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LINDECENCË

AUX HOMrvIES

D'ACCOUCHER LES FEMMES: ET

DE L'OBLIGATION

AUX MERES DE NOURRIR LEURS ENFANS,-

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es P DE

LINDECENCE

AUX HOMMES

D'ACCQUCHER LES FEMMESr E T

DE LOBLIGATION

AUX MERES DE NOURRIR LEURS ENFANS^

OUVRAGE DANS LEQUEL ON FAIT

voir, par des raifons de Phyfique, de Morale & de Médecine, que les Mères n'expoferoient ni leurs vies , ni celles de leurs enfans , en fe paiTart ordinairement d'Accoucheurs & de Nourrices.

De l'Imprimerie de S. A. S. à Trévoux.

E?/e vinà a Paris, Chez la Veuve G a n e a u , rue Saint Jacques ; aux Armes de Dombes.

M. DCC. XL IV.

jivec Frivilege & Aj^j^obation.

3 6 U

67/

/ni

PRIVILEGE

De S. J. S. Uonfeigncnr Prince Souverain de Dombcs,

LOUIS AUGUSTE, parlagra- ce de Dieu , Prince Souverain de Dombes: A tous ceux qui ces Préientes verront , Salut. Notre amé Jean Boudot, à qui nous avions accordé notre Privilè- ge général le 25 Juin 1 6pp. pour réta- blir rimpiinierie ci-devant établie en no» trc ville de Trévoux, étant venu à décé- der , fa Veuve & (ts Enfans ne fe mettant pas en état de foutenir ladite Imprimerie, Nous avons de notre pleine puifTance Se autorité, révoqué & révoquons par ces Préfentes ledit Privilège accordé le 2(5 Juin i6pp, audit Boudot. Et pour le bien 6c l'utilité de nos Sujets , en faveur du commerce & à l'avantage des gens de Lettres , avons établi & établiflbns notre amé Etienne G AN EAU Libraire de Paris , pour être notre feul & unique Imprimeur & Libraire en notre Souve- raineté: lui permettant ainfi qu'à fa Veu- ve, héritiers & autres à qui il pourra cé- der , remettre ou faire part du préfent Privilège , d'avoir & tenir à l'exclufibn

de tous autres , des prefTes ôc caraétéres d'Imprimerie Se ouvroirs de Reliure ; d'imprimer , faire imprimer , vendre , âc relier toutes fortes de Livres de bonne Ôç faine doâirine , en tels voîun:e3 , mar- ges, caraâieres. Se autant de fois que bon lui femblera j de quelque fcrence Ôc matière qu'ils puifTent traiter, tant fur les Editions anciennes & étrangères , que fur les Manufcrits originaux qui pourront tomber en fes mains ou en cel- les de Ces ayans caufe, & notamment de continuer à imprimer les Mémoires pour l'Hiftoire des Sciences ôc des beaux Arts , que de fçavans Auteurs compo- fent tous les mois par notre ordre , les faire vendre , débiter ôc relier en vertu des Préfentes, fans être obligé d'obtenir de Nous , ni de nos Officiers , autre Pri- vilège ou permifïîon ; & ce durant [e tems (Se efpace de trente ann ées confécu- tives , à compter du jour ôc date des Préfentes : pendant lequel tems Nous faifons très-exprelTes inhibitions Ôc dé- fenfes à toutes fortes de perfonnes de quelque qualité ôc condition qu'elles puilTent être, &c nommément à la Veuve Boudotj à Ces enians Se ayans caufe, d'a- voir aucunes prefles, c ar a fteres d'Impri- merie , ni ouvroirs de Reliure dans tou-

te retendue de notre Souveraineté , ôc de s'y ingérer en aucune manière du fait de l'Imprimerie, Librairie ôc Reliure de Livres , fans le confentement dudit Etienne Ganeau ou de fes ayans eaufe , à peine de dix mille livres d'a- mende, applicable un tiers à l'Hôpital général de Trévoux, un tiers audit Ga- neau, é<: l'autre tiers au dénonciateur; de confifcation au profit dudit Ganeau ou de Tes ayans caufc , de tous les Livres imprimés fans fon confentement , ainfî que de toutes les preffes , carafteres & uftenciles , Se de tous dépens, domma- ges & intérêts : Voulons & ordonnons que notre amé & féal le fieur de Mefîi- roy premier Prélldent en notre Parle- ment & Intendant de notre Souveraine^ 5 ( que nous avons commis & commet-^ tons en cette partie pour veiller fur tout ce qui fe paiïera au fujet des Impreflîons, Reliures , & de tout ce qui aura rapport à notredite Imprimerie , ) juge & décide fommairement des difficultés 6c contef— rations qui pourroient furvenir, tant en.- tre les Ouvriers qu'autrement, & que les Jugemens qu'il rendra à ctt égard, foient exécutés par provillonj nonob- fiant oppofîtion ou appellation quelcon- que : donnant à notredit Commiiraire

tout pouvoir '3c attribution de Jurirdic- tion à cet efFet; faifant défenfes à tous i\os autres Juges d'en connoître , à peine de nullité & de répondre en leurs noms de tous dépens, dommages ôc intérêts. Et pour prévenir toutes fortes d'abus. Se empêcher qu^il ne s'imprime dans l'éten- due de notre Souveraineté aucuns li- belles diffamatoires ou autres ouvra- ges fcandaleux , contraires aux bonnes iroeurs & à l'honneur qui ei\ à Dieu Se à la Religion : ledit Ganeau fera tenu de déclarer les lieux & maifons il en- tend faire travailler, tant aux Impref- iions qu'à la Reliure, Se n'en pourra changer qu'il n en ait fait fa déclaration fur le Regiflre qui fera tenu double , fçavoir Pun chez le fieur de Meiîîmy no- tre CommiiTaire , Se Tautre entre les mains dudit Ganeau , pour y faire infcri- re par ledit CommifTaire , tous les Ou- vrages qu'il aura deffein d'imprimer , Se ce avant que de les commencer. Et à l'égard des Manufcrits originaux qu'il voudra mettre fous la preffe , il n'en fera cnregiiîré aucuns de Théologie , ou au- tre matière qui mérite examen , s'il n'efi accompagné de l'Approbation fianée de i'un des Docteurs , Cenfeurs S: Exa- minateurs par nous choifis ôe nommés

à cet e^et. Enjoignons à notredit Com- Tiiiilaire de faire des vilites dans les lieux l'on travaillera aufdites Imprefîions ô: Reliures , Se de tenir la main à ce qu'il ne s'y fafîe aucune malverration : auquel cas , il fera tenu de nous en rendre un compte exaft, pour par Nous ou notre Confeil , à qui nous en avons rélervé ôc réfervons la connoifTance , en être or- donné ce que de raifon. Sera tenu auiîi ledit Ganeau de faire mettre dans notre Bibliothèque un Exemplaire de chacun des Livres qu'il aura fait imprimer , un en celle de notre très-cher &:féal le iieur de Malezieu, Chancelier de notre Sou- veraineté , & d'en donner un à notredit CommiiTaire. Ce faifant avons promis Se accordé , promettons de accordons audit Ganeau, ôc à Tes ayans caufe, no- tre protedion, ôc que nous ne donne- rons à d'autres aucune liberté ni privilè- ge d'imprimer, débiter 3c relier des Li- vres dans toute l'étendue de notre Sou- veraineté. Avons mis omettons l'Expo- fant Ôc tous ceux qui feront employés de fon ordre aux Impreflîons, débit, correc- tion Ôc reliîire dts Livres fous notre pro- tedion ôc fauvegarde. Mandons à nos amés & féaux Confeillersjles gens tenans notre Cour de Parlement, Chambre dzs

Requêtes , Baîllifs , Lîeutenans géné- raux <5c autres nos Officiers, que les Pré- fentes ils faiïent enregiftrer au Greffe de notre Parlement, <Sc publier à la Cham^ bre desRequêtes, ôc partout ailleurs befoinfera, fur la feule 6c première re- quifition de notre Procureur Général & de [es Subftituts , Se que vous fafÏÏez jouir pleinement & paifiblement ledit Ganeau Se Ces ayans caufe du contenu aux Pré fentes, fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trouble ni empêchement. Commandons au premier de nos Huif- iîers ou Sergens de faire pour Fexécu- tion d'icelles tous Exploits, Saifies Se autres AÔ:es néceiïaires , nonobftant toutes oppoiltions ou appellations , SC Lettres à ce contraires, tout-es lefquelles Nous avons révoquées^ révoquons d'abondant par ces Préfentes , fîgnées de notre main ocfcellées. Gar tel efl notre plaifir. Donné à Sceaux le vingt-huitié^ me Août mil fept cens fept. Se de notre Souveraineté le quinzième,

I.OUIS AUGUSTE.

Vifa MALE ZÎEU.

Par Monfeig?2eHr f^ GuiXL0K£AUi5

EXTRAIT DES REGISTRES

du Parlement de Domles^

VEU par la Cour \qs Lettres Pa- tentes de Son AlteiTe Sérénifïîmey; données à Sceaux le vingt-huit Août mii fept cens iept , Signées L O U I S- AUGUSTE, & fur le repli, par Monfeigneur, GurLLOREAU, ôc fcel- lées du grand Sceau fur cire jaune, à queue pendante ; Vifées par M' de Malezieu. Par lefquclles Son Alteiïe Séréniffime auroit révoqué le Privilège par Elle accordé à Jean Boudot Librai- re de la ville de Paris , le vingt-iîx Juin, mil fîx: cens quatre-vingt-dix-neuf; ôç établi Etienne G a ne au, aulîî Librai- re de ladite ville de Paris, pour feul Im- primeur & Libraire en cette Souverai- neté ^ pendant & durant l'efpace de tren- te années confécutives , à compter du jour & date defdites Lettres. Requête préfentée par ledit Ganeau, tendante à ce qu'elles foient regiilrées es Aétes <Sc Regifîres de la Cour , pour être exécu- tées félon leur forme êc teneur , 6c y avoir recours quand befoin fera, lignée dudit Ganeau & de Perret fon Procu- reur, Arrêt du dix-fept du préfent, por-

tant quelefdites Lettres feront montrées au Procureur Général de Son AltefTe Sérénifïïme.Conclufîonduditfîeur Pro- cureur Général : Oiii le Raport de M^ André Frachet Confeiller, CommifTai- re en cette Partie. Tout conlidéré , La Cour a ordonné ôc ordonne , que lef- dites Lettres Patentes de Son Altefle Séréniffime du vingt-huit Août dernier, données en faveur dudit Etienne Ga- neau , pour l'établilTenient d'une Impri- merie , feront regifirées es Afles ôc Re- |2:iflres de la Cour, pour être exécutées félon leur forme ôc teneur, joiiir par le- dit Ganeau du bénéfice d'icelles, ôc y avoir recours quand befoin fera. Fait en Parlement à Trévoux , le vingtième Décembre mil fept cens fept,

ÇoUationné.

Cartier, Grefner.

PRÉFACE.

U E L QU E S Dames chrétiennes pour ne fe point iailTer fédui- re à Tufage prefqu'établi au- jourd'hui de fe faire accou- cher par des hommes^ ont demandé à s^inftruire fur cet- te coutume qui bleffoit leur pudeur. Se offençoit leur pié- té. Elles ont propofé leurs doutes aux perfonnes qui les conduifent : & c'ell pour foulager les confciences des unes p & régler les fentimens

a iij

vj P R El^ A C E.

<ies autres ^ qu'en a entrepris ce petit Ouvrage.

On fe propofe d^ exami- ner d'abord ^ s'il fut jamais ^ ou s'il s'eft fait depuis une profeffien d'Accoucheur. On creufe cette matière en faîfant voir par l'antiquité la plus reculée ^ que le Pagani^- me ^ tout vicieyx qu'il fût , n^autorifa jamais un art qui répugne à la nature même. On montre enluite ^ que les Hébreux (ce peuple choifi de Dieu ) étoient dans l'ufa- ge de fe fervir d' Accoucheu- ihs : ufage d''ailleurs auquel toutes les nations qui font venues après fe font confor- mées.

P R ET ACE. vlj

Pour ne rien omettre dans un fujer fi important ^ on eiP- faye encore de prouver, que rÉcriture & les Pères n'ont rien établi qui excufe la pra- tique d'aujourdbui, que les Princes ne Tont point con- firmée par leurs Edits, que les Magiftrats ne l'ont point reconnue, qu'Aline s'eft enfin jamais formé de Corps , ni de Communauté d'Accou- cheurs y comme on en voit de toutes les prpfefi^ions que la Religion permet, & que Tutiliré publique autorifie. On examine les raifons de con- venance qui pourroient ren- dre aujourd hui tolérable une f profeinon , dont les An-

a iîij

viij P R ET A C E. ciens n'auroient pas allez bien connu la néceffité : on écoute là-deiïùs tout ce que les Accoucheurs allèguent de plus fpécieux ^ & on y réoond.

Tout ceci va à conclurre que l'art d'accoucher appar- tient uniquement aux fem- mes ^ & que la profeiîlon d'Accoucheufe efl: auflî an- cienne que le monde ^ puiiF- que la plus fainte des ancien- nes R eligions ^ on veut dire celle des Juifs ^ en a don- né l'exemple ; que tous les fiécles fuivans l'ont adoptée ; que la Religion chrétienne l'a reçue ; que Iqs Princes en- fin & les Magiftrats l'ont

P R ET ACE. ix

confirmée par leurs Edits & par leurs Regiemens.

On répond cependant à tout ce qu'on dit contre les femmes fur ce fujet^ tou- chant leur peu de capacité^ leur ignorance naturelle y leur peu de génie pour les Sciences y & fur ce qu on leur reproche que c'eft des hommes qu^'elles tiennent le peu qu'elles fçavent fur les accouchemens.

L'on tire tnÇin cette con- féquence ^ qu'on peut fe paf- fer d'Accoucheurs ^ & que les femmes feules fuffifent pour une profeiîîon qui leur appartient de droit, qui n eft point au-delTus de leur por-

a V

X PR ETAGE.

tée 5 que Tintérêt feul leur a enlevée ^ & dont rinjuftice des hommes les prive enco- re aujourd'hui.

Les Accoucheurs peut- être ne s'attendoient pas à une conciulion fi accablante pour eux : ils la trouveront dure^ ruineufe, peut-être in- jufte : car de quoi n eil point capable le reffentiment de voir déchu d'une profeffion qui accréditoit dans le mon- de y dont elle auroit pu avec Je tems s'^alîujettir ou capti- ver la plus belle moitié ?

Mais pour peu qu'ails puiA fent oublier leur intérêt , pour écouter celui de la Re- ligion p & fe (bumettre aux

CRETACE. xj

régies de la raifon ^ de la mo- deftie ^ & de la bienréance^ ils conviendront que ce n'eft pas par paflîon qu^on les at- taque ^ mais que c'eii un confèil quon leur donne d'abandonner une profef^ fion que la feule néceffité peut excufer en eux^ & donc il ne leur peut être permis de faire un métier. Que s'ils allèguent la prefcription en leur faveur ^ qu ils fe fou- viennent qu on tïqïi recon- noît pas dans l'Eglife , & qu'une poifelTion eft tou- jours injufte y quand elle ne s^'accorde pas avec la piété. On a d'ailleurs reclamé de tems en tems contre cet ufà^- a vj

xij P R ET A C E.

ge abufif ^ de permettre hs accouchemens les plus or- dinaires aux hommes : car fans parler de la loi naturel- le qui y répugne ^ fans rap- porter les plaintes journaliè- res que de fages Directeurs font contre cet abus ; d'ha- biles Médecins s y font op- pofés, ôc la vérité que leurs écrits défendent n en elT: ni moins refpeélable^ ni moins. puiiTante pour avoir été né- gligée.

On fera remarquer dans fon lieu ;, que les Médecins anciens & modernes n ont jamais employé que des Sa- ges-femmes : mais on ne peut dilférer plus long-tems

P R ET ACE. xii) de rapporter ici la plainte quun habile Médecin (t^) de la Faculté de Paris forme contre les Dames Francoi- fes y qui fe livrent ayec trop de facilité aux yeux & aux mains des Accoucheurs. Un autre écrit digne d un habile Médecin & dun Sçavant Théologien , ( mais dont TAuteur s'efc caché) entre dans un plus grand détail ^ & prouve rhorreur que la Religion infpire contre la profeffion d'Accoucheur ^ dont il fait voir Tinutihté & le danger. Le hazard qui a lait recouvrer ce petit Ou- vrage dans le tems qu on

{a) M* ThuiUkr dantfet obferv* ^, a^»

xiV F R ET A C E.

travaiUoit à celui-ci ^ n'a pas peu fervi à le faire continuer & à le finir. On a été ravi de s'y voir heureufement pré- venu dans plufîeurs des faits & des raifons qu on a voit déjà ramaffées ; & le zélé de charité qui régne dans tout cet Ouvrage n'a pas peu ani- mé TAuteurde celui-ci.

On avoit cependant pen- d'abord qu'ail auroit fiifS de faire réimprimer cette JDiJfertation fur les accouche- mens j (car c'^efl: le titre qu'on lui a donné ) fans rien écrire de nouveau là-dellus. Mais on a été confeillé d'achever ce qu'on avoit commencé, parce que le progrès qu'a-

PRETACE. XV

voit fait depuis dans le mon- de la profeflion d'Accou-- cheur demandoit de nou- velles réflexions : outre qu'- on avoit quelques faits à ajouter, qui étoient échap- pés à TexaiSlitude de l'Au- teur anonyme. Après cela on lailTe aux mères chrétien-^ nés à réfléchir fur les obli- gations où elles feront doré- navant. Si ce qu'ion dit ici n'eft fondé que fîir les prin- cipes de la Médecine , & de la Religion ^ & par con- féquent ce qu'ion demande de leur pudeur ne peut inté- refler ni leurs fantés , ni leui^ vies ; fagement inipirées el- les fe remettront fans doute

xvj PRETACE.

en régie : elles édifieront le Monde chrétien ^ & ren- dront aux perfonnes de leur fexe la juftice & rancienne confiance qu'elles leur doi- vent y & dont elles ne les trouveront point indignes.

Les Accoucheurs eux- mêmes n'offriront plus aux femmes que des (ecours né- ceiTaires & indifpenfables : car la Providence r écompen- fant la piété des mères , faci- litera la naiiTance de leurs tnïdins ^ Se affranchira leur fexe ^ du moins en ce point , de la dépendance des hom- mes.

TABLE

Des Chapitres contenus dans ce

Livre.

PREMIER rRJUJEr.

Derindécenceauxhommesd'accoucher les femmes.

Chap. L Q Ue la frofejjlon à^ Ace ou-

o^^ cheiir étoit inconnue

dans r antiquité y & quelle eft encore

aujourdloiii nouvelle , fans titres &

fans autorité y page l

Chap. IL Que toutes les nations ^ à

commencer far le peuple Hébreu , fe

fontfervies de Sages-femmes , dont la

-profeffion efi auffi ancienne que U Mon*

de 5 & autorifée -par les Loix , 1 2

Chap. IIL Faits & Hifloires qui prou- vent qu il a été inoiii dans tous les temSf que les femmes fe fuient fervies d'hom- mes dans leurs couches , ou en casfem* Mes 5 22

Chap. IV. Que les maximes de la Reli- gion Chrétienne font contraires à la. profeffion ^ Accoucheur , 40

Chap. V. Que U profejfion d' Accou- cheur efl rarement nécejfaire , J 8

TABLE.

Chap. VL ^ue la coutume de fe fgrvir a Accoucheurs eft moins un ufage à recevois' , qiiurje entrevrife à répri- mer ^ ^p

Chap. VII. Que les femmes font auffi ca-pahles de -pratiquer les accouche^ mens que les homtnes ^ 8l

Chap. VIII. Ou ?on répond au refle des OhjeEiionf qu on fait contre les Sages- femmes 5 ^^

SECOND TRAITE'.

De l'obligation aux mères de nourrir leurs enfans.

Chap. I. Que ? obligation aux mères de nourrir leurs enfans efl de droit natu- rel, i:\S

Çhap. II. Que ce que la Nature fait .après la naiffance de f enfant y ne mar- que pas moins aux mères V obligation de les nourrir , 1 4-8

Chap. III. Si ïon s' eft toujoursfervi de Nourrices, î66

Chap. IV. Que la mention de Nouni- ces que l'on trouve dans les aj^ciens li- vres 5 ne préjudicie point aux maximes qu'on vient d^ établir , & ne dvmmié en rien l^ obligation indifpenfable des mères y 1^6

TABLE.

ChAP. V. Des dangers qii on fait courre aux enfans qiion met en nourrice^ 211

-Chap. VI. Des dangers que courent les mères qui ne nourrijfent pas , 228

C H A P. VII. ^ie -les familles & les Etats fonjfretît de ce que les mens ne nourrtffint pas leurs enfans , 242

Chap. VJII. Faux prétextes des mères quife difpenfent de nourrir , 263

Chap. IX. Des raifons qui difpenfent les mères de nourrir , 276

Chap.X. Des -précautions que doit ap- porter une mère qui eft obligée de pren- dre une Novirrice étrangère, 287

Chap. XI. Des Sevreufes , 2^8

fin de la Table.

'^pprohatio'/fs de M, Bofqiûllon de ? Aca.-' Àémïe Royale de Soijfons & Licentiécn Droit de la Faculté de Paris , & de M* Geojfroy Médecin de la Faculté d,e Faris^de l Académie Royale des Scien- ces , & de la Société Royale de Lon- dres,

NOus avons lu par ordre de S. A. S. Monfeigneur le Prince Souverain -de Dombes , un Alanufcrit intitulé : De f indécence aux hommes £ accoucher les femmes , & de V obligation aux mères de nourrir leurs enfans. Nous n'y avons rien trouvé qui en doive empêcher Tim- preflion. Tout y marque l'extrême fa- gefle 6c la profonde érudition de fou Auteur. A Paris le vingtième jour de Septembre 1707.

BOSQUILLON. GEOFFROY

DE

D E

LINDECENCE

AUX HOMMES

D'ACCOUCHER LES FEMMES,

Chapitre Premier,

,^e la profejpo/z d'Accoucheur et oit inconnue dans Vantiquité , (^ qu'elle eji encore aujourd'hui nou- njtlle y fans titres é' fans auto- rité,

A preuve la plus natu- relle que dans les pre- miers fiécles du mon- de , on ne connoifToic point d'Accoucheur, c'eft guil n'cft point de mot dans les lan- gues mères ou originales , pour

A

2 T>e l* indécence aux hommes iîgnifier cette profeffion dans un homme , au lieu que celui qui iîgnifie une Accoucheufe fe trou- ve dans toutes les langues. Le mot d'Accoucheur paroît même de très-fraîche date dans les en- droits , comme en France , cette profeffion eft plus connue; car il ne s'en trouve aucune men- tion dans les Auteurs François , à moins que ces Auteurs ne jToient plus nouveaux encore que le mot d'Accoucheur , qui pour- roit à peine compter un lîécle d'origine.

Mais une autre preuve qu'il n*a pu y avoir d'Accoucheur dans l'antiquité, c'eft que cette pro- feffion répugne à la nature mê- me, puifqu'elle eft contraire à la pudeur qui eft naturelle aux fem- mes ( 4 ) in feminis ceteras vir tû- tes pudorfuferat. Or les Anciens moins éloignés que nous de cet- te {implicite naturelle établie

(a) ByçYQn, e^Jjl* nd C fiant.

d\iCCûucher les femmes, 5 dans le monde par le Créateur même , poufToient jufqu au fcru- pule la retenue ( a ) avec lac[uelle ils vouloient qu'on parlât des ^hofes qui auroient pu falir Tima- gination . Les Hébreux par exem- ple avoient honte de proférer le mot à^ urine s ils difoient ( h ) l'e^fé des pieds , d^c. Comment donc auroient-ils pu autorifer une pro- feffion 5 qui auroit eu à employer plus que des paroles fur cts for- tes de matières ? On ne manque- ra pas de dire , qu'on ne doit pas croire contraire à la pudeur ce qu'il eft permis de faire : mais que de chofes permifes qu'on ne fe permettroit pourtant jamais fans la néceflité ? Le Mariage , par exemple , ne feroit qu'ua honteux commerce , fi la nécefli- té de peupler le monde n'en ex- cufoit l'ufage : encore ne fe l'ac- corde-t'on cet ufage qu'à la dé~

{a) Vid, Aul. Gell.pag, iip.

(v) M. Fleuiyy Mûeurs des irraëlites^

A ij

4 "De CindéccKCe atéx hommes robée ôc dans le fecret , comme pour diffimuler à la pudeur ce que la néceffité ordonne , {a) Ubl ^^d hoc opus venitur , fecret a qu^- Yuntur , arhitri reynoventur. Sur ce même principe la tolérance pour la profeffion d'Accoucheur deviendra moins une permiffiou qu'une licence , hors le cas de néceffité : car enfin la faute en ce point n'eft point de faire une chofe criminelle; mais de fe per- mettre fans befoin une chofe honteufe ou méféante -.{h) j^^ funt inhonejia , non qtiafi illicita , fed qudji fudenda vit are opcrtet. Quoi qu on veuille donc croire , qu'on garderoit dans cette pro- feffion toutes les mefures ôc tous les égards poffibles , pour ne fe rien accorder contre la modef- tie , 6c pour fe préfcrver con- tre la médifance ; on ne laifTe-

Xa) Augifjî. de grat.& feccAt, mg, lib, 1 1 ; {h) tlin. €pfi,fcig, i8it

d'accoucher les femmes. 5 roit pas de pécher contre la pu- detir 5 fi on l'exerçoit fans né- ceffité. Cependant eft-on tou- jours nruutrc de fon efprit ôc de fon cœur , dans une occafion Ci propre à féduire l'un bc l'autre , 6c à laquelle on s'expofe fans né- ceffité ? Et quand bien même on pourrort répondre de foi , peut- on s'afTurer de l'imagination des autres , qui ne psnfcront pas toujours comme l'Accoucheur ? Il faut donc convenir que le dan^ ger eft du moins très - proche , {a) Nemo dïU tutus eji perkulo pro- ximus : car fouvent , tandis qu'on s'étudie à fauver les dehors de l'honnêteté par fcs paroles & par fes manières , on s'échappe à foi- même , &: on fe laifTe véritable- ment aller à des chofcs peu hon- nêtes , ( ^ ) honejlï dicuntur , fed inhonejle turpiterque creduntur. Comme donc dans ces occa^

{a) s. Cy^rian. epîjf.f'ag. 174. (h) Laçîant.^ag. ^7,

A iij

De r indécence aux hommes iîons la bouche n'eft pas toujours le fidelle interprète du cœur , il n'eft pas rare alors que le fenti- ment démente Pexpreffioa Ainfî quoi qu'on en puiffe dire ^ la fonction d accoucher eft conf- tamment méféante à un hom- me 5 embar raflante , pour ne rien dire de plus , pour une fem- me j êc dangereufe pour tous les deux.

Les Anciens n'ont donc jamais fongé à commettre ce foin à des hommes j eux furtout qui étoient foigneux de préferver leurs imaginations , &: de les pré- venir contre tout ce qui paroif- foit immodefte. ( a ) Per/£ a pue-^ ris nudos confpici viros , nec fas nec jus ejje dicehant, ( h ) Ter far um fueri tarai pudoris fuêre , ut pro iege fervarcnt , ne in puhlico aut fpucrent aut nafum emungcrent^ Dans cette vue ils ne foufFr oient

{<2) Aîexand. lîb, z^ca^- ^j\

L

d^ accoucher les femmes. 7 pas que les fexes difFérens fe trouvaflent aux bains , ( ^ ) s*ils n'étoient exadtement féparés. Qui croiroit après cela , cju^ils euflent pu approuver cette liber- té toujours dangereufe avec la- quelle un Accoucheur voit ôc touche une femme ? [h) Per^ 'verfa familiarltas ejl & falfa fecu- ritas. Il eft plus naturel de croi- re qu'ils auront choifi , pour ai- der-leurs femmes dans leurs cou- ches , les fecours qui fe préfen- tent naturellement , c'eft-àdire , ceux d'autres femmes , en qui el- les auront prendre plus de confiance.

En efFet tandis que dans au- cun des anciens tems il n eft par- lé nulle part d'hommes Accou- cheurs , on y trouve dans tous les iîécles même les plus obfcurs,des femmes qui accouchoient , com- me on le fera voir dans la fuite.

( ^ ) Phitarch. in Caton. & Cîcer, (^ ) Div, AHguJi, Serm, de temporel

A iiij

8 De rindécence aux hommes

La conduite des Médecins de tous les liécles prouve encore ce qu'on vient d'établir. S'ils a- voient befoin de quelque inl^ truction fur l'état des femmes malades qu'ils traitoient , c'é- toicnt des Sages-femmes , non des hommes qu'ils chargeoient de ce foin. Auiîi une Sage-fem- me palfoit-elle pour l'œil du Mé- decin ; parce que c'étoit par loa miniftere , qu'il s'afluroit de ce qu'il ne lui feyoit , ni à un au- tre homme d'examiner par lui-

même

C'étoit encore aux Sages-fem- mes qu'on s'adrefloit ( a ) dans \^s premiers tems de l'Eglife , pour s'afsûrer de la fidélité que les Vierges Chrétiennes avoient voilée à leur état de continence. Mais fi les Pères trouvoient à re- dire dès lors , que les Chrétien- nes fe trouvafient ainfi expo fées à la difirrétion de leurs fembla-

(d) 5. Cyprin, tpjl.^ag^ 174.

d'accoucher les femmes, 9 blés j s'ils trouvoient dans cette pratique quelque chofe de hon- teux 6c d'infamant , [a) Tnrpe negotium , quandoquidem inter oh^ Jletricum manus uirginitas occidi^ tuY ; de quel crime n'aur oient- ils pas taxé Tentreprife des hom- mes d'aujourd'hui , qui en pareils cas ne rougiflent pas d'ôter cet emploi aux Sages-fem.mes ?

Leur entreprife eft cependant fort oppofée à l'intention des anciens Jurifconfultes , qui or- donnent ces fortes d'examen aux Sages - femmes , & jamais aux Chirurgiens : preuve certai- ne qu'on ne les reconnoifloit pas dans l'Antiquité comme Ac- coucheurs , & qu'ils n'excrçoient pas les fonctions des Sages-fem- mes.

La profeffion d'Accoucheur eft donc de fraîche date : car outre qu'on n'en voit o^uéres de traces que vers le milieu du der-

ro "De l'indécence aux hûm?7ies nier fiécle , ( ^ j le peu de pro- grès qu'elle a fait dans les pays voifins de la France , oii elle a pris naiflance , fait voir quelle ne fait prefque que de naître. Aullî les provinces un peu éloi- gnées de Paris trouvent encore aujourd'hui cette coutume fort étrange. Et à juger des fonc- tions qu'un célèbre Auteur (b) d'Allemagne fait exercer aux Sa- ges-femmes dans les matières contentieufes qui regardent la fàgefle ou les maladies des fem- mes , on ne connoît guéres d'Ac- coucheur dans ce vafte pays , oii les Juges & les Médecins ne s'en rapportent quaux témoignages des Sages - femmes. L'autorité des Accoucheurs ne paroîtroit gnéres mieux établie en France ;

f)uifque les Evdits des Rois , 6c es Arrêts des Parlemens ne leur ont donné ni ftatuts , ni privilé-

( a ) BayU D/fî.

{^h) Valemm.PandeCî.Mëdic. légal. f^arpm»

i accoucher hs femmes, 1 1 ges , ni reglemens ; qu'ils ne leur ont accordé enfin ni immunité ni prérogatives. C'eftdonc une pré- tendue profeffion , qui fe trouve en proye au premier occupant , 6c à qui il prendra en gré de s'é- riger en maître Accoucheur. Trop heureux le public , fi par cette licence il ne fe trouve pas fouvent expofé à reconnoître pour Accoucheur célèbre , celui même que la fortune venoit de négliger I

Le métier d'Accoucheur n'ap- partient donc pas aux hommes r ce neft en eux qu'une ufurpa- tion 5 ou une entreprife' témé- raire fondée fur la timidité des femmes, qui ont crû par cette indigne foumiffion afTurer leurs vies , ôc fur la crédulité des maris, qui par cette dangereufe com- plaifance ont crû plus faremenc conferver leurs femmes. Mais on verra dans la f lite que c'efl abufer de la confiance des uns.

1 1 De V indécence aux hommes &: des autres , en montrant que le fecours d'un Accoucheur eft rarement néceflaire , &: que cet- te profcffion s'eft introduite dans le monde fans titre , qu'elle eft de nouvelle invention qu'on s'en eft toujours aifément pafle , & qu'on peut fûrement s'en paf- fer encore.

CHAPITRE IL

,^ue toutes les nations , a comment cer far le feu fie Hébreu ;, fe font fervies de Sages-femmes ^ dont la frofeffton efi aufi ancienne que le monde y C^ autorifée far les Loix,

IL n'en eft pas de même de la profeffion d'Accouchcufe : el- le eft comme de droit naturel ; parcequ'il eft naturel à une fem- me de mettre des enfans au mon- de, & que les femmes de tout

d* découcher les femmes, \ jf tems &: de toutes nations , fe font fait accoucher par d'autres fem- mes.

Ceci eft fi vrai , que dès les premiers tems elles n'avoient pas recours aux hommes , dans les accouchemens même les plus difficiles. Rachel {a ) qui auroit pupafler pour une des premières Dames de fon tems , n appella à fon fecours qu'une femme dans un travail des plus laborieux. Thamar [h) , autre femme de con- fidération, vers ce même tems ayant à mettre au monde deux enfans qui fe préfentoient mal , fe fervit heureufement du minif- tere d'une Sage- femme. Or tant d'adrefle , d'expérience , &: d'ha- bileté dans les Sages-femmes d'a- lors , donne afTez à comprendre qu'elles avoient appris d'autres femmes habiles , 6c qui n'étoient point les premières qui fe fullènt

( 4 ) GîYie^, cap. ^^.v. 17, Ib) Ihid.cap. 38.1/. 27,

l^ De l* indécence aux hommes mêlées d'accouchement. On peut donc raifonnablement conclu r- re 5 que dès les premiers fiécles du monde il y avoit un art d'ac- coucher , dont les femmes é- toient feules en pofleffion , 5c dont elles s'acquitoient au gré des Dames de la première qua- lité ; puifque les premières Da- mes d'alors navoient recours qu'à elles.

Sous le régne de Pharaon \a) Roi d'Egypte , Tart d'accoucher étoit encore en honneur entre les mains des femmes : il paroît même par l'hiftoire de ces tems , que cette profeffion y faifoit du progrès & s'y perfeftionnoit : car à l'habileté qu elles avoient com- me on vient de voir , elles joi- gnirent une probité inviolable : qualité auflî néceflaire en Mé- decine que la Science. Cette probité parut en elles, en ce que le commandement d'un grand

d'accoucher les femmes. 1 5 Prince ( 4 ) ne pût les rendre in- fîdelles à la confiance de celles qui les en honoroient. Exemple qui auroit du leur mériter une reconnoiflance immortelle dans les efprits de toutes les femmes des fiécles fuivans : au lieu que par un indigne renverfement , ces femmes infidelles au contrai- re envers leurs bienfaictrices , les ont aujourd'hui privées de leur confiance pour la donner aux Accoucheurs. Etrange ou- bli d'elles-mêmes ! Eft-ce donc qu'elles manquoient de maîtres ? Ou leur en falloit-il d'un nou- veau genre parmi les hommes ?

En avançant dans l'Hifloirc Sainte , on trouve qu'aux cou- ches de la célèbre Ruth , [h) il n'y cft parlé que de femmes, C'étoit pourtant une perfonne riche : elle n'étoit plus d'ailleurs apparemment fort jeune , puif^

( ^ ) Pharacn. Vîd. Exod. cap. i . J[^) Vers l'an 270^, du Mgnde»

ï (f Vc t indécence aux hommes qu'cHe avoit paflé environ dix ans avec fon premier mari : ce- pendant ces deux raifons ne lui firent point prendre la pré- caution d'appeller des Accou- cheurs : il n'en étoit donc point encore. Ce fut enfin entre les mains des femmes que la belle- fille d'Héli accoucha, (a) Vers ces mêmes tems [h) il y avoit une ibrte de Médecine qui re- gardoit les maladies du Sexe ou fes incommodités , qui fut quel- que tems entre les mains des femmes 5 6c c'étoit celle qui re- garde les applications extérieu- res : autre preuve invincible que l'antiquité auroit eu horreur de commettre aux hommes le foin d'accoucher les femmes.

Artemife^ Reine de Carie, {c) qui a donné fon nom à l'herbe

( ^ ) Premier Livre des Rois , ch. 4. v. lo. ( Z> ) Voyez l'hifloire de la Médecine de M. le Clerc.

(c) En 3400, <îu Monde ou environ.

appellée

{taccéuchcr Us femmes, 1 7 appel îée Artemïfia , en François armoifci cette Reine , dis-je, é- toit Médecine des femmes.

Cléopatre autre Reine, mais d'Egypte , fut fur tout célèbre dans cette profeflion j paifqu'il eft refté des Livres êc des Com- pofitions qui portent fon nom, & qui font citées avec honneur par Galien , (4) & par les Au- teurs [b] Grecs qui l'ont fuivi. Or la Médecine étant donc déjà exercée par des femmes avec dif- tinction du tems ôiArteml/è , n'a pu fe trouver fi fort illuftrée du tems de Cléopatre , c'eft-à-dire environ 400 ans après , que par- ce qu'elle avoir toujours fubfifté entre les mains des femmes , qui s'y appliquoient & la perfection- noient par leurs obfervations.

Les Grecs fur tout avoient de Ces femmes Médecines, comme on le reconnoit par les mots

( a ) De compof. medic. local, lib. i.c. 1 4 ^ fa.iU JEgin, Asthu , 6v.

3

l^ De l'indécence aux hommes djiîO'TpiSîç &C (arpivett , qui fe fon^ confervés jufqu^à nous. On fçaic. d'ailleurs qucSocrate faifoit gloi- re d'être fils d'une Sage-femme très-habile nommée rhanarete ; comme on peut le voir dans Platon ( ^ ). La Médecine donc ri'étoit pas moins illuftre parmi les femmes que parmi les hom- mes : car comme ceux-ci peu- vent s'honorer des noms des Rois Médecins , les femmes Mé- decines ont auffi eu des Reines qui ont illuftre leur forte de Mé- decine, Et pour ne point fortir de notre fujet , celles qui s ap- pliquoient particulièrement aux accouchemens ; n'étoient gué- res moins honorées ^ puifque de grands Philofophes , comme So- crate , fe vantoient d*être def- cendus d'une Sagc-femiiie.

Si on joint à toutes ces Dames Médecines une Fabula Lyhica ou

(^) Au Livre de la Science; voyez aufïi piogen, Laerc^ .

d\iCCOucher lesfemmts. 19 Vivia dont parle Galien , une Alpajle qu'Aëtius cite , une Olym^ pas y une Sot ira y une Salféy une Laïs 5 toutes citées par Pline , ôc plufienrs autres , dont de bons Auteurs font mention , (^) on trouvera une tradition fuivie , ou une nombreufe lifte de Fem- mes célèbres en Médecine , de- puis les anciens fiécles , jufqucs bien avant dans ceux qui nous touchent de plus près.

En effet , les Femmes Méde- cines étoient encore connues à Rome du tems des Empereurs ^ fuivant ce vers de Martial :

(^} Protinus dccedunt Medici , ii/<f- dicœquercccdunt.

D'anciennes Infcriptions font foi de la même chofe , témoin, celle de Vérone :

( <z ) Voyei rhiftoire de la Médecine d6 M. le Clerc , liv. 3 . ch. 1 3 . (^) Uy. ii.Epigr. 71.

Bij

xo De l'indécence aux hommes

C. CORNELIUS

MELI BŒUS SIBI

ET SENTIE ELIDI

M E D I C ^ CONTUBERNALI.

Et cette autre dans le Duché d'Urbin :

DEIS MAN IB.

JULI^ Q. L.

S A B I N^

MEDIC^

Q. JULIUS ATIMEIUS

CON JUGI - BENE MERENTI. ,

Car les noms & les épithetes dans ces Infcriptions regardent des Romains Sc.des Romaines.

Les Loix Civiles ( ^) qui nous viennent pour la plupart des Ro- mains , & le Droit Canon qui cil venu enfuite , ne renvoyé

( a ) va. Paul- Zttcch. quaj}, medic. kg^ Voyez, encore Gaffaris à Reidi tlyf. jiKuni^

d* accoucher les femmes. i r rcxamen des cas qui regardent l'infidélité des femmes , & Tin- concinence des filles , &:c. qu'- aux Sages- femmes , jamais aux Chirurgiens : autre preuve de ce fcntimerit naturel &: univerfclle- ment imprimé dans les efprits des hommes de tous les tems ; que c'eil aux femmes à répandre aux Juges 2c aux Médecins de Tétac de leurs femblables , ôc quil a toujours para contre la pudeur de commettre ce foin aux hom- mes.

Ces mêmes témoi^inai^es em- pruntés des Droits Civil ôc Ca- nonique , prouvent en même- tems l'authenticité de la profef- fion de Sages-femmes , éc l'au- torité que les Empereurs & les Loîx leur ont accordée , tandis qu'aucune Loi ni aucun Prince n*a fait mention de la profelîion d'Accoucheur , qui par confé- quent eft nouvelle 5 fans titre ^ §c fans autorité.

t:i De r indécence aux hommes

CHAPITRE m.

Paît s é" Hifloîres qui prouvent qu'il a été ino'ùi dans tous Us tems , éque les femmes fe foicnt fervies d'hommes dans leurs couches y oUt en cas femhlables.

LA Religion payenne qui a- voit placé des Divinités par tout , jufqucs-là même qu'il n'é- toit pas de feiiil (4 ) de porte qui n'eut la fienne; enavoit aufîi af^ fîgné pour préfîder aux couches des femmes : mais ce devoir être des Divinités féminines; parce que les Payens mêmes av oient lenti , quil auroit été contre la pudeur (^) de donner cette fon- âion à un Dieu. Il eft pourtant vrai 5 que quelques-uns ont cru ,

(j) S. Auguft.de la Cité de Dieu. {b) Voyez Tertul. de l'ame , c. 3 7. Saini; Auguà. de la Ciic de Dieu 5 1. 4, c. 3

d'accoucher les femmes, ly qu'il y avoit alors les Dieux des accouchées , Nixii Dn : mais on fçait que ces prétendues Di- vinités ( a ) étoient moins des Hommes-Dieux , que des fym- boles de Divinités mal enten- dus ', qu'on voyoit à Rome dans le Capitole ; ôc qu'un peuple auffi fuperftitieux que celui de Rome 5 & auffi infatiable de Di- vinités , trouva à propos d'ériger en Dieux des accouchées. L'at- titude de ces Statues donna fon- dement à cette imagination. El- les étoient trois en nombre , ôc à genoux devant le Temple de Minerve , genihus nix£ , & de ils forgèrent Nixii Dii. On a prétendu encore qu'Ovide avoit ces Dieux en vue , quand il dit :

Magno Lucinam adNîxo partus clamera *vocabant >

( à) Turneb, adverf. /. 7. c. 8, Bar M, çx^of^

i^ De l'indécence aux hommes parceque de bons exemplaires portent ;

Lucinamy Nlxofque pari clamore 'vocabant.

Mais rembarras fe mettent les Grammairiens , pour trouver cette prétendue allufion de Bii Nixii avec ce vers d'Ovide , fait bien voir que c'eft une applica- tion mandiée& forcée. En effet on na jamais marqué les noms de ces Dieux : au lieu que parmi les Divinités féminines ils nom- moient la Déefle Alemone , qui fax foi t croître l'enfant dans le /ein de la mère; {a) la Parque ou la DéeiTe Fartule , qui préfî- doit aux couches , 6c qui y or- donnoit ; Lticine , qui aidoit la Sage-femme , comme autant de patrones des femmes grolles ; ck: Statine (^) la DéefTe aux petits

(4) Vîà. lertuIL &c. Turneb, adverf. lib* l^.caf. 34.

(b) Vid. BerthoL eypof. V. mpuerp. rit, p. i 5' i 5. Voyez aufTi Ter;ul. de i'ame. ^ v

entans

d* accoucher les femmes, xj enfans qui fe reiidoit la protec- trice des nouveaux nés , &c.

Les Payens avoient donc bien compris , que tout ce qui ref- fembloit à un homme ne devoit point être appelle aux fecrets des couches des femmes j &: que les Divinités mêmes éroient alors à craindre fi elles portoient le nom ou l'apparence d'un homme.

La pratique des Anciens tou- chant les accouchemens , prou- ve tout ce qu'on vient d'avancer. Un monument antique qui s'eft confervé dans un jardin de Ro- me , ( 4 ) & dont un célèbre Mé- decin nous a donné lexplica- tion , nous apprend quelle étoic cette pratique par la qualité des perfonnes qui y font repréfen- tées : en voici le précis. Ces per- fonnes font cinq en nombre , toutes femmes , l'accouchée , la Sage - femme , la nourrice , ôc

{a) VU, Gaffar, Barshoî, ex^of, veter, in

c

i6 De r indécence aux hommes deux autres , dont l'une drefic des figures avec un ftilet fur un globe , ôc l'autre étoit afliftante ou témoin : car chacune avoit fa fon£tion pour les différens befoins de l'accouchée. La Sage- femme la foignoit dans {^% cou- ches 5 & traitoit les enfans nou- veaux-nés ; parceque les Sages- femmes étoient Médecines (a) des mères &: des enfans dans toutes ces fortes de cas. Cétoit encore une femme qui étoit chargée de lever le nouveau-né de terre : car le lévement des en- fans de defliis la terre , on les avoit pofés fitôt après leur naif- fance, étoit une grande céré- monie parmi les Anciens ; & c*é- toit aux Sages-femmes ( ^ ) à fai- re cette cérémonie. Elle fe fai- foit ou au nom des parens y quand ils vouloient le nourrir, ou au nom du Magiftrat ^ [e)

(4) Vid.Barthol.'^.ii.l%, (b) -Ibid.pag. 37. {c) Ibfl$ag,y..

i

d'accoucher les femmes, ±j quand les parens, ou pauvres ( a ) ou reconnus incapables de bien élever des enfans , ne vouloient pas le faire lever : mais de qviel- que manière que cela fe fit , ce n'étoit qu a l'aide de la Déeflc Levana^ (h) que les Sages-fem- mes s*acquittoient dignement de cette ronction. La nourrice eft ce qu'on nomme aujourd'hui la remiieufe , à laquelle Martial fait cette allufion ;

Cunarumfueras motor Charidc me ?nearum ,

qui étoit chargée du foin des langes , du blanchiiîage de Ten- fant , &: de femblabies menus foins 5 exprimés dans ces vers :

(c) Opus nutricl autem , utrem ha,'* beat veteris ijini Lar gîter ,

(a) Seneque , 1. i . controver . 9 ,

(b) Augujl. de Ci vit. Dei ^ /. 4. c. 1 1. le) Fiant, trucuL ad. V,

Cij

2 8 De l* indécence aux hommes

\Jt dies nocîefque potet : oftis ejl igné y opus e/i carbonihus ,

Fafciis opus eji , pulvinis , cunisy incunahulis.

Et dans cet autre endroit d'un ancien Poète , {a) il eft parlé de la nourrice.

Puerifafciarum lavatrix.

Des deux autres affi fiantes , Tune fe rendoit le témoin de la nailTance légitime de Tenfant ; afin que le père en étant cer- tain, le fit infcrire dans les re- giftres publics : fans quoi l'en- fant n'auroit point été habile à fuccéder , ni à hériter. ( h )

L'autre qui tient un ftilet dont elle écrit fur un globe , marque une autre coutume des Anciens, qui au jour de la naiflance de leurs enfans faifoient des vœux

(4) JFfchyl. c£.

\b) Barth«l. ibid.fag, 4«*

d'accoucher les femmes, 1 9 pour leur profpérité , Se les met- toient par écrit. Cet endroit de Seneque en cft une preuve : ( ^ ) Etiamnc optas quod tihi optavit nutrix tua , aut pjtdagagus , aut mater y &c. Ces vœux cependant ne devenoient authentiques , 6C ne s'écrivoient fur des tablettes , que quand les habiles de ce tems- y avoient paflTé : car on faifoit' venir les rhyficiens, (h) C'étoit les Ajfrologues , ou difeurs de bonne avanture , qui au jour qu'on nommoit l'enfant étoient appelles , comme pour en tirer l'horofcope : &: c*eft ce qu'on appelloit/^/^ advocare ) fata fcri^ bere , fat a occupare.

Voilà un grand détail : mais il ëtoit néceflaire pour faire voir j que tous les offices qui regar- dent le fervice des accouchées étoient remplis par des femmes j ôc que les hommes n'y avoient

{a) EpJ}. 60. (/>) Mathcmatitos,

C iii

jo De l*lndêcence aux hommes nulle part , ni aucun droit d'aC- iîftance : [a) ainfi l'Antiquité Ci précautionnée dérailleurs fe re- pofoit uniquement fur le rap- port des femmes y dans une des chofes des plus nécefîaires \ la vie civile , c'eft-à-dire > touchant l'aflurance des mariages , ou la certitude des enfans ; parceque la préfence des hommes dans ces fortes de cas ctoit contre le droit naturel , ^ contraire à la pu- deur j [h] In partu , muliernm te- JiimonîHm fufficit y quoniam ^iro-^ rum pr opter pidorem nema admit-- titur.

Un fçavant Médecin Hollan- dois ( c ) s'étonne , en parlant de l'ouvrage de M. Bartholin fjr les accouchemens , comment à cet- te occalîon il n^a point examiné ,

( 4 ) tsçque j ut verumfatear, îegi uffîam vi- ros in ipfo fuerperii a^n pneflo fuijje Almelo' veen ofufcul, pag. Sp,

(b) Djgef}. 1.2. art. lo. §.de ventre infpî-'. etendo.

( c ) Almeloveen in o2t*fctiL pag. 8 5>

d^ accoucher les femmes. 5 1 s'il y a eu des Accoucheurs dans l'Antiquité. Mais apparemment que cette recherche n efk échap- pée à ce fçavant Auteur , que par- ce qu on n en parloir pas encore de fon tems : ce qui eft une au- tre preuve en faveur des Sages- femmes contre eux. En effet k droit de préfence aux accouchc- mens appartient tellement en propre aux femmes , que les Athéniens expoferent leur ville à une forte de fédition , pour avoir eflayé de le faire paiTer aux hommes. Cette hiftoire eft fans doute la plus ancienne époque des Accoucheurs. Mais elle leur fait fi peu d'honneur , ôc établit parfaitement le droit des fem- mes , qu'on doute qu'ils efTayent jamais de s'en parer. En voici l'hiftoire. (^;

L'Aréopage s'avifa de faire dé- îcwk aux femmes de fc mêler de

(^) Igin.fabut. c. 274. f . 201. xfid. Atigm* E^ifi. & ionf. medicin. î.i.c.iy.

C iiij

ji De f indécence aux homme f Médecine , & de pratiquer les ac- couchemens , qui eft une dépen- dance de cette profeiîion. Mais les Dames Athéniennes ne pou- vant le foumettre à une Loi fi contraire à la pudeur , aimoienc mieux mourir faute de fecours , que d'emprunter celui des Mé- decins , que TAréopage avoit chargez de cet emploi. Une jeu- ne fille nommée Agnodkc tou- chée des malheurs de ^^s conci- toyennes , prit le parti de fe dé- guifer , & fous l'habit d'un hom- me alla s'inftruire de la Médeci- ne 5 fur tout de l'art d'accou- cher , dans la fameufe école de Médecine à'HierophiU. Elle réuC- fit dans cet em.ploi : elle fit con- fidence aux Dames Athéniennes de fon fexe ôc de fon fçavoir fai- re , & entra en pratique avec tant de fuccès & de vogue , que la ja- louae en prit aux Médecins. Ils attaquent le prétendu Accou- cheur 3 comme s'il avoit moins

d* accoucher les femmes. 3 3 fait métier de fecourir les Da- mes , que de les corrompre. Citée au Sénat elle prouve fon fexe > & par fe juftifie de fon innocen- ce. Mais les Accufateurs profi- tant de Tavcu d'un ennemi qu'ils vouloient perdre , allèguent la Loi qui interdifoit la Médecine aux femmes , & font condamner Agnodice, Alors toutes les fem- mes d'Athènes accourent au Sé- nat , crient à l'injuftice , 6c fe plaignant de la dureté des hom- mes , leur reprochent , que ce font moins des maris qu'elles trouvent en eux que des micur- triers ; puifqu'ils condamnoient dans Agnodice la feule perfonne qui pouvoir leur épargner une mort cruelle , à laquelle elles s'expoferoient plutôt doréna- vant , qu'aux mains & aux yeux des hommes. Le Sénat comprit l'injuftice de la Loi portée con- tre les femmes, leur permit de rentrer dans leurs droits , 6c de

34 ^^ l'indécence aux hommes pratiquer la Médecine 6c les ac- couchemens à l'ordinaire.

