DES DIVERS STYLES DE JARDINS Exemplaire spécialement tiré pour LE ROI LOUIS XIV, MM. DE LOUVOIS ET LE NOTRE étudiant les parterres de Versailles eniboo par Etienne Allegrain (i 644-1 736) Musée de Versailles DES DIVERS STYLES DE JARDINS Modèles de Grandes et Petites Résidences SUR L'ART DECORATIF DES JARDINS JARDINS EUROPEENS ET JARDINS ORIENTAUX ,^ Par MJ FOUQUIER et A. DUCHÈNE PARIS Emile PAUL, Editeur loo, Faubourg Saint-Honoré i9'4 Avant Propos Dans le mouvement de vogue actuelle des Jardins à la Française, il m "a paru inté- ressant de donner une suite à mon ouvrage « L'Art des Jardins du xv^ au w^ siècle ». J'en ai été sollicité de divers côtés; et il pouvait être utile, au moment où s'étend chaque jour davantage la diffusion des idées classiques du xvn'' et xvni'' siècle, de mettre à la portée de tous la faculté de reconstituer le beau style français, non seulement dans les grands domaines, mais aussi dans les petites résidences. Il est incontestable que le goût des jardins pa\'sagers en Angleterre s'implanta chez nous progressivement, et qu'il remplaça presque partout l'ancien style. Si l'on songe également combien de châteaux ont été détruits pendant la Révolution et restaurés dans le genre paysager il est aisé de saisir l'intérêt qui s'attache à la reconstitution d'un ensemble souvent disparu de nos jours. L'architecture d'une demeure semble logiquement devoir être complétée par une décoration de jardins d'un style analogue ou tout au moins concordant. Je dois à M. Duchêne la belle suite d'illustrations et la description des plans qui complètent cet ouvrage. Le chapitre de la rénovation des jardins à la française au xix'^ et au xx"' siècle est extrait de son œuvre, et c'est seulement pour cette partie qu'il a bien voulu m'accorder sa précieuse collaboration. J'ai cherché à donner le plus grand nombre de reproductions et d'images, où les architectes, les décorateurs et les amateurs de jardins trouveront une documentation sûre. En présentant ici les jardins orientaux j'ai voulu oftrir aux novateurs d'art les moyens de faire, dans un ensemble classique, des production nouvelles, dont la fusion et une heureuse adaptation seraient le côté particulièrement souhaitable de leurs créations. Il naît déjà des grands principes du goût français mêlé aux brillantes conceptions orien- tales, un genre nouveau qui consacrera une fois de plus les qualités de nos artistes. MARCEL FOUQUIER. <2A oMonôieiiiP Léon lézard '^ouù-'^Sectétahe d'(Etatj deô ^eau.\-Z4zt(LJ) Préface Nos pères délaissèrent leurs jardins. Ils leur préféraient la nature inculte et sauvage. Mais maintenant le charme est rompu : les esprits délicats se piquent d'aimer extrêmement, à la manière de La Fontaine, les vergers, les fleurs et les om- brages. Il n'est plus de Français qui ne se préoccupe de dessiner autour de sa demeure quelques parterres propres à l'encadrer harmonieusement. Les parcs de Versailles, de St-Cloud, de Fontainebleau, ont leurs ajnis attentifs à veiller sur leur grâce séculaire, et à les défendre contre les injures du temps et des barbares. Les architectes, les sculp- teurs, les décorateurs s'efforcent de collaborer à la renaissance de l'art des Mollet et des Le Nôtre. Les écrivains eux-mêmes célèbrent et encouragent une mode si char- mante et si conforme au génie de notre peuple. Dans cette littérature les livres de M. Marcel Fouquier sur les châteaux et sur les parcs en France tiennent une place t7'ès importante. Leurs somptueuses illustra- tions choisies avec discernement et compétence ont fait beaucoup pour la restauration du goût. Ces images, reproduction de tapisseries, de tableaux, de gravures et de plans nous ont révélé des beautés inconnues, une tradition oubliée. Grâce à M. Fouquier nous avons pu suivre son développement sur la terre de France depuis les courtilsdu Moyen- Age jusqu'aux perspectives ouvertes par Le Nôtre sur l'infini, nous avons pu com- prendre comment cette tradition s'est détournée de la voie royale où le génie de Gabriel essaya vainement de la maintenir, et perdue dans la forêt romantique. D'excellentes photographies nous ont mis au fait des efforts teiités depuis trente ans par les Duchêne pour ressusciter un art qui se mourait dans l'oubli de ses règles et de ses principes. L'influence d'un ouvrage comme L'Art des Jardins, sur le châtelain qui demeure aussi bien que sur l'architecte qui construit, est indéniable. Cependant ce livre, si volumineux qu'il fut, était nécessairement incomplet. M. ^Marcel Fouquier s'efforce d'enrichir une documentation ébauchée dans ses Châteaux de France, et à laquelle il consacre désormais son activité intellectuelle. Il s'est associé aujourd'hui M. A. Duchêne pour composer un nouveau volume sur le jardinage. Cette collaboration de l'historien averti, du critique érudit, et de l'un des techniciens les plus savants, de l'un des jardiniers qui possèdent le mieux la tradition est pleine de promesses. M. A. Duchêne a donné sa mesure dans la création de Voisins, dans les res- taurations de Vaux- le- Vicomte, du Marais, et en maints endroits de France, d'Europe et d'Amérique. Son esprit est subtil, ingénieux et meublé des plus beaux exemples. Le secours de son savoir et de son expérience est aussi p>-écieitx pour l'écripain qui peut parler des jardins que pour quiconque songe à dessiner un parc. Le livre de ces deu.x auteurs ne se borne pas, cette fois, à traiter du jardin français ou dhin art qui s'y rattache directement par son influence ou ses inspirations. Nous y verrons des jardins Assyriens, Arabes, Chinois, Indous, Japonais, Persans, Tiirco-Mauresques et toutes les variétés de parcs et de vergers en honneur dans V Eu- rope durant les temps modernes. Ce recueil ne constitue pas seulement un ensemble de documents et d'analyses d'un grand prix pour l'amateur de jardins, c'est une des plus riches matières qui puisse être offerte au.x rêveries du dilettante et à la méditation du philosophe. Cet art des jardins — dont on nous représente ici les chefs-d'œuvre accompagnés d'une glose raisonnée — trahit plus clairement que tout autre le goût collectif d'un peuple, ses facultés, ses dons, son genre de vie, sa conception de la beauté. Il y a rela- tivement peu de vocations de peintre ou de statuaire. Nous avons presque tous celle du jardinage. C'est un art social. On y voit directement l'homme aux prises avec la nature. Il l'accommode selon son penchant particulier, et surtout selon une tournure d'esprit, des habitudes, un canon de beauté, qui appartiennent à la cité, au peuple tout entier; l'homme de métiei- effectue la mise au point, l'application pratique des idées qui flottent autour de lui; le jardinier de génie, un Le Nôtre, ne fait que con- duire à la perfection une conception populaire. C'est pourquoi l'art des jardins moins que tout autre ne saurait être étudié en lui-même, abstraction faite du caractère national et des inclinations collectives d'où sont nés ces paysages. Les critiques qui adoptent cette méthode risquent de ne percevoir dans leurs analyses que des apparences, et de ne point saisir l'essence, ou l'âme de ces architectures végétales. Ils n'entrevoient que la forme des divinités boccagères, ils n'entrent point dans l'intimité du dieu qui recèlent ces fontaines, ces charmilles, ou ces bosquets. Il existe d'évidentes analogies entre les jardins Maures, les jardins Ita- liens et ceux de Versailles. Mais ces analogies sont superficielles. M. Marcel Fouquier a raison de noter que les Croisés importèrent, en Europe certains raffinements et quantités de fleurs jusqu'alors inconnus. Mais l'idée, jadis accréditée, que nos ancêtres apprirent en Orient à dessiner leurs vergers, ne repose sur rien de réel. Sur quoi se fonde-t-on pour affirmer que les Arabes furent les initiateurs des Italiens, qui auraient été eux- mêmes nos maîtres? Les nymphes qui sous le soleil de Perse aiment à s'ébattre le long des étroits canaux pavés de faïences apurées ne sont point celles qui inspirèrent l'archi- tecte de la villa d'Esté, non plus qu'André Le Nôtre. Les dieux que chantent Saadi ou Firdoussi n'ont rien de commun avec ceux de Virgile ou de La Fontaine. Les jardins de Vaux, de St-Cloiid, les parcs de Louis XIV étaient peuplés de motifs décoratifs venus d'Italie, des fontainiers florentins travaillaient aux grands eaux de Versailles, mais il n 'r a rien d'' Italien dans la distribution de Versailles, dans son agencement qui représente si exactement notre esprit. A une certaine époque, las d'une beauté dont la discipline exige une perpétuelle tension de l'âme et une victoire toujours renouvelée de l'esprit sur les sens, nous avons essayé de briser avec notre tradition et d'inventer pour nos jardins des formes nouvelles. Nos avenues rectilignes se transformèrent en allées serpentant entre les bosquets et les massifs fleuris, au milieu des pelouses acciden- tées, nos parcs se couvrirent de pavillons chinois, de pagodes à la manière orientale. Encore en cet instant obéissions nous plus à un dérèglement de notre propre sensibilité qu'aux influences, aux modes venues d'extéme-orient, et l'épithète de romantique con- vient-elle infiniment mieux à ces jardins que celle d' anglo-chinois, qu'on leur attribue. Je crois donc d'une bonne méthode, s'il nous plait de rêver sans écart d'imagination su>- la magnifique imagerie réunie par MM. Fouquier et Duchêne, de ne point comparer entre elles ces gravures dans la volonté d'y découvrir une filia- tion, un enchaînement, une évolution comme on eut dit au temps de M. Brunetière, à travers le temps et d'une contrée à une autre, mais bien plutnl de chercher â démêler la secrète beauté, l'âme particulière que chacune recèle. « Les hommes sont parlinii essentiellement différents, » écrivait le comte de Gobineau. « Leurs passions, leurs vues, leurs façons d'envisager eux-mêmes les autres, les croyances, les intérêts, les problèmes dans lequels ils sont engagés ne se ressemblent pas. » C'est pourquoi chaque peuple a tout naturellement créé un décor différent à sa promenade ou à sa rêverie. Et comme dans chaque groupe ethnique une faculté semble dominer les autres, c'est cette faculté prcpondérame qui s'est imposée à la nature elle- même et lui a dicté sa loi. Jardins de la sensibilité, jardins de volupté, jardins du caprice et de la fantaisie, jardins de la grâce et de l'élégance, jardins de l'imagination déchaînée, austères jardins de l'intelligence ; l'homme s'est plu à donner au paysage selon l'hu- meur qui l'entraînait la forme de sa pensée et les mouvements de son cœur! Il y a peu d'années encore le dilettante se fut rejoui de la variété, de la diversité même de ces beautés et se fut gardé de montrer à l'une d'entr'elles quelque préférence. Leur attrait lui eut paru également légitime et justifié par leur seule existence. Le point de vue de la critique s'est déplacé. Le choix nous est apparu comme l'essence même de la vie humaine. « Bien qu'au fond tout se vaille, dit le philosophe, il faut cependant choisir si l'on veut vivre. » Même dans le domaine de l'esthétique, il est sage, salutaire et fécond de faire son choix, d'établir une hiérarchie entre nos plaisirs. Si la dignité de l'homme réside dans l'exercice de sa raison, si cette faculté lui appartient en propre et le distingue du reste de la création, les satisfactions que nous donnons à notre intelligence, à notre jugement doivent être tenues pour les plus hautes, les plus nobles. L'art qui se propose de satisfaire l'esprit comment l'homme vcritablcmenl homme, ne le préférerait-il pas à celui qui n'a d'enchantement que pour les sens? M. Duchéne aime philosopher. Un tel raisonnement au début de sa carrière n'a pas été sans prise sur lui, et â enté d'un penchant hérité l'a conduit à renouer avec des principes délaissés depuis plus d'un siècle, l'a mené à rechercher dans l'œupre de Le Nôtre les lois de son art. Ils s'est dit également que tout se qui se tente dans un pays conformément au génie de la race réussit beaucoup plus aisément que ce qui est entrepris en un sens opposé à des tendances séculaires. Et c'est ainsi qu'il s'est fait, volontairement, et de propos délibéré, le tenant de cette grande école classique qui nous valut les merveilles de Versailles, de St-Cloud, de Meudon, de Chantilly après celles de Fontainebleau, de St-Germain, de Rueil et d'Anet... A/. Marcel Fouquier, dans ses livres, ne balance pas plus que A/. Duchêne sur le terrain, à marquer sa préférence. Elle va à la perfection créée par le génie de Le Nôtre, qui s'accorde à la fois avec les vœux de la haute humanité et le goût inné de notre peuple. Le texte qu'on va lire en prend une valeur éducatrice très certaine. Les faits l'attestent : nos jardiniers ont tout perdu quand ils se sont éloignés de la tradition que l'univers à baptisée française. Ils ont tout à gagner, ils se mettent en mesure d'ajouter quelques fruits à tant de beautés déjà réalisées, s'ils se rallient je ne dis point à la lettre, mais à l'esprit de cette tradition... Lucien CORPECHOT. Les jardins au moyen âge L'histoire des jardins a, comme toute autre, une philosophie et une moraHté. Elle tient aux arts, aux sciences, aux mœurs, et à la civilisation. On en jugera dans la première partie de cet ouvrage. Ce fut dans les monastères et dans les châteaux que Litorary Ton retrouve à l'époque du moyen âge la première trace des jardins. On y cultivait les plantes potagères, ou les fleurs le long des hautes murailles. C'était donc ou le jardin d'utilité destiné à la culture des légumes seuls, ou le jardin d'agrément dont le nombre était fort restreint, et dans lequel le seigneur venait respirer le frais, à l'intérieur des murs de sa forteresse. Charlemagne qui avait, dans les guerres d'Italie, remarqué la richesse des palais et leurs parcs, en rapporta l'idée, et fit cultiver toutes sortes de plantations dans ces jardins royaux, mais ce fut surtout lors des guerres d'Orient que l'horticulture fît de grands progrès. Les Croisés qui avaient pu observer les conceptions de la civilisation orientale, très en avance sur la nôtre, implantèrent, avec les produits nouveaux, le goût des fleurs en France; la renoncule, la jacinthe, le lilas, le laurier, le mimosa et surtout la tulipe venant de Turquie, devinrent la parure des jardins nouveaux. Et la vue de toutes ces jolies fleurs engendra à l'époque une sorte de poésie douce qui fut l'origine des conteurs et des trouvères. Ce fut aussi l'apparition du préau avec ses petits carrés, et à l'intérieur des maisons la courtille avec ses plates-bandes. A Paris, les courtilles les plus en vogue au xni^ et xiv' siècles étaient celle du temple et de Saint-Martin. Les jardins de ville étaient alors environnés de haies couvertes et de treilles enlacées avec tonnelles, qui tenaient par les deux bouts à des pavillons, ceux-ci même se — 3 — Heioot Roi d:b:Na-vasiii^ kbche,rchee,n Mamags ' HENRI DALBRET, ROI DE NAVARRE, iSo3-i555 îille une marguerite dans les jardins d'Alençon pour sa fiancée, Marguerite, sœur de François I' — 4 — trouvaient souvent au milieu. II y avait quelquefois à la place du pavillon du milieu, une fontaine jetant l'eau par la gueule d'un lion. Enfin, et c'était là une nouveauté, on y voyait un labyrinthe, comme dans les jardins de l'hôtel Saint-Paul, rue Saint- Antoine, appelée la maison de Dédalus. Grâce aux missels de l'époque on retrouve exactement ce qu'était le jardin d'alors. Celui de l'hôtel Saint-Paul, œuvre de Charles V, avait une certaine superficie, vingt arpents environ, et les merveilles qu'il y fit lui valurent une réputation universelle. Il y avait une ménagerie avec des bêtes sauvages, des oiseaux exotiques, dont un perroquet — l'oiseau rare — et si l'on rapproche cette innovation de celles que trouva le «Grand Roi» trois siècles plus tard, on voit quelle en fut l'origine. La treille, Charles V était célèbre. Elle a laissé son nom à la rue Beautreillis, et ses jardins semés de marjolaines, de lavandes, de fraisiers éclipsaient tous les autres, au point que ces prodigalités faillirent lui faire perdre son surnom de Charles le Simple. A côté de ceux-ci on peut citer les jardins du roi d'Anjou au xv'^ siècle dans sa riche province de l'ouest, avec parterres, corbeilles de fleurs et « la Roue » à lignes rondes garnies de plantes variées s'enchevêtrant les unes dans les autres. sorte de labyrinthe, ce labyrinthe que les jardiniers du xvi" siècle vont affectionner tout particulièrement et qui deviendra au xvn^ siècle un dédale de bosquets, de fontaines et d'enjolivements les plus divers. Il faut sortir de France pour trouver au xiv'^ et au xv" siècles des jardins comparables à ceux de Charles V. Et c'est de la rivalité entre la cour de France et celle de Bourgogne que naquit en Flandre le célèbre jardin de Philippe le Bon, puis de Charles le Téméraire. C'est aussi de cette époque que date l'art de tondre les arbres en formes variées; on peut voir, alors, le patron des jardiniers saint Fiacre, dans un miniature de la bibliothèque de l'arsenal, se tenant au milieu des arbres, avec une sorte de couteau pour tailler les arbustes, un sac à graines et une bêche. De tous côtés se propageait le goût des jardins d'agrément. Thierry de Haarlem, qu'on a appelé Thierry Bouts ou Stuerbouts, avait peint au milieu du xv' siècle, vers 1460, un tableau dit «la sentence injuste de l'empereur Othon». On y voit à droite du château-fort dans un petit enclos le jardin avec ses carrés et ses plates-bandes. Ce tableau est actuellement au musée de Bruxelles. Dans une miniature d'un manuscrit de la bibliothèque de l'arsenal, reproduite et publiée par nous dans l'Art des jardins, on voit la belle Oriande et le seigneur Maugis devisant — 6 dans le jardin près de la poterne, dans l'enceinte des murailles de la forteresse, c'est au mois de mai, après le repas, à l'heure où chantent les oiseaux. Comme dans le tableau de Thierry de Haarlem le jardin est entouré d'une barrière avec une fontaine à l'intérieur, supportée par une colonnette avec plusieurs jets, sur la pelouse sont des fleurs variées. Du Cerceau, dans un intéressant ouvrage, nous donne une idée très exacte de l'arrangement des jardins d'après les reproductions de châteaux anciens, tels que Montargis, Bury; presque tous sont attenant à la demeure, ou situés dans un cercle environnant. La fusion ne devait avoir lieu qu'un peu plus tard. Au xv*^ siècle, les forteresses ne le permettaient pas dans la disposition de leur architecture. On a pu le constater dans la reproduction des estampes publiées par nous dans VArt des jardins. Mais leur caractéristique telle que l'indique la miniature de Maugis et de la belle Oriande c'est, pour le jardin d'être en dehors du château-fort lui-même, et relié par une fausse poterne. Des parterres fleuris, des tonnelles, parfois un labyrinthe, des pots, des arbres taillés en formes géométriques, et des