer dès qu'il eft vuide ; nos induftrieux payfans ont imaginé une machine qui ne fçauroit être plus exacte, plus fimple ni moins coûteufe. ^

Leurs étangs n'ont ni bonde ni pâle pour retenir les eaux j mais au bout extérieur d'un tuyau de fontaine que l'on place au fond pour les vuider , on adapte avec une char- nière une manière de foupape de bois amincie, doublée de feutre ou de peau ; cette foupape eft attachée à la partie inférieure de l'orifice du tuyau manière que lorfqu'ellc

DES Etangs. 107

eft appliquée & prdTée contre le trou du tuyau , elle le bouche cxadcment fans laifler paflcr luie feule goutte d'eau.

Pour tenir la foupape en cet état , on place vis-à-vis & à fa hauteur une bafcule de chêne de trois à quatre pieds de longueur , pofée fur deux pivots qui roulent fur deux pieux folidement plantés en terre î à la partie antérieure de cette bafcule , on fixe fur deux pivots un rouleau de bois dur,de trois pouces de diamètre & de quatre ou cinq de lon- gueur j l'extrémité antérieure de cette bafcule eft creufée en cuiller & placée au point de chute de l'eau qui , lorfque l'étang eft plein , s'échappe par un tuyau au - delTus de la chauftéc. Le cuilleron fe remplit alors & baillé •■> la foupape n'étant plus retenue , s'ou- vre 5 l'eau de l'étang fait une preftîon vio- lente & l'ouvre toujours davantage. Dès que l'étang eft vulde , ou qu'il n'y a que peu d'eau , h bafcule reprend d'elle-même fa fituation horifontale & referme la foupape,6c fuivant la commodité du fermier , les rigoles fc trouvent ouvertes ou fvTmées pour l'arro- fcmcnto

Xo8 Usages et Construction, Sec.

Pour empêcher que l'eau en entrant dan» rétang , ne le creufe ou ne le dégrade , on prend la précaution de la faire tomber fur une planche qui en rompt l'effort 5 & fi le bafïîn eft grand & que l'on craigne que le vent n'agite l'eau & ne forme des ondes ca- pables de dégrader la chauffée de l'étang , il faut placer quelqu'abri , des arbres, une toile, un filet, pour prévenir ou rompre les vagues.

Lorsqu'on veut faire fervir les canaux & les étangs à llrrigation , il faut des chauffées , des digues , des batardeaux , des arrêts & des éclufes. Dans le chapitre fuivant j'indi- querai la manière de les placer Ôc de les former.

109

CHAPITRE XIII. Des Bafardeaf^x , des Eclufes , &c.

LES batardemix fe font fou vent à très-peu de frais j quelquefois on trouve fur les lieux de grofîes pierres , qui rangées au tra- vers du ruififeau, fuffifent pour faire refluer les eaux : d'autres fois , il ne faut qu'une pièce de chêne qui le traverfe. On peut auflî conflruire une grille de bois , dont on rem- plit les vuides avec de grofïès pierres que la force de l'eau ne puilTe pas enlever. Il n'eft pas nécefiaire d'avoir un Ingénieur pour diri- ger ces petits ouvrages 5 le limple bon fens fuffit : une feule éclufe qui occupe tout le lit de la rivière , la fait dégorger d'un des côtés ou de tous les deux , félon le befoin & le local.

Il y a plufîeurs efpeces d*éclufes , qui re- çoivent différens noms , fuivant l'ufage au- quel elles font deftinées. Celles dont nous venons de parler , fe nomment traverfieres.

îîô Des Bâtarde au r, Il en efl: d'autres qu'on s-ppclk eelufe s d'i?i- trodiiciio?î' ; ce font des portes qu*on ouvre ou qu'on ferme au befoin , ou bien des pèles qu'on élevé ou qu'on abaiflfe plus ou moins , à proportion de la quantité d'eau qu'on fou- haite. On en conftruit aufil n, demeure ou k trous : ces dernières font les plus flmples. Une ou deux grofles planches ou pUneaux de deux pouces d'épaiifeur , pofées de champ l'une fur l'autre , en font la façon , elles tien- nent toute la largeur du ruilTeau , & font af- fermies par des appuis. On les perce de plu- fieurs trous ronds ou quarrés , qu'on bouche avec des tampons de la même forme. La planche inférieure eft enfoncée en terre , dc manière que l'eau ne puiffe point paflfer par delFous , & toutes les planches font exaûe- ment rejointes pour empêcher que l'eau ne filtre d'aucune part. On ouvre ou l'on ferme les trous félon la quantité d'eau que l'on veut avoir. Enfin on a befoin de tournets ; nous nommons ainfi des planches mobiles qu'on affure au travers des maîtreffes rigoles , pour diriger & jctter les eaux fur les endroits con-

DES Ecluses, Sec, 1 1 i Vetiables j on les pofe ou on les ôte , fuivant qUe le local & la néceflîté l'exigent.

Tout étant ainiî préparé , il nous reftc à montrer quelle doit être la mefuie & la quantité de l'arrofement , la faifon , le temps & les circonflances il convient de l'em- ployer, & la manière de fe fervir des canaux , dQi étangs £c des ccluiès.

112

.CHAPITRE XIV. Mefure é^ qu/antité de l'arrofement.

* I l'on €11 croit quelques cultivateurs , les prés ne fçauroient erre trop abreuvés, à moins qu'on ne néglige de faire des canaux de defléchement , ou que l'eau ne croupifiè en quelqu'endroit j mais la nature qui nous appraid quel eft le bénéfice que les eaux peuvent apporter dans les prés , en feigne aufîi que l'excès leur en eft toujours très-nui- fîble , relativement à la quantité & en même temps à la qualité. Trop d'humidité nuit à la végétation , comme trop de chaleur. Les pluies multipliées , ainfî qu'une longue fé- cherefle font languir les plantes j il faut de la proportion entre l'humide & le fec , entre le froid & le chaud î l'expérience peut feule fervir de guide î voici les principales règles qu'elle prcfcrit à cet égard.

Mesuré et QUANTitE' , &c. ïij

1^. Règle. Une prairie élevée & décou- verte demande plus d'eau, qu'une prairie bafle & ombragée. La ràifon en eft évidente : fur la première efpece , les eaux s'évaporent plus promptemcnt que fur la féconde.

2"^^ Les eaux doivent être répandues avec plus d'abondance fur une prairie dont le terrein eft léger ou en pente , que fur une prairie dont le fol compade eft moins in- cliné , parce que les eaux pénétrent avec plus fJe facilité un terrein léger , & s'écoulent plu^ promptement fur un terrein en pente.

3"^*^. Les prés dont l'afped eft au midi font plus altérés & demandent plus d'eaii que ceux qui font tournés au nord. Ceux qui font à l'orient ou au couchant tiennent le milieu.

4."^^. On court moins de rifque de trop arrofer avec de bonnes eaux naturelles qu'a- vec des eaux médiocres ; cette règle n'a pas befoin de preuves. Le vice qui gâte les eaux iiuit à la terre fur laquelle on les répand j je parle des eaux naturelles. L'excès des eaux

graflès eft très pernicieux fur totires les tf-

H

ÎI4 Mesure et quantité'' peccs de tcrrcin j il rend le foin gi-ofîîer , il fait jaunir & pourrir les plantes par le pied > il en produit de gourmandes. C'eft fur-tout dans les prés mal arrofés avec des égoûts de fumier , qu'abondent la pâte d'ours , le tujfilage & diverfes plantes umbelliferes qui détériorent le fourrage.

$"^^. Il faut moins arrofer dans les années pluvieufes que dans les années féches , & c'eft précifément dans ce temps qu'il faut veiller avec un plus grand foin fur les ca» naux d'écoulement & de deflechement.

6™^. L'abondance des eaux médiocres nuit plus aux terres fortes qu'aux terres lé- gères. Elles s'écoulent plus ditîicilement.

^me^ Tous les tcrrcins qui ont des pentes en divers fens & des conîrepentes , font fujets à devenir fangeux & à produire des foins groiïîers dans les bas-fonds qui n'ont pas d'écoulement. ïl convient d'y veiller & de faire des faignées.

%'^^. Quelques Economes penlènt qu'une terre qui n'a jamais été arrofée, doit être abreuvée d'une aufïî grande quantité d'cai*

DE L*ARRbSEMENT. îf^

qu'il eft pofîîble j d'autres affurent au con- traire que dans ce même cas il faut abreuver fobrement les prés qui ne font pas encore accoutumés à l'arrofement. On ne doit jamais difputer en agriculture j on doit tou- jours confulter l'expériende , & fi l'on juge d'après elle , il paroît que les uns & les autres ont raifon. Lorfqu'on a des terres légères ^ qui depuis le déluge n'ont pas été pleine- ment défaltérées & que la pente en foie régulière , on ne peut que leur faire du bien en les inondant : mais fi la prairie eft de terre forte , ou feulement mi-forte , ou qu'elle aie des pentes en divers fens & des bas-fonds , il vaut mieux arrofer modérément & fuivre certaines règles jufqu'à ce qu'on en air re- connu les inconvéniens»

9™«. L'arrosement doit être plus abon- dant en automne qu'au printemps & aii printemps qu'en été. En hiver il ne faut arrofer qu'avec de bonnes eaux & arrofer toujours abondamment.

