POSE ae Fa NATURAL HISTORY x ü 4 riet 4 ) 6 SENTE LI ST Vi A à me di Dm re # hi: À A à ae, 2 Se ao NS D GR , #7", 7 EN NE À $ RE D me ‘È te AUS RAS, AE) Rp CALE … 4 œ € & es à à P Mallet 186 - rh ; 0 far & wwe HN à - | 4 debat PS L a a D nl Lol 715140 1 A+ 0 le VA TE 2, il me (role Fer [ _# SR 1 (sd puise a bé. (été ua! VauTe Gps V-frrue 3 sie Mis] a ne DES CAUSES MIGRATIONS DES DIVERS ANIMAUX, re » © JAN 8x4 DE HU ce SAINT-CLOUD, DES CAUSES DES MIGRATIONS DES DIVERS ANIMAUX ET PARTICULIÈREMENT DES OISEAUX ET DES POISSONS, PAR MARCEL DE SERRES, Conseiller, Professeur de minéralogie et de géologie à la faculté des sciences de Montpellier ; Chevalier de la Légion d'honneur. SECONDE ÉDITION REVUE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE. Cet ouvrage à été couronné, le 23 mai 1840, par la Société des Sciences de Harlem. Parmi les phénomènes naturels qui se rattachent au retour périodique des saisons, les migrations régulières des oiseaux comme des poissons, méritent tout autant notre attention et notre intérêt, que le développement et la floraison des végé- taux. Introduction. PARIS, LAGNY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS, KUE BOURBON-LE-CHAT&AU, 4°". 1845. VUE SJ . VONT RER | AU) CT | CMeAUE CRE TE Zee 2 » file \ pit u Es wb è Digitized by the Intern in 2011 with fundin University of Illinois Urba .1DeL! t É sat: friout à “us à HT PLATE EU eiie BOl 4 1 : " ( { 4 À | RUN: Fe 2 ’ 15 ' : lu Là ” : + ER , | x 7: | ARR IR NET CU, 0) 00 | Jr) 1 | ; he à | CR , STI SZ ji Se be Nat, FES FAX: LP vs A Monsieur Gubot, MEMBRE DE L'INSTITUT, MINISTRE SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU DÉPARTEMENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, ANCIEN MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, ETC., ETC. | Monsieur le Ministre, S Le phénomène des migrations met toute la nature en mouvement et y ré- & pand la variété sans en troubler lhermoni. Un parel phénomène ne peut © manquer dintéresser un esprit philosophique comme le vôtre. Übservateur aussi profond que modérateur habile des passions qui assiégent les sociétés humaines, \vous ne verrez pas avec indllérence le tableau des besoins instincts et impérieux % qui portent la plupart des animaux si lon des lieux de leur naissance. Les encouragements que mon travall a déjà obtenus me font espérer, avec Ÿ votre suffrage, un succès quil me sera bien doux de devoir à votre nom. 0 de suis avec respect, Monsieur le Ministre, Le votre Excellence. Le très humble et très-obéssant serviteur, À Le S $ à. à à 3 Marcez DE SERRES. Montpellier, le 15 février 1845. pe TU ET. LH rte Er ee Ps 2 Poe otre “ui «rrofl à LL TAIL vu : F cts - Mid AE LUE 'YVSIT' LURSURL IRL LA UMANMUI WA "hu « L'PHEUN ON TOATITAIM CES 1 Au AT #.: ‘ PA PT 6 ms mmmirimilitéie (à Animer : Le Ÿ la 1 PORTANT SL datetelt à ot 4e vrr sion PE roi | pr UN [9 S'IUANLL M ALU. MMPONRENE ; L L ’ ‘ LU «t ‘ for 0 A Î a # | L : [ne 4 Ÿ ; 1 ë he dl , [f] nn x 1 Ras USE TAUU Ni are dis of pdiose ton : x ANT i ( | QUE FOUTU 1 } à F d » L Lu ‘ 4 0 1 n née na oasis omanaat x atitet a! AUMAQON 79 SOUL STRERS CL) LED ui i d 7 1 ous \ Ê pie b L HE US 0 00 BE D HLTENU [RUE Le | | | * Li A AVIS DES ÉDITEURS. L'ouvrage sur les migrations a obtenu l’assen- timent d’une Société célèbre. Il est le seul qui ait été publié jusqu’à présent sur ce beau phé- nomène. S'il ne donne pas d’une manière com- plète la solution d’une des questions qui inté- ressent au plus haut degré l’histoire des animaux, il a du moins soulevé en partie le voile qui la couvre encore. Sous ce rapport, cet ouvrage se recommande à l'attention des physiciens. Quoique ces recherches aient été couronnées par la Société des sciences de Harlem, et ait valu à M. Marcel de Serres la grande médaille que cette Société n'accorde qu'à des observations remar- quables par leur importance, l’auteur est loin de se dissimuler toutes les imperfections de son tra- vail. Il s’estime seulement heureux de penser que des juges tels que MM. Temminck, Schlegel et Van-Breda l’aient cru digne de quelque in- dulgence, à raison de la difficulté que présente VII AVIS DES ÉDITEURS, la solution d’une des questions les plus curieuses et les plus intéressantes de la nature. La bienveillance que ces recherches ont ob- tenue de savants dont le nom fait autorité dans la science, nous l’espérons de ceux qui seront ja- loux de les connaître et d'en constater l’exacti- tude. Nous l’attendons surtout des hommes qui aiment à démêler dans les actes des animaux quelques traits de cette puissance supérieure dont ils manifestent aussi bien la haute sagesse que les admirables desseins. AVANT-PROPOS. Le phénomène des migrations particulier aux animaux, et qui acquiert son plus grand développement chez les oiseaux et les poissons, a depuis longtemps attiré l’attention des physi- ciens par sa constance et sa régularité, Il est digne, en effet, d'occuper les méditations des hommes éclairés. Les esprits supérieurs aiment à se rendre compte des motifs qui portent certains êtres à exécuter des actes dont au premier aperçu on croirait l'intelligence seule susceptible. L'intérêt de cette étude nous à porté à donner toute l’attention dont nous sommes ca- pable à un phénomène qui ne peut être saisi, dans l’état des observations actuelles, que par l'induction et l’analogie. Nous avons été heureux d'apprendre qu’une Société savante et justement célèbre avait appelé les recherches des natura- listes sur ce beau sujet et en avait fait l’objet d’un prix. Si nous l'avons obtenu, c’est peut-être parce que, mieux que ceux qui nous ont devancé , nous avons entrevu que ce fait naturel, loin d’être simple, était au contraire très-complexe et soumis à plusieurs conditions. Une fois ces causes connues, nous en avons démontré les relations avec les habitudes voyageuses ou sta- tionnaires des ‘animaux. Ainsi, les espèces quiémigrent réellement, et qui parcourent en quelque sorte la totalité du globe, sont douées d’une grande agilité, et d’une puissante force motrice, conditions essentielles à l’étendue et à la continuité des mouvements. il leur a fallu, de plus, une volonté ferme et un instinct impérieux pour fran- X AVANT-PROPOS. chir, sans hésitation, les plus grandes distances, lorsque aucun besoin pressant ne les y engage et ne les y contraint. Sans ces deux conditions, les animaux errent bien d’une contrée à l’autre, mais ce n’est point à une migration propre- ment dite. Enfin, lorsque l’agilité leur manque, et que leur or- ganisation ne les porte pas à se déplacer, alors seulement ils sont stables et sédentaires. Telle est en abrégé l’histoire d’un phénomène qui met en quelque sorte une grande partie des êtres vivants dans un mou- vement continuel. Ces migrations, par suite de desseins dont nous ne savons pas comprendre toute la portée, s’exécutent avec une régularité non moins remarquable que leur constance. Pour apprécier à leur juste valeur les causes qui portent tant d'animaux à faire de longs voyages, nous avons eu recours aux lumières des personnes qui, par goût ou par état, se sont livrées à un pareil ordre de recherches. Nous en avons obtenu, avec une bienveillance faite pour nous flatter, des renseignements pré- cieux. Si des circonstances impérieuses ne nous forçaient au si- lence, nous serions heureux de pouvoir leur en manifester toute notre gratitude. Du moins parmi les hommes qui nous ont été utiles sous ce rapport, il en est plusieurs que nous pouvons nommer. Ils voudront bien agréer le faible tribut de nosremer- ciments. Ainsi, nos idées sur les migrations des oiseaux se sont singu- lièrement étendues dans les entretiens que nous avons eus avec M. Lebrun, habile ornithologiste de Montpellier, et M. Poort- man, conservateur du musée zoologique de Lyon. M. Rey-La- croix, auquel ses fonctions ont permis de s'occuper avec zèle des passages des poissons, nous a fourni également quelques détails précieux ; nous ne saurions trop lui en témoigner notre reconnaissance. DES CAUSES DES MIGRATIONS DES DIVERS ANIMAUX, ET PARTICULIÈREMENT ! DES OISEAUX ET DES POISSONS. INTRODUCTION. La Société des sciences de Harlem, dont les vues éclairées sont constamment dirigées vers le progrès des connaissances, a proposé un sujet de prix, des plus intéressants, mais dont la solution présente de graves et sérieuses difficultés. Il se rapporte à la question de savoir « quelles peuvent être les causes des migrations ou des passages des poissons et des oiseaux, surtout des espèces qui servent à la nourri- ture de l’homme, ou à d’autres usages. » Cette ques- tion devait être résolue avant le 4°" janvier 4840. Pour répondre d’une maniére convenable aux dé- sirs manifestés par cette Société, il nous a paru 1 De — nécessaire d’examiner cette question dans toute sa généralité, c'est-à-dire, d'étudier les eauses qui por- tent les divers animaux à se livrer à des migrations périodiques, migrations qui semblent être pour eux un besoin auquelils ne savent ni ne peuvent résister. Parmi les animaux qui ont de pareilles habitudes, les poissons et les oiseaux sont ceux dont les voyages sont les plus longs et les plus constamment répétés. Ils le doivent peut-être à la facilité que leur donne leur organisation pour franchir de grandes distances. C’est donc chez les oiseaux qu’il paraît convenable d'étudier un phénomène dont la récularité n’est pas une des circonstances les moins remarquables. Ces lésers habitants des airs éclairent les migrations lointaines qu'exécutent aussi les poissons, qui vivent dans un tout autre milieu. Cette supposition est d’au- tant plus fondée, que l'observation des mœurs des oiseaux est environnée de moins de difficultés que les excursions lointaines des poissons, sur lesquelles nous n'aurons jamais des données bien certaines. Parmi les phénomènes naturels qui se rattachent au retour périodique des saisons, les migrations régulières des oiseaux, comme celles des poissons, méritent tout autant notre attention et notre in- térêt que le développement et la floraison des végé- taux. L'esprit, occupé de ces passages constants, se demande où vont donc ces oiseaux qui nous quit- HER ARE tent à des époques fixes, et nous reviennent à des époques non moins régulières. Pour parvenir d’une manière sûre à résoudre cette importante question, nous allons constater avec soi les époques de ces migrations et les circonstances qui les accompagnent. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. Une des habitudes instinctives des oiseaux aux- quelles ils résistent le moins, et qu'ils suivent toujours, à moins qu'ils n’en soient empêchés par une force supérieure à toute la puissance de leur volonté, est sans contredit celle qui les porte à se rendre, à des époques fixes ou indéterminées, du lieu qu’ils ha- bitent, dans des lieux nouveaux. Cette habitude est tellement irrésistible chez les oiseaux, qu’elle a lieu chez des espèces que la nature a peu favorisées sous le rapport du vol. Parmi les gallinacés, les cailles, dont le vol est lourd et pesant, n'en parcourent pas moins de grandes distances à des époques périodiques. Sou- vent fatiguées par la longueur du trajet, ou plutôt terrassées par la violence des vents, elles tombent dans la mer et y périssent ; d’autres fois plus heu- reuses, elles parviennent sur de nouveaux rivages, s’y précipitent, et vont chercher dans les terres de sé D = quoi réparer leurs forces épuisées par la privation de toute nourriture pendant le temps de leur tra- versée. Ce que nous venons de dire des cailles s'applique également à tous les oiseaux qui parcourent degrandes distances. Il est peu de navigateurs qui, dans leurs longs voyages, ne voient des oiseaux venir se reposer, épuisés de fatigue, sur les vergues ou les autres agrés de leurs vaisseaux. Ces oiseaux sont souvent tellement accablés de lassitude qu’ils se laissent pren- dre sans songer à fuir, n’en ayant pas la force. Parmi les espèces qui, dans leurs migrations, s'abattent sur les mâts des navires, on peut citer principalement les oiseaux percheurs, tels que les hirondelles, les traquets, plusieurs autres passe- reaux, ainsi que certaines espèces d'échassiers. Malgré la faiblesse de leur vol, les cailles entre- prennent, à des époques fixes, des courses fort éten- dues ; elles traversent même les mers, comme pour nous apprendre qu'elles obéissent ainsi à un besoin plus impérieux, plus fort que toutes leurs répu- onances. Sans doute le désir de trouver une tem- pérature plus appropriée à leurs besoins, ou l'espoir de rencontrer ailleurs une nourriture plus con- venable, porte ces oiseaux d’un canton dans un autre ; mais une influence plus puissante que ces besoins momentanés, l'instinct de leur conserva- M tion, agit sur eux dans ces excursions lointaines. En effet, donnez à ces oiseaux une température convenable, distribuez-leur une nourriture abon- dante, vous ne les verrez pas moins, à l’époque de leur départ, dans un état d’agitation particulier. Vous les verrez manifester le besoin qui les tourmente et les presse par leurs élancements et le battement de leurs ailes; vous les verrez dans un état de malaise que rien ne peut faire cesser, si ce n’est la liberté. Si elle ne leur est rendue, ces oiseaux languissent, forcés qu’ils sont de ne point satisfaire ce désir pres- sant de se transporter dans d’autres climats, où ils comptent trouver des circonstances plus appropriées à leurs besoins. Par suite de ces besoins qui se renouvellent avec une constance remarquable, il est une infinité d’oi- seaux que l’homme, malgré la puissante influence qu'il exerce sur les animaux, ne peut point éle- ver, tant le désir de ces voyages lointains est absolu pour eux. Cet instinct est si impérieux chez les cou- cous, que, lorsqu'ils ne peuvent le satisfaire, ils sont frappés de mort. Mais, par une particularité non moins remarquable, si l’on prend certains oiseaux, et, par exemple, les becs-croisés, pendant le temps de leurs migrations, avant qu'ils soient arrivés aux lieux où ils nichent ordinairement, on ne peut pas les porter à faire une EU LS couvée. Il en est de même de toutes les tentatives que l’on a faites pour obtenir dans le Midi des nichées des oiseaux du Nord; elles ont été constamment vaines: Les espèces des régions septentrionales ont montré une répugnance invincible pour perpétuer leurs ra- ces. Ce désir ou plutôt ce besoin ne se manifeste chez elles que lorsque la liberté leur est rendue; et avec elle la température qui leur convient. | Sans doute les colibris, les sucriers, les souiman- gas et les bengalis ne nichent pas non plus dans les contrées tempérées ; mais cette circonstance ne tient pas à l’influence des migrations, puisque ces oiseaux n’émigrent jamais. Elle dépend de ce qu’ils ne trou- vent pas dans nos climats le genre de nourriture qui leur convient, ni la température élevée qui, dans les lieux de leur naissance, est aussi pour eux la saison de leurs amours. Comment distribuer aux trois premières espèces le suc mielleux des fleurs dont ces oiseaux se nourrissent habituellement? Aussi n'est-il pas possible de les con- server en captivité; elles périssent toutes dans leurs cages, et d'autant plus promptement que leur pétu- lance les empêche de résister longtemps à la privation de leur liberté. Si donc les oiseaux dont nous venons de parler; et particulièrement les colibris, n’émigrent pas, cette circonstance dépend, ainsi que l’a faitobserver Buffon, EN Ve du genre de leur nourriture. Wilson à cependant prétendu que les colibris ne se nourrissaient pas du nectar des fleurs ; tout en convenant que ces oiseaux ne refusaient pas l’eau sucrée, il a cru que les in- sectes étaient leur nourriture habituelle. Une pareille opinion, si opposée à celle qu'avait émise Buffon, a été l’objet de l’examen du docteur Traiss. Cet observateur ayant eu l’occasion d'ouvrir l'estomac de ces petits oiseaux, y a uniquement ren- contré une grande quantité de nectar ou de la liqueur sucrée des plantes, et souvent un certain nombre de petits insectes. [la prouvé que ces insectes se rappor- tant tous et uniquement à des espèces qui vivent dans le calice des fleurs, avaient dû être avalés par les colibris avec le nectar. Probablement la difiiculté de trouver ailleurs une liqueur aussi mielleuse Îles empêche de se livrer, comme tant d’autres oiseaux, à des excursions un peu étendues. S'il est des oiseaux qui n’abandonnent jamais les lieux de leur naïssance, d’autres, au contraire, entre- prennent, soit périodiquement pendant certaines sai sons de l’année, soit à des époques qui n’ont rien de fixe ni de déterminé, des migrations plus ou moins étendues. Ces oiseaux les entreprennent pour satis- faire, les uns un penchant irrésistible qui les porte à se déplacer, et les autres des besoins plus ou moins impérieux. | ne + EN Ces dernières sont en général provoquées, soit pour fuir le froid, soit pour chercher une température éle- vée, soit enfin pour se procurer plus facilement des moyens de subsistance. Ces voyages, tout à fait acci- dentels, sont aussi irréguliers que les variations des saisons. Ils paraissent même avoir lieu sans aucune cause appréciable, et sans que le déplacement de ces oiseaux porte un changement notable dans les condi- tions où ils étaient primitivement placés. On peut considérer les espèces qui les exécutent comme des oiseaux erratiques, afin de les distinguer de celles qui entreprennent des voyages périodiques et réguliers qu'aucun besoin ne semble provoquer, et encore moins déterminer. Les oiseaux émigrants sont poussés à accomplir les longs voyages auxquels ils se livrent habituellement, par un instinct particulier; cet instinct les y force; il se développe quelquefois indé- pendamment de tout ce qui, dans le moment où ces voyages ont lieu, peut influer sur leur bien-être et leur avenir. Ce besoin d'émigrer est aussi impérieux pour les jeunes que pour les vieux; quoique les premiers n'aient pas pu encore contracter l'habitude des voya- ges. Il est tellement irrésistible que, lorsque les oi- seaux changent de climat, ils n'attendent pas pour partir que le froid soit insupportable dans les lieux qu'ils vont quitter. On ne les voit pas, du moins, re- ADP — poussés peu à peu vers le Midi par les empiétements de l'hiver. Les espèces émigrantes le précèdent cons- tamment. Elles se transportent bien avant la saison des frimas, dans des régions plus chaudes que celles qu’elles habitaient primitivement. Souvent elles re- viennent à l’époque du printemps, quoique la tem- pérature soit encore au-dessous de ce qu’elle était au moment de leur départ. Ainsi, pour certaines espèces, les migrations ne se lient avec aucune cir- constance extérieure appréciable ; elles en paraissent en quelque sorte indépendantes. Quoique les migrations d’un assez grand nombre de ces animaux semblent dépendre d’une impulsion instinctive, les agents atmosphériques ne sont pas toujours pour cela sans influence sur le développe- ment du besoin que les oiseaux voyageurs éprouvent de changer d'habitation. Ce phénomène coïncide donc quelquefois avec les variations de l’atmosphèére, et le moment de l’arrivée et du départ est souvent avancé ou retardé, suivant que la saison froide se prolonge plus ou moins. L'époque de l’arrivée ou du départ des oiseaux voyageurs éprouve de grandes variations dans les dif- férentes espèces. Ainsi celles qui sont originaires des contrées septentrionales de l’Europe arrivent l’au- tomne ou au commencement de l’hiver dans les con- trées méridionales de la France. Mais, dès les premiers Le beaux jours, on les voit fuir la chaleur, comme ils avaient fui le froid, et retourner dans le Nord pour y faire leur ponte. L'’inconstance des passages ou des migrations des oiseaux est souvent aussi grande que celle des varia- tions de la température. Aussi il n’est pour ainsi dire pas un chasseur qui ne sache que des espèces qui arrivent en grand nombre pendant une année de- meurent parfois plusieurs années à paraitre de nou- veau. Ces oiseaux ne voyageraient donc que lors- qu'ils trouveraient un certain nombre de circonstan- ces favorables. Comme ces circonstances ne se repro- duisent pas toujours; elles apportent nécessairement des variations dans des voyages que leur réunion semble déterminer chez les espèces erratiques. D'autres oiseaux, au contraire, qui nichent et nais- sent dans les contrées méridionales de la France et qui, par conséquent, sont essentiellement indigènes ; les quittent en automne ; mais, après avoir passé l’h1- ver dans les climats chauds, ils reparaissent dans le Midi au printemps; ou bien, évitant encore la cha- leur des étés de ces contrées, ils émigrent alors vers les régions arctiques. D’autres espèces, nées dans les climats méridionaux, s’élévent vers le Nord pour échapper à l’ardeur du soleil de l'été, et nous arrivent à la fin de la belle saison. Enfin, quelques autres ne séjournent jamais dans le Midi, et, dans leurs migra- — 11 — tions annuelles, elles ne font qu’y passer. On à donné à ces races le nom d'oiseaux de passage. Enfin quelques espèces, par exemple, les oies et les cygnes, séjournent l'hiver dans les pays tempérés, lorsque les rivières n’y gélent pas; mais, lorsque le froid y devient vif et piquant, on les voit s’avancer plus au midi, d'où elles reviennent vers la fin de märs pour retourner dans le Nord et y passer l’été. Evidem- ment, pour celles-ci comme pour un certain nombre d’autres, leurs passages paraissent déterminés par la température; car elles ne restent jamais dans le Nord lors des grands froids. Ce qu’il y a de remarquable , l’époque de l’arrivée et du départ de ces oiseaux voyageurs ou plutôt émi- grants est en général déterminée d’une manière pré- cise pour chaque espèce et pour chaque contrée. L'âge y apporte tout au plus quelque différence ; par exem- ple, les plus jeunes ne se mettent ordinairement en route qu'après les adultes; cette circonstance parait dépendre, ainsi que nous l’obsérverons dans la suite, de la mue plus tardive chez les seconds que chez les premiers. Aussi les jeunes ne sont point encore réta- blis de la maladie qui accompagne la mue, lorsque les vieux sont en état de supporter les fatigues d’un long voyage. On est souvent étonné de la prévoyance et du tact avec lequel les oiseaux, surtout les espèces voyageuses, -— 12 — distinguent par avance les variations qui vont surve- nir dans la température. Nous-mêmes, avec toute no- tre intelligence et tous nos instruments, nous sommes moins avancés qu'eux sous ce rapport; Car nous ne saurions dire la veille le temps qu’il fera le lendemain. La température plus élevée dont jouissent les oiseaux leur donnerait-elle cette sorte de divination; c’est ce que nous examinerons plus tard. Au milieu de tous les faits qui prouvent les diffé- rences que l’âge apporte dans les habitudes voyageu- ses des oiseaux, nous n’en citerons pour le moment qu’un seul, parce que la vérification en est facile. Lors- qu'on observe les coucous dans une contrée où ils ont opéré leur ponte, on les voit tous en plumage roux, tandis que dans un autre canton, plus ou moins éloigné du premier, ils se montrent constamment en plumage gris ; celui-ci est la robe des vieux. Cette diversité dans le plumage annonce que si les premiers sont restés sé- dentaires, les seconds ont au contraire voyagé. Les oiseaux opèrent généralement leurs migrations en troupes plus ou moins nombreuses; ils voyagent ainsi de concert et, pour ainsi dire, en famille. Il ar- rive en effet rarement qu’ils se transportent à de grandes distances isolément et séparément par paires. C’est surtout dans cet acte important de leur vie que se manifeste l'instinct de sociabilité, qui les caracté- rise d’une manière si éminente. =. D Chaque année, des tribus plus ou moins nombreu- ses d'oiseaux et quelquefois même des légions innom- brablesnousarrivent dans un ordre déterminé. Le plus souvent guidés par des chefs, les habitants des airs traversent la Méditerranée pour passer d'Afrique en Europe ou pour suivre la route opposée. Les hiron- delles, par exemple, hivernent au Sénégal, se répan- dent au printemps dans les contrées méridionales et en été dans la Hollande et le nord de l’Europe. Cepen- dant certaines espèces, toujours errantes, changent de pays sans que leur marche paraisse guidée par aucune règle. Ce sont les races que nous avons nommées errati- ques, tandis que nous désignons les premières sous le nom d'émigrantes. Ces expressions font saisir les différences qu’elles présentent sous le rapport de la longueur et de la fixité de leurs voyages. Le besoin de voyager et de changer de climat dans certaines saisons est donc une des exigences les plus impérieuses de l’organisation ou plutôt de l'instinct des oiseaux. Quelle qu’en soit la cause, elle se fait sentir non-seulement sur toute l’espêce, mais encore sur les individus séparés de l'espèce auxquels une étroite captivité ne laisse aucune communication avec leurs semblables. L'instinct social si perfectionné chez cet ordre d'animaux semble acquérir un nouveau dévelop- pement par suite des besoins nouveaux qui nais- ET ee sent de leurs excursions lointaines. En effet, les espèces émigrantes qui voyagent en troupes nom- breuses non-seulement obéissent à des chefs, mais pour veiller à leur sûreté elles s’entourent de senti- nelles chargées de les avertir de l’approche du moin- dre danger. Lorsqu'il devient imminent, elles se re- plient avec rapidité vers la troupe qui se rallie à leur signal. Alors tous les oiseaux qui en font partie se groupent, se pressent les uns contre les autres, et réunissent tous leurs efforts pour repousser leurs ennemis. D’autres espèces, sans avoir une police aussi mer- veilleuse, ont néanmoins un instinct assez perfec- tionné pour s'épargner les fatisues de la chasse; ils forcent d’autres oiseaux plus faibles ou plus laches à leur abandonner la proie dont ceux-ci se sont à grand’peine emparés. On voit souvent les frégates (pelecanus aquilus Linn.) donner la chasse aux fous (pelecanus bassanus Linn.), et, en les frappant de l’aile et du bec, les forcer à désorger le produit de leur pêche dont ils se saisissent avec dextérité avant qu'il tombe dans l’eau. Dans certaines circonstances, ces animaux se prè- tent des secours mutuels pour repousser et triompher de leurs ennemis. Ge fait, qui dépend de cet instinct de sociabilité donné aux oiseaux, se représente souvent lorsque leurs espèces isolées sont attaquées par des Es serpents ou par d’autres reptiles dangereux. On les voit arriver en foule au secours de celui qui a été sur- pris d'une manière soudaine. Ainsi réunis, ils forment un cercle autour du reptile, et finissent par le tuer au moyen de leur bec, dont ils se servent avec autant d'adresse que d’habileté. L'ordre des échassiers est particulièrement celui qui nous donne le plus fré- quemment de pareils exemples de dévouement et d'affection pour leurs semblables. D'un autre côté, les pipits (anthus arboreus) et les autres passereaux qui se nourrissent d'insectes, lors- qu'ils sont débusqués des champs qui en sont couverts, s’en éloignent avec plus ou moins de promptitude. Tant que les chasseurs restent en embuscade, deux ou trois de ces oiseaux arrivent successivement, comme pour s'assurer si le danger est passé. Mais, tant qu'ils ont des craintes, ils font entendre des cris particuliers qui retiennent la troupe dans un certain éloignement. Elle n'arrive jamais que lorsque ces cris, signal du danger, ont totalement cessé. Unedes remarques les plus importantes qui aient été faites sur les migrations de ces animaux, est celle que nous devons au sayantornithologiste anglais M. Blyth. D'après lui, les oiseaux de l'Amérique du Nord qu’au- cun genre ne représente en Europe, et ceux d'Europe qui n'ont aucune espèce appartenant en propre à l’A- mérique, sont presque sans exception tous voyageurs. — 16 — Du reste, les espèces qui se livrent à des migrations constantes et périodiques offrent cette particularité d’être en général les types caractéristiques des pays où ils passent l’hiver. Il ne faut pas conclure cepen- dant des habitudes voyageuses de certains oiseaux , qu’elles sont déterminées par leur instinct de socia- bilité; car les espèces solitaires, les rapaces, les ros- signols, exécutent réculièrement des voyages sembla- bles à ceux des caïlles , des étourneaux et des hiron- delles. D'un autre côté, chaque groupe distinct d'oiseaux a une espèce analogue ou représentative dans les prin- cipales parties du monde. Aussi, lorsqu'un genre est sans représentant, on peut aisément en péné- trer la raison. Par exemple, les oiseaux les plus es- sentiellement voyageurs, les étourneaux (séwrnus vulgaris), se rencontrent dans toutes les parties du monde. Il est cependant une contrée où ils ne se trouvent pas: c’est l'Australie. La raison de cette ex- clusion tient peut-être à ce que les sansonnets trouvent la plus grande partie de leur nourriture dans des fruits ou des baies dont il n'existe pas d’analogues dans cette contrée. On a encore supposé que, comme les étourneaux se nourrissent évalement de certaines graines qui se fixent sur le dos des bêtes à cornes, l'absence de tout ruminant dans l'Australie les a dé- terminés à ne point y opérer leurs migrations. Cette ni — supposition est peu admissible quoique la dispersion des oiseaux, tout comme celle des autres animaux, suive d’une manière nécessaire celle de leur proie ou celle des végétaux dont ils se nourrissent. Ces végétaux dépendent à leur tour de la qualité du sol aussi bien que de la température. Lorsque l’on considère d’une manière générale la distribution des oiseaux, 1l est facile de reconnaître que chaque groupe ou chaque principale famille de cette classe a une espèce analogue dans une autre partie du monde : il paraît du moins constant que chaque grand continent a ses espèces propres et dis- tinctes. En effet, il n’y a rien de commun entre les espèces vivantes du nouveau monde et celles de l’an- cien continent, tout comme entre celles-ci et les races de la Nouvelle-Hollande. Néanmoins on décou- vre dans les uns et dans les autres des espèces des mêmes familles qui se représentent mutuellement. Ainsi, pour ne parler que des oiseaux, l’autruche des déserts de l'Afrique (struthio camelus Linn.) est re- présentée en Asie par le casoar , tout comme par les aptéryx dans la Nouvelle - Zélande (1). D'un (1) Ce genre, dont il n’existe qu’une seule espèce, l’apteryx australis, a élé établi par Temmincek. M. Lesson se demande si ce genre n’aurait pas été fondé par cet ornithologiste, sur les pièces du dronte conservées dans le musée zoologique de Londres (Manuel d'ornithologie, tom. n, pag. 211). Nous 2 Sr NES autre côté, les émérillons sont les représentants de ces oiseaux en Australie, tout comme les ræa ou nandou dans l’Amérique du Sud, et la grande ou- tarde (otis tarda Linn.) en Europe (1). Ce que nous venons d'observer, relativement aux habitudes voyageuses de certaines espèces d'oiseaux, a pu faire présumer qu’elles ne sont point détermi- nées par leur instinct de sociabilité plus ou moins prononcée. Sans doute les migrations des espèces so- ciales frappent davantage, parce qu’un plus grand nombre d’individus y concourent. Elles ne sont ce- pendant ni moins périodiques ni moins constantes chez les espèces solitaires ou celles qui vivent isolées, et pour ainsi dire par couples. En effet les passages des rossisnols, des pigeons, des tourterelles, des ferons observer que ce genre a été établi sur une espèce d’autruche particu- lière à la Nouvelle-Zélande, et qui est caractérisée par trois doigts. Nous en avons vu un individu empaillé dans le musée zoologique de Genève, et un squelette complet dans les collections d’anatomie comparée de M.Mayor, doc- teur-médecin dela même ville. Aussi nous sommes-nous assuré que, parmi les oiseaux dépourvus d’ailes, il n’y en a pas d’espèce plus singulière que l’ap- téryx de la Nouvelle-Zélande. Ses ailes sont encore plus incomplètes que celles des casoars, Il joint à ce caractère, d’avoir le bec long et grêle comme une bécasse, avec les narines percées presque à son extrémité. (1) Le struthio rhea de Linné ou nandou-chari est également une au- truche à Lrois doigts comme celle de la Nouvelle-Zélande; mais celle-ci ha- bite l'Amérique. . PO" fn huppes, des torcols, des oiseaux de proie et d’une foule d’autres espèces, ne sont pas moins réguliers que ceux des cailles, des étourneaux, des hirondelles, des canards, et tant d’autres espèces qui vivent en grandes troupes, ou du moins qui voyagent en famille. Les espèces solitaires ou sociales émigrent égale- ment dans les saisons les plus diverses. Les unes et les autres ne suivent à cet égard d’autre impulsion que celle qui peut dépendre de la température dont elles cherchent la douce influence. On les voit du moins s'éloigner des régions septentrionales à l’ap- proche de l'hiver , et s’en rapprocher au contraire, lorsque les beaux jours leur ont annoncé le retour du printemps. Dans toutes ces migrations, l’instinct de sociabilité ne parait jamais y être pour rien, et il ne les détermine et ne les provoque en aucune manière. IL en est de même de l'étendue et de la puissance du vol ; au premier apercu, on pourrait présumer que les espèces qui peuvent fendre l’air avec plus de con- tinuité doivent par cela même parcourir de plus grands espaces et franchir de plus grandes distances. Les cailles traversent pourtant les mers; leur vol est lourd et peu rapide; malgré toutes les imperfections de leur organisation, elles font de fort longs voyages. Ce que nous disons des cailles, on pourrait l’observer d'une foule d’autres oiseaux, et même de plusieurs espèces du même genre. se 100) La grandeur et la taille de ces animaux parait aussi sans influence sur la longueur de leurs migra- tions. Si les rues, les cygnes, les phénicoptères, les cormorans, les cigognes et tant d’autres espèces de haute stature, exécutent à des époques à peu près fixes de fort longues courses, il en est de même des tra- quets, des fauvettes, des pinsons, des ortolans, et d’une foule d’autres petites espèces. Celles d’une taille moyenne entreprennent également de fort longs voya- ges, et parcourent en quelque sorte toutes les régions de la terre. Parmielles, on peut citer spécialement les canards. Un exemple remarquable donné par une es- pèce de ce genre est venu, pendant l’hiver de 1839 à 1840, surprendre les ornithologistes du midi de la France par sa singularité. Un couple de canards à longue queue (anas gla- cialis Temminck) de Terre-Neuve, probablement isolés de leur troupe, sont arrivés le 4 janvier 1840 jusque dans les environs de Montpellier. Cependant d’après le savant ornithologiste que nous venons de citer, ce canard fait son nid sur les bords de l’océan Glacial au Spitzhbers, en Irlande, à la baie d'Hudson. Il habite à peu près exclusivement les mers arctiques des deux mondes. Quoique des contrées les plus froi- des , il étend ses passages accidentels sur les grands lacs d'Allemagne, le long de la Baltique, et sur les côtes maritimes de la Hollande; il ne s’était jamais OR avancé jusque dans les contrées méridionales de la. France, du moins d’après les observations faites jus- qu'à présent. Son apparition dans le Midi a coïncidé avec une autre circonstance qui peut en rendre raison, celle de la douce température dont cette contrée a joui à cette époque. Elle était pour lors si élevée que plusieurs arbres fruitiers étaient en fleur, et que quelques-uns ont donné même des fruits. Quoi qu'il en soit, ce fait n’en prouve pas moins à quelle distance les canards, dont la taille est à peu près la moyenne de celle qu'of- frent en général les oiseaux, étendent leur migration, ou, si l’on veut, leurs passages (i). Le genre de vie ou l’espèce de nourriture dont usent les oiseaux paraissent également sans influence sur leurs migrations ; non pas dans un sens absolu, mais uniquement dans un sens relatif. Ainsi les espèces carnivores ou piscivores font des voyages d’aussi long cours que celles qui vivent de graines, de fruits ou d'herbes proprement dites. Les unes et les autres se déplacent souvent par le manque de nourriture dans le canton qu'elles habitent. (4) Nous devons la connaissance de ce fait à M. Lebrun, ornitholo- gisle de Montpellier, que nous aurons souvent l’occasion de ciler dans cet ouvrage, = Nous avons déjà fait observer que les espèces ra- paces, c’est-à-dire les faucons, les aigles et même les vautours, se livraient habituellement à des voyages de long cours; il en est de même des passereaux qui vivent de charognes, indépendamment qu’ils se nour- rissent aussi de graines et de fruits, lorsque la faim les presse. Tels sont les corneilles, les corbeaux et les pies-grièches, qui les représentent en quelque sorte. D'un autre côté, les grues, les cigognes, les hérons, les cormorans, les phénicoptères, les mouettes et tant d’autresessentiellement piscivores, n’en sont pas moins fameux par l’étendue de leurs excursions. Il en est de même de celles qui vivent à peu près uniquement de fruits ou d'herbes. Les exemples s'offrent en foule pour démontrer que ces espèces font particulièrement de grands voyages. On ne peut guère oublier ceux qu’exécutent à des époques fixes les étourneaux, les merles et un si grand nombre de passereaux, ainsi que les canards, les grèbes et les foulques. Il suflit de ci- ter parmi les oiseaux insectivores les hirondelles et les martinets, pour saisir que ceux-là aussi se livrent à de longues et grandes migrations. Nous le répétons, pour éviter toute méprise à cet égard, quoique le genre ou l'espèce de nourriture dont usent les oiseaux ne détermine pas leurs voya- ges, 11 ne peut pas en être de même de son manque absolu ; car avant tout il est essentiel que les espèces a — assurent leur subsistance et pourvoient à leurs be- soins. Mais, lorsqu'elles ne se déplacent que pour aller trouver ailleurs ce qui leur était fourni d’abord en abondance dans les lieux qu’elles abandonnent, les excursions auxquelles elles se livrent ont générale- ment une courte durée. Ces oiseaux se bornent pour lors à changer de canton; ils ne traversent pas les mers, et ne passent pas dans d’autres climats, espé- rant y trouver ce que leur refusaient ceux qu'ils ont quittés. Les perroquets et les dindons sauvages de l'Amérique nous fournissent des exemples de ces transports d’un canton dans un autre, occasionnés par le besoin de nourriture. Néanmoins ni les uns ni les autres ne peuvent être cités comme des espèces voya- geuses. On ne les voit presque jamais à plus de vingt lieues de distance du lieu dans lequel ils avaient pri- mitivement fixé leur séjour. Un instinct plus pressant et plus impérieux que le besoin d’une nourriture convenable ou d’une tempé- rature élevée, peut-être plus nécessaire aux oiseaux qu’à tout autre être vivant, détermine leurs longues migrations. Ces longs voyages nous étonnent autant par leur étendue que par la prévoyance qu’elles font sup- poser aux espèces qui les exécutent. Avant d'entrer à cet égard dans les détails qui an- noncent qu'elles sont provoquées, chez certaines es- pèces, par un instinct irrésistible, examinons si elles ED VE ont lieu aussi bien chez les races nocturnes que chez les diurnes. Parmi les oiseaux dont les yeux sont con- formés de manière à leur faire apercevoir les objets distinctement pendant l'obscurité, on peut citer les oiseaux rapaces de la famille des chouettes ou des + hiboux. On serait tenté de supposer que les espèces ainsi conformées ne doivent pas se livrer à de grandes courses. Le contraire a cependant lieu. Le hibou brachyote (sérix brachyotos Vieillot), qui vit ordi- nairement en Sibérie, se met à la suite des migrations du lemming, et arrive Jusque dans les provinces méridionales de la France. Cet oiseau y apparait au mois d'octobre; il reste dans le Midi jusqu’en avril. À cette époque il y est très-commun. On pour- rait croire, en observant ce hibou si loin des lieux qui l'ont vu naïitre, qu'il ne doit pas être ébloui par la clarté du jour. Néanmoins il la supporte si peu, que, lorsqu'on le fait lever, 1l va se poser sur l'arbre le plus rapproché et se laisse tuer, plutôt que de se mettre de nouveau en mouvement, du moins si le so- leil brille de tout son éclat. Cette espèce, très-répandue dans presque toutes les contrées d'Europe, particulièrement en Hollande , et dont la Sibérie parait être la patrie, se rencontre également dans toute l'Amérique septentrionale. Elle v arrive par la pointe nord de l'Asie, en franchissant ES le détroit de Bhéring , bras de mer qui n’a pas moins de douze lieues dans sa plus petite largeur. Ces faits annoncent que les oiseaux nocturnes se livrent aussi bien à de longs voyages que les espèces diurnes, puis- qu'ils franchissent les mers, et étendent leurs courses jusque dans des continents différents. On pourrait croire que ces races nocturnes doivent voyager de nuit, puisqu'elles éprouvent tant de difficultés pour faire quelques pas pendant la clarté du jour, si l’on ne savait que plusieurs d’entre elles chassent plutôt le jour que la nuit. Il est même quelques espèces de chouettes qui jouissent en plein jour de toutes les facultés de la vue. Aussi les voit-on poursuivre leur proie à tire- d’aile ou la guetter dans l'épaisseur des forêts. Ce sont particulièrement les espèces à tête lisse, dont la queue plus ou moins étagée dépasse l’extrémité des ailes. Du reste une foule d'oiseaux voyageurs , quoi- que diurnes, n’en voyagent pas moins constam- ment la nuit, à peu près comme nous autres hommes, lorsque notre humeur inquiète nous porte à quitter le logis. De ce nombre sont la caille, les ortolans et tous les oiseaux aquatiques ; leurs passages ont lieu plutôt pendant l’obscurité qu’en plein jour. Aussi, à moins que le soleil ne soit voilé par les nuages, les passages de ces oiseaux cessent vers les neuf ou dix LS heures du matin. C’est également à la lueur du cré- puscule que l’on voit les alouettes passer par troupes plus ou moins considérables. Les faits que nous venons de rapporter ne sont point bornés au hibou brachyote ; ils sont communs à pres- que toutes les espèces qui ne voient distinctement que pendant la nuit. Le grand et le moyen duc (strix bubo et otus Linn.), très-multipliés en Russie, en Hongrie, en Allemagne et en Suisse, étendent leurs courses jusqu’en France et en Angleterre, et même jusqu’en Afrique. Il en est de même du hibou scorps, qui se trouve fréquemment dans plusieurs contrées de l’'Eu- rope et pousse ses excursions jusqu’en Afrique. D’autres rapaces nocturnes , répandus en Europe, étendent évalement leurs excursions jusque dans le nord des deux continents, franchissant ainsi les mers qui les séparent. Parmi ces espèces éminemment voya- geuses, nous citerons spécialement l’harfrang (sérix nyctea Linn.), peut-être la plus grande des chouettes connues, celle de Laponie (strix laponica Retz), qui vit à la fois dans les climats septentrionaux de l’Eu- rope et de l'Amérique, et jusque dans les contrées civilisées de l’Europe. La première, ou l’harfrang , habite le plus constamment les régions du cercle arc- tique ; elle n’en étend pas moins ses excursions Jus- qu’en Islande, dans les îles Shetland, aux Orcades, ainsi qu’en Allemagne et en Hollande. Elle passe éga- a — lement dans l'Amérique septentrionale, et se montre parfois en grand nombre dans la baie d'Hudson. On peut encore comprendre parmi les chouettes voyageuses le sérix macroura de Meyer, qui vit ha- bituellement dans les régions arctiques, la Laponie, le nord de la Suède et de la Russie. Elle passe néan- moins en Livonie, en Hongrie et jusque dans les parties orientales de l’Allemagne, et plus loin encore. La chouette caparacoch (strix funerea Latham), qui habite également les régions arctiques , se montre quelquefois comme oiseau de passage en Allemagne, en France et même jusque dans les provinces de l’A- mérique septentrionale. Cette espèce nocturne évite cependant dans ses courses vagabondes les lieux dont la température est élevée ; aussi ne l’a-t-on jamais apercue dans les contrées méridionales. Il en est de même de la chouette nébuleuse ( strix nebulosa Linn.). Ses passages n'ont lieu que dans des contrées très-froides, comme la Suède, la Nor- wége, l'Amérique septentrionale, pays dont la tem- pérature ne diffère pas beaucoup de celle des régions arctiques , patrie ordinaire de cet oiseau. L’effraie (strix flammea) étend encore plus loin ses excur- sions. On la rencontre dans toute l’Amérique. D’un autre côté, on la découvre en Asie jusqu’au Japon, en Afrique, particuliérement au Sénépal, et enfin dans la plus grande partie de l'Europe. Cet oiseau OR — parait même étendre ses migrations jusqu’en Suëde et en Norwége. Ces faits et une foule d’autres , qu’il nous serait facile d’ajouter, sont assez bien constatés pour dé- montrer que, quoique peu favorisées sous le rapport de leurs appareils visuels, les espèces nocturnes ne se livrent pas moins que les diurnes à de longues mi- grations. Ilest remarquable que, parmi ces races voya- geuses , plusieurs ne peuvent, dans les circonstances ordinaires, supporter l’éclat du jour; tel est entre autres le hibou brachyote. Aïnsi, en examinant avec attention la manière dont les animaux sont répartis à la surface du globe, il est facile de s’apercevoir que leurs espèces n’ont pas tiré leur origine d’un même point, et qu’elles ne sont pas émanées d’un foyer de création unique, pour se ré- pandre dans les contrées diverses où on les voit main- tenant fixées. On reconnait également que l’aire oc- cupée par chaque espèce a des limites plus ou moins étroites. On ne tarde pas non plus à se convainere qu'il existe pour chaque animal, soit marin, soit ter- restre, comme pour chaque plante des deux genres de station, un certain nombre de régions distinctes, caractérisées par des populations et des végétations toutes particulières. La faune ou la flore de chacune de ces régions se compose en partie d'espèces qui ne se rencontrent pas mt. : re ailleurs, et en partie d'espèces qui leur sont commu- nes avec d’autres contrées plus ou moins rapprochées, ou avec d’autres parages. En général ces espèces com- munes sont, toutes choses égales d’ailleurs, en pro- portion d'autant moindre, que les communications entre les pays voisins sont interrompues par quelque grand obstacle naturel, comme, par exemple, des chaines de montagnes d’une certaine élévation. Si ces animaux habitent le sein des mers, leur nombre di- minue en raison de la difficulté des communications entre la côte où on les observe et les autres mers. Ces régions, qui réunissent les mêmes espèces, peu- vent donc être considérées comme autant de foyers de création, où, parmi les animaux qui y sont nés, les uns sont restés cantonnés dans leur patrie primi- tive, tandis que les autres se sont disséminés au loin et ont été se mêler aux habitants des régions voisines ou éloignées. Ces derniers, quoique originaires d’un même point ou d’une même contrée, ne peuvent s'être répandus dans de nouvelles régions, que par suite de cette faculté instinctive , donnée à certains animaux, de se livrer à des migrations plus ou moins étendues. Ceux au contraire qui sont restreints dans certaines contrées déterminées, et que l’on ne retrouve pas ailleurs, indiquent qu’ils sont encore placés dans leur patrie originaire. Il arrive également que des échanges multipliés RS QUES ont eu lieu entre des régions voisines, en sorte que toutes ou la plupart des espèces originaires de l’une et de l’autre sont devenues communes aux deux. Rien alors ne peut déceler leur séparation primitive. Ce- pendant, si au milieu d’une faune commune on trouve limitées dans des aires distinctes un certain nombre d'espèces, celles-ci ne semblent pouvoir provenir que de centres de créations différents ; dès lors on doit les considérer comme caractéristiques d'autant de régions zoologiques particulières. Il est cependant quelques espèces vivantes que l’on retrouve à peu prés partout, quelle que soitla distance qui sépare les lieux où on les observe. Celles-ci, uni- versellement répandues, peuvent être considérées en quelque sorte comme des espèces cosmopolites. Elles se rapportent à peu près uniquement à des animaux éminemment voyageurs, les poissons parmi les êtres marins, et les oiseaux, surtout les races aquatiques. Celles-ci nous fournissent du moins les principaux exemples d’une distribution aussi uniforme. On pour- rait peut-être ajouter à ces vertébrés quelques es- pèces qui appartiennent aux diverses classes des invertébrés, principalement aux mollusques, aux crustacés et aux zoophytes. Ces races cosmopolites ne peuvent nous fournir au- cune donnée sur la patrie primitive dont elles se- raient originaires, et d’où elles seraient parties pour Ur us aller peupler d’autres contrées. Leur dissémination s'explique du reste, soit que toutes aient appartenu dans le principe à une seule et même région, soit que chacune d'elles ait été primitivement limitée à une partie différente de la surface du globe. D’après ces faits, les espèces généralement répan- dues, et qui occupent maintenant de grands espaces, n'ont probablement pas conservé leurs habitations primitives. Tout porte, au contraire, à les consi- dérer comme des races qui, par suite de leur ins- tinct voyageur, se sont propagées bien loin de leur patrie originaire. Les migrations ont donc tendu à changer l’ordre de distribution primitivement établi, et a méler continuellement les espèces d’une région avec celles d’une autre. On doit d'autant moins en douter, que de pareils effets se poursuivent sans cesse et se passent pour ainsi dire sous nos yeux. Les migrations ontexercé à cet égard une si grande influence , qu’il est difficile de remonter maintenant jusqu’à la distribution primitive des êtres. Cette déter- mination est d'autant moins facile, qu’à cette influence est venue s'ajouter celle de l’homme, qui par ses voya- ges multipliés a mêlé les animaux et mème les végétaux des différentes régions. En effet l’homme a transporté avec lui les planies, qui, fixées et attachées au sol qui les a vues naître, ne peuvent s'étendre ailleurs, qu'en raison de la légèreté de leurs graines. L'espèce hu- ne — maine a donc entrainé avec elle tous les êtres qui pouvaient lui être utiles ; tandis qu'elle a été souvent suivie par ceux qui, à peu près constamment attachés à ses pas, parviennent dans tous les lieux où elle s’é- tablit. De même, en déplacant sans cesse les produc- tions des contrées les plus diverses, l’homme apporte les graines et souvent les germes des êtres les plus différents, dans les régions les plus éloignées de celles où ils se seraient développés si aucune influence n'a- vait changé l’ordre établi. Les effets nécessaires des migrations rendent donc presque impossible la reconnaissance des centres de création auxquels semblent devoir être rapportés les divers animaux et végétaux. [Il est par cela mème dif- ficile de serendre compte du mode de distribution des êtres organisés sans supposer l'existence primitived’un certain nombre de foyers de création. Ces centres sont épars sur la surface du globe; ils comprennent un certain nombre d’espèces particulières, dont les des- cendants se sont peu à peu étendus au loin. Dans tous ces phénomènes on reconnaît des indices de l’in- fluence de la chaleur, aussi bien sur la premiére création des êtres que sur leur dispersion subséquente. Une température élevée parait la condition la plus favorable et la plus essentielle pour la multiplicité des espèces, comme pour la perfection de leur orga- nisation. De même l’observation des détails de l’or- US: Ve sanisme montre qu'il existe un certain rapport en— tre le climat des diverses régions et les formes des êtres qui en sont les habitants. La température n’est pas non plus sans influence sur les migrations ; elle contribue en effet à déplacer une foule d'espèces, et par cela elle a singulièrement dérangé l’ordre primitif de la création. On peut, ce semble, rattacher à cette cause la plupart des faits physiques du globe, aussi bien ceux qui se rapportent aux êtres vivants qu'a ceux de la nature brute et inanimée. Cet apercu est peut-être suflisant pour faire saisir l'intérêt que présente le phénomène des migrations ; du moins, les observations que son étude nous four- nira nous permettront peut-être de soulever une partie du voile qui couvre encore la distribution primitive des êtres répandus sur la surface de notre planète. Quoi qu'il en soit, si l’on veut considérer les mi- grations dans leurs fins, il est difficile de ne point y voir une preuve de l’admirable sagesse qui a présidé à la distribution des êtres vivants. Ces voyages ne contribuent pas seulement à répandre une variété infinie dans les productions de la nature, mais ils fournissent à l’homme des moyens continuels et tou- jours nouveaux de se procurer une subsistance ap- propriée à ses gouts et à ses besoins. — GA — LIVRE PREMIER. DES MIGRATIONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. CHAPITRE PREMIER. DES MIGRATIONS DES MAMMIFÈRES. I. Des migrations des mammifères terrestres. Lorsqu'on observe l’ensemble des animaux, sous le rapport des migrations que certains d’entre eux en- treprennent et exécutent, on reconnait que les espèces qui se livrent à des voyages lointains sont toutes douées de la faculté de se mouvoir avec facilité. En effet, les grandes migrations ont lieu chez les insectes les plus agiles des invertébrés, tandis que les mollusques, à peu près fixés par la température dans les lieux où ils ont été primitivement placés, en fournissent à peine des exemples. Quant à celles des animaux vertébrés, les voyages auxquels se livrent la plupart des oiseaux sont en ms SRB première ligne. Après eux on peut signaler les pois- sons, et à peine les mammifères ou les cétacés. Leurs migrations paraissent avoir lieu plutôt par l'influence de l’homme, qui en a, en quelque sorte, refoulé les grandes espèces dans les mers des régions polaires, que par toute autre cause. L'avantage de parcourir de grandes distances sem- ble donc l’apanage des espèces aériennes. Il parait du moins réservé aux insectes parmi les invertébrés et aux oiseaux parmi les vertébrés. Chez les animaux qui ne respirent pas l'air en nature, et le soutirent de l'eau où il est en dissolution , une seule classe peut sous ce rapport rivaliser avec les habitants de l’air ; cette classe est celle des poissons. Soutenus par l’élé- ment mobile dans lequel ils sont plongés , organisés de la manière la plus favorable pour la nage, ils peu- vent se transporter dans tous les parages avec la plus grande facilité. Leur voracité, peut-être autant que leur fécondité, leur a rendu ces voyages presque né- cessaires. Ils contribuent du moins à la perpétuité et à la conservation de leurs races. Le besoin d’une nourriture qui leur manquait dans les lieux qu'ils abandonnent semble les y déterminer bien plus que la température dont l'élévation parait leur être in- différente, à eux surtout dont le sang est froid. Les insectes, en quelque sorte les oiseaux des in- vertébrés, pourvus comme eux de grandes ailes, EUR. AE mues par des muscles forts et puissants , ont tous les moyens de parcourir de grandes distances et d’exé- cuter de longs voyages. Une autre circonstance de leur organisation leur en a donné le pouvoir. Elle dépend de la quantité d’air dont ils peuvent remplir l’intérieur de leurs trachées aussi bien que les oi- sceaux le font dans les cavités de leurs os et de leurs plumes. Ges dispositions ont été pour ces deux or- dres d'animaux la cause de leur légèreté spécifique et celle de l’agilité et de l’activité de leurs mouvements. Elles n’ont pas peu favorisé la grandeur et l’étendue de leurs migrations. La nature a évalement répandu ses faveurs sur les poissons, mais, par d’autres moyens, ainsi que nous l’avons déjà fait pressentir. Plongés dans un liquide d’une assez grande densité et dont les molécules sont d’une extrême mobilité, ces animaux ont recu la forme la plus favorable, pour fendre l’eau avec facilité ; d’un autre côté, leur queue, surtout chez les squales et la plupart des poissons osseux, principal organe de natation, leur sert aussi d’aviron et de gou- vernail. Les nageoires des poissons , quoiqu’elles n'aient qu'un usage secondaire, servent néanmoins à caréner le corps et à maintenir le mouvement en avant dans une direction droite, malgré les impul- sions obliques de la queue. Enfin, outre ces circons- tances, toutes admirablement combinées pour la RE facilité et l’agilité des mouvements, la nature à éva- lement donné à certaines espèces une vessie aérienne dont la présence n’est pas sans quelque utilité pour le maintien de l’équilibre dans un milieu aussi mobile que l’eau. D’aussi grands avantages n'ont pas été l'apanage des cétacés ou des mammifères marins.-D’abord ces animaux ne peuvent pas nager longtemps compléte- ment plongés dans l’eau. Leur tête, ou du moins leurs narines, doivent s’élever souvent au-dessus de ce liquide pour respirer. Quoique cette circonstance paraisse sans influence sur leurs mouvements, elle en retarde toutefois l’activité. Si ces animaux, parmi lesquels on découvre les colosses de la nature vivante, meuvent cependant leurs lourdes masses au fond des eaux avec agilité, ils doivent cet avantage à l’air contenu dans leurs poumons, et à la quantité con- sidérable de graisse dont ils sont enflés et comme rebondis. Ces dispositions sont moins avantageuses que celles qui sont échues aux poissons; aussi les mammifères marins se livrent peu à des migrations périodiques et lointaines : du moins, leurs besoins ne les y enga- gent pas. Le plus généralement herbivores, ou fai- sant leur subsistance des myriades de zoophytes ou de petits mollusques qui peuplent le sein des mers, les cétacés, même les plus grandes espèces, trouvent + 0e partout de quoi substanter l’énorme volume de leur corps ; dés lors il n’est pas pour eux d’une nécessité indispensable de se transporter dans d’autres contrées que celles où ils ont fixé leur séjour. ILest donc une condition essentielle et préalable aux migrations; cette condition est celle non-seulement de l’agilité et de la facilité des mouvements, mais en- core de leur continuité. L’imperfection des organes de la locomotion est un obstacle invincible à de grands voyages, soit que leurs mouvements se manifestent par la nage ou par le vol, les plus rapides de ceux que peuvent exécuter les animaux. On conçoit pourquoi les oiseaux coureurs, qui ne volent pas, n’entreprennent pas plus de longues excursions que les mammifères qui, comme les chauves-souris, voltigent plutôt qu'ils ne volent. On comprend aussi pourquoi les reptiles n’en exécutent presque pas non plus, et pourquoi enfin les migrations des mammifères terrestres sont sirares. En effet, l’isatis (canis lagopus Gmelin) et le lemming (mus lemnus Linn.) se livrent à peu près seuls entre cet ordre d'animaux à des voyages qui, par leur régularité, rappellent les migrations des espèces dont l’organisation est disposée pour la facilité, l'étendue et la continuité des mouvements. Les migrations des mammifères, qu’il ne faut pas confondre avec leurs déplacements accidentels, sont donc fort rares. Elles ont lieu du reste chez des espè- 0. ces de mœurs fort différentes. La premiére ou l’isatis est un carnassier, tandis que la seconde est un ron- geur de la famille des rats. Enfin ,. d’après plu- sieurs naturalistes, et entre autres d’après Gmelin, les migrations de l’isatis seraient en quelque sorte sous la dépendance de celles des lemmings et du lepus tolai; ceux-ci les régleraient et les détermineraient jusqu’à un certain point. Cependant les excursions de l’isatis paraissent être commandées par la nécessité ; elles semblènt du moins n'avoir lieu que par l'épuisement du gibier dans les localités qu’il habite. Aussi s’opérent - elles dans le solstice d'hiver, époque où le gibier est le moins abon- dant. Ces renards, d’un brun roussätre où grisätre pendant l’été, deviennent tout à fait blancs pendant l'hiver, Ils arrivent souvent jusqu'au 6% de latitude. On les voit rarement s’y arrêter ; ils n’y creusent pas de terriers, indice positif que leurs nouveaux établis- sements seront peu durables et peu fixes. Il arrive pourtant quelquefois qu'ils en pratiquent sur les hauteurs des lieux où ils doivent demeurer pendant deux ou même trois ans; car ils ne restent pas souvent moins de temps à revenir aux gites qu'ils avaient abandonnés. Malgré ses migrations fréquentes, l’isa- tis n'abandonne jamais entiérement les contrées qui l’ont vu naitre. Il reste toujours plusieurs individus de cette espèce dans leur patrie primitive. 0/0)" — Les migrations des lemmings, comme celles des isatis, ont lieu à des époques qui n’ont rien de fixe ni de déterminé. Seulement ces rongeurs, qui vivent en peuplades immenses dans les Alpes de la Laponie, où ils pratiquent des espèces de ter- riers, en sont chassés parfois, à ce qu'il paraît, à l'approche des hivers rigoureux. Leur instinct, ana- logue en cela à celui des oiseaux, leur fait présa- ser aussi bien les tempêtes qu’un abaissement consi- dérable dans la température, et les avertit d’avance de l’arrivée des frimas. Cet instinct les guide même dans le choix des lieux où ils doivent se retirer. Ainsi à l’approche de l’hiver de 1742, fameux dans le cer- cle d’'Umeja (Russie) par ses rigueurs, et qui fut beau- coup plus doux dans celui de Luda, quoique cepen- dant plus boréal, tous ces animaux quittèrent le pre- mier de ces districts, mais aucun d’entre eux n’a- bandonna le second. Les déplacements des lemmings eurent lieu à l'approche de l'hiver de 1742, du nord au sud. Il aurait été curieux de s'assurer si de pareilles excur- sions s'étaient également opérées dans des provinces plus méridionales encore, et par l'effet d’hivers ri- soureux. Si nous avions pu obtenir ces renseigne - ments, qui nous manquent totalement, nous sau- rions si ces déplacements, qu'il ne faut pas confondre avec les migrations, ont été produits hi : ES A par la cause que nous leur avons attribuée. Nous aurions pu également savoir jusqu'où s’avancent vers le sud le lemming, l’isatis, le lièvre variable et la zibeline (mustela zibellina Pallas). D'un autre côté, il ne serait pas moins important de reconnaitre Jus- qu’à quel point s'étendent vers le nord le loup, le renard commun et nos martes de France (mustela martes et foina Linn.). Ainsi nous serions certains si ces animaux n’éprouvent dans cet immense inter- valle aucun changement essentiel dans leur organisa- tion, et si leurs différences se bornent à quelques va- riations dans l’abondance et ia beauté de leur fourrure. Quelle que soit la cause qui porte les lemmings à se transporter dans des pays nouveaux, ils dirigent ordinairement leurs grandes courses vers l'Océan et le golfe de Bothnie. Elles se font avec un merveilleux accord de toute la population d’une contrée. Formés en colonnes parallèles et serrées, aucun obstacle ne peut arrêter ni suspendre la marche de ces animaux. Ils vont toujours en ligne droite, et devant eux. Ea halte dure tout le jour, et les lieux où ils se sont ar- rêtés sont tout aussi dévastés que si le feu y avait passé. Des dangers sans cesse renaissants environ- nent constamment ces rats qui s’avancent en troupes innombrables vers l'Océan. Suivie par un grand nom- bre de carnassiers, l’armée des lemmings en est soi- vent décimée, et à tel point qu’un assez grand nombre ENT We de ses soldats périt avant d’avoir atteint la mer, qu'ils ont l’habitude de côtoyer. On présume qu'il n’en re- tourne pas la centième partie lorsque ces animaux veulent revenir aux pays qui les avaient vus naitre. Ces voyages lointains et si dangereux pour les in- dividus qui s’y livrent ne sont pas cependant entre- pris pour aller s’établir ailleurs; car, s’il en était ainsi, la race des lemmiuss se serait propagée à de fort grandes distances, ces animaux traversant les plus grands fleuves, même les bras de mer, et au- cun obstacle n’étant assez puissant pour arrêter leur marche rapide. On ne voit pas le lemming des Alpes de la Scandinavie dans la Laponie russe; du moins l’espèce que l’on rencontre dans les régions voisines de la mer Blanche et de la mer Glaciale, jusqu’à l’Obi, parait être différente, ou tout au moins une variété distincte par ses proportions, qui sont d’un tiers plus petites. Cette variété émigre aussi, tantôt vers la Petzora, tantôt vers l’Obi; comme les autres, elle est suivie dans ses voyages par une foule de carnassiers dont elle redoute singulièrement les approches. Un fait assez singulier, observé par M. Boiïé (1), donne aux migrations du lemming une particularité (1) Tagenbuch gehelten auf Einer Reiser durch Norwegen. + Ps trés-remarquable. Cet animal paraït être constam- ment accompagné dans ses excursions par le hibou brachyote (strix brachyotos Veiïllot). Cet hôte dan- gereux s'établit en grand nombre au milieu de ces rats, dont il parait se repaitre tout à son aise. Aussi ne les abandonne-t-il jamais ; il voyage constamment avec eux, et s'arrête lorsque ses compagnons ou plu- tôt ses victimes se reposent. Ce que nous venons d’observer relativement aux déplacements des lemmings semble indiquer qu’une trop grande multiplicité d’individus d’une même espèce dans un lieu donné peut en être la cause. Cette multiplicité entraine nécessairement une grande consommation de subsistance , et par cela même les animaux qui l’opérent doivent aller chercher ailleurs ce qu'ils ne trouvent plus dans le lieu de leur nais- sance. Cette cause exerce probablement une grande in- fluence sur les passages qui, sans régularité dans leurs époques, sont moins dirigés par un instinct particulier que par un besoin pressant à satisfaire. Tels sont ceux de l’isatis et surtout du lemming, dont la fécondité est tout au moins aussi grande que la voracité. Peut-être faut-il attribuer à une cause du même genre le déplacement de certains crustacés et de plusieurs espèces d'insectes, et particulièrement de certaines sauterelles. On est d'autant plus porté à MoN se le supposer , que les voyages de ces crillonf se font particulièrement remarquer par les ravages dont ils sont la suite. L’imagination a de la peine à se former une idée des ravages qu'ils occasionnent. On n'y ajouterait pas la moindre foi, s’ils n’avaient été attes- tés à toutes les époques par les témoignages les plus graves et les plus imposants. Nous devons ajouter à ces faits ceux dont nous de- vons la connaissance à M. Martins, qui, dans l’expé- dition scientifique du Nord , a rencontré les lemmings depuis Bossecop (70° latit.) jusqu’à Muonioniska (67° 55 latit.) Ce naturaliste a consigné dans la Revue zoologique de juillet 1840 les observations qu'il a été à même de faire et de recueillir sur ces curieux animaux. D’après Linné, les lemmings dévoreraient tout sur leur passage. Ils s’avancent toujours en ligne ‘droite ; ils traversent ainsi les fleuves et les lacs, percent les meules de foin, grimpent par-dessus les roseaux et se rejettent à l’eau de l’autre côté, pour reprendre leur ligne. Ces faits ont été confirmés par M. Martins ; seulement, d’après lui, ces rats voyageurs ne voyagent que la nuit et de bon matin. Leurs armées se dirigent vers les bords de la mer du Nord et du golfe de Finlande; mais un centième de ces animaux voyageurs retourne à peine dans les montagnes d’où ils sont partis. La plupart périssent MED ES de froid en traversant les rivières, quoiqu'ils nagent très-bien. Les chiens de la Laponie en étranglent beaucoup, et n’en mangent que la tête. Ils sont éga- lement poursuivis par les rennes, qui se détournent de leur route pour les atteindre. Ce genre de nour- riture occasionne à ces derniers une maladie grave, désignée en Norwége sous le nom de graen. Hs ont encore d’autres ennemis soit parmi les mammiféres, soit parmi les oiseaux. Toutes les migrations des lemmings paraissent avoir pour point de départ, d’après M. Martins, la chaine des Alpes scandinaves. Ces animaux marchent du reste de l’est à l’ouest, quand ils se dirigent vers la mer du Nord; et de l’ouest à l’est, quand ils des- cendent vers le golfe de Bothnie. Ceux que cet ob- servateur a suivis allaient du nord-nord-ouest au sud-sud-est. Is s’en retournent ensuite dans les mon- tagnes. Hoesstroem est le seul naturaliste qui ait ob- servé cette sorte de remigration. Lors de leur retour, ces animaux passent inapercus, tant leur nombre est réduit par suite des nombreux dangers qu'ils ont rencontrés dans leurs voyages. Constants néanmoins dans leur marche accoutumée, les lemmings s’avan- cent toujours en ligne droite, comme lorsque des déserts iis descendent dans la plaine. Cesanimaux sont essentiellement herbivores, quoi- qu'ils combattent entre eux avec la plus grande fureur. EL — Leur instinct rongeur parait peu développé ; aussi ne les voit-on jamais couper les branches ni les rameaux des arbres. Plutôt fouisseurs, ils se rapprochent beau- coup par leurs habitudes des rongeurs talpiformes. La température du corps de ces animaux est assez élevée ; d’après les observations de M. Martins, elle n’est pas moindre, en terme moyen, de + 39°, 5. Les femelles ont huit mamelles, et portent de cinq à neuf petits. Le dernier de ces deux nombres paraît le plus cons- tant, quoique M. Martins n'ait trouvé que cinq fœtus dans celles qu'il a ouvertes : du reste, les lemmings paraissent avoir deux portées, l’une en juillet et l’au- tre en octobre. Probablement cette grande fécondité, et un instinct naturel auquel ces quadrupèdes ne peuvent résister, sont la cause des voyages auxquels ils se livrent toutes les fois qu'une excessive multiplication les y contraint. Sans doute les pressentiments d’un hiver rigoureux, ou le manque de nourriture, peut bien pousser certains individus à changer de canton; mais ces transports accidentels d’un lieu à un autre ne sauraient être assimilés à ces voyages entrepris par la population entière, et malgré tous les dangers qui la menacent. On ne saurait assigner à des actes aussi extraordinaires des motifs aussi légers. On ne peut guére les expliquer avec quelque vraisemblance que par un instinct aveugle partagé par (ous. Cet instinct — AT — les porte à traverser de grandes distances, sans s’em- barrasser des obstacles ni des dangers qui pourront s'opposer à l’accomplissement de leurs desseins. Sans doute l'instinct qui pousse ces animaux à se déplacer pour aller mourir de faim, de fatigue, ou de la dent cruelle des carnassiers, sur les plages in- hospitalières d’un pays inconnu, peut paraitre bien extraordinairé, et contre l'intérêt de ceux qui ne sa- vent y résister. Cette dure condition, inexplicable au premier apercu, tient néanmoins à la police de la na- ture et à l'harmonie qu’elle doit maintenir entre le nombre et les justes proportions des espèces ani- males. Si elle a placé un pareil instinct dans le cer- veau des lemmings, comme de tant d’autres animaux, ne serait-ce pas pour mettre un obstacle et un contre- poids à leur trop grande multiplication. Sous ce point de vue, les carnivores ont aussi leur utilité ; ils empêchent, par leur action constante sur les her- bivores, les inconvénients qui seraient résultés de leur excessive fécondité. Il ne faut pas croire pourtant que les migraticns aient généralement opéré la distribution que l’on reconnait aux races actuelles. En effet, l’ane, le che- val, le bœuf et Le coq, ne sont point venus en Europe, comme on l'a prétendu, des contrées centrales de l'Asie. Ces espèces, qui se trouvent dans nos climats, yontpris naissance et n y sont pas arrivées d’ailleurs ; Le ne — ce n'est pas parce qu'elles ont subi l'influence de l’homme, où par suite de leur instinct, qui les y a amenées, qu'on les y rencontre. Leurs restes, ense- velis dans les limons des cavernes à ossements du midi de la France, déposent assez le contraire (4); ces dé- bris annoncent, d’une manière irrécusable, que la vé- ritable patrie de tous ces animaux est aussi bien dans nos régions que dans les plaines et les montagnes de l'Asie, où la plupart existent encore à l’état sauvage. On peut en dire autant du chien, dont les restes se rencontrent, comme ceux des espèces que nous venons de mentionner, dans les contrées méridionales et dans les mêmes circonstances. Probablement de ces chiens humatiles sont provenues toutes les races qui abondent parmi nous, et non d’une espèce asiatique, que l’on a supposé trop facilement en avoir été la source et l’origine. Ces espèces sont loin d’être dans nos contrées comme les chevaux et les bœufs que nous avons trans- portés avec nous en Amérique et en Australie. Elles s’y trouvent, parce qu’elles y avaient vécu lors des (1) Ces animaux, surtout le cheval, ont de lout temps vécu en Europe ; car non-seulement leurs débris sont amoncelés en nombre immense dans les cavités souterraines, mais ils se trouvext dans les terrains tertiaires marins supérieurs dans un grand nombre de localités. _ = rhgye. derniers temps géologiques. Sous le rapport de leurs habitations actuelles, elles n’ont rien decommun avec les rats, les surmulots, les souris et la blatte orien- tale , qui se montrent maintenant partout où l’homme a porté ses pas. On peut encore moins les considérer comme le résultat des migrations qu’elles auraient pu opérer par suite de cet instinct si généralement ré- pandu chez les animaux. Les loups et les renards, les espèces terrestres les plus répandues, puisqu'ils habitent depuis la zone torride jusqu'à la zone glaciale, n’en voyagent pas moins. À la vérité, leurs excursions, ou, 5i l’on veut, leurs passages sont toujours accidentels. Ils sont tou- jours déterminés par des circonstances particuliéres , dont il est facile de reconnaitre l’influence. Tels sont ceux qui, au dire de Raoul Glaber, eu- rent lieu en 1033, par suite de la famine et de la peste qui désolérent la France à cette époque, allé- chés qu'ils étaient par le nombre des cadavres laissés sur le sol sans sépulture. T'unc e cadaveribus mor- tuorum passim præ multitudine sepultur& caren- tibus lupi adescati post longum tempus predam ce- pere ex hominibus (Glaber Rodulph. ist. 1v, 4). De pareilles circonstances paraissent s’être repro- duites à diverses époques. On a vu souvent des loups se réunir en grandes troupes et désoler les campagnes fort loin des lieux de leur départ. Ainsi, dans l'hiver 4 DS rigoureux de 4818 , les départements de la Drôme et de l'Isère furent en quelque sorte inondés de loups. Ils parcouraient les campagnes en nombre fort eonsi- dérable, et donnaient l’épouvante à toutes les popu- lations. Ces animaux, qui avaient tous quitté les montagnes et les forêts, causérent de grands ravages dans les plaines qu'ils parcoururent. Les passages ou les dé- placements de carnassiers aussi redoutés, quelque curieux qu'ils soient, n’ont cependant rien de com- mun avec les voyages accidentels des oiseaux et des poissons. Malgré leurs irrégularités , ceux-ci ont des retours assez fréquents, pour ne pouvoir pas être as- similés à des excursions aussi incertaines que celles dont nous nous occupons. Si nous avons parlé de ces déplacements de loups, c’est afin de ne rien omettre de ce qui a quelque rap- port avec le phénomène des migrations, d'autant qu'ils se lient avec les faits suivants. D’après Apollinarius Sidonaris, l'institution des Rogations, due à saint Mamert, évêque de Vienne, aurait été déterminée en partie par les ravages que des troupes immenses de loups affamés faisaient en Dauphiné. Les cerfs oubliaient leur timidité naturelle ; effrayés autant que les hommes, ils venaïent chercher un asile auprès des habitations et jusque sur les places publiques. Nunc stupenda foro cubilia collo- En. Ne cabat audacium pavenda mansuetudo cervorum (Apollin. Sidon. Epist. vir, 1). Sans doute ces événements qui se passaient en Dau- phiné en 448, époque de l'institution des Rogations, ne se renouvellent presque plus de nos jours par suite de l'accroissement de la population. L'homme y a mis obstacle en empêchant la multiplication des ani- maux nuisibles ; mais ils n’en sont pas moins curieux à recueillir. Ils prouvent que les loups se livrent aussi, dans certaines circonstances, à des passages acciden- tels, ce qui résulte encore des faits qui se sont passés dans les mêmes cantons du Dauphiné en 1818. On peut en dire de même des excursions de ces troupeaux de loups qui, dans le mois d’août 1842, ont désolé les communes d’Yville, d’Anneville et de Ber- ville, en Normandie. Ces animaux paraïssaient pro- venir de la forêt de Manny. Leur nombre était si considérable, et leur voracité si grande, qu'ils cau- sérent de grands ravages dans toutes ces communes ; ils y dévorèrent une immense quantité de bestiaux. La présence des hommes ne les effrayait pas : ces loups luttaient et s’élançaient même sur eux, lors- qu'on voulait les empêcher d’emporter la proie dont ils s'étaient emparés. Les mammifères dont nous venons denous occuper sont lom d’être les seuls qui se livrent à de longs voyages. Si nous devons ajouter foi aux observations LERAR — UNIVERSITY 0€ HLLISOSS 2e) Ok 2 de M. Ogilby (Mammalogy of the Himalaya), les singes qui habitent le Bengale et les provinces septen- trionales de l'Inde anglaise se livreraient également, à de certaines époques de l’année, à d’assez longues excursions. Ces animaux sont bornés à deux espèces : l’entelle (semmopithecus entellus) et le rhesus (ma- cacus rhesus). Les singes paraissent s'élever pendant les grandes chaleurs sur les montagnes de l'Himalaya à une hau- teur fort considérable. Ils redescendent ensuite dans les plaines au commencement de la saison rigoureuse. Leurs excursions, qui sembleraient avoir une certaine périodicité, ont un assez grand intérêt dans l’histoire de ces animaux. C’est du moins le seul exemple de ce genre qui ait été signalé jusqu’à présent parmi ceux de cette grande tribu. Il peut avoir une certaine va- leur en géologie, puisque l’on présume pouvoir juger du climat et de la température de l’Europe durant la période tertiaire, par la présence, dans les terrains de cette époque, des os fossiles de gibbons et de maca- ques. Les débris de ces quadrumanes s’y trouvent as- sociés à des pachydermes et à d’autres animaux des latitudes tropicales. L’entelle, appelé /ungour par les habitants des hautes montagnes de l’Inde, se voit quelquefois à une élévation de 3,000 à 4,000 mètres. On le rencontre dans les forêts de pins desenvirons de Chour, et mème — 09 —— jusqu’à la région des neiges perpétuelles. Cette es- pèce paraît assez robuste pour franchir ces monta- gnes. Ce fait a été confirmé par Trall et plusieurs au- tres voyageurs. Aussi Turner assure avoir vu une grande troupe de ces singes dans le Boutan, où ils jouissent de la part des habitants de la même véné- ration qui leur est accordée par les Hindous. Le doc- teur Boyle a trouvé l’entelle très-communément aux environs du Hurdwar en avril, et à Tuen et Manna, à 3,000 mètres d’élévation, vers le commencement d'avril ou à la fin de mai. Ces déplacements, quelque remarquables qu’ils soient, ne sauraient être comparés au phénomène des migrations; tout au plus peuvent- ils l'être aux passages auxquels se livrent une foule d'oiseaux et de poissons. Ils n’en présentent pas moins un véritable intérêt ; ils annoncent que les habitudes voyageuses sont plus communes et plus répandues chez les mammiféres qu'on ne serait tenté de le supposer. Peut-être, par suite de ce penchant naturel aux animaux, le tigre royal ( felis tigris ), qui vit en Asie depuis l'extrémité de l’Indostan jusqu'aux steppes des Kirghises sur un espace de 40° de latitude, prolonge de temps en temps et en été ses incursions cent lieues plus au nord. Il reste à savoir si ce carnassier exécute ces voyages avec une certaine régularité, ou si, au contraire, ils sont tout à fait accidentels. Ces excursions dénotent chez a — eux une faculté instinctive analogue à celle qui est si développée chez les oiseaux et les poissons. Des motifs non moins impérieux portent les ours blancs (uwrsus maritimus), qui habitent les contrées les plus septentrionales du globe, principalement les terres voisines du cercle polaire, à quitter ces froïdes régions. Ces animaux les abandonnent pour aller cher- cherailleursune nourriture que leur terre leur refusait. Pressés par la faim, les ours blancs se jettent à la mer en troupes nombreuses. Ils franchissent souvent plus de soixante lieues, plongent avec une étonnantefacilité, et poursuivent sans relâche les poissons, les phoques et les cétacés. Ils abordent ainsi dans quelqueile dé- serte, plus ou moins éloignéedes lieux qu’ils habitaient primitivement et y demeurent tant qu’ils trouvent à y satisfaire leur voracité et leurs appétits. Ces voyages, évidemment forcés, ne sauraient être comparés aux passages des animaux voyageurs et en- core moins à leurs migrations. On assure que plu- sieurs de ces ours affamés arrivent quelquefois portés sur des glacons flottants jusque sur les côtes de l'Islande ou de la Norwége. Ce fait, füt-il exact, ne change en rien les motifs qui les ont portés à aban- donner des lieux où ils ne trouvaient plus les racines, les bourgeons, les fruits, les bois, ni les animaux herbivores propres à assouvir leurs appétits gloutons. Il parait qu’en 1812 des troupes considérables - d'ours, chassés des lieux qu'ils habitaient primitive- ment par le défaut de nourriture, se répandirent dans diverses provinces de la Russie. Ce rassem- blement, tout à fait accidentel, ne peut être com- paré aux excursions plus ou moins régulières des animaux, et particulièrement des poissons et des oiseaux. D'un autre côté, on voit dans les temps de séche- resse des troupes de dix et même de cinquante mille antilopes à bourses (antilope euchore) arriver de l’in- térieur de l’Afrique dans les environs du Cap, escor- tées de lions, d’hyènes et de léopards. Ces animaux marchenten colonnes serrées, précédées par une avant- sarde qui est toujours dans un état d’embonpoint particulier. Le corps d'armée est moins bien nourri, et l’arrière-garde est maigre, parce que les pâturages disparaissent dès les premiers rangs. Les derniers sont obligés de déterrer les racines pour ne pas mou- rir de faim. Au retour, l’arrière-garde engraisse parce qu’elle part la première, tandis que l’avant-sarde, qui a pris cette fois le rôle inverse, maigrit au contraire, ne trouvant plus rien à manger lors de son passage, les premiers ayant tout dévoré. Ainsi réunis en grandes troupes, rien n’effraye plus ces antilopes naguère si timides. Lorsque quelque danger les menace, ces animaux se pressent les uns contre les autres, forment un grand cercle, et présen- Ë = ot — tent leurs cornes à ceux qui tentent de les assaillir. Ils savent même parer avec beaucoup d'adresse les coups de pierre qu'on leur lance afin de désorganiser leurs bataillons et de s'emparer de quelques - uns d’entre eux. On assure que ces animaux présagent le mauvais temps par leurs bonds et leurs sauts plus fréquents alors qu’à l'ordinaire. Les gazelles (antilope dorcas) ont à peu près les mêmes habitudes que les antilopes à bourses. Elles se répandent également en trou- pes innombrables depuis l'Arabie jusqu’au Sénégal ; elles sont souvent dans leurs excursions la pâture des lions et des panthères. IL est facile de saisir le but qui porte ces cerfs à entreprendre ces voyages ; c’est pres- que toujours le besoin d’une nourriture appropriée à leurs conditions d'existence ou celui de l’eau qui leur manque dans les lieux qu'ils habitent, ou toute autre circonstance du même genre. Si,malgré tous les efforts de l’homme, certaines espé- ces ne quittent jamais les lieux qui les ont vues naïtre, d’autres, au contraire, l’ont suivi partout. Parmi ces derniéres, on peut citer le rat domestique (mus rattus Linn.). Les navigateurs qui, sous la direction de l’in- fortuné Dumont-d’Urville, ont fait avec lui le tour du globe (du 7 septembre 1837 au 6 novembre 1840), ont retrouvé cette espèce dans toutes les parties du monde. Ce n’est point par suite des migrations qu'elle est si acte = répandue, mais uniquement par l'effet de l'influence de l’homme sur la répartition des animaux. Des causes du même genre ont rendu parmi nous le surmulot (mus decumanus Pallas), plus commun que le rat ordinaire. La première de ces espèces n’est arrivée cependant en Europe que dans le xvm°siécle. Quoique le rat lui soit de beaucoup antérieur, le sur- mulot y est néanmoins le plus abondant. Ces deux rats paraissent originaires d'Orient ; mais, par suite de la navigation, ils ont été transportés avec les sou- ris dans toutes les régions et presque dans toutes les iles. Nous avons surtout entrainé avec nous les espèces qui peuvent nous être utiles. Ainsi le cochon, dont nous tirons un si grand parti pour notre nourriture, s’est extrêmement multiplié dans toutes les iles de l'Océanie ; il y est généralement répandu. Cette action s'exerce aussi dans un sens tout à fait contraire. Du moins les compagnons du navigateur que nous venons de citer, embarqués avec lui sur les corvettes l’Astro- labe et la Zélée, furent surpris de découvrir, auprés de l'ile de Touwarioro des Anglais, un immense et sineu- lier ossuaire , entièrement formé d’ossements et sur- tout de crânes de dugongs, empilés en forme de tro- phée. Ces ossements se rapportaient aux dugongs, que l'homme à successivement repoussés des mers de l'ile de France. Leguat les avait vus, de son temps, NET" VE en grande abondance près des côtes de Sumatra; ils lui avaient paru également fort communs à Marsden ; à présent 1l en existe à peine dans ces régions. Les dugongs ont fui devant l’homme; ils sont ve- nus s’accumuler dans le détroit de Torres, qui est fort peu visité par les navigateurs. Ce qui est arrivé de nos jours à cette espèce s’est manifesté depuis long- temps relativement à une foule d’autres animaux. Ainsi l’homme a refoulé les grands cétacés vers les régions polaires, et il menace encore leur existence jusque dans ces régions glacées. Cependant, au temps de Juvénal, ces mammifères marins, les colosses de la nature vivante, se trouvaient en foule jusque sur les côtes de la Manche; on n’y en voit presque plus aujourd’hui. L'homme, qui étend et multiplie sans cesse les es- pèces qu’il a soumises, tend également à détruire celles sur lesquelles il parait sans action, quoiqu'il sache en tirer parti. Les animaux et particulièrement les baleines et les cachalots redoutent beaucoup no- tre présence, et à l’approche des vaisseaux ils s’en- fuient avec une si grande vitesse, qu'il est souvent difficile de les saisir dans les mers où ils sont encore en grande abondance. L'homme n’exerce pas seulement son influence sur les divers animaux ; il agit lui-même sur sa propre espèce. En effet, les races civilisées profitent du dé- rt gigi veloppement de leur intelligence et de leur supério- rité pour anéantir les races sauvages. Un exemple frappant de cette influence puissante nous est fourni par les habitants de la terre de Van-Diémen. L’inva- sion des Européens qui s'étendent de jour en jour et de toutes les manières possibles dans les iles et les continents de la mer du Sud a extrêmement diminué le nombre des naturels de cette contrée, du reste peu fortunée. En effet, d’après M. Dumontier qui s’est occupé avec le plus grand soin à recueillir les données relatives aux races humaines, dans le voyage de circumnaviga- tion de l’Æstrolabe et la Zélée , i n'existe plus que quarante naturels dans la grande ile de Van-Diémen. On les a déportés dans l’ile Flinders, et une seule nais- sance a eu lieu en 4840 chez ces naturels. Seize an- nées ont sufli pour produire un pareil résultat, et sans que d’autres causes que celles des changements dans les habitudes de ces sauvages aient agi sur leur mo- ral comme sur leur physique. La même ile comptait cependant en 4824, trois cent quarante indigènes, dont cent quatre-vingts hommes et cent soixante femmes ; mais en 1840 il n’y en avait plus que quarante, parmi lesquels ii n’existait qu’une seule femme. Tel est l’effet de l’homme sur l’homme; il est assez sensible pour saisir toute l’influence que la civilisation peut exercer sur la répartition des es- = 6 = pèces à la surface du globe. C’est elle qui, pour un très-grand nombre d'espèces vivantes, a changé presque entiérement leur distribution primitive. En effet, son action constante tend à détruire certaines races, à en multiplier d’autres, et enfin à modifier d’une manière plus ou moins marquée l’ordre et l'harmonie pre- miére des choses créées. IT. Des migrations des mammifères marins ou des cétacés. Les mammifères marins qui ont tant de rapports avec les poissons, en ont malgré leurs lourdes masses toute l’agilité ; aussi, à raison de cette circonstance, ils se livrent, comme les premiers de ces animaux, à des migrations plus ou moins étendues. En général, réunis en grande troupe, les cétacés parcourent les mers les moins fréquentées. La puissance de l'homme a refoulé vers les régions polaires les plus grands mammifères marins, tels que les baleines, les cacha- lots et une foule d’autres espèces. Ces animaux ne viennent plus que très-accidentellement sur les côtes de la Manche, et encore moins dans la Méditerranée, mers qu’au dire de Juvénal ils fréquentaient de son temps. Avant de suivre dans leurs migrations lointaines les oiseaux les plus agiles des animaux vertébrés, voyons si quelques mammifères marins ne feraient ro: pas aussi de longs voyages à des époques plus ou moins fixes. On se tromperait grandement, si l’on supposait qu’à raison de leur pesanteur et de leur grand volume les cétacés ne doivent pas se transpor- ter à de grandes distances : les faits démontrent le contraire, et leur agilité en rend facilement raison. Leurs conditions d’existence exigent souvent ces longues migrations, et leur organisation leur permet d'y satisfaire. Du reste, l’influence d’unetempérature trop chaude ou trop froide, le besoin de sécurité ou d’une nourri- ture plus abondante que ceile qu'ils trouvent dans leur patrie primitive, semblent les causes do- minantes des excursions plus ou moins lointaines des cétacés. Ainsi, le lamantin quitte à une certaine époque de l’année le sein de l'Océan, c’est-à-dire vers la fin de l'hiver. 11 va chercher dans les lacs de l'Orénoque la nourriture qu'il ne trouvait plus dans le sein des mers. Lorsque, par suite de circonstances particu- lières, ces lacs viennent à se dessécher, plusieurs mil- liers de ces animaux succombent et meurent, faute de pouvoir ou de savoir en sortir. Les céfacés se livrent à des courses si considérables que la Condamine as- sure en avoir rencontré dans plusieurs rivières des côtes de la Guyane, ainsi que dans celles qui se jettent dans l’Amazone et dans ce fleuve même, à plus de mille lieues au-dessus de son embouchure (1). 11 pa- rait que les lamantins s’avancent également dans le fleuve Niger ou du Sénévpal, trés-loin de son em- bouchure. De pareilles habitudes se remarquent également chez le dauphin vulgaire (delphinus delphis). On rencontre à la fois cette derniére espèce dans la Mé- diterranée, l'Océan, les mers du Nord et celles qui se rapprochent de l’équateur. On ne voit pas que dans cet immense intervalle le dauphin éprouve les plus légères variations, même en les comparant avec les fisgures que les anciens nous en ont laissées sur leurs monuments. Lorsque ces animaux voyagent, c'est toujours en troupes nombreuses. Ils suivent volontiers les vaisseaux, et luttent en quelque sorte de vitesse avec les meilleurs voiliers. Les dauphins vulgaires ne se montrent guère sur les côtes du midi de la France que pendant le printemps et l'été : plus tard ils nous quittent entiérement. Il doit en être de même des autres espèces de dauphins : du moins on découvre le nesarnak (delphis turdo), qui habite or- dinairement l'Océan dans le voisinage de l’Europe, fort avant dans les mers du Nord. D’un autre côté, le daüphin de Desmarest (delphinus Desmareti Risso) (1) Voyage à la rivière des Amazones, pag. 154. te D ia doit nécessairement voyager, puisqu'on ne le voit sur les côtes de la Méditerranée qu’à deux époques diffé- rentes , au printemps et en automne, surtout en mars et en septembre. Parmi les espèces de cétacés, qui ont l'humeur la plus décidément voyageuse, on peut citer au premier rang le marsouin commun (phocæna communis ). Ces mammifères marins se rencontrent à la fois dans les mers du Nord et dans nos mers, soit dans l'Océan, soit dans la Méditerranée. On les voit nager à la surface des flots en troupes extrêmement nombreuses. Ces animaux se plaisent à Jouer entre eux, et les plus grandes tempêtes ne les en empêchent pas. Ils remontent même parfois les fleuves et les rivières. Aussi, n'est-il pas rare d’en voir dans la Seine à Rouen, et jusqu’à Paris, ainsi que dans la Loire à Nantes, et dans la Gironde à Bordeaux. Les migrations des marsouins paraissent aussi pé- riodiques que celles de certaines espèces d'oiseaux. On les voit s’avancer constamment dans les saisons froides du nord au midi, et du midi au nord, lors- que l’été fait sentir son imfluence. Aussi les mar- souins sont communs en été dans le Groënland , tan- dis que pour lors ils sont fort rares sur nos côtes, où ils abondent au contraire en hiver, et même jusqu’à un certain point au printemps et en automne, du moins dans la Méditerranée. EN (US Les autres espèces de marsouins semblent beaucoup plus sédentaires que l'espèce commune. Ainsi l’épau- lard (phocæna orca), comme les baleines, est tout à fait relégué dans les mers du Nord, peut-être par suite de l'influence de l'homme. D’un autre côté, le beluga (phocœna leucus) se trouve à peu près uni- quement sur tous les rivages de l’océan Arctique, vers l’extrémité orientale de la Sibérie, surtout aux embouchures des fleuves riches en poissons. Cette es- pèce ne parait pas descendre au delà du 80: degré de latitude australe. Elle n’en remonte pas moins fort avant dans les rivières, suivant les gros poissons, particuliérement les saumons, dont il se nourrit lors de ses migrations. Quant aux cétacés , dont nous ne pouvons embras- ser l’étendue d’un regard , les cachalots, les rorquals et les baleines, ils semblent moins voyager que les espèces dont nous venons de nous occuper. Leurs di- mensions et la crainte de l’homme les ont forcés de se restreindre dans leurs habitations , et ent relégué la plupart de leurs espèces dans les mers polaires. Ce- pendant les cachalots se trouvent aussi bien dans la Méditerranée que dans l’Océan, quoiqu'ils atteignent jusqu’à cinquante et soixante pieds de longueur, et même, suivant certains observateurs, de quatre-vingts à cent pieds. Cette double habitation annonce que ces animaux se livrent aussi à des migrations. Rares 16 — maintenant dans la Méditerranée, où ils sont connus sous les noms de campidoglio et de peis mular, ils paraissent en quelque sorte relégués dans l'océan Austral, c’est-a-dire, vers les mers du Sud et dans l'océan Pacifique. Ce qui prouve que leur instinct les porte à se livrer à des migrations analogues à celles des autres espèces de cétacés, c’est que jadis ils étaient moins rares dans les mers du Nord que de nos jours. Ils voyagent du reste en troupes nombreuses, poursui- vant les plus gros poissons, tels que le requin, le lump, les dauphins, les phoques et mème les petites baleines. Nous ignorons si les rorquals, dont les dimensions égalent celles des cachalots, puisqu'on a rencontré des jubartes de soixante-dix à quatre-vingts pieds, se livrent à des voyages, ou si les espèces de ce genre sont tout à fait sédentaires. Probablement les rorquals qui vivent ordinairement dans les profondeurs des mers, et qui ne s’approchent jamais des rivages, ont aussi leurs époques de passage. Quant aux baleines franches , leurs habitudes ont été teilement modifiées par notre influence, qu'il est presque impossible de reconnaitre aujourd'hui leurs penchants primitifs. Ces animaux vivent maintenant réunis par paires, dans les mers du pôle boréal, où ils sont confinés. Ils ont fui devant nous; ils se sont réfugiés à l'abri des glaces du Groënland et du Spitzberg, dans le détroit de Davis, la baie de Baflin , et sans doute dans toutes ou ES, de les mers qui couvrent le globe, au nord du cercle po- laire. C’est là que nous sommes forcés d’aller les chercher, et de triompher de ces animaux aussi bien que des glaces, entre les masses desquelles ils se tiennent constamment. On ne les voit plus descendre aujourd’hui vers le Midi, où ils se montraient pour- tant dans les temps anciens. Il n’en parait non plus maintenant sur nos côtes, et la mer n’y en apporte plus les débris. À quoi donc pourrait-on attribuer un pareil changement, si ce n’est à notre influence. Nous les avons repoussés, pour ainsi dire, des mers où nous naviguons ordinairement vers celles dont le voyageur n’approche pas sans effroi. Serait-ce par suite des migrations, que des del- phinorhinques (mammifères marins de l’ordre des herbivores ou des cétacés ordinaires) auraient été aperçus par M. d'Orbigny dans les rivières de l’'Amé- rique méridionale. On pourrait le supposer d’après le genre de station général à cet ordre d’animaux, si M. d'Orbigny, à qui nous devons la connaissance de ce fait intéressant, n’avait fait observer que cette es- pèce était tout à fait nouvelle pour la science. Dés lors, on peut tout aussi bien admettre une pareille exception que la rejeter; on peut donc continuer à considérer les mers comme la seule station conve- nable pour des animaux d’une aussi grande taille que le sont le plus généralement les cétacés. ne PR de CHAPITRE II. DES MIGRATIONS DES OISEAUX. I. Des causes des migrations des oiseaux. Le besoin d’une nourriture abondante, une des principales causes des migrations irrégulières des in- sectes, parait ne pas être sans quelque influence sur les passages de certaines espèces d'oiseaux. On con- coit que les races insectivores qui habitent les pays tempérés ne peuvent y demeurer pendant l'hiver sans s’exposer à périr de faim. Pour échapper à un aussi triste avenir, ces espèces abandonnent les lieux où naguère elles trouvaient à remplir leurs conditions d'existence. Elles vont chercher ailleurs ce qu’elles ne peuvent plus espérer de rencontrer dans les lieux de leur naissance. Cependant, tandis que les becs-fins {principale- ment les sylvia nattererii et suecica Temm.), les rossignols, les fauvettes et une foule d’autres oi- seaux nous quittent l'hiver; par suite peut-être de cette cause, d’autres espéces vieñnent nous con- soler de leur absence. Ainsi les troglodytes, les 68 — rouges-gorges (sylvia rubecula Temm.), les becs-fins véloce et mélanocéphale (sylvia melunocephala et ruja Temm.), le roitelet à triple bandeau (regulus ignicapillus Temm.) trouvent, l’hiver dans nos champs, assez de petits insectes pour substanter leur frêle organisation, nourriture qui ne peut suffire aux premiers. Le besoin d’une alimentation convenable se lie avec les variations de la température pour déterminer cer- taines espèces d'oiseaux à se transporter d’un climat dans un autre. En effet, une multitude d’espèces, après avoir passé le printemps et l’été dans les climats mé- ridionaux, s’en éloignent vers la fin de l’automne ct vont dans des contrées plus chaudes éprouver l’in- fluence d’une température qu'ils ne rencontrent plus dans les régions qu'ils habitaient primitivement. D’autres, qui vivent dans des contrées plus froides que les pays tempérés, fréquentent uniquement les côtes et les rivages du midi de la France. pendant l'hiver. Lorsque cette saison est passée, ils se réunis- sent de nouveau pour aller tous ensemble regagner les régions polaires. Ils espèrent y trouver une tem- pérature analogue à celle qu’ils viennent de quitter et plus de sécurité pour vaquer à leur reproduction. Les becs-croisés, parmi les passereaux, qui se nour- rissent de préférence des sommités des tiges des pins, et qui, à raison de cette circonstance, ont été nommés OU pinpiniers dans le midi de la France, nous donnent quelquefois de pareils exemples. On les voit nicher et se reproduire dans le nord de l’Europe dans la rude saison de l'hiver. Ils arrivent ensuite en été vers les régions méridionales et vers le cercle arctique. D’après la marche de la température à la surface terrestre, on conçoit pourquoi les migrations qui en dépendent sont si régulières que les oiseleurs dans certains cantons comptent sur le passage des becs- fins, comme sur le revenu d’une rente dont le terme échoit à chaque semestre. Ils calculent aussi d’avance l’époque et les chances de ce passage. L'époque pré- cise venue, ces oiseaux arrivent en bandes si nom- breuses et si serrées que la lumière en est pour ainsi dire interceptée. Cette cause n’influe pas toujours sur les migrations des oiseaux; car les espèces erratiques ne changent pas assez de latitude pour éprouver des variations no- tables dans le climat des nouvelles contrées où elles se rendent. D'un autre côté, l’époque des inondations ou du débordement périodique des fleuves de l'Amé- rique détermine les migrations des canards. On « cependant de la peine à se rendre compte, par l'effet de cette seule cause, des voyages si courts que l’on voit avoir lieu chez les alouettes, les merles et les lo- riots. Ainsi les premiers de ces passereaux arrivent en Hollande à trois époques différentes, éloignées au Er re plus les unes des autres de quinze à dix-huit jours. Cet espace de temps parait peu considérable pour que, dans ce faible intervalle, la température ait varié d’une manière sensible. Quant aux pinsons et à une foule d’autres espèces, rien n’est aussi régulier que leurs passages. Ils arri- vent constamment dans le midi de la France soit au 15 octobre, soit vers le 15 du mois de novembre ou quelques jours du moins ayant la Toussaint, Une fois qu'ils se trouvent dans nos contrées, ils ne les quittent plus qu’au retour du printemps, c’est-à-dire vers le commencement du mois de mars. Les pinsons, comme certaines espèces d’alouettes, ne nichent jamais dans les contrées méridionales de la France. Les premiers n'y chantent même pas; ils semblent ne retrouver leurs voix que lorsqu'on les élève et qu’en les tenant dans des piéces échauffées, on leur distribue une nour- riture convenable et abondante. Quoique les pinsons ne nichent pas dans le midi de la France, il n’en est pas de même dans des contrées qui en sont peu éloignées, comme les environs de Lyon. Quant aux alouettes, ilarrive parfois qu’une variété on une espèce plus petite y niche. Cette variété est connue dans le midi sous le nom particulier d’alouette des palüs, ou de paludengue. 