Il eft donc eonftant par cette hiftoire , que l'art d'accoucher étoit entre les mains des femmes, avant m.ême que les hommes fon- geailent à s'en mêler. Car enfin pourquoi ordonner que les Mé- decins pratiqueroient doréna- vant les accouchemens y &i pour- qi'oi le défendre aux femmes , fi les hommes en étoient en pol- feffion avant elles ? Or que les femmes fuffent au contraire dans cette polTeffion , cela paroît par l'étrange oppofition ou fc trou- vèrent les Athéniennes contre cette Loi , qui leur parût nou- velle y inoiiie , de contre la pu- deur. On Trouve enfin dans les ancien^ Auteurs ( a ) des liftes, des Sa2;es-femmes célèbres , les monumens antiques en font foi, 6c les Loix ordonnent de leurs

(a) Galknfcrihon. farg.Paî. Mgtn. Aetin:^

d'accoucher les femmes. 5 y honoraires , tandis que Ton ne trouve dans les Livres ou aiU leurs ni trace , ni veftige d'Ac- coucheurs.

Voudroient-ils pour s'autori- fer fe faire honneur a Albert le grand y comme de leur Inftitu- teur ; parce que de malins Au- teurs ont voulu le faire palTer pour Accoucheur ? [a) Mais qui: ne fçait que le fait eft faux ? puif^ que la Chronique fcandaleufc (h) en fut l'auteur j ôc qu'une conjecture incertaine & mal fondée y a donné cours. Ce n'eft donc que parce qu'on lui a attri- bué des Ouvrages (r) plus di- gnes , ce femble , d'un Accou- cheur que d\în Religieux , qu'on a voulu faire croire, qu'il ie fe- roit mêlé d'accoucher. Mais ou- tre que cette attribution eft con- tcftée , ne peut-il pas être per-

{ah ) Voyez Bayle ,.D/<fî. t. r.

{h) Idem. tom. i. pag. i^(^o.

(^c 2 De naturd.revim j depcmis mtilkrunSt.

7,6 De r Indécence aux hommes mis aux Philofophes les plus fa- ges ôc les plus retenus, de parler de tout ce qui regarde la Phyfî- quc , parce qu'ils peuvent fe re- pofer fur la foi d'autrui , de ce que rhonnêteté ôc la bienféance ne leur permet pas d'examiner par eux-mêmes ?

On ne trouve donc ni dans l'Antiquité la plus éloignée , ni dans les (iécles poftérieurs aucun veftige d'Accoucheur : au lieu que dans tous les tems on trou- ve des preuves confiantes , que les femmes , au danger même de leur vie , ont toujours été très- oppofées à fe laifTer voir & tou- cher par des hommes , en cas mê- me de maladies mortelles. L'hif- toire qui fuit ne laifle rien à fou- haiter deffus : {a) elle eft d'u- ne grande Princefle , &: d'un tems beaucoup moins éloigné de nous que celui à\Albert le grand : (b) d'oùToupeutconclurre^que

(a) Fn 148^. \b) En izao.

cT accoucher les femmes, t^j depuis ce grand Homme les perfonnes même les plus quali- fiées , ne fçavoient pas encore ce que c'étoit qu Accoucheurs , ni tout ce qui leur rellemble.

Marie [a) héritière de Bourgo- gne tombée de cheval à la chalîe, fe blefla dans ces parties que la pudeur empêche de nommer. Le cas ëtoit preflant , la néceflité prouvée , la perfonne grave : rien par conféquent n'étoit Ci capable d'excufer une femine , qui dans ctt état fe feroit mon- trée à un homme expert Se con- noiffeur en ces matières. Un Ac- coucheur auroit donc paru à fa place , la coutume avoit été dans ces tems d'en appeller en pareil cas : mais cette Prince{Ic n'en connoiiïbit point : la veuc même d'un Chirurgien , parce que c'étoit un homme , lui parut infupportable dans cette occa-

(c) Varillas , Hiit. ae Louis XI. 1. ^. p.

3? I>^ r indécence aux hommes fîon de néceffité. Les promedes toujours flateufes , quand elles afTurcnt de la vie , ne purent la fléchir. Elle fongea bien plus à ménager fa pudeur , qu'à pro- longer fes jours ; & perfuadée qu'une femme fage devoir préfé- rer de mourir plutôt que d'ob- fcurcir en elle cette vertu , clic craignit moins Thorreur de la mort, que les mains ôc les yeux d'un Chirurgien, Nos Dames fans doute diront que c'étoit une foiblefle dans cette Princeffè , une pudeur mal entendue , une pufillanimité.

StultoYum incuYdtdfudor malus ulcéra celât.

Mais qu*on dife tant qu^on vou^ dra , réplique un fçavant Auteur, {a) [ non fufpcft de bigoterie , ) que ce fut porter la honte jufqu'à rexcess cette faute ejl d'une telle

(4) M. BaylejDid. t. i.p. 117.

d* accoucher Us femmes, 39 nature , que ceux qui la commettent y méritent plus notre admiratiort' , que ceux qui ne la commettent pas. Ctjl une efpece dhéroifme , c'ejl mourir Martyr de la pudeur^

Il nous refte encore de nos jours des preuves convaincantes, que les accouchemens ne feyent bien, 6c n'appartiennent de plein droit qu'aux femmes. Elles fe trouvent ces preuves dans les Hôpitaux , & principalement dans THôtel-Dieu de Paris. Les fages Adminiftrateurs qui y gou- vernent n'auroient pas manqué d'y établir des Accoucheurs , la fureté publique eut eu quel- que chofe à foufFrir dans les mains des fem.mes : mais elles feules y préfident aux accouche- mens 5 fufTent-ils bizarres , labo- rieux , 6c mortels. Les Accou- cheurs donc n'ont encore pu Î>orter leur jurifdiction jufques- à , leurs émiffaires n*y feroienc pas reçus , ôc il ne s'y drefle d^au-

40 De V indécence aux hommes très Elevés que ies femmes. Ce- pendant !es pauvres femmes y font habilement fecouruës ; les accidens n y font pas plus fré- quens que fous les yeux des Ac- coucheurs; 6c on voit par le peu d'orphelins qui reftent des ac- couchemens de THôtel - Dieu , que les mères 6c les enfans ne font pas moins en fureté entre les mains d'habiles Sages -fem- mes , telles que font celles de ce célèbre Hôpital, qu'entre celles des plus fameux Accoucheurs.

CHAPITRE IV.

^ue les maximes de la Religion

chrétienne font contraires a la

profejjion d'Accoucheur,

IL n*eft rien que TEcriture & les Pères ayent tant fait ap- {)réhendcr à des Chrétiens, que c commerce entre perfonnes de

difFércns

£ accoucher Us femmes. 4 1 difFérens fexes : car comme ils font faits pour devenir Saints , ( 4 ) la moindre chofc , fur tout en matière d'impureté pourroit les foiiiller. (h) Les Payens fe permettent de voir des objets in^ décens ôc des peintures lafcives : mais pour nous , leur dit un Pè- re (<:) de TEglife en relevant la pureté des Chrétiens, nous n'ac- cordons pas même à nos oreil- les de rien écouter d'impur , Nos ne aures qnidemjïupris acfor- nicationïhus incfuindrï njolumus s parce que les Pères étoient per- fuadés , que c'étoit participer au crime , que de lui prêter fes oreil- les ou fes yeux.Scûr^auj7^nt^z]oU'-^ te le même Père , aures vejîr^ yfor^ nicati fhnt oculi. Mais ce n'étoit pas feulement des chofes vrai-

(4) Nos ^emts ekCîitm , gensfanCîa, &c, S. Petr.Ep. i.c. 2

(b) Noftro populo quid forefl objîct , c«;W mis Rdigio efijine macula vivers ? LgCtant, L infiit. C.9- ( <r ) S. Clem, Ahxanâr. ibiàçm.

D

41 T>e rindecence aux hommes ment eriminelles , dont ils voit- loient que les Chrétiens fe fifTent horreur : ils les obligeoient enco- re à s'interdire tout ce qui avoit l'apparence de mal , ( ^ ) Pudiciti^t chrtjlianjifatis non eji e(fe , veriim Ô' videri : en matière fur tout d'im.pureté, prefque tout leur pa-^ roifîbit crime, &: ils s'en faifoient un de regarder une femme, (h) Fi- detur fufcr omnia ejji av.erfandus mîdlierum afpe&us y non Jolum cnim Ji tangantur fed etiam/l fpecîentur peccare ejf. Mais les femmes d'aur- jourd'hui en font-elles quites pour fe laifTervoir à leurs Accou- cheurs ? elles fe trouvent encore indignement foumifes à l'aclioii de leurs mains. Ce font donc moins encore des regards que des attouchemens qu elles per- mettent à des hommes. Que n au- roient donc point eu à*dire con- tre une fi honteufe pratique ces-

( ^ ) s. Tatil Terttiîî. ad Uxor.pag. 1 60. ^b ) S. Ckm. AUxau. f^àagog, L y. ci i>-

et accoucher les femme f. 43 îUuftres défenfeurs de la pudeut chrétienne ? Eux fur tout qui te- noient pour maxime , qu'un at- touchement fur un fexe différent ëtoit une fcmence de crime , (4 ) Tafius inquïnationis ejl autor. Ils fe fondoient fur cette autre ma- xime de l'Ecriture , ( ^ ) q^'il ejî bon à l'homme de ne point totfcher de femme. Car enfin , dit un autre Père de TEglife fur cet endroit , (^) il n'eft avantageux à l'hom- me de ne pas toucher de femme, que parce que c'eft un mal de le faire. En effet, continue le mê- me Père, l'Ecriture ne dit pas que c'eft un bien de n'avoir point de femme , mais que c'eft un bien de ne la toucher pas ^ parce que ce n'eft qu'en la touchant qu'on s'expofe au crime, {d) Non dixit ^ honum ejl uxorem non habc^

( a ) S. Bafil. de ver a vtrgin. p. é^r f . (h) S. Paul, epift. i . ad Corinth. c. 7. (c) S. Hieyonym. l. i. ad Jovmian^ ( d) S, Hkronym, ibrd.

D ij

^«4 'De Vindeccnct aux hommes re yfed honum ejl mulierem non tan^ gère s quafi in taciu fericulum Jît, Tant d'exactitude ne paroiffoic fi néceffaire à ces grands Maîtres de la piété chrétienne , que parce qu'ils croyoient que le toucher eft le plus dangereux de tous les fens 5 par la raifon qu'il eft le plus féducleur : oc il ne féduit il puiflamment , que parce qu'il agit plus univerfellement fur le corps : car les fons ne frappent que l'oreille , les faveurs n'é- branlent que la langue ; mais le toucher agite tout le corps j par ce qu'il eft comme le fens uni- verfel , le fens des fens , qui fe rencontre dans tous les autres y êc qui affecte & remue tous les organes , f ^ ) Tacîus fenfuum om- nium ferniciofijjimus ^ fœvijjîms ht an die ns , fenfus reliquos Uvlîatc fît a, ad volupîatis iUccebras pcllit» Un autre Père ajoute que (rf)

( <3 ) Bafil. de vîrgm. fag, ^14. {h} Saint Jérôme.

^accoucher Us femmes. 4 5 les attouchemens font conta- gieux entre les perfonnes de dif- férent fexe , &: qu'ils portent i la lubricité , même fans qu'on y penfe dit un autre Saint 5(4) Mafcnlum cornus fœmi?ieum tin- gens y qukithet ratione modèrent ur , ad congrejjiim tamen mutuo Uten^ ter incitantur, A quels dangers donc ne s'expofent pas des Chré- tiennes livrées aux mains d'un Accoucheur ? Car enfin ce font toujours de jeunes perfonnes , d'autant plus fufceptibles par conféquent de vivacité ôc de ten- drciTe à la préfence d'un homme étranger qui les couche , qu'elles auront été plus retenues , &: moins accoutumées à en fouffrir d'autre que leur mari. Dans cet- te difpofition il eft mal aifé de répondre de leur imagination , êc on doute qu'elles en puilTenc furement répondre elles-mêmes,

(^) S,3afil. de virgin.^ag. 4 $6.

4^ 'De Vindêunce nux hommts^ K^) J^nntumv'u bonâ mente CO" nentur ,, necejji eji publicatione fui fericHtcntur , dum penutitmiur ûculis incertis , &c. Dans le tems qu'elles ont à fe défendre contre le plus impérieux des {h) fens, la pudeur du moins rifque beau- coup alors , & n'a pas peu à fouf- frir 5 ( ^ ) ficfrons duratur yjicfu^ dor teritur yfic folvitur , ô'C

Prétendra-t'on que le danger des attouchemens ne doit s'en- tendre qu'en matière grave &: de conféquence, & lorfqu'ils fe permettent à mauvaife inten- tion ; ôc qu'une femme en tra- vail fe trouve occupée de tout autre fentiment que de celui de la préfence & de l'aflion d'un homme ? Mais ce n'eft pas tou- jours au moment de la douleur qu'un Accoucheur rend vifite à une femme : c'efl fouvent en

{a ) Tertul. de virg. velandis , fag. 1 8r •• (h) Vid. S. Bafil. de virgin. pjig. ^14». ((c ), Temill. ibid.

éFacctfUcher les femmes , 47 pleine (anté & de fens raffis qu'- on l'appelle ; comme dans ua doute de groilelîe oii les femmesr veulent s'airurer de leur état - ou bien même lorfqu'une fem- me peu entendue encore en ac- couchement, fe livre aux mains de fon Accoucheur , autant de fois qu elle craindra la furprife. Ce n eft donc pas toujours pour des femmes fouffrantes qu'ils font appelles [a),

Voudroit-on excufer ces at- touchemens^ & dire qu'ils doi- vent être iàns danger , parce qu'on ne les accorde qu'à bont deffein , & dans des occafions fans conféquence ? Mais tout eft à craindre à la pudeur, {b) etiam feminarum oculos pati non vult :: èC il n'y a rien de fur ou de mé- prifable pour une Chrétierme en: cette matière : c'eft même un

(a) Voyez la DiiTertat. fur les accouche- jnens.

^ h Tmull ibicL

48 T>e V indécence aux hommes commencement de crime pour elle , fi elle ne craint point aflez : {a) Nam qui frAfumlt , minus jam njeretur s qui minus veretur , mi^ nus -pr.Udvet ; qui minus pr£cav et y ■plus périclitât ur. Timor fundamen^ tum falutis eji\ prœfumptio impe- dimentum timoris. Un Père de l'Eglife compare la moindre li- berté en matière d'impureté , à CCS petites pierres qu'on jette dans un fleuve : elles n*y exci- tent d abord , dit-il , qu'un foi- ble trémoufTement ; mais qui tout d'un coup pafTe dans une agitation univerielle par les on- des redoublées qui croilTent , s'étendent & pullulent , & por- tent le trouble jufqu'aux bords du fleuve. Ne leroit-ce point ainfi , qu'un attouchement ac- cordé à un Accoucheur par une perfonne fage , que la mode , la crainte , & la complaifance ren- dent trop docile dans cette oc- ( ^ ) TertulL de cultttfeminarum ^ p. i f

cafion 5

^dccouchtr Us femmes, ^ ^ L Cafîon , pourroit devenir erimi- nclle ? Car enfin la volupté cfl: trompcufe 5 & fouvent elle faic d'étranges progrès pour peu qu*- on s'y laifTe furprcndre : du moins ne pourroit-ce point être un appas vers le crime ? ear à force de fe laifler toucher par des hommes , ne pourroit-on pas prendre goût à des attouche- mens étrangers 6c dangereux * < ^ ) Et en ce cas la fidélité dans les mariages feroit-elle bien en. fureté? (i)

On fe difculpera en difant ,' que les Accoucheurs font gens fages , d'une probité connue , &: au-deffus du foupçon ôc de la médifanec. On le veut croire : on ajoutera même . qu'il eft de leur intérêt d'être tels : mais du moins n'ofera-t'on dire , que ce foient des hommes agés; parce

( ^ ) Voyez la Differt. fur le5 accouchcis mens, p. \6,

{b) Ibi4. pageif»

E

f^ r t' \

4t Dr riMélictMce âux hmnu commencement de crnc pour cilr , i\ elle ne craint poir atrcz : ( 4 ) Ssm ifmi ffdfmmit , r nus jam Vifttmf , ^mt miMMs V(r nr , mt- mtu fféisx (t , /fmi msKuj ^ X. .ivtt , fUu fa H lu dtmr. Ttm^r f . / .'^^#w f « - félmêiê tfi\ ftmfmmyo tmfe- fmm iimtêfis. Un Vrc Je

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. . ;c compare la "^ bette en matière ii r , à

ce* petite» pierres qu n jette dans un riem-e : elles v "

cent d'atM>n1 ^ - ^ i -

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pcrTonne faire , i mJcJa

Samic, vV la compir.il c ren- dent trop docile dans cnc oc-

fàccoëchtr Ujfcmmet. ^ cafid , poiirroit devenir cnmi» ncll ? dar cn^tx ii voir tronieiiic, & fourcnt c*.c .^c d'écingcs progrci pour pm o*:'- on y lailTc furprcn: - i

mois ne pourroitce j : r- un .ipas vers le crime ? cir à tore de fe UifTcr toiurhcr pir des I mmc5 , ne pourroit-on pis prenrc goût à des inoucbc^ mcn étrangers 8c d; wf

(*< ) cen ce cxs \i fi .-.s

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Oi le dilculpcra en diûnr^* c]ac \% Accouc^ font gcnt

i^gcs dune I - - «r ,

^auefTusdu. 1^

médilncc. On le Veut croire : o*^ ^^c.quilcftdc

i^^i ^.. ^.crcteU: miii du moinnoferaron dire, que ce loientics hommes agésj parce

^ - } '»y« U Difcrt. ^ Ui

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48 De r indécence aux hommes commencement de crime pour elle , fi elle ne craint point afTez : {a) Nam qui fr^fumit , minus jam njeretur ; qui minus veretur , mi^ nus fr.uavet -, qui minus prdcavet y pluspericlitatur. Timor fundamen* tum falutis ejl \ prœfumptio impe- dimentum timoris. Un Père de l'Eglife compare la moindre li- berté en matière d'impureté , à ces petites pierres qu'on jette dans un fleuve : elles n'y exci- tent d'abord , dit-il , qu'un foi- ble trémouffement ; mais qui tout d'un coup paiTe dans une agitation univerfelle par les on- des redoublées qui croiffent , s'étendent & pullulent , & por- tent le trouble jusqu'aux bords du fleuve. Ne feroit-cc point ainfi , qu'un attouchement ac- cordé à un Accoucheur par une perfonne fage , que la mode , la crainte , 6c la complaifance ren- dent trop docile dans cette oc- ( ^ ) TartulL de culntfeminarum , f. i f

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d'accoucher les femmes, 4 j Cafion , pourroit devenir erimi- nelle ? Car enfin la volupté cft trompeafe , & fouvent elle fait d'étranges progrès pour peu qu - on s'y laifTe furprendre : du moins ne pourroit-ce point être un appas vers le crime ? ear à force de fe laifler toucher par des hommes , ne pourroit-on pas prendre goût à des attouchc- mens étrangers ôc dang;ereux * {a) Et en ce cas la fidélité dans les mariages feroit-elle bien en fureté? {%)

On fe difculpera en difant ^ que les Accoucheurs font gens fages 5 d*une probité connue , bc au-deflus du foupçon ôc de la médifanec. On le veut croire : on ajoutera même . qu'il eft de leur intérêt d'être tels : mais du moins n'ofera-t'on dire , que ce foient des hommes agés; parce

( 4 ) Voyez la Diflert. fur les accoucher |»ens, p. \6.

pt

^o De Psndéctnce dux hommes qu'alors on les trouveroit trop foibles. Ce font donc des hom- mes encore frais , entre les mains defquels on remet de jeunes fem- mes. Mais tels qu'ils puilTent être , du moins font-ce des hom- mes , par qui une femme ver- tueufe doit toujours craindre de fe laiflcr voir êc toucher puif- que les Pères de l'Eglife veulent qu elle craigne la familiarité d'un parent , d'un ami , d'un frère. {a) Suficit feccatum y & per tac^ tuni fraternd manùs , ac per facis & diUciionis ofculum fcnfum caY" nis excitare.

Le danger même fera double, ^ par conféquent plus grand , Ci on le confiderc encore par rap- port à l'Accoucheur : car fi les Pères font craindre à une femme jufqu'à fon frère même , ils aver- tirent les hommes de craindre les femmes jufcjues dans leurs

( « ) 5, BflfiU ds Vir^m. ^Ag. 6 j j;^

l

d^accouchcrîes femmes, ^i propres mères : [b) ,^id i}2terejl utrum in uxore an in matre , dum tamen Eva , in qualihet muliere ca^ njeatur. Avancera -t'on pour la défenfe des Accoucheurs , que la condition des perfonnes qui les appellent doit rendre leur profeflion innocente , parce que ce ne font que des Dames de qualité , dont le rang & la di- gnité tiennent l'imagination de rAccoucheur en refpect ? Mais on fçait & on voit avec douleur, que leur prétendue profeiîioii cil: un métier public , Ton fait fortune ; parce que chacun y a droit pour fon argent. Ce n'eft donc plus uniquement auprès des Dames de condition qu'ils fe trouvent appelles , ÔC chaque femme veut joiiir du privilé^^e : l'imagination d'ailleurs ne ref- pecle perfonne, elle fe prend à tout. Ceft moins enfin la qua- lité de la perfonne qui infpirc

E ii

j 2 De r indécence aux hommes une mauvaifc penfée , que la vo- lonté ou le mauvais penchant qui la fait naître {a) Culpam facît non dignités fed voluntas. Après toutes ces raifons de Re- ligion &C de bienféancc , on lait fe à examiner aux Accoucheurs & aux Accouchées , fi leur con- fcience peut être en fureté.

Excuiera-t'on les Accoucheurs en difant , que c'eft fur des fem- mes mariées qu'ils exercent leur profeffion ? Mais quoi ! feroit- €c donc qu'une femme mariée li'auroit plus rien à perdre entre les mains d'un homme étranger ? ou feroit-ce qu'elle fe feroit dé- faite de tout fentiment de pu- deur en devenant mère ? Ce fe- roit faire outrage aux mariages chrétiens qui font innocens par eux - mêmes , ôc qui honorent ceux qui s'en approchent dans

(^) s. Hiêfonym, in g^ùa^h, Fabiola

d'accoucher les femmes. 53 refprit de l'Eglife , ( 4 ) Honora-' hilc connuhium , thorus immacula^ tus. Une femme donc pour être mariée n eft pas moins loumife à la modeftie de fon état, ôc c*eft par cette raifon qu on obligeoic autrefois également les femmes êcles filles àfe voiler, [h) Orâ tefive mater , Jîve foror , Jivejtli^ *virgo 5 vêla caput y fi mater , frof^ terflios îfifi)ror , prof ter fratres s fi filia y prof ter patres y &c. Com- me il eft donc de la pudeur des vierges chrétiennes , de ne rien permettre fur elles de la part de quelqu homme que ce foit 5 il eft de la modeftie d'une femme ver- tueufe de tout refufer à tout au- tre qu'à fon mari.

La pudeur eft donc de toute condition j &: puifqu'unc pcnféc peut dérober à une vierge chré- tienne la pureté de fon état , ( ^ )

(^) s. Vaut. cfij}. ad Hebra. c. 1 3 . f . (h) Tertull. de virgin, veland. fag. \ii, (£• ) S. liiefonym. e^ifi» ad Eujlochmm*

E iij

54 ^^ H '^décence mx Sommes Mente cnim virginitas ferit y pujT

3uil eft poflîble qifelle cefic 'être vierge par le cœur , quoi* que fon corps foit encore chafte, ( 4 ) Nil prode/l carncm hahere vir^ ginis y fi mente quis mipferit ; n'eft-ce point expofer une jeune femme à une forte d'infidélité , ou d'adultère fpirituel , que de Texpofer ainfi aux faillies de fon imagination entre les mains d'un Accoucheur ? c'eft du moins lui infpirer trop de familiarité & de confiance pour un homme étran- ger. Heureufc l'ignorance de cette Dame Romaine , (^) qui pôltt* âvôir peu fréquenté les hommes , croyoit qu'ils ki\- toient tous mauvais , parce que fon mari avoir l'haleine puante ! Cette une humeur un peu moins fauvage lui auroit épargné cette {implicite.

Par tout ce qu'on vient de rap-

( a) Ibld.

{b) Billie dans Plutar<jue^

à^ accoucher Us femmes, 5 5 porter des fentimens des Pères , on voit combien ils auraient été éloignés d'approuver la profef- fîon d'Accoucheur : mais ce qui fe pratiquoit de leur tems en matières femblables à celle d'ac- eouchemens', en eft une preu- ve convaincante. Si une vierge chrétienne étoit foupçonnée du crime d'impureté , ce n'étoit point à l'examen des hommes qu'on s'en rapportoit , mais à celui des Sages-femmes. ( a ) Les fiécles qui ont fuivi le font tel- lement confirmés dans cet ufa- ge , que s'il arrivoit quelque doute fur le témoignage des Sa- ges-femmes qu'on avoit appel- lées d'abord ;, ce n'étoit point des hommes qu'on appelloitpour décider du doute , mais d'autres 5ages-femmes , ou plus habiles ou moins fufpectes. {h) Ceft pourquoi tout ce que nous avons

( û ) via. S. Cypn'an. E-p.fag. 1 74.

{h) Décrétai, de GiégoirelX. î.i.ç. 14,

F iiij

De t indécence aux hommes d'Auteurs qui ont traité de ces fortes de rapports , fi on en ex- cepte ceux de notre tems , par- lent tous des témoignages des Sages-femmes fur ces matières , parce que c'étoit à elles feules que les Juges s'en rapportoient , comme on le voit dans le droit Canon & Civil : (a) marque cer- taine qu'on a crû de tout rems qu'il auroit été contre la pudeur d'employer des hommes en pa- reil cas.

Malgré cette précaution il s'eft trouvé d'habiles Auteurs , qui ont trouvé à redire même à cette coutume d'expofer le corps d'une fille aux yeux d'une fem- me : car outre que cette preuve ëtoit fort incertaine 6c fujette à méprife , comme le reconnoit lui-même Saint Cyprien , (^) 6c

( A ^ Dtgejl. l. 9 ' tît. 2 . ad legem Aquileiam: eap. 9' ibîd. lib. i. tit. 4. de infpcùndo ventre Loy. i .

(b) S.Cy^rim.Ef. 174.

d'accoucher les femmes. j 7 comme on ?a démontré depuis. ( a ) Quelques-uns ont crû que c'étoit vendre trop cher à une perfonne fage la preuve de fon innocence , .^^ vere cajia erat virgo noluerit (h) fie vindicari >• & d autres que c'étoit détruire ce dont on vouloit s'afTurcr. In- ter ûbftetricum m anus virginitas occiditur, (c) Que nauroient donc point dit ces fages Auteurs , de voir aujourd'hui la plupart des jeunes femmes chrétiennes fous les yeux & entre les mains des Ac- coucheurs ? que d'obfcénité n*au- roient'ils point remarqué dans cette infâme coutume î que d'in- convéniens pour la pudeur ! quç de danger pour Tinnocence.

(a) Vide Capîvaccium de Virgin, Jtgn, Au-* genium , Sebizium , &c.

(b) S. Cyprian. ef . pag. 174.?» n9t^

(c) Ibid, ex Rigaltiç»

5 3 P^ l'indécence aux hommes

CHAPITRE V.

^u^e la profejjion d'Accoucheur ejt rarement nécejfaire.

LE cas de néceffité cft donc le feul qui puifle rendre l'of- fice d'Accoucheur excufable ; mais ce fera lorfque la vie de l'enfant ou de la mère ne pourra être fauvée que par fon minifté- re. Auiîî en cas pareil la pudeur n'a-t'elle rien à rifquer : car l'é- tat trifte ôc affligeant d'une fem- me déconcertée par la douleur hc prête d'expirer , n'offre rien que de mortifiant. Ainfi l'extré- mité de la malade , la menace de la mort , l'excès de la foufiran- ce 5 la perte d'un enfant prêt de périr avant que de naître , un fpeâiacle fi affreux , 6c un état fi humiliant , préviennent tous les dangers , & chacun fe trouve eu

d'accoucher les femmes, ^^ flireté : on eft comme afliiré d'ailleurs qu'en ces occafions la néceflîté eft preflante , la mê- me ProvideiTce qui permet la né- ceinté , soutiendra & préfervera ceux ôc celles qu elle y engage. Mais fi l'on confidére qu'il n y a peut-être pas une femme entre cent , peut-être pas une entre mille , qui fe trouve dans cette prétendue néceffité , il fera vrai de dire , que de cent femmes il yen aura quatre-vingts-dix-neuf qui pourront ôc qui devront fe pafTer d'Accoucheur. Ce fera donc au plus une femme encre cent qui en aura befoin ainfî pour une fois qu'un Accoucheur fera néceffaire , il y en aura qua- tre-vingts -dix -neuf oii il fera inutile. Si d'ailleurs ce befoin eft de nature à pouvoir être auflî fu rement foulage par la main d'une femme habile &c expéri- mentée, que par celle d'un hom- me j s'il demande prefque tou-

6o De lindktnee aux hommes jours plus de tête que de bras ; il enfin l'habileté d'un fage Mé- decin eft ordinairement plus né- ceiïaire que la maifi de qai que ce foit ; le fecours d'un Accou- cheur deviendra alors inutile ou dangereux , 6c fa profeflîon de- viendra rarement néceflàire.

Or il cft certain que c'eft pref que toujours par des fecours ti- rés de la Médecine , que les ac- couchemens laborieux fe termi- nent heureufement , quelque- fois par. la main foutenuë d'un grand ufage , rarement par quel- que opération.

Que fi c'eft un purgatif, une faignée , ou quelqu autre remè- de qui doive tirer une femme d'affaire , elle s'expoferoit à d'é- tranges méprifes entre les mains d'un Accoucheur : car lui qui nagueres tenoit boutique de Chi- rurgien (peut-être auez peu a- chalandée , ) lui qui n*a ni étu- de, ni expérience en Médecine »

et Accoucher les femmes. S i qui n en fçait que ce que le ha- sard lui en a appris , qui ne con- noîc au plus le corps humain que pour fçavoir placer une incifion, mais qui ne s*cft jamais inftruit à fond 5 ni du cours des liqueurs, ni de l'ordre de leurs circula- tions j lui qui ignore le rapport des parties , avec les liqueurs qui les arrofent , de le rapport des re- mèdes avec ces mêmes liqueurs ; qui n'entend enfin ni l'oecono- mie animale , ni la mécanique du corps humain ; cet homme ainfi dépourvu de connoiflance , d'expérience , d'obfervation , 6c peut-être de bon fens en Méde- cine, viendra hardiment décider d'un remède intérieur dont il ne connoît pas la route , d'une fai- gnée dont il ignore les effets, d'u- ne purgation dont il n'a point :ippris les éciieils , d'un narcoti- que dont il n'a jamais eflayé les dangers. Doit-on après cela s'é- , tonner des malheurs qui lui ar-

Cz De V indécence aux homme's rivent ? puifqu il marche au Iia- zard , fans régie , fans boulTole , par des routes étrangères ^ dans un pais inconnu pour lui.

On croiroit peut-être quoii avanceroit tout ceci fans preu- ve: mais en faut-il d'autre de fon peu d'ufage en Médecine que celle-ci ? Cet Ex-chirurgien qui entreprend aujourd'hui de trai- ter une fièvre , un tranfport , une convulnon dans une accou- chée , par ce qu'il s'eft érigé en Accoucheur, auroit eu honte de fe donner pour Médecin la veil- le du jour qu'il s'eft donné ce re- lief dans le moçde , & auroit craint de traiter cette même fem- me non accouchée j peut-être ne le voudroit-il pas même encore étant devenu Accoucheur , fi la même femme avoir les mêmes maux hors le tcms des couches. L'on fçait cependant , qu'il faut infiniment plus de tête , d'habi- leté & de connoifTance , pour

d'accoucher les femmes, 6} traiter tous ces maux dans une accouchée que dans une autre femme : il cft donc certain qu'en CCS cas qui dépendent de la Mé- decine une accouchée fe trouve mal placée dans les mains d'un Accoucheur. Ajoutez à préfent que ces cas dépendans de la Mé- decine font les plus fréquens : 6c ce fera prouver combien la profeffion dAccoucheur eft rarement néceflaire : voici de- quoi s'en convaincre. Si Ton entend parler des maladies qui arrivent pendant la groiïefle , il n'en eft guéres il faille plus d'habileté , plus de connoifîan- ce 5 en un mot plus de Méde- cine. En effet il faut connoître alors non feulement eu égard à la mère , la difpofîtion du fang , les délais qu'il foufFre, les dé- tours èc les altérations qu'il prend , les écarts qu'il fe donne, 6c les dépôts qu'il peut faire ; mais il faut encore en être inf-

(^4 ^^ l* indécence dux hommes truit par rapport à Tenfant dont il faut auffi conferver la vie.

C'eft donc une Science dou- ble 5 dont on a befoin pour ia- rement ménager les intérêts de 1 une & de lautre , en ôtant le fuperflu de la mère , fans trop dérober à l'enfant Or tant d'ha- bileté & de juftefTe ne paroît pas trop de la compétence d'un Chi- rurgien 5 qui s'étoit plus occupé de former fa main , que de meu- bler fa tête de tant de réflexions & d'obfervations inutiles même à un habile Opérateur. Les ma- ladies qui arrivent dans le tems des couches ne font pas plus du reffbrt d*un Accoucheur. Une femme trop pleine de fang ôc d'humeur fe trouve furprife a ac- cidens violcns , d'efforts invo- lontaires , de douleurs inutiles : le fang alors en contrainte , ôC les efprits en défordre , tiennent les mufcles en convulfion : les parties engorgées prêtent mal ôc

s'oppofent

d^ accoucher les femmes, 6^ s'oppofent à la fortic de Pcnfant : tout fe révolte donc , de les li- queurs interceptées agiffent fur elles-mêmes , ôc s*animent , ou rebrouflent vers le cerveau ; alors mille accidens mortels fe préfentent j convulfion , aiïbu- pilFement , douleurs bizarres &c à contre fens. Ce feroit donc de la fouplefle qu'il faudroit rendre aux parties , en rectifiant le cours du fang 6c calmant les efprits. Alais font-ce les idées d'un Accoucheur ? Mal inftruit donc de la manœuvre qiuLfe pafle alors dans le corps d'une femme y ôc peu à porté des réflexions qu'il faudroit faire ; il aura recours à des purgations dangereufes , à des apéritifs indifcrets , à des la- vemens violens , à des faignécs mal entendues , & fe mettra fans y penfer de moitié avec le mal , pour le rendre plus dangereux. Peut-être même fera-t'il pis que tous ces remèdes : déconcerté

F

é6 De rindecence aux homme J par l'excès du danger, au défaut de tête il employera des bras , il engagera la malade dans un tra-* vail prématuré , &: l'enfant dans un danger imminent : vous de- mandez d'où viennent ces con- tre-tems ? d'un homme hors de place qui fait ce qu'il peut , par- ce qu'il ne fçait ce qu'il faut.

Par les mêmes raifons , un^ Accoucheur doit être aufli peu entendu dans les maux qui arri-» vent après les couches : ainfî tantôt des tranchées violentes , dont il ne comprend pas les cau- fcs , l'engageront dans un mau-- vais pas 5 ôc voulant calmer une douleur preflante par un remè- de qu'il connoît mal , il jettera la malade dans un fommeil éter- nel : tantôt groffiérement inf^ truit de la route que le fang tient ou qu'on lui peut faire tenir , il l'engagera dans les vifccres par des faignées mal rangées : dans îunc ridée d'une foiblefle .0],l

et accoucher les femmes, 6j d'un épuiflTement mal fondé lui fera ordonner une nourriture exceffive : dans l'autre le foup- çon d'une cacochymie imaginais re lui fera prefcrire une purga- tion dangereufc. L'idée d'acides & d'alcalis , dont il aura oiii par- ler , lui fera venir celle du Quin- quina , qu'il ordonnera pour dé- truire un acide qu'il foupçonne èc qu'il ne connoît pas. Ce ne fera donc qu'une Médecine de hazard &: de caprice que celle d'un Accoucheur.

Son miniftére fera plus heu- reux , Il c'eft par Tadrefle des mains que la malade doit être fecouruë^ car il eft manifefte qu'un homme en ce genre peut autant qu'une Sage- femme : mais puifqu'il efb plus féant &: auflî fur de commettre cet emploi aux femmes , comme on le prou- vera ci-après , il faut convenir encore qu'en ces derniers cas même , il cft inutile d'appcUcr

Fij

è 8 T>e V indécente aux hommes des Accoucheurs. Refte celui de Topération feul , lorfqu il faut (a) couper , arracher , dépecer un enfant dans le fein de fa mè- re 5 car à ces mots on reconnoît le caractère d'un Accoucheur Opérateur , qui dans ce cas mé- rite non feulement la préféren- ce au-deffus des Sages-femmes ; mais à qui feul il faut fe rappor- ter de ces opérations -, parce que lui feul fçait manier des infkru- mens. Mais combien ces cas font- ils rares ?

On dira fans doute , que c^eft réduire la profeffion d'Accou- cheur à de rares befoins ; mais la raifon le fait voir. Car après tout ce qu'on vient de dire j on efpérc que perfonne ne trouvera exa-

(^) Encore tfouve-t'il des exemplef ^opérations faites par des femmes fur les tcorps de leurs femblable»;, en certains caj qui intéreflbient la pudeur, heo African, nar- rât munus circumcidendarum muUerum obin vetulas quafdam &c. a^ud Hust, Nch in Origm*

^accoucher les femmes. S^ |;erée la propofition qu'on vient d'avancer, qu'il n'y a pas une femme entre cent , peut-être pas entre mille , qui ait befoin d'un Chirurgien ; de que par confé- quent ce n'eft pas la peine d'éri- ger des Accoucheurs en titre d'office.

CHAPITRE VI.

^ue U coutume de fifervir d'Ac- coucheurs ejl moins un ujage à recevoir , quune entre frife i r^- frimer.

ON en appellera fans doute à Tufage & àTexempIc : car rien n'a tant de pouvoir fur l'cf- prit du monde que la coutume^ { a ) qui en régie les actions & les maximes en fouvcraine : il n'y avoir pas même jufqu'à la Reli-

( <j ) Omnium domina rerum. AuL Gell.^^g»

70 Z>^ P Indécence aux hommes gion , fon empire ne fût prêt 3e palTer : car c'écoit par des-ufa»^ ges ou des traditions humaines ^ que les Juifs entreprenoient de juftifier leurs prévarications ^ &c d'excufer leurs erreurs : mais le Fils de Dieu a fait voir l'injufti- ce & la vanité des ufages , quand ils ne s'accordent pas avec la piété. Ceft pourquoi les Cano-- niftes ont établi depuis , que quoi que ce puifle être qui foit ou écrit ou reçu dans le monde contre le droit naturel , doit être abrogé ôc réputé nul , (^ ) «^^• cunque vel morihus recepta funt , vet fcripturis comprehenfa , Ji na^ turali juri fuerint adverja , irrita haberi dcbent. Si donc la coutu- me de fe faire accoucher par des hommes eft contre le droit na- turel ; c'eft moins un ufage i conferver qu'un abus à détruire : or l'on a montré que cette prati- que eft contraire à la pudeur, {a) Canon, Quo jure infnf. VtftmCi*

d'accoucher les femmes, ji qui diftingue les hommes de tous les autres animaux , (a) mais qui eft fur tout naturel aux fem- mes. Une autre maxime c'eft qu'une coutume ne peut tenir lieu de Loi , quand elle n'eft fon- dée ni fur la vérité , ni fur la rai- fon , Confuetudinem veritas é* y^ tio excludunt ( b ).

Il n'eft donc pas de coutume qui mérite plus d'être abrogée que celle-ci ; puifqu'il eft faux qu^un Accoucheur foit néceflai- re dans les cas des couches ordi*' naires qui font les plus fréquen* tes 5 6c que. le bon fens & la droi* te raifon font voir , qu'il eft de Tordre qu'une femme en accou^ che une autre.

Que Cl d'ailleurs la coutume de fe faire accoucher par des Jiommes , eft moins l'effet de la

( « ) Hocfoîum animal ( homo ) natum ejfptr^ doris & verecundia particefs, C/V. /. 4. de fuig lus,

i ^ ) Can* Verime , & can^ Confumuk*

^1 T)e tïndécence aux hommes raifon que du préjugé , fi la ré- flexion Se la nécefTité y ont moins de part que le prétexte ou Ter- reur ; ce fera moins un ufagc qu*une licence , moins une cou- tume qu un mal-entendu qui ne doit être d'aucune autorité ; ( ^ ) ^uod enim non cum rationt intro^ dudum ejl , fed errort primum , dtindc confuctudine ohtentum efi , in aliis fimilibus ohtineri non débet,

L'ufage donc d*appeller ordi- nairement des Accoucheurs efk manifeftement abufif j piiifqu- on le fait prefque toujours fans néceflîté ou fans raifon , comme on la fait voir. C'eft par confé- qucnt le cas oii la coutume^nc peut ôc ne doit avoir lieu : [b) Veritati manifejlat£ cederc débet confuetudo.

Enfin fi Ton examine la nature de cette prétendue coutume éta*

( ^ ) L. quoà non rattone. de îegibm Ù" SenA'* tusconfuîtts.

( ^ ) Can, verùate & can, confuemdo*

blie 5

d*accoucher les femmes, 73 blie , on reconnokra que la con- dition principale pour fonder un ufagc raisonnable lui manque : c'eft du tems , qui donne le poids 6c l'autorité aux ufages, dont on veut ici parler j car il eft fi nou- veau que àts femmes ayent pu fe réfoudre à fe livrer à la difcré- tion des Accoucheurs , 6c fi in- ouï dans l'Antiquité , qu'il fe foie jamais foujEFert rien de fembla- ble même parmi les Payens , que cette coutume paroît reflembler mieux à une erreur de pratique , qu'à une vérité d'ufage -, elle n'a donc pour elle que le caractère d'erreur, c'eft-à-dire, la nou- veauté ; & l'antiquité qui eft le propre de la vérité lui manque. Or une coutume nouvelle , erro- née , & mal entendue , expofe à tous les dangers de l'erreur : Con- fuetudûjlnc veritate y vetuftas erro- ris efl.

On demandera , s'il eft poiîî- ble qu'une pratique qui feroit fi

G

74 ^^ r indécence aux hommes manifeftement dangereufe eût pu faire tant de progrès en peu de tems ? Quoi donc , il au- roit pu arriver que tant de fem- mes lages ôc régulières en toutes chofes 5 fe fufîent ahufées jus- qu'au point de fe laifTer aller au torrent d'un ufage condamna- ble 1 Mais qui ne fçait le pou- voir de l'exemple fur l'imagina- tion ? D'ailleurs tel eft l'artifice de l'ennemi commun du falut des hommes : des leçons ouver- tes 6c grofTiéres d'impureté lui auroient mal réuffi pour attaquer la pureté des mères chrétiennes : il a trouvé une voye plus fûre & plus abbrégée pour leur porter des coups mortels , qui eft celle de l'exemple : ( ^ ) Longum iîer ejî fer prjtcepta , brève & efficax per exempla. Il a donc employé des exemples de leurs {emblables ; parce qu'il n'eft rien qui déter- mine auflî puilTamment que l'ç- (4) Sçnec^ ad lî*cih

d'accoucher les femmes, 7 5 xemple entre gens égaux êc de même nature : ( ^ ) 'OiiO nos ma^ xime movent Jimïlitudo d^ exem^ flum, Quune femme donc en dan2:er , quelle fe fera peut-être exagère a elle-même , ait ete uti- lement fecouruë par un Accou- cheur 5 une autre aura crû pré- venir ce prétendu danger en Tappellant tout d'abord ; ôc in- fcnliblement chacune fe fera donné le droit d'en faire autant ,

f)arce que chacune fc fera éga- ement crue en danger entre les mains des Sages-femmes. Les hommes peut-être auront uti- lement entretenu ces frayeurs ,- attentifs autant quils le font à fe rendre les maîtres , peut-être auront-ils habilement profité de Toccafion , pour étendre leur autorité fur un fexe qu'ils ai- ment à alTujettir : ils auront trai- té la pudeur des femmes de foi-

Gij

7^ "Dt rindcccKcc aux hommes bleue 5 6c leurs icrupules de pii- fillanimité : c'eft ainfî qu on leur aura inlenfiblement appris à fe défaire d'une honte qui hono- roit leur fexe 6c qui foutenoic leur piété : elles feront donc par- venues à croire qu'il n'y a guéres d'apparence qu'on puiiTe deve- nir criminel au milieu de tant de complices , ôc qu'une faute même .n'eft plus coniîdérable , quand elle eft devenue celle de la plupart des honnêtes gens : ( a ) Multîtudine feccdntîHm tolli" tur , é" defmit ejje probri locc corn-- mune mdedicîtirn,

Mpjs puifque l'exemple a eu tant de pouvoir fur les efprits des femmes , qu'un exemple fa- ge & des plus autorifés les rap- pelle à elles- m.êmes , & leur ap- prenne ce qu'on doit faire 6c penfer de ces fortes de pratiques hontcufes que la coutume au-

d'accoucher les femmes, -77 roit établies. L'exemple quon leur propofe eft celui des Em- pereurs 5 des Princes , & des Ma- giftrats , qui ont employé leur autorité pour abolir certains ufa- ges déjà établis , uniquement parce qu'ils étoient contre la pu- deur.

Il étoit d'ufage du tems de l'empereur Théodofe , {a) d'en- fermer les femmes furprifes en adultère dans d'infâmes lieux , pour y être en proye à la pafTion du premier venu : bc cette infa- mie fe commettoit au fon d'une cloche , pour rendre public 6i le crime & la peine. Ce grand Em- pereur défendit cecre coutume par cçiTxc feule raifon qu'elle étoit honteufe. Par un mem.e motif Juftinien abolit enfuite la coutume établie de décider par les yeux de la puberté naturelle àcs garçons. { ^ ) La Philofopnic

(a) Socrat.l. f.c. 1-8 .

{b) Ob mdçcQTiVn obfirvation^m in gxîonî-

G iij

ji De l'indécence aux hormnes payenne fe rendit auffi peu favo- rable à tous ces moyens hon- teux , quoique {uirs en certaines occafions. Ainfi Lucien lui-mê- me 5 athée de profeffion ou le plus impie des Philofophes, fe moque du moyen qu'on lui pro- pofe de s'affurer par la vue du fexe d'un homme qui pafToit pour femme \{a) tant il eft vrai que l'antiquité croyoit qu'il n'y avoit point de légitime prétexte de découvrir ce que la nature ordonnoit fi étroitement de ca- cher :( ^ ) ,Su,<is coYporis partes na-- tura occultavit , eafdem , omnes qui fana mente funt y removent ab ocuiis, Ainfi une Veftale accufée, diit-elle être injuftement abfou- te 5 {c) étoit renvoyée comme

manda, marîum pubertate 3 mares fojï excejftim 14. annorum fiibefcere exijlimentur , indagatio^ ne corporisinhoneftâ cejfame. Cod.Quando tm» tes ejfe definant.

( a^ In Eumicho.

(b) Cic. de fnib. /, 4.

{c ) Vakr, Maxim, /. 8. r. 1;

d'/iccoucher les femmes, 79 innocente fans ces forces d'exa- mens , Çi toute autre preuve fc trouvoitinfuffifantc. On s'éton- nera peut-être après tout ceci , que les Percs des premiers tems de l'E^life avent permis que les vierges chrétiennes qui e- toient devenues fufpectes fuf- fent examinées par des femmes : mais peut-être que ce fut une forte de punition pour celles qui s'étoient manifeftement désho- norées , & qui par conféquent méritoient ou s'attiroicnt cette humiliation : peut-être auffi n*a- voit-on point allez fenti d'abord la turpitude de cette pratique , du moins fut-elle bien-tôt abo- lie , ôc les Pères des fiécles pcfté- rieurs la défaprouverent. (^ } Juf- te & digne fort des honteufes coutumes.

Mais pour ne nous pas trop

{a) Qtiîd jibi velit , & quofpeâîet quoi ob- Jîetricem adhikendam credideris , &c. S. Jm^ krof. e^. ^4. ad Syragr,

G iiij

S'o I>e l' in décerne aux hommes éloigner du tems nous vi- vons , y eut-il jamais coutume plus communément reçue , que celle de l'infâme épreuve dont on faifoit le plus honteux des fpeâiacles , pour s'aflurer de la validité d'un mariage & de Tha- bileté des mariés ? bien - tôt il s'en feroit fait une Loi , fi l'au- torité du Prince , &: la fagelîc des Magiftrats n'en euflent arrê- té l'abus. Faffe le Ciel qu'ils ap- perçoivent encore toute la hon- te de celui que nous combat- tons , ôc qu'il foit déclaré qu'il eft contre l'honneur d'une fem- me chrétienne de fe laifTer voir & toucher , fans une indifpen- fable néceflîté , par un Accou- cheur; puifque les Magiftrats de l'ancienne Rome refuferent mê- me d'ordonner à une Dame ac- cufée , de fe laifTer voir à une femme. En voici l'hiftoirc : un certain Carvilius fe plaignit de- vant les Juges de l'inhabilité de

d'accoucher les femmes, 8 1 fa femme à le rendre père : il de- manda que les yeux des Sages- femmes en fiflTent l'examen : il fut blâmé oc débouté : (a) j^^ mAtronale decus verecundiji mwai" mento tutius ejfet , in jus vocrnti ( marito ) matronam cor fus ejus at» tingere non fermiferunt , ut invio- lata manùs aliène taclàJioU relin^ queretur.

CHAPITRE VII.

^e les femmes font auffi capables

de pratiquer les accouehemens

que les hommes.

D'Oii viendroit aux femmes cette prétendue incapacité ? feroît-ce de la délicateiïe de leur corps 6c de Lîur peu de forces ? feroit-ce de la foiblefle de leur efprit ? feroit-ce de Tignorance de leur fexe ? mais tous les ac-

( ^ ) VaUr, Maxim .î,z,c,i. atr». % .

il De l'indéccrue aux hommes conchemens ne font pas labo- rieux : ainfi pour Tordinaire il faut plus d'adreffe & d'habitude pour cette opération que de vi- gueur 6c de forces. Mais s'il eft vrai que les femmes font au moins auffi adroites de leurs doigts que les hommes , puif- qu elles ont plus de finefTe ôc de délicatefTe qu'eux dans les orga- nes 5 il ne leur faudra que de rhabitude , dont elles font auffi capables certainement que les hommes ; puifque pour cela el- les n'auront befoin que de vie & d'occafions pour fe former la main : or elles vivent autant que les hommes , &: elles trouveront infiniment plus d'occafions qu'- eux , quand les hommes vou- dront fe renfermer dans le né- ceflairc , & abandonner , com- me ils le doivent aux femmes ^ tous les accouchemens ordinai-

res.

Ces occafions d'ailleurs de-

d'accoucher les femmes. 85 viendroient d'autant plus fré- quentes 5 que les couches des femmes devicndroient plus rare- ment laborieufes , les Sages- femmes feules s'en mêloient : voici comment.

Les couches ne deviennent ordinairement difficiles , que parce que les femmes font mal gouvernées dans leurs grofleffes ; &: elles ne font mal gouvernées alors , que parce qu*elles ne prennent pas d'afïez bons avis j elles ne fe trompent enfin dans la conduite qu^on leur prefcrir , que parce quelles s^adrelîent mal , c^eft-à-dire , à gens incapa- bles de ces fortes de eonfèils. L^aiTiduité des Accoucheurs au- près d'elles , dès qu elles fe foup- çonnent grofles, engage infenfî- blement leur confiance. Ce font des hommes , & c'eft pour elles un titre d'habileté , perfjadées qu^elles font , qu^un nomme cft toujours plus habile qu'une fem-

84 ^^ l'indécence aux hom-mes me. De -là cependant arrivent mille méprifes : car les Accou- cheurs n'avant jamais fait les é- tudes néceflaires par rapport aux maladies des femmes grofles , ne s'étant d'ailleurs deftinés quà des fon£tions manuelles, ils ne doivent guéres être en matière de groflèfTe plus éclairés que des Sages- femmes 5 qui comme eux ne fe font inftruites que du ma* nucl des accouchemens. Ajoutez que les maladies des femmes grofles demandent plus d'habi- leté que toutes les autres. Puis donc qu'un Accoucheur ferccon- noit incapable de traiter les ma- ladies ordinaires , on peut con- clurre qu il expofe étrangement une femme grolTe quand il en- treprend de la confeiller: c'eft cependant ce que les Accou- cheurs font tous les jours ; &: c'eft de-là que viennent tant d'accouchcmens laborieux. Pour fc convaincre qu'en ceci

^accoucher les femmes, % ^ rien n eft exagéré , il ne faut que s'appliquer un moment à con- fidérer tout ce qui fe paffe dans une femme à Toccafion d'une grolîeffe , les amas qui s'y font , le fuperflu qui s'y amalle , les re- tours de ce fuperflu dans les vaif- feaux 5 les impreffions qu'il va faire fur les vifcercs , les vices qu'il va porter dans le fang , dans le iue nerveux , 6c dans toutes les liqueurs qui fervent à la vie : joignez à tout ceci les défordres qui arrivent dans les digeftions , les mauvaifes diftri- butions qui en fuivent, & les crudités qui s'accumulent. Tant d'occauons prochaines de mala- die demandent une autre habi- leté que celle de la main. Il faut un fond d'ufage , mais d'ufagc é- clairé , qui fçache ménager ce fuperflu , qui en prévoye Tes in- convéniens , qui en prévienne les amas 6c les crudités. Or tant d'avantages dépendent d'un ré-

t ^ T>t rindccenct aux hommes gime bien entendu , & d'évacua- tions fagemenc placées j deux chofes qui font abfolument au- deffjs de la portée d'un Opéra- teur , c'eft-à-dire , d'un homme exercé aux opérations de la main. Une Sage - femme n'en fçaic pas certainement plus qu'un Ac- coucheur en pareil cas , on en convient : mais elle fent fon foi- ble; 5c fon peu de capacité la rend fage & circonfpecte , ou fa modeftie lui fait prendre confeil de ceux que la Providence a éta- blis fes Juges &: fes Maîtres : au lieu qu'un Accoucheur n'en re- connoît point d'autres que lui- même , qu il conftituë par fon autorité privée Dictateur & inf- pefteur en chef des maladies des femmes -, comme fi pour avoir reçu des enfans toute fa vie, il ctoit devenu fouverain en A^é- decinc & comme fi c'étoit la mê- me chofe d*accoucher une fem- me , & de prévenir ou guérir fes

^aiCouchcY Us femmes, 87 maladies. Cependant qu'on lui demande les titres qui lui don- neroient droit de faire une Mé- decine qui eft la plus difficile , il n'en aura point d'autres que fa préfomption ôc fa témérité. Car enfin jamais la Chirurgie ne don- na droit ni habileté pour faire la Médecine, 6c un excellent Chi- rurgien peut être un très-mau- vais Médecin. Faffe donc le ciel , que cette entreprife audacieufe ôc dangereufc à la Religion & à TEtat , attire un auffi fage règle- ment que celui , qui par les foins du plus grand ( a ) des Médecins, a délivré Paris de tant d'autres avanturiers en Médecine.