H

Îi6

CHAPITRE XV.

Te;r/ps de l'drrofenisîit.

Dus avons parlé de îa quantité de l'ar- l'ofemcnt , maintenant nous devons en marquer le temps : rapplication des règles à l'un & à Tautre de ces égards dépend de Vintelligence du Cultivateur toujours guidé par l'expérience.

Je doiine pour première règle qu'en au- tomne , dès que k dernier foin eft recueilli , l'on doit abreuver les prés aulTî abondam- ment qu'il eft poflibîe. 11 ne faut alors ni trop froid ni trop chaud. Toutes les eaux médio- cres ou les eaux naturellement maiivaifcs , mais corrigées , peuvent fervir. La fève com- mençant alors à s'arrêter , les plantes n'ont pas befoin àt beaucoup de chaleur & ne redoutent plus l'humidité j leurs racines fortifient & peuvent mieux foutenir la ri- gueur de l'hiver. Les bons effets de l'arrofement d'automne

Temps de l'arrosement. 117 font connus de tous nos Fermiers; ils difcnt que les jets de l'herbe, dans cette faifon, tien- nent les plantes à l'abri , & les Hydraulogiftcs obfervcnt que les eaux d'automne font les plus propres à la fermentation 5 Cependant la plupart de nos Laboureurs fuiv^nt la cou- tume de leurs pcres , ils m.ettent ilir leurs prairies les vaches dès qu'elles defcendent de la montagne * , dans la crainte , difcnt-ils , que privées tout-à-coup du grand air & de l'herbe verte , elles ne maigriflent & ne per- dent leur lait.

Il y a fans doute quelque chofe de bon dans cette économie •■> cependant il eft certain que depuis le mois d'oélobre les prés profi- tent plus de l'irrigation que dans tout autre temps. D'ailleurs il ne feroit pas difficile de donner aux étables plus d'air & une tempé- rature plus convenable j on n'a qu'à fournir aux vaches du bon foin , elles le mangeront très-bien , elles ne maigriront pas & ne per-

* On eft en nfageen SnifTe d'envoyer les beftiaux pendant l'été paître dans les montagnes ; la bonté des plaiKes qu'ils y trouvent; produit l'excellence de kurs laicif^es.

H j

ii8 Temps de l'arrosement,

dront point leur lait. Tous ceux qui en oijt

fait rcxpérience en ont été convaincus.

Il eft des payfans qui voulant faire man- ger à leurs troupeaux la dernière herbe & profiter en même temps du bénéfice de l'ir- rigation d'automne , font allez imprudens pour arrofer , pendant la nuit , les prés qu'ils font pâturer le jour.

Ils paroifTent fentir la perte qu'ils font en privant leurs prés de l'arrolement d'automne, mais c'eit une fauife économie , en ne faifant point manger la dernière herbe à leurs bef- tiaux , ils feroient dédommagés au double par la récolte de l'année fui vante. Un pré qui eft foulé & pét'méy en même temps qu'il eft brouté , ne peut que fouffrir extrêmement , fur-tout lorlqu'il eft humide.

Il eft à propos en fécond lieu de détour- ner des prés toutes les eaux médiocres ou mauvaifes , dès que la gelée furvicnt , & de n'y laiiler entrer que celles qui ne gèlent pas ou qui ne gèlent point aftèz profon- dément pour empêcher qu'elles ne conti- nuent de couler fous la glace.

Temps de l*arrosement. iip Ne changez point vos eaux pendant la ge- lée : c'efl: notre troifieme oblcrvation ; atten- dez,pciiu les conduire aillcurs,que le dégel (bit venu. On connoît les faneftes effets de la ge- lée fur les terres couvertes ou pénétrées d'eau. En quatrième lieu , les eaux , quelques bonnes qu'elles foicnt , doivent être détour- nées des prairies dès que l'herbe commence à pouilcr & que l'on craint les gelées blan- ches ; lorfqu elles tombent fur la pointe de l'herbe tendre , & que la plante eft trop humide , la fenaifon refte toujours petite.

Le milieu du printemps eft dans nos cli- mats une époque très-critique pour les prés ; Ibuvent il tombe, dans ce temps-là, des pluies froides & abondantes, quelquefois même des neiges & fréquemment des gelées blan- ches , qui nuifent infailliblement à la récolte. Le froid brûle l'extrémité délicate de l'herbe nouvelle , & jamais la gelée n'eft plus dan- ^gereufe ni plus forte que lorfque la terre eft mouillée ; lorfqu'on peut prévoir cet acci- dent , il faut fans délai détourner l'eau de

dclllis les prés. On peut pour cela conlulteiL

M 4

'ï20 Temps de l'arrosement. le thermomètre de Rémmtir, Le troifîemé degré au-dclTus de la glace pilée , ou au-? deffus de zéro , nous annonce la gelée blan- che pour le lendemain matin ; parce que le degré du thermomètre , le ibir environ fur les neuf heures , eft ordinairement , à un ou deux degrés près , celui du lendemain matin. On doit fur-tout fe défier des premiers avis de froid , dans le printemps , lorfque la lune luit fur le matin & que l'air eft fcrein.

Cinquième règle. Les arrofemens du printemps demandent plus de foin & d'at- tention que ceux d'automne , pour changer î'cau & empêcher qu'elle ne croupifle nulle part ; les terres fe reiîcntent encore des pluies de l'hiver & ne demandent pas d'être trop, rafraîchies.

En fixieme lieu , lorfque l'eau & la terre font échauffées par les rayons du foleil , les arrofemens font nuifibles j on remarque que les pluies chaudes, qui tombent dans un jour ^ bien chaud , caufcnt fouvcnt cette maladie connue , dans les plantes , fous le nom de hîulure, Qiund il fait bien chaud ? les arrpft;--

Temps de l*arrosement. iix rnens font rarement avantageux , & jamais il ne faut changer l'eau pendant la chaleur jdu jour. Le pafiage fubk du chaud au froid , ne peut que caufer une révolution funefte aux plantes.

Je donne pour feptieme règle , de ne ja- mais introduire dans les prés les neiges ou les glaces fondues ; ce qui ne fouffre aucune ex- ception , foit que la fonte arrive au prin- temps , foit qu'elle arrive en été.

Il eft vrai que nous avons des ruifleaux qui ne perdent point leur bonne qualité, dans le temps que leurs eaux croifTent par la fonte des neiges y mais il faut que ces ruiffeaux proviennent de ces vafies réfervoirs fouter- reins qui contiennent une grande abondance d'eaux , dans lefquelles les neiges fondues ne fçauroient caufer d'altération fenfible. Ces exemples ne contredifent donc point la règle que j'ai prefcrite.

Huitième règle. On interrompt l'arrofe- mcnt dès que les plantes des prés commen- cent à entrer en fleurs , & cela afin de laiilèi* prendre de la confiftançe à l'herbe avant de

Ï2Î Temps de l'arrosement. la faucher , elle devient meilleure j étant moins aqueufe , elle perd moins en fe fé- chant & donne un fourrage plus fucculcnr.

Apre's chaque coupe de foin , on attend , pour remettre l'eau fur le pré , que la pointe de l'herbe coupée foit confolidée 5 fi une pluie douce & bénigne furvient , il faut laifier agir la nature toute feule. Il fera allez tôt de remettre l'caa quand la pluie fera ccflee.

Suivant la neuvième règle & l'avis de nos meilleurs Cultivateurs , il faut , pendant les pluies froides , abreuver avec de bonnes eaux autant d'étendue de prairie , qu'il ed poiîible. L'arrofement, dans ces circonftances, prévient les mauvais effets des pluies froides.

Dixième règle. Si Tannée eft pluvicufe , il faut très- peu arrofer, & mêm.e point du tout. 11 n'y a d'exception que pour les prés dont la terre eft légère. En s'écartant de cette règle , on diminueroit la qualité de l'herbe & fou- vent même la quantité ; c'eft un fait d'expé- rience , & il n'ed pas difficile d'en fentir la raifon.

Onzième règle. Les Jardiniers ont appris

I

Temps de l'arrcsement. 125 à nos Fermiers à ne point arrofcr pendant qu'il fouffle un vent froid de nord & de nord- oued. Les parties de froid s'infinuent dans les eaux , plus encore que dans l'air ou dans la terre î & l'eau , qui ne gelé à l'ordi- naire que lorfquc le thermomètre cft au zéro , fuivant le calcul de M. de Kémmur , gelé à un degré au-deflus lorfque le vent de nord fouffle.

Douzième règle. Il ne faut pas changée l'eau des piés après la rofée lorfqu*elle eft abondante , fi ce n'eft en automne. J'avoue que je n'ai pas obfervé moi-même que les eaux , conduites fur une terre couverte de ro- fée , fuffent nuifîblesj mais la plupart de nos Economes l'aiTujipnt. Peut-être cela vient-il de ce que le matin l'eau étant froide , arrête la tranfpiration des plantes & de la terre , & fait tomber les gouttes de rofée qui, atta- chées à l'herbe , dévoient s'infinuer & péné- trer dans fes pores 5 quoiqu'il en foit , la rofée favorife extrêmement la végétation , & porte avec elle des fels végétatifs qui ne fc trouvent pas en même quantité , ou aulïï atténués dans les eaux communes.