1] en est de même de cer- tains individus des cailles, qui, ne pouvant supporter les fatigues d’un long voyage, séjournent l'hiver dans BP, QE nos contrées méridionales et recoivent par suite le nom d’hivernenque. Ces faits et une foule d’autres prouvent combien les circonstances sous lesquelles se trouvent les oiseaux modifient leurs habitudes, même dans ce qu’elles semblent avoir de plus essentiel. Mais ce qu'elles ne paraissent pas avoir le pouvoir de faire, c’est de chan- ser les habitations que se sont choisies les espèces. Nous verrons plus tard, qu’il en est ainsi chez les pois- sons. On peut néanmoins citer parmi les oiseaux la calandre qui se trouve en assez grand nombre sur le littoral de la Méditerranée, et ne se retrouve pas dans les environs de Toulouse, quoique cette ville ne soit pas à une grande distance de cette mer. Du reste, d’après ce que nous avons déjà dit, on concoit que les alouettes, qui se montrent en si grand nombre dans les campagnes du midi de la France, en disparaissent totalement au printemps pour n’y revenir que vers la fin de l’automne. Les provinces méridionales de la France se font re- marquer par le petit nombre d’espèces qui y nichent habituellement. La plupart des oiseaux que l’on y rencontre sont de passage. Pour en donner un exem- ple, nous dirons que sur trois cent trente ou trois cent cinquante espèces au plus qui fréquentent ces contrées, à peine sur ce nombre yen a-t-il soixante qui y fassent leurs nids. Parmi celles-ci, on ne peut guère citer des LAS (6 Vino oiseaux de proie, si ce n’est quelques espèces noctur- nes du genre des hiboux et, parmi les diurnes, les cathartes et quelques faucons. C’est surtout parmi les passereaux de l’ordre des insectivores que se trouvent le plus grand nombre d'oiseaux qui font habituellement leurs nids dans le midi de la France. Tels sont particuliérement les fauvettes, les saxicoles, les pies-grièches, les ortolans, les bruants et les moineaux. On peut encore citer, parmi les gallinacés, les perdreaux et les cailles qui nichent constamment dans les provinces méridionales, tout comme les vanneaux, les avocettes et les fla- mants, parmi les échassiers. On peutencore signaler, parmi les palmipèdes, les monettes, les hirondelles de mer, les goëlans et le canard commun. Comment expliquer par le seul effet de la tempé- rature cette particularité que nous présente le pinson (fringilla cælebs) qui demeure en France et en Al- lemagne toute l’année, et se répand constamment aux mois d'octobre et de novembre en troupes innombra- bles en Hollande, où cependant il ne niche jamais ? Cet oiseau ne trouverait-il pas dans ce pays, pendant la belle saison, tout ce qui peut lui être néces- saire aussi bien qu’en Belgique, en Allemagne et en France ? Ces migrations, dont le but est si difficile à deviner, quoiqu'elles soient à peu près régulières et constantes, Lo sont ce que les chasseurs appellent le passage des 61- seaux. Ces passages durent plus ou moins longtemps, selon les espèces, dont plusieurs semblent se disperser en tribus qui partent aussi chacune à des époques différentes. Ils n’ont presque rien de commun avec les courses plus ou moins irrégulières auxquelles se livrent cer- taines espèces pour trouver ailleurs une tempéra- ture plus chaude et une nourriture plus abondante que celle qu’elles rencontrent dans les lieux de leur naissance. Ainsi, tandis que les alouettes, les pinsons et une foule d’autres espèces prennent leurs quartiers d'hi- ver dans les provinces méridionales de la France, d’autres, au contraire, y arrivent constamment au printemps. Elles y font leurs nids, et en repartent lorsque la ponte est opérée. Ges oiseaux nous quittent donc avant que les premiers nous arrivent, comme pour nous dédommager de la perte des seconds. D’autres espèces, qui habitent des pays plus chauds que les régions méridionales de la France, les quit- tent au printemps pour venir dans nos contrées où elles restent peu de temps. Les oiseaux qui offrent cette particularité sont tous de petites espèces; tel est le pipit à gorge rousse (anthus rufogularis Brisson). Quoique habitant la Syrie et l'Egypte, ce pipit nous arrive parfois au mois d'avril en petites troupes. Il mL — fait entendre un petit cri semblable à celui du pipit farlouse, dont il a le vol. Comme il demeure peu de temps dans nos contrées, on se demande quels peuvent être les motifs qui ont porté ces oiseaux à exécuter d’aussi longues courses. Ce pipit est encore venu nous visiter en 1842. Il à apparu dans le midi de la France comme les années précédentes, accompagné de sa femelle. Cette espèce ( anthus rufogularis Brisson } voyage donc par couple ; elle parait passer d’une manière ré- guliére dans les contrées méridionales, quoiqu elle n'ait été indiquée par aucun ornithologiste , comme propre à la France. Ce qui confirme cette supposition, c'est que depuis l’époque à laquelle il est arrivé parmi nous, M. Lebrun l’a constamment vu revenir, et déjà pendant trois années consécutives. Les observations qu’il a faites sur cet oiseau ne remontent pas au delà de l’année 1840. Les visites de cette espèce dans les contrées méri- dionales remontent probablement à une époque plus reculée. Si jusqu'à présent ses voyages sont restés inapercus, cette circonstance tient probablement aux petites dimensions de ce pipit qui en rendent l'ob- servation plus difficile. On ne saurait deviner les motifs qui les portent à se déplacer. La température ni le besoin d’une nour- riture abondante ne peuvent les y déterminer ; si ces petits oiseaux entreprennent d'aussi longs voyages, ils le font par suite d’un instinct naturel ou d’un penchant irrésistible qui les porte à changer constamment de climats. Cette humeur voyageuse est l'apanage de presque tous les pipits. Ainsi, le spioncelle (anthus aquaticus Vieïllot), trés-répandu dans toute l’Europe, pousse ses excursions jusqu’au Japon d’une part, etde l’autre, jusque dans l'Amérique méridionale. D’un autre côté, certaines espèces de ce genre ont deux époques de passage dans nos contrées. L’une au commencement d'avril, et l’autre vers les premiers jours du mois de septembre, ce qui prouve leurs habitudes coureuses. Elles sont encore confirmées par les mœurs d’autres espèces, dont les unes arrivent dans le Midi vers les premiers jours du mois d'octobre, y passent l'hiver, pour en repartir au printemps. Les autres, encore plus volages, arrivent vers les premiers beaux jours, pour n'y rester que quelques instants. De pareilles mœurs sont également communes à une infinité d'oiseaux, parmi lesquels nous citerons les alouettes, et particuliérement celle à hausse-col noir (alanda alpestrie Linn.). Cette espèce habite le nord de l’Europe , de l'Asie et de l'Amérique ; elle porte ses tribus en Allemagne, en Hollande, et quelquefois Jusque dans le midi de la France, où son apparition est tout à fait accidentelle. Quant aux autres espèces, 00 — répandues pour la plupart dans toute l’Europe, elles traversent, à l’époque de leurs migrations, la Médi- terranée, se rendent en Syrie, en Egypte, en Morée, et enfin dans toute l'Afrique. L'époque de leurs pas- sages dure plus ou moins longtemps, quelquefois même jusqu'à vingt-cinq ou trente jours. Elle à lieu au commencement du printemps. Lorsque ces alouettes passent l'été dans nos régions, elles y ni- chent le plus ordinairement, et y veillent à l’éduca- tion de leurs petits. Le rollier vulgaire (coracias garrula Linn.) opère également deux passages accidentels dans le midi de la France, l’un en mai et l’autre en octobre. Cette es- pèce vit habituellement en Afrique, où elle fait son nid. Elle s’aventure quelquefois dans le nord de l’Europe, où elle est plus rare qu'ailleurs. L'Afrique est évalement la patrie du guêpier Savigny (merops Savigny ); il se répand dans la Nubie, l'Egypte ou le Sénégal. Cet oiseau s’égare néanmoins avec les autres guêpiers dans les contrées méridionales de la France, à la suite d’orages violents. Cette circonstance en amena deux individus, le 41 mai 1832, dans les en- virons de Montpellier (Hérault). Ils furent portés à M. Lebrun que nous avons eu l’occasion de citer. Nous avons déjà parlé des causes qui portent cer- tains oiseaux insectivores à aller chercher dans d’au- tres cantons un genre de nourriture qui leur manque ee L, = dans celui qu’ils abandonnent, mais nous avons omis de distinguer les espèces qui ont cette habitude, en in- sectivores proprement dits et en vermivores. Ces der- niers vivent à peu présuniquement de larves d'insectes et de petits vermisseaux. Aussi, dès que la sécheresse arrive ou que l’herbe est tellement épaisse qu'ils ne peuvent pas trouver avec facilité la nourriture qui leur convient, ces oiseaux nous quittent. Ils se retirent pour lors dans les marais ou les lieux humides, où ils peuvent encore rencontrer les vermisseaux qu'ils re- cherchent avec avidité. L'aspect qu’un soleil brülant donne pendant l’été aux campagnes du midi de la France semble les y déterminer, tout autant que le besoin de nourriture. Ainsi les rossignols habitent rarement les lieux incultes et arides. Il leur faut de la verdure et des arbres, et ils la recherchent jusqu’à ce qu'ils l’aient rencontrée. D'après cette circonstance, on est peu étonné de voir toutes ces espèces quitter le midi de la France dès que les arbres commencent à jaunir ct ont leurs feuilles flétries. Ils fuient d’autant plus vite vers des régions plus tempérées que les chaleurs de l'été ont été plus fortes et plus vives. Rien ne peut alors les retenir. Les mers ne sont point pour eux un obstacle qui puisse les empêcher d'abandonner au plus tôt un pays où ils ne peuvent plus trouver de quoi satisfaire aux exigences de leurs conditions d'existence. PRE > Ces causes ne sont pas sans influence sur les pas- sages accidentels des oiseaux; comme elles sont va- riables , elles exercent des effets fort inégaux sur le nombre des individus qui s’y livrent. Ainsi, plus la sécheresse est grande, plus les arbres sont dépouillés de verdure, plus les passages qui entraïnent les es- pèces ailleurs sont considérables. Dans le cas con- traire, un petit nombre d'individus se livrent à ces excursions qui n’ont rien de fixe ni de périodique. De même, les cailles quittent nos vignobles pen- dant l’été; elles vont se réfugier dans les lieux plus humides et plus ombragés des marais et des prairies rapprochées des étangs salés des bords de la Médi- terranée. Ces oiseaux y trouvent ce qu'ils recherchent singulièrement pendant l’été, la fraicheur et surtout l'humidité. Les oiseaux de proie, particulièrement les vau- tours, se donnent aussi le plaisir de voyager. Les deux espèces qui vivent en Europe quittent l'hiver cette contrée, pour aller passer cette saison, soit en Afri- que, particuliérement en Egypte ou en Turquie. Pro- bablementen raison de la température et de la grande quantité de nourriture dont usent ces oiseaux, ils sont généralement plus nombreux dans les contrées méridionales que dans les régions septentrionales. Le vautour griffon (vultur fulvus Temm.), dont l'habitation ordinaire dans le midi de la France est NU — dans les montagnes des Cévennes, est assez rare dans les environs dé Montpellier. On en a tué cependant un certain nombre depuis quelques années, presque toujours dans les mêmes lieux et à la même époque. C’est à peu près constamment du 15 au 50 mars qu’on les a rencontrés sur les bords du Vidourse, au lieu appelé vulgairement las Roquas. Cette localité serait-elle pour eux , comme un lieu de repos, une sorte de station ; car ces oiseaux se rendent des Alpes dans les Cévennes ou dans les Pyrénées. Peut - être est-ce un point où les males espèrent de rencon- trer les femelles qui leur manquent. Ce qu’il y a de certain, c'est que jusqu'à présent tous les individus qui y ont été pris se sont rapportés à de jeunes males. D'un autre côté, l’aigle Jean-le-blanc ( falco bra- chydactylus) passe en Provence en mars. C’est tou- jours vers le milieu de ce mois que cette espèce exé- cute ses voyages, qui durent environ de huit à dix jours. Ces oïseaux, remarquables par leur plumage, planent pour lors à des hauteurs prodigieuses. Les jeunes passent dans la première quinzaine d’avril; mais, après cette époque, on n'en voit plus, si ce n'est en septembre. Ils opèrent pour lors leur retour sans s'arrêter dans les contrées méridionales de la France. Il en est de même de l'oiseau Saint-Martin et du busard montagu, que l’on rencontre dans le MU Midi en avril et vers la fin du mois d'octobre, mais seulement comme des oiseaux de passage. L’émérillon (falco æsalon) arrive parmi nous vers le milieu du mois d'octobre, et demeure dans nos contrées pendant tout l'hiver, jusque vers la fin de mars. Il en est ainsi de la cresserelle, qui habite les contrées méridionales depuis le mois de septembre jus- qu’au mois de mars ; cette espèce les quitte cependant dés que les premiers beaux jours du printemps ont fait sentir leur douce influence. Le faucon à pieds rouges ( falco Kobez) arrive au contraire dans le Midi vers la fin de mai, c’est-à-dire à l’époque où les champs peuplés de grillons et d’in- sectes lui offrent en abondance une nourriture qu'il recherche avec avidité. Aussi peut-être est-ce faute de rencontrer cette nourriture qui lui convient que les passages de cette espèce ont si rarement lieu en automne. Quant à ceux des éperviers communs, ils sont moins réguliers. Ils commencent le plus ordi- nairement en septembre ou octobre et même parfois en novembre, selon la marche des saisons, L'époque de leur départ de nos contrées est d'autant plus re- tardée qu’ils y sont arrivés plus tard ; aussi les re- trouve-t-on souvent en avril et même jusqu’en mai. Enfin le scops ou petit duc (strix scops Temm.) est également trés-commun pendant tout le mois de mat, arrivant dans le midi de la France, du 5 au 6 avril; ——, — quelques individus y nichent et séjournent jusqu à la fin de septembre. Il est donc pour ces époques à peu près fixes des passages des oiseaux, comme pour tout ce qui tient aux habitudes des êtres, des conditions essentielles à leur manifestation. Ces conditions sont celles d’une organisation qui permette l’exécution prompte et fa- cile des mouvements. Cependant la longueur des voyages que les animaux et particulièrement les o1- seaux entreprennent n'est pas toujours en rapport avec la puissance du vol. On s'étonne peu que les hirondelles et les mar- nets, dont les mouvements sont si vifs, et pour ainsi dire continuels, franchissent des distances immen- ses ; mais on est surpris de voir les cailles, qui, comme la plupart des gallinacés, sont de mauvais voiliers, traverser cependant la Méditerranée, pour passer du midi de la France, de l'Espagne ou de l'Italie, en Afrique. D'un autre côté, les grèbes, dont les ailes sont en quelque sorte avortées, font dans l’intérieur desterres, d’un lac à un autre, des voyages assez considérables. À la vérité, ceux-ci peuvent se reposer sur leur route, ce que ne peuvent faire les cailles, qui, dans leurs longues traversées, parcou- rent aussi bien l’Océan que les mers intérieures. Aussi voyons-nous souvent sur les rivages de la Méditerranée un grand nombre de ces oiseaux, qui 6 ER ne y sont rejetés par le roulis des flots. Leurs cadavres ne témoignent que trop le malheureux sort de ces animaux, dont le vol n’a pas été assez puissant ni assez soutenu pour les faire arriver sur laterre ferme. Arrêtés et culbutés dans les eaux par la violence du vent ou des tempêtes, la nage n’a pas pu des empé- cher de subir leur triste sort. Le voyage des caïlles, dont les‘ailes sont si courtes et le vol si lourd, à travers l’immensité des mers, est un phénomène des plüs remarquables. On peut en dire autant de celui qu’exécutent tant de petits oiseaux qui quittent l’hiver les régions du Nord ;pour aller plus au midi, en traversant la vaste étendue de l'Océan. On ne peut pas douter que ces chétifs habi- tants des airs n’exécutent de fort longs voyages, puisqu'il est assez fréquent de les saisir au milieu de leurs courses, et avant qu'ils soient parvenus au terme de leurs excursions. Les uns et les autres le peuvent, parce que leur instinct les porte à attendre des semaines-entières le vent propre à favoriser leurs migrations. Dés que.ce vent souffle, ils en profitent de suite, et prennent néan- moins quelques instants de repos dans les iles, qui.se trouvent sur leur ‘passage. Aussi prend-on. des :mil- liers de ces'oiseaux dans les iles Joniennes et sur les côtes de l'Asie, au moment de leurs passages. Cette circonstance peut expliquer tout naturellement, ainsi = en que l’observe M. Brehm , comment les Hébreux pu- rent rencontrer, dans le désert, des troupes considé- rables de eailles. D'autres oiseaux, dont la puissance du vol parait encore au-dessous de celle que possèdent les cailles, ne se livrent pas moins à de longues mi- grations. Les poules d’eau, les rois des cailles, les rales d’eau et une foule d’autres espèces en sont des exemples assez connus, pour qu'il ne soit pas néces- saire d’insister plus longtemps à cet égard. Ces ani- maux usent pour lors de tous les moyens pour rem- plir une condition aussi essentielle à leur existence. Les uns font une partie du chemin à pied ou à la nage ; lorsque cet exercice a diminué leur embon- point, ils exécutent la fin de leur voyage en fendant les vastes plaines de l’air ; ils cherchent de préférence les lieux des mers du sein desquelles s'élèvent des iles ou des récifs, afin de pouvoir y prendre quelque repos. D'un autre côté, lorsque les oiseaux jugent que leur embonpoint les rendrait trop lourds pour s'élever dans les airs, ils ne quittent pas les lieux où ils se trouvent, surtout s'ils habitent des iles, n’osant pas se hasarder à traverser les mers à la nage. Quelques autres espèces, telles que le grand pingouin du Nord, qui ne peut guêre voler, les plongeons et plusieurs oiseaux analogues, n’abandonnent au contraire les régions septentrionales qu'ils habitent ordinairement, — SZ — qu'en voguant sur la surface des flots. Ainsi les uns et les autres semblent calculer, avec un instinct en quelque sorte merveilleux, les difficultés de leurs entreprises, et ils en triomphent toujours avec un égal bonheur. Malgré leurs ailes courtes et leur faible puissance de vol, les cailles n’exécutent pas moins de fort lon- gues migrations. Labillardière, dans son voyage à la recherche de Lapérouse, assure en avoir vu à la baie des Tempètes dans le continent de la Nouvelle- Hollande (1). D'un autre côté, ces oiseaux paraissent se rencontrer dans la Chine, où l’on en fait usage pour se tenir chaud, en les portant tout vivants dans les mains (2). Il n’est pas rare de rencontrer au milieu des mers des cailles si fatisuées , qu’elles se laissent tomber sur les bâtiments, et se laissent prendre avec facilité. Souvent des coups de vent violents les for- cent à s’abattre dans la mer. Il en périt beaucoup de cette manière, au dire de tous les navigateurs. Quels motifs puissants portent ces animaux, dont le vol est si lourd, et les forces en apparence si fai- bles, à entreprendre d’aussi longs voyages, et à les exécuter en troupes extrêmement nombreuses ? Elles (1) Tom. 1", pag. 177. (2) Voy. Osborn Iler, 190. N°. JA le sont tellement, que Pline, dans ses exagérations, a prétendu qu'il en venait un si grand nombre sur les navires, pour s’y reposer, que leur poids les faisait couler au fond des eaux. En faisant la part de cette exagération, pour ainsi dire puérile, il est certain que dans nos paragesles cailles (perdrix coturnix Term.) arrivent en quantité prodigieuse. Ainsi, d’après Martyn, Guide du voyageur en Italie, on en prend dans l'ile de Capri, autrefois Caprée, jusqu’à cent soixante mille par année (1).Ilen est de même à Malte, dans l’ile de Chypre, en Egypte et dans tout le Levant, où ces oi- seaux se trouvent en nombre réellement considérable. Est-ce la température ou le besoin d’une nourri- ture convenable, qui force ces oiseaux à changer de climats ? ou plutôt est-ce un instinct impérieux qui les y pousserait ? Quelle qu’en soit la cause, elle se fait sentir non-seulement sur toute l'espèce, mais encoresur les individus à qui une étroite captivité ne laisse aucune communication avec leurs semblables. On est tenté de supposer que ces voyages sont commandés à ces oi- seaux par un instinct naturel, lorsqu'on voit de jeunes cailles, élevées dans des cages, presque depuis leur naissance, et qui ne peuvent ni connaitre ni regretter la liberté, éprouver régulièrement deux fois par an (1) Traduetion française, part. 1, pag. 61, 1791. mx SU — une inquiétude et des agitations extrêmes, dans les temps ordinaires des passages, c’est-à-dire au mois d'avril et de septembre. Nous avons eu l’occasion de nous assurer que les fauvettes (sylvia) et les cailles en cage manifestaient ces inquiétudes pendant plusieurs années; ellesdurent souvent aux époques fixées, presque un mois. On les voit recommencer tous les jours, une heure avant le coucher du soleil. Ces oiseaux prisonniers parcourent pour lors leurs cages d’un bout à l’autre, s’élançant avec impétuosité contre le filet qui leur sert de cou- vercle , comme pour prendre leur essor. Ils se mon- trent dans un état d’agitation difficile à dépeindre. Lorsque le temps des passages est terminé, ils sem- blent tristes, abattus, fatigués et comme endor- mis. Plusieurs ne résistent pas à la violence de pa- reilles émotions et succombent souvent après les avoir éprouvées, sans qu'on puisse attribuer leur mort à d'autre cause qu’à celle dont nous venons de parler. Le besoin de voyager et de changer de climat dans certaines saisons de l’année est donc une des exi- gences les plus impérieuses de leur organisation, ou plutôt de leur instinct. Ces oiseaux ne peuvent y ré- sister ; lorsqu'ils y sont forcés, ils languissent et finis- sent souvent par périr. Peut-être cet instinct, si puis- sant chez les espèces sauvages, rend l’éducation du ES plas grand nombre si diflicile, malgré tout le pouvoir de notre influence. Les caiïlles en pleine liberté ont deux époques dif- férentes où elles arrivent dans les climats tempérés de l'Europe pendant la belle saison. En hiver, elles paraissent émigrer en Egypte, en Syrie et dans pres- que tout l'Orient ; elles se répandent encore en Asie, principalement en Chine, et même, d’après Labillar- diére, jusque dans la Nouvelle-Hollande. Seulement l’époque de leurs passages, qui ont lieu pendant l'hiver dans les climats chauds, et pendant l'été dans les régions septentrionales et tempérées, n’est pas partout la même. Probablement elle n’est pas sans quelques rapports avec les latitudes des lieux où doivent se rendre les oiseaux. Les cailles, qui changent deux fois de climat par année, arrivent dans les contrées méridionales de la France, situées sur le littoral de la Méditerranée, dès les premiers jours d’avril. C’est là leur premier pas- sage; on donne à celles-ci le nom de cailles vertes, parce que leur apparition coïncide avec l’époque où la campagne est couverte de verdure. Le se- cond a lieu vers le milieu du mois d’août et de septembre, temps où, d'aprés Aristote, les cailles quittent les contrées fortunées de la Grèce. Il paraît qu’il en est à peu près de même de leurs passages dans toute l’Italie. Seulement elles paraissent arriver Re ns en Sicile vers le mois de mai, et s’en retourner vers la fin d'août. À Malte, leur première apparition a toujours lieu en mai, et la seconde constamment en septembre. Les cailles, qui nous arrivent en avril, se montrent plus tard dans le nord de la France, surtout lorsque le printemps est retardé, ou qu'elles sont fatiguées par la longueur de leur traversée. Quelques autres individus prennent possession de nos prairies; ils s’y livrent aux soins de la reproduction, et y font leurs nids ; ceci explique le nombre des cailles que l’on trouve dans tous les lieux où elles se rendent. Ces oiseaux effectuent leurs voyages pendant la nuit, quand il fait clair de lune, ainsi qu’au crépus- cule. Cette observation singulière n’avait pas échappé à Pline, ni à Belon. Depuis eux, elle a été vérifiée par tous les zoologistes et par les chasseurs, qui ont tant d'occasions des’en assurer.Une circonstanceessentielle au succès de ces voyages, qui paraissent si téméraire- ment entrepris, est celle du vent. Lorsqu'il teur est contraire , il les retarde singulièrement, mais lors- qu'il devient violent, il les précipite souvent dans la mer. Leurs excursions ne sont donc heureuses que lorsque les courants d’air leur permettent d’arriver vers les lieux où elles doivent terminer leurs tra- versées. À la vérité, celles qui parcourent la Médi- terranée s'arrêtent souvent en chemin dans les nom- = ( — breuses iles dont elle est parsemée. Elles attendent ainsi le retour des vents favorables, pour se mettre de nouveau en route. Les cailles qui visitent les contrées méridionales de la France ne les quittent pas toutes. Plusieurs indi- vidus passent l’hiver parmi nous. On suppose que ce sont ceux qui ont été blessés ou qui proviennent de pontes tardives. Ces oiseaux, trop jeunes ou trop fai- bles à l’époque du départ, s’établissent dans les lieux les mieux exposés et les plus fertiles des cantons où ils sont forcés de rester. Leur nombre en est fort petit dans nos provinces, où ces oiseaux sont exposés à tant de dangers. Il parait cependant être plns considérable en Espa- gne eten ftalie où l’hiver est plus doux. Cette circons- tance influe peu cependant sur leur détermination. En effet, une partie seulement de celles qu’on voit en Angleterre quitte entièrement cette ile, tandis que l’autre change de canton. Ces dernières passent vers le mois d'octobre de l’intérieur des terres dans les provinces maritimes, et particulièrement dans celles d’Essex où elles restent l'hiver. Lorsqu'elles en sont chassées par le mauvais temps, elles gagnent les côtes de la mer, où elles cherchent avec soin les meilleurs abris pour se mettre à couvert contre les intempéries des saisons. Les précautions que les cailles prennent pour la Et, Je réussite de leurs longs voyages sont une preuve de l'instinct que la nature a placé dans le cerveau de chaque espèce, afin de mettre en harmonie les actes qu’elle doit exécuter et les conditions d’existence qu’elle leur a imposées. Par suite de cet instinct, aux approches de l’hiver, certains quadrupèdes s’enseve- lissent en quelque sorte au fond de leurs tanières, dans un état de torpeur analogue à la mort; du moins les reptiles ainsi engourdis demeurent profondément assoupis dans les retraites qu'ils se sont creusées. Cet instinct porte également un grand nombre de mollusques à s’enfoncer dans la vase. Il dirige les insec- tes, lorsqu'ils préparent d’avance les lieux où ils doi- vent passer la rude saison. Tout, dans le monde animé, est sous la dépendance de cette volonté puissante, dirigée par l’organisation, aussi bien sur les terres où brillait naguère une florissante verdure, que dans l’intérieur des eaux où vivent les poissons sous leurs dômes de glace. Mais dans ce deuil général de la nature qu'amènent les frimas, l'oiseau seul s’élance dans la région des tempêtes. Il brave l’aquilon et fend d’une aile rapide le vaste domaine des airs. L’abaissement de la tempé- rature lui est en quelque sorte aussi indifférent que les climats. On dirait qu'entre les animaux il est le seul qui ne tienne pas à la terre. Sûr de trouver par- tout une nourriture abondante, il quitte le pays qui = ® — l'a vu naître, dès que les frimas s’en emparent, et, poussé par un instinct impérieux, il part à jour et à point nommés. Rien ne l’arrête pour satisfaire ce penchant naturel, pas même sa famille naissante. Ce penchant est plus fort, plus irrésistible que le cours des saisons, qui semble en apparence déterminer seul les époques des migrations annuelles des légers ha- bitants des airs. Enfin une dernière circonstance relative aux pas- sages des cailles est trop importante dans l’histoire de ces oiseaux pour être passée sous silence. Il est des individus qui, à raison de leurs livrées, ont été désignés sous le nom de barbajoles ou barbes blanches, et que l’on a voulu considérer comme appartenant à une es- pèce particulière. Ces individus ne sont pourtant que de jeunes cailleteaux. Il est facile d’en être convaincu, car, en les élevant, on les voit bientôt prendre la livrée des vieux mâles. Ainsi, après le départ des cailles en automne, il en reste toujours vers les bords de la mer quelques-unes qui passent l’hiver en Europe; quelquefois même on les y voit en assez grande quantité. Ges cailles, nom- mées dans le midi de la France hivernenques , com- mencent à chanter et à s’apparier dés le mois de mars. Il n’est pas rare d’en découvrir des couvées dés les premiers jours d’avril, avant l’arrivée de leur espèce. A plus forte raison, les cailles qui sont dans un pays D plus chaud s’accouplent et pondent plus tôt encore. Ce sont les cailleteaux provenus de ces nichées pré- coces, trop Jeunes encore pour suivre leurs parents, à l’époque de leurs migrations. Ils nous arrivent aussi plus tard, lorsque quelque cause détermine leur déplacement, et que les vents les dirigent vers les con- trées méridionales de la France. Lors donc que l’on remarque dans ces contrées une quantité considérable de ces caïlles nommées barbajoles ou barbes blanches, on est presque assuré que le passage de ces oiseaux sera très-abondant en automne. Cette variété arrive dans le Midi, lorsqu’au mois de juin et même en Juillet le vent de mer a soufflé plusieurs jours desuite; ce qui est rare, surtout s’il a été accompagné de pluie. Il en est de même encore, lorsque le vent du nord souffle. Ces caïlles, qui nous viennent pour lors, sont presque toutes des mâles. Comme les femelles, ils ont la gorge blanche et tous les autres caractères des cailleteaux. Ces mâles, dans le jeune âge, sont ceux dont la venue a lieu de bonne heure dans les climats du Midi. Ils sont la cause de bien des méprises que font à leur égard un assez grand nom- bre d’ornitholopistes. Quoique le phénomène des migrations, considéré isolément, ait peu attiré l'attention des auteurs qui se sont occupés de faunes particulières, on y trouve cepen- dant quelques détails propres à en éclaireir l'histoire. 0 Sous ce rapport, l'ouvrage que M. d'Orbigny vient de publier sur les productions zoologiques de l’île de Cuba, ile remarquable par son isolement et sa situa- tion entre les deux Amériques, se recommande à tous et est d’un grand intérêt. M. d'Orbigny a divisé les oiseaux que lon trouve dans cette ile en six groupes principaux : 1° Ceux qui habitent en même temps cette ile et l'Amérique méridionale. Leurs espèces sont aunombre de quatorze. 2° Ceux qui y arrivent de l’Amérique septentrio- nale. Leur nombre est de quarante - neuf, parmi lesquels on compte trente-trois espèces de passe- reaux. 3° Ceux qui se rencontrent dans les deux conti- nents américains. Il y en a vingt-six. Les ordres qui en fournissent le plus sont ceux des échassiers, dont on compte jusqu'à onze espèces et dix espèces de palmipèdes, c’est-à-dire vingt et un sur vingt-six. 4° Les oiseaux de Cuba, quise répandent aussi dans tout l'hémisphère du nord sur l’ancien et le nouveau monde. Ces espèces s’y trouvent au nombre de huit. Une seule appartient aux oiseaux de proie; quatre aux échassiers, et trois à différentes espèces de palmipèdes, principalement à celles qui nagent le mieux. 5° Quant aux oiseaux propres aux deux Améri- ques et à l’Europe, leur nombre est réduit à cinq, et: me — celles - ci dépendent toutes des oiseaux de rivage, c'est-à-dire des races aquatiques. 6° Les espèces particulières à Cuba, et qu’on ne connait encore que dans cette ileet les autres Antilles, sont au nombre de vingt-sept, parmi lesquelles il en est plusieurs de nouvelles. Des observations plus exactes diminueront sans doute ce chiffre. Il est du moins certain que, parmi ces oiseaux sédentaires, on ne découvre aucune espèce de palmipède ou d’échassier. Le nombre des espèces stationnaires que ce tableau indique est, ainsi que nous l’avons fait observer, beau- coup trop considérable. Il en porte le nombre jusqu’au cinquième de la totalité des oiseaux qui fréquentent l’ile de Cuba. Cette proportion est tellement supé- rieure à ce qu'elle est ailleurs, que probablement elle est exagérée. En effet, le nombre total de ces espèces ne s’élève qu’à cent vingt-neuf. Toujours est-il que, d’après cet apercu, les oiseaux de Cuba sont essentiel- lement voyageurs; aussi n’y a-t-on encore signalé que peu de gallinacés. Là, comme ailleurs, les espèces qui voyagent le plus sont les échassiers et les palmipèdes. Ainsi, sur toute la terre, aussi bien dans les iles que dans les continents, les oiseaux toujours en mouve- ment entreprennent des excursions dont l’étendue est aussi étonnante que leur régularité. — 95 — M. De l'ordre qui règne dans les migrations des oiseaux. L'ordre et les précautions qui environment les mi- grations des oiseaux ne sont pas moins admirables que leur constance et leur périodicité. Voyez ces hi- rondelles partir constamment le jour, sans s'inquiéter des oiseaux de proie, qui pourraient les harceler au moment où elles se réunissent sous la conduite d’un chef pourse diriger vers des climats nouveaux. Un instinct les y pousse bien plus que l'espérance d'y ren- contrer une température plus douce que celle dont elles ressentent l'impression. Cependant les voyages auxquels se livrent habituellement les oiseaux ont lieu du nord au midi pendant l'hiver et, dans la di- rection contraire, pendant le solstice d’été. Ainsi, à l’époque de leurs migrations pour d’autres contrées, les hirondelles, perchées sur des arbres.éle- vés et au nombre de trois ou quatre cents, appellent par leurs gazouillements tumultueux le moment du départ. Lorsque le signal est donné, cette troupe immense et légère se dispose et s'arrange de maniére à vaincre, avec le moins d’effort possible, la résistance de l'air. Par avance et par suite d’un instinct mer- veilleux, ces-oiseaux ont réuni chacun leurs familles. Toutes se sont ensuite rassemblées pour marcher de concert à travers les vastes plaines de l’air.: Quoique — 96 — sans boussole, elles ne se perdent pas au milieu de l’immensité de l'océan aérien. Elles arrivent sans efforts comme sans embarras aux lieux nouveaux de leur résidence. Le départ des hirondelles a lieu ordinairement vers la mi - septembre; il est cependant retardé quelquefois jusqu’au milieu d’octobre ou même jus- qu'à la fin de ce mois. L'époque de l’arrivée de ces oiseaux semble plus fixe; elle parait même indépen- dante de la température, de la direction et de la force du vent; car les hirondelles arrivent parfois pendant les orages, ou lorsque la température est en- core très-basse et la terre couverte de neige. Enfin la preuve que la température n’est pas le motif dé- terminant pour ces oiseaux de changer de climat, c’est que, par exemple, dans l’année 1838 où le prin- temps et l'été ont été si tardifs, ces oiseaux se sont avancés sur les années précédentes. Peut-être cette circonstance tient-elle à ce que les hirondelles auraient éprouvé un plus grand degré de froid dans les lieux où elles s'étaient retirées l’hiver. Elles sont arrivées en France, en 1838, le même jour qu’en 1832, c'est-à-dire le 13 avril; tandis qu’en 4836 et en 1837 elles sont venues dans le midi de la France le 18 et le 21 du même mois. A la vérité, en 1831, elles y avaient paru le 6 avril ainsi qu’en 1833. D'un autre côté, en 1834, les hirondelles Er DD a: étaient arrivées parmi nous le 45 avril, tandis qu'en 1835 elles avaient été encore plus printamiéres ; leur premier passage avait eu lieu le 2 du même mois. Des expériences faites avec soin en Angleterre et en Allemagne ont prouvé que le terme moyen de l’arrivée des hirondelles peut être fixé vers le 14 avril. La plus grande différence qui s’est présentée entre leur venue est du {* avril au 23. Ces nombres ex- trèmes , pendant un intervalle de trente-quatre an- nées, ne se sont reproduits chacun qu'une seule fois. Cette constance dans l’arrivée de ces oiseaux, soit en Angleterre, soit en Allemagne, soit en France, est des plus remarquables. Elle annonce combien le besoin de voyager est pour eux impérieux. S'il faut en croire M. Cantraine (Bulletin de l'académie des sciences de Bruxelles, année 1831 , page 207), la température ne serait pas sans influence sur ces voyages ; car, d’a- prés lui, l’arrivée des hirondelles aurait lieu en Sar- daigne, en Sicile et en Italie plus tôt qu’en France, c’est-à-dire en mars et non en avril. C’est un point d'observation qu'il importe d’é- claircir. Son intérêt est trop lié à la détermination des motifs ou des circonstances qui portent les hirondelles, comme les autres oiseaux, à se transporter à des épo- ques à peu prés fixes dans d’autres climats. Les voyages périodiques des hirondelles ont de tout temps occupé l'attention des hommes éclairés. Aussi ces 7 Zn Ne oiseaux ont obtenu chez les anciens tout autant de pro- tection que chez les modernes , soit en raison de leur utilité pour la destruction des insectes nuisibles à l’a- griculture, soit enfin à cause de leurs longs et mys- térieux voyages. Les poëtes leur ont consacré leurs chants, et les vers charmants qu’Anacréon et Ovide leur ont adressés prouvent combien les habitudes de ces légers habitants des airs les avaient frappés. Les anciens se sont surtout occupés de la question de savoir quelles étaient les retraites que les hirondelles se choisissaient pendant l'hiver. Quelques-uns ont sup- posé que ces oiseaux se cachaient, pendant la saison des frimas, dans les anciens bâtiments et même dans l’eau. Cette dernière opinion a été adoptée par plu- sieurs modernes. D’autres, au contraire , ont admis avec plus de raison qu’à cette époque les hirondellés se retiraient dans des climats plus chauds que nos régions, surtout en Afrique. Il parait certain que-ces oiseaux se montrent au Sénégal depuis le mois d'oc- tobre jusqu’au commencement d’avril, et qu'après ce dernier mois on n’y en voit plus une seule. S'il en est ainsi, il est dans ces voyages une circons- tance encore peu étudiée, et qui montre Jusqu'à quel point l'instinct de conservation est puissant chez tous les animaux. Cette circonstance est relativeà l’inégale dispersion, ou, si l’on veut, à la diversité de distribu- tion des différentes espèces d’hirondelles. Ainsi, par A — exemple, leurs individus paraissent en plus grand : nombre en Angleterre que dans la plupart des autres contrées de l’Europe. Si cette condition est constante, il faut bien qu’elle ait une cause ; on pourrait la trou- ver dans la culture plus avancée du sol de l’Angle- terre, et enfin dans la destruction totale du moineau franc. Pour s'assurer si ces faits ont quelque influence sur ce phénomène, il faudrait rechercher dans les anciens documents s’il en a été toujours ainsi. Nous avons déjà fait observer que la violence du vent n’avait aucun effet sur l’arrivée des hirondelles, puisqu'elles nous viennent tout aussi bien pendant les ouragans, que pendant les temps calmes. Nous ajouterons qu'il paraïitrait en être de même de la di- rection du vent. Du moins elle n’a pas toujours un rapport sensible avec l’époque de la venue de ces oi- seaux. Seulement cette direction semble avoir une in- fluence très-prononcée sur l’époque à laquelle ils partent. D’après les observations de Forster, prolon- gées pendant trente-huit années, le premier vent du nord ou du nord-estaprès le 20 septembre occasionne le départ de la plupart des hirondelles. On n’a pas constaté avec le même soin le temps après lequel leur départ était complétement effectué. Il faut que ces oiseaux rencontrent de grands obstacles dans leurs migrations, à en juger par le nombre considérable de leurs individus qui quittent l’Europe en automne, et. — 100 — le petit nombre de ceux qui reviennent au printemps. Ce qu'il y a de certain, c’est que des hirondelles vo- laient encore dans les environs de Montpellier le 18 novembre 1838, quoique le thermomètre ne füt qu'a T°, et que le vent du nord soufflàt avec violence. La premiére hirondelle qui arrive dans le midi de la France est l’hirondelie des rochers, dont les pas- sages ont lieu dés le mois de mars. Ce n’est que vers le mois d’avril que paraît l’hirondelle de chemi- née (hirundo rustica Temm.). Cette espèce se rap- proche le plus des habitations de l’homme; elle pré- cède ordinairement l’hirondelle de fenêtre, la plus commune de celles qui visitent l’Europe. Les migra- tions de cette dernière ne paraissent pas s'étendre au delà des tropiques. Quoique cette hirondelle (Airundo urbica Temm.) nous arrive plus tard que celle de cheminée, elle nous quitte néanmoins plus tôt. Elle est à peu prés constamment accompagnée, lors de sa venue dans nos contrées, par l’hirondelle de rivage, ce qui a fait supposer que ces oiseaux passaient l'hiver engourdis au fond des lacs et des marais. Les hirondelles paraissent conserver un Souvenir fidèle des lieux qu’elles ont habités dans leur en- fance. Aussi les voit-on retourner après leurs migra- tions dans le même nid qu’elles avaient occupé l’année précédente. D’après ce fait positif, on est peu surpris de toutes les précautions que prennent ces oiseaux lors- — 4101 — qu’ils vont exécuter leurs voyages. En effet, à l'appro- che de leur départ, on les voit se réunir en grandnom- bre, et se grouper, comme par essaims, surtout après une pluie suivie d’un soleil ardent. Dans les pays encore plus méridionaux que le sud de la France, ces oiseaux se réunissent en grand nombre sur les arbres morts, attendant ainsi un vent favorable pour traverser les mers, et aller soit en Asie, soit en Afri- que. Il est même certaines espèces, particulièrement l'hirondelle des rochers (hkirundo rupestris Linn.), qui d'Europe pousse ses migrations non-seulement en Afrique jusqu’au cap de Bonne-Espérance, mais en- core dans l’Amérique méridionale. De pareilles habitudes sont également propres aux martinets , oiseaux très-rapprochés des hirondelles, et dont le vol est d’une plus grande rapidité. Les mar- tinets que l’on découvre depuis les iles de l’Archipel, l'Espagne, l'Italie, le Tyrol, la Sardaigne, les îles d’Hyères et de Malte, ainsi que dans la plus grande partie de la France, nous arrivent vers la fin du mois d'avril; ils nous quittent vers la fin de juillet ou les premiers jours du mois d’août. On assure que les martinets de muraille (cypselus murarius Temm.) retournent toutes les années dans le même trou qui l’année précédente leur avait servi de retraite. Parmi les deux espèces qui fréquentent les contrées méri- dionales de la France, il en est une qui porte ses — 402 —. excursions non-seulément dans toute l'Europe, mais encore en Afrique, jusqu’au cap de Bonne-Espérance. Elle parvient écalement sur les côtes nord-ouest de l'Amérique , sans cependant dépasser le tropique; c'est le martinet de muraille (cypselus murarius Meyer). Le martinet à ventre blanc (cypselus alpi- nus Meyer) ne paraît pas quitter l’Europe ; du moins on le trouve en grand nombre sur les rochers de Gibraltar, de la Sardaigne, de Malte et de tout l’Archipel. D'un autre côté, nous voyons chaque année des phalanges de grues, de cicognes, de hérons, d'oieset de canards exécuter sur l’aile des vents des évolutions aériennes. Tantôt à la file les uns des autres, tantôt disposés en triangle de la manière la plus régulière, ces oiseaux se dirigent sans boussole dans le vague des airs. On les voit suivre une route qu’on leur croirait tracée d’avance. Ils se groupentets’arrangent de maniére à ce que chacun puisse suivre et garder son rang et jouir en même temps d’un vol libreet ou- vert devant eux. Pour y parvenir, ils se rangent sur deux lignes obliques formant une sorte de V renversé ; cette dis- position est la plus favorable pour que chaque oiseau puisse fendre l'air avec plus d'avantages, et que la troupe entière éprouve le moins de fatigue. Seulement lorsque le nombre de ces oiseaux est peu considéra- — 105 — ble, ils se rangent sur une seule ligne; chacun d’en- tre eux y garde sa place avec une justesse parfaite. Lorsque le chef de cette petite armée, dont la place est toujours en tête de la colonne, est fatigué, il va se reposer au dernier rang. Tour à tour les autres pren- nent la place que le chef vient d'abandonner. Ainsi se continue le voyage avec un ordre et une régularité qui feraient supposer à ces oiseaux une intelligence supérieure à un simple instinct. Mais les faits nous apprennent que la nature a mis dans le cerveau de chaque animal le degré de prévoyance qui lui est nécessaire pour sa conservation. Par suite de cet instinct, tous les oiseaux de pas- sage voyagent en troupes plus ou moins considéra- bles, toujours en famille, ou du moins par couples. Les espèces ne se mêlent pas plus dans ces migrations lointaines que les divers âges d’une même race. Les vieux partent d’un côté, et les jeunes de l’autre. Il y a plus encore , lorsqu'ils voyagent ensemble , les adultes les précèdent constamment. Lorsqu'ils se quittent dans le trajet, cette séparation a lieu sans embarras et sans interrompre leur voyage aérien. Du reste, les uns et les autres exécutent rarement ensem- ble leurs excursions ; ils ne suivent presque jamais la même route. Cette circonstance semble dépendre de l’époque à laquelle les vieux oiseaux éprouvent la crise de la — 104 — mue et celle qui atteint les jeunes. Cette maladie en- lève à ces animaux une partie de leurs facultés ; mais, comme elle se termine plus tôt chez les adultes, ceux-ci éprouvent toujours les premiers le besoin de changer de climat. Ils sont donc de meilleure heure en état de supporter les fatisues d’un long voyage. Aussi, les vieux quittent les premiers les cantons où ils étaient fixés, et, lorsque les jeunes les accom- pagnent, ils s’en séparent souvent étant plus tôt fati- gués. Rarement les jeunes arrivent au terme du voyage. Les vieux seuls traversent la Méditerranée pour se répandre dans les contrées fertiles du nord de l’Afri- que. Les jeunes demeurent, au contraire, sur les plages méridionales de l’Europe, ou sur les côtes de la Sicile et de la Calabre, ou dans les régions plus tempérées du centre de l'Europe. Les adultes pous- sent souvent leurs migrations vers l’Archipel de la Grèce, l'Egypte et la Nubie. Lorsque les vieux partent avec les jeunes, les pre- miers sont presque toujours en tête de la bande. Ils dirigent la colonne et ne laissent jamais ce soin à d’autres, tant qu’ils accompagnent ceux qui doivent perpétuer leur race. Rarement ces jeunes individus reviennent aux lieux de leur naissance, tandis qu'il n’en est pas de même des adultes. Aussi ne trouve-t-on dans une contrée que des individus dont le plumage indique qu'ils ne — 105 — sont point encore parvenus à leur état normal, et dans telle autre, des individus qui ont acquis tout leur dé- veloppement. Les vieux reviennent tous les ans couver dans les mêmes lieux, et pondre souvent dans le même nid lorsqu'ils le contruisent d’une manière durable. Quelque singuliers que puissent paraitre ces faits, ils n’en sont pas moins exacts. On peut facilement les vérifier en attachant des cordons de soie aux pattes des hirondelles et des autres oiseaux. L'année sui- vante, on les voit reparaitre dans les mêmes maisons, ou auprès des mêmes bocages où les uns et les autres s'étaient primitivement fixés, et reprendre leurs an- ciens nids ou en construire de nouveaux. C’est dans ces couches nuptiales que ces oiseaux nous donnent tant d'exemples touchants de la tendresse conjugale. Images de la fidélité, les hirondelles ne s’abandon- nent presque jamais, et leur union est en quelque sorte indissoluble. Cet exemple, si connu, prouve que la nouvelle pa- trie que certains oiseaux adoptent dans leurs migra- tions est toujours la même chaque année. Ils parais- sent encore suivre constamment la même route, soit lors de leur arrivée, soit au moment de leur départ, ainsi que l’annoncent les observations que nous avons déjà faites sur les cailles et sur tant d’autres espèces. Les retours dans les régions tempérées d’un assez grand nombre d'oiseaux sont si réguliers et si bien … 408 — déterminés, que les chasseurs comptent sur eux, comme les oiseleurs le font relativement à ceux des becs-fins. Malgré les nombreux exemples de tendresse pour leurs petits, que nous donnent les hirondelles, il est cependant des occasions où elles semblent abandon- ner ce sentiment. Voici du moins un fait qui porterait à le penser. Un jeune enfant avait mis un nid d’hi- rondelle dans une cage. Le père et la mére des petits oiseaux, qui se trouvaient dans le nid, volaient cons- tamment autour de la cage, chagrins de ne pouvoir donner eux-mêmes à manger à leurs petits. Un jour, l'enfant ayant laissé quelques instants la porte de la cage ouverte, les hirondelles s’y précipitérent, et tuérent sans pitié les jeunes oiseaux. Cet acte de désespoir annonce jusqu'à quel point d’exaltation les hirondelles poussent leur amour pour leurs petits. Du moins, cet acte bien apprécié, et qui au premier aperçu ne semble qu’un acte de cruauté, est peut-être une preuve de leur tendresse maternelle. III. De l'irréqularité des passages des oiseaux erratiques. Quoique le retour des mêmes espèces d’oiseaux ait lieu assez généralementavec une régularité remarqua- ble, ilne faut pas croire cependant que cette loi générale soit sans exceptions. Elles sont au contraire fort nom- — 107 — breuses, non chez les espèces émigrantes, mais seule- ment chez les espèces erratiques. Ainsi, le merle rose (pastor roseus Temm.)est venu visiter en grandnombre les contrées méridionales de la France, en juin 1837 et 1838; il n’a pas reparu en 1839 ni en 1840. Cette espèce, dont les courses extrêmement irrégulières durent souvent près d’un mois, habite les parties les plus chaudes de l’Asie et de l'Afrique. Il étend néan- moins ses excursions dans les différentes contrées de l'Europe, principalement dans les provinces méridio- nales de l'Espagne, de l'Italie, du Piémont et de la France, et les pousse même jusque dans l’Indostan. Lorsque ces oiseaux arrivent dans le midi de la France, on les voit voler très-bas et en silence ; aussi sont-ils faciles à prendre, surtout aux filets. Généra- lement désireux de continuer leur route, ils séjournent peu dans nos contrées, impatients qu’ils sont de se rendre dans les régions septentrionales de l’Europe. L'époque de la venue des jeunes merles roses n’est pas tout à fait la même que celle des vieux. Les pre- miers visitent rarement et en petit nombre le midi de la France à la fin d'octobre ou aux premiers jours du mois de novembre. Ils accompagnent presque tou- jours les étourneaux, dont le genre de nourriture est à peu prés le même. L'apparition des merles roses, toute incertaine qu’elle est, n’a jamais lieu en même temps que le premier passage des étourneaux. — 108 — L'époque à peu près constante de la venue de ces derniers est dans les premiers jours du mois de mars. Les merles roses ne nous arrivent presque jamais avant la fin de mai, et au plus tard vers le milieu de juin. Ils arrivent alors en grand nombre, du moins les vieux individus, dans les prairies, surtout dans celles où ils supposent trouver beaucoup de grillons dont ils sont fort friands." De pareils exemples nous sont four- nis par d’autres espèces. Ainsi, les becs-croisés com- muns (/oxia curvirostra Temm.) ne passent pas toutes les années en France. Leur apparition dans le Midi a lieu d’une manière fort irrégulière et à des époques plus ou moins éloignées. Ces oiseaux y sont venus en grande abondance en 1836 , 1837, 1838 et 1839 , tandis que pendant près de seize années on n’en avait pas apercu un seul. Il faut remonter jus- qu'en 1820 pour trouver un autre exemple d'un passage de becs-croisés presque aussi considérable que celui de 1839. À cette époque , ces oiseaux ne cessèrent de passer depuis le mois de juin jusqu’au 4 ou 5 août; mais le plus grand nombre arriva vers le 45 du mois de juillet. Les becs-croisés n’ontaucune sorte de méfiance. Ils se laissent tuer avec la plus grande facilité, et les coups de ‘fusil les effrayent si peu, qu'ils ne quittent pas même l’arbre sur lequelils n’ont pas été atteints. On est donc à peu près sür de les tuer tous, les uns — 109 — après les autres, pour peu qu'on ait de l’adresse. Par suite de cette incroyable impassibilité, il n’est pas rare, dans le fort de leur passage, d’en abattre de des- sus le même arbre cinq ou six de suite. D’un autre côté, si on leur tend des filets, ils s’y jettent sans crainte, surtout si on a le soin d’y attacher quelques individus de leur espèce. L'irrégularité des migrations de ces oiseaux, qui nichent dans le nord de l’Europe, tiendrait-elle aux variations que la température et la marche des sai- sons éprouvent d’une année à l’autre? Il pourrait en être ainsi : leurs migrations tout à fait accidentelles ne sont point périodiques. D'un autre côté, de pareils passages ont lieu au contraire du sud au nord. Ainsi, le courre-vite isabelle (cursorius isabellinus Temm.) qui habite l'Egypte et la Nubie, visite à des époques indéterminées les côtes du midi de la France. Un in- dividu, dont le corps était encore couvert de plumes à peine développées, fut pris en août 1839 sur la plage de Maguelonne, près de Montpellier. Quel motif a donc pu porter cet oiseau à s’expatrier dans un âge aussi tendre, et où il lui était si nécessaire de ne point abandonner le nid qui l’avait vu naître ? Ce fait re- marquable nous a été signalé par M. Lebrun. L'irrégularité des passages d’un grand nombre d'oiseaux rend diflicile l’appréciation des causes qui les provoquent. Parmi les faits singuliers qui se ratta- — 110 — chent à ces voyages accidentels, M. Lebrun, que nous venons de citer, nous en a signalé un digne d'attention. La mouette tridactyle (larus tridactylus Temm.) habite les pays froids ; elle les quitte pourtant en au- tomne et en hiver, et se répand vers les lacs salés, les mers intérieures, les golfes de l'Océan, principa- lement en Irlande. On voit rarement ces oiseaux s’a- venturer en petites troupes vers les contrées méridio- nales : cependant cette année 1840, remarquable par la douceur de l’hiver, les mouettes tridactyles sont arrivées en grandes bandes dans le Midi. Quoique les étangs fussent encombrés de poissons, ces oiseaux se laissèrent mourir de faim. Plusieurs du moins furent trouvés morts, et leur maigreur, ainsi que celle des in- dividus qui ont été tués, signalait assez quelle pouvait en être la cause, c’est-à-dire le défaut de nourriture, au milieu cependant de l'abondance qui les entourait. On se demande quels motifs ont pu porter ces o1- seaux à quitter les pays qu’ils habitent ordinairement, pour se transporter à de grandes distances, et là où ils devaient trouver la mort, quoique toutes les circons- tances favorables à leur existence leur fussent offer- tes. C’est là un fait , il faut en convenir, dont il est difficile de donner une explication satisfaisante. Ge ne peut être le besoin d’une nourriture convenable, puisque ces mouettes n'ont point usé de celle qu'elles trouvaient partout en abondance. Serait-ce une tem- — 411 — pérature plus douce qu'elles auraient cherchée ? Elles l’ontrencontrée dans nos climats, et cependant elle ne leur a pas été utile; la plupart ont succombé malgré sa bienfaisante influence. Cette circonstance tien- drait-elle à cette merveilleuse police de la nature qui maintient dans une harmonie parfaite le nom- bre et les proportions des différentes espèces ? c’est ce que nous n'oserions décider. D'un autre côté, des observations suivies avec le plus grand soin à Montpellier par divers ornitholo- gistes n’avaient jamais fait connaitre le bécasseau pla- tyrinque comme une espèce de passage dans nos con- trées. Du moins, M. Crespon, dans son ornithologie du Gard, n’a pas signalé cet oiseau parmi ceux qui fréquentent les contrées méridionales de la France. Cependant cinq individus de ce bécasseau, sur le genre duquel il s’est élevé entre les auteurs de grandes dis- cussions, ont été récemment apportés à M. Lebrun. Un de ces individus fut tué le 30 juillet 1840 dans les environs de Montpellier ; deux autres le 2 août suivant, et enfin les deux derniers le 5.et le 14 du même mois. Depuis lors, aucun autre individu de ces oiseaux qui habitent les marais du nord de l'Europe et de l'Amérique n’a été apercu parmi nous, quoi- qu'ils poussent leurs excursions jusque dans l’archi- pel de la Sonde et des Moluques. Si donc cette espèce a paru dans le midi de la — 112 — France en 1840, et cela dans le jeune âge, après avoir resté si longtemps sans y arriver, il ne faut point l’attribuer à son humeur sédentaire, puisqu'elle fré- quente à la fois l’Europe , l’Asie et l'Amérique, mais à l’irrégularité des passages accidentels des oiseaux. Cette irrégularité peut seule rendre raison de la tar- dive apparition de cette espèce dans les contrées mé- ridionales de la France. Elle confirme aussi les autres faits que nous avons déjà énumérés. Cette même année 1840 s’est fait encore remar- quer parmi nous par une autre apparition d’une es- pèce de bécasseau, qui a été décrite comme habitant Y’Amérique septentrionale. A la vérité Temminck, dans son quatrième volume supplémentaire de la se- conde édition de son Manuel d’ornithologie, fait ob- server qu’un individu de cette espèce ou du bécas- seau pectoral a été tué en Angleterre le 17 octobre 1830. A part cet individu unique, on n'avait jamais constaté, en Europe, l'apparition de cette espèce. Cet oiseau, capturé en 4840 dans le midi de la France, ne s’est pas borné, comme cette fois, à cinq ou six in- dividus. Un seul fut d’abord apporté à M. Lebrun ; cet ornithologiste présuma qu'il ne devait pas être isolé ; en conséquence, il recommanda aux chasseurs de prendre tous ceux qu’ils pourraient trouver; de cette manière il s’est procuré vingt-cinq individus de la méme espece. — 115 — Les deux bécasseaux dont l'apparition dans les pro: vinces méridionales de la France a été pour les natu- ralistes un objet de surprise, y sont venus en même temps que le cocorli (éringa subarcuata), dont les passages ont lieu régulièrement depuis le mois d'août jusqu’au 15 octobre. Les deux espèces de bécasseaux, le platyrinque et le pectoral, sont arrivées parmi nous presque tous dans le jeune àge; quelques individus du cocorli étaient cependant adultes, et avaient con- servé leurs livrées d’été. Ces faits prouvent com- bien il serait essentiel que ceux qui sont témoins de la venue ou des passages des oïseaux fussent assez éclairés pour déméler les espèces différentes qui ne s’y trouvent que plus ou moins passagère- ment. On arriverait ainsi à discerner avec plus de certitude les oiseaux qui opèrent leurs migrations avec régularité de ceux dont les excursions sont pu- rement accidentelles. IV. De la diversité dans les époques des passages des jeunes et des vieux oiseaux. Un fait constant dans les migrations des oiseaux est la diversité des époques , à laquelle lés jeunes et les vieux exécntent leurs voyages. Les différentes espèces de becs fins ou de fauvettes peuvent être citées comme des exemples frappants de cette cir- 8 — 114 — constance remarquable. On voit du moins rarement la passerinette (sylvia passerina Temm.), la verderolle (sylvia palustris Temm.) et l’effarvatte (sylvia arun- dinacea Temm.) exécuter leurs passages aux mêmes époques de leur vie. Les vieux arrivent à peu prés constamment dans les contrées méridionales de la France avant les jeu- nes dont les passages ont lieu beaucoup plus tard. Par suite d'habitudes analogues, les ortolans mäles (emberrizza hortulana Temm.) précèdent le plus ordinairement leurs femelles dans leurs migra- tions régulières, et cela d'au moins une quinzaine de jours. Ainsi, peu avant l'entrée de l’hiver, lorsque les pre- miers froids commencent à se faire sentir, les oiseaux de passage se réunissent par bandes, et, dans le plus srand nombre des espèces, les jeunes se rassemblent et se séparent des vieux comme s'ils avaient honte de demander leur chemin à leurs anciens. Chez certaines espèces, les individus, soit erratiques, soit émigrants , volent isolés, tandis que chez d’autres ils forment au contraire de nombreuses bandes désor- données, exécutant leurs voyages toujours en grand nombre. Quelques-uns volent rangés en colonnes ré- guliéres et plus ou moins serrées. Certaines de ces colonnes cheminent lentement , comme si elles obéis- saient au froid qui les va chassant, tandis que les — 115 — autres partent avec rapidité, et terminent en peu de jours leurs migrations. Quelques oiseaux ont l'habitude de voler tout près de terre; on les voit se reposer aussi très-souvent, pour si peu qu’ils se sentent fatigués. D’autres ,au con- traire , s'élèvent au-dessus des nues, et, plus vigou- reux et plus agiles que les premiers, ils ne s'arrêtent presque jamais. Mais les uns aussi bien que les autres jugent très-bien les époques qui peuvent favoriser leurs voyages. Il n’y a pour aucune de leurs espèces ni équivoque ni incertitude. Tous connaissent également, par suite d’un: instinct naturel, l’époque de leur retour ; aucun d’entre eux ne se trompe jamais sur les lieux qu'ils ont déjà vi- sités. Un martinet auquel on avait fait une marque, afin de le reconnaître | revint dix années de suite, construire son nid dans une caisse disposée à cet effet. Un faucon à queue rouge, très-reconnaissable, parce qu’à la suite d’un accident ses plumes avaient blan- chi, revint pendant lespace de douze hivers consé- cutifs prendre possession d’un vieux pin, dans le dis- trict de Colleton dans la Caroline. Les migrations des animaux ont donc lieu par suite d’un instinct inné. Cet instinet les y pousse à peu près comme celui particulier au castor le force à bâtir lors- que, élevé loin: de ses parents, il n’en a rienappris. En effet, des castors isolés, solitaires, placé. tout exprès — #16 — dans des cages, pour qu'ils n’aient aucun besoin d’édi- lier leurs constructions ordinaires, cherchent tou- jours à les faire, poussés par ‘une force machinale et aveugle, ou par un instinct auquel ils ne savent ni ne peuvent résister. De même, l'oiseau placé dans une cage, maintenu dans une température égale à celle qu’il va chercher ailleurs dans ses migrations ordinaires , et auquel on distribue une nourriture abondante et appropriée à ses besoins, ne montre pas moins à l'époque de ses voyages une agitation toute particulière. Il manifeste toujours la plus vive impatience pour quitter les lieux où on le retient. L'instinct qui le porte à voya: ger est si impérieux, si irrésistible, que malgré l’ac- complissement de tous ses besoins, nous pouvons même dire de tous ses désirs, il succombe souvent lors- qu'il ne peut remplir les exigences de son organisation. Cet instinct porte l'oiseau commele poisson à voya- ger, comme celui du castor le pousse à construire son admirable cabane ; mais ni les uns ni les autres ne peuvent aller au delà. Sous ce rapport, comme sous tous les autres, l'instinct est borné à un acte déterminé qui s'exécute et se produit de la même manière et avec les mêmes conditions. Au contraire, tout dans l’intelli- gence est général. Sa flexibilité et sa perfectibilité sont te “les, qu’il n’y a pas d'objets auxquels elle ne puisse s’ap vliquer. Sans doute, les animaux sentent, con- L — A17 — naissent, pensent à leur manière ; mais les êtres doués de l'intelligence, l'homme, qui jouit seul de ce noble attribut, est aussi le seul à qui le pouvoir ait été donné de sentir qu'il sent, de connaître qu’il connaît, et de penser qu'il pense. Les animaux n’ont donc pas la réflexion, cette faculté suprême qu'a la pensée de l’homme de se replier sur elle-même, et d'étudier l'esprit. La réflexion, ainsi définie, est donc la limite qui sépare l'intelligence de l'instinct des animaux. On ne peut disconvenir , en effet, qu'il n'y ait là une démarcation profonde. Cette pensée qui se considère elle-même, cette intelligence qui se voit et qui s’étudie, cette connaissance qui se connait, forme évidemment ün ordre de phénomènes déterminés d’une manière tranchée, et auxquels nul animal ne saurait atteindre. C’est là tout à fait le monde purement intellectuel, et ce monde n’appartient qu’à l’homme. On ne rencontre jamais dans les contrées méridio- nales de la France de vieux individus du plongeon imbrim (colymbus glacialis Linn.), ni du canard eider (anas mollissima Linn.). Les jeunes seuls les visitent, et, ce qui est non moins remarquable, on voit rarement parmi eux des males, du moins parmi les individus de cette dernière espèce. On assure cepen- dant que des femelles adultes ont été tuées dans les environs de Montpellier. Cette circonstance tiendrait- — 118 — elle à ce que la différence des sexes est plus dif- ficile à reconnaitre chez les jeunes individus que chez les vieux; nous n’oserions le décider. Il en est de même du moineau cisalpin ( fringilla cisalpina Temm.). Cet oiseau arrive à peu près constamment dans le Midi, vers la fin d’octobre ou au commence- ment du mois de novembre; mais presque toujours dans le jeune âge. Il nous quitte ensuite, et au plus tard vers la fin de décembre, ne séjournant guère dans les provinces mé- ridionales de la France plus de deux mois. On ne voit plus ce moineau dans aucune autre saison de l'année. De pareilles habitudes sont communes au bruant montain (emberizza calcarata Temm.). Cet oiseau nous arrive assez souvent et isolément vers la fin de novembre, toujours dans le jeune âge, n’ayant pas opéré la mue des adultes. On peut faire une remarque non moins singuliére, relativement à la différence des distances que par- courent les vieux oiseaux dans leurs migrations, en comparaison de celles que franchissent les jeunes. On voit constamment les bandes composées de vieux oiseaux étendre leurs migrations plus loin, soit en automne, soit à leur retour au printemps, que les bandes formées par les jeunes oiseaux. Celles-ci s’a- vaucent toujours moins en avant dans les régions plus froides que celles qu’elles viennent d'abandonner. — Ja — Ainsi, lorsque les vieux poussent leurs voyages jus- que dans les régions du cercle arctique, les jeunes, moins audacieux et moins éntreprenants, restent pen- dant une ou deux années dans les contrées du centre de l’Europe. Lorsque les vieux choisissent les cli- mats tempérés, comme lieux de leur séjour, les jeunes sont retenus dans le Midi. Ils ne paraissent pas pour lors passer les mers qui séparent l’Europe de l'Afrique septentrionale ; cependant le plus grand nombre des espèces nomades qui n'arrivent pas à l’état adulte dès leur première année, choisissent de préférence ces contrées pour leur séjour d'hiver. Si l’on arrête ces oiseaux au milieu de leurs mi- grations, plus ou moins loin des lieux où ils construi- sent ordinairement leurs nids, on ne peut pas les faire nicher, quels que soient les soins que l’on prenne à cet égard. Nous avons renouvelé cette observation bien des fois, particulièrement pour les becs croisés; ja- mais elle n’a été suivie du moindre succés. On concoit fort bien pourquoi l’on ne peut parvenir à faire ni- cher les colibris, les oiseaux-mouches, les veuves et les souimangas dans les climats tempérés, puisque ces oi- seaux he sauraient y trouver cette température élevée qui dans leur pays natal est pour eux la saison des amours. Mais on ne comprend pas pourquoi les oiseaux que l’on arrête dans leurs passages ne cherchent pas à se reproduire et résistent à un besoin aussi impérieux — A9 que celui qui presse toutes. les espèces de faire durer leur race. On éprouve d’autant plus de difficultés à se rendre raison d’une pareille résistance, que des oiseaux qui habitent des climats extrêmement chauds, transportés dans les régions tempérées du midi de la France, y pondent leurs œufs, tout aussi bien que dans leur pays natal. Telle est l’autruche. Cette circonstance remar- quable pourrait être considérée comme tenant à ce que ces oiseaux ne construisent pas des nids, puis- qu’ils ne pondent qu'un seul œuf à la fois. Elle doit dépendre de toute autre cause; en effet, un grand nombre d’espèces des pays chauds nichent et pondent leurs œufs dans les climats tempérés, ainsi que dans les lieux de leur naissance. Les oiseaux dont le plumage n’a point encore pris tout son développement et ses couleurs stables sont ceux qui étendent le moins loin leurs excursions. Comme ils sont souvcut une où deux années avant d’être en état de se reproduire, ils se choisissent des lieux tout autres que ceux où les adultes se rendent pour nicher. S'ils se trompaient, les vieux les chasse- raient certainement, avant qu'ils eussent pu songer à se reproduire. Lorsque le temps est venu de quitter les con- trées où ils ont opéré leurs pontes , on voit ces jeunes oiseaux, devenus adultes, se rassembler pendant huit, — 191 — dix ou même quinze Jours , et. se préparer ainsi aux voyages auxquels ils vont se livrer: Ces rassemble- ments dureut ainsi jusqu’au moment où l’époque des passages est totalement terminée. Comme les vieux individus poussent leurs excur- sions le plus loin, ils s’égarent le plus avant dans les régions du nord, ou les contrées polaires, où 1l est rare de rencontrer de jeunes oiseaux. Lorsque au re- tour du printemps, les palmipèdes et les échassiers quittent les contrées tempérées pour gagner l'ex- trême nord, les vieux y arrivent à peu près seuls. Les jeunes restent sur les bords de la Baltique, s’é- tendent sur les lacs de l'Autriche, de la Hongrie, et au plus loin sur ceux de la Russie. Les sexes ne sont pas non plus sans quelques rap- ports avec le nombre des individus qui composent les passages. Souvent les deux sexes ne voyagent pas en- semble, soit que les males précédent les femelles, soit que l'inverse ait lieu. Il arrive même quelquefois que l’un des sexes prédomine d’une manière marquée sur l’autre.Telleest, parexemple, la mésangeremiz (parus pendalinus), qui offre constamment, dans le midi de la France, plus de mâles que de femelles. Il en est également chez les fauvettes, et particuliérement chez la passerinette, la mélanocéphale, et enfin chez le bec fin à lunette. Cette circonstance dépendrait-elle de la plus grande — 192 — force motrice, dont les mâles sont doués. On concoit qu’elle doit leur donner les moyens de franchir des es- paces plus considérables, et d'arriver ainsi plus tôt que leurs femelles dans nos contrées. Get excès des mâles tient peut-être encore à l’ardeur qu’ils montrent pour se reproduire, sentiment moins fort chez les individus de l’autre sexe, et qui par cela même les porte moins à se déplacer. Si beaucoup d'oiseaux voyagent pendant le jour, un grand nombre, comme les hérons, les bécasses, les ràles, et une foule d’autres espèces voyagent pen- dant la nuit. Les uns font entendre des cris plus ou moins percants, tandis que les autres gardent le si- lence pendant leurs courses même les plus longues. La plupart des espèces de passage qui ont de pa- reilles habitudes s'arrêtent à peine dans les voyages qu'ils font des pays chauds où ils passent l’hiver, jusqu'aux lieux où ils établissent leur principal do- micile. C’est surtout vers les régions septentrionales que ces oiseaux se rendent pendant la belle saison. Parmi ces espèces éminemment voyageuses, on peut signaler principalement les cicognes. Quoi- qu’elles s'élèvent considérablement dans les plaines de l'air, elles n’en franchissent pas moins de grandes distances. On est peu surpris que les hirondelles et les martinets, dont les ailes sont si étendues et la puissance du vol si grande, aient de pareilles habi- — 125 — tudes. D'ailleurs ces oiseaux ont leur corps peu pe- sant, et leurs mouvements sont extrêmement agiles. Comme les hirondelles exécutent les plus longs voyages, et quittent le plus souvent les lieux qu’elles habitent pendant la nuit, on a longtemps supposé qu’elles se retiraient l’hiver dans des excavations ou de petites cavités au bord des rivières. Là elles reste- raient engourdies pendant toute la saison des frimas. Hunter a démontré que cette supposition n’était pas exacte; car l’organisation et la structure anato- mique des organes respiratoires de ces animaux s'opposent non-seuiement à ce qu’ils puissent vivre dans l'eau, mais encore à ce qu’ils puissent rester longtemps engourdis. D'ailleurs, comme nous avons déjà fait saisir à quelle cause il fallait attribuer cette erreur, nous ne nous y arrêterons pas plus longtemps. Nous ferons cependant observer que les routes suivies par les hirondelles dans leurs migrations sont par- faitement connues et qu’il est facile de suivre leur direction aussi bien que celle des autres oiseaux, ce qui empêche de les considérer comme hivernantes à la manière des loirs et des marmottes. IL est du moins certain qu’au moment du départ les oiseaux voyageurs manifestent une sorte d’inquié- tude et de malaise particuliers. Aussi M. Bachman a-t-il observé des canards du Canada (anser cana- diensis) parfaitement apprivoisés à Charles-Town, — 124 — lesquels, à chaque printemps, faisaient tous les efforts imaginables pour obéir à leur instinct. Quoiqu’on leur eût coupé une articulation de l'aile, du moment qu'ils se voyaient libres, ils s’échappaient en courant vers le nord, comme s'ils eussent voulu entrepren- dre leur voyage en marchant. Wilson cite également comme une chose certaine le fait d’une cane appri- voisée qui au printemps s’échappa de Long-Island, et revint à l'automne avec trois canetons, qui demeu- rérent avec elle. Il parait en être de même du cygne domestique et, ce qui est encore plus remarquable, du cygne noir de la Nonvelle-Hollande (anas plutonia) élevé en Europe. Les rouges-corges, les chardonnerets et les autres oiseaux apportés jeunes des pays du nord, et mis en liberté, se dirigent de suite vers les pôles avec tout autant de précision que s'ils étaient munis de boussoles. En refléchissant sur ces faits qui se renouvellent chaque année avec le retour des saisons, on est moins surpris que l’arrivée et le départ des oiseaux soit un des meilleurs pronostics du changement de temps qui va avoir lieu. Le capitaine Parry raconte avec quelle anxiété les Esquimaux attendent l’arrivée du pinson de neige. L’aigle pêcheur annonce à ceux qui habitent les rives des fleuves du Nord que le moment de la pêche est enfin venu. Le chant de la tête-de- chèvre (caprimulgus caroliniensis) rappelle égale- — 125 — ment aux fermiers et aux laboureurs que le temps de semer le froment doit être arrivé, ot cet oiseau fait entendre sa voix. Ainsi les chants des oiseaux, tout comme les cris des autres animaux, animent non-seulement la nature, mais sont souvent des signes certains des événements et des circonstances qui vont suivre. Ils les annoncent beaucoup mieux que nous ne pourrions le faire avec toute notre intellisence, aidée par les instruments, fruits de son invention, qui nous ont mis en commu- nication avec les objets extérieurs. V. De l'influence de la température et de la nourriture sur les passages des oiseaux. La température n’est donc pas sans quelque in- fluence sur les passages des oiseaux. En effet, nous voyons avancer vers nous les ramiers, les linottes, les pinsons, les draines, les grives et les chardonnerets, à mesure que l'hiver les poursuit ailleurs. Quelques-uns vont à peu prés seuls, ou voyagent en petites troupes, mendiant, pour ainsi dire, leur nourriture sur leur passage. D’autres, tels que les ramiers, s’élancent en grandes masses dans les vastes plaines de l’air, pleins de confiance dans la puissance de leur vol; ils s'arrêtent peu dans le trajet qu’ils ont à parcourir. Plusieurs espèces de bruants, plus timides, n’abandonnent qu’à — 126 — regret les lieux de leur naissance. Elles ne les quit- tent que lorsqu'elles y sont forcées par les rigueurs de l’hiver : aussi ces oiseaux nous arrivent générale- ment fort tard. Lorsque la bise souffle, que l’atmosphère est som- bre et grisâtre, on voit passer dans les nuages épais des détachements de grues, de foulques, de van- neaux, de pluviers, d’oies, de canards. Enfin de nom- breuses légions d'oiseaux aquatiques, qui abandonnent les régions glacées des pôles, viennent s’abattre dans les prairies inondées ou les marais remplis de joncs des contrées méridionales. Mais lorsqu’aux approches du printemps les cam- pagnes reprennent leur verdure, les guépiers, les loriots, les coucous et les mauvis (éurdus iliacus) ve- paraissent et se répandent dans les champs. et dans les forêts du Midi. Les oiseaux palmipèdes, ainsi que toutes les espèces des rivages, retournent dans. leur humide et froide patrie, dont les, glaces les avaient chassés. Les. oiseaux insectivores et granivores re- viennent, au contraire, dans le Midi avec la belle saison, qui les rappelle dans leur pays natal. La faim les a fait fuir, l’amour nous les ramène. L’hirondelle reconnait le nid qu’elle plaçca sous les fenêtres de nos habitations. La cigogne retourne sur celui de l’antique tour où elle éleva sa famille. Le loriot re- trouve le sien dans la forêt. Le rouge-vorge revoit — 127 — avec plaisir le tronc mousseux de son vieux chêne, et le traquet son buisson. Ainsi les contrées du midi, comme toutes celles où le printemps fait sentir sa bienfaisante influence, sont saluées par des chants d’allégresse et d'amour jusqu'à ce que l’hiver, entouré de brumes épaisses et de froids rigoureux, vienne de nouveau y faire peser son sceptre de glace et de mort. Les voyages constants que les oiseaux exécutent à des époques fixes n’ont rien de commun avec ceux que certaines espèces entreprennent sans aucun but apparent, pouvant supporter toutes sortes de varia- tions dans la température et vivre en quelque sorte dans tous les climats. Ceux-ci paraissent voyager presque sans but. Ils ne suivent aucune direction fixe, et ne s'arrêtent que pour prendre un repos indispen- sable. Leurs apparitions, tout à fait accidentelles, jet- tent ensuite une grande confusion dans la distribu- tion des espèces, lorsque ces oiseaux s'arrêtent et fi- nissent par se fixer dans les lieux nouveaux où le hasard les a conduits. Dans ces migrations accidentelles et isolées, les deux sexes voyagent constamment en- semble. Le nombre de ces individus qui parcourent des pays divers, sans projet comme sans dessein dé- terminé est du reste peu considérable. On admire pourtant dans ces migrations partielles l’ordre qui y ré- gne. On n'est pas moins surpris de cet instinct admira- ble qui porte ces oiseaux à s'appeler mutuellement, afin — 128 — de se rassembler vers un point fixe et de se trouver réunis douze ou quinze Jours avant celui du départ. Ce jour est ordinairement l’indicedu mauvais temps qui va suivre. En effet, les oiseaux prévoient mieux que les autres animaux les changements qui vont s’o- pérer dans la température ; aussi, après l’arrivée de certaines espèces, disparaissent les beaux jours et la douceur du climat. Les faits qu'ils nous présentent, nous les retrouvons ésalement chez la plupart des es- pèces dont les voyages ont constamment lieu à l’épo- que du changement des saisons. Qui ignore que la venue des oies, des canards, des grues, des cicognes et même des corneilles, est un signe certain des mauvais Jours qui vont succéder à leur apparition. L'oiseau des tempêtes n'est-il pas également pour les navigateurs un indice assuré des orages qui vont survenir ? Sa présence, ainsi que l’ob- serve avec raison Buffon, est à la fois un signe d’a- larme et de salut. Par suite des sages desseins de la nature, cet oiseau, si utile à l’homme, est sénéralement répandu dans toutes les mers, comme pour mieux prévenir les marins contre les dangers qui les me- nacent (1). (1) On pourrait encore citer parmi les oiseaux qui présagent les tempêtes la mouette à pieds bleus, le stercoraire cataracte et bien d’autres espèces. — 129 — On se demande si cette prévoyance est pour les oiseaux un effet de teur instinct ou un résultat de leur organisation. Celle-ci détermine les impressions qui produisent et développent les conséquences de l'instinct; dès lors, c’est dans l’organisation même qu'il faut chercher les conditions de cette prévision. Nous avons déjà fait observer que les oiseaux étaient les animaux dont la température est la plus élevée ; ils doivent donc être plus sensiblement affectés par les changements qui peuvent s’opérer dans les cir- constances extérieures. Sans doute ces animaux sont entourés de plumes et de duvets, corps aussi mauvais conducteurs de la chaleur que l’air qui en remplit les cavités; par cela même, ils se trouvent dans des con- ditions qui affaiblissent l’impression des milieux sous l'influence desquels ils vivent. D'un autre côté, les oiseaux, comme les vertébrés les plus élevés dans la sé- rie animale, ne sont jamais en équilibre sous le rap- port de leur température avec l'air ambiant ; aussi, plus ils en recoivent dans leurs poumons , dans leurs os, dans leurs plumes, enfin dans toutes les parties de leur corps, et plus ils doivent en être affectés. Ils le sont surtout lorsque ce fluide se trouve très au- dessous de leur propre chaleur, comme cela arrive lors des diverses variations atmosphériques. Les outardes barbues (otis tarda) n'arrivent dans les contrées méridionales de la France que lorsque 9 — 150 — l'hiver est risoureux. Si la température se maintient à des degrés assez élevés pendant cette saison, ces es- pèces n’en approchent pas. Leur venue est tellement liée à la température, qu’elle se montre constamment en harmonie avec là marche de la chaleur. Aussi la présence de ces espèces dans le Midi est un indice cer- tain de la rigueur de l’hiver qui va suivre. C’est sur des faits du même genre qu’est fondée l'opinion généralement accréditée parmi les cultiva- teurs, que l’arrivée de certaines espèces dans des pays plus méridionaux que ceux où elles ont coutume d'aller passer l'hiver, est presqu’un signe certain que la saison qui suivra leur venue sera froide. M. Brehm, qui a publié sur les migrations les observations les plus intéressantes, regarde cette opinion comme fon- dée. D’après lui, ce pronostic tromperait peu; il est principalement donné par des oiseaux dont les migra- tions ont lieu en août et en septembre ; du moins en Angleterre: Parmi ces oiseaux, on peut comprendre les fauvettes des roseaux, les tarins, les bouvreuils et les aecenteurs. Il en est également de ceux qui, comme les cygnes et les harles, arrivent dans le Midi en grand nombre vers la fin de novembre. On serait tenté de croire, d’aprés ces faits et d’après quelques autres que nous énumérerons plus tard, que les oiseaux se trouvent, au moment de leurs migrations, dans un état tout — 1351 — particulier. Cet état leur permettrait de supporter tous lés genres de privations, comme de prévoir cer- tains changements atmosphériques, dont ils pour- räient être afféctés, s’ils ne se placaient pas hors de leurs atteintes. | Ainsi la plupart dés oiseaux exécutent pendant le jour les voyages qui leur sont commandés par un besoin impérieux et irrésistible; d’autres, au con- traire, comme les ortolans, les tourdes, les grives, le rossignol, les fauvettes, les cailles, enfin tous les véritables chanteurs, ne voyagent jamais que la nuit. Il paraît en être de même des foulques et de quelques espèces d’oies et de canards. Ces oiseaux, pendant toute la durée du voyage, restent constam- ment éveillés le jour. Or, s’ils peuvent ainsi passer le temps entier des migrations sans dormir, c’est qu’ils sont pour lors dans un état d’exaltation et dans une sorte de crise bien différents de leur état naturel. Cette supposition semble confirmée par l’insomnie que ne présentent pas seulement ceux qui sont en li- berté, mais même les espèces qu'on tient enfermées. On les voit dans leurs cages pendant le jour, dans une agitation continuelle, s'occuper à chercher leur nour- riture, et cependant être alertes et en mouvement toute la nuit. Ces oiseaux ne paraissent pas pouvoir dormir tant que dure l’époque de leurs migrations. ES ne reprennent du moins leur tranquillité que lorsque cette époque est passée. On les entend pour lors chanter toute la nuit, même lorsque l’appar- tement où on les tient enfermés n’est pas ou est très-peu éclairé. Cependant lorsqu'il fait clair de lune ils semblent plus inquiets que lorsque la nuit est obscure. Aussi, généralement les oiseaux libres et indépendants voyagent de préférence pendant les nuits claires. Ces observations nous font comprendre que les migrations des oiseaux, comme tous les actes produits par l'instinct des animaux, sont principalement sous la dépendance de l’organisation propre à chacun d’eux. Elles annoncent encore qu'il existe un rapport constant entre les lois établies pour un but déterminé et les circonstances de l’organisme des animaux. Le phénomène des migrations, dont il est si difhcile d'apprécier les causes, a aussi son but d’utilité comme tous les phénomènes de la nature. Leurs résultats répartissent les oiseaux, comme les animaux qui s’y livrent, sur la totalité de la surface du globe, de manière que les lieux où ils peuvent se procurer une nourriture suflisante, en sont abondamment pourvus. En effet, toutes les contrées où les oiseaux espèrent trou- ver de quoi alimenter leurs forces épuisées sont visitées par eux soit en hiver, soit au printemps, soit enfin en été ou en automne; on y en voit un nombre plus ou moins considérable, toujours en rapport avec l’abon- dance de la nourriture, la douceur du climat et l'humidité qui leur est nécessaire. Rien donc ne peut retenir les espèces émigrantes dans les lieux qui les ont vues naître. Lorsqu'on veut les y contraindre, elles périssent et succombent dans un état de maigreur particulier. Témoins, ces coucous auxquels on distribue pendant l'hiver une nourriture abondante et une température analogue à celle du commencement de l’automne. Malgré les soins les plus constants, on ne peut les conserver au delà du mois de décembre et de janvier. Tous périssent dans un état de langueur particulier, produit par l’impuis- sance où ils ont été de satisfaire à un des besoins les plus pressants de leurs conditions d'existence. Une sorte de pressentiment des nouvelles circons- tances atmosphériques dans lesquelles ils vont se trou- ver porte les oiseaux à se livrer à des voyages loin- tains. Leurs migrations ou leurs apparitions subites dans une contrée qu'ils n'avaient pas l’habitude de fréquenter donnent des indices certains sur la ri- gueur de la saison qui doit suivre. Ainsi, lorsque dans l’automne de 1822, M. Brehm, que nous avons déjà eu l’occasion de citer, vit tous les canards quitter le lac de Friessnitz, et, que d’un autre côté, il apprit l’arrivée des pingouins sur les côtes de l'Allemagne, il s’attendit à un hiver rigoureux. L'événement répon- dit à ses prévisions. — 134 — On peut même ajouter que par suite de ces prévi- sions, sur lesquelles il est si difficile de se former des idées justes, les oiseaux voyageurs présagent jus- qu’à un certain point les grandes épidémies et même, au dire de certains observateurs , les perturbations des phénomènes atmosphériques et de certains faits physiques. On assure qu’il en a été ainsi ayant les désastres arrivés à la Pointre-à-Pitre (Guadeloupe). Enfin, lorsque dans les climats méridionaux on conserve à la fin de l’automne un grand nombre de pinsons, de linottes, de verdiers, en un mot tous les oiseaux qui peuvent se dispenser d’émigrer sans péril, on est presque sûr que le froid ne sera pas orand ni longtemps prolongé. Cette sorte de pré- vision peut paraître avoir quelque chose de mer- veilleux ; mais elle n’en est pas moins réelle. Elle se manifeste aussi bien chez les jeunes que chez les vieux oiseaux, quoique les uns et les autres ne suivent pas toujours les mêmes routes, et n’arrivent pas constam- ment dans les mêmes contrées. Ces actes tiennent tellement à la conservation des espèces, que la nature les a toutes douées d’un instinct suffisant pour les opérer, lorsqu'il est nécessaire. Il existe donc un rapport réel et évident entre les lois générales de la nature et les actes instinctifs des ani- maux. Ces relations n’ont d’autre but que d'assurer la perpétuité et la durée des espèces. En produisant — 155 — les actes qui en sont la manifestation, l'oiseau ne les exécute point par suite d’une intelligence qui lui en ferait sentir la nécessité. Il obéit pour lors à un instinct aveugle qui le presse et le pousse. Quant à l'intelligence qui préside à tous les mouvements qu'elle produit et qu’elle détermine, elle est en en- tier hors de ses actes, toujours les mêmes et qui ne sont susceptibles d'aucun genre de progrès. Diverses espèces d’oiseaux se déplacent donc à des époques fixes et toujours déterminées pour chaque espèce. Ces animaux y sont bien plus contraints par un instinct irrésistible que par l'effet des circons- tances extérieures, sous l'influence desquelles ils vivent. L'action de ces circonstances exerce toute sa puissance sur les oiseaux erratiques, dont les passages sont aussi irréguliers et aussi inconstants que les causes qui les déterminent. Quant aux ra- ces cosmopolites , dans un mouvement continuel, l'agitation est leur habitude, peut - être parce qu’elles vivent sur un élément où elles ne sau- raient trouver le repos, que n’exige pas du reste leur organisation. Elles volent constamment à la surface des eaux des mers, dont elles parcourent la vaste étendue. La plupart d’entre elles ne nagent cepen- dant presque jamais. Cette particularité prouve la grande puissance du vol de ces oiseaux , dont rien n'égale l’agilité ; aussi les voit - on parcourir les — 136 — espaces les plus considérables sans efforts comme sans fatigue. De pareilles habitudes sont assez rares parmi les oiseaux ; ceux-ci nous fournissent peu d'exemples ainsi que les poissons, dont les mouvements sont non moins agiles et non moins soutenus. Il en est différemment des espèces sédentaires, qui ne quittent jamais les lieux qui les ont vues naître. Le nouveau monde nous en pré- sente un plus grand nombre que l’ancien continent. La cause de cette différence tient peut-être au genre de nourriture des oiseaux d'Amérique. Leurs ali- ments les tiennent comme emprisonnés auprès des lieux de leur naissance. Il est possible encore que la température ne soit pas sans quelque influence sur les mœurs paisibles et tranquilles de ces races sta- tionnaires. L'homme dérange parfois cet ordre; c’est lui qui a transporté dans les forêts de l'Amérique les gros becs d'Afrique. Iles aamen ‘3 dans le nouveau monde avec d’autres espèces, par suite des relations commerciales qu'il a établies entre ces deux contrées. Les gros becs ont trouvé dans les forêts du nouveau continent toutes les conditions favorables à leur existence ; aussi ils y ont tellement prospéré, que bientôt ils y seront aussi nombreux que les espèces indigènes. Cette in- fluence de l’homme qui s'exerce déjà depuis bien des siècles empêche de démêler dans une foule de cir- s — 1357 — constances la véritable distribution primitive des animaux. Les causes d’un pareil transport sont si rappro- chées de nous, qu’il n’est point difficile d'en recon- naître les effets et de les distinguer de ceux dus aux déplacements naturels par suite des migrations. Mais lorsqu'elles remontent à des temps éloignés, il est dif- ficile de les bien apprécier, et de les discerner des changements opérés par suite des passages des oiseaux. L'influence de l’homme s’est fait ressentir, non- seulement sur les oiseaux émigrants et erratiques, mais elle s’est encore exercée sur les espèces séden- taires. À son action est due la disparition du moi- neau franc ( fringilla domestica) des iles Britanni- ques. Si ce moineau avait eu des mœurs différentes, c'est-à-dire avait voyagé soit à des époques fixes et périodiques, soit à des époques irrégulières , toute la puissance anglaise aurait été sans effet pour détruire le moineau dans ses possessions. Cet oiseau, s’il avait été doué d’une plus grande puissance de vol, s’y serait constamment perpétué par suite de ses voya- ges, auxquels aucun pouvoir humain n'aurait pu mettre obstacle. Les Anglais ont donc profité des mœurs du moi- neau franc, pour se délivrer d’un parasite fort in- commode , et d'autant plus à redouter pour nos ré- coltes, qu'il se nourrit uniquement de graines ou de ARE fruits, et détruit peu d'insectes. Sous ce rapport les espèces insectivores ont leur utilité, puisqu'elles dévorent ces derniers animaux, les fléaux des champs, et sous ce rapport l’homme leur doit en quelque sorte protection. On conçoit aisément que les mauvais voiliers doi- vent être les oiseaux les plus sédentaires; peut-être aussi pour cette raison les gallinacés se livrent peu à de grandes migrations. Aussi cet ordre est-il plus nombreux dans l’ancien continent que dans le nou- veau, et surtout que dans la Nouvelle-Hollande, où il en existe à peine. Si au contraire ces oiseaux s'étaient livrés, comme tant d’autres, à des voyages lointains, ils se seraient répandus dans diverses parties du globe, autres que celles où ils ont fixé leur séjour. Mais puisqu'ils sont bornés au lieu de leur naissance , ils annoncent par là qu'ils n’ont point changé de climat. IL est cependant des gallinacés qui font encore d’assez longues courses, et cela indépendamment de la caille, des pigeons et des tourterelles, oiseaux fa- meux par l’étendue de leurs excursions. On peut citer particulièrement les dindons dont l’espèce domesti- que se trouve à l’état sauvage dans diverses parties de l’intérieur de l'Amérique septentrionale. Ces dindons sauvages se nourrissent de baies et de fruits ; lorsqu'ils ont épuisé ceux d’une contrée, ils se rendent dans une autre, afin d’y trouver ce qui leur — 139 — manquait. Ainsi, vers le commencement d'octobre, lorsque les graines et les fruits ont disparu , on les voit s’assembler en troupes plus ou moins nombreu- ses, vers les plaines fertiles de l'Ohio et du Missis- sipi et y chercher leur nourriture. Les femelles, sui- vies de leurs petits, se tiennent constamment séparées des males, qu'elles redoutent. Les uns et les autres voyagent constamment à pied, et suivent la même di- rection. Lorsque cette armée de dindons rencontre une ri- vière sur son passage, elle est forcée de suspendre sa marche et de s'arrêter. Etonnés par cet obstacle, on voit pour lors les dindons se porter sur les plus grandes hau- -teurs qui en couronnent les bords et y rester plusieurs jours, comme en délibération. Ils se décident enfin à monter sur le sommet des arbres Les plus rapprochés de la rivière. À un signal donné par le chef de la troupe, tous prennent leur vol vers la rive opposée, où les ieux arrivent facilement, même lorsqu'elle a un mille de large. Quant aux jeunes, ils tombent souvent dans l’eau, et sont pour lors forcés d’achever leur tra- versée à la nage. Parvenus ainsi dans un canton où les fruits abon- dent, ils se divisent par troupes, sans distinction d'age ni de sexe, et dévorent tout ce qu’ils rencon- trent. Ils passent ainsi une partie de l’automne et de l'hiver ; vers le milieu de février, les femelles, bientôt — 140 — suivies des mâles, vont s'occuper de la ponte. Elles construisent un nid à terre avec des feuilles sèches, et y pondent de dix à quinze œufs. Elles se réunissent quelquefois plusieurs pour déposer leurs œufs dans un même nid et élever leurs petits en cemmun. L’une des mères, toujours vigilante, veille constamment sur ces nids. Elle en défend l’approche aux autres oi- seaux et aux mammifères qui voudraient en dévorer les œufs. On concoit comment avec de pareïlles habitudes, les dindons sauvages n’ont jamais quitté le sol de l’Amérique, où ils ont pris naissance. Ils se bornent à faire, dans cette contrée, des voyages d’un canton à l’autre, selon l'espoir qu'ils ont de trouver ailleurs: ce qu'ils n’ont plus dans les lieux qu'ils habitaient primitivement. Mais pourquoi en est-il de même des jacanas, des toucans, des guit-guit et des colibris , dont le vol est aussi élégant que léger ? Si ceux-ci ne se dépaysent pas plus que les dindons, et si comme eux ils n’ont point d'autre patrie que le nouveau monde, n'est-ce point parce que ces différentes espèces y rencontrent constamment ce qui est nécessaire à leur existence ? N'est-ce pas également par des causes du même genre que les promerops, les tangaras et les tamatias n'ont jamais abandonné les forêts du nouveau continent et que chaque espèce de perroquet est restée sédentaire — 141 — dans les lieux qui l’ont vue naître ? Aussi il n’y a pas d'espèces de ce genre qui soient communes à l’Amé- rique et à la Nouvelle-Hollande; cependant ces deux continents sont à peu près la patrie exclusive des perroquets (1). (1) L'influence de la température se fait ressentir non-seulement sur les mœurs des oiseaux, puisqu'elle en retient un certain nombre dans les lieux de leur naissance, mais elle exerce une influence non moins sensible sur la beauté de leur plumage. On sait que les plus beaux oiseaux comme les insectes revêtus des plus magnifiques couleurs appartiennent aux contrées les plus chaudes de la terre. Parmi les plus belles espèces de cet ordre d’animaux on doit surtout citer le tangara de Vassor (tangara Vassorii) d’un beau bleu d’azur émaillé. Cet oiseau est Ge Santa-Fé de Bogota en Colombie. Si ces faits prouvent quelle est l'influence de la température sur les oiseaux, d’autres prouvent combien est grande celle de la nourriture. Jusqu'à présent on n’avait pas pu parvenir à reproduire en Europe le cardinal huppé de Virginie (loxia cardinalis Linn.). On était seulement parvenu à opérer la reproduction du cardinal dominicain ({oxia domini- cana Linn.); mais toutes les tentatives avaient été sans succès pour la pre- mière espèce de gros bec. En fournissant à ces oiseaux la nourriture qui leur convenait, ils ont fait en France des couvées comme en Amérique. Les pelits qu’elles ont produits ont très-bien réussi par suite des soins que leur a prodigués M. Grégory (Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, tom. xv, n° 4, 4 juillet 4842, pag. 58). Il serait curieux de s’assurer si l’on ne pourrait pas en faire de même des colibris ; ces oiseaux restent constamment confinés dans les lieux de leur naissance, par suite peut-être de la difficulté qu'ils éprouveraient de ren- contrer ailleurs une nourriture convenable. On ne voit pas pourquoi, si elle leur était donnée en Europe comme en Amérique, ces oiseaux ne pour- — 142 — Du moins les contrées brülantes et stériles de l’A- frique n’ont jamais été fréquentées que par le perro- quet cendré (psittacus erythacus). Le sol de l'Europe n’a jamais vu non plus aucune espèce de ce genre animer ses campagnes. D'un autre côté, les touracous;, les courols, les barbicans, n’ont pas plus abandonné le sol de l'Afrique que d’autres espèces celui de l’A- sie: Quelques circonstances particulières que l’on re- marque chez des oiseaux bien connus et dont on peut facilement observer les passages, semblent propres à nous en faire apprécier les motifs. Les cailles, dont nous avons déjà parlé, ont leurs migrations tellement régulières, qu'on les voit arriver constamment dans le midi de la France vers le com- mencement d'avril, et en repartir vers la fin d'août ou dans le courant du mois de septembre. Ces cailles quittent quelquefois les contrées méridionales lorsque la sécheresse y est trop grande, dans l’espoir de trouver ailleurs ce qui leur manque parmi nous. D'un autre côté, les foulques (fulica atra Linn.), qui ordinairement paraissent sur les côtes du midi de la France depuis le mois d'octobre jusqu’au mois d’a- raient pas se reproduire dans les régions tempérées. Ce genre de recherches est trop intéressant pour ne pas être tenté par quelque observateur habile, qui pourra se procurer facilement des colibris vivants. — 1435 — vril, ne s’y sont point arrêtées dans l’année 1837. La cause de la retraite de ces oiseaux des lieux où ils sont ordinairement si abondants a paru tenir à l’ex- trême sécheresse de cette année. Cette sécherëesse fut si grande, que les étangs salés ne recevant presque plus d’eau douce, les herbes n’y poussérent pas comme à l'ordinaire. On se demandera peut-être comment les oiseaux peuvent prévoir de pareilles circonstances ? On juge facilement pourquoi ils quittent des contrées où ils ne trouvent pas toutes les conditions qui leur convien- nent; comme le font les caïlles ; soit celles qui, pous- sées par des vents violents, arrivent sur nos côtes vers la fin de mars, soit les vieilles qui ne s’y rendent que plus tard: Mais ce dont il est diflicile de se rendre raison, c'est comment des oiseaux peuvent savoir d’a- vance qu'ils ne trouveront pas ce qui leur est néces- saire dans les contrées où ils ont l'habitude de se rendre à des époques fixes. Certains faits permettent cependant d’entrevoir que cette prévoyance n’a rien d’extraordinaire, quoi- que les foulques dont nous nous occupons ici d’une manière particulière, arrivent constammenñt de nuit sur les étangs salés. Le lendemain de leur arrivée, ces oiseaux , après avoir reconnü les lieux où ils avaient l’habitude de séjourner; et n°y trouvant pas de quoi satisfaire leurs besoins ; les abandonnent — A4 — avec leurs compagnons, pour n’y revenir que l’année suivante. | Un exemple rendra ceci encore plus sensible, d’au- tant qu'il est facile de le vérifier. Pour prendre une grande quantité de moineaux, espèce compléte- ment sédentaire dans les contrées méridionales de la France, un assez grand nombre de chasseurs sè- ment leurs champs en millet, graine dont ces oiseaux sont fort friands. Lorsque la graine est müre, on les voit arriver de toutes parts, empressés qu’ils sont de s’en repaitre. Leur nombre est pour lors tellement considérable, qu'on se demande comment ceux qui étaient les plus éloignés de ces champs ont pu savoir qu'ils y trouveraient de quoi satisfaire leurs gouts. ils ne le peuvent, ce semble, que parce qu'ils ont quelques moyens de s'appeler mutuellement et de signaler à leurs compagnons une circonstance que tous recherchent avec ardeur. Aussi lorsque des oiseaux tels que les espèces er- ratiques ne se déplacent que pour trouver ailleurs la nourriture qui leur convient , ils ne s’arrêtent pas dans les lieux où ils ont l'habitude de rési- der, lorsqu'ils ne présument pas l’y rencontrer. Ce ‘que nous disons de la nourriture a lieu également pour l’eau, comme pour toute autre circonstance du même genre. Cette prévoyance est une suite du même tact qui leur permet de prévoir d’avance les chan- — 145 — gements qui vont avoir lieu dans la température. Du reste, les oiseaux erratiques, aussi bien que les races émigrantes, suivent des directions bien détermi- nées et différentes dans les excursions auxquelles ils se livrent. Ainsi dans les climats méridionaux, les espèces émigrantes aquatiques y arrivent presque constam- ment du Nord, tandis que les cailles viennent au contraire du Sud. Ce fait est, du reste, une excep- tion assez remarquable, relativement aux races ter- restres. Du moins le passage des ortolans et des es- pèces analogues, qui commence vers le 45 du mois d'avril et dure jusqu'au 8 ou 10 de mai d’une ma- nière régulière , semble avoir lieu de l’ouest à l’est; mais lorsque ces légers habitants des airs quittent Îles contrées méridionales de la France, 1ls suivent une direction tout à fait opposée. Quand les ortolans, les hirondelles et les martinets abandonnent ces contrées la nuit et pendant la lune d'août, ils se dirigent de l’est à l’ouest, dans des climats où ils comptent rencontrer une température supérieure à celle des lieux qu'ils ont abandonnés. D'un autre côté, ces oiseaux, ainsi que les pipits, les tourterelles et les engoulevents, comme la plupart des oiseaux terrestres, arrivent toujours du sud, même dans les climats méridionaux. Mais tandis que les martinets et les hirondelles se dirigent cons- tamment de l’est à l’ouest, lorsqu'ils abandonnent 10 — 146 — les régions méridionales, les autres partent du sud et gagnent toujours le nord. Les migrations des oiseaux semblent donc com- mandées par leurs penchants naturels et irrésistibles ; elles n’ont du moins rien de commun avec les passa- ges accidentels des espèces erratiques qui sont néces- sités ou par le manque d’eau et de nourriture, ou le besoin d’une température plus douce. Il est tout na- turel que la plupart des oiseaux insectivores changent souvent de pays pour se procurer plus facilement des moyens de subsistance. Les voyages, commandés par ces circonstances, ont souvent lieu à des époques assez fixes, parce qu'elles sont ramenées par les mêmes causes qui ont elles-mêmes quelque chose de cons- tant. On doit donc considérer dans ces passages d’une part, l’époque de l’arrivée, et de l’autre celle du départ, et porter en même temps son attention sur les diverses directions que suivent les différen- tes espèces, soit lorsqu'elles arrivent, soit lorsqu'elles quittent les lieux où elles avaient momentanément fixé leur séjour. Nous allons maintenant étudier ces directions, afin de reconnaitre si elles ont quelque chose de constant, et quelle est celle que suivent les oiseaux dont nous connaissons bien les passages. Auparavant d'entrer dans cet examen, citons un fait qui prouve que le déplacement de certains oiseaux n’a rien de commun avec leurs migrations ; ces dé- — 147 — placements accidentels sont presque toujours déter- minés par le besoin ou ils sont d'aller chercher ailleurs la nourriture qui leur manque dans leurs parages ha- bituels, Nous en trouvons du moins des exemples dans les habitudes des perroquets du nouveau monde. Ces oiseaux y ont en quelque sorte fixé leur séjour. Malgré notre influence, nous avons pu à peine les faire nicher dans les contrées tempérées, même en les main- tenant sous l'influence d’une température élevée, et leur distribuant la nourriture qui leur convient. On rapporte bien quelques exemples de ces nichées; Sonini les mentionne, mais ils sont si rares, qu’on ne peut les considérer que comme de bien faibles excep- tions aux habitudes de ces oiseaux. Tous les matins, du moins dans la Guyane fran- çaise, les perroquets quittent leur gite ordinaire, vont en troupes nombreuses et presque en ligne droite dans les lieux où ils espèrent rencontrer des fruits. Là, tout occupés du soin de leur nourriture, ils y pas- sent la journée entière. Lorsque le soir arrive, ils volent par paires, se tenant très-rapprochés les uns des autres. Ils retournent ainsi à leur habitation or- dinaire qu'ils quittent le lendemain pour le même but, et vers laquelle ils retournent ensuite de nou- veau. Ces voyages si courts peuvent nous donner une idée de ceux plus étendus qu'entreprennent pour le même motif tant d'oiseaux insectivores et — 148 — granivores, quoique parmi ces ordres il y ait quelques espèces qui soient à peu près sédentaires, du moins dans les régions tempérées. Il est certains déplacements ou certains passages qui paraissent uniquement déterminés par le besoin d’unenourriture appropriée aux conditions d’existence des espèces voyageuses. Tels sont ceux auxquels se li- vrent les oïes et certains canards sauvages, Aussi, au mois d'août 1778, le capitaine Cook, naviguant vers le détroit de Bhéring, et ayant relevé toute la partie de la côte de Tchouktchen, les masses de glace lui ayant permis d'approcher très-près de cette côte, crut à l'existence d’un grand continent arctique. Il allécua en faveur de cette opinion, d’accord avec la croyance populaire , le grand nombre d’oies et de canards sauvages qui viennent dans ces parages tous les ans, à l’époque du mois d’aout. Cette dernière circonstance ne peut pas cependant être invoquée comme la preuve d’un grand continent arctique. Les oies sauvages vivent principalement de poissons. Lorsque les rivières fermées par les glaces ne leur en fournissent plus, ces oiseaux sont obligés, pour en rencontrer, de se diriger vers la mer ouverte, qui se trouve plus au nord. On sait aujourd’hui que lors- que le thermomètre centigrade descend à 19 degrés au-dessous de zéro , l’océan Arctique demeure libre de glace. À mesure que les glacons déjà formés se — 149 — brisent , les oiseaux sont forcés de se rapprocher de la terre, où ils arrivent d'ordinaire, un peu avant l’é- poque de la mue, et d’où ils retournent vers le midi, aussitôt que l’hiver recommence. Ces excursions , qui ne font parcourir aux oi- seaux que des espaces assez bornés , n’ont rien de commun avec les migrations. Celles-ci ont lieu en effet à des époques fixes et déterminées; elles portent les oiseaux à parcourir des contrées différentes et souvent très-éloisnées de celles où ils ont fixé leur séjour. Mais les espèces dont l'apparition est aussi subite qu'extraordinaire dans des pays où elles n’ont pas l'habitude de se transporter, ne s’y voient jamais en troupes nombreuses, comme les véritables races émigrantes, et même comme les erratiques. Cet isole- ment annonce que leur apparition hors de leurs li- mites habituelles est un cas tout à fait exceptionnel, comme l'effet d’une tempête ou de violents coups de vent. Leur présence dans des lieux inaccontumés à ces espèces n'a rien de commun avec les migrations ou les passages déterminés pour chaque oiseau , que l'on voit toujours s’effectuer par un concert unanime d’un grand nombre d'individus. Les directions que les oiseaux suivent dans leurs voyages semblent avoir souvent quelque régularité. Du moins les espèces, soit les émigrantes , soit les erratiques , qui vivent sur les terres sèches et dé- — 150 — couvertes, paraissent aller directement du nord au sud. Les oiseaux aquatiques ; ainsi que ceux qui vi- vent au bord des eaux, tels que les palmipédes et les échassiers, voyagent au contraire dans la direction du nord-ouest au sud-est. Les premiers, à l’exception d’un petit nombre, se rendent en Afrique, et traversent la Méditerra- née, après avoir quitté les contrées tempérées. Aussi les voyageurs qui parcourent le nord de l’Afrique ont constamment sous les yeux des preuves maté- rielles de ces migrations périodiques, qui portent les espèces d'Europe en Afrique. Les oiseaux de l’Es- pagne, de la Sardaigne, de la Sicile et du Levant, viennent au contraire accidentellement où périodi- quement du nord de l’Afrique; ils ne dépassent point en Europe les chaines de la Sienna et les Apennins. L'existence simultanée d’un assez grand nombre d'oiseaux dans le Nord, sous l’équateur et les zones tropicales, est encore un fait non moins singulier et plus difficile à expliquer. Ce fait est d’autant plus extraordinaire, que ces mêmes espèces qui se mul- tiplient pour la plupart dans ces diverses régions, ont leurs migrations limitées et leur apparition pério= dique. Ces oiseaux, qui se rapportent principalement aux fissipèdes, aux pinnatipèdes et aux palmipèdes, ne diffèrent les uns des autres par aucun caractère essentiel, malgré l’immense distance qui les sépare. On — 151 — aperçoit seulement quelque diversité dans les nuances du plumage, quoiqu'il éprouve sous ces diverses tem- pératures les mêmes mues périodiques que celles que ces oiseaux subissent dans les régions tempérées. Il est, par exemple, un oiseau rapace qui se trouve dans presque toutes les contrées, et qui, malgré l’éloi- onement qui sépare les lieux qu’il parcourt de ceux qu'il habite plus ou moins constamment, offre toujours une grande uniformité dans son plumage. Cette cir- constance est réellement remarquable; elle prouve que certaines espèces résistent à toutes les impressions des agents extérieurs, et ne paraissent du moins en éprouver aucune sorte d'influence, et par suite aucun genre de variation. Telle est la chouette effraye (strix Jlaminea) que nous avons déjà citée. Des comparaisons faites avec soin des mêmes es- pèces d’échassiers, qui habitent les diverses contrées de l'Europe, le midi de l'Afrique, les îles de la Sonde, la Nouvelle-Guinée et le Japon, ont prouvé qu'il n'existe pas de différence appréciable entre les individus qui se trouvent à d'aussi grandes distances. D'un autre côté, les mêmes races de cet ordre d’oi- seaux peut-être en plus petit nombre que les pre- mières, se rencontrent également du nord au midi, aussi bien dans l’ancien que dans le nouveau monde. Ces échassiers semblent en quelque sorte les cosmo- polites de cette classe. Ils le sont bien plus que les palmipèdes répartis d’une manière beaucoup plus analogue sous le rapport du climat et de la tempé- rature, quoique leur répartition soit encore très- disparate, relativement aux distances des lieux où on les rencontre habituellement. En comparant ensemble un grand nombre d’oi- seaux d'Europe, d'Amérique et du Japon, on est frappé de leur ressemblance sous le rapport des for- mes, de la taille, des teintes, des distributions du plumage, et même d’après M. Temminck, auquel nous empruntons ces faits, de la couleur de leurs œufs (1). Ces observations prouvent que le plus grand nom- bre des oiseaux de passage des contrées tempérées de l'Europe émigre pendant l'hiver, soit vers les côtes méridionales de cette contrée, soit en Afrique. Les espèces qui poussent leurs voyages jusqu’en Afrique s’y répandent partout où elles trouvent à satisfaire aux conditions de leur existence. Les échassiers et les pal- mipèdes y fréquentent comme ailleurs les portions inondées de l’intérieur des terres, ou celles qui se trouvent aux bords des côtes. Quant aux tribus in- nombrables des races insectivores et granivores, ils pénètrent plus avant dans l’intérieur des terres, et (1) Manuel d'ornithologie, seconde édition , troisième partie. Introduc— lion, pag. zu. MS — vont chercher vers le sud la nourriture qui leur manquait dans les lieux qu'ils ont abandonnés. Un grand nombre d'oiseaux se dirigent également des parties orientales de l’Europe dans les contrées les plus reculées de l'Asie; ils arrivent ainsi jusqu'au Japon, où l’on trouve une assez grande quantité des espèces propres à la première région. Ges races, que l’on découvre à la fois dans des lieux aussi éloignés, sont probablement celles qui habitent les limites les plus orientales de l’Europe. Dans leur humeur voyageuse, elles parcourent l’Asie et pénètrent jusqu’au Japon. IL est du moins certain que quelques échassiers, et particulièrement les grues, dont les tribus se trou- vent en grand nombre en Asie, se dirigent dans leurs voyages de l’orient à l’occident. Du reste, un petit nombre de leurs individus poussent leurs migrations au delà des parties sud-est de l’Asie, à l'exception pourtant de ceux qui fréquentent les rivages. On les retrouve presque partout sur les plages maritimes de l’ancien continent. Cette similitude des mêmes espèces dans les di- verses régions de l’Europe et de l’Asie n'est pas bor- née, comme on pourrait le supposer d’après ce que nous avons dit, aux passereaux, aux échassiers et aux palmipèdes. Elle est commune également à certains oiseaux de proie, et aux gallinacés ; seulement les uns et les autres qui, dans leurs migrations, parcourent — 154 — l'Asie et même le Japon, sont en moindre nombre que ceux qui se rapportent aux échassiers, aux palmipé- des et aux passereaux. Parmi les genres qui offrent le plus d’espèces communes à ces deux grandes ré- gions, on peut citer au premier rang parmi les pal- mipèdes le genre canard, comme les hérons et les chevaliers parmi les échassiers. Enfin les gros becs (fringilla) parmi les passereaux, offrent le plus grand nombre de ces espèces communes à des contrées diffé- rentes. Ce fait semble nous annoncer que cet ordre d'oiseaux, qui manque d’une nourriture convenable d’une manière assez régulière pendant certaines sai- sons de l’année, doit par cela même avoir le plus de représentants vivants simultanément en Europe et en Asie. C’est aussi ce que l’observation confirme. La caille, et peut-être la perdrix rouge, sont encore des espèces que l’on ne retrouve pas sans surprise à la fois en Europe, en Afrique, en Asie, au Japon et jusqu’à la Nouvelle-Hollande. L’étendue et la lon- gueur des migrations ne sont donc pas toujours en rapport avec la force et la puissance du vol. On est moins surpris de retrouver dans des contrées aussi diverses le roitelet ordinaire, les traquets, les pipits, et tant d’autres petits passereaux; ces oiseaux ont en effet un corps extrêmement léger et un vol aussi agile que soutenu. On observe cependant un plus grand nombre d’es- — 155 — pèces sédentaires parmi les passereaux de l’ordre des granivores et des insectivores que parmi les autres fa- milles. Cette circonstance frappante, du moins parmi les oiseaux des contrées méridionales de la France, prouve d'une manière manifeste que la nourriture n’est pas toujours la condition la plus déterminante de leurs passages accidentels. On ne comprendrait pas autrement pourquoi les oiseaux n’épuiseraient pas dans nos contrées les graines et les vermis- seaux, base de leur nourriture, comme ils le font ailleurs. S'ils ne quittent pas nos cantons, c’est que leur instinct ne les porte pas à les abandonner, et qu'ils y trouvent constamment de quoi satisfaire à leurs con- ditions d’existence. Quoique nous ayons cité des faits qui anñoncent que certaines espèces délaissent par- fois les lieux où elles s’étaient primitivement fixées pour aller chercher ailleurs les fruits et les vers qu'elles n’y rencontraient plus, il n’est pas moins réel que cette circonstance ne doit pas agir d’une ma- nière générale. Du moins c’est parmi les espèces gra- nivores et insectivores qu’on découvre la plus grande quantité d'oiseaux complétement sédentaires. Des faits du même genre résultent encore des obser- vations de M. Charles-Louis Bonaparte. En comparant les oiseaux du nord de l'Amérique avec ceux de l’Eu- rope, il a reconnu qu'il existait un assez grand nom- bre d'espèces communes aux deux continents. Une pareille analogie , que l’on ne voit jamais entre les races qui ne se livrent point à des migrations lointaines, tient sans doute à la facilité que les oiseaux ont de se transporter à de grandes distances et de parcourir les climats les plus divers. Cette cause est si puissante sur le mélange desanimaux voyageurs, que l’on retrouve également certains poissons d’'Eu- rope jusqu’en Amérique, à la vérité en fort petit nombre. Lorsque des catalogues comparatifs com- prendront la liste exacte de ces races communes à di- verses régions, on aura des idées plus positives sur les migrations des animaux et sur les habitudes de ceux qui, constamment sédentaires, restent dans les lieux qui les ont vus naïitre. En attendant que ces travaux viennent dissiper les doutes qui existent encore à cet égard, on ne consultera pas sans fruit le catalogue comparatif des oiseaux d'Europe et d'Amérique pu- blié à Londres (1838) par le naturaliste que nous ve- nons de citer. Ce catalogue, dressé avec soin, indique les espèces dont les migrations s’étendent de l’Europe dans le nouveau monde, et celles qui sont communes aux deux continents. Outre l'influence que la température et la nourri- ture exercent sur les migrations des oiseaux, d’autres circonstances accidentelles ne sont pas sans quelque effet sur ce phénomène. Parmi ces faits exceptionnels, — 157 — on peut citer les inondations. Les grands déborde- ments ne sont pas sans action sur les déplacements de ces animaux. Ainsi l’année 1840, fameuse par les désastres produits par les crues extraordinaires des fleuves qui parcourent le midi de la France, a été également remarquable par les passages de certaines espèces qui n'y avaient pas été encore apercues. On peut peut-être attribuer à cette influence la pré- sence dans les environs de Montpellier de deux oi- seaux, aussi nouveaux pour la faune de l’Europe, que pour la science. Ces deux espèces dont nous de- vons la connaissance à M. Lebrun, et qu’il compte publier sous peu , sont des plus remarquables. Elles ne paraissent pas avoir été observées dans les con- trées méridionales de la France avant 1840. Cette circonstance fait présumer que les violentes inonda- tions dont ces contrées ont été afiligées ont été pour beaucoup dans leur apparition. Nous sommes heureux de pouvoir donner une idée de ces oiseaux avant que M. Lebrun ait publié la description qu'il en prépare. Nous ne saurions trop le remercier de nous y avoir autorisé. Comme nous les avons vus avant qu'ils eussent été dépouillés, nous pouvons assurer que réellement ils ont été pris vivants vers la fin de novembre 1840, peu de temps après les inondations. La premiére de ces espèces est un vanneau auqüei — 158 — M. Lebrun a donné le nom d’échasse (vanellus himan- topus). Plusieurs ornithologistes de Paris avaient sup- posé quil pouvait se rapporter au vanneau keptuschka deTemminck.Onseconvaincra facilement du contraire en comparant la description que nous allons en donner avec celle de l’espèce du Nord. Lors même qu'il ap- partiendrait à cette dernière, sa présence parmi nous n'en prouverait pas moins qu'un oiseau qui habite ordinairement la Russie orientale a fait, en 1840, des voyages encore plus étendus que ceux auxquels il se livre ordinairement. Le vanellus himantopus paraïitrait donc une es- pèce différente de toutes celles décrites par M. Fem- minck dans son supplément publié cette même an- née 1840. Ses dimensions sont de 0,379 (14 pouces) depuis le bout du bec jusqu’à l'extrémité des doigts; la lon- gueur de ses jambes n’est pas moindre de 0",190 (7 pouces); les pieds et les jambes sont d’un jaune assez clair. Ce vanneau se fait remarquer par les teintes uniformes de son plumage, d’un brun cendré à petits reflets pourpres. Le front et la gorge blan- châtres, passent par des demi-teintes à la même nuance, qui est aussi celle du manteau. Elle s’étend jusqu’à la poitrine, et devient d’un blanc assez pro- noncé sur le ventre, où elle est néanmoins nuancée d’une teinte nankin vers l'abdomen. La queue, d’une — 159 — seule couleur, est d’un blanc éclatant. Les grandes rémiges des ailes, terminées de noir, atteignent juste l'extrémité de la queue. Quant aux couvertures su- périeures des ailes, elles sont blanches, mouchetées de noir, couleur dominante dans le bec de ce van- neau. L'iris est au contraire d’un rouge vif assez prononcé. La seconde espèce, dont l'apparition nous a autant surpris que la précédente, se rapporte à un merle différent de ceux dont nous devons la connaissance à Temminck. Seulement, cet oiseau a beaucoup plus de rapports avec le merle bleu qu'avec tout autre. Il diffère de celui-ci par la couleur du bec d’un brun grisatre, ainsi que par la nuance blanchätre de la gorge, terminée par une sorte de collier d’un bleu cendré. La poitrine et le ventre sont d’un blanc assez prononcé. La plupart des plumes qui couvrent ces parties sont terminées par une petite pointe bleuûtre. Les flancs se montrent mouchetés de bleu, de blanc et de roussâtre, terminés par une pointe noire enca- drée de blanc. Les pennes caudales, au nombre de douze, sont bleues sur leurs barbes externes et in- ternes, ainsi que sur leurs pointes : une teinte rous- satre domine sur le milieu de leur longueur. Les pieds sont d’un fauve assez clair. Les nuances du plumage se montrent généralement plus uniformes en dessous qu’en dessus. Elles sont bleuâtres et mou- — 160 — chetées lésérement de blanc et de brun clair. Les couvertures du croupion offrent des nuances d’un roux foncé, avec de petites baguettes bleuâtres enca- drées de blanc. M. Lebrun se propose de décrire cette charmante espèce sous le nom de merle azuré (éurdus azureus). Ses dimensions sont à peu près les mêmes que celles du merle bleu. Les deux oiseaux ont également une assez grande conformité dans leur port et l’ensemble de leurs formes. Ils ont donc, sous ces points de vue, quelques conformités; mais ils différent essen- tiellement par l’ensemble de leur plumage. De même, les violentes inondations de la fin de 1849 qui ont submergé une grande partie de la Ca- imaroue et de la partie orientale du Gard ont refoulé dans nos parages une partie des oiseaux qui vivaient auparavant dans les lieux inondés. Nous citerons particulièrement le flamant; cet échassier aquatique qui ne nage presque Jamais, quoiqu'il barbote presque continuellement, n’a pas pu rester dans des lieux couverts d’une trop grande quantité d’eau. Cet excès a rendu le nombre de ces oiseaux, du double plus considérable qu'il ne l’est ordinairement dans nos en- virons. Ces nouveaux venus y ont cependant peu séjourné, quoique les flamants soient généralement sédentaires dans les marais du midi de la France. À une pareille condition ont été dus les prétendus M — passages des cailles dans nos environs au moment de l’inondation , et dans les premiers jours du