4, ^^P \ n^:;?-^ /f, %^ f \ W^ JOHNA.SEAVERNS O^ Louis d'HAVRINCOURT Dressage en Liberté du Cheval d'Obstacle Cette méthode de dressage à l'obstacle est maintenant réglementaire dans la Cavalerie Française (Manuel Equitation et Dressage 1912). — Le manège similaire a été établi à l'Ecole de Cavalerie de Saumur r' Edition DRESSAGE DU CHEVAL D'OBSTACLES TOUS LES DROITS DE REPRODUCTION ET DE TRADUCTION DEMEURENT LA PROPRIÉTÉ DE L'AUTEUR POUR TOUS PAYS DRESSAGE EN LIBERTÉ DU Cheval d'Obstacles par le C'e Louis d' H A V R I NCOU RT Ouvrage orné de gravures d'après les dessins de l'auteur, et de photographies PARIS au SPORT UNIVERSEL ILLUSTRÉ 13, RUE DE LONDRES et chez LEGOUPY 5, Boulevard de la Madeleine 1913 Tous droits réservés AVANT -PROPOS // y a quatre ans, un malencontreux accident, en altérant ma santé, m'a forcé à renoncer à mes chers chevaux d'obstacles. Le passé que j'évoque est-il tout à fait mort et sera-t-il redonné un jour à ma vieillissante carcasse l'exquise jouissance de rajuster ses étriers et de se remettre en selle pour un parcours ?. C'est un beau rêve, et en attendant qu'il se réalise je me console, comme je peux. Ne pouvant plus monter mes sauteurs, je les dresse en liberté « dans mon manège » suivant ma méthode, et j'en cause toujours avec plaisir. Mes lecteurs voudront bien me pardonner, si j'en cause si mal. Le fond d'une selle n'est pas un moelleux fauteuil d'académicien et ma plume, qui s'est rouillée à faire du sport, sera bien maladroite pour réveiller ces quelques souvenirs du bon vieux temps. Un souvenir, c'est une photographie inaltérable qui a l'âme pour cadre; un ami fidèle qui ne vous lâche pas aux mauvais jours; un rappel de franche gaîté et de bonheur; un baume de jeunesse qui vivifie l'âge mûr et adoucit la vieillesse. Je n'ai pas la prétention d'apprendre quoi que ce soit à mes anciens camarades Officiers ou Habits Rouges. J'aurai peut-être la bofine fortune de venir en aide aux débutants et de leur faciliter la besogne, en leur contant ma tournée sportive à travers le monde où l'on aime le cheval, et où on sait le mieux s'en servir. Je n'ai pas d'autre ambition et je leur dédie ces quelques pages. En ce siècle de siuobisnie et de nuuiiiiicrie à outrance, où les oreilles bourdonnent du bruit trépidant des moteurs, il y a certaine crânerie, je dirai mieux, quelque outrecuidance à venir encore parler du chei'al, cet animal préhistorique, que nos modernes massacreurs de beauté et d'idéal zoudraient enterrer un peu vite. J'ignore les surprises que l'avenir et le progrès réservent à nos fils; s'ils se battront sur de formidables cent chevaux, ou se torpilleront da)is les nuées sur des dirigeables; si leurs équipages aériens corneront de fantastiques hallalis d'aigles ou d'albatros/' Moi, je suis un incorrigible^ et ces envolées à travers l'azur par planètes et par étoiles, ne me troublent pas autrement l'imagination. Je suis un incorrigible, un rétrograde, un ami têtu du bon vieux temps et de nos bons vieux sports: un fervent de l'éperon et de la cra- vache; un chauvin passionné de la nwnte à la française; un adepte des jambes près, de la rêne qui glisse moelleuse entre les doigts, sans jamais perdre le contact de la bouche. Si j'avais eu l'insigne honneur, avec ma génération, d'être appelé à faire mon devoir, c'est sur un galopeur. dans une ruée fantastique, leS étriers chaussés à fond et sabre au clair, que j'aurais voulu « ramasser mon dernier bouchon pour la France )>. DRESSAGE EN LIBERTÉ DU CHEVAL D'OBSTACLES CHAPITRE PREMIER Le cheval d'obstacles en générai De Vélevage du cheval de selle en France, Célèbres sauteurs français A quel signe extérieur peut-on reconnaître un cheval d'obstacles ! Il n'est pas facile d'établir une règle. Le sauteur type a souvent été défini — un animal bien d'aplomb sur ses quatre membres, à l'épaule puissante, à la poitrine large, au rein solide et court, aux jarrets bien soudés et bas, au port de tête souple et harmonieux . La pratique contredit bien des fois cette description théorique, et nous tenons à dire de suite que nous avons rencontré de par le monde, d'excellents jumpers, particulièrement mal bâtis; avec un rein long, des genoux creux, des jarrets pitoyables et n'ayant absolu- ment rien dans leur structure qui puisse flatter l'œil d'un con- naisseur. En revanche, nous n'avons jamais vu un mauvais cheval J2 LE CIIKVAL L) OBSTACUliS cléponrvu de sang, de classe et d'allures devenir un cliani])ion d'obs- tacles. L'acquéreur d'un jeune cheval qui voudra mettre dans son jeu quelques bons atouts, devra avant toutes choses rechercher trois bonnes allures. De ces trois allures, le pas trompe bien rarement. Lue bête de quelque origine (ju'elle soit, (jui s'en va, scandant l)ien, martelant bien son pas, posant avec énergie ses sabots sur le sol, portant beau une tête finement attachée sur une longue encolure, sera ])resque toujours un bon clieval et un galopeur. Si son dressage sur l'obstacle vient à manquer, s'il n'accuse pas de dispositions spéciales pour le saut, il pourra être utilisé pour tout autre service, et ne sera jamais d'vme défaite difficile, pouvant faire indififéremment un bon hack ou un parfait hunter. Il est un signe pourtant ]3resf;ue infaillible. Un cheval cjui a ses jarrets en dedans situés bas, larges, bien engagés sous le ventre, un cheval qui, dans son branle de galop, amène bien ses jarrets sous ses é])aules, fera presque toujours un bon cheval d'obstacles. Où trouve-t-on les meilleurs sauteurs? Pendant un nombre intini d'années, tous les hommes ou livres de sport proclamaient les prouesses uniques des champions d'Angleterre et d'Irlande. Le Royal-Horse-Show de Dublin ; les foires du Leicestershire et d'Irlande étaient les unicjues marchés où s'achetaient les seuls bons chevaux de l'L nivers. Le Champion Stone-Wall, la grosse épreuve du Concours Irlan- dais, n'était accessible qu'aux produits de la \'erte-Erin. Le reste du monde était complètement dépourvu de chevaux et de cavaliers. Pauvres Continentaux, si longtemps dénigrés par les insulaires d'Outre-Manche, nous avons réduit aujourd'hui ces légendes à leur juste valeur, et forcé nos voisins à convenir qu'il existe de bons sauteurs ailleurs (|ue dans les Iles Britanniques, avec d'excellents cava- liers pour les monter. Mais il faut rendre justice à qui de droit. Tous ceux qui ont parcouru l'Irlande; tous ceux qui ne se conten- tent pas d'assister aux ventes de Chéri ou du Tattersal (où du reste ils n'achètent jamais rien et ne couvrent que la première enchère) pour se délivrer à eux-mêmes un brevet de fins connaisseurs, reconnaîtront avec nous, que, pour le saut, à l'heure actuelle encore, la race anglaise est sans rivale. LIv CIIKVAL D OnSTACLlîS 13 14 L'ELKVAGE DU CHKvAL DlC SKLLK 11 n'est pas un coin d'Europe et d'Amérique où, en faisant ses preuves, elle n'ait établi sa suprématie, et il y aura fort à faire pour lui enlever son incontestable royauté. Les cavaleries de tous les pays cjui ne produisent qu'une race médiocre ou inférieure vont se irecruter de l'autre côté du détroit du Pas-de-Calais. N'est-ce pas la preuve la plus éclatante de ce que nous avançons. La Belgique, l'Italie, l'Espagne, l'Amérique, l'Argentine importent annuellement des milliers d'Irlandais, que leurs officiers pilotent bril- lamment dans tous les Concours Internationaux. Est-ce à dire que nous soyions condamnés à être éternellement tributaires de nos maîtres incontestés en matière de production che- valine et d'élevage, et à ne jamais créer une race de sauteurs, cfe hunters, de hacks ou de chargers (i), ayant autant de brio et de qualité ? Bien du papier a été noirci dans ces derniers temps sur ce sujet et combien d'intéressants volumes il y aurait à écrire encore. Nous ne voulons pas sortir du modeste cadre que nous nous sommes tracé; nous ne ferons donc qu'efHeurer au galop la question, laissant à d'autres plus compétents le soin de discuter, de détailler, de conclure. A notre sens, les éleveurs Français ne se sont jamais sérieusement imposé la tâche de faire le beau hunter ou le cheval de selle, ne s'appli- quant qu'à améliorer le cheval de race galopeuse ou trotteuse, comme étant la poule aux œufs d'or. Tous les ratés, tous les déchets de ces deux catégories forment le médiocre lot, que la remonte et les amateurs de haks ou de hunters doivent se partager. Le cheval n'a donc été juscju'ici pour l'éleveur qu'un engin de jeu. qu'un ticket de pari mutuel. Jamais, que je sache, les belles poulinières normandes, bretonnes, limousines ou autres, n'ont été sélectionnées avec soin pour les donner à des étalons hunters de pur sang; autrement dit, reproducteurs de clicvaux de selle et de troupe. « Les juments normandes de classe, me disait un officier de remonte, très documenté sur la question, sont en général, saillies par des demi-sang trotteurs ». Le génial moyen pour créer des galopeurs ! Et ces courses au (i) « Charger « cheval d'armes ou d'officier, pouvant porter du poids. L ELEVAGE DU CHEVAL DE SELLE 15 f- >♦.» H 0 ^ M H 25 U p: 10 L ELKVAGIC DU CHKVAL DE SELLE galop de deux mille mètres! 2.000 mètres vous m'entendez bien... nous les a-t-on assez tambourinés aux oreilles? C'était l'apothéose du normand galopeur? tous les records des demi-sang sur piste étaient de loin battus; la revanche du trotteur si dénigré était aussi éclatante que la défaite de ses détracteurs était piteuse ; les plus fines cravaches de nos Hippodromes étaient venues les monter à l'américaine... et ils avaient eu l'ivresse de sentir entre lem-s jambes des craks de Derby!!! Quel emballement! Quelle nnisique ! Nous aimons mieux là-dessus l'opinion d'un grand maître univer- sellement apprécié pour sa compétence, et qui écrivait dans un article paru dans le journal le Jockey, en l'été de 1909... que... « Ces courses de petite haleine ne signifiaient rien du tout, qu'elles étaient une déri- sion ; que... c'était des courses de longue distance, des <( points to points » de 5.000 mètres au moins, parsemés d'obstacles de chasse ; des petits « Grand Liverpool » qu'il faudrait pour mettre en relief de bons chevaux d'extérieur, de selle ou de troupe ». Nous nous inclinons complètement devant cet avis. Les étalons hunters d'Irlande, que j'ai vus de près souvent, sont de gros pur sang choisis sur leur modèle et non sur leur performance, de musculature puissante, et pour la sélection desquels, la question de faire des gagnants de course, n'est jamais entrée en ligne de compte. Quant aux poulinières, ce sont des juments très près du sang et filles d'étalons de \n\r sang. Les produits donnent des trois quarts de sang de forte membrure parfois un peu communs, aux jarrets bas et larges, en dedans ; aux genoux carrés et près du sol, à la poitrine toujours profonde et à l'épaule couchée et belle. Leurs allures sont un beau pas, signe carac- téristique de race : un trot médiocre, un galop superbe, souple, bas et allongé. Jamais il ne se rencontre chez les hunters de ces chevaux, hélas si communs chez nous, sans coffre ni boyaux, levrettes et haut sur I)attes. L'amour-propre national seul m'empêche de reproduire certaines I)hotographies de ces chevaux primés en France, et que l'on pourra trouver dans le Sport Universel Illustré. Cette maudite question des Hippodromes gâte tout chez nous. Pendant que j'écris ces lignes, une chronique sportive fort répandue, me tombe sous les yeux ; il y est dit que les marchands Irlandais sont L ELEVAGI; DU CHEVAL DE SELLE ]8 l'élevagk du cheval de selle venus en Normandie Tan dernier acheter des reproducteurs de demi- sang trotteurs. Pas possible? Et savez-vous pourquoi faire? vous ne le devinere-^ jamais!! Pour améliorer leur race. Le trotteur en tant que cheval de service avait encore sa raison d'être quand on attelait, quand on recherchait ])our parader au bois le geste et l'allure. Mais de nos jours que peut-il faire le pauvre! avec ses records de i m. 30 derrière les cent-chevaux de nos automobiles. Le trotteur normand est une richesse nati(inale pour nos dépar- tements de l'Ouest qui en exportent beaucoup; cijnservons-le; mais ne confondons pas les races, ne les abîmons pas en les mélangeant, et créons à côté le galopeur. Au lieu des Irlandais chez nous, venus sans doute pour donner un ])eu plus de train à leurs hackneys qui en manquent, nous voudrions voir un peu plus souvent nos éleveurs chez les Ldandais ; les y voir acheter quelques belles juments du pa}-s, pour ])erfectioimer le cheval de selle qui en a grand besoin. Il serait bien temps de s'y mettre ; il est peut-être déjà trop tard, et si nous jetons le cri d'alarme, c'est (|u'au dire des journaux, d'Ar.- gleterre, il a déjà été question au Parlement Britaimique de prohiber l'Exportation. Les Anglais se sont justement émus de la quantité colossale de bons chevaux cpii (|uittent leurs Iles: ils veulent augmenter leur cava- lerie et leur artillerie et conserver un fort ccntingent pour leurs cadres. II en résulte que la nation qui produirait une race de selle de guerre, rivale de la race anglaise, remplacerait l'Angleterre pour ses exporta- tions et augmenterait d'autant sa richesse nationale. Avec nos propres ressources, pourcpioi ne ferions-nous pas aussi bien ciue nos m.aîtres de l'heure actuelle? Nos herbages de la ^Manche, de r(Jrne et du Perche; nos grasses ]:)rairies du Charolais, du Nivernais, du Limousin, sont aussi aptes à créer Ijeau et bon, que les pâturages si renommés de la Grande P.re- tagne. Nous doutons fort, ciue, l'herbe qui a une importance capitale au point de vue du développement de la charpente osseuse du poulain. soit plus pauvre en phosphate ou de (|ualité inférieure dans nos prairies françaises. La qualité des chevaux de courses élevés chez nous, ne le cède en rien aujourd'hui à celle des racers anglais. Pouvant faire aussi I. KLF.VAGIC DU CHEVAL DK Sl-r.LR 19 20 L ELEVAGi; DU CIIEVAL DE SELEE bien cju'eux pour nos pur sang, pourquoi n'arriverions-niOus pas à faire une race égale à la leur pour nos demi-sang? Nous sommes encore loin de ce beau rêve et à l'heure actuelle la race britannique est sans conteste la première de toutes les races chevalines du globe. Il n'en est pas une, en effet, à pouvoir mettre en ligne, un jour d'exposition, un lot aussi parfait d'animaux du même ty])e. Nous ne connaissons pas de spectacle plus empoignant que la présentation au Horse-Show de Dublin, de tous les chevaux primes. Quel admirable classement que celui de ces hunters de poids lourd ou de poids léger, qui défilent à la parade, tous pareils, comme les mêmes hommes d'un régiment d'élite. Quand on a eu, comme moi. l'exquise jouissance de contempler riiaintes fois cette féerie, on éprouve un vrai dépit, un cruel serrement de cœur à assister à une présentation des chevaux de selle primés dans nos Sociétés hippiques françaises. Triste salade, que celle de toutes ces bêtes de tous les poids, de toutes les tailles, de tous les modèles, entremêlées sans aucun ordre ; aptes à tous les services ; ni carrossiers, ni hacks, ni hunters, où le poney est tête à queue avec l'hiradelle levrettée, haute sur pattes et sans boyaux où le cheval de phaéton et de buggy steppe ridiculement derrière le légendaire cheval de douairière. Aussi nous plaignons bien sincèrement le pauvre jury qui doit décerner la prime au mioins vilain de ces laiderons? Que n'avons-nous le crayon spirituel et talentueux de Crafty ou de Alich pour caricaturer cet indescriptible tableau ? Pour avoir une race de chevaux de selle en France, il faudrait commencer par établir des catégories et des classes bien définies sui- vant des règles invariables d'épreuves ; et, dans cette voie, on ne pourrait mieux faire que d'adopter le système anglais qui a fait ses ];reuves, chcvmix de poids lourds et chevaux de poids légers. Pour cela, point n'est besoin de ces tableaux de mensuration qui donnent une crise hilarante aux connaisseurs ; ni de balances bonnes à peser des bœufs à l'engrais? Il faut du coup d'œil et des gens de la partie. Si nous n'en venons pas au classement angiais qui est le seul rationnel, nous tâtonnerons, nous pataugerons sans jamais progresser. Prenons un exemple <|ui est de circonstance; celui d'Espoir, le fameux cheval français, ou'ont mis en relief les réunions de Saumur HUNTER DE POIDS LEGER HUNTER DE POIDS LEGER 22 CELElîRl-.S SAUTKURS FRANÇAIS pour l'amélioration du cheval cle guerre. Espoir a dressé les oreilles au concert de tous les bravos, cueilli tous les lauriers, récolté toutes les primes d'élevage de sa génération. Espoir est un animal plaisant, avec du chic, de la branche, du boui|Uct ; galopant bien et sautant de même. Malgré toutes ces qualités nous estimons qu'Espoir est un raté. Et pourquoi ce jugement sévère? Parce qu'Espoir n'est d'aucune catégorie. 11 est trop grêle i^our être mis dans les poids lourds, où sa haute taille pourtant devrait lui donner droit d'entrée. 11 est trop grand pour être catalogué dans les poids légers. Cette ciassitîcation, du reste, pour une bête de sa taille, serait une défaveur; personne n'ignorant que les hunters de poids lourd valent en Angle- terre deux et trois fois les hunters de poids léger. Pour ces rai^ons, nous ne pouvons admirer sans réserve Espoir dont la valeur marchande en Irlande n'eût pas dépassé 8o livres à A ans. Je m'étais bien promis de ne parler que des sauteurs; vite, je rentre dans mon sujet, qui est bien ])lus consolant, je me hâte de le reconnaître, pour l'amour-propre national. Il fut un temps, disions-nous, au début de ce chapitre où l'on prétendait, qu'en dehors du Royaume Britannique, il n'existait ni che- \ aux, ni cavaliers. Dans ces vingt dernières années, la passion du cheval d'obstacles s'est beaucoup répandue en France ; nos officiers et nos habits rouges ont montré qu'avec une race inférieure, sans doute, mais avec une science du cheval <|ui ne le cédait à personne, ils pouvaient faire bonne figure dans les Concours Internationaux de l'Etranger. Xous en venons naturellement à citer les noms et les exploits des chevaux français qui ont récolté le plus de lauriers et dont les prouesses n'ont rien à envier à ceux d'Angleterre. Biack-Devil. — Petit cheval noir jais, i"'58 de taille, né dans la région du Médoc, fut le i;remier à sauter un mur de 2 mètres dans un concours d'Europe. Fait au moule, pétillant de sang et de race son nom de démon seyait à ravir à sa satanée cabcche. Aussi, ses débuts en France no furent-ils guère heureux et il fut vendu en Belgique. I\I. Tehin, de Bruxelles, fut, si nous avons bonne mémoire, scji CELEBRKS SAUTEURS FRANÇAIS 23 24 CÉLÈBRES SAUTKURS FRANÇAIS pilote à l'étranger, et, grâce à cette monte savante et énergique, Black courut de victoires en victoires. Puis vint l'ère des championnats en hauteur. Cette passion jus- qu'alors inconnue chez nous s'y développa, après que les journaux illustrés du Nouveau Monde nous eurent bombardés de photographies, du reste fort Ijelles, et de comptes rendus fantastiques de leurs cham- pions de barre. Black, vers cette époque, passa entre les mains de M. Philippot, le célèbre dresseur bruxellois. M. Philippot est sans contredit l'homme de cheval le plus adroit, que nous ayions rencontré dans notre existence. Nul, mieux que lui, n'a su se payer la coquette fantaisie de prendre en dressage tous les cabcchards. les rogneux, les gueulards ratés par des maîtres et de les faire filer droit vers la victoire. Ceux de nos lecteurs qui ont eu avec nous le plaisir d'admirer en maintes occasions, la monte remarquable de cet excellent cavalier, nous sauront gré de rappeler ici son souvenir, comme celui d'un des hommes de cheval le plus accompli de notre époque. Black-Devil établit donc au grand Concours International de Spa il y a une dizaine d'années, le record de la hauteur, passant avec I\I. Philippot un gros mur de deux mètres bien mesurés. Ce magni- fique exploit fut consigné dans un procès-verbal. Deux mètres sur un mur est une performance autrement difficile, que sur les barres, plus sautantes, toujours précédées d'une grosse haie inclinée, et qui, en tout cas, impressionnent moins le sauteur. Il y a déjà longtemps de cela et nous n'avons pas oublié l'ovation enthousiaste faite au vaillant qui. le premier sur le continent, accomplit en public pareille prouesse. Abricot. — Le beau cheval bai, de ^I. de Rovira, est certaine- ment le plus fameux sauteur de l'heure actuelle, le véritable crack français. Il est né à Analogues, en 1900, sa mère est Perle, demi-sang, et son père Levraut, par Phaéton. Champion de barre, il passe régulièrement ses deux mètres dans toutes les épreuves de puissance qu'il court. Au concours de Lyon, entre autres, et à Menton il saute 2"^io. Non moins formidable sauteur de volée, il gagne un championnat de rivière au Concours de Toulouse, franchissant 6'"75 d'eau. En dehors de ces spécialités, c'est un admirable sauteur de chasse et de concours, galopant comme un pur sang, adroit comme un chat ^^^^^F ABRICOT, SAUTEUR NORMAND. APP' A M. DE ROVIRA CLASSÉ EN TÊTE DE TOUS LES GAGNANTS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS EN I( ET 1909 26 CKI.KBRKS SAUTKURS FRANÇAIS sur les grosses l)anqucttes du Midi, de Pau et de Biarritz, il gague aux quatre points cardinaux de l'^'ance et s'illustre partout, en Espagne. habilement monté par M. Ricard. Dans la seule aimée de 1908, il est en ttte de tous les gagnants français et étrangers sur le livre d'or de la Société Hippique fran- çaise, rapportant à son propriétaire la coquette somme de 13.000 francs. En IÇ09, il bat son record d'argent gagné avec la somme de 15.000 fr. DOUBLE R, ANGLO-ARABE, APPARTIENT A M. DE ROVIRA Près de 30.000 francs en deux années consécutives, bien des chevaux de courses n'en font pas autant. Double R, un autre cheval de la même écurie, est presque aussi célèbre. Xé à (Jloron, en 1899. Sa mère Orca, demi-sang, et son père Pyroscope, demi-sang, par Sak-Cadidy-Djedran, pur sang arabe. Il n'est pas possible de rencontrer un cheval plus bondissant, plus balle élastique, plus majestueusement beau sur l'obstacle que Dou- ble R. CÉLÈBRES SAUTEURS I-'RANÇAIS 27 En 1909, il gagna la Coupe de Madrid ; à Paris en 1910, sur ([ualre épreuves il se classe quatre fois premier, faisant l'admiration de tous les connaisseurs. A Lyon, en 1910, il francb.it la barre et le nuir sans les effleurer à i'"95, et gagne la Coupe de Menton. Dolly. — Je citerai en passant ma honne jument grise truitée. Achetée à l'Ecole de Saumur par le lieutenant Haentjens, elle fit, pendant tleux années une tournée triomphale dans la région de l'Ouest, y ramassant toutes les Coupes. Quand son propriétaire n'eut plus rien à lui faire gagner, il voulut bien me la céder; elle avait alors plus de 16 ans. Je la montai au grand Concours de Bruxelles où, deux années de suite j'eus la bonne chance de lui faire gagner la Coupe, après trois barrages sans faute où elle battit les m.eilleurs Irlandais. Elle réussit également à Spa, Namur, Ostende, et dans toutes les réunions belges. Elle mourut à 25 ans, chez un ami qui lui avait offert une hono- lable retraite bien gagnée; l'année même de sa mort elle me conduisit à la gare, trottant attelée son kilomètre en moins de deux minutes. Nous vantions l'harmonieux modèle des Irlandais, est-il possible de rêver une jument mieux bâtie que cette brave Corlaisienne ; et quelle merveilleuse race nous pourrions avoir en sélectionnant un peu mieux nos juments et en les donnant à des étalons hunters de pur sang, choisis avant tout sur leur modèle. Riquiqui naquit dans l'Allier, à A^aumas, par Page et Blonde. Son père est fils de Harley. petit-fils de pur sang. La mère. Blonde, est née dans l'Allier également, issue de 1/2 sang normand (Subtil), par Dragon, pur sang, et d'une jument d'origine inconnue toisant i"'48, à (jui Riquiqui doit sa petite taille. Encore une vraie merveille que ce petit cheval. Il gagne en 1908 et en 1909, avec son proprié- taire le capitaine Bompard, tout ce qu'un cheval peut gagner en France : la Coupe de Paris — le Prix Mornay et le Grand Prix de Vichy. Dans la Coupe de Paris il a eu à lutter contre la formidable écurie du gentleman belge, AI. Lœwenstein, qu'il bat au train. Vendéen. — J'eus la bonne fortune de deviner ce cheval et de le mettre sur l'obstacle. Je ne saurais être accusé de nourrir pour le normand trotteiir, comme cheval de selle et de concours, une affection inconsidérée. CÉLÈBRES SAUTEURS FRANÇAIS CELEBRES SAUTEURS FRANÇAIS 29 J'en reconnais avec d'autant plus de plaisir qu'Abricot, Riquiqui et Ven- déen sont de bril- lantes exceptions. Et cela prouve qu'il y aurait bien peu de choses à faire pour perfec- tionner la race nor- mande et en faire l'égale des meil- leures races existantes ; pour cela, il faudrait écouter les conseils de gens compétents tels que MM. de Gasté et Martin du Nord qui ont, au cours de cette année, consacré d'excellents articles à la question uans le Sport Universel Illustré. Quoiqu'il soit normand, je ne connais pas de cheval galopant mieux que Vendéen sur un dur parcours. A coup sûr il n'en est pas de plus brillant pour franchir au train de steeple les plus grosses banquettes, LE C.APITAINK HOMl'ARD SLR SON C1IKV.\L RK^LIl^fl 30 CELKr.RKS SAUTia'KS l-RAXCAIS les plus fcrniiclablcs casse-gueules, eu semaut au traiu tous ses cou- curreuts. II y aurait hieu ])eu d'irlaudais à ])()uvoir le battre daus un Point to l'oint, et à pouvoir tenir ce train fou sans l'inévitable culbute. \ i-.