. :^' Il S'- ir, k. li w %■ % w y ■■•■■ \

# i: I'. r : !■' i'' ff^

f f- 11-'; f

/,■■)? .;*" .,^'

^-Pi

àr*^ ^

ry \ ^

*^«^-

^;v''

ii€^i

i#>

■v^fc^;,-'^

TiV'

2s.^.lo>

r_j^<^^/^2?^^^;:^^i?^^^?;?^<'

Digitized by the Internet /

archive

in 2010 with funding from

University of C

)ttaW(

î

http://www.archive.org/details/desmaladiesduplaOOchar

>y Çy4â 97%i;r-'.

^

DES

MALADIES DU PLACENTA

ET DES

MEMBRANES

PAR

L. A. A. CHARPENTIER

Chef de clinique d'accouchements de la Faculté,

Docteur en médecine, ancien interne des hôpitaux,

Lauréat de la Faculté de médecine de Paris (prix Corvisart, médaille d'or)

Membre de la Société analomique, de la Société médico-chirurgicale.

PARIS

ADRIEN DELAHAYE, LIBRAIRE-ÉDITEUR

PLACE DE L'ÉCOLE-DE- MÉDECINE

1869

Paris, Imprimerie de E, Martinet, rue Mignon, 2,

DE;S

MALADIES DU PLACENTA

MEMBRANES^, 7a y"^^

\ -^

^0Clr.-\\O^>-'

INTRODUCTION

Parmi les sujets qui devaient appeler d'une façon spéciale l'étude des accoucheurs de tous les siècles, il semblerait au premier abord que les maladies du placenta et des membiaiies dussent occuper la première place; il n'en est rien cependant. Et soit idées précon- çues, soit défaut d'examen, ou absence de moyens d'examen, les anciens auteurs sont presque muets sur la question qui t'ait le sujet de celle thèse. On trouve bien chez eux des observations nom- breuses où sont signalées des lésions diverses du placenta ou des membranes ; mais on peut dire sans craiide d'erreur que bien peu d'entre eux avaient saisi les rapports qui existaient entre les lésions de ces organes et l'état de vie ou de mort du (œtus, bien peu en avaient signalé les conclusions à déduire.

Confondant toutes les maladies sous les noms desquirrhe. dégé- nérescences tuberculeuses, fibreuses, atiophie, etc., ils ont fait la conlusion la plus complète entre une foule de lésions distinctes, et ce n'est vraimentqu'aux travaux des modei^ies que l'on doit quelque lucidité sous ce rapport. Ces derniers eux-mêmes sont loin d'avoir interprété les faits de la même façon, et le microscope, tout en per- mettant d'élucider le plus grand nombre des points en litige, n'a pas donné peut-être tout ce que l'on espérait de lui, chacun des obser- vateurs ayant fait porter ses recherches sur îles points spéciaux et ayant voulu rapporter à un type spécial un ensemble de maladies différentes.

Nous n'avons pas la prétention, dans cette thèse, d'élucider toutes

ces questions, le temps limité ne nous permet pas de faire les recherches suffisantes. Nous nous bornerons donc à rapporter les opinions des auteurs et leurs idées telles qu'ils les ont émises ; nous tâcherons ensuite de montrer leurs points de contact et de divergence et d'en tirer les conclusions qui nous paraissent admis- sibles, vu l'état actuel de la science.

Comment tout d'abord devons-nous comprendre la question qui nous est posée ?

DES MALADIES DU PLACENTA ET DES MEMBRANES.

Le sujet se divise de lui-même en deux grandes catégories : maladies du placenta, maladies des membranes.

Mais parmi ces maladies, il en est quelques-unes qui sont pour ainsi dire capitales, d'autres qui ne sont que la conséquence des premières, d'autres qui n'ont été admises qu'à titre d'exception, d'autres enfin qui, longtemps admises sans conteste, sont aujour- d'hui complètement rejetées. Faut-il faire une part égale à toutes, cela ne nous paraît pas admissible, et il est bien entendu que nous insisterons surtout sur celles que l'on rencontre le plus habituel- lement.

Laissant donc de côté tout d'abord les maladies du cordon et les cas d'insertion vicieuse du placenta, qui ne nous intéressent qu'en ce qu'on a indiqué comme coïncidant souvent avec ces der- nières, un état tomenteux rugueux un peu plus épais des mem- branes, nous étudierons d'une façon spéciale :

1" Les épanchements sanguins, hémorrhagie utero -placentaire et apoplexie.

T Les dégénérescences fibro-graisseuses.

Les transformations successives du sang épanché.

La placentite et les dépôts pathologiques divers.

(Pus, concrétions ossiformes, lésions syphilitiques).

Les adhérences anormales, soit à l'utérus, soit au fœtus.

Hypertrophie.

Atrophie du placenta.

9" OEdème.

10° Les tumeurs du placenta, kystes et autres.

11° La sclérose du placenta.

Dans une deuxième partie, nous étudierons les lésions propres à la caduque, au chorion et à l'amnios, nous réservant d'insister d'une façon plus spéciale sur les altérations des villosités choriales ou môles vésiculaires et sur l'hydropisie de l'amnios.

5 -

Nous terminerons enfin par l'étude de l'hydrorrhée.

L'hydrorrhée, il est vrai, ne rentre pas, à proprement parler, dans notre sujet ; mais néanmoins nous en parlerons à cause des différentes origines que lui ont assignées les auteurs.

Chemin faisant, nous discuterons les opinions émises sur ces diverses maladies, et nous dirons quelles sont celles qui nous paraissent les plus vraisemblables et le plus d'accord avec les faits.

Une autre question se présente encore à notre examen : celle de l'historique. Nous nous bornerons à citer, chemin faisant, les sources nous aurons puisé nos renseignements, renvoyant ainsi le lecteur après chaque paragraphe aux auteurs que nous aurons consultés, et nous réunirons, à la fin de cet ouvrage, dans un index, toutes les indications bibliographiques.

Le lecteur aura ainsi sous les yeux tous les matériaux que nous aurons mis à contribution, et nous éviterons ainsi des répétitions auxquelles nous aurions été forcément exposé. Dans les nom- breuses observations que nous avons dépouillées et dont nous citerons une partie, la plupart en effet prêtent à diverses inter- prétations et, par suite, à des confusions que nous avons cherché à éviter autant que possible.

Notre travail est bien incomplet ; il pourra prêter à bien des cri- tiques, nous le savons. Mais que l'on veuille seulement nous tenir compte des efforts que nous aurons faits, et nous nous déclarons largement récompensé par avance.

6

MALADIES DU PLACENTA

De toutes les maladies du placenta, les deux lésions que l'on rencontre le plus habituellement sont, sans contredit, les épanche- ments sanguins et la dégénérescence graisseuse. Comme nous le verrons, ces deux lésions se confondent souvent en une seule et coïncident chez le même sujet. C'est donc par elles que nous com- mencerons. Nous les décrirons d'abord isolément, telles que les ont signalées les auteurs , et nous verrons ensuite comment et pourquoi elles peuvent être rapprochées l'une de l'autre.

M. Cruveilhier s'exprime ainsi :

Apoplexie. Proposition 28. Le placenta est assez fréquemment le siège de foyers apoplectiques qui sont la source d'avortement.

(Cruveilhier, Dictionnaire de médecine et de chirurgie.)

Je crois devoir rapporter à la classe des apoplexies une altération que j'ai rencontrée plusieurs fois et qui me paraît une cause fré- quente d'avortement. Cette lésion consiste dans des foyers de sang en plus ou moins grand nombre, et à divers degrés, dans l'épais- seur du placenta déchiré; cette altération, bornée quelquefois à un petit nombre de cotylédons, à un seul cotylédon, s'éiend souvent à un jflus grand nombre, et alors l'avortement est inévitable. J'ai pu suivre, sur le- même placenta et sur des placentas difféients^ la plupart des transformations que subissent les foyers sanguins pla- centaires. Je ne saurais trop appeler l'attention des accoucheurs sur les maladies du placenta, et sur son apoplexie en particulier, comme cause d'avortement et de maladies éprouvées soit par la mère, soit par le fœtus.

On trouve dans Murât {Dictionnaire des sciences médicales, 1820), à l'article Placenta, la phrase suivante: « Si la femme a éprouvé quelques indispositions pendant la grossesse, la couleur et la sub- stance du placenta examiné après l'accouchement en offrent ordif)ai- rement des traces manifestes; c'est ce que l'on a souvent occasion d'observer chez les femmes qui sont atteiiues de maladies véné- riennes anciennes, chez celles qui sont affectées de phthisie pulmo- naire-. Ces affections semblent favoriser le décollement du placenta. Les endroits de ce corps spongieux qui se sont séparés de la matrice sont recouverts de sang extravasé ou présentent des taches noirâtres.

7

DES ÉPANCHEMENTS DE SANG.

C'est à M. Jacquemier que l'on doit le travail le plus complet sur cette question, et si son mémoire publié dans les Archives de 1839 est passible de quaiques objections, il nen est pas moins vrai que c'est à lui que tous les auteurs ont recours quand ils veulent décrire ces épanchements.

Se tondant sur ses belles recherches sur les vaisseaux utéro- placentaires, M. Jacquemier pose comme principe que, à moins de lésions morbides des vaisseaux artériels, les hémorrhagies sont toujours produites par des déchirures veineuses, soit dans le tissu du placenta, soit dans la caduque en dehors du placenta, celui-ci pouvant être ainsi décollé en partie ou en totalité, ou échapper à ce décollement.

Le siège de ces épanchements dépend du développement du placenta au moment se fait l'hémorrhagie et donne ainsi lieu à des formes différentes qui constituent ainsi, ou les épanchements vrais, ou ce que Jacquemier, et après lui les auteurs, ont appelé apoplexie placentaire.

Pendant une période de la vie embryonnaire, il existe entre la caduque et le chorion un espace libre oîi sont logées les villosités choriales et se passent les premières transformations vasculaires du placenta. Les unes et les autres ne tiennent a la caduque clioriale etinter-utéro-placentaireque par leurs extrémités terminales qui y pénètrent peu profondément. Cet intervalle s'efface graduellement, et l'effacement est complet à la fin du troisième mois.

Si pendant cette première période une rupture se fait dans l'une des veines utéro-placentaires et que le sang se fraye une voie dans l'épaisseur du placenta, il s'épanchera librement dans toute la cavité et formera une enveloppe complète à toute la surface externe du chorion.

Dans la deuxième période, le placenta s'accentue, se développe, mais surtout par lépanouissement terminal des branches vascu- laires et le dépôt du tissu cellulaire. Le parenchyme est donc déjà rapproché compacte dans une partie de son épaisseur au dehors, tandis qu'en dedans il présente encore des vides, des aréoU'S ou seulement moins de densité. Le sang épanché dans le tissu du pla- centa ne peut plus s'étendre au delà des limites du placenta, entre la caduque et le chorion, mais il conserve une grande tendance à se porter sur la face externe du chorion, il trouve des espaces libres et un tissu moins serré 5 de plus, Tépanchement tend à rester

8

limité au lobe dans lequel il s'est fait d'abord. Dans une troisième période, le placenta formant une masse compacte le sang épanché ne peut plus s'étendre aussi loin et forme ainsi des foyers super- ficiels qui s'étendent plus rarement sur la surface externe du chorion.

Ainsi donc, deux formes d'hémorrhagies qui correspondent à ces trois périodes.

Le sang s'épanche entre la caduque et le chorion.

Le sang s'épanche dans le placenta lui-même.

Dans le premier cas, il forme une couche plus ou moins épaisse entre le chorion et la caduque, couché qui peut quelquefois enve- lopper l'œuf presque complètement.

Quoique l'on puisse supposer que ces épanchements se fassent avec une certaine force, ils ne rompent pas en général les enve- loppes membraneuses qui les limitent. Cependant il n'est pas rare que le feuillet réfléchi de la caduque se déchire et que le sang s'épanche dans la cavité de la caduque et même qu'il se fasse jour jusqu'à la face interne de l'utérus. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il déchire le chorion et l'amnios; cependant M. Gendrin paraît avoir observé des cas semblables, et avoir trouvé du sang épanché entre le chorion et l'amnios et même dans la cavité de l'amnios. Il est de toute impossibilité de supposer que le sang soit fourni par les vaisseaux ombilicaux, car nous avons vu que dans quelques cas l'embryon est encore si peu développé qu'il ne tarde pas à tomber en dissolution, et dans les autres, la quantité de sang épanché dépasse de beaucoup le volume de l'embryon entier. La lésion des vaisseaux ombilicaux, si elle existe quelquefois, n'est que consécu- tive à celle des vaisseaux utero- placentaires, et alors le sang du fœtus peut venir se mêler à celui fourni par la mère.

Dans le deuxième cas, l'épanchement de sang peut se présenter sous trois formes bien distinctes :

Le sang épanché se creuse une cavité fort irrégulière qui en- voie des prolongements dans plusieurs directions. Les parties voi- sines sont infiltrées, teintes en rouge dans une étendue assez considérable. Quand les foyers sont volumineux, ils communiquent souvent avec la face externe du placenta qui offre une déchirure plus ou moins étendue et un décollement dans la partie corres- pondante. Ils sont irréguliers, se rencontrent souvent sur le bord du placenta, dans le voisinage de la veine coronaire qui offre quel- quefois une déchirure qui communique avec le foyer. Quand ils correspondent au centre du placenta, ils s'étendent ordinairement jusqu'à la face externe du chorion et jusque dans l'épaisseur

9

du cordon, et s'ils ont des rapports avec les points les princi- pales branches du cordon traversent le chorion, on voit quelquefois le sang imbiber dans une étendue variable les tissus qui entourent la veine et les artères ombilicales à la naissance du cordon. M. Gendrin a publié une observation intéressante sur ce point. Le cordon, sur une longueur de trois pouces à partir du foyer du placenta, était infiltré de sang sans que la veine ni les artères om- bilicales présentassent de déchirure. Ces foyers irréguliers dans le tissu placentaire peuvent être simples ou multiples, de même épo- que ou d'époques différentes.

M. le docteur Millet, dont nous aurons plus loin à analyser la thèse, est loin de partager ces idées, car il s'exprime ainsi dans deux propositions qu'il a placées dans les dernières pages de sa thèse :

« 1" Les foyers apoplectiques qui se trouvent au centre des coty- lédons proviennent de la rupture des vaisseaux ombilicaux et non des vaisseaux de la mère.

» T Les prétendues fausses membranes constatées par certains auteurs à la surface utérine du placenta, et regardées comme un exsudât inflammatoire, ne sont autre chose que des amas de cellules épilhéliales ayant subi en certains points une véritable hyperge- nèse, une véritable hypertrophie. »

Cette dernière proposition serait mieux placée plus tard quand nous aurons à nous occuper de la placentite ou inflammation du placenta. Nous l'avons citée ici pour ne pas la séparer de la pre- mière.

Quant à celle-ci, elle est, nous le savons, partagée par quelques- uns des jeunes micrographes qui sont encore dans les hôpitaux, et qui déclarent très-affirmativement avoir trouvé sur les vaisseaux ombilicaux, au moment ils pénètrent à la face fœtale du pla- centa, des espèces d'anévrysmcs dont la rupture expliquerait pour eux les épanchements apoplectiformes.

Dans une deuxième variété, il n'y a pas de foyer proprement dit. Le sang est infiltré dans un ou plusieurs lobes placentaires dont le tissu semble plus raréfié. Il est plus abondant sur quelques points il forme de petits foyers remplis d'un fluide très-noir qui prend dans certains cas l'aspect d'une gelée peu consistante.

Dans la troisième variété, le sang se présente en loyers nette- ment circonscrits et réguliers dont le nombre peut varier depuis deux ou trois jusqu'à vingt. Les caillots que renferment ces foyers sont plus ou moins volumineux, s'étendent à des profondeurs iné- gales, les unes allant jusqu'à la face interne du placenta, les autres

10

se rapprochant de la face utérine avec laquelle ils communiquent par une ouverture étroite et irrégulière. Le tissu placentaire qui les environne est sain Ils commencent à se décolorer par leur cir- conférence, de sorte qu'ils semblent enveloppés d'un kyste de nou- velle formation. Quelquefois le tissu placentaire ayant été antérieu- rement le siège d'une infiltration sanguine qui l'a rendu plus dense, il présente des traces de sang épanché et décoloré transformé en une matière grisâtre uniformément infiltrée. Il se forme dans ces placentas de tout petits foyers réguliers renfermant des caillots de sang qui représentent assez exactement des grains de raisin noir. Ces foyers sont souvent très-multipliés et le sang qu'ils renferment présente un très-grand nombre de degrés différents de transforma- tion qui indiquent des coagulations récentes et anciennes.

Ces diverses espèces de foyers sanguins peuvent coïncider avec les lésions que l'on rencontre dans les héniorrhagies utérines ordi- naires, soit internes, soit externes, c'est-à-dire avec le décollement partiel du placenta et la présence d'un caillot plus ou moins volu- mineux dans cette cavité artificielle, avec des traînées de sang coa- gulé qui s'étendent entre la face interne de l'utérus et la caduque jusqu'au col. Mais ces épanchements sont fréquemment isolés de ces altérations ou ne les produisent que tardivement.

Dubois et Desormeaux {Dict. en 30 vol., 18^0) admettent deux degrés dans la maladie et distinguent ainsi la congestion et l'apo- plexie du placenta. La congestion consiste dans une accumulation extraordinaire de sang dans les vaisseaux de celte masse spongieuse, pouvant dans quelques cas amener des épanchements plus ou moins considérables dans son épaisseur, à sa surface utérine ou à sa face fœtale, ou bien enfin dans l'intervalle des membranes caduques et du chorion. Cette congestion peut être tout aussi bien le résultat d'un trouble dans la circulation utérine que l'effet d'une pertur- bation dans la circulation fœtale. Cette opinion est partagée par Simpson et rejetée par Jacquemier, qui y voit toujours le résultat d'une rupture des veines utéro-placentaires.

C'est un état de plénitude avec coloration foncée. La face externe du placenta est violette, quelquefois livide. Son tissu est d'une couleur pourpre foncée, ses vaisseaux sont gorgés de sang brun ; il paraît augmenté de volume, plus lourd et plus compact. Un effort de plus, les vaisseaux se déchirent et un épanchement de sang a lieu.

Dans les trois premiers mois, il se fait entre le chorion et la caduque, plus tard dans l'épaisseur même du placenta, d'autant plus rapproché de la face tiatale que la grossesse est moins avancée.

11 _

C'est l'apoplexie du placenta de Cruveilhier, utéro-placentaire de Jacquemier.

Dans l'apoplexie placentaire proprement dite, sont-ce les vais- seaux ombilicaux, est-ce le parenchyme même du placenta, sont-ce les vaisseaux uléro-placentaires dont la rupture donne lieu à la formation des foyers sanguins? Mais on ne trouve jamais, à part le cas de Cazeaux et Grisolle {Revue médicale^ 1839), alors même que les foyers sont le plus près de la face fœtale, de branches ou de rameaux onibilicaux déchirés.

Y a-t-il rupture du parenchyme ou déchirure des vaisseaux utéro-placentaires?Pour Jacquemier et Simpson, cette cause est la seule.

Leur siège est déterminé par suite de la structure même du pla- centa, qui est moins serré du côté du chorion.

Ces épanchements , presque toujours multiples, se présentent sous l'aspect de foyers en général arrondis, exactement circonscrits. Quelquefois pourtant, leur forme est irrégulière et leur contour inégal. Quand ils sont situés près de la face fœtale du placenta, et que le sang s'est épanché entre la caduiiue et le chorion, celui-ci et l'amnios sont soulevés et forment, du côté de la cavité de l'œuf, une saillie hémisphérique ou conique de plusieurs lignes. L'adhé- rence du caillot au cliorion est alors quelquefois très-intime.

Au voisinage des épanchements récents, le tissu du placenta est plus rouge, plus foncé, et cet état, qui dépend peut-être de l'infil- tration ultérieure d'une certaine quantité de sang épanché, peut résulter aussi de la présence d'une foule de très-petits foyers autour du foyer principal ou de petits caillots formés dans le trajet même des vaisseaux.

La couleur du sang est ordinairement d'un brun assez foncé, assez noir, quelquefois pour simuler une dégénérescence méla- nique (musée anatomique d'Edimbourg. Langslaff, à Londres).

D'autrefois, le sang se décolore et passe successivement au brun chocolat, jaune, rougeâtre ou brunâtre, au jaune foncé, blanc sale, époque à laquelle le caillot n'est [dus formé que par de la fibrine.

La rétraction du cadiot, sa réduction à un moindre volume, l'épanchement consécutif de sérosité dans le vide laissé par sa rétraction pourraient en imposer pour des kystes séreux.

Enfin le tissu voisin des épanchements placentaires finit par s'altérer ; on le trouve vide de sang, atrophié, et cette atrophie peut devenir générale si les foyers sont très-multipliés.

Cazeaux se borne à analyser le mémoire de Jacquemier.

Pour Joulin (1867), les foyers hémorrhagiques ont deux sièges

12

distincts: la muqueuse utéro-placentaire , 2" la substance du placenta.

Il attribue l'épanchement à la fusion des vaisseaux qui s'unissent entre eux et à la destruction partielle de leurs parois primitives. Si la solution de continuité est un peu considérable, la pression du liquide peut déterminer des décollements d'une certaine étendue, et l'hémorrhagie pénètre alors jusque dans les espaces intercoty- lédonnaires ou se fait jour au dehors.

Quant aux apoplexies dont le siège primitif est la substance du placenta, elles ont encore pour siège les capillaires, mais par un mécanisme différent, il les attribue au tiraillement et à la déchirure qui se produit dans ces capillaires par suite de leur déplacement et de leur changement de direction pendant l'accrois- sement de l'organe. Peut-être même existe-t-il une maladie des capillaires qui serait cause d'hémorrhagie.

Quoi qu'il en soit, les lésions hémorrhagiques sont parfois exactement les mêmes et la quantité de sang extrêmement variable. L'épanchement peut s'étendre à toute la surface de l'œuf, sous forme de couche inégale envoyant des prolongements dans les anfractuosités creusées par le décollement. 11 peut toutefois être en foyers multiples, nombreux, moins volumineux. Isolés etcironscrils, ils s'arrêtent habituellement à la face interne de l'organe sans rompre la couche épithélialequi tapisse l'utérus.

L'aspect des caillots est variable suivant la date de l'épanche- ment. Noirs, semblables à une gelée peu consistante, d'autres fois blanchâtres par suite d'un commencement de résorption, enfin, en plaques jaunes, blanchâtres, résistantes, que l'on a comparées avec peu de raison à du tissu squirrheux.

Drouadaine (thèse, 1866) ne signale rien de particulier, et se borne à rapporter sans conclure les opinions de Jacquemier, de Dubois et Desormeaux, et cite les noms de Sandford, Deneux, Baudelocque et Simpson.

HÉMORRHAGIE DE LA CADUQUE.

(Bouchut, Société de biologie, 1851.)

Observation.

Une femme de trente-cinq ans, déjà deux fois mère et ayant donné le jour à des enfants bien portants, a vu de nouveau ses règles disparaître au mois de juin 1850. Elle se crut enceinte, car elle éprouvait les piiéno-

13

mènes gastriques et les indispositions qui avaient signalé ses autres gros- sesses.

Au bout de deux mois, une métrorrhagie eut lieu, se continua avec plus ou moins de violence pendant les mois d'août, septembre, novembre et décembre. Elle entra à la Pitié au mois de janvier 1831, avec l'utérus très-volumineux, renfermant un corps étranger dont la nature resta dou- teuse. L'utérus avait le volume des deux poings du sujet. L'hémorrhagie continuant, M. Bouchut donna du seigle ergoté à cette femme, qui rendit bientôt une tumeur grosse comme le poing, composée comme il suit :

Tumeur creuse, à parois épaisses d'un centimètre, remplie de sang liquide; l'intérieur de cette tumeur est partout mamelonné, et sur ces mamelons se voient quelques petits vaisseaux réunis en un pédicule ou cordon, d'un demi-centimètre de longueur, au bout duquel est suspendu un foetus bien apparent, dont on voit l'extrémité céphalique, le corps et quatre tubercules, origine des quatre membres.

Cette cavité est formée par la cavité de l'amnios, et sous cette mem- brane se trouve le chorion, puis la caduque, et dans cette membrane, du sang anciennement coagulé, durci, formant la paroi de la tumeur. Cette paroi est à peu près de la même épaisseur dans tous les points, sauf les mamelons déjà signalés, qui en augmentent çà et le diamètre. C'est là, en conséquence, une hémorrhagie de la caduque aux premiers mois de la grossesse qui s'est répandue tout autour de l'oeuf et a suspendu son dé- veloppement ultérieur.

Observation.

Hémorrhagie utéro-placentaire entre la caduque et le chorioa. Avortement au deuxième mois.

(Blot, Société de biologie, 1850, 1"'= série, p. 76.)

M. Blot présente un œuf abortif de deux mois, dans lequel on trouve un exemple remarquable d'hémorrhagie utéro-placentaire.

Cet œuf offre l'aspect d'une masse ovoïde, du volume d'un gros œuf de poule, de couleur rouge livide; on dirait, au premier coup d'œil, un gros caillot sanguin décoloré, mais, en l'examinant de plus près, on trouve que cette masse est enveloppée de toutes parts d'une membrane organisée d'un gris-jaunâtre, lisse et offrant un grand nombre de petits pertuis ellipti- ques, dont la surface extérieure est comme criblée. En un mot, on retrouve tous les caractères de la caduque à une époque encore peu avancée de la grossesse. C'est en effet la caduque fœtale. Cette membrane est fermée de toutes paris, excepté en un seul point existe une déchirure de 2 à 3 centimètres. Si l'on vient à la fendre en plusieurs directions, à partir de la déchirure, de manière à pouvoir en renverser les lambeaux en dehors, on trouve au-dessous d'elle une autre membrane qui offre tous les caractères du chorion, et en particulier de nombreuses villosités. C'est entre ces deux membranes (caduque fœtale et chorion) que s'est faite l'hémorrhagie.

En effet, les quatre cinquièmes de la surface externe du chorion, y com-

14

pris les points occupés par le placenta encore rudimentaire, sont recou- verts par du sang. Cette couche sanguine est retenue par les ramifica- tions vasculaires du placenta et les villosités du chorion qui y sont emprisonnées; son épaisseur n'est pas la même dans toute son étendue; elle a de 7 à 8 millioiètres au niveau du placenta; en dehors de lui, elle est moins épaisse.

Sa consistance diffère également dans ces deux points ; au niveau du premier, elle forme un véritable caillot solide; dans le second, elle est constituée par un liquide noirâtre, épais et gruraelaux qu'entraîne faci- lement l'eau dans laquelle on est obligé de plonger la pièce pour la dissé- quer. Le foyer hémorrhagique ne communique nullement avec l'extérieur de l'œuf, pas même au niveau du placenta, comme on l'observe assez souvent au moyen de déchirures étroites, de la caduque, improprement appelée secondaire , aussi, la dénomination d'hémorrhagie caduco-choriale ferait-elle peut-être mieux comprendre que celle d'utéro-placentaire le point précis de l'œuf qu'occupe le sang épanché; il n'existe pas non plus de communication entre le foyer hémorrhagique et l'intérieur de l'amnios. Celte dernière membrane n'offre rien autre chose de particulier qu'une déchirure correspondant à celle de la caduque fœtale. A travers l'ouver- ture qui en résulte, on peut voir très- clairement, au fond de la cavité de 'œuf, l'insertion du cordon ombilical, dont l'extrémité embryonnaire, libre et flottante dans la cavité amniotique, présente les traces évidentes d'une déchirure récente. Ce cordon a 4 centimètres de longueur, 2 milli- mètres de diamètre. I! n'existe pas le moindre vestige d'embryon ; il avait été expulsé trois jours avant l'œuf. La malade, pour nous servir de ses expressions, l'a, dit-elle, rendu avec ses quatre membres.

Ainsi donc, dans ce cas comme dans un assez grand nombre de cas analogues, l'avortemenl eu lieu pour ainsi dire en deux temps. Ce rensei- gnement devait être noté, car il aurait pu se faire que l'embryon eût dis- paru par absorption,

Le chorion, au lieu d'être séparé de l'amnios par un intervalle d'une certaine étendue, comme cela existe normalement au deuxième mois de la grossesse, lui est intimement uni, et il est presque impossible de les séparer l'un de l'autre.

Cette disposition tient-elle au refoulement qu'a subi le chorion de la part du sang épanché? Cela est probable. L'examen le plus attentif ne peut faire retrouver le plus petit vestige de la vésicule ombilicale.

15

Recherches d'anatomie, de physiologie et de pathologie sur l'utérus humain pendant la gestation, et sur l'apoplexie utéro-placentaire, pour servir à l'histoire des hémorrhagies utérines, ou part prématuré et abortit

(J. Jacquemier, Archives générales de médecine^ année 1839, t. V.)

F^ Observation.

Œuf abortif par épanchement sanguin dans la cavité commune aux villosités du chorion et aux premiers rudiments vasculaires du placenta, expulsé six semaines après la conception.

Madanne A. G... n'eut pas ses règles le 22 décembre 1838, époque elle les attendait; mais, le 24 janvier 1839, après unonuit passée au bal, elle fut prise de coliques, de douleurs de rein, et dans la journée elle s'aperçut qu'elle commençait à perdre un peu de sang par ia vulve.

Malgré le repos, la fausse couche ne tarda pas à être imminente, et eut lieu le 31 mai seulement, huit jours après les premiers symptômes.

L'œuf rendu était entier, il égalait à peine en volume un tout petit œuf de poule; la caduque externe était intacte, sa portion interutéro-placen- taire présentait, vers son centre, une déchirure de trois lignes de long. En écartant les bords de la déchirure, on apercevait au-dessous du sang coagulé.

La caduque réfléchie était entière dans toute son étendue; entre elle et le chorion existait une couche de sang à demi coagulé qui recouvrait toute la surface externe de celui-ci.

Celte couche sanguine avait trois lignes d'épaisseur sur la portion du chorion se développait le placenta, et une ligne et demie dans les points qui en étaient les plus éloignés. II était difficile de la détacher du chorion, parce que les villosités et les vaisseaux du placenta pénétraient dans toute son épaisseur.

L'incision du chorion et de l'amnios laissa sortir à peu près une demi- cuillerée à bouche d'un liquide trouble, rougeâlre, ayant la consistance d'une solution de gomme, tenant en suspension de petits flocons gris; la vésicule ombilicale était parfaitement distincte, mais il n'y avait pas d'embryon.

Un petit prolongement d'une ligne de long, pénétrant dans le chorion, à l'endroit se développait le placenta, était tout ce qui restait du cordon.

Il* Observation.

Œuf abortif par épanchement sanguin dans la cavité commune aux villosités du chorion et aux vaisseaux du placenta, expulsé deux mois et demi environ après la conception.

Madame M... n'avait pas eu ses règles aux deux dernières éjjoquei ; elle touchait à la troisième, lorsqu'elle fut prise, sans cause connue, de

16

symptômes d'avortement, qui furent suivis le quatrième jour de l'expul- sion de l'œuf ; l'écoulement du sang pendant tout ce temps fut très-modéré.

Le produit était entier, sans déchirure, mais il n'était pas exactement plein, et sa surface présentait plusieurs plis en divers sens qui indiquaient qu'une partie de ses liquides avait été résorbée. La cavité de la caduque existait, mais elle était complètement vide. Dans cet état, l'œuf offrait à peu près le volume d'un œuf de poule.

Entre le chorion et la caduque réfléchie et inter-utéro-placentaire exis- tait une couche de sang qui recouvrait toute la surface externe de la pre- mière ; cette couche était complètement coagulée, le coagulum était solide et décoloré dans plusieurs points de son étendue ; il offrait une épaisseur de près de quatre lignes dans la portion se développait le placenta.

Les divisions vasculaires de cet organe et les villosités du chorion étaient enveloppées de toutes parts par cette concrétion fibrineuse. L'amnios était dans un contact immédiat avec le chorion. Le liquide amniotique était épais, trouble, rougeâtre, peu abondant, à peu près une cuillerée.

L'embryon était complètement dissous ; il restait à peu près trois lignes de cordon adhérent au centre du placenta. La vésicule ombilicale se re- connaissait encore.

III*^ Observation.

Œuf abortifpar épanchement sanguin dans le tissu du placenta, expulsé plus de trois mois après la conception.

La femme qui a rendu ce produit avait dépassé de quelques jours la quatrième époque menstruelle, depuis qu'elle avait cessé d'avoir ses règles, lorsqu'elle fut prise de symptômes qui annonçaient une fausse couche.

Les renseignements qui m'ont été donnés sont insuffisants pour m'en faire connaîlre la cause; quoi qu'il en soit, l'avortement eut lieu quarante- huit heures après l'apparition des premiers symptômes ; la perte du sang fut assez abondante sans cependant être inquiétante. L'œuf était entier, plein, sans être distendu, quelques caillots étaient encore adhérents sur la surface externe de la caduque utérine, il avait deux pouces et demi mesuré dans la direction de son grand diamètre. La cavité de la caduque existait encore. Le placenta était Irès-apparent et offrait des lobes distincts les uns des autres.

Trois de ces lobes étaient le siège de foyers sanguins contenant des cail- lots non récents, du volume d'une fève de marais ; le reste du tissu de ces lobes renfermait du sang à l'état d'infiltration.

En dedans, les foyers s'étendaient jusqu'à la surface externe du chorion, tandis qu'ils restaient au dehors à une certaine distance de la face utérine du placenta; outre ces foyers, il existait au bord du placenta une infiltra- lion de sang à demi liquide, qui occupait une portion du bord du placenta et s'étendait à trois lignes entre le chorion et la caduque.

L'espace qui existe entre le chorion et la caduque n'était pas encore complètement effacé aux bords du placenta. Partout ailleurs, le contact était immédiat, quoique les villosités fussent encore assez développées.

Je n'ai pu voir dans quel point les veines utéro-placentaires avaient été

17

déchirées. L'embryon étendu avait deux pouces de long, il ne présentait aucun vice de conformation, ni de traces d'autres lésions.

IV Observation.

Accouchement prématuré, déterminé par des épanchements sani^^uins récents dans le tissu du placenta surtout, vers le sixième mois environ de la grossesse.

Une femme âgée de vingt-sept ans, déjà mère de trois enfants nés à terme, fut reçue à la Maternité, parce qu'elle souffrait et qu'elle perdait ua peu de sang par la vulve, quoiqu'elle dît n'être enceinte que de cinq moi?.

Huit jours avant son entrée, cette femme avait fait une chute sur le siège en descendant un escalier. Elle éprouva une douleur vive dans la ré- gion lombaire, qui persista plusieurs heures avec le même degré de vivacité; ni ce jour, ni les suivants, il ne parut point de sang à la vulve; elle éprouva les douleurs comme pour accoucher, mais elles ne durèrent pas longtemps; le cinquième jour de l'accident, elle put se lever et reprendre ses habitu- des, mais elle ne tarda pas à éprouver de nouveau des douleurs et de la pesanteur dans la région lombaire. Le huitième jour, écoulement d'un peu de sang par la vulve, d'ailleurs comme pour accoucher ; elle se fit conduire à l'hospice, elle accoucha cinq ou sis heures après son arrivée d'un en- fant au terme de six mois environ, qui ne vécut que quelques instants ; elle ne perdit que très-peu de sang pendant le travail, et ne rendit point de caillots avec le délivre.

Un tiers environ du placenta présentait une couleur brune très-foncée, qui comprenait quatre lobes. Deux de ces lobes correspondaient à la cir- conférence du placenta : le sinus circulaire dans ce point était rempli de sang noir coagulé.

En cherchant à le détacher^ je trouvai un prolongement qui conduisait dans une cavité située au centre d'un des lobes indiqués; le caillot qu'elle renfermait avait à peu près le volume d'un œuf de pigeon ; il était noir, dur sans parties liquides, et n'était décoloré dans aucun de ses points.

La cavité dans laquelle il était contenu était très-irrégulière et s'éten- dait en dedans jusque sur la surface externe du chorion, du côté de l'utérus ; elle avait près de deux lignes d'épaisseur.

Le tissu cellulaire du placenta et les ramifications vasculaires des vais- seaux ombilicaux qui formaient les parois do ce foyer, étaient fortement teintes en rouge brun.

Du côté des lobes sains, cette coloration no dépassait pas les scissures inler-lobulaires.

Deux autres lobes présentaient des cavités et un coaguhim à peu près semblables, mais avec cette diPTércnce que je n'ai pu leur trouver aucune communication, ni avec le premier foyer, ni avec aucune des veines uléro- placentaires : ces cavités semblaient formées seulement par l'écartement des parties vasculaires du placenta sans avoir été déchirées. L'insuftlation et l'injection d'eau dans les vaisseaux du cordon n'ont pu me faire consta- ter aucune rupture des divisions des artères ou de la veine ombilicale. L'aspect que dans les parties teintées en rouge brun [u-ésontait la surface

CHAUPEKTIliR. 2

- 18|-

externe du placenta, semblait faire voir qu'il n'y avait pas eu de décolle- ment de cet organe, coïncidant avec le moment l'hémorrhagie avait eu lieu.

V* Observation.

Foyers sanguins très-nombreux à la surface externe et dans l'épaisseur d'un placenta induré dans toute son étendue.

D..., se croyant au terme de sa grossesse, quoiqne son ventre fût peu développé, accoucha après treize heures de travail d'un enfant dit putréfié, très-gréle, très-amaigri ; il avait seize pouces de largeur, et pesait deux livres ; cette femme n'avait pas senti remuer son enfant depuis trois se- maines.

Le placenta avait trois pouces de diamètre, six lignes d'épaisseur à son centre ; son tissu était ferme et avait perdu son apparence spongieuse, ce qu'il devait à une matière homogène, d'un blanc gris, sans organisation, qui était infiltrée dans toute sa masse, mais en plus grande quantité vers sa face fœtale, que dans le reste de son étendue.

Sa surface utérine était criblée de caillots de sang noir, durs, ayant une forme régulièrement arrondie ; les plus petits avaient une ligne et demie à deux lignes de diamètre; les plus gros avaient à peine trois lignes; tous étaient logés dans des excavations régulières que présentait la face externe du placenta. Après avoir enlevé le coagulum avec précaution, on trouvait une pellicule très-mince qui tapissait l'excavation. En pénétrant plus pro- fondément dans le tissu du placenta, on trouvait d'autres caillots, mais en beaucoup moins grand nombre, sensiblement plus volumineux, mais égale- ment et très-régulièrement arrondis, presque tous complètement décolorés et plus durs,

La cavité dans laquelle ils étaient logés était tapissée par une couche à peu près de même nature, pouvant se séparer assez facilement en plusieurs lames molles faciles à déchirer.

Je n'ai pu trouver à plusieurs de ces foyers si réguliers aucune com- munication à l'extérieur; les plus grosses divisions des vaisseaux ombili- caux étaient encore perméables, mais cependant beaucoup rétrécies.

VP Observation.

Hémorrhagie pendant le travail. Placenta sain, renfermant dans son épaisseur sept foyers sanguins, exactement circonscrits et à des degrés différents d'an- cienneté.

La femm.e qui a rendu ce placenta était primipare et au terme de sa grossesse qui n'avait été compliquée d'aucun accident. Pendant tout le travail, elle perdit un peu de sang. Cette perte devint assez abondante vers la fin; l'enfant fut expulsé, mais très-faible; il était petit et maigre.

Une portion de la face utérine du placenta au bord et dans l'étendue

i9

d'un pouce environ, en tous sens, était recouverte d'une couche de sang coagulé de trois lignes d'épaisseur. Cette couche était assez difficile à détacher. La portion du placenta qui était au-dessous, sans otl'rir des déchi- rures, était infiltrée de sang encore en partie liquide, jusque sur la partie correspondante du chorion. C'est de cette portion de la circonférence du placenta décollée que provenait la quantité assez abondante de sang qui s'est écoulée pendant le travail de l'accouchement.

Une tumeur faisant une légère saillie vers le centre de la face uté- rine, attira d'abord mon attention, et bientôt j'en reconnus plusieurs autres. Une seule des cavités qui les renfermaient offrait une ouverture rétrécie sur la face utérine du placenta ; les autres étaient fermées de toute part.

Deux de ces tumeurs offraient le volume d'un œuf de pigeon et étaient formées par un caillot d'un rouge noir, dur, et se séparant facilement par couches superposées. Les cavités qui les renfermaient étaient très- régulières, formées par le tissu du placenta. On ne voyait à la surface de celui-ci aucune trace de fausse membrane, seulement dans l'épaisseur d'une ligne, un peu de sang iiifdtré donnait plus de fermeté à la portion du placenta qui enveloppait immédiatement le caillot.

Les autres tumeurs avaient à peu près le volume d'une olive. Elles étaient complètement décolorées. Cependant elles se distinguaient les unes des autres (î'une manière bien tranchée par leur consistance. Les unes, d'un blanc gris, étaient formées d'une substance comme pulpeuse, se séparant en grumeaux par une légère pression entre le pouce et l'indica- teur comme de la matière stéatomateuse. Deux autres avaient une couleur plus blanche. En cherchant à les écraser, on leur trouvait beaucoup plus de fermeté, et elles tendaient à se séparer par couche; si leur consistance avait été encore plus considérable, on aurait pu les comparer à du carti- lage ; leur coupe présentait un aspect homogène. Les cavités de toutes ces tumeurs étaient très-régulières, et tapissées par une couche qui ne pouvait se séparer par petits fragments. Toutes ces cavités s'étendaient à peu de distance de la face fœtale sur laquelle elles ne faisaient pas de saillies.

Le placenta avait son volume ordinaire et ne présentait aucune trace d'altération autre que celle que nous venons d'indiquer.

Vil* Observation.

Êpanchements sanguins anciens et récents, accompagnés de concrétions albumi- neuses et de pus à la surface utérine et dans l'épaisseur du placenta.

La femme qui a rendu le placenta dont nous allons faire connaître les altérations pathologiques, entra à la Maternité le 1 I juillet 1837. Le travail de l'enfantement avait déjà commencé, les membranes n'étaient pa.-^ encore rompues. Elle accoucha d'un enfant dit putrélié, du poids de trois livres et demie. Cette femme était âgée de vingt-cinq ans, c'était sa deuxième gros- sesse: elle se croyait à terme. Dix-huit mois avant ce second accouchement, elle avait fait une fausse couche au terme de trois mois environ, pour laquelle elle entra à I Hôtel-Dieu, oii elle resta cinq semaines non pour les suites de

20

sa fausse couche, mais à cause d'un érysipèle de la face qui se développa peu de jours après son entrée. Elle était très-bien rétablie lorsqu'elle devint enceinte pour la deuxième fois.

Arrivée au terme de quatre mois, elle commença à éprouver une cépha- lalgie continuelle, des douleurs dans la région lombaire, elle perdit l'appétit et fut obligée de garder le lit pendant quatre ou cinq jours; elle ne perdit pas de sang par la vulve.

Les douleurs de tête et de la région lombaire se dissipèrent en grande partie sans cesser tout à fait. Elle prétend qu'elle ne pouvait supporter d'autre nourriture que le lait et qu'elle mangeait peu.

Quinze jours avant son entrée à l'hôpital, elle éprouva des douleurs plus vives dans la région lombaire, des coliques. Elle commença à perdre un peu de sang par la vulve : elle se sentait très-faible et fut obligée de garder le lit une partie de la journée. Elle cessa bientôt de sentir les mou- vements de son enfant. Elle éprouvait de temps en temps des frissons suivis de fièvre. Elle allait mieux depuis cinqjOu six jours, lorsque le travail £e déclara. C'est alors seulement qu'elle fut conduite à la Maternité. Cette femme était, très-maigre, pâle; le pouls était Irès-fréquent; le travail fut assez court, régulier et sans complication. Les suites de couches n'ont rien offert de particulier. Le placenta avait le volume ordinaire d'un pla- centa à terme, il n'était ni flétri ni macéré par le liquide amniotique comme le fœtus mort. Vers le centre de sa face utérine existait un caillot large comme la paume de la main à peu près ; il était dur, d'une couleur rouge très-foncée. Le côté par lequel il correspondait à l'utérus était recouvert à moitié par une concrétion blanche, molle, de deux lignes d'épaisseur. Lorsqu'on incisait cette fausse membrane, on voyait çà et de tous petits foyers purulents. Ce caillot adhérait d'une manière assez solide au placenta, et dans plusieurs endroits il pénétrait assez profondément dans son tissu par des crevasses. L'une pouvait recevoir l'extrémité de mon pouce et s'étendait jusque sur le chorion. Indépendamment de ces prolongements dans le tissu du placenta déchiré, une grande partie de cet organe était colorée dans toute son épaisseur par du sang infiltré. Outre les petits foyers purulents qui se rencontraient dans la couche albumineuse qui recouvrait la face externe des caillots, on en voyait d"autresun peu moins petits entre sa face interne et le tissu du placenta. Enfin, d'autres foyers semblables se faisaient encore remarquer à une petite distance de la circonférence du caillot sur la caduque inter-utéro -placentaire, foyers qui avaient été pour la plupart ouverts par le décollement définitif du placenta. Le pus qu'ils renfermaient était épais, bien lié, mais dans tous il semblait plutôt déposé que sécrété. On ne voyait pas autour de ce pus que le tissu de la caduque ou du placenta fût engorgé, rouge, ramolli et qu'il présentât des traces d'inflammation.

A un pouce et demi d'un des points du bord du placenta existait une concrétion blanche, dure, qui se prolongeait jusque sur le chorion, formant une masse homogène qui n'était pas exactement limitée par le tissu du placenta, mais s'y perdait par un grand nombre de prolongements irré- guliers.

Au delà, la matière n'était plus déposée par masse, mais infiltrée, elle

21

prenait un aspect gris et était moins dure. Les vaisseaux ombilicaux qui se rendaient dans toute celte portion du placenta étaient oblitérés et for- maient des cordons solides. La portion spongieuse avait presque complè- tement disparu.

DE L'ALTÉRATION DITE GRAISSEUSE DU PLACENTA.

Nous ne potivons mieux faire que d'analyser ici le mémoire de M. Robin et à le suivre dans le développement de ses idées. x\vanl de passer à la description de la lésion proprement dite, il étudie d'abord en quelques mots quelle est la structure delà substance du chorion et de ses villosités sous le titre de

Modifications des villosités du chorion précédant l'altération dite graisseuse du placenta.

La substance du chorion et celle de ses villosités sont identiques, elles sont constituées par une espèce particulière d'élément ana- tomique appelé substance choriale. Cet élément est disposé sous forme membraneuse.

C'est une substance amorphe, grisâtre, résistante, rarement mi peu striée ou fd^roïdepar place et de loin en loin. Elle est rendue transparente par l'acide acétique, mais non dissoute par lui, par- semée de noyaux ovoïdes longs de 8 à 10 millièmes de millimètre, larges de 5 à 6.

Ces noyaux sont empâtés dans l'épaisseur et non à la surface de cette substance, ils font partie constituante de cet élément ana- tomique, ils sont écartés plus ou moins les uns des autres, et les intervalles qui les séparent sont parsemés de quantités considéra- bles de fines granulations moléculaires, grisâtres la plupart, dont quelques-unes sont graisseuses.

Lorsque les villosités se développent sur le chorion, elles sont pourvues d'un canal central simple, tant que les vaisseaux allan- loïdiens ne sont pas venus s'y distribuer. Une fois ceux-ci déve- loppés, le canal se divise en conduits artériel et veineux adossés en canon de fusil, mais irrégulièrement et en décrivant de nombreuses flexuosités. La substance même est dépourvue de vaisseaux. 11 ar- rive une période de la vie embryonnaire une partie des villosités cessent de grandir plutôt qu'elles ne s'atrophient ; elles restent sans vaisseaux, ou si elles en avaient, ceux-ci disparaissent ou s'atrophient. Quant aux autres, elles continuent à se ramilier de plus en plus en augmentant de volume, elles restent seules vascu-

22 -

laires et constituent le placenta. L'ensemble des ramifications d'une villosité, s'allongeant, se tassant, s'enchevêtrant, constitue un coty- lédon avec sa circulation indépendante de celle des autres coty- lédons, car les ramifications ne s'anastomosent pas, et à chaque ex- trémité des ramifications, le conduit artériel placentaire se recourbe en anse veineuse pour descendre franchement à côté de l'artère en direction inverse ; donc deux sortes de villosités :

Villosités choriales, celles qui n'ont pas pris part k la for- mation du placenta.

Villosités placentaires ou cotylédoimaires, celles qui consti- tuent définitivement le placenta.

Description des divers états offerts par les villosités du chorion ou par leur ramification.

1" Un certain nombre des villosités choriales et placentaires, à tous les âges, ne sont pas creuses. Généralement courtes, ovoïdes, allongées, elles sont remplies de granulations grisâtres, fines, très- rapprochées les unes des autres; en même temps, on voit soit au centre, soit dans toute l'étendue des rameaux, un certain nombre des noyaux dont il a été question précédemment.

2" Sur les œufs plus jeunes, un certain nombre sont restées vides, les vaisseaux allantoïciiens ne s'y sont pas introduits, elles sont par .suite aplaties. Plusieurs d'entre elles sont remar- quables par la quantité considérable de granulations moléculaires graisseuses, à centre brillant jaunâtre, à contour foncé, dont leur paroi est parsemée. Ces granulations masquent plus ou moins complètement les noyaux propres à la substance choriale, mais qui apparaissent par l'acide acétique.

Enfin, la plupart des villosités ont leur conduit central rem- pli de tissu cellulaire semblable à celui qui forme une même couche entre le chorion et l'amnios.

Ces fibres, toutes longitudinales parallèles, sont réunies en faisceau serré et donnent à la villosité un aspect fibroïde qui pourrait être considéré comme propre à la paroi de la villosité ; mais la dilacération prouve son indépendance propre, le faisceau élastique ne se brisant pas au même niveau et pouvant être arraché comme d'une gaîne. Ce tissu cellulaire est accompagné d'une petite quantité de matière amorphe unissante et quelquefois de fines granulations moléculaires; il contient en outre des noyaux fibro- plastiques un peu plus étroits et plus allongés qu'à l'ordinaire,

23

tous dirigés en long et qui n'apparaissent que par l'action de l'acide acétique.

Cette oblitération par du tissu cellulaire existe chez les œufs plus âgés dans ]es villosùés placentaires à' un ou de plusieurs cotylédons pris au hasard.

Sur un certain nombre de villosités choriales, on trouve en outre à tous les âges de l'œuf, que depuis le moment de l'obli- tération, la paroi propre ne renferme pas seulement de fines gra- nulations moléculaires ou jaunâtres ; on constate en outre la pré- sence de granulations graisseuses et de véritables gouttes d'huile qui se sont déposées dans son épaisseur. Ces granulations et gouttes graisseuses sont la plupart sphériques ou ovoïdes, d'autres sont irré- gulières polyédriques, mais il y en a aussi, surtout les plus grosses, qui sont étirées en forme de larmes bataviques ou à contours flexueux arrondis. Leur diamètre peut aller depuis 1 jusqu'à 10 millièmes de millimètre. Elles sont à centre jaune brillant, à con- tour net et foncé noirâtre, elles réfractent en un mot fortement la lumière à la manière des corps gras. Insolubles dans l'acide acétique, elles sont attaquées par la potasse ; elles sont les unes éparses, sans ordre, les autres contiguës, soit disposées en séries moniliformes, soit en groupes de formes variées.

C'est ce qu'on a appelé la dégénérescence graisseuse du pla- centa, qui n'est autre chose que la production de graisse dans des éléments anatomiques ; comme on le voit, toutes les fois que la nu- trition d'un tissu se trouve ralentie par diverses causes ou modifiée dans de certaines conditions.

De r altération dite graisseuse du placenta.

C'est la lésion que l'on a décrite sous le nom de : Induration du placenta', encéphaloïde , dégénérescence squirrheuse, cancéreuse et tuberculeuse du placenta. Dans ces derniers temps, elle a reçu le nom de dégénérescence graisseuse.

Cette lésion se présente sous forme de masses grisâtres, moins rouges, moins humides que le reste du tissu placentaire, ou même blanchâtres ; elles sont plus dures que ce lissu, et ne se laissent pas aussi facilement dilacérer en longs filaments. Elles peuvent occuper une partie seulement d'un cotylédon, la totalité de l'un d'eux, plu- sieurs d'entre eux, le quart, la moitié et plus du placenta.

Suivant M. Druitt {The Lancet, 1853), c'est surtout à la circonfé- rence de l'organe que se rencontre cette lésion; il l'a décrit même comme constante sur une partie des cotylédons les plus extérieurs,

^.. '■Ik

mais ce ne sont que certaines ramifications qui sont lésées, et elles sont perdues au milieu de ramifications restées perméables.