mois de novembre. Dus à la même cause que celle qui avait fait abandonner aux flamants les campagnes du Gard, on ne peut les considérer que comme des dé- placements produits par l'effet de circonstances locales et tout à fait accidentelles. Une espèce de l'Amérique septentrionale, le bé- casseau pectoral ({ringa pectoralis Temminck), com- mune sur les bords du New-Jersey dans les Etats- Unis, où elle vit dans les marais, a été tuée, d’après Temminck, en Angleterre le 17 octobre 1830. Plusieurs individus de ce bécasseau ont été également capturés à Montpellier vers la fin d'octobre de cette même année 1830. Ce fait prouve la coïncidence des mi- grations des oiseaux et leur étendue. Ce bécasseau, tué en Angleterre et dans le midi de la France, de- vait être parti des Etats-Unis d'Amérique, sa patrie ordinaire, à peu près à la même époque, puisqu'il est arrivé à sa destination dans le même mois. Si cette circonstance ne se renouvelait pas, la présence du tringa pectoralis des Etats-Unis, soit en Angleterre, soit dans le midi de la France, ne prou- verait pas l'importance des passages des oiseaux, pour en déduire la régularité et la périodicité des saisons, et par suite la stabilité des phénomènes terrestres ; mais comme il se lie à une infinité d’autres consi- 11 — 162 — dérations, il est intéressant de le mentionner. Il est donc essentiel de noter l’époque de l’arrivée et du départ des différentes espèces d'oiseaux et de poissons, puisque ces époques se rattachent à des phénomènes du globe, qu'il importe tant d’éclaircir. Ce point de vue est digne non-seulement d'attirer l’attention des savants, mais encore celle des administrateurs, qui de- vraient faire tenir note des espèces que l’on porte sur les marchés. Cet objet a, du reste, attiré la sollicitude d’un administrateur éclairé, de Marseille, M. Loubon, dont nous nous honorons d’être le confrère. Il serait également utile qu'on tint, dans les prin- cipales villes de l'Europe, des registres publics et au- thentiques du prix des grains pour résoudre à leur aide la question relative à la résularité périodique des saisons, question aussi intéressante pour le phy- sicien que pour l’économie politique et sociale. M. le révérend Everest, en combinant et addition- nant les observations faites en Angleterre, depuis 1759 jusqu’en 1779, et depuis 1815 jusqu’en 1839, a montré quelle était leur importance. Elles lui ontin- diqué un certain degré de parallélisme entre les deux lignes qui expriment graphiquement le résultat de ces observations en terme moyen. Aussi en a-t-il conclu qu'il devait exister une certaine régularité dans la ré- voiution des saisons, régularité qui coïncide parfaite- ment avec celle des migrations. — 165 — Les progrès de l’agriculture, en déplacant les vé- gétaux, et introduisant de nouveaux grains et de nou- veaux fourrages, ne Sont pas sans quelque influence sur l’'émigration de certains oiseaux. Aïnsi le roitelet dé la Caroline ( troglodytes ludovicianus ) et d'au- tres espèces, qui aujourd'hui sont communes dans les Etats du Nord, y étaient inconnues du temps de Wilson. L’hirondelle de lune (kirundo lunifrons, oïseau du Mexique, se présenta pour la première fois sur les bords de l'Ohio en 1815. Cet oiseau at- tira aussitôt lattention par la structure de ses nids, maconnés de boue et réunis en grand nombre, de manière à présenter l'aspect d'un monceau de cale- basses jointes ensemble. Chaque année [eur émigra- tion a été en s’augmentant; maintenant elle va jus- qu’à l'Etat du Maine et au Canada. Un grand nombre d'oiseaux américains s’arrêtent dans les Carolines ; d’autres passent au-dessus du golfe du Mexique, et se rendent dans l'Amérique du Sud ; d’autres enfin suivent la direction du pays des Alkghanis, et vont dans le Mexique où dans des pays encore plus méridionaux. Dés oiseaux trés-communs dans lé nord de l’Europe,et inconnus dans les Etats-Unis, émigrent des régions po- laires jusqu’au Mexique, et suivent les montagnes cou- vertes de rochers, sans jamais entrer sur lés terres cul- tivées de l’Unïon.C'est cequi arrivé à une éspèce de pie. — 164 — On a calculé que des quatre cent cinquante es- pèces d’oiseaux connues dans l’Amérique du Nord, cent huit seulement sont communes aux deux hé- misphères. Ce sont, parmi les oiseaux de proie, des aigles, des éperviers, des hiboux, des corbeaux, etc.; et parmi les oiseaux d’eau, des oies et des canards. On a supposé que quelques oiseaux voyageurs, en quittant les Etats-Unis, traversaient les tropiques, et allaient vers le pôle sud chercher des climats ana- logues à ceux qu'ils avaient abandonnés dans le nord, ce qui leur permettait de faire une seconde course. IL parait que c’est le cas dans lequel se trouve la cisgogne d'Europe, qui va pondre et élever une nou- velle famille dans certaines contrées de l’Afrique. Leräle est un des oiseaux qui a donné lien aux conjec- tures les plus étranges sur sa manière de vivre. Aprés être resté absent pendant tout le printemps, il se pré- senta en août par milliers sur ies bordsde la Delaware, où il resta jusqu’au mois d’octobre. Alors il disparut tout à coup sans qu’on püt en trouver un seul dans les mêmes lieux où la veille on les rencontrait par centaines. Comme leur vol est pesant, quelques per- sonnes ont pensé qu'ils se cachaient dans les fentes des rochers ou même sous la neige. La vérité est qu'ils émigrent tous ensemble et de nuit, parce qu'ils volent parfaitement dans l’obscurité. Ils vont s’établir beaucoup plus vers le nord; c’est sur les bords ma- — 165 — récageux du haut Canada qu'on trouve ordinaire- ment leurs nids. De même, les espèces erratiques ou de fpassage proprement dit abandonnent souvent les contrées qu'ils habitaient dans le principe, pour aller chercher ailleurs une nourriture plus abondante. Parmi ceux qui restent sur les glaces du Nord, les uns sont omnivores, comme quelques corbeaux (corvus co- rax et corvus canadiensis); d’autres se nourrissent de graines et de fruits; mais les insectivores qui vi- vent dans les marais, dans les étangs ou sur le bord des courants d’eau, émigrent tous ensemble. Ils vont vers le sud chercher une nourriture qui autrement leur manquerait. Quelques espèces ne vont que du sud au nord et réciproquement; d’autres, au con- traire, franchissent ces limites. Quand les oiseaux d'hiver retournent aux régions hyperboréennes, ils sont remplacés par d’autres espé- ces analogues qui descendent des tropiques. Ainsi, le faucon à queue fourchue de Mexico et celui du Mis- sissipi viennent nicher dans les bois qu’ontabandonnés les oiseaux de rapine du Nord; en sorte que chaque saison présente des espèces différentes. D’autres espèces n’émigrent, au contraire, qu’en partie, et en quelque sorte d’une manière accidentelle. Quand les grains sont peu abondants, les perdrix de Virginie (perdix virginiana) traversent la Delaware — 166 — et passent de New-Jersey dans la Pensylvanie. Leur vol est si lourd, que souvent elles ne peuvent achever leur trajet en volant, tombent à l’eau et gagnent l’autre bord à la nage. Lorsqu’elles arrivent ainsi mouillées et exténuées de fatigue, les habitants en prennent sans peine un grand nombre. Nos oiseaux d'Europe nous donnent souvent de pareils exemples d’un transport d’un canton à l’autre, par suite du manque de nourriture qu'ils commencaient à éprou- ver dans les lieux qu’ils habitaient. VI. De l'étendue des migrations des oiseaux. Les observations sont déjà assez avancées pour dé- montrer à quel point les migrations des oiseaux offrent en général de régularité, et en même temps l'étendue de la route qu'ils suivent dans leurs longues excur- sions. Plusieurs espèces parcourent à peu prés toutes les contrées du globe : telles sont les hirondelles et une espèce de martinet. Le premier de ces oiseaux part d'Egypte, va régulièrement au cap de Bonne- Espérance, comme des Etats-Unis d'Amérique aux iles Malouines, et retourne ensuite sans fatigue Jus- que dans les contrées tempérées de l’Europe. Ce qui est bien plus extraordinaire, certains oiseaux noctur- nes, comme l’effraie, en font de même. Ils se trouvent presque sur tous les points du globe, et n’offrent pas — 167 — de différence essentielle dans l’ensemble de leurs ca- , ractères, malgré la distance des pays où on les observe. Du reste, les longs voyages auxquels se livrent les hirondelles ainsi que les pigeons, les tourterelles, les grues, et principalement la cigogne, ont été connus de tout temps. L’Ecriture nous les dépeint avec la plus grande exactitude, ainsi que ceux qu'exécutent les milans. Elle nous parle également de la régula- rité des retours de ces oiseaux au printemps, dés que la saison des frimas est passée. Ce ne sont pas toujours les oiseaux qui jouissent de la plus grande puissance de vol, dont l'étendue des migrations est la plus considérable. Nous avons cité comme un exemple fameux du contraire, les perdrix et particulièrement la caille. Nous ajouterons à ces exemples l’échasse. Malgré la faiblesse de son vol, on la rencontre dans toute l’Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique. Si cet oiseau se trouvait dans la Nou- velle-Hollande, il habiterait tous les grands continents terrestres. On est moins surpris de retrouver les étourneaux sur presque toute la surface de la terre, ces oiseaux ayant un vol léger et soutenu. Ils sont si généralement répandus, qu'on les rencontre dans presque toutes les contrées, à l’exception pourtant de la Nouvelle-Hollande, et nous avons cherché à en ex- pliquer les motifs. La bécassine est encore une de ces espèces émi- nl nemment voyageuses, et que l'on retrouve aussi à peu prés partout. Nous isnorons si cet oiseau a été ob- servé dans la Nouvelle-Hollande. Ces faits annoncent que les habitations des oiseaux sont moins circonscrites que celles des autres ani- maux que leur conformation fixe particulièrement sur la terre. Il en est de même des autres vertébrés qui semblent leur disputer l'empire de l’air, comme les chauves-souris dont le vol ne leur permet pas de se livrer à de longues courses. Aussi ces mammifères volants ne quittent jamais les pays où ils ont pris naissance. On est donc peu étonné de voir Pietro della Valle affirmer que la plupart des oiseaux voyageurs traversent les mers et parcourent tous les continents dans leurs migrations (1). Ilest non moins certain que les oiseaux mettent peu de temps à exécuter les plus longs voyages. L'observation de Belon, qui a trouvé du blé encore entier dans le jabot des cailles qui venaient d’Afri- que (2), semble du moins le faire supposer. Un autre sujet d’études qui se rattache aux migra- tions , et dont l’importance est bien grande pour la solution de ce problème si compliqué, c’est celui re- (1) Voyage, liv.n, chap. xvu. (2) Belon, liv. v, pag. 265. LS | latif à la route que suivent les oiseaux. Cette route parait déterminée , d’une part, par le point où ils veulent arriver, et de l’autre, par leurs besoins et surtout par celui de la nourriture. Aussi les oiseaux d’eau et ceux des rivages suivent le plus constamment dans leurs voyages le cours des rivières, les grands lacs ou les côtes des mers. Lors- que ces espèces aquatiques pénêtrent assez avant dans l'intérieur des terres, elles recherchent et séjournent plus ou moins longtemps auprès des amas d’eaux qui se trouvent sur leurs passages. Si ces oiseaux dirigent ainsi leur marche, et s’ils suspendent par là mo- mentanément leurs voyages, c’est que les rivières ou les lacs qu'ils ont rencontrés sur leur route, ont fourni à leurs espèces une nourriture abon- dante. Ce motif les porte à n’abandonner ces lieux que lorsque le besoin d’aller couver ailleurs les force et les presse. Par suite d’un instinct non moins merveilleux, ces espèces choisissent de préférence, pour point de ralliement et de départ, les endroits où le passage de la mer aux lacs et aux fleuves est le moins long et le plus occupé par les terres. Aussi la route la plus fré- quentée par les oiseaux dont les habitudes sont aqua- tiques est celle qui longe le plus ordinairement les bords des mers. Du moins c’est celle que tiennent toutes les espèces des deux ordres que nous venons — 170 — de signaler, et dont la puissance de vol est faible. On yoit que dans ce choix, ces animaux ont pour but de suivre les routes les plus favorables pour trouver la nourriture qui leur convient, ne s’occu- pant guère dans ce choix de la longueur et de l’é- tendue du chemin. Par une admirable prévoyance, la nature a donné aux races des eaux douces et salées qui volent peu or- dinairement une grande puissance de vol au moment de leur reproduction. Aussi, lorsqu'ils sont dérangés dans cet acte important, leur vol est assez vigoureux et assez longtemps soutenu , pour s’élever même au- dessus des plus hautes montagnes. Il n’est pas rare, par exemple, d’apercevoir pour lors des plongeons, des grèbes, ainsi ‘que divers autres palmipédes et échassiers qui fréquentent les eaux douces, sur les lacs des Alpes ou deshautes montagnes. Par des raisons toutes contraires , les espèces gra- nivores , insectivores et rapaces, au lieu de suivre le cours des eaux comme les palmipédes et les échas- siers, se dirigent principalement vers l’intérieur des terres. Elles savent que là, elles rencontreront le genre de nourriture qui leur convient; c'est aussi l'unique motif de leur préférence. Des raisons du même genre portent les innombrables essaims des espèces insectivores et granivores à pousser leurs migrations plus avant vers le sud, que ne le font — AT1 — les oiseaux d’eau, qui étendent principalement leurs courses vers le nord. Cette différence dans le choix des pays où se ren- dent ces diverses espèces est facile à comprendre. Les premières savent par instinct, que les insectes et les graines sont plus abondants dansles régions méridio- nales que dans les contrées septentrionales. La même prévoyance porte les races aquatiques vers ces der- niéres contrées, où elles comptent trouver dans le sein des eaux des aliments propres à réparer leurs forces épuisées par les fatigues d’un long voyage. Ainsi, les troupes d’insectivores et de granivores qui viennent de l’est de l’Europe traversent la Grèce et remontent le Nil, tandis que celles qui partent du nord-est parcourent la France, et se rendent de là sur les côtes d'Espagne et de Portugal. Elles se dirigent ensuite vers le sud-ouest, le long des bords de l’Océan, jusqu’au Sénéoal, en suivant le cours de la Gambie. On les voit enfin se rendre et séjourner dans cette partie de l’Afrique occidentale. Les oiseaux rapaces dirigent leurs migrations du haut des régions élevées de l’atmosphère, où ils sem- blent avoir fixé leur séjour. Ils les étendent cependant de manière à perdre le moins possible la terre de vue. Ils savent fort bien que ce n’est point à la surface des eaux qu'ils peuvent espérer de trouver une pâture suflisante à la violence de leurs appétits. Les terres — 172 — sèches peuvent seules la leur donner. Ce motif puis- sant les leur font peu abandonner, à moins qu’une nécessité impérieuse ne les y oblige. Des vues d’instinct et de conservation dirigent donc ces espèces dans leurs migrations, généralement moins longues que celles auxquelles se livrent les grani- vores , les insectivores et les aquatiques. Les oiseaux de haut vol sont moins favorisés pour parcourir de grandes distances que pour s'élever dans les hautes plaines de l’air, leur séjour habituel. C’est surtout parmi ceux dont le vol est le plus bas que se trou- vent les espèces dont le vol est le plus continu. On en à pour ainsi dire la preuve dans les oiseaux de proie eux-mêmes. Les rapaces nocturnes volent géné- ralement plus rapprochés de la terre que les diur- nes; aussi les premiers, malgré la difficulté que la plupart d’entre eux éprouvent pour se diriger pen- dant le jour, étendent leurs courses beaucoup plus loin, etse transportent dans des contrées plus diverses que les seconds, qui ne sont point éblouis par la lu- mière du soleil. Les oiseaux de proie sont ceux qui s’égarent le plus souvent, par la raison toute simple que plusieurs d’entre eux ne peuvent pas toujours suivre Ja troupe à laquelle ils appartiennent. Les vautours, les aigles et les autres genres analogues de l’ordre des rapaces présentent fréquemment des exemples — 175 — d’un pareil isolement. Ainsi, le 1* novembre 1838, un individu de l'aigle botté ( falco pennatus Temm.) fut apporté à M. Lebrun, quoique cet oiseau habite principalement les régions orientales. Il était loin d’être dans le jeune âge; il paraissait tout à fait adulte, environ dans sa cinquième année. Ainsi, l’ins- tinct de voyager ne tient nullement à l’âge des oiseaux. Les points principaux où les oiseaux suspendent momentanément leurs excursions méritent évalement notre attention. Ces points ne sont pas choisis par eux d’une manière arbitraire. Du moins plusieurs conditions sont les motifs de leur préférence. Les lo- calités où ils s'arrêtent le plus ordinairement sont rapprochées des iles. Elles sont, pour les espèces voyageuses, comme des sortes d'étapes, aussi bien pour celles qui entreprennent de lointaines migra- tions que pour les races erratiques. Celles-ci choisis- sent aussi comme lieu de repos les plages étendues qui servent comme de ceintures aux grandes iles. Les espèces fatiguées viennent s’y abattre et s’y délasser. Lorsque le repos leur a donné de nouvelles forces, on les voit prendre la direction qui convient le mieux à leurs mœurs et à leurs habitudes. Toutes les plages ou toutes les iles sont loin de leur être indifférentes pour le lieu de leur repos. Ils choi- sissent préférablement celles qui sont le plus à l'abri des vents violents. Aussi ces animaux franchissent — 174 — avec rapidité celles qui s’y trouvent exposées, loin de s’y arrêter, comme ils le font dans celles où toutes les circonstances favorables à léurs conditions d’exis- tence semblent réunies. Il est du reste facile de trouver des preuves évi- dentes de l’imfluence qu’exerce sur les passages des oiseaux [a position des lieux où ils doivent s'arrêter. Si l’on cherché dans le midi de là France le dépar- tement le moïns exposé aux vents, et le plus riche par sa végétation, le Var semble plüs favorisé sous ce rapport que ceux des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l'Hérault, de FAude et des Pyrénées-Orientales. Aussi ce département est-il plus fréquenté par les oï- seaux de passage que ceux dont il est rapproché. Üne autre circonstance n’y est peut-être pas sans quelque influence ; c’est sa proximité du golfe de Nice, dont les plages sablonneuses et basses sont d’un accès facile aux espéces qui arrivent sur les côtes de la Mé- diterranée. fl serait encore possible que la position du Var coïncidat beaucoup mieux que les autres départe- ments voisins avec la direction des vents qui nous aménent les races passagéres et erratiques. On sait quelle influence exérce sur l’arrivée et le départ des oiseaux la direction du vent, et celle que sa violence a sur la hauteur de leur vol. Du moins les vents dominants à l’époque des pas- Te — 175 — sages paraissent déterminer la direction que prennent ces animaux, et influer beaucoup sur là quantité plus ou moins considérable qu’il en arrive dahs chaque contrée. En effet, pour s’élever et prendre leur essor dans l'air, les oiseaux vont toujours obliquement contre les courants et prennent le vent comme ün vaisseau qui louvoie pour gagner le port. C'est éga- lement dans le sens opposé à sa direction qu'ils se retournent pour s'envoler ou $e reposer, et lors- qu'ils sont posés ou perchés, ils ont toujours le bec au vent. Aussi lorsque, pour éviter un danger qui les menace, ils se laissent emporter par les courants; _ ils ne peuvent parcourir un long espace sans risquer d’être culbutés. Il en est de même de ceux qui planent dans les airs ; tels que les martinets , les hirondelles, les alouettes , les calandres et les rapaces. Toutes ces espèces sont obligées de se tourner vers le vent pour se maintenir à là hauteur à laquelle elles parviennent, et surtout pour y conserver longtemps une sorte d’im- mobilité. Parmi les oiseaux de passage qui arrivent sur les côtes de la Méditerranée, dont le nombre est d’autant plus considérable qu’ils chérchent à longer là mer, plusieurs voyagent de jour. Il est alors facile de re- connaitre que c’est toujours en suivant la direction opposée à celle des vents qu'ils prennent leur essor. — 176 — La plupart des espèces qui arrivent vers les bords de la Méditerranée voyagent de l’ouest vers l’est au printemps, et s’en retournent de l’est vers l’ouest en automne. Aussi, pendant les mois de septembre et d'octobre, lorsque le vent est à l’ouest, on observe tous les matins des vols nombreux de divers oi- seaux qui se dirigent dans le sens du courant do- minant. Mais si sa direction vient à changer, le pas- sage est interrompu, les oiseaux s’arrêtent là où ils se trouvent. Ils attendent ainsi le vent du couchant pour continuer leur voyage. Ce seraient donc les cou- rants contraires à leurs desseins, et non, comme on le présume le plus communément, le vent favorable à leurs passages, qui font rencontrer un plus grand nombre d'espèces dans un canton que dans un autre, et cela parce qu'ils les forcent d’y séjourner. Citons un exemple de ces faits; prenons-le chez un des oiseaux émigrants, dont les voyages sont les mieux connus et les plus constants. La caille (1) arrive, au prin- temps, d'Afrique dans le midi de la France. Elle re- (t) Les habitudes voyageuses de cet oiseau ont été bien connues de l'E- criture. La quantité qui en arriva dans le camp des Hébreux fut si considé- rable, que toute l’armée s’en nourrit. Elles sont encore extrêmement com- munes aux bords de la mer Rouge, ainsi qu’elles l’étaient du temps de Moïse et de Josèphe, d’après le dire de ce dernier. — 177 — tourne en automne aux lieux qu'elle avait quittés aux premiéres approches des beaux jours. Elle voyage donc ainsi du midi au nord, et du nord au midi. C’est vers les côtes de la Méditerranée que se dirige cet oiseau. Les rivages de cette mer sont bordés, en beaucoup d’endroits , de vastes étangs salés, dont ils ne sont séparés que par une lisière de terrain sablon- neux , plus ou moins large, connue sous le nom de plage. Tous les ans à la fin d'avril et au commence- ment de mai, lorsque le vent souffle du midi, un grand nombre de cailles sont abattues sur la grève. Tant que le vent reste à la mer, les cailles séjournent sur la plage; mais s’il tourne au nord, même en plein jour, elles gagnent toutes l’intérieur des terres. Dans le mois de septembre, au contraire, lorsque le vent est au nord, on trouve une grande quantité de ces oi- seaux dans les champs et les vignobles. Mais si la brise de mer se lève, ou même pendant un temps calme, pourvu toutefois que la mer gronde, ce qui indique du vent au large, les cailles continuent leur passage et disparaissent des contrées méridionales. Une preuve évidente que ces oiseaux ne se laissent pas volontairement pousser par les courants, c’est que lorsque à l’époque de leur arrivée au printemps le vent du midi devient impétueux, on trouve aux bords de la mer beaucoup de caïlles qui, ayant été culbu- tées , se sont noyées sans pouvoir atteindre la terré 12 — 178 — ferme. Ce fait prouve combien il doit en périr dans la traversée. Aussi est-il probable qu’une foule d’oi- seaux succombent dans leurs migrations, précipités dans l’Océan par la violence des ouragans ou des tem- pêtes, ou enfin par celle des courants contraires à la direction qu'ils suivent. Par une admirable prévoyance de la nature, les espèces cosmopolites, qui ne quittent le sein des eaux que pour déposer leurs œufs, peuvent échapper à ces dangers et se soutenir sur la surface des mers sans nager ni plonger. Au milieu des plus fortes tempêtes, on voit les pétrels, les frégates et quelques autres espèces aquatiques piétiner à la surface de l'Océan et s’y maintenir au moyen de leurs longues ailes, malgré le roulis des vagues. Les caïlles, de même que les autres oiseaux, voya- gent donc vers le vent; mais en admettant, contre toute vraisemblance, qu'elles se laissent pousser par les courants, la direction de leur passage n’en serait pas changée. Elle serait toujours la même; seule- ment leur marche pourrait être contrariée par leur violence , et ces animaux seraient forcés de s’arrêter au milieu de leurs migrations, ce qui ne les empé- cherait pas de les continuer plus tard. Supposons que plusieurs cailles partent d’un même point de l’Afrique, les unes par le vent du nord-ouest et les autres par celui du nord-est, elles effectueront — 179 — également leur passage. Mais les unes arriveront en Espagne ou en France , les autres en Turquie ou en Tartarie, toutes dans la même latitude, mais à deux mille lieues les unes des autres. Ainsi, sans contrarier les lois des migrations imposées aux oiseaux et même en les favorisant, le vent peut les diriger vers des points divers, et les faire trouver en plus grande quantité dans tel ou tel pays. Cette circonstance a probablement la plus grande influence sur les lieux auxquels se transportent les oiseaux. Aussi voyons-nous un grand nombre d’es- pèces qui exécutent de longues migrations, voyager sur une très-grande échelle, et parcourir la presque totalité de la surface du globe. Cette cause exerce la plus grande influence sur l’irrégularité des voyages des oiseaux. Peu d'années se passent sans que l’on ne remarque des passages extraordinaires de certaines espèces, dans des lieux où on ne les avait jamais aper- cues et où on ne les verra pas de longtemps. Le nombre d’une espèce qui fréquente un même pays est donc très-variable d’une année à l’autre, et à tel point, que les chasseurs les désignent en disant l’année des cygnes, ou des outardes, où enfin des flamants, des oies, des canards, des merles roses, des bees-croisés , des pinsons et des tarins. Ces irrégu- larités, comme les inégalités dans le nombre des espèces voyageuses, dépendent en partie de la direc. — 180 — tion des vents qui exerce une assez grande influence sur les migrations ou les passages des oiseaux. Ce que nous venons de dire, sur la circonstance qui porte les oiseaux à se diriger dans une direction op- posée à celle du vent, peut même être saisi à priori. S'ils suivaient la même direction que celle de l’air, le courant redresserait leurs plumes, et les empêche- rait par conséquent de pouvoir voler. D’unautre coté, leur queue, qui leur sert en quelque sorte d’aviron ou de gouvernail dans leur ascension, ou qui lorsqu'elle manque est suppléée par la longueur des pattes, deviendrait pour lors un obstacle à leur marche. Loin de leur être utile, leur queue les forcerait à prendre une tout autre route que celle qu’ils vou- draient suivre. Ainsi l’expérience aussi bien que leur orsanisation annoncent que pour que les oiseaux se livrent à de longues migrations, ou même à des passages, il faut qu'ils aient le vent au bec, c'est- à-dire que leur marche soit toujours oblique à la direction des courants. VII. De la constance dans les migrations des oiseaux. Malgré ces causes variables, une constance remar- quable a lieu dans les passages des oiseaux émigrants, constance moins sensible dans ceux des espèces erra- tiques. Nous voyons presque régulièrement, dés le D — 181 — mois de février, les grives qui ont quitté les forêts de la Corse, arriver sur les côtes du midi de la France, pour regagner bientôt les forêts du Nord, d’où elles doivent nous revenir vers les mois d'octobre et de no- vembre. Les espèces de ce genre nichent aussi parmi nous, de même que la plupart des merles. On doit ce- pendant en excepter la litorne, qui fait constamment son nid dans le Nord, qu’elle abandonne pourtant aux approches de l’hiver. Les étourneaux comme les grives opérent deux passages chaque année parmi nous; les uns et les au- tres se suivent de près, du moins à l’époque de leurs premières excursions. Lorsque les étourneaux arri- vent, quelques bécasses se montrent encore dans nos bois, qu'elles vont bientôt quitter. Mais le mois de mars est le signal du départ des palmipèdes, qui fréquentent l'hiver, en grand nombre, les étangs sa- lés des côtes de la France. Poules d’eau, morelles, rales, hérons, pluviers, vanneaux, courlis, bécas- seaux, oies, canards, harles , et une foule d’autres oiseaux ont fui et ont fait place à de nouveaux hôtes. Les huppes, les loriots, les tourterelles, les merles de roche, les traquets, particuliérement le motteux, les pipits, les ortolans, les fauvettes, et les fringilles viennent pour lors nous visiter, et nous réjouir de leur présence. Tout le mois d’avril est consacré à leurs passages; mais dés les premiers jours du même — 182 — mois , les hirondelles et les martinets ont salué le re- tour du printemps, et nous ont annoncé l’arrivée de la belle saison. En mai paraissent les guépiers , les rolliers et les cailles. Pendant que ces oiseaux opérent leurs pas- sages, les cresserelles et les hobereaux établissent leur. domicile sur les caps les plus hauts, ou sur les sommi- tés de quelques rochers élevés au-dessus des eaux. Mais après le mois de juin, les passages des oiseaux se bor- nent à de jeunes individus, dont les nichées ont eu lieu à peu de distance de nos contrées. À mesure que leur nombre augmente, on voit apparaître divers oiseaux de proie dont la mission est de les détruire, car il entre dans les vues de la nature d'empêcher une trop grande multiplication des espèces herbivores. Vers la fin d’août et de septembre, les cailles nous visitent encore; à peu prés à la même époque, les pies-grièches, les loriots, les ortolans, les huppes, les pipits, les engoulevents recommencent leurs courses aventureuses. Les mois d’octobre et de novembre sont consa- crés aux voyages des pigeons, des corbeaux et des grues, dont le nombre est d’autant plus grand, que la température s’est abaissée. Ces oiseaux décrivent souvent une ligne fort étendue, formant de longues processions dont les intervalles sont à peine sensi- bles. Plus tard enfin , les sarcelles, les canards, les — 1835 — foulques, viennent prendre possession des eaux de nos étangs, que ces espèces avaient quittés, il y avait quel- ques mois. Chose non moins remarquable, tous ces oiseaux opérent ordinairement ce tableau mouvant de leurs migrations constamment renouvelées, en troupes plus ou moins considérables. Ils voyagent toujours par bandes, et se réunissent pour mieux se défendre contre les dangers qui les menacent dans leurs lon- oues traversées. Un autre motif peut bien aussi les y porter; c’est celui du même sentiment qui les anime pour satisfaire le besoin le plus impérieux de leur existence. Il n’y a d'exception à cette loi générale que pour quelques oiseaux rapaces, comme par exemple les aigles et les vautours, ces tigres des airs, qui voyagent par couples séparés. Images des méchants dont ils accomplissent la fatale destinée, ces oiseaux de proie vivent solitaires et comme isolés, non-seulement au milieu des légers habitants de l’air, mais même au milieu de leurs espèces. Le besoin de société se fait néanmoins sentir chez plusieurs oiseaux rapaces. En effet, les faucons cresserelles, et à pieds rouges, qui vivent aussi de gros insectes, paraissent exécuter leurs voyages en grandes troupes ; on assure qu'il en est de même des milans, des balbusards, des pygargues et des laniers. — 184 — Telle est en abrégé l’histoire des passages qu’opé- rent les oiseaux émigrants dans le midi de la France. Get exposé, tout succinct qu'il est, peut donner une idée assez juste des causes qui les déterminent. Si nous n'avons rien dit dans ce résumé des excursions auxquelles se livrent les espèces erratiques, c’est qu'elles n’ont rien de fixe ni de régulier, et qu’elles sont presque uniquement déterminées par l'espoir de trouver ailleurs une température et une nourri- ture qui leur manquaient dans les pays qu'ils vien- nent de quitter. Ces voyages, dont l’étendue est gé- néralement peu considérable, n’ont presque rien de commun avec ces longues excursions déterminées non par des besoins impérieux, mais par un instinct plus puissant qui les force à changer de climat à des épo- ques fixes et déterminées pour chaque espèce. On nous demandera peut-être si le besoin de se reproduire, qui attirerait les oiseaux dans des lieux plus favorables, a quelque influence sur leurs mi- grations, ainsi quil parait en exercer sur les passages des poissons, au dire de Bloch. Pour se former une idée juste à cet égard, il faut définir ce qu’on doit entendre par patrie des oiseaux; car si on suppose que là où ils pondent leurs œufs, là est aussi leur pays, il s'ensuit que la reproduction ne peut avoir beaucoup d'influence sur leurs passages. Serait- ce parce que certains olseaux voyageurs — 185 — viennent retrouver le nid qu'ils avaient quitté l’année précédente, ou pondent plusieurs années de suite, dans le même trou d’arbre, comme cet étourneau dont ont parlé Linné et Klein (1) ? Ces circonstances, loin d’être générales , sont au contraire exception- nelles ; elles ne peuvent donc produire quelque effet sur un phénomène aussi constant et aussi régulier que celui des migrations. Tout au plus pourraient- elles exercer quelque influence sur les passages des oiseaux erratiques, qui, déterminés par des circons- tances extérieures, pourraient bien en ressentir l’im- pression, On le supposerait du moins , si l’on voulait s'en tenir aux observations de Casteby, auquel nous devons un excellent ouvrage sur les oiseaux d'Amérique, et qui admet, comme un fait, que leurs passages ont lieu par suite du besoin qu’ils éprouvent de chercher les endroits les plus favorables à opérer leur ponte. Le besoin de se reproduire exerce si peu d'action sur les migrations et même sur les passages des oi- seaux, que souvent les males arrivent dans une con- trée avant les femelles. Il en est de même de l’époque de leur départ : les premiers quittent le pays où ils (1) Amœn. Academ., tom. 1v, pag. 595. Id. Klein, Prodrom. Hist. avium., pag. 491. ER pe s'étaient rendus bien avant que les femelles songent à les abandonner, lors méme que ces oiseaux n'y ont pas fait leurs nids, Si la reproduction déterminait ces voyages, les deux sexes devraient partir ensemble : il est loin, cependant, d'en étre toujours ainsi, Si les mâles quittaient seulement les premiers les contrées où les femelles auraient niché, on pourrait supposer que celles-ci demeurent pour veiller aux soins de leurs petits, tandis que les péres pourraient s'en dispenser, Cette circonstance ne #e représentant pas dans la plupart des cas où les oiseaux ont niché dans le pays qu'ils abandonnent, le départ des mâles avant celui des femelles doit étre déterminé par le méme instinct qui porte Les deux sexes à voyager, et qui se développerait plus tôtchezles unsquechezlesautres, L'inégalité dans l'époque du départ des mâles et des femelles est, du reste, aussi frappante que celle qui porte 4 peu prés constamment les vieux oiseaux à partir avant les jeunes; seulement la raison de cette dernitre circonstance est plus facile à comprendre que celle de la premiére, ainsi qu'on aura pu en ju= ger d'aprés l'ensemble de n0# observations. VIII, Hsumi, Les oiseaux, considérés relativement à leurs habi- tudes voyageuses, 8e divisent en quatre groupes prin= — 187 — cipaux, o'est--dire en émigrants, en cosmopolites, en erratiques et en sédentaires, Les premiers, ou les oiseaux émigrants, les seuls qui opèrent leurs migrations à des époques fixes et périodiques, exéoutent aussi les voyages les plus éten- dus. Leurs passages d'une contrée à une autre, et souvent dans des pays séparés par de grandes dis- tances, semblent déterminés par un instinet dépen- dant de leur organisation, où par une puissanoe in- térieure à laquelle ils ne savent ni ne peuvent risister, Les circonstances extérieures, telles que la température, la direction ou la force du vent, l'abondance où la pri- vation d'une nourriture convenable, peuvent bien avair quelque influence sur leurs longues migrations : mais elles ne les provoquent et ne les règlent jamais, Ue phénomène est sous la dépendance d'une in- fluence plus puissante que tous ces besoins, Ces besoins ne donnent jamais à ces animaux les inquiétudes, les agitations, et ootte ospdve de fièvre qui les astiège et les tourmente lorsque le moment du départ est arrivé, Cotte époque venue, les aisoaux trouveraientils dans les lieux qu'ils vont quitter, toutes les circonstances avarables à leur existence ? Ces circonstances seraient elles les mêmes que celles qu'ils vont rencentrer ail- leurs, il n'en faudrait pas moins qu'ils partent, Leur nature, leur instinct, leur organisation, tout leur être enfin les force d'une manière irrésistible à se dés He = placer et à échanger contre la vie paisible des champs qui les ont vus naïitre, les hasards et les chances aven- tureuses des longs voyages. Le besoin de partir, de se transporter au loin dans d’autres climats, est plus impérieux pour les oiseaux que celui de manger ou de ressentir l'impression d’une douce température. C’est une condition encore plus essentielle de leur existence à laquelle ils sont forcés de céder, et contre laquelle vient même se bri- ser toute l'influence de l’homme. Lorsque nous voulons retenir les espèces voyageuses à ces époques si importantes de leur vie, nous les voyons dans une anxiété et un état de souffrance pres- que continuel. Leurs mouvements brusques etirrégu- lierstémoignent hautement combien ils sont impatients de satisfaire aux désirs pressants que la nature leur a inspirés. Si, contraints par notre influence, ils sont forcés de résister à cet instinct impérieux, ces ani- maux languissent et finissent par succomber sans s’oc- cuper de la nourriture qu’on leur présente ou de la douce température qu’on maintient autour d'eux. El y a plus encore, malgré toute la tendresse des oiseaux pour leurs petits, leur famille même ne les intéresse plus lorsque le moment du voyage est arrivé. Les mères les plus affectionnées la quittent sans efforts comme sans regrets, pour aller sur l'aile des vents gagner d’autres régions. D Ne 7 — 189 — Les espèces erratiques ne voyagent au contraire, et n’exécutent leurs passages accidentels dans des pays différents de ceux qu'ils habitent ordinairement, que pour assouvir le besoin qui les presse, ou pour trouver ailleurs une température appropriée à leurs exigences. Aussi les excursions auxquelles elles se li- vrent n’ont rien de fixe ni de périodique; bien dif- férentes en cela des voyages des espèces émigrantes si remarquables par leur régularité. Les courses vagabondes des oiseaux erratiques ont souvent lieu pendant plusieurs années de suite. Dans d’autres circonstances, elles restent le même espace de temps sans se reproduire et se renouveler. Incons- tantes comme les saisons dont eiles dépendent en par- tie, elles ne sont liées qu'avec des besoins qui peuvent se manifester à des époques plus ou moins éloignées les unes des autres, sans suite comme sans régularité. Les oiseaux erratiques n'éprouvent pas cependant le moindre inconvénient de ces variations; les motifs qui les portent à se déplacer n’ont eux-mêmes au- cune sorte de fixité ni de constance. Pour exécuter leurs voyages accidentels et passa- gers, les races erratiques, moins hardies et moins en- treprenantes que les oiseaux émigrants, ne bravent pas comme eux les tempêtes; elles n’affrontent pas l’aquilon lorsqu'il s’agit de quitter les pays qui les ont vus naitre. Peu impatientes de changer de climats, — 190 — elles attendent le moment favorable pour exécuter leurs voyages, commandés plutôt par un besoin va- gue que par un instinct impérieux tout à fait irrésis- tible. Aussi les étendent-ils rarement aussi loin que les excursions auxquelles se livrent les oiseaux émi- grants. La longueur et la périodicité des voyages de ces derniers est pour nous un sujet continuel d’éton- nement, tout autant que l’ordre et la régularité qui les caractérisent. D’autres espèces ne voyagent ni d’une manière fixe comme les races émigrantes, ni d’une manière irré- gulière comme les erratiques ; elles sont pour ainsi dire dans un mouvement et une agitation continuelle. Toujours en course, on les trouve dans presque toutes les mers ; on ne les voit à terre que pour se reproduire et y déposer leurs œufs. Les mers sont en quelque sorte leur unique élément; aussi leur organisation leur permet de se soutenir sur la surface des eaux par leurs piétinements, aidés à cet égard par la gran- deur de leurs ailes. Elles leur servent de point d’ap- pui lorsque fatiguées elles sont lasses de parcourir les vastes plaines de l’air. Véritables cosmopolites, ces espèces maritimes n'ont pour ainsi dire pas de patrie, car elles errent continuellement au milieu de l’im- mensité de l'Océan. On ne peutguére considérer comme leur pays les fentes de quelques écueils ou de quel- ques récifs isolés, plus ou moins élevés au-dessus — 191 — des eaux, où ces oiseaux vont déposer leurs œufs. S’il fallait caractériser d’une manière particulière les habitudes de ces animaux toujours en mouve- ment, on pourrait les considérer comme les cosmo- polites des oiseaux. Cette expression semble leur convenir tout autant que celles d’émigrants et d’erra- tiques, que nous avons données aux autres espèces voyageuses. Du reste, ainsi qu'il est aisé de le pres- sentir, ces races cosmopolites sont uniquement des oiseaux aquatiques. On peut citer comme exemples les pétrels, les frégates qui volent continuellement sur la surface de l'Océan, à l’exception des courts moments où ils vont à terre déposer et pondre leurs œufs. Des habitudes plus calmes et plus tranquilles ca- ractérisent d’autres espèces. Elles ne paraissent pas cependant être déterminées par l'impuissance où elles sont de fendre les airs comme sont les manchots, les casoars et les toyous. Ces derniers, qui ne peuvent pas se servir de leurs ailes pour voler, sont par cela même nécessairement sédentaires ; mais d’autres oiseaux , quoique bons voiliers , quittent peu les lieux de leur naissance. On ne les voit presque jamais abandonner leur pays, quelque changement qu’éprouve la température, ou quelque grandes que puissent être les exigences d’une nourriture convenable. Toujours fidèles à leur patrie, — 192 — ils n’en ambitionnent pas d’autre, et mettent constam- ment leur bonheur dans une vie sans trouble comme sans danger. Ces espèces stationnnaires ont des mœurs totale- ment différentes des races émigrantes, erratiques et cosmopolites : comme elles semblent tout à fait en opposition avec les habitudes que commande l’orga- nisation de ces animaux, elles sont aussi fort rares chez les habitants des airs. C’est surtout chez les oiseaux de l’ancien continent, que le nombre des espèces sédentaires est le plus limité, tandis qu'il s'étend chez les races du nouveau monde. Cette par- ticularité tient peut-être à ce que celles-ci exigent une température élevée et ne se nourrissent que du nectar des fleurs. Or, de pareilles circonstances ne peuvent pas se représenter sur une très-grande éten- due de pays; dès lors elles rendent ces espèces séden- taires dans les lieux où elles les trouvent constam- ment réunies. Chose non moins singulière, ces habitudes diverses sont propres à la fois à diflérentes espèces d’un même genre ou à la même espèce dans des âges différents. Quelquefois le même oiseau est errati- que relativement à une contrée, où il fait des excur- sions accidentelles, tandis qu'il est sédentaire rela- tivement à telle autre. De pareilles circonstances se représentent par rapport aux mêmes espèces, mais —.193 — seulement dont l’âge est différent. Ainsi certains oi- seaux sont à la fois émigrants ou erratiques à une époque de leur vie, et sédentaires dans une autre. Il est néanmoins curieux d'observer des habitudes aussi diverses chez la même espèce, et cela suivant les phases de son existence. Il n’y a donc rien d’absolu par rapport à ces oiseaux, puisque leurs mœurs sont totalement opposées suivant l’âge auquel on les observe. D'un autre côté, des races qui ont dù être émi- nemment voyageuses, si elles ne le sont pas encore, puisqu'elles se trouvent dans toutes les régions du globe, contrairement aux lois de la distribution des animaux, paraissent néanmoins sédentaires. Elles semblent se maintenir assez constamment dans leur terre natale. La plupart des individus qui font partie de ces espèces si universellement répandues voyagent peu sans doute ; mais il n’en est pas de même de leur ensemble. On ne saurait supposer que ces oiseaux ont perdu les habitudes de leurs parents; car la dis- persion de ces derniers sur toute la surface de la terre prouve à quel point ils ont étendu leurs courses et leurs migrations. Ainsi, la chouette effraie, quoiqu’elle soit éminem- ment voyageuse, puisqu'on la rencontre partout, n’en passe pas moins pour être une race essentielle- ment sédentaire. Si elle l’est dans ce moment, du 15 — 194 — moins en partie et dans certaines contrées, il est in- contestable qu'elle n’a pas dû l'être d’une maniére constante. C’est ce qu’annoncent à la fois sa dispersion et les lois générales de la distribution des êtres vivants. Leur observation, et tout ce que nous savons de re- latif à la géographie zoologique aussi bien qu'à la géographie botanique, nous prouve que chaque es- pèce vivante a été disséminée dans le principe des choses dans des centres particuliers de création, et a caractérisé telle ou telle région, ou tel ou tel conti- nent. Chaque contrée a donc eu ses races particuliè- res, souvent différentes même par leurs caractéres gé- nériques de celles qui occupent des pays ou des con- trées fort rapprochés les uns des autres. Ainsi il n’y a aucune espèce commune entre la Nouvelle-Hollande et l'Amérique, pas plus qu'il n’y en a entre celles qui animent lenouveau monde et celles qui peupient l’an- cien continent. Les races délicates, ou celles qui ne peuvent pas éprouver de changement sensible dans les circons- tances extérieures, sans en ressentir trop vivement l'impression, sont aussi peut-être les seules qui aient conservé leur position première. Il n’en est pas de même des races robustes. Leur organisation leur permet de résister à l'influence de la diversité des milieux ambiants. Aussi elles se sont d'autant plus écartées de leur primitive distribution, qu'elles ont — 195 — pu surmonter sans danger de grands changements dans les climats qui leur avaient été assignés à leur origine. Une autre circonstance, non moins puissante et non moins impérieuse , a encore contribué à les éloigner des lieux de leur naissance. Son influence a été d’au- tant plus sensible, que l'instinct, ou, si l’on veut, le besoin de se déplacer a été plus irrésistible et plus pressant. Dés lors les migrations, ainsi que les voyages accidentels auxquels se livrent tant d'animaux , ont considérablement altéré l’ordre primitif de leur dis- tribution. La constance de ces phénomènes tend, par son action continuelle, à effacer les traits de leur po- sition premiére, et à intervertir les lois de la nature. Comme à ces influences qui entrainent après elles un grand nombre de variations vient s'ajouter celle de l’homme, nous sommes loin de connaître la véri- table distribution des êtres vivants.Mais puisque, mal- gré les nombreuses variations produites par l’action des causes maintenant agissantes, la plupart des es- pèces gardent encore une position déterminée dans une zone qui lui a été affectée, évidemment ces stations ont dù être plus fixes à l’origine des choses. En effet, la chouette effraie (strix flammea) ainsi que l’hirondelle de cheminée (hirundo rustica), con- trairement à la généralité des animaux, n’ont pas été disséminées sur la presque totalité du globe, où elles — 196 — se trouvent cependant. Elles doivent sans doute une distribution aussi universelle a leur humeur voyageuse et à leurs longues migrations. Du reste, en traçant sur notre carte la route que ces oiseaux paraissent suivre dans leurs migrations, nous n’avons pas entendu par là qu'ils la parcourussent chaque année. Il sem- ble, au contraire, que parmi les individus qui compo- sent ces espèces une faible partie seulement se déplace d’un pays à l’autre. Les mêmes individus sont loin de parcourir dans la même année, et quelquefois même dans tout le cours de leur vie, la totalité du globe. Nous avons eu égard plutôt au maximum de l’étendue des migrations, si l’on peut s'exprimer ainsi, qu'à leur réalité, en tant qu’elles auraient lieu dans le court intervalle d’une année. Ces diverses irrégularités donnent au phénomène des migrations quelque chose de mystérieux lors- qu'on l’étudie sans avoir égard aux circonstances qui y produisent ces variations. Elles sont d'autant plus frappantes, qu'elles apparaissent aussi bien chez les espèces émigrantes que chez les erratiques, quoique avec une moindre fréquence et une moindre intensité. En effet, les chasseurs et les pêcheurs qui observent seulement les faits de détail ne peuvent s'expliquer pourquoi une année les passages ou les migrations de telle ou telle espèce d'oiseaux ou de poissons sont beaucoup plus abondants que l’année précédente, et — 197 — pourquoi enfin ces passages ou ces migrations n’ont plus lieu à une autre époque. Si cette absence, ou si cette plus grande fréquence se fait remarquer chez les espèces erratiques, c’estune suite nécessaire des variations des circonstances qui les portent à se déplacer, et qui par cela même en- trainent dans leurs voyages toutes sortes d'anomalies et d'irrégularités. Lorsqu’au contraire ces circons- tances se présentent chez les races émigrantes, elles tiennent à l'étendue de leurs excursions, si considéra- ble qu’elles ne peuvent les exécuter en entier, dans le court intervalle d’une année. Plus ces races éprouvent de fatigue par la longueur du trajet qu’elles ont à par- courir, et moins leurs passages sont nombreux dans une station déterminée. Il peut encorearriver que des obstacles imprévus re- tardent l’arrivée ou même le départde ces espèces voya- geuses.L'une ou l’autre de ces causes ont nécessairement de l'influence sur la régularité de leursexcursions.Il est du reste facile de saisir que les légers habitants des airs, et les êtres qui vivent dans le sein des eaux, sont les seuls qui peuventexécuter d'aussi longues et d'aussi périlieu- ses migrations.Sans doute les animaux qui habitent les terres sèches et découvertes se déplacent aussi ; mais les voyages auxquels ils se livrent parfois n’ont ja- mais l'étendue et encore moins la régularité des migra- tions ni même des passages des oiseaux et des poissons. — 198 — Les remarques précédentes ne s'appliquent pas seu- lement aux oiseaux ; elles sont également relatives aux courses auxquelles se livrent une foule de pois- sons. Pour ne pas trop surcharger de détails la carte destinée à montrer la route que suivent ces animaux dans leurs longues excursions, nous nous sommes borné à indiquer celle tenue par les harengs et les maquereaux. Îl en est de ces poissons comme des oi- seaux voyageurs ; très-certainement tous les individus de ces deux espèces ne font pas toutes les années le long circuit que nous avons indiqué. Cependant, comme parmi eux un grand nombre se livrent à d’aussi longues excursions, à eux seuls se rapportent les indications que nous avons données à cet égard. Ces indications sont donc loin de comprendre la totalité des individus qui composent ces espèces émigrantes. Les tableaux que nous allons tracer de l’époque des migrations des oiseaux et des poissons feront du reste parfaitement saisir ce que ces faits ont de par- ticulier et de constant. Ces observations générales sur les habitudes des oiseaux semblent indiquer que le phénomène de leurs migrations ou de leurs passages n'est pas un fait simple que l’on puisse expliquer par une seule cause. Aussi n'est-il saisissable que lorsqu'on en étudie les conditions diverses et que l’on parvient à déméler les causes qui le provoquent et le déterminent. -— 499 — L'examen des diverses circonstances qui accom- pagnent les migrations et les passages de ces animaux dont le sang est si chaud, semblent démontrer que les voyages des espèces émigrantes sont le résultat d’un instinct supérieur à tous les besoins, comme à l’ac- tion des milieux, sous l'influence desquels elles sont placées. Tout au plus les excursions accidentelles des races erratiques sont commandées par des besoins physiques plus ou moins pressants , ou déterminées par l'impression des agents extérieurs. Dès lors, les migrations des premières doivent avoir une périodi- cité remarquable, tandis que les passages des secon- des sont aussi inconstants que les variations des sai- sons qui exercent sur ce phénomène une influence notable. Les habitudes voyageuses des oiseaux cosmopolites leur sont aussi fortement inculquées que les mœurs stationnaires le sont chez les espèces sédentaires. Celles-ci manquent en effet de cet instinct qui pousse les espèces émigrantes à se déplacer à des époques fixes ; elles n’éprouvent pas non plus ces besoins qui tourmentent les oiseaux erratiques. Seules parmi les habitants des airs, les races sédentaires restent in- différentes au milieu du mouvement continuel qui agite les êtres qui leur sont communs par l'organisa- tion. Leur stabilité leur parait préférable à cette agi- tation sans cesse renaissante dont ils sont entourés , — 200 — et dont ils ne comprennent pas plus sans doute Îles motifs que la cause. Les observations précédentes ont certainement sufhi pour faire saisir l'importance des mots à l’aide des- quels nous avons voulu peindre à l'esprit les divers motifs qui portent les oiseaux à se livrer à des mi- grations ou à des voyages plus ou moins étendus. Ainsi nous avons nommé émnigrants ceux qui, par suite d’un instinct particulier, se déplacent à des époques fixes et constantes. Nous avons désigné sous le nom d'’er- ratiques les espèces qui se livrent à des courses pas- sagéres, et qui n’ont rien de régulier. Les excursions de ces dernières sont presque toujours déterminées par des motifs qu’il est facile de pressentir, comme par exemple ceux d’une température plus élevée ou d’une nourriture plus appropriée à leurs besoins. Quant aux oiseaux qui sont toujours en mouvement, et qui voya- gent constamment, nous les avons considérés comme des cosmopolites ; c’est aussi sous cette dénomination que nous les avons signalés. Enfin nous avons envisagé ceux qui ne quittent ja- mais les lieux qui les ont vus naître comme des espèces sédentaires ; et celles-ci sont, ainsi qu’on a pu le juger, les moins nombreuses. Ces dénominations bien com- prises nous donnent en quelque sorte la clef du phé- nomène des migrations. Elles semblent du moins être l'expression générale des faits quenous venons de rap- — 201 — peler. Il nous reste maintenant à savoir si ceux qui sont relatifs aux autres classes des vertébrés, ou des in- vertébrés, nous conduiront aux mêmes conclusions. C’est à ce but que nous allons consacrer la fin de ces recherches. IX. Tableau de l’époque des passages des oiseaux. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. Les détails dans lesquels nous allons entrer sont comme les preuves des observations générales consi- onées dans la première partie de notre travail. Ils dé- montreront du moins que les habitations des oiseaux sont moins circonscrites que celles des autres animaux, et que la plupart des espèces émigrantes traversent les mers dans leurs voyages. Ils prouveront enfin que la plupart des oiseaux des pays froids, généralement gras, sont revêtus d’une fourrure plus épaisse que celle dont sont couvertes les races des régions équatoriales. Partout les êtres vivants se montrent en harmo- nie avec les climats et les circonstances extérieures sous l'influence desquels ils sont placés. Ces rapports sont surtout sensibles, lorsqu'on étudie la distribution des familles des oiseaux dans les différentes contrées du globe. Les palmipèdes, parmi lesquels on peut signaler les — 202 — diverses espèces d’oies et de canards, les harles, les macareux, les manchots, les pétrels, les goënlands, les stercoraires, les fous ou boubies, les cormorans, les plongeons, les guillemots, le pingouin brachyptère, s’avancent le plus vers le Nord. Après ce grand ordre d'oiseaux, quelques pinnatipèdes, parmi lesquels on peut citer les phalaropes, sont les races qui parvien- nent le plus avant vers les contrées polaires. De pareilles habitudes caractérisent également un assez grand nombre d’échassiers ; mais ceux-ci, moins bien fourrés que les précédents, s'arrêtent avant les premiers. Quoique du Nord, ils ne fréquentent pas ce- pendant les régions les plus glacées, craignant da- vantage les rigueurs du froid. Les grues, les hérons, les spatules, les bécasses, les chevaliers, les maubé- ches, les sanderlings, le vanneau pluvier, qui appar- tiennent à cet ordre, sont du nombre de ces espèces qu'un froid trop vif épouvante, et fait quitter les pays où ils craignent d’en ressentir les rigueurs. Des motifs tout à fait contraires portent les oi- seaux granivores vers les régions tempérées, où ils sont surs de trouver en abondance la nourriture qui leur convient. On peut citer parmi les oiseaux qui ont de pareilles habitudes, les alouettes, les bruants, les gros-becs, les bouvreuils, les becs-croisés,du moins parmi ceux qui vivent en Europe. Quant aux espèces granivores de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique, — 203 — les tisserins, les phytotomes, les colious, les psittacins, les tangaras et une foule d’autres genres, elles se trouvent particulièrement à des distances considéra- bles des régions septentrionales. Les oiseaux qui se nourrissent d'insectes se rencontrent surtout dans les régions tropicales. Des millions de ces animaux éclo- sent à chaque instant, et pullulent d’une manière réel- lement prodigieuse, C’est en effet dans les contrées brülantes qu’on dé- couvre les pies-grièches, les loriots, les mainates, les couroucous, les barbus, les coucous, les oiseaux de pa- radis, les pies, les todiers, les alcyons, les promerops, les grimpereaux, les colibris, les gobe-mouches, les fauvettes, les bergeronnettes, les mésanges et une foule d’autres passereaux ; ceux-ci sont essentiellement in- sectivores, quoique quelques-uns d’entre eux se nour- rissent également de graines ou de fruits, et quelques- uns même de poissons. Cependant plusieurs espèces in- sectivores émigrent d’une manière périodique vers les contrées tempérées. Les migrations des hirondelles et des martinets sont trop connues pour en douter ; mais leurs passages n’ont jamais lieu qu'au printemps ou lorsque les beaux jours ont fait naître une foule d’in- sectes, même dans les régions dont la température n’est pas très-élevée. Les oiseaux piscivores se trouvent généralement ré- pandus sur toutes les mers, aussi bien sur celles des — 204 — régions tropicales, que sur les mers polaires. Les es- pèces qui ont de pareilles habitudes trouvent partout une nourriture suffisante et conforme à leurs besoins. Les oiseaux se distinguent égalementparleursmœurs et leurs habitudes intéressantes, qui les signalent en- tre les autres animaux. La plupart de leurs espèces sont non-seulement monogames; mais elles vivent dans une union qui ne cesse qu'avec la mort de l’un des sexes. L'union des oiseaux est caractérisée par cette cir- constance, que les mâles, vivant en monogamie, pren- nent soin eux-mêmes de leur progéniture, tandis que chez les mammifères, l’homme excepté, la femelle seule s'occupe de ses petits. Chez les animaux inférieurs, même chez les verté- brés, comme les poissons et les reptiles, la femelle est toujours dispensée de l'obligation de prendre soin de ses petits à partir de l'instant de la ponte. Les insectes qui vivent en société sont peut-être les seuls qui fas- sent exception à cette loi générale. Faber rapporte pourtant que chez les poissons le mâle du cyclopterus lumpus se fixe auprès des œufs et les surveille avec tout autant d'activité que de sa- tisfaction aprés les avoir fécondés ; ce fait, en le sup- posant exact, a peu d’importance en comparaison des soins que les mâles de plusieurs oiseaux prennent de leurs petits. Ces soins commencent dès que ces animaux s'oc- — 205 — cupent de la construction de leur nid; le mâle y fait le plus souvent sentinelle, et observe par avance tous les lieux où il peut être convenablement établi. On ignore s’il en est de même chez les rapaces. Les mœurs de ces oiseaux, et particulièrement celles des genres cathartes, des sarcophanges, des gypoger- mes et des vautours, sont encore trop peu connues, pour rien afhrmer à cet égard. Il est difficile de dire quelque chose de satisfaisant de la manière d’être du mâle relativement à sa progéniture; nous possédons seulement quelques observations intéressantes sur les mœurs et les habitudes des aigles. Quant à celles des espèces du genre gypaëte, elles sont totalement in- connues. L'observation nous a seulement appris queles grands aigles de mer ( falco leucocephalus) planent par cou- ples sur leurs aires. Le mâle, comme la femelle, pa- rait prendre soin de l’éducation de ses petits. De plus, le male leur apporte leur nourriture et les guide de concert avec la femelle, quand ils ont quitté leur nid : les deux sexes continuent cette surveillance, jusqu’au moment où leurs petits sont assez grands pour pouvoir se procurer eux-mêmes leur subsistance et veiller à leur sûreté. De pareils faits s’observent également chez les vrais aigles et les aigles de rivière (pandion). Probablement les mêmes habitudes existent chez les cacaetos et les archibates. Quant à ce qui est des — 206 — vraies buses (buteo), du moins d'après ce que nous apprend M. Brehm, non-seulement le mâle nourrit la femelle pendant tout le temps qu’elle eouve, mais il prend soin des petits avec le plus grand empressement et la plus tendre sollicitude. Ainsi le mâle du buteo medius de cet ornithologiste veille constamment sur sa femelle pendant tout le temps qu'elle couve. Il y a plus encore : lorsque celle-ci quitte le nid, le mâle y accourt de suite et se pose lui-même sur les œufs, et y reste jusqu’au retour de sa femelle. Un de ces couples, où l'on avait suivi tous ces ma- néges, fut tué, la femelle d’abord et le mâle le lende- main. Un petit fut pris dans le nid ; on reconnut qu’il n’avait pas pris de nourriture depuis la veille, le màle n'ayant pas osé braver le danger et lui en apporter, quelque grande que püt être sa tendresse. Une autre espèce de buse, le buteo murum, ayant fait son nid, on vit le male nourrir non-seulement la femelle pen- dant tout le temps qu’elle était occupée à couver, mais continuer ses tendres soins après que leurs petitsétaient éclos. La femelle ayant été tuée, le mâle se rendit de suite au nid, où il.eut le même sort. Un autre couple du même genre, le buteo septentrionalis , s’empara de ce nid, et la femelle y déposa ses œufs. Pendant tout le temps que dura la couvaison, le mâle fut aussi assidu que sa compagne poursoigner leurs petits. Il s’é- loignait si peu du lieu oùils se trouvaient, qu'il fut pris, ainsi que sa femelle, dans un filet que l’on avait préparé pour les saisir. Le male du pernis nous présente un exemple de tendresse pour sa progéniture, encore plus remar- quable ; 1l offre du moins le seul exemple entre les oiseaux de proie d'assister, non-seulement sa femelle pour nourrir ses petits, mais encore pour couver leurs œufs. Les deux sexes se relèvent doncalternativement, afin de maintenir auprès d'eux cette douce tempéra- ture qui les fait plus tôt et plus sûrement éclore. Les mäles des milans roux et brun noirâtre parais- sent avoir à peu près les mêmes soins que les au- tres oiseaux de proie. Ils sont cependant plus crain- tifs et moins dévoués à leurs petits que les autres ra- paces. Aussi, lorsqu'ils redoutent quelque danger, ils quittent le nid; ils planent pour lors sur leur aire, en se tenant hors de la portée des armes à feu. Lors- que la crainte du danger se prolonge, on assure qu'ils laissent tomber, de la hauteur à laquelle ils se main- tiennent, la nourriture de leurs petits. On prétend qu'ils le font avec une si grande adresse, que les jeunes milans en profitent presque toujours. Les mâles des faucons ( falco) ont les mêmes habi- tudes et se donnent les mêmes soins pour leur progé- niture. Quoique ceux du faucon voyageur ( faleo pe- regrinus) n'aient que les deux tiers de la grandeur de leurs femelles, ils ne les nourrissent:pas moins pen- — 208 — dant tout le temps qu'elles couvent. Ils les assistent également avec la plus grande tendresse dans tout ce qui tient à l'éducation de leurs petits. Ces mâles ont un grand attachement pour leur famille; ils se tiennent à peu près constamment sur le rocher où ils ont cons- truit leur aire, longtemps après le moment où leurs fe- melles ayant été tuées, les petits ont été enlevés du nid. Ils témoignent ainsi par cette position fixe, et dont rien ne peut les arracher, la douleur et les regrets qu’ils éprouvent de la perte de leur famille. Telles sont quelques-unes des précautions que les oiseaux apportent à la conservation et à la durée de leur race. Ces soins sont si constants et si actifs, qu’ils annoncent leur tendre sollicitude pour leurs petits. Sous ce rap- port, il y a peu de distinction entre eux ; du moins, les oiseaux rapaces, dont les mœurs sont les plus fa- rouches, sont loin cependant d’être dépourvus d’atten- tion et même d'amour pour leurs petits. On s’est demandé si de pareilles habitudes étaient communes à tous les vertébrés ovipares, et si, par exemple, les reptiles qui pondent comme les oiseaux des œufs séparés , les couvaient comme ces derniers. IL paraît que les serpents des régions tempérées se bornent à déposer leurs œufs dans des trous exposés au midi, et qu’ils éclosent ainsi naturellement, lorsque l'époque de leur maturité est arrivée. La difficulté d'observer les mœurs de ces animaux — 209 — sénéralement redoutés avait fait penser qu'il en était de même de toute la classe des reptiles. L'éclosion qui a eu lieu au mois de mai dernier de plusieurs petits boas,au jardin des plantes, a paru élever quel- ques doutes à cet égard. Du moins ce genre de ser- pents semble avoir couvé ses œufs à la manière des oiseaux. Il parait même avoir développé dans l’incu- bation une chaleur suffisante à la naissance des jeunes de ces animaux. Comme ces faits ont été contestés, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails à cet égard. Les srands serpents des Indes sont enfermés dans la ménagerie du muséum de Paris, dans des caisses en bois sous des couvertures en laine, et échauffés par de l’eau maintenue entre 70 et 75 degrés de chaleur. Cette chaleur communique à la boîte une température d’en-- viron 22 à 27 degrés. C’est dans l’une de ces boîtes qu'a été placée une femelle du serpent boa ou python à deux raies ( python bilineatus). Cette femelle pleine, soumise à cette température, pondit quinze œufs ellip- tiques tous séparés les uns des autres et ayant à peu près deux fois la longueur des œufs d’une poule. Livrée à elle même, elle enroula la partie posté- rieure de son corps autour des œufs rassemblés par elle en un tas. Elle replia le reste de son corps en spirale , dont sa tête occupait le sommet. Pendant toute la durée de la couvaison, la chaleur de ce serpent 14 ss BD 2e augmenta d’une manière sensible, d’après ce qu'a rapporté M. Valenciennes. Cet animal développa ainsi, d’après lui, une température supérieure de 15 à 18 de- grés au milieu dans lequel il était plongé. L’incubation dura ainsi 56 jours sans interruption. Pendant tout ce temps le serpent boa ne quitta pas un instant sa position. Les petits se mirent de suite à ramper du moment qu'ils furent sortis de l’œuf. Ils ne commencèrent pourtant à manger que quatorze Jours après leur naissance. Il parut en être chez ce reptile comme chez les oiseaux, où l’élévation de tem- pérature, quoique variable, est cependant plus élevée au commencement de l’incubation qu’à la fin. D’après les expériences dues à M. Valenciennes , la température des oiseaux varierait de 42 à 46 degrés, du moins chez les poules, et cela d’après l’état plus ou moins avancé des oiseaux lors de leur incubation. Le même observateur a fait de plus remarquer que l’in- cubation des reptiles était un fait si connu dans l’Inde qu’il entrait même dans leurs contes populaires. Cette opinion a été contredite de la manière la plus formelle par M. Duméril , auquel nous devons une histoire extrêmement détaillée des reptiles, Ge savant a fait observer que les serpents sont des animaux à sang froid , c’est-à-dire des animaux dont le corps prend la température du milieu dans lequel ils se trouvent, ou des objets avec lesquels ils sont en con- — 211 — tact. Il croit donc que, lors des expériences de M. Va- lenciennes, il avait dû se développer, par le fait de quelques œufs écrasés ou des matières de déjections de l’animal répandues sur le foin de la litière, une fer- mentation capable d’élever la température ambiante, et nécessairement aussi la température du serpent. M. Duméril rapporte la plus grande partie de la chaleur développée dans cette circonstance à la tem- pérature du germe lui-même. Les œufs des serpents, de même que les graines des végétaux, ont besoïn pour se développer d’éprouver l’action de la chaleur, de se trouver en contact avec l’humidité du sol et avec les éléments que l’air et l’eau leur transmettent. Quand une fois cette excitation de la vie végétale a été pro- duite, elle paraît se continuer par une action interne qui ne peut s'arrêter qu’au détriment de l’existence. Ainsi les œufs fécondés d’une poule soumis à l’action d’une douce température, ont conservé ou développé le même degré de chaleur après qu’on a eu interrompu pendant plusieurs heures et même pendant une demi- journée cette température artificielle. L’explication des faits observés par M. Valencien- nes parait, à M. Duméril, être dans l’application de ces idées. D’après ce dernier, l'élévation de tem- pérature constatée chez la mère ne doit pas lui être attribuée. Elle provient du germe et de la conser- vation du calorique transmis antérieurement, ou de — 212 — l'action vitale qui s'exerce dans l'intérieur des œufs. D'après cette théorie, les germes qui avaient été échauffés artificiellement se sont développés. Leurs or- ganes sont entrés en fonctions, et les phénomènes qui ont lieu pendant la vie se sont manifestés à l’aide de la pénétration du calorique. Le corps de la mère, qui le recevait, s’est mis probablement en équilibre avec la température moyenne. Les œufs ont partagé cette chaleur naturelle, elle s’est également distribuée entre eux, puisqu'ils étaient empilés les uns sur les autres sous une sorte de voûte fermée de toutes parts, et sur- tout dans sa partie supérieure, qui n’a pas permis à la chaleur de s’échapper de cette espèce de tour ainsi circonscrite. Il ne serait pas du reste étonnant qu’au moment de la couvaison les serpents, comme la plupart des ani- maux, eussent une température plus élevée, que dans leur état ordinaire. Cet accroissement de chaleur peut d’autant plus avoir lieu, que les plantes, considérées longtemps comme tout à fait dépourvues de calori- que, en acquiérent cependant des quantités très-no- tables pendant certains moments de leur développe- ment et de leur floraison ou fructification. — 215 — TABLEAU DE L'ÉPOQUE DES PASSAGES DES OISEAUX. ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ET Palmipèdes. 1° Pingouin {al- ca Linn.). Pingouin ma- croptère (alca tor- da Temm.). Pingouin bra- chiptère (alca im- pennis Temm.). 20 Macarcux (mormon Ilig.). Macareux moine (mormon frater- cula Temm.). =0o 5° Guillemot (uria Briss.). ÉPOQUES DES PASSACES DES OISEAUX, Cette espèce erratique ne se montre pas constamment en hiver sur les côtes méridio- nales de la France où sa venue est assez ir- régulière. Il est des années où elle passe ce- pendant en grand nombre. La patrie de cet oïseau est vers les mers arctiques où il se reproduit. Il pond un seul œuf dans les fentes des rochers qui bordent les côtes de la mer. Néanmoins il porte ses excursions non-seulementen France, en An- gleterre, en Hollande et en Norwége, mais toujours accidentellement et en hiver. Ce pingouin passe le plus ordinairement en janvier et en février, quoique cependant on le voie dans le midi de la France au mois de mars où il prend sa parure de noces. Cette espèce sédentaire abandonne peu les hautes latitudes du globe, préférant toujours les régions couvertes de neiges éternelles. Elle se trouve habituellement sur les glaces flottantes du pôle arctique, dont elle ne s’é- loigne qu'accidentellement. Très - commun dans tout le Groënland, cet oiseau visite ra- rement les îles Orcades et Saint-Kilda. Cette espèce habite les régions polaires des deux mondes. Elle appartient aux oiseaux émigrants. Ses passages ont lieu sur les côtes de la France, de l’Angleterre, de la Hollande et de la Norwége d’une manière périodique et régulière. Certains individus nichent dans les régions tempérées, quoique la véritable patrie de ces oïseaux soit l'extrême nord. Cette circonstance n'a peut-être lieu que par suite de quelques accidents survenus à cer- tains d’entre eux. = On voit constamment dans les provinces méridionales de la France plus de jeunes que de vieux individus de cette espèce, mais seu- lement en hiver. Le guillemot à capuchon habite les mers arctiques des deux mondes. Ses passages ont lieu en hiver d’une manière périodique et Guillemot à |constante sur les côtes de la Norwége, de la = ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. I : capuchon Palmipèdes. (uria troile Lath.). Guillemot à gros bec (uria Francsii Leach.). Guillemot à mi- roir blanc (uria grylle Lath.). Guillemot nain (uria alle Temm.). 4° Plongeon (co- lymbus Lath.). Plongeon im- brim (colymbus glacialis Linn.) Plongeon Jum- me (colymbus ar- clicus Linn.). Plongeon cat- marin ( colym-— bus septentrionalis Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, Baltique, enfin jusqu’en Hollande, en An- gleterre et le nord de la France. Les voyages périodiques qu’exécute cette espèce ont lieu en grandes bandes, et d’une manière telle- ment régulière, qu’on doit la ranger parmi les oiseaux émigrants. Cet oiseau habite les mers glaciales du pôle arctique. Il paraît sédentaire dans le détroit de Davis, au Groënland, au Spitzberg et dans la baie de Baffin. Ce guillemot habite les mêmes contrées que le guillemot à gros bec, mais il paraît opérer en hiver des passages plus ou moins accidentels le long des côtes de l'Océan. Si ces faits sont exacts, il appartiendrait à l’or- dre des oiseaux erratiques. Cette espèce habite jusque sous les glaces du pôle, étant plus abondant en Amérique qu’en Europe. Comme la précédente, ses pas- sages n’ont lieu sur les côtes de la Hollande, de l'Angleterre et du nord de la France, que d’une manière accidentelle. Cette espèce er- ratique y semble amenée par la rigueur de l’hi- ver ou poussée par la violence des ouragans, Ce plongeon habite les mers arctiques des deux mondes ; il est très-abondant aux Hébri- des,en Norwége,en Suède et en Russie où il ni- che constamment. Il ne fait que des passages accidentels en hiver le long des côtes de l'O- céan : mais on n’y remarque que de jeunes individus. Vieux , ils n’y paraissent jamais, Ainsi cet oiseau serait erratique dans le jeune âge, tandis qu'à l'age adulte il serait sédentaire, du moins nous ne voyons dans le midi de la France que des individus re- vêtus de la livrée de la première et deuxième mue. Cette espèce, comme la précédente, très- abondante dans tous les pays du Nord, habite les mers arctiques des deux mondes. Elle fait en hiver des excursions accidentelles en Allemagne, en Hollande et en Angleterre, mais sans aucune distinction d'age. Aussi n’avons-nous jamais vu cette espèce dans le midi de la France. Le plongeon catmarin habite les mers arctiques des deux mondes, où il niche cons- tamment. Ses passages sont assez réguliers vers la fin de l’automne ou en hiver, sur les côtes de la Hollande, de l'Angleterre et de la France. Il parvient même jusque dans le midi de la France et de l'Italie; mais, à ce qu'il I ; paraît, on n’y voit aussi que de jeunes indivi- Palmipèdes. dus, les vieux ne poussant pas leurs excursions aussi loin. Cet oiseau, par suite de ses habi- tudes incertaines, fait en quelque sorte le passage des espèces émigrantes aux errati— ques. On le voit du moins se retirer avec promptitude vers les régions septentrionales, dès que les beaux jours sont revenus. Mais ce qui prouve qu'il doit être compris parmi les oiseaux émigrants, c’est qu’il paraît pous- ser ses excursions jusqu'én Asie et au Japon. D'un autre côté, il ne visite le midi de la France et le nord de cette contrée qu’à l’âge d’une année, tandis qu’il n’y paraît à l’âge adulte que rarement. Cette espèce a encore pour patrie les mers arctiques des deux mondes. Elle est très- abondante aux Hébrides, en Ecosse et en Norwége. De passage accidentel sur les côtes de la Hollande et de l'Angleterre, on la dit très-commune dans une petite île du golfe d’Edimbourg. Elle niche constamment vers le nord. Cette race erratique ne paraît pas, jusqu’à présent , avoir été rencontrée sur les côtes du midi de la Frauce, quoique Polydore Roux ait cru le contraire, et l'ait figurée dans son ouvrage destiné uniqnement à faire con- naître les oiseaux de la Provence. 5° Fou (sula Briss.), Fou de Bassan sula alba Meyer). Ce fou paraît du petit nombre des espèces sédentaires. Il quitte rarement la zone tor- ride, où il vole continuellement sur la sur- face des eaux, n’allant jamais à terre que pour nicher. Aussi la rencontre de cette es- pèce au milieu des mers est un indice certain pour les nayigateurs qu’ils sont dans le voi- sinage du tropique. Toutes les espèces de ce genre paraissent avoir les mêmes habitudes. 6° Paille-en- queue (phaeton Linn.). Les oiseaux qui appartiennent à ce genre se font remarquer par l'étendue et la puis- sance de leur vol, qui leur permet de franchir des distances immenses. Aussi les trouve-t-on en pleine mer fort loin de toute terre, princi- palement entre les tropiques. On en a ainsi rencontré qui étaient à plus de quatre cents lieues des côtes. Comme les frégates ne se livrent pas à des passages périodiques et réguliers ni acciden- tels, et que d’un autre côté elles voyagent constamment au milieu de l’immensité des mers, abandonnant peu cependant le voisi- nage des tropiques, elles mériteraient peut- être de faire une classe à part par suite de leurs habitudes, C’est à l’ordre de ces oiseaux que nous avons donné le nom de cosm0po- lites, qui convient à leurs mœurs et à leur humeur vagabonde. 70 Frégates (pe- lecanus Linn.). — 9216 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: Le cormoran habite les contrées septen- trionales des deux mondes, d’où il étend ses passages assez constamment périodiques, en Hollande, en Angleterre et en France. Il est seulement beaucoup plus rare dans le Midi que dans le Nord, nichant habituellement dans ces dernières contrées, qu’il ne quitte guère que l'hiver. Néanmoins il niche parfois dans le midi de la France, soit dans les fentes des rochers, soit sur les arbres, soit enfin sur les jones. I. 8° Cormoran Palmipèdes. |(carbo Meyer). Grand cormo- ran (carbo cormo- ranus Meyer). 99 Pélican blanc (pelecanus onocro- talus Linn.). Le pélican habite les contrées orientales de l'Europe, notamment la Hongrie, la Dalmatie et la Russie. Ilfréquente en général le bord des rivières et des lacs, ainsi que les côtes maritimes où il niche habituellement. Néan- moins cette espèce étend fort loin ses ex- cursions ; en effet on la trouve en Afrique, en Asie, particulièrement au Japon, et même jusqu’en Amérique. Il n’est pas certain qu'on l’ait rencontrée jusqu’à présent dans le Midi; mais, d’après ses excursions lointaines qui paraissent être assez régulières, on peut comprendre le pélican parmi les oiseaux émigrants, d'autant que MM, Polydore Roux et Moquin l'ont observé parfois dans les provinces méridionales de la France. Cet oïseau habite les régions arctiques des deux mondes. Il étend ses excursions régu- lières lorsque le froïd le chasse des pays où il niche ordinairement, non-seulement dans la plupart des contrées tempérées de l’'Eu- rope, mais encore dans toute l'Asie, et parti- culièrement au Japon. Il est fort commun l'hiver sur les côtes de l'Allemagne, de la Hollande, du nord de la France, et même parfois dans le Midi, comme par exemple en 1838. Lorsque la belle saison arrive, le grand harle se retire dans les contrées boréales, et passe même jusqu’en Islande. De pareilles habitudes sont communes aux autres espèces de ce genre, c’est-à-dire à l'harle huppé (mergus serrator Linn.), et à l’'harle piette (mergus albellus Linn.). 10° Harle (mer- gus Linn.). Grand harle (mergus mergan- ser Temm.). Ce canard habite le nord des deux conti nents; mais en automne il commence à se montrer par petites bandes dans les contrées tempérées, qu’il quitte ensuite dès les pre- miers jours de printemps. C'est principale- ment vers la mi-octobre ou au plus tard à la fin de ce mois qu'arrivent leurs premiers pas- sages dans le midi de la France. Ils sont d’au- tant plus abondants que la température est plus élevée. Mais, lorsque les frimas se sont emparés de nos campagnes, ils nous aban- 119 Canard (a- nas Linn.). Canard sauva- ge (anas boschas Temm.) = SP — EEE ORDRFS: GENRES ET ESPÈCES. I. Palmipèdes, Canard eider (anas mollissinia Temm.). Canard macreu- ÉPÔQUES DES PASSAGES DES OISFAUX, donnent, et étendent leurs migrations en Afrique, et même jusque dans l'Amérique septentrionale. D'autres passages, mais moins réguliers que ceux de l'automne, ont lieu vers la fin de février ou au commencement de mars. Ceux qui ne restent pas dans les contrées du midi de la France pendant la plus grande partie de l’année sont loïn d'attendre le re- tour de l’été pour regagner le Nord, où ils vont passer la belle saison. Il est certain que plusieurs individus du canard sauvage nichent dans nos contrées, et y veillent aux soins de leur reproduction. Il existe même une chasse particulière qui commence vers la fin de juin et dure jus- qu’au mois d’août. On la nomme en patois languedocien & labrans ; cette chasse en fait périr un grand nombre. Les pennes alaires n’ayant pas acquis leur entier développe- ment, ces oiseaux se laissent prendre pour lors avec facilité. Il est du reste aisé de se procurer un grand nombre d'œufs de cette espèce. Des habitudes à peu près semblables sont communes à un assez grand nombre d’au- tres espèces de canards ; mais celles-ci, comme l’anas boschas, quittent en automne le nord de l’Europe pour gagner le Midi, d’où elles étendent ensuite leurs excursions jusqu’en Asie et particulièrement jusqu’au Japon. On peut citer parmi ces espèces de canards, le chipeau, le siffleur, le souchet, le garrot, le morillon, la sarcelle d'hiver, la double ma creuse, la macreuse, et plusieurs autres es- pèces D'après les voyages périodiques et réguliers auxquels se livrent ces canards, ils paraissent appartenir aux oiseaux émigrants. L’eider habite les mers glaciaies voisines des régions polaires. Il est surtout très-ré- pandu en Islande, en Laponie, au Groën- land et au Spitzberg. Il se trouve aussi assez communément aux Orcades et aux Hébrides; mais il est fort rare en Suède et en Dane- mark, où il est de passage accidentel, ainsi qu’en Allemagne. Il paraît enfin que les jeu- nes seuls se montrent sur les côtes de l'Océan où les vieux ne se rencontrent jamais. Cette espèce erratique, dont les passages n’ont rien de fixe ni de régulier, n’arrive presque jamais dans le midi de la France; on n’y voit guère en hiver que quelques in- dividus égarés qui se rapportent toujours à des femelles et à de jeunes individus. Les vieux n’y paraissent. pas plus quesur les côtes de l'Océan. Ce canard, ainsi que la double macreuse (anas fusca Temm.), est fort rare dans le ORDRES, — 218 — EEE EE GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. à Palmipèdes. se ( anas nigra midi de la France. L'un et l’autre sont de Temm.). Canard tador- ne (anas tadorna Temm.). 19° Cygne (cy- cnus Linn.). Cygne sauvage ( cycnus musicus Temm.). Cygne tuber- culé ( cycnus olor Temm.). passage périodique sur les côtes du nord de la France, d’où seulement quelques individus s’'égarent jusque dans nos provinces méridio- nales, lorsque les froids sont vifs et piquants. La patrie de ces deux oiseaux est à peu près la même; l’un et l’autre habitent les mers arctiques des deux mondes, d’où ils se répandent vers les contrées tempérées, et en nombre d'autant plus considérable, que l'hiver fait sentir ses rigueurs dans les con- trées où ils nichent. Aussi la macreuse peut- elle être rangée parmi les races émigrantes, par suite de la périodicité et de la constance de leurs passages. La tadorne habite le nord et les contrées occidentales de l’Europe le long des bords de la mer, d’où elle se répand d’une manière pé- riodique sur les côtes de la Hollande, de l’An- gleterre et de la France. Elle ne se montre guère dans l’intérieur des continents que d’une manière tout à fait accidentelle. Cet oiseau paraît cependant étendre ses migra- tions jusqu’en Asie, et particulièrement jus- qu'au Japon. Ilest certain que la tadorne est plus abondante sur les côtes de l'Océan que sur celles de la Méditerranée. Cet oiseau voyage toujours par paires, c’est-à-dire par couples uniques et séparés, habitudes qui sont com- munes à certaines espèces de canards. Une seule exception se fait remarquer; elle existe relativement à leider, qui arrive dans le midi de la France seul et tout à fait isolé. Probablement ces canards qui nous viennent ainsi solitaires ne sont que des in- dividus égarés. Cet oïseau habite les contrées boréales des deux mondes, d’où il émigre en hiver vers les côtes maritimes de la Hollande, de l’Angle- terre et de la France. Comme l'espèce précé- dente, il pénètre peu dans l’intérieur des terres; le cygne sauvage, qui souvent pousse ses excursions jusque dans le midi de la France, les étend même jusqu'en Asie, et particulièrement jusqu’au Japon. Ce cygne, dont l'élégance fait la parure de nos jardins, habite ‘les grandes mers de l'in- térieur, surtout vers les contrées orientales de l’Europe. Mais en hiver, lorsque le froid est vif et piquant, il passe accidentellement dans le midi de la France. Si l'espèce précédente peut être considérée comme un oiseau émigrant, il n’en est pas de même de celle-ci, dont les passages sont aussi 2ccidentels que l’inconstance des sai- sons. J1 paraît en être de même du cygne à ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, I b bec noir (cycnus musicus), qui n'arrive ja- Palmipèdes. mais dans les pays tempérés que lors des très-grands froids, On ne l'a jamais aperçu dans le midi de la France. 159 Oie (anser L'oie hyperborée habite les régions améri- Temm ) caines du cercle arctique, d’où elle émigre RUE régulièrement vers les contrées orientales de Oie hyperborée l'Europe. Quelques individus égarés arrivent ( anser hyperbo- en Autriche, en Prusse, rarement en Hollande, reus Temm.) et plus rarement encore dans le midi de la “ France, Cette espèce niche en Sibérie et dans les contrées polaires de l'Amérique; d’après la régularité de ces excursions, elle doit être comprise parmi les oiseaux émigrants. Oiecendrée(an- Cette espèce habite les mers, les plages et er les marais des contrées orientales ; elle avance ser ferus Temm.). rarement vers le Nord au delà de 530. Ses passages en Allemagne et vers le centre de l'Europe sont aussi réguliers que ceux qu’elle fait en hiver en Hollande et dans le midi de la France. Elle reste pen dans cette dernière contrée, qu’elle quitte toujours à l'approche du printemps. Cette espèce paraît être la souche de toutes les oies domestiques, et se rattacher comme la précédente aux races émigrantes. Oie sauvage (an-| L'oie sauvage habite les contrées arctiques ser segetum Tem.), où elle niche constamment. Elle émigre pé- riodiquement à deux époques différentes vers les régions ftempérées dont elle n’est chassée que par de très-grands froids. Alors seulement elle se montre dans les contrées méridionales, particulièrement dans celles de la France. Mais, pour si peu que le froid devienne moins vif, elle quitte le Midi pour s'enfuir versles contrées septentrionales, son séjour habituel. Elle est assez abondante lors de son double passage en Allemagne, et dans le nord de l’Europe, mais surtout, à ce qu’il paraît , en France. Il n’en est pas de même dans le cen- tre et le midi de l’Europe, où ses excursions sont tout à fait accidentelles, en sorte que cette espèce est tantôt émigrante eterratique, du moins dans certaines contrées. Oie rieuse (anser| Cette oïe vit également dans les régions 1. voisines du cercle arctique, où elle niche ha- albifi ons Temm.) bituellement. Elle paraît être assez commune en Sibérie, d’où elle étend ses excursions jusqu’en Hollande et le midi de la France. Mais, dès que la belle saison approche, cette espèce, comme la précédente, nous quitte, pour voyager yers les régions arctiques, où elle a fixé son séjour. ORDRES + I. Palmipèdes — 220 — EE ——_—_——————— GENRES ET ESPÈCES. Oie bernache (an- ser leucops Tem.). Oiecravant (an- ser bernica Tem.). Oie à cou roux (anser rufficollis Pallas). 140 Thalassi- drome ({thalassi- droma ‘Temm.) (thalassidroma pe- lagica Temm.)(oi- seau des tempêtes vulg.). 45° Pétrel (pro- ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. CCR ES ETES CC GREEN SNMMENNENNNES La bernache habite les parties les plus froides et les plus sauvages du Groënland, de la Laponie et de la Sibérie. Elle est de pas- sage acci“entel en automne et en hiver dans les pays tempérés, d’où elle s’avance parfois jusque dans le midi de la France. Elle niche vers les contrées polaires, son séjour habi- tuel. Cette oïe a également pour patrie les ré- gions arctiques, où elle niche constamment. Elle porte ses courses en automne eten hiver dans les pays tempérés, comme la Hollande et le nord de la France. Elle s'arrête peu en Allemagne, et parvient rarement jusque dans le midi de la France. Cet oiseau, ainsi que d’autres espèces de ce genre, retourne cons- tamment, au printemps, vers les régions où il construit son nid et où il se reproduit. Il paraît donc erratique comme la bernache, dont il a à peu près les mœurs. L'oie à cou roux a pour patrie les contrées arctiques de l’Asie et les bords de la mer Glaciale. Elle paraît cependant émigrer d’une manière périodique en Russie; maïs ce n’est que très-accidentellement qu'elle étend ses excursions jusqu'en Allemagne, et bien rare- ment en Angleterre. On ne rencontre jamais l'oie à cou roux ni en Hollande ni en France, Emigrante relativement à la Russie, cette es- pèce est simplement erratique eu égard à l'Allemagne. Cet oiseau a l'habitude, avant les tempêtes, d'aller chercher un asile à l’arrière des vais- seaux; aussi, à raison de cet instinct, on l'a nommé l'oiseau des tempêtes. La patrie de cette espèce intéressante pa- raît être les mers du Nord, particulièrement celles de l'Amérique septentrionale. Elle se tient également aux Orcades, et aux Hébri- des. Elle s'égare rarement sur les côtes de l'Océan, et plus rarement encore sur celles de la Méditerranée, arrivant parfois jusque dans le midi de la France. D'après les mœurs que nous venons d'assi- gner à cette espèce, on doit la ranger, ce semble, parmi les oiseaux erratiques, dont les migrations n'ont rien de régulier ni de pé- riodique. Comme nous avons déjà parlé de l’appa- rition de cet oiseau, qui est pour les naviga- teurs un signe presque certain des tempêtes qui vont suivre, nous croyons inutile d’insis- ter plus longtemps à cet égard. Les pétrels vivent à peu près constamment comme les phaétons sur la surface des mers, ORDRES: I. Palmipèdes. — 221 — A ————————————————————_—_—_—_—— GENRES ET ESPÈCES. cellaria Linn. ). Pétrel fulmar (procellaria gla- cialis Linn.). 16° Puñfin (puf- finus Temm.). Le puflin cen— dré (puffinus ci- nereus Temm.). 17° Slercoraire (Lestris Ilig.). Slercoraire po- marin (lestris po- marinus Temm.). Slercoraire ca- taracte (lestris ca- taractus Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. n’allant à terre que pour nicher. Ils se tien- nent donc lorsqu'ils veulent se reposer sur les écueils et les glaces flottantes des régions polaires. Ils n'arrivent que très-accidentelle- ment sur les côtes de l'Angleterre et de la Hollande, presque jamais sur celles de la France, et particulièrement sur celles du Midi. Ces oiseaux sontun de ceux quis’éloignent le plus des côtes, et se trouvent à de plus grandes distances de tout continent. Peut- être doivent-ils, en partie, cette faculté, à l'habitude qu’ils ont de piétiner sur l’eau, et des’; soutenir à l’aide de leurs ailes ; c’est pour eux le seul repos qu'ils prennent. D’a- près leurs mœurs, les pétrels doivent être classés parmi les espèces erratiques. Du moins , les passages qu'ils font ailleurs que dans les contrées où ils nichent ordinaire- ment, c’est-à-dire les mers polaires, sont tout à fait accidentels et n’ont rien de tixe ni de régulier, Tels sont ceux qui les font arriver, parfois, jusque sur les côtes de l'Amérique, et particulièrement sur celles du Chili. Le puffin habite toutes les mers ; il est très- répandu sur toutes les côtes de la Méditer- ranée, soit sur celles de la Corse, de l'Italie, du midi de ia France et de l'Espagne. Il étend même ses excursions jusqu'au Sénégal et au cap de Bonne-Espérance, et, dans ce grand intervalle, cette espèce ne présente aucune différence appréciable. Les grandes excur- sions auxqueiles se livre cet oiseau ne pa- raissent pas être régulières ni périodiques ; il appartiendrait donc à l’ordre des espèces erratiques, ainsi que le genresuivant. Cet oiseau habite les régions glacées du Nord ; on le trouve daus les régions du cercle arctique, aux Orcades, et sur les côtes d'E- cosse, de Suède et de Norwége. Les vieux ar- rivent très-accidentellement sur les bords du Rhin, ainsi que sur les côtes de l'Océan. Le: jeunes s'égarent plus souvent vers les bords de la mer des pays tempérés, et pénè- trent parfois dans l’intérieur des continents, se tenant pour lors sur les bords des lacs de la Suisse et de l'Allemagne. Cette espèce habite, comme la précédente, les régions du cercle arctique. Elle passe ac- cidentellement sur les côtes de la Hollande, surtout aux approches des tempêtes, dont sa présence est un signe presque certain. Par- fois elle y est poussée après les orages et les ouragans, ce qui cependant est plus rare. Cet oiseau étend également ses excursions accidentelles jusque dans l'Amérique méri- dionale. — 222 I. Palmipèdes. Stercoraire pa- rasite (Lestris para- siticus Boie). Stercoraire Ri- chardson(lestrisRi- chardsonii Tem.) 18° Moueite (La- rus Linn.). Mouelte à man- eau noir (larus marinus Linn.). Mouette à man- teau bleu (/arus argentatus Tem.). Cet oiseau habite les régions arctiques des deux mondes, surtout celles d'Amérique. Il est commun au Groënland, sur les bancs de Terre-Neuve et au Spitzberg , où il niche. Il se montre fort rarement dans les régions tempérées, vers lesquelles il paraît émigrer accidentellement. Il en est de même des ex- cursions qu'il fait sur les côtes de Norwége, et moins souvent sur celles d'Islande. Observé jusqu’à présent sur les côtes ma- ritimes de la Hollande, de l'Angleterre, du nord de la France, il n’a pas été aperçu dans le Midi. Cette espèce habite les bords de la mer Baltique, la Norwége, la Suède, se montre en été en Islande, à Féroë et aux Orcades, et pousse quelquefois ses excursions, dans cette saison, vers leslacs et les rivières situés dans l’intérieur des terres. On Ja voit aussi dans l'Amérique du Nord sous les régions du cer— cle arctique. Les jeunes s’avancent jusque dans les contrées méridionales; mais les vieux s’y montrent plus rarement. Toutes les excursions auxquelles se livre cette espèce paraissent accidentelles, en sorte que, comme tous les oiseaux du même genre, elle est essentiellement erratique. Cette mouette, très-répandue aux Oreades et aux Hébrides, habite constamment les ri— vages de la mer, surtout vers ceux du nord de l'Europe. Elle n’est pas moins commune lors de son double passage sur les côtes de la Hollande, de l’Angleterre et de la France; mais à peu près uniquement sur celles de l'Océan, étant fort rare sur les bords de la Méditerranée. Ces passages périodiques n’ont rien de commun avec les courses aceidentel- les et rares que font ces oiseaux vers l’inté— rieur des terres. Cette espèce, qui niche dans les régions du cercle arctique, paraît, d’après ses habitudes , se rapporter aux races émi- grantes, du moins relativement aux courses qu’elle fait sur les côtes de l'Océan, courses qui paraissent périodiques et constantes. La mouette à manteau bleu habite toute l'année les côtes maritimes de la Hollande et de la France , aussi bien celles de l'Océan, que celles de la Méditerranée. Elle se mon- tre aussi parfois sur les lacs d'eau douce comme, par exemple, ceux de la Suisse, et sur le bord des rivières. Ce sont principale- ment les jeunes qui se livrent à ces excur- sions. Cette mouette, essentiellement séden- taire, n'abandonne presque jamais les côtes maritimes de la France, où elle niche habi- tuellement. ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. A Mouette à pieds Cette espèce habite en hiver les bords de la F : nl mer dans toutes les contrées de l’Europe et Palmipèdes. [jaunes (/arus fla-|üe l'Amérique septentrionale. Elle est com- vipes Temm.). mune en été sur les côtes de la Baltique et de la Hollande. Comme le précédent, cet oi- seau vit sédentaire sur les côtes de la mer des provinces méridionales de la France, où il niche habituellement. Mouette à pieds| Cette mouette est également commune aux bleus (Larus canus|bords de la mer; mais elle paraît nicher ha- kb . bituellement dans les régions du cercle arc- Linn.). tique où elle passe l’été, tandis qu’elle de- meure constamment l'hiver dans les contrées tempérées de l’Europe, où elle arrive vers la fin de l'automne. Cet oiseau signale également l’approche des tempêtes, s’avançant pour lors dans l’in- térieur des terres en troupes plus ou moins considérables. Ses passages périodiques et réguliers doirent le faire comprendre parmi les oiseaux émigrants. Mouette tridac-| La mouette tridactyle ‘habite principale- : 11 _|ment les lacs salés, les mers intérieures et tyle (larus trida les golfes, et peu les côtes de l'Océan. Elleni- ctylus Temm.). |che habituellement dans les régions du cercle arctique, surtout en Islande. Ses passages sont assez réguliers sur les côtes du midi de la France, vers la fin de l'automne. Elle ne nous quitte plus que vers le printemps, pas- sant l'hiver dans nos contrées. Mouette à bec! La mouette à bec grêle, toute nouvelle A + | pour la science, paraît être du Midi et n’ha- grêle (larus tenui- bite que les bords de la Méditerranée. S'il en rostris Temm.). {est ainsi, cet oiseau aurait des habitudes tout à fait sédentaires. Il n’a été encore aperçu que sur les côtes de la Sicile et du midi de la France. Mouette rieuse! Cette espèce habite en été les rivières et les JE lacs salés et ceux d'eaux douces. Elle se (larus ridibundus | ne seulement en hiver sur les bords de Temm.). la mer ; aussi est-elle fort commune en Hol- lande et en Angleterre, tandis qu’elle est de passage en Allemagne et dans le nord de la France. Cependant la mouette rieuse se trouve constamment sur les côtes du midi de la France où elle est seulement plus fréquente en automne et au printemps que dans toute autre saison. Elle serait donc sédentaire par rapport à nous, tandis qu’elle serait erratique relative- ment à l'Allemagne et au nord de la France. -| La mouette pygmée commune, en Russie Mouette PYE en Livonie et en Eionie, habite les fleuves, ORDRES. I. Palmipèdes. — 224 — GENRES ET ESPÈCES. mée (larus minu- tus Temm.). 19°Hirondelle de mer (sternaLinn.). Hirondelle de mer Tschegrava ( sterna caspia Temm.). Hirondelle de mer Caugek (ster- nacarilacaTem.). Hirondelle de mer Dougall (ster- naDougallii Tem.) Hirondelle de mer Pierre-Garin ({ sterna hirundo Linn.). Hirondelle de mer épouvantail (sterna nigra Lin.) ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: les lacs et les mers des contrées orientales de l'Europe; elle passe accidentellement en Al- lemagne, en Hollande, et en hiver dans les contrées maritimes des régions méridionales telles que la Sicile et le midi de la France. Quelques individus ont été rencontrés au printemps en habits de noces sur les côtes maritimes de nos provinces méridionales. Des mœurs à peu près pareïlles sont com- munes aux autres espèces de ce genre ; mais iln'en est aucune autre qui arrive jusque dans les provinces méridionales de la France, nous ne nous arrêterons donc pas plus long- temps sur ces oiseaux. L'hirondelle de mer habite les bords de la Baltique, les îles de ce golfe, la mer Cas- pieune et l'Archipel. Elle est assez rare sur les grands fleuves de l'Allemagne, et ne se montre qu’accidentellement le long des cô- tes de la Hollande, du nord et du midi de la France. Son apparition est bien plus rare encore sur les lacs et les rivières de l’inté- rieur des continents. Cette hirondelle habite les bords de la mer, et rarement étend-elle ses excursions jusque dans l’intérieur des terres. Elle porte néan- moins ses migrations accidentelles sur pres- que toutes les côtes maritimes du globe. On la voit en effet en abondance au printemps sur celles du nord et du sud de la France, ainsi que sur celles dela Neuvelle-Hoïllande et des îles qui l'entourent. Il y a plus: quelques couples de cette espèce nichent et demeurent tout l'été dans le midi de la France. Cette espèce, très-commune sur toutes les côtes d'Angleterre et d’Ecosse, se trouve aussi en Norwége, et visite les côtes septen— trionales de l'Océan. Elle est assez rare dans le midi de la France. Cet oiseau habite principalement les bords de la mer; aussi est-il répandu sur une grande étendue des côtes maritimes, et peu sur les eaux douces, ou dans l'intérieur des terres. L'hirondelle de mer Pierre-Garin n’est pas rare daus le midi de la France, où elle arrive au printemps et n'en repart qu'en automne. Cette espèce, la plus’ commune du genre, arrive en grandes bandes vers la fin du mois d'avril dans le midi de la France. Elle y ni- che au milieu des étangs et des marais, et se montre aussi dans l’intérieur des terres, sur les rivières et même les ruisseaux où coule une eau saumatre,. — 225 — EEE ORDRES, GENRES FT ESPÈCES. I. Palmipèdes. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. + PES SNAEE SENESEN GER PEMERRS Cet oïseau se trouve également dans le Nord et jusqu’au cercle arctique. Il paraît en grand nombre en Hollande et dans les grands marais de la Hongrie. Les autres espèces de £e genre ont à peu près les mêmes habitudes; certaines se rap— portent comme les précédentes à des oiseaux ou erratiques ou émigrants, Les détails que nous venons de rapporter semblent prouver que les coupes génériques n'ont aucun rapport avec les habitudes des oiseaux ; car les mêmes geures de palmipé- des offrent à la fois des espèces dont lesunes sont sédentaires, les autres erratiques, enfin plusieurs sont émigrantes. Les guillemots et bien d’autres oiseaux nous fournissent des exemples de mœurs aussi diverses. D'un au- tre côté, la même espèce se livre dans sou jeune âge à des passages accidentels, tandis qu'elle est tout à fait stationnaire lorsqu'elle est adulte. Nous avons cité à cet égard le plongeon imbrim. D'un autre côté, la mouette rieuse, tout à fait sédentaire dans le midi de la France, est au contraire erratique en Alle- mague et dans le nord de la France. Il est enfin quelques espèces de palmipèdes, tels que les frégates, les pétrels, qui, sans émigrer soit accidentellement, soit d’une manière périodique, voyagent constamment, parcourent les plus grandes distances et s'é- loignent le plus des continents. Ces dernières espèces de la haute mer méri- tent de faire une classe à part, et doivent être distinguées d’après leurs habitudes des ra- ces précédentes. Elles sont en quelque sorte les cosmopolites des mers. On doit les dési- gner ainsi, quoique leurs mœurs ne soient communes qu’à un fort petit nombre d’es- pèces. Du reste, si la plupart des oiseaux ont des habitudes essentiellement voyageuses et sont ou émigrants ou erratiques, il n’en est pas moins un certain nombre tout à fait séden- taires. Les guillemots, les plongeons, les phaétons, les mouettes, et quelques moi- neaux nous en fournissent des exemples aux- quels on pourrait ajouter les manchots, qui, d’après la conformation de leurs ailes, im- propres au vol, sont essentiellement station- uaires. Ainsi le nombre plus ou moins consi- dérable, plus ou moins restreint des es- pèces qui ont telles ou telles mœurs, est tout à fait indifférent aux dénominations que l’on doit employer pour les exprimer d'un seul mot. C'est aussi d'après leurs habitudes que nous avons classé les oiseaux en émigrante, en erratiques, en cosmopolites et en séden- taires, sans avoir égard au nombre de ceux qui ont adopté telle ou telle manière de vivre. 15 — 226 — ———————————— ————— —————— —— —————————————— ORDRES. [GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. II. Foulque( fulica Cette espèce est la seule du genre us ha- »: CRUE (EE Sa bite l’Europe. Elle se tient habituellement F innatipèdes. B: iss.). près des TS , des lacs et des golfes, où Foulque ma-—|ele vit dispersée par petites troupes. Néan- croule ( fulica atralmoins ces oiseaux se réunissent l'hiver en Temm \ bandes considérables sur les étangs salés LEre Ge assez rapprochés des côtes du midi de la France, étangs qui ue gèlent presque jamais. Sans aller à terre, ou du moins rarement, les foulques y demeurent jusqu’au commen- cement du printemps et quelquefois même plus tard. Elles y nichent communément, ou du moins plusieurs individus demeurent pen- dant tout l’été dans les provinces méridio- nales de la France , étant en quelque sorte, comme dans l'attente des autres qui viennent ordinairement en automne. Par suite de cette circonstance, les chasseurs tuent à peu près constamment au mois d’août de jeunes foul- ques. Les foulques sont tellement nombreuses dans les contrées marécageuses des provinces méridionales, qu'elles y sont l’objet d’une chasse particulière, à laquelle prennent part une grande quantité de chasseurs, Nous n'o- serions dire, qu’à raison de çe nombre les foulques ou macreuses portent leurs excur- sions jusqu'en Asie, soit au Japon, soit aux îles de la Sonde. Comme les passages de cet oiseau ont une assez grande régularité, il ap- partient aux espèces que nous ayons nom mées émigrantes. re tte pate ee tres trs Phalarope (pha- Le phalarope hyperboré habite les envi- laropus Briss.) rous du cercle arctique, et se trouve en Si- ) ; APE ” bérie, en Islande , en Ecosse, aux Orcades, Phalarope hy— aux Hébrides , et en Laponie, préférant perboré (phalaro- pren les ste ou salées F aux eaux douces, Il est de passage acci- pue hyperboreus dentel sur les côtes de la Baltique ainsi Temm.). qu’en Allemagne, en Hollande et sur les côtes du midi de la France. C'est toujours en hiver qu'il arrive dans les régions tem- pérées ; il niche constamment vers le 68e de- gré nord. Phalarope pla- Cette espèce habite les parties orientales Li: 1 du sud de l'Europe, où elle niche constam- tyrhinque (phala- ment. Elle est coma en Sibérie, sur les ropus platyrhin-| bords des grands laes et des rivières. Ce pha- chas Temm.). larope est de passage accidentel sur les grands lacs d'Asie, sur la mer Caspienne et même en Amérique. Les excursions qu'il fait parfois en Allemagne , en Angleterre et plus rarement sur les lacs de Ja Suisse, ne sont pas moins irrégulières. Aussi cette es- pèce et la précédente sont des oiseaux es- sentiellement erratiques. — 2927 — ORDRES. II. Pinnatipèdes. III. Echassiers divi- | | | | | | | | | GENRES ET ESPÈCES. Grèbe (podiceps Lath.). Grèbe huppé (podiceps cristatus Temm.). Grèbe jou-gris ‘podicepsrubricol- lis Temm.). Grèbe cornu podiceps cornutus = Temm.). Grèbe oreillard (podiceps auritus Temm.). Grèbe casta— gneux (podiceps minor Temm.). Talève {porphy- sés en trois ordres. rio Briss.). 1° Gralles. Talève porphy- rion { porphyrio hyacinthinusTem.) ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. Le grèbe huppé habite les bords de la mer, les étangs, les lacs et les rivières du nord de l'Europe. Il est de passage périodique en Allemagne, en Hollande, en Angleterre et en France, où il arrive en automne, et n’en repart qu’au printemps. Il se montre ordi- nairement par paires, mais jamais en nombre considérable, du moins dans le midi de la France , où cette espèce est plus commune qu’en Suisse. Ce grèbe habite les rivières, les lacs et les bords de la mer, de la partie orientale de l'Europe. Ii passe accidentellement en Alle- magne, en Hollande et en Suisse, mais plus rarement en France, surtout dans le midi. Cet oiseau habite principalement les par- ties septentrionales et orientales de l'Europe. es passages sont accidentels en Allemagne, en Hollande, en Suisse et en France; ils sont encore plus rares dans le Midi que partout ailleurs. Le grèbe cornu ne borne pas ses excursions à l'Europe; il les étend assez sou- vent jusqu’en Amérique. L'oreillard est généralement très-répandu plutôt sur les lacs etlles rivières que sur les côtes maritimes du nord et du midi de l'Eu- rope. Il est très-commun en Allemagne, en Suisse, en Italie, en France, et se montre plus rarement en Hollande. Cette espèce habite les contrées méridio- nales de la France, ‘où elle est à peu près sé- dentaire. Elle paraît assez rare dans les ré- gions septentrionales. Comme ce grèbe cons- truit son nid dans les roseaux, c’est dans les marais qui en sont couverts, que l’on en dé- couvre le plus grand nombre. Les races de ce genre sont donc à la fois émigrantes, tel est le grèbe huppé, ou erra- tique, ce qui arrive au plus grand nombre, ou enfin elles sont sédeutaires, comme le castagneux. Les coupes génériques sont donc sans influence sur le genre de migrations ou de passages auxquels se livrent les oi- seaux. Les talèves vivent en grand nombre sur les bords des lacs et des fleuves de la Sicile, de la Calabre, des îles Ioniennes et de tout l'Archipel et du Levant. On les trouve égale- ment dans le nord del’Afrique, et les con- trées orientales de l'Europe ; ils parvien— nent même accidentellement jusque dans le midi de la France ; ce qui les fait rentrer daus la classe des oiseaux erratiques. ORDRES. — 998 — a | GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. II. Echassiers. 4° Gralles. Poule d’eau (gal- linula Lath.). Poule d’eau de genêt (gallinula crex Temm.). Poule d’eau ma- rouelle . (gallinula porzana Temm.). Poule d’eau pous- sin (gallinula pu- silla Temm.). Poule d’eau or- dinaire (gallinula chloropus Tem.). Quant aux autres espèces de ce genre, elles n'arrivent jamais dans le midi dela France ; les unes sont d'Afrique, d’où elles ont été transportées à l’île de France et en Amé- rique, tel est le talève à manteau vert (por- phyrio smaragnotus Temm.); et les autres sont de la Nouvelle-Hollande, du Bengale et de Java (porphyrio melanopus et albus Lath.). Cette espèce, qui habite jusque dans le nord de l’Europe, arrive à peu près constamment dans le midi de la France à la suite des cailles ; aussi à raison de cette circonstance a-t-elle été nommée roi des cailles. Ses passa- ges sont donc périodiques comme ceux de ces oiseaux : ces deux espèces ont encore cela de commun de faire leurs voyages de nuit. Ce- pendant, certaines années, le roi des caïlles, qui habite aussi le nord de l’Europe, est beaucoup plus abondant que dans certaines autres. En effet en 1835, il a été assez rare, tandis qu’en 1839 et 1840 il a été au con- traire fort commun. La marouette habite plutôt les contrées méridionales que le nord de l’Europe. Elle fait deux passages régulièrement dans le midi de la France, l’un en automne et l’autre au printemps. Aussi niche-t-elle dans nos contrées comme l’espèce précédente. On la dit peu commune en Allemagne et en Hol- lande. Cette espèce vit en grand nombre dans les contrées orientales de l’Europe; elle est plus commune en Italie et le midi de la France que dans le nord de cette contrée. Elle passe régulièrement dans les premières de ces ré- gions , vers la fin du mois de mars; tandis qu'elle ne paraît en Hollande que d’une manière accidentelle. Des habitudes à peu près semblables sont partagées par les au- tres espèces de ce genre, dont la plupart sont émigrantes, leurs voyages étant pério- diques. Seulement la poule d’eau ordinaire (gallinula chloropus Temm.) offre cette par- ticularité, que nous avons remarquée chez un assez grand nombre d'oiseaux, d'opérer des passages accidentels dans quelques contrées, et d’être tout à fait sédentaire dans quel- ques autres. Ainsi, comme les gallinula pusilla et Baillonti, la poule d'eau ordinaire étend ses migrations jusqu'au Japon comme dans la plus grande partie de l'Asie, aïnsi que dans les mers de l’Afrique et des îles de la Sonde, — 229 — ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. III. Râle ( rallus| Cette espèce, commune en Allemagne, Echassiers Linn.) j en Hollande et en France, est encore un de î À ; ces oiseaux qui sont de passage dans certains Râle d’eau (ral- pays, et sédentaires dans d’autres. 