\nKi{x est actuellement clans les écuries espagnoles du duc d'Andria. Le cavalier et sa monture se partagent les lauriers les plus beaux des concours de la Péninsule ibérique, et je ne crois pas me tromper, en aftîrmant que c'est le meilleur sauteur et le plus gros cagnant de sa contrée. VENDiîEX, PAR ORAN DF.Ml-SANG TROTTEUR Vendéen. Oran. Marjolaine. Fuscliia. Fille de IMiaéton. \'aldempierre. V^allée d'Auge, par ^\^ Australian, p. s. Bistouri. — Je ne sais pas de meilleur éloge à faire de mon vieux cbeval (|ue de dire ([u'il me gagna le cbami)ionnat de Dublin en 1897, tous les championnats de France de son année; (iu'actuellement CEI.EURES SAUTEURS FRANÇAIS 31 ^m^-^-^^. S2 CÉLÈBRKS SAUTKURS FRANÇAIS encore, couvert d'années, mais sans une mollette, sans un suros il donne encore Timpression de puissance de sa photographie faite à l'époque de ses prouesses, il gagnait l'année dernière des prix sur de gros parcours à son propriétaire belge. La série serait trop longue s'il nous fallait mentionner tous les bons sauteurs ; nous citerons seulement Arago, le trotteur du lieu- tenant Dutech ; 'J'erpsichore, l'excellente jument bretonne du capitaine de Champsavin ; Sarah-Gosse, la délicieuse petite jument de M. Lefeub- vrc, qui. peur sa taille est une merveille et bat souvent au train les plus iijrands chevaux. Chevaux du AIidi. — Dans cette énumération faite à la hâte, il serait injuste de passer sous silence la plaine de Tarbes qui produit une race incomparable de chevaux bons pour tous les services. L'anglo-arabe est un cheval admirable pour petit poids et poids moyen. Inlassable (il l'a prouvé dans tous les raids, où il a figuré avec gloire), il peut faire, attelé ou monté, tant au trot qu'au galop, des centaines de kilomètres. ]\I. Larregain, dont l'éloge n'est plus à faire et dont nous aurons souvent le plaisir de rappeler le nom au cours de cet ouvrage, mène chaque année à la victoire une foule d'anglo-arabes, battant avec eux, dans les principaux concours du Centre, du Midi et de l'Espagne, l'élite des concurrents étrangers. Nous disions que le cheval du Alidi est un cheval de petit poids; il l'est de par son aspect et ses membres un peu grêles. Mais, en réalité, il vaut beaucoup mieux (pie ce qu'il parait, et il n'existe pas d'animaux à porter plus gaillardement du i)oids. Cette aptitude de portefaix lui vient de l'infusion du sang de son ancêtre, le cheval arabe. ]\I. I.arregain est de par sa haute taille et sa musculature l'un des plus lourds cavaliers de concours, montant au moins à Qo kilos. A vrai dire, il a pour corriger ce défaut auquel il ne peut rien, une foule de c|ua]ités ; il est la meilleure monte du ^Midi et sans conteste la première monte fie France sur les banquettes. Sa main ne pèse pas une once sur la bouche d'un sauteur qui s'agrippe à un talus, et la fixité de sa pince est légendaire; tous les anglo-arabes que je lui ai vus monter ne semblent en rien gênés par son poids. Nous nous sommes toujours demandé pourquoi les régiments de cavalerie recrutaient autre chose pour leurs escadrons que ces mer- MATADOR, ANGLO-ARABE MONTÉ PAR M. FRANÇOIS DE JUGE LE MIDOU, ANGLO-ARABE MONTÉ PAR M. LARRKGAi: 2^ CÉLÈBRES SAUTEURS FRANÇAIS veilleux petits animaux si supérieurs aux petits normands qui, s'anky- losant au piquet dans la plaine de Caen, sont destinés à la remonte et qui sont, du reste, le rebut de la production de toute la Nor- mandie. CHAPITRE Chevaux barbes, -- Poneys algériens. T^oneys tunisiens, -- Tunis et son concours, Nous allons quitter les pays d'élevage de France pour faire un tour dans nos colonies nord-africaines, et consacrer quelques pages aux barbes, cette vieille race des régions musulmanes. Le cheval barbe, autrement dit cheval originaire des pays bar- baresques, est très répandu au Maroc et dans les tribus africaines de l'Algérie. M. Bedouet, administrateur honoraire de la province de Constan- tme, président de la Société d'Encouragement des courses en Algérie, a consacré sa vie à améliorer ces rustiques petites bêtes. L'ancien administrateur habite El-AIadher, petite station sur la ligne de Constantine à Biskra: j'eus la bonne fortune d'être invité par lui il y a quelques années à visiter son haras de Saint-Georges. Je trouvai là une occasion recherchée depuis longtemps d'étudier de près les races arabes. M. Georges Bedouet, le fils aîné de l'administrateur, était réputé le meilleur et le plus audacieux cavalier de toute la province ; et avec cela très fin écuyer de haute-école. Il me fit voir à l'œuvre, c'est-à-dire en leur faisant passer de for- midables obstacles, plusieurs de ses élèves qui firent mon admiration. Désirant faire connaître et apprécier en France les barbes, je me rendis acquéreur du fameux Alessaoud, à qui JNI. Georges Bedouet avait fait gagner toutes les coupes de la région, malgré sa mauvaise caboche et sa s^ueule endiablée. 36 CIIKVAUX BARBES m i:r POXEVS ALGER] K.XS ?>7 Mi'SSAOUD était un petit cheval de i ni. 57, fantastii|ue comme sauteur de volée, je n'ai jamais rencontré un Irlandais à pouvoir l'ap- procher pour un saut haut et large en même temps. En plus de cette oualité. il était méchant, brutal, charognard. IN CriALLAH, PONEY ALGÉRIEN, l'"47, SAUTANT r"6o J'avoue à ma honte cjuc ne pouvant lui faire entendre raison, je le confiai à de plus malins que moi cjui ne s'en enthousiasmèrent pas autrement et laissèrent plus ou moins ses mérites à l'ombre. En désespoir de cause, je le vendis à M. H. de ]\Iunuu. le proprié- ^8 PONEYS ALGÉRIENS laire du célèbre Conspirateur. Celui-ci eut rexcellente idée de le confier iiu ca])itaine Crousse, alors instructeur à l'Ecole d'a])i)lication de Fon- tainebleau. ]\Iessaoud trouva enfin son maître, et gagna successivement avec lui la Coupe de Paris et le Grand Prix de Biarritz, prouvant qu'il était aussi bon et adroit sur un parcours de chasse et de grosses banquet- tes, que sur les obstacles artificiels de la Société Plippique Française. Messaoud eût pu sauter facilement, monté, deux mètres de hau- teur avec 90 kilos sur les reins; mais avec sa cervelle à l'envers on l'eût plutôt tué que lui faire dépasser i m. 80, qu'il passait volontiers à l'occasion. Revendu en Espagne il y fait actuellement la monte dans un haras. Comme autres bons barbes provenant de l'écurie de M. Bedouet j'ai en ce moment Saharaoui, propre frère de Alessaoud, moins puis- sant, mais excellent aussi et gagnant de nombreuses coupes. Puis Mord j en, un beau grand cheval qui remporta également plu- sieurs coupes et un championnat en hauteur à Angoulème. In Challah, appartenant à M. de Carcaradec, cueillit en une seule saison 4.000 francs de prix sans sortir de Bretagne. Son propriétaire prétend qu'il peut franchir aisément 2 mètres monté. Pour compléter l'éloge de ces excellents petits chevaux trop mé- connus, nous rappellerons la très jolie performance accomplie par eux au concours de Nantes en 1909. Les trois premiers prix des trois gi-andes épreuves furent brillamment enlevés au train par des barbes. L'Ouinium, par In-Challah. Les Dames, par Alordjen. La Coupe, par Mord j en. Il court sur les barbes et sur les chevaux arabes en général une légende absurde que nous voudrions bien détruire; à savoir ciu'entiers, ils sont odieux de caractère, ce qui est parfaitement exact ; mais que, castrés, ils ne valent plus rien, ce qui est absolument faux. Cette vieille histoire ne tient pas debout, l'expérience de plusieurs barbes, poneys ou grands chevaux que j'ai fait couper, m'a démontré qu'ils ne perdaient rien de leurs moyens de saut après l'opération: qu'ils devenaient au contraire plus souples, plus maniables de bouche et d'encolure sans rien perdre de leur vigueur. La raison en est sans doute, qu'avec tous leurs avantages, ils PONEYS TUNISIENS 39 pensent trop souvent à recurie, aux belles juments d'Afrique, qu'Allah leur réserve, en guise de Houris, dans le Paradis des chevaux!!! Dans un intéressant ouvrage anglais, dont l'auteur est M. S. Sidney et le traducteur le comte René de Beaumont, la question des barbes et leur histoire est traitée tout au long. L'historien nous raconte qu'à la suite des conquêtes des Anglais, en Asie et en Afrique, beaucoup de ces animaux barbes, persans ou syriens, importés par des officiers furent essayés en chasse, en course et dans les haras. Comme sauteurs, il s'en trouva dans le nombre beaucoup d'excel- lents derrière les chiens, et comme endurance ils ne le cédaient pas aux meilleurs hunters anglais ; mais les essais de croisement ne don- nèrent que de forts médiocres résultats. Si l'auteur leur trouve beaucoup de qualités, il n'en est pas moins impitoyable pour leur plastique, leur attribuant « un dos d'oie, des «. jarrets de chat et des genoux de veau ». Sans être aussi sévère que M. Sidney, nous devons à la vérité de dire, qu'à part de rares exceptions (Mordjen en est une, car c'est un bon et grand cheval avec trois parfaites allures) ces bons petits che- vaux ne paient pas de mine, sont en général communs, mulassiers, ont de mauvais jarrets et de médiocres allures. PONEYS Nous voulons consacrer les dernières pages de ce chapitre aux poneys de nos colonies algériennes. Ces petits animaux sont de pures merveilles, et c'est un crime de lèse-hippisme de ne pas les mettre plus en relief. Les Anglais, plus pratiques, plus fouilleurs, regardant moins sur- tout à passer les mers, n'ignorent pas un bon coin d'où l'on puisse tirer profit. Aussi connaissent-ils bien ces poneys, et j'ai souvent eu l'occa- sion de rencontrer leurs courtiers maltais qui en achetaient pour le polo. Je les ai vus assez souvent à l'ouvrage pour pouvoir affirmer que nulle part ailleurs il n'en existe de comparables. Je crois pourtant les poneys tunisiens très supérieurs à leurs voisins d'Algérie. Au premier concours hippique donné à Tunis en 1909, je fus émer- veillé de leur voir franchir, à poids égal, les mêmes obstacles 40 PONKYS TUNISIKNS f? ""s,* >«. . . f\ P, !/3 ^ Ci < 2 E. 1 1 BHr . i H ''- V 2 Z < 0 z" ij*' c/2 t. Z "4^^ H %\ f;.- . ' PONKYS TUNISIENS 41 que les grands chevaux, bien que le maxinuini de la taille tolérée pour leur qualification fût de i'"45. Je les ai montés pendant bien des hivers à la chasse à la sauva- gine à travers le rude terrain des marais, à travers la brousse impra- ticable ou les oueds torrentueux aux bords glissants et terriblement escarpés. Jamais il ne me fut dorme d'avoir entre les jambes sur terrain difficile quelque chose cjui en approchât, et, je n'hésite pas à déclarer ici que, pour porter très lourd et faire de la route avec rien dans le ventre, ils sont très supérieurs aux pone}'s d'Angleterre et d'Irlande. Ceux que j'ai vu sauter à Dublin ou à Londres, sautaient fort bien sans doute, mais n'avaient sur le dos que des petits boys, poids plumes, et ne pesant pas 50 kilos. J'ai ramené du concours de Tunis un poney bai, Siroco, taille i'"45; après lui avoir vu passer dans l'après-midi, tant dans l'épreuve des poneys que dans celle des grands chevaux (où les prix n'étaient décernés qu'après barrages), plus de soixante obstacles, et le même scir. toujours monté par son propriétaire pesant '/2 kilos, sauter sans y toucher la barre à i™50. Siroco, ex-Gin, ne fut classé pourtant que second prix dans la classe des poneys sauteurs Tunisiens. J'importai ce petit phénomène; il fit 2 ou 3 concours seulement en France et se classa 4^ prix de l'Omnium à Boulogne, sur 47 con- currents. Cette performance ne parut pas intéresser autrement le jury de la Société Hippique Française qui avait là une occasion unicfue de lui décerner un i""' prix hors concours qui n'eût pas été volé. Cette année, à Paris, Siroco a été admirable dans tous ses par- cours. Combien nous regrettons que l'on ne veuille rien faire en P'rance pour mettre en relief ou encourager les poneys. En Afrique, leur cause est en de bonnes mains, celles du baron Fleury, l'organisateur des courses de l'Hippodronie d'Aïn-Ksar et le créateur du premier concours hippique de Tunis qui obtint un si grand succès en 1909. Le baron Fleury sera bien secondé dans son œuvre par les colons. \ rais cowboys, passant leur vie en selle à travers le bled ou la brousse ; pleins d'allant, passant partout, ignorant la peur à pied comme à che\al : à leur premier concours ils étaient déjà passés maîtres. De cette énumération hâtive, il résulte qu'avec de ])areilles res- 42 POXKVS TUNISIENS sources en hommes et en chevaux, ([u'avec les éléments merveilleux dont nous disposons, il faudrait un rien de bonne volonté, d'entente, d'organisation, pour faire de notre race chevaline française l'égale de celle des Anglais. La France devrait se suffire à elle-même et n'avoir point besoin d'importation étrangère. Puissions-nous avoir réveillé l'atonie de nos éleveurs et la torpeur de nos sportsmen qui somnolent encore sur l'oreiller de la routine et des préjugés. CHAPITRE III Du dressage à la longe APRÈS l'ouvrage universellement connu et apprécié du comte Raoul de Gontaut Biron, Trai'ail à la Longe et Dressage à l'obstacle, auquel nous renvoyons nos lecteurs en quête de lectures instructives sur le sujet, il serait bien préten- tieux de vouloir écrire quelque chose de nouveau et de plus complet. La longe est, sans contredit, un admirable instrument de dressage et de correction, mais nous ne pensons pas qu'il faille en user exclusi- vement en matière de saut: Elle est beaucoup plus lente à faire un cheval d'obstacles et ne présente pas les avantages de la méthode que nous exposerons dans le chapitre suivant. Si nous en exceptons le dressage sur la banquette (i), où elle doit toujours être utilisée au début, nous estimons que pour les obstacles de chasse, tels que fossés, rivières, oxers, open-ditch, passages de route, etc., elle est à cent lieues de valoir le système que nous employons. L'instructeur, si vite, si adroit, si bien secondé ([u'il puisse être par l'aide qui tient la chambrière, ne peut jamais amener le cheval assez vite, ni assez droit, ni d'assez loin, pour lui imprimer l'impulsion dernière, la furia qu'il faut, pour franchir correctement de gros obsta- cles hauts et larges en même temps. (i) M. Larregain emploie toujours la longe pour ses premières leçons sur les talus et nous ne saurions conseiller un meilleur exemple. 44 -UU DRIiSSAGK A LA LONGK }^Iis à la longe sur les sauts de volée, le cheval sera toujours hési- tant, tortillard, et cherchant, cjuand l'ohstacle lui fait peur, la dérobade, faute (|u'il ne peut connaître dans notre manège en liberté. A vrai dire, cjuand le comte de Gontaut Biron publia sa célèbre brocliure, les gros obstacles d'aujourd'hui étaient totalement inconnus. Les Concours de Spa, Bruxelles, Pau, Biarritz, n'existaient pas encore: et dans nos réunions sportives, on ne sautait que l'éternel mur en gâteau monté, le ])arc à moutons d'inoubliable mémoire. Cjue les Anglais avaient surnommé (( la Cage à Poulets ^). la triple haie de o'"90 garnie d'ajoncs marins. La longe restera malgré tout un admirable auxiliaire de dressage et d'assouplissement j^our les jeunes chevaux et un instrument de cor- rection de tout premier ordre. Xous ne savons rien de plus gracieux que l'assemblage du maître er de l'élève s'entendant bien à la longe. CHAPITRE IV Du dressage à robstacle en Irlande en IL y a plus de 20 ans, quand j'allai pour la première fois Irlande, j'eus la bonne chance d'être guidé dans les meilleurs endroits par un gentleman-farmer du Pays de Galles, ^I. .Arthur Jones, homme de cheval, éleveur et fin cavalier, suivant les rudes chasses du marquis d'Anglesey. L'île du même nom est située sur la route de Holyhead, le port d'attache des steamers qui font le service d'Irlande. Dans mes tournées à travers l'Angleterre, je me suis souvent arrêté à Plas-Hen, le riant cottage de M. Jones, d'où une vue splendide s'étend sur les cimes nei- geuses du Pays de Galles. J'y reçus à chaque visite la plus cordiale, la plus charmante hospitalité. Nous prîmes donc la mer, et après avoir visité en passant quelques centres intéressants d'élevage aux environs de Belfast et de Dublin, nous nous arrêtâmes cà Ballymena, sur la côte Est de l'île. Dans ce petit village irlandais, but de notre voyage, s'étendait alors la propriété de M. Nathaniel Morton, qui passait à cette époque pour l'éleveur le plus entendu et le plus fin connaisseur de sa resfion. En effet, au Royal Horse Show de Dublin, tous les premiers prix de toutes les classes d'attelage, de selle et de hunters. revenaient chaque année à son écurie. Ses chevaux de chasse faisaient prime sur tous les marchés du monde, et il n'était bruit c)ue de ses extraorduiaires jumpers. Cet aimable gentleman disparu aujourd'hui, mais dont le souvenu- est toujours vivant dans sa contrée, nous fit le plus gracieux accueil et nous retint toute une semaine dans son home confortable, nous faisant visiter ses écuries, ses fermes, son domaine, voir ses pouh- 46 DRESSAGE A ]. OBSTACLE EX IRLANDE nières et leurs foals (i), admirer ses gros étalons de pur sang hunters. J'eus bien des fois le grand plaisir de monter à la chasse et sur les obstacles ses célèbres sauteurs. 11 me montra, ce, sur quoi je voulais avant tout m'instruire, de quelle façon il dressait ses chevaux d'obstacles. je m'imaginais, d'après les livres, le cheval irlandais élevé dans de vastes pâturages séparés par de larges fossés ou de grosses ban- -M 9- X."-'- ^ — O-^'X IILNIER DE i'OiDS LEULR quettes, hérissés d'énormes stone-walls (murs du pays en galets de mer superposés) ; gambadant par-dessus ces obstacles pour passer d'une prairie à l'autre et s'initiant dès le jeune âge aux sauts qu'il devra exécuter plus tard derrière les chiens. Je fus très surpris de voir M. Alorton dresser ses poulains à peu de chose près de la même manière que nous dressons nos jeunes che- vaux sur le Continent. Le réputé maître Irlandais donnait les mêmes premières leçons (i) Foal : poulain. DRI'SSAGE A l'oBSTACLIC KN IRLAXDE 47 ■ci ses élèves, qu'ils fussent destinés à faire des hunters ou des che- vaux de concours. Nous insistons beaucoup sur ce point pour répondre à la critique uijuste qui nous est souvent faite, à savoir que nos chevaux de con- cours sont des acrobates indignes de galoper derrière une meute. Couloir Morton. — M. JNIorton mettait donc en liberté ses déljutants dans un couloir droit et couvert de 50 mètres de long, au sol moelleusement tapissé d'une épaisse couche de tan et de sciure de bois mélangés. A chaque extrémité du corridor, deux hommes armés de whips de chasse avaient pour mission de se renvoyer le cheval de ■ l'un à l'autre. A la fin du travail, une friandise, morceau de sucre ou carotte, était toujours donnée à l'animal comme récompense. Nouveau point de détail sur lequel nous attirons encore l'attention. Si minuscule qu'il paraisse, nous lui attribuons la plus grande impor- tance et nous y reviendrons plus au long dans un autre para graphe. Dans le mur de gauche du couloir, comme rindicpie le dessin, était ménagée une excavation d'où pouvait sortir et rentrer à volonté un gros mur de chêne monté sur roulettes et glissant sur rails Decau- ville. Mur haut d'un mètre seulement, mais très lourd et fortement incliné de façon à en rendre les abords moins dangereux au novice et à le forcer à prendre sa battue de loin. De par sa forte pente, le mur, beaucoup plus étroit à son sommet qu'à sa base, était ainsi rendu plus sautant. Sur les deux côtés du couloir, de quinze à vingt centimètres plits haut que le sommet de l'obstacle, étaient fixées deux planchoites, solides et parallèles, percées verticalement de trous de o^io en o'"io centimètres. Un piton de fer entrant dans ces trous supportait aux dii^é- rentes hauteurs une perche de bois vert et flexible de la grosseur du poignet. Tous ces détails, toutes ces mesures sont aussi ennuyeuses à hre aue fastidieuses à décrire, mais elles ont leur importance et i-oi\ent être bien comprises et rigoureusement observées. Une série de ces perches superposées peuvent ainsi surélever le mur jusqu'à deux mètres si l'on veut faire sauter plus haut ou tâter les moyens d'un cheval. Ces perches étaient un truc ingénieusement imaginé. Quand le cheval touchait ou avait idée de faire banquette,il se 48 DRTvSSAGK A L ( )i;S lACLK l'X TRI.AXDK trcnn'ciit corrigé par elles. Le jeu ({u'elles ont entre les deux sni)])orts et leur flexibilité font qu'elles cinglent les pattes, mais cassent fort rarement. Comme cela pouvait arriver pourtant, il fallait avoir à sa portée un jeu de barres de rechange. VoiLà un moyen aussi simple que pratique de corriger le cheval sans l'effarer, sans l'écœurer, et c'est en somme lui-même qui se donne sa correction. Il permet en outre au maître de juger très vite des capa- cités de son élève. J'appris donc en Irlande pour la jiremière fois l'usage de ces petites barres flexibles — elles m'ont rendu d'inappréciables services et j'en reparlerai souvent. DRESSAGE A L OBSTACLE EN IRLANDE 49 Le mode de dressage mis en prati(|ne par le plus habile dresseur de son pays amenait cette intéressante constatation. Mcinc en Irlande, le poulain était instruit à ne pas jouer avec l'obstacle et à ne pas trop le frôler. Seulement, au lieu de le frapper à grand renfort d'hommes ou de barres de fer et de bois de tous les poids et de tous les calibres, ce qui le terrorise dès ses débuts, AI. AJorton disposait les choses de façon à ce qu'il se corrigeât et se tapât lui-même. Bt après, pour ne pas le laisser sur une impression désagréable, il le flattait, cajolait, récompensait d'une carotte ou d'un morceau de sucre. Autre remarque que je consignais également le jour même sur mon calepin. ^o DRI'SSAGIC A l'obSTACLK EN IRLANDE Le dressage au couloir s'appliquait à tous les sauteurs de l'écurie de M. Morton qui faisait surtout le hunter et ne s'occupait ({u'incidem- ment du cheval de concours. Avec un coup d'œil infaillible, après avoir passé en revue ses chevaux au couloir, il sélectionnait les plus bondissants de nature, les moins frôleurs, ceux qu'il jugeait devoir être les plus médiocres à la chasse, pour les envoyer aux épreuves d'obstacles du Horse vShow. GRAXDEE, IIUXTKR DE POIDS LEGER, CIIAMPIOX DE SA CLASSE A LONDRES EN I905 Son but en leur cinglant les jambes de ces petites perches sur- élévatrices, n'était donc pas de leur faire éviter le ta(|uet. qui est inconnu dans les concours d'AngletcTre et d'Irlande, mais bien de déve- lopper chez eux l'instinct naturel du saut, de cadencer, de rythmer en (luelque sorte ce saut. La voici donc enterrée cette stuijide légende, qui veut (|ue notre dressage soit du dressage de cirque ; que nos chevaux de France et d'Europe soient des acrobates, mal éduqués, complètement incapables DRESSAGlî A l'obstacle EX IRLANDE 5I de courir à travers pays. Nous prouvons de fagon irréfutable par l'exemple de AI. Mortou tjue la première écurie d'Irlande et le plus réputé dresseur de hunters. procédaient à peu de chose près de la même façon que nous. La conclusion à tirer de cette étude est que nos chevaux de concours bien dressés sont bons pour toutes les besognes. Après deux ou trois chasses, il ont tôt fait d'oublier les taquets et les barres dans les pattes, et je souhaite à tout veneur, qui veut passer partout, de n'avoir jamais entre les jambes de plus mauvaises montures que celles qu'il pourrait trouver dans nos meilleures écuries d'obs- tacles. Puisqu'il est ici question du cheval de chasse qui n'est qu'inci- demment l'objet de ce premier ouvrage, nous voudrions éclaircir un point que nous avons souvent vu discuter. Un hunter peut-il faire un cheval de concours? Nous répendrons sans hésiter, oui, neuf fois sur dix. si le sujet est jeune, bien établi et bon sauteur à travers un pays difficile. Alais. s'il s'agit d'un vieux routier, il sera toujours très délicat à instruire ; très facile à dégoûter par le jeu des barres dans les jambes. Aussi déconseillerons-nous à un débutant de commencer son apprentissage par un hunter. Les jours suivants. M. Morton nous fit faire le tour du proprié- taire, parcourir son Jumping-Field, vaste prairie toute parsemée d'obstacles naturels: murs de pierres, banquettes de toutes les formes, fossés couverts et rivières d'eau courante précédée d'une grosse haie. Le travail des quatre ans attira le plus notre attention, en ce sens qu'ils étaient très en avance sur les chevaux de chez nous du même âge, comme condition et état de muscles, quoique bien moins poussés à l'avoine. Donc supériorité incontestable de race. Ils sau- taient à un bon galop derrière un vieux cheval faisant fonction de maître d'école ; très peu refusaient ou dérobaient, et tous escaladaient les plus gros talus avec une adresse surprenante. Puis ce fut l'examen des poulinières et de leurs produits; la pré- sentation au paddock des étalons hunters, solides pur sang aux genoux et jarrets larges et puissants; bâtis en force, au coffre bien garni et près de terre. Entre temps, nous fîmes plusieurs stations dans les écuries ; voyant distribuer l'avoine, surveillant la confection des mashs dont 52 DRKSSAGIÎ A L OBSTACLE EN IRLANDE ii était fait graïul usage, et (|ui avaient un as])ect compact et bien cuit, Heurant bon, et autrement appétissant que les nôtres. Les chevaux recevaient une ration d'avoine sensiblement moin- dre que chez nous ; mais avec cette différence qu'elle n'était jamais donnée seule, mais toujours mélangée à une certaine quantité de coupage. La boisson et la nourriture étaient, en somme, beaucoup plus variées que dans nos écuries françaises. Nous reviendrons plus au long sur ce sujet quand nous traiterons des soins à donner au cheval de concours. Je quittai Ballymena enthousiasmé de mon trop court séjour, y ayant appris bien des choses, et com])tant les mettre à profit dès mon retour, me promettant surtout de revenir souvent compléter mes études dans cet Eden du cheval qu'est l'Irlande. i^W'^^i^ CHAPITRE V Du dressage à l obstacle en Belgique. -- Le manège oblong G. Van de Peële Nous intitulons ainsi ce chapitre parce qu'il nous fut donné pour la première fois de voir appliquer ce nouveau mode de dressage chez M. Georges Van de Poêle, le gentleman belge bien connu. Xous croyons pouvoir affirmer qu'il en fut lui-même l'inventeur, en tous cas il sut le perfectionner et s'en servir en artiste incompa- rable, façonner à cette nouvelle école les principaux lau/réats des concours de son pays et de l'étranger où \\ en exprtait beaucoup et où il était uni- \ ersellement connu et estimé. Nous avons vu bien des genres de dressage à travers les divers pays d'Europe où nous avons été les étudier, mais, à notre avis, cette méthode dont G. A'an de Poêle a jeté les premiers jalons, est de loin la plus pratique, la plus rationnelle, la plus puissante de toutes. Après en avoir essayé nous-même, nous avons passé, à notre tour, notre vie à l'améliorer. De tous les moyens d'éducation du sauteur, nous le recomman- dons comme étant le plus capable de faire en très peu de temps indif- féremment un cheval de concours, ou un hunter qui pourra suivre les chasses les plus sévères derrière des harriers anglais ou des fox-hounds de Pau. En peut-on dire autant de l'honnête longe qui ne s'applique qu'à un obstacle individuel ; à un simple ou à un double au plus ? Nous ne le croyons pas et il nous semble que l'opinion de nos lecteurs sera bien modifiée, le culte pour la longe bien ébranlé, quand. 