Ï24 Temps t>E l'arrosement.

Enfin nous répéterons un principe déjà indiqué , mais trop effentiel pour ne pas en faire une règle précife ; c'cfi: qu'on ne doit jamais changer les eaux en été pendant la chaleur & au gros du jour. Le foir avant k rofée, & le marin dès que la rofée eft diffî- pée , font les heures les plus favorables aux plantes , & en même temps les plus corn- îPiOdes pour les Cultivateurs.

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CHx\ PITRE XV L

Dijîribuîion & direction des Eaux.

E n'eft pvis aflez d'intuodiiivc Teau fur le pré dwins le temps & dans la quantité convenable , il faut encore la diriger , la dil- tribuer & la répandre.

Par la direction des eaux , j'entends la manière de pratiquer & d'employer les di- vers canaux deftinés à porter & à répandre la quantité d'eau convenable , fur tous les endroits arrofables de la prairie. Nous éta- blirons encore fur cet objet les divcrfcs règles qui font une fuite des réflexions expofées dans les chapitres précédens.

Premiers Règle. Toutes les parties de la prairie doivent profiter de l'arrofement , & l'arrofement ne doit nuire à aucune. Pour cet eft'et les eaux feront élevées à la plus grande hauteur que le niveau puifîè per- mettre , en évitant que les bas-fonds àc^ pentes & des contrepentes ne deviennent

12^ Distribution et tiKEcriai^ fangeux & marécageux par le féjour des eaux croupiflantes.

Seconde Règle. L eau doit être répan- due fur chaque portion de la prairie fclon la nature du terroir , en plus grande abon- dance fur les portions qui font de terre lé- gères , & moins fur celles qui font de terre forte. Il convient ainfi d'examiner avec foin la différence qu'il y a dans le fol du même pré , afin d'en abreuver plus ou moins les parties félon leur befoin qui varie avec leur nature & quelquefois leur pofition.

Troisième Règle. Le nombre des câ- iiaux de dérivation doit être proportionné à la largeur de la prairie & à la légèreté d\i terroir 5 le nombre des canaux de dcfféche^ ment , à la quantité & à l'étendue des bas- fonds 5 ain(i de tous les autres , fuivant le local & les circonftances.

Quatrième Règle. La diftance des ca- naux d*arrofement , qu'on appelle rigoles , doit aulîî varier fuivant la nature du terroir. Cette diftance fera moindre fur les terres légères & fur les terres moins penchantes ^

DES Eaux. 127

& plus grande fur les terres fortes 5c fur les terres fort inclinées. En général on le.*: :■ 'pace de trente à cinquante pieds , de trente à qua- rante dans les terres légères ou qui n'ont pas beaucoup de pente , & de quarante à cin- quante pieds dans les terres fortes ou pen- chantes. Sans cette attention l'eau ne fe ré- pandroit pas également par -tout. Les en- droits les plus près des canaux recevroient trop d'eau , & les plus éloignés n'en auroient pas aflèz.

La CINQUIEME Règle regarde encore les rigoles j elles ne doivent pas être trop Ion* gués j fans cela l'eau ne fçauroit atteindre à leur extrémité , ou- bien elle y parviendroit trop froide , fi le temps eft froid , & trop chaude , s'il eft chaud. Il faut donc , pour di- minuer leur longueur , faire un canal de dé- rivation de plus î & fi cela ne fe peut , on pavera la rigole, jufqu'à une certaine diftance^ & on lui donnera un peu plus de pente en la prenant un peu moins horizontale. J'ajou- terai que les rigoles doivent être un peu plus larges à leur entrée , & diminuer infeniible-

Î2S Distribution et directîoîV ment jufqu'à leur ilTue , parce qu'à rncfûrô que'i'cûu avance elle diminue en quantité.

Sixième Règle. Les canaux qui s'engor- gent ou qui s'obftruent , dérangent l'arrofe- ment 5 c'eft à quoi le Fermier doit foigneu- fement prendre garde en vifitant de temps en temps fes canaux. Après la coupe des foins , il examinera s'il n'efl point relié de l'herbe fur les bords ou dans le fond. Après la chute des feuilles & les fortes pluies, les canaux s'embarrafient fouvent. On doit fur- tout nétoyer les rigoles qui , étant plus étroi- tes & n'ayant pour l'ordinaire que peu de pente , s'ôbftruent toujours plus facilement. Septième Règle. Les*eaux ne doivent ni croupir , ni s'arrêter en aucun endroit. Par la (tagnation , les meilleures eaux perdent leurs vertus & leur adlion 5 elles deviennent nui^ fibles. Elles s'échauffent à l'excès lorfqu'il fiit chaud j elles fe refroidilTent trop lorfqull fait froid, & conftamment elles deviennent vif queufes. L'eau , pour produire un bon effet , doit être vive & avoir toujours un libre cours. Cette règle ne fçauroit jamais ctr<î impunément négligée. Huit.

D E s E A U X. 129

Huitième Règle, Le canal de conduite ne doit jamais dégorger , à moins qu'il n'y ait trop d.eau , ou que la laifon ne foit pas propre pOLu* rarrofem.ent , & dans ces cas même il convient d'établir une éclufe pour laiflêr échapper le fuperflu des eaux qui ne peuvent que dégrader les bords de la con- duite, en paflant par-defliis.

Neuvième Règle. Le canal d'introduc= tion ne doit dégorger que lorfquCjtraverfant la partie (iipérieure de la prairie , il fert lui- même de rigole ou de canal d'arrofément ; alors on y fait , d'intervalle en intervalle , de petites ouvertures dans la direction de la pente. Il y a quRques Economes qui font partir de ce canal des rigoles qu'ils coupent un peu en biais. Cette pratique convient pour les terreins un peu penchans 5 elle dif- penfe de faire des canaux de dérivation qu'on feroit obligé de paver.

Dixième Règle. En automne il ne faut point changer le cours de l'eau avant que l'endroit arrofé ait été parfaitement hii- meâ;éj dans cette faifon ks terres font plus

i$Q Distribution et direction altérées que dans toute autre ; au contraire ne donnez de l'eau que peu à la fois , ôc divifez vos eaux autant que vous le pourrez à la fin de l'hiver , & après que les gelées blanches du printemps font pafTées , pour ne pas troubler la végétation des plantes. Mé- nagez encore plus l'eau pendant les chaleurs de l'été , & ne la changez jamais au gros du jour.

Onzième PvEgle. L'eau , pour abreuver la prairie , doit couler & gliffer fur la fuper- ficie du gazon , d'où elle s'inlînue dans les racines pour les humeder & les rafraîchir. Jamais elle ne doit entrer par-defïbus le gazon & couler entre deux terres j fînon elle fera bientôt embarraliée par les chevelus des racines , & arrêtée dans fon cours j ce qui rendra le terrein marécageux pour peu qu'il y foit difpofé , quand même il auroit de la îDcnte.

Douzième Règle. Les méthodes qu'on doit fuivre dans l'ufage des étangs, font fondées fur les mêmes principes.

Les étangs s'ouvrent en automne, à l'heure

i5Es Eaux. 131

qu'on veut. On ne doit point s'en fervir pen- dant les fortes gelées , mais on peut répandre les eaux de neige & de glace fondues , lorf- quelles y ont féjourné quelque temps. On ne les ouvre point lorfqu'on craint les gelées blanches , ni en été pendant la chaleur du jour.

Dans les réflexions que je viens de pro pofer , j'ai fuppofé que les eaux étoient na- turelles & à notre entière dirporiLion3 que nous avions feuls le droit de nous en fervir & d'en difpofer ; qu'elles nous appartenaient en propre , & que nous pouvions en faire tel ufage que nous voulions : mais il eft des eaux grafîès & accidentelles 5 il en eft auffî qui appartiennent à plufîeurs perfonnes , 6c dont chacun profite à fon tour en proportion de l'héritage qu'il poflède ; ces eaux fe par- tagent & fe diftribuent par jour & par heurd entre les intérefles, il convient d'examinef la manière dont on doit ufer des unes & deâ autres.

ÎJi

CHAPITRE XVII.

Des Eaux grajfes & des Emx ^ temps.

'Ap]?ELLEgraJfes & accidentelles , les eaux qui lavent les grands chemins ou les rues , &i celles qui reçoivent les égoûts de fumier. Ce font des eaux fi précieuies pour les prés qu'il importe de les bien économifer.

Pour cela , premièrement on peut voJ- turer avec fuccès les eaux d egoûts depuis l'automne jufqu'au printemps , fur les prés qui ne font pas à portée d'en profiter autre- ment. A cet effet on ménagera au pied du tas de fumier , difporé comme je l'ai prcfcric au chapitre iv , un creux Iblidement pavé & corroyé , dans lequel l'égoiit fe rendra. Il eft encore mieux d'y enfoncer une cuve de fapiti ou de chêne bien étanchée. Dans les autres faifons, on rejettera Teau de cet égoût fur le fumier même , afin d'en prévenir le hâlc auquel il eil fort fujet pendant les féchc- reliés.