Ce sont ces lésions qui sont indiquées comme causées par l'in- flammation du placenta, mais elles ne sont qu'une conséquence de l'évolution naturelle aux villosités choriaies se manifestant acci- dentellement dans les villosités placentaires.

A. On trouve sur certains placentas un ou plusieurs cotylédons, une ou plusieurs parties de cotylédons qui semblent déprimés, plus durs, formant une masse compacte se déchirant en fragments dont la surface est fdaraenteuse et irrégulière. Ce tissu est formé de villosités offrant l'oblitération fibreuse à un degré avancé, c'est-à- dire celui dans lequel les fibres sont fortement serrées les unes contre les autres et très-adhérentes à la face interne du canal des ramifications qui forment alors des cordons pleins et résistants. La substance propre choriale est devenue très-granuleuse, souvent plus mince, les noyaux sont moins nombreux qu'à l'état normal. Les granulations sont généralement petites, grisâtres, ne sont pas toutes graisseuses, mais toutes les ramifications n'offrent pas ces granulations graisseuses. Les villosités sont adhérentes les unes aux autres ; un peu de matière amorphe, dense, et des granulations moléculaires peu abondantes, leur sont interposées.

B. Il est des placentas sur lesquels on rencontre la disposition suivante : les cotylédons sont nettement séparés les uns des autres par des sillons profonds ; la surface utérine offre des lobes saillants distincts, dont chacun est un cotylédon. Plus durs que le tissu normal, ils offrent une certaine friabilité et ont pourtant une déchi- rure filandreuse. Leur tissu est gris ou gris jaunâtre, blanc jau- nâtre, moins humide que le tissu placentaire sain. Plus profondé- ment, le tissu placentaire reprend un peu son aspect normal, quoi- qu'il reste un peu plus dense, moins rougeâtre, moins humide.

Ces portions du tissu sont toutes composées de villosités obli- térées par du tissu cellulaire, comme dans le cas dont il a été ques- tion ci-dessus. Seulement beaucoup d'entre elles ont leur substance propre parsemée de granulations graisseuses décrites plus haut.

En général, partout il y a abondance de granulations grais- seuses, les noyaux de cette substance ont disparu, en partie ou même en totalité, dans les portions ces granulations graisseuses se touchent. Mais cela n'est pas constant et, même dans les parties les plus blanchâtres, il est des ramifications dont les parois ne renferment pas trace de granulations graisseuses, ou à peine.

Les cotylédons atteints le sont toujours plus du côté de la face adhérente à l'utérus que dans leur profondeur du côté du chorion.

25

Là, en général, ils reprennent peu à peu leur mollesse, leur humi- dité, leur teinte rougeâtre. Déprimés sur les placentas injectés, ils sont saillants sur les placentas vides de sang.

Le dépôt graisseux n'est donc qu'une complication de l'oblitéra- tion naturelle des villosités clioriales proprement dites ; l'oblitéra- tion placentaire est accidentelle; le nom de dégénérescence grais- seuse n'est donc pas complètement exact.

Il est difficile d'être plus net, plus explicite que M. Robin ne l'est dans ce mémoire, et cette altération ne ressemble en rien à celle que M. Jacquemier et les auteurs ont décrite sous le nom d'apoplexie placentaire. Nous allons voir pourtant que la distinction n'est pas aussi facile à faire qu'il semblerait au premier abord, et qu'il y a des cas les deux lésions, coïncidant ensemble, viennent ainsi compliquer la question, et ont été la cause des confusions dans lesquelles sont tombés les auteurs.

Voyons avant l'opinion de quelques autres auteurs, et les des- criptions qu'ils donnent de cette dégénérescence graisseuse.

M. Barnes, dans un travail publié dans The Lancet, 1853, décrit ainsi la lésion dans les cas qu'il a eu occasion d'observer.

La surface maternelle du placenta est profondément divisée par des sillons, son aspect général ressemble à celui du cerveau, tant par sa couleur que par la séparation lobulée des paities. Tous ces lobes avaient une apparence d'un jaune pâle, brillante comme de la graisse ; au fond des sillons interlobulaires, on trouvait une colo- ration rouge, on constatait évidemment une connexion vasculaire avec l'utérus; excepté en ce point, le placenta avait un aspect exsangue. Une coupe dans l'épaisseur du placenta lit voir que la matière jaune graisseuse était beaucoup plus distincte vers la sur- face utérine du placenta , tandis qu'en approchant de la surface fœtale, on reconnaissait mieux la couleur du sang, mais on ne dis- tinguait pas laie tissu normal du placenta. L'examen microscopique fit aussi apercevoir une altération plus grande des villosités situées près de la surface utérine. D'ailleurs, aucune villosité n'était par- faitement saine; dans les lobules les plus fermes, les villosités étaient fragiles, déformées; les vaisseaux étaient rompus et avaient perdu la netteté de leur contour. Le cliorion était en grande partie détruit, et les noyaux, dans les parois des vaisseaux, étaient élargis et remplis de granules.

Dans les parties moins malades, les vaisseaux conservaient leui propre volume.

Sur les six observations que cite M. Barnes, les cinq premières présentent des lésions identiques. Dans la sixième, on constate en

■=- 26

plus, dans ce cas, que la caduque était très-épaisse. A la surface utérine, on distinguait des ouvertures vasculaires obliques; d'ail- leurs, cette surface était pâle et avait un aspect graisseux ; on voyait dans les cellules de la caduque de nombreuses granulations graisseuses ; la surface fœtale de la caduque présentait une sem- blable apparence, mais la transformation graisseuse était moins étendue.

Millet (thèse, ISôl) reproduit exactement les opinions de Robin sous l'inspiration de qui sa thèse a été écrite.

Tarnier, Joulin, Stein, mêmes idées.

Doutrepont, Wilde, Kilian, envisagent la lésion que nous étu- dions comme une dégénérescence graisseuse du placenta.

Aussitôt que les travaux de M. le professeur Robin ont été con- nus, les observations se sont multipliées; mais on s'aperçut bien vite que les faits n'étaient pas aussi simples qu'ils le paraissaient d'après ces descriptions si nettes et si précises, et des cas mixtes, c'est-à-dire il était permis à la fois de constater les lésions de l'apoplexie placentaire, et la dégénérescence graisseuse des villosités furent cités par différents auteurs.

Le premier, que nous reproduisons ici tout au long, car il a été le point de départ de toutes les discussions, est celui qui a été soumis, en 1854, à la Société de biologie, par MM. Hiffelsheim et Laboulbène, quelque temps après la communication de M. Robin. Celui-ci, à la fin de son article, s'exprimait du reste déjà ainsi. Ces altérations sont indépendantes de l'hémorrhagie ou apoplexie placentaire, elles coïncident quelquefois, il est vrai, mais ce sont deux lésions indépendantes l'une de l'autre, et il est fréquent de trouver la dégénérescence des villosités sans qu'il y ait de caillots dans le placenta à quelque phase de modification que ce soit. Lorsque la fibrine se rencontre dans le placenta à un degré de modification assez avancée pour offVir une complète décoloration ou seulement la teinte gris jaunâtre des cotylédons à subdivisions oblitérées avec dépôt ou non dégouttes graisseuses, c'est à la face profonde du placenta, contre le cliorion lui-même, que se trouve cette fibrine; il est possible que l'oblitération d'une ou de plusieurs branches, ou d'un cotylédon, modifie la circulation du placenta pris dans son ensemble, et qu'elle soit cause d'hémorrhagie; mais la lésion elle-même est certainement indépendante de l'hémor- rhagie.

Nous verrons tout à l'heure que, si cette opinion est admise par certains auteurs, il en est d'autres parmi les jeunes micrographes qui sont loin de la partager, et nous aurons'alors à discuter quelle

27 ^

est la part qu'il faut faire à ces diverses opinions et s'il est possible de les concilier.

Voyons d'abord le cas de MM. Laboulbène et Hiffèlsheim, et les conclusions qu'ils en ont tirées.

NOTE SUR UN PLACENTA

Recueilli dans le service de M. Rayer, et offrant simultanément les lésions de l'apoplexie placentaire et de l'oblitération fibreuse des villosités ; lue à la So- ciété de biologie, le 26 août 1865, par MM. les docteurs Hiffelshein et Laboul- bène.

DESCRIPTION ANATOMO-PATHOLOGIQUE.

La pièce pathologique que nous avons examinée présente deux lésions distinctes: l'apoplexie placentaire et l'oblitération fibreuse, que nous allons décrire séparément et le plus succinctement pos- sible. Nous discuterons ensuite quelques points fondamentaux de physiologie pathologique que cette question a soulevés en diffé- rentes circonstances.

Nous supposons connue la description générale de ce genre d'alté- ration, très-commun, ainsi que chacun le sait. Pour plus de détails sur cette oblitération des villosilés, on pourra consulter le mé- moire lu récemment par le M. le docteur Ch. Robin à la Société de biologie, et qui sera imprimé dans ses Mémoires.

Le placenta offre des dimensions un peu plus petites qu'à l'état normal, six cotylédons sont complètement oblitérés. Deux d'entre eux, les plus compactes, offrent au centre un foyer apoplectique capable de loger un pois ou un petit haricot.

Le moins malade des six offre un petit caillot dans son épaisseur, du volume d'un gros grain de millet ; les trois autres cotylédons altérés ont une coupe uniforme, sans trace d'épanchement sanguin.

On remarque, en outre, onze autres petites masses jaunâtres, offrant les caractères extérieurs et de structure des cotylédons oblitérés ; huit d'entre elles ne dépassent pas le volume d'un grain de chènevis ou d'un pois, Les trois autres atteignent celui d'une ])elite noisette. Ces petites masses sont éparses danscinq cotylédons qui, dans le reste de leur étendue, sont à l'état normal. Les bords de toutes ces petites masses se perdent insensiblement dans la partie saine.

Quatre de ces petites masses offrent sur les côtés et au centre un petit caillot du volume d'une tête d'épingle.

28

Les sept autres oflFrent une coupe homogène jaunâtre, sans com- plication apoplectique.

Trois cotylédons placentaires seulement sont entièrement sains; ils sont arrondis^ plus volumineux que les autres; nous reviendrons plus tard sur ces trois cotylédons avec foyer apoplectique sans oblitération ou autre lésion des villosités. De la présence de ces différents points oblitérés, avec l'aspect propre à cette lésion, résulte que le placenta a la plus grande partie de sa surface comme marbrée de plaques jaunâtres confluentes par les bords, ou isolées au milieu des parties saines et rougeâtres du tissu. Tous les amas gris jaunâtre, isolés ou confluents, sont compactes, friables, peu fdandreux, tous depuis leur surface jusqu'au contact des caillots, lorsqu'ils en renferment, offrent les dimensions et les caractères des villosités placentaires; c'est l'élément le plus abondant du tissu. Nous le décrirons avec détail. Entre ces villosités enchevêtrées existe une petite proportion de matière amorphe avec granulations graisseuses de 3 millièmes de millimètre de largeur. Cette ma- tière amorphe, peu abondante, existe dans le même état qu'à l'état normal ; elle n'en diffère que par la présence des granulations graisseuses qui n'y sont qu'en quantité peu considérable.

Lesvillosités sont toutes oblitérées par du tissu cellulaire à fibres longitudinales très-peu onduleuses ; on peut constater qu'entre ces fibres existent de petits amas rouge pourpre d'hématoïdine amorphe larges de 0'",01 millimètre ; d'autres amas sphéroïdaux sont formés d'hématoïdine en aiguilles, larges de 2 à 4 centièmes de millimètre.

II importe de noter la situation des cristaux dans le canal, de la villosité et vers son extrémité terminale ; de plus, on voudra remar- quer que ce n'est que par dilacération prolongée que l'on met en liberté ces cristauxd'liématoïdine;, par l'effet de la rupture des con- duits oblitérés. C'est à M. Robin que nous devons d'avoir pu décrire ces cristaux, qu'il a observés en même temps que nous.

La paroi propre des villosités est remarquable par son aspect rugueux qu'on ne rencontre pas à l'état normal. Elle est remar- quable aussi par la grande quantité de granulations dont elle est parsemée, d'où résulte qu'elle est moins transparente que dans les parties saines.

Ce granulations sont pour la plupart grisâtres; elles existent seules dans la moitié au moins des villosités ou leurs ramifications.

Les autres ramifications sont au contraire parsemées de granu- lations graisseuses, sphériques, jaunâtres, dont le diamètre varie de 1 à 5 millièmes de millimètre de diamètre. La présence de ces granulations graisseuses sur un certain nombre des ramifications

29

montre bien que le dépôt graisseux n'est qu'un phénomène secon- daire compliquant l'oblitération, puisque celle-ci affecte toutes les branches des villosités sans exception. Ce qui le prouve encore, c'est que les granulations graisseuses sont isolées elles existent ou bien en chapelet, très-rarement elles sont contiguës ou en amas.

C'est pourquoi chaque villosité conserve sa teinte grisâtre, sa transparence propre, dans les larges intervalles que n'occupent pas les granulations.

Les granulations grisâtres suffisent pour masquer les noyaux propres à la substance choriale; l'acide acétique, en attaquant les granulations, rend les villosités transparentes et montre leur noyau.

Dans les ramifications qui contiennent en outre des gouttes graisseuses, ces noyaux ne sont perceptibles aussi qu'après l'emploi du réactif. Toutefois ce réactif, n'attaquantpas la graisse, l'examen de ces noyaux est plus difficile en ce point que dans les autres parties.

Pour plus de détails, on pourra consulter le mémoire de M. Robin^ caries faits précédents s'observent dans toutes les circon- stances analogues et ont déjà été décrits par lui.

Passons aux caillots. Outre les caillots sanguins signalés plus haut, il en existe quatre autres que nous allons décrire successive- ment.

Deux d'entre eux siègent chacun dans un cotylédon différent, au bord du placenta ; ils sont contigus, mais distincts. Le plus externe a le volume d'une petite noix. Le cotylédon qui le renferme n'en- veloppe que la moitié de sa surface ; il présente la consistance et la couleur gelée de groseille.

La surface, dans une épaisseur de 1 à 2 millimètres, est rougeâtre, plus ferme, moins foncée que la partie centrale.

Le second caillot offre la forme et le volume d'une petite noisette, il est enveloppé aux trois quarts par le cotylédon qui le renferme, il est d'une teinte rouge foncé, de consistance assez ferme, comme le caillot dans la saignée d'un rhumatisme aigu. Sa partie centrale est pulpeuse, demi liquide, gris rougeâtre, comme dans un caillot qui commence à se ramollir ; un point assez limité de sa surface offre le môme aspect, mais avec une décoloration et une teinte grisâtre plus prononcée. Ces parties ramollies n'offrent plus de fibrine à l'état fibrillaire ni de globules rouges, mais quelques globules blancs flottant dans de la fibrine moléculaire, comme dans le cas des pseudo-pus fibrineux.

Les parties des cotylédons tout à fait contiguës h ces caillots sont saines. Deux autres caillots sont situés dans des cotylédons du centre

-r- 30 V_

du placenta. Ces caillots ont une surface lisse, consistante, d'un rouge grisâtre, ayant l'aspect extérieur et la disposition tibrillaire de la fibrine coagulée depuis déjà longtemps. Le centre de ces caillots est mou, tremblotant, presque dilfluent, d'un gris rougeâtre.

Ces parties molles du caillot présentent encore quelques globules sanguins et de la fibrine réduite à l'état de granulation moléculaire accompagnant une proportion à peu près égale de fibrine qui pré- sente encore l'aspect finement fibrillaire et très-caractéristique propre à la fibrine coagulée.

Les globules blancs sont ici aussi assez nombreux ; comme dans tous les caillots apoplectiques, on rencontre de l'hématoïdine amorphe ou cristallisée.

Le lissu des cotylédons, immédiatement contigu au caillot, est un peu plus dense que dans le tissu normal, ce qui semble en grande partie à la compression' que lui fait éprouver le caillot. Sa colo- ration est moins rougeâlre, ni à l'œil nu, ni sous le microscope. Les villosités ne présentent les caractères de l'oblitération.

Les parois des villosités sont un peu plus granideuses que celles des cotylédons éloignés de l'épanciiement. Quelques-unes offrent un petit nombre de gouttes graisseuses, mais en quantité si minime qu'on pourrait en négliger la menlion.

Nous terminerons pai' quelques remarques sur les caillots siégeant dans les cotylédons oblitérés.

Ces caillots offrent tous les caractères des derniers caillots, si ce nest que deux d'entre eux sont un peu plus décolorés, mais il est facile d'y retrouver à côté de fibrine déjà réduite à l'état de granu- lation moléculaire, des amas offrant l'aspect fibrillaire le mieux caractérisé.

La partie du tissu oblitéré immédiatement contiguë au caillot a reçu de celui-ci, dans l'épaisseur de 1 à 2 millimètres, une légère teinte de rouille, due en partie à de l'hématoïdine amorphe, inter- posée aux villosités en général ; il n'y a pourtant pas trace de fibrine dans cette portion des cotylédons oblitérés, et le tissu qui touche le caillot offre le même degré d'altération que les portions les plus éloignées.

MM. Laboulbène et Hiffelsheim tirent de cet examen ces con- clusions :

Qu'il y a tout à la fois apoplexie et oblitération des villosités;

T Que l'on ne peut subordonner l'oblitération à l'apoplexie, celle- ci, au contraire pouvant être la conséquence de l'oblitération ;

3" L'indépendance de ces deux lésions.

Si

L'aspect des cotylédons malades ne tient nullement à des trans- formations successives des caillots; et en voulant le faire dériver d'une transformation successive des caillots, on a élé conduit à admettre des épanchements sanguins oii il n'y en avait pas.

Cette opinion a été combattue dans ces derniers temps par un des élèves les plus distingués de celte école, M. Damaschino, dont les idées ont été exprimées quoique d'une façon un peu trop explicite, dans une thèse publiée l'année dernière par M. le docteur Bustamante. Nous en donnerons tout à l'heure l'analyse, mais avant il nous faut étudier les transformations du sang telles que les avaient constatées Jacquemier, Dubois et Desormeaux. Nous donnerons ensuite les opinions de M. Robin, et enfin nous exami- nerons les opinions émises dans la thèse dont nousvenons de parler, et nous tâcherons de dégager la vérité au milieu de toutes ces opinions qui, il faut bien le dire, si elles se ressemblent pour la forme, diffèrent totalement quant au fond.

Pour Jacquemier, le sang épanché dans le tissu du placenta, lorsque l'œuf n'est pas expulsé, se divise en parties solides et liquides; le sérum s'infiltre au loin et disparaît; la partie solide réunie en caillots se resserre, devient plus dense et diminue un peu de volume par le fait de sa condensation. La partie colorante du sang disparaît peu à peu, cette décoloration commençant par la circonférence, à moins que !e caillot n'ait été formé par addition successive. Le caillot est alors plus dur au centre, il est déjà décoloré, tandis qu'à la circonférence il a la couleur rouge du sang récemment épanché, et on peut observer plusieurs couches de cou- leur et de densité différentes ; il est même souvent facile de le séparer en lames régulières sans qu'il ait été formé par l'addition d'épanchements successifs ; dans un grand nombre de cas, il est encore facile de reconnaître les caractères du sang durci, mais dans plusieurs autres la transformation est beaucoup plus pi'ofonde, il est alors impossible de reconnaître les caractères de la fibrine. C'est dans ces cas qu'il faut placer ces plaques de tissu homogène sans organisation, très- fer me^ coloré en blanc grisâtre ou jaunâtre qu'on peut comparer tantôt à des cartilages friables, tantôt à du tissu squirrheux, tantôt à de la matière tuberculeuse en masse ou infiltrée.

Quelquefois, elles présentent au centre ou sur quelques autres points de petites cavités remplies d'un sang ramolli brunâtre. Dans une autre variété, !e sang forme une masse moins compacte se sé- parant par la pression en grumeaux. La matière ressemble à celle de kystes mélicéricjues, à du tissu adipeux ramolli, à du '.^téatome.

Les parois des foyers les mieux circonscrits manquent de kystes,

32

produits organisés. Souvent les extrémités des vaisseaux ombili- caux qui pénètrent dans cette couche sont flétries et oblitérées. Lorsque l'infiltration s'est étendue au loin autour de ces foyers, le tissu du placenta est plus ferme, d'une couleur blanchâtre. Les vaisseaux sont affaissés, flétris, oblitérés. On trouve quelquefois ainsi un ou plusieurs lobes du placenta complètement oblitérés, mais l'oblitération n'est complète que lorsque la matière infiltrée est très-abondante.

Quand l'épanchement s'accompagne de décollement placentaire, le sang s'unit solidement d'une part au tissu du placenta, de l'au- tre à la face interne de l'utérus, mais jamais il n'y a reproduc- tion de circulation. On peut croire cependant que quand l'épan- chement est peu considérable, le sang peut être résorbé et qu'il se fait une reproduction de la portion de la caduque utéro-placentaire, dans laquelle peuvent se développer de nouveaux vaisseaux utéro- placentaires qui rétablissent non-seulement l'adhérence, mais en- core l'état primitif, de sorte que la circulation dans les vaisseaux ombilicaux correspondants n'est pas suspendue.

Comment M. Robin, à son tour, comprend -il les transformations des epmichements sanguins ?

Les idées émises dans le Traité de chimie anatomique ont été re- produites à la suite de leur observation, par MM. Laboulbène et Hilffelsheim.

La fibrine coagulée se présente en effet dans l'économie sous deux formes bien distinctes en rapport avec les conditions se fait cette coagulation.

La première forme est celle qui a reçu le nom de concrétions fibrineuses, qui se produit dans les vaisseaux et le cœur quand le sang circule encore ou au moins jouit d'un mouvement d'oscil- lation. Tel est le cas de la production des concrétions polypilormes du cœur, des couches qui traversent les couches anévrysmales, de la production d'un caillot dans le cas de ligature d'une artère. En voyant la disposition par couches stratifiées avec une certaine ré- gularité et peu colorées, la possibilité de les déchirer dans un sens toujours le même, l'aspect fibrillaire et enchevêtré du bord de la déchirure, on a pu croire à une véritable organisation. Mais on re- connaît que ces concrétions se forment par le passage plus ou moins subit d'une substance liquide à l'état solide sous forme amorphe, striée et granuleuse, susceptible de se déchirer dans le sens des stries ou môme offrant de véritables fibrilles isolables plus ou moins

33

flexueuses. Jamais elles n'oflFrent la disposition fasciculée ou le mode d'enchevêtrement que présentent par exemple les libres du tissu cellulaire. Jamais on n'y a vu que des traînées de globules sanguins sans production de capillaires. Jamais ces masses ne se développent, et si elles grossissent, c'est par superposition de nou- velles couches passant à l'état concret. Dans le cas ce fait n'a pas lieu, elles tendent à passer à l'état de fibrine amorphe et granu- leuse pour être résorbées peu à peu. Or ce n'est pas même cette forme de*fibrine que l'on rencontre dans les caillots apoplectiques du placenta.

La deuxième forme de fibrine coagulée qui reçoit plus particu- lièrement le nom de caillot, se produit sur le vivant dans le cas d'épanchement sanguin apoplectique ou autre, et lorsque le cou- rant sanguin de quelque cavité vasculaire normale ou pathologique vient à être interrompu.

Toute la fibrine de la masse liquide passant en même temps à l'état solide a entraîné les globules rouges ou blancs du sang et, par suite, se trouve formée à la fois de fibrine et de globules dont la masse est plus grande que la fibrine même. Aussi les caillots sont plus mous, ils n'ont pas la disposition fasciculée et se déchirent avec facilité en tous sens. La présence des globules fait en outre que ces masses se comportent autrement que les concrétions quant aux phénomènes de leur décoloration, de leur ramollissement^ quant aux phénomènes de leur action tinctoriale sur les tissus qu'elles touchent. Aussi a-t-on rarement parlé de leur organisation dans le cerveau, le foie, les poumons oii on les rencontre habituellement. Or ce sont ces caillots que l'on rencontre dans le placenta, et c'est de leur organisation qu'on a voulu parler. Mais jamais un tissu a-t-il pris naissance sans la présence d'éléments anatomiques, et qui a jamais vu des éléments anatomiques dans le sang, sauf les globules? Mais dans un épanchement, ceux-ci sont absents, ils disparaissent. C'est donc la fibrine qui, grâce à son aspect fibril- laire, donne lieu à une pareille supposition.

Dans sa thèse inaugurale, publiée en 1868, M. le docteur Verdier semblait devoir éclairer plusieurs points de la question. Aidé dans ses recherches micrographiques par M. le docteur Gornil, il aurait pu nous fournir sur cette question des matériaux précieux. Mal- heureusement il a dénaturé en partie les idées de ce dernier auteur, et a tiré des conclusions dont M. Cornil se garde bien de se faire le défenseur.

Les caillots une fois formés peuvent, dit M. Verdier :

Se condenser et devenir permanents,

CUARPENTIEn. 3

Sh -r

Se détruire,

3" Peut-être s'organiser.

Pour ce qui est de la simple condensation et de la permanence des caillots, rien de moins discutable ni do plus simple.

La destruction du caillot comporte plusieurs phases. La fibrine dé- posée dans les tissus, donne à ceux qu'elle infiltre ou dans les loges desquels elle est déposée un aspect jaunâtre lardacé, une con- sistance ferme avec friabilité; son apparence fibrillaire des pre- miers jours est devenue grenue au bout d'un temps asseï court. A mesure que cet aspect grenu se prononce, ou distingue bientôt dans la masse des granulations de deux ordres. Les unes, de nature protéique, aisément reconnues parce qu'elles se dissolvent dans les alcalis et l'acide acétique ; les autres graisseuses, qui résistent à ces agents. De plus, un certain nombre de globules blancs peu- vent persister, s'emplir de granulations graisseuses et former ainsi, par la disparition des noyaux, des corps granuleux.

A mesure que la structure granuleuse se prononce avec le temps,

la raasse'se ramollit, se liquéfie, et alors^ dit M. Vulpian, on a

sous les yeux une masse semi-liquide et jaunâtre^ ayant absolu-

\nent l'aspect du pus et regardée comme telle par les anciens ob -

ervateurs.

Dans ces masses pyoïdes, on trouve :

r D'innombrables granulations fibreuses et graisseuses ;

Du liquide;

Des globules blancs restés englobés et mis à nu par le travail de ramollissement; ils sont toujours altérés, ordinairement chargés de granulations graisseuses ;

Des corps granuleux formés soit par simple accolement des molécules graisseuses, soit par leur accumulation dans un globule blanc;

5" Des cristaux d'hématoïdine.

Enfin, suivant certains auteurs, les caillots pourraient s'organiser plus ou moins complètement.

La théorie de la lymphe plastique et de son organisation, émise par Hunter, fut bientôt abandonnée. Regardée comme douteuse, l'organisation des caillots fut niée d'une manière formelle par Cru- veilhier, et M. Robin déclara que le sang épanché est un corps étranger mort, incapable de s'organiser.

Mais des recherches tout à fait nouvelles perniettent au moins des doutes, et M. Vulpian leur a donné, dans son cours, l'autorité de son nom et de son enseignement.

C'est dans le Traité de chirurgie de Billroth qu'Otto Weber

■— 35

décrit l'organisation du sang épanché. Dans les caillots provoqués par les ligatures d'artères, on voit les globules blancs, au bout de quelques joiirs, changer de forn)e. Leurs noyaux se divisent, tan- dis que la paroi disparaît dans le tissu, et ils envoient des prolon- gements sarcodiques de plus en plus eftilés qui s'allongent, s'aida- stomosent et finissent par constituer un réseau tout à fait semblable à celui du tissu conjonctif. Puis se développent des capillairos qui s'abouchent avec les vaisseaux les plus voisins, tandis que ^es glo- bules rougps disparaissent.

Passons maintenant à l'examen des idées émises par M. le doc- teur Bustamante.

Admettant complètement les idées de Dalton, M. Bustamante part de ce principe que les villosités au centre desquelles se trou- vent les deux canaux artériels et veineux plongent immédiatement dans le sang maternel et qu'ils n'en sont aucunement séparés. Le placenta, pour lui, serait, à l'état normal, continuellement baigné par le sang maternel, qui s'étendrait plus ou moins loin dans les interstices des cotylédons et leurs ramifications, absolument comme le liquide vient baigner partout les mailles d'une éponge. Le placenta, par conséquent, se trouverait, pour ainsi dire pour lui en état d'hémorrhagie permanente.

Sans vouloir ensuite présumer quelle est la nature de la lésion, l'auteur se borne à la décrire, d'abord à l'œil nu, puis au micro- scope, et nous verrons tout à l'heure quelle conclusion il tire de ces examens.

a. Aspect extérieur.

La lésion se présente tantôt sous forme de noyaux disséminés, tantôt sous forme de plaques plus ou moins étendues, isolées ou réunies, noyaux et plaques qui peuvent, dans certains cas, être rap- prochés et même se confondre par leurs bords. La couleur varie du blanc jaunâtre an blanc livide, au blanc terne, ou même au rouge noirâtre, comme les caillots sanguins. Ces diverses colora- tions sont dues aux diverses métamorphoses que subit le sang coa- gulé. La coloration peut même aller jusqu'au noir.

b. Au niveau des parties malades, le tissu est plus consistant, quoique plus friable; cela existe surtout dans les cas de noyaux multiples.

c. L'étendue est variable; tantôt ce sont des noyaux disséminés en nombrtî variable, depuis le volume d'un pois et même moins à celui d'une noisette et plus; tantôt des plaques arrondies, allon- gées, très-limitées à la vue, à bords peu irréguliers. L'étendue de ces plaques varie de quelques centimètres de dianiètie à lui tiers, un

36 ^

quart, la moitié, la presque totalité du placenta. Ces plaques occu- pent quelquefois toute l'épaisseur du placenta, mais généralement elles ne s'étendent pas complètement d'une face à l'autre, et alors l'altération, visible d'un seul côté (face fœtale de préférence), ne l'est pas du côté opposé. Le plus fréquemment, du reste, la lésion occupant le bord de l'organe va d'une face à l'autre.

d. Le siège le plus fréquent est le bord ou la partie voisine. Vient ensuite la face fœtale, en y comprenant ce qu'on a appelé kystes de la face fœtale ou dépôts fibrineux, d'où l'altération marche dans l'épaisseur de l'organe. Viennent enfin les plaques qui envahissent toute l'épaisseur de l'organe, les noyaux de la face utérine et les noyaux centraux, et l'altération qui est constituée par une seule plaque ayant envahi un tiers ou la moitié de l'organe.

e. L'état des tissus est extrêmement variable. Tantôt on trouve le tissu du placenta rempli de coagulums sanguins^ nombreux et récents, dont le nombre paraît diminuer avec le volume; tantôt ils ont perdu en partie leur coloration, et on ne trouve à leur place qu'un tissu dont la dureté et la coloration varient et dans lequel sont comprises et agglutinées les villosités. D'autres fois, quand la iésion est plus ancienne, les caillots se ramollissent et leur centre >tfre l'aspect d'une bouillie variant depuis le rouge brun jusqu'au

jaunâtre et même au jaune, ce qui a été pris par Brachet pour du pus provenant de l'inflammation du placenta.

Cette bouillie peut être, d'après Billroth, du vrai pus résultant de la transformation du sang coagulé du thrombus, transformation qui n'est pas admise par Virchow ni Robin.

D'autres fois les caillots se présentent en couches stratifiées; cela existe surtout dans les plaques de la surface fœtale. La couche la plus profonde est alors noirâtre, tandis que les autres couches vont en se décolorant jusqu'au blanc jaunâtre de la profondeur aux couches externes.

Enfin le tissu morbide peut être tellement dur qu'on ne peut plus le dissocier, et, dans ce cas, il est blanc sale ou blanc gris.

Les vaisseaux qui se rendent dans les parties malades sont, en général, diminués de calibre (Jacquemier); mais il y a en plus obli- tération et atrophie, que M. Bustamante considère comme toujours consécutive et comme une conséquence nécessaire de l'obstacle apporté à la circulation des vaisseaux par l'altération que subit le tissu.

Moreau, au contraire, considère cette oblitération comme pri- mitive.

Si maintenant nous passons à l'étude microscopique, nous allons

-- 37

voir que M. Bustamante ne voit, dans ces différentes lésions, que des degrés plus ou moins avancés des métamorphoses que subit le sang coagulé; il est vrai que, en même temps, les villosités placen- taires sont aussi le siège d'altérations, mais pour lui, elles ne seraient que secondaires.

A. Quand la lésion est récente, on trouve simplement les élé- ments du sang coagulé agglutinant les villosités ; puis, au bout de quelques jours, on trouve de la fibrine en réseau et des globules rouges et des leucocytes entre ses mailles. Les villosités qu'elle enveloppe sont intactes, seulement leurs vaisseaux sont remplis de sang coagulé.

Dans un degré plus avancé, les réseaux de fibrine présentent des mailles plus serrées, il y a moins de globules rouges, et ils sont altérés au point qu'il est difficile de les reconnaître. Les leuco- cytes, au contraire, se développent et deviennent le point de dé- part d'un tissu conjonctif de nouvelle formation, et, plus tard, il ne reste que le réseau fibrillaire très-serré, avec des corpuscules conjonctifs étoiles et des granulations pigmentaires. Les villosités agglutinées s'altèrent, leurs parois deviennent granuleuses, et si l'altération est plus avancée, elles présentent de vraies gouttelettes graisseuses.

Dans les vaisseaux, le sang offre l'aspect d'un détritus granu- leux, et, plus tard, on ne voit à sa place que de minces traînées de matière granuleuse. On voit déjà aussi un commencement de pro- lifération des noyaux du tissu conjonctif.

Le sang peut se rencontrer semi-liquide au centre et enfermé dans une cavité formée par des couches stratifiées plus ou moins épaisses, ou bien de sang coagulé non stratifié. Dans ce cas, la couleur du liquide varie au point de prendre un aspect jaunâtre qui peut être du véritable pus pour Billroth, le pseudo-pus fibri- neux pour Robin.

Quant aux modifications que subit le tissu du placenta altéré par la présence du sang coagulé dans sa trame, les coagulums subissent une modification importante, c'est l'augmentation des globules blancs, ou mieux l'apparition d'éléments arrondis, supé- rieurs en dimensions aux leucocytes. Autour de ces globules, sont quelques fibrilles de tissu conjonctif et, enfin, à un degré plus avancé, apparnît le tissu conjonctif avec cellules étoilées.

Ainsi, au dernier degré de l'altération, on voit non-seulement les globules blancs devenir granuleux, mais même présenter un, deux, trois noyaux. Apparition défibres, de tissu cellulaire jeune,

38

qui augmente, s'entrecroise, se mélange de noyaux, et, en même temps, les globules sanguins disparaissent.

Les vaisseaux des villosités s'oblitèrent alors, et, à la place de leur lumière, on ne trouve plus qu'une traînée de matière finement granuleuse et oblitération définitive. Les parois des villosités s'al- tèrent aussi, mais elle reste toujours partielle, c'est-à-dire qu'à côté de villosités peu altérées, on en trouve d'autres bien granu- leuses et contenant des gouttelettes graisseuses.

Voici quel serait le mécanisme de la lésion : le sang maternel qui circule dans le placenta y subit forcément un ralentissement, puisqu'il arrive dans un lieu de capacité plus grand et très-anfrac- tueux. Sous l'influence de ce ralentissement, sous l'influence aussi de l'état puerpéral, qui modifie le sang et le prédispose à se coaguler, sous cette influence, le sang se coagule en emprison- nant les villosités, et une fois coagulé, il subit les métamorphoses que nous avons indiquées.

Suivant que la coagulation se fera brusquement ou successive- ment, on aura des coagulums ou des couches stratifiées.

M. Bustamante propose de donner à cet état le nom de throm- bose du placenta,

A l'appui de ses idées, il cite l'observation suivante :

Observation.

La nommée Lemoine entre à la Clinique le 5 février 1 868. Cette fetnme est âgée de vingt et un ans, servante, de bonne constitution, primipare et à bassin bien conformé ; cette femme, qui est blonde et à cheveux rouges, forte et robuste, a été réglée à dix-huit ans, et régulièrement elle a vu trois jours.

Ses dernières règles ont eu lieu le \ 9 mai \ 867. Les seuls accidents de la grossesse ont été des vomissements qui ont duré tout le temps, et qui se sont fait sentir le jour même de l'accouchement pour la dernière fois.

Les premières douleurs apparaissaient le 4 février à onze heures du soir, rupture spontanée des membranes le 5 à huit heures du soir; à huit heures et demie, la dilatation est complète, et l'accouchement se termine une heure après, présentation du sommet, 101 G A; la délivrance est naturelle.

Enfant faible, '1440 grammes, de 40 centimètres de longueur; le cor- don est de la même longueur ; le placenta est inséré sur le col.

Celte femme dit avoir perdu, dès les premiers jours de novembre, de l'eau rougeâtre, perte qui eut lieu tous les jours pendant les mois de novembre, décembre et janvier, et qui était en très-petite quantité.

Vers le 20 janvier, survint une perle forte, qui se déolara pendant le sommeil et dura deux jours.

Le 4 février au soir, elle a été prise de douleurs au bas-ventre et aux reins, douleurs qui se sont accompagnées d'une nouvelle perte légère, la-

39

quelle a duré pendant tout le travail; à l'arrivée à la Clinique on constatait au toucher un col ouvert qui permettait d'arriver jusque sur les meinbra- neâ, et à gauche on distinguait très-bien un bord du placenta ; la partie des membranes sur laquelle arrivait le doigt était rugueuse, comme cela se note au voisinage du placenta.

L'écoulement sanguin n'était pas abondant. M Depaul ordonna le repos absolu, et la fit surveiller attentivement, afin d'appliquer le tampon aussitôt que la perte deviendrai! abondante. Le 5 février, à huit heures du soir, les membranes ayant été rompues spontanément, la perte s'arrêta dès lors; à huit heures et demie, la dilatation était complète, et une heure après, l'ac- couchement se terminait.

Cette femme raconte que dans les deux premiers mois de sa grossesse, elle souffrait de coliques dans les jours correspondants à ses règles : pen- dant les trois mois qu'elle a perdu, elle a eu aussi souvent mal aux reins.

Pas d'antécédents rhumatismaux ni syphilitiques.

Cette femme est morte le 9 mars d'une péritonite générahsée, placenta ovalaire, grand diamètre, 1 9 centimètres; grosse extrémité, 12 centimètres; petite, 8 centimètres ; surface utérine, la petite extrémité avait son inser- tion sur le col, ainsi que permet de le constater la déchirure des mem- branes : en ce point, le placenta est très-épais, offre une coloration jau- nâtre et un aspect livide.

Cette apparence de la surface utérine du placenta est due à la présence d'une couche d'apparence fibrineuse, couche en certains points peu adhé- rente et facile à détacher, mais qui, au niveau des bords, semble faire corps avec la substance même du placenta ; en ce point, la consistance de ce dernier est augmentée, et diffère essentiellemenf d'avec celle des parties saines.

L'altération que nous venons de décrire offre son maximum de déve- loppement à la petite extrémité du placenta, elle forme une plaque de 4 centimètres de large, sur une circonférence de 5 à 6 centimètres. Mais on la retrouve également sur presque toute la périphérie de l'organe au- quel elle forme une sorte de bordure de un et demi à 2 centimètres de large.

Examiné par sa face fœtale, le placenta est remarquable par sa colora- tion jaunâtre, surtout quand on vient à détacher les membranes.

Dans un seul point, et sur une étendue de 2 à 3 centimètres de large, la coloration est toute différente et d'un rouge violacé, semblable a un caillot récent.

Des coupes diverses pratiquées dans ce placenta font voir :

'1° Que les plaques jaunes circonférencielles sont uniquement constituées par des caillots fibrineux anciens, lesquels forment des couches concentri- ques tout à fait semblables aux caillots fibrineux des anévrysmes.

Au centre de ces coagulums, qui se prolongent de façon à couvrir toute la surface fœtale du placenta, on trouve une cavité remplie d'un liquide rougeâtre, située entre la surface du placenta et les caillots fibrineux eux- mêmes ; celte cavité se prolonge dans une assez grande étendue de la sur- face placentaire. Quant aux coagulations, elles sont d'autant plus anciennes qu'elles sont situées plus près de la surface fœtale.

ao

Les vaisseaux placentaires cheminent dans leur épaisseur avant de se distribuer dans la substance du placenta ; l'un des vaisseaux traverse avant de pénétrer dans celte dernière la cavité kystique.

Au niveau de la portion d'apparence violacée, on rencontre un caillot tout à fait récent et à moitié coagulé.

En multipliant ces coupes, il est facile de constater que la plus grande portion du gâteau placentaire, est constituée par des coagulums plus ou moins anciens, déposés en couches lamellaires, non pas à la surface utérine, mais bien à la surface fœtale du placenta.

La substance spongieuse des villosités est fort peu développée, et offre au niveau de quelques cotylédons une couleur violacée : on ne peut décider par l'examen à l'œil nu, si cette coloration est le fait d'une simple imbi- bition ou d'une infiltration sanguine : le microscope permet toutefois de reconnaître qu'en ce point existe, entre les villosités de tout calibre, du sang coagulé.

Examen microscopique. Présence de débris des villosités au milieu des foyers hémorrhagiques de tout âge, et notamment des plus anciens.

Quelques-uns des caillots, les plus noirs, sont uniquement constitués de globules sanguins tout à fait normaux (rouges et blancs) avec de minces ré- seaux de fibrine ; mais, au milieu même de ces coagulations tout à fait récentes, on trouve quelques coagulums lamellaires qui sont le siège d'un travail morbide incontestable. Dans ces points, les globules blancs sem- blent avoir subi une augmentation de nombre, ou du moins on voit en quantité au moins égale à celle des globules rouges des éléments arrondis, de dimension un peu supérieure à celle des leucocytes, et contenant deux ou trois noyaux autour d'eux ; on remarque des fibrilles parallèles à peine entrecroisées, semblables à celles du tissu conjonctif jeune; l'acide acétique dissout ces fibrilles, et on ne voit plus alors qu'un nombre considérable d'éléments nucléaires, et susceptibles de se colorer par le carmin. Les points qui offrent'ces particularités histologiques sont, nous le répétons, entourés de tonte part par des coagulums évidemment récents et hors de tout rap- port avec les villosités. Mais dans d'autres parties du placenta, et notam- ment au milieu même de quelques cotylédons qui ont été le siège d'une coagulation sanguine, il existe, au pourtour des villosités, des coagulums offrant absolument la même structure.

Nous voici donc en présence de trois grandes idées :

L'apoplexie placentaire ;

L'oblitération de villosités et la dégénérescence graisseuse ;

Les transformations successives du sangcoagulé ou la throm- bose placentaire.

Un grand fait frappe tout d'abord quand on veut chercher à se rendre compte de ces diverses opinions, c'est que, quelle que soit l'interprétation des faits adoptée par les auteurs, il y a une chose sur laquelle ils sont d'accord : '^

Il y a épanchement de sang ;

2" Oblitération et dégénérescence des villosités.

- ùl

11 est, en effet, admis aujourd'hui que les cas que nous avons appelés mixtes, comme celui de MM, Laboulbène et Hiffelsheim, sont de beaucoup les plus fréquents. Seulement, les divergences ici commencent presque immédiatement, les uns voulant faire de l'épanchement de sang une lésion primitive, amenant consécutive- ment la dégénérescence des villosités; les autres, au contraire, fai- sant de celle-ci la lésion, et considérant les épanchements sanguins comme un épiphénomène.

Les autres enfin, comme MM. Verdier et Bustamante, ne tenant, pour ainsi dire, pas compte de la dégénérescence graisseuse des vil- losités et rapportant tout aux transformations successives du sang, quelle qu'ait été la cause de cet épancliement.

Est-ce nous qui pouvons élucider cette question et qui viendrons fixer définitivement la science sur ce point? Loin de nous cette pré- tention. Celte étude exigerait des reclierches longues, spéciales, qui sont loin d'être faciles, et quand on voit des hommes aussi émi- nents que nos maîtres, quand on voit MM. Jacquemier, Robin et des micrographes plus jeunes, quoique déjà fort habiles, être en désaccord aussi complet sur ces différents points, il ne nous reste qu'une chose à faire, c'est de décliner notre compétence et de nous abriter derrière leur autorité. Aussi peu expert que nous le sommes dans les recherches mici'oscopiques, ce n'est pas que nous irons cherclier des éléments pour nous faire une opinion. Nous mettons sous les yeux du lecteur les éléments de la question , à lui de choisir parmi ces opinions celle qui lui paraîtra la plus vrai- semblable. Ce qui fait la divergence d'opinions des auteurs, c'est donc le point de départ, la lésion primitive, et c'est précisément parce qu'ils n'ont voulu pour ainsi dire admettre qu'un seul côté de la question, qu'ils sont en désaccord aussi complet. Trop exclusifs dans leurs idées, les uns ont considéré comme un fait accessoire ce qui, pour leurs contradicteurs, était le fait capital, et ont ainsi com- pliqué encore une étude déjà si difficile par elle-même. C'est alors que sont venus d'autres observateurs qui, comme M. Bustamante, en sont arrivés à nier tout à la fois l'apoplexie placentaire et l'obli- tération des villosités et la dégérescence graisseuse en tant que ma- ladies spéciales et isolées, et à rapporter tout à des transformations de sang purement et simplement. Quoique plus éclectiijues, ces derniers ont-ils plus raison que les premiers? Ici encore recom- mencent les discussions, qui, très-probablement, agiteront encore pendant longtemps les observateurs à venir. *

Néanmoins, il est un point de vue auquel nous pouvons nous

42

placer, c'est celui qui est spécial à l'accoucheur, et nous deman- dons la permission d'insister un peu sur ce point.

En dehors de toute idée de structure, qu'est-ce que le placenta ? C'est l'organe essentiel au développement, à la nutrition du fœtus. Organe essentiellement vasculaire destiné à porter au fœtus les principes nutritifs qu'd puise dans le sang maternel, le placenta, pour que la grossesse suive son cours régulier, pour que le fœtus soit expulsé vivant et apte à vivre, doit conserver pendant toute la durée de la grossesse l'intégrité de ses fonctions. Or cette intégrité peut-elie exister si l'organe est altéré dans sa structure ou par des produits qui viennent gèuer le libre jeu de ses fonctions?

Quelle est, d'un autre côté, la marche habituelle des lésions de nutrition dans les autres organes de l'économie? Prenons pour exemple les autres organes vasculaires, le cerveau, le foie, les pou- mons. Que se passe-l-il le plus habituellement? Presque toujours ces lésions sont précédées par des altérations de leurs tissus, et les épanchements sanguins ne sont que consécutifs à des lésions des vaisseaux et du tissu même de l'organe. Pourquoi en serait-il au- trement dans le placenta, organe de nutrition par excellence ? Pour- quoi ces épanchements de sang, ces apoplexies dans certains cas, tandis qu'ils n'existent pas dans d'autres si l'on acceptait la théorie de la thrombose placentaire de M. Bustamante ? Mais une seule chose devrait étonner, c'est que cette thrombose ne se produisit pas plus souvent; elle devrait être la règle, puisque l'état puerpéral a précisément pour premier effet de prédisposer le sang à la coagula- tion. M. Druitt, il est vrai, a bien déclaré que presque toujours on pouvait tiouver des traces de la lésion sur les placentas, même les plus sains en apparence, mais c'est sur les bords du placenta, c'est- à-dire l'organe présente le moins de tissu, que l'on trouve ces quelques petits points altérés, et ceci viendrait encore à l'appui des idées de M. Robin.

Il y a, dit M. Jacquemier, toujours rupture des veines utéro-pla- centaires, et les altérations du tissu placentaire ne sont que consé- cutives. Mais personne, en admettant l'existence des vaisseaux utéro-placentaires tels que les comprenait M. Jacquemier, n'a jamais pu découvrir le point oîi s'est faite la rupture, le vaisseau déchiré, et déplus, ces vaisseaux utéro-placentaires eux-mêmes existent-ils bien réellement? Ils ne sont même pas admis par tous les auteurs, et ceux qui le^ admettent leur donnent un trop petit volume pour permettre d'expliquer ces énormes épanchenjents qu'il est quelque- ' fois permis de constater.

as

11 est dans l'économie des organes aussi vasculaires que le pla- centa. Est-ce que nous voyons ces organes être aussi fréquemment le siège d'épanchements sanguins apoplectiformes ou autres que le placenta? Non, et il y a donc une cause qui échappe dans la théorie de M. Jacquemier. Nous ne nions certes pas l'apoplexie pla- centaire, mais nous ne pouvons comprendre qu'elle se produise ainsi dans un tissu sain, et il nous faut, pour l'expliquer, un état morbide antérieur du tissu placentaire.

Cette opinion, nous le savons, est partagée par quelques-uns de nos maîtres, et MM. Tarnier, Bailly, tous deux nous ont, dans des communications orales, confirmé celte opinion. « Je n'admets pas, me disait encore, il y a quelques jours, ce dernier, l'apoplexie pla- centaire dans un tissu sain, parce que cela répugne à mon esprit, parce que cela me paraît incompréhensible et inexplicable. »

M. le docteur Bailly a bien voulu, du reste, se donner la peine de nous préciser ses idées dans les pages suivantes, et de les mettre à notre disposition. Qu'il nous permette de lui adresser ici nos plus sincères remercîments.

Réflexions sur la pathogénie des foyers hémorrhagiques du placenta.

Il n'est point d'observateur, placé à la tète d'un service de femmes en couches, qui n'ait l'occasion d'observer assez fréquemment des placentas, dont un ou plusieurs lobes ont subi l'altération déstruc- ture désignée autrefois par les noms de dégénérescence squirrheuse, tuberculeuse, d'induration, aujourd'hui par celui de dégénéi^escence fibro-graisseuse . Ces placentas sont parfois pénétrés en même temps de noyaux hémorrhagiques dunl le siège, la forme, le volume et l'aspect variables ont été décrits avec une rigoureuse exactitude dans l'ouvrage de M. Jacquemier : les uns complètement inclus dans les profondeurs du cotylédon dégénéré, les autres plus ou moins rapprochés de sa surface utérine ou même altleurant cette surface ; ceux-ci de forme irrégulière, hérissés de prolongements inégaux, ou au contraire plus ou moins arrondis et offrant alors un volume qui varie depuis celui dune noix jusqu'à celui d'un noyau de cerise ou même moindre ; enfin do consistance diverse, et, suivant l'âge du dépôt sanguin, de couleur rouge, noire, ou déjà décolorés et d'à ppai'ence fibrineuse, aumoinsdansleurs couches extérieures. Dans tous Ns cas ces conci'étions sanguines s'énucléent facilement et n'offrent à l'examen le plus minutieux, destiné à en vérifiei' l'organisation et la structure, rien que du sang coagulé, et plus ou moins altéré déjà, mais sans mélange d'aucun autre élément.

Uh

Or en face de ces curieux placentas, l'on trouve associés deux altérations dénatures! différente, l'uneparaissant produite avec len- teur par un trouble de la nutrition placentaire, l'autre accidentelle et brusque, causée par une rupture vasculaire et l'extravasation san- guine qui en est la conséquence, une intéressante question de physiologie pathologique et de pathogénie qu'on est naturellement amené à se poser est la suivante : N'y a-t-il entre l'altération orga- nique du placenta et l'existence de ces noyaux hémorrhagiques qu'une coïncidence fortuite, ou bien existe-t-il entre ces deux lésions un rapport de cause à effet? Et dès lors, en admettant cette seconde hypothèse, laquelle de ces deux lésions a précédé l'autre et lui a donné naissance? L'hémorrhagie est-elle le fait initial et la cause éloignée de l'altération organique du placenta, ou bien celle-ci a-t-elle précédé et tient-elle l'apoplexie sous sa dépendance?

Cette question, je le répète, présente pour l'anatomo-patholo- giste un assez grand intérêt, mais jusqu'à une époque rapprochée de nous sa solution ne paraissait point embarrassante. La filiation des phénomènes morbides semblait tout à fait claire, et il n'était point, que je sache, d'anatomiste qui ne considérât la production des pla- ques dites squirrheuses du placenta et la perte de toute vascula- rité dans ces parties indurées, comme consécutive à une extrava- sation sanguine et produite par elle. C'était, d'après cette manière de voir, le sang extravasé qui, en se coagulant à l'entour des villo- sités, venait suspendre la circulation dans le vaisseau quiles pénètre, et finalement en causait l'atrophie. C'était aussi la transformation lente des éléments dece sang épanché, et en particulier de la fibrine, qui produisait à la longue cette teinte jaunâtre et la consistance lar- dacée que présente la lésion dont il est ici question, lorsqu'elle est portée à son plus haut degré.