damiers de gazon ; tels étaient les jardins des couvents, des abbayes, les vergers d'alors, aussi bien que ceux des châteaux fortifiés, en ajoutant quelques herbes aromatiques ou des plantes odorantes comme la violette, le lis, la rose, l'iris. Sur des bancs de pierre l'on venait respirer le parfum de toutes ces fleurs. Les . OR.lNTH I A plates-bandes étaient bordées de buis, séparées les unes des autres. Or ces damiers qui avaient une forme de compartiments vont bientôt disparaître pour être transformés en parquets, c'est-à-dire en rectangles carrés de gazon, séparés par des allées sablées. C'est alors que se réalise une innovation, caractéristique prélude de la Renaissance; les parquets étaient des parterres sans compartimentations avec le centre en gazon. Une large plate-bande de même nature encadrait cette partie cen- trale; un sentier faisait la séparation; une haie ou une palissade en treillis recouverte de verdure était établie sur l'axe de la plate-bande. Cette dernière était inter- rompue sur une certaine largeur au milieu des quatre côtés. Les parterres compor- taient une division des plus variées soit en carrés, soit en rectangles souvent recoupés en diagonales. Il y en avait avec des cercles concentriques, ou avec des courbes; d'autres contenaient des dessins établis dans l'aspect des broderies d'étoffes Renaissance. Des arbres ou arbustes taillés étaient placés aux angles des grandes divisions des parterres; ceux-ci se composaient d'une série de quatre figures carrées ou rectangulaires séparées les unes des autres par de petites allées, quelquefois chaque figure contenait des dessins différents et ne concourant pas à un effet d'ensemble; ou bien au contraire, ils étaient formés par la réunion de quatre figures dont les dessins géométriques, ou en formes de broderies, concou- raient à un effet d'ensemble; enfin on en trouvait d'autres qui étaient formés de quatre carrés ou rectangles dont chacun reproduisait le même motif sans chercher à atteindre un effet d'ensemble. Plus tard, le parterre, tout en gardant sa forme carrée ou rectangulaire, comportera des dessins de toute nature, des broderies composées suivant deux axes perpendiculaires ou avec une rosace au centre; mais, en général, ce seront quatre parties indépendantes les unes des autres. Donc, en résumé, au moyen âge, avant la Renaissance, les jardins ne comportent que de simples damiers ou compartiments géométriques remplis de fleurs et de plantes diverses, mais avec la Renaissance commencent les parquets, c'est-à-dire les rectangles, les carrés sertis de plates-bandes de même nature avec vir^- MMmmmm --i^^r^ un large sentier. La palissade, ou la haie, se trouve sur l'axe de la plate-bande qui, elle, est ouverte dans le milieu des axes transversaux. Et l'on voit petit à petit les dessins géométriques et les broderies se composer avec deux axes perpendicu- laires et des rosaces, des parties rondes, elliptiques, courbes ou diagonales. Mais au début du xvi'^ siècle, la conception des ensembles et de la perspective n'existait pas encore. Il faudra des hommes de talent comme les Mollet et Boyceau de la Barauderie pour créer cette grandiose idée. On doit, à notre avis, réagir contre l'opinion qui s'est accréditée longtemps que les jardins français dérivaient de l'Italie. En jetant un rapide coupd'œil sur les parterres de Blois, publiés par du Cerceau, et qui sont ci-après, on se convaincra de l'importance qu'avaient alors les fieurs, leurs variétés. On trouve notamment dans un recueil de l'époque leur description, et on comprend qu'elles n'avaient rien à envier aux jardins italiens. Androuet du Cerceau donnant la description de Blois, dit «qu'il y avait là de beaux et grands jardins, différent des uns des autres, aucuns ayant larges allées à l'entour, aucunes couvertes de charpenterie, les autres de coudres, autres appelées à vignes. Sortant des jardins du lieu l'on va à une allée couverte d'ormes à quatre rangs jusques à la forêt prochaine. On peut aller du chasteau à l'ombre sous les arbres d'icelle jusques à la dicte forêt». La Touraine si appelée le verger de France, était par sa situation et son climat, la contrée la plus riche en châteaux avec Blois, Ghenonceaux, Chambord, Azay, c'était le séjour préféré de la cour; Ghaumont-sur-Loire, Amboise sont pleins de souvenirs historiques des Valois. A Fontainebleau, sous François I" commence une brillante ère de jardins divisés en trois on remarque les jardins du roi, des buis et des pins avec les petits parterres, les allées symétriques, les broderies de gros buis, les statues par Benvenuto Gellini, les carrés semblables à ceux du Jeu de Paume à Saint-Germain, du château de Madrid, et à celui de Villers Gotteret, peut-être làtrouvera-t-on quelqu'in- fluence itahenne due aux guerres de François I", mais cette influence ne dominera pas longtemps le goût français, qui n'était pas dans le tâtonnement. La théorie de l'art semblait faite, son but est posé, ses règles ni ses procédés n'ont rien d'arbitraire. L'intelligence a fait son éducation, on est sorti du chaos du moyen âge, et c'est le développement, l'épanouissement de ce goût français qui va s'affirmer. Le dessin va devenir large et riche et la décoration somptueuse et variée. Dans la peinture de ses nLj^\onLj?\^-!nt-^ I l'-'A//-|Jr^vUm rR u - LLaSrMfJ.P'--- ttuu ont j h ^-J at KLes aeur cvur^ dLs firc >nl ^Stvf >/ <■/ io ik Lim Ll bar aji-f LE C HATE AL- ROYAL DE SAINT GERMAIN-EX-LAYE. — 17 — La dynastie des Mollet et Boyceau de la Barauderie La Renaissance qui avait, dans la personne du roi François I", protégé les arts, et qui avait permis aux Philibert Delorme, Pierre Lescot, Jean Goujon, Ger- main Pilon, etc., de développer leurs talents, créa une dynastie de jardiniers célèbres dont le premier fut Mollet, l'intendant du duc d'Aumale à Anet, qui jouis- sait de la confiance de son maître, et qui en avait profité pour rassembler une quantité de plantes de la plus grande rareté qu'il avait eues soit par des recherches personnelles soit par échange à l'étranger. Ces jardins étaient réputés dans toute la France et considérés comme les plus beaux de France. D'après une description de l'époque, il est dit que « le jardin richement accoustré de galleries à l'environ dont les trois costez sont tout en arcs qu'ouvertures carrées, le tout rusticque, qui donne au jardin un merveilleux esclat à la vue. Le jardin est garni de deux fontaines bien Parterre iae J. Moulet. — i8 — w pruises et assises. Derrière iceluy sont deux grandes places servantes comme de parc. Icelles places sont remplies comme par parquets, les unes de prez, les autres de taillis, autres de bois, d'arbres fruitiers, viviers; et iceux parquets sont séparez par allées, et entre chacune allée et parquet sont canaux. Aussi l'orengerie, les volières à oyseaux; en somme tout ce qu'on désirerait pour rendre un lieu parfaict est là ». Son fils Claude Mollet marcha sur ses traces et même le dépassa. Ce fut lui ji;,c^ta^ij. Parterre de N. Mollet. qu'on peut considérer comme le vrai créateur de ces Jardins français et le précur- seur de Le Nôtre. Le premier en France il créa les parterres de broderies. Nommé jardinier de Henry IV, il s'occupa de l'embellissement de Fontainebleau et de Saint- Germain-en-Laye en i5q5. Son but était de rendre les parterres, si divisés, plus homogènes. 11 créa le jardin en quatre parties avec une fontaine centrale et une palissade de buis. Il agrandit le cadre. Avant lui on ne faisait que de petits compar- timents, tels que du Cerceau nous les dépeint; avec lui, dans chaque carré, ce sont différentes sortes de dessins; c'est de i582 que datent ses premiers grands travaux lorsque le sieur du Peyrac, grand architecte du roi, lui annonça la décision de son 19 Parterre de A. Mollet. souverain. Il s'occupa alors des Tuileries — où il fit de belles plantations de cyprès qu'on remplaça, après le dur hiver de 1608, par des buis et des ifs — puis de Monceaux. Claude Mollet a écrit un ouvrage des plus intéressants. Il l'est à un double titre, d'abord par son étendue, et surtout parce qu'il énonce la plus grande partie des lois de composition des jardins du xvn' siècle, autrement dits : « les jardins français ». C'est de lui que date la vraie révolution, si l'on peut s'exprimer ainsi; et nous avons cherché déjà précédemment avec des plans et exemples, dans l'Art des Jardins, à établir cette vérité incontestable, à notre avis. Il ne paraît pas superflu de citer quelques énoncés de l'ouvrage de Claude Mollet, dédié à la reine : « Comme premier embellissement, dit-il, une grande avenue a double ou triple rang soit d'ormes femelles ou teilleux (laquelle doit être tirée d'alignement) perpendiculaire à la façade devant la maison, au commencement de laquelle soit fait un grand demi-cercle ou carré. Puis en face de derrière la dite maison doivent être construits les parterres de broderies d'icelles, afin d'être regardés et considérés facilement par les fenêtres, sans aucun obstacle d'arbres, palissade ou autre chose haute, qui puisse empêcher l'œil d'avoir son étendue. Ensuite les dits parterres en broderies. se placeront les parterres en compartiments de gazon, comme aussi bosquets, palissades hautes et basses en leurs lieux commodes, faisant en sorte que la plu- part des dites allées aboutissent et se terminent toujours à quelque statue ou centre de fontaine; et aux extrémités d'icelles allées y poser de belles perspectives peintes sur toile, afin de les pouvoir ôter des injures du temps quand on voudra. Et pour perfectionner l'œuvre, soient placées des statues sur leurs piédestaux et les grottes bâties en leurs lieux convenables, puis élever lés allées en terrasses suivant la commodité du lieu sans oublier les volières, fontaines, jets d'eau, canaux et autres tels ornements, lesquels étant dûment pratiques, chacun en leur lieu, forment le jardin de plaisir parfait. » Cette citation permet de trouver la conception du jardin français « avant la lettre ». Il contient tous les germes de sa composition. Le Nôtre lui donnera son épanouissement. Claude Mollet, qui savait que ses idées finiraient un jour par s'af- firmer, écrivait : « C'est pourquoi Dieu m'a donné la grâce de faire de très belles choses sous le règne d'Henri le Grand ». En effet, il savait, dans sa décoration, mettre tout à l'échelle; des plantes basses dans les parterres, avec des tons variés, en les renouvelant le plus possible. Claude Mollet eut trois fils. L'aîné, André, dont on verra ci-contre des Parterre dk J. Boyceau de la Barauderie. — 21 — modèles de parterres, lui succéda dans la charge d'intendant des jardins du roi de France Louis XIII, puis passa au service du roi d'Angleterre Jacques 1". Il publia aussi un ouvrage curieux, le Jardin de Plaisir. A la dynastie des Mollet s'adjoignit Boyceau de la Barauderie, intendant des jardins des maisons royales. Il fut, avant Le Nôtre et avec les Mollet, le plus célèbre artiste du xvn' siècle. Dans son Traité du jardinage présenté au roi en i638, il nous indique la manière la plus décorative de concevoir les jardins. Il nous dit « que les jardins variés sont les plus beaux et que toutes choses aussi belles qu'on puisse choisir seront défectueuses si elles ne sont pas ordonnées et placées avec symétrie et bonne correspondance. » Un des premiers, il nous fait ressortir que les terrains mouvementés per- Parterre de J. Boyceau de iRAUDERIE, i638. mettent « des assiettes inégales » qui donnent la vue des parterres d'un point en élévation, ce qui les fait paraître beaucoup plus beaux. « Antérieurement, nous dit-il, on n'avait pratiqué, pour le tracé des allées que les formes carrées et rectangulaires; cela permettait les lignes droites qui rendent les allées longues et belles, avec une agréable perspective, » Mais lui est d'avis « d'entremêler aux lignes droites les lignes courbes, rondes, obliques, afin de trou\'er la variété que la nature commande ». Il ne craint pas les grands espaces; au contraire, il trouve que cela donne de l'échelle. Il insiste sur la nécessité de voir les parterres d'un lieu élevé parce qu'ils sont « d'un effet plus gracieux ». Il reprend aussi le même thème que Mollet en disant qu'il se lasse grande- ment de ne voir que des lignes droites dans les jardins recoupés, les uns en quatre carrés, les autres en huit, les autres en seize, et de ne voir jamais autre chose. Il appuie sur la nécessité de donner aux divers motifs de parterres d'autres formes ; au lieu de les faire toujours carrés, on peut leur donner une forme octogone, trian- gulaire, pentagonale, etc. Il reste sensiblement dans les mêmes proportions que Mollet pour la lar- geur à donner aux allées par rapport à leur longueur. Il recommande l'emploi des arbustes taillés bas pour accentuer le plus possible le relief des jardins afin de pouvoir les rendre plus lisibles; il préconise dans le même but, pour la décoration, les fontaines ornées d'architecture et de sculpture, les balustrades et perrons, les groupes en marbre ou en bronze, les grandes colonnes et palissades. Il recom- mande de donner des formes d'architecture aux palissades afin de leur donner du relief et de les rendre intéressantes. Il appelle l'attention sur l'intérêt décoratif que les eaux apportent aux jardins; il recommande le premier de creuser des canaux qui serviront à l'embellissement lorsqu'on se trouvera dans des terrains maré- cageux et qu'il est nécessaire de rassembler les eaux pour les assainir. D'après ce qui précède, nous voyons qu'en i(338 tous les principes de la grande composition des jardins du xvn'= siècle étaient trouvés. Il suffit, pour véri- <24^ er ^.j//, tu J, (Pa.U.r. ! ' I iO,l Les parterres du Luxembourg. 23 — Le CHATEAU DE BlOIS, PARTIE CONSTRUITE PAR MaNSART. fier ces dires de jeter les yeux sur les jardins de Monceau, qui comporte déjà des cours et avant-cours, des grands parterres avec allées en diagonales et grand bassin au centre encadrés par des quinconces tout comme les disposait plus tard Le Nôtre. La conception est encore restreinte si l'on veut, mais l'échelle y est déjà puissante. Marie de Médicis s'occupa excellemment des jardins. Le Luxembourg, dont l'emplacement fut acheté en 1612 pour 90.000 livres, fut particulièrement soigné : les parterres étaient recouverts par deux étages de terrasses avec des fontaines, des statues et des bassins. L'eau venait d'Arcueil grâce à un aqueduc qui alimentait toutes les pièces d'eau. Il convient de citer aussi Olivier de Serres, qui s'occupa principalement de l'horticulture. C'était un homme de goût doublé d'un homme pratique. Il appelait le jardin d'agrément le « bouqueticr »; mais il le place après le jardin fruitier et le potager. Son livre sur les jardinages est celui d'un horticulteur; il y indique les caractères et les idées de son époque sur la question. Et en cela il est curieux de connaître l'exactitude avec laquelle il la décrit. Il parle de l'oranger, du citronnier, du palmier comme principal embellissement — et on doit avouer que de nos jours, quatre siècles écoulés, il en est encore de même. Il cite encore le rosier, le myrte, le buis, le lierre, l'if, le cyprès comme les plus excellents arbrisseaux; et, comme fleurs, le muguet, la violette, la tulipe, le glaïeul, l'anémone, la pivoine, la pensée, la marguerite. Avant d'arriver au « Grand siècle » où le génie de Le Nôtre va s'épanouir, — 24 il est intéressant de décrire les jardins de Ruel — dit Rueil — • au cardinal de Richelieu, qui, dans ses lignes principales, ressemble à ce qui sortira de la grande envergure et de la conception de Le Nôtre à Versailles et à Vaux. M. Jacquin nous raconte que ces jardins si vantés par les poètes, aimés plus tard par le grand roi qui voulut en faire l'acquisition, que de toutes ces mer- veilles il n'existe plus rien que les restes d'une vieille grotte en rocaille et un étang qui était celui où se tenait le Conseil secret. On peut voir, par les vues ci-jointes des anciens jardins du cardinal, qu'ils étaient dignes de l'estime qu'en faisait Louis XIV. Il envoya Le Nôtre à Rueil pour les étudier et les reproduire en grand dans les jardins de Versailles. Dans la col- lection des vues du parc de Richelieu, au cabinet des estampes à la Bibliothèque royale, nous retrouvons le tapis vert, la grande avenue, le canal, plusieurs des diverses pièces d'eau, et surtout, trait pour trait, l'arc de triomphe du Carrousel et la cascade de Saint-Cloud. Nous disons ailleurs que ce fut à Rueil que l'on planta les premiers mar- ronniers d'Inde introduits en France. Dans les jardins du cardinal existait une allée de ces beaux arbres dont plusieurs habitants de Rueil se rappellent encore avoir vu les restes... Il y en avait un surtout, qui fut abattu en 1780, et que cinq personnes auraient eu de la peine à embrasser les bras étendus. Ceux qui entou- raient la pièce d'eau, au-dessus de la grotte, se nommaient les cardinaux. Ils avaient alors plus de deux cents ans d'existence. rVluc lie Jj.y/rc^uc Ju ^ar^ut Je Ruvl,ou cj l'o t-rati^eru. . IlTarfJ^U^JI^^ JcUn . ^c^clUfc^. 25 Il est intéressant de retrouver l'origine exacte de Rueil. M. Jacquin établit que le château de Richelieu n'était qu'une maison de plaisance, bâtie par Moisset, qui ne se doutait guère qu'en la lui cédant, il rattachait son nom à la gloire du cardinal, et qu'il passerait avec lui à la postérité, La modeste villa d'un simple propriétaire ne pouvait suffire à l'homme qui gouvernait alors la France; il en fit, dès 1621, une demeure d'une magnificence inouïe pour le temps, et qui éclipsait les châteaux des rois. Nulle part, on ne voyait autant de curiosités de tous genres, des jardins aussi vastes, une orangerie aussi riche et d'une aussi belle venue; les grottes, jets d'eau et cascades surpassaient tout ce qu'on avait vu jusqu'alors. Le château s'élevait au milieu de fossés larges et profonds; le cardinal se OXuc Je 10, i h n^..{, ^.u j uiu.1 retranchait là comme dans une forteresse; à chaque issue se dressait la hallebarde menaçante dont le bruit soldatesque se mêlait aux tintements des cloches de la chapelle. Devant la façade se déroulait un immense parterre; tout à l'entour, plus de cent jets d'eau jouaient en retombant dans une cascade à trois chutes. Et, au bout du canal, on avait creusé une vaste pièce carrée d'où montaient trois grandes colonnes d'eau. Puis venait le parc avec son amphithéâtre. On raconte qu'au milieu de la grande pièce d'eau existait un pavillon où souvent le cardinal présidait son conseil, étant ainsi éloigné de tous les importuns ou des courtisans. — 26 Le Nôtre Ceci nous amène au Grand siècle, où tout devra être somptueux à l'exemple du Monarque. Il fallait au Roi Soleil d'immenses parcs pour encadrer son pouvoir immense; pour ce, le génie de Le Nôtre apparut comme devant correspondre aux conceptions royales; aussi son nom domine-t-il toute la période de l'histoire des jardins dans la deuxième partie du xv\f siècle. Son père qui était surintendant des jardins du roi le fit entrer dans l'atelier de Simon Vonet, et là il devint le collabo- rateur des plus grands peintres de l'époque : Mignard, Lebrun et Lesueur. A pareille école il ne pouvait que grandir. Aussi le vit-on bientôt s'installer maître dans un genre ou il avait puisé les leçons les meilleures près de son père, et où nul ne pouvait lui disputer la première place. 