19 Gralles. lus aquaticus Lin.) Bécasse (scola- La bécasse, très-abondante dans le nord pax Illig ) de l’ancien continent , étend ses excursions AE . |jusqu'’en Asie et au Japon. Elle est de passage Bécasse ordi- périodique dans la plupart des contrées de paire ( scolopax|l'Europe. Ses passages ont lieu dans le midi rusticola Temm.) de la France dans le commencement du mois ‘7° | de novembre, et le second vers le milieu de mars. Elle émigre alternativement des plai- nes aux montagnes, et des montagnes dans les plaines. En Europe, cet oïseau habite pendant l'été les Alpes , les Pyrénées , et descend en automne dans les bois les mieux abrités, et passe souvent l'hiver dans le midi de la France. L'humeur voyageuse de la bécasse ordi- paire est si prononcée, qu'on la retrouve jusqu’en Amérique. Aussi doit-on la ranger parmi les espèces émigrantes. Bécassine dou-| Cet oiseau se trouve dans presque toutes ble (scolopax ma- les contrées de l’Europe, partout où ilexiste 22 N des montagnes et des prairies inondées. Il jor Temm.). est de passage régulier dans quelques pays, et accidentel dans d’autres, circonstances qui sont beaucoup moins rares qu’on pourrait | le croire au premier aperçu. Elle arrive or- dinairement dans le midi de la France, dans la première quinzaine d'avril, et n’y fait | pour ainsi dire que passer. Elle reparaît en— | core vers la fin de l'été, mais toujours en pe- tit nombre, et ne s’y arrête pas. La quantité de ces oiseaux de passage est si faible, que si leurs voyages n'avaient pas lieu avec une périodicité marquée, on serait tenté de les considérer comme tout à fait accidentels. Néanmoins celles qui passent dans le midi de la France au printemps semblent se rendre ensuite en Suisse et en Allemagne, où elles vont nicher. Enfin cette espèce étend si loin ses excursions, qu'elle arrive jusqu’au Japon et dans presque toute l'Asie. Les autres bécassines ont des mœurs à peu près pareilles ; les seules particularités que présente la bécassine sourde (scolopax galli- nula Linn.), c'est de paraître une seule fois dans le midi de la France en automne, pour quitter ces régions au printemps. Le passage des bécassines n'est considé- rable dans les contrées méridionales que lorsqu'il pleut beaucoup en automne. Aussi, "EN ——————_—_—_—_—_—_—E—EEEEEEE | GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. III, Echassiers. 1° Gralles. | | | Barge (limosa Briss.). | _ Barge à queue noire (limosa me- lanura Temm.). Chevalier (tota- nus Bechst). | Chevalier arle- quin (totanus fu- |scus Temm.). Chevalier gam- bette (totanus ca- lidris Temm.). pendant quelques années, ces oiseaux étaient si rares dans nos environs, qu'on croyait qu'ils avaient perdu l'habitude d'y venir. Les pluies abondantes de l'automne de 1839 les y ont ramenées, et jamais on n’en avait autant aperçu qu'à cette époque. Cette cir- constance indique combien les passages acci- dentels des oïseaux sont inconstants et irré— guliers, La barge à queue noire passe souvent à deux reprises différentes. Du reste, dans le midi de la France, à l'exception des in- dividus qui ont séjourné l'hiver dans les marécages, elle n’a qu’un seul passage en automne. Ces oiseaux arrivent pour lors par petites troupes de quatre à cinq indivi- dus, ou par paires. Les individus qui ont passé l'hiver dans nos contrées doivent y avoir niché; car ils reparaissent au mois d'avril en troupes assez nombreuses. Ces oi- seaux habitent de préférence les bords de la mer, ou ceux des marais et des étangs salés. L'autre espèce de barge , ou la rousse (limosa rufa Temm.}), est de passage au printemps dans le midi de la France; elle porte également ses excursions dans plu- sieurs contrées du midi et du centre de l’Eu- rope, ainsi qu’à Timor, à Java et sur le con- tinent de l'Inde, enfin dans la plus grande partie de l’Asie et jusqu’au Japon. L’arlequin habite les bords des fleuves, des lacs et des marais. Il vit et se propage dans les régions du cercle arctique, d’où il étend ses migrations jusque dans l'Amérique mé- ridionale et le Bengale. Le chevalier passe à deux reprises différentes dans les contrées méridionales de la France, c'est-à-dire au mois de mars ou à la dernière quinzaine d'avril. Mais au mois de mai il abandonne nos parages pour remonter vers le Nord, d'où il nous revient en automne. Cette es- pèce est bien moins nombreuse à ce second passage qu’au printemps. Les voyages de cet oiseau étant assez cons- tants et périodiques, ils doivent le faire com- prendre parmi les espèces émigrantes. Ce chevalier est généralement sédentaire dans le midi de la France, qu'il quitte peu. Néanmoins, il en passe un certain nombre d'individus au printemps et en automne. Cette espèce habite au printemps les ma- rais et les prairies, tandis que dans l’arrière- saison, ou en automne,ellese tient le long des côtes maritimes. Elle paraît très-abondante dans le nord de l'Europe, et surtout en Hol- lande. Cette espèce pousseises excursions ORDRES. IGENRES ET ESPÈCES, | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EI. | jusqu’au Bengale et au Japon, Ses mœurs ; | sont tout à fait particulières, car elles por- Echassiers. tent tantôt cet oiseau à demeurer d'une ma- | nière tout à fait stationnaire dans les pays 49 Gralles. | qui l’ont vu naître, et tantôt à se transpor- ter à des époques plus ou moins périodiques dans les climats les plus divers. C'est ainsi qu'avec d’autres espèces du même genre, telles que les chevaliers sylvains et ahoyeurs, il arrive jusqu’en Asie, et pénètre jusqu’au Japon. Chevalier sta- gnalile ( totanus | stagnatilis Tem.). Cet oiseau habite le nord de l’Europe, sur les bords des fleuves et des rivières ; il émigre le long des provinces orientales de l’Europe, jusque vers la Méditerranée. On ne le voit jamais sur les côtes de l'Océan. Ilarrive vers à la fin du mois d'avril sur les côtes maritimes .x= et dans les marais du midi de la France, mais en petites bandes d'au plus cinq à six individus. Cette espèce s'y arrête peu, et à peine pour y prendre quelque nourriture. | Chevalier - cul blanc ( totanus achropusTemm.). Le cul-blanc habite les bords des eaux douces, plus habituellement les ruisseaux limpides et les marais. Il ne se montre que très-accidentellement sur les côtes maritimes, quoiqu’à l’époque de son double passage il soit répandu dans presque toute l'Europe. Ce chevalier vit presque sédentaire dans le midi de la France; il y est seulement plus abondant en été qu’en hiver : ce qui est tout le contraire chez la plupart des oiseaux voyageurs. | Chevalier syl- vain (lotanus Gla- reola Temm.). | Cet oiseau est assez abondant dans les par- ties orientales du midi et du nord de l’Europe, particulièrement dans jes contrées où se trou- vent des marais et des eaux douces. Il niche aussi bien dans le nord que dans les contrées tempérées de l'Europe. Il porte ses excursions fort loin et jusqu’au Bengale, aux îles de la Sonde, des Moluques et au Japon. Quant à celles qu’il fait dans le midi de la France, elles ont à peu près constamment lieu au mois | d'avril et cela en bandes fort nombreuses. Chevalier gui-| Cette espèce habite le bord des eaux dou- 1 ces et limpides, et rarement les bords des |gnette ( ARE eaux marécageuses, de toute l'Europe. Elle se \hypoleucos Tem.).|trouve même jusqu'en Sibérie, au Kamts- | chatka et aux îles de la Sonde, où on ne la | trouve cependant qu'en plumage d'hiver. 1 | À Généralement le chevalier guignette est as- |sez répandu à son double passage. Chevalier a-! L'aboyeur habite ordinairement les bords | des fleuves, rarement ceux de la mer. I! boyeur ( totanus asse à denx reprises différentes en troupes Î IP p P — 232 — LE ELELELELELE LUC OO TOO ORDRES. GENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: TITI. glottis Temm. }. Echassiers. 1° Gralles. Combattant(man- chettes Cuy.). Combattant va- riable (manchettes pugnu:z Cuy.). peu nombreuses sur les côtes de la France et de la Hollande, beaucoup moins sur celles de l'Angleterre. Il est également assez rare sur les grandes rivières de l'Allemagne et les lacs de la Suisse. Enfin il pousse parfois ses excursions jusqu’au Bengale. Le premier des passages de ce chevalier a lieu vers la fin du mois d'avril dans le midi de la France, où il arrive en petites troupes de quatre à douze individus; quelquefois même ils voyagent par paires. Ils abandon- nent tout à fait nos contrées au moment des nichées ; mais dès la fin du mois d’août ils y reviennent, disparaissant encore à l'approche de l’hiver. On présume que ce chevalier ni- che en Norwége, près des bords de la mer et des marais salés. Quant aux autres espèces de ce genre, tels que le chevalier semi-palmé, celui à longue queue et le perlé, elles sont toutes de l'Amérique septentrionale, n’arrivant ja- mais que d’une manière très-accidentelle dans le Nord. On n’a jamais rencontré ces différents oiseaux dans le midi de la France. Cette espèce habite les prairies humi- des et marécageuses de l’Europe, où il porte ses excursions très-avant dans le nord. Les émigrations de ces oiseaux ont lieu à des époques différentes, suivant les contrées qu'ils quittent, ou bien celles où ils se ren- dent. Ainsi ils partent de la Hollande vers la fin de juillet, et arrivent dans le midi de la France, en automne, et ils y restent tout l'hiver. Néanmoins, de forts passages de cette espèce, qui semble venir d'Espagne, ont lieu dans nos provinces méridionales en mars et en avril. Aucun de ces individus ne reste parmi nous pour y nicher. D’après M. Temminck , que nous avons si souvent l’occasion de citer, les mâles des combattants, comme du plus grand nombre des chevaliers, émigrent de la Hollande, longtemps avant que les femelles en partent. En effet ils quittent cette contrée vers la fin de juillet, les femelles en septembre, et les jeunes en octobre. Ce fait prouve que le be- soin de se reproduire n’a pas une grande influence sur les migrations des oïseaux car, s’il en était autrement, les deux sexes devraient, ce semble, partir en même temps, ce qu'ils ne font pas cependant, du moins chez cette espèce. Cette observation, ainsi que beaucoup d’au- tres que nous avons déjà rapportées, est une preuve que les jeunes oiseaux ne voyagent | pas avec les vieux, et que ceux-ci précèdent le plus ordinairement les premiers , dans les migrations, et la raison est facile à saisir, ORDRES. III. Echassiers. 1° Gralles, — 233 — D ———_—_—_—_—_—_—_—_—_—_————_————————————————— | GENRES ET ESPÈCES. | Bécasseau (trin- ga Briss.). Bécasseau co- corli (tringa sub- arquata Femm.). | | | | Bécasseau bru- |nette ({ringa va- riabilis Temm.). Bécasseau pla- tyrhinque (tringa a platyrhincaTem.. | ÉPOQUES DES PASSAGES DFS OISEAUX. Cet oiseau , assez répandu au bord de la mer et des lacs de l’Europe, s’avance peu dans l'intérieur des terres, quoiqu'il étende ses migrations au Sénégal, au cap de Bonne- Espérance, et jusque dans l’Amérique sep- tentrionale. Les passages de ce bécasseau ont lieu d'une manière régulière en automne et au printemps. Aussi les voyons-nous arriver à cette dernière époque de l'Espagne par troupes nombreuses. C'est ordinairement au mois d'avril qu'ils opèrent ces passages , mais au mois de mai ils nous quittent en- tièrement. Ils reparaissent de nouveau vers la fin de l'automne, ou du moins aux ap- proches de l'hiver. Ces oiseaux se trouvent probablement à la même époque dans le midi de l'Espagne, où ils rencontrent comme dans nos provinces la température qui leur convient. | Ils n’abandonnent pas non plus la Sicile et [la Sardaigne pendant la mauvaise saison. | Ces oiseaux n’en portent pas moins leurs ex- eursions jusque dans les îles de la Sonde et de la Nouvelle-Guinée. On a donné le nom d’espagnolé à vette espèce, du moins dans le langage du midi de la France, à raison de ce qu’elle paraît venir, au printemps, des côtes de l'Espagne. Cet oiseau habite les marais ainsi que les bords des rivières et des étangs, dans Ja plus grande partie de l’Europe. Il se tient cepen- dant de préférence au printemps sur les côtes de la mer. On le trouve communément en Angleterre, en Hollande, et le long des côtes de la France. Il porte également ses excursions à de fort grandes distances; car on rencontre cet oiseau en plumage d'hiver au Japon, enfin jusqu’aux îles de la Sonde, et même jusqu'à Timor. Le bécasseau brunette a deux époques de passage dans le midi de la France, où il ar- rive par bandes nombreuses. En automne il nous vient du Nord. Un assez grand nombre de ces individus restent l'hiver parmi nous, et au printemps on les voit revenir en grand nombre de l'Espagne. Ces nouveaux venus nous quittent bientôt tout à fait. Du reste, cette espèce exécute de pareils voyages périodiques en automne et au printemps dans la plupart des provinces de l'Europe. Ces mœurs annoncent que cette espèce, comme les précédentes, appartient aux races émi- grantes. Ce bécasseau, qui n’avait jamais été ob- servé dans le midi de la France, y a paru au mois d'août 1840. Les individus qui y ont été pris étaient tous jeunes , ainsi que l’an-— nonçaient les caractères de leur livrée. — 234 — OS ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. HIT. Bécasseau vio- Echassiers. let (tringa mariti- ma Temm.). 1° Gralles. Bécasseau tem- mia (tringa Tem- mincki Leisler). Bécasseau é- chasse (tringa mi- nuta Temm.). Bécasseau canul (tringa cinerea Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EE ELLE Cet oiseau habite ordinairement les hords de la mer, surtout vers le nord de l’Europe. Ainsi il est assez commun en Norwége, sur les côtes de la Baltique, en Angleterre, et même accidentellement à la baie d'Hudson. Le bécasseau violet niche très-avant dans les rivières des régions polaires, surtout en Is- lande. On le trouve du reste rarement dans le midi de la France, où il ne se moutre qu'en automne et en hiver, mais toujours isolément. Ce bécasseau habite les régions du cercle arctique ; d’où il passe à deux reprises diffé- rentes dans diverses parties de l'Allemagne, de la Hollande et de la France. Il pousse même ses excursions jusque dans l’île de la Sonde et de Timor, où on le rencontre en livrée d'hiver. Peu abondant dans le midi de la France, il y passe seulement en au- tomne, et demeure parmi nous l'hiver. I] opère constamment ses passages d'une ma- nière isolée, et jamais en troupes nombreuses, Le bécasseau échasse habite l'été très- avant dans le Nord, et se montre en grand nombre auprès des marais salants de la Dal- matie. On l'y voit eu septembre revêtu de sa robe d'hiver, comme ceux que l'on ren- contre dans l’Inde. Lors de ses passages en France, cet oïseau porte à peu près cons- tamment le plumage parfait de noces. C'est donc pendant l'été que ce bécasseau s'avance très-avant dans le nord de l’Europe, d'où il étend ses migrations sur divers points. Il suit à peu près constamment la direction des rivières, et se montre successivement dans la Dalmatie, l'Allemagne , la Suisse, le nord de la France, et parvient enfin dans le midi de cette contrée. Il y arrive aux mêmes époques que l'espèce précédente, et nous quitte également en même temps. Cet oiseau habite les régions du cercle arctique, principalement dans les marais en été, au printemps et en automne, sur les bords de la mer. Il fait deux passages par année, et paraît être plus abondant dans eertaines localités, à son passage du prin- temps , qu'à celui de l’automne. Le premier a lieu dans le midi de la France au mois de mai; il dure peu, étant {tout à fait terminé dans l’espace de huit jours. Ces passages, ainsi que ceux qui ont lieu en automne, se font par petites troupes. Plusieurs des individus de ce second pas- sage séjournent plus ou moins longtemps dans les contrées méridionales de la France, pendant l'hiver. Mais, comme un grand nom- ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. III. bre d'autres oïseaux , ce bécasseau n’est pas Echassiers. également commun toutes les années. Bécasseau pec- toral (tringa pec- toralis Temm.). Le bécasseau pectoral, commun sur les bords du New-Jersey, dans les Etats-Unis d'Amérique, où il vit dans les marais, a été, d’après Temminck, tué en Augleterre le 17 octobre 1830. Plusieurs individus ont été également capturés dans les environs de Montpellier, vers la fin d'octobre 1840. Ces faits prouvent la coïncidence des époques des migrations des oiseaux, et leur étendue ; car les individus tués en Angleterre et en France étaient partis de l'Amérique sep- tentrionale, contrée qu’ils habitent ordinai- rement. 1° Gralles. Courlis (nume-— nius Briss.). Grand courlis cendré (numenius arquatus Temm.). Le courlis cendré, commun dans plusieurs contrées de l’Europe , fréquente principale- ment les bords des rivières et les lieux aban- donnés par les eaux. Ses passages sont régu- liers sur les côtes dela Hollande et de la Fran- ce. Quoique ce courlis soit sédentaire dans le midi de cette contrée, et qu'il niche en assez grand nombre dans le voisinage des eaux ou dans les marais, nous en avons néanmoins deux passages, l’un en mars et l’autre à la fin du mois d'août. Cet oiseau, comme une infinité d’autres, pousse ses excursions jusqu’au Japon. Il est donc émigrant dans certaines contrées et sédentaire dans d’autres, Courlis corlieu (numenius phæo- pus Temm.) Cette espèce, assez répandue dans les contrées tempérées et méridionales de l’Eu- rope, se trouve également en assez grand nombre au Japon et dans toutes les parties de l'Inde. On la trouve également dans l’A- mérique septentrionale, le Bengale et la Nou- velle-Hollande. Elle ne fait qu’un seul passage au printemps, lequel dure peu detemps, sur- tout lorsqu'il n’y a pas beaucoup d'humidité sur le sol. En général, il est moins commun dans les provinces méridionales de la France que le graud courlis cendré. On assure que cet oiseau niche dans les régions boréales, et même en Asie. Du reste, comme ses voya— ges n’ont rien de périodique ni de régulier, il apvartient aux races erratiques. Il en est de même de la suivante. Courlis à bec gréle(numenius te- nuirostris Temm.) | | | Ce courlis est de passage dans les parties méridionales de l'Italie et de la France, où il s'égare accidentellement à l'époque du mois d'octobre. L'Egypte paraît être sa vé- ritable patrie, point d’où il visite égale- ment Ja Grèce et la Dalmatie. Quatre indivi- dus de cet oiseau ont été pris vers le milieu du mois d'octobre 1840, dans les environs de ORDRES. III. Echassiers. 1° Gralles. 1 — 9236 — | GENRES ET ESPÈCES. Ibis (ibis Lacé- pède) (ibis falci- nellus Lacépède). Spatule { plata- lea Linn.). Spatule blanche (platalea leucoro- dia Temm.). Avocette (recur- virostra Linn.). Avocelte à nu- que noire (recur- virostra avocella Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. Montpellier. Cette année, remarquable par la douceur de sa température, l’a été également par les nombreuses espèces intéressantes d’oi- seaux, dont les passages ont eu lieu dans nos contrées. On suppose que cet oiseau niche en Asie, d'où il se rend en Egypte, dans tout l’Archipel, en Turquie, en Hongrie, parcourant les bords du Danube. Il étend ses courses jus- qu’en Pologne, en Suisse et en Italie. On le trouve aussi accidentellement en Hollande, en Angleterre et dans le midi de la France. Il ne fait que passer dans cette dernière con- trée en troupes plus ou moins nombreuses dans les premiers jours du mois de mai; il paraît venir pour lors de l'Espagne, après avoir franchi le détroit de Gibraltar. Les individus qui passent dans le midi de la France ne paraissent pas différer de ceux qui habitent l'Egypte; mais ceux qui arri— vent jusqu’ aux îles de la Sonde, des Molu- ques et de la Nouvelle-Guinée sont toujours des jeunes en livrée d’hiver. Du reste, les passages de cet oiseau n’ayant rien de régu- lier ni de périodique, comme ceux auxquels se livre l'espèce suivante, il doit être classé parmi les races erratiques. La spatule, qui fréquente les bords des fleuves et des mers, se réunit quelquefois avec les cigogues pour voyager. Elle fait, à deux reprises différentes et périodiques, des passages le long des côtes maritimes: néan-. moins elle est fort rare dans le midi de la France, où elle ne se montre que l'hiver. Sa présence est loin d'y être régulière, quoi— que les jeunes et les vieux nous visitent également. Cette espèce est assez commune pendant l'hiver en Italie. Au dire de Temminck, la spatule est éga- lement fort répandue en Hollande, où elle passe constamment deux fois par année. Cet oiseau erratique habite les prairies et les plages inondées par les eaux. Il est plus rare le long des côtes de la mer, et très-acci- dentellement s'avance-t-il dans l'intérieur des terres. Cette espèce est assez répandue dans toute l'Europe, d'où elle pousse ses ex- cursions jusqu’en Egypte et au cap de Bonne- Espérance. L'avocette à nuque noire arrive à l’époque du printemps dans le midi de la France, y passe l'été, et ne le quitte que dans les premiers jours de l’automne. Elle niche dans les environs d’Aigues-Mortes, dans la Camargue, et vers les embouchures du Rhône. Quant aux autres espèces de ce genre, les unes habitent l'Amérique méri- — 251 — 9 + GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, TT II]. Echassiers. 1°Gralles. Flamant (phœ- nicopterus Linn.). Flamant rose | ( phænicopterus antiquorumTem.) dionale, les autres l'Inde, etenfin il enest une qui vit dans l’Australo-Asie; mais ces oi- seaux ne paraissent pas faire de voyages même accidentels en Europe. Le flamant habite l'Europe, passe en Afri- que et au cap de Bonne-Espérance ; il] paraît même pousser ses excursions jusqu’en Asie, et être répandu dans les deux hémisphères. On assure même que cet oiseau habite toutes les contrées méridionales du nouveau et de l’ancien continent, et qu'il niche par- tout. Il arrive dans le.midi de la France aux approches de l'hiver, disposé en grand nombre en bandes triangulaires àla manière des grues. Il niche dans ces contrées quand les eaux sont abondantes, ayant l'habitude de déposer ses œufs dans les plages sablon- neuses et désertes. On assure qu'il a les mêmes habitudes en Sardaigne, en Sicile et en Calabre, et qu'il en est de même de ceux qui émigrent accidentellement au delà du Rhin. Quoi qu’il en soit, cet oiseau est séden- taire dans le midi de la France, où il se trouve parfois en quantité fort considérable, comme par exemple , en l’année 1840, épo- que fameuse par le grand nombre d'oiseaux remarquables qui ont paru sur les côtes du midi de la France. En Sardaigne, les flamants émigrent en grande partie vers la fin de mars pour repa- raître constamment vers le milieu du mois d'août. Alors, du haut du bastion qui sert de promenade aux habitants de Cagliari, on voit arriver de l'Afrique des vols nombreux de ces oiseaux. Disposés, comme les canards sauvages, en bandes triangulaires, ils se montrent d'abord comme une ligue de feux dans le ciel. Ils s'avancent dans l’ordre le plus régulier; à la vue des étangs voisins de Cagliari, qu'ils re- connaissent pour leurs anciens domaines, ils ralentissent leur marche et paraissent un instant immobiles dans les airs; puis traçant, par un mouvement lent et circulaire, une spirale conique renversée, ils atteignent le terme de leur émigration. Brillant de tout l'éclat de leur parure flamboyante, etrangés sur une même ligne, ces oiseaux offrent un nouveau spectacle, et représentent très-bien une petite armée en ordre de bataille, ne laissant rien à désirer pour l’ordre et la symétrie. Par un contraste aussi singulier que cons- tant (dit M. de la Marmora dans son Voyage en Sardaigne) (1), aux flamants venus des (x) Paris, chez Arthus Bertrand, 2e édition, Paris, 1840. Chez Jos, Bocca, 1839. ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: IUT. régions australes succèdent de fort près les ni ; oiseaux du Nord. Le mois d'octobre est à Echassiers. peine commencé que les cygnes, les oïes, et des milliers de canards arrivent en Sardaigne 1°Gralles. comme à un rendez-vous général. On dis- tingue surtout le cygne et l’oie sauvage , les canards siffleurs, huppés , couronnés, et une foule d’autres espèces émigrantes qui viennent peupler les étangs de l’île et animer leurs ondes. A la même époque paraissent en grand nombre les différentes espèces de hérons; les grèbes, les cormorans et les foulques sont plus nombreux en hiver. On y rencontre éga- lement, dans les roseaux qui bordent les marais, la brillante poule sultane, le por- phyrion des anciens. Nycticorax (ny- Le bihoreau habite les bois et les buissons cticorax Cuv.). des lieux humides de la plus grande partie 5 de l’Europe. Il est du moins commun en Bihoreau à man- Allemagne, en Hollande, en Angleterre et teau ( nycticorax| en France. Ilarrive daus le midi de la France ardeola Temm.). à l'époque du printemps, au commencement du mois d'avril, et quitte cette contrée sou— veut en automne. On assure que le bihoreau ypasse parfois l'hiver, et niche parmi nous. Cette espèce dépose ses œufs aussi bien dans les rochers que dans les marais. Il paraît se trouver également dans l'Amérique septen- trionale. Les individus que l’on rencontre dans cette contrée ne diffèrent pas de ceux que l’on prend en Europe, dans la Chine, ainsi qu’au Japon. Héron ( ardea| Le héron cendré habite les terrains entre- Linn ) coupés d’eau de la plus grande partie de Sas l'Europe; il se trouve même jusque dans les Héron cendré(ar- régions du cercle arctique. Cette espèce vit dea cinerea Term.) | dans le midi de la France ; elle y opère cons- tamment deux passages, l’un en automne et l’autre au printemps. Ces passages réguliers ont souvent lieu en troupes fort nombreuses, etla font rentrer parmi les oiseaux émi- grants. Le héron cendré, comme le pourpré, l’aigrette, la garzette et le blongios, pousse ses excursions dans toute l'Asie et jusqu'au Japon. Héron pourpré| Les mœurs de cette espèce sont à peu près 7 RTE les mêmes que celles de la précédente espèce. (rardea HP ES Laits ge ARE peu tan ent FR le Temm.). Nord, étant plus commune dans le Midi, où elle niche ordinairement. Quelques individus de ce héron pourpré passent l'hiver dans les régions méridionales de la France ; enfin ce héron paraît se rencontrer en abondance jusque vers les confins de l'Asie, et passe dans le midi de la France au commence- ment du mois d'avril. IE. Echassiers. 1o{ralles. or it — 239 — po | GENRES ET ESPÈCES. Héron aigrelle ({ ardea egretta Temm.). Héron garzette (ardea garzetta Temm.). Héron verany ( ardea verany Temm.). Héron grand butor (ardea stel- laris Temm.). Héron crabier ( ardea ralloides Temm.). Héron blongios ( ardea minuta Temm.). Cigogne (cico- nia Briss.). Cigogne blan- ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, EL CS Cet oiseau a les mêmes habitudes que les autres espèces du même genre. Il habite la Hongrie, la Pologne, la Russie, la Turquie et la Sardaigne. Cette espèce erratique, de passage accidentel dans quelques parties de l'Allemagne, ne se montre que l'hiver dans le midi de la France. La garzette habite toute l'Asie; elle se montre en assez grande abondance dans la Turquie, tout l’Archipel, la Sicile, la Sar- daigueet l'Italie. On la trouve du reste daus tous les pays qui bordent la Méditerranée. Elle est de passage périodique en Suisse et en France, et accidentel seulement en Alle- magne. Elle passe d’une manière régulière dans le midi de la France, où l’on suppose qu’elle niche dans les marais. L'époque de ses pas- sages est ordinairement dans la première quinzaine du mois de mai. Cet oiseau, qui habite l'Afrique, mais prin- cipalement l'Egypte, le Sénégal, la Barbarie, se trouve parfois en Sicile et dans le midi de la France : du moins, on y rencontre quel- ques individus que l'on doit supposer égarés, ce héron ayant été aperçu constamment seul. Le butor habite les marais ou les lieux à demi inondés de la plus grande partie de l'Europe. Il niche dans le midi de la France, et il dépose ses œufs au milieu des roseaux. Cette espèce, beaucoup plus répandue que la précédente, se trouve en abondance vers les confins de l'Asie, de la Turquie, dans tout l’Archipel, en Sicile et en Italie. Elle est de passage accidentel dans quelques parties mé- ridionales de l’Allemagne. Les passages qu’elle fait en Suisse et dans le midi de la France se composent d’un assez grand nombre d'in- dividus. Les jeunes nousarrivent aussi bien que les vieux. De pareïlles mœurs annoncent que cet oiseau rentre dans les races aqua- tiques. Ce héron habiteles contrées méridionales de l’Europe, où il niche. Le héron blongios est même assez commun en Hollande,et se montre de passage en Allemagne et en Angleterre. La cigogne blanche se trouve en Europe, en Egypte, en Barbarie et dans l'Asie occi- dentale. Elle fait presque partout des mi- grations annuelles et périodiques. Celles qu'elle exécute dans le midi de la France ont lieu en automne et au printemps, en Echassiers. che (ciconia alba |général par troupes nombreuses. Quoiqu'elie habite à peu près constamment le Nord pendant l'été, il n’est pas rare cependant d'en trouver au mois d'août dans le midi de la France. Peut-être, cet oiseau y est-il égaré, ‘ou y vient-il par suite de quelque cause par- {ticulière à nous inconnue. Ainsi dans le courant de l'été de 1842, cette cigogne est venue s’abattre sur le pont de pierre de Lyon; elle s’est promenée en be sens jusqu’à la nuit sur le bord de l’eau, pêchant le goujon, et ne paraissant pas s’in- quiéter de tout le bruit que le mouvement des passants faisait autour d'elle. Le lende- main, on nel'a plus revue ; elle avait repris Isa route aérienne pour aller dans d’autres climats. Temm.). ar Cigogne noire} Loin d’habiter, comme la cigogne blanche, ( ciconia nigra les villes et les villages, la cigogne noire s’en- Temm.\ fonce, au contraire, dans les sombres forêts Je et les marais boisés. Elle est assez générale- ment répandue en Turquie, en Hongrie, en Pologne et en Suisse, se trouvant plus rare- ment en Allemagne et en France, et jamais en Hollande. On ne la voit du reste dans le Midi que l'hiver ; elle ne paraît pas y nicher. Ces deux espèces, dont les passages sont constants et périodiques, rentrent dans la classe des oiseaux émigrants. Quant à la dernière espèce, la cigogne maguari de Temminck, elle ne paraît pas quitter l'Amérique, sa patrie. 1 ee m Grue (grus Pal-| La grue cendrée habite les contrées orien- las) tales de l'Europe, comme la Pologne et la G Les Suède, d’où-elle émigre l'hiver vers les ré- rue cendrée|ions méridionales, et particulièrement en grus cinereaTem.) Afrique. Cette espèce voyage par bandes nombreuses disposées en triangle, et plus souvent de nuit que de jour. Lorsqu'elle se repose à terre, elle place toujours en avant de la troupe des sentinelles avancées chargées de l’avertir au moindre danger; aussi les grues ont-elles de tout temps attiré l’atten- tion par la longueur de leurs voyages et les précautions qui les accompagnent. Ces oï- seaux se font encore remarquer par la hau- teur, l'étendue et la puissance de leur vol, qui est si grande, qu'ils parcourent en peu de temps des espaces immenses. Ils arrivent à la fin de l'automne dans le midi de la |France, y passent l'hiver, et d'autres pas- sages ont lieu au printemps ; ils quittent bientôt cette contrée pour s'élever vers les {parties les plus _septentrionales de l'Europe. | Des mœurs à peu près pareilles distin- |guent les deux autres espèces de grues, qui, Pere la première, habitent en Europe et {sont également émigrantes. em me — 241 — LI. Echassiers. 1° Gralles, GENRES ET ESPÈCES. Tourne - pierre (strepsilas Illig.). Tourne- pierre à collier (strepsilas |collaris Temm.). | | | | Vanneau (va- nellus Briss.). Vanneau plu- yier (vanellus me- | lanogaster Tem.). Î | Vanneau hup- pé (vanellus cri- status Temm.). | Pluvier (chara- drius Linn.). Pluvier doré (charadrius plu- ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, Cet oïseau, qui fréquente principalement les bords des mers, des lacs et des rivières, est très-commun sur les îles de la mer Bal- tique et de la Norwége. Il est plus rare sur les rivières du centre de l'Europe, comme sur les lacs de la Suisse et de l'Italie. Il vit également dans l'Amérique septentrionale et méridionale, au Sénégal, et enfin au cap de Bonne-Espérance, n'éprouvant dans cet immense intervalle aucune différence dans ses caractères et ses habitudes. Le tourne-pierre fait habituellement deux apparitions dans le midi de la France, l’une au printemps et l’autre en automne ; il y ar- rive le plus souvent seul ou par paires, ou bien mêlé aux vols des bécasseaux variables. Il y passe, du reste, une partie de l'hiver. Quel- ques individus de cette espèce poussent leurs excursions dans toute l'Asie et jusqu’au Japon. Ce vanneau habite les bords de la mer des pays tempérés de l’Europe, où il est de pas- sage plus ou moins accidentel. Il est plus commun en Hollande et en France qu'en Allemagne, et surtout qu’en Suisse, où il se montre moins fréquemment. Il paraît se ré— pandre en été dans le Nord jusque dans les régions du cercle arctique et sur les confins de l'Asie, où l’on assure qu’il niche. Cette espèce erratique arrive dans le midi de ia France en automne ; elle y reste l'hiver. Néanmoins un second passage, non moins nombreux que le premier, a lieu au prin- temps. Cet oiseau, ainsi que le vanneau huppé, se livre à des émigrations fort éten- dues; car d’Europeil parcourt toute l'Asie et pénètre jusqu’au Japon. Cet échassier habite l’Europe, l'Egypte et le Japon. Il arrive en France, et particulière- ment dans le Midi, par grandes troupes, vers la fin de février ou au commencement de mars. La ponte a lieu en avril, époque à laquelle les vanneaux huppés cherchent les localités les plus favorables aux soins de leur progéniture. Au mois d'octobre, les familles de ces oiseaux, dispersées dans les champs marécageux, se rassemblent en bandes de cinq à six cents et émigrent vers le Sud. La régularité des passages de ces deux espèces de vanneaux doivent les faire com- prendre parmi les oiseaux émigrants. Ce pluvier est commun dans les terrains fangeux et humides du midi et du nord de l’Europe. Il paraît être assez abondant à ses deux passages en Hollande et en Allemagne. Il arrive dans le midi de la France, et en 16 ORDRES: EE | II. Echassiers. 10 Gralles. — 242 — GENRES ET ESPÈCES. vialis Temm. ). Pluvier gui - gnard (charadrius morinellus Tem.). Grand pluvier à collier ( cha- radrius hiaticula Temm.). Petit pluvier à collier (charadrius minor Temm.). Pluvier à collier interrompu (cha- radrius cantianus). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. Sardaigne en automne; il y passe l'hiver : mais au printemps il quitte ces contrées pour aller vers le Nord. Ces oiseaux volent par grandes bandes, suivent la direction des vents, et se tiennent rangés de front eur une même ligne horizontale. Lorsqu'ils s’abattent, ils se dirigent à peu près constamment le long du cours des eaux. Cette espèce émigrante, ainsi que les plu- viers à grand et à petit collier, quoique fré- quentant principalement les contrées tem- pérées de l’Europe, n'en parcourt pas moins l'Asie, et arrive jusqu'au Japon, où elle sé- journe plus ou moins longtemps. Le guignard habite les lieux fangeux, soit de l’Asie, soit de l’Europe ; il est seulement plus abondant dans la première de ces con- trées. Il est de passage en Allemagne et en France, et très-accidentellement en Hol- lande. En hiver il est assez commun dans l’Archipel, le Levant et l'Italie ; il est au con- traire assez rare dans le midi de la France, où on ne le rencontre jamais qu'isolé. C’est ordinairement au commencement de l'hiver et au mois de mai que son apparition a lieu. On assure que cette espèce erratique niche en Russie. Cette espèce, assez répandue sur les bords de la mer et des fleuves, se trouve dans presque toutes les contrées tempérées de l'Europe. Elle est commune en Allemagne, en Hollande, en France et en Italie; elle pousse également ses excursions jusqu’en Amérique et au Japon. Cet oiseau passe ré- gulièrement par petites bandes au printemps et en automne; mais, dans cette dernière saison, il est peu abondant. Au mois d'avril, les grands pluviers à collier se séparent, et on ne les rencontre plus alors que par paires dans les lieux qu'ils ont choisis pour leur résidence d'été. Le petit pluvier a des mœurs à peu près semblables à celles de l'espèce précédente et le même genre d'habitation; seulement il est plus abondant dans les contrées méri- dionales que vers le Nord, et passe par pe- tites troupes dans le midi de la France au mois d'avril. Quant au pluvier à collier interrompu {charadrius cantianus), il est également très-répandu dans le Nord ainsi que dans les Indes et les Archipels. 11 passe deux fois l’année daus le midi de la France, en au- tomne et au printemps, et généralenient en petit nombre. ORDRES, — 245 — de . mme GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: III. Echassiers. 1° Gralles. Huîtrier (kæma- topus Linn.). Huîtrier pie (hcæ- matopus ostrale- gus Temm. ). Echasse ( Hi- mantopus Briss.). Echasse à man- teau noir (himan- {opus melanopte- rus Temm.). Sanderling (ca- lidris Ilig.). Sanderling va- riable (calidris a- renaria Temm.). Cet oïseau habite les côtes maritimes de toute l'Europe pendant l'été et l'automne ; l'hiver, il se répand dans l’intérieur desterres humides, et pousse ses excursions jusqu’au Japon et au Sénégal. Il vit sédentaire sur les côtes de la mer du midi de la France; quoiqu’un passage de cette espèce ait lieu au mois de mars, il en reste cependant quelques-uns dans le midi de la France pour y nicher. Lorsque l’hui- trier pie veut entreprendre ses voyages pé- riodiques, il se réunit le plus souvent en troupes assez considérables ; il est donc à la fois erratique et sédentaire, double circonstance qui, d’après les faits que nous avons déjà rapportés , se représente chez une infinité d’oiseaux , et dont l’œdicnème nous fournira plus tard un exemple remar- quable. Les autres espèces du même genre sont de l'Afrique ou de l'Amérique méridionale; mais elles ne paraissent pas dans les régions tempérées de l’Europe. L'échasse est répandue dans les parties orientales de l’Europe, ainsi qu’en Asie, en Amérique, c’est-à-dire au Brésil, et enfin en Afrique, particulièrement en Egypte. Elle paraît nicher dans les vastes marais de la Hongrie et de la Russie, où elle émigre en troupes plus ou moins considérables. Il en est de même dans le midi de la France, où elle passe au mois d'avril, et ne nous quitte qu’au mois d'août. Cette espèce ne s’y trouve jamais qu’en assez petit nombre. L’échasse, oiseau de passage dans quelques contrées du Midi, et jamais dans le Nord, est une espèce des plus répandues, quoique son vol soit lourd. Si on la découvrait dans la Nouvelle-Hollande, elle appartiendrait à tou- tes les régions de la terre ; ce qui prouve que la puissance et l’étendue du vol ne sont pas des conditions absolues pour déterminer une pareïlle universalité dans la dispersion des oiseaux. Le sanderling est assez généralement ré- pandu le long des bords de la mer sur toute l’é- tendue de l’Europe. Il niche dans les régions du cercle arctique, et se trouve très-fréquem- ment, en automne et au printemps, sur les côtes de la Hollande et de l'Angleterre. Cette espèce, fort rare dans le midi de la France, étend néanmoins ses excursions dans des contrées bien différentes et bien éloignées. On la trouve à la fois en Asie, dans l’A- mérique du Nord, ainsi que dans les îles de la Sonde et de la Nouvelle-Guinée, et enfin jusqu'au Japon. III. Échassiers. 19 Gralles. 20 Coureurs. 3° Alectorides. — 244 — GENRES ET ESPÈCES. OEdicnème («- dicnemusTemm.). OEdicnème cri- ard ( œdicnemus |crepitans Temm.). | | | | | | | Coure-vite (cur- sorius Temm.). Coure-vite isa- | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, L'œdicnème habite les terres et les bandes incultes plutôt du midi que du nord de l'Europe. Il se montre peu communément dans les régions orientales. Cette espèce est de passage en Allemagne et très-accidentelle- ment en Hollande. Quoique cet oiseau soit sé- dentaire dans le midi de la France, il n’yopère pas moins deux passages, l’un au mois de mars let l’autreau mois de novembre.Les œdicnèmes se réunissent pour lors en troupes plus ou moins nombreuses, et constamment la nuit. Habitant de l'Afrique méridionale, le coure-vite parait étendre ses excursions jusqu’en Asie. Il se montre quelquefois en Europe et particulièrement dans le midi de belle!{cursorius isa-|la France, où il est fort rare et ne se montre |bellinus Temm.). Outarde ( otis Linn.). Outarde barbue qu'accidentellement. C'est une des espèces erratiques les mieux caractérisées. L'outarde barbue est généralement moins commune dans le Nord que dans le Midi. On la trouve en Dalmatie, en Italie et dans quelques parties de la France, où elle niche (otis tarda Temm.) | ainsi qu'en Allemagne. Elle est rare en Hol- Outarde cane- pelière (otis tetrao Temm.). Glaréole (ola- reola Briss.). Glaréole à col- lier (glareola tor- quatæ Temm.). lande et en Angleterre. Cette espèce visite les contrées méridionales de la France pendant l'hiver ; elle y arrive de auit eten grande abondance lorsque la tem- pérature est très-basse ; dans le cas contraire, on n’en voit pas une seule, ce qui prouve que les voyages accidentels des oiseaux sont principalement déterminés par la tempéra- ture, et en même temps à quel point ces ani- maux sont impressionnés par ses variations. Cette espèce habite les lieux arides et dé- couverts de la Turquie, de l'Afrique, de l'Italie et de l'Espagne. Elle ne se trouve jamaïs dans le Nord ; aussi est-elle rare en Allemagne et en Suisse. Elle passe accidentellement l'hiver dans le midi de la France, tandis qu'elle se montre régulièrement dans les départements | de l’ouest de cette contrée, où elle fait son nid à terre, à la manière des gallinacés. Cet oïseau habite le bord des mers, des lacs et des fleuves de l'Asie, de la Hongrie et de la Sardaigne. Il est de passage en Alle- magne, en Suisse, en Italie et en France; mais très-rarement pousse-t-il ses excursions jusqu’en Hollande et en Angleterre. Cette glaréole arrive dans le midi de la France vers le milieu du mois d'avril, voyageant par petites troupes de quinze à vingt indi- vidus; elle quitte cette contrée dans les | premiers jours du mois d'août, époque où la | ponte est accompiie. Cet oiseau niche dans le Midi et appartient, comme le précédent, [aux races erratiques. — 245 — 7 | Il | | | ORDRES. GENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DFS PASSAGES DES OISFAUX, EV, Dindon sauvage Nous avons déjà RS 2: que cette : : | espèce sauvage, souche des dindons domes- Gallinacés. (meleagris gallo- Le MEL l'Amérique septentrionale ; pavo Temm.). quoique son vol soit fort lourd, elle n'en fait pas moins des excursions d’un canton à un autre. Ces voyages paraissent déterminés par le manque de nourriture dans celui qu'elle avait choisi primitivement. Nous ignorons si C’est par suite de circonstances du même genre que cet oiseau seraitentrainé accidentellement jusqu’en Sicile; ce fait si extraordinaire mérite d’être confirmé par des observations bien positives, pour être admis comme exact et hors de toute contes- FL oab Quoi qu'il en soit, cette espèce, essentielle- | ment sédentaire, devient quelquefois erra- tique, par suite de circonstances qui la forcent |à se déplacer et à faire des excursions, mais | généralement d'une petite étendue. Faisan (phasia-! Le faisan habite les provinces méridio- nus Linn ) nales des confins de l'Asie, et se trouve éga- s Ge : lement dans plusieurs contrées boréales de Faisan vulgaire |j'Allemagne, de la Hollande, de l'Angleterre (phasianus colchi-|et ae Dane? derniers proviennent probablement de la Corse, où cet oiseau se cus Temm.). trouve assez habituellement. Des individus isolés et probablement égarés passent par- fois dans le midi de la France; du reste, le faisan se trouve en abondance dans le Cau- case et les plaines couvertes de jones qui en- {tourent la mer Caspienne, On croit généra- {lement que son introduction en Grèce date de l'expédition des Argonautes aux bords du Phase ; depuis lors, le faisan a été recher- | ché à cause de la bouté de sa chair. Le nom anglais de cet oiseau, pheasant, rappelle beaucoup mieux que son nom français qu'il Ft originaire des bords du Phase. Il | Tétras (tetrao| (Cette espèce vit au milieu des bois et des Linn ) x montagnes où croissent des pins, des sapins, “à É des bouleaux et des coudriers; aussi est-elle Tétrasgelinolle |connue vulgairement sous le nom de poule ( etrao bonasia | de coudrier. Elle se trouve principalement Ten ) sur les hautes montagnes des Pyrénées, du 5 qe Dauphiné et de la Provence. Quoique rare dans les plaines du midi de la France, elle y vient cependant parfois, à des époques plus ou moins éloignées, toujours l'automne ou hiver. En 1839, un assez grand nombre de ces gelinottes fut aperçu dans le départe- ment de l'Hérault. Elle niche uniquement | dans les hautes montagnes, faisant son nid {au milieu des bruyères et des buissons, dans À { des lieux solitaires qu’elle choisit de préfé- rence. ORDRES. IY, Gallinacés. — 246 — GENRES ET ESPÈCES. Le grand coq de bruyère (tetrao urogallus). Tétras plammi- gan ou lagopède ordinaire ( tetrao lagopus Linn.). Ganga (pterocles Temm.). Ganga cata (pterocles setarius Temm.). Perdrix (perdix Latham). Perdrix barta- velle (perdix saxa- tilis Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EE Le grand coq de bruyère ({etrao wrogal- lus), assez rare dans le nord de la France, se trouve néanmoins dans les forêts des hautes montagnes, depuis l'Allemagne jusqu’au nord de l'Asie. Quant au petit coq de bruyère ({etrao tetrix Linn.), il est plus ré- pandu dans les parties centrales de l'Europe que partout aïlleurs. On le trouve en plus grand nombre en Allemagne et en France que le grand coq de bruyère. Cette espèce habite l'été les montagnes les plus élevées de la Suisse et des Pyrénées, et descend en hiver dans les régions moyen- nes de ces montagnes. Elle est assez com-— mune en Suède, en Laponie, en Ecosse et dans le nord de la Suisse. On la trouve éga- lement en Amérique; elle n’y diffère pas des lagopèdes d'Europe. Les autres espèces de ce genre ont les mêmes habitudes, et l’une d'elles, le tétras des saules, se trouve à la fois en Amérique et en Europe; celle-ci serait erratique comme la précédente, tandis que le grand et le petit coq de bruyère paraissent être sédentaires. Cet oiseau habite les lieux arides et in- cultes des contrées méridionales de l'Es- pagne, de la Sicile, de l'Italie, et dans tout le Levant. Il est commun en Perse, ainsi que dans les plaines stériles de la Provence, particulièrement dans celle de la Crau, qu’il habite en grand nombre toute l’année. Quel- ques individus s’égarent parfois dans les plaines du Languedoc, soit qu'ils y vien- nent des Pyrénées orientales on de la Pro- vence, où ces oiseaux nichent assez habi- tuellement. L'autre espèce de ce genre, le ganga uni- bande, est plus généralement répandue, quoiqu'elle ne se montre pas en France. Elle se trouve cependant en Espagne, en Sicile et en Turquie, ainsi que dans l'Asie méri- dionale et les déserts de l’Afrique. La bartavelle habite la Grèce, ainsi que quelques parties méridionales de l’Allema- gne, du Tyrol, de la Suisse, de l'Italie, et jusqu'en Turquie. Elle n’est pas rare sur les hautes montagnes du Jura et des Pyré- nées, d'où elle descend en hiver dans les régions moyennes des montagnes. Elle est fort rare dans le midi de la France, peut- être parce qu'elle est fort recherchée par les chasseurs; quoi qu'il en soit, cet oiseau niche dans le Jura et appartient aux es- pèces erratiques, IV. Gallinacés. réri La perdrix rouge habite les plaines de Perarix rouge bitalig et de la Fred méridiondlé où elle ( per dix rubra niche constamment vers le milieu du mois Temm.). de mars. Elle fréquente peu le nord de la France et la Hollande, ne se trouve jamais en Allemagne, et rarement en Suisse, Comme nous avons déjà parlé des migrations de cet oiseau, il nous paraît inutile d'y revenir, {ainsi que sur celles auxquelles se livre par- {ticulièrement la caille. Nous dirons seule- ment que, quoique le vol de cet oiseau soit lourd, il n'en pousse pas moins ses excur- sions en Asie et jusqu’au Japon. | Perdrix grise À ice EE habite jee fort avant | er Cet : ans le Nord, et pousse ses courses jusqu’en K perdix cinerea Egypte et en Barbarie. Elle est de passage |Temm.). dans certains pays, et sédentaire dans d’au- tres. Quant aux migrations auxquelles se | livre cet oiseau, elles ont lieu en automne, | par bandes composées de plus de cent à | deux cents individus. Le vol de la perdrix | grise pouvant être longtemps soutenu, leurs | migrations sont généralement lointaines. Cette espèce, assez rare dans le midi de | la France, est tantôt sédentaire et tantôt er- ratique ; elle n’est commune que dans le | nord de cette contrée, où elle remplace la perdrix rouge. On ne la voit guère dans le | Midi que pendant l'hiver à l'exception de | celles qui y nichent. Du reste, elle se tient en troupes plus ou moins considérables | jusqu'au mois d'avril, dans les pays tempé- rés, même froids, qu’elle recherche de préfé- rence ; mais, passé cette époque, ces oiseaux se retirent par paires dans les lieux écartés | et solitaires, et passent l'été en monogamie ou par couples séparés. | Caille ( perdix| La caille habite l'été plusieurs contrées : de l'Europe ; en hiver elle émigre en Egypte, coturnix Latham) * [d’où elle se répand en Asie, en Syrie et dans d’autres pays de l'Orient. La caille, fameuse par l'étendue de ses migrations, quoique son vol soit lourd, arrive dans le midi de la France au commencement d'avril, où elle niche bientôt après sa venue; car dès la première quinzaiae de mai on voit déjà des caïlleteaux. Vers le milieu des mois d'août et de septembre, elle fait un second passage, et quitte les provinces méridionales de la France au commencement de l'hiver, pour aller dans des pays plus chauds; néanmoins quelques individus y demeurent tout l'hiver, et, à raison de cette circonstance, on les désigne en patois languedocien sous le nom d'hivernenques. Les caïlles qui nous viennent chaque an- née s’en retournent avec la même régularité en Afrique. Mais ce n’est pas là que ces oi- — 248 — EE ORDRES, GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. IV. seaux bornent leurs voyages; îls en exé- Gallinacés cutent en effet de plus étendus, et parcou-— d rent pour ainsi dire le globe entier. Comme nous avons tracé la route que suivent les caïlles dans leurs longues excur- sions, nous croyons inutile d’ajouter quel- ques détails à ceux que nous avons donnés dans l'explication de notre carte. Nous y renverrons donc ; ils seront sans doute suffi- sants pour en faire comprendre toute l’im- portance et toute l'étendue, Il règne encore de grandes incertitudes, non pas précisément sur le passage des cailles, maïs sur les lieux d’où ellesarrivent, et sur ceux où elles vont passer l'hiver lors- qu'elles quittent les régions tempérées. On sait que ces oiseaux nous viennent d'Afrique, et qu’en Egypte et sur les côtes de Barbarie ils sont de passage, comme sur celles du midi de la France. Si à leur départ des pro- vinces méridionales elles franchissent éga- lement les contrées africaines, elles par- viennent bientôt sous la ligne; car il y a une moindre distance de l’équateur au nord de l'Afrique que de cette contrée au nord de l’Europe, et jusqu’en Islande et en Norwége, où l’on trouve encore des caïlles. Une fois sous la ligne, ou l'ayant dépassée, elles vont chercher un climat plus tempéré, indiffé- remment vers le Midi ou vers le Nord, selon le vent le plus favorable. Aussi la plupart des navigateurs ont- ils rencontré les caïlles dans la mer du Sud et dans la mer des Indes, comme sur tous les points de la terre. Levaillant a observé au cap de Bonne-Espérance des passages considérables de cailles de la même espèce, et peut-être les mêmes qu’ilavait déjà vues en | Europe. Que de chances pour leurs stations et pour la quantité qu’il peut s’en diriger annuellement vers la France. Outre leurs migrations à des époques fixes et invariables, qui font de ces oiseaux des espèces essentiellement émigrantes, lescailles sont encore assujetties à des déplacements forcés, occasionnés par la sécheresse ou le manque de nourriture. Comme une foule d’autres oiseaux, elles n’aiment pas les lieux secs et arides ; aussi, comme il est rare dans le midi de la France qu'il n’y ait pas deux ou trois mois de sécheresse en été, quoique les cailles y soient souvent abondantes au commencement de mai, elles abandonnent bientôt cette région dès que la sécheresse commence. On ne les revoit plus ensuite en certain nombre qu’au mois de septembre; celles-ci sont les caïlles du passage qui « lieu à cette dernière époque. Cette fuite momentanée est avantageuse à la multiplication de ces oiseaux ; la récolte SRE oo ORDRES, GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. IV. Gallinacés. Turnix tachy- drome ({ dius tachydromus Temm.). des fourrages a lieu, dans les provinces méri- dionales de la France, au mois de mai, et la moisson en juin ; la plupart des couvées au- raient été détruites avant que Jes petits fus- sent éclos. Mais si, pendant la sécheresse, il survient une pluie abondante, le lendemain ou quelques jours après on entend chanter un assez grand nombre de cailles dans les lieux qu'elles avaient naguère abandonnés. Cette circonstance prouve combien est er— ronée l'opinion de ceux qui prétendent que le nombre des caïlles diminue. Cette dimi- nution supposée est occasionnée par la sé— cheresse de certaines années : du moins dans celles qui sont humides, on prend tonjours ces oiseaux par milliers, ce qui à eu lieu pendant deux années consécutives (1837 et 1838), et s’est répété toutes les fois que des pluies ont été abondantes. Les caiïlles diminuent si peu, que pendant l’année 1842 elles sont arrivées sur les côtes du Roussillon en nombre immense.Leur quan- tité y a été si considérable qu’elles se sont vendues sur le marché de Perpignan depuis vingt jusqu'à trente centimes. Les reven- deurs ont trouvé leur compte , en les por- tant à Montpellier, où ils en ont trouvé de quarante à quarante-cinq centimes. A Ja vé- rité l’année 1842 s’est fait remarquer par un printemps très-pluvieux , ce qui est fort rare dans le midi de la France. Cette circonstance n’a pas été la cause de l’arrivée de ces cailles printanières. Car, si leurs passages ont été nombreux dans le Roussillon , ils ont été au contraire peu abondants en individus dans le Languedoc, qui est cependant si rapproché de cette pro- vince.Ainsi, une année, une espèce émigrante est extrêmement commune dans une loca- lité, et fort rare au contraire daus une autre; mais il ne faut pas admettre de cette circonstance, que telle ou telle espèce dimi- nue ; car de pareils faits il faut les embrasser dans leur ensemble , et non dans quelques- uns de leurs détails. La caille est un oiseau fameux dans l’Ecri- ture. Il en arriva une quantité si prodigieuse dans le camp des Israélites que toute l’armée des Hébreux s'en nourrit. Il paraît, d’après Josèphe, qu’elles sont extrêmement commu- nes aux environs de la mer Rouge. Cet oiseau habite le midi de l'Espagne et hemipo- la Sicile ; il n’a pas encore été aperçu dans le midi de la France, mais seulement dans les parties les plus septentrionales de l'Afrique. Une autre espèce du même genre, le turnix à croissants (hemipodius lunatus) habite à [peu près les mêmes lieux. Elle paraît avoir [également les mêmes habitudes que la pré- ORDRES. IV. Gallinacés. — 250 — GENRES ET ESPÈCES. Pigeon ramier (columba palum- bus Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. cédente. L'inconstance et l'irrégularité des passages de ces deux turnix est si grande, que ces oiseaux doivent être considérés comme erratiques. Le ramier habite jusque vers le Nord ; mais il est plus abondant dans les contrées méridionales, où il vit dans les bois et les forêts. Il est de passage dans les pays froids et tempérés, et sédentaire dans les pays chauds. Aussi trouve-t-on le ramier l’été en Suède, en Russie et jusqu’en Sibérie. Néanmoins les ramiers passent en assez grand nombre dans le midi de la Franee, pendant les mois d'octobre et de novembre. Il en reste peu l'hiver ; mais, au mois de février ou de mars , ils reparaissent de nou- veau, par petites troupes, ou par paires ; quelquefois même, ils voyagent isolément, mais ceci a lieu du reste fort rarement. Les passages des pigeons dans les Pyrénées, attestés par un assez grand nombre d'obser- vateurs, et sur lesquels M. Jubinal , profes- seur à la faculté de Montpellier, a publié récemment une note détaillée, sont envi- ronnés de circonstances assez particulières pour mériter d’être décrits. Depuis la fin d’août jusqu’à la mi-septem- bre, les ramiers (columba palumbus Linn.) exécutent en grandes troupes leurs passages dans Ja vallée de Saint-Pé, Ces oiseaux ne s'élèvent pas à une grande hauteur en tra- versant les montagnes des Pyrénées, peut-être à raison des neiges qui en couvrent à cette époque la plupart des cimes. En eflet, rare ment ces hauteurs, supérieures au niveau des neiges perpétuelles, n’en sont-elles pas couronnées ; il faut des chaleurs bien ex- traordinaires , pour qu'elles en soient tota- lement dépourvues. Aussi les ramiers, comme cela a lieu pour les cailles, suivent à peu près constamment la ligne des collines, jus- qu’au point où la chaîne s’abaisse, c'est-à- dire, au bout de la vallée de Saint-Pé. Les montagnards, qui ont observé les ha- bitudes de ces oiseaux, ont cherché à en profiter pour s’en emparer : pour cela ils ont établi sur le lieu de leurs routes , sortes d’endroits privilégiés, des cabanes où ils s'étaolissent et se cachent en sentinelles avancées. Si les ramiers volent directement vers la gorge en demi-cercle, à l'extrémité la plus élevée de laquelle des filets ont été tendus, et que ces oiseaux doivent fran- chir pour sortir de cette enceinte, on les laisse sy engager. Si au contraire ils veu- lent s’en écarter et passer ailleurs, les senti nelles s'efforcent, par leurs gestes et leurs eris, de les faire rentrer dans le demi-cerele où des filets ont été placés. — 251 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, Il arrive parfois que, parvenus à l’extré- mité de la gorge , les ramiers soupçonnent quelque piége. Pour l’éviter, ils cherchent à s'élever en l’air ou à retourner en arrière ; mais des chasseurs, placés sur de grands trépieds, lancent au-dessus d’eux un bâton en forme de croix, recouvert d’un léger enduit de chaux, et par conséquent d’un blanc fauve assez éclatant. A l’aspect de ce bâton, lancé en l’air avec violence , les ramiers croient voir l’épervier fondre sur eux, et dans leur frayeur ils s’abattent le plus près de terre possible. Ils rasent pour lors le sol avec vitesse , et vont donner tête baissée dans le filet, qui lâché à leur approche, au moyen d'une petite corde que tire le chasseur suspendu dans le trépied , tombe sur la troupe et la recouvre de ses mailles. De cette manière on prend dans la saison plusieurs milliers de ces oi- seaux voyageurs; l'homme les arrête ainsi au milieu de leurs courses vagabondes , et, par suite de leur instinct, ils reviennent l'année suivante éprouver les mêmes périls et succomber sous les mêmes dangers. Le vol de ces pigeons n’a pas, du reste, une aussi grande rapidité que celui des pi- geons sauvages (colwmba migratoria). On assure que cette espèce et quelques oïes sau- vages parcourent, sans se fatiguer, jusqu’à quarante milles par heure, et font sans se poser à terre, un vol de quatre cent quatre- vingts milles ou cent soixante-dix lieues Ainsi ces oiseaux peuvent en un seul jour, se rendre de Charles-Town, jusqu'aux établisse- ments les plus septentrionaux des Etats-Unis. Cette rapidité expliquecomment quelques pi- geons tués dans les Etats du Nord avaient en- core dans leur jabot des grains de riz qui n’é- taient pas digérés, et qu'ils avaient dû manger la veille dans la Caroline, ou dans la Géorgie. On cite aussi l’exemple d’un fau- con envoyé au duc de Lerme , qui retourna en seize heures d'Espagne à l’île de Téné- riffe , bien que la distance soit de sept cent cinquante milles. Les pigeons ne sont pas chassés des pays froids, que certains individus de cegenre ha- bitent, par l’abaissement de la température, mais plutôt par le défaut denourriture qui se fait sentir dansles lieux où ils avaient primi- tivement fixé leur séjour. Buchmand tient la première de ces opinions pour erronée, et assure avoir vu au Canada de nombreuses bandes de pigeons, pendant un hiver ex- cessivement froid. A la vérité cet hiver suc- cédait à un automne où les fruits et les semences dont ces oiseaux se nourrissent avaient été très-abondants, en sorte qu'il paraît, d'après ces faits et ceux que nous Gallinacés. ORDRES. IV. Gallinacés, GENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, D PI EAN avons consignés dans cet ouvrage, que le manque d'aliments oblige bien plutôt les oiseaux à se transporter d’un pays dans un autre, que le changement dans la tempéra- ture. Les faits que nous venons de rapporter, sur la rapidité du vol des pigeons, acquiè- rent une nouvelle probabilité, d’après ceux qui se trouvent consignés dans {a Presse de Seine-et-Oise. D'après ce journal, le di- manche % juillet 1841, une nouvelle expé- rience de pigeons voyageurs eut lieu à Versailles. La veille on avait reçu à la mai- rie quarante pigeons expédiés par la société d'amateurs établie à Berchem près d’An- vers. Ces oiseaux étaient arrivés à Versailles par la diligence, renfermés dans un grand pa- nier, par conséquent sans avoir pu acqué- rir par eux-mêmes la moindre notion du chemin qu'ils avaient parcouru et de 14 di- rection qu'ils avaient suivie. Le lendemain, à sept heures et demie du matin, on en a lâché trente-neuf à la fois, de la cour de la mairie, après avoir eu la précaution de leur apposer une estampille contenant la note du moment de leur départ. Le quarantième s'était échappé quelque temps auparavant , et avait pris sa volée, en brisant un carreau. La troupe emplumée, une fois en liberté, s’est élevée à une grande hauteur, en décrivant un grand cercle, et après avoir reconnu la position, par le mer- veilleux et inexplicable instinct qui leur est propre, les trente-neuf oiseaux se sont élancés dans la direction convenable (nord- nord-est). D’après la nouvelle que l’on en a reçue , le premier pigeon est parvenu à son colombier à mid-quinze minutes; trente- cinq autres sont successivement arrivés à quelques minutes de distance ; celui qui s’é- tait évadé n'y a été rendu que dans la soirée. Ces’oïseaux ont donc parcouru en quatre heures quarante-six minutes à cing heures dix minutes, un espace d'environ soixante- quinze lieues en ligne directe, ce qui égale la plus grande vitesse des chemins de fer, en supposant qu'ils puissent parcourir une pareille distance sans s’arrêter. Dès le même jour, trente-deux pigeons de ceux qui ar- rivaient de Versailles étaient déjà en route pour une autre excursion. Si ces faits sont exacts, comme tout porte à le supposer, il en résulterait que les plus longs voyages, exécutés même avec la plus graude célérité, ne sauraient fatiguer les oiseaux. D'un autre côté, ils pourraient faire supposer, avec d'autres faits que nous avons énumérés , que les bandes voyageuses de ces animaux s'égarent beauçoup moins ORDRES. IV. Gallinacés. — 2535 — GENRES ET ESPÈCES. ÉLPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. A ES EE que les individus isolés, et que générale- ment elles trouvent bien mieux leurs routes. Il est en effet, d'observation vulgaire, que c'est uniquement les oiseaux isolés qui s'é- garent, et jamais les bandes auxquelles ils appartenaient, et dont ils faisaient partie. Du reste, si les pigeons ramiers sont sé- dentaires dans certaines contrées, princi- palement dans les pays chauds, ils ne sont pas émigrants pour d’autres régions, qu'ils quittent à des époques déterminées, et où ils reviennent à des époques qui ne sont pas moins fixes que les premières. Quelque merveilleux que soit l'instinct qui porte tant d'oiseaux à se transporter dans des régions différentes, il est possible de le développer encore et de faire retrouver aux habitants des airs leur gîte natal après les avoir complétement dépaysés. C’est ce que font tous les jours plusieurs sociétés de la Belgique et de la Hollande qui élèvent dans ce but un grand nombre de pigeons, et quel- ques autres oiseaux voyageurs. Parmi les exemples de ces faits curieux, il en est un qui vient de se passer sous nos yeux, et dont nous ne pouvons nous empé- cher de rendre compte. La compagnie du Phénix de Liége (Belgi- que) a adressé à M. le maire de Montpellier soixante et onze pigeons portant chacun sous la queue l'empreinte d'un cachet. Cet envoi avait été précédé d’une lettre dans la- quelle la société priait M. le maire, après avoir fait constater l'identité des pigeons, de les faire contre-marquer. On devait leur don- ner le vol à jour et à heure fixes, en trans- mettant à la société la date précise de leur départ simultané. Ces pigeons arrivés à Montpellier le 23 juillet1843, en bonne santé, sous la direction du sieur Constant, ont été lachés de la plate- forme de l'Arc de triomphe ou porte du Pey- rou, le mercredi 26 juillet à cinq heures pré- cises du matin. Pour certitude que les mêmes pigeons retrouveraient leur gîte , ils ont été timbrés du sceau de la mairie. En conséquence, à l'heure fixée, les paniers, où étaient renfer- més les pigeons, ont été ouverts, tous les prisonniers se sont élevés simultanément en décrivant des cercles concentriques; après deux minutes, ils ont pris ensemble la direc- tion du Nord. Quatre d’entre eux ont suivi d’abord une autre route, mais après un quart d'heure, ils sont revenus sur la plate-forme du Peyrou ; ils yont demeuré dix-sept jours, tant qu'ils y ont trouvé à manger. Au bout de ce temps on ne les a plus revus. D serait possible que ceux-ci fissent partie de ceux qui ont été tués à Celle-Neuve, à — 254 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. IV. Gallinacés. Adge et à Rodez, localités plus ou moins éloignées de Montpellier et qui n'étaient pas dans leur vraie direction. Une lettre adressée à M. le maire de Mont- pellier, par la société du Phénix, sous la date du 17 août, lui a annoncé, qu’un des oi- seaux lachés de Montpellier le 26 juillet était arrivé à Liége le 29 juillet à six heures du soir. Dix-sept autres se sont suivis successi- vement de jour en jour, en sorte que le 16 août, dix-huit étaient rendus, un dix-neu- vième avait été pris dans l'intervalle à douze lieues de distance de son colombier succom- bant à la fatigue et probablement à des bles- sures,. Aussi la société du Phénix , sans rien dire de tous ceux qui ont manqué à l'appel, fait observer à M. le maire, que sur deux des pi- geons arrivés à Liége, on remarquait des blessures qui ne pouvaient être que le résul- tat de morsures et de déchirures. Ces plaies avaient dû être faites, d'après elle, à ces vo- latiles, pendant qu'ils étaient renfermés dans des corbeilles, et avoir singulièrement com- promis leur santé, et par suite le succès de leur voyage. J'ai consulté à cet égard les personnes nommées par M. le maire pour prendre soin de ces pigeons pendant leur séjour à Mont- pellier. Elles m'ont affirmé que ces oiseaux étaient arrivés bien sains, et que si on avait remarqué des blessures à leur retour en Bel- gique, elles devaient leur avoir été faites dans leur traversée. Quant à la perte du plus grand nombre de ces volatiles, elle s'explique par les accidents inévitables dans un aussi long voyage. Quoi qu’il en soit, dix-huit de ces pigeons ont retrouvé leurs colombiers éloignés de plus de trois cents lieues de leur point de départ. Ils y sont parvenus sans boussole et sans aucune connaissance de la route qu'ils devaient suivre. Ils avaient été exactement enfermés dans des corbeïlles voilées qui avaient été placées sur l'impériale d'une di- ligence. L'un d'entre eux a fait régulière- ment cent lieues par jour. Admirable instinct supérieur à l'intelligence en prise avec de pareilles et d'aussi grandes difficultés. Quel homme pourrait en effet répondre de re- trouver son chemin au milieu de l’océan aé- rien, où rien ne saurait le guider ? On se demandera peut-être, si ces dix- huit pigeons qui ont retrouvé leurs colom- biers étaient ou non à leurs premiers voya- ges, ou si ce n'étaient pas ceux qui n’ont pas su retrouver le lieu de leur naissance. Voici l'unique renseignement que nous fournit la lettre de la compagnie du Phénix du 17 août. 11 y est dit « que le procès-verbal du direc- ORDRES: IV. Gallinacés. — 255 — UC QT CG TO OCELOOAAMQNAOAA GENRES ET ESPÈCES. Pigeon colom- bin {columba ænas Linn.). Pigeon bisel (co- lumba livia Term.) Pigeon tourte- relle (columba tur- tur Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EE teur de la police de Montpellier mentionnait que deux ou trois pigeons s'étaient élevés en l'air en tournoyant, et qu'ils avaient mis un quart d’heure à s'orienter; ceci nous annonce qu'ils avaient dû être blessés, car les pigeons habitués à faire de longs voyages ne per- dent pas de temps, et sont hors de vue en moins d’une minute. » Ces termes semblent assez clairs pour prou- ver que les oiseaux envoyés de Liége à Mont- pellier n'étaient pas à leur première course lorsqu'ils se sont envolés de cette dernière ville. Ce pigeon habite les bois comme l'espèce précédente, maïs on le rencontre en plus grand nombre dans les contrées méridiona- les que le premier de ces oiseaux. Aussi est- il très-répandu en Afrique; il ne dépasse pas pourtant le tropique. Le colombin est de passage régulier en Allemagne et dans quelques parties de la France, où il arrive par bandes composées de plusieurs centaines d'individus. Leur vol haut est longtemps soutenu. C’est ordinai- rement vers la fin du mois d'octobre ou vers la mi-novembre , à la suite des gros vents du nord, qu'il arrive dans le midi de la France. Cette espèce est donc émigrante, comme la plupart des pigeons. Le biset se trouve rarement à l’état sau- vage en Europe ; c’est uniquement dans le nord de l'Afrique et dans quelques îles de la Méditerranée qu'il se maintient dans une entière indépendance. Il ne pousse pourtant pas ses migrations jusqu’au delà du tropique. Cet oiseau vit, dans les contrées tempérées de l’Europe, dans une sorte de soumission volontaire. Il se plaît à peupler de ses nom- breuses tribus les gîtes qu’on lui offre, et dans lesquels il se multiplie d’une manière prodigieuse. Quelques individus à demi sau- vages fréquentent le midi de la France, où ils nichent entre les fentes des rochers, ou plutôt de quelques vieux édifices. Le bi- set pond seulement deux œufs blancs. La tourterelle habite assez avant dans le Nord, pas cependant vers les régions du cercle arctique. Elle vit néanmoins en plus grand nombre dans les bois et les taillis du Midi. Quoique sédentaire dans quelques pays, elle n’en est pas moins émigrante, ou de passage périodique dans quelques autres. Cet oiseau arrive dansle midi de l'Afrique et dela France, souvent si épuisé de fatigue qu'il se laisse tuer sans songer à prendre la fuite. Ilen reste un assez grand nombre dans cette ORDRES. IV. Gallinacés. V Passereaux, 1° Chélidons. — 256 — GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. contrée, où cette espèce passe la belle sai- son et s’y reproduit. Les tourterelles nous quittent cependant en automne, et vont pas- ser l'hiver dans les contrées plus chaudes de la Chine et de l'Afrique. Elles vivent du reste dans le Midi par paires, réunies par troupes plus on moins nombreuses, et nous donnent |des exemples d’une fidélité touchante. C'est |à cette fidélité, ou à leur constance conju- [gale dont il est en quelque sorte l'emblème, que cet oiseau doit sa célébrité. Engoulevent(ca- L'engoulevent vit au milieu des bois et primulgus Linn.). des forêts rpprpne es ee et ee rairies, et cela dans toute l’Europe, plus ÆEngoulevent or: ane dans le Midi que dans le Nord. dinaire ( capri = |I1 se trouve plus fréquemment en Allemagne mulgus europœus et en France qu’en Hollande. Temm ) Au printemps, vers le mois d'avril, ou au 7” plus tard en mai, il arrive dans le midi de la France ; rarement on en voit plusieurs en- semble. Ces oiseaux volent peu pendant le jour. Ils ne sortent guère que le soir , pour- suivant les insectes en volant, à la manière des hirondelles et des martinets. Les engou- Jevents nichent du reste dans le Midi, se bor-- nant à déposer leurs œufs dans un trou à terre, dans le creux d’un arbre, ou dans une fente de rocher. Engoulevent à| cet engoulevent se trouve dans les parties collier roux (ca— septentrionales de l'Afrique, le midi de l’'Es- : pagne, à Gibraltar et dans le Roussillon, où il primulg Li rufi col- RSA TenT tous les printemps. C’est éga- lis Temm.). lement au mois de mai, qu'ont été pris ceux qui ont été observés jusqu’à présent dans la partie sud du Languedoc. Cet oïseau paraît avoir les mêmes mœurs et les mêmes habitudes que l'espèce précédente, Martinet ( Cy-| Le martinet à ventre blanc, assez répandu pselus Illig.). peut-être à raison de e re de son . 4 - £ se trouve dans toutes les îles de l'Archipel, Martinet à ven- à Malte, en Sardaigne, aux îles d'Ilyères , tre blanc (cypselus | en Tyrol, en Italie et en France. Il est plus alpinus Temm.) . [abondant en automne, et principalement au mois de septembre, que dans aucune autre saison de l'année. Ces oiseaux nichent habi- tuellement dans le midi de la France. Ils ar— rivent du reste plus tôt dans le Midi que le martinet de muraille. C'est le plus souvent au commencement du mois d'avril qu'ils apparaissent parmi nous. Martinet del Cette espèce visite non-seulement toute : l'Europe, mais elle étend encore ses excur- muraille (cypselus sions jusqu'au cap de Bonne-Espérance et murarius Temm.). {sur la côte nord-ouest de l'Amérique. Leur séjour se prolonge pen dans le midi de la GENRES ET ESPÈCES. ORDRES. À "4 Passereaux, 49 Chélidons. Hirondelle (hi- rundo Linn.). Hirondelle de cheminée (hirundo rustica Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, EEE France, comme dans le reste de cette contrée, où ces oiseaux arrivent à la fin d'avril, et en repartent vers la fin de juillet ou dans les premiers jours du mois d'août. D’après toutes ces circonstances, il est facile de sai- sir que les martinets, comme les hirondelles, avec lesquelles ils ont les plus grandes ana- logies, sont des oiseaux essentiellement émi- grants. L'hirondelle de cheminée se trouve dans toutes les contrées de l’Europe où l’homme a fixé son séjour. C’est aussi auprès des habi- tations qu’elle place son nid et dépose l’es- poir de sa race. Elle précède le plus ordi- nairement le retour du printemps dans le midi de la France. Du reste, l’arrivée de ces oiseaux est aussi fixe que régulière. Eu effet, d’après des observations suivies avec constance pendant trenute-quatre an- nées en Angleterre et quatre années sur le continent, l'apparition de ces oiseaux a va- rié du 1er avril au 23 du même mois. Leur venue à lieu par toutes sortes de vents, quelquefois même pendant des vents très- violents, ou même pendant des ouragans. Elle s’est également opérée, quoique la terre fût encore couverte de neige et le temps ex- trêmement froid. Le 14 avril a été dans ce long intervalle de temps le terme moyen de l'apparition des hirondelles ; mais il faut observer que ces oiseaux continuent souvent d'arriver quinze jours après leur première venue. Il en est de même de leur départ : quoique en général ils quittent les régions tempérées vers la mi-septembre, il n’est que trop connu qu'il en est un assez grand nombre qui en partent beaucoup plus tard, ou vers le milieu ou vers la fin d'octobre. Nous ferons encore remarquer que les hi- rondelles ont à peine paru, du moins en France, en 1832, dans les lieux où le choléra exerçait le plus complétement ses ravages. Ces oiseaux paraissent étendre leurs migra- tions au delà du tropique, et les pous- sent , ainsi que l’hirondelle rousseline, jus- qu’au Japon et même dans les diverses par— ties du globe, Comme nous avons décrit avee détail, dans l'explication de notre carte, la route suivie par cette hirondelle dans ses longues excursions , nous y renverrons. Nous ferons seulement observer que ce genre se signale principalement entre tous les oï- seaux par l'étendue et la régularité de ses migrations. Mais parmi les hirondelles, celle de cheminée se distingue surtout par l’u- niversalité de ses voyages. Elle se trouve partout , ainsi que nous l'avons déjà dit. 17 — 258 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, Y. Passereaux. 1° Chélidons. Hirondelle rous- seline ( hirundo rufula Levaillant). Hirondelle de fenêtre (hirundo urbica Temm.). Hirondelle de rivage (hirundo ri- paria Temm.). C’est de cette espèce que l'Ecriture a voulu parler, en décrivant les longs voyages qu’elle entreprend, ainsi que les tourterelles, les mi- lans et la cigogne. Elle nous a dépeint égale- ment la régularité des retours de ces oiseaux au printemps, dès que la saison des frimas est passée. Cette hirondelle habite les contrées mé- ridionales de l'Afrique, particulièrement l'Egypte, d’où elle porteses excursions jusque dans le midi de l’Europe. Elle est de passage accidentel dans le midi de la France, ainsi que dans la Sicile et l'Archipel. Ses excursions ont lieu au moïs de mai; les seuls indivi- dus qui aient été rencontrés jusqu’à pré- sent étaient des mâles, L'hirondellè de fenêtre fréquente toutes les contrées de l'Europe, et ne pousse pas ses migrations au delà du tropique. Elle ar— rive ordinairement dans le midi de la France après l’hirondelle de cheminée, et cepen- dant elle paraît en repartir constamment avant cette espèce. f Cette hirondelle habite le bord des ri- vières de l'Europe et de l'Afrique méridio- nale, et niche ordinairement dans les mêmes contrées. Elle paraît être sédentaire dans l'île de Malte, et ne faire que passer dans le midi de la France, où elle arrive plus tard que l’hirondelle de cheminée. Comme nous avons décrit avec détail la route suivie par cette espèce pendant ses longues excur- sions , daus l'explication que nous avons donnée de notre carte, nous reuverrons à cet égard aux observations que nous ferons plus tard. Ses mœurs diffèrent de celles des espèces précédentes, qui ne nous quit- tent guère que vers l'équinoxe d'automne, pour se rendre dans des climats plus chaude, Du moins ces hirondelles se montrent pour lors au Sénégal, où elles passeraient l'hi- ver et changeraient de plumes. Cependant, d’après d’autres observations, les plus jen— nes de ces oïseaux s'engourdiraient l’hi- ver, et passeraient ainsi la rude saison, à la manière des loirs et des marmottes. Mais cet engourdissement ne les porterait pas, comme on l'avait supposé avant Spallan- zani, à passer l'hiver au fond des lacs ou des étangs. Quoi qu'il en soif, l’hirondelle des rivages niche &Gans le midi de la France. On l’a ob- servée particulièrement dans les environs de Beziers. Elle se cache dans des trous qu’elle creuse sur les Lords de la rivière de l'Ord. En — 259 — à ORDRES: hé Passereaux. 19 Chélidons. GENRES ET ESPÈCES. Hirondelle de rochers ( hirundo rupestris Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, EE EN frappant fortement le sol, on parvient sou- vent à lui faire quitter sa retraite. L'opinion que nous venons de rapporter n'a jamais été appuyée sur des faits assez positifs pour être adoptée. Quelques indi- vidus pourraient bien se mettre l'hiver à l'abri du froid dans quelques trous de ra- chers, sans pour cela y être dans un en- gourdissement complet. Les individus qui se tapiraient ainsi succomberaient bientôt ; aussi n’en a-t-on jamais vu dans un pareil état dans les contrées méridionales pendant l'hiver. Le 10 décembre 1843, passant surles bords du Lez au bord du bassin de la chaussée de Sauret, nous avons aperçu, à notre grand étonnement, quatre hirondelles de rivage (kirundo riparia) qui planaient en se jouant à la surface des eaux. Nous sommes repassé deux jours après, le 12, dans le même lieu, et ces oiseaux y étaient ‘encure. La présence de ces oiseaux dans les envi— rons de Montpellier à une pareille époque tient sans doute à la beauté du mois de âé- eembre de l'année 18#3, et à la température élevée qui l’a particulièrement signalé. Cette hirondelle habite les rochers escar— pés des contrées méridionales de l'Europe. Elle ne parait pas du moins se rencontrer dans le Nord, quoiqu’elle se montre dans la Suisse, la Savoie, le Piémont et les Alpes. On est moins surpr is de la trouver en Espa- gne et dans les Pyrénées-Orientales. La plus printanière, elle arrive dans le midi de la France dès Îe mois de mars, et avant toutes les autres hirondelles. Elle niche dans le midi de la France, et dépose ses œufs entre les fentes des rochers. L'article relatif aux palmipèdes étant im- primé, nous croyons devoir placer i ici une ad- dition d’urr certain intérêt et qui est relative à l’apparition de l’hirondelle arctique (sterna &rclica) sur les côtes de Ja Manche, Cet oiseau n’a de commun avec les hirondelles que son nom vulgaire; il habite principalement 12s xochers qui bordent les mers arctiques. On le voit communément au Groënland, en Is— lande, aux îles Féroé et enfin à l’île Melville. Quoique habitant les pays froids, cet oiseau est arrivé en assez grand nombre aux envi rons de Dieppe le 2 octobre 1843. Il y est venu pour y chercher un abri contre le mau- vais temps ; maïs on ne se rappelait pas dans cette ville dé l'avoir jamais vu en aussi grande quantité que pendant l'automne de l’année 1843. M. Josse Hardi qui habite Dieppe, et s'oc- — 260 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, | V. Passereaux. 20 Alcyons. Martin-pêcheur (alcedo Temm.). Martin-pêcheur alcyon (alcedo his- pida Temm. ). Guêpier (me- rops Linn.). Guêpier vul- gaire (merops a- piaster Temm.). Guêpier de Sa- vigny (merops Sa- vignyi Temm.). 3° Anisodactyles.| Huppe (upupa Linn.). Huppe (upupa epops Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, cupe avec zèle de l'histoire des oiseaux du nord de la France, à recueilli plus d’une trentaine d'individus de cette hirondelle si rare dans cette contrée. Elle l’est bien plus encore dans les départements méridionaux. Le martin - pêcheur vit au bord des eaux dans les différentes parties de l'Europe; il y est généralement plus rare dans le Midi que dans le Nord. Il fait deux passages dans les provinces méridionales dela France, l’un en automne et l’autre en hiver. Plusieurs in- dividus y passent cette dernière saison ; quel- ques autres y nichent assez ordinairement, et restent sédentaires dans nos contrées, où on les trouve constamment daus toutes les saisons. Si donc cet oiseau est sédentaire en partie, il n’en est pas moins émigrant, puis— qu'il exécute des migrations à des époques fixes et régulières, Le guêépier se rencontre principalement daus les parties méridionales de l'Allemagne, de la Snisse et de l'Italie. Il est plus commun en Italie, en Espagne, dans la Sicile, la Tur- quie et tout l’Archipel ; il pousse même ses excursions jusqu’au cap de Bonne-Espé- rance. C’est à l'époque du mois d'avril que ce guépier arrive dans le midi de la France, où il nous vient d'Afrique. Quoique ses passages soient constants et périodiques, ils ne sont pas toujours aussi nombreux qu'ils le fu- rent pendant l’année 1839. Ces oiseaux émi- grants effectuent leurs retours aux mois de septembre et d'octobre; maïs alors ils se montrent en petit nombre et comme isolés. On ne voit jamais cette espèce nicher dans nos localités, Cette espèce, qui habite l'Afrique, prin- cipalement la Nubie, l'Egypte et le Sénégal, étend ses excursions jusque dans le midi de la France. C’est le 11 mai 1832 que cet oi- seau s’est présenté pour la première fois à M. Lebrun, ornithologiste de Montpellier ; d’autres individus ont été rencontrés depuis lors même en assez grand nombre. La huppe se trouve dans toute l'Europe, au printemps et en été, étant partout de passage périodique. Comme elle vient d’A- frique, elle est plus commune dans le Midi que dans le Nord. Elle nous arrive dès les premiers jours du mois de mars, et, lors- qu'elle a pourvu à sa reproduction, elle re- tourne en Afrique aux mois de septembre et d'octobre. “ ORDRES. À Passereaux. 3° Anisodaëtyles. 40 Zigodactyles. — 961 — © ——_—_—_—_—_—_— EE ———_—_—_—_——_—_—_——— a — GENRES ET ESPÈCES. Tichodrome (ti- chodromaTemm.) Tichodrome é- chelette {tichodro- ma phœnicopiera Temm.). Grimpereau (certhia Temm.). Grimpereau fa- milier (certhia fa- miliaris Temm.). Silelle ( sitta Linn.). Sitelle torche— pot (situ europæa Term), Torcol {yunx Linn.). Torcol ordinai- re (yurix lorquilla Temm.). Pic (picus Linn.) ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, IE PE A PM Quant à l’autre espèce de huppe (upupa capensis), elle ne paraît pas quitter l’Afri- que, en sorte que dans le même genre il existe des espèces sédentaires et émigrantes, circonstance que nous voyons se reproduire chez cet oiseau. Le tichoärome habite constamment les con- trées méridionales de l'Europe; il ne pa- rait pas du moins se montrer dans le Nord ; il,est au contraire assez commun en Italie et en Espagne. Cet oiseau se rencontre dans le midi de la France depuis l'automne, épo- que à laquelle il y arrive, jusque vers le mi- lieu du mois de mai, où il nous quitte pour se rendre dans les régions tempérées de l'Europe. Cet oiseau vit solitaire; aussi voyage-t-1l le plus ordinairement seul et si— leucieux. D'après les chasseurs, quelques cou- pies resteraient dans le midi de la France, et nicheraient sur les rochers escarpés des bords de l'Hérault. : Le grimpereau fréquente les bois des dif- férentes parties de l'Europe ; il est cependant de passage dans plusieurs contrées,comme par exemple, pendant l'hiver en Hollande, où il est pour lors extrêmement commun. Il arrive au contraire au printemps dans le midi de la France, et ne l’abandonne que dans le cou- rant des mois de septembre et d'octobre. Il parait pousser ses excursions jusque dans le nord de l'Asie et de l'Amérique. Cet oiseau émigrant paraît nicher dans les trous des arbres des forêts de la Lozère et des monta- gnes environnantes, La sitelle se rencontre fort avant dans le nord et dans le midi de l'Europe, et se mon- tre en grande abondance dans le centre de cette contrée. Les sitelles vivent sédentaires dans tous les climats; aussi les voit-on ni- cher dans les trous des arbres, et cela pres— que partout. Quoique ces oiseaux ne fassent pas leurs nids dans les environs de Montpel- lier, ils les construisent à peu de distance de cette ville, Le torcol se trouve dans le nord, le midi et le centre de l'Europe ; mais il ne s’'avance guère au delà de la Suède. Il ne fait pas de nid ; il se contente de déposer ses œufs dans les trous des arbres. Le torcol fait deux pas- sages dans le midi de la France, l’un au prin- temps, et l’autre aux mois de septembre et d'octobre. Ces oiseaux poussent leurs courses jusqu'au Japon. Ce pic habite le nord de l'Europe jusqu’en — 9262 — EE "© ————————— ORDRES: V Passereaux. 4o Zigodactyles. GENRES ET ESPÈCES. Pic noir (picus martius Temm.). Pic vert (picus {viridis Temm.). Picépeicne (pi- cusmajor Temm.) Pic moyen (picus medius Linn.). Pie épeichette (picus minor Lin.) Coucou (cucu- lus Linn.). Coucou gris (cuculus canorus [Linn.). Coucou geai ou tacheté ( cuculus glandarius Tem.) ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EEE LATE Sibérie. Il est peu commun dans les forêts de l'Allemagne, et se moutre rarement dans le midi de la France. Il fait son nid dans les trous des arbres, maïs il ne paraît pas nicher dans cette dernière contrée, Cette espèce se trouve dans toutes les par- ties de l'Europe, et notamment dans le midi de la France, où elle est sédentaire, et par conséquent où elle niche. L’épeiche fréquente principalement les boïs des pays montagneux de l’Europe. Il se montre aussi pendant l'été dans ceux du midi de Ja France; mais en hiver on le ren- contre assez souvent dans les champs. Ce pic, dont les habitudes sont à peu près les mêmes que celles de l’espèce précédente, semble seulement plus rare dans le midi de la France, où l’on en découvre par inter- valles quelques individus égarés. L'épeichette, peu répandue en France, est plus commune dans le nord que dans le midi de l'Europe; néanmoius elle passe en nombre assez considérable en automne dans le midi de la France, où par cela même elle ne niche jamais. Ce coucou se trouve dans toute l’Europe pendant l'été; mais il émigre l'hiver en Afrique et peut-être en Asie, où on le ren- contre aussi. Ses passages ont lieu dans le midi de la France dès les premiers jours d'avril; ces oiseaux se répandent ensuite partout, et se livrent aux soins de la repro- duction. Dès que la ponte est terminée, les mâles perdent leur voix, c’est-à-dire vers le milieu de juillet, époque à laquelle com- mence la mue. Au mois de septembre, les eoucous émigrent et passent en Afrique, en Asie, poussant leurs courses jusqu’au Japon. Ce coucou habite les côtes de la Barbarie, la Syrie, l’Esypte, le Sénégal, le Levant et l'Espagne. Il est partout ailleurs de passage accidentel, et, par conséquent, au lieu d'être une espèce émigrante comme le coucou gris, il est au contraire erratique. Il se montre done d'une manière fort irrégulière dans le midi de la France, où ses apparitions sont fort rares. Le coucou geai ou tacheté (cuculus glan- darius) a visité le midi de la France en mars et avril 1842. Cet oiseau voyage par couples; l’un de ces couples fut pris à Aigues-Mortes vers la fin d'avril; mais ses excursions sont ORDRES: Y. Passereaux. 4° Zigodactyles. 5° Granivores, — 263 — EEE mens eq GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. LL LEE 2 LEO ER | EAST D EE I IE RE AE EN GES, Gros-bec ({frin- gilla Temm.). Gros-bec char- donneret{fringilla carduelis Temm.). Gros-bec tarin (fringilla spinus Temm.), Gros-bec size— rin (fringilla lina- ria Temm.). si irrégulières, que depuis cinq ou six ans on n'avait pas aperçu cette espèce dans le midi de la France. Des mœurs non moins remarquables ca- ractérisent un oiseau de Madagascar qui ap- partient à la seconde section du grand genre coucou (cuculus Linn.). Cet oiseau, nommé coua ou tamac acora par les Malgaches, c'est-à-dire hache escargot, a des habitudes extrêmement singulières. Il vit dans les bois, sautant de branche en branche, de rocher en rocher pour chercher des agathines, animaux de la grande famille des hélices ou escargots, qui forment sa prin- cipale nourriture. Lorsqu'il en a découvert une, quelle que soit sa grosseur, il l'emporte près d’une grosse pierre sur laquelle il monte tournant toujours, avec le bout de son bec, la coquille par l'extrémité de son ouverture. 11 la frappe alors sur la pierre en levant et tournant la tête tantôt à droite, tantôt à gau- che. Lorsque, par le bruit du choc, il recon- naît que la coquille est cassée, il met une patte dessus, et avec son bec il retire le mol- lusque qu'il avale aussitôt. Si l'ouverture n’est pas assez grande pour en laisser passer le corps, le coua frappe de nouveau jusqu’à ce que la coquille soit suffisamment brisée. Cet oïseau habite depuis le Midi jusqu’en Sibérie ; maïs äl n’est pas sédentaire partout comme dans le midi de la France. En automne, les chardonnerets se réunissent par petites troupes et parcourent ainsi divers cantons. Pendant l'hiver ils s’abritent dans les buis- sons, et font leurs nids sur les branches flexi- bles des arbres. Le tarin, de passage périodique en France, habite le nord de l’Europe, où il paraît ni- cher. Il ne dépasse pourtant pas la Suède. Il passe dans le midi de la France en nombre plus ou moins considérable au mois de no- vembre et même une partie de l'hiver. Quel- quefois ce gros-bec fait un second passage au mois de mars, mais pour lors il ne s'arrête pas dans nos cantons. Cette espèce fréquente les contrées du cer- cle arctique, en Sibérie et au Kamtschatka. Il est également abondant dans l'Amérique mé- ridionale , et de passage accidentel dans le midi de la France. En effet, il ne s’y mon- tre‘guère qu'à des intervalles de trois ou quatre années, et encore avec peu d’abon- dance. Leur apparition a lieu par troupes de six à douze individus dans les mois de novembre et de décembre; mais cet oiseau ORDRES» V. Passereaux. 5° Granivores. — 264 — EEE ———————— GENRES FT ESPÈCES. Gros-bec ventu- ron (fringilla ci- trinella Temm.),. Gros-beclinot- te ( fringilla can- nabina Temm.). Gros-bec nive- rolle ( fringilla ni- valis Temm.). Gros-bec d’Ar- dennes ( fringil- la monti fringilla Linn.). Gros-bec pin— son (fringilla cœ- lebs Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. ne niche jamais dans le midi de la France. Cette espèce est donc erratique dans nos contrées. Le venturon serencontre dansles provin- ces méridionales de l'Europe, de la Grèce, de la Turquie , de l'Italie ; il est assez com- mun en Suisse et dans le Tyrol. Il est de pas- sage accidentel en Allemagne et en France, mais jamais en Hollande. Ses passages ont lieu dans le midi de la France au mois de novembre et par troupes plus ou moins nom- breuses. Ces oiseaux erratiques sont cepen- dant très-rares certaines années; ils prou- vent, ainsi que fant d’autres espèces , que. rien n'est plus irrégulier ni plus incertain que les passages accidentels. Ces oïseaux habitent la plus grande partie de l'Europe; on les voit jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Quoique sédentaires dans le midi de la France, les linottes n’y font pas moins deux passages, l'un en automne, et l’autre au printemps, et cela par bandes sou- vent assez nombreuses. Elles nichent dans nos contrées, et prouvent, comme tant d’au- tres , que la même espèce est à la fois séden- taire et émigrante. Le gros-bee niverolle fréquente les hautes montagnes de l'Europe; aussi ne se montre- t-il dans le midi de la France que très-rare- ment et d'une manière accidentelle pendant l'hiver. Les individus qui nous arrivent ainsi paraissent des oiseaux égarés. Cette espèce habite les régions polaires et les hautes montagnes où elle niche; ce qu'elle ne fait pasen France. Ses passages sont ré— guliers, mais ils ne sont pas toujours nom-— breux en individus. Du moins on en voit peu dans les contrées méridionales, quand le froid n’y est pas rigoureux et que laterre n'est pas couverte de neige. Ces oiseaux volent par troupes, mais ils ne nous arrivent qu’une seule fois, c'est-à-dire en hiver. Néanmoins ils sont sédentaires dans quelques contrées, et de passage régulier dans d'autres, comme par exemple la Hollande. Ils poussent parfois leurs excursions jusqu'au Japon. Le pinson se rencontre dans presque toute l'Europe, où il est à peu près généralement de passage. Ainsi il émigre dans le midi dans les premiers jours du mois d'octobre. Con- trairement aux habitudes des oiseaux, les fe- melles y précèdent les mâles. Mais à l'époque du printemps, ces oiseaux opèrent leur re- tour dans les régions plus froides; néan- ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. SES | SEE SEE > Passereaux. 5° Granivores. Gros - bec cini (fringilla serinus Linn.). Gros — bec fri- quet ( fringilla montana Linn.). Gros-bec cisal- pin (fringilla ci- salpina Temm.). Gros-bec moi- neau ( fringilla do- mestica Linn.). Gros-bec soulcie (fringilla petronia Linu.). Gros-bec ver- ÉPOQUES DES PASSAGES DES CISEAUX, ES moins il en reste un certain nombre qui nichent dans nos contrées méridionales, où ils recherchent les lieux les plus frais et les plus ombragés, Le cini es£ plus rare dans le centre de l’Al- lemagne et de la France que dans le Midi, où il est assez abondant. Quoique sédentaire dans la dernière de ces contrées, il y opère cependant deux passages, l’un au commence- ment de novembre, et l'autre au mois de mars. Ces oiseaux voyagent ordinairemnt par trou- pes nombreuses, et font leurs nids sur les branches des arbres. Cet oïseau se trouve dans le nord et lemidi de l'Europe, depuis le Portugal jusqu’en Si- bérie et en Laponie. Il vole ordinairement en grandes bandes, reste sédentaire dans le midi de la France, où il niche. Il pousse parfois ses excursions jusqu’au Japon. Le gros-bec cisalpin est répandu dans la Dalmatie, le Piémont, l'Italie et l’Archipel, ainsi que sur le mont Cenis. Il arrive dans le midi de la France en septembre et en octo— bre, et se mêle presque toujours avec les troupes du moiïineau ordinaire. Mais il ne ni- che point en deçà des Alpes d'Italie. Le moineau se trouve depuis les provinces méridionales de la France jusque dans les ré- gions du cercle arctique. Cette espèce, rare en Italie, est répandue depuis les Alpes jus- qu'aux Pyrénées, où elle est sédentaire et ni- che constamment. On sait combien les moi- peaux sont des parasites incommodes pour nous ou nos habitations, dont on ne peut guère les expulser. C’est une des espèces les plus complétement sédentaires; aussi les An- glais ont profité de cette circonstance pour détruire cet oiseau dans les îles Britanniques, ce qu'ils n'auraient pas pu faire si le moi- neau avait voyagé. Les soulcies habitent principalement les provinces méridionales de l'Europe ; elles sont sédentaires en Italie et en Grèce. Ces oi- ‘seaux, de passage accidentel dans-le midi de la France, y arrivent ordinairement dans le courant du mois d'octobre. Ils n’y sont, du reste, abondants que lorsque le froid est ri-- goureux, et que les pays d’alentour sont couverts de neige. Aussi ne nichent-ils ja- mais parmi uOus. Le verdier fréquente presque toutes les contrées de l'Europe. Quoique sédentaire dans Passereaux. 5° Granivores, GENRES ET ESPÈCES. dier ( fringilla chloris Temm.). Gros-bec vul- gaire(fringilla coc- cothraustes Tem.) Bouvreuil (pyr- rhula Briss.). Bouyreuil com- mun { pyrrhula vulgaris). Bec-croisé (lo- æia Briss.). Bec-croisé com- mun (loxia curvi- rostra Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. TS | le midi de la France, il en passe néanmoins une grande quantité en automne, qui sem- blent se diriger vers le sud. Ceux qui nous restent l'hiver se réunissent par grandes trou- pes, se mêlent aux pinsons etaux linottes, et vivent ainsi avec eux de communauté jus- qu’à l'approche du printemps. Cette espèce niche dans le midi de la France. Cet oïseau habite presque toute la France, où il niche principalement vers le nord de cette contrée. Aussi, pour satisfaire au besoin de la reproduction, il quitte le midi de la France au printemps. Il n’est, du reste, jamais abondant dans cette contrée que pendant les années où l'hiver est rigoureux. Lorsque le froid est peu intense, on n’en voit presque pas parmi nous. Cet aperçu des mœurs des gros- becs est suffisant pour prouver qu'il existe à la fois dans ce genre des espèces sédentaires, émigrantes et erratiques, ce qui confirme pleinement tout ce que nous avons dit à cet égard. Le bouvreuil, commun dans toute la France, est également assez répandu dans le Nord, même en Sibérie, ainsi que dans tout l'Orient. Il pousse ses excursions jusqu’au Japon. Cet oiseau arrive dans le midi de la France en automne, et reste l'hiver dans les bois de nos montagnes, où il ne niche pour- tant jamais. Quant à l'autre espèce de ce genre, le bouvreuil à longue queue (pyrrhula longi- cauda Temm.), il ne passe jamais parmi nous, n'étendant pas ses excursions au delà de la Sibérie, des provinces méridionales de la Russie et de la Hongrie. Il en est de même des bouvreuils dur-bec de Pallas et cramoisi (pyrrhula enucleator, rosea et erythrina), qui habitent le nord de l’Europe et de l’Amé- rique. Le bec-croisé vit dans le nord de l'Europe, où il semble séjourner pour nicher. Il est moins commun en Pologne, en Allemagne et en France. Il ne passe que très-accidentelle- ment dans le Midi, et à des époques plus ou moins éloignées. Les passages des gros-becs dans nos régions paraissent déterminés par la rigueur des saisons des pays qu'ils habi- tent. Ainsi il y en a eu beaucoup dans le Midi en 1836, 1837, 1838 et 1839, surtout dans les bois de pins, où ces oiseaux se réfugient en troupes nombreuses.On les y rencontre princi- palement en été et en automne, mais non d’une manière constante, ainsi que nous l'avons déjà fait observer. Aussi ne niche-t-il point parmi uous, Il doit être rangé parmi les espèces er- GENRES ET ESPÈCES. ORDRES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, RS - Y. ratiques, ses passages étant aussi irréguliers Passereaux qu’accidentels. . 5° Granivores. Bruant (embe- riza Linn.), Bruant montain ( emberiza calca- rata Linn.). Bruant mitilè- ne (emberiza les- bia Temm.). Bruantrustique (emberira rustica Temm.). Bruant fou ou de pré (emberiza cia Linn.). Bruant zizi (emberiza cirlus Temm.), Quant au bec-croisé des sapins ({oæia py- thiocampus), il n'arrive pas jusque dans le midi de la France. Le bruant montain habite les régions bo- réales, et niche au Groënland, en Sibérie et en Laponie. Il en émigre l'hiver, d'où il se répand jusqu’en Allemagne. Les jeunes éten- dent leurs migrations jusqu’en Suisse, en Angleterre, et plus rarement jusque dans le midi de la France. Mais ces passages ne pa- raissent pas être fixes ni périodiques, ce qui rattache le montain aux oiseaux erratiques. Cette espèce des parties orientales du midi de l’Europe paraît également être commune en Crimée et en Grèce. Elle pousse ses excur- sions jusqu’au Japon, et quelques individus s'égarent dans le midi de la France et en Al- lemagne. Ce bruant, qui habite les parties orientales de l'hémisphère boréal, se trouve en Asie, au Japon, en Daourie, en Crimée, et accidentel- lement dans le nord de l’Europe. C’est aussi très-rarement que cet oïseau erratique se rencontre dans le midi de la France. Le fou se rencontre dans les parties orien- tales de l’Europe. Très-abondant en Italie, en Espagne, et sur les bords de la Méditer- ranée, il est beaucoup plus rare en France. Du moins il ne passe que très-accidentelle- ment dans le midi de la France lorsque le froid est rigoureux. Il est alors assez com- mun pendant l’hiver, et paraît arriver de l'Auvergne, Cet oiseau, qui niche en Allema- gne, étend ses migrations jusqu'en Sibérie et au Japon. Le zizi se trouve principalement dans les contrées méridionales, comme la Suisse et l’I- talie. Il ne paraît pas avoir été rencontré dans le Nord. Il arrive plus ou moins acci- dentellement dans le midi de la France, aux mois d'octobre et de novembre, par petites troupes ‘de six à dix individus. Leur second passage à lieu au mois d'avril; plusieurs res- tent l'été dans les contrées méridionales pour y nicher; ils fréquentent alors les bois des pays montueux avec d’autres oiseaux er- ratiques. Cet oïseau habite la Syrie, l'Egypte, la Nubie, et peut-être la Barbarie, Il se montre accidentellement en Autriche, comme dans le midi de la France. Bruant cendril- lard (emberiza ceæ- sia Temm.). ORDRES, YV. Passereaux. 5° Granivores. GENRES ET ESPÈCES. Bruant ortolan (emberiza hortu- lana Linn.). Bruant des ma- rais (emberizu pa- lustris Temm.). Bruant des ro- seaux (emberiza schæniculusTem.) Bruant proyer (emberiza miliaria Temm.). Bruant jaune (eml'eriza citrinel- la Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, Se Les ortolans sont plus répandus dans Jei midi que dans les provinces du centre del l'Europe. Quelques individus s’avancent ce pendant jusqu’en Hoïlande ét en Suède. Ces oiseaux, fort communs en Italie et e Espagne', paraissent arriver de cette contré en avril par petites troupesde six à vingtin dividus, Ils voyagent le plus ordinairement la nuit, et lorsqu'il fait clair de lune. U grand nombre s'arrête dans le Midi pou nicher soit dans les boïs soit dans les vignes, Les plus jeunes individus de cette espèc préfèrent généralement les lieux ombragés aux champs où végètent les vignes. Cette espèce commence à quitter le midi de la France dans le courant des mois d'août et de septembre, les jeunes avant les vieux. Comme ja plupart des oiseaux qui passent l'été dans nos climats, les ortolans y nichent ainsi que nous l'avons déjà fait observer, et sont des espèces essentiellement émigrantes. Ce bruant fréquente le midi de la France et de l'Italie ; il n’a pas du moins été ren contré ailleurs. Cette espèce niche dans les contrées méridionales au bord des marais, Ses passages ont lieu à la fin d'octobre, ou au commencement de novembre; mais ils sont entièrement terminés en décembre. Cet oiseau habite depuis les provinces mé ridionales de l'Italie jusque dans les régions froides de la Suède et de la Russie. 11 est commun en Hollande et dans le midi de Ja. France, surtout en hiver dans cette dernière contrée. Il diffère essentiellement de l'espèce précédente par ses habitudes qui ne le portent jamais à faire son nid dans les provinces mé- ridionales de la France. Le proyer, répandu dans toute l’Europe, se trouve jusqu'en Morée. Il est également très-commun dans le midi de la France, où il est sédentaire. Aussi au printemps chaque couple cherche un endroit favorable pour nicher. La ponte opérée, ces oiseaux se réu- nissent en familles ; à l'approche de l'hiver, ils forment de petites troupes, et commencent leurs voyages, mais ils n'abandounent jamais les contrées méridionales de la France, en sorte que cet oiseau est tantôt sédentaire et tantôt erratique. Ce bruant Habite les provinces méridionales des contrées orientales de l'Europe. Il est commun en Dalmatie, dans tout le Levant, en Istrie, à Trieste, ainsi que sur les côtes de l'Adriatique. Il visite en hiver le midi de la France, et nous quitte à l'approche du prin- sa Granit GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, temps. On le voit dans nos provinces en grand nombre, lorsque le froid est rigoureux, et que la terre est couverte de neige et de frimas. D'après cette énumération, on voit que, parmi les nombreuses espèces de bruants, trois espèces seulement nichent parmi nous; ce sont le bruant des marais, le proyer et l'ortolan, M: Passereaux. 50 Granivores. Les mésanges remiz habitent la Pologne, l'Autriche, l’Italie, la Silésie, mais jamais le centre et le nord de la France. Elles vivent sédentaires dans le Midi, où elles nichent ha- bituellement, s’occupant environ dix-huit ou vingt jours à la confection de leur nid, un des mieux construits de ceux qu'exécutent les oiseaux. En automne, ces mésanges se ré- pandent ailleurs par petites troupes de six à huit individus, qui ne s'arrêtent guère que dans les endroits humides. Les mâles parais- sent être plus nombreux que les femelles. Du reste, nous ferons remarquer que les pe- tites troupes de ces mésanges semblent com- posées de diverses familles qui ne se séparent qu'aux approches du mois de mars. Mésange ( pa- rus Linn.). Mésange remiz (parus pendulinus Temm.). Cette mésange fréquente le nord de l'Eu- rope, l'Angleterre, la Suède, l'Asie et les bords de la mer Caspienne , se montrant en grande abondance en Hollande. Elle est sé- dentaire dans le midi de la France, etse réu- nit en hiver après les couvées, en troupes assez nombreuses. Cette espèce niche princi- palement dans les lieux marécageux de la France méridionale. Mésange à mous- tache (parus biar- micus Temm.). Mésange à lon- gue queue (parus caudatus Temm.). La mésange à longue queue est commune en hiver dans tous les pays de l'Europe, et surtont en Hollande. Elle vit en été dans l’é- paisseur des bois; mais en automne et en hiver, elle s'approche des habitations. C'est surtout dans cette saison que ces mésanges se montrent dans le midi de la France. Cette espèce, ainsi que la mésange bleue, grande et petite charbonnière, se rencontre jus- qu’en Asie et au Japon. Malgré les habitudes que nous venons d’at- tribuer à cette mésange, elle ne paraît pas nicher dans nos provinces méridionales. Mésange non- netle (parus palu- stris Temm.). La nonnette, très-commune en Hollande, est assez répandue dans toute l'Europe, sur- tout dans le Nord. On ne la voit guère dans le midi de la France qu'en hiver ; encore y est-elle assez rare. Quoique cet oiseau soit peu commun en Hollande, il habite cependant le nord de Mésange hup- _-9700€ ORDRES: V. Ipée (parus crista- Passereaux. tus Femm.). 5° Granivores. Mésange bleue (parus cœæruleus Linn.). Mésange petite charbonnière (pa- rus ater Linn.). Mésange char- bonnière ( parus major Linn.). Alouette (alau- da). Alouette calan- dre (alauda catan- dra Einn.). Alouette calan- drclle (alauda bra- chidactyla Tem.) . GENRES ET ESPÈCES. | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. l'Europe. Il est peu répandu en France, etse montre assez rarement dans le Midi. Il ne s’y trouve que d’une manière tout à fait acci— dentelle, seulement lorsque les hivers sont rigoureux. Cette espèce vit dans toute l'Europe, ainsi que sur la côte d’Afrique et aux Canaries. Elle arrive dans le midi de la France au mois d'octobre, et en général en grandes troupes. Elle y séjourne jusqu’au mois de janvier; après cette époque on la voit plus rarement seule et par paires. Cette espèce ne niche pas non plus dans le midi de la France. Cette mésange habite le nord de l'Eu- rope pendant la belle saïson, et visite les contrées méridionales pendant l'hiver. Elle arrive du Nord dans le midi de la France en automne ; rarement y vient-elle avec une certaine abondance. Cet oïseau se rencontre dans toute l’Eu- rope; il vit sédentaire dans le midi de la France, niche au printemps, et se fait re- marquer par sa fécondité. En automne, les charbonnières sont beaucoup plus abon- dantes dans nos provinces, parce qu'outre celles qui sont provenues des pontes il nous en arrive des pays septentrionaux. Elles font leurs nids dans les trous profonds des arbres, et michent habituellement dans nos contrées. Du reste, quoique les mésangessoient assez généralement des oiseaux sédentaires, il est cependant quelques espèces de ce genre qui, se livrant accidentellement à des passages, doivent être considérées comme erratiques. La calandre habite seulement le sud de l'Europe ; elle est fort commune dans le midi de la France, surtout après la ponte, où les ‘jeunes se réunissent aux vieux et volent de |concert en troupes nombreuses. Cette espèce est donc sédentaire dans les provinces méri- dionales, où elle niche constamment. Onla trouve également dans le nord de l'Afrique, en Turquie, dans les provinces méridionales de l'Asie, en Espagne, en Italie, et, ce qui est plus remarquable, en Allemagne, où cepen- dant elle est fort rare. La calandrelle se trouve dans toutes les | contrées du midi de l'Europe, qui avoisinent la Méditerranée. Elle paraît émigrer en Afri- que; du moins elle commence à arriver dans les contrées méridionales de la France du 6 au 10 avril. Leurs passages durent environ vingt-cinq jours; un assez grand nombre des individus qui en font partie y restent pen- — 971 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. | Y. Passereaux. 5° Granivores. Alouette coche- ris (alauda cri- stata Linn.). lc Alouette Iulu RL ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: dant l’été. Ils nichent chez nous dans un sillon, sous une souche de vigne, ou entre deux mottes de terre. Cet oiseau ne paraît pas se trouver dans le nord de la France, ni en Hollande, Cette espèce vit dans plusieurs contrées du midi de l’Europe, ainsi qu'en Egypte et en Morée. On la trouve néanmoins en Suisse et en Allemagne; elle s’avance parfois plus avant dans le Nord. Elle est sédentaire dans le midi de la France, et vit par familles une fois que les couvées sont opérées : les jeunes suivent le plus constamment les vieux. Cette alouette habite une grande partie de alauda arborea l'Europe jusqu'en Suède et en Russie. Elle Linn.). Alouette Du- pont (alauda Du- ‘pontii Vieillot). vit sédentaire dans le miüi de la France, où elle établit son nid, sous quelques mottes de bruyères, ou auprès d’un buisson. Elle forme souvent de petites troupes de quinze à vingt individus, et souvent d’un plus grand nom-— bre. Quoique sédentaire dans nos provinces méridionales, l’alouette lulu y passe en au- tomne. Plusieurs familles de ces nouveaux venus y séjournent l'hiver ; maïs, à l'approche du printemps, elles partent pour d’autres ré- gions plus froides, à l'exception du petit nombre d'individus qui restent pour nicher. Cette espèce se montre parfois dansle midi de la Franee, paraissant nous arriver d’A- frique; mais généralement elle y est de passage très-accidentel, et s’y montre fort rarement. | Alouette des! L'alouette des champs se rencontre dans champs arvensis Linn.). QE Alouelte à col ( alauda toute l'Europe jusqu’en Sibérie, elle étend même ses courses en Asie et jusque dans toutes les parties septentrionales de l'Afri- que, principalement l'Egypte et la Syrie. Elle est très-répandue dès le mois d'octobre dans les plaines du midi de [a France. Elle y ar- rive par petites bandes; pendant tout le temps que dure leur passage, ces oiseaux se répandent dans les champs, où ils se tiennent constamment à terre. Le nombre de ceux qui restent l'hiver est assez considérable ; mais, à l'approche du printemps, les alouettes s'iso- lent et se dispersent. De communes qu'elles étaient, il n’en reste plus qu’un petit nombre qui nichent dans nos environs. Elles s'établis- sent pour lors dans les marais, ce qui leur a même valu le nom de l’aouzelto de Palus. Elles ne les quittent qu’à l’arrivée des indi- |vidus qui ont été nicher plus au nord. Cette alouette habite le nord de l'Europe, deVAsie et de l'Amérique; elle se montre à — 972 — © © © Ur ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. D ren A me Me: _|l'époque de ses passages en A'lemagne, en re noi terre 5 Hollande et ue en France. Elle est Passereaux. pestris) à très-rare dans le midi de cette contrée, où elle ne niche jamais. On peut faire sur les alouettes les mêmes observations que nous avons faites sur les mésanges, c’est-à-dire que, quoique le plus généralement sédentaires, elles se livrent ce- pendant à des excursions passagères et plus ou moins éloignées. 