Des Eaxjx optasses, &c. 13^ En fccond lieu , lorfque ces eaux gi-aflès peuvent couler d'elles-mêmes , par des con- duites , furies prairies , il eft abfolument né- ceflaire'de les paver , ainii que les canaux d'introdudion & de dérivation pour faire en forte qu'il ne fc perde point d'eau , & pour la porter par-tout , auflî loin & dans la quan- tité qu'on le fouhaite. Sans ces précautions , il eft à craindre que dans les endroits oii elle viendra trop abondamment & trop fréquem- ment , elle ne fafie jaunir & pourrir le pied de l'herbe 5 l'excès de cette eau , û excellente d'ailleurs, donne au foin une mauvaife odeur qui dégoûte infailliblement les b|f- tiaux.

En troifieme lieu , on creufera dans le milieu du pré , en un lieu convenable , un petit étang fermé bien ét;inché & pavé, pour y faire palier l'eau. Elle y dépofera le limon qui pourroit falir l'herbe > & l'on répandra ce terreau en automne fur la partie du pré qui en aura le plus befoin.

En quatrième lieu , cette eau eft (1 fuccu- Içnte qu elle ne doit être laiÛee que peu do

ï^4 Des Eaux grasses temps fur les mêmes endroits > il faut changer fouvent , en la faifant couler auflî loin qu'il eft polïîble, pour que tout le pré çn profite.

En cinquième lieu , les eaux grafîès doi- vent être entièrement détournées des prés , dès que l'herbe eft parvenue à la hauteur d*environ fix pouces ; au lieu que les eaux communes doivent y rcfter jufqu'à ce que rherbe foit en fleur , & qu'elle ait pris fon entier accroiffemcnt.

Enfin il y a parmi nous des Economes très-intelligens qui ne font tranfporter , fur l^urs prés , Tégoût de fumier , qu'après qu'il a fermenté ; ils ont trouvé par une fuite d'ex= périences bien examinées , que l'eau de l'é- goût, devenue aigre & putride, a beaucoup plus de vertus que celle qui fort immédia- tement de l'étableXes fels dont elle eft rcmj)lie étant plus diflbus & plus fubtilifés par la fer- mentation , font par-là même plus propres à la végétation. La manière dont on fait les plantations de falpêtre a conduit à ces effais 5 mais c'en eft aiVez fur les cslmx grajffes > difûns ^n mot des eaux à tsmps.

ET DES Eaux a temps. 1J5 Pour tirer le meilleur parti des eaux ^ temps , il faut premièrement paver le canal d'introdudion & même celui de dérivation , jufqu'à un éloignement convenable 5 fans cela , il n'y auroit prefque que la tête qui proiiteroit de Tarrofement j l'herbe y verfe- roit 5 tandis que le refte de la prairie feroit fouvent aride & ftérile.

En fécond lieu , comme l'eau fe prend pour l'ordinaire le foir, & qu'on la garde jufqu'au lendemain à la même heure , il faudroit recevoir dans un étang bien corroyé ou pavé & bien étanché , l'eau qui couleroit pendant la chaleur du jour ; on fe ferviroit de cette provifîon pour arrofer le pré la nuit fuivante. On jouiroit de l'arrofementjComme fi on en avoit profité pendant deux jours confécutifs.

En troifieme lieu , il faut veiller à ce que les canaux de conduite , d'introdudion & de dérivation , foient tenus dans toute leur lon- gueur , bien nets & en bon état ; par ce moyen , dès que le moment de prendre ou 4e recevoir l'eau eit venu , on la reçoit

I 4-

13^ Des Eaux grasses, &c. toute , fans qu'il s'en détourne > ni s'en perde fur la route aucune partie j ce qui arrive fouvent aux eaux qui ne coulent que par intervalles.

Enfin, le limon qu'on tirera de l'étang, des conduites & des rigoles, fera employé à bonifier quelque portion du pré qui pourroic en avoir befoin , & qui ne peut profiter de l'arrofement.

Les règles que je viens d'expofer me paroiiïent faciles à faifir & à appliquer. Elles font même a6luellcment fuivies avec le fuc- cès le plus marqué, & fans peine, par un très- grand nombre de Fermiers , malgré les di- verfes occupations dont ils font chargés. Cependant j'ai cru qu'en faveur de ceux qui n'étoient pas familiarifés avec cette prati- que, je devois indiquer encore les différentes méthodes qu'il convient de fuivre dans l'arro- fement des prés , fuivant leur nature, la qua- lité des eaux & le local ; c'eft un précis de l'arÊ de l'arrtofement des prés.

J E commence par l'arrofement d'unci prairie dont la terre cft forte»

137

iêêêSSÊSÊ

CHAPITRE XVIIL

Irrigation d'un pré de terre forte dont la pente efl médiocre.

'npOuTES les efpeccs de terres, les plus •*" fortes & les plus fablonneufes , les légè- res & les mixtes , peuvent fervir à former des prés ; mais elles demandent d'être arro- fées différemment , & (i les terres fortes exi- gent plus de foins & d'attentions que les lé- gères , elles produifent aufïî un foin plus profitable & plus fucculent.

En général les canaux d'arrofement ou les rigoles , doivent avoir moins de profon- deur dans les terres fortes, que dans les légères ou dans les mixtes , & il eft à propos de les changer toutes les automnes,& de les couper entre deux.

Si un terrein argilleux n'a que peu de pente , comme de cinq ou dix degrés , qu'il ait peu ou beaucoup d'eau , ce feroit en vain 4jue l'on prctendroit en faire un pré naturel j

ïjS Irrigation

quelque bonne que fut l'eau , le fol feroit bientôt fangeux & couvert de joncs. En y femant du froment ou de Vepauîre , on peut fe promettre d'abondantes récoltes.

J'ai vu des vignes baflès, & de pente mé- diocre , arrachées parce qu'elles étoient fu- jettes à la gelée ; le propriétaire efpéroit d'en faire un bon pré , en l'arrofant des eaux qui découloient d:s vignes fupérieures > mais il ne tarda pas à s'appercevoir que cette terre devenoit de plus en plus marécageufe. Il 1 j mit en labour pour en faire un champ , après l'avoir faignée exadement , & le bled y a parfaitement réuflî, Si cette eau ne produi- foit pas de l'herbe , ce n'eft pas qu'elle ne fût bonne , elle faifoit croître de très - beaux gazons le long des foffés par elle defcen-? doitj tout fon défaut étoit de charier une quantité de parties grafïès & marneufes qui fermoient les pores de la terre , & empê- choient, aux rayons du foleil,de la pénétrer > enforte que fi Teau eût été moins bonne , elle auroit peut-être fait moins de mal à ce fonds. Ceux donc.qui étant dans la difette de

D' U N P R e', &C 13$

fourrage , auroient befoiii de faire un pré d'un terrcin femblable , feront bien d'y éta- blir du trèfle ou de la luzerne , fuivant les principes de M. Patiullo. '

De MEME on courroit rifque de rendre marécageux un terrein fort qui n'auroit qu'une pente médiocre , comme de dix à vingt degrés , fi on lui prodiguoit l'arrofe- ment , fur-tout à rafpeâ: du nord , ou les eaux étoicnt médiocres. Il y auroit plus d'a- vantage d'en faire un champ, ou un pré arti- ficiel , à moins que l'on n'eût des eaux grafïès ou d'égoût à y conduire j ces dernières eaux conviennent toujours.

Si cependant l'on vouloit en faire un pré naturel abreuvé avec des eaux communes, il faut obferver en premier lieu , de ne l'ar- rofer qu'avec beaucoup de prudence j on couvrira de fumier chaque année une por- tion de ce pré , de manière qu'au bout d'un certain temps toute la pièce ait reçu cet en- grais ; on veillera aulïï à ce que les canaux foient tenus bien nets , pendant toute l'an- rie j de peur qtie rien, en aucun temps, n'ar-

i40 Irrigation

rête le cours de l'eau ? fi le terrein fe recou-» vroit aflèz facilement d'herbe , ce qui dépend beaucoup de Thumidité de l'air , de l'abon- liance des pluies , des brouillards , des ro- fées , aufïï bien que de la nature du terroir , il ne faudroit point héiîter de l'ouvrir par parcelles , & de le femer en bled ; ces terres étant naturellement des terres à bled , dédommageront bien des frais de la culture. En divers endroits de la Suiffe Allemande , après avoir arrofé les prairies pendant deux , trois ou quatre ans , on en détourne l'eau , & on y feme , pendant le même nombre d'années , diverfes fortes de grains , félon le climat & la nature du lieu, ^ Enfin fi l'on n'a qu'une petite quantité d'eau , on la recevra dans un étang , & l'on pavera les grands, ca- naux ou les maîtreflès-rigoles.

Le fumier ou les boues de rués , que je confeille ici , doivent être bien confommés, pour être répandus fur les prés avec fuccès,

^ On peut, s'infl-mire de ce qui fe pratique à cet égard dans le Recueil de la Société économique de Berne.

O' U N P R E', 5CC. 141

5c l'on n'arrofe point, pendant l'année, la par- tie qui a été fumée.