Mais on ajoute , que les fem- mes ont naturellement l'efprit ou trop borné , ou trop foible ; 6c que ce font des ignorantes , très-peu propres à tout ce qu'il faut fçavoir pour bien pratiquer les accouchemens.

( /i ) M. Fagon premier Médecin.

88 Z>^ r 171 décence itnx hommes

Ce neft point ici le lieu de faire Tapologie de lefprit des femmes , 6c d'examiner fi elles feroient propres ôc habiles aux Sciences : ( 4 ) cependant on ne craint point de dire en pafTant qu'il n'y eut peut-être jamais de i foupçon plus mal fondé , ni d'ac- cufation plus injufte. L'efprit de la femme eft de même nature que celui de l'homme , crée de la même main , anté pour ainfi dire ou renfermé dans la même ma- tière , également organizé. C'eft dans les deux fexcs une fub (lan- ce ésialement immortelle , defti- nce a connoitre, a aimer , a voir enfin le même Dieu , faites pour \^s rnêmes fonctions : d'ailleurs le corps de la femme fit d'abord

( 4 ) Il faut voir là-deflTus , Nobtlîljlmx Vir- gitiis Année Maria; a Schiirman , Disert, de in- génu muliebris ad dotlrinam Ù" muliores Ht- feras aptitudine. Voyez aufli, Sommaire des grands biens que Dieu a donnes aux femmes plus qu'aux hommes , ^ar M, Bonnet DoClçnr es Droits,

partie

Jf accoucher Us fanmts. %<^ partie de celui de rhommc , donc le Créateur détacha une portion: pour créer celui de fa compagne. D'où vicn droit donc cette iné- galité d'efprit dans les deux fe- xes ? feroic-ce de l'inégalité des organes ? ils font même plus dé-, licats dans les femmes que dans les hommes . Seroit-ce par le man- que de difpo&ion ? on les a vues capables de tout bien dans Poe- cafion , de réHexion , de pruden- ce , de force , de réfolution , ^c. On a vu des Sçavantcs , àts Hé- roïnes, des (4) Politiques. Se- roit-ce donc pour rendre la fem- me plus (oumife, que Dieu l'au- roic fait ignorante ? mais la né- ce ffi à la femme de fe foumet- tre , a une autre caufe dans 1*E- criture. Ne feroit-ce pas d'ail- leurs avilir l'homme , que de ne le faire dominer que fur des igno- rantes ôc de petits efprits ? Il eft

(tf ) Viài Vhlog, HçYQînarum AuuVetr*

H

ço I>e rïndeceme aux hommes donc plus naturel de penfer que les femmes ne font ignorantes que parce qu'on les rend telles : elles deviendroient habiles , (rf) fçavantes, éclairées , fi onculti- voit leurs efpritS; puilqu'on a mil- lion d'exemples {o) de tout ce qu*- elles peuvent , & c'eft prcfqu'au- tant que les hommes en fait de Sciences , fi on les y appliquoit^

Du moins trouvera-t'on en el- les plus d'efprit qu'il n en faut pour être d'habiles 6c de fçavan- tes Accouchcufes: il ne faut qu'- examiner en quoi confifte cette Science,

Il y faut de la probité : perfon- ne n'en témoigna tant que les Sages - femmes d'Egypte. C'efb aux Accoucheurs à produire des titres de probité auffi anciens &: aufli authentiques. Y faut-il de l'honneur ? les femmes en font

(«) M. Bonnet , ibid. {h) Vîd. LoThîchhm de Nohilit. & ferfe^; fexiij femimi 3 f^arf.

d* accoucher les femmes, 9 1 plus jaloufes que les hommes j de la Religion ? elles en ont juf- qu au fcrupule. Des maris peu- vent-ils donc confier leurs fem- mes &: leurs enfans à des mains plus {lires ? S'il faut gagner la confiance d'une pauvre fbufFran- te , qui le fera mieux qu'une perfonne de même fexe , qui au- ra éprouvé les mêmes embarras ; qu'une femme enfin naturelle- ment compatifiJante , plus con- folante &: plus adroite auprès des malades que quelqu'homme que ce fbit ? f ^ ) Refte la Scien- ce dont certainement une Sage- femme a befoin auffi en eft-elle très-capable :en voici la preuve. Elle doit connoître le fujet fur lequel elle a à travailler : ica- voir la ftructure , la fituation ; les difFérenccs ôc la nature Ats parties : & pour tout cela , il ne lui faut qu'une très-légère & très-

( 4 ) Uhi non ejl muliçr 5 ihi ingemifch csgsw

Hij

l

€)i De r indécence aux hommts Inperficielle connoifTancc ca Anatomie , qui ne demande que des yeux , de la mémoire , & un peu d'application. Joignez à ce- ci Tapprentiflage, pour ainfi dire, qu'elle ira faire dans les Hôpi- taux ^ fous les yeux d'habiîes femmes confommées dans leur profeffion , telles qu ont été tant de célèbres Sages - femmes des ^écles palTés , & telles que font encore celles qui travaillent tous les jours heureufement dans THôtel-Dieu de Paris. En voilà certainement autant qu'il en faut pour former de très -habiles Sages- femmes , &: plus fans dou- te que n'en font les prétendus Accoucheurs pour fe rendre ha- biles dans ctt Art. Car enfin quels eflais a fait un Accoucheur avant que de fe donner pour tel dans le public ? quelles autres femmes a-t'il accouchées ou vu accoucher , avant celles qui les

d'accoucher les femmes, 9 3 premières fe livrent à lui ? Ce font donc autant de coups d'efTai qu'unAccoucheur va faire quand il entre dans le monde. Mais oit eft alors la {ureté d'une pauvre femme qui va devenir la matière de fon chef-d'œuvre ? Ce fera l'on veut un homme verfé ea Anatomie & confommé en Chi- rurgie ; m^ais il eft novice Accou- cheur ôC fans expérience , qu'un accident imprévu ,. ou Timpatien-- ce d'une femme va déconcerter. Le public trouvera donc dans une jeune Sage -femme le plus grand des avantages de cette profeffion j avantp.ge dont un nouvel Accoucheur fera privé ; c'eft l'expérience qu'elle a par- devers elle , & qu'un Accoucheur ne fçauroit|fe donner qu'aux dé- pens du public^ parce qu'il n'y a aucune Ecole pour drefler des Accoucheurs , & qu'il y en a pour former des Sages-femmes, Il paroît donc prouvé qu'une

t)i\. De r indécence aux hommes femme a plus d'erprit , de force , hL de fcience qu'il n'en faut pour pratiquer avec fuccès les accou- ehemens.

CHAPITRE VIII.

Oti l'on refond au rejîe des Objections qtion fait contre Us Sages- femmes,

Première Objection.

ON demande s'il n'eft pas vraifemblablc qu'un Ac- coucheur déjà exercé dans Part d'accoucher , mettra moins les femmes en danger ; 6c qu'il fera plus habile qu'une Sage-femme ? Rep, i^. Qu'un femblable Ac- coucheur ne mette pas les fem- mes en danger , on le veut croi-^ re : mais fans compter les fautes que fes comme ncemens lui au- ront coûté , 6c les dangers qu'- auront efluyés celles qu'il aura

d'accoucher tes femmes. 9 5: accouchées d'abord^ fon exem-

Î)Ie fera une occafîon d'un mil- ion d'autres fautes pour un jeu- ne Accoucheur , qui aura à fe Eerfeclionner aux dépens du pu- lie. ^^, On accordera encore l'^on veut , qu'il fera plus habile qu'une femme ^ mais ce ne fera pas de cette habileté nécefTaire pour les accouchemens : car une Sage-femme peut en fçavoir là- defTus autant qu'un homme. 3^» Enfin s'il a plus de cette fcien- ce inutile , il a de trop en- core ia qualité d'homme , qui cft un empêchement dirimant pour fe faire Accoucheur hors les cas de néceffité. La Loi com- mune & Tordre établi dans tous les tems , c'eft qu'une femme en accouche une autre : ce fe- roit donc aller contre l'ordre ôc enfreindre la Loi en faveur d'un homme , qui n'a rien de plus qu'une Sage -femme pour bien pratiquer les accouchemens dans les cas ordinaires.

ç$ De l'indécence aux hommes Seconde Omection.

Mais d'où viennent donc tant de malheurs entre les mains des Sages - femmes ? pourquoi tant d'ignorance 6c d'impéritie ? ne fonr-ce point de fuffifans motifs pour donner droit aux hom- mes d'entreprendre les accou- chemcnspréférablement aux Sa- ges-femmes ?

Ref, Mais 1°^. fi Ton ramaffbir avec autant de foin &: auffi pea de charité les fautes des Accou- cheurs ; Ç\ ceux qui font capa- bles d'en juger êc qui font té- moins vouloient ouvrir la bou- che , peut-être ne trouveroit-oa d'autres différences entre les fau- tes des uns &: des autres , finon qu'on a foin d'expofèr au grand jour les fautes des unes , tandis qu'on fe tait fur celles des au- tres. 2®. Mais accordons cette ignorance ^\ exagérée : à qui plus raifomiablement s'en prendre ,

ou

d* accoucher les femmes. 97 Ou aux femmes , ou à ceux qui les interrogent , qui les exami- nent , & qui les reçoivent ? Ce font Meffieurs les Chirurgiens eux-mêmes qui jugent de Phabi- leté des Sa2:es-femmes : s'ils les trouvent mal inftruites , pour- quoi les donner au public pour habiles ?

Mais voyons fi la conféquen- ce qu'on tire de l'ignorance des Sages-femmes eft bien tirée. Les Sages - femmes font ignorantes ; donc il faut leur fabftituer des hommes pour faire leur profef- fion : la conclufion naturelle fe- roit celle-ci , dohc il faut les inf- truire ôc les rendre plus capa- bles.

C'eft ainfî que raifonncnt les meilleurs Auteurs , qui ayant en effet remarqué qu*il y avoic trop d'ignorantes Accoucheufes, n'ont point conclu à mettre des Accoucheurs à leur place , cette idée les auroit fans doute cho-

I

ç8 De l'indécence aux hommes qués ; il ont donc conclu qu'il falloir les mieux inftruire. C'eft le raifonnement d\m célèbre Médecin [a) d*Allemagne j qui ne s*efl: point avifé d'obliger les femmes à fe fervir de Chirur- giens dans leurs couches- mais qui confeille de faire mieux inf- truire les Sages- femmes. De mê- me un célèbre Praticien {h) ^ Profefleur en Médecine à Turin, ( quoique le Piémont ( r ) & l'Ita- lie foient les lieux fe trou- voient alors moins d'habiles Sa- ges-femmes,) n'a point décidé en faveur des hommes ; mais il conclut à établir des Accou- cheufes mieux inftruites. Il faut donc obliger les Accoucheufes à fe faire inftruire , & à étudier leur profefFion \ & dans cette vue à affifter aux directions anato- jniqucs qu'on leur fera , comme

{a) Bohn.offic. de Medic.f. >; 70. &c» (h) Augen. confU.pAg, 336. &c, {c) îLibid.fag.in,

^accûucher les femmes, 9^ il leur eft enjoint dans les Facul- tés d'Efpagne. (rf) Ce moyea (ufEra pour remédier aux incon- véniens de Tignorance des Sages- femmes , fans établi- un corps de nouveaux Ouvriers dont le monde peut aifément fe pafler. Si d'ailleurs il failloit ôter de place tous ceux qui s'aquitenc mal de leur devoir , il faudroit prefque déferrer les profeffions , ôc changer toute la face du mon- de : il fuffit de réformer les abus , fans détruire ou ruiner ceux qui les commettent.

Troisie'me Objection.

On ajoute qu on eft fait aux Accoucheurs , & que le monde n*y trouve point à redire.

Rep, Mais 1°. la piété s*en of- fenfe : la coutume d'ailleurs n'ex- cufe jamais un mal qui en eft d'autant plus grand quand il vient d'habitude. Il ne faut donc

{a) Utd.

lij

îoo 'Dettndiccnce au-x hommes qu*cxaminer , comme on vient de le faire dans cet ouvrage , c'eft mal à une femme chrétien- ne de fe faire accoucher par uii homme , auquel cas la coutume ne fera que groffir la faute.

2°. Le monde , ajoute-t'on , n'y trouve point à redire. Mais à quoi ne s*accoutume pas le monde, & à quoi ne nous ac- coutumcroit-il pas , fi on le jpre- noit pour guide en fait de Reli- gion ? la paffion même lui paroît fouvent aimable , ôc il autorife ordinairement d'indignes ufa- ges : {a) Terre na civitas li citant tuYpitHclinemfecit, Il fera encore tin peu plus mauvais juge quand \ç,% chofes l'intéreireront autant que celle-ci : car qui ne craint de contrarier une femme grofle, qui a déjaaflez à foufFrir de fon état; &: à quoi ne fe réfout-on pas en fa faveur à la veille de {ts couches , & lorfqu'elle va don- ner un héritier ? ) A^iufi, à< çivft* /. 14» ç» ^h

et accoucher Us femmes, i o t 5°. Enfin le monde n'a jamais été averti de ce défordre , il a vécu lur la bonne foi des Accou- cheurs , qui ont eu foin de lever fes fcrupules. Mais il n'en eft

f>lus de même aujourd'hui qu'on ui fait appercevoir les dangers de cette pratique , ôc combien elle eft contraire à la pureté ôc à la bienféance. Ce monde ne mérite donc plus d'excufe à pré- fent qu'il doit comprendre qu'u- ne femme ne rifque pas plus entre les mains d'une Sage-fem- me , qu'entre celle des Accou- cheurs.

Quatrie'me Objection.

Perfonnc n'ignore combien de chofes on peut fe permettre pour ia fanté , & les égards qu'on lui doit cxcufent bien des inconvé- niens.

Réf. Mais n'eft-cc point met- tre la fanté \ trop haut prix , que de lui tant accorder ? n^eft-ce

liij

îoi D^ r indécence aux hommes j)oint en faire runique nécef. iaire ? L'Apôtre appelle ravaricc une idolâtrie j il en efk donc de plus d'une forte ; ôc n'en feroic- ce point une que de fe dévouer fort au foin de fon corps , ôc d'en ménaser fi avarcment les intérêts? peut-être quune at- tention médiocre pour la fanté auroit quelque chofe de plus fiir pour la vertu : car fi un homme moins riche a moins à craindre qu'un opulent , 6c fi la piété rif- que moins dans une condition médiocre que dans une émincn- te dignité ; qui doutera qu'une fanté moins affermie , cxpofera moins la vertu ? Mais ce n'eft même rien de ce foin qu'on veut ici diminuer dans les femmes ; & on ne prétend en rien expo- fer leur fanté : on ne veut que diminuer leurs craintes entre les mains des Accoucheufes ; elles n'en feront ni moins habilement ni moins fûrement fecouruës.

d* Accoucher les femmes, 103 Cinquie'me Objection.

On demande encore en quoi k pudeur eft étrangement bief- lée 5 quand une femme accouche entre les mains d'un homme ? cette vertu a-t'elle donc plus à fouffrir alors, que quand une femme , une fille , une Religieu- fe fe livrent à un Chirurgien , pour foufîrir des opérations dans des parties fecrettes ? Enfin on demande , s*il eft plus honteux à une femme de fe laiflèr accou- cher par un homme , qu'à une fille , peut-être à une Religieux fe 5 de fe foumettre à Tapplica- tion de certains remèdes (a) ca- pables de falii; ou d'exciter l'ima- gination^,, ôc d^^rjxïer de hon- teufes pe*>2: r''0-> ^ordonne ce- pendant ly^as les jours ces remè- des 5 & il fe trouve des perfon- nes pieufes qui s'y foumettent , fouvent même dans des maux { ) Enemata uterina , nafcaîta, I iiij

Î04 T>i V indécence auic hommes qui font plus incommodes que dangereux , ou qui ne menacent que pourTavenir.

Réf. Ces raifons pourroient furprendre ; mais en voici le foi- ble. Ces opérations que fouf- frent ces perfonnes par la main des Chirurgiens font pour gué- rir des maux incurables fans ces fècours , que d'autres que des Chirurgiens ne peuvent admi- niftrer , tandis que les accou- chem^ns qu'on entreprend in- terdire aux Accoucheurs , font fans danger & pratiquables par d'autres , c'eft-à-dire , par les Sa- ges-femmes. La néceffité donc excufe ces opérations comme el- le excufe un Accoucheur quand lui feul peLti?"^-iverA-yie à une femme : ôc c'àtt deqicf ï'^'^on con- vient fuivant cette (4) maxime de faint Thomas , qu'il y a cer- taines actions , qui tout bien confîderé renferment une dilTbr- (a) Voyez Loyens , Tr, des Pi%»

d'accoucher les femmes, i o j mité & un défordre , 6c que néanmoins certaines conjonctu- res peuvent rendre bonnes 6c li- cites. Mais ce raifonnement en fait naître naturellement un au- tre , qui doit fervir de preuve à tout ce qu'on vient d'établir contre les Accoucheurs.

Ne fe rencontre -t'il pas des femmes ou des filles , qui préfè- rent la mort à la honte de ces opérations ? nous en avons ap- porté un exemple dans la per- fonne d'une grande Princeiïe j ôc quand le monde feroit dé- pourvu de ces martyres de la pu- deur , les Cloîtres réguliers four- niroient bon nombre de c^s for- tes de vidlimes : cependant s'a- vifa-t'on jamais de faire un cri- me à ces perfonnes de leur cou- rage ? ne loiie-t'on pas au con- traire leur amour pour la pu- deur? Or fi c'eft une marque de pudeur de priver de ces fe- cours 3 ne feroit-ce pas une force

ic^ "De l'indécence aux hommes de faute contre cette vertu que de fe les accorder ? ne feroit-ce point du moins une forte de foùîllure dans une Chrétienne , puifqu'un Payen a reconnu qu il eft des occafions , oii fans fe ren- dre criminel , on s'expofe à tou- te Pinfamie du crime? [à) ,^ï vïtaverunt culpam , non vitave^ Yitnt infamiayn.

Tout ceci doit du moins faire entendre, qu'il n'y a que la feu- le menace de la mort qui excufe lesfemmxCSj qui contre leur in- clination 6c une feule fois dans la vie , fe-lailTent voir par un Chirurgien. Que penfer donc de celles qui de propos délibéré fe font une habitude de fe laifler voir &: toucher par un Accou- cheur fans aucune néceflîté !

Quant aux ordonnances qui fe font de certains remèdes dan-

( a ) Senec. àe ccnfol. ad Helviam ^f.m.m* îl paîle en cet endroit de la retenue d'une Dame.

i accoucher les femmes, T07 gereux à la pudeur, on n'entre- prend pas de les juftifier : car on ne voit pas trop les raifons qu on peut avoir de mettre des confciences à de telles épreuves. Ce qui paroît certain , c'cft que les Pères {a) qui craignoient fi fort tous les fecours de la Méde- cine , de peur qu'ils n'accouru- maiïent des Chrétiens , qui ne dévoient s'occuper que d'idées de pénitence &: de mort, à une vie molle & relâchée ; les Pères , dis-je , auroient en horreur des remèdes qui vont à mettre la pu- reté en danger. A Dieu ne plaife donc , que Ton prétende autori- fer de telles pratiques : la fanté de qui que ce foit , fur tout d'u- ne chrétienne, ne doit pas être ra- chetée à des conditions fi humi- liantes à la nature ^ 6c fi ^ixA-

(a) Voyez Saint Ambroife fiir le PH 1 1 S, Serm. ii.tom. i.pag. 1253. S. Bafil. Regul, interrog. 5^. 140. S. Bern. e-^ijl l^'). 440. &c* Samts Thérefe , Chem. de la perfecl. ch. i

îo8 "De l'indécence aux hommes leufes à la vertu- la mort en ce cas devient préférable.

Il eft inutile de dire , que ces- applications fe font en lecret , fans le fecours de mains étran- gères , 6c fur des perfonnes iîm- ples &: innocentes. Car i^. une faute dérobée aux yeux des hom- mes n'en eft pas moins énorme devant Dieu : peut-être même feroit-ce s'expofer à une double faute, en joignant la diffimula- tion au crime, i". L*outrage qui fe fait à la pudeur eft le même ^ de quelque main qu'il parte. qu'importe qu'on s^ôte la vie à foi-même , ou qu'un autre la ra- viffe } la mort en eft-elle moins réelle ? 3°. L'ignorance & le dé- faut d'intention n'excufe pas toujours : ils ne peuvent au plus qu'affoiblir une faute commife par une action criminelle par elle-même , quand on ne la con- noît pas pour telle. 4^. Enfin quelle iimplicicé peut tenir coa*

^accoucher les femmes, 109 tre une occafion toujours pro- chaine de tomber dans une fau- te grolîîére ? Mais cette matière ne foufFre pas qu on la crcufe davantage : c'en eft aflez pour faire connoître que c'eft mal juftifier les fonctions des Accou- cheurs 5 que de les comparer à lackion de certains remèdes dé- fendus ou fu{pe£ls d'obfcénité ; car on convient des inconvé- niens qu'ils traînent après eux ; on les condamne comme dignes d'être à jamais profcrits d'une profelîîon auffi chafte ôc auffi fa- ge que la Médecine.

Sixie'me Objection.

Mais fi c'eft, ajoute-t'on , de la nécelTîté qu'il faut i la profef- (ion d'Accoucheur pour la ren- dre licite 6c autorifée ^ il y a de- quoi la rendre très-r'ecomman- dable. Pour cela il ne faut que faire attention au progrès que l'art d accoucher a tait entre les

110 De l* indécence aux hommes mains des hommes , les fuccès qu'il a dans le public , les obfcr- vations dont il eft enrichi , les livres 6c les traités que les Ac- coucheurs ont mis au jour. Des femmes ignorantes 6c non let- trées étoient-elles capables de ces productions ? auroient-elles

f>û valoir tant de crédit 6c de umiere à la profeffion ? tant d'u- tilité enfin à l'Etat 6c à tout le monde ? Voilà certes des titres de néccffité , de préférence mê- me, s'il en fut jamais.

Rcf. 1°. Eft-ce donc que les femmes accouchent fans dou- leur depuis qu'elles fe font don- nées des hommes pour les aflîf- ter ? ce progrès feroit digne de leur habileté , 6r rien ne les ren- droit plus néceffaires j mais ce progrès eft encore à venir , dcce qu'ils ont découvert de nouveau eft peu de chofes au-defTus du rien. Les travaux des couches font encore fujets aux mêmes in-

d'accoucher les femmes, \ 1 1 convéniens , Tenfant ie préfence aulîî fouvent mal , & les maniè- res de le redrefTer font les mê- mes que dans les tems pafles. Tout cela étoit écrit , les Accou- cheurs l'ont appris , &: au lieu d'en inftruire les femmes , ils s'en font- inftruits eux-mêmes , &: fe font mis en leur droit ôc place : c'eft à la vérité une forte d'infi- délité qu'ils ont commife ; mais ils ont crû que le public y ga- gneroit , en lui donnant des Maî- tres Accoucheurs au lieu d'Eco- lieres.

2^. Les fuccès qu'on vante tant ne font ni plus nombreux , ni plus merveilleux entre leurs mains qu'entre celles des fem- mes: car enfin meurt-il moins d'accouchées que par le paffé dans le monde ? u on le prétend , pourquoi en meurt -il auffî peu dans les Hôpitaux il n'y a point d'Accoucheurs , que dans le monde qui commence à s'en peupler ?

iji De rindécence aux hommes

3^. Les obfervations dont ils fe parent , regardent ou le ma- nuel des accoucliemens , ou la Médecine , c'eft-à-dire , les re- mèdes qu'il convient d*y em- ployer.

Le manuel eft pour des cas or- dinaires 5 & pour lors les fem- mes pourront auilî quand elles voudront écrire des obferva- tions : ou il eft pour des cas ex- traordinaires 5 dans lefquels il s'agit fur tout d'opération ; ôc alors ce feront les mêmes cas dont on prétend réferver la pof- feiîion aux Accoucheurs. Que ces obfervations regardent la Médecine, ce fera une reftitu- tion qu'ils auront à faire à Mef- fîeurs les Médecins , de qui ils les auront empruntées. Car , pour le dire en paflant , ce que ces Meffieurs ont mis en Fran- çois , fe lit dans cq.s gros &: nom- breux recueils de préceptes ôc d'obfervations , que les Méde- cins

Jt Accoucher les femmes, 115 cins ont ramafles fur les mala- dies des femmes. Reftituanc donc à chacun ce qui lui appartient , aux Sages-femmes le courant des accouchemens ordinaires , aux Médecins l'honneur de l'inven- tion êc de robfervation en tout ce qui regarde les maladies des femmes , il reftera au profit des Accoucheurs la gloire d'avoir traduit &: emprunté des livres de Médecine d'excellentes ob- fervations. Il fera donc plus fdr pour les femmes , de tirer les confeils de Médecine de ceux-li même qui inftruifent les Accou- cheurs j parce qu'il pourroit ar- river qu'ils ne feroient que de mauvais copiftes d'excellens ori- ginaux , comme il arrive que des ruiffeaux bourbeux partent de iburces très-pures* Il refte donc prouvé, que la profeffion d'Ac- coucheur eft auflî peu néce{îaire que mefTéante dans les cas dac- crouchcmens ordinaires , &: qu'oB.

114^ D^ f Inde cerne aux hommes peut alors s'en pafler fans que le public en fouffre.

Septie'me Objection.

Les Accoucheurs efïayeront fans doute d'intéreirer la Chi- rurgie dans leur caufe. Ils pu- blieront qu'on ménage peu dans cet ouvrage l'honneur de cette profeffion , &: qu'on manque à la juftîce qu'on doit à la (cïcnct ôc à l'habileté de ceux qui l'exercent avec tant de diftinftion j que la Chirurgie a fes principes 6c fes lumières qui éclairent 6c qui inf- truifent ceux qui s'y font rendus habiles ; bc qu'un Chirurgien n'ignore pas allez le corps hu- main , pour lui difputer abfolu- mcnt la connoiflance de ce qui peut lui convenir.

Rep, Mais font-ce des Chirur- giens qu'on attaque ici ? ce font àQS Accoucheurs , c'eft-à-dire , im genre nouveau d'Opérateurs inconnus à nos pères , une forte

d'accoucher les femmes 1 1 j <d'amphybie malaifée à définir, une profeffion douteufe. Car un Accoucheur ne fe donne plus pour Chirurgien , il eft au-det lus , il lui ordonne ; deforte que s'il faut faigner , opérer , panfer , un autre Chirurgien que l'Ac- coucheur exécutera , tandis que lui raifonnera , confeillera , or- donnera. Que la fièvre & fem- blables maux furviennent à une accouchée y lui feul encore don- nera (es avis, fera des ordonnan- ces 5 &: mettra en befogne la Chirurgie , laChymie &: la Phar- macie. On doute que Meffieurs ]es Chirurgiens fc reconnoiflent dans cette conduite y on qu^ils l'approuvent : car outre qu'il ne convient pas à leur habileté de fe donner de tels maîtres , lei^ quels fouvent en fçavent moins qu'eux ; ils conviendront que leurs exercices n'allèrent jamais à ormer des élevés pour traiter des fièvres ôc des maladies d'ac»

Kii

1 1 g T>e t Indécence au>c hômnef couchées. On ne prétend done ici rien rabattre de riiabileté ^ de la fcience & de Tadrefle rner- veilleufe de Meffieurs les Chi- rurgiens 5 fur tout de Paris ; 6^ plût à Dieu que tous les Arts ou on cultive fous le Ciel euf- lent atteint le même point de perfedtion I Mais plus un Chi- rurgien fera habile , plus il fen- tira que fa profeffion pourra Toc- €uper honorablement & tout en- tier 5 6c qu il aura à peine de quoi fiiffire à tout ce qu*il lui faut d'efprit , d'étude Û, de médita- tion 5 pour fatisfaire à un em- ploi qui demande tant d'appli- cation , de prudence , &: de con- noiffànce. Ce feroit donc pour lui moins faire de progrès vers les Sciences que de larcins à fa

Ïrrofeffion , s'il ie dcroboit d'el- e, pour s'occuper de foins fu- pernus , ou s'il prétendoit à des connoiflanccs étrangères- IVlais

d'accoucher les femmes, r 17 ce fera enticrement fortir de cet- te profeiîîon , sll fait l'oppcfé de ce qu^on y apprend ; s'il pra- tique toute autre chofe que ce qu'on y étudie , en un mot s'il fe pare du nom d'un Art qu'il a uniquement étudier , pour en exercer un autre qu'il n'étu- dia jamais. Car enfin à quelle Ecole ou fous quels Maîtres ap- prit-il jamais à traiter les mala- dies des femmes grofles ou ac- couchées ? Ofera-t'il prétendre à cette fcience en qualité de Chi- rurgien y tandis que fes confrè- res plus habiles même que lui en chirurgie , ne ^'ç.n occupent pas. Mal à propos donc les Accou- cheurs prétendront mêler leurs intérêts avec ceux de la Chirur- gie, ils ne méritent plus fa pro- tection , puifqu'ils en ont fecoué le joug , & qu'ils fe veulent éle- ver au-deffus d'elle. Rien aa contraire ne relèvera tant la gloi-

ï T 8 ^^ V indécence aux hommes ^é^c» re &: le mérite de la Chirurgie 5 que de faire appercevoir que fes élevés cefTent d'être habiles , dès qu'ils s'éloignent de fes vues ôC qu ils fortent de fes régies*

Tin du premier Traité.

DE

LOBLIGATION

AU X

MERES

DE NOURRIR

LEURS ENFANS

PRETACE,

PRÉFACE

N ne fongeoic pas IMQ^ à donner cette fe-

i^— -^1 conde Diiîcrtation , quand on a commencé de travailler à la première : m.ais en examinant Tabiis Ton efl de fe fervir trop volon- tiers & fans néceffité d'Ac- coucheurs ^ on a apperçû ce- lui d ufer trop librement & fans raifon de Nourrices. On a donc crû devoir encore aider les mères à s'acquitter de leur devoir en ce point :

112 PR EFFACE.

& après les avoir rafîurées contre les frayeurs qu'elles fe faifoient d'être accou- chées par d'autres que par des hommes , on s'efl propo- fe de les ramener de Terreur elles font ^ de confier leurs enfans à des Nourrices étrangères.

Uentreprifè eft grande ^ il eft vrai : mais ce n'ert pas de la difficulté qui fe préfente dont il faut s'occuper , mais de la vérité de ce qu'on re- cherche y quand la matière eft auflî grave que celle-ci. Il ne faut donc pas s'effrayer fiir la réuflîte : les hommes nen font ni les garants p ni

PRFFACE. 123

les maîtres : il font quittes quand ils ont employé tout ce que la Religion ^ la raifon & Téquité exigent d'eux.

Dans ces vues , on tâche ici de déveloper tout ce que la nature demande en cette occafion d'une femme xie veniie mère , tout ce qu el- le a fait en elle pour cela , & tout ce qu'un nouveau -né eft en droit d'en attendre. Cette manière de perfiiader a engagé T Auteur en des rai- {bnnemens qui ne feront pas toujours à la portée des mè- res ; mais les Sçavans les comprendront : or nous a- vons befoin de leurs {ufïra-;

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124 LRETACE.

ges , pour appuyer & faire Valoir nos bonnes inten- tions. On a cependant don- né à ces raifonnemenS;, tout ce qu on a pu de tours & d'expreffions les plus fîm- pies & les plus propres à ga- gner tout le monde : on a épargné aux Ledleurs cer- tains termes de Tart ^ & on s'efl toujours renfermé dans une Mécanique naturelle ^ aifée à entendre à quicon- i que voudra y apporter quel- que attention. L'on s'eft fur tout abftenu de toute idée ou d'expreffions capables de bleffer les oreilles ou de falir fimagination. Ainfi les

PRET A CE. 12^

perfonnes les plus fcrupu- ieiîfès y entendront parler d'enfans & de couches fans en être offenfées. Cepen- dant parmi toutes ces re- cherches de Phyfique ^ d'A- naton^ie & de Médecine ^ on n'a pas laiffé que de mêler aflez de raifons , de faits , & d'obfervations à la portée des mères , aiTez intelligibles pour leur faire appercevoir leurs fautes paifées dans les nourritures de leurs enfans , Se pour les en préferver à l'avenir.

On efpére du moins qu'el- les feront touchées des rai- fons de Morale^ & des ma- L iij

ii6 PRETACE.-

xîmes de Religion , dont on leur rappelle la mémoire fur ces matières. Elles verront les exemples de Saintes fem- mes y de pieufes mères & de grandes Dames ^ qui ont été dans l'ufage de nourrir leurs enfans elles-mêmes : elles feront étonnées d^ apprendre que leur famé rifque plus en ne nourrillant pas ^ qu^'en s'a- quittant de ce devoir natu- rel : elles s y trouveront en- fin raflurées contre les crain- tes de foiblefTe ; de délica- teffe & d'infirmités préten- dues^ dont elles ont été frap- pées jufqu'à préfent : & avec un peu d'attention & d'é^^

PRET A CE. 127

quké y elles conviendront qu il y a beaucoup plus à ef^ pérer qu'^à craindre pour el- les , fi elles entrent comme il faut dans les raifons & les ufages qu'on leur propofe.

Ce n efl pourtant pas qu^- on veuille condamner tou- tes les femmes infirmes ou délicates y à nourrir : on eft très -éloigné de cette pré- tention y qui deviendroit in- jufte & inhumaine : on con- vient au contraire des égards qu'on doit à un {exefî déli- cat & fi digne de ménage- ment : mais on attaque les prétextes faux ou mal en- tendus y fur lefquels on fe

L iiij

laS PRET A CE.

diipenfè trop aifément de nourrir. On permet donc à celles qui ont de véritables motifs de difpenfe ^ d'em- prunter des Nourrices : mais on y joint en même-tems les conditions & les réfer- ves de ces diipenfes. De forte que fi on fe rend aux vrais befoins^ c'ell toujours avec la précaution de mé- nager aux enfans tous les fecours qui font d'ailleurs au pouvoir des micres les plus délicates. On auroit voulu leur épargner tant de menus foins : mais c'eft par- ce que ces foins font menus > qu'ils ont befoin de Toeil

P PET A CE. iip

& du cœur d'une mère : tout autre y eft ou indifférent ou infenfible.

On s'attend que plufîeurs s^indi/poferont contre ctz Ouvrage : à quelles trilles conditions , s'écrieront - el- les y nous donne-t'on des en- fans ! & bien-tôt ^ comme les Juifs au Sauveur du mon- de y elles diront : Il ejl donc plus à propos de ne je point marier Ça). On voit comme elles y que la condition de mère devient par-là fort im- portune : car enfin que de contrainte 5 de contre-temsj, d'incommodités ^ s'il eft d'o-

(^) NlAîh, c, 19. V. 10.

X50 PR.FFACE.

bligation de nourrir Tes en- fans ! Mais fi ce font des convenances ^ des néceffi- tésj & des pénitences de Tétat ; fi cet Ouvrage fans rien exagérer ne fait qu en développer les raifons ; à qui stn prendre y ou à rOuvrage ou à la condi- tion l Elles en feront le- xamen : mais on eft fur que pour peu qu elles écoutent ce que la nature leur infpi- re^ & ce que la piété leur demande , dits {entiront que ce n eft pas un joug in- venté qu'on leur impofè , mais un devoir naturel dont on les avertit. Ce n eft donc

PRET A CE. 131

m par chagrin ^ ni par préju- gé qu'on leur parle ^ mais en interprète de la nature , qui ne les a pas moins faîtes pour nourrir leurs enfans, que pour les mettre au mon- de. Ainfi ce n'eft pas un droit rigoureux qu'on exer- ce contre elles : c'eil une juftice qu'on leur repréfente. D'ailleurs des meres rai- fonnables ou chrétiennes, compteront - elles pour rien le plaifir (a) de s'attacher leurs enfans par les liens les plus tendres & les plus forts, tels que font ceux de i'é-

(a) M. Guerin, Méthode d'éleveï les ea- jfans^pag. 27,

13^ PRET A CE.

ducation l Peuvent - elles plus dignement & plus ho- norablement fe contrain- dre ? Elles fatisferont leurs maris ^ gagneront leurs en- fans , édifieront le monde , s'honoreront elles mêmes. Goûteront-elles tant de vé- ritable joye dans quelque partie de plaifir que ce foit ^ & dans quelques îiaifons qu- elles fe faflent l Retireront- elles autant d'avantage de quelque commerce de la vie que ce puifle être ! Elles au- roient au contraire la con- fclation de voir dans leur conduite une occupation honnête fubllituce à un a-

PRET A CE. 133

mufement indigne : le tra- vail prendroit la place du jeu , & la vertu peut être celle du vice. La compen- fation eft-elle donc fi iné- gale ? Seroient - elles fi mal payées dun peu de con- trainte ?

Quelques - unes diront peut-être j, que c'eftune nou- veauté quon veut établir. Elles verront dans ce Trai- té que c'étoit la coutume des anciens tems. Peut-être attribueront-elles à fcrupule ces maximes contraignan- tes. Peut-être appelleront- elles rufticité^ impoliteifîe , ces devoirs naturels. Mais

Î34 PRE'FACE;

les Payennes ^ les Princef^ fès & les Reines s'y afîîijet- tiflbient. On fe flatte donc , que l'exemple gagnera do- rénavant leurs efprits , ôc que lamitié attendrira leurs cœurs ; que convaincues enfin par la Religion d une obligation fi eifentielle & pariaitt;ment prouvée , elles fentiront tout le plaifir defe contraindre par raifon , Sc de s'aiTujettir par vertu.

D E

I L OBLIGATION

AUX MERES

DE NOURRIR LEURS ENFANS (a);

Chapitre Premier.

^ue r obligation aux Mères de

nourrir leurs enfans ejl de

droit naturel.

fefev^ii d^ 5 P^^ ^^^ rapports ÔC

des convenances qu'el- le fait appsrcevoir , par des pan-

(a) Voyez la Méthode d'élever les[enfafis, par M. Guerin, Médv»cin de H Faculté de Paris , ch, 8, F. ?amç. /11/.4. ai Injiù, Rti^ubi^ fit, 6,

1^6 De rohligatlô^i aux mères chans qu'elle donne , par des ref- femblances qu elle forme , enfin par mille fortes de fentimens , aidées, 6c d'inclinations quelle trace dans le cœur &: dans l'ef- prit. Ce fera donc une obliga- tion naturelle , que celle qui par ces fortes de fentimens nous por- tera vers quelqu objet que ce loit. Mais cette obligation fera dou- blement fondée fur la nature li l'objet qui nous attire le fait par les mêmes raifons & par les mê- mes motifs qui le portent vers nous , fi fes iiaifons font réci- proques , Ces inclinations mu- tuelles, fes'convenances fembla- bles. Sur ces principes , quoi de plus naturel , que l'obligation à une mère de nourrir fon enfant ? On ne voudroit pas dire , que la femme ne foit propre à toute au- tre chofe qu à donner des enfans au monde , quoiqu'elle paroifle principalement faite à ce def- feiu ', puifqu il paroîtroit même

par

dt nourrir leurs enfans, j^j par rinftitution du Créateur , qu il auroit moins penfé à don- ner à l'homme une femme en la créant qu'une compagne ou une aide : mais elle tarda (i peu après fon péché à devenir mère , qu il a bien para qu un des princi- paux fecours qu elle apporteroit à l'homme , fer oit de fui donner des enfans. Ce fut même depuis un fecours ordonné , de qui de-- vint comme d'obligation : car la condition de mère qui avant fon péché auroit du être pour elle lans contrainte &C fans honte , fe changea enfuite en état d'humi- liation de de pénitence 5 {a) In dolore parles. Que il l'on ajoute à ceci la reiïburce de falut , que l'Apôtre veut qu'une femme trouve dans la condition de mè- re , {b) Mulïer falvahitur ferj-- liorum generationem , on com- prendra qu'une femme tant dans

(4) Genef.cap./^. (b) S, Pattlf ad Timoth, Ej>, i . r: 2 . 1 5;;

M

ï 3 8 T>e f obligation au>c mères Tordre de la nature , que dans celui de la Grâce eft deftinée à devenir mera

Ce n eft pas qu^elle ne la fut devenue , quand bien même elle feroit demeurée innocente : mais comme elle auroit mis au mon- de des enfans fans d^ouleur &: fans confufion , elle s'y feroit portée fans danger de crime ; parce qu elle n'y auroit point été attirée par le honteux panchaiic d*une nature corrompue , mais par une foumiffion d'ordre &: de raifon aune nature innocente, ou pour mieux dire à la volonté pure & à la deftination du Créa- teur. Aujourd'hui au contraire la nature feule a prefque la meil- leure part dans les m.ariages : 6c elle y domineroit fans doute feur le 5 fi la Religioa n en redtifîoix Fufage.

C'eftdonc de la nature que la femme tient aujourd'hui tout ce qu elle a de panchant ôc de

de nourrir leurs enfans. 13^ difpofition pour mettre des en- fans au monde -, parce que d*ellc feule lui vient tout ce qu'il faut pour les produire. Mais par les mêmes raifons on comprendra qu'elle fe trouve auffi naturelle- ment obligée de les nourrir , puifque la nature ne Ta pas moins pourvu de ce qui cfb néceflaire pour cela.

Par nature on doit ici com- prendre Tordre du Créateur : lui- même donc en formant la fem- me renferma en elle les germes d'autant d'hommes qu'il en de- voit jamais naître. Elle n'en eft donc que la dépofitaire ; elle les loge ôc les conferve jufqu au tems de la naiflance. Alors mê- me c'eft moins la production d'une nouvelle créature qui vient habiter le monde, que le déve- loppement & la manifeftation d'un être déjà créé qui fe produit au jour.

Une graine ou une femencc Mij

140 T>ttohlïgdtîon dux mtrcs qui contient en abrégé la plante ou larbre qui en doivent naître, fert de preuve à ce qu on vient d'avancer ; ôc le pouiîin renfer- mé dans fon œuf en eft une au« tre d'autant plus convaincante , que toutes les femelles dani- maux renferment naturellement en elles quelque chofe d'analo- gue oc de femblable. Or que ces êtres commencés, êcdctouttems dans le fein des mères , foient des animaux en racourci , on doit le croire d'autant plus , que ce qui eft renfermé dans uii gland eft l'abbrégé d'un vrai chê- ne. Mais puifque la raifon , qui ne nous fait rien découvrir dans - la terre qui puifle former un chê- ne d'un gland , ne nous laifîc rien appercevoir dans aucun des deux fexes qui puifte produire & arranger les parties d'un ani- mal \ il faut conclurre , que ces parties étoient toutes formées indépendamment des pères &:

de nourrir le tir s enfanf. 141 mères. comment dès -lors n'auroient - elles point été du moins tracées comme dans leur ébauche j puifque ces êtres im- parfaits ont du végéter , pour ainfi dire , dans le fein de la fem- me , avant même qu elle ait fon- à devenir mère ?

Voici ce qui doit en perfua- der : fuivant la penfée d'un Sca- vant [a) Médecin de ce fiécle , on apperçoit une circulation de liqueurs dans un animal nou- veau-né ; donc cette circulation fe faifoit déjà dans l'animal avanc même qu'il fut conçu. On ne di- ra pas qu'il tient cette circula- tion de la mère ; parce que le principe qui entretient la circu- lation eft indépendant d'elle : ce qui eft fi vrai , que l'enfant mis au monde conferve cet- te circulation tout féparé qu'il eft de {a mère. Le principe de cette circulation eft donc dans

(4; M. Pùcarne , DiJ[èrt.-$ag. loi.

Ï41 T^c F obligation aux mer es rcnfant , c'eft-à-dire, dans fou cœur. Voudra- 1- on prétendre que ce cœur fe fera formé par les loix du mouvement ou par les régies de Mécanique dans le fein de la mère ? Ce feroit donc fucceffivement que les parties du corps d'un animal fe feroient formées : ainfi le cœur fe feroit formé le premier , &: les autres or2:anesenfjite. Mais cette fuc- ceflion de parties ne s'accorde pas avec le mouvement du cœur, qui n'a pu battre avant la forma- tion du cerveau , de qui il doit indifpenfablement recevoir les efprits qui entretiennent foti battement. Le cerveau de même jî*a pu être formé le premier , ni avant le cœur , de qui il doit re- cevoir le fang pour former (qs efprits. Il faut donc que toutes CQS parties fe foient trouvées for- mées toutes à la fois : mais on ne peut attendre que du doigt du Créateur une produdion qui

de n&UYYÏr leurs enfans. 145 Te trouve d*abard complette dans toutes fes parties : aiiiiî ce ne fera que par une fuite ôc en vertu d^ la création des germes de tous les hommes que le Créa- teur a renfermés dans la pre- mière femme y que celle d*au- jourd'hui deviennent mères. La femme ne fait donc que fe prê- ter, quand elle fe marie , moins pour la formation d'un homme ,, que pour raccroiflement du ger- me que le Créateur a tranfrnis en elle par le moyen de la pre- mière femme. Mais comme la terre, fans rien donner du fien , concourt à la production des plantes , en tenant pour ainfî dire en digeftion leurs graines, ôc en leur tranfmettant la nour- riture quelle reçoit pour elles "des rofées & des pluyes du ciel , de même une femm.e enceinte communique au germe de Thom- me qui va naître de quoi en dé- velopper les parties , &: de quoi les îz'iXz croîcre.

Ï44 ^^ Vôhlîgatîon aux mères

Voilà donc la femme telle- ment obligée par fon état de mè- re , à nourrir fon enfant dès le moment qu il ne fait , pour ainfi dire que d'éclorre , que ce n eft même que par cela feul qu elle

f>eut mériter ce nom j puifqu el- e ne contribue en rien d'ailleurs à fa production 5 comme on vient de le voir.

Mais elle eft fi naturellement deftinée à ce devoir , que tout ce qui fe pafle en elle dans fa grolIefTe paroît s'y rapporter uni- quement. On en conviendra en comparant une femme enceinte avec elle-même quand elle ne Teft point : car c*eft par ces for- tes de rapports & de comparai- fons que la nature fe fait enten- dre.

On fçait qu'un homme dans fon état naturel , doit autant per- dre par les différentes évacua- tions qu'il reçoit par la nourri- ture 5 à faute de quoi il tom-

beroic

de nourrir leurs e y? fans. 145 î>€roic malade. Il n'en eft pas de même d'une femme : elle diffipe moins qu elle ne prend ; elle fait plus de fang quelle n'en em- ployé à fa confervation : 6c ce- pendant elle fe porte bien : c'eft qu'elle ne vit pas pour elle feu- le ,&: ce qu'elle a de trop eft moins un fuperflu qu'une provi- fion dcftinée à nourrir un en- fant, fi la Providence l'engage à ce devoir. C'eft par cette rai- fon que ce réfidu dont la nature la débarafïe fi régulièrement , eft retenu dès quelle devient en- ceinte.

Cette forte de prévoyance eft tellement de la nature , que dans les animaux qui ne portent point leurs petits , comme les oifeaux, elle a foin de ramalTer dès le feia de la mcre, & dans la coque de Toeuf qui renferme le germe , de quoi nourrir le poullin , jufqu'à ce qu'il puifle aller chercher ail- leurs de quoi fe nourrir. Eft-il

N

14^ ^^ l^ohligâtton aux mères des vues plus naturelles àc mieux exécutées ?

Si ces vues étoient moins mar- quées dans la difpofition &: dans la nature des mères dont on tra- ce ici les devoirs , on les rccon- noîtroit dans les femelles des autres animaux , par les foins qu elles fe donnent, & les précau- tions qu elles prennent à nourrir leurs petits.

S in lihet ex hrutis humânos dïfccrt

mores ; Affîce qujifit cura lup£ , vel quan->

ta le£f7£ Tafcendis catulis , aliarùm quanta

fer arum , Aut quam multa fuis pro fœtihus

afpera 7m fient Frdlidj qux duhïtent proprio tenta^

rc periclo. ^u^anta deindefuos cum follicitu^

dine nidos Mdlficent ^olucres ^ quanîo moli^

mine tutum

âc nourrir leurs enfans, 147

Ckm cœpere locum :

Et fupcr ûva cubant tam Ion go te m'»

fore 5 donec jExcluJl veniant fœtus in luminîs

duras. Inde cihos parvis , (jr longe fahuU

qu^runt Dulcia y in os gaudent in hiatumquc

indere manfa. Hic amor in fdvis ejl tigrihus , in^

que lexnis : Necjam ullum in terris animal agit

ilims expers. D if cite virtutempropriam :fivcfrA

voluntas Hanc refugit , nec quidquam homi^

nis nif nomen habetis Et faciem : propriam virtutcm dif-

citt maires A brutis avibufque , immani kflir^

^e fer arum : Aut illis hominis potius concedite nomen. {a)

( ^ ) Michael Hofptal f Epfî, lib. $ . ad Ja^ vum Mordlum,

Nij

148 De rohlîgation dux mcres

CHAPITRE II.

^ue ce que Id nature fait après ta naî£ance de lenfa?it , ne marque fas moins aux mères r obligation m elles font de Us nourrir.

ON ne trouvera pas moins de raifons naturelles qui obligent une mère à nourrir fon enfant après fa naiiïance : il ne faut pour cela que continuer à- fuivre les démarches de la natu- re. Elle qui a formé dans une femme des organes qui ne peu- vent fervir qu'à la production d'un enfant, y en a établi d'au- tres qui ne peuvent être deftinés qu'à le nourrir. Ce font les mam- mellcs qui fervent de réfervoir au lait , vers lefquelles il fe por* te en fi grande profufion après la nailTance de l'enfant, qu'on voit bien qu'il n cft fait que pour lui.

âe nourrir leurs enfans, 149 Il eft vrai que les hommes ont auffi des màmmelles , mais d'une ftruclure fi différente de celles des femmes , que la comparai- fon feule doit perfuader que cel- les-ci font uniquement deftinées à allaiter leurs enfans. Le détail de cette ftructure feroit ici hors de place : il fuffit de dire que dans les hommes elles ne font que des reftes ou des témoins inutiles des ufages qu'elles a- voient dans le fein de la mère : au lieu que dans les femmes elles fe confervent dans ces ufages , toujours difpofées à faire ce qu'- elles faifoient alors. Voici tout le myftére.

L'Antiquité fût fort inqniettc ôc peu certaine fur l'ufage des màmmelles dans les hommes , & perfuadée autant qu'on doit l'être qu'on ne peut reconnoître en Dieu aucune œuvre inutile , elle fc tourmentoit en vain à juf cificr la Providence par des con-

Niii

1^0 De l'ohligAtion aux mères jedures mal entendues, La Mé- decine de nos jours a été plus heureufe en ce point : elle a dé- couvert , que dans l'un &: dans Pautre fexe les mammelles ont un ufage commun mais nécef^ faire dans le fein de la mère r c*eft de fervir de couloirs 6c de décharge au fuperflu du fuc nourricier dans les enfans. Cet- te prévoyance étoit des plus né- ceflàires pour leur confcrvarion : car comme ils ne tranfpireni: pas , tant qu'ils font ainfi éloi-> gnés du commerce de l'air exté- rieur , ils fe feroient fouvent trouvés en rifque d'^étouffer, fi les reftes du (i\c nourricier qui n'auroit pu fc placer dans ce pe- tit corps n'avoir trouvé une for- te d'égoût. Oeft ce qu*on a dé- couvert dans les mammelles des enfans , lefquclles dans les deux k-^QS font les ora;anes deftinés à cet ulage oC a prévenir cet in- convénient. Ce font des parties

de nourrir leurs enfans, 1 5 t glanduleufes & charnues , qui comme autant de couloirs 6c d'é-

f)onges s'imbibent de ce que 'enfant reçoit de trop cour fa nourriture, pour le lailler cou- ler infenfiblement par cç.s ilîuës. Tout ceci cft prouvé dans les bons Auteurs , mais le fait fuffic à notre fujet. Après la naiiïan- ce, parce que ces écoulemens de- viendr oient à charge & inutiles , fuppofé la tranfpirarion qui va dans la fuite y fuppléer j ces cou- loirs tariflent pour un tems dans le ^(tY^Çi deftinë à donner des mè- res, &: pour toujours dans Tau^ tre que la Providence a deftiné à d'autres ufages.