C'est cette doctrine qu'enseignait Paul Dubois, qu'on trouve reproduite dans les ouvrages d'obstétricie écrits par ses disciples, et que tout récemment encore a défendue avec conviction, dans sa thèse inaugurale, M. le docteur Verdier. Eh bien, on n'en peut plus douter pourtant aujourd'hui, cette doctrine était une erreur dont les travaux de M. le professeur Robin surtout ont fait justice. Les recherches de l'éminent hislologiste ont en effet démontré de la manière la plus péremptoire que l'induration jaunâtre du placenta ne résulte nullement d'une suffusion sanguine opérée à une époque antérieure dans les parties malades ; que dans aucun cas on ne retrouve dans ces parties les éléments du sang, fibrine, globules altérés, cristaux d'hématoïdine, etc., dont la présence ne fait jamais défaut dans les véritables foyers hémorrhagiques, même les plus

45

anciens; mais qu'en réalité l'altération si remarquable dont il s'agit est le résultat d'une mort graisseuse dont la cause n'a peut- être pas encore été complètement élucidée, mais dont le mécanisme ne paraît pas ditférer du processus au moyen duquel s'opère nor- malement la disparition des villosités choriales situées sur les parties de l'œuf qui sont sans connexions avec la muqueuse inter-utéro- placentaire. C'est en somme une véritable oblitération atropbique des capillaires fœtaux que renferme la villosité, avec épaississement du tissu cellulaire qui entoure ces capillaires, et infiltration gra- nulo graisseuse de la membrane fibreuse fournie par le chorion, d'où le nom &' altération ou dégénérescence fibro-graisseuse sous lequel on désigne généralement aujourd'hui celte lésion remarqua- ble du tissu placentaire.

Ainsi donc, une première et importante vérité ressort des recherches de M. Robin, l'altération fibro-graisseuse du placenta n'est pas la conséquence d'une hémorrhagie interstitielle opérée dans cet organe supposé à l'état sain. L'opinion que, dans ces con- ditions physiologiques, une hémorrhagie de collection pourrait s'opérer dans le parenchyme placentaire, se comprend sans doute à une époque l'on ignorait encore la constitution intime du pla- centa et les rapports de cet organe avec le sang maternel ; elle ne me paraît plus admissible aujourd'hui avec les progrès que MM. Coste et Robin ont réalisés dans nos connaissances sur l'ana- tomie et la physiologie placentaires. Si l'opinion de ces savants sur les modifications qu'a éprouvées la muqueuse inter-utéro-placen- taire à la fin de la grossesse est exacte, si leur doctrine des lacs sanguins est vraie, et pour ma part je n'en doute aucunement, on devra, je crois, reconnaître que le placenta, avec sa structure aréo- laire et déjà tout imprégné du sang maternel incessamment en mouvement dans les larges mailles de son tissu, ne présente pas les conditions physiques nécessaires à la production de véritables noyaux apoplectiques, et en l'absence même des résultats de l'ob- servation qui confirment pleinement cette opinion, la théorie et l'induction suffiraient déjà pour indiquer que, dans les condi- tions physiologiques que nous supposons ici, celte forme d'hémor- rhagie ne saurait exister. Un coup d'œil rapide jeté sur l'organisa- tion définitive du gâteau placentaire et les rapports de cet organe avec le sangde la mère, me permettra, j'espère, de faire comprendre clairement ma pensée et de justifier ma proposition.

Dès le milieu de la grossesse, on le sait, le réseau capillaire su- perficiel de la muqueuse utérine, (|ui s'est prodigieusement hyper- trophié d'abord, de manière à se porter à la rencontre des villosités

Û6

choriales et à couvrir leurs branches naissantes de nombreuses anses vasculaires, ce réseau, dis-je, s'est converti, par la coales- cence des parois de ces mêmes ajises vasculaires, en une série d'espaces circonscrits ou lacs remplis par le sang maternel et dont le nombre correspond exactement à celui des cotylédons placentaires. La villosité choriale (assez souvent i! y en a plusieurs, mais toujours alors l'une d'elles acquiert un développement préj)ondérant) qui forme chaque cotylédon remplit de ses innombraîales rameaux la cavité du lac sanguin, oii, suivant l'expression de M. Goste, les radicules fœtales prennent un bain de sang. Celui-ci est apporté dans le lac par plusieurs artères utérines, circule avec une lenteur sagement calculée par la nature à l'entour de chaque rameau et de chaque branche villeuse, s'avance jusqu'au pied de la villosité, c'est-à-dire jusqu'au chorion lui-même, et, après avoir baigné les divisions même les plus profondément situées de la racine vascu- îaire fœtale, appauvri des matériaux que l'absorption a fait péné- trer dans les vaisseaux du fœtus et qui doivent servir à la nutri- tion de ce dernier, ce sang, dis-je, est repris par les veines de la muqueuse utérine, véritables déchargeoirs du lac, qui le rendent à la circulation générale. il se charge de nouveaux principes nutritifs, que le système artériel ira bientôt soumettre encore à l'absorption active qu'opèrent les cotylédons placentaires. Dans les conditions d'un fonctionnement régulier, tel que nous venon,s de le supposer, les villosités choriales réduites à un état filamenteux qui a pour but évident de multiplier les points de contact avec le sang maternel, ces villosités me paraissent de tout point compa- rables aux branchies des poissons, au feuillage finement lacinié de certaines plantes aquatiques, aux racines submergées des ar- bres qui croissent nrsturellement au bord des eaux, dont l'état de division extrême paraît un artifice habituellement employé par la nature pour favoriser l'absorption qui s'opère au sein des liquides. Or ces villosités incessamment baignées par la masse constamment renouvelée du sang qui remplit le lac, vivent, si je puis ainsi dire, dans un état continu et physiologique d'hémorrhagie, mais d'hé- mfirrhagie par infiltration, qui ne laisse aucune place à la produc- tion d'une concrétion sanguine d'un certain volume. Comment, en effet, concevoir la formation d'un caillot de quelque importance dans un tissu fibrillaire, infiniment lâche et déjà parcouru par les mille courants sanguins qui s'opèrent dans les interstices des branches vilteuses et communiquent librement entre eux ? trou- verait à s'accumuler, de manière à y former un noyau apoplecti- que, du sang accidentellement versé dans un tissu envahi déjà par

47 .

une véritablo inondation ? Ne voit-on pas que ce sang accidentel, immédiatement mélangé avec celui qui se meut normalement dans les mailles cotylédonaires, serait forcément emporté avec ce der- nier par le." voies de déchargement du lae sanguin ? Qu'il s'agirait là, enfin, d'une hémorrhagie nouvelle qui se produirait au sein d'une hémorrhagie préexistante, qui se confondrait avec elle, se dis- siperait avec elle et n'aurait d'autre résultat que d'accroître mo- mentanément la masse liquide en circulation et la tension du sang daus l'espace circonscrit représentant la cavité du lac sanguin.

Mais admettons pour un instant, fait assurément possible et qui se produit quelquefois, que l'excès de tension du sang causé à l'intérieur du lac par l'irruption d'un torrent sanguin accidentel dans cette cavité circulatoire, soit porté à un point tel qu'il déter- mine un écartement en quelque sorte traumatiquedes deux parois opposées du lac sanguin et, par conséquent, un décollement par- tiel du placenta.

Qu'en résultera-t-il ?

C'est que, par suite de la rupture des canaux afférents et eflférents du lac, la circulation utéro-placentaire se trouvera suspendue à ce niveau, et que la masse entière du sang qui imprégnait la toutfe villeuse du cotylédon se coagulera rapidement. Vient-on à examiner ce placenta après l'accouchement, on verra que la portion de l'or- gane, ainsi prématurément décollée, est toute infiltrée de sang coagulé, mais qu'elle ne renferme aucun foyer volumineux et bien circonscrit. Les mille rameaux de la villosité auront conservé leurs rapports normaux ; leur disposition et leur enchevêtrement seront les mêmes que dans les portions saines de l'organe, seulement ils se trouveront emprisonnés au sein d'une gangue sanguine, dont il serait, jusqu'à un certain point, possible de les dégager par une dissection minutieuse ou par la macération, et qui donne à la coupe de ce cotylédon altéré une apparence qui rappelle celle (]ue pré- sente le tissu de la rate divisé par un instrument tranchant. Ne sont-ce point là, en effet, la conformation intérieure et l'aspect des portions d'un placenta inséré vicieusement qui se sont décol- lées pendant le travail et que distinguent si manifestement leur fermeté, leur épaisseur, leur aspect grenu, leur couleur foncée, enfin cet ensemble de caractères anatomiques qu'on est convenu de désigner par les mots de carnification ou desplénisation ?

Ainsi donc, pour moi du moins, la chose n'est pas douteuse : tant que le placenta conserve sa constitution anatomiquc normale, tant que surtout des courants sanguins inter-utéro placentaires volumi- neux continuent à traverser librement la masse spongieuse des villo-

-- &8

sites, pas de production possible de foyers hémorrhagiques. Mais en est-il de même lorsqu'une altération fibro-graisseuse d'ancienne date, en agglutinant les éléments filamenteux du cotylédon, et restreignant dans celui-ci les circulations maternelle et fœtale, a converti la trame spongieuse et vasculaire du placenta en un tissu plus dense, peu ou point vasculaire, et l'a ainsi ramené aux conditions des organes parenchymateux, foie, cerveau, muscles, tissu encépha- loïde, qui sont le siège de prédilection des noyaux apoplectiques? Assurément non ; les conditions matérielles et les propriétés du du tissu sont ici toutes différentes, et la formation de foyers san- guins au sein du placenta ainsi transformé se conçoit aisément. En effet, on comprend que, dans un lobe placentaire fibro-graisseux, du sang échappé d'une villosité choriale restée vasculaire, ou laté- ralement versé par une des artères afférentes du lac sanguin auquel correspondait ce cotylédon (on n'est point encore fixé sur la ques- tion de savoir si le sang des concrétions sanguines du placenta est fourni par la mère ou par l'enfant; mais on conçoit aisément qu'il puisse l'être par l'un ou par l'autre système vasculaire ou par les deux simultanément), on comprend facilement, dis-je, que ce sang écarte les éléments solides de ce tissu densifié, s'y creuse une loge plus ou moins spacieuse, et s'y coagulant presque aussitôt, y forme ces noyaux hémorrhagiques dont la forme et le volume dépendent de la tension du sang qui a fait irruption et de la facilité avec laquelle le tissu altéré cédera à l'effort de la colonne sanguine dévoyée. Nous observons un mécanisme qui rappelle absolument celui d'après lequel prennent naissantîe les épanchements sanguins des tissus normaux ou morbides désignés plus haut, qui sont plus spécialement prédisposés à ce genre d'hémorrhagie, et notamment les épanchements sanguins du cerveau avec lesquels ceux du pla- centa présentent encore ce trait de ressemblance, qu'ils dépendent probablement aussi d'une altération de l'élément vasculaire qui, d'après les travaux récents de M. Bouchard, paraît être la condition organique et la cause prédisposante unique des collections san- guines qui se forment dans l'encéphale.

Ainsi donc, pour résumer ma pensée, je dirai : l'altération fibro- graisseuse du placenta ne dépend nullement d'une apoplexie an- cienne de cet organe. Bien loin d'être la conséquence de cette der- nière, elle en est la condition organique préalable et nécessaire. Pas d'altération antérieure du placenta ayant déterminé l'aggluti- nation des branches et rameaux villeux du chorion et modifié, en la diminuant, la circulation utéro-placentaire, pas de noyaux ou de foyers hémorrhagiques dans le placenta.

^9

Eh bien, je ne crains pas de l'affirmer, l'observation directe confirme pleinement ces inductions basées sur la physiologie et la pathologie. Il est commun de rencontrer des placentas qui pré- sentent, parvenue à différeists degrés, l'altération fibro-graisseuse de son tissu, sans apoplexie placentaire ; mais jamais jusqu'à pré- sent je n'ai observé un seul noyau apoplectique qui ne coïncidât avec , une induration fibro-graisseuse du placenta et n'eût pour siège la portion altérée et non la partie saine de ce placenta. Ma conviction à cet égard est telle que j'oserais mettre au défi ceux qui professent une opinion différente de la mienne de produire un seul exemple de noyau sanguin bien délimité et renfermé dans un cotylédon ayant conservé sa structure physiologique.

Si l'opinion que je cherche à faire prévaloir rencontre des adver- saires, si le fait que je voudrais mettre en lumière est contesté par des auteurs estimables, il faut l'attribuer, je pense, à une cause d'erreur qui peut sans doute tromper les observateurs; c'est que, dans certains cas d'apoplexie placentaire bien caractérisée, l'al- tération organique que je regarde comme sa condition matérielle indispensable, ne présente pas toujours des caractères qui permet- tent de la reconnaître sûrement à première vue. Parfois, en effet, la portion du placenta qui renfermée le noyau hémorrhagique conserve une structure filamenteuse encore assez accusée; sa colo- ration rouge plus ou moins foncée se rapproche de la teinte nor- male, et par la pression on peut encore en faire sourdre une cer- taine quantité de sang; mais un examen attentif dissipera bientôt tous les doutes et ne permettra pas de méconnaître à quel point ce cotylédon diffère de ceux dont l'organisation est restée véritable- ment physiologique.

Sans parler des altérations plus délicates et plus profondes que l'examen microscopique révèle dans la constitution des viUosités, le toucher et l'œil nu suffisent pour attester les modifications que les couchca organiques qui entourent le caillot ont éprouvées dans leur structure et leur aspect. La consistance de ces couches est en effet beaucoup plus considérable qu'à l'état normal; au lieu de la mol- lesse spongieuse et de la friabilité propre au tissu sain, on trouve une trame ferme, résistant à la pression du doigt, s'écrasant et se déchirant avec difficulté, et enfin se laissant couper facilement au lieu de s'alfaisser sous la pression de l'instrument tranchant, comme le font les parties vraiment saines. La surface de section esl épaisse et nette, et l'œil nu ou armé d'une loupey découvi-c des trabécules nombreuses, épaisses, dues à l'hypertrophie de l'en- veloppe fibreuse des tuyaux villeux et circonsti'ivanl. au lieu

CHARPENTIER. 4

50

d'une cavité réticulaire unique, des vacuoles closes multipliées; c'est-à-dire enfin que ces portions altérées du placenta présentent les conditions essentielles à la production des hémorrhagies de collection, à savoir, développement modelée de V appareil vosculaire^ indépendance circulatoire des différentes portions de l'organe. Les organes érectiles et le placenta, dont les conditions de circulation, à l'état physiologique, sont précisément inverses, ne sauraient, dans mon opinion, devenir le siège d'iiémorrhagies de collection.

Les deux observations suivantes, recueillies pendant mon séjour à la clinique et qui confirment, je crois, les considérations qui précèdent, donneront en même temps une idée des caractères exté- rieurs et des dispositions anatomiques que revêtent le plus habi- tuellement les noyaux apoplectiques du placenta.

r*^ Observation,

H. Clémentine, 23 ans, d'une bonne santé et primipare, accouche na- turellement, à huit mois et demi de grossesse, le 30 octobre I 867, d'une fille mort-née, dont le corps mollasse, couvert de nombreuses phlyctènes et fortement macéré, indique un séjour d'une semaine au moins dans l'utérus, après la mort. Aucun antécédent syphilitique, aucune altération suspecte des organes sexuels chez la mère.

Les suites de couches sont parfaitement naturelles, et le 9 novembre, l'accouchée quitte l'hôpital.

Le placenta présente des aUérations remarquables. On y voit un type parfait de la dégénérescence graisseuse de l'organe, co'incidant avec plu- sieurs foyers hémorrhagiques. Le gâteau placentaire est ovale ; sa lon- gueur est "de 18 centimètres ; sa largeur de 15 centimètres seulement.

Sa face utérine est d'un rouge vineux, et marbrée de macules irrégu- lières, de forme et de grandeur variables, d'un jaune pâle, qui contraste avec la coloration foncée du reste. Ces taches sont formées par la surface de cotylédons aplatis que constitue un tissu compact, fibro'ide et faible- ment filamenteux. Ce tissu est friable et cassant. L'épaisseur du placenta est moindre dans ces points qu'au niveau des portions saines. Celles-ci ne représentent guère que le quart de l'étendue totale de l'organe. Le tissu altéré en occupe les trois quarts.

.Deux de ces lobes altérés, notablemenl ramollis et colorés en rouge- brun par l'imbibition de leur tissu, piésentent à leur surface une sorte do cratère qui conduit dans une cavité remplie par un caillot fibrineux assez régulièrement sphérique, qu'on énuclée avec la plus grande facilité ; le volume de ce noyau est à peu près celui d'une merise.

Des autres lobes placentaires qui sont le siège de la même induration, les uns présentent à la coupe un tissu grenu, homogène, d'un rouge foncé, coloration qui semble due à l'imbibition de la matière colorante du sang; les autres sont transformés en une masse grisâtre ou jaunâtre, de mêoie teinte que les taches irrégulières dont il a été précédemment fait mention.

51

Les portions de l'organe qui onl conservé la mollesse spongieuse, et les apparences du tissu placentaire à l'élat sain, sont l'objet d'une exploration attentive faite tant avec les doigts qu'avec le bistouri. En aucun point je n'y découvre de concrétion quelconque ressemblant à un caillot sanguin ancien ou récent.

La loi de la coïncidence des noyaux apoplectiques avec les lobes altérés du placenta et de leur exclusion absolue des parties de l'or- gane restées saines, se vérifie pleinement dans l'observation qui précède. La même loi ressort d'une manière tout aussi manifeste du fait suivant, où, avec des foyers sanguins d'un volume excep-, tionnel, on observe les dispositions variées qu'affecte la stéatose du placenta, et surtout les différentes phases de cette curieuse altéra- tion, depuis l'induration rouge qui en marquerait le premier degré, jusqu'au ramollissement et à la liquéfaction, qui représentent la période ultime de cette évolution et peuvent donner lieu à la for- mation de véritables cavernes au sein des lobes fibro-graisseux.

W Observation.

D. Louise, 18 ans, lingère. Grande, constitution moyenne, santé bonne, cheveux d'un roux très-vif. Réglée à 13 ans, trois jours par mois, régu- lièrement.

Dernière apparition des règles du 6 au 1 0 décembre 1865. Absence totale de malaises jusqu'au septième mois de la grossesse. Vers cette épo- que, nausées, vomissements de mucosités à jeun. Epistaxis fréquentes. Prurit et oedème de la vulve. Infiltration séreuse manifeste des membres inférieurs s'élevant jusqu'au genou, sans albuminurie.

Vers le milieu du mois d'août 1866, Louise D... commence à ressentir dans l'abdomen des coliques passagères qui révèlent tout à fait le caractère de douleurs d'accouchement, le 26 août 1866. Elle se présente le même jour, à trois heures du soir, à la clinique, la sage-femme s'assure quo le col do la matrice est raccourci, mais non complètement effacé.

Deux lavements additionnés de quinze gouttes de laudanum de Sy- denham chacun, calment, sans les faire entièrementcesser, les contractions utérines prématurées ; celles-ci reparaissent avec plus de force le '28 août, vers trois heures du malin, et expulsent, à neuf heures, une fdle du poids de 1 G20 grammes, ['ar conséquent petite, et qui succombe au bout de quatre jours.

Un état fébrile modéré survenu après l'accouchement, n'empêche pas un prompt rétablissement de la mère, qui abandonne l'hôpital le 3 septembre suivant.

L'aspect insolite du délivre ayant frappé l'élève chargé de l'accouche- ment, on le conserva pour le présenter le jour même au clief de service. Il présentait en eifel les curieuses allératiou;; suivantes, que je m'empressai de consigner dans une note détaillée, annexée au builctm do cette tcmuie, et que je transcris ici :

52

Le placenta est d'un poids moyen, d'un diamètre de 15 centimètres environ, sensiblement circulaire, et, en divers endroits, d'une épaisseur considérable qui s'explique par les lésions hémorrhagiques dont il va être question.

La face utérine est inégale et déchirée par l'écartenient violent de quel- ques-uns de ses lobes produit sans doute pendant la délivrance. Je n'ai pu savoir s'il y avait eu adhérence anormale et s'il avait fallu exercer des tractions un peu fortes sur le cordon. Cette face utérine, rougeâtre, est toute parsemée d'îlots jaunes, irréguliers, plus ou moins étendus, tenant à la présence de noyaux fibro-graisseux, et dont la réunion représente à peu près le quart de la surface totale de l'organe.

Une incision pratiquée verticalennent sur les parties les plus épaisses du placenta fait apparaître deux foyers volumineux, formés de sang coagulé noirâtre et de formation encore récente. L'un de ces foyers allongé, ovoïde, offre presque le volume d'un œuf de poule ; il est tapissé par une membrane fragile, mince, qui paraît formée par la couche la plus externe du caillot, et repose sur les parois de la loge, dont il est facile de le séparer.

Celle-ci, de même configuration que le caillot qu'elle contient, forme une cavité régulière, sans anfractuosité. Le tissu placentaire qui circonscrit ce foyer est dense, ferme, très-peu vasculaire, et paraît tout à fait impropre à remplir les fonctions d'absorplion dévolues au placenta.

Le second foyer, assez régulièrement sphérique, bien circonscrit, et entièrement formé comme le précédent de sang noir coagulé, communique avec la surface du placenta par une petite ouverture étoilée. Le coaguium noirâtre offre le volume d'une petite noix. Il est également renfermé dans une membrane limitante, qu'on sépare sans difficulté du tissu placentaire environnant.

Outre ces deux foyers sanguins de date récente, il en existe deux autres beaucoup plus anciens, de moindre volume, et composés entière- ment d'une masse compacte et fibrineuse. Ces deux foyers occupent la périphérie du placenta.

Le premier, et en même temps le mieux circonscrit de ces deux noyaux, est inclus au centre d'un cotylédon complètement envahi par la stéatose; il a le volume d'une cerise et est entièrement circonscrit par le tissu pla- centaire altéré. On y découvre aussi sans difficulté une membrane isolante, fibrineuse, composée de plusieurs feuillets dont les plus internes se con- fondent avec les couches extérieures de la masse fibrineuse centrale.

Le deuxième noyau, du volume d'un pois, offre la même organisation que le précédent.

« Il est à noterque ces foyers sanguins d'âge différent ne se rencontrent que dans les parties les plus altérées du placenta, dans celles la dégé- nérescence graisseuse paraît la plus avancée. »

En ce qui concerne les portions fibro-graisseuses du placenta, je re- marque qu'elles sont d'un volume et d'une forme très-variables : les unes sont formées, par un cotylédon entier et réduit dans son volume; d'autres se présentent sous forme de noyaux plus ou moins réguliers, de plaques minces et d'un diamètre variable, ou de tractus plus ou moins longs et irré- guliers qui traversent les portions saines en divers sens.

-== 53 ~

De ces parties indurées, les unes sont blanc jaunâtre ou franchement jaunes. Leur tissu est dense, d'apparence tuberculeuse, retenant quelque chose de la constitution spongieuse du tissu placentaire normal ; on y re- connaît assez facilement encore une structure (ibrillaire.

Plusieurs de ces noyaux, ramollis à leur centre, sont creusés de cavités à parois lisses, vides ou humectées par une boue brunâtre résultat delà liquéfaction du tissu graisseux ramolli et peut-être d'anciens foyers.

En d'autres points l'altération de l'organe se caractérise par l'accrois- sement de densité et de consistance du parenchyme placentaire, qui con- serve une coloration rouge assez voisine de celle des parties saines.

Je remarque encore que ce sont surtout les parties périphériques du pla- centa qui deviennent fibro-graisseuses les premières.

On cherche vainement les traces d'une hémorrhagie ancienne ou récente dans les lobules sains de ce délivre.

A la face fœtale du placenta, on aperçoit par transparence la coloration blanchâtre ou jaunâtre des noyaux fibro-graisseux. On trouve en outre usi cette face de petites vésicules remplies d'une sérosité transparente ctrrine. Ces vésicules mesurent de 1/2 à 1 centimètre de diamètre. Leur membrane d'enveloppe, très-mince, paraît formée par un dédoublement du chorion (Bailly, Mémoire inédit).

Reste donc la théorie de M. Robin, à laquelle nous nous ratta- cherons. Pour lui, les_^pa_nchemenfs sanguins sont toujours corisé- cjitifs h une lésion du tissu placentaire, lésion qui n'est autre que l'oblitération des villosilés et la dégénérescence graisseuse.

Normale dans les villosités choriales , cette dégénérescence n'est qu'accidentelle dans les villosités placentaires, et c'est pour- quoi la grossesse peut aller jusqu'à son terme le plus habituelle- ment. Que la dégénérescence envahisse le placenta, et suivant les degrés, l'étendue de cet envahissement, on verra se produire, mais alors seulement et consécutivement, les épanchements san- guins et l'apoplexie placentaire deM. Jacquemier.

Une fois ces épanchements formés, ils rentrent dans la classe de tous les épanchements sanguins, subissent alors toutes les transfor- mations que nous avons indiquées, et peuvent à leur tour réagir sur le tissu placentaire. Mais encore une fois, ce ne sont que des lésions consécutives, et la lésion primordiale est la dégénérescence graisseuse. Le docteur Druitt, dans son mémoire, émet sur ce sujet des idées trop originales pour que nous ne les mentionnions pas ici. Admettant deux degrés dans la lésion, un premier degré qu'il appelle dégénérescence athéromateuse, et un deuxième, dégé- nérescence graisseuse, il recherche la véritable explication de ces phénomènes dans les analogies générales qui règlent le développe- ment des organes temporaires. Le placenta étant l'organe nutritif

54

d'un parasite qui habite la mère jusqu'à un certain degré de dé- veloppement, son tissu, comme les autres tissus, dans la condition d'une croissance active, a la propriété de tirer sa nourriture de toutes les parties avec lesquelles il est en contact. îl est probable que l'état du placenta est directement en proportion des besoius du fœtus et sa puissance d'assimilation, et qu'un placenta de structure parfaite montre que toutes les fonctions de l'organe sont en pleine activité. La dégénérescence atteste donc ou que l'organe a été formé à l'origine sur une trop large échelle, ou que le fœtus ne peut pas s'approprier la nourriture apportée par l'organe entier, ou que le travail de développement étant presque terminé, le fonctionnement actif de l'organe entier n'étant plus nécessaire, des portions de cet organe viennent à mourir. Voici les conclusions de ce travail :

La dégénérescence commençante est une condition normale du placenta à la tm de la grossesse.

2" Elle a pour cause la cessation partielle des fonctions actives de cet organe, quand le développement actif du fœtus est presque complet.

Lorsqu'elle se présente dans les premiers mois, elle a proba- blement pour cause un défaut de forces nutritives chez le fœtus ou sa mort.

Cette opinion, on le voit, a du moius pour elle le mérite de l'ori- ginalité, mais elle n'a que cela, car elle n'explique rien, et ne per- met de constater qu'une seule chose, c'est que le placenta doit être intact, ou du moins presque complètement, pour que la grossesse suive S0Î1 cours régulier.

Quant à la théorie de la thrombose, à la transformation des cail- lots et la possibilité de leur organisation, on a déjà pu voir, dans le cours de cet ouvrage, que les auteurs sont loin d'être d'accord : M. Robin niant formellement l'organisation de la fibrine, MM. Da- maschino, Bustamante l'acceptant comme possible, avec MM. Vul- pian et Billroth ; on comprendra sans peine que nous ne jugions pas cette question, et que nous la signalions seulement à l'observateur.

En résumé donc, pour nous, la lésion placentaire est une. Il y a tout d'abord dégénérescence graisseuse et oblitération des villosités, puis épanchement consécutif du sang et transfor/nalion successive de ce sang, et ces deux lésions ne sont, en realité, que des degrés successifs d'une seule et même altération du placenta,

Faut-il maintenant étudier tout de suite la partie clinique des maladies du placenta, c'est-à-dire leurs causes, leur symptômes et leur marche, leur influence sur la mère et le fœtus, et le traitement Nous croyons qu'il vaut beaucoup mieux étudier successivement,

55

an point de vue anatomo-patliologique, chacune de ces maladies, pour étudier ensuite collectivement leurs symptômes. Cette partie, en effet, de la pathologie de la grossesse est encore tellement peu avancée, qu'à part quelques points sur lesquels nous insisterons d'une façon spéciale, on est dans une incertitude presque absolue, surtout quant au diagnostic, et qu'à part l'auscultation, qui vient révéler l'état de souffrance, de vie ou de mort de l'enfant, il n'est pas un signe qui soit applicable plus spécialement à une maladie qu'à une autre. Nous y reviendrons donc plus tard, à la fm de la première partie de notre thèse, et nous continuerons immédiate- ment l'étude des autres lésions du placenta.

H est une autre maladie du placenta qui, par son importance, devrait ici trouver sa place. Nous voulons parler de la môle hyda- tiforme; mais avant de traiter ce sujet que nous lâcherons d'exa- miner aussi complètement que possible, nous croyons devoir étu- dier quelques autres maladies du placenta qui, quoique ayant perdu aujourd'hui une grande partie de leur importance, par suite des travaux modernes, ont pendant longtemps tenu dans la science une place assez importante pour que nous en traitions en détail.

Nous voulons parler de l'inflammation des abcès et des concré- tions calcaires et osseuses du placenta. Longtemps admises sans contestation, de ces maladies, aujourd'hui, les unes sont niées par un grand nombre d'auteurs, les autres ne sont considérées que comme des conséquences des altérations que nous avons signalées et étudiées plus haut. Leur place se trouve donc tout naturellement après l'étude de ces lésions.

Étudions donc maintenant et successivement :

La placentile ou inflammation du placenta;

Les dépôts purulents et abcès du placenta ;

La lithiase, les concrétions ossiformes ;

Les lésions syphilitiques du placenta.

Plavcntite.

Tout d'abord, existe-t-il une inflammation du placenta? Si l'on s'en rapporte aux anciens auteurs, elle n'est pas douteuse, mais, si l'on recherche parmi les ouvrages et les publications modernes, on voit qu'il est loin d'en être ainsi, et (jue si quelques-uns l'admettent et la décrivent comme une maladie ]iarticulière ayant ses symptômes propres, le plus grand nombre conteste son individualité nosolo- gique, et considère les lésions ([ue l'on a décrites sous le nom d'/y/- flniDiiitioii placentaire comme une conséquence des deux grandes lésions primordiales ([ue nous avons décrites plus haut.

56

Voyons donc d'abord les opinions anciennes. Nous verrons en- suite les arguments employés par les modernes pour les réfuter.

Le premier travail réellement sérieux qui ait été publié sur ce sujet est celui de Brachet, de F^yon, publié dans la Revue médicale de 1828.

Dans une première observation de grossesse gémellaire, oii l'un des deux enfants était vivant, et l'autre mort, il trouve l'un des deux placentas livide, volumineux, plus ferme, d'un tissu plus compact et cédant difficilement à' la pression, quoiqu'il fut plus friable. A la coupe, l'aspect est celui de l'hépatisation rouge des poumons, et en le raclant à la surface, on exprime un liquide roussâtre. Cette altération lui paraît avoir été la cause de la mort de l'enfant, et, comparant le placenta au poumon, il en conclut à une inflammation du placenta qu'il appelle hépatisation rouge, par analogie avec le poumon. Continuant alors ses recherches dans ce sens, il rencontre bientôt un autre cas le fœtus a succombé, et le placenta examiné lui présente les lésions suivantes : le placenta est peu volumineux, la surface fœtale lisse est d.'un gris foncé, d'une consistance assez ferme; la surface utérine rugueuse et bombée, était grisâtre comme l'autre dans les cinq sixièmes de son étendue, l'autre sixième était dans son état normal. A la coupe, le tissu pla- centaire est ferme, d'un aspect lardacé dans les points la surface utérine était grisâtre. Deux ou trois lobes avaient un aspect naturel dans les points cette surface paiaissait saine, mais en approchant de la face fœtale, ils devenaient ternes et grisâtres.

Dans une troisième observation, l'enfant naît vivant, mais meurt au bout de vingt heures. Le placenta, qui fut un peu long à se dé- tacher, présente une de ses moitiés normales, l'autre est dense, friable, gorgée d'un sang noir, présente, en un mot, les lésions propres k l'inflammation du placenta.

Dans une quatrième observation, menace d'avortement; saignée copieuse, accouchement à terme d'un enfant vivant, mais chétif. Placenta épais, plus consistant dans une moitié que dans l'autre. La partie consistante était dense, homogène, jaunâtre, parsemée (le quelques points gris et analogue à cet état du foie qu'on appelle foie gras. L'autre partie était normale.

Cette observation, ajoute Brachet, a beaucoup d'analogie avec les deux précédentes, elle en est en quelque sorte la liaison et l'in- termédiaire. Kn effet, dans l'une, on a vu le placenta très-enflammé, et dans l'autre, on l'a vu présenter un état de dégénérescence presque squirrheuse. Dans celle-ci, nous voyons la période aiguë de l'intlainmalion dissipée, et la maladie transformée en une espèce

d'inflammation chronique qui^ par sa durée, a pu faire subir au tissu qui en est le siège une modification très-caractérisée.

Donc le placenta s'enflamme, son inflammation peut passer à l'état chronique, et peu à peu le tissu longtemps enflammé se con- vertit en un tissu nouveau, homogène, lardacé.

Poursuivons l'étude de la lésion, et nous allons la voir se mani- fester sous une autre forme.

V*' Observation.

Chute à six mois et demi de grossesse, saignée; sept semaines après accouchement d'un enfant qui a vécu dix-sept jours ; placenta volumineux offrant, dans deux points de la face fœtale, deux saillies d'un blanc sale et du volume d'un œuf de pigeon. A l'ouverture de ces deux tumeurs, il sortit de chacune au moins une cuillerée à bouche d'une matière lactescente ayant tous les caractères d'un pus de b >nne qualité ou peu consistant. Les parois de ces deux foyers n'ont présenté aucune trace de kyste ou d'or- ganisation membraneuse. L'année suivante, grossesse heureuse jusqu'au neuvième mois; alors, sans causes connues, sensation de lourdeur, de malaise, qui dura jusqu'à l'accouchement arrivé chez la malade après le terme. Enfant mort ayant l'abdomen verdâtre; placenta volumineux. Les trois quarts de son étendue étaient occupés par un vaste dépôt qui conte- nait plus d'une verrée d'une matière purulente mêlée de sang. Ce foyer occupait la face externe du placenta qu'il avait détaché de ses membranes, et sur laquelle se remarquaient les inégalités bourgeonneuses d'une surface en suppuration. Le tissu du placenta était dense, friable, et semblait par son aspect tenir le milieu entre l'hépatisalion grise et l'hépatisation rouge. Les membranes avaient augmenté d'épaisseur dans toute la portion qui faisait partie du foyer purulent, elles avaient perdu leur transparence et étaient d'un blanc nacré mat.

Cette observation nous présente un double exemple de suppuration du placenta chez la même dame. Dans la première grossesse l'inflamiuation du placenta se conçoit aisément, il y avait eu une chute ; mais, dans les cas précédents, l'intlammalion a donné lieu à une sorte d'induration squir- rheuse tandis qu'ici elle s'est terminée par suppuration. Cette terminaison est rare, mais se conçoit aisément, car le placenta étant un tissu animal organique peut s'enflammer et passer à la suppuration. Si cela se présente moins fréquemment, c'est que les causes d'inflammation agissent difficile- ment sur un organe profondément caché et protégé par plusieurs autres organes, et, en outre, parce que l'organisation de certains tissus les dis- pose plutôt à un genre de terminaison de l'inflammation qu'à un autre.

Dans la seconde grossesse, aucune imprudence, aucun accident. Y au- rait-il chez certaines femmes une disposition inflammatoire, une sorte do diathèse spéciale pour le placenta? Il faut s'arrêter, parce qu'on ouvrirait ici le champ des conjectures.

58

Vie Observation.

Cinquième grossesse. Divisions domestiques, désagrémenis. Accouche- ment naturel d'un enfant petit, très-faible, d'une maigreur étonnante. Placenta volumineux et bosselé, enflammé en plusieurs points, et il avait acquis plus de rougeur et de densité. A la coupe, caractère de l'hé- pat.isation rouge tendant à passer à la grise. Il était, en outre, parsemé de plusieurs petits foyers purulents de grandeur variée, depuis le volume d"un petit pois jusqu'à celui d'une noisette, il y en avait quatorze. Le pus contenu était épais, lié, sans mauvaise odeur, ressemblant au pus des tubercules suppures. Il n'y avait pas de kyste, la cavité était formée par le simple écartement des fibres de l'organe.

Dans ces deux observations, la suppuration a été la terminaison de l'inflammation du placenta; mais dans l'une il y a eu vastes collections, vérilables abcès; dans l'autre, petites collections ana- logues aux tubercules suppures. M. Bracbet, continuant ses com- paraisons avec le poumon, rapporte la première à un véritable pblegmon et la deuxième à une véritable phtbisie du placenta.

Vil* Observation,

Enfant mort depuis plusieurs jours. Placenta volumineux, corps du placenta sain. Sa surface extérieure était recouverte d'une concrétion osseuse de l'épaisseur d'une carte et très-friab!e. Elle était adhérente au placenta, dont elle ne se détachait que difficilement et par parcelles. Cette couche osseuse n'avait presque pas d'organisation apparente, on n'y voyait point l'aspect linéaire du tissu lamelleux ou du tissu compacte, ni l'aspect cellulaire du lissu spongieux ; c'était une concrétion analogue à une poudre calcaire unie sans organisation, ou par une matière glutineuse.

Ici se présente une sorte de matière osseuse déposée à la face externe du placenta. Je ne regarde point cette matière comme une transformation du tissu, parce qu'elle n'avait aucune apparence d'organisation ; elle res- semblait à une couche de chaux qu'on aurait étendue sur le placenta. Si elle eût été une transformation du tissu du placenta, cette lame aurait élé plus épaisse et aurait envahi irrégulièrement l'épaisseur même du pla- centa. Ce n'est donc qu'une espèce d'excrétion osseuse appartenant au placenta puisqu'elle lui adhérait. Si l'on pouvait savoir à quelle époque de la grossesse a commencé celte exsudation, on pourrait penser que c'est une transformation de la membrane caduque, mais il y a eu impossibilité de rien savoir à cet égard. Quelle que soit l'époque à laquelle cette transfor- mation a commencé; il est certain que sa formation n'a pu être subite, car le fœtus serait mort dès qu'il aurait cessé de recevoir les matériaux de sa nutrition. Cette production osseuse a-t-elle été le résultat de l'inflammation du placenta. Non, car on n'a constaté aucune indisposition, et de plus

59 -=

l'ossificalion accidenlelle n'est guère dans aucun lissu la terminaison de l'inflanimalion. La couche osseuse du placenta s'est formée sans inflamma- tion et en quelque sorte par sécrétion de la matière osseuse.

VIIl* Observation.

Troisième grossesse à quatre mois, mélrite très-intense, qui fait crain- dre l'avortement ; accouchement heureux ; placenta très adhérent; on ne fait la délivrance qu'en déchirant le lissu du placenta et en abandonnant à la matrice la couche la plus extérieure. Le tissu du placenta enlevé était sain et ne présentait aucune altération pathologique.

N'est-il pas vraisemblable que le placenta a participé à l'inflammation de l'utérus par transmission de fluide. La matière altérée a communiqué son inflammation au placenta , et la réunion des deux organes a eu lieu d'autant plus facilement qu'il n'était pas besoin de la formation d'une fausse membrane qui se trouvait organisée dans les restes de l'épichorion. Il faut donc, pour que l'adhérence soit organisée comme l'était celle-ci, que les deux organes soient simultanément enflammés. Cela est si vrai, que le plus souvent cette adhérence organisée du placenta n'est que par- tielle, parce qu'il est bien rare que l'inflammation puisse à la fois occuper une large surface de la matrice et tout le placenta sans provoquer l'avor- tement, avant qu'aucune organisation ait eu le temps de s'opérer.

En effet, chez une femme qui avait éprouvé une douleur fixe au côté gauche de la matrice pendant sa grossesse, on trouva, quand on voulut faire la délivrance, un point adhérent que l'on ne put détacher qu'en déchirant la portion de fibres adhérentes. Le placenta était un peu plus volumineux dans la partie adhérente et paraissait en voie de résolution de l'hépalisation rouge. Ce fait confirme la théorie de Brachet sur la formation des adhérences organiques du placenta avec l'utérus, puisque la partie adhérente avait évidemment été enflammée ; il corrobore de plus la vérité du diagnostic de l'inflammation dans le cas précédent. Cette théorie nous explique encore pourquoi, dans certains cas, un cotylédon ou quelque par- celle du placenta reste adhérent à l'utérus après la délivrance; c'est que le cotylédon a été enflammé en même temps que le point correspondant de l'utérus et que l'organisation intermédiaire a eu lieu. Il ne faut pas con- fondre l'adhérence par juxta-position dans laquelle on ne fait que décoller le placenta avec l'adhérence par organisation, dont nous venons de parler.

Ainsi, voilà une maladie bien nette et, pour ainsi dire, identique avec l'inflammation des poumons : mêmes divisions, liépatisation rouge, hépatisntion grise, suppuration, terminaison par atlhérence. Rien d'aussi t'ac'ile à cotistater : et pourtant nous verrons que tout cela est contesté et peut être interprété d'une façon toute diirérente.

Desormeaux et Paul Dubois décrivant la placentite ou inllamma- tion du placenta :

L'innammation peut être aiguë, et siège tantôt à la face utérine, tantôt à la face fœtale, lanlùt dans le parenchyme même. Quand

=" 60

elle occupe la face utérine, elle n'est souvent qu'une extension de l'inflammation de l'utérus. Dans le parenchyme, elle atteint quel- quefois un seul lobe ou plusieurs isolément, ou enfin envahit un certain nombre de lobes contigus.

Trois périodes :

Dans la première, il y a simple congestion inflammatoire qui aboutit à une sécrétion de sérosité.

Dans la deuxième, de la lymphe plastique répandue sur l'une ou l'autre des faces du placenta ou dans son épaisseur.

La troisième est caractérisée par la formation du pus et son dépôt en couches ou foyers.

La première période est caractérisée par une augmentation de volume de l'organe, qui devient plus foncé, plus rouge, plus ferme, puis plus friable à mesure qu'il s'infiltre de sérosité.

La deuxième période doit être étudiée dans trois circonstances, suivant que l'épanchement ou infiltration de lymphe coagulable occupe le parenchyme du placenta, la face utérine ou la face fœtale.

A. Dans le parenchyme, il y a une véritable hépatisation. Plus tard, ou lorsque l'inflammation est dès le principe chronique, le tissu du placenta, d'un jaune rougeâtre ou gris, quelquefois d'un jaune citron, s'indure, et cette induration constitue alors un de ces états improprement désignés sous le nom de squirrhe du placenta. Cette induration, dans quelques cas bornée à un seul lobe, peut en- vahir la totalité du placenta.

B. Epanchée entre la face utérine du placenta et la matrice, la lymphe plastique donne lieu aux adhérences solides que l'on observe souvent entre deux surfaces simplement contiguës ou faiblement adhérentes dans l'état normal. Faible quand l'inflammation est récente, l'adhérence est forte et résistante quand elle dépend d'une inflammation chronique. Elle peut devenir celluleuse, filamenteuse, approcher même du tissu tendineux ou cartilagineux. Enfin elle peut encore être le siège de dépôts calcaires ou de véritables ossi- fications.

C. Quand la lymphe plastique se dépose sur la face fœtale, c'est à la surface de l'amnios qu'on la trouve. Les membranes sont épaisses et opaques. Le tissu placentaire sous-jacent infiltré.

La troisième période est celle dans laquelle le pus se dépose en foyers, en couches plus ou moins étendues. Dans le parenchyme, ce sont des abcès proprement dits centraux ou voisins de l'une ou l'autre face, uniques ou multiples, d'un volume variable, circon- scrits, mais non enkystés.

Dance et Breschet ont vu une couche de pus recouvrant la face

61

utérine du placenta, et le premier rapporte un cas le pus était entre l'amnios et le chorion qui était opaque et épaissi.

Le docteur Stratford {The London médical and surgical Journal, janvier 1829) publie le fait suivant :

Vers le mois de juin iSâS, l'auteur fut appelé près de madame C..., qui se croyait enceinte de trois mois; elle se plaignait d'une douleur qui s'étendait du dos dans les cuisses, et qui, peu de temps après sa manifesta- tion, avait été accompagnée de fièvre ; il y avait des nausées, de la consti- pation, etc. Ces divers symptômes augmentèrent d'intensité, il survint des frissons, un écoulement de sang par la vulve, et bientôt un œuf entier fut expulsé par le vagin. Dès lors, les douleurs diminuèrent sensiblement, de même que l'hémorrhagie. La malade éprouvait seulement un sentiment de pression vers la symphyse du pubis. Cette sensation fut dissipée assez promptement sous l'influence de purgatifs et de sudorifiques.

L'œuf examiné avec soin par le docteur Stratford était intact ; le fœtus et ses annexes entiers : le placenta était gros mais spongieux , couvert de flocons, de lymphe coagulable, particulièrement à sa face fœtale, l'on en remarquait quelques-uns que l'on en détachait avec assez de facilité. Les membranes de l'œuf parurent plus épaisses que dans l'état normal et plus opaques. Des flocons jaunâtres nageaient au milieu du liquide qui bai- gnait le fœtus. Le cordon ombilical était gonflé, et tout le tissu cellulaire sous-cutané de l'embryon était infiltré d'un liquide séreux et limpide, au point de rendre transparentes certaines parties des membres et du tronc.

XXF Observation,

Inflammation du chorion et de ramiiios. Fièvre et autres symptômes éprouvés par la mère. Avortement au quatrième mois de la grossesse. Cessation de tous les accidents après la sortie du fœtus et de ses annexes.

(Dance, Archives générales de médecine, f*^ série, t. XXI, p. 222^, 1829.)

Une journalière âgée de vingt ans, bien conformée quoique d'une petite stature, fut reçue à l'Hôtel-Dieu le 30 septembre 1828 : elle se disait en- ceinte de quatre mois environ (c'était sa première grossesse), et racontait que revenant il y a quatre jours paisiblement de son travail, n'ayant com- mis aucune imprudence dans son régime, ne s'étant livrée à aucun effort, . à aucun mouvement désordonné, elle avait été saisie d'une douleur de reins, qui bientôt fit place à un sentiment de pesanteur très-incommode dans le bas-ventre; il lui semblait que quelque chose de lourd pesait sur le fonde- ment, comme si elle avait besoin d'aller à la selle. Dans cette idée, ellepritdu bouillon de veau et quelques lavements, qui ne la soulagèrent point. Cepen- dant elle continua son travail pendant deux jours encore ; mais marchant avec peine, étant alors obligée de tenir le tronc demi'fléchi, éprouvant tou- jours le même sentiment do pesanteur dans le bassin. Le troisième et le quatrième jours ellô avait de la fièvre, et fut forcée de suspendre son tra-

62

vail et de s'aliter. Entrée à l'hôpital le cinquième jour, elle se plaignait encore de la même lourdeur dans le bas-ventre et vers l'anus; le toucher fut pratiqué et l'on trouva le col utérin légèrement entr'ouvert. Le len- demain et les jours suivants, cet état étant accompagné d'une fièvre assez forte, de fréquence dans le pouls avec chaleur à la peau , la malade fut saignée au bras par trois fois différentes; chaque saignée, de deux palettes et demi à trois palettes, se recouvrit d'une couenne inflammatoire assez épaisse. La première produisit un peu de mieux, mais les autres ne furent suivies d'aucun soulagement.

Le 5 octobre, un léger suintement sanguinolent s'établit par la vulve, les douleurs intermittentes indiquant l'imminence d'un avortement se firent sentir, le col utérin s'entr'ouvrit peu à peu. Le 7, le doiigt pouvait péné- trer dans sa cavité, de manière à sentir le foetus à travers les membranes ; la fièvre persistait ; enfin, dans la nuit du 8 au 9, l'accouchement s'est effectué.

Fœtus âgé de quatre mois environ ; sa peau était rougie et partout péné- trée de vaisseaux ; il ne donna aucun signe de vie ; la mère d'ailleurs n'avait jamais senti aucun mouvement.

La face fœtale du placenta offrait une couleur irrégulière; elle était d'un blanc jaunâtre, analogue à la couleur des fausses membranes pleuréliques. Pensant qu'il s'était formé quelque dépôt couenneux à la face interne de l'amnios, on gratta légèrement avec le bistouri cette face interne, mais ce grattage n'enleva rien. Ayant soulevé doucement cette membrane, nous avons trouvé entre elle et le chorion une couche plastique de fausses mem- branes minces et molles, même un peu de pus véritable, que le bistouri ramenait en raclant. Cette couche purulente existait sur toute la face et le lobe inférieur du placenta, mais d'une manière inégale et à divers degrés d'épaisseur. Le chorion avait une épaisseur double et même triple de l'état naturel, il était dur à la section, comme squirrheux et tout à fait opaque ; les points les plus considérables d'épaississement correspondaient à ceux les fausses membranes étaient le plus abondantes; le reste des mem- branes de l'œuf ayant été déchiré pendant l'accouchement, nous n'avons pu voir si elles présentaient la même altération que celles qui étaient unies au placenta. Du reste, ce corps spongieux n'offrait rien de particulier dans sa couleur et sa consistance; le cordon était mince et mou.

Pour Dance, l'épaississement et la densité contre nature du cho- rion, la fornfiation d'une couche purulente entre cette menf)brane et l'amnios dénotent évidemment l'existence d'une inflammation, et c'est à cette inflammation, tout autre cause, au moins apparente, lui ayant été étrangère, qu'il faut attribuer l'avortement dont on retrouve les symptômes dans l'observation.

Aussitôt après l'expulsion du fœtus et du placenta, les accidents ont complètement cessé, et la mère s'est promplement rétablie; ce qui prouve que la cause de cet état fébrile n'était point en elle- même, mais qu'en vertu des connexions existant entre la matrice

63

et les produits de la conception, elle participait aux soufifrances de ces dei'niers.

Pour ce même auteur, celte cause d'avortenient lui semble plus fréquente qu'on ne le pense, et il rappelle à cette dccasion deux autres faits publiés sur le même sujet et desquels il a tiré quelques inductions sur la cause des vomissements qui accompagnent fré- quemment les premiers temps de la gestation. Il s'agit, dans ces deux cas, de deux jeunes filles enceintes de trois mois et demi et qui ont succombé à des vomissements incoercibles et sur lesquelles l'autopsie a démontré des traces non équivoques d'inflammation sur les membranes. Il s'était demandé si ces diverses lésions n'a- vaient pas influé sur la production des vomissements ; mais main- tenant qu'il est prouvé qu'il peut y avoir des inflammations des membranes sans vomissements, il est plutôt porté à reclierclier la cause de ces vomissements dans le rétrécissement et la dureté du col utérin, qui existaient dans les cas dont il s'agit, et qui ftiisant que le col ne participait pas à l'ampliation de la matrice, était une cause de distension douloureuse des fibres utérines, provoquaient une sorte d'étranglement interne propre à favoriser l'inflammation des membranes et par Va. mêine excitant les sympathies de l'utérus, donnaient lieu à des vomissements aussi durables que leur cause,

Joulin accepte la possibilité de la placentite; mais, à part les faits oîi l'on a constaté la présence du pus, les observations ne lui paraissent nullement probantes, et il ajoute que la science a besoin de travaux plus exacts que ceux qui ont été cités pour être défini- tivement fixée à ce sujet.

Simpson est aussi affirmatif que Bracliet et décrit, dans un mé- moire publié dans Edinhurgh med. and surg. Journal, 1836, les congestions et les inflammations du placenta. La description ne diffère en aucune manière de celle donnée par Bracbet et Dubois, et se retrouve en partie dans la thèse suivante.

Dans sa thèse inaugurale publiée en 1858, qui n'est qu'un résumé des opinions de M. Maitei sur ce sujet, M. le docteur Geoffroy de Montreuil décrit longuement et complètement la placentite. Nous allons donner ici l'analyse de cette thèse.

Dans un premier chapitre, il traite l'historique et fait remonter à Guillemeau (1648, Œuvres de cliirurgie) la première idée de cette lésion. Il cite ensuite les noms do Portai, Peu, de Lamotte, de Ruysch, Morgagni, Haller, Mauriceau, Gortesia, Fick, Albrecht, Albinus, qui tous ont cité des faits d'altérations du placenta, qu'ils rapportent à rinflammalion.

Passant ensuite aux modernes, il arrive à Dance, ii Brachef,

64 ~

Simpson, Cruveilhier, Wilde, Paul Dubois, Desormeaux, Rams- botliam, et il termine ce premier chapitre en adoptant complè- tement la division de Simpson en dix chapitres,"doïit voici le som- maire :

Généralités;

Divisions suivant les formes ; S" Anatomie pathologique; W Symptômes, marche et terminaisoji ; 5" Causes; Diagnostic; Pronostic ;

8" Influence sur la mère et l'enfant ; Traitement;

10° Il cite vingt-quatre observations, la plupart déjà connues et citées par tous les auteurs.