L'Automne eft la vraie faifon d'empl-à>yer cet engrais j les fucs étant détachés & difïbus par la pluie , la neige & la gelée , pénètrent jufqu'aux racines des plantes , & les font fruélifier. Au premier printemps, on ne man- quera pas de ramafler foigncufement les réiî- dus , comme paille , bois , os , coupeaux ôc autres matières qui , n'ayant pu fe décompo- 1èr entièrement pendant l'hiver , dégoûte- roient les belliaux , fi elles venoient à fe trou-, ver mêlées avec le foin.

Pour aider au fumier à pénétrer jufqu'au fond des racines, & à détruire les mouÛ^s qui épuifent le fol & affament l'herbe , faut avec le râteau de fer, la herfe à dents de fer courtes , ou même avec la charrue a coidtres y 2in^àicï: des plantes fi nuilibles , au rifque d'en arracher quelques bonnes en même temps 5 on peut être fur que celles qui refieront , taleront fufhfamment au prin- temps , rempliront les vuides (3c donnerpnt dans la faifon une récolte abondante.

r42 Irrigation

Croyons-en M. de Châte envieux , àowt le luffrage & les expériences en fait d'agri- culti^re , font d'un fi grand poids. S'étant 5, ap perçu combien étoit défcdueufe la ma- niere ordinaire de répandre le fumier fur 5, les prés , en ce que fa fubllance ne paf- 5, foit point commodément aux racines , il ,j a cherché à reélifier cette amélioration. Dans ce deflein ce favant cultivateur a ,j fait labourer de vieux prés avec fa char- 3, rue armée de coultres qui font éloignés ,j les uns des autres de trois pouces ; il les a j, fait enfoncer de cinq à iix j & fur le pré 5, ainil fiUonné , il a fait répandre du fumier P, parfaitement bien confommé 5 toute 3, graifle en a été portée dans les traces des coultres , & par conféqucnt au fond des racines. Sa charrue a déraciné la moufle ^ 5, & rafraîchi les racines des herbes ; elle en a fait poulfer de nouvelles qui ont profité des engrais qu'on leur a adminiiirés. Les plantes fe font fortifiées, & ont en quelque façon rajeunies 5 elles ont produit une 5, herbe épaifle & fucculente qui a payé avec ufure ks foins du maître.

r

b * TT N P R e' , &C. 145

On ne peut qu'applaudir à cette pratique; je voudrois feulement qu'après avoir fiH-^nné le terrein avec la charrue , 1.^ L :r( ou le râteau , & qu'avant de répandre le fumier , on ne manquât pas de jeter des balayures & dt la poufïîere de grange , ou de la graine de foin, fur le fol ainfi préparé. Cette précau- tion eft fur-tout nécelTaire pour les terreins rherbe ne croît pas facilement.

I c I fe préfente une queftion qui mérite un examen particulier. On demande de quel- le manière le fumier eft le plus profitable , ou lorfqu'il eft répandu fur le pré , conformé^ ment aux inftrudlions que je viens de propo» fer , ou lorfqu'on le met dans l'étang?

L'une & l'autre de ces méthodes a des par- tifans expérimentés & intelligens ; & chacun d'eux allègue de bonnes raifons pour juftifier fa pratique.

Ceux qui , pour fertîlifer leurs prés , ont coutume de remplir l'étang de fumier, dilènt que c'eft un moyen très-facile & très com- mode de bonifier des eaux médiocres ou même mauvaifes , qui fans cela ne pcoduî*

144 Irrigation

roient que peu ou point d'effet fur les prés qu'elles abreuveroient , & quelquefois même n'y ,ne>iLque du mal.

Ils ajoutent que par ce moyen on peut non feulement , depuis l'automne jufqu'au premier printemps , fournir aux prés des fucs nouveaux & les fertilifer , mais encore leur en fournir pendant toute l'année ôc toutes les fois qu'ils en ont befoin ; qu'il en coûte moins de frais & d'embarras en employant fon fumier de cette manière, qu'en le répan- dant fur la place , puifqa'on eft obligé de le voiturer , de l'étendre , d'arracher la moufle , de fillonner le pré & de le néto^^r avant h pouflee; qu'enfin on peut quelquefois encore augmenter le fuccès & la force du fumier, dans les terres froides & ferrugineufes , en y mêlant de la chaux qui ne fçauroit être em- ployée fur les prés, qu'après avoir été dlilbute ôc tempérée dans l'eau de l'étang.

Ceux au contraire qui condamnent cette pratique , & qui veulent que le fumier folt répandu fur le pré , difent qu'il n'y a que les

environs de l'étang qui puiflcnt profiter de

l'engraiS

T)' U N P R e' , ÔTC. 14^

l'iengrais qu'on y a jeté ; mais j'ai dit qu'oit pouvoit aifément parer à cet inconvénient i en pavant fur une étendue convenable le canal de détente de l'étang. C'eft une pté- eaution qu'il faut prendre dans tous les cas il eft queftion de porter l'eau à quelque diftance : la dépenfe au refte eft toujours modique , puifqu'il s*agit d'un ouvrage à demeure.

Les mêmcâ cultivateurs prétendent , que Feau du réfcrvoir éteint abfolument toute la vigueur du fumier , & aflbiblit dans lui les principes de la fermentation, Oi\ pré- f iendrpit auflî cet inconvénient en ne met- tant duj, fumier , qu'en proportion de l'eau ^u'on icLtroduit en ouvrant la bonde , dès que le fumier eft en pleine fermentation 5 ç*eft-à-dire qu'il faut , tous les quatre ou cinq jours , renouveller Tcau & le fumier qu'on amené de l'écurie. Mais il faut avouer que la plupart des gens de la campagne ne font , ni ne peuvent être , aifez attentifs ou aftez exaÛs , pour fuivre avec précilion tous ces

procédés qui font en quelque forte aéceC*'

K

i4<^ Irrigation

faires j je penfe cependant que le fumier agifi fur les prés , plutôt par les parties végétales qu'il y porte , que par l'effet de la fermenta- tion 5 du moins eft-il fur que les prés ne demandent pas beaucoup de chaleur , que ks fumiers rafraichifïàns de vaches , leur iîmple houze , fans paille , leur convient , & que la fiente , ou le fumier pur de cheval , leur eft fouvent contraire j on ne doit donc point fc faire une peine d'affoiblir les prin- cipes de fermentation dans le fumier , en le diflblvant dans l'eau deftinée à abreuver les prés.

On fe plaint encore que le fumier jeté dans l'étang , diflbud le corroi du fond & des côtés , & laifle des pailles & des parties qui en obftruent fouvent l'iflùe , & qui empê^ chent l'eau d'en fortir avec afîèz de force,

A tout cela il y a de fort bons remèdes i lis font fi fimples que je me difpenferois de les indiquer , fi je ne fçavois que tout em- barralTe dans une méthode à laquelle on n'cft pas accoutumé.

Premièrement , on "doit paver toiic

t) ' U N P K e'. 147^

étang dans lequel on veut jetei du fumier , à moins qu'il ne foit conftruit fur un loi de glaiic j un llmple cor roi fer oit bientôt déchiré par les frotemens de la pèle ou de la fpa- tulc de bois , dont on fe fert pour brouiller & délayer le fumier dans l'eau à mcfurc qu'elle fort.

En fécond lieu , le fumier dont on ne veut fe fervir que pour les prés , doit être fans paille , ou entièrement fondu & confommé & dans ce dernier cas , tous les produits dt ia fermentation étant développés , on ne doit plus craindre d'en altérer les principes , en délayant ce fumier dans l'eau.

En troiûeme lieu , il les écuries dominent

fur la prairie , on fait un étang de vingt à

yingt-cinq pieds de long , & de quinze à

vingt de large j dans la moitié ^ on entalfe le

fumier à mefure qu'on le fort de l'écurie

dans la faifon convenable. Dès que le temps

des gelées eft paffé , on ferme la bonde qui

eft à l'autre partie de l*étang qu'on a laiffé

Vuide > on fait remplir l'étang <5c l'on poulïè

peu à peu le tas de fumier dans l'eau qu'on

K 2

'Î4.8 iRRIGATÎOtl D*UN PrE^

laifle échapper dès qu'elle paroît fuffifàm- ment chargée -, dans peu de jours l'eau char-» rie tout le fumier , & le porte fur les parties du pré qu'on fe propole d'améliorer.

Si rétang eft éloigné des étables , on voî^ ture à loifir, pendant l'hiver, au-defîbus de cet étang & le long du bord du canal de détente, tout le fumxier confommé j au printemps , pendant que l'étang fe vuidc , on brafle , on détache & on délaye ce fumier dans l'eau , qui s'écoulant avec violence , l'entraîne avec elle , par-tout l'on juge à propos de le diriger.

De tout ce que je viens de dire , il faut conclure que , lorfqu'on a de l'eau & qu'on veut encore fumer les prés abreuvés, fumier fera plus utile en le mêlant avec l'eau, qu'en le répandant en nature fur les prés.

I4<>

CHAPITRE XIX.

Irrigation d'un pré dont la terre efi forte é" la pente rapide.