11 sut approcher Louis XIV et s'en faire aimer par ses façons familières avec les grands seigneurs et le constraste de sa nature en regard des courtisaneries usuelles. Il fut chargé par Fouquet de dessiner et d'exécuter les jardins de Vaux et quand le surintendant y reçut le roi, celui-ci fut émerveillé de l'œuvre de Le Nôtre. Il le chargea donc de la distribution de ceux de Versailles, et loin de s'effrayer des obstacles que présentait le terrain, il arrêta ses plans et pria le roi de venir sur les ^£ CHATEAU OE MAINTENON du câu du. Jarda,. ^ p tu i lieux pour juger de l'effet. Il commença par les deux pièces d'eau qui sont sur la terrasse au pied du château, il lui expliqua ensuite son dessein pour la double rampe. Le roi, à chaque grande pièce dont Le Nôtre lui indiquait la position, l'interrompait en disant: «Le Nôtre; je vous donne vingt mille francs». Cette approbation fut répétée plusieurs fois; mais Le Nôtre, aussi désintéressé que touché de cette munificence, arrêta le monarque, et lui dit brusquement : « Sire, Votre Majesté n'en saura pas davantage; je la ruinerais ». La plaine aride où Versailles E Chateax^ df.s Tni.LERll.S . est situé manquait d'eau ; il n'y avait à proximité du château qu'un marais malsain; on proposait de le dessécher : le Nôtre s'y opposa et rassembla toutes ces eaux dans le vaste canal qui termine le parc de Versailles. Le Nôtre obtint du roi la permission de voyager en Italie, et en 1678, il se rendit à Rome, ou le pape Innocent XI lui fit l'accueil le plus distingué, et lui accorda une audience particulière, dans laquelle il se fit montrer tous les plans de Versailles. Sur la fin de l'audience. Le Nôtre, transporté d'un si bon accueil, s'écria : « Je ne me soucie plus de mourir; j'ai vu les deux plus grands hommes du monde : Votre Sainteté et le roi, mon maître ». « II y a une grande différence, répondit le pape : le roi est un grand prince victorieux; je suis un pauvre prêtre, serviteur des serviteurs de Dieu; il est jeune et je suis vieux». A cette réponse. Le Nôtre oubliant — 3o à qui il parlait, frappa sur l'épaule du pape en lui disant : « Mon révérend Père, vous vous portez bien et vous enterrerez tout le sacré collège ». Innocent XI ne put s'empêcher de rire; alors Le Nôtre, n'étant plus maître de ses transports, se jeta au cou du Saint-Père et l'embrassa. De retour chez lui, il se hâta d'écrire ce qui venait de se passer à Bontemps, premier valet de chambre du roi. La lettre fut lue à Louis XIV à son lever. Le duc de Créqui, présent, voulut gager mille louis que la vivacité de Le Nôtre n'avait pu aller jusqu'aux embrassements : « Ne pariez pas, répondit le roi, quand je reviens d'une campagne. Le Nôtre m'embrasse, il a donc bien pu embrasser le pape ». C'est durant cette absence que Louis XIV avait confié à Mansard le soin de dessiner et d'entreprendre Marly, et dont nous parlerons plus loin. A son retour. Le Nôtre n'en montra pas d'humeur, il érigea le bosquet de la salle de bal, avec un art infini, et, en 1676, le roi lui accorda des lettres de noblesse, avec la croix de Saint-Michel, voulant lui donner des armes; mais, malgré tant de faveurs, Le Nôtre avait conservé sa modestie, il répondit qu'il avait les siennes, qui étaient trois limaçons, couronnés d'une pomme de chou. «Sire, ajouta-t-il, pourrais- je oublier ma bêche? Combien elle doit m'étre chère. N'est-ce pas à elle que je dois les bontés dont votre Majesté m'honore? » Déjà vieux, il demanda la permis- sion de se retirer. Louis XIV ne lui accorda la faveur qu'il sollicitait qu'à condition qu'il viendrait le voir de temps en temps. Deux ou trois ans après. Le Nôtre étant allé à Marly, dont Mansard était l'architecte, le monarque l'aperçut et lui dit qu'il voulait lui faire les honneurs de son jardin, il monta dans sa chaise couverte, et obligea Le Nôtre à y prendre place. Celui-ci, touché de tant de bonté, et remarquant Mansard qui suivait le roi, s'écria : « Sire, en vérité, mon bonhomme de père ouvrirait de grands yeux, s'il me voyait dans un char, auprès du plus grand roi de PLAN DES JARDINS ET PARC DE LA SEIGNEURIE DE PI NON appartenant à A/m» la princesse de Poix. — 32 la terre. Il faut avouer que votre Majesté traite bien son maçon et son jar- dinier ». Dans cet art, Le Nôtre était un maître, et il sera difficile d'y mettre plus de grandeur et de noblesse, le titre de jardinier des rois lui restera toujours. C'est à Paris, en 1700, âgé de quatre-vingt-dix ans, qu'il mourut. Son buste, sculpté par Goysevox, est placé au musée des monuments français. Le Nôtre a été le génie qui a su tirer un admirable parti de son époque et qui a mené à l'apogée l'art des jardins. Pour bien juger son œuvre, nous avons dû établir exactement où en était l'art des jardins à son époque. Il y a encore un point qu'il est utile de mettre en lumière : ce sont les conditions exceptionnelles où il fut appelé à travailler? Ce n'était plus sur des espaces relativement restreints comme ses prédécesseurs. En outre, il travaillait pour le pouvoir illimité, pour Louis XIV, le Roi Soleil; il fallait que dans ses créations il symbolisât la puissance. On comprendra aisément maintenant pourquoi il fit grand : « la somptuosité devant le disputer à l'étendue »; son programme était tout tracé. Sa vraie supériorité a été de faire de multiples créations sans égales dans leur genre, en mettant au service d'une imagination extraordinairement féconde ses qualités géniales de décorateur. . / F.irtj e/,^î_ ".' , /..„;o/r,ije.r Je LTr.i'ur .mr w'5 M pn'fànJair IT PLAN GÉNÉRAL D'UN JARDIN par De Neiifforge, XVII h siècle. de domaines, d'où l'ancien style n'avait pas encore été banni; les parcs avaient souvent été mis à sac, et lorsqu'on les restaura ce fut naturellement dans le nou- veau stvle anglais et paysager. C'est ainsi que le mouvement se précipita. Malheureusement ce goût pour la nature dégénéra lui-même du commen- cement du XIX' siècle jusqu'à la fin du second empire, et les jardins prirent un genre essentiellement faux, à part quelques conceptions rares comme l'œuvre de Varey dans l'île du bois de Boulogne. Seule l'horticulture durant cette période y gagna. Elle remplaça le style et le dessin. Les fleurs, qui n'étaient au xvii' et au xviii' siècles que le complément des parterres, acquirent la première place. Ce fut l'ère du jardin horticole. Il est juste de dire qu'on ne saurait qu'applaudir au développement et à la variété des fleurs, qui en découlèrent. & Vues des serrhs chaudes de Neuiily-St-James a M. de Saint James. P On trouve spécialement au Raincy le type de ces jardins nouveaux qu'à la fin du xviii" siècle on avait adopté comme une mode. C'est aux Chinois que les Européens la doivent. L'Architecte anglais Kent fut le premier à faire aimer à ses compatriotes ce genre irrégulier ; les Français suivirent, mais leurs premiers essais ne furent pas heureux. Une prodigalité excessive d'objets entassés dans un terrain étroit, rendirent ces jardins d'autant plus ridicules qu'on n'y était pas accoutumé. Mais quelques années plus tard le bon goût bannissant ces excès on en vint à une note douce et sentimentale. Les jardins réguliers demandaient un arrangement exact et concis, mais ceux où l'art avait à reproduire la variété de la nature et son \ l'E Dl' ChATEAI OKIOIR OE IJ \mitIK i>K ^Iauimont . r 1)1 \ R M P>o\ni',i D'après l'aquarelle de N. de Gachei 1807, APPARTENANT A M. GeORGES Rc abandon, exigeaient une manière différente. Il fallait entrer dans l'intention de l'artiste qui les composait, et se pénétrer de l'esprit romanesque de l'époque. Telle était l'inspiration qui avait présidé à la composition du parc du Raincy situé à deux lieues de Paris, appartenant à M. le duc d'Orléans et bâti par l'archi- tecte le Veau pour M. Bordier, intendant des Finances. Il était entouré de fossés, avec au centre son grand corps de logis, flanqué de 5 pavillons, dont l'un en forme arrondie et- les 'autres ornés de grands pilastres ioniques. Le parc qui était immense, environ sept cents arpents, comportait de 5o 'aiiM.im HUBERT ROBERT 1733- 1808 Collection de M. Ernest Gouin Parc de la Malmaison aquarelle par thibault i757-1j De la collection COMTE AlLARD du ChOLLET. superbes promenades. Il était dessiné avec beaucoup d'originalité, dans le genre des jardins anglais, par M. Pottier, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint- Louis. Une grande rivière qui y prenait sa source, y serpentait de tous côtés. Le paysagiste y avait ménagé des points de vue enchanteurs. De l'ermitage, on découvrait aux environs des points de vue charmants. La Malmaison, qui à l'exemple de Monceau, Saint Leu et Bagatelle, était une résidence dessinée dans le goût anglais à l'aspect plutôt champêtre. Joséphine Tascher de la Pagerie, lorsqu'elle s'appelait Madame de Beauharnais l'avait achetée en 1798 à M. Lecouteulx de Canteleu, qui en était propriétaire depuis 1792. Elle y mourut en 18 14. Le parc avait été dessiné par Berthaut et décoré de fabriques d'un goût original, telle la Fontaine Joséphine, et le pavillon où travaillait l'Empereur. On y admirait aussi une quantité de plantes exotiques importées d'Amérique et des Indes, au milieu des serres les plus vastes. Dans les détails les plus raffinés on retrouvait la main de Joséphine. — 5: ^-^s Rénovation des Jardins à la Française au XIX^ et XX^ siècle. On cherche de plus en plus actuellement à ressuciter le style des jardins «à la Française» et les belles conceptions de Le Nôtre — On s'applique à déve- Anet a m. le comte de Leusse. — 52 Condé-sur-Iton M. LE COMTE DE JaRNAC lopper le côté architeciural des parcs en les faisant concorder avec la demeure; c'est pourquoi il a paru intéressant de donner ci-contre des vues de quelques jardins Champs a M. le comte Cahen d'Anvers. — 53 — Voisins M. LE COMTE DE FeLS. créés récemment dans un style correspondant à celui du château qu'il encadre — tels Anet, Condé, Champs, Voisins, Le Marais. Le Marais a M™' la duchesse de I ai i kyrand. Jardin de l'hotei, de M"" A. Antokoi.sky a Pari: 55 Modèles de Jardins pour PETITES RÉSIDENCES TYPE DE PARTERRES POUR PLANTES A COUPER d'après le tableau de Van der Heyden i63-j-iyi2. Collection de M. Kleinberger. Jardin et maison de M. le Grand Prieur du Temple Cette maison occupait un grand terrain encerclé de hautes murailles à créneaux, fortifiées d'espace en espace par des tours. Ces tours et ces créneaux ont été abattus en partie, mais la grande porte est restée avec sa décoration d'ordre dorique à colonnes isolées ; la cour était entourée d'une espèce de péristyle à colonnes couplées qui formait un magnifique ensemble avec son grand jardin de style. Le corps de logis, qui était au fond de cette cour fut bâti par Jacques de Sauvré, Grand Prieur de France ; mais en 1720 et 1721, le Chevalier d'Orléans qui était revêtu de ce Prieuré, fit faire de grands changements dans l'édifice, sur les dessins et sous la conduite de Gilles Marie Oppenord, premier architecte du duc d'Orléans, alors Régent du Royaume. Le prince de Conti, mort en 1776, dernier Grand Prieur, auquel a succédé Monseigneur le duc d'Angoulême, fît élever divers bâtiments dans les cours de ce vaste emplacement complété par des parterres. 59 Sf^ra^rfiTua QXwi^c f'Orrn^cru, lie £ÏfaîUf^cSuJPy,,'U^ Sf An4,nnc a Pa, Jardin de l'hôtel Sully, rue Saint-Antoine L'hôtel Sully, l'un des plus remarquables spécimens de l'architecture de la première moitié du xvii' siècle, était situé rue Saint-Antoine et place des Vosges sur l'une des extrémités du terrain anciennement occupé par les Tournelles. C'est en 1624, qu'un sieur Mesme Gallet fît construire sur cet emplacement un hôtel somptueux, par Jean Androuet du Cerceau. L'hôtel est un carré flanqué de quatre pavillons du style de cette époque. Mais la chose la plus merveilleuse de tout son ensemble est sans contredit la cour de l'hôtel principal, qui a conservé tout son caractère et tout le fastueux de sa conception. Sur les trois côtés de la cour, se voit une frise de large saillie, dont le dessin et le relief des sculptures concourent si puissamment à l'harmonie de cet ensemble. Au point de vue statuaire, six grandes figures se rapportant aux Eléments, sont placées dans des niches à hauteur du premier étage. Le portail est orné de massifs bossages et flanqué de deux colonnes doriques. Sully l'acheta en 1G34; il y apporta de nombreux embellissements. Dans le jardin qui attenait à la place Royale et qui, malgré ses dimensions restreintes était dessiné avec goût, il y adjoignit une orangerie dans la partie désignée aujourd'hui sous le nom de « Petit hôtel de Sully » qui a son entrée sur la place des Vosges et dont on voit ci-dessus l'image avec ses parterres de broderies. L'hôtel ne resta dans la famille Sully que jusqu'en 1762. — 60 Jardin de l'hôtel de M. de Bretonvilliers dans nie Notre-Dame L'hôtel de Bretonvilliers était une maison remarquable, surtout par sa situation à la pointe de l'île, sa vue magnifique et le luxe de ses décorations inté- rieures. Elle avait été bâtie vers 1660, par un riche financier, favori du cardinal Mazarin, qui l'employa au maniement des Finances. Il prospéra dans ces fonctions et usa bien, dit-on, de sa fortune. Il se nommait Bénigue le Ragois de Bretonvilliers, et devint un des plus grands seigneurs de son époque. II y avait là tout ce que l'art peut souhaiter de plus beau. Les meubles, les dorures, sculptures, marbres, bronzes, glaces, etc., y brillaient de tous côtés. Les pièces les plus curieuses étaient les trumeaux de la salle basse, peints par le célèbre Mignard d'après les originaux de Raphaël. A citer parmi les merveilleux tableaux qui complétaient cette somptueuse décoration, ceux de Poussin, Michel Ange, Daniel de Volterre. Les fondations du bâtiment et de la plupart des dépendances furent prises sur le lit de la Seine et établies sur pilotis. M. de Bretouvilliers fit faire à ses frais, tout le quai de la t-:. t i u/ûii iwpartcnant a ^'nadame de (JjretonuilLierf du cojle du. Jardin dutu Ijjle JJojtre Uja lO-a^l ^x. auecpr^Ujf i- S>j . Pointe de l'Ile, et employa plus de huit cent mille livres à ces ouvrages y compris les jardins très réputés alors de son hôtel. La maison de M. Lambert de Thorigny était célèbre et à juste titre. La façade du bâtiment du côté du jardin ou de la grande terrasse était enrichie d'une Gouache du xviie siècle, de i.a collicction de Mme la baronne de Pi.anker-Klaps. architecture en pilastres ioniques qui prenait depuis le rez-de-chaussée avec une rangée de vases formant un ensemble de belle décoration. Cette maison avait un air de grandeur qui se distinguait de fort loin, et qui donnait une idée avantageuse de la magnificence de la ville de Paris à cette époque lorsqu'on y arrivait par Charenton du côté des jardins. Château de Lorry, près Metz Il y avait à la fin du xvii* siècle certains jardins qui méritent d'être décrits. Les quatre angles étaient garnis chacun d'un cabinet, touffu et fort ombragé, le reste, à la vérité, était environné d'arbres, mais tous taillés ; le long de ces quatre faces étaient quatre allées larges et bien proportionnées dans leur longueur; d'un côté elles étaient parées de contre-espaliers à hauteur d'appui, et de l'autre bordées de palissades de phillirea; les branches de phillirea s'étendaient le long des murailles avec tant d'ordre et d'adresse, et de plus si bien garnies de leurs feuilles que les murs en toute saison y étaient toujours verts ; outre cela, le jardinier avait ingénieusement entremêlé ces contre-espaliers de fruits hâtifs et de tardifs, de ceux d'hiver et d'été. Entre ces quatre belles allées étaient renfermés deux grands parterres carrés formant un grand lozange qui variait fort plaisamment l'ordonnance du jardin ; dans le milieu une allée bordée de contre-espaliers apportait un nouvel agrément au parterre, et multipliait par ce moyen sa symétrie aussi bien que ses entrées. Enfin, d'autres lozanges, carrés et demi-lunes étaient revêtus de contre-espaliers à hauteur d'appui, entre-coupés d'allées et bordés de beaux fruits. E^g, ^'nj.at }t' 63 — La maison de M. de Boisfrant Rien ne manquait à ces belles résidences de Paris. La salle à manger donnait accès dans l'orangerie que longeait, à droite, un vaste jardin tracé à la française, dans le style mis en vogue par Le Nôtre. Ce jardin s'étendait jusqu'aux bâtiments, dans le goût du temps, masqué par un treillage ouvragé, peint en vert, et orné de dorures avec une niche au milieu où se trouvait une statue d'époque romaine. De superbes figuiers en caisses, des arbres et des arbustes, taillés en formes géométriques, étaient répartis ça et là avec symétrie. Les parterres formaient comme des panneaux décoratifs avec leurs cordons de buis festonnés en broderies. Indépendamment d'une fontaine il y avait un grand bassin avec une gerbe d'eau qui animait ce joli décor. On avait disposé dans les allées des bancs de pierre à console et des vases de genre antique sculptés de bas-reliefs. On admirait surtout dans les jardins, des groupes de marbre qui représentaient des déesses ou des amours. 64 Le Jardin de Sylvie Ce parc de Sylvie doit son nom à l'infortuné poète Théophile Viaud qui, poursuivi par le parlement à cause d'un livre satyrique dont on le croyait l'auteur, fut accueilli par Marie Félix des Ursins qui lui donna asile à Chantilly, Il avait, par reconnaissance, composé en l'honneur de sa bienfaitrice et en mémoire de cette partie du parc où elle se plaisait particulièrement, une ode intitulée « La Maison de Sylvie » dont le nom de Sylvie fut ainsi donné au parc, à l'étang, à la fontaine et au pavillon qui se trouvent dans cette partie des jardins. Lorsqu'en 1782, M. de Condé donna une fête au comte du Nord, on soupa au hameau, qui était éclairé par six cents lanternes accrochées aux arbres ; le rocher paraissait de loin illuminé sans qu'on aperçut les lumières; l'allée d'arbres, en face du même rocher offrait le même effet. Le petit canal, à l'entrée du jardin, était éclairé par des bouquets de lanternes, et l'illumination de guirlandes de lanternes de différentes couleurs dont la guinguette avait été ornée, se reflétait entre les arcades des berceaux. 65 Berceau de treillage de M. de Bensarade à Arcueil C'est au pied de la côte du moulin de la Roche près du moulin à eau placé sur la rive droite de la Bièvre entre Gentilly et Arcueil que se trouvait la maison de (Berceaa. de treULrqc cL la ^Um^wh cù ^ IL' Je Betucradt^' /^ fi' ^ ^ S" f f f ^ f f^ f J" S' ^ /> S^ fi' f f f r fi fi fi fi 0 p p fi fi i!