Ce feroit ici l'occafion de pla- cer la raifon mécanique de cette différence , en expliquant com- ment des parties , qui d'abord ont eu un ufage commun , peu- vent enfuite en prendre de fi dif- férens : mais ce feroit trop s'é^ carter de notre fujet. De qucl- N iiii

I j 2 De rohlïgathn aux mères que manière donc que cela pafTe , du moins apperçoit - on clairement Tattention d'une na- ture toujours occupée à ména- ger dans une perfonne même y qui peut-être ne deviendra ja- mais m.ere , ôc pour un enfant qui peut-être ne naîtra jamais y un lieu de réferve pour fa nour- riture. Car de croire que les mammelles ayent été faites pour orner un fexe que la pudeur & la modeftie feules peuvent vérita- blement orner , ce feroit adop- ter une opinion qui ne trouva, pas même de place dans Tefprit des Payens. Qu'on excufe après cela tant qu'on voudra la con- duite des mères faines &: vigou- reufes , qui fe refufent à leurs enfans , pour les abandonner à des étrangères : on ne craindra pas de dire ici à leur honte , que c'eft pour elles la même injufti- ce , que Ci elles refufoient de leur rompre un pain qu'on leur

de nourrir leurs enfans. 1^5 auroît confié pour les nourrir :

f»eut-être même font-elles en ce- a quelque chofe de pis : car tan- dis que ces foi blés créatures leur demandent leur pain par leurs clameurs , la dureté de cœur de CCS m.eres impitoyables leur pré- fente une pierre. plaife à Dieu 5 que la fuite d'une fi mau- vaife éducation , ne les condui- fe pas un jour à leur donner un fcorpion pour un œuf!

La prévoyance de la nature va plus loin : peu fatisfaite d'avoir affiiré la nourriture d'un nou- veau-né , elle a pris toutes les mefures pour la lui prolonger pour autant de tems qu'elle lui fera nécefiaire. Quoi qu'attenti- ve donc autant qu'on la connoît au foin de faire des mères , elle l'oublie en faveur de l'enfant qui vient de naître , §C ne s'occupe qu'à luiconferver long-tems une nourrice. C'cft pour cette raifon qu'une femme qui allaite foa

T 54 ^<^ l'obligation aux mères enfant , eft moins fujette à re- devenir grolTe pendant ce tems , quoique l'impatience ou Tin- continence d'un mari l'y expofe. Mais fut-il une preuve plus na- turelle que celle-ci ? L'action d'une mère qui nourrit fon en- fant , eft moins une action de choix qu'un fentiment de la na- ture répandu dans toutes les fe- melles des animaux : car toutes nourriiTènt leurs petits j & celles qui n'ont point de mammelles à leur préfenter , leur préparent leur mangeaille , & leur offrent la béquée ; & tandis que les bê- tes les plus féroces [a) fe livrent humainement à ce devoir , les femmes s'en éloignent avec in- humanité. Si l'on joint à tout ceci , que le lait dans une fem- me ne peut y avoir d'ufages que par rapport à fon enfant ,"& que l'enfant eft fait pour le fjcer de fa propre mère ; ce feront de nou-

( rt ) s. Bafil, hom, 9* Hcxam»

de nourrir leurs enfans, i ^ j veaux titres de condamnation pour celles qui rcfufent de s'y foumettre. On ne peut douter de la première propolîtion puifl que fa préfence du lait devient un figne fufpect dans les perfon- nés du fexe qui n'ont pas de mari ; perfuadé qu'on eft^que la produc- tion du lait eft une fuite du ma- riage , 6v l'objet d'un enfant.

On oppofera peut-être quel- ques obfervations qu'on prétend avoir des hommes &: des filles fages qui ont eu du lait : mais fins examiner la vérité des pre- mières , & après avoir accordé les fécondes , que le plus fage Oo- fervateur ( ^ ) en Médecine a confirmées , il fuffit ici de dire , que ce font des écarts de la na- ture qui ne peuvent tirer à con- féquence , ni changer la régie commune. Il n'en eft donc pas moins vrai que le lait feroit inu- tile à une perfonne hors Tétat de.

1^6 De l'ûhUgation aux mères mariage puiiqu'il n a ni les con- ditions , ni les qualités qu'on trouve dans toutes les liqueurs , que la nature deftine dans le corps humain à fes utilités parti- culières. Ces fortes de liqueurs comme la bile , le fuc pancréa- tique 5 la lymphe ont leurs vaif- feaux de retour , par lefquek el- les vont fe reméler dans le fang , elles arrivent fans tumulte &: fans trouble : leur utilité eft donc prouvée en ce qu elles ont leurs allées & venues , leur cir- culation enfin , qui les porte hors du fang , & qui les y re- porte fans inconvéniens. Le lait au contraire une fois féparé bc filtré dans les mammelles , n'a d'autre route qui lui foit defti- née que celle des canaux de dé- charge , qui doivent le porter dans la bouche de l'enfant. Tou- te autre voye , fur tout vers le fang d'oii il eft forti , lui eft in- terdite j Se l'on {çait combien il

de nourrir leurs enfans. 1 57 en coûte fouvent aux mères in- fidelles qui ne veulent point fe rendre nourrices. Quels troubles

alors dans le fang; ! quelles dou-

1 1 '

leurs ! quels inconveniens qui

leur reprochent , ou qui punif- fent leur injuftice i La plupart à la vérité évitent ces dangers : mais en eft-on moins criminel , quand on eft paifiblement in- jufte ! Mais voici une autre preu- ve de rinjuftice des mères , c'eft 3ue les révolutions qui fe palTent ans le tems de leurs couches fe font exprès pour faire trouver à tems une nourriture propor- tionnée à l'état de l'enfant. En effet tant qu'il a eu à vivre dans le fein de fa mère , tout le fuc lai- teux dont il avoit befoin defcen- doit vers lui : fitôt qu'il eft , ce fuc change de marche, il remon- te aux (a) mammelles , les parties

( 4 ) N(5«we In hac queque re naturx folertta ev'îdens ejl? qtiodfo/lea quant fanguis file opi- fex in ^emtralibus fuis omne cornus kominif

i^Z De r obligation diix mer es du corps les plus apparentes -, comme pour fe montrer à k mc- re ôc s'indiquer à l'enfant. En falloit-il davantage pour mar- quer le devoir des mères ?

Si Ton vient à examiner les droits que les en fans ont fur le lait de leurs mères , on ne les trouvera pas moins bien fondés. Car à en juger par la manière dont ils fe font formés dans leur fein , ils ne peuvent bien fure- ment s'accommoder que du lait dont ils fe font nourris pendant ce tcms. En effet quand ori n'auroit égard qu'à rtiabitude ils étoient , de tirer le lait de celle qui vient de les mettre au monde -, auroit-on du croire qu'on pût les faire paiTer bruf- quement ôc fans précaution à un autre lait , fans qu'il leur en

fnxît^ adventame jam part/is temfore mfuper- nasfe partes frofert , atqiie adfovenda vhx Jti- cifque rudîmemaprafto efi , & recens natis no- tum & familiarem viCium offert, Pkavorin. apu4 Gell.l. 12. c. i.

de nourrir leurs enfans, 1 5 ^ coûtât beaucoup ? On fçait les dangers qu'apporte le change- ment d'état , de climat , de nour- riture , ôc à combien de maux bizarres on s'expofe alors : ôc on fe perfuadera qu'on ne fait cour- re aucun rifque aune jeune créa- ture , fufceptible de tout , parce qu elle eft de toutes la plus fen- iible &: la plus délicate , que tout blefTe & que prcfque rien ne peut guérir : elle qui fort d'un féjour qui lui étoit devenu in- fupportable ', on la fait paiïer dans un air tout nouveau pour elle êc prefque étranger. Dans cet état il ne lui reftoit qu'une reflburce : c'étoit dans une nour- riture dont elle avoit l'habitude, êc que la nature faifoit fuivre après elle , de peur qu'elle en manquât , &: ce fecours lui eft refufé par fa mère : cette reffbur- ce lui eft enlevée ! c'eft donc l'ex- pofer tout à la fois à un air nou- veau , ôc à une nourriture étran-

ï(jo De r obligation aux mères gère : certe oferoit-on mettre un adulte avec aullîpeu de ménage- ment à de telles épreuves ?

Mais d'ailleurs ce lait leur ap- partient en propre : car comme il cft fait pour eux , ils ont été formés par lui : c'eft donc leur difputer une partie d'eux-mê- mes : c'eft partager leur propre fubftance ; puifque le lait des mammelles n'eft pas moins def- tiné à les faire croître après leur nai{Iance , que celui du fein de leur mère étoit dcftiné à les faire naître. On en jugera par les rai- fons qui font les mêmes , 6c par Fanalogic qui eft pareille.

Un enfant nouveau-né n'a pas plus d'intelligence pour choifir fa nourriture, qu'avant fa naiflan- ce : mais comme l'ordre fcul du Créateur lui a fait trouver alors de quoi pouvoir naître , il lui offre encore dans le lait de fa mcre de quoi s'accroître : au lieu que ce qui lui vient d'un choix

étranger »

de noHYrïr leurs enfanj. \ C t étranger , doit rexpofer à tous les incofiveniens d une nourri- ture nuiiîble ou mal aiTortie ; puifque cette entreprife eft une nouvelle habitude qu'il faut fai- re prendre à de jeunes créatures qui en font incapables , ôc dont on rifque la vie. On le com- prend quand on confidére que la vie en elle-même eft un accord continuel des liqueurs qui Ten- tretiennent avec les parties foli- des : c'eft une convenance & un rapport des mieux concertés en- tre les unes & les autres ; mais ajoutez que la vie d'un nouveau- dépend moins encore de ce rapport entre les parties de fon petit corps , que du rapport qu'il a apporté en naiflant avec le corps de fa mère : ^ alors on conviendra du danger qu'il y a de fubftituer un lait ou un liqui- de , avec lequel il s'accorde auflî parfaitement qu'avec les liqui- des ou le lait dont on vient d'ê-

O

î^i De follïgatïon âux merfs tre formé. Imaginez deux pen- dules montées Tune fur Tautre ^ ou deux luths parfaitement d'ac- cord ^L mis à l'uniflbn : vous n'aurez encore qu'une image groiîiere de la parfaite correl- pondance des parties d'un en^ fant avec celles de fa mère : car ici la correfpondance eft entre deux machines infiniment plus compofées , en qui cependant tout concourroit ^ s'accordoit dans le fein de la mère pour la confervation de Tcnfant. Voilà la convenance qu il faut trouver ôc établir entre une nourrice é- trangere & un nouveau- : elle eft encore toute entière ôc toute trouvée entre celui-ci ôc fa mè- re 5 & il ne faudroit que s'y con» former. Sinon comme ce rap^ port mutuel eft la preuve la plus naturelle du devoir des mcres ^ il devient celle de leur condam- nation quand elles y manquent^ Peur mieux fc convaincre fur

de nourrir leurs enfans, iG^ tout ceci , il faut fe louvenir cjue chaque être , chaque plan- te 5 chaque animal a fa pâture propre : un air étranger , une eau mal affbrrie , une terre nou- velle 5 fait languir ou mourir un poiiïbn , un oifeau , une plan- te^ quoi qu'on leur donne peut- être un air meilleur , une eau plus pure , une terre plus gralFe : &: on prétendra, moins expofer le- corps d'un enfant , dont on con- noit moins les rapports , les pro- portions ôc les convenances î v Quel moyen , dira-t'on , de pé- nétrer tout ce détail , & de pe- fer tous ces égards ? m.ais font- ils imaginaires ces é2:ards , l<. faits à plaint ? S'ils font auiïï réels que peu connus , eft-il per- mis de s'expofer & un enfant à de fi terribles méprifes ? Mais ces proportions oc ces rapports font autant connus , qu'il convient aux befoins de lenfant : êc fi on n'en développe point toutes les

O ij

1^4 ^^ tûhlïgAtton aux mtns caufes , on en comprend la jtif^ teffe : elle frappe même les fens^^ à qui veut s'y appliquer. C'efl: donc une vérité de fait fur la- quelle il n'eft pas permis de fe fermer les yeux.

Un titre enfin qui acquiert droit à Penfant fur le lait de fa mère , en montrant qull n'eft fait que pour lui , c'eft qu'il cft inutile pour elle ôc le produit d'un fuperflu. Il tient dans une femme qui nourrit , la place dti trop de fu£ nourricier qui s'a- mafle en elle , & qui pailè dans un fang- qu elle doit régulière- ment perdre pour fe bien por- ter, hors le tems des grolîefles & de Ç^s fuites. La nature cepen- dant ne faifant rien en vain , a eu iç,^ vues dans la production de ce fuperflu : mais en eft-il uns plus naturelle que celle de fer- Tir à nourrir un enfant , quand la Providence lui en donne } puifque pendant tout le tems

de nourrir leurs enfans, i ^^ qu'une femme nourrit , elle ne fouflre rien de la retenue de ce fuperflu, qui larendroit cruelle-- ment malade dans un autre tems, ^i danc une mère fe rend ii cri- minelle en faifant périr fon en- fant en elle-même , la croira-t'on innocente , lorfqu'ellc rexpofera fans néceffité entre les mains d'u- ne étrangère ? fera-t'^elle même fans crime , fon enfant , qui auroit pu plus fûrcment vivre fous fes yeux &: entre fes bras , venoit à mourir chez une nour- rice ? car enfin répondra - t'on moins d'une faute y parce qu*on Taura commife par les mains d'autrui , ou par un miniftére é- trangcr l

î 66 De l^ohlfgati'ô'/i aux mefes

CHAPITRE IIL

Si ron s'eji toujours fcrvi de

Nourrices,

LE mot de Nourrices paroît 11 ancien dans le monde , ôC il familier dans tontes les lan- gues , qu'il pourroit bien avoir été de tous les tems. Cependant l'équivoque de ce terme , auquel TAntiquité a fait fignifier autre chofe qu'une mère qui allaite fon enfant , donne à douter fi l'origine des nourrices eft d aulîî ancienne date que ce mot. Il n'eft pas moins certain, par exem- ple , que le mot de nourricier foit fort ancien : cependant il fe prend moins fouvenc pour le père nourricier, que pour un gouverneur d'enfans , ou pour celui quiveilioit fur leurs étu- des 6c fur leur éducation : aiiifi

de nourrir les enfans, i é'-t le nom de nourrice pourroit bien s'être fouvent pris pour {ignitier autre chofe que pour une femme qui allaitoic un enfant. Platon , { d ) par exemple , appelle Chiron le nourricier d'^Achilles , parce qu'il lui avoir appris la Méde- cine ; ôc faint Jérôme écrivant à la Dame Lœta promet de fe ren- dre le nourricier de la jeune Pau- le, c'eft-à-dire , de Tinllruire Air la Religion. On a auffi donné le nom de Nourrice à la terre : mai& ce qui fait le plus à notre fiijet ^ c'eft qu'on fçair encore que celles qu^on appelloit nourrices , ne fe prenoient pas toujours pour cel- les qui les allaitoient. Ainfi on donnoit ce nom à celles qu'on appelle au j ourd'hui remmufes, qui avoient foin de fecher les lan- ges & de les chauffer : & c'efE dans c^tic pofture qu'on repré- fente la nourrice dont parle

{a) Lib. ^.deRa^ubï.

î^S De P obligation aux mères Monfieur Bartholin (^) dans defcription qu'il nous a laifTéc d'un ancien monument trouvé à RomCr C'étoit encore des fem- mes qu'ils nommoient nourri- ces , qui emmaillotoient l'en- fant 5 qui le Gouchoient 6c qui le berçoient : en voici la defcrip- tion dans un Poète célèbre (^).

Opus nutrici autem , utrem habeat

njeteris vint largiter , 17/ dies no^îefque potet ; o^us ejl

igné , opus eji carbonibus, Fafciis opHs cji y pulvinis ^ cunis ;

incunabulis.

Un autre Poëte (r) Grec en- tend par nourrice celle qui leflî- ve le linge de l'enfant , 6c qui le tient propre.

jfuerifafciArum Uvâtrïx* Enfin on donnoit encore k

f ^) Expojlt.veter. in puerpertVitit^» (b) Plant. Trwul, aU, f.

nom

de nmrrir leurs enfans. \ 6() nom de nourrice à la hcrccufcy ^«i ) Il pouvoir même arriver que ces différentes offîcieres devinf- fent de véritables nourrices, {h) «n cas de befoin : ce pouvoir être des femmes d'attente ou des nourrices lignées au défaut de la véritable mère : mais auifi n'é- toient - elles fouvcnt que des nourrices de nom , (r) puifque -celles qui allaitoient s'appel- loient ordinairement Mumm£, [d] Ce fentiment touchant ces nourrices de nom , eft fondé en- core , fur ce que fouvent on. donnoit le nom de nourrices à de vieilles femmes incapables d'allaiter , qu on nommoit pour cclzveruU ajjd.

Hoc monflrant 'vctuU pueris repen^ tihus ajfji {a),

( ^ ) Qunarîa.

(b) Barthoî. expof, veter. inptteyp.rh. " . 20.

(c) Nominales & konoroi-tix. Barthol.p.i i . (i) Jhîd.pag. 20.

(^) Jm'çnal. Satyr, 1 4. v, ao8.

p

170 De Vohligatton aux mères

Ainfi le nom de nourrice, quoi qu'il foie familier 6c commun dans PAnl'iquité , ne prouve pas que l'ufage des nourrices foit auflî ancien qu'on le voudroit croire. Mais pour faire mieux comprendre ce qu'on a à dire touchant les nourrices des An- ciens , il faut obfcrver qu'on trouve dans leurs Ouvra2:es fur ce fujet des maximes Se des exem- ples. Les maximes ne varient pas , &: font toutes contraires au fréquent ufage des nourrices : les exemples ne reflemblent pas toujours à ces maximes ; mais ils ne les décruifent pas , ils les éta- blifTent même , quand ils font bien démêlés.

Les Grecs , les Romains , &: tous les peuples qui leur ont fuc- cédé 5 ou qui en font venus , ont tenu généralement cette maxi- me , qu'une mère eft obligée de nourrir fon enfant. Mea fenten^ Jiâ, (dit un (a) des plus fçavans

( «) Vlntarc* de liber, çduçand.-^ag. 3 ,

dt nourrir leurs en fans . 171 Auteur de la Grèce ) matrcs ipfc nutrirc debent ^ laÛare infantes^ Et la raifon qu'il en apporte eft ,

3ue les fiécles anciens étoient ans cet ufage : car Ton remon- te , ajoute -t*il, jufqu'aux pre- miers tems du Monde , on y re- marquera que les mères des pre- miers hommes n eurent pas be- foin de loix ni de menaces pour fe porter à ce devoir : elles s'y rendoient volontiers , êc on n y trouvera aucune trace de cette indigne pratique de loiier des nourrices à des en fans , 6c de fa- crifier ces tendres victimes à la cupidité ou à l'avarice de mères empruntées. Rcfer [a) fermoncm ad prlfca tempora , cjud prim£ pe^ ferimt , his neque lex ulU necejjt^ tatcm dendje frolïs imponehat , ne^^ que expeciatio gratî.t]uhebat infari* tihus alimenta tanquamfœnort lo- CAre.

Ceft pourquoi il n'y avoir pas

( ^ ) là. de amerfprolis, fag. ^9 f .

Pij

T71 De Pohllgatîûn /!ux mères d'hcnnenr parmi les Grecs a nourrir les enfans d autrui ; car ce n écoic que des cfc laves ou des fervances [a) qui fe pretoient à ce bas miniftére : aullî étoit-ce un reproche pour une autre fem- me de palFer pour nourrice , &: la feule indigence ou la mifére excufoit alors cet emploi en elle. Enfin la récompenfe qu*ils don- noient à une nourrice étoit de fi petite valeur , qu elle devenoit une preuve du peu de cas qu'ils faifoient de celles qui trafic quoient de leiir lait. Euripide parle d*une Dame Troyenne , qui devenue captive par la prife de Troye , fe réfolut à nourrir les enfans du maître qui Tavoit fait fa prifonniere , de peur de fe voir obligée de fe foumettre à quelque fervice encore plus in- digne. Mais le foulagement qu'- elle trouva à fa mifére ne fervit qu a lui en faire plus fentir le

{a) ViÛQY, lib. 17. Variar, kCi. c, ij

de nourrir leurs enfans. ij^ poids, en comparant le petit ie- coiirs qu'elle reçût de les gages , avec les immenfes richeffes qu- elle venoit de perdre. On lit dans Démofthene (a) une au- tre hiftoire d'une femme de condition accufée en juftice de s*être loiiée pour nourrir des en- fans : elle ne fe difculpa qu'en alléguant La mifére èc la fimine, qui Tavoient réduite à cette né- cefiité j ajoutant qu elle avoit crû devoir préférer la baflefle de cet emploi à l'infamie de quel- que chofe de plus honteux. Au- tant donc que la condition de nourrice étoit refpectable parmi les Grecs dans les véritables mè- res , autant étoit-elle mépriféc en celles qui fe loiioient pour cet emploi.

Ce que rapporte un Grammai- rien (h) Latin des plus célèbres 5 &: qui vivoit à Athènes , confîr-

(a) Ex VîClor. lîb. 17. Variar. leâi. ci. , V k) Gdl. noCl, attic. l. u.c. t.

P iii

J74 ^^ P obligation aux mères me combien les gens éclairés d alors défaprouvoient la licen- ce que fe donnoient quelques Dames Athéniennes;, de {e don- ner des nourrices étrangères pour fe diipenfer de nourrir leurs en- fans.

Phavorin Gaulois de nation , mais qui étoit devenu un des plus fçavans Philofophes d'Athènes y étant allé faire des complimens chez une nouvelle accouchée , y fut reçu par la mère de la jeune Dame qui étoit femme de qua- lité. Ce Philofophe prévenu de la probité de toute cette famille fe conjoùifloitavec la mère, per- fuadé qu'il témoignoit être, que la jeune Dame nourriroit elle- même fon enfant : mais la mère s'en excufant pour elle , fur le ménagement qu'on lui devoit après le travail qu'elle venoit d'efTuyer , concluoit à lui don- ner une nourrice r qu'aux Dieux ne plaife , repartit le Philo-fo-

de nourrir leurs enfans 175

f>he , que vous ôtiez à votre fille a meilleure partie du bonheur qui vient de lui arriver en deve- nant mère , ce titre eft trop beau pour ne le lui point laifler pofle- der tout entier. Or elle ne feroit mère qu'à moitié , fi à l'avanta- ge qu'elle vient d'avoir de met- tre un enfant au monde, vous n'ajoutiez celui de la laifl^er nour- rir. Car enfin , ajouta-t'il , vous êtes trop inftruite fur les devoirs de mère , pour pouvoir vous perfuader , que la nature ait don- né des mammelles aux femmes plutôt pour orner leur fexe que pour nourrir leurs enfans.

Tout ce qu'ajouta ce fage Phi- lofophe n'étoit ni moins vif, ni moins fenfé : mais c'en eft alTez pour faire comprendre les fenti- mens étoit encore dans le fé- cond fiécle de l'Eglife le Paganif- me parmi les Grecs , touchant l'obligation des mères de nour- rir leurs enfans. Les Romains Piiij

ij6 "De PolUgaîlon aux merci penferent là-dciTus comme les Grecs : c'étoit une coutume , dit lin {a) de leurs plus célèbres Hiftoriens , établie dès les pre« niiers tems , que chaque Romai- ne nourrît fon enfant , & loin de le décharger à prix d'argent de ce foin fur quelques pauvre femme, elle ne s*en rapportoit quà elle feule , &: ne lui defti- noit que fon propre lait. (^) Le reproche qu'un grand Empereur (r) fit un jour aux Dames de cette nation , confirme cette pra- tique. Eft-ce donc que les Da- mes Romaines , leur dit-il , n ont plus d'enfans ni à porter , ni à nourrir , elles entre les mains de qui on ne voit plus que des- chiens &: des finies ? Ceft que îe luxe ôc la molleiïè cx)mmen-

( a ) C. T.ach. l. de ctaris Aiitiorib.

(b) Jam fridem fuus cuique filius ex cafta parente natus , non in fellâ empce nutricis , feà gremio ac Jlnu matris educabatur , ibid,

(e) JuL Cafar. aiud F.Patrk» L 4.. de re^ub^ th, 6^

de nourrir leurs enfans, 177 ^oient apparemment à les éloi- c;ncr de cet ufage , que (4) Catori faifoit obferver fi févérement dans fa famille, que non feule- ment il obligeoit fa femme à nourrir fes enfans , mais qu il y obligeoit encore indifpenfable- ment les femmes de fes valets 2c de £ç:S domeftiques.

La réponfe ( b ) que fit un jour à (a mère un jeune Romain fre- re naturel des Gracques , fait af^ fez comprendre le peu d^hon- neur que fe faifoit une Dame Romaine en ne nourriflant pas fon enfant. Cétoit un Officier diftingué par fa valeur, dont il rapportoit des marques par les dépouilles dont il revenoit char- au retour d'aune campagne. Sa mère & ia nourrice impatien- tes de partager fa gloire , couru- rent au-devant de lui pour lui en faire compliment : mais la prot

(<î) fhttarc. m Cat. maj.

178 De r obligation aux mères périté ni l'honneur n'ayant pu al- térer en lui les fentimens dune nature reconnoiflante , il ne crai- gnit point de faire voir la diftinc- tion qu'il mettoit entre fa mère (quilui avoir rcfufé fon lait) 6c fa nourrice ^ en ne préfentant à celle-là qu'une bague d'argent , en même-tems qu'il donna à fa nourrice un collier d'or. La mè- re fe plaignant à lui d'une pré- férence qu'elle trouvoit injufte : » Jugez , lui repartit-il , à laquel- » le je dois plus de reconnoifTàn- w ce, ou à celle qui ne m'a nour- w ri que neuf mois , ou à celle »• qui m'a foigné &: nourri pen- »» dant deux ans. Car enfin , ajou- M ta-t'il , fi je me trouve aujour- w d'hui avec quelque honneur dans le monde , à qui en fuis- *^ je plus redevablc^qu'à celle qui ti m'a mis en état d'y parvenir ? »» Et fi ma gloire fe trouve flétrie w par quelque endroit , eft - ce N par un autre que par celui de

de nourrir leurs en fans, i yt) la naidance honteiife que vous m'avez donnée j puifque ce »' n'eft que le crime qui ma fait >- naître. Mon éducation n'a va- " lu d autre plaifir à ma nourrice « que celui de m'en faire j au lieu w que vous avez moins fongé à *> m'en procurer qu'à vous & à »' mon père en vous livrant à lui. »' Ce que je tiens de vous n'efb " donc qu'un corps que le crime a " formé j & je fuis redevable à fa »» générofité &: à fa bonté de l'édu- »> cation qu'elle m'a donnée. En- » fin vous m'avez mis au monde, M il eft vrai ; mais vous m'avez » refufé les m.oyens d*y fubfifter ; » 6c comme vous aviez eu re- » gret au bien qui me venoit par V votre moyen y ma naiflance a «commencé votre haine contre »» moi : exilé de votre préfence »• &: dépendant d'autrui , je me ^ fuis vu accueilli , carefTé , & M chéri par ma nourrice : & après »• cela vous me trouvez inJLifte^

î 8o Tyt Vohllgdttoyi aux mères » lorlque je ne fuis que recon- w noifiaat 1

Certes il ne feroit guéres por- iible d'imaginer d'autres preuves plus fortes du devoir des mères , êc du droit que les enfans ont fur leur lait , que ces paroles mêlées de reproches & de recon- noifTance. Les autres peuples é- toient entrés dans les mêmes fentimens» Les Germains , par exemple , ce peuple quelque im- poli éc quelque mal civilifé qu'il fut d'abord , ne fçavoit ce que c'étoit que d'abandonner ^es en- fans à des nourrices d'emprunt , &: chaque mères s'acquittoit par

elle-même de ce devoir {a) Sua

quemcjue mater uheribus alit , nec ancillis aut nutricibiis ddtgdntur.

C'étoit encore une coutume établie parmi les EcofTois (^ ) de ne pas fouflrir de nourrices à leurs enfans , mais chaque mère

( ^ ) Tant, de morîhui German. ^ag. lit». ( i ) H. Bo'éikius in Scoiia^

de nourrir leurs enfuis. 1 8 i devoit nourrir le iîen : leur fevé- nré là-deflTus alloit au point de déshonorer une femme dans le monde , ôc de la faire foupçon- ner d'infidélité , fi faute de lait elle ne pouvoit pas nourrir ; par- ce qu'ils étoicnt perfuadés qu'il falloit qu'un enfant fût adulté- rin 5 fi la nature lui refufoit dans celle qui l'avoit mis au monde , une nourriture qui lui apparte- noit de droit, fi elle avoit été fage. Les nations les plus éloignées ne fe font pas moins fait une re- ligion d'obliger les m.eres à nour- rir leurs en fans. Un célèbre Hif- torien Efpagnol {a) en parlant des peuples de la Chine , qui ont coutume de fe fervir de femmes dans les ambaflades 6c dans les affaires d'Etat j rapporte qu'une des principales conditions pour les faites admettre dans ces hauts emplois , c'eft qu'elles doi-

(a) Fernand, Mmàîz Vînto Hijîor, (hin, c, 172. p. 878.

i%i De l^ obligation aux mères vent avoir nourri de leur propre lait tous les enfans qu'elles ont mis au moadc; ôc pour ne s*y point méprendre , on n'admet aucunes femmes à ces dignités qu'après des informations févé- rcs & juridiques. Une de leurs raifons pour en ufer ainfi , c'eft qu'ils font perfuadés qu'une femme qui ne nourrit point fon enfant refFemblc bien mieux à une maitrefle ou à une courti- fanne , qu'à une femme d'hon- neur. Ils vont même jufqu'à croire, que cette faute dans une femme eft odieufe , infamante , & déteftable : deforte que fi par une impoifibilité phylique une merc fe trouve hors d'état de nourrir , elle ne peut mettre fa réputation en f ireté dans le pu- blic , qu'en prenant &: produi- faut des atteftations en forme , qui portent que l'impoilibilité qu'elle allègue eft réelle & avé- rée.

de nourrir leurs enp.ns. i Sj La Religion Chrétienne ache- va de perfuadcr les Grecs & les Romains de l'obligation font les mères de nourrir leurs cn- fans j & c'eft pourquoi les Pères Grecs êc Latins fe font (i fort récriés contre les mères qui man- quoient à ce devoir. L'étrange différence, dit faint JeanChry- foftomc , ( ^ ) que celle qui fe trouve entre une pauvre femme & une Dame de qualité par rap- port à la piété ! la pauvreté dans l'une devient une reffburce na- turelle de falut; la vanité dans l'autre devient une occafion con- tinuelle de chiite. Parmi les pau- vres, une femme peut être tout à la fois maitrefle 5c fervante; ôc accoutumée à ex<^cuter par elle- même , elle ne rougit pas de pa- roître la mère &: la nourrice de fcs propre; enfans. Il n'en eft pas de même des femmes de q^irt-ité leur but , ce ff mble, feroit moins

t ?4 De rôhlîgdHon aux mer es de devenir mères , que de ne point paroître nourrices, C'eft ainfi que leur vanité les dérobe aux devoirs les plus efTentiels de la nature ôc de la piété , lorf- qu elles ne veulent que s'hono- rer du nom de mère , & qu elles rougiflent de la qualité de nour- rice. Confidera pauperem incentiva fietatis hahere fulcïmina , in di* "vitïhus dutem mnltam ftéperhiam, Aftid pnuperes uxor d^ ancilla ^ fnïnijlra ejl > d^ procréât flios , d* ipfa mater d* nutrix efi. Apud di- %'ltes autem non ejl ita , Jed cum genuerit fiium y fi^tim eum tradit forts , & pietatis injignia ahfcindit fuferbia, Eruhefcitjîeri nutrix qux facia ejl mater !

Saint Bafiîe ( a) fait ob fer ver , que Dieu ayant deftiné les fem- mes à nourrir & à élever leurs enfans , leur a donné un naturel plus tendre oL plus affectif qu aux hommes. Or de ce que ce

faint

dt nourrir km s en fans. 1 8 5 faint Père ajoute , que cette af- fection dans les mères va jufqu'à leur faire perdre le repos & le fommeil , toutes les fois qu'elles voyent que leurs enfans fouf- frent ; cette remarque fait voir

3ue ce Saint parle en cet endroit es mères qui nourrifTent leurs enfans. Il en parle encore lorf- qu'au fujet d'une perfécution , il rapporte la conftance d'une mè- re qui exhortoit fon fils au mar- tyre. Car il dit de cecte-mere , qu'elle avoit encore plus nour-^ ri cet enfant des maximes de \x piété chrétienne , que du lait de fes mammelles. Cette obligation aux merçs de nourrir leurs en- fans n'eil pas moins marquée dans les Pères Latins.

Saint Ambroife {à) reprend les mères chrétiennes qui fe don^ nent la liberté de donner des nourrices à leurs enfans , fous prétexte de leur nobleiTç §c de

( a ) hik. H^ifo^n. r. c. i S.

Q

iS^ tit l*oUïgâtîon aux mères leur qualité;ôc il leur fait un com- mandement de ce devoir dans ime de {ç:s lettres, ( ^ ) Le même Père enfin expliquant cet en- droit de l'Ecriture j {h) il eft marqué que Sara allaita Ifaac fon fils , dit que « cet ex^emple »» devroit bien réveiller l'émula- •»^tion des mères chrétiennes »» pour nourrir leurs enfans ;. puifque cette fonftion de leur »» état les honoreroit dans le ^ monde , ôc les rendroit plus ^ agréables à leurs maris , qui »» les en eftimer oient davantage , »• par le cas qu ils verroient qu'- » elles feroient du fruit de leur »» mariage : Provocantur feminx tneminijffc dignitatis fu£ , & lac^ tare flios fuos. H£C enîm matrîs gratta y hic honos qua fl comment dent 'viris fuis.

Saint Auguftin (r) rapporte

(b) Genef. c. 21;

it nourrir leurs enfans. 1 87 que rilluftre fainte Perpétue ëtoit actuellement occupée à al- laiter un de fes enfans , lors- qu'elle fouffrit le Martyre.

Mais faint Grégoire [à) s'ex- plique plus ouvertement qu'au- cun autre fur ce même fujet , en condamnant la coutume donc les femmes fe fervent pour fe difculper. « Il s'eft glifle , dit-il , >' une pernieieufe coutume dans « les mariages , qui autorife les w femmes à ne point nourrir leurs * enfans , & à fe décharger de ce •• devoir fur des nourrices à loiia- » ge : Prava co?ifmtudo in cvnju^ gatorum morihus irrep/it , nt flios ijuos gignunt mulicres , nutrirc con- temnant , eofque aliis mulicrihus nd nutriendurn tradant. Mais il ajoute que cette prétendue rai- fon , n'eft que le prétexte de leur incontinence 5 (^) Ex folàcarnis

{a) Lîb. T . eftji. indiCi. 7. epifl. 3 i . (b) S. Gregor* ibid, epij}, ad AugnJlin.Efîfç, Camuarienfem,

I?? T>t rohUgatton aux mercf incontinentïà videtiir illud fuijjl invcntum y quia dum fe continerc ^olunt , defjficiîint laciare quos gi- gnunt.

Le Pape Nicolas L confuké ( a ) par les Bulgares , fi les mères ëtoient obligées de nourrir leurs enfans , blâma fort dans fa ré-

f>onfe les femmes cjui ne vou- oient pas fe foumettre à ce de- voir ; & ce faint Pontife ajouta, comime faint Grégoire , que ce n' étoit que pour fatisfaire leur incontinence , qu elles fe difpen- foient de cette obligation. Elle fubfiftoit donc encore cette obli- gation dans Tefprit des Docteurs de TEglife, & des perfonnes ré- gulières au neuvième fiécle ^ dans lequel vivoit ce Saint Pape. Environ 300 ans après, fous Grégoire IX. on trouve dans la bouche d'une femme Juive un témoignage authentique de l'o- bligation où les mères croyoiçnc

(>ï) AdConfuluBulgar,.c».6é^

de nettrYÏr tcurs en fans. rKf être de nourrir 6c d'élever par elles -mêmes lem'S enfans. Un? Juif converti à la Foi, demanda que (a femme lui rendît Ion en- tant , pour rélever dans la Reli- gion Catholique : cette merc moins dénaturée en ce point que nos Chrétiennes s'y oppofa , ( ^ ) repréfcntant qu'un enfant de quatre ans étoit mieux fous les yeux d'une mère , que fous ceux d\in père qui n entre point vo- lontiers dans de menus foins^ Mais pour mieux juftifîer foa refus elle ajouta , qu'il feroit in- humain de lui ravir un fils qui lui avoir coûté tant de fatigue avant que de naître , tant de douleurs dans fa naifTance , & tant de foins 6c de peines depuis qu'il étoit : An te parfum one^ rofus y dolorofus in partu , pajl par- tum lahoriofus, C'eft donc une marque que les mcres d*alors nourriffbient leurs enfans j puif-

(^ ) Di converf inf^d, c. r«-

190 Be rohligatîon aux mères qu'elles prétendoient que la pei- ne de les avoir allaités leur ac- queroit une forte de droit fur €ux. Il paroît que les Théolo- giens qui font venus dans la îuite ont tenu les mêmes maxi- mes. Car ceux qui ont travaillé fur leurs principes à inftruire les Fidelles touchant les obliga- tions de la piété chrétienne , y font auffi entrés & les ont ap- puyés fur Pexemple des Dames de qualité :, qui dans ces derniers tems ont elles - mêmes allaité leurs enfans ( a ). Ainfi un Au- teur {b) des plus verfés dans la Difcipline de l'Eglife , & dans la fcience des Saints , auffi refpec- table d'ailleurs par fa piété , qu'eftimable pour fon érudition, vient de confirmer cette obliga- tion dans les mères , avec toute

f<a) NotesfùrlaBibledeM. (!eSacy,Gf- nef. C.21.

{h) M. de Vilthierry dans Ton Traité de la vie de s gens mariés , pag. 426. c. 3

de nourrir leurs enfans. 19 r la folidité que mérite cette ma- tière.

Les plus habiles Médecins r {a) ^ compter depuis Gallien jufqu'à nous , ont penfé là-def^. fus comme les Théologiens ôc les Pères. La préférence que Ga- lien & ceux qui l'ont faivi ont donnée avec éloge au lait de la mère , pour nourrir plus fure- ment un enfant , prouve PinjuC tice de celles qui le refufent aux leurs. Il eft vrai qu ils ne déci- dent point en termes exprès la queftion de l'obligation des me^ res : mais peut-être la trouvoient- ils (\ naturellement établie dans la nature & dans les efprits de leurs tems , qu'il étoit inutile alors d'en marquer les preuves. Mais l'abus croiflant on a vu les plus fçavans {b) dans cet Art

(a) Vid. Gafp. a Rejes qu. 47,

(b) Sennert. tom l-fag. 6^9' "Etmull. de vitiis laClis^ fag. 65. Bomt, Poliah. de m^rb»,

i<)i De Pûhligatîon aux mer es s'élever contre les inconvénient qui s'enfuivenc , & prouver que hors les cas de maladie ou d'im-

f)ui (lance , une mère devoir fon ait à fon enfant. De forte que peu parmi les habiles fe font é- cartés de cette uniformité de fentimens. On trouve à la vérité dans un Médecin Efpagnol {a) très-célébre &: rres-fçavant d'ail- leurs , un peu trop d*indulgen- ce dans cette occafion pour le ménagement des femmes j mais le féjour de la Cour auroit bien pu amollir fon cœur & afFoiblir Tes lumières en ce point : en ef- fet fes raifons font fi foibles {h ) & fi parfaitement détruites par un autre Médecin auiîî très-ha- bile , [c) qu'on a tout lieu de croire que ce fcavant Efpagnoi

(a) Gallego de la Serna de alend.fœt, rat, f. 8.

(b) Fkulne^fimt Gallegi de la Serna rathm^ ftiîa in contrarium allatm, Paulin, Cyiîogra^lu fag.<;7'

(c) Sennert^

dt nourrir leurs erifan:s, 193 a moins penfé à inftruire des mè- res , qua obliger des Dames. Ajoutons à tout ceci les expref- fîons fortes ôc les termes durs qu'on a employés en differens tems contre ces mères inhumai- nes , pour achever de convaincre le monde de leur obligation.

Phavorinus appelle ces fem- mes , des monftrcs de mères , frodigiofas mulieres , ou des me- res à demi , qui reiioncent à la plus belle moitié decet aim.ablc nom , dimidicttum matris genus , ^peperiffe acjlatim ahjeciffe. Ce Phi- lofophe trouve d'ailleurs un dou- rile crime dans ces fortes de mè- res : car leur injuftice félon lui tient du meurtre & de rexpofî - tion. Ceft, dtt-iU une fcéléra- tefle à une femme que de défaire fon enfant , ou de le faire mou- rir dans fon fein : mais c'eft une petite différence que de tuer un enfant qui efl à naître, ou de contribuer à la mort d'un en-

R

1^4 ^^ P obligation aux mtrcs faut nouveau-né , ( ^ ) Tublick dc' tejiatione , communique edio di* gnum ejl , in ifjis hominis primer^ diis y dumfngitur , dum animât ur , intcr ipfas artifices naturji manu s interfcèîum ire, ^^u^antuliim hinc aheji jam perfecium , jam genitum , jamjïlium yproprii atquc confueti , atque cogniti Janguinis alimoniâ privare ?

Mais c'eft encore une forte d'expofition : car un enfant qui n'a point fiicé le lait de celle qui Ta mis au monde , reffemble aux enfans trouvés qui n'aiment , ni ne diftinguent plus leurs mères, parce qu'ils ont pris des idées étrangères dans un lait étranger : Terinde ut in expofnis ufu veniî , rhatris qu^ genuit , neque fenfum ulLum y neque dej/derium c/ipit.

D'autres Auteurs moins an- ciens & auffi habiles que Pha- vorinus, ont reproché le même crime à'expofition aux mercs qui

( ^ ) AiiL Gell. ibîà. î. 1 2. r. i^

de nourrir leurs enfdns. \ 9 5 ne nGurriirent point : (a) Annon expojitionis gcnus ejl , infanîulurFi 4encrum , ad h fie k mixtre ruhentem , fnatrem fpirantem , matris opem woce implorantcm , ^//^ movere di-» eitur é" feras j trader e miilieri,,,,^ 4UÏ pluris fit fecuniài fauxillum ^Hâm totus infans tuus ?

D'autres enfin traitent celles qui ne no ur rifle nt pas leurs en- fans 5 de marâtres , d'inhumai- nes , d'impies , enfin d'adultérés. Qui n'apperçoit en effet dans cette conduite une forte d'infi- délité dans une femme ? Car dans t'adultère ordinaire la fem- xne donne à fes enfans un autre que fon mari pour père , dans ce- lui-ci elle donne aux enfans de fon mari une autre qu'elle pour mère. Ce font donc dans l'un des enfans d'emprunt, ôc dans l'au- tre des mères empruntées.

( ^ ) Erafm. Colloq, Etitrapeli & fabula' Nullum expojitionis gentti cndelius ejfe ^otejl* ijâ^pAr*aRcjçs , 2iY.47,p;zj. 348.

R ii

ic)6 De l'obligation aux mères

CHAPITRE IV.

^ue la mention de notirrkes qu'on trouve dans Us anciens Livres ne préjudicie foint aux maximes quon vient d'établir , ^ ne di- minue en rien l'obligation indif- penfable des mères,

POur s*cn convaincre, il fut firoic de faire réHexion , que tous ces exemples reffemblent mal à la conduite qui fe gardoic dans les prerhiers liécles du mon- de 5 les mères nourrifToienc leurs enfans.Sara, par exemple, femme d'Abraham ce Patriarche fi faine &: fi célèbre dans les Li- vres faints, nourrit elle-même fon cher fils Ifaac. Rebecca , femme d'Ifaac , non moins célè- bre dans TEcriture , nourrit de fon lait Jacob. Cétoient pourtant des Dames des plus qualifiées

de nourrir leurs enfans , i^j de leur tems. Si Ton joint à ces exemples ceux de la fainte fem- me Anne qui allaita Samuel , ôc de cette illuftre mère des Macha- bées qui avoit nourri fon fils , ce fera un efpace d'environ trois mille ans , pendant lefquels oa trouvera que les mères ne crai- gnoient point de déshonorer leur rang , en fc rendant les nourrices de leurs propres en- fans.

Le trifte équipage dans lequel on conduilit au fupplice deux autres faintes femmes , qu on promena par la ville du tems des Machabées 5 [a) avec leurs en* , fans pendus à leurs mammellcs , avant que de les précipiter du haut des murailles , prouve d ail- leurs que c^étoit une coutume & un ufage familier alors d al- laiter fes en fans , parce que c'é- toient des femmes du peuple oa de fimplcs citoyennes. Cet ufa-

(<ï) Mathab Li,c, 4, v.io.

j^% De r obligation au^ mères ge venoit même de plus loin t car en remontant autems de Sa- îomon 5 on remiarque que les femmes débauchées d'alors , plus fidelles à leurs cnfans qu'à elles- mêmes 5 ne craignoient pas de s*avoiier les mères des enfans qu'elles tenoicnt de leur crime , en les allaitant elles-mêmes. La fameufe Hiftoire [a) du juge- ment de Salomon en eft une preuve évidente 3 car la conteC- ration que ce grand Roi termi- jia avec tant de difcernement & d'équité , étoit entre deux mères nourrices qui fe difputoient ce- lui de leurs enfans qui n'avoit point été étouffé. Mais fi à tou- tes cts réfleîcions on ajoute en- core , que le mot de nourrice dans l'Ecriture ne fignifie pres- que jamais une femme à gage pour nourrir les enfans d'autrui, m.ais qu'il s'y prend au contrairc^ 011 pour la véritable mere>, oii-

de nourrir leurs enfans. 199 pour une gouvernante 5 on y trouvera peu d'exemples de ces nourrices étran2:cres. C'eft pour- tant ce qui paroit par pluiieurs endroits de TEcriture : ainiî Moï- fe plaignant à Dieu du poids exceffif qu'il fentoit dans la char- ge qu'il lui avoit impofie de gouverner fon peuple dlfraël : Pourquoi, dit -il, Seigneur me charger de la conduite de tout ce peuple , qui m'engage à des foins non moins grands que ceux qu'une nourrice doit à fon enfant ? Eft-ce moi, ajoute-t'il , qui les ai mis au monde ? ( 4 ) Nunquid ego cencefi hanc multitti^ dinem , vel genui eam ^ ut dicas mihi j porta eos in Jînu iuo , ficut portare folct nutrix infan^ tidum. Par l'on voit que le mot de nutrix dans cet endroit fe prend pour la véritable merc. En voici encore un femblable.

{ 4 ) Kumer. c*ii.v. iz.

Kiiij

200 T>e rohligmon ausi mères

Ifaïe ( 4 ) voulant par l'ordre de Dieu confoler la ville de Sion^- qui fe croyoit déferte ôc aban- donnée à la ftérilité , lui promet qu'un jour viendra qu'elle aura- des Rois (h) fonr riQurricicrs & des Reines four nourrices y c'eft-à-dire, qui ferviront de percs &: de mè- res au nombre prodigieux d'en- fans qui fe trouveront dans fon enceinte. Or les mots de nourri- ciers ôc de nourrices fe pren- nent ici pour àcs pcres 6c des^ mercs ; puifque le Prophète erb cet endroit veut faire entendre, à Sion qui fe croyoit fans enfans^ qu'elle fera obligée d'étendre {ç,% murailles^ pour contenir tous ceux qui lui viendront , 5c dont les Princes fe rendront comme les pères ôc les nourriciers, par les fecours lin entiers qu'ils leur donneront. L'événement a juf-

{a) C. 4^.t;.23.

{h) Mamilld Regttm îaCîahms , Jfai» c»(fOA-

de nourrir leurs enfans. i o i tifié la prophécie : car outre que les Rois de Perfe (a) protégè- rent la Synagogue , ^c pourvu- rent à l'entreten ncment du Tem- ple & des Sacrifices , la charité fit enfuite trouver dans les Prin- ces Ch-rétiens l? ) d'illuftres pro- tecteurs ôc de charitables pères aux enfans de l'Eglifc qui pafTe- rent du Faganifme à la Foi. Dieu lui-même prend dans l'Ecriture la qualité de nourricier du peu- ple Juif, de Jérufalem y reçoit celle de nourricière du même peuple : deux titre? qui renfer- ment les. fonctions de père &: de merc , par la raifon qu'on appel- le la terre la mère nourrice da genre humain.

Ce qu'on avance touchant le mot de nourrice , fc confirme par ridée qu'on avoit dans ces tems- des Nourriciers , qui étoienc comme les Gouverneurs des

(a) Menock, Kic»

{h) Dans Conftantin & Théodore^

aoi De J^ûhlîgâtïon âux mères jeunes Princes , moins deftiné^ à veiller fur leur nourriture que fur leur éducation. Tels étoient les Nourriciers des enfans d'A- chab ; ( ^0 puifque TEcriture les range parmi les Anciens 6c les Miniftres d'Etat; 6c qu an sa- drefToit à eux dans les affaires de la dernière conféquence , com- me fît à ceux-ci rufurpateur Jéhu.

De même les Nourrices qui étoient auprès des jeunes Prin- ces , étoient auffi apparemment des Gouvernantes : car outre qu elles habitoient un apparte- ment ordinaire aux Gouvernan- tes , in triclinh , elles demeu-- roient auprès d'eux jufqu'en des âges trop avancés , & dans lef- quels Tofïîce de Nourrices au- roit été mal reçu ou inutile^ Ainfî la Nourrice qu*avoit Mi- phibofeth à cinq ans , &: celle qu'avoit le Roi Joas à huit, é^

(^) Rois^liv. 4. c. 10, V. î. J^

de nourrir leurs enfans, 205 toient des Gouvernantes. C'en, ëcoit encore une que celle qui accompagna Rebecca lorfqu'eile vint époufer Ifaac : auffi étoit- il de Tordre , de la bienféance , ^ de la condition d'une fille tomme Rebecca d'avoir une Gouvernante. Mais ce qui doit convaincre - defliis tout le monde , c'eft qu'il n'étoit pas extraordinaire alors d'appeller Nourrice celle qui étoit char- gée de l'éducation d'un jeune homme de condition. Ainfi l'E- criture appelle Noemi {d) la Nourrice de l'enfant de la célè- bre Ruth fa fille , quoique Noë- mie fut hors d'âge , comme elle le témoigne elle-même , d'avoir des cnfans (^) & d'en nourrir.

En entrant dans les tems de la Loi nouvelle, on troirve d'^abord la plus pure des Vierges , 6c la plus fainte de toutes les Mères,,

(-3) Tuith. c. 4. V. \6^.

104 ^^ l* obligation mx merù qui nourrit de fon lait le Sau^ veut du Monde. Mais ce qui prouve que c'étoit une pratique ordinaire à toutes les mères ^ e'eft qu'alors on difoit d'une femme qu'elle nV/oit point al- laité , pour exprimer q:u elle n'a- voit point en d'^enfans \{a) Beat£.

Jîeriks beat a ubera qu£ non lac^

taverunt. Tant on étoit pcrflia- qu'être mère & allaiter foiT enfant, étoit une même chofe. C'eft pourquoi iaint Paul paroît faire une obligation aux femmes chrétiennes , de nourrir elles- mêmes leurs en fans y fi elles veu- lent fe fauver -, attachant leur falut à l'éducation de leurs en- fans : ) Sdvabitur multer fer JlîoYum gêner ationem. Car 1 es- meilleurs Interprètes ( c ) expli- quent ce paiTage de l'éducation, terme qui fe prend aflfez naturel*

(^) tue. c. 23. «y. 2p,

\b ) S.Paul. T.adTmotk,ç,i,v,iU

âe nourrir leurs tnfdns. 20^ lemcnt pour la nourriture mê~ me. Cette interprét^ticaparoit d'autant plus raifonnabîe, que comparant la raifon de péniten- ce que Dieu a voulu impofer aux femmes en les condamnant ■à la peine de mettre des enfans au monde , ce feroit en retran- cher ce qu elle a de plus fati- guant & de plus ennuyeux , que de les afFranchir du devoir de les allaiter.

Mais ce n eft pas uniquement dans les faints Livres , les plus anciens d'ailleurs qui foient au monde , qu*on voit les mères nourrir leurs enfans : on décou- vre la même pratique dans ceux des Payens qui approchent le plus près de rantiquité des Li- vres de Moïfe. Ainiî on trouve dans Homère {a) une des plus grandes Reines de ce tems , c'efl: Hecube , qui avoit nourri fon fils Hector de fon lait,. La chafte Pé-

noS De tûUlgatlon aux m^ni nélopc (^) avoit rendu Je même devoir à fon cher Telcmaqae , &: la Reine Theiïalonice dans Juftin^ {h) en fait fouvenir foa fils Antipatrc.