54 MAXEGK ORLOXG VAX DE POKLE M. VAN DE POELE MANÈGE OCl^OXG VAX DK POKl.Iv 55 ils auiront bien voulu étudier d'abord sans i)arti pris, et essayer ensuite consciencieusement cette nouvelle manière. Et puis la longe débrouille-t-elle aussi vite un débutant; lui apprend- t-elle à faire tout seul n'importe quel parcours de concours hippique ou de chasse; aidé seulement de sa propre initiative; sans être toujours accroché à quelques mètres de ficelle, comme un malheureux poisson pris au bout d'une canne à pêche ? Mais nous mettons la charrue avant les bœufs; et notre enthou- siasme pour la découverte Van de Poêle est si grand, que nous la portons aux nues avant même de l'avoir décrite? Nous allons donc passer très minutieusement en revue ce que l'in- venteur du nouveau dressage à l'obstacle nous fit voir dans la propriété qu'il habitait alors aux environs de Gand, et où il avait installé son école. Nos lecteurs voudront bien nous excuser de la monotonie des détails techniques qui vont suivre, mais dont le moindre a son impor- tance. Le manège oblong est un enclos en plein air, situé dans un endroit isolé et tranquille de 45 mètres de long sur 20 mètres de large, . entouré d'une palissade de 2 mètres à 2'"30 de haut, relié par trois rangées de traverses-balivées de o"7o centimètres d'écarte- nient. Toute l'importance du manège oblong, toute l'ingéniosité du système, résident dans sa forme qui doit être scrupuleusement celle d'une ellipse — de façon à ce que les tournants soient rendus courts et difficiles. Mis en liberté sur cette piste, le cheval, aux premières leçons, gam- bade, part comme un fou, mais ne va pas loin, se trouvant bientôt retenu, assagi, assoupli par la sévérité des tournants, où son élan est retenu et brisé comme par un frein. Un autre avantage de cette forme allongée, qu'on ne s'explique pas de prime abord, est le suivant : le cheval ne cherche pas à sortir de l'enceinte, ce qu'il ne manquerait pas de faire devant toute autre fer- meture qui se présenterait à lui suivant une ligne droite. De quelque façon en effet qu'il aborde la palissade, il la voit tou- jours de travers par rapport à son axe, et ne sachant comment prendre sa battue, il renonce à essayer d'en sortir. Nous insistons donc sur la forme ellipsoïdale de l'enceinte, car tout le succès du système en dépend. 56 manège; oblong van DK POELIC MANEGE OBLONG VAN DE POELE MANEGE OBLONG VAN DE POI'XIÎ 57 Passons maintenant à la manière de s'en servir. PREMIERE LEÇON E'aide amène snr le terrain le cheval garni d'un simple licol. L'instructeur se tient au point A central avec une longue cham- brière. La premièire le(;on n'aura d'autre but que d'apprendre au cheval à galoper sur le cercle, à ne point faire de demi-tours, à prendre adroi- tement et sagement les difficiles tournants, à bien passer, sans crainte ni dérobade, entre les poteaux-piliers qui serviront dans la suite de sup- ports aux obstacles. Quelques coups de chambrière bien appliqués corrigeront sévère- ment le cheval, s'il cherche par un demi-tour ou une transversale à sortir de son temps de galop à la même main. Je n'ai pas besoin d'insister auprès de ceux qui ont connu G. Van de Poêle, sur la maestria qu'il possédait dans le maniement du fouet. Cet exercice préparatoire n'a pas besoin d'être répété souvent : au bout de quelques séances, le cheval galope aux deux mains à une allure cadencée, prenant bien ses tournants et, quoique libre, aussi calme que l'animal le mieux mis à la longe. DEUXIEME LEÇON L'aide dispose un obstacle sur l'un des côtés du manège; l'obs- tacle reposant bien d'aplomb sur les poteaux, et plus ou moins fixe, suivant le sens où il devra être sauté. G. Van de Poêle employait, à cet effet, une grosse claie, genre claie de steeple-chase, mais plus lourde, de façon à être très solide et à infliger de par sa masse un fort ébranlement au cheval s'il s'oubliait à galoper dedans. Toujours au centre, avec sa chambrière en main, l'instructeur fouaille son élève s'il vient à dérober ; faute qui se produit très rare- ment si la première leçon a été bien donnée et bien api)rise. Quand l'animal paraît confirmé sur un obstacle simple, on lui présente un double, puis un triple ; puis enfin des obstacles sur les deux côtés du pourtour, de façon à l'habituer à un parcours com- plet. Nous faisons observer que M. Van de Poêle ne mettrait jamais d'ailes à ses obstacles, sous prétexte qu'il fallait mettre le sauteur dans des conditions identiques à celles où il se trouverait dans un 5'^ MAXÈCK OJîUONG VAX DIv POiaE i:)arcoiirs monté, c'est-à-dire i)ouvant dérober à sa fantaisie. La faute &e produisant, il était corrigé en liberté, et, à fortiori, l'idée de dérober ne lui viendrait pas avec un cavalier sur le dos. 11 y a du vrai dans ce raisonnement, d'autant plus de vrai que je ne me souviens pas d'avoir vu un seul sauteur de G. \'an de i^oële refuser ou dérol)cr un obstacle en public; et nous avons monté ensemble pendant vingt années en concours. Malgré ces raisons très défendables, et condamnant les ailes au travail en liberté, j'ai passé outre, et dans mon manège oblong modi- fié, j'en ai jilacé à tous les sauts pour plusieurs motifs dont voici les meilleurs. Tout le monde n'ayant pas Vajvt de l'inventeur pour jouer de la chambrière, le cheval laissé libre, est extrêmement difficile à atteindre et à corriger de la déro^bade. Nous reprochons, en outre, à cette libea-té absolue laissée au cheval, qu'il faut, pour en rester maître, une enceinte trop restreinte, au plus 30 à 40 mètres dans la plus grande ligne droite. Il est fort malaisé avec un aussi petit cadre de placer des doubles et des triples sans être obligé de trop couper l'élan du cheval, de trop le mettre sur ses jarrets, de le faire sauter en quelque sorte enrêné. Pour exécuter un parcours dans le manège avec plusieurs sauts se succédant, le cheval devra donc galoper sans pouvoir s'étendre et faire des sauts désespérés en hauteur. Ces raisons m'ont paru pleinement justifier les quelques modifica- tions que j'ai apportées au type primitif, comme je l'indiquerai au cha- pitre suivant. La liste des prix remportés dans tous les meetings d'Europe par les sauteurs de Georges Van de Poêle serait trop longue pour la repro- duire ici, et fort inutile du reste pour consacrer son renom et l'excel- lence de son dressage. Tous ont connu The Monk, Windsor-Squire, Ludlow, Margot. Tous ses contemporains l'ont applaudi et ont encore dans la mémoire les prouesses des chevaux qui firent sa réputation jusqu'en Russie. Il était du reste, en dépit de sa haute taille et de ses 100 kilos, aussi fin cavalier que bon dresseur, et il vint au Concours Central Hippique de Paris, ouvrir le vingtième siècle, en nous enlevant la Coupe ?vec sa vieille jument Margot. Sa victoire me rappelle l'anecdote suivante ; elle me donna une utile leçon de chose dont je sus profiter dans la suite. MANKCI': OBLONG VAN DK POI'LIC 59 G. \'an de Poêle oriti(|uait notre façon exagérée de surentrainer nos chevaux i)our mie épreuve, et faisait des gorges chaudes, de nos interminables promenades au pas, de nos suées en couverture, de nos galops de 6.000 mètres; prétendant qu'un sauteur de race bien nourri et bien en muscles n'avait pas besoin de toutes ces balançoires pour fournir correctement 1.200 mètres sur piste en franchissant une vingtaine d'obstacles. Quand il vint en 1900 monter à Paris, les délices de notre Capoue moderne lui firent complètement oublier et l'Hippique, et la prépara- WINDSOR SQUIRE MONTE PAR M. G. VAN DE POELE tion de Margot, et le manège où Margot fut débarquée et le Grand Palais des Champs-Elysées où elle devait se couvrir de gloire. Il se souvint deux heures à peine avant la grande épreuve de la pauvre jument qui s'ankylosait depuis six jours dans son boxe. Il n'eut donc que le temps d'envoyer quérir Margot et de la mon- ter le tout dernier du tableau, à la nuit, une de ces nuits du Grand Palais qui, pour n'avoir point été chantées par Alfred de Musset, n'en sont pas moins célèbres dans le monde des Habits Rouges! Enfin, la jument arrive, mais il reste à habiller son cavalier. Xous nous acquittons, tant bien que mal. de cet équipement que la taille gigantesque de G. Van de Poêle rendait fort difficile. 6o MAXÈGlî .OBLONG VAX DK POELE Le voilà enfin en selle, avec nne culotte (jui craque aux genoux, des bottes qui lui torturent les orteils, un habit noir dont les manches lui arrivent aux coudes. Qu'importe ! La cloche retentit, le crépuscule se fait opa(|ue, Mar- got bondit d'autant plus qu'elle ne voit rien et gagne la Coupe dans un fauteuil ! Depuis cette histoire, je me suis toujours bien trouvé au lieu de chevaux squeletticiues et sucés, d'avoir des sauteurs en condition de travail sans doute, mais bien portants et plutôt gras, et surtout de leur donner une semaine de repos et de travail tranquille avant une grande épreuve. CHAPITRE VI Mon dressage, - L'obstacle simple, double et triple. -- L'obstacle de chasse et de campagne. — L'obstacle de volée. Rivières — Fossés. — Banquettes LA praticjue du manège oblong que je viens de décrire me fit voir (ju'un cheval laissé libre dans un espace, relativement grand, était fort difficile à maintenir tranquillement en cercle au galop ; et, c|ue le maniement de la chambrière à grande distance n'était pas donné à tout le monde. J'en vins à modifier, en les allongeant et en les élargissant, les dimensions du manège primitif, tout en lui gardant bien entendu sa forme ellipsoïdale, qui fait, de par les tournants courts, toute l'originalité et le succès du système belge. Donc, après l'avoir sensiblement agrandi, je fis ajouter à mon ma- nège primitif une palissade concentrique, sensiblement moins haute c|ue la première, i"'50 à peine, écartée de celle-ci de 3"^50- Cet intervalle eritre les deux palissades est suffisant et n'oblige pas, pour barrer la piste, d'employer des obstacles trop longs et par cela même encombrants et dispendieux. Le cheval renfermé entre ces deux clôtures n'a plus l'idée de 62 MON DRESSAGIÎ MON DRESSAGE 63 sauter en dehors, de dérober ni de s'affoler; la lâche de Tinstructeur en est d'autant plus aisée. Aux premières séances, il a bien l'idée de passer sa tête entre les balives ou d'en tâter la solidité avec son poitrail. Pour obvier à cet inconvénient, il faut avoir soin de faire clouer les traverses en dedans des poteaux, de façon à ce qu'elles ne cèdent pas sous l'effort. Si le cheval s'obstine à chercher à sortir, il convient au début de placer un homme qui de l'extérieur coririge avec un fouet ces tentatives d'évasion. Nous conseillons de choisir pour établir la maison d'école, un endroit discret, isolé, une encoignure de bois ou de mur, par exemple un verger abandonné: de façon à ce que l'élève soit plus renfermé, moins distrait et plus irecueilli pour sa leçon. J'ai la place suffisante dans ma piste fermée pour établir un par- cours complet, avec simples, doubles, triples sauts de volée, et rivières, etc. Ainsi je ne spécialise pas le cheval pour une seule espèce d'obs- tacles ; une fois mis, il est aussi bon à travers pays sur des sauts arti- ficiels et les dimensions dont je dispose et qui se trouvent de beau- coup supérieures à celles de n'importe quel manège civil, permettent de faire un parcours monté. L'espace extérieur à la piste rend de précieux services; il est suffi- sant pour pouvoir y manéger un cheval, le mettre à la longe ; l'y laisser brouter de l'herbe s'il est indisponible ou malade. Au fur et à mesure des besoins, je dispose mes obstacles sur de gros poteaux de chêne et je leur donne plus ou moins de fixité suivant la main à laquelle ils seront présentés au cheval ; les plaçant la plupart du temps en croix quand je les juge dangereux ou trop lourds. Sur les côtés latéraux des chandeliers sont fixées les poulies aux- quelles je reviendrai en temps utile. A ce couloir circulaire renfermé, j'ai adjoint depuis quelque temps une seconde piste adjacente et parallèle, et qui sert exclusivement à l'entraînement sur les obstacles de chasse qui peuvent se rencontrer en concours, tels que banquettes, fossés, stères, talus. Il faut beaucoup se méfier d'un obstacle rigoureusement fixe dans un sens, mais qui peut tomber du côté opposé. Il peut très bien en effet arriver qu'un cheval, pour refuser un double par exemple, fasse un demi-tour sur les épaules, puis passe à rebours le premier obstacle déjà sauté. Dans ce cas, l'accident est presque fatal. 64 MON DRESSAGE DRESSAGE SUR l'oBSTACLE SIMPLE OU DOUBLE 65 Dressage sur rohstacle simple ou double PREMIERE LEÇON Lâcher le cheval dans le manège dégarni d'obstacles, en lui passant sur la tète un licol ou bridon d'écurie sans rênes, et l'habituer à faire plusieurs fois le tour de la piste au galop. L'instructeuir, armé d'un whip dont il se sert plutôt pour claquer que pour corriger, se trouve au point central R. L'aide a en main une longue chambrière bien méchée et se déplace suivant les besoins ou les ordres de l'instructeur, pour appuyer le cheval, corriger ses arrêts, ses demi-tours ; ses velléités de passer la tête entre les balives, pour chercher à sortir; toutes fautes qu'il commettra forcé- ment à ses débuts. DEUXIEME LEÇON Quand le cheval a pris l'habitude de galoper sagement sur le pour- tour, disposer un obstacle le long des chandeliers, grosse claie de pré- férence, barrière ou mur. Ne jamais donner au commencement trop de fixité, ce serait aller au-devant de la fâcheuse tape et causer l'écœure- ment du novice. Je conseille l'obstacle demi-fîxe et rendu pour l'animal à peu près impossible à renverser par un procédé de mon invention et que j'indi- querai plus tard « aux artifices de dressage ». POSITION DE L'AIDE ET DE L'INSTRUCTEUR L'instructeur doit se placer à l'obstacle, et quelques mètres en arrière; l'aide amènera l'animal en main à une trentaine de mètres des chandeliers-supports, et l'ayant lâché le poussera de sa chambrière. L'instructeur en même temps claquera de son whip qui doit toujours se terminer par une bonne mèche. Aux leçons suivantes, l'aide aura bien rarement besoin d'entrer dans les palissades pour actionner ou corriger le cheval ; il suffira que de loin il l'appuie de sa chambrière. 5 66 DR];SSAGJ; SUR LES DOUBLES L'élève une fois conlirnié sur un simple et sur la rivièire, passer petit à petit aux doubles, aux triples et à tous les obstacles de fantai- sies qui jjourront se présenter au cours de sa carrière de sauteur. DES DOUBLES Si le cheval prend ses doubles avec calme et basculant bien, se reprenant entre les deux, la distance classicjue de 6 mètres est la meilleure. Si au contraire il s'affole, ou le saute à l'anglaise (i), c'est— à-dire du tac au tac, sans regarder ce qu'il fait, il faudra au contraire les espacer de 8 à lo mètres, de façon à ce que bon gré malgré il se reprenne. Si malgré toutes ces précautions, il passait ses doubles trop vite et broussant dedans, élargissant de plus en plus sa battue ; il sera utile de le faire prendre en main par l'aide, qui, laissant sa chambrière s terre, devra le calmer d'abord en le flattant, et ne le lâchera qu'à 4 ou 5 mètres du premier obstacle de la série double ou triple, de façon à le contraindre de sauter presque de pied ferme. L'objection a souvent été faite au dressage en liberté et au couloir, que le cheval abandonné à lui-même prend la détestable habitude de charger. Oui sans doute, dans le couloir droit ordinaire, nous trouvons, sauf pour la banquette, la rivière et quelques obstacles de volée, un déplorable mode d'enseignement. Aussitôt laissé à lui-même, l'animal en effet perd la boussole, a hâte d'arriver au bout et d'en finir ; et, s'il n'y a pas à l'extrémité opposée un homme pour l'arrêter, il cherchera, quitte à se tuer, à franchir n'importe quelle hauteur. Dans mon manège, l'objection n'est plus valable, car les rudes tournants, s'il s'emballe, ont tôt fait de le ramener à la raison. En une quinzaine de jours au plus, mes élèves, loin de s'affoler adorent leur Ecole Libre, et j'use envers eux bien plus souvent de gâteries que de caveçon ou de chambrière. Si malgré tout, (|uelc|ues impressionnables, quelques neurasthé- niques mouillent leur robe d'énervement ; je les laisse longtemps (i) Les anglais appellent les doubles « in and out /^ et, contrairement à nous, ils apprécient le saut du tac au tac. Cela provient de ce que j'ai toujours vu dans leurs concours des doubles tellement rapprochés qu'il étiit impossible de les prendre d'une autre manière. DRKSSAGC SUR LES DOUBLES 67 stationner entre les palissades, leur faisant porter l'avoine ou brouter l'herbe dans le manège. Maniés de la sorte, j'eus en apprentissage de bien grands fous qui s'assagirent petit à petit comme les camarades. On m'objectera encore, que le cheval renfermé et se trouvant dans l'impossibilité de dérober à l'exercice, ne s'en privera pas une fois sur piste. -La plupart des chevaux que j'ai sortis étaient bien droits sur toute espèce de parcours. A mon sens, un cheval qui pendant tout son dressage a été dans l'impossibilité de dérober, n'a pu en prendre l'habitude, et par consé- quent, dérobera moins que tout autre en public. Il existe pourtant certaines brutes, dont on ne vient à bout par aucun moyen; j'en ai rencontré comme les autres, mais il en est bien peu qui ne se soient pas amendés dans mon manège. Quand un cheval fait de multiples arrêts-refus malgré le fouet, il faut, avant son travail, au lieu du simple licol, lui mettre un léger caveçon avec une courte rêne en tissu souple, attachée autour du cou. Ainsi paré, s'il refuse obstinément au cours de ses exercices, ne pas manquer de lui administrer une maîtresse danse sur le chanfrein. ROLE DU L'AIDE Une recomimandation importante est de ne jamais courir dans la piste intérieure, à moins que ce ne soit indispensable pour précipiter les dernières foulées d'un animal froid, hésitant ou ayant tendance à l'arrêt. L'aide commet fréquemment la lourde faute de courir avec sa chambrière en l'air en avant de l'épaule du cheval, qui répondra tou- jours à cette bévue par un demi-tour. Il ne devra jamais crier ni faire d'appel de langue, sans y être invité par l'instructeur, qui n'en donnera l'ordre que pour précipiter les battues d'un cheval froid. L'animal en liberté est attentif aux moindres mouvements, aux plus petits gestes de ses instructeurs. Si ceux-ci perdent la tête, il fera de même au grand détriment du travail. A-t-on affaire à un sauteur de tempérament calme, pour peu que l'on soit secondé par un homme d'écurie ayant de l'à-propos, du coup d'œil, intelligent et adroit, les progrès seront prodigieux et infiniment plus rapides qu'à la longe. 68 DRKSSAGE SUR I.ES DOUBLES L'aide ne doit donc dans aucun cas s'affoler, ni crier, ni courir, à moins d'en être prié, il ne doit pas quitter le cheval de l'œil un seul instant, et jamais le précéder de son fouet. Son rcjle dans la manceuvre des poulies est encore plus délicat, comme nous le verrons plus tard. Mon manège m'a donné bien du mal aux débuts, mais m'a procuré par la suite d'exquises jouissances. Tranquillement assis au milieu de ma piste, il me suffit avec mes PUSiriUN DE L'AIDK APPUYANT UN CHEVAL POUR UN SAUI DE VOLEE vieux chevaux d'un appel de langue de temps en temps, d'un Hop d'encouragement envoyé au bon moment, entre deux doubles, d'un claquement de whip accélérant les dernières foulées pour un saut de volée ; d'un Oh ! calmant l'ardeur trop grande d'un cheval qui bourre, et ils mancTeuvrent comme des machines. Enfin à un Oh! Oh! final (car c'est toute une langue que je leur parle ]:)ar monosyllabes), ils viennent chercher le morceau de sucre ou la carotte qui les récompense; et je ne parviens plus à m'en détacher. DRKSSAGB A LA RIVIÈRE 69 Dressage à la rivière Cet obstacle parait le plus facile à passer sans effort dans une toulée de galop, et pourtant c'est celui qui donne le plus de mal à bien apprendre au jeune cheval. Le miroitement de l'eau au soleil, le clapotement des ondes remuées par le vent, s'il s'agit d'une douve ; la profondeur de l'ombre incertaine, si c'est un fossé couvert, sont pour lui autant de sujets d'épouvante et d'angoisse. Ce saut qui semble si naturel, si aisé, beaucoup de chevaux le prennent mal, le refusent ou le dérobent avec acharnement, partent de trop loin ou de trop près, voire même galopent à travers sans s'enlever. Chez nous ils ne peuvent ni sauter de travers dans les coins, ni refuser, ni dérober. Notre tâche est donc bien plus aisée qu'au travail à la longe, où le cheval a toutes facilités de se payer ces différentes incartades, et de prendre ces mauvaises habitudes. Nous allons démontrer comment nous procédons pour initier d'"abord le cheval à cet exercice qu'il appréhende ; comment ensuite nous remédions aux défectuosités du saut de largeur. C'est un tort de commencer par des rivières ou fossés trop larges ; le grand maximum dans tous les cas, devrait être de deux mètres. Sur le côté droit de ma piste, j'ai fait creuser un trou de deux mètres, ayant o'"8o de profondeur, le fond imperméabilisé par une couche de ciment armé et recouvert de gazon ou de sable pour le rendre plus doux aux sabots. Comme cette rivière m'encombrait à certains moments ou était inutile pour les chevaux confirmés, j'ai imaginé un lourd et solide plan- cher en chêne, s'adaptant très exactement dessus, la couvrant ou la découvrant à volonté. De cette façon, suivant les besoins, je lui mets ou je lui ôte sa couverture mobile qui serait assez solide pour supporter une voiture attelée ; avec quelques brouettes de sable il n'y paraît rien, et le cheval le plus massif peut sauter et galoper dessus. Ma rivière pourrait donc être utilisée sans aucun inconvénient dans n'importe quel manège couvert. N'est-ce pas une innovation amusante à créer dans un de ces manèges ? Il importe peu qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'eau dans le fossé- DRESSAGi: A LA RIVIÈRIJ rivière. L'eau ne sert (|U a habituer le cheval à son miroitement, mais elle n'a aucune action sur le mécanisme du saut de largeur. Sur les deux berges du fossé et au ras du trou, il est très utile de bien fixer en terre deux gros rondins (|ui débordent du sol d'une dizaine de centimètres, et assez forts pour ne pas céder ni casser si le cheval vient à buter dedans. Si celui-ci prend sa battue de trop près, le choc de ses sabots contre les barres rigides lui fait mal et l'invite à ouvrir l'œil. S'il se reçoit trop court sur la berge opposée, la même correction l'attend. Le dresseur se trouve donc armé contre les deux fautes habi- tuelles du débutant qui comprendra vite qu'il faut partir à la bonne place, ni trop loin, ni trop près et se recevoir de même. Quand le fossé est suffisamment profond, il est fort rare (jue le cheval mette les pieds dedans, et les deux barres en éveillant son atten- tion allongent beaucoup son saut. S'il vient à oublier dans le fossé une partie de lui-même, nous l'en corrigeons facilement en mettant deux petites barres de fer DRESSAGE A LA RIVIERK 71 plein en croix à tieur de l'eau, si eau il y a ; au-dessus du trou, si la douve est sèche. Il s'y heurtera désagréablement les pattes et il ne recommencera jamais plus sa descente ou son bain. Dans le cas d'arrét-refus, évitez une faute qui peut avoir de ter- ribles conséquences, voire même causer la mort du cheval : Xe forcez jamais le cheval à sauter de pied ferme un saut de volée. Ne criez pas, ne courez pas. L'animal perdant alors la tête, ferait un saut désespéré en chan- delle, et pour peu que la berge soit glissante et le trou creux, risque- rait de se tuer en se brisant les vertèbres cervicales, et cela si puissant qu'il fut, car il se trouverait dans l'impossibilité de se servir de son encolure. J'en ai fait une fois la triste expérience en perdant ainsi une de mes meilleures juments, la pauvre Good Bye. En cas de refus, l'aide devra donc entrer doucement dans le cou- loir, sans bruit ni geste, et du côté opposé à la tête du cheval ; face à l'instructeur qui ira se placer à une vingtaine de mètres de la rivière, également à l'intérieur des palissades. Voyant arriver sur lui l'aide avec sa chambrière menaçante, le cheval fera demi-tour et cherchera à s'échapper du côté de l'instruc- teur qui le fouettera rigoureusem'cnt et le poursuivra dès qu'il aura le champ nécessaire pour la bonne exécution du saut. S'il passe enfin correctement, avoir soin de le fiatter. ne pas lui en demander plus et le récompenser d'une friandise. S'il renouvelle son arrêt, le prendre par la tête, qui, avant la ^2 DRESSAGE SUR LA BANQUETTE leçon, a été garnie du caveçon, et devant le fossé, à l'endroit même où il piétine en charognant, le caveçonner brutalement. Après quoi le ramener en arrière de quelques mètres, l'actionner de la voix et du fouet. Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent il passera. S'en tenir surtout à cette première marque de bonne volonté, le caresser et le rentrer. Bien entendu, la douve de deux mètres peut être élargie à volonté en la faisant précéder d'un haie mobile garnie d'ajoncs ou de genêts et que l'on recule à volonté ; elle se prête en outre à toutes les com- binaisons d'obstacles, tels que doubles et triples barres, brooks. oxer, fossés précédant ou suivant une barre. Une rivière plus large serait, non seulement inutile, mais préju- diciable pour les premières leçons et ne comporterait pas ces nom- breuses transformations. Nous le répétons encore, la rivière- fossé est le seul obstacle vrai- ment dangereux pour un cheval laissé libre, surtout quand elle est précédée ou suivie de grosses barres nécessitant un saut haut et large. Dans ce cas, un instant de distraction peut être la cause d'un accident mortel. Dressage sur la banquette Il existe des banquettes de tous les genres, la banquette classique, escarpée, précédée et suivie d'un petit fossé, le contre-haut, le contre- bas, la double banquette de Pau (dite tombeau), le \"ol-Poom Belge, etc. Quelle que soit sa forme, nous la faisons toujours sauter les pre- mières fois à la longe Le cheval est mis en confiance, quand il voit l'homme le précéder sur la banquette, sans lui lâcher la tête. L'instructeur, en passant der- rière, a toute facilité pour appuyer l'animal, qui n'a besoin que de l'élan de 3 à 4 foulées pour arriver au sommet, où l'aide l'attend et lui laisse reprendre haleine et confiance avant de redescendre. Il n'est donné qu'à de très rares sauteurs de pouvoir passer un gros talus dans une foulée de galop, de pouvoir arriver sur le faîte sans décomposer leur saut, les quatre pattes presque ensemble, et de DRESSAGE SUR LA lîANOUETTE 12> 74 DRIvSSAGE SUR I.A BAXOUETTK se repousser des sabots de derrière ])()ur re])rendre le sol de l'autre côté. Les Irlandais appellent ce temps « Quick the bank » ruer dans la banquette. Ces trois mots anglais peignent admirablement l'action de l'animal et le jeu de son arrière-main. Pour la leçon des talus j'ai adjoint à mon manège une autre piste adjacente, donnant une assez longue ligne droite, parallèle à la première et sur laquelle sont espacés quelques obstacles de campagne, faits une fois pour toutes. Après bien des transformations, bien des tâtonnements, je me suis définitivement arrêté à la forme de banquette que je vais décrire et qui à elle seule réalise tous les types possibles que nous rencor.trons en concours ou à travers pays. « Fossé de i™Fo de large, profond de o™8o centimètres, suivi d'un plan iiu'liné de C) mètres lui donnant l'aspect du Vol-Pooui BeUje. (( Sur l'extrémité de cette pente formant plateau, est creusé un fossé de i^'so de profondeur, large de i'"30, figurant la double banquette dite « tombeau de Pau ». Bn bas du dernier talus large de 2 mètres et Jiaut de i"'8o, est un petit fessé de i"'20 que le chei'al dei'ra sauter, pour se recevoir à terre ». Prise dans le sens du plan incliné, cette grimpette ne rebute pas le débutant, qui aura dû être confirmé auparavant sur les fossés. DRESSAGE SUR LA BANQUETTE 75 76 DRESSAGE SUR LA BANQUETTE Dans le but de mettre le cheval en cmirtance, les deux ou trois premières leçons devront toujours être données cà la longe, en faisant précéder le cheval par l'homme d écurie (ju'il connaît le mieux. Après avoir franchi le fossé, il arrive sur le faîte où il est fort surpris de rencontrer le trou du tombeau. Cette apparition éveille son instinct de prudence, ce flair du danger et de l'imprévu qu'il doit acquérir sur les talus, lui fait ouvrir l'œil, lui apprend à ne jamais poser un pied sans regarder où il le pose, et à bien allonger son encolure en baissant son nez. L'aide flatte le cheval, ne le bouscule pas, lui laisse le temps de réfléchir, et lui donne un morceau de sucre. Après qu'il aura passé correctement le trou, l'homme le prend et le laisse glisser le long de la pente pour arriver en bas. La longe assujettie au caveçon doit être pour le travail des ban- quettes de 2 à 3 mètres plus longue que les dimensions usuelles, de façon à ce que l'homme puisse précéder l'animal de plusieurs mètres, sans risquer de le recevoir sur le dos. Si le cheval refuse, l'aide doit laisser à l'instructeur le temps d'arriver à son secours. Celui-ci, après avoir fait reculer l'animal de quelques pas, l'appuie de sa chambrière, tandis que l'aide passe le fossé devant. Pour tous les talus en général, ne recourez à la correction et au caveçon qu'à la dernière extrémité ! — il faut avant toutes choses faire aimer son travail au novice et pour y parvenir, la douceur jointe à un morceau de sucre fera mieux que plaies et bosses. Exécuter le même travail en sens inverse ; et c'est alors la ban- quette classique droite et précédée du fossé cjui se présente au sauteur. Il est bon de mettre à terre une grosse barre sur le bord du fossé, de façon à ce que l'animal parte de plus loin, sans quoi il arrivera sur la pente avec son nez et son poitrail, et point avec ses pattes. Je dois à mon couloir de n'avoir jamais manqué un cheval sur les bancpiettes. Grâce aux gâteries, qu'ils étaient toujours sûrs de trouver sur le sommet quand, à leurs débuts, îls décomposaient le saut derrière l'aide ; quand plus tard, laissés libres, ils franchissaient d'eux-mêmes les talus, ils afifectionnaient tous leur couloir. Je m'amuse souvent à la belle saison à les laisser brouter l'herbe sur le faîte des plus grosses banquettes, ils y sont aussi calmes qu'en croquant l'avoine à l'écurie. CHAPITRE VII Des artifices de dressage, - Le taquet Des différents modes de barrage, - Le barrage à la main, - Les poulies. LE dressage des chevaux et la monte des cavaliers firent d'énormes progrès dans ces derniers temps ; aussi fallut-il trouver dans les diverses réunions hippiques de France et de l'Etranger un mode rapide et sévère d'élimination, un enregistreur auto- matique des fautes les plus légères. L'Angleterre, l'Irlande et la plupart des autres pays ce comptent que la grosse faute ; celle que tout le monde peut juger et qui saute aux yeux du plus profane. La Belgique plus sévère marquait jusqu'à ces derniers temps — 1 effleuré du devant et du derrière, — elle a adopté depuis à Bruxelles, le seul procédé vraiment logique pour enregistrer les fautes, et dont nous reparlerons. La Société Hippique française, en l'an de grâce 1865 mit au monde le taquet. Cet enfant terrible vit le jour sur nos pistes au milieu des criti- ques et des sarcasmes. Farouche marqueur des péchés véniels, il eut la vie dure, car voici plus de quarante années qu'il accomplit sa cruelle lâche, et toutes les Sociétés de Francs, subventionnées par la Société Hippique française, l'ont accueilli à bras ouverts. A ses débuts, le taquet était une petite planche à charnière, placée au ras de l'obstacle et que le moindre frottement du sabot suffi- sait pour abaisser. Le préposé à l'obstacle le voyant tomber inscrivait une faute suivant un barème convenu d'avance. Un souffle, un rien 78 AKTIFICKS DK DKl'SSAGIv suffisait la plupart du temps à provoquer sa chute ; il arrivait i)Our- tant à certains veinards, de taper en ])lein dans rol)stacle. du poitrail par exemple, et le facétieux petit morceau de bois narguait la chute. ANCIENNE MAIE DE LA S. H. FRANÇAISE AVEC LE TAQUET PRIMITIF A CHARNIERES Combien en avons-nous vu gagner de prix ou de coupes dans ces conditions heureuses ? La Société Hippique eut alors rexcellente idée de remplacer le taquet à charnières, par une petite barre de bois rectangulaire, indé- ^^^ n^jie^^^^^^^-^^^-^^-^ ^^- >.^^-^.-- .^^-^.4^ >^- ■■>■' .'■ - ■■■' ■■■ -^ • •-- ■yyy .■■■■-- " LE NOUVEAU TAQUET pendante de l'obstacle, mais s'ajustant exactement sur son sommet, peinte de sa couleur, ])our mieux tromper le sauteur, et qui, au moindre frôlement de la pince du fer se déplaçait ou tombait. ARTiFiCliS DK DRIÎSSAGE: 79 Rien n'estj plus c'quitable ; cette petite barre évite toutes discussions, et obvie à toute distraction de la part du marqueur. La faute est autrement facile à véritier par exemple que l'eftieurement du devant et du derrière, que bien des gens critiquaient en IJelgique, où, pourtant en fait de sport bippique, il y a bien plus à hjuer qu'à blâmer. Depuis deux ans à iîruxelles, ]\1. Du];uicb a trouvé mieux. Il avait observé de son œil auquel rien n'échappe qu'en France, même avec le taquet mobile, la veine était trop flagrante pour certains cavaliers. Nous avons tous vu en effet, les chevaux de concurrents nés coiffés, taper fortement le dessus d'un mur ou d'une barrière, et un peu en dessous de la barre-taquet, et celle-ci ne pas tomber ; tandis que pour d'autres, rien que l'imperceptible frôlement d'un saut de volée un peu trop large la faisait voler en l'air. C'était une injustice cruelle du sort auquel il fallait parer dans la mesure du possible. j\I. Dupuich y parvint en supprimant la barre mobile ; mais rendit mobile la partie supérieure de l'obstacle lui-même dont la base était fixe, par exemple la dernière traverse d'une barrière des champs. Cette traverse mobile, étant touchée sans être déplacée, il n'y avait pas de faute, si au contraire elle était déplacée, il était marqué un quart de point, si elle tombait, une faute complète. C'est de loin, le mode le plus équitable de tenir compte des fautes, et celui qui devrait être universellement adopté. L'invention du ta(|uet serait donc un titre de gloire pour la Société Hippique frani;aise, si elle n'en avait abusé de sa décou- \'erte, au point d'en donner une indigestion aux cavaliers et aux spectateurs ; si, surtout, à côté des obstacles à taquets, indispensables pour augmenter la sévérité d'un parcours, son imagination rétive au progrès avait su trouver un peu plus d'obstacles variés et de cam- pagne. Nous reviendrons au long sur cette critique au chapitre X. Désormais contraint de faire une guerre à mort à l'impitoyable marqueur de peccadilles, le cavalier de concours dut dresser sa mon- ture non seulement à bien sauter, mais à sauter haut, toujours plus haut, de façon à ne pas chatouiller l'enfant terrible. De cette obligation, de ce duel à outrance, sont nés les artifice, de dressage en général et en particulier LK tapin. Le mot n'a pas, que je sache, droit d'entrée dans le dictionnaire 8o ARTIFICES DE DRESSAGE de l'Académie, mais il est passé dans notre langue à l'emporte-pièce. et nous radoptons comme les camarades. Le tapin est donc l'antimicrobe du taquet, de l'effleuré, du frôle- ment, du chatouillement de l'obstacle. Nous n'en finirions jamais, si nous voulions dresser la liste com- plète, de tous les outils ingénieux ou bizarres, de tous les instru- ments de torture, qui sortirent de l'imagination des concurrents pour le plus grand malheur de leurs infortunés quadrupèdes. C'est d'abord la menue barre, qui, dissimulée tant bien que mal, à fleur du taquet, est manœuvrée d'une seule main. Si elle manque souvent les sabots de la monture, elle se rattrape sur les tibias du cavalier. ligf ftgr- La grosse barre de fer creuse démontable, vissable ou dévissable à volonté. Il faut deux forts de la halle pour la lever vite un peu haut, c'est dire qu'elle arrive trop tard, toujours trop tard à la correction. Quand, par-dessus le marché, elle se tord sous les horions, il faut réqui- sitionner toute une équipe pour la redresser. La perche recouverte d'ajoncs marins, qui forme un balai d'aiguilles à son extrémité; elle a l'avantage peu appréciable de communiquer aux boulets des victimes la fièvre d'ajoncs, sans qu'il soit besoin d'un long déplacement pour aller courir le renard dans les landes épineuses de Pau ou de Biarritz. Puis un instrument de supplice, découvert sans nul doute dans les geôles de l'Inquisition, tout à fait indigne, selon moi, de figurer dans la panoplie surélévatrice d'un sportsman, la gaule à l'extrémité gainée de cuir et garnie de clous pointus. n^ r^TOrr:-^rrr^"F^ ARTIFICES DD driîssage; 8i L'outil merveilleux releveur s. g. d. g, dont nous avons entrevu les prospectus aux alléchantes promesses, mais que nous n'avons jamais essayé, ayant été guéri à tout jamais de ces admirables machines par un outil du même genre que nous avions inventé et qui ne nous donna que des déboires. L'aide fantôme qui accroupi derrière le mur surgit avec sa barre au risque de se faire rompre les os, quand le cheval est déjà loin. L'obstacle lui-même que l'on se met à deux pour relever dans les jambes du cheval. Si celui-ci est d'une franchise à toute épreuve, c'est certainement un des meilleurs tapins. J'inventai donc un jour un appareil que j'eus la bonne idée de ne point faire breveter, et je croyais pourtant avoir fait une découverte sensationnelle. Jugez-en un peu C'était une caisse énorme, genre boîte de jeu de croquet, longue de 3™50 et épaisse de 0,50 centimètres, munie à l'intérieur de puis- sans ressorts à boudins, se tendant ou distendant très aisément. Figu- rez-vous ces boîtes joujoux dont il surgit tout à coup un polichinelle, pour la plus grande joie des marmots. Les deux parois de la caisse étaient ramenées l'une contre l'autre en pressant vigoureusement sur les ressorts. L'appareil était aussi mis au cran en arrière. En tirant sur une ficelle attachée à un anneau à une certaine distance de la boîte, le déclanchement se produisait instantanément. La paroi supérieure de la boîte, repoussée par les ressorts, se relevait, surélevant en même temps de 0,30 à 0,40 centimètres le mur ou la barre que l'on avait posés dessus. L'idée semblait pratique, voire même géniale. Le système, enterré dans un trou, semblait ne pouvoir être éventé par le cheval, qui sent ou devine plus ou moins l'homme, si bien caché qu'il soit. A l'application ce fut un désastre. Le déclanchement, qui en théorie devait être rapide comme l'éclair, en pratique relevait l'obstacle ou trop tôt ou tard, et le plus souvent le chavirait complètement, ce qui était encore pis. Le cheval était anéanti, terrorisé par ce trem- blement de terre inattendu. Je reléguai mon fameux truc au musée des souvenirs et... je redevins sérieux. Il nous fallut donc, comme tout le monde, recourir au tapin 6 82 ARTIFICES Dli DRESSAGF, pour le dressage des chevaux Xcus le croyous plus ou moins bon sous ses nuiltiples formes, à condition que cet instrument soit joué en variant les airs et a\'ec du doigte. Le barrage à la main, le seul utilisable en déplacements de con- cours, rend de grands services, à condition de n'être pas trop répété el surtout d'être donné à un moment opportun, en dissimulant l'aide le mieux possible sur les côtés de l'obstacle et jamais derrière, ce qui est trop dangereux. L'homme s'appliquera alcrs à cogner les jambes de clevant ou de derrière de l'animal, suivant qu'il laissera davantage traîner celles-ci ou celles-là. Le cheval n'est pas aussi idiot qu'on le croit généralement; ii est doué d'une prodigieuse méiuoire ; si on le barre trop ou toujours suivant le même système, il sera très bondissant aux 4 ou 5 premiers obstacles d'un parcours: puis. agréablen:ent surpris de ne plus se sentir fra])per aux jambes, il se négligera petit à petit et fera fautes sur fautes en finissant. Nous recommandons donc à l'exercice de ne jauiais taper un sauteur avant de lui avoir fait sauter <|uelques obstacles ; de ne le taper qu'au moment précis où il commencera à s'oublier, à être moins haut, comme nous disons. Nous conseillons la manière de procéder suivante, qui nous a toujours fort bien réussi et dont les bons effets sont les plus durables. Sur la piste d'entraînement ou parcours dont on dispose, donner au cheval un galop de i.ooo mètres, puis lui faire franchir un mur ou une barrière, derrière laquelle est bien dissimulé l'homme qui le cognera avec sa perche ; faire encore, sans sauter, quelques centaines de mètres de galop, puis venir encore passer la barrière où l'on tapera une seconde fois le cheval et ainsi de suite jusqu'à la fin du travail. Ces sauts espacés, où le cheval est tantôt barré, tantôt saute, sans l'être, font qu'il ne peut ])lus deviner le mon'ient précis où on le frap- pera ; et cette leçon montrée, si elle se termine ])ar une récompense, sera la plus profitable de toutes. LES POULIES 83 Les Poulies C'est encore chez ^l. G. \"an de Poêle ([ue je vis fonctionner pour la première fois ces gentilles petites machines traitresses, qui, à mon avis et après les avoir longtemps expérimentées, sont le meilleur mode de surélévation trouvé jusqu'ici. Aussi je les emploie presque exclusivement dans mon manège. La première condition de réussite est que l'aide qui joue des I)Oulies soit le plus éloigné possible des chandeliers où elles sont fixées '{, ,({ ffl, i{fl,<^i!i\lL^.^((^-l-'r.hr^[{L'^\^ /rJou.UfJ'.^-, ^■(^^ ('( et caché avec le plus grand soin, de façon à voir sans être vu. La plupart des chevaux ont pour deviner l'honnne un flair de pointer anglais. Alon installation se trouvant à la campagne, je me dissimule derrière des massifs broussailleux pour tirer la corde longue de 5 à 6 mètres. Les 4 poulies sont adaptées à de gros poteaux de chêne hauts de 2; mètres, suivant le mode de fonctionnement qui scmb'era le plus pratique à chacun. Séjournant à l'humidité, elles devraient être enduites ^4 LES POULIES d'une forte couclie de vaseline. La corde ainsi graissée glissera plus rapidement, sans usure,, et fonctionnera sans le moindre bruit, ce qui est très important pour ne pas effrayer l'animal. Nous déconseillons de taper le cheval troj) haut ou sur de trop gros obstacles. Ne jamais taper plus haut que 0,25 ou 0,30 centimètres au-dessus du sommet ; passée cette hauteur, ce serait préjudiciable et même mortel. De petits crans d'arrêts fixés le long des poteaux empêchent la poulie de faire dépasser à la perche la hauteur voulue ; ceci est de la plus grande importance. Nous n'avons aucune estime pour ces sauteurs qui commencent vn parcours en bondissant tant et plus. C'est très impressionnant pour le bon public qui n'y entend rien, mais le plus souvent c'est de la mauvaise besogne pour la fin du parcours. Ces sauts dévergondés, désespérés en l'air, sont l'indice d'un mauvais entraînement, d'un barrage trop haut donné sans rime ni raison. Il faut également éviter la faute de faire sauter à des débutants de trop gros obstacles, sous prétexte qu'ils les auront un jour ou l'autre à sauter en public. Nous croyons donc pouvoir établir cette règle dictée par une longue expérience. Moins les chrz'iiu.v sai(tcroiit haut à l'cscnice, et moins ils seront tapés haut, inieux cela vaudra pour la réussite finale. Cette longue digression était utile avant d'en arriver au fonction- nement des poulies. Les perches reliées par des cordes solides aux poulies seront de 5 à 6 centimètres de diamètre environ en bois vert et le plus flexible possible. Plus ces petites barres seront fiexibles, moins il y aura de casse; il faudra néanmoins toujours avoir à sa portée un jeu de rechange. La manœuvre des poulies est fort délicate, si délicate, que n'ayant jamais pu former un homme à s'en bien servir,, je les manie toujours moi-même. O. A'an de Poêle, qui les manie de main de maître, prétend que le plus sûr moyen de se débarrasser d'un crack qui gagne tous les prix est d'indiquer à son heureux propriétaire le moyen de se servir de ces petites machines traîtresses. Le jugement est exagéré, le mieux est de faire comme moi. si LES POULIES 85 Ion n'a pas à son service un cocher qui s'en serve avec intelligence et à propos. Il est très important que la barre actionnée par la ficelle arrive juste à temps dans les jambes du cheval, ni trop tôt, ni trop tard, ni trop brutalement. Trop tôt, c'est-à-dire avant l'instant précis où les pieds du cheval ont quitté le sol, on l'épouvante et on provoque l'arrêt. Trop tard, c'est en pure perte. Trop brutalement, on risque le panache et ses suites fâcheuses, qui peuvent arriver même sur un sol doucement sablé. Nous ne partageons d'aucune façon l'avis de ceux qui prétendent qu'un bon panache est la meilleure leçon que l'on puisse donner à un sauteur négligent. Nous avons vu plusieurs sujets, après une sérieuse pirouette, rester dans une invincible appréhension, qui ne les a jamais quittés depuis et qui paralysait leurs moyens. Pour bien manier les poulies, il faut du moelleux dans les doigts, comme pour le glisser des rênes en abordant l'obstacle ; et savoir saisir le moment où il faut raidir ou laisser aller la corde. Je n'ai jamais occasionné le moindre accident aux poulies, malgré le très grand nombre de chevaux que j'y ai mis. et pourtant je tien- drais volontiers le pari d'envoyer sur le nez et du premier coup n'im- porte quel cheval, si puissant qu'il iût. La poulie, quand on ne sait pas rendre au moment opportun, a une force déséquilibrante et brutale formidable. Il importe de bien dissimuler la perche derrière l'obstacle et bien à ras du sommet; d'abord pour arriver plus vite aux jambes du cheval; ensuite et surtout pour ne pas l'effaroucher, ni le faire arrêter par \*t ballottement de la barre qu'il apercevrait. Il y a toujours grand intérêt tant au barrage à la main, qu'avec les poulies, à taper le plus près possible de l'obstacle. Les poulies nous paraissent avoir sur le barrage à la main les avantages suivants. i" Elles peuvent être tirées de fort loin par une main invisible qui se met avec la corde une rallonge de plusieurs mètres, tandis que l'homme qui barre est toujours plus ou moins deviné par l'animal. 2° Une très longue pratique nous a appris que ce déséquilibre- ment en l'air, dont le sauteur ne perçoit pas la cause, lui est autrement profitable, que les coups de barres lourdes qui tarent ; que les clous qui charcutent, ou que les badines qui chatouillent. 86 LES POULIES Déséquilibré sans y rien comorendre, il ouvre les yeux et s'ap- pliiiuc tant qu'il peut à éviter -ces petites vibrations cinglantes qu'il levloute beaucoup plus (jue les cou])S brutaux. Ivcs perches de bois peuvent être remplacées par des tuyaux de 1er creux d'un diamètre j^lus petit, mais nous ne voyons aucun avan- tage à employer cette ferraille, c[ui fait du bruit, est trop brutale, et demande à être redressée à chaque instant. En résumé nous recommandons chaudement l'usage des poulies, elles font faire au débutant des progrès inouïs ; et après avoir essayé de tous les moyens en usage, nous les employons exclusivement. M. Albert Wignolle. notre excellent ami à tous, ne m'en voudra pas, si je viens, grâce à lui, jeter une note gaie sur cette énumération monotone de tous les tapins. Je vais évoquer sa muse, car le vaillant cavalier était aussi poète à ses heures, et rappeler l'épitaphe qu'il fit inscrire sur le tombeau du Phoque, d'illustre mémoire, qui dort son dernier sommeil, dans son parc de Marquette. Wignolle et Le Phoque ! Cette évocation du bon vieux temps nous reporte hélas ! bien des années en arrière, à l'ancien Palais de l'In- dustrie et nous met en mémoire nos meilleurs souvenirs de jeunesse que n'ont pu enterrer avec les pierres, les pioches des démolisseurs ! C'était alors le bon temps, la gaîté, les bravos et les rires que ne parvenaient pas à étouffer les bien-aller que les sonneurs de trompe envoyaient aux échos. Les obstacles volaient en éclats, sous une grêle de taquets, et les Habits Rouges faisaient des pleines eaux à la rivière? D'enragés cen- taures, les étriers chaussés à fond, et la cape de chasse coiffée jus- qu'aux oreilles, sur des montures emballées qu'on ne voit plus de nos jours, se ruaient à la sortie, bousculant le public qui s'esclaffait, ou fauchaient les boutiques des selliers qui s'en faisaient une joyeuse réclame : Personne de notre génération qui vieillit et dont les jarrets mollissent, n'a oublié Albert Wignolle. l'enfant gâté du public, quand, époumonné. n'en pouvant plus, courbant en deux sa longue silhouette, i^ ramenait en main, après un merveilleux parcours, ^\y Love, les naseaux en feu, quand, vissé sur Le Phoque, il s'enlevait si haut, qu'il semblait avoir abandonné la piste pour toujours! Le vieux Palais et le bon vieux temps ! Qu'ils paraissent riants à côté de cette piste lugubre, glacée et sans lumière du palais actuel des Champs-Elysées, où le public s'ennuie â périr, où ne pouvant rien voir LES POULIES 87 ^9-' '•^-* *" ,^!f? .^1» 3,. ■ ^ ' ^ -H" • !»■-.».■:■■.- •>' •*«»4^> ,- î^fc- 88 LES POUUES ni comprendre, il a renoncé à s'intéresser au côté sportif ; où, les par- cours tous corrects, sans incidents, sans imprévu, se font à une allure de plus en plus folle, comme si chacun avait hâte d'en finir. Pour nous, nous versons des larmes bien sincères sur le vieux Palais de l'Industrie et peut-être ne sommes-nous pas les seuls. Ici, sous quelques pieds de terre. Le vieux Phoque dort pour toujours. 11 a vécu célibataire, Sachant que les folies amours Sont déplorables en concours. Que la terre lui soit légère! S'il est quelque justice au ciel. Un jour fort éloigné, j'espère. Près d'un obstacle artificiel, A la porte de Dieu le Père, Le vieux Phoque se placera. Et lorsque quittant ses pénates. L'âme de Wignolle viendra, En douceur il lui collera Un coup de barre dans les pattes. N.