^ fi r } fsrfif'fififi jppyfififififi fifipfififififi 9Si'fi'fiPfiirfi 9 fi fi fi fi fi- fi S' fififififififiP fifififififi-f'fi ffifi^fi^fifi DISPOSITION D'UN JARDIN PAR GALIMARD AU XVIII' SIÈCLE L'ensemble de la décoration centrale est composée de six parterres — ceux des extrémités en broderies de buis sur sable de couleur et bordés de fleurs — les deux au centre en découpage de gajon avec sable de couleur bordé de Jleurs avec bassin central. — Le tout appuyé sur une demi-lune. — Les parties latérales sont formées de deux quinconces de tilleuls, les deux bassins cernés d une plate-bande de Jleurs et des deux bosquets. Les lignes de ce parterre indiquent déjà qu'au xvin' siècle, on s'éloigne du côté rigide. Les détails l'emportent sur la composition générale. Les périmètres des quatre angles de ces parterres sont plus contournés que ceux de Le Nôtre et de son école. Il est du dessin de Galimard (xviii' siècle). Pour le détailler, on doit dire que les dessins du centre entourant le bassin sont en gazon découpés, séparés par des sentiers de sable de même couleur, gris ou rouge, et entourés d'une plate-bande de fleurs basses. Les quatre angles sont en broderies de buis taillé sur sable encadrés de parterres de fleurs. L'eff'et intéressant serait de sabler en rouge le centre de gazon et les quatre angles en gris ou jaune. Modèle de parc pour petites résidences. Le motif central axé sur la façade principale du bâtiment se composait d'un parterre de gazon terminé à chacune de ses extrémités par un bassin; l'ensemble était serti par des plates-bandes de fleurs et séparé du gazon par des sentiers de découpage sablés. Un petit tapis vert limité par deux rangées de tilleuls taillés épousait la même forme que le parterre central. La partie extérieure de cette composition était bordée par une allée suivant la forme du motif et se trouvait en contre haut d'un talus bordé en crête d'une autre rangée de tilleuls servant à ombrager de larges allées placées en terrasse sur ce grand motif central. Sur les deux parties latérales en contre haut, il y avait un jardin fleuriste avec un bassin central et à gauche, une série de figures boisées et découpées par des allées diagonales. Le centre comprenait un bosquet avec miroir d'eau, flanqué de quatre parterres de gazon. Un grand tapis vert formait l'axe de cette composition et donnait accès au bosquet central. 83 Grand parterre de broderie par Galimard, wiii' sucie cùGrocùfic ^ \ Ce parterre est bordé de plates-bandes de fleurs sur sable de couleur avec compartiments de ga^on sur les parties latérales et avec bassins dans l'axe de ta séparation. Grand parterre de broderies sur sable de couleur avec plates-bandes de fleurs par Galimaf - 84 Description de jardins au XVIIP siècle pour petites résidences Un de nos vieux maîtres jardiniers du xvni" siècle disait que « la disposition et la distribution d'un plan général pour être parfaites, doivent suivre la situation du terrain. La variété et la diversité de la composition, (outre une sage distribution bien entendue et bien raisonnée) contribuent aussi beaucoup à rendre un jardin parfait; les jardins les plus variés sont les plus estimés et les plus magnifiques. C'est à quoi un architecte ou un dessinateur de jardins doit principalement prendre garde, quand il veut inventer un beau plan, en se servant avec art et économie, des avantages d'une place et en corrigeant par son industrie les défauts, les biais et les inégalités du terrain. Tout cela n'est pas si aisé qu'on se l'imagine; un beau jardin est du moins aussi ditficile à inventer et à distribuer, qu'un beau bâtiment. 11 faut être un peu géomètre et savoir l'architecture. Un homme riche qui veut planter un beau jardin, doit faire trois choses essentielles; choisir en premier lieu une personne, dont la capacité de l'art de jardinage, soit déjà prouvée par quantité de tous morceaux ; c'est le moyen d'éviter l'exécution de ces dessins fondés seulement sur le caprice. En second lieu, il ne doit pas suivre le train de la plupart des gens du monde, qui font exécuter des dessins avec une précipitation infinie. Enfin il faut qu'il se consulte sur la dépense qu'il veut faire, pour y propor- tionner la grandeur de son bâtiment et l'étendue de son jardin, et considérer que plus son jardin sera grand, plus il lui coûtera à dresser le terrain, à planter, à exécuter tous les dessins, et à l'entretenir de tout. S'il y a des fontaines, les bassins et les pièces d'eau deviendront plus grandes, les conduites plus longues et par conséquent coûteront infiniment davantage. L'on peut dire avec raison, qu'un bâtiment de campagne doit être propor- tionné à l'étendue du jardin; et faire en sorte que le bâtiment réponde au jardin, et le jardin au bâtiment. On distingue quatre maximes fondamentales pour bien disposer un jardin; la première, de faire céder l'art à la nature; la seconde, de ne point trop offusquer un jardin; la troisième, de ne le point trop découvrir; et la quatrième, de le faire toujours paraître plus grand qu'il n'est effectivement. — 85 — 11 faut en plantant un jardin considérer, qu'il doit plus tenir de la nature que de l'art. Un bois, par exemple, pour couvrir des hauteurs ou remplir des fonds, situé sur les ailes d'une maison, un canal, dans un endroit bas, et qui paraisse être l'égout de quelque hauteur voisine, en sorte que l'embellissement et l'art qu'on y a donné dans la suite, cède entièrement à cette nature. On ne doit pas rendre les jardins tristes et sombres, en les offusquant par trop de broussailles et de couvert, il faut laisser régner de belles esplanades autour du bâtiment; c'est pour cela qu'on ne met dans les parterres, les terrasses, les boulingrins, rampes, etc., que de petits ifs et arbrisseaux, afin que n'occupant point tout l'espace de l'air, on jouisse d'une échappée. Il faut toujours descendre d'un bâtiment dans un jardin par un perron de trois marches au moins, cela rend le bâtiment plus sec et plus sain, et l'on découvre de dessus du perron toute la vue générale d'un jardin, ou une bonne partie, qui forme un aspect fort agréable. Un parterre est la première chose qui doit se présenter à la vue, il doit occuper les places les plus proches du bâtiment, soit en face ou sur les côtés, tout par rapport à la découverte qu'il cause au bâtiment, que par rapport à sa beauté et à sa richesse, qui se trouvent sans cesse sous les yeux, et se voient de toutes les fenêtres d'une maison. On doit accompagner les côtés d'un parterre, de morceaux qui le fassent valoir. Comme c'est une pièce plate, il lui faut du relief tels que sont les bosquets et les palissades. Les bosquets sont le capital des jardins; ils font valoir toutes les autres parties, et l'on n'en peut jamais trop planter. On choisit pour accompagner les parterres, les dessins de buis les plus mignons, comme les bosquets découverts à compartiments, quinconces, salles vertes, avec des boulingrins, des treillages, et des fontaines dans le milieu. Ces petits bosquets sont d'autant plus agréables, étant près d'un bâtiment, que vous trouverez tout d'un coup de l'ombre sans aller cher- cher si loin; outre une fraîcheur qu'ils communiquent aux appartements, qui est ce qu'on recherche le plus dans la grande chaleur. On fera la principale allée en face du bâtiment, et une autre grande de traverse, d'équerre à son alignement; bien entendu qu'elles seront doubles et très larges. Il faut de la variété, non seulement dans le dessin général d'un jardin, mais il en faut encore dans chaque pièce séparée. Après toutes ces règles générales, il faut distinguer les ditîerentes sortes de jardins qui se peuvent pratiquer, lesquelles se réduisent à trois. Les jardins de niveau parfait, les jardins en pente douce, et les jardins dont le niveau et le terrain sont entrecoupés par des chûtes de terrasses, glaces, talus, rampes, etc. Les jardins de niveau parfait sont les plus beaux, tant à cause de la commodité de la prome- nade, que par rapport aux longues allées et enfilades, où il n'y a point du tout à descendre ni à monter; cela les rend d'un moindre entretien que les autres — 86 — Les jardins en pente douce ne sont pas si agréables et si commodes, quoique leur pente soit imperceptible. Les jardins en terrasses ont leur mérite et leur beauté particulière, en ce que du haut d'une terrasse, vous découvrez tout le bas d'un jardin, et les pièces des autres, qui forment autant de différents jardins, qui se succèdent l'un à l'autre, et causent un aspect fort agréable. C'est selon ces différentes situations, que l'on doit inventer la disposition générale d'un jardin. Voici deux descriptions différentes de petits jardins pour maisons particu- lières. Dans le premier, on entre en face du bâtiment, dans une cour ornée de tapis de gazon et d'allées, accompagnée sur la gauche d'une basse-cour, derrière laquelle il y a une pépinière. Sur la droite est un potager fermé de murs. Le bâtiment est isolé, et par les deux grilles qui sont à ses côtés, il sépare le jardin d'avec la cour. Le côté de la cour fait avant-corps dans le milieu par un pavillon, avec un perron au bas; la façade du jardin forme deux pavillons à chaque bout, avec des perrons. Sur les côtés, il y a des allées de traverse, terminées par des grilles de toute la largeur. En face du bâtiment se présente un parterre coupé en diagonales ou croix de Saint-André, où l'on entre par les bouts, ce qui a rapport aux deux perrons des pavillons. Sur les ailes de ce parterre, il y a deux allées, qui viennent en face des grilles de la cour, et qui sont terminées par des figures et des niches pratiquées dans la palissade du bois; à côté de ces allées sont deux bosquets, l'un, une salle verte avec un boulingrin, et l'autre, un cloître formé par des berceaux naturels, tous deux ornées de figures qui se regardent. Au-dessus de ces bosquets, on trouve une grande allée de traverse, double et plantée de marronniers, avec des ifs entre-deux; elle vient rendre au grand bassin qui est au Ibout du parterre, et cette allée très large est percée dans un bois de haute-futaie, où l'on trouve dans le milieu un grand cercle, où aboutissent les allées d'une étoile pratiquée dans ce bois, et entre- coupée d'autres allées droites, avec quatre carrefours circulaires et des diagonales qui rendent aux deux bassins des bouts; celui qui termine cette grande allée est à pans, et est vu de l'allée de traverse du bout. Toute cette enfilade est terminée par une grande grille au-dessus de ce bassin, et à chaque angle il y a des niches et des figures qui sont vues des allées du pourtour des murs, et des allées diagonales du bois. Dans le second plan, en face de la façade du bâtiment, on aurait un grand tableau ou parterre de broderie, avec deux allées garnies de caisses et d'ifs, qui viennent rendre aux pavillons des ailes de la cour. Sur les côtés du parterre se trouveraient deux bosquets, l'un découvert à compartiment, et l'autre planté en quinconce, tous deux percés en étoile et ornés de figures. Au-dessus de ces bosquets, on pratiquait à l'ordinaire une grande allée de traverse, terminée par des grilles, et découvrant le grand bassin au bout du parterre. - 87 - On suppose au-dessus de ce bassin et de cette allée, qu'il y a une petite pente douce, qui a obligé de soutenir le terrain par un petit mur, avec deux escaliers en face des contre-allées du parterre. Ce mur ne règne que de la largeur de la découverte du milieu, et l'on descend dans les bois, par des rampes douces, qui se raccordent au niveau des autres allées. Entre ces escaliers, il y a une petite cascade, formée par trois masques, dont l'eau venant du bassin, fait une nappe dans le canal, qui tient toute la longueur de la grande allée. Ce canal est cintré par le bout d'en-haut, et est accompagné de deux allées doubles, plantés d'ifs à l'enfilade de celles du parterre, et de deux bois de haute futaie qui le renferment fort agréa- blement, par la variété et la richesse de leur dessin. Cette disposition est une heureuse distribution, et par les enfilades d'allées qui se trouvent dans le milieu des bosquets, et qui viennent aboutir aux jets du boulingrin et du parterre à l'Anglaise, placés sous les ailes du bâtiment. Toutes ces pièces sont bordées de grandes allées doubles, et de palissades contre les murs, qui sont coupés aux enfilades des allées par des grilles, et par de petits murs à niveau des allées avec des fossés, tant au bout du canal, que vis-à-vis les faces latérales du bâtiment, ce qui cause une belle découverte. Pour le troisième plan, l'entrée serait en face du bâtiment; d'un côté, une basse-cour, d'où l'on passe dans un potager distribué assez ingénieusement, les allées en patte d'oie venant toutes aboutir à un bassin contre le mur. De l'autre côté de la cour, un petit parterre à l'anglaise, avec une coquille garnie de fleurs ou de marguerites, dont l'aspect est agréable des fenêtres du bâtiment, à l'alignement duquel et pour fermer la basse-cour et le petit parterre, l'on a planté de chaque côté quatre berceaux naturels en portiques qui font des merveilles sur le terrain; il y a un mur qui les ferme du côté delà basse-cour; mais du côté du parterre à l'anglaise, les portiques sont ouverts pour y entrer et viennent se rendre dans une salle cou- verte naturellement, avec un banc à l'enfilade. L'on a pratiqué deux sorties du bâtiment sous chaque galerie de berceaux, pour y venir prendre le frais. On trouve encore en face de l'entrée du petit parterre, un grand banc dans une niche de verdure, renfoncée dans ce boyau de bois, que sauve tous les biais de cet emplacement. L'esplanade en face du bâtiment est très large, à cause de la décoration des portiques; elle est remplie par deux grandes pièces de broderie répétées, avec deux plates-bandes isolées dans le milieu, le tout coupé de cinq allées; les contre-allées sur les ailes sont bordées par un rang de marronniers plantés dans une plate-bande avec des arbrisseaux de fleurs entre chaque arbre ; elles sont terminées par des figures dans des niches renfoncées dans le bois. La grille, l'allée et le bassin du potager enfilent une de ces niches. Au-dessus de toutes ces pièces est un bassin long cintré par les deux bouts, avec deux jets qui viennent aux contre-allées du parterre, et de l'allée double en face, au milieu de laquelle l'on a semé un tapis de gazon. — 88 — DISPOSITION GÉNÉRALE DUN JARDIN PAR GALIMARD AU XVIIh SIECLE Quatre parterres de buis au centre sont encadres par des plates-bandes de fleurs basses, et les quatre par- terres latéraux en ga^on découpe sur sable de couleur sont encadres d'une plate-bande de fleurs, comme les quatre parterres sur les faces latérales de la construction. Le fonds est appuyé sur des bosquets et l'ensemble compris entre deux allées de tilleuls taillés et plantes sur des bords de ga^on. ELEX'ATION Dl' COTF. DE.S PARIF.KRh Plan d'une élévation du côté des parterres avec un ensemble de tnrvTnv^'^^-ri:- i^^-^^H-»^ ■*>-iM^^^-^^v^»fe'ç«rPf?f Dans les modèles de parterres de style Louis XV, ceux de Blondel sont les plus intéressants. On en distingue de trois sortes différentes: les parterres de broderies, ceux à compartiments, ceux à l'anglaise. Ces derniers sont les plus simples n'étant formés que de gazon découpé et mêlés de quelques légères broderies qu'on entoure de plates-bandes de fleurs. On appelle encore parterres à l'anglaise ceux de gazon à compartiments qu'on accom- pagne de pla- tes-bandes formés de bor- dures et de buis. Les parterres de broderie sont les plus ri- ches, étant composés de traits de buis qui forment des rinceaux d'ornements, que l'on rem- plit d'un sable de diverses couleurs : on les accompa- gne aussi de massifs de ga- zon et on les environne de plates-bandes de fleurs. Ces parterres te- nant le pre- £.-A.-//^ ./^ mier rang sont ordinai- rement les plus voisins de l'habita- tion, mais, la difficulté de les entretenir les avait fait négliger sou- vent. Les parterres de comparti- ments sont faits de mas- sifs de gazon ou bien par- fois ils sont formés de pla- tes-bandes de fleurs qu'on découpe en coquilles. Alors ils con- viennent mieux aux jar- dins fleuristes Parterre dessiné par Blondel en ijSS avec massif de fleurs au centre en formes Je plates-bandes et rinceaux. Situes près des apparte- ments, on les accompagne quelquefois d'une légère broderie qui, variant avec les plates-bandes de fleurs, produit le plus joli effet. nKCORATION n l'N HELVEDERE DE Al^\C()NERIE ELEVE SUR CNE TERRASSE . lOLlLl-L i^ci, .LIliL S'.LliUENCE — 92 — »1 .i/cirdin pobfZfftr >K..Laitcne Ïj ,7erriutjc' lù- ^oi? tpttftt ^a/Z^t/e i*trtùire atruà ipoj^ttTf de rtvi partùn^tvf P. Ontnde SnJU tù>i, /A ',///,. '/-'•"•/// l'intérieur de la maison étaient fort bien compris. Lorry, le célèbre médecin mort en 1785 et depuis le banquier Tassin, l'une des victimes de la Révolution en avaient fait leur maison de campagne. A côté, se trouvait la maison de M. Hocquart à laquelle on donnait le nom de château. Avant la Révolution, elle avait appartenu au baron de Beauvais et après lui à la duchesse de Villeroi. Le parc était d'une grande étendue et bien boisé. — 94 — I '-s 1 I 3 "s j- u ~ rs ■- V = s = « L'hôtel Pompadour à Fontainebleau. M. Bourges a donné d'intéressants détails sur cet hôtel décoré de peintures par Verbeck qui formait primitivement un élégant pavillon carré avec quatre fron- tons. Il fut construit en 1747. La porte d'entrée d'aspect grandiose, rappelait la manière de l'architecte Gabriel. D'aucuns affirment que la figure sculptée sur l'élégante clef du cintre du portail serait le portrait de la marquise de Pompadour. Il ne formait en somme qu'un pavillon élevé d'un rez-de-chaussée et attique au-dessus couronné d'une balustrade avec comble à l'italienne. Les appartements en étaient simples, mais fort jolis. Les cours assez grandes étaient fermées par des treillages et au milieu de MF chacune, une pièce d'eau. Le jardin, du dessin de Lassurance était de toute beauté. On y remarquait le parterre en gazon orné de tieurs les plus rares, et des petits bois à droite et à gauche du pavillon, coupées par seize cabinets de différentes composi- tions autour d'une salle verte. Une ménagerie en rendait l'aspect plus agréable encore. Louis XV affectionnait beaucoup ce petit hôtel. Parfois, dès le matin, il s'habillait en tenue de chasse et au lieu d'aller en forêt courir le cerf, il se rendait à pied chez la marquise. Il se sentait plus à l'aise qu'au palais et souvent, dit Argenton, il faisait lui-môme sa cuisine pour souper. 