Ce fut donc moins un ufagc <:ju'un abus , moins un exemple a fuivre qu\in fcandale à éviter , -que ce qu'on lit de tant de Nour- rices que le Paganifme a don- nées aux enfans des Dieux. Hon- teux qu ils étoient d'avouer leurs adultères , ou leurs débauches , ils en cachoient les fruits dans le fein des Nourrices étrangères, Ceft par un article à peu près fcmblable que la Fable rapporte, que la naiflance de Jupiter fut cachée pour un tems dans Tille de Crète , entre les mains de deux Nymphes , qui au défaut de lait de femm.e,Péleverent avec le lait d'une chienne. Ce qu'on lit des Nourrices d^s autres

(^) CdyfUL ij.

de munir leurs cûfans. 107 Dieux eft auiîi fabuleux ou auffi peu raifonnablc. Ceft donc à la dépravation du cœur humain , ou à la décadence des mœurs, qu'on doit imputer Tentreprifc des mères , qui infenfiblcment ont cffàyé de s'affranchir du joug incommode d'allaiter leurs en- fans , fe dépouillant ainfi des {^n- timens naturels , dont faifoient gloire les femmes des anciens tems , pour imiter la m.ollefTe , ou Tincontinence des femmes infidelles, qui faifoient nour- rir par d'autres des enfans qu'el- les n'ofoient avouer. Ce n*eflpas qu'on ne trouve dans l'Antiqui- té Se depuis des exemples de nourrices Se dem.eres fages : mais outre qu'on ne nous dit pas les raifons qu'elles avoient d'en ufer ainfi , lefquelles pouvoient être bien fondées , on doit fe fou ve- nir que ces exemples font la plu- part dans les Cours des Princes & des Rois , en qui on doit re-

5.0^ ^s Vohligatîûn aux mères connoîtrc en tout une préféren- ce refpectabîe , ôc qui ne tire point à conféc;uence pour le refte des femmes , qui d'ailleurs doi- vent fe tenir aux régies & aux ufages fa gement .établis.

Si après tout ce qu'on vient de rapporter , on fait réflexion qu'il ne le trouve point de Nourrices différentes des véritables mères dans riiiftoire Sainte j que celle qui fut donnée à Moïfe fe trou- va la même que celle qui l'avoir mis au monde ; que le mot de Nourrice n'eft emiployé dans les Livres Saints, que pour mieux .exprimer la bonté de Dieu ei>- vers fon peuple , que Ton com- pare aux foins emprcfTés d'une mcrc qui nourrit fon enfant , Ohliti ejlis Veum qui nutrivit vos y ^ ccntriftdtis nutrîcem vcjirdm Jerufalcm, dit un Prophète (a) .. Enfin fi pluiicurs faintes Mercj dont il y eft parlé , quoique fem.

(^) Baruch. 4.8.

mes

de nmrrlr leurs tnfans. loc) mes de diftinction ou de qualité , ont nourri de leur lait ; quel- les fortes d'exemples empruntés d'ailleurs pourroient affbiblir l'obligation font les mères de nourrir leurs enfans ? des Chrétiennes au contraire ne de- vroient-elles pas plutôt crain- dre de reiïembler à ces mères dénaturées que dépeint un au- tre Prophète ( 4 ) ôc qui pour cette raifon les met au-deiTous des bêtes ks plus farouches , qui ne fe refufent pas à leurs petits : Lamid nudAVtrunt mammas , /^r- taverunt catulos fuos : Jflia fofulh mei crudelis , qu^fi Jlruthio in de- fato. Les bêtes farouches , dit ce Prophète , ont découvert leurs mammclles , & donné du lait à leurs petits : mais la fille d^ mon peuple eft cruelle com- me une autruche ( h) qui eft dans le défert,

(«) /«rem. L^rwew. c. 4. V. 5.

(^ ) Don; il eu 4Jt qu'elle abandonne it%

s

e ro Be rohlïgatîon aux merrr

Peut-être trouveront-elles àts exemples plus favorables à leur molleffe dans Thiftoire profane : mais des exemples pris d'après des Divinités hibuleufes , des femmes infidelles , ou des filles libertines, peuvent -ils jamais former la conduite de femmes chrétiennes? On leur demande- roit fi ces leçons font celles que la Religion infpire , An fie didi- eijiis Chrlftu^mf

Mais ces exemples ont-ils me- me pu faire changer de conduite à ces Reines & à ces Dames fayennes , qui n'en ont pas moins bien compris la néceffî- font les mères de nour- rir leurs enfans ? Ce font du moins d'autres exemples d'au- tant plus capables de combat- tre ceux dont on s'autorife, 6c d'autant plus dignes d'être fui- vis 5 que les perfonnes qui les

ceufs, quando Jfruehio derelirjquif ova fita in

âc nourrir leurs enfans, 1 1 1 ont laiiTés étoient pins fages 6c plus qualifiés. Car tandis qupn prend pour modèles des mères davanture qui faifoient nour- rir leurs enfans à des perfonnes méprifables ou inconnues , on néglige Texemple de grandes Princeires , qui fe font elles-mê- mes 2:énéreufement données ri leurs entans pour nourrices.

GH APITR.E V,

Des dangers qnon fait courre aux enféins qu'on met en nourrice {a) .

ON a déjà fait remarquer que le corps d'un nouveau- , n'étoit un moment avant fa ïiaifrance prefquun avec celui de fa mère , par les rapports ôc les convenances merveilleufes

(a) Quantétfeccatrices nutrices , & quanta lahes ab iis dtmanet in farvulos , non untus diei ftudium eft recenfere. Francifc, Paullmi sbfervat, centuriâ fecundd , çbfervaP. 4^. Vide fidhiK Pichlin, obfçrvatioms ^ obferv. ^6.-

's •;

î 1 1 Ik rohllgâtUn aux mères qui fe trouvoient entre Tun ST Tautre. Ce n'étoic qu une même circulation qui entretenoit la vie dai>s tous les deux , mais une vie fi dépendante &: fi peu pro- pre à l'enfant , qu'elle feroic éteinte dans le premier moment qui auroit fini celle de la mère. Ce qu'il avoit de nourriture ve- Boit auffi peu de lui ; car c'étoit moins lui qui la préparoit , que la mère qui la lui diftribuoit préparée j enfin il n'en profitoit bien qu'autant qu'elle avoit toutes \qs qualités qui conve- noient à la délicatefie de fes or- ganes. De - fans doute vien- nent ces morts promptes 6c ino.- pinées , qui étoufi^ent tant d'en- fans dans le fein de leurs mères ^ car enfin fi un aliment fouvent bizarre 5 mais trop ardemment defiré, laifl^ de Ci étranges im- preffions fiir ces tendres créatu- res 5 quoiqu'une mère par raifon ou par impuifîauce ^'qw foit pri-

de nourrir leurs enfant: xrf vée ; que ne doit-on point crain- dre peur un enfant qu'une mère intempérante aura nourri dcfuc3 imipurs & mal aflbrtis. De mê- me encore fi une répugnance ,< un dégoût , une averfion* pour une nourriture qu'une mère au- ra prife en horreur , s'imprime il fortement fur les parties de ce jeune enfant, qu'il ne puifie ja- mais s'en délivrer , & qu'il k trouve toute (a vie dans ces mê- mes averfions ; que ne doit point produire fur Ini la préfence d'un fuc qui lui fcroit contraire ôc mal préparé. Il eft donc des rap- ports mutuels 6c des convenan- ces réciproques entre une fem- me enceinte 6c le fruit qu'elle porte , qu'il eft impoflîble de ne point appcrcevoir : 6c ces rap- sports ne paroiflent nulle part autant que dans les manières 8c l'artifice que la nature employé 5 pour préparer dans la mère \^ nourriture de Tenfant.-

$14 î>e l^ûhligation aux m^/ref

Mais ces rappoi-ts ne font paSf moins fenfibles entre une nou- velle accouchée ôc fon enfant.- La dépendance eft à peu près la même , & tout ce qui fe paffe en elle ne fe fait encore que par rapport à lui : SoU Ucïïs confccïio d^ difj^enfatiû fufficit ad d^monf' trandam natur £ fro^oidentiam. Cet- te réflexion eft de Piutarque , [â) qui ajoute au même endroit , que la nature n'a placé les mammel- les des femmes au milieu de la poitrine, que pour leur donner plus de facilité pour carelTer 6c nourrir leurs enfans \ {h) JJbera mnlicri fuperî^e ad pecïiis nafcun^ tur y ut in promftujit ofcuUri am- flecïique.& fûvere iy^famem.

Ces rapports deviennent d'au- tant plus refpecbables à une mè- re dans un jeune enfant , que fortant, comme il fait, fraiche- ment des mains de la nature , elle doit y rcfpeâier le doigt de Dieu

( a ) De amoYÇ prolis , Pag, 4P J.

de nourrir leurs en fan s, itf qui vient de former ce jeune corps : une mère chrétienne doit- donc penfer, que tout ce qu'el- le va employer de foin pour fou enfant qui n'en attend que d'el- le , elle Temployera pour un ob- jet d'autant plus digne de fon attention , que la malice ni la paflion n'ont point encore eu le tems d^ rien déranger ; èc ce fera pour elle fervir le Créateur ^ que de prendre par elle-même ie foin de fa créature : (a) In re-- cais nato ipfas adhuc récentes Dei m anus débet cogitare , ^uas in ho-- Tnine modo formata d^ recens nate -quodammodo exofculamur.

A cette raifon de refpect ôc de piété , il faut joindre celle de nécelTité : car une mère chrétien- ne nourriiïant fon enfant par un motif de vertu & de con- fcience , remplit un devoir qui n'en cft pas moins naturel , ni moins néceiïaire. Cette née cffité

( ^ ) s. Cy^rim, e0.;^ag. aSr,

i-rC De l'ohligatîOH aux menf eft fondée fur ces mêmes rap- ports mutuels dont on vient de parier ; parce qu'ils paroiflent uniquement établis pour les be- foins de Tenfant : on dit unique- ment ; car comme tout ce qui arrive à une nouvelle accou- chée 5 eft principalement par rapport à la production du lait ; ce lait ne peut auffi fervir qu'à l'enfant , en vue duquel il eft uniquement fait. Le lait eft ua^ fiic nourricier travaillé premiè- rement dans l'eftomac de la mè- re , par le broyement qui s'y fait ; mais ce broyement fe conti- nuant dans tous les vaiffèaux par oii ce fuc doit pafTer pour arriver aux mam.melles , il le paî-^ trit & divife continuellement , tant par la trituration qui s'e- xerce auffi dans ces vaiffèaux , que par la force qui le poulFc 6c l'oblige à pafTer par les diamè- tres 5 toujours plus étroits les mns que les autres. Tels font

ceux

de nourrir leurs cnfdy!s, 217, ceux des canaux qui compofenc les glandes des mammelles , qui étant d'une ténuité inconceva- ble , obligent ce fuc à s'affiner jufqu au point de devenir lait. C'eft donc une liqueur travaillée par des triturations auffi propres à la mère , que les diamètres des vaiffeaux qui compofenr Tes vis- cères lui font particuliers : or comme il eft impoiTible d'imagi- ner des vaiffeaux de même dia- mètre dans toutes les femmes , & une m^ême force d'ofciliation, de reilbrt , oL de trituration , en chacune d'elles il faudra con- cevoir des broyeniens différens dans chaque femme , & par con- féquent des laits difî-erens dans toutes.

Mais cette différence & cette variété dans les femmes , ne don- neroit rien à craindre aux en- fans , fi chacune allaitoit le fien , 6c voici comnient. Suivant ce prijicipe, qu'une femme -encein-

t

î 1 8 De lûhlïgdtlon aux mcres te ne fait qLfun tout avec foii enfant j celui-ci ne refpire , ne digère , & ne vit que par fa mè- re. Les fonctions donc qui s'e- xercent dans ce petit corps pen- dant tout le tems qu'il eft ren- fermé dans celui de la merc , ne tirent leurs caufss ôc la force qui les meut que d'elle, G'cft par conféquent le même broyement qui. pafTe de la merc à l'enfant : c'eft une trituration ou une di- geftion continuée de l'une à l'au- tre j êc celle qui fe fait dans l'en- fant neft qu'une fuite & une imitation de celle qui fe paiïe dans la mère, Ainfi au lieu que les ofcillations fe continuent feulement du cerveau , aux ex- trémités dans une femme qui n'eft pas enceinte , elles paiTent jufqu'à l'enfant dans une fem- me groffè. De tout ceci il réful- tc qvie les triturations ou les di- o;eftions qui fe font dans la mère & dans l'enfant , étant en-r

de no/r/rh' leurs en fans. 119 trctcniies par une même force , fuivent la même cadence : c'eft le même rythme & la même me^ fure qui les régit, Ainfî cette préparation du fuc nourricier qui fe fait dans la mère , n cffc qu'en vue de l'enfant , & la dif- tribution qui s'en fait dans l'en- fant , n'eft qu'en vertu de la force qu'il reçoit de fa merc. C'cft une correfpondance réci- proque de l'un à l'autre , une même mefjre , & une propor- tion mutuelle , par laquelle tout s'aïufte dans l'enfant par rapport à la mère , en qui réciproque- ment tout travaille pour lui. Car comme le fuc nourricier fe prépare en elle pour l'enfant , tout fe range 6c fe mefure en lui pour le recevoir : fes vaifleaux tendres 6c fufceptibles des iitua- tions & des capacités qui leur conviennent , fe ployent 6c fe tournent de manière à perfec- tionner Se à faire croître ce petit

Tij

2,xo D^ Pûbligation a^x -mères corps. Se dilatant donc plus ou moins , & réglant leurs diamè- tres fiir ceux de la merc , ils fe mettent en proportion avec eux. Ce font des routes que la nature fraye aux liqueurs qui viennent nourrir l'enfant , 2c des moules quelle crenfe pour en rnefurer le volume , pour établir enfin un parfait équili- bre & une jufte confonance , «ntre le corps de la mère & ce- lui de l'enfant. Quel dérange^ Tnent donc pour un nouveau-né qu'on livre à des mères étrangè- res ! c'efl plus l'expofer qu'aux dangers d'un peuple ou d'une terre inconnue. Il fe trouve hors d'œuvre ôc de mefure j puifque le lait d'une nourrice ne fut ja- mais fait pour lui , hL que la dil- pofition de fon corps ne peut s'en accommoder fans péril.

' Il eft inutile de dire que le lait qu'on lui donne eft meilleur {a)

{ ) Errant ^uî futam in alimrâ tantnm^

de nourrir leurs enf.ins. ut que celai de la mère : car enfin Ton doit convenir qu'une roiie ou quelquautre pièce d'une montre , s'aiuftera mal avec les pièces d'une autre plus excel- lente, quoique les deux m.on- tres paroiflent d'ailleurs conve- nir pour le volume de pour les proportions extérieures ; qui n'apperçoit que la juftefie que la nature avoir mife entre une mè- re 6c fon enfant , étant infini- ment plus grande, il fera moins pOilible de la retrouver cette j-iifteffc , entre un enfant &: une mcre étrangère ? Cette difficul- té fe montre d'abord , à ne con- fîderer m.ême les cliofes que par les dehors, c'eft-à-dirc ,en coni-

f>arant la condition , l'humeur , e tempéram^ent , & le genre de vie d'une nourrice avec tou-

dem ejje , qiiibus ntttriculis infantes utanttir , in totiim tamen mclhis ejJe ^Jï fclidtoris habitas & flurimi facci nutrices eligantur : qttem ego trrorem majortim gentiiim liber is funejlum fiiif- fe novi. Pechl. obfervat. ^6. faz- l'sS.

Tiij

2 2 2 De l'obligation aux mères tes ces mêmes chofes dans une merc. Ce fera une femme pau- vre , ( ^ ) fouvent indigente qu'on fubftituera à une mère riche , une ruftique à une femme de condition; une emportée & plei- ne de paffion a une mère prude 6c m.odefte j une femmx enfin nourrie d'alimens grolTiers 3c vul2:aircs à une m.ere accouru- mée aux viandes délicates êc bien apprêtées. Mais quand par impoiiible on pourroit fe pro- mettre de réùiiir à allier tou- tes ces contrariétés , il en eft une qu'il n'eft au pouvoir de perfonne de pouvoir concilier: c'eft 1 âge du lait d'une nourrice avec celui de la mère. En eflet quoi qu'on imagine ià-deifus , il

( ^ ) Cum matres fîerumqiie ftnt tenerje Ô* délicate , infantes nutricibiis traditi rohiifiis- nrofîfque & jucci pknis jfrœ alimenti infuetï anomaliâ Ù" pnguii biityrofique laCiis copia in morbiim tandem incidunt , dirutoque molli coH— textu ante diem ^ereimt. Pechlin. obfervat. 4 ^>'

' de nourrir leurs enfans. 2 1 ^ fera impoiFible de donner un lait auffi frais que le fien , &: auflî bien proportionné à la difpofi- tion de Tenfant. Cet inconvé- nient eft ordinairement moins remai'qué , parce qu'on a fait paiTer en maxime , que le lait d'une nouvelle accouchée eft im- pur , & qunn autre plus âgé eft plus parfait &: mieux préparé : maxime meurtrière & mal fon- dée I car ce lait fereu fi l'on veut & mal déphle^mié^ eft tel qu'il convient à un nouvean-né , qui fc nourrifToit peu d'heures avant fa naiffance d'un fuc enco- re moins fucculent & moins nourriiTant. Une production fi nouvelle demande mille fortes de ménagemens ; (i on fonge fiir tout que la nourriture qui doit gro(îir ce petit corps , ne f^au- roit prefque fe faire d'abord avec trop de loifir. C'eft un dévelop- pement commencé dans le fein de la mcre , qui doit s'achever T iiij

2 14 "Dt V ohUgéittûn aux mères par la faite des cems. Un lait f

donc trop fucciilent troublera ,

tout dans rœconomie de ce pe- '

tit corps : s'il eft trop épais , il embaraflera les parties au lieu de les démêler : s'il eft trop vif, il les enflammera : d'où viennent :

tant de tranchées , de coliques , '

de cours de ventre , 6c de con- \

vulfions , qui enlèvent jfi bruf- quement du monde ces tendres victimes de l'is^norance ou du préjugé.C'eft comme un vin nou- veau & fumeux, qu^on voudroit fubftituer dans un corps délicat à un vin vieux & paihble : car un lait trop fait & trop déphleg- mé,développedansun enfant un volatile vicieux qui trouble les efprits , fermente fon fang, allu- me fa bile , dedeche fes entrail- les , 6c le tue enfin fans reffburce.. Pour parer cet inconvénient ^ on imaginera de prendre une nourrice , qui foit accouchée le même jour que la mère : mais

de nourrir leurs enfdns. 2 2 f- en trouver fur Icfquelles on puiC- le compter avec tant de précis fion ? cette attention cft impra- tiquable , & la réuffite de cet- te contemplation eft impofîîble ^ d'autant plus qu'on fe trompe- tous les jours en chofcs moins difficiles, &: oui tombent fous les fens. On compte , par exem- ple, de s'être donné une excel- lente nourrice , parce qu'on eft f ir de fa jeuneffe , de fes mxurs, de fa fanté : il arrive cependant tous les jours qu'avec ces rares qualités un enfant rebute ion lait, qu'il s'abandonne aux cris (5C' aux pleurs , com.me pour fe plaindre du vol qu'on lui a fait de celui de fa mère , il fe ven^e ennn f ir la noiirrice qu'il mord &: qu'il dechiie. La rciïburce d'en changer foulage peu fa dou- leur : elle cederoit fans doute aux feuls attraits d'une mère vé- ritable 5 ôc le plaifir de tirer un lait dont il a tant goûté calm.e-

ii6 lye lûhllgdtîon aux mères roît fes clameurs. Mais parce que ce moyen eft celui donc on s'oc- cupe le moins , un enfant ic nourrit mal , fon fommeil de- vient laborieux , fes veilles fati- guantes , le lait s'aigrit en lui , ou s'enflamme , il languit <Sc pé- rit enfin. S'il furmonte tant de dangers , ce neft que pour fouf- frir plus long-tems par mille maux qui fuccédent trop fou- vent à. un mauvais lait , & qui peuplent le Monde d'infirmes <2c l'Etat de fujcts foibles.

Mais de pauvres en fans n*en font pas quites pour perdre leur fanté entre les mains des nour- rices : leurs corps mal nourris intérefîent leurs efprits & leurs cœurs : ils fucent avec le lait de leurs nourrices leurs mauvais penchans & leurs vices : ils pren- nent des airs , des manières , & des inclinations contraires à cel- les de leur famille, &: indignes de leur naiflance. On en verra;

de nourrir leurs enfaus, 217 des exemples 6c des preuves ci- après : mais en voici une qui fe préfente ici naturellement.

Une plante qu'on levé de ter- re , & un arbre qu'on tranfplan- te , courent rifque de mourir , on ne les levé en motte : mar- que certaine de cette familiarité de fubftance & de nourriture né- cefïaire à l'accroiffemcnt. Mais malgré cette précaution ils pren- nent des natures différentes par rapport aux diiîerens terroirs : autre preuve des rapports qu'on a fait rembarquer ci-devant entre l'enfant & la mère. Ces change- mens de terroirs vont fouvent à altérer les fruits ou à les faire dif- paroître : car on fcait que certains arbres tranfplantés deviennent ftériles &: inféconds. On connoîc encore l'adrefle des Jardiniers à changer la couleur des fleurs , ou à les faire doubler par certaines tranfplantations 6c par le mélan- c;c de certaine terre. Ajoutez les-

1 2 8 T>i r obligation aux mères ehangemens merveilleux qui ar- rivent par les cntzs oC les greffes , & on comprendra combien d'al- térations doivent arriver à des cni^ns qu'on fepare de leurs mè- res, pour les faire nourrir par des femmes fou vent plus diffé- rentes entr'elles , qu'un, fauva- geon ne l'eft de Târbre le plus franc.

CHAPITRE VL

Des dangers {a) que courent Us mères qui nt ï.ourrijjlnt pas,

IL n'eft perfonne qui ne fça- che à combien de dangers nous expofe la fuppreffion ou la retenue des évacuations naturel- les. Une bile détournée ou re-

f a Nobtles matrona vitx voluptaria fer" vîentes , incommoda qux infantium altturA ajfert fugientes , detrecîatâ infantium fitornm laciatione , vinSÀCiam in fe ^^'ovocaverunt, Fe^ shîln, obferv-, ^6*

âe ncîr;rÏY leurs Cfîfans. 229 mêlée avec le fang , au lieu de fc vuider caufe fouvcnt la mort : ce ce n^eft qu'au manque de quel- que évacuation femblabic qu'on impuce la plupart des mala'dies. C'eiT: que le fang n'entretient bien f .rement la fanté q-i'autant <jue les fécrétions font complet- tes , 6c qu'il fe dépure parfaite- ment. Il fafiît donc de faire ob- ferver , que le lait dans les ac- couchées devient une liqueur , dont le trop long féjour dans les parties qui le travaillent , ou dont le retour dans les vaiffeaux apporte de très - fâcheux acci- dens , pour faire comprendre qu'il ne accouchée s'expofe beau- coup , quand elle manque de s'en décharger en nourriiîant fon enfant. Ce qu'on a déjà dit fur cette matière , en montrant que le lait ne fert à la mère que par rapport à l'enfant , fuffiroit pour convaincre de ce qu'on vient d'avancer : mais en voici

4tl

1 2 8 De r obligation /lux mères changemens merveilleux qui ar- rivent par les ams oz. les greffes, &c on comprendra combien d'al- térations doivent arriver à des enfans qu'on fepare de leurs mè- res, pour les faire nourrir par des femmes fouvent plus diiTé- rentcs entr'elles , qu'un fauva- geon ne Teft de Tarbre le plus^ franc.

nié'-

vulir.

CHAPITRE VL

Des dangers {a) que courent les mères qui ne i^ôurrijfent pas.

IL n'eft perfonne qui ne fça- che à combien de dangers nous expofe la fuppreffion ou la. retenuë des évacuations naturel- les. Une bile détournée ou re-

( a N&biles matrones vhx voluparia fer- 'vîentes , incommoda qux infantium aliturd affert fugîentes , detreciata infantium fuoriim lacîatione , vindî6lam> in fe ^rovocaverunt, Fe- fblln. obferu. ^6*

\'

^nl'-

de ncîrrriY leurs en fans. 219 mêlée avec le fang , au lieu de fe vuider caufe fou vent la mort : ce ce n'eft quau manque de quel- que évacuation fem.blablc qu'on imipute la plupart des maladies. C'eil: que le fang n^entretient bien f .rement la fanté q-i'aucant que les fécrétions font complet- tes , & qu'il fe dépure parfaite- ment. Il fufiît donc de faire ob- ferver , que le lait dans les ac- couchées devient une licueur, dont le trop long féjour dans les parties qui le travaillent , ou dont le retour dans les vaiffeaux apporte de très - fâcheux acci- dens , pour faire comprendre qu'une accouchée s'expofe beau- coup , quand elle manque de s'en décharger en nourrifîant fon enfant. Ce qu^'on a déjà dit fur cette matière , en montrant que le lait ne fert à la mère que par rapport à l'enfant , fuffiroit pour convaincre de ce qu'on vient d'avancer ; mais en voici

I

a ^o Bt rohïïgdtïon aux mtrcs encore d'autres preuves. iPour qu'une liqueur n'apporte point de trouble dans le corps tant qu'elle y eft renfermée , il faut qu elle ait fes iiîuës ëc fes rou- tes libres , à travers lefquelles elle ait les allées 6c venues , ^ puiile circuler : à faute dequoi ne faifant que fe porter ou elle peut , ou venant à croupir par tout , elle devient la caufe 6c la matière de quantité de fâcheux dépôts. Or e'eft ce qui arrive au lait dans une accouchée , qui doit par conféquent en foui- frir étrangement , quand elle ne l'employé pas à nourrir.

Il y a dans nos corps une dou- ble circulation dans l'état d'une pleine faute ^ l'une de la partie rouge du fang , l'autre de fa par- tie blanche. Que fi par quelque caufe que ce foit la partie blan- che ne peut fuivre le courant de la rouge , il fliut ou lui ouvrir une ifllië , ou s'attendre de fa.

de nonrrir leurs enfans. 1 3 1 part aux accidens les plus fâ- cheux.

C'eft ce qui arrive dans le corps d'une nouvelle accouchée ; puifque la partie blanche &: lai- teufe qui alloit nourrir l'enfant pendant la grofTeffe , doit né- celTairement après les couches ceifer de circuler dans les parties qui ont porté Tenfant : on le comprend par les changemens qui doivent arriver aux diamè- tres des vaifleaux de ces mêmes parties , comme on va le mon- trer.

Dans l'état de grofleffe tous les vaifTeaux fe dilatent & fe gor- gent pour ai niî dire : tant la na- ture occupée du néceflaire de l'enfant ne craint point de paf- fcr à l'excès. Mais au moyen de cette dilatation extraordinaire des vailleaux , les capillaires eux-mêmes doivent aufli pren- dre beaucoup plus de diamètre. Que fi donc dans l'état de iànté

i 3 2. ^^ tohUgnîlon aux mer es ordinaire, les capilléiircs ont af^ fez de capacité pour donner pal- fage à la partie blanche du fàng, tandis que la rou2;e retourne au cœur par des vaiiTeaux plus gros & plus fcnfibles , les capillaires des parties baiîes dans les accou- chées doivent avoir beaucoup plus de capacité , ôc tranfmettre Bon iciilement la lymphe nour- ricière , mais un fuc vrayement laiteux pour la nourriture de Tenfant.

Mais il n'en eft plus de même après les couches : toutes les par- ties qui étoient \\ extraordinai- rement étendues , s'affaiflent & fe retirent j les vaifTeaux , fur tout les capillaires , doivent donc fe rétrécir ; & le fuc lai- teux ne trouvant plus iç:s iiTuës auffi larges , ePc contraint de de-r meurcr mêlé au fang , jufqu a et qu'il fe foit frayé d'autres routes êc ouveit une autre ifuië. C'eft ce qu'on appelle fièvre de lait 5

qui

de nourrir leurs enfans, 233 qui eft un eiTort de la nature , par lequel le fuc laiteux encore intimement m.êlé au fang, cher- cîie à aller fe féparer , ôc s'ouvre un aille vers les mammelles , qui doivent déformais lui fervir d'entrepos , êc favorifcr la dé- charge.

Toute cette manœuvre qui fe paile dans les corps des accou- chées 5 leur devient à charge quand elles ne veulent pas nour- rir : car leur lait n'étant point tiré par l'enfant , outre qu'il de- vient inutile , caufe par fon fé- jour tant de maux , d'inflamma- tions & d'ahfcès , qui tourmen- tent trop fouvent celles , qui pour s'épargner la fatigue de nourrir , s'expofcnt aux dangers de cruels accidens , ou aux en- nuis de longues infirmités , dont voici la raifon.

Lors des couches les vaifleaux {q trouvent furchargés de li- queurs 5 6c quoi que la partie

2, 34 ^^ Pchligation aux mcrtr rouge du fang conferve & coir-- tinuë la circularion, la blanche <ievenuë laiteufe dans ce tems^ trouve fes iiTiiës fermées ou ré- trécieSj ôc contraintes de refter mêlées au fans; , elle eft obliî^ée cl en luivre le courant , ae retour- ner donc au cœur ôc d'aller fe décharger par les glandes des^ mammeilés. Une femme donc qui ne veut point nourrir s*enga- o^e en d'étransies inconvénicns': car ce volume ae liqueurs rete- nu dans les vaifTcaux , ou les fur- charge d'autant , ou met Tac- couchée en rifque de fâcheux dépôts*

il y a , dira-t'on , des remèdes & des moyens pour faire perdre le lait , 6c en prévenir les incon- véniens. Mais eft-il permis de perdre une liqueur fi précieufe, & que la nature mcnaQ;e avec ta ne de foin ? 17/ cjuid perditlo h\tcf Comprend-on qi*'on puilTe fe permettre fans néceifité à fans

de nourrir leurs enfans', 2 3 ^^ crime , de faire périr une chofe deftinée par le Créateur à des ufa^res néceilaires ? N*eil:-ce point au contraire un fpecta- clc honteux , ôc qu on ne peut exempter de faute , de voir des femmes refufer à leurs enfans un lait qu'elles font obligées de prodio;uer aux chiens ? car enfin on en a vu qui ont ete contrain- tes pour fe foulager de fubfti- tuer à leurs enfans ces indignes- nourriiTons. Encore ces lâches moyens répondent -ils mal aux befoins des accouchées, & ne les laiflent guéres moins expô- iéQS aux douloureux dépôts qui fuivent la retenue du lait. Car dans les unes venant à s'aigrir 6c à fe 2;rumener , il leur caufe des abfeès aulli opiniâtres que dou- loureux : en d'autres il fe durcit & pafle en des tumeurs dures & fchirreufes aufli mal-aifées a fondre , qu'incertaines dans leurs fuites. Il s'en trouve cn-

V ii

^'i^6 De l'obligation aux mères core en qui le fang embarraiîe lui - même par l'abondance du lait dont il n'a pu fe défaire , fc rallentit , & par fon féjour fait des érylipeles , des inflam- mations , & d'autres abfcès en- core auffi pénibles &: non moins fâcheux. ! qui fçait enfin fl tant de cancers èc de tumeurs malignes , qui affligent journel- lement les femmes , ne font point les fuites ou la punition du pé-- ché de celles, qui lans nécelfité de par coutumie fe difpenfent de nourrir. Car enfin qui empêche- ra de croire , que les glandes des mammelles faites ccmm.e elles font pour dépurer le fang de fil- trer une liqueur, puiiîent s'im- biber d'une férofité maligne , au lieu du fjc laiteux auquel elles étoient deftinées.

Fi/he etiam ingrat ^t référant tihi

-prjimïa matris s Et qukm non imf une ferai claujijfs

fuentes

de nourrir leurs enfans: 23 7

Vhcrihus rivos , dlïmentaque dehi^ '

ta ?îaîis ? C&nantï latices illt frigentihus her^

bis Sijîere difperfos^ ^ /Vi? om'ae rtfun--

acre cornus , Trigidus ^ vehemcns fubito rigar'

occupât art us, Tum maU confe qui turf ebrîs yfivi-

que dolores Vbera dïfcrucïant. Multis lac cogl--

tur.intus , Nequicquam prejfts lucians erumpe--

re mammis» Inde tibifœdo manabunt ulcéra pu- re: Et ni fubvenias in tempore , quoi^

fuir ulcus Cdfzcer erit fubit)} y &c. ( a )

Mais ce n eft pas aux mammel- les feules que tant de maux fe prennent : les fièvres , les flu- xions de poitrine , les oppreC-

{a) Mîchad, HofptaU epiji, /. 3 . p. 1 80»

^ jS -^^ l* obligation aux mères fions , les cours de ventre , les inflammations d'entrailles , ne font pas moins fouvent les triC- tes témoins ou les dangereux effets de la retenue du lait. Les vaiiîeaux trop pleins d'un fang gluant & qui roule mal , fe bou- chent & arrêtent fa circulation qui y auroit été libre & aifée , la femme en avoit diminué le volume, &: confervé fa fluidité en nourrifl^,nt. C'efl; encore à un mauvais refte de lait dans ks veines , qu'il faut imputer cqs maux de cuiffes fi infljpporta- bles & fi périlleux , qui font fouffrir tant d'accouchées , en qui le lait n'ayant pii fe faire voye , ni par les mammelles , ri

fmr ailleurs , s'eft cantonné dans es mufcles des cuiffes. Laraifon en eft fenfible , c'eft du miêmc tronc de vaifl^aax que partent ceux qui alloient nourrir Ten- faut , &: ceux qui portent le lang à -ces mufcles.

di nourrir leurs enfans, 23^^'- Mais quand tons ces accidens- feroient moins ies fuites de leur faute que de leur malheur, ce manque de nourrir leurs enfans fe trouver oit encore étrange- ment puni , par la néceflité oii elles fe trouvent d'accoucher fou vent , quand elles en font quittes pour mettre des enfans au monde. En effet la crainte ie l'incontinence , les égards pour une femme nourrice , les ménagemens pour un nourriflon qu'on aime, retiennent naturel- lement un mari ; au lieu qu'une fem.me c]ui rtfufe d'être nourri- ce n'a' rien à oppofer à fa paffioii ou à fa tendrefle.

Ce n'eft pas pourtant qu'on prétende ici fournir aux femmes à^s prétextes de fe refufer à leurs maris : l'Apotre leur donne là- dciTus des régies nui doivent fai- re celles de leur conduite cC de leur foumifTiOn : mais puifqu'on a i'cxempic des femm.es Juives? 5.

140 -^^ VollîgAtlon AUX mères qui dans une Reli2;ion moins iainte que la notre , ont bien f<^Li fc préferver d'enfans pen«- dant des années entières qu elles allaitoient , & puifque a ailleurs les maris d'alors entroient dans ces égards ; on fe croit bien fondé à faire efpérer aux fem- mes chrétiennes qu elles obtien- droient du moins autant des leurs. Mais quand bien même I elles les trouveroient moins com- plaifans en ce point, Tétat de nourrice pourroit les préferver par lui-même : puifqu une nour- rice tant quelle nourrit rede- vient rarement mère. On en trouvera la raifon dans ce qu'on a dit ci-defflis : car la nature oc- cupée uniquement à la nourri- ture de l'enfant , fe trouve toute diftraite en fa faveur j 6c tandis que tous les vaiiïeaux deftinés à préparer le lait fe trouvent ouverts & amplement dilatés , ceux qui devroient fervir à la

formation

de nourrir leurs efifans.

241

formation d'un nouvel enfant ont changé de lîtuption , -ie me- fure , hc de diamètre. Tout fe porte donc alors principalement aux mammelles , fang , lymphe, &: efprits ; & par cette raifon les vœux d'un mari réuffiflent alors mal - aifément j ôc il eft beaucoup moins ordinaire pen- dant tout ce tems , qu'il rede- vienne pcre.

Ce qu'on veut donc faire com- prendre , c'eft qu'une mère qui fe rendroit la nourrice de fes en- fans 5 en retireroit cet avanta- ge , qu elle auroit beaucoup moins à rifquer pour fa fanté 6c fa vie , en nourriirant deux en- fans , qu'en s'expofant à mettre tous les ans un enfant au mon- de. Si donc la condition de nour- rice eft plus importune , celle de mcre eft plus périlleufe. Une trifte expérience en eft la preu- ve : car on compte beaucoup plus de maladies qui attaquent

z^i De r obligation aux mères les femmes grofles , qif il n'y en a qui menacent les nourrices : celles-là fe prennent à la vie , celles-ci n'en veulent guéres qu'- aux aifcs & aux commodités : en un mot on voit fouvent mourir des femmes grofles ou des ac- couchées 5 mais rarement des nourrices.

CHAPITRE VIL

^^e les Familles & les Etats {a)

Jouffrent de ce que Us mères ne

nourrijjent pas leurs enfans^

Rien ne contribue tant que l'union , la concorde & le bon eforit à foutenir les familles & à affermir les Etats. Rien donc

( fl ) Cum Mque frîpati nobilium mores fi^ miarum inflar affe6ient , mirandum non ejl eam ladanài infoîentiam in vuîgus quoque tranjîijje: flr quod aliis ex necejfitate incumbit , aiiis ai cftentationem^juramm ejfe, Pechlin. obferY#4^* pag. 107.

I

de nourrir leurs enf^ns, 245 ne doit tant nuire aux uns éc aux autres , que Tomiflion des mcres à nourrir leurs cnfans ; puifquil ri'eft rien qui aliène tant les cœurs , ni qui aviliflc tant les efprits.

Un enfant nourri d'un lait é- tranger en aime moins fa véri- table mère (a) &: ce font moins fes mœurs & fes inclinations ( b )

?|ia'il emprunte que celles de a nourrice. Ceft pourquoi un grand Prince difoit autrefois , Gu une femme étoit plus fùre de fe faire aimer d*un enfant pour l'avoir allaité que pour l'avoir

Vtinam-& ter quaterquè ! athtam koc nofha intelltgerent mtiliercuU ! nte Reifublica mala averterentur. Franc. Paullin. Cynograpliije , pag. 5^.art. 5^

(^ ) Velim agnofcant quarum primum culpA hoc vitium invaluit , quantum pietati & amori in liberos peregrinâ illâ alitura detraxerint ; raph enim nutrktda quoi matri debebatur , blanda ridcntiaque ora & qua tenellus amor dî6iarefolet. Joaa. Nicol. Pechlin , obfer. ^6, p. io8.

{h) Trancifc, de Mmdoçn viridar. erttdk,, f ag. 15^5.

Xij

i44 ^^ r obligation aux mères mis au monde. AluiJJ} majora hahet amoris ificitamenta , quam crcajfc {a). Et de vrai la paf- iîon peut engager une femme à devenir mère j mais l'amitié feule peut l'alTujettir à fe rendre nourrice. Alendifnis ejl non ne^ cejfitas y fed amor {b), Ceft pour- quoi l'Ecriture voulant expri- |l mer la bonté de Dieu envers fon | peuple , ne la compare pas à la- ^ mitié d'une mère , mais à la tcn- drefle d'une nourrice [c): par une raifon femblablc on trouve dans l'antiquité des marques fi authentiques de reconnoiflancc d'enfans envers leurs nourrices , qu'ils ont quelquefois fait dref- fer des Monumens [d) tn leur honneur.

Seroit - ce que le lait d'une nourrice auroit quelque chofe de plus parfait &: de plus puif-

(a) Alexandre le Grand. . (^) Plutarch.de amor. -prolis, p. 49 'i» (c) Nombr.c.2. Orée,c. z.IfaiejG. ^^, id) Vid,GrHter.;p.66i._

de nourrir leurs enfans, 24 j fant , que tout ce que la mère a fourni pour former fon enfant > ce n'efb pas l'idée qu'on s'en fait ordinairement : cependant elle étoit veniie à de grands hom- mes ( d) , qui ont cru y apperce- voir quelqu'apparence de vérité. Ce qui paroît certain , c'eft qu'u- ne mère y met moins du fien qu'une nourrice. On a vu ci-def- fus que toutes les femelles des animaux , comme les graines des plantes , apportoient en elles &; du fein de leurs mères les ébau- ches des animaux qu'elles ont à mettre au monde : ainfî ce n'eft pas l'ouvrage de la mère que le développement qui fe fait en elle par le mariage des parties de fon enfant ; 6c ce qu'elle y contribue n'eft que du peu qu'el- le fournit pour fon accroifle- ment. Comparant à préfent le peu de tems qu'elle lui donne ,

(di) Aridotel. lih. 4. àe gêner, animal, c. 8. AbiilenJîsinc,ii,L€vit.Matfhiol.L6.mDiofcor*

Xiij

14^ Ve rolUgaîton m^ mîtes quieft celui delà groiTefTc 5 &îe peu de fuc qu'elle lui fournit , avec des années entières qu'une nourrice employé à nourrir fon enfant , à le former 6c à le fai- re croître , on comprendra déjà qu'une nourrice donne beau- coup plus de fa propre fubftan- qu'une mère.

Un enfant d'ailleurs dans le fein de fa mère ne peut avoir aucun fentiment, ni s'apperce- voir de ce que fa mère fait pour lui ; êc ce qu'elle fait elk-même en fa faveur n'eft ni de fon choix , ni volontaire : au lieu qu'une nourrice agit de propos délibéré , & que par fes paro- les , ks^ airs , les amitiés 6c {^% carefTes , elle agit autant fur Tef- prit de fon nourrillbn que fur fon corps. Celui - ci n'apperccvant donc rien que d'affable & de gratieux de la part de fa nourri- ce , ôc flatté continuellement par elle 5 parvient à fentir le plaïur

de nourrir leurs tnfans, 247 qu'elle lui fait : en faut-il davan- tage pour engaeer une amitié récjproqiie , 6c former une rc- connoiitance habituelle?

Le lait enfin confidéré en lui- même peut encore infpirer à nn enfant des retours damour Se de bienveillance envers fa mère. Car fans vouloir prétendre qu'ail foit autant ou plus parfait qisa le fang 5 on ne peut difconve- nir y qull ne foit détrempé par beaucoup de fuc nerveux ou de- lymphe qui n en eft que le réfi- du. Or ces fucs remêlés au fang ,, & portés aux glandes des mam-^ melles , rendent le lait finon jfpi- ritueux , chargé du moins de parties frnes & actives , .propres à tran{mettre dr.ns un enfant les inclinations d^ la mère , ôc à éta- blir entre eux: une refTcmblance d'humeurs & de panchans.

Cette conjecture reçoit beau- coup de vraifemblance par les faits hiftoriques qui nous fonr

•vr ••

X-nij,

is^ De Pohli^^athn aux mères reftés là-delTus. On a cru que Remus & R^omuiiis n'ont tant aimé le brigandage, que parce qu ils avoient tiré le lait d'une louve. La raifon qu'on apporte pourquoi Tibère aimoit fi paf^ lîonnément le vin , c'eft parce que fa nourrice y étoit fujette. On difoît d'Achille , qu'il avoit été nourri de bJle , parce qu'il étoit emporté (^j. Ceux enfin qui dans. l'antiquité étoient les plus verfés &: les plus habiles dans l'éducation des en fan s ont recommandé , quand on ne pou- voit faire mieux , de leur don- ner des nourrices fages 6c de bonnes mœurs (^ ) j parce qu'ils étoient perfuadés qu'une nour- rice fage'pouvoit autant infpirer de bien à fon nourrifîbn , qu'u- ne femme vicieufe pouvoir inf- pirer de mal. Il fc trouve même d'excellens maîtres ea matière

( ) Homer. lîh. 1 6. Iliad.

( b j Flutarch, de e duc and* liber}

de nourrir leurs enfAns^* 249 d-'éducation,qui vouloient qu'on leur en donnât de içavantes. Quintilien confeille d'en choi- sir qui parlent bien j 6c Ciceroa ajoute qu'elles devroient même être éloquentes : par oii Ton voit combien de maux ou de biens on a toujours craint ou efpéré ''du lait d'une nourrice*

Mais les deux Hiftoires qui fui- vent le prouvent parfaitement. L'une eft d'un certain Efpagnol {a) qui cour oit auffi vite qu'un cerf, parce qu'il avoit été nour- ri de lait de biche. L'autre eft d'un Moine {h) qui fe déroboit aux yeux de {ç:% frères , pour danfer & fauter à fon aife en fon particulier : & cette inclina- tion à bondir ne lui étoit venue , que pour avoir eu une chèvre pour nourrice.

Il eft donc évident , que le lait

( ^ ) ]u(itn. htfi, lib. uîtîmo, ( b ) Vid. Franc, de Mmioça^ wi<L çradifi lib.iv.frohUvij, -

1^^ De fêhligation aux mens d'une nourrice eft d'une étran- ge force pour former les incli- nations d'un enfant. Mais com- me les Nourrices font toutes ou pauvres, ou de qualité médio- cre 5 inférieure du moins à la condition de la véritable mère , c'eft manifeft'ement expofer des cnfans à prendre des inclina- tions bafïes ,. impolies , rufti- ques , Se qui dégénèrent par conféqucnt de celles de la fa- mille 5 la Providence les a voit fait naître : c^eft donc rifquer de peupler des familles de gens fans efprit , fans polite^e , &: fans cœur ; c'eft fut: ce principe que font fondés ces reproches d'Ho* mère :

Non ccfucs i^f. paurfuerat tibi ,

me hercule y Peleus , Non Thetis ejî genitrix iglducum

te protulit dquor y AértJieiue rupes ^ mens quod tîbi

duraferoxque ejl^

de nourrir leurs enfans, i^x Virgile par une raifon femblable met ceux-ci dans la bouche de Didon contre Enée :

Nec tlbi Diva farens^geriîris nec

Dard an us Ancîor , Terfde , ftd duris gcnuit te cau^

tihus horrcns Caucafus , Hyr canaque admorunt

uhera Tjgres,

Après cela il ne faut plus im- puter à d'autres caufes la déca- dence des familles , k peu d'u- nion qui y régne , le peu d'ami- tié qui lie ceux qui les compo- fent , le peu d'efprit enfin , ôc la mauvaife fanté qu on remarque en des enfans nés dérailleurs de

Î;ens fains &: de bon efprit ; c'eft 'eiFet d un lait étranger j car il peut beaiicoup fur les corps (4 ) :

( ^ ) Peregrina aîttura tradtt ingeneratque mores non matris ,feà fuos , fafe etiam, corporU valetudinem ferofosnitçndam. Pechlin. obrerv»

^^1 De r obligation aux mtrcs le fait fuivanc ne permet pas d'en douter.

Un Auteur de la vie ruftique parlant de la meilleure manière d'élever de bons chiens pour la campagne , ordonne qu'ils feront nourris du lait de leurs mères , {\ on veut fe les aflurer de bonne race. ( a ) Nec uncjuam eos , quo- rum generofam volumus indolcm con/irvare , patiemur aliéna nutri* fis uhcribus e du cari, La rai ion

Su'il en apporte , c'eft que le lait e la mère renferme plus de bonnes qualités , &: fait un meil- leur corps , .guonlam lac ^ fpi^ rit us mater nu s longe m agi s ingenii 4tque corporis incrementa auget. Il donne le même avis touchant les animaux qu'on veut engraifler , on veut qu'ils foicnt de bon fuc , ( h) Curet porculator ne quis fuh aliéna nutrice educetur ; &: ce- la fans doute parce que le lait

(^) CoîumelLUb.j.c.iz» ( ^ ) ColumelL lib» 7»c\p.

de nourrir leurs enfans, 2^3 de la mère fait une meilleure chair : il eft donc vrai de dire , que le lait de mère peut beau- coup plus que tout autre fur le corps. Ceft pourquoi Ton a tou- jours crû , que l'éducation pou- voit autant pour former les corps &: les efprits, que la naiilance ; [a) ^u^amohrem non frujira crédit um ejl y ficuti valent adjïngendas cor- poris atque animi Jimilitudines vis dr natura feminis , non fecus ad tandem rem lacîis quoque ingénia, ^ proprietates va 1ère,

Mais les enfans de famille peu- vent-ils dégénérer, fans que les Etats tombent infenfiblement en décadence , ou fans qu'ils changent de mœurs ?

Talia principia , atque or tus f un-

damina nojlri , l^atur£ non fponte ynec ^quo nu-

tninejacla ,

154 T>c rMigatîon aux m£r€s

Muhis deinde mdis aditum cm"

famcjut dedère , Vt fAYvi jam frima, fimul cum

tacîe hibamus Semina nequiti^y qu£ fojl fc flu-^

rim4fundunt{a),

Puifque les Etats ne fubfiftent que par les familles dont ils ti- rent leurs fujets , leurs foldats , leurs Officiers , leurs Capitaines, Cétoit pour cette forte de bien

{)ublic, que Platon fe défiant de 'éducation de la plupart des pa- rens qui la négligent dans leurs enfans^ auroit voulu que TEtat lui-même fe chargeât de ceibin , te qu'on fît élever les enfans en public 5 parce que de l'éduca- tion [b) de la jeunefle dépaid le refte de la vie , &: la gloire ou la félicité d'un Empire.

i a ) Mtchaélis Hofptaln , eftjî, /. 3 .|>. T 79* (^ ) Educatio eft rei^rinci^ium, Xeno^h* lié*

de nourrir leurs enfAns. 2 5 j Dans une femblable vue Ca- . ton (a) vouloit , comme on îa die ci-deffus , que fa femme 6c celles' de {ç^s valets allaitaffenc leurs enfans ., & il entroit lui- même dans le détail de l'éduca- tion des fiens ^ U. de leur nour- riture. Çeft que ce grand Poli- tique avoit reconnuics étranges inconvéniens , dont un lait é- trangcr menace les familles.

At melior natura tamen , cum

U6ÎC y honique Mutantur mores s dar'ifque ^à^

rentihus orta Virgoft ancilUJimilis , lafciva ,

frocAxque , Mhrîa , faltatrix , dr amans în-

honejla virorums Turpis , iners ^ fdvufque puer ,

fcôrtator , avarus , lUarum fimilis , quorum prius

uhera/uxit (h),

ia) Vîutarch. in Cat, Maj.

Ib ; Id, Mie, Hofpu efift, i . /. 3 .p, ipj

z<^6 De r obligation aux mères

En effet on a vu des enfans qui aimoient à fe vautrer dans la boue 6c la fange ^ [a) parce que la difette avoit contraint leurs mères à les nourrir de lait de truye. On imputa le panchant que Cyrus {h) avoit à rufer ôc à furprendre , à ce qu il avoit été nourri du lait d'une chienne î &C les mœurs cruelles d'un certain Parius (^r) à ce qu'on lui avoit fait fuçer le lait d'une ourfe. Mais l'exemple du plus affreux des malheurs qui puiffe arriver d'un lait étranger , fe trouve dans la perfonne de Caligula : car 5 de ce qu'il a été le plus dé- naturé des Empereurs, il ne faut s'en prendre qu'au lait d'une nourrice qui ajouta à fon hu- meur féroce &: cruelle , la cou- tume de fe frotter de fang le

(tf) SennertA. a, Injîh. feCi. i, r. 4. Qum'^> tll.l. I.

(h) Mariana tr. de rege & regno ^ c. 2 , f <? ) i^ataL Cornes j /. 6, Mytholog,

bout

de nourrir leurs en/ans, 257 bout des mammelles , qu'elle fai- foic fucer enfuite à ce malheu- reux nourrifTon. Par ce moyen il devint barbare , qu'il alla jufqu'à fouhaiter , que les têtes de tous les hommes puiTent ne tenir qu'à un feul col , pour fe pouvoir donner la fatisfactioa de les abattre toutes à la fois , 6c de voir d'un coup d'œil couler le fa no; de tout le i^enre humain,-

Mais ce n'eft pas aux particu- liers feuls , que font à craindre les malheurs qui viennent d\ia lait étranger : ils peuvent deve- nir ceux de tout un Empire^ Ceft pourquoi Mithrydate {a}^ Roi de Pont reprochoit aux Ro- mains , qu'il ne falloit point s'é- tonner de leurs cruautés , puif^ que leurs Princes avoient eu des> louves pour nourrices.

Il eft vrai qu'on peut éviter aujourd'hui de fi extrêmes mal- heurs : mais du moins ces exem.-

(4) Juflin.BiJi.l.

T .