5° Granivores. GvInsectivores. Pipit (anthus Bechst). Pipit des buis- sons (anthus ar- boreus Bechst). Le pipit des buissons visite toute l’Europe; il est très-abondant dans le midi de la France, à l'époque de son passage en au- tomne. Il reparaît au printemps ; mais alors cet oiseau ne fait que passer rapidement : ce n’est jamais que quelques individus égarés qui y séjournent l'hiver. Cette espèce, ainsi que le pipit spioncelle, pousse ses migrations jusque dans toute l'Asie et même jusqu'au Japon. Ce dernier a même été observé dans l'Amérique septentrionale. Le pipit des buissons a tellement l'amour des voyages, qu'il est le compagnon fidèle des ortolans, lors de leurs passages, abandonnant peu ces oiseaux dans leurs longues traversées. Il est donc émigrant come eux; car ses passages sont également périodiques et régu- liers. Cette espèce, nommée en Provence pivouel- loun, habite toute l'Europe; elle paraît passer l'hiver en Afrique. Elle se montre dans le midi de la France, dans les premiers jours du mois d'octobre et y passe l'hiver. Ce pipit voyage par petites troupes, fréquente nos bois, et va nicher dans les montagnes des Cévennes. Cet oiseau se trouve en Asie et particulièrement au Japon. Pipit farlouse (anthus pratensis). Pipit rousseline| Cette espèce fréquente la plus grande par- (anthus rufescens tie de l'Europe, et principalement le Midi é pendant l'été; elle arrive dans les provinces T emm.) ° méridionales de la France au commencement d'avril. Une assez grande quantité reste pen- dant l'été; aussi cet oiseau niche-t-il parmi nous. Néanmoins nous en avons un second passage dès les premiers jours du mois de septembre; mais bientôt, quoique ce dernier soit fort abondant, il n'en reste plus un seul dans nos contrées. Pipit spioncelle j si mpié vit dans AU AEAUEnE mais ; iculièrement dans le Midi; il se trouve x 5 (anthus aquaticus moins, ainsi que nous l'avons déjà fait obser- Bechst), ver, dans l'Amérique septentrionale et au Ja- pon. Il arrive dans le midi de Ja France, au mois d'octobre, et y reste jusque vers la fin d'avril; mais il ne paraît pas nicher parmi nous dans ce long intervalle. — 275 — GENRES ET ESPÈCES. LE Pipit Richard Passereaux. |(anthus Richardi Vieillot). 60 Insectivores. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. Cet oïseau se rencontre en Allemagne, en Autriche, en France et en Espagne. I] passe dans le midi de la France vers la fin du mois de septembre et en octobre, généralement en petit nombre et isolément. D'après l'exact ubservateur de la Provence, Roux, cet oïseau y ferait un second passage dans le mois d’a- vril; mais il n’y à pas d'exemple qu'il ait niché dans nos environs. Parmi les faits qui démontrent l'influence des saisons sur les migrations, nous en cite— rons un que nous avons eu l'occasion d’ob- server récemment. L'époque des passages du pipi Richard (anthus Richardi) est d'ordinaire, vers Ja fin du mois de septembre et le corumence- ment d'octobre. En 1840, ces oiseaux ne sont arrivés dans les contrées méridionales de la France que vers le commencement du mois de novembre, c’est-à-dire depuis le 7 ou le 8. Dès ce moment, ces oiseaux ont été vus en grand nombre dans le midi; ils y ont paru non avec la livrée du jeune age, mais bien avec celle des adultes. Ce retard a été en rapport avec celui des saisous et des lunes. La lune d'octobre se trouvant, en 1840, au mois de novembre, les orages ordinairement fréquente en août et en septembre, ont eu lieu un mois plus tard, en septembre et en octobre, et dans les premiers jours du mois de novembre. C’est vers la fin d'octobre et le commencement du mois suivant, que les pluies ont fait sortir de leurs lits la Loire, le Rhôue, la Saône et tant d’autres rivières dont les débordements ont occasionné des inondations plus terribles que celles fameuses de J’année 1755. La température a été en harmonie avec ces phénomènes ; du moins elle s'est maintenue pendant tout le mois de novembre à peu près au même cegré qu’elle a le plus ordinaire- ment pendant le mois précédent. Les oiseaux, trompés par ces circonstances, sont arrivés dans les régions méridionales plus tard qu'ils ne le font ordinairement ; ainsi les saisons et leurs variations ne sont pas sans influence sur les migrations et les passages des oiseaux. L'époque de la mue n’aurait donc pas d’ac- tion sensiblesur les voyages de ces animaux, dont on ne peut comprendre les motifs sans étudier une à une les causes qui peuvent les provoquer et en régler le cours. Du reste, les retards que les passages de ces oiseaux ont éprouvés dans le midi de la France en 1840, n’ont rien de commun avec les excursions habituelles auxquelles se Ji- vrent certaines espèces. Telles sont celles des cailles, qui sont arrivées daus les environs de Montpellier vers la mi-novembre, eu deux mois environ après l’époque où elles nous viennent ordinairement. 13 — 914 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. les ont fait refluer vers le département de l'Hérault, où de pareils débordements ne se sont point opérés. Il en a été de même de l'apparition subite des flamants (phenicoplerus antiquorum) ; ces oiseaux sont venus en grand nombre dans le département de l'Hérault à la même époque que les cailles, et par suite de la même cause. Sans doute les flamants sont à peu près sédentaires dans nos cantons , mais on les y a aperçus en plus grande quantité en 1840 , à raison des terribles inondations qui ont eu lieu au mois de novembre. Il serait d’un haut intérêt pour l'étude du phénomène des migrations, que les personnes placées dans des positions exceptionnelles, telles par exemple que les moines du Saint- Bernard, tinssent note des passages des oi— seaux, surtout au renouvellement des sai— sons. Cet objet a déjà attiré l'attention de ces bons moines. En effet, M. Deléglise a donné quelques détails à cet égard dans le cahier de novembre 1843 de la Bibliothèque universelle de Genève, Il rapporte que, le 3 novembre, un passage considérable d'oiseaux avait eu lieu au Saint- Bernard, et qu'il avait duré depuis sept heures du matin jusqu’à deux heures de l'après-midi. On ne put reconnaître parmi ces oiseaux que le bruant, la linotte, le pinson, le chardonne- ret et l'alouettte. Ce passage a continué pen- dant toute la matinée du 4. Cette observation prouve que les espèces différentes voyagent souvent ensemble, quoi- que leurs mœurs et leurs habitudes ne soient pas les mêmes. Enfin M. Deléglise nous apprend encore que le 13 du même mois on a pris auprès de l’hospice un pluvier gris et une bécasse ; mais ce qui est le plusextraordinaire, c’est que l’on y à aperçu également une foulque, quoique cette espèce soit essentiellement aquatique. Du reste tous ces oiseaux, comme il est fa— cile de le présumer, sont très-rares à une hauteur aussi considérable que celle à la- quelle est situé le couvent du Saint-Bernard, Si de pareilles observations se continuaient dans un grand nombre de lieux, et si l'on y tenait une note exacte de l’époque à laquelle s'opèrent les passages des oiseaux, et de leurs espèces, on pourrait de cette manière con trôler tout ce que nous savons sur un phé- nomène dont la régularité n'est pas un des faits les moins curieux. Leur venue extraordinaire 4 tenu aux grandes inondations qui ont eu lieu dans la Ho Camargue et le département du Gard ; elles G°Insectivores. , Pipit à gorg Quant au pipit à gorge rousse (an{hus ru- D 8 |fogularis), ilest de passage très-accidentel — 275 — GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, ORDRES. Y. rousse (anthus ru-|dans le midi de la France, où il arrive de « la Syrie et de l'Egypte. On en a tué quatre Passereaux.. | fogularis). individus à Montpellier, en 1841. Ces oiseaux paraissent tellement voyager par couples que G°Inseclivores. parmi ces quatre individus, les seuls quisaient été aperçus, il y avait deux males et deux fe- melles. La bergeronnette se trouve en Angleterre et dans le midi de la France, où elle arrive au mois de mai, elle se répand pour lors dans les champs, et y niche constamment. Vers la fin du mois d'août, elle repasse de nou- veau, mais elle reste peu dans nos contrées méridionales, où M. Lebrun fils l'a observée le premier. Bergeronnelte (motacilla Linn.). Bergeronnette flavéole (motacilla flaveola Gould). Cette espèce, répandue très-avant dans le nord de l’Europe, se trouve néanmoins com- munément dans le Midi. Elle est très-abon- dante en Hollande et dans le midi de Ja France, où elle arrive par petites troupes au mois d'avril. Cet oiseau est très-commun en été; mais, dès le mois d’août, il abandonne les contrées méridionales et commence ses mi- grations. Il ne les quitte pourtant qu’en par- tie, car on les revoit encore dans nos plaines, jusqu’à la fin de septembre. Cet oiseau niche constamment dans nos contrées. Bergeronnelle printanière (mota- cilla flava Linn.). Quant à la bergeronnette citrine (motacilla citreola Pallas), rare dans le nord de l’Eu- rope, elle n’a jamais été aperçue dans les contrées méridionales de la France. Nous avons aussi accidentellement dans le midi de la France la bergeronnette cutti ca- po-negro (molacilla melano-cephala) de Bo- naparte ; elle y est constamment rare. Bergeronnette citrine (rnotacilla citreola Pallas). Cette bergeronnette habite les diverses con- trées de l'Europe, et s’avance très - avant dans le Nord. Elle arrive dans le midi de la France dans les premiers jours du mois d’octo- bre. Maïs, à l’approche de la belle saison, elle regagne les contrées du Nord; néanmoins quel ques individus restent dans nos environs, où l'on assure qu’elle niche. Bergeronnetle jaune ( motacilla boorula Linn.). On découvre cet oïseau depuis les con- trées les plus méridionales jusqu’en Sibérie et au Kamtschatka. Il arrive dans les con- trées méridionales de la France, pendant l'automne, et cela en petites troupes. Maïsau printemps ces bergeronnettes quittent nos contrées à l'exception d’un petit nombre qui seretirent, pour se reproduire versle bord des eaux courantes, où elles nichent dans les fentes des rochers, dans les prairies ou dans les troncs des arbres, Bergeronnetlte grise ( motacilla alba Linn.). ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. V. Les observatious que nous venons de faire sur les pipits et les bergeronnettes sont sans Passereaux. doute suffisantes pour faire comprendre que les espèces de ces genres sont émigrantes GInsectivores. comme la plupart des oiseaux insectivores. Accenteur (ac- Cette espèce fréquente presque toutes les centor Temm.). contrées tempérées de l'Europe; elle s'avance Accenteur mou très en avant dans le Nord, surtout en été. T[Elle n'est pas rare l'hiver dans le midi de la chet (accentor M0 -|Frauce. En automne elle s'approche des ha- dularis Temim.). bifations, et en hiver elle se retire dans les forêts des pays montagneux. Un petitnombre reste l'été dans le nord des contrées méridio- nales, où cet oiseau niche habituellement. Accenteur des| L'accenteur des Alpes se rencontre dans S les contrées montagneuses de l'Allemagne nes ( RCGARIOT de Ja Suisse et dela France. Il ne paraît ne alpinus Bechsl,. le midi de la France que d’une manière tout à fait accidentelle, lorsque le mauvais temps ou les rigueurs de l'hiver le chassent des montagnes des Pyrénées. Cette espèce, comme l'accenteur calliope, pousse ses ex- cursions jusqu’en Asie et au Japon. Traquet (saxi-| Ce traquet se trouve dans toutes les con- cola Bechst). de FRAREAES de TR et même dans le ex : [nor e la Russie, Il est très-commun au Eraquel tarier printemps et en automne, dans le midi de (saxicola rubetra|la France, où il niche habituellement. Cet Temm.). oiseau émigre en hiver dans des pays plus chauds que les nôtres. Traquet rubi-| Lerubicole se rencontre dans presque toutes cole (saxicola ru-|1es contrées &e l'Europe, préférant les pays : montueux. [l est assez ordinairement le bicola Bechst). compagnon fidèle du bec-fin pitchou (syluiæ provincialis), du moins en hiver. Cet oiseau niche ans les contrées méridiotales de la France. Traquet oreil-| Le traquet oreillard vit dans plusienrs pre- 2e viuces du midi de la France, de l'Espagne et lard (saxicéla AU | ae l'italie. li arrive dans les contrées méridio- rue femm.). nales au commencement d'avril, et les quitte en septembre. I} niche habituellement dans le Midi. Traquet stapa-| Cet oïseau habite les mêmes contrées que zin (saxicola sta- l'espèce précédente. H arrive également à la : p 4 mriême époque et les quitte en même temps Parme Temm.). que le traquet oreillard. Comme ce dernier, il niche dans les parties méridionales de la France. TFraquet mot-| Le motteux se trouve depuis le midi de l'Europe jusqu'au cercle arctique. Il est ce- — 27117 — ————EE qe, ORDRES. Ne Passereaux. 6° Insectivores. CENRES ET FSPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, pendant plus commun dans les parties tem-— pérées de l'Europe que dans le Nord ou le Midi. Il est surtout très-abondant en Hol- lande et même dans le midi de la France, où il se moutre en avril. Il recherche, à cette époque, les endroits arides et montueux, pour s’y reproduire, et niche entre les herbes, les pierres amoncelées, ou les trous des mu-— railles. Au mois d'août, il descend dans les plaines, affectionnant d’une manière toute particulière les terres labourées, où il cher- che sa nourriture. teux fsaxicolz æ- nanthe Temm.). Le traquet rieur se trouve principalement dans les contrées méridionales de l'Europe, comme le midi de l'Espagne et de la France, la Sicile, la Sardaigne, les îles de l’Archipel, et enfin Gibraltar. Il est rare néanmoins aux environs de Nice et de Gênes, et se rencontre très-accidentellement dans les Apennins. Cet oiseau niche habituellement dans le midi de la France; il dépose ses œufs entre les anfrac- tuosités des rochers, les vieilles murailles et les trous des vieux édifices isolés. Si tous les traquets ne sont point des espèces émigran- tes, la plupart se rapportent du moins à des races erratiques. Traquet rieur ‘saxicola cacchin- inans #emm.). Roitelet (regu— | lus). | Roïitelet à triple | bandeau (regulus | igni capillusTem.) Ce roitelet est plus abondant dans le nord de l’Europe que dans le Midi. Il niche ce- pendant dans cette dernière contrée, fré- quentant l'été les montagnes des contrées méridionales de la France, qu’il quitte en automue, pour venir dans les plaines cher- cher sa nourriture jusqu’auprès des habi- tations. Roïtelet ordi- | naire (regulus cri- | Status Temm.). Cet oïseau, le plus petit de ceux qui ha- bitent les régions tempérées, se rencontre dans toute l'Europe jusqu’au cercle arcti- que. Il est très-commun, surtout l'hiver, dans le midi de la France. Dès le mois d’a- vril, il se retire dans les pays situés plus au nord ; mais il en reste néanmoins quelques couples qui nichent dans les montagnes en- virounantes ; de là ces viseaux arrivent dans les plaines, lorsque le mauvais temps com- mence à faire sentir ses rigueurs. Le roitelet est une des espèces les plus utiles pour la destruction des insectes. Ce petit oiseau, loin de craindre la présence de l’homme, recherche au contraire sa s0— ciété , et place le plus souvent son nid au- près des habitations. Dans plusieurs Etats de l'Amérique du Nord, on a si bien remarqué le parti qu’on peut en tirer, qu'on met à leur disposition, près de chaque habitation rurale, une boîte en bois attachée au bout d’une perche, afin qu'ils y établissent leur ménage, ce qui ne — 278 — ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX: CR EEE E AEEEEENT || OST PROPRIETE INSIDE CEE EEE SE V. Passereaux. G°Insectivores: Troglodyte (tro- glodytes Cux.). Troglodyte or- dinaire (troglody- tes vulgaris Tem.) Bec-fin (sylvia Temm.). Bec-fin Natte- rer (sylvia Natte— rerii Temm.). Bec-fin pouillot ( Sylvia trochilus Temm.). Bec - fin véloce (sylvia rufa Tem.) manque jamais. Lorsque les petits sont éclos, les parents recherchent soigneusement les insectes, pour la pâture de leur jeune couvée. Ou a eu la patience de compter le nombre des voyages exécutés par une paire de roi- telets logés dans une de ces boîtes. On a évalué la moyenne de ces voyages à cin- quante par heure. Le minimum a toujours été de quarante, et le maximum de soixante ; une fois seulement, ils avaient fait en une heure soixante et onze tours. Cette chasse dure sans relâche toute la journée : une moyenne de cinquante donne en douze heures six cents chenilles ou au- tres insectes , dont chaque paire de roitelets débarrasse chaque jour les vergers et les po- tagers, tant leurs petits sont avides de ce genre de nourriture. Ce calcul ne suppose qu’un seul insecte enlevé à chaque voyage ; mais en réalité ils en rapportent souvent deux ou trois à la fois, ce qui donne une destruction de douze cents ou de dix-huit cents insectes par jour. Ce troglodyte habite également toute l'Europe, étant seulement plus abondant dans le Midi que dans le Nord. Il niche dans les parties boisées du midi de la France, lieux qu’il fréquente l'été, ne descendant guère que l'automne dans les plaines, où il passe l'hiver. Ce petit oiseau étend néanmoins ses excursions jusqu’en Asie et les pousse jusqu'au Japon. . Ce bec-fin se trouve dans le midi de l'Es- pagne et de la France, où néanmoins il niche dans les montagnes de cette dernière contrée. Le pouillot habite les bois de la Suède, de la Hollande, de l'Allemagne, de l'Angleterre et de la France. Il étend même ses excur- sions jusque daus l'Amérique septentrionale. Cet oiseau niche habituellement dans le midi de la France! il y est très-abondant au printemps; mais il nous quitte en au- tomne pour revenir avec les premiers beaux jours de la belle saison. Cette espèce se trouve dans plusieurs con- trées de l’Europe, et dans la presque tota- lité de la France. Elle est sédentaire, et a l'habitude de s'approcher en automne des habitations. Dès les premiers beaux jours, ce bec-fin se retire dans les bois avec la com- pague qu'il a choisie, et il dépose son nid — 279 — ORDRES: YV. Passereaux. 6° Insectivores, GENRES ET ESPÈCES. Bec — fin sif- fleur ( sylvia sibi- latrix Temm.). Bec-fin de mu— raille (sylvia phœ- nicorus Temm.). Bec-fin rouge queue (sylvia ti- thys Temm.). Bec-fin gerge bleue à miroirs roux {sylvia sue- cica Lath.). Bec-fin gorge bleue (sylvia sue- cica Temm.). Bec-fin rouge- gorge (sylvia ru- becula ‘Temm, 1. Bec-fin passeri- nelle (sylvia pas- serina Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. A PE EEE parmi les feuilles tombées, ou entre les ra- cines qui sortent de terre. Cette espèce est plus répandue dans le centre et le midi de l’Europe que dans le Nord. Elle arrive dans les contrées méridio- nales de la France au printemps, et y de- meure jusqu'au milieu de l'automne. Aussi niche-t-elle habituellement parmi nous. Cette fauvette, qui habite toute l'Europe, ce rencontre également au Sénégal. Elle n’est pas rare dans le midi de la France, à l'époque de ses passages, surtout au prin- temps. Elle niche, comme la précédente, dans cette contrée. Ce bec-fin, peu répandu dans les provinces septentrionales de la France, s’avance très— avant dans le Nord. Il ne se trouve qu'acci- dentellement en Hollande. Cet oiseau arrive dans le midi de la France dès les premiers jours d'automne, et passe souvent l'hiver dans cette contrée. Aussi n’y niche-t-il pas. Cet oïseau niche dans le nord de l’Europe, et ne s’en éloigne que très-accidentellement. Le petit nombre d'individus qui ont été aperçus dans les contrées méridionales ne sont probablement que des oiseaux égarés, comme ceux que l’on rencontre parfois en Allemagne, Ce bec-fin, peut-être différent de l’espèce précédente, est peu connu en France, sur- tout dans le Midi, où cependant il en arrive quelques individus à chaque printemps, du 10 au 15 avril, et d’autres au commencement du mois de septembre. Cet oiseau, ainsi que l’es- pèce précédente, ne fait pour ainsi dire que passer parmi nous. Le rouge-gorge est abondant en Hollande et en France, qu'il ne quitte point pendant l'hiver. Il arrive en grand nombre dans le midi de la France, au commencement du mois d'octobre ; maïs dès le mois de marsil se retire constamment plus au nord. Néan- moins quelques individus nichent à la base des Cévennes, plaçant leurs nids à terre, dans les herbes ou dans la mousse, ou enfin entre les racines des arbres, . Cet oiseau habite principalement les par ties méridionales de l’Europe, le Portugal, l'Espagne, la Sardaigne, l'Italie, la Dalma- te et l'Egypte. Il arrive dans les contrées méridionales vers la fin du mois de mars, — 280 — EE ————————————_—_—_—_—"— —— —— ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. LME | G°Insectivores. Bec-fin pitchou (sylvia provincia- lis Temm.). Bec-fin à lunet- tes (sylvia conspi- cillata Eemm.). Bec-fin babil- lard (sylria cur- rüca Tenim.). Bec-fin griset- te ( sylvia cinerea Temm.). Bec-fin fauvet- te (sylvia norten- sis Bechst). ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, il y fait deux pontes par an. Du reste Ja passerinette ne paraît pas demeurer l'hiver dans le midi de la France. Dans ses migrations, cet oiseau, comme la fauvette des roseaux et le bruant ortolan, arrive à peu près constamment dansle midi de la France quinze jours avant leurs fe- melles. Il en est de même de la fauvette ver- derolle (sylvia paluslris). Le pitchou fréquente particulièrement les contrées méridionales rapprochées de la Mé- diterranée, telles que l'Italie, le midi de Ja France et l'Espagne. Il est au contraire fort rare en Angleterre, dans le centre de la France , et n’a jamais été rencontré en Hol- lande et en Allemagne. Cette espèce est sédentaire dans les mêmes lieux dans toutes les saisons, et par consé- quent elle ne déserte pas le midi de la France pendant l'hiver. Elle niche habituel- lement dans cette contrée, plaçant son nid dans les bruyères et les genêts. Ce bec-fin, observé pour la Première feis en Sardaigne, se montre du 10 au 15 avril dans le midi de la France. Il paraît y nicher aussi bien dans les lieux humides et maré- cageux que dans les terrains secs et arides, cherchant ceux où il a l'espoir de ne pas être dérangé dans la construction de son nid. Le babillard, assez répandu dans les con- trées tempérées{ de l'Europe, ne s’avance pas dans le Nord au delà de la Suède. Il est assez fréquent en Asie. I] arrive dans le midi de la France au milieu du mois d'avril, et il nous abandonne en octobre pour aller passer l'hiver en Afrique et en Asie. Cet oi- seau niche dans les provinces méridionales, où il place}son nid dans les buissons à quel- ques pieds de terre. Cette espèce habite très-avant dans le Nord, et ne se trouve pas moins dans Jes parties les plus chaudes du midi de la France et de la Sardaigne. Elle est également fort abondante en Hollande. Elle arrive dans les contrées méridionales au printemps, et les quitte en septembre. Elle y niche dans les buissons, les taillis ou les, haies. La fauvette, qui vit plus particulièrement dans les contrées méridionales, se trouve néanmoins dans presque tous les pays tem- pérés de l'Europe. Elle arrive dans le midi de la France vers le milieu du mois d'avril, et nous abandonne en octobre, pour aller passer l'hiver en Afrique ou en Asie. Cet oi- — 281 — SE — ——— —————————— ———" —————— 2 GENRFS ET ESPÈCES. ORDRES: SRE RELATED Ne Passercaux. G° Insectivores. Bec - fin mé- lanocépbale (syl- vin melanocepha- {a Lain.). Bec-fin à tête noire (sylvia alri- capilla Temm.). Bec-fn orphée ( Sylvia orphea Temm.). Bec-fin philo- mè'e (sylvia phi- lomela). Bec-fin rossi- gnol (sylvia lusci- nia Temm.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. seau niche habituellement parmi nous, et dépose son nid sur les taillis ou sur les ar- brisseaux. e Ce bec-fin est assez répandu dans les par- ties les pius méridionales de l'Europe, telles que le midi de la France, de l'Espagne, de la Sardaigne, des Etats napolitains et de l'Ita- lie. On l’a rencontré également à Gibraltar, mais on ne l’a point encore aperçu dans le Nord. Il habite également aux îles Canaries, et vit sédentaire dans le midi de la France, où il niche dans les buissons. Cet oiseau se trouve depuis la Laponie jusque dans le midi de la France et le nord de l'Italie. Commun en Allemagne et dans les parties orientales de l'Europe , il est au con- traire très-rare au delà des Apennins et des Pyrénées. Il en est tout le contraire dans le midi de la France, où il a ses doubles pas- sages en automne et au printemps. Il en reste beaucoup dans cette contrée, où cet oiseau niche ordinairement. Cette grande fauvette se trouve dans l'I- talie, le Piémont, l'Espagne, le midi de la France et de la Savoie, Elle se montre acci- dentellement en Suisse, dans les Vosges, les Ardennes, et ne paraît pas se reucontrer dans le Nord. Cet oiseau ne commence à arriver dans le midi de la France que vers les premiers jours du mois d'avril. Il niche dans cette contrée, et place le plus ordinairement son nid entre les branches des oliviers. Le bec-fin philomèle, assez répandu dans le Nord, principalement en Allemagne, est plus rare en France, et ne se trouve jamais en Hollande. Il arrive dans le Midi en même temps que le rossignol, et se cache comme lui dans les buissous les plus épais. Il niche, à ce qu'il paraît, dans les bois et les lieux ombragés et humides. Cette espèce, commune dans presque toutes les contrées de l’Europe, se trouve jus- qu'en Suède. Elle émigre l'hiver en Egypte et en Syrie. Le rossignol arrive dans le midi de la France dès Ja fin de mars; maisil ne commence guère à chanter que du 6 au 20 avril. Au mois de mai, il s'enfonce dans les taillis les plus épais des bois, pour y cons- truire son nid. Alors cet oiseau développe toute la beauté de sa voix : mais vers la fin de juin il la perd à peu près tout à fait. ll ne lui reste plus à cette époque qu’un crirauque et désagréable. Il paraît cependant retrouver ORDRES: Passereaux. 6° Insectivores. — 282 — GENRES ET ESPÈCES. Bec-fin cisticole { sylvia cisticola Temm.). Bec-fin à mous- taches noires (syl- via melanopogon Roux). Bec-fin des saules (sylvia lu- scinoides Roux). Bec-fin cetti (sylvia cetti Mar- mora). Bec-fin verde- rolles (sylvia pa- lustris Temm.). Bec-fin des ro— seaux ou effervat- te (sylvia arundi- nacea Lalh.), ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. RER EP SR SR ensuite sa voix ; car les rossignols en capti- vité chantent tout l'hiver; à la vérité leurs chants ont moins d'éclat qu'aux beaux jours du printemps. Au mois de septembre, ces oï- seaux s’enfuient et vont gagner l'Egypte et la Syrie, où ils passent l'hiver. Cette fauvette est assez répandue dans les contrées méridionales de l’Europe, le Portu- gal, l'Espagne, l'Italie etle midi dela France. C'est vers le milieu d’avril ou au commence- ment de mai qu'elle arrive dans le midi de la France. Elle se répand d'abord dans les plai- nes, qu’elle quitte bientôt pour gagner les bords de la mer et des étangs. Cette fauvette niche dans les régions méridionales ; elle y fait même jusqu’à trois pontes. Le bec-fin à moustaches noires paraît propre aux contrées méridionales ; aussi est-il séden- taire dans le midi de la France, où il niche au milieu des roseaux dansles terrains à de- mi inondés. Ce qu'il y a de certain, c'est que cet oiseau se rencontre dans les régions mé- ridionales, presque pendant toute l’année. La fauvette des saules, qui fréquente les marais de la Toscane, arrive au printemps dans le midi de la France, maïs accidentelle- ment et toujours en fort petit nombre. On pourrait considérer ces individus comme des oiseaux égarés, si de pareilles habitudes de venir passer l'été dans des régions méri- dionales n’étaient assez communes aux becs- fins. Cet oïseau, qui habite la Sardaigne et l'I- talie, se trouve néanmoins en Angleterre et dans le midi de la France, où même il niche. En effet il est sédentaire dans les provinces méridiopales, et par cela mêmetrès-répandu dans un grand nombre de localités de ces provinces. Quoique cet oïseau se rencontre principa- lement dans les contrées méridionales soit de la France, soit de l'Italie, on l’observe néanmoins dans les contrées occidentales, le long du Danube, en Allemagne et en Suisse. Il nous arrive au‘printemps, et nous quitte en octobre ou en automne. Aussi, d'après ce long séjour dans les contrées méridionales, il y niche habituellement. Le bec-fin des roseaux habite les diverses contrées de l'Europe, où il est fort commun. I arrive dans le midi de la France au prin- temps, et nous quitte comme l’espèce précé- dente dans le courant du mois d'octobre. Cet Passereaux, 6° Insectivores. Bec-fin phrag- mite (sylvia phra- gmütii Bechst). Bec-fin aquati- que (sylvia aqua- tica Lath.). Bec-fin locus- telle (sylvia locu- stella Lath.). Bec-fin rousse- rolle (sylvia tur- doides Meyer). Cincle (cinclus Temm.). Cincle plongeur (cinclus aquaticus Temm.). Merle{turdusLin.) ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EEE EEE oiseau niche dans les contrées méridionales, et construit son nid en forme de panier al- longé, qu’il entrelace à trois ou quatre tiges de roseaux. C’est à cette circonstance qu’il doit le nom qu'il porte. Ce bec-fin, assez répandu en Europe, se trouve en Allemagne, en Hollande, en An- gleterre , en France et en Italie. Il ne se rencontre cependant qu’accidentellement dans le midi de la France, où il est ordinai— rement confondu dans les passages des autres petits oiseaux, principalement avec ceux du même genre. Il setient le plus ordinairement dans les lieux marécageux, et ne niche ja- mais parmi nous. Cette espèce habite également le bord des fleuves des contrées tempérées de l'Europe, le Piémont, l'Italie et le midi dela France. Il est seulement moins abondant en Allemagne, et ne se trouve que très-accidentellement en Hollande. Il paraît sédentaire dans les pro vinces méridionales de la France, où il niche habituellement, construisant son nid à peu près de la même manière que l'espèce précé- dente. Cette espèce ne les quitte donc point aux approches de l’hiver. Comme l'espèce précédente, cet oïseau se tient sur le bord des fleuves de l'Autriche, de la' Hongrie, {de l'Italie et du midi de la France; il est plus rare en Hollande et en Angleterre. Il est peu abondant dans les pro- vinces méridionales de la France, où il arrive dans les premiers jours d'avril, et niche au milieu des roseaux. Ce bec-fin, commun en Hollande, en Pié— mont et en France, se montre assez rare- ment en Allemagne. Il arrive dans le midi de la France, dans les premiers jours du prin- temps, et fréquente les marais, les bords des étangs où il place son nid entre les joncs. IL nous quitte en automne.; On a pu compren- dre, d’après les observations précédentes, que les becs-fins sont des espèces émigrantes. Le cincle habite la plupart des contrées de l'Europe, la Suède, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, la France et l'Angleterre. Il est assez commun dans le Midi, où il vit presque seul. Il y passe même quelquefois l'hiver, et cache son nid dans les environs des eaux, où il se tient le plus ordinairement. On ne le voit guère en société qu’au temps des amours. Le merle bleu est assez abondant dans les contrées méridionales de l'Europe, le Levant, — 9284 — © 2 ——— ——— ——————— ————_—_—_—_—_—_—_———— ——_—_—_——_—_—— "ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DFS GISEAUX, ER SP PE ES ES \æ Merle bleu ur: Prec la Sardaigne, l’Italie et le midi de : * _ la France. Il est peu commun dans le Tyrol, Passereaux. dus Aus (ame rare en Suisse, plus rare encore dans les lin). Vosges. Il en est tout le contraire au delà des G° Insectivores. Apennins, où il est assez fréquent. Il vit sé- dentaire dans le midi de la France, où il fait son nid dars Jes rochers et dans les fentes |des vieux batiments isolés. Néanmoïns nous en avons communément un passage en au- tomne et au printemps. Ces passages pro- viennent d’une part des inGividus qui ont niché dans les pays montagneux âu Midi, et de l’autre de ceux qui veulent s'établir parmi nous : ainsi cette espèce est à la fois séden- (taire et erratique. Merle de roche] Cette espèce habite les hautes montagnes (tardus saxatilis de l’Archipel, de la Turquie, de la Hongrie, Lath.) au Tyrol, de la Suisse, des Apennins, des de Alpes et des Pyrénées. Il est plus rare sur les bords de la Méditerranée, et se trouve isolément sur les Vosges et les montagnes de la France. Il se montre peu en Allemagne, tandis qu'il est fort commun das le nord de lItalie. Cet oiseau arrive constamment dans le midi de la France au printemps, et part en automue.De pareilles habitudes annoncent assez qu'il niche parmi nous, et appartient aux oiseaux émigrants. Ordinairement il place son nid sur de vieux bâtiments isolés, et souvent sur ceux quifont partie des villes les plus peuplées. Merle noir ou! Le merle noir, assez répandu en Europe, est A de passage périodique dans telle contrée et commun ù ( turdus tite Gène telle autre. Commun en au- merula Linn.). tomne en Hollande, il y est beaucoup plus rare en hiver. Ilen est tout le contraire dans le midi de la France, où ce merle est séden- taire; néanmoins ils y montre en plus grande abondance en automne et en hiver qu'en été. Il place son nid dans les bois et Jes buissons fourrés. Le merle commun voyage solitairement dans plusieurs contrées de l’Europe qu'il vi- site l'hiver; c'est ainsi qu'il arrive jusqu'en Morée, etdansle midi de la France vers lafin du mois de septembre. Cette espèce est donc alternativemeut émigrante, sédentaire et er- ratique. Merle à gorge] Quant au merle à gorge noire (turdus ire (td 0e alrogularis Temm.), assez commun en Russie, poire ({urdus alT0-\ en Hongrie, et rare en Autriche et en Silésie, gularis Temimn.). il arrive parfois et d'une manière très-acci- dentelle dans le midi de la France. Il est donc pour nous tout à fait erratique. — 265 — OO RQ ORDRES. GENKES ET ESPÈCES. W: Merle à plastron Passereaux, |(turdus torquatus Linn.). 6° Insectivores. Merle mauvis(tur- dus iliacus Linn.). Merle grive (tur- dus musicus Lin... Merle litoroe (turdus Einn.). Ajerle draine pilaris| ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX + DR RP TES Cette espèce se trouve dans presque toutes les contrées boisées et montagneuses de l’Eu- rope, tellesque ia’ Suède, l'Ecosse, l'Allemagne et la France. Elle est beaucoup plus rare en Hollande. Ce merle est au contraire assez commun dans le midi de la France, en au- tomne ou en hiver, surtout lorsque le froid est rigoureux. Il descend alors en grand nombre des montagnes environnantes. Mais, lorsque le moiïs de mars arrive, il nous quitte, et ne reparaît plus pendant l'été. Aussi niche-t-il rarement dans les plaines du Midi, tandis que dans les montagnes des Cévennes, de la Lozère, de l'Auvergne et des Vosges, cet oïseau y fait son nid plus habituellement. Le mauvis habite très-avant dans le Nord pendant l'été. Il passe à deux reprises diffé rentes et d’une manière régulière dans le midi de la France, au printemps et en au— tomne. Quelques individus y restent l'hiver, et se réunissent dans les champs couverts d’oliviers et dans les boïs, dès que le froid est rigoureux. Néanmoins cet oiseau émi- grant ne paraît pas nicher dans les contrées méridionales, ce que font au contraire les espèces qui y sont sédentaires. Cette espèce, que l’on rencontre dans tout le nord de l’Europe, émigre régulièrement, en septembre, vers le Midi. C'est à peu près à cette époque, c’est-à-dire en octobre et en novembre, qu'il arrive dans le midi de la France, où il fait un second passare au mois de mars. Celui-ci est généralement fort uom- breux; cetoiseau voyage pour lors en grandes troupes. Quoique généralement les grives nous quittent en mai, quelques individus restent dans nos contrées, et y nichent assez babituellement , bien qu’elles soient émi- grantes. Ce merle, fort répandu dans les forêts du zord de l'Europe, les quitte en automne, ct se disperse par troupes nombreuses dans les autres contrées, pour regagner de nouveau le Nord en mars et en avril. La litorne exé- cute également dans les contrées méridio- uales ses migrations périodiques; elle ar- rive en automne, y passe l'hiver, et s'en retourne, dès que les beaux jours sont reve— nus, pour aller nichér dans le Nord, la véri- table patrie de cet oiseau. Le draïne, qui est sédentaire en Allema- ‘turdus muscicorus! ce et de passage accidentel en Hollande, est Linn.) au contraire de passage périodique dens quelques autres.Cet oiseau est même quelque- fois sédentaire et émigrant dans le même ORDRES» Vi .Passereaux. 6° Insectivores. . ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, pays, ce qui a lieu pour le midi de la France. Eu effet, quoiqu'il niche dans ces contrées, il y fait néanmoins deux passages cons- tants, l’un en automne et l’autre au prin- temps, et cela par suite des circonstances que nous avons énumérées. Le draine voyage du reste solitairement, tout au plus par pe- tites familles, mais jamais en bandes consi- dérables, comme la plupart des oiseaux voya- geurs. Cette espèce, assez commune dans les pro- viuces méridionales de l’Europe, situées aux bords de la Méditerranée , se rencontre éga- lement dans le centre de la France et de l'Allemagne. Cependant elle est fort rare en Angleterre, et n’a pas encore été obser- vée en Hollande. Gobe-mouches (muscicapaLinn.). Le bec-figue , très-commun dans le midi de la France à l'époque de son arrivée, c'est-à-dire au mois d'avril, en repart dans les premiers jours du mois de septembre, après avoir niché. Gobe-mouches bec-figue (musci- capa luctuosa Temm.). Le gobe-mouches à collier, assez répandu dans le centre de l’Europe, est peu abon- dant en Allemagne et dans le nord de la France, mais il n'arrive pas jusqu'en Hol- lande. Cet oiseau, triste et solitaire, visite peu les contrées méridionales de la France, où il ne niche pas. Gobe-mouches à collier ( mus- cicapa -albicollis Temm.). Cet oiseau habite la Suède et les provin- ces tempérées de la Russie. Il est rare en Hollande , et arrive dans le midi de la France vers le milieu d’avril, pour en re- partir au mois d’août, mais après avoir niché. Gobe-mouches gris ( muscicapa grisola (Temm.). Cette espèce, que l’on trouve communé- ment dans toute l’Europe , jusqu’en Suède et en Russie, se rencontre également dans l'Amérique méridionale. Elle arrive dans le midi de la France, en troupes nombreuses, du 15 au 20 avril, et y demeure jusqu’à la fin de septembre. Elle niche aussi dans les contrées méridionales, et place son nid daus les haïes ou dans les buissons, plus ou moins au-dessus du sol. Pie-grièche (La- nius). Pie-grièche é- corcheur (lanius collurio Brisson). La pie-grièche rousse vit dans les princi- pales contrées de l'Europe, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, la France et jusque dans le Nord. Elle est fort rare en Hollande ; cepen-— dant elle pousse ses excursions jusqu’en Egypte, au cap de Bonne-Espérance, et en-— fin dans presque toute l'Afrique. Mais, comme ses excursions ne paraissent pas avoir rien Pie - grièche rousse (lanius ru- Jus Brisson). ORDRES» Passereaux. 6° Insectivores. 70 Omnivores. — 2817 — oo GENRES ET ESPÈCES. Pie- grièche à poitrine rose ( la- nius minor Linn.). Pie-grièche gri- se (lanius excubi- tor Linn.). Pie - grièche méridionale (la— nius meridionalis Temm.). Martin (pustor Temm.). Martin rosse— lin (pastor roseus Temm.). Efourneau (stur- nus Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. de régulier , elle appartient aux espèces er- ratiques. Elle arrive dans le midi de Ia France, au mois d'avril, et se répand dans les bois et les champs d’oliviers, où elle niche et dépose son nid. Cet oïseau habite l’Archipel, la Turquie, l'Italie, l'Espagne, et visite quelquefois le nord de l’Europe jusqu’en Russie. IL étend également ses ‘excursions dans le midi de la France, où il arrive au milieu du mois d’a- vril, et en repart dans les premiers jours de septembre, après avoir niché dans les con- trées méridionales. La pie-grièche grise, sédentaire dans cer- taines contrées, est de passage dans d’autres. C'est ainsi qu'elle se présente au printemps et en automne dans les provinces méridio— nales de la France. Elle paraît y nicher, quoiqu'’elle n’y passe pas l'hiver. On en ren- contre cependant parfois quelques individus isolés jusqu’à la fin de novembre. Cette espèce, qui fréquente la Dalmatie, l'Italie, l'Espagne, l'Egypte et toutes les contrées situées sur les bords de la Méditer- ranée, est également de passage accidentel dans le midi de la France, où elle niche ha- bituellement. Le merle rose habite les parties chaudes de l'Asie, de l'Afrique, et parcourt différen- tes contrées de l’Europe à l’époque de ses passages. Il ne paraît guère dans le midi de la France qu'après les orages-qui ont lieu vers le mois de juin. Cependant en 1837 et en 1838, il y en eut beaucoup à l’époque du printemps. Cet oïseau , dont les passages sont fort ir- réguliers , arrive en troupes assez nombreu- ses , volant très-bas et en silence. Il se di- rige bientôt vers les pays chauds, restant peu parmi nous, quoique souvent les femel- les aient leurs oviductes remplies d'œufs. Les jeunes arrivent vers la fin d'octobre, ou au commencement de novembre, avec les étour- neaux, qui ont le même genre de nourriture. Maïs, lorsque ces derniers nous viennent au printemps, ils visitent seuls nos champs; les merles roses ne les accompagnent pas pour lors, ne pouvant pas se livrer à d'aussi lon- gues excursions, la mue de ces oiseaux n'é- tant pas terminée, comme elle l’est à l'épo- que du mois de juin. Cet oïseau, fameux par ses migrations, se trouve dans la plus grande partie de l'En- rope , le nord de l'Asie et l'Afrique. Ses mi- — 288 — 2 ——_—_——————_—_—_—_————————— a ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. EE D à RC Ve Etourneau vul]- Passereaux. |gaire (sturnus vul- garis Linn.). 7° Omnivores. Loriot oriolus Linn.). Loriot (oriolus galbula Linn.). ane torlereree rer Rollier ( cora- cias Linr.). Rollier vulgaire {(coracias garruia ‘Eermm.). Jasceur (bomby- civora ‘Æermm.) Jaseur de Boné- me (Lombycitora garrula). Pyrrhocorax(pyr- rlhocorax Cuv.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. ES grations ont lieu d’une manière régulière dans le midi de la France; l’une dans Îles premiers jours d'octobre, et l’autre au mois de mars. À l'époque de ces deux passage, les étourueaux sontextrêémement némbreux dans nos contrées, où l’on en fait une chasse fort abondante. Ces oiseaux ne nichent ja- mais dans les provinces méridionales de la France. Contrairement aux merles roses, ils sout donc essentiellement émigrants. Le loriot est assez abondant dans les dif- férentes parties de l'Europe, à l’époque de ses passages. Quoique commur en Hollande, il l'est encore plus en France et en Italie. Il arrive d'Afrique au mois d'avril, et se répand dans nos boïs pour y nicher. Mais au mois d'août, ou au plus tard en septembre, cet oi- seau nous quitte pour se rendre dans des contrées plus chaudes. La régularité des pas- sages de cette.espèce doit la faire ranger par- mi les races émigrautes. Nous n’en dirons pas davantage au sujet de ses migrations, devant les décrire plus tard, ainsi que celles de l'étourueau, lors de l'explication de la carte où nous avons tracé la route qu'elle suit dans ses voyages. Le rollier habite l'été lesrégions du cercle arctique ; il passe régulièrement duns les contrées orientales et accidentellement ans les pays tempérés de l'Europe. [l arrive dans le midi @e la France au printemps, et fait un second passage au mois d'octobre; mais il s'en retourne bientôt, pour aller passer l'hiver en Afrique, où il uiche habituelle- meut. On cite un exemple d'un rollier qui a niché dans les environs &e Nîmes. D'après ses habitudes diverses, le rollier est tantôt émigrant et tantêt erratique, Le grand jaseur, qui habite l'été dans los régions du cercle arctique, pousse ses excur- sions dans les contrées orientales et jus- qu’au nord de l'Asie et au Japon, et se mon- tre rarement dans le midi de ja France. Il est extréme:rent probable que ce sont des indi- vidus égarés. Cet oïseau vit dans les hautes montagnes de la Suisse, du Tyrol, de l'Italie, de la Bavière et &e la Carinthie. Les hivers ri- goureux, il descend dans les moptagnes moins élevées du Jura et des Vosges, parvient même dans les Pyrénées et les Cévennes. Il est assez abondant dans les hivers rigon- reux, où on le voit descendre dans les plai- nes du midi de Ja France, 2 ORDRES. GENRES ET ESPÈCFS.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, V. Pyrrhocorax Le phocqnart He rm dans = hautes Ë montagnes de l’Europe; il est sédentaire Passcreaux. chocquart ( PYT— |äans les Cévennes , qu'il ne quitte que très- rhoCOrax pyrrho-|rarement dans les hivers rigoureux. Il des- 7° Omnivores. |corax Cuv.). cend pour lors soit de ces montagnes, soit des Alpes, en grandes bandes rangées en ligne, et parvient quelquefois ainsi jus- que dans le midi de la France. On assure également que le chocquart des Aipes pousse ses excursions dans l'Inde et les étend jus- que sur les monts Himalaya. Casse-noïix (nu-| Le casse-noix se trouve dans les bois d’une cifraga Brisson).|grande partie de l'Europe. Il est régulière- Le casse - noix! ment de passage dans quelques contrées, tan- £ 3 dis qu’il voyage accidentellement, et à l’in- (nucifraga caryo-|tervalle de quelques années, dans d’autres. calactes Brisson). C'est ainsi qu’il se montre rarement dans les provinces méridionales de la France, où l’on n'en voit jamais que des individus égarés. Geai (garrulus| Le geai , répandu dans toute l'Europe, Vieillot). porte ses FLY up en ue RER VAfri- : : ique. Il descend au mois d'octobre des mon- Geai glandivore ones, pour se disperser dans les plaines du (garrulus glanda-|midi de la France. Quelques individus y rius Vieillo!). restent pendant la mauvaise saison; mais au mois de mars ils abandonnent entiere- ment les plaines. Aussi nichent-ils dans les montagnes des Cévennes, de l'Aveyron et de la Lozère, mais non pas dans les plaines du Midi, qui sont pour lors échauflées par les rayons du soleil. Pie (pica Roux) La pie, commune dans toute l'Europe, { pica albiventris pousse ses excursions jusqu'en Chine, au Roux) |Japon et dans toute l'Amérique. Néanmoins = |cet oiseau est peu voyageur; il passe sa vie entièrement dans le même canton, où il uiche entre l’'embranchement des arbres très-élevés ou dans quelques buissons épais. Ainsi la pie est souvent sédentaire, et par- ticulièrement dans le Midi ; mais comme elle se livre parfois, ainsi que les espèces précé- |dentes, à des passages accidentels, elle est |aussi erratique. Corbeau {corvus| Le choucas se rencontre dans toute l'Eu- Linn ) |rope ainsi qu’en Morée. Il arrive seulement es pendant la mauvaise saison dans le midi de Corbeau chou-! la France , où il s'établit volontiers dans les cas {corvus mohe- vieilles tours ruinées. dula Temm.). Corbeau freux! Cette espèce habite également toute l'Eu- |rope; elle est plus abondante dans le Nord que 19 ORDRES, V. Passereaux, 7° Omnivores. — 290 — ET OT À GENRES ET ESPÈCES. (corvus frugilegus Temm.). Corneille man- telée (corvus cor- _ {nix Linn.). Corneille noire ( corvus Linn.). corone Corbeau noir ( corvus Linn.). corax ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. ESA dans:le Midi. Elle pousse ses excursions jus- qu’an Japon. On la voit seulement l'hiver dans le midi de la France; elle y est souvent fort commune, et se mêle aux troupes des corneilles noires qui fréquentent.les plaines. La corneille mantelée vit, comme les es- pèces précédentes, dans presque toute l’Eu- rope ; elle se montre toute l’année dans les pays montueux des contrées orientales, ain- si que dans les Alpes, où elle niche habi- tuellement. On ne la rencontre qu’en sep- tembre et en octobre dans les contrées occidentales. Ses passages sont loin d’être réguliers dans le midi de la France, où elle ne paraît que par intervalles et en automne. Cette espèce nous quitte de bonne heure, pour retourner dans le nord de l’Europe. Elle pousse avec la corneille noire ses ex- cursions jusqu’au Japon. Mais elle exécute toutes ses courses sans aucune espèce de ré gularité, et rentre par conséquent dans les races erratiques, Cette corneiïlle, répandue dans toute l'é- tendue de l’Europe occidentale, l'est beau- coup moins dans les contrées orientales. Elle arrive dans le midi de la France, par troupes nombreuses, vers la fin du mois d'octobre. Elle paraît suivre la direction des côtes de Barbarie, ou du midi de l'Espagne. Quelques bandes de cet oiseau rôdent pendant l'hiver dans les contrées méridionales, où elle ne niche jamais. Le corbeau commun habite la plus grande partie des lieux montagneux de l'Europe, plutôt que les plaines. On le trouve aussi en Afrique, en Islande, au Japon et dans l’A- mérique méridionale. Il est sédentaire dans le midi de la France, et s'approche assez des habitations. Cet oiseau vit ordinairement par paires isolées, et place son nid dans les crevasses des rochers ou sur de grands arbres isolés. Parmi les oïseaux terrestres qui parcou- rent les espaces les plus étendus, et qui se trouvent dans les régions les plus différentes du globe, on peut citer au premier rang la corneille et le corbeau. Ils appartiennent au même genre de l’ordre des passereaux ; cette tribu est celle où l’on découvre les espèces qui étendent le plus au loin leurs migrations, etle plus d'oiseaux émigrants. Aussi est-ce parmi elle que nous avons choisi les exem— ples d'oiseaux essentiellement voyageurs. Il suffit de jeter les yeux sur notre carte, pour saisir que sur les neufoiseaux dont nousavons indiqué les voyages, sept appartiennent aux passereaux , et deux seuls à d'autres ordres. s ‘#4 Passereaux. 70 Omnivores. En effet , le corbeau (corvus corax Linné) se trouve depuis le cercle polaire jusqu’au cap de Bonne-Espérance, et même à ce qu’il paraît, d’après des observations récentes, jusqu’en Amérique. On le rencontre égale- ment à Madagascar, île qu’on serait fondé de considérer comme un débris de quelque continent ancien, ou une dépendance de quelque centre de création particulière, bien distincte de celles qui ont peuplé les régions voisines, tant sa faune a un Carac- tère particulier et remarquable. Aussi n'est- ce probablement que d’une manière transi- toire que le corbeau commun a été aperçu à Madagascar, dont les animaux sont si dif- férents de ceux des autres contrées. De pareilles habitudes lui sont également communes avec la corneille, qui voyage peut-être plus que le corbeau; nous igno- rons cependant si cette espèce a été observée en Amérique, comme le corbeau commun. A raison de cette ignorance nous n’avons pas indiqué sur la carte le trajet que ces oi- seaux parcourraient dans le nouveau monde. Comme nous les avons réunis dans le tracé du chemin qu'ils suivent, nous n'avons pas osé indiquer la route tenue à cet égard par ces deux espèces. Afin d'éviter des redites, nous n’indiquons pas ici le chemin tenu par la corneille et le corbeau dans leurs longs et grands voyages, devant le faire plus tard. Des habitudes non moins particulières si gnalent également d’autres espèces de passe- reaux. On peut surtout citer le coucou (cu- culus canorus), fameux par la singulière ha- bitude qu’il a de pondre ses œufs dans les nids d’autres espèces insectivores (1). Les oi- seaux étrangers, souvent d’une plus petite taille, prennent soin des jeunes coucous comme de leur progéniture, même lorsque leurs œufs ont été détruits par ces hôtes dan- gereux. La cause de ce phénomène, à peu prés unique chez cette classe, est inconnue; il nous paraît du moins difficile d’en trouver l'explication avec Hérissant dans la position du gésier. Sans donte, cet organe placé plus en arrière dans l'abdomen est moins garanti par le sternum que dans les autres oiseaux. Le gésier éprouve, par suite de cette disposi- tion, une gêne très-grande dans les contrac- tions continuelles qu’il exerce sur les aliments (x) Le hibon moyen duc, ainsi que nous le ferons observer plus tard, parait avoir de pareilles habi- tudes. Du moins, ne construisant pas de nid, il est forcé de pondre ses œufs dans ceux abandonnés par d’autres oiseaux. Il parait pourtant qu’il ne les Jivre pas au hasard, qu'il en prend suie et qu’il les couve. — 292 — a | ORDRES: GENRES ET ESPÉCES. | ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. LEE mm nl \ 28 Passereaux. 7° Omnivores. pour les réduire en chyme. La compression trop forte des paroïs abdominales qui se trou- vent superposées aux œufs, compression augmentée par le poids du corps, s’oppose à ce que ces oiseaux puissent rester longtemps dans la position qu'il leur est nécessaire de prendre pour couver leurs œufs. Cet obstacle est peut-être assez puissant pour les empé- cher dese livrer à cet acte, qui doit assurer la perpétuité de leur race; ils sont donc forcés d'abandonner ce soin à d’autres espèces. Telle est l'explication que l’on peut donner à ce fait aussi rare que singulier, chez une classe d'animaux caractérisée par une ten- dresse maternelle toute particulière. Elle est du moins la conséquence de la disposition organique qu'Hérissant paraît avoir le pre- {mier sigualée. Cette habitude, générale chez cette espèce, {n'a rien de commun avec l'instinct qui porte | d’ autres oiseaux à s’ emparer de nids occupés [naguère par d’autres espèces. Le moineau com- mun (fringilla domestica) s'avise quelquefois d’aller, avec sa faille, occuper les nids des hirondelles; mais il ne le fait pas toujours impunément. M. de Tarragon a été témoin d’un fait qui prouve que ce n'est pas foujours sans dan-— ger (1). Un couple de ces moineaux parasites s'était logé dans un nid d'hirondelle, dont ils avaieut chassé les propriétaires. Ceux-ci ameutèrent toute la troupe des hirondelles de fenêtre qui se trouvaient à portée de leur häbitatioun, et, lorsqu'ils se furent assurés de la présence dans le nid de leurs ennemis mor- tels, la troupe ailée fit entendre son cri de guerre et disparut en un instant. Elle alla chercher de la terre humide dans une mare voisine, et se précipita toute à la fois, comme d’un accord unanime, vers le repaire des moineaux. En quelques secondes elle en bou- cha toutes les issues avec une masse de terre assez considérable. Fières de cet exploit, assurées de la mort des parasites incommodes qui s'étaient em— :perés de leurs nids, elles poussèrent des cris [aigus et continuels comme pour célébrer |leur victoire. Quelques instants après, ces oi— |seaux avaient tons disparu autour des tom— {beaux où ils avaient enfermé les imprudents |moineaux. Quelques jours après, le même M. de Tar- ragon s'empara de l'un de ces nids pour i’ob- server. [l reimarqua que la masse de terre qui en fermait l'ouverture avait à peu près la forme et Ja grosseur d'un petit œuf de poule. Les deux bouts ressortaient en dehors (1) Echo du monde savant. Paris, 28 décembre 1843, n° 5r. LL ‘som: SD. "10 «+ mi V. Passereaux. 7° Omnivores. VI. Hibou scops Rapaces. strix scops Linn.). 4° Hiboux, Hibou moyen duc (strixæ otus Linn.). Hibou grand duc (stwrix bubo Linn.). Hibou brachyo- té (strix brachyo- tos Temm.). et en dedans du nid, dont on distinguait très- bien l'origine, formé de petites boulettes de terre arrondies, tandis que l’opercule était composé de petites portions aplaties placées confusément. Cet opercule avait été formé en dernier lieu par la troupe d'hirondelles qui l'avait produit avec de la terre humide qu'elle avait été chercher dans une mare voisine. Quant au moineau, on l'y trouva ainsi que ses œufs, mais à peu près complétement des- séché. Le scops est répandu dans un assez grand nombre de contrées de l’Europe où il est de passage, comme, par exemple, dans le midi de la France, où il arrive du 5 au 6 avril. On en voit cependant encore en septembre, mais ces individus, les derniers à passer, sont pour la plupart des jeunes. Cet oiseau niche parmi nous dans les troncs peu élevés des arbres, Ilest sélentaire dans d’autres contrées, tandis qu'il est de passage en Afrique. Ainsi cette espèce nous fournit encore un exemple d’un viseau qui est alternativement sédentaire dans certains lieux, et erratique dans d’au- tres. Le moyen duc, très-commun en France, en Allemagne et dans tout le Nord, pousse ses excursions, comme l'espèce précédente, jusqu’en Afrique. Cette espèce fréquente les bois et les buissons du midi de la France, pendant l’automne et l'hiver ; mais, au mois de mars et d'avril, il se retire dans les lieux boisés et montagneux, où il se plaît dans les cavernes des rochers. Ce hibou ne paraît pas faire de nid ; il dé- pose ses œufs dans ceux qui ont été aban- donnés par d’autres gros oiseaux; c’est du moins ce qu'il pratique ordinairement dans les contrées méridionales. Ce hibou se trouve dans toute l'Europe, à l'exception pourtant dela Hollande, où il n’a jamais été observé. On le rencontre pourtant Jusqu'au cap de Bonne-Espérance. [l vit sur ‘es rochers escarpés du midi de Ja France; mais l'hiver on le voit souvent dans les bois, les plaines, ainsi qu'aux bords des marais. Il niche habituellement dans les fentes de ro— chers, ou dans de vieux édifices abandonnés, et cela dans tout le midi de la France. Le brachyote est répandu dans presque tou- tes les contrées de l'Europe, jusqu'en Sibérie, où il accompagne le lemming dansses excur- sions. On le trouve fréquemment en Hol- lande, en septembre et en octobre. Il passe ordinairement dans le midi de la France, — 294 — — EEE EEE ———— | GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. ER Sn Dem ER AE | PODCAST CEE | ER VL. Rapaces. 4° Hihoux. 29 Chouettes. Chouette (strix Linn.). Chouette che- vêche (strix passe- rinæ Temm.). Chouette effraie (strix flammea Linn.). pendant le dernier de ces deux mois. Il y demeure jusqu’au mois d'avril, époque à la- quelle il est fort commun; d’après: de pa- reilles habitudes, il est facile de saisir que cet oiseau ne doit pas micher dans les con- trées méridionales. Il y est donc constam- ment de passage, et, comme il y renouvelle ses courses avec une certaine régularité, il paraît se rattacher, ainsi que la plupart des hiboux, aux races émigrantes. La chevêche habite la plus grande partie de l'Europe. Elle est assez commune dans les plaines des contrées méridionales de la France, où elle vit sédentaire. Elle fait sa nourriture de petits oiseaux et même de quelques mammifères. Il paraît qu'elle est également friande de sauterelles et de gril- lons. Cette espèce dépose ses œufs dans de vieux édifices, des amas de pierres et les trous des rochers, où elle fait ordinairement son nid. Leur nombre est de quatre ou de cinq; ses œufs sont arrondis, blanchâtres, ou lavés de roussâtre, avec quelques taches un peu plus foncées. La chouette effraie habite la plus grande partie de l’ancien continent et de l'Asie, et ne se trouve pas moins dans les deux Améri- ques. Cette espèce est donc éminemment voya- geuse; car il ne faut pas perdre de vue qu'il n'existe pas une seule espèce commune aux deux hémisphères. Donc toutes celles qui, comme la chevêche, se trouvent à la fois dans l’ancien continent et dans le nouveau monde, doivent cette particularité à leurs migrations, qui ont dérangé l'ordre primitif de leur dis- tribution. Ces migrations ont porté la chouette ef- fraie dans presque toutes les parties de la terre. Il est probable que, par suite de cet instinct impérieux qui presse les oiseaux à se déplacer, cette espèce portera ses tribus jusque dans la Nouvelle-Hollande, où elle deviendra peut-être à la fois sédentaire et émigrante. Du moivs elle a de pareïlles habi- tudes en Europe, où certains individus sont stationnaires dans les lieux qu'ils ont choisis pour leur demeure ordinaire, tandis que d’autres se livrent à des voyages extrêmement étendus. Des mœurs aussi différentes sont non-seu— lement propres à la chouette effraie, mais elles caractérisent également une infinité d’autres oiseaux, et même, ainsi que nous le ferons plus tard observer, plusieurs espèces de poissons. Comme nous avons indiqué avec détail la route que paraît suivre cette espèce dans ses és Si. Disti is VE. N Rapaces. 90 Chouettes. #5° Busards, ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX ELLE) migrations lointaines, lors de l'explication de notre carte, nous renverrons à ce que nous en dirons plus tard. Nous ferons seule ment observer que nous ignorons compléte— ment quel espace de temps cet oiseau met à parcourir le globe ; mais, dans aucun cas, il n’est point à supposer qu'il exécute un aussi grand et un aussi long voyage dans le court espace d’une année. Quoi qu'il en soit, les individus sédentaires de cette espèce préfèrent pour leur habitation ordinaire les vieux édifices, les clochers et les toits élevés des anciennes églises. C’est sur ces bâtiments que la chouette effraie place son nid, qu'elle fait sans apprêt et dans lequel elle dépose jusqu’à cinq œufs blancs, un peu allongés. Cette espèce paraît se plaire dans les lieux les plus populeux; il n’est pas rare d’en trou- ver de blotties dans nos greniers et même dans nos appartements, où elle se réfugie pour se cacher pendant le jour. On donne à cette espèce le nom de béou l'olè dans les provinces méridionales de la France, parce qu'on suppose qu'elle aime à boire l'huile des lampes suspendues dansles églises. Quant au nom d’effraie ou de fresaie, sous le- quel elle est aussi connue, il vient du souf- flement que cet oïseau fait entendre pendant la nuit. Chouette hu- lotte (strix aluco Meyer). Cette chouette fréquente les contrées boi- sées de la plupart des contrées de l’Europe; elle en fait de même dans le midi de la France, où elle est assez rare dans les plaines. Cette espèce, nommée aussi chat-huant, fait son nid dans.ceux qu'ont abandonnés les pies et les cresserelles. Elle paraît être sédentaire dans les contrées méridionales; du moins elle y niche habituellement, quoiqu'elle soit ail- leurs erratique et peut-être même émigrante. Busard ( fulco). Busard méri- dional ( fælco pal- lidus Gould). Cette espèce, encore peu connue, paraît pro- pre aux contrées méridionales de l'Espagne et de la France. Elle est peu abondante dans la dernière de ces contrées. Nousignorons si elle y niche; ce qui est peu probable, à raison de son extrême rareté parmi nous. Une fe- melle adulte a été capturée, au mois d’octo- bre 1840, dans les environs de Montpellier. L’'estomac de cet oiseau était rempli de trois têtes de fringilles qui n'avaient pas été di- gérées. Busard monta- gu { falco cinera- ceus Montagu). Ce busard habite principalement les con- trées orientales et méridionales de l’Europe. Il est très-répandu en Hongrie, en Pologne, en Silésie, en Autriche, en Dalmatie et dans les provinces illyriennes. Cette espèce est également abondante en — 296 — a —_—_—_——_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—————_—_—_—_EE ————_—————— ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. SEC PER EP EEE PDP VI. Rapaces. 5° Busards. Busard saint - martin (falco cya- nus Montagu). Busard harpaye ou des marais ( fal- co rufus Linn.). 4° Buses. Buse bondrée (falco apivorus Linn.). Buse pattue (fal- co lagopus Linn.). Buse commu- ne ( falco buteo Linn.). i ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. Italie; les jeunes se rencontrent assezsouvent en Suisse. Elle est rare en'Angleterre, et dans le midi de la France, surtout les vieux indi- vidus, qui ne s’ytrouvent guère. Nous voyons seulement en hiver les jeunes de ces oiseaux ; ce qui nous annonce que ce busard ne niche point dans le midi de la France. Le busard saint-martin habite l'Allemagne, la Hollande, l'Angleterre, la France et la Mo- rée. Il arrive ordinairement en automne dans le midi de la France, principalement les jeu- nes et les femelles. Les vieux sont générale- ment plus rares. Il niche, dans les contrées méridionales, dans les champs et les ma- rais. Cet oïseau paraît pousser ses excursions dans toute l'Asie et jusqu’au Japon. L'harpaye fréquente toutes les parties de l'Europe où l’on trouve des marais: aussi est- il fort commun en Hollande, rare en Suisse et dans le Midi. 11 y est néanmoins sédentaire, et construit son nid à terre, mais dans les lieux ombragés, parmi les tamaris ou lesro— seaux. fl est certain que cet oiseau dénose ses œufs au milieu des marais de la France méridionale. Cette buse se trouve dans les contrées orien- tales de l'Europe; elle se montre peu et acci- dentellement en Hollande. Elle est plus abon- dante en France, dans les Vosges et le Midi, où elle est de passage périodique au prin- temps. Elle y arrive de grand matin, en com- pagnie de quatre, six ou dix individus; mais dans le courant de la journée elle vole isolée ou par paires. Cet oiseau, uniquement de pas- sage dans nos contrées comme par toute l'Europe, ne niche pas parmi nous. Si le genre précédent nous a donné un exemple d’es- pèces erratiques ; cette buse nous en fourgit d’une race émigrante parmi des oiseaux de proie, qui vnt les plus grandes analogies avec les premiers. La buse pattue fréquente les lisières des bois du nord de l'Europe, en automne et en hi-. ver. Elle se montre quelquefois en Hollande et rarement daus le Midi, où elle n'arrive jamais que dans la mauvaise saison. Ainsi cet oiseau ne niche point dans les dernières contrées. Cette espèce habite toute l'Europe. Elle vient dans le midi de la France en automne, et y demeure jusqu’à l'approche de la belle saison. Elle ne niche pas plus que la précé- dente dans les provinces méridionales de LE ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. 7 VI. Rapaces. 5° Milans. Milan ( falco Linn.). Milao royal (fal- co milvus Linn.). Milan noir { fal- co ater Temm.). 6° Autours, Autour (falco Linn.). Aulour ordi- paire ( falco pa- lumbarius Linn.). Aulour éper- vier (falco nisus Linn.). " 7° Aigles. Aigle ( falco Linn.). Aigle pygargue ( falco ulbicila Linn.). D [Uæ) — ÉLOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, SP cette contrée. Ses passages sont irréguliers, et par conséquent elle appartient aux oi- seaux erratiques. Le milan royal se trouve. dans presque toute l'Europe, toujours dans le voisinage des montagnes. Il pousse ses excursions jus- qu'en Asie, quoiqu'en général cet oiseau, d’un naturel timide et lâche, voyage peu. fl ne niche point dans les provinces méridio- nales de Ja France. On suppose qu’il fait son nid dans les montagnes de la Lozère et de l'Aveyron. Le milan noir habite l'Allemagne, la France et la Suisse. Assez rare dans le Nord, il se montre plus communénement dans le Midi. Il paraît très-abondant à Gibraltar, aivsi que dans toute l'Afrique, en Egypte et au cap de Bonne-Espérance. Il pousse éga- tement ses excursions jusqu’en Asie et par- vient jusqu’au Japon. Cette espèce ne se montre que d’une ma- nière accidentelle dans Je midi de la France, où elle est erratique. La plupart des indivi- dus de cet oiseau qui ont été saisis étaient des jeunes. On ne la voit pas nicher dans nos contrées méridionales. L’autour, assez commun en Russie, en Al- lemagne, en Suisse et en France, est pius rare en Hécllande. Son apparition n’a pas lieu souvent dans le midi de la France, où l'on voit beaucoup plus de jeunes individus que de vieux. Il paraît habiter également l'Afrique, où il niche très-probablement. L'épervier se rencontre dans presque toutes les parties du monde. Il passe régn- lièrement dans le midi de la France en sep- tembre ; il y est fort abondant en octobre et en novembre. Il reparaît ensuite en avril et en mai, et niche dans les contrées méridio- nales, sur les grands arbres , où il construit son nid. Cet oiseau nous quitte ensuite et va passer l'hiver dans des régions plus chaudes, D’après les habitudes de l’épervier, cet oi- seau fait partie des races émigrantes, ainsi que le pygargue, le balbusard et l'aigle jean-le-blanc. Cet aigle se rencontre principalement sur les côtes maritimes de l’Europe, particuliè- rement de la Hollande, de l'Angleterre et de la France. Il arrive assez régulièrement l'hiver dans le midi de la France; mais il nous abandonne dès que la belle saison ar- rive. Enfin cet oiseau pousse ses excursions ORDRES. VI. Rapaces. 70 Aigles, — 298 — G— — "OO GENRES ET ESPÈCES. Aigle balbu- sard | falco halicæ- tus Linn.). Aigle jean-le- blanc ( falco bra- chydactylus Wolf). Aigle botté (fal- co pennatus Lin.). Aigle criard {fal- co nœvius Linn.). Aigle bonelli(fal- co bonelli Tem.) ÉPOQUES DES PASSAGES DES.OISEAUX. dans toute l'Asie et jusqu'au Japon. Il ne niche point parmi nous. Cette espèce vit indifféremment dans toutes les contrées de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique. On la rencontre dans le midi de la France à différentes époques, mais principalement en automne et en hi- ver. Elle se tient toujours au bord des eaux, quoiqu’elle niche sur les grands arbres et sur les rochers de nos contrées, à ce que disent les chasseurs. Le jean-le-blanc fréquente les grandes forêts de sapins des parties orientales du nord de l’Europe. Il est peu commun en Al- lemagne , en Suisse et en France, et ne se trouve jamais en Hollande. Cet oiseau arrive régulièrement dans le midi de la France vers le milieu du mois de novembre, y passe l'hiver, et n'y niche jamais. Quelques indi- vidus y demeurent même jusqu’à la fin du mois d'avril. Mais nous en avons un autre passage au milieu du mois de mars. Celui- ci dure huit à dix jours. Ils volent pour lors à des hauteurs prodigieuses. L’aigle botté habite les régions orientales. Il est de passage régulier en Autriche et en Moravie. Il niche en Hongrie et en Espagne. Les jeunes et les vieux individus de cette espèce visitent également les contrées mé- ridionales de la France, maïs d'une manière assez irrégulière ; ils ne s’y arrêtent jamais pour y nicher, ce qu'ils paraissent faire en Espagne. Cet aigle, commun dans les parties orienta- les de l’Europe et dans le Midi, est aussi très- abondant en Russie, en Suisse, dans les Pyré- nées, et dans les pays boisés et montueux de l'Allemagne. On ne le voit jamais en Hol-@& lande ; tandis qu’il est assez fréquent en Egypte et dans la plus grande partie de l’A— frique. Cet oiseau n'arrive guère dans le midi de la France que pendant l'hiver, presque toujours à la suite des gros vents du sud. Les vieux nous viennent plus rarement que les jeunes d’un ou deux ans. Cette es— pèce ne niche pas plus que la précédente dans les contrées méridionales; elle le peut d'autant moins que la plupart des individus de passage n'étant pas adultes, ne peu-— vent se livrer aux besoins de la reproduc- tion. L'aigle bonelli habite la Sardaigne, l'E- gypte, le nord de l'Afrique et le midi de la ‘|France, où il vit sédentaire. En hiver il des- ORDRES: VI. Rapaces. 7° Aigles. 8° Faucons. — 299 — eq GENRES ET ESPÈCES. Aïgleroyal {fal- co fulvus Linn.). Aigle impérial (falco imperialis Temm.). Faucon f{falco Linn.). Faucon à pieds rouges ( falco ru- fipes Bechst). Faucon cresse- rellette (falco tin- nunculoides Tem.) Faucon cresse- relle (falco tin- nunculus Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. cend dans les marais, où il fait la chasse aux oïes et aux canards. L’aigle royal est très-répandu non-seule- ment dans toute l'Europe, maïs encore dans l’Asie-Mineure et l’Afrique. Il vit dans les basses montagnes du midi de la France, oùil niche habituellement. Une circonstance assez particulière à prouvé d’une manière incontestable que l'aigle royal n’est point un oiseau de passage dans le midi de la France, mais qu’au con- traire il y habite les lieux montueux et ari- des. Un œuf de cet oiseau a été apporté en septembre 1841, à M. Lebrun, habile orni- thologiste de Montpellier. Cet œuf devait avoir été couvé , car le petit aigle ( falco fulvus) qu’il renfermait était déjà formé. Il avait été pris avec plusieurs autres dans une fente d'un rocher de Saint-Bauzille de Mont- miel près de Montpellier. Ces faits prouvent que l'aigle royal est réellement sédentaire dans les provinces méridionales de la France, et lorsqu'il les abandonne , c’est toujours accidentellement. Cet aigle fréquente les parties orientales et méridionales de l'Europe. On le trouve en Hongrie, en Dalmatie, en Egypte, sur les côtes de Barbarie et dans le midi de la France, où il s’'égare parfois. Cette espèce est trop rare pour être certain si réellement elle niche dans les contrées méridionales., Le faucon à pieds rouges se trouve com- munément en Russie, en Pologne, en Au- triche, dans le Tyrol, en Suisse et au delà des Apennins. Il est assez rare en France, et ne se trouve pas en Hollande. Cet oiseau, de passage accidentel dans le midi de la France au printemps, nous arrive encore plus rare- ment en automne. C’est assez dire qu’il ne niche point parmi nous et qu’il appartient aux races erratiques. Cetoïseau habite les contrées orientales et méridionales de l'Europe ; il est particulière- ment commun en Sicile, en Sardaigne, dans le royaume de Naples et en Espagne. Il est de passage en Hongrie, en Autriche, dans les provinces illyriennes, comme dans le midi de la France. Il se montre tout à fait acciden-— tellement dans cette dernière contrée au printemps, où il ne niche jamais. La cresserelle, répandue dans toute l'Europe et l'Asie, se rencontre communément en Hol- lande. Quoique cette espèce soit sédentaire dans le midi de la France, nous en avons ce- — 500 — © © ——_—_—_—_— GENRES ET ESPÈCES. ORDRES. VI. Rapaces. 8° Faucons. Faucon émeri!- lon (falco æsalon T'enim.). | Faucon hobe- reau ( falco subbu- teo Linn.). Faucon pélcrin ( falco peregrinrus Linn.). Gypaète (gypa- etus Storr.). Gypaète barbu ( gypactus barba- tus Cuv.). 99 Vautours. Catharte ( ca- thartes Ilis.). Catharte alimo- che (cathartes per- cnopterus Fem.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. ASIE EI IDC DE pendant deux passages par année, en au- tomne et au printemps. Elle niche parmi nous, et place son nid soit dans les vieux édifices, soit dans les fentes des rochers, soit enfin dans les bois. Elle est donc à Ja fois, dans les provinces méridionales de la France, séden- taire et émigrante; car ses passages sont aussi constants que périodiques. L'émerillon, originaire de l'Allemagne et dela France, se montre rarement en Hollande. Il arrive dans lemidi vers le milieu du mois d'octobre, et quitte cette contrée an prin- temps. D’après de pareilles habitudes, l'é- merillon ne niche point parmi nous, et rentre dans les espèces émigrantes. L'hobereau est assez commun dans plu- sieurs parties de l’Europe, et particulièrement en France, où il vit dans le voisinage des bois et des champs. Cet oiseau niche dans les provinces méridionales de la France, et place son nid sur les arbres de haute futaie. Le faucon pèlerin, assez commun en Alle- magne, en Hollande, en Angleterre et en France, est rare en Suisse. Néanmoins il étend fort loin ses voyages, etle nom qu'il porte lui a été donné à raison de ses habitu- des. C’est en automne qu'il abandonne les montagnes pour entreprendre ses courses vagabondes. Il paraît nicher, dans le midi de la France, dans les trous des rochers, et rare- ment sur lesarbres. Comme les excursions de cette espèce ne paraissent avoir aucune ré- gularité, elle rentre dans la classe des oiseaux erratiques. Cet oiseau habite les Alpes de la Suisse, les montagnes du Tyrol et de la Hongrie, et se montre rarement en Allemagne , en France et dans les Pyrénées. Il est commun au contraire en Egypte , où il niche proba- blement, ce qu'il ne fait point dans les pro- vinces méridionales de la France. La con- naissance de cet oiseau comme une espèce qui visite ces contrées ne nous a été donnée que par la capture de quelques jeunes in- dividus. Le catharte fréquente principalement l'A- frique et le midi de l'Europe. Il se montre dans le midi de la France dès les premiers jours du mois d'avril. 1] paraît même y ni- cher et y être dès lors sédentaire. L'alimoche se tient de préférence sur les hautes mon- tagnes et les rochers les plus inaccessibles pour y passer Ja belle saison et s'y repro- duire. Cet oiseau niche dans les antres des — 301 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. VI. Rapaces. 9° Vautours. Vautour (vultur Illiger). Vautour grif- fon (oultur fulvus Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. rochers, choïsissant les points les plus es- carpés, où il vit solitaire. D'après la régula- rité de ses passages, il doit être compris parmi les espèces émigrantes, ainsi que le vautour-grifion. Le vautour griffon paraît nous venir d'Afrique au printemps ; il est cependaut sédentaire daus le midi de la France, et se trouve en assez graud nombre sur les hautes montagnes des Cévennes. Les passages de ces oiseaux ont lieu du 15 au 20 mars, soit en Sicile, soit en Italie, soit dans le midi de la France ; ils arrivent tous de la Médi- terranée , venant probablement d'Afrique, ainsi que nous l’avons déjà fait observer. Ce qu'il y a de singulier, les individus qui ont été tués dans les plaines de nos contrées étaient tous des mâles et ont été rencontrés dans les mêmes lieux. Peut-être y cher- chaiïent-ils des femelles de leur espèce qui leur manquaïient. Ces vautours sont très-communs dans les Alpes, les Pyrénées et les Cévennes, ainsi que dans les autres montagnes de l'Europe et de l'Afrique, où ils paraissent vivre en grandes troupes. Ils volent généralement très-haut, rsais leur vol n’est pas soutenu ; aussi re franchissent-ils pas de grandes dis- tances horizontales. On dirait que les oiseaux qui planent dans les régions élevées sont moins propres à parcourir de grands espaces que ceux dont le vol bas est aussi par cela même plus continu et plus prolongé. Le condor (vullur gryphus), qui s'élève au-dessus du Chimborazzo, dans la chaîne des Andes, à plus de huit mille mètres de hau— teur , quitte peu le voisinage de cette mon- tagne et ne s’en éloigne guère. Si l’on com- pare les habitudes de cet oiseau, qui dans un instant parcourt en ligne verticale une aussi grande étendue, en supportant une différence de pression de 0m,325 à 0m,756, avec celles des canards répandus dans toutes les parties du globe , on saisira facileme:t que les oiseaux de haut vol ne sont pas tou- jours les meïlleurs voiliers et ceux dont les migrations sont les plus étendues. En efr:t le condor, l'espèce qui s'élève le plus haut, ne paraît pas abandonner les contrées qui l'ont vu naître. On ne l’a pas encore trouvé ailleurs que sur les hautes cimes des Andes, où il semble se complaire, et se précipiter de toute leur élévation sur les quadrupèdes qui paissent dans les vallées profondes des Cordillères. Quant au vautour griffon (vul- tur fulvus), il est plus commun au prin- temps dans le midi de la France que dans aucune autre saison de l’année. Alors ils se réunissent en grandes troupes ; toujours af- ORDRES. VI. Rapaces. 90 Vautours. — 502 — do oO GENRES ET ESPÈCES. Vautour arrian ( vultur Linn.). cinereus ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX. EEE famés, ces oïseaux se jettent plusieurs en- semble sur les charognes, ou sur les petits mammifères, ou les reptiles, qu’ils ont aper- çus du haut des airs. Cette espèce niche sur les hautes montagnes des Cévennes, de la Lozère et de l'Aveyron, Ce vautour habite les hautes montagnes et les vastes forêts de la Hongrie, du Tyrol, de la Suisse , des Pyrénées, du midi de l’Es- pague et de l'Italie. Au printemps il visite assez souvent le midi de la France, maïs ac- cidentellement. Cet oiseau ne niche jamais dans les contrées méridionales de la France. Un fait remarquable qui prouve à quelle dis- tance les oiseaux étendent leurs migrations, est celui qui a été rapporté dans le no 639 (mercredi 9 juin 1841) de l'Echo du monde savant. M. Morel, membre du conseil muni- cipal de Saint-Sixte (Loire), a apporté à M. d’Allard un loricou grand vautour d’A- frique (vullur auricularis Daud.), qu'il venait de tuer. Cet oïseau se rapportait à une femelle. Il pesait près de huit kilo- grammes , et ses ailes offraient un dévelop pement de deux mètres soixante centimètres d'envergure. Au moment où il a été tué, il était en compagnie d'un autre gros oiseau, qui pourrait bien être le mâle. Du reste le lo- ricou ne paraît pas jusqu'à cette époque avoir été observé en France; ce qui est peu étonnant, les vautours voyageant généra- lement fort peu , quoique l’on observe dans ce genre plusieurs espèces émigrantes. ADDITION A L'ARTICLE DES OISEAUX PALMIPÈDES. Nous ferons à la fin de ces tableaux quelques remarques relatives à des oiseaux palmipèdes, qui n’ont pas pu être placées à leur véritable rang et que nous avons été forcé de renvoyer à ce moment, L. Palmipèdes. Plusieurs îles, et parmi elles on peut nom- mer les Hébrides, ont cette particularité de ne présenter aucun mammifère à l’état sau- vage et fort peu d'oiseaux de terre. Cepen- dant ces mêmes îles se font remarquer par l'affluence continuelle des myriades d'oiseaux de mer qui y nichent. Les rochers du rivage en sont totalement couverts ; leurs bandes obscurcissent l'air, et la terre en fourmille à une grande distance. Le plus remarquable de ces oiseaux, le pé- trel gris blanc (procellaria glacialis), y bà- tit son nid sur les rebords gazonnés des ro- chers qui surplombent la côte ; chaque saillie — 503 — © ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. RENE SACS | PSE PSE I. Palmipèdes. ÉPOQUES DES PASSAGES DES OISEAUX, du rocher est recouverte de ces nids qui ne sont guère qu'une légère excavation dans le gazon, dont le fond est garni d'herbes ma- rines sèches. Le pétrel n’y dépose qu’un œuf d’un blanc de neige, que cet oiseau remplace bientôt lorsqu'il lui a été enlevé. Cet oïseau vole très-vite, et rase de très- près la surface de la mer. Il semble toujours en mouvement , et vole en décrivant de grands cercles près des précipices qu'il habite, et en suivant toujours la même direction, apparemment pour.éviter la confusion qui résulterait , pour une multitude si immense, de tout mouvement individuel irrégulier. Il ve pousse aucun cri, même lorsqu'on enlève ses œufs ; mais, si on vient à le saïsir, il se dé- fend avec vigueur à coups de bec. Le fou blanc (s{ulla alba) est un des oi- seaux les plus abondants et les plus utiles qui habitent Saint-Kilda. Ces oïseaux vont chaque matin pêcher à d'immenses distances, jusqu'à quatre-vingt-dix milles, et revien- nent chaque soir. La vigueur avec laquelle cet oïseau plonge dans la mer à la poursuite du poisson est incroyable. Un de ces oiseaux passant au-dessus d’un bateau ouvert reve- nant de Saint-Kilda à Harris, et an fond du- quel se trouvaient quelques harengs, plongea tout à coup avec une telle force que son bec perça les planches du bateau. Cet oiseau niche seul etsans se mélanger avec d’autres espèces sur les rochers escarpés qui de loin semblent recouverts de neige. La na- ture et la position de leur habitation en rend la chasse encore plus périlleuse et plus diffi- cile que celle du pétrel; aussi le moyen le plus sûr pour le saisir est de le surprendre endormi et gorgé de poissons à la surface de la mer. On se sert pour cela d’un bateau à voile, et l’on évite de faire le moindre bruit, afin de ne point le réveiller. Les macareux (mormon arclicws) nichent dans les cavités des rochers ou dans des trous qu'ils y creusent. Ces oïseaux volent et se posent en masses si serrées sur les rochers da Saint - Kilda, que l’on en abat souvent une douzaine et. même une vingtaine d’un seul coup de fusil, Aussi forment-ils la principale nourriture des habitants de Saint -— Kilda pendant l'été. Ceci n’empêche pas que le macareux, dont la taille égale celle des pigeons, ne niche quelquefois sur les côtes escarpées de l’Angle- terre, et n’abonde en hiver sur les côtes de la Manche. mms © © 0 0 © ne — (501 — Nous croyons utile d'ajouter au tableau précédent l'indication des temps moyens de l’époque de l’appa- rition de certains oiseaux, soit en France, soit en An- gleterre. Nous y ajouterons encore la date précise à laquelle ont été capturées dans le midi de la France certaines espèces qui n’y passent que d’une manière accidentelle. Les nombres indiqués dans nos tableaux ne se rapportent pas à toutes les régions ; ils ne sont pas même constants pour le midi de la France auquel ils se réfèrent. Les passages annuels des oiseaux ont une aussi grande régularité que les saisons ; ils n’en sui- vent pas moins les variations. Aïnsi les hirondelles quittent les contrées méridionales en septembre, mais il est des années où l’on en voit encore en dé- cembre. C’est ce qui est arrivé en 1843. Ces tableaux montrent combien, à part quelques années exceptionnelles, les passages des oiseaux sont réguliers. Mais, pour leur donner l’importance qu'ils ont réellement, il faudrait pouvoir en dresser pour un grand nombre de contrées, afin de résumer toutes les observations dans un tableau général. On conce- vrait alors beaucoup mieux l’un des plus curieux phénomènes de la nature. TABLEAU DES TEMPS MOYENS DE LA PREMIÈRE APPARITION DE PLUSIEURS OISEAUX DANS LE MIDI DE LA FRANCE. ÉPOQUES DE LEUR APPARITION, OISEAUX. SE ANNÉES ET MOIS. JOURS, I. PALMIPEDES. Pingouin macroptère(alca torda). Janvier. 10 au 25 et jus- qu’au 15 avril. Macareux moine (mormon fra-| Décembre et jan- tercula). vier. Plongeon imbrim {colymbus gla-| Décembre et jan- cialis), vier. Grand cormoran (carbo cormo-| Janvier et fé- ranus), vrier. Harles (mergus).Toutes les espè- ces de ce genre paraissent depuis | Novembre jus- qu’en janvier. Canard sauvage (anas boschas). | 1° Fin octobre au Quelques individus s’arrêtenl/comm. de novemb. dans le midi de la France. 20 Fin février au commenc. de mars. Canard double macreuse ( anas Octobre. 5 au 15. Jusca). Canard petite sarcelle(anas oreca)| Novembre. 10 au 25. Canard couronné (anus leucoce- Février. 45. phala), capturé en 1835. Canard de Miclon (anas glacia- Janvier. 4. lis), capturé en 1840. Cygne sauvage (cycnus musicus). Décembre, 5 au 15, 20 — 3506 — Ce ———— —— ——— ———————— ———— — aa EEE ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. OISEAUX. A TT ee ANNÉES ET MOIS. JOURS. I. PALMIPÈDES. Oie sauvage (anser scgelum). Novembre. 10 au 20. Oie rieuse (anser albifrons). Janvier. 5 au 20. Mouette tridactyle (larus trida- Janvier. 10 au 15. ctylus), caplurée en 1840. Mouette pygmée (/arus minu-| Janvier , fin de tus). février et mars. Hirondelle de mer leucopière| Du 20 avril au (sterna leucoptera). 10 mai. Hirondelle de mer moustac (ster-| Du 20 avril au na leucopareia). 15 mai. Hirondelle de mer cangeck(ster-| Du 25 avril au na canliaca). 15 mai, Hirondelle de mer dougal {sterna| Du 50 avril au Dougalii). 15 mai, Plusieurs individus de ces di- verses hirondelles de mer s’arrêé - tent souvent dansles marais de l’em- bouchure du Rhône. Es nichent au milieu de ces marais, en sorte qu'en août on y observe un certain nom- bre de ces jeunes oiseaux occupés avec les vieux à poursuivre les in- sectes aquatiques dont ils sont fort friands. De pareilles habitudes sont com- munes aux foulques qui nichent aussi dans les mêmes licex. S'il faut en croire les pêcheurs de nos côtes, la foulque caroncule nicherait dans les contrées méridionales de la France, dans les mêmes localités que la macroule. Si ce fait était exact, il faudrait ajouter cette espèce à celles qui visitent les contrées euro-| — 307 — om ÉPOQUES DE LEUR APPARITION, OISEAUX. ANNÉES ET MOIS. JOURS. péennes. Le grèbe oreillard (podi- ceps auritus) nous offre un exemple = pareil; il passe souvent en mai avec sa belle parure de noce, II. PINNATIPES. Foulque macroule ( fulica atra). Octobre. 20 au 50. Grèbe huppé ( podiceps crista-| 1°Novembre. 1 au 10. tus). l 2° Mars. 5 au 15. III. ÉCHASSIERS. Poule d’eau de genêt (gallinula| 1° Avril. 1° au 15. crex). 20 De la fin août au 15 septembre. Poule d’eau marouette (gallinula| 1° Avril. 10 au 25. porzana), 20 Septembre (fin) au 45 octobre. Chevalier aboyeur (totanus glot-| 1° Septembre. 1% au 15. tis). 29 Du 25 avril au 5 mai. Chevalier arlequin (totanus fu-| 10 Du 1° mars scus). au 50 avril. 20 Du 1°° octo- bre au 18 novemb. Courlis corlieu (numenius phœæo- Avril. 1° au 25, pus), Spatule blanche (platalea leuco-| Décembre et jan- rodia). vier, La petite aigrelie ( ardea gar— Mai. 1.7 au 20, zella). / Coure - vite isabelle ( cursorius 1859. Août. isabellinus). La bécasse (scolopax rusticola. 19 Mars. 10 au 20, 2° Novembre. 1% au 15, — 508 — ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. ANNÉES ET MOIS. JOURS. 111. ÉCHASSIERS. La bécassine (scolopax galli- Octobre. 4 au 25. nago). La petite bécassine (scolopax Octobre. 4 au 20. gallinula). Bécassine double (scolopax ma-| 4° Avril. 1% au 45. jor). 29 Fin août au - 15 septembre. Grand pluvier à collier (ckara- 4o Avril. 25 au 30. drius hiaticula). 2° Octobre. 20 au 50. Le grand pluvier ou l’œdicnème Février. 27. {ædicnemus crepitans). Echasse à manteau noir (himan- Avril. 45 au 50. topus melanocephalus). Glaréole à collier (glareola tor- Avril. 15 au 25. quata). Quelques individus de cette espèce nichent et élèvent leur fa- mille dans les contrées méridiona- les de la France. IV. GALLINACES. Caille (perdix coturnix). 40 Avril. 1e au 45. 20 De la fin d'août au 15 sep- tembre. Pigeon sauvage ou biset (colum- Novembre. 20. ba livia). Pigeon ramier (columba palum-| 1° Fin octobre bus). au 20 novembre. 20 Finfévrier au 15 mars. Pigeon colombin (columla anas). D'octobre en no- 20. yembre, — 509 — ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. OISEAUX. | ANNÉES ET MOIS. V. PASSEREAUX. Engoulevent ordinaire (c&pri-| Du 1° avril au mulgus europœus). 15 mai. Engoulevent à ventre roux {capri- Mai. 15. mulgus ruficollis), capturé en 1858. Martinet de muraille (cypselus| De la fin d'avril murarius), au 1% mal. Martinet à ventre blanc (cypselus| Avril, vers le alpinus). Ce marlinet niche sur la/commencement. face septentrionale du mont Saint- Loup qui est coupée à pie. Il quilte les contrées méridionales de la France en août, ou aux premiers jours de septembre, Hirondelle des rochers (hirundo Mars. 15 au 25. rupestris). Hirondelle de cheminée {hirundo Avril. 1% au 25. ruslica). Termemoyenavril. 14. Hirondelle de fenêtre (hirundo Avril. 10 au 15. urbica). Hirondelle des rivages (hirundo Avril. 45 au 17. riparia). Hirondelle rousseline ( hirundo| Mai, vers le com- rufula). mencement. Guépier de Savigny (merops Sa- 1852. Mai. ; 11. vigny;. Guépier vulgaire (merops apia-| 1° Avril. 5 au 25. ster). 2° Fin septem- bre ou commence- ment d'octobre. Coucou gris (cuculus canorus). 49 Avril. 1 au 45. 2° Septembre. 5 au 20, — 310 — ÉPOQUES DE LEUR APPARITION. ANNÉES ET MOIS. * JOURS. V. PASSEREAUX. Coucou geai (cuculus glandarius), Décembre, 20 au 925. capturé en 1835 Gros-bec cini ( fringilla cinus). 1o Mars. 1 au 20. 2° Novembre. 5 au 20. Bruant zizi (emberixa cirlus). lo Avril. 1er au 45. 2° Octobre (fin) 5 au 20. et novembre jus- qu’au 15. Bruant ortolan (emberiza hortu- Avril. 1er au 15. lana). Mésange à longue queue (parus|_. Du 27 octobre au caudatus). 5 noyembre,. Bec-fin à poitrine jaune (sylvia Mars. 8 au 15, hippolais). Bec-fin pouillot (sylvia trochilus). Avril. 1° au 10. Bec—fin cisticole (sylvia cisti- Avril. 10 au 20 jusqu'au cola). commenc. de mai. Bec fin rossignol (sylvia lusci-| Mars (fin) au 1° nia). ou 10 avril. Bec-fin gorge bleue (sylvia sue-| 1° Avril. 10 au 15. cica). 20 Septembre, 17 au 10. Bec-fin à lête noire (sylvia atri- Avril, 17 au 10. capilla. Bec-fin des murailles (sylvia phæ- Avril. 10 au 20. nicurus). Bec—fin grisette (sylvia cinereu). Avril. 10 au 20. Bec-fin à lunettes (sylvia con- Avril. 10 au 15. spicillata). =” AR — EEE room ; EPOQUES DE LEUR APPARITION. OISEAUX. Re. 7" RS ANNÉES ET MOIS. JOURS. V. PASSEREAUX. Bec-fin passerinette (sylvia pas- Mars. 25 au 50. serina). Traquet motteux (saxicola æœnan- Avril. 20 au 30. the). Alouette des champs ( alauda Octobre. 197 au 15. arvensis). Alouette calandrelle ( alauda Avril, 6 au 10. brachidactyla). Merle litorne (turdus pilaris). Octobre, 1e au 10. Merle mauvis (turdus iliacus). 4° Octobre. 15 au 20. 20 Avril. 15 au 30. Merle noir (turdus merula). 1° Septembre. 25 au 50. 2° Octobre. Pie - grièche écorcheur (lanius Avril. 15 au 20. collurio). Martin rosselin (pastor roseus). | Mai (fin) jus- qu’au 15 juin. Etourneau vulgaire {sturnus vul-| 1° Mars. 10 au 20. garis). 2° Oclobre. 1% au 15. Loriot (oriolus galbula). Avril. 17 au 15. Rollier vulgaire (coracias gar-| 1° Avril. A au 45. rula), 20 Octobre. 5 au 20. Corneille mantelée (corvus cor-| Novembre. 1er au 20. nix). VI. RAPACES. Hibou brachyote (strix brachyo- Octobre. 5 au 25. 105). Aigle jean-le-blanc (falco bra-| Novembre. 10 au 25. chydactylus). — 312 — TABLEAU DU TEMPS MOYEN DE LA PREMIÈRE ET DERNIÈRE APPARITION DES HIRONDELLES ET DES MARTINETS SUR LES COTES DU MIDI DE LA FRANCE. ESPÈCES PREMIÈRE EPOQUES MIGRATION DERNIÈRE DES OU ELLES SONT HIRONDELLES APPARITION. | NOMBREUSES. (GÉNÉRALE. | APPARITION. | Hirundo rupe-| Mars, 13. | Mars, 50. 3 au 4 sep- | Octobre, 10. stris. tembre. Hirundo rusti-| Avril, 14. |Mai,l®au5.| 5 au 20 Octobre, Ca. septembre. | versla fin, ra- rement quel- ques-unes en novembre. Hirundourbica. | Avril, 25. Mai,10au! Du 15 au| Verslami- 15. 50 septembr. | octobre. Hirundo ripa-| Avril, 27. Mai, du 5! Du5au20| Du 15 au ria. au 10, septembre. | 20 octobre. Cypselus mura- Avril, du] Mai,du15| Août, du| Septembre, rius. 25 au 50. |au 20. 4° au 10. du 1‘r au 5. 2 © QC CHAPITRE HIT. I. Des passages des reptiles. Au milieu des mouvements nombreux que les ani- maux vertébrés exécutent, soit dans les plaines des airs, soit dans le sein des eaux, soit sur les terres sèches et découvertes, un ordre entier de ces animaux semble prendre peu de part à cette agitation géné- rale. Cet ordre est celui des reptiles, les moins fa- vorisés sous le rapport de leurs organes de locomotion. Les plus agiles de cette famille de vertébrés, ou les lézards proprement dits, ne paraissent guère se dé- placer ni parcourir de grandes distances. Ils quittent bien leurs demeures lorsqu'ils sont poursuivis, mais ils y reviennent dès que le danger qui les leur avait fait abandonner vient à cesser. Ils retrouvent le trou qui les à vus naître, avec peut-être tout autant de bon- heur qu’en ressentent les oiseaux, à l’époque de leurs voyages, à déiaisser le lieu de leur naissance. Si les reptiles sont à peu près les seuls des vertébrés qui ne se livrent presque jamais à de longues excur- sions, et encore moins à de grands voyages, analogues — 311 — à ceux qu'exécutent les oiseaux et les poissons, cette circonstance peut tenir à leur genre de vie et à leur nourriture. Sous ce dernier rapport, ces animaux dif- fèrent beaucoup des espèces des autres classes des ver- tébrés. Comme les reptiles trouvent constamment dans les lieux de leur naissance la nourriture qui leur est nécessaire , ils ne sont pas obligés de se transporter ailleurs pour s’en procurer. Enfin, ils sont l'hiver dans un état de torpeur particulier, et cette circonstance les empêche encore de se déplacer. Du moins il en est de même des autres animaux qui s’engourdissent dès que la température s’abaisse; tels sont les ours et les mar- mottes. Leur état stationnaire paraît dépendre du peu de dé- veloppement que les organes du mouvement ont pris chez ces animaux, où ilsmanquent mêmeassezsouvent. On à en quelque sorte une confirmation de ces faits, re- lativement à ce qui se passe chez les autres vertébrés qui ne sont pas mieux traités que les reptiles sous le rapport de leurs organes locomoteurs. Du moins, les oiseaux qui, d’après leur conformation, ne peuvent ni voler, ni nager, ne se livrent pas plus à de longues migrations que les poissons privés de nageoires ou de tout autre moyen de progression. Sans doute la présence d'appareils locomoteurs n’est pas une cir- constance déterminante des habitudes voyageuses des . . 3° « 2 ° animaux; mais ce qu'il y a de certain, c est qu elles n’ont presque jamais lieu dans les êtres qui, comme les reptiles, ne peuvent se livrer à des mouvements longtemps prolongés. Les sauriens sont, sans contredit, de tous les ani- maux rampants, les plus agiles ; ils ne peuvent pas cependant prolonger leurs courses pendant des temps bien lonss. Lorsqu'on poursuit avec rapidité les lé- zards, on les voit bientôt, comme épuisés de fatigue, s’arrêter, vous regarder même, en tournant leur tête, et ne pouvoir continuer la vivacité des mouvements qu'ils avaient présentée au moment de leur départ. Leur mode de respiration peut bien en être, en par- tie, la cause; car elle est chez eux tout à fait incom- plète. Le sang qui retourne au corps sans avoir res- piré ne peut donner à la fibre motrice cette énergie et cette puissance d’action si remarquables chez les animaux qui ont une respiration double ou seule- ment complète (4). A la vérité, les poissons qui respirent constamment par des branchies, et dont la quantité de respiration est peut - être moindre que chez les reptiles, se li- vrent pourtant à de longues et à de grandes migra- (1) Les reptiles peuvent cependantsuspendre leur respiration pendant des temps souvent assez longs; aussi est-il fort difficile de les faire mourir par asphyxie. On peut s’en assurer en plongeant des espèces terrestres dans l’eau sans communication avec l’air. — 3516 — tions. Mais ces animaux, qui n’éprouvent dans leur respiration d'autre action que celle de la portion d’oxy- sène dissoute, ou mêlée dans l’eau, sont sous l’in- fluence de circonstances totalement différentes de celles que ressentent les sauriens. Ceux-ci vivent leplus généralement sur les terres sèches et découvertes, et par conséquent dans l'air. Par cela même, ils ont plus d'efforts à faire pour marcher, et surtout pour courir longtemps. Le peu de continuité d’énergie de leurs fibres musculaires et la briéveté de leurs pattes ne leur en donnent pas trop les moyens. Une autre circonstance empêche les sauriens de faire de longues courses. Cette circonstance tient au grand écartement de leurs organes de mouvement, dans les espèces les plus favorisées sous ce rapport, c'est-à-dire dans celles qui ont quatre membres. Evi- demment la course, ou plutôt des mouvements prolon- gés ne peut qu'être interdite aux reptiles qui n'ont que deux pieds, ou aux ophidiens qui n’en offrent pas de traces. Une autre disposition de l’organisme de ces animaux les rend peu propres à pouvoir soutenir, non pas seulement de grands voyages, mais même de lon- gues excursions. Elle tient à ce que leurs membres sont le plus souvent si courts, que leur ventre traine à terre, disposition peu favorable à la continuité de leurs mouvements. | Il est cependant quelques espèces de sauriens — 517 — qui, munies de quatre organes du mouvement n’en font pas cependant usage lorsqu'elles veulent cou- rir. Tels sont les seps, dont les deux paires de pattes sont plus éloignées l’une de l’autre que celles des scinques, et chez lesquels les pieds sont encore plus petits. Ces reptiles, au moment où ils veulent courir, placent leurs pattes parallèlement à leur corps, dans de petits enfoncements qui s’y trouvent, et se roulent comme des serpents. Ils avancent à l’aide d’ondulations successives et trés-multipliées, analo- gues à celles employées par les ophidiens pour pro- gresser. Au moyen de ces ondulations, ils reculent avec presque tout autant de facilité qu'ils marchent en avant, et leur course est si rapide qu'il est souvent difficile de les atteindre et de les saisir. De pareilles habitudes sont également communes aux bipèdes ( bipes Lacépède ); ce qui est plus aisé à comprendre, ces reptiles n'ayant pour tout organe de mouvement visible que leurs pieds de derrière. Ces pattes, beaucoup trop courtes pour servir à ces ani- maux d'organes de progression, sont repliées par eux sur le côté de leur corps, lorsqu'ils veulent courir. Ces reptiles, comme les seps, sont alors tout à fait semblables, sous le rapport de leurs appareils loco- moteurs, aux ophidiens ; ils paraissent seulement pou- voir soutenir plus longtemps que ces derniers des mouvements vifs et continus. — 3518 — D'un autre côté, leurs organes locomoteurs, au lieu d’être dirigés parallèlement à l’axe du corps, et de se mouvoir dans ce sens, se portent au contraire en gé- néral de côté, et se meuvent du dehors en dedans perpendiculairement au même axe. Aussi, soit par suite de cette position, soit par l’effet de leur grand écartement, les membres des reptiles sont aussi dé- favorablement placés que possible, pour la continuité des mouvements. Il en résulte que la plupart des espèces terrestres rampent plutôt qu'elles ne marchent; circonstance qui leur a fait donner le nom de reptiles. L'organisation des animaux qui vivent sur les ter- res sèches et découvertes s’oppose donc à ce qu’ils puissent se livrer à des excursions un peu prolongées. Tout au plus de pareilles courses sont-elles possibles aux sauriens, aux chéloniens et aux ophidiens qui vivent dans l’eau. Il parait du moins que certaines espèces de crocodiles et de gavials, dont le séjour ha- bituel est le sein des eaux courantes, s’en écartent parfois, et s’avancent fort loin dans le sein des mers. M. de Humboldt rapporte avoir vu, dans les mers de l'Amérique, de cesgrands sauriens, à plus detrente-six lieues des côtes; cette circonstance annonce que ces animaux, comme les autres vertébrés, se déplacent quelquefois (1). Mais, comme un petit nombre d'’in- (4) I le paraîtrait encore si le fait mentionné dans une lettre datée — 519 — dividus de cet ordrese livrent à d’aussi longues excur- sions, ils peuvent tout au plus être comparés aux passages accidentels des oiseaux et des poissons, mais nullement à leurs migrations. Il parait cependant que les caïmans ( alligator Cuvier) se livrent, sinon à des migrations, du moins à des passages plus où moins constants, et plus ou moins étendus à des époques assez régulières. Ainsi, lorsque les mers deviennent très-poissonneuses, ou que les lacs rapprochés des rivières qu'ils habitent abondent en poissons, ces reptiles abandonnent les eaux douces, dans lesquelles ils vivaient primiti- vement, pour aller ou dans les lacs, ou même jusque dans le bassin des mers, où ils sont assurés de pou- voir satisfaire leur voracité. Ces habitudes ont, il faut l'avouer, quelque chose d’analogue à celle des autres animaux, qui se déplacent aussi parfois dans l’espoir de trouver ailleurs une nourriture plus abondante et plus appropriée à leurs besoins. Il est cependant quelques espèces de chéloniens, et même d’ophidiens, que l’on découvre parfois à de fort grandes distances, et dans des lieux très-diffé- d'Astrakan, et qui se trouve insérée dans le n° 604 de l'Echo du monde savant (25 janvier 1841), était exact. On y assure qu'un crocodile a été aperçu sur les côtes sablonneuses de la mer Caspienne, mer où l’on n'avait jamais aperçu cette grande espèce de saurien. — 520 — rents. On a cité sous ce rapport quelques reptiles qui vivent d’une manière constante dans le bassin des mers. Le nombre en est peu considérable ; on a uni- quement signalé parmi ces animaux, deux genres de chéloniens, les chélonées et les sphargis ; car, pour les kydrus et les hydrophis de l'ordre des ophidiens, il est douteux que ces reptiles vivent d’une manière permanente dans les eaux des mers. L'organisation des torlues marines correspond à leur mode d’existence essentiellement bornée à la vie aquatique; aussi les chéloniens ne peuvent abandon- ner que pendant peu de moments les eaux dans les- quelles ils se trouvent. D'un autre côté, comme on ne parait pas avoir Jamais rencontré des tortues de mer dans des eaux douces, leur station est par cela même bien fixée. Ces animaux quittent pourtant le sein des eaux à l’époque de la ponte, et ils se trainent pendant la nuit sur les rivages de quelques iles désertes. On as- sure qu'ils gravissent parfois les bords des rochers isolés en pleine mer, pour y brouter les plantes ma- rines , qu'ils recherchent beaucoup. Dans quelques parages tranquilles , même à sept ou huit cents lieues de toute terre, on apercoit, à la surface des flots, des tortues étalées et dans l’immobilité la plus absolue, comme si elles étaient privées de vie. Si ces reptiles se trouvent à l’époque où ils doivent opérer leur ponte à d'aussi grandes distances des côtes, ilest facile de saisir combien est grande la longueur du trajet que ces chéloniens ont à faire pour venir dé- poser leurs œufs. Il y a grande apparence que, quand les femelles ont à s'occuper de leur ponte, elles se rapprochent beaucoup plus des rivages. Cependant, d’après les observations les plus positives, les tortues ont souvent, à l’époque de l’incubation, plus de cent lieues à parcourir pour venir à terre. Les males sui- vent les femelles dans ces sortes de voyages ou d’é- migrations; ils les accompagnent assez constamment. Un instinct particulier porte la plupart des femelles des mêmes parages à se rendre à des époques à peu près fixes, sur le rivage sablonneux de quelques iles désertes. Elles sortent dela mer avec beaucoup de pré- cautions après le coucher du soleil et pendant la nuit. Ces tendres mères préparent avec soin le nid où elles déposent jusqu'à cent œufs à la fois. Elles font ainsi jusqu’à trois pontes à deux ou trois semaines d’inter- valle. Après avoir recouvert la nichée de sable léger, les tortues retournent à la mer, et les œufs éclosent par suite de Ja chaleur que leur donnent les rayons du soleil des climats équatoriaux. Les chéloniens des genres chelonia et sphargis se rencontrent dans les mers des pays chauds, principa- lement vers la zone torride, dans l'Océan équinoxial. Mais ce qui prouve que ces animaux se livrent aussi 24 — 322 — à de longues excursions, c’est que l’on en découvre dans la Méditerranée et le Grand-Océan. Quoiqu’on n'ait voulu y voir que des individus égarés, se ren- contrant le plus souvent isolés, ces individus n’an- noncent pas moins l'étendue de mer qu’ils ont dû parcourir pour parvenir dans des parages si diffé- rents de ceux qu'ils habitaient primitivement. Lorsqu'on compare les diverses contrées où les espèces des genres chelonia et sphargis ont été dé- couvertes, il est difficile de ne pas présumer que les tortues marines doivent aussi se livrer à des excur- sions lointaines. Si aucun fait positif ne vient nous apprendre que ces tortues entreprennent des mi- grations constantes et périodiques , analogues à celles qu’exécutent les oiseaux, il suffit, ce semble, de porter son attention sur leur distribution pour être convaincus qu’elles doivent du moins exécuter des passages accidentels, et se transporter à de très- grandes distances. Il serait sans doute intéressant de faire connaître les motifs qui les y déterminent ; mais, faute de données suffisantes, nous n’oserons entre- prendre la solution que ces faits soulèvent. Nous ferons seulement observer que, s’il est quel- ques espèces de tortues marines qui paraïssent bor- nées dans leurs habitations, il en est d’autres qui ont été apercues dans les contrées les plus différentes et les plus éloignées. Ainsi la chélonée franche (chelonia — 3525 — midas) semble restreinte à l'Océan Atlantique, comme la chélonée tachetée aux côtes de Malabar. D’un au- tre côté, la chélonée caouane (chelonia couana) se trouve à la fois dans la Méditerranée, l’Océan Atlan- tique et les mers du Brésil, et la chélonée vergetée (chelonia virgata) se découvre dans la mer Rouge, aux environs du cap de Bonne-Espérance, et en outre dans les mers des Indes, du Brésil et des Etats-Unis. Des habitations non moins variées sont également l’a- panage de la chélonée imbriquée (chelonia imbricatai). On rencontre, en effet, cette espèce aussi bien dans l'Océan Indien qu’Américain, comme auprès des côtes de l’ile Bourbon, de l'ile d’Amboine, des iles Sé- chelles, et auprès de la Nouvelle-Guinée, Il en est de même de la seule espèce qui nous soit connue dans le genre sphargis. Le luth (sphargis co- riacea) a été pris à la fois dans l'Océan Atlantique, dans celui d'Europe et dans la Méditerranée. Du moins, d’après Rondelet et Amoreux, cette tortue a été pêchée à plusieurs reprises sur les côtes de la France, dans les environs du port de Cette. Delafont a également rapporté qu’un luth avait été pêché en France, vers l'embouchure de la Loire, et depuis lors Berlasse a fait mention d’un autre individu capturé en 1756 sur les côtes de Cornouailles, en Angleterre. Après des habitations aussi variées, les chélonées marbrées et Dussumier paraissent des espèces tout — 324 — à fait sédentaires ; la première n’a été encore observée qu’auprès de l'ile de l’Ascension, et la seconde, uni- quement sur les côtes de Malabar et dans les mers de la Chine. Il est difficile, après de tels faits, de ne pas ad- mettre que les tortues marines se livrent à des pas- sages plus ou moins accidentels, déterminés par le besoin que ces animaux éprouvent de perpétuer leur race, et de déposer leurs œufs dans des positions con- venables. Ce motif puissant les amène à terre ; car celui d'y trouver un genre de nourriture que le sein des mers ne peut leur fournir, ne paraît être pour ces animaux, qu'une circonstance tout à fait secondaire. Il n’est pas du moins présumable que l'espoir de rencontrer à terre des plantes qui peuvent leur convenir porte ces animaux à franchir cinquante ou même cent lieues qui les séparent souvent des rivages. On conçoit faci- lement qu'ils s’y rendent dans l'intérêt de leur posté- rité, mais non dans le but dechanger leur genre denour- riture. Sans doute si la faim les pressait, on pourrait admettre un pareil motif; comme il n’en est point ainsi, les voyages des tortues de mer doivent avoir lieu par suite d’un besoin impérieux, auquel les rep- tiles, pas plus que tout autre animal, ne savent et ne peuvent résister. Plusieurs ophidiens paraissent avoir des habitu- des à peu près analogues à celles que nous venons de reconnaitre aux tortues marines. Leur nombre est également peu considérable ; il ne s'étend pas au delà de deux genres, les Lydrus et les hydrophis. Le premier, composé d’une seule espèce, l’hydrus bicolor, décrit d’abord par Dandin, sous le nom de pelamis bicolor, est un petit serpent marin qui s’ap- proche rarement des côtes. Il ne parait en effet se rendre auprès des rivages de l’ile des Pins, dans la mer Pacifique, que pour y déposer ses œufs, et dans le môment de la ponte. Le second de ces genres, ou les kydrophis, sont des serpents des marais salants ou des eaux salées peu éloignées du bassin de l'Océan, comme sont souvent les grands fleuves auprès de leur embouchure. Ainsi, d’après Russel, on découvre un grand nombre d’in- dividus de ce genre, dans les eaux salées d’une rivière de Calcutta, qui partage en deux la contrée du Bengale nommée en anglais le Sunders-Bund. La forme de la partie postérieure de leur corps, analogue à celle des hydres, ainsi que la disposition de leur queue très- comprimée et très-élevée dans le sens vertical, annon- cent assez les habitudes aquatiques de ces serpents. D'un autre côté, comme ces animaux ne peuvent vivre longtemps lorsqu'on les met dans l’eau douce, ils doivent habiter uniquement les eaux salées, soit les étangs, soit les embouchures des fleuves et surtout le sein des mers. Il est du moins certain, et l’on pourrait — 3526 — le présumer d’après leur organisation, que ces rep- tiles nagent avec une extrême agilité; mais nous igno- rons s'ils peuvent franchir de grandes distances. Tou- jours est-il que, si on les met sur le sol, ils ne peuvent faire quelques mouvements, qu'avec les plus grands efforts et la plus grande difficulté. D’après leur vie essentiellement aquatique, et qui se passe à peu près uniquement dans les eaux des mers, il se pourrait que ces serpents se transportas- sent à de grandes distances, comme le font les tortues marines, et peut-être par les mêmes motifs. Mais les faibles dimensions de ces ophidiens rendent leur obser- vation difficile ; aussi est-il à peu près impossible de rien affirmer à cet égard. Tout ce que l’on sait, c’est que ces serpents sont fort communs à Otaïti, comme au Bengale et dans la mer des Indes. Il nous reste à savoir s'ils sont sédentaires dans ces divers parages, ou s’ils voyagent des uns aux autres, soit d’une ma- nière accidentelle, soit d’une manière constante et périodique. Si les reptiles ne se livrent pas comme les au- tres animaux à de grandes et de longues migra- tions, cette circonstance ne tient pas à la lenteur de leurs mouvements, mais au peu de continuité de ceux qu’ils peuvent exécuter. En effet, ces ani- maux, considérés sous le rapport de leurs facultés lo- comotrices, présentent tout autant de diversités que — 321 — lesmammifères. La plupart, à la vérité, sont terrestres, ou appelés à vivre sur la surface solide du globe. Les uns y marchent, les autres y courent, tandis que quel- ques-uns y glissent ou y rampent, ou enfin y sautent, en sorte qu’ils exécutent tous les genres de mouve- ments que l’on peut produire dans l’air. Il y a plus encore : certains reptiles terrestres, à l’aide d’une es- pèce d’aile comparable à celle des chauves-souris, mais indépendante des quatre pieds, peuvent s’élancer dans l'air et s’y soutenir plus ou moins longtemps. Ces membranes, ou ces ailes, servent aux dragons (draco volitans ), comme de parachute, ainsi que le font les polatouches; mais elles n’en prouvent pas moins la variété des mouvements des espèces qui vi- vent sur les terres sèches et découvertes. Les reptiles qui vivent dans l’eau n'ont pas des mouvements moins variés que ceux qu'exécutent les espèces terrestres. Ainsi les pattes aplaties, allongées et changées en nageoires, des chélonées, des tryonix et des émydes, servent à ces animaux pour naviguer avec facilité. Il en est de même de la queue déprimée à son extrémité des sauriens nommés uroplates ; ana- logue à la queue horizontale des cétacés , elle leur sert aux mêmes usages. Il en est également de la queue comprimée sur les côtés comme celle des pois- sons, qui caractérise plusieurs lézards, tels que les crocodiles et les tupinambis, ainsi que parmi les batraciens, les protées, les tritons et les sirènes. Les reptiles opèrent enfin tous les autres modes de mouvements généraux où de transport, qui distin- guent les animaux les plus élevés dans la série. Quelle distance n’existe-t-1l pas depuis la démarche lente des tortues de terre, jusqu'à la rapide agilité des lézards ? D’autres sauriens, tels que les anolis et les iguanes à doigts allongés, distincts, séparés, ter- minés par des angles crochus, s’en servent avec dextérité pour grimper avec prestesse. Les camé- léons rappellent même, par leur faculté de grim- per, les habitudes de certains oiseaux tels que les pics et les perroquets. On les dirait construits pour ce but. Les doigts de chacune de leurs pattes sont réunis jusqu'aux ongles en deux faisceaux ou pa- quets opposables, ce qui leur donne la facilité de saisir parfaitement , et d’empoigner les branches sur lesquelles ils se fixent. Cette conformation de leurs pattes, la plus propre à affermir leur station sur des corps cylindriques ou saillants, facilite aussi leur progression qui se fait toujours avec lenteur sur des plans horizontaux. Chez d’autres sauriens très-agiles, comme les geckos, la solidité de la station est en général favo- risée par la singulière disposition des doigts. Les phalanges élargies, aplaties en dessous, garnies de petits coussinets mous remplissent le même office que — 529 — les pelotes placées sous les tarses de quelques mou- ches. A leur aide, les geckos adhérent et marchent sur les corps les plus lisses, et courent sur des plans so- lides où ils restent à volonté immobiles suspendus contre leur propre poids. Quelques espèces ont, en outre, des ongles crochus, rétractiles comme ceux des chats, afin de ne pas en user la pointe et de s’en ser- vir au besoin. Les divers détails de conformation organique que nous venons d'indiquer suflisent pour faire juger com- bien peu les membres des reptiles sont disposés pour la continuité des mouvements progressifs. Ces mouve- ments sont, du reste, constamment saccadés. Quand des membres locomoteurs existent, ce qui n’a pas tou- jours lieu, les serpents en étant toujours privés, les os des bras, des cuisses et de toutes les autres parties des extrémités antérieures et postérieures sont très- peu développés en longueur. D'un autre côté, par leur mode d’articulation sur les épaules et sur les hanches, les membres se trouvent dirigés en dehors, et se joignent au corps en formant avec la longue échine un angle presque droit. Les mouvements des pattes s’exécutent chez la plupart des reptiles dans un sens perpendiculaire à l’axe de la colonne vertébrale ; comme ces pattes sont courtes, elles peuvent à peine soutenir le poids du corps. Les coudes et les genoux ne peuvent s'é- — 330 — tendre et se redresser complétement ; leurs articu- lations sont constamment fléchies, et chez presque tous le corps traine à terre. Il est à peine sou- levé, et la marche devient très-fatigante par suite du frottement qu’elle exige. Elle l’est surtout chez les reptiles qui, comme certains genres de tortues, ont leurs pattes très-courtes et trés-éloignées du centre. Aussi n’y a-t-il parmi les tortues que les genres ché- lonées et sphargis qui, vivant dans l'eau, nagent avec a plus grande facilité à l’aide de leurs pattes trans- formées en véritables rames aplaties. D’autres dispositions viennent apporter de nou- veaux obstacles à la continuité des mouvements des reptiles. Si plusieurs de ces animaux ontleurs pattes à peu près égales en longueur, il en est au contraire qui ont celles de devant plus courtes que celles de derrière. D’un autre côté, chez quelques batraciens, les membres postérieurs offrent en étendue le double et le triple de ceux de devant. Cette conformation est si peu favorable à la marche que l’animal chez lequel elle se trouve ne peut avancer que par sauts et par bonds. Enfin certains reptiles n’ont que deux paires de membres ; tantôt les antérieurs seuls existent, comme dans les chiroteset les sirènes ; tantôt ce sont les postérieurs, comme dans les hystéropes et les bipèdes. Les membres des reptiles, généralement courts et articulés d’une manière désavantageuse à une pro- gression continue rendent la course très-fatigante à ces animaux, surtout lorsqu'elle est prolongée. Elle est d'autant plus pénible pour eux, que le grand es- pace qui règne entre les deux paires de pattes ne per- met que des impulsions latérales successives, toujours distantes les unes des autres. Le corps poussé ainsi alternativement à droite et à gauche, ayant souvent besoin , à chaque pas, d’être aidé de l'action impul- sive de la queue, ne peut avoir qu’une allure vacil- lante et tortueuse, qui caractérise la plupart de ces ani- maux. Les caméléons sont peut-être les seuls reptiles dont les pattes allongées élèvent assez le tronc pour em- pêcher le ventre de porter sur le plan qui supporte le corps de l’animal dans la station et dans la marche. La reptation ou l’action de ramper est donc le mou- vement le plus commun et le plus général chez les reptiles. Il est même l’unique à l’aide desquels pro- gressent les serpents et les sauriens qui n’ont pas de pattes, ou qui les ont très-courtes. La colonne verté- brale, au moyen de ses muscles forts et contractiles, et des os nombreux qui la constituent, produit l’im- pulsion de toute la masse allongée du corps, par des sinuosités successives, imprimées alternativement à droite et à gauche, et quelquefois par des ondula- tions quiont lieu dans le sens vertical. Ces deux modes de reptation nous sont offerts par diverses espèces d’ophidiens. Aussi n'est-ce pas chez un pareil ordre d'animaux que nous pouvons espérer de rencontrer des espèces voyageuses , même chez celles auxquelles la nature a départi la force et la grandeur. Le boa devin (boa constrictor) qui surpasse par sa stature tous les ser- pents, autant que l’éléphant ou le lion dépassent tous les autres quadrupèdes qui ont le même genre de vie, a sans doute une grande agilité dans ses mouvements ; mais, quoiqu'il s’élance avec une vigueur surpre- nante, il ne peut les continuer longtemps. Il ne saurait suivre constamment une route déter- minée et devant soi; condition cependant essentielle pour franchir de grandes distances et exécuter de longs voyages. Ces serpents se distinguent plutôt par la souplesse et l’élasticité de leurs mouvements, que par leur continuité. Cette souplesse et l'intensité de la compression qu’ils peuvent exercer sur leurs victi- mes est une suite de la disposition de leurs côtes. Celles-ci creuses, extrêmement flexibles, peuvent se ployer, pour ainsi dire, dans tous les sens; ce que leur permet encore leur mode d’articulation. Elles doivent à ces diverses circonstances les mouvements aussi variés que compliqués qu’elles peuvent exé- cuter. Du reste, ces mouvements successifs et ra- pides n’ont jamais lieu qu'à l’aide de circonvolutions et de sinuosités plus ou moins multipliées. Lorsque les serpents irrités s’élancent avec violence sur ceux — 5353 — qui les attaquent, ils ne quittent pas pour cela la place où ils se trouvaient primitivement. Ils se bor- nent à projeter leur corps en avant, jusqu’au moment où, par suite d’un nouveau bond, ils font un pas devant eux. Evidemment, quelque prompts que soient ces mouvements , à l’aide desquels ils saisissent leurs victimes, ils ne peuvent être longtemps prolongés, et, par conséquent, leur permettre de parcourir de grands espaces. D'un autre côté , les ophidiens , soit le genre des serpents et ceux qui appartiennent à la même famille, soit les orvets, soit les ophisaures, ne peuvent mar- cher avec rapidité, ou courir, que lorsqu'ils ram- pent sur un sol qui leur fournit de nombreux points d'appui. C’est aussi à raison de la nécessité qu'ils éprouvent d’être soutenus, que ces animaux ne peu- vent marcher trés-vite en ligne droite. À raison de cette circonstance, ces reptiles courent par une suite d'ondulations, et cherchent, en allant de côté et d’au- tre, à rencontrer des points d'appui, dont ils se ser- vent avec une merveilleuse adresse, pour hâter leur progression. IL est même certains reptiles qui, lorsqu'ils ne trouvent pas devant eux les points d'appui qu'ils re- cherchent, vont d’abord à reculons, espérant de cette manière être plus heureux. Tels sont les amphis- bènes, dont la démarche est si lente et si incer- — 331 — taine, qu’en les voyant ramper on hésite quelque temps à savoir s'ils marchent en avant ou en arrière. Ces animaux ont une démarche encore plus vacillante que les sirènes , les acontias et les cœcilies, qui cependant passent en grande partie leur vie dans la vase et la fange. Les ophisaures, dépourvus de toute apparence d’extrémités postérieures, semblent, par cela même, peu favorisés sous le rapport de l’apilité de leurs mouvements; mais nous avons déjà fait sentir que Ja plupart des reptiles sont singulièrement gènés, pour la continuité de leurs courses, par l’imperfection de leurs organes locomoteurs ; aussi n’insisterons-nous pas plus longtemps à cet égard. Une autre circonstance apporte un obstacle non moins puissant aux mouvements continus de ces ani- maux. Elle se rattache à la longueur de leur queue, plus grande que celle de leur corps, et enfin à l’ex- trême fragilité de cette partie. Elle est telle, qu'on a nommé les orvets et les ophisaures serpents de verre, pour indiquer par là, que leur queue se brise par le moindre choc, avec la plus grande facilité. Dans d’autres circonstances, laqueue desreptiles, et particuliérement celle des lézards, est fort utile à ces animaux pour la course, surtout si elle a lieu dans une herbe épaisse ou entre les branches basses d’une haie. Le lacerta viridis et les autres espèces analogues s’en servent particulièrement avec avantage, en lui impri- — 335 — mant, à la maniére des serpents, des mouvements d’on- dulations latérales. C’est par elle aussi, et d’après le même procédé, que la natation s'opère. Dans ce mode de progression les pattes sont serrées contre le corps : l’aplatissement naturel des cuisses, des jambes et des avant-bras, fait que leur saillie est alors presque nulle, et que l’animal s’avance avec autant de facilité qu’un serpent ou qu'un poisson anguiliforme. La queue sert encore aux reptiles, et surtout aux lézards, pour s’é- lancer perpendiculairement ou obliquement à une certaine hauteur. Mais, comme ce genre de mouve- ment se rapporte peu à ceux que nous étudions, nous n'en dirons pas davantage. IlLest enfin plusieurs reptiles qui offrent une pareïlle imperfection dans leur organisation, et qui ne peu- vent se livrer à des excursions un peu longues, par suite de leur genre de nourriture. Tels sont les am- phisbénes, genres d’ophidiens qui se tiennent à peu prés constamment en Amérique, dans les fourmi- lières, et qui, par cela même, ne peuvent guère se déplacer. Une autre cause plus puissante encore s'oppose à ce que les reptiles puissent se livrer, comme les oiseaux et les poissons, à de grandes et de longues excursions. Cette cause tient à l’effet que produit chez eux l’élé- vation ou l’abaissement de la température de l’atmos- phère sur l'exercice de leur faculté locomotrice et — 3360 — sur la plupart de leurs autres fonctions. Tous, par l’action du froid, semblent tomber dans une sorte d’engourdissement ou de léthargie comateuse qui dé- termine leur immobilité, et paraît les rendre insen- sibles à tout ce qui se passe autour d’eux. Dans les climats tempérés, des exemples frappants de pareils engourdissements nous sont fournis par les grenouilles, les salamandres, les tortues terrestres, les lézards et les couleuvres. Des effets absolument semblables sont produits par une cause tout à fait inverse chez les espèces qui vivent sous les climats brü- lants situés au delà de l’équateur, ainsi que M. de Hum- boldt l’a observé pour les crocodiles et les caïmans. Ces animaux exigent donc pour l’agilité de leurs mouvements des circonstances toutes particulières de température. 