9«J il\fe^\ 97 — Type de jardins au milieu du XVIII*^ siècle. '' LLC ILLP" " t ^■^ A ^Êlâl ^^■i l[ : ^^ f ■^"^^"1 L'ensemble de la composition est forme d'une grande partie boulingrinée contenant des parterres fleuris, bordée de deux allées plantées de tilleuls dominant ces parterres. Des perrons correspondant aux axes des compositions des parterres permettent de descendre dans la partie boulingrinée divisée en deux : la première contient deu r parterres rectangulaires, cernés de fleurs et gajon avec partie centrale galonnée et /leurs au centre ; des plates-bandes de fleurs divisées par des motifs circulaires avec des arbres à fleurs, situées à droite et à gauche de l'axe principal de la composition, doublent ces parterres. La seconde est composée de plates-bandes galonnées formant les angles avec partie circulaire centrale comprenant un bassin, à laquelle on accède par des perrons ; dès plates-bandes de fleurs bordées de ga^on et disposées en cercle enfant la décoration. -«îoîoîi^î».: (5i«x^i^*i^»j*i o ~ î; C3 r Type de jardins au milieu du XVIII'^ siècle. for,Ln iZi« < composmon, déforme rectangulaire, étau limité par deux grandes allées d'arbres taillés Jormant penmttre. La perspective était coupée transversalement par deux parties circulaires en communication avec les allées du penmetre Sur laxe de la composil.on devant rhabitation, se trouvait un ^rand varterTiZ an- gulaire avec partie centrale de fleurs en losange, et bordé de caisses d'orangers. Dans la partie centrale un grand n,"lJ'" '^'"■'"/'"' 'j"- "'• ^^'"» *'"-'^'' P^.'- r'. """■^'^"' ^<' P'^'-re entourée de fleurs. Les talus étaient "n laZi Quatre perrons descendaient dans cette partie boulmgrinee. Sur l'axe principal se trouvait un second partefrl-de gajon avec fleurs au centre et sentier de découpage. L'ensemble était enveloppé de berceaux de verdureî entre tes '" " ' " ' ' ' trouvaient les bosquets. berceaux et les allées latérales . Milieu du XVIIP siècle Cette composition était formée de parterres rectangulai- res surmon- tés d'une par- tie demi-cir- culaire, com- prenant des secteurs de fleurs bordés de gazon. La partie centra- le était for- méed'un par- terre situé dans l'axe de la composi- tion et ap- puyait un bassin. Les parterres à droite et à gauche de ce motif central étaient for- més de ga- zon en bou- lingrin avec sentiers de découpage, des fleurs en- cadraient le tout. L'en- semble était accompagné de berceaux de verdure. Sur le pro- longement après la par- tie circulaire, un tapis vert bordé d'allées et de ber- ceaux for- mait la pers- pective de la composition. Entre ce tapis vert et la par- tie rectangu- laire étaient deux grands bosquets avec gazon bordé d'ar- bres. Sur les faces latéra- les de l'ha- bitation, se trouvaient deux petits parterres de gazon avec fleurs dispo- sées en lo- sange. Les plans de jar- dins des ar- chitectes comme Neuf- forge sont plus classi- ques que les classiques, issëMBiMnami 4» «««a^A **.ti. Ai. t «.A ils reviennent aux motifs symétriques par rapport au grand axe, le plan projeté en 1766 pour les jardins du coteau Cambrésis et un autre projet destiné à un magnifique château en Allemagne l'indiquent nettement. Il faut reconnaître néan- moins qu'il y a dans la sobriété dont ils sont empreints, un côté de bon goût et de grande distinction. De l'art décoratif dans les jardins aux XVIP et XVIIP siècles Dans l'art décoratif destiné à embellir soit l'architecture, soit le cadre qui l'entoure. Au premier rang se place la sculpture. Dans la partie qui nous intéresse, les jardins, c'est aux vases et aux statues que nous devons accorder cette impor- tance, par la magnificence extérieure qu'ils leur donnent. Dans la décoration d'un parc, les vases et les statues jouent le plus grand rôle ; certes les eaux y ajoutent un caractère grandiose, indiscutable, mais elles ne sont pas essentielles, et dans les petites résidences on peut avec les parterres, avenues, bosquets, donner à un parc une avenue ^____ ^^^ ^~ . , j qu'ils sont brillante en "'''^. ^aMB^fejs^ ' destinés a y ajoutant '♦^fâàS^^fiK^^^^îSÉ^ de beaux bien dissé- minés de-ci de-là des statues et des vases. Il y a bien des sortes de vases, le choix en est judicieux. Dans un jardin mo- deste ils doivent être d'une gran- de simpli- cité ; sur piédestaux d'un genre semblable. Il n'en n'est pas de mê- me lors- dins du xv parcs dans de grandes résidences. Des maîtres comme Coysevox, le grand sculpteur, en des com- posi t ions décoratives qui font d'un vase de jardin, ou d'une vasque de fontaine, un vérita- ble monu- ment des- tiné à ces beaux jar- le calme plas- et xvni' siècle, s'appliquent à imiter la sérénité, tique des œuvres de l'antiquité. Cette tête de satyre, bosselant l'anse à volutes d'un vase de marbre dans le parc de Versailles, n'est-ce pas l'alliance des formes pittoresques et de l'expression gauloise, rabelaisienne, propre à l'école française, avec la placidité décorati\e, monumentale, dont la sculpture antique 104 fournit des exemples d'un enseignement si précieux. On ne peut trouver quelque chose de plus fin et de plus large comme indication. Tout y est pondéré. Quoi de plus vraiment beau que cette façon de masque grotesque qui pouvait, autre- ment traité, faire une tache repoussante sur les flancs de ce beau vase ? Un maître dans l'art du jardinage au xviii' siècle disait que « Les figures et les vases contribuent beaucoup à l'embellissement et à la magnificence des jardins, et en relèvent infi- niment les beautés natu- relles. Il s'en fait de diffé- rentes formes et de plusieurs matières, dont les plus riches sont de bron- ze, de fonte, de plomb doré et de marbre; les moindres sont de fer, de pierre et de stuc. On dis- tingue parmi les figures, les groupes qui sont compo- sés au moins de deux figu- res ensemble dans le même bloc, les figu- gures isolées, c'est- à -dire autour des- quelles on peut tourner, et les figures qu'on place dans les ni- ches, qui ne sont finies que « par de- vant ». 11 y a encore les bustes, ter- mes, figures à demi-corps, demi-nature et plus gran- des que na- ture, appelées Colossales, posées sur des piédestaux, scabellons, gaînes, piédouches, socles, sans compter les figures d'animaux qui ornent les cascades, aussi bien que les bas-reliets et les masques. Ces figures représentent toutes sortes de Divinités et de personnages de l'antiquité, qu'il faut placer à propos dans les jardins, en m.ettant les Divinités des eaux, comme naïades, fleuves, tritons, au milieu des fontaines et des bassins; et les Divinités des bois, comme Sylvains, Faunes, Driades, — io5 dans les bosquets. On représente encore en bas-reliefs, des sacrifices, baccha- nales, jeux d'enfants sur les vases et piédestaux, qu'on peut orner de festons, de feuilles, de moulures et autres ornements. « Les places ordinaires pour les figures et les vases, sont le long des palissades, en face et sur les côtés d'un parterre, dans des niches et renfonce- ments de charmille ou de treillage faits exprès. Dans les bosquets on les place au centre d'une étoile ou d'une croix de saint André, dans l'entre-deux des allées d'une patte d'oie, au milieu des salles et des cabinets, entre les arbres ou les arcades d'une galerie de verdure, et à la tête d'un rang d'arbres ou de palissades isolées. On les place encore au fond des allées et enfilades, pour les bien décorer; dans les portiques et les berceaux de treillage, dans les — 106 bassins, les cascades, etc., généralement elles font bien partout, et l'on ne saurait en avoir trop dans un jardin; mais comme en fait de sculpture, il faut de l'excellent, aussi bien qu'en peinture et en poésie, il convient mieux à un particulier de se passer de figures, que d'en avoir de médiocrement belles, qui font toujours désirer cette perfection ■». Cette description générale donne une excellente idée de l'emplacement que doivent occuper les vases. Il n'y a qu'à se conformer à ces indications, car depuis cette belle époque, rien — 107 n'a été fait qui soit comparable au point de vue de l'ordonnancement et de la ligne, et Ton peut se guider pour la composition d'un jardin avec vases ou figures, sur les dispositions des xvii'' et xvni' siècles. Vase de l'époque Louis XVI. — io8 — PIÈCE D'EAU ENTOURÉE DUN PORTIQUE EN TREILLAGE Provient de la maison de M'i' Colombe à S"-Brice par Hubert Robert (iy33-i8oS) Collection de M. Wildcnstein. Au xviii' siècle, la disposition ci-contre de pilastres alternés de grilles et surmontés de vases était souvent employée dans les cours et avant-cours pour séparer les communs ou le potager. Suivant les cas, cette composition était plus ou moins ornementée, elle allait depuis le simple barreaudage jusqu'aux panneaux TKAVEES DE CrRILLE POSEES SI^R rN APPUY ENTRE DES PIEDROITS de fer encadrés d'une frise en fer ouvragé. La fantaisie de cette époque voulait que toutes les formes de vases puissent s'adapter aux usages spéciaux, et l'on voit combien ceux destinés aux pilastres, différaient des vases sur piédestaux dans les jardins. C'est pour cela que dans cette partie de la décoration extérieure, il est intéressant d'indiquer le genre spécial de vases. DIVERS DESSEINS DE VASES AI-ItSAOE OE LA DECOiiuVTION EXTERIEHRE ■'^^"*t^ Vases pour pilastres. Les vases ci-dessus étaient destinés de préférence à la décoration des pilas- tres des entrées de jardins, ou à surmonter les portes des cours ou avant-cours. On mettait ceux ci-dessous sur les dés de ballustrades qui fermaient les terrains attenant au château. Comme époque, ils sont de la première partie du xviii'' siècle. Vases pour balustres. Il est intéressant de voir comment à l'étranger, on interprétait aux xvii' et xviii' siècles l'art de la décoration extérieure. La préoccupation n'est plus, comme chez nous, dans la sobriété de la ligne, dans sa pureté, mais bien de donner l'impression d'une grande préciosité par l'exagération de l'ornementation. Ils affectent une forme simple, et ont une tendance à être lourds, étant surchargés de détails, de fleurs et de guirlandes ciselées. Un maître jardinier au xviii' siècle disait que « les fontaines et les eaux sont l'âme des jardins, et en font le principal ornement; ce sont elles qui les animent, et pour ainsi dire les font revivre. Il est constant qu'un jardin, quelque FONTAINE DE LÉPOQUE DE LA RENAISSANCE // i * beau qu'il soit, s'il n'y a point d'eau, paraît ,. triste et morne, et manque dans une de ses ^^:^. plus belles parties. T'^x ;i: La distribution des eaux dans un i\s jardin est ce qu'il y a de plus difficile; ,t^; elle demande du génie et de l'industrie, :,-/>; pour faire en sorte qu'une petite quantité 1^1^ " I paraisse beaucoup. ^-•\ f/' On distingue les eaux en plusieurs manières : il y en a de naturelles et d'arti- ficielles, de jaillissantes et de plates, de vives et de dormantes. On ne peut fixer de vraies places pour les fontaines et les bassins. ^^ On place ordinairement un bassin au ^^ bout ou dans le milieu d'un parterre. j. La forme et la figure des bassins %^ sont ordinaire- "ïi ment circulaires; Ij cependant. Il il y en a l_y> ' d'octogo- naux, de longs, [fca ( d'ovales, de carrés, etc. Quand ces bassins passent une certaine grandeur, on les appelle pièces d'eaux, ^^ canaux, miroirs, viviers, étangs et réservoirs. « Dans les endroits où il y a beaucoup d'eau et de pente, l'on peut, outre des bassins et pièces d'eau, y pratiquer encore des cascades, des goulettes, des ' ' - — buff'ets d'eau, etc., tant dans les allées que dans les ( escaliers et rampes; rien n'est plus agréable ni plus commode; les bassins d'en-haut fournissent ceux d'en-bas, et de l'un à l'autre ils se font jouer par des décharges de fond ou de superficie. Les cascades sont composées de nappes, de bufîets, de masques, de bouillons, de cham- pignons, de gerbes, de jets, moutons, chandeliers, grilles, cierges, lames, croisées et berceaux d'eau. — ii5 — On les accom- pagne d'ornements con- venables aux eaux, comme de glaçons, de rocailles, de congéla- tions, pétrifications, co- quillages, feuilles d'eau, joncs et roseaux, imi- tant le naturel, qui ser- vent à revêtir le pare- ment des murs et bor- dures des bassins. On les orne de figures dont le naturel est d'être dans l'eau, comme de fleuves, de naïades ou nymphes des eaux, de tritons, de serpents, chevaux marins, dra- gons, dauphins, grif- fons, grenouilles, aux- quels on lait lancer et \omir des traits et tor- rents d'eau. N'oilà à peu près ce qui entre dans leur composition. » Cette figure est faite pour le fonds d'une allée, ou au bout de quelque perspective; elle peut être placée dans le renfoncement d'une palissade : c'est une grande coquille élevée dans un bassin et soutenue de conso- les et feuilles d'eau; au milieu est une statue de Vénus sur un pié- douche porté par deux dauphins qui jettent de l'eau. 11 v a deux — ii6 bouillons sur les côtés de la coquille, d'où l'eau retombe par nappes dans le le bassin d'en bas. D'Argenville dit que « : Les cascades sont ménagées sur une pente douce, coupée d'escaliers, perrons et paliers. La coupe en est soutenue par des dauphins qui jettent de l'eau. Il y a quatre bouillons généralement placés avec symétrie dans ce bassin, dont les eaux se déchargent par une nappe soutenue, soit de tritons ou dauphins qui ornent la tête de la cascade. Ces eaux ensuite tombent ii8 oï ^ 'j: £ ^ tq I :^ Ci < dans des bassins et se répètent par plusieurs autres nappes, jusqu'à celle d'en bas qui est de la largeur du grand bassin et qui reçoit toute l'eau, et où il y a trois gros jets, dont deux répondent à l'enfilade des jets ou chandeliers des côtés, et le troisième est dans le milieu. Comme ces nappes et ces bassins seraient trop unis et trop nus sans jets, on accompagne les côtés de cette cascade de deux rangs de petits bassins appelés chandeliers, qui sont pratiqués sur chaque palier. Ces jets n'emplissent point les bassins, qui ont dans leur milieu une crapaudine et un tuyau de décharge pour fournir aux autres, c'est- à-dire le premier jet fournit au troisième, le second au quatrième et ainsi des autres. On met des vases des pots de fleurs sur trois rangs de chaque côté; proche de la palissade est un talus continué depuis le haut jusqu'en bas, qui est coupé à la rencontre des escaliers. Placée au milieu de la verdure des arbres et des gazons, la blancheur des eaux, l'ornement des figures et des vases y forment un mélange et une opposition des plus agréables à la vue. Il y a aussi un grand buffet pour être mis à la tête d'une pièce d'eau, dont le côté d'en haut est soutenu d'un petit mur de terrasse. L'on juge par l'élé- vation, du bel effet que cette cascade peut faire, et par le plan, de la place qu'elle occupe. Dans ce bassin à niveau d'en haut, qui est le premier gradin, il y a cinq gros jets. Ce bassin fait une avance en forme de carré long, échancré dans les ûi ^ «^ < a, -rj T3 encoignures, et l'eau de ces jets forme des nappes sur le devant, qui sont inter- rompues par des rocailles placées dans l'entre-deux de ces jets. » D'après d'Argenville « les fontaines sont après les plants, le principal ornement des jardins; ce sont elles qui les animent et qui font de ces beautés uniques pour le plaisir des yeux. On les place dans les plus beaux endroits et les plus en vue de tous côtés. S'il y a quelque pente dans un jardin, on y pratique des cascades, des buffets d'eau, qui se répètent par plusieurs nappes accompa- gnées de bouillons et de jets. Quand l'eau se trouve facilement, on fait des pièces d'eau et des canaux, qui sont des morceaux enchanteurs pour un jardin. On met sur ces canaux des petites gondoles dorées pour s'y promener. L'on met encore sur ces eaux pour l'ornement, des cygnes, des ca- nards et des oies de différentes Brun (ituQ-iGgo). couleurs, ce qui est fort agréable à la vue. L'on décore les fontaines d'un ordre rustique enrichi d'ornements maritimes, avec des figures. » Le projet de fontaine ci-dessus par Charles Le Brun est d'une composition supérieure; des tritons supportent des coquilles surmontées d'un lys épanoui. "Wn^^f.ig. Le Grand Canal au Grand Trianon Durant le xyii*^ et le xviii" siècle, Trianon fut toujours un centre de réunions, le roi y donnait des fêtes sur le grand canal, car Louis XIV qui n'était pas encore installé à Versailles en i663, avait acheté des religieux Génovéfains, les fiefs et fermes du petit village de Trianon, désigné sous le nom de Triarnum, ce vil fut alors rasé et son territoire enclavé dans le grand parc. Là, à l'extrémité du bras septentrional du grand canal, on éleva le galant palais de Flore, «d'abord, dit saint Simon, maison de porcelaine à aller faire des collations, agrandie pour pou- voir y coucher; enfin palais de marbre et de porphyre avec des jardins délicieux ». Ce pavillon fut regardé par tout le monde comme un enchantement. Les vases de fleurs, les caisses d'orangers, les bassins et les fontaines qui décoraient les jardins étaient ainsi que le reste autant de chinoiseries. Les vases et les carreaux de faïence provenaient des fabriques de Lisieux. En 1687, Mansard reçut l'ordre d'abattre la maison de porcelaine et de construire à la place le palais du Grand Trianon. Le jardin du Grand Trianon est un des derniers et des meilleurs ouvrages de Le Nôtre, qui sut dans cet espace de peu d'étendue tirer très habilement parti du :23 terrain. A Versailles, on s'ennuyait; à Trianon, il était possible de s'amuser. Dangeau décrit ainsi une de ces parties de plaisir : « Le lo juillet i6gg, Louis XIV s'établit sur la terrasse de Trianon qui regarde le canal, et y vit embarquer monseigneur, madame la duchesse de Bourgogne et toutes les princesses. Madame la duchesse de Bourgogne monta en gondole avec quelques-unes de ses dames, et demeura sur le canal jusqu'au lever du soleil». Petit Trianon Louis XVI abandonna le Petit Trianon à la reine Marie-Antoinette. Le jardin fut alors entièrement replanté, selon le goût romanesque et pastoral, par les soins du DE NUIT DANS DU Petit Trianon, par Chatei.et (1753-1794). paysagiste Robert, et l'on vit s'y élever, au bord de l'étang, un hameau, avec sa lai- terie, sa ferme, sa chapelle. La reine prit ce séjour en affection. Elle venait souvent avec quelques dames et seigneurs de son intimité, s'adonner à la vie champêtre. C'est sur le théâtre de Trianon que Marie-Antoinette joua le rôle de Colette dans le Devin du village et celui de Rosine dans le Barbier de Séville. La cour assistait parfois à de brillantes fêtes de nuit — comme celle dont on voit l'image ci-contre — reconstituée par Chatelet, et où la reine avait elle-même prévu les moindres détails pour les illuminations de toutes sortes. — 124 o cq -. -^2 t/3 ^ Singes montés sur des boucs provenant du Labyrinthe de Versailles C'est dans le labyrinthe de Versailles que se trouvaient les quarante fon- taines correspondant aux fables d'Esope. Dans l'une d'elles, dite « le combat des animaux », étaient les deux groupes de singes ci-contre montés sur des boucs. Il est donc très intéressant d'en donner la reproduction ainsi que la description