258 De rohligdtîûn aux mères pies prouvent-ils à n'en pouvoir douter , ce que peut un lait étranger fur de jeunes enfans; D'ailleurs voici un incanvénient qu'aucune précaution ne peut prefque faire éviter. On a déjà fait voir qu'un enfant qui a tiré une nourrice érrangere , en ai- me beaucoup moins fa véritable mère , & on en a apporté des exemples : mais ces cnfans reve- nus de nourrice , auront-ils con- fervé plus de naturel pour leurs frères ^ peur leurs fœurs que pour leurs mères ? c'eft ce qui paroît impoffible à croire , fi ort fait réflexion que chacun des frcres &: chacune des fœurs , a eu fa nourrice auffi différente de celle du dernier revenu , qu'- elles toutes cnfembles font peu reffemblantesàlamere. L'étran- ge variété donc d'humeur , de panchans 5c d'inclinations , que celle qiû doit fe trouver non feu- lement parmi les, enfans , mais

de nourrir leurs enfans. 1^9 encore entre les enfans &: la mè- re ! Quelles femcnccs par confé- quent de divifîons j, aanimofi- tés 5 d antipathies ! Que fi après- ecla il leur refte quelque forte de confîderation les uns pour les autres , ce fera moins une ami- tié de tendrefTe que de cérémo- nie ; Propterea ohliteratis & ahù" litis KAturA pietatis élément is y. quidquid ita, educaPi liheri amarc patrem & matrem njidentur y ma,^ gnam fere partem , non naturdis- il le Amor eji , fed cwilis^ & opina^ hilis. ( a) Que fr Ton ajoute ^ tout ceci 5 que la coutume de donner des nourrices aux enfans a prefqu inondé tout le monde ^ n'a-t'on pas fujet de craindre de voir dégénérer les familles 6c lesî Etats l

Et natûs miramur oririfan^uinc^ nojïra

(a} Ttraqml, de nohtlhar. fag. m..

2.^0 T^e VohUgAtîon aux mères

Dégénères , qtiihus immeritis m^'^

terna premuntur Vhra y conduBjtfu^ dant aren^

tiaferva {a),

A tant de raifons. Ton nous permettra d'en ajouter une der- nière 5 qui n'intéreffe pas moins les familles bc les Etats. L'on convient que rien ne peut tant y nuire que roifiveté , la fource de tout mal , & l'origine de tous les défordres. Rien cependant n'y conduit fi naturellement que la coutume d'autorifer les mè- res à fe fubftituer des nourrices. Quittes de cette occupation , la feule prefque qui leur convien- ne 5 elles demeurent défœuvrées, & la vanité , l'amufement , le feu , le luxe , 6c peut-être encore quelque cliofe de pis , prennent la place d'une occupation rai- fbnnable. Le mal s'étend enco-

de nourrir leurs en fan s. i^\ tt plus loin : car le loifir des fem- mes devient nn piège pour les hommes : ils fe croyent obligés d abord , par pure honnêteté ôc par politeue , damufer ce loifir qui paroît à charge à des per- fonnes pour lefquelles ils font naturellement portés : mais ce prétendu devoir de civilité paflc en habitude 5 les efprits fe pren- nent, 6c les cœurs s'engagent : on aime ce qu'elles aiment , 6c la complaifance pour les femmes engage les hommes dans une vie molle Se efféminée. Les garçons féduits par l'exemple fe font des vertus des défauts de leurs pères, & fe forment des cœurs &: des efprits de femmes dans des corpsr d'hommes , comme un anciea Poète le reprochoit à la jeunelîe de fon fîécle ;

Vos etenîm ]uvenes ^ammos geri'^ tis muliehres.

Et les filles accoutumées a voir

26 1 T>e l'obligation du)c:mere:s dans leurs mères une vie molle & fenfuelle ,.croyent que le tems ne leur eft donne que pour le plaifir. Ceftainfi qiielarainéan- tife prend la place du travaii dans les uns 6c dans lès autres r tous méprifent ra£lion & de- viennent prodigues &: diffipa- teurs du tems , la. feule chofe dont if eft hannête de paroître avare.. Ceft pourquoi les cfprits s'avilliflent , les courages s abat- tent , tout s'énerve , les Etats s'affoibliiTent & viennent enfin à déchoir. Il ne faut point en chercher la caufe ; on Tapper- çoit dans cette vie molle des femmes , qui défoccupées de leur ménage 5c de Téducation de leurs enfans , ne font prefque plus qu'amollir le cœur des hom- mes 6c les accoutumer à- roiiî- '«été.

de nourrir leurs enfms^ i ff j

CHAPITRE VIII.

Faux prétextes des mères qm Je difpenfent de nourrir,

CEs prétextes par lefquels on voudroit juftifier les mères qui ne nourriflent pas , font encore aujourd'hui les mê- mes queceu:^ quune mère aveu- glée par fa tendreflè pour fa fille oppofa autrefois au Philofophe Phavorin , ( ^ ) & que le fçavant Erafme {h) améprifë depuis. Ils le réduifent à la délicatelTe de complexion ^ &C aux dangers qu'une nourrice fait courre à fr ianté 5 à Tufage^ établi êc pafTé en coutume , enfin à une forte de déshonneur qu'on trouve au- jourdhui à nourrir fesenfans. i^. Cette prétendue délicatet

(a) Aul.Gdl. m6l.att,l. u.c. u.

(b ) Co//o^. Eutra^eU & Fabuî,

2^4 ^^ f obligation a-u^s^ meref fe eft mal entendue ; puifqu'îl ne faut pas plus de forée pour nourrir un enfant , que pour le mettre au monde. Si natura dédit 'vires ad concipiendum , haud dfihie d^ ad ladandum, ( a ) D'ailleurs eft-ce que les ennuis d'une grof- fefle, éc les efforts quil coûte pour donner le jour à un enfant , font moins fouffrir la fanté que la peine d'allaiter ?

Rien , dit-on , ne détruit tant la poitrine , que la fonction de nourrice : mais un des plus ha- biles Médecins d* Angleterre , oii \q,s phthifies font plus commu- nes , fait obferver que des mcres menacées en apparence de cet- te fâcheufe maladie par leur maigreur & leur délicatefle , s'en préfervent en nourriffant leurs en fans , (h) Etiamjl îahidd vi- deantuY naturâ fua d^ gracias ,

{a) Erafm. Colloq. Eutrapel. & Fahttl. Ri. Guerin , Méthode d'ciever les enfans , p. 28^ (•if) Mononin Fhthifiolog. ^ag, 13.

tamc?-^

âe nourrir leurs enfans, 16^ îamcn inter lacîandtim finguej- cunt.. On appuyé fortement ce préjugé fur l'étrange déperdi- tion de fubftance qu'une mère doit fouffrir en nourrilTant \ puiC- qu'il faut que la meilleure par- tie de foi-même, ou du fuc nour- ricier qu'elle prépare , s'employe & fe confomme pour la nourri- ture d'un enfant.

Mais la nature a pourvu à cet inconvénient , &: ce que la merc donne à fon enfant n eft que ce <jue la nature lui a prêté dans cette vue. Car hors l'état de grofTefle elle n'a de fanté , qu'en, perdant dans un an par une éva- cuation fenfible vingt livres de fang; elle fe trouve dans le tems de neuf mois de grofTelIe , pen- dant laquelle cette évacuatiori cefle, avec quinze livres de fang de plus qu'il ne lui en faut pour fe bien porter. Or comme un nouveau-né eft à peu près au mo- ment de fa naifTance du poids de

Z

x66 De rohlîg^thn aux mères neuf à dix livres , ce ne fera que du fuperflu de la mère qu'il aura reçu ce volume.

Il en eft encore de même dans une nourrice , elle ne met rien de fon néccfTaire pour allaiter Ton enfant j car la nature lui épargnant êc lui mettant en ré- ferve cette même quantité de vingt livres de fang quelle au- roit eu à perdre chaque année pour fe conferver en fanté fi elle n'étoit point nourrice ; elle {e trouve plus riche d'autant de fang qui pafTe en fuc nourricier ou en lait. Ce font donc vingt livres de lait de furcroît, &: qui lui eft d'ailleurs inutile , qu elle peut par conféquent employer à nourrir fon bnfant, fans qu'il lui coûte rien de fon nécellaire.

Mais cette même nature amaf- fe encore à la -mère un autre fonds , d'où fans rien ôter à Çqs véri'tables befoins , elle peut fuf- fifamment tirer de quoi fatisfai-

de nourrir leurs enfans. 1 6j re à ceux de fou enfant. Suppofé donc que vingt livres de fuc nourricier mis en réferve par an, puiflent à peine fuffire à fournir à un enfant le poids ôc le volu» me qu'il acquiert dans cet efpa- ce de tems , ôC fans lui compter ce qu'une mère ajoute d'alimens avec fon lait , voici de quoi dou- bler à fon profit au moins la quan- tité de vingt livres qu'on vient de lui afîigner. Les femmes naturel- lement tranfpirent (a) moins que les hommes: cela fe prouve i^. Parce qu elles ont le poux plus mou âc plus lent. 2°. Parce que leurs vaifTeaux font plus étroits ou de moindre diamètre que ceux des hommes : le cœur par confé- quent dans les femmes doit pouf- fer le fang avec plus de lenteur à l'habitude du corps , & les ca- pillaires doivent contenir moins de fuc nourricier , fuivant ce principe d'un {h) des plus célé-

(a) Frend. Erronenologiie , p.?^. 1 6, {b) Bcllh. Z ij

%6t De robllgation mx mtres bres Médecins du fiécîe pafle., que les fécrécioxis font dans nos corps plus ou moins abondan- tes , à proportion du plus ou moins de vitefTe dans le cours du fang 5 ôc du plus ou moins de diamètre dans les vaifleaux. li cft donc évident , qu'il doit s'a- maflerplusdefuc nourricier dans- le corps d'une femme que dans celui d'un homme , parce qu'elle tranfpire beaucoup moins.

Mais s'il ejft vrai p comme Ta remarqué le célèbre Sanftorius que la tranfpiration diminue mê- me dans les hommes d'autant, que quelqu'autre évacuation fen- iîble s'augmente , comme lorf- qu'on fuë excellî vement , ou qu'il arrive quelque grand cours de ventre ; jufquà quel degré la tranfpiration doit-elle diminuer dans une nourrice , c'eft-à-dire , lorfqu'il s'ouvre dans une fem- me deux iffuës H fenfibles au fuc nourricier ? A mefure donc qu'il

de nourrir leurs enfans. tG^ enfilera la route des mammel- les , il ne doit guéres en refter pour fournir à la tranfpiration, Ainfi une bonne partie de ce qui étoit deftiné à s'échapper par cette voyc , paiïera en lait. Ainfî quand la matière de la tranfpi* ration , qui eft dans les hommes du même poids que celui de leur nourriture , ne feroit ordinaire- ment dans une femme que des deux tiers des alimens quelle prend, fuppofant qu'il pourroit encore s'échapper la moitié de ces deux tiers par cette voye , ce feroit un tiers de revenant bon , qui augmenteroit d'autant la quantité du lait dans une nour- rice. Accordons - lui à préfenc une livre & demie de nourriture par jour : ce feroit huit onces de lait par jour qui ne feroienc point prifes fur le nécefïaire de la merè , 6c qui tourneroient au profit de l'enfant. Mais parce que le produit de huit onces de

Ziij

1 yo De f obligation aux mer es lait par jour monteroit à quator- ze livres par mois , ce qui feroit un volume prodigieux au bout de Tan dans le corps d'un nour- rifTon qui tranfpire peu ; fai- fons\ine autre fuppolition plus vraifemblable. Qu'une nourrice donc mangeant trois livres ôC demie par jour tranfpire de qua- tre onces moins qu'à l'ordinaire , il reviendra fept livres de fuc nourricier par mois à un enfant , & de quoi augmenter à l'excès le volume de fon corps au bout d'un an ou deux de nourriture , fans lui donner que le fuperfiu de fa mère. Qu'on ne vienne donc plus dire que c'eft trop deman- der à une mcre , que d'exiger d'elle la noi^.rriture de fon en- fant ; puifqu'elle a reçu d'avance ce qu'elle lui donne comptant.

Elle ne méritera pas plus d'ê- tre.écoutée fur fa foibleffè (// ) de

( ^ ) Eqwdem ji veterum Femmarum ( qua? fuos alebant fétus ) hubùum refpàs j & cum

de nomrîf leurs enfans, 1 71 rémpéramenc : car outre qu elle fait peut-être pour fon plaifir des chofes beaucoup plus capa- bles de le ruiner , ce n eft pas tou- jours par le volume du corps qu'il faut niefarer fes forces : les plus épais ne font pas toujours les' plus vigoureux: du moins réfif^- rent-ils moins ordinairement à la fatigue 5 de le plus grand cou- rage neie rencontre pas toujours dans les corps les plus puiflans. En tout cas une femme délicate , pourvu quelle foit faine dail- leurs, a de quoi fe raûTirer fur les rifques qu'elle pourroit faire courir à fa fanté en n-ourriflarit : - car pourvu qu'elle conferve tou- jours fon appétit y & qu'elle di- gère bien , elle prendra mê- me plus d'embonpoint dans la fuite , qu'elle n'en avoit en com- mençant de nourrir , fui vaut la

-rtoflris hifce compares , juraverisnon ejfe cas vf- uris & avhi g?nçrîs [obokm. Pechlin. obferY» a6. p. Ï08.

Z iiij

272- 2)^ ï* obligation aux mer es remarque des bons Praticiens en Médecine: {a) Nutrices , etiamji graciles , Ji appetitu vigent (^ henc dtgerunt , intev la^andum pinguef- cura.

Ce feroit fe fingularifer , ajou- tent les mères qui ne veulent pas jnourrir , & fe diftinguer du refte Aqs femmes , que de vouloir au- jourd'hui Tentreprendre : cela n'eft plus ni d'ufage, ni de mo^ de : la coutume contraire a pré- valu.

Etrange proteftrice du bien que la coutume ! Fut-il jamais rien de plus d'ufage que la pra- tique du mal ? en doit-il être plus autorifé ? Efl-il coutume plus univcrfelle que celle de s'a- bandonner au jeu', à la débau- che 5 à la fourberie , à Pyvrogne- rie 5 ôc à tant d'autres paffions qui dominent les hommes ? en font-ils pour cela moins crimi- nels 5 parce que le mal qu'ils

(f) Mcrtcn, Phthijiolo^.fag, i^:

de nourrir leurs enfans, 175 Commettent eft commun ? ( ^ ) Vulgo feccant , 'vulgo ludhur alcâ , vnlgû commeaturadfornicesy vuU gofrdudatur , potatur , infanitur.

Il fant donc d'autres raifons pour [uftifîer un mal: & on croie en trouver une dans la honte qu'on met aujourd'hui à nour- rir ks enfans ! Mais quelle dé- pravation de fiécle ! quelle cor- ruption de mœurs ! Quoi ! une femme rougit d^allaiter un en-- fant qui s'eft formé dans foiî fein , qu'elle a nourri de fort fang , ôc qu'elle a mis au mon- de ! n'eft-ce point rougir de la aneilleurc partie de foi -même 1 ( b ) 0 tempora ! 0 mores ! Cuinam dedecori ejfe potejl lacidre fùum , quem ex propriis vifcerihus eduxit , novemque integris menfihus in re^ condiîïffîmis uteri recejjihus proprio fanguine aluit ?■

La raifon de déshonneur 6c

( ) ErûGn. Colloqu. Eutrapel. & FabuL. (^) Tiraqiiell, de ^obilit. -j^ag. 10^.

174 ^^ i' obligation aux mères de honte qu'elles trouvent dan^ la fonction de nourrice , fe tire de la qualité des msres aufquel- les on croit que meiîîed tout ce bas détail qui reç^arde les de- voirs d'une nourrice : mais cette exception eil: échappée à l'Apô- tre faint Paul, qui décrit fans diftinction les devoirs de toutes les femmes mariées : Idco Afoflo" lus uxoribus pr^cepit [a) ut cjfônt Jubdlt^ 'vïrls Juis y ne forte, divi" tiïs é^ nohilitdte p3rjîat£ Del fen^ te::tl£ no/i memlaeryat r-per quum fuhjecije^ funt vlrls^

La nobleffè ne peut donc pré- tendre ici de diftinclion , puif- que la foumiffion dans les de- voirs naturels de mères oblige également toutes les femmes» Un autre Père {b ) de TEglife s'en explique clairement : Eru- hefcunt forjitan noblles dellcatis

(a) Hieronym. in epfl. Paul, ad Tit. ci. {b) S. Augiift. in Sçrm^ de tçm^^ fi^' f' i^ C^ii,DQm*Serm.i»

de nourrir leurs enfans^ ij^ manibus mulieres chriJiUnàc, , in hoc mundo Sancîûrum contrecïare vejii" gia , ^uia hoc natalium frjirogati^ "ja nonpatitur, Mala nobilitas quji. fe per fuperbiam apudDeum reddit igr.obihml Ceft donc moins la noblelTe que la vanité ôc la naol- lefle , qui a infpiré aux femmes chrétiennes la coutume de ne point nourrir elles-mêmes s puif- que de grandes Princefies payen- nés s'honoroient de tout ce qui reeardoit leur ména2;c. C'eft pourquoi Ton trouve dans Ho- mère des Reines ( â ) defcen- duës des Dieux mêmes, qui ne croyoient rienau-deflous de leur naiiTance , quand il s'agifToit d'obliger les Princes leurs ma- ris. On y en voit qui font leurs lits {h\ &C leurs chambres ; quelques - unes qui prennent des foins encore plus bas, {c)

(a) Homer. in fin. 7. Odyff.

(bj Id. O.iyf L7.de Neftor. uxdir.

(c ) Id, lîiad. /. 8. ai AndromaM HeCîcr^

morç.

i'7^ 'Ùefohlîgdtîon aux merei 'èc des Princes (a) mêmes qui faifoient la cuifinc. Ceft qu'a- îors c'étoit moins les profeiTîons qui honoroient les perfonnes , que la vertu qui honoroit les profeilions. Dans ces tems d m- nocence tout féïoit bien à de grandes âmes que la raifon gui- doit ; au lieu que tout bleffe ôC' indifpofe des efprits que la va- nité trompe ôc que le préjugé feduir.

CHAPITRE IX.

Des raifons qui diCptrifent {h) les^ mères de nourrir,

CEs raifons ne font multi- pliées qu.2 parmi les Chré- tiens j car les Payens n'en con-

( a ) Achilles & Tatrocîus Homer Jlîai.U 9.

( ^ ) Omnis mater [uo non emptîtio Utîe quos genmt fujîentato : neque idlam vel dtvitice feu rijitaliumfplendor excipiunto : jl morbus impe- diaf^aiidùis NUdkorumfuffragiii ça ds rtmA^

■de nourrir leurs enfans. 2-7^ noilToient que deux {a) aufquel- les ils déféroient ; rimpuilTance dans une mère languiiïante ôc jnal faine j & l'envie ou la nécct iîté de multiplier les enfans 6c d'en peupler les familles. A la fé- conde de CCS raifons un Auteur {^)fage ôc .célèbre en fubftituë ime autre , c'eft rinfirmité de l'enfant qui pourroit altérer la ianté de la mère.

Si tamen optato prohiber i s munc-

refungiy .Sive quod dgra negds oneri fatis

efifererido y Sive quodipfe doler puer ,& for-

tafe verendum eft Morbida ne injirmi Ixddnt conta*

gi£ matrem , ^^^ tibift nutrix aliunde pe^

tenda docebo. ( c )

xttus MagiJIratufque flamimto : qua fecus fa- xit îgmminiâ notator. Eft Lçx Schiurliana» Di^ •fert, 4. politiq.th. i6,

(a) Piutarch.

(b) Scavola Sammarthanus.

( <r ) Iii, Pxdotro^hia ,l,z.f, %u

/

278 -25^ l'obligation aux mer es

Une quatrième raifon qu'op- pofent les mères pour ne point ■nourrir , eft la volonté des ma- ris , qui perfuadés qu'une femme n'eft faire que pour eux , les obli- gent de fe refufer à leurs enfans. La première eft évidente & dif- culpe une mère de l'aveu de tout ie monde , & à celle-là fe doi- vent encore rapporter certains vices de conformation ou cer- tains défauts naturels, Ainfî le manque de lait dans quelques- unes , des mammelles mal con- formées en d'autres , autorifent une mère à donner une autre nourrice à fon enfant»

La raifon qui fe prend de la part de l'enfant dont Tinfirmité pourroit incommoder ou infec- ter la mère , cette raifon , dis-je , fait d'abord quelque impreffion , & fembleroit autorifer une merc à recourir aux fecours d'autrui : voici pourtant de quoi la faire entrer en quelque fcrupule là-

dt nourrît leurs enfans, i -7 ^ defTus. Ces infirmités dans un enfant , font la galle , le fcorbut, ou encore quelque chofe de pis , toutes maladies ou défagréables ou contagieufes pour un« nour- rice. Mais fi Ton trouvoit que le lait de la mère fût plus propre qu'un autre à guérir ces infirmi- tés 5 fi les mconvéniens qui en pourroient venir intérelToient xnoins la ^anté d'une mère que fes aifes ou fa commodité j fe trouveroit-elle cette mère en fiU reté de confcience , defe refufer à fon enfant ; & la mort de ce- iui-ci ne pourroit-elle pas deve- nir un crime pour elle ? puifque c'eft une forte d'homicide que de refufer le néceflaire à la vie^, ,^u^os non pauijli occidifti.

D'ailleurs fi une mère a l'ex- périence 5 que la plupart de ces maladies arrivent ordinairement à fes enfans entre les mains des nourrices étrane:éres , ne feroit- ce point une obligation pour elle

^So J>e rohligation ai^x mcres d'efTayer fon lait ne les pré- viendroit pas ?

Le mari viendra peut-être s'op- pofer à propos à cette complai- -fance 5 il revendiquera fes droits de préférence fur fa femme : mal \ •latîsfait quelle l'engage dans ' les égards contraignans qu'il faut avoir pour une nourrice , len s'expofant &: en Texpofant •lui-même aux importunités d'un nourriflon.

L'Apôtre en .pareil cas paroî- troit prefquc diiculper une fem- me , qu'il ne veut pas fouftraire à fon mari contre fon gré : mais ce fera à elle à examiner , fi le prétexte apparent de fa foumif- fîon ne feroit point en effet ce- lui de fon incontinence. D'ail- leurs elle ne paroîtroit pas mê- me en ce cas abfolument autori- fée à ne point nourrir ; puiC- j qu'elle & tout le monde craint h peu d'envoyer à la ville ou à la campagne fes enfans , entre les

mains

de nourrir leurs efifans. 281 mains des nourrices qui vivent avec leurs maris.

Refte la raifon que Plutarquc propofe ; c'eft celle qu il tire de- là néceffité qu'il y auroit faire naître au plutôt plufieurs héri- tiers dans les familles , ou de les peupler d'enfans ; mais cette vue qui faifoit autrefois Tobjet & la fin des mariages des Patriarches^ ôc de ceux des Saints , occupe- t'elle aujourd'hui les efprits des perfonnes mariées ? Trouve-t'on^ encore des pères qui fe réjouif- fènt de fe voir au milieu d'une îiombreufe famille ? Ce goût fur celui de cts fîécles pleins d'in- nocence , l'opulence des fa- milles dépendoit du travail des^ en fans : mais depuis que le tra- vail eft devenu honteux pour des-' perfonnes aifées , depuis que les? enfaris ont été moins deftinés à enrichir leurs parens , qu'à jouir de leurs richefTes , leur nombre ell devenu formidable,. Jamais

Av

tSz De Fohlîgatton aux mer es donc il ne ïut fiécle il fût plus permis aux mère? de nourrir leurs enfâns ;, puifque cette forte d'in- térêt des familles , s'il étoit per- mis de fe le propofer , fe trou- veroit aujourd'hui de concert a- vec le devoir des mères. Bien plus , quand même il arri veroit qu'une mère qui fe feroit nour- rice , ne donneroit des enfans à fon mari que tous les deux ans , les familles n'en feroient pas moins nombreufes , ni le monde moins peuplé , pour deux rni- fons: la première , parce que s'il en venoit moins au monde , il en refteroit davantage fur la ter- re : la féconde , parce que fi une femme accouchoit mioins ibu- vent 5 elle donneroit plus long- tems des enfans. Voici l'explica- tion de cette énigme.

Si l'on comptoit tout ce qui arrive de fauflès couches à uiic femme , tous les enfans qui vien- nent morts , Se tous ceux qui

de nourrir leurs enfans, 285 meurent à la mammelle ; on fe- roit efFrayé de voir combien les familles perdent d'héritiers ,'6c les Etats de citoyens. Or la cau- fe la plus ordinaire de ces pertes publiques , ne vient que parce qu'une femme qui met beau- coup d'enfans au monde , les y met foibles ôc peu vigoureux , plus cxpofés par conféquent à mourir bientôt , parce qu'ils font plus délicats &: plus ienfibles aux injures de l'air, & à tous les maux qui les menacent. L'arbre le plus gros ne donne que des avortons de fruits fi 011 l'en laif- fe trop chargé ; les fleurs per- dent beaucoup de leurs beautés fi elles font trop nombreufes fur une p 'ante ; un champ trop char- gé de légumes n'en produit que dimpar faits ; enfin la terre qu'on enfemence trop fouvent dépérit 5c tombe en friche. Par une rai- fon femblable, on doit concevoir qu'une femme qui met fouvent Aaij

2.84 -^^ l'obligation aux mefes des enfans au monde , doit les y mettre moins forts , ou moins propres à vivre : il eft donc vrai de dire en ce fens , que plus elle en donnera au monde , moins le monde en confervera. La fécon- de raifon n'eft pas moins vraye. L'on fçait que les couches ou en- lèvent beaucoup de femmes au mionde , ou en font beaucoup d'infirmes , ôc les mettent hors d'état d'avoir des enfans : or ces dangers feront d'autant plus à craindre, que les couches dans une même femme deviendront plus fréquentes. Ainfi une fem- me qui auroit pu fans trop ri{^ quer avoir dix enfans en vingt ans, rifquera beaucoup plus en les donnant en neuf ou dix. Au lieu donc qu elle étoit prefque fure de vivre ces vingt ans , elle devient très-incertaine d'en vi- vre dix. Que Ton compare à pré- fent la force que doit avoir un enfant ^ pour lequel une femme

de nourrir leurs enfans. 2 §5" fe fera préparée pendant deux ans, avec celle d'un autre qui fera venu tout au plus au bouc de l'année : ce fera mettre en pa- rallèle le frait d'une terre fraî- che 6c qui feroit dans fa force , avec celui d'une autre qui fcroiè: ou fatiguée ou ufée.- Que l'on compte enfin les dangers d'une ferrime qui accoucheroit tous- les deux ans , avec ceux d'une autre qui le feroit tous les onze oa douze mois : on trouvera d'une part, que celle-ci fera fouvent expofêe ou à périr par les dan- gers réitérés , ou à fe voir infirme ôc incapable d'en fans au bout de peu d'années j tandis que l'autre le confervera encore famé 5c vi- goureufe. Que fi l'une Ôc l'autre de ces femmes f.irmontcnt ces dangers , le mionde fera bien plus fur de conferver les dix enfans forts , vigoureux cc bien formés , qu'il aura reçu en vin2;t ans , qu\in pareil nombre qu'il auroit

1 8 6 De Vohligatîon aux ?nerês reçu dans refpace de neuf ou dix années. Si donc une femme don- ne plusfdrcment dix en fans dans refpace de vingt ans , que dans refpace de dix , il fera vrai de dire que le monde y gagnera du moins autant , & que fi une fem- me accouclioit moins fouvent , elle multiplieroit autant, &: plus à profit pour le monde, quoi- que dans un efpace de tems plus long.

Mais ce feroit encore le moyen de remplir le monde d'hommes forts , bienfaits & bien élevés y de de pourvoir aifx incommodi- tés ou à Topulence des familles, èc par conféquent des Etats. En effet les enfans fe trouveroient plus forts de corps Se d'efprit , &: les mères vivant plus long-tems , il* ie trouveroit moins d'orphe- lins , & il fe feroit moins de re- mariages , moins par conféquent d'enfans abandonnés , méprifés & ruinés 5 parce que les mcres

, de nouYïîr leurs en fan s, i S y ^yanc plus de vie, auroient le cems d^élever leurs enfans par elles-mêmes , & de pourvoir à, leur écabîiiîemenr.

CHAPITRE X.

Des précautions que doit apporter une mère , qui eji obligée de pren- dre une nourrice étrangère,

ON ne prétend point ici en- crer dans un détail exact de toutes les qualités que doit avoir une nourrice ; ce feroit la matiè- re d'une autre Diflertation , &: cette matière fe trouve traitée dans plufieurs bons Auteurs. Ce ne font donc que des confeils qu'on efîaye de donner , pour réformer des abus Ton tom- be tous les jours fans y pcnfer , & pour n'en avoir pas afiez com- pris les conféquences : peu de gens , par exemple , apperçoir

2. s? T>t l'ohligation aux mer ô^ vent les inconveniens de donner à un nouveau -né un lait plus âgé que celui de la mère; parce qu'on croit commitnément qu - un lait trop frais: eft malfaifant êc impur , fans fonger que c'efl. cependant celui qui eft naturel- lement deftiné à un enfant qui vient de naître, par les raifon:? qu'on en a apportées ci-deffus. Mais ce préjugé paroît fur tout dans le peu de crainte qu'on a de prendre pour des nouveaux-nés des laits de plufieurs mois , 6c quelquefois de plufieurs années : cependant l'cftoraac d'un Çi jeu- ne enfant ne doit être ni indif- férent , ni infenfible à cette for-- te de nourriture. En effet , ce vil^ cere peu accoutumé encore au' broyement néceffaire pour digé- rer un aliment plus folide de beaucoup, que celui qu'il rece- voit dans le fein de fa mère , doit foufirir beaucoup du tra- vail qu*on exige de lui ;, en lui

préfentanc

de muYYÎr leurs enfans. i %■<) préfentant un lait trop nourrif- fant. Ceft expofer cette jeune créature à mille crudités , 6c à -des aigreurs qui font les femen- ces des maladies qui affligent ordinairement les enfans.

De-là viennent encore ces dé- goûts qui les éloignent fi fou- vent de leurs nourrices; parce qu'un lait trop nourriflant ôc trop favoureux les faoule d'a- bord 5 puk les rebute , comme un mets trop fucculent dégoûte aifément ceux qui en ufent.

Mais quand même leur efto- mac viendroit à bout de digérer un lait trop âgé , il ne feroit pas fur que ce lait fe trouvât aUez dompté , pour s'achever de bri- fer dans les autres digeftions. Ce font donc des fucs groilîers qui vont fe diftribuer par tout le corps , dans lefquels revivent ôc fe réveillent toutes les qualités ôC les faveurs naturelles , qui é- toient dans les alimens que la

Bb

%cjo De tohligation aux mères mère a pris : & c'effc de-là que viennent aux enfans ces four- milières de vers qui infedtent leurs entrailles , ôc qui même fouvent paffent aux adultes. De cette même caufe leur vient en- core la galle , les écroîielles , ôc les autres maux qui fe répandent furia peau &: dans l'habitude du corps par les embarras qui fe font dans les lymphatiques ôc dans les capillaires j parce qu'on y introduit des fucs incongrus 6c mal apprêtés.

Cette erreur en amené une au- tre : on croit d'autant mieux nourrir un enfant , lorfqu'à un vieux lait on ajoute Tufage de la bouillie , qu'on lui donne dès les premiers jours de la naiflan- ce , pour le mieux fortifier. Le - mal peut-être deviendroit moins formidable , fi cette bouillie é- toit faite avec la mie de pain [a) fraifé ; parce qu'elle feroit moins

( ^ ) Ettmulkr de vitiis ladis.

de nourrir leurs en fans, 251 pefance ôc moins fujette à ob- llruction : mais ce iVeft pas à ce feul danger qu'on expofe un en- fant auquel on donne prématu- rément de la bouillie : car s'il eft: vrai , comme on le prouve , que fan ^ une forte d'équilibre qui entretient Tordre 6c le cal- me dans les fondrions de la vie , ôc les liqueurs entrent au moins de moitié pour aider à en- tretenir cet équilibre , quel dé-, fordre &: quelle difproportion ne doit point arriver à Toccafion de l'ufage prématuré de cette nour- riture trop folide ? Un air épais rou trop groiîîer donnant trop de gravité ou de poids au fan g , ex- pofe un animal à des fulFoca- tions mortelles : iliais quel volu- me ne doit point recevoir le fang d'un jeune enfant qu'on empâ- -te de bouillie? c'eft une réfiftan- ce ou un obftacle prefqu'invin- cible , qu'on préfçi;ite au c*œur de cet enfant. Cette réfîitancc Bb '^

loi T>e rohlïgatïon aux mères devient pour lui d'autant plus dilproportionnée , que tout é- tant laiteux dans un nouveau- , les parties folides & le cœur lui-même n'ont point encore pris ni la fermeté , ni le relTort néceflaire pour remuer*une maf- fe folide : c'eft donc un poids d'une réhftance démefurée qu'on oppofc à une puiflance mal af- fermie : c'eft un fang lourd & pefant qu'on donne à pouller à un cœur d'un reffbrt trop foiblc. Ce fang doit par conféquent croupir par tout , s'aigrir , & ex- pofer l'enfant aux inconvéniens d'une circulation trop lente ou retardée , & d'un fang aigri &c vicieux.

Que fi le lait de la nourrice fe trouve en même-tems trop fuc- cu^ent & trop plein d'ardeur , ce fera le moven d'attirer à l'enfant autant de maladies aiguës & mor- telfes , que l'épaifTeur 5c le ra- lentiflement du fang lui en au-

de nourrir leurs enfans, 1 9 j roit caufé de longues Ôc d'opi- niâtres : c'cft cependant ce qui lliit naturellement du régime qu'on fait ob fer ver aux nourri- ces : on les gorge de fouppes , de boiiillons , de confommés : on les fait manger à outrance des viandes fucculentes : quelques- unes y ajoutent le vin ou des li- queurs : en faut -il davantage pour former un lait trop nour- riflant , plein de parties vives 6c fermentativcs , femblables à cel- les du moût ou du vin doux , qui iront porter le trouble & le tumulte dans les veines d'un jeune enfant ? Si l'on réfléchit à préfent fur TeiFet d'un fembla- ble lait trop vif, fur un fang lourd 5 rallenti & comme em- bourbé dans les parties j on con- cevra un fang trop épais qui con- centrera une matière de feu , ou un acide brûlant, qui le fermen- tera , l'agitera , 6c le coagulera enfin , femblable au fang d'un Bb iij

2 94 ^^ r obligation aux mères pleuritique , qui plein d'une ar- deur qui le defféche , Tépaiffit &: le coagule , tourmente le mala- de 5 le brûle ôc enfin TétoufFe» On ne doit donc point s'éton- ner quand on voit un enfant en- levé Drufquement de ce monde, par une convulfion imprévue , par des tranchées énormes , par des fièvres ôc des aflbupiflemens léthargiques : c'eft la fuite né-r ceflaire du régime mal entendu d'une nourrice , qu'on a faoulée de mets trop délicats ôc d'ali- mens trop exquis.

L'inégalité de condition en-r tre la mère & la nourrice qu'on lui fubftituë , ne contribue pas peu à cet inconvénient. Ce font ordinairement des femmes pau- vres ou mal aifées qu'on loiie pour être nourrices , accoutu- mées à une vie dure ôc laborieu- fe , qu'elles ne foutenoient qu'a- vec un peu de nourritures erof- lieres & mal apprêtées. De lem-»

de nourrir leurs enfans, 19c blables créatures , que la faim fouvent fatiguoit , que ?Indi- gence faifoit fouffrir , ou qui ne mangeoiont leur faoul que des alimens 2;roffiers 6c mal choiiis ; de telles créatures , dis-je , pa- roilTent-elles faites pour réfifter à la tentation d'un bon mor- ceau , ou d'une vie oiiîve & ai- fée?, elles mangeront donc au- delà du nécelFaire , travailleront moins que jamais , & ne s'occu- peront que de faire du lait , mais d'une qualité trop vive & pro- pre à enflammer le fang d'un en- fant. Une terre trop fumée brû- le l'arbre , ôc fi à cet excès d'ar-- deur le jardinier ajoutoit l'indif- crétion de l'arrofer de quelque eau fpiritueufe , peu de fruit viendroit à bien. Or une plante dont les fucs font moins propres à s'exalter, ou à s'enflammer que le fang , périroit fi on Texpofoit aux dangers de cette force de culture : 2c on ne craindra rien B b iiij

2 5: (5 T>c r obligation aux mêYts pour un enfant délicat qu'on nourrira de foufFres ou de feux î Une autre forte d'infirmités pour de jeunes nourriflbns , c'eft de fubftituer à la mère qui fera tou- te jeune , une nourrice beaucoup plus âgée , & à une femme dou- ce &: délicate, une ruftique &. une paffionnée, que l'intérêt fé- parera en apparence de fon mari, mais que la paffion lui rendra toujours préfent. Pourroit-on ramafîcr plus de caufes capables de former un efprii groflier ôc un cœur vicieux dans un enfant que la naiflance avoir deftiné à la politefTc &: à la vertu ? c'eft ce qu'on a lieu de craindre de ce mélange bizarre d'humeurs , d'â- ge , de tempéramens Mais les principes qu'on a pofés , ^ les preuves qu'on a apportées fuffi- fent ôc au-delà , pour faire fcntir CCS malheurs.

De tout ceci il réfulte , qu'en cas de vraye néceffité , une merc

ds nourrir leurs enfam. 197 Chrétienne ne fatisfera ni à fa confcience , ni à fon devoir na- turel , fi à fon défaut elle ne don- ne à fon enfant une nourrice qui approche autant quil fera poflible de fon âge^ de fon hu- meur , de fon tempérament , 5c de fa condition. Elle ajoutera à toutes ces qualités celle du lait qui doit être le plus frais qu'il fera pofTible , & afTez abondant pour fuffire à l'enfant fans le fe- cours de la bouillie , du moins pendant pluheurs mois. Enfin elle prendra , Ci faire fe peut , cette nourrice chez elle , pour fe rendre le témoin du bon em- ploi de toutes ces qualités , non moins utiles à la confervation des enfans & au foutien des fa- milles , qu'au bien public 6c à celui de l'Etat.

apS De rohl}g4tiôn aux mères

CHAPITRE XL

Des Scvreufes.

T *A':)us d'employer des Se- I j vreufes , fuît de près celui de fervir de Nourrices , 6c de- là naiiïent mille autres inconvé- jniens qui achèvent de ruiner la fanté des tn^zns cl de corrom- pre leur éducation. Etrange con- dition en des mères chrétiennes ! Peu fenfibles à la jufte inquié- tude ou elles devroient être de voir leurs enfans bannis entre les mains des Nourrices , elles les relèguent encore chez les Sevreufes. On croiroit prefque quelles craignent de les revoir, tant elles font ingénieufes à les éloigner d'auprès d'elles. Rien- cependant ne peut tant aliéner les efprits des enfans , 6c les ren- dre étrangers à leurs parens ; rien

de nourrir leurs en/ans, 29^ encore neft fi propre à altérer leur fanté , & à leur infpirer de mauvaifes habitudes ou de per- nicieux exemples.

L*état de ces femmes qu'on employé à prix d argent à fevrer des enfans , découvre d'abord à quels dangers ces jeunes créatu- res font expofées. Ce font des femmes auffipeu aifées ôc autant intérefîees que les nourrices. Ce n eft donc ni l'amitié qui les en- gage à cet emploi , ni leurs ta- lens ou leur habileté , l'intérêt feul les fait Sevreufes , &: leur avidité pour le gain coûte cher à de pauvres enfans , qui au- roient befoin d'une nourriture bien choifîe & proportionnée à leurs infirmités. Imaginez un en- fant, qui après avoir efiTnyé les incommodités d'un mauvais lait, fe retrouve engagé à fubir celles d'une nourriture d'autant plus malfaifante qu'elle eft plus grof- fierc ôc mal apprêtée. Ajoutez la

500 J>c l* obligation aux mères dureté d'une Sevreufe , plus oc- cupée fouvent à farcir un cnfanc d'une mauvaife fouppe , pour impofer aux parens , par une ap^ parence trompeufe d'embon- point , qu'à lui former un bon corps par des alimens légers &: melurés à Ton âge , à fa conftitu- tion , 6c fouvent à l'infirmité il fe trouve. C'eft ainfî que des enfans ne deviennent que chair & que fling , fi on parvient à les accoutumer à cottt 'forte d'em- pâtement. Mais l'cfprit ne s'en porte pas mieux j car un fang trop épais & trop fubftantiel , outre qu'il appefantit le cerveau, fournit peu de cette liqueur fine êc fpiritueufe qui rend léger , difpos 5 ingénieux j ôc c'eft ainfi qu'on achevé de peupler les fa- milles &: les Etats de ftupides 6c gens grolîîers. Mais des organes auflî délicats que ceux d'un en- fant qui revient de nourrice , ne font pas toujours en état de ré-^

de nourrir leurs enfans, 301 iîfter au poids , au volume & aux mauvaifes qualités d'alimens {{ mal aflortis. Il s'en forme de mauvais fucs , indigeftes & pe- fans , mal propres à fe laiiïer broyer &: le cœur tendre enco- re & peu élaftique , les pouffe avec peine. Ces fucs donc fe ral- lentiffent , s^aigriflent , fe fer- mentent & s*échaufFent : d'où viennent les obftructions , les fièvres , les convulfions , les cours de ventre , ôc les vers qui tourmentent fi fouvent les en- fans.

Les foins empreffes d'une mè- re afFeclionnée préviendroient la plus grande partie de ces maux j car rien n'honoroit tant autre- fois une merc de famille , que les foins du ménage. ^pndGrx^ cos , c^ mo:< a'^ud Romanos domejli» eus Uhor ??ia.trondiîs fuit. ( a ) Rien donc ne fiéroit mieux à des mè- res que le foin de fevrer elles- .

( 4 ) Cohmll de re ruft, hiz.f. 407^

30 z De t olUgAÙon auic mères mêmes leurs cnfans. Leur pré- fence attircroit rattention des femmes qu'elles employeroient pour cela, &: Tam.our maternel ëpargneroit bien des inconvé- niens.

En efFct l'ancien ufage étoit que les mères elles-mêmes fevrat fent leurs enfans. Ce fut Sara qui fevra (4) Ifaac ; Anne {h) ren- dit ce bon office à Samuel , ôc il y a apparence que la mère des Machabées [c) qui avoit nourri fon fils pendant trois ans , ne lui manqua pas quand il fallut le fevrer. C'étoit même alors une cérémonie &: une fête domefti- que : car on régaloit la famille d'un feftin magnifique , comme il eft marqué d'Abraham , qui fit un grand feftin le jour qu'Ifaac fut fevré. Fecit (d) Abraham gr an*

(a) Gen.c. ii. t^. 8.

(b) i.Reg. I. V, 22,.

( c ) z. Machab, cap. 7. V. a 7 •' (■rf) Genef. c. 21. v. 8,

de nourrir leurs enfans, 3 03 convivium in die ablacîatio?iis (Ifaac). Cette fête étoit encore en ufage parmi les Sparthes , ( ^ ) qui l'appeiloient Tithenidia , Nu- tricalia , &: elle fe paflbit dans la joye & dans les feftins , oii en- troient fîjr tout les cochons de lait qu on avoit offerts en facri- fice pour honorer cette fête. Non feulement donc les mères s*acquittoient elles-miêmes de ce devoir , mais elles le faifoient avec joye. C*eft qu'alors le luxe & Toifiveté étoient bannis des familles bien réglées ; & les fem- mes comme les hommes , s'occu- poientd*un honnête travail pour s'entrefoulager. (b) Mais depuis que les femmes non feulement fe font défaccoutumées du travail , mais qu elles fe font fait hon-

{a) Laurent. Tolymath. 331.

( ^ ) Erat fwvma revrrentia cum concordiâ ij diligentîâ mlfla , fiagrabatque mulkr pd- cherrima dih'gentm amtiîaîione , Jîudere negotia 'uiri curâfuâ majora atquemeliora nddere Co- luflisl. de re rufl. f. 107.

304 ^^ ï* obligation aux mères neur de l'oifiveté ; les mères de famille fe font occupées du lu- xe , &: tout autre emploi leur a paru indigne ou honteux. Ntmc { a ) fhrdquefic luxu ^ inertià dc^- flutmt , ut m lanificii quidem eu*

ram fufcipert dignentur qtiam

oh caufam in totum non folum exoluit 5 fèd etiam occidit njctus ille matrum familias mos. Il ne faut donc plus s'étonner, fi après avoir méprifé l'occupation de nourrir leurs enfans , elles ont dédaigné le foin de les fevrer par elles- mêmes. Car elles n'ont pu trou- ver de honte à payer des fevreu- fes après avoir loiié des nour- rices.

Saint Clément d'Alexandrie ( h) apporte une autre raifon fort naturelle de cette forte de fête , que l'on fe donnoit dans une fa- mille ou on fevroit un enfant. C'eft qu'une femme qui allaitoic

{«) Colum- K de reruJî.L 11, p. 10^, (^•) Stromau

yivoit

de nourrir leurs en fans. 305 vivoit pendant tout ce tems dans la continence : le tems donc ve- nu de fevrer l'enfant , étoit com- me celui d'un remariage : le mari &: la femme fembloient s'épou- jfer de nouveau , ôc ce repas qu'on faifoit à cette occafion , étoir comme un feftin de noces. Les parens fe réjoiiifToient encore alors, parce que l'enfant étant heureuiement parvenu à pou- voir prendre des nourritures plus folides , ils fe réjoiiiiroient dans l'efpérance de le pouvoir confer- ver long -tems. Par une raifon femblable les Athéniens avoient retenu l'ufage de faire un [a) feftin ou repas de joye ^ quand leurs enfans commençoient à en- trer dans le monde {h) &: à vi- vre en famille 6c ce repas avoit été précédé d'un autre ( c ) dans le tems que le& dents a voient: commencé à lui fortir.

( 4 ) Cureotis,

(b) Laurent. PolymAth.f. ^'^J\

(c) Odontia. ihid. Çc

30(5 De rohligdtiôn aux mères

On feroit aullî fcndble qu'a- lors à ces fêtes domeftiques , la coutume étoit encore de voir les mercs alla ter leurs enfans; mais leur manque de naturel à cet égard eft la caufe d\in in- convénient beaucoup plus fâ- cheux : car de-là vient qu'il faut fouvent fevrer les enfans avant le tems : une nourrifle d'em- prunt ne fe contraint point tou- jours aiïez pour un nourriflon étranger : le pancbant de fe re- voir mère l'emporte , elle de- vient grolTe. Alors on préfère de fevrer l'enfant pour ne le plus expofer à de femblables incon- véniens. La difette , la mifere, l'avarice en d'autres nourrices , ou qui ne peuvent s'accorder de bons alimens , ou qui fe les é- pargnent par ménage , abrègent fouvent le tems dcftiné à allaiter des enfens : or îa tendreffe d'une mère pv'viendroir li plupart de ces incoi.véniens. En effet, les

de nourrir leurs enfans. 307 mères d'autrefois ne fe lafToient pas 4e nourrir leurs enfans des années entières. Dans les pre- miers fiécles du monde , lorlque Ton vivoit plus long - tems , 6c que l'enfance étoit plus longue, elles ne fevroient les enfans qu a cinq ans,&: c'eft l'âge oii l'on croit que fut fevré Ifaac (4). Saint Jé- rôme (h) prétend qu'on diffé- roit quelquefois juiquà douze ans : mais la cérémonie qu'on pratiquoit pour les enfans de ce dernier âge , n'étoit point pour les fevrer du lait de leurs mères , mais en réjoiiiflance de ce qu'ils fortoient d'enfance , ( ^ ) ôc qu'ils devenoient hommes [d).

Dans la fuite on a ordinaire- m.ent fevré les enfans à trois ans, c'étoit Tufage du tems des Ma- chabées. [e) Lac trïennio dedi ^

{a) s . Hieronym. q. in Genef,

(b) Ibid.

(c) Laurent. Volymath.f. "^11, ( d) Excedebant ex ephcbis, (e) L.Machab.7'^7*

C c i j

3c8 De 1^ obligation aux mères dit une mère à fon fils. Lafainte femme Anne [a) ne voulut ame- ner Samuel fon fils qu'après l'a- voir fevré : or il fe trouva alors en état de rendre quelque petit fervice dans le Tabernacle \ [h) Tuer autem erat minijler in conj^ pe&U' Domini ante faciem Hèli, Il devoir être par conféquent âgé au moins de trois ans. On voit auffi dans l'Ecriture (c) qu'on n'alîîgnoit rien pour la nourri- ture des jeunes Prêtres & Lévi- tes jufqu'à rage de trois ans : ce qui pourroit faire croire [d) qu'ilis étoient nourris jufqu'à cet âge du lait de leurs mcres. De- puis ce tems , les Rabbins ont voulu que les femmes allaitât fent leurs enfans pendant deux ans 5 & c'eft le terme que l'Alcc-^ ran leur ordonne. (^) Elles n^

(^) i.Reg.i. zr. &c. {b) Ibid,

(c) Paraîîf% 1,11. i6.

(d) Le P. Calmst , fur la Genefe , p. 4^4»

de neurrir leurs e^fans, ^o*^ les allaitèrent cependant depuis , fuivant robfervarion d'un Au- teur {a) moderne , que pendant un an mais de manière que pen- dant ce tems , l'enfant ne pre~ noit rien autre que le lait de fa mère.

On ne donne guéres aujour- d'hui à tctter plus îong-tems aux cnfans : car peu demeurent en nourrice au-delà de quinze ou dix-huit mois ; mais fi cette me- fure de tems eft la moindre qu'on ait jamais accordée , 6c qui fuf- fife à l'allaitement d'un enfant , à quels dangers ne fe trouvera- t'il pas expofé, fi l'incontinen- ce , la difette , ou PindifFérence d'une nourrice, l'obligea être fe- vré , &: à prendre une nourriture trop folide avant le tems ?

L'Antiquité elle-même avoit

prévu cet inconvénient: elle a-

voit crû y remédier en confeil^

lant de ne donner à un nouveau^

( a ) Beîlon , obfcrvat .. /^ 3,. ^.- 1 1 . -

310 T>e l'obligation aux mères fevré rien de folide , qui n'eut été auparavant mâché par- la mè- re. Les femmes Juives dans les derniers fiécles , ( 4 ) étoient dans cette pratique qu'elles tenoient des anciens Grecs 5 ( é ) &: elle eft enfin venue jufqu'à nous , puis- que la plupart des nourrices ont coutume de fe mettre dans la bouche la boiiillie de leurs nour- riffbns , ôc de la détremper de leur falive.

Mais le remède eft pire que le mal. On fçait le pouvoir ôc la part qvi'a la falive dans la diges- tion : elle eft le premier des dé- layans , c'eft- à-dire , le premier qui doit pénétrer êc fondre les alimens , & leur donner comme la première empreinte. Mais plus la falive a de pouvoir pour avan- cer la digeftion , quand elle eft bien conditionnée , plus elle a de force pour la corrompre ,

(iz) Bellon.obferv.l.'^.c» 11. ^b) Arijîof^h, equît, aCi»z,c»z»

de nourrir leurs enfans. 311 quand elle elt vicieiife. Mus ea qui la concevoir moins loiiablc ou plus altérée que dans des femmes ordinairement indi^en- tes , fou vent paiTionnées , quel- quefois vicieufes , &: toujours mal élevées ? car il ne faut pas s'y tromper, la falive cft peut-être une des caufes qui tranfmettent le plus ordinairement aux nour- riflons les maux &: les langueurs qui les tourmentent , ôc qui jet- tent en eux les fondem.ens d'une fanté foible &: incertaine : &: de- là fans doute leur viennent aullî fouvent tant de m.auvaifes 5c de fi baiFes inclinations.

Pour s'en perfuader , il ne faut que comprendre que la falive eft une lymphe mêlée de beaucoup d'efprits , qui lui viennent de tant de nerfs qui fe terminent aux glandes falivales. Or ces glandes étant auffi peu fenfibles qu'elles le paroilTent dans les opérations , n étant pas defti-

y ï i T^e Vohllgafîon aux mtrts aées au mouvement , étant d'ail- leurs autant favoureufes quel- les le font dans les animaux' qu'on maniée , ne peuvent avoir d autre ulage que de" mêler les- efprits à la lymphe qui s'y pré- pare , & après cela il ne fera plus difficile à comprendre comment le défordre & les vices des ef- prits , auiTi-bien que ceux div fang ôc des autres liqueurs , paf- fent du corps d'une nourrice^ dans celui d'un nourriffbn.

Mais quand il feroit prouvé , que la nourrice ou la fevreufe feroit auffi fage &: auffi faine qu'on veut bien le fuppofer, fa' falive fera toujours un fort mau- vais mets pour fon enfant;, & un' di (loi vaut mal affbrti & dange- reux pour lui. Car s'il eft vrai que la produftion de l'efprit ani- mal & de la lymphe , eft le ter- me & la fin de toutes les digef- cions qui fe font dans nos corps, ces liqueurs doivent être auflî>

difpro-

de nourrir leurs enfans. 313 difproportionnces dans celui d'un nourriflon & dans celui de fa nourrice , que la force 6c le reffbrt qui les préparent dans fun & dans Tautre font difFé- rens. Comparez à préfent la for^ ce du cœur , des artères 6c des mufcles dans un adulte ,. avec la force de ces organes dans un nourriiTon , 6c les efl-ecs qui doi- vent s'enfaivre : on comprendra qu'autant que les liqueurs dansr l'adulte feront vives & animées , autant celles d'un nourriiTon fe- ront molles êc laiteufes. Ce fe- ront donc des fucs mutins & fer- me ntatif s 5 qu'on fera paffer du corps de la nourrice dans celui de Tenfant , c'eft-à-dire , des fe- mences de mille infirmités j car par ce moyen on porte dans le corps d'un enfant le vice &: le trouble dans la première coc- tion : vice qui ne peut fe re£ti- fier dans les autres.