-B. — C'est par erreur que ces vers amusants ont été attribués à M. A. Wignolle. Ils ont été écrits par M. Jean de Chaudenay, l'excellent sportsman et cavalier. CHAPITRE VIII Manière défectueuse de sauter du cheval Remèdes ày appliquer. -Du sucre et du caveçon UNK longue pratique et un coup d'œil exercé sont néces- saires pour savoir rapidement distinguer le côté faible et défectueux du saut d'un cheval. Différents cas peuvent se présenter: ou bien l'animal joue avec l'obstacle, ou bien il n'accuse rien fonçant au travers, ou bien, le plus souvent, il prend de trop loin ou de trop près. Si le cheval joue, on a la ressource de rendre le joujou fixe; mais outre la casse dispendieuse des obstacles à laquelle peut s'ajouter celle plus désagréable du sauteur nous n'approuvons pas ce moyen extrême, qui produit la plupart du temps l'écœurement, ou tout au moins une appréhension de longue durée. La plupart des cavaliers, pour éviter le bris du matériel, ou les notes du vétérinaire, se servent d'obstacles de carton, du type de ceux que l'on rencontre dans presque tous les manèges civils ou militaires, grave faute, à notre avis ; un cheval qui, à ses débuts, a compris qu'il n'y avait qu'à foncer de sa masse et de son poitrail, voire même de son nez, pour mettre tout à terre, est un cheval aux trois quarts perdu ! D'autres se leurrent de douces illusions; s'imaginent que le cheval manque d'expérience et, qu'en lui apprenant à la longe, à bien prendre sa battue, à bien se servir de son encolure, à bien passer la barre par terre, ils auront tôt fait de changer ses mauvaises habitudes. La barre par terre? Nous allons soulever bien des tempêtes, en lui cherchant noise à cette vieille radoteuse, qui, depuis des éternités, mange la sciure de bois ou le tan de nos manèges. Nous n'y croyons pas ou du moins nous n'y croyons qu'à la con- dition expresse de la rendre rigoureusement fixe et inamovible. 90 ilAXIERK DKl'J^CTUEUSK DK SALTJiR J)U ClIlCvAi, Cette barre cjue le cheval retrouvera ])endant toute sa carrière >urniontaut une foule d'obstacles, celte barre (lu'il devra toujours resi^ecter, puisqu'elle est le symbole d'uue fixité daugereuse, est-il logicjue de lui appreudre à sa ])reuiière leçon, que c'est un leurre un obstacle pour rire. (|u'elle roule et <|u'il ]icut _\' poser les pieds sans se faire mal. Pourquoi alors pour montrer à un cheval de chasse comment il doit sauter un arbre en foret, ne pas lui faire fabriquer un chêne en carton ? \'ous voulez enseigner à votre monture la cadence du saut, la franchise et la manière de se servir de son encolure, un petit fossé creux vous rendra bien mieux les mêmes services sans olifrir les mêmes inconvénients. Pendant bien longtemps, je me suis fatigué les méninges, pour chercher quelque chose qui, sans être trop fixe, sans être dangereux, ni brutal, empêcherait l'animal de mettre l'obstacle par terre; le lui ferait, dès son entrée dans le monde du saut, craindre et respecter ; le forcerait de prendre sa battue à la bonne place, mieux que toutes les ridicules barres blanches roulant par terre ; et plus vite que des mois de travail à la longe, suivis de formidables tapins de barres de cent kilos. Ma trouvaille est fort simple, et je la soumets à mes lecteurs pour ce qu'elle vaut, leur conseillant de l'essayer avec un cheval de quatre ans qui ne sait encore rien des premières lettres de son alphabet, ou avec un cheval sautant mal qu'ils veulent améliorer. Nous savons tous que la faute lourde, celle qui met le sauteur liors concours et l'obstacle à terre, provient neuf fois sur dix de ce qu'il a l)ris sa battue de trop près. Une manie des dresseurs français est de débuter par des obstacles droits, murs ou barrières. Ils ont le plus grand tort; les premiers f-bstacles devraient toujours au contraire se présenter au jeune cheval inclinés, comme ceux que l'on rencontre généralement à travers champs ; où il n'y a de droites que les barrières ou les clôtures qui ofifrent le ])lus de difficultés à tous les chevaux. Il n'est pas logique de commencer par ce qui est le plus malaisé à apprendre pour bien sauter . Il me fallut donc trouver un moyen d'éloigner le sauteur de son obstacle. A cet effet, je fis traverser mes poteaux horizontalement à RKMI:D]-:S a y APPI.IOUKR 91 un mètre de hanteur par des barres de fer plates distancées les unes des autres de o'"20, et percées de trous destinés à recevoir de légères tringles verticales, dont la ttte se terminait par un anneau, et qu'on pouvait retirer à volonté. Ces tringles une fois posées se trouvent éloignées, la première de o'"25, la seconde de o'"35 du poteau. Le but de cette double échelle est d'abord de servir de support J.> u '■ aux différentes barres ; ensuite et surtout de maintenir une perche en avant de l'obstacle, soit à o'"25, soit à o"'35, afin d'en éloigner le cheval de gré ou de force. Le moyen était ainsi trouvé de rempêcher de prendre de trop près, et de venir tâter avec son naseau ou son poitrail le ])lus ou moins de fixité d'un obstacle artificiel. Ce petit truc si simple m'a admirablement réussi avec tous les sujets sans exception. 92 RliMÈDJiS A V Ai'l'LlQUER Je le crois le meilleur de tous pour forcer le cheval à prendre sa battue à la bonne place; pour renipêcher de galoper ou de bourrer dans l'obstacle, qu'il s'habituera de suite à respecter, sans s'en faire un épouvantail, et sans risquer de s'y casser ou de s'y tarer, comme cela arrive trop souvent sur du fixe. De la sorte, une grande économie de planches est réalisée ; et plus n'est besoin d'un menuisier raccommotleur à l'année, comme nous en voytnis dans certaines écuries de concours. 11 suffit d'un jeu de barres de rechange, dont fort peu cassent, du reste, quand elles sont en bois vert et flexible. Il se rencontre malgré tout des chevaux désespérants, que rien ne semble devoir corriger de l'effleuré ou du renversé avec la masse ou le poitrail. Ces frôleurs ou renverseurs de taquets sont, en général, les gros cobs, aux sabots énormes et brise-tout, à la masse imposante qu'aucun choc ne parvient à déséquilibrer en l'air. ]\Jerveilleux à travers les fields anglais avec 120 kilos sur les reins ils font dans les concours de véritables hécatombes d'obstacles artifi- ciels, et voler en éclats nos murs gâteaux montés ou nos barrières de pacotille. Je pus enfin en venir à bout et en très peu de temps par le pro- cédé suivant. Je modifiai à l'intention de ces cobs mes poulies-perches, et les remplaçai par des planchettes de bois, auxquelles je ménageai mie glis- sière, formée de deux rainures de bois solide, verticales et parallèles fixées à l'intérieur des chandeliers. Des cordes fixées par deux pitons aux extrémités de la planche la relèvent par le procédé habituel et la cassent au besoin dans les pattes du cheval (jui est ainsi corrigé plus ou moins durement suivant la force de traction qu'on y met. Les planchettes doivent avoir deux centimètres d'épaisseur, de 10 à 12 centimètres de large. Pour faire un avec l'obstacle et ne point être devinées par le sauteur, elles devront être peintes de couleur grise ou rouge pour un mur, blanche pour une barrière. Comme pour tout autre genre de travail ou de barrage en liberté, l'animal doit avoir les tendons protégés par quatre bonnes flanelles, et porter une paire de genouillères solides, souples et bien serrées au- dessus du orenou. REMEDIvS A Y APPLIQUER 93 94 RKMEDHS A Y APPLIQUER Des guêtres de ])olo sont encore ce qui protège le mieux l'arrière- main. Ce mo}en /'/; c.vtrciiiis. m'a réussi souvent au-delà de toute espé- rance, les chevaux croyant sans doute que l'obstacle se relevait sous leurs i)attes. 11 va de soi que ce petit truc n'est profitable qu'aux animaux d'une franchise absolue et que rien ne rebute. Ce sont généralement les meilleurs et pour eux mon tapin-planchette fera toujours mer- veille. 1À& PLANXUETTE A GLISSIERE RELEVEE PAR DES POULn;S D^XS LES JAMBES DU CHEVAL S'il s'agit, au contraire, de rogneux ou de nerveux, ne voulant supporter personne autour des obstacles, et n'endurant aucune cor- rection, la i)erche-arrêt débordant en avant de o"'35 aura déjà fait merveille. L'animal la confond avec l'obstacle (|u"il ne peut pdus renverser ou ébranler de sa masse, et s'y corrige sans secours étranger cjui le ferait refuser. l'n bon moyen ])0ur ces rebelles au barrage est de surmonter l'obstacle d'un tuyau de plomb creux, épais et long de o^SO. pesant REMEDES A V APPLIQUER 95 96 REMÈDES A Y APPLIQUER fort lourd, et à l'intérieur duquel est glissé une barre de fer rigide pour le maintenir droit. Le plomb sera peint en blanc ou gris sale pour ne pas attirer l'attention du cheval. Placer cette barre à o'"30 au-dessus du mur par exemple et en croix de façon à ce qu'elle soit moins fixe et que le cheval puisse la passer dans les deux sens sans accident. Croyant avoir affaire à un rondin de bois inoffensif, dont ce tuyau trom])eur a l'apparence et les dimensions, et dont le poids est de 30 à 40 kilos, le cheval s'y donnera une leçon très fructueuse et prendra désormais l'habitude de respecter les perches lui semblant le plus inof- fensives. Très utiles également sont les petites barres rondes de fer plein de 5 à 6 centimètres de diamètre, et que l'on trouve chez tous les mar- chands de ferraille. On les fait couper à la longueur dont on a besoin. |^y,)j/'l'.;)W/'))..-J))) in:nii^))]f ,j i 0)/)')]^,l ,..Jli!)))/M,]')|}))'^)|)) Pas dangereuses, mais d'un heurt désagréable au sabot qui s'y frotte, elles rendent de grands services pour surélever un obstacle pour le travail monté et rappellent à l'ordre le cheval qui se néglige en fin de parcours. Placées en travers sur un stère de bois ou sur le sommet d'un openditch, elles empêchent le cheval trop banquetteur d'y poser les pieds ; mises en croix au-dessus d'un fossé ou d'une rivière, elles châ- tient celui qui voudrait y descendre. Placées de même sur de petites fauches devant un double fossé, ou une rivière à bords francs, elles régularisent la battue. DU SUCRE ET DU CAVËÇON 97 Du sucre et du caveçon Nous n'avons fait jus(ju'à présent dans ce chapitre que con- seiller coups et blessures, il est temps de venir panser les plaies, et que la main qui fut de fer, se gante un peu de velours pour flatter et récompenser le pauvre élève de ses marques de bonne volonté et de ses progrès. Il n'existe pas d'animal plus gourmand qu'un cheval en bon état D AUCUNS PRETENDENT QUE LA FRIANDISE REND LE CHEVAL MORDEUR ET MECHANT de santé; le dresseur devra donc mettre à profit ce précieux auxiliaire en cherchant par tous les moyens à encourager ce vice chez son élève. J'achetai en 1896 Bistouri, le champion de Dublin dont j'ai rappelé la prouesse au début de cet ouvrage. C'était alors un animal féroce qui, à la longe comme à l'écurie, chargeait l'homme avec une furie de sanglier. Il devint bientôt si friand d'un morceau de sucre ou ■d'une carotte que j'aurais pu m'endormir dans son boxe, sans le moindre danger. 7 98 DU SUCKK KT J)U CAVKÇON En riattant son i)éché mignon, j'en fis donc un mouton, et c|uan(l il commençait à me casser les bras du poids de son infernale gueule, je n"avais qu'à lui ])arler ; il pensait au sucre, cédait et filait doux. je gagnai, grâce à ce simple moyen, le i)remier championnat en hauteur couru au Palais de l'Industrie, et à cette époque >i un ne dépassait guère j'"7o. il fallait faire aborder à >a monture une grosse barre sans ailes encadrant le saut. D'aucuns prétendent (jue la friar.dise rend le cheval mordeur ou méchant. Elle est bien bonne... c'est juste l'inverse (|ui se produit. Donc du sucre et encore du sucre! J'en b:)urre mes poches ainsi que de carottes, c'est un des nieilleurs moyens de faire aimer à un jeime cheval son métier de sauteur. La friandise sera donc le meilleur anti-nerveux des afi^olés ou des brise-obstacles, et dans un coin de mon manège j'ai mis une auge que je remplis d'avoine après la leçon. Aussi tous nos élèves aiment-ils leur école et entrent-ils en classe avec plaisir. Il n'en restera pas moins indiscutable qu'avec les charognards et les arrétards, il faudra, si l'on veut avoir le dernier mot, recourir à la force brutale. Pour ces fortes têtes, le caveçon sera toujours le meilleur auxi- liaire, aussi disions-nous précédemment, qu'avant de faire entrer ces quinteux dans le manège circulaire, nous leur mettous toujours le caveçon au lieu du licol, attachant autour de leur cou une courte rêne de tissu souple, prête à agir. Et nous nous en servons devant l'obstacle en cas de refus obstiné. La correction au caveçon m ou te est également utile et n'est pas assez employée. ]\Iais pour obtenir un résultat, il faut de rà-propos et ne pas se laisser prendre au dépourvu. Si l'on prévoit qu'il y aura lieu d'y recourir pendant le travail. il convient, avant de se mettre en selle, de fixer un caveçon léger, au-dessus de la bride, mais avec une rêne indépendante. Il ne faut pas être obligé de descendre de cheval, d'aller chercher l'appareil à la sellerie, ce qui ferait perdre l'opiîortunité du châtiment qui doit suivre immédiatement la faute. Le rossard (lui aura reçu quek|ues bonnes danses, monté, croira toujours avoir son caveçon ])rêt â lui secouer le chanfrein, et il filera doux en parcours. Cette correction en tous cas lui inspire une bien autre ])eur (jue la cravache, dont le maniement n'est guère goûté du i)ublic. et ([ue DU SUCRE KT DU CAVEÇON 99 100 DU SUCRK ET DU CAvKÇON l'éperon, qui affole beaucoup de chevaux et rend les juments pisseuses. Il sied donc de conserver une juste mesure entre les horions et les caresses, « //; iiicdio stat virtits ». Pour nous, si on nous donnait à choisir entre les deux méthodes, voulant faire vite et bien un sauteur, nous prendrons toujours le sucre et les carottes avant le caveçon et les coups. CHAPITRE IX Soins et nourriture du cheval d'obstacle UNE for.le d'excellents ouvrages ont traité cette question dont nous ne dirons cjne quelques mots, renvoyant nos lecteurs pour plus de détails, aux livres si documentés et intéressants du comte de Comminges, dont nous appré- cions plus que personne la grande compétence en matière de sport et l'inlassable dévouement, à la cause du cheval. Un de ces derniers livres « Le Cheval, Soins pratiques » a sa place indiquée dans la bibliothèque de tout sportsman. Nous indiquerons brièvement dans ce chapitre, comment nous soignons nos chevaux d'obstacle, ce qui nous réussit le mieux pour les mettre en rapide condition, et les conserver pleins de santé et de vigueur pendant la période des classes, des concours et du repos. A mes débuts dans la carrière, je pensais avec tout le monde que plus on bourrait un cheval d'avoine, mieux il se portait, plus \\ était armé pour un gros effort et un travail prolongé. Je suis tôt revenu de cette erreur de jeunesse, et l'expérience m'a appris qu'il était parfaitement inutile de dépasser une certaine ration de grain. Rien n'est plus préjudiciable au bon fonctionnement de l'estomac et de l'intestin que de distribuer l'avoine toujours seule, et avec des rations de 20 litres, on ne fait le bonheur que des grainetiers et des moineaux. Pendant des séjours prolongés en Angleterre et en Irlande, j'a; été maintes fois surpris de voir des chevaux en plein entraînement ou galopant toute une saison derrière les chiens, superbes de muscles et d'état, quoique nourris avec une ration d'avoine très inférieure à celle que nous donnons d'habitude en France. La raison de cette anomalie est, que si les lads ne donnent jamais 102 SOINS KT NOUKRITL'RK DU CIIKvAI. d'oBSTACLE d'excédents inutiles de grain, au moins ce grain n'est jamais donné seul, mais toujours mélangé à du chaff (foin ou luzerne coupés menu). Ce hachis force le cheval, toujours gkniton sur sa nourriture à la mastiquer lentement, au lieu de la hoire. Aussi le tout est-il parfaite- ment ensalivé et assimilé, et une grosse proportion intacte n'en est plus rendue par l'intestin. Quelques poignées de coupage ajoutées à la ration quotidienne Clans la proportion de deux ou trois casquettes d'écurie par repas, j)ermettent de réduire sensiblement la dcse journahère, pour le plus grand profit de l'animal et de la bourse du patron. Dans ces conditions d'assimilation parfaite, le grand maximum selon nous, est de 12 à 14 litres pour un grand cheval en plein travail. Dans mon écurie je n'ai à aucun moment dépassé 12 litres, et ma distribution habituelle de travail est de 10 litres. Bien que l'avoine mélangée au chaff soit une alimentation diges- tive et tonifiante au premier chef, il ne faut pas s'y tenir exclusive- nient. Il convient de changer la nourriture de son cheval, comme on aime à avoir à sp disposition un menu varié. Autrement le dégoijt et l'inappétence viendraient vite détruire la condition. Les carotte* rouges ou blanches sont un excellent entremets. Ironiques et rai aîchissantes de par l'huile volatile qu'elles contiennent, elles ont en toute saison, et surtout l'hiver, leur place indiquée dans une bonne écurie. Elles seront toujours lavées, puis données entières ou coupées en sifflet, avec ou sans l'avoine. La mélasse sous toutes ses formes, et par les immenses services Qu'elle a rendus, a conquis son droit d'entrée dans toutes les auges. Pale-male ou mélasse pure et sirupeuse, ou encore sucre brut rouge, non raffiné ; le cheval en devient vite friand sous toutes ses formes. Comme le chaflf, et renfermant en outre des produits nutritifs du système musculaire, elle force le cheval à manger lentement. Relativement bon marché et permettant de réduire d'autant la ration d'avoine, elle est très à recommander. Nous lui ferons pourtant la légère crititiue suivante: l'été chez certains sujets, délicats d'entrailles, elle dessèche le palais par .sa fadeur sucrée, elle incite trop à boire, et son abus par les grandes cha- leurs amènerait de l'entérite et des coliques. SOINS liT XOURRITURIC DU CIIKVAL d'oUSTACLI" 1 03 11 convient de donner dn vert, dès le printemps, beaucoup de vert, soit brassé avec le foin ou la luzerne sècbe, pour en corriger l'effet trop laxatif au début, soit bacbé menu et mélangé au cliaff et à l'avoine. Ce régime bienfaisant pour l'intestin du cbeval qui a été brûlé par l'avoine pendant l'biver. devra être continué aussi tard que pos- sible en saison et tant que l'on aura à sa disposition de la luzerne ou du sainfoin. Le vert est aussi profitable à l'animal que la salade et les légumes le sont aux humains brûlés par les toxines de la viande. C'est une grande erreur de s'imaginer (lue le vert en petite quantité débilite ou amollit le cbeval à l'entrainemcnt ; il n'est pas plus anémiant que la laitue ou les épinards ne le sont pour nous; et c'est le meilleur mode pour lui faire supporter, pendant la saison estivale, une ration supplémentaire d'avoine sans lui détraquer l'inté- rieur. Quand je suis à la campagne, j'offre souvent à nos braves amis un régal qu'ils trouvent à nul autre pareil: à savoir deux pieds de laitue ou de romaine bâchés avec des carottes, le tout mélangé au chaff et à l'avoine. C'est plaisir de voir la joie gloutonne avec laquelle ils se met- tent à table, bro}'ant, mastiquant à qui mieux mieux, n'en perdant pas une bouchée; les yeux dtsorbités de joie et de gourmandise. Nous n'insisterons pas sur la nourriture cuite ; toute bonne écurie, été comme hiver, tient à honneur de servir un mash par semaine à ses pensionnaires, et aurait le plus grand tort de faillir à cette excellente tradition. Xe déshonorons pourtant pas le nom de mash, en l'appliquant à cette ignoble lavasserie fabriquée à la hàfe par certains palefreniers qui devraient être condamnés à la goûter. Affreuse bouillabaisse, écœurant mélange d'avoine, de graines de lin. de sel de cuisine ; le tout, à peine réchauffé par de l'eau sale jamais bouillie et recouvert d'une couche épaisse et indigeste de son poussié- reux sans farine. Cet infect mastic à la sciure de bois est à peine bon pour une porcherie. Le mash est excellent, fait avec tous les grains, orge, avoine, froment, seigle, ma'is ; mais, à la condition expresse que ces grains soient bien cuits et qu'ils aient gonflé doucement et sans être brûlés, dans de l'eau bouillante, j^endant i heure 1/2. I04 SOINS IvT NOURRITURE DU CHKvAL d'oBSTACLK -L'appareil le meilleur et le plus économique à avoir, près de la sellerie, pour la cuisson des mashs. est le simple fourneau dont on se sert dans les vacheries ])our l'alimentation des veaux au sevrage. Fourneau à bri(|ues avec foyer pour mettre du bois, surmonté d'une large cuvette en fonte. Le mélange y mijote tout doucement sans crainte d'être brûlé, exige peu de combustible, peu de surveillance, et le récipient ])eut contenir la ration de 5 à 6 chevaux. Le meilleur moyen, pour le palefrenier trop occupé ailleurs, pour pouvoir surveiller la cuisson de temps en temps, s'il ne veut jamais l.'rfder son mash. est de le faire cuire au bain-marie. 1 ^^f II y a beaucoup de formules d'excellents mashs. Celui que je préfère est composé de parties égales d'orge, parties égales de riz, avec quelques cuillerées à soupe de graines de lin. Le riz cuisant plus rapidement que l'orge, devra être mis dans la cuve une demi-heure après. Cette bonne soupe m'a rendu grand service pour remettre en état des chevaux éprouvés par le travail ou la maladie, atteints d'entérite ou brûlés par une alimentation trop échaufifante. L'Irlandais importé, surtout s'il a moins de 6 ans, est fort malaisé à nourrir les premiers mois où il est éprouvé par le changement de climat et de nourriture. SOINS ET NOURRITURE DV ClIl'VAL d'oBSTACLK I05 JI boude désespérément le meilleur foin cUU|uel il trouve sans cloute moins d'arôme qu'au fourrage du pays natal; il ne touche pas a la paille (|ui est une litière généralement ignorée dans son pays où elle est fort coûteuse. 11 se rattrapera bientôt du reste, et la dévorera au point qu'il faudra le museler pour l'empêcher de manger son fumier et de bedonner désespérément. Si on le bourre d'avoine (dont l'insulaire pauvre et regardant n'abuse pas non plus) sans recourir aux recommandations qui précè- dent, c'est-à-dire sans y ajouter beaucoup de coupage et varier sou- vent le menu, on s'exposera à un tas d'ennuis. L'entérite, les coliques, le dépérissement viendront vite avec leur ennuyeux cortège, et on sera dans l'impossibilité d'avoir le cheval prêt avant l'année sui- vante. La boisson C'est une délicate question trop souvent négligée. De même qu'il ne faut donner ni trop d'avoine, ni rien que de l'avoine ; de même la boisson devra être soumise à certaines règles sévères. Il ne doit pas être donné uniformément de l'eau crue ou glacée; mais il convient d'y ajouter de temps en temps certains condiments. Il est un point de controverse que nous voudrions voir trancher par un plébiscite de sportsmen compétents: éleveurs, veneurs, officiers, propriétaires et entraîneurs de chevaux de course. Doit-on laisser au cheval la facilité de boire à sa soif dans son boxe., en y laissant l'auge remplie d'eau ou le seau dans une encoi- gnure ? Les partisans de la liberté du seau prétendent que, de la sorte, le cheval boit peu à la fois et ne noyé pas, avant de manger, son suc gastrique dans des flots de liquide indigeste. Pour ce qui est de nous, nous sommes tout à fait contre cette méthode nouvelle à laquelle nous préférons l'ancienne, qui consiste à présenter à boire au cheval deux ou trois fois par jour suivant la saison; à des heures régulières, et après lui avoir donné à mastiquer un peu de fourrage qui empêche la trop grande crudité de l'eau sur l'estomac. Quand le cheval avale trop goulûment, nous coupons l'eau, c'est-à- dire que nous l'empêchons de tout absorber d'un seul trait. Lorsque l'eau est trop froide, ou le cheval en état de transpiration, nous la dégourdissons d'un quart d'eau chaude. 