Nous ne le suivrons pas dans tous ces chapitres, nous indique- rons seulement les points saillants.

Ainsi, en anatomie pathologique, il distingue trois degrés :

Dans un premier degré, il y a une congestion, mais congestion spéciale du placenta, en ce sens qu'elle n'occupe que quelques lobes, qu'elle s'accompagne d'un épanchement de sérosité trouble.

Dans le deuxième degré, il y a épanchement de lymphe plastique coagulable qui, d'abord amorphe, s'organise bientôt. C'est l'hépa- tisation rouge de Brachet. Quand cet épanchement se fait à l'une ou l'autre des surfaces du placenta, il en résulte une fausse membrane.

Dans le troisième degré, le pus apparaît, soit à l'état d'infiltra- tion dans le tissu du placenta, soit réuni en foyers. Il constate l'absence de membrane granuleuse sur les parois de ces foyers, quoiqu'elle ait été signalée par Brachet.

Quand la lésion passe à l'état chronique, la lymphe plastique s'organisant produit ce que Simpson désigne sous le nom d'indu- ration rougeâtre; c'est une forme de l'état squirrheux des anciens auteurs, et la conséquence en est l'atrophie et les adhérences morbides.

Quant à l'hypertrophie^ elle peut aussi succéder à la placehtite, mais plus rarement.

Quant aux symptômes, il ne note rien de particulier, sinon une lièvre (jui mine les malades et présente tous les caractères de la fièvre hectique.

Telle est, en résumé, l'analyse de ce travail, qui, comme on le

65

voit, donne exactement la reproduclion des idées de Bracliet, sans rien de particulier.

C'estM. Jacqaemier qui, le premier, éleva des doutes sur la véri- table inflammation du placenta; on, a dit-il, mis généralement trop de facilité à transporter aux annexes du fœtus les diverses altérations qu'on observe dans nos organes. C'est ainsi qu'on a décrit une inflammation du placenta.

Pour lui, les caractères anatomiques qu'on a donnés comme ceux delà placentite, dépendent ordinairement de la congestion des vais- seaux ombilicaux ou d'un état d'hypertropliie du placenta avec mollesse et intlltration de son tissu par une sérosité souvent abon- dante. Ce qu'on a désigné comme l'état chronique est produit par les diverses traîisformations du sang épanché.

Quant au pus, Dance,Gruveilhier, A. Bérarrl, ont constaté sa pré- sence réelle à la surface du placenta et de la caduque.

Dans une des observations citées par lui dans son mémoire sur l'apoplexie placentaire, il y avait de la matière purulente, déposée à la smTace du placenta et infiltrée dans son tissu.

Ce pus peut provenir de deux sources fort différentes, de la sur- face interne de l'utérus, du placenta ou de la caduque.

I.a suppuration à la face interne de l'utérus n'est pas rare, sur- tout celle des canaux veineux de l'utérus, et l'accumulation de pus à leur intérieur et les oblitérations qui s'établissent souvent dans les points enflammés forment de petits abcès enkystés dans divers points des veines enflammées. Si le pus augmente dans ces foyers et qu'il trouve une barrière qui l'empêche d'être versé dans le torrent de la circulation, il pénôlrera dans les veines utéro-placen- taires qui, n'étant pas soutenues parle tissu dense de l'utérus, se rompent facilement, et le pus s'épanchera dans le tissu mou et per- méable du placenta dans lequel il se creusera des foyers à des pro- fondeurs variablfs.

RJais les conditions les plus favorables h l'inflannnation et à la suppuration des veines utérines dans le point elles s'abouchent avec les veines utéro-placentaires se trouvent dans leur rupture et le décollement d'une poriion du placenta. Celte solution de conti- nuité et la présence de sang épanché sont, dans quelques cas, une cause suftisante d'inflammation ou de suppuration dont on retrouve les traces.

De plus ces foyers purulents sont toujours en contact <ivec le tissu du placenta sans intermédiaire, tandis que partout ailleurs on trouve sur les parois des foyers des membranes tie nouvelle for- mation.

CUAIll'liMllin. ô

66

Le pus vient donc de l'utérus enflammé et il peut subir, lorsqu'il existe, et que la grossesse continue, quelques-unes des transforma- tions que nous avons indiquées pour le sang épanché.

M. Tarnier est complètement muet sur ce sujet.

M. Verdier nie absolument la placentite dans cette phrase: Ceux qui ont combattu la théorie de la placentite auraient été heureux de connaître les transformations successives des caillots pour se dé- barrasser des prétendus cas de suppuration placentaire.

M. Bustamante voit aussi dans ces cas des métamorphoses des- tructives des caillots.

Quant à M. Millet, il discute plus complètement les questions dans un chapitre intitulé : Existe-t-il une placentite ? Cette thèse^ encore une fois, est une reproduction des idées de M. Robin.

« La logique inflexible a forcé les promoteurs de la placentite à lui attribuer comme conséquences inévitables :

)) Les adhérences du placenta.

» Les abcès que l'on trouve dans son intérieur.

» Quelques cas de monstruosité.

» Or, rien n'est moins précis que la symptomatologiede cette af- fection, rien n'est moins exact que son anatomie pathologique, rien en un mot n'est moins démontré que cette inflammation elle- même. »

Il ne veut pas rayer pour toujours cette maladie du cadre nosologique, mais il tient à prouver que rien de ce qui a été pré- senté sur ce sujet ne doit conserver ce nom. Il ne suffit pas en effet de l'examen à l'œil nu, il faut l'examen microscopique, car c'est lui seul qui peut empêcher de tirer des conclusions erronées.

ABCÈS DU PLACENTA.

Les observations sont au nombre de dix :

Quatre de Jacquemier.

Deux de Dance.

Trois de Brachet.

Une de Cruveilhier.

Mais pas un de ces auteurs n'a songea faire analyser ce pus, cai* sans cela on aurait trouvé que ce n'est autre chose que ce que M. Robin appelle le pseudo-pus fibrineux.

Nous avons déjà, à propos de la transformation des caillots, indiqué une partie des modifications sous lesquelles la fibrine pou- vait se présenter. Reste à étudier le li(}uide qui se rencontre à l'in- térieur de ces caillots.

67

Voici la description qu'en donne M. Millet.

Les caillots peuvent contenir une sanie rougeâtre,jaunâtre, brune, ou un liquide ayant la couleur du pus, mais moins visqueux, soit qu'il ait une' consistance assez prononcée, soit qu'il présente une fluidité, au contraire, plus grande. Ce liquide se rencontre au centre de concrétions anciennes, à parois durciescouenneuses, représentant alors un kyste ou un abcès dans la concrétion : autant de manières de voir qui ont été admises. Ordinairement multiples, ces concré- tions peuvent, quel que soit leur volume, contenir ce liquide puri- forme ou lie de vin. Elles peuvent en contenir mênne lorsqu'elles sont libres.

Or, examiné au microscope, ce liquide n'est autre chose que de la sérosité contenant :

Une très-grande quantité de fines granulations moléculaires que leur solubilité dans l'acide acétique porte à considérer comme étant des granulations formées de fibrine. Ces granulations existent quelquefois seules et le liquide leur doit sa coloration.

Des globules blancs du sang souvent fort nombreux, un peu plus anguleux sur les bords que dans le sang frais, plus granuleux, plus petits que les globules de pus dont ils diffèrent beaucoup.

3" Quand le liquide est rougeàtre,- il contient des globules san- guins, et des granulations qui ensontsans doute des détritus (Robin et Verdeil, C/iwae pathologique).

M. Bustamante adopte complètement les idées de M. Miller.

Ainsi il est difficile, aujourd'hui, d'admettre la placentite telle que l'avait définie Brachet, au pohit de vueanatomo-pathologique du moins. Nous verrons tout à l'heure quand nous étudierons les symptômes des maladies du placenta, qu'il n'y a rien de plus net à cet égard. Nous adopterons donc cette idée, et nous dirons avec M. Robin et la plupart des auteurs classiques : Ce que l'on a pris pour des inflammations du placenta n'est pas autre chose qu'un état caractérisé parles transformations des épanchements sanguins à leurs diverses périodes. Ce qu'on a pris pour du pus, n'est que delà fibrine en voie de désorganisnlion, et s'il y a des cas l'on a trouvé du pus véritable, ce pus ne venait pas du placenta, mais d'une inflammation du tissu ou des vaisseaux utérins, et a été déposé accidentellement dans le tissu placentaire.

Conséquents avec leurs idées et leurs théories, Brachet et les auteurs qui partageaient ses opinions ont considéré les adhéroices du placenta comme la lésion consécutive de rinflammation du placenta et la dernière transformation di; la lyn)|)he coagulable.

Voyons comment les auteurs comprennent cesadhértnces.

68 --

ADHÉRENCES DU PLACENTA.

Murât dit : L'iiiflammatioii légère ou la phlogosedes parois inter- nes de l'utérus est, à ce qu'il paraît, la cause la plus ordinaire de l'adhérence intime que quelques placenta;? contractent avec la matrice. On a cru remarquer que cette complication existait surtout lorsque ce corps spongieux se greffe sur la paroi antérieure de l'utérus. Elle peut être partielle ou complète^ et expose à divers accidents.

Desormeaux et Dubois : L'inflammation du placenta, outre les adhérences à la face interne de l'utérus, a encore pour effet de déterminer des adhérences morbides de la face fœtale de ce corps avec un point de la surface du fœtus, cause assez commune de mons- truosités.

Mordret, cité par Joulin, dans un mémoire publié dans le Moni- teur des hôpitaux^ 1855, passant en revue un grand nombre d'ob- servations, conclut que l'inflammation ne joue pas dans cette circonstance le rôle qu'on lui attribue. Le placenta adhérent ne présente en général aucune lésion de structure, aucune trace évi- dente d'un travail inflammatoire.

Si Von considère, ajoute Joulin, l'étendue de la muqueuse utérine, dont l'épithélium pénètre dans l'intervalle de toutes les villosités, on comprend qu'une légère modification dans sa constitution peut déterminer'des changements importants dans le degré d'intimité do l'union du placenta et de l'utérus.

Tarnier : Suivant la plupart des auteurs, elles seraient dues à une transformation fibreuse des ligaments cellnleux qui unissent le placenta à l'utérus. Dans un cas cité par Stoltz, l'adhérence du placenta était formée par une couche de sang coagulé.

Paul Dubois attribue ces adhérences à des plaques blanchâtres plus ou moins dures, qu'il croit de nature fibrineuse, dont la dureté augmenterait avec l'ancienneté de l'épanchement sanguin, dont elles seraient les derniers vestiges.

Suivant Gendrin, c'est parle cercle que la caduque réfléchie forme autour du placenta que se fornK! l'adhérence, seulement elle est quchpiefois étendue sous le placenta par la conversion de quelque partie de l'organe en un tissu cellulo-fîbreux peu vasculaire, résul- tatde l'atrophie accidentelle de quelque mamelon placentaire.

On a longtemps cru (qu'elle était la conséquence d'une inflam- mation du placenta ou de la paroi utérine.

Tarnier pense que ces adhérences sont dues à l'altération fibro-

69

graisseuse, à l'atrophie des villosiU'S clioriales et des colylédons qu'elles forment.

Cette adhérence peut êlre plus ou moins étendue, totale ou pnr- fielie. Elle peut occuper le bord ou la circonférence du placenta, le centre étant décollé, ou bien seulement un ou plusieurs points de la surface. Elle offre plusieurs degrés de résistance et peut résister même à la mort des femm.es.

Morgagni, Leroux (de Dijon), Ranisbotham, en ont cité des exemples.

Millet, dans sa thèse, passe d'abord en revue les opinions des au- teurs.

Hippocrate, Aélius, Guillemeau, Portai, Sue, Laniothe, Ruysch, iMorgagni, îlaller, ne les rapportent pas à l'inflammation.

Morgagni parle bien de l'inflammation utérine, mais il ne dit rien du placenta.

Smellie les rapporte au squirrhe du placenta.

Godefroy (de Rennes), sur sept cas d'adhérences, a rencontré six fois l'oblitération fibreuse.

Desormeaux et Velpeau pensent, au contraire, que sur les pla- centas où cette oblitération fibreuse occupe toute l'épaisseur, l'adhé- rence est plus faible.

Darbau fait jouer un rôle aux concrétions calcaires.

Stoltz partage l'opinion de Dubois, émise plus haut.

Maslieurat-Lagémard et Villeneuve (de Riarseille) les attribuent à l'inflammation.

-laBger admet que c'est au moyen de la nniqueuse utéro-placen- taire modifiée dans sa structure que l'adhérence a lieu. Vient enfin l'opinion de Robin.

Dans un cas qu'il a eu occasion d'observer et le placenta était complètement adhèrent, il a constaté que la muqueuse inler-utéro- placentaire, au lieu d'offrir la mollesse liabiluelle qu'elle présente à cette époque de la grossesse, avait conservé la même consistance ' qu'elle possède à l'état de vacuité. C'était donc moins une modifi- cation dans la composition des éléments, ainsi que le veut Jauger (|n'une persistance de sa structure première.

.Tusqu'ici nous ne nous sommes occupé (jue des adhérences du placenta à l'utérus, mais ces adhérences peuvent se produire entre le placenta et ses enveloppes et certaines parties du fœtus, comme le prouvent les observations publiées par M. Houel dans les Mémoires de la Société de biolofjie, 1S57 et <iue nous relatons ici.

On a voulu voir dans ces cas nue innuence di» i'iiiH iiiimation sur les monstruosités du fœtus.

70

3Iémoire sur les adhérences du placenta, ou des enveloppes à certaines parties du corps du fœtus.

(Houel, Mémoire de la Société de biologie, 1857.)

L'année dernière (1856), M. Rayer a présenté à la Société de bio- logie un fœtus monstrueux atteint àliyperencéphalie , avec adhé- rences du placenta aux enveloppes du cerveau. Trois cas à peu près semblables existent dans le musée Dupuytren.

Les adhérences placentaires ou des enveloppes du cordon n'ont été observées que dans deux points delà surface du corps du fœtus, et toujours avec issue des viscères ; ces deux points de prédilection sont la voûte crânienne et la région abdominale. Je ne sache pas que ces adhérences aient jamais été observées ailleurs. Les trois obser- vations suivantes se rapportent à la première variété, à l'adhérence du placenta à la voûte crânienne, qui me paraît être la plus com- mune,

P*' Observation. Fœtus exencéphalien. -= Genre hypérémique (Is. Geoffroy Sainl-Hilaire).

Examen de la tête. Développement incomplet de l'œil gauche, bec- de-lièvre correspondant, hernie du cerveau et da cervelet. Les os de la voûte du crâne manquent complètement; à droite, ils sont suppléés par la peau; du côlè gauche, elle paraît manquer. Par l'ouverture qui résulte de cette absence de peau (7 centimètres transversalement et 6 antéro-posté- rieur), le cerveau fait hernie; la dure-mère qui l'enveloppe de toutes parts fournit, par sa face interne, la faux du cerveau et la tente du cervelet.

La face externe de la dure-mère a contracté de nombreuses adhérences avec la face fœtale du placenta, surtout en avant, certains cotylédons sont comme implantés à la surface.

Le cordon ombilical chez ce fœtus est très-court. Plusieurs malfor- mations des membres.

IP ObSERVATIONo

Le squelette de la voûte du crâne manque complètement, celui de la base seule existe. Les centres nerveux n'existent point. Par suite de l'absence des os de la voûle du crâne, les parties molles qui forment le cuir chevelu se confondent avec la dure-mère, et ont sur le côté gauche con- tracté de larges adhérences avec la circonférence du placenta, qui se trouve situé immédiatement au-dessus de la tête.

Le placenta est anormal quant à sa forme et à son volume.

~ 71

IIP Observation,

La voûte du crâne manque dans sa plus grande partie; elle n'est con- stituée que par des membranes minces, qui perdent l'aspect cutané pour devenir transparentes et auxquelles adhère par sa circonférence le pla- centa ; le cordon, très-court, n'a que 15 centimètres de long.

En résumé, dit M. Houel, la hernie du cerveau ou l'absence de cet organe avec adhérences des enveloppes du placenta me paraît dominée exclusivement par la brièveté du cordon que je considère comme étant primitive, et il ne croit pas que l'on doive indiquer pour sa production, comme le fait M. Geoffroy Saint-Hilaire, une frayeur ou bien une violence exercée sur le venlre de la mère, cause qui lui paraît hypothétique et nullement justifiée par les faits.

Nous ajoutons encore ici les observations suivantes, prises dans la thèse de coiicours de M. Jouliii surladystocie fœtale,

Dy^tocie par réunion^ ou fusion d'une partie du fœtus avec la matrice et les éléments de Vceuf

J. Hall cite un cas il existait une adhérence du prépuce et du scro- tum avec la paroi interne de l'utérus. [London Mecl. G<iz., juin, 1839.)

J. Steinmets, dans un cas de présentation du siège, rencontra une adhérence intime entre l'épaule droite du fœtus et la partie correspon- dante de l'utérus. [Gazette médicale d'Autriche, 1843, n" 15.)

Adhérences du fœtus au placenta. Fœtus de eept mois avec adhérence au placenta, par M. Kobeit Lée.

Les vaisseaux du fœtus et du placenta ayant été injectés avec soin, on a incisé le cuir chevelu d'une oreille à l'autre, et on a trouvé la dure- mère immédiatement en contact avec la peau, sous les os de la voûte du crâne faisant défaut. Le péricrâne et la dure-mère, à la partie supérieure de la lôte^ étaient presque tout à fait occupés par un grand plexus d'ar- tères et de veines dilatées, injectées comme un naîvus. Lo cerveau et ses membranes étaient sains. Le placenta était uni à la partie frontale par une bande large de trois quarts de pouce et longue d'un pouce et demi for- mée par l'amnios et le cliorion, et dans laquelle les membranes du cer- veau faisaient saillie à travers une ouverture large comme le bout du doigt. Quoique l'auteur assure qu'il est impossible de fixer à quelle époque s'est produite l'adhérence du placenta à la tête du fœtus, il croit cependant comme chose probable que le cordon ombilical et la bande en question se sont formés à peu près on même temps et à une époque peu avancée de la vie embryonnaire, lorsque l'amnios cl l'ombrvon étaient en contact, et

72

avant la fin de la cinquième semaine à partir de la conception. {London Med. Gaz., 1839, t. XXIII, p. 794.)

Portai (PraVque des accouchements, p. 194, 1685) cile le cas d'un enfant appartenant à la variété des monstres appelés par Geoffroy noten- céphaliens, présentant la torsion des membres inférieurs, si souvent notée dans ce genre de monstruosité, et une bride, parlant du pariétal droit et allant adhérer au placenta.

M. Costallat a présenté à l'Académie de médecine (séance du 23 octobre 1832) un fœlus dont le placenta s'insérait sur la ligne médiane de la face depuis les fontanelles jusqu'à la voûte palatine. Il existait un spina- biflda au sacrum. La tête ne pouvait se courber avec la tige vertébrale et formait une ligne droite avec le cou.

Union du fœtus au placenla. Gibbosilé.

11 existe dans Medico- chirurgical .Transactions, 1818, p. 443, une obser- vation de Breschet le placenta était sou(3é à la paroi abdominale. La région lombaire présentait une déviation vertébrale, par suite de cour- bures de l'épine, dont l'auleur ne fait pas connaître la raison.

Adliérences du fœlus au placenta.

Chaussier a présenté à l'examen des membres de la Société (séance du 9 janvier 1817), un fœtus difforme, à terme, ayant donné des signes de vie, dont les membres abdominaux étaient renversés sur le dos et les parois de l'abbomen directement attachées au placenta, [Bulletin de la Faculté, t. VI, p. 310.)

Adhérences du fœlus au placenla.

M. Lauray, médecin à Châteileraull, appelé près d'une femme en cou- ches, présentation du bras, fait la version et amène un enfant dont le cuir chevelu était presque confondu avec le placenta. Absence d'os frontal et d'arcade sourcilière.

Cet être vécut trente-deux heures, sans qu'il fût fait aucune tentative pour séparer le placenla du cuir chevelu. {Revue médicale., 1821, l. H, p. 146.)

Adliérences des membranes de Vœuf du fœtus ^ observées par le docteur J. Pies, de Mayence.

La grossesse chez cette femme avait eu cela de particulier que les mou- vements du fœtus avaient été douloureux et plus fréquents que de coutume. Premières douleurs, 9 novembre, à sept heures du matin ; à onze heures, perte de sang; à quatre heures, écoulement des eaux. Hémorrhagie diminuée. L'auteur est appelé à cinq heures. Femme faible, sueurs froides; pouls à peine sensible. Depuis la perle des eaux, cessation des mouvements du fœtus, la main se présente; l'accoucheur cherche à faire la version parles pieds, ne [)Out y parvenir. Il opère la version sur la tête.

73

Le placenta sortit fivec IVnfant et l'on vit que l'arrière-fai^ adhérait au corps du fœtus, qui offrait d'ailleurs plusieurs difformités : hémicépbalie, bec de lièvre avec fente du palais, spina bifida, pieds-bols, ankylose. L'en- fant était uni au placenta par des lambeaux de peau, irréguliers, lon;^s ei larges, semblables aux enveloppes do l'œuf, et qui prenaient leur origine aux bords de l'arrière-faix.

La plus grande bride avait cinq pouces de longueur et se conlinuait avec la peau du dos au niveau de la première vertèbre dorsale, '.a deuxième se détachant de la première, un peu plus longue, allait se fixer au bras gauche. La troisième était située sur la lêle de l'enfant. {Gaz. mêd. de Paris, 1851, p. 692.)

Paul Dubois admet que l'iiitlammation détermine des adhérences, causes assez fréquentes de monstruosités.

Courty admet que les pseudo-membranes qui se trouvent à la face interne de l'amnios et qui lui sont très- adhérentes, sont des traces probables d'inflammations antérieures de l'amnios. Quand les phé- nomènes se produisent de bonne heure, le liquide amiuiotique pou- vant être résorbé, des adhérences peuvent s'établir entre les tégu- ments du fœtus, et ces membranes et ces adliérences deviennent à leur tour la cause de monstruosités variables.

KYSTES DU PLACENTA.

Nous n'avons pas trouvé ces kystes décrits ailleurs que dans les deux thèses de MM. Millet et Bustamante.

Voici comment ces messieurs décrivent ces lésions.

Millet en a vu deux cas, et il en décrit un comme il suit :

Les parois sont formées de tissu lamineux semblable à celui qui se trouve interposé entre le chorion et l'amnios, revêtant cepen- dant, au niveau du kyste, l'aspect fibreux. Le liquide contenu dans l'intérieur est absolument semblable à celui qui a été décrit sous le nom de gélatine de Wliarton ; il a la môme consistance, la même composition. On trouve, nageant dans ce liquide, des granulations graisseuses. En résumé, ce kyste s'est développé dans les mailles de ce tissu cellulaire absolument comme ceux que l'on rencontre parfois dans le cordon ombilical, et que Ruysch a décrits sous le nom de dégénérescence hydatiforme du funis ombilicali.

M. Bustamante, lui, dit :

Ou trouve (|uelquefois, à la face fœtale du placenta, des espèces (le kystes à forme en général arrondie ou bien allongée, plus ou moins régulière, comme les plaques ([ue nous avons décrites à la niènic face. Ces kystes varient en volnnir (U'[iuls 1 jusqu'à 5 et

74

6 centimètres. Ils sont placés au-dessous de l'amnios et du chorion, qui forme leur paroi superficielle ou fœtale. La paroi profonde est en contact immédiat avec le tissu même du placenta, et constituée par le contenu qui est en partie solide.

Le contenu de ces kystes est en partie solide et en partie liquide. Le liquidé est ordinairement citrin, lactescent , et contient des globules de sang facilement reconnaissables. Par le nitrate d'argent, il se précipite une substance caillebottée ; ce liquide a une certaine viscosité et donne, par la chaleur et l'acide nitrique, des flocons d'albumine. Une fois cette partie liquide vidée, on découvre au fond une substance blanchâtre ou mieux un peu jaunâtre, sub- stance étalée dans toute l'étendue du kyste, et qui varie d'épaisseur depuis quelques millimètres jusqu'à 1 centimètre au plus. Examinée au microscope, cette substance est constituée par de la fibrine gra- nulée ou réticulée, et quelquefois renferme aussi des villosités placentaires ; si on l'examine sans attention, elle paraît formée de grumeaux qui ont une apparence graisseuse; mais, vue de près, on s'assure qu'elle est disposée en couches. Ils sont en général situés vers le centre du placenta et occupent l'intervalle des gros vaisseaux. Enfin, il n'est pas rare de trouver des plaques à la sur- face desquelles on découvre une petite quantité de liquide avec les caractères de celui que nous venons de donner au liquide des kystes.

M. Millet refuse à ces kystes la nature hématique, cela tient à ce qu'il n'en a pas vu ; il a observé une autre variété de kyste, voilà toute la cause de la discussion qui existe entre M. Bustamante et lui.

Comment se forment-ils : une coagulation a lieu contre le cho- rion, coagulation qui formera une plaque, et cette plaque sera la paroi profonde du kyste. Quant au liquide, il peut s'y trouver de plusieurs façons :

Une certaine quantité de sang peut avoir été surprise entre le coagulum et le chorion, ou bien le sang arrive plus tard après la formation des premières couches de la plaque, c'est-à-dire quand cette couche se déchire; "1° ou bien elle laisse un petit point béant par lequel le sang se fraye une cavité entre le chorion et la pla- que de fibrine coagulée.

On ne peut, en effet, attribuer leur origine à la rupture de l'un des vaisseaux, parce que cette rupture n'existait pas dans les cas qui ont été examinés. De plus, ce que nous avons dit de la substance fibrineuse qui forme la paroi du kyste, démontre aussi qu'ils pro- viennent du sang maternel du placenta.

75

Si nous ne parlons pas ici des kystes vésiculaires ou môles hyda- tiformes du placenta, ce n'est pas oubli de notre part, mais bien parce que cette maladie exige une histoire complètement distincte, et nous renvoyons le lecteur à notre deuxième partie, nous tâcherons de traiter ce sujet aussi complètement que possible.

Observation. Syncopes répétées. ~ Lésion du placenta, ~— Kystes du placenta,

La femme L... entre, le '19 janvier 1868, à la Clinique. Elle est cou- turière, de bonne constitution, et a le bassin bien conformé. Cette femme a eu déjà sept accouchements, dont les deux premiers sont arrivés à terme et les enfants (garçons) sont nés vivants, mais n'ont vécu qu'un mois, quoiqu'ils fussent forts et bien développés; d'après le dire de la mère, ils ne présentaient pas de taches ni d'éruptions à la peau; les trois grossesses suivantes se sont terminées à sept mois et demi, les foetus étaient morts, mais sans trace d'éruption à la peau ; la sixième grossesse se termina à huit mois, et l'enfant mort-né n'offrait point d'éruption.

Cette femme raconte que ses accouchements avant terme se sont faits un mois environ après que le fœtus a cessé de remuer.

Elle a été réglée à quinze ans et demi, et ses règles régulières ont duré de huit à dix jours ; sa dernière période menstruelle a eu lieu vers la fin de juillet, et par conséquent la grossesse date de six mois tout au plus. Comme accidents de la grossesse, il y a à signaler seulement des défail- lances et des syncopes, lesquelles ont commencé à partir du troisième mois et ont continué jusqu'à l'accouchement. Les accidents ont été plus fré- quents et plus intenses depuis que le fœtus a cessé de remuer. Dans les deux premières grossesses, il n'y a pas eu de défaillances, mais des vomis- sements dans les deux premiers mois ; c'est à partir de la troisième grossesse que les défaillances et les syncopes se sont présentées depuis lo troisième mois. Cette femme a passé douze ou treize heures par jour à travailler as- sise, et elle dit que pendant ses deux premières grossesses, son travail était moins prolongé,

Le jour de l'an, cette femme a eu la fièvre et des frissons ; le lendemain tout était passé, mais l'enfant ne remuait plus; elle raconte que dans ses grossesses antérieures, elle a été ainsi malade un jour avant de cesser de sentir les mouvements du fœtus.

Les Itères de ces enfants étaient employés de magasin. Le fœtus, examiné par le docteur Charpentier, chef de clinique, ne pré- sentait aucune lésion capable d'expliquer sa mort.

Placenla. Cet organe est bien développé, légèrement ovale, grand diamètre 16 cei>timètres et petit 15. La face fœtale présente, à 2 centi- mètres d'un des bords, un petit kyste piriforme renfermant une matière brunâtre, de consistance muqueuse, laquelle au microscope laisse voir des globules sanguins très-bien conservés, quelques leucocytes devenus i;ranu- leux et des granulations graisseuses.

-, 76

Les veines sont remplies de coagulations rougcâtres de date récente ; les artères sont vides.

Vers l'insertion du cordon ombilical^ on trouve un mince épanchement sanguin, sous forme d'une plaque de 2 centimètres de diamètre, infiltré entre le chorion et la substance placentaire.

Cordon. Sain. Les membranos sont, déjà ramollies.

Face ulérine. Vers sa périphérie, une des moitiés du placenta offre une zone de 3 à 4 centimètres, au niveau de laquelle existent quelques pla- ques d'atrophie. Au niveau de ces plaques de 3 à 4 centimètres, l'appa- rence spongieuse des villosilés est à peu près complètement disparue.

Dans un autre point, les villosités sont absentes, mais à leur place existe un kyste renfermant un liquide blanchâtre et visqueux ; ce kyste est vi- sible à la face utérine et caché à l'autre face par une couche de tissu pla- centaire anémié.

Vers le milieu de la face ulérine du placenta, on aperçoit un petit kyste duvohime d'une petite noisette, faisant à peine saillie à la surface, et com- plètement entouré par les villosités; il renferme un liquide sanguinolent, lequel, à l'examen microscopique, est presque entièrement constitué par des globules rouges. A peine trouve-t-on quelques leucocytes. Par la dis- section, on trouve également deux autres petits kystes moins volumineux ; le premier est biloculaire, et dans la seconde poche, le liquide est trans- parent.

La paroi de séparation des deux kystes renferme un nombre considé- rable de corps granuleux.

Les plaques blanc iaunâtre, examinées au microscope, sont constituées par les villosités agglutinées, par une coagulation sanguine déjà ancienne, mais encore reconnaissable à des tractus fibrineux, et à quelques globules rouges qui se retrouvent vers la périphérie de la masse.

Les parties centrales offrent une structure analogue à celle des'plaques plus anci"ennes.

Dans tous les points morbides, les vaisseaux des villosilés sont oblitérés par une masse granuleuse. Le calibre des vaisseaux est notablement di- minué.

KYSTES SANGUINS.

Le 31 mai 1868, entre à la Clinique la femme L, ..-, âgée de trente-six ans, couturière; constitution bonne, bassin bien conformé, bien réglée pen- dant quatre jours. Dernière apparition des règles, 1" septembre 1867; l'accouchement, très-heureux, dura trois quarts d'heure seulement; l'enfant naquit en bon état ; poids 2,720 grammes.

Celle femme n'a eu d'autres accidents que des nausées et des vomisse- ments prolongés jusqu'aux derniers jours de la grossesse, elle n'a pas fait de chuto ni reçu de coup. Aucune forte émotion morale ne l'a troublée pendant la gestation ; à sa première grossesse (elle est à sa troisième), l'en- fant est à huit mois et demi ; pas d'antécédents syphilitiques, pas do diathèse rhumatismale. Père de l'enfant trente-huit ans, pas très-fort, mé- canicien chauflènr ; on ne sait pas s'il a eu une affection syphilitique. Les doux premiers enfants sont morts: le premier, dix jours après la naissance

77

(venu par Cexlréinité pelvienne) ; l'autre, à lagede un mois, d'une affec- lion do la hanche.

A la surface fœtale du placenta existent trois noyaux principaux, l'un peu volumineux, blanchâtre, situé aux environs de l'insertion du cordon et constitué par l'épaississement du chorion.

Sur le bord même du placenta on trouve un second noyau marronne, de la dimension d'une noisette, n'occupant que la moitié de l'épaisseur de l'or- gane, à surface de section granuleuse (au microscope, altération caraclé- rislique de la thrombose placentaire).

Le troisième noyau, le plus intéressant, forme à la surface fœtale une plaque irrégulière offrant plusieurs prolongements; celle plaque partout recouverte par les ramifications des vaisseaux ombilicaux, est sous-jacenle au chorion et à ramnios. La dissection la fait voir composée : à sa su- perficie, par une sorte de kyste renfermant un liquide citrin et visqueux ; au-dessous de ce kysle, on trouve une matière jaunâtre ressemblant tout à fait à des caillots fibrineux d'agonie. Le microscope y fait voir des villo- sités choriales entourées et agglutinées par de la fibrine granuleuse et ré- ticulée.

La surface utérine correspondant aux noyaux que nous venons de décrire à la surface fœtale présente un noyau parfaitement irrégulier, mais plus petit ; une section pratiquée perpendiculairement à la surface placentaire^ fait voir que ces deux derniers noyaux sont réunis par une bande de tissu de môme apparence, entourée par la substance du placenta tout à fait saine.

Ces coupes pratiquées dans la substance de l'organe font découvrir trois noyaux analogues, mais plus petils (du volume d'un pois chiche), dont un seulement s'approche assez de la surface utérine pour y être per- ceptible; les deux autres, au contraire, sont partout recouverts par le tissu placentaire sain ; leur coupe, d'apparence granuleuse, no diffère point de celles des autres noyaux (thrombose placentaire).

SCLLIIIOSE DU PLACENTA.

Nous empruntons à la thèse de M. Bustamanle la description do cette lésion, qui n'a pas été mentionnée par les auteurs français.

L'altération se présente sous forme d'une masse rougeâtre char- nue lobulée et lisse, (|ui lui donne quelque ressemblance avec le thymus; à la coupe, celte masse est liomogèno et dense, elle peut être facilement subdivisée en lobules plus petits. La partie altérée adhère en partie aux \illosités de la partie saine. Vers les côtés et surtout sur la face fœtale du placenta, le tissu normal est refoulé et même comprimé, ce qui se voit quand on vient à enlever la partie altérée. Au niveau de la masse ainsi altérée, la couche muqueuse qui recouvre la face utérine du placenta peut être enlevée, ce qui est impossible à l'élal normal.

L'examen microscupiiiiie ne permet pas de dislinyiier nettement

78

les villosilés dans le tissu morbide, lequel à la coupe est homogène et offre au centre des lobules décrits de très-petils vaisseaux arté- riels; il est constitué par des éléments fibro-plasliques déposés d'une façon régulière et formant des couches concentriques presque comme dans les tuniques vasculaires.

V^ Observation.

L'aspect du placenta est partout normal tant à la face utérine qu'à la face fœtale : on voit seulement sur la première quelques légers dépôts cal- caires.

Tout à fait au centre d'un cotylédon plus saillant que les autres, existe sous la couche muqueuse, qui, exceptionnellement, a pu être séparée, une masse rougeâlre, d'apparence charnue, à surface lisse m.ai3 lobulée, rappe- lant assez bien l'aspect du thymus; celte masse, qui se laisse aisément subdiviser en lobules plus petits, atteint le volume d'une grosse noix. Vers son centre, on trouve un vaisseau dont les parois très-minces lui sont adhérentes, et qui contiennent du sang. Ce vaisseau peut être suivi dans la substance du placenta, il se continue avec une des branches d'origine de la veine ombilicale; ce vaisseau présente un calibre exagéré; il est très -dilaté, et ses parois semblent altérées. Par la face profonde, cette masse adhère intimement aux villosilés placentaires, dans l'intervalle desquelle elle envoie des prolongements : on ne peut la détacher de la substance du placenta sans entraîner en même temps un certain nombre de villosilés adhérentes à sa surface.

La substance qui constitue cette production morbide semble homogène, très-dense, et diffère sensiblement par son aspect extérieur des villosités placentaires qui l'entourent. Après avoir séparé cette portion de la sub- stance placentaire, on a sous les yeux une sorte de coque formée par les villosités et par les gros vaisseaux refoulés et aplatis : ces vaisseaux cir- conscrivent des espaces plus ou moins irréguliers, les uns polygonaux, les autres arrondis, dans lesquels pénètre la substance morbide, ce qui rend compte de son aspect lobuleux,

Vers la périphérie de cette masse, on trouve quelques villosités qui lui sont adhérentes et semblent, pénétrer dans son épaisseur.

Examen microscopique. Des coupes fines pratiquées en divers points de cette tumeur, montrent qu'elle est constituée d'une façon très homogène ; toutefois, vers le centre des sortes de lobes qui la composent, on trouve des vaisseaux artériels de petit volume (O"^"',^ à 0'"'",3 de diamètre), fa- cilement reconnaissables, et dont les tuniques sont normales. Le tissu mor- bide est constitué uniquement par des éléments fibro-plasliques, à noyaux facilement reconnaissables sur des coupes fines, et notamment après colo- ration par le carmin. Ces éléments sont disposes d'une façon assez régu- lière, et pour la plupart sont placés de telle sorte qu'ils semblent être pro- duits pai- la prolifération du tissu conjonclif des villosités, dont les éléments nucléaires se seraient multipliés de façon à former des couches concentri- ques à peu près comme sur les tuniques vasculaires.

11 est presque impossible de trouver des traces de capillaires : toutes

79

la masse semble constituée par des villosités accolées intimement, sans qu'on puisse voir de quelle manière.

L'altération dont il s'agit serait donc une sclérose du placenta, et pour- rait conséquemment être rapprochée du fait suivant.

IV Obsekvation.

La dégénérescence à la suite de laquelle le placenta perd sa propriété molle et spongieuse est constituée par la prolifération des villosités. Celles- ci se développent d'une manière exagérée, de sorte que tous les espaces du placenta en deviennent remplis.

La circulation est gênée; cette circonstance réagit sur la structure des villosités.

Neumann examina un placenta atteint de sclérose; dans les points dé- générés il ne trouva aucune trace des espaces placentaires ; tous ces espa- ces étaient remplis de villosités et de cloisons de tissus conjonctifs. La substance hyaline des villosités était métamorphosée en un tissu conjonctif renfermant des molécules graisseuses et calcaires.

La cause de cette prolifération n'a pas été trouvée. (Neumann, Ueber die SkJero&e der Placenta ; Konigsb. med. Jarhbuch., II, 2, 1860.)

Dans cette observation, on attribue l'étal du tissu jilacentaire à la prolifération des villosités. Nous ne croyons pas pouvoir trancher cette question délicate d'anatomie pathologique, et il faudra de nouvelles recherches et un grand nombre d'observations pour décider quelle est la vraie nature de l'altération.

DES DÉPOTS CALCAIRES DU PLACENTA.

Lithiase. Concrétions ossiformes des auteurs.

Signalés par les auteurs les plus anciens qui les rapportaient à des causes si diverses, ces dépôts ont surtout été étudiés dans ces derniers temps par MM. Millet et Bustamanle, surtout par M. Millet. Nous allons donc nous borner à citer les noms d'une partie des auteurs qui les ont signalés et nous donnerons ensuite l'analyse des idées de MM. Millet et Bustamante.

Ficcinus, Acta curiosa nat., t. IV, cite un placenta cartilagineux.

Camerarius, Journ. de litl. oUram, t. XXXI, p. 5i, cite un cas d'ossificadon.

Albrecht.

HufdanU.

Schreger.

Docteur Gaius, Juiiriial Je médecine, chiruygie cl pharmacie, i, HI.

Careslia^ cité par Mural, Uicl. eu (JO vol.

Monteggia, cité par Mural.

80 -

Dubois et Desornieaux. Dict. en 30 vol.

AVrisLerg', cite par Dubois.

Hamilton.

Blauriceaii, Observalion.

Goocli.

Madame Boivin,

Ruysch.

heckev. Thèse de GoUub Val er,illQ.

Haller.

Buisson Danthcs, cité par Joulin, Gazelle médicale, 1862.

Garrisson, cité par Joulin, Tlie American Journal, 1852.

Johnson, cité par Joulin, 2 cas, The New -Orléans Journal, 185/i.

Jacquemier.

Sinellie.

Et tous les accoucheurs modernes.

Jager, Archives.

Lempereur, Ihèse, 1867.

Bustamante. Les dépôts calcaires se forment à la face utérine, dans une seule observation, celle de Carestia, on dit qu'il y en avait aussi à la face fœtale. Ces dépôts se présentent sous la forme de plaques plus ou moins étendues et séparées par des parties saines, ils peuvent envahir une grande partie de la surface et même la moitié du placenta comme dans le cas mentionné de Carestia. L'épaisseur de ces plaques peut atteindre jusqu'à 3 et U lignes comme dans l'observation de Garin. D'autres fois les dépôts cal- caires seprésentent sous la forme d'aiguilles de quelques millimètres de long éparses sur toute la surface utérine du placenta, laquelle donneau doigt, suivant l'expression de M. Depaul, la sensation d'une surface semée de grains de sable. Toute la surface utérine peut être envahie d'après Moreau, qui compare les craquements qu'elles produisent, quand elles forment des plaques assez étendues et qu'on les brise, au brisement d'une coquille d'œuf.

Ces dépôts ont été considérés par quelques auteurs comme une ossification des capillaires du placenta (Lobsfein), cette opinon a été partagée par Meckel, Adelon et Cruveilhier. Mais M. Robiji en a démontré la véritable nature. La substance commence à se déposer , dans la couche muqueuse qui recouvre le placenta, etc'est seulement après qu'elle arrive au contact des villosités.

Il n'est pas rare, dit M. Robin, de trouver une partie d'un coty- lédon ou même une partie du placenta parsemée de petits grains calcaires, qui quelquefois sontcoufluents et forment des concrétions plus ou moins volumineuses. Les petits grains sont disposés sous forme d'amas ou dephupies ii la face adhérente du placenta dans

81

les interstices intercotylédon iiaires ou à l'état de granulations disséminées dans leur épaisseur. 11 en est qui sont situées à la face fœtale de l'organe, et celles qui ont la forme de concrétions en aiguilles ou stalactites sont souvent dans l'épaisseur du placenta.

C'est surtout dans les cotylédons dont les villosités sont oblitérées en tout ou en partie que se trouvent les grains calcaires ; ils sont placés non pas dans l'épaisseur des villosités, mais à leur surface à laquelle ils adhèrent assez fortement; ils les entourent, les englobent quelquefois, ils les déforment toujours ; ces grains sont irrégu- liers, polyédriques, variant de volume depuis quelques centièmes de millimètre jusqu'à celui de plusieurs millimètres. Ils renlérment des carbonates, des phosphates de chaux et de magnésie, ils sont donc complètement amorphes et n'ont rien de ce qui caractérise la structure des os. il n'est pas rare de trouver un certain nombre de ramifications auxquelles adhèrent les grains calcaires renfermant des granulations graisseuses, éparses ou agglomérées, mais elles n'y sont pas habituellement en grande quantité. Elles se rattachent encore à une seule et même lésion du placenta.

M. Millet, reproduisant ces idées, insiste sur leur relation avec l'oblitération fibreuse et rappelle l'observation de Decker, qui a trouvé dans le placenta plus de 200 calculs qui adhéraient aux ramifications vasculaires, et dont le plus gros égalait la grosseur d'une noix.

Carus prétend qu'on rencontre plutôt cette lésion dans certaines contrées que dans d'autres. Madame Boivin a cité des cas cette lésion s'est reproduite plusieurs fois chez la même lèmme.

OEDÈME DU PLACENTA.

On observe quelque fois dit Jouliii, l'infiltration séreuse du pla- centa.

L'organe est pâle, distendu par delà sérosité sansautre altération anatomique; il est volumineux, d'une consistance mollasse et d'une teinte beaucoup moins vive que dans l'état normal. En pressant les villosités, on en exprime une sérosité limpide.

Compatible dans quelques cas exceptionnels avec la vie du fœtus, ces placentas se rencontrent le plus habituellement dans les c^s le fœtus a succombé déjà depuis un certain temps, et cette lésion semble être consécutive à la mort du fœtus (juoiqu'on ne trouve en celui-ci aucune lésion pour expliquer la mort, il est des cas pourtant oîi elle a paru être la cause déterminante de la mort du fœtus. Simpson a observé un cas il y avait un obstacle à la

CUARPENTlEn. 6

82

circulation du cordon. M. Joulin dit qu'il est fort probable que ce genre de lésion est déterminé le plus souvent par un obstacle au cours du sang sur un point quelconque de l'appared circulatoire, ou par une affection rénale du fœtus.

Pour lui donc il semblerait résulter que l'œdème du placenta est une lésion qui précède la mort du fœtus. Nos observations per- sonnelles ne nous permettent pas d'adopter complètement cette manière de voir, car dans les deux ou trois cas qu'il nous a été permis d'observer à la clinique, nous n'avons trouvé absolument rien que cette infiltration séreusedu placenta, et rien, soit du côté du placenta, soit du côté du fœtus, n'est venu nous donner une indica- tion qui pût nous permettre de faire remonter, soit à une lésion du fœtus, soit à une lésion du placenta lui-même, la cause de cet œdème.

Il y a donc une inconnue que des recherches ultérieures dégageront peut-être.

ATROPHIE DU PLACENTA.

On comprendra, après les longs détails dans lesquels nous sommes entré, que nous n'insistions pas sur cette lésion. Suivant ses opinions, chacun des auteurs l'a attribuée, soit aux épanche- raents sanguins, soit aux dégénérescences graisseuses, soit aux transformations consécutives du sang.

Elle peut être partielle ou générale.

Cette atrophie ne paraît pourtant pas être toujours consécutive aux altérations qui ont été signalées plus haut. On trouve quelques placentas dont les dimensions en épaisseur, en largeur (placentas membraneux), sont considérablement réduites sans que leurs tissus offrent rien de particulier, Lorsque cet état, qui semble primitif et qu'on peut rapporter aux anomalies du placenta, est très- prononcé, la nutrition du fœtus en souffie d'une manière très-évidente, mais pas au même degré que dans l'atrophie consécutive^, lorsqu'elle s'étend à la totalité ou à la plus grande partie du placenta.

HYPERTROPHIE DU PLACENTA.

Il n'est pas rare de rencontrer sur des œufs abortifs, mais princi- palement sur les délivres d'enfants putréfiés expulsés prématuré- ment ou seulement à terme des placentas ayant le double, le triple de leur volume ordinaire.

Ces placentas, dit madame Lachapelle. sont frais et non putréfiés

83

comme le fœtus, on peut donc croire que leur développement est l'effet et non la cause de la mort du fœtus. Jacquemier élève quel- ques doutes à ce sujet.

Le placenta végète quelquefois même après la sortie de l'enfant.

Ruysch.

Morgagni, ^/*2S^., 1. VllI, art. 30.

Frank.

Leur tissu, devenu très-spongieux, est abondamment pénétré de fluides séreux, rougeâtres, quelquefois tirant sur le brun. Ce fluide entre pour beaucoup dans leur augmenlation de volume. La face fœtale est flétrie et un peu macérée, tandis que celle qui correspond à l'utérus a conservé toute sa fraîcheur. Les divisions placentaires des vaisseaux ombilicaux sont flétries, appauvries et contiennent du sang qui se trouve dans le même état d'altération que celui qui est dans les organes du fœtus. On voit que la vie s'est principalement maintenue dans la portion maternelle du placenta. Cependant, les extrémités villeuses des vaisseaux ombilicaux ne sont pas flétries. Le tissu cellulo-muqueux du placenta paraît seul avoir augmenté; ajoutons cependant que l'augmentation du volume paraît dépendre en grande partie de l'accumulation des liquides qui le pénètrent.

Rien n'est moins fondé que la prétention de vouloir trouver les caractères d'une inflammation aiguë ou chronique. Lorsque l'hy- pertrophie survient dans les premiers temps de la grossesse, le fœtus peut être dissous ou même être expulsé seul ; la masse charnue, formée par le placenta, continuant à s'accroître, est expulsée plus tard et représente une de ces altérations de l'œuf qu'on a désignée sous le nom de môles charnues.

Nous reviendrons sur cette question lorsque nous étudierons ce que l'on a appelé fausses môles.

TUMEUR DU PLACENTA.

Nous donnons ici l'analyse d'un mémoire de iVI. Danyau sur deux cas de tumeur volumineuse de la face fœtale du placenta, et nous les plaçons ici parce que leur nature ne paraît pas bien nette, même pour M. Danyau.

Placenta [Mémoire sur deux cas de tumeurs volumineuses à la fœtale du), par Ant. Danyau.

Voici d'après l'auteur, la description de l'une de ces tumeurs qui fut observée chez une femme d'une santé parfaite, et dont la

84

grossesse n'avait rien offert de particulier qu'une distension consi- dérable du ventre, qui détermina l'accouchement prématuré à sept mois. Sur la face fœtale du placenta, au voisinage de la circonfé- rence, on voit, recouverte par les membranes amnios et chorion, une tumeur ovoïde de 11 centimètres de longueur sur 8 centi- mètres de largeur. Tout près de sa partie externe ou extra-placen- taire, les membranes qui la recouvrent sont détachées ; mais il est facile de voir qu'en cet endroit elle leur était sous-jacente. La sur- face est parcourue par quelques grosses branches, artères et veines, des vaisseaux ombilicaux, dont plusieurs ramifications pénètrent sa substance presque jusqu'au centre.

La tumeur est légèrement lobulée à l'extérieur. Outre l'enve- loppe que lui forment les membranes, et spécialement le chorion épaissi par places, elle a une enveloppe générale, mince superfi- ciellement, plus épaisse du côté qui repose sur le placenta, qui se déchire facilement quand on cherche à enlever des lambeaux, et paraît formée de lymphe plastique plus ou moins condensée. Fen- due dans le sens de son plus grand diamètre, cette tumeur paraît formée de lobes fortement agglomérés et intimement adhé- rents, les uns d'un blanc sale, les autres d'une teinte rose pâle ou foncée, d'un tissu homogène, très-serré, semblable à du tissu squirrheux, criant sous le scalpel, analogues dans quelques parties à la substance corticale des reins, dont il rappelle la couleur et la consistance, comme mêlé par places de couches de fibrine com- plète, offrant aussi au milieu des parties des orifices vasculaires dont quelques-uns sont encore remplis par des caillots.

Après cette description, l'auteur décrit une seconde tumeur plus petite, qui paraît offrir tous les caractères de la précédente, mais à un degré moins avancé ; il ajoute ensuite que la partie du placenta sur laquelle reposent ces tumeurs est déprimée ; que les tumeurs peuvent en être détachées et comme énuclées, et que le tissu de cette partie du placenta est très-compacte; un des coty- lédons environnants offrait dans son intérieur un caillot sanguin, du volume d'une noisette.

La seconde tumeur a été observée dans des circonstances à peu près semblables à celles de la première, et offrait presque exacte- ment les mêmes caractères ; elle semblait en différer seulement par une homogénéité plus grande du tissu dont elle était formée, et par l'absence de cette couche de lymphe plastique qui envi- ronnait presque partout la première.

Passant ensuite à la discussion de la nature de ces tumeurs, l'auteur examine successivement les diverses hypothèses qui pour-

85

raient les faire rattacher, soit à des produits monstrueux, soit à des môles, soit à une dégénérescence de la membrane caduque, soit enfin à une production cancéreuse. Chacune de ces hypothèses est rejetée successivement, et l'auteur, par des raisons qui nous ont paru très-fondées, est conduit à rapporter ces tumeurs à des épan- chements sanguins antérieurs.

L'auteur termine ses remarques sur ces deux faits intéressants, en faisant remarquer que les tumeurs n'ont paru avoir aucune influence fâcheuse sur la grossesse, l'accouchement, la délivrance, ni sur le rétablissement des malades, et que leur diagnostic, quant à présent, ne saurait être établi d'avance {Journal de chirurgie, janvier 184/i).

Enfin, nous terminons cet article déjà bien long par deux cas de placentas appartenant à des femmes syphilitiques qui ont été exa- minés par M. Lebert.

PLACENTAS SYPHILITIQUES.

On trouve des granulations jaunes d'apparence tuberculeuse, en quantité considérable entre les feuillets de l'aninios. Ces granu- lations isolées ou groupées, du volume d'une tête d'épingle à un grain de chènevis, ressemblent à l'œil nu à des tubercules miliaires. Le miscroscope montre' à leur intérieur des corpuscules semblables à ceux des tubercules.

Dans l'un des deux placentas, à la surface, points volumineux d'une substance blanchâtre, d'apparence fibrineuse (microscope fibrine), situés dans le voisinage de l'insertion du cordon.