de la fontaine à laquelle ils appartenaient. « Les oiseaux eurent guerre avec les animaux terrestres. La chauve-souris croyant les oiseaux plus faibles, passa du côté de leurs ennemis, qui perdirent pourtant la bataille. Ellle n'a depuis osé retourner avec les oiseaux, et ne vole plus que la nuit». Cette fontaine est dans un grand cabinet de treillage de fer et de bois, couvert de chèvrefeuilles, de roses, et autres fleurs. Il est orné d'architecture, et finit en dôme ouvert par en haut, avec une petite ballustrade autour de l'ouverture. La corniche et la voûte de ce cabinet sont pleines d'oiseaux de toutes les espèces, qui ^■omissent de l'eau en bas dans un bassin de rocaille, au milieu duquel s'élève un rocher; et le long de ce rocher on voit monter plusieurs animaux à quatre — 126 HUBERT ROBERT 1733- 1808 Collection de M. Ernest Gouin pieds, qui jettent de l'eau contre les oiseaux. Tout autour du cabinet, sur des rocailles, on voit encore d'autres animaux, et dans quatre niches, il y en a encore plusieurs qui jettent une telle abondance d'eau, que cela représente naïvement une guerre. Mais ce qu'il y a surtout d'admirable, c'est le nombre infini d'animaux tous en différentes attitudes, et les uns et les autres paraissent en colère et animés au combat. A l'entrée de ce cabinet, deux singes plaisamment montés sur des boucs, jettent par surprise de l'eau par un cornet de bronze doré ». Le labyrinthe était, de tous les boccages du petit parc de \'ersailles, l'un des plus plaisants, rempli d'une infinité de petites allées tellement mêlées les unes dans les autres qu'il était presque impossible de ne pas s'y égarer, et pour que ceux qui s'y perdent puissent le faire agréablement, une quantité de bosquets avec des fontaines incitaient à s'y attarder : les animaux de bronze étaient coloriés avec leurs couleurs naturelles. La diversité des fables et la disposition de chaque fontaine faisaient qu'on ne se lassait pas d'admirer cette prodigieuse quantité d'inventions ainsi que l'abondance d'eau que projetait chaque animal. Deux figures de bronze peintes posées sur un piédestal se trouvaient à l'entrée. L'une représentait Esope, l'autre l'amour. Esope tient un rouleau de papier et montre l'amour ayant en main un long fil; cette allégorie indique aux hommes le moyen de sortir des fâcheux enchevê- trements de l'amour par la sagesse dont Esope enseigne le chemin dans ses fables. Jardin avec bassin et portiques de verdure de la collection de Mademoiselle Ysnaga Il est difficile de reconnaître l'emplacement de ce beau parc. Il devait être situé dans l'une des colonies anglaises vraisemblablemicnt. Par la richesse de ses arbustes et de ses treillages il appartient à un pays de végétation puissante. Ses belles plantes des zones tropicales, sub-tropicales, ou australes l'indiquent. L'ensemble de ce parc est arrangé avec beaucoup de goût, on y trouve l'induence d'un style anglais et italien. Il est garni de quantité de belles flores exotiques. Il y avait entre les colonies et la Grande-Bretagne un commerce actif dont on voit la trace dans l'horticulture anglaise à cette époque, L'Angleterre possédait à la fin du xviii'^ siècle de nombreuses espèces de plantes provenant de l'Afrique, de l'Inde, des îles de la Sonde ou de l'Océanie, de l'Australie et des Amériques. Ces spécimens très rares y furent soignés merveilleusement dans les serres, telles que celles de Kew, véritable paradis exotique, sous verre, qui donnait l'illusion des paysages tropiques. Des naturalistes comme Bridges n'hésitaient pas à faire des milliers de lieues pour rechercher ces flores rares et les rapporter en Angleterre. 128 — ! ¥ ~ a. SI <3 fei "SÈ^ Statue; Le mot statue vient du mot latin « Statura » taille du corps, ou de « stare » être debout. Dans le célèbre ouvrage de Blondel «Traité de la décoration, distri- bution et construction des bâtiments, contenant les leçons données en 1760 à l'Ecole des Arts » il est établi une distinction qu'on ne fait guère plus de nos jours, entre les statues et les figures. Les premières sont des ouvrages de sculpture représentant des personnages, et les secondes sont destinées à reproduire des attributs, des S3^mboles ou des allégories, nues ou drapées, en groupes ou isolées, et aussi indiquer, avec le style de l'ordonnance qui domine dans la décoration, l'usage ou l'idée qu'elles représentent. 3o On peut dire que les statues doivent avoir avec les jardins des rapports d'harmonie importants à observer, c'est celui du style de leur sculpture. Celles qui décoraient les parcs étaient des sculptures allégoriques, dont l'objet exprimait la personnification de quelque qualité abstraite, comme la gloire, la force, la beauté ou des effets de la nature et de ses œuvres, comme les saisons, les parties du jour, les éléments, ou encore des spécimens de races, des royaumes, des villes, des provinces, qu'on représentait avec les symboles de leurs productions, ou de leurs personnalités. L'étude de la sculpture nous ramène aux Grecs. Ce ne fut que 3oo ans après Cécrops que les artistes Grecs commencèrent à reconnaître la difformité des anciennes statues, à quitter la routine des Egyptiens, à imiter dans leurs ouvrages i3 les beautés de la nature, à donner à leurs têtes cette belle expression, et enfin à toutes leurs figures, cette supériorité, cette touche, cette élégance et cette finesse inconnues jusqu'alors; ce sont ces peuples perfectionnés qui, après avoir découvert les proportions de l'architecture, surent aussi faire respirer le bronze, et donner la vie au marbre. Ce fut chez eux que Prométhée excella dans cet art divin; ce qui fit dire de lui qu'il avait volé le feu du ciel, parce qu'il avait su faire, pour ainsi dire, un homme vivant, a^•ec de l'argile. Ce fut encore chez eux que Dédale sut donner à ses statues l'attitude d'un homme qui est en mouve- ment, et que Scelmis ou Solmis à Samos fit cette belle statue de Junon, l'un des chefs- d'œuvre de l'antiquité. Ce fut aussi dans cette même ville que l'on Mt naître l'Apollon du Belvédère, figure inimita- ble, et qu'Athè- nes posséda cette admirable figure du Gladiateur, ouvrage de premier ordre, et dont tant de belles copies ornent aujourd'hui les palais. Néanmoins tant de beautés et de perfections n'étaient encore que l'au- rore d'un beau jour, qui devait briller sous le gouver- nement de Périclès, génie heureux, et citoyen soucieux de la gloire de sa patrie. Les circonstances favorisèrent les vues utiles de Périclès, les victoires remportées sur les Perses échauffèrent l'imagination des vainqueurs; la paix amena l'aisance et les loisirs qui assurèrent à jamais — l32 - E PrI MAG^ i. s Q la gloire de la sculpture. Dans la suite ses successeurs, Alcibiade, et les Pausanias à Athènes, les Lisandre et les Agésilas à Lacédémone, les Epaminondas à Thèbes, les Denis à Syracuse, l'oppresseur même de la liberté de ces peuples, Alexandre le Grand, imitèrent un si bel exem- 1 --smii ^ P'^' encouragèrent les artistes et leur facilitèrent des succès constants et multipliés. Les gymnases, où la jeunesse nue s'exerçait au pugilat ou autres jeux. 9ncrairc- . iPnrJ'cm.t Jii-amha-: ■'., 'Jar fournissant aux Grecs l'occasion de contempler les plus beaux modèles sans voile, furent les 'JUincnie- OiniJ jAiAouici-iffa i34 — écoles des artistes; ils y venaient étudier la nature, apprendre à la copier, à l'interpréter, leur imagination s'échauffait à l'aspect des plus belles nudités. De-là, ils parvinrent à la variété des formes; les belles oppositions leur devinrent familières ; ensuite ils cherchèrent à adapter pour ainsi dire, les parties d'un individu à celles d'un autre, et surpassèrent par là la perfection du corps humain: ce qui rend aujourd'hui leurs chefs-d'oeuvre si nécessaires aux artistes et si intéressants aux amateurs. Ces exercices alors si fort en usage, les courses de chars, d'hommes et de chevaux, la lutte et tant d'autres jeux, célébrés avec éclat dans plusieurs villes de l'Attique, du Péloponèse, fournirent donc aux sculpteurs de nouveaux moyens de se perfectionner. Cypselus, roi d'Arcadie, avait institué des jeux où l'on disputait aussi le prix de la beauté. Depuis on célébra ces mêmes jeux à Sparte, à Lesbos, à Paros, dans le temple de Junon, ce qui fut très favorable à l'art; il s'éleva et se perfectionna à l'ombre de la liberté qui régnait chez ces peuples. Ainsi la sculpture fut toujours employée à des usages nobles et élevés; elle n'était destinée qu'aux divinités, aux objets sacrés, ou à ce qu'il y avait de plus utile pour la patrie; elle ne fut pas asservie aux caprices des riches particuliers. Tout ce qui s'exécutait en ce genre, était digne des grandes entreprises de la nation ; chaque ville de la Grèce voulait posséder les plus belles statues des Dieux, des Héros et des artistes célèbres de leur temps. Phidias par son Jupiter Olympien et la statue de Minerve, du Parthénon, en remporta le prix sur tous ses prédécesseurs et ses rivaux, et ouvrit à ses successeurs le chemin de l'immortalité. Lisippe mérita d'être préféré à ses contem- porains, pour avoir modelé et jeté en fonte la statue du vainqueur de l'Asie. Cette belle Vénus qui fut une des principales curiosités de la galerie de Florence, sortit des mains d'Apollodore. La Vénus de Praxitèle et celle de Scopas sont autant de témoignages de l'émulation des artistes Grecs. Ce qui est certain, c'est que rien ne prouve mieux la magnificence des Grecs à cet égard, que ce qu'en rapporte Pausanias, qui dit avoir vu dans les diverses provinces de la Grèce qu'il parcourut, environ deux mille huit cent vingt- sept belles statues de différentes matières, quoique depuis près de trois siècles les Romains avaient ravagé l'iipire, et que de son temps Néron eut déjà fait enlever de la seule ville de Delphes près de cinq cents statues. Mais sans vouloir citer ici toutes les merveilles des statuaires Grecs, disons que Callimaque s'est assuré une gloire immortelle par la découverte du chapiteau Corinthien, ouvrage admirable dans son genre, qui, dans la suite, a produit d'autres chefs-d'œuvre, qui tous ont contribué à rendre l'architecture plus recom- mandable, et à nous faire sentir combien cet art est redevable aux Grecs. — i35 — En fouillant la terre, on vit les ouvrages de la Grèce sortir des ruines de Rome. Les chefs-d'œuvre de sculpture qu'on en tira, devinrent l'objet de l'envie des divers Souverains de l'Italie, qui voulurent en embellir leurs palais et leurs maisons de plaisance. La France éclairée par François i", eut les mêmes désirs et put les satisfaire: ce fut alors qu'on admira à Fontainebleau cette belle Diane chasseresse. On acquit sous Louis XIV, la Vénus d'Arles, la Junon de Smyrne, et une infinité d'autres antiques ornements de Versailles, qui font revivre de nos jours la réputation des Anciens. Les Français et les Italiens, possesseurs alors des richesses des Grecs, en firent un meilleur usage que les Romains; et tandis que Michel-Ange se faisait admirer dans la nouvelle Rome, Jean Goujon et Germain Pillon surprenaient Paris, par des ouvrages qui avaient été jusqu'alors inconnus en France; bientôt les célèbres artistes Français dans ce genre attirèrent autant d'amateurs et de connaisseurs dans cette capitale, que les Grecs et les Romains en avaient attiré dans Rome. Rien n'est plus surprenant en effet, que la rapidité des progrès de nos sculpteurs depuis cette époque, et l'on peut dire qu'ils atteignirent le but presqu'en entrant dans la carrière; aujourd'hui notre école Française, attentive à marcher sur les traces de ses prédécesseurs et de la belle antiquité, décore non seulement la capitale et les pays étrangers de ses chefs-d'œuvre, mais son ministère relève l'éclat de l'architecture. Sans la sculpture, l'architecture se trouverait souvent réduite à la sûreté, à l'utilité et à la solidité. C'est par son secours que les édifices, les places publiques, les maisons royales deviennent des monuments dignes de la nation. C'est par elle qu'ils se trouvent embellis extérieurement par des statues, des groupes, des bas- reliefs, des vases, des grottes, des cascades et des fontaines. Ces ouvrages exécutés par la plupart de nos statuaires célèbres sont autant d'objets intéressants qui attirent les regards, fixent l'attention et symbolisent l'architecture qui leur a donné lieu. C'est par elle enfin et par le ministère des ornemanistes sculpteurs, classe particulière et non moins estimable, quoique dans un autre genre, qu'on est parvenu à donner à l'intérieur de nos appartements, cette élégance enchanteresse qui plait à tous. On appelle gaine, un piédestal isolé, qui a moins de base que de sommet, et dont le plan est quadrangulaire, circulaire ou à pans, destiné à soutenir une figure ou un buste de bronze ou de pierre. Cet enrichissement d'un parc appartient autant à l'architecture qu'à la sculpture. Et on peut le considérer comme un meuble ou comme un accessoire de jardin, tels que les gaines du salon des Maures à Meudon, ou celles des bosquets de Versailles, et des terrasses des Tuileries. Les termes, qui soutiennent des figures à demi corps, ne doivent être placés que dans les parcs ou dans les galeries à l'intérieur. — i36 — - i37 Vasques A ces époques, où Tart de la décora- tion extérieure jouait un si grand rôle, on trou\e dans les jardins des vasques de toutes formes, servant à l'usa- ge des eaux, en général ; mais, l'imagination des décorateurs allait jus- qu'à en faire des cor- beilles de fruits et de fîeurs en pierre sculp- tée. Leur arrangement était si remarquable, que la décoration à elle seule, suffisait à leur donner grand air sans même y ajouter les effets d'eaux jaillissantes. Il n'y avait rien de plus joli pour scander une perspective que cette suite de vas'ques les unes au-dessus des autres, par groupe ou séparé- ment suivant les besoins de la composition. Les vasques n'étaient pas toujours de pierre sculptée; on en faisait en marbre, en plomb doré, et exceptionnellement en terre cuite. Un socle ou groupe servait à les supporter. 38 APOLLON ET DAPHNÉ Fin du X VIII' siècle Collection Doiicet. La mode des jardins anglais pénétra en France à la lin du xvin' siècle. Alors ce n'était que temples ou behédères. Si Kent a eu la gloire d'introduire dans son pays l'art de composer ces jardins, il n'en n'est pas l'inventeur; car en dehors de leur origine Asiatique, il y avait en France un célèbre jardinier pavsa- giste Dufresny, à peu près contemporain de Le Nôtre, qui « dit un auteur de l'époque, avait un goût dominant pour l'art des jardins; mais les idées qu'il s'était faites sur cet art, n'a^•aient rien de commun avec celles des grands artistes du xvn^ et xv!!!*^ siècle. Il ne travaillait avec plaisir, et pour ainsi dire à l'aise, que sur un terrain inégal et irrégulier. Il lui fallait des obstacles à vaincre, et quand la L. MûRrtu. CoLi ECTiON DE M Rruck nature ne lui en offrait pas, il s'en donnait à lui-même. Il disposa dans ce goût les jardins de Mignaux près Poissy, ceux de l'abbé Pajot près de Vincennes. Dufresny passa les dix dernières années de sa vie à composer des paysages Louis XIV, qui l'aimait beaucoup et qui connaissait son mérite, lui avait accordé un brevet de contrôleur de ses jardins. Il avait présenté au roi deux plans différents de jardins pour Versailles, et les plans, pour lequel il n'avait consulté que ses idées singulières, ne furent pas acceptés à cause de l'excessive dépense que demandait leur exécution ». [40 LA CRUCHE CASSÉE par Debucourt i-bb-iS32 Collection de M. Maurice Fenaille % Pour l'ornement d'un parc les palissades, les ifs, les buis jouent un grand rôle. Dans les plates-bandes ces derniers sont d'une utilité absolue. Les figures ci-dessus peuvent servir de modèle. La première en haut indique que dans les palissades on doit laisser pousser des baliveaux de charmille auxquels on donne la forme désirable, et qui servent \ X à rompre la monotonie des lignes. Cela dans le caractère de l'époque et suivant le style du jour. — 141 — Les plates-bandes de la deuxième figure sont serties par un buis avec un petit sentier de sable de couleur. On fait alterner un petit if taillé en cône avec la charmille. Dans la quatrième figure il n'y a qu'une plate-bande de gazon avec des ifs taillés soit en cône, soit en formes variées. Enfin la plate-bande d'en bas comporte un gazon serti de buis avec sentier de sable de couleur s'entrecroisant avec des petits ifs taillés en cône et en formes diverses. « L'if est un des plus beaux arbrisseaux verts, il est grand ou petit, en un mot a toute sorte de formes. Son bois est fort dur, son feuillage très garni et d'un vert foncé des plus agréables à la vue. Il est propre aux palissades, comme aussi à garnir les plates-bandes des parterres. 142 Le buis est l'arbrisseau vert le plus en usage et le plus nécessaire dans les jardins. Il y en a de deu>c sortes : le buis nain appelé buis d'Artois, dont les feuilles sont semblables à celles du myrthe, mais plus vertes et plus dures. Il sert à planter 47-4— rx^^:i-":^i45^4> la broderie des parterres, et les bordures des plates-bandes, et on le nomme buis nain, parce que naturellement il ne croît pas beaucoup. La seconde espèce est le buis de bois, qui monte bien plus haut, et a les feuilles plus grandes que l'autre. ce qui le rend propre à former des palissades et des touffes vertes; son bois est jaunâtre et très dur. On en fait quantité de petits ouvrages comme des boules, des cônes. Dans les plates-bandes on espace les ifs, et l'on met un arbrisseau entre deux. Il vaut mieux dans les plates-bandes tournantes et circulaires planter les ifs à distance égale les uns des autres et le plus droit possible pour la perspective. » 143 Fabriques A la fin du xviii' siècle, lors de la grande vogue du style paysager, il était d'usage de cons- truire ça et là des petits bâtiments, soit des kiosques, des pagodes, des ruines, des tem- ples en bois peint, des tours à dix étages, enfin une multitude de bâ- tisses qu'on appe- lait des « fabri- ques ». Ui tTi-ij- A Souvent ces assemblages étaient très dé- placés; mais ils étaient de mode. On en voit quel- ques types dans les images ci- contre; ils em- pruntaient la plu- part de leurs for- mes au style chi- nois. La Chine et la Turquie ser- vaient alors de modèles aux constructions de ce genre. — 144 — Jardins en Allemagne, Espagne, Flandres, HORTORVM V I RI DARI O RVMQVZ |! H.^im l^T-J muftiphns Joi mae in 1 1 rfconuae ,iitis noimam cif JaSre .Cmmti^ , lohanne 1 >f.{man no jr,..,o ■••'"■■■^-•'-iJ Grande-Bretagne, Italie, Russie, Suède Allemagne 146 L'Espagne sous Tinfluence Arabe L'Alhambra et le Généralité rappellent le style mauresque. La devise des rois de Grenade y est inscrite à plusieurs reprises, ça et là. Le canal d'eau revêtu de marbre, les cyprès et les orangers qui le bordent donnent à ce coin du mer- veilleux palais un charme indicible. Et l'Espagne est actuellement le seul pays du monde où l'on retrouve de nos jours des jardins du treizième siècle — tels qu'ils ont été créés — et cela est fort intéressant à constater. 