SI le tcrrciii eft fort & qu'il ait une pente considérable , comme de trente à qua- rante-cinq degrés, on ne court aucun ri(l que de l'arrofer , pourvu qu'on ait foin auparavant de l'égalifer fuivant fa pente na- naturelle , & de le faigner s'il y a quelqu'en- droit bas ou fangeux , défaut auquel les ter- res fortes font très- fu jettes. Voici la méthode qu'il convient de fuivre pour tirer d'un pré de cette efpcce , le meilleur parti pofïible.

Premièrement , le canal ou les canayx de dérivation doivent être coupés un peu en biais, afin de modérer la rapidité de i'cau qui rongeroit bientôt les bords , ou crcufe- roit trop le canal , & pour prévenir les éboulemens qui font fort à craindre dans ces terres , fur-tout lorfqu'elles font alïifes fur

un banc de pierre fablonneufe.

K 3

jjfo Irrigation

En fécond lieu on peut encore , & fou- vent on eft obligé de paver les canaux de dé* îivation , dans ces circonftances , lorfque le cours eft abondant.

On peut auflî Ce contenter de tirer les ri- goles en biais , en partant du canal d'intro, dudion , fans faire de canaux de dérivation. De ces rigoles on peut en tirer d'autres pour conduire l'eau fur les élévations & autres en- droits convenables ; on épargne par-là les canaux de dérivation , la dépenfe de les paver & de les entretenir, & l'on adoucit la pente de l'eau.

En troifieme lieu , ces fortes de prés ne feront jamais arrofés en hiver, & ne le feront qu'avec de grandes précautions en été. En liiver , la terre en fe gelant fe gonfleroit à l'excès & fe gerferoit , ce qui déchaufleroi^ les plantes , découvriroit leurs racines & les feroit périr , en favorifant en même temps raccroifîement de la moufle. En été , fi l'arro- fement eft trop abondant , il occafionne des fentes dans la terre j & le froid, qu'il lui com- munique , eft tel que la chaleur de la faifon ne fçauroit le corriger,

d'une Terre forte, i^fi En quatrième lieu , je voudrois abfolu, rncnt bannir les beftiaux de ces prés, en tout temps & fur-tout en automne. Les beftiaux durciflcnt , par leur poids , ces cfpeces de ter- res qui n'y font déjà que trop difpofées» principalement dans l'automne qui eft ordi- nairement fort humide î ils pétriflent, ils dé- racinent les plantes , ils empêchent par leur féjour d'y mettre l'eau qui cependant eft meilleure & plus profitable, dans cette faifon, que dans toute autre.

E N cinquième lieu , quoiqu'on ait une fuffifante quantité d'eau , il faut de temps en temps labourer par cantons , ces efpeces de prairies , & les rendre à leur deftinarion , en leur faifant porter du bled , fuppofé que la charrue puifle aifément y manœuvrer. Sans ce labour , cette efpece de terrein devient û ferré & compadle , qu'il produit beaucoup àc moufles & peu de plantes qui font tou- jours foibles & languiflantes.

Dans les endroits efcarpés des terres fortes, la charrue ne peut agir que difficilement & l'on manque d'eau , le mieux feroit de

K 4

ï5z Irrigation d'une Terre , écc. femcr ànfainfoin à fleurs rouges , que nous nommons efparcette. Cette plante convienÉ d'autant mieux à ces terreins , qu'elle crainE les arrofemens.

Enfin lorfque le befoin d'eau oblige à conftruire un étang , il faut paver fon ilTuc & le canal de détente , pour pouvoir porter réclufée à une diftance convenable, & donner en été , lorfqu*il le faut , une quantité d'eau capable de ramollir la croûte de ce terrein ar- giileux , qui fouvent cft dure comme une pierre , tandis que l'intérieur n'cft pas erii fièrement privé d'humidité.

CHAPITRE XX.

frrig^tion d'une terre légère & fans pente, Renouvellement des vieux Fres,

LES terres légères , ou mixtes, ont de très^ grands avantages : elles peuvent tirer du bénéfice de prefque toutes les eaux , & leur arrofement exige beaucoup moins de foins , d'attentions & d'exaditude , que celui des ter- res argilleufes. Voici en peu de mots les façons qu'elles demandent.

Quant à celles qui n'ont aucune pente ,' fuivant les premiers élémens d'agriculture, un femblable terrein eft femé en méteil , en feigle , en lentilles ; cependant , comme la né- celîîté eft plus forte que la loi , on fe voit quelquefois obligé de mettre en pré le fond qu'on a j dès-lors ce terrein doit être arrofé & couvert d'eau de temps en temps j mais auparavant il faut en avoir détruit les taupes ^ui fc pkifent dans les terres humectées , &

iÎ4^ I R RI G A T I O K

qui ne manqueroieiit pas de renverfer ce pré & de le remplir de taupinières , après que l'eau en auroit été détournée.

I L faut enfuite border la pièce de terre , c*cft-à-dire , élever tout au-tour une petite chauflee^pour retenir l'eau & fes parties limo- ncufes , & les empêcher de s'échapper. Ces chauffées élevées au-tour des poffcfïîons qu'on arrofe, font très-communes dans le Cremomis. Il me paroît qu'on pourroit abreuver de cette manière , avec beaucoup de bénéfice plufieurs de nos terres baffes , que nous ap- pelions affez mal à propos marais , quand même leur fol ne feroit pas abfolument de terre légère 5 mais il faudroit plus de bras , de befoin & d'induftrie que nous n'en avons* Ces inondations ne manqueroient pas de donner à la longue plus de confiftance au terrein léger, par les nouvelles parties qu'elles y charieroient.

Si les mouffes le gagnent , il eft néceffairc de le fumer & de le labourer , ou de l'ou- vrir de la manière qui paroîtra la plus facile.

d'une Terre le'gerë. i$^

Jai déjà fouveiit parlé du labour qu'on

donne aux prés ufés , pour les rétablir ôc

les renouveller 5 il cft à propos de dire

comment on doit y procéder.

Il fuffit , pour les terres minces & légères , en automne , dès que les beftiaux auront brouté la dernière herbe, de faire labou*- rer le pré , d'en couper & d'en cafïèr les mottes grolîiérement. Au printemps fui- vant , on lui donnera tranfverfalement un fécond labour , & dès que la faifon de la femaille des Mars fera venue , un troifieme , en égalifant bien le tcrrein avec la herfc , en coupant les gazons avec le tranchant de la houe , & en les rompant avec la tête de cer inftrument autant qu'il fera néceffaire. On y femera aufïî-tôt de l'orge, de l'avoine , du feiglc ou quclqu'autre grain de printemps.

De 's que la récolte en fera faite , donnez un nouveau coup de charrue fur le chaume, pour préparer le terrein à recevoir du feigle ou du méteil, au commencement ou vers le iTîiljeu de Septembre , après un bon labour >

'i^6 î R R I G A T I O ÎT

k tout devant être exécuté avec rexa(flitudc d'un iaboureuu expert & attentif.

Veut-on iemer ce pré dès la première année en grain d'automne ) il faut Touvrir d'abord après la première récolte du foin , le herfer, couper les gazons , rompre les mottes & , tous les mois fuivans , répéter les mêmes opérations , afin qu'en Septembre , la terre étant bien ameublie , puiffc être labourée & femfe.

Si l'on avoir à défricher une terre dont le ibl fût fort & argi lieux , il faudroit plus de peines & de précautions. Le dégazonneur de Sommer s, ou celui de M. Tfchifeiy, ou plu- tôt la charrue à coultres de M. de Château- vieux , feroient d'un grand fecours pour commencer l'ouvrage. On fera d'abord agir les coultres , & on lèvera enfuite , en fcns contraire , le gazon avec le foc plat j il fau- dra que le terrein foit bien mauvais , fi en commençant d'abord après la coupe du pre- mier foin , & continuant jufqu*au printemps à «lonuer au terrein les labours & les diveifes

t)*uNE Terre LE'GEHri. 157

façons indiquées , on ne le prépare à rece- voir des mars , & enfuitc de Vepemtre * oiî du froment.

Mais on n'a pas toujours une charrue à coulures , & le terroir eft quelquefois û te- nace & les faifons fi contraires , que leS gazons ne peuvent pas s'ameublir fuffifam-* ment pour la première récolte . quelquefois même pour la féconde. Il faut alors entaffer les plus gros gazcwis en monceaux , qu^on rangera fur le pré même , de manière qu'en leur faifant occuper le m.oins de place poflî-. ble , ils ne rifquent pas de s'écrouler , & n'empêchent pas la charrue & la herfe de manoeuvrer. On obfervera de pofer les ga- zons , verd fur verd , afin d'en accélérer diflblution , de ranger les plus entiers fur les bords , en forme de muraille , & de jeter au milieu les plus irréguliers. Sur ces tas , on

'♦■ Grain que M. de Tournefort avoir langé avec les efpeces d'orges , & que M. Lynnazus place parmi les fro- ments ; triticum fpelta, fp. pi. 86. On en feme beaucoup dans la SuifD ; la farine qu'on en tire e(l inférieure à celle du froment ordinaire; on en faifoic la fromentéf i efpecc ie bouillie rertoœmée cjiez k$ Anciens.

Î5S t R R I G AT 1 O N

{jcut planter quelques légumes , comme courges , fèves , haricots , mdis , pommes terre , topinambours , &c. par- tout le tcr- feih fe trouve également employé.