Outre donc qu'il eft très-dan- Dd

^IJ^ De r obligation aux mer es ^ &€", gereux de faire pafler un nour- rifTon des mains d*ane nourrice en celles des fevreufes , il fera pernicieux de le faire , fi Tenfant n'a pas tiré fa nourrice aflez long- tems 5 & s'il eft indifpenfable- ment ncceflaire de le fevrer , il faudroit en ce cas des foins plus tendres 6c des attentions plus vives que ne font celles des fevreufes. Rien donc n'en dé- couvre ^\ bien les inconvénient ôc les abus.

Fin du fécond Traité.

Q U^ STIO

M E D I C A.

Ddij

QU.ESTIO

M E D I C A-

'An Prolem laSiare Matribut faluberrimum l

L

Emïka non tàm fibi 5 = quàm procreandis edu- candifque liberis nata. Vix diim bis feptem complevic annos , hanc mox fo- re viro maturam pr^nuntianc mammx fororiantes 5 lumborum gravitas , dolor coxendicum , ipontanea artuum laffitudo , ci- borum faftidium. Hxc fympto- mata brcvi fugat manans ex ute- ro fanguis , puellamque toro prorsiishabilemefficit. Menftruâ Ddiij

3î8 ^u^Jtfltû MedîcA.

quâque periodo , pari ftîpatus comiratu , effluit redundans hu- mor fanguineus , donec utero gerat mvilier ; tune ut plurimùm cédant Menftrua , humorem fu- perffaum matrique inutilem in fui nutrimentum abfumente foe- tu.' At parum effet naturam non nato infanti providiiïe, nifi ôc adhuc à matre recentis mollitu- dini accommodatum paraflTet pa- bulum } illud eft mammaruni jnunus. Ut primùm è carccre maternoin auras prodiit tenel- lus homuncio , protiniis non jam diftenta amplius utcri fornix conftringi , vafa ipfum alluen- tia ad nativam redire diame- trum y contenti humores , hinc Lochiorum nomine foras emit- ti , illinc rétro converfi vicina latè loca diftendere , turgefcere uberiori fanguinis copia arteria^ Epigaftricx , appelleuti per fibi copulatas Mammariarum in ter- narum ramificatioues fangiiini

An Vrôlem lacîare , ^c. 3 i c; fôrtiùs refiftere , ille per ramos ipfimet mammarum fubftantix

f)rofpicientes ferri copiofîùs , il- os ampliare , mammx hinc do- 1ère & intumefcere , hinc lac* teus humor à fanguine feparari, primis à partii dicbiis dilutior , fpiffior deinceps evafurus , cum fenfim fine fenfu laxata mam- marum compage , fpafinus 6c dolor remiferint , ampliorefque c?.(q.oÇis 5c butyrofis partibus pa- tebunc vix. Lac rali iecretnm ar- tificio quantum puerulo convc- niens eft alimcntum, tantiim ma- rri omninb eft inutile, quin etiam ejufdem fanitati infenfiffimum , nifi câdem emulgeatur, quâ fc- cernitur proportione. Candidos igitur latices tcnero vagitu effla- gitanti puero furdas ne prxbeat aures mater puerpera , ipfam pu- deat , à feris fylvcftribus mater- no in natos amore fuperari. At fi , vcl feris ipfis feriorem , nulla proprix prolis tangat cura , fibi- b d iiij

320 .^Udftiû Medka,

•met ipfi faltem confulat. Ociùs infantulo fugendos denudet lac- tei roris eburneos fontes , fir- miorem indè fibi certo cornpa- ratura fanitatem. Illud enim fa- luberrimum efle niillns inficias ibit, cujusbeneficio, foras aman- datur humor materno corpori inutilis , qui tum in vafis excrc- toriis commorando , tum ad maf- fam fanguineam revertendo , morbis curatu difficillimis daret occafionera.

IL

vomitu

EA eft humani corporis ftruc° tura , ut neceffitate quâdam mechanicâ, varii è fanguinis finu fecernantur humores. Illorum ad fervandam valetudincm ma- xima militas. Si quâcunque de causa debitis in locis feparari cei- faverint , numerofa ftatim pr^f- to eft a^gritudinum cohors. Num ercthifmo laborat glandulofa re- num fubftantia ? haud mora mu-

't.O,

tus

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—;•:

A/^ Prolcm Ucîafe , d"^. 31 1- riatico humore inquinatus fan- guis totum genus membrana- ceum fallitudine fuâ pungit , vellicat , inordinatos trahit in motus , urinam redolentia ^eger vomitu rcjicit , délirât , convul- fionibus uiiiverfum quatitur cor- pus , mors tandem luccedit mi- lerrim.a , nilî artis beneficentif- iimse auxilio , urinx per renum colatotia reftituatur fecretio. Num obftruclis quoquo modo, tendentibus ad hepar ven^ por- tarum ramifîcationibus , bilis im- peditur feparatio ? ^ger faftidit Cîbos , ingefta maie concoquit. Alvus fîccefcit , os amarefcit , lotium croceo colore infectum redditur , Erefipelate , aut etiam Phlegmone fœdatur cutis. Adeo maflte fanguinccC permiftos re- manere varios humores pericu- lofum ! nec minora fanitati im- minent damna , ubi ex aliorum confortio extricatus humor qui- libet ( negato exitu ) propriis hx-

320 ^Ufflio Me die a.

met ipfi faltem confulat. Ociits infantulo fugendos denudet lac- tei roris eburneos fontes , fîr- miorem indè fibi certo cornpa- ratura fanitatem» Illud enim fa- luberrimum effe nullus infîcias ibit, cujusbenencio, foras aman- datur humor materno corpori inutilis , qui tum in vafis excre- toriis commorando , tum ad maf- fam fanguineam revertendo , morbis curatu difficillimis darec occafîonem.

IL

EA eft Iinmani corporis ftruc- tura , ut neceflitate quâdam mechanicâ , varii è fanguinis finu fecernantur humores. Illorum ad fervandam valetudinem ma- xima militas. Si quâcunque de causa debitis in locis feparari c^Ç- faverint, numerofa ftatim pr^t to eft segritudinum cohors. Num çrethifmo laborat glandulofa re- num fubftantia ? haud mora mu-

An Frolcm laôîare , ^c, 311: riatico humore inquinatus fan- gais totum genus membrana- ceum faliitudine fuâ pungit , vellicat , inordinatos trahit in mottis , urinam redolentia asger vomitu rcjicit , délirât, convul- fionibus Uiiiverfum quatitiir cor- pus , mors tandem fuccedit mi- Icrrim.a , nifî artis benefîcentif- fimx auxilio , urinas per renum colatotia reftituatur fecretio. Num obftruclis quoquo modo , tendentibus ad hepar vense por- tarum ramificationibus , bilis im- peditur feparatio ? ^eger faftidic cibos , ingefta maie concoquit. AIvus ficcefcit , os amarefcit , lotium croceo colore infectum redditur , Erefîpelate , aut etiam Phlegmone fœdatur cutis. Adeo mafHe fanguinea^ permiftos re- manere varios humores pericu- lofum ! nec minora fanitati im- minent damna , ubi ex aliorum confortio extricatus humor qui- Jibet ( negato exitu ) propriis ha:-

511 ^^jt/liû MedtCd.

ret in conceptaculis , vel indè à vafîs lymphaticis exfugitur aJ fanguiiicm clerc rendus. Qaoties ab intempeftivâ perfpirationis infenflbjlis fbppreilîone , fsevif- fîmis Rheumatifmi doloribas , torque ntur membra , atrociiîî- mis Podagrx cruciatibus dive- xantur articuli ? Quot ab eadem causa repetendx Pleuritides , Pe- ripnermonix , Diarrhex,'febres cacharrhales 5 Anginx , Ophtal- mie ? Quot ;?egros tumulavit la- tex urinofiis , in corpore reten- tus aut à veficx Paralyfi , aut ab ejufdem fphincteris contraitio- xie fpafniodica, vel etiam à cal- eulo ureteris viam claudentc ? Quantas fxpè parit tragœdias, in jecore fecreta bilis , liberum per ductus hepaticos iter non inveniens ? Quin &; ipfarum fe- cum in inteftinis rémora gravif- fimos nonnunquàm efficit mor- bos , haemorrhagiâs , vcrtigines , hemicranias , dolores colicos ,

An Prolem Liclare , é'C, 3 1 ^ pafllonem iliacam. Numquid non à fupprdiîs menlîbus funef- tiflima pullulant aliquando qux muliercs adoriuncur mala , lix- moptyfis , voinitus cruentus , hyftcrica paiîîo , comatofi afFec- tus , convulfiones , cordis palpi- tatio ? numquid impeditus in. puerperis Lochiorum fluxus , Apoplexias quandoque non pro- ducic lethiferas , cruielia ven- tris termina , immancs Cardial- gias , uteri innammationem , aliaque horrenda gencris ejuf- dem fymptomata. Quifquis igi- tur tranquillos abfque dolore foies condcre expetit , inftitu- tani à naturâ variis in organis humorum feparationem feriari non finat ; hanc convenienti fex rerum non naturalium ufu pro- moveat ; grande credat piacu- lum, fecreti cujuflibet humo- ris ab organo fecrctorio effla- xum omni opéra non adjuvafTe , illuique habeat tanquam caafa.

3'i4' ^Uji^Jiio Medïcd.^

plurium morborum frequentii!H=- ma , quos prxcavere longé faci- liùs eft quàm cxpugnare.

QUemadmodum à fecundo ad fcptimum ufque circi- LcjL cCtatis feptenarium ^ men- /îum fluxu carere tuto nequit femina non prasgnans , ita 6c matrem impunè ab infantnm nutricatîone difcedere difficilli» mum eft, Eadem lactis quxCa- tamenioram materia, qu^ lac- tant mulieres per uterum non repurgantur 5 id faltem raro con- tingit. Uterque humor in cor- pore muliebri fuperfluus. Illius egeftio ab uteri peculiari fabricâ pendet , alteriusab infantis fuc- ru perfîcitur, Quot 6c quantos matri impendentes avcrtat mor- bos ab cjus uberc pendens pue- rulus, oftendit natura laclis ac- tsntiiis confiderata. Triplex^ lac

"AnTrùUm îacîare\ &c. 32-^ conftituit fubftantia , aquea, & ferum audit ; falino terrea ca- feum dicunt 5 oleofa tandem , qux butyrum nuncupatur. Quiè- te diuturniori fecedunt ab invi- cem heterogeneahaec lactis prin- cipia. In excretoriis mammarum îion lactantium tubulis quiefcit lac. Quid inde ? triplicem refol- vitur in fiibftantiam. Oleofa fî- bimet permifla acris fît ôc ran- cida , continentia vafa ftimulat , erodit; tum vaforum lymphati- coFum ope ^numerofa in mam- mis reperiuntur) ad fanguinem revecla , motuque circulari ab- repta , accenditur , seftuat , alios humores exagitat , febres parit inflammatorias. Aqnea pars ut- pote fluidior , maflam fangui- neam rursiis ingreditur , per re- ines amandanda , quandoquè fub feri tenuioris forma papillis exir. Quid intérim de çaleosâ parte ? ferô in dies fpoliata , crafiefcit, induratur , in tubulis Galaclo-

51^ .^dtfiip Medica.

phoris c-oa^eritur , gypfeam ar^ niulatur foliditatem , uno verbo in fcitThum dégénérât , hinc vi- cina comprimuntur vafa fangui- fera, hinc impedica in mammis circulatio , hinc inflammatio , fuppuratio , cancer cxulceratus letho fepiflîmè finiendus. Qub nuis humor à fanguinc fcparan- aw^ ^ circulation! minus idoneis &: craflioribus confkat partibus , eo intra fanguinis maflam hune retineri periculofummagis. Ta- lem effe lactis indolem perfe pa- tens eft. Quantis itaque xgritu- dinibus non lacftantes feminas p!e£ti neceffum eft ? prxterquàm ^ubd fuperfluo ac inutili humo- re non liberantur , ficque ipfîs inetuendi funt quotquot à ple- thora natales ducunt morSi , ille eft infuper laclis genius , ut fa- cillimè fpiflefcat & grumos agat; plethorx igitur adjunget fe co- mitem Cacochymia. Qualis por- xh Cacochymia: ipecics ? cœnofa

J'/j Prolem laclare , d^c. ^ij & lutulenta humornm Diathe- fis , flniditatis inimica. Lacteo humore luxurians fanguis , om- nes vitiabit fccrctiones , ha^rebic in câpillaribns , mille pariet ob- ftructiones mox daturas proge- niem vitiofiorem,

IV,

HA c T E N u s rationc ftabi- litam de noxis ab efFufo ( ut vocant ) lactc fententiam , heu frequens nimiiim ! ulteriiis confirmât expcrientia. Decum- bentes à partu adeamus non lac- tantes puerperas, Dictu horren- dum , qnàm multa , quàm criidc- lia , quàm pertinacia , ipfas un- diquè circumveniant incommo- da ! Modo vultum occupât Ery- fipelas , indè tumet faciès dolet- quc, fcintillant oculi , pulfant tempora , lancinans adcft capitis dolor , totidem retenti intra mo- iem fan2:uineam ladei humoriç

328 .^Ajîio Medica.

partus infelices. Modo lympha lentior facla , hic ôc illic moras nectitj cumulatur in glandulis , tumores gignit duriflîmos , Pa- rotides , ftrumas, fcirros. Modo impatibilcs non lactantium fe- mora diftrahunt dolores , ingenf- que medentibus facefTunt nego- tium. Alias incarceratum in ma- rris corpore recens nati alimen- tum prx calore -expanditur , fe- brcfquc accendit varii generis , quas inter exanthematicx oni- nes , prxferrim qux purpurata dicitur , five rubra fit Purpura , fîve alba , magnoperè pcrrimef- cendx. Clinicis notifîîmum eft lacteum fuccum palTim per vifl cera bc artus vagantem , abfcef- fus aIiqua,ndo gêner are perica- Tofiffimos non nifi ferro debel- landos , quibus in fpeciem fana- tis 5 alii non deficiunt pari artc oppugnandi , fepiufque cum pa- ri flicceffli. Nonnunquàm abin- gratâ matre pœn:is repofcit pieu-

An Trolem Uciare , &c, -i^ic^ ricis graviffima , illamve ex- haurit fluens al vus , confodit penè y atrox inteftinorum in- Hammatio molefta angit fuffoca- tio. Quandoquè ipfius lactis affî- ciuntur receptacula , quibufqiie deliquit 5 in iifdem potilîîmum- partibus maltatur parens inhu- mana, mammas varii infeftant tumores , ulcéra deturpant , can- cri excedunt. Eft &: ubi in mali partem trahitur utérus , taboque & fanie diffluit humani generis officina. Hse funt quas fecum Galliis intulit peftes , prolcm non lactandi mos peffimus. Tôt procellis jactatam non vivunt vitam illarum regionum mulie- res , apud quas naturam feqtien- di duccm maxima religio , vetat infantes conduclitiis mammis alcndos traderc.

E c

330 ^.ejllo Me die a.

V.

AT T A M E N , înquies , mili- ta: funt non lâchantes femi- nx qUcT optima friiuntur valetu- dine. Qiiid ad nos ? Il parta ire- qucntilTimo fatifcant tandem i!- larum vires , folidorumque fran- gatur Elater , un de proies nii- merofa quidem fed debilis , ut- potè infirmo in corpore genara- ta. Ha:c vitant incommoda qux prolem nutriunt ma très. Ita enim eft ftatutum à naturâ , ut Veneris prxmla rarillimè feranc nutrices. Uterum agro non i- neptè comparaveris , non fecus ac agri interpo fi ta quiète non re- parari , elTœti fiunt , raramque emittunt fegetem , utérus pari- ter non intormiiro partu exhauf- tus , concreditum fibi , malè edu- cat hominis germen. Quandiu lactat mulier, amilTum utérus ré- cupérât tonum novafque accipit

An Trolem Uclare , é^c. 331 vires, ut pulchrâ fanâque proie rursLis beec parentes. Procul hinc malefana quorumdam coiifîlia , qui fexui f haud diibiè colcndif- iimo ) blaadiendo nimis, ipfum crudeliter enecant. Quidmolef- tius iaquiunt quàm clamores in- ter 6c ejulatus infantis , vitam tr aller e ? Qiiid txdiofum magis quàm puerulum uliiis continen- ter geftare , ipfiufque ad or a papillas identidem admovere, E^reria. profecto difficultas î Quali vero huic quoque rei ma- xime fubventum non effet à na- turâ. Hcxc quippe tantam ma- ternis animis in natos caritatem infevit , ut quicquid prolis cau- sa fufceperint , nedum cuni tx- dio 6c moleftiâ , quin etiam in- credibili cum gaudio illud a^- grediantur : imo vifx funt pri- miparx quas ex avulsâ proie , alienis uberibus nutricndâ mœ- ror extulit inconfolabilis. Sed dicanc viciffim, num fatius eft

Eeij

33^ c^^i^ Medica.

torqueri morbis periculofiflimis ? Num gravia funt miniis geftatio- nis incommoda , cibi faftidium ^ Pica , Malacia, abfurdorum ap- petitus 5 Cardialgia , Naufea , Vomitus, Strangurla, Dyfiiria, Tenefmais ; Hxmorrhoïdes ;, cru- rum inflatîo & indè fiibfequens difficilis progreffio ? Veriim in- furgunt alii , adfunt rationes quibus prxcaveantiir nox^ ab efllifo lacle oriundx ^ aut etiam ejufdcm impediatur effufio. Fe- licem utinam fortirentur efrec- tiim tôt adhiberi folitx in non laclantium morbis , evacnatio- nes omnis generis. Prxterea non- ne iniipientis eft morbum etiam curatu facillimnm coiifulto ad- mififle , qui faciliimo declinari potcrat negotio ? Ergo canibus ultro offerent mammas mulie- res , qiias infantibus deneo;a- runt? talia memmille norret ani- mus. Urges adhuc , debilioris iunt temperamenti urbanx ma^

An Prolem laclare y drc» 335 trcs quàm ut illxsâ fanitate tan- tam perferre valeant evacuatio- nem , qiiantam folent cxpcriri lactanres ; compertum enim eft experientià nutriccs quafdani duas laclis libras quotidie émit- cere. Apage erroncam opinio- nem , débilitas illa non aliundè provenir, quàm ex eo quod ma- terna non fuxcrunt ubera , fcd 6c ipfi optimè mxdetur infantum nutricatio ; hujus enim ope fo- ras emittirur humor qui mole îuâ gravaret partes , huic oneri ferendo prx fuâ molUtie impa- res ; 6c id adeo verum cft , ut in- ter- femînas non laccantes , illx graviiis cegrotent qua: vitreâ , ut: ita dicam , donanturvaletudine, Malâ igitur non ampliùs utan- tur matres confuetudine , eoque majora fibi ex prolis laclatu fpon- deant emolumenta , quod dùm eas nutriendi infantes cura te- net, nec menfis opiparis accum- bendi, née in feram noclemcœ-

334 jQji^^eJIio Medica, ç^'C. nas protrahendi tempus fupç- reft , ficque permultas morbo- rnm effugienc occaiianes. Quid plura ? Concludamus.

Ergo Frolc?n lacîare Matrihus faluhtrrïmum.

33y

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QUESTION

D E

MEDECINE-

La famé des mères demande^ felle qu'elles f oient elles-mê^ mes jSourrices de leurs en- fans \

L

LE s femmes ne font pas tant faites pour elles-mê- mes y que pour donner au Monde 6c élever des enfans, A peine ont-elles quatorze ans ac- complis , que leurs mammelles qui s'enflent , la pefanteur des reins, la douleur des hanches , une lafîitude qui vient d'elle- même dans les membres , 6c le

f<

53^ cS^^ifiion de Médecine. dégoût des, alimens , annoncent qu'elles feront bientôt nubiles.- Le fang qui coule de la matrice fait bientôt difparoître ces fimp- tomes , 6c rend les filles maria- blés. Cet écoulement de fang furabondant revient tous les mois accompagné des mêmes fymp tomes , jufqu à ce qu'elles foient groffes. Alors ccflent le lus fouvent les mois ou régies , e fang fuperflu ôc inutile à la mère fervant à la nourriture du fœtus. Mais ce ne feroit pas allez que la nature eut ainfi pourvu à la fubfiftance de l'en- fant , avant qu'il foit , fi elle ne lui préparoit encore par la mère un aliment accommodé à la délicateffe de fes organes dans les premiers tems de fa naiflLan- ce, c'eft ce que font les mam- melles. D'abord que l'enfant efi: forti de la prifon maternelle , pour yenir à la lumière , la ma- trice n'étant plus tendue , fe ré- trécit ;

Lafanté des mères , é'c 337 trécit ; les vaiffeaux qui y por- tent les humeurs reprennent leur diamètre naturel j les hu- meurs qu elle contient , d\in cô- té coulent dehors fous le nom de vuidanges , êc de l'autre re- tournant , elles dilatent ce qui fe trouve proche j la grande quantité de fang qui ne peut plus aller à la matrice , fait en- fler les artères épigaftriques , les- quelles réfiftentavec plus de for- ce au fang qui vient par la com- munication qu'elles ont avec les artères mammaires ; le fang eft porté avec plus d'abondance dans les ramifications internes qui font pour la nourriture des mammelles , il les grofTitj delà la douleur fe fait fentir aux mammelles qui s'enflent aufîi ; delà il fe fépare du fang un fuc laiteux fort liquide les premiers jours qui fuivent l'accouche- ment, &: plus épais dans la fui- te, jufqu'à ce que le tfl^i des

F f

3 3 s S^ejlion de Medexlne, Tnammelles s'étant relâché infeii- iîblement , le fpafme &: la dou- leur foient rallentis 5 &: que les diamètres devenu plus grands, laiffcnt pafler les parties cafeu- fes & butyreufes. Autant le lait, dont la réparation fe fait par ce mécanifme , eft inutile ôc mê- me nuifible à la mère , on ne le tire à la même quantité à la- quelle il eft féparé de la mafle du fang , autant il eft un ali- ment utile à Penfant. Qu'une mère ne refufe donc pas de don- ner à tetter à fon enfant nou- vellement né , qui le lui deman-r de en pleurant ^ qu'elle ait honte de voir que les bêtes féroces des forêts ayent plus de tendrefle pour leurs petits qu'elle n'en a. Mais i\ plus féroce que ces bêtes mêmes , elle ne fe foucie pas de {es propres enfans , q u'elle foit du moins touchée de ce qui la regarde ; qu'elle découvre fou fein pour donner à tetter à foa

La fantédes mer es , ^c, 3 3 a> enfant , dans la certitude de ren- dre par fa fan plus forte. On ne fçauroit nier que cela ne foit très-nécefîajre pour la fan- , quand on confidérera qu'on met par hors du corps aune merc une humeur inutile , qui , foit en reftant dans les vaifleaux excrétoires , foit en rentrant dans la maffe du fang , occafion- neroit des maladies très-diffici- ks à euérir,

^ IL

LA ftnicture du corps humain eft telle que par une certaine îiécelfité mécanique , il fe fé- pare du fang différentes hu- meurs , dont l'utilité eft très- grande pour la confervation de la fanté ; fi par quelque caufc que ce foit la fécrétion cefle de s'en faire dans les lieux deftinés à cet ufagc , il paroît auffi-tôc nne infinité de maladies. Y a-t'il de rérétiime , par exemple , dans

Ffij

3 4^ ,^ueJiion de Médecine, la fubftance glanduleufe des reins ? fur le champ le fang alté- ré par une humeur falée, piquo- te par fes fels toutes les mcm^" branes des vaiiTcaux , caufe des mouvemens déréglés ; le malade rend par les vomifTemens des matières xqui Tentent Turine ^ tombe en délire , tout fon corps cft agité de convulfions ; il fuit ^enfîn la mort , à moins qu'on ne rétablifle les fécrétions dans les vaifTeaux tranfcolateurs des reins. De quelque manière qu'il ie foit formé obftruckion dans les ramifications de la veine , portes qui vont au foye , la fé- crétion de la bile eft empêchée , le malade a du dégoût pour le manger ^ ce qu'il prend fe digère mal 5 le ventre devient fec , la bouche amere , l'urine de cou- leur de fafFran , la peau fe cou- vre d'éréfypéles , êc même de phlegmons; tant il eft dange- reux qu'il reftc différentes hu-

Lofante des mères y ^ç, 341 meurs mêlées dans la mafle dit fang 5 & la fanté ne foiifFre pas moins fitôt que qiielqu'humeuir que ce foit , refte féparée des au- tres dans fes propres réfervoirs > fans en pouvoir forcir , eft

fiompée delà par les vaifleaux ymphatiques pour être portée dans le fang. Combien de fois n'eft-on pas tourmenté de très- cruels rhumatifmes , ou des dou- leurs très-cuifantes de la goutte, par la fuppreflion de la tranfpi- ration infenfible ? Combien de pleuréiîes , de péripncumonies ^. de diarrhées , de fièvres avec ca- tharre , d'efquinancies , d'oph-- talmies ne viennenr pas de la même caufe ? Combien de ma- lades ne font pas morts de ré- tention d'urine , foit par la para- lyfie de la veffie , foit par la con^ traction fpafmodique du fphinc- ter, foit par la pierre qui en em- pêche la fortie? Quelles tragé- dies ne fait pas fouvcnt la bile Ffiij

3 4 i ^u^ejîion de Médecine. feparée dans le foye , ne trou- vant pas d'ifTuë par les conduits hépatiques ? Les matières féca- les mêmes retenues dans les in- teftins , caufent fou vent des ma- ladies très-confidérables^ des hé- morrhagies , des migraines , des vertiges , des coliques , la paflion iliaque. Ne vient-il pas auffi aux femmes des maux très-funeftes de la fiippreflîon de leurs régies , des crachemens Se des vomifle- mens de fang , la paiîîon hyftéri- que 5 des aiîetlions foporcufes , des convulfions , des palpita- tions de cœur? L'écoulement des vuidanges arrêté dans les fem- mes accouchées , ne produit-il pas quelquefois des apoplexies mortelles , des trenchées cruelles dans le ventre , des cardialgies afFreufes , des inflammations de matrice , &: d'horribles fymptô- mes decette forte ? Si Ton veut paiTer des jours fans douleurs , il faut donc faire enforte que les

La pinte des mères, é'c. 343 fécrétions que la iiature fait dans les organes deftinés à cet ufage , ne foient pas empêchées j il faut les aider par les ufages des diffé- rentes chofcs non naturelles; fe faire un crime de ne pas les ai- der , ôc croire qvie c'cft la eau- fe d^rne infinité de maladies qu'il eft bien plus facile de pré- venir , que de guérir»

1 1 L

S 'Il y a du danger à une fem- me de ne pas avoir fes régies depuis quatorze ans jufqu'à qua- rante-neuf, à moins qu'elle ne foit enceinte , il cft très-difficile qu'il n'y en ait pas auffi pour une mère qui n'allaite pas. Les fem- mes qui allaitent n'ont pas leurs ré2;Ics , il eft du moins très-rare qu'elles les ayent j ces deux hu- meurs viennent du fuperflu qui fe trouve dans le corps des fem- mes. L'écoulement des mois dé- F f iiij

3 44 ^t^^fl'ton de Médecine. pend d'une ftructure particuliè- re de la matrice celui du lait fe fait par Penfant qui tette. La na- ture du lait , confidëré avec atten- tion , nous fait connoître quel- le eft la multitude 6c le danger des maladies qu'évite à une mère l'enfant qu'elle allaite. Le lait contient trois fortes de fubftan- ces ; la première qux)n nomme petit lait; la féconde terreufe > appcUée fromage ; 6c la troifiéme Jiuileufe , connue fous le nom de beurre. Quand le lait repofe long-tems, ces trois principes s'y féparent. Le lait le repofe dans les tuyaux des vaifleaux excrétoires des mammelles qu'on ne tette pas : qu'en arrive -t'il? il s*y réfoud en fes trois princi- pes. La partie huileufc féparée, devient acre &: rance , pique les vaifTeaux dans lefquels elle fe prouve , les corrode ; enfuite re- tortée dans le fang par les vaif- feaux lymphatiques qui fe trou-

La Jante des mères , drc. 345 vent en grand nombre dans les mammelles , ôc emportée par le mouvement de la circulation , elle s'échaufFe , agite les autres humeurs , produit des fièvres in- flammatoires : la partie aqueufe , comme plus fluide , rentre dans la mafl^e du fang pour être em- portée par les urines , ôc quel- quefois fort par les mamme- lons , fous la forme de petit lait très-atténué. Que devient la par- tie caféeufe ? De jour en jour dépouillée de plus en plus de fon phlegme , elle s'épaiiTit , fe dur- cit y s'amalTe en dépôt dans les conduits laiteux , devient auffi folide que du plâtre , dégénère en fquir , d^ou les vaifîeaux fan- guins font comprimés , la circu- lation empêchée dans les mam- melles , ce qui caufe inflamma- tion , fuppuration , cancer , ul- cère, qui finit par la mort. Plus une humeur qui doit fe féparer du fang 5 cft eompofée de par-

34^ J^f/?/^;; de Médecine, tics groflîeres ô£ qui ne font pas propres pour la circulation , plus il eft dangereux qu'elle foit rete- nue dans la maiTe du fang. Il eft évident que le lait eft de cette nature. De combien de maîadies ne feront donc point accablées les femmes qui ne nonrriffcnt pas d'enfans ? Outre qu elles ne font pas délivrées d'une humeur inutile, êc par fujcttes à tou- tes les maladies qui viennent de la pléthore , le lait s'épaiffit ôc grumele facillement ; la caco- chymie accompagnera donc la pléthore. Mais quelle forte de cacochymie ? Une difpofition boueufe dans les humeurs , qui leur ôtela fluidité; un fans;, qui regorgeant d'une humeur laiteu- fe , rendra toutes les fécrétions défeftucufes , s'arrêtera dans les vailîeaux capillaires , eau fera mille obftruclions , qui feront fuivies de maille autres maux en- core plus grands^

Lafantédesmcres y &c, 347 IV.

NO u s venons d'établir par Ja raifon , ce que nous pen- lons du lait répandu , pour me fervir de Texpreflion ordinaire. Mais hélas ! Texpérience en con- firme bien davantage. Voyons les femmes accouchées qui n'al- laitent pas. La penfée feule don- ne de Thorreur : de combien d'incommodités cruelles & opi- niâtres ne font- elles pas envi- ronnées ? Tantôt un éréfypclc leur couvre le vifage , d'où il s'enfle & leur caufe de la dou- leur j leurs yeux font comme éteincelans ^ les artères tempo- rales battent avec force ; elles ont un mal de tête qui fcmble la leur déchirer : ce font autant d'efFets affreux du lait retenu dans la mafTe du fang. Tantôt la lymphe devenu trop lente , s'ar- rête en difFérens endroits , s'ac-

; 48 ^iejlion de Médedne, cumule dans les glandes , pro- duit des tumeurs très-dures , des f carotides , des écrouelles , des quirs. Tantôt , celles qui ne nourriflent pas , fentcnt des dou- Ijeurs infupportables dans les jambes , qui donnent bien de l'embarras aux Médecins. D'au- tres fois l'aliment de l'enfant nouvellement , renfermé dans le corps de la mère , fe répand par la chaleur , caufe des fièvres de différentes fortes, entre les- quelles fe trouvent toutes les fièvres accompagnées d'ébulli- tions , fur tout la fièvre pour- preufe , foit le pourpre rouge , ibit le pourpre blanc , qui font très-fort à craindre. C'eft une chofe très-connuë de ceux qui pratiquent la Médecine , que le fuc laiteux porté en différens endroits dans lesvifcercs , y pro- duit des abfcès très-dano-ercux ;, qui ne peuvent être guéris qu e- tant extirpés par la main aua

La fdnté des mères , &<:. 34^ Chirurgien \ 6c qui étant guéris en apparence , font fuivis d'au- tres pour lefquels il faut em- ployer le même remède, avec un fuccès qui n'a pas plus de durée. Quelquefois les mères font pu- nis de leur peu de tendrefTe, par des pleuréfies très - confîdéra- bles j quelquefois elles font épui- fées par des diarrhées , tourmen- tées par des inflammations d'in- teftins affreufes , ou par des étoufFemens fort incommodes. Tantôt ce font les réfcrvoirs du lait qui font attaqués , & les mères inhumaines font principa- lement punies dans la partie elles ont fait fautes. Les mam- melles font infectées de diverfes tumeurs , rongées d'ulcères ôc de cancers. Quelquefois la ma- trice a fa part de c^s maux , ôc Ton voit couler le pus de ce labo- ratoire du genre humain. Voilà les maux qu'a apporté en Fran- ce cet ufage pernicieux des me-

3 50 ^iiejîîon de Médecine, res de ne pas allaiter leurs en- fans. Les Femmes des pays la plus grande Religion étant de luivre la nature , défend d'avoir des nourrices à gages^n y fontpas cxpofées.

V.

^T Eanmoins , dira-t'on , il y a \ des femmes qui jouifFeat d'une parfaire fanté, quoiqu'elles n'allaitent pas. Qu eft - ce que cela fait contre nous ? Si leurs forces font à la fin épuifées par de trop fréquens accouche- mens , & que les folides perdent en elles leur rcffbrt tellement , qu'elles ont une famille nom- breufe, il eft vrai, mais foible, comme venant d'une mère infir- me. Les mères qui allaitent ne foufFrent pas ces incommodités: car c'eft une Loi de la nature que les femmes qui nourriflent, deviennent très - rarement en- ceintes. On peut comparer la

L a fanté des mer es , drc 351 inatrice à une terre. Comme les terres qu'on ne laiiTe pas repofer s'épiiifent &c produifent peu , de même les femmes étant tous les ans grofTes fans interruption, la matrice nourrit mai fon fruit. Pendant qu'une femme allaite , cet organe reprend fon tout, dc répare fes forces perdues pour donner à la famille de beaux en- fans , èc d'une forte complexion. Loin d'ici les mauvais confeils de ceux qui voulant ménager un fexe, pour lequel en effet on doit avoir de très - grands é^^ards , le font mourir. Quy-t-'il déplus incommode , difent-ils , que de pafler fa vie à entendre crier & pleurer des enfans ? Qu'y-a-t*ii déplus ennuyeux que de porter continuellement un enfant en maillot dans fcs bras , & de le baifer.à tout moment? Voilà un grand inconvénient, comme fila nature n avoir pas pourvu à

5 5 i ^w^ton de Médecene. cela ; car elle a donné aux mcres une telle tendrefle pour leurs enfans , quelles trouvent un plaifîr incroyable dans tout ce qu elles font pour eux , bien loin d'y reflentir du dégoût ôc de la peine. Bien plus , on a vu des femmes mourir de chagrin de ce qu'on leur avoir enlevé le pre- mier enfant qu'elles avoient eu pour le faire nourrir par d'autres« Mais je leur demanderai récipro- quement s'il vaut bien mieux être expofé à des maladies très- dangereufes , qu'aux préten- dues incommodités defquelles je viens de faire le détail ? Y en a t'il moins dans la grof- fellè , dans le dégoût , dans l'ap- pétit dépravé , dans la cardial- gie , dans les naufées , dans les vomiflcmens , dans la ftrangu- rie , dans la dyfuric , dans le té- nefme , dans les hémorrhoïdes , dans l'enflure des jambes &: la

difficulté

La Jante des mères , drc, 3 ^ j difficulté de marcher qui en fuit- Mais, répliquent d'autres , on a des moïens de prévenir les in- commodités du lait répandu , &1 d'empêcher même qu il ne fe ré- pande. Plut à Dieu que les éva- cuations de tout genre , qu'on a coutume d'employer dans les maladies des femmes qui n'allai- tent pas , eufFent un effet heu- reux. Outre cela ^ n'y a-t'il pas de l'imprudence de donner lieu volontairement à une maladie très- facile m^ême à guérir, qu'on: pourroit éviter même avec enco- re plus de facilité ? Il faudra que des mères faflcnt tettcr à des chiens , un lait qu elles rcfufent à des enfans. J'ai horreur de fai^ re remarquer de pareilles chofes*. On croit nous preiler bien da- vantage , en difant que les fem- mes élevées dans les Villes font d'une complexion trop délicate- gour poavoir , fans altérer leuc

G g,

3 f 4 ^? ^^'^ ^ ^^ Médecine, fanté , foniFrir une évacuation telle que celle des nourrices; Tex- périencc nous ayant appris qu el- les donnenttous les jours deux li- vres de lait : c'eft une opinion erronée. Cette foiblelTe ne vient que de ce quelles n'allaitent pas , & le remède eft de nour- rir leurs enfans. Par-là elles fe déchargent d'une humeur qui incommoderoit des parties, qui par leur délicatefTe naturelle font incapables de les foutenir. Cela eft fi vrai , qu'entre les femmes qui n'allaitent pas , celles qui font d'une fanté plus foible , font fujettes à des maladies plus con- fidérables que les autres. Les mè- res devroient donc abandonner ce mauvais ufage , elles en ti- reroient des avantages d'autant plus grands , que nourriflant leurs enfans , elles n'auroient pas le tems de (e trouver à de magni- fiques repas , & de faire durer le

Lafanté des mères ,. é"C. 35-5- fouper jufque bien avant dans la nuit j &: par-là éviteroient bien des occafions de maladies. Enfin concluons donc :

,^e U fanté des Mères demandt qu'elles f oient elles - mêmes nour^ rlccs de leurs enfa^ns.

QUiESTIONES

M E D I C iE,

Ddij

'sis.

QU^STIO

M E D I C A.

An Ht Virginitatis , fie Virllitatîs certa Indiciaf

VIden mendacia rerum ! cafsâ fpe- cie nos ludunt. Sic eil , in cortice hseremus , nucleum praetereuntes. Ideô quiainfuperfîciebus, non medullis re- rum verfamur. QuaeHelenaforisjintùs Hecuba eft. Eâdem fraude , defideres interdùm in fponfo maritum ; in marito patrem; in juvene virum. In fexibus enim Androgynura dari non poteft, po- teft in hominum vultu. Ipfa vox homQ anceps eft, viri ac fœmince particeps; undequod de cœnis habent, in homi- nés cadit , dubii funt ;

Die as in atirem ,Jîc , ut étudiât mtllusi

Amat9r ille

Qiii, . . . Galbanos * hnbet marçU

t EfFœminatos.

$'j6 Qudflio Msdical

Quœrzs quîs hic fit ? excidit mthi nomtni

Quarè define me vocare fratrem Ne te vocemfororem.

An dubia forent fexuum difcrimma ? îmo : at dubi^ funt hominum faciès , ûc ut interdùm in viro virum qu^ras. Etiam fuo confpedu ludunt fexuam or- gana ; ex eoruni enim numéro , quantita- te, formaturâ, marem à foeminâ , à non Virgine Virginem potueris definire; at ex talium pr^fentiâ , virum ab homine , validumab mvdWdo , potentem ah impo- tente , à mulierofo frigidum decernere imperiîias eft. De fexuum dignitate quseflio eft, fed qux odii argumentum minus efl: 5 quàm inviûi^ hominum. Rê- vera ipfas fœminarum formas aliqui non dedignantur, iilarum illecebris capi am- biunt multi , vinci gaudent non pauc? Poflhàc mulierem dimidiatum homi- nem dices fan virum dimidiatam mulie- rem ? hïEc omnis homo fuerit , forti- tûdinem qu^e hominem infignit, pofïït in du ère. At heroïbus dominari datum jan; illis eft, 3l quo Herculem nere do- cuerant. Portentofa iflhsec eft mulierum în viros omnipotentia , quam (oW frigidi fic'ent. Mulierem ergo monftrum natu- Xdç vocari, dogmatis monftrum eft. Me-

liùs

^An ut Vïrgmïtatïs , &c. 5*7*7 liùs naturcC prodigium erit , quse fie îm- perat gentium dominis. Intérim mulie- ris caput eft vir ? appofitè fie tyrannidi fexûs cautum efi, lei^um vi ac Sacramen- ti virtutê. Sed fœminarumregnum intra fe diviium efi ; innuptis nuptse invident : hîs illipr^ferre Judasisconfuetamjnup- tis innuptas Chriflianis. Hinc Virginita- tis pretium & honos, qui quô infignior, eo rarior quibufdam habetur. Reipsâ fio5 6c mundities efi Virginitas, quam perdit turpitudinis aura. de causa, mente perire Virginitatem Religjo do- cet , iliîbato enim corpore mens inqui- natur. Quot ex h<5c pietatis dogmate patiatur damna pudicitas, immane : at pluies adhuc corporis integritati volunt fieri jacluras, Virginitatis cultores ava- ri. Hos intellige , qui , dùm eos occupât fexûs amor, lexui invidiosè convician- tur. Virginem tam raram , quàm Phœ- riicem perhibent ; quod fimultati non imputaveris, cis enim maledicunt , à <^^iibus amati amant. tamen venit Virginibus maledicendi malignitas, ut bas à mulieribus fecerni nolint. Hos inalè iuadet vuîtûs pudor, oris verecun- dia , modefiia vultûs , virorum fuga , filentii amor, pudicitise fama, morum ântegritas ; h^c (aïunt) omnia sequè re- ferunt ac reprsefentant , qu^ ut fexuni

I i

Ém

57 S Qjiizjîio Msdica^r

fie connubiam nobilitant mulieres. Alîas împeriosè exigunt notas , quibus exte- riori integritati concinat arcanacorporis integritas. Ludibrio habent, & merito , Virginitatis notacula, quse ex naribus, collo , voce , &:c. venari folent , ut Vir- ginitatis naufragiâ hariolentur. Ulteriùs hos rapit in Virgines livor , qu^e fexum faciunt partes, in innuptis perindè , ac in nuptis fimiles flatuunt , forma, fpc-»» cie, colore, habitudine, politurâ. Tam facile credideris, florem intadum, ne vel à miaj'mate maligno temeratum , al- teri fîmilem flori impuris manibus comt prefîo jattrito, obfcurato.

II,

HE u antiquatam veteris îbvî iim^ plicitatem ! heu deperditam prif- cam fîdem ! quo homines antiqu^e vir- tutis ! Dodi forte minus ; at fapientes magis , veritatis amantes j ftudiofi fin- ceritatis. Tune temporis motam de Vir- ginitate litem, illico derimebant limpli- cia Virginitaris figna. Num arcanas re^ velando partes l num eas nudando , quas diligentiùs tegit natura ? num eas intuen- do quas voluit inconfpicuas f quas vide- ri , violari ; quas tangi , fœdari eft. Vef- timenta Virginis coram fcnibits ^anderc

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fat erac , quo dato fîgno , (îc abfolve- bacuc fufpeiflara conjux, ut vir odii fui pœnas verberibus iiieret. Tanta erat (im- plici huic fignoParrum fides 1 At hinc venire poceft aliunde major, in quofri- gidis oppiobrii nota paratur. Qaid enim, {\ ulcifcendo niipra virgo junior cum vi- ro , quem impotenriae accufabit ^ expof- tulaverit virginitarîs iîgna ? hoc abfente fîgno ignaviam viri &copulae defedum argaet. Reclamabit vir 2 acculationi Çi- dem faciet Virgo juvencula conjux, inf- piciendam fe otferendo. Virginitarem enim à niiptiis ruperftitem oftendere , fponfî impotentiae , (îgnum ram cerriini erit , quâm conftuprationis indicium , non oblatum in vejlimentu Virgimtatis fignum. Qaorsùm igicur ram mulra fcru- tari ? totCLimulari qaid juvat ? quibus^/- gidnm évinças , auc abfolvas Virginem > au in hoc uno non eric certum asquè frigtditatis , ac Virgimtatis indicium. Nupcam ergo, qu^ Virgo juvencula eraf, apud Judicès conqueri , quody^^»^ Vtr^ ginitatis afferre fîbi non detur , virum fiigtdttatis accufareerit , confpeiftamqiie fe Virginem offerre , etic evincere. Fi- dem excedit, qiior expedirer^?^«W(?r//wî, ac FtrgiKPtm lites , dodtrina hsec facris contenta codicibiis l Sic parceretur tur- piioquio hymenii , carw/ichUrum , ruga-

Bb ij

57 5 Qjujîio Medtca*

fie connubium Habilitant mulieres. Alîas imperiosè exigunt notas , quibus exte- riori integritati concinat arcana corporis /ntegritas. Ludibrio habent, & merito , Virginitatis notacula, quse ex naribus, colio , voce , (Sec» venari folent , ut Vir- ginitatis naufragia hariolentur. Ulteriiis hos rapit in Virgines livor , qucC lexum faciunt partes, in innuptis perindè , ac in nuptis fimiles flatuunt , forma , fpc-^ cic, colore, habitudine, pofiturâ. Tarn facile credideris, floreni intadum, ne vel à miafmate maligno temeratum , al- teri fîmilem flori impuris manibus corut prefîbjattrito, obfcurato.

IL

HE u antiquatam veteris asvî iim^ piicitatem ! heu deperditam prif- cam fîoem î quo homines antique vir- tutis ! Dod;ii forte minus ; at fapientes inagis , veritatis amantes , ftudiofi iin- ceritatis. Tune temporis motam de Vir- ginitate litera, illico derimebant limpli- cia Virginitaris figna. Num arcanas re^ velando partes? numeasnudando, quas diligentiùs tegit natura ? num eas intuen- do quas voluit inconfpicuas ? quas vide- ri , violari; quas tangi , foedari efl. Vef- timenta Virginis coram fmibits ^anderc

An m VÎYgimt^jis :, ^c. 579 fat erat ^ quo daco figno 5 fie abfolve- bacuc fufpeélata conjux , uc vir odii fui pœnas verberibus lueret. Tanta erat fim- plici huic (îgnoParrnm fides l At hinc venire poteft aliunde major, in quofri- gidis opprobrii nota paratur. Quid enim, {\ u!ci(cendo nnpra virgo junior cum vi- re , quem impotenriae accufabit ^ expof- tulaverit virginitaris figna ? hoc abfentc iîgno ignaviam viri &copulae defeiftum argact. Reclamabir vir î acculationi jfi- dcm faciet Virgo jiivencala conjux, inf- piciendam fe oiferendo. Virginitarein enim à nuptiis ruperftitem oftendere , fponfi impocentiae » hgnum ram cerruni eric , quâm conftuprationis indicium , non oblatum in veftimentis Virgimtatis JignHm. QuorsùiTi igicur ram muira fcru- tari? rotcumulari quid juvat îquibus_^;- ^ânm évinças , auc abfolvas Virginem ? air in hoc uno non eric cerrum asquè ftigtditatis , ac Virgimtatis indicium. Nupcam ergo, quae Virgo juvencula erar, apud Judicès conqueri , Q^^\oà. ftgna Vtr^ ginitatis afFerre /îbi non detur , virum fitgtditatis accufareeric , confpedamque fe Virginem offerte , ent evincere. Fi- dem excedit , quot exp^dnct frigtdorum » ac FtrginHm lites , do6trina haec (acris contenta codicibus 1 Sic parcererur tur- piioquio hymenU , c^truncftlarum , ruga-

Bb ij

5So Q^haJîIo Me die a,,

rum ureri , &c. à fœdo hoc fcrutinio ab£- tineretur, fcilicec an fuam ordinationem (ervaverint , in colore , tenorc , fîru , racnfurâ , habitudine. Àbfit ramen du- bitaveris, h«c quoque vera reperiri \ ea cnim eft nuptfle abinnuptâ partium dif- pirilitas , tantùmque à fe ipsâ mucaca tune illarum faciès , ut quantum in nup- tis (ui vioJacione maricani oftendunc , tantùm ininnuptis integiitate fiiâ Virgi- nem évinçant. Copulationis enim fuc- cen^is 5 ab elatere pendet partium quae copulantur. id dateras k viro unicèex- pe<5tabis ? abes à vero : Majculum Ut e- rum fecit natura^ fie conftiruium , ut quo magis dilatari cogitur , in fe redeun- do ftringatur magis. Stri(^ionis autem vim^ab quaeiiliusdilacationiscfi: me- ttre : coadt^E ad pyri magnitudinem (quae uteri in Virginibus menfura eft) ureri fibrac , ad capitis molem in prœgnanti- bus crefcunt & diiatantur. Hase autem immanis fibrarum uteri in praegnan- tlbus dilatatro , eUterem portcntofum uteri prodit , quandoquidem quo brc- viores, co potenriores fine fibrae. Par eft cxindc manans vagmA dater ; latera cujus , ut compreiîilia maxime , fie ardlè conni ventia, id opcrae prseftant in fexuum cj>puià , ut adfc accedendo, quem ad- mittunt fœcundaRtem fuccum fortiùs de

An Ht Virginitatii > ^c, 581 incro adigant. Ex hâcaurem duplici & mutuâ violentiâ,partium miilicris viola- tionem i fîtus, po/îturac , ordinis , ru- garum , habirudinis murationem , hia- tum & Fœdacioncm conjicerc eft. In his autem tenore , pofîturâ &lhabiru- dine 5 certiora habes PirgimtAtii figna, Arre enim meretriciâ angufta viarum quantumvis xmulentur , vaginac rugas & afperitates reftituere , exrcrnamquepar- lium œconomiam reconcinnare, colo- rem neque fpeciem ac tonum ementiri dabitur. Hjmenem confilio praetermifTum credes, quafi anilibus fabulis acccnfen- dum? imoaliud indubiratum Firginita* tis fîgnum vcnit , in quibus occurrir ; occurrere autcm teftantur inter Anato- micos non ignobiles. Defucrit ? fiipple- bunt CAYunctiUrum flos & conniventia. Carunculis fidem quoquc negas \ hanc cogit finûs pudoris difpofitio , circum-: fepti in Virginibus arre , ut poft co- pulam à fitii j rono , ac ordinarione dif- cedat. Poftremo addideris verba Virgî- nis , qnse fponfi copulam negavcrit. Ri- des ? fponfo copnlationem afïîrmanri cre- dis? Num quia mnlieris caput eft. Ira , fi (ponfus maritus , fi marita mulier , tune enim illum Dorainum vocare co- gicur. Ac qm fiigidtis^ non maritus eft, neciilius marita, mulier.

B b iij

582. Qjufîio Aîedica,

III.

VI R I L I T A s ad Venerem potencia eft, vimm enim ut 'tîolo mmium , no- h parkm. Vencris nomine iexuum co- pulam inrelliges , quîs conjugum ut vo- tum eft , fie conjugii finis. Haec enim procrcationem intendit , cui copuiâ prs- ludi , tàm neceiïum quàm conFclîum. In- térim infœcundè fcxiis mifceri quotidia- num , ni fucci fœcundantis midusfiar. Igitur prseter copulas potentiam , miiîi* lem fœcundarionis auram oportet cxi- lire. Huic auras fœcundarionis necefîi- tatem injungis ? At tune fœcundationis caufas rimaiieft, non Virtlttatis notas perfequi. Porto, ut cicra Firilttatem n^- mo fœcundus , fie ablque fœcundatione aliquis Vinlis eft. Quae hujufmodi Firi- 7/><«r^«?(pondeantrcrucaris ? ut in liberis teftes fuos hubet fœcundatio, in fignis fui dat indicia Vtrilttas. Hase forte locabis injHvene csnvemenîthm organis inlîruElo f quid enim potentius , quàm amorisor- ganorum opulenta fupellex ? an liunc ap- paratum opère caillim concipere eft ? adjiciro corpus eufarcum ,exercifum vo- luptate , dapibus delicatuiis infuccatum , fpirituofis animatum fuccis aut liquori- bus i iiccinè amorum faiellitioftipatum corpus, ignavum ad Venerem aut im-

An ut Virginitatis , ^c, 5 î 5 belle conjicies? ferianria concipies toc tamque praeclara lafciviae inlbiimenta ? Ira fané , nimiiim his ciredes omnibus , mendofa fine , fi ludant oculos ^ f fu- cum facianr. Illndunt autem , Ci ^d:x fint inftrumencorum effigies, mera or- ganorum fimulachra , ignava , inertia , fiincrata. Funerata vocas , motus aiiE elateris expertia ? honore auc ticulo de- funôixwnx , abutieft. Extinùâ hcEcnon funt , fcd vacanria, nunc non primûm , fed ab anciquo , à cnnis ipfis feriantia. Porro ^/îÀ poffe adaBmn mnvaleat con» jcqaentia , num à mn poffe ad poffe vale- bic ? quas aurcm ferianria nata (iint,»o« potentia funr, aut tmpote-rjtta. Hanc for- rem innatam fibi graculabunctir cselibes , qnos importuné ftimalaret aur pericu- iosè amandi pruritns; fed hanc lugebunc mariti Veneris officio debiti. Mdeficia^ hanc forte fortem dabis? perperam. M^leficiatorum enim ftatus , cafus eft & malitia •, fri^idor^i^ , naturâ eft Sc habitudo. Fngidi (une, invalidi, & im» patentes , qui bu s fradus , aut mollis eft cnpidimi arcpi^ ; quos nempe déficit nul- la ex iis partibus quas virum oftendunt , atquos urit auc excitât ex iis nulla. Cae- tçvùm frigidt viriitbus organis prseclarè infigniti , à lafciviâ tuti , viros fe noa fwitiunt , nediim experiuntur. Intereà ,

B b iiij

584 Qudflio McâicA.

novercam iis defuifre non omnino na- taram argumenro cft , penfata aliunde horiim calamicas ? Achillis inftar^ fui ali- quâ parte , funt invulnerabiies. Iterûm piae caereris à naturâ beantur , indefeli- ciores quod ancipites & neutri^fœminas inter & viros , nec (ui ^ nec alcerius fc- xûs aegritudinibus pateant. Ac dtgitocom* pefce labeiltim, Quae honeftè innuunrur obkœna , inhoneftè proferuntur. Uc ut iîc 5 frigidi nati , â carne flagellaci nun- quam , non concupifcunt, amorum ig- nibus immoti , non perulci , non (àla- ccs , non catulientes. Defes enim pars illa , quâ viri forent, humilis & tacita filet , deprcffa jacet , motuque tardefcens inftupuit ,• nunquam ab inertiâ refurgens, fui'git nunquam ad opus > nec in aébum erigitur.