1l faut en général qu'une chaleur exté- rieure soit assez forte pour suppléer à celle qui leur manque. Alors le repos leur est comme impossible ; sans changer de place, on les voit, surtout les lézards, agiter successivement tous leurs membres par une sorte de tremblement convulsif, fréquemment réitéré. Mais cette agilité concourt à épuiser plus prompte- ment leurs forces. Il n’est pas difficile à un homme de les forcer à la course sur un terrain uni; et les petites espèces de lézards deviennent presque inca- pables de mouvement, après quelques minutes d’une poursuite soutenue sans relâche. Ces circonstances, dépendantes de l’organisation, limitent nécessairement dans certains lieux l’exis- tence de ces animaux. Ainsi ceux qui vivent dans les régions tempérées s’engourdissent l'hiver, et perdent la faculté de se mouvoir tant que dure la saison des frimas. Ces reptiles semblent disparaitre tout à fait pour lors de la surface de la terre, et cela pendant plusieurs mois de l’année. Ces causes rendent aussi ces animaux moins nombreux, en même temps que leurs genres et leurs espèces sont plus rares dans le Nord que dans le Midi. Les reptiles ne sont pas , comme les oiseaux et les poissons, des animaux construits sur le même plan ou sur le même modèle ; les uns pour s’élever dans l’atmosphère , et les autres pour nager dans le sein des eaux. Des systèmes d'organisation plus variés, qui se rapportent au moins à quatre types principaux, caractérisent les animaux rampants ; par cela même, ils ont eu des moyens différents de locomotion, mais dont aucun n’a été établi pour leur permettre des mouvements longtemps prolongés. Un simple apercu, ajouté aux détails dans lesquels nous sommes déjà entré, fera mieux saisir toute leur imperfection. Le premier type nous présente ces ani- maux sans aucune trace d'organes apparents du mouvement, et par conséquent ils ne peuvent pas s’en aider dans la progression. D'autres ont bien des 29 — 338 — membres ; mais, leur épine dorsale étant peu mobile, ils ne peuvent se trainer qu’à l'aide de pattes très- courtes et mal articulées. L’inégale étendue en lon- gueur , et la distance respective et trop considéra- ble des membres de certaines espèces de reptiles, rendent celles-ci peu propres à la marche et à tout mouvement longtemps continué. Les dimensions relatives de ces animaux offrent encore de très-grandes dissemblances ; nécessaire- ment elles ont dû amener un mode différent de trans- port. Ainsi, il est quelques espèces dont le corps arrondi dans son épaisseur est, dans certains cas, cent fois plus long qu'il n’est large ou élevé. Tels sont plusieurs serpents. On observe peu de reptiles dont la largeur l'emporte sur la longueur, ou qui lui soit même égale; mais il en est de plus larges qu’épais, et qui présentent ainsi une surface. apla- tie. Les pipas , dans l’ordre des batraciens, quelques chéloniens ou tortues marines, ainsi que les tortues molles ou trionyx, et les chélides ont une pareille disposition. Les uroplates, les crocodiles, plusieurs geckos en- tre les sauriens, ont le tronc également épais dans les deux sens principaux, tandis que les caméléons et quelques iguaniens offrent une conformation tout à fait inverse. Leur corps a ordinairement plus de hauteur que de largeur, et parait ainsi comprimé. Enfin — 339 — quelques tortues de terre présentent presque autant de largeur que de longueur, et leur corps est en outre bombé en forme de voûte. D’autres reptiles, comme les erapauds parmi les batraciens , ont le corps court, fort large, et presque tronqué à raison de ce qu'ils manquent de queue. Aussi l'allure de ces animaux, lourde et pesante, est parfaitement en harmonie avec la conformation et les dispositions de leur corps. Il est facile de juger, d’après tous ces détails relatifs à l’organisation des reptiles, que ces animaux n'ont pas été construits d'une manière favorable à l'étendue et à la continuité des mouvements. Leur imperfection est grande à cet égard, en faisant abstraction de la faiblesse et de l’im perfection de leur respiration, et de leur état de tor- peur et d'engourdissement lorsque la température s’abaisse d’une manière notable. Ce n’est donc point chez de pareils animaux que nous devons chercher ces espèces émigrantes qui parcourent presque constamment la totalité du globe, et sont toujours en mouvement. Les reptiles n'offrent pas davantage des analogues de ces races qui se rendent, à des époques fixes, d’une contrée dans une autre où souvent aucun besoin ne les appelle, mais qui satisfont de cette maniére à un instinct impérieux qui les porte à voyager. Tout au plus quelques espèces, et encore en très-petit — 3140 — nombre, se déplacent-elles plus ou moins acciden- tellement à l’époque de la ponte, pour assurer la durée de leur progéniture, et veiller à son avenir. Voilà à quels déplacements paraissent se borner les excursions des reptiles, excursions aussi restreintes que la cause qui les détermine et les leur rend né- cessaires. Les tortues marines sont à peu près chez cet ordre d'animaux les seules qui fournissent des exemples d’assez longs voyages, ainsi que nous l’avons déjà fait observer. C’est principalement auprès des Tortugas, groupe d’iles situées à quatre-vingts milles environ de Key-West, les dernières de celles qui semblent dé- fendre la péninsule des Florides, que l’on pêche le plus grand nombre de ces reptiles voyageurs. Les Tortugas doivent leur nom aux tortues de toute es- pèce qui viennent y déposer leurs œufs dans le sable. Chaque année, la saison de la ponte y attire aussi des nuées d'oiseaux aquatiques et à leur suite arrivent les eggers on preneurs d'œufs, qui en font des car- gaisons plus ou moins considérables. Les tortues de mer vont déposer leurs œufs dans ces iles, en trainant laborieusement leurs massives carapaces sur le sable, leurs pattes étant plus pro- pres à la natation qu’à la marche. Une fois arri- vées péniblement sur la terre ferme, elles creusent avec une certaine industrie leurs nids dans le sable, — 511 — en le rejetant avec soin à droite et à gauche. Les tor- tues déposent ensuite leurs œufs par couches ; elles les arrangent avec une attention minutieuse, et les recou- vrent au moyen de leurs pattes de derrière. Lorsque cette opération est terminée, on les voit redescendre Joyeuses sur la grève et s’élancer de nouveau dans la mer. Les Tortugas ne sont pas les seules îles où les tortues font leur ponte; ces reptiles en fréquentent beaucoup d’autres, ainsi que diverses parties des continents. Les voyageurs et les pêcheurs en dis- tinguent quatre espèces, parmi celles qu’ils recher- chent, soit pour la bonté de leur chair, soit à cause de celle de leurs œufs, soit enfin en raison de la beauté de leurs écailles. La premiére, ou la tortue verte (chelonia midas), est la plus estimée des gour- mets. C’est dans le mois d'avril, après avoir passé l'hiver au fond des eaux , qu’elle s'approche du ri- vage, et pénètre dans les baies, les golfes et les ri- vières. Elle fait deux pontes, en mai et en juin. La première est la plus considérable, et la seconde un peu moindre. La quantité des œufs s’élève à chaque ponte jusqu’à deux cent quarante, ou deux cent cinquante. La tortue à bec de faucon (chelonia imbricata), dont l’écaille est si estimée dans le commerce, où elle sert à tant d'objets d’art, vient après la verte pour la qualité — 312 — de sa chair. Elle fréquente de préférence les ilots les plus éloignés de la terre ferme, où elle dépose ses œufs ; d’abord en juillet, ensuite en août, quoiqu'’elle ait fait sa première apparition de meilleure heure dans ces parages, comme pour s’y ménager d'avance une place de süreté. La moyenne de ses œufs est de plus de trois cents. La tortue grosse-téte (chelonia caouana), visite les Tortugas en avril. Depuis lors, jusqu’aux derniers jours de juin, elle fait trois pontes successives de cent soixante-dix œufs chacune ou environ. La tortue coffre, qui est quelquefois énorme, a une poche analogue à celle du pélican; elle arrive aux îles plus tard que les deux autres. L’écaille et la chair de cette espèce sont si molles, qu’on peut y en- foncer le doigt comme dans un morceau de beurre. On la mange rarement, aussi est-elle la moins esti- mée sous le rapport de la délicatesse de sa chair. Elle dépose dans la saison environ trois cent cinquante œufs, et quelquefois davantage, en deux pontes. Les tortues, ainsi que nous venons de le faire ob- server, ont plusieurs pontes ; car elles ne pourraient pas autrement déposer les œufs qu’elles portent dans une seule couvaison. En effet, il n’est pas rare d’en découvrir jusqu’à trois mille dans le ventre d’une tortue du poids de quelques quintaux. Ces œufs, tout petits, sans coquilles, sont liés les uns aux autres comme des grains de chapelet. Les jeunes tortues à peine écloses, guère plus larges qu’une pièce de cinq francs, grattent leur chemin à travers leur nid sablonneux, et serendent immédiatement à l’eau. Elles nagent bientôt avec la même vitesse que leurs mères. Cette vitesse est si grande chez la tortue verte et la tortue à bec de faucon, ou le caret, que les naviga- teurs l’ont comparée à celle des oiseaux de haut vol. D’après eux encore, si on enlève une tortue prise sur sa ponte, pour l’emmener à bord d’un navire, et si on lui rend la liberté à plusieurs centaines de milles en mer, on la rencontre de nouveau dans le même endroit où elle avait été surprise, soit dans la même saison, soit lors de la saison suivante. Si ce fait est exact, les tortues auraient à cet écard le même instinct que les oiseaux voyageurs. Quoi qu’il en soit, On a pu juger, par ce qui précède, que les voyages entrepris par ces reptiles ont des motifs dont il est aisé de deviner toute la portée, et que leurs excursions, bien différentes de celles qu’exécutent les oiseaux et les poissons, sont uniquement déterminées pour satisfaire ce besoin impérieux, imposé par la nature à tous les animaux, celui de perpétuer leur race. Aussi les passages des reptiles d’une contrée à une autre, n’ont presque rien de commun à ceux qu'opèrent d’une manière constante ou accidentelle les plus agiles des vertébrés. Il n’était pas cependant — 341 — sans quelque intérêt, de fixer l’attention des observa- teurs sur ce phénomène, considéré chez les êtres qui le présentent dans sa plus grande simplicité. II. Tableau des lieux habités par les principales espèces de reptiles. Les observations précédentes ont pu faire juger que les reptiles étaient parmi les animaux vertébrés, ceux qui se livraient le moins à des excursions éten- dues. On peut le démontrer par la comparaison des habitations de leurs différentes espèces. Si les reptiles se transportent peu à de grandes distances, leurs races doivent être limitées dans les lieux qu’elles ont choi- sis ou qu'elles se sont donnés comme patrie. Pour être certain de ce point de fait, nous avons tracé les tableaux suivants, qui donnent des idées exactes de la distribution géographique de ces animaux. Nous n'avons pas la prétention d'offrir la liste com- plète de tous les reptiles connus; nous en avons seu- lement réuni un assez grand nombre pour que ces tableaux comparatifs puissent faire juger le peu d’es- pace qu'occupent sur la surface du globe les espèces terrestres ou fluviatiles, en comparaison surtout de celui dans lequel sont disséminés les reptiles marins. Le tableau des habitations des diverses races de reptiles est plus difficile à tracer qu’on le suppo- — 545 — serait. Les voyageurs notent comme patrie des espèces celle où ils les rencontrent toutes les fois qu’ils les visitent. Cette règle est cependant peu sûre; car il est plusieurs reptiles, comme d’autres animaux, qui ne se trouvent dans telle ou telle localité que parce qu'ils y ont été importés. Ainsi, quoique la tortue grecque se rencontre maintenant en France, on ne l’y décou- vre que parce qu'elle y a été apportée d'Italie. Ce que nous disons de cette espèce peut s’appliquer à une foule d’autres (1). D’après ce, nous avons encore donné trop d’extension aux habitations que nous avons in- diquées dans nos tableaux. (4) Nous devons faire observer que les doutes les plus graves s'élèvent à l’égard de cette espèce. On la trouve du moins à l’état humatile dans un grand nombre de cavernes à ossements du midi de la France, où l’on découvre en même temps des chevaux, des bœufs, plusieurs espèces de carnassiers et de rongeurs qui ne diffèrent point des races actuelles. Dès lors la tortue grecque doit être considérée comme caractérisant aussi bien nos contrées méridionales que la Grèce et l'Italie. — 3546 — TABLE AU DES LIEUX HABITÉS PAR LES PRINCIPALES ESPÈCES DE REPTILES. CLASSES FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. EE Chéloniens. Tortues ter-| 1° Tortue bor- restresoucher- dée (testudo mar- sites. ginata Schæpffer). 20 Tortue mores- que (testudo mau- riliana). 3° Tortue grec- que (testudo grcæ- ca). 4° Tortue géo- métrique ( testudo geometrica). 5° Tortue acti— node (testudo acti- nodes). 6° Tortue pan- thère (testudo par- dalis). | 7° Tortue sil- lonnée ( testwdo sulcata). 8° Tortue nègre (testudo nigrita), 90 Tortue rayon- née (testudo ra- diata). HABITATIONS. Morée, Egypte, Algérie. Mauritanie, Algérie, Asie, aux environs de la mer Cas- pienne. Habite une portion de l'Eu- rope méridionale, la Grèce, l'I- talie, d’où elle a été importée en France, et peut-être aussi en Espagne et en Portugal. Cap de Bonne-Espérance et île de Madagascar. Indes orientales. Afrique australe. Afrique, cap de Bonne-Es- pérance, Sénégal. Indes orientales. Ile de Madagascar. — 5AT — EEE QUO CLASSES, Chéloniens. FAMILLES, Tortues ter- restres ou cher- siles, GENRES ET ESPÈCES. 10° Tortue mar- quelée (Lestudo tu- bulata ). 44° Tortue char- bonnière ( testudo carbonaria). 12° Tortue poly- phème (testudo po- lyphœæma). 15° Tortue de Schweiger (testu- do Schweigeri). 14 Tortue élé- phantine (testudo elephantina). 15° Tortue noire (testudo nigra). 16° Tortue géan- te (Lestudo gigantea) 47° Tortue de Daudin ( testudo Daudinii), 48° Tortue de Perrault ( testudo Perraultii), 19° Tortue an— guleuse (testudo angulala). , 20° Tortue de Gray ( testudo Graii). 210 Tortue Pe— liaste (testudo Pe- liastes). HABITATIONS, OR Amérique méridionale,grau- des îles des Antilles. Brésil, Cayenne, la Jamaï- que. Amérique septentrionale, de- puis les Florides jusqu’à la ri- vière Savannah, au nord de laquelle on ne la rencontre plus. Patrie inconnue : paraît très- peu répandue, Iles situées dans le canal de Mosambique. Iles des Gallapagos, Patrie inconnue, Indes orientales. Indes orientales, Afrique australe, île de Ma- dagascar. Afrique. Patrie inconnue, — 548 — nn, CLASSES. FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. | Chéloniens. Tortues ter-| 22° Tortue de| Iles de Gallapagos. restresou cher-|Vosmaer ( testudo siles. Vosmaeri). Afrique australe, île de Ma- 1° Homopode a- dagascar. réolé ( komopodus areolatus Dumeril). 90 Homopode Afrique australe. marqué (komopo- dus signatus). 4° Pixide arach-| Indes, et îles de son Archipel. noïdes (Pixis ara- chnoides Bell.). Guyane anglaise, ou tout au moins de l'Amérique. 1°Cinixys de Ho- me (cinixys ho- meana Bell.). 29 Cinixys ron-| Idem. gée (cinixys ero- sa Gray). 3° Cinixys del Patrie inconnue. Bell. (cinixys bel- liana Gray). Amérique septentrionale, de- puis la baie d'Hudson jusqu'aux Florides. Tortues pa-| 40 Cistude de la ludines ou élo- Caroline ( cistudo dites. carolina Gray). 20 Cistude d’Am-| Java et Amboine. boine ( cistudo am- boinensis Gray). 5° Cistude trifas- | Amboine. ciée {cistudo tri- fasciata Gray). Grèce, Italie et ses îles, Es— pagne, Portugal, France méri- dionale, Hongrie, Allemagne, Prusse. 4° Cistude euro- péenne ( cistudo europæa Gray). 5° Cistude del Bengale et île de Java. — 519 — EEE CLASSES. FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. RS ES + IL I PP Diard (cistudo Diar- Chéloniens. | Tortues pa— dii Dumeril). ludines ou élo- dites. Environs de la”mer Cas- 1° Emyde cas-| ) à pienne, Dalmatie et Morée. pienne (emys ca- spica). Côtes méditerranéennes de 2° Emyde sigriz i l'Afrique et de l'Espagne. (emys sigria). 3° Emyde ponc-| Brésil et Guyane. tulaire (emys pun- ctularia). 4° Emyde mar-| Brésil. brée ( emys mar- morea). Amérique septentrionale , 5° Emyde pul- nord des Etats-Unis, 6° Emyde géo-| Etats-Unis. graphique (emys geographica). Amérique du Nord et Amé- rique méridionale; c’est la seule espèce d'émyde qui ha- bite les deux parties du nou- veau continent. 7° Emyde à li- gnes concentriques (emys concentrica). Amérique septentrionale, pas plus loin au nord que la partie méridionale de la Virginie. 8° Emyde à bords en scie (emys ser- rala). 9° Emyde de Dor- bigny (emys Dor- bigny). Buénos-Ayres. 10° Emyde arro- sée (emys irrigata). Partie septentrionale de l’A- mérique, 110 Emyde croi- sée (emys decus- sata). Saint-Domingue. L2 — 550 — CLASSES, FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS. Chéloniens. | Tortues pa-| 12° Emyde à Etats-Unis, depuis le New- ludines ou élo-|ventre rouge (e- | Jersey jusqu’en Virginie. dites. mys rubi ventris). 13° Emyde ru- gueuse (emys ru- gosa Gray). 14° Emyde des Florides (emys flo- ridea). 159 Emyde or-| née (emys ornala). 16° Emyde con- cinne (emys con- cinna). 17° Emyde réti- culaire (emys re- ticulata). 18° Emyde ta- chetée (emys qut- lala). 19° Emyde pein- te (emys picta). 20° Emyde de Mublenberg e- mys Muhlenbergii). 21° Emyde de Spengler ( emys Spenglerii). 220 Emyde à trois arêtes (emys trijuga). 25° Fmyde de Reeves (emys Ree- vesii). Amérique septentrionale. Partie orientale des Florides. Amérique méridionale. Rivières de la Caroline et de la Géorgie. Caroline septentrionale. Amérique septentrionale, dans tous les ruisseaux des Etats-Unis. Etats-Unis. Nouvelle-Jersey et Pensylva- Inie, où elle vit avec quelques |autres espèces dans les petits courants d'eau. La seule émyde de l'Afrique, de [l’île de France et de l'île Bourbon. Indes orientales. Chine CLASSES. Chéloniens. FAMILLES. Tortues pa— ludines ou élo- dites. — 351 — GENRES ET ESPÈCES. 24° Emyde d'Ha- milton (emys Ha- milionii). 25° Emyde de Thurgy ( emys Thurjü). J 26° Emyde à dos étroit (emys tecta). 27° Emyde de Beale (emys Bea- lei). 28° Emyde cras- sicole (emys cras- sicolis). 29° Emyde épi- neuse (emys spi- nosa). 30° Emyde ocel- lée (emys ocellata). 51° Emyde à trois bandes (emys trivittata). 32° Emyde Du- vaucel (emys Du- vaucelii). 53° Emyde rayée (emys lineata). 4° Tetronyx de Lesson ( tetronyx Lessonii). 29 Tetronyx bas- ka (tetronyx bas- ka). HABITATIONS. LATE mener Indes orientales. Cette émyde vit dans le Gange (Inde). Idem. Chine. Java et Batavia. Indes orientales. Bengale. Bengale. Bengale, Indes orientales. Nous avons omis de mentionner quelques autres espèces, sur l’habitation desquelles on n’est pas certain. Indes orientales, Chine, — Fa CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. 4° Platysterne mégacéphale ( pla- tysternon megace- phalum). Chéioniens. | Tortues pa- ludines ou élo- dites. 1° Emisaure ser- pentine (emysaura serpentina). seat 1° Slaurotype tri- carène ( stauroty- pus triporcatus.) 2° Staurotype musqué { stauro- typus odoratus). 4° Cinosterne scorpioïde { cino - slernon scorpioïdes) 2° Cinosterne de Pensylvanie ( ci- nosternon pensyl- vanicum). 3° Cinosterne hirtipède ( cino- stérnon hirtipes). À 4° Peltocéphale tracaxa (peltoce- phalus tracaxa). 1° Podocnémide élargie ( podocne- mis expansus). 20 Podocnémide de Dumeril (po- docnemis dumeri - liana). 4° Pentomyx du Cap (pentomyx ca- pensis) . A” ————"————— HABITATIONS, Chine. Amérique septentrionale. Mexique, Amérique du Nord. Amérique méridionale. Etats-Unis. Mexique. Cayenne. Amérique méridionale. Idem. Cap de Bonne-Espérance, — lle de Madagascar, Sénégal. CLASSES, FAMILLES. [GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. NES RSR ES SES CRT OR Te on PE EE AE POT SE CESSE PETER Tortues pa-| 2°Bentomyxd’A-| Cap Vert. ludines ou élo- danson ( bentomyx dites. Adansonii). Chéloniens. | 1° Sternothère noir (sternotherus niger). 2° Sternothère noirâtre ( sterno- therus nigricans). 5° Sternothère marron (sternothe- rus Caslaneus). 19 Platémyde martinelle (plate- mys marlinella). 29 Platémyde de Spix (platemys Spi- x). 5° Platémyde ra- diolée (platemys ra- diolata), 4° Platémyde bossue ( platemys gibba). 5° Platémyde de Geoffroy (platemys Geoffroyana), G° Platémyde de) Wagler {platemys Waglerii), 7° Platémyce de Neuwied {platemys| Neuwiedii). 8° Platémyde de Gaudichaud (pa-| Île de Madagascar. Ile de Madagascar. Ile de Madagascar. Brésil, Cayenne. Brésil. Brésil. Patrie inconnue, Amérique téridionale, Brés!i, Brésil. Brésil. — 654 — © —— CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, CCR CS cs OT € QY, (CV ÇQ Chéloniens. | Tortues pa- Lemys Gaudichau- ludines ou élo- dii). diles. 99 Platémyde de| Brésil. Saint-Hilaire (pla- temys Hilari). 10° Platémyde| Cayenne. de Milius (plate- mys Miliusii). 419 Platémyde à! Habite les bords du fleuve pieds rouges (pla- Solimvens au Brésil. temys rufipes). 120 Platémyde| Amérique méridionale. de Schweiger (pla- temys Schweigeri). 139 Platémyde| Rivière de Macquarie à la de Macquarie (pla-|Nouvelle-Hollande. temys macquaria). 4° Chélodine de! Nouvelle-Hollande, la Nouvelle - Hol- lande ( chelodina novæ Hollandicæ). 2° Chélodine à| Brésil. bouche jaune (che- lodina flavilabris), 5° Chélodine de! Amérique méridionale, Maximilien (cLelo- dina Maximiliani). 49 Chélyde ma-| Amérique méridionale. lamala (chelys ma- tamata). Tortues flu- 19 Gymnopode Amérique méridionale, ri viales ou pota-lspinifère ( gymno-|vières de la Géorgie et des Flo- miles. podus spinifer). rides, 2° Gymnopode) Amérique méridionale, ri- CLASSES, FAMILLES: TR RON CONTSCERES Chéloniens. Tortues flu- viales ou pola- miles. | — 9355 — GENRES ET ESPÉCES, HABITATIONS. vières de la Géorgie et des Flc- Ï ymno- mulique (gy pi podus mulicus). 50 Gymnopode Nil et autres fleuves de l’A- d'Egypte (gymno- ie podus ægyptiacus). 4° Gymnopode| Gange. ocellé (gymnopo- dus ocellatus). 5° Gymnopode à| Gange. cou rayé ( gymno- podus lineatus). 6° Gymnopode Fleuves de l'île de Java. de Java ( gymno- podus javanicus ). 70 Gymnopode Tigre et Euphrate, aplati (gymnopo- dus subplana). Fleuves qui débouchent sur la côte de Coromandel, Habite peut-être dans les fleuves de 1° Cryptopode chagriné {cryptopo- dus granosus). l'Inde. 49Chélonée fran-| Océan Atlantique, che (chelonia Mi- das). Cap de Bonne-Espérance, et Ténériffe (Afrique), Rio-Ja- neiro , Brésil, New - York, Etats-Unis, mers des Indes, mer Rouge. 2° Chélonée ver- getée (chelonia vir- gata). 5° Chélonée ta-| Côte de Milabar. chetée ( chelonia muculosa). 49 Chélonée mar-{ Ile de l’Ascensiu brée (chelonia mar- moral). 5° Chélanée im’ Océan Indien et Océan Amé: LU CLASSES, FAILLES, GENRES ET ESPÈCES. Dern | semer eng ere nee rennes Chéloniens. Tortues flu-|briquée ( chelonia viales ou pola-|ünbricata). miles. G° Chélonée caouane ( chelonia caouana). 7° Chéionce de Bussumier ( chelo- nia Dussumierii), 4° Sphargis luth (sphargis coriacea). Lézards cro- couiliens où as- pidiotes. Sauriens. 19 Céïman à paupières osseuses (ailigætor palpebro- sus). 20 Caïman à mu- seau de brochet (al- ligator lucius). 6° Caïman à lunettes ( alligator schuops). 40 Cuiman cyno- céphale (alligator cynoccphala), 5° Caïman à points noirs (alli- gator punctulatus). 4° Crocodile rhombifère (cro- codilus rhombifer). HABITATIONS, ESC PE TS TER EI ARTS ricain, île Bourbon, îles Sey— chelles, Amboine , Nouvelle- Guinée, Havane. Méditerranée, Océan Atlan- tique, Rio-Janeiro, Brésil. Côtes de Malabar et mers de la Chine. Méditerranée et Océan Atlan- tique. Rondelet en cite un pris à Frontignan , et Amoreux un autre capturé à Cette. — Un luth fut pêché en 1729 sur les côtes de l'Océan près de l’em- bouchure de la Loire. Enfin un &ernier fut pris en 1756 sur les côtes de Cornouailles en An- gleterre. Amérique méridionale. Amérique septentrionale. Amérique méridionale. Cayenne, Brésil, Martinique, Brésil, Iles des Autilles, peut - être le Brésil. — 351 — À QC QG OO OR LC CLASSES: FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. Sauriens, Lézards cro- 20 Crocodile de codiliens ou as-|Graves (crocodilus pidiotes, Lézards ca- méléoniens ou chélopodes. gravensis). 5° Crocodile vul- gaire (crocodilus vulgaris). 4 Crocodile à casque (crocoditus galeatus). 5° Crocodile à deux arêtes ( cro- codilus biporcatus). 6° Crocodile à museau effilé (cro- codilus acutus). T°Crocodile à nu- que cuirassée (cro- codilus cataphra - clus). 8° Crocodile de Journu (crocodi-. lus Journei). 19Gavial du Gan- ge (gavialis gange- ticus). 19 Caméléon or- dinaire ( cameleo vulgaris). 99 Caméléon ver- ruqueux (cameleo VETTUCOsus). 5° Caméléon ti- gre (cameleo ti- gris). Afrique. Gange et les fleuves qui dé- bouchent la côte”’de Malabar. Siam, dans l’Indo-Chine. Indes orientales. Saint-Domingue, la Martini- que et la partie septentrionale de l'Amérique du Sud. Sierra-Leone en Afrique, Patrie inconnue. Dans le Gange. Partie septentrionale de l'A- frique, seulement près des cû- tes africaines bordéces par la Méditerranée. Ile de Madagascar Îles Seychelles, nm CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES, EE HADITATIONS. SE | EE | GER Sauriens. Lézards ca- 4° Caméléon na- méléoniens oulsu (cameleo nasu- chélopodes. Lézards gé- \ lus}. 5° Caméléon nain (cameleo pu- milus). 6° Caméléon à bandes latérales (ca- meleo lateralis). 7° Caméléon du Sénégal (cameleo senegalensis). 8° Caméléon bi- lobé ( cameleo bi- lepis). 9° Caméléon à capuchon ( came- leo cucullatus). 10° Caméléon à trois cornes (ca- meleo tricornis). 119 Caméléon panthère ( came- Leo pardalis). 129 Caméléon de Parson ( cameleo Parsonii). 15° Caméléon à nez fourchu (ca- meleo bifidus). 14° Caméléon de Brookes ( cameleo Brookesii). 19 Platydactyle Madagascar. Cap de Bonne-Espérance, îles Seychelles. Ile Bourbon. Sénégal. Sénégal, côtes de Guinée. Madagascar. Côtes d'Afrique. Ile de France, île Bourbon, Madagascar. Madagascar. Iles Moluques , île Bourbon, Nouvelle-Hollande,. Madagascar. Afrique australe. CLASSES. FAMILLES:. GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, ES EE SE | EE SE Sauriens. |kotiens ou as-|ocellé (platydacty- calabotes. lus ocellatus). 20 Platydactyle Ile Maurice, île Bourbon et cépédien {platy-[rdagasear. dactylus cepedia - nus). 5° Platydactyle] lle d'Otaïti. demi-deuil (platy- dactylus lugubris). 49° Platydactyle Antilles. On le trouve aussi théonyx (platyda- sur le continent d'Amérique, ctylus theonyx), 59 Platydactyle Iles Seychelles, des Seychelles (pla- tydactylus seychel- lensis). 6° Platydactyle| Bengale. de Duvaucel (pla- tydaclylus Duvau- celii). 7° Platydactyle Patrie inconnue. de Leach ( platy- dactylus leaschia— nus). 8° Platydactyle Iles de la Méditerranée, et : _|les pays qui forment le bassin des murailles (pla-|i EE er. tydactylus mura — Lis). 99 Platydactyle| Egypte. d'Egypte (platy- dacltylus ægyptia- cus), 10° Platydactyle! Te de Ténériffe, île de Ma- de Delalande (pla-|dère, Sénégal. , tydectylus Delalan- dii), —— —————— GENRES ET ESPÈCES. CLASSES, | FAMILLES, HABITATIONS. Sauriens, Lézards gé-| 11° Platydactyle] New-York, Etats-Unis. kotiens ou as-lde Milbert (platy- calaboles. dactylus Milbertii). 12° Platydactyle Archipel de l'Inde. à gouttelettes (pla- tydactylus guttatus) 15° Platydactyle Ile d'Amboine, à bande (platyda- ctylus villatus). deux bandes (platy-|8"i°u- dactylus bivittatus). 15° Platydactyle| Ile d'Amboine. monarque (platy- dactylus monar - chus). 16° Platydactyle] Japon. du Japon (platyda- clylus japonicus). | | 44° Platydactyleà| Nouvelle - Guinée, île Wai- | | | | | } 47° Platydac- Ile de Java. tyle homalocéphale (pletydactylus ho- malocephalus). 1° Hémidactyle| Oualan, Taïti, Vanicore, de l’île Oualan (he- Tongatabon. midactylus oualen- sis). 20 Hémidactyle Ile de France. de Peron (hemi- dactylus Peronii). 35° Hémidactyle Terre de Van-Diémen. varié ( hemidacty- lus variegatus). 4° Hémidactyle] Manille. mutilé (hemidacty- lus mutilatus). 6 CLASSES. FAMILLES:, GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS, Sauriens, Lézards gé-| 5° Hémidaciyle| Ceylan et côte de Malabar, kotiens ou as-|à tubercules triè- calabotes, dres ( hemidacty- lus triedrus). 6° Hémidactyle| Indes orientales, îles Philip- tacheté ( heniitla > pines et île Maurice. clylus maculatus). 7° Hémidaetyle| Se trouve tout autour de la verruculeux ( he-|Méditerranée. midactylus verrucu- latus). 8° Hémidactyle| Antilles. mabonia ( hemida- clylus mabonia). 99 Hémidactyle| Ceylan. de Leschenaut (he- midactylus Leische- naulii). 10° Hémidactyie Indes orientales. de Cocteau (hemi- dactylus Coctæi). 11° Hémidactyle Afrique australe, Archipel bride ( hemidacty- des Grandes-Indes, lus frenatus). 12° Hémidactyle| le de Taïti. de Garnot (hemi- dactylus Garnotii). 13° Hémidactyle|] Pérou. péruvien ( hemi- dactylus peruvia— nus). 149 Hémidactyle| Bengale et île de Java. bordé (hemidacty- lus marginatus). 15° Hémidactyle| Arabie. — 362 — CLASSES, FAMILLES:« GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS. Sauriens. Lézards gé-|de Seba ( hemida- kotiens ou as-|ctylus Sebcæ). calabotes. 1° Piyodactyle) Egypte. d'Hasselquit (ptyo- dactylus Hasselqui- tii), 2 Piyodactyle| Île de Madagascar. frangé (ptyodacty- lus fimbriatus). 5° Ptyodactyle Patrie inconnue. rayé (ptyodactylus lineatus), 4° Ptyodactyle| Chili. de Feuillée (ptyo- dactylus F'euillæi). 19 Phyllodactyle Nouvelle-Guinée, Nouvelle- de Lesueur (phyl-|Holiande. lodactylus Lesueu- ri), 90 Phyllodacty- Afrique, Nouvelle-Hollande. < Les individus du Cap et ceux le porphyré (phyl- de la Nouvelle - Hollande ne lodactylus porphy-|aiffèrent pas entre eux. reus). 5° Phyllodactyle| Amérique. gymnopyge (phyl- lodactlus gymno- pygus). 4° Phyllodactyle! Californie, tuberculeux (phyl- lodactylus tubercu- latus). 5° Phyllodactyle Baie des Chiens marins, Nou- strophure (phyllo- velle-Hollande. dactylus strophu- rus), 6° Phyllodactyle| Pérou. CIASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, D LEP | EG IN I I CE Sauriens, Lézards gé-|gerrhopyge (phyl- kotiens ou us-|/odactylus gerrho- calabotes. pygus). 7° Phyllodactyle| Nouvelle-Hollande. à bandes (phyllo- dactylus vittatus). 1° Sphériodacty-| Antilles, principalement à le sputateur (sphœ-|S*int-Domingue, riodactylus sputa- tor). 2° Sphériodactyle| Idem. à très-petils points ( sphæriodactylus punclatissimus). 50 Sphériodacty-| Martinique. le bizarre ( sphæ- riodactylus fanta— sticus). 4° Gymnodac-| Ile de Timor. Lyle de Timor (gym- nodactylus timo— riensis). | 20Gymnodactyle| Chili. deGaudichaud(gym- nodactylus Gaudi- chaudii). 3°Gymnodactyle] Alger mauritanique(gym- nodactylus mauri- tanicus), Lo Gymnodac- Ile de la Martinique. tyle à gorge blan- che ( gymnodacty- lus albogularis). 5° Gymnodac-| Abyssinie. iyle à points jau- CLASSES TE Ce Sauriens, FAMILLES: Lézards gé- kotiens ou as- calabotes. Lézards va- rañiens ou pla- lynotes. — 564 — GENRES ET ESPÈCES. nes ({ gymncdacty- lus flavo punctu- lus), 6° Gymnodactyle de Dorbigny (gym- nodactylus Dorbi— gnii). 7° Gymnodacty- le à bandes(gymno- dactylus fasciatus). 8° Gymnodac- tyle rude (gymno- dactylus scaber). 99 Gymnodac- tyle gentil (gym- nodactylus pulchel- lus). 10° Gymnodac- tyle marbré (gym- nodactylus marmo- ratus). 11° Gymnodac- tyle phyllure (gym- nodactylus phuyllu- rus). 199 Gymnodac- tyle de Milius (gym- nodactylusMiliusii). 1° Sténodactyle tacheté ( stenodac- tylus gultatus). 4° Varan du dé- sert {varanus are- narius). 90 Varan de Ti- HABITATIONS. EE Chili. Martinique. Afrique septentrionale. Bengale. Ile de Java. Nouvelle-Hollande,. Nouvelle-Hollande. Egypte. Egypte. Timor CLASSES: GENRES ET ESPÈCES. ERA RETTE ELS | Sauriens. mor (varanus tin0o- rensis). 3° Varan du Nil (varanus niloticus). 4°Varan du Ben- gale (raranus ben- galensis). 5° Varan nébu- leux (varanus ne- bulosus). 6° Varan de Pic- quot (varanus Pic- quotii). 7° Varan à deux bandes (varanus bi- vitlutus). FAMILLES, RE Lézards va- raniens ou pla- lynotes. 8° Varan chlo- rostigme (varanus chlorostigma). 99 Varan bigarré (varanus varius). 10° Varan de Bell (varanus Bel- lii). 419 Varan à gor- gebianche (varanus albogularis), 120 Varan ccellé (varanus ocellatus). 19 Héloderme Bérissé (heloderma horridum). TE RE rt PEUR Lézardsigua-| 4° Polychre mar- — ol HABITATIONS, Le Nil, le Sénégal et les ri- vières du cap de Bonne-Espé- rance. Bengale, Pondichéry. Indes orientales. Bengale. Java, îles Philippines, Moiu- ques. Nouvelle-Guinée, Nouvelle Zélande, terre des Papous. Nouvelle-Hollande. Nouvelle-Hollande, Patrieinconnue, Afrique, Mexique. Amériqué méridivnale, CLASSES, Sauriens. Les. FAMILIES. — 566 — GENRES ET ESPÈCES. niens ou euñ0-|bré (polychrus mar- moralus ). 1°Laimanctelon- gipède ( laimanctus longipes). 1° Urostrophe de Vatieur (urostro- plius Vautieurii). 1° Horops doré (horops auratus). 19 Anolis res- plendissant (ano- lis refulgens). 10 Corgophtha- me à crêle (corgo- phihamus cristatus). 1° Basilic à ca- puchon ( basiliscus milralus). 1° Alcponote de Ricord ( alopono- tus Ricordii). 49 Amblyrbin- que à crête (am- Llyrhincus crista- tus). 10 Iguanc tuber- culeux (iguana tu- berculosa). 1° Métopoceros cornu (meLopoce— ros cornulus), HABITATIONS. Mexique. Les quatre autres espèces du même genre vivent également au Mexique et au Brésil. Brésil. Brésil. Surinam. Les vingt-cinq au- tres espèces de ce genre habi- tent essentiellement l’Améri- que, soit le Brésil, Saint-Do- mingue, le Chili, Cayenne, les Antilles, mais principalement la Martinique et l’île de Cuba. Mexique. La seconde espèce habite également la même contrée. Guyane. La seconde espèce se trouve au Mexique. Saint-Domingue, Iles Galapagas. La patrie de l'amblyrhinque de Demarle est inconnue. Amérique méridionale. Les deux autres espèces habitent l’une au Mexique, et l’autre à la Martinique et à la Guade- loupe. à Saint-Domingue. = 867 — EE CLASSES: FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, ARRET SELS | I RE PORTE ET, | Caroline. Les deux autres es- pèces se trouvent au Mexique et en Californie. 4° Cyclure de Harlan ( cyclurus Harlani). Sauriens, Lézards igua- niens ou euno- tes, Indes orientales, îles de la Nouvelle-Guinée. 1° Brachylophe à bandes (:brachy- lophus fasciatus ). Guyane et Brésil. La seconde o oali - 1 Engalie rhom espèce vit au Brésil. bifère ( engalius rhombiferus). Amérique méridionale, Bré- o 1 Ophryesse sil et Cayenne. sourcilleux (ophry- OeSsa supercilia = na). Mexique. L'autre espèce est : à 1° Leiosaure de de Buénos-Ayres. Bell (leiosaurus Bel- li), Amérique méridionale. Il en est de même de l'upéranodonte peint. 19 Upéranodonte à collier (uperano- don ochrocolliare). Guyane. Il en est de même 1° Hypsibate a- e d de l'hypsibate ponctué. gamoïde (hypsiba- lus agamoïdes), Iles de la Trinité et de la Martinique. L'holotropide à petite crête habite Saint-Do- mingue et l’île de Cuba. 1° Holotropide de l’Herminier (ho- lotropidus Hermi- nierii). 4°Proctolrète du! Chili. Il en est de même des Chili ( proctotretus neufautres espèces de ce genre. chilensis). 4° Tropidolépide Amérique septentrionale.Les ondulé (tropido= neufautres espèces de ce genre = sont du Mexique. lepis undulatus). ‘ 4° Phrynosome Amérique septentrionale.Les k deux autres espèces sont de la de Harlan (phry- Californie et du Mexique, rosoma Harlanii), CAES. EANTATIOSS, del Brésil Il en est de méme de l'oplare de Maximilien, Je (thon ne (Pie de ce gars, Pons de e genre, Vans se (te D Ciéedies ct EC SE ponticerians). 1-Sisegeree | Ç RER | | | 1° Calamydesan | \re de King chia-| imydosaurus Kings. | | 4° Dragon fran | lsè ‘draco frubrie-| Vu. | 4 Pandehezr. Lie êe Ines. Le sent autoes Sent es Duèes ren pee Mtalles, & Amhomme, es Cakes, de Manille, eu &e Jura et ce Timer. Indes emientaiss Les mul âa Sénégal, êe r'Ain- êe TEgxpie. 21 p ; jratres cspèoes sont du Bensale, bande agama dor- de TAtrique se 210 êe la que et | CLASSES. FAMILLES. | GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, RS PE PR PRESSE DS CEE SEE Egypte et Perse. Les trois autres espèces sont de la Sibé- rie et de la Tartarie. Sauriens, Lézardsigua-| 1° Phrynocépha- niens ou euno-|le d'Olivier { phry- tes. nocephalus Olivie- ri). Egypte, Syrie et Perse. L'au- 40 i Ê 1, Sielion coms tre espèce se trouve en Arabie, mun (stellio vul- garis). Afrique. Les quatre autres espèces se trouvent en Egypte, en Arabie et dans la Nouvelle- Hollande. | 1Fouelle- queue orné (uromantix |ornatus). Lézards ja! 1° Crocodilure cerliens ou au-|lézardet ( crocodi- tosaures Où lurus lacertinus). pléodontes. Brésil et Guyane. 49 Thoricie dra- gonne ( thorictes | draccæna. Amérique méridionale. 4° Neusticure à deux carènes (neu- Isticurus bicarinatus. Amérique méridionale, 1° Aporomère piqueté de jaune ((aporomera flavi- \Punctata). Amérique méridionale. L'au- tre espèce est du Chili. Amérique méridionale et les Anfilles. [1 en est de même de 1° Sauvegarde |iutre espèce de ce genre. de Mérian { salva- ‘or Merianæ). | |. 1° Ameivacom- mun ( ameiva vul- garis), Brésil et Guyane, Le; autres espèces sont des Antilies,'fde l'île de Cuba, de la Martinique, de Saint-Domingue et de | Cayenne, 1° Cnémidopho- re murin {cnemi- dophorus murinus), Guyane, Antilles, Les autres espèces sont de Cayenne, de l'Amérique septentrionale, du Mexique et de la Martinique. 1° Dicrodonte à| Pérou. goulteleltes (dicro- \ ‘lon guttulatum). mm nn oo ee CLASSES. Sauriens. FAMILLES. Lézards la- GEXNRFS ET ESPÈCES. 4° Acrante ver! cerliens ou au-|(acrantus viridis). losaures pléodontes, Lézards la- cerliens aulo- saures ou Cæ- lodontes. ou! 1° Centropyx épercnné ( ceutro- ipyx calcaratus). | 1°Tachydrome à six raies (tachydro- mus sexlincatus). | 1° Tropidosaure lalgire (tropidosau- Irus algira). 1° Lézard ponc- tué de noir ({a- cerla nigro pun- clata). 1° Lézard des ponches (lacerta se- pium). ! | 1° Psaminodrome| d'Edwards (psam-— modromiis Edward- sii). | | 1° Ophiops élé-| gant (ophiops ete-! jgans). | 1° Calosaure de! Leschenault (ca-| losaura Leschenaul-| Eu), | | ‘ | 1° Acanthodac-| lLyle commun {a-| cañthod:actylus vul-| garis), | HABITATIONS. SE EE Amérique, méridionale, Pa- raguay, Mexioue, Buénos- Ayres. Amérique méridionale, Bré- sil, Cayenne, Surinam. L'autre espèce vient de Surinam et de Mana. Chine, Cockbinchine, Java L'autre espèce est dn Japon. Cap de Bonne - Espérance. L'autre espèce est de Java. Ile de Corfou. Dans toute l'Europe, ainsi que plusieurs autres espèces. Les quinze autres espèces sont de la Morée, de l'Afrique, de ia Crimée, de l'Asie, de l'île de Madère, de Ténériffe, du cap de Bonne-Espérance, et d'Al- ger. Midi de la France, Espagne. De Smyrue, Inde: orientales. Midi de la France, Italie et Espagne, Les autres espèces habitent ‘Egypte, le Sénégal, la Crimés,et l'empire de Maroc CLASSES. a Sauriens. FAMILILES. GENRES ET ESPÈCES. Lézards la-| 1°Scapteire gram- certiens auto-|mique ( scaptera saures ou Cælo-|grammica). dontes, ble (eremias varia- Lilis). 1° Zonüre gris {l | | | Lézards chal- zonurus griseus). icidiens ou cy-| iclosaures. | {9 Fribolonotc de la Nouvelle-Gui- née ( tribolonotus | Novæ Guineæ). ou Cu deux bandes (ger Irhosaurus bifasciu- lus). 1° Saurophide de £acépède (sauro- phis Lacepedii,. 49 Gerrhonote de Deppe (gerrho- notus Deppii). 1° Pseudope de Pallas { pseudopus Pallasii). 10 Ophisaure ventral (ophisaurus À ventralis), 1° Pantlodaciyle de Dorbigny (pan todaciylus Dorbi- gnyi). 1° Ecpléode de odus Gaudichaudii), 4° Gerrhosaure à| Gaudichaud ce HABITATIONS, | De l'Afrique. | 49 Eremias varia-| Tartarie et Crimée.Les autres espèces habitent en Egypte, au cap de Bonne-Epérance, en Algérie, enfin dans l'Afrique australe. Cap de Bonne-Espérance. Il en est de même des cinq autres espèces. Nouvelle-Guinée. Maïñagascar. Les autres es- pèces sont de la même île, du cap de Bonne-Espérance ou des parties méridionales de l’A- frique. Pointe australe du continent africain. Mexique. Il en est de même de quelques autres espèces ; plusieurs sont de Ja Californie ou de l’Amérique du Nord. Dalmatie, Istrie , Morée , et côtes méditerranéennes de l'A- frique. Parties sud de l'Amérique, Buénos-Ayres, Brésil, — 315 — "TT QU QU QU QU QU QG QC, CLASSES, Sauriens. FAMILLES, RE SEE CE RES Lézards chal- cidiens ou cy- closaures. Lézards chal- cidiens ou clyp- todermes. | Lézardsscin- coïdiens ou sau- rophthalmes, GENRES ET ESPÈCES. RE DRE QE ACER ES De OR ET 4° Chamésaure serpentin (chamæ— saura serpéntina). 1° Hélérodactyle imbriqué (hetero— dactylus imbrica- tus). 1° Chalcide de Cuvier (chalcides Cuvieri). 19 Trogonophide de Wiegmann {tro- gonophis Wiegma- ni). 1° Chirote can- nelé (chirotes cana- liculatus). 1° Amphibesme enfumée ( amphi- Lesma fuliginosa ). 1° Lépidosterne microcéphale (lepi- dosterron microce- phalum). 1° Tropidophore, de ia Cochinchine: (tropidophorus co- cincinensis). 1° Scinque des. boutiques (scincus| officinalis). | 19 Sphenops bri- dé (sphenops capi- stratus). HABITATIONS. a DE RERO | Afrique australe, Intérieur du Brésil. Amérique méridionale. Les autres espèces sont des Indes orientales, de la Guyane et du Chili. Environs d'Alger ou d'Oran. Mexique. Amérique méridionale. Il en est de même des autres espèces qui se trouvent au Mexique, au Brésil, à la Martinique, à l’ie de Cuba, de l'Afrique, particu-— lièrement de la côte de Guinée, et enfin de l'Europe, Buénos-Ayres, L'autre espèce est du Brésil. Cochinchine, Afrique. Egvpte. — 514 — ee CLASSES, FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES, HABITATIONS, Sauriens. Lézards scin-| 1° Dipoglosse de pe Dent t cd , z ces se uven , coïdiens ou sau-| Shaw ( dipoglossus fartioaibeecnt au Bréail, irophthalmes. !Shawii). ainsi que dans l’île de Cuba, et : à la Martinique. 1° Amphiglosse| Ile de Madagascar. de l’Astrolabe (am- phiglossa Astrolabi) 1° Gongyle ocel-| Tout le littoral de la Méditer- lé (gon ri ocella-|"216e; la Sicile, Malte, Egypte, (J079y ”|lîle dela Trinité.L'autre espèce tus) . est originaire de l’île deFrance. 10 Eumèce ponc- Indes orientales. Les autres espèces habitent l'Amérique mé- Î tué (eumeces pure ridionale, particulièrement le clatus). Brésil, ainsi que les Antilles, l'île de Vanicoro, la Nouvelle- | Irlande, la Nouvelle - Guinée, et les îles océaniennes. 1° Euprèpe del Côtes ARE Ees = espèces sont du Sénégal, du Cocteau ( euprepes en de Bonne-Espérance, de Coctæi). l'Egypte, de l'Abyssinie, des îles Seychelles, de Madagascar, de la Nouvelle - Guinée, du Bengale, du Coromandel, de Manille, de Timor et des îles Sandwich, et enfin de l’île de Java. 40 Plestiodonte! Egypte, Algérie. Les autres ; espèces habitent la Chine , les d’Aldrovande (ple- Etats-Unis d'Amérique, et prin- stiodon Aldrovan -|cipalement le nord de cette dii). contrée. | 19 Lygosome de| Nouvelle-Hollande. Les au- cn tres espèces sont de la même Guichenot (lygoso— entrés, ainsi que de la Nou- | ma Guichenoti, velle-Zélande, de l’île de Java, de l'ile de Timor, de la Nou- velle - Guinée, de la côte de Malabar, et de l'Amérique du Nord. 40 Léiolopisme Iles voisines de l’île Maurice, : : . |particulièrement l’ilot Coin de de Telfair (Leiolopi- Mitre. sma Telfairi). 1° Tropidolo-| Nouvelle-Hollande. pisme de Duméril — 919 — LEE EEE | CLASSES, Sauriens. FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. | Lézards scin-| (tropidolopisma Du- coïdiens ou sau-|merilii). rophthälmes. 1° Cyclode de la Casuarina (cyclodes Casuarincæ). 10 Trachysaure rugueux (trachy- saurus Tugosus), 1°Hétérope brun (heteropus fuscus). 19 Campsodacty- le de Lamarre(cam- psodactylus Lamar- rei). 40 Tétradactyle de Décrès (tetrada- ctylus Decresiensis\. 19 Hemiergis de Décrès ( hemiergis Decresiensis). 10 Seps chalcide (seps chalcides). 19 Hétéromèle mauritanique ( he- teromelus maurita- nicus), 1° Chélomèle à quatre raies (cielo- meles quadrilinea- tus). 1° Brachymèle de la Bonite (bra- chymeles Bonitæ). 4° Brachystope HABITATIONS, Nouvelle-Hollande. I] en est de même des autres espèces. Nouvelle-Hollande. Ile de Waïigiou. L'autre es- pèce est de l’île de France. Bengale. Nouvelle-Hollande. Nouvelle-Hollande. Midi de la France, Italie, et côtes de la Méditerranée, soit en Espagne, soit en Afrique. Alger. Nouvelle-Hollande. Iles Philippines. Afrique australe. CLASSES, FAMILLES, GENRES ET FSPÊCES. | Lézards scin-|linéo-ponclué(Lra- coïdiersousau-|chystopus lineo - rophthaimes, |punctulatus). Sauriens. 1° Nessia de Bur- ton (nessia Burto- ni). 1° Evesia de Bell (evesia Belli). 10 Scélote de Lin- né (scelotes Linnæi). 19 Prépedite rayé (prepedites lineatus). 1° Ophiode strié (ophiodes striatus). 1° Orvet fragile (anguis fragilis). 1° Ophiomore à petits points (ophio- morus miliaris). 10 Acontias pin- lade (acontias me- leagris),. Lézardsscin-| 1° Abléphare de coïdiens ou o-|Kitaibel ( «Llepha- phiophthalmes |rus Kitaibelii). 10 Gymnophthal- me à quatre raies ( gymnophthalmus | quadrilineatus). HABITATIONS, ( | | I DR Amérique du Nord. Indes orientales, Cap de Bonne-Espérance. Cap de Bonne-Espérance. Amérique méridionale , Cayenne, Rio-Janeiro, Buénos- Ayres. Toute l'Europe, jusqu'en Suède et même en Sibérie, Asie occidentale, et toute la côte méditerranéenne de l'Afrique, Morée, Algérie. Afrique australe, surtout dans le voisinage du cap de Bonne-Espérance. Nouvelle - Hollande, Morée. Les autres espèces sont du même continent, et l’une d'elles, l’abléphare du Pérou, se trouve à la fuis à la Nou- velle-Hollande, à Taïti, aux îles Sandwich, à Java, à l'île de France et en Morée. M. For- tuné Eydoux a également rap- porté cette espèce du Péron. Brésil et Martinique. — 911 — oo CLASSES, | FAMILLES, Sauriens. Gyhidiens. | | Lézards scin- coïdiens ou o- phiophthalmes. | | | | Lézards scin- coïdiens ou ty- pblophthalmes Pythoniens. GENRES ET ESPÈCES. OA A TE PR 1° Lériste à qua- tre raies {Lerista li- neuta). 1° Hystérope de, la Nouvelle-Hol- lande ( hysteropus Novæ Hollandiæ ). 4° Lilialis de Burton (lilialis Bur- tonii). 1° Dirame de la Nouvelle - Guinée (diramus NovæGui- neæ). 1° Typhline de Cuvier(typhline Cu- vierii). 10 Rouleau ru-|! ban {tortriz scyta- le). 1°Boa devin{Loa constrictor). 1° Python des îles de la Sonde (py- thon javanicus). | 1° Couleuvre à collier {coluler na- [trix). HABITATIONS, D D Nouvelle-Hollande. ; Nouvellc-Hollande, Nouvelle-Holiande. Nouvelle-Guinée. Afrique australe, D'Amérique ainsi que toutes les espèces de ce genre, et des uropeltes, qui leur sont voi- sins. De la Guyane et du Brésil. | L'ancien continent ne paraît pas avoir de vrais boas de grande taille. C'est donc dans | les lieux marécageux des par- |Ities chaudes de l'Amérique que se trouvent uniquement les autres espèces de boas. Les | scytales, les éryx, et les erpe- tons viennent des Indes orien- |tales. Des îles de la Sonde. 11 paraît en être également des autres espèces de ce genre. Quant à celles des genres cerbère, xé- nopeltif, hérodon, hurria, bon- gare, dendrophis, dryinus, elles viennent des Indes et de l'Afrique. Cette espèce vit en Enrope ainsi qu’une foule d'autres. Les espèces de couleuvres étran- gères sont innombrables, et — 918 — CLASSES. FAMILLES. | GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS, CREER LS ES Ophidiens, Pythoniens, appartiennent à tous les con- tinents : néanmoins chaque es- pèce est restreinte à un petit nombre de localités. | 4° Acrocorde de: De Java. Il paraît y en avoir Java(acrocordus) a- d'autres espèces dans cette | À même île. vensis). Crotaliens. 19 Crotale hor-| Des Etats-Unis. Les autres | rible (crotalus hor-|espèces de ce genre sont toutes | idus) de l'Amérique, soit de la riaus,. Guyane, soit d’ailleurs. 19 Trigonocé-| De la Caroline. Les autres ‘phale de Ja Caro-|espèces de ce genre vivent éga Mine trannacent lement dans diverses parties du (c IgonOCEPhA-|continent de l'Amérique, et {us tisiphone). par exemple au Brésil 4o Vipère com-| Europe. Les espèces nom- mune (vipera be—|breuses de ce genre vivent les TS unes en Dalmatie, en Hongrie, Tus ss en Egypte, dans l'Inde et en Amérique. On en cite égale- {ment {plusieurs comme du cap de Bonne-Espérance. 19 Naja à lunet- De l'Inde. Les autres espèces iles { naja tripu- appartiennent à l'Egypte. dians). 19 Elaps anaulé De l'Asie. Il y a d'autres i(elaps lemniscatus), 8277 SEL UTENSER ENS qui appartiennent aux deux continents ; ce sont les micru- res, les platures, les trimersu- res, les oplocéphales, les acan- thophis, les échis et les langa- ras. Bongariens. 4° Bongare pam-| Des Indes, ainsi que toutes ma (pseudoboa fa- les espèces de ce genre. sriata). 4° Hydre varié) Certains parages de la mer (hydrus variegatus). des Indes. 1° Hydrophis la-! melleux (hydrophis schistosus). Mer des Indes, et certains fleuves d'eau salée du Bengale. 29 Hydrophis, Mers des Iudes. CLASSES, FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES, Ophidiens. rte Bengale (hy- drophis gracilis). Bongariens. 1° Pélamide bi- colore (pelamys bi- color). 10 Chersydre fas- cié (chersydrus fa- scialus). 19 Cœcilie lum- bricoïde ( cœcilia lumbricoides). Batraciens. | Batraciens pé- romèles ophio- somes ou céci- loïdes. 1° Siphonopsan- nelé (siphonops an- | nulatus). 1° Epicrium glu- tincux ( epicrium glutinosum). 19 Rhinathrème à deux bandes (rhi- nathrema bivitta- tum). Batraciens 1° Grenouille ancures phané-|cutipore (rana cu= roglosses ou pé-|tipora). lodytes. 20 Grenouille verte (rana viridis). m 10 Cystignathe ocellé (cystignathus ocellatus). HABITATIONS. Mers des Indes et d'Otaïti, île des Pins, dans la mer Paci- fique. Rivières de Java. Surinam. Les quatre autres sont de la côte de Malabar, de Cayenne, des îles Seychelles, ou de Surinam, Brésil, Cayenne, Surinam. L'autre espèce de ce genre vit au Mexique. Java et île de Ceylan. Cayenne. Indes orientales. L'Europe, l'Asie et l'Afrique, Les dix-huit autres espèces de ce genre se trouvent dans les îles Seychelles, Maurice, Bour- bon, Java, Amboine, dans l’A- frique australe, particulière- ment au cap de Bonne-Espé- rance, aux Indes orientales, dans toute l’Europe, et enfin dans l'Amérique du Nord; mais ces dernières ne se trouvent pas ailleurs, surtout dans l’an- cien continent. Amérique méridionale. Les dix autres espèces de ce genre habitent l'Amérique méridio- nale, la Guyane française, le — 380 — LU MU UC OO, LEO OÉÉAÉÉÉAALÉCL CLASSES: Batraciens. FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. Batraciens anoures phané- roglosses ou pé- lodytes. 1° Leiupère mar- bré (leiuperus mar- moratus). 19 Discoglosse peint (discoglossus piclus). 1° Cératophrys à bouclier (cerato— phrys dorsata). 10 Pixicéphale arrosé (pixicephalus adspersus). 1° Calyptocépha- le de Gay (calypto- cephalus Gayi). 19 Cycloramphe fuligineux ( cyclo- ramphus fuligino- sus). 1° Mégalophrys montagnard (mega- lophrys montana). 48 Pélodyte ponctué ( pelodytes punciatus). 1° Alyte accou- cheur (alytes obste- tricans). | 1° Scaphiope so- litaire (scaphiopus solitarius). Pélobate brun HABITATIONS, RRQ EE D Chili, la Nouvelle-Hollande et l'Afrique, particulièrement le Sénégal. Amérique du Sud. Grèce, Sicile, Sardaigne, sur les côtes méditerranéennes de l'Afrique. Amérique méridionale, Cayen- ne, Brésil. Les deux autres es- pèces de ce genre sont égale- ment de l'Amérique méridio- nale. Afrique australe. Des deux autres espèces l'une habite comme la première l'Afrique australe, et la seconde Buénos- Ayres. Chili. Brésil. L'autre espèce est du Chili. Java. France.Jusqu'à présent cette espèce n’a pas encore été ob- servée ailleurs. Presque toutes les parties de l'Europe tempérée. Caroline, Géorgie et le Ten- nesse sont les parties de l'A- mérique du Nord qu'habite cette espèce. Allemagne et France. L'an- — 581 — ee CLASSES, Bälraciens. FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. Batraciens|(pelobates fuscus). anoures pha— néroglosses ou pélodytes. 1° Senneur à ventre couleur de! feu ( bombinator igneus). Balraciens| 1° Litorie de anoures pha-|Freycinet ( litoria néroglosses ou | Freycinetii ). hyiæformes. 1° Acris gryllon {acris gryllus). 1° Limnodyte rouge (limnodytes erythraceus). 1° Polypédate de Goudot (polypeda- ltes Goudotii). 19 Ixaie à ban- deau d’or ‘ixalus aurifascialus). 1° Eucnémis des Seychelles (Eucne- mis seychellensis). 10Rbacophorede Reinwardt (rhaco- phorusReinwardii). 19 Trachycéphale géographique (tra- chycephalus geogra- phicus\, 19 Rainette verte (hyia viridis). 2° Rainette patte HABITATIONS, ST tre espèce, le pélo-cultripède, vit dans le midi de la France et l'Espagne. Toute l’Europe tempérée, Port - Jackson. L'autre es- pèce habite la Nouvelle-Or- léans. Amérique septentrionale, L'autre espèce est de la Gévr- gie, Ile de Java. Quant aux deux autres espèces, l’une habite la même île, et la seconde l'ile Waigiou. Ile de Madagascar. Les trois autres espèces habitent Ma- uille, le Japon et les Indes orientales. Ile de Java. Iles Seychelles. Les autres espèces sont de l’île de Made— gascar, du cap de Bonne-Espé- rance et de l'Abyssinie, Ile de Java, et plusieurs par- ties du continent de l'Inde. Le Brésil, Les deux autres espèces sont originaires de Cuba et de Saint-Domingue, Toute l'Europe excepté la Grande-Bretagne, le Japon ct la côte méditerranéenne de l'Afrique, Brésil, Cayenne. Parmi les — 582 — EE ——————————"————_—_——"——"—"—"—————————"————""———— — CLASSES, Bolraciens. FAMILLES, CEE ESS GENRES ET ESPÈCES. HABITATIONS. Batraciens|d’oie (hyla palma-|trente-trois autres espèces de anoures pbha-—\|{a). néroglesses ou hylæformes. Balraciens anoures pha- Inéroglosses ou ‘bufoniformes, | 1°Micrhyle acha- tine (micrhyla a- chatina). 49 Cornufère u- nicolore (cornufer unicolor). 1° Hylode de la Martinique (hylo- des marlinicensis ). 1° Phylloméduse bicolore (phyllome- dus bicolor), 1° Elosie grand nez (elosia nasuta). 1° Grossodac— tyle de Gaudichaud (grossoductylusGau- | dichaudii). 40 Phyllobate bi- colore (phyllobates \bicolor), |; 1° Dendrobate à lapirer (dendroba-\ les tinclorius). 1° Rhinoerme! ce genre, la plupart appar- tiennent à l'Amérique méri- dionale, et se trouvent à Cayenne, à Surinam, à Buénos- Ayres, au Pérou on dans la Guyane. Un très-petit nombre d'entre elles vivent dans l'A- mérique du Nord, ou dans toute l’Europe, excepté la Grande - Bretagne. Un petit nombre appartient à Ja Nou- velle-Hollande, à l'île de Ti- mor, et à la terre de Vau-Dié- men. Ile de Java. Nouvelle-Guinée. Ile de la Martinique. Les trois autres espèces sont de Cayenne, et de l’île de Cuba. Amérique méridionale. Brésil. Brésil. Ile de Cuba, Brésil, Cayenne, Les deux autres espèces sont du Chili, Chili — 583 — a —————_—]— ————————— | CLASSES» Balraciens, qi oo FAMILLES, GENRES ET ESPÈCES. Batraciens de Darwin (rhino- anoures pha-!derma Darwinii). néroglosses ou bufaniformes, 1° Alelope jau- nâtre (atelopus flu- vescens). 1° Crapaud en- sanglanté ( bufo cruentatus ). 4° Phrysnique noirâtre (phrysni— cus nigricans), 1° Brachycé- phale porte - selie (brachycephalus e- phippium). 1° Hylédactyle lacheté (kylædacty- lus baleatus). 1° Plectropode peint (plectropodus piclus), 1° Engystome ovalis), 1° Upérodonte HABITATIONS. Amérique méridionale. Ile de Java. Les vingt-huit autres espèces se trouvent à la Guyañe, au Pérou, au Chili, à l’occident de l'Asie, aiusi que dans le sud-ouest et le nord de l'Afrique, l'Amérique du Nord et méridionale, les Indes orien- tales, le Bengale, l'île de Java et les Antilles. Mais la particula- rité la plus remarquable qui se rapporte aux habitations des espèces de ce genre est celle que présente le crapaud com- muu, qui, répandu dans toute l'Europe, se trouve néanmoins au Japon. Il en est de même de notre rainette verte et des deux grenouilles des contrées tempérées, la verte et la rou:se. Mexique. L'autre espèce est de la Nouyelle-Hollande. Brésil, Cayenne, Ile de Java, Manille, Amérique méridionale, Les ovale (engystomus autres espèces habitent le Bré- sil ou l'Amérique du Nord, principalement la Caroline, Intérieur de la péninsule de marbré (wperodon| l'Inde. marmoratum), a —, CLASSES» FAMILLES. GENRES ET ESPÈCES. EL ECS TES PRES Batraciens. Batraciens| 1° Breviceps bos- anoures pha-|su (breviceps gibbo- néroglosses ou|sus). bufoniformes. C 1°Rhinophryne à bande dorsale (rhi- nophrynus dorsalis) Batraciens! 1° Dactylèthre anoures pha-|du Cap (dactylethra néroglosses ou|capensis). pipæformes. ; 1°Pipa américain (pipa americana ). Batraciens! 1° Salamandre paludiens ou commune ( sala — tritoniens. mandra maculata). 1° Triton mar- ibré (triton gesneri). Batraciens! 1° Ménopome amphibiens ou|géante (menopoma siréniens. gigantea). 1° Amphiume à trois doigts (am- phiuma tridacty- lum). 1o Axolot pisci- forme (axolot pi- sciformis), 1° Monobranche latéral (monobran- | chus lateralis), 1° Prolée serpent (proteus sangui- neus), 1° Sirène lacer- tine (siren lacertina) HABITATIONS. Afrique australe, Mexique. Afrique australe. Guyane et Brésil. Europe. Les autres espèces habitent la même contrée ou l'Amérique septentrionale. Europe. Les autres espèces Amérique septentrionale, se rencontrent dans l'Améri- que septentrionale. Louisiane. Il en est de méme des autres espèces. Du Mexique. Il en est de même des autres espèces. Etats-Unis, Eaux souterraines de la Car nlole. Marais de la Caroline, Les autres espèces Setrouvent dans l'Amérique du Nord, — 3585 — Deux faits principaux découlent des tableaux pré- cédents ; le premier parait être général chez les ani- maux et même jusqu’à un certain point chez les végé- taux. Il n’est presqueaucune espèce de reptilecommune à la fois à l’ancien etau nouveau continent. Le second fait qui en découle, c’est que les espèces terrestres ont leurs habitations bornées à des localités peu étendues. Ainsi les races aquatiques, et à peu prés uniquement les marines, offrent seules des habitations variées ; elles occupent non - seulement des lieux différents, mais souvent très-distants. Reprenons ces deux faits, et voyons quelles en sont les conséquences. Tous les voyageurs ont été frappés, en passant de l’ancien continent dans le nouveau, de re trouver au- cune espèce semblable ni identique dans ce dernier. Celles qui avaient frappé leurs regards en Europe, en Afrique, en Asie, dans la Nouvelle-Hollande, ne se représentent plus à leurs yeux. Tout au plus ob- serve-t-on quelque similitude entre les productions organiques de la pointe nord de l’Asie et celles de l'extrémité de l'Amérique septentrionale par suite de leur rapprochement, Les vents transportent d’une contrée à une autre les graines d’un grand nombre de végétaux; ils mé- lent ainsi les plantes qui, par leur station primitive, appartenaient à des pays divers. D'un autre côté, les 25 — 386 — habitants des mers, véritables cosmopolites, passent facilement d’un parage à un autre. Ils peuplent ainsi peu à peu la plus grande partie de l'Océan. Les oiseaux et les insectes, portés par les vents, s’aventurent souvent fort loin des lieux de leur nais- sance. Ils amènent parfois leurs races dans le nou- veau monde, dont l'homme a pris possession si tard. Malgré toutes les causes qui tendent à méler les es- pèces et à leur faire franchir les plus grandes dis- tances, peu de celles qui se font remarquer par leur agilité, ou les végétaux à graines légères, sont venus embellir les terres humides de l’Amérique, ou sont arrivés de ce continent sur le sol de l’ancien. Chaque contrée a conservé ses espèces primitives ; l'homme lui-même, malgré toute la puissance de son influence, n'a presque pas interverti cet ordre émané de cette sagesse infinie qui a tout réglé ici-bas. Les reptiles franchissent si peu de grandes distan- ces, qu'on peut à peine citer une de leurs races dans l’ancien et le nouveau monde. Il en est de même en- tre ces deux continents et celui de la Nouvelle-Hol- lande. Leurs espèces sont généralement différentes dans ces diverses régions. Du moins, on remarque peu d’exceptions à cette loi générale. Elles nous sont fournies par le phyllodactyle porphyré et l'abléphare de Pérou, etc. Le premier se trouve à la fois au cap de Bonne-Espérance et à la Nouvelle-Hollande; cepen- — 381 — dant les individus de l’une ou de l’autre de ces con- trées ne paraissent pas différer les uns des autres. L'abléphare de Pérou se trouve non-seulement dans la Nouvelle - Hollande, mais encore à Taïti, aux iles Sandwich, à Java, à l’ile de France et en Morée. Ce qui est plus extraordinaire, M. Fortuné Fydoux en a rapporté du Pérou. S'il n'y a pas d'erreur, ce serait à peu près le seul exemple connu d’un reptile vivant dans les trois grands continents. S'il en est ainsi, il estextrèmement probable que cette espèce s’y rencon- trerait par suite de sa station primitive. Rien ne fait présumer qu'elle ait pu se transporter dans des lieux aussi différents que le sont l’ancien continent, le nou- veau monde et la Nouvelle-Hollande. De cette manière on peut concevoir un fait aussi extraordinaire, et à la vérification duquel les voya- geurs ne sauraient apporter trop d'attention. Ces observations sont du reste fort douteuses. On sait avec quelle légéreté s’établissent les habitations, surtout lorsque des indications à cet égard sont adres- sées aux grands musées où abondent de nombreuses collections des pays souvent les plus divers. Des er- reurs d'étiquettes sont trop communes pour ne pas présumer qu'il peut en avoir été ainsi du phyllodac- tyle porphyré. Quoi qu'il en soit, cette exception, en la supposant réelle, prouve combien sont rares de pa- reils exemples. — 588 — Les habitations des reptiles sont si restreintes qu’on ne cite qu’une seule espèce de cet ordre d’animaux comme se trouvant à la fois dans l’Amérique du Nord et l'Amérique méridionale. Cette espèce, ou l’émyde concentrique, est une tortue paludine qui, comme toutes celles de cette famille, se rencontre en Améri- que, surtout dans la partie septentrionale. Certaines familles de reptiles affectent particulié- rement telle ou telle partie des continents. Les camé- léoniens sont en quelque sorte propres à l’Afrique et aux iles qui en dépendent. Une seule exception est fournie par le caméléon à nez fourchu, que l’on dé- couvre, à ce qu’il parait, aux iles Moluques, à l'ile Bourbon et dans la Nouvelle - Hollande. D'un autre côté, les vrais boas de grande taille sont propres à l'Amérique. Les pythons, dont les dimensions sont non moins considérables , appartiennent aux Indes et à l'Afrique. Parmi les lézards isuaniens, les polychres, les laimantes, les urostrophes, les norops, les anolis, les coryophthames, les basilics , les aloponotes, les amblyrhinques, les iguanes, les métopocéros, les cy- clures, les brachyolophes et la plupart des autres genres de cette grande famille sont à peu près tous de l'Amérique. Les habitations des reptiles terrestres sont donc trés - restreintes. Cette circonstance n'avait point échappé à l'historien de ces animaux, Dugès. IL fait — 3589 — observer dans son histoire des espèces indigènes de lézards, qu’à part les seps, et peut-être les chalcides, les lézards sont les seuls sauriens qui habitent le Lan- guedoc. Le gecko des murailles est borné à la Pro- vence. Quant au scinque algérien , il n’a été admis que par erreur au nombre des reptiles de la pre- miére de ces provinces. Le nombre des lézards de ce pays est si borné, qu'il est réduit à sept. Tout au plus peut-on en compter jusqu’à quatorze dans l’ensemble de l’Europe. Si l’on compare le petit nombre de localités qu’ha- bitent les reptiles terrestres avec celles fréquentées par les races marines, on reconnait la grande diffé- rence des unes et des autres. Elle est d'autant plus sensible que les reptiles des mers sont bornés aux genres des chélonées et des sphargis parmi les tor- tues, des hydres, des hydrophis et des pélamides parmi les ophidiens. Rien ne rappelle, chez les rep- tiles terrestres et fluviatiles, des habitations aussi va- riées que celles que nous offrent les chélonées verge- tée et imbriquée. Celles-ci parcourent l'Océan Indien et Américain ainsi que les parages de l’Afrique et de la mer Rouge. Dans cette immense étendue voguent les tortues marines, Jusqu'à l'époque où le besoin de dé- poser leurs œufs les porte à se rapprocher des rivages pour satisfaire ce besoin impérieux. Si, après avoir porté son attention sur la grandeur .— 890 — de l’espace que franchissent souvent les reptiles, on la fixe sur les espèces paludines et fluviatiles , il est facile de s’apercevoir de l'extrême différence qui existe entre ces diverses races. Les dernières quittent peu les lieux de leur naissance ; elles se transportent rarement à quelque distance du lieu de leur séjour habituel. À peine observe-t-on quelques individus iso- lés, qui s’avancent dans l’intérieur des terres. Lors- qu’on les y découvre, c’est qu’ils y ont été entraïinés par la rapidité que les fleuves ont auprès de leur em- bouchure, À part ces individus peu nombreux, les espèces de reptiles soit paludines, soit fluviatiles, sont, sauf quelques exceptions, tout aussi restreintes dans leurs habitations que les races terrestres. Cependant quelques reptiles qui vivent aussi bien dans l’eau que sur les terres sèches et découvertes, sont assez répandus peut-être par suite de ce double mode de station. Leur nombre est si limité qu'on peut au plus en signaler quatre : deux espèces de gre- nouilles, la verte et la rousse, se trouvent à la fois en Europe, en Asie et en Afrique; d’un autre côté, la rainette verte, ainsi que le crapaud commun, répan- dus dans toute l'Europe, se rencontrent néanmoins au Japon. Si l’on découvre ces reptiles à d'aussi gran- des distances, ce n’est point par l’effet des déplace- ments, car ils ne voyagent jamais, mais par leur dis- tribution primitive. Sous quelque point de vue que — 391 — l’on envisage les reptiles, ces animaux ne sauraient être comparés aux oiseaux et aux poissons sous le rapport de leurs excursions. Les seuls reptiles qui s’y livrent, par suite du besoin qu’ils éprouvent d’assu- rer la durée de leurs races, sont réduits aux cinq genres marins que nous avons fait connaitre. Nous sommes donc plus certains de la distribution primitive des reptiles, que nous ne pouvons l'être des autres vertébrés. En effet, parmi les animaux de ce grand embranchement, ils ont le moins varié dans leurs habitations primordiales. Les reptiles résistent le mieux à la puissance de notre influence, et ils en ressentent le moins les effets. Il faut convenir, tou- tefois, que l’homme a peu d'intérêt à les soumettre à son empire; car il ne peut guère en espérer quelque avantage. À peine ces animaux lui fournissent-ils quelques aliments, des médicaments, ou des objets qu'il utilise dans les arts. — 392 — CHAPITRE IV. DES MIGRATIONS DES POISSONS. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. La constance et la régularité des migrations des poissons n'est pas moins remarquable que celle des oiseaux. On a supposé, relativement aux premiers, qu’elles étaient autant occasionnées chez certaines es- pèces par le besoin de déposer leurs œufs, que par celui de trouver dans d’autres régions une nourriture plus convenable ou une température plus appropriée à leurs conditions d’existence. IL se peut que ces cau- ses agissent à la fois sur les différentes espèces de poissons, et qu’elles contribuent à rendre leurs voyages tout à fait nécessaires; mais au milieu des phénomènes de ces passages, aussi bien déterminés que ceux des oiseaux, les migrations qui se rapportent aux poissons de mer sont plus remarquées que celles des poissons des eaux douces. Ceci tient peut-être à ce que les premiers, plus nombreux, parcourent et fran- chissent de plus grandes distances. Parmi les poissons de mer, certains se distinguent — 393 — d’une manière toute particulière par la régularité et la constance de leurs passages ; au premier rang on peut citer les harengs et les sardines, dont la pêche occupe tant de bras, et dont la fécondité est prodi- gieuse. Pour s’en faire une idée, on n’a qu’à se rap- peler l’immense consommation que l’on en fait con- tinuellement, soit à l’état frais, soit après avoir été desséchés et salés. Aussi, chaque année, et comme pour fournir à des besoins quise renouvellent sans cesse, des armées in- nombrables de poissons émigrants arrivent sur nos côtes, qu'ils avaient quittées l’année précédente. Ils semblent venir y chercher les œufs des petits poissons, des petits crabes et des vers dont ils sont fort friands. On suppose que cette nourriture contribue à donner aux poissons, et particulièrement aux harengs, la bonté de leur goût et la délicatesse de leur chair. Quoi qu'il en soit, on les voitarriver chaque prin- temps dans nos régions, en colonnes épaisses et nom- breuses , et aborder ainsi les rivages les plus méri- dionaux de l'Europe aussi bien que ceux de l’Amé- rique. À l'approche de ces bandes innombrables de poissons, la mer estcouverte d’une matière épaisse, vis- queuse, souvent phosphorique et lumineuse pendant la nuit. Cette matière odorante attire les oiseaux ichthyo- phages, les squales et les cétacés, qui déciment cette armée dont plus tard les pêcheurs vont détruire les — 594 — rangs. Cette destruction, que l’on pourrait croire to- tale, tant elle est considérable, semble n’exercer au- cune sorte d'influence sur le nombre des harengs, qui, l’année suivante, viendront périr dans les mêmes lieux et succomber sous les mêmes ennemis. En général, ces poissons'viennent chaque année dans les mêmes parages, avec la plus grande régularité, et pour ainsi dire à point nommé. Ils abandonnent ce- pendant parfois certaines eaux, et n’y reviennent qu'après une absence de plusieurs années. On les voit rester d'ordinaire en pleine mer pen- dant les mois de juillet et d’août; du moins ils ne parviennent près des côtes et n’entrent dans les eaux peu profondes qu'après cette époque; ils y cherchent un endroit convenable pour y déposer leurs œufs. Les harengs les plus vieux frayent les premiers, et les jeunes plus tard. Aussi les uns et les autres aban- donnent le voisinage des côtes vers le mois de février, la ponte étant pour lors complétement terminée. La température, et d’autres causes, la plupart indéter- minées , influent beaucoup sur les circonstances de leurs passages. Il parait pourtant que, dans certaines localités, des harengs ont des œufs pendant la plus grande partie de l’année. Les poissons, et particulièrement les harengs ainsi que les sardines et la morue, nous étonnent par leur extrême fécondité. Le nombre prodigieux que l’on en — 595 — pêche chaque année peut nous faire comprendre la force de reproduction de ces espèces. Elle suffit à ces pêches continuelles, qui ont lieu constamment de- puis la fin de juin jusqu’au commencement de jan- vier. Quelque immense que soit la quantité que l'on en recueille, quelque nombreuses que soient les flottes chargées de ce soin, le nombre des harengs, des sardines et des morues n’en parait pas sensi- blement altéré. La puissance de la reproduction est supérieure à toute l’activité que l'homme déploie pour en diminuer les effets. Dans les expéditions dirigées dans le but de s'emparer de ces poissons, l’industrie de l’homme, pour mieux arriver à ces fins, a employé les fusées à la Congrève à la pêche de la baleine, ce colosse de la nature vivante, relégué au milieu des glaces du pôle. C’est encore son industrie qui a attiré sur des plages nouvelles les harengs qui doivent lui servir d’aliment. L'homme est même parvenu à faire éclore les œufs de ces poissons, jusqu’au- près de l’embouchure des fleuves de la Suède et de l’Amérique septentrionale. Par un art non moins étonnant , les peuples de ces contrées ont porté les individus sortis de ces œufs à y revenir chaque année avec leurs races nouvelles ; ils fournissent ainsi au commerce les matériaux de pêches aussi abondantes que lucratives. — 396 — À l’aide dés moyens que son intelligence lui a sug- gérés, il prend à peu près chaque année, dans quelques baies du nord de l’Europe, plus de vingt millions de harengs. Ce nombre finira même par devenir aussi considérable que celui que fournit la Baltique. On évalue ce dernier à plus de quatre cents millions ; mais ce nombre immense est encore au-dessous de celui que Bloch suppose avoir été pris aux environs de Gothenbourg. Ce dernier se serait élevé, d’après lui, à plus de sept cents millions. La pêche de la sardine, qui a lieu surtout depuis le golfe de Gascogne jusqu’à l'embouchure de la Ga- lice, ne donne pas des résultats moins étonnants que celle du hareng. Elle peut nous donner une idée du nombre queles migrations en entrainent chaque année sur nos côtes. Îl en est de même de l’anchois (c/zpea encrasicholes, Linné). Les passages de cette espèce sont si considérables, particulièrement sur les côtes de l'Espagne, qu'il n’est pas rare d’en prendre plu- sieurs millions d’un seul coup de filet. Les migrations périodiques ont quelque chose de surprenant, non-seulement à raison de l’immense quantité d’espèces qui s’y livrent d’une maniére constante, mais surtout à raison des motifs cachés qui les y portent. Au milieu de ceux que l’on peut supposer, il en est un que l’on a encore peu apprécié, mais qui n'est pas sans quelque réalité. — 397 — Du moins voit-on, dans les contrées méridionales de la France, le passage des sardines coïncider cons- tamment avec celui des maquereaux, comme leurs migrations avec celles des thons et des squales. Cette coïncidence remarquable se renouvelle avec une si grande régularité, qu'un instinct en quelque sorte irrésistible doit régler les voyages périodiques de ces animaux. Cet instinct les porte bien plus à se livrer à de pareilles excursions, que la connaissance qu'ils peuvent avoir des moyens qui leur en donneront la facilité. Ainsi les maquereaux sont attirés dans la Méditerranée par les sardines, tout comme les thons par les maquereaux. Ceux-ci deviennent à leur tour victimes de la voracité des squales, qui les poursui- vent avec une sorte de fureur. Lorsque ces armées de thons sont attaquées par les squales, les premiers préférent se laisser échouer sur la côte plutôt que de subir la mort cruelle qui les attend sous les dents tranchantes des tigres des mers, dont rien n’égale la gloutonnerie ; mais la cause qui les porte à se succéder les uns aux autres et à se suivre mutuellement est toute différente de celle de leur alimentation , ainsi qu’il est facile d’en juger. Les pêcheurs profitent avec avantage de cette ter- reur que les squales inspirent aux thons, pour les prendre de jour. Cependant on ne les saisit guére que la nuit, surtout pendant les nuits obscures ; alors — 398 — ils ne peuvent apercevoir les filets destinés à les empêcher d'échapper. Ces faits sont si connus des pêcheurs des côtes de la Méditerranée, que l'apparition des squales est à leurs yeux un présage favorable pour la pêche du thon et du maquereau. D’un autre côté, ils savent que ces poissons arrivent constamment en troupes considérables aux mêmes époques, se poursuivant les uns les autres, les plus petits servant de pâture aux plus gros. La périodicité des voyages de ces différentes espè- ces est aussi régulière que les migrations des oi- seaux. Aussi les règles que nous avons établies rela- tivement aux excursions des uns peuvent très-bien s'appliquer aux autres. Il est parmi les poissons comme parmi les oiseaux, des espèces émigrantes et errati- ques, tout aussi bien qu'il en est qui voyagent cons- tamment. Ces derniers sont les véritables cosmopo- lites parmi cet ordre d’animaux. D’autres poissons , ainsi que plusieurs oiseaux, abandonnent peu les lieux de leur naissance, du moins ils ne font jamais de longues excursions. Ces races, comme les oiseaux qui ont les mêmes habitu- des, méritent bien le nom de sédentaires que nous leur avons donné. Nous comprendrons sous le nom d’erratiques les différentes espèces de poissons qui se déplacent à des époques irrégulières; nous nomme- — 399 — rons émigrantes les races dont les voyagés périodiques ont une fixité et une régularité remarquable. Ces dénominations suflisent pour se rendre compte des diverses circonstances qui accompagnent les dé- placements des poissons, et même pour saisit celles qui tiennent certaines espèces constamment attachées aux lieux qui les ont vues naïître. La fécondité des poissons est si grande, que long- temps la Hollande a couvert de ses bâtiments les mers du Nord, pour la péche unique du hareng, Cette pêche parait même avoir alors occupé prés d'un cinquième de la population totale de cette contrée. Dans ce moment même, l'Angleterre et la France y emploient un grand nombre de matelots. Plus du tiers de ces matelots s’avancent jusque sur les côtes de l'Islande et de Terre-Neuve. Ils s’y li- vrent à la poursuite de ces poissons si recherchés pour nos tables, et si précieux pour le pauvre. Il en a été de même des peuples de l'antiquité, particulièrement des Romains. Aprés la perte de leur liberté, on sait quel luxe les grands de Rome mirent dans le choix et la recherche des pois- sons dont ils ornaient les tables de leurs festins. Ils ne se bornaient pas à expédier, dans les mers voisi- nes, des vaisseaux destinés à cette recherche ; ils fi- rent des efforts infinis pour conserver vivants les pois- sons, fruits de leurs pêches et de leurs labeurs. 1ls — 400 — inventérent donc les barques à réservoir et firent creuser à grands frais d'immenses viviers remplis d’eau salée. On y déposait les espèces les plus esti- mées des mers de la Sicile, ainsi que celles des côtes de la Grèce et de l'Egypte. Le luxe que déployérent à cet égard Lucien Mu- réna, qui dut son nom aux soins qu'il prenait des murènes , et Lucullus, surpasse non-seulement tout ce que les peuples modernes ont pu faire en ce genre, mais même tout ce que l’imagination peut faire pré- sumer. En effet, quel souverain pourrait aujourd'hui, avec tous les progrès de la marine moderne, offrir un repas comme celui donné par le frère d'Othon à cet empereur, où seraient réunis Jusqu'à deux mille plats composés de poissons rares et délicieux. Un pa- reil luxe ne pouvait convenir qu’à des peuples eflé- minés, comme étaient les Romains, déchus de leur ancienne gloire. Les grands de Rome, qui n'étaient plus occupés de victoires, mirent à honneur singulier de se surpasser mutuellement dans une somptuosité aussi extravagante que puérile. Une pareille folie pré-- céda de peu la décadence d’un peuple placé si haut naguére, et dont l’avilissement marcha aussi vite que la grandeur. Nous avons déjà fait observer que le soin de leurs œufs pouvait avoir quelque influence sur les mi- grations remarquables auxquelles se livrent, d’une — ÀA0O1 — maniére à peu près constante, certains poissons. Du moins, le développement spontané d’une quantité -considérable d'œufs dans un même lieu porte cer- taines espèces à s’y réunir en légions nombreuses et serrées ; les pêcheurs appellent avec raison ces légions des bancs de poissons. Ces animaux, ainsi réunis, ne s’aident point entre eux. Ils se suivent seulement les uns les autres, soit par une sorte de tendance à imiter les mouvements qu’exécutent les premiers, ou les guides de cette troupe aveugle, soit parce que les mêmes besoins les attirent dans un même lieu, comme de nouveaux les en éloignent. Ainsi rassemblés en troupes innombrables, les poissons font souvent de longs voyages, tantôt pour gagner la mer, tantôt pour remonter les rivières ou pour changer de parages. Ils sy livrent presque toujours à l’époque du frai; mais rarement ils les en- treprennent seuls. En général, ces habitants des eaux n’exécutent leurs voyages qu’en grand nombre. Il en est de même des espèces qui remontent fortavant dans les rivières, après avoir quitté le bassin des mers, où elles font ordinairement leur séjour. Il serait intéressant de savoir si les espèces fluvio- marines, qui de la mer remontent dans les fleuves et les rivières à des époques à peu près constantes, sui- vent indifféremment tel fleuve ou tel autre, ou si elles ne sont pas déterminées dans leur choix par la na- 26 — 102 — ture, la température, la direction et le cours des eaux. ll doit y avoir à cet ésard quelques motifs de préfé- rence, car l’onne voit guëre les saumons remonter de la° mer dans les ruisseaux ou les torrents qui s’y rendent, tandis qu'ils suivent constamment le cours des grands fleuves ou des rivières considérables. Sans doute il est difficile de démèler toutes lescauses decette préférence, qui ne dépend pas uniquement des dimensionsdes pois- sons, ainsi qu’on pourrait le supposer, mais d’une foule de circonstances encore peu étudiées. Aussi fixerons- nous plus tard sur elles l’attention de ceux qui peuvent prendre quelque intérêt à cet ordre de recherches. Du reste, c’est d’une maniére temporaire que plu- sieurs espèces de reptiles et de cétacés ont de pareilles habitudes, et se livrent à des sortes de migrations. On observe quelquefois des crocodiles à plus de trente-six lieues des côtes se jouant au milieu des eaux de la mer ; mais ils sont toujours isolés, jamais en troupes ni en bandes. Il en est de même de certaines espèces de cétacés, particulièrement des marsouins, qui s’a- vancent aussi dans l’intérieur des rivières, à des dis- tances fort considérables du bassin des mers. Il y a quelques années, des marsouins, aprés avoir remonté la Seine jusqu’au jardin des plantes, vinrent amuser et réjouir les habitants de Paris. Ces cétacés, en fort petit nombre, étaient bornés, à ce qu'il parait, à trois ou quatre individus au plus. — 05 — Ces voyages individuels n’ont rien de commun avec ceux qu’entreprennent les poissons en bandes toujours considérables, lorsque ces voyages sont de long cours. Quelles sont donc les causes quiles poussent à se trans- porter, à des époques fixes, dans des climats nouveaux, tandis que tant d'autres, constamment sédentaires, n’abandonnent jamais les lieux qui les ont vus naître. On conçoit aisément pourquoi, à l’époque où la température s'abaisse ou s’éléve d’une manière nota- ble, certaines espèces se rapprochent des côtes ou re- montent dans les rivières, ou font des trajets plus ou moins longs, pour parvenir dans des lieux dont la tem- pérature est plus appropriée à leurs besoins. Mais, si cette cause était la seule qui portàt les poissons à changer de pays, de pareilles migrations n’auraient certainement pas lieu dans la belle saison. Sileurs pas- sages s’opérent, lorsque de pareils besoins ne peuvent les y déterminer, il faut qu'ils ne dépendent pas tou- jours de la température. Il semblerait donc que les poissons, comme plusieurs oiseaux, seraient portés à changer de pays, par suite d’un instinct qui les y en- trainerait d’une manière irrésistible. Quant aux espèces qui se transportent d’un lieu dans un autre à raison de la température, leurs voyages sont toujours accidentels, puisque les effets qui les produisent se renouvellent à des époques qui n’ont rien de fixe ni de déterminé. Aussi ces espèces se dé — AO — placent d’une manière plus ou moins irrégulière, soit du nord vers le sud, soit du sud vers le nord, en sui- vant une route plus ou moins bien déterminée. Peut- être, lorsqu'elles disparaissent du littoral, elles se re- tirent dans la profondeur des eaux. Il n’en est pas ainsi des maquereaux, quoique le besoin de pourvoir à leur nourriture et de trouver des lieux convenables pour y déposer leur frai semble les faire sortir de la profondeur des mers au printemps, et les porter pour lors à longer les côtes voisines. Cette époque ou celle de leur passage coïncide avec les besoins nouveaux, qui les pressent et les assiégent. Mais si ces légions de poissons venaient toutes, comme on l’a longtemps admis, des mers polaires, elles de- vraient se montrer aux Orcades, avant d’apparaitre dans la Manche, et n’entrer dans la Méditerranée que beaucoup plus tard. Cependant la pêche du maque- reau commence plus {ôt dans la Méditerranée que dans la Manche. Elle n’est même abondante aux Orcades qu’à une époque plus avancée. Il se pourrait que ce fussent des variétés différentes qui parcourussent ces divers parages. Du moins les maquereaux de la mer Baltique atteignent à peine un pied en longueur. Ceux que l’on prend sur les côtes de l'Islande sont plus petits que les individus de la Manche et de la Méditerranée. Ces derniers, les plus grands, paraissent les seuls qui fournissent — ÀA05 — aux peuples riverains une nourriture abondante. Ces grandes tribus de maquereaux n’entrent pas cependant, comme on pourrait le présumer, dans le golfe de Gascogne, quoiqu'ils abondent depuis l’ex- trémité de la Bretagne jusqu’à la mer du Nord. On les voit en grand nombre dans la Méditerranée, où ils pénètrent d’une manière périodique au mois d’a- vril; 1ls y deviennent extrémement nombreux pen-: dant le mois de juin et une partie de juillet. Ceux que l’on pèche vers la fin de septembre et d'octobre sont si petits, qu'ils semblent avoir pris naissance dans l’année. Enfin l’on en voit parfois en novembre et même en décembre; mais l'apparition de ceux-ci parait tenir, ainsi que le présument les pêcheurs, à l'influence des violentes tempêtes. Une autreespèce du genre scombre, le thon, voyage également : mais ses voyages sont loin d’être bien longs, ainsi qu’on l’a gratuitement supposé. On a long- temps admis que chaque année les thons entraient dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, pour s’a- vancer au delà du Bosphore et revenir ensuite vers l’ouest ; il n’en est pas tout à fait ainsi. Si ces poissons semblent disparaitre une partie de l’année, c’est qu’a- lors ils habitent la profondeur des mers, comme les maquereaux, avec lesquels ils ont de grandes analo- gies. Seulement, lorsque l'influence du printemps se fait sentir, ils quittent leurs retraites profondes, se — À06 — rapprochent de la terre, et en côtoient les bords : les uns et les autres y deviennent souvent la proie des requins. Dans un grand nombre de localités des côtes de la Méditerranée, les thons apparaissent au printemps. Ils se dirigent tous vers l'Orient, tandis qu’à la fin de l’été ou en automne, on les voit suivre une direction opposée. Ainsi, sur les côtes du Roussillon, du Lan- guedoc et de la Provence, on fait une péche d'arrivée, depuis le mois de mars jusqu’en juillet, et une se- conde pêche dite de retour, depuis le milieu de Juillet jusqu’à la fin d'octobre et même de novembre. D'un autre côté, dans plusieurs parties de la Médi- terranée, la pêche des thons commence beaucoup plus tard, c’est-à-dire, en novembre, et se continue jusqu’en décembre. La rareté de cette espèce dans l'Océan, mal- gré son abondance dans la Méditerranée, annonce qu'elle doit peu voyager. La pêche du thon était dansles temps anciens une source de richesses pour les côtes de l'Espagne, etdans lestemps actuels, elle est évalement d’une grandeutilité aux habitants des côtes du midi de la France, aussi bien qu'à ceux de la Sicile et de la Sardaigne. Elle est d'autant plus profitable pour eux, qu'il est une in- finité de lieux de la Méditerranée où le thon ne dispa- rait que pendant les rigueurs de l'hiver. Telles parais- sent être les côtes des environs de Nice, où l’on pêche du thon à peu près constamment, et où l’on en mange 2 ADS toute l’année, à l'exception de la saison des frimas. Cette disparition momentanée des thons, qui s’en- foncent l'hiver dans la profondeur des eaux, où ils trouvent probablement une température plus élevée qu’à la surface, par suite des lois particulières à ce liquide, est loin d’être exclusive à ce poisson. Elle est commune à d’autres espèces marines et des eaux douces, ainsi qu'on le peut voir dans les tableaux des passages de ces animaux. D'autres espèces nous présentent des lois de distri- bution, qui, quoiqu’en apparence différentes de celles- ci, sont cependant déterminées par des circonstances du même genre. Ainsi, l’hiver d'Alger, tout chaud qu'il est, n'en a pas moins ses jours de pluie. L'eau qui tombe forme, par intervalles, des flaques plus ou moins considérables dans lesquelles vivent des rep- tiles. En été, ces animaux privés d’eau ou fatigués par un soleil brülant, sont obligés de rentrer dans le sein de la terre, pour échapper aux ardeurs du jour, précisément comme, dans nos mois de glace, les pois- sons des eaux douces s’enfoncent dans la vase afin de ne pas mourir de froid. Les habitudes des reptiles de l’Algérie et probable- ment de beaucoup d’autres animaux de diverses con- trées nous font concevoir pourquoi les poissons des mers, des pays même tempérés, s’enfoncent dans la profondeur des eaux pendant la rude saison. Ainsi, — À08 — tandis que l’ordre des reptiles batraciens est estival dans le nord de la France, comme les thons et les au- tres espèces qui ont les mêmes habitudes, il est au contraire hyémal en Algérie et probablement dans les autres contrées de l’Afrique. Ces mœurs sont communes à un grand nombre d'animaux des autres classes : par exemple, chez les insectes, qui se cachent entre les racines des plantes ou dans la terre pendant les grosses chaleurs, et qui hivernent ainsi pendant l’été. Les chenilles de la py- rale de la vigne ont aussi cette habitude, assez ordi: naire chez un grand nombre d'insectes. Ainsi se lient -et se rattachent par un lien commun les phénomènes en apparence les plus opposés. Des habitudes non moins particulières signalent quelques poissons de la Nouvelle-Zélande. On assure que certaines espèces du genre des boleophtaleon mon- tent sur les arbres pour poursuivre leur proie, à peu près comme le font les petits lézards. Quant aux flec- tognathes de la même contrée, leurs espèces sont orga- nisées pour vivre au milieu des rocailles de la mer. Ces poissons nagent diflicilement à raison des piquants durs, aigus, qui couvrent leur corps, et qui sont ana- logues à ceux du hérisson. Ils peuvent les allonger et les redresser dans l'air ou dans l’eau, selon ce qui peut leur être nécessaire. On sait que les marsupiaux, particulièrement les — A09 — kanguroos, caractérisent les mammifères de la Nou- velle-Hollande, et qu'avec eux vivent un grand nom- bre d'espèces des terres sèches et découvertes. Leur organisation annonce que l'on doit rencontrer peu d’eau dans le pays qu’ils habitent: Une influence con- traire semble s'être exercée sur les espèces de la Nou- velle-Zélande, qui sont pour la plupart aquatiques. Elles ont même l'instinct de s’enfoncer dans la vase à l’époque des chaleurs, ou lorsque les rivières se dessèchent, et d’y rester engourdies jusqu’à la saison des pluies. Mais, dés qu’elles arrivent, une multitude de batraciens font entendre leurs voix glapissantes, et un grand nombre d'espèces de gabioïdes, de cyprins et d'apodes, rendus à la vie et au mouvement, ani- ment et remplissent les eaux disséminées sur le sol de la Nouvelle-Zélande. S’il est des poissons qui se livrent d’une maniére constante à des migrations ou à des voyages plus ou moins étendus, d’autres au contraire semblent tout à fait sédentaires et fixes dans les lieux qui les ont vus naître. Dans les tableaux joints à ce travail nous avons porté l'attention sur les espèces qui ne participent point à l'humeur voyageuse des premières. Cette fixité annonce que celles-ci déposent leur frai dans les lieux de leur naissance parce qu’elles y trouvent les conditions nécessaires à leur existence. Parmi les espèces sédentaires, on découvre aussi — 10 — bien des poissons de mer que des eaux douces; leur genre de station est donc tout à fait indifférent sur leurs habitudes. Il est cependant digne de remarque que les poissons les plus généralement répandus vi- vent tour à tour dans le bassin des mers, ainsi que dans le sein des fleuves, des rivières et des torrents. Tels sont les anguilles et les saumons, que l’on rencontre dans les contrées les plus diverses et les plus oppo- sées en température. Parmi les espèces marines sédentaires, nous cite- rons le merlan, le muge, le loup, le rouget, la sole et même le turbot. Ces poissons et une foule d’autres n’abandonnent presque jamais les côtes du midi de la France, à l'exception de l'hiver, où ils s’enfoncent dans la profondeur de la mer. Quoiqu'’ils vivent cons- tamment dans les mêmes parages, ils ne se rencon- trent pas toujours à portée des côtes. Ces poissons s’en éloignent plus ou moins, d’après la qualité des eaux, la marche de la température et les variations des saisons. Enfin parmi les espèces des eaux douces, que l’on pêche à peu prés constamment dans les mêmes eaux, on peut citer principalement la carpe, la tanche, le brochet, le barbeau et la perche. Il n’est pas cepen- dant toujours possible de saisir ces divers poissons pendant toutes les saisons, puisque, lorsque la tem- pérature s’abaisse à un certain terme, plusieurs s’en- foncent dans le sable ou dans la vase. Ces animaux, — A1 — à peu près engourdis comme les espèces hivernantes, y passent des temps plus ou moins longs sans prendre la moindre nourriture. [ls sont dans un état particulier de torpeur qui mériterait d'attirer l'attention des phy- siologistes. Cette sorte d’engourdissement périodique est fréquente chez la carpe, poisson devenu fameux par sa longévité.On en connait qui paraissent avoir vécuau delà de cent cinquante ans ; du moins Buffon assure en avoir vu de cet âge dans les fossés de Pontchartrain. De pareilles habitudes semblent communes à la mo- rue, à ce poisson des mers du Nord dont la fécondité inépuisable occupe tant de bras, ainsi que des milliers de vaisseaux. Cette espèce se retire pendant l’hiver dans la profondeur des eaux. Seulement pendant la belle saison, le besoin de déposer leur frai et de pourvoir à leur subsistance attire les morues auprès des côtes et des bas-fonds, où elles espérent trouver les capelans, dont elles font leur pâture habituelle. Là de nouveaux dangers les attendent; elles y succombent d'autant plus facilement que leur vora- cité est extréme. En effet les morues se jettent avec avidité sur les lignes. Elles n'attendent même pas qu’elles soient amorcées (1). Aussi un pêcheur un (1) On amorce les lignes destinées à prendrela morueaveclecapelan, le ma- quereau, le hareng et le calmar. On coupe ces poissons et ces mollusques par morceaux,eton leur donne la forme d’un pelit poisson pour charger lehameçon, — 112 — peu habile en prend souvent jusqu’à quatre cents par jour. Ces poissons voyagent peu; ils sont presque fixes et sédentaires, soit sur les côtes de l'Islande, soit sur le fameux banc de Terre-Neuve, où leur nombre est réellement prodigieux. Ces faits et ceux que nous allons rapporter prou- vent que les voyages auxquels se livrent certains pois- sons n'est pas un phénomène simple, puisqu'il est sous l'influence de plusieurs causes. Parmi ces causes on peut signaler la température des eaux, dépendant plus ou moins de celle de l'atmosphère, le besoin d'une nourriture plus appropriée à leurs nouveaux appétits, enfin cet instinct qui pousse certaines es- pèces à aller déposer leur frai ailleurs que dans les lieux où elles ont pris naissance. Telles paraissent être du moins les circonstances physiques les plus influentes sur des voyages qui ne sont pas moins remarquables par leur étendue que par leur constance et leur périodicité. Ces longues migrations paraissent avoir seulement lieu chez les animaux qui habitent les éléments les plus mobiles, les oiseaux et les poissons, les êtres les mieux organi- sés pour la facilité et la rapidité des mouvements. Cette circonstance n’a donc pas été sans influence sur les voyages des habitants des airs et des eaux. On peut d’autant plus le supposer que de pareilles excursions n’ont pas lieu chez les mammiféres, et en- — 113 — core moins chez les reptiles, les plus mal organisés des vertébrés sous Le rapport des appareils du mou- vement. Une circonstance importante vient prêter son appui à cette supposition, c'est celle que présentent les insectes parmi les invertébrés. Ces animaux ont été admirablement bien organisés sous le rapport de leurs appareils locomoteurs. Ils sont à peu près les seuls des invertébrés qui se livrent à de grands voyages. Toute la différence que leurs excursions présentent avec celles des oiseaux et des poissons; c'est qu'elles n'offrent jamais chez les insectes ni la périodicité ni la constance qui caractérisent les migra- tions des premiers. On ne connaît guère chez les in- sectes comme chez les oiseaux et les poissons, d'espèces réellement émigrantes, c’est-à-dire exécutant des voyages à des époques fixes et déterminées. Celles qui s’y livrent le font accidentellement, et sont par cela même des espèces erratiques. On ne voit pas non plus chez ces invertébrés des races cosmopolites. Celles au contraire qui ne quittent jamais les lieux qui les ont vues naïître, et qui sont sédentaires, y sont des plus nombreuses. Quelques circonstances, dépendant de la tempéra- ture et de la pression des eaux des mers sur les pois- sons et les autres animaux marins qui y vivent à des profondeurs inésales, sembleraient devoir mettre obstacle aux migrations de ces animaux. — AA — Sans doute la température des mers n’est point exposée à des changements aussi brusques que celle de l’atmosphère ; mais les variations des climats, sui- vant les saisons, n’y sont pas moins sensibles ; seu- lement elles y sont moins considérables. C’est un fait dont on peut facilement s'assurer, en comparant les tables des températures de la mer sur une côte quel- conque avec les températures de l’air dans les mêmes localités. Les animaux marins ne sont donc pas expo- sés comme les animaux qui respirent l’air en nature, à la nécessité d’un changement d'habitation , d’après les seuls effets des changements dans la chaleur. Cependant la température de la mer est nécessaire- ment sujette à de plus grandes variations dans les eaux peu profondes que dans les hautes mers. Il doit s’ensuivre que les poissons et les autres animaux marins qui vivent de préférence sur les bas-fonds changent plus souvent de demeure que ceux qui vi- vent dans la haute mer, ou du moins dans les plus grandes profondeurs habitées. Il en est cependant tout le contraire; en effet, les races pélagiennes voyagent presque constamment et se livrent à de grandes migrations, dont l’étendue et la constance ont quelque chose de merveilleux. Les espèces littorales se déplacent aussi comme les pélagiennes ; mais leurs excursions peu considérables paraissent tenir ou à ce qu’elles ne sont pas organi- — A15 — sées de manière à supporter tous les changements de température, ou à ce qu'elles sont chassées de leurs demeures par l'agitation et le roulis des va- gues. Aussi les voit-on se réfugier dans des mers plus profondes, ou se retirer dans des baies ou des criques tranquilles pendant les ouragans. Quel- quefois elles se rendent, après de grandes tempêtes d’une longue durée, dans les embouchures des ri- viéres, où elles ne pénètrent jamais dans les temps de calme. Les animaux marins qui habitent les bas-fonds près des côtes, quoïque expcsés aux changements dont nous venons d'apprécier les causes, vivent cependant à des profondeurs d’eau plus constantes que les es- pèces pélagiennes. Celles-ci, dans leurs longues tra- versées, parcourent néanmoins des zones d’eau de profondeurs très-inégales et bien différentes de celle où elles sont plongées pendant les moments où elles sont stationnaires. Ce fait est d'autant plus extraordinaire que, d’a- près les observations curieuses de M. Biot sur les gaz contenus dans la vessie nafatoire des poissons, ces gaz varient suivant les profondeurs auxquelles ces animaux vivent habituellement. En effet, ces vessies ne sont point remplies d'air atmosphérique, mais d'azote presque pur chez les espèces qui stationnent près de la surface. Celles des individus qui se tien- — 116 — nent dans des profondeurs de cinq cents à six cents brasses sont remplies d’un mélange de près de neuf parties d'oxygène sur une d'azote. D'aprés ces faits, ces derniers, qui ne peuvent se procurer de l'azote dans les grandes profondeurs, tandis qu’il abonde près de la surface, à raison de ce que l'air atmosphérique y est plus abondamment dis- séminé que vers le fond de la mer, ne devraient pas pouvoir l'abandonner sans danger. Il est possible pourtant que, si les poissons des grandes profondeurs consomment une petite portion de l'oxygène faisant partie de l’air atmosphérique, les intervalles entre les absorptions soient si grands pour ces animaux, et la quantité d'oxygène qui leur est nécessaire si petite, qu’un petit volume d'air puisse leur suffire pour des temps considérables. S'il en était ainsi, on aurait une preuve de l'appropriation des organes des animaux aux conditions dans lesquelles ils se trouvent placés. Cette supposition n’est pourtant guère admissible relativement aux espèces pélagiennes qui se livrent à de grandes et de longues migrations. Tout au plus peut-on supposer qu'elles sont organisées de ma- nière à supporter de pareils changements dans la quantité d’air soumis à leur respiration. La diversité des gaz contenus dans les vessies natatoires des pois- sons indique qu’il existe une grande différence entre les matières gazeuses disséminées dans l’eau de la — À17 — mer à diverses profondeurs, du moins en ce qui re- garde les quantités relatives d'oxygène et d’azote. Il ne faut pas croire que les poissons pourvus de vessies natatoires soient susceptibles de s'élever dans l’eau à la hauteur qui pourrait leur plaire, et qu’ils puissent en conséquence se procurer toute la quan- tité d’air disséminé dans ce liquide qui leur est né- cessaire. En effet, quoique les poissons puissent mon- ter et descendre à volonté entre certaines hauteurs, leurs habitations sont limitées, suivant les espèces, à des zones d’eau d’une certaine épaisseur. Ces animaux, ou du moins le plus grand nombre d’entre eux, montent et descendent dans l’eau en di- latant ou comprimant les gaz contenus dans leur ves- sie natatoire ; lorsque ces gaz ont acquis par la pres- sion une densité égale à celle de l’eau ambiante, ils ne peuvent pas descendre plus bas. Les poissons ne le pourraient qu’en faisant de grands efforts muscu - laires. Il leur serait éscalement difficile de s’élever au delà d’une certaine hauteur. Aussi M. Pouillet pré- tend que le gaz contenu dans les vessies nata- toires des poissons pêchés à la profondeur de mille mètres, c'est-à-dire, sous une pression égale à peu prés à cent atmosphères, augmente tellement de volume en arrivant à la surface, que tout effort musculaire ne pouvant le contenir, il s’échappe en refoulant la vessie, l'estomac et les organes voisins, qui sortent 27 — 118 — par la gueule, en formant un ballon fort singulier. Les diverses espèces de poissons ne sont probable- ment pas les seuls êtres marins dont l'habitation soit limitée à de certaines hauteurs d’eau déterminées. Il en est peut-être ainsi de tous les animaux qui vivent dans l'Océan. La pression et la température chan- geant avec la profondeur, il n’est pas plus facile à un animal, quel qu'il soit, de vivre tout aussi bien près de la surface de la mer qu’à mille brasses de profondeur, qu'il ne le serait à un homme de respirer aussi aisé- sent à mille mètres d’élévation que dans les plaines. Lorsqu'on étudie l’ensemble de l’organisation ani- male, on voit que les espèces paraissent formées pour supporter une pression particulière soit d’air, soit d’eau. Cette pression est celle qui se rencontre dans l'habitation propre à chacune d'elles. Les animaux qui vivent dans l'atmosphère paraissent, toutes choses égales d’ailleurs, moins souffrir d’un changement ver- tical d’une hauteur déterminée que ne le feraient des êtres vivant dans l’eau. Ainsi les aigles et les vautours, habitués à planer à degrandes élévations, peuyent vivre au nivéau de la mer, tandis qu'ilest très-douteux qu’un requin pûtse maintenir longtemps à degrandes profon- deurs. Il se pourrait pourtant que les poissons carnas- siers fussentorganisés de manière à supporter plus faci- lement de tels changements, par la nécessité où ils sont de rechercher leur proie à différentes hauteurs d’eau. — A19 — Les poissons ne peuvent donc pas se tenir sans ef- fort à quelque élévation d’eau que ce soit, si leur pe- santeur spécifique du moment n'est pas exactement celle du milieu dans lequel ils se trouvent. Dés lors il est assez diflicile de comprendre comment les espè- ces éminemment voyageuses sont cependant celles qui vivent habituellement dans les plus grandes profon- deurs. Il faut donc, et l’on peut dire même, il est nécessaire, que leur organisation soit susceptible de se plier aux conditions diverses qu’entraine la diversité de leurs habitations aux différentes épo- ques de leur vie. Il doit d’autant plus en être ainsi, qu'outre les changements que les poissons et les autres animaux marins éprouvent par l'effet de leurs migrations, soit dans la température, soit dans la pression, ils en ressentent de non moins sensibles dans l’inten- sité ou la diminution de la lumière. A la vérité, la lumière parait moins nécessaire aux êtres qui vivent dans le sein des mers qu'à ceux des terres élevées au-dessus des eaux ; mais elle ne peut pas être inutile aux espèces qui ont des yeux. Tout au plus est-elle superflue aux poissons, aux mollusques et aux z00- phytes, qui vivent habituellement dans la vase et les baucs de sable, et, qui de leur propre choix, s’en passent pendant des temps plus ou moins longs. À part ces exceptions peu nombreuses, les animaux — À920 — des mers doivent rechercher les hauteurs d’eau, aux- quelles ils trouvent non-seulement la température et la pression qui leur convient, mais encore le degré de lumière qui leur est nécessaire. On pourrait croire d’après ces faits que les eaux relativement peu pro- fondes doivent être celles où vivent la plupart des poissons , des crustacés, des zoophytes et des mol- Insques qui ont des yeux. Il existe cependant de nombreuses exceptions à cette supposition, que l'on serait tenté d'admettre à priori; peut-être sont- elles encore beaucoup plus considérables que nous ne le présumons , les plus grandes profondeurs aux- quelles parviennent les êtres vivants nous étant à peu près inconnues. On peut toutefois supposer que les espèces qui, par suite de la profondeur où elles se tiennent ordi- nairement, sont à peu près privées de lumière, pré- sentent dans leurs organes de vision des modifica- tons telles, qu’elles sont préservées de l'inconvénient de vivre dans une obscurité relative, qui pour nous nous paraitrait probablement complète. Les yeux, remarquables par leur grandeur, du pomaiomus telescopium, qui se tient à des profon- deurs considérables sur les côtes de Nice, amènent à:cette conséquence. Ces yeux sont construits de ma- niére à tirer parti des moindres rayons de lumiére qui peuvent pénétrer jusqu'aux lieux qu'habite cette — 1921 — espèce. Ils rappellent en quelque sorte sous ce rap- port les organes de vision particuliers aux oiseaux nocturnes, qui sont également impressionnés par la plus petite quantité de lumière. Mais ce qui n’est pas moins remarquable, les pois- sons des profondeurs ténébreuses de la haute mer voyagent et font des excursions tout aussi longues que les oiseaux nocturnes. Ce qui est non moins sin- gulier, les uns et les autres voyagent de jour et dans le moment où le soleil répand ses plus vives clartés. Cette circonstance prouve que leurs yeux sont orga- nisés de manière à supporter des impressions de lu- mière extrèmement différentes sans en éprouver au- cun facheux effet. Les poissons des bas-fonds ont donc bien des obstacles à surmonter, lorsque leur instinct les porte à se livrer à de longs et de périlleux voyages. Il faut, puisqu'ils en triomphent, que leur instinct soit puissant et leur organisation assez flexible, pour se plier aux effets d’influences aussi diverses que celles dont ces animaux éprouvent ordinairement l'impression. Il en est probablement de même des autres ani- maux marins, particulièrement des mollusques, qui se tiennent de préférence à des profondeurs en dehors de l’action des vagues. Ces profondeurs ne sont peut- être pas très-considérables, car la pression et les — 4922 — autres circonstances que nous avons énumérées plus baut peuvent empêcher ces animaux de descendre très-bas dans le sein des mers. Des faits assez nombreux s'opposent pourtant à l'admission de cette hypothèse. Les espèces que les sondes jetées dans la haute mer ramënent du fond, et celles qui y naviguent sans cesse, semblent prouver qu'elle est peu fondée. Il fant bien que ces animaux puissent se reposer et descendre dans les eaux les plus basses. Aussi n’est-il pas impossible que la pro- fondeur des mers soit habitée par des espèces nom- breuses, des genres entiers peut-être, que nous ne parviendrons jamais à connaître; c’est aussi ce qui retarde le progrès de nos connaissances sur les ha- bitudes des êtres des fonds les plus bas. Enfin, puisque la pression, la température, la lumière, la profondeur de l’eau et la quantité d'air disséminé ont une si grande influence sur l'existence des ani- maux marins, On pourrait présumer que, toutes choses égales d’ailleurs, les mêmes espèces doivent se trouver à des hauteurs déterminées, et sous des latitudes semblables. Ce n'est point là cependant ce qui se passe dans la nature, où nous découvrons, à quelques exceptions près, des espèces trés-différentes dans des conditions qui paraissent identiques. D'un autre côté, par suite de leurs migrations, les animaux des mers traversent des zones d’eau extrêmement diverses sous — A95 — le rapport de leur température et des autres circons- tances mentionnées plus haut, dont l'impression a cependant de si grands effets sur leur bien-être et même sur leur vie. Le besoin de voyager est si impérieux, non-seule- ment pour les poissons, mais pour la plupart des animaux , ainsi que nous l'avons déjà fait pressentir, que, lorsque le moment est venu, rien ne les arrête et ne peut mettre obstacle à l'exécution de projets déterminés chez eux par le besoin instinctif le plus impérieux. Les circonstances physiques, pas plus que les dangers qui environnent leurs migrations loin- taines, ne peuvent retarder ni même déranger leur départ, lorsque le signal en est donné. Tous partent pour lors à l’envi, et semblent dominés par un ins- tinct supérieur, qui dirige les uns à travers l'im- mensité des mers, comme les autres à travers les vastes plaines de Vair. Get échange continuel des espèces d’une contrée dans une autre donne au tableau de la vie unemobilité et une variété, qui impriment à la créa- tion actuelle une beauté particulière et un charme infini, par suite de la diversité des êtres qu’elle offre à nos regards. ; Telles sont les vues d'ensemble qui peuvent éclai- rer le phénomène des migrations des poissons. Ges vues! sont principalement fondées sur les observations de détails que nous avons consignées dans les tableaux — 124 — relatifs à l’époque de leurs passages. C’est là que l’on trouvera exposées toutes les circonstances qui les dé- terminent et les régularisent. Il nous a paru qu’elles seraient mieux comprises, étant distribuées de cette manière, la forme en tableau permettant de saisir en un clin d’œil ce qui concerne les mœurs et les habi- tudes d’une espèce quelconque. La plus grande partie des faits consignés dans ces tableaux nous appartiennent en propre; ils sont le fruit de l'observation de plus de vingt années. Nous devons dire cependant que plusieurs remarques inté- ressantes sur les poissons de la Méditerranée nous ont été communiquées par quelques pêcheurs de nos côtes, distingués par leur esprit d'observation. Nous ne les avons admises cependant qu'après les avoir soumises à un contrôle rigoureux, et qu'après nous êtreassuré de leur exactitude. Nous avons puisé également des documents pré- cieux dans les ouvrages récents de Jurine (1), de Cu- vier, de Valenciennes (2) et de Vallot (3), ainsi que dans les ouvrages des anciens naturalistes, sans les (1) Histoire générale des poissons du lac Léman, — Mémoires de la So- ciélé académique de Genève, \om. in, pag. 155. (2) Histoire générale des poissons, par Cuvier et M. Valenciennes. (3) Histoire naturelle des poissons d'eau douce de la France. Dijon, 1358. 