La troiiîeme année on feme encore du froment. Pour cet effet , après la moiifon , on étend les monceaux de gazons qui fe trouvent alors fuffifamment confommés , & l'on donne un bon labour. Dans la faifon on laboure pour les femailles. La quatiieme année , on donne une façon en automne , & au printemps fuivant, on remet, fi l'on veut, Je pré en nature , en binant & en femant urt rnêlange d'avoine & de graine de foin j on gouverne d'ailleurs ce terrein comme les prés nouvellement établis. Ceft ainfi que nous en ufons dans la plaine : fur les lieux plus élevés & plus froids , on ne laboure en automne ni au printemps 5 on ne feme rien , & dès la même année ils produifent beaucoup d'herbe qui y croît naturellement. Mais en voilà aiicz fur le renouvellement des vieux prés j je reviens à mon fujet.

QcELQUES commodes, quelques favora-

dVne Tbrre le'gerè. if^

blés même que foient les inondations artifi- cielles, pour abreuver les prés fans pente, lorf- que la terre n'eft pas trop forte, on '^ i* îné une autre façon de leur donner de la pente , & de les rendre fufceptibles d'un arrofement naturel.

Je fuppofe que le canal d'introduâ:ion , naturel ou artificiel , coule fut le bord du terrein, d'un des côtés de la plaine. La prairie fera partagée , perpendiculairement au cours de Teau , en portions de dix à douze toifes , ou de foixante à foixante & dix pieds de largeur. Aux deux côtés des portions , on creufera une tranchée de deux pieds de pro« fondeur & d'une égale largeur > on en jettera la terre aulïî loin qu'on pourra vers le mi- lieu j on formera fur ces portions des filions en d'os d'âne, au moyen de labours profonds & fuivant l'art des Laboureufs ; en fuite on y femera du grain. L'année fuivante on répétera la même manoeuvre, jufqu'à ce quelles folfés foient effacés , & que le milieu de la planche & fcs pentes , de part & d'autre , foient bien fermées. Alors on en pourra faire un pré , &

ï^o Irrigation d'une Terré i&c l'on fera parvenu , fans frais , à donner de U pente à une plaine dont les bords font arrofés d'u: , nur?. d'eau 5 car la récolte du bled aura abondamment' dédommagé de la dépenfe de cette culture.

Sur la fommité de chacune des planches ou filions exhaufles, on tirera, depuis le canal d'introdudion , des canaux d'arrofement qui abreuveront les deux pentes des portions.. Au travers du ruifîeau , à l'extrémité des ri- goles , on conftruira des éclufes pour faire dégorger les eaux.

Entre les portions , on fera , s'il eft nécef- faire , des canaux de defféchement , & au côté oppofé au ruilTeau , un canal de . dé-* charge j il n'importe que ces tranchée:» n'ayent pas de pente. Les vents & la cha- leur agiflant fur les canaux ouverts , fuffiuont poLU en faire évaporer les eaux.

CHAPÏTIlé

î5l

CHAPITRE XXI.

Irrigation d'un Pré dont la terre efi légère éi" la pente douce ou rapide,

Q I vous avez un pré d'un terrein léger qui ^ ait de la pente , il faut l'arrofer autant que vous le pourrez. Il fuffit de changer le cours de rarrofcment dès que le fol cil affez hu- mide ^ de mettre à profit les plus petites hau- teurs du terrein pour y conduire les rigoles i & d'empêcher que les parties limoneufes de l'eau & du fol même, n'en fortent. Le fu- mier & les labours font les remèdes ordinaires contre la moufle lorfqu'elle gagne, & que les eaux ne fuffifent pas pour la détruire.

Si l'on avoir le bonheur de découvrir de la marne à la portée de la prairie , & qu'on y étendît une couche de cet engrais précieux ^ en lui verroit bientôt prendre une face nou- velle , & Ton jouiroit pendant vingt ans du fruit de fon induftrie. Ceft fur-tout aux ter- reins légers que la marne aigiikufe convient j

L

tÔZ iRRIGAfSON

elle lui donne de la confiftance & de la fer* tilité. Je ne voudrois cependant pas qu'on hafardât de fortes dépenfes pour cela , avant d'avoir multiplié les eflàis en petit. Sans cette précaution on court rifque de perdre fon temps , fa peine , fon argent , & de s'attirer les railleries des gens de la campagne , tou- jours prêts à fe moquer du mauvais fuccès des Cultivateurs qui ont le courage de faire des expériences.

J'observerai qu'il faut avoir line grande abondance d'eau , ou une bien petite étendue de prairie fabloneufe , pour que Ton ne foie pas obligé de paver les principales tranchées qui portent leau à celles d'arrofement & aux rigoles. Un fol de cette nature eft toujours altéré j il ne demande qu'à être arrofé , & ne craint que la féchereffe.

On doit fe fouvenir que plus la pente efl rapide, plus les rigoles doivent être tirées horizontalement , afin que l'eau féjournant fur le pré aufli long-temps qu'il fe peut , elle y pénètre , & le faiVe frudifier ; fans cela les eaux les plus abondantes le délaveroient en-

x>'uNE Terre ie'gere. îCi

îiérement, & entraîneroiciu bientôt les par« ties fubftantielles & limoneufcs qui font toute fa fertilité > elles y occafionneroienÉ même en certains temps des éboulemens fâcheux.

On pourroit auffi quelquefois , comme je l'ai dit dans un des chapitres précédens , tirer les rigoles en écharpe , en les faifant fortir du canal d'introdudion , fans faire les frais de celui de dérivation qu'on feroit obligé de paver, il le pré avoir une pente un peu forte^

Si l'on ne peut avoir qu'une petite quan» tité d'eau, il ne faut pas fe difpenfer conftruire un étang.

Enfin , comme les prés dont la terre ef^ légère , font fu jets aux hannetons qui eau- fent fouvent des dommages confidérables , on doit chercher à les détruire*

On connoît les lieux qui y font fujets , à la rareté & à la foibleflè des plantes qui fou- vent fe defféchent à l'approche de la récolte. Pour fe défaire de ces infedles , rien n'cft plus avantageux que les arrofemens abondans Se ks labours profonds. L'eau les fait périr êi

i^ i

ï6.\. Irrigation d'une TTerre le*g. le grand air les dcfîeche. Pour faire Ccvvlt l'irrigation à leur deftrudion , on doit ap- profondir , autant qu*il cft poflîble , les ri- goles qu'on y conduit ; les eaux pénétrent plus facilement jufqu'au fond de leurs re- traites , & les font périr.

Il n'eft pas inutile d'obferver que la plu- part des terreins font mixtes , c'eft-à-dire , qu'ils ne font ni parfaitement argilleux , ni entièrement fabloneux : mais qu'ils tiennent plus ou moins de ces deux qualités , & dans diverfes proportions. Le Cultivateur doit examiner ces différences , pour modifier les règles que je viens de prefcrire , félon les variétés du terrein j c'eft à fa prudence à l'é- clairer j il n'eft pas pofîîble d'entrer ici dans tous les détails de cet objet.

i65

CHAPITRE XXII.

ïrrigfi'tion' des Marais , des Chenevieres . C^' des Jardins.

\ Vant de finir , difons un pxiot de la -^ ^ manière d'arrofer les marais , les che- nevieres & les jardins.

Les terres marécageufes pèchent par une trop grande quantité d'eau qui ne coule , ni ne fe renouvelle pas afTez , foit qu'elle vienne de l'intérieur des terres, foit qu'elle fe ré- pande fur la fuperficie. Si on fe propofe de les cultiver & de les mettre en valeur j il faut les defTécher & les dépouiller des eaux crou- piflantes.

Dans ce deffein , après avoir élevé des chauffées dans les lieux convenables , pour empêcher les eaux de couvrir à contretemps les terres baffes , on y creufcra , d'efpace en efpace , des tranchées qui , fi elles font bien nétoyées , en expofant les eaux à l'adion de

Tair , des vents & du foleil , en faciliteront

L i

l66 ÎÎIBLIGATÏOK

J'évaporation. Le long de ces foiTés, on plantera des faulcs ou des aulnes qui fervi- ront à pomper les eaux fouterreines , & à les diffiper par le moyen de leurs feuilles j mais il eir à craindre que ces prairies ne produifent bientôt que très-peu d'herbe , il elles ne font jamais inondées , & que les eaux n'en, couvrent en aucune faifon la furface. On y fupplee par des inondations artificielles , mé- nagées avec prudence. Je fuppofe les digues conftruites , les folfés creufés , les rangées d'arbres aquatiques plantées : à la digue ou chauffée qui garantit le marais, on laiffera des ouvertures avec des éclufcs qui feront tenues exadcment fermées , pendant que les foins font .fur pied ,& ouvertes dès que les récoltes font levées -, de manière que ces terres foient en automne & en hiver , s'il cft pofïïble , entièrement fous l'eau.

On ne doit point craindre les inondations d'hiver. Les Hollandois qui entendent H bien Fart d'économifer les marais , couvrent les leur d'eau , autant qu'ils le peuvent , dans ces deux faifons ^ ôc leurs prairies deviennent

DES Marais, 5c c. 1 67

pour eux des lieux de promenades ; pendant les gelées, ce font des chemins fur lefquels ils voyagent au moyen de leurs patins.