I V-

HI s fe prodit indiciis Vtrilitas^ qusc, illisabfentibus, abeft. Qnidenim, amabo , (unt conjuges ? duo in carne tsnâ, Qiiid conJLigium \ fexuum conjiindtio > (3 adh(xrehn uxori jha, Illud Religio , hoc ratio. Procreationis negotium , mu- tuum quid, à duobus pendet. Sttndura eft, cujus impages fejundtis divifae lo- cis, veniunt adunandae. Hinc germen , tUinc ovum; duabus quafî conclufacap-

An ut Virginitatii , (3c. ÇSÇ fulis, qu£e duo (exus iunt. Ovum , tœ- tus compendiolum , maflula ineis eft ^ arcanis fœminae partibus aire condita, Germen animabilis materies , à viri cor- pore in ureium exilitura -, illi cnim exi- liendum ad ovum eft , ucpotè alicnum a (exarque difîitum. Huic o^ptùiVtÀ vtri ad fœminam opus fuit , quâ ad rcgnem materiam animatio pervenirer. Haec via ^ (exuum copulatio eft, cui proin-: de deefle, mariri condirionem abdicare eft. Nam copulae pr^eeft vir , fubeft fœ- mina; ille caufa QÎïyhxcfftl^je^ftm;'ûle mot uni , haec nfoùile ; ille elaterem , baec r/^rm/|cap(ulam \ verbo, ofcillttm alter , ofcillayida6 altéra partes luftîcit \ vir enim ofcilla (qu« germina fonanc ) (uppedi- tat , fœmina dat fomites. Ai ovum ut ad germen veniie nequit , germini ovum adeundum eft. Adeundum dicis ? ita fané , il in aperto , vicino , & faciii lo- co fitum ovum fuiftet. At fecûs fe ha- bet , tàm remotum enim quâm recondi- tum eft. Hinc potentta viri opus eft , (eu organi eUtere , quo miiïum germen ovum queat attingere. Attigifte autem non exigitur, viri enim debitum folve- rit , aut mariti exegeiit officium , qui im- petu profilieis ad ovum germen vali« dus emiferit. Harum fub vocum umbris defcriptam habes FtrilttAtcm , quam con-

Bb V

Ç8 6 Oudlîio Medica,

ftituic firmus organorum tonî4^s, vaiiduf- que dater , quibus vibretar animabilis f uccus. Efto enim , viii muneris non fie fœcLindarei atporuiiïe illius honoris eft ", pacrîs titulo deeire infauftam s mariti officio indecorum. Forcé, ovum fiicns eric auc fubventaneum , admittendo ger- minis fpiculo impar aur abfonuQi, tuin- que irrita copula Fueric ; ac focmins cul- pâ, non mittentis jnecmiiîilis defefta , modo praecederir organorum ^/^/^r , fi- tus , tonm , & conftaniia /o»^ , qnaE vi- brando , difigendo, animandocjue faris iic. Ovum enim per fe immocum cft j milBlis ergo imperu indigum, quo mo- lum concipiat. Hune antem dac impe- tum vibracio , qux profeclam d viro re- tinensmotûs decerminacionem , hanc (e- cum transfert ad ovum. Igiiur quo mi- nus ad motum fe erigere ovum poreft , co validiûs ad illum clevari oportet & crigi viri potentiam, Hinc bellum orga- norum apparatum. , loco , numéro , ac menfurâ abfolucum oftentare, non Ma(- culum (e,fed Marem aiïcrere ell:. Maf- culum oftendic non iftorum praefencia ^ fed a6tus. Si valida de ad opus habilla eiïe ifthaec organa confefTum eft , fœ- cundatione quamvis caflâjin tuto ma- nebit viri validitas ; quod enim partium fuarumerac, pracfticic. Ac ftupenciaor-

An Ht VirginitAtis , ^c. 5 S7 gana , defedla tono ^ eh.tere deftituca 3 agicata nunquam nec agicabilia ja6l3re> heroïca frigidorum vircus , & potentU eil. Talem haec (e prode: fi cum juven- culâ fponsâ jacueric inexpercâ. Poflhâc impo!e'fîtt£ ^voiimcnium cvidentius rogas? folem qusris lucenrem?ac ccecucire amas? fidem cogQt fponla ifthaec (fi fponla fue- ric ) à nuptiis virgo fiiperftes. Virginira- tis huic argumenciim deberipraetendis^ folvendo eric virgo eonjiix , non in œre , non in rixis , non in rergiverfationibus , fed in ciite. Atqui ifth^c erunc Medico- rum phanrafiae lafcivientis ludibria , hîsc illius ambitiofx arris confilia, ea aaden^ tis imperiosè quas fui juris née func , nec authoritatis, necfcientiac. Bella verbal quafi à Jadicibus invocarentur Medi» eoram , ac Chirurgorum artes , de or» ganorum unicâ formaturâ , numéro , fi» gurâ, quanrirare , pronunciacurîs : ceiiè ad hase nec eruditis manibus , nec fa- pientiumdecrecis opuserit. Verûm , cùm frigidic{{Q queanr , conveme/ttibné quam- rumvis orq^anii infirn^i \ à legibus Me- dici interrogati 5 an ifthasc organap5^f«- tia fint , & ad conjugum opus valida , eoriim officii eft , de organorum appa- fatu mirabili proniinciare non rantùm , ar decernere quid iila oïg^nzpojpnt , qmd ferre recafent^

Bb vj

58S Q^HdJîiQ Medicaé

V.

AT fero fapinnt Phryges. Javenem habes convenientibm organis inf- trti^um \ defperes nihil , inventmi nihil ArdHHm efi. Talis Achlerae gracia , in fpem contra fpem ire licet» Tantûm , da fpa- tium , tenuemque moram \ nam grande morac pretium cft. Da tempus ; quod «cas nequiit ^ faepe (anavic mora, H«c mora neqiie iponfbs dedecec :

Nuhre fi . . * - voles , quamvii properahitts amho , Differ; habent parvA commoda metgna moYX.

Venereos in juvene recognofcis lepo-: les ? Ac

Konformofm eraf , /ed eraf fœcundm Ulyjfes,

Copule nondûm matunim excufas ? As

Heroés ciib maiuri-, Ec Céijarikus virtus contigit ante diem,

Spem , emendicando aïs , rerine ...» fpes una hominem nec morte reliquit. Igirur

Eia âge , rumpe m&rcu , quo te fpecîahimu4 ufque ?

Dum qtiidfis dtibitits i jam potes effe nihil. Cum mora non tut a efi , totis incumbere remis

Utile y ^ admiffofubdere calcar equo,

Urgebisr Sed juvcnem cupidonon urio

An Ht VtrginitatU , ^c* 5 8> non uxoris urget , nec fœturac amor?

"Excitât ignavos [pes fxm&,

Sed ad quid evidentia Virilitatis m?, dicia exigi ? ad quid proferri VirginitaH tis notas ? numquid non piidorem extie- re eft 'ifrigidorum cantilenam , pudibiin- dorum ne pudefcant 1 Pudibundumnc dixeris , quod jubent Icges , qiiod Re- ligio finit , quod probat ufus î turpe eft frigidorum connubium , quorum non eft thorH6 immacnUtHâ, Thorum interea frigidt emendicare f oient , m potentia pe- riculum facianr^nam in multis, aïunt, imra( amor mentes ufa. Ira in validis ; at in frigidis dedifcitur ufu. Infupcr , an frigiderum portentosâ libidine Sacra- mentum fcelerari licet \ fpeciminis titur Jo thoriufusindulgctur iis , quibus <i«- te pilos non venit amer -, qui filentem ce- lant , fuo tempore macurandam poten* tiam, At tu juvenis iHe , inftrumenîù con-* venientthns injiru^e ,

j)um vernat femguis , dtim rugii integer /tnntu , Uterti

Si tardas erii . . errabis . . tranjiet atas.

Belle mones ,• quafi veto id fpedfces ab €0, cui défunt VirtUtatU indicia. Apa- ge , inquam , ifth«c indicia , hoftilia

çoo Qui&flio Me die a,

padori , religioni contraria ! opéra re- nebrarum func renebris condenda , quse^ noclraarum exemplo lux offendir/Ligacve hominum praefentia. Praerereà , itane fti- mulos amoris evocare datur ? (iccinè Ve- neri licare J /iccinè tentaminis infandi memoriam rcfricnre ? pudicè quidem, ut videtar. Ac unde virilem organorum ha- bicudinem defiderari in juvene tam con^ ventent ëY ii^ inftruEio? unde hune opor- rercadigi ad illum partium tenorem , qui in virum non evirarum cadit ? excitari ad actum , auc organa erigi , impermif- fum credis ? at juber confuecudo vêtus , quam Ecclefia vider racerque , iinunc Pontificis leges , cogit necefîiras. Ne- ceiîîtas ? ita neceflitas , (\ thorum â fce- Jeratis frigidorum aiifis arceri volueiis» Alias , impermifTb illo Vtrilitatis (igno , in tuto func friqïdoYum connubia , de quibus folvendis fiicant oportcc legcs , & lites. Aliundè , (i excitare fe juvenem piaculo ducatur , forticer ur eft ille ruus a natura inftruâ:us , excitatum ultro fe monftret. Atqui excitatum fe nunquani fenticV ecce fatentem rcum habes ,-/W- giâput^. Se fentiecaïs , fada fibi puel- Jae copia. Quid aucem matrimonio rra- <iitum j copulae imparem déclarer mi- kllaconjux ? Q^aid fi inveniatur onera- lus magis quàm ornatus convemsntibm

An ut ViYgtmtutis , ^c* 5 5 ï organisa utpoiè triftibus , & plimibeis? Qaid intentataîTi copulam in fe often- dere polliceatar fraadaca conjux, inrac- tam ie monftrando r Eodem quo te tue- ris piidoris vélo , ham: illico tegi poftu- labis r Sed hos mitte cuniciilos , ab his abftine tricis. Ad tiirpia licica cogir ne- ccilicas , mundis omnia munda -, neqne fordida qusevis , qiiaé verecunda , nifi quae fordefcens animus admiferit. Caeceriim an hodie pEimûm V irgines infpici cœp- tiim eft > Pacrum EccleHs memoriâ , Virgines flupro notatas intueri moris fuie. Exindè ieges id ipfum imperâuiinr. Incertari clamiras Virginiratis indicia 3 errare amas \ tam certa lune , quam cer- ta habetur rerum humanarum conditio, TJna quidem hirundo non facit ver \ ne- que unicum , aur uniui^modi iîgnum Virr ginitatem aflruet : {ç.à fada (ignorum , conditionum , ac circumftantiarum jjn- drome , in decernendo tutus erit ^quus recum sftimaror. Revcrâ, fi de Virgine femel tantùm comprefsâ quxftio fuerit , obfcura? forrè videbuntur conftupratio- nis notas -, de illo tamen flupro decer- nunt, ieges , fi illud recognovilîe oculi eruditi teftenrur. Verùm, incertumne ve- niet judicium de infpedâ muliere virum fîaepiùs pafsâ ? an in iliâ expe6târe erit .Virginicacis umbellam l At infpiciendae

$9^^ Q^^f^io Me die a,

mulierîs copia non darur -, diibia vifa func viri organa \ undenam aîcerutrius conditionem definieris ? ïmo, en le tibî prodit Vii'ginicas; hujus indicia quse ia alcerutro conjugum incerta quaerebas , iti utroque certa tenes. Non maritum fc profère fponfus , non fponfa Te mari- tam? certus concludas , funt Virgines ambo.

Brgo ut Virginitatis , fie VirilitAîti cma Indicia,

*QUESTION

D E

MEDECINE-

S'il ejl des Signes qui ajjârent de la puiJjAfîce des Hommes , autant que le font cetix qui réfondent de U fogejfe des Filles ?

I.

LTtrange incertitude ! tout nous impofe , & jufqu'aux apparences \cs mieux établies , elles nous donnent le change. La fédudtion vient de ce que l'apparence nous (aifit , & que la vérité nous échape j parce que les dehors des chofes nous en dérobent la nature. La beauté elle-mèiTre , n'eft fouvent qu'uQ mafquc qui déguife une Hécube fous le vifage d'une Hélène» Par une femblablc méprife , on Te trompe en prenant un

* Cttte traducîiûH x été faite par M&nfieur H E c Q^U E T lui-même , pour arrêter les traduc- tions malignes (^ mauvaifes qu'on en faifoit cai4' rir.

.594' Q^eflion de Médecine, cpoux poui un mari, un mari pour un père, un garçon pour un homme. Car en- fin quoiqu'il ne foir point de (exe doublcj qui tienne tout à la fois de l'homme & de la femme, il eft des vifages^ des conre- nances douteufes^qui tiennent de tous les deux. Le mot même d'homme efk équivo- ^ucil s'entend auiîî de la femme. De-for- te qu'on pourroit dire des hommes ce qu'on dit des mets douteux , ce font- des ambigus. Ai de z^- moi ^ dit Ariftarque,^ dt finir ce doucereux , cjui affecle les atrs dUnne femme -, de cjuel [exe feriez,-vous cette aimable figure ? Dites-moi a ï oreille > Jans cjHC perfonne nous entende , quel nom lui do4nertez.'V0HS ? Mats pourquoi cher- cher ce nom , ^»; échape k l'efprit tant il elï douteux ? Du moins quil n arrive poi À ce beau vif âge de m'appelUr père , car je r appe lier ois Jœur, Seroit-ce donc qu'on pourroit (e méprendre dans la diftinc- rion des fexcs ? Tant s'en faut-, maison fe trompe à juger àts fexes par lesvifa- ges : de-forte qu'on fe trouve fouvent emb.trralîé â trouver la vérité de Thom- rae dans fa figure. Les organes même qui diflinguent les fexes, ont leurs manières de féduire. Le nombre . la quantité & la conformation de ces parties peuvent fuf- fire , pour diftinguer un homme d'avec uue femme , une fille d'avec celle qui

S'il efl des Signes qui affurem ^c. 595 ne ia feroit pkis j mais ce (eroit une mc- prife groffierc, qui tiendroit de l'impé- litie, de conclure de la feule préfcnce de ces organes , qu'un homme efl mari , hahiîe ou inhabile ^pmjfant ou tmpmjjant , fioid ou faffionné , capable ou incapable d'ufer d'une époufe. Mais en parlant des fexes , on demande s'il en eft un plus excellent que TaurreJ L'oncroiroit pref- que par cetre queflion , que les hommes , ennemis du beau fexc, auroient deflein de le déprimer ; mais ils n'en paroiiïenc pas moins épris , puifqu'il s'en trouve pîirmi eux qui s'honorent de reiïembler aux femmes , que plusieurs ne feroient pai fâchez de fentir leurs charmes, & que beaucoup aimcroienr à s'en laifîer vaincre. Sied-t-il bien après cela aux hommes de dire , que les femmes ne par- tagent qu'à demi la nature humaine, tan- dis qu'ils paroifTent eux-mêmes dts de- mi-Femmes. Bien-tôt même déroberont- elles l'homme à lui-même , jamais elles parviennent à lui enlever la force, qui fait le titre de fa préférence. Mais cWqs en font déjà , puifque hs Héros eux-mêmes ont à craindre de s'aftbiblir auprès d'elles, depuis qu'on a vu Her^ cule fe réduire àfîlerà leurs cotez. Voi- là certes un prodige de puidance dans hi femmes, d'autant plus étrange, qu'il

59^ Qjieflion ai Médecine* n*efl: presque qu'au pouvoir de ceux qui font froids , de n'en rien craindre. Il n'eft donc plus permis de dire que la femme foie un monftre , ou la produc- tion d'une narure qui s'égare ou le four- voie ; le monftre (eroic dans cette opi- nion, à moins qu'on n'appeliât prodi- ge dans \ç,s femmes , ce pouvoir de vain- cre \ç.s vainqueurs. Peut-être dira-t-on que l'homme eft le fouverain , puifqu'il eft le chef de la femme. Mais tire-t-il cette fouveraineté de fon fond ? a-t-il fallu moins que la vertu d'un Sacrement , & que la force des Loix , pour la lui valoir ou Ty maintenir ? Le plus grand malheur des perfonnes du (exe, eft qu'el- les difputent entr*clles de la préférence > celles qui font mariées la prétendent au* dclTus de celles qui gardent le célibat. A la vérité le mariage l'emporroit dans la Loi ancienne , mais le célibat l'em- porte dans la Loi nouvelle. De-îà eft venue Pcftime que l'on fait aujourd'hui de la continence *, état fi digne & fi ra- re , que quelques-uns le croient à la por- tée de peu de filles. En effet , il faut convenir qu'elle eft comme une fleur tendre 6c délicate qu'une ombre d'im- pureté ternit -, une pureté qu'une appa- rence de faleté altère. Auflî enfeigne- t-on dans la Religion Chrétienne , que

S'il ejî des Signes qni afflirert ^c, 597 la virginité le perd par Tcrprit, parce qu'on peur cefler cl*êcre vierge dans im corps chafle. On comprend par cette maxime de morale, à combien de per- tes eft expofée la pureté de l'efprit \ ccpcndanc celle du corps fe trouve en- core expofée à plus de naufrages , fi l'on en croit ceux qui ont fi mauvai(e opinion de la continence. De ce nom- bre (ont ceux qui par un malin artifice décrient un fcxe, dont ils n'onr pu dé- fendre leur ccEur. Ils voudtoient qu'on crût qu'il en eft d'une fille (âge comme du Phénix , ou que ce feroit une des fepr merveilles. Cependant cette calom- nie outrée n'eft point un effet de la hai- ne , puifqu'ils déclament contre ce qu'ils ne peuvent (e difpenfcr d'aimer. Ils ne lâificnt point de poufier loin leur médi- fance affeilée , jufques-lâ qu'ils ne vou- droient admettre aucun figne de dillinc- tion entre une femme & une fille. La pudeur (ur le vifage , la retenue dans les yeux , la (agefie fur le front , la fui- te àts hommes, l'amour de la ictraite^ l'inclination pour le filence , une condui- te fans reproche , d^s mœurs fans tache , leur paroifient de foibles garants d'une vertu fi rare. Ils tiennent que ces mar- ques (ont au(fi celles de toutes \q% fem- mes fages, qui honorent le fcxe & le ma-

598 Q^ueftion de Médecine» riage. Il leur faut d'autres [ignés de con- tinence, qui répondenr que le corps eft auffi entier ^ que les mœurs font intè- gres, lis (e moquent avec raifon de ces marques qu'on tire du col , du. nez. , de la VOIX , pour s'afîûrer de la lagefîe d'u- ne ;eune perfonne. Leur mauvaife opi- nion contre les filles n'en demeure- pas , ils refufent de reconnoître en çWqs aucune différence dans \ts organes qui font le fexe. Fulfenr-elles filles ou fem- mes , ils font , difent-ils , les mêmes dans \ç.s unes & dans les autres : on y trouve de part & d'aucre même apparence, mê- me difpo/irion , même couleur , même firuation , même attitude. Mais c'eft vou- loir nous perfuadei- qu'une fleur qui n*aura été ni touchée de perfonne, ni atteinte d'aucune altération , reiFemble en tout à une autre >qae des mains im^ pures ou grolîieres auroient fiétcicjfroif- lée, & ternie,

I I.

QU E L malheur d'être forti de la fim- plicicé àzs premiers tems ! Quel dommage que celui d'avoir abandonne Ja naïveté de nos pères ! font ct% hommes de l'ancienne vertu , moins fça- vans, mais plus fages, vrais par natu- re , îînceres par éducation ! Fût-il ar-

S'il ejî des Signes qui affurent ^c. 55?^ rivé de leur cems de douter de la fagefîe d'une fille qui venoic de fe marier > on s'en rapportoit à des hgnes (iinpîcs, auf- quels cependant tout le monde donnoit fa confiance. Ce n'éroit ni en découvrant ce que la pudeur cache , ni en dévoilant ce que la nature couvre , en portant les yeux fur ce qu'elle leur dérobe ; par- ce que la vue le deshonore , ôc que le toucher le rouille. Ces fagçs le conren- roic^nc de voir dans les linges de la nou- velle époufe j les débris d'une intégrité perdue: fur cette fimplc apparence , une nouvelle mariée écoit li parfaitement juftifiée , que le mari convaincu de ca- lomnie 5 étoit condamné au fouet. Voi- là jufqu'où nos pères avoienc donné con- fiance à cette iimple apparence *, mais elle en mérite aujourd'hui davantage > puifqu'elle peut fervir de preuve à la honteufe marque à'impatff^ince dans les froids. Car enfin fi une jeune perfonne , qui viendroit de fe marier fille , vou- lant venger Ton (exe â l'encontre des hommes , venoit fe plaindre devant les Juges , de ce que par Vtmpf4i[[ance d'un prétendu m.ui , elle ne peut leur pro- duire \qs marques ordonnées pour prou- ver qu'elle s'eft mariée fille, le défaut de ces marques ne feroit il pas une preuve qu'elle auioit trouvé ce mari en défaut ^

ÏToo Que/iiô^ de Médecine. puifqae leur préfence écoit une preuve de pui/Fance dans l'homme, ou de con- fommacion dans le mariage ? Le mari voudroic-iife juftifier ? la mariée lecon- vaincroit en offrant la vifice de fa per- fonne. Car enfin fe montrer fille après les noces , ne doit pas moins être une marque à' imputjfance dans un nouveau marié , que le défaut de produâion des fîgnes ordonnez par la Loi , ctoit une preuve que la mariée n*avoic point été iage avant Tes noces. Pourquoi donc tant de recherches? pourquoi tant de preu- ves pour convaincre un tmpmjfant ^ ou juftifier une filleîfaudrGit-il d'autres mar- ques qu'un mari auroit été impui/fant , & qu'une mariée feroit demeurée fille , que le défaut du figne ordonné par les Joix ? Ainfi la plainte d'une jeune ma* riée , de ce qu'elle ne pourroit produi- re les marques de (a fagefîe avant (ts no- ces , feroit une accusation à'impmffaKce a rencontre du mari , & ce feroit une conviétion fi elle offroit de fe montrer fille. Grand Dieu ! que cet expédient ; tout fimple qu'il eft , & aurorifé par les Livres Saints , termineroit de procès 1 Par ce moyen on (c pafieroit de ces hon- teux termes à' hymen ^ de caruncnles , &:c. on n'auroir plus recours à ces honteux examens , fçavoir fi \ts organes des fem- mes

V'ilefl àtsfignei ijui affurent, ^c. 6qî mes fe retrouvent dans leur /ituâtion , s'ils ont gardé leur apparence naturelle, leur ton, leur uniformité, kur propor- tion, leur oeconomie. Ce n'eil pas que toutes ces obfervations n'ayent leur vé- rité; car ces parties font fi dilTemblables en des filles devenues femmes > elles changent û manifeflement de face après le mariage, qu'elles prouvent aulîi len- iiblement qu'elles font d'une fille, quand elles fe trouvent en leur entier, qu'elles montrent qu'elles font d'une femme , quand elles fe trouvent forcées , foities de leur niveau & de leur ordre. Pour le comprendre, il faut fe iouvenir que l'union desfexes ne peut devenir fécon- de, qu'autant que les parties qui s'unif- ient ont derefTort, Peut-être croiroir-on que ce refibrt ne viendroit uniquement que de la part du mari, mais ce feroit mal entendre la chofe. Il y a aufïi une force de mufcle dans la partie de îa fem- me, tellement difpofée parla nature, que plus cette partie efl dilatée , plus elle fait effortpourfe rétrécir, parce que fes fibres fe racourcilTent , fe ramènent , Ôc rentrent en elles-mêmes. Or pour con- cevoir jufqu'oij va ce relferrement , il faut examiner jufqu'où fe porte la dila- tation. Les fibres de cette partie dans

Kk

602 Quefiion de Médecine, leur étendue naturelle, telle qu'elle eft dans les perfonnes qui n'ont point été mariées, font un volume de quelques pouces; au lieu que dans les femmes groiïes elles forment en fe dilatant un volume gros comme la tête. Rien ne prouve tant que cette prodigieufe dila- tation 5 l'énorme élafticité de cette par- tie, puifque des fibres ont d'autant plus de rejfort , qu'elles font plus capables de fe racourcir. Les voyes qui mènent , &; qui tiennent à cette partie, en par- tagent le rejfûrt; c'ci\ un canal dont les parois peuvent fe raprocheravec force, de forte que fe comprimant dans l'ac- tion des fexes , elles chafTent avec im- pétuoiité vers le lieu de la féconda- tion, le fuc qui y efi: envoyé , pour l'y aller faire. Qui n'appercevra que pen- dant ce mutuel effort, Se cette double violence, les organes de la femme prê-^ tent avec peine , Se qu'ainfi ils doivent perdre beaucoup de l'arrangement, de l'égalité, ôc de lafîtuation qui les unif' foit ? C'efl: pourquoi ils doivent fe mon- trer changez de face, déplacez, défu- nis, détendus, applanis, relâchez. Au reiîe , les fîgnes qu'on tirera de cette uniformité, ôc du niveau de ces parties^ ne font pas fujets à fédudion ; car quoi

5'/7 efi des Sig'-.es cjul aJJUreKt ^c, So 5 qa*ai: pu inventer la débauche , pour contrefaire ou rcrablir l'union extérieu- re de ces parties , il lui eft impodible d'imiter les filions qu'on y trouve quand elles n'ont foufFert aucune violence. La débauche réiiiîîra" auffi peu à reparer le coloris 5 l'égalité , l'œcûnomie , & le jufte afTemblage qui \ts approche , &c que l'union des {^Y.ts ruine immanqua- blement. 11 femblera peut-être qu'on voudroit éluder de s'expliquer fur Vhy* men , parce qu'on le croiroit une fable *, on l'admet au contraire comme un figne non douteux de fageiïe en celles en qui on le rencontre , ce qui n'eft pas fans exemple parmi les bons Anatomiftes# Mais au défaut de ce figne , on trouve ion équivalent dans l'intcgcité ou le julte afTemblage des caruncuies. Mais peut- être forme- 1' on encore quelque doute fur ces carptncHles; du moins n'y en a- t-il point fur l'art qui ferme cçsi parties , & qui en fait le fcean dans les perfonnes fages , ni fur la iuftefTe des brides qui les ferrent , qui les affermifTenr , & les défendent de telle forte , qu'elles doi- vent paroicre défunies , defaiïembîécs, & changées de face par l'aélion des fe- xes. Mais il refte encore une autre ref* fource pour vous afîûrer , même fans tous ct$ examens , fi une mariée cfr demeu-

C c i j

6,0 i. Q^uejlivn de Ms'decinc. réc fille : C'eft dans la parole qu'elle vou. donnera que fon mari l'a laifTée telle Cette reiïburce vous paroîc impertinen- te î auflî eft celle de la parole que vous donne ce mari , qu'elle cft femme , à laquelle vous voulez cependant qu'on fe tienne. Mais pourquoi cette prcfér rence pour la parole du mari ? C'eft , dites-vous 3 parce qu'il eft le chef delà femme , auquel elle doit toute créance, La maxime fera vraie quand l'homme fera devenu mari , &i que l'epoufe fera devenue femme \ en ce cas même elle l'appellera Jon Seigneur ^ fon A^aître : mais un impuilTant ne fut jamais mari , & fon époufe ne fut jamais femme.

1 I I.

ON appelIe/)«(,//4»r^ pour le mariage; la faculté d'en remplir le devoir j car enfin quoiqu'on n'exige point d'un homme , qu'il foir mari pafTionné , on demande d'un mari qu'il foit un hom- me fenfible. Ce devoir ('(elon lesPhyfî- ciens ) confifte dans l'union dts deux (tyitSi en vûë de laquelle on s'époufe, comme entrant dans la fin du mariage» En effet on fe marie pour avoir des en* fans , & pour cela tout le monde con» vient que les fexes doivent s'approcher* 11 eft pourtant vrai que cette union fe

S'il ejî des Signes qui ajftirent ^c* 60 5 paflTe fouvenc (ans que la fécondation s'en enfiiive -, c*eft lorfque les organes vnides de (ucs on d'efprits , manquent de relforrou de matière pour cette opé- ration. Ainfi avec la faculté aux Ççxes de s'unir , il doivent être en état de four- nir la matière de la fécondation, & de la chafîer vers l'endroit elle doit s'ac- complir. Mais , exiger avec ce reffort dans les organes, cette impétuofitc qui doit emporter cette matière au lieu de fa deftination, c'eft établir les caufcsdc la fécondation du mariage , au lieu qu'on ne recherche ici que les (îgnes.qui font voir un homme en état d'en remplir le devoir. Or quoiqu'il n'y ait pas de fé- conds iw/?«///^;?/ , il y a àçspmjfans in- féconds. Si après cela on demande, quels font ces (ign es? Comme les enfans qui /ortent d'un mariage, font l«s témoins de fa fécondité, lesfîgnesqui montrent qu'un homme peut devenir mari, (ont les preuves qu'il y ^ïi habile. Peut-être fera-t-on confifter ces (îgnes dans /<î^^/- le conformation cCun jeune homme cjue U nature anru, doiié d'organes convenables * .♦ car enfin , quoi de plus efficace pour le

* Voyez la Thcfe foûienuë dans les Ecoles de Médecine le 17. Novembre 171 1. /«^«'Vtf- ne convenientihîi^ organts injirucîo , nunquftm' îiS dejperanda. Vt'/ius ?

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6o6 Que ft ion de Médecine, mariage ) qu'un riche appareil de tout ce cju'ii faut pour exciter la tendrefTe, ou al- lumer la paiîion î Pourroit-on appréhen- der qu'une belle repréfentation devînt Tans efFetjfur-tout ifî cet ample appareil fe trouve dans un corps bien nourri , livré à la volupté, pétri de mets déiicars, baigné & animé de liqueurs chaudes , ou de boidons rpiricueufes ; eft-il poOibie de croire qu'un homme dans cet état , que hs charmes amoljlfent , & que la volup- té obfèdej puiiïe être infenfible à la vo- hipté, ou incapable de rendrefTe? Peut- on imaginer que tant d'inftrumens lu* briques ne fe feront jamaisfentir l Oui centres cela eft pofTible j on fe trompera à toute cette belle apparence , fi elle eft fujette à caution, fielleimpofe aux yeux, fi elle les les féduir. Or elle les féduit , fi ces organes ont pins de montre que de vérité , s'ih fant moins des réalitez quç des reiïemblances , tant ils paroifTent dé- niiez de force , d'aélion S^ de vie. QLi'ap- pel lez- vous déniiez de vie , des parties qui n'on ni mauven>ent , ni difpofîtion â fe remuer 5 CVePt abu(ei du nom de vie , & leur faire honneur d'im titre qu'elles ne méritèrent jamais. Ce ne font point des parties mortes , elles n'eurent jamais de vie > leur endormiflTement n'eft point d'aujourd'hui , il n'eft pas contradc, il

S'il efi des Signes qui affûrent ^c, 6oy cft aulfi ancien que ces parties , il eft avec elles. Mais s'il n'ei^ pas permis de conclure qu'une chofe eft réelle , parce qu'elle eft poilible , fera-t-il raifonna- ble de fe promettre , de ce qui ne pur j-imais rien , qu'il pourra jamais quclqifc cho(e? Or ce qui n'a point d'aàion ni de force ne peut rten -, il eft donc im- puiflant. Ceux qui ont à vivre dans la continencejDOurroient fefça voir gré d'ê- tre nez avec cette forte d'inadion, eux pour qui une forte inclination pour le iexe 5 devient une tentation dangereufc ou importune : mais cette tranquillité affligera un mari * qui fe doit à fa fem- me» Peut-être effayera-t-on d'excufer J*impui(Tance d'un mari freid , par le foupçon de maléfice *, mais mal à propos ; Tctar des perfonncs mu'cfictées vient de malice 5 & par cas fortuit ; au lieu que celui dts TViTiùi froids vient de naiffarice ; les froids font donc des hommes ir.eptes au mariage, inébranlables aux traits de la plus piquante pafl:on> laquelle n'a con- tre eux ni éguilicn , ni force . gensd'aiU leurs à qui il ne manque aucune des par- lies qui déclarent le (exe j mais qui ne (ont remuez ni fbîlicitcz par aucune de CCS parties. Au (urpius , \cs froids , touc avantagez qu'iJs font , autant que les au- tres hommes i à' organes convenables , onr

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6o^ Qtie/iio» de Médecine. Je bonhwur de n'en êcre pas incommo- dez j ils font exempts de tentation , parce que ne fe fentant jamais iiommes , ils ne iont point expofez aux faillies > ni aux vivacitez de ce (exe. Ce n'eft pourtant pas que la nature leur ait tout à-.^'ait mar>- cjué , ou qu'elle leur ait entièrement re- fufé fes Faveurs , elle a fçu d'ailleurs dé« dommager leur difgrace *, elle en a fait àQS Achille s y en les rendant en quelque manière invulnérables. Cette aitenrion en leur faveur , n'eft pas la leule par elle les diftingue , elle les avantage en- core en ce qu'étant des ambigus d'hom- mes , ou àQS individus neutres, n'étant ni hommes ni femmes, ils ne font point en bute aux infultes de l'un ni de l'au- tre fexe, §c n'en ont point les maladies. Mais brifons là-delTus ; il deviendroic honteux de s'expliquer fur des matières, que le détail rendroit obdènes , & dont la pudeur ne permet que le généra). En un mot , à^^ froids par nature , n'étant point expofez aux loLilevemens , qu'-i^x- citentdans le corps des paiîions honteu- fes , n*ont point à combattre la concu- pifcence j infenfibks an piquant de la volupté , ou aux éguillons de la chair > ils ne font ni portez , ni emportez au penchant du plaifir, ils nefenccnt point ks femmes, La raifon ca eft renfible^

S*il efl des Signes qui ajlnrent &c, Gôf les organes qui font les maris ne les tour- mentent poinr \ ces organes demeurent en eux rrnn^uiiles, négligez, oubliez^ inutiles -, <te ibnc àz% pièces dormantes que rien ne remue, à^s parties abattues que rien ne relevé , àç.i indtumens oififs que rien n'excite -, enBn des mafles lour- des & pefantesque rien ne (oûleve, que rien ne déplace , on ne met en œuvre. I V.

VOiLA par l'on diflingoe \ù. pîitjUfice d'un homme, à faucedc quoi ij eft déclaré tnhahle au mariage. Car cnhn , qu'ed ce qu'un mari ': qu'cfl- ce qu'une femme ? Deux perfonncs (dit l'Ecriture ) dans u/ie feule chair, Qu'cik- ce que le mariage ? l'union des fexcs , fé- lon la pnioledu Créateur ;/e mart (dit ii) s^ttmra àja femme» Voilà ce que la foi uous apprend , voici ce que la raifon roiis enfeigne. L'œuvre du mariage cfî; rcL-^.iivcou dépendante de deuxchofc?. C'efc com.me un édifice qui fe fait de pièces d'afTemblage , placées en diffé- rens linix , d'où il faut les rapioclier. Le germe qui doit opérer cette produc- tion , eft dans un endroit \ l'œuf d'où elle doit éclore , efl: dans un autre ; tous ^tv\yi en des réfcrvoirs différens , ce font \^s fexes. L'œuf 5 qui eft l'ébauche de Ta- uirnalj eft une petite mafTc de chaii im-

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6 i o Q^Hefîiort de Aiedecine* mobile , gillaïue & profondément np- chce dsns le corps de la femme. Léger- m-e ( par lequel on doit entendre une matière vivifiante ) eft dans le corps de l'homme , d'où il doit s'échaper dans ce- lui de la femme, par reflFort qu'il reçoit vers roEiif , qtf il eft obligé d'aller cher- cher au loin. Pour y arriver, il a eu be-' foin d'un paffage pour le porter d'u:i corps à Faiitre , & aller animer cette malfc immobile , ou la mettre en branle; ce ptiflige cfl l'union des fexes , nc- ceilaire d'ailleurs , qu'un mari décheoit de fi qualité , s'il ne peur y ficisfaire : en effet l'homme cfl dans cette aélion ie principal acteur, au lieu que la fem- me n'y eft qu'en fécond \ le mari in- Hlîc dans cette œ-.îvre , la femme ne fait prefque que s'y prêter ; celui-là fournit la caufe du mouvement qui va (e faire , celle-ci Ini donne la matière ; i'u:i envoyé le reffort qui va porter la vibration , l'autre fournir le lieu qui doit le Io;>er -, en un mot l'un transfère le penâîiîe qui va commencer VofcUUtion , l'autre Li matière qui va s'y foûmertre r parce que l'homme portant le germe , auquel les Latins donnent le même nom qu'a un pendule * , il e(l vrai de dire que le mari porte la caufe àQS vibrations ^ ÔC * Oj^iU veut dire germes.

^ilefî des Signes qui ajourent ^c. ^i i que ia femme lOurnic Itsiiiftiumens qui doivent les continuer. Ccpendaiu l'œuf ncpoiivant Te rendre vers ie gtrme, pour recevoir fa fécondation , c'eft une nécef- Çné nu germe d'aller trouver l*œuf. Il arrive même quelque cho(e de plus j car pour queie germe ailac trouver l'œuf ^ il faudroic que l'œuf im dans un endroit découvert , non détourne , aifé à attein- dre ; mais au contraire il cft dans urj lieu profond & reculé , c'eft pourquoi fl faut wv>ç-puîfjaKce dans l'homme , oit une force de rejfort dans les organes qui donne au gern^ie toute Timpultion Tuf- fi(ancc pour pouvoir atteindre l'œuf: on CK pouvoir atteindre , parce qu'il n'ed pas nécedaire pour établir la puif- J9,nc€ de riîomnre , que le germe attei- gne l'œuf V un mari en eft quitte , & doit être cenfé avoir fait tout ce qui dépend de lui 3 quand il a donné au germe qui part de fon corps , affez d'élan & de fail- lie , pour atteindre l'œuf. Ces termes fi - gurez ^-L métaphoriques renferment l'i- dée de la puijf^ucce de l'homme , qui con- irAQ uniquement dans une direction con- fiante de convenable dans les organes, & dans une force ftifiSfatJte de redort , qui chaiTe au loin le fuc deftiné à la fcî- condirion. Car enfin accordanr à un feomme cti'ii n'eft pas rcfpcnfable de ce

6 i 2 Q^aeiliôH de A'fedectne, que loti maiiaoe eft ians Finit j i! n\Tt point excufablc, s'il lui cil impoiîible de faire ce qu'il faut pour en avoir \ cac qu'il ne devienne point père, pcur-êcre icra-ce l'effet de {on malheur , maisqu'ii ne piiiife être mari , ce ne peur être poui* lui qu'un (ujet de confuiion. Qiî'il arri- ve, par exemple , qu'un œuf le trouve vicié dans le corps à'uno: Femme, inepte à la Fécondation , c'eil-àdire mal difpo- fc pou? recevoir le germe _, les^ (cxts fc joindront fans fruits mais la faute vien- dra de la part de la Femme , non de cel- le de l'organe qui lance le germe, ni du- germe qui t^t lancé , pourvu qu'il foir confiant que Yélafiiate de l'organe, fo!i attitude de U dirtclion ayenr été tclks , êc pendant aulfi long-rems qu'il a fallu pour affûrer au germe fa dcftination ^z ia détermination vers la fécondafion^. Car l'œuFcrant incapable de (e trauFpor- ter, il ne peut recevoir de mouvement que par la rencontre du germe , qui vient le heurter, & le mettre en branle. C'efè «ne Ferre de choc qu'opère la vtbratta» , par Laquelle le germe com.muniquant à l'œuf la détermination qu'il a reçue de l'organe d'où il part , hii tranfmec (on ftiouvemenr -, ainfî plus l'œuf a de cifft- culté pour fortir de Fon repos & Fc le- ver de fa place > plus la puiilânce de

S'il efi des Signes cjui ^Jfi4r€)it zfc 6i^ rhomme doit s'cicvcr ëc s'aceroîrre , pour kiitranfmcftreccmouvcmenr. Tout ceci fait comprendre qu'en montrant un pompeux attirail d'organes , notables par leur preftance , fufôiants par leur nom- bre , diftinguez par leur volume, c'cft prouver qu'il ne manque ritn au (exe d'un homme i mais cela n'ôre pas le dou- te qu'ii ne manque beaucoup à la con- dition d'un mari , laquelle ne fe dé- cide pas par la préfence de harix orga- nes y mais par les înarques effcdiivesde leur action ; de-forte que des que ces or" ganes fe font voir capables de putjjay7ce ^ ou propres à leurs for.ccions , fufTenc- ils e;iiploy.ez fans fruit, un mari e(î pur- gé du ioupçon d'impfiiftn^ce , parce qu'it a fair fon devoir •> au contraire , ne pra- duifant qttc àts parties nonchalantes » pueH'eufes , fîa(qucs > incapables de fs remuer , parce qu'elles ne remuèrent ja- mais , ce n'cft que dequoi parer un/Vi- fuijfaKt , ou l'honorer d'un mafque de puifîance. Le foupçon fera confirme , (i cette prétendue puilfance s'éroit endor- mie ou oubliée a c6:c d*une jeune fem- me ; car chercher après ctiic épreuve un C\gnQ à'tmpuijjance moins équivoque, ce feroit chercher le foleil en plein midu Cependant parce qu'ii efl des gens qui plaifent dans le dourc , & qui aiment

^14 Qjieftidn de Méâsche. à le boucner les yeux , la marque fuî* vanre elt fans réplique : C'eil: li ccîcc préceridue femaie (e trouvoir fille nuièj (es noces. L'o-biigera-t-on à en faire prca- veîelle n'y employerani argent , ni chi« canes, ni mauvaifes difficulccz, la vihre de fa perfonne fera (a caution. Maisccr- te preuve , dira-t-on , cft une àt cespro- dudions imaginaires d'une têce échau'- fée de Médecin , qui entreprend (ur ce qui ne fut jiinais de fa compétence, fur ce qui excède fon pouvoir , & qui pafîc (es connoifîances. La belle reiîource ! Comme fi on pouvoir imaginer que àz^ Juges crulfent avoir befoin de Méde- cms & de Chirurgiens , feulement pour en faire des infpecfceurs , leur donnant des parties à compter , à décrire & à mcfurer. Ce feroit bien la peme d'em- ployer à ime œuvre \\ ba(le,& à \v(\^ fonârion (i aifée d'habibs maîtres & de fçavans hommes. Cette intention ne fut jamais celle Ats loix *, mais parce qu'il e?l ordinaire a des hcyinints i^pfiijfa^ts par figidité d'être parfaitement conformez. , ks Jages confukent à^s Médecins pour fçâvoir d'eux , ces organes parfaits à la vue onr d'ailleurs leur puiflance , & leur validité pour l'œuvre du mariage': ce lï'efl: donc pas pour juger d'une bel- le montre , ou d'une avantageui!e leprc-

S't! ejl des Sigtî^s ijui .ifj firent ^c. 6 1^ (enration à' organes qu'ils (ont appeliez , mais pour décider de ieui pmjfance , ÔC fixer leur valeur.

V.

ON oûf^iffc^ qu'il efi: des confliru- rions parefTcules & des tempéra- mens tardifs. On propofe un jeu»e hom- me * en qui les efpérances font belles^ fondées qu'elles font fur la fleur d'une jc-unelfe brillance, (ur un-corps frais, &: richement orné à' organes, N'eft-ce pas la de quoi (e tout promettre r Un jeune mari ainfi bâti , promet- il peu en amour î Y a-t-il rien au contraiie , dont on ne doive (e flacer delà part d'un il brave athlète î certes des efpérances manquées deviendroient capables de retour dans un (ujet de (i belle reifource! Il faut feulement donner quelque chofc au rems* & ne fe pas reburer pour les délais > ils feront amplement reparez dans la fuite avec un peu de patience ; le tems qui eft un grand Médecm, pourra remédiei aux manqucmens de l'âge ; \t^ délais même conviennent en fait de mariage: car cfuel^tie tjnpatience cjH'ayent des époux de s'unir , ils y viennent toitjoHrs k tems. On fait valoir les charmes de ce jeune homme ; mais on veut dans un mari d^s

* Voyez la Thèfe , In ^Hvsne conveniemihm . &c. di'ja ckcc.

6 i 6 Qjieflion ds A^IedectHe» attraits qui prenneiît ; car U/))y^ ne pafl foie pas pour beau , mais i! ë^oit piiifFant, Il le deviendra (dit-on) avec l'âge: mais les vrais brèves n attendent rte-n à't tems , Ç3 la vertu naît avec les' gra,uls- hommes. Mais enfin de grâce pourquoi déiefperer ce jeune homme l Pourquoi lui otir l'efpera*fçe , la feule chnfe quinom ffiit iufqud lu mort ? Hàtez.'VQus doue ( dit Ariftarcjue, ) évertuez^-votàs ^ qu'oyi ne vous voie ^ius fans rien faire \ car tan^ dis que vous Liijferez. te monde en attente de quelque chofe , voî4'S pourriez, bien par avance nêtre rien. Le délai commençant donc a devenir pour voît4 de mauvai'.e au^ gure , // vom convie'rtt de faire underrder effort , (3 de vous exciter k finir. . . . Mais ce jeune homme n'y t^i ^ dir-on, point porté , il cfl: infenfible pour le» femmes, '\\ ne fc foucie pas de devenir père. Oj^il s'en fuucieparpoïKt d'honneur» Mais quel point d'honneur, à montrer ^tî lignes de puidancc, & à obliger une tille à ic f^iire voir telle î Qr^ioi de pins honteux ? Prétextes , excufes fiivoks , ordinaires dans la bouche f\<^s impuiffansi ilsfe piquent de pudeur pour s'épargner la honte de leur état. Car enfin fera-t il contre la pudeur , de fc conformer à ce que les Loix ordonnent , à ce que k Religion permet ^ à ce que Tufa-

s* il efl des Signes e^m aptrent &c, 6 1 7 ge autorifcf } N'eft ce pas plûrôr le ma- riage des tmpHijjli'f^s^ cjui eft une infamie» parce qu'ils ne fçauroir effayer d'en ufec fans crime? Vous les voyez cependant ces impHijfans , mettre leur dernière refîbur- ce dans la cohahitatio» , qu'ils deman- dent en giace pour s'éprouver , perfua- dez que^la paflion pour les femmes fe prend ou s'accroît à leurs cotez. Mais cet expédient qui réiifTîr à ceux qui (ont capables pour le mariage , tourne à la conFufîon de ceux qui (ont froids , par- ce qu'ils fe convainquent par-lâ déplus en plus de leur indigne foiblefTe. Au- furplus peut-on permettre à des impuij' fayjs un Sacrement qu'ils ne peuvent que profaner par le crime d'une impudicifé monflrueufe ? La cohahitution s'accorde pour eiïayer des époux , en qui les paf- fions tardives fuppofent «n germe de puilTance qui doir enfin éclore : mais pour un jenyie homme avar.t ^igé d' organe s , autant qu'on le dit , en cjtti tout potijfe OH végète i que Ini refie-t - il qt* k éprouver ces organes dans le mariage f Délibérer en p.vreii cas , cefi manquer l'cceafmi ^ per» dre les heatîx jours. L'avis efl bon , mais à qui fcroir en puij[(wce de l'exécuter. Mais trêve, fe recrie-r on , (ur ces preu- ves, qu'on n'en parle plus , elles (oi:e criminelles & hon^eufe5. Ce font des oeu-

6iS Queflion de Méâiclne, vrcs de ténèbres , lefqLiels fembiables aux oifeaux de nuit dirparoifTcnc au grand jour , ou que la vue des hommes cfni- rouche \ ils ne s'accommodenc que de l'obfcnricé & du fecrer. On ajoure que ce feroit s'exercer au crime , s'exciter à la pafljon, & fe profiituer â l'infamie j enfin que ce feroit faire revive ces in- fimes épreuves que le Barreau a fi fage- ment profcrites. Certes , on fc laifîcroiîf quafi prendre à ces apparences de pu- deur. Mais pourquoi trouver ce jeune homme, quieft libien en organes, avec fi peu d'apparence de mari 1 Pourquoi fauc-il l'obliger de fe montrer dansl at- titude qui arrive à ceuK qui ne (ont poine piiàs ^ C'eft , dit on , que ce feroit une fcélcrateiïe dans un homme qui excrce- roit ces organes à l'impudicité. Aiaisl'oa %t\\ tient à ce qu'une ancienne coutu- me autorife , à ce que TEglife voit & foviffre , à ce que les Souverains Ponti- fes permettent, a ce que !a néceOité exi- ge. Nécefiité ? Oiii nécefliré , fi 1 on veut préferver les mariages d'infâmes licen- ces ^ ou d'inutiles attentats de la part àt% impHifJaas : car fans la précaution d'obli- ger à montrer des marques d'homme, on ne peut plus inquiéter perfonne pour caufe d'impuiiïance , il ne faudra plus U deiïus ni Loix , ni Arrêts. Mais enfin

S^îl îfl des Signes qui ^ffurent £^c . (^19 fi l'on foupçonne du crime dans l'action d*un homme qui montreroit ces mar- ques*, la nature qtii a fi bien fervi ce jeu- ne homme en organes , manqaeroit- clle â lui en faire fentir le pouvoir 1 Qti'il montre ce pouvoir quand il eft follicité par elle , on le tienr quitte. Mais s'il ne fe fent jamais follicité ? il faut s'en tenir à fon aveu , il cfl: im» pHifjant. Mais il fe fentiroit follicHé au- près d'une jeune perfonne ? le mariage en fera la preuve. Mais fi la pauvre ma- riée déchïQ que ce jeune homm^^ l'a laif- fce fille ? que dire d'ailleurs ^ fi en confcquence on trouve que ces organes fi vantez font moins des organes que des malTcs , tant ils font abatus , noncha- lans, defœuvrez ? Qiie penfer encore , fi cette mariée fans mari, offre démon- trer en fa perfonne une marque incon- teflable que fon époux ne s'eft point ba- zarde' delà rendre femme -, laquelle mar- que fera l'intégrité de fon corps? La pro- pofition vous choque , vous aimerez mieux offrir d'accorder àl'époufelemê- me voile de pudeur que vous avez de- mandé pour l'époux. Mais pourquoi chi- caner ]à-de/Tus?A quoi bon ces dérours J N'eft-il point dts chofes honteufcs que la nécclîiré aurorifej Tout devient pur â un cœur qui n'tft pas corrompu > & tout

€io QueJIioH de Méâecm:, ce qui eft honteux , n'eft point impur, â moins qu'un efprit gâté nes'y intéreiîe. D'ailleurs , eft- ce d'aujourd'hui qii*on a cherché dans la vtfite des marques de la fagelîe des filles ? C'éroit une couru* me en ufage du rems des premiers Pères de l'Eglifcdc vifiter les Vierges Chré- tiennes accu(ées d'impudicité ,* <?c de- puis ces tems Xinj^eBion a été autorifée par les Loix. Vous criez à l'incertitude, parce que vous n*en croîez nulle part tant que dans ces fignes de fagefTe. Mais c'cft aimer à fc tromper -, ces iignes ont de la certitude, à la manière des cho- fes qui font certaines en Phyfique. On ne s*y rapporte de la vérité d'aucune cho(e à une feule marque , auiji ne faut- il point s*atrendre qu'on s'en fie ici à m> feul de ct% (îgnes , ou qu'il n'y en fîit que d*univoques. On enramafTe de différen- tes fortes ^ de la condition à^^ pcrfon- nes , êk^% circonftances du tems , du lien , de leur conduire ; & du concours de tous ces indices on forme fa décinon. C'en fera alîcz pour allûrer le jugement d'une perfonnc qui ne chercheia que la vérité. Il paroitroit peut-être de Tinccr- îitude dans une fille qui n'auroit failli qu'une fois *, cependant en ce cas même les Juges décident fur le rapport des Experts. Mais cette di&uké n'aura

S'il e fi des Signes qui affurerit , &c, 61 1 point lieu dans une femme, dont un homme fe déclarera le mari , puifqu'un commerce journalier des deux fexes doit abfolument effacer jufqu aux veftiges de ces fignes , 6c les dérober à la vue. Mais s'il n'eft pas pofïîble d'obtenir cette vûëj s'il y a du doute fur les organes du mari , ou que leur puiffance ne foit pas prou- vée , par s'alTûrer qui eft fîlle , ou qui efl hom.me ? Rien au contraire ne ca- raâ:érife bien les filles. En effet par les preuves ordinaires on n'auroit ici trouvé qu'une fîlle dans l'un des deux fexes , au lieu qu'en voilà une dans cha- cun des deux ; car cet époux ne peut fe montrer homme, cette époufe montre- ra qu'elle n'efl pasfemme; tirez la con- féquence , ils font tous deux filles.

// ejl donc des Signes qui ajjurent de Ufuijjance des Hommes , autant que le font ceux qui réfondent de Ufàgejje des Filles.

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