4 — 25 — adopter aveuglément. Nous ne leur avons même ac- cordé toute confiance que lorsque leurs observations nousont paru confirmées par les faits d'ensemble et les faits de détail que nous avons eu l’occasion de ras- sembler. Malgré le soin que nous avons mis à éviter toutes les causes d’erreur, nous sommes loin de pré- sumer y avoir complétement réussi. On sent combien il fautapporter de soins pour s’en préserver, lorsqu'on porte son attention sur des animaux d’une observa- tion aussi difficile que le sont les poissons. Cette difficulté nous servira probablement d’excuse, si, malgré tous nos efforts, nous avons commis quelques inexactitudes. I. Tableau de l'époque des passages des poissons. OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES, L'époque des passages des poissons indiquée sur nos tableaux résulte de nos observations et de celles qui nous ont été communiquées par des naturalistes instruits et des pêcheurs distingués par leur longue expérience. Elles se rapportent principalement aux espèces de la Méditerranée. Un fait généralement admis par les pêcheurs an- nonce que les époques des migrations des poissons de — 1926 — mer doivent être bien fixes, puisque tous s’accordent sur le moment de la pêche. Si elles n’avaient rien de périodique, on ne pourrait pas savoir d'avance l’ins- tant favorable à la dresse des filets pour prendre telle espèce de poisson. Elles sont si fixes et si constantes, que l’on ne se trompe pas sur le moment convenable pour dresser des piéges de tel ou de tel genre. Les pécheurs comptent sur ces passages comme sur le re- venu d’une rente assurée. La constance et la régularité avec lesquelles les espèces marines se dirigent dans le même sens, et suivent toutes une direction uniforme, ne sont pas moins remarquables. En effet on voit arriver cer- tains poissons dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar et aller en Italie, tandis que d’autres, tels que les anchois, les sardines et les maquereaux, ap- paraissent en premier lieu sur les côtes d’Espagne. Il n’est que trop connu des pêcheurs du midi de la France que dans les environs de Barcelone l'on pé- che les premières et les plus belles sardines comme aussi les meilleurs anchois. Les mêmes poissons arri- vent plus tard sur les côtes du Roussillon, puis sur celles du Languedoc, et enfin sur celles de la Pro- vence ; ils y sont suivis par les thons et par les squales, qui constamment viennent les derniers. La constance de ces passages est trop frappante pour ne pas tenir à une cause dont l'influence doit se — A97 — renouveler d’une manière nécessaire, comme les effets qu’elle produit ; nous avons dû chercher à nous en rendre compte. Il nous a paru qu'ici elle dépendait en partie de ce que les poissons les plus gros étaient attirés par les plus petits qui leur servent de pâture. Cette circonstance paraît d'autant plus réelle que les poissons sont à peu prés tous carnassiers, et que, d’après de pareilles habitudes, on peut présumer que l'espèce qui succède ou qui se met à la suite d’une autre ne le fait que pour s’en nourrir. Aussi voyons-nous les maquereaux manger les sardines, comme les thons les maquereaux; les thons eux- mêmes sont dévorés à leur tour par les squales, qui les poursuivent avec tant d’acharnement, qu’ils se laissent échouer sur les côtes plutôt que de tomber sous les dents cruelles de leurs ennemis. Si cette observation venait à se généraliser, on pourrait admettre que le besoin d'une nourriture convenable entre pour beaucoup dans les migrations des poissons, et déterminerait jusqu’à un certain point celles d’un grand nombre d'espèces. En général les animaux cherchent les contrées où ils peuvent se pro- curer une nourriture convenable ét abondante ; aussi ils les quittent dés qu'ils n’y trouvent plus de quoi satisfaire leurs appétits. Ce besoin de se transporter ailleurs est surtout pressant pour les poissons qui ne vivent qu’aux dépens d’une espèce déterminée; ceux- — 1928 — ci sont forcés de suivre leur proie dans ses migra- tions, afin de la dévorer et de s’en repaitre à leur aise. S1 les espèces sédentaires ne voyagent point, c’est peut-être parce qu'elles trouvent constamment la nourriture dont elles ont besoin dans les lieux qu’elles habitent. Aucun motif, pas plus que leur instinct, ne les porte à se déplacer, à moins que la température ne leur en fasse un besoin. Ces poissons sédentaires ne dévorent jamais les espèces de passage ou celles qui se livrent à des migrations constantes et pério- diques. Il en est donc des poissons comme des oiseaux. On peut distinguer leurs espèces en émigrantes, errati- ques, cosmopolites et sédentaires. En effet, un assez grand nombre de poissons exécutent des migrations périodiques dont la constance est aussi réglée que l’époque à laquelle elles ont lieu. Parmi ceux-ci on doit distinguer ceux qui, comme le thon (scomber thymnus), vivent constamment dans la Méditerranée, quoiqu’ils y fassent deux passages aussi réguliers que les maquereaux, qui arrivent de l'Océan dans le sein de cette mer intérieure. D’après la périodicité de leurs migrations périodiques, les uns et les autres sont de véritables espèces émigrantes; tandis que si on les envisage sous le rapport de la fixité de leurs habitations, on doit les ranger parmi les races séden- taires. — À29 — Pour caractériser d’un seul mot ce que ces habitu- des, toutes particulières aux poissons, ont de distinc- tif, on pourrait nommer les espèces qui en présen- tent de pareilles, sédento-émigrantes. Le nombre des habitants des eaux qui ont de pareilles habitudes pa- rait borné à ceux qui vivent dans le sein des mers. Les poissons entrainés par leurs voyages périodiques dans les eaux douces ne peuvent pas être confondus, sous le rapport de leur genre de vie, avec les races sé- dento-émigrantes. En se transportant ainsi des mers dans les fleuves, ils changent évidemment d’habita- tions , et ne peuvent dés lors être considérés comme stationnaires. Il en est de même de toutes les espèces qui, par suite de leurs passages, se rendent de l'Océan dans la Méditerranée et changent par cela même de demeure. Il en est également de celles qui, dans leurs longues traversées, parcourent les diverses par- ties de l'Océan; ces espèces éprouvent nécessaire- ment les effets de la diversité du milieu dans lequel elles sont tour à tour plongées. La plupart des poissons sédentaires de la Médi- terranée ont des habitudes analogues à celles du thon ; les uns et les autres se retirent dans les pro- fondeurs de la haute mer à de certaines époques de l’année : elles semblent disparaitre ainsi de la scène animée. Ces espèces ne différent entre elles que sous le rapport de l’époque à laquelle leur disparition a — AÀ350 — lieu : les soles et les limandes, essentiellement séden- taires, quittent les côtes de la Méditerranée pendant les mois de juillet et d’août pour se retirer vers la haute mer, où elles s’enfoncent, ainsi que le thon, vers le commencement de l’automne. Le turbot (rom bus vulgaris) et le merlan (gadus merlangus), dont les habitudes sont à peu près les mêmes, offrent ce- pendant cette différence avec les autres espèces que nous venons de signaler : elles n’habitent les grandes profondeurs que pendant les grands froids de l'hiver. Le poisson de Saint-Pierre (zeus faber Linn.), l’es- padon, le pagel et la baudroie, et une foule d’autres sont dans le même cas. Certains poissons des eaux douces imitent à cet égard les espèces marines ; on les voit s’enfoncer au- dessous des rochers, dans la vase ou dans les fonds sableux, lorsque le froid fait sentir ses rigueurs. De pareilles mœurs sont communes aux espèces qui ha- bitent les eaux courantes et à celles qui fréquentent les lacs ou les étangs salés. Les poissons qui se trou- vent le plus ordinairement dans les fleuves les quit- tent peu d’une manière constante à l’approche de l'hiver. Ils se rendent rarement dans l'Océan, pour l’abandonner au printemps ou à l’époque du frai. Enfin existe-t-il des poissons erratiques comme il y a tant d'oiseaux ? Leurs passages sont-ils acciden- tels et déterminés par l’abaissement ou l’élévation de la température ou le manque de nourriture ? On peut répondre à cet égard que sans doute la plupart des voyages qu'exécutent les poissons sont en général pé- riodiques et fixes ; mais que, chez certains autres, ils ont lieu d’une manière tout à fait irrégulière. Ces es- pèces sont en moindre nombre lors de leurs excursions que les races émigrantes, par suite des inégalités de l’ac- tion des causes qui les portent à se déplacer. Parmi ces causes on peut comprendre la température, le besoin de nourriture, ou celui de se reproduire et de perpé- tuer leur race, dont les effets ne peuvent pas être sensibles chez un grand nombre d'individus d’une manière simultanée. Il en est tout différemment des migrations qui sont déterminées par un instinct propre à chaque espèce. Aussi les voyages qui en sont la suite ont lieu à des époques si bien réglées, qu’on peut en prévoir le re- tour d'une manière toute aussi certaine qu’on peut le faire à l’égard des saisons. Quelques conditions particulières semblent déter- miner les migrations des poissons. Du moins tous ceux qui enopèrent de considérables sont uniquement des espèces carnassiéres, peut-être parce que celles-ci peuvent trouver partout le genre de nourriture qui leur convient. Cette circonstance ne peut pas pour- tant exercer une grande influence sur les habitudes instinctives de ces animaux ni déterminer leurs — A52 — migrations. Il en est également de la chaleur, d’au- tant que les couches d’eau s’échauffent beaucoup moins que les terres sèches. Leurs masses restent par cela même dans une température d’autant plus uni- forme, que l’air est continuellement échauffé par le rayonnement du sol. Dés lors un changement d’habi- tation dans des zones de chaleur différente est moins nécessaire chez les poissons qu’il peut l’être chez les espèces terrestres. Cette plus grande uniformité dans la température de l'Océan est entretenue d’ailleurs par sa mobilité et son agitation continuelles. Cette agitation mêle sans cesse les eaux d’une région avec celles des autres zones. Elle contribue ainsi à maintenir les poissons dans les lieux où ils ont été primitivement placés. Du moins le besoin d’aller trouver ailleurs une tem- pérature différente ne les presse pas comme les oi- seaux, soumis à des influences plus diverses et plus variées. Aussi les effets de cette cause sont moins sensibles chez les poissons qu'ils ne le sont chez les oiseaux, qui franchissent toutes les distances et parcourent tous les climats. On est cependant étonné que des animaux dont l’a- gilité est extrême soient assez fixes dans les zones où la nature les a placés, lorsqu'on voit certains d’entre eux voguer au milieu des ondes liquides, au gré des vents, sans but comme sans projets. Ainsi 1590 — les orbes, lorsqu'ils sont gonflés, nagent le ventre en dessus et le dos en dessous. Ils ne peuvent donc pas se diriger ni suivre une route déterminée; cepen- dant ils quittent peu les mers des pays chauds. S'ils restent constamment dans les mèmes parages, ils changent néanmoins de position, lorsque la tempé- rature des eaux où ils voguent, comme des ballons remplis d'air, a changé d’une manière notable. Si l’on compare les inégalités de température que peuvent supporter les poissons avec celles qu’é- prouvent les oiseaux, non pas d’une maniére gra- duée, mais instantanée, on est frappé de l'extrême différence qui existe sous ce rapport entre les deux classes. Elle est si grande, qu’elle nous fait conce- voir pourquoi il est tant de poissons tout à fait sé- dentaires, et si peu d'oiseaux qui aient de pareilles habitudes. Citons quelques exemples afin de faire concevoir combien les impressions auxquelles sont soumis ces deux ordres de vertébrés sont diverses. Le condor (wultur grypus) parvient dans la chaine des Andes à l'élévation de 7,112 mètres, et peut-être dans des régions encore plus élevées, où le baromètre se sou- tient à peine à 0,"325. Cet oiseau vole, en tournant pendant des heures entières dans les hautes régions où l'air est extrêmement raréfié; il s’abat ensuite tout d’un coup jusqu’au bord de la mer, et parcourt 28 — 434 — ainsi en peu d'instants tous les climats. À de pa- reilles élévations , l'homme se trouve en général dans un état de malaise ou de faiblesse extrêmement pénible. L'acte de la respiration parait au contraire avoir lieu chez le condor sans aucune espèce de gêne, dans des milieux où la pression diffère de plus du dou- ble, c’est-à-dire de 0,"325 à0,"756 (de 12 à 28 pouces). De tous les êtres vivants, cet oiseau est celui qui peut, à son gré, s'éloigner le plus de la surface de la terre. Nous disons à son gré, parce que de petits in- sectes sont emportés encore plus haut par la vio- lence des courants ascendants. Si les oiseaux de proie des contrées tempérées ne parviennent pas à d'aussi grandes hauteurs que le condor, ils s'élèvent cepen- dant parfois jusqu’à près de 3,000 à 4,000 mètres. De cette élévation ils s’abattent comme un trait sur la victime qu'ils ont apercue du haut des airs, par- courant ainsi dans quelques instants une. échelle thermométrique extrêmement étendue , en même temps que les pressions les plus. diverses. L’affaiblissement de la lumière dans les. couches d'eau profondes ne permet pas aux poissons. d’aper- cevoir leur proie à une certaine épaisseur de couches liquides ; aussi ne franchissent-ils pas de haut en bas des distances aussi considérables que les! oi- seaux. Le feraient-ils, ils ne traverseraient pas des couches. d’eau d’une température aussi inégale que — À35 — les couches d’air que parcourent dans quelques ins- tants les oiseaux de haut vol. En effet, du haut des régions supérieures de l’atmosphère ils se précipi- tent comme l'éclair sur leur proie, qui se trouve par- fois aux bords de la mer. Outre que les couches liquides s’échauffent moins que les couches d’air qui reposent sur les terres sé- ches , le rapport qui existe entre leur densité et leur température les rend beaucoup plus uniformes sous le dernier rapport. Ainsi, par suite de ces lois parti- culières à l’eau , ce liquide diffère peu, dans sa pro- fondeur , de la chaleur que sa surface acquiert par l'effet des rayons solaires. Peut-être toutes ces causes portent un grand nom- bre de poissons à ne pas trop s’écarter des contrées qui les ont vus naitre. Les espèces littorales, ou celles qui vivent dans le sein des lacs ou dans les eaux courantes, s’en éloignent le moins. Leur organisa- tion ne leur permet pas de supporter d'aussi gran- des différences de température, ni des pressions aussi diverses que celles qu'éprouvent, sans en paraitre af- fectés, les poissons de la haute mer. Les conditions de température et de pression que supportent les poissons sont toutes différentes et tout autrement réglées .que celles auxquelles sont sou- mis. les oiseaux. Il y a peut-être entre les unes et les autres une aussi grande diversité qu’il en existe entre l’organisation de ces deux classes, dont l’une se fait remarquer par sa chaleur propre, l’activité de ses passions et de sa force motrice, et l’autre par sa basse température , et le peu d’énergie de ses fibres musculaires. Les poissons, plus à l’abri des influences atmosphé- riques que les oiseaux , sont beaucoup moins sensi- bles à leur variation. Cependant les navigateurs rap- portent qu'à l'approche des tempêtes, ces animaux se rassemblent souvent auprés des vaisseaux, en troupes plus ou moins considérables, ce qui semble- rail annoncer une sorte de prévoyance, ou une con- naissance du temps qui va survenir. Les tanches (cyprinus tinca Linn.) paraissent mème se tenir cons- tamment à la surface des eaux, lorsqu'il y a menace d'orage; elles font au contraire des sauts nombreux et prolongés , lorsqu'elles présagent le retour du beau temps. Quoique ces habitudes paraissent communes à un grand nombre de poissons des eaux douces , il en est cependant plusieurs qui ont des mœurs tout à fait opposées. Ceux : ci jouent à la surface des eaux au milieu des plus fortes tempêtes, et sans que le roulis des vagues paraisse produire sur eux le moin- dre effet. s Le nombre des poissons sédentaires est done plus considérable que celui des oiseaux. Ainsi non-seule- — À37 — ment les espèces de l'Océan ne vivent pas toujours dans les mers intérieures, mais certaines espèces des méditerranées ne se montrent pas dans la grande mer. Enfin chaque mer intérieure, en si grand nombre dans l’ancien continent, a ses espèces distinctes ; elles n’ont souvent rien de commun avec celles que l’on ren- contre dans d’autres grands amas d'eaux salées, même trés-rapprochés. Ce que nous venons dedire des espèces marines est également vrai pour les poissons des lacs ou des fleuves ; il en est même plusieurs, comme l’a- pron commun (perca asper Linn.), qui se découvrent à peu près uniquement dans un seul fleuve, ou tout au plus dans ses affluents. Celui que nous venons de citer parait borné au Rhône et à la Saône, au Doubs et à l’Alaine. Le pimelodes Cyclopum semble plus circonscrit dans ses stations; du moins M. de Humboldt ne l’a observé que dans un petit nombre des lacs souterrains de la chaine des Andes. L’apron présente encore une autre singularité ; il choisit de préférence pour nager les temps froids, particuliè- rement lorsque les vents du nord et de l’ouest souf- flent avec impétuosité ; ces vents sont pourtant redou- tés par la plupart des autres espèces, surtout lors- qu'elles veulent opérer leurs passages. Si un grand nombre de poissons n’abandonnent jamais les mers, ne pénétrant pas même dans les étangs salés qui ont avec elles des communications — À38 — plus ou moins intimes, d’autres, au contraire, habi- tent à différentes époques de l’année telles ou telles de ces eaux. On peut citer, comme exemple de ces doubles stations, le muge (mugil cephalus Linn.); cette espèce se rencontre aussi bien dans l'Océan que dans la Méditerranée et les étangs salés. Il en est de même de la daurade (sparus aurata Linn.); elle se trouve du moins en grand nombre vers l'embouchure des fleuves et des rivières. Des habitudes à peu près semblables sont communes au loup (perca labrax) : seulement on ne le trouve pas aussi fréquemment dans les étangs salés que les autres espèces déjà ci- tées. Ce poisson remonte moins en avant dans les rivières que le muge ; comme il craint le froid, il pénètre peu dans les mers du Nord et ne dépasse pas la Manche. Certaines espèces passent de la mer dans les fleuves à des époques assez fixes ; elles s’éloignent souvent des eaux salées et remontent assez haut ; telles sont les an- guilles. Malgré les obstacles naturels opposés à leur marche, elles n’en parvienuent pas moins jusqu'au lac de Genéve, point d’où elles retournent, du moins en partie, à la Méditerranée ; peut-être le Rhône leur permet de pénétrer jusqu’à la fontaine de Vaucluse, où les anguilles deviennent à peu prés sédentaires, comme dans tant de fleuves dont les sources sont fort avant dans les montagnes,et près desquelles ils arrivent néan- — À39 — moins. Après les anguilles on peut citer le saumon, la truite saumonée, l’alose, le brochet, l’esturgeon et plusieurs autres espèces moins connues. Si certains poissons liés aux bassins des mers ne les quittent presque jamais, il en est de même des espèces lacustres et fluviatiles. Un grand nombre d’entre elles n’abandonnent point les eaux douces, soit les fleuves, soit les lacs; parmi celles-ei se trou- vent quelques espèces qui rappellent les voyages accidentels des oiseaux, elles se transportent en effet d’un canton dans un autre pour aller se livrer aux soins de leur reproduction. On peut citer, comme exemple de ce genre d’habitudes, l’ombre commun (salmo thymalus Linn.) et la perche (perca fluvia- tilis Linn.). Les espèces des eaux courantes offrent les poissons les plus délicats et le plus grand nombre de ceux qui sont tout à fait sédentaires. Il en est même plusieurs que l’on ne peut transporter d’un lieu à un autre, même très-rapproché; on ne le peut même pas lors- qu’on les maintient dans l’eau des fleuves où ils vi- vent ordinairement : tels sont la fera (corregonus fera), le lavaret (corregonus lavaretus), la graven- che (corregonus hiemalis) et tous les poissons déhi- cats, qui meurent dés qu’on les sort de l’eau. Nous avons déjà cité sous le même rapport le hu- che (salmo hucho Linn.) et le saibling (sælmo salve- — À10 — linus). Nous avions recu, lors de la campagne de Wagram, en 1809, l’ordre de les faire transporter en France; malgré toutes les précautions possibles, ces poissons, d’un gout parfait, ne purent jamais fran- chir, sur le Danube, la petite distance qui sépare Vienne de Lintz (environ 35 lieues). Les Romains, qui ont mis tant d'importance à élever dans leurs viviers un grand nombre de pois- sons recherchés pour la bonté de leur chair, n’ont Jamais songé à y réunir ces espèces délicates. Le luxe des Lucullus, des Lucius Muréna, et de tant d’autres grands personnages de Rome antique, aurait été aussi impuissant devant la fragile existence de certains poissons d'eau douce, que l’a été naguère tout le pouvoir de l’empereur Napoléon. Les poissons exécutent les migrations auxquelles se livrent aussi bien les espèces marines que celles des eaux douces, avec un ordre non moins admirable que celui qui dirige les passages des oiseaux. Cet ordre est surtout remarquable chez les poissons qui voyagent en grand nombre, comme les harengs, les maquereaux, les sardines, les saumons et les truites. IL en est ainsi des espèces dont les passages ont lieu constamment par bandes plus ou moins con- sidérables ; c’est ce que nous ferons sentir lorsque nous décrirons en particulier les époques des pas- sages de ces poissons. Ceux qu’exécutent seulement — AA — par couples isolés certaines espèces ne sont pas moins admirables. L’ombre commun (salmo thymallus Linn.) voyage constamment de cette manière ; la femelle suit à peu de distance le màle, qui lui fraye la marche; comme ce dernier, elle ne s'arrête que lorsqu'ils jugent avoir découvert un endroit favorable à leur reproduction. La régularité de ces migrations est surtout digne de l’attention des observateurs lorsque les passages des poissons ont lieu, par suite d’un concours com- mun, à des époques périodiques ; le plus souvent ces époques précèdent le temps de la fécondation et de la ponte de leurs œufs. Il n’en est pas de même des excursions accidentelles auxquelles se livrent ces animaux ou de leurs retours vers les eaux sa- lées ; du moins on ne voit rien de semblable, lors- que les eaux douces rendent à la mer les poissons qu’elles avaient attirés quelques instants dans leur sein. Ces passages accidentels ne semblent pas dirigés par une seule volonté comme les excursions que l'instinct fixe et détermine d’une maniére aussi cons- tante que régulière; par suite des causes que nous avons déjà fait connaitre, les poissons, mème les espèces émigrantes, poussent rarement leurs voya- ges aussi loin que les oiseaux. En effet ceux-ci parcou- rent toutes les parties du globe, tandis que peu de pois- — À12 — sons des mers d'Europe arrivent jusqu’en Amérique. Parmi les espèces des contrées méridionales de la France qui étendent leurs migrations jusque dans le nouveau monde , on ne peut guère citer que le dac- tyloptère commun (frigla volitans Linn.).Ge poisson vit à la fois dans l'Océan et la Méditerranée; äl s’avance non-seulement jusqu'en Amérique, mais même jusque dans les mers du Nord. On assure qu’on le rencontre jusqu’au delà de Terre-Neuve. Cette eirconstance ne tient pas à l’étendue de ses pectorales surnuméraires, qui lui permettent de se soutenir quelques instants dans les airs. Ce mode de progres- sion est si imparfait, que les dactyloptères nes’en:ser- vent que quelques moments pour éviter les poursuites des bonites et des daurades. Lorsqu'ils échappent à leurs ennemis, d’autres dangers les attendent dans les airs ; ils sont pour lors forcés de plonger de nou- veau dans leur humide élément, où ils retrouvent les êtres qui les en avaient chassés. Par suite de ces guerres continuelles, dont Îles mers sont aussi bien le théâtre que les continents, les espèces dont la fécondité est souvent étonnante , surtout celle des habitants des eaux, sont mainte- nues, malgré cette cause puissante, dans un état d'équilibre réellement merveilleux. Cette fixité dans la proportion et le nombre des êtres actuels-est due probablement à ces combats qui mettent des bornes à — ÀA5 — leur propagation ; sans ces luttes incessantes, la créa- tion serait infinie. Quoïque les poissons paraissent étendre leurs mi- grations moins loin que les oiseaux voyageurs, cer- taïines espèces les exécutent cependant avec une vitesse très-grande et longtemps prolongée. Les navigateurs remarquent souvent que leurs vaisseaux, quoiqu'à pleine voile, sont suivis par les mêmes individus à travers des parages bien différents. Cette vitesse n’est pas uniquement propre aux pois- sons marins, elle est aussi le partage de ceux qui vivent dans les eaux douces. On sait avec quelle rapi- dité certains de ces animaux parcourent les fleuves d'un cours très-étendu et dont le lit est même embar- rassé d’un grand nombre d'obstacles. Au milieu des espèces que l’on pourrait citer, le saumon est fameux sous le rapport de la vélocité de ses mouvements et de la longueur du temps pendant lequel il peut les continuer. Si donc les poissons ne font pas des voyages aussi longs que les oiseaux, ce n’est point leur défaut d’ac- tivité, ou la faiblesse de leur puissance motrice qui les y contraint , ni les obstacles qui s'opposent à leur marche. Ces animaux ne sont pas du moins arrêtés, comme les mammifères, par des forêts impénétrables, des déserts brûlants , ni des montagnes élevées. D’un autre côté , ils trouvent dans presque toutes les mers — A4 — une nourriture abondante et une température à peu près égale. Aucun obstacle puissant ne s'oppose à leurs voyages, d'autant qu'ils sont plongés dans un liquide dont la mobilité leur résiste à peine, et qui s'ouvre, pour ainsi dire, à leur approche. Mais les oiseaux ont bien d’autres avantages ; maitres de l'océan aérien, ils le parcourent dans tous les sens et à toutes les hauteurs. L’élément dans le- quel ils sont plongés leur offre encore moins de ré- sistance que le liquide dans lequel nagent les ani- maux marins. Pour s'assurer de la régularité et de la constance des migrations des poissons, et de la stabilité qui règne chez les espèces sédentaires , on commence dans plusieurs ports du royaume à tenir note de la quantité en poids métrique qui est portée au marché. À cette donnée il faudrait ajouter celle des diffé- rentes espèces capturées. Forcé d'indiquer l’époque à laquelle telle ou telle espèce aurait été pêchée, on aurait par cela même des tables toutes faites des pas- sages de ces animaux, Faute de pouvoir tracer de pareils tableaux, dont les administrateurs des villes maritimes du Midi sen- tiront l'importance, et qu’ils s’empresseront proba- blement de dresser, nous nous bornerons à faire connaître la quantité en poids métrique du poisson frais recu à Marseille depuis 1823 jusqu’en 1840. — A45 — Cette quantité consommée dans cette ville ou con- sacrée à la salaison se compose de tout ce qui a été pesé sur le marché de cette ville. Elle comprend tout le tribut que la mer a donné chaque année à l’activité des pêcheurs. La période de dix-sept ans qu'embrassent ces ta- bleaux présente quelques variations dans le produit de la pêche. En thèse générale, elles se sont mainte- nues dans des minima et dans des naxima qu’elles ont plus ou moins conservés. Les maxima n'ont été atteints que pendant six années sur les dix-sept, tandis que onze années ont offert des minima qui dans cet intervalle ont éprouvé une diminution une seule fois, en 1832. L'année 1825 a présenté le plus grand des maxima qui ait eu lieu dans la pêche du poisson observée à Marseille. La quantité s’en est élevée à 2,856,750 kilogrammes. D'unautre côté, l’ex- trême minima de cette pêche a eu lieu en 1832, qui n'a produit que 926,570 kilogrammes. Ii y a donc eu entre ces deux extrêmes une différence de 1, 930,180 ; cette quantité a été supérieure à celle du produit des années où la pêche a donné les plus fai- bles résultats. Cette circonstance remarquable tient probablement à quelques accidents de localités qui n'ont pas été appréciés par les administrateurs aux- quels nous devons ces données. De 1826 à 1827, le chiffre est resté le même. En — 0 — 1828, il y a eu décroissance jusqu'en 1832. De 1833 à 1837 inclusivement, la pêche a été progressive. L'année 1837 a été , après celle de 1825, l'époque à laquelle on a pesé le plus de poissons à Marseille. Le chiffre s’est élevé à 2,473,830 kilogrammes. Le cho- léra, qui à cette époque a affligé Marseille, ne paraît pas avoir nui à la multiplication des poissons, ni à leur abord dans ses parages. Ce fait est d'autant plus probable que le chiffre de cette pêche n'est pas au- dessous de celui qu’il aurait dû présenter. En effet, pendant cette cruelle maladie, les pécheurs se sont peu livrés à leurs travaux, indépendamment de ceux qui ont succombé à ce fléau. Voici le tableau des dix-sept années d’observations que nous devons au zèle éclairé de M. Loubon, adjoint à la mairie de Marseille (1) : En 1823, il a été pesé. 1,491,250 kilogr. 1824 . . . . . 2,004,400 | 1825 . . « « : 2,856,750 1826 . . . . . 4,530,050 1827. . . . . 4,534,600 F828 1. . |! 4,322,550 1829 . . . . . 1,215,250 (1) Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, Lom. 1v, pag.. 212. — AAT — MSc 00 à 11010 41,281.,310 ASS 0m o110-c-329 6,175$6 00 Doll LHSOSS TE. 926,570 1835 4h boum. 1bo:#,449 950 br. L rer #,7h6,800 Nddbe. dust ons 6786,950 Hdmi sl s+112488,700 483% … « . «+ 2,413,830 ASS 25 20082261 2,208, 70 1890. 0 5811 eos 20) 2194405 Outre ces documents précieux et qui pourraient le devenir plus encore, M. Nesrel-Ferrand avait com- muniqué à la société de statistique de Marseille un tableau qui se rattachait aux années 1811 à 1814 inclusivement. Le recouvrement du droit de pesage n'ayant pas été effectué en 1815, et ce droit étant resté sans effet pendant les années suivantes jusque et y compris celle de 1822, des documents n’ont donc pas pu être obtenus pour ces années; ils sont cepen- dant complets, sous le rapport des pesées , pour les années qui ont suivi celle de 1822 jusqu’en 1840 (1). L’état des quatre années de 1811 à 1814 n’amène qu’à une quotité moyenne de 1,178,775 kilogrammes (4) Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, tom.1", pag. 61 et 64, MIS — de poisson frais. Le tableau des poissons pesés depuis 1823 jusqu’à 1839, c’est-à-dire pour dix-sept années, donne une moyenne de 1,720,882 kilogrammes par année. C’est là le produit annuel de la pêche qui se fait maintenant à Marseille. Ce résultat, plus considérable que ie premier, tient sans doute au grand accroissement que la population de cette ville . a pris ces dernières années. Il ne peut tenir à une augmentation dans les passages des poissons ; car ces animaux , comme tous les êtres vivants, se maintien- nent dans un état d'équilibre et de stabilité qu'on ne leur voit pas dépasser. L'accroissement du produit de la pêche, dans ces derniers temps, dépend donc du nombre des bâti- ments et des marins qui s’y adonnent. Il ne prouve pas que le tribut de la mer ait augmenté, mais qu’on s'occupe avec plus d'activité à le rendre le plus con- sidérable possible. La moyenne de 1,720,882 kilo- grammes, calculée sur dix-sept années, est plus grande que celle des minima de la plupart des onze années, sur les dix-sept où elle s’est reproduite, à l'exception pourtant des années 1851 et 1836. Nous désirerions faire connaître quelle est sur cette quantité celle qui se rapporte à telle ou telle espèce de poisson. Faute de cette donnée, on peut juger du nombre des thons et des sardines que l’on pêche à Marseille, en considérant que, quoique cette ville — 49 — ait environ 450,000 habitants, et que ces poissons y soient d’une consommation journaliére et habituelle , on en pêche néanmoins une si grande quantité qu’on est obligé d’en saler la moitié (1). Enfin 4,000 quin- taux métriques de sardines v sont employés comme appat pour la pêche du palangre, ce qui donne un aperçu du nombre que l’on en pêche pour les usages ordinaires et les salaisons. Avant de terminer ces observations générales, on nous permettra de porter encore l'attention sur la quantité de poisson que l’on pêche dans les environs de Marseille; on a pu s’en former une idée d’après le détail que nous avons donné du nombre que l’on en porte au marché de cette ville. Ce nombre prouve à quel point les côtes rapprochées de cette ville doi- vent être poissonneuses ; nous ajouterons qu’elles offrent également une grande variété dans les espèces qui les fréquentent. Les pêcheurs provençaux divisent les poissons qui arrivent sur les côtes du département des Bouches- du-Rhône, en six ordres principaux : + (1) Une certaine quantité du poisson porté sur les marchés publics à Marseille sert à la nourriture de la partie de la population de l'arrondisse- ment de cette ville; or cette population est d’environ 180,000 habitants, ce qui annonce que la consommalion de cet ordre d'animaux doit être plus considérable que celle que nous avons supposée, 29 — A50 — 1° En per blanc ou poisson blanc. Sous ce nom ils comprennent généralement tous les poissons peu co- lorés, parmi lesquels viennent se ranger plusieurs spares et quelques espèces de la famille des persè- ques; on peut citer les athérines, les sphyrènes, dont une espèce assez commune dans la Méditerranée y est connue sous le nom de spet ou de brochet de mer, les muges ou mullet (mugil cephalus), le loup (perca labrax), les ombrines (sciæna cirrhosa) et l'aigle (sciæna aquila). On peut encore signaler les vives (érachinus draco); un spare nommé cailleti est aussi compris par les pêcheurs de Marseille dans ce qu'ils appellent pei blanc. 2° En pei rouge ou poisson rouge. Dans cette classe se rangent les mulles, particulièrement le rouget (mullus barbatus), le surmulet (mullus surmule- tus) et le rouge (mullus ruber), Toutes ces espèces sont portées sur les marchés de Marseille toute l’an- née. On y comprend encore les trigles, surtout le srondin, connu en Provence sous le nom de cabote en raison de sa grosse tête (4rigla lyra Linn.), les malarmats (trigla cataphracta), les pirabèbes (éri- gla volitans) et enfin les spares à couleurs vives et rougeàtres. 3° En pei séran ou poisson sauvage. À cette classe se rapportent les poissons les plus voraces et les plus dangereux. Les squales ou les requins sont à la tête — A51 — de cette catégorie ; après eux on y comprend les raies et les murénes. 4° En pei de guangui ou poisson de guangui. Ici viennent se ranger toutes les espèces que l’on péche avec un filet désigné vulgairement sous le nom de guangui : tels sont les labres, les lutjans, les scor- pènes et les holocentres. 5° En pei de madrago ou poisson de madrague. Ce sont les espèces que l’on prend dans les madragues : ce sont les scombres, surtout les thons, les maque- reaux, les caraux (caraux trachurus), et les clupées telles que les sardines et les anchois. 6° En pei de palangré ou de tartano, c’est-à-dire en poisson de palangre ou de tartane. On comprend ici toutes les espèces de trigles ou de spares péchées avec le filet nommé palangre, sorte d’ustensile on d’engin dont sont pourvus les bateaux pêcheurs nom- més tartanes. Dans cette classification, les pêcheurs ont eu plus d’égard aux procédés qu'ils suivent pour prendre les poissons et à leurs nuances qu’à des considérations propres à faire saisir la diversité de leurs espèces. Ce genre de distribution rend la statistique des époques où paraissent telles ou telles espèces plus difficile à établir, puisque l'administration n’enregistre les poissons apportés au marché que d’après les désigna- tions que nous venons de rappeler. — À52 — Quelques administrateurs comprennent cependant l'intérêt scientifique que pourraient présenter ces ta- bleaux statistiques s'ils étaient établis sur d’autres bases. En attendant que cette rectification soit opérée, voici quelques observations que nous devons à l’obli- geance de M. Loubon, administrateur de Marseille ; leur importance est trop facile à saisir pour insister plus longtemps à cet égard. La lamproie (petromyzon maximus), en provencal lamproue , est le seul poisson du genre des petro- myzon qui fréquente les côtes de la Provence. Il y est rare; on ne l’y voit guère que pendant le mois de mars. Les poissons abdominaux suivants se trouvent pen- dant toute l’année sur les côtes des Bouches -du- Rhône. Telle est la raie oxyrhynque, nommée en pro- vencal pissoué, c’est-à-dire pisseuse ; elle porteavecelle une odeur particulière d'urine, et est assez commune. On y confond le plus ordinairement deux espèces : la plus grande est la raia batis de Linné, ou raja oxyrhyncus major de Rondelet, et la seconde la raia oxyrhyÿncus de Rondelet, ou la raie désignée vulgai- rement sous le nom de lentillat. L’une et l’autre sont aussi connues à Marseille sous le nom de bec pointu qu'il ne faut pas confondre avec la raie museau pointu. La raie miralet, désignée en Provence sous le nom de miraiglet(raia miraletus), c’est-à-dire petit miroir, — À53 — est aussi commune que la raie chardon (raia fullo- nica) nommée vulgairement cardaire, ce qui veut dire cardeuse ; la raie ronce (raia rubus), appelée en patois provencal clavelado , ou clouée, à raison de ce qu'elle est armée sur le dos et le long de la queue de gros aiguillons que l’on a comparés à des clous en fer ; la raie museau pointu (raia acuta) se trouve également avec les autres espèces pendant ‘toute l’année. Il en est de même de la raie aigle (raia aquila ou mylobatis aquila); celle-ci appelée vulgairement rato pennado, ce qui veut dire chauve-souris, est aussi désignée sous le nom de mounino ou de singe. La première de ces dénominations est assez justifiée par une queue beaucoup plus longue que la tête et le corps tout ensemble; la queue de ces poissons est arrondie, terminée par un fil délié; leurs nageoires sont semblables à des ailes analogues à celles de la chauve-souris. Quant au nom de mounino, il leur a été donné en raison de la ressemblance que la tête de ces poissons offre avec celle des singes; cette espèce assez rare l’est moins que la raie mosaique appelée en provencal miraiglet : on la pêche princi- palement en mai et en juin. Quant à la raie pastena- gue (érygon pastinaca), désignée sous le nom de pas- tenargue et de courge, elle fréquente les côtes de la Provence en juillet; il en est de même de la raie giorna (raia cephaloptera), connue à Marseille sous le nom de clavelado fero ou raie sauvage. Le nom de clavelado peut être considéré comme le mot générique qui en Provence désigne toutes les espèces de raie; on les distingue ensuite par des épi- thètes particulières. 11 est toutefois deux espèces de ce genre, la raie ronce et la raie bouclée (raia cla- sata), auxquelles on donne plus spécialement le nom de clavelado sans épithète. Quant à la torpille (r&ia torpedo) que l’on nomme en patois provençal enou- lino, on la pêche principalement pendant les mois de juin et de juillet. On en prend une autre espèce dans le mois de février que l’on nomme erdowmi- glone, ce qui veut dire exdommagee. Parmi les squales, le requin (squalus carcharias) est le plus commun sur les côtes de la Provence; cette espèce, désignée par /amia ou lami, a un nom peu en harmonie avec ses habitudes, sa voracité et l'effroi qu’il inspire. Un de ses compagnons habituels, le squale glauque (squalus glaucus), n'est pas moins redoutable, ni moins terrible, à raison de sa force et de sa grandeur : il atteint jusqu’à 5 mètres. Il est d’au- tant plus dangereux qu’il est orné des plus brillantes couleurs, parmi lesquelles domine le bleu verdâtre. Cette couleur, analogue à la nuance des eaux de la mer dans les temps calmes, empêche de le distinguer au milieu des vagues ; malheureusement pour les na- geurs, ce squale est assez commun sur les côtes du midi de la France. Lesquale long nez (squalus cornubicus)arrive aussi à une très-grande grosseur ; on en pêche dont le poids dépasse 300 kilogrammes ; il fréquente également les parages de la Méditerranée. Il en est de même du squale marteau ou perlon (sparus zygæna), désigné en Provence sous le nom de gat ou de chat. L'ange (squatina lævis), nommé pei-angi, porte aussi le même nom ; il s'approche principalement en été des côtes de la Provence. Les squales roussettes, soit la srande espèce (squa- lus caricula Linn.), soit Ia petite roussette (squalus catulus), ainsi que les pantôufliers, les renards (squa- lus vulpes), lhumantin (squalus centrina) et la raie bouelée (raia clavata) sont des espèces fort rares sur nos côtes, ainsi que le poisson scie (pristis antiquo- rum), nommé en patois provençal serro. Parmi les poissons jugulaires il n’y a qu’une seule espèce qui paraisse sur les marchés de la Provence; cette espèce, la lophie baudroie (lophius piscatorius), nommée en patois provençal baudroull, est assez commune sur les côtes de la Provence. Parmi les poissons thoracins, la baliste (balistes capriscus) est assez rare; elle paraît cependant deux fois par an sur les marchés de Marseille, en juin et septembre. La chimère arctique (cékimæra monstrosa), désignée en provencal sous le nom de gat ou de chat, y est égale- ment peu abondante. Quant à l’esturgeon (accipenser sturio), on ne le prend guère qu’au printemps : cette circonstance et la bonté de sa chair le font singulié- rement rechercher. Parmi les poissons apodes, l’ostracion moucheté (ostracion oculatus Comm.) est peu commun sur les côtes de la Méditerranée, où il est tout à fait de pas- sage accidentel ; il vit habituellement dans les mers des Indes orientales ; il n'arrive que rarement sur nos côtes avec l’ostracion trigone. On prend également une grande quantité de moles, poisson connu en Pro- veace sous le nom de muollo; c’est le cephalus vul- garis des auteurs systématiques ; il est désigné com- munément sous le nom de poisson lune et en latin sous celui de mola cephalus. Le syngnathe pipe et celui nommé vulgairement ser, serpent ou anguille de mer (syngnathus vulgaris), se trouvent au milieu des aloues qui abondent dans les plages du Midi. On rencontre aussi dans les moyennes profondeurs l'hip- pocampe (syngnathus hippocampus) et l'ophidion (ophidium barbatum) ou donzelle de la Méditerra- née. Enfin le cycloptère lompe (cyclopterus lumpus) ainsi que le centrisque sumpit sont encore des espèces que l’on porte sur les marchés de Marseille; elles y sont rares. Les poissons qui paraissent le plus souvent sur les — A5T — halles de Marseille sont : l’anguille (muræna an- guilla), nommée en provençal anguiero ; ia mu- rène myre, qui habite les grandes profondeurs, ainsi que la murène commune (muræna helena) ; le mer- lan ‘gadus merlangus) et le gade mustelle (gadus mustella) nommé en provencal mous!ello ; le merlus ordinaire (gadus merluccius), connu dans le dépar- tement des Bouches-du-Rhône sous le nom de marlus. On peut signaler surtout parmi les clupées, la sardine (clupea sardina), nommée sardina en Provence, et l'anchois (engraulis vulgaris), poissons aussi bons qu'abondants. Les côtes des Bouches-du-Rhône fournissent éga- lement un assez grand nombre de scombres, recher- chés à cause de la délicatesse de leur chair. En pre- mier lieu on peut citer le thon (scomber thymnus) ; le scombre de Commerson (cybium Commersonii Cuv.); le palamis (scomber palamys), désigné en Provence sous le nom de palamida ; le sarda (scom- ber mediterraneus de Rondelet) ou la bounitou des Provençaux, et enfin le maquereau (scomber scom- brus). Quant au pilote (centronotus ductor), qui se pêche en septembre, il est aussi rare que l’argentine ou ar- genté (argentina sphyræna). Il n’en est pas de même du rouget, nommé rougé en patois; ce dernier est aussi commun et aussi recherché que la sole (solea — A58 — vulgaris). H en est de même du loup et du muge; ce dernier est toutefois inférieur aux précédents sous le rapport de sa bonté et de la délicatesse de son goût. Lorsque le muge vit dans les étangs, il y contracte un mauvais goût, ce que ne font pas les autres poissons qui ne quittent Jamais le sein des mers. La dorade, l’un des spares les plus communs et les plus élésants par les grâces de ses formes et la beauté de sa parure, acquiert un grand développe- ment sur les côtes de Marseille : on en pêche qui pèsent jusqu’à 15 kilosrammes. Dans le jeune âge, cette espèce est connue en Provence, comme en Lan- guedoc, sous le nom de soguëne. Les autres espèces du genre spare de Linné ne sont ni moins communes ni moins estimées à raison de la bonté de leur chair. Parmi elles on peut citer le spa- raïllon, nom commun sous lequel on désigne les sar- gus annulariset vulgaris, lesargue(sparus melanu- rus), loblade(sparus melanurus), le picarel commun (sparus smaris), la mendole (sparus mæna), le bogue (sparus boops)etla saupe(sparus salpa).Parmiles plus recherchées on peut signaler au premier rang le pagel (sparus erythrinus), poisson également remarquable par ses couleurs d’un rose vif et brillant. Le pagre or- dinaire (sparus argenteus) est également un poisson assez estimé par la bonté de sa chair. Il n’en est pas de même de la saupe que nous avons déjà mentionnée : — 59 — quoïqu’elle se vende sur les marchés de Marseiile comme les autres espèces, elle y est moins prisée, son goût est peu agréable et sa chair peu délicate. On peut en dire également des canthères, dont l'espèce com- mune (cantharus vulgaris) n’est pas abondante sur les côtes de la Provence. Cependant le soût de ce poisson est préférable à celui de la saupe. On peut enfin mentionner le poisson de Saint-Pierre ou le gal, que l’on prend à peu près toute l’année soit sur les côtes de la Provence, soit sur celles du Lan- guedoc. Cette espèce, remarquable par la belle tache noire qu’elle à sur chaque flanc, est le zeus faber de Linné. Un certain nombre de poissons se pêchent habi- tuellement dans le Rhône ; sous ce rapport ils entrent pour quelque chose dans la consommation de la ville de Marseille. Au premier rang on peut signaler la truite (salmo trutta), la carpe (cyprinus carpio) et le barbeau (barbus vulgaris). Le goujon (gobio vulga- ris), qui vit en troupes nombreuses dans les eaux dou- ces, est encore une espèce que l'on apporte dans les marchés de Marseille. Mais, quant à la tanche, elle n'y parait presque jamais. Telles sont les principales espèces de poissons que l’on pêche en assez grande quantité dans les environs de Marseille, et qui sont portées dans les marchés de cette ville. S’il en est de constamment sédentaires, — A60O — d’autres au contraire sont éminemment émigrantes. On peut citer parmi celles-ci, en premier lieu les centronotes, et surtout le pilote (centronotus ductor). Après le pilote nous mentionnerons les thons, les ma- quereaux, les sardines, les anchois, les dorades et les squales, particulièrement le requin. Beaucoup d’autres poissons s’approchent et s’éloi- gnent sans doute des côtes de la Provence à certaines époques de l'année; mais ils ne peuvent être ran- gés parmi ceux de ces animaux qui se livrent à de longues migrations. Cependant plusieurs espèces que l’on découvre sur les côtes de la Provence se ren- contrent également dans toutes les mers de l'Europe. Celles-ci, qui nous fournissent des exemples d’habita- tions aussi diverses et aussi variées, doivent être com- prises tout au moins parmi les races erratiques. Leurs passages ne paraissent pas avoir cette fixité et cette périodicité qui caractérisent les excursions des espèces émigrantes. On peut comprendre parmi ces dernières la raie bouclée et la raie aigle. Ces poissons sont fort communs sur les côtes des Bouches-du-Rhône mal- gré l’irrégularité de leurs passages. — A61 — TABLEAU DE L'ÉPOQUE DES PASSAGES DES POISSONS. ORDRES: GENRES ET ESPÈCFS. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. A SE 14 Lamproie (pe-| Cette espèce fluvio-marine se livre à des Ê : [migrations périodiques. Elle abandonne en Suceurs. tromi DEL pee effet constamment le bassin des mers, et re- mus Linn.). monte les rivières au printemps, ou à l’épo- que du frai en mars, avril et mai. Pour ren- dre ses migrations plus faciles, elle se tient le plus ordinairement auprès des embouchures des fleuves. Lorsqu'elle commence à s'engager dans les rivières, son squelette gélatineux est à peine visible. Plus tard il s'épaissit, et lorsqu'à la fin de la saison il est complétement durci, les pêcheurs désignent ce poisson sous le nom de La corde. Aussi les lamproïies, qui attei- gnent la taille de deux à cinq pieds, n’ont- elles la chair délicate que lorsque leur .sque- lette n’est pas encore durci et qu’il y a peu de temps qu’elles ont quitté la mer. L'agilité des lamproies est extrême, surtout lorsque le besoin de déposer leurs œufs les entraîne dans les rivières et les fleuves ; alors il n’est aucun obstacle qui puisse les ar- rêter dans leur marche. A l'aide des mouve- ments de leur queue, qui les jettent et les lancent en l'air, il n’y a pas de barrières qu elies ne puissent franchir. Dans d’autres circonstances, pour remonter plus avant dans les rivières, elles s'attachent aux hateaux avec tant de force, qu'on ne peut les en arracher. La lamproie des fleuves (petromyzon flu- viatilis Linn.) et la petite, ou le sucet, éga- lement desrivières (petromyzon planeri B].;, habitent constamment les caux douces ; elles ne se livrent par conséquent à aucune migra— tion. Cette circonstance dépend peut-être de ce que ces poissons se rapprochent beaucoup des vers, et sont les moins bien organisés des animaux vertébrés. II Anguille (mu- ; Snofaue les dde à cer ee phisons p j ST ort communs, il règne encore la plus grande Apodes. ?æna anguilla). incertitude sur leur détermination. Existe- t-il plusieurs espèces d’anguilles, ou n’y en a-t-il qu'une seule, telle est la question que l’on s'adresse assez souvent, et à laquelle il n’est pas encore possible de répondre d’une mauière précise ? Si l’on consulte les pêcheurs — A62 — ET | ORDRES. GENRES FT ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, TAC AE LOC EDS | CREME RE CEE . IL. des rivières, aussi bien que ceux des mers, rue ils vous diront tous qu'il y a plusieurs espèces Apoies. d'anguilles, aussi distinctes par leurs mœurs que par leurs caractères extérieurs. Mais re- lativement au nombre de ces espèces ces pê- cheurs ne s'accordent pas entre eux. Les uns en admettent jusqu’à quatre; ce sont ceux des rivières, tandis que les pêcheurs des mers n'en reconnaissent que trois. Sans rien déci- der à cetégard, nous adopterons pourtant les idées des derniers, ayant observé par nous- même les époques des passages des anguilles qui vivent aux bords des côtes du midi de la France. Avant d'entrer dans les détails rela- tifs à ces époques, nous ferons cunuaître les idées des pêcheurs des rivières sur ces pois- sons. Ils en reconnaissent quatre sortes. La pre- mière ou la plus commune est nommée par eux vergniaux ; la seconde ou l’anguille à long bec se distingue par un museau très- comprimé et fort pointu; la troisième ou l'anguille plat-bec (grigeel des Anglaïs) a au contraire un museau tres-aplati et très-obtus |et enfin des yeux fort petits; la quatrième se reconnaît facilement à la brièveté de son museau en comparaison de la longueur du corps. Les yeux de cette espèce sont égale- ment remarquables par leur grandeur. Les pêcheurs des eaux douces donnent le nom d’anguille pimpernaux à celles qui offrent ces caractères. Les pêcheurs des côtes de la Méditerranée ne distinguent que trois espèces d'anguilles. Ils désignent celle qui atteint la plus grande grosseur sous le nom de pougaou. Cette an- guille se tient le plus constamment dans les étangs salés à l'exception cependant de l'au- tomne jusqu’à la fin de l'hiver, saison où ellese rend à la mer pour y déposer son frai. A partir du mois d'octobre jusqu’au mois de février, ces grosses anguilles ne quittent plus la mer. Elles y demeurent constamment ; du moins on n'en a jamais pris dansles filets tendus pour saisir les différentes espèces de poissons qui de | il la mer arrivent dans les étangs salés. Les jeu— nes anguilles provenues du frai déposé dans la mer par les anguilles de l'année précédente arrivent donc dans les étangs à la fin du mois de mars. Elles sont alors si petites, qu'elles dépassent de peu les dimensions des vermicelles. On les voit entrelacées les unes avec les autres formant des cordes extrêmement lon- gues, souvent roulées en spirale;elles res- semblent assez pour lors à des pelotons de laine. Elles grossissent rapidement dans les étangs ; elles s'y nourrissent de petits mol- lusques, d'insectes, puis de petits poissons, et jenfin même d'autres anguilles. Cet appât sert — 163 — EEE ORDRES. IL. Apodes. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, même à les attirer vers les hameçons. Ces an- guilles, dont les migrations paraïssent cons- tantes, acquièrent souvent des dimensions fort considérables. On en pêche parfois d'as- sez grosses qui pèsent de douze à quinze li- vres. Leur chair, d’une grande délicatesse, les fait rechercher des gourmets, surtout lorsque leur poids s'élève jusqu’à cinq ou six kilo- grammes. La seconde espèce, nommée anguille fine, vit habituellement dans les étangs salés, et va déposer son frai dans la mer à peu près comme l'espèce précédente. Elle diffère du pougaou en ce sens qu’elle n’acquiert pas des dimen- sions aussi considérables. Cette espèce remonte le plus ordinairement dans les fleuves et les rivières, poussant fort loin ses excursions. Il en arrive du moins jusqu'au lac de Genève, à la vérité en très- petit nombre. La perte du Rhône leur op- pose un obstacle qu'elles ne peuvent franchir qu'avec beaucoup de difficulté; aussi ne pa- raissent-elles daus le lac que lorsque les eaux recouvrent ce gouffre. C'est du reste au printemps, pendant la nuit et lorsque la lune est au-dessous de l'horizon, que les anguilles passent de Ja mer ou des étangs salés dans les lacs et les ri- vières. Elles y séjournent jusqu’à Ja fin d'oc- tobre et quelquefois plus encore, pour ne rentrer dans la mer qu’au retour du prin- temps. Les soins de l'homme changent sou- vent totalement cet ordre. Des circonstances particulières, telles surtout que l'éloignement de la mer, le modifient également. Leur agilité, leur force musculaire et la ténacité de leur vie leur font surmonter tous les obstacles et toutes les difficultés qu’elles éprouvent dans leurs longs voyages. Elles marchent de préférence la nuit, peut- être par suite d’un instinct de conservation; on le supposerait à les voir naviguer pour lors en troupes fort nombreuses, Quand le besoin de retourner à la mer se fait sentir chez ces poissons, c’est d’une manière si im- périeuse, que rien ne peut les arrêter. On les voit pour lors s’accumuler et se presser au- tour des digues qu’on oppose à leur marche, sans qu’il y en ait une seule qui songe à re- brousser chemin, et à remonter aux lieux qu'elles viennent de quitter. La troisième espèce est connue des pê- cheurs des côtes du midi de la France sous le nom d’anguille commune ou de leschenat. Elle paraît sédentaire et ne point voyager comme les précédentes. Elle se reproduit du moins dans les étangs salés qui bordent la Méditerranée, et se tient constamment dans les fonds vaseux, qu'elle ne quitte qu'aux mois de juin et de juillet, époque où l’on en — ÀG4 — ——————— —————————— — — — — — … …—"…"— —"_"—_——————_——_————"———————""—"—— ——— ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, SSSR ER ES (ou IL. Apodes. fait une pêche abondante. Lorsque la séche- resse est grande, elles abandonnent parfois les étangs salés pour se rendre dans la mer. Le plus souvent elles s’enfoncent dans la fange et la vase où elles demeurent enfouies ijusqu'à l’époque à laquelle les eaux sont re- venues à leur niveau ordinaire. Lorsque ces anguilles se déplacent par man- que d’eau, elles font souvent les voyages qu’elles entreprennent en rampant sur les terres sèches à peu près comme les serpents. Elles cherchent donc l’eau qui leur est essen- tielle, et passent ainsi des temps plus ou moins longs hors de leur élément ordinaire. On est surpris du long intervalle pendant le- quel les anguilles peuvent demeurer hors de l’eau sans périr ; mais la force de leur vita- lité est si grande qu'on peut les dépouiller de leur peau, de leurs viscères, les couper même en morceaux sans que le tronçon de leur corps cesse de se mouvoir. On conçoit facilement pourquoi l'on ne prend jamais dans les rivières des anguilles qui aient leurs œufs. Lorsque ces poissons veulent frayer, leur instinct les porte à se rendre dans le sein des mers, où ils s'enfon- cent dans ses profondeurs afin d'y déposer leurs œufs. Quant au leschenat, cette espèce ne paraît pas voyager; elle se borne, au mo- went du frai, à s'enterrer dans la vase, dispa- raissant à peu près tout à fait comme les lombrics, et cela au moment de la ponte. Aussi les anguilles paraissent, à leurs pre- miers âges, habiter les eaux souterraines même les plus profondes.On peut citer comme une preuve de ce genre d'habitation les an— guilles de diverses grosseurs que M. Arago a montrées à l'académie des sciences de Paris le 12 octobre 1835, et qui avaient été prises dans un fleuve souterrain. D'autres anguilles ont été également rencontrées dans des puits artésiens qui avaient été creusés à Elheuf et poussés jusqu'à des profondeurs considérables, Ces poissons out une vie si tenace, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, qu'ils peuvent sans périr rester pendant des temps assez longs tout à fait privés d’eau. Ils s'en- foncent pour lors dans la vase ou dans l'in térieur de la terre humide. La principale particularité de leur histoire et qui les ca- ractérise d’une manière toute spéciale, tient à ce qu'elles ne frayent jamais dans les eaux douces, quoiqu'elles les fréquentent tout au— tant que les salées. Aussi Spallanzani, pas plus que les autres ichthyologistes, n'a pas pu observer des œufs ni des fœtus dans les an— guilles des eaux douces. Il est même fort dificile d'en apercevoir chez celles qui ha- bitent les eaux salées, parce que lorsque ces poissons veulent frayer ils s'enfoucent dpns — À65 — I PE GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. RSR 2 2) 2 M — SE ER les profondeurs des mers où il est impossible de les découvrir. Elles y déposent leur frai à la fin de février et en mars. Lorsque les anguilles remontent dans cer- taines rivières comme, par exemple, dans le Rhône, elles y sont parfois en si grand nom- bre, que leur traînée ressemble assez bien à de longs cordons noirs. La quantité en est pour lors si considérable que les eaux en pa- raissent comme noircies. On les connaît sous le nom de bouirons dans le midi de la France. C'est surtout vers la fin de février et de mars que paraissent ces longs cordons de petites anguilles. 4 D'après les observations de M. de Joannis, lieutenant de vaisseau, les anguilles seraient réellement vivipares, ainsi qu’on l'a généra- lement admis. Ces poissons voyagent dans les courants d’eau souterrains, ce qui est confirmé par l'observation des anguilles re- tirées des puits artésiens ; aussi peuvent-ils passer d’un réservoir à un autre. Le frai est à peu près constamment déposé à la mer par les anguilles, Les petits qui en proviennent remontent de très-bonne heure le eourant des fleuves et des rivières. Du reste ces jeunes anguilles grossissent rapidement, et la ges- tation des femelles qui a produit le frai dont elles sont provenues est très-courte. Quant aux anguilles électriques qui vivent dans la baïe de Honduras, dans l’Amazone et les eaux stagnantes de l'Amérique du Sud, et qui ont été décrites par Cuvier et M. de Hum- boldt, elles paraissent, du moins d’après les observations de M. le docteur Backmann, ap- partenir aux eaux douces. Cependant M. Por- ter, ayant montré à la société zoologique de Londres un individu vivant de ces anguilles, assure qu'il n’est pas rare de les rencontrer à cinquante milles en mer à Charleston. Il paraît donc probable qu'il en est de ces poissons comme des espèces européennes, c'est-à-dire qu’ils se rendent à la mer pour y déposer leur frai; ils retournent ensuite dans les fleuves et les rivières où ils font leur séjour habituel. Un des faits les plus singuliers de leur his- toire tient au changement sensible de cou- leur que prend leur peau à l'époque du frai, à la fin de février ou dans le courant de mars. Les pêcheurs des lacs de Sui:se admettent, d’après M. Agassiz, cet embellis- sement de la robe de ces poissons, qu’on pourrait appeler la robe nuptiale. Les an— guilles présenteraient donc un fait analogue à celui qui se produit chez Ja plupart des animaux. Cette coloration tiendrait donc à un état qui dispose à la reproduction. Les anguilles paraissent devenir coureuses dañs les mois de février et de mars; aussi 30 —16@)— ORDRES. HT. Subbranchiens. GENRES ET ESPÈCES. Sole ‘pleuro- nectes solea Lin.). ÉPOQUES RES PASSAGES DES POISSONS, sont-elles pour lors extrêmement difficiles à prendre. Elles le sont surtout, lors de leurs rassemblements réellement extraordinaires à l'époque du frai, vers l'embouchure des fleu- ves. Ces poissons s’y réunissent, parce que ceux qui s'étaient tenus jusqu'à cette époque dans les fleuves et les rivières vont chercher dans la mer un milieu plus propice à leur re= production que celui qu’ils avaient choisi au- paravant pour leur habitation. C'est aussi à l'embouchure des fleuves que l’on voit vers la fin de mars et au commencement d’avril des multitudes infinies de petites anguilles dont la grosseur varie entre deux ou trois millimètres de diamètre. Elles remontent ainsi contre les courants, marchant à peu près au nombre de dix à douze. Cette cara- vane ; composée des anguilles provenues du frai, passe ainsi de la mer dans les fleuves pendant plusieurs jours; ceci peut donner une idée du nombre de celles qui voyagent dans leur premier âge. Quoique nous ayons avancé, d’après nos observations, que les anguilles ne frayaient qu’à la mer, il paraîtrait cependant, d'après d’autres ichthyologistes, qu'elles le pourraient également dans des bassins fermés comme sont, par exemple, les lacs de la Suisse. Ainsi plusieurs d’entre eux admettent que des an- guilles se propagent dans des étangs alimen- tés par des sources naturelles et cela sans qu’on y ajoute du frai. En supposant ce fait exact, il resterait à savoir si Ces jeunes an- guilles ne viendraient pas de la mer ; car il est bien certain que ces poissons exécutent de longs voyages souterrains. Du reste, il se— rait difficile d'assurer que tel étang qui ne paraît alimenté que par des sources d'eau douce ne communique pas avec le bassin des mers. Aussi nous persistons à regarder les an- guilles comme des poissons vivipares à ges— tation très-courte qui ne déposent leur frai que dans la mer. Comme les anguilles sont très-difficiles à prendre, au moins les femelles à l’époque du frai, il est moins étonnant que l'on n’en ait point rencontré de pleines. Cette viviparité annonce qu’il doit y avoir néces— sairement accouplement entre les sexes diffé- rents. Il est seulement singulier de ne dé- couvrir pas plus de laitance chez les mâles que d'œufs chez les femelles, ce qui annonce combien la gestation de ces poissons doit être courte. Ce poisson fréquente les côtes de la Médi- terranée pendant toute l'année; on le pêche aussi dans toutes les saisons. On peut done le considérer comme un des plus sédentaires des régions tempérées. Seulement les soles, — À67 — © EL ORDRES. GENRES ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. Re Da SR EE LR ER RUMEUR. TER D AID ŒIESET LORS AE RE MP ET A TPS EUR Ke III | comme la plie, abandonnent les côtes pen— Subbranchiens. | La plie (pleuro- nectes platella L.). l Limande (pleu- ronectes limanda Linn.). Anchois (clu- pea encrasi cholus Linn.). Sardines (clu- pea sprattus Lin.) dant les mois de juillet et d'août. Elles se re= tirent pour lors vers la haute mer. Elles y ac- quièrent un goût délicat et une bonté toute . particulière, La plie, dont la conformation a tant de rapports avec celle de la sole,quitte la mer aux mois de mars et d'avril pour pénétrer dans les étangs salés. Elle remonte ensuite les çca- naux, les rivières, à une grande distance de la mer. Ainsi on pêche des plies jusqu’à la source du Lez, à trois lieues de son embou— chure dans la Méditerranée. On en a égale- ment rencontré dans la Sarthe à plus de cin— quante lieues de la mer. Elle s'enfonce dans la vase aux mois de janvier et de février, et dépose son frai dans les étangs salés qui se trouvent sur les côtes de la Méditerranée. Cette espèce habite constamment les côtes de la Méditerranée. Ses habitudes la rendent presque aussi sédentaire que la sole. Seule- ment au commencement de l'été elle s'avance au delà de l'embouchure des fleuves ; elle remonte peu cependant vers leurs sources. L'anchois vulgaire, si recherché à raison de la bonté de sa chair, passe sur les côtes de la Méditerranée avant les sardines. Il paraît même sur les côtes de l'Espagne antérieure- ment à son apparition sur celles de la France. D'après les gourmets, la chair des anchoïs pé- chés sur les premières de ces côtes serait pré- férable et d’un meilleur goût que celle des individus pris en France. Aussi le prix des premiers est généralement plus élevé. On en pêche des quantités innombrables dans toute la Méditerranée, et même jusqu'en Hollande. Quoique le plus ordinairement les anchois arrivent sur les côtes du midi de Ja France avant Jes sardines, ces deux espèces se trou— vent quelquefvis ensemble. Les anchois arri- vent vers le commencement d'avril. Leurs passages durent jusqu’à la fin de mai. Posté- rieurement à cette époque on les voit parfois jeter leur frai dans les étangs salés qui bor- dent les côtes de la Méditerranée : cette cir- constance assez rare se représente aussi fort peu chez les sardines, Cette espèce, quoique émigraute, paraît peu abandonner Ja Méditerranée. Sa pêche y eët fort abondante. Les sardines ne commencent à paraître sur les côtes du midi de la France que vers la fin d'avril; elles ne sent cependant en grand nombre qu'en mai, juin et juillet. C’est par- ORDRES. — À68 — EEE EEE | GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. CC ER OSEO | EE IL. Subbranchiens. Harengs (clu- pea harengns L.\, ticulièrement pendant le mois de juin que la pêche en est la plus fructueuse. On observe du moins pour lors ces poissons en bancs étendus et souvent innombrables. Ils parais- sent surtout se réunir lorsqu'ils sont pour— suivis par les thons et les maquereaux, qui en sont fort avides. Il est facile de s'assurer de la réalité de ce fait à l'époque de la venue des sardines en ouvrant des thons et des maquereaux. On découvre souvent dans l'estomac de ces der- niers des sardines encore tout entières, ce qui ne laisse aucun doute sur les habitudes et les mœurs de ces dernières espèces. L'apparition de ces poissons sur les côtes de l'Océan, du moins sur celles de la France, est plus tardive que dans la Méditerranée, surtout sur les côtes qui se trouvent rappro- chées de l'embouchure de la Loire. La direction que suivent les sardines aïins que celle des thons et des maquereaux leurs cruels ennemis, a toujours lieu du sud à l'es dans la direction du golfe de Lyon au golfe de Gênes. Cette circonstance semble annoncer que ces diverses espèces viennent de l'Océan dans la Méditerranée, les maquereaux faisant la chasse aux sardines, les thons aux ma-— quereaux et les squales aux thons. Aussi lors- qu'on éventre des sauales on trouve dans Jeur estomac des thons plus ou moins di- gérés. Les sardines ne paraïssent déposer leur fra dan: les étangs salés que lorsqu'elles y sont poussées par des vents violents. Celles qui y entrent sans être pleines ne se reproduisent pas, lursqu’elles ne peuvent ou qu’elles ne sa- vent pas sortir des étangs salés pour se ren— dre dans la mer. Quoi qu’il en soit, les sardines, ainsi que les thons et les squales, ont été extrêmement abondantes sur les côtes de la Méditerranée en 1840 quoique les maquereaux auxquels les sardines servent ordinairement denourriture y aient été assez rares. Cette circonstance mérite d'autant plus d’être signalée qu'elle se représente peu ; la raison est facile à com- prendre. Les détails dans lesquels nous sommes en- trés relativement aux migrations des ha- rengs nous dispensera d'insister de nouveau sur ce poisson tout à fait étranger à la Médi- terranée, d'autant que nous y reviendrons dans l'explication de la carte. On le rencontre uniquement dans l'Océan en troupes souvent innombrables. Les: passa- ges de cette espèce ont lieu depuis le com— mencement du printemps jusqu'en juillet, et depuis septembre jusqu'à la fin &'octo're. Ces poissons abondent aussi sur les côtes de la — À69 — ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, RER PERD D ED DERE DEGRESERT T SRRERENRE 22 ES NT. Subbranchiens. France vers la mi-octobre ; ils y demeurent .[presque jusqu’à la fin de l’année. Les harengs commencent à se montrer au mois d’avril et de mai dans les eaux qui en- tourent les îles Shetland; ce n’est que vers la fin de juin ou de juillet qu'ils s'y trouvent en nombre immense. On suppose que ces poissons se réfugient habituellement vers les contrées du Nord. Commeilss’y multiplient extraordinairement, ils sont forcés, par suite de leur nombre, d’en- voyer des colonies dans d’autres parages. Ces immenses peuplades des habitants des eaux, en sortant des mers du Nord, s'étendent sur une largeur de plusieurs milles. De nombreux ennemis qu'elles rencontrent sur leur route les forcent de se partager en plusieurs divi- sions, qui toutes sont guidées par des chefs. Les harengs qui font partie de l’aile droite de cette petite armée se portent sur les côtes d'Islande, où ils arrivent au mois de mars; ils se dirigent alors du côté de l'accident et parviennent ainsi à Terre-Neuve. Les autres au contraire prennent leur route vers le sud, et se partagent en deux colonnes. L'une descend vers les côtes de Norwége, dans la Baltique, le Sund et le Belt; l’autre passe à l'occident vers les îles Orca- des et l’Hutland. Là cette dernière colonne se partage encore; une partie se dirige vers l'Irlande et l’Ecosse, fait le tour de ces îles, entre dans la mer d’Espagne et va gagner les côtes des Pays - Bas. L'autre division de ces innombrables poissons suit les côtes orientales de l’Ecosse, de l'Angleterre et de la France, et rentre dans la mer du Nord où les deux colonnes se réunissent, Des légions moins nombreuses parcourent les côtes de la France, du Brabant, de la Flandre, de la Hollande, de la Frise, de la Zélande. Les autres se portent sur les côtes du Holstein, de la Poméranie, de la Suède, du Danemark et de la Livonie. Enfin, après avoir parcouru successivement ces diverses contrées, où ils ne séjournent qu’autant qu'ils y trouvent une nourriture abondante, ils se réunissent tous dans la mer du Nord, et dis- paraissent totalement. Ces poissons s’enfon- cent pour lors dans les profondeurs de l'Océan. La route que suivent les harengs dansleurs longues migrations est assez compliquée, et par cela même elle est assez difficile à saisir, La marche tortueuse etsingulière que suivent ces poissons tient probablement à leur nombre réellement excessif et prodigieux, ainsi qu'il est facile d’en juger parla consommation qui s’en fait en Europe. En effet, on en prend des quantités extrêmement considérables sur les côtes de la Norwége et de la Poméranie sué- doise depuis le mois de janvier jusqu'en mars, ORDRES. GENRFS ET ESPÈCES.| ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. Il]. Subbranchiens. et un peu plus tard en Hollande, enfin en Angleterre et en France vers la fin du prin- temps et au commencement de l'été. On en pêche également un grand nombre depuis le mois d'octobre jusqu'en décembre. Il est seu- lement beaucoup moins grand sur les côtes de l'Islande par la raison toute simple que ces poissons ne s’y arrêtent pas. Ils sont pour lors presqu’au commencement de leurs excursions. Les migrations périodiques des harengs, comme celles qu'exécutent tant d’autres es- pèces, paraissent déterminées par un instinct impérieux dirigé jusqu'à un certain point par le besoin de se reproduire autant que par l'effet de toute autre circonstance. Indé- pendamment de ce désir de perpétuer leur race, désir inné chez tous les animaux, un instinct non moins puissant les porte à se li- vrer, à des époques fixeset déterminées, à des migrations très-étendues dont peu de poissons nous donnent des exemples aussi remarqua-— bles. Il est si impérieux, que le hareng est particulièrement fameux sous ce rapport, quoiqu'il ne paraisse guère pénétrer dans la Méditerranée. On ignore toutefois, ainsi que notre carte pourra le faire juger, jusqu'où il les étend à travers l'Océan Atlantique. On n’en à pas jusqu'à présent découvert de traces dans l'hémisphère austral au delà des côtes qui bordent la terre de Labrador. Il est probable cependant qu'il ne s'y ar- rête point, et que ses tribus portent leurs excursions bien au delà. Nous attendrons de nouvelles observations pour être certain de ce point de fait. Nous n'en dirons pas davan- tage sur les voyages qui ont rendu le hareng si fameux, puisque nous devons y revenir lors de l'explication de la earte destinée à donner uneidée complète de l'étendue de ses voyages. Alose ( clupea| Les aloses sont des poissons des ne qui, : comme les anguilles, remontent fort avant alosa Linn.). dans les RE Leurs migrations ont lieu principalement au printemps. Elles prennent dans les eaux douces un goût exquis; car celles des mers sont sèches et coriaces. Il n'est done pas étonnant que les aloses du Rhône soient meilleures que celles de la Mé— diterranée. Lorsque ces poissons sont remis üe la maladie que leur occasionne le frai, on les voit retourner à la mer en troupes plus ou moins nombreuses. Les aloses déposent leur frai dans ies eaux douces. Lorsque les petits qui en pro- viennent sont environ de la grosseur du doigt, on les voit descendre les rivières et se rendre ainsi en troupes plus où moins nombreuses à la mer. On les reconnaît fa- ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. Ill cilement à leurs sauts multipliés. Elles s'é- re lèvent ainsi au-dessus des eaux, afin d'y sai- Subbranchiens. sir les cousins, les tipules et les autres petits insectes qui y volent continuellement. De pareilles habitudes leur sont communes avec les jeunes lamproies, qui s’élancent aussi au dehors de l’eau des fleuves lorsque le temps est calme et le vent au sud. Ces poissons se livrent peu à ce#manége si le vent est au nord, les cousins volant pour lors en petit nombre. Les espèces vivantes se font donc une guerre continuelle ; il se pourrait que, dans les vues de la nature, les jeunes lamproies et les jeunes aloses fussent destinées à empêcher une trop grande propagation des tipules, des cousins et d’une foule d’autres insectes qui pullulent à la surface des eaux. Quoi qu’il en soit, ces poissons quittent les mers vers la fin de mai ou au commencement de juin. Ils remontent pour lors dans les ri- vières où ils vont frayer. Les aloses exécutent ces voyages en colonnes serrées et nom- breuses. Lorsqu'elles aperçoivent les filets qui s'opposent à leur marche, elles s'élancent avec force contre cet obstacle, les percent en mille points différents, et continuent ensuite leur marche. Lorsque les pêcheurs voient cette petite armée s'avancer en toute hâte contre leurs filets, ils les élèvent brusque- ment et en prennent souvent une fort grande quantité, lorsqu'ils sont lestes. Les lamproies ne sont pas cependant aussi redoutables, re- lativement aux filets qu'on leur tend, que les aloses, dont la promptitude et la vivacité des mouvements sont extrêmes. Le retour de ces poissons vers la mer a lieu au milieu ou à la fiu de septembre. Il en est de même de ceux qui sont éclos dans l'an- née. Leurs passages paraissent plus considé- rables lorsque les eaux sont claires que lors- qu'elles ont été troublées par une cause quelconque, comme par exemple un vrage. Turbot (rhom- bus vulgaris). Cette espèce se fait remarquer sur les côtes dn midi de la France par ses habitudes sé- dentaires. Elle s’y trouve à peu près cons- tamment et ne les abandonne guère que l'hiver. Elle s'enfonce pendant les grands froids dans les profondeurs des eaux. Morue propre- ment dite, ou ca- Lbéliau (gadus mo- rhua Linn.). Cette espèce se distingue, comme la précé- dente, par ses habitudes sédentaires. Elle pa- raît du moins ne jamais abandonner les mers des régions septentrionales où elles se multi- plient tellement que des flottes entières s'y rendent chaque année pour la sécher, la sa- ler et la distribuer à l'Europe entière. Ce poisson peut être cité comne l'exemple le plus remarquable d’une extrême fécondité. — A2 — OM | ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DFS l'ASSAGES DES POISSONS. III. Subbranchiens. IV. Abdominaux. Merlan (gadus merlangus Linn.). Lotte commune ou de rivière (ga- dus lotta Lin.). Carpe vulgaire (cyprinus carpio Linn.). S'il est des oiseaux sédentaires, il est éga- lement des poissons dont les habitudes sont les mêmes, et qui, malgré leur fécondité, ne quittent presque jamais les lieux où ils ont pris naissance.On peut citer spécialement la morue proprement dite ou cabéliau (gadus morhua Linn.). Ce poisson abandonne peu les mers du Nord, malgré les flottes nombreuses qui se rendent dans les parages septentrionaux pour la pêche, et les quantités immenses que l’on en prend chaque année. Aussi, d’après de pareilles habitudes, les pé- cheurs du littoral de la Bretagne ont été fort étonnés d'en voir arriver une assez grande quantité en 1842. Cette espèce aurait-elle été attirée sur les côtes de la Manche parle nom-— bre des harengs qui y ont paru en même temps? Cela est d'autant plus probable que certaines races sédentaires émigrent aussi quelquefois par l’effet de circonstances accidentelles. Le merlan, peut-être le poisson le plus abondant de la Méditerranée, paraît moins commun dans l'Océan. Il séjourne à peu près constamment sur les côtes du midi de la France. Il n’en est chassé que par de grands froids. Probablement alors il subit la loi com- mune, et s'enfonce, comme les autres espèces, dans la profondeur des eaux dont la tempé- rature est généralement plus élevée. Ce poisson, remarquable par la ténacité de sa vie, est le seul de ce genre qui remonte très-avant dans les eaux douces. Suivant Ju- rine il fraye en février, tandis que d’après Bloch c'est en décembre ou en janvier qu'il jetterait son frai. On juge aisément que ces deux ichthyologistes, ayant parlé de climats différents, ont bien pu assigner des épo- ques diverses à la reproduction de ce poisson : car, relativement à cette fonction, on peut dire qu'il n’y a rien d’absolu, du moins re lativement à l'époque à laquelle elle s'exerce. La carpe vit dans]la plupart des lacs et des rivières des régions tempérées. Elle s'y tient de préférence dans les fonds vaseux. On la trouve même jusque dans les étangs salés. Cette espèce paraît peu se déplacer. On ne la voit pas du moins émigrer d'une contrée dans une autre. Elle dépose son frai, dans le midi de la France, pendant le mois de février. Lorsque ses œufs sont privés d'eau, peu de temps après avoir été pondus, ils peuvent rester plusieurs années exposés au soleil sans perdre la faculté d'éclore. On voit donc sortir de ces œufs de petits carpillons dès que quelques gouttes d’eau viennent les humecter. Les carpes peuvent vivre assez longtemps — A15 — er Ne ET ESPÈCES. ORDRES: IV. Abdominaux, Goujon (cypri- nus gobio Linn.). Tanche (cypri- nus tima Linn.). Rosse ou van— geron (cyprinus rutilus Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGFS DES POISSONS, RE RSR hors de l’eau. On les fait facilement voyager en vie pendant plusieurs jours en mettant un quartier de pomme ou de citron dans leurs branchies , et ayant le soin d'y jeter de temps en temps un peu d'eau. Les Anglais sont parvenus à les engraisser en les tenant suspendues dans des caves et placées dans des filets. On les nourrit pour lors avec du pain, et on les arrose de temps à autre avec de l’eau. Pour mieux les engraisser on les chä- tre ou on leur enlève leurs ovaires, opéra- tions qui réussissent très-bien et ont le plus ordinairement l'effet que l’on en attend. Cette espèce vit dans les lacs ou dans les rivières. Quant aux goujons qui fréquentent les lacs d’eau douce, ils les quittent au prin- temps. En effet ils remontent dans les riviè- res vers le mois de mai. Ils préfèrent les fonds sableux des fleuves, et déposent leur frai, à l'exemple des carpes, dans les lieux où il y a peu d’eau, Ces poissons se nourrissent prin— cipalement d'insectes, de petits mollusques et des vers qui, comme eux, se trouvent dans les eaux. Ils paraissent voyager en petites troupes, et se plaire les uns avec les autres. On les voit peu isolés, et l’on est presque as- suré d'en prendre plusieurs à la fois. Quant à l’époque où cette espèce dépose son frai, elle paraît, du moins dans les ré- gions tempérées, se prolonger depuis le mois de mai jusqu’à la fin de juin. La tanche habite les eaux stagnantes et tranquilles. Elle préfère surtout les fonds va- seux. Pronostiquant les orages, ces poissons s'élèvent à la surface des eaux lorsqu'ils pré- voient la tempête, qu'ils devinent en quel- que sorte par suite d’un instinct particulier. D'un autre côté, ils annoncent le retour du beau temps par leurs sauts multipliés au de- hors de l’eau. En hiver, les tanches s’enfon- cent et s’enterrent dans la vase, où elles dé- posent leurs œufs vers la fin de mai ou de juin, ou autour des plantes des marais. Ce poisson se fait encore remarquer par son extrême fécondité. D'après de pareïlles ha- bitudes il doit être classé parmi les espèces les plus sédentaires qui ne se livrent jamais à des migrations lointaines ou à des voyages de longs cours. La rosse habite les lacs et les grandes riviè- res des contrées tempérées. En été, elle choisit de préférence l'embouchure des fleuves, tan- dis qu'en hiver, elle se retire dans la profon- deur deseaux.Cette espèce fraye au mois d'a- vril ou au commencement de mai. Elle ne paraît pas 5e livrer à des migrations comme tant d'autres espèces. ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. TR IV. La brème (cy- Abdominaux. |prinusbramaLin.) La brème fraye au printemps, vers la fin d'avril lorsque l’année est chaude. C’est seu - lement en mai et juin lorsque la température est peu élevée. Cette espèce paraît rester constamment dans les lieux qui l'ont vue nai- tre. Elle n'émigre donc pas. Le barbeau com- mup(cyprinus bar- bus Linn.). Le barbeau est encore un de ceux qui ha- bitent constamment les mêmes lieux. Il ne se livre à aucune sorte de migration. On le trouve constamment dans les eaux courantes, préférant les plus rapides et celles dont le fond est caillouteux. On le voit l’hiver s'en- foncer sous les rochers ou au-dessous des troncs d'arbre qui croissent sur les rivages des fleuves où il vit. Cette espèce frayeà peu près à la même époque que la précédente. Saumon (salmo salar Linn.). Le saumon est un poisson de mer fa- meux par ses migrations, dont la périodicité et la constance sont un des points les plus remarquables de son histoire. Il arrive de l'Océan au printemps, pénètre dans les fleu- ves qui y ont leurs embouchures, où il re- monte souvent fort avant. Il rentre toujours pendant l'hiver dans le bassin de l'Océan, qu'il ne quitte qu'à l'époque du frai. Ces poissons voyagent constamment en troupes nombreuses disposées sur deux li- gnes formant comme les côtés d’un triangle. On les voit remonter dans les rivières rangés en deux colonnes réunies en avant et dirigées par la plus grosse femelle, qui ouvre la mar— che. Les plus jeunes et les plus faibles des mâles sont à l’arrière-garde. Les saumons, ainsi rangés en quelque sorte en bataille, na- gent en général avec grand bruit au milieu des fleuves et près de la surface de l'eau lors- que la chaleur est considérable. Si la tempé- rature est basse et peu élevée, ils se tiennent dans la profondeur de l’eau. Ils avancent ainsi dans les fleuves où de nouveaux besoins les appellent. Maïs si quel- que danger vient à les menacer, ils nagent avec la plus grande rapidité pour l'éviter. On suppose qu'ils peuvent parcourir facile [ment huit à dix lieues par heure. Leur vi- tesse serait donc aussi grande que celle des moyens les plus rapides que l’homme doit à [son génie , tels que les chemins de fer et les [bateaux à vapeur. | On ne voit jamais de saumons dans la Mé- diterranée, mais uniquement dans l'Océan. Ils affectionnent surtout le voisinage de l’em- {houchure des grands fleuves, dont ils habitent les eaux rapides pendant une grande partie |de l’année. Ils frayent en mars et en avril, [quelquefois même plus tôt, ce qui du reste est [assez rare. Ces poissons se font encore re- — A5 — EE ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. EPA IE LDÉE EI PC DE À IV. marquer par leur grande agilité ; ce que nous Abdominaux. avons dit du chemin qu’ils parcourent dans l'intervalle d'une heure en est une preuve assez frappante pour ne pas insister davau- tage à cet égard. Les côtes de la Méditerranée n'ont pas au- près d’elles de grands lacs d’eau douce. On re- marque que les torrents et les fleuves qui s’y rendent sont généralement peu pois- sonneux. Ces différents cours d’eau entrai- nent avec eux une grande quantité de cail- loux roulés, et d'ailleurs leur rapidité est trop considérable. Aussi ne donnent-ils lieu qu'à un petit nombre d'observations inté- ressantes, vu le peu de poissons qui s’y trou- vent. Les saumons communs, comme les autres espèces de ce genre, et entre autres la truite, ne sont point arrêtés dans leur course par les digues ou les cascades qui se trouvent sur leurs passages. Ils savent toujours les fran- chir en s'appuyant sur un rocher, et en re- dressant tout à coup avec violence leur corps courbé en arc. Ils s'élancent ainsi hors de l’eau, sautent avec prestesse et s'élèvent jus- qu’à douze eu quiuze pieds de hauteur. Par- venus à cette élévatiow, ils retombent ensuite le plus souvent au delà de l’obstacle qui ar- rêtait leur marche. - Après l'avoir franchi, on les voit continuer leur route et remonter les rivières jusque vers leurs sources, où leur instinct les guide pour y chercher un fond de sable et de gra- vier propre à y déposer leurs œufs. Lorsqu'ils ont opéré leur ponte, ces poissons, maigres et aflaiblis, redescendent en automne vers l'embouchure des fleuves et vont passer l’hiver dans la mer. Quant à leurs œufs, la femelle les dépose dans des lieux où les eaux sont tranquilies, et dans des creux qu'elle fait dans le sable. C’est là où le male va ensuite les féconder. Les jeunes saumons qui en proviennent gran- dissent promptement, et tardent peu à aban- donner le haut des rivières pour gagner la mer, qu’ils quittent ensuite vers le milieu de l’été qui suit leur naissance.Ces poissons, gui- dés par le même instinct qui dirige un grand nombre d'oiseaux, reviennent chaque année dans les parages qu'ils ont choisis. Du moins d’après Deslandes, douze sau- mons auxquels il avait attaché un anneau de cuivre à la queue, et qu'il avait ensuite jetés dans la grotte d’Auzou en Bretagne, y revinrent ensuite successivement. Parmi ces douze saumons cinq furent repris dans le même lieu l’année suivante, trois la se- conde et trois l’année d’après. S'il en est ainsi, nul doute que certains poissons ne reviennent les années subséquentes dans les — 476 — D ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. IV. lieux qu’ils s'étaient choisis primitivement, à : peu près comme le font un grand nombre Abdominaurx. otconunes Le saumon se trouve non-seulement dans les mers des régions tempérées, mais il est également très-abondant dans les mers arcti- ques, d’où il entre en grandes troupes dans les rivières, principalement au printemps. Aussi la pêche du saumon est très-importante dans les pays septentrionaux; c'est du moins de ces contrées que nous viennent ces quantités considérables de saumons fumés et salés qui se distribuent dans les diverses parties de l'Europe. Nous avons fait saisir l'harmonie qui existe entre l'organisation et les habitudes des ani- maux. L'organisation des salmonidés, famille de poissons qui se distingue d'une manière essentielle par leurs migrations constantes et périodiques, le démontre d’une manière ma- nifeste. Les nerfs du tact chez ces poissons sont extrêmement petits, aussi ce sens est-il chez eux à peu près nul. On peut les toucher sans qu'ils s’en aperçoivent. Mais, comme ils ont besoin d’avoir une vue très-étendue, l’or- gane de la vision y est très-développé; ce sens est doué chez eux d’une grande puis- sance. Il n’en est pas ainsi de l'organe de l’ouïe ; il ne paraît pas disposé pour perce- voir les vibrations de l'air. Cependant son oreille est affectée par les ébranlements de l'eau; car si elle est agitée à une grande distance, le saumon manifeste de suite ses craintes par ses mouvements brusques et précipités. Il se pourrait que cette transmission eût lieu par l'intermédiaire de la peau, si cet or— gane recevait des nerfs nombreux; comme il en est différemment, il faut croire que cette impression leur est plutôt donnée par l'or- gane de l'ouïe. La vue est si fine et si étendue chez les poissons, que les sauvages, qui le savent fort bien, les attirent en allumant des feux sur les rivages. C'est ce que pratiquent particu- lièrement les Indiens de la Guyane occiden- tale. Ils prennent de cette manière une grande quantité du phractocephalus bicolor de Schomburgk. D’après les différentes circonstances qui in fluent sur la distribution des animaux et des plantes, on ne trouve pas dans les îles les mêmes espèces que sur le continent. Ainsi les espèces que l’on découvre en Angleterre ne se trouvent pas en Irlande. On ne voit pas en Irlande l'erica mediter- ranea, le mensieizia polyfolia et l'arbutus unedo, que l'on rencontre cependant en An- gleterre. — AIT — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. Il n’y a cependant qu’une différence de 4 degrés de longitude entre l'Irlande et l’'Angle- terre. L'aspect physique de ces deux contrées est presque le même, quoique l'élévation un pen plus considérable de terres en Irlande puisse expliquer la présence du ptarmigan (tetrao lagopus) et du lièvre des Alpes ({epus variabilis). l'influence du climat ne peut guère être sensible entre l'Irlande et l'Angleterre, car la différence entre leurs températures n'est pas assez grande pour attirer ou repousser des espèces. Cependant quelques faits sembleraient le faire présumer. Aïnsi l’hermine ( mustela erminea) change rarement de fourrure en Ir- lande. Les oiseaux dont les migrations sont périodiques dans le nord de la Grande-Bre- tagne sont sédentaires en Irlande; la caille tperdix coturnix) en est un exemple. De même des oiseaux qui se taisent l’hifer en Angleterre chantent toute l’année en Ir- lande. Ces faits et l'absence dé beaucoup de poissons et de mammifères que l’on découvre en Irlande semblent annoncer que, quoique les deux températures ne soient pas extrê- mement différentes entre les deux contrées, elles ne sont pourtant pas sans quelque in- fluence. Eufin les moineaux, l'oiseau le plus sé- dentaire du continent, paraissent émigrer tous ensemble du comté de Ross en Irlande, et y retourner à des jours fixes pendant plu- sieurs années. On a également constaté, de- puis 1684, des migrations d'oies sauvages de la baronnie de Forth, dans le comté de Wex- ford. Nous ferons enfin observer que la Nouvelle- Zemble ne présente qu’un petit nombre de poissons qui ne paraissent pas se livrer à des migrations soit périodiques soit accidentelles. On assure qu’il en est de même dans toutes les régions du Nord. Du moins Scoresby ne compte que quatre espèces de poissons au Spitzberg et sur ses côtes. M. Baer en a observé dix dans la Nouvelle- Zemble, parmi lesquelles on peut citer la truite des montagnes (salmo alpinus). Cette espèce remonte l’automne dans les lacs élevés, et l'on en pêche pour l'exportation des quanti- tésimmenses qui sont ensuite distribuées par le commerce dans diverses parties de l'Europe. IV. Abdominaux. Truiles (trutlu). Les truites, qui appartiennent au grand genre saumon, tel du moins que l'avait cir- conscrit Linné, ont des habitudes très-analo- gues à celles des saumons, surtout la truite saumonée. Celle-ci, comme le saumon com- un, abandonne le bassin des mers pour re— monter les rivières jusque dans les hautes — AT8 — ORDRES, IV. Abdominaux. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. La truite ordi- naire (salmo fa- rio Linn.). montagnes où elles recherchent particulière- ment les eaux les plus vives et les plus clai- res comme la truite ordinaire. Le départ de ces truites saumonées à toujours lieu au commencernent du printemps, à peu près à la même époque que les saumons, avec lesquels elles ont quelques rapports à raison de la cou- leur de leur chair. Cependant, lorsque des ruisseaux d’eau vive se jettent dans la mer, les truites ne sont pas obligées pour lors de remonter les fleuves ou les rivières. Elles s’y arrêtent donc; ces ruisseaux paraissent four- nir les truites dont la chair est la plusestimée. Les poissons qui pendant un certain temps de l’année vivent dans la mer, et pendant d’autres moments remontent les fleuves et les rivières, acquièrent dans ces dernières eaux un goût plus délicieux. C’est particuliè— rement ce que l’on remarque chez les aloses, ainsi que nous l’avons déjà fait observer. La truite ordinaire n’est pas moins célèbre par ses migrations que le saumon avec lequel elle a tant de rapports. Lorsque ce poisson est parvenu à une certaine grosseur, il paraît éprouver, comme les jeunes saumons, l'im— périeuse nécessité d'abandonner les lieux qui l'ont vu naître. Ce besoin tient aux condi- tions nouvelles de leur existence qui exigent des eaux plus fraîches ou une nourriture plus abondante et plus appropriée à leurs ap- pétits toujours croissants. Elles recherchent, comme les saumons, les eaux vives et cou- rantes, et remontent, à l’époque du frai, les rivières et les torrents avec non moins d’a- dresse que d’agilité. Elles les redescendent ensuite lorsqu'elles ont déposé leurs œufs. Il est curieux d'observer combien est mer- veilleux l'instinct de ces animaux qui les porte à s’aider dans leurs voyages des ef- fets du frottement de l’eau sur les côtés et le fond des rivières. x Les truites aiment à se tenir dans les eaux courantes ; pour y rester, elles sont souvent forcées d'employer toute leur vigueur pour résister à la violence du courant; sans leur force motrice et leur énergie, il les entrai- nerait souvent fort loin des lieux où elles se plaisent et qui conviennent à leurs conditions d'existence. Lorsque le volume et la vitesse des rivières sont augmentés considérablement par les pluies, ces poissons comprennent qu'ils seront obligés de céder à leur force impulsive. Elles se rapprochent donc pour lors de leur fond ou de leurs côtés. Là ils retrouvent la vi- tesse ordinaire du courant, et n'ont plus d'autre effort musculaire à faire que celui qu’ils exercent habituellement. Sans le ralentissement que le courant des fleuves éprouve généralement par l'effet du — À19 — EE | ORDRES. EY. Abdominaux. GENRES ET ESPÈCFS. ELLE ÉPOQUES DES TASSAGES DES POISSONS, ARR RE frottement sur le fond ou sur les côtés, les truites, comme les autres poissons, seraient entraînées hors de leurs eaux, lors des gran- | des inondations. Cela même arrive quelque- fois malgré toute la résistance que ces ani- maux opposent à la violence des courants. On en a eu un exemple fameux lors d’un oura- gan terrible qui eut lieu à la Jamaïque. Une pareille circonstance est du reste fort rare, mais elle s'est présentée en 1815 à la Jamaïque ainsi que nous l'avons déjà | fait observer, La quantité d’eau qui tomba lors de cet ouragan fut si grande, qu’elle entraîna avec elle à la mer tous les poissons de la rivière Yallahs. Plus de dix ans après cet événement on ne découvrait aucune es- pêce de poisson d'eau douce dans cette ri- vière, de laquelle ils avaient été enlevés par cet immense courant. Le passage des truites d’un lac dans une rivière ou d'une rivière dans d’autres eaux courantes porte le nom de descente et de remonte. Les époques de ces migrations pa— raïssent soumises, d’après des observations suivies pendant plusieurs années aux in- fluences atmosphériques et au besoin de nourriture. En effet, dès que les eaux où elles passent l'hiver acquièrent une tempé- rature plus élevée, elles les quittent pour aller dans des eaux plus froides, que ces poissons recherchent de préférence, surtout lorsque la saison des frimas ne fait plus sen- tir son influence. L'époque de la descente est annoncée par l'apparition de petites truites. Les plus jeu- nes ouvrent toujours la marche. Après celles- ei viennent les individus d’une grandeur moyenne, auxquels succèdent les plus gros, qui ferment et terminent le cortége. Il ar— rive pourtant que les jeunes individus et les -|moyens arrivent seuls ; alors ceux qu’on prend en juin et en juillet ont déjà leurs œufs, ce qui prouve qu'ils frayent longtemps avant la venue des plus gros. Mais dès que les truites ont déposé leurs œufs, du moins celles qui fréquentent les rivières situées dans le voisinage des lacs, on les voit rentrer dans ces lacs, ce qui a lieu le plus ordinaire- ment vers la fin d'octobre. L'instinct de ces animaux les porte aussi, dans d’autres circonstances, à remonter jus- qu'aux sources des fleuves et des rivières pour y déposer leurs œufs, et cela par suite de l’empressement que ces poissons mettent à rechercher les eaux les plus vives et les plus fraîches. Par suite de leurs habitudes, ces poissons se trouvent dans les lacs de l'Eu- rope qui ne dépassent pas 1,100 toises; ils ne paraissent pas pouvoir vivre beaucoup au-dessus de ce niveau. On n’en voit pas — A80 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. IV. Abdominaux. La truite sau- monée (salmo trut- ta Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. ARE EE dans celui du grand Saint-Bernard, qui se trouve à 1,250 toises au-dessus du niveau des mers, et ceux que l’on y dépose y périssent tous plus ou moins promptement. Les truites frayent ordinairement en sep- tembre et en octobre entre les racines des arbres et les grosses pierres. Lorsqu'’elles sont pleines, leur voracité est extrême, et à tel point qu’elles se dévorent souvent les unes les autres. On s’est demandé si les fruites nommées truite ordinaire , truite saumonée, truite du lac Léman et de rivière, truite des Alpes, truite fario, truite carpione, constituaient autant d'espèces distinctes et diverses. Ju- rine, dans son ouvrage sur les poissons du lac de Genève, s'est prononcé fortement pour la négative. Il a soutenu avec toute raison que toutes ces truites ne constituaient qu’une seule et même espèce. Ce qu’il y a de cer- tain, c'est que la truite du lac de Genève (salmo lemanus) ne dépasse jamaïs une cer- taine longueur, quoiqu'elle acquière le poids de quarante à cinquante livres. On en a vu récemment à Genève de pareilles; mais alors, sans avoir gagné en longueur, elles avaient pris une largeur plus considérable. Nous avons déjà dit que les truites se dis- tinguaient par la vivacité de leurs mouve- ments et l’impétuosité avec laquelle elles se meuvent contre les courants. Aussi le nom qu’elles portent dérive du mot érulla, dérivé lui-même de frutlo, qui signifie pousser avec violence. Cette idée convient parfaitement à un poisson toujours prêt à lutteravec courage etadresse contre les obstacles qu'on lui oppose. La truite saumonée (salmo (rutta Linn.) remonte dans les rivières et les ruisseaux ? d’eau claire qui se jettent immédiatement- dans la mer ; leur chair est la plus estimée. Les® eaux vives et limpides sont tellement l'habita- tion des truites que les espèces de cegenrede- viennent d'autant plus nombreuses qu’on se rapproche des montagnes. Outre la truite saumonée et la truite ordinaire, les grands lacs des Alpes nourrissent le huche (salmo hucho Linn.) et la truite de montagne (sa/mo Alpinus Linn.). Cette dernière se trouve même sur le mont Céuis, au pied des neiges perpétuelles. Ces poissons sont invinciblement attachés aux eaux froides qui les ont vus naître ; aussi est-il à peu près impo:sible de les transpor- ter ailleurs. Du moins toutes les tentatives que nous avons faites en 1809 pour y parve-— ir, d'après les ordres qui nous avaient été donnés par l'empereur Napoléon n'ont été suivies d'aucun succès. Aucun sacrifice ni aucune dépense n'avaient été pourtant épar— — A81l — a ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. EN: Abdominaux. L'ombre com- mun (salmo thy- mallus Linn.). La fera (corre- gonus fera). Brochet (esox lucius Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. EE gnés, et un chétif poisson s'est moqué en quelque sorte de tout ce qu’il y avait pour lors de plus grand sur la terre. Tout ce que nous avons pu faire à l'égard du huche (sa/mo hucho) a été de faire franchir à ce poisson la distance qui sépare Vienne de Lintz (environ trente-cinq lieues). L'ombre fraye au mois de mars; ce poisson voyage pour lors en foule par couple mono- game. Lorsque les femelles veulent déposer leurs œufs, elles soulèvent les pierres qui se trouvent dans les eaux qu’elles fréquentent et les placent ainsi dans les trous que ces pierres recouvraient. Le male arrose ensuite ces œufs de sa laite immédiatement apres que la femelle les a pondus. C’est ordinaire- ment en juin que les petits éclosent, et se développent avec la plus grande activité. Cette espèce est encore un poisson de pas- sage. Elle remonte ordinairement les tor- rents qui descendent des montagnes. Les mi- grations de ces saumons ont lieu le plus ordi- nairement vers la fin de février et en mars. L'hiver on les voit retourner dans les grandes rivières, recherchant cependant, comme la truite et le saumon, les eaux froides, pures et rapides. C'est sur leurs bords caillouteux que la femelle va déposer ses œufs en avril et en mai. La fera (corregonus fera), le lavaret (cor- regonus lavaretus), la gravenche (corrego- nus hiemalis Jurine), comme les autres pois- sons délicats, meurent promptement quand on les sort de l’eau; ceux-ci ne voyagent pas et ne se livrent jamais à des migrations. On ne peut pas même les transporter d’un lieu dans un autre. Ces espèces sont en quelque sorte les analogues des oiseaux sédentaires. On les voit bornées à des localités peu di- verses et peu distantes les unes des autres. Toute la différence que présentent ces pois- sons dans leurs habitations tient à ce qu’on ne les voit jamais rapprochés de la surface des eaux que pendant la belle saison; ils vi— vent le reste de l’année dans les grandes pro- fondeurs des eaux. Le brochet est un poisson d’eau douce qui fraye, suivant Bloch, en février et en avril ; et, d’après d’autres observateurs, pendant les trois mois du printemps ou au commence- ment de l'été. Il remonte les rivières très- avant, et étend souvent ses courses presque jusqu’à leur source. Ce poisson est extrême- ment vorace et féroce; aussi le voit-on s’at- taquer mutuellement, et devenir tour à tour {meurtrier ou victime. Il est sujet, comme la 51 — 182 — EE US ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. AE | SRE | EE IV. Abdominaux, Ÿ. La dorée ou Microlépides. |poisson de Saint- Pierre (xeus faber Linn.). Le pilote (nau- crates ductor Cu- vier). L'espadon (xi- phias gladius Lin.) Thon et ma- quereau {scomber thymnus el scom- ber scombrus L.). ss “éme must. truite ordinaire, la truite saumonée, l'ombre chevalier et l’écrevisse, à une singulière ma- ladie, qui en rend les nuances tout à fait noires. Le brochet, nommé à juste titre le requin des rivières, paraît pouvoir vivre dans les eaux saumatres, quoiqu'il abandonne peu les eaux douces. Ainsi, en Bretagne, un lac fut envahi par les eaux des mers, ct tous les poissons qui s’y trouvaient péri- rent, à l'exception pourtant des brochets, qui, seuls, résistèrent à l'influence de l'eau salée, La dorée, connue sur les côtes du midi de la France sous le nom de gal, est à peu près sédentaire. Elle se trouve sur les rivages de la France et de l'Espagne, aussi bien dans l'Océan que dans la Méditerranée, maïs à peu près à toutes les époques, comme les espèces qui ne voyagent pas. Elle est cependant beaucoup plus abondante au printemps qu'en hiver, où elle se retire dans la profondeur des eaux. C’est un poisson de la haute mer, qui ne vit pas en troupes, et ne remonte pas beaucoup vers le nord. Le pilote, fameux par ses migrations, a l'habitude de suivre assez constamment les vaisseaux, et de faire avec eux jusqu'à plus de cinq cents lieues. Il est assez commun sur les côtes de Ja Méditerranée, comme sur celles de l'Océan, quoiqu'il soit plus parti- culièremént de la haute mer. Connue par les pêcheurs de la Méditerranée sous le nom de faufré, ceux-ci ont remarqué que, vers la fin de l'été, cette espèce y est très-abondante. Ce poisson, assez commun dans toute la Méditerranée, remonte assez haut vers le Nord. Il est surtout abondant le printemps et l'été. Il paraît s’enfoncer, dans l'hiver, dans les profondeurs des mers. On le trouve aussi dans l'Océan, où il est cependant asscz rare. Nous réunirons dans un même article ce que nous avons encore à dire sur les passages ou les migrations des thons et des maque- reaux. Ces deux expèces d'un même genre ont à peu près les mêmes habitudes. Elles abondent du moins et séjournent sur les côtes du midi de la France aux mêmes époques, où elles sont attirées par les sardines, dont elles se nourrissent, Ces poissons, comme la plupart de ceux qui fréquentent le littoral de Ja Méditerra- uée, y sont plus abondants au printemps et en été que pendant les autres saisons. C’est ORDRES. DEP | EEE EEE Y. Microlépides. GENRES ET ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. — À83 — toujours au retour des premiers beaux jours ou vers l'été que la pêche en est la plus fruc— tueuse. Leurs passages sont si réguliers, que l’on en fait constamment deux pêches dans la Méditerranée. La première, dite d'arrivée, a lieu depuis le mois de mars jusqu'en juillet; la seconde, dite de retour, depuis le milieu de juillet jusqu’à la fin d'octobre. C’est du moins ce que l’on observe sur les côtes du midi de la France. Il n’en est pas partout ainsi sur les bords de la Méditerranée. Cette seconde pêche commence, en Afrique, au mois de novembre, et se continue jusqu’à la fin de décembre. La pêche du thon est favorisée par l'obs- eurité; du moins c’est pendant les nuits les plus sombres que l’on en prend les plus grandes quantités. Une autre circonstance favorise la capture de ce poisson : elle tient à la peur que leur inspirent les squales, dont les poursuites ont lieu avec autant de fureur que d’acharnement. Effrayés par d’aussi ter- ribles ennemis, les thons se précipitent dana les filets, et viennent parfois aussi échouer sur les plages, où la crainte les pousse. Les thons et les maquereaux ont du reste leurs passages à la même époque; ils voyagent dans la même direction que les sardines, qu’ils semblent suivre d’une ma- nière constante. Lors de la seconde pêche dite de retour, ils prennent également les mêmes routes. Comme les autres poissons voyageurs, ceux-ci naviguent toujours par bandes plus ou moins nombreuses, distri- buées en général par ordre de grandeur, ou, si l’on veut, de la même grosseur. La singu- larité de ces faits disparaît lorsqu’ on fait attention à ce que ces poissons, ainsi réunis par troupes et d’une taille à peu près égale, sont nés dans les mêmes lieux, peut-être du frai de la même mère. Ils cherchent donc tous la même nourriture, proportionnée à leurs besoins. Ils redoutent et fuient les mêé- mes ennemis. Des habitudes semblables les portent à se réunir ainsi par âge et à voya- ger ensemble. Il n’est donc pas étonnant que des filets dressés sur leur passage, et prépa- rés avec art, les rassemblent encore et de- viennent leurs tombeaux. Les thons paraissent donc vivre, se pro- pager et mourir dans la Méditerranée. Lors- qu'ils semblent en disparaître, ils s'enfoncent dans les profondeurs de cette mer. C'est aussi au printemps qu'on les voit s’ap- procher des rivages pour y déposer leurs œufs. Ils passent ainsi upe partie de l'été vers Ja surface des eaux. Ce n’est qu’à la fin de l'été ou au commencement de l'automne qu'on les voit retourner dans leur premier —— 81 | ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES TOISSONS. PRESSE POESIE AR | RCE NPA ERNEST IER ER RENE PRE AT TIRE EE CE ENOERNENN GEREEDONERREEEE V. asile. Ces poissons frayent dans la Méditer- : : ranée ; leurs petits y éclosent en abondance. Microlépides, Peu après l'époque du frai, ils se dévelop- pent et croissent avec une rapidité prodi- gieuse. Ceux qui supposent que le thon n'est pas une espèce sédentaire et propre à la Médi- terranée font remarquer que, comme les bonites, il se trouve aussi dans l'Océan, et que la direction qu'ils suivent lorsqu'ils ar- rivent auprès des côtes est totalement diffé rente de celle qu’ils tiennent au moment de leur départ. Cette circonstance n’est pas ce- pendant une preuve que ces poissons arri- vent de l'Océan dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar. S’il en était ainsi, on devrait trouver les thons en colonnes plus ou moins nombreuses dans l'Océan avant le mo-- ment où ils pénètrent dans la Méditerranée. Aucune observation ne prouve qu'il en soit ainsi. Dès lors il est probable que, puisque les thons se montrent sur tous les points de la Méditerranée en même temps, sans que l’on puisse dire qu'ils passent d’abord par certains parages pour arriver ensuite dans d’autres, ils doivent quitter les profondeurs des mers où les froids les avaient retenus. Mais, à la belle saison , ils viennent trouver auprès des rivages des mers une nourriture plus abondante et une température plus éle- vée. Certains faits s'opposent pourtant à l’ad- mission de cette supposition. Ainsi on voit assez constamment les sardines, les maque-— reaux et, à ce qu'il paraît, les thons voyager du sud à l’est, c’est-à-dire dans la direction du golfe de Lyon au golfe de Gênes. On en a induit que ces trois espèces viennent de l’O- céan dans la Méditerranée. Les maquereaux font la chasse aux sardines, les thons aux maquereaux, tout comme les grosses espèces de squales aux thons. Aussi trouve-t-on dans les estomacs de ces poissons les espèces sou— vent à peu près entières dont ils font leur nourriture. IL est loin d’en être ainsi des maquereaux ; ceux-ci se montrent non-seulement dans la Méditerranée, mais encore dans l'Océan en troupes toujours fort nombreuses, lorsqu'on les observe au moment de leurs passages. S'il faut en croire Anderson (His{oire natu- selle de l'Islande, tom. rer, pag. 196 et 197), ces poissons passeraient l'hiver dans le Nord. Au printemps, ils se mettraient en marche, et arriveraient successivement en Ecosse et ; en Irlande, d’où ils se jetteraient dans l'Océan Atlantique. Une de leurs colonnes longerait ensuite les côtes du Portugal et de l'Espagne, et entre- lrait enfin dans la Méditerranée. L'autre di- 1 A8 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, V. vision arriverait d'un antre côté dans la ‘ . Manche, et paraîtrait en mai sur les côtes de Microlépides. la France et de l'Angleterre. De ces côtes, cette seconde bande passerait en juin devant celles de la Hollande et de la Frise. Arrivée en juillet sur les côtes du Jutland, elle détache- rait une nouvelle division qui, faisant le tour de cette presqu'île, pénétrerait dans la mer Baltique, et, en passant devant la Nor- wêége, s'en retournerait vers le Nord. On peut se demander si ce récit d’Ander- son relatif à la marche des maquereaux est bien réel. Il ne le paraît pas, du moins d’a- près le dire du plus grand nombre des obser- vateurs et des pêcheurs qui s'adonnent à la recherche de ces poissons. D'après eux, les maquereaux passent l'hi- ver dans différentes baies ou rades des envi— rons de Terre-Neuve. Ils y demeurent enfouis dans la vase jusqu’au printemps, ou jusqu’en mai, où la fonte des glaces leur permet de se répandre en grand nombre le long des côtes Ces poissons voyagent ordinairement en troupes plus ou moins considérables, et se montrent soit dans l'Océan, soit dans la Mé- diterranée vers la fin d’avril. Les maque- reaux sont alors assez petits et non laitan- cés. On les nomme en Normandie sanson- nels, et en Picardie roblots. Ils ne sont pleins que vers la fin de mai. Enfin vers les derniers jours de septembre et d'octobre, on en pêche encore de fort petits qui parais- sent avoir pris naissance dans l'année. Mais tout cela est fort irrégulier; car il n’est pas rare d’avoir à Paris des maquereaux pris à Dieppe dans les mois de novembre et de décembre. Si quelques-uns de ces poissons se trouvent à ces époques insolites, cette circonstance paraît tenir uniquement aux gros temps ou aux tempêtes qui ont lieu antérieurement à leur apparition réellement extraordinaire. Il est du moins certain que la pêche des maquereaux sur les côtes du midi de la France a lieu depuis le mois d’avril jnsqu’à la fin d'octobre. C’est constamment vers les mois de juin, de juillet et d'août que la pêche de ces poissons est la plus abondante. On s’y livre avec ardeur eur les côtes de la Méditer- ranée ; car ce poisson y est aussi bon que sur celles de l'Océan. Il est du reste connu sous le nom de veyrat dans tout le midi de la France. Les faits que nous venons de rapporter et qui sont relatifs aux maquereaux prouvent un fait dont personne ne doute, c'est que ces poissons , avant d'arriver dans la Méditerra- née, se montrent en troupes extrêmement nombreuses dans l'Océan. Or, si les thons ve- uaient dans la Méditerranée par l'Océan, on devrait les y voir tout comme on y observe — A86 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. nn ve Microlépides. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, les maquereaux. Cependant il n’est point en- core constaté qu'on y en ait jamais aperçu, à part quelques individus isolés, qui peuvent s'y être égarés. Du reste, à toutes les époques, même pen- dant les temps géologiques, les mers inté- rieures ont eu leurs espèces particulières et différentes de celles que l'Océan nourrit dans son sein. Dès lors il n’y a rien d'étonnant que le thon soit une espèce propre à la Mé- diterranée, et qu'il ne se trouve que d’une manière tout à fait accidentelle dans l'O- céan. Ce poisson présente une particularité que nous avons vu être fort commune chez les oiseaux. Quoique sédentaire dans la Méditer- ranée, il n’y fait pas moins de deux voyages périodiques et réguliers sur les côtes du midi de la France, et, à ce qu'il paraît, sur celles de l'Espagne. Il paraît certain que, sur la partie de la côte de la Méditerranée, de- puis Saint-Tropez jusqu'à Monaco, où les eaux sont rarement froides et peu agitées, on trouve des thons toute l’année. Il ne faut pas croire cependant que l’on en prenne beaucoup à d’autres époques qu’à celles de leurs passages, à raison de ce que les filets destinés à leur pêche ne sont pas tendus dans d’autres moments. Ces filets, d'un grand prix, et destinés uniquement à ces poissons, ne sont dressés que lorsque les thons voyageurs viennent visiter les espèces sédentaires. Ce qui confirme cette observa- tion, faite depuis bien longtemps par tous les pêcheurs, c'est que l’on prend toute l’année auprès des mêmes côtes des maquereaux et un grand nombre de sardines et d'anchois mêlés avec les autres espèces sédentaires. Il est même une localité particulière où elles se rassemblent ; elle est désignée sous le nom de Croc de cagnes. Lorsque l'hiver est peu rigoureux, ce qui arrive souvent auprès de ces côtes abritées des vents froids, on pêche une grande quan- tité de ces divers poissons. Si les eaux sont froides, ils se retirent au large et se tien- nent dans la profondeur des eaux. Tout aus- sitôt les thons les suivent, et avec eux dis- paraissent les nombreuses troupes de squales qui se tiennent assez constamment auprès dès côtes où les premiers se trouvent en abon- dance. On ne peut pas assimiler de pareïls dépla- céments aux véritables migrations. Celles-ci ne sont pas uniquement déterminées, comme ces transports, par la température et le besoin d'une nourriture appropriée aux espèces qui s’ÿ livrent. Quelques commentateurs ont admis que le mot migration provenait par contraction de ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, V. Microlépides. meare agro. Il est cependant plus naturel et plus simple de le faire dériver de migra- tio, qui signifie changement de demeure ou d'habitation. Cette expression à pour racine le mot migrare, employé dans le même sens par les principaux auteurs de la bonne lati- nité. Ce verbe se trouve en effet dans Cicé— ron , Horace, Plaute, Térence et Lucrèce. Cette étymologie est donc préférable à celle qui lui donnerait pour origine les deux mots meare agro, par l'effet d’une contraction aussi difficile à comprendre qu’à supposer, Le résultat de l'instinct peut être aussi une nécessité, à raison de l’excessive fécon- dité des animaux qui les entreprennent. La force de propagation est en effet immense chez les espèces aquatiques et particulière- ment chez les poissons: Aussi voit-on cons- tamment chaque année d'immenses cara- vanes de poissons, réutiies dès leur enfance, parcourir toute l'étendue des mers, et s’ar- rêter uniquement dans les mêmes lieux où avaient également séjourné ceux qui leur ont donné le jour. Les individus qui com- posent ces innombrables légions ne se quit- tent plus. Ils partagent le bien et le mal, les bonnes prises comme les chances et les dan- gers d'une navigation longue et périlleuse. Les poissons qui entreprennent ces grandes migrations ont à peu près tous la même grosseur, du moins ceux qui arrivent dans les régions tempérées. On les dirait tous pro- venus du même frai, à en juger par leurs dimensions, quoiqu'il soit certain que, parmi ces caravanes, il est un assez grand nombre d'individus tout à fait adultes. Cette circonstance est d'autant plus digne d'attention, que les saisons sont à peu près fixes, et qu’aussi les poissons doivent dépo- ser leur frai aux mênies époques. Or les différentes peuplades qui en proviennent se dévorent le plus souvent entre elles, ce qui ne doit pas arriver pour celles dont les mi- gtations sont régulières et périodiques ; sans cela on ne saurait pas se rendre compte du nombre prodigieux des individus qui les com- posent. Cette supposition est d'autant plus admis- sible que les pois sons sédentaires attaquent rarement les espèces de passage, tandis qu’il en est tout le contraire de celles-ci. Ce fait fendrait à prouver que les races qui trou- vent leur nourriture dans les lieux qu'ils habitent n'émigrent pas, tandis que celles qui émigrent, obligées de la chercher, s'en sai sissent lorsqu'elle se présente à eux, et avec d'autant plus d’avidité que leur voracité est plus grande. rene PS SES AURA Y La Quoique les maquereaux servent de pâture aux thons comme les sardines et les anchois — A88 — TT — ——————— ——_—_————…—…——_— …—— ……….——.— …——— ..—" " . . —…—— ]— ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, Ve aux premiers de ces poissons, ces différentes Microlépides. espèces ne sont pas toujours également com- munes les mêmes années.Aiïnsi,en 1840,lessar- dines, les thons et les squales ont étéabondants sur les côtes de la Méditerranée, tandis qu’il en a été tout le contraire des maquereaux. Ces derniers ont été des plus rares cette année : il serait difficile d’en donner la raison, sur— tout si l’on fait attention à la grande quan- tité de thons qui ont parcouru les côtes du midi de la France à cette époque. On peut se former une idée de la prodi- gieuse quantité de thons qui existent dans la Méditerranée en considérant que, sur les côtes occidentales de la Sardaigne, on a pê- ché, dans l’espace de dix années, jusqu'à environ cent vingt mille quintaux de ces poissons , ce qui donne en terme moyen douze mille par année. Les mêmes côtes fournissent également une grande quantité de sardines et d’anchois. La pêche de ces poissons est une source de richesses pour les Génois et les Siciliens. C'est également à Gênes et à Livourne que l'on porte le corail pêché sur les côtes de la Sardaigne. On prend également dans tous ces para- ges, principalement dans ceux où le fond granitique est exempt de vase, une grande quantité de murènes, de soles, de spares et de loups. Le nombre de ces poissons y est si considérable, qu’il donne à la pêche une activité et un développement tout parti- culier. Sans doute les thons arrivent presque en même temps dans la Méditerranée que les maquereaux, dont ils semblent suivre les pas et dont ils sont fort friands. C’est là à peu près tout ce que ces deux espèces ont de commun ; car, sous le rapport de leurs mi- grations, elles diffèrent d’une manière essen- tielle, Le thon est à peu près particulier à la Méditerranée. Il en est tout autrement des maquereaux, qui fréquentent non-seulement cette mer intérieure, mais encore une grande partie de l'Océan avant de s'enfoncer dans les profondeurs de l'Océan Glacial arctique. Aussi avons-nous été obligé de revenir sur les migrations des derniers de ces poissons. Nous avons tracé sur notre carte la route qu'ils suivent, et nous avons fait tous nos efforts pour en donner un détail aussi exact qu’il nous a été possible. On les trouvera dans l'explication de cette carte, où nous avons indiqué les principaux parages, où les tribus des maquereaux ont été aperçues. Ces faits suppléeront à ceux que nous n'a- vons pas pu indiquer dans la comparaison que nous avons faite entre ces deux espèces. L'une est la victime de la voracité de l'au- tre, à peu près comme les thons le sont — A89 — ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, V. eux-mêmes de celle des squales, ainsi que Microlépides nous l'avons déjà fait observer, VI. Muge (mugil R Le muge ns la fois dans loc et la Û : Méditerranée. On en fait de grandes cap- Lépides. cephalus Linn.). tures dans la saison du frai, d'autant que ce poisson se porte pour lors en foule sur les rivages et vers les embouchures des ri- vières. Il se plaît aussi dans les étangs salés qui bordent les côtes de la Méditerranée, à raison de leur fond vaseux qu'il aime de préfé- rence. C’est là qu’il cherche les vers, les in- sectes, dont il fait sa nourriture ordinaire, et que l'on découvre aussi dans son estomac. Ce poisson entre principalement dans les étangs salés, vers les mois de mars et d’a- vril. Il ne les quitte que vers novembre ou au commencement de décembre dès que les froids se font sentir. On en fait pour lors une grande capture; on en prend parfois de si grandes quantités, qu’on le sale comme les sardines et tant d’autres espèces. Le muge ne dépose pourtant pas son frai dans les étangs salés, ainsi qu’on l’a fausse- ment supposé, mais bien dans la mer. Ce poisson remonte l’été dans les fleuves, et même fort avant. On en a pris jusque dans le Rhône, sous les murs de Beaucaire, à en- viron dix lieues de la Méditerranée. Les mu- ges qui habitent l'Océan paraissent égale- ment remonter la Garonne, la Loire et la Seine, tout comme ceux de la Méditerranée le font dans le Rhône, le Tibre et le P6. Cette espèce est souvent poursuivie avec une sorte de fureur par le loup (perca la- brax), qui en est fort friand. Ce poisson à pourtant un moyen de lui échapper en s’é- lançant verticalement hors de l’eau, et fai- sant ainsi des sauts répétés, eomme le prati- quent les ablettes et plusieurs espèces de eyprins. Ils font donc usage de cette extrême souplesse que leur a donnée la nature, non- seulement pour échapper à leurs ennemis, mais encore lorsqu'ils se voient entourés par des filets. La pêche du muge, telle qu’elle se pra- tique dans les étangs du bas Languedoc, a été décrite avec assez de détail par Pline. On peut voir dans les écrits de ce natura- liste qu'elle n’a pas éprouvé de grands chan- gements dans les moyens qu’elle emploie de nos jours. Seulement à l’époque de Pline le muge et les dauphins, qui en sont fort friands, étaient beaucoup plus abondants qu'aujourd'hui. La pêche de ces poissons, qui, suivant lui, avait lieu tous les ans auprès des étangs de Lattes (environs de Montpellier), n’est plus Te À GENRES ET ESPÉCES, ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, VI. Lépides. Perche d’eau dou- ce (perca fluviatilis Linn.), Loup (perca la- trazx Linn.). pratiquée maintenant dans cette localité. Alors les côtes de la Méditerranée, qui bor- dent l'Île de Maguelonne et de ses énvirons, étaient peuplées par une grande quantité de muges, qui des étangs passaient dans la mer, où ils étaient poursuivis par les dauphins. Ceux-ci y étaient pour lors si communs, que les habitants les apprivoisaient, au dire de Pline, avec du pain trempé dans du vin. On en itrouve, à la vérité, encore quelques-uns aujourd’hui; mais le nombre eu a considé- rablement diminué, en comparaison surtout de ce qu’il paraît avoir été du temps du na- turaliste romain. La perche peut être rangée parmi les es- pèces qui habitent constamment les eaux douces. Elle émigre donc peu, dépose son frai dans les lacs et les rivières où elle ha- bite. C’est au commencement du printemps, en avril et en mai, qu’elle fraye; mais, lors- que cette espèce poud ses œufs, elle est déjà assez avancée en age. L'époque à laquelle elle dépose son frai paraît dépendre essentielle ment de l2 température des lieux où on la découvre. Elle s’y livre au printemps dans les régions tempérées, et seulement en été dans les régions septentrionales. Cette espèce est répandue dans tonte l'Eu- rope tempérée, ainsi que dans une grande partie de l'Asie. On la trouve depuis l'Italie jusqu’en Suède. Les lacs, Les ruisseaux d’eau vive et les rivières lui servent indifféremment de demeure. Elle remonte plutôt vers leurs sources qu’elle ne descend vers leurs embou- chures. La perche craint singulièrement l’eau salée, et l'évite, par suite, autant qu'elle le peut. Elle ne se tient pas non plus à une grande profondeur des eaux ; seulement l'hi- ver elle descend davantage et habite des couches plus basses. Cette espèce dans ses migrations ne forme pas de troupes nom- breuses comme ka plupart des autres pois- sons; aussi ces migrations sont rarement lointaines, Ce poisson est très-commun sur les bords de la Méditerranée. Il y pond deux fois par an, observation qui n'avait pas échappé à la sagacité d'Aristote. Il y habite à peu près constamment. 1l pénètre, moins que le muge, dans les étangs salés. Lorsqu'il y arrive, c’est presque toujours aux mêmes époques que les muges, qui probablement les y attirent. Cela est d'autant plus probable, qu'il ne se plaît pas, comme eux, dans les fonds vaseux. Cette circonstance dépend peut-être de la largeur et de l'étendue de ses branchies. Le loup craint beaucoup plus le froid que le muge. Il remonte aussi moins haut dans les rivières L'apron com- mun (perca asper Linn.). Le serran (perca cabrella Linn.). Le labre {{abrus hépatus Linn.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. SR SE IE que celui-ci. D'un'autre côté, il pénètre peu dans les mers âu Nord, ne dépassant pas la Manche. Ce poisson habite à peu près constamment la Méditerranée, soit les côtes du midi de la France, ée l'Espagne et de l'Italie, soit celles de l'Afrique, et particulièrement celles de l'Egypte. Il paraît de passage sur certaines parties de l'Océan. On en prend du moins une certaine quantité auprès des rivages à la fin de l'été et au commencement &e l’au- tomne. Il s'en rapproche pour lors pour y âé- poser ses œufs, choisissant de préférence les anses où viennent se jeter des ruisseaux ou des rivières peu considérables. Cette espèce, très-vorace, se nourrit d'anguilles et de pe- tits poissons. À la mer elle dévore beautoup äe rougets, et même de muges, et, lorsqu'elle n'y en découvre pas la quantité qui lui est nécessaire, elle va chercher ces derniers jus- que äans les étangs, où elle leur fait une guerre cruelle. Les anciens, qui connaissaient les habitudes de cette espèce et la grandeur. de son estomne, avaient rendu sa cruauté cé- lèbre, et lui avaient donné son nom qui la signale. Cette espèce des eaux douces paraît peu répandue. On la rencontre particulièrement üans le Rhône et ses affluents. L'apron se prend également dans la Saône, le Doubs et l’Alaine. Les pêcheurs de Lyon le connaissent sous le nom de sorcier, Rondäelet a été un des premiers naturalistes qui ait fait conpai- tre cette espèce. On assure qu'on le rencontre aussi dans le Rhin et le Danube. Ce poisson se tient ordinairement au fond de l’eau ; il ne sort de son réduit que pour hager dans la profondeur des rivières où il fait son séjour. Il préfère pour se livrer à la nage les temps froids, et particulièrement les vents du nord et de l'euest, moment nù les autres poissons ne sortent pas de leurs re- traites. Cette espèce ne nage, en quelque sorte, qu'en l'absence de toutes les autres. L'apron paraît frayer en mars, et produire des œufs fort petits d'une couleur blanchâtre. Ce poisson habite tont le bassin âe la Mé— diterranée, d'où il émigre dans l'Océan, s'a- vançant assez vers le Nord. Il passe également en Afrique et parvient jusqu'à Madère. Cette espèce se trouve également dans tonte la Méditerranée ; la femelle s'approche es rivages de cette mer vers le mois d'août, et cela pour y déposer ses œufs sur les galets qui se trouvent ordinairement auprès des côtes. Quant au labrus anthias, il se trouve dans la = NN0Db. © ——————_—_——_—_—_—_——————_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_——— TE ——————————— ORDRES: VI. Lépides. GENRES ET ESPÈCES, Le corb (sciæna nigra Linn.). L’ombrine (sciæ- na cirrhosa Lin.). La dorade vul- gaire (sparus au- rata Linn.). Le canthère or- dinaire (sparus cantharus Linn.). Le pagre ordi- naire (sparus ar- genteus Schneid.). Le pagel (spa- rus erythrinus L.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. RS plupart des lienx rocaiïlleux des bords de la Méditerranée, où il dépose ses œufs. Nous igno- rons si cette espèce se rencontre ailleurs que dans cette mer. Le corb, très-commun sur toutes les côtes de la Méditerranée, est connu sous les noms de corb ou de corbeau, ainsi que sous celui de vergo ou durdo.On le pêche dans les étangs salés et dansla mer. Il ne paraît pas remonter les fleuves. On le voit approcher au printemps du rivage, où il dépose ses œufs et sa laite sur les galets. Cette espèce, assez commune sur les côtes de la Méditerranée et dans le midi de la France, se montre également sur celles de l'Espagne et de l'Italie. Elle est connue dans le Midi sous les noms de graine ou de caine. Cette espèce, nommée dans le midi de la France soquène, se trouve aussi bien dans la Méditerranée que dans l'Océan. Lorsqu'elle grossit, les pêcheurs, qui la nommaiïent dans le jeune âge soquène, la désignent pour lors sous le nom de dorade. C'est dans l'Océan ou dans la Méditerranée, mais non dans les étangs salés, que cette espèce atteint les plus grandes dimensions. Elle y acquiert aussi cette couleur dorée qui la distingue de la soquène. La dorade vulgaire entre dans les étangs salés au mois de mars. Sa grosseur égale à peine, pour lors, celle d'une lentille. Comme la plupart des poissons qui ont les mêmes ha- bitudes, elle quitte les étangs vers le mois de novembre, et acquiert dans la mer son entier développement. Elle se rassemble aussi en grand nombre vers l'embouchure des rivières ou des fleuves, par suite de l'habitude où elle est de peu abandonner le rivage de la mer. Aussi cette espèce voyage rarement et ne se livre guère à de grandes migrations. Le canthère, assez commun dans la Médi- terranée, ne paraît pas se trouver dans l'O- céan. Il y est connu sous les noms de can- tena et de cantheno. Cette espèce de la Méditerranée semble peu quitter cette mer, où elle vit habituellement en petites troupes. Ce poisson, connu sur les côtes de la Médi- terranée sous les noms de pagel et de pageau, n’approche du rivage que vers le commence- ment du printemps. Il se tient constamment à d'assez grandes profondeurs des eaux pen- — À935 — A ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS: dant les autres saisons, surtout lors des froids rigoureux. Il habite constamment la Médi- terranée, entre peu dans les grands étangs, encore accidentellement et en petit nombre. Le pagel, qui fréquente les fonds rocailleux, a une chair préférable, son goût est plus déli- cat que celui des étangs; ce qui du reste est général pour tous les poissons. VI. Lépides. Le denté vul-| Le denté, qui acquiert parfois d'assez gran- œair _|des dimensions, habite aussi la Méditerranée. gaire (sparus den Il est connu sur les côtes du midi de la lex Linn.). France, tantôt sous le nom de dentillac, et tantôt sous celui de marmo. Du reste cette espèce paraît plus commune dans l'Océan que dans la Méditerranée. Rouget {mullus| Le rouget fréquente de préférence les pla- barbatus Linn.). ges rocailleuses des bords de la Méditerranée, et se trouve rarement dans l'Océan. Il de- meure dans la première de ces mers pendant la plus grande partie de l’année, à l'excep- tion pourtant de l'hiver. À cette époque il quitte les côtes du midi de la France, pour aller vers des lieux où il trouve une tempé- rature plus élevée, telles sont celles de l’A- frique. Cette espèce, recherchée à raison de la dé- licatesse de sa chair, se rencontre rarement sur les côtes de l'Océan. Elle paraît avoir été l’objet des soins des Romains. On sait quel in- térêt ils mettaient à élever les poissons dans des viviers d'eau douce, ou dans de grands réservoirs construits aux bords des mers; ceux-ci étaient généralement alimentés par des eaux salées. On ne comprend pas com— ment les Romaïns, qui construisaient des viviers à grands frais, qui allaient cher- cher les poissons les plus rares au delà des colonnes d’Hercule et qui occupaient des milliers de bras à en approvisionner la capi- tale du monde, aient aussi peu avancé l’his- toire de ces animaux. On ne peut le conce- voir qu’en se rappelant que l'époque à laquelle les vainqueurs du monde se sont livrés à ces soins, commandés par un vain luxe, est aussi celle de la décadence des arts aussi bien que des sciences. Du reste l'observation des faits n'a jamais occupé les savants de Rome an-— tique. Ils se sont pour la plupart bornés plu- tôt à connaître la science des Grecs qu’à lui faire faire de véritables progrès. VII, Scorpène ou! Ces deux espèces, connues indifféremment j dans le midi de la France sous les noms de < ! a Aspidocéphales. ART re scorpène et de rascasse, fréquentent les porcus et scrofa|côtes de la Méditerranée pendant le printemps Linn.). et l'été. Elles se réfugient, dans les autres saisons, vers des mers plus chaudes, ct se — À94 — oO | ORDRES» GENRES ET ESPÈCES. ÉTOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. CAO CIEL SRE) FRS LEE EPA EMEENONELSEES | | RETIENS USED DO RCE CERN VIL. Aspidocéphales. rendent pour lors sur les côtes de l'Afrique, Les migrations de ces espèces sont moins étendues vers le Nord que vers le Midi; peut- être cette circonstance rend lés scorpènes généralement plus rares dans l'Océan que dans la Méditerranée. Aussi ces poissons pous- sent leurs voyages jusque dans le midi de l'Afrique et s’avancent même jusqu’à Madère. Les scorpènes habitent tantôt les fonds ro- cailleux des rivages, et tantôt la haute mer. L'étrangeté de leurs formes leur a fait donner les noms de scorpion et de scorpeno. Quant à la scorpène brune, elle a été nommée parti- culièrement rascasse ou Tasquasso. Le grondin rouge (trigla cau- clus Linn.). Le grondin, connu à Paris sous le nom de rouget, et dans le midi de la France sous celui de çabote, est aussi commun dans l'Océan que dans la Méditerranée. Il à reçu le nom de grondin, ainsi que diverses autres espèces du même genre, à raison des sons sourds qu’il fait entendre quand on le prend. Cette particularité a valu encore à ces poissons les noms de gronaux et de corbeaux, sous les- quels ils sont aussi connus. Quant au nom de cabole qu’on lui donne dans le midi de la France, iltient à la grosseur de sa tête, Les diverses espèces de grondins paraissent habiter les côtes de l'Océan et de la Méditer- ranée pendant la plus grande partie de l'an- née. Ils ne s'en écartent guère que pendant les grands froids, époque à laquelle ils parais- sent s’enfoncer dans les profondeurs des mers et s'éloigner de leurs rivages. Le trigle rude Le trigle rude (trigla aspera), joli petit (trigla aspera). poisson d’un beau rouge, est connu sur les côtes du midi de la France sous le nom de cavillone, qui signifie petite cheville. Il se trouve sur toutes les côtes de la Méditerra- uée. Cette espèce paraît se livrer à des mi- grations plus ou moins étendues comme la précédente. Le malarmat ({rigla catapkhracta Lion.). Le malarmat’, ou trigle cuirassé (periste- dion Lacép.), habite toutes les parties occi- dentales de la Méditerranée. Cette espèce se tient le plus constamment dans les profon— deurs des eaux. Elle n'approche des côtes que vers le temps du frai ou vers l'équinoxe. Elle y vit solitaire, et se fait remarquer par la rapidité de sa nage. Le dactyloptère Le dactyloptère commun ({rigla volitans (trigla volitans L.) Linu.) est plus fréquent sur les côtes de fa Méditerranée que sur celles de l'Océan, où on le pêche peu. I est connu dans le midi de la France sous Je nom de landole, de ron- dole, d'aronde, d'arondelle et de rate pen- ORDRES, GENRES ET ESPÈCES. VII. Aspidocéphales. La baudroïe ou crapaud de mer (lophius piscato- rius Linn.). VU. Brachioptaires. ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. nade. Cette espèce paraît pousser ses migra- tions jusqu'en Amérique , et les étendre très- avant jusque dans les mers du Nord, par exemple à Terre-Neuve. Le dactyloptère, qui, par suite de l’éten- due de ses pectorales surnuméraires, peut se soutenir quelques instants dans l’air, est fa- meux à raison des poursuites dont il est l’objet de la part des bonites et des dorades. Pour leur échapper, elles profitent de la lon- gueur de leurs nageoires; mais de nouveaux dangers les attendent dans les airs : ils y sont poursuivis par les frégates et les albastrofes. Le prompt desséchement de leurs pectorales les force d'abandonner un élément qui n’est pas fait pour eux. Ainsi ils retrouvent dans le bassin des mers les ennemis cruels qu’ils avaient cherché à éviter. Telles sont les tristes et dures conditions auxquelles la nature les a soumis et qui les rendent ou victimes &e leurs ennemis des eaux ou de ceux qui par- courent les vastes plaines des airs. Cepen- dant, en mère vigilante, elle a placé dans le cerveau de ces poissons un instinct de con— servation qui les fait échapper aux nombreux daugers qui les entourent. Aussi leurs races ne sont-elles pas rares, ce qui semble annoncer que, si elles n'étaient pas autant poursuivies, leur fécondité fini- rait par les rendre trop nombreuses, et peut- être les réduire à mourir de faim faute d’a- Jiments. Par suite de cette admirable. po- lice qui existe dans la nature, malgré les guerres continuelles que les espèces vivantes se font entre elles, elles n’en existent pas moins et constamment dans les mêmes rap— ports. L'influence de l’homme est seule assez puissante pour déranger l’ordre et l'harmo- nie qui règne entre toutes les choses créées. La baudroïe, assez gros poisson de l'Océan et de la Méditerranée, est aussi connue sous le nom de crapaud de mer. Ce nom lui a été donné à raison de la forme de sa tête, qui res- semble beaucoup à celle du crapaud. Cette es- pèce se rencontre sur les côtes de la Méditerra- née, depuis le mois de février jusqu’au mois de novembre. Elle se tient aux autres époques de l’année dans la profondeur des eaux des mers. La baudroïie s’avance considérablement vers le Nord, sans dépasser de beaucoup le soixantième degré de latitude nord. Ce poisson se plaît surtout dans les fonds vaseux, peut-être en raison de ce qu'il y trouve plus facilement à assouvir sa glouton- nerie. Du moins il est à ia fois paresseux, mauvais nageur, et extrémement vorace. I semble donc mal organisé pour attein- dre sa proie. Mais, pour lui en donner les moyens, la nature a placé sur sa tête, un VIIL, Brachiopteres. IX. Porte -écuel - Discoboles. |les (/epadogaster Gouan). X: Orbes épineux Plectognathes. |(diodons). Tétrodons. grand nombre de rayons qu'il fait jouer de manière à attirer les petits poissons, et à leur faire prendre ces longs barbillons, à extré- mité élargie et charnue, pour des vers. Les petits poissons saisissent donc ces barbillons ou ces rayons comme autant d’appats. La baudroïe s'en empare pour lors avec facilité et sans beaucoup de peine. De là le nom qui lui a été donné de raie pécheresse et de dia- ble de mer. Il paraît qu’elle peut aussi retenir de pe- tits poissons dans le sac de ses ouiïes, et qu’elle les dévore après ceux que ses bar- billons lui ont fait saisir. La baudroie ne peut être rangée parmi les poissons cartilagineux, ainsi que l'avait fait Aristote, car ses os sont fibreux et ne man— quent pas de dureté. Elle est fort recherchée à raison de la bonté de sa chairet de son foie. Ce dernier, très-délicat, a un goût assez différent de celui des autres poissons. C’est surtout au printemps que sa chair est la plus fine et la plus estimée. Les porte-écuelles, petits poissons remar- quables par la grandeur de leurs pectorales, nagent avec rapidité le long des rivages de l'Océan et de la Méditerranée, quoique privés de vessie natatoire. Ces poissons se livrent, comme tant d’autres espèces à des migrations assez étendues dont on ne connaît pas encore les directions ni les époques. Ces poissons paraissent ne pas quitter les mers des pays chauds, où leurs formes, sem— blables à celles d’un ballon, leur permettent de nager avec la plus grande facilité à la sur- face des eaux. Mais lorsqu'ils sont tout à fait gonfiésils font la culbute, et leur ventre prend le dessus. Ils nagent ainsi au gré des vents sans pouvoir se diriger, et par conséquent sans suivre de route déterminée. Les épines et les aiguillons dont leur corps est armé les empêchent d'être la proie des au- tres espèces. Ils les mettent à l'abri des dan - gers qui les auraient menacés s'ils n'avaient pas eu ces moyens de défense. Ces poissons ue peuvent pas trop apercevoir, d’après la manière dont ils nagent, les espèces caruas- sières qui auraient tenté de les attaquer. Les tétrodons appartiennent à un genre de poissons qui offre à la fois des espèces des eaux douces et des eaux salées. Il en est une qui habite en grand nombre le Nil. Elle est connue en Egypte depuis une assez haute an- tiquité. C’est le {etrodon lineatus de Linné. Les Grecs le nommaient //asco paro, et les Arabes Je désignent sous le nom de fahaca. ao RE | ORDRES: GENRES ET ESPÈCES. X. | Les moles (cepha- Plectognathes. |lusvulgarisSchnei- der). XL. Hippocampe ou Lophobranches. |cheval marin (syn- gnathus hippocam- pus Linn.). Syngnaihes pro- prement dits ou aiguilles de mer, XIE. Esturgeon (acci- Cinétobranches. [penser sturio L.). ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS, La forme singulière de ces poissons leur a valu le nom de poisson-lune. On les trouve à la fois dans l'Océan et dans la Méditerranée, où ils vivent le plus ordinairement dans des fonds vaseux. Ils ne paraissent pas voyager. Ces poissons, à forme bizarre,se rencontrent sur les côtes de la Méditerranée au printemps et dans l'été. À ces époques l'espèce de nos parages pénètre peu dans les étaugs salés, et abandonne rarement le bassin des mers. L'hippocampe paraît plutôt une espèce séden- taire que voyageuse. Il est loin de pouvoir, comme le genre boleoplhaleon de la Nou- velle-Zélande, monter sur les arbres, pour y poursuivre £a proie comme le font les petits lézards, Aussi ce genre singulier a-t-il pres- que partout des représentants, ce qui arrive le plus ordinairement chez les espèces qui ont de pareilles habitudes. On tronve plusieurs espèces de ce genre dans l'Océan et la Méditerranée. Celle nom mée aiguille de mer (syngnathus acus Linu.) entre dans les étaugs salés qui bor- dent les côtes de la Méditerranée au mois de mars pour y déposer son frai. D'après les pêcheurs des côtes du midi de la France, ce serait le seul poisson qui se reprodui- rait dans les étangs. Du moins l'aiguille de mer en entrant au mois de mars dans les étaugs a ses ovaires remplis d'œufs; lorsqu'elle en sort au mois de mai, ses ovaires sont tout à fait vides. Il en est le contraire chez les autres poissons, tels que le muge, le loup et la plie Ceux-ci en pénétrant dans les étangs ont leure ovaires vides, tandis que lorsqu'ils retour- nent à la mer ces organes sont garnis d'œufs. Cette observation a été faite par tous les pêcheurs qui tendent leurs filets aux diffé- rentes communications qui existent entre la mer et les étangs. Aussi aperçoit-on dans ces derniers amas d’eau salée de petites ai- guilles de mer qui sont le résultat du frai de l’année. Ces poissons paraissent être vivipa= res ; ils rentrent à la ner au mois de juillet, et même plus tôt lorsque les eaux des étangs sont très-chaudes. Ils remontent dans les canaux qui communiquent soit avec la mer, soit avec les étangs tant qu'ils y trouvent de l'eau salée. L'esturgeon remonte les fleuves et les ri- vières à l’époque du frai ou au mois de juillet, I rentre à la mer au muis de novembre. Eu France ce poisson fréquente Ja Saôue, la Loire et le Rhône, et pénètre jusque dans le Doubs. Il paraît se nourrir à la mer de ha- rengs, de gades et de maquereaux ; mais, lors- qu'il estengagé dans les rivières, il y attaque 52 — 198 — ORDRES. GENRES ET ESPÈCES. cat D)... | j, ) XII. Cinétobranches. XII. Raies (raia). Desmobranches. [Nous comprenons ici la plupart des espèces de ce gen- re, surtout la raie bouclée (raia cla- vala Linn.). Squales (squa- lus). La piupart des espèces de ce genre tel que Lin- né le concevait, ÉPOQUES DES PASSAGES DES POISSONS. jusqu'aux saumons, dont il triomphe le plus ordinairement, malgré la grosseur de ce der- nier. L’esturgeon était fort estimé des Romains à raison de la délicatesse de sa chair, assez semblable à celle du veau. Cette espèce re- monte en grand nombre de la mer dans les rivières ; elle ne paraît pas bornée aux fleu— ves de Ja France. Elle fait, en effet, un des moyens principaux d'existence des Cosaques des bords âu Don et du Jaik. On pêche aussi dans les rivières de la Russie et de l’Allema- gue le petit et le grand esturgeon (accipen- ser ruthenus et huso Linn.). Le premier est surtout abondant dans le Danube et les autres rivières qui se jettent dans la mer Noireet la mer Caspienne. Nous ignorons s'il en est de ces espèces comme de l’esturgeon commun, si elles ha- bitent à la fois les eaux douceset salées. IL paraît certain que plusieurs espèces d’estur- geons vivent dans leur jeune âge dans le bas- sin des mers, et que lorsqu'ils sont parvenus à l'âge adulte ils remontent en abondance de la mer dans les fleuves et les rivières, où ils arrivent pour y déposer leurs œufs. Leur force musculaire est si grande, qu'il n’est pas de courant, quelle qu’en soit la rapidité, qui puisse arrêter leur marche. Les plus forts et les plus intrépides ouvrent la marche, afin d’aiguillonner, par leur exemple, les indivi- dus qui pourraient ne pas avoir le courage de les suivre. La fécondité des esturgeons paraît prodi- gieuse ; on a compté jusqu’à plus de quinze cent mille œufs dans une seule femelle, nombre qui peut en donner une idée. Les espèces de ce genre sont assez nom- breuses et surtout fort fréquentes sur les côtes de la Méditerranée pendant toutes les saisons à l'exception de l'hiver. Elles parais- sent pour lors émigrer vers des côtes plus chaudes, et se rendre à cette époque dans les mers de l'Afrique. Les squales ont des habitudes a peu près semblables à celles des raies relativement à l'époque de leur séjour sur les côtes du midi de la France; seulement ces poissons y passent en même temps que les sardines, les maque- reaux et les thons, qu'ils poursuivent avec fureur. Dès que ces derniers poissons s’en éloignent, ils les quittent également pour aller trouver ailleurs un aliment suffisant à leur voracité. — 499 — II. Résumé. Ces tableaux, ainsi que les détails dans Jesqueis nous sommes entré, semblent prouver que les passa- ges des poissons et des oiseaux, comme ceux des au- tres animaux, dépendent de plusieurs causes qui agis- sent soit simultanément , soit séparément. Au premier rang on peut placer l’organisation ou l'instinct qui porte un assez grand nombre d’entre eux à se déplacer à des époques fixes et déterminées, lorsqu'aucune cause extérieure ne semble les enga- ger à de pareils voyages; ils sont pour lors sous l’in- fluence d’un penchant ou d’une puissance instinctive à laquelle ils ne savent ni ne peuvent résister. Gette influence est la cause déterminante des migrations périodiques et fixes; aussi ne s’accordent-elles pas toujours avec la marche de la température et les au- tres circonstances atmosphériques. A cette faculté instinctive qui pousse les animaux à exécuter leurs voyages, réglés pour ainsi dire d’a- vance, il s’adjoint parfois d’autres causes dont l’ac- tion est plus ou moins irrégulière; c'est surtout sur les passages accidentels qu'entreprennent les poissons à des époques qui n’ont rien de fixe ni de constant que les circonstances extérieures exercent le plus — 500 — d'influence : car pour les migrations, l'instinct les dé- termine avant tout. On concoit que le besoin de trouver ailleurs une nourriture qui leur manque dans les lieux qu'ils ha- bitent force les poissons à les quitter; il en est de même des effets produits par la variation de la tem- pérature et de tous les changements qui arrivent dans les conditions des milieux extérieurs. Ces circonstan- ces pressent sans doute ces animaux à se déplacer ; mais elles ne sont jamais assez puissantes pour les porter à faire le tour du globe, comme l'instinct qui y pousse les espèces émigrantes. Il suflit aux pre- mières de rencontrer quelque part la nourriture et la température pour qu'elles s’y arrêtent; ces cir- constances ne suflisent pas aux secondes. Les voyages sont pour celles-ci un besoin absolu, auquel elles ne savent ni ne peuvent résister. Il faut qu’elles rem- plissent une condition aussi essentielle dans leur exis- tence pour que leur vie et leur bien-être n’en souf- frent pas. Considérées dans leurs résultats, les migrations ré pandent une grande variété dans la distribution des animaux; elles renouvellent en effet, presque dans chaque climat, une partie des êtres qui y vivent. Ces passages égayent la scène de la vie et lui donnent une nouvelle et continuelle activité. Ils annoncent également les changements qui vont survenir dans — 501 — la température ; ils sont même souvent pour l’homme des signes évidents et précurseurs des tempêtes ou du moins de grands changements qui vont avoir lieu dans les circonstances extérieures. A raison de ces mystérieux voyages, dont le but échappe à celui qui n’en étudie pas les motifs, les anciens avaient accordé à certains oiseaux le don précieux de la divination. Sans doute l'instinct de ces animaux ne va pas aussi loin; mais peut-être leur température élevée les rend plus sensibles à l’im- pression des agents extérieurs que nos instruments les plus délicats. Ceux-ci nous font bien connaître l’état actuel de la température ; mais ils ne nous per- mettent guère de préjuger ce qu'il sera dans l’avenir, et même dans l’avenir le moins éloigné du moment présent. L Les migrations et les passages des oïseaux et des poissons, comme du reste ceux des autres animaux, ne sont pas des phénomènes simples. Le premier de ces phénomènes, dont les résultats sont à peu prés les mêmes que les passages accidentels, est essentielle- ment complexe; cette complication rend difficile l’ap- préciation des motifs qui les dirigent et les font en- treprendre. On éprouve quelque embarras lorsqu'on veut en généraliser les effets, d'autant que la même espèce est souvent émigrante ou erratique à telle époque de sa vie, et sédentaire à telle autre ; quelque- — 502 — fois elle a des habitudes aussi diverses, suivant les pays où elle se trouve. Des mœurs aussi variées, fort rares chez les habitants des eaux, ne deviennent communes que chez les espèces qui, comme les oi- seaux, parcourent les vastes plaines de l'air. Les poissons, comme les oiseaux les plus éminemment voyageurs ou émigrants, sont aussi les seuls chez lesquels on découvre de véritables cosmopolites. Une pareille mobilité ne saurait être comparée aux voya- ges accidentels auxquels se livrent les espèces erra- tiques ; il est facile de démêler les motifs de ces der- nières excursions. Elles dépendent presque toujours des circonstances extérieures ou de l'influence des milieux et de celle de la nourriture. À raison de la difficulté que l’on éprouve lorsqu'on veut généraliser les causes des passages et des migra- tions, nous avons tracé dans des tableaux séparés les époques des voyages des oiseaux et des poissons. On peut juger de cette manière combien les migrations sont fixes et régulières, et combien le contraire existe : dans les passages proprement dits. Au milieu des faits qui environnent ces voyages, les uns périodiques et les autres aussi accidentels et aussi incertains que les variations des saisons, il en est un dont l'influence semble en déterminer assez constamment l’étendue. Ge fait est relatif à l’agilité, ou, si l’on veut, à la facilité et à la puissance des mou- — 003 — vements; du moins les animaux qui en jouissent sont les seuls qui entreprennent et exécutent de grandes migrations ou de longs voyages. Les insectes ailés en sont des exemples frappants parmi les in- vertébrés, tout comme les poissons et les oiseaux parmi les vertébrés. À l’exception de ces animaux, nous avons vu combien les migrations auxquelles se livrent les espèces des autres classes sont restreintes et bornées : on en a une preuve évidente dans les chauves-souris. Quoiqu’elles voguent, comme les oi- seaux, dans les plaines de l’air, ces mammifères ailés ne se livrent jamais à des voyages même peu étendus. Ils quittent en effet rarement les cantons qui les ont vus naïtre, tant leur vol est faible; aussi l'instinct de ces animaux leur permet en quelque sorte d’en mesurer le pouvoir. En résumant l’ensemble des faits que nous venons d’é- numérer,on peuten déduire les conséquencessuivantes : 1° Le phénomène proprement dit des migrations ou des voyages périodiques et réguliers semble dé- pendre essentiellement de l’instinct ou de l’organisa- tion particulière des animaux qui s’y livrent; 2° Les passages accidentels des espèces voyageuses paraissent dépendre des circonstances extérieures sous lesquelles vivent ces espèces, circonstances dont la température, la nourriture et les soins de la repro- duction sont les plus essentielles et les plus influentes; — 504 — 3° Ces phénomènes, rarement simples, sont le plus souvent complexes, étant déterminés par plusieurs causes qui agissent simultanément; ces causes por- tent les animaux à changer de climat et à se trans- porter d’un pays dans un autre. 4° Les voyages des animaux sont d'autant plus étendus et d’autant plus prolongés que ceux qui les entreprennent ont les moyens de franchir sans eflorts comme sans difficultés de grandes distances. En démélant ces diverses circonstances dans cha- que cas particulier qui se présente, on peut se rendre compte des causes qui portent telle espèce à entre- prendre des voyages lointains, comme telle autre à ne faire que des excursions accidentelles et peu éloi- gnées, ou même à être sédentaire à une certaine épo- que de sa vie et émigrante ou erratique à toute autre. Ainsi disparaît peu à peu, aux yeux de l'observateur éclairé, ce que ce phénomène lui paraissait, au pre- mier abord, avoir d’incompréhensible et même de merveilleux. Nous avons vu un assez grand nombre d'oiseaux être sédentaires à l’âge adulte ou dans le jeune âge, tandis qu'ils sont émigrants ou erratiques dans d’au- tres instants de leur vie, ce qui annonce combien le phénomène des migrations ou des stations fixes à de certaines époques est complexe et s'exerce d’une ma- nière différente pendant l'existence des mêmes espè- — 505 — ces. De pareils faits sont sans doute moins communs chez les poissons; mais peut-être ne le paraïissent-ils que parce que les mœurs de ces animaux, dont l'ob- servation est si difficile, sont peu connues. Nous avons cependant signalé quelques faits qui semblent indiquer qu'il en est d’eux comme des oi- seaux, et que par suite de circonstances dont on peut apprécier l'influence, la même espèce est à la fois émigrante et sédentaire. Le thon en est un exemple remarquable. On sait combien ses migrations sont régulières ; elles ont licu en effet d’une manière pé- riodique deux fois chaque année. Néanmoins cette espèce se trouve dans certains parages des bords de la Méditerranée complétement fixe et ne s’en écarte jamais; cette circonstance n'empêche pas que les thons sédentaires ne soient visités tous les ans par d’autres individus voyageurs. Mais ce qui est non moins digne d'attention, les individus de mœurs aussi différentes paraissent vivre de bonne intellisence pendant tout le temps que durent leurs passages. Il n’y a donc rien d’absolu pour les races émi- grantes, erratiques ou sédentaires, puisque les mé- mes espèces passent par toutes ces circonstances, sui- vant l’époque de leur vie. Les animaux cosmopolites sont les seuls qui sous ce rapport soient soumis à des conditions absolues d'existence dont ils ne peuvent s’écarter par suite des exigences de leur organisa- — 506 — tion et de leurs penchants naturels. Il est pourtant peu d'espèces complétement cosmopolites, même chez les animaux qui en offrent seuls des exemples, comme les poissons et les oiseaux. L’agitation et un mouve- ment continuel sont pour ces divers animaux le besoin le plus essentiel de leur vie, comme la tranquillité et le repos le sont pour les espèces sédentaires. Il a fallu toute l'influence et toute la puissance de l’homme pour déranger cet ordre. Il en a bien entrainé avec lui un certain nombre dans tous les lieux et dans tous les climats; mais pour cela il ne les a pas rendus cos- mopolites comme ceux qui le doivent à un instinct naturel. LIVRE DEUXIÈME. DES MIGRATIONS DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. CHAPITRE PREMIER. DES MIGRATIONS DES MOLLUSQUES. Les animaux invertébrés, dont les mœurs sont moins connues et d’une observation moins facile que celles des vertébrés, paraissent, du moins les plus agiles, se livrer à des actes analogues aux voyages irréguliers des oiseaux et des poissons. Ces actes ont en effet quel- ques rapports avec les passages accidentels de ces animaux , Car, pour la plupart, ils ne paraissent avoir rien de fixe ni de régulier. On ne les voit pas se suc- céder avec la périodicité qni caractérise les voyages des espèces émigrantes des animaux supérieurs. Les animaux sans vertèbres diffèrent donc des ver- tébrés par le peu d’étendue des excursions auxquelles ils se livrent. Il ne parait pas qu'aucun des premiers exécute des migrations à des époques fixes et régu- — 508 — lières, et puisse par conséquent être classé parmi les espèces émigrantes. Il n'en est pas non plus qu'on puisse considérer comme cosmopolite, c’est-à-dire comme voyageant sans cesse, et habitant tour à tour les diverses contrées du globe. Les invertébrés offrent uniquement des espèces dont les unes sont erratiques et les autres sédentaires. Parmi ces dernières, les unes sont stationnaires par suite de leur organisation qui les y oblige, tandis que d’autres ne quittent pas les lieux de leur naissance, la nature leur ayant refusé où des membres agiles, ou des appareils propres à leur faire fendre l’air. Jetons à cet égard un coup d'œil rapide sur l’ensemble des in- vertébrés, et voyons ce que l'observation nous a fait connaitre sur la diversité de leurs habitudes considé- rées sous ce point de vue. Nous commencerons cette étude par les plus com- pliqués des invertébrés, ou les mollusques. D’après les observations dues à M. Forbes, chaque animal ne peut vivre quedans une localité qui lui est propre. En effet, les espèces marines qui, comme les pétoncles, vivent en grandes troupes, aprés avoir séjourné quelque temps dans tel ou tel lieu, finissent par en disparaitre entière- ment. Si la nature du sol vient à changer ou si toute au- trecirconstance se présente, une autre race vient OCCU- per la même localité, et y domine bientôt sans partage. Les mollusques paraissent se livrer à des migrations, — 509 — aussi bien que les poissons. Cette faculté parait même exister pour certaines espèces qui semblent le plus for- tement attachées au sol sur lequel elles ont pris nais- sance. Cette émigration se fait par le transport des œufs, lorsque ceux-ci sont groupés ensemble et flottemt sur l'Océan de plage en plage. Ces œufs ne prennent leur développement que lorsqu'ils rencontrent la zone qui convient à leur espèce. Les mollusques sont essentiellement nageurs à l’ex- ception des espèces terrestres et des races qui vivent fixées dans les lieux où ils trouvent à remplir les conditions de leur existence. Les dernières, vérita- bles espèces stationnaires, ne sauraient comme les mollusques libres qui habitent le sein des mers, exister sous des zones différentes et des climats di- vers. Parmi les animaux de l’ordre dont nous nous oc- cupons, il est donc des espèces stationnaires; ce sont celles qui vivent constamment sur les rochers, sur les pieux et les quilles des navires, où elles ont été pri- mitivement fixées. On peut comprendre dans cette catégorie les mollusques cirrhopodes, tels que les anatifes, les #lands de mer, et les tubicinelles. Il est même des genres de cette famille, les coronules, qui s'implantent dans la peau des baleines, pénètrent jus- qu’à leur lard, et s’identifient avec les cétacés dont ils dévorent la substance. — 510 — Ces mollusques sont essentiellement sédentaires, puisqu'ils ne se déplacent jamais, subissant toutes les chances des corps et des êtres sur lesquels ils se trouvent attachés. Il en est peut-être de même des pa- telles , des oscabrions et des genres analogues qui en ont été démembrés. D’autres genres paraissent avoir de pareilles habi- tudes par d’autres motifs : telles sont les huitres , et certaines espèces de vénus. Les unes et les autres vi- vent en société et composent des bancs, souvent fort étendus, plus ou moins rapprochés des rivages. Ces animaux sont ainsi fixés à peu de distance des côtes ou dans des étangs salés par suite de leur organisation. Les pêches les plus abondantes ne les font pas fuir, elles semblent activer leur fécondité et leur pro- pagation, piutôt que d'en arrêter la source. Cependant dans le même genre des vénus, d’autres espèces, lon d'être sédentaires, se livrent au contraire à des excursions plus ou moins longues. Celles-ci ne participent pas aux habitudes des venus decussata et virginea, et autres coquilles analogues. Il est encore parmi ies acéphales testacés des tribus dont les mœurs sont à peu près les mêmes. On les voit percer la substance des pierres les plus dures ou se loger dans l’intérieur des bois qui composent les di- sues, ou dont les navires sont formés. Les individus qui en font partie vivent ainsi dans les trous qu'ils — 511 — se sont creusés, et d’où ils ne sortent jamais. Ces mol- lusques lithophages, ou perce-pierres, sont en grand nombre dans le sein des mers, où plusieurs sont recher- chés des gourmets à raison de leur goût agréable. Tels sont le dail commun (pholas dactylus Linné) et les li- thodomes(modiola lithophaga)auxquels aucun rocher ne résiste. Ils les corrodent à l’aide d’une liqueur acide qu’ils sécrètent en abondance. Une foule d’autres genres d'acéphales ont également des habitudes sem- blables. Les tarets (£eredo navalis Linné) se logent dans les bois dont ils détruisent la substance en les criblant de toutes parts de trous plus ou moins nombreux. Leurs espèces, comme les précédentes, ne quittent jamais les lieux qui les ont vus naïtre. Il ne peut qu’en être de même des espèces qui font des conduits dans le sable ou dans la vase, dans les- quels ils s’enfoncent plus ou moins profondément. Les hiatelles , les solens, les lutraires, les myes, et certaines pholades nous offrent des exemples de ce genre d'habitation. Enfin d’autres genres, particuliè- rement les gastrochènes, préfèrent percer l’intérieur des madrépores et des autres genres de polypiers pier- reux. Lorsqu'ils n’en trouvent pas à leur portée, ils se logent dans les rochers de sable qui se forment dans le sein des mers actuelles. S'il est des mollusques stationnaires, une foule — 512 — d’autres de l’ordre des acéphales, auxquels appartien- nent les huitres, sont éminemment voyageurs; ils ne se livrent pourtant pas à des excursions régulières et périodiques. Tels sont les peignes , dont les espèces erratiques naviguent au milieu des mers avec une vitesse et une agilité si remarquables, que les navi- gateurs les désignent sous le nom de papillons des mers. On peut encore citer parmi les acéphales, les bu- cardes, les cythérées, les mactres, qui, par suite de leurs mœurs erratiques, entreprennent des excursions plus ou moins étendues. Les térébratules, de la famille des branchiopodes, se distinguent encore sous les mé- mes rapports ainsi que les carinaires qui appartien- nent aux mollusques sastéropodes scutibranches. Rien n'est plus gracieux ni plus élégant que les coquilles formées par ces animaux voguant à la surface des flots avec une rapidité d'autant plus grande, que leur légèreté est aussi remarquable que leur transparence. Les céphalopodes et les ptéropodes présentent un certain nombre de genres erratiques. Parmi ceux qui n'ont pas de coquilles extérieures, on remarque sur- tout les poulpes, les calmars et les seiches. Leurs es- pèces se déplacent assez souvent ; quoiqu’elles n’entre- prennent pas des voyages périodiques d’une trés- grande étendue, elles se livrent cependant à des (0600 a — 588 — NOTE Additionnelle sur quelques espèces d'oiseaux des familles pro- cellariées de l'ordre des palmipèdes ; des familles des gralles de l’ordre des échassiers ; des familles des faucons de l’ordre des rapaces; des familles des omnivores de l'ordre des passereaux. Les albatros et les pétrels, oiseaux essentiellement pélagiens, vivent de mollusques ptéropodes et cépha- lopodes, de crustacés, quelquefois de cadavres de cé- tacés, mais jamais de poissons. Leurs habitudes, leur vol, leurs allures, la forme de leur bee, paraissent s’y opposer. D'ailleurs, les poissons manquent dans les parages fréquentés par les albatros et les pétrels. Les derniers ne paraissent pas avoir la faculté d’an- noncer les tempêtes, comme on l’a supposé. S'ils sui- vent pour lors les navires, c’est pour se nourrir des excréments qui en tombent; car ils ne trouvent point de nourriture ailleurs. On ne les voit jamais se poser sur les agrès des navires, leur conformation leur ren- dant cet acte impossible. Le pétrel pélagique (procellaria pelagica) est sou- vent poussé par les tempêtes sur les côtes de l'Irlande. — 589 — On l’y voit voltiger auprès des côtes et raser l’eau pour y chercher sa nourriture. Malgré la puissance de son vol, cet oiseau périt fréquemment, ne pouvant résister à la tempête. Leur présence en grand nombre n’annonce point le voisinage des terres, mais seulement une abondance de crustacés et de mollusques dont ils font leur sub- sistance habituelle. Sans doute les oiseaux bons voiliers sont répandus d’une manière plus générale que ceux chez lesquels la puissance du vol est faible ; mais les uns et les au- -tres ont des limites de climat et d'habitation. Ainsi, pour nous borner aux pétrels, ces oiseaux, habitant les glaces du Nord, ne sont point probablement les mêmes que ceux qui vivent vers le Sud. D’autres es- pèces, qui s’éloignent peu des zones torride et tem- pérée, vivent entre ces deux extrêmes. L'influence des saisons et des circonstances atmos- phériques accidentelles recule quelquefois les li- mites de leur habitation ordinaire. Mais les pétrels antarctiques et de neige, habitant les places du Sud, quittent-ils pendant l'hiver les climats glacés, où ré- gne une nuit continuelle ; ou ces oiseaux seraient-ils diurnes pendant une partie de l’année, et nocturnes pendant l’autre moitié, c’est ce dont il est difficile de s'assurer. La solution de ces questions ne serait pos- sible que si l’on rencontrait à de grandes distances — 590 — des glaces du Sud les mêmes espèces qui semblent s’y être réfugiées et y vivre à peu près constamment. Le râle de genêt (rallus crex), qui appartient à la famille des gralles et à l’ordre des échassiers, a pour nourriture favorite le lézard gris des murailles (/a- certa agilis). Cette espèce est très-abondante en Ir- lande. Il n’est pas rare d'y découvrir dans une seule journée plusieurs centaines d'oiseaux. Ces œufs offrent généralement, d’après M. Austin, une couleur sombre irrégulièrement parsemée de grandes taches noiratres. Ceux du même oiseau pris en Angleterre sont, d’après M. Hevwiston, parsemés de petites taches couleur olive, . sur un fond clair. Cette différence dépendrait-elle de la diversité de nourriture des oiseaux qui habiteraient l'Irlande ou la Grande-Bretagne, ou tiendrait-elle à cequ'ils seraient pondus par deux variétés de la même espèce? C’est ce que l'observation nous apprendra sans doute. La cresserelle ( falco tinnunculoides), de la famille des faucons et de l’ordre des rapaces, est en partie in- sectivore ; du moins pendant la belle saison de l’année on voit cette espèce occupée à dévorer un grand nombre d'insectes coléoptères. Aussi en ouvrant son estomac on le trouve pour lors gorgé de débris d’insectes, que l’on rencontre en partie dans leurs excréments ; mais seulement dans un état d’altération beaucoup plus avancé. — 591 — Le corbeau freux (corvus frugilegus), de la fa- mille des corbeaux et de l’ordre des passereaux, souffre beaucoup dans plusieurs districts de l'Irlande pendant le temps qui s'écoule entre les semailles du printemps et celles de l’automne. Les opérations du labourage, pour lors terminées, ne leur fournissent plus les larves et les vers dont ils se nourrissent. Si la saison est sè- che, leurs souffrances deviennent encore plus grandes. On les voit alors affamés, fureter partout, rechercher avec soin les petits vers et les mollusques parmi les tas d'herbes marines ramassées pour servir d'engrais, ou se jeteravec avidité sur la première proie qui s’offre à eux. Ces corbeaux déploient quelquefois le même ins- tinct que les oiseaux de mer. Lorsqu'ils rencontrent un mollusque qu'ils ne peuvent détacher de sa co- quille, ils l’élèvent en l'air jusqu’à une hauteur con- venable pour ce qu'ils se proposent ; ils la laissent pour lors tomber, et forcent ainsi l’animal dans sa citadelle. Pendant que la coquille descend , l’oiseau la suitavec attention, de peur que quelque autre oiseau ne s'en empare. On retrouve le même instinct chez les merles et Les grives, et chez le tourne-pierre de l’ordre des échas- siers ; les uns et les autres portent les limacons dont ils se nourrissent sur une pierre contre laquelle ils frappent la coquille en la tenant avec leur bec jusqu’à ce qu'elle soit assez fracturée pour livrer l'animal — 592 — qu’elle renfermait. On trouve des tas de ces coquilles brisées dans les lieux qu'habitent ordinairement ces oiseaux. Lorsque les freux fondent une nouvelle colonie, ils présentent des habitudes fort singulières en apparence, mais qui sans doute sont basées sur des motifs suffi- sants. En 1840, des corbeaux freux commencérent à bâtir leurs nids peu élevés autour de la maison de M. Allen, à Ballystraw, comté de Wexford. Aprés le travail de la journée, au lieu de se reposer sur les ar- bres environnants et de s’y établir pour la nuit, comme s'ils s’y fussent crus peu en süreté, ils s’envo- lèrent vers Kilmannock, habitation de M. Haughton. Ils en firent de même toutes les nuits jusqu’à l'époque de l’incubation ; ils furent pour lors obligés de rester ou de perdre leurs œufs. Ils n’adoptérent pas ce dernier parti, et s’établirent définitivement en ce lieu. Il ne nous reste plus qu’à répondre à quelques objections qui nous ont été récemment adressées. Si les émigrations sont aussi constantes qu'étendues, nous ne pouvons plus maintenant connaitre avec cer- titude la distribution primitive des espèces qui exé- cutent de grands voyages, vu le long espace de temps qui s’est écoulé depuis leur apparition. Cette observation a sans doute une grande portée, mais elle ne s'applique qu’à un certain nombre d’oi- seaux et de poissons. Quant aux autres, ils se trouvent — 593 — encore dans la position où ils ont été placés. Ainsi, les échassiers et les palmipèdes, dont certaines races paraissent se rencontrer dans toutes les régions, ne le doivent peut-être qu’à leurs habitudes voyageuses. Il en est de même d’une foule d’espèces que nous avons déjà signalées , et auxquelles nous ajouterons la cres- serelle et Le pluvier doré. Le premier de ces oiseaux fréquente tout l’ancien continent, sous les tropiques comme hors des tropiques. On le voit dans toute l'Europe, au Sénégal, à Pondichéry, à Timor, comme dans la Nouvelle-Hollande et l'Amérique septentrio- nale. Seulement il n’a pas été apercu dans les régions équinoxiales du nouveau monde, où il pénétrera peut- être bientôt, comme tant d'autres oiseaux, dont les habitations étaient plus restreintes jadis qu’elles ne le sont aujourd’hui. Les pays où l’on découvre le pluvier doré ne sont pas moins variés, Car à ceux que nous venons de signaler on peut ajouter Java, Buénos- Ayres, les iles Mariannes et Sandwich. IL parait que pour ces deux espèces, comme pour une foule d’autres, nous ne connaissons plus les lieux où elles étaient fixées dans l’origine. C’est peut-être à raison de cette extension, à laquelle tendent particulièrement les oiseaux, que l'Afrique boréale a si peu d'espèces qui lui soient propres. La plupart des races de cette partie de l’ancien conti- nent émigrent en Europe et même vers l'équateur, 35 — 594 — et sont par là même comptées parmi les oiseaux pro- pres à ces zones. On en fera peut-être de même des gros-becs d'Afrique , qui sont aujourd’hui naturalisés dans les forêts de l'Amérique. Cependant un grand nombre d'oiseaux semblent encore restreints aux régions où ils ont été dissémi- nés à l'époque de leur création. Ces régions sont celles où l'influence de l’homme s’est fait ressentir depuis de moindres espaces de temps. En effet, l'Amérique est la partie du monde où existe la plus grande quantité d'espèces que l’on ne trouve pas ailleurs, et qui lui paraissent tout à fait propres. Du moins le nouveau monde est l'unique patrie des colibris (1), des jacamars, des toucans, des vangas, des cotingas, des gymnocéphales, des gymnodères, des tangaras et des tyrans. D'un autre côté, les gobe-mouches proprement dits et les moucherolles des tropiques y sont plus communs, ainsi que dans les Moluques, qu’en (4) Le colibri des tropiques (trochilus rufus) fait des excursions jusqu’au détroit de Magellan; il arrive aussi jusqu’au Cook’s Jnlet là où la pénin- sule d’Aliaska commence à se détacher du nouveau continent par les 64° de latitude, Les morses (trichechus rosmarus) ne se montrent jamais en Asie, sur la côte occidentale depuis la mer Glaciale, jusqu’au 56° 1/2 de latitude, vers un parallèle de 4° 1/2 plus méridional que la limite à la— quelle parviennent annuellement les colibris. Ces petits oiseaux se mon- trent à Sitkha dès le mois d’avril et disparaissent avant le commencement de juillet. «tt lé — 595 — Afrique. L'Amérique, la Nouvelle-Hollande et les iles de la mer du Sud fournissent la plupart des perroquets qui nous sont connus ; car 11 n’en existe qu'une seule espèce en Afrique et point en Europe. Enfin les espèces du genre philedon et le mœnura sont caractéristiques pour la Nouvelle-Hollande, com- me les cassiques pour l’Afrique, les glaucopes et les langrayens (ocypterne) pour les Moluques. Les touracos (corythaix illiger) sont également confinés en Afrique, tandis que les souimangas, uni- quement répandus dans l’ancien continent, ne se montrent point, comme les différentes espèces des He dispersés sur tout le globe. Une particularité importante à noter dans la dis- tribution primitive des oiseaux, c'est que la famille de cet ordre d'animaux, dont l’homme a tiré le plus d'avantages, est moins nombreuse en Amérique que dans les autres continents. Cependant l’Amérique septentrionale nous a fourni un gallinacé, le dindon, qui est devenu pour nos tables un mets recherché, même pour les plus grands gourmets. Il est certaines espèces sur l'habitation desquelles nous ne pouvons pas être complétement fixé, et celles- ci sont les émigrantes. Il n’en est pas de même des oiseaux erratiques et sédentaires. Ceux-ci, surtout les derniers, sont encore dans les lieux où ils ont été placés à l’origine des choses. Ils ne s’en écartent que — 596 — pendant des moments plus ou moins longs; presque toujours les lieux où ils nichent le plus ordinaire- ment sont ceux où ils ont été disséminés dans le principe de leur existence. Quant aux races cosmo- polites, toujours en mouvement, la terre entière est leur patrie, et le moindre récif leur domicile tempo- raire. Il n’y a donc de l'incertitude que pour les races émigrantes, qui se déplacent à des époques fixes et régulières, et dont les voyages s'étendent chaque Jour à tel point, que plusieurs d’entre elles parcou- rent dans leurs migrations la totalité du globe. ÈS —— — 597 — EXPLICATION DE LA CARTE DU GLOBE TERRESTRE, Sur laquelle ont été tracées les routes suivies par plusieurs espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations. OISEAUX. On a tracé sur la carte la route suivie par plusieurs espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations, à l’aide de lignes ponctuées ou marquées d’astéris- ques. On a également indiqué, par le nomde l’espéce, le point d’oùelle part pour se rendre à sa destination. De cette manière on peut saisir à quel point les routes parcourues par les espèces émigrantes sont étendues, et combien les voyages auxquels elles se livrent habi- tuellement sont considérables. En jetant les yeux sur cette carte, on sera frappé de l’extrême différence que présente l'hémisphère boréal, en comparaison de l’aus- tral, relativement au nombre des lignes destinées a donner une idée des migrations. Cette différence — 598 — est probablement, dans le fait, moins considérable qu'elle le parait; elle tient uniquement au petit nom- bre d’observations que nous possédons sur les voya- ges que font les espèces européennes en Amérique, ainsi que sur ceux que paraissent exécuter les races du nouveau monde dans l’hémisphère boréal. Nous avons cité dans cet ouvrage quelques faits relatifs aux courses auxquelles se livrent certaines espèces d'oiseaux d'Amérique qui nous arrivent par- fois dans le midi de la France. Faute d'observations suffisantes, nous n'oserions assurer que ces excur- sions , qui paraissent accidentelles, vu leur peu de fréquence, ne fussent pas cependant tout aussi périodiques que celles qu'exécutent les espèces dont nous avons tracé la marche. A raison de cette circonstance, nous avons choisi comme exemple des migrations, les principales es- pèces de l’Europe qui sont connues pour ainsi dire partout, à raison de l'étendue des voyages qu’elles exécutent avec une constance et une régularité remar- quables. Nous avons dû nous borner à indiquer onze espèces, dont quatre suivent le même chemin et se li- vrent aux mêmes excursions. Le nombre des lignes à été ainsi réduit à neuf. De cette manière, on peut saisir avec plus de facilité les courses que les espèces émigrantes exécutent en Europe, contrée où elles sont bien plus connues que partout ailleurs. Le — 599 — nombre neuf paraît encore trop considérable, lors- qu'on porte particulièrement son attention sur l’Eu- rope; car dans tout le reste du monde il est extrême- ment restreint. Notre carte présente sous ce rapport un intérêt particulier ; elle fait saisir à l'œil combien peu nos connaissances sont avancées sur la route que suivent les oiseaux et les poissons émigrants, une fois qu'ils sont sortis des pays les plus civilisés et des mers les plus fréquentées. Il faut espérer qu’en présence de cette lacune les observateurs éclairés qui habitent soit l’Asie, soit l’Afrique, soit l’Amérique, soit enfin la Nouvelle-Hollande, voudront bien s’occuper de cette partie de l’histoire des animaux. Leurs recherches nous feront mieux connaitre un des phénoménes les plus réguliers et les plus curieux de la nature. Pro- bablement aussi l'étude de ce phénoméne entrera dans les instructions que l’académie des sciences donnera désormais aux navigateurs qui entreprennent de grands voyages et surtout des voyages de circom- navigation. Plus que personne, les navigateurs sont en mesure de faire à cet égard des observations in- téressantes, si leur attention est appelée sur ce beau sujet. 1° Hirondelle de fenêtre (hirundo urbica). Une ligne composée de traits et de points intermé- diaires indique la route que suit cet oiseau. Cette — 600 — espèce parait partir du Portugal où elle se divise en deux colonnes. La première ou la septentrio- nale se dirige vers les iles Britanniques, traverse la mer du Nord, arrive en Norwése, en Laponie, et par- court la plus grande partie de la Russie et de la Turquie d'Europe; elle se Joint ensuite à la seconde colonne, pour venir avec elle à son point de départ. La seconde division de l’hirondelle de fenêtre ou la méridionale traverse toute la partie du sud du Por- tugal, de l'Espagne, de la France, d’où elle envoie ses tribus en Allemagne, en Suëde, ainsi que dans tout le nord de l’Europe. Une partie de ces tribus serend également dans la Turquie d'Europe, et les individus qui y arrivent se joignent avec les autres hirondelles qui y sont arrivées par la Russie. Elles regagnent en- semble les contrées du Portugal, que les unes et les autres avaient quittées. 2° Hirondelle des rivages (hirundo riparia). La route de cette espèce est indiquée par une ligne ponctuée. L’hirondelle des rivages parait partir de la Guinée ; elle se divise, dès le moment de son départ, comme l’espèce précédente; l’une de ses colonnes se dirige vers le nord, et l’autre suit au contraire une route tout opposée, c’est-à-dire, vers le sud. Etudions d’abord la marche de la colonne méri- dionale, et nous examinerons plus tard celle de la co- lonne septentrionale. La première longe d’abord les — 601 — côtes de la Guinée supérieure, puis celles de la Guinée inférieure et du pays des Hottentots, sans presque pénétrer dans la colonie du Cap. Elle se dirige ensuite tout à fait vers le nord-est, longe les côtes du pays de Mozambique, de Zanguebar ; bientôt après, elle change tout à coup de direction, et prend sa route vers le nord-ouest. Elle contourne le lac Tchad, et le désert de Zahara , qu’elle a grand soin d’éviter , entre en Barbarie, traverse la Méditerranée, et arrive dans la Turquie d'Europe. Une fois qu’elle y est parvenue, elle étend ses excursions dans toute la Russie, par- court la Finlande, la Laponie, et arrive en Suëde et en Norwége. Elle s’y joint avec les individus qui composent la colonne septentrionale, et va regagner avec eux les contrées d'où elle était partie. La seconde colonne ou la septentrionale part du même point que la première ; mais elle suit une route totalement différente. Elle se dirige vers le nord, tra- verse la Sénégambie, côtoie les bords orientaux de l'Océan Atlantique, et parcourt successivement la Bar- barie, le royaume de Maroc; après quoi elle franchit le détroit de Gibraltar. Elle porte ensuite ses tribus en Portugal, en Espagne, en France, traverse la Manche, se répand dans les iles Britanniques, toute l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norwépge. Là elle se joint avec la colonne méridionale, et, après y avoir séjourné plus ou moins longtemps, elle re- — 602 — tourne avec les individus qui en faisaient partie en Afrique. 3° L’hirondelle de cheminée (hirundo rustica) est l'espèce la plus voyageuse d’un genre où presque toutes celles qui le composent se livrent à de grandes migrations. En effet, cette, hirondelle se trouve dans la plupart des contrées du globe dont elle fait, pour ainsi dire, le tour. La marche qu'elle suit dans ses voyages est indiquée sur la carte par une simple li- gnenoire. Elle part d'Afrique, du Gingiro, pays peu éloigné des côtes occidentales de la mer des Indes. Cette es- pèce quitte cette contrée en se divisant en deux co- lonnes; l’une gagne vers le sud, et l’autre au con- traire prend sa route vers le nord. La première, la méridionale ou l’africaine, gagne d’abord vers le sud, traverse toute la partie des côtes de l'Afrique qui s’étend depuis le Gingiro, jus- qu’à la colonie du cap de Bonne-Espérance; elle par- court ensuite le Zanguebar, le pays de Mozambique, la Cafrerie et, sans pénétrer dans la territoire du Cap, se détourne subitement vers le nord et parcourt de nouveau toute l’Afrique, en se tenant d’abord assez rapprochée des côtes occidentales de l'Océan Atlan- tique. Une fois qu’elle a dépassé la Guinée inférieure, elle s'éloigne de plus en plus des rivages de cette mer, passe en Nisritie, tourne autour du lac Tchad, dont — 605 — elle côtoie les bords orientaux, et contourne à l’ouest le désert de Zahara qu'elle évite autant que cela lui est possible; elle arrive ainsi en Barbarie. Elle tra- verse ensuite les Etats de Tunis et de Tripoli, et longe les côtes méridionales de la Méditerranée. C’est ainsi qu’elle prend dans ces contrées quelques moments de repos; après quoi, elle se met de nouveau en marche, franchit la Méditerranée, et arrive ainsi en Europe. Là elle envoie de nombreuses lésions en France, en Espagne, en Portugal et dans les iles Britanniques, et jusqu’en Islande. Une autre division parcourt l'Italie, la Turquie d'Europe, l'Allemagne, le Dane- mark, la Suède, la Norwége, la Laponie, et parait même pousser parfois ses excursions Jusque dans le Groënland; c’est du reste dans les contrées du Nord que l’hirondelle de cheminée se joint avec les indi- vidus de la colonne septentrionale; ceux-ci y arrivent aprés avoir visité successivement la Nouvelle-Hollande et la totalité de l'Amérique. La seconde, l’américaine ou l’orientale, se dirige dès le moment de son départ vers le nord-est; elle franchit premièrement la mer Rouge, arrive en Ara- bie, tourne le golfe Persique et côtoie pendant quel- que temps le rivage septentrional de la mer des In- des, ou particulièrement le golfe du Bengale. Elle traverse ensuite le Kaboul, l’Indoustan, l’Inde ulté- — 604 — rieure, franchit la mer de Chine, passe dans l’ile de Bornéo et les nombreuses îles de la Sonde, et arrive enfin dans la Nouvelle-Hollande qu’elle parcourt dans presque sa totalité. Après y avoir pris quelque repos, elle se remet de nouveau en marche, se dirigeant assez constamment vers l’est. Elle passe ainsi successivement vers la Nouvelle-Guinée, les iles Salomon, la Nouvelle-Zé- lande, les iles de la Société, et les îles de l'Océan Aus- tral. En suivant toujours la mème direction elle par- vient enfin dans l’Amérique méridionale ; elle y entre par le royaume de la Plata auprès de Buénos-Ayres ; mais, une fois qu’elle v est arrivée, elle suitassez cons- tamment la direction vers le nord. On la voit s’éten- dre ensuite dans le Brésil, côtoyer l'Océan Atlantique, puis la Guyane, la Colombie, et pénétrer dans l'Amé- rique septentrionale par l’isthme de Panama. Une fois qu'elle est entrée dans cette partie de l'Amérique, elle côtoie la mer des Antilles, passe entre le golfe du Mexique et les rivages orientaux de la mer du Sud, et parcourt successivement le Mexique et la Louisiane. De là elle pousse ses excursions jusqu’à la terre de Labrador, arrive dans la Nouvelle-Galles, et se rapproche de plus en plus des côtes de l'Océan Bo- réal. Ses tribus passent plus tard entre les grands lacs de l'Amérique septentrionale, pénètrent dans la Nouvelle- — 605 — Bretagne, l'Amérique russe, et, après avoir franchi l'Océan Glacial Arctique, elles se trouvent à l’extré- mité de la pointe nord de l’Asie. Cette hirondelle par- court ensuite le pays des Samoyèdes , la Sibérie, la Soungarie, et pénètre dans la Russie. De cet empire la colonne orientale de l’hirondelle de cheminée se dirige directement au nord, et se rend en Suëde, en Laponie et en Norwége, où elle se Joint avec lesautres individus qui sont arrivés par une tout autre voie. Tels sont les voyages que ces oiseaux, dont la puissance du vol est extrêmement grande, exécutent dans leurs migrations. Il faut bien remarquer que tous les individus de cette espèce éminemment émi- grante ne font pas constamment une aussi longue route dans le cours d’une année. Un grand nombre d’entre eux s'arrêtent à plusieurs reprises en chemin, et sont loin de faire des tournées aussi considérables que celles dont nous venons de donner une idée. En effet, nous avons dépeint, pour chacun des oiseaux dont nous avons tracé l’histoire, le maximum de leurs excursions, sans prétendre par là que chaque espèce l’exécute en entier. Probablement il n’est aucun oiseau qui fasse le tour du globe dans le cours d’une année. Que l’on ne s’y méprenne donc pas, nous n'avons voulu indiquer ici que la plus grande étendue de leurs migrations ; mais nous n'avons pas prétendu fixer l'intervalle de temps que — 606 — les différentes espèces mettent à les exécuter. Ces observations s'appliquent non-seulement à l’hiron- delie de cheminée, mais généralement aux différentes espèces d'oiseaux et de poissons. 4° Etourneaux (séurnus vulgaris), loriots (oriolus galbula). Nous avons indiqué la route que suivent ces passereaux par une ligne noire interrompue de dis- tance en distance. Ces deux oiseaux partent d'Afrique, et, pour plus de simplicité, nous supposerons qu'ils dérivent l’un et l’autre du même point ou du royaume de Tripoli. Ainsi tout ce que nous allons dire se rapportera aux étourneaux comme aux loriots. Ces passereaux se sé- parent, dès le moment même de leur départ, en deux colonnes principales ; l’une, ceile de droite ou l’asia- tique, parcourt principalement cette partie du monde; l’autre, celle de gauche ou l’européenne, étend ses courses dans les régions tempérées de cette dernière contrée. La colonne asiatique, ou l’orientale, se dirige d’a- bord à l’est, côtoie pendant quelque temps les côtes méridionales de la Méditerranée, puis, tournant brus- quement vers le nord, quitte l'Afrique, traverse cette mer, arrive à l’ile de Chypre et puis dans la Turquie asiatique. S’avancant toujours vers le nord-est, elle passe entre la mer Noire et la mer Caspienne, se dirige beaucoup plus à lorient, et franchit le Cau- — 607 — case. Elle se divise pour lors en deux branches prin- cipales. La première, ou la méridionale, va visiter la Soun- garie, le Thibet, la Chine, la Mantchourie, la Mon- golie, et, gagnant vers le nord-ouest, elle entre dans la Russie asiatique, arrive en Sibérie, où elle se joint avec la branche septentrionale dont elle s'était séparée. La seconde, ou la septentrionale, se dirige vers le nord-est, séjourne quelque temps dans la Russie asiatique et se rend enfin en Sibérie , où elle se réu- nit avec la précédente pour aller, en se dirigeant vers l’ouest, se répandre dans tout le nord. Ces deux branches ainsi réunies partent ensemble de la Sibérie, côtoient l'Océan Glacial Arctique, tra- versent les pays de Youkaghire et des Samoyèdes, et se rendent ainsi dans la Russie d'Europe. Elles aban- donnent pour lors les rivages de l'Océan Arctique; après quoi on les voit se diviser en deux rameaux principaux. Le premier, ou le septentrional, se dirige tout à fait au nord, passe entre le golfe de Bothnie et la mer Blanche, pénètreen Laponie, étend ses excursions suc- cessivement en Norwége, en Suède, en Danemark, et va se confondre dans les iles Britanniques aux indivi- dus qui y ont été envoyés par la colonne européenne. Le second, ou l’occidental, quitte le premier ra- — 608 — meau au-dessous de Saint-Pétersbourg avant qu’il soit parvenu sur les bords du lac Onéga. Il se dirige d’abord vers le sud-ouest, longe le golfe de Finlande et les bords de la mer Baltique, et traverse une assez grande partie de la Russie. Il arrive à Kœnigsberg ; de là il va se distribuer dans la Prusse, la Pologne, l’Au- triche et la Turquie d'Europe, et s’y réunir aux indi- vidus qui y sont venus avec la colonne européenne. Quant à cette colonne européenne ou septentrionale, elle part comme l’asiatique d'Afrique et du royaume de Tripoli. Du moment de son départ, on la voit ga- gner à l’ouest, suivre les côtes de la régence d'Alger, et, bien avant d'arriver en Barbarie, elle traverse la Méditerranée, envoie quelques-unes de ses tribus dans les iles de la Méditerranée, d’abord aux iles Baléares, puis à la Corse, à la Sardaigne, et enfin en Sicile. Continuant toujours sa route, elle met le pied en Italie, et bientôt elle se divise en deux rameaux prin- cipaux. Le premier, ou l’oriental, tourne l’Adriatique, et, arrivé à son extrémité septentrionale, il envoie ses tribus à l’est dans la Turquie d'Europe, l’Autri- che, la Pologne, la Prusse et tout le nord de l’Eu- rope : c’est le point où les individus de la colonne eu- ropéenne se confondent avec ceux qui y ont été en- voyés par la colonne asiatique. Le second, ou l’occidental, aprés s’être dirigé à l’ouest et avoir parcouru toute l'Italie, se partage — O07— également en deux bandes, une méridionale, et une autre que, d'après la route qu'on lui voit suivre, nous nommerons la septentrionale. Cette dernière se répand dans toute l'Allemagne et la Hollande ; après avoir traversé soit la mer du Nord, soit l'extrémité de la Manche, elle va porter ses in- dividus dans les iles Britanniques. Par suite de l'hu- meur voyageuse de ces oiseaux, ils paraissent pousser leurs excursions jusqu'en Islande. Quant aux indivi- dus de ces deux espèces, qui se sont avancés jusqu'à l'extrémité nord de l'Allemagne, ils passent ensuite en Danemark, en Suède, en Norwége, et jusqu'en Laponie, où ils se réunissent à ceux qui y sont venus d'ailleurs. La bande septentrionale qui, comme la précédente, avait parcouru l'Italie, se rend d'abord en Suisse, ar- rive ensuite en France, et de là va porter ses excur- sions jusqu'en Espagne et en Portugal. Elle traverse ensuite la Méditerranée, arrive en Afrique, et revient aux lieux d'où elle était partie. Ainsi s’accomplit et se termine la destinée de ces légers habitants des airs, qui, toujours en mouvement, sont bien plus que les autres animaux des voya- geurs sur la terre. Du reste, quoique nous ayons compris dans le même ordre de migrations les étour- neaux et les loriots, tout comme les corbeaux et les corneilles, nous n’entendons pas dire par là que ces 39 — 610 — oiseaux suivent toujours le même chemin, et encore moins qu’ils voyagent ensemble. Seulementnous avons voulu faire comprendre que ces différentes espèces tiennent à peu près la même route, et diffèrent peu les unes des autres, sous le rapport de la direction qu’elles donnent à leurs grandes excursions. 5° Cailles. Les voyages de cet oiseau sont indiqués par deux lignes noires accolées l’une à l’autre. Les cailles (£etrao coturnix) arrivent en Europe ve- nant de l'Afrique, partent d'Egypte, traversent la Méditerranée en parcourant lesiles, telles que Malte, la Sicile, l’ile de Caprée, la Sardaigne, la Corse, passent en Italie, et poussent leurs excursions jusqu’à l’ile de Candie. Celles qui prennent cette direction s’é- tendent en Asie, et visitent l'extrémité orientale de l’Europe. Une autre colonne longe le littoral de la Méditer- ranée, côtoie le golfe Arabique, s'étend dans l’Arabie, passe entre le golfe Persique et la mer Caspienne, vi- site le Caboul et arrive dans le Thibet. Une fois qu’elle y est parvenue, elle se partage en deux divisions : l’une, celle de droite ou la méridionale, se dirige partie vers la Chine et partie vers l’Inde Ultérieure, puis vers les iles de la Sonde. Elle y reste peu, et tra- verse bientôt le Grand-Océan, côtoie les côtes de la partie septentrionale de la Nouvelle-Hollande, arrive dans la Nouvelle-Guinée, puis dans les iles Salomon, — 614 — parcourt en entier l'Océan Equinoxial, et enfin la mer du Sud. Elle pénètre ainsi dans l'Amérique méri- dionale par la terre des Patagons, et longe les côtes _ de cette contrée jusqu'au royaume de la Colombie. On ignore si cette division étend encore ses courses au delà de cette dernière contrée, ou si elle s’y arrête et y ter- mine ses excursions vagabondes. La seconde division, celle de gauche ou la septen- trionale, suit jusqu’au Thibet la même route que la première ; mais, lorsqu'elle y est parvenue, elle tourne brusquement vers le nord, se dirige vers Tur- kestan, passe auprès de la mer d’Aral, traverse une partie de la Russie asiatique, la plus grande partie de la Russie d'Europe, et porte ses tribus jusqu’en Laponie, en Norwége et en Suède. Elle franchit en- suite la mer du Nord, étend ses excursions jusqu’en Islande, tandis que le plus grand nombre des indivi- dus qui composent cette seconde division va visiter les Hébrides, l'Irlande, l’Ecosse et l'Angleterre, pays qu'elle quitte ensuite pour revenir à son point de dé- part. | Outre ces trois grandes colonnes, la première ou la méditerranéenne, la seconde ou l’orientale, qui d’abord unique se partage en deux et en constitue ainsi une nouvelle ou la septentrionale, il en existe une autre principale qui se divise également en deux branches ou rameaux, — 612 — D'après la direction que suit la quatriéme co- lonne, dès le moment de son départ, on peut la nom- mer l’occidentale. Elle se confond, en Barbarie, avec les caïlles qui arrivant d'Egypte ont suivi les bords méri- dionaux de la Méditerranée, toujours dans la direction de l’ouest. Elles suivent encore la même direction pen- dantquelquetemps ; mais une fois qu’elles sont arrivées à l’extrémité de la Barbarie, elles se divisent en deux rameaux principaux. L’un, que nous appellerons l’eu- ropéen, parcourt le Portugal, l'Espagne, traverse l’Océan Atlantique et arrive dans les îles Britanniques où il paraît se confondre avec les caïlles qui y sont arrivées par l'Islande. Le second rameau, ou l’africain , côtoie les côtes occidentales de V'Afri- que en se rapprochant des rivages de l’Océan Atlan- tique, traverse ainsi successivement la Sénégambie, la Guinée supérieure et inférieure, le pays des Ma- casses et des Hottentots, et arrive enfin au cap de Bonne-Espérance. Les cailles changent dès lors de direction, étendant leurs excursions vers le nord ; elles longent ainsi les côtes de l'Océan Austral et de la mer des Indes , parcourent la Cafrerie, la Mozam- bique, le Zanguebar, suivent la côte d’Ajan, font quelques excursions dans l’Abyssinie, et franchissent le golfe Arabique dans le point le plus étroit, c’est-à- dire vers Moka, et pénètrent en Arabie. Une fois qu'elles y sont parvenues, elles longent — 613 — les côtes septentrionales de la mer des Indes, traver- sent le golfe Persique, entrent en Perse, suivent en- core les rivages de la mer des Indes, parcourent l'In- doustan, et, tournant brusquement vers le nord-est, vont se confondre avec les cailles qui du Thibet se rendent dans la Nouvelle-Hollande et en Amérique. Quelles que grandes que puissent paraitre les ex- cursions de ces oiseaux dont le vol est cependant si lourd , elles sont probablement au-dessous de la réalité. En effet, les colonnes qui les composent se subdivisent à l'infini et se répandent dans un plus grand nombre de pays que ceux que nous avons indiqués ; car les cailles offrent cette particularité de voyager indifféremment du nord au midi comme du midi au nord. 6° Le corbeau et les corneilles (corvus corax et corone) sont aussi des espèces essentiellement émi- grantes, et que l’on rencontre dans presque tous les points du globe. Leurs courses ont été indiquées sur notre carte par deux lignes noires, l’une pleine et l’au- tre interrompue ou ponctuée. Ces oiseaux, comme les cailles, paraissent égale- ment partir d'Afrique et de Barbarie au delà du dé- sert de Zahara, vers les côtes de l’Océan Atlantique. De ce point ils se divisent en deux colonnes : l’une se dirige vers le nord et l’autre vers le sud. Celle-ci, l’africaine ou la méridionale, s'étend vers — 614 — le sud jusqu’à la pointe de l’Afrique, longe les côtes de cette contrée, traverse successivement la Nigritie, la Guinée supérieure et inférieure, le pays des Ma- casses et des Hottentots, et arrive enfin au cap de Bonne Espérance. Lorsqu'elle y est parvenue, la colonne africaine change de suite de direction, gagne d’abord vers le nord, puis, après avoir traversé le canal de Mozambique, elle se rend à Madagascar et dans les autres petites iles dont celle-ci est entourée. Cette colonne parait même pousser ses excursions jusqu'aux îles Seychelles, les Maldives et les Laquadives de la mer des Indes. De ces points, les oiseaux qui la com- posént reviennent de nouveau vers les rivages afri- cains, s'étendent dans le Zanguebar, la Nubie, cô- toient les rivages occidentaux du golfe Arabique ou de la mer Rouge, passent entre cette mer et la Médi- terranée, etarriventainsi par l’isthme de Suez en Asie. Ces oiseaux traversent ensuite la Palestine, une partie de la Turquie asiatique, longent les côtes de la mer Noire et de la mer Caspienne, parcourent une grande partie de la Russie, de la Suède et de la Norwége, où ils vont se réunir avec leurs congénères qui y sont parvenus par l’Allemagne. La seconde colonne, l’européenne ou la septentrio- nale, part comme la précédente du même point; mais, au lieu de se diriger vers le sud, elle suit une direction tout opposée , c’est-à-dire vers le nord. Elle — 615 — longé d’abord les côtes occidentales de l’Afrique, tra- verse le détroit de Gibraltar , passe en Portugal, en Espagne, puis en France, d’où elle se répand dans les îles Britanniques, l’Allemagne, la Suisse, l'Italie, la Turquie d'Europe; elle parcourt encore de nou- veau l'Allemagne, mais seulement les Etats les plus septentrionaux de cette contrée. Elle gagne ensuite le nord, et va se réunir en Norwége avec la colonne africaine dont les excursions sont beaucoup plus étendues. T° La chouette effraie (sérix flammea) est encore une espèce émigrante dont les voyages sont aussi des plus étendus. Les migrations de cette espèce ont été indiquées par une ligne noire en astérisque. La chouette effraie , comme la caille, paraît partir d'Afrique et de la Nigritie. La première de ces co- lonnes longe d’abord le grand désert de Zahara , tra- verse l'Egypte, puis la Méditerranée, arriveen France, d’où elle se répand en Espagne, en Portugal, en Al- lemagne, en Suède et en Norwége. Ces oiseaux se joi- snent, dans ces dernières contrées, à ceux qui, après avoir parcouru toute l'Amérique, arrivent dans l’hé- misphère boréal par là Russie asiatique. La seconde colonne part, comme la première, de la Nigritie, se dirige vers la Sénégambie, traverse l'Océan Atlantique, et arrive par la Guyane dans l’Amérique méridionale. Elle parcourt ensuite le Brésil, par- — 616 — vient jusqu'à Buénos-Ayres, longe les côtes occi- dentales de cette partie de l'Amérique, passe succes- sivement par les royaumes de la Plata, du Pérou, de la Colombie, et se rend enfin dans l'Amérique septen- trionale après avoir franchi l’isthme de Panama. Une fois qu’elle y est parvenue, elle porte ses excursions dans tout le Mexique, la Louisiane, les Etats-Unis, contourne ensuite les grands lacs de cette partie du nouveau monde, arrive dans l’Amérique russe, fran- chitle détroit de Behring, et pénètre ainsi dans l’Asie septentrionale. Elle parcourt ensuite la Sibérie, la Manschourie, la Mongolie, la Rouskarie, la Chine, le Thibet, le Caboul, et, après avoir côtoyé les côtes occidentales du golfe Persique, elle entre en Arabie d’où elle passeentre la mer Noireet la mer Caspienne pour arriver en Russie. Elle se joint pour lors en Suède et en Norwége à l’autre colonne dont les courses ont été moins longues. La chouette effraie, quoiqu'une esnèce nocturne, n’en est pas moins un des oiseaux dont les courses sont les plus longues ; car dans ses voyages elle fait en quelque sorte le tour du monde. L’habitude de ne voir bien distinctement que pendant la nuit, qui parait caractériser particulièrement les chouettes, est donc tout à fait indifférente à l'étendue et à la constance de leurs voyages. Il en est de même de leurs habitudes carnassières qui ne sont pas non plus un obstacle, ainsi — 617 — qu’on l’avait à tort supposé, à la longueur de leurs excursions. La corneille et le corbeau en sont encore une preuve parmi les passereaux, ainsi que plusieurs autres espèces qui, comme la chouette, appartiennent aux oiseaux de proie. Les mœurs de certains mammi- fères, tels que le tigre, le loup et le renard, ne s’oppo- sent point à leur grande dispersion ; elles paraissent même la favoriser ; car les animaux carnassiers trou- vent partout de quoi satisfaire leurs appétits, aussi bien que les espèces herbivores dont la dispersion a singulièrement favorisé celle des premières. POISSONS. 8° Maquereaux (scomber scombrus). Les poissons se livrent à des migrations presque aussi étendues que celles qu’exécutent les oiseaux émigrants. Nous avons indiqué sur la carte celles des maquereaux par une ligne à nœuds. Les maquereaux paraissent passer l'hiver dans les mers du Nord, principalement auprès de l'Océan Gla- cial Arctique, dans les environs. du Spitzherg où ils s’enfoncent dans la profondeur des eaux. Ils quittent ces froides régions vers le printemps, et se dirigent à cette époque sur les côtes de l'Islande ; ils descen- dent ensuite dans l'Océan Atlantique, et parviennent — 618 — ainsi sur les côtes de l'Irlande. Lorsque ces poissons sont arrivés vers le 50° degré de latitude, ils se di- visent en deux colonnes. L'une, ou la méridionale, longe la péninsule his- panique, passe le détroit de Gibraltar, arrive dans la Méditerranée d’où elle se répand sur les côtes de l’Es- pagne , du midi de la France, de l’Italie, ainsi que sur celles des iles qui s’y trouvent, comme les iles Baléares, la Corse, la Sardaigne et la Sicile, etc. Elle parvient ainsi dans l’Adriatique , et retourne après dans la Méditerranée, où les individus qui la compo- sent vont se répandre sur les côtes de la Turquie et de l’ile de Candie. On ignore si cette espèce pénètre dans la mer Noire par le détroit des Dardanelles. Lorsqu'elle y est arrivée, elle revient sur ses pas et retourne dans les mers du Nord, ainsi que la seconde colonne : l’une et l’autre s’enfoncent alors dans les profondeurs de l'Océan Glacial Arctique. Cette pre- mière colonne de maquereaux est suivie dans ses excursions par les sardines , comme celles-ci par les thons. Cette dernière espèce est écalement accom- pagnée par les squales qui s’attachent à ses pas et en font leur pâture. L’autre colonne que, par opposition à la pre- mière, on pourrait appeler la septentrionale, entre dans la Manche, paraît en mai sur les côtes océani- ques de la France, longe la partie méridionale et oc- — 619 — cidentale de l’Angleterre, de la Hollande, et passe le Sund ; elle fait ensuite le tour du Jutland, parcourt la mer Baltique, revient en suivant les côtes de la Suëde, de la Norwége, et s’enfonce de nouveau dans les mers du Nord, point d'où elle était partie comme la première division de cet ordre de poissons. 9 Æarengs (clupea harengus). Les harengs, aussi connus par la bonté de leur chair qu’à raison de leurs longs et grands voyages, ont été indiqués par une li- gne ondulée et sinueuse. Les harengs , comme les maquereaux , partent des mers du Nord, particuliérement de l’Océan Glacial Arctique. Ils se divisent, peu aprés leur point de dé- part, en deux colonnes principales. La première se dirige vers l’occident, passe entre l'Islande et le Groënland, fait le tour de cette grande ile dont elle côtoie les côtes orientales, traverse la baie de Baffin, arrive ainsi devant la terre de Labra- dor, fait le tour de Terre-Neuve, et pousse peut-être _ses excursions jusqu'aux Etats-Unis, d’où elle re- tourne vers les mers du Nord, dans les profondeurs desquelles elle s’enfonce. La seconde colonne des harengs, ou la méridionale, se dirige vers le sud; mais, peu après son départ, elle se partage en deux divisions, probablement à rai- son du nombre des poissons qui la composent. La première longe la Norwége; mais, arrivée de- — 620 — vant le Danemark, une partie en côtoie les côtes oc- cidentales, et l’autre les côtes orientales. Cette pre- miére division pénètre ainsi dans la Baltique, et étend ses excursions à la fois dans les golfes de Fin- lande et de Bothnie, d’où ces poissons retournent dans les mers du Nord , que l’on peut considérer comme leur point de départ. La seconde division , qui s'étend vers le sud-ouest, parcourt les côtes des îles Shetland et les Orcades. Une fois qu’elle a dépassé ces dernières îles, elle se partage encore en deux bandes. La première, ou l’occidentale, gagne les îles Hébri- des et pénètre dans l’Océan Atlantique. Une partie suit les côtes occidentales de l'Islande; elle fait en quel- que sorte le tour de cette île, et va se réunir avec la seconde qui arrive dans la Manche par la Hollande et le Pas-de-Calais. La dernière de ces bandes, ou l’orientale, longe les côtes orientales de l’Ecosse et de l’Angleterre, ainsi que le rivage occidental de la Hollande, et entre dans la Manche par le Pas-de-Calais. Ces deux bandes séjournent plus ou moins long- temps dans la Manche; elles envoient constamment de leurs tribus, les unes dans les mers du Nord et les autres dans l’Océan Atlantique. Les premières suivent les côtes de l'Allemagne, font le tour du Da- nemark, parviennent par le Sund dans la mer Bal- — 621 — tique, qu’elles parcourent en entier, et étendent leurs excursions jusque dans les golfes de Bothnie et de Finlande. Les secondes de ces tribus longent les cô- tes océaniques de la France, ainsi que celles de l’'Es- pagne et du Portugal; mais elles ne paraissent pas franchir le détroit de Gibraltar, qui semble pour elles comme le terme de leur voyage. De ce point les ha- rengs reviennent par la Manche dans la mer du Nord, pénètrent parfois dans la Baltique, et, s’y réunissant avec leurs congénères, on les voit souvent reprendre avec eux la route de l'Océan Glacial Arctique, où les uns et les autres vont s’enfoncer dans la profondeur des eaux. Telle est l’histoire des migrations du hareng, dont le nombre est réellement prodigieux. Malgré les pé- ches actives et les attaques continuelles des poissons voraces dont il est l’objet, il n’en envoie pas moins des millions d'individus depuis l'Océan Glacial Arctique jusqu’à l’Océan Atlantique. Il serait possible que, dans son humeur voyageuse, le hareng étendit ses excur- sions jusqu'a l'Océan Austral, parcourant ainsi l’im- mense étendue de l’Océan Atlantique. Faute d’obser- vations précises, nous ignorons si ses colonnes dépas- sent le détroit de Gibraltar, et si, sans entrer dans la Méditerranée, elles longeraient les côtes océaniques occidentales de l'Afrique, pour , en définitive, aller porter leurs tribus dans l'Océan Austral. — 622 — Nous devons attendre de nouvelles recherches et des observations suivies avec soin pour pouvoir déci- der ce point de fait. Dans l’état actuel de nos con- naissances, le détroit de Gibraltar parait pour cette espèce les colonnes d’Hercule. FIN. — 623 — TABLE DES MATIÈRES. Dépicace. Avis Des Enireurs. AVANT-PROPOS. InTropucrion. Observations générales. LIVRE PREMIER. DES MIGRATIONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS. CHAPITRE PREMIER. Des MIGRATIONS DES MAMMIFÈRES, I. Des migrations des mammifères terrestres. IL, Des migrations des mammifères marins ou des célacés. CHAPITRE II. Des MIGRATIONS DES OISEAUX. I. Des causes des migrations des oiseaux. II. De l’ordre qui règne dans les migrations des oiseaux. III. De l'irrégularité des passages des oiseaux erraliques. IV. De la diversité dans les époques des passages des jeunes et des vieux oiseaux. V. De l'influence de la température et de la nourriture sur les passages des oiseaux. ee —— — 624 — VI. De l'étendue des migrations des oiseaux. VIT. De la constance dans les migrations des oiseaux. VIII. Résumé. IX. Tableau de l’époque des passages des oiseaux. Observations générales. Taszeav de l’époque des passages des oiseaux. I. Palmipèdes. IT. Pinnatipèdes. III, Echassiers. 1° Gralles. 29 Coureurs. 3° Aleclorides. IV. Gallinacés. V. Passereaux. 4° Chélidons. 20 Alcyons. 5° Anisodactyles. 4° Zigodactyles. 5° Granivores. 6° Inseclivores. 7° Omnivores. VI. Rapaces. 4° Hiboux. 20 Choucttes. . 3° Busards. 4° Buses. 5° Milans. 6° Autours. 7° Aigles. 8° Faucons. 9° Vautours. Addition à l’article des oiseaux palmipèdes. Tasceau des temps moyens de la première apparition de plusieurs oiseaux dans le midi de la France. Tapzeau du temps moyen de la première et dernière apparition des hirondelles et des martinels sur les côtes du midi de la France. — 625 — CHAPITRE III. I. Des passages des reptiles. 513 II. Tableau des lieux habités par les principales espèces de reptiles. 344 k Chéloniens. Sauriens. Ophidiens. Batraciens. CHAPITRE IY. Des MIGRATIONS DFS POISSONS. Observations générales. I. Tableau de l’époque des passages des poissons. Observations préliminaires. Tasreau de l’époque des passages des poissons. 1. Suceurs. II. Apodes. III. Subbranchiens. IV. Abdominaux. V. Microlépides. VI. Lépides. VII. Aspidocéphales. VIII. Brachioptères. IX. Discoboles. X. Plectognathes. XI. Lophobranches. XII. Cinétobranches. XIII. Desmobranches. II. Résumé. LIVRE DEUXIÈME. DES MIGRATIONS DES ANIMAUX INVERTÉBRÉS. CHAPITRE PREMIER, Des MIGRATIONS DES MOLLUSQUES. CHAPITRE IT. Des ARTICULÉS. 846 366 377 379 507 516 —"0û— CHAPITRE III. Des FELMINTHÉS ET DES ZOOPHYTES. 55% CHAPITRE IV. Des voyAGES ACCIDENTELS DE CERTAINS ANIMAUX. 557 CHAPITRE V. Du PAÉNOMÈNE DE L’HIVERNATION. 566 RÉSUMÉ GÉNÉRAL. 584 Nore additionnelle. 588 ExPzicaTion de la carte du globe terrestre, sur laquelle ont été tracées les routes suivies par plusieurs espèces d'oiseaux et de poissons dans leurs migrations, 597 FIN DE LA TABLE, M API _— ou — PR fé Carte Géo \ À Hiritellee de cheminée ee UC lo is _. : CTENN TC À binnblerde “henée à TE Choucttes L/2100 ë 2772 Per. 2777 brcés Les rentes sys Pat flerreers éheves > UN ÉTUDE, PO — ju D'OISS? >, | SSOoNs / ur mgrations —_ 227 4 C7 627 Marne Q Li Carolines : æ e 'lspunties € | POSE Équateur ou loue Equinoxtate | CA LE Siege (a 2 p C4 n | [ = RE Ldu ere | : ; ue. | PTT | D | ù | 4e Det | Clecension | 2È Ÿ | 3 Mr à Dour | Cd | 4e pme |) o | Pa w at ne La] # ñ LB | \ d À Sue] | A . \ \ | Saut / pue = | gun de \ b, Marin LÉGENDE. 277 irlelles des ringes = — Divnbales de reine. ————— Cales . === Ælournemus et Lorross. —— Corbeur et Corneiller cesse Couette fie TES mn —— Loenge. Lépart | Lagay fret Fditears Ilue Bourbon de Chien V= 04 * : ec BE F» VE Dr SE Ce > » $ v % . ' L : à «“ n ’ , PT | L ; ” Le nel a ART 7 # ner s A 2 « SAS æ, ? PR 2