106 SOINS KT XOLKRITURE DU CIIKVAL d'oBSTACLE Contre la liberté du seau nous apj)! rtons l'argumentation sui- vante Le cheval est un animal inintelligent, grâce aux bons soins du créateur (sans ([uoi nous n'en serions jamais devenus maîtresj ; il a donc son seul in-tinct ])()ur guide. Ayant de l'eau à discrétion, il boira tant et plus, au gré de sa soif, et aux moments ] récis où cette fantaisie sera la plus dangeureuse pour son organisme. Laissez-donc à un ivrogne, autre sorte de b-rute (jui ne >uit (|ue son instinct de soiffard incorrigible, des bou- teilles de Fine Champagne ou de Whisky à discrétion; il boira jusqu'à ce que mort s'en suive. Ht vous voulez que le cheval altéré agisse autrement. De plus, l'eau qui séjourne en été dans le boxe, devient fadasse, chaude, poussiéreuse ; en hiver, elle deviendra glaçon, pour peu que le thermomètre baisse brusquement la nuit. Xous nous en tenons donc à la vieille mode; jusqu'à ce que l'avis contraire d'hommes de la partie nous ait fait changer d'opinion. \'ariez donc un peu la façon de donner à boire, si vous con- server un cheval en boime santé, et au poil luisant; et pour cela vous avez quelques bons moyens. La graine de lin (pii séjournera dans l'eau ([uelques heures est parfaite ; la farine d'orge et de riz sont également à recommander. De toutes les boissons chaudes, le thé de foin obtenu en ébouil- lantant du bon fdin, de la luzerne ou du sainfoin, est la meilleure. Non seulement, elle est profitable aux malades et aux convalescents ; mais elle doit ttre considérée en tout temps comme une boisson hygiénique, diurétique et fortifiante, qu'il ne faut pas négliger de faire boire aux animaux en bonne santé. Les vétérinaires vont jusqu'à prétendre, que pour les jeunes veaux au sevrage, le thé de foin est aussi nourrissant que le lait de la mère. Je laisse souvent à mes chevaux la nuit un seau dans le fond duquel il y a un barbotage de farine d'orge, avec une" grosse poignée de sainfoin sur lequel a été versée de l'eau bouillante. Tous, sans exception, adorent cette tisane qui améliore vite la condition des plus petits mangeurs. Autant le son mouillé que l'on distribue dans la plupart des écuries, sous forme de pâte visqueuse, est indigeste; autant le lait de SOINS ET KOURRITURK DU CIIKvAL d'obSTACLI; I07 son obtenu en tordant le son à l'intérieur d'un torchon (comme le font les humains pour leurs bains) est un merveilleux drink rafraîchissant et agréable. Dans ce résumé fait au galop de la plume, nous n'avons pas la place de parler de toutes les drogues vétérinaires, farines i)hosphatées, ball's-anglais, « condition powders », etc., dont la plupart ne sont protîtables c|u"à leur vendeur. Il est entre autres bonnes préparation-, une poudre qui nous a donné de merveilleux résultats, et que nous avons déjà indi(jué à beaucoup d'amis qui n'ont eu qu'à s'en louer. C'est la Farine Lavocat, de Lyon, à base de Xucleine (i). Nous avons vu cette poudre à l'œuvre en Algérie et en Tunisie, où elle est très employée. Dans ces rudes climats, où l'été est si déprimant pour les chevaux qui doivent travailler, suant sang et eau, sous la bise dévorante du Siroco ; mal nourris par cet exécrable foin d'Afrique, qui n'est que coupures de joncs de marais, j'ai vu la Farine Lavocat opérer de véri- tables miracles. J'en ai usé souvent depuis pour des animaux délicats, se nourris- sant mal ou relevant de maladies graves ; elle m'a été d'un grand secours; et je crois rendre service à tous en la faisant connaître. J'allais oublier de parler de l'hydrothérapie. L'été, c'est un remède souverain à appliciuer aux chevaux délicats, et un moyen, à nul autre pareil, d'entreteinr un cheval quelconque en bonne santé et condition. Il y a quelques préceptes qu'il ne faudra jamais négliger en s'en servant. La douche et le lavage à grande eau devront toujours être donnés de préférence au cheval quand il sera en pleine transpiration ; mais jamais quand le cœur est trop agité encore par un effort musculaire ou un long galop. Dans ce cas, il faut toujours laisser au cœur le temps de reprendre son battement normal. Autreiuent dit, après un galop ou un long travail ayant amené une bonne poussée de sueur, il sied de le promener quelques minutes en main, avant de l'exposer au contact de l'eau glacée, mais en ayant bien soin de ne pas laisser sécher sa robe. (i) Farine Lavocnt, rue Tbomassin, Lyon. Io8 SOINS ICT XOURIUTL'RK DL' CllI'.vAL d'oBSTACLH Pendant la douche, ne pas perdre de temps, et ne pas laisser pren- dre froid au cheval en l'e.xposant à un courant d'air; après, le mener en main un lum (|uart d'iienre au soleil jnscju'à ce (ju'il soit bien sec; et même, en été. lui mettre tme couverture de laine à la rentrée dans son boxe. Quand on a à sa disposition une rivière d'eau courante, y mener les chevaux très souvent; mais autant ([ue possible les y faire marcher et patauger et ne pas les y garder immobiles. Pendant les quelques séjours que j'ai fait dans les Provinces allemandes, j'ai pu constater le grand usage que la cavalerie faisait de la méthode Kneipp pour ses chevaux ; l'été, ils font tous les jours une promenade (i) dans l'eau courante et en tirent un grand profit. Ce petit guide d'hygiène n'apprendra rien, sans doute, à ceux qui ont vieilli sous le harnais; il pourra peut-être rendre service aux jeunes, qui. n'ayant pas encore acquis l'expérience complète des soins à donner au cheval, sont obligés de s'en rapporter à la routine ou à l'ignorance de certains cochers, pour tjui tout est mauvais en dehors de l'avoine crue qui coûte gros au patron, mais rapporte cher en pots de vin. Je ne sais rien d'agréable pour (|ui aime son métier, comme un petit tour aux écuries à l'heure de la soupe, et rien d'amusant comme de voir les pensionnaires dévorer à pleines dents leur ration. Ils font honneur à la table du maître ; et le brillant de leur poil lustré est la livrée la ])lus glorieuse pour leur patron. I Je dis PROMEN'\DE car, à mon sens, rien n'est plus préjudiciable qn'un séjour prolongé dans l'eau froide, sans bemDER. CHAPITRE X T)u concours hippique en France — 'De la Société hippique française Des améliorations à apporter à ses concours à ses organisations et à ses statuts Concours de province LA passion des concours et du cheval d'obstacle s'est prodigieu- sement développée avec le vingtième siècle, et c'est plaisir de voir que le pétrole et l'électricité n'ont pu parvenir à détrôner le sauteur de son piédestal. Malgré la turbulente auto et le naissant aéroplane, les réunions sportives se font chaque année plus nombreuses et plus brillantes à travers l'Europe. C'est à nous, les vieux Habits Rouges de France et de Belgique ; c'est aux officiers de ces deux pays voisins et amis, que revient la gloire de la survie du noble animal, dont les machines devaient amener la mort. Le principal mérite de ce grand réveil sportif revient à M. le comte d'Oultremont, président de la Société Royale Belge, et à son infatigable secrétaire, M. Dupuich ; il revient également à M. Paul Lambert, l'organisateur des Féeries Hippiques qui se célèbrent à Spa au mois d'aoiàt. Les grandes réunions, qui se donnent sous leurs auspices, en atti- rant les plus fines cravaches du globe, ont prouvé aux incrédules qu'il y avait de par l'Europe des coins où l'on aimait autant le cheval et où on savait aussi bien s'en servir que dans le Royaume Britanniciue. Très nombreux, civils ou militaires, nous nous sommes rendus à IIO SOCIKTK IIIPPIOUK FRANCAI^rK l'a])pcl de ces vaillants tlévoués à notre cause ; et nous avons le droit de relever fièrement la tête et de dire, que partait, à Bruxelles, à Spa. a Ostcnde, à Turin, à Londres, si nous avons été à la peine, très sou- vent aussi nous avons été à l'honneur. Donc en France, l'impulsion et Texemplc ont été donnés ])ar nous les humbles ; mais avons-nous été secondés dans notre lâche ]Kir nos grands metteurs en scène? Je répondrai non hardiment, non sur toute la ligne; non. sans M. DUPUicii. S[:cRETAn à taquets ou d'obstacles en carton ; et surtout ctjntre son peu de souci des intérêts et des revendications des malheureux Habits Rouges, dont elle étouffait les murmures et garnissait la bourse avec des kilomètres de tiots de rubans, roses et gris. Je dois reconnaître que nous avons obtenu dans ces derniLro années de notables an:éli( rations surtout dans l'augmentation des prix, et ilans la distribution des obstacles. Mais (lu'il reste cnci re tle progrès à réaliser, d'abus à faire dispa- raître, d'innovations à créer, pour que nos réunions Françaises ne paraissent pas si ternes, si dénuées de sens et d'intérêt à côté de celles fie Tétranger ; je devrais dire à côté de la plupart des réunions des Sociétés privées de province, moins riches pourtant, mais c[ui font beau- coup mieux. D'où vient le mal et cette marche à rebours du progrès? De ce fait monstrueux, incroyable, unique dans les annales d'un sport ; que pour l'organisation de ses concours, pour la rédaction de ses programmes, pour la distribution et le choix des oljstacles, pour les progrès à réaliser, les nouvelles mesures à p.rendrc, la S. H. F. a toujours mis à l'écart les premiers intéressés, c'est-à-dire le Habits Rouges. \"ous me direz cpie la Société Hippique Française est une Société d'intérêt public qui a pour but avant tout l'intérêt des éleveurs et l'amé- lioration de la race chevaline en France. Sans doute, et en ceci sa tâche est fort belle et j'y applaudis des deux mains ; mais là n'est pas la question. La Société Hippique Française fait le plus grand bien à nos éleveurs en distribuant annuellement /CO.coo francs de prix ou de primes ; mais elle oublie trop ceux à qui elle doit tout son succès, ceux sans lesquels elle ne saurait exister. Que la S. H. F. tente donc l'essai d'un concours à Paris ou quelque part ailleurs en province, sans sauts d'obstacles, ni habits rouges, m uniformes, vous verrez le royal four, le joli résultat aux tournu|uets. le gouiïre béant à la recette? Qu'il soit décrété en haut lieu un feu de joie de tous les obs- tacles oui seront (en ce siècle d'automobiles à outrance) remplacés 112 SOCIETE HIPPIQUE FRANÇAISE par (les numéros sensationnels de chevaux de classe et de voiture, et vous verrez le réjouissant as])ect des bancjuettes vides? Je sais ce que l'on dit en dehors de la S. H. F., et notamment dans l'Ouest. Aux récriminations des pauvres concurrents, il est répondu (|ue l'Ouest est im i)ays d'élevage, qu'il faut avant tout tra- vailler pour l'éleveur, pour le Xorfolk et le postier breton, — (jue les sauts d'obstacles viennent en seconde ligne, et sont des hors- d'œuvre. Fort bien ! mais alors pourquoi ne pas les rayer complètement du programme, réduire encore les prix dont plusieurs sont déjà déri- soires? Pourquoi pas, puisque les courses d'officiers et de civils ne sont que des numéros sans importance et qui ne contribuent pas à la recette. Je disais donc, pour en revenir à la S. H. F. (car je ne fais que commencer ma complainte) que jamais personne d'entre nous, pas plu? parmi les jeunes que parmi les anciens, n'a été appelé, convoqué offi- ciellement comme porte-parole de ses camarades ! Ne sommes-nous pas pourtant les acteurs de la pièce qui se joue ; mais des acteurs qui n'ont pas le droit de discuter leur rôle ; à qui comme je vais le prouver, il n'est même pas laissé le temps rai- sonnable pour l'apprendre? Pour éviter, sans doute, le mécontentement des uns ou la critique des autres, la S. H. F. a la facétieuse habitude de faire paraître son programme trois semaines à peine avant son premier concours. Je n'invente pas, ni n'exagère ; ainsi, en cette année 1910, le programme a paru vers le 15 janvier, et Bordeaux, la première réunion, ouvrait ses portes le 5 février? Charmante attention, douce sollicitude comme dit Rostand dans Cyrano. Dans le monde de la cravache, nous goûtons peu cet étonnant procédé. Pris au dépourvu, nous ignorons quelle préparation donner à nos sauteurs ; si, par exemple, nous avons intérêt à vendre ou à conserver un cheval qui a le gros handicap ; s'il vaut mieux, au contraire, nous pourvoir d'un cheval neuf ou de classe? toutes ques- tions pour lesquelles la S. H .F. a autant de souci que de l'avis des inté- ressés ? Sans nous pourtant, je le répète à tous l<;s échos des Concours de France, qui rediront ma ritournelle au 33 de l'avenue Montaigne, per- sonne aux guichets et néant aux tribunes? SOCIETE hippique; FRANÇAISE 113 1 14 SOCIETE HlPPIQUi; FRANÇAISE vSans vouloir en faire porter la responsabilité à la S. H. F., qui n'est pas libre de choisir une autre date, on ne peut s'empêcher de' constater que le Concours de Paris est lugubre, surtout la première (iuinzaine. L'époque, qui n'est plus l'hiver mais n'est pas encore le printemps, est déplorablement choisie. En cette fin de carême, les Parisiens ne sont pas encore revenus, se chauffant encore au soleil de la Côte d'Azur, ou bien ils s'abstien- nent par dévotion. Les femmes ne savent comment s'habiller ; ne pouvant encore se vêtir des seyantes nouveautés de saison, elles désertent l'Hippique par coquetterie ou grelottent, dans leurs fourrures, sur les banquettes, aban- aonnées pendant la semaine qui précède Pâciues. Les écuries en sous-sol sont abominables et donnent l'impression d'une promenade dans une nécropole; les chevaux y toussent et prennent la crève. Il n'y a qu'une voix pour dire que le cadre ne vaut guère mieux que la saison. Un projet est donc en l'air pour bâtir enfin un palais du cheval et des sports? Puisse-t-il se réaliser? Depuis longtemps déjà, la S. H. F. devrait être dans ses meubles, libre de donner à son heure de grandes fêtes du cheval de jour et de nuit surtout, comme cela a lieu avec tant de succès au Horse-Show de l'Olympia, à Londres. Les progrès réalisés dans la confection des parcours sont insigni- fiants ou ne sont guère heureux. J'en donne un exemple: Nous avons eu, il y a six ou sept ans, l'innovation de la banquette irlandaise. Jolie surprise, comme vous allez voir? v^avoureuse trouvaille qui a dû germer dans le cerveau d'un homme peu accoutumé à passer l'obstacle nouveau qu'il nous offrait en primeur? Etant donnée l'obligation de mettre sur pied ce talus en ([uelques jours, à une époque où le gazon et la terre sont détrempés par la pluie ou le dégel, on ])ouvait peut-être trouver mieux, sans trop se fatiguer le cerveau ? Pour ces raisons inséparables d'une hn d'hiver, c'est une dange- reuse grimpette h verglas, et ce ne sont pas des crampons qu'il fau- SOCIETE HIPPIQUE FRAXÇMSK 115 drait aux fers du cheval pour s'y agripper, mais des skis de la mer de Glace. La critique est aisée, dit-on ; mais, en l'occurrence, le remède ne l'est pas moins. \^oulant à tout prix construire une banquette, au lieu de la ver- UN JOLI SAUT COUPLE EXECUTE PAR M. PUILIPPOT glasser d'un gazon tourbeux, et d'offrir au public le ridicule spectacle d'une équipe de terrassiers la réparant à chaque saut avec des battoirs de blanchisseuses ; il eut peut-ttre mieux valu la monter en pierrailles, gazonner seulement les côtés ])our l'œil, et surtout recouvrir le milieu d'une couche épaisse de mâchefer bien damé et mélangé à du sable fin. De la sorte, la banquette n'était plus un casse-cou ; on pouvait ^i^ SOCIÉTÉ IIIPPiyUK FRx\NÇAISE la sauter agréablement aux ilcux mains et lui faire présenter des formes différentes. J'ai, à la campagne,, une l)an(|uette du modèle décrit et je me ferais à l'occasion un plaisir de la présenter à l'architecte de celle du Grand Palais. Pendant le triste hiver de 1910, au pire moment du déluge et des inondations, j'ai pu la faire sauter tous les jours à de jeunes chevaux en dressage. P n reproche non moins mérité à adresser à la S. H. F. est le manque complet d'intérêt du spectacle, toujours le même, qu'elle offre à ses invités. Si l'on ne se donnait pas rendez-vous à rHip])ique, la semaine de Pâques, pour retrouver des amis, ou pour flirter en s'offrant le réjouis- sant spectacle des robes fourreaux de nos charmantes mondaines, ce serait à périr d'ennui? Toujours les mêmes barrières, le même mur {|u'il serait si facile de remplacer par un « Stone Wall » (i); où des briques et des pavés de I,-ois remplaceraient les galets et les pierres; toujours la même douve précédée de son ridicule balai qu'on devrait, une fois pour toutes, balayer et ne plus jamais revoir. Comme autre trouvaille, apparut ces dernières années creusé dans un coin un trou formant flaque d'eau et cjue son exiguïté nous tit baptiser d'un nom cpie le souci des convenances ne me permet pas d'énoncer... La rivière est un des obstacles, pourtant, qui se prête le plus à une foule de transformations heureuses; la douve à bords francs; la rivière, telle que je l'ai toujours vue dans les concours d'Angleterre ou d'Irlande, précédée d'une grosse haie droite de steeple, haute de o'"90 ; un beau brook comme celui de Spa. PJn ruisseau serpentant qui est très difiîcile à bien juger pour le cavalier et sa monture; une double rivière de'2'"50 à 8 ou 10 mètres d'intervalle. Pour faire du nouveau, il ne faudrait pourtant pas demander aux malheureux chevaux, comme cela s'est fait l'an dernier à Saint-Sébas- tien, de franchir un obstacle contre-nature. J'ai pas mal couru à travers le monde où l'on saute, et je n'ai vu couler dans aucune prairie d'aucun pays, une rivière ressemblant de loin à celle qu'il fallait passer au Concours Espagnol. (i) " Stone Wall /x, mur de pierre irlandais. SOCIÉTÉ HIPPIQUE 1-RANÇAISE II7 Une quadruple rivière de deux mètres, à intervalle de trois mètres ! ! Cet obstacle n'a pas eu une bonne presse et certes il ne l'avait pas volé? A cette critique si méritée de la monotonie et de l'uniformité de ses parcours, savez-vous ce que répond la S. H. F.? Qu'elle ne peut, à cause des concours d'attelage, parsemer la piste d'obstacles naturels ! Détestable raison, puisqu'à Bruxelles, au Palais du Cinquantenaire, qui n'est pas plus vaste que notre Grand Palais, M. Dupuich nous présente chaque année la plus délicieuse piste d'obstacles de campagne que puisse rêver un amateur? Les voitures évoluent tout à leur aise entre les brooks, les ban- quettes, les fossés, le bull-finch, et la difficulté de contourner tout cela sans accroc, n'en fait que plus valoir le brio des drivers bruxellois. Bien mieux, le jour du prix du Roi, sans qu'il soit nécessaire de modifier quoi que ce soit, un escadron des guides vient rendre les hon- neurs à Sa Majesté le Roi devant sa tribune. A Spa, où l'enceinte est infiniment plus petite que les deux pré- cédentes, les four in hands galopent entre les obstacles à pleine allure. De même à l'Olympia de Londres, qui est la plus exiguë des pistes actuelles. En quoi deux ou trois fossés de 2 mètres de large au plus (et avec ces fossés on peut faire des brooks, des oxers, des passages de routes, des doubles rivières, etc., etc.), en quoi, dis-je, quelques lauriers en pots et des sapins de Noël formant de verdoyants bull-finch, ou d'admi- rables sauts de volées, si on les fait précéder de barre ou de barrière, empêcheront-ils les voitures de circuler tout à leur aise? Les équipages en voient bien d'autres dans le Strand de Londres ou à Paris, rue de la Paix? Voulez-vous une meilleure preuve encore, que c'est un mauvais prétexte invoqué par des gens qui ne veulent rien innover par craintt de faire des gafifes s'ils volent de leurs propres ailes, ou de recevoir des leçons de gens de métier, qui. si on les met systématiquement à l'écart, ne se laissent pas pour cela attacher la langue comme leurs chevaux? Je disais donc que la preuve la plus indéniable de ce que j'avance est ce qui se passe au Concours de Vichy. Il8 SOCIÉTÉ HIPPIQUK FRANÇAISE Je ne connais pas en lùu-opc nn endroit mieux >itué, une piste plus belle, i^lus spacieuse, se prêtant mieux à la création de tous les c-bstacles à travers pays. D'un côté, pour les voitures et les présenta- tions en main, une large route empierrée ; de l'autre, et bordant cette dernière, une ])iste (|uadrangulaire gazonnée. Gazonnée ! i'ardon, je m'exprime mal, c'est un gazon qui oncques r^e vit herses, fumier ou nitrates, un paillasson qui crève de soif. Les temps sont durs et la S. H. F. doit faire des économies. A \ icliy donc, < ù la S. H. F ne peut invoquer le prétexte des Concours de voitures, elle n'a jusqu'ici rien fait de mieux que dans ses autres réunions, et son aversion y est toujours la même pour les ter- rassements, pour la pelle et pour la pioche Elle avait beau jeu pourtant d'édifier sur ce magnifique terrain des banquettes qu'elle n'avait plus de raison pour démolir et (|ui se Leraient consolidées et tassées d'année en année, de planter des haies naturelles de sapins et d'épines, de monter des contre-hauts, de creuser des rivières, des fossés, des passages de loutes de tous les modèles. Je ne suis pas surpris t}ue la S. H. F. n'ait rien fait de mieux à Vichy (]u'ailleurs ; elle se plait à tourner dans son même cercle à rebrousse- poils du progrès ; elle n'en sortira que le jour où un autre service sera chargé de la confection des obstacles. Ce qui me surprend davantage, c'est que la municipalité bour- bonnaise et son Casino n'aient pas encore compris tout l'intérêt qu'ils auraient à créer et à subventicimer un grand Concours Hippique Inter- national dans la reine des villes d'eaux du Centre. Cette innovation serait assurée du plus franc succès, car. à vrai dire, il n'y a jamais eu que sur les affiches un Concours International- en France. A part l'écurie belge de M. Lœwenstein, personne n'est venu de l'étranger monter au Grand Palais, et contrairement à Bruxelles, à vSpa. à Saint-Sébastien, Paris n'a jamais eu le plaisir d'applaudir les uni- formes de diverses cavaleries d'Europe. A'ichy est situé an cœur de la France, pas trop loin de l'Italie, qui est devenue un centre sportif de premier ordre, ni de l'Espagne, où les sauts d'obstacles font fureur. A l'appel d'un beau programme, tous les cavaliers étrangers vien- draient en France se mesurer à nos Saumurois et faire admirer le brio de leurs chevaux et de leurs nouvelles méthodes. En plus des sportsmen, il y a toujours à A'ichy la ressource dé SOCIÉTÉ HIPPIQUK FKAXlJAISJv II9 luniibreux C()sni()])()lites cjui soignent lenr estomac, s'il est malade, ou prennent ce commode prétexte de villégiature pour venir l'abîmer s'il est encore d'aplomb. Ces convalescents ou ces joyeux seraient ravis d'une distraction nouvelle. Cette année, la S. il. F. a fait un louable effort et lancé un beau programme; mais ce n'est pas assez pour attirer les étrangers, et nous voudrions voir la \ ille et le Casino venir à son aide pour faire beaucoup mieux. Nous serions heureux de voir \"ichy créer queh-ue chose dans le genre de Spa, avec un programme de 125.000 francs de ])rix ; ce serait ■un succès sans le moindre risque d'aléa. La A'ille offre une somme bien supérieure pour une seule journée de courses ; nous n'en demandons pas plus pour une quinzaine de concours. Un prix de 100.000 francs pour une unique épreuve de course ne rapporte certainement ])as à la cité, en visiteurs et en argent, ce que lui procureraient deux semaines internationales, attirant une foule de civils et d'officiers d'Espagne, d'Italie, de Belgique, de Suisse, voire même de Russie, où, grâce aux remarquables sauteurs importés par M. Van de Poêle, la ]iassion des courses d'obstacles marche grand train. Le propriétaire d'une écurie de course mord, sans doute, à l'appât de la forte somme à cueillir, et accourt avec son jockey, son entraî- neur, son cheval, mais il file au plus vite avec totit son monde dès le lendemain tandis que les écuries de concours amènent beaucoup plus de chevaux, autant, sinon plus de personnel, font un plus long séjour, laissent par conséquent à la A'ille. aux commerçants, aux hôtels et au jeu bien plus d'argent. Tant pis si je prêche dans le Sahara, maïs je suis convaincu que Vichy se féliciterait d'avoir essayé d'un grand Event International (i). (i) A.U moment de I'impression db cet onvRAOE nous avons appris que l'eftort réa- lisé cette année au Concours de Vichy faisait partie d'un projet d'ensemble beaucoup plus vaste et analogue à celui que nous venons d'exposer. M. Du Teil, le distingué président de la S. H. F., s'est heurté, au ministère de la Guerre, à des règlements formels et s'est vu refuser l'autorisation d'inviter, suivant son désir, les officiers étrangers à participer en uniforme à un grand Concours International à Vichy. On s'étonne que des règlements surannés empêchent, en France, des manifes- tations sportives qui ont tant d'éclat dans les pays voisins. I20 SOCIETE HIPPIQUK FRANÇAISE La même remarque, encore accentuée. i)eut s"a])pliquer à Nice. C'est l'apathie de la municipalité, fermée à la compréhension de ses véritables intérêts, (jui a empêché jusqu'ici le Concours Hippique qu'ont tenté d'organiser quelques sportsmen avisés. Classement au train A l'article premier du Règlement spécial des Courses d'obstacles, nous lisons ceci: Le concours des chevaux sautant des obstacles n'est pas nue course proprement dite. A l'article 9, un peu plus loin, nous lisons encore: Si plusieurs chevaux concourant les uns contre les autres franchis- sent les obstacles avec un égal mérite, le prix est donné à celui qui a accompli le parcours de l'épreuve dans le moins de temps. Voici une logique qui eût rendu jaloux Pascal et Descartes, n'est-il pas vrai? Les concours des chevaux sautant des obstacles ne sont pas une course, c'est entendu; mais, en attendant, il n'y a pas un prix qui ne soit décerné à la vitesse ; puisque partout, à Paris comme en province, les parcours de la S. H. F. sont si mal compris et agencés qu'il yi a toujours un nombre incalculable de sans-faute. Les épreuves d'obstacles de la S. H. F. ne sont pas un steeple, c'est compris ; mais pourtant l'infortuné propriétaire d'un très bon sauteur, qui ne galope pas comme un cheval de Derby, n'a d'autres ressources que de s'en défaire à vil prix. Le Créateur avait cru bien faire en faisant naitre sur la mappe- monde terrestre des chevaux de toutes allures pour mieux satisfaire les govits divers des humains, mais il n'avait pas compté avec la S. H. F. et ses statuts ! A mon sens, ce classement a le double défaut d'être faux et injuste. Il est faux, car il n'est pas prouvé jusqu'ici qu'un cheval de chasse et de concours soit supérieur à un autre parce (|u'il a plus de train en abordant l'obstacle. La S. H. F. le reconnaît si bien elle-même qu'en tête de ses statuts elle prend grand soin de faire remarquer qu'il ne faut pas confondre un cheval de concours hippique avec un steeple- chaser. SOCIETE IIIPl'IQUK FRANÇAISE 121 11 est injuste, en ce sens qu'il avantage énormément les poids légers, ceux qui peuvent le mieux se permettre de monter 'des petits chevaux galopant vite et près du sang, et qu'il handicape terriblement un cavalier lourd, qui est tenu de choisir un type de sauteur en rapport avec son poids et sa conformation. Ce classement bizarre n'est pas venu, tant s'en faut d'une concep- tion sportive, admettant que mieux un cheval saute dans une plai- sante action de galop, puis il fait montre de classe et, par cela même, affirme sa supériorité sur un partenaire galopant haut et lour- dement. Là n'est pas du tout la vraie raison. Ce pointage original a été adopté, parce que le nombre des con- currents augmentant d'année en année d'une façon gênante, et la S. H. F. n'ayant pas, comme Josué, le don d'arrêter le soleil, elle ne savait com- ment, en une seule journée, arriver au bout d'un programme terrible- ment chargé. En fin mars, le crépuscule est, en effet, si dense au Grand Palais, que les derniers partants ont peine à trouver leur monture quand sonne la cloche. Les chevaux ne voient plus les obstacles, le public distingue mal chevaux et cavaliers, et ces derniers ont une première chance de se rompre le cou. Ici donc, avec le train dangereux à l'entrée de la nuit, la S. H. F. est en défaut quand elle met en avant son désir de ne pas causer des accidents pour éconduire ceux qui demandent du neuf et des obstacles de chasse. Cette chevauchée à tombeau ouvert est autrement périlleuse que la conception de quelques obstacles nouveaux