ABSORPTION.

Quant à l'absorption du placenta, si nous en parlons, c'est que nous ne voulons pas courir le risque d'être accusé d'être incom- plet, car elle ne rentre pas à proprement parler dans notre sujet.

Admise par Velpeau et les anciens auteurs, contestée par ma- dame Boivin et d'autres, elle semble incontestable si l'on s'en rap- porte aux mémoires de MM. Masiieurat-Lagémard et Mordret (du Mans).

Voici leurs conclusions :

L'absorption du placenta est un fait qui, tout extraordinaire qu'il est, ne laisse pas que d'être incontestable.

2" Cette absorption ne peut s'exercer que sur un placenta inti- mement adhérent en totalité ou en partie.

86

3" L'absorption a lieu sans production de lochies ni d'hémor- rhagie dans le cas d'adhérence totale, avec hémorrhagie dans le cas d'adhérence partielle.

L'adhérence totale n'est peut-être jamais mortelle. Les cas de mort n'appartiennent qu'à l'adhérence partielle, soit qu'alors l'hémorrhagie nécessite l'introduction fréquente et fatigante de 4a main, que la perte de sang soit entretenue ou par l'inertie utérine, ou par la présence de fragments placentaires détachés, soit que l'absorption putride ait été favorisée par l'introduction de l'air et l'inflammation de l'utérus, soit enfin que ces manœuvres aient dé- terminé une péritonite.

Un placenta qui n'est pas fixé à l'utérus par des adhérences intimes ne s'absorbe pas. 11 peut être conservé sans danger pendant plusieurs jours s'il y a contraction de l'utérus, plusieurs mois, plusieurs années, si les villosités choriales, prenant un développe- ment anormal, subissent la transformation hydatiforme.

Pour faire cesser l'hémorrhagie, enlever avec soin les frag- ments détachés du placenta partiellement adhérents.

1" La décortication est plus dangereuse qu'utile. On peut entamer l'utérus, de plus les portions adhérentes peuvent être absorbées, car le placenta s'identifie avec l'utérus, et sa constitution se con- fond avec celle de cet organe ; il subit les lois de l'absorption in- terstitielle de la même manière que la graisse est absorbée chez une personne condamnée à une longue abstinence.

Nous citons à la suite de ces conclusions la liste des observations citées par ces deux auteurs dans leur mémoire.

Le premier fait appartient à Guillemeau. Femme qui devient enceinte au bout de quatre mois sans avoir été délivrée.

Planque. Femme du Berry qui n'a pas été délivrée.

Ingleby parle de l'absorption déportions peu étendues du placenta. . Gobillot, Glower, Porcher, Morlanne, Deubel, Velpeau en 1833-1834, en rapportent aussi des cas

Mai 1836. M. Maslieurat-Lagémard. Deux observations de rétention du placenta sans qu'il fût possible de l'extraire. Les accidents cessèrent proraptemenl et les femmes revinrent à la santé sans avoir rendu aucune portion du placenta.

Juillet 1837. Villeneuve rapporte à ce sujet huit observations dont la dernière est intéressante.

11 s'agit d'une femme enceinte pour la seconde fois et qui, au sixième mois de sa grossesse, accoucha en quelques heures de trois filles qui mou- rurent peu de temps après. Les placentas des deux derniers enfants sor- tirent d'eux-mêmes, mais le placenta du premier ne put être extrait malgré toutes les tentatives faites dans ce sens, Cette femme se rétablit prompte-

~ 87

ment et, s'étant livrée à des actes sexuels, fut prise, vingt jours après sa sortie de l'hôpital, d'une hérnorrhagie qui dura huit jours et qui eut le caractère de règles ; mais elle ne rendit aucun corps fibreux ni fibrineux, et le trente et unième jour, l'utérus très-mobile et léger, ne se sentait plus à travers les parois abdominales.

Novembre 1 846. Courrier (de Carcassonne) en publia une autre obser- vation.

Femme chez laquelle on ne put extraire le placenta et qui, ayant eu des syncopes et ne pouvant supporter la décorticalion qui fut essayée, se rétablit promptement et allaita son enfant, quoique les trois quarts environ du pla- centa fussent restés dans l'utérus.

Cette femme eut une seconde grossesse très-heureuse, mais à une troi- sième le placenta fut encore adhérent et elle mourut victime, soit des manœuvres faites pour l'extraire, soit des suites de résorption purulente.

Avril 1848. Nouvelle observation à ce sujet publiée par Ovalide.

Ce qui frappe dans cette observation, c'est la facilité avec laquelle, durant le cours de cette résorption, on a pu constater par le toucher la diminution graduelle du placenta.

Septembre \ 849. Fait analogue observé par Delpierre.

L'auteur dit qu'à ces observations il faut aussi rattacher des faits malheureux la femme est morte victime des manœuvres faites pour extraire le placenta.

Dans ces cas, on a trouvé une adhérence telle qu'il a fallu un scalpel pour les séparer. Desormeaux dit avoir vu deux cas semblables, et il cite le cas de Rœderer, « d'une femme morte d'hémorrhagie utérine après avoir été délivrée avec violence; la surface interne de l'utérus fut trouvée déchirée, de manière que les Obres charnues étaient mises à nu.

Observation de Morgagni [De sed. et caus. epist., 48, art. 28).

Une autre du même auteur, art. 44.

Observation (de La Motte, obs. 389).

En terminant son premier chapitre, l'auteur fait remarquer que dans les observations il n'est pas fait mention que le délivre ait jamais offert quelques modifications dans sa texture. Il en est ainsi si les adhérences sont phy- siologiques. Si, au contraire, le placenta offre des dégénérescences ou de la dureté, il y a tout lieu de croire que l'adhérence est morbide et, partant, qu'elle sera temporaire.

L'auteur a trouvé quatre cas qui tendraient à prouver que chez quelques femmes, cet accident pouvait se reproduire plusieurs fois.

Premier cas, observation de Courrier, déjà citée.

Le deuxième cas appartient à Godefroy, professeur à Rennes.

Deux fois successivement, la même femme a offert à M. Godefroy le phénomène de l'adhérence du placenta.

A une troisième grossesse, on fut obligé d'accoucher la même femme à sept mois, pour insertion vicieuse sur le col.

Prost {Soc. de méd. de Paris), 19 mai 1826. Deux observations de séjour prolongé du placenta dans l'utérus.

L'un fut expulsé huit mois après un avortement de quatre mois.

L'autre, cent trois jours après un avortement de cinq mois.

88

Femme non délivrée, prise de pertes utérines légères déterminées par le toucher; utérus volumineux, dur, résistant. On donne de l'ergot, expul- sion du placenta au bout de trois mois {Journ. des conn. méd.-chirurg. , 8 oct. 1845).

Adoptant donc complètement les idées de M. Robin, nous résu- merons ainsi la question :

Une oblitération et une dégénérescence graisseuse se produisent dans les villosités. Normale dans les villosités choriales, cette lésion se produit accidentellement dans les villosités placentaires. Le tissu du placenta ainsi altéré, il se tait dans son épaisseur des épanche- ments sanguins : apoplexie placentaire de Jacquemier, thrombose deBustaraante, Ces coagulations sanguines se transforment, et c'est l'âge et le degré auxquels sont arrivées ces transformations qui constituent seuls les différents aspects sous lesquels se présentent la lésion qui, en réalité, est une et toujours la même. Si les auteurs ont décrit tant de maladies diverses, c'est uniquement parce qu'ils ont voulu être trop exclusifs et qu'ils ont fait autant de lésions diverses de phénomènes qui, en réalité, n'étaient que l'évolution graduelle d'une seule et unique maladie qui constitue la lésion du placenta.

Nous trouvons encore une confirmation de ces idées quand nous voulons étudier la partie clinique. Les auteurs, en eff'et, peuvent- ils citer un seul signe caractéristique de telle ou telle lésion ? Non, la confusion règne ici comme dans l'anatomie pathologique, et ici encore les" idées préconçues font adopter tel ou tel symptôme, et c'est ce qui nous a engagé à ne pas donner isolément la sympto- matologie et l'étiologie de chacune de ces maladies, mais à étudier dans un seul groupe la partie pathologique de ce que nous appel- lerons la lésion placentaire.

Nous nous bornerons seulement à signaler, chemin faisant, les signes qui ont été donnés par les auteurs, comme caractérisant plus particulièrement telle ou telle lésion.

Avant d'aborder ces différentes parties de notre sujet, il est une autre grande question qu'il faut traiter tout d'abord, c'est l'influence que la lésion du placenta peut exercer sur la mère et sur le fœtus, et les relations qui existent entre cette lésion et l'état de vie ou de mort, de santé ou de maladie de la mère et du produit de concep- tion.

Pour la mère, tous les auteurs s'accordent, quelle que soit la lésion qu'ils aient admise, l'influence est pour ainsi dire nulle. Les épanchements sanguins seuls, par les hémorrhagies dont ils s'ac-

89 ~

compagnent souvent, peuvent venir compromettre sa santé, excep- tionnellement sa vie, mais le plus habituellement tout se borne à un état de malaise plus ou moins prononcé, plus ou moins pro- longé, mais qui en réalité n'influence que d'une manière tout à fait accessoire et passagère sa santé. Suivant que la maladie a été plus ou moins intense, qu'elle s'est plus ou moins compliquée d'acci- dents, la mère en subit plus ou moins le contre-coup, mais la ma- ladie par elle-même semble la laisser dans un état d'indifférence pathologique à peu près complète ou du moins presque insigni- fiante.

En est-il de même pour le fœtus? Ici au contraire tons les au- teurs constatent l'influence directe de la lésion sur le fœtus, et pouvait-il en être autrement? Le placenta est l'organe essentiel au développement du fœtus, c'est par lui que s'accomplissent toutes les fonctions de nutrition, d'assimilation du fœtus, c'est par lui que l'embryon respire, c'est par lui qu'il se nourrit, c'est en lui qu'il puise tous les éléments nécessaires a son développement. N'est-il donc pas tout naturel d'admettre que si cet organe est ma- lade, s'il est lésé dans ses fonctions ou sa constitution propre, le fœtus devra s'en ressentir, et d'autant plus que ces altérations de fonction ou de constitution seront plus profondément altérées et modifiées ?

Mais le fœtus à son tour ne peut-il pas réagir sur le placenta et son état de santé ou de maladie, de vie ou de mort, ne peut-il pas déterminer à son tour la lésion du placenta? C'est ce que nous allons tâcher d'élucider dans ce paragraphe.

Influence des lésions du placenta sur le fœtus.

Faisant complètement abstraction de la lésion, puisque nous la considérons en réalité comme unique, nous dirons avec Dubois :

Si la lésion permet au placenta de conserver une partie de sa structure naturelle et de conserver ses fonctions, non-seulement le fœtus continuera de vivre, mais encore sa nutrition ne souffrira pas ou souffrira peu. Dans le cas contraire, s'il ne meurt pas, il vivra faible, chétif, amaigri. Que la lésion suive une marche pro- gressive et incessante, elle amènera, malgré les secours de l'art, l'affaiblissement graduel des battements du cœur et des mouve- ments du fœtus, puis la cessation complète des uns et des autres, et dans ces cas malheureux il n'est pas rare que la femme, d'une part, et l'accoucheur, de l'autre, assistent en quelque sorte à l'a- gonie du fœtus et à sa mort. Nous verrons tout à l'heure, en étu-

90

diantles causes, qu'il en est quelques-unes qui semblent avoir une action plus spéciale, plus active, si nous pouvons nous exprimer ainsi, les unes que les autres.

Influence des maladies du fœtus sur la lésion placentaire.

Quelle est maintenant l'influence des maladies du lœtus sur la lésion placentaire? Ici, il faut bien l'avouer, nous entrons dans le domaine de l'hypothèse. S'il est certaines lésions qui, comme l'œdème du placenta, l'atrophie du placenta, l'hypertrophie du placeiiia, semblent plus particulièrement être des lésions con- sécutives à la mort du fœtus, cela n'a cependant rien de bien cer- tain, et nous avouons que l'atrophie du placenta en particulier s'explique très-bien par les progrès successifs de la lésion placen- taire.

Si l'on pouvait reconnaître que le fœtus est malade, si l'on pou- vait surtout reconnaître'quelle est la lésion dont il est frappé, peut- être arriverait-on à quelque chose de précis. La seule chose que nous puissions constater, et encore bien rarement, c'est l'état des batte- ments du cœur, c'est-à-dire la vie ou la mort du fœtus. Mais celle-ci une fois constatée, et ceci n'est possible qu'à partir de la deuxième moitié de la grossesse, à moins d'une expérience déjà grande, la cause primitive de la mort du fœtus nous échappe. Un seul fait est possible à constater lors de la mort du fœtus^ c'est la tendance presque con- stante de l'organisme à se débarrasser du produit de conception, c'est- à-dire la tendance à l'avortement ou à l'accouchement prématuré. Mais combien de fois ne voit-on pas cet accident se produire sans qu'il soit possible de trouver ni dans le placenta, ni dans les mem- branes, ni dans le fœtus de causes pour expliquer cette mort? C'est dans ces cas que l'on se rejette sur les causes générales, sur les dia- tlièses ; mais en réalité ces diathèses satisfont peu l'esprit et l'obscu- rité la plus complète existe. Est-ce le fœtus, est-ce le placenta? Lors même que l'on trouve une lésion du placenta, est-ce le placenta, est-ce le fœtus ? Le placenta est-il malade parce que le fœtus a suc- combé, lefœtusa-t-il succombé parce que le placenta était malade? La question subsiste tout entière, nous nous bornons à la sou- mettre au jugement du public.

Ce serait le cas de parler ici des idées du docteur Druitt que nous avons citées plus haut ; nous nous bornons à y renvoyer le lecteur.

Dans un mémoire publié dans les Archives (1850), M. le docteur John Bremraer étudie: « Les altérations pathologiques du placenta

91

dans le rapport de leur influence sur la marche du travail de l'ac- couchement. »

Les altérations du placenta, pourcet auteur, détermineraient, par suited'iine contamination de voisinage, un état de torpeur, de débi- litation du corps de l'utérus, qui se traduirait au moment du travail par une sorte de paralysie de l'énergie contractile de l'utérus à un plus ou moins haut degré. Certains symptômes pendant la grossesse pourraient faire préjuger cet étal pendant le travail, ce seraient : la pâleur, la maigreur, l'aspect languissant de la face, la flaccidité des mamelles, la diminution du tissu adipeux, dos douleurs fréquentes dans le dos et la région utérine, mais surtout un état de malaise continuel et intolérable durant jour et nuit, et qui résisterait en grande partie même aux narcotiques; le pouls mou et dépressible; le moindre abaissement de l'utérus.

Au moment du travail, la lenteur, la difficulté de l'accouchement chez des femmes ayant déjà eu des accouchements faciles, contras- tant avec des douleurs continues, très-pénibles et peu efficaces, avec l'étiit de souplesse et de flaccidité du col qui ne semble mettre aucun obstacle à l'accouchement.

L'enfant, au moment de la naissance, est dans un très-grand état de faiblesse, ou voisin de l'asphyxie dans lequel quelques-uns d'entre eux succomberont. Un certain nombre présentent des taches livides après la naissance.

D'autres, quoique à terme, ne pèsent que la moitié du poids moyen d'un enfant ordinaire, néanmoins ils naissent vivants et peuvent vivre quelques jours.

Le degré d'altération du placenta ne semble pas en rapport bien direct avec l'état de vie ou de mort de l'enfant.

Enfin l'écoulement du mécoiiium qui, s'il n'indique pas la mort du fœtus d'une façon certaine, annonce au moins un grand état de faiblesse qui a produit un relâchement des sphincters.

Le diagnostic néanmoins n'est jamais porté qu'après l'expulsion du placenta, et on trouve alors le cordon plus sombre, presque sale ; les vaisseaux ont une teinte jaunâtre, vert de mer. Le placenta ex- hale une odeur fétide. La texture de l'organe est peu altérée en général, quelquefois il paraît avoir diminué de poids et de volume et être plus compact que d'habitude.

Que de choses à reprendre dans cette description, que de faits à interpréter d'une tout autre façon (|ue l'auteur, à qui nous laissons, comme du reste les auteurs qui ont analysé son mémoire dans les Archives, la responsabilité entière des opinions qu'il a émises dans cet opuscule !

92

Quelles sont les causes des altérations du placenta?

Ces causes, il faut encore bien en convenir, nous échappent le plus habituellement, et à part quelques-unes qui semblent avoir une efficacité réelle, les autres sont bien hypothétiques.

Si ce n'était préjuger la question, on pourrait dire que ce sont toutes celles qui déterminent l'avortement.

Enumérons-les donc rapidement, en signalant celles que les au- teurs ont données comme prédisposant à telle ou telle maladie du placenta. J'emprunte cette énumération à une leçon clinique que M. Depaul nous a faite dans le cours de cette année.

Du côté de la mère : Age. Trop jeune ou trop avancé. Tempé- rament. — Sanguin nerveux, bilieux???

Les femmes qui ont des règles très-abondantes et un molimen hémorrhagique très-accentué, sont prédisposées aux congestions et inflammations du placenta. Cette cause est indiscutable; ne sait- on pas que les avortements coïncident, surtout pour le début tout au moins, c'est-à-dire pour l'hémorrhagie, avec la période cata- méniale ?

Epidémie. Mesdames Boivin et Lachapelie ont de la tendance à l'admettre.

Maladies de la mère. Toutes les fois qu'une maladie aiguë trouble profondément la circulation, la calorification, la respiration, elle retentit ou peut retentir sur le produit de conception. Mais il en est qui ont plus ou moins d'influence, et parmi les premières, il faut citer les maladies éruptives, la variole et la scarlatine eu première ligne, la rougeole, ensuite la pneumonie, signalée par Grisolle, le choléra par Laugier, les maladies chroniques, surtout les diathèses, et parmi celles-ci en premier lieu la syphilis.

Quoique l'on en soit encore à trouver les lésions propres à la syphilis dans les placentas ou les membranes, car les deux casque nous avons cités deLébert n'offrent rien de spécial, tous les accou- cheurs s'accordent à reconnaître que la syphilis a une action mani- feste sur la grossesse et le produit de la conception ; il n'est guère que M. Desprès qui soutienne aujourd'hui que c'est le traitement mercuriel qui imprime ici son cachet, et non la maladie. Nous avons eu assez de fois l'occasion à la Clinique de constater, sinon les (âcheux, du moins les inutiles effets de ce qu'il appelle le traite- ment tonique et réparateur, pour que cela ne laisse aucun doute en notre esprit.

93

Trois cas peuvent se présenter :

Le fœtus meurt avant terme.

2" L'enfant naît vivant et intact, mais présente des traces syphi- litiques, ou bien naît vivant, succombe quelques jours après avec ou sans manifestations spécifiques.

L'enfant va à terme et paraît sain, quoique ses parents soient manifestement syphilitiques ou en puissance de syphilis.

Nous ne voulons pas entrer ici dans la description de ces faits et des raisons que l'on a données pour expliquer ces différents états ce que nous voulons seulement constater, parce que nous l'avons vu par nous-raême, c'est que, si dans quelques cas des placentas ne présentaient aucune lésion, il en est d'autres plus nombreux elle existait manifestement, et je pourrais citer ici plusieurs cas recueillis par moi à la Clinique, et la lésion, invisible à l'œil nu, a été constatée au microscope par M. Damaschino, à l'examen de qui ces placentas avaient été soumis.

D'un autre côté, M. Cornil, à l'examen de qui des placentas sy- philitiques provenant de la Maternité avaient été soumis, n'a jamais rien trouvé de particulier dans ces placentas.

Nous en dirons autant de l'intoxication saturnine, qui a été signalée par M. Paul comme une cause fréquente d'avortement.

Peut-on ranger parmi les dialhèses ayant de l'influence sur les lésions placentaires ou du fœtus, le rhumatisme, lagoulte, la tuber- culose ? Nous ne pouvons que constater l'absence des éléments de jugement.

M. Tardieu a signalé l'absorption des poisons corrosifs et notam- ment de l'acide sulfurique comme pouvant amener la coagulation du sang dans les vaisseaux, et M. Buslamante n'hésite pas à ad- mettre cette cause au nombre de celles qui peuvent déterminer ce qu'il appelle la thrombose placentaire.

Les maladies de matrice (Brachet, Jacquemier, Dubois et Desor- meaux), surtout la métrite, les affections organiques du corps ou du col.

Les violences extérieures (Brachet, Jacquemier et tous les auteurs).

Du côté du père, la syphilis surtout.

Le docteur Hegar admet que les maladies du placenta seraient dues en partie à une anomalie de la sérotine consistant dans son exiguïté, son développement considérable, son atrophie, et le développement considérable de la substance glandulaire. Cette théorie, adoptée par M. Verdier, est une pure hypothèse.

Une autre cause plus évidente serait la syncope. M. Depaul a

94

cité des cas dans lesquels des saignées pratiquées chez une femme enceinte avaient déterminé des syncopes, à la suite desquelles les mouvements du fœtus avaient cessé. Nous avons cité, à propos des kystes du placenta, une observation recueillie à la Clinique, des syncopes répétées avaient déterminé la mort du fœtus. Le placenta, dans ce cas, offrait des traces très-nettes de la lésion mor- bide.

On a cité des cas analogues par suite de la compression de varices existant aux membres inférieurs.

Enfin, il faut citer avant tout l'état puerpéral, qui à lui seul, on le sait, modifie la composition du sang, le rend susceptible de se coaguler, et la prédisposition à cette coagulation qu'il trouve dans le placenta, par suite du ralentissement qu'y subit la circulation.

Ajoutons en dernier lieu à tous ces faits la prédisposition qu'ont certaines femmes, comme celle dont M. ïarnier a cité un exemple, et qui, pour des causes qui nous échappent complètement, n'ont jamais pu aller jusqu'à leur terme et sont toujours accouchées d'enfants qui succombaient, sans cause connue, avant le terme régulier de la grossesse.

Symptômes. Existe-t-il, dans l'état actuel de la science, une série de symptômes qui puissent permettre d'aftîrmer que l'on a affaire plutôt à telle maladiequ'à telle autre? Non ; or, c'est ce qui fait que nous avons préféré les réunir en masse plutôt que de les décrire après chaque maladie, comme nous l'avons fait pour l'ana- tomie pathologique. Seules, les adhérences du placenta se tradui- sent par des symptômes nets et tranchés, mais seulement au mo- ment de la délivrance. Quant aux autres maladies, toutes, on peut le dire, se manifestent par les mêmes symptômes, ou du moins toutes se dissimulent sous un ensemble de phénomènes communs, qui accusent bien un état de souffrance de la mère ou du fœtus, mais qui ne permettent aucunement de les distinguer les unes des autres.

Tel signe qui, pour Brachet, caractérisera l'inflammation du placenta, pour Jacquemier, pour Dubois et Desormeaux, carac- térisera l'apoplexie placentaire, pour Bustamante, la thrombose; rien, en un mot, de tranché.

Des douleurs abdominales ou lombaires, douleurs variables en intensité, en durée, rémittentes ou continues, iiiguës ou légères, profondes ou superficielles, obtuses ou brûlantes, lancinantes, légeis mouvements fébriles accompagnés ou non de frissons, quel- quefois de vomissements, quelquefois de légers écoulements san-

-^ 95

guins, un sentiment de lassitude et de malaise fi^énéral, tels sont ces symptômes; on voit combien ils sont vagues et peu déterminés.

Un seul signe peut mettre sur la voie, l'auscultation du fœtus, qui viendra nous indiquer, par les variations dans les battements du cœur fœtal, l'état de malaise ou de santé du produit de la con- ception. 11 faut donc, dans le cours d'une grossesse, pour ainsi dire, suivant l'expression de M. Dubois, tâter de temps à autre le pouls du fœtus, c'est-à-dire consulter son cœur afin d'être toujours averti du moindre dérangement dans la circulation, et prêt à prendre une décision rapide dès l'instant les battements du cœur, par leur petitesse ou leur irrégularité, lui révèlent un danger couru par le petit être.

On comprend, par ce (jui précède, que nous ne ni tus arrêtions pas sur la question du diagnostic ni du pronostic : lepremier étant nul avec nos connaissances actuelles, le second ayant été traité accessoi- rement quand nous avons examiné l'influence du fœtus sur le placenta et réciproquement.

Quant au traitement, nous croyons qu'il doit surtout être pré- ventif. Traiter les causes générales et locales, la syphilis surtout parmi les premières ; administrer franchement le traitement mer- curiel, qui, dans certains cas, peut permettre à la grossesse d'aller juiqu'à terme, éviter les syncopes, être très-prudent dans l'usage de la saignée, tout en reconnaissant son utilité dans certains cas ; tonifier la femme par le quinquina, les ferrugineux ; enfin sur- tout éviter d'être exclusif dans l'emploi de ces moyens et faire ici surtout ce que l'on a appelé de la médecine du symptôme en se basant sur l'état général de la femme.

Quelques mots maintenant, avant de terminer, sur les adhérences du placenta pour lesquelles nous avons eu soin de faire une réserve.

Si les adhérences du placenta n'ont pas de signes pathognomo- niques pendant la grossesse, peut-être en existe-t-il un immédiate- ment après l'accouchement. M. Caillaud, dans sa thèse inaugurale publiée en 1852, s'exprime ainsi :

Si immédiatement après l'expulsion du fœtus on appli(|ue l'oreille sur la région utérhie, ou mieux le stéthoscope, on entend tout d'abord des gargouillements dus aux gaz intestinaux, mais deux ou trois minutes après on entend des craquements correspondant sans doute aux contractions utérines ; au même instant l'utérus revient sur lui-même et fait une saillie plus ou moins considé- rable à la région sus-pubienne. Si l'on continue l'auscultation, ces bruits se reproduisent à chaque coiitraction utérine, puis dis-

96

paraissent pour n'avoir plus lieu ensuite que lorsqu'on exerce de légères tractions sur le cordon. Si ces craquements ne se font pas entendre, on doit craindre l'adhérence du placenta, car ils sont produits par le décollement de cet organe.

En réalité, on soupçonne plutôt l'existence de ces adhérences qu'on ne les reconnaît jusqu'au moment la main introduite dansTutérus donne la certitude de cette existence.

L'introduction de la main dans l'utérus est à la fois le procédé le plus sûr, le plus commode et le plus inotïensif pour rompre les adhérences et reconnaître le degré de leur solidité.

A quel moment faut-il aller décoller le placenta? Faut-il inter- venir ou laisser la nature agir seule? Si l'on intervient, de quelle façon faut-il intervenir? Autant de questions que nous pourrions nous poser et chercher à résoudre, ce que nous nous garderons bien de faire, car les adhérences du placenta ne sont pas, à pro- prement parler, une maladie de cet organe, l'observation de M. Robin semblant exclure toute trace de lésion quelconque.

Signalons seulement l'hémorrhagie comme un des accidents à redouter dans les cas d'adhérences partielles, accident immédiat, et la putréfaction du placenta avec l'infection putride et ses con- séquences parmi les accidents consécutifs, accidents du reste aux- quels on remédiera par un traitement approprié.

Une autre conséquence, rare il est vrai, de l'adhérence du pla- centa, est l'enchatonnement, soit par encadrement, soit par enkys- tement qui, signalée par les auteurs, a été étudiée plus spéciale- ment par Guillemot. Enfin le renversement de l'utérus qui peut venir compliquer encore la situation.

Tous ces accidents, on le comprend, donnent lieu à des indi- cations diverses, sur lesquelles, évidemment, nous n'avons pas à insister ; mais notre devoir était de les signaler.

97

MALADIES DES xMEMBRANES.

Suivant l'ordre^ pour ainsi dire inverse à celui que nous avons observé dans l'étude des maladies du placenta, nous commencerons par étudier, dans les maladies des membranes, celles qui sont les moins nettes et qui sont le plus discutées, et nous terminerons par celles sur lesquelles les auteurs se sont le plus étendus : nous vou- lons parler de la môle vésiculaire et de l'hydramnios.

L'bydrorrhée, comme nous l'avons déjà dit, sera celle dont l'élude nous occupera dans les dernières pages de cette thèse.

Observations et recherches sur quelques maladies de la membrane

caduque.

(Devilliers, Revue tnéd., 1842.)

Congestion. La congestion modérée d'une partie ou de la totalité de la caduque n'est pas toujours immédiatement nuisible à l'existence de l'œuf. Elle peut n'être que passagère ou être heureu- sement modifiée par un traitement énergique. Quand elle a déter- miné l'avortement, on peut, sur les parties soumises à l'examen, distinguer les parties congestionnées à plusieurs degrés de celles qui ont subi une altération plus avancée.

La congestion peut, au contraire, se prolonger et donner lieu à un travail inflammatoire particulier et à une altération de sécrétion qui fournissent divers produits.

Dance a cité deux observations dont l'une a déjà été relatée plus haut. Voici l'autre :

r^ Observation.

Vomissements opiniâtres sans lièvre suivis de la niorl après trois mois de durée. Grossesse de trois mois et demi. Inflammation de la membrane caduque. Aucune lésion dans l'estomac. ^- Ouverture du cadavre vingt-deux heures après la mort.

(Dance, Atxh., 1849.)

Les membranes du fœtus que contenait l'organe étaient également transparentes dans toute leur étendue, mais entre l'utérus et la membrane caduque, ou plutôt entre les cellulosilés de cette membrane on voyait des concrétions pseudo-membraneuses, blanchâtres, assez résistantes, comme

CHARPENTIER. 7

. 98

infiltrées dans un tissu spongieux, formant une couche d'une à deux lignes d'épaisseur, et entièrement semblables à une fausse membrane pleurétique. Entre le placenta et rutérus existait également une couche de pus concret qu'on soulevait sous forme de flocons jaunâtres. Le pla- centa lui-même adhérait faiblement à la matrice, avait deux pouces de dia- mètre et contenait très-peu de sang. Le cordon ombilical avait huit pouces de longueur, et s'enroulait deux fois autour du cou de l'embryon qui avait six pouces de long: son épiderme ne se détachait pas du reste de la peau, les chairs étaient fermes, et il paraissait avoir vécu autant que sa mère. Quant à l'utérus, il avait six pouces trois lignes d'étendue de l'orifice interne du col à son bas-fond : le col formait un renflement arrondi et cyhndrique, terminé, du côté de l'utérus, par un rétrécissement assez droit: cette conformation singulière lui donnait une forme assez analogue à celle du gland du pénis. Il avait un pouce de longueur et sa cavité renfermait une matière gélatiniforme.

Dans une deuxième observation de Lesauvage, ^re^. méd., t. Il, 2* série, on trouva, à l'autopsie d'une jeune femme qui se croyait en- ceinte de quelques semaines, et qui, après avoir eu une perte légère, mourut quelques jours après d'apoplexie foudroyante :

La caduque, fortement adhérente à l'utérus, est complètement détachée à gauche de la caduque ovarienne sur les trois quarts à peu près de l'œuf. La surface intime de la première aux points elle était contiguë au feuil- let interne était comme villeuse et recouverte d'une sécrétion muqueuse puriforme plus abondante dans le col. Dans sa partie libre, le feuillet ova- rien était triplé d'épaisseur par l'addition d'une couche sanguine déjà alté- rée par l'absorption et qui lui était intimement unie,

Breschet a vu deux cas analogues à ceux de Dance. Ainsi l'état de congestion et d'inflammation de l'utérus peut se propager à la caduque et y déterminer les différents effets de l'inflammation : l'engorgement sanguin, l'exhalation sanguine et la sécrétion puri- forme.

Il cite ensuite l'observation d'une dame chez laquelle, à deux reprises différentes, l'avortement eut lieu. Voici le résultat de l'examen des pièces résultant du deuxième avortement. Fœtus mort depuis quelquesjours seulement. Age, quatre mois et demi environ.

Observation.

Les membranes ovariennes étaient entières et s'étaient rompues sur le point le plus éloigné du placenta. Celui-ci, de forme circulaire, paraît normal.

Entre le point de jonction des bords du placenta et des membranes

—"99

propres de l'œnf existait, sur presque toute la circonférence, un tissu brun jaunâtre assez résistant, disposé sous forme de lambeaux de membranes larges en certains points de 3 ou 4 centimètres, épais de 6 ou 8 millimètres, adhérent en partie aux bords du placenta, en partie aux membranes elles- mêmes. Ce tissu contenait çà et là, dans son épaisseur, des caillots san- guins d'ancienne et nouvelle formation, et était imprégné de liquide rous- sâtre analogue à celui qui s'était écoulé pendant la grossesse. Il me parut dès le premier abord évident que ce tissu évidemment altéré était le reste de la membrane caduque épaissie, hypertrophiée, malade enfin. Pour m'en assurer, je détachai l'amnios du chorion, puis celui-ci du pla- centa dans une partie de sa circonférence, et il ne me fut pas possible de découvrir, à la surface de la dernière membrane, d'autres traces de la ca- duque que celles dont je viens de parler. En effet, on voyait sur certains points que le tissu tomenteux malade était disposé sur deux couches: l'une externe ou utérine, l'autre interne attachée au chorion par le moyen des villosités fines et nombreuses de celui-ci. L'un et l'autre feuillet venaient se réunir à angles sur les bords du placenta avec lequel ils semblaient se continuer, mais l'altération pathologique qui les avait envahis ne s'étendait pas au delà de 2 ou 3 millimètres sur la face fœtale de ce gâteau vasculaire et n'intéressait nullement la caduque secondaire. De plus, malgré le degré d'altération qu'avaient subi ces restes de membranes, on pouvait encore distinguer çà et des portions de leur surface en contact, lisses et polies, tandis que d'autres présentaient les porosités caractéristiques de la caduque. Enfin entre le chorion et l'amnios parfaitement sains, on voyait une couche de tissu réticulé au pourtour et à la base du cordon qui était intact ainsi que ses vaisseaux.

Devilliers admet ici une altération profonde de la caduque, et cette hypothèse lui semble d'autant mieux fondée que pendant la grossesse, la malade, après une hémorrhagie, avait rendu une portion de menibrane analogue, par sa texture, à la caduque.

Devilliers cite encore comme résultat de la congestion inflam- matoire l'observation suivante de Dubreuil (de Montpellier), publiée dans la Revue médicale de 1831.

. Observation.

Anenccphalie. Suite d'une hydrocéphalie avec rupture au sommet du crâne, ob- servée sur un embryon de sept semaines. Etat pathologique à la menibrane caduque réfléchie.

(Dubreuil, Revue médicale , 1831.)

La plus extérieure des enveloppes, épichorion , caduque réfléchie, decidua (Hunter), n'avait plus cet aspect tomenteux, celluleux, à mailles apparentes qui lui est propre. Elle ne présentait pas sa structure nor- male ; mais sur toute l'étiMidue de sa surface externe, relie en rapport avec la caduque utérine, on voyait d" nombreuses vésicules ovoïdes,

100

transparentes, la plupart du volume d'un grain de mil, appendues à un pédicule cellulaire implanté sur l'épichorion. Chaque vésicule avait un pédicule particulier n'aboutissant point à une sorte de tige commune ainsi qu'on l'observe dans certaines môles vésiculaires ou hydatides dites en grappe. Une membrane unique d'apparence celluleuse constituait les vési- cules, et quoique mince elle jouissait d'une certaine résistance. Le fluide contenu était limpide. Examinées à la loupe et au microscope, ces vésicules n'avaient rien qui pût les assimiler aux hydatides, rien qui permît d'y sup- poser la vie. La caduque offrait plus d'une ligne et demie d'épaisseur ; ordi-. nairement molle, élastique, elle était ici résistante. La face interne de la caduque adhérait à l'externe du chorion. Après une dissection longue et pénible, je parvins cependant à isoler la caduque du chorion et à distinguer les débris d'une fausse membrane d'une extrême ténuité, se déchirant à la moindre traction et placée entre les deux premières enveloppes de l'œuf. L'adhérence accidentelle de la surface externe du chorion ne laissait plus apercevoir que de faibles vestiges de ces filaments qui la recouvrent à l'état normal et la font paraître comme rugueuse et chagrinée. Un fluide d'une certaine consistance existait entre le chorion et l'amnios. Partout le chorion naturellement mince avait perdu sa transparence en acquérant de l'épaisseur. L'amnios ne présentait rien de particulier.

L'union accidentelle et médiate de la membrane adventiveavec celle qui lui est subjacente n'est-elle pas le résultat évident d'un travail inflammatoire?

T Apoplexies. Dévilliers entend par apoplexie de la mem- brane caduque un épanchement sanguin, soit partiel, soit général, dans le tissu de cette membrane ou dans sa cavité, et qui peut encore être-produit par une vive congestion de l'utérus. Cette con- gestion, soit active, soit passive, envahit rapidement et directement les vaisseaux de la caduque ou bien sollicite les contractions utérines qui, à leur tour, refoulent le liquide dans la membrane. Dans l'un et l'autre cas, les vaisseaux distendus se rompent et laissent épan- cher le sang dans les mailles de son tissu.

C'est une maladie beaucoup plus fréquente que celles qui vien- nent d'être décrites. Presque tous les auteurs en ont observé et cité des cas, et ont comparé les œufs abortifs à de véritables caillots. Ici, en eifet, il y a véritable épanchement dans l'épaisseur du tissu de la caduque, épanchement qui fait corps avec lui et dont il est difficile, souvent même impossible, de le débarrasser à l'aide de lavages réitérés.

Cet épanchement peut être partiel ou général et peut envahir, soit le feuillet utérin, soit la cavité de l'hydropérione, soit aussi le feuillet réfléchi.

Aux observations citées par Deneux dans le Journal Igénéral de

- 101

médecine^ et à celles que nous avons déjà citées de Jacqueraier, Devilliers ajoute la suivante :

Observation. Avortement à deux mois et demi environ, suite de fatigue.

La masse rendue se compose de la caduque réfléchie avec un lambeau qui lui est encore attaché, du chorion et de l'amnios contenant entre eux les vestiges de la vésicule ombilicale. On voyait encore dans la cavité de l'œuf une portion du cordon ombilical, mais l'embryon n'y existait plus. Trois jours après, la malade rendit un débris de la caduque rouge infiltré de sang et surchargé d'un caillot noir de nouvelle formation et peu adhérent.

La dissection de la pièce fait voir le chorion et l'amnios entièrement sains, excepté en un point existe une déchirure à bords rougeâtres par laquelle l'embryon s'est sans doute échappé.

La caduque réfléchie formait la couche la plus extérieure. Elle était unique, épaisse, lisse à sa surface externe, (omenteuse sur l'interne, qui recouvrait le chorion dans les trois quarts de son étendue et lui adhérait fortement au moyen de villosités nombreuses. Sur la face choriale de ce feuillet de la caduque, on voyait manifestement cinq petits foyers apoplec- tiformes disséminés çà et là. Ils étaient pour la plupart éloignés du point d'insertion du cordon ombilical et formés par des caillots de la grosseur d'un pois, adhérents à la caduque seule, qui, aux environs, était légère- ment rougeâtre, et ils se trouvaient détachés du chorion très-sain d'ailleurs, et sans aucune connexion apparente avec lui. Ces caillots formaient dans la cavité de l'œuf et à travers les membranes, des bosselures analogues à celles que l'on retrouve sur un certain nombre des œufs abortifs représen- tés dans les planches de Velpeau et de Breschet, Enfin le lambeau de la caduque qui était encore adhérent à celui que je viens de décrire, offrait dans presque toute son étendue une congestion assez vive et contenait dans son épaisseur quelques foyers apoplectiques isolés ou réunis.

Dans les observations 7, 8, 9, 11 de Deneux, le sang, qui s'était aussi épanché entre l'épichorion et le chorion, s'était présenté sous la forme d'une couche plus ou moins épaisse ou de caillots isolés en nombre variable.

Deneux attribue ces hémorrhagies, non à la rupture des vais- seaux ombilicaux trop ténus pendant les premières semaines de la grossesse, mais à ces vaisseaux que Jacquemier a décrits ensuite sous le nom <.]e vaisseaux vtéro-placentaires et auxquels il attribue le principal rôle dans les apoplexies placentaires.

Mais Devilliers diffère de l'opinion de Jacquemier en ce sens que, pour ce dernier, l'hémorrhagie ne peut se faire que dans le lieu même se forme le placenta ou bien au pourtour de ce point,

102

tandis que pour lui les foyers apoplectiques peuvent se trouver, comme le prouve son observation, non pas dans la couche utéro- placentaire seule, mais sur la caduque réfléchie elle-même et dans des points assez éloignés du cordon ombihcal. Malgré cette diffé- rence, pour lui la source de l'hémorrhagie est la même que pour Jacquemier, et voici pour quelle raison : Le placenta, constitué en partie par les vaisseaux appartenant au fœtus, en partie par ceux de la mère, se forme où, d'une part, les villosités du chorion plus développées se laissent traverser par les vaisseaux ombilicaux qui se dirigent vers la surface de l'utérus, et d'autre part, les vaisseaux de ce dernier organe croissent et s'allongent pour tra- verser la couche adventive secondaire et se ramifier entre les arborisations choriales. Mais des rameaux de ces vaisseaux utérins peuvent encore se répandre sur la caduque parce qu'ils dépassent les limites que se sont imposées les vaisseaux ombilicaux, qui seuls déterminent l'étendue du placenta.

Ce n'est donc plus ici, à proprement parler, une apoplexie utéro- placentaire, mais un épanchement partiel à la surface de la caduque.

Au reste, Devilliers ajoute : J'ai quelquefois trouvé disséminés çà et là, à une distance éloignée du placenta, sur la face fœtale de l'épichorion, des plaques peu épaisses, en partie rosées, en partie jaunâtres, composées d'une substance crémeuse et qui semblaient n'être que les restes d'anciens caillots formés très-probablement au début de la gestation. Godefroy (de Rennes) leur attribue la même OYigme {Annales d'obstétrique^ t. I", p. 201).

Enfin, une autre preuve des apoplexies partielles de la caduque, c'est la présence évidente de foyers sanguins distincts et disséminés dans l'épaisseur du lambeau, et qui font véritablement corps avec lui.

Devilliers cite ensuite une deuxième observation que nous nous bornons à mentionner, et il y avait à la fois trois foyers apo- plectiques disséminés dans la masse des villosités choriales et une caduque, réfléchie, très-développée, congestionnée, et dans l'épais- seur même de son tissu des traînées de sang, ainsi qu'un certain nombre de foyers sanguins plus ou moins considérables.

Quant à la cavité qui existe entre les deux feuillets de la caduque, elle peut être le siège de l'épanchement sanguin. Observations de Lesauvage, de Heuzinger, citées par Devilliers.

Ces divers faits prouvent que lorsque l'apoplexie est partielle ou qu'elle est générale et peu intense, il est encore possible de retrouver et de distinguer la plupart des éléments de l'œuf. Si le raptus san- guin est violent, l'épanchement peut occuper, non seulement l'é-

103 -.

paisseur des caduques' et leur cavité, mais aussi rompre les autres membranes et pénétrer dans leur intérieur.

Observation.

Grossesse de deux mois et demi. Avortement, suite de fatigue. (Maccartan, cité par Devilliers.)

Une des faces de la masse rendue par la malade était bombée, dure, formée par iin tissu tomenteux organisé, et dont l'épaisseur devenue con- sidérable, puisqu'elle dépassait 4 à S centimètres, était infiltrée de sang et de caillots noirs. L'autre face offrait des anfractuosités parmi lesquelles j'en reconnus une plus vaste, assez profonde, inégale, sur les parois de laquelle je parvins à isoler, à disséquer une membrane que, par sa résis- tance fibreuse et les villosités de sa face externe, je jugeai être le chorion et qui était recouverte en dedans par les sillons fragiles et noirâtres de deux autres membranes dont la texture et la disposition m'indiquèrent que ce devait être i'amnios. J'avais donc sous les yeux la cavité de l'œuf; et les bosselures qui la rendaient inégale étaient causées par les caillots et l'infil- tration sanguine de la caduque sous-jacente.

Quelques faits portent à croire que lorsque l'épanchement san- guin des caduques n'est pas considérable, il peut se terminer par résolution et ne pas donner lieu à l'expulsion de l'œuf.

A mesure que la grossesse avance, la congestion et l'apoplexie de la caduque ne semblent plus possibles; cependant Devilliers a souvent vu, par la dissection d'arrière-faix d'enfants nés à terme ou près du terme, sur les membranes caduques^, à la surface du feuillet utérin, du feuillet réfléchi ou entre eux deux, des caillots d'ancienne ou de nouvelle formation, de petits foyers sanguins en- tourés d'arborisations vasculaires évidentes. Les caillots anté- rieurs provenaient sans doute d'une exhalation du sinus utérin, mais ceux qui occupaient la cavité des membranes ou leur feuillet ovarien, semblaient être le résultat d'une véritable congestion. Chez quelques-unes de ces femmes, on pouvait, aux symptômes éprou- vés pendant la grossesse, assigner une date à ces épanchements.

Wagner {Traité de physiologie) pense que, dans la majorité des cas, un épanchement de sang dans la caduque [decidua), lors de la formation de la réilexe, est la cause première de la mort du fœtus; malgré cela, l'œuf peut continuer à croître, mais l'embryon n'est plus nourri, d'où la disproportion entre les diverses parties de l'œuf ou le manque de quelques-unes d'entre elles. Il en fait ainsi une cause de maladie de la caduque et de vices de conformation du fœtus.

10^

Il peut se faire aussi, dans la caduque, des exhalations anormales séreuses et même sanguines; mais Devilliers ne peut en déterminer les caractères et les symptômes.

Parmi les causes, il cite les tempéraments sanguins, les femmes qui ont habituellement des règles abondantes, un molimen très- prononcé, et les affections utérines.

Les symptômes sont ceux de tous les avortements, et en parti- culier, outre les malaises précurseurs, l'écoulement peu abondant d'un liquide brunâtre sur lequel Nsegele a attiré l'attention, et qu'il attribue à une exsudation des faces interne de l'utérus et externe delà caduque. Ce liquide est composé de sérosité et de gru- meaux sanguins décolorés. L'hémorrhagie est ensuite le phéno- mène saillant, et son pronostic en général fâcheux. Cependant, si elle est légère, elle peut être favorable chez les personnes plétho- riques. — Enfin, un écoulement séreux ou séro-sanguin, longtemps prolongé, semble être le signe d'une maladie chronique de la mem- brane adventive.

Pour ce qui est des maladies de la caduque inter-utéro-placen- taire, Devilliers renvoie au travail de Jacquemier. Nous n'avons pas à y revenir.

En résumé, les maladies de la caduque doivent être considérées comme causes fréquentes d'avortenient.

Quant au traitement, il est le même que celui qu'on met en usage contre les menaces d'avorlement : Saignée, repos, opiacés, en lavement surtout; traitement tonique; les préparations iodées, surtout le sirop ioduré.

Rush, de Philadelphie, a préconisé l'acétate de plomb à l'inté- rieur.

Enfin, Beatty, Chastaingt, Russel et Tourel ont vanté les prépara- tions mercurielles.

Dans un deuxième mémoire {Revue médicale, 1843), Devilliers cite une autre observation relative à la même femme qui lui a fourni déjà deux observations dans son mémoire précédent. Cette fois, l'enfant naquit vivant, mais l'arrière-faix offrit les lésions sui- vantes :

Obrervation.

Accouchement légèrement prématuré, dix jours avant le terme. Enfant vivant. Menaces d'avortement à sept mois. (Devilliers.)

Le chorion et l'amnios sont sains. Le placenta, peu large mais épaisse n'offrait aucune trace d'altération dans son tissu ou à la surface utérine, recouverte par la caduque utéro-placentaire saine.

105

La partie de celle face ulérine qui avoisinait les bords véritables du pla- centa se trouvait fortement relevée, de façon à simuler un autre bord exté- rieur au premier, tandis que la face fœtale de l'organe était comme dé- primée, surtout vers la circonférence en dehors de laquelle on remarquait une sorte de ceinture saillante formée par un tissu que nous allons étudier. Afleclant une vraie forme de chapeau de champignon, le tissu qui couronnait le bord réel du placenta était blanc jaunâtre, disposé en quelques endroits sur deux rangs, et séparé delà face fœtale par un sillon souvent assez profond, tandis qu'à son bord excentrique il se confondait intimement avec le reste de la membrane caduque, qui tapissait extérieurement le chorion. La ca- duque, en effet, paraissait n'être qu'une continuité du tissu anormal, et par- ticipait complètement à sa couleur, à sa densité près des bords du pla- centa, tandis que plus loin, on la trouvait avec les caractères qui lui sont propres, et même encore en certains points avec des traces évidentes de vaisseaux sanguins. Ce tissu était ponctué comme la caduque par un certain nombre de villosités du chorion, et présentait en plusieurs points de sa structure extérieure une disposition de fibres semblable à celle de la membrane. A la coupe, on voit le tissu altéré devenir de plus en plus dense, à mesure qu'on se rapproche de la couche vasculaire, et prendre l'apparence d'un tissu graisseux lardacé, tout à fait semblable à celui que l'on rencontre sur certains placentas, et l'on pouvait remarquer enfin, soit sur l'une des tranches de l'incision, soit sur une des faces du placenta, que cette substance blanchâtre se confondait complètement avec le tissu de cet organe.

Devilliers considère cette maladie comme une liyperti'ophie des deux feuillets de la caduque fortement congestionnée autour du placenta; hypertrophie dont la cause première a été la congestion active ou un état particulier de celte membrane, et, par conséquent, de l'utérus, et qui a été suivie d'une dégénérescence, d'une transfor- mation cellulo-graisseuse.

Enfin, dans un article qui serait peut-être mieux placé un peu plus loin, mais que nous laissons ici, pour ne pas scinder le mé- moire de Devilliers, et qui est intitulé : Hypertrophie et transforma- tion morbide des membranes ovariennes. Voici comment il s'ex- prime :

« Si l'on veut bien se reporter à ce que nous avons dit plus haut quand nous avons discuté la question de la placenlite et des dépôts de pus à la surface de la caduque et du placenta, ou même dans l'épaisseur de ce dernier, on comprendra que nous n'y revenions pas ici; si donc on a trouvé du pus à la surface de la caduque, il ne peut venir que de l'utérus enflammé, car nous avons vu, avec M. Robin, que ces organes ne sont pas susceptibles de s'enflammer, et que ce que les auteurs ont donné comme étant du pus, n'est pour

106

lui que du pseudo-pus fibrineux, c'est-à-dire une transformation de la fibrine.

DYSMÉNORRHÉE PSEUDO-MEMBRANEUSE.

On sait qu'exceptionnellement, il est vrai, mais les faits cités cités par Simpson et Oldham, par Bernutz, sont pour le prou- ver, que certaines femmes, à l'époque de leurs règles, rendent une sorte de membrane que l'on a comparée à uue caduque, et dont l'ex- pulsion constitue ce que l'on a appelé la dysménorrhée pseudo- membraneuse. Nous n'avons pas à nous en occuper ici, puisque ces membranes sont rendues en dehors de l'état de conception, Nous les citons seulement ici pour mémoire, et parce qu'il semble bien prouvé aujourd'hui, par les faits, que c'est une véritable expulsion de la muqueuse utérine, comparable en partie à l'expulsion de la caduque dans l'étai de grossesse, c'est le seul point de rapproche- ment que nous voulions établir, et nous n'insistons pas davantage sur ce snjet qui, encore une fois, est complètement en dehors de la question qui nous est posée.

Faut-il admettre comme lésions distinctes, ces affections du chorion et de la caduque. Nous croyons que l'on doit n'y voir qu'un des degrés de l'altération placentaire.

Passons maintenant à l'étude de ce que l'on pourrait appeler les membranes propres du fœtus, c'est-à-dire des maladies du chorion et de l'amnios.

Ici erj-core il faut prier le lecteur de vouloir bien se reporter à ce que nous avons dit a propos des hémorrhagies utéro-placentaires. Nous avons vu que si, le plus habituellement, ces deux membranes, la dernière surtout, échappaient aux lésions produites par les conges- tions, les apoplexies, les épanchemenls sanguins, il n'en était pas toujours ainsi, et que quelquefois le sang s'épanchait jusque dans l'intérieur de l'œuf, enveloppant ainsi complètement le produit de conception, et en amenant quelquefois la disparition complète, et nous avons cité à ce propos les ob.-ervations qui avaient été relatées par les auteurs; mais il est d'autres lésions qui doivent ici trouver leur place et sur lesquelles nous devons nous arrêter au moins quelques instants.

Les membranes peuvent être trop résistantes ou trop faibles ; et, de ces deux conditions anatomiques peuvent résulter des phéno- mènes variés pendant la grossesse et l'accouchement. Devons-nous étudier ces phénomènes d'une façon complète, au point de vue pra- tique surtout, nous ne le croyons pas; la question qui nous est

107

posée : maladies du placenta et des membranes, comporte surtout l'étude des altérations anatomiques ; c'est surtout l'anatomie patho- logique qui nous paraît devoir appeler plus spécialement notre attention ; c'est surtout elle que nous avons eue en vue dans la pre- mière partie de ce travail; c'est surtout elle sur laquelle nous insis- terons dans celte deuxième partie.