Mais ce n'eft pas feulement dans ce pays unique dans fon efpece , que les inondations d'hiver font favorables ; j'en vois chaque année les bons effets fur les terres baffes que j'ai fous mes yeux , & elles auront les mêmes fuccès , par-tout elles feront pratiquées.

Ceux qui trouveroient quelque difficulté dans les éclufcs que je propofe , vu le local & les circonftances , peuvent y fuppléer par des tuyaux percés qui , couchés au milieu des digues , aboutiffent dans la rivière , & four- niffent à la prairie des fontaines qui coulent toujours, & que l'on ferme au befoin. On peut voir ce que j'ai dit fur ce fujet dans mon eflài fur l'ufage des mardis *.

Quant aux chenevieres , il feroit très- avantageux de les arrofer dans les grandes féchereflès. Le chanvre eft fi peu de temps en terre , ôc il croît fi rapidement , qu'il dc-

V. le Recueil de la Société Econom'que de Berne , ann. Ï7tf2 > première part. p. 77.

L 4

îS$ Irrigation

piande beaucoup d'humidité. Lorfqu'il eft placé fur le bord d'une rivière, d'un ruiflcau ou d'un canal dont on peut commodément fe fervir pour Tarrofer , on fera amplement dédommagé de la peine qu'on prendra ; & la fituation le permet , il ne faut pas fe difpenler de l'abreuver , foit par immerfîon comme les marais , foit par irrigation comme les prés.

Enfin , les jardins deftinés à produire, fans interruption, une grande quantité de plantes fucculentes , exigent bien plus d'humidité que les pluies Se les rofées ne peuvent leur en fournir j on y fupplée par les arrofemens. Tout le monde connoît la manière de les arrofer avec un arrofoir dont le bec eft garni d'une boule percée de petit trou , d'où l'eau fort en forme de pluie. Cette pratique ed très-bonne , & ne doit pas être négligée , piais il en eft deux autres que je recom- mande âUlîi.

La première eft de verfer de temps ea temps au pied de chaque plante , une demi- pinte d'cgoùt de fumier ou d'urine. Cettq

DES Marais, &c. l'ciîji eau fait grofïîr les légumes plus promptc- ment , & les rend plus délicats. Cependant i\ faut avoir attention de ne point arrofer les feuilles des plantes , mais feulement la terre qui couvre les racines , & de choiiir , pour cette opération , un temps couvert qui an- nonce de la pluie , le foir après le couchée du foleil , ou même pendant qu'il pleur.

LoRsc^u'oN a un cours d'eau ou une fon- taine à portée, on arrofera fon potager, d'une manière également commode & utile , en donnant au terrein une pente douce & im- perceptible. Sur le côté le plus élevé, on place une conduite de pierre, percée à une des extrémités. L'eau entre dans la conduite, fi l'on ne veut pas qu'elle paffè dans le jar- din 5 elle s'échappe par le trou qui répond à un aqueduc formé pour la recevoir. Dès que le terrein eft altéré , on ferme ce trou avec un tampon , & alors l'eau coule dans les fentiers , & porte ainfi d'elle-même , dans les planches , la fraîcheur & la fécondité. Il n'eft aucun Jardinier qui foit cmbarralTé de donner ou de confcrvcr à Ton terrein , la pente liécefiaire.

170 Irrigation des Marais , êcc.

Je me propofois de terminer ici cet eflàî j mais j'ai penfé que je n'avois encore parlé qu'aux Propriétaires , & que les Fermiers & les Payfans qui doivent exécuter , ne s'occu- pent pas à lire les traités d'agriculture ; je vais, en finifïànt, leur donner un manuel ou calendrier des ouvrages auxquels ils font appelles , pour faire valoir leurs prés en les abreuvant.

i7r

CHAPITRE XXIII.

Cdendrier ou> Manuel des Fermiers pout l'arrofement des Frés.

AUTOMNE.

i.T 'Automne eft la vraie faifon de cher- -*— ' cher les fources. Alors les eaux font baflès , & l'on peut compter fur la perma-^ nence de celles qu'on découvre.

2. De's que le dernier foin eft recueilli , il faut vifiter tous les canaux , les nétoyer ôc réparer tout ce qui ne fe trouve pas en bon état.

3. Rigolez vos prés ; changez & renou- veliez les rigoles. S'il n'y a pas d'inconve* nient , vous les placerez entre les anciennes , que vous remplirez des mêmes gazons , que vous aurez levés pour former les nouvelles,

4. Mettez Teau fur la prairie , dès que la pointe de l'herbe eft féche , & commerkcejs par les parties les plus élevées , vous n'avez

'i^i Calendrier

pas fdffiramment d'eau pour les arrofer

toutes à la fois.

5. Changez le cours de Feau tous les trois, quatre , cinq ou fix jours , fuivant l'abon- dance de l*eau , & la nature du terreini En général il faut donner de forts arrofemens , ôc ne point perdre d'eau dans cette faifon.

6. CtST fur la fin de l'automne qu'on doit arracher la moufle des prés, foit avec le râteau de fer , l'oit avec la herfe ; après avoir répandu des balayures de grange fur la por- tion que vous voulez fumer , chariez votre fJLiraier , & étendez-le fans délai.

7. Sur la fin de Septembre , ouvrez la portion de vos prés que vous voulez renoU' veller.

8. Ne faites point pâturçr vos prés, en au- tomne , & tenez-les exactement fermés.

H I T^ E R,

1. Achevez , dans les beaux jours d'hiver^ les ouvrages négligés en automne.

2, Transportez vos fumiers confom-

DE L*ARRO sèment; Î7$

înés fui: les bords du canal de détente de l'étang.

3. Lorfque nous avons de bonnes eaux qui ne gèlent pas , ou qui gèlent peu de manière qu'elles coulent fous la glace , nous ne nous faifons point de peine de les laiflèr pafîèr fur la prairie 5 mais nous n'en chan- geons point le cours pendant la gelée ; nous attendons le dégel pour les porter ailleurs. Si les eaux font mauvaifes ou même médio- cres , nous les détournons dès que les gelées furviennent.

PRINTEMPS.

1. On charrie fur les prés éloignés , dans des tonneaux ou dans .des cuves , Teau des égoûts de fumier , dès les premières beaux jours du printemps.

2. C'est alors qu'on délaye les fumiers qu'on a mis dans l'étang , ou à fon iflue le long du canal de détente , afin de porter cette eau graflè fur les portions de la prairie qu'on fe propofe d'améliorer.

S. On continue d'arrôfer , comme en au-

1-^4 Calendrier

tomne , mais avec cette différence qu'on fait

une diftribution plus étendue des eaux.

*"". '.. C N nétoie exadement la prairie avec

le râteau de bois & la pelle, avant que;

rherbe ait pouffé.

5. C'est le temps d'arracher les mauvaifes plantes qui étouffent les bonnes. Ces mau- vaifes plantes varient fuivant le terrein & le climat. Dans nos prés , ce font les diverfes cfpeces de lapatum , la ciguë , le pas à'àne , Vofeille , les chardons , le millepertuis , le $lantin , &c.

6. Dans divers lieux , les Fermiers doivent détourner les eaux de deffus leurs prés , lors de la fonte des neiges , pendant l'ardeur du foleil.

7. Lorsque l'herbe commence à pouffer-^ il faut abreuver les prés avec beaucoup de priîdence , & tâcher de prévoir les ge.lées blanches. Dans le doute , il vaut rpieux ou- vrir le canal de décharge , fermer l'éclufe & ne laiffer couler aucune eau fur le pré. Les gelées blanches attaquent principalement kf prairies humedécs.

DE L'ARROSEikfENT. Ï7t

8. A mefure que la faifon avance,on donne une plus grande étendue à 11rrigatioi?r & l'on change plus fouvent Tr •-••"'.w. .j\ juf- qu'à ce que le trèfle & les divers gramens , ou la fdnajfe , fleuriffent.

9. De's que les fleurs commencent à orner les prés, on en détourne emtiérement les eaux , jufqu à la première coupe du foin.

10. Les eaux fe changent ordinairement le foir , quelquefois le matin , mais après que la rofée eft: diflipée; il ne faut point mettre les eaux fur la rofée , ni au printemps, ni en été.

1 1. Il ne faut point changer l'arrofemenC pendant que les eaUx font pénétrées du vent de nord. L'eau efl: alors d'un froid propor- tionément beaucoup plus fort , que celui de l'air ou de la terre. Nos Jardiniers fuivent la même règle i ils n'arrofent point pendant que le vent de nord fouflie,

. 12. S'il tombe des pluies froides, & qu'on ait à fa difpofîtion de bonnes eaux, il faut inonder autant de terrein qu'on le peut.

î7<5 Calendrier ce l'ARkosEMENT, ÉTÉ.

i:\ i-.îi.i'ï;' les chaleurs , îl ne faut chan- ger les eaux , que le foir ou de grand matin.

2. Si les eaux font d'une qualité médiocre,' on doit les détourner pendant la chaleur & dès le matin î on ne les emploira que perî- dant la nuit.

FIN.

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