148 — Flandres et Pays-Bas La Néerlande étant un pays plat devait se prêter aux jardins symétriques — avec les grands carrés, les triangles, losanges et étoiles — mais ce n'était pas le style large de Le Nôtre. Au prestige du dessin ils préférèrent les couleurs. Leurs allées étaient sablées de rose, blanc, jaune et rouge. Pas de statues, mais des bergers, des soldats peints au naturel. Les kiosques étaient revêtus de carreaux de faïence. Tel était le goût néerlandais sauf dans les grandes résidences des Nassau ^ft*Lw^î-^-.- ZUYLFSTEYN AU CoMTE FrEDFRIC DE N/ et des Orange où le style français avec ses terrasses, parterres, statues et bassms l'emportait, comme ci-dessus à Zuylesteyn. M9 Grande-Bretagne Avec William Kent qui fut l'auteur des premiers jardins anglais au xviii^ siècle, on peut citer Pope, l'illustre poète qui créa à Twickenham un "'V^^f^^l charmant parc dans le style paysager. Les dessins de Kent faits dans les parcs de Carlton house et de Ronstham, alors, se ressentent de Twickenham. Kent i5o — ^ s EATON HALL Au Duc de Wesiminster. fit encore le jardin de Claremont, avec son joli lac, celui d'Esher, de Kensington. Après lui, Brown transforma Blenheim, près d'Oxford, donné à titre de récompense nationale au duc de Marlborough; ce parc primitivement arrangé dans le style français fut ainsi retait et défait à plusieurs reprises. De nos jours il a été retransformé dans le plus pur style français par le duc actuel. D'ailleurs les Lyme Hali, a M' Thomas Legh. parcs de Stowe et de Long Leate subirent à la fin du xviii'' siècle une méta- morphose semblable à celle de Blenheim. Ce fut à Kew, l'un des domaines préférés des rois d'Angleterre au xviii' siècle, que l'on introduisit pour la première fois le genre chinois. Chambers y plaça une pagode, une tour à clochettes, des temples. Brown créa encore Sion au duc de Northumberland. i54 - HOAR CROSS A M. Meynell Ingram. Itali le Sous l'influence des papes et des grands seigneurs de l'époque de la Renaissance, l'Italie vit de superbes demeures se construire au milieu des plus beaux jardins. Il y eut alors ce qu'on appela : « le jardin romain », comme chez nous « le jardin français » au xvn^ siècle. Les villas italiennes étaient encadrées de jardins à l'antique. Comme les Romains de la fin du règne d'Auguste, toute personne de haute condition avait sa villa, qui ressemblait aux villas impériales, Burckardt disait : « Il ne s'agit pas d'imiter la nature avec ses hasards, il s'agit de mettre la nature au service des lois VEK.0 DISSEGNO DELI STVPENDI EDEFITIJ GIARDINI BOSCHI E MARAVEGLIOSE DI BELVEDERE IN ROM A Les Jardins'du Belvédère en 1579, par Van Schoël. de l'art. L'Italie ne comprend ni le partage ni la sentimentalité élégiaque de la nature. » Pendant le seizième et le dix-septième siècle les palais et les villas se multiplièrent et les jardins atteignirent alors un degré de perfection auquel le temps ne put rien ajouter : galeries de marbre, pavillons, belvédères, bassins, jets d'eau, vases, balustres et statues, rien ne manquait pour en rendre l'aspect - i57 'a D'eue de ùz 'JJiqne .Sampruie du Co^t/ des Sa/nUiu des plus brillants. C'est la distribution panoramique et symétrique, c'est le jardin de parade avec son cadre de terrasses et ses escaliers à rampes, c'est un ensemble presque partait. La villa d'Esté à Tivoli est l'œuvre du cardinal de Ferrare, et fut bâtie vers i55o. Les terrasses étaient célèbres, ainsi que les berceaux à portiques et les tonnelles. Les fontaines étaient sous l'invocation de divinités mythologiques telles que Vénus, Diane, Pomone, Bacchus, Neptune. D'innombrables jets d'eau complé- taient ce beau cadre, le tout sur les dessins de Pierre Ligorio. Actuellement encore HORTVS ET PALATIVM ATESTINORVM TYBVRI /./. lAUJII.VrTiF l'M.AI.iA Cote j,r 1. Vll.l.K ,.a Tl^OJL/ „v--y A .\ss."■ .-i! ^ ^ >:lï Vers 1725, l'un de ses rois y construisit un splendide palais, considéré comme la merveille de l'art hindou. 11 est placé au centre d'un grand jardin planté d'orangers et d'arbres fruitiers, et traversé par de belles avenues dallées de pierres avec des canaux. De superbes pavillons reliés les uns aux autres par des terrasses, enca- drent les parterres. A l'extrémité de l'allée centrale s'étale un étang célèbre dans les légendes hindoues, où il est désigné sous le nom de source de Krichna. On prétend que c'est sur ses bords que le Divin Berger venait faire danser, au son de la flûte, les bergères de Diràghpoura. Cet étang est dominé par une terrasse plantée de grands arbres et garnie de plusieurs kiosques. L'un de ces kiosques est un édifice de pierre entouré à sa partie supérieure d'une gouttière qui, lors des fêtes, laisse tomber une nappe d'eau formant un véritable mur de cristal; de nombreuses gerbes éclatent tout autour en bouquet. Jardins du Palais de bi ^79 Japon Les jardins de Mvako, 1799, par Sakouma Nishimoura. Collection du Musée Guimet. 180 — Il n'est pas de jolie demeure japonaise de la bonne bourgeoisie qui n'ait son jardin, asile sacré de la solitude, de la sieste et des longues libations de thé ou du saki. Telle est l'opinion d'un Européen qui a vécu au Japon, M. Humbert. Si le pays est riche en rochers, en jolis vallons, en grottes, en sources, en étangs, le Japonais l'utilise de la manière la plus ingénieuse, pour réunir dans un étroit espace les agréments d'un paysage varié. Si la nature n'y suffit pas, on a soin d'isoler l'enclos au moyen de haies vives ou de palissades et de cloisons de i8i .KS JARDINS UE MyAKO. l/QQ. Collection du Musée Guimet. 182 bambous recouvertes de plantes grimpantes. Quand il y a une entrée de jardin sur la rue, on jette un pont rustique sur le canal qui est devant la porte, et on dissi- mule celle-ci sous des touffes d'arbres et d'arbustes aux épais feuillages. A peine en a-t-on franchi le seuil que l'on se croirait dans une petite forêt vierge, bien loin Jardin japonais le M. Kr JOLY EN JOSAS. de toute habitation humaine. Cependant des quartiers de rocs négligemment disposés en escalier, engagent le visiteur à gravir la colline et tout à coup, dès qu'il en atteint le sommet il découvre à ses pieds un spectacle charmant; il voit au — i83 — Jardin japonais de M. Krakt a Jouy en Josas. Iaruin japonais dk M. Kraft a Jouy en Josas. — i85 — Les jardins de Myako, 1799. Collection du Musée Guimet. 186 — fond d'un cirque de verdure et de fleurs, un étang gracieusement découpé, dont les rives sont tapissées d'une bordure de lotus, d'iris et de nénufars ; un léger pont de bois le traverse, le sentier qui y mène descend de gradin en gradin, serpente au milieu de bosquets de bambous panachés, d'azalées, de palmiers nains et de camélias ; ou au pied de beaux groupes de pins des plus petites espèces, couron- nant des rochers revêtus de lierre; ou le long de collines gazonnées, émaillées de fleurs, parmi lesquelles se penchent des lys. Quand on contemple ce tableau, on n'y voit que des lignes gracieuses, des mouvements de terrains ondulés, des combi- naisons de formes et de couleurs également harmonieuses. Rien n'y attire particulièrement l'attention ; tout, dans l'ensemble et dans les détails de la scène. tend à bercer l'esprit dans des rêveries douces, et à ne lui laisser d'autres impres sions que la grande jouissance du repos. N'est-ce pas là, toujours l'impression que devrait donner un jardin? D'autres jardins Japonais offrent tout un assemblage bizarre d'arbustes nains pourpre, verts sombre étendant leurs petites branches biscornues sur de petits lacs à poissons rouge : allées lilliputiennes au milieu de parterre de pygmées, rivières, rigoles sur lesquelles sont jetés des ponts de verdure minuscules, enfin des tonnelles et berceaux de camélias en fleurs, d'azalées et mille autres plantes aux parfums enivrants. Parmi les ornements qui décorent les maisons Japonaises, les jardins sont ce qu'on y voit de plus remarquable. On y descend ordinairement par une galerie Jardins a Yokohama. Lks jardins de Myako, 1799, PAR Sakouma Nishimoura. Collection du Musée Guimet. 190 — derrière la maison, et au bout de laquelle il y a un bain et une étu\e; car les Japo- nais, dont la propreté est un besoin aussi nécessaire à leur existence que le riz qu'ils mangent, ont la coutume de se baigner tous les soirs. Ces jardins sont en partie pa\és de pierres rondes de diverses couleurs; le reste est couvert de gravier que Ton nettoie tous les jours. Les plus belles fleurs sont disposées avec beaucoup d'art, au milieu de coquettes pièces d'eau, petits ponts, bosquets et labyrinthes; dans un coin du jardin, il y a toujours un rocher ou coteau parfaitement imité d'après nature, dont chaque trou contient une plante aux vives couleurs; un ruisseau coule du haut de ce rocher; il y a souvent un petit bois ou un vivier entouré d'arbres. Et ce genre de jardin doit exister depuis longtemps, car Kaempfer disait que « les Japonais ont toujours dans leurs jardins, entr'autres ornements, un petit rocher ou une colline artificielle, sur laquelle ils élèvent quelquefois le modèle d'un temple. » Il ajoute qu'« on y voit souvent un ruisseau qui se précipite du haut du rocher avec un agréable murmure, et que l'un des côtés de la colline est orné d'un petit bois. » Kaempfer croyait reconnaître là le goût des jardins d'Angleterre importés au Japon. — '91 Perse Un érudit, M. Migeon, Conservateur au Musée du Louvre, dit qu'il ne faut pas chercher les chefs-d'oeuvre de l'art Indo-Persan dans les livres qui ne Miniature persane de la fin du xiv« siècle. Le Roi dans son jardin entouré de ses femmes. Collection de M. H. Vever. LA VISITE DU HANCÉ Miniature Timouridh, XV<= siècle sont que des réflexes, sans la beauté de la couleur; il faut les chercher dans les Miniature persane du sve siècle. Coi-LATION DU Roi dans son jardin entouré de sa I "I i< Collection de M. H. Vever. .93 feuilles isolées, œuvres de caractère personnel qui sont des petits tableaux représentant des scènes de la vie privée, ou des spec- tacles épiques. Parfois des paysages, jardins, tout pénétrés d'un sentiment exact de la nature nous font assister à ces beaux spectacles de lumière. Ceci est fort juste et nous avons voulu montrer ici une série de reproductions des miniatures les plus rares des xiv% xv% xvi' et xvn^ siècles ayant quelque rapport avec le sujet qui nous occupe. Il est auparavant utile de jeter un coup d'œil sur l'his- toire de la Perse, telle qu'a su nous la présenter M. Migeon dans un sommaire des plus lumineux. L'origine des premiers Persans remonte aux Sassanides. Ceux-ci disparurent après la victoire du Khalife Omar; et la Perse, tombant sous la do- mination des Arabes, devint une province du Khalifat d'Egypte, pendant les x% xi' et x\f siècles. Survint alors un événement qui causa un boule- .,fti>jj_^ ■.~^- __.:,_ .1^ :-:*±r-r-r2ï¥sE» versement total : l'invasion de Djengis Khan à la tête des Mon- gols. Après avoir envahi la Chine en I2IO, et pris Pékin, il pénétra en Perse et prit Samarkand. Son petit-hls s'empara de Bagdad et se litproclamerSul- tan de Perse. Cet- te dynastie fut à son tour chassée par l'arrivée de TimourLenkqui luiaussivenaitde Mongolie. Vers 1887, il prenait Téhéran et fon- dait la famille des Timourides, dont W§^m'p^.M^,4È>:Mc^ Collection dk Minaret da H. Vever. 94 ARRIVÉE DE HUMAY AU JARDIN IMPÉRIAL DE LA COUR DE CHINE Miniature transoxiane du XV^ siècle Collection du Musée des Arts Décoratifs Miniature persane du \vi' siècle. Réception d'un souverain dans un jardin. Collection de M. H. Vever. l'un des princes les plus brillants fut Hussein Mirza établi à Hérat. La Perse alors était divisée en un certain nombre de principautésqui tom- bèrent toutes sous la domination du pre- mier Shah Séfévi, en 1480, fondateur de la dynastie des Séfévis- tes dont le plus cé- lèbre fut Abbas au xvii^ siècle. M. Saladin, architecte, qui s'est beaucoup occupé d'architecture orien- tale et qui a publié un intéressant ou- vrage sur l'Art mu- sulman dit que dans leurs déplacements, les rois de Perse faisaient élever des pavillons et des ten- tes ornées de tapis, de portières bro- dées, d'étoffes de tout genre, de meu- bles dorés, trônes, escabeaux, tables basses, le tout dans un beau jardin. Voici d'après Chardin la descrip- tion du campement du roi de Perse, lors RE DE l'Emi'EK E - Coi.LECTIO> r i.:^-v LE SCHAH THAMASP dans son jardin caressant son faucon de chasse favori Miniature persane du XVI'= siècle Collection de M. A. de Goloubeff de fêtes données à la campagne : « La tente d'audience est longue de soixante pieds sur trente-cinq de large et trente de haut; elle est soutenue par cinq piliers ronds, gros à proportion, lesquels s'emboîtent en trois endroits dans des garnitures dont quel- ques-unes étaient d'or massif, et d'autres d'argent. Les bouts des piliers qui passaient au travers de la couverture étaient surmontés de pommes d'or fort grosses, et c'est la marque à laquelle on reconnaît de loin la tente du roi. Le dedans de cette tente était tout de brocard d'or, et à côté il y en avait une plus petite, toute semblable à la première. Les tapis étaient tenus à terre par des pommes d'or posées par rangs de quatre en quatre pieds. Celles qui tenaient la courte pointe qui couvre le trône du roi étaient plus grosses et toutes garnies de pierreries. Les tentes du roi étaient tendues en croix grecque, sans que l'une fût ouverte sur l'autre, quoique pourtant il y eut communication des unes aux autres. Les tentes des Grands de la Perse étaient spacieuses. On faisait passer l'eau devant les tentes du roi, et quelquefois en travers, en faisant des tables de plomb qu'on mettait en terre, au haut desquelles on attachait des lances d'or en demi-rond pour servir de rebord. Il y en avait toujours de cette sorte dans la tente d'audience de parade, autour de laquelle on plantait aussi des fleurs. » Chardin, au xviu'^ siècle, arrivant en Perse semble un peu déçu par les jar- dins. Encore tout empreint de l'ordonnancement des parcs Français, de leurs lignes parfaites il déclare «qu'après ce qui a été dit de la beauté des fleurs de Perse on s'imaginerait qu'il y a aussi là les plus beaux jardins du monde; mais cela n'est point du tout. Au contraire, par une règle fort générale, là où la nature est féconde et aisée, l'art est plus grossier et plus inconnu. Lorsque la nature fait «jardiner» si excellemment, l'art n'y a presque rien à faire. Les jardins des Persans consistent d'ordinaire en une grande allée tirée à la ligne, qui partage le jardin, et bordée de platanes, avec un bassin d'eau au milieu d'une grandeur proportionnée au jardin, et deux autres plus petites sur les côtés. L'espace entre deux est semé confusément de fleurs et planté d'arbres fruitiers et de rosiers, et c'en est là toute la décoration. On ignore ce que sont des parterres, des cabinets de verdure, des labyrinthes ou des terrasses. Cela vient particulièrement de ce que les Persans ne se promènent pas dans les jardins, comme nous le faisons, mais qu'ils se contentent d'en avoir la vue, et d'en respirer l'air; ils s'asseyent pour cela en quelque endroit du jardm à leur arrivée, et s'y tiennent jusqu'à ce qu'ils en sortent. » Cette constatation est juste mais Chardin ne restera pas sur cette médiocre impression première — petit à petit il dut comprendre toute la beauté de l'Orient dans sa grande simplicité et le charme de sa nature. On en jugera par ses descriptions sur Ispahan et le jardin des Mille arpents. Depuis, de nos jours, des explorateurs, des savants ont été enthousiastes de la Perse. Pour avoir l'idée du jardin Persan on trouve dans l'ouvrage de Dieulafoy — '97 — une description intéressante où il est dit qu'en se rendant au palais d'été d'Ispahan, on longe d'abord un bassin qui s'étend entre deux jardins d'un caractère bien persan. Les parcs anglais, avec leurs pelouses de gazon égayées par des corbeilles fleuries ou des bouquets d'arbres, les jardins français du xviii' siècle avec leurs formes sévères, ne sauraient en donner une idée. Les baghs (jardins) semés sous de hauts platanes, émondés jusqu'à la cime, sont de véritables champs couverts de fleurs serrées les unes auprès des autres, sans aucun souci des couleurs ni des espèces. L'aspect de ces longs parterres est étrange; et, si, en s'en approchant, on peut leur reprocher un certain désordre, il faut avouer que, vus à distance et au grand soleil, ils produisent un eff"et charmant, chaque fleur paraissant alors plus éclatante que l'autre. Au delà du bassin s'élève le pavillon octogonal des Hacht-Bechet, composé d'une grande salle placée au centre de l'édifice, de quatre porches et de quatre corps de bâtiments. Il comprend sur deux hauteurs d'étages les « Huit Paradis » desservis par des escaliers spéciaux mis en communication au moyen de galeries jetées au- dessus des porches. M. d'Allemagne donne aussi en igii une intéressante description des jardins persans dans son voyage en Perse. Ce sont de véritables oasis parfumés de roses et sillonnées par toute une série de canaux bordés de tuiles en faïence bleu- turquoise qu'on traverse sur d'élégants petits ponts en fer. Ces jardins remplis de verdure sont pleins d'oiseaux d'espèces curieuses, surtout des paons, des cygnes et des colombes. Ils sont ombragés par de superbes platanes, des cyprès, des pins et des saules, entre lesquels croissent une grande quantité de plantes et de fleurs les plus belles et rares. Il y a des pièces d'eau bien dessinées qui sont bordées de massifs d'arbres aux tons cuivrés d'une richesse de coloris vraiment admirable. Les poètes ont vanté les fleurs parfumées de l'Iran, et nous ont souvent bercés du souvenir d'Ispahan et de Chiraz avec leurs fameuses roses dont on tire un extrait célèbre dans tout l'Orient. En revenant à Ispahan, un des joyaux de la Perse, que M. Saladin a si bien étudié, il faut parler du Palais royal sis à peu près au centre de la ville. Sa façade méridionale est longée par des jardins et des parcs, au milieu desquels se trouvent des pavillons ravissants, comme le pavillon des quarante colonnes. Dans le prolon- gement de la façade ouest du Palais on admire une avenue monumentale, appelée le Tchar-bagh, bordée de superbes constructions, décorée de bassins, d'eaux jaillis- santes, de petits pavillons, ornée de platanes. Cette très longue avenue traverse le Zendé-Roud sur un beau pont; et la disposition des canaux, des trottoirs etdes plan- tations d'arbres en faisaient une promenade unique au monde au commencement du xvii' siècle. On peut appeler cette belle allée, le cours d'Ispahan, elle est arrosée par un — iq8 — L'ESCARPOLETTE AU JARDIN Miniature persane de la deuxième partie du XVI« siècle Collection de M. Henri