La faible consistance des membranes, dit Dubois, peut être le résultat d'une disposition naturelle, ou dépendre d'une altération consécutive à l'inflainmation. On peut en dire autant de leur résis- tance trop grande. N'est-il pas, en effet, possible que cette rougeur, ce gonflement, ce ramollissement, cette consistance comme car- tilagineuse, et presque osseuse, signalée par plusieurs auteurs, ces adhérences des feuillets opposés entre eux et avec le tœtus, et auxquelles on attribue, non sans raison, l'origine de beaucoup de monstruosités, soient l'effet d'un travail inflammatoire antérieur ou encore existant?

En s'exprimant ainsi, Dubois ne se dissimule pas qu'il soulève une grosse question, celle de l'inflammation de l'amnios, et les au- teurs sont loin d'être d'accord pour la résoudre. Peut-on admettre l'inflammation dans des membranes les phénomènes de la vie sont si obscurs? En un mot, l'inflammation de l'amnios doit-elle être admise? C'est ce que nous discuterons tout à l'heure. Termi- nons d'abord ce qui a trait à la résistance ou à la faiblesse trop grande des membranes.

La faiblesse des membranes, leur peu de résistance, expose, on le comprend, la femme à leur rupture prématurée, et, par consé- quent, peut faire courir au fœtus quelques chances déftivorables, surtout si ses conditions de présentation ou de position ne sont pas parfaitement normales.

Leur résistance trop grande, au contraire, peut devenir une cause de lenteur du travail, et donner lieu à certaines indications particulières qui seront remplies plus ou moins facilement. Elle peut déterminer une intervention devenue, dans quelques cas, né- cessaire, sinon indispensable. Elle peut même faire courir au fœtus quelques dangers, comme quand le fœtus est expulsé enve- loppé de ses membranes; elle peut même exposer la femme à des hémorrhagies, peu graves le plus habituellement, mais qui pour- raient, dans certains cas, acquérir une gravité exceptionnelle. Nous devions donc les signaler ici; mais il est encore une autre condition des membranes que nous voulons tout de suite traiter ici, pour n'avoir plus à y revenir. Nous voulons parler des adhérences des membranes.

108 ~

Dans quelques cas rares^ il est vrai, mais peut-être moins qu'on ne le croit, il peut exister des adhérences entre les membranes et l'utérus, sans que le placenta lui-même soit adhérent, et nous en avons vu un cas cette année à la Clinique. Voici ce qui s'est passé dans ce cas : L'enfant était vivant, et rien d'anormal n'avait eu lieu pendant l'accouchement. Au moment de la délivrance, des tractions avaient été exercées sur le cordon ; une certaine résistance fit augmenter ces tractions à la sage-femme chargée de l'accouche- ment, et on amena bientôt le placenta en entier; mais, en l'exa- minant, on ne fut pas peu surpris de l'aspect qu'il présentait. Les membranes s'étaient déchirées circulairement à environ 6 centimè- tres de l'insertion du cordon, qui avait résisté aux efforts de trac- tion, et le placenta avait passé au travers du trou, ainsi produit artificiellement. Les membranes, décollées delà face fœtale du pla- centa, étaient restées adhérentes à l'utérus, et on les sentait en partie engagées dans l'ouverture du col et pendantes dans le vagin.

Disons de suite que, dans ce cas, leur extraction se fit sans diffi- culté, quelques instants après ; mais il est des cas bien plus nom- breux, où ces adhérences sont partielles et il reste, dans l'utérus, quelques lambeaux de ces membranes; le plus souvent, elles sont expulsées dans les quelques heures qui suivent l'accouchement ; mais, quelquefois, elles restent plusieurs jours dans l'utérus, et deviennent alors la cause d'hémorrhagies secondaires, et peuvent donner lieu à des phénomènes de putridité qui ne sont pas sans danger pour la femme.

Voyons donc quelles sont les causes que l'on peut assigner à ces adhérences anormales des membranes.

Le plus habituellement, quand on les examine une fois qu'elles sont rendues, on ne peut rien constater de particulier dans leur aspect ni dans leur texture. Mais, quelquefois, elles semblent plus épaisses, plus opaques, et semblent présenter des traces d'une lésion antérieure, Or, ceci nous ramène à la question que nous nous sommes posée tout à l'heure : Existe-t-il une inflammation dei'amnios?

Dans quelques-uns des cas que l'on a considérés comme une in- flammation du placenta, on a trouvé du pus déposé sur la portion de l'amjiios qui recouvre la face fœtale de cet organe vasculaire ; c'est sur ce point que Dance en a rencontré une fois entre le chorion et l'amnios; mais les trois observations suivantes sont encore plus importantes, parce qu'on a noté les symptômes qui ont été observés pendant la grossesse. Nous les empruntons encore à Jacquemier, dans l'ouvrage duquel on ne saurait trop puiser.

: L- 109

Observation.

Mercier (de Rochefort) cite l'observation suivante : Une femme enceinte de cinq mois, à la suite de refroidissement, est prise de péritonite, et avorte au bout de quinze jours; on est obligé de rompre les membranes, et on*re- çoit un fœtus vivant dont l'expulsion est accompagnée de l'écoulement de plus de 1 0 litres d'une eau trouble blanchâtre dans laquelle nageaient des morceaux d'une substance semblable à du lait caillé.

L'amnios opaque et très-épais était recouvert sur la face fœtale d'une fausse membrane adhérente, concrète, albumineuse, et de la même nature que la substance qui nageait dans l'eau de l'amnios. Cette surface ayant été nettoyée, parut rosée, et présentait çà et là, soit des traces rouges de diverses formes, soit des veines sanguines flexueuses entortillées. Le cho- rion était sain et le placenta très-rouge.

Observation.

Menaces d'avortement à quatre mois. Arrêt du travail. Naissance à terme d'un enfant vivant et bien conformé. (Ollivier, d'Angers.)

Les membranes, dans le tiers environ de leur étendue, étaient considéra- blement épaissies, blanchâtres, opaques, villeuses, à leur surface interne. Toute la portion épaissie était parcourue dans le voisinage du placenta par des vaisseaux très-déliés. A mesure qu'elles s'éloignaient de sa circonfé- rence, ces ramifications capillaires devenaient de moins en moins appa- rentes, mais il existait encore à une assez grande distance du placenta des rougeurs ponctuées semblables à celles qu'on observe à la surface des mu- queuses.

Observation.

Fille fort bien constituée^, dont le ventre était tellement volumineux que l'on croyait à une grossesse gémellaire. Accouchement à terme, enfant vivant. (Brachet.)

Au moment de la division de l'œuf, écoulement d'au moins 4 litres d'eaux blanchâtres savonneuses. Le placenta n'offrait rien de particulier, mais les parties des membranes diamétralement opposées étaient enflam- mées dans l'étendue de la paume de la main, et présentaient une épaisseur trois ou quatre fois plus grande qu'ailleurs, et une rougeur intense qui contrastait avec la blancheur ; du reste on y voyait ducôté de la face fœtale une foule de petits vaisseaux très-déliés, mais ce qui augmentait surtout l'épaisseur, c'étaient des flocons celluleux attachés à la face utérine, et contenant dans leurs cellules une matière rouge consistante, semblable à des caillots de sang fort anciens.

Cette fille avait reçu au troisième mois un coup de pied" dans le bas- ventre, qui n'avait été suivi d'aucun accident fâcheux.

Le seul signe notable dans ces observations, c'est le développe-

110 —.

ment rapide et exagéré du ventre, car les autres se rapportent aussi bien à de la mélrite ou de la péritonite.

Si nous nous en rapportons à ces descriptions, il faudrait bien admeltrequel'aranios peut s'enflammer. Mais comment admettre cette propriété pour une membrane qui, au dire de tous les anato- mistes, est lisse, transparente, dépourvue de vaisseaux, de nerfs et de lymphatiques à toutes les époques de son existence?— Le vague le plus complet règne encore sur cette question.

Quant au chorion, Hobl, Cruveilhier ont cité des cas le chorion a été trouvé épaissi, opaque, couvert de rugosités à l'intérieur, l'amnios désorganisé et ayant contracté des adhérences anormales, et ils rapportent ces faits à d'anciennes inflammations; or, le chorion» comme l'amnios, ne présente pas de vaisseaux propres, et ne semble pas, par conséquent, pouvoir être susceptible de s'en- flammer.

D'un autre côté, ajoutent ces deux auteurs, et avec eux Dubois, Jacquemier et les auteurs plus récents, les maladies de la caduque semblent rester sans action sur ces deux membranes.

Ne semble-l-il pas plus rationnel, dans ces cas, d'admettre qu'il y a eu erreur d'interprétation de la part des auteurs qui ont admis ces inflammations, et ne doit-on pas rapporter à des transfor- mations sanguines et fibrineuses ces plaques et ces dépôts qui ont été trouvés sur ces membranes?— La dernière observation de Bra- chetque nous avons citée, ei il est dit que ces flocons celluieux contenaient dans leurs cellules une matière rouge, consistante, semblable à des caillots de sang fort anciens, semble nous autoriser à conclure dans ce sens.

Quoi qu'il en soit, il est bien évident que ces états divers des membranes doivent altérer leur consistance, leur force de cohésion, et les exposer à résister moins efficacement aux traumafismes exté- rieurs.— 11 semble pourtant n'y avoir rien d'atfirmatifà cet égard, et nous avons vu que, dans l'une des observations que nous avons relatées, un coup de pied reçu sur le bas-ventre n'avait été suivi d'aucun accident. D'un autre côté, les exemples de chutes sui- vies d'un avortement immédiat ne sont pas rares, surtout dans les premiers mois; c'est une des formes de cet accident, et ce décolle- ment immédiat des membranes n'a pas, que nous le sachions, permis de trouver dans ces cas de lésions particulières du côté de l'amnios ou du chorion. Les épanchements sanguins que l'on trouve alors sont l'effet du traumatisme purement et simplement, et suffisent à expliquer l'expulsion si rapide du produit de conception. Ya-t-ii, dans ces cas, prédisposition, faiblesse des liens qui unissent l'œuf à

- 111

la paroi utérine ou autre altération ? Encore une fois, rien ne permet de l'affirmer, el les observations restent encore complètement à faire sous ce rapport.

On a encore cité parmi les maladies du chorion certains faits rares et exceptionnels, que l'on peut ranger dans une seule et même catégorie sous le nom de kystes; leur siège même n'est pas encore nettement limité.

Faut-il faire rentrer dans ces faits ce que M, Mattei décrit sous le nom de poche amnio-choriale normale dans l'œuf humain pen- dant toute la durée de la grossesse, quoiqu'il ne l'ait constaté que dans les deux tiers des cas.

Est-ôe une cause d'hydrorrhée, comme il le pense?

Il faufirait d'abord que l'existence de cette poche amnio-choriale fût bien constatée, et ces idées sont malheureusement en opposition avec celles de tous les ovologistes qui admettent que !'^s deux membranes chorion et amnios s'adossent et adhèrent complète- ment Tune à l'autre à partir du troisième mois de la grossesse. Y aurait-il dans les cas de M. Mattei persistance accidentell-^ d'un état qui n'existerait que dans les premiers temps de la grossesse.

Nous laissons à l'auteur la responsabilité coaiplète de ses opi- nions.

Quant aux kystes du chorion, existent ils réellement? Oui.

Les uns ont été décrits par M. Robin, dans !e journal de Brown- Séquard, 1861. En voici la description d'après le savant micro- graphe :

A la face fœtale du placenta, il n'est pas rare de trouver des kystes du volume de la moitié d'un œuf de pigeon dont le contenu est une substance analogue à celle du cordon, substance qui existe entre le chorion et l'amnios. La paroi de ces kystes est formée de tissu lamineux ou fibreux à faisceaux plus ou moins serrés. La pa- roi est souvent tapissée de mamelons blanchâtres pédicules, parfois composés de trames fibreuses accompagnées de matière amorphe. Le contenu est transparent, gélatiniforme, opalin, de consistance muqueuse, fréquemment fibreux, il est homogène et sans trace d'é- léments anaComiques.

Je dois à l'obligeance de M. Thierry un bel exemple de ces kystes :

Sur le placenta d'une femme accouchée ces jours derniers à la Clinique, a terme et d'un enfant vivant, oii a U'ouvé, au niveau de la face fœtale du placenta, cinq de ces kystes donl les deux plus gros avaient le volume d'une noisette, les trois autre;» variaient depuis le \olume d'un pois à celui

112

d'une petite bille. Leur contenu offrait un liquide transparent, limpide, com- plètement analogue à celui décrit par M. Kobin.

Ces kystes sont-ils des productions morbides du chorion? Non, et si nous les avons mentionnés c'est pour qu'on ne les confonde pas avec ce que l'on a appelé les kystes du chorion.

Très-rares, ces kystes existent cependant, au dire de quelques auteurs, mais leur existence est au moins problématique, car les cas ils ont été signalés sont toujours accompagnés d'épanche- raents sanguins, et leur siège même au-dessus de le plaque hémor- rhagique peut laisser du doute à l'esprit.

Ils sont, en effet, le plus habituellement situés dans l'épaisseur d'une plaque hémorrhagique, dont ils semblent isolés par une mem- brane ténue; ils soulèvent l'amnios faisant une saillie plus ou moins prononcée dans la cavité de cette membrane, et contiennent dans leur intérieur un liquide qui a les caractères que nous avons donnés plus haut comme caractéristiques des kystes sanguins du pla- centa.

Nous croyons que s'il n'y a pas dans ces cas erreur d'interpréta- tion, c'est-à-dire si ce sont bien des kystes, c'est à cette première variété qu'il faut les rapporter et qu'ils sont indépendants du cho- rion. Nous renvoyons donc le lecteur à l'observation que nous avons publiée à la suite des kystes sanguins du placenta.

Altérations diverses du liquide amniotique.

Le liquide amniotique peut présenter diverses altérations qui sont de deux ordres bien différents.

Les unes sont compatibles avec la vie du fœtus, les autres sont consécutives à la mort du produit de conception.

Limpide au-début de la grossesse, transparent, incolore, d'une densité inférieure à celle de l'eau, le liquide amniotique devient plus tard onctueux, un peu trouble et remarquable surtout par la présence de petits grumeaux caséeux, blanchâtres, qui ne sont au- tres que des débris de la matière sébacée qui recouvre le corps du fœtus.

La plupart des substances étrangères qui sont absorbées par la mère peuvent s'y rencontrer. Nous citerons entre autres le fait de Levret, qui a vu les eaux de l'amnios blanchir le cuivre chez une femme qui était soumise au traitement mercuriel. On a cité un cas il avait l'odeur du camphre absorbé par la mère.

11 en est de même des substances solubles répandues dans l'at-

113

rnosphère. Tout le monde connaît le cas de Stolz, qni a vu un en- fant naître vivant dans un cas le liquide amniotique offrit une odeur infecte de tabac en putréfaction, La mère était ouvrière dans une manufacture de tabac.

L'eau de l'amnios peut même contracter des propriétés irritantes, comme dans le cas de Nîegele elle avait déterminé une espèce de macération de l'épiderme du fœtus qui, quoique faible, ré- sista parfaitement, et était en parfait état au bout de quinze jours après la chute de son épiderme.

Il est une autre sorte d'altération qui est beaucoup plus fré- quente : nous voulons parler de celle qui est due à la présence du méconium dans le licpiide amniotique. Normale dans le cas de présentation du siège, la présence de ce méconium donne au liquide amniotique une teinte verte plus ou moins prononcée, sui- vant la quantité qui y a été versée. Laissant dans quelques cas au liquide sa fluidité, dans d'autres elle le trouble profondément, le lend épais, gluant, et si l'on ne peut considérer cet écoulement de liquide verdàtre comme un signe de mort du fœtus, comme le voulaient les anciens, il indique en général une souffrance de ce petit être déterminée, soit par des compressions du cordon, soit par d'autres causes, travail prolongé, etc. Ce signe pourtant n'a rien de certain, et il n'est pas rare de voir des fœtus naître parfaitement vivants après des écoulements abondants de liquide amniotique très-foncés. On peut dire pourtant d'une façon générale rpie le de- gré d'intensité de ces teintes et le plus ou moins de fluidité du liquidesonten rapport avec l'état de santé parfaite du fœtus, quoi- qu'on ait vu des fœtus naître parfaitement vivants avec du liquide amniotique très-trouble, très-fétide.

C'est l'auscultation seule qui peut ici venir juger la question et l'intégrité des battements du cœur, leur régularité parfaite et leur force normale, viendront rassurer complètement dans les cas l'on aurait pu tout d'abord concevoir quelques craintes.

Quant aux altérations qui sont consécutives à la mort du fœtus, voici les renseignements que nous trouvons dans la thèse inîiugu- rale de M. le docteur Lempereur, sur les altérations que subit le fœtus après sa mort dans le sein maternel.

L'auteur admet trois degrés :

Dans un premier degré, il y a dissolution <la fœtus; dans un deuxii'mt\ moviificaliim; dans un troisième, maccratiun.

Les autres altératiuns du fœtus ne pouvant se produire qu'après l'écoulement du liquide amniotique, c'est-à-due après la pen-élra- tion de l'air dans l'inléricui' do l'œid'.

CHAKl-KNIIER. 8

Hk

A ces trois périodes correspondent divers états du liquide am- niotique.

Dans la première période, période de dissolution, on a sous les yeux non plus le liquide amniotique clair, transparent, limpide, citrin, mais une liqueur tantôt simplement louche et troublée, tantôt IVancbement laiteuse, identique de tous points avec une émulsion suivant la quantité des éléments organiques dissous.

Ce fait n'a pas échappé aux anciens accoucheurs car on le trouve relaté dans:

Mauriceau {Traité des accouchements), Puzos {Traité des accouche- ments,il^^), Bischoff, Martin, de Lyon {Mémoires d'accouchements), et bien d'autres.

Dans la deuxième période ou momification.

Le liquide diminue de quantité, devient plus épais encore, gra- nuleux, comme purulent, ou plutôt tel que si l'on avait délayé une terre argileuse dedans. (Observations recueillies à la Clinique, au mois de novembre 1867, observation de Dubois, Clinique 1838), et à un degré un peu plus avancé, ce liquide finit par disparaître en laissant sur l'embryon un sédiment terreux, grisâtre, analogue au dépôt des eaux débordées (Observation 7, Lempereur).

Dans la troisième période ou macération. Le liquide présente des altérations en rapport avec l'état du fœtus. On sait que cette période est caractérisée pour le fœtus par l'infiltration œdémateuse de ses tissus par la sérosité sanguine, l'imbibition complète des parties molles, qui coïncide avec leur ramollissement et leur affaissement, le soulèvement de l'épiderme en phlyctènes, en vastes ampoules. Eh bien, c'est le liquide contenu dans ces phlyctènes qui venant à s'épancher dans la cavité amniotique vient donner à son liquide des caractères spéciaux.

Il est alors rougeàtre et sanguinolent, plus ou moins trouble, et toutes les fois que l'on rencontre cet aspect du liquide amniotique on peut affirmer que le fœtus est mort. Four notre part nous trou- vons ce fait noté dans toutes les observations que nous avons recueillies à la Clinique.

Cda ne veut pas dire pourtant que toutes les fois que l'enfant sera mort et macéré on trouvera cet état du liquide amniotique; non, car dans les observations de M. Leiopereur on en trouve plusieurs 011 l'on a constaté l'écoulement lors de la rupture des membranes d'un liquide clair et bien transparent.

Cela tient à ce qu'au moment les membranes se rompent ou sont rompues arliticiellement, les pldyctènes sont encore intactes, et la preuve que c'est bien le liquide qu'elles contiennent qui vient

115 -

altérer après leur rupture le liquide amniotique, c'est (jue dans une observation citée par M. Lempereur et recueillie à la (Clinique, ces phlyctènes s'étant rompues au moment le fœtus s'engagea dans le petit bassin , on reuiarqua alors l'écoulement d'une sérosité trouble qui précéda de quelques instants l'accouchement.

Quant aux altérations chimiques du liquide amniotique, existent- elles, ont-elles été constatées, nous avouons notre ignorance com- plète à cet égard.

Ainsi donc, se tenir sur ses gardes quand on voit l'écoulement d'un liquide verdâtre, teinté par le méconium, et considérer les écoulements de sérosité rougeàtre comme des signes certains ou presque certains de mort du t'œlus. Voilà les deux points qui doivent ressortir de l'étude que nous avons laite du liquide amniotique. On voit donc que ces altérations peuvent fournir des indications précieuses dans le premier cas surtout, et c'est pourquoi nous les avons traitées un peu longuement.

Nous ne croyons pas devoir insister sur la partie clinique à proprement parler de ces dittérentes lésions, nous ne pouvons que répéter ici ce que nous avons dit dans la première partie de cette thèse, à propos des maladies du placenta. Alais nous allons voir qu'il n'en est plus de même à propos des deux grandes lésions qui nous restent à étudier,' et que la môle vésiculaire, hydatique et l'hydramnios sont deux maladies bien caractérisées qui exigent une description spécial e.

DES MÔLKS.

On décrivait autrefois sous ce titre deux espèces bien distinctes, (|u'on désignait sous le nom de vraies et de fausses môles; il est aujourd'hui prouvé que ces dernières ne sont autres que des concré- tions fibrineuses rendues par certaines femmes à l'époque des règles, en dehors de toute espèce de conception ; nous n'avons donc pas à nous en occuper ici, et nous n'entendrons sous, le nom de môles, avec tous les auteurs, que des produits dégénérés de conception, réunis aujourd'hui sous le titre de môles vésiculaires ; ces dégéné- rescences constituent une des lésions les plus intéressantes à étudier, car leur nature n'est pas encore bien détinie. On comprendra donc la longueur des détails dauM lesquels nous allons entrer.

Peut-être nous dira-t-on que ce mode de procéder nous exjjose à des répétitions, cela est possible; mais il nous semble (pio pour juger une question il vaut mieux avoir sous la njaiu l'ensemble de tous les matériaux originaux, relatifs à cette <|uestion, que de s'en rapporter à des extraits qui ne t'ont souvent (|uc dénaturer

116

la pensée des auteurs originaux. Mieux vaut, selon nous, pécher par excès que par défaut, surtout en matière de renseignements scien- tifiques.

Nous ne ferons pas non plus l'historique de la question. Elle a été, nous pouvons le dire, traitée de main de maître dans un mémoire que nous analysons plus loin de M. le docteur Ancelet, publié dans la Gazette des hôpitaux de l'année dernière, et nous emprunterons la partie clinique à un mémoire de M. de Soyre, publié dans le Mou- vement médical, novembre et décembre 1868, à propos d'un cas soumis à l'observation de notre maître M. Depaul, et à propos duquel il traita la question des môles hydatiques dans une de ses leçons cliniques.

L'historique, il est vrai, n'est pas traité dans le mémoire de M. Ancelet au point de vue chronologique, mais au point de vue des opinions de chacun des auteurs. Nous tâcherons de remédier à ce petit défaut selon nous, à la fin de notre thèse dans notre Index Inbliograph ique. Madame Boivin admet quatre espèces de môles : La môle rouge, charnue, vasculaire,qui serait le résultat de la dégénérescence ou du développement anormal du système sanguin de l'embryon ou de celui de ses annexes nui aurait été frappé de maladie ;

La môle blanche^ hydatoïde ou vésiculaire, serait occasionnée par une lésion de la coque membraneuse de l'œuf, avant le déve- loppement du système sanguifèrej

3" La "môle complexe, charnue et vésiculaire qui serait le pro- duit de la maladie simultanée des deux systèmes vasculaires do l'œuf et le résultat de leur développement désordonné ;

^0 La môle embryonjiaire, composée d'un embryon et d'une môle, serait le résultat de la destruction d'un ou de plusieurs germes dont l'un serait entièrement dégénéré et l'autre d'une manière incomplète.

Après un historique assez détaillé, madame Boivin insiste surtout sur ce fait que la môle vésiculaire est toujours le produit d'un commerce sexuel et le résultat d'une dégénérescence ou d'un déve- loppement anormal des annexes de l'embryon, et elle en donne comme preuve que la môle vésiculaire est constamment enveloppée d'une membrane dont le tissu rouge, mou, spongieux, est tout à fait analogue \\ celui de l'épichorion ou decidua.

Quelquefois la masse globuleuse a été expulsée dans toute son intégrité, et elle était revêtue de toutes parts de celle membrane spongieuse cpji formait un sac saus ouverture dans lequel étaient

117

renfermées les hydalides, et qu'il fallait déchirer pour les apercevoir, La môle vésiculaiie se comporte à l'égard de la membrane qui la contient comme les membranes fœtales à l'égard de la decidua. Cette dernière est dans l'un et l'autre cas le moyen de connexion, de communication entre les corps qu'elle renferme et la matrice à laquelle elle est adhérente.

Si la decidua ne sort pas toujours en même tenips ou immédiate- ment après la masse vésiculaire, c'est que, comme dans la grossesse fœtale, elle est adhérente en partie à la face interne de l'utérus. Mais bientôt elle est expulsée par les contractions utérines ou bien elle se putréfie, s'exfolie, et se trouve entraînée avec les fluides qui s'écoulent après cette espèce de part, comme on l'observe dans les suites de couches naturelles.

Étudiant ensuite les symptômes de cette maladie, elle constate d'abord les phénomènes habituels de la grossesse, mais l'absence des mouvements actifs du fœtus.

L'apparition de petites pertes séreuses ou sanguines, le dévelop- pement trop lent ou trop rapide de l'utérus, et une susceptibilité nerveuse inaccoutumée, dans certains cas la déviation du col, et constate la rareté des cas oîi ces vésicules sont expulsées d'une façon partielle et termine par ces mots. La présence même de vési- cules à l'orifice de la matrice, n'est pas une preuve irréfragable de l'existence de ces corps dans la cavité de ce viscère.

Le pronostic pour l'enfant est la mort constante; pour la mère, il est sérieux, à cause des hémorrhagies qui ont pu quelquefois ame- ner la mort de la femme avant l'expulsion de la môle.

La possibilité de rupture de l'utérus, comme Molh en a cité un exemple.

Quant au traitement, il se borne à surveiller les accidents et en particulier l'hémorrliagie.

Enfin dans deux notes très-importantes et que nous intercalons ici, elle étudie l'époque de l'apparition de la première perlo et sa durée, et la durée de la grossesse hydalique elle-même.

118

Note relative à l'époque de la première perte de sa)ig et à sa durée pendant la gestation hydatique.

NOMS des

AUTEURS.

Dumonceau.

M"« Boivin.

Liltre.

Crawfort.

Souville.

Percy.

M-^e Boivin.

Pichart.

Millot.

Delamothe.

Percy.

Bremser.

Jolly.

Baudelocque.

ÉPOQUES

de la première perte de

de sang. l'accouchement.

à 45 jours. à 45 jours, à 2 mois. à 3 mois, à 3 mois. à 3 mois, à 3 mois 1/2. à 4 mois, à 4 mois. à 5 mois, à 6 mois, à 7 mois, à 8 mois, au 11* mois, au 16* mois.

à 8 mois, à 4 mois. à 6 mois, à 7 mois, à 7 mois, à 8 mois, au 8^ mois, à 4 mois. à 4 mois, à 5 mois 1/2. à 9 mois, à 8 mois, à 10 mois, au 11^ mois, au 14*^ mois.

DURÉE delà

PERTE.

6 mois 1/2.

3 mois 1/2.

4 mois. 4 mois.

4 mois.

5 mois.

4 mois 1/2.

15 jours. 3 mois.

1 mois.

2 mois

Note sur la durée de la gestation hydatique.

Observations sur 32 cas : 1 femme est accouchée au quatorzième mois

au onzième mois.

à dix mois.

à neuf mois.

à huit mois.

à sept mois et huit jours.

à sept mois.

à six mois.

à cinq mois et demi,

à cinq mois.

à quatre mois.

à trois mois.

32 cas.

Dubois et Desormeaux. [Dictionnaire en 30 volumes) adufiettent trois vaviélôs (!c môle hydatique : V Une môle liy(lati(jue embryonnée;

119

2** Une môle hydatique creuse ; Une môle liydatiqne en ma<se.

La première formée d'une masse qui offre, dans une certaine étendue de sa surface correspondant au placenta ou sur toute sa périphérie, un nombre plus ou moins considérable de vésicules séparées par une couche plus ou moins épaisse ou par de simples membranes d'une cavité intérieure lisse, contenant avec ou sans liquide un fœtus ou des parties reconnaissables d'un foetcs.

Ces auteurs renvoient aux observations de Portai, Pechlin- Lanyoni, Blainville, M""' Boivin.

La deuxième, ou môle hydatique cireuse, est semblable quant à l'extérieur à la môle embryonnée ; mais à l'intérieur, au lieu de trouver un fœtus entier ou incomplet, on ne rencontre qu'un liquide dans lequel l'embryon, mort de bonne heure, s'est dissous, et dans lequel flotte quelquefois un petit filet, débris du coidon ombilical.

La troisième^ ou wiôle vésicidaire en masse, se distingue des deux premières, non-seulement par son volume énorme, mais encore par le développement et la disposition plus manifestement grappée des hydatides qui la composent, et souvent aussi par l'effacement complet ou presque complet de la cavité centrale que l'amnios forme à une époque moins avancée de la dégénérescence. Bien qu'on ne trouve pas au centre de cette espèce de môle vésiculaire une cavité formée par l'amnios, presque toujours on y rencontre un tissu mou, jaunâtre, granuleux et spongieux tout h la fois, enfin, comme le dit M"" Boivin, quelque chose de fongueux qui rappelle l'aspect du placenta.

Une disposition commune à toutes les espèces de môles, c'est, comme l'a signalé M"'' Boivin, qu'elles sont entourées d'une mem- brane épaisse et en rapport immédiat avec l'utérus^ et qui n'est autre chose que la membrane caduque.

Signalée par M»'** Boivin, constatée par Montgommery, d'Outre- pont, Portai, Chr. à Vega, Richa et Helm, l'existence constante de cette membrane d'enveloppe et son origine bien démontrée, con- tredisent positivement ropinion qui considère la môle vésiculaire comme une dégénérescence de la caduque.

Ces auteurs ne signalent rien de particulier sous le rapport des signes dn diagnostic et du traitement de cette maladie, et se bor- nent à relater sur ce point les idées de M""' Boivin.

M. Cayla, dans une thèse très-bien faite, reproduit en entier les idées de M. Robin sur la môle vésiculaire.

Après avoir rappelé la manière dont les villosités se dévelop^

120

peut à la surface du cborion, qui n'est pour cet auteur que le feuillet externe du blastoderme, M. Cayla cherche à démontrer que les môles bydatiques ne sont que des villosités modifiées, quant à la forme et au volume, par l'accumulation de liquide dans leur ca- vité.

A part les différences de volume, les môles hydatiformes au- raient toujours exactement la même disposition.

Voici la description que donne M. Cayla de cette maladie qu'il appelle hydropisie des villosités c/ioriales.

HYDROPISIE DES VILLOSITÉS CHORIALES.

(Cayla^ thèse 1849; voiries observations de Désir, Depaul, Davaine et Follin.)

Description. Les villosités se détachent comme à l'ordinaire à la surface du cborion. Tantôt le pédicule est normal, tantôt il est un peu dilaté, mais toujours cylindrique, dans une longueur de 1 à 2 centimètres. Dans ce cas, il se présente sous forme d'un petit tube membraneux à parois transparentes et plein de sérosité; d'autres fois il offre dès son origine un ou deux renflements fusi- formes de 3 à 5 millimètres de long sur 2 ou 3 de large.

C'est au niveau du point commence à se ramifier le pédicule que commencent aussi à apparaître les dilatations ou vésicules hy- datiformes; à partir du point les villosiiés commencent à se ra- mifier, on voit les branches se rentier d'espace en espace. Leur vo- lume est variable depuis une noisette jusqu'à être à peine percep- tible à l'œil nu. Tantôt une villosité entière est transformée en grappe de groseilles ; sur les plus grosses vésicules se trouvent sou- vent insérées deux à trois^ ou plus, vésicules plus petites au moyen d'un pédicule très-étroit, portion de branche qui ne s'est pas dila- tée ; le volume du pédicule varie de 1 à 2 millimètres de long; épaisseur, 1 millimètre de diamètre, et alors il laisse refluer le li- quide d'une vésicule à l'autre ; souvent il est oblitéré.

D'autres fois, au lieu d'un grand nombre de vésicules uniformes, on n'en trouve que de quatre à huit du volume d'une noisette ; puis, soit sur les branches qui en partent, soit sur les rameaux voisins, on trouve un grand nombre d'autres vésicules, d'un grain de millet à un grain de chènevis. Toutes sont unies par des pédi- cules et forment ainsi des grappes bizarres.

Les villosités plus simples, offrant moins de vésicules, forment des grappes plus simples.

124

Les vésicules sont ovoïdes on sphéri(]ues, élirées du côté du pé- dicule, piriformes h l'extrémité.

Au niveau des points de bifurcation d'une branche des villosités, on voit assez souvent des vésicules d'une forme bizarre, quelque- fois régulièrement triangulaires, se prolongeant à chaque angle en cylindre, et se continuant par un pédicule destiné à porter d'autres vésicules. Dans certains cas, des vésicules sphériques naissent aussi des pédicules supportant d'autres vésicules plus petites.

Çà et là, soit sur les pédicules, soit sur leurs divisions, on aper- çoit de petites vésicules de forme irrégulière, hérissées de prolon- gements longs de 1 à 2 millimètres, tantôt sous forme de digita- tions, tantôt un peu renflées en vésicules.

Le microscope permet de reconnaître sur les pédicules ou les pa- rois, des kystes ou prolongements en cul- de-sac d'aspect normal, d'autres en voie de vésicules en formation.

Texture des grappes hi/datiformes. En général, faciles à isoler les unes des autres, souvent intriquées comme dans le placenta. On a alors un gâteau de kystes épais comme le placenta et même plus à texture inextricable. Au milieu de cette masse, on trouve des villosités à peine altérées.

Contenu des vésicules. Parois minces de 0'"'",2 à 0™",3 d'é- paisseur , demi-transparentes, résistantes. Face interne lisse. Pas de divisions cellulaires admises par Cruveilhier. Pas de traces de la cloison médiane. Le contenu est une sérosité rougeâtre plus ou moins incolore, transparente, fluide, tenant en dissolution de l'al- bumine, coagulable par l'alcool ou l'acide nitrique. Aucune trace de cysticerques ni d'échinocoques.

Le liquide contient deux sortes de cellules spéciales h peu près en égal nombre, fort peu abondantes.

Les /(rew/ères sont sphériques, transparentes, à bords nets, ré- guliers, mais pâles, à un ou deux noyaux sphériques de 0™°\012 à 0'"'",015, Le contenu de la cellule est composé de très-fines gra- nulations moléculaires grisâtres assez pâles, d'égal volume.

Les noyaux plus transparents renferment moins de fines granu- lations, on trouve à leur centre un nucléole de 0,001 au plus, à bords assez foncés, assez brillants. Ces cellules ne peuvent se rap- porter à aucun élément anatomique des autres tissus.

La seco)ide espèce de cellules appartient à r<''pithélium pavimen- teux. Elles ont un noyau ovoïde et un nucléole parfaitement dis- tinct, et ne diffèrent des autres cellules d'épithélium pavimenteux,

122

n l'état naissant, que par des granulations moléculaires à contours nets, très-foncés, à centre brillant, réfractant la lumière en jaune. Quelques-unes sont sphériques. Les autres sont inégalement poly- gonales comme dans tous les épithéliums pavimenteux. Elles con- tiennent un grand nombre de granulations moléculaires situées surtout autour du noyau. Dans les intervalles de ces granulations se voit une très-fine poussière de granulations moléculaires grisâtres.

L'origine de ces cellules est difficile à comprendre si l'on admet que les kystes se sont formés après la pénétration des vaisseaux, car il n'y a plus d'épithélium pavimenteux dans les vaisseaux ca- pillaires.

Ces cellules viennent elles de la face externe de l'amnios et ont- elles pénétré dans la cavité des villosités non vasculaires?

Les parois des vésicules sont formées par le tissu chorial, tissu spécial. Il n'y a de différence que dans une très-grande quantité de granulations moléculaires dont est parsemé le tissu chorial. Quelquefois, au lieu de ces granulations moléculaires brillantes, on trouve dans les parois des kystes et des pédicules une très- grande quantité de granulations grisâtres, en général très-fines, très-rapprochées les unes des autres, au point de masqiier le tissu chorial.

Donc ces vésicules hydatiformes ne sont que des dilatations des villosités choriales.

Nous avons vu que l'hydropisie peut survenir quand le placenta est complètement organisé, mais cette altération peut survenir à une époque plus rapprochée de cette apparition. C'est ce qu'indi- quent les grappes isolées et les exemples d'œufs expulsés en en- tier, dont toute la face choriale était couverte de grappes de vési- cules, ce qui prouve que les villosités se sont altérées à une épo- que où le chorion était entièrement villeux, c'est-à-dire au début delà conception. (Wrisberg, Nov. Comment.) Enfin, ces altérations n'ont pas toutes le même âge. {Journal de médecine, Brachet, M'"'' Boivin.)

Au milieu des anfractuosités formées par la masse des vésicules on trouve presque constamment des caillots de consistance et colo- ration variable, qui peuvent expliquer la coloration des vésicules.

Quelquefois l'œuf est expulsé avec la caduque, de sorte qu'il faut la rompre pour apercevoir les vésicules.

Amnios et chorion. Aucune lésion.

Poids et volume variables jusqu'à 8 kilogrammes.

M. Depaul {Mouvement médical, 1868, leçons recueillies par M. De Soyre) accepte tout d'abord la division de MM. Dubois et

123

Desormeaux, puis, après avoir fait l'historique de la question et montré les différentes opinions qui ont eu cours dans la science, depuis celles de H. Cloquet et Percy qui croyaient à des acépha* locystes, jusqu'aux idées de M. Robin, se déclare très-formellement partisan de ces dernières. Il cherche ensuite à expliquer la nature et la provenance des divers éléments qui ont été rencontrés dans ces vésicules et la formation de l'hydropisie.

D'abord, en général, le liquide contenu dans les vésicules est transparent, et si parfois il s'est présenté sous un aspect rougeàtre, cette coloration s'explique très-bien par la présence du sang mo- mentanément en contact avec les vésicules, sang dont l'hématine s'est dissoute, a pénétré dans le liquide et l'a coloré, car M.Robin, sur une pièce que M. Depaul lui a fait parvenir et qui présentait cette particularité, n'a trouvé aucun globule sanguin dans les vé- sicules. On ne peut donc admettre que la rupture des vaisseaux allantoïdiens soit la cause de cette coloration.

Ces vaisseaux ne peuvent pas être non plus la source première des cellules épithéliales qui se trouvent dans le liquide. D'oià vien- nent-elles donc? Proviennent-elles de la surface externe de l'am- nios et sont-elles entraînées? Cette question n'est pas encore résolue, non plus que la cause réelle de l'hydropisie des villosités.

Quelles sont les causes des différences que l'on observe dans les diverses môles hydatiques ?

D'abord la poche membraneuse, qui contient ou enveloppe en totalité ou partie la môle, ne peut être que la caduque. C'est avec la face interne de cette membrane que chaque vésicule a des rapports intimes, comme les villosités choriales, d'où elles dérivent.

L'hydropisie date toujours des [u'emiers temps de la vie embryon- naire, et si l'on rencontre entre les môles quelques différences qui ont permis d'en établir trois groupes, cela lient uniquement an développement et à l'étendue de la maladie.

Si l'hydropisie arrive dès le début de la vie embryonnaire, les villosités qui recouvrent toute la surface de l'œuf subissent la dégénérescence hydaliforme ; il se produira une dissolution de l'embryon et des membranes d'autant plus facile que la môle vésiculaire séjournera plus longtemps dans la cavité utérine et prendra ainsi un plus grand développement. On aura ainsi la môle en masse de Desormeaux et Dubois.

Si l'altération est survenue un peu plus tard, la cavité de l'am- nios pourra subsister, mais le fœtus sera dissous et on aura la deuxième forme ou mole creuse.

Jusqu'à présent, on n'a pu retrouver dans les vésicules de ves-

124

tiges des vaisseaux allantoïdiens, ce qui force à admettre que l'hydropisie des villosités a débuté avant l'arrivée dans leur inté- rieur des vaisseaux ombilicaux, c'est-à-dire pendant le premier mois de la vie intra-utérine.

Quant à la troisième l'orme ou môle embryonnée, c'est-à-dire celle qui est toujours accompagnée d'un fœtus, on doit encore admettre que l'hydropisie date des premiers temps de la vie embryonnaire, car on ne retrouve pas de traces des vaisseaux allantoïdiens, et que si l'embryon ne s'est pas dissous, contrairement à ce qui se voit souvent, c'est que l'hydropisie ne s'est pas emparée de toutes les villosités chorialesel qu'elle n'a atteint que celles qui se trouvaient le plus rapprochées de la caduque inter-utéro-placentaire; que les vaisseaux allantoïdiens introduits dans les autres villosités ont suffi à entretenir la vie de l'embryon jusqu'au moment oîi ces villosités se sont arrêtées dans leur développement, et qu'a dater de ce mo- ment le point par lequel la vie de l'enfant devait être entretenue étant justement celui qui était atteint par la maladie, la mort s'en était suivie.

Nous pourrions citer ici un grand nombre d'observations, car elles ne manquent pas dans les auteurs; nous nous bornerons à en citer quelques-unes.

L'une appartient à M. Pajot ; elle se trouve relatée dans la thèse de M. Cayla.

L'autre, à M. Depaul; elle a été publiée dans les Bulletins de la Société de biologie.

Nous renverrons ensuite les lecteurs aux Bulletins de la Société antomique, 1862 et 1865, ils trouveront une observation de M. Pelvet et une de Dufour; aux Archives de médecine, février 1842, observation de môle hydalique, M. Boucher (de Versailles).

Enfin nous citerons l'observation de iM. le docteur Berton, sur laquelle nous appelons particulièrement l'attention, car il s'agit d'un cas de grossesse gémellaire avec môle résultant de la dégéné- ration de l'un des embryons. Tel est du moins le titre sous lequel elle est relatée par son auteur. Cette observation se trouve dans les Archives de médecine, 1829, tome XX.

Note communiquée à M. le />'' Pajot sur un cas de môle vésiculaire.

Femme Sylvestre, âgée de vingt-sept ans, mariée depuis deux années, réglée à dix-huit ans, sans douleur ; la fonction une fois établie s'opéra sans trouble. Depuis son mariage, Tapparilion menstruelle est en retard de quelques jours à chaque époque ; dit avoir eu une fausse couche il y a envi-

125

ron dix-huit mois, mais ses règles ne s'étaienl pas complètement arrêtées.

Au mois d'octobre 1 848, première suppression des règles et apparition consécutive des phénomènes qui accompagnent la grossesse.

Dans les premiers jours de juin 1819, sans cause appréciable, cetie femme fut prise de coliques vives et perdit à peu près deux verres de sang ; l'écoulement dura à peu près une nuit et s'arrêta. La grossesse semble ensuite continuer sa marche ordinaire.

Quinze jours avant la déplétion utérine, qui eut lieu le 21 juillet, une nouvelle perle plus abondante que la première, et accompagnée de coliques, douleurs de reins, se manifesta et continua avec une intensité variable jus- qu'à la fin de la grossesse. Le médecin, appelé à l'époque de ce dernier écoulement sanguin, trouva l'utérus peu volumineux pour l'époque pré- sumée de la grossesse.

La femme prétendait avoir senti remuer vers le cinquième mois. Mais ce fut en vain qu'on chercha à percevoir les mouvements actifs ou passifs de l'enfant; il en fut de même des bruits de cœur fœlal et du souffle pla- centaire.

Le 28 juillet, à une heure du matin, des douleurs plus fréquentes et plus vives annoncent un commencement de travail : en même temps l'hémor- rhagie augmente et se manifeste à chaque contraction par l'expulsion de caillots. A cinq heures du soir, bien que les douleurs aient été très-vives et les pertes continuelles, le col est à peine assez dilaté pour permettre l'introduction de la première phalange; à sept heures, douleurs plus vives encore, le col est sensiblement plus ouvert.

On donne un gramme de seigle ergoté; les contractions deviennent incessantes, et la dilatation du col permet de constater la présence d'une masse molle, spongieuse, qui s'y engage en passant pour ainsi dire à la filière.

A neuf heures, cette masse, dont on a favorisé la sortie par quelques tractions légères au moment des contractions, est entièrement expulsée (cette masse, qui nous a été montrée, n'offrait rien de particulier; c'était une môle vésiculaire en masse, du volume de la tête d'un fœtus). Sa sortie est suivie d'un flot de sang, puis l'écoulement continue pendant quatre ou cinq jours peu abondant. Les suites ne présentent rien de particulier; la femme s'est rétablie.

CAS DE MOLE VÉSICULAIRE.

(Depaul, Mémoires de la Société de biologie, f'^ série, t. Il, anné(3 1850.)

Une dame âgée de vingt et un ans, demeurant rue Louis-le-Grand, 2/i, était accouchée naturellement et à terme pour la première fois à la fin du mois de janvier 1849. L'enfant naquit vivant. Les suites de couches ne présentèrent rien de particulier. Les règles avaient été supprimées pendant la grossesse et reparurent pour la première fois dans les premiers jours d'avril ; mais depuis elles furent de nouveau su.-pendues, ce qui, joint a quelques troubles des foiiclious digestiveset à quelques autres phénomènes, ht croire a l'existonco d'une nouvelle grossesse.

126

Au 20 avril, déjà il y avait des nausées et des vomissements. Les seins commençaient à se durcir et à devenir un peu douloureux. Cependant la santé générale n'était pas mauvaise, et cette dame pouvait se livrer à ses occupations habituelles.

Cet état, normal pour une grossesse commençante et qu'aucune circon- stance extraordinaire n'était venue troubler, persista pendant deux mois environ : mais alors, sans cause appréciable, aucune violence extérieure n'ayant agit, sans qu'on pût marquer l'influence de quelque émotion morale, l'utérus prit en quelques jours un accroissement insolite, et qui ne s'accor- dait nullement avec la marche ordinaire d'une grossesse régulière.

En même emps apparut par le vagin un écoulement séro-sanguinolent assez considérable pour que madame X... fût obligée de se garnir, mais qui contenait une très-petite quantité de sang, et qui continua sans inter- ruption jusqu'au moment l'utérus se débarrassa du corps particulier qu'il renfermait. Au reste, aucune douleur ne se fit sentir ni dans l'utérus, ni dans quelque autre point de la cavité abdominale.

Dans les premiers jours du mois d'août, étonnée de la persistance de l'écoulement dont nous avons parlé, madame X... se décida à consulter un médecin, et voici ce qu il fut facile de constater.

Le développement de l'utérus parut énorme pour une grossesse qui était arrivée tout au plus à la fin du quatrième mois.

Son fond dépassait de deux travers de doigt la cicatrice ombilicale.

La forme de cet organe olfrait aussi quelque chose d'anormal : au lieu d'être régulièrement arrondie, elle offrait des bosselures, surtout sur les régions latérales, bosselures permanentes et n'ayant aucune analogie avec celles qui sont dues à des déplacements du fœtus.

Le toucher vaginal fit constater que le col était encore long, mais souple et mou. La lèvre antérieure, considérablement développée, parut le siège d'une lésion préexistante à la grossesse.

La malade assurait percevoir la sensation des mouvements actifs d'un enfant. L'a'uscultation n'ayant pas été pratiquée par la personne qui fut chargée de cet examen, je ne puis rien dire du résultai qu'aurait fourni ce mode d'examen, mais j'ajouterai qu'il est très-probable qu'on aurait perçu un bruit de souffle en tout semblable à celui de la grossesse ordinaire, c'est au moins ce que j'ai pu constater dans quelques autres faits qui se sont présentés à rnon olDservation.

Quelques jours après, dans la nuit du 6 au 7 de ce mois, sans cause provocatrice extérieure, la malade étant couchée, apparurent des douleurs dans le ventre ayant tous les caractères de celles qui accompagnent les conlraclions utérines. L'écoulement séro-sanguinolent, qui n'avait pas dis- continué, devint plus abondant à partir de ce moment.

Le mardi 7, à dix heures du matin, une masse du volume des deux poings était expulsée. A pari quehiues petits caillots qui s'étaient déposés dans les anfractuosités qu'elle présentait, elle était exclusivement formée par des séries do vésicules appendues sur une lige commune et formant des grappes nombreuses.

Ces vésicules présentaient , couime on peut le voir sur la portion du môle que je mets sous les yeux de la Société^ des différences quant à leur

127

forme et à leur volume. Les unes étaient arrondies ou aplaties^ les autres ovcilaires; les plus petites avaient le volume d'un grain de cliènevis , les plus volumineuses celui d'une grosse amande ; les pédicules communs et les plans particuliers qui les supportaient, étaient blancs et très-résislanls.

Les premiers partaient tous d'une membrane, dont il a élé impossible de retrouver la cavité. Les parois de ces diverses vésicules étaient minces et transparentes, mais jouissaient d'une résistance assez grande. Le liquide qu'elles renfermaient était incolore et légèrement visqueux. La persistance des contractions utérines pouvait facilement faire soupçonner que toute la môle n'avait pas été expulsée, el en effet, à trois heures, le môme jour, une nouvelle masse à peu près du même volume que la première fut rendue. Elle offrait d'ailleurs les mêmes caractères.

Quelques heures de calme suivirent son expulsion, mais des douleurs reparurent dans la nuit, et le lendemain, à neuf heures, l'utérus se débar- rassa d'une dernière portion un peu moins volumineuse que les deux pré- cédentes.

A partir de ce moment, la matrice, qui ne renfermait plus rien, cessa de se contracter.

Un écoulement lochial, séreux plutôt que sanguin, s'établit, et fut sur- tout remarquable par son abondance pendant les trois premiers jours. Le quatrième, il avait presque entièrement disparu et le fond de l'utérus était. au niveau du détroit abdominal.

Les phénomènes qui constituent ce qu'on appelle la fièvre de lait appa- rurent comme à la suite d'un accouchement ordinaire, avec celte différence seulement qu'ils se déclarèrent à une époque plus rapprochée de la déplé- lion utérine (c'est-à-dire vingt-quatre heures après), et qu'ils eurent une durée beaucoup moins grande.

Aujourd'hui, cinq jours après l'expulsion de cette môle, la santé de madame X... est aussi bonne que possible, el il est permis de penser que sa santé sera promptement rétablie.

Observation.

Grossesse double. Môle résultant de la dégénération de l'un des embryons.

(A. Berton, Archives générales de médecine, f"^ série, t. XX, p. 120, année 1868.)

Madame X.., déjà mère de trois enfants, devint enceinte vers les pre- miers jours du mois de décembre i 828, mais parmi les signes qui me firent présumer celte nouvelle grossesse, je ne remarquai cependant celte fois, chez elle, ni nausées, ni vomissements, ni appétit extraordinaire, et à l'ex- ceplion d'une dyspnée légère, de quelques palpitations qui survinrent vers la fin de janvier, la santé de madame X... était parfaite.

Le 28 février, celte dame fit une chute en marchant elle avait alors les mains dans les poches de son tablier, el son ventre porta sur le pavé.

Je fus appelé pou de temps après. iMadamo X... se plaignait surtout de plaies contuses légères existant au devant de la rolule gauche el vers

128

les coudes; nulle (race de sang n'avait paru à la vulve ; la paroi antérieure de l'abdomen ne présentait aucune ecchymose, et seulement quelques dou- leurs vagues et faibles étaient ressenties dans le ventre. Une petite saignée, une potion antipasmodique, le repos, la position horizontale, etc., dissipè- rent bientôt jusqu'aux craintes qu'avait causées l'accident récemment arrivé.

Madame X.,. continua à jouir en effet de la meilleure santé jusqu'au 9 du mois d'avril , époque à laquelle elle fut réveillée à huit heures du malin par des douleurs de ventre et de reins. Elle se sentit en même temps mouillée, et reconnut qu'elle perdait du sang. Je ne vis celte dame que l'après-midi, elle mo donna les derniers renseignements que je viens de tianscrire, et m'apprit qu'elle avait éprouvé une grande frayeur il y avait peu de jours. La métrorrhagie était peu abondante, le col de la matrice était entr'ouvert, quelques caillots se présentaient sous le doigt, et de vé- ritables douleurs expultrices avaient lieu, ces douleurs se ralentirent plus tard, et ce ne fut que dans la soirée, vers les neuf heures, que l'avortement eut lieu.