et bien faits, qui seraient les meilleures éliminatoires. C'est une chose inouïe de penser que les Habits Rouges n'aient pas encore mal pris la chose. Les départs son tirés au sort, c'est vrai, mais cela n'empêche pas que, lorsqu'il y a cent partants et plus, les vingt derniers, c'est-à-dire ceux qui courent après 5 h. 30. n'ont pas la plus petite chance, et. par-là même, sont gravement lésés dans leurs intérêts. La seule et vraie raison du classement au train est donc l'obliga- tion d'écouler dans une journée d'innombrables concurrents. L'habitude en est prise, mais la preuve n'a pas été faite jusqu'ici qu'un sauteur soit supérieur à un autre, parce qu'il fait plus vite un parcours de i.ooo à 1.200 mètres au plus, parsemé d'obstacles tous les 50 mètres, avec des doubles et des triples, et ceci non pas en galo- 1-22 SOCIÉTÉ II1P1MOU1-: FRAXÇAISK pant sur un lupi)0(lruiue, mais sur un cs])ace restreint uù il ne peut pas s'étendre. A part d'assez rares exceptions, le cheval irlandais ou de demi- sang bat le pur sang sur de gros parcours avec des doubles et des triples, ce dernier étant obligé de casser son action allongée et son mécanisme en le rythmant et en le freinant. Est-ce à dire pour cela que le pur sang comme cheval de selle soit inférieur au cheval anglais et au demi-sang? Cette théorie, que nous ne discuterons pas ici. n'est guère admise de nos jours où toute la faveur est au galoi)eur. Catégories Le meilleur moyen de réduire dans certaines épreuves le nombre des concurrents serait de créer des catégories, avec une démarcation plus nette que ne l'établissent les programmes actuels. Aucun préjudice ne serait causé de la sorte à la Société qui retrou- verait toujours son même nombre d'entrées; les chevaux exclus de la catégorie A, par exemple, se trouveraient admis de plein droit dans la catégorie B et ï^ice z'crsa. Il va sans dire que notre élevage devrait être grandement favorisé et encouragé, mais une large hospitalité devrait être donnée aux che- vaux et aux concurrents étrangers. Avec la perfection de notre monte et de notre dressage, avec les ressources de nos produits, dont j'ai fait l'éloge aux débuts de cet ouvrage, nous pouvons hardiment affronter la lutte, et ce serait enlever le principal attrait de notre beau sport que d'y supprimer l'émulation. Dans les prix de classe et d'élevage, les c'nevaux français seraient seuls admis et ils conserveraient leurs avantages jusqu'à l'âge de six ans, indépendamment des sommes gagnées. Pourquoi, en effet, les éliminer ou les handicaper quand ils ont gagné i.ooo à 1.500 francs, faible somme qui ne paie pas les frais d'écurie ni les déplacements d'une année ? Dans toutes les épreuves où ils seraient admis, les chevaux de classe, c'est-à-dire de 4 à 6 ans, seraient toujours placés à égalité de parcours avant tous les autres. Pourquoi encore les exclure des prix d'élevage à partir de l'âge de 9 ans, au moment précis où un sauteur commence à être bon et à bien connaître son métier? SOCIÉTÉ IlIPPIOUK l'KANçjAISE 1 23 La S. H. F. a-t-elle choisi cette limite d'âge parce qu"il v avait trop de bons clievaux de classe? Hélas! non; car en cette année 1910, ce fut uui,^ piteuse exhibition et c'est encore un petit cheval barbe de mon écurie, Salamaleck, cheval sans grande classe, ni moyens, ni allures, qui fut le plus régulier, j'allais dire le moins mauvais. Il est vrai (;ue ])our encourager l'inscription des dél)utants de notre élevage, la Société Hippique n'avait rien trouvé de mieux que de mettre au Prix Saint-Georges des obstacles de i'"35- De l'avis de tous, le premier parcours était l'un des plus durs de la saison et pas du tout celui qui convenait pour encourager les dresseurs ou les éleveurs à sortir de nouveaux chevaux. Catégorie de chevaux n'ayant pas gagné miUe francs Dans tous les concours de la Société, ces chevaux auraient droit 2 un ou plusieurs prix de consolation. Ces i)rix n'existent pas dans les Concours de la S. H. F., fort rarement, du reste, dans ceux des autres Sociétés de Province ; c'est un grand tort, car ils seraient fort goûtés de ceux qui débutent dans la carrière. Catégorie de chevaux ayant gagné de 3.000 à 6,000 francs Ici, la classe des chevaux s'affirme, et on peut sans crainte d'accident surélever les obstacles et augmenter la difficulté du parcours. Catégorie de cbevaux ayant gagné plus de 6.000 francs Les sauteurs de cette catégorie n'auraient pas droit aux épreuves précédentes et lutteraient entre eux sur un parcours sévère, sorte de championnat de puissance d'une douzaine de gros obstacles au ])lus. Enfin, les trois ou quatre plus importantes épreuves de l'année, ne seraient ouvertes qu'aux chevaux ayant gagné au moins 3.000 francs ; avec grosses entrées de cinquante à cent francs ; bien entendu acquises aux concurrents et qui majoreraient le prix. De la sorte nous supprimons le handicap ; il est ridicule d'abord de mettre des rallonges aux obstacles entre les parcours et c'est ensuite une perte de temps considérable et inutile. L'inconvénient ou le danger de créer des obstacles nouveaux et 124 SOCIÉTÉ HIPPIQUIÎ FRANÇAISE de campagne n'existe i)lus, puisqu'ils seront les mêmes pour chevaux crégal mérite et ayant fait leurs preuves. La Coupe seule serait ouverte à tous les chevaux français et étran- gers et avec un liandicap spécial par argent gagné. Répartition des Prix Ils seront partagés en parties égales entre les différentes caté- gories. Nous supposons, par exemple, qu'une Société dispose d'une somme de loo.ooo francs de prix à distribuer. Elle donnera : 25.000 francs cnt.v cJwvau.v français. Prix de classe et d'élez'age. 25.000 francs en prix spéciaux, aux cJievaux quels qu'ils soient n'ayant pas gagné 3.000 francs. (5.000 francs seront donnés en prix de consolation au.v chevaux n'ayant pas gagné i.ooo francs). 25.000 francs aux chevaux ayant gagné de 3.000 à 6.000 francs. 25.000 francs aux clievaux ayant gagné plus de 6.000 francs. De la sorte, toute le monde devrait être satisfait et il n'y aurait plus cet interminable défilé de 120 chevaux qu'il faut faire sauter en un seul après-midi et qui finiront par tuer le concours. Un grave inconvénient du programme actuel est le suivant : un cheval qui a le gros handicap et ne peut courir qu'un nombre fort restreint d'épreuves, doit quand même rester trois semaines à Paris (payant dans un manège sept francs de pension par jour; sans compter la nourriture et le logement de l'homme (|ui le panse) en attendant son tour après les épreuves militaires. Les chevaux de même catégorie devraient courir à la même époque ; et il n'y aurait à la fin que la Coupe, le Prix Mornay et le championnat en hauteur. Ces idées sur les catégories ne sont pas seulement nôtres, elles sont celles de la grande majorité des Habits Rouges et des officiers que nous avons consultés, avant de les mettre sur le papier. Leur exposé nous permet de revenir un instant sur la question du train. Nous ne voudrions pas voir le classement au train complètement proscrit; mais il ne faudrait pas non plus qu'il régnât en despote. Avant tout, il n'est pas équitable puisqu'il favorise trop les grandes écuries qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses. SOCIÉTÉ HIPPIQUE FRANÇAISE I25 11 est évident que plus un propriétaire a de cracks engagés dans une grosse partie, moins il risque, en jouant au train, le tout pour le tout, puisqu'il a plusieurs chevaux pour couvrir son jeu. Nous allons même plus loin; et nous ne faisons que signaler le vœu du plus grand nombre ; chaque écurie ne devrait pas avoir le droit de faire partir plus de trois représentants dans une même épreuve, et le même cavalier ne devrait pas avoir le droit d'y monter plus de trois chevaux. Cette mesure existe en Belgique, ou du moins y existait encore dans ces derniers temps ; elle y était fort bien vue et nous devrions l'adopter. Nous ne voudrions pas non plus que les règlements fussent aussi durs pour les écuries modestes, et qu'un bon cheval fut frappé de non valeur parce cju'il ne galope pas assez vite. Le classement, fait exclusivement au train, est odieux, en outre, il est incompréhensible pour le public à qui l'on ne distribue pas de chronomètres aux tourniquets; aussi se désintéresse-t-il de plus en plus d'épreuves qu'il ne peut ni suivre ni comprendre. Nous voudrions voir la moitié des épreuves courues au train, l'autre moitié classée au mérite et après barrage. Dans ce cas, le règlement deviendrait plus sévère pour le minimum de temps accordé pour faire le parcours. 11 faudrait toujours, que l'une au moins de nos deux grandes le Prix Mornay ou la Coupe fut décernée au mérite. Les catégories enfin adoptées, les parcours pourraient être plus variés et plus sévères. Il n'y aurait jamais plus de trois ou quatre par- cours sans faute ; surtout si des gens du métier ; veneurs ou anciens officiers, étaient un peu plus consultés pour les établir. Ces trois ou quatre sans faute recommenceraient le parcours com- plet ou une partie seulement pendant la décision du jury; et pour la plus grande joie du public, qui pourrait enfin débrouiller quelque chose dans le mystère du classement. Nous ne connaissons pas de spectacle plus mortellement ennuyeux que celui de la Coupe de Paris, qui est pourtant notre grosse épreuve nationale. Il y a quatre ans, j'étais très malade et la première fois depuis 25 ans. n'étant pas en selle, je dus, tristement assis sur une banquette rouge, assister à l'ennuyeuse exhibition. Lamentable. antis])ortif, lugubre, tous les qualificatifs de Mme de 126 SOCIÉTÉ iiiPi'iguK fkaxçaise; Sévigné n'arriveraient pas à donner une faible idée de la monotonie du spectacle! -La Coupe se courait donc au traiu, coninie la fâcheuse habitude en est prise. Dans les premiers partants, il y eut un parcours sans faute, à une allure folle, fait par Riquiqui, le merveilleux petit cheval du capitaine Bomi^ard. Ce fut alors un tableau à la Crafty, impossible à décrire, chacun courant à tombeau ouvert pour battre la vitesse du camarade. Taquets et obstacles volaient en Tair; les Habits Rouges, le corps en avant et l'étrier chaussé court comme pour une arrivée de plat, semblaient des déments ayant perdu la voie des chiens, et voulant arriver coûte que coûte à un chimérique hallali. J'avais, assis à mes côtés, deux sportsmen étrangers dont je com- prenais la langue. Ils eurent tôt fait de déguerpir, écœurés de ce spec- tacle si étrange et complètement ahuris par cette équitation de steeple sur une piste fermée. La S. H. F. cherche à gagner du temps; nous allons lui souffler à l'oreille un petit moyen bien simple. A chaque nouveau parcours, le concurrent se présente, salue le jury, se fait expliquer le parcours, débite ou entend un boniment, en attendant que la cloche sonne ou que le public traverse la piste. Le public traverse la piste, mais pourquoi la traverse-t-il? Cette promenade, où les jolies promeneuses maculent le vernis de leurs escarpins sur le sable mouillé de la piste, est-elle vraiment utile.'' Nous n'avons vu nulle part ailleurs qu'à l'aris cette présentation, sur le ring, du i)ublic des deux sexes ; et les épreuves une fois com- mencées, la S. H. F. gagnerait beaucoup de temps à faire passer son monde dans les bas côtés, comme cela a lieu dans toutes les autres réunions. Xe serait-il ]ias infiniment préférable également que les cavaliers fissent leur entrée en ])iste, avec un numéro sur le pcitrail de leurs montures, correspondant au numéro du programme (et que chacun ])Ourrait voir sans (|u'il fût besoin d'un affichage).'' Ils commenceraient ainsi leur parcours sans perdre une seconde. comme cela se fait à Dul)lin. L'adoption de ces deux mesures réaliserait une économie de plu- sieurs heures dans un après-midi, puisqu'il serait gagné au moins deux minutes par concurrent ; et le public -erait tmit de -^uitc fixe SOCIÉTÉ lUl'PigUli FRAXÇAISlv 12/ sur le nom des partants— qu'il a grand peine à déchiffrer sur les luin- taiuj tableaux. Pour la distribution des récompenses, nous voudrions voir équi- librer les chances de chacun. Ceux qui n'ont pas les moyens de se payer des cracks de 20.000 francs et, qui sont en possession de sauteurs quelconques, seraient fort heuieux de leur faire gagner des prix à leur portée, et surtout de gros prix de consolation à la fin de chaque concours. Les vieux champions se rattraperaient sur d'autres épreuves. Que l'on ne donne plus jamais aux infortunés Habits Rouges cet afïieux crève-cœur de faire un beau parcours sans faute sur un cheval propre, bien mis, bien monté, pour se voir octroyer, pour tout régal, la cocarde de la S. H. F. Ce flot de ruban qui coûte un louis a-t-il assez l'air de se payer votre tête et celle de votre cheval? Parce que vous avez été une demi- seconde moins vite que votre partenaire avec un cheval de meilleure classe, souvent mieux musclé, mieux monté, vous êtes éliminé avec la maigre consolation d'être enrubanné. Un parcours sans faute devrait toujours être récompensé d'une façon appréciable et tout au moins retirer son entrée. V'^oici des années et des années que nous entendons émettre ce vœu; je le claironne une fois de plus aux quatre coins de France, espérant enfin le voir exaucer. Si les parcours sans faute retiraient toujours leur mise, la Société Hippique aurait tôt fait de trouver un moyen peur en diminuer le nombre. Je disais tout à l'heure que la S. H. F. n'était pas assez généreuse à l'égard des Habits Rouges. Des faits tout récents seront plus élo- quents que ma parole. Entre cent exemples que je pourrais donner et sans parler du concours de Bordeaux de cette année où dans une épreuve d'obstacles les mises excédèrent de beaucoup le montant des prix, je citerai le Prix de la Préservatrice du Concours de 1910 de Paris, où il y avait 107 inscriptions, soit 2.140 francs d'entrée, et où il a été donné 2.000 francs. Est-ce admissible? Le Prix Saint-Georges, où il y avait 123 entrées et où il a été donné 3.000 francs de prix, c'est-à-dire où la S. H. F. a débourse 5J0 francs? Après cela, il n'y a ])lus qu'à tirer l'échelle! 128 SOCIÉTÉ HIPPIQUIC FRANÇAISE; Nous avons gardé pour la fin le gros morceau, le plus indigeste ; celui de l'article premier: (( A'(' sont plus qualifiés pour les épreuves d'obstacles réservées aux chevaux français et internationales de la Société Hippique Française et des Sociétés subventionnées par elle: I" Les chevaux ayant pris part à des épreuves d'obstacles civiles de Concours Hippique pendant la durée du Concours Hippique de Paris. 2" Les c/icivux ayant pris part à des épreuves civiles de Concours Hippique pendant la durée d'un des cinq Concours de Province de la Société Hippique Française, dans un rayon de 400 kilomètres de l'un de ces cinq concours. » La plus mordante critique que l'on puisse faire de semblables mesures, est de les étaler en pleine lumière sans commentaire. C'est un peu comme si un épéiste de la Salle Ayat se voyait con- signer les planches de sa propre salle pour avoir tiré dans une poule d'épée au Cercle Hoche. Comme si Enghien et Alaisons-Lafhtte défendaient leurs gazons aux chevaux de Longchamp, comme si les guichets du Théâtre Antoine étaient fermés à un abonné du Français ; comme si le chasseur de chez X'oisin vous claquait sa i^orte au nez pour avoir été souper au Café de Paris ! La Société Hippique Française est tellement convaiiicue elle- même du mal fondé de cet essai de trust, qu'ayant une fois, paraît-il, appliqué cette mesure au cheval Abricot, elle a. l'année suivante, pro- clamé l'amnistie! Sociétés de Province En dehors de la Société Hippique Française, plusieurs Sociétés privées se sont constituées en Province offrant chaque année aux ama- teurs du cheval des réunions charmantes, et aux concurrents des prix qui vont toujours en augmentant. La ])lupart des municipalités et des casinos ont compris qu'en favorisant les concours d'obstacles, ils travaillent fxmr eux, attirent ainsi une foule d'étrangers et enjolivent le séjour de leurs stations estivales, en même temps qu'ils encouragent l'élevage du cheval de la région. CONCOURS DE PROVINCE I29 Concours Hippique de T^au Le premier concours du l'rintemps à Pau prit naissance sous l'habile direction du regretté A'icomte de la Rochefoucauld, qui fut l'homme de tous les sports, le cavalier le plus consommé et le veneur le plus osé de son temps. Le Duc de Brissac a continué son œuvre et chaque année il nous convie à d'exquises journées, où sur une piste parsemée des plus gros obstacles que l'on rencontre dans les chasses au renard des plaines basquaises, nous pouvons applaudir la monte hardie des plus réputés veneurs du Midi. Concours Hippique de Biarritz Biarritz a deux superbes réunions : l'une au printemps, pendant la saison où fréquentent les Anglais, joueurs de golf, très friands de ce joli coin d'Océan; l'autre en fin de septembre, à une époque où il peut être dit en toute vérité que Biarritz est la reine des plages et des villes d'eau. En avril, Sa Majesté Royale Edouard VII honorait souvent le Concours Hippique de sa présence. Il faut un bien bon hunter pour pouvoir escalader dans un joli style coulant les gros talus de la Piste d'Aguilera ; les plus durs ([u'il m'ait été donné de voir en Concours Français ou Etranger. C'est l'extrême limite de l'effort que puisse donner un gros sau- teur ; et les débineurs de tous les pays, qui s'imaginent que l'on n'a rien à sauter chez nous, n'ont qu'à venir à Pau ou h. Biarritz, où nous leur donnons volontiers rendez-vous. Ils changeront certainement d'idée et raccourciront leurs étriers d'un trou. Le Concours de Spa Spa s'est fait une réputation mondiale par ses grands concours internationaux et il n'v a ]^lus à en faire l'éloge. 9 130 (JO.\ COURS DE l'ROVIiXCK Avec son pays enchanteur de drags et de pn menades, ses riantes vallées, ses coteaux couverts de ])ins, ses ])Iateaux de bruyère rouges rappelant l'Ecosse, ses délicieux champs de course du Sart et de la Sauvinière, ses fêtes de toutes sortes organisées par M. Paul Lambert, v'^pa fut vraiment le J'aradis terrestre du s])ortsman. La loi sur les jeux lui porta un coup terrible et n'eut d'autre résultat Cfue l'ouvertin'e d'une foule de tripots clandestins. C'est en Belgique, à Bruxelles, au mois dé mai, en été dans les Ardennes, que nous avons vécu les meilleurs jours de notre jeunesse, reçu le plus cordial accueil et rencontré les meilleurs amis. Nous sommes convaincus eue tous nos camarades de France, contemporains de sport, nous sauront gré d'avoir fait vil)rer dans leur cœur reconnaissant, les souvenirs lointains déjà, mais imiubliables (les pays flamands. Concours Hippique du Touquet Le Touquet (Paris-Plage) avec son jeu de golf, l'un des mieux organisés de France, avec son exquise fraîcheur ombrée au brisant des lames, sa situation unique en face de l'Angleterre, fait à Spa une terrible concurrence en offrant aux cavaliers des obstacles de choix et des drags parfaitement compris. Les réunions font suite à la grande semaine Hippique de Boulogne. Lyon, Clermont-Ferrand, Royan, Rouen, ?\lontargis, A'ittel, Plom- bières, Angoulème donnent aussi d'exquis concours. 0\.\ç leurs dévoués Présidents me pardrmnent. si j'en oublie? !Mon cadre est trop restreint; je me contenterai de les remercier au nom de tous et de proclamer, qu'infiniment reconnaissants de leurs efforts, nous leur souhaitons de plus en plus de succès. Le Concours Hippique n'est pas mort. A'ivent le cheval et tous ceux (]ui lui valent sa survie! ;< — ^^^ry ^■^^ — ^ Concours Hippique de Roubaix La grande ville industrielle du Xord possède au club du Breucci. une piste idéale d'obstacles de campagne, faits ime fois pour toutes. CONCOURS DIC PRDVIXCK 131 comme nous avons émis le vœu d'en voir établir une semblable à \ichy. Pas loin de Taris et tout proche de la frontière belge, Roubaix est admirablement situé pour réussir un grand Concours interna- tional. Alais Roubaix a le malheur d'être trop rapproché de J^ille. Les deux villes font de la politique et leurs numicipalités, fort riches mais biocardes, refusent des subventions, sous prétexte qu'en sautant des murs de pierre ou grimpant des talus, les habits rouges et les officiers portent atteinte à légalité, puisque tout le monde n'en peut faire autant. « Doux pays », comme dit Forain. Ceci nous remet en mémoire une fort divertissante histoire qui mérite d'être contée. La ville de Caen inaugura en 1909 sur son champ de course un fort joli Concours Hippique. La capitale de la Basse-Normandie, de par sa situation unique comme centre d'élevage et de remonte, ville de ressource des stations balnéaires de la côte, près de Cabourg et de Trouville, vit un franc succès couronner ses premiers essais. L'année suivante, plus de concours, la municipalité avait poussé des cris d'orfraie, et les frères trois points tremblé dans leurs loges ! •L"n Hippique à Caen! Dans un centre réactionnaire, ou qui l'avait été; où, un ancien colonel d'un régiment de cavalerie était président, c'était la fin du monde ; Caen allait être mis à l'index et perdre son brevet de civisme, si bien gagné aux dernières élections. Arrachée aux mains de la réaction, il fallait montrer ce que valaient ses nouveaux maîtres ! ! ! Ils le firent bien voir et la suppression du concours fut décrétée en haut lieu ! ! ! Ici l'incident se corse et devient du plus haut burlesque. Un maire distingué des environs, réactionnaire cela va sans dire, sut mettre à profit la gafi'e gouvernementale, prêta son château, son parc, ses herbages et offrit à Lion-sur-Mer deux ravissantes journée- de sport. Il y eut une affluence énorme de monde et pour- le coup on fit de la politique. Caen, son commerce et ses hôteliers durent se serrer le ventre et 132 CONCOURS DE PROVINCD comprirent mais nn peu tard, ce (|n'ils perdaient. Les blocards furent tout penauds de la tournure que prit cette mauvaise plaisanterie qui les noya sous une vague d'impopularité. Les villes du Nord devraient bien mettre à profit cette petite leçon. "^7 ^> \^' I ^- ^-"'^ v^ CHAPITRE XI T)u Concours Hippique à rEtranger Les Concours de Belgique : de Bruxelles, de Spa. -- Le T^oyal Horse-Show de Dublin. -- Les Concours d Espagne et d'Italie. -- Le Concours de l Olympia de Londres Concours de Belgique Nous le disions aux premières pages de cet ouvrage et nous sommes heureux d'avoir à le répéter encore, c'est à la Belgique cjuc revient le grand honneur d'avoir été le boutte-en-train, le grand leader du Sport Hippique. Des sportsmen distingués, tels que \l. le comte d'Oultremont, et son infatigable secrétaire, M. Dupuich, ont inauguré, au Palais du Cin- quantenaire, d'inoubliables fêtes du cheval: réunions civiles, raids ou championnats du cheval d'armes. Xous ne saurions assez rendre hommage à leur inlassable dévoue- ment à la cause que nous avons tant à cœur. 'Nous n'oublierons jamais leur prévenance pour le moindre de nos désirs, la bonne installation et les soins méticuleux qui étaient donnés à nos chevaux, l'hospitalité si cordiale que nous étions toujours sûrs de rencontrer pour nous-mêmes. Les snobs de ce monde où l'on s'ennuie, où l'on brûle la vie à la vapeur comme si on avait hâte d'en voir la fin, prétendent c|u'une journée passée à l'Hippique vaut tous les soporifiques du monde? S'il s'agit de Paris, hélas! nous ne pouvons qu'être de leur avis. 134 DU CONCOURS Hippiouii A l'jîtkaxgiîr .