Vever canal qui coule au milieu, d'ua bout à l'autre; ses rebords, qui sont faits de pierres de taille, sont élevés et si larges que deux hommes à cheval peuvent se promener de chaque côté. Les ailes du Tchar-bagh sont de beaux et spacieux jardins, dont chacun a deux pavillons, l'un fort grand, situé au milieu du jardin, consistant en une salle ouverte de tous côtés, et en des chambres et cabinets aux angles; l'autre, élevé sur le portail du jardin, ouvert au de\ant et aux côtés... Ces pavillons sont de diverses constructions et figures, mais ils sont presque tous d'égale grandeur et tous peints et dorés. Les bassins d'eau sont différents aussi, et en grandeur et en figure, avec des jets d'eau et des chûtes d'eau. Les rues qui traversent cette allée, en plusieurs endroits, sont de larges canaux d'eau, plantes de hauts platanes à double rang, l'un près des maisons, l'autre sur le bord du canal. Le Tchar-bagh finit à une maison de plaisance du roi, qui en occupe la lar- geur, et dont les jardins sont si grands qu'on les nomme les « Mille arpents ». Ce jardin des Milles arpents, long d'un mille et large presque autant, est fait en terrasses soutenues de murs de pierres, on y compte douze terrasses élevées de six à sept pieds l'une sur l'autre, et qui vont de l'une à l'autre par des talus fort aisés à monter, et aussi par de grosses pierres qui joignent le canal assez profond, dans lequel se trouvent, de distance en distance, des tuyaux qui projettent l'eau fort haut. Au bas de chaque terrasse, à l'endroit de la chute du canal, laquelle est en talus et fait une nappe d'eau, il v a un bassin de dix pieds de diamètre et, au haut, il y en a un second beaucoup plus grand, et plus profond, avec des jets d'eau au milieu et autour... On voit, proche de chaque bassin, sur les côtés, deux grands pavillons fort hauts, peints, dorés et argentés, de cette architecture si caractéristique; au milieu de la sixième terrasse, il y a un pavillon qui coupe l'allée; il est à trois étages et si grand et si spacieux qu'il peut contenir deux cents personnes assises en rond; à l'entrée et au bout du jardin se trouvent deux constructions à peu près semblables. En sortant du palais sur le Tchar-bagh on voit d'abord, en entrant dans cette admirable allée, un pavillon carré faisant pendant à ce palais des mille arpents qui la termine. Il est à trois étages, avec jalousies au lieu de vitres, faites de plâtre, peintes et dorées de façon fort agréable; à la suite viennent sept bassins, entre la rivière et la ville, avec des cascades et des jets d'eau. Le pont est au-delà du sep- tième bassin; dans les jardins qui terminent la vallée, se trouvent la volière du roi, dont le fil est doré, et la maison des lions à l'autre coin. Quand les eaux jouent dans ces beaux jardins, ce qui arrive fort souvent, on ne saurait rien voir de plus grand et de plus merveilleux, surtout au printemps, dans la saison des premières fleurs, parce que ce jardin en est couAcrt, particuliè- rement, le lona du canal et à l'entour des bassins. 199 On est surpris de tant de jets d'eau qu'on voit de toutes parts à perte de vue, et l'on est charmé, tant de la beauté des objets que de la senteur des (leurs et du ramage des oiseaux qui se font dans les volières et parmi les arbres. Une avenue parallèle au Tchar-bagh longe le parc du Pavillon des Miroirs, splendide construction en bordure de l'allée. La conception d'ensemble consistait à rattacher au Palais royal d'ispahan un ensemble de parcs, de jardins et d'avenues, qui devaient peu à peu meubler pour ainsi dire l'espace laissé entre les deux ponts et les avenues, en en formant comme le prolongement. Et on ne saurait douter que ces palais entoures de jardins bordant la magnifique allée, précédés de terrasses, embellis de bassins dallés de faïence bleu- turquoise ou de toute autre nuance produisant des effets d'eau de tout genre, n'aient pas été de tradition en Perse et un des luxes les plus appréciés et les plus recherchés. Les principaux palais de Perse ont de ces grands bassins d'eau; il les appellent Petite Mer. Les bords en sont de marbre et de jaspe. Les jardins consistent surtout en allées de grands arbres, et en parterres remplis de fleurs aux couleurs éclatantes. D'après Chardin, le prince qui les fit construire pour la plupart, faisait dans ces jardins ses grandes fêtes et prenait plaisir a y étaler la pompe de sa cour. La raison qu'il en avait, c'est qu'aimant fort à voir des feux d'artifice jouer de loin, il les faisait jouer de l'autre côté de sa Petite Mer, y joignant des illuminations dans les salles, entourées de jets et de chûtes d'eau, et ce spectacle le divertissait mer- veilleusement. Il est intéressant de donner la description de Chardin lui-même. « D'abord il vante l'Allée d'ispahan et les « mille Arpents », jardin long d'un mille, et large presque d'autant, fait en terrasses soutenues de murs en pierre. On en comptait douze élevées de six à sept pieds l'une sur l'autre, et qui commu- niquaient par des talus et des degrés de pierre, rejoignant le Canal. Il y avait autant d'allées dans ce jardin, que de terrasses ; douze étaient des allées en travers avec un large canal d'eau à fond de cuve qui tra\ersait le jardin parallèlement. Des allées longues, menaient d'un bout à l'autre; celle du milieu était ornée d'un canal de pierre. Au bas de chaque terrasse, il y avait un bassin et au haut un autre plus grand et profond avec jets d'eau au milieu. » On comprend dans cette description de Chardin pleine de poésie combien l'artiste Français, enveloppé par l'atmosphère si douce et le langage si poétique des Persans, a pu donner de ces paysages une impression enthousiaste. Il y a aussi le Jardin du Rossignol, à Ispahan, dans le Tchar-bagh; c'est un vrai labyrinthe, un mer\eilleux salon, où l'on se perd presque partout, et les degrés sont si cachés qu'on ne les reconnaît pas aisément. Le bas, est revêtu de jaspe; les balustres sont de bois doré. Les châssis sont d'argent et les carreaux AUDIENCE ROYALE AU JARDIN Miniature persane de la deuxième partie du XVI' siècl Collection de M. Henri Vever de cristal ou de verre fin de toutes couleurs. Les ornements, on ne peut plus riches. Ce n'est partout qu'or et azur. Les peintures de cet édifice, parmi lesquelles on voit beaucoup de nudités, sont toutes d'une beauté surprenante, avec des miroirs de cristal ça et là. Il y a de ces petits cabinets qui sont tout en miroirs. Les meubles sont les plus magnifiques du monde et les plus voluptueux. Cet endroit est encore appelé le pavillon des « Huit portes du Paradis » et fut construit par Feth Ali shah pour y loger ses favorites. Il est encore intact; et ceci est fort inté- ressant, il appartient à une Princesse Persane qui dut le défendre contre le vanda- lisme d'un gouverneur, désireux d'en retirer les superbes faïences pour l'ornemen- tation de son propre palais. Elle eut à cet effet une très ingénieuse idée : elle hypothéqua le palais au profit d'une banque allemande, qui mit ce joyau d'art sous la protection du Consulat. Il serait à souhaiter qu'on put sauvegarder ainsi les restes d'une architecture déjà trop disparue. Dans la charmante esquisse de J. Laurens, ci-contre, on retrouve dans la disposition du jardin les allées en saillie sur les plates-bandes, et celles-ci en contre- bas des allées dans le but de pouvoir être souvent irriguées. C'est le soir qu'on arrosait ces plates-bandes, le soleil, le jour, les eût desséchées instantanément. Icil'on trouve encore dans la composition une similitude de style avec les jardins hindous, faits d'après la tradition persane. Il ne semble pas présompteux d'affirmer que l'art persan s'est reflété chez les Maures. Il est entré avec les faïences en Espagne. Cette influence s'est démontrée dans des fouilles récentes à Medinat-Eszahra d'où l'on a extrait des faïences du x'' siècle d'ornementation persane, d'après les procédés persans. Il est intéressant de retrouver et signaler l'influence de la Perse sur les jardins mauresques en Espagne. Or M. Saladin l'a fort bien exposé. Les trois pôles de l'art islamique au moyen âge sont : la Perse, l'Egvpte, et l'Espagne où subsistaient tant de traditions artistiques que des ouvriers habiles étaient prêts à faire revivre. Le premier effet de la conquête islamique fut de provoquer une sorte de fusion de l'art oriental avec l'art de l'Occident. C'est de la Perse, de la Syrie, de l'Egypte que les conquérants tirèrent leurs premières troupes d'invasion. Par suite, les nombreux artisans qui les accom- pagnaient, forgerons, brodeurs, armuriers, charpentiers, selliers, dinandiers, etc., nécessaires à leur existence, emportèrent avec eux dans les pays conquis toutes les traditions de leurs pays d'origine. Enfin, les nombreux aventuriers désireux de chercher fortune dans les riches contrées envahies, comptèrent des artisans qui, bientôt las de leur nouveau métier de soldat, s'y fixèrent et y apportèrent leurs procédés et leurs motifs artistiques. Ainsi les Arabes, dès les premiers temps de l'hégire, par leurs invasions en tous sens, par le bouleversement des peuples, provoquèrent un premier mélange des traditions orientales et occidentales. C'est grâce à eux que les germes d'arts lointains trouvèrent des terrains favorables et formèrent la magnifique floraison artistique de l'Espagne et du iMaghreb. Les armées d'invasion étaient de véritables tribus en marche qui emme- naient avec elles leur smalah, c'est à dire un petit nombre d'artisans. Les femmes accompagnaient leurs maris, et pour elles, des marchands, des bijoutiers suivaient les armées. Elles-mêmes tissaient des étoffes d'habillement, les bandes étroites et longues dont étaient faits les tentes et les tapis qui couvraient le sol ou formaient des paravents. Dans ce vaste monde auquel les Arabes imposèrent leurs habitudes, dans ce chaos continuellement agité par les poussées orientales, il se produisit un con- tinuel travail d'unification, de transmission et de mélange, dont les arts sans cesse renouvelés profitèrent. Le monde musulman riche et puissant fit revivre dans toute la Médi- terranée, dans la Mer Rouge, le golfe Persique, un commerce considérable. Dans les longues périodes de paix, sous les grands califes, le luxe et la richesse des des particuliers amena une facilité d'échanges qui fut très profitable à la propa- gation des arts. Dans la décoration extérieure des allées de jardin, en Perse, on trouvait nombre de revêtements en faïence. C'est dans le mausolée de Moumine-Hatoun à Nachchevan que cet art a montré qu'il avait été l'élément le plus riche de la déco- ration des édifices persans. D'abord réduite à la tranche des briques émaillées se détachant sur le fond rose des briques cuites ou sur le ton blanc des stucs, comme particulièrement sur ce mausolée, la décoration émaillée envahit bientôt toute la maçonnerie; puis, afin d'obtenir autre chose que des dessins à éléments rectilignes, les seuls exécutables avec des briques, on découpa de petits fragments émaillés, et par leur juxtaposition on constitua de grandes décorations qui firent une marque- terie de faïence. L'emploi de carreaux de terre cuite émaillée où des éléments émaillés en bleu turquoise à relief alternent avec d'autres à reflets métalliques sur fond blanc ivoire fut en vogue au xiii^ siècle. Au xiv^ et au xv' siècle, la palette des céramistes s'enrichissant de plus en plus, les dessins se compliquent et certains monuments contiennent toute la série des applications possibles de la céramique architecturale : corniches à stalactites, bandeaux, frises à inscriptions, murs et dômes en briques émaillées comme les édifices d'Ispahan construits par Chah Abbas. Malheureu- sement, la marqueterie de faïence fut la cause principale de la ruine de la plupart RÉCEPTION D'UN SOUVERAIN A LA PORTE D'UN JARDIN Miniature persane par Farruk Beg, peintre de l'empereur Akbar Fin du XVP siècle Collection de M. Henri Vever des monuments persans. Sous le climat variable de la Perse, abandonnés sans être entretenus, ces revêtements se détachent peu à peu et les monuments qui ne sont pas vieux de quatre siècles auront dans peu d'années perdu leur parure. Au xvii'= siècle les couleurs se firent de plus en plus nombreuses, le rose, le jaune clair, le rouge, le vert feuille complètent la gamme des couleurs autrefois employées : bleu turquoise, brun, feuille morte, bleu, blanc, violet foncé; l'orne- mentation qui avait d'abord imité les dessins des tapis, représente des scènes à personnages, les animaux. Les vitraux de couleurs seitis dans des ossatures de plâtre découpé, les frises de plâtre ou de stuc sculpté ou moulé, les marqueteries de bois précieux, les dorures, puis plus tard les glaces de Venise, la peinture et les riches étoffes brochées d'or ou d'argent venaient compléter un ensemble d'une richesse dont on ne peut se faire qu'une idée imparfaite. Le tombeau de Fatma à Koum avait des portes d'argent et le dôme était décoré de tuiles dorées. En Perse, il reste les palais des rois Séfys et ceux des principaux seigneurs persans depuis le xvii' siècle par lesquels nous pouvons encore juger exactement ce que pouvaient être la splendeur et le goût persan. Cette digression se rapporte indirectement aux jardins il faut le dire; mais cette richesse dans les faïences y a laissé des traces que l'on peut admirer encore de nos jours. Il y avait aussi des jardins remplis de bassins dans le palais de Tchehel- Soutoun, où fut couronné Soleïman en 1647, amsi que l'indique une image ci-contre. On ne saurait oublier ce palais d'Ispahan situé entre le Tchar-Bagh et le palais royal. Il avait été bâti sous Chah-Abbas I". M. Saladin nous dit qu'il fut détruit par un incendie, puis reconstruit sous le règne du sultan Hussein. C'était un pavillon au milieu d'un beau jardin, consistant en une salle, dont le plafond en mosaïques dorées était supporté par dix-huit colonnes également dorées. Les murs étaient revêtus de marbre blanc, et le reste en cristal de toutes couleurs. Au milieu se trou- vaient des bassins de marbre blanc, et au-dessus des quatre cheminées de grandes peintures représentant la bataille d'Abbas le Grand contre les Uzbeks, et des fêtes royales. Le palais actuel de Tchehel-Soutoun fut, dit-on, encore plus richement décoré. D'après Dieulafoy et Coste, son portique extérieur est soutenu par dix-huit colonnes en bois de cèdre revêtues de glaces étamées. Celles du centre reposent sur quatre lions groupés ]etant l'eau dans un bassin ; le plafond est en fleurs peintes a\ec compartiments de glaces biseautées entourées de prismes de cristal, il repose sur une corniche en mosaïque mêlée d'étoiles qui scintillent. On comprend l'éblouis- sement qu'on pouvait ressentir en entrant dans ce pavillon par le portique extérieur donnant sur les jardins. A Ispahan, près du palais de Tchehel-Soutoun, en bordure du Tchar- — 2o3 — Bagh, se trouvait le pavillon des « Huit Paradis », dont il a été parlé plus haut, avec ses belles terrasses, ses jardins, ses canaux. De l'autre côté, était le Pavillon des Miroirs, que M. Saladin a décrit d'une façon très complète. Situé sur la rive du Zendé-Roud, il était d'un plan plus simple que le Tchéhel-Soutoun, mais disposé d'une façon analogue. Ses colonnes étaient revê- tues de miroirs à facettes, et ses plafonds en marqueterie de cyprès, rehaussés de peintures et de dorures, les lambris revêtus de faïences de couleur, et les murs décorés de niches à stalactites et de glaces. Cet ensemble était entouré d'un jardin avec de belles pièces d'eau.... On doit donc les beaux jardins d'Ispahan au Chah Abbas. Cette idée grandiose, qui consistait à prolonger à travers la ville une avenue monumentale bordée de petits palais, décorée de bassins, d'eaux jaillis- santes, de platanes, indiquait une conception d'ensemble digne des grands jardiniers comme Le Nôtre. Or cette avenue parallèle au Tchar-Bagh longeait le parc du Pavillon des Miroirs décrit ci-dessus, et le palais royal se trouvait rattaché ainsi à une série de jardins les plus \ariés. C'était un « Versailles » persan. 204 \?î^ J' 4: > « '^f:- m ^^- *cj Si O 2 'fV^-^ Î 'Il Tombeaux des deux derniers rois de Perse .-^/^:y^- -^m'^_it^^f,A4ftî^j^i&^il yiH* % /^ /// 2oG '^r^^iii: 0f Gomme le dit M. Viollet, récemment, à son retour de Perse, il est curieux de voir qu'en Asie un célèbre schah, suivant les traditions de ses ancêtres les Sassanides, avait créé un parc — tel que nous le voyons ici dans les cours d'Ispahan — qui avait les grands côtés de nos jardins français avec les aligne- (//<■': ^■' 1 ■■^Smi fU» Il ;i PfFfF ' ^PfPFF — . — <.^>,sê Le Sar Puchideh dans les jardins de Chehar Bag. c3 5 i Siam Jardins Turcs, Egyptiens, Mauresques. Mohammed Ali Pacha, vice-roi d'Egypte, fit construire en 1826 dans le jardin de sa maison de plaisance de Choubrah située à quelque distance au Nord du Caire, une grande fontaine qui fit l'admiration des Orientaux. Cette fontaine est au centre d'un grand bassin entouré d'une balustrade ornée de vases, d'une colonnade ^-. A,, n l/^^Mi/' /1^- M ^ s \i 'M 3 Y^ -WW Choubrah. maison di; piaisanck de Mohammed-Ai et de quatre grands pavillons ou kiosques placés aux axes du bassin, le tout cons- truit en marbre de Carrare. Les architectes levantins cherchaient à produire beaucoup d'effets avec les moyens les plus simples jusque dans leurs plus petits détails. Là on a mélangé les ornements de style Empire français avec un ensemble de conceptions arabes. 2l3 Alhambra Entrée des jardins et de la Cour des Lions Au point de vue du style mauresque la Cour des Lions est le modèle le plus parfait de ce merveilleux palais. C'est un parallélogramme de cent pieds sur cinquante — entouré d'un portique avec des petits pavillons à chaque extrémité — avec cent pli 'r^ vingt-huit colonnes qui supportent des arceaux du fini le plus délicat et le plus par- fait. Les allées pavées en marbre qui rejoignaient au portique la fontaine du centre, supportée par les lions, étaient autrefois couvertes de fleurs et formaient un jardin charmant avec les quatre grands rectangles fleuris. — 214 — Bibliographie Ouvrages et recueils de planches Androuet du Cerceau. — Les excellents bastiments de France, i 576-1607. De Vriès. — Hortorum élégantes formœ^ i683. Loris. — Les trésors des parterres de l'univers, 1629. Mollet (Claude). — Théâtre des plans et jardinages, i652. J. BoYCEAU DE LA Barauderie. — Traite' dit jardinage, i658. Israël Sylvestre et PÉRrxLE. — ]^ue de Paris et des environs, 167?. Pérelle. — Bâtiments et vues de Paris. Campagnes et maisons de plaisance, 1680. Israël Sylvestre et Lepautre. — Statue. Fin du xyii"^ siècle. Mariette. — Plans de belles maisons. Fin du xvii^ siècle. David Stoopendael. — Zuylesteyn. Yïn du xvn'^ siècle. Eric de Dalberg. — Recueil des plans par Marot, Pérelle, Sivide, Aveelen, 161)3-1714. Marot (Daniel). — Das Ornementn