En examinant avec soin ce que la matrice venait d'expulser, je trouvai parmi les caillots de sang deux produits particuliers, dont l'un n'était autre chose qu'un œuf bien conformé.

Le fœtus dégagé de ses membranes offrait les caractères que l'on ren- contre ordinairement du troisième au quatrième mois de la gestation. L'examen du second produit me fit reconnaître un corps assez mou, sous forme de fond de bourre ou godet évasé, et dont la capacité ou la face concave était tapissée par une membrane lisse, ferme, sans apparence de ramifications vasculaires. La face externe de ce corps, plus étendue, était tomenteuse, villeuse dans quelques points seulement, et parsemée, dans le reste de son étendue, d'une infinité de granulations variant, pour la gros- seur, depuis la plus petite tête d'épingle jusqu'au volume d'un grain de chènevis. La couleur de ces granulations paraissait résulter d'un mélange de blanc, de jaune et de rose; leur consistance était ferme, résistante ; elles paraissaient contenir une petite quantitéde liquide transparent. Ce second corps déployé couvrait la paume de ma main ; son épaisseur, partout la même, excepté vers les bords qui étaient amincis et assez irréguliers, était environ de deux lignes ; sa texture présentait en général de l'analogie avec celle du placenta.

Il paraîtrait donc que chez madame M... il existait une double grossesse; que la chute que fit cette dame le 28 février, occasionna la mort de l'un des deux embryons, qui tomba en deliquium tandis que l'autre, ayant ses dépendances propres, continua de vivre et de se développer. 11 paraîtrait encore que plus tard la frayeur éprouvée (en faisant périr le fœtus restant), la présence simultanée d'un fœtus et d'une môle dans la cavité de l'utérus, ou toute autre cause encore moins appréciable, ont déterminé la matrice à ex- pulser tout ce qu'elle contenait.

Enfin laut-il supposer ([uc les membranes du second produit

129

avorté de cette conception double, se soient rompues''pendant le travail abortif et qu'ainsi ait pu se répandre et se confondre avec le sang, le liquide qu'elles renfermaient; ou peut-on croire que lors de la chute et par une rupture semblable l'embryon se soit échappé d'une manière qui a pu être inaperçue?

Je pencherais, ajoute l'auteur, pour le premier de ces deux avis.

Voici maintenant l'observation qui a fourni à M, Ancelet l'occa- sion des réflexions qui lui ont inspiré son mémoire.

Observation.

Expulsion d'un œuf à six semaines. A neuf mois, expulsion d'une môle hyda- toïde. Phénomène semblable chez la sœur du sujet. Caractères spéciaux dfrla môle. (Ancelet.)

Madame P..., de Nampteuil-la-Fosse (Aisne), âgée de 38 ans, est mère de trois enfants: un fils de 17 ans, deux filles de 16 et 14 ans, tous nés à terme et sans que les grossesses aient présenté rien de particu- lier. D'ailleurs, la santé générale antérieure de cette dame ne donna lieu à aucune remarque spéciale.

En février 1 866, elle devient enceinte une quatrième fois. Six semaines après, c'est-à-dire vers la fin de mars, sans cause appréciable, elle fit une fausse couche qui s accompagna d'une hémorrhagie peu abondante, et la malade fut bientôt rétablie.

Violemment éloigné alors de ma clientèle, je ne pus voir le produit de l'avorlemenl ; mais le mari, instituteur très-intelligent, que j'interroge de façon à ne pas dicter ses réponses, m'expose avec une grande netteté que la pièce expulsée avait la forme et le volume d'un œuf de poule, à parois transparentes, laissant voir dans sa cavité un embryon encore mal formé, long d'un pouce environ. Ainsi l'état de l'œuf concordait avec l'âge qui lui était assigné.

Les règles reparurent aux époques habituelles, plus abondantes qu'à l'ordinaire, avec ime durée de deux à trois jours au plus ; il y avait dans l'intervalle un écoulement muqueux accompagné de douleurs lombaires et d'un état de malaise général.

Je fus consulté en septembre. J'appris alors les particularités qui pré- cèdent. Le toucher vaginal fut ajourné par la malyde à une prochaine séance, mais je constatai que l'utérus était médiocrement développé et s'élevait à peu près de quatre travers de doigts au-dessus de la symphyse du pubis. Sa forme, sa consistance, ne présentaient rien d'anormal. Quinze jours auparavant, cette dame avait été consulter le docteur Marcotie, de Soissons, qui avait consiaté un abaissement del'utéru:^, ainsi qu'elle me le dit plus tard ; mais cet habile confrère n'en a conservé aucun souvenir et ne peut me fournir aucun renseignement sur ce sujet.

Les règles, suspendues en septembre, revinrent en octobre à l'époque ordinaire.

CBARPENTIEH. 9

150 -T

Dans la nuit du 14 au 1 5 novembre je fus mandé ; le commissionnaire m'annonçait que madame P.. . avait une perte et qu'après un quart d'heure de douleurs expulsives elle avait rendu quelque chose d'analogue à des œufs de grenouille.

A mon arrivée on me présenta en effet la pièce qui va être décrite.

Pendant la soirée, la malade avait été prise de malaise général et de coliques vagues, qui ne l'avaient point inquiétée. L'utérus atteignait à peine l'ombilic. Depuis mon examen fait en septembre, il s'était accru avec la même lenteur que dans les grossesses précédentes, et elle se croyait encore loin du terme présumé de l'accouchement, en tenant compte sur- tout de l'avortement qui avait précédé. Vers minuit, ces douleurs avaient augmenté d'intensité, étaient devenues expultriees, une hémorrhagie assez abondante avait eu lieu, puis l'expulsion de la môle, à trois heures.

L'hémorrhagie ne présentait plus aucun caractère alarmant. Il y avait un peu d'abaissement ; le col, dilaté comme une pièce de dix centimes, con- tenait des caillots ; l'utérus était notablement revenu sur lui-même, mais encore très-proéminent dans la cavité abdominale.

La malade perdit encore pendant quelques jours une certaine quantité de sang Uquide ou en caillots, mais ne rendit rien qui ressemblât à des débris de placenta ou de membrane caduque. Elle eut un peu de fièvre. Les seins se gonflèrent et donnèrent un peu de sérosité, mais rien de plus, et elle put bientôt reprendre ses occupations. Sa santé s'est complètement rétablie et n'a rien présenté depuis cette époque,

Chose singulière, dix-sept ans auparavant la sœur de cette dame, qui habite les environs de Saint-Quentin, avait rendu une môle que l'on me dit en tout semblable à celle-ci.

La pièce qui est mise sous mes yeux se présente sous la forme d'une membrane irrégulièrement circulaire, à bords déchirés de 25 à 30 cenli- mètres de diamètre au moins, épaisse de quelques millimètres seulement et de consistance fibreuse.

L'une de ses faces, rouge, d'apparence réticulée, présente des prolonge- ments membraneux et filamenteux, et rappelle exactement l'aspect d'une muqueuse détachée des parties auxquelles elle adhère.

L'autre de ses faces, qui attire plus particulièrement l'attention, est tout entière recouverte d'une multitude de kystes d'un blanc légèrement rosé, à demi transparents, un peu opalins, dont le volume varie à l'infini de celui d'une lête d'épingle à celui d'un œuf de pigeon ; ils sont disposés en plusieurs couches superposées, de telle sorte que les plus volumineux sont les plus superficiels. L'ensemble rappelle assez bien l'aspect d'une grappe de raisin, mais un examen plus approfondi va nous démontrer que ce n'est qu'une simple apparence.

Disons tout de suite, pour n'y plus revenir, que des caillots sanguins couvrent cette surface en cerlains points et pénètrent même dans les interstices. Mais ils n'ont contracté avec elle aucune adhérence et peuvent être facilement enlevés.

Les kystes sont uniloculaires, non cloisonnés; ils sont remplis d'un liquide de couleur citrine, transparent, filant, qui ne fut point analysé : il est identique dans chaque vésicule et ne présente pas, dans le voisinage

131

des caillots, la teinte plus ou moins rosée que l'on a constatée dans cer- tains cas.

L'enveloppe est constituée par deux membranes minces, à peu près d'égale épaisseur, contiguës, adhérentes, néanmoins facilement séparables, surtout dans les kystes les plus développés. La face adhérente de chacune d'elles est filamenteuse.

La face externe de la membrane externe, la face interne de la mem- brane interne est lisse, onctueuse, et, à l'œil nu, elles offrent toules deux le même aspect. La surface extérieure de quelques-uns de ces kystes présente un, deux, trois kystes plus petits, mais il y a entre eux simple juxtaposition de leur membrane interne. En effet, en agissant avec précau- tion, on peut les enlever dans leur intégrité, et l'on constate que la tunique externe se continue avec celle de la vésicule la plus considérable, tandis que l'interne est contiguë à la couche correspondante, à laquelle elle adhère plus ou moins intimement, dans une étendue plus ou moins considérable. Aussi souvent que je renouvelle cette expérience, je constate la même dis- position, et jamais une communication réelle entre plusieurs kystes, quel que soit leur degré de développement réciproque. Dans les cas l'on aurait pu croire à une communication, il était aisé de s'assurer qu'il y avait seulement déchirure, car l'une des deux vésicules en expérience était intacte.

La disposition était la même dans les vésicules plus développées qui, comme je l'ai dit, étaient plus superficielles. Elles adhéraient à une vési- cule plus profonde, et cette adhérence se présentait sous trois formes qui étaient évidemment une simple modification, un état plus avancé du mode d'adhérence ci-dessus décrit : tantôt il y avait seulement adhérence en un point de deux sphères contiguës; tantôt ce point d'adhérence s'était al- longé verticalement et formait ainsi un pédicule plein plus ou moins étendu; tantôt, enfin, le pédicule était conique, creux, en communication directe avec la vésicule à laquelle il appartenait ; c'est-à-dire, en somme, que cette vésicule était piriforme ; mais il était aussi oblitéré à sa partie supérieure, et il était aussi impossible de faire refluer le liquide d'une vési- cule dans l'autre.

Outre ce pédicule principal, de difterents points de la périphérie du kyste partaient des filaments très-déliés, très-tenus, qui suivaient diverses di- rections, s'enchevêtraient quelquefois les uns dans les autres, et allaient se rendre, soit à la vésicule supérieure, soit à un groupe de vésicules, en rappelant la disposition des cordages qui unissent un ballon à sa nacelle, si l'on veut me permettre cette comparaison. La plus légère traction, le moindre attouchement mên)e, détruisaient ces adhérences et détachaient les kystes les plus développés. Envisageant cet amas de vésicules d'une ma- nière générale, en tenant compte du fait dominant, on pouvait distinguer cet enchevêtrement en trois couches assez mal délimitées, il est vrai, l'une plus superficielle, composée en gén(''ral de vésicnles très-développées, moins nombreuses, facilement séparables, la plus profonde composée d'un nombre infini de vésicules plus petites, très-adhérentes, et enfin, une couche intermédiaire par sa position et le développement des parties qui ]a constituaient.

132

La dernière couche couvrait en tolalité la membrane kystifère. En écar- tant ces derniers kystes, on constatait dans les interstices une ligne de démarcaUon.

11 n'y avait absolument rien qui rappelât la forme d'une tige centrale d'un pédoncule commun, autour duquel les vésicules eussent été groupées.

En réalité, elles n'étaient point racemosœ, elles étaient pendulœ.

Aucune trace d'embryon ou départies d'embryon.

DE LA MOLE HYDATOIDE.

(Ancelet, Gasetle des hôpitaux, ianx. 1868.)

Les môles hydatoïdes sont rares. Sur 20375 accouchements à la Maternité, madame Boivin n'en a rencontré qu'un cas, et un dans sa clientèle privée.

L'auteur cite ensuite l'observation ci-dessus et en résume ainsi les principaux points :

Expulsion à six semaines d'un fœtus revêtu de ses membranes.

Développement de l'utérus beaucoup moins prononcé que dans la grossesse ordinaire, contrairement à ce quia été noté dans la plu- part des cas.

Vers l'époque terminale de la grossesse, expulsion d'une môle vésiculaire.

L'auteur se pose les questions suivantes :

Quel rapport y a-t-ii entre l'avortement et la môle ? y a-t-il eu double fécondation simultanée, l'un des deux œufs s'étant nor- malement-développé et ayant été expulsé avant terme par suite de la présence de l'œuf anormal ?

Y a-t-il eu deux fécondations successives, celle qui a donné naissance à la môle étant postérieure à l'avortement ?

Y a-t-il eu une seule fécondation ; le fœtus et la môle faisaient-ils partie du même œuf, et dans ce cas la coque qui entourait l'em- bryon était -elle l'amnios seulement, auquel cas le chorion serait devenu le siège des vésicules. La coque représentait-elle l'amnios et le chorion, et faudrait-il chercher ailleurs la membrane qui sert de substratum aux vésicules ? C'est à cette dernière hypothèse que s'arrête l'auteur, et il fait de la maladie une maladie non plus du chorion, mais une affection spéciale de la caduque.

Siiivons-ledonc dans l'exposition de ses idées qui, on le voit, sont en désaccord avec les idées que l'on pourrait appeler classiques.

Quel est le siège, quelle est la nature de ces différentes produc- tions?

Cest ici que se trouve l'historique dont nous avons parlé plus haut.

133

Pour H. Cloquet, ce sont des acéphalocystes ; Percy, qui adopte ces idées, prétend même les avoir vus se mouvoir.

Nous avons vu plus haut quelles sont les idées de madame Boivin.

Velpeau, Desormeaux, Robin, leur assignent comme siège unique le chorion, mais chacun, comme nous l'avons vu, avec des idées ditférentes.

Bidlos, Vallionieri, Sœmmering, placent le siège dans les vais- seaux lymphatiques.

Reuss, Bartholin, Muller.dans les vaisseaux sanguins. Cruveilhier admet non-seulement l'oblitération de distance en distance des vaisseaux sanguins, mais il lui faut pour l'expliquer une altération des parois vasculaires qui les ramène au type celluleux.

Ruysoh les attribue à l'accumulation de sérosité dans le tissu cellulaire qui unit les tuniques vasculaires, par suite de laquelle la cavité des vaisseaux s'efface et s'oblitère. Quant à Robin, nous avons exposé ses idées en détail dans l'analyse de la thèse de M. Cayla.

Cette opinion est partagée par Mattei, Cazeaux, Courty, Joulin, Martin Saint-Ange.

Si la théorie de Robin est vraie, dit M. Ancelet, les vésicules doi- vent avoir pour siège constant la surface utérine du chorion. Or, sur 47 observations recueillies par l'auteur, 7 seulement entrent dans celte catégorie : elles sont dues à Albinus, Mercatus, Coste, Leray, Dufour et Martin Saint-Ange.

Les vésicules siégaient-elles bien à la face interne dans le cas de Gardien, dans l'un des cas de Martin le jeune? Cela est au moins discutable. Gardien dit : « Le sac ouvert à l'étendue de la main, les corps grenus qui entourent la membrane se détachent succes- sivement. »

Cruveilhier écrit : En écartant les vésicules, on arrive à une membrane transparente; c'est le chorion. Sous le chorion très-ténu est l'amnios. Et pourtant il ajoute : Le chorion et l'amnios sont sains, mais plus intimement unis que de coutume.

Les vésicules adhèrent à une membrane dont il est impossible de déterminer la cavité dans l'une des observations de Martin le jeune, dans celle d'Ancelet, de Depaul. Elles sont suspendues à l'intérieur d'un sac membraneux dans les faits de Leray , Lo>ius, Percy, Bremser, Malichecq, Tarneau, Dardignac, Fauconneau-Du- fresne, Leclerc, Melcieul, Labrousse, Valeriola,Chevelier, Souville, Stelpart, van den Will.

Melcieul dit bien qu'elles adhéraient à la paroi de l'amnios ; mais

^134

il ajoute que le placenta, le cordon, les membranes étaient dafis leur état normal.

Dans quelle catégorie ranger le cas suivant de Martin le jeime : Expulsion d'un placenta volumineux dont les membranes sont intactes. On remarque dans son épaisseur, tant à la surface qu'à son intérieur, un grand nombre de vésicules, ayant la forme d'une grappe de groseilles, séparées par des bandelettes de tissu spongieux de ce corps ainsi dégénéré. En le divisant, on ne trouve aucune trace d'embryon dans sa cavité qui est remplie par deux hydatides plus grosses que les autres.

Pelvet a eu l'occasion d'observer la môle encore contenue dans l'utérus; les vésicules étaient couchées sur les parois de l'utérus, fixées à la face interne par une de leurs extrémités.

Morgagni avait rencontré la même chose chez une chienne.

Elles adhéraient à l'une des faces du placenta (Haller, Morgagni, Leblanc, Villiers, Cruveilhier) ;

Ou à un corps que l'on peut considérer comme le placenta et que les auteurs considèrent comme un placenta dégénéré (Nauche); des chairs confuses (Mauriçeau) ; du tissu analogue à un morceau de foie (Millot); une masse fibrinense (Carteaux); des masses un peu parenchymateuses, bulbeuses (Bourguin); du tissu charnu spon- gieux, vasculaire, friable (Bienfait, Garnier, Debourge, Gibert); une membrane ténue, adhérente à des masses semblables à un pla- centa multilobé (Dardignac).

Lecierc les a trouvées adhérentes à une masse de couleur et de consistance du placenta, mais distincte du placenta auquel elle était attachée par plusieurs filets rouges liés ensemble au moyen d'une membrane commune.

On peut conclure de ces opinions que si les vésicules ont été quel- quefois rencontrées à la surface extérieure de l'œuf sur le chorion, elles attenaient beaucoup plus souvent à une membrane adhérente à l'utérus qui n'est pas le chorion, et qu'elles étaient pendantes dans la cavité utérine.

En examinant ensuite les arguments tirés du mode de ramifica- tion des grappes, H. Cloquet dit qu'elles naissent latéralement et d'une manière alterne, à droite et à gauche, en avant et en arrière-d'un pédoncule commun ;

Millot parle de longues queues, à chacune desquelles tiennent 8 ou 10 vésicules par de petits pédicules.

Selon Destrez (de Vailly), elles sont appendues à un pédicule commun;

SuivantFranche, aux ramifications multipliées d'une tige centrale;

^^135

- Et, selon Villiers, à des pédicules très-tins, qui se rendaient à d'autres pédicules plus tins, insérés sur des rameaux communs qui se rendaient à un centre plus massif.

Depaul dit qu'elles étaient appendues à une tige commune et formaient des grappes.

Gibert parle aussi d'un pédicule formé de tissu cellulaire. Est-ce pédicule ou membranequ'il faut dire?

Luys dit que chaque dilatation vésiculiforme est constituée soit par un renflement termirial des villosités, soit par des dilatations successives et placées à la tile de la cavité même de la villosité. Elles sont séparées par des espèces d'étranglements qui leur forment des collets. En général, elles ont un pédicule étroit qui les relie à la masse de la villosité. D'autres se continuent avec elle par une large base d'implantation.

Cruveilliier, d'un autre côté, dit qu'elles présentent deux, trois, quatre, cinq pédicules, de sorte qu'il n'y a pas de grappes à pro- prement parler, mais des espèces de réseaux formés par des vési- cules liées entre elles au moyen de filaments grêles et fragiles.

Haller dit que les vésicules naissent les unes des autres, les der- nières attachées à un pédicule.

Selon Garnier, les vésicules sont liées entre elles de façon à pié- senter la forme de grappes ou de chapelets.

Et, suivant Pelvet, elles forment des chapelets couchés à la face interne de l'utérus. Une grande vésicule est, le plus souvent, le point de départ des autres. Sur sa partie renflée, elle donne nais- sance à plusieurs petits prolongements filiformes, qui se terminent par des vésicules plus petites. La même subdivision peut se répéter cinq à six fois, et donner naissance à de longues grappes.

Donc, à mesure que la description devient plus précise, il n'y a pins de grappes, il y a un réseau. Les vésicules ne sont plus rami- fiées autour d'un axe comnmn, elles sont seulement appendues, attenantes les unes aux autres et, finalement, à une membrane commune. Seulement, dans l'observation de M. Âncelet, les vési- cules les plus volumineuses étaient les plus superficielles.

Ceci, on le voit, se rapporterait à la description de M. Cayla, que nous avons citée plus haut.

M. Ancelet admet deux modes d'adhérence des vésicules, dont le développement est, d'une manière générale, proportionnellement inverse : un pédicule et des filaments.

Le pédicule, dont le diamètre est d'autant plus grand que-la vésicule est moins développée, représente, dans ces cas, un simple rétrécissement circulaire, et est constitué, par la juxtaposition, la

136

fusion plus ou moins intime delà membrane interne des deux vésicules adjacentes.

Quand les vésicules se développent, l'adhérence diminue d'é- tendue, et les vésicules prennent l'aspect piriforme, puis elles ten- dent à se détacher, restant quelquefois retenues par un pédicule fibro-cellulaire qui finit par se rompre. A mesure que ce travail de séparation progresse, les filaments apparaissent, s'isolent de plus en plus.

Les vésicules communiquent-elles entre elles? Vallisnieri l'admet, ainsi que Cayla. Shrokius les avait insufflées; d'un autre côté, M"'' Boivin le conteste, mais pas d'une façon absolu^.43tttre, Cru- veilhier, semblent l'admettre. M. Ancelet, quia cherché cette com- munication, ne l'a point constatée.

Quant à la structure, pour Cruveilhier, la membrane du kyste est constituée par un seul feuillet, dont la transparence laisse voir une disposition réticulée parfaitement indiquée.

Pelvet l'a trouvée uniquement formée de granulations molécu- laires.

Selon Luys, elle est fibroïde, formée d'un accotement très-uni de fibres fusiformes dont les noyaux sont, la plupart, étouffés par un développement exubérant de granulations graisseuses ; pas de vaisseaux dans l'épaisseur des parois.

Nous avons vu l'opinion de M"'' Boivin, celles de Robin et Cayla.

De toutes ces opinions, M. Ancelet conclut que la science n'est pas encore faite sur ce point, et il arrive à cette conclusion :

Les vésicules sont pendantes dans la cavité utérine; elles siègent sur une membrane qui tapisse, tantôt les parois de l'utérus, tantôt les membranes de l'œuf. Elles ont donc pour siège la caduque directe ou réfléchie. On peut admettre que, sécrétées par les glandes de la muqueuse utérine, elles poussent devant elles la couche la plus superficielle de cette muqueuse qui recouvre ainsi l'ensemble des vésicules, et qui, moins extensible, cède et se désa- grège en filaments. A l'état normal, cette couche entoure les villo- sités et leur sert de gaine ; on la retrouve donc à la surface des vil- losités choriales normales. Les observations microscopiques de Sirelius, de Helsingsfords, sur les modifications des éléments qui composent la muqueuse utérine pendant la grossesse, permettent cette manière de voir.

ftl. Ancelet croit donc pouvoir, mais, comme il le dit sous toutes réserves, se résumer de la façon suivante :

Les môles hydatoïdes sont une altération particulière de l'une des faces de la membrane caduque produite sous l'influence de

137

l'imprégnation, consistant en la production par poussées succes- sives par un travail exogène, de vésicules indépendantes, adhé- rentes les unes aux autres, revêtues d'une membrane commune, tendant à s'isoler à mesure qu'elles se développent. Âncelet [Gazette des hôpitaux, 1868).

M. Ancelet revient donc à l'idée des auteurs qui considéraient la môle hydatique comme une maladie de la caduque et non du cho- rion, erreur bien évidente, puisque le siège est dans les villosités choriales.

Mais n'y a-t-il pas encore d'autres opinions, qui, tout en admet- tant le siège dans les villosités, différeraient cependant sur la nature de la maladie? Si. M. Virchow, dont les idées sont adoptées par toute la jeune école micrographique, a sur ce point des idées très- arrêlées sur lesquelles nous allons insister un peu longuement. Pour lui, il n'y a pas, à proprement parler, hydropisie des villosités choriales. Ellessont bien encore malades, ce sont bien elles qui sont le siège de la maladie, mais cette maladie est constituée par l'hy- perplasie du tissu muqueux préexistant, et il lui donne le nom de myxomedes villosités du chorion.

Quelques détails ne seront pas inutiles pour faire comprendre les idées de Virchow, qui sont, nous le répétons, partagées par MM. Gor- nil, Ranvier, Damaschino et autres jeunes micrographes.

Voici quelles sont pour Virchow les différentes bases sur les(iuelles il établit son système sur le développement des tumeurs :

Développement aux dépens d'éléments du sang (tumeurs par extravasation et p^r exsudation) ;

Développement aux dépens de substances sécrétoires, tumeurs par dilatation et par rétention ;

3" Développement "par voie de prolifération du tissu, excrois- sances, pseudoplasmes, tumeurs proliférantes ([u'il subdivise en tumeurs histioïdes, organoïdes, tératoides ; h" Tumeurs complexes.

Eiitin, les tumeurs proliférantes se divisent en deux séries paral- lèlles, suivant leur homologie ou leur hétéromorphie, c'est-à-dire suivant la persistance ou la destruction du tissu originaire.

C'est parmi les tumeurs dues à une prolifération du ti.ssu mu- queux, c'est-à-dire parmi les myxomes qu'il range les môles liy- datiques, qu'il appelle myxome des villosités du chorion.

Le tissu muqueux existe à un haut degré dans le tissu du cordon ombilical que l'ori a appelé gélatine de Wharton ; on le rencontre encore dans d'autres endroits chez le fœtus, eton pourrait le nommer tissu graisseux imparfait, car il se transforme plus tard dans la plus

Î58

part des cas en tissu graisseux, soit que ses cellules se remplissent simplement de graisse, soit qu'elles prolifèrent d'abord et forment ensuite des lobules de graisse, mais il n'en est pas moins vrai qu'il a une individualité propre, et doit être distingué comme une espèce particulière de tissu.

L'exemple le plus typique de la production des tumeurs de ce genre se trouve déjà dans le développement primitif du fœtus dans les membranes de l'œuf. C'est ce qu'on a décrit sous le nom de môle hydatique vésiculaire, cystique, et que Virchow appelle myxome des villosités duchorion.

Cet état pour lui se rencontre presque sans exception dans l'œuf humain lors d'un avortement, tandis qu'il est rare de l'ob- server dans l'accouchement à terme. Le cas le plus ordinaire est l'expulsion d'une grosse massequi, au premier coup d'œil, ne semble consister qu'en un mélange de sang et de vésicules de grandeur variée. En enlevant les caillots de sang, on voit les nombreuses vésicules réunies en grappes, de telle sorte que chaque vésicule a un pédicule et que lesgrosses vésicules dorment à leur tour, sur leur surface, insertion à de plus petites également pédiculées et portant à leur tour de nouvelles vésicules.

De grandes grappes de ces vésicules s'insèrent enfin par de gros pédicules au chorion, quelquefois dans toute son étendue, souvent seulement à l'insertion placentaire. L'idée que ces vésicules sont de véritables entozoaires est facilement renversée par le rapport orga- nique indubitable de ces produits avec l'expansion membraneuse du chorion.

Longtemps on a admis avec Ruysch que ces vésicu'es provenaient d'une transformation des vaisseaux, mais lorsqu'on connut le paren- chyme des villosités, on commença à y chercher le siège des altéra tiens.

Grashuis semble avoir rapporté le premier les vésicules au tissu cellulaire. Les observateurs plus récents ontbeaucoup hésité à savoir s'ils devaient rapporter la dégénérescence au tissu même, à la tige des villosités ou à leur revêtement, et dans le premier cas, s'ils devaient regarder comme point de départ de l'altération les élé- ments celkdaires plutôt que le tissu tout entier.

Velpeau, le premier, démontra que les prétendues hydatides ne sont pas des vésicules dans le sens ordinaire du mot, que l'état des villosités ressemble bien plutôt à une éponge imbibée de liquide.

Joh. Mùller disait n'y trouver aucun kyste, mais des grosseurs pleines.

Gierse et H. Meckel démontrèrent avec plus de précision qu'il

139

existe une hypertrophie des villosités avec œdème, qu'ils considé- raient comme secondaire.

Henrich Mûller, au contraire, plaça le début de l'affection dans le revêtemcDt externe des villosités, dans le soi-disant exochorion qui s'épaissit et donne lieu à la formation, dans son intérieur, de cavités qui se recouvrent plus tard d'une couche fibreusede l'endo- chorion.

Mettenheimer, enfin, dont l'opinion est adoptée par Pajet, admit une transformation en kystes des cellules contenues dans l'intérieur des villosités, et les excroissances de celles-ci étaient pour lui le point de départ de l'agencement ultérieur sous forme de grappe.

Ces contradictions s'expliquent, suivant Virchow, par la connais- sance incomplète de la structure des villosités du chorion.

Virchow a montré le premier que les Ji'illosités hypertrophiées de la môle hydatique, aussi bien que les villosités normales, consistent en un prolongement du même tissu muqueux qui forme la gelée du cordon ombilical, que les villosités ne sont formées que de deux parties essentielles : un revêtement épilhélial (exochorion), et un substratum ou corps de tissu muqueux (endochorion), qui non vascularisé d'abord, renferme plus tard des vaisseaux. Quant aux proliférations de l'épithélium, telles que Henrich Mtiller les regardait comme le point de départ de la production des kystes, Virchow les reconnut pour être l'expression régulière du début de tout veloppement même normal. Quelque temps après suivait le déve loppement sous forme de bourgeon du corps de la papille ou vil- losité. Seulement, ce n'est que dans cette dernière partie et non dans l'épithélium* que se passe la transformation particulière qui conduit à la production du môle.

On a en effet rencontré ces productions sur d'autres parties des enveloppes de l'œuf. Ruysch en a vu daus le cordon ombilical^ Virchow aussi.

Dans le principe, Fœuf entier est garni de villosités, mais celles qui correspondent au placenta se développent seules, les autres restent stationnaires ou suivent une marche régressive ; mais lors- qu'il se développe de très-bonne heure, c'est-à-dire dans les premiers mois de la grossesse, un état pathologique, il arrive que toutes les villosités entrent en prolifération et deviennent hyperplasiques. D'ordinaire, alors survient l'avortement, mais il peut arriver aussi que la prolifération progresse et que l'œuf entier soit garni d'hyda- tides tout à l'entour; d'autrefois, au contraire, le placenta se déve- loppe normalement, mais un rameau quelconque de villosités situé en dehors devient hydatique. Cela, il est vrai, est très-rare, il est beau-

140

coup plus ordinaire que la maladie se limite à la place occupée par le placenta ou qu'elle ne frappe même dans l'étendue de celle-ci qu'un ou quelques cotylédons.

Dans tous les cas, l'affection débute sous forme irritative par une multiplication de noyaux et de cellules. Que les choses restent à l'état simplement hyperplasique ou qu'il en résulte un état hyda- tique, dans l'un ou l'autre cas, il n'est rien de plus ordinaire que de trouver des cellules isolées munies d'espaces tranparents vésicu- kires, ce sont les cellules que Virchow a appelées physaliphores. On les rencontre aussi bien dans l'épithélium que dans le paren- chyme des villosités, mais elles n'ont pas de corrélation avec la môle vésiculaire, et Hewitt a montré que l'accroissement réel des villosités a lieu en dehors de ces cellules. La marche du travail morbide répond en tous cas à ce qu'on a décrit comme métamor- phose muqueuse de cellules, et Virchow ne nie pas que quelques cellules ne disparaissent ainsi et ne puissent également se résoudre en mucus. Mais d'autrefois, elles disparaissent par métamorphose graisseuse ; d'autrefois enfin elles persistent en grand nombre, et la principale accumulation de mucus se fait dans le tissu inter- cellulaire. Partout la substance inlercellulaire consiste dans sa plus grande partie en mucus, le tissu prend l'aspect d'une masse cystique relativement liquide. au contraire se forme une grande quantité de parties fibrineuses, l'apparence est plutôt celle d'une simple hypertrophie ou plus exactement d'une hyperplasie.

Ainsi se forment ces tumeurs. Une villosifé dont le diamètre normal est peut-être à peine d'une demi-ligne, peut alors atteindre un demi-pouce et au delà. Plus elle augmente de volume, plus elle revêt nettement les caractères du tissu muqueux.'EUe devient gélatiniforme, claire, transparente; et, lorsqu'on y lait une piqûre, 1 s'en écoule un liquide filant qui donne les réactions de la mu- cine. L'aspect vésiculaire dépend donc principalement de la déli- catesse du tissu rempli de liquide.

Ce développement n'est pas lié à l'existence des vaisseaux, mais ceux-ci existent d'ordinaire lorsque la maladie ne se développcqu'à une période tardive de la grossesse. Il arrive môme quelquetois que les vésicules deviennent le siège d'un développement extrême- ment riche du réseau capillaire. Mais, d'ordinaire, les vaisseaux manquent au moins dans les œuls provenant des premiers mois de grossesse se produit très-souvent l'hydropisie de l'amnios, et l'embryon même s'atrophie et meurt par suite de la maladie , qui suspend par conséquent toute ciiculation.

Cela explique les différentes descriptions des auteurs, les trois

141

variétés de môles hydatiques, et ce ne sont que de simples degrés d'une seule et même lésion qui va depuis les simples vices de con- formation jusqu'à la destruction complète du fœtus et du cordon.

L'altération des membranes est-elle l'effet ou la cause de la des- truction de l'embryon ?

La plupart des auteurs modernes se sont prononcés en laveur de la priorité de la maladie des membranes, et regardent l'atteinte du fœtus comme secondaire et consécutive.

Hewitt est revenu à la première théorie; et la première est la la vraie; car personne n'a montré jusqu'à présent la croissance continue du placenta retenu après la naissance de l'enfant. Les vil- losités restent intactes; et, de plus, les états en question se rencon- trent aussi bien dans les môles carnifiées ou sanguines que dans les môles hydatiques; mais il est ici très-vraisemblable que la pro- duction du myxome n'est pas le phénomène secondaire, mais bien l'hémorrhagie qui produit la soi-disant môle carnifiée.

Enfin, et c'est un argument capital, c'est qu'il y a des myxomes partiels du placenta chez des enfants bien développés morts seulement dans les derniers temps de la grossesse.

La lésion des membranes est donc la lésion primitive; mais il faut en chercher le point de départ dans une irritation transmise par l'une des faces utérines ou directement par le sang de la mère. Un argument en faveur de celte opinion, c'est que chez les femmes qui accouchent plusieurs fois de môles hydatiques, la caduque porte des traces évidentes d'épaississement inflammatoire, et même parfois, comme Virchov l'a vu, de petites excroissances polypeuses. S'il existe une endométrite plus ou moins étendue, la surface en- tière de l'œuf se trouve poussée vers l'accroissement, et si l'accrois- sement des villosités est très-considérable à une époque l'em- bryon est très-petit, si chacune d'elles donne lieu à une véritable tumeur, celle-ci acquerra un caractère indépendant parasitique. Non-seulement les villosités enlèveront à l'embryon les matériaux de nutrition qu'elles devaient lui transmettre, mais celui-ci lui-même étantdétruit, ellespeuventencore confirmer à exister comme parties vivantes, et fournissent ainsi un exemple parfait d'une tumeur véri- tablement parasitique, devenue étrangère même au corps de la mère^ hétérolo(jue , et cependant procédant de celui-ci.

Ainsi donc, on peut ranger sous deux grandes divisions la môle hydatique :

Les uns voulant en faire une maladie de la caduque; cette opi- nion, nous l'avons vu, n'est plus admissible.

U2 ~

Les autres voulant, avec Robin, en faire une liydropisie des vil- losités.

Les autres, avec Virchov, simplement le développement exagéré du tissu normal de la villosité.

D'accord tous deux pour placer la lésron dans les villosités, ils diffèrent en ce que Robin voit un véritable liquide Virchow ne voit qu'une prolifération des cellules du tissu muqueux normal, et une apparence de liquide en réalité il n'y en existerait pas.

Laquelle de ces opinions est la vraie? Laquelle est la bonne? Question, pour nous, impossible à résoudre, et qui ne permet de constater qu'une seule chose, c'est que encore c'est la lésion des membranes qui produit la mort et la disparition souvent complète de l'embryon, qui, par conséquent, est la lésion primitive.

Symptômes et diagnostic. C'est encore à M. Depaul que nous empruntons cette partie de notre travail.

Dans la môle vésiculaire, le diagnostic de la maladie est rendu plus obscur encore que celui des autres maladies du placenta, par la rareté même de la maladie. Cependant tous les auteurs s'accor- dent à constater trois signes qui se rencontrent généralement dans cette affection, mais qui peuvent manquer cependant, au moins en partie. Ce sont :

Le développement rapide et exagéré du ventre, peu en rapport avec le terme de la grossesse, de petites hémorrhagies avec quelques caractères particuliers.

Enfin l'expulsion de vésicules hydatiformes en plus ou moins grand nombre.

W^^ Bolvin signale, dans une de ses observations, le développe- ment du ventre qui indiquait une grossesse de sept mois, quoique la femme ne fût enceinte que de trois mois et demi.

M. Depaul, dans l'observation que nous avons citée, a observé le même phénomène. Il en a été de même de la malade qui lui a fourni l'occasion de faire sa leçon clinique.

Pourtant il n'en est pas toujours ainsi, et l'utérus, après s'être développé, reste stationnaire ou suit la marche ascendante nor- male.

Voyez observation de Boivin. Observation de Brachet.

Les hémorrhagies sont beaucoup plus fréquentes; on doit, de plus, remarquer, dit Levret, que la terminaison de cette fausse gros- sesse est souvent précédée, accompagnée ou suivie d'une héraor rhagie, tandis que dans les autres espèces il n'y a jamais de pertes de sang.

D'après Percy, il existe une alternative de petites pei'tes rouges et

143

aqueuses, qui commencent, chez la plupart des feiiimes, dès le deuxième mois, et se continuput, à de plus ou moins longs inter- valles, jusqu'à ]a parturition.

Gardien ajoute que l'expulsion des hydalides est ordinairement accompagnée d'hémorrhagies et de syncopes.

M. Depaul a observé cette particularité chez une de ses malades^ en 18Zi9; il en a été de même dans sa dernière observation.

Quant au troisième signe, ce serait, ainsi que le disent les auteurs du Dict. en 30 vol., le signe pathognomonique ; malheureusement il est très-rare, et s'il se rencontre, c'est généralement peu de temps avant l'expulsion de la masse entière et s'il vient éclairer le dia- gnostic, il n'est plus temps pour l'accoucheur d^^ proiitei' de cette indication, si tant est qu'il puisse en profiter. Le diagnostic basé sur ces signes est bien difficile. Le premier de ces signes, le développement du ventre, appar- tient aux fausses grossesses et aux kystes de l'ovaire.

Le deuxième donnerait à penser à un cancer du col ou à une insertion vicieuse.

Le dernier, nous l'avons vu, est rare ou trop tardif dans son ap- parition.

II faut donc, pour que le diagnostic soit possible, que les pre- miers signes soient réunis et se présentent dans les premiers mois de la grossesse, le développement de l'utérus est plus sensible ment apprécié, et l'insertion vicieuse du placenta ne donne pas encore lieu à ces pertes fréquentes qui accompagnent cet état dans les derniers mois.

Les anciens, qui ne considéraient pas toujours la môle comme un produit de conception, disaient que les mamelles ne se gonflaient pas; il n'en est rien. (Observation de Cartereau, ^r^-Z^ws c?e me- decine, 182i, il y eut montée de lait très-abondante.)

La femme ne sent pas remuer ; ce fait est contredit par les faits de môles l'enfant est vivant et a terme.

L'utérus ne présente pas d'inégalités; il n'en est rien non plus. Observation de Depaul, utérus bosselé d'une façon permanente, pas d'analogie avec les déplacements du fœtus.

Enfin, la môle peut être accompagnée de tous les signes delà grossesse, nausées, vomissements, etc.

Pronostic. Envisageons-le à deux points de vue : la mère et l'enfant.

Pour la mère. Assez grave; il y a des exemples nombreux la mère a succombé, mais ce n'est pas le développement de la môle qui produit ces accidents, ils sont la suite des pertes, et le seul

1Û4

exemple H mort puisse être attribuée directement à la môle est celui de rupture utérine cité par madame Boivin.

Les pertes, au début légères, ne prennent de gravité, en général, que vers la fin de la grossesse et surtout au moment de l'expulsion.

De toutes façons, la femme reste exposée aux suites fâcheuses des hémorrhagies.

Il y a dans la science des exemples de" femmes ayant produit plusieurs fois de suite des môles vésiculaires. Observation citée par Depaul trois fois de suite, mais il ne s'ensuit pas qu'une femme ayant produit des môles ne puisse dans la suite mener à bien une autre grossesse. Des femmes ayant eu des enfants bien portants produisent une môle aussi bien que celles qui ont produit une môle peuvent devenir mères.

Pour l'enfant. Toujours grave. Dans les deux premières formes, l'enfant est liquéfié ou mort; dans la troisième, il naît tou- jours cliétif, malingre, et par conséquent dans de mauvaises condi- tions d'existence.

Traitement. Se borne donc à traiter l'hémorrhagie comme accident de la grossesse. Moyens généraux et expectalion si elle est légère, tamponnement si elle est grave ; la conduite ne doit pas changer lors même qu'il y a expulsion de quelques vésicules pen- dant la gestation. Lorsque le travail est commencé et l'hémorrhagie grave, tarapormer encore si l'on ne croit pas pouvoir extraire le produit hydalique ; si au contraire ce résultat peut être obtenu, ce sera soit aux mains, soit à la pince à faux germes qu'il faudra avoir recours. Exemple heureux de Levret.

Nous ne voulons pas, bien entendu, étudier ici ce que les anciens étudiaient sous le nom de môles charnues, nous voulons seule- ment rapprocher des môles deux faits qui auraient peut-être été mieux placés à propos des maladies du placenta et des transfor- mations consécutives qu'il peut subir dans l'intérieur de l'utérus.

Les titres qui sont donnés par M. Devilliers aux réflexions dont il fait précéder son observation et celui donné par M. Guichard à son observation même, feront peut-être comprendre que nous les ayons intercalés ici.

Hypertrophie et tranformation morbides des membranes ovariennes.

Dans quelques circonstances l'œuf fortement altéré par la maladie n'est pas expulsé et séjourne un certain temps dans l'uté- rus, il acquiert, la plupart du temps, une densité, des dimensions plus grandes, et ressemble véritablement à une masse charnue,

145 -^

épaisse, plus ou moins consistante, qui constitue ce qu'on appelle môle.

Si l'œuf qui a cessé de vivre sans être chassé hors de l'organe a conservé avec l'utérus quelques relations vasculaires, ses mem- branes ou une partie du placenta peuvent continuer à être nourris et croître; cela a lieu à plus forte raison quand le fœtus a péri seul et que les annexes jouissent encore de la plus grande partie de leurs connexions vasculaires. Les annexes subissent alors une véritable hypertrophie, par suite d'une nutrition irrégulière.

Meissner, Velpeau, pensent que la môle est toujours ou presque toujours le résultat d'une véritable hypertrophie de l'œuf.

On voit, dit Devilliers, que pour moi^ non-seulement la môle peut provenir d'une hypertrophie de quelque partie de l'œuf, mais qu'elle peutencore être constituée par un œuf ou les débris d'un œuf malade, conservé pendant plus ou moins de temps dans l'utérus et transformé en une masse compacte, tant par l'infiltration des liquides que par la compression des parois utérines contractées. Comme pendant les deux premiers mois, c'est la caduque qui est le plus développée, se serait elle qui, grâce surtout à ces altérations dont nous avons parlé, constituerait la môle; plus tard ce serait le placenta.

Quant à l'opinion qui a fait attribuer la môle ou le faux germe à une fécondation ou une conception imparfaite et irrégulière dès leur origine, il faut en faire justice.

Cette opinion est partagée par Velpeau.

Devilliers cite, à l'appui de sa manière de voir, l'observation suivante :

Observation.

Môle. Rendue à huit mois. Sans cause connue.

Le corps rendu est piriforme et représente la figure de la cavité utérine. Du volume d'une grosse poire, il est recouvert d'une membrane cellulo- vasculaire peu adhérente aux parties sous-jacenles; son tissu incisé res- semble à celui de la rate et offre comme lui des ouvertures vasculaires béantes j au centre, existe une cavité sans ouverture, étroite, oblongue, qui divisait la môle inlérÏBurement en trois lobes inégaux, deux petits et un grand. Elle contenait un peu de liquide cilrm, et sa paroi libre semble fournie par une seule memijrane ndliérenleau tissu. Extérieurement, à l'ex- trémité la plus rétrécie, existait une espèce de pédicule épais, court, repré- sentant une section assez nette, et parcouru dans sa longueur par deux ou trois vaisseaux volumineux. N'était-ce point le seul endroit par lequel cet œuf dégénéré avait conservé des relations vasculaires avec l'utérus?

CHARPENTIER. 40

146

La membrane externe avait de l'analogie avec la caduque utérine, et la masse charnue pouvait avoir été formée par la caduque réfléchie et les autres parties dont on ne retrouverait aucune trace indistincte.

Observation.

Fausse môle de nature peu connue.

(Guichard, médecin à Troyes, Archives générales de médecine, ann. 1863, t. II,

p 841.)

Le 1 ®'' octobre 4 862, je suis appelé auprès d'une femme de la campagne, madame B. L..., propriétaire à Sainte-Sabine, près Troyes. 4 la suite de douleurs expultrices comme dans l'avortement, une sorte de tumeur s'est échappée à travers la vulve et reste pendante au dehors. Dès la veille, la malade, effrayée de cette procidence inattendue, s'était efforcée de la refouler; mais elle venait de faire irruption au dehors. Une odeur de gan- grène, un icHor fétide l'accompagnent. La femme se croit perdue et l'on m'envoie chercher en toute hâte.

J'avais vu quelques jours auparavant cette femme qui m'appelait de loin en loin pour combattre des douleurs dans les lombes, les hanches, et qui s'étendaient jusque vers les cuisses. Depuis un an il y avait à chaque époque menstruelle des hémorrhagi ?s utérines qui se prolongeaient presque jusqu'à l'époque suivante, ne laissant qu'un intervalle de quelques jours pendant lesquels une leucorrhée très-abondante prenait la place du flux sanguin. Une douleur dans le bas-ventre et ta région inguinale gauche avec des envies fréquentes d'uriner, et la suspension de son hémorrhagie presque habituelle, avaient précédé de peu de jours l'apparition de la tumeur. Les douleurs ordinaires étaient devenues presque intolérables, et la malade -croyait encore à des accidents de ménopause. Elle a quarante ans. Elle me racontait que depuis sa dernière couche, qui remontait à quatorze ans et qui était gémellaire, elle avait toujours souffert dans le bas- ventre, que la sage-femme qui l'avait accouchée avait introduit la main dans l'utérus pour la délivrer à cause d'une perte inquiétante, que les pla- centas avaient été extraits; mais qu'elle supposait qu'on n'en n'avait pas enlevé la totalité, à cause d'une sensation de déchirement qu'elle avait ressentie et de cette pesanteur interne avec douleurs qui datent de cette époque. A partir de ce temps elle avait éprouvé une grande difficulté à marcher, à porter des fardeaux; des coliques violentes l'assaillaient quel- quefois au milieu des champs et lui permettaient à grand'peine de revenir se coucher à la maison. Néanmoins elle avait pris de l'embonpoint, mais son teint avait pâli depuis quelques mois surtout; Pendant douze ans, ses règles avaient paru périodiquement; elle n'avait eu ni grossesse ni fausses couches.

Ces préliminaires indispensables étant posés, je reviens à la tumeur qui réclamait l'intervention de l'art. C'est une sorte de masse grisâtre dans la partie la plus déclive qui est gangrenée, rougeâtre dans la portion la plus rapprochée des parties génitales. La procidence est de \ décimètre

\U1 -

environ ; elle est molle, grasse; on peut cependant l'étaler, la déployer en quelque sorte sur la main ; elle présente l'aspect d'anses membraneuses aboutissant à des masses charnues. La surface est lisse, presque sé- reuse, humectée de liquide ichoreux et d'une fétidité repoussante.

Dans le vagin, la tumeur semble roulée sur elle-même en cordon épais; quelques tractions en font sortir une plus volumineuse portion, mais elle n'a pas de ténacité, cède et se déchire. A défaut d'instrument de traction, je porte une grosse ligature assez loin dans le vagin et je fais descendre une nouvelle portion du produit pathologique qui se déchire encore au moindre effort.

A mesure que des portions nouvelles arrivent à l'extérieur, l'odeur de gangrène, qui a disparu depuis l'arrachement du premier fragment, est remplacée par l'odeur particulière à la délivrance.

Par le toucher, on trouve le vagin rempli de cette substance mollasse, comme charnue et amorphe, enveloppée de membranes lisses et faciles à déchirer. Elle sort de l'utérus, elle est resserrée dans l'ouverture du col elle semble passer à la filière. Il n'y a pas d'hémorrhagie.

Revenu le soir muni d'instruments et accompagné de mon honorable ami le docteur Forest, la malade placée sur le bord du lit, et en travers comme pour l'application du spéculum, nous constatons d'abord à l'aide de cet instrument le tissu rougeâtre qui remplit le haut du vagin.

Puis, le spéculum retiré et me servant de l'index comme guide, j intro- duis successivement et à de nombreuses reprises des pinces de Museux, puis des pinces à polypes qui ont plus de prise que les érignes sur ce tissu mollasse, et qui ramènent des quantités de lambeaux membraneux pulpeux. Il ne reste plus dans la cavité du col utérin que des filaments, comme des sortes de franges, derniers vestiges du pédicule. Une obliquité antérieure de l'utérus est très-gênante pour la manœuvre opératoire. L'em- bonpoint de la malade est un obstacle à l'action de la main sur le globe utérin, il ne permet pas non plus de circonscrire les dimensions de l'organe avec précision.

Après l'opération, la femme se trouve très-soulagée ; une éponge pré- parée mtroduite dans le col utérin, 1 ergot de seigle à doses répétées, dé- terminent uno dilatation buffisanle de l'ouverture de l'utérus. Les débris da pédicule tombent dans une véritable dissolution très-putride; des injec- tions amènent de nouveaux débris de tissu morbide avec des caillots de sang. L'hémorragie finit par cédir au bout de peu de jours au perchlorure de fer. Le pédicule ayant disparu, l'orifice utérin se rétracte, mais l'an- téversion persiste.

Au bout de quinze jours la malade paraissait rétablie; la sensation de poids incomuiode, douloureuse, n'existe plus; l'étal anémique se modifie sensiblement. J'ai rencontré cette femme un mois après, elle revenait de la ville à pied, elle marchait aisément. Les règles, revenues à leur époque ordinaire, n'avaient rien présenté d'insolite.

La pièce pathologique, examinée par mes confrères MW. les docteurs Forest, Bevalet et F. Cliarmont et moi. se présente, connue je l'ai déjà dit, sous l'aspect d une masse charnue tdiongée, cylimiroide elle est ruugcâlre, friable; ce n'est pas un corps fibreux de l'utérus; la consistance, la forme,

U8

la couleur, la texture enfin de ces productions présentent des caractères tout différents.

Ce n'est pas un polype vasculaire, encore moins un polype vésiculaire. Au premier abord, on pouvait trouver à ce produit morbide l'aspect d'un placenta qu'un séjour prolongé dans 1 utérus aurait modifié dans son appa- rence vasculaire.

La texture, l'odeur, les circonstances commémoralives pouvaient un instant autoriser cette hypothèse; mais il n'y a pas de faits connus de ré- tention ainsi prolongée du délivre. Sa rétention dans l'utérus s'accom- pagne de formidables accidents d'hémorrhagies, puis de phénomènes de pulridiléqui éclatent peu de temps après la parturition. Or, cette femme a pu allaiter ses deux jumeaux pendant neuf mois; elle a vu revenir ses règles après le sevrage, et sauf les douleurs elle n'a pas eu pendant douze ans d'hémorrhagies à signaler (cet accident ne remonte chez elle qu'à un an). On sait cependant, d'après quelques cas rares et longtemps contestés, que cette rétention du délivre a pu s'effectuer sans accidents par suite d'une véritable résorption. Ce serait donc une pure hypothèse que d'admettre que le placenta, resté dans la cavité de l'utérus, pourrait y demeurer non résorbé et cependant inoffensif pendant plus ou moins longtemps, à la ma- nière d'un polype, d'une môle..., etc.

Il ne s'agit pas non plus d'une môle vraie, car une môle vraie est un produit de conception troublé dans son évolution et dans lequel on rencontre presque toujours quelques-uns des caractères qui rappellent l'origine du produit morbide, une cavité séreuse vestige de l'amnios, des membraneuses, etc., caractères que l'on ne retrouve pas ici.