\ la fin de mai, entre deux confortables express, s'ils veulent bien aller passer l'après-midi dans la cité bruxelloise, ils ne regretteront pas leur déplacement et reviendront avec une toute autre idée. Ils verront, à Jlruxelles, une organi.salion hors ligne, une piste mœlleuse duvetée de sable fin, où des obstacles de campagne verdoyants et variés se dressent au milieu de mosaïques et de massifs de fieurs multicolores. Ils verront de jolies .toilettes s'étalant dans de coquettes loges enguirlandées de roses, un public enthousiaste qui regarde et qui peut voir, qui s'intéresse et qui peut suivre la lutte ; toutes émotions inter- dites à l'infortuné Parisien du Grand Palais. Ils applaudiront les meilleurs cavaliers d'Europe franchissant de gros obstacles de chasse, sans plus s'y casser les reins que dans les concours de France. j\I. Dupuich, le sympathique secrétaire de la Société Royale Belge, a l'art sans égal de donner à ses jolis fence un aspect coulant et sautant. Le cavalier ne s'aperçoit qu'ils sont durs (|u'en se retrouvant de l'autre côté. C'est le comble de l'art en la matière. Gloire à la Belgique pour nous avoir arrachés à notre routine, à notre apathie, à notre torpeur sportive. Elle a montré qu'il existait à travers pays d'autres obstacles que la tri])le haie de genêts à taquet de bois. ... que le mur gcâteau monté et l'insipide douve mal faite, précé- dée de ses ridicules brindilles. Gloire à la Belgique, pour n'avoir point oublié les officiers de France, après avoir comblé de faveurs ses Habits Rouges ; pour avoir inauguré ses splendides championnats du cheval d'armes, faisant ainsi vibrer à l'unisson notre fibre sportive et militaire. Elle créa le raid d'Ostende d'inoubliable mémoire. Si. elle fut un peu trop sévère, la rude chevauchée sur la route empierrée de Bruxelles à Ostende, c'est (|ue l'on manquait encore de données sur l'endurance maxima sur route d'un cheval portant du poids; elle n'en fit juis moins naître cette noljle émulation, qui s'est propagée depuis lors au galop de course, dans toutes les cavaleries d'Europe. Il eut ses critiques, le beau raid! Criticiue de gens simples qui voudraient que l'on fît des omelettes sans casser des œufs ; critique de Sociétés protectrices de la vie des bêtes, qui ne comprennent pas que, s'il faut des victimes humaines pour consacrer les progrès de la DU CONCOURS IIIPPIOUK A L ETRANGER 135 13^ DU COXCOUKS 1111'1'IOUL: a l'étkaxger science, il en faut, à plus forte raison, d'animales pour aider les hommes dans la marche vers le progrès. Le beau raid d'Ostende? Qui ne se rappelle l'émotion qui étreignait le coeur, quand, du haut des tribunes du champ de courses, on voyait poindre à l'horizon, dans la direction de Bruxelles, la silhouette encore lointaine et galopante d'un ofticier, quand l'on voyait hisser le drapeau et jouer l'hymne national de l'arrivant. Ce beau jour fut encore un jour de gala et de triomphe pour nos trois couleurs ! Ko M o'» Concours de Dublin Le Royal Horse Show a lieu chaque année en fin d'août à Ball's Bridge, qui est un faubourg de Dublin. Tout homme de cheval peut, avant la chasse à tir en France, aller passer une semaine plaisante et surtout instructive dans la capitale irlandaise. Prendre pour cela à Londres, à Euston- Station, le Scotch mail du soir, où l'on trouve d'exquis lits-slee]Mng autrement confortables, que nos boites-étoulïoir françaises. Après avoir traversé le Pays de Galles et l'Ile d'Anglesey sur le pont tubulaire si curieux de Alenaï-Rridge, on accède à Holyhead, le port d'attache des steamers qui font le service d'Irlande ; sept heures de traversée à peine et l'on est à Dublin. Tous les types de chevaux sont représentés au Horse Show, et mis en valeur de la façon la i)lus rationnelle et la jdus artistique. L'étranger est surtout frappé de la façon judicieuse et homogène dont sont classés et catalogués les chevaux : hunters de poids lourd, hunters de poids léger; chargers ou chevaux d'armes; hacks, hak- neys, poneys, étalons et poulinières. Le spectacle est unique au monde. Quel travail ! et combien d'années de sélection et d'études il a fallu pour établir définitivement, et dans les différents modèles, une race de chevaux si harmonieusement suivie, si uniformément belle. La partie élevage est de beaucoup la i)lus intéressante et nous DU CONCOURS HIPPIOUK A L KTRANCKR ^37 voudrions pouvoir revenir un jour sur ce sujet si passionnant; aujour- d'hui nous ne dirons c|ue quelc|ues mots des Epreuves d'obstacles du Horse Show. La partie (hi programme consacrée aux sauteurs comprend phi- sieurs après-midi. La première journée c ruund the course », c'est-à-dire sur tous les obstacles, offre aux spectateurs un parcours dans la note du pays, comprenant surtout des banc|uettes de toutes les formes, simples SAUT D UN OPENDITCH AU COiNCOURS DE RICHMOND doubles, avec ou sans fossé, etc. ; la « hurdle » ou haie anglaise, sorte de claie de pâture entremêlée d'ajoncs épineux; le « Stone Wall », mur naturel garni de galets de mer ; une rivière un peu large pré- cédée d'une haie droite assez haute. Le jumper irlandais est séduisant au possible dans son joli branle de galop, si près du galop du « thoroughbred », le pur sang son ancêtre, et c'est plaisir de le voir grimper à pleine allure et avec une adresse de chat, les verdoyants talus. Je dois cà la vérité de dire que ces grimpettes très peu hautes, 138 DU CONCOURS IIIPPIOUK A l/ÉTRAXGKR comme le laissent entrevoir du reste ces quelques photographies que j'ai pu à grand'peine recueillir sur le llorse Show, sont infiniment plus iaciles et moins sévères que les grosses banquettes (|ue nous devons sauter h Pau ou à iîiarritz. Les spcrtsmen anglais cjui ont assisté à nos concours du Midi ne me contrediront pas. L'irlandais saute ces talus de race ; c'est une ((ualité native, aussi a-t-il été bien justement surnommé le Roi des banquettes. Nous ferons observer; en passant, t|ue les juges de Dublin ont une cote, un l)artme i)Our le saut de la banquette, une note de style qui compte pour le classement f.nal, et ils ont cent fois raison. Il me semble qu'en cela nous devrions sur le continent suivre leur bon exemple. Vn cheval (|ui traîne le ventre sur les talus, ou s'y cramponne maladroitement sans se servir ni de son élan, ni de son encolure; qui péniblement arrivé sur le haut, s'y arrête, au lieu de chasser avec ses sabots son arrière-main, ne doit pas être classé au même rang que celui (jui prend la l^anquctte correctement dans une jolie foulée de galop et sans à-coup. Les Ldandais appellent cette chasse de l'arrière-main sur le haut du talus (( Ouick thé lîank », c'est-à-dire Ruer dans la banquette. Rien n'indic|ue mieux que cette expression la façon correcte dont le cheval doit s'y prendre. Ce serait le cas ou jamais de jouer un peu sur le haut des talus de cette fameuse note de style, cpii tigure sans doute dans le réper- toire de la Société Hippicpie Française, mais que l'on n'entend jamais dans ses Réunions. Vous me direz que la chose est mal aisée à apprécier ; sans doute si elle est soumise à des juges incompétents qui, en fait de banquettes, ne connaissent que celles des chemins de fer ; mais point si elle est soumise à l'appréciation de gens de la partie, tels que AOL Larregain, F. de Juge et bien d'autres veneurs ou coureurs de drags. Nous signalons donc en passant une réforme utile à introduire: il est évident que s'il y a pour les hunters une façon facile, élégante de gravir les banquettes, il en est une autre pénible à voir et défec- tueuse qui consiste à s'y vautrer. Il est à souhaiter qu'il en soit doré- navant tenu compte au classement suivant un pointage déterminé à l'avance. DU CONCOURS HiPPIOUi; A l'ÉTRANGER 139 LE CHAMPION STONB-WALL L'épreuve la plus inipressionuaute du Concours de Dublin, répreuve vraiment nationale, est celle du champion Stone Wall. LE MUR DE PIERRE '' ST0NB;-WALL A DUBLIN ]\Ion ancien cheval Bistouri, est, je crois, le seul cheval français à l'avoir jamais gagné. Le champion Stone Wall est un énorme mur, terriblement large à sa base, construit en galets de mer ronds et superposés. Le premier tour débute à i'"50 environ; puis viennent les élimi- natoires, le mur étant surélevé à chaque fois par un nouvel étage de pierres. Les cinq années où j'ai eu la bonne fortune d'assister à ce beau 140 r)U CONCOURS IIIPPIOUK A I.'ÉTKAXGER jump, je ne l'ai jamais vu gagner à plus de i'"95: janiai> je n'ai vu le saut atteindre deux mètres. Mais, pour rester très au-dessous de la hauteur de nos champion- nats d'Europe (dont le record a été établi par le capitaine d'artillerie Crousse, passant la barre au Concours de J'aris à 2'"35 sur le célèbre Conspirateur), cet énorme mur, qui se dresse menaçant au milieu de la prairie, a un aspect autrement terrifiant pour le cheval, autrement impressionnant pour le cavalier, que celui de nos petites barres de championnat, qui sont arrangées de façon à tomber facilement et à être le moins dangereuses possibles. Le spectateur est gagné par l'émotion de voir aborder à plein train ce formidable Wall, qui, par sa masse et ses abords, paraît encore plus gros qu'il ne l'est en réalité. La monte des cavaliers est fort intéressante à suivre. En Irlande, comme en Angleterre, du reste, et contrairement à ce qui se passe en Italie, en Espagne, en Russie, en Belgique, en France, fort peu de gentlemen pilotent eux-mêmes leurs sauteurs qu'ils confient à des hommes d'écurie. Les lads d'Irlande montent dès leur plus jeune âge, comme ceux oui font l'entraînement dans les écuries de course. Ceux d'Irlande montent comme leurs chevaux sautent ; ils mon- tent de race ; si l'on peut critiquer la main durcie par les rudes labeurs de l'écurie, il faut reconnaître qu'ils ont en dressage et à la cliasse des cabochards et des insoumis sur lesquels feraient piteuse mine bien des écuyers d'école. Vissés sur leur selle, sachant réparer avec les mollets et la fixité ce que le doigté peut avoir de défectueux, ils possèdent une assiette impeccable, un tact infini du cheval, un brio endiablé, quelcjue peu fait de gin et de whisky. Une agréable diversion est offerte au public par le concours des poneys qui, montés par de tout petits boys, grimpent les plus grosses banquettes dans un rush fort amusant. Nous avons souvent exprimé le regret que rien ne soit fait chez nous pour les petits chevaux. C'est fort dommage, car, sans parler de nos colonies déjà citées, nos départements du Gers, du Médoc et de DU CONCOURS HIPPIQUK A L EÏRANXER I41 la Bretagne en élèvent d'excellents qui gagneraient cà être plus connus. La S. H. F. sollicitée ])ar nous à leur sujet nous a donné d'excellentes raisons pour s'abstenir. C'est grand dommage, car ils CHEVAL ANGLAIS SAUTANT LA RIVIERE PRECEDEE D UNE GROSSE HAIE QUE l"ox rencontre dans tous les concours d'angleterre .gagneraient beaucoup à être plus encouragés en France et, en même temps, donneraient de la gaieté, de la diversité au spectacle. La dernière journée du Concours de Dublin se passe dans une apothéose cjui est la parade ou le défilé de tous les chevaux primés, coquettement enrubannés (i). Nous ne saurions trop conseiller à ceux qui n'ont pas encore visité l'Irlande, d'aller passer à Dublin une charmante semaine. C'est grand dommage que la Royale Dublin Society ne cherche pas à attirer les cavaliers et les chevaux étrangers dans son grand concours du mois d'août. Les prix qu'elle consacre jusqu'à présent aux épreuves d'obstacles sont trop faibles pour per- mettre aux continentaux de s'y rendre. 14-2 DU CONCOURS IIIITIOUC; A L ETRAXGIvR Dès le malin, tous les sportsmen se précipitent au llorse Show pour visiter les écuries, assister aux différentes présentations ; et tout ce ([u'ils }• voient est si in-!])révu. si inédit, si attrayant, (|u'ils ne peuvent se détacher de la piste avant la nuit. Concours Hippique de FOlympia de Londres Londres a inauguré, il y a quatre ans, une splendide quinzaine de tous les sports hippiques, au Palais de r( Dlympia. Les grands concours civils, les championnats militaires et la Coupe du roi Edouard \U, disputée par un team de trois officiers de chaque nation, et que les Français ont eu l'insigne honneur de remporter en 1909, y attirent les meilleurs cavaliers de l'Univers. Toute la société londonienne vient les y applaudir le soir. L'espace est peut-être un peu restreint et les obstacles trop rap- prochés ; mais, somme toute, c'est un admiral)le ensemble et en dehors des jumpers, le public peut admirer, dans toutes les présentations de selle et d'attelage, les plus beaux types des chevaux du Royaume. Nos voisins d'outre-AIanche, qui furent de tous temps les boute- en-train et les grands maîtres en tous les sports, ont eu, à notre sens, jusqu'en ces dernières années, le très grand tort de consi- dérer les concours hippiques comme une exhibition indigne de gentlemen . Les officiers anglais s'alignent maintenant avec leurs camarades des autres armées au Horse Show de l'Olympia ; et ce serait grand dommage que les civils, qui se sont faits, à travers pays, la réputation de merveilleux cavaliers, ne viennent pas donner à notre sport l'appui de leur belle éciuitation et de leurs admirables hunters. ]\Iaîtres incontestés derrière les fox hounds ou les harriers. intré- pides coureurs de drags et stee])le-chasers. ils auraient tôt fait de se mettre à la monte particulière sur l'obstacle artificiel de concours ; DU CONCOURS IIIPPIOUK A I. ETRANGER 143 144 JJU CONCOURS HIPPIOUK A l'étrangkr cl eux. les chanij)iun.s de réquitation hardie à travers pavs, ils se ])assic)nneraient vite pour nos joutes plus fermées et pour nos eham- pionnats en hauteur: Les solennités liippiques de l'Ulynipia, sans lesquels a The London Season » ne saurait être complète, viennent d'obtenir une fois de plus, au mois de juin 1910, le plus éclatant succès, grâce à l'admirable organisation de son distingué Président, le Comte de Londsdale, qui a su grouper autour de lui. dans un cadre ruisselant de lumière et enguirlandé de tleurs, les meilleurs cavaliers et les plus fins connaisseurs de plusieurs continents. Dans les épreuves d'obstacles les entrées ont dépassé le chiiïre fan- tastique de 220 ! Xous disions, en parlant de l'aris, que le nombre excessif des engagements, gâtait les plus belles épreuves ; c'est aussi notre avis en ce qui concerne le Horse-Show. Certes, il ne faudrait repousser aucune inscription; mais s'ar- ranger de façon à ce (jue l'intérêt ne fût pas sacrifié au nombre trop grand de ceux qui prennent part aux épreuves, et pour cela créer plusieurs prix de consolation. 11 serait aisé de ne mécontenter personne et d'éviter l'encom- brement de candidats. Il faudrait à cette fin établir des éliminatoires et n'admettre dans les finales que les chevaux ayant fait auparavant un parcours honorable. Certes, l'intérêt général y gagnerait, et les concurrents modestes n'auraient qu'à se louer de cette innovation, puisque le fait de leur épargner des frais inutiles permettrait de leur distribuer plusieurs récompenses dont seraient exclus les cracks ou les gagnants. C'est un joli spectacle de pouvoir chaque année applaudir LadyBelle sur un parcours, ou Jubilee dans le saut en hauteur. Mais pourquoi ne jamais rien faire pour les jeunes chevaux? Plusieurs amis anglais nous ont en outre exprimé le désir qu'il fût institué au Horse-Show des Omnium ouverts aux hommes d'écurie. Les Anglais, comme les étrangers, sont grandement intéressés à cette épreuve qui ferait vendre et connaître les sauteurs du pays. N'y aurait-il pas lieu également à côté de la Coupe Challenge Internationale, disputée ])ar des équipes de trois officiers de même nationalité, de créer une Coupe courue par les civils, dans des con- ditions identiques? DU CONCOURS HIPPIQUK A LETRANGER 145 Nous ne pouvons parler du Concours de l'Olympia, ni terminer ce livre sans évoquer le souvenir d'un des hommes de ce siècle qui a le plus fait en Europe, pour la cause du cheval, et dont le liorse Show de Londres est un peu la création. Nous voulons parler de M. Walter Winans, le roi du pistolet; c'est le roi des sports que nous devrions dire, car partout où l'adresse, la force physique, le coup d'œil ont l'occasion de briller, on est sûr ae retrouver en première ligne le sympathique gentleman américain. SAUT DE RIVIERE AU CONCOURS DE CARDIFF Chacun voudrait enlever M. W. Winans, tant sa présence est la certitude du succès de toute réunion hippique; et M. W. Winans est si aimable qu'il voudrait pouvoir se couper en morceaux pour prêter à tous un peu de sa précieuse personne. Il vint à Spa, il y a une dizaine d'années, avec sa brillante écurie de sauteurs et de trotteurs américains; il y revint un peu plus tard avec ses chiens, pour ofifrir aux Belges et aux étrangers en villégiature dans les Ardennes le plaisir de drags et de rallies, dans le pays le plus enchanteur du monde. 10 146 DU CONCOURS HIPPIQUE A L ETRANGER M. W. Winans a une énorme fortune qu'il dépense à faire de; heureux et des amis, et dont il consacre une bonne partie à la glori- fication de notre beau sport. LADY BELLE MONTÉE PAR M. HENRY LECLERC CHAPITRE XII Des Championnats en hauteur Ci: sport, si cnipûignant à la fois et nouveau, fut importé d'Amérique par la presse, qui, en reproduisant les photo- graphies fantastiques des champions de barre, fît naître en Europe l'émulation et le désir de ne pas rester en retard sur nos rivaux des Etats-Unis. Nos premiers débuts en France furent timides, hésitants. Je gagnai avec Bistouri, à i"'70 seulement, un des premiers cham- pionnats en hauteur, couru au vieux Palais de l'Industrie; la même année, avec le même cheval, tous les championnats de France sans grand mérite, du reste, car il y avait alors peu de concurrents. J'atteignis i™8o de hauteur sans pouvoir les dépasser. B'iack-Devil, à Spa, monté par ]\I. Philippot, accomplit enfin le saut de 2 mètres sur un gros mur! Ce fut un enthousiasme indescrip- tible ; désormais le succès des championnats alla toujours en augmen- tant, chacun cherchant à battre le record en hauteur ou largeur établi par son prédécesseur. En 1902, apparut Conspirateur, le célèbre cheval australien de M. H. de Alumm, qui, pendant quatre années consécutives, fut l'incon- testable champion et la grande attraction de l'Hippique des Champs- Elysées. Conspirateur et son intrépide cavalier, le capitaine d'artillerie Crousse. furent la gloire des championnats et le titre de rois de la Barre, qui furent décernés au cavalier et à sa monture, ne furent jamais mieux portés. Conspirateur était un grand pur sang qui se précipitait sur son saut, dans une action longue et étendue de steeple-chaser, sans marquer l'ombre d'appréhension ni d'hésitation. Le vaillant anmial M. CROUSSE, C"^ D ARTILLEKIK. GAGNANT LK CHAMPIONNAT EN HAUTEUH DE SAINT-SÉBASTIEN DEVANT S. M. LE ROI d'eSPAGNE DES CHAMPIONNATS EN HAUTKUR 149 est mort, encore jeune, en plein triomphe, et nous craignons bien que le public parisien n'ait de longtemps l'occasion d'applaudir un pareil prodige. Son plus beau saut fut en 1906, où il passa 2'"35 sans effleurer la barre. Le même jour, devant un public haletant d'émotion, au milieu lATADOR DANS LK CHAMPIONNAT EN HAUTEUR DK SPA du recueillement de milliers de spectateurs, le capitaine Crousse, grisé par les applaudissements, eut la belle folie d'essayer de passer la barre à 2™50. Des deux côtés des poteaux, elle fut attachée solidement par deux cordes tenues en main par M. Xavier Riant d'un côté, de l'autre par M. Henri Leclerc. 150 DUS CHAMPIONNATS KN IIAUTKUR Conspirateur, dans son admirable rush habituel, fonça sur l'obs- tacle; son avant-main passa les 2'"5o, l'arrière-main seule accrocha la barre, (jui, déjà fortement ébranlée par les chocs reçus par tous les concurrents, cassa au milieu. Il est certain que si la barre avait été î igoureusement fixée, les deux vaillants se seraient retrouvés sains et saufs de l'autre côté. Conspirateur fut une merveille que ])leurent encore tous les ABRICOT GAGNANT LE CHAMPIONNAT EN HAUTEUR DE BARCELONE SAUTANT 2'"lO, MONTÉ PAR M. DE ROVIRA friands d'émotions sportives ; à notre avis, il fut le plus gros sauteur ayant jamais existé. Un match fut proposé au plus célèbre cheval d'Amérique, Heather- Bloom. Dix mille francs d'espèces devaient être déposés dans une banque, et le beeting eût fait vite monter cette somme à plusieurs centaines de mille francs. Pour que l'un ou l'autre des propriétaires ne pût excuser la défaite de son crack en prétextant que la traversée de l'Océan l'aurait HEATHERBLOOM, PUR SANG AMÉRICAIN, CHAMPION DE HAUTEUR AUX ÉTATS-UÏ^IS OU IL A SAUTÉ 2 '"44 152 DES CHAMPIONNATS EN HAUTEUR mis liors de forme, il était stipulé que le uiatch se ferait aux luêmes conditions, sur le même obstacle, le même jour, en France et en Amé- rique, (le\aiU (les tmioins accrédités de chaque nation. Le match lancé n'ayant pas été accepté, il est donc de toute justice d 'affirmer (|ue le record établi par Conspirateur n'a jamais été battu. Cette é(]uitatii;n si spéciale de championnat n'est pas à la portée M. FRANÇOIS DF. JUGK MONTESPU'.U FRANCIflSSANT 2 MKTRES AVKC jriUt.KF A HORDEAIX de tout le monde : il faut une souplesse, une vigueur, une énergie, un mordant du diable, il faut en (|uelque sorte entrer dans son cheval avec ses genoux, ses éperons, sa volonté, son cœur. Toutes ces qualités furent réalisées au plus haut degré par le capitaine Crousse, qui, aux plus grandes altitudes, se trouvait assis dans sa selle et autant à son aise que pour le saut le plus insignifiant. La belle photographie que nous reproduisons et qui le représente ^âyj ROXANE MONTEE PAR SON PROPRIETAIRE M. BRODIX, GAGNE I.E CHAMPIONNAT EX HAVTErR DE HOVLOGNE 154 DES CHAMPiOXXATS EN HAUTEUR gagnant devant le roi tl 'Espagne le championnat en hauteur de Saint- Sébastien, témoigne de son aisance et de sa prodigieuse souplesse. A côté du capitaine Crousse, nous eûmes en France plusieurs cavaliers à monter hardiment en championnat; parmi les anciens: M. Henri Leclerc, le capitaine Berille, M. Coulomb, M. Brodin ; parmi les jeunes: MM. de Royer et de Juge-Montespieu. M. François de Juge, entre autres avec jubilee, rexceV.ente jument de M. Xavier Riant, a atteint plusieurs fois la belle hauteur de 2™20. Le brillant cavalier du Midi a un allant, un brio extraordinaires et les Fervents du Grand Palais ne lui ménagent pas leurs bravos bien mérités. Le public a la passion du championnat en hauteur ; aussi est-il incompréhensible que chacjue année ce bouquet du concours soit tiré à une heure de feu d'artifice peut-être, puisqu'il fait toujours sombre et que la lumière est détestable à l'heure où il commence; mais point à une heure convenable pour le cavalier qui doit être autant que pos- sible à l'abri de tout accident, encore moins pour le cheval qui a besoin surtout de voir clair pour être à même de donner la mesure de ses moyens. Le championnat en hauteur devrait donc être couru soit avant, soit pendant les parcours militaires, jamais à la fin, comme la déplo- rable habitude en a été prise. Dans cette épreuve il serait également utile de voir deux catégo- ries de chevaux : La première serait le championnat des champions ouverte aux chevaux ayant déjà passé 1^70 en public. La seconde serait le championnat des débutants pour les chevaux n'ayant pas encore été classés dans les prix d'un concours en hauteur. Avec ces deux séries une journée de championnat serait complète ; sans quoi il y a trop peu d'engagements. La défaite de trois ou quatre craks spécialisés depuis longtemps est chose impossible et décourage la bonne volonté des concurrents. 'Am CONCLUSION Le cheval d'obstacles n'est pas appelé à disparaître, puisque dans tous les pays d'Europe, et jusque dans l'Argentine, les Concours Hip- piques se font chaque année plus brillants et plus nombreux. Il est pour dresser le sauteur plusieurs modes que je n'ai fait qu'ébaucher au cours de cet ouvrage. Je voudrais voir « La ^Méthode de Dressage en liberté » un peu répandue. Dans toutes mes tournées en France, je ne l'ai rencontrée qu'une fois, appliquée à l'Ecole de Fontainebleau, par le capitaine d'artillerie Crousse. Il n'y manquait que ma piste circulaire, uniquement destinée aux obstacles de chasse, tels que fossés et banquettes. J'estime que les Ecoles de cavalerie se trouveraient bien d'es- sayer d'une installation dans le genre de la mienne. Les officiers s'en amuseraient beaucoup pour le dressage rapide de leurs chevaux de concours ; et les chevaux de troupe y acquére- raient vite une adresse très utile à développer chez eux en vue du service en campagne. En dehors de l'armée, les marchands de chevaux de selle pour- raient former dans les terrains vagues de Neuilly ou de la Porte Maillot d'aussi adroits hunters que s'ils avaient à leur disposition les landes de Biarritz ou les talus de Pau. Je crois même que ce Dressage pourrait être employé très utile- ment pour les steeples-chasers, et faciliterait de beaucoup pour les jeunes chevaux la besogne de l'entraîneur. Dans ce but, il n'y aurait qu'à agrandir les dimensions de l'enclos circulaire, en modifiant les obstacles, bien entendu, et en disposant 156 CONCLUSION de distance en distance des lads adroits qui appuieraient les chevaux de la chambrière, suivant les principes que j'ai indiqués précédem- ment. Le capitaine Crousse, s'est, je crois, servi de son manège pour ses chevaux de course et s'en est admirablement trouvé. J'ai expliqué de mon mieux, au cours de ces quelques chapitres, pourquoi notre beau Sport si florissant partout ailleurs était loin de donner à Paris l'exemple et le ton. Nous avons cependant chez nous tous les éléments de succès ; les chevaux, les hommes et la crânerie ! Je ne me lasserai pas, ayant à cœur la cause que je soutiens. Les réformes que je sollicite, les améliorations que je demande sont celles c|ue désirent avec moi la plupart de mes camarades, civils et mili- taires, que j'ai maintes fois consultés sur la question. Je gage que ma franchise me rayera à tout jamais du tableau d avancement de la Société Hippique Française et me privera de l'in- signe honneur d'être marqueur de taquets à ses réunions de Paris ou de Province. Tant pis pour moi; en noircissant ces quelques pages, je n'ai eu qu'un but ; celui de plaider, devant les connaisseurs de tous les pays, la cause intéressante des Habits Rouges et des sauteurs ! La seule récompense que j'ambitionne, est de voir Paris devenir un jour ce qu'il n'est pas encore, ce qu'il devrait être depuis longtemps déjà le plus resplendissant Concours International du Monde entier. Cte Louis d'Havrincour'c. TABLE DES MATIÈRES Pages Chapitre P'". — Du Cheval d'obstacle en général; de l'élevage du cheval de selle en France ; célèbres sauteurs français. 1 1 Chapitre II. — Chevaux barbes; poneys algériens; poneys tunisiens ; Tunis et son concours 35 Chapitre III. — Du dressage à la longe. 43 Chapitre IV. Du dressage à l'obstacle en Irlande 45 Chapitre V. - — Du dressage à l'obstacle en Belgique ; le ma- nège oblong G. Van de Poêle 53 Chapitre VI. — Mon dressage; l'obstacle simple, double et triple ; l'obstacle de chasse et de campagne ; l'obstacle de volée ; rivières ; fossés ; banquettes 61 Chapitre VII. — Des artifices de dressage; le taquet; des dif- férents modes de barrage ; le barrage à la main ; les pou- lies; les planchettes à ghssières yy Chapitre VIII. ^ Manière défectueuse de sauter tlu cheval ; remèdes à appliquer ; du sucre et du caveçon 89 Chapitre IX. — Soins et nourriture du cheval d'olistacle ; ciuel- ques recettes utiles. lOi Chapitre X. — Du concours hippique en France ; de la Société Hippique Française; des améliorations à apporter à son concours, à ses organisations et à ses statuts ; concours de province if^9 158 TABLE DES MATIERES Chapitre XI. — Du concours hippique à Tétranger ; les concours de Belgique, de Bruxelles, de Spa ; le Royal Horse Show (le Dublin; les concours d'Espagne, d'Italie: le concours de l'Olympia à l.ondres 133 Chapitre XTT. — Des championnats en hauteur; les plus célèbres champions • • 147 Conclusion' 155 IMPRIMERIE DES Sports Universels Illustrés 13, RUE DE LONDRES PARIS Edité par le Sport Universel Illustré 13, Rue de Londres. — PARIS = 1913 '^"■»V'-