Mais il y a une catégorie de produits pathologiques qui sont confondus sous le nom de fausses môles de nutrition, et rien n'empêche de faire en- trer dans cette catégorie la tumeur dont je viens de donner la des- cription.

Pour en fixer la nature et en finir avec les hypothèses ; un examen mi- croscopique était nécessaire. Je m'adressai au savant professeur d'histolo- gie de la Faculté de médecine de Paris. Avec une bienveillance dont je ne saurais être assez reconnaissant, il voulut bien examiner une portion de celte tumeur, le cinquième environ du volume.

Voici, extraits de la lettre qu'il a eu la bonté de m'écrire à cette occasion, les détails qui caractérisent la pièce pathologique :

« Ce produit morbide est entièrement constitué par un tissu semblable, quant à la texture et à la structure intime, au lissu musculaire de l'utérus pendant la grossesse. C'est le propre d'une forme particulière de l'hyper- trophie locale polypiforme ou non du tissu musculaire de l'utérus, dont la masse finit par être expulsée spontanément ou à l'aide de l'art, comme le sont quelquefois certains corps fibreux sous-muqueux de l'utérus.

Cette production n'est pas commune, c'est cependant le quatrième ou cinquième cas que je vois depuis dix ans, et certes tous ces produits ne m'ont pas été envoyés avec le zèle que vous avez déployé en cette cir- constance.

» C'est sans doute une des formes de production morbide que les an- ciens faisaient rentrer avec d'autres dans leur groupe des môles charnues.

149

« Dans un des cas dont la pièce pathologique m'avait été remise, la masse était près de dix fois plus considérable que la portion que vous m'avez adressée. »

Je n'ajouterai qu'une seule réflexion, c'est que malgré l'examen de M. le professeur Chnries Robin, lequel ruinait toutes les hypothèses que j'ai passées en revue, j'ai cru devoir les reproduire dans le récit clinique de cette observation. J'ai suivi l'ordre elles se présentaient à mon es- prit et à celui du corfrère qui m'assistait, afin de mieux faire ressortir l'in- tervention du microscope dans l'étude des produits pathologiques qu'on pourrait se contenter de faire rentrer trop facilement et ranger sans cri- tique dans des cadres à la fois trop larges et trop peu scientifiques.

DE l'HYDRAMNIOS.

L'œuf contient normalement une certaine quantité de liquide dans laquelle nage le foetus, et qui est indispensable à son dévelop- pement normal. Dans certaines grossesses, on voit ce liquide augmenter d'une façon considérable et prendre ainsi les pro- portions d'une véritable sécrétion morbide. C'est ce que l'on appelle Yhydropisie de lamnios. Comme la quantité de liquide amniotique à l'état normal varie dans des limites assez étendues, sans que la mère ou le fœtus en souffrent, on ne saurait dire d'une manière précise à quel point commence l'état morbide. Cependant, quand la quantité dépasse deux ou trois livres, on peut regarder son accu- mulation comme due à un état morbide.

Quelles sont les causes de cette maladie? Elles sont bien difficiles à détinir dans l'état actuel de la science.

Si Mercier, dans l'observation que nous avons déjà citée, a trouvé des traces de l'inflammation de l'amnios, tous les autres auteurs sont muets sur celte question, et c'est en vain que nous cherchons des preuves à l'appui de cette assertion.

C'est ainsi que Dubois et Desormeaux citent deux faits il y avait hydropisie de l'amnios sans lésion des membranes.

Maunoir, tout en rapportant la lésion à la pléthore sanguine ou à l'état inflammatoire, n'est pas autorisé à conclure dans ce sens par son observation.

Scarpa a noté un fait plus remarquable, c'est la coïncidence de l'hydropisie de l'amnios avec les grossesses gémellaires. licite, sur trois cas d'iiydramnios, deux cas de grossesse gémellaire.

Merriman et Lee l'attribuent, peut-être avec plus de raison, à un état morbide de la mère, et en particulier à la syphilis.

Le docteur Bourgarel en cite un cas {Arch, vukl. nav. 1868). Mais ces causes, en réalité, sont toutes plus ou moins hypothéti-

150

ques, et la seule chose (|ue l'on puisse dire avec Churchill, c'est que la cause prochaine de cette affection gît dans un excès d'acti- vité sécrétoire de l'amnios.

Les observations d'hydramnios sont nombreuses, et nous nous bornerons, à la suite de ce travail, à en citer quelques unes, mais toutes ou presque toutes sont muettes sur les lésions des mem- branes; nous n'insisterons donc pas sur ce point.

Un l'ait à noter, c'est qu'elle est rare avant le cinquièinr; mois; il semblerait donc, pour qu'elle se produise, qu'il faudrait déjà que l'enfant ait atteint un certain degré de développement.

Symptômes. Dans quelques cas, elle a été précédée de tous les signes d'une inflammation violente, mais le plus souvent elle ne s'annonce que par une douleur sourde dans l'intérieur, un senti- ment de pesanteur dans le bassin.

Puis tout à coup le ventre se développe, et avec une rapidité telle qu'en peu de temps il acquiert un volume énorme et en dispropor- tion de plus en plus marquée avec l'âge de la grossesse. Ce phéno- mène est le phénomène capital et le seul qui frappe les femmes et appelle l'attention de l'accoucheur.

Mais bientôt on voit se produire des phénomènes qui ne son! que la conséquence des compressions que l'utérus, par suite de son (léveloppement, exerce sur les fonctions des organes thoraciques.

(.a dyspnée, d'abord modérée, peu!, dans quehpies cas comme celui de Duclos, devenir extrême; la respiration est comme sifflante, douloureuse; la malade est obligée de rester assise nuit et jour, et malgré cette position l'hématose peut devenir tellement incomplète, que la malade à chaque instant semble menacée de suffocation et qu'elle peut même aller jusqu'à la syncope.

Evrat, à Lyon, a cité plusieurs observations analogues. 11 suffit, pour que ces accidents se pioduisenl, que l'hydropisie de l'amnios ait donné prématurément à la matrice le volume qu'elle n'a ordi- nairement qu'au temps de la grossesse. Cela s'explique tout natu- rellement, comme le fait remarquer Scarpa.

Dans le premier cas, en ellét, le développement est brusque, très-rapide, tandis que dans la grossesse régulière la dilatation s'o- pérant par degrés presque insensibles, les parois abdominales cè- dent peu à peu et permettent h rut('!rus de se porter facilement en avant et un peu moins on haut, de manière à refouler beaucoup moins le diaphragme.

La quantité de liquide contenu dans l'utérus, dans les cas d'hy- dropisie.de l'anmios, est quelquefois éfiornie. Baudeloque a cité un

151

cas l'iilf^rus en bussa échapper trente pintes. Quel(|ues aub urs l'ont même vu s'élever jusqu'à trente ou quarante pintes.

Le diagnostic de l'hydiopisie de l'amnios doit surtout être fait avec l'ascite, car ces deux maladies existant souvent ensemble, on pourrait les confondre. Dans l'ascite compliquant la grossesse, les urines sont rares, blanchâlres et troubles, la soif vive; les mem- bres inférieurs sont souvent infiltrés. Dans quekpjes cas mênie, cet œdème se généralise, envahit les paiois abdominales, les membres supérieurs et la face. Il est difficile, quelquefois impossible, de li- miter le f(jnd de l'utérus et sa forme. La percussion permet de constater une ondulation, une espèce de fluctuation beaucoup plus manifeste à la partie supérieure du ventre qu'à la partie inférieure.

Dans l'hydropisie de l'amnios, le volume du ventre est en dis- proportion avec l'âge de la grossesse.

La fluctuation est obscure; peu ou point de soif; urines normales. Enfin le toucher permet, dans certains cas, de constater le ballot- tement.

M. Godefroy (de Rennes) {Jourtial, des conn. méd.-chir., 186^4) donne les signes suivants :

Si dans les premiers temps de la grossesse il est souvent impos- sible de produire le ballottement du fœtus, le ventre plus ou moins distendu n'a jamais la forme de l'hydropisie ascite, mais bien celle de la grossesse, c'est-à-dire que la femme étant debout, le ventre se porte et s'arrondit en avant, tandis qu'il s'aplatit sur les côtés ; la fluctuation est manifeste en avant f;t nulle en arrière. La percus- sion pratiquée en avant ne donne pas le son intestinal de l'ascite. Enfin, les signes commémoratifs (absence des règles, mode de dé- veloppement de la tumeur et du ventre) indiquent la grossesse et non l'ascite.

Lorsque l'hydramnios ne se montre que dans la seconde partie de la gestation, il est rare que la grossesse soit méconnue, njais sa complication vous fait croire à une grossesse gémellaire ou à un fœtus énorme.

Le diagnostic se rectifie assez facilement.

En effet, dans l'hydramnios, vous avez une fluctuation extrême- mont ijrononcée, soit que vous percutiez l'utérus trunsver.ialement, soit qu'un doigt introduit dans le vagin jusqu'au col de l'utérus, vous percutiez le fond de l'organe. Los mouvements actifs du lœLus sont faibles et peu sensibles à la mère, toutes choses qui n'ont pas lieu dans la grossesse gémellaire ou lorsqu'il n'y a qu'un fœtus très- foi 1. Ajoutons pour la première la forme du ventre, l'œdème sus- pubien, cl surtout les doubles battements en deux points distincts.

^ 152

Enfin, si vous procédez au ballottement du fœtus, vous le soulevez avec la plus grande facilité, et le temps qu'il met à retomber sur le doigt est bien plus considérable que dans les grossesses normales.

L'extrême distension de l'utérus provoque souvent des contrac- tions prématurées et l'avortement. Inutile de parler du diagnostic avec les kystes de l'ovaire.

Pronostic. Quelquefois le fœtus naît vivant, quoique trop peu développé pour continuera vivre. Souvent il meurt dans le sein de sa mère, et n'est expulsé qu'au bout d'un temps plus ou moins éloigné.

Pour la mère, le pronostic est en général peu grave; dans quelques cas elle a succombé, mais, en général, elle n'est que gra- vement incommodée par le volume excessif de l'utérus et la gêne qui en résulte pour les autres organes. Le plus souvent, en même temps que le liquide qui est expulsé spontanément, sortent le fœtus et le placenta, de sorte que la cause n'existant plus, la malade est guérie.

On a dit que' la rupture des membranes et l'expulsion du liquide n'entraînaient pas toujours la sortie de l'enfant. Les membranes se rompraient alors dans un point situé au-dessus du col, et permet- tant l'écoulement surabondant du liquide, laisseraient la grossesse continuer son cours (Ingleby). Tarnier, tout en admettant ces cas, les considère comme exceptionnels.

L'hydramnios peut se reproduire dans plusieurs grossesses suc- cessives.

Une circonstance plus remarquable, c'est qu'on a souvent noté que le fœtus présentait, dans les cas d'hydramnios, quelque maladie ou quelque vice de conformation. Ce fait est aujourd'hui classique.

Bunsen et Kill ont cité l'hydropisie du fœtus, l'hydrocéphalie, l'ascite. Tarnier a observé un cas d'hydrocéphalie.

Dans une des observations signalées par M. Godefroy, l'enfant présentait un bec-de-lièvre.

Nous avons vu nous-même à la Clinique, dans un cas d'hydram- nios, un enfant naître avec une contraction des membres inférieurs ayant déterminé la flexion des cuisses sur le bassin, sans que rien, dans l'état des muscles ou des articulations, pût expliquer cette lésion. La femme, qui était primipare, avait fait une chute au cinquième mois de sa grossesse, suivie d'une perte abondante. A partir de cette époque, elle avait vu son ventre augmenter rapide- ment de volume.

A son entrée, ventre énorme; grossesse de sept mois; travail commencé; rupture artificielle des membranes; écoulement de

153

sept à huit litres de liquide; le placenta offre une plaque fibro-grals- seuse dans un tiers de son étendue; rien dans les membranes; enfant mort, vu son état, depuis quelques jours seulement.

Traitement. Il est à peu près nul. Les diurétiques sont peu effi- caces. On a conseillé la diète sèche, les bains froids. En général, quoi que l'on fasse, le mal augmente jusqu'au début du travail, et dans l'immense majorité des cas il n'y a rien à faire qu'à attendre ce moment. Cependant, si les accidents devenaient trop dangereux pour la mère, il faudrait rompre les membranes.

Ordinairement, la sonde, un stylet qu'on pousse au travers du col jusqu'aux membranes, suffit pour les rompre.

Quand le col est dilaté, le doigt suffit souvent.

Quand on n'est pas pressé d'agir, on peut préalablement solliciter des contractions à l'aide de l'éponge, des douches, du dilatateur intra-utérin; mais si la gravité des accidents nécessitait une inter- vention immédiate, il y aurait, je crois, avantage à suivre le conseil de Guillemot et à introduire la sonde entre le col et l'utérus pour aller rompre les membranes bien au-dessus du col. Ce procédé, permettant ainsi de limiter l'écoulement du liquide, laisserait peut- être quelques chances de la continuation de la grossesse.

Si le col, par hasard, était oblitéré, on n'aurait plus de ressource que dans la ponction, qui devrait être faite par le vagin au voisinage de l'orifice de l'utérus.

Dans une des observations d'Evrat aîné, la ponction fut faite au lieu dit d'élection pour la paracentèse. Huit jours après, la malade accoucha de deux enfants vivants; malheureusement, les détails donnés par l'auteur ne permettent pas de savoir s'il s'agissait d'une ascite ou d'une hydropisie de l'amnios.

La ponction vaginale nous paraît faire courir moins de chances défavorables à la mère et au fœtus.

I"' Observation. Grossesse de cinq mois. Hydramnios. (Oodefroy.)

Appelé près d'une dame que l'on disait hydropique, Godefioy obtin; les renseignements suivants : La malade avait vu son ventre et ses ex- trémités inférieures se gonfler successivement, et depuis trois semaines elle était obligée de garder le lit; ulcération des sillons labio-cruraux ; ventre plus considérable que dans une grossesse à terme ; flucluaiion très- manifeste en avant, fort obscure en arrière ; absence des règles depuis cinq mois ; à la fin du second mois de la suppression, le ventre avait com- mencé à grossir.

Le toucher fait reconnaître une grossesse; on perçoit très-nettement le

154

ballottement; col utérin réduit à ses deux lèvres, orifice non dilaté; l'au- teur de cette observation crut pouvoir attendre, mais quatre jours après, la malade, éprouvant les douleurs de l'accouchement, l'envoya chercher.

Cette fois, administration de 2 grammes de poudre d ergot de seigle, et perforation artificielle des membranes ; écoulement abondant de liquide. 3 ou 4 Htres environ; présentation pelvienne, fœtus mort; délivrance na- turelle quoique tardive; rien au placenta ni aux membranes; rétablisse- ment très- prompt.

Huit mois plus tard, grossesse et accouchement heureux.

IP Observation. ' Grossesse. Chute. Hydramnios. (Godefroy.)

Madame E..., petite, délicate, d'un tempérament lymphatique, fit, dans le courant du cinquième mois de sa sixième grossesse, une chute sur le ventre. A partir de cette époque, le ventre commença à prendre un ac- croissement considérable, et les membres inférieurs commencèrent à s'in- filtrer peu à peu.

A sept mois, développement énorme du ventre ; dyspnée atroce, décu- bitus horizontal impossible, elle fait appeler le médecin, qui constate une fluc- tuation très-évidente. Au toucher, ballottement, col souple, mou, dilatation assez avancée ; rupture artificielle des membranes, écoulement de liquide 10 litres.

L'accouchement se termina promptement, par la naissance d'un enfant, du poids de 1 500 grammes ; cet enfant était maigre, respirait avec peine, et avait un bec-de-lièvre à gauche; il ne vécut que dix-huit heures.

Le placenta et les membranes présentaient à leurs surfaces utérines de larges plaquçs pseudo-membraneuses ; sur le placenta dont elles pénétraient assez profondément la substance, elles étaient dures, résistantes^ et d'un blanc-jaunâtre brillant ; sur les membranes, elles étaient d'un blanc mat et pultacé.

Les suites de couches offrirent ceci de remarquable, que les lochies des quatre premiers jours furent tellement abondantes, que l'on était obligé de changer plusieurs fois par jour les draps de garniture.

Observation (Duclos).

Madame de S..., âgée d'environ vingt-cinq ans, constitution faible, lymphatique, éprouva à sa cinquième grossesse des incommodités extraor- dinaires. Vers le premier mois, elle est prise d'une toux sèche et très-fré- quente, qui interrompt son sommeil; à la suite d'un bain de propreté, la toux devint plus forte et tout empire : fièvre, soif inextinguible, peau sè- che, urines rares et briquetées, œdème des extrémités inférieures, visage décoloré, msomnie. En moins de huit jours, ventre dur, tendu, doulou- reux, et très-volumineux, respiration gênée et laborieuse; position hori- zontale impossible ; hoquet, palpitations, vomissements, cessation des

_ 155

mouvements de l'enfant. L'état de la malade s'aggrave énormément ; con- sultations entre MM. Calviran, Viguerie, Froment, Duclos et Lariey.

Nécessité de l'accouchement unanimement reconnue.

M. Duclos, ayant introduit rexlrémité du doigt indicateur dans l'ouver- ture du col, perça les membranes, et fit évacuer les eaux de l'amnios en quatre reprises. Écoulement de 14 litres d'eau.

Bientôt les vomissements cessèrent, et la respiration devint libre, la toux et les palpitations de cœur disparurent, mais la matrice frappée d'inertie ne faisant aucun effort, Duclos se décida à terminer l'accouchement. Nais- sance d'une petite fille très-chétive qui fut mise en nourrice et vécut.

Rétablissement de la mère au bout de six semaines; deux ans après, couches naturelles et heureuses.

DE L'HYDRORRHÉE.

Nous ne pouvons mieux faire que de donner ici l'analyse d'une tlièse de M. Basset, publiée en 1858, et la partie historique surtout est traitée avec tout le soin possible.

C'est à lui que nous emprunterons aussi nos observations.

C'est aux Allemands que l'on doit les premiers travaux sérieux sur cette question. Si l'on parcourt les auteurs anciens, on trouve bien quelques passages dans Maiiriceau, Delamotte, Puzos, qui peuvent se rapporter à cette question; mais c'est Nœgele qui, le premier, en 1822, dans la thèse d'un de ses élèves, indiqua le siège précis de l'iiydrorrhée. M. Dubois, adoptant ces idées, les a vulga- risées dans ses leçons.

On donne le nom d'hydrorrhée à un écoulement d'eau qui pro- vient de l'utérus pendant la grossesse et qui n'est, le plus souvent, précédé ni suivi des contractions qui amènent l'expulsion du fœtus. Levret lui avait donné le nom de fausses eaux, faux travail: aguae spuriae, Falsche, wilde Wàsser en Allemagne.

Nature et siège de rinjdrorrhée. Tous les accoucheurs ne sont pas d'accord sur le siège et la nature de l'hydrorrhée. Les dissi- dences d'opinion tiennent peut-être au genre de l'affection qui, exceptionnellement pour l'hydrorrhée, n'a pas toujours le même siège ni la même nature. Cette incertitude tient surtout à la rareté de l'occasion qui s'est offerte de constater d'une manière précise, par l'autopsie, le siège et la nature de la maladie. L'hydrorrhée, en effet, (jui laisse presque toujours arriver la grossesse à son terme, n'a jamai^ entraîné la mort par elle-même. Aussi Cruveilhier a-t-il écrit: « Peut-il exister en même temps hydropisie de matrice et grossesse? En admettant cette coexistence, quel est le siège de riiydropisie? Voilà des questions qu'il nous est impossible de ré- soudre dans l'état actuel de la science. Il est certain qu'on a vu

156

plusieurs fois des femoies enceintes rendre, à une époque plus ou moins avancée de la grossesse, une certaine quantité de liquide et accoucher heureusement. Dira-t-on que ces eaux étaient contenues dans l'amnios? Mais, à moins d'admettre la cicatrisation des mem- branes divisées, on ne peut expliquer pourquoi l'accouchement n'a pas eu lieu aussitôt après leur rupture; il faut donc reconnaître que ce liquide était contenu dans un kyste particulier. Jusqu'ici, l'anatomie pathologique n'a pas dit son dernier mot. » Les travaux de Nsegele, publiés en 1822 par Geil, son élève, et les leçons de P. Dubois, ont aujourd'hui fixé la majorité des accoucheurs. Voyons d'abord les opinions qui ont eu cours dans la science:

Denman, suspectant la véracité des cas qui ont été publiés jusqu'à lui, s'exprime ainsi:

« J'ai rencontré un petit nombre de cas qu'on aurait pu rappor- ter à cette classe, car il y avait par le vagin, plusieurs mois avant l'accouchement, un écoulement journalier d'un fluide décoloré. Mais l'abdomen n'étant pas diminué de volume et les eaux s'écou- lant réguhèrement au moment du travail, on jugea que quelque vaisseau lymphatique s'était rompu et ne se refermait pas avant la délivrance de la malade. » 11 explique donc celte affection par la rupture d'un lymphatique, mais il n'en précise pas le siège.

Rœderer, Ruysch, Bœhmer, Schrœder, Fabrice de Hilden ont cru à la rupture d'une hydatide qui se trouvait dans l'intérieur du corps ou du col de l'utérus. Rœderer dit, dans son Traité d'accou- chements :

« On ignore encore l'origine de ces fausses eaux. On ne peut l'at- tribuer à la rupture de l'allantoïde, à la transsudation qui se fait à travers les membranes ou à leur déchirement. 11 y a plus d'appa- rence que cet écoulement est à la rupture de quelque vaisseau lymphatique, de quelque hydatide du col de la matrice, à des eaux amassées entre les membranes, ou à quelque œuf surnuméraire qui se vide. »

Ruysch attribue aussi celte affection à des hydatides ou à des dégénérescences hydatiformes du placenta, surtout à celle qu'on a appelée depuis la môle vésiculaire.

Bœhmer fait la même confusion que Ruysch et ne cite pas plus que Ruysch de cas observé pendant la grossesse.

Schrœder n'émet pas d'autre opinion. »

Fabrice de Hilden cite aussi des faits que l'on ne peut rapporter qu'à la môle vésiculaire.

Philippe Salmultz raconte l'histoire d'une malade qui rendit tout à coup, avec des douleurs très-vives, comme celles qui accompa-

157 -

gnent l'accouchement, trois à quatre litres d'eau un peu jaunâtre. Cet écoulement continua pendant deux jours. Les médecins pen- sèrent que celle Femme portait une môle liydatique. Les douleurs se calmèrent peu à peu et, six mois après cet écoulement, elle ac- coucha d'un enfant vivant et bien portant.

Burns, tout en attribuant très-souvent l'hydrorrhée à des maladies des femmes, explique encore celte affection par une augmentation de sécrétion des follicules muqueux du col de l'utérus hypertro- phiés sous l'intluence d'une irritation locale. Si le col est ouvert légèrement, l'écoulement a lieu continuellement et goutte à goutte. S'il est fermé, le liquide se ramasse dans sa cavité, puis, à un cer- tain moment, il s'échappe tout à coup, et alors l'hydrorrhée a lieu par tlots et d'une manière intermittente.

Cette théorie ne peut soutenir un examen sérieux : la cavité du col est trop petite pour contenir les quantités considérables de liquide qui s'échappent à la fois, et la sécrétion des follicules n'est pas assez abondante pour les fournir.

Ortlob attribue l'hydrorrhée à la transsudalion des eaux de l'amnios à travers les membranes.

Baudelocque combat l'opinion de ceux qui placent le siège des fausses eaux entre le chorion et l'amnios, car « elles s'écoulent, dit-il, par transsudation à travers les parois de l'œuf ».

Mais, s'il était vrai que c'est une transsudation des eaux de l'am- nios à travers les membranes, l'écoulement ne pourrait se faire que goutte à goutte, tandis que presque toujours, c'est en assez grande quantité et même à flots que ce liquide s'écoule.

D'autres soutiennent que ces liquides proviennent de l'œdème ou de l'infiltration du tissu cellulaire de l'utérus.

Albinus, Fabrice d'Acquapendente, Diemerbroeck les font venir d'une rupture de la vésicule ombilicale (allantoïde de ces auteurs). Fried, Bœhmer, Sigwart, Rœilerer, Gardien, Capuron et autres admettent l'hypothèse d'un œuf surnuméraire fécondé en même temps que celui qui se développe dans l'utérus. Le fœtus, mort quelque temps après la conception , est dissous dans l'eau de l'amnios, et plus tard, les membranes de cet œuf venant à se rom- pre, on a un écoulement. En admettant cette hypothèse, cela n'expliquerait que le cas il n'y a qu'une seule perte dans toute la grossesse, et ces cas-là sont fort rares. Delamotte croit à la rupture d'un kyste particulier. Chambon cite une observation concluante, puisqu'il a constaté que le délivre offrait deux poches. Mais il y a eu là, évidemment,

158

grossesse gémellaire, mort d'un fœtus et sa dissolution dans l'eau de l'amnios : c'est ce qui ressort de l'observation.

Camper, Stark, Capuron, font venir les eaux de l'intérieur de l'amnios et en expliquent l'écoulement par une rupture des mem- branes dans un point élevé au-dessus du cercle utérin.

Guillemeau n'admet que cette hypothèse ou celle de la transsu- dation.

Il croit à la première opinion lorsque l'écoulement se fait par flots ; il adopte la seconde lorsqu'il a lieu goutte à goutte.

Des accoucheurs modernes partagent encore aujourd'hui cette manière de voir.

Mauriceau, qui, dans quelques cas, a adopté cet avis, ne publie aucune observation, parmi le grand nombre qu'il a citées, qui puisse autoriser cette manière de voir.

Ingleby donne une observation qui prouve que cette opinion peut être justifiée par des faits.

Burgess cite aussi une observation, mais elle est moins con- cluante.

Guillemot professe que toutes les fois que la qualité du liquide perdu se rapproche du liquide amniotique , il y a une rupture des membranes en quelque point de leur surface. i

Veipeau croit que le plus souvent on ne peut expliquer les fausses eaux que par l'érailluredu chorion ou de l'amnios.

Dubois a vu deux cas analogues à ceux d'Ingleby.

Une autre opinion est celle qui place le siège de ces écoulements entre le cliQrion et l'amnios.

Hildebrand, Meckel, Osiander, Froriep, van Swieten, Cregorini, Franck ont pensé que le liquide qui se trouve entre le chorion et l'amnios pouvait expliquer l'hydroirhée par la rupture seule du chorion, et ils expliquent ainsi tous les cas d'hydrorrhée.

Puzos admet que des collections de liquide peuvent so faire entre les membranes et les parois de l'ulérus, ou entre le chorion et l'amnios.

Deleurye dit que les causes des fausses eaux sont fort obscures, mais qu'il faut en soupçonner le siège entre la matrice et le chorion pour pouvoir expliquer cet écoulement sans la rupture de cette membrane.

Cette opinion se fonde sur l'espace amnio-cliorial qui existe dans les premiers temps de la vie fœtale; mais Gunther et Lobs- tein ont prouvé que si cet espace existe il a disparu au quatrième mois, ce que des recherches plus récentes ont confirmé, et, de plus,

159

cela n'expliquerait pas les écoulements de la deuxième moitié de la grossesse de beaucoup les plus fréquents.

Cette opinion a été renouvelée de nos jours par M. Mattel; nous en avons déjà parlé plus haut.

Mais Nsegele, Paul Dubois, ont toujours trouvé, dans les cas qu'ils ont observés, le chorion et l'amnios intimement accolés, sans qu'il existât le plus petit espace pût se loger la moindre collec- tion de liquide.

Peu se moque déjà de cette opinion ei des premih^es écoulées.

Les cas observés par le docteur Duclos, Chailly, Charrier et Bas- set confirment l'opinion d^ MM. Dubois et Nsegele.

Devilliers a cru pouvoir considérer l'hydrorrhée comme une collection liquide produite entre les deux feuillets de la caduque. Basset repousse cette idée, car, dès le troisième mois, il y a contact des deux feuillets, qui vont dès lors en s'amincissant.

Mauriceau, le premier, en a placé le siège entre les parois externes des membranes et l'utérus. Nous avons vu qu'il n'a, du reste à ce point de vue, pas d'opinion bien arrêtée.

C'est Naegele qui, le premier, en réalité, a attribué ordinairement l'hydrorrhée à un décollement des membranes et qui en a précisé exactement le siège.

Dubois a adopté complètement ces idées, qui sont celles de MM. Pajot et Depaul.

Voici comment se produit ce phénomène sous l'influence d'une des causes que nous examinerons tout à l'heure. Le liquide sécrété parla surface interne de l'utérus décolle les membranes et forme une espèce de poche dans laquelle il séjourne jusqu'à ce que sa quantité, augmentant toujours, achève de décoller les membranes jusqu'au col de l'utérus, alors le liquide fait irruption.

Si l'on admet avec Burdach et Velpeau, qu'il se fait à la face interuede l'ulérusune exhalation qui, Iranssudant à travers les mem- branes, arrivejus(jue dans la cavité amniotique, on expliquera, dans certains cas, cette accumulation anormale du liquide par un excès de sécrétion ou un ari'êtdans la transsudation. On poun-ail encore l'expliquer en disant que cette sécrétion, continuant au delà du tel me ordinaire, le liquide est obligé de se creuser un réservoir en décollant les membranes dans une certaine étendue. Le décolle- ment serait d'autant plus facile que les connexions de l'œuf seront moins fortes ; or, nous savons que grâce au développement d'une muqueuse nouvelle, l'ancienne tend à s'isoler de plus en plus du tissu utérin, d'où la fréiiueuce des écoulements pendant la deu.'vièuie moitié de la grossesse

160

Naegele admet une sub-inflammation des membranes et compare cet état à celui des sécrétions de la plèvre, quand celle-ci est en- flammée.

Basset déclare rare cette sub-inflammation etcroitqu'ilyaseuler ment arrêt dans la transsudation du liquide.

Quant à l'iiydrorrhée traumatique de Devilliers, c'est une rup- ture des vaisseaux sanguins qui entraîne un décollement ; l'épan- chement peut se résoudre, mais le caillot fibrineux persiste et l'hydrorrhée survient par le même mécanisme.

Causes. Elles sont des plus obscures. Monro, Camper, Haase, Leulin, Franck, Conradi, admettent un défaut d'équilibrement entre l'exhalation et l'absorption.

On a admis la faiblesse de constitution, le tempérament lympha- tique, la cachexie paludéenne (Basset, Bernier, Mauriceau, en ont cité des exemples).

La multiparité; vingt-quatre cas sur trente-huit. Basset. L'hy- drorrhée elle-même, qui prédispose à cette aff'ection pour une grossesse suivante, surtout si elle est rapprochée, comme le prou- vent les observations de Jean Alexander d'Halifax, citées par Basset, de Chcston,

Geil et Nsegele insistent sur l'exagération vitale du système utérin, un commencement de pléthore vraie ou confirmée, enfin sur une diathèse hypersthénique, sur toutes les causes d'excitation locales comme des indurations ou dégénérescences cancéreuses, le froid. Cheston, DevillierS;, Sédillot, citent les coups et violences exté- rieures.

Jantke cite l'histoire d'une femme qui avait de l'hydrorrhée toutes les fois qu'elle accouchait de filles.

On a encore signalé la grossesse gémellaire ; mais les cas sont trop peu nombreux pour que l'on puisse l'admettre comme positive.

Marche, durée, terminaison. L'écoulement, pour la première fois, se déclare la nuit. Le plus sou vent, un flot de liquide s'échappe, puis la perte continue, plus paisible et moins abondante. Les eaux qui s'écoulent sont claires, limpides, d'une odeur spermatique, em- pesant le linge. Tantôt l'écoulement se fait ensuite d'une manière continue, en abondance; le plus souvent il a lieu d'une façon in- termittente; d'antres fois, il est continu, mais se fait goutte à goutte. Ordinairement, il n'est ni précédé ni accompagné de dou- leurs, de contractions, de malaise; cependant quelques femmes éprouvaient de vives douleurs (Nœgele, Belfinger, Cheston).

Bare avant le quatrième mois, c'est à partir du cinquième ou sixième mois qu'elle devient plus commune; on l'a vue se déclarer

161 seulement quelques heures avant l'accouchemefit (Fabrice de Hilden).

Il y a des cas qui prouvent qu'il a existé des collections de liquide entre l'utérus et les membranes qui ne se sont écoulées qu'au mo- ment de la délivrance (Sédillot).

Se répétant ordinairement trois ou quatre fois pendant la gros- sesse, l'hydrorrhée peut persister après la grossesse et remplacer les lochies (Mauriceau, Nsegele, Dul3ois).

Il est rare qu'il n'y ait qu'un seul écoulement, surtout lorsqu'il s'est produit quelques mois avant le terme. La quantité de liquide perdu pendant une grossesse varie depuis un verre jusqu'à cent et deux cents litres \Stein). Il paraît y avoir antagonisme entre les sé- crétions urinaires et sudorales.

Diagnostic. Il est important, car on pourrait croire à un avor- tement ou un accouchement prématuré et vouloir intervenir, comme cela est malheureusement arrivé (Geil). Il n'y a, en général, pas de douleur. Le col reste fermé, les contractions ne sont pas régulières et générales. Cependant, à la fin de la grossesse, chez les multi- pares surtout, l'erreur est possible. Des douleurs se déclarent, il y a écoulement d'eaux, le col est ouvert, en partie effacé. Mais on sent, à chaque douleur, les membranes bomber, et surtout, si l'on peut recueillir du liquide, on n'y trouve jamais ces grains de matière sébacée qui se trouvent toujours dans le liquide amniotique, Enfin, si on laisse la nature agir, on voit les douleurs se calmer, le travail s'arrêter et la grossesse suivre son cours. Quand, au contraire, les membranes sont rompues, l'accouchement se produit toujours dans un temps plus ou moins rapproché.

Pronostic. Il n'est grave qu'en ce que si l'hydrorrhée se répète trop souvent^ elle peut quelquefois amener l'accouchement préma- turé ou même l'avortement.

Quant au traitement, quelques diurétiques, le vepos, les toniques et l'opium, surtout en lavements, suffisent, le plus habituellement, pour parer aux accidents.

OBSERVATIONS. .John Ingleby.

Le sujet de cette obêervation est une dame qui, à*sa deuxième gestation, vers le cinquième mois, était devenue prodigieusement grosse. La fluctua- tion était aussi distincte (jue dans l'ascite, les cuisses étaient énormément infiltrées. Vers le sixième mois, elle accoucha de deux entants, et évacua

CHARPENTIER. 11

162

une grande quantité d'eau. Dans la troisième grossesse, les mêmes sym- ptômes se présentèrent, mais plus tôt que dans la précédente. A l'aide de petites saignées, de l'abstinence de liquide, de doux purgatifs, des diuré- tiques, elle arriva jusqu'au sixième mois. A cette époque, les membranes se rompirent pendant la nuit. Quand il visita la malade, douze serviettes avaient été mouillées des eaux qui avaient coulé. L'écoulement continua d'avoir lieu tous les deux ou trois jours, il était d'environ une pinte et un quart. Je puis assurer, dit-il, que mes explorations ont été assez fré- quentes pour affirmer que le liquide s'écoulait de l'utérus. La femme arriva à son terme et accoucha d'un gros garçon. A la deuxième douleur, le délivre fut expulsé. Ingleby le reçut avec la main à la sortie pour éviter que les membranes ne se déchirent. Examinant le tout avec grand soin, il découvrit, outre l'ouverture que la tête de l'enfant avait faite au centre des membranes dans son passage, une seconde ouverture circulaire placée sur le rebord du placenta. C'est sans doute de cette ouverture que le liquide s'échappait de temps en temps. La malade était prévenue de chacune de ces évacuations par une espèce de contraction passive de la matrice. La situation du délivre expliqua pourquoi il n'a pu retirer de la liqueur am- niotique avec le cas noté, malgré tous les efforts qu'il a faits dans le but d'accélérer le travail.

Geil.

La femme d'un jurisconsulte, âgée de vingt-huit ans, assez frêle de corps, bien portante, mariée depuis huit ans, ayant accouché à terme d'un enfant vigoureux, la première année de son mariage, et l'année suivante d'un autre enfant aussi vigoureux, mais trois semaines avant le terme, ayant eu ensuite une fausse-couche à trois mois, était encore redevenue enceinte et jouissait d'une bonne santé, lorsque quatorze jours après qu'elle eut senti remuer son enfant elle perdit tout à coup, sans cause connue, une assez grande quantité d'eau ; des do\ileurs semblables à celles de l'accouche- ment précédèrent cet écoulement qui était légèrement teint de sang. Elle continua de perdre pendant treize semaines sans douleurs, il ne s'arrêta que huit heures avant l'accouchement, qui eut lieu cinq semaines avant le terme ordinaire. Les eaux qui s'écoulaient étaient claires, un peu jau- nâtres, d'une légère odeur spermatique, empesant légèrement le linge comme le liquide amniotique, et par intervalles un peu teintes de sang. Le plus souvent les eaux s'échappaient avec une certaine violence et en plus grande abondance pendant la nuit. Effrayée et redoutant de nouveau un accouchement prématuré, afin de l'éviter, quoique bien portante, elle garda rigoureusement le repos au lit. La quantité de liquide perdu pen- dant sa grossesse peut être évaluée à 60 litres. Elle sentait remuer son enfant aussi bien que dans les grossesses précédentes, l'abdomen n'étant pas plus développé qu'a l'ordinaire. Ello était toujours tourmentée par la soif comme dans ses précédentes grossesses, n'était jamais en moiteur ni en transpiration et rendait une petite quantité d'urines. Dix-huit heures avant la délivrance qui survint cinq semaines avant le terme, l'écoulement cessa, les douleurs de l'accouchement commencèrent, et à partir de cet in- stant elle rendit une grande quantité d'urines. La poche des eaux était

163

dans l'état naturel, il fallut la rompre à cause de la résistance des mem- branes. L'accouchement se fit assez facilement sous l'influence de contrac- tions fortes et énergiques de l'utérus. L'enfant était petit, mais bien por- tant. Le cordon s'insérait vers le milieu du placenta. Il était long de dix-huit pouces, mais plus gros que d'habitude, infiltré d'un liquide gluant. Le placenta ne présentait rien de particulier. Les membranes n'étaient rompues que dans la portion qui correspondait à l'orifice de l'uléius. Le chorion et l'amnios adhéraient l'un à l'autre dans toute leur étendue et l'on ne parvenait à les séparer qu'avec un certain soin. Cette dame attribuait ces pertes à un refroidissement qu'elle avait eu au quatrième mois de sa grossesse dans un voyage qui avait duré plusieurs jours. Elle avait alors ressenti des douleurs dans le ventre semblables à celle d'un rhumatisme. Lorsqu'elle arriva à Heidelberg, elle s'aperçut qu'elle avait un peu de pertes blanches qui furent bientôt suivies de l'hydrorrhée que je viens de décrire. L'année d'après, étant enceinte de six semaines, elle perdit encore pendant quatorze jours un peu d'eau teinte de sang. Mais comme elle pa- raissait jouir d'une excellente santé, qu'elle avait bon appétit et dormait parfaitement, je fis une petite saignée et la soumis à un régime débilitant. L'écoulement disparut, et elle accoucha à terme d'une fille vigoureuse et bien portante. J'avais cité cette observation. La malade attendait chaque jour une nouvelle grossesse, lorsque quatre mois après sa délivrance elle a été prise d'une autre perte d'eau qui n'était pas teinte de sang et qui est re- venue trois fois dans l'intervalle de quatre jours, et a disparu ensuite. Cette dame se porte maintenant parfaitement,

Geil.

Une femme juive, âgée de trente-cinq ans, bien constituée, ayant déjà accouché heureusement de quatre enfants, vers le commencement d'une nouvelle grossesse le ventre était [>lus développé que dans une grossesse régulière, fut prise vers le quatrième mois à plusieurs reprises d'un écou- lement d'eaux jaunâtres quelquefois teintes de sang. Ces pertes étaient ac- compagnées de douleurs comme celles de l'accouchement. Elle éprouvait la sensation d'un corps qui aurait tendu à s'échapper par le vagin, elles durèrent jusque vers le milieu du septième mois, et à cette époque elle accoucha de deux jumeaux. Les membranes ne présentaient nulle part des traces de rupture, et le chorion et l'amnios adhéraient intimement dans toute leur étendue.

DucLOs (de Toulouse).

Une fille, âgée de vingt-quatre ans, cartonnière, d'un tempérament lym- phatique, présentant tous les signes de la chloro-anémie, réglée à treize ans irrégulièrement, avait eu trois grossesses. Dans la première, elle avait ac- couché d'un garçon mort peu de temps après la naissance ; dans les deux autres, elle avait fait des fausses couches entre le quatrième et le cinquième mois. Elle éiait arrivée au sixième mois de sa quatrième grossesse, n'ayant éprouvé que des nausées et des vomissements, légers accidents f|u'elle avait toujours eus dans les premiers temps, mais qui disparaissaient vers le

164 ^

qurtaième mois, quand elle perdit tout à coup un verre de liquidejaunâtre, sans douleurs ni contractions, au moment, elle s'asseyait; effrayée de cette évacuation insolite, elle consulta M. Duclos, qui constata tous les si- gnes d'une grossesse de six mois, lui conseilla le repos au lit, un régime doux pour le moment, puis des amers et des toniques. L'écoulement, après le premier flot, ne se fit plus que goutte à goutte, el avait cessé cinq ou six jours après. Trois semaines s'étaient écoulées depuis, lorsqu'il apprend que cette jeune femme, abandonnée par son amant, venait de mettre fin à ses jours par le charbon. Appelé par l'autorité judiciaire, il trouva tous les signes de l'empoisonnement par l'acide carbonique et l'oxyde de carbone.

Alors, profitant de l'occasion si rare que l'on a de s'éclairer sur la nature des pertes que l'on appelle hydrorrhée, il ouvrit l'utérus et put constater les choses suivantes :

Les membranes de l'oeuf ne présentaient nulle part aucune trace de rup- ture ni de cicatrice, leur intégrité était complète. L'adhérence de l'amnios et du chorion était partout intime.

Le liquide contenu dans l'œuf ne paraissait ni plus ni moins abondant qu'à l'état normal. Le fœtus offrait tous les caractères de son âge. Mais entre la face interne de l'utérus et les membranes, on trouvait deux poches situées sur les parties latérales, et à quelque distance l'une de l'autre. Elles étaient remplies d'un liquide transparent d'un jaune citrin, et de même consistance que les eaux de l'amnios, avec lesquelles il avait la plus grande analogie. C'était évidemment un décollement partiel des mem- branes, el le liquide que l'on trouvait était une exhalation de la paroi uté- rine de l'uLérus, exhalation séreuse que l'on rencontre si souvent comme état pathologique dans d'autres cavités. On remarquait encore sur la sur- face interne de l'utérus une place de la largeur d'une soucoupe, de 6 à 7 centimètres de diamètre, et qui tranchait sur les points voisins par sa couleur opaque et blanchâtre. Les membranes n'adhéraient pas en ce point, il y avait une poche qui s'était affaissée, ne contenant plus qu'une légère couche de liquide semblable à celui des deux autres, et qui paraissait être d'une exhalation récente. De cette poche vide partait un décollement de la largeur de 5 millimètres, qu'on pouvait suivre parfai- tement à sa teinte opaque et blanchâtre, et qui arrivait jusqu'au col. Les eaux qu'avaient perdues cette femme étaient certainement renfermées dans cette poche, et c'est par le prolongement qui en partait, se prolongeant jusqu'au col, qu'elles s'étaient échappées. Il est probable que si la vie se fût prolongée, les deux autres poches pleines qui existaient auraient donné lieu deux fois encore au phénomène de l'hydrorrhée, en décollant les membranes jusqu'au col, sous Tinfluence d'une cause qui est souvent inap- préciable, mais qui doit tendre à comprimer cetépanchement intra-utérin, et le force à s'échapper en quelque point.

165

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

DES AUTEURS CITÉS DANS CETTE THÈSE.

Jean Alexander, Commentarie med. and philos, by a Society Edinburgh,t. III.

Ancelet (Gazette des hôpitaux), 1868.

Barnes, A, Further Account of Fatty, Degeneration of the Placenta and the influence of this Disease in Producing, Death of the Fœtus Hœmorrhagie and Abortion (Royal médical and chirurgical Society). Londres, 1853.

Basset, rhèse, 1838.

Baudelocque, Accouchements.

Belfinger, De Hydropeuteri gravidi. Tubingue, 1761.

Bernier, Diverses questions méd. , 1841.

A. Berton (Observation), Archives générales de médecine. 1'^ série, t. XX, p. 120, 1829.

Bidloo, Exercitat. anat. chir., p. 18.

Billroth, Traité de chirurgie, 1865.

Blot, Société de biologie, 1850.

Bœhraer, Fasciculus observ. rariorum. Breslau, 1723.

De aquis in utero gravidi et parturatione profluenlibus. Halle, 1769.

Bouchut, Société de biologie, 1831.

Bourgarel, Arch. méd. nav. Rochefort, 1868.

Brachet, Des maladies du placenta et de leur influence sur la vie du fœtus (Revue médicale, 1828).

Bremser, Traité zool., édit. Blainville.

Breschet, Medico-chirurgical Transactions, 1818.

Brown-Séquard, Journal de physiologie, 1861.

Buisson Danthes, Gazette médicale, 1842.

Burgess, The Londou med. and Surg. Journ., 1830.

Burns, Traité des accouchements, 1837.

Bustamante, Étude sur le placenta (Thèses, 1848).

Caillaud, D'un nouveau signe stélhoscopique indiquant le décollement du pla- centa (Thèse, 1852).

Canierarius, Journal de litt., oltram, t. XXXI.

166

Camper, De optima agendi vel expectandi in medicina ratione, 1800.

Capuron, AccouchemeTits et mal. de femmes.

Cautereau, Archiv. de raéd., 1824,

Cayla, Thèse inaugurale, 1849.

Cazeaux revu par Tarnier, 1867.

Chambon, Mal. des femmes, an VIL

Ghaussier, Bulletin de la Faculté, 1817.

Cazeaux et Grisolle, Revue médicale, 1839.

Cloquet (Hipp.), l^^ de la Faune des médecins.

Courty, Maladies des femmes, 1867.

Cruveilhier, Anat. pathol., 1816.

Dict.de raéd. et de chirurgie. Apoplexie. Dance, Maladies des membranes (Archives de médecine^ 1829). Delamotte, Traité des accouchements, 1721.

Deleurye, Traité des accouchements, 1770. Denman, Trad. de Kluyskens. Gand, an X. Depaul, Mémoires de la Société de biologie. 1''^ série, t. II, année 1550 (Cas de

môle vésiculaire). Deneux, Gazette méd,, 1831. Devilliers, Archives, 1845.

Observations et recherches sur quelques maladies de la membrane caduque (Revue médicale, 1842-43).

Drouadaine, Thèse, 1866.

Dubois, Leçons cliniques.

Dubois et Desormeaux, Dict. en 30 vol., 1840.

Duclos, Thèse de Basset, 1858.

Dubreuil (de Montpellier), Revue médicale (Observation), 1831.

Druitt, The Lancet, 1853. On degeneration of the placenta at the and of pre-

gnancy. Dufour, Bulletin de la Société anat. (Observation), 1863. Chailly, Taité d'accouchements. Charrier, De la rétrocession du travail (Arch., 1858J. Cheston, Pathol. inquiries and obs, Glocester, 1766. Fabrice de Hilden, Opéra omnia. Frank, De curandis hominum morbis. Manheim, 1791. Fried, De secondinis salutiferis aeque ac noxiis, 1736. Froriep, Handbuch der Geburtshalfe. Weimar, 1818. Gains, Journal de méd., chir. et pharm., t. III. GardieU; Traité des accouchements, 1816. Garrisson, The American Journal, 1852. Geil, Hydrorrhée. Heidelberg, 1822. Geoffroy de Montreuil, Thèse, 1858. Godefroy(de Rennes), Annales d'obstétrique (Journal des conn. méd.-chirurg.,

1844. Gotlieb Vater, Thèse, 1729. Gregorini, De Hydrope uteri. Halae, 1795.

167 -.

Gunther et Lobtseio, Ueber die Ernahrung der Fœtus. Halle, 1804.

Guichard, Fausse môle peu connue (Arch., 1863).

Guillemeau, Œuvres de chirurgie, 1648. Guillenjot., Hydramnios(Arch. méd., 1834).

Hall, London Medic. Gazette, 1839.

Haller, Opéra minora. Lausanne, 1768.

Hiffeslheim et Laboulbène (Mémoires de ia Société de biologie, 1834).

Hildenbrand, Lehrbuch der Anat. Brunswick, 1803.

Houel, Mémoires de la Société de biologie, 1857.

Ingleby, Practical Tractises on utérine Hemorrhagie.

Jantke, De prœmaturo aquatum parturitionis ex utero gravido effluxu.

Jacquemier, Recherches d'anatomie, de physiologie et de pathologie sur l'utérus humain et sur l'apoplexie utéro-placentaire, pour servir à l'histoire des hé- morrhagies utérines du part prématuré et abortif (Archives, 1839).

Johnson, The New Orléans Journal, 1834.

Joulin, Accouchements, 1867.

Kilian, Neue Zeitschrift fUr Geburts, t. XXVII.

Lauray, Revue médicale, 1821.

Leclerc, Anoien Jouru. de méd., année 1761, t. XV.

Lée (Robert), London med. Gaz., 1839.

Lempereur, Thèse, 1867.

Leray (de Nantes), 1"^^ observation.

Lesauvage, Archives de médecine, XX, 2^^ série, 2^ observation.

Louvet-Lamarre, Thèse, 1867.

Maccartan, Devilliers, Revue méd., 1843.

Mattei, Comptes rendus Académie des sciences, 1866.

Mauriceau, Traité des accouchements et observations.

Meckel, Handbuch derMensch Anat. Halle, 1820.

Meckel (Job. Fr.), Pathol. Anat., t. II, p. 124.

Mercier (de Rochefort), Société de médecine, 1812. !!

Millet, Thèse, 1861.

Millot, Suppléra. à tous les traités d'ace, t. H, p. 73.

Morgagni, De sedibus et causis morborum, epist.

Mordret, Moniteur des hôpitaux, 1853.

Morlanne, Journ. accouchements, t. L

Murât, Dict. des sciences médicales, 1820.

Neumann, Ueber die Skolorose der Placenta (Kunigsb. mcd. lahrbuch, 1860).

Ortlob, Historia partœ conomiœ hominis et de niotu ovuli ad uterum et fœtus nutritione, 1696.

Oulmont, Hydropisie de l'amnios (Revue méd. -chirurg., 1830).

D'Outrepont, Journal de Busch, 1338.

Osiander, Handbuch der Entbiiduug, 1819.

Pajet, Lcct. on surg. palh., t. II, p. 98.

Pelvet, Bulletins de ia Société anatomique (Observation), 1865.

Percy. Ancien .lourn. de méd., t. 88, année 1792.

Peu, Pratique des accouchements, 1694.

168

Pies (de Mayence), Gazette médicale, 1851.

Portai, Pratique des accouchements, 1685.

Puzos, Traité des accouchements. 1759.

Robin, Société de biologie, 1854.

Robin et Verdeil, Chimie pathologique.

Rœderer, Elementa actis obst. Gœttingue, 1765.

Ruysch, Observ. anat.-chirurg. Amsterdam, 1691.

Salmuth (Phil.), Observât, medicorum, cerituria II. Brunswick, 1648.

Sédillot, Journal méd. et chir. 1812.

Sigwart, De hydrope uteris gravidi.Tubingue, 1759.

Schrœder. De hydat. in corp. animali praesertim humano repertis. Rintel,

1791. Shrokius, Académ. des curieux de la nature, éphém., cent, ix et x, p. 166. Simpson, Obstetricks Worh. , 1836.

Edinburgh médical and surgical Journal, 1836. Smellie, Traité des accouchements, 1771. Stark, Acla curiosa, t. III. Stein, Ann. der Geburtshalfe, t. II. Steinmetz, Gazette méd. d'Autriche, 1843. Stratford, The London médical and surgical Journal, 1829. Vallisnieri, Vesiche nel corpo degli animali viventi. Van Swieten, Commentaria, 1764. Velpeau, Accouchements, 1835. Verdier, Thèse, 1868. Vulpian, Cours anat. pathol., 1867. Wagner, Traité de physiologie. Wirchow, Pathologie des tumeurs, 1867. Wilde, Mém. Berlin, 1838,

Paris. Imprimerie de E. MARTINET, nie Miçntn, 2.

mk\0^^

'o:

^- ^

'm*::^.W-M?^^ ■. ^^^- ¥

'-%.«.-.

4^."

"V*'^

■-afcw vx 'T'^

'4^ . ^

y>e -It: