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ELEMENS

DE L HISTOIRE

ECCLÉSIASTIQUE^

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ELEMENS

D E

L'inSTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,

Renfermant en abrégé ce qui s'efl paffé de plus intéreffant dansTEgliie , depuis la naif- fance de Je sus-Christ jufqu au Pon- tificat de P 1 E V I.

Pour fcrv'ir à CinJlruUion dts Geni-du-monde & des Jeunes-gens quon élevé dûm les Collèges*

Par l'Auteur du Nouveni» Dictionnaire Historique*

No uv ELLE Édition, coincée , augmentée y 6* entièrement refondue.

TOME IL

'■- "■' n

A C A E A\

Cicz G. L E Roy, Imprimeur du Roî , à l'ancien Hôtel des Monnoies.

A*ee A^'priibation & Privilège du Roi, 1787.

E L É M E N s

D E VHISTOîRE ECCIÉSÎASTIQVE,

ONZIÈME SIÈCLE.

» --—— ., m,

Antipapes,

1?^*)^^ E s combats des foiiveraîns Pontifes

P JJt ^ .;)/ contre les Antipapes, font les faits

y} ± J. i7 '^s plus intereflans des cinquante

n>ii>,-:&.éi premières années de ce fiéclç. Les papes SilvtJîrcII, Jean XVII , Jean XVIII ^Sergim IV y Benoit VIll y Jean XLV , rcgnérent affez pai- fiblement. Mais la maifon de TofcanelU , puif- fante en Italie , aj'ant mis fur la chaire poiui- ficale un enfant de douze ans , qui ttoit de leur famille ( Binoîc IX ), deux autres Antipapes lui dif« putcrent la papauté , après s'être fait-clirc par inllouation ou par violence ; 5c ce fchifme prO", (iuifu une er^>ue de guerre civile.

A il]

^ E L E M E N s

Un prêtre nommé Oratle-i , homme de quaritf & tore -riche , (o rendît à Rooie , perfuada aur intrus de te dcnieccre , leur donna (dit -00) des dédommagemcns en argent , & fut reis à leur place fous le nom de Grégoire VI , en 104 j. Comme le jeune Btnui: IX avoit été élu long» tems avant fes coacurrens \ on lui laiiTa la JAulf- fance du tribut que l'Angleterre pjyoit depuis long-tems à Rome ,& qu'on appclloit le dcnitr àt S. Picm, Quoique la conduite de Grégcirt Vl iiki fagc 6t fes vues droites , il fat ilcpofc en 1046, parce qu'il ctoic entré dans le fouverain ponti- ficat par la fimonie. Suldgtr , évcquedeBamberg, fut élu a fa place ^ fous le titre du Clément II' il ne ficgea que peu de tems. Après fa mort , l'empereur Htnri III , qui dominoit à Rome ptr fcs partifans , fit-élire Damafe II\SiC après celui-ci, Léon IX , évcque de Toul , le premier Pape qui ' garda fon évèché avec celui de Rome.

Ce Pt^ps avoit de grandes qualités ; il fit de» fautes , parce qu'il étoit homme -, mais il fie auflr beaucoup de bien , parce qu'il avoit toute l'a^'^ivité d'un grand-homme. Il travailla fans cciTe à U réforme dec mœurs ; il afifembla des Conciles , condjmni la fimonie ôc dcpofa les Simoniaques. Dans fcs divers voyjj^cs , il rétabliiroit , autant qu'il le pouvoit , la difcipline, fie remCdioit lua ftbus les plus crians. Son courage ne fe bornant point à la rkforme des mœurs , il fe mit à la tûte d'UAC «irmcc pour repouHTcr les Normands »

T)E L'Histoire Ecclesiastio.uï. i

mais îl fut vaincu & fait prifonnier. Il mourut à" I^on e en 1054 , regretté comme le père des pauvres.

Consommation du Schifme des Grecsi

Ce fut fous Léon IX que l'Eglife Grecque con* fomma le fchifme qui la fepare encore aujourd'hui de l'Eglife Latine. Nous avons parlé ci-devan^ des tentatives de Phuius pour opérer cette fu- nefte divilion. La fageffe des Pontifes Romains avoit éteint le iexi qu'il avoit allumé •, mais il couvoit fous la cendre. Les patriarches de Conf- tantinople, en lifjnt les écrits de Photius conzre l'Eglife d'Occident, prenoient peu-à-peu fonefprit» Michel CiruW.rc , qui f.:t place far ce fiége en 1043 » fi' fur-tout éc!<ittr l3s vues ambitleufes de ce l'atriarche, qu'il regardoit comme un de fes jlus illuftres prédécefléurs.

En 1053, il s'avifi d'écrire à Jean évêque de Trani dans la Pouille , une longue Lettre , afin qu'il la communiquât au Pape Se à tous les Pré- lats Occidentaux. Dans cette Epitre , qui étoit le i:gnal de la difcorde , il accufoit les Latins de plufieurs erreurs imaginaires. Les principales étoient , de fe faire-rafer la barbe ; de jeûner le Samedi j d'employer du pain azyme dans la cé- lébration des faints Myftéres ; de fe donner le baifer de paix dans l'Eglife ; de ne pas chanter VAllelula dans le Carême ; de manger du fjng des animaux & des viandes fuffoquées -, enfin , de

Aiv.

Ç Elïmeks

prefcrlre le célibat aux prêtres. II formoit encore quelques autres accufattons, fauffes ou frivole» j mais qui, pouvant être légèrement crues par des peuples légers & inconAans , allarmérent beau* coup le pape Léon IX.

Ce Pontife envoya auflî-tôt des Légats à Conf- lantinople. L'empereur Conflantin Moncmjquc les re- çut avec didin^ion i mais le patriarche ne voulut ni leur parler , ni les voir. Les Légats ofFeafct excommunièrent Michel & fes adhérons dans !'£• jjlife de Sie Sophie. Le Patriarche oppofa anathcme àanathême, & entraîna dans Ton rchifme le clergé te le peuple. Alors Ici villes , les diocèfes , le* patriarchats entiers Te réparèrent de l'EgUrc Ro' naine. Les Abbés 6c les Religieux qui ne vou- lurent pas renoncer aux cérémonies des Latine, furent chalTès des monaftéres qu'ils avoient dans la ville & dans le territoire de Coaftantinople ; 8c tout annonça «ne rupture éternelle.

Après la mort de C n/Iantin Monomarjue , que la politique avoit contraint de fouffrir les chan- gemens opérés par le patriarche de Conftantino- ple , l'Empire paffa à Thcudure 6i. enfuite à Mi- chel VI. Cérulairc , qui n'efpèroit pas de pouvoir feire-adopter toutes fes idées à ce dernier prince, voulut avoir un Empereur qui dépendit de lui. Il fit-fouiever le peuple , feignit de le calmer v & paroilTant ccJer à la force ôt au defir de pré- server l'Empire dune ruine entière , il ourrit les poites de Coedaacioople à //<uc Comnint»

vt l'Histoire Ecclésiastique.

Le Patriarche envoie en même ffems à Af/- •fh(l r/ quatre Métropolitains ,qui lui perfuadent de dcpofer le fceptre ïtr.çcùa]. Mais (ait Michei) yx/e me promu djhc le Patriarche à la place de TEm» pire}-' Le Royaume cc'lcjle , répondirent les dé- putés.

Michel quitta donc la pourpre , & Ifaac qui «n avoit été revctu par lis intrigues de Cérulaire^ fe laiffa d'abord gouverner parlai. Le Patriarche atufa bientôt de fon crédit ; il voulut, pour ainfi dire , être fouverain, &. il menaça l'Empereur ,s'i »e fuivoit fes confeils , de lui faire-perdre 1 1 couronne qu'il lui avoit mife fur la tête. Ifaae fit-ar^^ter fecrettement ce prélat ambitieux & defpotique , & l'envoya en exil il mourut.

Le fcl'.ifme que Cérulaire avoit fait-naitre , fe /outrnt fous fes fucceffcurs. Depuis la féparatlon faite fous riittiuj , une animofué fecrette régnolt efltre les Eglifcs Grecque & Latine, quoiqu'elles fe fulTent réunies extérieurement. La plupart des Grecs, ( dit l'Abbé Racine y ) reffembloient à un homme , qui voulant rompre avec un ancien ami » attend l'occafion de le faire avec bienféance, fc remplit certains devoirs de- politeflc , fans rietx ccnferver de rafFefti«m de l'amitié. Ce n'efl. pas rue tous les Evêques & tous les Fidèles de l'Oiicnt fuiTent dans ces fentimens i mais c'crait la difpofition d'un très - grand nombre. Depuis?' lon^-temy les Patriarches de Conftaminople pre-- l»o:eni le titre- d'£vfj'«c uoircrfcl i'& certains Pap.5«t»

T& E L E M E V'S ^

8u lieu de leur donner l'exemple de la mode(fie Coirine le fit S. Grégoire le Grand , les rcvol-*' toient par des préientions fondjes à la vérité , nais qu'il falloit taire-vaîoir avec une fage mo- dér.ition. Ainf: pr<fque tous les efprits étant pré' parcs au ichifm; , i! n'eft pas étonnant que cetta oonibreure & trifte réparation fe foit faite avec tant de facilité.

Pontificat de Grégoire VII. D'ifputes au. fujet des InvejUtiires.

Le fchlfme des Orient :uk avoit été à l'Eglifr Romaine une partie de fes branches -, & ce granl arbre fut encore cbrmlé par les coups que VA portèrent quelques Princes Occidentaux. Lc« Empereurs AUemanis vouloient difpofer alors , comme on l'a vu ci-devant , de la première plaça eccléhafiique du monde Chrétien. Mais fous l'em- pereur Henri IV tout changea de face. Grégoire Vif auparavant Bénèdiftin de Cluni, ayant été placé fur la chaire de S. l-ierre en 1075, penfa féricu» fement à rendre le pontificat indépendant de l'Em- pirci Son premier foin fut d'alTemlilcr des Con» ciies , il excommunia les Ecclèfiadique^ qui avoient donné de l'argent pour avoir des bé* néfices , & ies Laiqttes qui leur en avoient donné* l'inveftirure.

Les Empereurs jouiffoient depuis plufieurs fxi» clés du droit de conférer les évôchés îc les ab- oyés» L'ufagc ctoiî d'iovelUr ceux qu'Ut aom*

fcE l'Histoire Ecclesiastiqui.

■loient à ces places , en leur mettan: entre les nains la crofi'c , Ôc en leur donant l'anneau avant la confecration. Le Pape condamna folcmnellemenc' cet ufage. Il prétcndoit que c'étoit une efpèce de^ fimonie que les Ecclcfiatliques reçuffent l'invef- tkure de la main des Laïques, & 11 blàmoit éga- lement ceux qui la doanoient & ceux qui la re« cevoient. L'empereur Htnri IV ayant alors une guerre dangcreufe à foutenir , craignit d'éclater contre le fouverain Pontife: mais dès qu'il eue triomphé de fes ennemis, il convoqua une af- femblce d'f-viques & d'Abbés à "Worms , quicaf-- fcrent l'éleâion du Pape, qu'ils iccuférent de plufieurs crimes. On ne lui donna plus dès-lors que le nom à' HiLUbrand^ nom qu'il portoit éîaHt religieux de Cluni , & on déclara qu'on cefiTe- loit de le regarder comme fouverain Pontife,

Dépojuïon de r Empereur Henri IV ;' Mtrt de Grégoire VII.

Cregoirt VU fe livrant alors à toute i'împé- tuofîté d'un zèle plus ardent qu'éclairé , excom- munia Hcnii , difpenfa i^s fujecs du ferment da fidélité & le déclara déchu de l'Empire.'

Ceft le premier exemple d'e:îcommunicaHon' fulminée contre un Souverain. Ouon , évèqu? de* FriÛBgue , qgoiqve attaché à l'Egllfe & aux Fa*> p^s , ne piK s einpêcher de dire : L'Empire tut »» d'autant plus iiidij.né de cette i.cuveauîé ', •> (^ue jamais auparavant ii o'avoit vu do pa,r

Avj;

lUr ElZMEKS

M reille fentence publiée contre un Emp*reut H Romain, Le Pape , après ce grand éclat , écri. vit pluijeurs Lettres en Italie & en Allemagne, il entreprenoii de juftificr cette excopununi- cation , Si 1 on voit les fondemens ëe cette Marine inouie jufqu'alors , m que ie.fouverain •t Pontife a droit de dépofer les Souverains. >•

Les fujers de Henri , intimidés par les foudres Ac Rome , & ébranlés par les Lettres de Grégoire qui les exhortoic à élire ua autre Roi , alloient . abandonner l'Empereur. Henri fongea a fe re-- concilier avec le Pape. Les conditions du traité parurent 11 humiliantes a fes partil'ans, qu'il fut obligé de les rompre. Son parti, compofé des Evéques & des Abbcs iuveflis par lui , dcpofé» t*Dt de nouveau Grégdrc J'Il ^ 6t élurent a fa- place l'an loSo à Mayence Guihtrt archevë^u* de Ravenne , Ton plus implacable ennemi , fous le nom de CUmint HI.

Cependant Henri avoit à combattre Roiol- pht duc de Souabe , que les Allemands révoltés avoient clu empereur. Grégoire Vil avoit con- firme foa éleûion , & lui avoit envoyé en (igné d'inveAiture une couronne d'or , autour de laqueUft OQ lifoit ce vers latin :

Petra éUiit Petro , Pet rus iiaiema Rodolpko,

C*efl-à-dire -, " Jesvs-ChrisT , la pierre myjiiqui ^ M a dcnné l'e dicième à Pierre , & Pierre le d^nne à «( Redoipke. ■• Le Pontife accorda à tous les parafant éêzfe prujcc ia i)i;ocdi^oa des Apôtrei ûua

T5E l'Histoire Ecclîsîasttque. tj- "

ente vie & dans l'autre. Puis il ajouta dans la pricre qu'il fit en cette occafion à ces Saints : Fanes maintenant connoitre que fi vous peuve^ litr ou délier dans le Ciel , vous pouvt\ aujjî fur la terre donner les Empires , les Royaumes & les Prin- cipautés,

Henri ayant oppofé à Grégoire un autre Pape, Tcfolut de marcher à Rome pour faire-valoir fon éleftion. Il s'en rendit maître en IGS4 , & reçue la couronne impériale dés mains de fon Amipape^ Grégoire VU , chalTé de fon fiége , mourut pea de tems après à Sa'erne en loSj , avec la répu- ution d'un horaine vertueux , qui n'avoit jamais fçu adoucir cette inflexibilité de caraftére , dan- gereufe à foi-même & aux autres. 11 avoit d'excel- lentes qualités , que fes défauts ne doivent pas obfcurcir. Non-feulement fes mœurs étoient pures j mais , s'il l'avoir pu , il auroit été le redaurateur de celles du clergé. H ne manqua à Grégoire VII^ pour être un Pape du premier mérite , qu'un peu plus de lumières & de prudence. Ses dernières paroles furent : J'ai aimé la jujlice & haï l'in'juftice j c!ç/? pourquoi je meurs en exil.

SucceJJeurs ds Grégoire VII.

Apres la mort de ce pontife, Didier ^ zhhé du- Mont- Caflin ,& cardinal de Sainte Cécile ^obtint la papauté , & prit le nom de FiHor III. 11 n'eut que le tems de rcnouveiler les snathêmes ful- minés par Ton préd«(€llcur coatre Utnri biGui»-

14- F. L E M r N 5

certain //, qui ficgca après lui, marcha fur {Tes tnces Pt fur celles de Grégoire Fil.

Enfin, fou» Pafchal // , l'Eglife fut délivrée de r»nttpape Guihtn , mort Subitement , comme il r>vageost le territoire de Rome. H(»ri JI^ m ihù furvécut guéres. Abandonné de fes fujets, 8c obligé d* céder l'enipire à foj» fils Henri V ^ qui avott zixr.è contre fon père, il mourut, détrompé des iliufions de la grandeur , & dans un état qui n!étoit guéres au-deffus de l'indigence , en iio6. 11 termina fes jours à Litge qui lui avoit donné un afyle. Henri K, poufiant 1 inhumanité jufqu'au* delà du trépas , vint fe pcfter devant cette ville ,• pour la punir de la réception qu'elle avoit faite à- fon père & des honneurs funèbres qu'elle lui avoit rendus. Les Bourgeois ayant une armée à ]«urs portes, firent leur paix avec Henri, en cxliumant le corps de l'Empereur. Ils le livrèrent à ce fils dénaturé ,qui le fit-porter à Spire. On le pJaça dans un cercueil de pierre, il demeura cinq ans hors de l'Egli'e, fous prcrcxte que fon - excommunication n'avoit pas été levée.

CarJlnJux.

Le faint-fiége reçut un nourel éclat dans ce fiéxle , pjr celui qu'on donna à la dignité de Car- dinal. Depuis long-tems l'Eglife de Rome avoic (k>nné à fcs principaux prêtres ti diacres le nom< àc CcrdintLx ; mais ce ne fut que fous le pap« ilUoJas^ Uàiai ua Coacile teouàRoiaeco iP)9»-.

DE LiTïSTOirE ECCIESI ANTIQUE. ff Jju'îl fut décide que l'élef^ion des Papes dépen- droit des Cardinaux. Ils furent regirdés dès-lors comme le confeil du fouverain Pontife, 6: admis à toutes les délibérations de quelque importance, Aufli le titre de Cardinal l'emporta bientôt fur celui de toutes les autres dignités eccléfiaftiques.

[Ordres Religieux,

Ce qui donna un nouveau lurtre à l'Eglife j- Sut l'inllitutioD de divers Ordres religieux. L'Or- dre des Camaldules , fonde par un homme ver- tueux d'Italie, connu fous le nom de S. Rcmuaidy. n'eut guéres d'égal en auftérités & en mortifi- cations. Nous en avons parlé dans l'hiftoire da fiéc'e précét'enr.

Celui de Vallombreufe , ainfi appelle de la vallée fut bâtie la première maifon de cer àtéïC , dut fon origine à S. Jean Gualhtn , qui lui donna l'exemple de toutes les vertus. Flc- jence étolt la patrie de ce (aint fondateur , qui alla jouir de la récompenfe de fes travaux ea 1193. Ce fut lui qui le premier reçut des frères Lais ou Corners , différens des Moines de chœur t & cette diftindioo , que le zèle pour le fer- '^ce divin lui avoit infpirée , fut une des caufes du relâchement introduit bientor-après dans foo inAitut & dans quelques autres.

S. Bruno , d'abord Chanoine de Cologne , en» fuite Théologal de Rc'ms , mort en iioi , fut le j^ere des Chdrtrtux y qui, depuis leur origine, ont-

t€ Elément

été enfcvelis dans la plus profonde retralic. Un dcfert appelle Chartrcufe , dms les montagnes de Grenoble , donna fon nom à cette nouvelle fa- mille monanique -, & tandis que plulî^rs Ordres religieux ne portoient que des ronces & des épines , cette folitude fut toujours féconde en fniirs de vie.

L'Ordre de Citeaux , qiie S. Bernard illuftra le ficde d'après , eut pour fondifcar , dans celui - ci , Robert de Alcltjme. H lui donna la Rè^le de S. Benoît , avec quelques conftitutlons parti- culières.

Les Moines furent miles dans ce ficelé à l'Al- lemagne, même pour le temporel, par le travail <^.e leurs mains. Ils commencèrent à défricher le» rades forêts qui couvrolcm tout le pays. Par leur induftrie & kur fage économie , les terres furent cultivées , les ferfsqui les hahitoieni muU tiplicrent les monaftcres , produifirent des ville» confidérables , & leurs dépendances devinrent de petites Provinces. Mais , ( comme le remarqie FJeuri , ) ce foin du temporel ne fut pas toujours avantageux au fpirituel dans ces Egliiies naif- fantes. On s'eft trop emprcffc de les enrichir, fur- tout par l'exaftion des dîmes. Ce fut le fujei tfune révolte de la Thuringc contre l'Archevè» que de Mayence , d'une autre en Pologne, d'une troificme en Dancrnarck , qui fut caufc du martyre du roi S. Canut. On devoir avoir plus d'cgard à U (oibleUe de ces nouveaux Clucùcn5,& crain.'^

DE l'Histoire Ecclésiastique. 17

lire de leur rendre la Religion odieufe. On dé- voie craindre fur-tout de trop enrichir les rriO- naftéres ; & les Moines dévoient être effrayés à la vue des revenus immenfes dont ils jouifToient.

C'eft à ce fiécle que quelques-uns rapportent l'établifferaent des Chanoines-réguliers, dont S.Aw gnfiln avoit donné la première idée. On les in- troduifit vers l'an 1073 dans l'abbaye de S. Vic- tor de Paris , le fameux Hugues de S. Vi£lor cnfeigna la théologie fous le premier Abbé.

Ce ^ui a fait penfer que l'inflitution / de* Chanoines - réguliers eft de ce fiécle , c'eft un Ca- non du Concile de Rome ( 1063 ), conçu en cei termes : •< Nous ordonnons que les prêtres 6c >* les diacres , qui garderont la continence , man» M gent & dorment enfemble près des Eglifes pour ♦» lefquelles ils font ordonnés , & qu'ils aient en n commun tout ce qui leur vient de l'Eglife ; »» & noui les exhortons à faire enforte de me» M ner la vie commune des premiers Fidèles. Un Ecrit de Pierre Damlen adrelTé au pape Alexandre , l'engagea fans doute à faire ce règlement. Le but de cet Ecrit eft de montrer , que les Chanoines ne doivent rien avoir rien en propre , & l'Au- teur le prouve principalement par l'autorité de S. Aiignfim , dans les Sermons de la vie com« mune , qui ont fervi de fondement à la Règle des Chanoines, Dès la fin du X' fiécle ', plu- fieurs Chapitres de Cathédrales & plufteurs Ab- fcaycs de Chanoines , avoient repris la vie com-

l5 E L E M E N s

mune par les foins de leurs Evcques ; miis ces" réforaes n'étoient que fuivant la Règle d'Aix- la-Chapelle , faite au ccraraencemcnt du IX' fié- de. Depuis le Concile de Rome de l'an io6j ,• la reforme des Chanoines) alla jufqu'à l'excluGoa de toute propriété; &ceux qui l'embrafferem , fu» fenc nommés Chanoines -réguliers.

Hèrêjîes ; Sïmonie.

La docirlne fur la préfence - réelle de J. dans 1 rcharifxie , avcit été un fujet de dil'pute dans le IX* ficcle. Jean Seot , dii Eri'ènc .avoir eu ( dit-on ) ties fentimens contraires à ceux de VEgViCc: Béreigtr de Tours, archidiacre d'An- gers , fçavant & opiniâtre théo'.o^ea , les renou> vella , & s'expliqua encore plus ouvertement. Il prétendit que le pain & le vin n'étoient pa& changés au Corps & au Sang de J. C. dans le facrement de l'Euchariftic. Cette erreur , qui at- taquoit un des principes fondamentaux de notre Foi, fut anathématifée dans divers Conciles , & fur-tout dans ceux de Rome. L'un des princi» paux avantages que l'Eglife tirades difputes con- tre Bértnger, fut de faire - expofer fans la moin- dre équivoque un dogme que des Ecrivains tc- iQcraires s'étoient efforcé d'obfcurcir , &: que de dangereux Hérétiques dévoient combattre quel- ques fiédes après. Ce ne furent plus feulement des témoins particuliers qui déclarèrent quelle ctoit leur foi & quelle ctûlc celle de l'Eglife ;

DE l'Histoire Ecclesia"çtique. t^

<t flit l'EgliJe elle - mime qui prcfcrivit ce que l'on devoit croire pour être Catholique. Be'rcnger nioit que la chair de Jesi;8-Christ fût réelle & véritable dans l'Euchariltie; & par une fuite né- oefTaire , il Jnioit que ce fut celle qui eft née de la Sainte Vierge. /.'Eglife oppofa à ces deux erreurs, deux vérités contraires : l'une, que la ▼raie chair de Jésus-Christ eft réellement dam l'Euchariftie : l'autre , q\ie cetie chair eft celle qu'il a prife dans le fein de la Sainte Vierge, La profer.îcn de foi qui fut prefcritc à Beren^tr^ devint celle de tous les Catholiques.

Cet hirctique tîot:a toute fa vis d'erreur en er- reur. Menacé du dernier fupplice, il donna divcrfe* rétraâations , 6c figna plufteurs formulaires ▼crîtc étoit mife dans tout fon jour: mais, la crainte lui ayant arrathi ces fignatures , il eft fort-incertain s'il mourut Catholique.

Jetn Scot , ( dit M. l'abbé Racine , ) avoit pré- pare les voies à Bértr.ger , & celui-ci les prépara ar.x Calviniftes qui allèrent beaucoup plus loin : fts écrits furent le germe de toutes les erreurs des Proteftars , ou du moins de la principale de CCS erreurs. Brrcncer regardoit comme une petite difficulté , la profefiîon cliire & précife que l'E- glifc univerfelle ftifoit de croire le changement de la fLibftance du pain en la fubftance du corp» de Jesus-Cmrist, Il avoit dans refprit le prin- cipe pernicieux , établi depuis par les Sociniens r Qu 'ii ne faut cnirt qut et qui nous parvît Taifom*

10 E L E M E N s

nah:c. Il ne certa d'oppofcr des raironnemen» ^ un myflcrc qui cft par excellence un myftcrc de foi. Ily a apparence que s'il reAa dans l'Eglife, c'cA qu'il ne put former un parti affei nombreux pour s'en fcpjrer : mais ce qu'il ne put faire , les CalviniAes le firent depuis.

La pieté de Fidèles fut encore ailarmce par l'hcrcûc des Manichéens , qui ayant pénétré d'O- rient en Occident , vint infeûer la France dans ce ficcle. Un chanoine d'Orléans , nommé Lifolt ou Lifois , & Etitnttt , confdTeur de Cjnflante , femme de Rohtrt roi de France , en répandirent la fcmcnce veis l'an 1017. Un Concile teaii à Orléans les condamna , e«*& leurf diûipici , 4 expier leurs erreurs dans le bilkcher -, & ils aimé» rent mieux fouffrir l'effrayant fupplice du feu , que d'abjurer leur héréûe. Les fedateurs qu'il» a voient laifTés, portèrent leurs fentimens dans les Pays - Eas ; mais les intitulions qu'ils reçu* rent , les ramenèrent à la faine doif^rine.

Rcfcclin , prctrej de Compicgne , diale^icien fub- til , donna un autre fcandale. Il enfcignoit que \ts trois Perfonnes de la Trinité font trois rca- Jiics diAlnftçs l'une de l'autre , à-pcu-prcs de U même manière que le font trois Ames ou trois Anges-, fit que l'union de ces trois Perfonnes ne confiftoit qu'en ce qu'elles n'ont qu'une volontd & qu'une puiffancc. C'étoit renouvelîer le Tri- th^ifmt. Cette erreur ayant ctc profcrite , commo hsictik^ue , par le Concile de ^Soifl^ont en ir^x^

t>E L*HïSTOIRE ECCLtSI ASTI QUE. it

Rofcclin la retraits , mais par crainte plutôt que parperfiiafion, Se il y revint quelque-tems après.

Les mœurs le corrompant , tandis qu'on alcé- roit la foi , la fimouie fit d'étranges ravages dans l'Eglife. On vendoit les bcncficcs Se les prélatu- res au plus offrant. Grégoire VU y qui gsmiflbk fur ces raaux, tenta cnvain d'y remédier. La loi du célibat ctoît violée avec non moins de fcan- dale. Léon IX y Nicolas II , Grégoire IX, qui en prefférent l'obfervation avec zèle , ne trouvèrent que des rebelles. A Milan , pluiîeurs Eccléfiafti- tiqucs aimércDt mieux fe féparer de l'Eglife que de leurs femmes. Us commencèrent à former des BÏTemblëes particulières dans un Heu nommé Pa- tarée, & dans les vallées voifines. Ce fut l'ori- gine des Pjtarins & des Vaudois , qui furent en beaucoup de chofes les précurfeurs des Pro- tcllans.

Des Pèlerinages ; des nouvelles Pénitences 6" des flagellations.

L'abus des pèlerinages, qui s'étoît gliffé dans les fjccles prècédens,continua pendant l'onzième. On vit fe mettre en marche fept mille perfonnes , dont plufieurs étoient d'un rang diftingué, & qui avoient à leur tête quelques-uns des princi- paux Evoques d'Allemagne. Us formèrent le projet fmgulier d'aller en proceflîon à Jèrufalem , & d'y porter tout ce qu'ils pouvoient avoir de plus riche & de plus oiagnIiî<iue , s'imaginanc que ce

s^ Elemins

-pompeux 8c ridicule étalage fcrolt - admirer !'£• glife daas tous les pays par devoit palTer cette procefiion b'7.3rre. Qiie\ fruit rccl ces Evèqais rctirérent-ils de ce pvlcrlnage .' La di/E'.tion, fuite d'un fi long voyage , des accidens d toute cfpèce , la négligence de leurs troupeaux , & Je tous les devoirs de leur miniftére.

Les trois t^éroxdres que les Saints deTonziéme ficcîe combattirent avec plus de zèle , furent U iîmonie , les violences des Seigneurs , 5: l'incoo- tincnce des clercs. L'ignorance de l'ancienne dif- cipline f.t(feiL!i Fhuri)q\j€ l'on Ce miprit dans l'application des remèdes. Les pénitences canoni- ques étoient encore en vigueur à la rin de l'on- licroe ficde -, & loin de fe plaindre qu'elles fufTent cxceflivcs , on fe plaignoit toujours des nouvel- les règles , qui en a voient diminué la rigueur. On' s'étoit même imaginé que chaque piché de même efpèce méritoit fa pénitence. Si un homi- cide , par exemple , dtvoit être expié par une pénitence de dix ans, il falloit cent ans pour dix homicides : ce qui rendoit les pénitences impof- fibles & les Canons ridicules. Mai» ce n'ctoit pas ainfi que l'cnrendoicnt les anciens. Le nombre des péchés de môme efpèce influoit fur la ri- gueur de la pénitence , toujours foumi''e à la dif- crétion des Evcgues -, mais elle fe mefuroit fur la vie des hommes , 8c on n'obligeoit même à faire pénitence jufqu'à la mort , que pour les cruncs les plus énormes,

T>E L^HISTOIÏIZ'ECCLESÎÀSTIQUE. ij Depuis que l'on eut rendu les pénitences im- poflibles à force de les multiplier , il fallut ve- nir à des compenfations & des eftimations , tel- les qu'on les voit dans le Décret de Burchard & dans les écrits de Pierre Damiin. Cètoient des pfeaumes , des génuHexions , des coups de difci- pline, des aumônes, des pèlerinages , toutes cfao- fcs que l'on peut faire fans fe convertir. Dès que le cœur n'etoit pas changé par la pratique dti vertus contraires à fes vices , il y avoir peu é» mirite dans ces pénitences , & encore moins dans les pénitences faites par d'autres que par le coupable. Les difciplines qu'un bon Moine fe donnoit pour un pécheur , n'étoient pis pour ce pécheur des pénitences médicinales. Le péché n'eft p3S comme une dette pécuniaire , que tout autre peut payer à la décharge du débiteur , & ea quelque monnoie que ce foit ; c'eft une maladie dangereufe , qu'il faut guérir dans la perfonae pièmc du malade.

Nous ne trouvons point d'exemple de flageU lations volontaires avant l'onzième fiécle. Pierre Dcmien fut celui qui les recommandoit davaa« tage i Se S, Dominique le Cuirajfé pouiTa ce nou- veau genre de pénitence à un excès prefqu'in- f:royable. Il ne fe paiToit guéres de jours , ( dit Pierre Danien , ) que Dominique ne récitât deux fois le Pfeautier tout entier , & cette récitatioa étoit accompagnée de la Bagellacion. En Carême & dans le tems de la péaiieace de cent ans ,

i24 E L E M E y S

ii difoit trois Prcautlers , fie fe flagellolt à proJ

portion.

Voici et que c'ctoit que la pénitence de cent ans. Trois raille coups faifoient un an de pcni- tence. On fe donnoit mille coups pendant le chant de dix pfcaumes. Le Pieauticr qui eftcom» pofé de cent - cinquante pfcaumes , & pendant lequel on le donnoit quinze mille coups , (ai- foit cinq années de pénitence. Il falloit donc vingt Pfeautiers ,& trois cens mille coups, pour faire la pénitence de cent ans. Dominique l'accom- pliffoit ordinairement en moins de fix jours \ 8c ce qui lui croit particulier , c'eft qu'il fçavoit agir également des deux mains tout à la-fois , fans néanmoins compter ce double coup pour deux. Il y eut un Carême pendant lequel il fit une pénitence de mille ans avec la permifTicn de Ton Supérieur , qui fe croyoit oblige d'accorder ces excès à fon zèle & à fes indancc*.

Vers les dernières années de fa vie , fa chair étoit devenue fi dure , que les inArumens dont il fe fcrvoit ordinairement , ne faifoient plu? d'imprcfrion fur fon corps. Ce fut ce qui le dé- termina a prendre une difcipline de cuir , hcrif» fée de pointes de fer , qu'il portoit par-tout n alloit. Quand la bicnfcancc ne lui pcrmcttoit pas de fe flngcller , il fe frappoit fur les jambes & les cuiflfes , fur la tète & le coû. Il avoir le% jtmbes , les cuiffes & les bras ferrés dans des perdes de fer. Soo corps étoit au ccmmcrce*

ment

bE l'Histoire EcClesiastiquï. i^

4nent tout livide & enfangidntc -, il devint dani la fuite noir comme celui d'un Nègre. De fi afFreK> fes auftérités ne l'empèchéreat pas de parvenir à une extrême vieillelTe.

A l'exemple de ce pénitent û extraordinaire l'ufage de la difcipUne s'établit tellement dans le pays il étoit , que non -feulement les hom- mes , mais les femmes Nobles vouloient fe la donner. Au lieu d'inventer de nouveaux moyens de fe mortifier , qui pouvoient être fujets à de grands inconvéniens ; que n'employoit -on , ( dit Fleuri ) ceux dont on s'étoit fervi dans les beaux fiécles de l'Eglife, & que ne marchoit-on fur le» traces des Anciens , qui fçavoient allier le pluf grand zèle pour les intérêts de Dieu offenfé paç le péché , avec la plus parfaite difciétion \

7om, ÎU S

É L É M E N S

D E VIIISTOIRL ECCLÉSIASTIQUE.

DOUZlÉiME SIÈCLE. « *

Prcwicre CTOifcdc.

J_ES pcicrinagesà la Terre-fainte«o»«nt devenu* frcqucns , depuis que la Crcix avoir «.u trouvée

& les Lieux faints réublis fous l'empire de Cn- p.anùn. On y venolt de toute la Circtiencé , des Caules morne, d'Efpagpe^ & des Provinces lis plus reculées. Ces pieux voyagjét Te firent avec rareté pendant trois ceais ans, aral^w: la chute de l'Eir. pire d'Occident; parce que les. Kovaumes qui fe forme rent des dcbrisde ce vafle édifice , dcmeuré- *cnt Chrétiens fit peuplés de Romains , quoique affujettis à des Barbares. Mais les chofe^ chdngc-

rent de face par les conructes des Arabes Muful-

tnans, que la Rel gion, la Lingue fie les mtrurs fcpa' «oicat de tous les peuples qui profctToicnc le Chriftiaaiûr.e.

E'rMENS DE l'HiST. tcCLÉSlAST. 17 Les princes Mahométans , maîtres de la Paledi- le , cxerçoicnt de ttms-en-teirs une tyrannie hor- ible fur les Chrciicns de cette province, confi- Tce par la vie 8c par !a mon de l'Homtne-Dieu. -Eglife gémifi'oit de les voir en pcffelTion des ^.ieux-faints , qu'ils profanoient parleurs impie» es. Un prctre Françnis ^ nommé Pierre VHirmite , le put entendre fans indignation le récit des mai'X ^ue les Chrétiens fou.Troient. La dévotion Taj-an: tondait dans la Paleftine, il en fiit lui-même tc- noin , & il réfolut dès-lors de brifer leurs fers. Son zèle s'enf.amma. Petit .mal -fa.:, il cachoit fous une fgure peu agréable le cœur d'un Hé- los. 11 part de la Pnicftine avec des Ictres du Pa- triarche de Jérufslem , dans le den"ein d'engager le Pape & les P:inces Chrétiens a entreprendre uns guerre fainte contre les Infidèles.

Le pïpe Grt'goirc VII avoir dijà imaginé une ligue ces Princes Chrétiens contre les Ma'.iomé- tans qui menaçoient Ccnilantinople. II ' iiroît de fe mettre à la lête <le l'armée , pour délivrer le ScpulchredcJ C. : mais il propofd feulement cette «ntreprife plus facile a projetter qu'à exécuter , Ilcraig,noit d'ailleurs , que l'empereur //«nr//^, qu n'y vouloit pas entrer, lie profitât de fon abfencc pour étendre tes droits fur rEglife,

Urbain II, qui étoit fur la chaire de S. P'éht lorfque Picne i'iitrmitc arriva a Rome , n'a voie pas les mêmes craintes que Grë^^in /'//. II ctoît ptcf^ue maitreen Italie, & il fçavyit que rr.mp«-

Uij

iS E L E M E N s

reur ^toît aflez occupé par les troubles qui dtvî- tfbient rAUcmagne.

Il écouta favorablement Pierre rHcrmUe , & chercha les moyens de faire-rcunîr Ton deilein. Après avoir aflcmblc un Concile à Plaifance , il vint en France , & en convoqua un aucreàCier» mont en Auvergne l'an loçj. Cette afiemblee étolc compofce de prefquc tous les Cardinaux , de plus de deux cens Evcqucs , & d'un nombre infini d'£c- clefiaAiques d'icalie & de France. Il y parla avec éloquence du généreux dcficin de Pierre /'Hermitf qui fut envoyé dans les difi'crens Royaumes de l'Europe , peur animer le zcle des Princes Se des peuples. Les exhortations du Pontite 8c de l'Hermite eurent le plus heureux cfTct : un nombre prodigieux de Chrtiiens s'engagèrent par ferment à pafler dans la Palelliae , pour la tirer des mains des Turcs &c des Sarrafins. Cette guerre fut nomroce /a Crvlfade , parce que ceux qui la faifoient , portoient une Croix rouge fur leurs ha* bks.

Godefrçi de BouUlott , le prince le plus cou- rageux de foo tems , fut le Chef de cette multi} cude , qui ^uroit pu cbranler les troncs de l'A* f)C mais qu; ne connoifibit malheureufement ni ordre , ni difcipl.nc. L'armcc des Croifés , compo- ^c uc VoiuiU4ires de diftcrenies notions, n'at- ÉCndit pak d être fur les terres des Infidèles pour eomoieiire ùe» hoailitcs. Lefprit de brigandage v^oi anunoil plupaii,lçs poru uop fouvcfti à

iDï Ll^IStOlRE ÈCCLESIA5TI<iUE. i^ piWet les peuples qui étoient fur leur paffage. Ré- duits j prendre des guides fur les lieux , c'eft-à. dire , ( dit Flatri , ) à le mettre a la merci liur» ennemis , ils s'afFoiblirent dans leur route. Cepen- dant Godifroi Aq Douillùti «toit ( d'.t-on ) à la tête de trois ceni* mille honimes , Icrfqu'il entra dans la Syrie. Il battit les Infidèles quelque-tems après. Nicée& Aniioche furent les premières villes dont ils fe rendirent les maîtres. Leurs premiers fuc- cès leur ouvrirent le chemin de J^rufalem , la capitale de la Paltftine 6c la cité fainte. Après quelques mois d'un ûigc opiniâtre , cette ville fut prife d'affaut en 1099 » ^ ^^^ habitans mafficrés , fans diftmdlion d'âge ni de fexe: le carnage fut fi horrible , que des ruiffeaux de fang couloient dans toutes les rues.

Gode/roi de BouiUon ayant conquis Jérufalem,' fut nommé , du commun confentement de tous les princes , pour la gouverner en Roi : mais il ne voulut jamais porter une couronne d'or dans une ville Jésus - Christ avoir été couronné d'é- pines. On ne lui donna que le titre de Duc. Il défit bientôt-après le Soudan d'Egypte , qui ve- noit pour fecourir Jérufalem,& lui tua ( dit on ) près de cent mille hommes à la bataille d'Afca- lon. Cette viftoire termina hcureufenient la pre-. miére croifade.

Les Croifcs retournèrent à Jérufalem , & la plu- part s'embarquèrent pour l'Europe. Godcfroi re^a çrefque feul ; & quoiqu'il fût défendu que pai^

E L E M E N S U renomrnîe.il ne lallTa pas de reculer les fron- ticres de fon état. II fe renc.it maitre de toute la Galiîée , fortifia Joppé ôt obligea les Rois Ara» b;$ (es voiims à lui demanier la paix.

Ccrft/fc/ , accable fous le poids des travaux de la gv.erre & des follicitudes du commandement , mourut à Jérufalem en iioo, la qSraniicme an- nce de fon âge, & la pKii.ictc ce fm icg,r.e. Jamais , ( dit l'Abbé de Ch^ifi, ) l'antiquité fabuleufe n'ima^ifla un Héros auflî paifaic que la vcrlté (!e riîaloirc nousrepriifcnte Gudcfioi de B^ui/Ln, Il avoit une force au-de(ius de l'ordinaire , avec une Hgure aijnable & délicate, un pott nujeilucux , des manières oobles , ua efprit iniînuant ,.un carac» tére doux & privcnant. S'il fat peu verfc dani les fcicnces humaines , il fut en revanche vaillant , libéral, magnifique , vertueux fans bypociifie & fans fjibleffe. Quoiqu'il fut illufirc par fa naif» fance , il dut en partie fon élévation à fon mé- rite -, & fi les autres Chefs des Croifés lui avoient rclTcraMj, il cft à croire qu'une cntrcprifc icf- peâ>ib!c par fon objet , ii'auroit pas été trop fou» vent , par l'ambition inquietie des généraux & les JJrci^Iemcns des foldats , un fpc^Ude plus ùa.' ^ulier qu'édifiant.

Seconde Crcifade»

Cûicfroi de BouiUon étant mort , la divinon fe mit parmi Ijs Princes qui i'a\oient fuivi dans la PalcAinc , Se qui tous voulolc-t fuccidcr a fa puif-

DE l'Histoire Ecclésiastique. fH

ùace , fans avoir fes talons. Les Ih.'idcles profi-»- térenc de cette dcfunion pour reprendre les vil- les qu'on avoit conquifes fur eux. Baudouin , fuc> cefTeur de fon frère Gcdefroi ,{at fait prifonnier aifez près de Jerufalcm par un prJnctTurc. L'E- tat d'EdelTe , qu'on avoit fonti; après les premié- tes conquêtes fur les Mahomctans , fut détruit en^ 1140. Celui d'Antioche, fondé à- peu -près vers la r.iême tems , avoit beaucoup de peine à fe fou- tenir. Les Turcs étoient toujours nîaitrcs de Da- mas , de quelques autres phces des environs , d'une grande partie d; la Paleftir.e».

L'Empire de Cocflantinople ctoit gouverné pa*^ les Cuwnèm^, qui ttaltoient les Croii'cs moins en amis , qu'en politiques allarmcs de cette multitude prodigicufe : iis çraignoieoc que, fous prétexte de les dt:fendre contre les Turcs , les ennemis com- muns du ChriQianifme , oa ne fongeâc à les ac- cabler eux-mêmes ,& a fe rendre maitrss de leur Empire^

Ainfi les Chrétiens , menacés par les Infidèles ," & mal-foutenus pir des amis perfides , pouvoiene au moindre revers être nonfeuiem?nt dcpoffé- dés , mais maiTacrcs. C'eft ce qui engagea à fol- licitcr une nouvelle croifade , dont Engine UI Se S. Bernard furent les principaux promoteurs. Ce patriarche d'un Ordre nouvellement fondé , per« fuada d'abord LluIs \e jeune ,xo\ de France. 11 fal- lut enfuite exciter le zèle des feigncurs S: du peu- ple. Ob drefl'a un échafliaud en pleine campagne ,

Biv

52.' E L E M E N 5

i Vezelaî en Bourgogne, fur lequel l'humble Cé- nobite parut avec le Roi. Il prêcha avec tant de fuccès,que tout le monde voulut être Croifé. Quoi- qu'il eût fait une grande provifion de Croix , '1 fut oblige de mettre fon habit en pièces , pour fupplcer à Ictoffe qui manquoit. L'enthoulîarme fue foo éloquence infpira, fut û véhément , que S. Bernard écrivit au pape Eugène : •• Vous avez or- »» donné, j'ai obéi, âc vo:re autorité a rendu mot» w obéifTance fru^ueufe. Les villes &les châteaux » deviennent déferts, & l'on voit par*tout des veu- »» ves dont les maris font vivans. »» On voulut charger le prédicateur de la Croifade , d'en co'e le chef i mais , foit humilité , foit horreur pour le tumulte des armes , il refufa une dignité dange- »eufe & pénible , que l'hermite Pierre n'avoir pas craint d'accepter. De France il pada en Allema- gne , détermina l'empereur Conrad III à prendre la Croix , & promit de la part de Dieu les plus grands fuccès. On marcha de tous les côtes de l'Eu* rope vers lAûe , & on envoya une quenouille & un fufeau a tous les Princes qui refufoicnc de s'engager dans cette entreprifc. L'empereur Cun- rad III ^ & Louis le jeune roi de France, fe mi- rent a la tcte des Croifcs. Leur nombre étoit pref- que innombrable. L'Empereur s'étant enfonce im- prudemment dans des dcfcrts de l'Afie mineure y £ut battu par le Sultan d'Kone, & réduit à fc fju- ,vcr pluiùc en pclcrin qu'en général d'armce. l-uuit le jcunt f aoa moins malheureux «Jl aoB

ôE l'Histoire Ecclésiastique. \

moins imprudent, perdit la plus grande partie de fon armée vers Laodicce de Syrie en 1149. Ar- rive avec fa femme EUonorc de Guiînnc à Antio^ ehe, il revint en France avec une fuite peu nom- breufe. S. Bernard avoit annoncé les plus grand» fuccès ; il eut beaucoup de reproches à effuyer, »près des revers fi funeftes. Mais l'ambition , l'ia- temp^-rance , la cruauté & les déréglemeos des Croifés , plus foigneux d'établir leur fortune que de fervir la Religion , pouvoient-ils ne pas rendra fauffes fes prophéties ?

La plupart des Croifcs s'étoient engagés dan» cette expédition par des vues humaines : les uns , pour éviter le reproche de lâcheté: les autres, pour échapper aux pourfuites de leurs créanciers, Plufieurs Moines, ennuyés de leur état , fortirent du cloitre , & prirent la croix des guerriers , en abandonnant la croix de mortification qu'ilsavoient promis de porter. Les bandits mcm; & les fcélé- tatt fe flatioicnt d'expier leurs crimes par la guerre fain'e : mais , en changeant de climat, ils ne chan^^irent pas de mœurs -, & l'on eut fouvent à gémir, que des armées ralTcmblées par le zèle, fufi'jiu déshonorées par l'indifcipline , l'avarice ÔÇ dé'iglcment.

Tro'ifitms Cro'ifude,

Un conquérant redoutable s'élevoir alors e* ©•■•cnt : SaUdin , toudan d'Egypts , qui avoic toue k^ [ai«ns d'uo guerrier ôc toiuçsles vertus d'iiQ!

J4' E L Z M E s s

fouvcrain. Après avoir conquis la Syrie , l'Arabie , li Perfe , la Mcfoporamie , il marcha ver» Jtrufa- lem, Gui de Lujïgnan rcgnoit alors. Raimoni de Tripoli , arricrc-pctit-fîli de Ralm^ni comte de Touloufe, portoit envie à Lu/^nj/j. Sal dln finf" truit des difpo'ltions da comte de Tripoli , lui pro- rait fecreitemenc le trône de Jérufalem , pourvu qu'il embraffàt le Mahométifmc.

Une aiibition eftrénéa lui fît-fncriner fa Reli- gion -, il promit tout , & pour trahir plus fùremcnt Gui de Lu/î^njn , il fe joignit avec Tes troupes. La bataille s'engagea en 1 1S7 auprès de Tibîriade. Seladin remporta la viiloire; Lufi^mn fiit fait pri- fonnier ila piupirt des princes & des fe.gneurs qui l'avoient fécondé, furent ruc5. Il n'y eut que le ccmte de Tripoli qui ne fe battit point , 8c qui fe »«tira avec fes troupes dans fon petit état, après avoir contribué , par les avis fecrets donnes à Sa» Ud'n , à la perte de la bataille.

Le vainqueur marcha ve^s Jcrufaîcm , qui fe rendit au bout de dix jours, iModérc dans fon triomphe; 11 traita la reine femme de L'fignan , & les princefTes fes filles , avec beaucoup de refpeû, & lui fit-efpérer la liberté du roi fon mari , ir.oyen- nant une rançon médiocre. L'ayant renvoyé avec «ne cfcorte à Afcalon , il lui permit d'emporter tous les mîubles du palais , fans vouloir que fes •fficiers vlfitafiTent les chariots qu'il lui avolt fait- donncr. Toutes les filles , toutes les femmes de Je- wfalcm fuivoient lu Reine en troupes, tenant les

DE l'Histoire Ecclésiastique. 37

•nfarsparla main, & jettant des cris qui aiten- drirent 5j/jJ/»r. Il leur fit-demander pourquoi cllcs- pleuroient fi amèrement ? Seigneur , lui répondit une d'entr'elles , nous avens tout perdu ^ mais vous pouvei nous confoler par une parole. Rtnde\-nous nos pères , rendei^nous nos maris oui languijfent dans vos prifons : ncus vous abandonnons tout le refie ; ils au- ront foin de nous , & notre Dieu nourrira nos enfans , Il nourrit bien les olfeaux du Ciel, Ce Pnnce , qui n'avoit rien de barbare , ordonna dans le momenc qu'on cherchât parmi les prifonniers tous ceux qu'elles rédameroient , & leur fit à toutes des pré» fens , à chacune félon fa condition. Il tît enfuite fon entrée dans Jerufaldn , fuivi du roi Gui de Luf:gnai , des principaux feigneurs , fc de 20,000 captifs qu'il envoya à Damas. Il changea dabord le Temple de Salomon en mofquée ; mais il refpefta le fépulchre de Jésus -CnaiST qu'il honoroit co-n- me un grand Prophète : & peut-être qu'il y eut dans cette modération un peu de politique , &qu'il craignoit de perdre les offrandes des Pilerins. La feule chofe qu'il exigea des vaincus , fut qu'ils lavaffent de leurs propres mains , avec de l'eau rofc , les mofquées qu'on avoir converties en Eglifcs. Il ne reftolt alors aux Chréticnçd'Afie que les villes d'Antioche , de Jopps 5c de Tyr. Tout le refte obéifibit à Saladin ,ou à fon gendre le Sul- tan d'Icorium.

La teneur des armes de ce coaquérznt , jetra mUrmc dans toute l'Europe. Le pape mit en mou»-

B. -■;

56 E L E M E N S"

vement la France , l'Angleterre & l'Allemagne:. L'empereur Frcdtnc Burtiroijjt reçut la croix daas. une dietce générale , tenue en iiSS a Ma^ence. Il pafTa en AHe avec une arnitie nombreuie âc florir- iante. Iltraverfa la Bulgarie, il tut fou vent obligé de s'ouvrir le pafTage i'epée à la m^iu II trouva auni beaucoup de rcfi(lance fur les terres de l'Empereuc de Conltïntinople, Ij'djc i'.4nge, qui lui avoii néan» moins promis la liberté du paffage -, mais il s'ima* gîna, que Frédéric venolt dans ledeffein de le dé« pouiller de l'Empire , & de faire fon fils Frédtrlc duc de Souabc, Empereur de Ccnftantincple. L'em- pereur Frédéric fe voyant aînfi trompé par //«ac, fit du dcgàt fur les terres , 5c prit Philippopolis ; il alla enfuite à Andrinople, paffa l'an 1190 le dé- troit des Dardanelles, & entra fur les terres du Sultan d'Iconinm. Qiolque ce prince eut promis pafTage a l'empereur FrcdcrU , il ne laiiTa pas de le feire>attaqucr^an$ les défilés des montagnes; mais l'Empereur battit deux fuis les Turcs , enfuite af» fiégea le Sultan dans Iconium fa capitale , qu'il prit d'affaut. Il faifoit-efpcrer la conquête de la Terre- ùinxe, iorfqu'il mourut fubitement en 1 190, pour s'être b^i^nc tout en fueur dans une rivière dont feau ctoit extrêmement froide.

Son fil* 6c fon fuccc(Teur , Frédéric duc de Soua- be , vouLnt reparer la perte que la Chrétienté TCQoit de falcc , fe retira à Antioche , fuivi de fcpc à huit mille hommes, qui lui relloieiu de l'ar-- ■ce. de foa pcrc. Il joit^nic fei troupes à cellçs de

M L*HiSTOiRE Ecclésiastique, ^j

Cui de Lujlenjn ; mais fes armes ne furent point heureufes , & il fut emporte en 1 190 près de Pto- lémaide , par la même maladie qui fit-périr tant d'Allemands , dans un pays il ÉiUoit combattr© l'air » le climat & les Sarrafms.

Quatrième Croïfade»

Les Croifés étoient menacés des plus grand» nalheuf s , lorfque PhUippe-Aueufii , roi de France , & Richard Cacur-di-LLn , roi d'Angleterre , fe croi- ferent.en 1190 , & arrivèrent par mer en Palefti- ne. Ils avoient entrepris ce voyage avec plus de iàgelTe que les Croifés qui les avoient précédés. Ss ordonnèrent , chacun dans leurs états , que ceux qui ne fe croiferolent pas, payeroient la dîme de leurs revenus & de leurs b ens. C'eft ce qu'oo- appella la dimc SaUdine. Avec ces fecours , ils pou» voient efpérer des fuccès. En arrivant, ils mirent le fiéfte dev-jnt Ptoltmaidc. Cette vilie , a(ris;gce par mer & par terre , par une armée de près de troif cents mille combatiuns, fut emportée & re- mife au pouvo-r des Chrétiens. Mais la rivalité de gloire entre Philippe & Rtchjrd^ Se la méfmtel- lîg'race entre les o«ficier.- lubalternes , ayant mis b divillon p irmi les Croifés , le Roi de France fut •bligé de rttourner dans fon royaume, avec peu de gloire & encore moins d'arç^enr.

Le Roi d'Ang'eterre, demeuré feu! d.ms Is Pa» leftine en 1191 , attaqua SiiUdin , qui revenoit vie* jKuieux de la Mcfogotamie« Les deux héros coib*

3^ E L t M E N s

battirent près Je Céfarje, l'un contre l'autre, com- me deux chevaliers en champcloi. Richard Tenverfz SaUdin, Cet avantage & quelques autres n'empê- chcrert point que les maladies 6c les fjtigucs a'af- foibliffcnt fon armée. La ferveur des Croifcs s'é» tant refroidie , RUhaii fut oblige de conclure une trêve avec Sa'adin , qui n'eut pas de peine à per- mettre le pèlerinage des faints-lieux. Il retourna en Angleterre fur un feul vaifTcau , qui fit-nau- frage fur les cotes de Venifc. Obligé de traverfer , dcguifé , les terres de Léopdd duc d'Autriche, il fut faitprifonnicr par ce prince , qui lui fit -ache- ter chèrement fa liberté -, & ce fut tout le fruit que recueillit de fes fucccs en Aiie , le héros de la quatrième Croifade.

L'ctat des Chrétiens en Orient , abandonnes par tous les Princes Occidentaux, paroi (Toit fefpé» , lorfque Saladln mourut en 1191. Il laiffa plu- fieurs enfans , qui nartagcrent entr'eux fcs états. Une puiiTance aiiifi riivifte croit moins redouta- ble , & fi les Croifcs, au lieu de foupirer vers l'Eu* rope, étoient reftcs à Jcrufalem , il eft à croire qti'ils auroient eu enfin des fucccs décides.

Sa'adin en mourant fit un teftanient , qui ordon- nolt des aumônes pour les pauvres Chrétiens « Juifs 3c Mufulmans fans difiinflion. Pour irontrer la vanité des grandeurs humaines , il fit-portcr dans les rues de Damas fon fuaire en puife d'ctcndird. Un héraut avoit ordre de march<»r devant , & dfe cficr : yvUd t^ut ce ;«i rtflt du grand iiAX.ÂJHH , U

DE L rllSTOIuE ECCLESIASTIQUE. 39

^. ! quirant dt l'Àj'.e\ Tous les Hiftoriens Ecclcfiafii- qucs , (entr'autres Fleuri & Choi/t , ) ont rendu juf- tice à fa modirntlon , à fon humanité 5i à fa po- litefle. Mais le zèle qu'il avoit pour fa Religion , le rendit quelquefois très-rigoureux à l'égard des Chrétiens qui l'avoient publiquement rnéprifée. C'eft en partie ce qui occafionna la mort de Re- naud de Châtillvn , dont il abbatit la tête d'un coup de fabre. Il offrit la vie à ce feigneur François s'il vouloir embralTer le Mahomctifme -, mais Chl- ùllon aima mieux mourir, que de fe fouiller par une lâche apodafiç.

Nouvelles D'ifputes au fujet des Invcjïltures,

Les invcftitures que les Princes donnoient aux Evoques par la croffe & par l'anneau , furent le fujet des plus vives difputes dans ce fiécle, com- me d^ns le précédent. Le pape Uihaln // les con- damna en 1C9J au Concile de Clermont , com- me une ufurpatioa de la puifiance temporelle fur la fpiritueilc ,& quelques autres Conciles fuivirent fon exemple. Pafchal II, dans un Concile tenu à Guaftalle en iioj, renouvella les févéres décrets de fes prédécelTeurs contre les inveftitures -, & les anathomes qu'il prononça contre ceux qui viole- roient ces décrets , le brouillèrent avec Ilcr.ri V, empereur d'Allemagne.

Ce prince avoit tous les défauts de fon pcrs , fans en avoir les vertus. La foif de régner lui avoi *. infpiré quelques ménagemcns pour les Papes j mab

^ EtEMENi^

dès qu'il fut paifible pofTeiïeur de l'Empire, il 60 foutiur les droits avec la plus grande chaleur. Pa/- ehai II tut oblige de fe fauver en France .^jMOur fo fouftraire a fa vengeance : le Roi Philippe, ti Louis le Gros fon fils , le reçurent avec l'honneur qu« méritoit le vicaire de J. C. Henri V \t voyant pro- tège par le Roi de France , chercha des moyen» de conciliation. 11 y eut , a la fin de 1 1 1 3 , ou au commencement de 1 1 14, un traite, par lequel l'Etn» pereur promettoit de renoncer par écrit à toutes les inveftitures des Egitfes entre les maint du Pape , après que !e Pontife auroit abandonné fes droits furies Régales.

Suiu des difputes de Henri V^v^t Pafclial IT..

Cet accord ne fubûfta point. La renonciation aux Régales, c'eft-à-dire, aux domaines que les Evê- ques avoient reçus des Rois & des Empereurs , déplut aux Evéques Allemands ,qui , jouiH'ant pai> Cblement de leurs feigneuries & des droits qui y ctoient attachés , ne vouloient pas s'en dépouil- ler. Hinri /''ttoit pour lors à Rome, il vou- loit être courorné de la main du Pape. Les affai- res s'étaai brouillées , & le Pape ayant refufé de lui mettre la couronne impériale fur la tète, l'Em- pereur le hi-arrcceravec pluficurs Ordinaux. Cette ▼iolence irrita tellement le peuple Romain , qu'il maiïacra fan* j-itic tout ce qui fe trouva dans R^nr d'Allemands fans dcfcnfe, Htnri mcmç y coirur tifque de la vic«

DE l'Histoire Ecclésiastique. 41

Cependant les Romains , allarmës de voir le Pontife 5c une parue du facré collège entre les mains de leur eniiemi , demandèrent envain du fe- cours aux Princes voifins. Pafchal 11 ne fortit de la captivité lui & les Cardinaux étoient dé- tenus , qu'en accordant à Henri le privilège des in- veftitures par la croffe & par l'anneau , & en le couronnant Empereur.

Dès que ce prince eut quitte Rome , les Car- dinaux , délivrés d'un maître impérieux , calTé- rcnt l'accommodement que le Pape avoit fai: avec lut. Pafchdl refufa long-tems d'à dhèrer à leur dé- ciflon i mais enfin , dans un Co^.'nle tenu à Rome , il révoqua folemnellement le privilège qu'il avolc accordé , 5c défendit de s'en fervir fous peine d'a- nathême.

Henri ayant appris que Paoe avoit violé traité, repaffe en Italie a la tète d'une armée, 5c Ce rend maître de Rome. Il demande une féconde fois la couronne Impériale -, le Pape prend la fuite, & Henri fe faitcouronner par un prélat dévoué à fes partions : c'ètoit le *'ameux Ma-srice Bouriin » archevêque de Brague, l'ennemi perfonnel de Paf- thai II , qui lui avoit ret'ufè les bulles de l'arche- vcchc de Tolède. Dès que la cérémonie du cou- ronnement fut faite, l'Empereur quitta Rome-, & le Pape tre fut pas plutôt rentré , qu'il y mourut en iiiS, après dix -huit ans d'un pontificat ora.*

4P

4^ E L E M E N s

Les D'ifpuus corj'inuent fous Gclafe II fi»' Cali.vte II.

Le fucceiTeur de Pjjchal II fut le cardinal Ca- jétjn , qui prit le litre de Gîlaf^ II ; il foutint les prétentions de fes prédcccffcurs , & fut chaffc de Rome & contraint de fe réfugier en France, afyle ordinaire des f ontifes pcrfécutcs. L'Empereur pro- fita de fa fuite pour faire - élire rarchevêque Bragiie, q.ii prit le nom de GrêgJe ^III ; mais cet Ant pape ne jouit pas long tems du fruit de Tes intrigues. Gcljfe II crant mort en 1119 dans l'ab- baye de Cluni , Calixte II , fon fuccefleur , fc- condi par les Princes Normands , rci);neurs de la PoulUe 6c de la Calabre , invertit le fjux - pontife dans la ville de Sutri il s'ctoit réfugié. Les ci- toyens le livrèrent au Pape , qui le fit-enfermer pour !c rcfle de fes jours dans un monaftcre.

Les fauteurs de l'Antipape ayant et j obliges de reconnoitre le fouverain Pontife , le parti de l'Em» pereur s'afToiblit chaque jour en Italie. CjUxu en- voya un Icgat en Alloraagoe , qui difpofa beau* coup de Princes à le foutenir à main-armée. Ua différend de Religion alloit ctre termine par la voie des armes, lorfque H<nri V ^ qui c/algnoit le fort de fon pcre , jugea a-propos de »'accommo- der avec le Pape. Par ce traite, conclu en iizi, les cleclions des Evèques & des Abbcs dévoient fe faire en d prcfence , fans violence 5i fjoi C\- nonie ; l'élu devoir recevoir de lui les Régales par le fceptrc , «3c lui rendre icf devoirs qui lui cioieoc

DE l'IIistoirt Ecclésiastique. 4^ dus. De (on coté , rtmpereur remettoir à l'tglife & au pipe Ca'ixtc //toute Inveftiturc par l'anneaa & par la crofTe , & accordoic ai:X Egîifcs de fes états les cicftions libres Se canoni.jucs.

Ainfi fai termlncc la longue querelle des invcf- titures, qui, à la bien prendre, ( di' M. de Mcrz- tig,ni , ) n'étoit qu'une dfpute de mots & une vriie queQio.i de nom. Il ne s'ùgiiToic dans tout ce dé- mêlé , que de la ccrcmonie de la croiîe 6c de l'anneaa, que les Papes ne vouloient abolir, que parce qu'ils la regardolent comme les fignes delà puifTance fpirituelle. L'accommodement n'eut pas été recardé fi long - tems , fi les deux Henris , à l'exemple des Rois de France Gc d'Angleterre , euf- fent abanJonni ce:te ccrcmonic .qui n'entre poor rien dans l'cffentiel de l'invcfl'turc. En l'aboliirant, l'Empereur ne pîtdit rien d'cfTcclif, Les élus ne relcvoientpas moins de lui , lorfqu'ils cioieift in- veftis pir le fieptre , qu'ils en dépendoient , quand ils rétoient par Ij crolTe. D'ailleurs les cle«îtions dtvant fe faire en fa préfcnce, S: i'tlu-ctant obli^jé de 's'acquitter de tout ce qu'il devoit au prince, en vertu de l'inveftlture des Rcgiles qu'U avolt reçue , on confervolt aux Empereurs le droit dont i!s étoient en poîTcfTion , d'exiger des Eve* CjUes l'hommage & le ferment de fidcilté.

Le Pape retira un avantage réel de fon accom- la idemcnt avec Ihnri. 11 rc:ablit U liberté des élec- tions dans l'Eg'if; , f4 particulièrement en Italie & i R.ome. Les Empereurs , depuis cette époque in-

'44 £ L E M E N S

téreflante , ne Ce font guéres raclés de faire les Pa- pes , & les Pontifes Romains commencèrent à jouir tranquillement de cette puiffance fouveraiae , qu'on leur contefloit quelquefois, & que tous les Priar ces refpecleat aujourd'hui.

/" Concile de Latran.

Pour donner plus de poids à cet accommode- ment , il fut rcfolu qu'on aûcmbleroit un Concile- géi oral à Rome. On le ctlcbra au commencement du Carême de l'an iii}i on y compta plus de trois cents Evoques. L'Empereur y envoya fes am- balTadcurs , & il fut conclu que dorénavant les ëleâions feroient libres , & que l'inveftiture de» fîefs ecciéCaftiques fe feroit parle bâton & parle fceptre. On fit dans cette même afTenibléc , con- nue fous le nom de IX' Concilc-genéral , premier de Latran , divers réglemeos qui regardoient la dif- cipline de l'Eglife.

On défendit aux Abbés & aux Moines , d'ad- DiiniArer publiquement la pénitence , de viiîter les maUdes , de faire les onctions, & de chanter des MclTis publiques. Pendant la tenue de ce Concile, les Evoques fe plaignirent fortement des Moines , en difant : » Il ne leur reAe qu'à nous n ôter la crofTe & l'anneau : ils poflTédent les Eglt- »• fes , les terres , les châteaux , les dîmes, les •I oblations des vivans & des morts. •• Le Concile •rdonna à ce jx qui avoient mis des croix fur leurs lubits pour le voyage de JcruTalem ou d'Efpa^as ^

DE l'Histoire Ecclésiastique,

6c qiii les avoient quittées , de les reprendre , fous peine d'excommunication.

Cj/;.r/c , ayant terminé les différends qui dcchi- roient l'Eglife & l'Empire, mourut peu de tcms après en 1124. Ce Pontife réunilToit en lui les vertus cpifcopales , le fçavoir & le zèle. L'Empe- pereur le fuivit de près j il finit fa carrière ora- geufe en 1 1 2 5 , laifTaot une réputation équivoque & très-peu de regrets. Il ne fentit que fur la fin de fes jours , la différence que fçavent mettre les hommes entre un Roi fage , humain , généreux , équitable , & un maître dur, hautain, avare & ia ju({e. L'image de fon horrible cruauté envers foa père , étoit fans ceffe préfente à fon efprit , & em- poifonnoit tous les momens de fa vie.

Schïfme après fcleéllon t/lnnocent.'

Honorius ou Honoré II , qui fut revêtu du fou- Terain pontificat après CjUxte II , ne fut connu que par la courte guerre qu'il eut contre Roger comte de Sicile , devenu héritier de GuUlaumt duc de la Pouille & de la Calabre. Il fut enlevé à !'£• glife en 11 30.

Après la mort de ce Pontife , les cardinaux fe diviférent •, les uns élurent le cardinal Grégoire ^ qui prit le titre Innocent II; les autres donnèrent leurs voix au cardinal Pierre de Léon . fils d'un riche citoyen Romain, qui fe fit-nommer Anadet II, Les richeffes de celui-ci & celles de fon père lu; gagnèrent le peuple. Le pape //invccnf 1 afTiégé daa«

46 E L E M E N s

fon pala'is, fut contraint d'implorer la prote£lion de Louis le Gros roi de France, qui lui donna un afyle. Le taux-pape profita de fon ûbfcnce pour fe faire reconnoitre comme véritable paûeur pat toute l'Italie.

Cependant S. Bemj'd , dont l'éloquence tc les vertus augmentoient chaque jour le crédit , fe dé- clara pour hmant , & liu fit beaucoup de pjrti- fans. Il cc;ivoit de tous côtés pour détacher d'.<- naclit ceux qui lui étolent favorables. C'eft avec n iiiftice, (di("oit-il , ) que l'E^life reçoit celui n dont la réputation cil plus encicre Se l'élection » plus légitime , par le nombre & le mérite de ceux qui l'ont faite. « Dans une autre Lettre il parloit a'uifi d; l'antipape Anadet. <■<■ L'clcûioa <t dont il fe vante n'a que l'apparence d'une clcc- it tion canonique En effet , c'cft une maxime conf- tante dans rEj;life , qu'après une première clec» M tion , il ne peut y en avoir une féconde. Sufi- » pofé dore qu'il eût manqué quelque fomialicc V à la première, falloit-il procéder à une autre n élection, fans avoir auparavant examine la pre» »» miére , & l'avoir cafiée juridiquement ? Au refte M Dieu a juge ce différend, & il ne faut que des n yeux pour connoitre ce jugement. Il a été re- M connu & approuve par les F.vcqucs les plas n re''pc£ljbles de rEglifc. Leur lainteté rH révé- r> rée de leurs ennemis ircmes , & nous n'avons >• pu nous diipenfer de nsirther a leur fuite, rtiUs n qui cur fonuatt riiQfiertcuxk par le rang & par )e n mente. >•

DE L*HlSTOIRE ECCLESIASTIQUE. AJ L'empereur Lothjlre, favorable a Innocent . rélblut de le faire reconnoitre à Rome ; il pafTa les Alpes avec le Pontife , qui étoit accompagne de 51. D:r' nard. Les Romains le reçurent avec joie, & l'Em* pereur donm du poids à cet accueil favorable , en recevant la couronne impériale de fes mains dans l'Eglife i&S. Jem de Latran.

Mais à peine Loth.iire fut-il parti , qu'^njc/^r, fécondé par Rcger roi de Sicile, chaffa une féconde fois de Rome7/i/jo«/jr //, qui fe réfugia dans Pife. L'Empereur ayant appris cette nouvelle , repafTa les Alpes & rétablit le Pape fur fon fiége. Anaclet en mourut de défefpoir , au commencement de l'annce 1138, après avoir porté le nom de Pape pendant près de huit ans. Les Cardinaux de fon parti élurent pour tenir fa place Grégoire , prêrre- cardinal , qu'ils nommèrent Viclor : mais deux mois après , il alla fe jetter aux pieds du pape Inm^cent , & les clercs fchifmatiques fui virent fon exemple. Alors Innocent reprit l'autorité toute entière à Ro- me. Oi fit par-rout des procefTions folemnelles i le peup'e quitta les armes , pour venir écouter la parole •<' Dieu. Le Pape rétablit le fervice des Eglifes, & en répara les ruines : il rappella les exilés. Se repeupla les colonies déferres.

II* Concile de Latran ; Pierre de Bruis & Arnaud de Erejfe.

Pour éteindre entièrement le fchi'me donr cet Amipape avoii affligé l'Eglife , Innoctn: aflembla Je

'4^ E L E M E N s

fécond Concile de Latraa en 1 139. Il futcompotô de près de mille Evcqucs , ravis de voir toute' l'Eglife réunie fous les yeux du Vicaire de J. C, Un Auteur de ce teros-là , rapportant la harangue qu'y fit le Pape , lui fait-dire tntr'autres chofcs: «» Vous fçavez que Rome eft la capitale du mon- tt de ; que l'on reçoit les dignités ecdéfiadiques ft par la permifTion du Pontife Romain , comme par droit de fief, &: qu'on ne peut les pofléder lé- ft gicimcment fans fa permilTion. >< Jufques ici oa n'avoit point vu cette coinparaifon des dignités ccclcùadiques avec les fiefs, qui font en effet d'une nature toute différente.

Le Concile fit trente Canons, qui font prefque les mêmes que ceux d'un Concile de Rhcims tenu tn 1131 : on les cite plus ordinairement (ous le nom du Concile de Latran , comme ayant une plus grande autorité. On y dcfendit de nouveau les Tournois , Sc'on menaça d'anatlicme les Chanoines quiexcluroient de l'clcûion de l'Evcque les hom- mes religieux. Ce Canon eft la première preuve que nous fçachions de l'entrcprile des Chanoines des Eglifcs Cathédrales , pour s'attribuer a eux feuls l'clc^lion des Evcques , à l'exclufion noo- feulement des laies , mais des Curés ,& de tout le refte du Clergé fcculier & régulier : car toutes ces pcrfonnes dévoient y avoir part , félon les Canons , & félon la perpctuelle difcipline de ]'£- Rlife.

Oa condamna encore dans ce Concile , les nou- veaux

DE lUiSTOIRE ECCLESIASTIQtTE. !^^ veaux Manichéens. On y dénonça les etreursquft Pierre de Bruis & Arnaud de Brejfe femoient depuis <juelque tems. La doctrine du premier étoit à-peue près celle de Bcrcnaer archidiacre d'Angers , qui dans le ficcle précédent avoit nié la Préfence- réeile, &: voulu détruire le Sacrifice de nos au- tels. Il ajoutoic à cette erreur beaucoup d'autres non-moini dangcreules : fur le Baptême , qui , félon lui, ne fervoit qu'aux adultes : fur les Sacrera »ns, fjr les prières 6c les facrifices pour les morts , qut ctoient , difoic-il, de vaines cérémonies qu'il falloit abolir.

La France avoit été infeftée , dans le fiécle pré- cédent, des erreurs des Manichéens. On en avoit brûlé beaucoup dans différentes provinces. L'ex- trême rigueur avec laquelle on les avoit traités , les rendit plus circonfpe6is ; mais elle augmenta leur haine contre le clergé , dont le zèle avoit excité celui des Princes. Le deiîr de fe venger des Evèques, des Prêtres , des Religieux devint donc l'objet ptificipal de ces fanatiques. Portés natu- rellement par la vengeance à attaquer tout ce qui concilioit de la conlîdération au clergé , ils aban- donnèrent iafenfiblement le Manichéifnie , & s'at- tachèrent à détruire l'efficacité des Sacremens , les cérémonies de l'Eglife, la différence que l'ordre met entre les Laïques 8c les Eccléfiaftiques , enfin l'autorité des Fadeurs du premier ordre.

4. Les défordres & l'ignorance du clergé, (dit M. l'Abbé Pluqutt ) Il étoient extrêmes. T^m étoit Jom, IJ^ C

0 E L e"m E N s

»» vénal dans la plupart des EgiiTcs -, les Caere- t mciî même croient fouvent adminirtrë» par ces m fin>3nlaquc$ & Jes concuhiaaires publics. Le peu- •» pie, gouverne par de tel» Paftcurs , ctolt cnfé- M ▼eli dans une protonde ignorance & difporé à ft fe rjvolrer contre eux. Alnfi tout homme qui M avoir une tmiginarion vive , pouvoit devenir »» chef de CeCte en prêchant contre le Cierge ,

M contre les cérgmonics de l'Eslife , contre les Sa-

J "

H cremenc. <t

Il ne faut donc point s'ctonner des fuccès qu'eut Pierr: de Dmis ^ quoique limpic laïque. Aidé f)ar l'cnthouùafmc du peuple , il parcourut les pro- vinces , Taccageant les Eglifes ,abbatant les Croix détruifant les Autels. On ne voyoit en l'rovence,où H exerça principalement fon fanatifme infenfc , que Chrétiens rebaptifés , qu'Eglifcs profanées. Ce mi- sérable, chaffé de cette province, paflTa en Lanj^e- doc 5«: y commit les mêmes dcfordres -, mais il fut arrêté Se brûlé vif à St-Gll!es en 1147.

Ses erreurs lui furvccurcnt. Un Hcrmite appelle Hturi de Btuis , affeflant des mœurs auftéres & une maniérc-dc-vivre ûngulicrc , excita de nou- veau le peuple contre le clergé. On vouloit ab« batre les maifons des Eccléfiafliques , on pilloit leurs biens , on les battoit cruellement , on mena- çoit de les lapider -, & ces excès durèrent jufqu'â ce qu'on eut arrête & mis dans les prifons de l'ar- chevêché de Touloufc , l'hcrmitc inquiet & Ui» Cieux qui roulcvuii U populace.

uE l'Histoire Ecclésiastique. 'ç¥

Arnaud de Brcffe , autre difciple de Pierre de Bruis , homme d'un efprit remuant & inqaiet , d'une imagination ardente , d'un cara£lére rufç & hypocrite ; fe fit autant redouter en Italie par le fouverain Pontife & par les Evêques, que Pierre & Henri de Bruis le furent en France. Il fit-rc- volter prcfque tout le peuple Romain contre les Eccleliaftiques , en prêchant que le Clergé féculler 8c le régulier, contens des aumônes &dei obiatioas des Fidèles , ne dévoient pcffcder aucuns biens- fonds. II excita une féditioa contre le Pape , abolît la dignité de Préfet de Rome, obligea les prlncU paux citoyens de fe foumettre au Patrice, & pilU les palais des Cardinaux.

La dofirine de cet enthoufiaAe turbulent, & celle de Pierre de Bruis , furent condamnées dans le Concile de Latran. On voulut s'affurer de fa perfonne : il chercha un af^leen Allemagne, & enfuite en Franco. La fureur de dogmatiferle Ta- mena à Roire , il fut brûlé comme uo facrilégQ & un fédicieux en 1 1 ; ^.

Le Concile fit trente Canons , dont quelques-' uns font remarquables. On défendit aux Chanoi. nés des Eglifes cathédrales, d'exclure de l'élcdion de leurs Evêques les Religieux , les Curés & le refte du Clergé-, car les Chanoines commençoient à s'attribuer à eux feuls le droit d'tlire les Evê- ques. On condamna les Tournois. On défendit aiuc Religieufes d'aller chan:er dans un rcèine choeir avec les Religieux , &c. Sec.

Ci}

Nouveaux Troubles à Rome.

Le fiégc de Rome , ambitionné p^^ ^** intrl- l^uans, fut l'occaCon d'un nouveau fchifme. Après la mort à'L'rbain if en ii $9 , Ja plus grande par- tie des fuffrages fe rcunit en faveur du cardinal de S. Marc , qui prit le nom i'Alexjndre III. Une faflion de neuf cardinaux proclama un autre Pape fous le aom de ^''lâor IV, C'ctoit le cardinal de Ste Cécile , homme vain & ambititieux , qui, prelTé du defir de la papauté , arracha des mains du diacre le manteau pontifical dont il al'oit revêtir Alcxan- êrt. La France 6c l'Angleterre fe déclarèrent pour ce dernier-, mais l'empereur Trcitric ayant reconnu Y.îlor, fit-tenir un Concile à Pavie , l'cleifllon de cet Antipape fut déclarée légitime.

Alexandre , craignant pour fcs jours en Italie ^ pafTa en France , il excommunia , dans un Con- cile de Tours en 1163, ViSor & fes partifans. En- vain Frédéric voulut foutenir par les armes fon An- tipape : le véritable Pontife fut reconnu jufques dans l'Orient , & lEmpereur fe vit oblige de de- fnander la paix à Alexandre W. Venifc fut le lieu de XcniTcyMf.Fréduic fe proflerna aux pieds du Pontife dans l'Eglife de S. Mjrc , & reçut l'abfo» lution de l'anathcmc lancé contre lui dans le Con- cile de Tours. C'efl une fable bien mcprifable , que |e Pape mit alors le pied fur la gorge de ce prince humilie , en lui difant ; // *J) écrit ^ Tu marchera, fur *Xf/fic & U bafUic. Vo tel «uiragc , dans une telle

ÔE L'HisfOîTvE Ecclésiastique, çf

cccafîon , auroit marque dans le Pnpe un carac-j tére aiilil dur que fuperbe.

///' ConciU^générdl de Latran ; VaiidoU Albigeois.

Le Sacerdoce & l'Empire s'étsnt réunis pouf éteindre le Schlfme , il fallut remédier aux défor* dres qu'il avoir caufés^ C'eft dans cette vue qu'v*» lexandrt /?^c5voqua en 1179 le IH'Concile-général de Latran , fe rendirent près de 300 Evêques, "Après avoir feit plufieur» réglemens utiles pour prévenir le fchifme, on procéda à la condamnation des Vaudois & des Albigeois, dont les erreurs in« iédoient alors piufîeurs provinces de France.

Les premiers tiroient , dit - on , leur nom de pierre Valdo , l'un des plus riches citoyens de £yoa , qu), joignant de grandes aumônes à des mortiticdrions extérieures , fe fit des partifans d9 tous les pauvres qu'il foulageoit. Il crut, dans foa ignorance prcfomptucufe , avoir reçu du Ciel des lumières particulières , & il attaqua tout à-la-fois l'autorité du Pape, les Indulgences , le Purgatoire & le Sacrifice de la Meffe. 11 renouvella les er- i<eurs des Donatiiles , fur la nature des S.icremens conférés par de mauvais Miniftres, & celles des Iconoclaftes fur le culte des Images. Il vouloit en même tems réduire l'Eglife aux avantages fpiri-. tuels , & la dépouiller de tous fes biens temporels.

VjUj , n'appuyoit fes opinions que fur quelques {ailages de l'Ecriture pris a la lettre , ou détouraéf

114 Elemens

^e leur vrai fcns. IMuiieurs hérétiques a voient fuivicette méthode avant ce fcdaire -, mais ils avotent feit peu de profclytes dans les premiers ficelés de l'E^life , parce que les Minières 8c les Fidèles croient éclaires. Mais, dans les tcms dont nous erquiffoDS l'hiAotre , le Clergé & le peuple ccoicnt en général îgnorans : le fophifme le plus groOier etoit une difHculcc infoluble pour l'un , & une raifon évidente pour l'autre.

Le petit nombre d'hommes refpcâables par leurs lumières Se par leurs mœurs , qui s'oppoféreot lux progrès des erreurs des Vaudois , oe put em* pêcher qu'elles ne Tcdui^iû'ent beaucoup de monde. Les fcigneurs qui s'ctoient emparés des bieos ce* dtfiaftiques , les prorcgcoient ouvertement , & ils eurent la facilité de fe faire un grand nombre de difciples avant qu'on put mettre une digue au tor« renc.

Les feftatcurs de Valdo , malgré l'anathcHie pro- noncé contre lui par Altxanàre III , s'étant muN tipliés a linhni, le Concil.e de Latrao , en con* damnant leurs erreurs , exhorta les Princes Caiho» tiques à former une ligue (ainte contre ces hcrct.» qucs & contre les Albigeois. Ceux ci reoouvel» Joient les rêveries des Manichéens ; mais leur «lodtnne n'étoii pas prccifcment celle de IdMt*^ Ils ruppcfo-ent que Dieu avoit produit Lutlftr avec fes anges, & qu'après avoir été chaiTe du Ciel I ce mauvais efprii crca le monde vifiblc fur lequel il rc^noit. lis ajoutoicot que Ditu , ^ou^

L'HlSTOiRE ECOLKSIASTlQUÎ. Ç^ i^cjblir l'ordre , avoit engendré un fcccmd fils, qui étoit Jésus-Christ, Voila pourquoi ces héréti- ques furent au/lî appelles Ariens. Us nioient en- core la réfurreftion des morts, & n'admettoicnï (n Dieu aucune liberté*

Le Concile de Latran profcrivit leufs erreurs } mais les errans furent long-tems redoutables, com- me nous le verrons dans la fuite de cette Hifioirej Ils l'ont même été long-tems après leur entière «îcfttuélion : car les Proteftans les joignant à divers Buttes hérétiques , & les peignant comme de falots réformateurs , comme des dépofualres de la vé- rité, ont voulu en compofer une communion éten* due 6c viable , qui a perpétué de ûécie en ûéclp les vérités évangéliques.

Parmi les Canons que fit le Corcile de Latran J quelques-uns méritent l'attention du lc£l«ur. Le premier porte , que û dans l'cledion du Pape , let Cardinaux ne concourent pas unanimement à élire le même fujet, celui qui aura les deux tiers des voix fera reconnu l'ùpe : ce qui montre qu'alors J'cleition étoic entictement remife aux Cardinaux. On défendit de nommer des Evcques avant làge de trente ans , & d'ordonner ni piètre , ni diacre, qu'après qu'on, lui aureit afilgnc un titre certaia dont il pourroit fu'jfifter. Le Concile défend d* rien prendre pour l'adminiftration des Sacrcmens, & même pour les ftpultures. Il ne faut point (di- fept les Pcrcs ) alléguer la longue coutume , qui lie rend l'abus que plus criiriiael. U défend auHl

C iv

!^ E L E M E V s

la pluralité des Beactîces, qu'on avoit portée I on tel excès , qu'un fcul Cure fe chargeoit quel- quefois de delTcrvir cinq ou Cx cures , tandis que pluiieurs dignes Minirtrcs manquoient du nccef- faire. Les biens que les Eccléliaftiques ont acqui» dans l'Eglife , lui demeureront après leur mort , foit qu'ils en aient difpofc par teftament, ou non» Afin de pourvoir a l'inlhutiion des pauvres Clercs, en chaque Eglife Cathédrale il y aura un Maitre , à qui on alfignera un bénéfice Aiffitant , & qui en- fcignera gratuiiemeot : ce que l'on rétablira dans les autres EglifesSc dans les Mona^léres, il y a eu autrefois quelques fonds deAinés à cet effet. On n'exigera rien pour la permilTion d'enfeigncr , 8c on ne la rcfufera point à celui qui en fera cipable : au* trement , ce fcroit s'oppofcr a l'utilité de l'Eglife,

On renouvella la dcfenfc des Tournois & l'or- dre d'obferver la Tnvc de Dieu. On dcl'cndit d'é- tablir de nouveaux impôts fans la permillion des Souverains , parce que chaque petit Seigneur s'en attribuoit l'autorité. On excommunia de nouveau les ufuricrs, ôc on condamna la dureté de quel- ques Eccléfialliques , qui ne permeitoient pas aux lépreux d'avoir des Eglii'es particulicrcs. C'cQ la premicre Ordonnance que l'un remarque touchant les Icprofcnes.

Nouveaux OrJns Au ^ eux.

A mefurc quciet HctLtiques aflligcuient l'Eglife par de nouveaux iitentats , des gens-dehien ia ÏEonloloient pjr U fondation de diverfct foci.cw^.

DE l'Histoire Ecclésiastique. ^

Religieufes. Les Seflaires fe piquant d'une grande aufterité , & s'élevant contre la vie religieufe dil Clergé , il fallut leur oppofer des exemples d'une» vertu moins faftuenfe que la leur,

Robert d'Arbriffelbs, archiprctre de Rennes en Bretagne , fonda dans la foret de Fontevrault , aj diocèfe de Poitiers, deux Monaftéres , l'un pour rès hommes , & l'autre pour les femmes. Il leur donna la rè^le de S. Benoit, & ils eurent bientôt beaucoup d'imitateurs. Son nouvel Ordre avoir cela de particulier, qu'il étoit aHujetti tout-entier au gouvernement de l'Abbeffe de Fontevrault; ain5 les hommes font vœu dans cette congrégatioa d'obéir à une femme: inftitut qui a paru fingulier , mais qui a cti long-tcms confacré par de graodes vertus;

S. Norbert, depuis archevêque de Magdebourg',' fondateur de l'Ordre de Prcr^.ontré , qui tire foA nom du lieu le prtmler Monaftére fut bâti dans le diocèfe de Laon , étendi: fon nouvel ii flitut dans toute lEglife , & s'il'.uftra par fes vertus 6c fon éloquence. Ses enfans font chanoines - régu- liers, & ils ont éprouvé diverfes réformes. De» leur naiiTance ils fe retircrcn: dans les <li!ferts & dans les forets , ôc la plupart y vivent encore.

Les Carmes , qui tirent leur nom du Monti Carme! , prétendent être les plus anciens religier.x: de h Chrétienté : ils veulent q'.>'£//e ait été leur père ; mais leur ôrijinï ne remonte, ûilvant les meilieurs srittquesr, qu'à i'jo 1170 , auquel j^/W»

Cy-

j& E L E M E X S

tic , patriarche d'Ancioche du rite latia , inAitaX cet ordre en Palefline. On le tran ('porta dans le ééde fuivant en Europe , ou les Papes i'approu- ▼érent , après y avoir (ait quelques légers chao> gcmens. Les Carmes s'appliquèrent , ainfî que les cuires Ordres mendians, au l'alut des aroes, & il» y travaillcrent avec Iruit,

L'Ordre de Grammont , aujourd'hui cteint , dut fa naiHfance a Etienne , fils du vicomte de Thiers en Auvergne , mort en 1114. Ses premières mai* ions furent rafyle de h vertu la plus pure.

Les Religieux de Citeaux, fondes dans le fiécle précèdent par Robtrt , abbé de Molefme , furent reformés dans celui-ci par le célèbre S. Bernard^ abbé de Clairvaux. C'ctoit un gentilhomme Bour» guignon , en qui Di£u avoir rafTcroble tous les avantages de la nature & de la grâce : la noblelTe , la vertu des parcns, la lieautè du corps, les talens dt l'efprit , un cœur généreux, des fsntimens élevés, vn courage ferme , une éloquence vive & forte, nourrie des pafTages de l'Ecriture & des Peres.A ces talens joignez les effets de ta grâce , une humilité profonde , une charité fans bornes , un zèle ar- dent, enfin le don des miracles. Sous un tel nai*' tre, Cloirvaux ne devoit pas manquer de difcples. i\ en eut en efYc: un très-gnni nombre. // /jk* mvoucT etpeiiJjnt , ( dit Fleuri , ) que fin \itU Ht fut fat à(ft\ rég/e pêj- la difcréeion ta et tjui rtgardvît la /.:nté , flt qu'il introduifit dans le cloître une nou» vexiué , qui cont ibu». dans la fuite su relâche^ lliCOL; la diCiiiilion des n.oinc> du chaur & des.

DE l'Histoire Kcclesiastiquï. ça

freres-lais , qui , fcparant les monaflcres en deiuc curps difi'crens , a ctc quelquefois la fource guerres inteftines.

Quoi qu'il en foit , S. Bernard donna l'exemple de coûtes les vertus , Se fui l'oracle de fon ficde. Les prélats, les j^rands & le peuple le vénéroient également. Il combattit tous les hiréiiques de fon tcms , entra dans toutes les affaires , & aida de fes foins & de fts lumitres les Pontitcs & les Rois. Sa mort faintc arriva le 20 Août de l'.m 1152-, il avoir alors 65 ans : Çqs aufterités & Tes travaux avoient confumé cette vidirae de la pénitence â^ de la religion.

Abbés de Cluni.

L'Ordre de Cluni produlfu encore quelque» grands -hommes. L'abbé Hugues infpira aux Pape* & aux Souvarain^ de fon tems le plus grand ref- pcdl pour fcs vertus ; ce fut lui qui exhorta PAi- Lpptl, roi de France , à quitter Eertrude fa concu- J}:ne, avec laquelle il menoic une vie fcandaleufedu vivant de la reine Bcnhe.

Fendant un longue adminiAration, S. Hugues av^m menta confidérabicment la gloire & les biens de l'abbjye de Cluni. Il étendit fa réform e à un 6 grand nombre de Monaûércs , qu 'on a prétendu qu'il gouvernoit p!us de 10,000 moi nes.C'efl lui qui a fait-bà(ir la grande £g)ife de Cluni : édifice folidff ||[ ipwiervrc. Sa longueur eu. de quatre cents dix pieds, il ]arg«ur de cent- vingt. Cette baijiique patoic aujourd'hui us peucblcurc-, n-ais h jaum^ac

€(S E L r M E y s

de clarté n'ctoit pas regarde comme un défaut pît nos percs , pcrfuadcs que le grand iuur eft peu fa- vorable uu recueillement.

Le Monaftcre de Cluni n'avoit eu jufqu'a i». Hw guet, que des faines Abbcs : Pvnce qui lui fuccéda en interrompit la fuite. C'ctoit un jeune-homme de qualité, qui fe livra tellement au luxe & aux plaiHrs mondains , qu'il fut ohli^^é dabdiqucr fa place. Il voulut enfuite y rentrer a main-armée, ti exerça à Cluni les plus grandes violences. On le cita à Rome , & il fut excommunié. Le Pape le iii-enfermcr en iii^ dans une tour , il mourut peu de tcms après. U a voit pris le t'iuc à'Abbé élu Abtis.

Hugues , prieur de Marcigni , avoit cré mis à la place de Ponce , pour réparer fes ncgli^encts 6c fcs tjkvjfrations : mais à peine avoit-il gouverné cinq mots , qu'il mourut. On lui donna pour fucceiTeur Pierre M.tttrkc , furnommé le Vénàahle. Ce nouvel 'abbé, iffu d'une illuftre maifon d'Auvergne , fou*» tint la noblclfc de fa naiflfancc par la piété d'un religieux ti par le fçT\-oir d'un homme éclaire. "S. Bernard ayant dcfapprouvé-, avec trop de ri'* gueur , bcaucotip de chofes djns la manière dont 'Pierre le Fc ifaf/fgouvcrnoit l'Ordre de Cluni, ce- lui-ci fc défendit 6c défendit foo Ordre avec beau- coup f!c forte-, 8c fe« apologies fonr-dcfirer que, dans des unes anfTî pures & aufTi éclairées que celle de S. Bernard , le zèlc fùc un peu plus lent a coa-; ^imner.

ÔE L'HisforRE Ecclésiastique. 6i

Pierre le l^in:rjh.t mourut à la fin de l'année i I ^ 6. S. Berrtird , l'abbc Suger , & lui , furent ( dit Te V. Fjntcnai ) trois fujets éminens , fur qui roula tout ce qa'on !îc de plus mcmorable djns le xil' fijcle. Le graacf éclat, à la vôrité , y fut pour Btrnard, & la confiance de nos Kols po.ir Sugir- Mais Pierre le Vénérable y avec des qualités moins frappantes , en avoit de parfaitement aflorcies aux portes qu'il remplit. Il fit -régner parmi fes con- frères l'uaion & la paix, qui avoient été troublées avant lui. Il leur infpira le goût de leur état, & fans les effrayer par des mortifîcitions trop rudes , H établit une régularité édifianre. Dans les affaires que les Pap3$ & les Princes Iji confèrent , il mon- tra de la dextérité fans fouplciTa , de la droiture fans fimpîicité , de la prudence fans rafinemenr. Son goût principal étoic l'étude , mnis une ctude pref^us entièrement tournée vers l'Ecriture & les 1 :rc5.

Apres lui , la phce d'Abbé de Clur.i fut affez mal remplie , 8c qjelq-i-s-uns de fes Atcce(reurs ne pirurent peut-être des fujets médiocres , que parce qu'ils avoient été précédés par des hom- mes qui avoient été prefque tous de<i exccll..r.s modèles pour les Relgieax , & un objet dcvéné» ration pour les peuples.

Ordres MJGtjlreF..

Les Croi fades tarent la premicfe origme de" divers- Ordre» « à>-la-fois religieux & guerriers r-

€9. E L E M E N s

deftinés au foulagement & à la défenfe de ceux qui faifoient le pèlerinage de la Paleftine. Tels furent les Templiers , les Hofpitalitrs ^ les Chtvalitr* Teutoniijues.

Les premiers furent nommés Templiers, parce que Baudouin II leur donna un logement près du Temple de Jérufalem. Ce ne ;tut d'abord qu'une £mple affociation formée par deux Gentils-hom- ines Hugues de Pûganis & Gioffroi de St-Adhémar , qui fe réunirent en iii8 avec d'autres Gentils» hommes recommandables par leur piété & leur courage. Sans s'affujettlr à aucune Règle & fans avoir pris l'habit religieux , ils alloient au-devant des Pèlerins , & les reconduifoient enfuite juf- qu'au-delà des défilés des montagnes & des paC* £ages les plus dangereux.

Hugues de Paganis foUicita enfuite l'approba- tion du faint-fiége pour cette fociéte naiffante. Le pape Honoré II le renvoya au Concile deTroyes , qui fe tenolt alors. Les Pères approuvèrent un Inftitut dont le but paroiiToit û louable , & char- gèrent S. Bernard de leur donner une Règle. Il prefcrivit diverfes obfervances à cette nouvelle milice , qui prit l'habit blanc , auquel E.:gcne III ajouta enfuite une croix rouge fur le manteau à l'endroit du cœur. Sur la fin du xii* fiécle , iej Templiers, répandus déjà dans tous les Eiats de J Europe , s'enrichirent par les libéralités des Sou- verain», des Prélats & des Grônds. Mois , BTfc les grands liens , ils c&ntradlcreat les vices ^lâ

t>i iHrsTomt FcctwiArnQut. 69

Im acconipjKocni ordiMir«mcai. Ut rvlufcrciU fi fouRKiitc 4*1 F4kiuti.bc «k )«fu(«t«m. il* t'«. 'éoMKrcnt ou lu&c & «ua pUtlira , At moatre- Mm umt et bani 8t &êrtofi»ntx , matm* lorfqu'il* trjiMrcni avtc le* S<>uv«r«ia«, qitt y>i>i>pp4 U 3*1 4rauivl4 &. ooiiat U tk&nicàiao de leur 0(dr«.

Let //.>;/■> (j.--> , ou Chcv<li«r« de Sc-/«j<i de IcrWalcm . (uquircot vert U fin du licclr. Il» rfetfervireat d'<i>or<i * Jcruùlcai un Hupiiâl tfé- At a S< h** X'Â^mtit tf ^ tt. fc chjrgcrcni du (ma 4m aMUdtt & de» pclcTiai. Li chante leur éomm» MiAact i le iclc Im tendit guerriets. lU yrirwt !«• ttmm poar ética4f« lea che«M« am* tn \m* iacueéiMU des Irfdèiw. Cctn rtito feaûtott «tntni « eux un grjod nrwhte de No* blet de tout* U CbrciicMC , le mre de Or» *«<Mr tut HMOt i celai d M-/frM/i«r. L'Or>ltc «!• Ikaat htni% Ict vertu» de U Relifioii e«ec U va- laur gutmcre , im coapofe de itoi> ibttea et lUhfMus : ê» fuM* CK*9*lftt , ilmn , Ute pmm Sv9-tmi, Le l«e«l»eureux O^t^ré , femil» de Mart.gue* ea Wro^'vncr , fut le pre« Supérieitf de cet Otdre , tf^tocd bofpita- btr, devenu militjirc ,& de p «m.Apris

li pnfe de J.'taCikm par .Sw c ocvalier»

S. /(^ (e tmrcreoi a l^toWmaiie ou Acre , dffuit (faot ri(W de Chypre , d«-la dana e«U«de tLkoàm . h. «aàa djna 1 la'.c Miiltlw , qo» Odriai i^./M kux (ianiu pjur («rvu de ici»?

é4 E L E M E » s

part à la Sicile. Ils portoient , comme aujourd'hui,;

la croix blanche fur l'habit no:r.

L'Ordre Ttutcniqut de Stc Marie de Jcrufalen»» kmàè rers l'an 1189, par des feigncurs Alle- mands , ne le confacroit guéres qu'au fcrvice de ceux de leur nation. L'empereur Fridtrlc H , qui les ramena tous en Europe , leur propofa la con- quête de la PruH'e , dont les peuples ctoicnt païens. I!s l'entreprirent , en vinrent a bout & poffcdérent cette Province comme un fief d«« pendant de la couronne de Pologne. Albert^ prince de la maifon de Brdr.diboi.'z 1 (^u grand-maitic en 1 5 1 T , ayant embrafTé le Luthcranilme , pro- fita des divifions de l'Empire pour fe f<iire-doB« r.er comme Souveraineté , ce qu'il ne poflcdoit qae comme chef de l'Ordre. 11 conclut un traité av«c Sigij'mind roi de Pologne , par lequel h partie de la PrufTe qui appartencit à l'Ordre Tcutonique fut érigée en duché féculier &t hcrcdiiaire poar lui & fcs dckendacs : ainlî Atbcrt s'etant marie avec une priocciTc de Dinemarck , trani'mit ce duché ;i fa poAcrite. Les Chevalicrc , qui penjt- tétcnt dans la Religion Catlioliquc, furent odU- gcs de quitter la PrufTe où- ctoit le ficge de rOrdie , & de le transférer à Maricndal en Fran- conic. Il ne leur rtAe de leur puifTance & de . leurs richcH'es qu'un petit nombre de commun. deries , fitucci en ditTerentes provioccst La ntu- quc de i'Crdrc cil U uoix noire fur i'iubit blaacr

DE l'Histoire Ecclésiastique. C^

L'Efp3gne prodaifit auîîî , vers le tems de la fondation des Templiers , diîtsrens Ordres quj fe figoalérent par leur piété & leur valeur ; mais on ne s'attend point à trouver dans un tableau raccourci , tel que celui-ci , tous les objets qui nous occuperoient dans une Hiftoire détaillée.

Ecrivains célèbres»

Les Croifades , en ranimant le goût pour leî voyages lointains 5c les occupations guerrières, ne furent pas fort favorables à la culture des kttrcs : cependant ce fiecle fut plus fécond en bons Auteurs que le précédent.

Le nom de Bernard , le dernier des Pères , doit être à la tète de ces Ecrivains : nous avons déjà parlé de lui, & nojs ne le rappelions a la mé- moire de nos lecteurs , que pour payer à la va- riété de Tes talens le tribut d'éloges qu'ils méri- tent.Son el'prit étolt, à quelques égards .fupérieur à fon fiécle. II entrevit les défauts de la dia^efVique qu'on enfcignoit a!ors, & il méprifa cet art fri- vole, jufqu'à fe vanter de n'y rien comprendre.

Pierre Lombard , cvèque de Paris , fut farnom- nié le Maître des Sfntences, à caufe d'un Abrégé de théologie , long-tems expliqué & commenté, qu'il intitula : t£i 5£jv r £ Arc£ a. Ce livre utile répondoit a toutes les queftions qu'on sgiroir. L'auteur adopta la méthode d'//^j//jri , fon maî- tre ; mais il fo garantit de Tes erreurs. En fe fer- yjnc de la dialci^iquç d'Ar*/fo:e, il fc fit une loi

66 E L E M E N s

de confirmer Tes Tenciracns par les dccifîons des Pcrcs lie I Eijlirc. Pierre Lombard moumt ea 1164^ avec la gloire d'avoir vu (es Semences reçue» dans les Ecoles de théologie , comme le princi- pal li\re clairque. On ne pouvoii pas palTer pour théologien , fi on ne l'avott étudié. Une foule de Commentateurs s'empreHerent de l 'expli- quer , & le livre du Maître du Seiuicts qui paf- foit pour cUif , devint qtielquefoit obfcur , par les notes & les qucftioni fubtiles Se nouvelles dont on le chargea.

Hugues de St Viclor , ainfi appelle parce qu'il étoit chanoine de cette Abbaye à Paris , fut l'or* aement de fou Ordre par fes Ouvrages thcolo- giqucs. Il mourut en 1173.

La compilation du Droit cinonique , que le moine Gratitn nous a laiiTcc , a coarervé Ton nom à la poftcriié-, mais ce nom fcroit plus relpeclé, fi celui qui le portoic àvoit eu plus de critique SE de lumières.

Richard de 5t - l'icijr & r:e"t de Plois s'il.

luArtrent par leur goût pour la morale fie la pictc.

Sigtbtri de Gcmblours , Ottcn de Frifingue , 8c

CuiUaiitne de Tyr , furent les hiAoriens les plut

fupporublcs de ces tems grofiiers.

Htpolre /Abail.-ird.

Le défaut des théologiens de ce fiécle éroit t% courir après les fobiiliiés , comme on court aujourd'hui après l'crprit. C'c/1 ce qu'oa rcaurque

DE l'Histoire Ecclésiastique. C7

rfans les écrits de Gilbert de la Porréc , dont les erreurs fur la Trinité furent condamnées •, & fur- tout dans ceux à'AkaUard , homme ccicbre par fes talens , fes malheurs fie fes défordres. Il étoit Breton. Son amour pour Héioife , nièce d'un Chanoine de Paris , remplit fa vie d'amertume. Ayant féduit cette fille , dont il eut un enfant , Jes parens à' Héioife s'en vengèrent par un traite- ment honteux. Cet opprobre le força à prendre Ihabit de Bénédictin dans l'abbaye de Si-Denyt ; & il engagea en même tems Hcloïfe à fe faire rcligieufe dans le monaftére d'Argenteuil. « ALi foibUffe , ( dit'il dans une de fes Lettres rappor- tée par l'Abbé de Choifi , ) me rendit jaloux, & tous les hommes devinrent mes rivaux. Je la donnais k Dieu, mais ce n'était pas de bon coeur. Je letenoit tnon prifent autant que je le pouvais , & ne le laif- foii échapper tjue par U dtjir de Coter aux autres, h

La réputation d'Ahailard attira pluri«urs àt (eî difciples a St-Denys. Mais l'Abbe , las peut- être de fes exhortarions fur la régularité , l'en- voya au prieuré de Deuil en Champagne il ouvrit une Ecole célèbre. Il fut pourvu enfuice de l'abbaye de St-Gi/das de Ruys en Bretagne , & n'y trouva que de l'opponr on de la part de fes Religieux. Je voudrois , ( dit-il dans une de fes Lettres , ) que vous ^iffiei ""^ "ii'/o" ; vous ne la prendriez jamais pour une Ahhaye, Les portes ne font omets que de pieds de biches , de fangliers , de hiboux. Met Mmuiu n'unt d'autrt fgnalpour f* ré-^

6S E L £ M e'n~s

9cuUr ft* te bruit des cors & des chiens. Ils ^afftl^ tes jours à Ia chjffc : 6- r.ui à Dieu que leurs pljti' firs y JuJftHt bo'nés

Ccpcndanc les Icçcns qu il avoit dictées , les écrits qu'il avoit publics , taifoient beaucoup dt bruit. La Tubtilité de fon efprit l'ayant jette dan* des erreurs fur la Trinité, fur le libre>arbitre , fur l'incarnaiion & la latistaclion de J. C. , &c. S. Bernard , fen rival en efprit & en éloquence , & l'on Cupjticur en piété St en doûrinc ,• dé- nonça l'es lentimcn» au Concile de Sens teiuem X140. Ahailard y fut condamné , âc en appella as Pape , qui profcrivit fes fentimens comme héréti- ques, & lui ordonna un lîlencc éternel. 11 publia cependant une Apologie , dans laquelle il fit unt confeHion de foi très orihodoxe ; & après avoir ■vécu encore dix ans dans la retraite & dans les larmes , il (îoit fa vie dans un monallcre de Cluai en II4Z , à 63 ans.

Ce docteur lut un des premiers qui préférè- rent de vaines chicines He piiilo'uphic à l'auto- rité rerpcdable des l'cre» de rbi.hle , & qui iiw troduifircnt dans les Ecoles cet amas de quenioo» fubiilcs , dont les honrimes éclaires du xvil* H. du xviit' litcles les ont purgces. Arnaud Breiïc fut un des difciples d'AhaHard , & il alla beaucoup plus loin que fon inairrc.

Pierre le f'enérjhJe , ahhc de Cluni , cnroya U corps à' Ahailjrd i HéLij'e , pour être enterré dant le mondUctc du Paraclct, dont elle eioit »bbcfli^

DE l'Histoire Ecclésiastique. 69

'Alaiîard le lui avoir promis de fon vivant , afin qnHcLije &. fes Religieufes fe ctuflent plus obligées , en recevant fes cendres , à prier pour le repos de fon ame. u Alors , ( diloit-il a Hî- l<.ifc dans une de fes Lettres , )'»vous me ver- » rez , non pour vous demander des larmes -, il » n'en fera plus teras. Verfez-en aujourd hui H pour éteindre des feux criminels. Vous me » verrez alors pour fortifier votre piété par l'hor- V reur d'un cadavre ; & ma mort , plus éloquente n que moi , vous dira ce qu'on aime quand oa u aime un homme. •»

Différends de S. Thomas de Cantorberl avec Henri II.

C'eft par l'hiftoire des démêlés de Thcmas Bee- f'jct avec Henri II , roi d'Angleterre , que nous teri- minerons celle de ce fiécle. Ce Prélat , fils d'un bourgeois de Londres , avoir d'abord été avo« cat. Son éloquence lui mérita la place de Chan» celter en 1158, & fes fervices dans cette place le firent - élever fur le fiége de Cantorberi fur lequel il ne vouloir pas monter , parce qu'^/i Archevêque , difoit - il , voit autrement Us affaires de rEg.'i/e qu'un Chancelier.

Dès qu'il fut élu , il fit de férieufes réflexions ilir la faintcté de l'état auquel il s'engageoit ; & en allant de Londres à Cantorberi pour fon facre, il avoir dit à Hébert , un de fes clercs, & homme ^'un grand mérite; « Je veux que vous rac rapr

70 E L E M E N s

r> portiez déformais tout ce qu'on dira dft moîî »» car il m'drrivra comme aux autres , princ!pa- it lement aux Grinds , dont on dit bien des cho> les qui ne viennent pas a leur connoinance. »♦ AvcrtilTez moi autH des fautes que vous me M verrez faire , puifque quatre yeux voient plas M que deux. » Quand il eut reçu l'ondlion fa- crée , il devint un autre homme: il ne vécut plus que pour Dieu , Se commença par fe revêtir de l'habit monaftiquc, avec un rude cilice; ma:? par" defTus il portoit un habit convenable à (a dignité* La féconde année de fon cpifcopat , il partir exprès d'Angleterre pour venir au Concile que le pape Alexandre III tenoit à Tours. Comme Thomas étoit dans fa plus grande faveur , il fut reçu en Normandie & par-tout il pafTa , com- me û c'eut été le Roi lui-même. Quand i! arriva â Tours, les Evêques allèrent au-devant de lui-, 8t, contre la coutume de l'Eglife Romaine, tous les Cardinaux s'avanccrcnt affez-loin hors de II ville pour le recevoir , & il n'y en eut que deux ^ui demeurèrent auprès du Pipe. Ahrandrt , qui fur fa réputation defiroit de le voir depuis long» tems , le reçut avec beaucoup d'amitié. 11 repafia en Ang'cterre , il fut reçu par le Roi comme un père par fon fils.

Htnri II croyoit avoir cho'fi un Prélat entic* rement devrai. c n fcs intérêts ; mais il fut bien- tôt détronipc : rAomjtne tarda pas de faire-écUter U krraeié qui formott fon caraôcic, L/n prêtre

DE l'Histoire Ecclésiastique. 71

acciifô d'homicide ayant été pris , fut envoyé à l'Evèque de Sarls'oeri, fon diocéfain, à caufe du -privilège clérical. La preuve ne fe trouvant pas complette , l'Evêque lui ordonna la purgation canonique ; & comme il ne put y fatisfaire , l'Evcque confulta l'Archevêque de Cantorberi , qui condamna le prêtre à être privé de tout bé- néfice ,dcpofé, & mis. dans un Monaftére pour faire pénitence perpétuelle. Vers le même-tems, un Chanoine de Bc-dford dit des injures aux offi- ciers du Roi , qui en fut extrêmement irrité csn- tre tout le Clergé. La plainte en étant portée à rArchevèquc , il le fit-fuftiger publiquement, fc le fufpendit de fes fondions pendant quel- ques années. Le Roi ne fut pas encore fatisf.iit ; & ayant affemblé à Londres l'Archevêque & les Evcques , il leur repréfent.i que, pour réprimer les crimes/, il croit néccffaire que les clercs , après avoir été dépofcs , fulTent livrés au bras féculier : les Evoques foutenoicnt au contraire , que les Canons & la liberté eccleHaflique ne le permettoient pas.

Le Roi ,peu favorable à leurs prétentions , pro- pofa cinq articles pour mettre des barrières à la puif- fance eccléfiaftique. L'Archevêque de Cantorberi, qui les avoir d'abord fignés avec plufieurs autres Prélats , s'y oppofa enfuite fortement , à la prière du Pape. Il fut obligé de pafTer en France , le roi Louis le jeune lui donna un afyle. Ce princs tâcha de le récoacilicr avec fon Souverain > l'i

72 E L E M E N *

y rcuflît avec beaucoup de peine , & le prélat rcpaffa en Angle;crrc. On voiUut l'obliger alors d'abfoudrc tcus les Evcques qu'il avoir interdits ou excommunias : toujours anime du mcmeztle, il refufa t'ormellement de lever l'interdit. Les Pré- lats excommuniés portèrent leur plainte à Ihnri II, qui étoic alors en Normandie. Ce prince eut l'im- piudcnce de dire: Il tjl bien malheureux que^parm^ tant de ftrv'utuTs que je nourris , il ne s'en trouve mucun qui me JJfjJfe d*un prêtre qui me dvnne plus de feine que lius m:i autres fujcts !

Ces paroles ,plus qu'indifcrettcs , furent un or- dre pour quatre ofàcicrs du Roi qui les entenii- tent. Ils Te rendent à Cantotbcri , préfentent à Thomas un ordre du Roi o'jbfoudre les Evêques excommunies-, Se fur fon refus, ils le m^.lTjcrcJ rent vêts la fin de 1170. Trois ans après il fut mis au catalogue des Saints , comme un Martyr des immunités ecckfiaftiques , f>i comme un Evo- que également recommandable par fon zèle & par la charité. Chaque jour , après qu'il avoit dit Matines de très -grand matin , on faifuit - entrer treize pauvres à qui il lavoit les pieds \ il leur fervoit à manger , 6c donnoit à chacun quatre pièces d'argent: il faifoit cette a^ion tics-fccret- tcment. Le jour étant venu , on faifoit - entrer douze autres pauvres , à qui fon Aumônier lavotc les pieds & donnoit à manger. Enfin a l'heure de Tierce, deux Aumôniers fcrvoient encore cent pauvies. Cci trois auu.ôr.cs fe f^iiVicnt tous les

Diatiiis

DE l'Histoire Ecclésiastique f^

matins -, mais le faint Archevêque en faifoit un grand nombre d'autres. Le Pape ayant appris la mort d'un prélac qu'il regardoit comme un Saint, excommunia Ces meurtriers. Ils furent obligés d'aller à Rome pour Ce faire-abfoudre. L'un d'eux périt malheureufement à Cofenza ; & les trois au- tres pafférent le refte de leur vie à Jérufalem ; ils tâchèrent d'expier leur crime par la pé- nitence & les mortifications. Henri II n'obtint fon abfolution qu'à condition qa'il ne s'oppofe- toit point aux appels au faint-fiége ; qu'il rap- pelleroit tous les pariiians de TÂrchevêque ds Cantorbcri , qui avoient été exilés ; qu'il aboliroit les loix préjudiciables aux intérêts de l'Eglife , & qu'il feroit la guerre aux Infidèles de la Pa- leAine pendant trois ans.

Plufieurs Hiftoricns modernes ont fait un por- trait odieux de S. Thomas de Cantorberi , & fe font élevés avec un enthoufiafme emporté con-. trc fes prétentions. Ce n'eft pas à nous d'exami- rer fi elles croient fondées , & fi ce prélat , ainfl que plufieurs Pontifes Romains , ne paffa pas les bornei de fon pouvoir. Mais , en étendant ce pouvoir dans un fiéde de barbarie & de défor- dre , la Religion feule pouvoic être un frein; ils rendirent peut-être fervice à l'humanité. Les Fapes & les Evêques faifoient parler fa voix en ' faveur des peuples opprimes. Sans eux toute idcc ' de juftice 8t de morale fe feroit évanouie dans 1 Occident, La pureté des motifs qui anima quel, Jcm. Il, D

^A C L E r N S

^e$ Pontife? , tels que Gr^o/V* VU & S. 7\>-i mas , ne leur penrit point de pcnfcr que le Cliicf vifible de l'E^Iifc Jx les autres Pafteurs purent •bufer du pouvoir irnnienfe dont ils jettoient le /ondcmcnt \ ils ne vircct d<.iiS cette puiiTance qu'un rerocde aux malheurs & aujc vices qui de» foloient l'Europe: dc'potifine dans les princes , bafTcfTe Se corruption dans les fujets. CcA ainli qu'on peut , par leurs inotit's , cxcufer à quel* ques égards , des prétentions 2c des ii'ous qu'on ce poiirroit autrement juftifier.

De 5. Hugues , £\/^wf i/i Urxoîn.

Un Pri^lat d'Angleterre, qui, avec mo'.ns deri» putatlon que S. Thomas de Cantorberi , n'en eut pas moins de vertus, fut Hugues évoque de Lin- coln. Il étoit ne en Bourgogne , Se avoit d'abord été Chartreux. Appelle en Ang'eierre pour diri- ger une maifon de fon ordre , il fut clévo bien- tôt-après fur le fiége de Lincoln , 8c fe rendit re- coinmandable par fon attacheroeat inviolable à la junice , par fon zclc pour la difcnfe des foililc» & des opprinics , & par l'inircpiJité avec la({iiei:e âl rcfiHoit aux Pu-fTences .quind elles cxigeoient de lui qu;lque chofc d'injulle.

Un jour qu'il avoit parlé avec beaucoup de fermeté en préfence du roi Richard, ce prince Ce tournant vers fcs officiers , dit : Si tous Ui Eri" qutt Ttiïtm^l icnt a cJui-ei , Ht fcroitnt'Utmhl^r lt$ fit/it & Us Seigneurs ,& fi'lnnc /l'jj/u.i ja.ji ro«- iJf fur tuxt

T)E l'Histoire Ecclésiastique. 75

Le faint Lvêque défendit exprcffément aux prê- tres d'exiger des amendes pécuniaires. Vous nigll-> g<r^ , leur difoit-il , de icur falrcaccomplir les pi- littncis vraiemtnt méàicinales & fatisfacloires , & rcu» nave\ fcln j:/e de leur fiiire-payct les fcmtJics ijuih ont promlj'es. Ils lui dirent que S. Thomas de Carx- torheri avoic aufli in^pofé des air.cndes pécu- niaires. Croy-i-moi ^ repondit S. Hugues, ce n*ejf fi^lnt ce qui C a rendu Saint. 11 abolit auiTl tou- tes les exaûiuns que fes prédéccffeurs avoienc introduites fous de fpccieux prétextes.

En failant fa vifite dans les maifons relîgieufes de fon dic'cèfe , il vint à une Abbaye de filles , /5i ent:a dans l'ii^^'ife pour faire fa prière. Voyant au milieu du chœur devant l'autel un tombeau élevé , & couvert d'étoffes de foie , & entouré de lampes & de cierges, il demanda ce quec'é- toit ? On 1-ui dît que c'étoit la tombe de la h- meufe Rofcmonde , qui avoir eu une liaifon cri- minelle avec le roi Henri II , & que ce prince avoir fait à caufe d'elle de grands biens à l'Egiife Il répondit -.Cctoie une pro/l:tuce ^ vtei-la d'ici ^ & J\ntirrei h'frs de l'Egli/e;de peur que la Kc/i<-ian Chrétienne ne devienne un objet de mépris ; 6- afin que les autres femmes apprennent par cet exemple à avoir horreur de la débauche & de l'adultère. Et fan ordre fut exécuté. Le faint Evèque mourut à Londres l'an i2co , ûgé defoixante ans.

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t<y>v v;î^" vy^o ^^ 5 ^j^^fj,t/;jrv>U';p»j U'^çvj

É L É M E N s

D E

VHISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,

TREIZIÈME SIÈCLE. 4. ■»

KouvcUc CrolfjJe ; Empire des Latins à ConJIanilnopU.

JLiES mauvais fuccès des premières Croifades n'a- voient point ralenti le zèle des Princes Chrétiens jour ces guerres facrées. Une nouvelle artnée de François prie la route de la Palellinc , au corn» mencement de ce ficcle , fous la conduite du va* leurcux £juiout/i , comte de Flandres. Les Vcoi- tiens fournirent les vailTeaur ncceflaires pour le trajet de ces troupes , compdfces de quatre mille chevaliers, de neat raille ccuyers, & de vingt mille homraes-de-pied. Mais Venife ne fe chargea des frais de ce voyage , qu'à condition que BauJ.u!/! ^eniploieroit d'abord fc s torccs pour fe rendre maî- tre de Zara en Dalmatif , au profit 4e (la répu- blique.

Elemen's de l'Hist. Êcclés. 77

Après que l'armée Croifée eut fait cette con- qucre , elle fit voile vers Con^lantinople , rc- gnoit alors Alexis , fils à'ifiac Cvmr.cne , ufurpa- teur de la couronne impériale fur fon frère Ifaac lange. A l'approche des Croifés , l'ufurpateur s'en- fuit; le jeune Alexis fils d'// jjc ■L::ngi ^ cft recon- nu Empereur, & cnfuite étranglé par un de fes parens , nommé MarJ^JIos ou Mur-yu/îe : l'armée de Ljudculnenuc en 1204 dans CoriTtantinople , & s'abandonne , dans les Eglifes , d^ns les palais , dans Icj malfons , aux derniers excès de cruôutc 6c d'avarice. Baudcuin eft élu Empereur, 6c le per- fide Marfiflos précipité du haut d'une colonne.

Les Latins ne pouvoient choifir uo Prince plus digne de la couronne que Baud.um ."doux, affable, religieux , aimant la juilice , & faifant-régncr la vertu pas fon exemple. Comme il n'avoit alors que trente - trois ans , il étoit en état d'affermir l'Empire des Latins dans l'Orient : mais ayant mar- ché vers Andrinople pour en faire le llége , il fut vaincu & mis-à-mort par les Bulgares en lacS, Quatre Empereurs François régnèrent après lui jufqu'en iz6i , que 5ao</o^i/i //fut dépoffédé par Michel Paléologue, Ainfi l'Empire des Latins à Coa> ftantinople fubfirta à peine 5 S ans. Les Grecs, dcja indifpofcs contre les Latins, conçurent, de- puis les barbaries commifes dans la ville impé-, riale , une haine implacable, le plus grand obAa- tle à leur réunion a lE^ufe Latin;;.

Diij

7? E L E M E X $

Nouveau Rel de JénifiUm ; prife de Da,tùetfei

Cependant quelques Seigneurs qui n'avolent pas voulu fc fixer à Conftantinople , paliércnt en Sy- rie avec les dcbris de l'armée Croifcc. Saphadin , frère de Saladln , maître de Jcrufalem depuis la mort d'Emcri de Lujl^nan , arrivée l'an lacj , en avoit démoli les murailles. Ce n'étoit plus qu'un bourg fans det'cnre. Il ne refloit aux Croifés , dans la Pdlcftine, que Prolcmaide ou St-Jean d'Acre. L'Evêque de cette ville ayant demande un Roi de Jcrufalem à Philippe-Augujie , roi de France , ce prince lui nomma un cadet de la maifon Br'unne en Champagne. C'cioit un homme p'.cn de feu & de courage. Par le fecours de fes amis & p3r les exhortations du Pape , il trouva le moyen de former une armée de près de cent mille com- battans.

Au lieu de mardier contre Jcruralem , ils con- duifcnt leurs vaifTeaux vers l'Egypte , af.îcgent Damictie & la prennent après deux ans de (îc- ge. On ne garda pas loo^-tems cette place. L'ar. mce Chrétienne t'ctant engagée imprudemment en- tre deux bras du Nil, dans le tems de l 'inonda- tion de ce fleuve , elle fat obligée de traiter aveo le SultJn dF.gypte , qui leur permit de fc reti- ftr en Palcillne.On lui rendit Damiette , St. Jn* fit Britftnt fut retenu en ôr.ige.

Ce Prince ayant obtenu fa liberté , marcha au ^cours de Cuaftaatinoplc à la tétc de quel^utl

PB l'Histoire EccLEsr.VsTiQUE. 7^

Chrétiens croifés. Le trône impcrial étoit alors vacant par la mort de Baudouin , vaincu dans I3 guerre contre les Turcs , coupe en pièces Se livré en proie aux bêtes féroces. Brienne arrive dan» cette circonftance , 6c le fcoptre lui eft déféré.

La manière don: Jc^n de Brienne s'éleva fucceffi- vement fur les deux premiers trônes de l'Orient ^ montra quelle étoit fa valeur. Erard comte de Brien- ne , fo» pcre, le dellinant à l'état eccTériafii'que , l'avoit envoyé à Clarrvaux , d'où un de fes oncles , iauruit de fon dégoût pour la vie monaftique , le tl:i. 11 Ce dirLint^ua'aier.'.ô: dans les Tournois , quoi- qu'il ne reçut aucun fecours de fa famille, & qu'il nf fubfiftât que par la générofué de fes amis. Sa firtiation rengagea à prendre la Croix ,&dès qu'il fut en Orient , il fe conduiAt avec tant de bra- voure & de fageffe, que fes talens lui procurè- rent les fceptres de Jérufalem & de Conftantinople, Cet événement , 6«: prefque tous ceux des Croi- fades , feraient renvoyés dans la cljfle des romans, ù on les lifuit dans les Hilloricnsde l'antiquité i ir.ais ils font fi confiâtes, que le pyrrhonifmele plus hardi ne fçauroLt en attaquer la certitude.

Cro'ifadc de Frédéric II.

Jcs* de Bricnie avoit fait-époufer fa fille & foft héritière au royaume de Jérufalem , à Frédéric II\ empereur d'Allemagne. Ce prlr.ce , preffè par les Papes de pafTer en PaleCiine , fait auparavant traité avec Is fulcaa MéUdin , qui lui cède Jèr^-^

S9 Elemens

falem , Narareth , & quelques autres places im- portantes. S'étant ainfi affuré des conquêtes que les Chrétiens ambitionnotent , il arrive à Jcrufa- lem , s'y couronne lui-môme Roi du pays ,& re- part pour l'Europe, fier de la gloire d'avoir re« pris les faints-lieux fans avoir répandu une goutte de fang.

Pomificat /Innocent III ; IV* Cotysli de iMran,

Lei maux de l'EgliCe , la dépravation des ffloruri ; qu'avoient entrainéi ces guerres lointaine* , affli- gcotent beaucoup le pape Innoctnt lll. Elevé fur lefaint-Hége à la fin du douzième fiécle l'an ii99t il l'occupa pendant les Teize premières années du treizième. Il s'appelloit auparavant le Cardinal £.0- (luiire , & n'avoit que trente-fcpt ans lorfqu'il fut élu Pape : mais on le chôilît en conlidération de fes bonnes mœurs & de fcs talens , & malgré ft TchOance & fes larmes. Il avoir d'abord étudie à Paris, enfuite à Bologne, & s'ctoit dininguc en Phiiofophie & en Théologie. Le lendemain de fon facre il reçut le ferment de fidélité du Pré- fet de Rome , à qui il donna par un manteau l'in- veftiture de fa charge : au lieu que jufque$-lj le Préfet la tenoit de l'Empereur , & lui fâifoit fcr^ ment de fidélité.

Innottni tâcha d'abord de recouvrer Ici do.tiai- Bes que l'E^lifc de Rome avoit eus en Italie. & ^'cn cluiTcr ceux qui Ici avoicm ufurpcs. 11 eor.

t)E l'Histoire Ecclésiastique. Si toya donc plufieurs Nonces dans les provinces, & vUlta en pcrfonne le duché de Spolète & I2 Tofcane. Il employa même les armes contre quel- ques villes rebelles : mais il timoignoit ne pas ai- mer ces fortes d'aiîaires li dllTipantes. Entre tous les défordres qui rcgnolent alors à la Cour de Ro- me , il haiffoit principalement la vénalité : il tra- vailla à déraciner ce vice , qui rendoit depuis long - tems cette cour ii odieufe. Trois fois la femaine il tenolt le Confiftoire public , dont Tu» fa^e ctolt prefque aboli : il y écoutoit les plain» tes de toutes les parties , renvoyoit à d'autres Ju- ges les moindres affaires , 6c examinoit par lui- même les plus importantes. Tout le monde adrni* roit la fageffe 6: la pénénation avec laquelle i faifoit cet examen; & les plus fçavans Jurifcon» fuites venoient à Rome feulement pour l'enten- dre , afin de Ce former dans fes Confiûoires. Dans fes jugemens il n'avolt aucun égard aux perfon- lies , & il ne les prononçoit qu'après une mûre délibération. C'eA ce qui lui attira tant & de A grandes caj fes , & l'on n'dvoit rien vu à Rome do femolable depuis très.long-tems.

Son premier deffein , en montant .fur le trôné, pontifical, fut de faire- affemblcr un Concile gé- néral. Il s'écoula près de feize ans fans qu'il pùc l'accomplir , à caufe des guerres qui troubioient une partie de l'Europe. Enfin il fut convoqué à l^one pour la fin de l'année 1215.

Ce Concile, Je IV ' de Lairan , & le XII' de»

Dv

igi E L E M E N~S

gcncrauT , fe tint dans la bafiîique de Ctnjfjfuirr^ 11 s'y trouva quatre cents douze Evèques , huit cents Abbés 8t Prieurs , les Patriarches Latins de Conftantinople & de Jcrufalem,& le Patriarche ^es Maronites. Prcfque tous les Princes Catho- liques y envoyèrent leurs AmbafTadeurs. Le Pape «n fit Touverture par un ferir.on , il prit pour fexte ces paroles de l'Evangile: J'ai icfiri ardcn' ment de eHèbrcr cette PJque a*ec vous. Expliquant cnfuite le mot de Pàque, qui fignifie paffage , il rn diftingue trois ; le paffage corporel d'un lieu à un autre, qu'il applique au voyage de la Terre » Sainte: le pillage Tpirituel d'un état à l'autre , par Hi rcformation de l'Eg'.ife : le pslTage éternel de cette vie à la gloire cclcfte. Ces trois paflages font toute la maiicrc de Ton dlTcours, qu'on ad* xnira dans le tems.

Le premier foin du Concile fut d'établir Ici dogmes de la Foi contre les erreurs de Eèrengir te des Albigeois, qui n'étoienr pas encore enné* xement étouffées. *• Il n'y a qu'une Eglifc univcr» »• ftlle, ( dit ce Concile , ) hors de laquelle pcr» M fonne n'cft fauve. Jesus-Christ y eft Iui-n.£* w me le Prctre & la Viélime: fon Corps 8t fon r Sang font véritablemem contenus au Sacrement M de l'autel , le pain ctont change en la fubAance w de fon corps & le vin en celle de fon faog « parla puifl'jRce divine : Se ce Sacrement ne peut n ctre Un que par le Prctre ordonne Icgitime» f, toi^: j CA vfrivi du P9UY94 de lEgUiç ictÇf^

DE l'Histoire Eccles'astiqi/e. 8^

ik par J. C. à fcs A poires & à leurs fuccaffcurs. « tCtmt de Ti anjfuhjldiitiation , confacrc dans ce Ca- non , a toujours été depuis employé par les Théa- logifns Cdtho!i'-;iias , pour fi^nificr le changemena que Dieu opère au facremont de rEucharifiie : com- me le mot de C^nfuhfiant'id tut confacré au Concile deNicée, pour expiir.er te myftcre de la Trinité* Mais l'Eglife avoit cru de tous tems le change- ment de fubftance dans le Sacrement l'Eucha» rrftie, quoiqu'elle ne fe Tervit point du terme de Tranjfjbjljniiarwn, Le Concile de Latran définit encore contre les Albigeois : « Que C après le Bap» »» t«Tne quelqulin tombe dans le péché , il peuç 1* toujours être relevé par une vraie pénitence. »> Non-feuicment les Vierges &i tous ceux qui « girdent la continence , mais encore les perfon- w nés mariées , qui fe rendent agréables a Dieu » par la foi & les lionnes- oeuvres, méritent d'a- M river à la béatitude éternelle. » Le Concile prof- crivit auffi les rêveries d'un abbé Jvachim fur l'c. tat futur de lEglifc, & fcs propofitions errcnt'c» fur le myftcre de la Trinité.

On fit cnfuite divers rc^Icmens fur la cor.fef- fu3n auricula're » fur h communion des Laïques- fous une feule efpicc , fur l'ufage de garder Saint-Sactemcnt dans les Egllfes. On y promulgua le célèbre Canon qui ordonne à tous les Fidèle* de l'un &: de l'autre fexe , de feconfeiTer au moin* une fois chaque année à fon propre Priire , & iccevoir la communion Paftliale, On défendit déj

Dvi

$4 Elembvs

tablir de nouveaux Ordres religieux. On doana moyen de réformer les anciens , ou de les con- ferver dans la régularité. Entin on fit divers dé- crets, qui ont fervi de fondement à la difcipline obfervée depuis , &c d'autorité aux Canonises.

Innocent III ne put voir les effets du zèle qu'il avoir montre dans cette célèbre alTemblée. Il mou- rut en 1 1 1 6 , avec la réputation d 'un Pontife pieux^ modcfte & fçavant. Il ne voulut porat fe fervir de vaifTelle d'argent , & il vendit la ûenne pour fou*' lager les pauvres.

Diffutes de Frédéric II avec Us Papes,

Après Innocent III, le falnt-fiége fut occupe par un Romain de lilluftrc maifon de SavclU. U prit le nom d'Honorius III. Ce fut fous fon pon- tificat que s'élevèrent les difputes de l'empereur TriàcTic avec les Papes. Ces différends furent foi» bleS fous Honorius ; mais ils parvinrenrau com- ble fous fon fucceffeur Se fon neveu Grégoire IX ^ unitateur cie fon zèle & de fa fermeté. L'Italie, fous ce Pontife, fc partagea en diverfes fadions feus les noms de Guelfes & de Gibelins ; les pre- miers étoient pour le Pape , & les autres pour FEmpercur.

Frédéric avolt fait vœu d'aller combattre les Infidèles ; Grégoire IX le preffa d'aller l'accomplir. Ce Prince feignit d'y aller, & s'embarqua; mat* Ai revint peu de teras après. Le Pape le força par $ek ccnfures à correprcadic ce voyage. FriJtne

DE l'Histoire Ecclîsiastique. Sf

l'entreprit , & arriva heiireufcment en Paleftint.

Ayant appris que le Sultan d'Egypte étoit campé près de Gaza , il lui envoya deux Seigneurs avec des prcCens , & lui fit-dire que s'il vouloit rendre Jérufalem , il feroit inutile de faire la guerre. Le Sultan , informé de la divifion qui étoit entre les Chrétiens , lui répondit , que les Mufulmans ne pottvoient pas céder aifément Jérufalem , à caufe du refpeft qu'ils avoient pour le Temple , ils venoient de toutes parts avec autant de dévotioa que les Chrétiens au Sépulcre de Jesus-Christ. Ce que l'on appelloit alors le Temple de Jcrufa» lem, étoit la m ifquée bâtie à la même place , de- puis que le calife Omar eut pris cette ville en 636. Cette raDfquce fut changée en Eglife à la con- quête de Gùdcfroi de Bouillon , & l'on faifoit-croire aux peler ns que c'écoit le Temple de Salomon , re- Iiâti pir les Chrétiens après avoir été ruiné par ks Romains. C'ctoit l' Eglife patriarchale -, mais Sa- ladin ayant pris Jérufalem , la rétablit en mof-> quée.

Après une négociation très-fecrette , l'Empe- reur fit un traité avec le Sultan, Jérufalem devoit i'fre livrée à l'Empereur , à conlition qu'il ne tou- cheroit point à l'enceinte étoit la mofquée des Mufulmans , qui y viendroient librement faire leurs prières. Par ce traité le Sultan rendoit aux Chré- tiens Béth cem, a condition qu'on n'empêcheroit ■ucun Mufulman d'y aller en pèlerinage. Le Pa- ^uuchc de Jwruraica , les Templiers & les Uof-;

55 E L É M E N 5

pitaliers , ne voulurent prendre aucune part a traite. Le Patriarche aUa mtme jufqu'a dcfciidrc de célcbrer l'Ofnce divin a Jérufalem. Il reTuf» auHj à tous lc$ pcictins la permiùion d*y entrer & de vifîier le S, Sépulcre , & écrivit deux lettres 1res vives contre l'Empereur.

Ce prince, après avoir fait fon entrée à Jéru- falem & avoir vinté l'Eglife du S. Sépulcre , fe hâta de partir pour l'Allemagne , fçachant que le Pape lui fjifoit la guerre avec fuccès. 11 n'éioit pas roè> ne en fureté en Palcfline -, car les Templiers 6c les Hofpitallers voyant le Pape déclare û haute- ment contre lui, écrivirent au Sultan d'Egypte , que l'Empereur avoit rcfolu d'aller à pied & avec peu de gens au fleuve du Jourdain , 8c qu'ainfi le Sultan pourroit le prendre ou le tuer. Le Sultan ayant reçu la lettre dont il connollToit le fceau » détsfla la perfidie des Chréficns , & particulicre* ment de ces Religieux -, & il envoya la lettre à l'Empereur , déjà averti de la trahifon fans avoir voulu Ij croire. LIIc fut la fource de (a haine con- tre ces deux Ordres militaires. On cliar^eoit p!us les Templiers de cette trahifon que les Hofpitaliers»

CcpcnJant une armée le. ce par le Pape , avoit conquis un grand nombre de places dans toutes les provinces d'Italie qui dipendoient du royaume de Sicile. L'Empereur , à (on retour , recouvra en peu de lemt tout ce qu'il avoit perdu. Grégoirt IX , outré de douleur , exécuta la menace qu'il Avoit faixc , àc dégager les fujcts de Induit. Uf

p" DE l'Histoire Ecclésiastique. Sf

leur ferment de fidélité. L'Kmpercur envoya faire au Pontife des propofitlons de paix , & fit-venir en Italie plufieurs Seigneurs d'Allemagne pour être arbitres de fes différends avec le Pape. La paix fe fit l'an 1230. L'Empereur alla trouver Grégoire IX à Anagni. Lorfqu'il fut devant lui, il ôta fon man- teau , fe mit à (ti pieds , & reçut le baifer de paix. Cet accommodement ne fut pas de longue durée, L'Empereur s'étant emparé de l'ille de Snrdaigne , fief révélant du faint-fiége , Grégoire s'enpla-gnl: inutilement. Il l'excommunia de nouveau , le di- manche des Rameaux de l'ari 1259 ; le dcpofa de la dignité impériale , déclara fes fujets abfous du ferment de fidélité qu'ils lui avoient fait , & leur défendit étroitement de robfervcr. L'Empereur tranfporté de colère , écrivit aux Romains, pour leur faire de grands reproches d'avoir fouffert que le Pape lui fît une telle injure. En même-tem$ le Pape adrefTa une lettre circulaire à tous les Evcques de la Chrétienté, pour leur ordonner de publier , tous les Dimanches â: les Fêtes , au fon des. cloches , la fentence contre FEmpereur. Cette let- .tre fut aufiî envoyée aux Rois , aux ducs & aux principaux fcigneurs , avec les changemens conve- nables félon la qualité des perfonnes. Frédéric , ir- rité contre un Pape qui employoit des armes fi terribles , entre en Italie avec une armée : Grl- goire voulut lui oppofer un Concile ; mais fon en- nemi ferma tous les paffages , & ceux qui fe bazar» ^rcat vouloir aller ii Rome pour cette ailgaix

%B Elemens

blée eccIciîaAique , furent cmpriionncs ou ma(- facrés.

Grégoire en mourut de douIîur.Sc fon fuccef- feur Ciltjlin IV ne lui furvccut que quinze jours. Enfin , après deux ans de vacance , on élut le cardinal Siniba/de, des comtes de Ficfquc , qui prit le nom d'Innocent 11'. II avoit toujours vccu en bonne intelligence avec Frcitric , lorfqu'il étoit car. dinal -, on crut qu'étant Pape, il termineroit plus facilement les difputes entre l'empire 8c le facer- doce. On fc trompa. Innocent voulut que Frédéric fe juftifiât des crimes qui avoient engagé Grégoire IX à l'excommunier. Cette demande irrita l'Empe» reur ; St le Pape craignant les effets de (a ven- geance, fe retira en France , il convoqua un Concile-général en 124^.

1. Concile Général de Lyon,

Lyon fut le lieu qu'on choifit pour cette afTetn» blée, à laquelle le Pape appella les Princes St. cita l'empereur Frédéric. On y vit Eaudou'in eripercur de Conftantinople , & Rtiau^nd comte de Touloufe. Les prélats , qui croient environ cent-quarante » avoient à leur tête les patriarches Latins de Conf* tantioople, d'Antioche ir d'Aquilée. L'empereur Frédéric , craignant les fuijcs des décidons de cette aïïemblée, y envoya un amballadcur , qui offrit au Pape, au nom de foomahre, de s'oppofer aux Tartares , aux Corafmiens & aux autres ennemis lie IXglifc ; nuis le f ooul'c » n'ccjutam que foa

l'Histoire Ecclestast.que. F9

rcffentiment , prononça une fentence de dôpofuion contre Frcderie. «« Ne pouvant plus , ( dit le Pape ) fans nous rendre nous mêmes coupables , to- » Icrer les iniquités de Frcderie , nous fommes obli- » gés en confcience de le punir, n II réduit enfuite les crimes de ce prince a quatre principaux , qu'il foutient être de notoriété publique : /^aryure , /â- triligt ^ hér^/ie, if. félonie. « Sjr tous ces excès, (con- tinue le Pape , ) <> & plusieurs autres , après en avoir 1 mûrement dcUbtiré avec nos confrères 6c avec w le Concile , 0c en vertu du pouvoir de lier & M de délier, que Jesus-Christ nous a donné en la perfonne de S. Pierre , nous dénonçons ce Prince privé de tout honneur & dignité , dont il l'eft rendu indigne par fes crimes , & l'en » privons par cette fe.itence : abfolvant pour tou» » jours de leur ferment tous ceux qui lui ont juré n fidélité , détendant expreû'cmcnt que perfonne T* déformais lui obciii'e comme Empereur ou com- me Roi , ni le rej;arde comme tel ; & voulant n que quiconque à l'avenir lui donnera aide ou H confell en ce;te qualité , (bit excommunié par »» le feul fait. Au refte , ceux que regarde l'élec- M tion de l'Empereur , lui éliront librement un fuc> » cefTeur dans l'Empire : & quant au royaume i> de Sicile , nous y pourvoirons avec le con- n feil de nos frères , aind que nous jugerons à- » propos. Donné à Lyon le dix-feptiéme de JuiU

» Ut 1 245* " Le Tape prononça cette fentence en préfence tLs

5>o Elément

C^nci/e, 11131$ non aiei. l'apjrobjtior, eu Citc'iU î car il feroit injufie d'attribuer é un fynode cecu- n-.enlquc une iclle enrreprife fur l'autorité tempo- relle.

Frédéric ayant appris la nouvelle de fa dépofi- tion , tâcha de fc rendre les Princes favorables. U kur écrivit deux lettres pour les toucher fur fon fort. Dans la première , il les exhorte à profiter de fon exemple , & dit : « Que ne devez - vous M point craindre d'un te! P^pc , chacun en parti- »• culicr , puifqu'il entreprend de me dcpofcr , moi M quifu'.s couronné Empereur ce la part de Dieu M après l'cleâion folemnelle des Princes ? II n'a n aucun droit de nous juger quant au temporel ^ f* en fuppofant qu 11 y evit des accufations grave» n 8c bien tondces contre nous. Mais je ne fui» n pas le premier que le Clergé a ainfi attaqué en n abufant de fa pjilTance, & je ne ferai pas 1* »» dernier. Vous en êtes vous-mêmes caufe , en r> vous foumettant à ces hypocrites dont l'ambi- M tien n'a point de bornes. Si vous vouliez y faire n attention, combica découvririez vous dms U M Cour de Rome d'infamies, dont la pudeur ne permet pas de parler ? Ce font les grands revc- n nus dort ils fe font enrichis aux dépens de plu- H ficurs Royaumes, qui les rendent infcnfcs. Quell: m reconnoiiTance vous tcmoignent-ils pour les di- X mes 8c les aumônes dont vous les nourrifTet * »» Ne croyez pas que la fciuencc du Pape m'ai» p abattu. La purctc de ma confcicacc , doiu Du u

DE l'Histoire Ecclésiastique. 91

11 itJ'eft tcmoin , m'.;ffure qu'il eft avec moi. Mon »» intention a toujours ctc de réduire les Ecclc- » fiaftiques , fur-tout les plus grands, à l'état M ils étoient dans la primitive Eglife , menant une vie apoftolique , & imitant Thumilité de Notre - Seigneur. Ils guériffoicnt les malades , « reirufcitoient les morts , & foumettoient les Rois » 8c les Princes , non par les armes , mais par leur ■» vertu. Ceux-ci , livrés au ficde , enivrés de di- >> lices , n'ont aucune crainte de Dieu. Leurs » grandes richeffes leur otent toute religion. 11 •• faut donc leur ôter ces ricliefl'es , qui leur font >i fi pernicieufes : c'cft à quoi vous devez travail- n 1er avec moi. n

Cette lettre emportée ne fervlt qu'à rendre Frd" deric odieux , parce qu'il paxoiû'oit vouloir dimi» Buer la liberté Se la dign'.ré del'Eglife, que l'on croyoit alors inféparables des richciTes & de la grandeur temporelle. Le décret A' Innocent If^ contre lui , eut des fuites plus fàcheufcs qu'il ne le pen- foii. 11 fut en partie la caufe de îa ruine de ce» Empereur & de fa maifon , plongea l'Allemagne dans l'anarchie, & l'Italie dans tous les dtfordres des guerres de religion & des guerres civiles.

Première Croifade de S. Louis

Parmi les décrets que fit le Concile de ï.yon, il y en eut un pour engager à fccourir l'empire dd Conftantinople, qui étoit c'nancelant , & un autro £ui ordonaoic de publier par toutes les proviaccj

Elemens

Chrcticnnes la Croifadc contre les Infidèle?. L'cr- deur des peuples pour ces expéditions périlleufes ëioit refroidie par le fouvenir des revers qu'on avoit efTuycs dans les prcccJcntes. I! n'y eut gucres que les François q<ii prirent b croix.

S. Louii , prince qui joignoit la pieté la plus teodrc au courage le plus intrépide , occupoit alors le trône de France. En 112.4 « étant tombe dan- gereufcmcnt malade , il croit entendre une voix qui lui ordonne de *'arm:r contre les cnoemis du nom Chrétien. Dès ce moment il ùït vœu de fc croifer. Enfin , après quatre ans de préparatifs, il s'embarque à Aiguës mortes avec la Reine fon cpoufe , trois de fes frères , ît près de trois mille Chevaliers bannercts. Il aborde en Egypte , s'em- pare de Damiette, & a quelques petits fuccès qui allarment le fultaa MaUe-Sala , qui demtnde en« vain la paix. On fe repent bientôt de la lui avoir refufce.

L'armée Françoife , forte de Coixante mille C9in« battans , s'ctant avancée vers le Ni! , la maladie cnfait-pétir la moitié, l'autre moitié eA vaincue prés de la MafToure. Le Roi lui-même , & fes deux frères le comte d'Anjou & le comte de Poitiers , font faits prifnnnicrs. Son troil'.^mc frère , Rohirt i'Àrioit , eA mis à mort à fes yeux. Louit n'ob» tint f#1iberté & ce île de fes frères , qu'en payant un million de befans d'or, & en rendant Damiette. 6on armce trcs-diminuce fc retira clans la Palefli- oe, le Roi demeura jufqu'a la mort de fa merc U

DE l'Histoire Ecclésiastique. 95

reine Blanche , occupé à vifuer les lieiix-faints , & à faire-riparer les fortifications de Céfarce de Philippe , de Joppé , d'Acre , de Sidon. Son féjour, qui fut d'environ quatre ans , valut la liberté à douze njilîc Chrétiens. De retour en France , en 12.54 , il trouva un royaume que fon abfence a voit ruiné-, & en tâchant d'en réparer les dcfordres , il croit toujours rempli du defir de former une nou- velle Croifade.

Sccondî Cro'ifjde de S. Louis.

Cette féconde expédition , faite environ treize ans après la ptemi^ire , ne fut point contre les Ma- hométans poffciTeurs de la Paleftine , ni contre l'E- gypte -, mais contre Tunis , dont le Roi avoir , difoit-on , quelque envie d'embraffer le Chriftia« mime. Qjtcl bonheur , ( difoit 5. Louis , ) je pou- vais être le Parrain d'un Roi Aljhcme'ean ! En cas que fcs rfpcrances fuffent trompées , il rcgardoit la conquête de cette partie de l'Afrique comme im- portante, pour faciliter les autres. L'armée débar- que près des ruines de Carthagc. Le roi de Tunis , loin de penfer au Baptême , menaça de mafTacrer tous les Chrétiens captifs daris Tes états , & de venir fondre fur les François à la tète de cent millehommes.il n'eut pas befoin de combattre. On attendoit Charles roi de Sicile & frère de S. Louis , qui n'arrivoit point. Les chaleurs exceflîves, les eaux corrompues , la mauvaife nourriture , produi-

Urent des maladies mortelles. Plus de la moitié dQ

94 Elemens

l'armée fut détruite en peu de tcms. S. Louis, par utie confiance fingulicre, avoit amène fes trois fil» aînés , refpoir de la nation. II en vit mourir un ; un aurre ctoit dangcrciifcment malade, il fe fentit frappe lui-mcme , & reçut ce coup avec ces vifs fentimcns de religion dont il étoit pénétre depuis l'cnfaiice. Les maximes qu'il diéta en forme de tef- taroent à Philippe fon fucceffeur , refpirent égale- ment la pieté 5: l'amour des peuples. •< Mon fils, «» la première chofe que je vous recommande , n c'eft d'aimer Dilu de tout votre cai;r. Sans M cet amour , pcrfonne ne fera fauve. Si Dieu m vous envoie qucl:,ue adverfité, <biiffrcz-la avec H patience ; pcnftz que vous l'avez rrcritce , 8c M qu'elle tournera à vc>t;e avantage. S'il vouscn- >• voie de la profptrité , umerciez-le , ne vous n attiibuci rien, & n'en devenez point orgueilleux. y Aimez tout ce qui efl b'icn , f< haiiTcz tout mal. »♦ Puniffcz les blafphômateurs. Rendez fouvent gca* t> ces à Ditu des biens que vous en avez reçus , M & méritez par-là d'en rctcvoir d.ivantage. Soyez M cquitalilc en tout, même contre vous-même. »> Mettez votre application à faire- rcgner la paix n & la juAice parmi vos fujcts. Ainiez l'tgiife & »• Cîux qui la fervent avec tek & avec édihca- »• lion. Donnci les bénéfices à àts perfonnes di- »• gncs de les pofTcdcr & capables de les remplir , H & n'en donnez point a ceux qui en ont déjà. M N'entreprenez point des guerrei fins ncccCitc , & app*i;cz volymicr» toute couieftatioû. v.)ac

T>E L'HiSTOmE ECCLtSÏA^TIOUE. ÇÇ

« votre dôpenfe foit toujours raifoniiable, Scc.C<c.'» La maladie continuant d'augmenter," le S. Roi xe^ut les Sacrcmens avjc beaucoup de plJti ; 6c quand il fc fcn::t près de fa fin , il fe fit-rae:tre fur un Lt couvert de cendres, il mourut le ij Août 127S , avec !e courage d'un héros & la pieté d'un anachorète. Le Roi de Sicile , fon freie, qui arriva peu de tems après U mort , fit la paix avec les Maures -, & les trides reftes de l'arm-Je croifée revinrent en Europe, avec la douleur d avoir fak des tentatives inutiles.

L'expédition de Tunis fut la dernière de ces guerres facrces , qui épuifcrent lEurope d'hommes 6c d'argent , & qui la corrompirent par le relâche- ment de la difcipline ecdéfiaftique , par le trop grand ufage des indulgences , & par la diflîpation, fuite ordinaire ries guerres lointaines. Il n'en refta aucun fruit folide en Orient. Le royaume de Jcru- falera fut anéanti : Tyr, Sidon & les plus impor- tantes places furent livrées aux Sarrafins ; & le fccptre impérial de Conftantinople ne fut qu'un momcat entre les mains des François.

Cependant , ces entreprifcs produifircnt peut- être , pour quelques peuples , des eftets plus utiles que des conquêtes. On leur dut «< l'accroiffemerit » de la navigation & du commerce, qui enrichit >• Venife , Gênes , 8c les autres villes maritimes d'I- it talie. L'expérience des premières Croifades , fit- >i voir les inconvénicns de faire par terre une mar- m clic de cinq ou ûx cents lieues, pour aller ga*

f)5 E L E M E N* «:

»> gner ConAannnople ix ia Natolic. On prit J< M chemin de ia mer beaucoup plus court , Sx. les >• Croifcs, félon les pays d'où Us vcnoieat, s'em- ♦» barquérent en Provence , en Canlognc , en Ita- n lie , ou en Sicile. Il fallut dans tous^s por:s » multiplier les bJnmens âc les équipages , pour « paflTcr tant d'hommes & de chevaux avec les it munitions de guerre & de bouche. Ainli , la H navigaiion de la Mer •Mcditerrûnce , dont les n Grecs & les Arjbes ctoicnt en polTeflion depuis M pluheurs années , tomba entre les mains des « Francs ; Se les conquêtes des Croifés leur afi'a- rérent pendant quelque tems la libercc du com- mcrcc , pour les niûrciiandifes de Grèce , de » Syrie & d'Egypte , îx par coufcquer.t pour celles des Indes, qui oc venoicnt point encore en H Europe par d'autres routes. Par s'enrichirent »» Si s'accrurent les plus puifl'antcs republiques de M Venife, de G^neSjdc Pifc, de Florence-, car »> outre les ports-dc-mer , le commerce s'étendit r> aux villes tlorilloient les arts âc les manu- M fafturcs. .. ( Fleuri , rt. Dij'cours , n 13.)

Cro'ifadts contre Us Albigeois.

L'ardeur religieufe & guerrière qu'infplrérent les Croifades , s'cfoit tellement emparée des cfprits , que , lorfqu on ne put plus s'armer contre le* Infi- dèles, on fe croifa contre les hérétiques. Dès l'aa 1110 , on leva des troupes pour exterminer les Al- bigeois. 3 imon comte de Munttortcn ctoit le chef.

C'cioic

bE L'HtSTOTRE ECCLESIASTIQUE. fff Céccit un homme aulU courageux que zélé, unif- iant les exercices miliratres avec les pratiques de la dévotion -, grand , bien fait , & fi déterminé dans un combat, que le fcul mouvement de fon fèbrc iufKfoii pour épouvanter Cts ennemis. Plufieurs Catholiques non moins ardens que lui , fe rangèrent ijis fes drapeaux,

La prédication avcit précédé la guerre. Qua- tre ans auparavant , Pierre de Châtcaurtcuf , évê* «jue de CarcalTone , & légat du St-Siége, fuivi de S. Dumini^ue ,\c premier inftiiuteur de llnquifition, & d'Arnaud abbé de Citeaux , avoir parcouru le Languedoc pour convertir les errans. Les Albi- geois étoient foutenus par Raimcnd comte de Tou* loufe , & par les princes voifins qui les favori» foient par inclination ou par politique. Raimoni <hafl'a du Languedoc le légat du St-Siége , & le fîi-aiTitniner, comme il entroit dans un bateau pour palier le Rhône.

Ce meurtre eut des fuites fâcheufes pour le comte de Touloul'e. Le l'ape l'excommunia , & publia en 1210 une Croifade contre lui. Les Croi- ii%,Simcn de Muntjlrt à leur tête, entrent dans le Languedoc , prennent Beziers , CarcafTonne , La- vaur & plufieurs autres places-, ramenant quelques errans par la crainte , & les intimidant tous par les ctuautes qu'ils exerçcient. Ce moyen de convertir' les hérétiques^ (dit l'Abbé de Choifi),/;e l'atcord* guéres a\tc lu dçuctur de L^Evcriile. 11 eA vrai que les cjiicuticns fanglanies de i)imi,n de Alontfçrtt

V>f E L E M I K s

n; furent fouvcnt que des rcprciailies. Un grani nombre d'Eglifcs brûlées & renverfées en Lan- guedoc i plulîeurs Catholiques égorgés -, quelques- uns des Icigneurs Croifcs tnafTjcrés : telles furent les barbaries dont les Albigeois s'étoient rendus cux-mcmes coupables. Eaûn , djns les divers com- bats qu'on fe livra , le fanj ne fut épargné ni de part ni d'autre, comme il arrive dans prefque toutes les guerres de Religion.

Le plus important fc donna en 1113. PU're roi d'Aragon, les comtes de Touloufs , deFoix, de Corxjinjcs , allicgérent Muret fur la Garonne. Le comte de Montfort les furprend , & leur défait plus de cent mille hommes dans une bataille le roi d'Aragon fut tue.

RaimonJ comte do Toulonfe , furnommc le vieux, étant mort en izii, (on CAi , Raimoni le ftune, fut obligi de conjurer l'orage c!evc contre fon père & contre lui. U fut excommunié , pour avoir foutenu la guerre contre Amau/i y fils du célèbre Simon de Moni/ln , chef d'une nouvelle Croifade. Enfin , après avoir combattu vivement pendant plufieurs années, pour recouvrer une par- tie de fcs ctats envahis par Sim^n & Anauri , il fe réconcilia avec l'E^tife , 2c fit fa paix avec S. Li.uls , qui s'étoit déclaré contre lui. Le refie de £a vie fc paila dans les pèlerinages , ou à combattre les prétentions des Inquilucurt oouvellemcat cta- klit dans le Languedoc.

os l'Histoire Ecclésiastique. 95I

Hijloire du Tribunal de rinquijiilcn.

Quelques moyens qu'on eût pris pour extirper les fc£^es des Vaudois 6t des Albigeois, il reftoit encore un grand nombre de ces hérétiques , qui avoient échappe aux longues & fanglantes guerres dont nous venons de tracer le tableau en raccourci. Ceft ce qui engagea les Papes à établir, vers l'an izco, un tribunal uniquement occupé à en faire la recherche. On nomma Inquifi'.eurs , ceux qu- furent chargés de faire ces perquifitions. S. Dc- tnin'que ayant été employé à ces recherches, Gré' golre IX les confia en 1233 1 3pfcs fa mort , à fes enfans nouvellement inftitués.

Innocent IV établit ce tribunal en 1251 izr.s toute l'Italie , excepté à Nnpies. L'Ei'pagne s'y vit entlc'rement foumile en 1448. Le Portigal l'adopta en 1557, conformément au modèle reçu parles Efpagncls. Douze ans auparavant , Pdul III avoir forme la congrégation de l'Inquifition , fous le litre de Saint-Office, & Sixtc-Quir.t confirrra cette congrégation en 158S.

Le pouvoir des premiers Inquifiteurs fe borna d'abord à travailler à la converf.on des héréti- ques par la voie de la prédication & de l'inftruc- lion. S'ils ne réulîiffoient point par la perfuafion , ils exhortolent les princes Mes mEgiflrats à punir, même du dernier fupplice, ceux qui peififtoient avec obflination dans leurs erreurs. Ils prenoient des Infornaations fur le nombre & la qualifé des

Eij

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hérétiques, t'ur le zel; des Ëvèques &dcsin3gtArats à les pourfuivre , & ils envoyoient le réfuitat de ieurs perquiGcions au Pape, pour en faire ce qu il jugcroit a-propo«. Leur autorité s'accrut inicnfî» blement : en^în elle vint à un poiot , qu'elle parut redoutable aux Princes; & nous avons vu de net jours qu'il a fallu la réprimer en Portugal & en £fp3gne.

CcpcnJjit la julticc nous force de convenir que dans tout ce qu'ont écrit \ci Protedans & Ici Philofophes fur ce redoutable tribunal, il y a beau» *oup d'exagération. *• Tous lis officiers de l'In- Hquiûtion, (di: Pabbc de y erra dins fon Eut ifE/- pjgne) n font obliges de faite des preuves de bon- »» nés moeurs Se de capacité, i*. Le fdlnt-office ne fait jamais arrêter perfonne , fans avoir •• bien examine la qualité du dénonciateur , & Tant M avoir pris de grandes précautions pour btea Il approfondir fi c'cll par haine ou par vengeance M qu'il Uxt (i dénonciation. D'ailleurs il fjut re- n mirqufr qu'il y a la peine du talion contre le m dénonciateur. 3*. Ceux qui difeot que ceux qui M font arrêtés dans les prifons de l'Inquifition M font obliges de deviner le crime dent ils font M accufcs , en impoTeat à ce iribuoa!. Il eft cer* *> tain que des qu'ils font an êtes, on leur donne M un procu'eur , un avocat pour dcicndrc leur M caufe. 4°. Aucun tribunal inférieur ne peut cc- n Icbrer d'a.le dt j'ui (ans une permifTeo exprelTe « du confcil fuprë-ne , lequel y cavûie orjui^* iclucn: ua coofciiicr. •*

TTE L*HlSTOIIl£ ECCLESIASTIQVE. tOt h'^Hi Je fvi cft un jjur de cérémonie dcfliné par rinq lifition à pu'.iir pu à abfoudre ceux qui ont été accules d'hércfie. On choifit ordinaire» nicn: un jjur folomnel , afin que ce ju^emene •it plus d'éclat. On conduit tous les coupables à l'EgliTe , on leur lit leur fentcnce d'abfclu- tion ou de condamr.ation. Les condamnés à mort, TevCtns d'une efpèce de da!m2tiqu€ fur laquelle cfl a peint des di.ibles & des flammes , font lirrés au r-igc feculier par le faint-cffice qui prie qu'il r.'y ait point eiïuden de farng. S'ils perfsTérenc dans leurs erreurs , ils fcnc brûlés vifs , à la vue d'un immenfe pcpulace , toujours avide de ces fortes de fpcûacles.

Ces folemnités qu'on appelle aHes de fol^iL qu'on ne pouvoit guéres nommer a^es de charité^ font très-rares aujourd'hui. On a penfé qu'une Reli- gion de paix & d'amour , telle que le Chriftia» TiifTie , "dcmandoit des in(lru<flions pour les er- rans , & non des bûchers. D'ailleurs les moyens terribj^s employés contre les Juifs ou contre les hérétiques, peuvent bien contenir ceux qui éle- ▼eroicnt leur voix dans les pays d'inquificion . mais ils contri'juent à éloigner de l'E^life Catho- lique ceux qui , dans d autres contrées , feroieac te.ités de rentrer dans le bercail.

Les Pontifes Romains de ce fiécle , toujours con. Juits par la chririté & par la prudence , ont bien ix.au. cette vérité. Aufli n'y a>t-il point de pays

lOi E L E M E N s

Ou la janfdiù'ion du faint-o.iicc l'oit plus douce

qu a Rome & a Avignon.

Nouveaux Ordres Religieux j Domlrùcains»

Puifque nous avons parlé de S. Daminijue àsm l'article précèdent , nous tracerons ici en peu de mots fon hiAoire, & celle delà fondation de Ton Ordre. Il ctoit Efpagnol de lilluflre maifon de Gti/m^n, & chanoine d'Ofma dans la vieille Caf- tllle. Il avoit parcouru pljfieurs provinces d'Ef- P'g^f » prêchant pir-tout la pénitence & la fai- fant -pratiquer. Après avoir converti p'.ufieur» Maures , il vint en Languedoc , pour ramener les Albigeois à la véritable doctrine. S'ctani af- fo:ié quelques compagnons de fon zèle , il leur donna une Rc^le 8c le nom de F.erei Prêcheurs, parce que leur premier inftitut ctoit de prêcher & de catéchifer les hcràïques. Cet ord/e , dont l'utilité fut fcntie p.ir les Pjpes , fut confirmé en IZI5 au Concile de Licran par Innocent III ^ & l'année d'aprcî pjr Ho<i,^rius III. S. Damini^ue , quo'que mort à l'Age de 51 ans, en uai , vit fa nouvelle famille fc multiplier dans très peu de tcms. Il cat lui-même la confolation de l'c- tablir à Paris. La première maifon de fon Ordre fut djns la rue S. Jacques , & c eft de la que les Dominicains ont ëcé appelles en France JéCihins. Le pape G-égoIrt I X le mit dans le catalogue ^et baiott i Ce c'cd a tart qu'un Auteur Frotef<<

DE l'Histoire Ecclésiastique. 103

tint a dit «• qaU U mirïtoh , fi la fuieur la plut JansLinahc & les rcvciics Us plus extravagantes pouvoiin: tenir lieu de f.inteté, S. D<.minique , inal- pré l'ardeur de fon zèle , étoit d'un caradlcre doux & humain -, Sx quant aux rêveries qu'on lui attribue , nous ignorons elles fe trouvent. Si les auteurs de fa Lcgende ont dit »> qu'/nncccn/ /// n'avoit approuvé fon Ordre, que parce qu'il avoit »vu dans un fonge la Bafilique de Latran mena* «ç'jnt ruine, mais foutenue fur les épaules de S. v> Dominique v> j ce n'eft pas à lui qu'il faut imputer cette hiftoire , qui d'ailleurs pourrolt être vraie fans miracle.

S. D^minhue avoit une tendre piété pour la Ste-Vitrge, C'eft de lui que vient l'ufage de l'in- voquer au commencement des S'crrrions. Le prin- cipal fruit de fcn amour pour Marie fut la dé- votion (kl Rofairc , qui contribua prefqu'autant à prémunir les Fi'!èle$ contre les ftduftions des Ai!)igcois , que les armées des Croifcs. Quoique cette dévotion fût vraifemblablement connue avant lui , il lui donna plus d'éclat & plus de folidité, en formant des Confréries de perfonnes pieufes qui hcnoroicnt d'un culte particulier les xvMyfiéres auxqucl. 1j Mcre de Dieu eut part. Les, cinq prera. appelles ;(.^eu.r , font : l'Anncncisiion , la \ ifite rendue à Ste EUfahcth , la NaifTance du Sauveur, foo Adoration parles Mnges, & fa difpute dans le Tem- plejau milieu des Doétcursétonntsdefa fageffe. Les cinq mjilcres trifits font : l'Agonie de J. C. avt

E iv

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Jardin des oliviers , fa fligclhtioit , (on COUroil- nement d'cpinss , le tranfporc de Ta croix âc fo» crucitîement. Les derniers myrtcres portent le nom de floritux , parce qu'ils ont pour objet le triomphe du Sauveur & de U divine Mère : c'eft la Rcfurre^ion,rAfccnlion , la Defcente da S. Ef- prit , la giorific-ition de J. C. dans U Ciel , &rAC* fonipcioa de la Ste Vierge.

tranctfcMiu,

Tandis que S. DominJ^m établiffoit fcs Miflioo^ Btirei ea France , S. Frvtfoit donnoic naiffauce à l'ordre des Mineurs en Italie. Il ëtoit fUi d'un marchand d'Aflâre , ville du duché de Spolecte. Son goùc pour la mortilication lui At-abandoa- ner dès l'âge de 25 ans la mairon paternelle , pour s'eaferraer avej fcpt difciples , imitateurs de fa pénitence , d-ins une cibaae prcs d'AlTife , qui leur fer vit tout à -la -fois de retraite fie d'Eglife. Le» Bencdiibins leur donnèrent une petite chapelle , qui étoit tout^auprcs , confacrce à la Vierge fous le nom de Ste Mjrie de la Pottioncufc i & ce fut le berceau & la première maifon de l'Ordre Scra- phique.

ffjMçjit ayant afiTcmblc un jour f*$ fept dif- ciples , leur déclara le dciTein qu'il avoit de le» envoyer dans toutes les parties du monde prêche» a pcnitcncc. •• Confidcrons , mes chers frères , M ( leur diti!) que Du u nous a appelles non- ^ feulement pour notre falut , mais pour le («Ui^

DE l'Histoire Ecclésiastique, io^

de plufiears auti^s -.exhortons tous les hommes, plus par notre exemple que par nos paroles , M à faire pénitence de leuis péchés. Ne craigrer j> point , parce que nous paroiiTons méprifables V & infenfés : mais annoncez amplement [a pcni- tence , & efpérez que le Seigneur qui a vaincu M le monde, parlera en vous par fon Efprit. Pre- ti nons garde qu'après avoir tout quitté , nous ne »i perdions le Royaume des Cicux pour quelque rt petit intérêt -, & fi nous trouvons en quelque »» lieu de l'argent , n'en faifons pas plus de cas » que de la poufiîcre fur laquelle nous marchons. n Ne jugeons ni ne mépriibns point ceux qui »» vivent dclicatement. Dieu eft Iciir maître com- n me le nôtre , ôc peut les appeller a lui. Us font M nos frères , puifqu'ils ^nt fes créatures , & no» rt maîtres en ce qu'ils aident les ferviteurs de »» Dieu a faire pénitence , en leur procurant le»- » befolns de la vie. Vous trouverez des hom- ti I -es fidcles & doux qui vous recevront avec i^ juie , & d'autres au contra. re , qui vous mal- *t traiteront : apprenez à fouffrir tout avec pa-- n tjence & humilité. Mais m craigniz point ;- n dans peu de tems pluficurs fagts & plufieurs» H nobles fe joindront à vous pour prêcher aus- n Rois , aux Princes & aux Peuples. »

Le »€le du patriarche du nouvel inftitut r>€ bornant pas à des paroles , il s'embarqua pour- h Terre-Sainte. Il parut au fié^e de Danuette en» Via 9,, & voulut ccfivçrtù Soudan d'E^y^xn-y-,

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o6 E L E M r K s

qui le renvoya avec tlci prtlqns. De retour Italie , U s'enferma àicis un petit monadcre fur une des montagnes de l'Apennin , un brûlant Scrapliln lui imprima ( félon S. Bonavcnturc ) les jnirques des fouflfrantcs de J. C. aux mains, aux pieds 6c au coté i c'cft ce qu'on appelle /es ^ig- n-ttet , & c'cft l'origine du nom de Siraphijuc qui a pafîé à fon Ordre, tnfin , confiimé par fes auf- lëritcs , il alla en recevoir la rtcompenfe en 1 216.

Dieu fit-éclater fa fainteié par plufieurs mira- cles. La moJeAie avoir été i'unc des principales vertus de François. Piufieurs de fes difciples vou- loient qu'il demandât au Pape le pouvoir de prê- cher par-tout il leur plalroit , fans la permif- fion des Evcques. Le fage fondateur fe contenta de leur répondre: Tâehê^ de gagner Us C cndsptr rhumitili & U refpecl ^& Us petits par It parcle C/ It hjn exemple. Notre priniUge fingulier duit être de n's- voir point de privUtgt.

5^on Ordre cioit déjà très- nombreux , &, dès le premier chapitre général en 1 119 , on y compta près decin:] miHc Religieux. Il avoit été con- firmé par le pape Inn^eeat III au Concile de La- tran ,\ l'année fuivnte par Honoriui III. Les Frères Mineurs furent les premiers Rili;icux qui renoncèrent a l.t prop.-ictc déroute podcnion tem- porelle , & ûreot profonîo 1 d'une pauvreté évan- géliqae. On les appclla Curdelurt à caufe de leur ceinture de corde. Ils ont été divifcs en plu- ficars braacUes , de RtiAUtt , de fiegmu , t€X*'.

DE l'Histoire Ecclésiastique. lôf

puci/is , à'Obprviitins , par difFcrentcs rctormes , que nous fcrons-connoitrc dans la fuite de cctt« Hiftoire.

jiupijlins,

L'Ordre des Hermius de S. Àuguft'in , compofé ô'ua alTemblage de plufieurs fortes de congréga- tions d'Hermites , qui avoient diffcrcns habits 6c différentes règles , fe forma pcudcttms après ce- lui des Francifc.iins. Les hlftorlens de ce nouvel ordre airurent que S. Anguftin , après fa conver- fion & fon retour en Afiique, fe retira dans la fohtude avec que'ques compagnons qu'il s'ctoi' attachés. Cette retraite fiit,fclon les mcmes hif- teriens , l'époque de la naiffance de dilfcrentes familles religieufes qui fe glorifient de l'avoir pour père. Après d mort , ( ajoûtcnt-ils, ) l'Afrique ayant été envahie par les Vandales Ariens , S. ïulgence , difciple zèle de l'illuftre évêque d'Hip- pone , tranfpona fon corps & fes Religieux ea Sarc'aigne. Ccft delà qu'ils fe difperférent dans les difftrentcs provinces de la Chrétienté. L'Or- dre iut continué & accru par les amateurs de la vie folitaire , jufqu'uu fiécle de Cuillai.nii. cvx i^A quitaire , par les foins duquel la difciplir.e cré- mitique fut remife en vigueur.

Quoi qu il en foitdc cette crigine, dcr.t l'hif toire eft fort - contcflcc , le pape Alexandre JV donna , au mois de Mai 1256 , une confiitution pour rjflcinbler ^ifTéiens Hexmites en une feule

Ev;

loS E L E M E N s

congrégation fous la règle de S. Augujliu. H leur ^oona un habit noir , & pour premier général Lanfranc Stptaljii , Milanois. Cet inditut Ce muW tiplia moins qae celui des Frercr Mineurs -, roait- iJ ne laiiTa pas détre nombreux , & d'occuper ua rang conûdcrablc parni les Religieux mendiaas*

TrirùtMres ; Reûpeux de Lx Merci.

Un des Ordres qui honorent le plus la Reli- gion 8c l'humanitc , efl celui des Trinhaircs , ou de la Rédemption des captifs. Il y avoit dès le douzième, fiecle des chevaliers de la Rédemption en Efpjgne-, mais cet in(litut ne fut bien formé que par /«ji de Mjthj , natif de Faucon dans le comté de Nice, & doûîur en théolojjie de Paris. Il fut féconde dans fe$ pieux 6c héroïques dcf- fcins par ft/Zx de V*!oit ^ hermite d'une folitude près de Meaux , appellce Cerfroi , aujourd'hui U principale maifon de l'Ordre.

Les Infidèles ayant fait beaucoup de captifs fu^ les Chrétiens dans les g-ierres des Croifadcs, JeaH & F<Hx fe confacrércnt a leur rachat. Dans le preraier voyage qu'ils firent à Maroc , ils rache> férent cent quatre-ringt-fix efdaves , & dans le fecofU en Barbarie > cent «dix. Les voyjges de» 'vinrent plus fréquens,à mefure que la charité des Fidèles féconda le 7cle de ces hommes généreux, qui rompoient non-feulcmcnt les chaînes de leurs fers en héros , mais qui défendirent fouvent la ▼érité en Apôtres. Toute la Chrétienté adopta lu CQCJuragea ua ioAiiut 11 mieicllaai , & le p^g.*:

DE LlTrSTOlRE EcClESIASTnjUE. IC^-

Innccti.t m s'empreiVd de le conSrmer en 1 109. En moins de quarante ans on compta en Europe près de lix cents mailoas de Trinitaires. L'Efpa- gne, inquictce continuellement par les Maures , fit fur-tout à CCS Religieux un accueil favorable. 11$ eurent en France le nom de Maiharins , du lieu ils bàiirent leur E^jlife de Paris , & dans laquelle il y avoit une chapt^lle repofoit le corps de S. Mjthurin.

A l'exemple de Jian de Matha , Pierre Noiaf" que, gentil-homme Languedocien, qui avoit fervi avec alTez de difiindion dans la croifade contre les Albigeois , fonda en 1113 dans le royaume d'Aragon les Religieux de Notre - Dame de la Merci ^ ou de la Rédemption des captifs. Il leur donna l'exemple du zèle & du courage, en allant rache- ter beaucoup de captis en Afrique. Dans les pre- mières expéditions qu'il avait faites dans les royau- mes de Valence & de Grenade , il avoit retiré dit-on, quatre cents captifs des mains des Infidè- les. Son inftitut , confirmé par Grégoire IX , paffa en France & dans divers autres états, il eft honoré & relpedi. Le faim fon lateur mourut en 12^8 avec la gloire d'avoir réuni le zèle cou- rageux d'un Rédempteur, aux vertus douces fit taa-, lleftes d'un Religieux.

Curmes»

Le» Carmis , fondés dans le fiicle prccédent a^ MoQC Carmel en Pilclm;, futeat ap^r;>a\^»

iio Elemens

dcns celui - cl par Inn^eent III. Nous avons parlé ■iMeurs de ces Relipeux. Nous dirons feulement qu'apics avoir paffe d'Oricni en Europe, ils por- tèrent iong-tenu le nom de Frères Barrit , à caufe c'e leur haLit bigaiic de bandes blanches & noires. Ils demandcrent à Hono'.us III la permifljon de prendre r!cs mjnteaux blancs au lieu de cl.::pet larrces. Ce changement Te fii l'an 1287,011 ils comn encérer.t aiifli a porter le Scapulaire.qu'ils di- foicrt avoir ctc montre par la v*«-f'/>'^< au bien- heureux Sm^^ii Sttik , Carm: Anglois , qu» tutro* duifit ccitc dévotion d«ns l'Eg'ife.

Au rcfle, c'eft ur.e des rêveries des Froteflan», que tous ces Oidres ;:ient été inHiiULS par les Tiipes , pour ctrc les f,!iei!;tcs de la cour de Rome» Lf S l'ouverains Pontifes ne connurent ces inAituts qu'.'prcs qu'ils curent ctc formes . îk ils en firent qiiClqiiefuis attendre très lor.g * tcms la confir» ir.ition.

Aouvelles d'tffutes des defccndans de Frcdcr ic II avec les papes,

La rr.ort de l'cmp', FridcrU II r cti cnt point les difputcsce l'empire & du fjccrdcce. Cnrmdiy, fon fils , Te At-clire après lui. hcriticr du courage de fon père , i! en avoir atAî les fcntimens. Inito» eti.i jy le fçjvoit , & le cconoinant peu favora- ble aux prétentions des l'oniifcs Rcrr.tins, il prê- cha une ( roifade contre lui. Ce prince «'étant leiidu nuitre d'une partie de U i^&uiilc , Ce pr^

DE l'Histoire Ecclésiastique. im

paroit a pouffer plus loin fcs conquêtes , lorfqu'il mourut à la fleur de fon âge en 11541 "^ laif- fant qu'un fils appelle Conradin.

Malnfroi , fils natiiiel de FrédcrUlI, & frère de Cci.rad ^ qui l'avolt chargé de la régence du royau- me de Naples , répandit le bruit que Conradin ciojt mort , & fe fit-couronner a Pdlcrme feus le titre de Roi de Sicile. Le pape Altxand'e IV^ fucccfTcur à'I nvc^niyWt voulant pas un voifin fi dangereux , leva des tro::pes contre lui. Main- f'oi s'en vengea en fjifùnt des courfcs conti- nuelles fur les terres de 1 Ev;life. Il enleva même au faint-ficge le comté de Fondi , & fut excom- munié par Urbj'in /K, qui donna 1' nvefiiture du royaume ufurpé [ar Mainfroi ^ z Charles A' Anjou frère de S. L uis,

Charles , inftruit de l'art de la guerre , battit aiftment Mair.J'rvi , qui , mali^ré fon courage , fut tue a la bataiilf de Benévent en iz66. Le vain- queur fe rendit bientôt maitre de tous les états que le Pjpe loi avoir donnes. Cunradin devenu fon compétiteur (iepu.s la mort de Aij/.iy>cj, prend alors le titre de roi de Sicile , îk paffc en Italie l'appelloit une fad^ion pu-.ffance.

dément //^.qui avoit été élu Pape après Ur- bain , le fomma de comparoitre devant le Cége apoftolique pour y défendre fes prétentions , au lieu de les faire-valoir par les armes. Il le me- naça en même tems des foudres de l'EglIfe , s'il tefufoit de fe foumettre à ce qu'on lui prefcriroic.

Ytt ^E l e m e n s

Cnrjêin , peu touche de ces menaces , & n'efpê- rant pat uo jugement favorable de Rome , conci' nua de marcher avec fon armée & vint àPavie. Alors le F ape le déclara excommunie , & inhabile à pofTcder aucun royaume , ni aucun fief de l'Eglife. Ct/irjtlia ne s'av;nçoit pas moins iufqu'à Rome, ic paiTa de-là dans la Pouille ,où fa valeur fans txpcricnce ne lui fcrvic prefque de tien. Cliailts le vainquit près du Lac Fucin le 23 Août ii68, le fit pnfonnicr , & lui fit -trancher la tète au milieu du iTurchc de N'aples le 29 Oâobre fui- ▼ant. Cette exécution du dernier rcjetton d'une mail'on illuAre fut prefque généralement dcfap* prouvée. Charles voulut cxre témoin de ce triftt Ipcclacle V ** & facriftant ( dit Haiéion ) l'intérêt >• de fa gloire à une cruelle politique , il ne fe fit )• point de fcrupule d'acquétir une couronne par M un crime, n

Second ConclU gèniial de Lyon. Réunion pjj^ figére de FEgllfe Grecque,

Let guerres des Croifades ayant établi une plur grande relation entre l'Orient & l'Occident , oi»- fitdiverfcs tentatives pour terminer le TchTme qui féparoit depuis quelques ficelés l'Eglife Grecque d'avec la Latine. Les Empereurs Grecs qui avoienr recouvré leur capitale en ii6i , avoicnt befoia- de fe foriirier , dans leur état de foibleiïe , par le fecours des Princes Occidentaux. L'empereur Miiid PaUyiiiut. jcAïaat cuBUiiga leur p.(<^u^

DE l'Histoire Eccleçiasttque. 117

tion lui éîoit ncceffaire , tàcaa de l'obtenir, en iavorifanc les projâcs de rcunion entre ki deux ïgli.'es.

Lorl'que Grégoire A', de la famille des Vifcontlf eut tté élu fouverain l'ont ite , il exhorta l'Em- pereur Grec à perfévcrer dans le deffeia de réu* n:r rOrient avec l'Occident. Ce pontife ayant convoqua un Concile gcncral à Lyon au com- mencement de l'an 1274 , pour confommer ce grand ouvrage , l'empereur Michel y envoya {ei ainbaiTadcats , ainù que tous les Princes de l'Europe.

Le Concile fe tint dans l'Eglife métropolitaine de Sz-Jean de Lyon. Il s'y trouva cinq cents Evê- ques , foixante-dix Abbés , & environ mille au> très Prélats inférieurs. Le Pape , chef de cette augufte aiTembiée , étui: mon:c fur un jubé conf- Uuit exprès, revêtu de fes hahits pontificaux, & a/TiAc de pluficars Cardinaux. C'cd de- la qu'il •xpofa les trois motifs de la convocation du Con- ciie : la réformation des mos'urs , les fecours don- sés à la Terre-Sainte , & la rçunion des Grecs.

Les députés de l'Eglife Orientale fignérent une profe.Tion de foi telle qae le Pape l'avoit exigte, après avoir prcfensé une Lettre de vingt-fix Mé- tropolitains d Aiîe , qui annonçoit leur foumifTiora aux articles qui jufqu'alors avoient divife les deux Eglifcs. Mais dès qu'ils furent de retour à Conf- lintinop'e, le peuple & une partie du clergé s'c- ^vcrent cooire une réimioa qu'iU regardoieos

1Ï4 Elemens

comme le renverfemcnt ce la Religion.

Michel , Cjui voyoit <ldn$ cet accord un moyen de confcrvcr l'empire , ou du moins de le défen- dre contre les incurf;ons de fes ennemis , fevit contre ceux c,ui s'oppofuient à l'extindion du fchifme : mais , la Cévcrité fervant encore a allumer e fanatjl'nie , Connantinople fut remplie de lii» belles & de placards contre l'Empereur.

Ce fut dans ces circonHances orageufes (ea 1278 ), qu'arrivèrent les nonces que le pape colas m envoyoit en Orient après le Concile de Lyon , pour y confommer l'ouvrage ébauché dnns ce Concile. Ces ambàlTadeurs commencèrent par demander que les Grecs rtformafl'ent leur iy^hole & y ajoutalTent le mot Fi/icjLt.

rt M chcl ( dit M. P/ttju<f,) fut d'autât plus étonné M de cette nouvelle demande, que lorlqu'il s'ttoit »( agi de la réunion fous l'empire de VatJte , le ». pape Inn. cent IV avoit confenti que les Grecs M continuaiTent de chanter le Symbole fuivant »» leur iifape. Il comprit que, s'il vouloir faiis» n faire le Fiipe , iL courroit rifque d'une révolte n générale. li tefuTa de faire dans !e Symbole le » changement que les nonces cxigeoient. Us fe w rctireicnt, & le Kipe excommunia l'Empereur.

» L'excommunication ctoit conçue en ces ter* r> mes: Sfus déninç,.nt cxccmmunié Michel Paléo» M Ipgue , çu« l'on ncmmt Empereur àei Crect ^ tom- f me fauteur de tantitn /ihifint & de Itut hiréfit\ m & ncui dijcndeuf à tout Rt,it , Prirtcct , & êtttrtr ^

DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE. II5

n it quelque CunditLit qu'ils J'o'ent ^<ic faire avec lui ^ n tant qu'il demeurera excommunié , aucune fociété ou M conf.de'ration. n

Mjrtin //-'renouvella cette excommunication, & e!le durcit encore en 11S3 , lorfque Michel mourut accablé de chagrins & d'ennuis. Il avoit déplu aux Grecs en voulant les feire- rentrer dans le fein de la véritable Eglife , & mécon- tenté les Latins , en exigeant des adoucifiemens qui puffent faciliter la réunion des fchifmatiques. Andronic II, fon fils & fon fucceffeur , feduit par des fanatiques , lui refufa la fépulture, & an- nulla tout ce qui s'ctoit fait pour éteindre le fchifme. Il fit foleranellement depofer dans un Concile le patriarche Veccus , qui favorifoit la réunion , S: rétablit le patriarche J^fcph , qui avoit été ci-devant chaffé de J'on litge parce qu'il lui étoit contraire.

Ainfi les efforts d'un Empereur auffi abfolu & auflï zè!é que l'étoit Michel , fie les intentions pa- cifiques du premier paftcur del'Eij'.ife Grecque, ne produifirent aucun chingcmçnt ftable dans J'etat de cette E^'.ife'. Prefquc toutes celles de Orient demeurèrent livrées a l'efprit de divi. fi)n. Plufieurs Jacobites &; Ne:lo.-icns reaoncerent cependant à leurs erreurs ; mais leur exemple reput guérir ni les prévenions, ni la haine des Grecs.

Les projets pour la CroITaJe furent auiïi in- fruilucuic qu« ceux qu'on avûit tormés pour l'cx-

tîfi Elimeks

tinâion eu fchifmc. degui.-e A' mourut en 1 176 , R: les Poniifes qui vinrenc après lui ne gouver- nèrent pas slVtz long-tcms pour adopter fcs idées & pour les fiire-valoir. Tout le fiuit du XI v* Concile pencral , II' de Lyon , fe borna à quel- les réglemens utiles , & à la icfoinie de quel- ques abus. On n'y difliniula point les maux , fit en n'étouffa point la voixdetcux qui les decou- vroicnt-, mais il ctott di&cile, que des alTcfnblcc» pBiTn^crcs pnfient guirir dci plaitt c^ui (iir.taa>

4otcot un trat:cn«nt (.Ûidu t^ juurntlicr»

« Ecrivains LcJê/iapques,

Le xin' fiécle, flcrile en bons Lcrivaini , fut fécond en Théologiens TchoUAiquet. Lti Domini- cains en produifirent un grand nombre , tels que Albtn le Grand , évoque de Racisbonne , mort ea l2So,àgé de 87 ans , nprès avoir «niante coiffe- rens Ouvrages , imprimes en ib^i , en 21 vol. in-fol. Recommandable comme Religieux & corn* me Evéque , il ne l'cA gucres comme Auteur. Il étendit la logique au-delà de Tes bornes en y mêlant mille chofes étrangères, & il traita l'aAro- lo^ie judiciaire en fcience qu'un peut mclcr à politique.

S. Thomas A'À^uin , (cti difciple, fils <lu comte é'À^uim .cherch] un afyle contre la corruption du ficde chez les Dominicain s , qu'on appclioit alors Ici frtru Prithtutt.W cnfeignn ta théologie avec le plus grand fucccs, &. dcviiit l'oracle de foo Oidrc. H

DE lTîistoire Ecclésiastique. 117

Tcfu fa l'arche vêchô ':'e Napics & moiirut en 1174, comme il venolt au Concila de Lyon. ')on humilicé &fon auftcricé égalèrent fa fcieuce. Sesparcns s'é- tant oppofés â fon entrée dans l'état religieux, envoyèrent une courtifane pour le corrompvciil la mit ea fuite avec un ti fon ardent. Sa Somme qui lui a mérité le furnom de Docteur angélique ^ eft encore le fondement de toute la théologie fciio- laftique 6c morale. Il ftit pour la tUéol i^ic ce que Dcjcd'tts a été pour la philofophie dans le fiécle dernier. Malgré fa pénétntion , fon fçivcir & fon jugement , il fut forcé de fe plier à li métho- de fcholaftique de fon fiécle , & de traiter quel- ques qucllion inutiles que les Théologiens moder- nes ont écartées. C'eft à lui qu'on doit rOiiice de la tére D eu, intïituée dans ce fiécle par le pape Urbain IV.

Vincent de Beauvais , ainfi nommé parce qu'il ctoit Evc^ue de cette ville , publii une efpice d'Hiftoire univerfelle fous le titre de Spectlnm ( Miroir ) hijloriale , qui n'eft point le miroir de la vérité.

Hugues de 5. CAtff , cardinil , paffihle interprète de l'Ecriture-Sainte , donna la première idée des Concordances.

Raymond ,zvi\.e\XT da Puî^nard de la F^i , fe dif- tingua par une érudition fupérieure au génie de fon fiécle. Il ctoit Dominicain , ainlî que la pré- cédent

I-ci Frères Mineurs eureiu aui3î leurs ecri-

"ii8 Elemens

vains. Le plus cclcbrc cil Saine Bmarerturt , ne en Tofcane l'an 1221, l'une des lunùcres de fon Ordre, dont 1! lut gcncra]. Le pape Cre'gvire X l'honoia ce la pcurpte Kcmaine. Lotfqu'oa lui porta la rouvclie de fa rcniii etion ,cn le trcuva lavrnt la vaifTelle. Son humilité étoic cxircme. C'.cmtnt l^ lui offrit vainement l'ar- chevcchc d'Yorck. Il mourut en 1174', au Con- cile de Lyon , avec le titre de D^^lcur Séraphi- qut. ta Ouvrages de p'uité refpirent une ondion qui l'a foit -meure au rang des bons Ecrivains myftiques : mais on y trouve quelquefois des ré. Acxions & des détails hilloriqtes fur la vie de J.C. ,qui n' ctant pas pi iûs dans l'Lvan^ile, ne font pas toujours propres à ncutiir unepicic cclaitée •& folide. Le recueil de Tes Ecrr.s , imprimés à'Ve- nile , 1741-1756, forme 14 vol, ln-4'.

Alexjndîc de HjIcs , lui nommé le D,.Bcur Ir^è- fra^ablt , le maître de S. £,,na%cr.ture, fut aufli ap« pelle /lins fine , glutij d^cli-rum ^flcs philu/tiphorum » mais il mctita plus d'cfiime par fa pictc , qi:e par fa fcicncc , qui ctoit mcice de toute la rouille de fon tems.

S. Ar.t<,irt de r^ciLt , co^rmeritatcur des Livres faints, & Trcdiiatcur infatigable , fe lit un nom par fon cliKjuer.ce , qui ne pouvoir gutres ûre bonne que pour fon llécle.

i?i/r<i/;rf , cvCquc de Mendcs, eut le furncm de Spttu.'aicr , à caulc de fon Sficulum Jurit, Ce li> vre a cté long-tcms coofulic par les Canccifiet,

BE l'Histoire Ecclésiastique, ii^

Guillaume de St -Amour , docteur de l'univerri'c de Paris, fc rendit célèbre par l'ardeur avec la- quelle il dcfendit les droits de la fociété dont il étoit membre, contre les Religieux mend, ans. Il les attaqua av.^c une vivacité extrême, & il trouva dans S. Thomas Si. djns S. D.injvinturc des adver- faires qui le refutirent avec force , mais fans em- portement, * *

Mais celui de tous les Dofleurs Parifiens qui mérita le mieux de la poftcrité , fut Robert Sor- bjn , ou ii Sorbi'iine. II fut ainlL appelle , parce qu'il étoit ni au village de ce nom près de Sens. Les Ouvrages des Ecrivains de fon tems font prefque oubli is ; le fien fubfiile & fubfiftera pour la gloire de la Religion. C'eft lui qui fonda ea 1255 le collège qui porte fon nom. Il chercha, par cette fonda:ion, à applanir aux pauvres éco- liers la carrière des études thcologiques. Il con- çut U il exécuta le projet d'une fociété d'Ec cicûaftiqu-js fec'.illers , vivant en commnn , qui , libres des foins de la vie , fe livrafTent entière- ment aux fcisncis de leur état, & enfeignaffent les autres gratuitement. L'ctablilTement de la Sorbonne , confirme par le faint-fiége , fut au- torifé par S. Z.&um , don: Robert étoit le chapelaia & le confciTeur.

Ce célèbre Doileur auroit rendu un grand fer. vice aux Ecoles de ce tems-là, s'il avoir pu les délivrer des fubtilités fophiftiques , puériles & iodcccntcs , que raffujettillement a la diaJeftiquo

149 E L E M E V S

^\ir\ftote y qu'on ne connoilToitque par Tes trs»- ▼aifcs veii-ons des Arabes, y avoir introdui- tes: mais c'ctoit beaucoup , de donner desmc>%ea$ d'acquérir avec moins de peine les connoilTances auxquel'cs les hommes fludi(.ux d'alors poiivci:nt atreiiidre.

Il fjut rerratcuer à 'a lou rg! de ce fié le , que les gens-dc-b.cn & de f,avoir, coient con- sultés fc (.ccuics. le mtritc écoit encore en hon- neur. On a vu S. B.njnti:.ire é'.cvé à la «ligni.c de Cardinal-, & S. Thomas d'^luin reçu», des Fa- pes & des Rois , les tcmoignages les plus hono- rable*.

Nous remarquerons encore, que dans les coa- troverfes que l'on eut à fourcnir pour la réunion <Jes Grecs, d vers points de doilrine furent cclair- cis Se traites avec foin. Les Conciles qu'on af- fcmbla, fcrvircnt non-feulement à répandre la lu» ■licrc fur les dogmes , que les htrctiques voulolent obfcurcir, mais à re;ucil!ir les diibris de l'ancienne difcipline, (c à refTerrer les liens facrcs de la com- munion eccléùaflique.

£u: Je PE^'Jfe Je- Rc^me»

Les Papes qui gouvernèrent l'Eglife â la fin de ce ficelé , fe fucccdoient (i rapidement que leur hiAoire ne pouv.mt former qu'une lifte fort-»c- che, doit être renvoyée dans des tables chrono- logiques. Les cicâions ^toicnt une fource déca- tie de difputes. Apre* la mort du pip« V-

coLxf

CE lTTistoife EcCLISUSTlÇur. lii

ciiat IV, leS.Sicge vaqua pendant plus de deux ans* Enfin les Cardinaux Llurent Pierre d^ SLuron ,<\\ù pnt le nom de CéUfiin V. C'étoic un Hermite qui •voit toutes les vertus de fon état , 8c aucune des qualités propres au gouvernement. La fimpli- cicé dans laquelle il avoit palTé fa vie , le dcfauc d'cxpefiencc, la tbiblefle de l'âge , lui firent-com- tnettre bien des fautes par les artifices de ceux auxquels il étoit livré. Il fe démit de la Papauté <n 1194, & retourna dans la folitude .ajirès avoir fondé les Céleûins , ordre fupprimé aujourd'hu <n France.

Le cardinal Cajctan , qui avoit , dit-on , engagé CcUfiin Va fe démettre, fut élu après lui:" Pré- M lat (dit l'Abbé de Venot, ) fçavant en l'un & l'autre ♦• droit, habile dans le gouvernement 8c confom- dans les affaires d'état ; mais d'uoe ambi- 1. tion fans bornes , avare, vindicatif, même cruel ; & qui pendant tout fon pontificat, ne fut oc* X cupé que du projet chimérique d'unir l'un & l'autre glaive, & , à la faveur de l'autorité pure- y* ment fpirituelle , de s'attribuer fous différens w prétextes une domination temporelle fur les « Etsts de tous les Princes Chrétiens. «Il com- mença fon règne par la re vocation des grâces ac- cordées par fon prédeccHeur. Jaloux de la placs qu'il occupoit , & craignant qu'on ne pcrfuadàt 4 Cilefiln de la reprendre, il le fit-enfermer dans un château, il mourut peu de tems après , coa- fumé par fcs aui\t;ritcs.

iQtn, IL F

■frii E L E M I N s

Les entreprifes des Papes fur l'autoriré tempo- relle Tefoutinrent d'autant plus dans ce ficelé, qu'^ Jes trouvèrent des apologiftes dans pluCeurs théo- logiens. S. Luuls , plein de refpccl pour la chaire de S. PUrrt , mais ne voulant pas facririer à ceux qui l'occupoient les droits de fon trône, donna en 1169 fa PragmjtiijMe-SanHicn , pour contenic la puiffance eccléruftique dans de juftes bornes. «Les t, Papes , ( dit l'Abbe de Choijî , ) fous le fpccieux »« prétexte des Croifadcs & de rcx:irpation des n hcréfies ,$'étoient attribué un grand pouvoir. Us >t donnoient les terres des hi'rétiques à ceux qui »» €n faifoient la conquêtÉ,& fe réfervoient touioars »> quelque redevance. Les Seigneurs particuliers fe m faioict alors la guerre tort-conimiîncment, fans que n les Princes puffent l'empêcher. Les Papes les met- V, toient (ous la protcdion de S.Piem, Si. dcfendolcr t n à leurs ennemis de les attaquer. Ils ordonnoicni des M Croifades , impofoient des décimes fur le clergé » pour ces expéditions, & de plus ils fe rendoient X peu-à-peu les maîtres abfulus des privilèges 8c de toute la difcipline eccLfiaftique , même de M la plupart des Bcnifucs , auxquels ils nommolent, n à la moindre difpute , des colljteur*.

H Ccft à une partie de ces abus, que S. Lou'tt n voulut remédier par fa Pragmatique. Cette fa- ^ meufe ordonnante porte que les pitrons & les n coUateurs Aa Bine fie es , feront maintenus en poT- -feiBon de leurs droits ; que tous les difft rends 9 «a cette maiicre fcroat réglés par le Droit comj

i5E l'HiSTOIRÏ EcCLESlAStiQUE. 115

>. iBun , & qu'on ceffera'de lever , au nom de »> la Cour de Rome, des contiibuiions onireufes » à lEtat , &c. »

Injlltuùon du Jubilé,

Bonlfacc VIII , ( c'eft le nom que prît le cardi* Rai Cajetan , fucceffeur de Célejlin , ) fignalala fixié- me année de Ton pontificat par une inAitutlon fa« lutaire. Vers la fin de l'année 13C0 , le peuple dil'oit hautcn-.ent que c'étoit un ancien ufage l'Eglife , que chaque centième année on gagnât une indulgence pléniére en vfitant l'Eglife de S. Pierrt. Un vieillard de cent-fept ans , ayant con- firmé cette tradition au pontife, Boni/ace donna une bulle qui portoit , que ceux qui viflïeroien^ en 13CO, & tous les cent ans enfuite , les bcfili- qu^ de S. Pierre & de S. Paul , après »'être con* feffés de leurs péchés , gaj;neroient une indulgence plénlere ; mais dans cette bulle il n'étoit pas fait mention du Jubilé , nom que Clcment VI donna (dit-on) le premier à cette inftitution, en or- donnant qu'elle feroit célébrée tous les cinquante ans.

Le premier jour de la proclamation du Jubilé,' Eoniface VIII donna la bénédiftion au peuple en habits pontificaux , & le fécond , avec les orne- mens de la dignité impériale. Le delTein qu'il avoit formé de s'arroger une autorité illimitée , non-feu- lement fur les affaires fpirituelies , n.ais fur les temporelles des Princes , fe manifena alors avec

Fij

Ïi4 Elemevs de l'Hist. EccirsiASt.

éclat. Il fît-poner devant lui une épce nue,& le hérault qui la portoit , prononçoit à haute voi> ' Il y a ici deux g.'jii <s ; paroles de l'Evangile , donc le Pape dctournoit le lens pour s'attribuer l'exer- cice & les droits des deux puiflances. Nous ver- rons bientôt quel fut le truit de ces prétentions , qui, en révoltant les Souveraios, devoieat aila» |Dcr des difputes fuocAes^

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É L É M E N S

D E VmsrOîRE ECCLÉSIASTIQUE.

QUATOnZUME SIÈCLE,

^ I #

D'iftrtnd de Boniface VIII avec Philippe U Bel.

^I Boniface VllI eft célèbre en Europe parrinftî- tution du Jubile , il ne i'eft pas moins en France par les différends qu'il eut avec Philippe le Beli prince auni jaloux des droits delà puifTance tem porelle, que Je Pape l'étoit de ceux de la puiflance fpirituel'e. Ces démêlés commencèrent en 1296, Philippe ayant mis des impôts fur le clergé, quel- ques-uns de fes membres s'en plaignirent à Boni- face. Le Pontife donna à cette occafion la bulle Clericis Laïcos , dans laquelle il défend à tout Ec- clefiaftique , foit féculier , foit régulier , de payer aux Lait^ues quelqu'efpèce de taxe que ce foit, fans UIBrniinîon du faint-Hege. I»e^Ride Frauce n'ctoic point nomtné dans

li^ Elhmins

cette bulle; mais comme il fentit très - bien qucUe n'avoit que lai pour objet , ildcfcndit aufiî engéoé* rai fie fans parler du Ponrife Romain , de tranrpor- ter hors du Royaume , fans l'a pcrmiiTion , ni jojaux ni argent , ni armes, ni vivres. Cette dc'enfe oc" cafîanna une nourelle bulle , plus énergique que la premicrc. B^nlfact y relevé d'abord la libené de l'Eglire cpoufe de Hsus'CtiKHT , à laquelle dit-il , il a don.ic le pouvoir de commander a tcjs Its Fidèles . & à chacun d'eux eo particulier. Ve- nant enfuite à la dcfenfc de tranfporter de l'argent» il dit: » Si l'intention de ceux qui l'ont faite, a été de l'étendre à nous , a nos frères les Prclats , & aux autres Ecclcûjiliques , elle fcroit noo-tcule- ment impudente , mais infenfte : puifque ni vous , ni ics autres Princes féculiers , n'avez aucune pulf- fance far eux -, & vous auriez encouru l'excoai' munication , pour avoir donné atteinte à la liberté de rEgîifc. H Pape explique enfuite la ConAitu* tion CUrieu liiïcot , Se déclare qu'il n°a pas défen- du abfolument au cierge, de dontier au Roi quel. qucs fecours d'argent pour les ncccHîtcs de lEtat , nais feulement de le faire fans fa permllTion du faint fiwge. « Le Roi des Romains ,a)oute-t-il , & le R'>i d'Angleterre, ne rcfufent pas de fubir no- tre j-.igemeat pour les ditf. rends qu'ils ont avec Phi/ifpi i & il eA certain que le jugement nous tn appartient , puifqu'ils prétendent que vous pê« chez contr'eux. •» Il finît en menaç . '*-

▼oir rec'jurs a dit re.a:i:t plas vio.

DE l'Histoipe Ecclésiastique. 127

On fit à cette balle ,au nom du Roi , une répon- £e il eft dit : •« L'Egllfe époufe de Jesus-Ciir. n'eft pas feulement compofée du clergé , mais en- core des laïques. Il l'a délivrée de la fervitude du péché , du joug de l'ancienne Loi , & a voulu que tous fes membres (builTent de cette liberté* Ce n'eft pas pour les feuls Eccicfiaftiques qu'il eft mort, ni à eux feuls qu'il a promis la grâce en cette vie & la gloire en l'autre : le Clergé ne peut donc s'approprier que fort - injuftement la liberté que J. C. nous a acquife. Mais il y a des liber- tés particulières accordées aux Miniftres de l'E- glife par les Papes , à la prière , ou du moins avec Ij permilTîon ces Princes fcculiers. Ces li- bertés r.e {#uvent ôter aux Princes ce qui eft néceffaire pour le gouvernement & la défenfe de leurs Etats. Les Ecclefiaftiques font membres de l'Etat comme les autres , 8c par confequent obli- ges de contribuer à fa confervation , d'autant plu« qu'en cas de guerre leurs biens font les plus ex- pofés. 11 eft contre le droit naturel de leur dé- fendre d'accorder cette contribution, tandis qu'on leur permet de donner a des amis ou à des bouffons , & de faire des depenfes fort- inutiles, en habits , en équipages , en fefiins Se en Id'autrej vanités toutes féculiéres , au préjudice des pau. vres. Nous craignons Dieu , & nous honorons les miniftres de l'Eglifc : mais nous ne craignons pas les menaces déraifonnables des hommes , fça- chant que la JMfticç eft de notre côté.

«1^ E 1 É M E N f

Pierre Sarbtt , archevêque de Rlieimî , voyant le trouble qu'cxcitoit en France la bulle CltrieU Uuot , écrivit »u pape Bcn-facc au nom de tou- te fa province , pour le prier de remédier à ce fcaodale. Il envoya à Rome des Evcques, pour donner au fjpc fur ce ■Ajet les inAruftior.s né- ceffdtrcs. Le Pape y eut cgard ; & par une buH» adrcilee en 1 297 à tous les Evèques & aux (ci* gneurs de France , il Te plaint que quclques*uo» ont mal explquc la Con.ucjcion ; âcl'expUquaaC lui-mcme, il décUre que la dctenfe qu'elle porte xte s'étend point aux dont volontaires ou gratuits, liit.% par le cierge au Roi ou aux feigaeurs , mai* feulement aux exaâions.

Cependant, maigre ces explications, Ihigreur fab^ fifta toujours entre Phuippt îSt Boni/ace ; elle éclata plus vivement que jamais en i)0). Le fapc en- voya au Roi un le^at qui éto*t loa ennemi per- fonnel : c'étoit Bernard Seijfct ou de S*ij(fet , évèqu* de Pamiers , en faveur duquel ^«nZ/^rc avoit crigô cet cvèchj fans le comcT:-- neot du monarque. Ce prcljt, homme inquiet , vindicatif & infoleni, fefouvenjnt des dirtlcultc» que /''i-i/r^ avoit fait- naître dans le tems de l'erecèion de fj.i cvèchc » fe moa:ra a U<oar avec toute U hauteur de l'orgueil iL toute la vivacité du rcffeanment. U propjia de la part du P^pe une cro;Cide contre les Turcs -, fit . fur le reia» que le Roi 6t d'en- trer daos U li^wc q l'on propofoit , il crut pau- v«>tf U Uuc - rvuàu ea iiu gultiu. 4V<:w U dcti

DE l'Histoire Ecclésiastique. T2<^

lliére dureté & en tenant contre lui les difcouis {es pluï iniurieux.

Vingt -quatre témoins ayant attefté fes propos outrageans contre la perfonne de fon Souverain, Philippe le fit -arrêter en 1301. Boni face . irrité qu'on traitât ainfi fon légat , lui envoya l'archi- diacre de Narbonne , pour lui ordonner de le met-, trc en liberté. Le Roi ayant refufc , le Pape l3nç4 quatre bulles contre lui.

Bulles de Boniface , & réponfe de Philippe.

Dans la première , il lui fignifioit que lui Roi de France, étoit fous la corre^ion du Pon^ tife.

Par la féconde , i) fufpendoit tous les privilèges- accordés aux Monarques François,

Il ordonnoit dans la troifiéme à tous les Prélat»- du royaume de fe rendre à Rome pour afEfter i' un Concile.

Enfin , par la quatrième , il cxcommuniolt Phi* iippt le Bel , en comprenant dans l'anathème lest Prêtres uu Evoques qui lui adminiflreroient les chofes fa crée s.

Une de ces bulles étoit conçue en ces termes :

•< BoSIFACt , ÉVÊQUE , SERVITEUR DES SERVI»

TiURS DE Dieu , A Puiiippe , roi de Frawck. ** Crains Dieu & garde fes commandemens. Nous voulons que tu fçachcs que tu nous es fou- >r mis dans les chofes fpirituellcs & temporelles, at La collation in bénéfices &. àts prébendes oe^

1^0 Elemens

»> te regarde abfolumcnr en rien , & fi les fruit» » de quelque vacance font fournis à ta garde, tu dois les rtfcrvcr aux f^cceffeurs : Ci tu ♦» en as difpofc autrement , nous déclcrons de M telles collations nulles, & nous révoquons tout M ce qui s'cft fiit à cet cgard. Nous déclarons ti hérétiques , tous ceux qui penfent autremenc , ft &c. &.\-. '.

Voici la rcponfe du Roi :

4. l'.UILIfPE , PAR LA GRA«E DEDiEU , Rot DE FilANCE ,A BoyiFACt, QUI r RETEND ÊTRE

SOUVERAIN Pontife , peu ou point de Salot. « Que votre très-graaie fatuité fçache que M noji ne dcpcndons de perfonne pour le tcm- M porel \ que la collation des Eglil'es & des pré- M bendes nous appartient de droit royal , audl» »» bien qie les fruits de tous les bénctîce» pcn- »t dant leur vacance ; que les collations fiitcs par nous jufqu'ici , ou à faire à l'avenir , font & >* demeureront valables , & que nous mainticn- y> drons cour.igei.icment leurs pofftMreurs envcr» y) & contre tous ceux qui pcnfcnt autrement ,

» &C. JvC. »

Le Roi ne fe contenta pas de cette réponfe : il fit «brûler publiquement les bulles du Pape , & convoqua les Erats du royaume , qui dcclarcretu qu'ils oe coonoilToicnt Vautre puifTance que celle 4c leur Rui , & qui promirent de foutenir juf- qu'a l> iTiurc les droits (< les libcrtct du royau* me. U envoya ca miffle-teiiLS No^vu eo Ita^c,

DE l'Histoire Ecclésiastique. 131

/ous prétexte de lignifier au Pape un appel de fcs bulles au futur Concile ; mais réellement pour l'enlever , S: le faire- venir de gré ou de force à un Otoncile que Philippe vouloit affembler à Lyon,

Attentats contre le Pape ; fa Mort.

Bonifaci avoit un parti violent contre lui à Rome ; les Colonnes étoient fes implacables enne- mis. Illes avoit peri'ecutés violemment parce qu'ils étoient Cib:lins , & l'on fçait qu'en donnant des cendres le premier jour de Carême à un Arche- vêque de Gènes qui étoit de ce parti , le Pape lui dit : Souvenc\'\ous que vous eus Gibelin , & qui yous ftrc\ ridait tn cendre avec les Gibelins !.. A't-- ^ant fe lia avec un homme de cette fam'iile puif- fante Se vindicative : c'ctoit Sci^rra Colonne , qui lui donna le moyen de pcnétrer le matin 7 Septem- bre 1503 dans Anagni , ville tiu domaine de Bo^ m face , il ctoit , & il s'éioit réfugié. Is'ogaret entra dans cette ville avec Culvnne & quelques fcigneurs du pays. Ils avoiert avec eux trois cents chevaux ,& un grand ncnibre «le rerss àt pied de leurs amis , & payés par le Roi de France , dont ils portoient les enfeigres en criant . " Meure le Pape Bonifjce ! & livt le Roi de Frur,.' « ! ATc^jaret s'adreffa ail Ccp^talne Seau Pot'.cfta d'Ânagni , demandant leur fecours , qu'ils lui accor- dèrent. Alnfi ils fe rtntlirent maîtres de la ville , & enfuite du palais du Pape rprès quelque ré- ^ûaace. Les Cardinaux cfouvantcs $'enfuiicnL&.

r vi

if* £ L E M E N s

fe cachèrent v mais on prétend que quelques-un» éioicnt d'intelligence avec les François. La plu- part des domeAiques du Pape s'enfuirent auffi.

Bunijjce (e voyant ainiî furpris & abanéooné, £e crut mort , fit dit : " Puifquc je fuis trahi com- me Jésus -Christ ^je veux du moins mou» rir en 'Pape. « Il fe fit - revctir de la chape » qu'on appelloit alors le manteau de S. Pierre , mit fur fa tète la tiare , qu'on nommolt la couronne de Conjîintin , 8c prit en main les clefs 8c la Croix , & s'aHu ainû fur la chaire pontificale. La rcfif- tance qae trouvèrent Nogjrc: & fa troupe dans la maifon du Pape &. dans quelques autres , fut caufe qu'ils ne purent parvenir à lui que vert le foi r. Ils fe rendirent maîtres de la perfonae, après l'avoir traité (dit.on)avec la dernière bru- talité , le 7 Septembre 1305 , veilk de U Nati- vité de Notre-Dame.

Le Pape devoit publier le lendemain une bulle par laquelle il excommunioit de nouveau le Roi de France , difpenfoit fes fujets de leur ferment de fidélité , & donnoit fon royaume au premier occupant. 11 l'avoii mcme dc|a offert à l'empe- leur Albc't , dont il avoir confirmé l'élection -, mais ce Prince ne voulut point fe charger d'un û dan- gereux prèfent. S'ogartt fe difpofoit à faire-par- tir S^n//jc/, lorfque les habirans d'Anagni s'ctant révoltés contre les François , le chaffcrent lui 8c fcs partifaas. Le Pipe s'étant fiuvé à la faveur dutunakCi ni3atjc d'une ûcvrc chaule le i^

DE L*H"lST01RE EcCLESlASTlQUEi! 13^ €)ûobre de la même année 1303 : Pontife fça- vanc à la manière de Ton fiecle , mais trop vio- ♦nt & trop ambitieux. Quelques Hiftoriens rap- portent que C<;/iry?/rt , fon prcdéceffeur , avoit die yu'iV ttoit entré dans la papauté comme un renard^ qu'il gouvtrneroit comme un liun , & qu'il mourrait comme un chien. Cette efpèce de prédiction , ( die l'Abbé de Vertot) ne fur apparemment inventée, somme beaucoup d'autres , qu'après les évé- nemens. Oa l'accufa de fon tems en France de tous les crimes, d'impiété, de blafphême, d'hé- réfie , de fimonie , &c. &c. ; mais ces accufations ayant été intentées lorfque les haines étoient dans la plus grande efFervefcence, la plupart doivent é:re rejettées. On doit dire feulement avec Bof' yù«r,«que comme il s'étoit élevé par ambition i la papauté , il en remplit les fonctions avec une- orgueil extrême. ( HisT. de France ^IÀ\,\1,) C'ed lui quî canonifa S. Louis,

Pontificat de Benoît XI.

A un Pontife emporté fuceéda un Pape paci- fique. Ce fut Binait A7( Nicolas Etcajjln) yDo- minicain , cardinal -évcque d'Ortie, 11 ne régna que huit mois , pendant lefque!s il termna les triftes d fférends qui divifoient Rome & la Fran- ce. Il accorda à Philippe l'abfolution des cenfu- res , qu'i' n'avoit point d^manlée , mais que (es «nvoyés dévoient recevoir fi on la leuroffroit, •n xemcttam Igt ihotçs ça Fraacc telles qu'elles

Ï34 Elemin's

étoient avant la dirputefurcitée ^t Bjr.îfact JTtl. Btitvit XI ioana fur ceue paix diffcrcntci bulles aux mois d'A\ril & de Mdt 1304. Dans l'unel^ aLfout ceux qui avoienc eu part à la pri :'e de Ton prcdwceffeur , &. il n'en excepta que Sogarct ,dcnt il fe réferva l'abrolutioa. On croit qu'il fut e:ii> poilbrinc en Juiilec IV^4- ^* Pontife vertueux & iDodefte n'avoir pas \\.u;u reconnoirre famcre, parce qu'elle s'ctoit prefentée à lui avec des iu« bits qui ctoient au-dclTus de fon état.

TranJÎMJon du Sainr-Sicgc J Ay'i^/:on.

Après la mort it Benoit XI , le faint-ûcgc vaqua treize mois. En/in Eewant! àc Goih , archevcque de Eordcaux , fut clevc en Juillet 130J au fouve* rain pontificat , par les foUicitat.ons de PhiUpfc le Bel. Cctoit un pr jlat infinuant Se ambitieux , qui promit 3 ce prince , (fuivant l\no'i\ p'ufîeurs au- tres hiftoriens ,) de lui accorder tout ce qu'il de- manderoit , s'il lui procuroit la tiare. Cette pto- mefTe de rarchevèrjue de Bordeaux , cd fondée fur lerccit de V Uani,\ùAor\tn Florcnrin.trè- -pré venu centre le oouvc lU l'ape C( contre k France. Quoi quM en foit , un des prcn icrs feins de C.inw-i fut d'annuller toutes iet bulles l.ncLCs par £. './ucc y m contre le roi de France , qui auroit fait- faire k procès à la mcrrcire de ic pontife , ton ennemi , C oa ne lui avoit remontré qu'un tel aciurncmcnt àtoit tndtgne ti'un grand monarque.

CieftcAt ^rccdit eo&jac u boréccux , & dan*£a

DE L*HlSTOIRE ECCLEÇIASTIQUE. t^f route il tic d'exccflîves dépsnfes , qui riiino lent les Eglifes & Us Monaftcres. Le Roi, (dit M. Hardion,) lui envoya trois ambatTjdeurs , pour fe plaindre de ces vexations. Le Pape répondit , «• qu'il ne fe rc- »» prochoît rien , & qu'il puniroit ceux de fesgeas qui auroient abufé de fon nom pour rançonner » les couvens ou les chapitres. »»

Le couronnement de dément Ks'ctoit fait à Lyon le 14 ScptCinbre 1505. Cette cérémonie avoit été troublée par un événement fâcheux : une muraille trop chargée de fpeAateurs s'ctant écroulée , les uns avoient été blelTés , les autres écrafés -, lel'ape lui-même fut renverfé : on en augura des événe» mens funelles , & les Italiens fe confirmèrent dans cette idée , lorfque Clément F qui aimoit !a France, déclara qu'il ne fe re;idroit point dans l'Italie , dé- chirée par les factions des Guclfa Se des Gibelins, En tffet , après avoir demeuré à Lyon , à Bordeaux, a Poitiers , à Touloufe , Se avoir exi^c par-tont des contributions des Eglifes , il fixa fa réfidence à Avignon au moi i de Mars 1 309. C'efl l'époque du commencement du fcjour des fouverains Pontifes dans cette ville.

Les Cardinaux Italiens , ( dit l'Abbé de Vertot , ) ae furent pas long-tems fans fe repentir d'avoir élevé au fouverain pontiiicjt un prélat François 2c avide d'argent. Us jugèrent bien , que fi la tiare reftoit long tems en France , ils n'auroiét pas beau- coup de pan au gouvernement , & par conféqueiu au crcfor de l'E^lifc. Le cardiaal des Urfms , ln^

Ï3^ E t E M E N f

lien, outré de fe voir la dupe du czri'.nil JuPrf} prclac François , qui avoir étc le principal promo* tcur de l'éleûion de Clément V y le rencontra ua jour dans l'anti-chambre du Pape. T'^ous êtes venu m b^ut de vos dejfcins , lui dit-il avec un fourire amer , £■ nous voila tranfplantés au-delà des Monts, M<ti* , eu je cannois rul It ciraUcre des Gafcons , om jt ferai bien trompé J: vn reiûit de Ung-tcms le fdimt- Jte'ge à R. me,

M Cette capitale du monde Chrétien , (ajoute Verte t,") " autrefois la maitreflfe & la fouvcraine" n des nations , perdoit le peu d'cdat qui lui étoir »i reflé de fon ancien empire. Tous les Italiens »» gémiffoientde cette trannation , que la plupart , >• par rapport au tems qu'elle a duré , ont coin- M parce à la tranfmigration de Babylone. 11 y a >T eu même des HiAoticns , qui n'ont point fait n fcrupule d'attribuer cette tranilation à l'attachc- n ment que ce pontife avoit pour la comteffc de M Perigoré, fille du comte de Folx , princefTe d'une Il rare beauté, & dont apparemment il eut de la n peine a fe fcparer. Les m.mes Auteurs l'accu* >• fcnt , pour fatisfaire Ton avarice , d'un honteux r> commerce des chofîn faintei. n Mais ces hîAo* rient font la plupirt Italiens , & , fans vouloir jufo tifier en tout Clément K, nous obrcr\erons que les Auteurs de cette nation fcmblent avoir un peu écouté la paHion & le rcfTcntiment dans le* potuaits qu'ils om traces de ce poiuifie*

M l'Histoire Ecclesiastiqi^ 157

Exùnilion des Templiers ; Concile-général Je Vienne.

Dans une conférence que Philippe le Bil avoit eue avec le Tape à Po. tiers , l'extinflion de l'ordre des Templiers , dont la fierté brava plufieurs fols ce prince, avoit ctc refolue. Le grand-raaitre Jacques de Mulay , & les principaux chevaliers qui corn- pofoient fon confcil , initruits de ce qui fe tra< Doit contre eux , vont fe ]etter aux pieds c!u Pape , pour le fupplier d'informer fur les accufations d'apodafie, d'héréiie & d'idolâtrie intentées contre leurs confrères. On prétendoit qu'a leur entrée dans l'Ordre, ils renioieiu J. C. en cracliant trois fois fur le Crucifix -, qu'ils adoroient une tète de bois couverte d'or -, &, qu'ayant renoncé aux fem- ir.es , ils fe livrolent à des iiTjpuretcs abominables. On informa fur ces accufations extraordinaires. Deux fctlTats renfermes pour leurs crimes, l'u» Tcmpl er apoftat , l'autre bourgeois de Béziers» fu'cnt les premiers dénonciateurs ; & , le i 3 Oûo- brec'el'an 1307 , foixame chevaliers avec le grand- traître furent arrêtés à Paris , faifis à la même heure, & cinquantefept périrent dans les fuppli- ces à la fin de Mai 13 1 1.

Le Pape n'ofant dccider lui-même cette grande affaire qui intéreffoit tant d'illuftres fimilles , con- •voque un Concile-général à Vienne en Dauphiné. la première feflîon fe tint le 13 Oflobre 13 11 ; le dam fecoûde , tenue le 3 Avril i^ 1 2 , CUruat

138 Elïmens

V, qji avoit aboli quinze jours auparavant , p«T fentence provlfoire , les Tcrr.plicrs , publia la ftip- prcfllon de cet ordre en prcicnce de Philippe le Bel , de fon frère & de fes trots fils. Oo donna prefq\ie tons leurs biens aux Horpitnlicrs de S. Jea» de Jtruû'.cm , appelles aujourd'hui Chevaliers de Malte. A l'égard de la perfonne des Templiers , ceux qu'on jugea innocens furent entretenus fur les biens de 1 Orôrc-, on pardonna a ceux qui avoient confcffc leurs crimes, 8c on traita avec la dernière rigueur ceux qui , après les avoir avoués , les avoient rétradlés. Tels futcnt le grand-maitre , le» commandeurs de Normandie Se d'Aquitaine -, ils furent brûlés à petit feu à Paris , dans une Itle eA à prcfent la place Dauphine , proteilant , au mi« lieu des dammes, de leur innocence 8c de celle de leur Ordre. Meierai prétend que le ^rand - inaitre ajourna dément V à comparoitre daas quarante jours au tribunal de Dieu, & Phiappc le Bel dans un an. Cette préd:£^ion eft fans-doute podétleure à l'événement; mais elle prouve du moius , que la voix du public n'adoptoic prs toutes !cs accu- fations intentées contre un Ordre ou il s'ctoit glifTc fans doute de grands vices, mais il devoit y avoir aufli des hommes pleins dhJroifme 8c àt vertu.

H II y a bien de l'appirence, (dit Mariant^) » que les Templiers n'ctcient ni tous innocens , .. ni tous coupables. Lei fupplicei , (ajouie-t-il , ) « parurcot cruels a pluficurs peifoaaes. 11 o'ciuit

DE l'Histoire Ecclésiastique. 139

»♦ guéres vrailemblable 'que les dcfordres dont M on les accufoit , eulTent infeûé tous les parti- » culiers d'un il grand corps , répandu dans toa- » tes les provinces de la Chrétienté. Mais l'ex- n lindion dun Ordre fi célèbre , doit fervir de »» leçon a leurs lemblables -, &, pour éviter de tom- » ber dans de pareils malheurs, ils doivent moins M fonder leur confervation fur leurs richeffes , que »• fur la pratique des vertus conformes à leur état, m ( Vertot , ///y?, di Malu , Llv. IV. )

Bojjuct , en avouant , que les Chevaliers étoient devenus extrêmement orgueilleux par trop de puif- farce & de richefles, dit qu'on en brûla plufieurs «vec une cruauté inouïe ; & c/i nej'ç.:i: , ajoute-t-il , *'/■/ n'y eut pas plus d'avjrici & de vtngeance que dt juftice dans cette exécution, (^ÀMRÈoi dei' H.fiulrede France y année 1311. )

Régie mens du Concile de pienne.

Revenons au Concile de Vienne. Cette affem- blce eft célèbre par les réglemens qu'elle fit pour le rétabliflement de la difcipline & l'extirpation de divers abus. Il régla la vie que dévoient mener les Mo'.nes-noirs & les Chanoines-réguliers. 11 leur défendit toute l'uperâuité dans la nourriture , leur recomman'la la retraite & l'étude, mais fans faire mention du travail des mains -, tant on avoit ou- blié l'efprii de la vie monaftique. Les mêmes ré- glemens s'étendent aux Chanoines réguliers. A l'égarU Uqs Reii^ieufcs , le Concile leur donna des

TÎfitcurs ponr abolir pluùeurs abus dont il faîc i€ ^Jnombrement , & qui montrent combien elles avcient befoin de réforme.

Le Concile condamna des femmes que l'on nom* moit Be'guinti , Ô: qui prctendoicnt être Rcligieu- fes, fans fa re profeflion d'aucune règle approuvée* Le nom de Bi^uints venoit des femmes picufes , t{\itLjmh-i le 5/c"< a^'oit affcmblces à Licge cent* cinquante ans auparavant. Quelque» - unes avoieni rendu ce noni odieux , en donnant dans fana* «Tme de t'Evingile cternîl ; mais pîufîcur» l'cloi- gnérent coujouri de ces excès , comme cell«i qui fubfiAent encore daai les Pays-Bas.

Un autre réglemeat célèbre , c(k celui qui rt* garde les hôpitaux. Il porte que le gouvernemeat 4e ces lieux fera confie a des hoiimes prudent, capables , de bonne réputation. Ctd l'origine de* adminiArateurs htques , a.kxqueU on a cic obligé de confier les biens des hôpitaux, a la honte du Clergé. Car dans les premier* fteclesonne croyoit pas les pouvoir mettre en de meilleures mains , que dans celles des Prêtres & des Diacres. Mai» dans les malheureux tenis dont nous pirlons, il itoit bien rare de trouver parmi eux des adminif» tratcurs fidcics du bien des pauvres , fie Ton ctoit ohligé d'en prendre parmi les laïques.

Le Pape, au nom du Concile, fit deux conHi' nitions touchant les privilèges des réguliers fie autres exempts : l'une , pour les défendre des vexj> taoa^cs l'rc.'ats ; l'autre , pour empêcher les Relie

*E l'Histoire Ecclesiasttq-ue. 141

^ieux d'empiéter fur les droits des Evèques& des Curés. Le Concile révoqua la farr.eufe bulle CUricU Laicos de Bùtiiface VIII fur l'immunité des clercs. Enfin on ordonna la levée d'une décime pour le recouvrement de la Terre-fainte ; mais le tems des Croifadcs étoit paHfé.

Mort de Clément V ; Pontificat de Jean XXIT.

Le Pape ne furvécut guéres à la tenue du Con- cile de Vienne & à la fupprefTion des Templiers, Il mourut en Avril 1314a Roquemaure près d'A- vignon , comme il alloit à Bordeaux pour pren- dre l'air natal. Il fut peu regretté ; fon luxe & fes protufions ne contribuèrent pas à rendre fa mé- moire refpedable. Cependant il faut avouer que VUlani & S. Antonin Ont exagéré les défauts de ce Pontife , & ont fermé les yeux fur fes qua- lités.

Les cardinaux affemblés à Lyon , ne pouvoient s'accorder fur l'élefiion de fon fucceffeur ; les uns vouloicnt un Pontife Italien , les autres un Fran- çois. Le fiége vaqua près de deux ans ; enfin on nomma le 7 Août 1 3 1 6 , le cardinal Jacques d'Eufe , d'une bonne famille de Cahors en Querci , qui prit le nom de Itan XXII.

Les Romains fe flattoient , qu'il viendroit habi- ter la capitale du monde Chrétien -, mais l'amour et la patrie l'emporta dans le cœur du nouveau Pape. Il s'établit à Avignon, & y régna plus de dix- huit ans , gouvernant de-là toutes les Eglifes , 5c

14i E L E M E N S

montrant fous un extérieur peu avantn^eux , ua efprit vit & une atne terme. Dans U Lettre cir- culaire qu'il écrivit aux Evéques & aux Princes , il parle de l'unanimité des fuifrages des cardinaux , & de rét3t d'in.'crtitudc l'avoit laifTé la crainte 4e s'impoCer un aufTi pefant fardeau que le fou- vMain pontificat. Quoique cet fortes de déclar:« lions ne foient pas toujours finccres, celle-ci pi- roii fufiifante pour détruire ce que dit Viltani , qu'ayant été charge da comprorris de l'élef^ion du Pape , il s'étoit nommé lai-mcme en s'écriaot : £j«

fun Pjpa,

L'un des premiers foins du nouveau Pape, fut d'ériger diverfes abbayes en évêchés. Touloufe devint UN archevêché. On lui donna pour fuffra- gans Montauban , Lavaur , Mirepoix , S. Papoul , Kieux & Lombez : évccViés auxquels on afligBA une partie du territoire & des revenus de celui de Touloufe. J<:an XXII érigea aulTî des évcchcs i Alet , à St-Pons , à Caftres , à Condom , a Sarlaf , à St-Flour , à Loçoa , à Maillezais , transféré en 1648 à la Rochelle.

Tandis que le Fape donnoir à l'Fi^life de oou» veaux Pafleuri , on confpiroit contre lui f»' contre quelques cardinaux. Les conjurés avoient d'abord tenté de les empoifonner ; mais ce moyen n'ayant pat réufTi , i's avoient eu recoiirs à des upcraiions inagiquei , qu'on croyoit , dans ces Hccles mëchaat & fuperflitieux , d'une trèi-grande vert»». Hugutt- CtTMud , cvCquc de Cabors , ctoit le chef de ce

DE l'Histoire Ecclésiastique. 14^

complot aufli odieux que ridicule. On fe faifit de fa perfonne , & après avoir été dégradé par l'évc- que de Tul'culum , il fut livré aux magiftrats fé- culiers, qui le condamnèrent à périr dans un bû- cher. Ses crimes éto'.ent laiîmonie , un defpotifme tyrannique contre ceux qu; lui étoie-.t fournis , des cal. mnies atroces contre ceux qui lui rénfloient ,& le projet d' in at'"nti', contre la vie du Pape.

L. p n:'re rut *i:cn') une affaire , qui lui CGufa encore plus d'niqwijtude que la conjuration de l'in- digne évêque de Cshors. L'empereur Louis de Ba- vière nvo't pris les ornemens de !a dignité im- pcrii'e avant que de recevoir l'approbation que le Pape fe crojoit en droit de lui donner ; & com- me Louis re reconnolffoit point ce droit du Pon- tife , Je.Ti XXII lança contre lui une excommuni- cation. L'Empereur fe vengea en lui oppofant un autre pape : il fit-élire par le peuple Romain Pierre de Corbire , qui fe fit-oommer Nie.-!ai V. Mais Jean mit fin à ce fchifmc , en fe rendant maître de la perfonne de l'Antipape , qui finit fes jours trao- quilLment a AN-i;non , le Pape le traita avec beaucoup de générofitc & de douceur : car, autant Jean XXil étoit fier avec les grands qui lui ré- fiftoient , autant étoit- il affable avec les petits qui lui fdifoient des fouminîons. D'ifputes (Us Franclfcaïns, Erreur de Jean XXII fj. mort. Les Francifcalns étoient divifés depuis quelque tcms fur la forme de leurs robes ôc de leurs c«-

■u .T":

t^4 C L £ M E V S

puces. Ceux qu'oa appcUoic C^nrcntutl$ . !es vov* loient larges & amples i ceux qui fe faifoicat nom- «icr Spiriuuîs , 'ei dematidoient étroics Se ferres. Ceux-ci étoien: les plus opimixres, & Te piquoirnc d'une auiUricé rigoureufc Lnvaio les Papes leur «rdonnctcnt de fuivre ce que leurs fupcrieursprel"- Criroienc fur la tbrn^ de iears hutîics jils le répa- rèrent de leurs trcres , qu'ils regardoienc coinir.£ des violateurs de la règle , & Te catiicnnérent dans le Languedoc. Pour terminer ce TchlTme , CUm:nt V donna dans te Co.ict'e de Viena : une bulle , il (i* choit de réunir les efprics & de calmer les confci^a- ces.L'entctcmeot de ceux qui s'appe'loient5/>i>'/i«//, quoiqu'ils n'eudcat que peu d'erprttfic encore moins de jugement , rendit la con(\ilution de CUmiut V entièrement inutile. Ils fe fcparcrent totalement de l'Ordre , chatTerent à main-armée de quelques couvens les frères de la communauté , fe doaoc- rent des gard'unt à leur gré , 5<l prirent des hal>ùs très -étroits & des capuchons fort courts.

En 1311. quelques relés allcrcnt encore plat loin. Us prétendirent que les Fraocifcains , étant cnticrcmcnc dcpouillès de tout droit de proprieré, o'ctoient pat maîtres mcme de leur boire & de leur manger. La propriété & le domaine de tout ce qu'ils avotcm , appartenoit , félon ces rigoriiles , à l'Lglifc llomiiiie. C ctoit , dit'oient-its , dans cette dcfappropria(i<>ncn(icre que confiAoit la perfe^ion de la pauvreté de Jists-CMRisT ôt des Ap'Jtrcs , dont ils avoiem fait profcinoo. Quelques Papes

a V oient

VE L*HisTOiRE Ecclésiastique. 14'^

rroient , ce femble , favorifc cette idée. Mais Jean XXll ne trouva pas à-prcpos de prendre pouc le domaine inutile dont on vouloir le charger. Sans avoir égard aux fubtilités des Spirituels ^ il décida «> que , dans les chufes que l'on confume , l'ufage ne fçauroit être fcparé de la propriété-, Se que le genre de pauvreté , qui confifte à renon- cer a la propriété en ccnfervant l'ufage , a été inconnu à J. C. & aux Apôtres.

La plupart des Francifcains, ayant défapprouvé cette décifion du Pontife .affez bon pour exami» T.er des quellions dignes de n-.éprls , (dit "D.CalmttS s'unirent avec fes ennemis pour l'accufer à fon tour d'errer dans la foi. Jean XXII avoir une opi- nion particulière fur la manière dont les Saints "Verront Dieu : quoiqu'il l'eût annoncée fort ob« fcurément dans un fermon qu'il prêcha le jour de la Touffaint 13 31 , on la trcuvoit erronée j 6c il fe rctraf^a , ou du ir.oins s'expliqua d'une manière orthodoxe , à fa tncrt , arrivée à Avigiwa <n IJ34.

On a accufé ce Pape d'avarice ; il laifla un tré- for confidcrable : mais on prétend qu'il le defti- noit à la conquête de la Terrc-faintc. 11 fut d'ail- leurs fimple , fobre , & nsodefie , dans une cour très-corrompue. A-vignon ctoit alors le théâtre du fane, de la moileffeide l'ambition j mais Je Pape refla toujours attaché à l'étude qu'il ahnoir. Us'c- toit diftingnc de bonne-heure par fon habileté dans le Droit civil ôc canonique , par fes connoif- Tom» II, G

i-^ E L E M E N s

fanccs théologiques , & fon efprit pénétrant avcU paru capable cTes plus grandes affaires. Dans celle qu'il traiu pendant ion pontificat', il montra quelp quefois un cara(fli;re trop ardent & opiniâtre.

PonttficMs de Benoit A7/, Clément VI, Innocent 77, Urbain T.

Benoit XII ( Jacques Fourrier ), dit le cardinal Blanc, parce, qu'il avoit été religieux deCiteaux, & qu'il en porioit l'hjblt, fut le fucceffeur de Ji^it XXII. Il rcvoqua les expcilativcs , dont fon pré* dcccHeur avoit charge les Eglifes pour fatisfairf fon avidité. Son premier objet fut de bannir la 11- monie de la cour de Rome ; il mcprifa , dans la diftribution des bénétices , les foUicitations dei grands , ôc celles de fes pjrcns mêmes. Ses foins s'étendirent fur les Religieux 5c les Chanoinc$-rc- guliers, qu'il tâcha de réformer.

Rome lui envoya des ambaffidturs, pour l'e»' ^ager à rétablir le faint-fiége dans cette cap. taie du munde Chrciicn. Le fameux Pétrar^ut , le plus bel -efprit de fon tems , lui adreffa une Epiire en vers Utin». Hans laquelle il repréfentoit Rome conî- me une cpoufc éplorte qui redemande fon époux. Btni.tt fui lentc un ioAant de quitter les bords du Rli6nc . ^>ur fe rendre aux defirs des Romaitu : c«»t Ict tiotiblet de l'iiaiie . & 1rs foUicitations * de la cour de France , le retinrent a Avignon. M y ietta 1rs fondemcns du l'alais apoftoliquc cnorme , rc:nar(^aiblc par l'clcvaiion de (ci

DE l'Histoire EcctESTASfrrQUE: ti^f

t«urs. Ce Pontife mourut faintement en 13414 il difoitque, m pour être vcritablement Pape , U M faudroit n'avoir ni père , ni mère , ni parens. x

Clément VI , ( Pierre Ro^er ) , cardinal , archevê. <{\ic de Rouen , adopta les prétentions de Jeam XXll. Il renouvella les procédures contre Louis de B*vUrc. Après une mon.tion , il lui enjoi- gnoit de venir fe Ibumettre à fes ordres , il pro- i\onça en 1346 une dernière fentence contre lui. Par cette bulle promulguée rolemnelietnent le Jeudi Saint , «il défendit à qui-que-ce-foit, ( dit Fleuri,") M de lui obéir , d'obfervcr les traités faits avec M lui , de le recevoir chez eux , de demeurer dan» fa communion \ enfin il le chargea de malédic-i M tioos. »

Cette fentence foudroyante porta une partie Ae l'Empire à fe détacher de Louis de Bavière. Charles JV fut élu à fa place , 6c il ne tarda pas d'occu- per le trône impérial fans compétiteur , Louis étant mort en 1347. Le zèle de Clément VI ne regardoit guéres que les prérogatives de la tiare. U avoir puifé à la cour de France , qu'il avoit long-tems habitée , le goût du luxe & de la magnificence. Ses mœurs tenoient plus d'un homme du monde , qua d'un Pontife : mais il étoit généreux , bienfaifant & Clément de fait & de nom. Les Romains lui avoient envoyé une ambaffade , comme à fon prc- déccffeur. Pétrarque , qui étoit du nombre des en- voyés , employa en vain fa froide allcgorie d'une époufe dédaignée , qui fc jette aux pieds de fou

Gij

^4^^ E t E M E N s

«poux; Ciment F/reila à Avignon, dont il avoit acquis la fouverainetc. Jejnrc reine de Naples , acculée du meurtre de (on cpoux , & obligée de Y««ir plaider fa caufe devant Pape , lui vendit Avignon Su (on territoire en 134S, pour quatre- vingt niille florins d'or.

Après Ca nw>rt , arrivée en 1351 , on élut le cardinal EùcAitt i' Albert , évéqued'OAie, qui prie le nom d h.n^ccnt VI. Son prcdécefTeur avoittaic Aes réferves de plulîcurs bénéfices pour les Car dÎQiux V Innoctnt les furpendit. Lc$ abus les plus criaos turent reformés. Il renvoya les béncfïciers dans leurs bcocnce^ °, il diminua le nombre de Ces ëomeiUques , & il répandit fur les pauvres ce qu'il avoir retranché de la dcpenfe de fa maifon. Le 12 ^ptembre de l'an i y6i fut le terme de fa vie.

On a dit , que c'ctoit un Pontife dont les mœurs étoient le feul mérite-, mais c'étoit un mérite tSen- tiel dans une cour dillolue , qu'il falioit rctbrmer encore plus par l'exemple que par les rcglemens. Il fe montra bon , jufte , fimple; 6c quoiqu'il ne fût pas fçavjnt, il aima Se protégea les gens-dc-lct« ires. Il eut , comme CUmcnt l'I, un peu trop d'em> çreffcment a clcver fcs parcos ; mais avec cette différence ,-que les prélats de fa famille répandirent i fcs foins, & que les parcns de CUmcnt lui fireot peu d'honneur.

Eiat de Rome ; Conjurjthn de RicnzL

Rome priviie de fcs deux yeux , le Pontificat fi l'Empire ( comme dlfoLcni alors les Komaias ),

DE L^HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 14^ fcgrettoit fon ancienne f|>lendeur : un homme du peuple , fils d'une fimple lavandière , tenta ea 1347 delà faire-renaitre. Quoique dans la baf- feffe , il avott reçu une éducation fupérieure à fa rdifTance & il en profita. Il embraffa la pTofefiîon de Notaire , & du fond do fon cabinet il médi- loit une révolution. L'hiftoire de Rome & de fes antiquités , la leâure des anciens Se fur tout de Cifar , l'enthoufiafme de la liberté , exaltèrent fo.i imigination forte & brillante , & él.;vérent f^n ame naturellement fiére & audacieufe.

Son éloquence l'avoir fait-choifir par les Ro- mains , pour être un des députés qu'ils envoyèrent à Clément Vf, au commencement de fon pontifi- cat. Rienii , de retour à Rome , fit le rapport de fon ambaffade le jour de la Pentecôte, & parla avec tant de force ôc d'artifice , qu'il fut élu par ac- clamation Tribun du peuple. On le mit àl'inAant en poffefiîon du Capitole. Le nouveau Tribun priva entièrement les Nobles de Rome de tout pouvoir. Il en fit-arrêter plufieurs qui favorifoient des bri- gands , dév^ftateurs de la ville & des pays voî- fios , & il les punit avec toute la fcvirité des loix.

La plus grande partie de l'Italie s'étanc foumife au gouvernement , il ramena par-tout la paix , la fùreié & l'abondance. Le Pape croyant qu'il n'a- giffoit que pour les intérêts du pontificat , ôc bien de la patrie , lui donna de grands éloges , 5c lexliorta à gouverner Rome en fon nom, L'Ea^

è^O E L E M I N s

pereur, & la Reine de Naples, lui envoyèrent de»

ambdlTadeurs , comme au reilaurateur de l'Italie.

Ritnii , cbloui de tant d'honneurs, afTefia le po\> voir luprcme j il abufa de fa puilTance & prodigua fes richclTcs. Il prit des titres emphatiques -, flc l'étant t'ait-armer Chevalier , il s'intitula Chcy*litr sandidat du St-Ej'prit, févirt 6* elimtnt Libérateur dt Romt , Zélateur de l'Italie , Anattur de t univers , & Tribun augu/Ie. Il donna le fpeOacle ridicule & pom- peux de Ton couronnement , cita l'Empereur 8c les Eleâeurs à fon tribunal , ainfi que le Pape 2c les cardiiuux -, emprtfonna les barons de Rome , les condamna à perdre la tête ; & après avoir de- mandé leur grâce au peuple affcmblé , il les fit- inarcher à fa fuite dans les rues de Rome , comme pour décorer fon triomphe.

Les feigneurs Romains, indignes, fe retirent dans leurs châteaux, s'y fortihent, lèvent des troupes, ravagent la campagne , aHiégent le Tribun , & le forcent de chercher un aille à Naples Se enfuite à Prague. L'année d'après , 1)48, le Roi des Ro- mains , Oiarle* de Luxtmhuurf , l'syaat fait-arrc- ter, l'envoya à Cément Vi , qui fit-'inftruire foa procès. La mort du P«pe ralentit les pourfu'tes. Se Innocent VI , fucccffcur de dément^ crut devoir le renvoyer a Rome avec le titre de Sénateur,

Les C^lunnti s'étoient rendus redourahles dant cette ville , N le» fuuverains Pontife» crai);nuicnt encore plu» leur ambition que les intrigues de knn\.. Cet homme audacieux releva foo parti, %

DE lTÎISÎOTOE ECCLFSTASTIQUÊ. t^t U gcnjverna pendant quelques mois d'une manière crbfolue. Mais le peuple qui avoir élevé cet idole , la détruiilt bientôt. Sa févérité , fon hi\e & fes exailions le rendirent fi odieux , que les Romains foulevcs contre lui mirent le feu a fon palais. Il prit la fuite dégurfé en men-iiant; mais il fut re- corrnu & percé de coups le S Oflobre 1374.

Telle fut la fin de ce fameux cotjfpirateur , qui, rv:c quelques qualités brillantes , n'avoit ni A Ite d^ni fes idées, ni confiance dans fes entreprlfes ; qui voulut envain imiter les anciens Gracchus ^ ti don: toute la gloire fe borna a avoir -bravé , pendant quelque tems , les grands de Rome,& la puiiTance impériale & pontificale. Le Pape ayant appris la fin de cet homme ambitieux & faruti- que, ordonna à fon légat de veiller fur Rome ; mais il y avoit dans cette ville , des feigneurs trop puif- fens & trop remuans , pour qu'il put y exercer le pouvoir que RUnil s'étoit arrogé,

Ritour dis Papes à Rome ; origine du Schifmei

Urbain f'( Guillaume Grimaud), abbé de S. Vic- tor de Marfe:i;e, luccelTeur d7/î/i.«ix VI , futaufli libéral que lui. Il entretenoit jufqu'à mille étu- dians dans divcrfes univerfités. Uniquement con- facré à fes devoirs , il bàrit des E^lifes nouvel- les , pourvut les anciennes d'ornemens, fonda di- vers chapitres , & réprima autant qu'il put la chi- cane, rufure,le dcrci^lement des ecclcfiaftiques, U ûinoaie , & la pluralité des bénéfices. Il foroi^

Giv

1^2 T. L t M 1 a S

k defTein de tranfporrer le nint-fiége à Rome i & il l'exécuta en 1367 : mais il retourna trol» ans après à Avignon , pour négocier la paix entre la France â( l'Angleterre. Il y arriva le 13 Sep« tembre 1 3 70 , & y mourut eu odeur de falnteté le J9 Décembre de la même anikéc.

Ce Fontifî eut trois époques tîatteufes dans foti pontificat : Ton entrée triomphante dans Rome aux «cclamations du peuple; fon arrivée dans la mc- lae ville au retour de Montefiafcone , lorfque lem» pereur ChjrUi J^ , à pied , tenant la bride du chc- 'V4I blanc que ce Pontife montoit , le conduillt à TEglife de S. P/«r/-« ; enfin l'emper. d'Orient, /«« Paléohgut fiWjMrjax le fchifme a fes genoux. Ce dernier prince ne s'étoit réuni à l'Eglife Romaine ^ que pour obtenir des fecours contre les Infidèles : mais n'ayant pu engager ni le Pape , ni les Princes ^'Europe à armer pour lui , il ne tenta point d'obli- ger fes fajets à rentrer dans le fein de l'unité.

Le cardinal Pierre Rogtr , neveu du pape C/<- mcnt VI , obtint le faint fiige après Urbain y , 8c prit le nom de Grégoire XL II pafla les cinq pre- niiéres années de fon pontificat à Avignon ; maif «n 1376, il fut fi-fort prcfTc par Stc Catherine Sienne & Ste Brigldt de retourner à Rome , qu'it fe mit en voyage vers le milieu de Septembre, Son entrée dans la capitale du monde Chrétien eut l'air d'un triomphe. Il rcgrettoit cependant toujours la France , Se il fe propofolt de retourner è Avignon , lorfqu'il mourut a Rome le 13 Sep» |«nibre 137'^

DE l'Histoire Ecclésiastique. 175

Les Romains defirant de fixer le fîcge apofto- lique dans leur ville , vouloient un Italien pour Pape. Ils n'ofoicnt cependant fe flatter de l'obte- nir, parce que le collège des cardinaux nctoit CorOpofé que de feize ,r parmi lefquels il n'y ea avoit que quatre Italiens. Le peuple s'affembla tu» rnulfueufement à la porte du conclave; & les car» dinaux ne purent appaifer fa fureur , qu'en pro^ mettant de le fatisfaire.

BjnhéUml de Prig/tjno, Napolitain, archevêque de Bari, fut donc élevé au fouverain pontificat fous le nom d'Urbain FI. C'étoit un homme dur & violent , qui irrira tellement les efprits , que plufieurs cardinaux, prefque tous Frinçois , quit- tèrent Rome fort mécontens -, & , fous le prétexte des troubles excités par la populace Romaine , ils protégèrent co.ure fon élection , & élurent le car- dinal Ruhert de Genève , cvdque de Cambrai , qui fe fit - nommer Clcmtnt VII.

Guerre entre les deux Papes,

Le nouveau Pape , voyant que fon compétiteur étoit maître de Rome, établit fon ficge à Avignon, Il n'y eut d'abord que le royaume de Naples & h Provence qui le reconnurent -, ma-s bientôt toute la France & l'univerfité de Paris entrèrent dans fa communion. Cependjnt les deux Papes fe pté»" paroieni à fe maintenir dans leur place par les ar- mes fpirituelles & teiiporelles. I! y eut des trou- pes levées de p<»tc ce d'autre. L'Italie devint un '

ÏU E L E M E ïf $

«hcàtre , les C^rUniJ^s & les CUmcntlm com-i battirent avec acharnement. Les foudres de TE- glife, les injures & les invei^ives furent prodi- guées. Les noms d'incus , d'Antipjpe Si. d'herâi<]uc Ctoient les qualifications que les deux Papes fe «lonnoient dans toutes leurs bulles.

Aïi^rr ^''Urbain VI ; conùnuat'ion du Schïfme,

Vrhdin , regardé comme l'auteur de la guerre (i\ile qui dcfoloit l'Italie, eut beaucoup à fouffrtr des fcditicux Romains. Sa mort , arrivée en 1 389 , l'enleva aux malheurs que fes ennemis lui prc- paroient -, mais elle n'éteignit point le fchifme. Les cardinaux de fa création , au nombre de quatorze, élurent le 2 Novembre i 3S.; le cardinal de S. Athi.- nafc , qui prit le nom de Boniface IX.

CUmcnc fiégeolt toujours à Avignon , il mou- rut en 1394, après fei« ans de pontificat. «Ce »« Pape , (dit C.'emangis , ) fut pendant, prefque tout le cours de fa vie , le ferv'ueur du fcryitcur» tt des Princes, obligé de fouffrir les affronts des w coiirtifans, dépendant des circonAances , & per- pctuellemenc obfédé par l'importunité des de- M mandenrs. Prodigue de promedes , il donnoic M aux uns des bé.icfîces , aux autres de bonnes H paroles. Il avoir mis le clergé dans une telle dépendance des princes & de* maç^iOrats fécu* f> liers , que chacun d'eux ctoit plus Pjpe qu'il ne n rétoit lui-même, m Cependant l'ambition qui do» nmcUcucur de l'iioauBi cii telle, qu'il oc vuu-

DE l'Histoire Ecclésiastique, f^?

tût jamais fe dépouiller d'une dignité qu'il achetoit par tant de complaifances.

On crut que la mort de ce Pontife étoit le G- gnal de la paix -, mais on fe trompa. Malgré le» follicirations de Charles VI ^ roi de France , qui dépêcha un courier aux cardinaux, pour les prier de différer l'élcvlion , ils firent un Pape. Ce fut le fameux Pierre de Lune , cardinal d'Aragon ,qui fit-appeller Benoit XIII. Nous verrons dans l'Hif- roire du xV fiécle , de quels artifices il fe fer- vit pour conferver la papauté 6c pour perpétues h fcbifme,

Hérét'iqms»

La fuite des grands événemens dont' nous n'a- vons pas voulu interrompre le récit , nous a em- pêchés de tracer le tableau des erreurs qui trou- blèrent l'Eglife dans ce fiécle. Le précédent avoic vu naître les FUgdlans , fe^fle populaire dont les membres répandus dans certains cantons d'Italie, marchoient en procefllon nuds pieds dans les rues» & fe donnoient la difcipline jufqu'au fang. De» erreurs dangereufes fe mêlèrent à ces pratiques ridicules. Les Fla^tllans s'avifuient de fe confef« fer & de s'abfoudre facramcntellemenr , quoiqu» laies. Cette fecle , qu'on croyoit éteinte , reparut en 1349 en Allemagne, en Hongrie , & dans cer- uines parties de la France , elle fut cenfurét par la faculté de théologie de Paris.

'Lrs Bi^uaris , les Béguins & les FratictlUs

'•if^G E L E M E N s

^oique anathémati(é$ par le Concile.de Vienne en 1311 , ctoient antérieurs au xiv* ficelé. Leur biftoire eft remplie de grandes obfcuritcs. Il eft «pendant vraifemblalîle que , par les BJgiiardt Se FfotictlUî, il faut entcnJrc certains Francifcains apoftats , qui, cnleignaut les erreurs reaouvellces dq>uls par les ^u:cii(lts , menoient , fous prétexte de fpiritiialité , une vie oifive & fcandaleufc. Les laquifiteurs pourfaivitent ces hérétiques avec cha- leur : il en périt dans les bûchers ; mais la feûe fobfiAa lon»-tems. Les Turlupins (efpcce de Bé- guards) , nés dins ce fiecle en Savoie & en Dau» phioé , foutenoient que la prière mentale étoit la feule nccefTaire , Se faifoient , dit -on , trophée des plus grandes infamies.

On vit aufll en Orient , parmi les moines du Wont-Atlios, une fefle de Q^jie'tijfes , dangereufs autant que ridicule. Ils prétendoient avoir porté la perfection de la vie contemplative, jufqu'à voir des yeux corporels une lumière qui étoit Dieu même , 5c ctre parvenus à l'état de la fublimc quié- tude. Ils s'enfermoicnt chacun dans leurs cellules. Là, appuyant leur barbe fur la poitrine , ils fixoieat les regards vers le milieu du corps , cofuite re- tenant leur refpiration, ils s'appliquoient à cher- cher au-dcdans d'eux-mêmes la place du crcur , îli difoieni qu'hjbitoient toutes les puiflTances de l'ame. Lorfqu'ils croyoient l'avoir trouvée , il* s'im.-^gioJient voir l'air qui cîl daus le coeur, & iéucjeur Iui«mêffle plein de difcerncmcnt Se envi.,

m l'Histoire Ecclésiastique. î^^

Tonné d'une lumicre cdlefte. On les nomma par dérifion Omphjlopfyques , c'eft-à-dlre , Ayant l'ame au nombril. Pour eux , ils fe décoroient du nom de He/ycjjîts , ou Solitaires jouiiTant d'un parlait repos.

Mais l'héréfie la plus longue, & la plus impor- tante par fes fuites , celle qui occupa le plus les eCprits à la fin du xiV ficcIe , fut le JflcUfifme. Jean Wic!ej\ fon auteur , éroit un curé dans le diocèfe de Lincoln en Angiaterre. Il fe piqaoic d'une pieté auftére , & il tonnoit fans ceffe con- tre les vices du Clergé , Je farte des Prélats , l'ci- fiveté des Moines & l'avidité de la cour de Ro- me, le fcandale du fchifma , l'abus des excommu- nications prodiguées fans fujet légitime , &c. &c, 11 avoit eu , tandis qu'il profeffoit la t'néologie à Qxford.ane difpute avec quelques Religieux men- dians. , qui dans fon cœur ulcéré dégénéra en haine violente contre le Clergé régulier. 11 l'atta- qua fouirent dans fes fermjns. Cette liberté fut goûtée par le» courtlfans 8c le peuple ,&fe chan- gea bientôt en licence.

»< Les dénêlés vifs & fréquens de la cour de vi Rome 8t de l'Angleterre depuis Jean-Jans-Tern ^ y> avoient , (dit M. l'Abbé Pluqutt ,) indifpofé » les efprits contre cette cour. On ne fe rappel- »» loit qu'avec beaucoup de peine l'excommani- st cation 3c la dépolition de ce Prince, fa couron- yt ne mife aux pieds du Légat , & remife par ce j>-romiilxc fur la îéte du Roi , la ceflion de l'An-

». g^eterre au Pape , ôc le tribut impofé fur ctt •• royaume par le Pape. Enfin , les Anglois voyoiêc H avec chagrin les hcnefices du royiume donnét n par le Pape aux étrangers. Comme , dans ce» H démêles, le Clergé avoit ordinairement pris le M parti de la cour de Rome , il s'ctoit attiré la M haine d'une partie du peuple , qui d'ailleurs re- n gardoit avec envie les richefTes que les ecclcfiaf' n tiques poffcdoient. «

Jf1c/e/ uoMvn donc dans les efprits des dirpo» Htions favorab'cs au detîr qu'il avoit de foulevcr TAngleterre contre l'Eglifc de Rome. Enhardi par les applïudiiTemens de icm parti , il s'clcva non- feulement contre l'Eglife , mais encore contre plu- ficurs dogmes qu'elle enfeignc. Il renouvella lef erreurs des DonatiAes , Se fut en plufieurs chofei le precurfeur des Pn.ttJ!jnj. Il ne rejctta pas pour- tant les fdcremcns de la Confirmation , de la Pé- nitence , de l'Extrême -oni^ion , ni la MeflTe , l'invocation des Saints -, mais fa hirdieiTe fut le germe de cc'le que les autres hcrcfiarquei montrè- rent après lui.

Ce qui fcrvit fur-t-vut à augmenter les pariifant ie ce novateur inquiet , parmi le* gtan U <eigiieurt^ jaloux du Clergé, c'cd qu'il Coutenoit hauiemenc que let feigneurs temporels pouvo>ent légitime- ment priver de fes biens une Eplife corrS-npue ; que J. C. n'avoit point donné à fes dilciplei le pouvoir d'excommunier pf^ur le refus des chofe» temporelles-, que les ccclcliani(^u«&& le Pape mi;

ï)E l'Histoire Ecclésiastique. i\§

me pouvoient être légitimement repris par des laïques -, qu'il ne falloir point envoyer d'argent , ni à la cour de Rome , ni à celle d Avignon , à moins que ce devoir ne fût prouvé par l'Ecriture- fainte -, que f\ les Livrcs-faints n'ordonnoient pas ce tribut , ceux qui l'exigeoienc, ëtoienc des loups raviffans j que le peuple ne d-^voit ê:re furchargé de tailles, qu'autant que le patrimoine de l'Eglife ctoit épuifé.

GuiL'aujne de Cotirtenai ^ archevêque de Cantor- beri, fenCible aux maux que les écrits de Wiclef avoient faits à l'Eglife Britannique , pourfuivit fa condamnation en 1382. Sa doftrine ayant été difcutéc dans deux Cor.c'es, tenus, l'un à Londres, l'autre à Oxford , on en condamna neuf articles comme des heréfies , & quinze comme de fimples erreurs. Cependant IThlcf ne perdit point les pla- ces dont il étoit revêtu , foit par le crédit de fe$ protecteurs . foit par la facilité avec* laquelle il fe rétracta. Mais la condimnation de fes he- réfies augmenta beaucoup fa haine contre le Pape & contre le clergé. Il compofa divers ouvrage*, pour inlînuer {es fentimens & les communiquer dans toute l'Angleterre.

Dans ce tems , Urbain VI ic CUmtnt VII (dk M. Plu(juet , ) « fe difputoient le fi-jge de Rome, M L'Europe étoit partagée entre ces deux Pontifes; n Urba'n étoit reconnu par l'Angleterre , & Clé- H ment par la France. Urban VI fit-prêcher en » Angleterre une Croj/^de contre la France , Ôt

'l€o E L E M E K s

H accorda aux Croifés les mêmes Indulgencet^ M que l'on avoit accordées pour les guerres de »» la Terre -Sainte.

M Jf'icUfdiin cette occaûon pour foulevcr les » efprits contre l'auroritc du Pape , & compora contre cette Croifade un ouvrage plein d'em» M portement Se de force. //*/? Aj/:«u* , dit-il , qut >• la Croix de Jlsvs-Christ , qui tfi un monumtnt M de pitM , dt ml/érieorde & de charité, ferre d'i» H tendard & de j't^nal à tout Us Cirétiems pour »« r amour de deux faux-Pr êtres , qui font manifef' n tcrntnt des Anmchrifts , afin de les Cjnfcrver dans ^ la grandeur mondaine , en opprimant la Chrétien^ , p!ut que les Juifs n'opprimèrent J. C. lui' »♦ même &• fes Apôtres,. .. Pourquji ejl-ct que tor^ n gueilleux Prêtre de Rume ne \eut pas aciord<r à n tous les hommes Indulgence pléniére , à CK.nJiiion n qu'ils vivent en paix & en charité , penJjnt qu'il n la leur accorde pour fc battre & pour fe détruire} it

Urbain VI envoya en Angleterre une monî- tion pour citer Wiclef à Rome ; maif il fut atra- qué d'une paralyfie 8c mourut deux ans aprè« , en 13^4, laiflant une foule de difciples , qui fi- rent-valoir les dogme» de le.ir maître. Le Con- cile de Confiance les condamna folcmnellemeoc en 1414 & ordonna que les os de cet hcrc- fnrquc , qu'il frappa d'anathcme , fcroient brulci jvc« appareil i c'cd ce qui fut exécute co 1428,

i>E l'Histoire Ecclésiastique. i6ï

Ecrivains EccîéJîaJUques.

PalTons aux Auteurs qui établifl"oient la vérité par leurs écrits , tandis que les Widéfices 8c d'autres hérétiques cherchoient à répandce leurs «rreurs.

Nicolas y natif de Lyre dans le diocèfed'Evreux, quitta le Judaifmc pour embraffer la Religion Chré- tienne. 11 entra dans l'Ordre de S. François ^ 5c mourut en 1340, après avoir publié divers Trai- tés thcologiques peu lus aujourd'hui.

J«n Scùt , Frère Mineur, à Duns en EcoiTe, paffa en France , fe fi^nala à Paris , il fut élevé au degré de dodeur. Il y foutint ropinioo de la Conception Immaculée de la Sainte \'ierge , dont il parle ainfi: «On dit communément qu'elle «a été conçue dans le péché originel.» lien rap- ponc les raifons , |uxquel!es il tache de répo'i- dre , & ajoute : »« Je dis que Dieu a pu faire que M la Vierge ne fût jamais en péché originel. lia n pu faire aufn qu'elle n'y fiit qu'un inûant , & r> il a pu fdire qu'elle y fût quelque tems , 8c M que dans Is dernier inftant elle fût purifiée, Scot apporte des raifons de ces trois polTibili- tés , & conclud ainfl : » Dieu fçait lequel de ces » trois il a fait -, mais il femble convenable d'at-* M tribuer à Marie ce qui eft le plus excellent , s'il n'eft contraire ni à l'Ecriture , ni à l'auto- rite de l'E^life. C'eft ainfi que Scot s'expli- «juc fur ce fujet y & quoiqu'il le fa (Te , comme BD- voit f avec bica dv U modeni» , il pjiTc p ^.u;.

X6l E L E M E N s

le premier auteur de l'opinion de la Coneepttoir Immaculée de la Vierge. Scot fut furnommé le Dvciiur fubtil caufe de la fubtilité de fon gé- nie. C'étoit un des plus zélés partifans é! Ariftutt, Zn fondmt fon ordre , S. François nUvoit pas prétendu fans doute former des feues de Péri- patéticiens : mais les FranLifcains s'étant rendus recommandables dans les univerûtcs , il fallut adopter un fjftême, 8c ils s'attaciicrent au Péri- patéticiime. Sc^t contuDua beaucoup a le faire- valoir , & fut !e patriarche de la ieù-t des R:jux, Son nom eQ cependant plus connu que fes ouvra- ges ,'leJqueh ne roulent que fur des matières fcho- ladiqiies , ^L font allez mal écrits.

Gu.lUune Ocham, Anglois 5c Frère Mineur, com- me Sc^t , fut le chef de la feâe des fcholaAi- qiies ap, elic'. N ■m^nuux , & fe fit -connoitre par de graves inepties. Cttoit urf génie ardent & un homme inv^uiet. Ennemi déclare de la cour de Rome , i' écrivit pour Philippe le Bel & pour Z.ciiii de Davicre, 11 dcfendit leur caufe par des fophifmes & des fubtilités : manière de raifon- ner dam laquelle il étoit fupcrieur à tous les Pc 1 >it(.tlcie' I de fon tcms. Les ^Vom^jt/x étant devcnt odieux au laint Hége , à caufe de la hardi -.e de Icr chef, la plupart furent chaf- fcs dei univerfités , & l'on employa les voies rigourcufes pour les réduire au filcnce. Ils avoient voulu go verner le monde par leurs opinions ; fit. éepuis qu'un jag^e les chofes par ce qu'elles foai

DE l'Histoire EccLESiAyriQUE. 163

tn elles-mêmes, a peine fe fouvient-on de leur nom.

L'ordre des Frères Mineurs produifu encore Raimond LuLlt , plus cclèbre par les perfccutions que Tes connoilTances en chymie lui procurèrent, que par fes livres ; & Alvan PiLige , évêque de Sylve en Portugal , qui s'iliuftra par un Traité fur la difcipline de l'Ëglife , intitulé ,/?<; planHu EccUfix.

Les théologiens myftiques comptent parmi les écrivains de ce fiécle , Jean Thaulère , Domini- cain , & Jean Rusbrock , tous deux profonds dans la fpiritualité.

Un genre de myfticité inconnu aux premiers nécles de rEglife s'introduilit dans celui-ci, & la morale y gagna peu , félon Fleuri, qui s'en expli- que en ces termes : " Depuis que le travail des » mains a ceffé cliez les Religieux , ils ont extrê- »♦ moment relevé \'Oraif»n mentale , qui eft en »♦ effet l'ama de la Rel gion Chrétienne, puifque M c'eft l'exercice a£luel de l'adoration en efprtl M & en vérité , prefcrire par J. C. même. Mail n il eft facile rl'en abu'"er. C'eft en quoi Confif- V, toit principalement l'hérefie des MaJfaHent, con« I. damnée dès le vT fiec'e ; & ce que les Ca» j) tholiques leur reprochoient le p'us , étoit le mé- >• pris du travail & la mendicité. Les Fraticelles M des derniers tems leur reftembloient fort , & M chez les Catholiques mêmes l'Oraifon mentale M a fervi de prétexte à plufieurs abus. Quand ua Moine Egyptien fùfoit , en priant toujours ^des

164 E t E M E N s

>i njcces ou des paniers , on voyoit bien qu'il n prrdoit pai fon tenm : mais n'y a que Dieu n qai fçache à quoi remploie celui qui , pendant M une ou deux heures, demeure à genoux & les n bras croiCkS.

M Or , cette dévotion oifive & par confcqucnt m équivoque, a cte la plus ordinaire depuis en* X viron cinq cents ans , par:lculicremcnt chez les w femmes , ndiurcllcment plus pareffeufcs & d'uae r> imagination plus vive. De -la vient que lei y> Vies des Saints de ces derniers fiicles , Sic Sri- ». glJt , Sic Cathtr'tnt de Sitr.nc , li bienhcureuft » Angi/* it Foilgni , ne contiennent guéres que m leurs penfées & leurs difcours , fans aucun »» fait remarquable : ces Saintes employoient fans »• doute bien du tems a rendre compte de leur •t intérieur aux prêtres qui les dirigeoient : âc r> ces direûcurs , prévenus en faveur de leurs pé- nitences dont ils connoifToient la vertu , pre« M noieat aifémenc leurs penfces pour des rêvé* r> lations , & ce qui leur arrivoit d'excraordinair* *> pour des miracles. -

Nicolas Ortj'me , doûeur de Paris, & prccep* «eur de Chsr/u V roi de France , traduiiit la Bk« ble en françois, par ordre , de ce prince. On a àt lui quelques autres ouvrages. Il mourut cvè» ^ue de Lilicux. 11 unilToit aux vertus qui font kt Saints , les qualités qui font les grands £vè*

AUù, de toiulct autcux» du ut* ùii\<, celui qu*

*f L*HlST01PvE ECCLESIASTIQUE. l6ç %ur le plus de talent & de réputation , fut fans contredit P<;'frijri^i;e, le rcftaurateur des lettres dans vin tems de barbarie. Il fut le premier qui dé- terra les Ecrits des anciens , &qui imita leur ftyle dans fes ouvrages. Il fe fervit des décombres de l'antiquité , pour pofer le fondement de l'édifice qu'on éleva aux beaux-Arts dans le xvi' & xvii' fiécles. Quoiqu'il n'ait prefque jamais traité des matières eccléfiaftiques dans fes nombreufe* produflions , les fervices qu'il rendit à l'efprit humain méritoient que nous en filTions une men- tion particulière.

Nous avons vu qu'il tenta plufieurs fois de faire- retourner les Papes en Italie. Dans fa jeii- neffe il écrivit à BtnoU XJI ; dans un âge plus mur à C'iment VI , dans fa vieilleffe a Urbain V, Sa Lettre à ce dernier Pontife elt un monument de fon éloquence , de fon courage, & de l'état étoit alors la capitale du Monde chrétien.

" Vous avez fait de beaux réglemens , ( dit-il au IPontife). » Tout eft dans l'ordre dans Avi- t> gnon. Mais que fait Ronie ? Quelle e(l fa il- ». tuation .' quelles font fes efpcrances ? A-t-elle M des Confuls } a-t-clle fon Pontife ? Elle eft en »t deuil V elle pleure nuit £t jour. Ah ! comment cette ville autrefois û peuplée eft-elle aujour- n d'hui fi dcferte ? La maitrefTe des Nations lan- M guit dans un trifte veuvage. Déchirée par les »i guerres étrangères , par les difcordes civiles , M Kome ne coonoit plus la paix. Ses murs font

iC6 Elemens DE l'Hist. Ecclestast;

abbatus , les palais rcnverfcs , fcs Temples dc- truits. Le culte divin eft mcprile , la juAico M violée , les loLx enfreintes. Courbé fous le poids M de Tes maux , le peuple Romiin vous tend les M bras : il vous app>.lle à grands cris. Vous êtes M fourd a fa voix. O le meilleur des pères ! corn* «• ment pouvez -vous goûter le repos fous des tt lambris dorés , pendant que le palais de Latran M tombe en ruines, que la Merc des Eglifcs eft •< fAr;s toit , que les demeures des Apôtres ne » font plus que des décembres ? n

Cette Lettre, d'ut) particulier connu feulement par foo gciùe, contribua beaucoup au départ du Pontife pour Rome. Quel triomphe pour PcutUf^ ju£ & pour la Uttératuxe !

i67

£ L ÉM E N S

D E VHISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE,

QUINZIÉxME SIÈCLE. Continuation du Schlfmc.

•îvr

X^ous avons vu les Cardinaux qai etoient a Avignon à la mort de CUment Vil, lui donner peur fucceffeur le cardinal Pierre de Lune » qui prit le nom de Benoit XIII. Simple Cardinal, il HC parloit que de concorde & des moyens de rendre la paix à l'EgUfe. Il avoit même promis, avant fon éle^ion, de céder le pontificat, H l'on ne pouvoir terminer le fchifme aurremenr. C'eft fous ces dehors impcfans qu'il fe montra au com- mencement de fon règne. Il écrivit à ŒarUs VI ^ roi de France , que fa Chape pontificale ne tenait à rien, s'il falloir la dépouiller pour l'avantage de ia Religion. Il avoit blâmé l'ambitieufe oplnlâ- rctc des Pontifes rivaux -, mriis bientôt il ma- nifcftal e même caradcre qu'eux , & chercha mille

iC>^ E L E M E N s

prctcïtffs pour Ce cifpenfer de tenir fj paroTe,

Qn eue beau le prilTcr , il répondit toujours t^n'il

ae quicteroit point !e fouverain pontificat , fi ffat,

nifact IX y fcn ccnjpctiteur , oc lui ca, doaaoir

l'exemple.

L?. mort de ce dtrd'ier Pape , attaqué depiiîg )oii;;-iems d'une maladie qui le Cv'oduifu au tom- bcai) l'an 1404 , dans la 63' annce de ion agr, fcmbloit fournira Btnoit XJII une occjûon d'être rc.onnu pour kgitime Pape par toute l'Cglife. Mais les Cardinaux Roin<:in:» durent le cardinal de Pologne , linuctnt Vil , dont les grandes ver> tus donnolenc ùes c'pcrances favorables pour la paix ; elles i'wrerit \ Mine* ; il voulut mourir Pape , quoique fcn pontificat fut orageux , parce que les donne' lui difputoieot la fouvcrainctc tem- porelle de Rome.

Après fa mort , arrivée en 1406 , le» cardî- ri:ivzi Romains drelTcrent unaâc, par lequel cha- ctin d'eux s'engageoit , en cas qu'il fut clu , de dopofcr la tiare , pourvu que fon compctiteur la quittât cgilement. Pour que cette promené fât mieux tenue, ils donnèrent la p.ipauté aa p!us vertueux d'entr'cux : c'ctoit .ir/o ,

Vcnitien fcptuag6nnirc , homme c pit

fon zcle 8c fa fjinicré. Des qu'il fdt clu, il pro> tefla qu'il alîoif follictter Ton compétiteur à facrî- firr leur dignité , dû(-il iire o'n!ii;c d'aller en Tr.«nce à pied, un bâton blanc à la main, ou par mer dam une nacelle. Cette f.-otcAjtionctcii btWt^

mais

DE l'Histoire Ecclésiastique. iÇ^

mais elle fut fans effet. Les deux Pontifes amu- férent long-tems l'Europe par des lettres , dans lefquclles ils s'exhortoient réciproquement à abdi- quer une place que l'un & l'autre regardoient com- me la première du inonde , & que ni l'un ni 1 autre ne vouloir céder.

Concile de Pife , qui dépofe Grégoire Xlï 5" Benoît XIII ; éUB'ion ^'Alexandre V.

La convocation d'un Concile étoit le feul moyen de terminer le fchifme qui déchiroit l'Eglife. Les Cardinaux des deux obédiences l'affemblérent à Pife, le 25 Mars 1409. Ils y citèrent les deux Papes, qui ne répondirent à leur invitation qu'en les excommuniart comme des rebelles, qui agif- foicot fans la permiflîon du fouverain Pontife ; mais on mcprifa leurs anathcmes. Le Concile fut compofc de 24 Cardinaux, des Patriarches d'Alexandrie , d'Antioche & d.- Jérufalem ; & d'un nombre prodigieux d'Abbés. Les Princes Chré- tiens y envoyèrent leurs ambalTadeurs , & les Uni- verrues leurs députes.

La fcntencc de dépofition fut bientôt pronon- cée, Pierre de Lune & Ange C^rario furent décla- rés fchifmatiqucs & déchus du fouverain ponti- fcat , dont ils s'étoicnt rendus indignes par leurs parjures. On élut enfuite un nouveau Pape fous le nom A'AUxardrc f^. Il s'appelloit Pierre de Can- die , & avoit été l'artifan de fa fortune. dans robfcuriié , il entra dans l'ordre de i>. frjn^ois^ Tom. IL H

xy^ £ L E M £ y s

& pirvinr de place en plice à 1j dignité de Car» dinal. Elevé fur la chaire de S Pierre , il y mon- tra des ver. us , qui tiienc-cntrer plufie irs prir.- ces dans fa communion-, mais ccni mort un an ■prcs fon clcvtiun , en 1410 , on lui donna u:i fuccclTcur qui ne lui reHcmbliic g.icres : ce fut le cardinal BcithafAr CvjJ.1 , qui obtint 'le fou- vcrain pontif-cat fous le nom de J.an XXllI.

Le nouveau Pape ccoic carùiail- diacre ; il re* (Ut la prcctifc quelques jours ancsfon cle^lion. Une famille noble de Naplcs iui avoit donne le îour. La plupart des HiA )riens , ( dit l'dbbc de Chuifi , ) ont faii une peinture afFreufe de fc$ mœurs; & ceux-mcmcs qui en ont dit le plu* de bien , ont cté contraints d'en dire aufli beau- coup de mal. Léonard Arttm & ThéodorU de Niem, fes fccréiaires , afTurent qu'il avoit de grandes qualités félon le monde; mais que les vertus ec- clcfjjl^iques lui manquaient abfolument. 11 avoir été pirate dans fa jeunelîe. S'éiant enfutte pro- duit à la cour des Papes , il g^gna la confîjnce de Bvnifact IX , qui le (te cardinal & l-gat de Bo- logne. Ce fut principalement par fes intrigues que Benoit XIII & Gr^goi'i XII furent dcpofci dans le Concile de Pife. C'eft a ces mcmes intri- gues qu'il dut en partie la tiare. Il fe fervit pour fe faire-clire, du pouvcir qu'il avoit daiu Bologne N de la prote£)ibn iou;e - puilfanie dt Louit duc d'Anjou , fon ami p.irtuulier , arrivé depuis peu de France avec un. armée pour U con:^uétc du royaume de Na. 1:5.

t)E l'HiSTOIHE ECCLESIASTTQITE. ïfl

Conclu de Confljnce ; dcpojîi'ion de Benoit XIII, Grégoire XII & Jean XXHI.

Les commcncemcns du pontiiîcat de Jtan XXIIl furent affez hsureux. Il fat reconnu par la plui grande partie de l'Europe. Grégoire & Benoît fe regardoient toujours à la vérité comme fouve- rains pontifes ; mais leur autorité diminuoit peu» à-peu. Le premier, travefti en marchand, avoit été obligé de fe fauver à Gaiette , Ladiflas , roi de N.iples , lui affigna un afyle. Le fécond , pourfuivi pir ordre du roi de France , s'étoic retiré en Efpagne , dans un château bâti fur pointe d'un rocher auprès de la mer. Il falloit cependant prendre de nouveaux moyens pour les engager à abdiquer un titre qui ne leur appar> tenoit pas.

L'empereur Sigifmond crut qu'on y réufllroie en afTemblant un fécond Concile général ; il fut convoque à Condance par le pape Jtan XXIII ^ qui n 'avoit pas trop envie de s'y rendre. Je erains , difoit-il , d'y aller fouverain Pontife , & de revenir particulier. 11 fe mit pourtant en chemin ; mais quand il fut près de Confiance , il dit a fes compagnons de voyage : Je vois bien que c'eft ici U foffe l'on attrape les renards. Il arriva le iS Odobre 1414, trois jours avant le tems qu'il ivoit marqué pour l'ouverture du Concile. Il fe trouva dans cette grande affemblce quatre patriar- ches , quaraate-fept archevêques , cent folxaat«

Hi^

Ï7* Ë L E M E N «

^vcques , cinq cents foi x^nte - quatre abbés 5r- doreurs : l'afflucncc du monde fut fi grande , qu'ony compta jafqu'a trea:e mille<.hevaiix. L'e:Ti- f>ereur Si^'/mcni étant arrivé le 14 Décembre , iffifta le lendemaia , en habit de diacre , à la meflfa du Pape , & y chanta l'F.vangilei

Jean A'A///, malgré \z% craintes que lui ififpi- roient les partifans que les Antipapes avoient en- core , fe fîattoit que fon cicflion , faite par ua Concile gcacral , feroit confirmée par celui de Confiance ; mais il fut bien trompé , lorfqu'on lui propofa d^ faire le ficnficc de fa place au repos de rtlglife. I! fît quelques difficultés ; mais com- me on produliit les accufations qu'on avoit à in- tenter contre fes mcuurs , il fit , dans la feconie fcHion , une promeiTe folemnelle de renoncer i la pipautc , fi fon abdication pouvoit ctcindrele fchifme. han ne tarda pas à fc repentir de la pa- role qu'il avoit donnée; &, pour agir avec plut de liberté contre ceux qui dem^ndoicnt fon ab- dication , il ne longea plus qu'à trouver des moyens de for tir fecrettement de ConfUoce. On le foupçonni de ce dciTein fur des .con)e£turet affcz fortes , & l'Empereur prit des mcfures pour cmpicher foo cvjfion. Comme on le gardoit k vue , il n'avoit de retlource que dans le fccourt de Ftiduic i'ÀutrUht. Ce prince ctoit arrive i C' '.!^ince depuis ptès d'un mois, fous pritexts d'~'.'.cr plut loin , nuis en e^fct pour entrer dam (outçt les vues ^u Pape, avec Icc^uel il fcijnoic

Be l'HistôiRî: Ecclésiastique, tj"^

èl: n'avoir aucune liaifon. On veilloit de li-près fïir le Pjpe S: fjr FriJirlc , qu'ils ne pouvoienc fjire un pas à l'infçu de Sigi/mund. Le feul expé- dient que Frideiic piiî trouver , fut de donner un Tcurnci. La fctc fut marquée pour le vingcié^ ftic de Mars 141 5. Pendant que tout le monde ttoit au fpedâcfe , Jean XXIII fe déguifa fur le loir en poriillcn , & forrit dans la foule fur un ni3uvais cheval , ayant une grofte cafaque grife fur les épaules , & une arbalètrc à l'arçon de la feîle. la nuit il fe mit dans une barque que Fré' icrle avoir fait-tenir prête ; & en quelques heu- its II arriva à Schaffoufe en Suide , qui appar- fenoit à ce Duc.

Le Concile , quoiqu 'affligé de h fuite du Pape ^ continua fes féances , le condamna comme difll- pateur des biens ecclcfiaftiques , fimoniaque , fcan- dalcux & perturbateur de la foi-, & comme tel, le dépcfa du pontihcat le 29 Mai 141 ). On lui fit-fignifier cette fcrtcnce par des commilTai- res , qui le trouvèrent afTez bien difp ofé. Il reçut avec réfignation le décret du Concile ; fit-ôter de fa chimbrc la croix papale , & protefta qu'il renonçoir aux prétentions qu'il pouvcit avoir fut Ta chaire de S. Pierre.

Peu de tems après, Grc'coircXII imita fon exem» pb. Il s'étoit retire chez Ma.'accj'L ,{eign(:UT de Rimini , qu'il chargea de fa procuration , pout aller à Confiance céder fes droits en plein Coo. cile. Les Pcrcs , en reconnoiiTance de ce facriScei

Hiij

t74 E L E M E K s

le dcclarcrent doyen des Cardinaux & Icgac pcr-' pctuel de la Marche d'Ancone , avec toutes les prérogatives attachées a cette dignité. On le dé« chargea en même tems de tout ce qui pouvoit s'être palTé d'irrcgulier pendant fon pontifîcat.

L'antipape P.crrc de Lune fut le feul qui de- meura dans Ton obflination. Abandonné de tous fes partitans, dégrade & excommunié par le Con- cile de Conftance, réduit à fon rocher de Panif- cola en Catalogne , ce vieillard inflexible perfifla dans le fchifme jufqu'a fa mort, arrivée en 1414 dans la quatre-vingt-dixième année de fon àgs. 11 fut Antipape prés de trente ans , 8c ne vou- lant pas même céder à fa mort ce qu'il ne pou- voit plus conferver : il recommanda à deux Cardi- naux attaches à fa fortune, ou plutôt à fcs in* fortunes, de lui donner un fuccelleur. £n effet, ils nommèrent Pape un chanoine de Barcelone , qui prit le nom de CIcmcnt VIII. Mais ce nou- vel antipape abdiqua fon vain titre en 1410, 8c •btint en dédommagement 1 évcché de Mayorquc»

Cominudt'ton du Concile de ConJIunce ; clciïton Je Martin V.

Aucun Pipe n'ciant reconnu par le Concile de Confl^nce , il fallut m dire un. Le cardinal de Cambrji , fort zèle pour la réfotmatioa de 1 E- gliie àétii fon chef Se dans fcs membres , opina qu'j< ant de irav;iiller j ce gr.ind ouvrage, on de> you douucr UQ chef à la Cbicucnic. Ct>inmt»i^

DE L'Histoire Ecclest astique. 17$

eiiroit-il , réf.rmer un c^rp' qui n'a point de tète % 0 dis membres qui n'ont point deche/i Les vingt- huit cardinaux jetterent donc les yeux (ur le cardinal OtLn C^Lnm , & lui donnèrent la tiare en 1417; il prit le nom de Mania V. Les Al- lemands & les François lai offrirent une retraite; mais il leur répondit •• qiv'il feroit fon fcjour à M Rome , parce qu'un pilote devoir être à la poupe & non à la proue de fon vaifîeau. »

Lorfque Martin parti; pour fe rendre dans cette ville , Balthayxr Cojfa alla fe jetter à fes pieds àt Florence-, le fpeitacle d'un fouverain Pontife de** pofé & humilié toucha vivement le cœur du Pape, qui le reçut avec bonté , 6c lui donna le moyen de fubfifler honorablement dans le rang de Car» dinal. Dans les cérémonies publiques il lui fai» foit- donner un fiége plus élevé que ceux desau« très Cardinaux. Cijj'a ne jouit pas long-tems de cette foiblc confolation. Il mourut lix mois après, peint diverfcment par les Auieurs des ditfcrenies communions , qui ont vraifemblablemeot exagéré fes bonnes & fes mauvaifes qualités.

Condamnation de Wiclef 6- t/é Jean Hiis," Supplice de celui-ci & de Jérôme de Prague.

Martin, avant que de quitter Confiance , parti- cipa à tout ce qui fe fit dans cette affemblée. Le» Pcrcs convoqués au nom de l'Eglife univerfelle,

votloient non - feulement éteindre le fch fme

» ■mais détruire le germe des erreurs qui fouil-

4oient la pureté de la Foit Nous avons dit ci^

Hiv

k7^ E L £ M E N s

devant que le \l*iclcfirmc fjt condamné dans le Concile de Confiance ; cette hcrcfic avoit péné- tre en Allemagne. )<jn lluj , doifleur de l'univer. fité de Fr3j;ue , l'avoit fait-revivre en Bohême, foit en écrivant en faveur de Wiclef, foit en] tradoifant fes ouvrages.

Ce théologien Bohémien joignoit à beaucoup de fçavoir une éloquence vchémente. II (t fit un parti parmi les ccdcrufliques. Celai qui adopta 8c qui répandit avec le plus de chaleur fei dog- mes hétérodoxes , fut Uômt de Prague, maître- ès-arts de l'univerfité de cette ville , homme fça> ▼ant 8c d'une vertu rigide. Ces deux théologiens furent appelles au Concile de Confiance ; le pre- mier ayant perfifté dans fes erreurs , fut livré au bras féculier & brûlé vif le 4 Juillet 1415. Jit6mt de Prague , fon ami 8t fon difciple , fut arrêté en même tems & mis en prifon. On l'exhorta à ^cfavouer les propositions erronées qu'il avoit foutenues : l'ennui de la prifon Se la crainte de U ntort lui arrachèrent une rctra^atlon ; mais l'ayant révoquée bientôt-après , il finit , comme fon mat- tte, i* vie dans un bûcher, le 30 Mai 1416. Il fît- ccUter, ainf: que lui , une confiance tnébianlable «u milieu des fiammes , 8c uixe rk.rigiMtioa digne d'un» fncir.ciirc caufe.

/7/I du Concile <f< ConJUnct,

Les Pères afii'embict * Confiance , firent , avaiu ^uc de i\ fcpircr , divcrt dccrcti pour \^ i\.iQt\

De l'Histoire Ecclésiastique. 177!

«ution deplufieurs abus , & pour rafTcrmiffement de fe faire dotlrinc. On 3pprouva l'ufa^e de TE» glifc, de ne communier les L'iques que fous une feuJe efpèce, & on rejctca la demande des Huf- Ctes qui vouîoient recevoir le Corps & le Sang de J. C. fous les efpéces du pain & du vin. On ordonna la fréquente ternie des Conciles provin- ciaux -, on dcfer.dit la tranfiation des Evèques fans une grande nccefiltéi on rcflreignit les exemp- tions & les difpenfes -, on condamna la ûmonie ; on recommanda la teodertie dans les habits ecdé- fiaftiques : mais on ne décida rien fur les autres objets de réforme qu'on avoit propofés , tels que les Annates , les rsferves du ûége apoAolique, les grâces expeiflatives , &c. &c.

Enfin le Concile fe fépara : i! avoit cominen- céle j Novembre 1414,1! finit le 22 Avril 141S, Cette alTemblie fera éternellement mémorable par la dcpoÛMon de deux Antipapes , pîr l'abdica- tion volontaire ou forcée da Pape légitime , par Li réunion de toutes les Nations Chrétiennes dans un même lieu , par la pr.fence d'ui grand Empereur, par la fupériorité attribuie a'.ix Con- ciles généraux fur les fouverains Pontifes , par l'éleélion & le couronnement d'jn Pape recoano. de tous les Fidèles , enfin parlplificurs déciuons fuc des matières qui intérefibient également la Foi ic les mœurs. Ceux qui montrèrent dans le Con-ile le plus grand zèle pour le bien de l'Eglife, fj- Knt l'empereur 5'jj'y57ii;«i, le fçavant Pierre d'AUU^

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cardinal de Cambrai , fra-.f is ZihutlU cardloil 4t Florence , & Je ct èbrc chancelier de l'Uni- Tcrûtc de Paris , Jtan Gcify.n , l'un des envoyés du Roi de France , homme également recominan» dable par Ton f^'avoir & par Tes vertus.

Guerre des Hujfttcs.

Apres avoir raconte les affaires les plus remar- quables qui occupcrent les Pères du Concile du Coaftance , il faut voir la fuite de cesévenen.ens. Le fupplice de Jean Hus & de Jcrûme de Pra- gue , regardes com:ne des Martyrs dans leur par. ti , allumèrent la guerre en Bohème. Les errant dreflTérent une confenîon de foi conforme à ce qute leur Patriarche leur avoit enfeigné , & fe fcparé* rent entièrement de la communion Romaine. Pour fe maintenir dans une entière liberté de conf- cience , ils levèrent une puifiiante armée, qui , fcm- blable à toutes les troupes conduites par le fa- naiifme , profana les lieux-falnts , abauit les Tem* pies, démolit les Autels, & fe fouilla par mille abomination$.y<ja Zifcj , gentilhomme de Bohème, générai de cette arm«.c d'enthoufunci , remporta fept fois la Tiûoire fur l'empereur Sififi>n,nd , qui fiit obligé de lui donner la paix & de le nommer gouverneur de Buhcme. Apres la mott de ce héros, les HufTitct, an rocs de fon efprir , eurcnr de nouveaux avant.iges. Enfin il fallut publier contr'eux une croif^de, qui n'eut aucun fucccs. On crut pouvoir ^cs lAincacr par les ocjociatioiu, &

DE l'Histoire Ecclésiastique. 17^

c'eft dans cette vue qu'on affcmbla un autre Con« cilc , auquel ils furent invites , pour traiter dc^ articles qui les feparoient de l'Eglife.

Concile de Pavle , tninsfcri à Sienne y & enfiùte à Baie,

Lorfque Martin f prit congé des Pères de Con-^ fiance , il promit de convoquer bientôt un Coa^ cile , qui s'occuperoit uniquement de la réfor- mation des abus qui faifoient-gémir les gens-de« bien. Il fut d'abord convoqué à Pavie ; mais la pefte ayant chaiTé de cette ville les Evêques 86 autres Prélats affemblés , on le tranfporta à Sienne, Scde>là à Bàle. La première ceffion corn* mença le 23 Juillet 143 1. Le pape Martin étoit mort le 20 Février , avant que d'avoir pu voir l'ouverture du Concile, qui fe fit fous les aufpi- «e$ d'Eu^ene IV fon fucceffeur , & en préfence do cardinal Julien CcJ'arir.i qui y préûda à fa place»

La première chofe que les Pères du Concile firent , fur de rcnouveller le décret de celui de Confiance , qui ctabliffoit la fupérloTÏté du Con» clegcnéral au'deffus du Pape. Eugène , piqué , vou- lut diffoudre lafTemblée œcumé iqu^ de Bàle,

1 pour en convoquer une autre à B.logne; cette

tentative n'ayant pas réunî , il transféra en 1438^» de fa propre autorité , le Concile à Ferrare , & l'année fuivante à Florence. Les Pères de Bàle l'ayant fomné pludcurs fois de révoquer la bull«r par la(;uclle U détktcit leur Concile dilT^us ^ Ir

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\S0 E E E M L N- Sf

menacèrent de l'attaquer perionnellement comm^ Tcfrailaire , contumjcc & indigne de la place cmi - nente qu'il occupoit. Us lui tinrent parole ; & ^ après avoir Aatue la nullité du Concile qu'il op- pofoit au leur , ils le déclarèrent dcchu du ficgc pontitical , Sx. mirent à fa place Amcdcc , duc de SaToie,qui, ayant abandonné fes états à fes en- fiins . vivoit en anachorète a Ripailles près du lac de Genève.

Antidét prit le nom de F<!ix V; mais , ayant été dans la fuite abandonne de tous fes partifans , il fe démit de fon prétendu pontificat entre les main& de Nicolas y , fuccelTeur d'Eugcne IV ^ & retour- na dans fa folLtude » il mourut en odeur de faliv* teté.

Les Hujfites au Concile de BJle.

Les HulTices ayant été invités d'envoyer Ae% députes au Concile de Bàle , choifirent les plus, diftingués d'entr'eux , leur général Pri,eope , 8c /m/i Rockiar.a , le plus fçavant de leurs théologiens. Les quatre demandes qu'ils firent au nom de leur parti, rouloicnt fur quatre points : La première ;îvoit pour objet la communion fousies deux ef- pcces. La fecon le concernoit le droit qu'ils don- DuicQt aux m3gii\rjts de punir tous les crimes, môme ceux dont les Ecdcliafliques pouvoient fe rendre coupables, lit vuuloient , en troifieme lieu , qu'un leu/ permit d'annoncer librement ce qu'ils, appelloipnt la. FaroU^ dt Ditu, Ils demaadûieoc

t)E l'Histoire EccLESiAsriQtTE. i^f

-^n^n que le Cierge n'eut aucune autorité dans Icj affaires civiles.

On conféra long-tems fur ces articles , fans pouvoir rien ol)tenir dss hérétiques Bohémiens ; cependant le Concile leur envoya bientôt - après des dépurés , parmi lefquels on diftinguoit le fça- Yant Enéc-Sylvius P/cco/cmi/z/. Les envoyés rame- aérent pludeurs Huflltes , en leur accordant lu- fage de la coupe avec les redri^ons convenables. Ces nouveaux reunis furent appelles Culixiins , tandis que les obftinés fe nommoient Thaborites ^ du mont Thabor près de Prague , ils avoienc une forterenTe redoutable. Ces malheureux conti- nuèrent à fouteair une guerre meurtrière , & dont Ui fuccès furent variés. Enfin , après bien du Cang répandu , ils dépoférent les armes & vécu- rent paiûblement , lorfquon leur accorda la to- léraoce qu on donna un ficelé après en Allema- gne aux autres Ëi;l:fes protetlantes , qui les re*. çureot dans leur fein. i

Fin du Concile de Baie.

Le Concile de Bàle fe fépara après la 4;' fef- Con, tenue en Mai 1443. Cette affemblée dura douze ans c'eft-à-dire depuis le 19 Mai 143 1 * jufqu'à pareil mois de l'an 1443 ; mais ce n'c- toit , depuis pla!Î2urs années, qu'une ombre de Coacile, Son autiienticité n'eft reconr.t:e que juT» qu'à la vingt-fixiéme felîîon , parce que ce fus ^;ui6 tîttc feiEon qu'oa comniënij-a d'agiter la queU

iSî E L E M E N s

tion de la dépoâtion du pape Eugîat I V. Lm Italiens , qui recoanoiâTent dans le louverain Pon- tife une autorité fans burnes .retranchent du nom* bre des Conci!cs-gcn<.raux ceux de Baie & de Coil* Aance, parce que danc ces deux célèbres afTemblee» on contirma l'ar.cienne & contante rc^le de la Supériorité du Concile au-dclTus du Fape -, ainli il& n'admettent q«je dix- huit Conciles-gcneraux » att lieu que nous en recevons vingt.

Cûnc'iU de Firr^re transféré à Florence ; reu/ùon pjjfj^cre des Grecs,

Le pape £i/e«e /f .mécontent du Concile de Bàle, en convoqua un autre en 1438 à Ferrare, comme nDUS l'avons dit ci-devant -, mais les affai- res importantes qui s'y traitcrent , mcritent que TOUS y revenions. Jean Pj/éu!ogue , empereur Conftaminople , ëtoit allarmé des progrès que fjifoient les Turcs en Orient. Le Tchiime dan» lequel Phutius avoit entraîné les Grecs , avoi» é:c aufli funefte à l'Empite qu'à l'Eglife } par- ce que , depuis cette époque , les Latins les Toyoient tranquillement erpofct aux invafioi» étrargércs. Les ccups redoubles que les Turc» ^nitokni au trône deConi^aa inople, le nenaçoienr d'une chiire prochaine. Jtan Pcl4^.\fui, Tentant te fcefoin qu'il avoii du Fïpe fie des Prince» Occi- dentjus , dnvoya des ambafladcurs à Eugèit pour lui propoft» un nouveau projet de réunion a%'ec ïL^lûc LaiiAc. il le rendu Iui'BKibc a Fcsiate,

DE L'HlSTOIRt FcCLEÇIASTIQur, iJj «vec le patriarche de Confiantinople , fon frère, & pluneurs autres perfonnes confidcrables de la cour & dj clergi. Ce prince y fut reçu avec ma. gnificence , & on travailla avec beaucoup de cha- leur à réunir les deux Eglifes,

Les conférences roulcrent fur la procefllon du St'Efprit, fur le Purgatoire , fur l'afage du pain azyme , fur la primauté du Pape. On tint xvi fi-flions a Ferrare , dans Icfqueiles ces matières furent débattues pendant long-tems. La pefte dé- loloit cette ville , & l'on fut obligé de transfé- rer le Concile a Florence.

Eugène , ne pouvant p'us fournir à la dipenfe d'environ fept cents Orientaux , les Florentins lut avoicnt ottert de lui prêter une fomme confidéra- b'e , s'il vouloit tenir le ConcJe dans leur ville j il accepta leurs propofitions , 6c la traaflation fe fis au mois de Janvier 143g.

La première fcfîion ( ou la xvii' en comptarrc celles du Concile de Ferrare ) fe tint le 26 Fé- vrier. Après avoir difputé fur la procclFion du St. Efprit , les Larins établirent fi bien cette vérité , que les Grecs foufcrivirent à leur créance , à l'ex- ception de Marc évêque d'Ephèle. L'Empereur fut une des premières conquîtes des Pères du Concile j & fon changement fut d'autant plus flat- teur pour les docteurs Catholiques , que ce prin- ce ctoit trcs-verfé dans les matières de Religion» 11 avoir fait-briller fon fçavoir dans une difpute avec un rabin , qu'il confoudit & qu'il engagea à recevoir le Baptcme,

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De la proccfllon du St-Efprit , on paffa à ce qui rfgardoit le Purgatoire , & l'on fut bientôt d'accord. Enfin , !j pjrtdite union de l'Eglife La- tine avec l'Ëglife Grecque , fut conclue le il Juil- let , jour auquel on iigna , comme un gage aflfuré de la force de cette union , ^ue le St-E/prit pr»' cède du Père 6- du F Us cumme d'un feul principe v. quon a pu ajouter Filioque au SymbuU \ qu'il y a Ml Purgatoire ; i}ue la ccnjccration fe fait véritable^ ment avec du pain levé ou fans levain , & que les Prètret doivent çonfcercr feLn la ccu'ume de leur Egli* fe y Orientale on Occidentale \ enfin que le Pape a la primauté dans tout le monde , comme chef de toute rEgllfe.

Parmi les Grecs qui fe fjgnalérent au Concile de Florence , il faut diftinguer l'iUudre Beffarlom mitropolitain de Nicce, dont la modertie relevoit les talens , & qui niontroit la plus profonde éru- dition dans un âge les autres f^avans com- mencent a peine à fe fairc-connoitre. Lczcle avec lequel il travailla au gr.ind ouvrage de la réunion» L* rendit odieux aux Grecs fchifmatiques. Pour n& pas être expolc à leur reiTentiment & à leur fi- na:iime , il rcda en Italie , fon irérite l'tleva » la dignité de ordinal.

Apres le départ des Grecs , le Concile dura en- core trois ans , 6c ne fut conclu qu'en 1441 dan» TEglife de St-Jean de Latran. Lurent IV fe fcli* (.-itoit beaucoup d'avoir mis la ccocorde entre (kux IL^iifes diviùci depuis ù lorg-tcms i mais

DE l'Histoire Ecclésiastique. iRy

cette union ne fut que palTiigére. Nous avons vu que Mure, cvèque d'Eplièfe, avoit rcfufé de/jgner le décret d'union. Cette feule étincelle pcrpctua le feu de la divificn &i du fchifme. Le cierge de Con- ftantinople, extrêmement prévenu contre tout ce qui s'étolt tait à Florence , reçu: avec indigna- tion les* Prélats qui y avoicn: aluîlé. Il y eue contr'eux une confpiration générale des Prêtres , du peuple , & fur-tout des Moines , qui gouver- noient prefque toutes les confcien;es. Oa les char- geoit d'injur«$. La populace ameutée les appelloic A\ymitis ^ Traîtres à la, R^/i^ion , Apo/Iacs ^ tandis qu'elle combloit d'éloges Marc d'Ephèfe, regardé par les fchifmatiques comma l'uni^jue défenfeuc de la Foi.

Conftantinople, la Grèce, les villes d'Afie furent inondées de libelles , l'on voyait renaître ces objeftions contre l'Eglife Latine , tout récem- ment détruites au Concile de Florence. Ce qui montroit le plus l'inconftance 6c la foibleffe hu- maine , c'eft que quelques-uns des Auteurs de ces écrits avoient brillé au Concile, Se dans les con- férences où les matières s'étoient agitées. De ce nombre furent l'archevêque d'Héradée , le philo- fophe Gcmijlius ,, l'archevêque de Trebifonde , & beaucoup d'autres qui fe retracèrent de vive voix ou par écrit. LesdiTérens écrits qu'ils publièrent, furent l'origine de mille bruits répandus parmi le pe iple. Les uns alTuroient , qu'à Florence on avoit lEorrompu les Grecs & acheté leurs fuffragcs à

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prix d'argent : les autres , qu'on les faiioit-mouflr de fjim , pour les obliger île figner. Ceux-ci di- fuient que les Latins nvoient faliific tous les exemplaires qu'ils produifoient ; ceux-là , qu'oa D'dvoit produit que des pailages tronques.

Btfarion & quelques autres réfutèrent ces ca- lomnies. 11» prouvèrent, que les Grecs avoicnt eu au Concile une entière liberté , foit pour expli- quer leurs fennmens , foit pour propofer leurs dif» f.cultcs , fo.t pour donner leurs fignaturcs. Mai» comme ces apologies ne parurent qu'après la more de Afd/^c d'Ephèfe, les Grecs, de)a préoccupés 69 toutes le» impfiftures qu'il avoir répandues , de- meurèrent opiniâtrement attaches a leurs opiniofJS«

En 1443 , tes Patriarches d'Alexandrie , d'An- tioche & de Jcrufalem , qui avoient fuufcrit au Concile de Floren.e par leurs dcputts , convo- quèrent un Synodf a Jcrufdlem , ils le traitèrent de C^ncUUbu'e txécrab.'e , & menaccrent mcme l'empereur Jean Pa/^oLgut de l'excommunier, s'il continnoit d'en autorifer les dccifions. Ce prince, naturellement fbible , fe rcl.'icha beaucoup de fa première fermeté , & les Evéques de IKjlife Grec- que perfiftérent dans le fchifme, à l'exception dti Patriarche de CooAantinople 8i d'uoc petite partie de fon clergé.

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DE L^HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 1S7

Nouvelles tentatives pour éteindre le Schifme des Grecs.

Conflantin PaUologui , qui monta Air le trône impérial après l'empereur Jean Paiéologuc , avoit à,' redouter les arn:es victoricufes de iViii/io»2<;f i/ , empereur des Turcs. Conftantinople alloit lui être enlevée -, du moins les vidoires continuelles du fcrnudable Sultan le faiioient-craindre. Ddns cette exircmtté , il envoya en 1451 des ambaffa- deurs au i'><pe , pour lui demander des Tecours. Il n'avoit pas encore pu , difoit-il , obliger les Grecs è fe Toumeitre au Concile de Florence ; mais il promettoit de travailler eilicacement a obtenir leur foumifllon.

Le pape Nledai V envoya à Confiaatinople le cardinal Ijiiore pour tiirc- iccepter le décret d'u- nion au nouvel Empereur , qui le reçut avec les principaux membres de la cour & du clergé. Mai» ("on exemple ne fut pas fuivi du rcfte de la na- tion. La reponfe d'un p'eux fanatique , nommé Ctnnadius^ fervit beaucoup à les faire-perfévcrer dans le fchifme. Ce folitaire, confulté fur la réu- nion proiett>le, répondit en ces termes : " Miféra- « b'e peuple ! Pourquoi avoir recours à des Ita- ». liens , au lieu de vous jeiter dans les bras du n Tout-puitr^nt. En perdent la foi , vous perdrez H votre ville. Vous ne pouvez renoncer à la re« ). ligion de vos pères, fans mériter de fubir le joug ^ de la fervitudc. »

«88 E L E M z y s

Les prêtres , les religieux , les laïques , régir-» dérent cette rcponfe comme un orjc'c. La fjreur des fchifmariques fc porta aux derniers excès. Le peuple alla dans les cabarets, comme il auroit fait les jours de rejouifFance, &la il vomiflToit , le verre à la main, mille injures contre le Pontife Romaia & contre l'Empereur qui imploroic fun fccours. A'c«< n avons pat btj'oin , s'ccrioit'ii , ni des truupts , ni it ralliaace dts Latins. Loin d< nous le eulu de» A\ymitcs'. La frcncfie fut portcc jufqu'au pied dik Saniluaire'i pluâeurs réfutèrent de recevoir lu com» tcunion avec ceux qui ne rejcttoient pstnc le dé- cret de réunion à IL^Î.fe Latine. D'sutres écrivi- rent, au nom de rLjjlife de ConAjntinople, aux Bohémiens HulTites , pour les louer de ce qu'ils n'avoient pas adopté les nouveautés de l'EglIfe B.omaine , en les exhortant de s'unir avec euxj •< Non pas , difoient-ils, fuivant l'Union-fainte de M Florence , qui s'tloigne entièrement de la Foi; M mais félon le fentiment des anciens Pères. >• Mais tandis que ces malheureux fchifmatiques t'o- piniatroient dans leur révolte contre IFglife Ca- tholique , ALhomet II alloit fondre fur eux 8c fe rendre maitre de leur ville capitale.

Propès des Turcs ; ptifc de Conjlamnople,

Avant de raconter ce funefte cvcnemcnt , il faut remonter un peu plus haut. Depuis environ un 6écle , le grand objet des Empereurs Turcs éioil d'aacantir l'empire Grec. Amurat II ivoit mis C0

DE L^HiSTôiRi: Ecclésiastique. 1S5

1421 le licge de>a t Conftaotinople, qu'il fut oblij_é de lever. Tournant fes armes d'un autre côté , il pouffa fes conquèies jufqii'cn Hongrie. Lad.JIas , roi de Hongrie, fit un traité de paix avec lui pour l'écarter de fes frontières. A peins en avolent-il$ Juré l'exécution , l'un fur l'Alcoran , l'autre fur l'Evangile , que le cardinal JuHen Ccjarini ,*légnt en Hongrie , l'engigea de le rompre. Amurat livre bataille aux parjuiescn 1444 à Varne , & les dé- fait entièrement. Lad'/las fut tué, ainfi que le car- dinal Julien. On prétend que la vicloire ayant été long-tems douteufe , Amurat tira de fon fein le traité de paix conclu avec les Cliréù^ns , en difant : <• Chriji , ji tu es Dieu , comme Us Chrétiens le tîij'enc , vengC'mui de leur perfidie. Ils cnc jure une allt^inct (nec moi par ton /aine nom , & n'ont pas la'ffé de la violer. ^> Amurat auroit (no des progrès plus con- fiJérables , s'il n'avoit été viçoureufemcnt repouffé deux Chrétiens , /«<« Hun-ade, prince de Tran- fylvanie , & Scanderbtrg , roi d'Epire.

Mahomet II ^ fucceffeur à! Amurat , hérita de fon courage 8c de fes projets. La conquête de la ville impériale étoic le principal objet fon ambition. Il l'afficge en 1453 , 5c l'emporte d'affaut après un fiége de deux mois. C^njhntin Paléolugue , fur- nommé Dracofe , frère de Jean Paléologue , qui ré- gnoit alors a OjnUantinople , fut étoutFo ( dit-on) en fortant de la ville , par la foule des fuyjris. Son corps ayant été trouvé & reconnu, i\/Iaho~ vtu lui lit-couper la tiic , qu'on porta par ia. ville

Î9<' E L r M E N s

au bout d'une lance. Tous les Pa/é,.lc»uei furent tnafTacrcs ,ou rcfcrvcs aux plaiàrs du fultan. Une grande partie de la noblffile &. du peuple fut im» molce à la fureur du foldat ; plus de foixante trille hommes furent deAinés à un malheureux efclavage. Les temples, profanes par les abomina» tions des troupes iafidciles , furent changes en mofquées.

Le vainqueur , naitre d; la capitale de l'empire Crée, fe fit-proclamer Empereur. En vain le p:pe Cjiixte III , qui avoir fuccédc au pape 'nfjrtla ^, mort en 1455, envoya des ambafTadeiirs aux Prin« ces Chrétiens, pour les exhorter a fe rcumr con- tre l'exceluve puiH'.mce des Othomans : Mahomet continua fes conquêtes, & dctruifit lefoibleem- pire de Trcbi fonde , poffedc par David Cmr.^.it^ comme il avoit détruit celui de ConAantinople.

Mckomet II, voulant faire de cette dernière ville le fjé);e de fon empire , crut que, pour y attirer les Grecs , il ne falloir pas les forcer à embrafTer le Mahom.étifme. Le vainqueur permit donc aux vaincus le libre exercice de leur Reli- gion. Ayant appris que le fici^e pacnatchal ctoit vacant , il y fit-nommer le cclcbre Oeorft Sthofa» tiu$, le plus habile & le plus clcqucotdcs Grecs.

Comme c'ctoit la coutume que le patriarche fut inftallc par l'Empereur Grec , le Sultan voulut lui donner rinvc(\iiure. Geurgc fut ci'nduit daoe la grande falle du palais imptrrial, au pied du trône ée hUh^mtt , rcvctu de fes plus rkhcs orocmcn».

DE l'Histoire Ecclésiastique. 191

devant qui il Ce prollerna. Ce prince lui mit ea main le bâton paftor^l , en prononçant ces pa- roles à haute voix ; La Tres'fdintt TrinieJ , i-i^i m'* donné l'Empire , te fait , par l'autorité eue j'en ai reçue y Archevêque de la nouvelle R^^me , & Patriarche acumcnlpie.

Quelques jours après , Mahomet a!îa rendre vi- fite au nouveau Patriarche , qui avoit pris le nom de Gennidius , & ille pria de lui expliquer les principaux points de la Religion Chrétienne. Gcn- nadius le fit avec autant de force que de folidité. Le Sultan en parut touché , & traita les Grecs avec plus de douceur. Il le pria nicme de rédiger pjf écrit tout ce qu'il lui avoit dit dans un en- tretien fi intéreffant. On trouve cet ouvrage, avec plufieurs autres du même écrivain ,dans la Biblio' th'eque des Pères,

Geniadius employa tous (es talens & fon zèle pour engager fon peuple à fc réunir à l'Eglife La- tine. Mais voyant que fes remontrances ne pro- duiioient pas plus de fruit que fes écrits , il re- nonça , la cinquième année de fon pontificat au gouvernement d'une Eglife rebelle , & fe retira dans un monaftére. Depuis cette fatale époque les Grecs ont continué de vivre dans le fchifme & cette féparation n'a pas fervi à les fairc-prof- pérer. Le patriarchat a perdu tout fon luflre. Le grand -Seigneur vend à préfent cette dignité au plus offrant : cependant il y a encore une efpèce «l'éleûion pour la forme. Cet abus de vendre ainû

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la prcm tre place ccctclbnique de lOricnt , d.ût fa nailTance a 1 ambition d'un moinp Grec , qui , pour écarter fes coacurrens , offrit une lomme d'ar- gent qui fut bien vite acceptée. Les Turcs don- noient auparavant une entière liDcrtc de noir.mcr pour Patriarche , celui qui leur patoilloit le plus digne du pontificat.

Sif^e de Rhodes,

Mahomet, fier de fes profpcrités , voulut enle- ver aux Chrctieiu riHe de Rhodes, le boulevard de la Chrciifnré dans la Mer-M;diierrjnce, Cette ilc écoit la retraite des Chevaliers de St-Jean-de- 7trufalcm, qui gèaoieni la navigation des galères & des vaifl'eaux Turcs. Le bdclia A'ifack PjUulth- lut. Grec, delà famille impériale , favori du Sul- tan , vint faire le ficge de Rhodes par fon ordre. Une flotte, coropofte de cent>foixante voiles , battit la place avec une vigueur extrême pendant deux mois. Mcis le grand-maitrc /^^nfi/^^tn .gen- tilhomme François, la défendit avec noo-rooins de fermeté , S: contraignit les Turcs de lever te ficge, après quiU eurent perdu devant cette f iJkC plus de neuf mille hunimci , outre cuiiiîzc nulle blclTcs.

Le Sultan ayant vu tchpuer fa flotre devjnt Rhodes , s'en ven|;ea en t.ichanc de fe rendre maî- tre d'une partie du royaume de Naplct. Àchmtt, qui commande it fon armce, aborda le vint;t-hui- licflne d'Août 14^0 é Ocrante , viUc maritime Ac

la

DE l'Histoire Eccleçiastiquï, i?^

(a Calabre , & il la força de fe rendre , aptes T». voir battue pendant dix-fept jours. Il y n".it tout à feu & à fang. L'on compta jufqu'a douze mille Chrétiens tués ou faits prifonniers , parmi iefquels fe trouva l'Archevêque , fort Infirine & accablé de vieillelTe. Tenant la Croix , & exhortan t fes ouail- les à demeurer fermes dans la Foi , il fut fcic en deux , félon quelques hlfioriens , & félon d'autres écorché vif. Huit cents Chrétiens furent menés hors de la ville tout-nuds , &c égorgés dans une vallée, qu'on a nommée depuis la vallée des Mar- tyrs , parce qu'ils aimèrent mieux fouffrir la mort , que de renoncer a la Religion Chrétienne.

La prife d'Otrante jetta une fi grande confterna- tion dans toute l'Italie , que l'on penfoit plutôt à prendre la fuite , qu'à fe défendre. Le Pape eut d'a« bcrd deffein de quitter Rome, & de fe retirer ea France; mais étant un peu revenu de fa frayeur, il prit des mefures pour conferver les terres de l'E- tat eccléfiaAique. Il fît la paix avec les Flpren- lins , exhorta l'Empereur , les Rois & les Princes à donner du fecours aux Chrctiens, & fit- conduire dans la Fouille en grande diligence , les vingt- quatre galères qu'on avoir préparées pour fecourir les Chevaliers de Rhodes. Enfin il invita les Sou- verains & les Prélats a fe trouver à Rome au plu- tôt , pour concerter les moyens d'arrêter les pro- grès des Infidèles. Ces précautions étoient abfo- lument nécelfaires. Le Bdcha jlchmlt s'avançoit toujours , & couroii toutes les côtes de la Met

JOOT, lu I

♦^ E 1 E M E N s

Adriatique , dans le delTein d'jller piller Sotte? Dam« de Lorette. Des qu il eut apperçu la flotte des Qireciens , il ea fut clfrayé. Ce fe retira avec beaucoup de précipitation.

Mjfiumtt II , qui s'otoit déclare le plus grand ennemi du Chril^ianiTme , vouloit envoyer une fiouveUc armée a Otrante; lorfqu'unc mort fubiie l'enleva en i4.Si,dans la cinquantc-deu?âcme aa> née de Ton âge. En mourant , il prononça ( dit>oa) plulîeurs fois le nom de Rhodes , phce fatale à fes armes. Il expira dans une bourgade de Bithy- sie , entre Nicomédie & Conllantinople. La dé» fenfe de Rhodes , le brave A'Auhujfvn fut blcfTc, lui avok mérite les titres de houtlicr de fEglij'e Sc de Liitrattur ie U Ckriùtnu. Ces noms font bica plus glorieux que ceux que Mj^^Aitr // ambitioa* noir. La vie de ce conquérant , qui fe piquoit d'i> fniter Altxanire , fut un mélange bizarre de grands vices & de grands talens. Il conquit deux empires, douze royaumes , plus de deux ceats villes cond» dérables , Se n'en fut pas plus heureux.

FinriTuns cet article par une rctlexioo importao» te. Au milieu des maux qui adligcrent l'E^Iife La- fine & l'Eglifc Grecque dans ce (iéde , on fçauroil trop remarquer combien Di tu les traita différemment. L'E^life Grecque fut abandonnée , pour aiofi dire , a l'efprit de divlfiun dont elle ctoit de,->uis û long-tems UJ^e. Elle consomma fe» malheurs 8c fon fchifmc , dans It tems roènia que l'oa faifs^ii Icf plut grands efforit pour Ift

i5E l'Histoire TcCLESTAîTiQut. tçç

Caire-cefler. Le iclufme d Occident au contraire fat entièrement éteint , & l'on vit le calir.e rennitre dans le tems mime de la plus terrible agitation. Les Grecs regardolent le fchifme comme un état naturel , & n'étoient effrayes que quand on vou- lait les y fjire- renoncer. Les Latins au contraire, qui connoi.loient mieux le précieux dogme de l'Unité de l'Eglife, n'envlfageoient qu'avec dou- leur le malheureux fchilme dont ils étoient té- moins , & regardolent l'état ils voyoientl'E- glile , comme un état violent dont or. devoit tra- vailler à fortir fans délai. Onpouvoit craindre, .que les Royaumes qui reconnoIiToient un Pape, ne s'y attachalTent d'une manière fixe , fans fe mettre en peine du parti que d'autres Souverains prenaient en obilffant à un autre Prfpe. Mais il ne vint à l'elprit de perfcrie que cet état pût être com- patible avec la conftitution efientielle de l'Eglife; on etoit pleinement convaincu , que le fainc-fiége ctoit le centre de l'Unité Catholique, & que l'E» glife ne pouvoir avoir qu'un feul chef.

Egrife de France ; Pragmatique- Santon.

Si , des événemens généraux qui intéreffoient l'Eglife univerfelle , nous paffons aux Eglifes par- ticulières i nous verrons celle de France proft» ter de la confulîon tout ctoit pendant le fchif- me d'Occident , pour faire des régicmcns utiles. Le plus important cil celui de la Prjjmmi.juc- San2tun. Cette oxdonnance , donc S. Luuis avoit

1^6 £ L E M £ N s

donnée , fut promulguée ea France fous le règne de Charles VU , en 1438. La Fiance étoit livrée aux abus les plus crians , au fuj:c de l'cledioa des prélats 2c de la collation des bénéfices. Ce prince crut devoir y «pporter un remède efficace.

Une Afiemblce du Clergé fut convoquée en 1431 , à Bourges, par fon ordre. Les Hrélatsqui la compofoient y dreffcrent des mémoires , que l'on envoya au Concile de Bàle qui Te tcnoic alors. Enfia, après avoir dirputé & délibéré pen- dant fept ans , on acheva cette Pragmatique , le fondement de la difcipline de l'Eglife Gallicane , alnfi que de fes libertés. On la renferma djns vingt-trois articles , dreffes fur les décrets du Concile de Bâle.

1°. On établit la fupériorité du G)ncile géné- ral fur le pontife Ror.i.iin.

a'. On donna aux Eglifes ta liberté d'élire leur* prélats , & on marqua de quelle façon l'cleiflion devoit fe faire pour éviter les brigues & la fimonie,

3'. On abolit le| réfervcs & les grâces expec- tatives, dont le Pape & fes légats avoient fi.fort abufé depuis quelques (iwcles.

4*. On abolit les annate<^.

^\ On établit des prcbcii.lcs tiicoloj^ales , pour tiret le «.Icrgc de la profonde ignorance .1 crt>u- piffoit daos certains dioccfcs , & on affeâa le tiers Aes bcocâcct aux gradués.

6'. On fu divcrfes ordonnances fur le» ccré- ^Qoics du fccYLM (iivw 4i la puUcc de» E^Ufçi

Î)E L*HlSTOlRE ÊCCLESIAÇTTQTTÉ. V^

Mtliédrales. Dans divers chapitres , on recevoir la didribition de tout le jour, pourvu 411'on eut aflîfté une heure à l'office : on abolit cet abus , ainfi que plufieurs autres*

Les Papes fentirent combien la Pragmatique étoit contraire à leurs intérêts. Pic II !e ht bien- tôt connoitre. En 1459 '' «"vit aux Prince* Chrétiens , pour les prier de s'alîenbler avec lui à Mantoue , ou du moins d'y envoyer leurs ambalTadeurs. Il ctolt queftion de faire la guerre aux Turcs. Le roi Charles VU envoya l*Arche- vânue deTours.qui étoit un vsréraijle vieillard; J'Evcque de P^ris , Thomas de Ccutctllts , célè- bre théologien ; & le Baîlli de Rouen. L'Evêque de pL-ris porta la parole au Pape , & fit un dif- covTS ' u'il divifa en deux parties , & qui dura près de deux heures. 11 releva le mérite du Roi de Fiance & de fes ancêtres. Il loua leur atta- chen-.cnt aux intérêts de la Religion , & leur zc e pour éteindre le rchifme , vertus qui leur avoient acquis le titre de Rtis iris - Chrétiens,' 11 demaiida cnfuite le royaume de Sicile pour René d'Anjou, Le Pape dans fa rcponfe releva beaucoup le faint - ficge , & dit que tous les Princes dévoient s'y foumettre. II loua les gran- des aftions des Rois de France , remontant juf-. qu'eu tcms de ChaiUmagre , H même de Clovis ; 8c faifînt -voir combien l'Eglife de Rome avoir reç* d'avantages de la protection des Rois très-Chré- liens, & fur -tout du i^'nnce qui rcgnoit , faa^

liij

kquel il étoit impolllblc d'arrctcr les progTC« it% Turcs.

Mais , malgré ces éloges, le Pape dit aux am- baffadeurs de France , qu'il étoit furpris que l'oa attendit de lui uae aulll grande grâce que celle de l'inveftiture d'un royaume pour un Prince Fran» çois, tandis que l'on continuoit d'y fouteair la Pragmaiique - Sanction , & que l'on exccuto'.t une. û mauvaifc règle , qui étoit l'aâe le plus inju- rieux qui eût jamais été t'ait à la dignité du fou- verain Pontit'e. Il ajouta « qu'il ne pouvoit dire des François , ce que S. Paul dit des Chrétiens : voiu ai fiancit à eu unique époux qui cjl JesvS' Christ, pour vous préjcntcr à lui comme unt tltrg», toute pure ; tant qu'ils auroient cette tache de la Pragmatique. •« Lorfque Pit II n'étoit qu'.£/i<ai Syt» yiui , il ne parloit pas ainfî : car il avoit reçik & approuve la Pragmatique dans le Concile ds Baie , & en avoit été un des plas zèles djfen« fcurs ', mais en changeant d'état , il a/oit au^ change de fenùment , ou du moins de conduite.

Fie II n'oublia donc rien pour faire-fupprimer ce fjmeux décret de rtglife Gallicane. Apres la mort de Chjrlei V 1 1 , Louis A7 étant monté fur k trône, le Pape lui envoya ea qualité de nonce l'Eve m: de Terni , homme infinuant 8c adroit. Ce prcl.1t flatta fi habilement le nouveau Roi ,que la Pr.igmatique fut abolie par un cdit en 1461. La Charte de cette cclèbre ordonnance fut traioée JinaoùjucaTcoicai daâs les ruci de RorociSi 1^

fet l'Histoire Eccl£siastique 19-;*

^pe,. plein de joie & de reconnoiffance, envoya au roi une épée enrichie de pierreries, & un rc- merciment en vers. Cependant, malgré l'cdit de Icuis XI , on ne laiffa pas d'obferver en Franco plufieurs articles de la Pragmatique.

Paul I /, élevé fur le faint-fiége après P!t //»• en 1464, crut devoir lui porter le dernier coup. Il envoya en 1467 un légat en France^ qui étoit charge de foUiciter l'entière abolition de cette ordonnance , û inquiétante pour la cour de Rome, & qui devoir offrir le chapeau de cardinal à l'E- véque d Evreux , Jean Baluc , minilUe de Louis X/, s'il fjjloit-réuilir les dilTeins du Pape. BaluCyVua des plus mauvais citoyens qu'ait nourris la France,, trahit les intérêts de (a patrie , & obtint de Louis- XI des lettres patentes qui confirmoient l'abo- lition dé la Pragmatique ; mais lorfqu'il voulut l«s faire - enregiftrer au Parlement , le procureur- général , Jean de Sc-Romain , magiftrat intègre , s'oppnfa à l'cnreginrement d'un édit qui fuppri- moit l'ordonnance la plus néceffaire au royaume, L'Univerfité fe joignit au Parlement , & déclara* au légat , par fon refleur, qu'elle appelleroit au futur Concile de tout ce qui fe feroit contre une loi folemnellement promulguée au nom de l'Eglife Gallicane.

Après la mort de Louis XI, arrivée en 1483 » on afTembla les états-généraux à Tours. Le Clergé' y demanda le rctabliffemcnt de la Pragmatique. ta Ardievcques de.Lyon & de Tours . qui étoicuv

id« E L E M Z K s

cardiruux s'y oppofcrent -, 3c 1m Prcljts qui avoietit été promus fous Lou'n XI, contre la forme prcf- crite par U Pragnutique , fe joignirent à eux. Les pjrtKans de la cour de Rome eurent le dciTus , malgré les plaintes du Tiers ctat , qui , dans cette même alTemblée générale de la nation , cher- chaà prouver que les exaâions des Papes étoienc ciufe de la pauvreté du royaume. Cependant la Pragmatique, tantôt approuvée, tantôt rc-voquée, continua d'être obfcrvée ( quoique attaquée par quelques mauvais Français ) foui les rcgniri de ChArltt VUl & de Uuti XII. Nous verrons dans l'hiAoire du ûecle fuivant , cuinmeot elle fut ca« tiérement anéantie par le Concordit conclu entre

liitii X âc Fra/ifoij I,

D'ifcrends des Curés avec Us Religieux,

Une affaire moins importante que celle de la Pragmatique, occupa pendant quelrjuc tcms l'E- glife de Fran.e. La qucHion »fi les Religieux men- »• dians pouvoient confeiTcr fans le confentement M des Cur;s , •• fe renouvclla en 1456, à roccafion é'unc bulle du pape N.colai V , qui la dccidoit en faveur des Religieux. L'Univerfiié de Paris appc'.la de cette bu'ie , 8c chalTa de fon corps ceux qui ne voulurent point la reietter. Les Re> ligieux s'en plaignirent aii pape Caliate III ^ qui fe déclara pour eux à l'excinple de fet ; ccfTcurs-, mais i Umverfiic n'jyaiu pas voul.i & les Rclij^icux ae voulant pas être exclus da

DE l'Histoire Ecclesi asti que. aoï*.

tes écoles , le Pape fut obligé de révoquer I4 bulle. C'eil ainfi que fe termina cette difpute ^ qu'on vit renaître fous Sixte IV. Ce pont'.fe re- .nouvella en 1453 les bulles favorables aux Re- ligieux lUendians. Mais les diffcrends qui avoiont divifé le Clergé féculier d'avec le régulier en France, s'étant élevés en Allemagne, le Pape mit la paix entre les Religieux Se les Curés , en mo- dérant les privilèges des uns , & en s'expliquant nette. nent fur les droits dei autres.

Suite des Pontifes Romains depuis Eugène IV;

On voit par le détail dans lequel nous venon» d'en r.r , que les Papes, malgré les fcandales du fchi m; dOccident , avoieut une grande influence dans toate<! les affaires générales & particulières qui fe iraitcienc dans l'Eglife. Nous avons fait- connoitre ce i\i\'Eii^i:te IV fit de bien S: de mal f en pnriant du Concile de Bals & de celui it Florence.

Nicolai f', appelle auparavant Thomas de Saf^ \anne , fon fuccelTeur , trav.iilla efric^ccment à la paix de l'Eglife & de l'Italie, & eut le bonheur d'y réuffir. Pontife vertueux & humain , il traita avec génerofite rantip.ipe Fdlx V , & s'acquit , par ce procédé , l'amitié des peuples & l'eftinle des grands. Les gens de-lettres , qu'il favorifoit de fes bienfaits , parce qu'il étoit fçavant lui* mcme, le perdirent en 1455.

Calixu m {^Atphonfc ÙQ Borpa),à\\nç\\\[i^

Iv

.toi E L E M I H s'

fjm.lle d'E^'pagne , voyoit avec douleur les pre^- grès des Turcs. N'étant encore que cardinal, il Et. voeu de leur dcclarer la guerre , 8c en figna lii formule , il prenoii le titre de fouveraio Pontife , tant il avoir de confiance d'être placé fur le trotie de Saint Pierre. Mais des qu'il y fut clevc , il fcnui que les projets les plus beaux ca idée font fouvenc impraticables dans l'éxecution, 11 eut beau envoyer des prédicateurs par toute l'Europe , pour exciter le courage & le zcle des peuples 8c des l'rlncc$:les unsi>clc$ autres s'cxa- g€rcrent les dii1icuUc\ de l'entreprife , qui effet* tivcmeot n'ctoit pas facile , <x fe boracrent a faire des voeux Acrilcs. Il mourut en 145S.

Pic II ( Enec Piccolumini ) , de Coifini près it Sienne , qui occupa le faiiu-(icge après lui , moa» tra la même ardeur pour la Croil'ade. Il convo» 'qua une alTemblée de tous les Princes Chrécieat 9 Mantoue. 11 équippa une flotte, fur laquelle il étoir près de monter , lorfque la mort le furprii •n 1464, & lui épargna la douleur d'avoir fait ^S tentatives infruûueuf>:s.

Paul II ( Pitrrc Bjrtt ) , \ cnificn , mort en j^yi d'un excct de melon , ctoit neveu du papa Eitgint. IV, 11 brilla plus par fa magni^cencc exté* rteure que par fon génie. 11 ne favonfa guère* les gens-de<lettrrt , qui I ont peint d'une manier* ^favantageufe. Jamais on n'a pleuré avec au* ttnt de facilite que ce Pontife^ il làchoit d'obter pir pu r«t IdLTi&cs (C (ju'U oc pouvuu per^uAdcij:

fti l'Histoire Ecclésiastique^ 5V^

pat Tes rait'ons, Ceit lui qui reduific le Jubile k 2-5 ans.

Sixte I F{ Franço'.s de la Rovért ) , de Celle» près de Savonne , étoit fçavant. Sa vie ctoit fi régulière , qu'on eût pris fa maifon pour un mo« Mftére. 11 avoic deffeia d'alTcmblcr un Concile dans le palais de Latran , pour travailler au réta- Wiffem^nt de la difcipline -, mais les difficultés' <y»M éprouva firenc-évanouir le projet du Con- cile & de U réformation. Il mourut en. 14S4 ,■ a.vec la réputation d'un pontife gouverné par le ripjtifme îc implacable dans fes reffentimens.

Le pontificat à'Innocent V 111 fuivit celui Si^u IV. W s'apptUoit Jean- Bjpti/ie Cibo,S!ii'éwit. frayé le chemin au trône pontifical par le fuccès avec lequel il avoit rempli plufieurs commiffion»' i<T>portantes. Son zèle pour la Croifade contre les Turcs lui fournit un prétexte pour amaffer beau»- coup d'argent. U l'employa à enrichir les enfant q^'ii avo t eus avsnt fon pontificat, & à faire Ja guerre au Roi de N^pjes. , qu'il, excommunia. Il: root rut en 1492.-

Le règne à' Alexandre VI, fon fucceflTeur , neuf C£Ci'pcra dans l'hiftoire du fiécle fuivant.

Nouveaux Ordres , les uns Religieux , k^' autres Militaires^.

Les Pontifes Romains n'eurent pas la confo-»' ]arion de reformer Le. Clergé féculier , ainll qu'oo' (c l'^oU E.tO£pf6 tlepuis le CoûçUe de ConAanct-i,,

fcvi)

i94' . £ JL E M £ N s

nais le Cierge régulier acqu t de nouvelles braa<^ Ches , qui portèrent des l'ruits de vie. C'eft de <e Acde que date l'ordre des Minimts , inftitué p:r S. Prafifois de PauU , hermite Calabrots , en 1418. Confacrc à Oieu dès Ta plus tendre jeu- oefle , il s'enferma dans un hermit;ige , ou plutôr dans un roc au bord de la mer. Ses vertus ay«ac attiré auprès de lui des difciples , il leur bâtie en 1467 un monai^cre près de Paule fa patrie^ ville de Calabre , Se leur donna une règle , ap- prouvée par Sixu ly , Alexandre VI &. JuUs II, Ses difciples portèrent d'abord le nom d' Hermite* é* S, franfois , enl'uite celui de Minimes , parce qu'ils s'appelloient par humiii:é Minimi fratrit tremltx. Leur i'aint fondateur joignit les aulK'rités ]e« plus rigoureufes à la charitc la pius ardente» Il alla recevoir la récompcnfe de fes travaux en 1507. Il mourut en France dans le couveoc de DupIcfUs-Duparc.

Btatrix de Sylva , Portugaife , illuftre par fc$ Ttrtu» autant que par fa naiiTance , fonda a To- lède l'ordre des Religieufei de la Conetptiom tle U Vitrgt Mmrlt , qui fuivirent d'abord la règle de Citeaux , & qui embrailcrenc enfuite celle de Ste-

Clétrt.

Les Ordres militaires établis dans ce ficdtf font ceux de S. SLtu/Ut , de U TuiftM d'or , tu ait S. MtcSel,

Le premier, inAituc ( dit*on) par AmiiU Vil tiuc de 2^dvoi«, dcpm» l'apc fout le oua de fim

BE l'Histoire Ecclésiastique. îoj"

llx r", fut uni en içyi à l'ancien ordre de S. Le {are, par une bulle qui permet aux chevaliers de fe marier , une fois feulement , à une vierge.

Les chevaliers de la Tuif^n d^or reconnoiffent pour fondateur Philippe le Bon , duc de Rourgo- gne , qui ayant époufé en fécondes noces à Bru- ges en Flandres , îfahcUc , fille de Jean roi de Portugal, voulut rendre la cérémonie de fon ma» riage plus folemnelle par l'inditution d'un ordre. Il lui donna le nom de To'fon d'or , & cet or- dre pafTa dans la fuite aux Archiducs & aux Rois d"Efp3!ïne.

L'ordre de S. Michel fut fondé en 1469 par Louis XI ^ roi de France , qui vouloir apparem- xrcnt imiter fon oncle maternel René à\4njou ^ roi de Sicile , fondateur de l'ordre du Croiffant, Le ferment qu'on exigeoit des chevaliers , étoic principalement de foutenir la dignité & les droits de la couronne & l'autorité du Roi contre tous ceux qui les attaqueroient.

Sçavans ; Invention de rimprimene.

Le féjour des Papes à Avignon , le fchifme que ce féjour occafionna , furent la fource de plu- fieurs maux dans l'Eglife -, mais le$ hommes cé- lèbres en talens & en venus , qui brillèrent au mi- lieu des ténèbres de ces tems malheureux , pro» duifuent aufTi de très-grands biens.

Jean Gerfon ^ chancelier de l'univerfiré de Pari», dont il ctoit la lunucre , fe montra pie la de zclo*

^^6^ E L E »r I K $

pour la reformation de l'Eglifc , & foutint ce zild- par les rncLurs les plus pures. II mourut en 1429. Ses Ouvrages fur le dogme , la morale , la dif- cJpllne , font nombreux 6c eAimcs.

Pierre à'ÀilIi , cardinal & cvéque de Cambrai, écoit à Compicgne, d'une f- mille obfcure. Ses moeurs & fon fçavoir lui frayèrent la carrière de la fortune & des dignités. L Eglife le perdit en 1425. Il l'avoit enrichie de p'.uiîeurs TçavansTrai» tC5:entr'autres , fur la reforme de 1 Eglife , ôc fur l'autoritc du Concile -gênerai.

Nicolas de Cemengii , le rival des anciens Perc» peur la force de l'éloquence & la nob'elTe des- penfées , étoit doâeur de Paris. Ses Lettres 8c. fes Traités fur le fchifme font encore lus ajour» d'hui. On place fa mort en 1440.

Le cardinal Bejfarion, charge de porter la pa«- rele au nom des IrcUts Grecs , remplit cette fonction avec autant d'efprit que de zcle. Nou»- avons dit qu'il fut un des promoteurs de l'untoa. de l'Eglife Grecque a la Latine, C< qu'il fut ho» noré de la pourpre Romaine. Il avoir été moine Grec : il mourut en 1471, à 77 ins. Sa maifi» ctoit une efpéce d'académie ; il coromuniquoU aux f^avans qui étoicnt autour de lui les fe«.ouit% de fes lumières, de fonefprit, Se d'une bibliothé»- ^ue aulfi nombreufc que choifte.

Àlphonft Tv_llat , Efpagnol -, Pêul à* Burgot ; . Ptoyt Ricktl , Chartreux , cor.au fous le nom 4e ^tnyt le fttit i Liurtai ViLa^ CiC, Ic dillia^uc»

DE l'Histoire Ecclésiastique, u^

teflt parmi les interprètes de l'Ecritiire-faitue.

Thumas à Kempis , chanoine- régulier de S. Awi tuftin , qu'on croit communtmé: l'auteur de l'excel-- lent livre de Vlmiiation de C. , fut au rang des meilleurs écrivains myftiques.

L'Hiftoire fut cultivée par Thitni de Nicm ; évêque de Cambrai , qui nous a tracé avec beau» ceup d'impartialité tout ce qui regarde le fchifme d'Occident-, & par Platine , auquel nous de von* Iss Vies des Papes.

Li prlfe de Condantinople & la ruine de l'em-'- pire d'Orient , fit-refluer les lettres en Occident^ Plufieurs fçavans Grecs s'étant retirés en Itdlie ,, y infpirérent le goût de la langue Grecque 8c des bons Auteur*, Toutes les richeffes de la Grèce païenne & de la Grèce chrétienne paffcrent dan*' l'Eglife Latine. On eut principalement obligation^ ds ces nouveaux tréfors à Théodore de G^^a , à Oeo/ge de Trébifonde , 3 Àrgyrophile , à Demetrius CJia'cundi/e , 8ic. La plupart de ces fçavans furent protégés par les Papes -, & de Tirage , la lumière fe répindlt dnns le rcfte de lE-irope.

Tout étoit favorable alors pour le renouvelle- ment des fciencey. L'Impriir.erie , qui venoit d'ê- tre inventée par un gentil- homme de Mayence { Jean Gutumhcrg ) , fournit une nouvelle ref- £ource contre l'ignorante des peuples & la né- gligence des payeurs. Il e(l vrai qu'en niultiplianl- les bons livres , elle fervlt auHl à répandre les t&auvals. Lu plaintes , les murmures , lesexrcux».

circulèrent par le moyen de cet art , à*ta-roÎ9 n utile 5c û dangereux , d'un bout de l'Europe à l'autre ;&le$ Pontifes Romains, qui l'encouragè- rent , fureiit les premiers qui eurent à s'en plain- dre. Nous devons à la prtffe le développement de l'erprit humain , long - tems enfcveli dans la plus épaiH'e barbarie ; mais nous lui devons peut- être auni le progrès des erreurs qui troublèrent l'Eglife dans le xvi' ficde.

De ces deux cvcnemens fingulïers , la ruine de ConAantinople & l'invention de l'Imprimerie» naquit cette fermentation des efprits , qui pro> duiût enfin une révolution en Europe , à la- quelle on ne s'étoit point attendu : tant il eA vrai qi!e l'homme eA fait pour tout pervertir ; & que, de ce qui paroit bien d'abord , naiffent quelquefois les plus grands maux !

Cette fermentation commença par les plaintes qu'on forma de toutes parts contre les abus qui s'ctoieni gliffts dans le fanâuaire. On ne tenoic prefqitc aucune aflemblie eccIclîaAique, l'on ne parlât de la nécefntc de la réformation. Les l*a°pes eux-mcmes dant leurs bulles Ac dans les inAruc- tions qu'.ls donnoient à leurs nonces , Ale>'oient fortemer.t contre les abus , & avouoient qu'il fal- Joit abrniument y remédier. Les Auteurs les plus accrcdiicv & let Prédicateurs les plut célèbres parloent fans ccflTe des maux de l'E^life , & ne {e li;Toient point d'en faire les plus triAes pein- tures. Mais , ( dit le grand Bi.jftttt ) parmi ceux*

DE l'Histoire Ecclésiastique. 109

«jul ccoient touches de l'état de l'E^life & qu» deraandoient la reforme, il y avolt deux fortes d'efprits. Les uns, vraiment pacifiques , déplo- roient les maux fans amertume. Les autres ctoient des efprits fuperbes , pleins de chagrin & d'ai- greur , qui , frappés des déiordres qu'ils voyoient régner dans l'Egiife, & principalement parmi fes niniftres, ne croyoient pas que les promeffes de fon éternelle durée pufTent fubfift<?r parmi ces abiij. Ces hommes aveugles & orgueilleux , fuc- comboient à la cencation q'i porte à huir la Chaire en haîne de ceux qui y prcfident j & comme fi la maiice des hommes pouvoit anéantir l'œuvre de Dieu , l'averlion qu'ils avoieit conçue pour les Pafteurs, leur faifoit-haïr en mème-tems , & la doûrine qu'ils enfeignoient , & l'autorité qu'ils avoient reçue de Dieu po.ir enfe^ner. Tels étoienc Wic'f Si. Jean Uus , qui avoient frayé le chemin eux R" forn-.'ttiirs , Icfque's n-.ircnt en feu toute l'Egliie pendant le cuurs du ûéde dont nous allons tracer l'hilloire.

<5^

É L É M E N S

D E VHISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, f— »

SEIZIÈME SIÈCLE.

Idée générait de ce SiécUi

-L'e tous lei âges de rEgllfe , celui qui ouYrele théâtre le plus brillant & le plus funcftc, cft peut- être le XVI' hccle. L'hcréfie fe joint à la corrup. tion des mœurs , pour troubler le repos des Fi-, ^les. Les erreurs de Luther enlèvent une partie du Nord à la do£^rine Catholique ; celles de Cal' tin , nccs des fiennes , agitent la France , TAn- gleterre , la SuilTc , & finiffent par faire* couler des ruilTeaux de Tang. Les fucccfl'curs de Mahc mtt , maîtres du Tombeau de J. C. qu'ils foulent aux pieds, jettent des yciHc avides (ur l'Italif^ L'Eglifc , afTligce par fes perte* continuelles en Europe , trouve quelque coiiTolaiion dans leiac» quifitions qu'elle fjit dans les Indes orientales Se Atfidcniaicâ, La vraie Religion cdâiic des payi^-

tLEWESS DE l'Hi5T. EcCLés. iTt inconnus, livrés à toutes les ténèbres de l'idola» trie. Les fuccès de la Foi font dus prefque par- tout à des Religieux , dent les uns naiffent dans ce fiécle , & dont les autres acquièrent un nou- vel éclat par les réformes qu'ils éprouvent. Des Prélats vertueux , animés de l'efprit qu'ils avoient puii'é dans le Concile œcuménique de Trente, ra' iDcaent les Fidèles confiés à leurs foins, à la pu- reté des moeurs , ainfi qu'à la pureté de la Foi. Leur exemple ctoit néceffaire , pour effacer les in-iprcfïïons funeftes que les vices & l'ambition des fouverains Pontifes , qui régnèrent au corn-- oiencement de ce ficde , avoient laiffees à tou^ ^CS efprits.

Pontificat </* Alexandre VI. Supplice de Savonarole.

Nous voudrions pouvoir couvrir d'un voile le* années remplies p3r le pontiiîcat du cardinal Ao- d*iic de BvrgiM , Efpagnol , homme a£kif , éloquent, hardi , grand politique , mais fans moeurs Se fans principes, & qui eut un fils encore plus mcchanc jjue lui. Le nouveau Pape prit le nom d'Aicxan- dit VI, lors de fon élection en 1491. Neveu de Calixte ///par fa mère , il s'étoit procuré la tiare par la brigue , la cabale & l'argent. On prétend que ceux qui lui avoient donne leurs voix dans l!efpérance d'en être récompenfés , périrent d'une njort prématurée,

Jl-^andrt FI dvoit eu cioq enfans d'un coi%ç

aiî E L E M I V s

merce criminel avec l'en J^ dame Romaine , <fit^ tre garçon» fie une fille. Ccj'sr de Borgia fat ce» lui que le Pontife chérit le plus, & qui féconda le mieux les delTcins ambitieux. Il avoit été re- vêtu de la pourpre Romaine par fon père -, mats ayant quitté le chapeau de cardinal pour l'cpée, il fut envoyé en France , portant une bulle qui rompoit le mariage de L^uis XII avec Jtann* fille' de Lfjuis XL Le Roi de France , qui mcnageoit Ahxnnirt VI , donna à fon fils le duché de V^Icn- tinois , âc lui fournit des troupes pour favurifer {t\ entrcprifes fur plufiîurs petits états d'halie. B^TÇm , ay.int raflemble une pente armée , afTa* îcttit le BoulooDois , le Feirarcts , le duché d'Ui« bin & celui de Camerino , apré» avoir fait-aiTaf- fincr les V'aranti qui en étoieot feigneurs. A ces u''urpations il joignit plufieurs terres des Colo»mt4^ des Urfins & des Gaétant , qu'il obtint pat trahi* fon ou par force-ouverte.

Alexandre VI favorifa de tout fon pouvoir let sn)uflcs conquccet de fon fils ; mais la mort de ce Pontife, ( naturelle, fuivant les meilleurs H;fto« riens , & accélérée par le poifon , fuivant un bruit popul.iirc , ) vengea l'Eglife des maux que leurs crimes Se leurs fcandales lui avoient caufés. Il mourut en i^oj , à 7^ ans, après avoir occupé Icfaint-ficgc pendant onze ans fie huit jours. •• Ce* w toit, (dit Bojfuii , ) un homme décrié par fa n mauva fc foi , par fon peu de religion . par for» n BYirice mfatiablc , fie par fci dtfordret , ;\- rnâ

i>E lUistojre Ecclésiastique, .it-j

♦» d'ail'curs facrifia tout au defir immenfe qu'il n avoit d'aggrandir fes enfans. » Ce fut lui qui doana aux Rois d'Efpagne le titre de Kvis Cacho- iiquis , que Ftrdinani & Ij'akclle avoient mérité, en chafTant des Maures de leurs états, & en fai» iant-porter la Religion dans le Nouveau-Monde.

Son pontificat fut diftingué par le Jubilé uni- verfel de 1500; mais il fut troublé par les pré- dications de Jérôme SavonaroU , Dominicain , qui déclama violexment à Florence contre les vices Ce l'ambition du Pape. AUxandrc VI lui fit-faire fon procès par des commifTaires -, & il fut brùli vif, comme un hérétique & un perturbateur du repos public.

Les efprits furent partages au fujet de ce Re- ligieux, fanatique fclon les uns, homme Infpiré de Dieu félon les autres. Deux Moines , l'un Dominicain , l'autre Cordclicr , proporércnt de pafTer à travers un bûcher, le premier pour fou- tenir que SavonaroU étoit un prophète , ic fécond pour prouver qu'il ctoit un impofteur. Ce duel fingulier n'eut cependant pas lieu, parce que 5a- vonary/e vouloit que fon champion entrât dans le feu , tenant le Saint«Sacrement à la main , & que le peuple s'y oppofa. Dès «t inftant SavonaroU perdit tout fon crédit, & il fut enfermé le len- demain dans une prifon , d'où il ne fortit que pour monter fur le bûcher il expira le 23 Mai 1498. Il mourut avec confiance , fans rien dire, { félon le cootinuaceur de Puffcndorj ^ ) qui put

f ire-juger s'il étoit in.io^cnt ou coupable. 5es <Ié^ clama:ions emportées contre le chef Je I Egîife, tl l'empire qu'il voulojt acquérir fur le peuple, mcr:Toient fins-doure un châtiment cxemp jirc •, mais le fupplice du feu parut aux gens une pv* nition bien- Ion f & bien>crueU

ElcHion de Pie 1 I I. Prétentions du CirdUnjd «/"Amboife. Cjnunenccmcra du pontificat de Jules IL

La chaire pomificale excltoît l'ambition de di- vers Cardinaux. Le c»rdinal A'Amhoife , pre>Trier mi» riftre de Louii ,A//, y afpiroic fur-tout , moins cependant pour fatisfaire fon orgueil, que pour travailler , difcitMl , à la réforme des abus & à la corrcftion des n opurs. Dès qu'il eut appris ?a ir.ort lïAUxûnJn F/, 1 fe rendit à Rome, plein de refpérance d'être Pape. Il avoit un puifTant parti parmi les Cardinaux ; 8c les Princes qui avoient le plu» d'intc-.ct à l'exclure, fcmbioicnt «ïifpofcs à contribuer à fon clcvation. L'Empereur Favoit flatte qu'il foutiendroit fes intérêts; l'arti- ficieux Fcrdiiuind , roi de Or:ille , lui fit les plus belles protreHe». T>' Aii'-<>/t , fe f.ant a toutes cet cfpcrances illufcir».-* , crut que 1.1 triple couron" ne ne pouvoit lui inanquer , 6c ru-ret:rer les trou- pes Fran^oi fes qu'il avoit ap,>ci:ces pour favorifer fon éledioo. Ce fut le t.:.!iral de S. r.r. « qui lui donna ce confctl, en !ui pcrfuad4nt qu'il fe. coii clu tout d'une >o)X , uns s'atiawr le ripto-

Cl l'Histoihe Ecclestâçttque. itf

Cke d'avoir attenté à la liberté du facré collège. Mais dès qu'ils furent cnfermJs dans le concla- ve , le cardinal de S. Purre , qui afpiroit à li pa- pauté , lui fit aufli-tôt donner l'exclulion.

Lesirembres du facré collège eftimoient ce der- nier prélat , neveu du pape Sixti IV , & dont le «lom de famille étoit JuLtcn de la Ruvérc. àSa- vone dans l'état des Gênes , il s'étoit élevé par fes talens & avoir gagné les cœurs par fes libé- talités. Le conclave le regardait comme un hom- me ferme & courageux qui pourrolt s'oppofer auc préteniions des Princes. Mais , comme il ne put d'abord réunir toutes les voix , «« il fit-clire ua H vieux Cardinal qu: apparemment lailTeroit biea- ♦» tôt la papauté vacante. Ce fat Françuis Picco- it lomini , qui prit le nom de Pic III. Il ne tint ♦» le fiége que vlngt-fix jours, & le cardinal de »« S. Pierre qui avoir les voeux de tout le collé- M ge , fut élu d'un commun confentemcnt dès le »> foir qu'on entra dans le conclave. L'ambition «I & la fimplicicé du cardinal A'Amb^ife furent la »» rifée de toute l'Europe. Mais le Roi ne fcntit VI pas affez combien mal-à-propos fon autorité M avoit été commife en cette occafion , les *< mefures étoient fi mal pri-fes. m {Bossu£T,Airégc de C Hijluire de France. )

Le nouveau Pape prit le nom de Jules II. Son premier foin fut de priver Cèf^r de Bor^ia de

-toutes les fouverainetcs dont il s'étoit emparé

> & de luutes les dignités dont il avoic ét^ revêtu.

5X5 E l 1 M E y i

Mais comme il avoit le gcnic pret'que auflî guer- rier & aulH ambiiie.x jque celui qu'il dépouil* lott , il garda une partie des ufurpations de Bor» g!a , & encra b.mtot djns une ligue formée par l'empereur Maximiiun avec les Rois de France & dEt'pagne, pour chaûer les ^"cnit^cn$ de tou- tes les fcigneuriesqu ils podcdoient en terre-fer- me. Ces fiers républicains n'dyant pas pu rclïAer aux efforts de tant de Paiflances rëumes , leurs dcpcuillos enridiirent leurs vainqueurs , & J^Li Il rentra dans la poiTefTion de Ravenne , de Ri* mini & de tout le Bculonnois.

DcméUs de Jules II avec Louis XII.

Ce fut en partie par le courage de Louis XII que fe firent les conquêtes fur les Vénitiens , qu'il défit entièrement a la bataille d'Aign^dcl. Les fucccs de ce prince en Italie donnèrent de l'om» br.igeà/;i/ci // Le Roi lui avoit accorde. un afyle en Francî , pendant le pontificat à^AUxaadit VL Mu s Jutes , ayant oublie les fcrviccs fîgnales que le Roi de France lui avoit reodut, nefongcaqu'à lui fufciîcr desenncmii. Iian>ro'>i; fccrcttcmcnt les Suif. fes cotre lui. 11 excitoit //«/i/-, 77//, roi d Anglcterrs, jeune prince , qui deûroit fignaler Ton avènement i la couronne par quelque afKond icl.u ; enfin, pour rendre fon parti plus for< (dit f.j/'.«,)'il donnoit J'abfoluiion aux Vcniiirnt ,& preaoii avrccux àt% mcfurcs peu favorables a la France. Lvuit XJf ni.» gnoruic point ces nicncc^* Oblt^c de déclarer la

guerre

DE l'HiÇTOîHE EcCLEÇIASTiOUK- 1\y guerre aux Pontifes , il convoqua vers la fin de Septembre 1510 une affemblée générale de l'E- giife Gallicane à Tours , pour fçavoir comment il tlcvoit fe défendre contre le fouverain Pontife, en confervant toujours le refpeû à l'Eglife 8c au faint-liige On convnt d'affembler un Con- cile général à l-ife;& quelques C:rdinaux qu'on avoir gagnes, en indiquèrent l'ouverture pour le premier de Septembre 1 5 1 1 ,

Cor.cilts de P'ije & de Latran,

Ce Concile ne s'ouvrit cependant que le pre« m er Novembre : quatre Cardinaux & un grand nombre d'Evéques , d'Abbés & de Dofteurs s'y trouvèrent. On expofa dans la première fefllon les motifs de la convocarion du Concile : c'étoient la réfonr.ation de 1 Eglife dans fon chef & dans fes m'embres ; le ferment que JuUî II avoir fait à fon avènement à la papauté d'aiTembler un Con- cile œcuménique. Dans la féconde fefTion on ré- gla ce qui regarJoit la police de l'alTemblée imait, dès la truificme , il fallut chercher une autre ville pour la tenir.

Le Pape, avec des inclinations militaires,' ne fc contenta pas d'employer contre Louis XII les foudres eccltfiafliques. Il fe lia dabord avec les Souverains , & conclut fecretrement contre la France avec Ftrdinar.d roi de Caftille , & les Vé- ritiens , une Ligue quîils appcllérent la LlgutSain- H , parce qu'elle avoit pour prétexte le recou" Jom. //. K

»i5 E L E M E y s

Trement des places enlevées au faint-fiége ,8t If ruine du Ccnciîc de PiTe qu'ils appcMoient/cA//*- natljuc Sctant mis cnfuite lui-même , malgré le poids des années & des maladies , à la téic àes troupes '^•j'il avoii levées , il comrcerça d'atta» quer l'Etat de Florence , de la dépendance du- quel c:oii la ville de Pife. Les Percs du Concile crurent donc devoir fe rendre à Mihn , ils «.voient transfère leur affemblce -, mais comme les SuifTcs firent alors une irruption dans le Mila- rois,la quatriciae rcHion oe fc tint que le 4 Jan* vier 1)11 -, elle fut fuivie de quatre autres, danx lerquelles les Perg , après avoir fommé hicj 77 de nommer un lieu libre pour tenir le Con- cile & de s'y trouver en perfonne pour fe jurti- ficr.lc cccUrcrent fufpens de l'adminiAration du pORtiCcat , 6r firent-défcnfc de le recoanoitre pour chef de l'Eglife.

Ju.'t: saitcr.doit à ce coup d'éclat , & , pour !• parer , il avoir oppofé Concile à Concile ; il avoir convorué dir.» la Baf.liquc de Latran uneaflfem- Wée générale de l'Eglifc , dont U première fcCiun , fuivie donze autres, fut tenue le 3 Mai ijia. Le Pape y préfida , afliftc de quinze Cardinaux* Dans la troi/icme fcaocc on lut une bulle qui coiidamnoit le Concile de Pifeavec Tes fauteurs, & confirmoit les escommunications fulminées par le Pape ccnttc le» Cirdinaux f< les Prélats qui le coir.pofoieot. Jutu £t > publier en niéme-tciut <let OK>ai(otret pour mettre le royaume de Franc;

Ï)E lIÎïSTÔIRE ECCLISIASTI^UE. 2TJ In interdit, & ajourner le Roi , les Prélats , les Chapitres ôc les Parlcmens du royaume à comparoî- tre devant lui dans foixante jours , pour expofer k$ motifs de leur oppofitlon à l'abrogation de la Pragmatique Sanftion : règlement célèbre , qui , aux yeux du Pape , étoit le renverfement d'une par- tie de fes droits.

Mort de Jules U; EleEûon dehhon \i

Peu de tems après , une fièvre lente enleva /«- Ui II a l'Eglifc , qui le regretta peu , après neuf «nnées de pontificat, « Il fialîut , ( dit Bojfuct , ) aller M rendre compte de tant de guerres , que fon hu- it meur trapérieufe & violence avoit excitées, n On l'avoit vu , ( dit M. l'Abbc Pluquet , ) faire des Céges , livrer des batailles , monter à cheval com« •ne un fimple officier, vifiter les batteries & les tranchées, animer les troupes , s'expofer lui-mê- me au feu. Non content de combattre avec des armes temporelles, on le vit employer contre la France les armes Spirituelles -, excommunier un Roi qu'elle idoroit , mettre fon royaume en in- cerdit , ôter a la ville de Lyon le droit des foi- res - franches , parce que cette ville avoit donné retraite aux Evèqucs du Concile de Pife. On no peut douter que ces cntreprifes ne jectalfentdans l'efprit des François des idées :con(raire$ au ref« peft au faint-ficge, & ne ferviffcm aux fuc- cès des prétendus Réiormateurs qui parurent bien- tôt. M L'autorité la plus légitime devient fufpec*

dîO E L E M E N s

V te , (dît l'Auteur cire , ) lorfqu'on en fait U(t abns n manitcfte , & que cet abus attaque le bonheur M ou la tranquillitc des Etats. ><

Le Cardinal de SUdU'u , Âgé feulement de tren<- te-fix ans, Aicccda a Jules //en 1514, & prit Je nom de Lc^n X. Ce l'ape , effrayé des rapide» conquêtes de Seiim /, empereur de» Turcs , vain- queur de l'Egypte, qui menaçoit de porter la guerre en Italie , chercha a (c rapprocher de Louis XII ^ dont les armes pouvoient écarter un fi redouta, ble ennemi! Ce prince fouhaitoit cette reconcilia- tion j il renonça au Concile de Pil'c , & adhcra à celui de Latran qui fut terminé en 1517. Tous les anathcmes lances contrs la France furent le- vés par un décret du Concile , & les préUts Fran- çois abfous des ccnfures qu'ils avoicnt encourues en favorifant l'affcmblée dePife : ainfi fc termina ce célèbre différend, qui tint pendant plufieurf années l'Europe attentive.

Entrevue de Léon X & de François I ;

Concordjt,

Louis Xll mourut peu de tems aptes fa rccon» ciliation avec Rome. Frtnçois /, fon fucccffeur, prince jeune 8t ardent qui ne refpiroit que la guer- re , palTa en Italie avec une armée des la pre- mière année de fon règne. Le Pape, qui lui avoir été d'abord oppofc, racnagei une conférence avec lui -, l'entrevue fe fit à Bolo^jnc , en Décembre 1 p ] . C'eû dâo» cette ville ^ue le Roi , à l'iof-

m. l'Histoire Ecclésiastique, tu

ifigatioii de fon chancelier Duprat , vendu (dit-on) à la coar de Rome , qui lui avoit promis le cha- peau de Cardinal , abolit la P ra^matique-Sanclion , & conclut avec le Pape ce fameux traité appelle Concordat , inféré dans les a£les du Concile de Latran , comme une rè^le que les François de* voient Cuivre à l'avenir en ntatiére ecciéfiatlique & bénéficiale.

Par cet accord, dont on a dît tant de bien & tant de mal , la nomination aux évèchés & aux abbayes étoit accordée au Roi , qui devoir pré- fcntcr au Pape 'es fujets nommés ; le Pontife renoii,o:tde l'on cûci aux rcfcivcs & aux expcc- taiives , à condition qu'on lui payeroit les Aq- natcs , c'eft-à-dÎTe qu'il jouiroit de la première année du revenu des Bénifices vacans. Ces Anna* tes, contre lefquclles on a tant déclamé, ne furent pjs cependant établies exprcffémcnt par le Con- cordat , mais par une bulle qui fuivit de près ce fameux traité. Le Concordat efTuya les plus vives oppofitions de la part du Clergé , du Parlement & deTUniverflté j mais il fut enf.n enregiftré en 151S , après plufieurs lettres de juflîon.

♦< Par ce Concordat , ( dit Btjfuet , ) l«s Rois de r France ont la confcience chargée d'un poids terri- y> blc, & le falut de leurs fujets eft entre leurs mains, >• Mais ils pe.ivent faire, à eux-ratmes & à out r< leur royaume , un bien extrême ,fi,au lieu de •• regarder les prélatures comme une récompenfe »» temporelle , ils ne fongent qu'à donner au peu- »t p!c de dignes paftcurs, » K. li j

&II E JL E M t K s

On a dit que , par le Concordat , U Rot O l* Tape ovoUnt pris te qui ne leur appartenait pas , 3c donné ce qu'ils ne pouvoient pjs donner ; mais plu- Ceurs Jurifconfultes penfcni que le Roi , en re- prenant par ce traité le privilcgc de nommer aux Bénéfices conftAoriaux de fon royaume , ne rcprc- aoit que la prcrogative de cous les premiers Rob de France. D'ailleurs les éleûions étant devenue» dans les tems d'anarchie une fimonie publique , & les grands fiéges étant fouvent donnés à des gens de néant, peu propres à gcuvcrner, il y a peui- être moins d inconvcnicnt que nos Rois exercent les droits des premiers Fidèles , Se qu'à mériw égal ils donnent la préférence aux Nobles dans U collation des Bénéfices.

Dans les pays conquis 8c dans ceux qui oat été réunis à la France , podétieureirtent au Con- cordat, les Rois de 1 rance nomment aux Bcnéfî- ces en vertu d'induits particuliers accordés ea divers tems par les Papes. L'ufage qu'ils ont fait du pouvoir que leur donne le Concordat , a picf- que toujours etc applaudi, parce que dans lechO'X des fujeis , ils -ont confulic des liccIcliaiUquc» vertueux ou des MiniArcs fages. Le Clergé a cté remis peu- à-peu dans un orlre & dan« une de- cc.ice tfcf-rares dans le trms des cte:hons. C'eft une juAice que les ProieOms modères & les la* crédules ncmc< ont rcr.<1ue a l'Eplife de France, à quelques exceptions piCS , ( du l'un d'eux .). qu'il faut loujouri faire dans le» vices cummc djoi les vertus qui dumutcot.

*E L'HistoiRE Ecclésiastique. îî^

Indulgences prêchécs en Allemagne.

L'afl'aire du Concordat n'intcreffoit que rEgliffi de France -, mais il s'éleva bientôt des di foutes fut des fujets plus importans qui agitèrent i'E§riieunl- verielle. Léon X, occupé du projet d'ittaquer I:s Turcs par mer Ce par 'erre , 5c défaire tic l'EgliCe de Si-Pierre !e plus bel édifice de l'univers, ft- prêchcr 'des indulgences dans toutes les provin- ces de l'Occident -, on les donnoit pour une légère rétribution -, en AUemagne on les afferma comms on afïermetoit un impôt , & les fermiers , pour ga- gner plus d'argent dans cette entreprife , employè- rent des prédicateurs qui exagérèrent le prix de ce* grâces fpirituelles.Le vulgaire, dans les deux fexes s'étoit laiffé perfuader qu'avec ces iniulgeoces il étoit affuré de fon falut , & que , dès qu'il es avoic obtenues dans le de-Ttin de délivrer les âmes du Purgatoire , kur tlclivrancc etoit auÛi prompt» que certaine.

Luther prêche contre les Indulgences.]

Les abus qui fe commettoient dans la diftribu- tion des indulgences , 8c les exafjérations des pré- dicateurs , animèrent le zcle de quelques Auguftin« A^lemands. Jean Seaupii, vicaire- gênerai de cet Ordre en i^llemagne , jaloux de ce qu'on avoic chargé les Dominicains de prêcher le< indulgen» ces au préjudice des Auguftins, pcffciTeurs de|)uij long-tems de ce privilège , chargea qne'nues-un» de fes Religieux de décrier les nouveaux prédi; catcurs, Kiy

tl4 E L E M E N S

Mjriln Luther faiCt cette occalîan pour dcvfrî lopper des principes qu'il avoit caches jufqu'a- lors ; à lilcbe dans le comté de Mjnsiddei» 1483 , d'un forgeron , il reçut en cfprit ce que U nature lui avoi: rcfufé en naiCjnce. Après s'être fignalé dans Ces premières ctudes , il entra cher les Hermues de S. Augu/lin , effrayé de la mort d'un de Tes condifciplet , qu'il avoit vu pcrir à Tes cùtés d'un coup-dc-foudre. II avoit beaucoup de vivacité dans l'erprit ,^: de fermeté dans le ta- ra^l'ire. Dès qu'il eut été honoré du bonnet de docteur dans l'univerllté de Wittemberg.il y pro- felTa avec le plus grand fuccès , montrant beau- coup de dédain pour li t'.icologle des Ecoles , de goût pour lesjtjrits des Feres , & de penchant pour les opinions finguliéres.

Chargé par fcs fupérieurs de prêcher contre l'abus des indulgences , il atraqua les indulgence» mcrncs & le pouvoir de celui qui les donooir. Il fourint des ihcfes en 1517, iS & i9,8ciprèft aroir propofc fes opinions comme des doutes , il les foutint comme des vérités inconteHables. Cette hardielTe allarma Lt^n X, qui écrivit con» tre Luther à l'empereur Max^rnihen ,6i à Frédéric duc de Saxe.fon f'ouverain , mais ce dernier prin« ce, loin d'impofer Alence à ce Religieux, l'en* couragea dans Ta rcv l'Eglife,

D'un autre côté , les C *, qui n'étoient quo

ée» Théologiens Tuperficiill. ou qui n«l'ét»ient point- du'tout .furent aifémcnt féfluit» par let i ' '

Bc^oxouUkUi Uu u*tt« une Cduiw^ucuc^

DE L*HlSTO!RE ECCLESIASTIQUE. 12 j

putée aux Catho!ic|ues , un paffage de l'Ecriture nul interprcté par les CCmmentateiirs, un abus repris Se corrigé par Liitfi cr ,lci\r en impofoit. La réforme fi.:t donc regardée comme lerétabliirement du Chrlftianif- me, fur-tout par des Sçavans & des Beaux-efpritspe'i favorables aux Théologiens fc'.iolaftiqaes ,dont le ftyle leur déplailoit encore-plus que les raifonnemer.s.

Première Condamnation de Luther.

Le Pape voyant que le nouvel hérétique ac- quéroit chaque jour des partifans , crut dévoie lancer contre lui des anathèmes qui puiTent ef- frayer fes difciples. Il donna , au mois de Juin ijio , une bulle qui condamnoit la do£lrine de Luthir comme hérétique & impie , ordonnoit que fes livres fufTent brûlés , & le dcclaroit lui-même excommunié , fi dans l'efpace de foixaote jours il ne reconnoiffoit fes égaremens.

Dans le commencement de la difpute , Luther avoit aifeflé une humilité & une foumifllon qui n'otoiem point dans fon cœur. Homme timide & retiré, // avoit , difoit-il , iU traîné far f^ret dans U public; & jette dans ces troubles plu'iit par hê\ard qu'à itffeln. Il attendoit avec refpedk le jugement de l'Eglife, jufqu'à déclarer en termes exprès que s'il ne s'en tenoit pas à fidécifîon,i confcntoit d'être traité comme hérétique. U avoic écrit au Pape lui- même en iji8 : Dortiit\ la rie- •u la. mon , appel 'e\ ou rappelU\ « approuve^ ou re- prouvei, comme il vous plaira '.j'écoutsrai votre v^i»

^l6 E L f M ï îf ^

Mais dès que Uun A eut prononcé , il- Oublia fe5 proteftations d'obeiirdncc , comme ti c'eù: été de vains complimens. Dès-lors fa modeAie appa- rente fe changea en fureur. On vit voler des nuces d'écrits contre la buîle du pontife Romain. Il fit- paroitre d'abord des Notes ou des apoûiiies pleines de mépris. Bientôt il publia un fécond écrit avec ce titre : Cu/jrrf /j Bu/.'e exécrable de l' Ante- Chrijl ^ tt il le fîniA'ott par ces mots : De même qu'il» nitxtommunitnt , je Us excommunlt auJJI à monteur»

C'et^ ainli , ( dit Bojfuet , ) que prononçoit ce nou« Tcau p3pe.

Quant à la citation qu'on lui avolt faite cfe COmparoitre; j'attends, difoit-il y que je fuit fuivi d^ vingt-mille hommes -de-pied & de cinq mille chevaux » Mlvn je me fe'ai-cruire. Tout ctoit de ce cara£lcrir, ti l'on voyoit dans fes écrits comme dans fet difcours les deux marques d'un orgueil outré : la moquerie & la violence. Ce caractère n'ctoit pa» Biuins marqué dans fa conduite ■■, car il f<oit par feire-brûlcr la bulle de Léon j^avec tout le corp» du Droit- canon , en prcfence de l'univcrûté Wittcmbcrg.

Confcrence de ff'orms.

Toute la vengeance que le l'ape put tirer a* «e« difî'-rentcs infnlte* , fut d excommunier fo- lemnellement en tfii Luther avec fes partifjni ft <c% prnteûeurs , & de fe plaindre au jeune em- pereir Charler-Quiit , qrti vcnoit de fucctrter i feaipirc jprvs I4 mon MtiximUittit Ce priuce f

l'Histoire Ecclésiastique, xij

voulant avoir la gloire de terminer cette grat>do affaire, convoqua la diette de l'Empire à Wormsi Luther y fut Cité. Ses amis tachèrent de l'empc. cher de comparoitre. Mais Luther qui avoit l'aa^ dace d'un chef de fecle , répondit :»< Oa m'a lé-.; »> gaiement fommé , & je me rendrai à Worm» »» au nom du Seigneur , duffé-je voir conjure» contre moi autant de Démons qu'il y a de tui- M les dans les toits des maîfons. n

Ce qui noarriffoit fa confiance étoit le grandi sombre de partifans qu'il auroit dans la dtette* Lorfqu'il parut "Worms , une plus grande mul- titude de peuple fe rafTembla pour le voir , qu'H n'y en avoit eu à l'entrée de l'Empereur. Son appartement fut rempli tous les jours de princes &s degr. feigneurs , qui le traitèrent avec le refpeifl qu'on auroit rendu a un prophète St à un Jégiflateur,'

Luther flatté de cet accueil , parut devant \m diette avec courage 8c y parla avec véhémence. Il refufa de fe rctraûer, à moins qu'on ne lui prouvât la faufTeté de fes opinioni , & il ne voulut admettre d'autre règle pour en juger qu« la parole divine. Ni les raifotis , ni les prière n'ayant pu lui faire - abandonn- r fes fentiivens. , on lui permit de prolîter du fa if- conduit qu'on lui avoit accbr Je pour fe retirer en toute fùrcti,' Mais quelques jours après fon départ, on publia au nom de l'Empereur & de la diette unédit, (['ij le déclarant criminel endurci & excommunié , •- iépvuillQÏc de tous les privilèges dont il joulilut^

ftiS Elément

comme fujet de l'empire , avec dttenfe à tous les Princes de lui donner afyle ou protedion & injon- ûion de fe réunir tous p' Ce faUîr de fi personne auHi-tôtque ledéUidu fauf -conduit feroit expire.

Cet cdit demeura fans eifit. L'éxecution en fut traverfce en partie par la muUiplicttc des affaires que fufcicérent a Charlet-Quint les trou> Wes d'Efpagne , d'Italie & des l'ays-Ba$ , & fur» tout par les précautions que prit l'Eleâeur de Saxe pour arracher l'hcrciiarque aux pourfuites de fes ennemis.

Captivité Je Ludaer ; txpofinon ahrégée de fes eneurs.

Ce proteâeur confiant de Luther craignant qu'i fon retour de Worms on n'attentât a fa liberté , le fit -enlever par des cavaliers mafqucs .qui le me* nérent dans un château de Thuringe , il fur enfermé pendant neuf à dix mois. CeA dans cette lolitud; , que Luther appelloit fon ijle de Psihmvf^ / par allufion à rifleoù l'Apôtre S. Jean avoir ctc exile ) qu'il continua de dcfcndre fa dodrine fie 4'atuquer celle de fes adverfaircs. C'eA qu'il' Bit la dernière main à fa nouvelle religion, com- pofce des trides dchrisdcs ^'audoii, des Albigeois At des Hu^ites.

»« Le libre - aibitre , fvuvant lui , eft une chi- »» mère -, i' foi feule fufSt pour nous fauver, M Avoir de la foi, c'efl croire que J. C. ayant fouf- » Sert poitf nui p.iYiii , il ne n. •».% Lite potu iet expier. Uu . .

DE l'Histoire Ecclésiastique. 12^

foi ne peut être damné , quand -mcme il le >. voudrolti mais fans la foi , toutes nos œuvres font des oeuvres de mort. Ainfi les vertus des M Païens , qui n'étoient point éclairés de ce di« M vin flambeau, dévoient être mifes au nombre M des vices. La feule règle de notre créance doit n êtrel'Ecriture-fainte; les Coici!e'-:;énéraux pou- n vant errer, leurs décilîons ne fçauroient avoir »♦ force de loi. Le célibat des prêtres , les vœux M monaftiques, la confeffîon auriculaire , les jeû- nés , les mortifications , font autant de prati- ques fuperftitieufes' dont le Démon eft le père, » Il n'y a Aie deux facremens : le Baptême 8c »♦ l'Euclinriftie. La tranffubftantiation eft une ab- n furdité. J. C. eft réellement préfent dans l'Eu- M chariflie-, mais le pain & le vin ne font point « détruits par les paroles du prêtre. Les Meffes •» baffes font un abus , ainfi que le culte des Ima- » ges , & la croyance du Purgatoire. Les biens »» ecdéfiaftiques appartiennent au Souverain. Enfin H l'on devoir abolir tous les Ordres de Religieux t* raendians , & changer leurs malfons en écoles n publiques pour l'inftruftion de la jeunefTe.

Pendant la retraite de Luther , fes opinions fe répandirent dans prefque toutes les villes de la Saxe. Les Auguflins de W^irtemberg , animés par la faveur fci rerte de l'Ele.'lcur, firent une innova- tion dans le culte public, qui ne fut que trop ap" plaudie par les amateurs de la nouveauté : ils abo* lîrent la céliibration des McfTes - bafles, 6c firent* coiaxauaicr les laïques fous les deux efpèçcs, .

a.^0 E L E M E N s

La joie que le fuccè» de ces tentativei Rt u Luther, fut troublée par les obAacles qu'oa metioic ailleurs à la propaguion de doâriae. Un dé- cret fulemaei de l'Univerfite de Faris , l'une dei plus fçavintcsde i'£jrop^-,vOndamna fes opuioot comme hc:étiques. Henri VIIl , roi d'Angleterre , cherchoit auffi à l'cloij^ner de Ton royaume , flc il le prouva alTcz par la rcponfe qu'il i^.t au li« vre de Luther , intitulé : La Capthiti de Sahylutu,

Cette rcfutatlon d'un jeune monarque qui paf- foit pour humme-de -lettres & homme-derprit , nonitia d'autant plus Luther , qu'elle eft écrit* avet toute la fubtilité d'up bon logicien. L'hé- réfiarque ne parut cependant point eHFrdvc n! par l'autorité de l'Univerfue de Parif , A par le rang de Henri VIU. Il publia bientôt fcs Remarqut* fur le Décret de l'une & fur la Rcponfe de l'au* tre. Se il prit en les réfutant un Ayle aulli v-o- l*nt ii aviïïi amer qu'il l'auroit employé cuatr« le plus mtprilable de Tes aniagonilUs.

Mort de Léon X; fes fuccejfcurs.

LLn X étott mort en i;ii , avec la douleur ée voir ! F ilife infedée du poifon de i'héréûe. pontife, iroins occupe des devoir» de (a place, '|tle de fes p'.ailirf 5t de (et inrércti, lailTa une rec moire feu refpedlce, m-ilgré le» clo);es que lui prodiguè- rent le» geni-de-letire» dont il fut le proteileur.

Adrien /'/, archevcquc de Burgo» , originaire dM l'ayi-BéJ , k. prccepteur de i'^^'f-o ••

DF l'Histoire Ecclesi asti qui. iyfi

èccupa après I li la chaire apoftoliquc. C'ccoir un homme eftimable par fon fçavoir 8c famo- dwMtijfi. Il fit tous fes efforts pour éteindre riacendic allumé en Allemagne -, mais les états de l'Empire , au lieu de féconder fes vues , lui firent prtfenter une lifte des griefs que la nation Ger- manique avoir contre la cour Romaine , & de- nandcrent la convocitioa d'un Concile nacionalo Le fouverain Pontife étant mort fur ces en- trefaites , le cardiml Jules de Midids , fon fuc» celTeur , qui prit le nom de CLimcnt VllI , en- ▼oya un lé^ac a la diette de Nuremberg en 1514, pour prelfer de la manière la plus forte l'obfer- vation de l'édit de '^Jl'^orms , donné contre Luther & les Luthériens. CidrUs-Q^uint , alors en Efpa» gne , appuya la demande du Pape par un ref- crit adreffé aux états de l'Empire , qui répondi- rent à Clément F^// à-pcu-prcs comme ils avoicDt

*ait à Adiicn VI.

Progrès du Luthéranlfme.

Cependant l'héréfie , coatre laquelle les Papes éievoient inutilement leur voix , après avoir per- verti les particuliers , corrompoit les royaumes entiers. De la Saxe , elle fe répandit dans !e Pa- latinat , pénétra dans le Daiiem-irck 8c dans la Suède» & en peu de tems la Foi Catholique fut altérée dans tout le NorH. L'auteur de cette fu- nefte révolution avoir c;abli pour bafe de fes er- reurs , un principe qui fervit à faire- naître une fçuk de fcCUuej, 6iuvant lui , chacun «voit

*a32r E L E M E If s

droit d'expli(]ucr l'Ecriture-fainte à fa manlcre^ linfi, l'orgueil humain cherchant à fe diflinguef par des opinions fingulicrcs , on vit bientôt fortir de l'ccole Luthérienne plus de deux cents fefles, toutes oppofces les unes aux autres , mais toutes réunies contre Rome.

De Carloftad.

Le premier dltciple de Luther , fut auflî le prc- nicr qui rafina fur la doilrine de fon maître. Nous voulons parler d'André Bonde/!in , connu fous le nom de CatlcJUi , qui ctoit le lieu de fa naiiTance en Franconie. Apres avoir renoncé au facerdoce & aux voeux qu'il avoit faits à fon ordination , il fe maria publiquement , à l'imitation de Luther qui avoit cpoufc une Reiigieufe. Car.'v- /lad étoit étourdi , préfomptueux & emporté. Il trouva que Luther n'avoit qu'ébauché l'ouvrage de la prétendue rétormation ; il voulut l'achever. Il fe déchaîna contre le célibat des prêtres, brifa les Crucifix 5i les Images , rcnverfa les Autels k la tête d'une troupe de fcditieux , & nia haute- ment la réalité du Corps & du Sang de J. C. dans l'Eue hariHie.

Dans la violente fermentation que les nou» Telles erreurs caufoient aux etprits , il ne lui fut pat difficile de trouver des fanuiques qui le fe* condcrent. Lutktr n'ayant pu les ramener par la douceur , obligea leur chef de fortir de V"ir- cembcrg , & c»b"(>*-^ le duc de itdxt é. le duiiw

DE L*HisTOiiu: Ecclésiastique. 1^5

ie tous fes états avec la femme qu'il venoit d'époufer. Ce malheureux , réduit à la der- nière mifcre , oblige de gagner fa vie en labou- rant la terre ic en portant du bois , alla fe faire prédicant à Bàle , il mourut d'une mort vio- lente.

En iettant les yeux fur la vie de Carloftai 8e des autres Réformateurs ,onne peut qu'être éton- né de la différence qu'on apperçoit entr'eux , 5c ceux dont Dieu s'eft fervi pour établir & défen- dre la vérité. »' Loin d'attirer les hommes par l'é- n clac d'une fainteté extraordinaire, ( dit l'Abbé Racine d'après N.cole ) » ils les ont frappés par »♦ un fpeclade qui ne pouvoit que caufer de l'hor- »> reur à ceux qui ont quelque idée de la véri- M table vertu. En effet ces Reformateurs étoient »» des Religieux, qui quittoient leur habit & leur M profefnon pour contraâer des mariages fcan- M daleux , ou des prêtres qui violoient le celi- » bat. Le premier fruit de cène dodrine fut d'ou- X vrir les cloîtres , de dé-voiler les Vierges , d'a- •• bolir les auflérités , & de détruire toute la dif- M cipline de l'Eglife. Au lieu que , félon l'expref- >♦ fion de S. Chryfuflôme , les premiers prédica- M teurs du Chriftianifme ont planté la virginité M par toute la terre , les prétendus Réformateurs »« ont tâché de la déraciner de toute la terre; & » non-feulement la virginité , mais la pénitence, .. la pauvreté volontaire , & les autres vertus qui p om il -fort zelevé la ileligioa Chrétienne pcat;

234 E L E M E V s

H dant pIuGeurs fiécles. L'cvidence de la vérité' M a force les Chefs du nouvel Lvançile de rc> M cor.Qoitre que toute leur réforination n'avoit produit aucun renouvellement de l'efprit du 1* ChriAianifme , H que le avoit plutôt augmenté »» que diminué le dcrcglement de ceux qui l'a- » voient cisbrafTce. Lm plupart de ceux , ( dit CaU »• TÏn , ) fui /Inr fiparét de f idolâtrie du Papt, font pi tins d'anijîct & de perfidie. ILi foKt pa^ '■oitre du \cU à l'extéritLr v mai* rotu les <*a- •» mine\ de prit , vous Ut trf>u\irc\ de vrcit /-urbtt,m f* Nom voyant ( dit aulTi Luther ) ,fi« par la flM« *> lice du Diable let hommes font tnaintenani pittp M avares , plus cruels , plus dérégi'és , p!us itifa^ *• JcAj , 6* biMueoup pires qu'Us n'etuieêt J«us l^ m Pj^juie, m

De Zui: -^'^

H y avrit a'ors en Suifl'c ou Cil '^i s'écoic retire , un jc-nie pré re numrac Zum^lc , pleto d'erprir tt de leu . qui avoit perte les armet avant que d'être cccK (unique. Il (* cuafdcra i la chaire . pour laquelle il avoit du talent. Set fuccét en ce genre lui inérii<.rent la principale cure de Zurich. Il l'occupoit , lorfqu'un Cordelter de Milan vint annoncer let indulgences en SuilTe comme les Dominicains l'a voient ùit en Allema» gne. Zu.if .< , plein des dogmes de L~ihtr , attaqua le FranciTcaio fie (t doflnne.

A l'exemple de 1 hcrvliart^ue S^nvit | il prêcha

DE l'Histoire Ecclisiastique. 13 f

tontre les indulgences , l'interceflion & l'invoca- tion des Saints ,1e facrifice de la MelTe, le célibat des Prîtres , rabftincnce des viandes, les vœur & les loix eccIcflaHiques -, mais il s'éloigna de lui dans des points cffentiels. Luther donnoit tout à la grâce, & Zuingle au libre-arbitre , ne faifant dépendre notre falut que de nous-mêmes. Lo premier adoptoit la préfence-réelle de Jesus-Chr. dans 1 Euchariftie , quoiqu'il niât la tranffuhftan- tia:ion du pain & du vin •, \z fécond n'adroettok dans le facremenr des autels qu'une fimplc figure du Corps "& du Sang de J. C. que nous ne rece^ vions que rpirituellemeor.

Zu:ngU fut d'a'oord embarraffé par les parjJes de I. C.'quidic expreflemcu : Ceci £iT .w.jv CuRPi, fl eut un fonge dans lequel il crojoit difputer avec le Cecrétaire de Zurich.ville dot t ;. c. ' t pafteur.qui le prcficit viven-.ent fur les p.iro!es de l'infiituacat Il vit parcitrc toutà-coup un plii.n;6me blanc ou noir, qui lui dit ces mots: »Lâc!ie, f;ut ne rtponis- V lu ce qui eft écrit dans VKxodt , L'Agneau <Jl la •• Pdjue , pour dire q 4 il en cil le figne. •«

Cette rcponfe du plunrome fut un trio^Tiphe pour lut , & Zu:n^.'t n'eut plus de difficulté fur rtochariAi». 1) enfeigna qu'elle n'ttoit que la figure du Corps 6: du Sing de J. C. il crut trou- ver dans 1 Ecriture d'autres exemples le mot njl l'employoit pour le mot Jîgnifie : tout lu! pa- rut alors taule dans le featimeiu qu'U vouioit ùirc- prévaloir.

23^ E L E M E V s

L'explication de Zi.ing/e , favorable aux fer.j & a l'imagination , fut adopcce par beaucoup de Kvitormes. Us vouloicnt tous abolir h MelTe , & le dogme de la préfeoce -réelle formoit un embar- ras fur cet article: l'explication de Zuinglt le le* Toit. (S-coUmpjJe , Cjpiion , Buttr radoptcreot , «lie fe répandit en Allemagne , en Pologne , en SuiiTc, en France, djns les Pays-Bas , 6c t'orma la Sev^e des Sacramentaires.

Liithtr , qui auili-bien que ZuingU avoit établi- l'Ecriturc comme l'unique règle de !.i Foi , traita les Sacrameniaircs comrre det hcrv^tiqucs , Si l'otl -tit entre les Sacramer.taires & les Luthériens , la même oppolition qui étoit entre toutes cet Seâes & l'Egliie Romaine ; aucun intérêt n'a ja- mais pu les rcunir , & les Luthctiens ne perfc- cutoient pas les Sacramentaires avec moins de fu» rcur que les Catholiques.

La Reforme introduite par ZuingU Ct répandit; plufieurs Reformateurs fecon'lcrent fes efforts à à Berne , à Bàle , à CunHance . &c.

La Suiff» , le berceau de cette dancjereufe hé- réfie, fut bientôt le théâtre d'une guerre cruelle «ntre les Se^Jires & les Catholiques. Zui>i»U dé« fendit fes erreurs les armes à la main. Il avoit d'abord rendu le fénat de Zurich , dont il avait icduit les principaux mcmb^s , juge de fa doc- trifM : il adopta fes doj;mci , Se les 6(-adopter par tout le canton. Kn vain fes erreurs furent con- é.UQiiccs par 1 ailcmbice gcactalc de U oaiioa 4

DE L'FflST3IRE ECCLE-ÎIASTIQUE. 137

Bàlc; elles furent bientôt fuivles par les cantons tle Berne, «le Bâ!e & de SchaLufe. Les Cantons Catholiques prirent eilors les armes concre les Zuingliens , qu'ils allèrent attaquer enijji juf- <5u'aux portes de Zurich, La défaite de quisize cents hérétiques qui prirent la fuite, obligea ceux- ci de lever une armée de vingt mille honjnes , que Z^/ng/e lui-même voulut commander. Les Ca- tholiques , obligés de faire-retraite , furprirent leurs ennemis dans un défilé périt ZuingU , le ti Oclobre 15 31 , en combattant avec la valeur d'un foldat intrépide , à l'âge de quarante - qua- tre ans.

Nous avons peu de chofes à dire fur les talens de Zu/n»/« , & fur fes ouvrages. « Il n'ctoit ( dit M. l'Abbé Pluquit ,)'■> ni fçavant , ni grand théo- M logien, ni bon philofophe , ni excellent litté- M rateur. Il avoit refprit jufte & borné. Il expo- y> foit avec affez d'ordre fes pcnfées ; mais i! pcn- foit peu profondement , fi l'on en juge par fes « ouvrages.

« Zuing/e , un peu avant fa mort , fit une Con- M fefTion de Foi , qu'il adreffa à François I. En M expliquant l'article de la vie éternelle, il dit s M ce prince, qu'il doit efpérer de voir l'alTemblée M de tout ce qu'il y a eu d'hommes faints , cou- ♦» ragéux & vertueux , dès le commencement 'u M monde. vous verre\ Us deux Adam , te Ra- « rheté & le Rédempteur \ nus terr:\ un Abel , un «t Enoch , , Veut y verre^ un Hercult » un Thcfce,

Ôjf E L 1 M E N s

H un Socrate, un Ariftidc , Antigoouî , &c. &c.

Les difciplcs de Zutr.g.c .animes a la vengeance par la mort de leur Apotre guerrier , levèrent une armée de trente mille hommes , qui furent battus. Les Catholiques , après avoir gagné quatre ou cinq batailles, ne fvurent pas profiter de l'ava»- tagc que les vainqueurs dévoient avoir fur le» vaincus. Dans la crainte de fuccombcr a la lon- gue fous les efforts de leurs ennemis , ils firent un traite , par lequel chaque canton dcvoii con- server la religion qu'il profeffoit alors.

Les Luthcrïcns yrenncnt les armes.

Au milieu des dcmclcs qu'occafioanoient dans prcfquc toute l'Europe l'ctprit de nouveauté & d'indépendance, PA//;/-^< Landgrave de Heffe ,très« sèlé pour le Luthéranifme , réfolut de le faire- triompher par les armes. On avoit déjà oublié Icc mnximes que Luthtr avoit données pour fon- dement à fa réforme, de ne pas la foute air par des foldats. Sous prctcxte d'un ttaitc irr»ginaire fait entre Gtorgc duc de , Saxe &: les autres Princes Catholiques , pour exterminer les feâateurs du nouvel Evangile, ceux-ci armèrent en i;i9. II eft vrai que cette Icvce de bouclier n'eut aucune fuite. Le Landgrave fe contenta de grolTes fom- mes d'argent qu'il exigra de quelques Princes ec clcfiaftiqucs pour le didomm^ger des frais d'un armement , entrepris , de fon propre aveu , fur fie fauffcs allarmcs.

DE L^HlSTOlRE ECCLÏSîASTTOUE. -^^i Luther fertant combien cetre conduite étolt odieufe , chercha à l'excufer , en foutenant que le prétendu traité de Gorge de Saxe n'étoit point une illuCon, Il écrivit plufieurs Lettres contre prince , il le traite de Mo^ib orgueilleux qji entreprend toujours au-deïïus de fes forces , Ce O'j il l'appelle l: plut fuu dt tous Us faux. Il ajoute qu'il priera Pieu contre lui , & qu'il aver- tira les Princes d'exterminer de telles gens qui Touloient voir toute l'Allemignc en fang. C'étoit dire clairement ,( félon la remarque de Bcfuet,) que de peur de voir la Germanie dans ce trifte état, les Luthériens dévoient l'y mettre, & exter- miner les Princes qui s'oppofoient aux ravages ée l'héréfie.

Ce George duc de Saxe , que Luther traite fi mal, étoit auflî contraire à la nouvelle fede,que fon parent l'Elcâeur lui étoit favorable. Luther prophétifoit contre lui de toute fa force , fans conlîdérer qu'il étoit de la famille de fes maîtres ; 8c on voit, ( dit Bojfuet) qu'il ne tint pas a lui qu'on n'accomplit fes prophéties à coups d'cpée.

Dijffèrentes Dlettes en Allemagne , au fujet du Luthéranifme,

Tant de troubles excités en Allemagne par le rouvel Evangile & les divifions fanglantes dont elle étoit menacée , engagèrent l'empereur Chjr.'es- Quint à aflembler différentes diettes. D^ns celle de Spite , en 1 5 19 , on ât uo décret qui défen«

240 E L I M E N s

doit de changer de religion dans les lieux o4 redit de Wormi avoit été reçu. Les électeurs de Saxe & de Brandebourg, le duc de Liinebourg, le l.inHgrave de HclTe , plufîeurs autres Princes 8c quelques villes iiuperiiles, proteftércnt contre ce décret ; & c'eft dc-la qu'cft venu le nom de Prvttjlant ^ que krs Luthcriens ont toujours porté depuis.

Une autre dictte pcn.rale fut convoquée à Ars* bourg, en 1530, par Charlcs-Quiat , & l'ouvcr' turc s'en fit au n.ois de Juin. L'Empereur lui-mè* me y pr^fida , & Fe-dn:nd, roi de Hongrie , avec la plupart des éleifteurs , des princes , des dépu- tés des villes de l'empire , y aiTii^érent. Ce fut dans cette aflemhlce foicnintlle que les Protef- tans préfentéretrt leur Confefiîon de foi , drcffco par Me/anchth.n , \e chef des Luthériens mitipcs , l'un des plus beaux efprits de fon hcclc, Se le plus modéré théologien de fa fedVe.

Les Etats proteftans fignérent cette Confcirion , comme un fidèle expcfc de leur dof^rine , & ta remirent à l'Empereur , qui la fît- lire à haute voix en préfence de tous les membres de la dietir. Mai» quclque-tems après , ce prince , qui ne vou« luit pat que l'erreur eût plut de privilèges que la vérité , fit faire une lefture publique de la rct'utation qne d'habiles théologiens Catholiques «voient fji te de la Confcfnon d'Authour^'.

Dans cette Hrofenion de foi , Milanchih..n .ivoit adouci quelque» articles contcAcs , s'ctoit un peu

rclàch6

DE l'Histoire Ecclésiastique. 241

relâche fur d autres ,& avoit tâché de donner à tous le l'ens le pîus favorable. Mais , malgré ces adoucilTemens , les nouvelles erreurs mettoient déjà tant de barr.cres infurmontables , Se avoien produit tant de feparations, qu'on défefpéra dcs-lors de pouvoir jamais concilier les ef^iriis.

Let Princes l'roteftans neioient pas moins obf- tincs que les Théologiens qui les infplrolent, L'E- lefteur de Saxe , le Landgrave de Hefie & les au- tres protecteurs du Luthéranifme furent follicités en vain par l'Empereur d'abandonner cette fefle à elle-même. Ni les prières du chef de l'empire l'efperance désavantages politiques , ne purent les engager à ceffer de foutsnir ce qu'ils croyoienc faufTement être la caufe de Dieu.

Charles -Q^uint ne pouvant rien gagner fur eux par la douceur , fe détermina a exercer fon pou- voir contre les auteurs & les fauteurs de l'héré- fie. Le 19 Novembre 1530 il donna un édit quj dcfendoit toute innovation en maticre de rejigion, & qui ordonnoit de profcrire tous les change- mens qui avoient été faits dans la dodrine , dans Us ufages & dans les cérémonies de l'Eglife , jufqu'a ce que le Concile général , qu'on deman- doit avec inAance , en eût ordonné autrement. Tous les ordres de l'Empire etoient en mcme tems requis a concourir, de leurs biens & de leur pcrfonne , à l'exécution de ce décret. Ceux qui refufcroient d'obetr , étoient déclarés incapjbleî d'exercer les fonctions de Ju_3es,ou de paroit/i Jom. II. L

442 E L E M E N s

comme parties a la chambre impcriale qui ctoijt la cour fuuvcrâine de l'Empire.

l.'i:,ue Je Smalcj'.Jt.

LcsPriaces Luthériens voyant que le deiTeia de l'Empereur ctoit de dctiuirc le Luthcranif- me , s'afiembitirent a Smalcalde , pour fe mettre à couvert de l'orage qui alloit fondre fur leur fcâe^ Ils y dreflfcrem en 1531 le projet d'une alliance défcnfive , deAincc a le prévenir. Pour juflifier cette confédcration, connue foii* le nom de Ligue de Smalcalde , ils envoyèrent en France âc en Angleterre un ManifcAe ,djas lequel ils^ tàchoient de prouver qu'ils ne s'ctoicnt unis que pour main- tenir la pureté de la Foi évangclique.

Luthtr , qui iutqu'alors avoit cru qae la Réfor- me ne devoLC s'ctablir que par la perfualîon , & qu'elle ne devoit fe défendre que par la patience Butorifa par fes écrits la Ligue dt Smalcalde.

*• Il comparait le Pape a un loup enragé, coa> tre lequel tout le monde s'arme au premier fi- ti gnal , fans attendre Tordre du MagiArac : que H Ci renfermé dans une enceinte le MagiArac le M délivre , on ,pcut continuer a pourfuivre cette M b^te fcroce , & atiaqvier impunément ceux qui M auront empêche qu'on oe s'ea dcfîc : ù on eft M tue dans cette attaque , avaat qur d'avoir don- M ne a la licie le coup mortel , il n'y a qu'ua t% feu! fujet de fe repentir , c'ell de ne lui avoir m p«» eafoncc le couteau daas le feia. VoiU com.

DE l'Histoire Ecclésiastique, z^f

w me il faut traiter le Pape : tous ceux qui le '< défendent , doivent auflî être traités comme les

ibidats d'un chef de brigands , fuilent-ils dei n Rois & des Céfars. >•

L'Empereur, qui avoir befoin des Princes Pro» teftaos pour chafl'er Sc/injn de l'Autriche , il avoir fait une invafion , fe vit oblige , mali,ré fes cdi:s, d'accorder la liberté de confcience aux Prin- ces confédérés. Le traité portoit , « qu'il y auroit »» une paix générale entre l'Empereur & tous les »» Etats de l'Empire , tant Eccléfiaftiques que Lai- X ques , jufqu'à la convocation d'un Concile gé- )' néral libre & Chrétien ; que perfonne, pour caufe »< de Religion , ne pourroit faire la guerre a un au- ♦' tre ; qu'il y auroit entre tous une amitié fincére >i & une concorde chrétienne ; que (i dans un an le n Concile ne s'afTembloit pas , les Etats d'Alle- »» magne s'affemblerolcnt pour régler les affaires »» de la Religion, & eue l'Empereur fufpendrcit >> tout les procès intentes pour caufe de Religion >i par fon Fifcal , ou par d'autres , contre l'Elec- M tcur de Saxe & contre fes Alliés , jufqu'a la tc- eue d'un Concile , ou à l'allemblte des Etats.

Mort de Clément VII.

Le Pape , affligé des progrès rapides que la con- defcendance de Charlcs-Q^Lint laifloit faire aux nou- veautés en Allemagne , s'occupa féricuferrent del« convocation d'un Concile gênera!. Mois les Lu- thcrieos re.ufctcQt opir.idtrcment les (or (iiticns

>44 E L E M E K «

qu'il propofa. 11 cherchoit d'autres moyen» rfe le» ramener , lorfqu'il mcurut en in4» 'pr" avoir tenu le faint fu'^c près d'onze .inî, Ure pu'it que timide, trop r.i.vciit diiigce par l'intcrct jObicur- cit, (félon l'Abhc de C.oijî ,) i'efprit &. la verti» que la meure lui avoir drnnis. F.île fut l'arae de prefque toutes les dcnurclics de ce l'omife , & caufa une partie des malheurs qui aiBigércm foo pontifîcar. On avoit eu une plus grande idée de festalcns fous leiègne de Léon X fun coufin, dont il fut le premier mini Are ; mais lorfqu'il fut lur le trône, il prouva qu'il cft plus focile de gouvet- oer fous un autre que de commander foi^mcine.

£n ip6,il s'ctoit 1 gué ave: U France,! An» gleterre & Vcnife contre l'empereur ChtrUt-Quiatt qui envoya le connétable de Bvurhan aHiéger Ro- me. Cette vll!c fut prife d'affaut le 6 Mjii{i7, pillée & faccagée pendant deux mois avec des excès de barbarie , fupéricurs à toutes les horreurs dont s'ctoit fouillé ÀUr'u. CUment ^ t[\x'' s'étoit rC' tiré dans le château St-Ange , y fut aflîcgi , & n'en fortit qu'au bout de fept mois , dcguifc ■urchaod.

Sch'ifme (TyinçUterrt, Un det cvonemens qui chagtincrent le plat Clèmtnt Vit, fut le fchifmc d'Ani;Icterre, que ce Pontife eut la douleur dt voir cotifommc peu de temt avant fa mort. Ce royaume , autrefois fournis a VF.glfe ,lui fat cn'cvc tout»i-coup ver» l'iD I) jji par l'Iiu.DCur ca^>iwic.ife a'ou Kwt , qui

DZ l'IIiSTOTRE EcCLE':IAST1QUE. Î4f s'ctant d'abord fignalé contre Luthir ,3voiz ménié le titre de Dîfenfa.-r dt U Foi. Hi::jri VIII avott ëpoufc Caihcrine A'Arj^o.i , fille du roi Cathol. Fer- dinand , & à'Ij'abclU de Cafll'U , & tante de l'ctrip.' Chariti-Quint. il vcci'.t pendant dix-huit ans en affez bonne intelligence avec cette princeffc , donc il eut trois enMns. Les deux premiers étoient morts i il ne tcftoit qu'une lille. Le Roi , crai- gnant que la couronne d'Ang^cTcrre ne tombât en quenouille , dofiroit avoir un fils capable de lui fuc- cédcr , 3c îa Reine , dcjj avancée en u^e , n'étoit plus e*n iti.1 de ccncevjir.

Cepindant Hoiri ^//i , ir.algri ce dér>r ft m- turcl dans le Roi d'une gra.iiie munarcliie.ti'aii- xoie pas peafc à fe fcpaier de Ton cpouCcfiune £!le de la Reine, qui avoit autant de beajtéquo d'artifice, ne lui avoit inlpiré l'amour le plus vio. knt. Annt de Buulin étoit fon nom. Elle rtlilla aux dcfirs du Roi , qui , rcfolu de l'époufer , cher- cha le moyea d'dnnuller lou mjriije ave: Cuthc Tint i'A.agon. Il s'adrelFa au pape Clément VII , à rinftigation du cardinal de WJfti , chancelier d'Angleterre , qui , du plus vil de tous les états , s'étoit élevé par l'on efprit intriguant jufqu'aux premières dignités & à li premii.te faveur. Htnri reprcfonta au Pontife , que fon union avec Cathc Tint étoit illégitime & inceftueufe. Cette princeffe , en effet , avant que d'cpoufer Hinri Vlll, A\o\t été mariée à fon frère Anhus -, nais , fon fécond nuriagc s'étant fait en vertu d'une difpenfe ài\

Liij

t4^ E L E M E N S

pa^e JuUi II , il a'ctoit g^éres probable qu'un Pape voulu r condamner ce qui avoit ctc permis par ua Pape.

Les circonftances paroilToienc favorables à H*ari fin, CharUi-Quint tenoit alors le Pape prifonnier «Uns le château St-An^c vil avoic beCuin de Henri ^ ti ce prince lui offroit fon crcdic & l'es armes.

>< Le Papenedoutoic (die M. P/u^ucr), ni du be> »« foin qu'il avoic de Henri , ni de la ûncérité du i< fes offres , Se il n'i^^noroic pas les fervices qu'il n lui avoic rendus -, mais il connoifToit les bizar* »« reries fie les emportcmens de Htnri -, il fçavoit )• que la pafllon de ce prince écoit une maladie , que le tems feul pouvoir gucrir : il jugea qu'il M falloit lier cetce grande afïiure , & U traîner ea longueur.

•« Il permit donc au Roi d'cpoufer telle femms M qu'il lui plairoit , mais à condition que l'on ». jugeroit auparavant li fon premier mariage ctoic n valide , ou non. Le Pape nomma , pour exami* n ner U validité du mariage de Htnri avec C*th*^ v> rint , des commiUairet , tels que le Roi les de- » manda : ce furent le carii.ul U\.:û\ ii le car« » dinal Cjrnpigt.

M fj'n/»^;< employa tout a-n^rcs de H<r.': , pour «• rengager à garder C*t*ii'.ne \ fie d'un autrt tt côté, il coojuroit cette princeflTede fe relâcher «« un peu , de prévenir les malheurs qui meni> .. çoiciit I Angleterre , fit pcuc-ètrc toute rEjlife, M â elle votiloit opiatitrcmcat dei'cadre (<m iM*

DE l'îîistoike Ecclésiastique. 447

riage. Maïs il ne put rien obtenir , ni de l'vm, r.i de l'autre, ilcnri , emporté par fa paflion , » demandoit un jugement ; Catherine , prévenue »» de fon bon droit , fouhaitoit la même chofe -, »« & tous deux ctoient pcrluadés qu'on ne pou- voir les coruiamner.

>i On expédia des lettres fous le grand- fceau pour commencer rinftruction du procès, & l'on >. ci:a le Roi & la Rcioe à comparoitre. Dans !e$ r> premicres fcmnutions , la Reine produifit une >i copie d'une difpenfe , un peu plus ample que » celle fur laquelle les légats vouloient juger.

»• Henri VIII s'infcrivit d'abord en feux contre >' cette copie -, & demanda que l'on produisît l'o- n riginal ; mais il étoit en Efpagne , & l'on rc- *i fufa de le confier à l'Ambafladeur d'Angleterre.

V On conterta , & l'on défendit l'authenticité de " cette difpenfe , par des raifons de jurifprudence n & de critique , qui embarraiTcrent les commif- >t faires. Us craignirent de prononcer fur un point n û délicat. Us propoférent au Pape , au lieu devoquer lacaufe, d'envoyer une Décrctale , M conforme à la minute qu'ils lui envoyèrent ; 6c >• ajoutèrent , que pendant qu'on défendroit de >• chercher le Bref, on tàcheroit de perfuader i Il la Reine d'entrer en Religion : que c'etoit le

V meilleur moyen pour terminer doucement ce » procès , & pour fatisfaire un grand Rei,qui, r> depuis plufieurj années , fentoit fa confcience n dcchirée de remords , augmenccs tous les jours

^4^ E L E M E y S

m par les dirpuies des Théologiens & des Cino^ I* niftes. Enfîa, ils difoient tout ce qu'on pou» » voit dire en faveur du Roi. •»

Le Pape craignit que Ton Icgat ne fe laifsàc furprendre ; il lui écrivit, >• que quoiqu'il vott* M lût faire toutes chofes pour le Roi, il ne pou* •» voit, ni trahir fa confcicnce,ni violer ouver- M temcnt les loix de la juilice ; que toutes les n demandes de ce Prince étoicnt û dérzironna- M blés , qu'on ne pouvoir rien lui accorder , que M toute la Chrctientc n'co fut fcandalifce -, que M déjà l'Empereur & le Roi de Hongrie avoieac M fait leurs protellations , & demandoieat que la M caufe fût cvoqucc i que Ion ne pouvoit leur H refufer une chofe ù jufle ; qu'il ne s'ctoit ex> M cufc que fur fa maladie , leur ayant fait-eoten- »> dre , à i'un & à l'auue , que fa fanté ne lui H permettait point d'examiner leur requête, & y de rien figoer ; que néanmoins il ne diffcroit H qu'afin de ne point aigrir l'cfprit de Hitiri ; m qu il fallait prolonger cette affaire le plus qui* M feroit poOible. •«

Telles ctoient Ici dirpeûtions de Cttmtnt VU à l'cgard de l'affaire du divorce de Htnri Vlll , qu'il évoqua à lui : Htnri ne jugea pas à propo* d'obcir a ta citation -, & le Pape , loin de prelTe cette affaire , fit-naitre des incidcns qui co rctac» éoieot la dcciiîoa.

'^

»i l'Histoire Ecclésiastique. 14*

Cléir.ent VII rifufe de dljfoudre le mar'ia<'e de Henri VIII. Sentence de dlvcrce pronon- cée par Cran mer ; Couronnement <f Anne d^ Boulen.

Henri FIJI amoureux , ardent .impatient ,fe laf- foit d'attendre. Thomas Cranmir , thcologicn de Cambridge, lui confeilla , puifque le Pape ne vou- loir pas décider la queftion , de prendre l'avis des Théologiens les plus habiles & des plus'célèbres univerlîtés de l'Europe. Ce fçavant parcourut la France, l'Italie , l'Allemagne , pour recueillir des fuffrages favorables a fon maître. Dès qu'il eQ eut raffemblé un certain nombre , il revint en Angleterre , il fut nommé à l'archevêché CaniorLeri.

Dès que Cranmer eut été clevé fur ce fiégc , il travailla à la grande aBoire du divorce. La chofe preffoit : >4/;n< de Buuhn etoit enceinte de quatre mois , & il n'ctoit plus pcfûble de cacher Ton ma- riage avec Henri. L'Archevêque, qui n'ignoroit pas ce fecret , fe fignala en cette cccafîon. Il écrivit une lettre féricui'e au Roi fur fon rr.ariage incef- tueux avec Catherine , âc lui dcclaroit qu'en qua^ lité de Payeur il ne pouvoir plus fouffrir un fi grand fcandale. Il cita le Roi & la Reine pour* comparoitre devant lui à Dunftal le vingtième de Mai ( 1533 ). Cranmcr au jour marqué y alla avec les Evcques de Londres ,de Winchefter, de Batli &L de Lincoln , & plufieurs Théologiens & Can^-

dÇd E L E M E y $

nilles. Le Roi compjruc par procureur ;maîs U Reine ne comparut point. Elle tut déclarée con- tumace après trois citations. EnTuite on rapporta toutes les pièces de ce grand procès ; & aprè» pluficars féanccs C Jifiir caiTa le mariage de Htnri & de Catherint , fic le déclara nul dès le commen- cement , comme contraire à la Loi de Dieu. Il n'oublia pas dans fa fencence de prendre la qua- lité de Icgat dj raint-lîége , feloa la coutume des Archevêques de Cantorbery. Ainfi cet Archevè» que , qui dans Ton coeur ne reconnoiil'oit oi It Pape, ni le faint-lîége , vouloit pour l'amour du Roi prendre la qualité la plus propre à autorifer fa palTion. Cinq jours après , il approuva le ma- riage fecret 6" Henri avec Anne de BouUn.

Le furlendemain elle alla au palais de U'ittehal TÔtue en Reine , Se dans un appareil fi pom- peux, que l'on n'avoir encore rien vu de ferabla- blc. Le premier de Juinj-fiif 'de Boultn marcha à pied fur des draps fort-riches , dont oo avoir couvert les rues jufqu'à l'Eglife , elle fur cou* ronnée avec une mignificencc extraordinaire. Après Ja ccrcmonie il y eut un repas Aiperbe , & Afinc y fut fervie en Reine. Quelques mois après , elle accoucha d'une fille qui fut nommée Eli/^htth,

Des que la fentence du divorce eut i\é pu- bliée, Htnri en fil- informer Catherint, qui re- fuCa de s'y foumettie. Le Roi lui envoya dire: Çj'il ne t\ul-it pas quttlt prit davantafi It nom i* Miitu , 6r fu'ii Jiiluriuroit/j flU Marie , l 'il m 'ùoit

DE l'Histoire Ecclésiastique, iç^

fttijfaii. Mais rien ne fut capable de la faire- chan- ger, fit elle foutint jufqu'à la mort la validité de fon mariage. Le Roi, qui ne menaçoit jamais en vain , étoufFant tous les fentimens de père , mal- traita fort la princefTe Marie , lui défendit de vole inere , Se la déclara incapable de fuccéder.

Henri VHI excommunié ; il fe fépare de r£gHfe Romaine.

€harUs-Qjiint , irrité ae l'outrage fait à fa tante j. follicita fi puilTamment le Pape de prononcer la fentcnce d'excommunication comte Henri F///, que Climint y II , malgré les puifTantes follicitations de Frar:ço!s /, excom(|iun:a folemnellement le Roi d'Angleterre. Ce prince ne gardant plus demefures avec la cour de Rome , fe fit-donner le titre de Chefjhpréme de CEgUfe Ârt^Ucane. LeParlement drefîa un Formulaire pour le ferment d'obéiffance qu'on devoit prêter au Roi pour cette nouvelle dignité, L'Angleterre fut dès-lors fchifmatique. Ainfi ( dit Bcjfuct , ) »' la pafTion d'un Roi emporté la fépara du » faint -fiége.d'cù la Foi y ttoit venue i & la » fentence du Pape, jufte dans 1j fond, mais pré- cipiiée dans la procédure , fut la caufe d'un ii ). grapd malheur. » Henri foutint fa révolte con- tre Rome d'une manière tyrannique. Le faint cvti- que de Rochefler , Jean Fifchcr , à qui le pape Paul m avoit envoyé le chapeau de cardinal dans fa prifon,& l'illuftre chancelier Thomas Af^rui , per- mirent la tète, parce qu'ils refufcrenc de donner

'aç* Ë L 2 hi 1 N fi

a Henri le titre qu'il avoir ufarpt. « La puifTance rpirituelie qu'il s'ctoit fait -attribue^ ( dit M. l'Abbé Miliot , ) »• il l'excrçoii en ihcolo- n gien , armé du glaive pour établir fes opinions. H II fcvilToit avec fureur contre quiconque ofoit »» penfer autrement que lui , & lui-même vatioic H dans fa façon -de-penfer. Les articles de Foi r> dépendoient d'un inftant de caprice. Ennemi M fougueux de l'Eglife & de fon chef , il etoit t% aufli fougueux zélateur des dogmes établis par M l'autoritc de cette Eglife. •<

La reine Cjtherinc d'Aragon étant motte en in^> accablée de douleur , fa rival: fut bien» tôt chaiTce du trône d'où elle l'avoit précipitée. Elle excita la jaloufie de Htnn F///, qui la foup- çonnant d'entretenir des intrigues amoureufes avec quelques fcigneurs de la cour, la fit -mou- rir fur un echaiTaud. Des le lendemain du fupplice de l'imprudente Anne de Bou/ta , il époufa une £lle qu'il aimoit depuis quelque tems , appellée Jeanne Seimour.

La loi par laquelle l'autorité du Pape étoit abro> gce en Angleterre , trouva des oppoûtcurs , fur- tout chez les Religieux. Henri (e vengea d'eux •n s'emparant de tous les biens des ahi)jyes , & en. dctruifant prcfquc tous les monaiUref. Ce» pendant . pour paroitre touio^rt atuché i b Foi' de fes ancêtres , il continua de faite - brûler les Hercdqu.M -, àL povu qu'il ne fe f>t aucun ctun» gemeac daas la dogmes &. dans les ccrcmume^

br l'Histoire Ecclésiastique. 2"^f

(de 11 Religion , il aùembla en 153^ fon Clergé 6C fon Parlement , qui dreffcrcnt de concert une Fro- fefTion de foi entièrement oppof;e aux erreurs des novateurs..

Cette Profefllon de foi étoit compofée de fix ar dcles , ain(i énoncés :

1". «• Qu'après la confécration du pain & du » yin , il ne reftoit dans ce Sacrement aucune f.ib- » fiance de ce pain & de ce vin ; mais que le " Corps 8c le Sang naturel de J. C. y étoient fous » ces enveloppes.

2*. « Que l'Ecriture n'étab'iffoit pas la nécefljté H abfolue de communier fous les deux efpèces » Se qu'on pouvoit être fauve fans cela , puifque w le Corps &*le Sang J. C. exiftoient enfem- ♦» ble dans chacune des efpèces.

3". » Que la Loi de Dieu ne permettoit point »» qu'on fe mariât après avoir reçu l'ordre de la •» Prêtrife.

4'. Que fuivant cette même Loi il falloit gar- M der le vœu de chafteté , quand on l'avoitfait.

5'. " Que l'on devait continuer l'ufage des Mef— n fesparticuliéres, lequel avoit fon fondement dan^ » l'Ecriture & étoit d'un grand fecours.

6'. » Que la ConfeîTion auriculaire étoit utile & X même néceffaire , & qu'on devoii en conferver U » pratique dans l'Eglifci »

« Mais , ( dit Bujfuet , ) que peuvent fur les con- fcienccs des décrets de Religion , qui tirent tout» leur force de l'ajtoritc royale , a qui Dieu n'a rirri commis de fembUble , Se qui a'ont rien que de po-.

2Ç4 E L E M î K S

litique ? Encore que Henri VIII les foutînt pa^ des fupplices innombrables, & qu'il fit - mourir cruellement non - feulement les Catholiques , qu* dcteAoient la fupreatatie , mais même tes Luihé- riens & les Zuingliens , qui attaquoieni aulïï les articles de fa Foi : toutes fortes d'erreurs fe gfif* fcrent iol'cnliblcment dans l'Angleterre , & les peu- ples ne fçurent plus à quoi s'en tenir , quand ils ▼irent qu'on avoir roéprifé la chaire de St Pierre. •* Les articles publics par l'autoiitc du Roi & du Parlement , furent appelles le Jlatut de f.ing , à caufe des peines graves dont dévoient être punis ceux qui les combattrolent , foit dans leurs dif- cours , foit dans leurs écrits. C'cto'it la prifon pour la première fois , & la mort pour la féconde.

Dans cette même ordonnance le Parlement aa« nulloit le mariage des Prcircs, Se condamnoit au dernier fupplice les EccUCaûiques qui continue- roient de vivre avec leurs femmes. Ce fut alors que Oanmer , archevêque de Cantorberi , fe£la- teur fecret de Luther , taillit à perdre la vie, &; il n'échappa à la mort, qu'en difaot au Roi qui hii reprochoit fou mariage , que , •• depuis qu il avoit fjit-dcfcndre aux Prêtres de fe marier, >• il avoit rcnvoyc fa femme en Allcniagot. »

Arj-r de Henri VIII.

lei changeaien* opcrés par Hemi , produiiîreat ifiieHiuefl révoltes dins ici provinces de Liocolo tL dYotck > oui» il eut le bonheur de Ici dilTipcr.

DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE. i^Ç Rien ne lui refiftoit : le Parlement n'ofoit s'oppo- fer à fes volontés : aucun de fes Miniftres n'avoit la fermeté de le contredire. AinG c'étoit lui feul qui régioit tout , félon fon caprice -, fon Confeil ne Éiifant autre chofe qu'approuver ce qu'il propofoit. 11 y avoit cependant dans le Confeil , comme dans tout le Royaume, deux partis contraires par rapport à la Religion j mais chacun avoit toujours les yeux fur le Roi , pour connoitre fon inclina- tion f de peur de s'expofer à la combattre. Les Partifans des nouvelles opinions efpiroient tou- jours que le Roi poufferot beaucoup plus loin la réforme qu'il avoit commencée: dans cette penfée^ ils croy oient qu'il y avoit de la prudence à ne !e pas irriter. Par une raifon femblable , les Catholi- ques n'ofoient s'oppofer diretVement au Roi , de peur que leur réfiftance ne le portât à palTer les bornes qu'il fembloit s'être prefcrites : de -là réful- toit une coraplaifance aveugle & générale pour toutes fes volontés. Tout fon royaume s'etoit fou» mis à Tautorité fpirituelle qu'il s'étoit arrogée , lorfqu'il mourut en 1 547, confumé par les remords & les chagrins.

Henri s'étoit marié fiz fois. Nous avons parlé de Catherine d'Aragon , dont il eut la princeffe Marie; d'Anne de Boulen , mère d'Elifateth ; de Jeanne Seymûur , qui donna le jour à Edouard , prince de Galles. Il époufa encore Anne de Clèvcs , répu- diée prcfqu'auffitôt après fon mariage -, Cithcrina Uuwari , décapitée auÛî: pour crime d'aduUcrc -,

'l^6 E L E M E N s

enfin Catherine Pjrr , qui lui furvccuf. Quelque» jours avant de mourir , il fit des legs pieux ; iafaf- fifante rcAituiion des grands biens qu'il avoit ea» vahis , & foible expiation de fa crodutc & de foa incontinence. 11 fit dccipitcr deux de Ces femmes , un cardinal , foixante-dx -fept cvêques, abbcsou prieurs ; douze ducs , comtes ou marquis-, dix-huit barons ou chevaliers ; & pendre, rompre ou noyer une multitude de gens du commun , viûimes in- tortunces de fon bizarre & fanguinaire derpo- ùimt.

Mon de Luther.

Luthir étoit mort un an avant Henri VIJI ^ en 1^46, d'une violente infijmmaiion d'entrailles, à foixante-trois ans. Cet hon me trop fameux eut certaiiiemeni du fçavoir , de l'efprit , de l'éloquen- ce dans fa langue naturelle-, car, fans ces talens , il eA rare qu'on fiiTe des rcvolutions en maticce de religion. Mais il joignit à quelques qualités tant de défauts , il affcâa une infolence fi brutale coa» ne fes ennemis, il mit ù peu de décence dans conduiie fie dans fes propos, que , s'il n'eût trou- blé le monde chrétien , fon nom fcioit ignore oa avili.

Les Hifloricn» protcHans eux-fr.cmes, en le van- tant comme le jLmUau de fEglije A( le itfiaufuurit U l.httii^ la iromipttu fuisrtii évtni lu ptuflu , le iL-nnott <iu: !ti arct ti'és dt /j .a^j'gie, n'ont pu t'er.tpcciter d avouer liniportcment de fonc«ti»àc»-

bi L*îîiSTOiRE Ecclésiastique. 1^7

re. " Sa confiance en fes opinions , (dit Robertjon,) n tenoit de l'arrogance, fon courage a les avan- cer , de la témérité i fa fermeté a ne s'en jamais w départir , de l'obftination i Se fon îèle pour con- »» fondre fes adverfaires, d'une fureur qui s'exha- »» loit en injures groflîéres. Accoutumé à tout fub- X ordonner à la vérité , il exigeoit des autres hom« mes le mcme refpeil pour elle ; & fans aucune » indulgence pour leu.s foibleiTes ou leurs préja» H gés,U invedltvoit avec mépris contre tous ceux qui ne penfoienr pas comme lui. Lorfque fa M doctrine écoit attaquée , il tomboit furtousfes >♦ adverfaires avec une égale fureur , n'ayant au- »» cun égard à la diftintiion du rang ou du mé- »• rite. Ni la dignité royale de Htnri VIII , ni les M talens & l'érudition à'E'aj'mt, ne purent les ga- »» rantir des mêmes injures dont il accabloit Tetitl »» ou Eck'us... Vers la fin de fa vîe, fes infirmités M altérèrent fon tempérament & le rendirent plus chagrin , plus colère , plus impatient dans la v> contradiâion. »

Contemplant avec orgiieil les triftes & grandes révolutions qu'il avoit opérées en Europe, fa va- nité , aînfi que fa violence , l'accompagnèrent juf- qu'au tombeau. Il fit un teAament , il difoit : Notas fum in catlo , in terra & in inferno , & auclcri" tatim ad hoc fifflc'.tntern habeo ut mihi'futi crcdatur, 11 fe peignoir comme un homme , auquel Dieu Ife Père avoit confié l'Evangile de fon Fils , & il û- gnoit , Z?, Martinus Luth£r , notarias Dei,

258 1 _ . . _ .^ s

Ses pariiuns le regardant comme le trti\i/ife ^futtt , le iraitcrciic apics Ta mort en grand-hom- me. LXIeâeiir de iaxc f»t-trjnfporter fon corps a MCiucmbcrg, ou il lui fît-clcver un tombeau de marbre-blanc , environné des Aatucs des douze Apôtres , comme s'il eût ctc leur égal. Cet Apôtre laifla plufteurs eofans de (a femme Cathtria* de Byre^ qu'il avoit lirce du cloître pour l'cpoufcr. Vers la fin du dcinier liccle , il y avoit encore ca Saxe quelques-uns de fes dcfcendacs, qui oc- cupoieiu des places diAi.'iguées. Le mariage du chef du Lutheranifme avoit été délapprouvé par les Catholiques , comme un inceAe & une profana» tion : 8c par les Luthériens , comme une démarche indécente i parce que cet hymen iingulier avoit été célébré en 1^3.6, dans un tems fa patrie étoic affligée ou menacée de beaucoup de calamités. Mais Luther qui avoit déclaré dans un de fes fermons , qu'il lui ctoit auOî impotTible dt *ïyrt fmm ftmmt ^ue et \hrt f<int manger , brava dans les bras de foa cpoufe & les confcils de (es amis , & les ccofurcA de fes ennemis.

Rcjlexions gcnéra'fs fur U Réforme itAhUe par Luther.

Nous nous arrêterons un moment au bord du (ombeau du patriarche du I.uthéranifme , pour faire, avec M. l'Abbé Plu^uti , quelques rcflexiont fur la rtiforme qu il voulut introduire.» Lorfque n Luthtr attaqua le» Indulgeocci » il (Ctoit ^UfTd

DE l'Histoire Ecclésiastique. 159

•' de grands abus dans l'Eglife ; il étoit néceflaire de les reformer: c'eft une vériré reconnue par n les Catholiques les plus zélés. Mais l'ËglifeCa- »i tholique n'enfeignoit point d'erreurs , & fa mo- 11 raie étoit pure. On a défié cent fois les Pro- " teftans de citer un dogme ou un point de dir« )• cipline contraire aux vérités enfeignées dans r> les premiers iîécles , ou oppofé à la pureté de M la morale Evangélique.

» On pouvoit donc fe garantir des abus , 8c dif* n tinguer la morale de l'Evarigile, de la corrup- » tien du fiécle , laquelle , il faut l'avouer , avoit M étrangement inféré tous les ordres de l'Eglife, M qui cependant ne fut jamais deilituée d'exem- V pies édatans de vertus & de fainteté.

'1 Une infinité de perfonnes , plus fçavantes qu*

Luther , & d'une piété ém'nente , fouhaitoienc » la réforme des abus , & la demandoient. Mais M elles croyoienr que c 'étoit a l'EgUfc même à pro- »» curer cette réforme , 8t que la corruption même •• du plus grand nombre des membres de l'Eglire »« n'autorifoit aucun particulier à faire cette ré- »< forme.

»• Il n'y avoit donc aucune raifon de fe fcpa- «• rer de l'Egliie, lorfque Luther s'en fcpara. La n réforme que Luther établit , confiftoit a détruire " toute la Hiérarchie eccl-fjalt'que , à ouvrir les M cloîtres , Se à licencier les Moines ; il enfcigna M des dogmes , qui , de l'aveu de fes fetlatcurs mc- fies , dctruifoicat les principes de la morale , &

a6o E L Z M E N s

M Tapoienc tous les fondeirens de la Religion na-> r> turelle 6c rcvélce: tels font Tes fentimens fur U r librrcé de rti^mme, & fur la Prcdc(\inaiion.

rt Le <{roit qu'il donnoic à chaque Cliuccicn d'in* T> terprcter l'Ecriture, & déjuger ïL^liCc, fut, fi finon la caufe , au moins l'occarion de cccte foui* » de Scdes fanatiques & infenfoes qui dcfoléreni I* l'Allemagne, & qui renouvellcrent les principes de W.c'ej, Cl contraires à la Religion & a la tran» M quiUii« des £tat>. ( ^lyti l'article des Anabap* TISTES dans la fuite de cct.-e Hilloire. )

!• Luther entreprit cette reforme fans autorité, t* far.s miffion , foie otdinairc , fuit extraordinaire, n U n'avoit pas plus de droit que les AnabaptiAet X qu'il réfutoit , en leur demandant d'où ils avoient n reçu leur miflîon } Il n'avoit mis dans fa ré« »» forme , ni la charité , ni la douceur , ni m2mt w la fermeté, qui carafbcrifent un homme envoyé r> de Dieu pour reformer l'Eglife. Son emporte- H ment , fa dureté , fa préfomption , révoltoient M tous fes difcip'es. Il avoit viole fes va:ux , & r> il s'cioit marié fcandalcufemcnt. Il avoic autorifé it la polygamie dans le Landgrave de HctTe. Se* m Ecrits n'ont ni dignité , ni dccence ; ils ne ref- it pirent ni la charité, oi l'amour delà venu; il r s'abandonne avec compUif^ncc aux plus indé> m ccntei ratlleriei.

w Ce ne font point i<.i des dcclamations. Ceux qui ont lu les Ouvrages de Luthir 8c l'Hiftoir« r> de il rctorme , tnémc dans lc> VrotefUoi ^ «a

t>E L'HiSTOIÏIE EcCLE>rASTTQ';E. iCt M m'en dcdiror.t pas-, &. j'en attefte les Prot.-i.dns »» modérés, les Lettres é^ Luther , fes \ernions, les H Ouvrages, Mé/anlh n & Era/me.

Il s'eft élevé p.irini les Luthériens beaucoup de difputes du tems de Lut/ter ; & aprjs fi n;ort , ies Théologiens Lutlicriens dreiTérent plufieurs »» Formules pour tâcher de fe réunir , mdis inuti- lement. Indépendamment de ces divifions , il ». s'éleva des chefs de Sedtes , qui ajjutérent ou »» retranchèrent ai'X principes de Luther , ou qui M les modifièrent ; tels furent les Crypto-Ca.'vm'/Ics , »» les Synerg'/lcs , les Flavianlfla , les Vfandrifus, M les Indlfférens , les Stancarijl.s , les Majonfles , »t les AntinomJens y les Syncrà'ifies , les Millénaires , »» les Ori^énllles , des Fanatiques ik des Piétijles , » &c. 8cc. &c.

De /'Intérim 6- de fes fuites.

Malgré la divifion qui fe mit parmi las difci- ples de Luther , ce pitriarche mourut avec la mal» heureufe gloire d'avoir fait-adoptcr fes erreurs à un2 partie de l'Allemagne. CharUi'Qjiim ,c[\n avoit d abord fcvi contre les Proreftans , fut conrrjint de chercher un moyen de concilier les efprits que la févérité auroit irrités. Il s'iniagina qu'il paci- fieroit les différends excites au fujet de la reli- gion, s'il faifoit-drcffer un nouveau Formulaire, qui contint tout ce qu'il falloir abfolument croire & obferver fur les points conteAcs entre les Ca- fholiques & les Protcllaos. La rcdatflioo de cetic

26x E L E M E N s

formule fut confiée a deux thcologiens de l'EjIife Romaine , JuUt Pfiug 8t Mùhel He/ding , & à un théologien Luthérien , Jtjn Agric^lû , parce qu'ils paiToient pour joindre à des connoilTances cteo- dues . la modcratioa & la prudence necr^'aires pour un tel ouvrage.

Des que le Formulaire fut achevé , on en fit la leôure dans hdiette d'Ausbourg en 1(48. L'Em- pereur l'envoya enfuite au P-pe, qui lefit-cxa» miner. Ce Formulaire, à la rcfîrve de quelques ex- preffions équivoques , étoit conforme à la doârine de TF^life Catholique. On y confirmoit tous les dogmes de la vraie Fglife par des paiTages tirés de l'Ecriture -, & on y ordonnoit l'obtervation de tous les nts que les Protell.ins avoient profcrits. Cependant on fe relàchoitcn leur faveur fur deux points: la communion fous les deux efpcces , fie le mariage des Ecclcfiaftiques. Qi:o!(]u'on déclarât que ces concelfiuns , faites à la foiblefTe de ceriaitis Prêtres & aux préjugés des peuples , n'ctoient que pour un tcms, le Pape les dcfapprouva. Charlti- Quint ne lailTa pas de publier un cdit , par lequel il otdonnoit , que tous les Luthériens de l'Empire qui ne voudroient plus fc rcunir entièrement à l'Eglife Catholique , eufTent à obferver les régie» mens du Formulaire , en attendant la dccifion du Concile-gcncrii.

PluCeurs Thcologiens Catholiques , regardant cet cdit comme tm outrage fait à l'autorité ccckflaHi- c|ue , le comparcicnt a VJItnoùtoH de l'cjnpercur

DE l'Histoire Ecclésiastique. i(?j

Zenon , & à l'EHScj'e à'Heruclius. Les Luthirieas ïèlés ne rejettcrenc pas V Intérim avec moins d'In- digoacion que les Catholiaiies. Envain l'Empereur voulut les con:r3ir.dre à s'y conformer i ils témoi, gnérent ouvertement , qu';is ne voulolent pas flé- chir fous ce nouveau règlement. Ceux qui rejet- tîtent'VInttrlm, tarent appelles Luthériens rigides; ceux qui l'acceptèrent , furent nommés Intirîmlfles ou Aiijphoriftcs , parce qu'ils penfoient qu'il falloic s'jccommoder au tems.

Suite de t Hifio'ire du L'uthéran'.f:r.e ^jufquà la mort de Charles-Quint.

Mais les uns & les antres , toujours animés contre les Catholiques , cherchoicnt à obtenir fur eux la fupirioritj a Inquelle ils pràcndoient de- puis Cl lon§-tems. Maurice, électeur de Saxe, en- tra dans leurs delTeins. Ayant fait fecrettement une alliance avec Henri II , roi de France , & avec quelques Princes d'Allemagne , il leva des trou- pes ,• & ayant attaqué à l'improvifte l'Empereur , en Ij;!, il l'obligea de s'enfuir précipitamment avec fon frère Ferdinand roi de Hongrie , dans le Tirol, il fut fur le point de les accabler. Charlet-Q^uint épouvitité , remit en liberté les Prin- ces Protellans, & traita plus favorablement ceux de cette communion. On leur promit une sûreté entière , & un libre exercice de leur Religion en Allemagne. Cet avantage , qui étoit une des con- ditions de la paix de Paffaw en 1552 , leur fut

a64 E L E M E N s

folticr.ellement conlim.k y^i la diecte d'Aosbourg en IÎ5Î.

Dans cette éfrcn-.blée cilèbre , en diefla un Recès.qui devint la b^fe de la paix religieufe en j|lleni;^ne. Les piincip-ux articles ce cet aûe, fureni :••!'. Que les Princes & !e$ villes qui $*é- toient déclares pour le Luthéranifine , fetoient li- bres d'en ptofcfler la dcdni e & dcn exercer le culte , fans être inr,aicics ci par l'Empereur , ni par le Roi des Romains, ni par les I'iiikcs, ai par les Trclats.

.• a*. Que les Proieflans de leur côté , ne trou» blcroienc ni les Princes, ni les Ltats qui admet* troicni ks dogmes iS. Us ccicir.oiiiLS de IXglii'e Ca- tholique.

M 5*. Qu'à l'avenir on ne tenteroit jarriis de terminer les difputes de Religion , que [rtr les voies pacifiques & petfuafivcs des conférences.

M 4", Que le Cierge Catholique ne pourroit ré- clamer aucun droit de Jurifdi^.ion {p)Tf"" '•: ''^r\% les états de la confrnîon d'Au'bourg.

H 5*. Que ceux qui (e trouvotcnt en pciVtii.on df I bénéfices ou des revenus de l'E^life , le* g ir^ic- roient , fans pouvoir (tre pourfuivia fur cet arii> de pir la ( -triale.

.. 6'. Qi»'" ', -■ , -e civile auroit le droit d*é-

ublir dans chaque Etat , la dv^rine d. le culte q^i'clie ju^eroit convenîble ; & que ceux des Tu» jets qui refureroient de s'y tunlurmer , auraient

U

DE l*Histoire' Ecclésiastique, i^f

la liberté avec tous leurs effets, par-tout il leur plairoit.

" ?'• Qu* fi quelque Prélat ou Ecdéfiaftique , venoit à quitter dans la fuite la Religion Catholi- que, il renonceroit à ("on diocèfe ou àj fon béné- fice , qui feroit dès-lors réputé vacant , comme par la tranilation ou la mort du bénéficier, ôc que le coUateur auroit droit d'y nommer un fucceffeur attaché à l'ancienne doflrine. »»

Tels furent les principaux réglemens de ce fa- meux Recès , qui fît- perdre bien des avantages à l'Eglife Catholique -, mais CharUs-Ouint , en accor- dant aux Luthériens plus qu'il n'auroit d'abord voulu , ccdoit à la néceûîté d'établir la concorde entre tant d'États, que les nouvelles erreurs avoient divifes. Ce prince .d'ailleurs, ne foupiroit qu'après le repos.

Laile des agitations de ce monde , & pénétré du néant des grandeurs , il alla mourir en Ei'pa- gne, dans un Mondftére , après avoir dépofé le fceptre impérial & la couronne efpagnole.

Les nouvelles Erreurs s'iiurodu'ifcnt en France,

Les nouv-autés , qui avoient caufé tart d'in- quiétude à CharUt'Quint , & qui inondèrent de fang l'AlIemigne, s'ctoient glifTées en France à la fa- veur du goût que quelques gens-de-lettres avoient pour les livres des Hérétiques. L'enthoufiaîïne Se le fjnatifme s'y montrèrent en même-tems que l'erreur. De faux zèles de la fed^e Luthérienne > Tom. II, M

i.C6 E L E M E K s

affichèrent à Paris des placjrds facrilcges contre la croyance de l'Euchariftie , & fur-tuut contre le Sacrifice de la MeCe. Après les avoir attachés aux principaux tilifces de prefque toutes les ri»e$ , ils eurent la hardieCTe de les répandre dans b pro- pre chambre du Roi.

DeJ3 on avoir teiué , auprès de ce prince , di- vers moyens de le rendre favorable à la nouvelle dowh-ine. Q i.ind le Roi d'Angleterre rompit avec le faint-ficgc , pour rendre fa vengeance plus il- lul^re, il s'cfTurça d'entraîner Frarçols avec lut dans le fchifmc. u La nouvcautc, ( dit Eojfutt,) m avoit gagne quelques princeircs de ia maifon M royale. Le Roi recevoit tous les jours de nou- r> velles attaques fur ce point , par des moyens M délicats & impercep:ibles. Margu<rite , fa foeur M bienaimce, connoiffjnt fon inclmition pour les M gens-de-lettrc$ , s'en fcrvitpour l'oblijjcr a faire» M venir Milanchton , l'un des plus fçavans hommes M & des plus polis de fon rems , mais aufli l'ua n des chefs des Luthériens.

>• Le cardinal de Tournoi rompit ce coup. Oo M dit qu'il entra dans ta chambre du Roi , avec H un livre foui fon bras. Lf Roi .qui aimoit les H livres , ne manqua pas de lui demander ce que M c'w'toit^ Ac le cardinal repondit , que c'croit ua m ancien Lvèque del'Rglife Gallicane. Le Roi l'ou» M vrit auiVi-iôt, ti trouva les Outragtt de S. Itt- m HÛ, évoque de Lyoa'i Martyr , qui vivoit dans le W ûicle rË^Ufc. Il lui demanda auSi-tôt dt

CE lTÏISTOIHE ECCLESTASnQut. i6y f% quel avis il étolt fur les nou\elles rfoftrincs * M & le cardinal , qui avoit prcvu cet tffet de fa »» curiofité , lui lut des paffages importans fur le ♦» point de l'Euchariftic, fur l'autorité de la Tradi- » tien , & fur la prcémînence de l'Egllfe Rcrnaine, tenu,' des les pren-.iers tems pour le centre de M la corrmui.ior. ecciciîaftique. 11 s'étendit à taire- « voir , que Luther &. fes feftateurs avoient ren- ^1 verf.- , avec les anciennes maximes de l'Eglife, »» les fondemens du Chriftianifme ; & fit tant d'im- u preûlon dans l'efprit du Roi , que depuis il n'é- w coûta jamais les nouveautés fans horreur. «

Il lit-idire , le 19 Janvier J 535 , l'ne proce/Hon folemnelle il aflîfta avec picrc. II y eut un con- cours incroyable de peuples. Le Roi laifit cette cc- caûon pour repi éfentcr les malheurs que j'héréfie avoit toujours caufés dans les Etats. Il fit - voir que .depuis que Lutherie Ztjing/e s'éiCKfit révoltés contre l'Eglife, i! s'étoit répandu parmi les peu- ples des opinions fédicieufes , qui avoient armé les fujetsles uns contre les aurres & contre leurs Prin- ces , & avoient fappé les fomiemens de la tranquil- lité pabli.[ue.

Ce n'ctoit pas ainfi , ajouta-t-il , que la' do£lrî- ne évangélique s'étoit établie. Elle n'excita dans l'Empire Romain ni trouble, ni révolte, ni fcdi- tion. Elle au;jmenta au contraire la concorde par- mi les citoyens & l'obéiffance envers les Prin- ces qui n'avoient point de meilleurs fujets que les premiers Chrétiens : au lieu que ces doc- teurs nouTeaux qui fc dilent Rcj'ormuuurt , lulci-

■268 E L E M E V s

tent tou^ les jours mille fanatiques capables de tout entreprendre fous prétexte de pi.-té. D'où il concluoit , que ces riouveautcs n'eioient pas moins pernicleufes à 1 Etat qu'à la Religion. II exhorta enfuite fes fujets à perfcvérer aufîi conftaminent dans la foi de leurs ancêtres. Il leur dit , qu'il étoit rifola à fuivre cette môme foi à l'exemple desjRois Tes prédéceflTeurs, parmi lefquels , depuis Clovlt , il n'y en avoit pas un feu] qui fe fut fcparé de l'Eglife.

M A ce pieux & cloquent difcours , (dit Bojfjtt^ ) •1 il joignit de rigoureux cdits , par lefquels il «• condamnoit au feu les Hérétiques. Ces cdits n furent exécutes durant long-tems, avec une fé- »» vérité exceflire : mais l'expérience les lui fit- II tempérer , & lui apptit qu'il ne falloit pas don- »i ner a des entêtés une occaûon de contre-filrc les f> Martyrs. •«

L'erreur ne périt point avec ceux qu'on fît-mou- rir dans les bûchers. L'orgueil & la curiofî;e de l'efprit humain ; l'averûon pour des abus grands i la vérité , mais qu'on exagère prcfque toujours ; un fanitifmc de reforme , plus d.:rpercux que les abus mêmes i l'opiniatretc & l'auddcc naturelles a des enthoudaftes dont on punit les égaremciu pir des fuppliccs , tout fcrvoit a perpétuer les at- teintes portées é la Foi de no» pcrcs.

H'ijh'irt àt Calvin.

Ce fut alors que le fameux Jté* C*twîn , coirio Bvea(a de dogmatifcr. Il ctoic ne à Noyon daos

DE l'Histotre Ecclésiastique. z6f

le Vermandols , en 1509. Son perc , procureur- fifcal de l'Evcque de cette ville, lui obtinr quel- ques bénéfices , dont il fe défit pour aller cher- cher des difciples. Mc'clùor îf'oimar , Luthùien » qu'il avolt connu lorfqu'il étudioit le droit à Bourges , lui infpira du goût pour les nouvelles erreurs. Plein du deilr de fe former une Eglife en France , il les adopta , & y en ajouta de nou- vel'.es.

C^lyin avolt tout ce qu'il faut pour rcufTir au- près des fimples, & même auprès des grands. «Ja- mais homme , ( dit Bojfact , ) ne couvrit) mieux un orgueil indomptable fous une modération »» apparente, II ne fe foucioit point des biens de " ce monde , & la feule ambition qui le poffédoir, étoit d'exceller par les talens de refprit, & de M dominer fur les autres hommes par le fçavoir & par l'éloquence. »

Cet homme dangereux jetta les premiers fondc- mcns de fa fede à Poitiers. Ceft-là qu'il fe mit à cjtcchifer & à faire-faire la Cène dans des caves , après s'être fauve adroitement du collège du car- dinal le Moine , le lieutenant-criminel de Paris avolt envoyé des fergens pour l'arrêter.

Obligé de fe fauver de Poitiers , il fe retira à Bàle. C'eft dans cette ville qu'il mit la dernière main à un livre qu'il ofa dodiei* à François I. Ce livre trop cclèbrc étoit intitulé , InjTuutions Chré- tiennes , quoiqu'il fût la réfutation de prefquc touj

les dogmes du Chrillianifrac. Fran^jisl, qui pré-

Miij

•7^ E L E M E V s

▼it les fuites d'un ouvrage à dangereux , irt pur; malgré fon zde ûc fcs foins , venir à bout cie le fairc-fupprimcr. « Le fcul avantage qu'en tira l'E* »• glifc , {i\t Bi^ffutt ,) fut que Ca/w/i combattant »• le icncimcnt de iMther fur Ituchariftie , il aog- M menta les divifions qai «itoient dans le parti »• Protrflant : de forte que la divine Providence •♦ fe fcrvit du plus dangereux hcrcfiarqae de Ton M tems , pour an'oiblir l'hcrd/ie. »

CaUin , toujours occupe du dcfTe^n de répandre fes nouveaux dogmes , p'^fTa de Bàle à Fertare , la princdTe Rtnet de France , tîlle de Louu XII ^ l'accueillit trcs-hien ; de Ferratc a Genève, enfuite à Strasbourg -, enfin à Gencvc encore , il fc fixa pour toujours.

Cette ville avoit dcja adoptt les trreurs de /;//!- j/f. Cd.'rin y forma le plan de h fcilc a l.iquelle il a donne fon nom. Ses opinions erronée^ font à-peu-prc$ celles de Li.ihtr , à la rcferve de fon fentinicnt fur l'Euchariftie. Ca/yin penfe que le Corps de J. C. n'cft réellement Se fubdantiellcnacnt que dans 'c Celi Se quM n'eft prcfent que fpl- riiucl'erovnt djns !e pain ruchanni jur , il cft une fource de gracrs pour ceux qui ont h foi. Il ne veut ni culte extcrtrur , ni chef viftble de TF-gliTe , ni évéque* , ni prJtres , ni fête», ni bc- ncdi^iont, ni aucune de ces cérémonies h au* suAes , que l'i'npctueux Luihtr n'ula pas entière» Bient profcrire. Ceocvc £e fournit à toutes fes voloatcl. Il Jf

DE L'HrsTorcE Ecclésiastique. 171

établit la dlfcipline extérieure de la Religion -, il dirigea le code des Loix civiîes & ecclcfiUuques. Il régla la forme des prières & des prêches , la manière de célébrer les deux feuîs Sacre mens qu'il admettait , la Cinc & Is Ba^'-u'rr.c. Il fondi des coc- Crh)ires , des colloques , des 1^'ncdes , des anciens , à<s diacres, des Turvei^ians. La rigueur, ave; la- quelle Calvin exerçoit lb;i pouvoir fans boracs & fa iurifdiâion coi;fiftoriale , lui attirèrent bcau- CG'.ip -1 < r, cmi» : mais fcs taîens & fa fermeté tricri;; .l: i.r de teu^es Tes tUGcuîtés & àc toircf \i% tr«verfes. H étoir inflexible dacsles fentimcas, invariable dans fet denafcLes , & capable do tout facrirer pour le foutien d'une pratiq'ja ind:ff;rea- re , comme pour la'défenfe des premiers dogmes de la Religion. Un homme de ce carailére , avec de l'tloquence & de raUâféri:é dans les mœurs , ( dit M. Plujutc , ) fiibju^ue iu.aiihbiement la muN tifud;, & fur-tout les caractères foibles, qui aiment mieux fe Joumettre que de Imer fans ceffe.

Enfin , après avoir impofé f.lenceà tous fes en- nemis , & donné ur.c ctnf.fTance folide à l'édifice de la prétendue-Réforme , Culvin mourut à Genève d'un at'xhme 8c d'une fièvre étique en 1564,3 56 ans , regardé comme un homme d'un gcnie péné- trant , hardi , éclairé , & d'un caradére jaloux , cha- grin , colère & tyrannique.

La prorfigieufe adliviic de fon efprît contribua fans- doute beaucoup aux proj;rc$ de fa fefte. Il ne t'occupa pas feulement d'à£Fcrmir la réforme à Gcoi-

jyiiy

^7* E L E M E N $

ve , il écrivit fans cclTe en France , en Allemagne ; en Pologne contre les Anabapciftes, contre les Anti- Trinitaires , contre les Luthériens, contre les Ca« tholiques. il ctoit comme Esaù, mmui tjut antrs omnes. Ses ouvrages & fes lettres dévoient faire» imprcfiion. Il écrivoii avec pureté & avec mé- thode. Perfonne ne faiiiiToit plas finement & ne pi éfentcit mieux les côtés favorables d'une optnioo. La préface de fes InjUtutlom td ( félon M. l'abbé Pluquct ) un chef-d'œuvre d';idreire. Il traita le premier les matières théologi^ues d'une manicre cicgante, & fans employer la forme Ccholadique* On ne peut nier qu'il ne tùt thcologien & bon logicien , dans les chofes l'efprit de parti ne l'aveugloit pas. Oa ne peur donc lui rel'jfer de grands talens , comme on ne peut mcconnoitre en lui de grands défauts.

Execution de Cibrléres de Merlndol. Progrès du Ctivinifme en France,

L'Apôtre de Genève, plein de l'ambition de ré- pandre fon nouvel Erangile , eut grand foio d'en- voyer des mlnirtres eu France pour le prêcher. Leurs fuccct turent funcAcs aux VauJois , qui étoient difperfcs fie caches dans les montagnes de Dauphinc fie de Provence , ils avoient cru trouverune retraite alTurcc. Le i8 Novembre i J4'?» le Parlement de Provence, craignant la propaga- tion de l'erreur, condamna a la mort diK-neuf de ce» fc^iircs. Il ordoûQi ca mcia:-icms, (juc tome»

DE l'Histoire Ecclésiastique. 273^

leurs maifons des villages de Cabrlcres & de Mc- rlndol feroient entièrement démolies , ainfi que tous les forts & châteaux qu'ils occupoient , 8c qu'on arracheroit tous les arbres de leurs forêts. L'exécution de cet arrêt fut fufpendue, à la prière du cardinal SaduUt , par ordre de François /, à condition que les Vaudois abjureroient leurs er- reurs. Mais en 1545 , le premier préfident A'Op- f'ide y ayant dépeint ces hérétiques comme des fé- ditieux qui pourroient fe révolter , obtint la per- mifîlon de faire- exécuter l'arrêt prononce contre eux en 1540 Uni au baron de /a Gar^j , qui ra* menoit des troupes d'Italie , ce magiftrat permît aux foldats de fe jetter fur tous les habitans da ces contrées. Trois mille perfonncs, fans dillinc- tîon d'âge ni de fcxe , furent maffacrces , & Mi- rindul , Cahricres & vingt autres bourgs ou vil- lages, mis en cendres. Les troupes .animées parle faux zèle du préfident d'Oppcdc & de l'avocat-gé» rcral Gutrin , firent une boucherie ù affrcufc , que Frjnçoii I, prêt à mourir, chargea fon fucccffeur de punir les auteurs de cette barbarie défavouce par la religion. Henri II renvoya cette affaire au parlement de Paris. L'avocjt-gcuér.il Cuèrin , qui fut condamné à perdre la tête, parce qu'il ttoit d'ailleurs accufé d'autres crimes, porta feul la peine des autres coupables : ù'Oppède , appuyé à la cour , fut renvoyé abfcus.

Les Oïlviniftes ne furent pas traités cependant avec plus de douceur , fous le règne de h\nti II-

. Mv

I ar-f E L E M E N s

Ce prince publia coatr'eux un édit fév^re. Pef^ fonne ne pouvoit être reçu dans aucune charge» ni enfeigner dans aucune ccole publique , avant que d'avoir fait une profeilion authentique de fa do^ri ne. D'Andi\t , frère de Tamiral de C^H^mî ^ fut arrête prifonaier pour des bijfphcmes pronon» ces contre la Mcffe i & Annt du Bourg, confeil- ler au parlement de Paris , l'un des fouticns du Calvlnifmc , pendu 8c brûlé en place -le Grève. «• Il foufirit, (dit Bijfuet, ) la mors f,in$ s'émouvoir, »» 8c fit - voir que l'erreur peut avoir fes Mar- tyrs. Son fupplice ne fsrvit qu'a irriter les Hé- n rétiques , & à faire -chanceler la foi des Citho- v> llques ignorans.» Le nombre des Scî^JJrcs $'ac» crut prodigieufemcnt , 8c plufieurs Eglifes Calvi- niftes fe formèrent dans les diverfes provinces , fur le modèle de la cooditution ecdcfiaftique de Ge- nève. »

Dans renthoufiafmc qui dominoit alors les pré- tendus-Réformes , ils fe comparoient aux premiers Chrcticns pcrfccutcs par les Lmpcreurs païens. On avoit de quoi le» confondre, (dit M. l'Abbé Mil- dot,) en leur oppofaat l'exemple de leur Apôtre Cé.'vi» , qui en ijn avolt fait -brûler à Genève l'Anti-Trinitaire Ser%t: Oa pouvoit même aiTurer «jue, pojr deven'r perfccutcurs , il ne leur nun- quoît que d'.tre les plus forts. Mais il n'en eft pas moin» vrai que leur nombre 8t leur opi<ûl- treté augmentoieiit chaque ]o\it au milieu de* êMiaiivuu qu'9o faifoic pvur Ici 'rcpruaet. I^-

DE l'HiSTOIP.E EcCLESrASTIQT.TÎ. ijf cour , Ij ville, les provinces, tous hts ordres de citoyens écoieat infeâés des erreurs courantes.

Quelques Princes du fang , quelques feigneur» du premier rang , profedoicnt ouvertement la nou- velle Religion : tels étoient Antoine de B^urbon^ roi de Navarre ; Ltuis prince de Condé ^ fon frère j l'amiral de Coligni, le duc de/?o^Ji, &c. Peu do «ms avant la mon de Henill, les prétendus- Ré- Éorniss tinrent leur premier Tynode national à Paris , & y drefi'érent une confelTion de foi , qui iiit pour eux une règle de do£lrine.

Indication d'un ConciU-^énéral,

Les Papes gémiffoient fur les maux de rEglife, Paul III {Aleyiandie I'.i ne/.) , tlu en 1534, apiè» la mort de Cément VU , travailla puiffcmmcnt à y remédier, en afTemblant un Concile- gênerai » qtii rtformàt lEglife dans la difcipline 6c dans les moeurs. Dès le mois de Mai de i'annije 1557. il indiqua la tenue de cc::c aflcmhlce à Man'cue j mais il fut obligé d'crv retarder la convocation pour l'année fuivante. La guerre allum e dans toutes les parties de l'Europe fut un nouvel obfldcle, 8c les Evêques ne pouvoient s'y rendre librement. Enfin la paix ayant été conclue entre l'Empereur & le Roi de France en Septembre 1 544, on fe pré- para à tenir le Concile, qui, dès l'année précé- dente , avoit été indiqué à Trente , ville d'itali» tur les froBticres de rt-tipire d'AUema^jn?,-

17^ £ L E M E K s

Ouvfnure du Concile de Trente,

Paul m, deûrant d'achever au plutôt ce grand ouvrage , envoya fe$ légats a Trente , ils arri- vèrent au comtnenccment de Mars 1545. CétoienC le cardinal dci ALntt , tvcque de PaleQrine ; le cardiiul de Sainte Crois ( Marcel Curviti ) , qui furent depuis Papes, l'un fous le nom de Jules III , Ce l'autre fous celui de Marcel 7/ i 6c le cardinal /?«- nauJ PmIus , prince du fang royal d'Angleterre. L'ouverture du Concile fc fit dans l'Eglife cathé- drale Je Trente, le ij Diice.Ti'jre ij4j. L'evcque de Bitonte , le plus celèar^ prédicateur de l'Italie , prononça la harangue d'ouverture , qui fut trbl- appljudie.

Le nombre des ëvèques qui fe trouvèrent à cette prcraiire felFian , etoit fort petit -, mais le Concile devint de jour en jour plus nombreux. Le« légats du faiat<fiége y preùdcrent en prcfen'.e de deux cardinaux , de trois patriarches , de vingt- un archevêques, d'un grand oorobre d'cvcques» de fep: ab')j>, de fept g.-nuriux d'ordre , 8c de pluùears a.njanTjJeurs des i'riiii:es Ciirciieos. Les prcit'.érei féancet furent employées à Aacuer fur la mmicre dont on cxamineroit les matières agi» tces. I! fat rélolu de les difcutci dans des con* grcgatioas parcicutiiret , avant que de les propo* fer ajConcil; ,>n;r.ii. Il fut juge en mcme lems que tjut fe dcwid.roa à la pluralité des lutlVaget partie jliert , (c aja des nations, cooun: oa avou

DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE. 177 fait aux Conciks ds Bàle & de Confiance, On tint , a Trente , huit fenions , dans lefqucllcs on fie pluHeurs d>;!înitions touchant la Foi & la rc:"orma- tion des mœurs.

Dans la quatrième , on établit , Tclon les anciens Conciles , le nombre des livres canoniques de l'an- cien & du nouveau TeAament , & on déclara qu'on devoit tenir la verfion Vu.'^dtc pour authen- tique.

On définit dans la cinquième fefiion , ce qu'on devoit croire touchant le péché originel. Le Con- cile déclara , qu'il nous eft remis par le Baptême ; mais que la concupifcence , qui eft l'effet du péché , demeure. Les Pères ajoutèrent , que dans ce décret touchant le péché quMij/n a tranfmis à fa porté* rite, ils ne prétendoient nullement comprendre la Ste Vierge Marie, mère de Dieu, & qu'ils vou- loient qu'on défcràt aux conflitutions de Sixte /f, qui , pour honorer la mémoire de fon immaculée Conception , en inftitua en 1476 la Meffe & l'Office.

La fixiéme (tfCion fut confacrce à la matière de la juftifîcation & de la grâce. On y condamna trente-trois propofitions oppofées à la dodrine des Catholiques : les unes des Pclagicns , qui don- ncnt tout à la volonté de l'homme , agifTant par les feules forces de la nature ; les autres des Lu- thériens , qui attribuent tout à la feule grâce de Dieu , laquelle , difent-ils , emporte notre volonti pat une force iararmoatâbk. Ces poiats û~ dcli<;

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cats , furent frai(c$ avec tant de prccifion êc rfé lumicre, que les Théologiens des diiTcrcns partis ne purent qu'admirer l'habilete de ceux qui avoienc- recueilli h dccilion du Concile.

Ce qui concerne les bacremens en général , fut examiné dans la fcptiéme -, & la dodbrine du Con- cile fut renfcrmce dans trente canons, fuiviv d'a- nathcraes contre ceux qui s'en éToigneroient. Les Fidèle» eurent dm* ces dccrets tout ce qu'ils doi- rent croire fur le nomhre , l'ioftitution .lanscef» ùté , la valeur, la matière, la forme & le minil>ro de ces fignes divins, &: en particulier fur le Bap« tcmc de la Confirmation.

Le Conclu transfàc à Boulogne ; Mm de PauMlI.

ta maladie contag'cufe dont Trente étoit me- nacée, obligea le Pape de transfcrer en Mjrs 1547 le Concile a Boulogne , l'on tint deux fcances. L'empereur ChjrUs - Q^ànt , qui s'ctoir oppofc à cette tranilation, fe brouilla avec PjuI III; & leurr ditifcrends s'ciant aigrit , le Concile demeura fuf- pendu pendant quatre ans. L'Empereur protcAa W. r-it contre l'aiTemblce de Boiil.).;nï , 6c

iït ' rs ce fjmcux formulaire de foi , connu

fous le nom à'inmlat , donc nous avons déjà faric.

Le pape P*ml IIJ , accable d'aonées 8c d'ennuis . fliourui le 10 Novembre ^549 : Pontife plein de feuaivtc (Ua» le» coiucils , iclatcur de la paix pu-

DE lTîistoire Ecclzsiastiqxje. 17^

les Princes Clirctiens, amateur des lettres, noble dans fes fentimens -, injis qui regretta en mourant de s'être laiffé gouverner par les enfans qu'il avoic eus avant que de fe confacrer à l'ctat ecclefiafti» que. Sa mort imprévue fat la caufe d; l'enticre rupture du Concile airemblc à Boulojrte , parce que les légats Furent obligés de fe rendre à Rome pour entrer dans le conclave. Le cardinal det Muntt, fut élevé au fouvcrain pontl'icat, le 5 Fé- vrier 1550, fous le nom de Jules III; 3c fon em- preffement le plus vif fut le rétabliflemcnt du Coa» cile-général.

Continuation du Concile de Trente»

Jules m , après avoir d«nné avis à l'Empereur 8c au Roi de France que le Concile fe tiendroic de nouveau à Trente , nomma trois légats pour y prcfîder. Dans la première feAloo , tenue le pre- mier Mai 1 5 ^ , & qui fut l'onzicme de cette grande alTemblce , on lut le décret de fon rctabliffement^

Dans la treizième feflion , tenue le 1 1 Odo- bre, on lut le décret touchant l'Eucharidie. Le Concile définit, contre les Sacramentaires , /d/rrs- fcnce réelle de Jtsv s-CiiKHT dans le faint Sacrc^ ment de l'Autel \ & contre les Luthériens , U Tranf- fuhjiantiatlu/t f l'adoration de la fainte Hojbe ^ & la. fféfence de Jkjus-ChrisT mène hors /'u/"?' '^^ '• di*in Sacrement. On n'y voulut rien décider , ni fat la communion fous les- deux efpèces , ni fur fe Sacriâce de la hl^Sci a£a (^ue le& tiicclo^ic**

ib'O E L E M E N s

ProteHans , qui prcnoient un vifinccrct à ces deuX points , & auxquels on donnoit un ample fauf« conduit , eufTent le tems de propofer leurs raifoos au Concile le 25 Janvier 15;!.

La quatorzième leliion, fe tint le 2; Novembre I { 5 1. On y expofa la doârine de l'Eglife CathoU> que , touchant les facremens de Pénitence & d'Ex- trcme-on£^ion. A Itgard de la Pénitence , qui ré- concilie le ptchcur avec Dicu , le Concile cnreigna la néceflîté de l'inllitution de ce facrement , fa différence d'avec !e Baptême , & fcs trois parties, ]a Cunirition , \i Cor.f.jp.uti fc la 5j/.v/Jcî<o«. Quant à l'Extrême -Onâion , qui donne aux malades la force de fupporter leurs maux, les Pores expofé- rent Ton inAitution & fcs disins effets.

Dans la quinzième fefGon, tenue le i^ Janvier 1 5 ; 1 , on donna un nouveau fjuf-con Juit aux Pro- teflans , qui craignant d'être confondus dans uoe afTemblée compofce des plus c;:ièbres théologiens de l'Eglife Ca.holique , diffjroient fous divers pré- textes d'envoyer les leurs, On prorogea en leur faveur, le tems jufqu'au premier Mai. Cependant les plut fçavans dofleurs du Concile, travaillè- rent dans pluficurs congrégations a édaircir la matière du Mariage , pour en former les décrets qu'on devult propofcr dans la fciziLmc feÛtoo. Mais lorfqu'on fe préparoit à le continuer jufqu'à fonen:i:rc conclufion , la nouvelle de la guerre déclarée a l'Empereur par l'Elcf^eur de Saxe , dont Us croupes pouvotcnt venir juft^u'a Trente, obU*

DE l'Histoire Ecclésiastique. i8i

gea les Feres de quitter cette ville , ils n'é- toient point en sûreté.

Pendant la furpenfion du Conc'.Ie, l'Eglife per- dit le pape JuUs ///.mort en 1 5 5 7 , à 6S ans. Peu refpedé de fa cour, parce qu'il mar.quoit de gra- vité ; 8c peu regretté de fes peuples , parce qu'il les avoit accablés d'impôts ; ne manquant d'ail- leurs ni de zèle, ni de talens. Son fuccelTeur , le cardinal Marcel Corvin , qui fe fit-appeller Marcel Il , donnoit de grandes efpérances -, mais une apo- plexie l'enleva vingt jours après £bn exaltation. La rigoureufe clôture d'.ï conclave avoit déjà com- irencé a altérer fa fanté. Il acheva de la ruiner par la fatigue des longues cérémonies de foa exaltation , & par la contention d'cfprit qu'exi- geoit le plan de réforme qu'il raéditoit de feire dans le clergé & dans la cour de Rome. Le car- dinal Jtan - Pierre Curaft , doycn du facré col- lège , qui prit le nom de Paul IV , fut placé après lui fur le ficge apoQolique. Ce pontife ne l'ayant occupe qu'environ quatre ans , ne pu: remédier aux maux de l'Eglife. Son grand âge l'obligea de fe repofer des foins du gouvernement fur fes neveux, qui fe coniui'.lren: avec fi peu de ménagement , que leur oncle fut obligé de les priver de leurs charges & de les envoyer en exil. Ces chagrins domcftiques l'enlevèrent a la Chrétienté a l'a^je de 83 ans , le 18 Août 1 5 59. Le zèle de Paul IV pour l'extirpation des nouvelles erreurs auroit eu peut- être plus de fuccès, s'il avoit f^a l'accompa^ncf

a?i E L E M E îî f

d'un peu de douceur ît de prudence ; mais fes idée» fur lautontc pontificale lui perfuaicrint qu'ja ne pouToit refuler trop fortement à ceux qui avclent attaque & lE VU

croyoit qje , dès qu'., , i-' de

Dieu , oa oe devoir avoir aucun fgard aux mari- mes de ■-•, Se il tut trèi-irrité

contre. , ,.■ c$ Frince* , qui, daa»

b fameiife dieiic d'Ausbourg en I{f5 , avoieac gKian la tolérance aux l'rutet^ans d' :.

L'inçtctuuCwé de l'on cjrjwltrc âc la } i

de lei confeilt , readireat prcTque iiiutiic* le» ca« len« & l'ys verttu.

Son fuccclTeur ( Jean-Aigt de Midlcit , Mlla» fiois) P:t IV , ne fut pas plutôt couronné , qu'il pre.Td Id tenue du Concile de Trente , aAcmble de* puis quinze ans , & interrompu par les tronble» qui (Voient agité tous les Etats. Li ^ulie de con- 'vocati'vn tut promulguée en Novembre 1^60% mais divers obftacles firent-retarder J'ouvertut* jufqu'ju iS Janvier 1^61. Après que les «mbaf- fadcurs de* l'rinces Catholiquct furent artivcs , •n continua les feiTions -, on en tint neuf «ous le pape Fit ly, fit il y en eut en tout vin^tciv^, dans Icfquelles on n'établit fur le facritice de la MefTe , fur la communion foui les deux efpicei, far l'Ordre Ce fur le Mariage, que ce que route l'Eg'ife croyoit : mais on fit diffcrcns décrets de rcformation , dont la plupart CoM trts-rcaMrtjuab)«t par leur fa^ctlc.

»E l'Histoire Ecclésiastique. aS'j

Décrets de Réfomuiûon,

Les principaux roulent, i°. Sur les Réguliers & les Mona^Kires , & fur la clôture des Rfljgieufes. a'. Sur l'excommunication. 3*. Sur la vie que doi- vent mener les Evêques ; l'exercice de la prédica* tion 5i la réfidence leur font expreiTcment ordon- nes ;, ils le contenteront de msubies modèles & d'une table fruga'.e ; ils n'enrichiront pas leurs parens aux dtipens des pauvres -, ils doivent fe fouvenir qu'i's font payeurs, & non perf<;cu£«ur$, 4*. Sur le droit de patronage. 5'. Sur les dîmes; le droit dci lunirailles. 6°. Sur la protediio.» que les Princes doivent do.iner aux Eccléfidfti:{ue> ; décfct qui n'apisérc reçu en Fran^-e, parc-î fju'à quelques C2;ards il q\\ contraire aux libertés de l'Esîiî'e Gallicane. 7*. Sur Tof-ige des' duels , qui eîldefenHu fu is neirre d'excommunication. 8''. Suc les c'e'LS c ne binaires, qui doivent être punis fuivant les peines portées par les anciens Canons. 9'. Sur les Indulgences, dont le Concile conferve l'ufage, mais dont la difiientation doit être faite avec la plus grande prudence & la modéracioa qu'on obfervoit dans la primitive Eglife. 10°. Sur le choix des viandes » & fur les jeûnes qui ten- dent à amonir les paHlons en mortifiant la chair.

Conclujîon du Concile.

La lecture de ces décrets de reformation fe fit éias la ^)\^ derràcre funce , tenue le 5 De-

2S4 E L E M E N s

cerobre i;63. Le Concile fut terminé après de grandes acclamations, prononcces par le cardinal de Lonaine : c'étoient des fouhaits , des bsnédiC'» tions, des allions de grâces pour le Pape, l'Em- pereur ,1c$ Rois , les Rcpubliques. Le mcme prclat finit par un applaudifTcment aux décrets du Con* cile , endifant iC'tftl* duHrinc det Afoves & dt$ Ptresi etjllajoidtt Onhoiuxts,

Enluite les Pères donnèrent leurs foufcriptions -, elles furent au nombre de devixcenscinquantc-ciiiq, fçjvoir: quatre légats , diax cardinaux , trois pa- triarches, vingt-cinq a.chcvéqucs , cent foixance* huit cvcqucs, trente-neuf procureurs pour lesab* fcns, fcpt abbés, & fept généraux d'ordres. C'eft peut-être de tous les Conciles-^cutraux le plu» célcbre , par les obftacles qu'il fallut furmonter pour l'aflTembler , par le nombre prodigieux d'er- reurs qu'on y anathomatifa , par les fagcs rcgie- mens qu'on y fit , enfin par le grand nombre dt fçavans & vertueux prclats qui le compofcreot : tels écoient , dom Banhiicmi dc$ Martyrs , arche- ▼cque de Brague en Portugal -, le cardinal HtnuU de Gonxazut , évéque de Mantoue, moins illuftrt encore par fa hauie-nailTance r^ue par fa pictc^le cardinal itanijlst Ofiut , êvique de Varmie , que fes vertus & fes lumières faifoient-appeller It Dieu du Polonoii ; le cardinal ): Jmc Scripant , au- paravant général des AuguAins; le cardinal ChtrUg de Lorrain* , archevêque de Rhcims , prince dif- ttngué par un grand nom & par des ferviccs ti^a<i> les rendus a l'Ëglife, &c. &c.

de'lHistoire Ecclésiastique. 185

Le Pape , au comble de la joie d'avoir terminé une affemblce qui duroit depuis vingt ans , en approuva les ades & les décrets en plein confif- toire ', il les iît-rédiger en un volume, & les en> voya dans toutes les parties du monde Chrétien, avec ordre aux Fidèles d'y obéir. Sa bulle fut re- çue , fans contradiilion , a Venife , en Efpagne, en Portugal, en Pologne , en Flandre , dans le royaume de Naplcs & de Sicile ; mais en Allema- gne les Protertans , fans avoir égard ni à l'dutorité du Pontife , ni à la piété & à la fagcfle des Pères du Concile , refjférent de s'y foumettre. 11 y eut dcs-lors une fci^aration ctcraelle , établie entre la vérité & l'erreur , jufqu'a ce que la Providence éclairant les ténèbres des errans , daigne rcuair toutes les ouailles dans le même bercail.

^l'égard do la France, le Concile fut générale- ment reçu quant à la do^rine -, mais quant à la difcipline , pluiieurs points turent rejettwS , parce que les droits de la puiiTance féculiére n'y parurent paî aficz ménages. Le parlement de Paris repré- fenta , qu'en donnant pouvoir aux Evêques de procéder contre les laïques , par amendes & par emprifonnemens , le Concile étendoit la puilTance Eccléfiaftique aux dépens de la temporelle. On fe plaignit, que le renvoi des caufes criminelles des Evêques au Pape , fruftroit les Conciles natio- naux & provinciaux , qui av.ient toujours été les juges lé(;itiraes de ces fortes de caufes. On ajouta , que d'obliger les Evtques d'aller à Rome

iSS E L E M E V $

jour répondre ''. Icufscrixi-.es, c'ctoit aon*f(nà!é> ment d.roger à l'ufage de France -, mais encore aux canons des ConcUes , qui veulent que ces caufes foicnt jugccs fur les lieux. Ces raiCons, & quelques autres , ont toujours rois un obftacle à la réception du Concile de Trente en France. Envain le Cierge la demanda des le tems des Etats de Blois & dans les aiTemblccs de Melun : envain ^ CUmtnt F/// l'exigea comme une condition clTen- tielle pour la reconciliation €Hcnri IV : envain les Prélats François Font redemandée depuis , ea foumettant la pu'. location des décrets de difcipline à la cliufe , J'^i^f iet iront du R./t ^ 6- /et prirn'i'get de l'Lg/i/e Gûtlicjne \ cette précaution même ne rafrura pas les MagiArats, qui ont toujours per- fif é à regarder cette réception comme contraire à nos ufaget.

JSouveaux probes du Oxlv'inifmc en France,

La France ctoit en proie , lors de la concKifiôa du Concile de Trente , aux divlfions inteftines dont les nouvelles erreurs avoient agité toute U* Chrétienté. Htnti II ayant été tué d'un éclat de lance dan» un tournoi en M {9, le p.irtl des Cal- viniAes devint puilTant fous le règne du foibie Françvit II , prince fans vices i: fans vertus , d'im corps dclicji & d'un caraOcrc foiMe, qui n'avoir alors que quinte ans. Ce roi entant mit les rcnet du pouvernrment entre les mains de fa mère C4- tktinxt de hioiuu , ptioccfTc iitiûcieufc 61 me-

DE l'Histoire Ecclésiastique. aSy

chante, qui dlvilbit tout pour régner feule. Ce- pendant les ducs de Guife , oncles maternels de J^îjrii Suart reine d'EcolTe & époufe de fiançuii II , avoient beaucoup d'afcendant fur l'efprit de ce prir.ce. Les Princes du fang , jaloux du crédit des Guij'es , voyoient avec peine l'adminiAration des affaires confiée à des hommes d'un caraftcre im- pétueux & hautain. Pour les contrebalancer , Louis prince de Cundc & les Collgnls fe mirent à la tête du parti Calvlnif\e qui croiffoit de jour en jour; tandis que les Guij'es, afredant beaucoup de zèle pour l'ancienne Religion , avoient le cœur des Ca- tholiques.

Conjuration cTAtnbolfe ifes fuites.

La jaloude qui étoit entre les Guifcs & les Coniés^ fut l'origine des guerres civiles qui décliiréreat bientôt la France. Le parti de ce dernier prince forma en X559 une alTociation , connue fous le nom de la Conjuration â'Amhoifc, du lieu elle fut conclue. Le projet ctoit d'enlever le Roi des mains des Guifts^ & de faire - périr ceux-ci. La confpiration , communiquée à une multitude de Calvinifles , ne pouvoit être fccrette ; les Guifcs ^ avertis par leurs cmidaires , mirent en sûreté la perfonne du Roi. On arrêta les principaux con« jurés , & plufieurs d'entr'eux furent pendus aux créneaux du château d'Amboife. La Rcnaudie ,chet de cette dangereufe entreprife , fut tué , & fon corps mis en quartiers pour être expofc ea public.

aSS E L E M E K s

Ces fuppliccs n'tfffraycrent point \e% Calvlnif- tes; rhcrche répandue dans toutes \ci provinces, y prenoit de nouvelles forces. Pour oppcfer des barrières au Calvinifme . la cour donna en i{6o l'cdit de Ron^orantin . qui aitribuoit aux Evéques la connoiiïjnce du crime d'hcrcfje, & l'intcrdifolt 8U Parlement. Cette dcclaraiion ne fut cnrcgif- trée qu'avec beaucoup de peine. Oa blàipoit le chancelier de VHi'fita/ de l'avoir donncc ; mais il ne s'y décida , ftlon queli^ues hifloriens , que pour empêcher l'ctablifTenicnt de l'Inquifuion ea France.

Cependant le feu fccret qui s'allumoit dans l'intérieur du Royaume , & qui mcn.içoit d'ccla- ter, inquictoit le mlnidcre. Ou tint, la même an* cce ( 1560 ), un confetl extraordinaire à Fon- tainebleau, pour chercher les moyens de mettre le calme dans les efprits. C'cA dans cette aiTem- blce , que Cn/igr.i prcfcnts une requête au nom des ProteHans , qui dcmandoicnt la lil)erté de coo» fcience ôc l'exercice public de leur Rtl f,ion. Jean àe Mi,nt.'ue, cvc'jiie de Valence , confeilter d'ctat, qui per.chnii pour leurs opinions ,par!.i hwtcmcnt en leur f«vrur. II reprcfcnta , que les rebelles , parmi les CalviniOes, dévoient être fcvcrrmenc punis vrrais que ceix qui cicient de benne - foi , fit t;ui le prouvoicnt par leur foiimin'.on & leur patience , tnéritoient d'être tolcrés. Il conclut à les laiH'cr tranquilles d;in< leur croyance , 8t à empê- cher CeulcmcQt les alîcnibkcs dan^errvret. I.'itr»

chcvéquc

DE l'Histoire Ecclésiastique. iB^

chcvêque de Vienne, Charles de M»rUlac^ fut en partie de fon avis. Col'toni , enhardi par l'appui qu'il trouvoit dans le confeil , parla avec vché- inence, & n'épargna pas les Guifcs. Le rcfultat fut qu'on laifferoit les Calvinifics en repos , & que l'on convoqiicroit les Etats-généraux.

Le Roi de Navarre & le Prince de Ct;/j<f£ furent appelles à cette aâTcmblée. Celui-ci , foupçonné à la cour d'avoir été l'auteur de la confpiration d'Am» boiie , avoit cru qu'il n'y avoir plus rien à ména- ger , Ôc s'étoit déclaré ouvertement chef des Ré- formes. On l'accufoit d'avoir formé un autre com- plot pour s'affurer de la pcrfonne du Roi. Il fut artêté prifonnier aux Etats même ; on lui fît fou procès, & Il tut condamne a perdre la tête fur un échafFaud : mais la mort inopinée de Françùs II ^ ca 1550 , ayant fdit-diffcrer l'exCcutioQ , drUrine de Me'dicis , qui vouloir le mettre dans fcs inté- rêts , lui donna la liberté & la vie. Tout le fruit i9s Etats d'Orltans fc réduifit u une célèbre oïdjLinnance ' ar iaquelle l'adminiflration de la jurtuefut entièrement réfervée aux gens-de-robe, & la Pragmatique rétablie par rapport aux élec- tions : car Pic IV avoit fait-annulier le Concordat, qu'on rçiablit cependant deux ans après, en 1 562, à la pricre même de la cour de Rome , qui ne vou- lut pas être privée plus long-tems des Annates.

Tom. //. N

49^ t L E M E N $

[Apopjjie de ifucLjaes Prélats.

Les Ci'.vinifies ayaot leur chef toiu>puilTant i h cour , triomphèrent peodant la n^noritc de Chur/tM IX, CucccHTeur ce f'r^nf^it II. Jtjm de Moni- /i(C,cvcque de Vileace , qui penchoit , comme nous l'avons ait , pour la aouvelle Rcfor:ne , prê- cha les dogmes de Cj.'* /a à la cour. La Cflifr.h, neveux du cunnétable de Montmorttcl, qui s'ctoic lié avec les C-.^^c* pour s'oppofcr aux progrès de l'hcrcfie , ne pcnfcrem pas comme leur oncle. Ht rn^agjrent dans leur parti leur frère aine, le car» djnal OJci de ChltULn , qui abandonna hontcufe- inent la Religion à laquelle il devoir les titres & les biens dont il étoit revêtu.

Jacques Splftme , évoque de Nevcrs, qui fe trou- ▼a aux Etats de Pa r is en 1 5 ^ 7 , le laiH'a entraîner , (dit le P. Faire) moins par le torrent des nou- velles opinioni , que par l'amour d'une femme qu'il entrctenoit, & fe retira à Genève en 1559 auprès de €aUtn , qui l'envoya à Orléans trouver le Prince «le C^H.U ^ en quilitc de mlniftre. Ce prince le dé- puta à la dicte de Francfort, pour juftificr !cs Fro- ceftjas qui aToieoi pris les armes , & pour im- plorer les fecouri de Ftrimjr.d : il y fignala fon éloquence, 8c obtint tout ce qu'il voulut. De re- tour a Genève, il fut accufé d'avoir fabrique de faux-contrats fc de faux-fceaux , & eut la irie tranchée ca ijOO ;dijoe fin d'un .pgftat & du* ^uflairct

et l'Histoire EcAîstasAque. 19!^

Colloque dt Poijfu

Le chancelier de \' Hôpital , d'un génie élevé Sp d'un caradlére tolérant , craignant que les rigueur» qu'on exerceroit contre les Calviniftes , ne leur élfent de nouveaux profélytes, chercha des moyens de conciliation. Il tut fécondé ipar le cardinal de Lcrraine , qui avoit déjà propofé à la Reine une conférence entre les Catholiques & les Calvinif- tes dans laqvielle il efpéroit , malgré la chaleur qui dominoit dans ce parti , de le ramener à la douceur & à la vérité. Les amis de ce Prélat eurent beat! lui repréfenter , (dit Eojfuct , ) qu'il fe compro- inettoit en difputant avec des gens verfés dans le» écritures , exercés dans les langues , féconds en ia- VeAives -, il perfifla dans fon fentimenr.

Le cardinal de Toumon avoit d'autres raifoiU peur empêcher que les Minières huguenots na traitaiTent pour ain(î dire d'égal à égal les Prélats, <n entrant avec eux dans une conférence réglée. •« Il fongeoit , {ajoute Bojjua , ) non -fdulemeBr. m que le cardinal de Lorraine fe commettoit , mais

qu'il comtretO't en fa perfonne la caufe de l'E- 0 glife, qui , quoique plus forte & bien défendue, f> pourroic être révoquée en doute par les efprits

foibles , dès qu'elle paroitroit mife en difpute. M Quelle apparence de fouffrir une conférence M les ennemis de l'Eglife pourroient tout dire con- »» tre elle & fcs niniflres, en prcfencc du Roi 8c tt 4e toute la cour? (car c'eA ainfi que la coa«

Ni;

feg» E L E M E V s

fércnce avoit étc propofce. ) ., Fal'oit-il donnsr ii »» liberté de parler dans une alTemLIcc fi auguile à 'm des Moines apoftais , tels qu'étoient la plupart M des MiniArcs, & à des gens bannis par les lois .' M II n'ctoit pu aifc de fermer U bouche à dciopi» M niàcres , ni de confondre des efprits fubtils, qui •• avoient mille moyens de s'cchapcr. D'ailleurs , M l'extcrieur de pittc qu'ils affc£loient tmporoit »< au peuple , 6c ils ne manqueroient pas de pu- M blier leur viâolre : de forte qu'ils fortiroicnt n de la conférence avec plus d'avantage , ou du n moins avec plus d'orgueil qu'ils n'y fer»tenc en* ») très.

X Lcî raifons du cardinal de Tuurnon perfua- A doient tout le monde , excepte le cardinal de » Lorraine. Il s'ctoit figuré que fon éloquence con-

r- M fondroit les MlniAres ; ?c occupé de la gloire

I M qu'il fe promettoit de la conférence , il s'en con-

1 >i fidéroit pas les inconvcnicns. ••

' L'ouverture de ce fameux Colloque fe fit donc

le 9 Septembre i{6t à Poifli, d'où il a pris foii nom. Le Roi , la Reine-merc , \ci Princes du fang , fix cardinaux, quarante archevêques ou évoques, & une multitude de théologiens , y anirtércnt.

Les doi,mes catholiques furent foutcnus avec beaucoup de fçavoir fie d'éloquence par les car* dinaux de Lorralnt 8t de Toumon ', fécondés par les dodîimrs CUuct A'l'fptr,« & CUude de Sjînttt^ & par Léin*: , p.cccral de l'ordre des Jéfuitcs nou> tellement inftitué, Thtuden de Bc{(, Pitrrt Met-

DE l'Histoire Ecclésiastique. 193

t^r 5l AuguHia Mixrtorat plaideront en faveur du Calvinifme.

•« Le Roi, (dit Bo{fuet , ) fit l'ouverture de la conférence avec fa hardicffe & fa bonne-grace ordir.iiires. Le chancelier de V Hôpital expliqua »> plus au long fes intentions ,& exhorta les dciii: '* partis à la douceur. Le cardinal de To:trn.<n " prit cnfuite la parole ; & comme le Chance- lier avoit parlé d'une manière qui tendoit à I. afToiblir l'autorité des Conciles, il demanda que n fa harangue fût mife par écrit. Mais , comme » cette propofuion ne tendoit qu'à des querelles, >. le Chancelier y réfiAa , & le Roi commanda à >i Ec\t de parler.

» Aufîi-tôt ce miniftre & fes confrères firent » une prière à haute voix ; il failoit donner ce « fpe(flacle de piété à la cour. Son difcours fut » long, éloquent & plein dinveèlives. Il parcou- » nit tous les points de la Religion; & lorfqu'il ^< fut venu au Saint-Sacrement , il attaqua la réa- litc jufqu'à dire que le C^rpt de J. C. en ctoit au- » tant éU^né que le Ciel l'ejl de la terre. Cette » propofition fit horreur à toute l'afTemblée. Les >• Huguenots mêmes, qui la croyoient dans le fonds, >. ne vouloicnt pas qu'on l'avançât fi nue & fi .. dure. Le cardinal de Tuumcn adreffa la parole au, Roi en lui difant : Que les Prélats qui ajfij- » toicnt â cette ajfemblée ne fe ftroicnt jamais réfo- M lus à tçvutcr Us blaj'phîmts de tes nouveau» Evoq'

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m gci'ijitt fans mn comnunitmtnt eaprcs ; fic la COB^

fcreoce fut remue à un autre jour.

r> Ce jour étant arrivé , le cardiaal de LorraiM4 m fit cette belle harangue méditée depuis ù long- r tems. Il y réfuta le Chancelier, qui avoit donné p aux Princes le droit de prcùder dans les Cun" m ciles. Il attaqua la doârinc de ^<^c fur l'Eucha- »t riAie , dcfendit l'autorité de l'Eglife , & mon- » tra que les miniAres qui n'avoient ni million, i. ni fuccelLon , ne dévoient pas même être ccou-

tés. Sa doi^rine étoit établie fur des palla^e» » de la Ste Ecriture 6c des Percs -, les Cacholi» «• ques lui applaudirent. Bt{e , accoutumé a par* tn 1er , demanda a répliquer fur-lc-tlump , mai» m le Roi remit à une autre t'ois. . .

•> Btie , attaqué fur la m'uTion , repondit par de» ft invedivcs contre les Prélats qu'il accula d'c- H tre fimoniaques , Se eut la hardiefl'e de dcfigaer le cardinal de Loi raine. Ce prclat le remit fur X la matière de l'EuchiriAie. Il n'em^)aîralTa pa» r> peu les CalviniAes, quand il leur demanda s'il» •» vouloient figncr l'aniclc de la ConfeiTion d'Aus- n bourg , ia mature de la Cène ctoit cxpli- M quée } car ils mcnjgeoieni les Luthcricns , 8c M ils cichoient au peuple, le plut qu'il leur éioit »« polTible, la contrarie! c qui ctoit entr'cux. Auilî n Bc{i einp]oya*t il luute foa adreiVe a cluc'.er M la pru,>jàti>ia , lanun en demandant qu'on lui N rapportât cette Cunt'dnon toute eati:re, & adt% n pu ua icmI éitidc dci4Cii4 du tcite , uotùi 9pi

DE l'Histoire EcCLïsiASTtQîjt 195

n demandant à fon tour au cardinal fi les Caiho"

i.ques la vouloient figner ? Mais le cardinal le ■' preffoi: de dcclarer fes fentitncns particuliers j »» & comme la conférence fe toarnolt en cri* r> confus , fans qu'on pût prefque s'enrendre , oa n efpéra de mieux réufiir ea donnant une nou- r> velle forme au Colloque.

rt On nomraa donc des députés part 8c »• d'autre pour drcffer l'article de lEuchariftie d'u- n ne manière dont en pût convenir. Mais après r> beaucoup de propofuions Se de difputes , oo X fe répara fans rien faire.

M Les Miniftres fe vantèrent d'avoir triomphé, » lis publièrent qu'ils avoient confondu les Ca- n tholiques : ce que leurs difcours cloquens , leur n cnbales (5c l'amour de la nouveauté firent -croire »i à beaucoup de monde. Il n'y cat que le Roi de »• Navarre que la conférence dégoûta des CaU M viniAes, parce qu il reconnut les divifions qui >• ctoient entr'eux , & qu'il f .t t'candalifé de ceux « qui avoient commence la Rtforme. Tout le n refie du parti devint plus infoîent que ja» » nais. .. [SossuiT, Hift. de France , anné» 1561.)

Ce parti ctoit devenu fi formidab'c , que la Cour fui obligée de Wwr aenrder deur E lits pout la fureté de ceux qui l'avoierrc embrail». jLe pre- «r.ier , appelle l'Edit de Ji» !let , fut donne en ce wojs en 1561 i le fécond , connu fous le nom ^'£dit de Janvier , parut (Las le courant Uc et

«*1

if;*^ E L E M E N s

mois en 1563. C<j Ediis leur accordant des pri- vilèges relatifs a la liberic de contcicnce & à lexer- cice de leur Religion, leur firent connoitre qu'ils ctoient puitTans Se redoutés, & cette pcofce leur infpira une hardiciîe , dont les fuites fe firent" fentir dans toute la France. Une inlînice de taux Catholiques , que le refpcfl humain retenoient » levèrent alors le maCque. Ils coururent aux prê- ches. Les Couvens mêmes produifirent plufieurs apoûjts , la plupart furieux contre la Religion qu'ils avoient prcchée. Plufieurs Huguenots , de- venus intolcrans dis qu'ils avoient été tolcrcs ^ s'enAjmmoient contre les Catholiques Se leur pr»^" di^uolcnt les taiures 6c les aSTrcnts.

Guerre Civi.'c.

Trois des principaux feigneurs de la cour , le connétable Mi.ntmortncy , le duc At Guife , le ma- réchal de S t- An. tri , fe rcuiiircnt alors pour tra- vailler à l'abailTenent des Protellans , foutenut tou'iours par le pr*ince de Conéi fie l'amiral At C»/igmi. Le.ir union fut nommée par les CalviniAet le Trittttvirat. Tout annonçoit une f^uertc civile. Le* foldatt du duc de Gul/t ay.^nt mafTacré en 1)62, à VafTi en Champa^^ne , environ fuixante Refor- més qui faifo.cnt la cène , cette éxecution fut le fignil de la guerre.

Les HiAoricns CalvioiAes prcteadent que le juge du lieu ayant rappelle à Cmi/t l'cdii de la Ubertc de confcicoce , ce fcigncur dit en poreux t

DE lUistoire Ecclésiastique. 497

la main à la garde de fon cpée : VvHà celle qui fca la rcfcijion de et décfljbU édlc. S'il prononça ces paroles (ce qui n'cft pas certain ), c'eft une réponfe échappée dans la colère , oc le malTacre de Vafli n'en étoit pas moins un accident arrivé contre fon intention. Mais il eft clair que les Proteftans ne cherchoient qu'un prétexte pour le- ver l'étendard de la révolte.

Les deux partis en vinrent aux mains: une ba- taille farglante , livrée près de Dreux en 156a, enleva aux Catholiques le maréchal de St-Andri tué dans l'adion, & aux Froteflans le prince de Condc , qui ne perdit point la vie , mais qui fut fait prilonnier. Le duc de Cuifi afTiégea l'année fuivante ( 1563) Orléans , la principale place de^ Réformés ; mais , tandis qu'il prelToit le fiége cette ville , il fut lâchement affaflîné par un gea- lilhorr.n.e CaîviriP.e, nommé Po/trct,

Un autre gentilhomme de la même fe£lcavoit voulu ccmmeitre ce crime au (lége ^e Rouen, Le duc , averti de fon dcHcia , lui en demanda

le motif, fti/j ai- je fuit qiei^ut mal ? —Non, ré- pcndli-ilj mci-s tins êtes le plus violent adverfaits de ma Rcligicn, -- Fhlicn , lui dit le A\:q , J- vcirc Ril-gion vcus aj-p'cnd le meurtre , la mienne m'ap- prend le pard^^n , ù je v>.us pardcnn;. Juge^ par-là la- quelle des deux Religions efi ,'a meil'iute.

Une p.iix paCagcre fut la fuite de ces premiers ir.Obvemens. Lj liherté c'ecci.lc'trct fut Ce r.cu- veau conHxmée atx Fittef.ans : nais la craintt

N V

19^ E L E M E K f

qu'on avoir des Aig'o s , à qui les Hugueadf» avoient remis le Hivre-de-gr^ce, reodoit ceite ia> dulgence nécelTaire. Le pririvi de C.iiV paroiAToir vouloir de bonne foi la paix & la tranquillité» Et fi la Rein; lui aroit tenu ( dit le preiid. Himult) la parole qu*e!Ie lui avoit donnée, de lui coati» nuer dans les confcils le mcoie rang & la même confiance qu'auroit eu le Roi de Navarre fonfrerCt le parti Proteltjnt eût été bicn:ôt affuibli. IVLiît- on le négligea des qu'on n'eut plus befuin de lui, & le relTenciment afTjiblit en lui l'amour de U patrie Se du repos piialic.

Les Froteftjns reprirent donc les armes en 1567. Le prince de Cuidc livra bataille à l'armce Ca- tholique dans les plaines de St-Denys , Se c'eft dans cette journée que le connétable de Sîoitmo'- Tency , le dernier de ceux que les Reformes ap» pelloient les Triumvirs , fut bleffe mortellement. Sa grande maxime étoit : Une Fol , une Lci , am Rii. Deux autres conibits , livrés à Jarnac & k ]Mon:como'jr , ne furent pas auHI favorables aa parti Caivi.iiile , que l'avoit été celui de St-De- nys. Le prince de Comdi (nt tue en ijôpdaasie premier pjr M.ncef^uiau, qui l'alTafiioa de f-rig-froid après qu'il eut rendu les armes. Il laiffa lecom» mandement a l'amiral de Coiigmi , qui eut des fuc- CCi incfpérc».

Les Catholiques furent obligés de conclure t St-Gcrmaia en Lue en 15 70 une nouvelle paix, gar Li [dd>c on coolirmA aux Calviiitûc» tout

»E l'Histoire Ecclésiastique. Ï^

l^i'on leur avoit accordé dans les prtccdcntes , ii on leur donna pour fureté quatre places-for- tes , la Rochelle , Montauban , Cognac 6c Is Charitc. On leur accorda non - feulement des Prê- ches ; on les dtclara capaa'es de tcmtes les charge». On leur permit même de recufer dans leurs pro cos avec les Catholiques , un certain nombre )i.iges fans en apporter la raif^^n. Jamais ils n'a- Toient ia'u une paix fi avamageufe ; mais les pro« ■vinces a voient été inondées de fang, & il étoiff •ems de leur faire mettre-bas les armes,

Aîjjficre de la Si-BdrthîUm,

L'amiral de Coll^nl , au milieu de la paix, (on-i geoit à la guerre. On en avertit Charles I X !c Catherine de Me'dicis , qui , pouiTés par des efprit» fougueux , prirent le parti le plus violent qu'oi» pût imaginer. Il fut rJfolu d'exterminer tous le» Huguenots-, on commença cette horr bl? exécu- tion , également abhorrée des Catholi |ue$ 5f des Proteftins , la nuit du 24 Xoùt 1571, fête de Sr EanliéUmi. Au fign il convenu , tous les Réfor- més répandas dans- Paris fu.-ear atiqués à-la-fois 8c p'.ufieurs mis-à-mîrrpar des a^Ta. Fins , à la tête dcfquels étoit Henri , fils de Fraiçols duc de Guije» La première viftime fot l'amiral de Coilgni,Aont le cadavre fat pendu à Montfaucon après avoir «té le jouet de la populace v le comte de la Ro^ ^htfoucault , Téli^ni , Rtvet , Lavardin , G'te^chi ^ féidailLan , & plus de deux mille gent.I$homm«»

30O E L £ M r N s

ou ofHciers Huguenots tarent nnlTacrés , ainfj qufe pluiîcurs Cathoiiqu -s , imnolcs par leurs enne- mis fous prétexte qu'ils étoient Huguenots.

Htnri de Sdvtrre , beau - frère du Roi qui lui avoit fait-cpoufer fa fjeur , & Henri prince de C-^nde , n'cchappcrent a la mort qu'en abjurant le Calvinifme. Charlts IX , pour fe laver d'une ac- tion tî horrible , publia un MjnifeAe , dans le- quel il proteila qu'il n'y avoic été poufTo que par la certitude de la confp. ration générale des Huguenots contre fa Religion & d perfonne ; il en envoya des copies au Pape , qui , par haine pour l'hércûe, dit BjJJ'uct [ Ahre'gJ de l Hijhirc d' /"raace ), reçut agréablement la nouvelle de ce mafl'acre , que les Pontifes d'aujourd'hui ont en abomination. » Ce n'cd pas a:nfi , ( dit l'Abbé de M Choill , ) que le Chridianifme s'eft établi : J. C. '• prin;e de paix , n'in'pire à fes difcipies que n la douceur & l'huniniic ; les Martyrs ne fe font >• défendus centre leurs perfécuteurs qu'en leur of- »• frant leur fang & leur vie. ( h'uT.dt l'E^lij'i* torr». 10 in-i 1, pag. 1 1. )

Lorfque CharUt IX fe rendit au pirlement de Paris le iroifiéme jour du rnalTacre, pour rendre ccjrpte de la conjuration formée contre l'Etat pir le« CalviiiiAes ; •• le premier prcfidrni loua en m. public la fagcHc du Roi , qui avoit pu cacHer n un C, grand dcû'cin, d. le couvrit le mieux qn . M pur. Mais en pirticulter il remontra fortement au Roi , H'"" '"' -te confp ration ctoit véritjble ,

DE l'Histoire Ecclésiastique. •301

II falloir commencer par en ûire - convaincre »♦ le» auteurs , pour les punir enfuice dans les H formes -, & non pas metcre les armes comn:e M on avoir fait entre les mains de furieux , ni M faire un grand carnage, fe trouvoieot en- M veloppés indifféremment les innocens avec les coupables.

»» Le Roi com Tianda qu'on f it-ccffer le malTacre; M mais il ne fut pas polTibiC d'arrêter tout-a-co.ip M un peuple acharné. Son ardeur fe ralentit peu- •» à- peu comme celle d'un grand embràfement, & il y eut encore beaucoup de meurtres qua- '> tre ou cinq jours après la défenfe

» La méoio re de l'amiral de Cul ^ni fut con- damnée par un arrêt folemnel qui eût pu être .>» jufte dans un cutre tems & pour un autre lu- M jet ; mais rien ne parut plus vain ni plui mal n fondé ,que la conjuration dont on l'accufoit M alors. On ne laifTa pas d'exécuter l'arrêt dans » la Grève en préfence du Roi 8c de la Reine ; » & au dé&ut de (on corps que le peuple avoic n déchiré , on décapita Ton phaniome , qui fut M enfuite trainé fur une claie à Mon; faucon. Ce ft M le lieu l'on expofe le corps des voleurs de ;. grand-chemin & des fcé;éra:s.

»» Pour imprimer davantage la confpiration dans les efprits , on rendit a D 1 1 u des aci:ons-dc- grâces publiques lur la prétendue découverte. M Ces grimaces n'impjfcrent à perfonne , & l'ac- n lion qu oa YCasit de faire fut d'autaot plus dé-

^bl* E t ï M 1 K f

n teftce par 1«$ gcn$-dc-bicn , que Hiorrcur «4 augmentoit tous les iours pjr les nouvelles qu'oa M recevoir des Provinces. Les ordres expcdic»- n pour les malTacres ayant couru par toute la rt France, ils firent d'étranges effets, principale-* n ment a Rouen , à Lyon & a Touloufe. Cinq' n conleillcrs du Farlement de cette dernière ville n furent pendus en robe rouge. Vingt-cinq a trente' n mille homires furent égorges en diver» endroits, n 8c on voyoit les rivières traîner avec les corps »» mortri'horreur k l'infeébon dans tous lespays^ n qu'elles arrofoient.

« Le Roi défavoua .tout , comme fait contre t% fes ordres. I! y eut des provinces exempte» M de ce carnage , & ce fut priiuipalement celîcs- »« dont les gouverneurs éioient amis de la maifon »» de Mvntmortncy. Alençon & Baionne furent de- " livrés par les foins de Mac-gnon & du vicomte f à'Orte^ , leurs gouvcrccurs. Tous ces gouver» n neurs répondirent qu'ils ne croyoient pat que n le Roi commandât tant de meurtres. •» {Eossvlt^ Ahrigt dt l'H't/l. dt France. )

Des Prélats humains imitèrent leur exemple tel fut Jtan Hcmuitr, évcque de Lifieux , qui dam cet lems malheureux fut a-la-fois le père 6( le pontife de fes ouailles. Le L'cutenant-de-Roi de k Province lui ayant communiqué l'ordre qu'il ■voit d'égorger tous Ici Huguenots de fa ville ipifcopale , JLnnui.-r i'y oppofj ôc donna a^e éc foa opporuioo. Le Uoi , loio de bUmcr ccuf

ï>£ L'FTiSTOIRt ECCLÎ5IASTT(51TÏ. ^G%

charité hcroique & gcnéreufe , lui donna les do- ges qu'elle mtritoit ; & h cl«mence, plus efficace que Tcpée des foldats , changea le cœur & l'efprie des Calviniftes de fon diotèfe ; la plupart firent abjuration entre fes mains.

Quelque atïoibli que fût le parti Calvlnifte par le maffacre de tant u'hiMiimcs , il n'etoit point écrafc. La vengeance fe joignant au fanatifme , les Huguenots reprennent les armes , s'affurent des meilleures places , fe fortirienc dans Montau* ban , dans Nifmes , dans Sancerre , & foutiennent opiniâtrement dons cène dernière ville un lîége oîi ils éprouvèrent pendant ftpt mois toutes les horreurs de la famine. Il fallut leur accorder encore la paix , & on fe prcparoit a la rompre de pan & d'autre, iorfqui la mort de Charles IX ea 1J74 changea la face des affaires.

" La manière dont ce prince mourut , ( dit

Bujfuei ) fut étrange. 11 eut des conviilfions qui

caufoient de l'iïorreur , & les pores s'ctantou-

veiis par des mouvemens fi violens , le fang

M lui forcoit de toutes parts. On n? manqua pas

» de remarquer que c'cioit avec juflice qu'on

»t voyolt nigcr dans fon propre fang un prince,

it qui avoit fi cruellement répandu celui de fes

(ujcts. Qj04qu'il fût d'un naturel dur & féroce,

•> pluheurs marques d'iionnîteté & de politefTe

>i qu'il donna , & l'ardeur qu'il témoigna fur Is

i> fin de fes jours pour bien régner , firetir-croire

f* que fon humeur pouvolt èt(.e noa^feulemeo*

304 Ê L E M E N s

M adoucie & corrigée , mais encore tournée »• grandeur- d'âme. Ainfi il peut fervir d'exemple « aux Princes, pour leur apprendre combien une M bonne cducatjon leur efl ncccffaire , & combien » ils doivent craindre de prendre trop tard de bon> M nés rcfoluctons. »

Règne de Henii III; h'ifto':re deU L'ipiC

Le duc A'Alen^on , frère de C'^^ar/es IX , qui avoit été appelle au tronc de Pologne , quitta ce pays pour le mettre en polTeHlon de la couronne de France. Oblige par les circonAances de traiter avec les Hug.uenots, il leur accorda en 1577 '* paix la plus avantagcufe qu'ils cufTeni encore faite : liberté enticre de confcience , exercice public de la religion P. R. , excepté à deux lieues de Paris & de la ccur ; chambres mi-parties de Caiholi- ques & de Pioteftans dans les huit Parlemens du royaume , la mcmoite de Tsmiral de Coligni rcha* bilitcc , les Chefs de la confcdcration Protertarte reconnus pour bons 6c f.dcics fujcts, les Moines & les Prêtres apoflats maintenus dans la poH'er- fion de garder leurs femmes Se leurs enfans ; tels furent !c$ principaux articles de ce fameux traite.

Les Ciin('iui;cs cmcnt )r( :£rts : le cardinal de Liriùiitt , mon en 1^74 , avuit cbauchc le plaa 4'une all'ociaiion contre l'hcrcfie. On rer.ouvella ce projet , 8t les prir.cipsux Seigneurs Catholi- ques furmcxcrit , ftius Ici aufpicesdcs &'«'/» , uoc

DE l'Histoire Ecclésiastique. 30c

confédération connue fous le nom de Ligue , puur maintenir la Religion ancienne contre les erreurs nouvelles. La formule dreffîe pour la Picardie, cette union prit naiflance , porte que quicon.' que refufira ou di^cttta cTy entrer , fera réputé en- nemi ii Dieu , déjerteur de f*. religion , rebelle à /In Roi , traître à la. patrie , abandonné de tous , & expofé à toutes les injures & oppnjpons , &c.

♦» Le foyer du fanaiiime de la Ligue, ( dir M. l'Abbé Pluquet) n étoit à Paàs , & l'on y 'pu- »» biloit que le Roi fjvorifoit en fecret les Pro- telUns , & qu'il y avoir déjà dans Paris plus (le >♦ dix mille Proteftans ou Politiques: nom odieux M dont la Ligue fe lervoit pour défigner ceux qvi n croient attachés au Roi 6c portes pour le bien M public.

). Par ces difcours on échauffa les bourgeois »• & la popula.e. Les priJicateurs fe dichainc- » rent contre le Roi de Navarre , & contre le » Rci même qu'ils accufoient de favorifcr ce prince M hérétique. Enfin les confeffeurs développoient n ce que les prédicateurs n'ofoient dire chire- M ment. On inventa encore dans ce tems-!àbeau- n coup de pratiques propres à entretenir l'efprit M de fédition. On ordonna des proccfllons dans M toutes les Eg!ife$ de la ville , l'on paroit »» Ici autels de pierreries, de vafes d'or & d'ar- » genc qui attiroient les regards du peuple. <•

Henri duc de Cuife , furnommc le BuLifré à paufe d'une bkffurc qu'il avoit reçue auvifa^eca

5©^ E L E M E N s

combattant lesCalviniAes, devenu chef de h Ligue cherchoit par ces moyens rcunis a allarmcr le» Catholiques & les irriter contre les l'rotedans. Les Religionnaires furent infultcs d3ns plufieurt endroits ; &, les forces des Ligueurs augmentant tous les jours , Henri JIJ fe vit contraint d'auto* rifer la Ligue, qu'il redoutoit encore plus que les Huguenots , & s'en dcclara le chef.

Les Cal vinirtes, ayant //<«/■< roi de Navarre & le prince de Cundé a leur tète, avoiit repris les armes; & Henri avoit remporte une victoire iîgnale: fur les Catholiques auprès de Courras en 1 5S7. Ce prince montra autant de gcnéroûte après la bataille qu'if avoit fait-cclater de valeur pendant le combat. Il prit foin des bltffés .renvoya les prifonaiers gra» tuitemcnt , fit-rendre Us honneurs funcbres au duc ëe fi-yeu/e , tué de fung fioid après la viûoire : neiirfe qui, joint à celui de Poltrot, prouve de quel £an.-it,fme es Huijucuois iroient animes.

Cepcnclaiu Hcnn lll , cjnvjincu que la Li^ue étoit l'ouvrage de r^mbitian des Guift* , & qu'ea s'unilldn; avec eux il avoir auf^menté leur pou- voir, prit enfin la rcfolutioo d'cci iier cette fac- tion. Mail il fe fer vit de moyens odieux , ca faTant-aflTaniner aux Ltais de Blois les deux pria* cipaux chef» de U conf.-lcritioi , Hen-i duc d* Cuift 6c le cardinal ion frcre , dans le pjtaii rocmf il ^toit lo^c.

•• Lks L<g^teu-s , (dit M. l'Abbc P/ufutt,) devin* ^ rcBi ùuicMX a la ouuvelic de r*iltvfiia4t dvi i\10

DE L*HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 307

de Guifc. Le duc de Mayenne , frère du duc de r> Guifc , fe mit à leur tête. La Sorbonne dcclara M que les fujets de Hinrl étoient délies de leur H ferment de fidélité. Le duc de Mayenne fut dc- » claré lieutenant-général du royaume. On leva M des troupes, & la Ligue fit la guerre k Henri III, H Les villes le s plus confidérables embraiTérenc les intcrèts de la Ligue, & le Roi de France it fiit ob!igé de fe réunir au Roi de Navarre.

H Alors une foule d'écrits féditieux fe répan» » dit dans fans ,& dans toute la France. La Sor- bonne fit-rayer le nom du Roi des prières quj K fe font pour lui dans le canon de la MefTe. H Enfin elle excommunia le Roi. Le Pape ex- n coinn-unia aiiffi hsnri IIL >♦

Prefque toutes les vil'es du royaiime , excitées à la révolte par les cmilîaires de la Ligue avoicnt oiiblié le véritable c<prit du Cbritlianifme. La pnpjlace de l*>u oufc c^orgea le p.emer-préû- dcnt Durand & l'avccat-gtncral HjJJ-'s , dri-x ma- g'flracs connus par leur f-'(ii.>icé pour le Roi 6c par l'unégrité de leur vie. Ou pendit a une po- tence le CiJdvre du Durant: ^ i{\i'i avoit toujour» paru contraire aux faclleux. Les autres membres ^u parlement de Toutjufe , paTii .'efquels étolen' deux conieillers qui ( feloi. de Th^u ) avoient «n:ore les mains teintes du f.i ig de leur premier- préfident , crobraiTércnt le parti lu L.gue. Henri III fut pendu en effigie dars la place publique fttX le pc.iple furjsiix, Oa ve.id,t une mauvoiis

^5)8 E L E M E N S

eAampe de lui , & on crioit ! A cia^fciu notrt Tyran ! Htnri m étant accable d'anathcm'cs , il n't.toit po ne cronn^n: que le peuple ie crût hérétique, ou du oiolas lié avec les hérétiques, Se que le faux zc'e fe portât aux derai«.res extrénitcs. Ce prince étant venu mettre le f^cge devant Paris révolté , fut poif.nardé en 1589 dans fa tente p3r un Jacobin nommé Jacrues Clcmtnt , «■ perfua« »» de ( dit M. l'Abbé Plu<juct ) qu'il faifoit une V, œuvre agréable à Dieu & méritoire au falut. Les » prédicateurs ccmparérer.t Cl^mzn: àjuduh ie.Mtr.ri M /// a HoU-htrmc , cC la dcivrance <ie Paris a celle n de Bcthulie.On (rrprinu plufieurs libelles ,dans n lefquels l'adaflTm étoit loue comme un S. Martyr. n On vit l'cffigi: de ce fccicrat cxpoûefur les au« «« tels à la vénération publique. •• La conduite de Jicnri III ne côtribuaquc trop a;utorilcr c(t égrre- ment d'efprit , que les vrais Chrétiens riprouvoicot 'routant que le s bons citoyens. Livre à la mo leffe , à l'oihvetti.a d'ind gnes tavoris,!! âvoildifîipé en pro« fufions ridicules ta fubHjncede fon peuple, roujour* gémin^ant fout des irrpots multipliés. Sufpc^ dux Catholiques & aux Hii);uenots, 8c devenu irtpri- fab^e à tous ( dit le prclident He'nault) p»T une vit c;a'ement fuperAiticufe & libertine , il ne fvui jamais ni agir, m réHcch r ; 8( il ne rcferva fon autorité que pour faire-enregilUer des éditt bur* faux, c'cH à-dirc, pour fe fa;re-hair aunnt qu'il étoii mcprifc.

ut l'Histoire EcclesiastîOue. 309

Henri IV monte fur l: trône. Il ejl ahfous par le Pape,

Utnrt , roi de Navarre , étolt le légitime fuc» ceffeur du trône de France, la famille royale de Valuis ayant fini dans la perfonne d'Henri III -, mais , maigri le droir de fa mifTance , il avolt peu d'amis , peu de places importantes , point d'ar- gent & une petite armée. Son courage oc fa po- litique Kii tinrent lieu de tout. I! gijnj pUiùeurs batailles, entr'aurres celle d'Yvri fur le duc de Mayenne , chef de la Ligue après la mort d' Henri de Giiife, ioM il n'avoir ni l'aclivité ni l'audace. Ayant fait la guerre pendant quelque tems avec des fuccès divers , Henri vient mettre le ficge de- vant la capitale -, il prend d'affaut tous les f.'ux- bourgt de Paris dans un feul jour , Se il auroic pris peut être la ville , s'il n'àvoic craint de !a livrer en proie i fes foldats. Il leva le Hcge , il le recommença -, enfin cnauyt de faire la guerre à fes fujets , & fçachant qu'ils haiffoient moins en lui fa perfonne que fa religion , il rcfolut de rentrer dans le fein de lEglife Ro.nainî. Après quelques jours de conférence avec des Evêqur.; , il fit abjuration en 1593 à St-Denys , entre les mains de l'Archevêque de Bour;^es , rui lui donna l'ab- folution de toutes les cenfures.

Cet événement changea la difpoHtioa des ef- prlts. Plufieurs villes fs fournirent à leur Roi, fie les boas François efpérirent que la Ligue fc.-olt

^t3 E L E M E K S

«nucrrmfnt difëpee. Paris demeura encore quel- que rems daas la révolte ; les Ligueurs y ëioient tout-puiffjns. ♦« Le It^,3t les aniraoit plus que ja- m inai$,( dit l'Abbé de C>t<-;Ji,) 8t quelques pré- dicateurs fe dcchainoicat 3 leur ordinaire. •< Le docleur Boucher, connu par (ou fana tifine, fe dé- chaîna en chaire cuncre le monarque Catholique; 8t fécondé par quelques autre> furieux , il voulut envain retarder par fes déclamations la redditioo de Paris.

Le duc de Mayenit avoit quitté cette capitale , il ne fe croyoit pat ea fureté. II enavoit donné le gouvernement au comte de Briffât , qui lît- rentrer les Parifiens flans le devoir. Le Roi entra dans Paris la nuit du ii au ii Mars 1594. Ua fi heureux événement arriva fans tumulte 8c faos effutîon de fang ; & pour en conl'erver la mémoire à la poftérite , 00 ordonna que le zl Mars de chaque ■nnée on feroit à Paris une piocelCen générais «ù tous les corps sffiî^erolcnt.

Il falloir, p*->or ôter tout prétexte de défobéif- fance aux Ligueurs , que le Hoi reçût l'abfolutioa 4u Pape. Dyptfonic A'Offst ( depuis cardnaux), «nvoycJ a K )me pour cette grande affaire , y tra- ▼aillerent avec autant de zclc que de prudence. La faAion efÎM(;no1e y nMttoit des obilades. Le Pape nofoit fe dcoder. Citmtm Vit ( lui dit OU. riV/ , auditeur de Rote ,qui parioit familièrement •u Pomifr , ) Oémtnt VU pvdii l'AmfUttrrt p»mr MfQir nubuomflmt è Cbsrles*Quint \ CUmtiu VIU

BE l'Histoire Ecclésiastique. 31 #

ftrdra la. France , s'il continue de ft priur aux vues de Ihjlippe //.

Le Pape, frappé de ces paroles, fit-appeller Duptr» ron Se d'OJfût &i convint avec eux de donner 1 abfo- lutioa au Roi aux conditions faivates : « Que le Rot M rctabliroit la Religion Catholique dansIeBcarn; qu'il feroit - élever le jeune prince de Coidé, »» héricier présomptif de la couronae , dans la •» Religion Catholique ; que les Concord-:cs con- M cernant les bcnétîces feroient obfervés ; que le »> Roi feroit-publier & obferver les dtcrets du m Concile de Trente , excepté dans les chofes H ( s'il y en a ) qui pourroient troubler la tran- ♦» quillité du Royaume *, qu'il protégeroit les Ec- it clefiailiques ; qu'il n'accorderoit les honneurs M & les dignités qu'aux Caclioliques j qu'il di> »• toit tous les jours le chapelet de Notre-Dame, *t & le Mercredi & Samedi les Litanies -, qu'il ob- »* ferveroit les jeunes & autres Commandement M de l'Eglife -, qu'il entendroit la MefTe tous les •1 jours , & qu'il bâtiroit un Mona(lére dans cha« m que province de fon Royaume , &c. &c. h

D'Oj]'jt Si Duptrron promirent au Pape l'ob- icrvation de tout ce' qu'il exigeoit j & enfin le 7 Septembre 1595 » Clément VIII prononça publi- quement rabfolutioo du Roi au bruit du canon du château St-Aoge.

Les Romains en témoignèrent une grande joie. Le cardinal ToUt , quoiqu'Efpagnol , contribua f lus 91e pecXooa^ à f^e - léuilir uoç a£Giue A

311 Elemens

importante 4u repos de la France. Le cardinal de Pla^j'jr.cc , qui avoit été Ugat pendant la Ligue , & qui (félon l'Abbé de Choijl) avoit pouffe foa zclejulqu'a la fureur, changei de fenri:nent quand il fut a Rome. Ainlî furent termines les trou- bles de la Religion : troubles qui contribuèrent peu: -être a la confervation de la Foi Catholi- que en France -, car Dieu tire quelquefois le bien du mal , k nous ramène au calme par des moyens qui fembîînt à nos yeux f.îibtes & chancelans , ne devoir produire que des tempêtes.

Elût de Njmcs accordé aux Calv'm'Jies,

Htnri *1V , tranquille enfin fur le trône , crut de- vorr prévenir les guerres qui avoient déchire la France jufqu'alors , en gagnant les piinc^paux Li- gueurs par ëes libéralités , et en accordant aux Cslvjnilles !c libre exercice de leur Religion. Ce fut dans cette vue qu'il donna en ijQf à Njn- tcsun fameux Edit , qui confirmoit Ac augmentoit tiïtme tous les privilj^cs que les Protcrtan» avoient obtenus des Rois Tes prcdcceffeur» les ■rmes à la mnin : liberté rniicrc de confciencc ; exercice public ds leur religion dans les viliei qui refTortifToient tmm«:di3tement à un parlement ; permiiTiO* de faire-imprimer tous leurs livres dans les ville*» leur religion croit tnltirér ; faculté de polTcder toutes fortes de charges & 'l'rm- plois -, pUces de fureté pour huit ans; et ment dans les parlcmeni , de (hrmbret ccn.j..i.<.k de Caihuliqiics & c'e Ptctcruns. Le

bE l'Histoire Ecclésiastique! 31*

Le Clergé, la Sorbonne, rUniverfuc fe rccTiÀ< rent contre un Eiic qui accordoit de fi grands privilèges à des difTidens -, & le Parlement fit beaucoup de difficulté pour le vérifier. Henri IV ayant fait-venir deux députés de chaque chambre au Louvre , leur parla ainfi La Religion Catho- w lique ne peut être maintenue que par la paix j M & la paix de TEtat eA la paix de l'Eglife..,. »» Il ne faut phis faire de diftin£lions de Cjiho- M /igues & de Huguenots : il faut que tous foienC »' bons François , & que les Catholiques conver- »» tilTent les Huguenots par l'exemple de leur bonne vie. ... Je fuis Catholique, & ne veux que per- n fonne en mon Royaume aflFeûe d'être plus Ca- »t tholique que moi; mais je reflemble au ber- »i ger,qui veut ramener fes brebis à la bergerie avec douceur,

Enfin le Parlement enregiAra cet Edit , qui, tout favorable qu'il étoit, ne put réprimer le penchant que les Calviniftes avoient à la révolte, comme nous le verrons dans l'hiftoire du fiécle fuivanr. Le malheur de toutes les fcdtes , c'eft qu'elles font animées d'un defir fecret de devenir dominantes, & qu'elles veulent opprimer la Religion de l'Etar, lorf-mème que par des privilèges finguliers elles ont été incorporées à cet Etat , dont elles devroient gvant tout aimer la tranquillité & le repos.

•t'

Tom. lit

5^4 E L E M I N s

Su' te J: rWflo'ire Je U Religion en Angleterre * mort Je Marie Swzvt ; perfccution Jcs C<itho' Uques far Elilàbeth.

Les révolutions que la Religion éprouva en Angleterre , firent moins répandre de fa »g qu'en France ; mais el'es ne mcriient pas moins l'atten- tion du Icdicur curieux. Nous aTons vu mourir Htnri Vl\l en 1547, rongé de chagrins & de remords. E'..u3'A , (on fils , à^é de neuf ans , lui fucccda. Le foin de l'cducation de ce jeune prince a voit ëié confie à douze Seigneurs Anglois , q :i lui infpircrent du goût pour les opinions nou- velles. Son oncle vnMcrntX ,Kduiiari Seymow ^A^ic de Sommcrfet , qui s'étoit empare de toute l'au- torité , penfoit comme Cj/r. Il & Zuin^lc:\\ vou» lut que toute l'Angleterre penfàt comme lui.

Ce chan^.cment cpiouva d'abord de grands obf* tacles. Les Catholiques attaquoient avec force let nouveaux dogmes de la Kcfu'^me, Se défcndoient avec beaucoup d'avantage la du^rine de l'Eglife Catholique , & la plus confiJcrable partie de la nation cioit fortement attachée à l'ancienne foi. Les Réformateurs ne fçavoicnt eux-mêmes à quoi l'en tenir fur le* principaux points contef* tés entre les Catholiques & les Proteftaas. On fai* foit fan» ceiïe dr nouvcl'cs profclTions de foi : on ajoutoii , on rctranchoit fans ceflTe quelque chofe à cet profcdions : on changeait les Liturgies \ cf O'ctoieac qu'Ordonnances du Roi U du P^rle»

•DE lIÎISTOIRE EcCLESÏASTïQUt. 3 r^ tnent , pour obliger à croire telles chofcs , & à n'en pas crOire telles autres , pour prefcrire les ri:s des Ordinations, l'étendue du pouvoir des Eve" ques &i des Pafteurs.

Voila ce que Durn:t appelle un ouvrage de \\x* miére , & l'ctat la Réforme avoir rais l'Angle- terre.

La nouvelle Profeiïlon de foi contenoit les er- reurs des Protcftans fur la jullification , fur l'Eu- char ftie , furies Sacremeos, f*r l'Eglife , fur l'E- criture, fur le Purgatoire , furies Indulgences , fur la vcnérarion religieufe des Images & des Re- liques , fur l'invocation des Saints , fur la prière pour les morts \ on y coniîrmoit la Suprématie du Roi dans , l'Eglife , & l'on y condamnoit les er- reurs des Anabaptiûes.

Pour la Liturgie , on la rendit la plus fembla- Lle qu'il fut poflÎDle à celle des Proteftans ; oo retrancha des Lglifes les Autels , les Images , les ornemens qui fervoient dans la cclcbration de l'Of- fice Divin ; on abolit l'ufage de l'huile dans l'Ex- irêmc -Onction , &c.

Le f arlement profcrivit folemnellement , au mois de Décembre 1547, l'exercice de la Religion Ca- tholique i & l'Eglife Anglicane devint alors un compofé bizarre des erreurs des Sacramentaires & de celles des Luthériens.

Edouérd étant mort en IJ53 , Marie , fille da flenri F I II & de Catherine d'Aragon , monta fat

le crôce , avec la ferme rçfoluticn de rctabli^

O ij

|l^ E L E M E N s

la fjinc dofïrinc. Elle comrncnça par caffier tou» fe$ édit$ que fon per; 3c (on frère avoicnt d.>i- jnéi contre les droits de l'Eglife. Tous les étran- gers , imbus des nouvelles erreurs, eurent ordre de forcir du Royaume. Les évèques Zuing!:cn$ Ou Luthcrlcns furent condamnes au feu , lorf» quils perfwvcrcreot dans leurs opinions. C.j-fnf, •rchevcque ic Cantorberi , qui avoit tant contri- bue au divorce de Henri Vlll , pcrit par le der- nier Tupplice. Ainlî les dogmes de J. C. , qui font des dogmes de douceur Se de paix , furent fou- tenus par des exécutions cruelles, dont l'hiftoire de la primitive Egtifcri'ofTroit aucun exemple.

Le cardinal PoIls fut nommé Icgat en Angle- terre i & lorfqu'il y fut arrive , il s'oppofa aux confeils violens de quelques Minidres de la Rein;. Il vouloit que les PaAeurs eutTent des entraînes de compaiTion , même pour leurs ouailles perdues^ & qu'en quai ic de pères fpirituels, ils regardaf- fent leurs enfans dans l'cgarement , comme Att mabdes qu'il fjut gucrir , £< non pas tuer. Il re- mon'roit que la tropgran<le rigueur aigrit Icm.nl: qu'on devoit mettre de la difFcrence entre un Etat pur , tin petit no-nbre de Doâeurs fe gliiTe, & un Royaume dont le Clergé 8c les S<5- culiert fe trouvent plonges dans un abime d'er* fftur«: qu'au lieu d'employer la force pour les dé* raciner , il fall"it donner du tems au peuple de s'en défaire par dcgrcs. Ses fagcs confcils fervirent à morltrér le» fuppliccs , txuii ooa é les profcrir^ cmicicmcnc.

DE l'Histoire Ecclésiastique. 31»,

Une hydropifiï , accompaJ née d'une fièvre len- te , ayant enlevé Marie en 155^ » *." m'I'*" dts ib' icitu des que fon zèle lui donnoi: , Eitfabuh^ £1:2 de Htnri VIll èl d'Anne de » Bculen , régna après elle. Pour affermir la couronne fur fa tèce» e'ie donna une entière liberté de cor.fcienco à tous fes fujets. Elle pût le titre qui paroif- f ait , ce femble , ridicule dans une femme , de Chef /upréme ic l'E^Hfc An^liccne. La Reli£;ioa de cette Eglife dont elle peut être regardée comme }a principale fondatrice, fut flx-ie alors. La litur- g.e fut réglée telle qu'elfe cft aujourd'hui > on conlcrva l'ordre hiérarchique ces archevêques » évêques , chanoines , curés, ainfi que de plufieurs cérémonies des Catholiques dans la cékbratioa des mylléres ; mais on adopta prefque tous ^s dogmes des Luthériens & des Ca Iviniftes.

La doctrine de ces liérctiques avoit jette d^ profondes racines en Ecoffe , qui obeiflfoit à d'au- tres fouverains qu'a ceux d'Angletcrret L'apôtre de l'héréûe daiu ce pays fut un nommé Jcam Cnos , qui dès l'an 1552 avoit hit beaucoup de profélytes en prêchant, contre la MelTe & les au- tres points de la croyance Catholique. Les évê« qucs l'ayant pourfuivi comme un féduûeur, il fe retira a Genève , d'où il revint en Ecoffe lorf- que Marie Siuan , héritière du trône d'Ecoffc palTa en France pour époufer Françtlj II, Il pro- fita de l'abfence de cette princefTe pour ctabli* fttxci les Ecolïois la même furme de culte & \i

Oiii

5it E L r M 1 K s

même difcipline ecclciufiique que les Gcneroi* tenoient de Cahia, & que le Parlcmeat d'Ecoflr adopta rolemncllemeot en i{6c. C'c(l ainfi que le Cilvioifme , fondé fur les loix de l'Etat , de- vint la religion dominante; & ALrit Siuvt , de retour dans fa patrie après la mort de fon*cpoux, eut beaucoup de peine à obtenir la pcrmiilionde £iire-dirc la MeiTe dans fa chapelle.

Cette malhcureufe princeffe effuya de conti- nuelles travcrfcs en EcolTe , 6t les Catholique» éprouvèrent les contre-coups de l'averûon qu'on •▼oit conçue pour elle. » Sa conduite, (dit Bof- »• fuet ,) avoit augmenté la haine que fes fujecf,

pour la plupart hcrctiqucs , avoicnt dcjà pour

fa religion. Comme elle etoit accoutumée a la •• magnificence de U Cour de France , elle faifoit m des dcpenfes que la pauvreté de fon ro^a mQ M ne pouvoir fouffrir. Pour diminuer le crédit de Jacfitti comte de Murrai , fon frère bâtard, chef m des Cflvtnil^es , elle cpoufa Henri Smart fon »• parent , qu'elle tlt-couroiu.er Roi. Mais c le te p m.prifa bientôt-après, & elle éleva fi«h4it ua m mufiwicn , que non - feulement les Gr^n \ dia m royaume , mjls le Roi lui - mcme en devînt ia«

loux. Il luiii-taer foo muficien, quiétoit «devenu

fun fecréiaire & fon principal miniûre. Elle n fit - femblani de lui parJo.iner ; mais quelque m tcms après ce jeune Roi fut éirr.(;U- dint fon

ht , fit la chimbre o.i il couchoit f^uia en mi* |t Bc ICO* pv UQC oùac. Le comte ù% iivtmd

t)E l'Histoire Ecclésiastique, ^f)

h fut l'auteur de cet arteiitdt,cc iitontiuçar après n il ol'a demander Ji Reine en nnriagc. Elle h laiffa forcer à l'epoufer , après qu'il eut été >> juilifié prefque fans procédures. On connut af- »» fez que la Reine ne hnùToit pas ce meurtrier, r> &i h haine de fes iujets s'accrut fans mefure. m ( ÀBiiLCÉ. de l'Hijl. de Frcnec , année 1567. )

On prit les armes , on fe rendit maicre de fa perfonDC , & on l'enferma dans une forterelTe. Af<2< rie s'étant echjppeo de fa prifon , fe mît à la lêre d'une armée : mais la perte d'une bataille la força de fe retirer en Angleterre , elle s'é- loit flattée mal-à-propos de trouver un aiîle af- iurc. Elifdbtth, jaloufe de fes talens , de fa beauté, & fecrettement animée contr'elle la fit-arréter , & après l'ovoir retenue long-tems dans une dure captivité, elle la fic-condamner à perdre la tète fur un échaf^ud.

Cette ci'.èbre éxecution fe fit au commence* ir.ent de i^S-f, dans le c'ni:eju de Forteringaie, fa dcrni.re pri "on. Elle demin!a qu'on l'exécucât en publiC , afin qu'elle put rendre un témoignage éclatant à la Foi de fes pères. Etant montée fur l'échaffaud avec une fermeté qui tira des larmes des yeux de fes plus grands ennemis , elle ha- rangua le peuple, pria Dieu pour l'Eglifc, pour 1j reine Elifateth ^ pour fon bourreau, & mourut aHfTi hcroiquemeat que chrétiennement.

yjf;u«,fils de l'infortunée Marie, lui ayant fuc- cédc fut le trône d'EcuITe , foutint par fa protçe^

^lô E L E M E K 5

•lOn & par (es ccrits la Religion Anglicane , qui depuis foQ rcgoe a prci'que toujours dominé ea Angleterre, en EcjlTe âc ea Irlande. Elif^htih ài- livrie d'une rivale qu'elle avoii tant redoutée » |i'cn fui que plu» animce contre la Religion Ca- tholique , fur-tout depuis que 5iJu«-Qui/ir avoit iulmine une bulle par laquelle il delioit Tes fu- jets du rerment de fidclité. Elle fit un grand nombre de lois pour dtfeodre l'exercice de cette Religion. Les premicres contraventions ctoieat punies par de grcflcs amendes , enfuite par la contiTcation des b.cas , eafn par une prifoa perpétuelle piuûeurs Catholiques périrent (U ssifére.

Des le commencement de fon règne , les Eve»

ques qui ne voulureiu pas reconnoitre cette fetn-

Bie imperieufe pour chef de l'Eglife Anglicane ,

furent tous dépouilles de leurs dignités. Confiné*

U plupiri dans ditfcrentes prifons , ils lurent

traites avec une rigueur peu conforme aux fentW

Bcns d'humanité qu'L/i/jbtth afTeii^oit quelque-

fois. Lntin ayant dcdare criminels de Icxe-Mi»

îcftc tous les prêtres Anglois Catholiques qui

reviendroicnt en Angleterre , on en pr:t un grand

BOm're qui (érirent par le dernier (upplice , tfti»

■voir efluyc Us plus rudes tonurcs.

Vts Partis que U RèformMJon a produits en j4n^Uterre,

m La Rcformatioa de l'Angleterre , cet ouvrit H ge de luxsurc, fclga,l^i.r/ia , ac i4Si* p<à»a4t^

VE L'HisTomE Ecclésiastique

» venir ( dit M. l'Ajbé Pluquct ) un ouvrage n coafuûon. Pluficurs Ânglois, qui avolent été M fugitifs fous le règne de Marie , retourncrenc en Angleterre , pleins de toutes le* idces de n 1j Reforme de Genève , de SuifTe , & de France, Tt Ces Protcftans ne purent s'accommoder de la w Reforme d'Angleterre , qui , à leur gré , n'avoif »» pis été pouffee affez loin.

)i Ces Réformes ardens fe féparirent de l'Eglifs »• Anglicane , & firent entr'eux des affembléei n particulières , auxquelles on donna d'abord le »» nom de C^nicnt'uuUs. On appclla auffi Fruhy^ n térienj , ceux qui i'étoicnt ainfî fcparés , parce r> qu'en refufant de fe foiuriettre à la jurifdic- r tion des Lvêques , ils foutenoiem que tous les » prêtres ou miniftres avoient une égale autorité, M Bi. que lEglife dcvoit être gouvernée par det y Presbytères, ou CoDfiAoircs , compofcs de Mi- r niûres & de quelques anciens Laies, aiaû qu* » Cjhin I avoir établi à Gencve.

X II £e forma donc fur ce fujet deux partis j » qui , au lieu d'avoir de la condefcendance l'ut» » pour l'autre , commencèrent à s inquiéter mu« n tuellement , par des difputes de vive voix 9c n par écrit.

» Ceux qui' adhcroient à l'Eglife Anglicane, rrouv M voient fort mauvais que des particuliers pré» « tendiffcnt reformer ce qui avoit été établi par m des Synodes Nationaux £i par le Parlement, 1^ P'uaâuue côic^lcs Presbytériens oe trouY«ie2)i|

524 T L £ M T S t

»» pas moins étrange . qu'on voulût afl'ui«(tî^ n à pratiquer des chofes qu'ils -croyoient contrat m rcs à la pureté de b Rcligtoo , & on les nomma n à caufc de cela Puritains.

M On voyoit donc les Evcques & le Parle- ment traiter comme des hcrcciques les Ré- formes qui r.e vouloicnt pas Aiivre la Litur« •I gie établie par EUfahtih -, tandis qu'une partie •» de la Nation Angioife n'ctoit pas moins choqace »• de voir un MiniOre faire l'oHiLe en furplis , »> que d'entendre prêcher une hcrciîe , & traitoit de fuperrïitions> idolâtres toutes les ccrémo' t> nies que i'Eglife Anglicane avoit coniervces.

t> Les partifans de la Liturgie furent nommék » E^ifcopaux , parce qu'ils recevoicnt le gouvcr^ »• nement Epifcopal. On les appelia aufC C^t- w furmijles , parce qu'ils fe conlormoient au cuUe établi par les Evcques & par le Parlement.

M Les Presbytériens s'appellérent , au coturaire^

Nvn-Cvnfvmiftet ou Puriuins.

X La Hiérarchie eft le point principal fur le.

quel ils font divifcs.

H Depuis que ces deux parfis fe font divifcs , chacun a travaiiré avec ardeur a gagner l'avan- M tage fur l'autre. Les d'ffcrens partis politiques »» qui fe font formel en Arglererre , pour ou coa» M tre l'autorité duHoi, ont t.ichc d'entraîner dans H leurs intérêts ces deux partis. Comme, dam r«- •» rigine , les Prtsbytcriens ou les Puritains fu- ^ rent Uani l'op^irciiioa » paice que l'auturitt

De l'Histoire Ecclésiastique. 325

m Royale & celle du Clergé étoient réunies con. Il tre eux ; les Presbytériens fc font attaché» aux ennemis de la puiliance Royale , comme » les Epifcopaux fe Ibnt attachés aux Royalif- rt tes. Ces deux fedes ont eu beaucoup de part >i aux mouvcmens qui oot agite l'Angleterre i les »> Puritains furent la caufe principale de la révo- »> Union qui arriva fous Charles / , 8c depuis cc »> tcms lis font le parti le plus nombreux. «

H'iftolre de Pêtaklrjfement de l'Héréfie dans Us Pays-Bas,

Le commerce que les Anglois & les Protef- tans d'Allemagne avoient avec les Pays-Bas , 8c les livres dongercux qu'ils rJpandoient à la fa- veur de ce commerce , infpirérent les nouvel- les erreurs à un grand nombre de perfonnes» Churlcs-Qjtint , fouverain de ce pays , s'oppofa en vain aux progrès de l'htrcûc. Phiupye // , fon fih 5c fon fuccefTeur , crut arrêter les ravages , en fondant de nouveaux évéchés , en envoyant desminifircs de fes volontés, pleins de fcvcrité, en ctablilTdnt le redoutable tribunal de l'Inquifl- tion. Mais la rigueur irrite ordinairement lej- efprits , au lieu de les ramener. Le cardinal de Cranvclle , envoyé dans les Pays - Bas , il efiVaja les Hérétiques par l'appareil des fuppli- ces , ne put jamais faire>recevoir le Lint-OfHcc,, & fut obligé de (Quitter uo pays il étoit dé- l&ùà*

Jî4 E I E M E V $

Les Uérétiques n'ctanc plut contenus par li prcfence de Grtuiye.U, le r^pandircrt dans toute» les provinces , & , leur hitràiefTe croiffant aTec leu' nombre , ils fe vengcrent fur les Catholiques des traitemens qu'un l-'relat catholique leur avoit fait- clTuyer, Ils entrèrent dans les villes , pillcrent les Eglifes , profanèrent les Tabernacles , brifé- rent les ftatues des Saints , chaiTcrent les Reli- gieufet de leur cloitre , & maffacrerent les PrcUtt & les Religieux qui ofcrcot leur réûfter.

La princelTc Mjrgueriie , fille t!e Ckai lu-Quint Mt gouvernante des Pays-Bas, crut pouvoir arrê- ter ces affreux excès, en falfant- publier de nou- veau les édits de l'Umpcreur (on père contre les novateurs. Cet aûe de vigueur , loin de calmer les efprits , n'ayant fervi qu'a les aigrir , elle écrivit à P/ùùfpe //,« que les P ys-3?i avoienc » moins bcfoin du gouvernement doux d'une Prin- m ceiTe, que de la main courageufe d'un général, n Pftriipf,t II lui donna pour fucccireur le duc à'Alkt, qui fe rendit en Flandres à la tête de doui« à quinze mille hommes en 1567.

Ce fameux capitaine , naturellement dur 8t fc- vére , ne fut pas plutôt arrive à Bruxellef , qu'il fh-arrcter plulîcurs des principaux feigneiirs de» Pays-Bas, parmi lefquels étoicnt le comte d'£^ moniU le comte de Hvn ,qiii eurent La t£re tran- tiKt. GutJ/»umt ptince d'Orange .encore plut fuf» y«â à U cour d'Efpagne , parce qu'il étoit l'aaM 4â. U Ligue fccictic loroKc çoaut le gouTcr*

DE LlîlSTOrRI ECCLESIASTTQX^ $t^

nement ,s'ét3nt fauve en Allemagne, fut condamné par contumace. Dix -huit cents perfonnes périrent en même tems par la main du bourreau.

Les Hcrctiques effrayés foupiroient après un vengeur. Le Prince d'Orange rentre dans les Pays - Bas à la tête de près de trente mi!!ô hommes , en partie foudoyés par les Princes Pro» teftans d'Allemagne. Il fajt-entrer dans fes inté- rêts les provinces de fon gouvernement , en bannit la Religion Catholique, & fe fait-déclarer Statoudher de fes provinces. Les Huguenots dff France vont fervir fous fes étendards avec le même emprtffement que les Protcftans d'Allema- gne. Ccioit pour eux une elpcce de Cr^ifade* Tous les ennemis de Phd ppe 1 J èi. de \a Reli- gion Catholique le favonfent en fecret, ou le fou- tiennent ouvertement. C'cft ainfi que le Calvi- oifme devint la Rch-ion dominante des Provin- ces-Unies.

Les ^Ln^ftre$ Réformés trnrcm plufieurs alTem- blées^& donnèrent a leur Eglife de Hollande la difcipline que Cahin avoit établie à Genève. Bien» <6t on les vit divifés eiur'eux. Ils ne fe réuni- rent que dans les efforts qu'ils firent pour em- pêcher qu'on n'accordât aux autres Religions la tolérance qu'ils avoient d'abord demandée .'pour eux-mêmes.

Tandis que ces petites querelles intérieures agi- toient l'Eglife HoUandoife , la République ctoic ^taqu<« au* dehors par du Puiflapces ituo^ctu^

326 Elïmens

Les détails des petits combats & de tou< les tf* forts qu'elle fit pour (outen.t fa liberté naiffjnte, n'appartiennent pas à cet Ouvrage. II fuiïira de (Tire que, lorfquc le Friace d Orange employoit toutes les relTources de fon coarage â( de Con génie, il fin tué d'un coup de piftolet par un Franc-Comtois appelle Bjifis^^tr Gt'oid, le dix Juillet 1584.

Maurice fon fils marcha fur fes traces, 5c ayant continué la guerre avec la même valeur & les mên es fucccs , les Lfpajinols fc virent enfin con- tramts par le fort des armes a conduire en i6o(> DOC trêve avec la nouvelle république des Pro- vinces-Unies. La fuite de cette fmçuliîre révo- lution appartenant plus à l'H:ttuirc profane qu'^ l'eccIcfiaAique , nous renverrons nos teneurs aux Ecrivains qui en ont tracé le tableau.

De la Religion dans une partie du SorJ.

Lutter avuit enlevé à l'E^life une partie df KAIiemagne ; fes difciplcs lui arradiércnt prefque tous les royaumes du Nord. La Norn-cge & le Uanemarck fc tixcrcnt pour tuu)Ouri dans l'hc- rcfie. Ce po:fon infcda U Hongrie -, le» Luthé- riens, profitant des troubles de ce pays ,s\iabli- «aot dans la haute . Ac le» Olv nille» d»n% la bafTe» On accorda dans la Traofylvanie la liberté d'en- feigncr tout ce qu'on voudron en msiicre de rv. ligion , & a la faveur de cet cdii donne en ijùi , Im LuthciiCiu , lc> C«lvuuAcA & le* ^ociuicolk

DE L*HiyrcnRE Ecclésiastique, ^x.-/

firent de nombreux difciples. Plufieurs EglifesLu* thcriennes turent formées en Pologne foius le rè- gne de S.'gij'mjrid-Aiigu/}e,qui monta fur le tronc en I 548. Les- Calviniftes y envoyèrent aufl"! des prédicateurs , & , quoique ennemis implacables des Luthcriens , ils fe réunirent contre la Religion Catholique. Cependant , les Rois n'ayant poinc abandonné cette Religion, elle a (oujours été do* minante en Pologne.

La Suède étoit Catholique , lorique l'héréfiarque Allemand parut : deux Suédois qui dvoient écudit fous lui a Wittemberg , portèrent fa doctrine en Suède. On ctoit alors au tort de la révolution q-iù enleva h Suède au Roi de Danemarck , 6c qui pljça ftir le trône Gujîave-Wafa ; on ne s'appervut pas du progrès du Luchéranifme.

Gujlave, placé en 15IJ fur le trône de Suède, dont il venoit de chiffer le beau -frère de l'Em- pereur, avoit à craindie l'autoritc du Pape dévoué à CharUt-Qjiint , & le crédit du Clergé, toujours- ^vorable à Chri/liem malgré fa tyrannie : d'ail- leurs Gii/lavt vouloir clianger le gouvernement de îa Suède , & régner en monarque abfolu dans un pays le Clergé avoit maintenu fes droits , au milieu du defporifme & de la tyrannie de Chrlf- tiern. Il rcfolut donc d'anéantir en Suède lapulf-i fanceduPapc 8f l'autorité du Clergô. Lutheravoit produit ce double eflFet dans une partie de l'Alle- magne par fts déclamations contre les Ecclélîafti- i^ues. {>ii/?«i'c'fevorifa le Luthi^ranilme , ScdoicA

^l!f E L E M E N 5

fecrcttemcnt ordre à les Miniftrcs de protégera Luthériens , & d'en attirer des univerûtés d'Al* iemagne.

La plupart de ces nouveaux Doâeun avolcnt Favaotaî^e de la ûicnce & de l'cloquence fur le Cierge , âc ircme uncettam air de régularité , que dkïnoeni les premières ferveurs d'une nouvelle Rt- ligioo. Us ctoient ccoutcs avec plailir par le peu- ple, toujours avde de nouvcautcs, & qai les adopte iiaos examea , lorsqu'elles ne demandent point de iacrihce , & qu'elles ive tendent qu'a abaitTer fes fupcrieurs. Vne apparence de faveur qui (c rC- pandoit imperceptiLtlemcnt l'ur les predic ateurs Luthériens , leur auiroit l'attention de la Cour Se de la prenucre Noblefle , qui ne voyoit encore qu* des Prelau attaqués.

Pendant que ces Doâeurs prcchoient publique- vient le Lurhéraaifroe , Gufiu*t de Ton cote cher- chcit avec affectation difi'crcns prctcxtcs pour rui- ner la pjiilance temporelle des Evéques 6c du Cluf gé. Il attaqua d'abocd les EcclétîaAiques du fécond Ordre , & après eux les Evoques. 11 rendit fuc- cclTivement pluhcurs déclarations contre les Ci*- lés fil contre les Evêques , en faveur du peuple, le fur des objets purement temporels . tels que la dtcbration qui dcfcod aux Lvcques de s'ap. proprier les biens ti. la fucccliioa de» LccUioAi- .qucs de leurs djucéfes.

Le Cierge prcvit les projets de GnJtjfi , fat»

DE l'Histoire Ecclésiastique. ^î^j

venoit toutes leur s démarches 5c rendoit tous leur» efforts inutiles. Il dépouilla fuccefTivcment les Evê- ques de leur pouvoir & de leurs biens : il pro- teftoit cependant qu'il étoit très- attaché a la Re- ligion Catnolique. Mais lorfqu'il vit que la plus grande partie des Suédois avoient changé de Re- ligion, il (e déclara enfin lui-même Luthérien , & nomma à l'archevêché d'Upfal, Laurent Pari , au- quel il fit-époufer une demoifelle de fes parentes* Gujiave Ce fit eiifuite couronner par ce Prélat, & bien. et Ij Suède devint pre:que toute Luthérienne, Le Roi , les Sénateurs , les E'-èques & toute la NojIelTe firent profedl on pub ique de cette doc- trine. Mais comme la plupart des EcciétiaAiques du fécond ordre 6c les Curés de la campagne c'avoient pris ce parti que par contrainte ou par foibleiTe ; on voyoi: da:u placeurs Eglifes du royaume un m-ilange bizarre de cérémonies Ca- tlioliques & de prières Luther iennes. Des Prêtres & des Cures mariés di^oient encore la Meffe , en plufieurs endroits , Tuivant le Rituel & la Litur- gie Romain*. On adm niûro t le Sacrement du Baptême avec les prières & les exorcii'mes , com- me dans l'Eglife Catholique. O a enterroit le» mor s avec les mêmes pri.res qu'on Cuiploie pour demander à Dieu le foulagement des amcs des Fi- dèles , quoique la doctrine du Purgatoire fut coa' damnée par les Luthériens.

Le Roi voulant établir un culte uniforme dang iiaa loyauaie» coavoqua luie ailemblcc gcacialf

3JtO E L E M E N s

de tout le Cierge de Suède , en forme de CooS cile. Le Chancelier prcùda a raircmblcc au nota -4u Roi ; les Evéquvs , les Doûcurs & les PaHeurs -des principales Eglifcs , compolcrent ce fynode Luthcrico. Us prirent la CoateHion d'Ausbourg pour ^cglc de Foi. Ils rcnonccrcnt folemncllement à l'obéiITance quMs dévoient au chct de rLglire» Ils ordonncrent qu'on a! uiiroit enticrement le culte de l'Eghle Runtame. Us tJLieudircnt 1j prière pour les ino:>s. Ilsempruntcrci.i àa Lt^hlcs Lutiibriea* nés d Allemagne la inaui<:re d'adminiArer le B^ip- time & kl Cint. Ils dcclarerent le mariage des Prêtres Icgicime. Us profcrivirent le célibat 8c les •vœux. Us approuvèrent de nouvciu l'Ordonnan- ce qui les avoir d.pouilKt de leurs privi cgcs & de la plus grande partie de leurs bens -, 8t les Lcdé- fiaAiques qui firent ces règlemcns, ètoient pref- que les mimes , qui, un an auparavant , avoient fait-raroitte tant de rcle pour la dcfcnfe de la Religi'H.

Ils eurent cepen43nt beaucoup de peine à abo- lir la pratiq»ic î< la difc piioe de l't/.life Romai- ne dans l'adminiOration des Sacrement. On en:en* doit fur ces changcmens des plaintes dans tout le royaume. C/'y?<>r«. craignant les cfTett du mccoo* tentement de* peuples , ordonna aux P^Orurt flc aux Miniftre» Luihcfient d'ufer de con'Iefcendan» ce pour ceux qui demandoicnt avec opini.lireté Ici anciennes cèrcmnniet , 0( de n'établir les nou. velles , qu'autant qu'ils irouveroicut des dii'po^ liona LAVorables daot le» pcupict.

r DE l'Histoire Ecclésiastique. 33 1

Hîfldlre du Socinïanlfme.

De toutes les fecles qai fe répandireat en Po- logne , !d plus dan^ereufe fut le nouvel Arunif- me. Le premier auteur de cette héréfie , fut ua médecin Efpagnol . nommé Michel Servet, qui dès l'aa 15JI attaq 13 de toutes fes forces le princi- pal fondement du Chrutianifme , le dogme d'un Dieu en trois perfonnes. Apres avoir voyagé dans une partie de l'Europe , il vint exercer fa profef- fijn a Vienne en Dauphin; , de nouveau* écrits le Jîrent-enfermer dans une étroite prifon. Ayant trouvé le moyen de s'cchapper , il fe réfugia à Genève. Il ^ trouva Calvin animé con:re lui du reffentiment que lui avoit infpiré une difpute qu'ils avoienc eue par l>:ttre$. Ce reformateur la dénonça, le fit arrè:er ei 155^ ^ o'):iit des magiftrats de Genève, qu'il expierait Tes impié- tés dans un bûcher: fuppiicc affreux , infligea ua err nt par un ermt .' « Si Scrvet eût été le plus yi fort , ( dit M. .Vl.icjuer , ) il auroit pu faire-brù- H 1er C-itvin a aufTî bon droit que -celui-ci le tic» »» brûler 'ui-méme.

Comment les maViftrats de Genève , ( dit l'Au- n teur du DiH oiti.itre dis Hére'/rei ,) c[ui ne recon- M noi(Toient point (Je Ju ',e infeillible du fens de »♦ l'Ecriture , pouvoient-ils condamner au feu Ser» ft vct , parce qu'il y trouvoit un fens dîff.-rent de H Cilvin ? Dès que chaque particulier eft maître f d'expliquer l'Ecriture comme il lui jetait , fao*

53* E L E M E N s

" rtcourir à l'Eglifc , c'cfl une grande in;uftice Se »» condamner un homme qui ne veut pas dctcrer it au jugement d'un cothoufufte , qui peut Ce trom- *• pcr comme IuL •< Cependant Cjhin ofa (aire l'apologie de fa conduite envers Sir^a. Il entre- prit de prouver qu'il falloit faire mourir les H«« rctiques. Cet Ouvrage traduit par CvlUA^n , l'un des J u^es de l'infortune Aragonnois ( Genève i ;6o, in-8°. ) a fourni aux Catholiques un argument in- rincible ai k^miaem contre les ProicAans , loiT- que ceux-ci leur ont reproche de ù:rc-raourir Icf Caivicifles en France.

Les écrits de Strvtt s'ét«r.t répandus en Italitt quarante gentils - hommes de 'N'icence formèrent en 1 546 une focietc, moiiic littéraire , moitié ihé<v- logique , pour y conférer fur les matières de Re- ligion.

M L'efpèce de confufion qui couvroit alors pref- H que toute l'Europe, ( dit M. l'Abbc PLq.itt , ) les abus grofGers & choquans qui a voient pénétré •« dans tous les Etats , des fupe rAiiions & des m croyances j-idicuUs ou dangercufcs qui s'ctoieot M répandues, 6rcnt- juger à c eite Socicté , que U M Religion avoii befoin d'itrc réformée , Se que H l'Ecriture contenant, de l'aveu de tout le monde» H la pure paro'e de Dieu . le m oyrn le plus sû> H pour dégager la Religion des faillies opinions •• étoit de n'admettre que ce qui ctoit enfctgoé dans l'Ecriture. ^ 9 Cununc cette Société fc piquoit de liticr2tut|

DE l'Histoire Ecclest asti que. -53^

& de phllofophie , elle expliciua félon les rc- »> glcs de critique qu'elle s'étoit faites , 8c con- »» forménient à fes principes philofophiques , la ►» doftrine de l'Ecriture , & n'admit comme ré- »> vêlé, que ce qu'elle y,voyoit clairement en» » feigne , c'cft-à-dire , ce que la raifon conce- »♦ voir.

» D'après cette méthode , ils réduiHrenc le Chrif« «< tianifme aux articles fuivans :

»♦ Il y a un DiEU tris-haut, qui a créé toutes eho' » fcs par la puijfanct di fon Verbe ^ & qui gouverne M tout par ce Verbe.

»» Le Verbe eft fon Fll<t , & ce Fils efl JESUS Ac M Naiarcth , Fils de ^IXRIE; homme véritah/e , muii homme fupcricir aux autres hommes , ayant éti »♦ engendré iune Vierge , & par C opération du Saint» vt Ej'prit,

»• Ce Fils , eft celui que Dieu a promis aux an» n ciens Patriarches , & qu ''il donne aux hommes. Cejl n ce Fils quia annoncé r Evangile , & qui a montré w aux hommes le chemin du Ciel , en mortifiant fit •< chair & en vivant dans la piété. Ce Fils e/i mort ♦» par l'ordre de Jon Père, pour nous procurer laré- r> miffion de nos péchés; il eft rejfufcité par la puif" »» far.ce du Père , & il eft glorieux dans le Ciel,

»♦ Ceux qui font fournis à JESUS de Nazareth , fvnt %<• juflifiés de la part de Dieu; & ceux qui ont de la »» pléti en lui reçoivent l'immortalité qu'ils ont per» •< due dans Adam. Jesvs-Christ feul eft le Sel- •t gntur 6* le (htf du peuple qui lui eft fournit j il

3 '54 Elemïns

n ejt U Juge dti M t arts & des ir.crts \ il rtvltn» ft dra vers les hcmmes à la con/lmmation des fit» m des.

n Voila les points auxquels la Société de ^'i- n cence réduifit la Rdiji^ion Chrétienne. La Tri. M nitc , la confubilantialiié du \'erbe , la divinité » de J. C.&c. n'ctoient , fcli<n cette Société , q e M des cpiaions prifes dans la Philofophie des Grecs, H fc non pas des doj^mes révèles. »♦

Les affemblées de \'icercc ne purent fe faire aflcz fecrettement , pour que le Miniftcre n'en tut pas irfttuit. U fit-arrctcr quelques-uns de fe$ membres, qu'on fit-mourir par U main du bour- reau. Les autres prirent la fuite. Tel» furent Li~ lie Socin , Pa'utii^ Gtnti/is , & Eernaidln Okin ^ capucin apcftar.

Socin, le chef de ces dogm.atifans , n'ayant pu fe fixer en Suiflfe , fe rct'ugia en 1 5 5 1 en Pologne , état libre & favorable a fes projets. Il cnfeigiu en fecret ; mais fes difciples ,Jeon BUndrata , /r«n> Paul Alciat & Valcntin Ctntilis , fe montrèrent ea public , & firent-goûter leur doâiine à plufieurfl nobles & grands du royaume , dont l'exemple ^ le crédit fervirent Icaucoup a ractriKfîcn.cnt de cette dangereufe (eue.

Cependant de» cdits émanes du trùnc en M 64 & I {66 , ordonnèrent a tous les Unitaires de for- tir de )a Pologne. Mufieurs cherchèrent dei afy- les dârt d'autres royaijm.es; mais la plupart t'c- ««ot cachet daoi le f»y* cbcx les fcigncurt qui

DE lTÏistôire Ecclésiastique, ^^f

les protegeoient , laiiùrent paffer l'orajc. Des qu'ils ne craignirent plus la perfécution , ils écri- virent , ils prêchèrent ; & foutenus par des pro tedleurs illuflres , ils fondèrent des Eglifes 8c des Ecoles.

Faille Svcin , neveu de Lé/ie , foutiiit l'ouvrage ds fon oncle ; il fe retiri en Pologne, il ne vou- lut s'affocipr à aucune des Eglifes de ce royau- me , Se affecta d'être l'ami de toutes, pour les ame- ner à fes idées. Il leur difoit « qu'à la vérité Lu- M ther & Calvin avoient rendu de grands fervl» •I ces à la Religion, qu'ils s'y étoient affez bien »> pris pour renverfer le Temple de l'Antechriû »> de Rome, & pour diffiper les erreurs qu'il ea^ »» feignoit : néanmoins qu'il falloir convenir que,' »» ni eux , ni ceux qui s'étoient bornés à leur fyC- vt tême , n'avoient encore rien fait pour rebâtir le vrai Temple de Dieu fur les ruines de celui de H Rome , & pour rendre au grand Dieu le vrai •• culte qui lui eft dû.

Pour y parvenir ,( difoit Socin.) il faut éta- n blir comme la bafe de la vraie Religion , qu'il »» n'y a qu'un feul Dieu ; que J. C. n'eft Fils de M Dieu que par adoption, & par las prérogatives » que Dieu lui a accordées ; qu'il n'étoit qu'un n homme , qui , par les dons dont le Ciel l'a pré ve- M nu,étoit notre Médiateur , notre Pontife, notre M Prêtre -, qu'il ne falloir adorer qu'un feul Dieu M fans dillinftion de perfonnes. Ne point s'em- ^ b^rrafl'er , pour expliquer ce que c'ctoic que k

53^ E L E M E K 5

»» Verbe, de la maniv:re dont il procédoît du PerC K avant les ficc'es , & de cruelle iratiicre il s'é* n toit ûic homme; qu'il faJloit regarder comme M des fables forgées dans l'imagination des hom- n mes , la p'»fcnce-rce!le de I humanité & de la »» divinité de J. C. dans l'EucharilUe , l'effic cité du Baptcme pour etraccr le pcche originel , &.c.

r> Ce pian de Religion plut !n:':nmicnt à ces hommes qui ne s'itcicnt ccari^s de la croyance M des Eglifes Reformées , que parce qu'ils ne vou« M loient reconnoitre comme enfeigné dans r£cri« M turc , que ce qu'ils comprcnoicnt. Les Unitai» res , qui faifo:cnt îe parti dominan* parmi lèse n- v> nemis de la divinité de Jcfus-Chrift .l'aggrégé- •< rent a leurs Eglifes , & fuivircnt fes opinions; »♦ Plufieurs autres Ef;lifcs les imitcrcnt , 8t l<i-<iit «« devint le Chef de rou ces Eglifes. •. (Pif^i/fr, Di^iontta'rc dtt Hircfiei. )

Svtin ne jouit pas tranquillement de la gloire à laquelle il avoit afpiré avec tant d'ardeur :1e* Otholiques & le* ProteAans s'unirent contre lut , C( il ^nit fcs jours dans le vill igc de Lucl.ivie. il Vctoit retire pour fe dcrober aux pourfuites et (tê etroemi». Sx>un mourut en 1604,. j^c de 65 aiXK Oo mit fur (ba^tombeau cette épiraphe :

Tf>ts li«f I^aè<ylt>m étfliuictt icHj L iherut, Afi/ffri CaNinus ,yie^ fandémtnis Sociaux.

m Lmthtr a i1é*niit le toit de Babylont. CsMh m m a tcurrrié Ict murulict , & Socim eu a arraché Ut

u

DE lTÏISTOÏRE ECCtESlASTIQUï. 53^ La Se£le Soclnienne , bien loin de mourir ou de s'affoiblir par la mort de fon Chef, devint con- iîdérable par le grand nombre des perfonnes-de- qualité & des Sçavans qui en adoptèrent les priiH cipes. Les Sociniens furent en état d'obtenir dans les diettes la liberté de confcience. Mais peu-à- peu on fe détacha d'eux en Pologne pour s'unir à l'Eglife Catholique , ou aux autres RelJj,ions tolé- rées dans ce royaume.

Des Anahjptijlis.

Une feue qui fe rapprochoit du SociniamAne'^ fut celle des Anabaptijies. Elle eut pour chef Tho- mas Munctr , an des plus fameux difciplesde Za- thct , & Saxon comme lui. Il s'unit à Storck , fa- natique de Siléfie , 8c ils prêchèrent tous deux les armes à la main. Luther avoir conimence par met- tre dans fon parti les princes-, Muncer mit dans fiea les liabitans de la campagne, en leur annon- çant qu'il venoit les rétablir dans la liberté primi- tive que J. C avoit apportée au monde , & les délivrer de !a tyrannie de leurs feigneur^.

Ces fanatiques prétendoient , « que les Chré- r. tiens ayant l'Evangile pour règh de leur con- ¥> duite & l'efprit de Dieu pour guide , l'office de n MagiArat étoit non>feulement inutile, mais qutf rt c'etoit une ufurpation illégitime de la liberté fpi» »♦ rituelle des Fidèles. Qu'ainfi il falloir aotantie ft toute diftinûion denaifTance , de rang & de fots w tune, comme contraire à l'efprit évangéliqu*,' TûitK II. P

^jH Ê L E M f K s

N qui ne volt dans coût les hommes que des ê:rM h c^aux. Que tous les Clirctieas dévoient mettre * en commun tous leurs biens , & vivre enfemble dans cette parfaite égalité , qui convient aux n membres d'une même famille. Enfin , que la Loi #> naturelle (c le nouveau - TeAament , n'ayant »« crabli aucune règle fur le nombre des f.-mmes qu'un homme pouvoit cpoufcr, on devoir ufer pt de la liberté que Dieu même avoit accocdce n aux anciens Patriarches. »

A ces prmcipas d'indépendance , ils jolgnoient des opinions pirticulicres fur l'adminiAratioa du facrement de Biptcme. Ils foutenoient , qu'o.n ne devoit l'adminidrer qu'aux adultes. Se qu'il ne le falloir pas donner par arperfion , mais par immer- (îon. Ils rebaptifoient tous ceux qui entroient dans leur foci.-tc. Ils condamnoient formellement l'u- fage de baptifer les enfans , & c'eft de que leur vint le nom i'Aial<jpci/iei,

Cette idce parciculicre fur le Baptême a'ctoic que ridicule ; mais leur enthourufme pour la li- berté ctoit très- dangereux , & il ne tarda pat à produire des etTeti violens. M^nttr & fes feâateurs ayant pri« les armes , ils fe rendirent maîtres de Mulbaufeo , & firent - fuulever tous les payfans dans U Souabe , la Franconie , la-Thuringe & l'Ai* face, & par-tout ils maTùcrérent les moines, en- levcrcat les religieuTes , pillèrent le clcrj^c , £c coiirairent tes excès les plus horribles. Les pria* Ç(t Ciih^liquei Se Luchirlcas s'aaireac cwatrc en

DE l'Histoire Ecclésiastique. 33'^

fcntlioufiaftes fanguinaires. Frcderic , tllcdleur ds Saxe , cet ardent protecteur de Luther , leur livr ca 1525 une fanglante bataille prùs de Fnnchu. fen , dans le comté de Mansfeld , & les défît en* tiérement, Munccr , fait pritonnier dans cette jour- née , fut condamné à perdie li tète. Storck s'évada en Siléfie , & envoya des difciples en Pologne & dans d'autres contrées.

La mort de Munar , n'a volt pas anéanti l'ana- baptlfme en Allemagne. Deux vifionnaires de cette fcfte, Jean Alaihias , boulange r de Harlem , & Jean Becold , tailleur de Le} de , poffédés de la rege du profélytifme , fe font de nombreux difciples , les arment , & fe rendent maîtres de la ville de Munfler.

MatJiias, le chef le plus audacieux de cette feue militante, ordonne à la multitude aveugle qui lui obéiffoit, de piller les Egllfes & d'en détruire les arnemens. Il fait-brùler tous les livres , comme in- utiles ou impies , & ne conferve qii« la Bible. Il confifque les biens de ceux qui s'étoient enfuis de la ville , & les vend aux haLitans des cantons voifins.

Voulant enfuite établir une nouvelle forme de gouvernement , il ordonna a chaque habitant d'ap- porter à fes pieds fon or , fon argent , qu'il dé- pofa dans un trélor public , apiès avoir nommé des diacres qui le dlAribuoient pour l'uCage corn* mun de tous les membres de la ncuvcac ii].ub <que. Lorfqu'il eut jette parmi eux Içs fondemeasi.

Pij

5|9 Ê t E M E N »

d'une partaice cgnlité , il !cs obllgci de manger en- femble , en public , dans des tables communes donc il régla les mets. Joignant alnfî la frugalité ft Ij vigueur de la dii'Lipline à la fougue de l'cnthon- fiafme , il forma de Tes difciples de bons foldats , décidés à tout foufîrir pour la dctenfe de leurs opinions. Il nugmenta le nombre de fcs proft'y- tcs , en envoyant des cmiffaires aux Anabaptidss des Pays-Bas , pour les in\iter Je fe rendre à MunAer. Il n'.ippelIo:t cette ville que la hionta^r.t dt Sion , «« d*où il devoir fortir cnfuite , (difoit-il , ) n avec fes "difciplcs pour aller foumettrc à leur H pulflance toutes les nations de la terre. «

Cependant l'Evêque de MunOcr , chaiTé de ft ville cpifcopale , avoit aflemblc une armée confi- dcrable pour en fomer le fiéj;e, A fon approche , Mathiat cn fortit à la tête de quelques troupes , ■ttaqua un des quartiers de fon camp , le for^" i, Se après l'avoir rempli de carnage , il renrra dans la ville charge de dcpouillis. Ce fucccs lui ^t-tour- ner la tcce. Il pirut le lenJem.iin , une lance à la main, devant le p;uple , auquel il déclara qu'il iroit comme un fctond G '.L'un, avec une poignée de foldits , exterminer l'armée des impies. Trente cnthoufiaftes le fui vent dans cette entreprtfe ex« travagante , & vont fe précipiter fur les cnne* mis , qui les mettent en picces uns qu'il en cchap- pc un feul.

La mort du Prophc'te jetta la conHernation dam \fi C(Xur des Anjhjjnijlct. Mm iitfvld , coopu auiU

tïE t'HlStÔIRE ECCLESIASTIQUE. "34I

/bus le nom de Jean de Lcyde , ranima bientôt leur courage & leurs efpér^nces. Ce vifionnaire, (dit M. Pluqiitt) »' courut nud dans les rues , » criant: Le Roi »£ S'iON vilnt ! Apres cette « aftion , il rentra chez lui, reprit fes liabits Se ne fortit plus. Le lendemain le peuple vint en " foule pour fçavoir la caufe de cette adlioa. Jean »» Bccold ne répondit rien , & il écrivit que DlEU I) lui avoit lie la langue pour trois jours. On ne M douta pas que le miracle opéré dans ZacharU , ne (q l'ut renouvelle dans Jean BuoU , & qn » attendit avec ùiipuii-^ncc la fui de ronmutifme.

Lorsque les trois jours furent écoulés , Bt- coli fe prcfeota au peuple , & déclara d'un ton de Prophète , que Dieu lui avoit commandé d'établir douze Juges fur Ifracl. Il nomma donc »» des Juges , & fit dans le gouvernement de cette » ville (MunAer}tous les ju^cmens qu'il voulue H y faire.

»♦ Lorfque Bccold fe crut bien EfFermi dans l'ef- X prit des peuples , un orfèvre vint trouver les " Juges , & leur dit : Voici ce que dit U Seigneur Dieu , l'Eternel : Comme autrefuis j'établis Saiil « Roi fur Ij'raïf y & après lui David , bien qu'il ne fût » qu'un fmple bercer ; de même f établis aujourd'hui » liecold mon Prophète , Roi en Sijn. Un autre Pro» X phète accourut , 5c préfcnta une épée à Bccold , )• en difant : Z?/i:t/ t'établit Roi, ncn-fcuUment fur » 5ion; mais aujfi fur tonte la terre. Le peuple, tranf» porté de joie , proclama Jean Bccold Roi du SioPt

Pu;

54^ E L r M E N s

•» On lui fit une couronne dor , 8c l'on bzttît monf n Boie en fon nom.

»• Bteold ne fut pas plutôt proclamé Roi , qu'il H envoya vingt-fix Apotrcs pour établir par tout n fon empire. Ces nouveaux Apôtres excitèrent n des dcfordres dans tous les lieux il» pcnc^ t% trérent , fur-tout en Hollande , /<«« de Ltyd* n difoit que Dilu lui avolt donné Am.lc-rdam St »» plufieurs ajtres vUlcs. Les .inabaii/.tt caufé- H rent des grands délordres dans ces villes , & on » en fit-mourir un grand nombre.

" Le Roi de Sien a,iprit avec douleur le mal- heur de fcs Apôtres. Le découragement fe irit M dans Muniler. Bientôt-après la ville fut pri(e N par l'Evcque. >• Becold fut tait prifonnier , chat^ gc de chaires , & conduit de ville en ville, 04 on le donna en fpedacle à la curioliic du peuple» On le ramcnaenfuite a Aluofter, le théâtre de (on fjnatifme 5c de fcs crimes. 0;i lui fit-fouflTrîr les tourmcns les plus lon^s <!( les plut recherches , iju'il fuppori^vec un courage digne d'une me>}- leure caufc. Il expira dans les fupplices en 1 ^ 30 , ay^nt à peine vingt-fix ans.

Le royaume des Aimhapiijitt finie avec la vie de leur Roi t'hais leurs principe^ avoient iciié de trop profondes racines, pour que leurs erreurs fufTcRt anéantie*. Une partie de cet fef^aires , plus traa> quilles Se plus paciiiqiiC», formèrent, fous la con» ^uiie de Huur & de C«hri<l ^\iii^\t% àt Stvtt^ , Njie fociCtc d'Atubapiiilcs , appeUci ht turu M

DE L*HlST01BE ECCLESIASTIQUE. 34^

Moravie , du lieu ils s'ctablirenr. Ilutcer compofa pour cette nouvelle fociété un Symbole, dans le- quel il rcjettoit la croyance de la divinité de J. C. , l'efficacité du Bapième pour effacer le péché ori- ginel , la Mcffe , le Purgatoire , l'invocation des Sarints, &c. &c.

Huttcr fe brouilla bientôt avec Gabriel. Ils fe réparèrent & formèrent deux fedles , qui s'e::com- munierent mutuellement , l'une fous le nom à'Hnt' térites , & l'autre fous celui de Gabriélitis. Quel- que tems après , les Anabaptifles fe réunirent en Hollande fous la conduite d'un certain Menno , & prirent le nom de Mennonites. Ils fe fous - di- vifcrent encore en deux grandes branches , de» WattrUnders & des Flamands. Ces différens fec- taires ayant renoncé aux principes fanguinalres <îe leurs premiers auteurs , regardent comme un crime de taire la guerre 6t d'exercer les emplois civils. Ils fe dévouent entièrement aux devoirs de. fimpîcs citoyens , Se f^nt , par leur humeur pa- cifique , amende - honorable ( fi je puis m'expri- mer ainfi) Acs violences commifiis par leurs fon- dateurs. Heureux A cet amour de la paix écoit ac- compagné de l'arnour de la vérité !

Suite des P.ipcs ; De Pic IV 6* dt [Saint Charles Borromce.

On voit par le tableau que nous avons tracé dos difFcrentes feifles qji naquirent da.is lo xvi* fitclc, que tes Papes avoient perdu une partie

Piv

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leur empire dans le Nord -, mais ils confervoicnf encore tout leur pouvoir en Italie. Le concile de Trente, convoqué fous letirs aufpices , avoit cté leroiiné par les foins du pape Fit IV , qui travail'a très-fcrieiifcnent à fiire-obfervcr le» d«^rets de cette aiVc milice par le clergé fcculier ûc rcgulier. Jl révoqua toates les permifîions, privilèges, in- duits qui pouvoieni 'être contraires aux confli- tutions de ce Gsncilc -, obligea les Evoques à la rifidence , condamna les l'intoniaques , drcfVa une profe<non de foi , réforma les diveri tribunaux la cour de Rj.-ne , & At ua initM des livres dé- fendus. Sa mort, arrivce ea i)6j , fut une perte pour l'Eglife.

PU /Kavolt été féconde , daiu fon zèle pour la réforme des abus , par fon neveu le cardinal Chjrlt* Borrone'e ^ que fcs vertus ont fait-placer dans le catalogue des Saints. Milan, dont il étoit arche- vêque , le rcgirde comme un de fcs bienfaiteurs. Dans une pelle qui a.lligea cette ville, il brava la contagion pour porter les fecours fpiriiuels 6c, temporels à fcs ouailles. Après que le Concile de Trente fut termine , il aUcmbU fucccflivcment fix Conciles provinciaux dans fa ville cpifcopale, pour (aire-recevoir fes décrets. Zclé rcHaurateur de la difcipline eccicfianique, il fut aufli ferme à fou» tenir les droits de l'E^hfe , qu'humble au milieu lies hooneurt. Il mourut en i{84, lailTant dam toutes les aâions de fa vie un modèle aux Eve» guet , 8c ua exempte aux auuct ««clcûadii^uci.

DE l'Histoire Ecclésiastique. ^^ ^^

CVft à lui principaiement qu'on doit l'établitTe- mrnt de ces écoles appellces Séminaires , les jeunes clercs foat élèves dans la (cience & dans la piété.

Poniijîcat de Pic V ; Bataille de Lépante.

P'.eV, Dominicain, nommé auparavant Michtl Ctijltri , pontife d'un zèle ardent & d'une vertu «minente , fut élevé fur h chaire de S. Pierre après Pis IF. Son pontificat fut marqué par des événe* mens intéreiïans. Séi.m II , emperenr des Turcs , étant venu attaquer l'ifle de Chypre avec une ar- m;e formidable, Pie ^'exhorta vivement les Vé- nitiens & le Roi d'Efpagne à s'armer contre ces ennemis du nom Chré;ien : mais , malgré leurs ("e- cours réunis, l'iAe fut emportée en ijyc L'an- née fuivante fut plus heureufe, Dpn Juan A'Aw triche y fils naturel de Charles -Quint , & digne de fon père par fes talens militaires, remporta con- tre les Turcs une viâoire nav.:!e auprès de Lé- pante , ville fituée dans le g^lfe de Venife. La défaite deces Infidèles fut comp'ctte. Environ deux cents galères de la flotte Ottomane furent r'i'eï. On leur tua trente mille homTies , & on en fit £x mille prifonniers -, quinze mille efclaves Chré* tiens furent tirés des fers. Pie V recneillit une partie de la gloire de cette grande aûion , à ii- queiic il avoix contribue par fes exhortations &. iv/U argent.

Ml. mourut en i j 72 , & fut caaonifé par Ciântut

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ment XI. Ce fut pir l'es ordres que le CatcclufAC du Ccncîe de Trence tut r.digc. L'ardeur de Ton zc'le ie porta a l'ulmmer une rcnteaced'excommu- nicaiion contre Elij'*hth reine d'Angleterre, a déf» approuver hau:ement l'allunce de du-Ut IX roi de France avec les Tares , & a menacer Max-' mititn de le priver de la couronne impériale , (*tl foulîroit que la diette d'Ausbourg s'attribuât iéciCion des matières de Religion. Ces dcmarchest qu'on pardonnoit à h droiture de Tes intentions ^ •uroient eu peut-crrc des faites funcfte» , i'\ oa avoir moins refpe^c fa vertu. L'ordre des H.- wiilUt fot aboli fous fon pontificat en 1^71 : U caufe de cette AipprelTion fut un coup de pifto» let, qu'un Religieux de cet ordre l'ir* far S. Charht B.rromée , qui travaillolt à les reformer.

Pomifi:M J: Grégoire XIII ; De la refomjùon. du Calendrier.

Hugues Buoreompagne , de Boulogne , crcé car» dinal par Pie IV en ij6j , fucccda à f/« V t% 1^71, & prit le nom de Crt'gôire Xllf. 11 a me» rite la rcconnoifl'a-.ce de tous les (îccles par ia rcformition du Calendrier. L'cq'jînoxe du prin» t«iT»s , qui dcvoit tomber au 21 Mars, ne fe trou* voit plus qu'au 10 du mime mois , parce que l'année aftronomiqije diflfîroit i''- '■•■ roinu>

te» dt rannée Julienne , qu'on : -.. Ainrt

tk. célcbraiion de la fcte de Piquet étoit trouble* (ic et dcringemeat » t^nc U fticceiU'M dei lenii

'de l'Hiîtoihi Ecclésiastique. ^4^

^rolt rondu de jour ea jour plus confidcrablç. Pour y remédier , Grimoire Xlll ayant confuUé les plus célèbres Aftroaomes , ordonna par une bulle, qu'en l'anréc 1552 on Tctranchcroit tovit- i'ua-coup dix jours , en fautant du 4 d'OAobre au I^ j& pour fixer perpctuellemenc l'cquincxc du prinrems au zi Mars , il arrêta que , de quatre en quatre ficelés , on fupprimeroit le biiTexte de chacune des trois centaines d'années , à commen- cer cette fupprcfiîon de l'an 1700. Ce règlement, adopte par l'Ej^life Catholique , fut rejette par tous ks Etats Protellans \ irais la plupart ont fentl qu'une réforme ù utile devoit être adoptée , quoi- qu'on la dût à un Pape.

Peu de tems après, Grégoire Xlll çyit la confo- lation de voir à Tes pieds trois jeunes Princes du ûng royal , envoyés du Japon , de la part des Rois oc des autres Princes de cette iilc. Leurs let- tres de créance portoient cette infcriptlon : A cciul qui tient la pUsc di Dieu fur la ttftt. Lc Pape les reçut avec tout l'appareil c!ù u Ifur nng ; mai», pfu de jours après ks avoir adn.is à fon audicn« ce, il fut enlevé à l'Et^Iife le i3 Avril 1585 , â l'âge de 8} ans. Quoique Ihirtoire lui reproche d'avoir loué hauceirent le malTacre de \iSt-BartUi^ Icmi , parce qu'il imnginoit faufTement que cette exLCutioQ feroit le dernier coup porté à l'htrcfic en France , il jouit a Uctne d'ime grande réputa- lico, par Usencoursgcmcns qu'il accorda aux. Arfi., Ik. pat Us Ccik'^cs qu'il fonda pour fotmei refgrii

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& les mœurs de la jcuoeiTe qui te deAinoit nH Millions ccrjcgéres.

PonûjicJt dt Sixte V.

Apres la mort de Grt^oirt XIII, les cardiotux Bffemblcs dans le cooclave, s' étant divifésen plu» fieurs fafUons , Te réunirent enfin pour donner leurs voix f u cardinal de Monulte , qui prit le qotn de Sixte y. Les degrés par lefquels cet homme fin» gulier parvint a la première dignité de l'Eglife , ont quelque chofe d'extraordinaire. Ne en i<)i« dans un village de la Marche d'Ancone , réduit dans fon enfance a garder les porcs , il pa(Ta de ce vil emploi au fîrvlce d'un Cordelier , qui le fit-entrer dans fon ordre. Apres avoir brillé com- •ne prédicateur , & comme profeffcur de philofo» phie & d; théologie , il remplit les places de gar- dien âc de provincial , 8e parvint jurqu'au gcné» l«!at. Le pape Pie V, qui le choifit pour fon con» fefleur extraordinaire, l'honora de la pourpre ca JJ69.

Pendant la courte durée de fon potuifîcat , qitt fut trop tôt tini pour l'avantage de l'Eglifc , Simu V ranima la police coiale-nent. éteinte dans fes états v il les purgea des bandits qui le* infcAoicnt, & des courtifanesquilescorrompoient. Il embellit RoiM d'obîli'ques, de colonaes , de Aatues , de caoâux, d egliCes , de miufoléet , de palais , & iorsos la hibUofhcque du Vaticao , l'une des plu* riches de (Jjirdpc. )im UAûfporter Ce dcvcr to

bE l'Histoire Ecclesiasttquî. 34^

dtélifque qui orne la place du Vatican , il cm» ploya pendant un in plus de iiulr cents hommes f< plus de cin . cents chevaux. A fa mort , arrivée le i7 Août 1 590 , il lailTa un million d'ccus d'or ; mais, comme pour amalfer ce tréfor & pourfub- venir à fes autres dépenfes , il fut obligé d'aug- menter les impots , il fut peu regretté par les Ro- nuins. C'e(i lui qui fit-imprimer la Vt/igate ^ cor- rigée par le Concile de Trente , en ordonnant qu'elle fût regardée comme la feule authentique.

Des SucceJJeurs de Sixte V.

Urbain Vil (appelle auparavant le c.udinal Caf- tagna ) ; Grégoire XIV ^ de la famille de S fondrait de Milan , Innocent IX (Jean- Antoine Fachinetti ) » tous trois fuccefîeurs immédiats de 5/xfi r", n'oc- cupèrent le faint-fiége que quelques jours ou quel- ques mois , Se n'illuftrérent leur court pootifîcac par aucune adlion digne de palTer à la poilérité.

Le cardinal Alduhrandln , qui fuccéda le Fé« ■yrier 1591 à Innoctnt IX , prit le nom de Clément yjll. Il réconcilia à l'EglIfe Henri IV roi de Fran- ce, & malgré les intrigues de l'Efpagne , il ter- mina cette affaire de manière à gagner le cœur- de ce monarque & l'cftime des François. II réunit le duché de Ferrare au faint-fiége, après la mort i'J/fonl'e d'EjI , qui ne laiffoit point d'enfans légi- timas. Dans la célébration du Jubilé de 1600 , qui attira trois millions de pèlerins à Rome , le Pape ftr vit lui-même les pauv^res. Les difp.utet fur la>

5<;o E L E M E N s

Grâce, que les Ecrits de ^ji'ijavoient faîr-élcTCr* agitérenr4bn pontir:c3c ; mais l'hinoire de ccsdc- mclés nous occtiperi , en traçant iccllc du wii* fucle. CUmint VllI , qui fie de vains efforts pour les appaifer, mourut en i6o{ , après avoir gou- verne l'E^life pendant près de 14 ans. Le foin qu'il e.it de maintenir la juAice, comme i/jrrcf', allura le repos de ("es fujcts & celui des ctrargers à Rome. Libéral , fobre, .pieux , charitable , zè?é pour la propagation de I Evangile , & pour Is reunion de^ Tthirmatiques Grecs -, il eut prefqut routes les qua'itcs d'un vrai Pontife. L ne put cependant s'affranchir des affcftions humaines , (dit le F. d'/ft-r/^r/) i; créa fes deux neveux « cardinaux , 6c il en fut puni p?r les chagrins r> que lui donna la îaloulie qui étoit entr'eux. Il »♦ faut convenir d'ailleurs qu'ils avoicnt du mc- »» rite: £>:li5.jcrc V tirade fon village un Pfttti n pour le revêtir de la pourpre a l'âge de i { «• ans, il n'e(l pas cto>inant qu'un AldithrAitiln aie n fait quelque chofe pour fa famille. •»

Fondation de noin'fjux Ordres Religieux , 6- Rejorme des .inclens.

Le lultre qu'acquirent les Ordrrs rergieiix dan» ce ficcle , fut une des con'dition* qu'éprouvé- tent le» Pcni.fe» Romiin». L'Ori^rede S. Frgmçt'it produiiit (roii nouvelles hrjnchet -, celles des Cj- ft'Clni, des Ricotttlt ,hi ùz^ PinittHs,

Les CipMcioi.aiiifi appeiléi d'un (taod cipr:s

DE l'HiSTOÎRE ECCLESrASTiQUE. 5^!

tallli en pointe qui leur couvre la t j;e , durens leur reformation. i Mûtthicuiz BiJ'chi ^ frère O'jfcr» vantin du duché de Spolette , qui leur donna , en ija^ , une Règle pirticulicre. Cette réforme prof- pira malgré les obftacles que lui opprjfcrent les autres frères Mineurs , qui s'accommodoient en» core moins du genre de vie qu'on introduifoit , (dit le P. d'v4i//g/i/) , que du capuchon pointu & de la longue barbe. Elle fut folemnellement approu- vée par CUmtnt Vil en 1518, & par Paullll ea

Us furent reçus en Frince fous Charles IX , à la recommmdation du cardinal de Lorraine, & iis y eurent bientôt un grand nombre de couvens. Cc'ix qui n'aimoient point les Capucins, ne pou- vant .'eur ôter la qualité de Religieux , voulurent leur en'ever celle d'enfans de S. François ; mais Urf<ain VIII leur a'Vura ce titre précieux en 1627; n auroit érc finj'itier , que ceux que le dcfir la perfeilion primitive portoit à renoncer aux adoucilTemens pofVérieurs , cufTent été obligés de quitter le nom de leur père.

Les Récollets furent ainfi nommés , parce que l'cfprit de récotle^ion , de recueillement , de re»» traite , leur infpira la penfie de demander au papa Clcmenc VU , en 1 5 31 , la pcrmiflion de fe retlrtr dans des couvens parti. uliers , pour y obfcrver à la lettre la rè^le de j. Frarr/ols leur patriarche. On ks appella Sucufanti en Italie , parce qu'il» portent et g^roCei facdalïs , Epfelléej Stcs ou.5o|i*w.lh.

^^î E L E M E V s

ont lept provinces en France. Leur reforme nS diiféroit gucres , au commencement , de celle des Capucins. Les uns fc les autres prciendoient cire rentres dans la voie étroite, abandonnée par leurs prédecefTeurs. Mais le tems a apporté quelque» mitigations chez les Rccollets : ils ont abandonné la barbe , & leur vie ell moins auftére que daai kur origine.

Les i'cnitcns , connus à Paris fous le nom de Piept-cet ou Pijuepvs, parce qu'Us s'établirent d'abord dans un petit village de ce nom , font une autre branche de l'ordre de S. FrM.Ci.is , laquelle prit naifTance vers l'an 1595.

Les Fcuiilins font une reforme de Citeaux ». faite vers l'an 1577 par Jtjn de la Bjrri/re , abbé de Ste Marie des Feuitlans dans le diocèfe de Rieux. Leur vie fat d'abord très-dure. Ils ne man» geoient point de \iindc, ils ne buvoicnt pas dt vin ; leur feule boiffon étoit de l'eau, bue dans un crâne de mort. Cette corgrégsiion, approuvée ea 15S6 , ne fe fouiint pas dans fa premicre fer* veur.

Les Carmes , tombés depuis long- tems dans le reUchemcnt , furent reformes p4r Ste Tk/ri/t , re< ligieufe d'Avil.t en Calul'e. Elle cominença p.ir le couvent cHc avoit fait profcrîon. Après avoir établi la rcfurme chet les Kcligieufcs, elle reforma les Religieux , & l'ordre des Cani.cs reprit un« •ouvclle vie. lis prirent le nom de Camut Atih^iéM. mu. MthuuJlit » a caufe d'uo it% goint» de lU^^le^

OE l'Histoire Ecclésiastique. 353

qui ordonnoit de marcher nuds-pieds. La faince Réformatrice étoit animée d'une piété fi tendre , qu'on lui a donné le titre glorieux de Martyre de l'Amour divin. Elle eut de grandes perfécutîbns à efî'uyer. Lçs indévots traicoient d'illufions les grandes chofes que Dieu opéroit en elle : mais malgré leurs injudes dértfions , elle perfévéra dans fes auftérités jusqu'à fa mort , arrivée en 1 58Z. Sa devife étoit : Ou Jouffrir , ou mourir,

L'Ordre qui fut inflitué en i j io par S. Jean de Ditu , pour recourir les malades , fous le nom de Frères de la Charité , fait autant d'iionneur à l'hu- cianité qu'à la Religion. 11 s'eft étendu en Fran« ce, en Italie, en Allemagne, en Pologne, Scpac-; tout il a fait de grands biens.

L'objet des Thcatins , les premiers clercs-régu- liers qui aient paru dans TEjUfe , étoit de réta- blir l'ancienne vie apodolique , en s'abandonnant à la providence pour les befoins du corps. S. Cactan , comte de Thicne , fut leur fondateur -, Se Pierre Cardjfe évêquc deThéate, leur i" fupérieur, Jeur donna le nom de fon évêché. Garaffe étoit d'une famille illuOre du Royaume de Naples. II s'alTujettit lui-même aux règles qu'il prefcrivoit aux autres. Sa réputation de fcience & de piété , engagea Paul 111 à l'appclfer à Rome , pour le con- fulter fur les moyens de détruire rhérciie & de ré- tablir les anciennes mœurs. Ce Pontife, voyant en lui un ennemi décUrc de toute innovation ea ^c de .doi^ioc , Ôc un homme qui pouvoit ctrq

3 H E L E M E s s

Texemple du facré collège , le força d'accepter le chapeau de cardinjf. Il foutint avec chaîeur dan» cette place , la jurifdiîlion & la difcipllne de l'E- ghle , 6c s'oppofa fortement a toute démarche dic- tée par la politique plutôt que par le zèle pour l'honneur da faint-lîcjje. Devenu Pjpe foui le nom de PauL IV , il fe lailTa trop dominer par l'a- Bour de fa famille ; niais il ne Cedi de favorifer les Thcatins, qu'il regardoit comme fes véritables enfans.

Les Barnahites prirent leur nom d'une églife Milan , dcdiéc à S. Etmahé , dans laquelle leurs fondateurs s'affembloienr. C'eft dans cette ville tju'ils loieot inAitucs. Ils s'appeller^t aufii C.trci' réguliers de S. Paul, 6c ont divers collèges oîi ils enfeigncnt les fcience^ & les belles-lettres.

La congrégation des Frètrcs de l'Oratoire , fon' déî par S. Philippe de Ncri , & approuvée en 1 57^, fait auiTî profcflîon d'inftruire li '" ' ' »

collèges ; mais fon princrp il b'it et i

■fèmiiaires , & d'y former les ecdclialUc^oes potte tous les de^'oirs de leur èrar.

Des Jcfi

De tout les Ordres fondes : l'cle , celui

qui fut lon^-tcmi le plut puiiGin% & le plus ce» lèltre , eu la Société qui prit le nom de Conn-ilt d* Jc'ui. Elle eut pour fondjieur lt,nitt de Z,.>>i./j, .geaiilhomme Navarroii , d'abord litache à la pro« ftSiOa des armes, & qui , touche par U leUui^

DE l'Histoire Ecclésiastique, j^ç

de la Vu des Saints , qui: ta l'ctat militaire pour confacrer a Dieu. Anime du defir de coover- ir les Infidèles , il s'affocia fix compagnons de fe$ travaux, avec lefquels il fit fes prcm-ers vœux dans régiife de Montmartre près de Paris , le jour de l'Affomption 1534. Cet inftitut , dont le pre- mier objet etoit la propagation de la Foi parmi les nations idolâtres, fut approuvé en 1540 par une bulle du pape Paul III. Les Jéfuites s'engagèrent dès-lors d'ajouter aux trois vœux ordinaires de Religion , un quatrième d'obéiffance aux ordres du Pape, dans ce qui regarde les Mi/T.ons ctrani^éres, Perfonne ne remplit ce vœu avec plus d'exac» titude que l'illuftre Français Xavier , Portugais ,' appelle à jufte titre l'Apôtre des Indes. Il fut le pre- mier qui entreprit le voyaj^e des Indes , dans l'u- nique vue de convertir les habltans de ce pays fortuné. Il y débarqua en Mai i ^41. Des Indes il p3fl*i en 1549 au Jjpon , & il fe propofoit d'aller prt'cher l'Evançile a la Chine, lorfque la mort le prévint. Elle fut fainte.ainfi que fa vie. Il eut la gloire de convertir à la Foi Chrétienne pluileuxs milliers d'hommes.

D'autres JcCuites , à l'exemple de S. Françola Xavier, arrachèrent à l'idoIàtrie un grand nombre d'Indiens , de Japonois & de Chinois. Au Japon ifs parvinrent, dans un efpace de teins afTez court, à amener au ChrilVianifme non-feulemcnt pluficurs h.ommcs du peuple, mais beaucoup de Grands flt iLêmc des Fiiaces, Ce vaAe royaume olloit dâ«

3^6 ELEM£>fS

venir entliremem Chrcticn , lorfque les Jcfuitél ayant malheureufcmcntparu fufpecls au gouverns- oient , furent traites comme des perturbateurs, bl leurs prolclytes punis avec la detnicre rigueur.

Leur moiiTon fut aufTi abondante à la Chine , & ne tue point troublcc. Un Jcfuite Italien , pro- fond mathématicien ( Matthieu Ricc':) , s'ciant ou» vert par les connoiiTances un accès favorable au- près des Grands âc de lEmpereur , fcs confrères curent la permilFion de prêcher la dofirine cvaa» g(^!ique -, £>: ils le fircn: avec !e p'us ^rand fu^ccf. [jTel a été le fort des Jcfuiies en Europe , en Afie -, leur ordre s'eA multiplié, malgré tous les obfta> clés qu'on avoit voulu lai oppofer dans les xvi* & xvji* ûécles. Enfin quoique ncus l'ayons vu nos jours expulfc de prefque toutes les parties de l'ancien & du nouveau Monde , ils triomphoienc aupiravanti ils confervcrent, même après leur dcf- trud^ion , une grande indacnce dans certains Etat» & fur l'efprit de quelques Princes.

Nous ne répéterons point tout ce qu'on a repro- che a cet Ordre cclcbrc ; nous ne chertbcrons ni à ra:cufcr, ni a le junifier. Mail nous ietierons un coup-d'ocil fur les avan;;iges , que rétabliiTcMcnt de cette Société prodiiilit par rapport auxctu !c<( parce que ces études fervirent à procurera l'Eglife des dcfenfeurs plus ioAruits & plus éfivpiens.

Les premières tentatives, que les Jcfuites firent pour établir des collèges , ayant éprouvé de gran» d<« oppoljtions de la part des Univerfuct , 'ùà

CE l'Histoire Ecclésiastique. 357

Furent forcés de furpaffer leurs rivaux en fcience 8c en talens, afin de fe concilier la faveur publi- que. Ils imaginèrent des méthode<; plus f mples ?c plus courtes pour faciliter l'inftrudlion de lajeu- nefl'c. En cultivant la littérature ancienne , ils ouvrirent de nouvelles voies à la connoiffance des langues fçavantes : & on profita de ces con- no fTances pour donner des verfions fidelies , non- feii'emcnt des Livres-faints, mais des Auteurs pro- fanes.

De fon fein fortirent d'habiles maîtres dans les différentes branches des fciences , & la SocUtI de Jcfus produifit prefque autant de bons écri- vains , de théologiens profonds, d'hiftoricns élé- gans , que toutes les Communautés religieufes en- femble. Cette fécondité eut fa fource dans un régie» glement fage , qui vouloir qu'on appliquât chaque membre de l'Ordre a l'emploi que lui défignoit fon talent. Chez eux . on n'obligeoit point un théo- logien à écrire fur la géométrie, ni un géomètre à monter en chaire. Les myftéres confolans ou terribles de notre Religion , n'étoicnt prêches or- dinairement que par des hommes d'une imagina- tion vive & d'une arac feoûble, qui fçavoient par- ler à l'efprit & au cœur de leurs auditeurs.

C'eû cet art d'aider les talens , fans les con- traindre, qui procura aux Jéfultes des fujets pro- pres à tout. Il n'étoit pas rare de trouver parmî eux des Religieux , qui jugeolent !es intérêts des Prioces 6c des peuples avec la fagacité d'un hom-

3ïS Elemens

me d'état. Ayant ainfi , par le concours des lumiè- res & du difvcraemcnt de fes divers membres, la connoitrance de tout ce qui a rapport aux tnocurs des peuples âc a la conduite des gouvernemcns cet Ordre dut aller plus loin que les autres, & Bvoir de plus grands l'uccès & de plus grands revers.

Lorfque S. l!>:nac( demiada en ij4o la confîr* mation de Ton Inftitut , il n'avoir qu'un très-petit nombre de difciples. Mais en i6ô8 , foixante-huic ans après avoir obtenu cette approbation , le nom- bre des Jjiuitcs montoit a 1C5S1. En 1710, l'or- dre poffcdoit 24 maifons profeffes , jg maifont de noviciat, 340 rcfidenccs , 6ti collèges, loo mi/Tions , 150 fcminaires & écoles publiques ; & le nombre des membres de U Société alloit à 1999S.

Des Ordres de ChevMerie & en particulier Je r Ordre de Malthe ; entreprifes & barbarie des Turcs.

L'Ordre de Malthc éprouva dans ce ficcIe de» dirgraccs dont il fe reilcnt encore. L'ille de Rhodes que les Chevaliers occupoient depuis environ deux cents ans qu'ils l'avoicnt conquife fur les Sarra- fins, leur fut enlevée en ijil, par Soliman II ^ empereur des Turcs. Jamais place ne fut at:atftée te dcfenduc avec plus de vigueur. Afliégce par deux cents mille hommes , & battue par plus de Qji-vingi mille coups de canon , elle fouiiot cio(|

tE l'Histoire Ecclésiastique 3^5^

a/Tauts furieux , & fit-périr par le fer , par le feu , O'j par les maladies , plus de quatre-vingt-dix mille hommes des afllcgeans. Enfin la ville ctant prcfque entièrement ruinée , Pierre de ViU'urs tlIli'Adam , gentilhomme François , grand-maître de l'Ordre , capitula & abandonna l'ifle de Rhodes , pour paffer en Candie. De-là il fe tranfpor'a en Sicile; & après avoir cherché diverfes retraites en Italie, Charles Quint lui donna en 1530 l'ifle de Malthe. Ce prince craignant que Soliman ne vînt attaquer l'ifle de Candie , & qu'enfuite toute la Sicile ne fut à fa difcrétion , penfa que Malthe deviendroit le rempart de la Méditerranée entre les mains des Chevaliers,

Cette ifle a environ fept ou huit lieues de lon- gueur , & prefque la moitié de largeur. La ville qui a donné le nom à toute l'ifle , eft fituce au milieu à fept milles des ports , enfermée d'une mu- raille de trois cents vingt-trois pas. 11 y a trois parties, la ville , le hourg , & llflc de St-Michel. La ville comprend la Cité Valette, & la Floriane ou Ville neuve. Le bourg & l'ifle de St-Michel font Ters l'Orient, La Cité Valette , renferme le palais , l'arfenal , l'infirmerie , l'Eglife du Prieuré de St<Jean , & les hôtels ou auberges des Lan- gues,

Le grand-Maître prit poffeflion de Maltlie en «530. Le bourg n'étoit alors compofé que de ca- banes de pêcheurs , & l'ifle n'étoit qu'un rocher ûcrile, On fit-t)âtir en peu de tems des laaifons

5^0 E L t M t y i

& des murailles : dans la fuite oa apporta de S!« elle dans des vaiiTeaux , de nombreu Tes charges de terres pour couvrir le tuf, & rrndre le fol propre à la culture. L'iHc fe peupla aiJïi tellement , qu'au lieu qu'on n'y comptoit pas doure mille âmes quand les Chevaliers y ertrérem , il y en a au- jourd'hui plus de trente mille, bcs habitons fe difent les plus anciens Chrciiens de toutes les Ifles d'alentour , parce qu'ils croient avoir érc conver- tis par S. P^u/, L'tmj-ereur donna encore aux Chevaliers , Gozo & Tripoli ; inais ils n'ont pu CPnferver ces petite* ifles , & ont été réduits à celle de Malthc, dont ils ont pris le nom, au lieu de celui de Rhodes.

Les Turcs virent avec peine les Chevaliers de Malthe dans leur nouvel afyie. En 1565 Svlimam Tcfo'iut d'attaquer cette ifle. II l'afiieçea avec l'ap» mce la plus formidaLle. Die ctoit commandée par le bâcha Mufiapha & le corfaire Dnifu\. Après plus de trois mois de ficge, \es Turcs furent obli- ges de fe retirer , après avoir perdu une partie confidérahle de leurs troupes. Le grand-malire Itsm de la ValitM , Fraftçois de nation , eut la gloire d'avoir fauve Tlfle par fa valeur Ac par fa vigi- lance. Comme le» batterie* des Turcs avoicnt prcfque ruine la ville de Mahhe ; quand le fiége htt fini , on rcfolur de bàiir une nouvelle ville. On y travailla en if66, â( par un Arrct du Confeil des C'hcvaliers , on la nomma U F^/titt, du nom lUi gund-ouitre. Le pape Pit V envoya chaqu«

Bio'tf

OE L*Hl$TOIRE EcCLESIASTIQUt. 36]^

Dois quinze mille écus au grand-Maitre -, & pat fes exhortations les Princes Chrétiens lui donné" Tcnt auûi quelques fecours. Le travail dura près de deux ans , pendant lefquels le grand - Maitre ne quittoit point les ouvrier;.. Il prenoit fes repas au milieu des maçons ôc des charpeniiers , ôc fou- vent même y donooit fes audiences.

Ces précautions étoient d'autant plus fages , que les Turcs menaçoient les Etats Chrétiens. La mê- lae année 1 5 66 , ils s'emparèrent de l'ifle de Chio , dont les Génois étoient maitres depuis le milieu du XIV* iiécle. Ils ne pillèrent que la principale Eglife , qui étoit fous l'invocation de S. Pierre^ Pcrfonne n'ayant réfîllé , chacun eut la vie fauve; mais il fe commit d'horribles impiétés. Pendant que l'on pilloit l'Eglife de S. Pierre , un Turc ayant pris le Saint Ciboire étoient plufieurs hoAies confacrées , demanda à l'Evéque qui ctoit pré- fent , fi c'étoit-là le Djeu tles Chrétiens t CcJÎ lui' mime, repondit le Prélat: Se fur cette réponfe ,1e Turc jctta le Ciboire à terre avec fureur. L'Evo- que pleurant à la vue de cette impiété , dit au Turc , •« qu'il aimeroit mieux qu'il l'eut tué, que de V voir profaner ainG les facrcs fymboles. « Le bar- bare s'étant retiré , l'Evcque fe proAerna , & re- cueillie jufqu'aux moindres parcelles qu'il put trou* ver. LE^life de S. Pierre fut entièrement raféej toutes les autres Eghfcs furent cgalcment abba- tues , excepte celle de S. Duminlque , do.nt les Turcs firent leur Mofquôc. Oa donna eofuite aujp Tom. IL Q

ïjiÇî E t E M E V S

habitanj de l'I/le un Ji:gc Maliomctan. On prît vingt-un cnfans des mieux faits , de la famille de Ju/linianl , pour les mettre au nombre des pages de Soliman. On les circoncit maigre eux ; mais on ne put jamais les faire- renoncer à la Foi, quoi- qu'on les déchirât à coups-de-fouet , avec une in- humanité qui en fit -mourir quelques-uns au mi- lieu des tourmens. Les familles du Préfixent & des douze Sénateurs furent conduites à Condantino- f>Ic , & de-là tranfportces en dififirens piy!.

Soliman partit de Conftaniinople la même année 1^66, pour venir de nouveau en Hongrie. Il af- ^cgea Zigeth fur les confins d'e la Pannonie St de la Croatie , 6c mourut trois jours avant la prifc de cette place. Ce fameux Sultan , dont Dieu s'étoit fervi pour humilier & châtier les Chrétiens , ctoit dans la foixante-feiziéme année de fon âge , & dans la quarante-ûxicme de fon règne.

Sclim II , foa fils , qui lui fuccéda , fe rendit ea Hongrie , il fut reçu dans le camp & proclamé Empereur. Il fit , r,innce fiiivante , une trêve de huit ans avec l'empereur Maximilien II. U rompit en 1^70 la paix que Solimtn avoit jurée avec les Vénitiens, & qu'il avoit depuis-peu rcnouvellce lui-mime; & envoya Muflapha a la conquête fiflc de Chypre. Les Vénitien» implorèrent fecours de» Hrinces Chrétiens contre leur ennemi commun. Le pape Fit V accorda à cette occirion oa Jubilé univcrfcl , afin d'attirer 1rs aumônes des ^èles. L'Espercur ne voulut point cotrcr daot

DE l'Histoire Ecclïsi astique. 3ÇJ

cette guerre , & il n'y eut que l'Efpagne , le PapCi 5c Venife qui fe liguèrent.

Mujîapha forma le fiége de Nicofie , ville fituce au milieu de rifle. Ce fiége dura quarante - huit jours , & la ville fut prife enfin par les Turcs , qui l'abandonnèrent au piliage. On réferva pour Sclim un nombre de fejnmes & de filles que l'oa choiiit, les jeunes-gens les mieux faits , les meu- bles les plus précieux , & l'on en chargea trois vaiiTeaux qui dévoient faire voile vers Conftan- tinople : mais pendant qu'ils attendoient un vent favorable , une dame de rifle de Chypre y mit le feu , & priva le Sultan de ce qui lui étoit def- tiné.

Fier de la prife de Nicofie , Mujîapha marcha con- tre Famagouôe , dont il forma auffi le ficge. Il f trouva d'abord beaucoup de réfiftance. Mais la divi- fion qui fe mit parmi les Chrétiens , & la lenteur avec laquelle les Efpagnols fournirent les fecours promis , donnèrent !e tems aux vainqueurs de pour- fuivre leurs conquêtes. Bientôt Famagoufle fut ré- duite à l'e^tremitc. Ladifette y côbattoitau-dedans pourJr/im, qui l'aflicgeoit au dehors avec des forces très-fupcrieures à celles des afliégés. Les principaux de la ville prcfcntérent une requête au gouver- neur Brag adin , pour le prier de pourvoir a la con- fervation de leurs femmes & de leurs enfans. Oa demanda une trêve aux Turcs pour traiter de U reddition de la ville , & on drefla des articles qui dirent figncs par Mujîapha. Oo embarqua ie<

^54 E L E M E N <;

naïades dans des vailîe«ux , 6c cnfuite les Turcs entrèrent djns U ville, maigre leur ferment ils exercèrent d'horrible» violcaces.

Mi;/ljp'* chercha injuttcmcnr querelle à Brégé- din , le fit-cnchainer & donna ordre qu'on égor- geât à fes yeux tout ceux de U fuite. Quand on eut exécuté cet ordre cruel, on lui dit de tendre le col au bourreau; mais loriqu.* le bourreau étoic près de le frapper, Mu/Lpha crut lui fa<re grâce, en lui Calfant feulement couper le nez& les oriil- les. Il l'infultoit en le tenant c tendu par terre à fes pieds, fie en lui demandant pourquoi U Chkist ^utt adoroit , me veitjit ptt l'drriter d:s maifit dt fon fjinjutur par fa puljénce fouit'ainc ? Enmcme*tem$ tous ceux qu'on avo-.t faiter-.barquer, furent di« pou'.ilés & mis à la rame. Quelques jours après, Brae«din fût conduit à la place & écorché vif. U fouffrit cet affreux fuppllce avec une confiance ail- mjrdbie , fans cefier d'invoquer yiir^-CwKiir. Le barbare, peu content de ce qu'il avoic fwit fouffrir à ce ^rand-homme , voulut encore iafuUer à fon corps après fa mnrt. U iii-remplir (a peau de paille , dj.ina ordre qu'on la portât par la ville fout un djts , 6c l'envoya à ConAantinopic avec les têtes des principaux de la viHe. Mijléphs fit-deterrer tous les corps qui ctoicnt djns l'F-^îifc de S. Nico» /4r, rcnverfer les autels , fie en fit une Mofquée. Ce:te conqjùic rendit les Turcs maîtres abfulus de l'ifle de Chypre. Mais U perte de la bataille de Le- pâme, dont nous avons parle fous le pun ii'i..jt de f>« F, in eu les progrès des Infi^c!;s.

t)É l'Histoire Ecclésiastique. ^C^

Les entreprifcs des Turcs nous ont écaric du principal fujet de cet 'article. Pour revenir aux Ordres de chevalerie , nous dirons qu2 Henri III infti'.ua le i" de Janvier 1579 l'ordre du Saint-Ej'prit ,1e plus illuftre de France , dont le R».î eft le grand-mahre , Ôc dont le nombre de Chc« vallers eft borni à cent. Ce prince vouloic at- tribuer des Ccmmandsrics à chacun des Cheva- liers, comme on fait en Ei'pagne : mais la cour de Rome , folliciiée par le Clergé de France , s'y op- pofa fortezner.:j quoique le Roi déclarât que. cet ordre n'écolt inftltué que pour l'extirpation de l'hcréfie, & la propagation de la Religion Catho- lique , Apoftolique Se Romaine , félon le ferment que fditbient les Chevaliers. Ils conTervérent néan-« moins le titre de Commandeurs , oc le Roi aligna à chacun d'eux une penlîon de mille écusd'or, qui fut depuis réduite a trsis mille livres. On dit qut Henri III inftitua cet ordre en l'honneur du St- Efprit , parce que c'étoit le jour de la Pentecôte qu'il i^tùit , qu'il avoit été élu Roi de Pologne, & qu'il éioit devenu Roi de France.

Ecrivains Ecclifujllquts, Le XVI* ficelé eft une époque remarquable dans les arnales des fciences. La fenr.entation que les erreurs de Luther & d'vin de excit iren: dans les efprlts pendant plus de foixante ans , produifit une foule d'Ecrivains, qui cxerccrent îeurstalensà les combattre, Pour traiter la controverfc avec fuc-

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ces, il fallut étudier les langues Orientales , 8i plalîeurs fçavaas s'y appliquèrent avec fruit. Oo ne s'attend pas que dans un Abrège on fafle con- aoitre ces Auteurs dans un grjnd dctail ; il fuffira de citer les principaux.

On doit placer parmi les théologiens Anioinê de Lcbrixé , mort en 15-1 « le cardinal Thomas é% Vio , furnommé Cajcun , auteur d'un Traité l'autorité du Pape 8t du Concile ; JtM Driido ^ l'illuftre E'éfmi , qui tu: en mcme-temi un thcolo» gien diAin^juc & un excellent littérateur. Ceft à cet homme célèbre , d'abord chanoine-régulier de S. Augttjîin, enfuite pr(tre feculier, ne a Rotterdam ea 146J & mort à Bàle en 1536. qu'on doit en parti» la renaiffance des belles-lettres, les premières édU tiens de plufieurs Pères de l'E^life , la faine cri» tique. Il ranima les illuAres morts de l'antiquité » & infpira le goût de leurs tcrits a fon ficcle. Il «voit formé foo ftyle fur eux. Le ficn eft pur » élégant , aifc i & quoiqu'un peu bigarre , il ne !• cèJe en rien à celui des écrivains de fon ficcie , qui , par une pédanterie ridicule , affe^oient dt n'employer aucun terme qui ne tût de Cxtnn. U cA un des premiers qui aient traite les matière» théologiques d'une manière noble, Se dc^i^cedct Taines fublilitcs & des exprellions barbares de l'école. Son mérite , 6c la liberté avec laquelle it fcprenoit tes vices de Ion tems , l'ignorance , U {uperAition , le mépris de la belle littciaiure , l'oi» £vctc de cctt^s Religieux , U molJciIe des ncbcA

DE lTTistoire Ecclésiastique. 36^

Ecdéfiaftiques , lui firent une fouis d'ennemis, Naiurellemîn: fenfible à l'éloge & à la critique, il traitoit fcs adverfeires avec dédain & avec aigreur; mais ce grand-homme d réconcilioit très- facilement avec les petits écrivains , qui , aprè» l'ivoir attaque , revenoient à lai finccrcmcnt. Nul- lement envieux de la gloire des autres, iînefai- foit jamais le premier acte d'hoAilité. Il eut toute fa vie uue paffion extrême pour l'ctade ; il preicra {es livres à tout , aux dignités & aux richenfes. La- vain PjulIII , Ci^tnt yjl, François l & Utmi VIII tàth^rsnt de fe l'attacher par les efpérances les plus âatteufes : les plaifirs du cabinet étoient à fes yeux fort au-deflus des faveurs des cours;

Jean CUShuue fut I2 premier des théologiens de Paris , qui réfuta Luther. Nous citerons encore avec diUinclion Jtaa Ecchius , dont le Manuel des Coit- trcvirfcs eft encore cftime aujourd'hui-, Jean Grcpper, célèbre par un Traité de l'Euchariftie , le premier de ce genre cette matière foit traitée avec pro- fondeur ^ MeUhior Canus ^ qui s'acquit un nomim* mortel dans l'Eglife par fcs Lieux théclogiques ; Claude Dcfptr\fe , doûeur de Paris, qui fe Cgnala par des ouvrages fur le dogme , la morale & la dif- cipîine ; Nicolas Sanderus , auteur d'une Hijhirt du fchifme d'Angleterre , & de quelques ouvrage» de controvcrfe , qui produifirent dans leur icms des fruits utiles, &c. Sec.

La claffe des commenrateufs , des interprètes ; lies liuciaicuxs , ce tut pas moins nombreufe que

Qiv

3^^ E L E M I K s

celle des controveriifles. Le cardltul Xîmaùt mé- riu bien de 1 Eg'.ile par l'ed.tion de (2 Polyglotte ; le cardinal yj...i-j(. m ne fe rendit pas moins utile par fen Traité des Conciles , qui compofe au)ounf hni le xvm» volume de la Colîedion du F. Labht. )ean-Louis Vires , Ei'pagnol , publia cinq livres P< Im virUi £* l* Rcliglom Ckriùtmmt. On doit à Jacqius le Firrt fE/Ijp.'et , un fçavant Ccmmtm» lëire /ur It mourcMn Tejljxeat , & à jM^mts hitriim la première CalUSiom dt tous Us ComcUtt qui lit été âmpriaée. Les cinq fçavans que noai vcooas d9 ■oomer , fleurirent depuis le commencwwni dm Cède jufq j'en 1540.

Nous ne parlerons pas d'un grand nombre d'an* très commentateurs , dont les produâiotu longues Ce lourdes ont plus chargé l'Eglife & la républi» que des lettres , qu'elles ne les ont fcrvies. Pour- quoi en effet , { dit TAbbé G;>mju) de fi gros volu- mes 8c en C grand nombre , que l'on ne peut avoir le tetss de lire, ou qui ne fervent qu'à détour- oer de leâures plus utiles & plus intéreflTantes ? La p!upaTT ne font bons , tout tu p'at . Julter dans le befoin. Leurs auteur* (c état des queAions étrangères , ou dans d'inutiles réflexions . q>c -Hes efprits r' " ^ " évitées. D'aurtet n'ont ira. et purccurioAte , ou de fimple gnmm^ire, quel- ques points de chrono'ogie & d htfloire , qui n* fervent point à établ r le dogme ic à rcg'rr les mouàti , et qui ccpcndtni l'iutiqut de 1 £••

DE L*HlSTOlRF, ECCLESIASTIQUE. 36<) criture , St. ce qui doit écre celui de tous ceux qui Teulent l'étudier utilement pour l'Eglife & pour eux. Mais il y a quelques interprètes dont les ou- vrages font plus folides. Tel fut à quelques égards Sjncîès Pagninus , Dominicain, qui traduifit en latin toute la Bible.

Le XVI' fiéde fut fi richs en écrivains, qu<; nous nous bornerons à nommer les principaux de ceux dont nous n'avons pas fait mention. Pour- fions-nous oublier le cardinal Sadultt , dont h la- tinité pure & les mœurs douces rappcUérent le génie & les vertus des anciens Romains ? Onu- phrt Panviniy Auguftin , enlevé à la fleur de fon âge , & auteur d'une Chronique des Papes & des Cardinaux -, Corneille Janfcnius , dont la Concorde évangélique , avec un commentaire , peut être coa- fuItJc avec fruit ; S. Charles Borroméc *, qui pu- blia des inflruflioiis pour les curés & d'autres ouvrages néccfTaires aux miniftres des autels ; An- tonius Ar.gujlinus fî\itc\xr d'ua Traité de la corrcc tion de GrjtUn ; Lcu's de GrcnaJi , Dominicain , écrivain afcétique •, le cardinal To/cf , Jéfuite » & fon confrère Maldonjt , théologiens diftingués \ Pierre Fithou , avocat François , qui rendit fer- vice à fa patrie par fou excellent Traité des H- berfés de l'Eglife Gallicane ; Gilbert Génébrard ," Bcnédidlin de Cl'.vni » dont la Chronologie facrce fut bien accueillie j A'phonfe Ciaconiusy qui mit au jour les Vies des Papes & des Cardinaux : ou_^ vrage pleia de rechercl^€s fçavantcs , m lis dinuc

$7^ E L E M E y s

un peu de cène critique qui dirigea les travanX'

des Ecrivains eccleridihques du liccle fuivaot.

Réflexions fur les chMigemens opêris en ce fucU dans Us Sciences Eccléfiafljques.

n La Théologie , ( die M. l'Abbé Goujei qui nou» fournit ces rcHexioni , ) gagna beaucoup à l'étude ëes Pcre». Plu» fondce qu'auparavant fur les prin- cipes de l'£criiure & de la Tradition dont le voile étoit tire , elle commença à être cultivée par des gens habiles qui s'appliqiicrent à des qucAionr utiles de dodrine & de morale , fit qui les trai* Urent d'une manière claire , folide , & débarralTce d«s termss inutiles de la philofophie, fitdcsquef- tions épine ufcs d'une mctap!)} fi^ue trop fubtilc. Pierre àÀU/y, Jean Gtrfon qui fut l'ame du Con- cile de Conft.Tncej, Nico'as C/fmtfAj(//,&: quelques autres , montrèrent l'exemple. L'ctude de l'anti- quité Eccli-naAique leur apprit à chalTer de leurs écrits la barbarie & l'obfcurtic qui rcgnoient avant eux dans les Sommet 6c dans les Commentaires ordinaires des Thcologicns. Sans s'arrcter aux queAions purement fcholaniquet , ils traitèrent diverfc* matières de doOrine , de morale te de ^ifcipline , pnpres a cdairer Tefprit , a afTcrmir la foi , & à fotmcr les mœurs. On abandonna PUuH Ce Anfloti aux Philofophei , ou l'oo n'eut recourt à eux que dans de» queftioni de pure Philofophie, qui n'appartieiMieot point à la fcicnc» tcdeûaûiiue. M*»» dans U Thcolojic , qui eH

DE l'Histoiri Ecclésiastique. 57^

la fcience des dogmes 5c U doiirine de» moeurs, on n'eut égard qu'a ce que l'ETprit-Saint même avoic di£lc , & à ce que la Traditloa conAance & fui vie de l'E^life , qui eft la colonne 8c la bafe de la vtruc , nous avoit tranlmis de ficde en fiéde.

» Telle eft la mithode que les Théologiens, même fcholdftiqucs , ont luivie -, au moins ccus d'encre eux dont le jugement é oit plus fain , qui avoient plus de goût , & à qui la leflurc des faints Pères étoit plus familière. Car je n'ignore pas que, dans pludcurs Théologiens des xvi* Sc xvii' ficelés , on trouve encore une théologie sèche & décharnée, plus remplie de fubtilités que de folidité. Je n'ignore pis quils ont fouvent embrouillé les vérités qu'ils prctendoieot éclair- cir , & qu'ils ont accoutumé ceux qui ont eu le malheur d'ctre leurs difciples , £c qui n'ont point fçu éviter leurs pièges, à pointiller fur tout , à chicaner perpétuellement , à chercher à tout des raifons bonnes ou niauvaif^s ; à fc contenter fou- vent du vraifombljblc, au lieu de tâcher d'arri- ver jufqu'à la vérité , dont la recherche doit être l'unique but d'un Théologien, de tout Chrétien, & nicme de tout homme lenfé. Je f(;ais que plu- fieurs ont trop penfc à tairenaitrc bien des dou- tes fans les réfoudre, à donner occafioa démettre en problème des vérités confiantes, &c à éteindre peu*a-peu dans les âmes l'efprit de piété par la B}aai«re sèche & ennuyante dont ils expliquoicati:

Q vj

fyz E L E M E N s

la vérité. Je voudrois auflî que plufieurs Contre» reriîftes euffent été de meilleurs Logiciens; qu'ils euffent formé , contre les erreurs qu'ils prétea- doienc combattre , des raifonnemens plus juftes^ pofé des principes plus évidens , tiré des con» féquences plus Indubitables : leur viftoire eût été plus fréquente 6c plus folide : U lumière eût été plus grande : l'Eglife eût plus gagné à leurs tra» vaux & à leurs veilles. Mais on eft en état au-" joutd'hui de rejetter ce qu'ils ont de mauvais ou- d'inutile, & de ne profiter que de ce qu'ils ont de bon.

»» On a accufé les Théologiens François d'a- voir rendu cette fcience trop contentieufe par tes lubtilités de la dialeftique , & d'entretenir , parmi eux une forte de Théologiens libres , qui mettent en queftion les vérités les plus certai- res & les plus Importantes ; c'eft-à-dire , qu'on nous accufe des défauts que je viens fi juftement de reprocher. Mais d'habile;-gens ont fjit voir, fur le premier point, que fi l'on s*eft cru obligé dans a Faculté de Théologie de la Capitale de ce Royaume, d'introduire & d'employer cet art qu'on nomme Scholaftique , ce n'a été que pour don- ner de l'ordre & de la méthode au raifonnement. Cette fage Faculté a confidéré que, quoique no- tre raifon doive être foumife à la Foi , & que nous devions recevoir fans raifonner les vérités de la Religion qui ont été révélées , nous pou- YQiu néaamoins readre compte de notre founuf<;

lîE L*HisTorRE Ecclésiastique. 375'

Son , & de l'acceptatioa que nous fai{on$ de ces vérités -, que nous y foir.mes même obligés , foit pour combattre ceux qui attaquent notre créancCf foit pour inftruire ceux qui t'ignorent. Elle a pris de la méthode des anciens Philofophes , & fur- tout d'Arijîote , ce qu'elle a jugé de plus propre pour détruire le mcnfonge & pour établir la vé- rité. Elle a imité en cela S. Jean Dama/cène , qui s'écoit formé long-tems auparavant de pareilles idées avec affez d'ordre 6c de fuccès. On con- vient f Se nous l'avons déjà dit , que la Théo- logie fcholaftique a dégénéré de tems en tems en chicanes ^ en fautTe dialectique ; mais , ifiia d'en rejetïer la faute fur les Théologiens Fran- çois , il feroïc facile de montrer que cette cor- ruption & ces défordres ne font venus le plu» fouvcnt que des Théologiens étrangers , princi- palement des Efpagnols , qui ont été à charge à la Facu'té de Paris , 3t qui n'en ont prefque été regardes que comme des membres vicieux. Il n'eA. pas moins certain que cette Faculté a eu foin de «em$ a autre d'y apporter des remèdes, & d'or- donner par fes décrets qu'on enfeigneroit l'Ecri- ture-faince, les faints Pères , l'ancienne Théolo- gie 5c les faints Canons, avec toute la pureté & la lÎLœpllcité poÛibles. »

^ M ■■■'«■«« vC \^J i) •■ ■•- f - f^ ' f f- I»- <4

É L É M E N S

D E rniSTOlRE ECCLÉSUSTIQUE.

DIX. SEPTIÈME SIÈCLE.

Elelfion 6* mon de Léon XI.

\^ L t M i s T VIII, mort en i6cç , avoli laiflfé^ chaiie de S. /'/'..•rr* vacante. 11 fut qurftion de lui donner un fuccefl'cur. Les cardinaux jettérenc d'abord les yeux fur le fçavant cardinal Surcniaii m^is les Ei'pagnols lui donnèrent l'exclulion ^ parce que , dans le neuvicine volume de fes Anna» les , il avoir écrit contre le« droits que le Rot d'Erpcgne prctenJoit en Sicile. Alors on ëlutioue d'une voix le cardinal ÀitsjiJrt de Mtditit , ai^ dicvéque de Florence , célèbre par plurieurs Ié« gationi il %'Ltoit diAingué. 11 prit le nom de Léon XI; mail il na jouit que vipgi-fix jours du fontifîc4t. Se* vertus , fonxèle pour l'Eglife don»- Boirnt de (;randet cfpcr30CC>| & il Uifl« UBC Bé» Koiie ihut Ce reipcace»^

I

Elemevs de l'Hist. EccLâs. fpf,

Pontificat de Paul V ; dljfcrend avec la Ri- publique de Venife»

Le conclave , aftcmblé de nouveau , donna lo trône pontifical au cardinal Camille Borgkcfc , qui fe fit-appeller Paul V. II commençi fon rè^ne par modérer les impots. II diminua le prix des vivres & rétablie l'abondance dans Rome. Sa fermeté dans le foutien des droits du faint-ficge éclata dans pluficurs occifions avec beaucoup de viva- cité, & fur-tout contre les Vénitiens,

Le Sénat de Vcnife avoit donne en 1603 & en 1605 deux décrets , qui furent la fourcc d'un long différend entre Rome Se la république. Far le premier , il étoit défendu de bâtir ni E^lifes , ni monaftéres, ni hopitiux, faas la permiillon du Sénat. Le fécond faifoit défenfes aux laïques d'aliéner leurs biens en faveur des Ecclcfiaftiques.

CUment Vlîl^ craignant d'occalionner des difpu- te$ fàcheufe* s'il éclatoit contre fes décrets, prit le parti de diirmiuler.

?aul V fut plus hardi. Ce n'eft pas qu'il vou- lût parvenir à la monarchie unlverfelle , comme l'en accufe l'auteur des Inurâs des Princes. Le plan de cette monarchie pouvoit , ( dit le P. à'A- yri^ni , ) avoir été formé par un Char les -Quînt , roi d'Efpngne , empereur fit conquérant-, mais it ne fçauroit entrer dans la tète d'un Pape qu'on ne AippoTeia polat ea démence. Paul V étoit moins

'37^ E L 1 M E y S

ambitieux de cette fouveralnctc univerfelle, q* jjlcux des droits de fa place. Le Sénat de Vc- nii'e ayant fait-arrcter un Chanoine & un AbSc acciifes des plus grands crimes , le Pontife crut voir dans cette déofurche la violation des imrauni» fts ecdcfiaftiques , & en demanda fatisfa£lion à la République. Il s'cleva en mcme-tcns contre les dé- crets portes en i6o}&i6oî.

Les ^'cni:icns ayant refufé de révoquer leurs décrets 5c de remettre les eccléfiaftiques prifon- niers entre les mains du nonce , Paul V jetta un interdit fur Kur état , & excommunia le Sén/ & le Doge , fi on ne lui fjlfoit fatisfaftion dan» vingt quatre jours. Les fénateurs fe contentè- rent de protefter contre le monitoire , & en dé- fendirent la publication dans leurs états. Les Jc- fuites , les Théatins fv les Capucins , aimant m'eux obcir au Pape qu'au Sénat , garderont l'interdit, & furent chaffts des états de la Republique,

Cependant on levoitdes troupes de part &: d'au- tre; & on écrivoit en même tems de chaque càtc pour foutcnir les droits refpeâifs. Le fameux Servitc Paul Sarpi , plus connu fous le oom de Tra-Pdolo ou Frtrt Féul combattott vivement en faveur de la republique de Venife , fa patrie , tan- dis que Baranlut Si Btl'aimin plaidoient pour le fjiot-fiége. Leurs diiTcrens écrits ne fcrvoient qu'à occuper l'oifiveic des f^e^jteurs , faat calmer les efptit».

P^ V craigooit t^ue ccue difputc n'eût det

DE l'Histoire Ecclésiastique. 377

conféqucnces dangereufes. Philippe ///.roi d'Ef- pagne , lui offrit des troupe», & Henri IV (z mé- diation; il aima mieux celle-ci que celles là. Les arabaffddeurs de France à Rome 6c a Venife en- tamèrent une négociation , que le cjrdlnal de Joyeitje eut la gloire de terminer. On convint que les deux prifonniers feroient remis entre le' mains d'un délégué du Pape v que les édits pu- bliés contre l'interdit feroient rtivoques , & que le Pape de Ion cote ieveroit cet interdit. Le icnat envoya aulTi tôt a Rome u.i ambalTadeur extraor- dinaire qui fut très-bien 'cçu par le Pape. Ce pon- tife lui dit ingéiueui'ement : Readant veecra , nova fint c mnia.

Cette malheureirfe dlfpute ayant été terminée» le Pape ne s'occupa plus que des foins du pon- titîcar. 11 fut le médiateur des Princes. La gutrre étoit allumée , en Allemagne , entre l'empereur Rodjlphe II & l'archiduc Mathas fon frère -, 8c en Italie , entre le duc de Savoie & les Efpa- gnols. Paul y tâcha d'empêcher ces difftrcnds » ou de les terminer. Le Roi de Congo en Afrique ' & le Roi de Perfe, donnèrent une grande con- folation à ce Pontife , en lui envoyant des am. balïadeurs pour lui demander des milfionnaires. Mais , à mefure que le Chriftianifme gagn^ du terrein d'un côté , il en perdoit de l'autre. 11 fut banni du Japon par l'aràiîje des Hollandjis , qui rendirent fufpecl le ïèle des prêtres Chritiens de cette iile i & le Lutlicranifme s'établit pour tou-

578 E L E M E N s

jours en Suède par rufurpatioo de Ckdrltt de Sii« deimanie , Luclicnen , qui enleva cette couroooc à Sigi/an/nd roi de Pologne , ion oncle.

Mon Je Paul V; iùfïion Je Grégoire XV.

Paul y ayant ficgc pendant quinze ans & demi, mourm en ibii , & lailTa ua notn cher aux ama« teurs des beaux-ans parles bàcimens dont il oraa Rome , & aux gens-de-bien par les fondations dft divcrCcs Lgiilet £^ de quelques fcninaircs.

Jamais l'ape n'a p'us np;>rouvc d Ordres Reti> gieux & de congrégations différentes. Il penfoie i^'il ne potivoit y avoir trop d'.ifyles pour la \ertii. La Religion Catholique étant prerqu'eotié- annem ctriote dans le Levant , il y eovoya.im grand nombre de milTiomaires qui cultivèrent cette ▼igné avec foin & avec fruit. Il ne tint pas mè- ne à ce Pontife «jue les Souverains Catholiqtie* ne s'uniffirnt contre l'ennemi du nom Chrétien} m»h fes detirs trouvèrent des obAacles dans la politique des Princes. Paul V étoit jaloux de l'a» grandilTemeni de l'Ef^Jife , 8c il auroit porté l'au» torite pontificale aulFi loin que fes prèdcccffcur^ » ( dit le P. &.4rrig9i , ) s'il avoit vccu dans ua fiécle les interdits euffcnt été capables d'ef- frayer les peuples. Son acie prenoit en partit ft fource dans fa pictè , êc juf.nia Icpoque de fa dernière maladie il dit tous le» |i>urs la MelVe.

Le cardinal Alixtnért LuJo*i/i<», archevêque da Sologne , prélat plcifl de venus, occupa aprc» lai

DE l'Histoire Ecclésiastique. 37<>

la chaire de S. Pierre , fous le nom de Grégoirt XV. Pour éviter les brigues qui divifoient quel- quefois le conclave, il ordonna qu'a l'avenir le» cardinaux éiiroient le Pape par fcrutin fecret. II érigea l'évêche de Paris en archevèchc : & cano* nifa Ignace de Loyola , fondateur des Jcl'uites -, Fran, §oii Xivier , apôtre des Indes ; tSc Fhutf.pe de Né* ry , fondateur des Pcres de l'Oratoiic d'Italie,

Ponùji^M J'Urbain VIII.

Apt^s Grégoire XI'', mort en 161^ , les car- dinaux mirent la liarc fur la tète du cardinal Barberin, qui prit le nom A'L'bain V 1 1 [. Noa moins diftingué par fon habileté dans les affaires que par fon talent pour la pocfie latine, il réu- nit au faint-Hcge le duché d'Urbin , qui en avoic été démembré par Sixte /K, en fjveur des Tîo- vétes fcs neveux. Il donna un nouvel éclat à la pourpre Romaine , en honorant les cardinaux du titre à'Emifience fil d'EminemiJJlme. Il canonifa S, C^jétûn de Thicnne , André Curfm , & Ste Elifa.'' ietb reine de Portugal. Urbain VIII mourut en 1644, après avoir occupe le faint-fiége environ 21 ans. Il paffoit pour un orateur éloquent Ôc pour un bon poète-, il polTidoii fi bien le Grec» qu'on le furnomma l'Abei.'/e atti^juc.

De Marc- Antoine de Dominis & de Fra-Paolo.

C'cft fous le pontificat à'Urbain VIII qii* mourut le fameux Marc - Amuim de D^mmii ,

5^0 E L E M i N $

connu par Ici coups qj'il porta à la puîfl!anc6 eccicfianique. C'ctoit un homme de beaucoup de fç3V.>ir fie d'efprit , mais ambiiieux , vaia Se in> confiant. Apres avoir paiTc vingt ans chez le* Jcfuites il s*ctoit distingué , il fut tente d< devenir Evéquc , & foccomba d'autant plus faci- lement à la tentation, qu'ctant d'une famille al- liée à celle di Gn^ji't , il avoir des prop p :ilLns. 11 fuc tait Evèque de Scgni , pi chevè(,ue d- SpiLtro en Dalmatie parla faveur de renpe eur Roiolpht. Mi:» le chagrin d'avoir c:é ii.vcrf. dar» qucl<,ues prctentioos, le tef* fentiment «.ontre l'inquifition qui a voit cenfur^ Tes écrits, l'erpcrance de la libcric & du repos» le Arcnt -pslTer en Angleterre en 1616.

L'année d'après il publia à Londres le prc* mier volume de Ton grand ouvrage De Rtfuhlit* Ecdifi-flU* , qui tut fuivi d'un iccnnd en i62o« Le principal but de ce livre ell d'ancantir la pri- mautc du l'ape & la nrccllitc d'un chef vifiblc de l'Eglifc. Il prétend prouver que S. P'urrtn'tn éioit pas le feul CTcf , Pf que S. Péul\ il

ca autorité. Il y a pi idctirs autres , n

qui tiennent du Calvinifme, & que la Sorbonot ^nfura , avec l'ouvnge qm les renferme , dès l'an 1017. «• On avott acc.ifc ( dit lAbbc dt n Ci««/ ) Edmond Aitkér , auteur du livre D* u V pu'i^jnt* itdifiéjîljitt é" fitluijut , d'avn> !• iTicm:s opinions t{\it Ms't-Ann,in$ dt 1\ mail il t'ca dcfeodit bien, & les coodamaa luu*

»E l'Histoire Ecclésiastique. 381

tctnent, « Cependant il refufa d'aller opiner en *jrte occilîoa en Sorbonne , de p:ur(dit le l*. à'Avrignl ) qu'on n'eo voulut aufli à fon petij Traité De la pu'jfanct eccHfijJÎ'.^^uc.

Malgré l'accu eil que les Anglols & le roi Jjc fues I avoient fait à Dcm'nis , il ne Iai:Toit pas de fentir des remords. Sa confciei;ce dcmsntoit fouvent ce que fa p'ume écrivoi:. Le repentir de (i défercion le preflbit tant , qu'un jour il monti en chaire à Londres , & , en prcience d'un cnbrsux auditoire , il rctrad^a tout ce qu'il avoit dit ou écrit contre l'Eglife. Jacques ^'ix-. rite de ce coup d'éclat , le priva de tous les bé- néfices confidérables qu'il lui avoit donnes , Se lui ordonna de fortir de fes états dans trois jours.

Z>i,nj//i/j fe rendit à Rome, après avoir été af- furc par l'AmbafTadeur d'Efpagne , de la part de Grégoire XVy fon ami & fon condifclple , qu'il pouvoit y revenir en toute fureté. Son humeur inquiète & changeant» le fît -bientôt repentir de fa converfion ; & l'on en eut des preuves cer- taines dans des lettres qu'il ccrivoit à Londres.

Urbain Vlll le fit - enfermer dans le château St-Ange , il mourut en 1625 , après avoir ré- tradlé de nouveau fes erreurs & re(,-u les Sacrc- mens de l'Eglife. On ne laiffa pas de le traiter comme relaps dès qu'il eut expiré. Son corps fuc brûlé publiquement avec fes écrits daos le cUamp lie Flore.

3^1 E L E M E N s

Pendant (on féjour à Londres , il avoir publié VHiJioirc du CnctU de Trente par ie fameux Ser- vire Fra-Ptolo Sirpi. Ce religieux penfoit »>peu- près comme Domtnit. Il avoir érc excommunié , lors du ditTerend de Pcul V avec la Rcpublique. Mûii, comme il ctoir Cous la prote^on pirticu- liere du Sénat, il brava les foudres du V'^ctcao, & ralTura fcs compatriotes contre les cenfuret de Rome. Ce: injat\e m.pris de» armci rpiririiet'* les étoit moins le froit de fon courage d'efprit , que de fa façon-dc-p<nfer fur le pouvuirdu Chef de l'Eglife. Il p^roit qu'il avoic beaucoup lu les écrits dc& ProieHans , qu'il en avoic malheureu- fcment pris refprir,& qu'a beaucoup d'égards il r'avoit pas plus de refpcil qu'eux pour les dé* ciûons du faint-ficge.

RcviUe des Cdvinijïes en France,

Les troubles que les CatviniAes avoicnt excités pendant plus de trente années en Fr.ince , fem- bloient avoir été terminés en ifçS pir la pu- blication de redit de Nantes que Henri IV donna en leur faveur. Cette fede ayant obtenu plus de privilcj;e« .qu'elle ne devoir ,c« femhle, en at- tendre , ayant des places de fùrerc fit le libre exercice de Religion , n'ctoit pas cependant i%. tisfaiie; mais la bontc 8c l'adrelle é' Henri IV U contint pendant fa vie.

M Après la mort de ce f(rsnd Roi, ( ditunhiAo rien qui o'eA pas fufpeâ aux C«lviQiAei , Ce que

DE l'Histoire Ecclésiastique. 383

pour cette raifon^nous citerons ici de pretcrence : ) •1 Après la mort a jamais déplorable d'Hcari IV n dans la foibieffe d'une minoriti 6c foas une M cour divifce , il étoit bien dif&cile que Yti- tt prit républicain des Réformés n'abul'àt de Tes n privilèges, & que la Cour , toute foible qu'elle étoit , ne voulut les reftreindre. Les Huguenots n avoient déjà établi en Fran:e des cercles, à M rimitation de l'Allemagne. Les dcputés de ces M cercles étoient fouvent fédirieux : il y avoit M dans le parti des feigneurs pleins d'ambition. •* Le duc de Bouillon , & Air-tout le duc de Rj^ *i han , le chef le plus accrédite des Kugueno:s, M prccipitérent bien - tôt dans la révolte l'efprit f^ remuant des prédicans & le zèle aveugle des M peuples.

M L'alTembIce générale du parti ofa , des i6iy, »» préfcnter à la cour un cahier , par lequel ,en- tr'autres articles injurieux, elle demandoit qu'on M réformât le confeil du Roi. Ils prirent les ar- •t mes en quelques endroits dès 1616 -, & l'au* dace des Huguenots fc joignant aux divilîons n de la cour , à la haine contre les favoris , à M l'inquiétude de la nation , tout fut long-tems »» dans le trouble. C'étoient des fcditlons , des in- H trigues , des menaces, des prifes d'armes, des •1 paix faites à la hâte & rompues de même. C'eft »» ce qui faifoit - dire au célèbre cardinal Bcnti- v> voglio , alors nonce eo France, qu';7«'^ avait 9 ru que du orales.

3?4 E L E M E V s

M Dans l'année 1611 , les Ei;ltfes Calvioiftes de »» France offrirent à /.cy;/.:'i;(c></,cet homme de tor» H tune , devenu depuis connétable , le generaht de M leurs arroccs & cent mille ecus par mois. Mais M Lt/J:guiértj,p\uiec\i\TC dans fonambiKOn qu'eux H dans leurs taâions , & qui les connoiltoit pour m les avoir commandes , aima mieux alors les M combattre que a'ctre a leur tcte ; & pour rcponfe »• à leurs offres il fe fit Catholique. Les Hugue- n nots s'adrellerent enfuite au marcchal de ^^ii//- n /on, qui dit qu'il cioit trop vieux i £c cjtiîn ils •• donnèrent cette malheureufe place au duc de »» Ruhjn, qui, conjoinici;icnt avec ion frère Suubij't^ *% o(i faire la guerre au Roi de France, n

Louis XII J , accompagne du connétable de Luy- ntî , courut en 1621 de provinte en p:ovinc« pour foumettre les rel elles. Il prit plus de cin- quante villes, bourgs ou villa{(cs , qui fc rendi» rent fans téfiAance -, mais M' ntiuban lui ferma fes portes. & il fut oblige d'enlever le ficge.

La Rochelle ne lui donna pas moins de peine que Monc;iul>an ; c'ccoit le boulevard du Calvi- nilme. Le cardinal de Hichtiitu , qui avoit fucccdé aux places & à la faveur du connétable itLuy nti , l'afficgea pendant un an , & l'on ne dut la reddition de cette place importante ,qu'a une di- gue de cinq cents pieds de long que ce miniAr* At - conAruire , à l'exemple de celle mt'^/txMtidrt ■voit fait-cle\er devant Tyr. La Rochelle ft rendit à lafio d'Oûobre i6ib , d( le Roi y entra ; i

DE l'Histoire Ecclestastique. 3^5

brèche le premier Novemore de h même année. L'adivitc du cardinal île Richelieu , ayant en- levé la Rochelle aux Cdiv-iniftes , les autres vil- les fe (oumireiit , & ce lut alors que Louij XIII donna le fameux Edit connu Tous le nom i'Edic di grâce -, le Roi y parla en fouvcrain qui pardonne. On ôta l'exerc ce de la nouvelle Religion , à la Ro- chelle , à rifle-dc-Ré, à Oitron, à Privas à Pamlers. Dans le mcme-tems le Cardinal-miniftre tenta les voies de l'inftrudion & de la difpute pour ramener les Hérétiques j mais il fentit bientôt que cette vois étoit prefque toujours aufli longue qu'infruftucu^ fe , lorfque les efprits font oLAinés.

D'tfputes fur la Grâce ; Molinifme,

T)e nouvelles difputes vinrent aigrir les erprita en France : uni Jcfuite Efpagnol , nommé Louit MuUna^ profelTeur de théologie dans l'Univerfité d'Evora , avoit donné, en 15SS, un livre latin,' intitulé : Dt la Concorde , de la Grâce , & du Llibre- arbitre. Cet ouvrage offroit un fyflcme nouvean j qui parut, à plufieurs Théologiens, plus ingénieux que folide-, il fut défendu vivement par d'autres Doâeurs , & fur-tout par ceux qui étoient de la fociété dont Molina étoit membre.

L-î fonds du fyftême de Molina eft , que toute grâce donne à l'homme un fccours fiifiifant pour qu'il puiffe opérer le bien ; qu'elle met la vo^ lonté dans une efpece d'équilibre , cnforce qu'elle peut pencher du côté qu'elle veut.

jS6 E L E M E K s

Il appelle grau fuf^j'antt , cdle à laqixlle Thomî me rcùAe , quoiqu'elle lui fcnirniHe tout ce qui eft oécefTaire pour Caire le bien ; & ^rûit tfxcûct , celle a laquelle l'homme ne rcûAe pas , quoiqu'il ioit en fon pouvoir d'y rcûficr. Ainfi , fe'.on ce théologien , la grâce eu %crfatlU , & Con eSca* cité dcpeol de la coopération de l'hoimne.

A peine le livre ce fyftètr.e étoit c.xpofc, eut vu le jour , que les Dominicains le dctcrerent à rinqui/ition de Portugil. Cette afiaire, traitée avec beaucoup de chaleur en Efpagje par les Thcolo- gtens des différcns Ordres , fut portée au tribu- oal du pape Climtnt f///, qui établit , pour l'exa- miner , la congrégation appellce de A^xliitt : elle étoit compofce de pluûeurs Cardiiuux. Apres de longs dcbats , on réduifit la dil'pute à cette quef- cion :II s'agifToit de fçavoir ù l'efficacité de la grâce dépend d'une prcmotion phj-ûque qui dé- termine \i volonté , comme le prctendoient les Do» Oinicains -, ou fi l'efficacité de la grâce , comme le ▼ouloient les Jctuites « dcpendoit des circonftaa> ces dans lesquelles Dieu accorde ce faint fecours. On avoit dcja tenu trente-fept aiTembléct, lorf- que le Pape , qui etoit fur le point de prononcer , fut enlevé i 11^.1. fc en i6o{.

Ces difputcs ,2g.tce» encore fous Lion A7 , nf furent terminées que par P^ai K, qui monta apréfl lui l'ur la duire de S.Purrt. Ce Pontife ne crut pis devoir dontser un iugement dcfîiutifiil im- poCt lilcocc aux deux partit -, U àt dcfca|p ea

i)E l'Histoire Ecclésiastique. 3^7»

nèmc-tems de condamner , ni la dodrine de ïi fcience moyenne que foutcnoient les Jefuitc$,nî la doârine de la prédccerminacioa que les Domi- sicains avoient embrafTée.

I?tf /'Auguftinus de Janfenius.

Malgré les défenfes & les menaces de Paul V , CCS difputes fubfiftérent en Flandre, en Ffpagne, & même en Italie. Un Evêque Flamand les ren. dit plus vives que jamais , vers l'an 1639 : c'eft Cornélius /an/i/i/uj , d'abord profcffeur de théolo- gie dans rUniverfué de Louvain , enfuite Evê- que d'Ypres. Ce Prélat très-oppofé à la doftrine de Molina , Sl plein de celle de S. Juguftin , dont il avoit lûng-cems médité les ouvrages , conçut le dîffein d'expofer les principes de cet illufuc Père fur les forces du libre-arbitre 3c fur la nccefilté de la grâce-, c'eft ce qu'il exécuta dans un gro$ livre , intitulé Augujli/ius , écrit d'un ftyle ferré 8c nerveux.

Cet ouvrage vit le jour en 1640, un an aprè» la mort de fon Auteur , qui l'avoit fournis en mou- rant aux décidons de l'Eglife. Dès qu'il fut ré- pandu dans le public , il fut vivement attaqué par les }éfuices , & fortement défendu par plufieurs Théologiens François & Flamands -, cette chaleur annonçoit des difputes longues & acharnées. La congrégation de l'Inquifition crut les terininer, en défendant par un décret la ledurc de VAu^uf- Inuf de Janfenius , des thcfes des Jcfuitcs , £c 4u autres cents publics pour ^conttc.

Condjmruùon du Livre de Janfcniu5 p^n le Pape» Cependant les efprits s'aigrlfToient dans les deux |»ariis , & l'anace fuivancc 1641, le pape Urbain Vlll condamna le livre de l'Evcque d'Ypres» coAme renjavellant les erreurs de Batut ,que les Poncircs Romains avaient déjà aDathcmatirtes. Un nouveau dccret confirma le premier en 1644; nais, l'un 6c l'autre trouvèrent des contr.Tdic^e»:rs en Flandre & en France , plutîcurs Tbéolo» glens diftingucs cioient auachés à Jjnfcr.ius . 8c à Ces principes. De ce nombre furent tous les To- litaires de Port-Royal & leurs amis: le doâeur Anuinc Arnauld , J/éac le hSéitie , Pierre Nicole Blaife Pafchjl , écrivirent pour dctcndre la mé- moire de l'Ëvcque d'Ypres , & pour rendre fes adverfaires odieux Se ridicules.

Leur éloquence n'cmpccha point qu'on ne pour* fuivit à Rome la condamnation folemnelle de YAu- gufiinut. Le dofleur Cornet , fyndic de la faculté de théologie de Paris , renferma toute la nou- velle do^rine en iîx articles , qu'on réduiQt ca* fuite à cinq.

I. M Quelques commandemens de Dieu font im* t. ponîblei aux juAcs , qui veulent & font eur, I. ciîorit félon le* forces prcfentet qu'ils ont-, fie M U grâce , par laquelle ils peuvent leur* dcTcal i. p< (Ti ' «, leur manqu*.

M >*\^ l'état de la nature dccliue , on ai

a U grâce,

DE l'Histoire Ecclesustîqt*^:. î8ç

m. Pour mériter & démériter dans l't tat la nature déchue , il n'eft pas néceffaire qu'il » y ait dans l'homme une liberté qui loit exenv- » pte de nécefiîté -, il fuffit qu'il y ait une libsrté >• qui Toit exempte de contrainiet

IV, n Les Sémi-Ptlaglens admettoient la nécef» » lité de la grâce intérieure & prévenante pouc » chaque aûion , mcme pour le commencement M de la Foi -, 5c ils étoient hérétiques en ce qu'ils

voulolent que cette grâce fût telle , que la vo- :• lor.ie de i hcmrr.e put lui rtfalcr eu lui obéir.

V. w 11 eft Sémi-Pélagien de dire que Jesus- i> Christ eft more pour cous les hommes Tans ex-] >i ception. »

Ces cinq proportions furent déférées au faint* fiége par 8S Evèques , qui demandèrent au Pape une dccifion claire & précifi.*. Innccenc X afTcmbla diverfes congrégations , qui ne furent point favo- rables au livre de Janfenlus j ôc , le treize Mal 1653 , les V proportions qu'on en avoit tirées ctuient profcrites.

La Huile qui les con jamnoit , les qualifioit cha* cure en particulier de la manière fuivante :

La première , fur l'imponibilité des commande- mens , fut déclarée tànira'ne , impie , bJa/fheniar^ tcirc , Jrapfée (fanathéme , hirJci(juef & coniamnie corn^ me ti-U.

La dcruitre qualificai^cn f.it encore donnie 3 la féconde propontioa , qu'on ne rciiAe jamais ^ U grâce.

Rilf

•[5^ Elzmevs

La rroiïîcme , que pour mériter & démériter II fuffit d'ctre exempt de contrainte , fut qualifie* comme la prcccdenie.

On déclara la quatrième faufTe &c héréticjue.

Enfin la cinquième . fur les effets de la mort ée J. C. ,fut déclarée faufTe , téméraire , fcanda- leufe i 6c en cas qu'on I entendit dans le fensque I. C n'étoit mort que pour les prcdeAincs , on la condamna comme impie , blafphcmatoire , hé» récique , & injurie ufe & dérogeante a la bonté de Dieu.

En effet , dans ce fvftcme , D i E u fe mon- treroit un être dur fie injulle ; & il fcroit dilH« cile de concevoir comment fa clémence qui rtiÊt falut de tous ^ étant aufTi intînie que fa juAice, il auroit pu mourir pour un fi petit nombre de» las , tandis qu'il auroit laifTc la foule innom» brable des autres hommes dans le malheureux fort auquel le péché d'Adam les avoir entrai'*.

BCf.

La Bulle 6'Inncccnt X ayant été rendue publi* que , les députés que l'Archevêque de Sens 0c dix de fes confrères , pariifans comme lui de Janftnlui , «voient envoyés a Rome, prirent con- du Pape , qui leur déc'ara , qu'il o'avoii point prétendu donner atteinte aux fentimens de S, An^ gujî.n tu de b, Thum,x$ fur la grâce.

'^

BE l'Histoire Ecclésiastique. 39I

De quelle manière la. Bulle ^Innocent X fut reçue en France,

La doflrîne renfermée dans les V propofitions ; étant attribuée à Janfenius au commencement de la Bulle d'Innocent X , elle devoit trouver de fortes oppofitions en Flandre , cet Evcque avoit un nom refpeilable. Elle y fut pourtant re» çue. Mais en France , les efprits font plus \if$ & plus contenâeu:; , elle eut plus de con- tradicteurs.

Le Roi l'ayant reçue des mains du nonce , don" na une Déclaration le 4 Juillet 1653 » PO"' ^^" horter les Evêques à la faire publier & rece- voir. Le cardinal Maiarln entra avec beaucoup de feu dans cette affaire. On lui avoit peint le» Janfcniftes, comme des hommes dévoués au car- dinal de Reti , fon ennemi perfonncl : des - lors les Janfériiftc» curent en lui unadverfairc formi- dable.

Il y avoit alors plufieurs Evêques à Paris 8c à la cour -, le cardinal Mj^j/-/i les aflcmbla chez lui , le II Juillet, au nombre de trente. Usécri- virent»au Pape , qu'ils avolent attendu avec im- patience le jugement du faint-fiége furies V propo- rtions , & qu'ils le recevoient avec joie. Ils en- voyèrent en màmc-tems; la Bulle à tous les Prc- lats du royaume , avec une Lettre ?c un Mande- ment , modèle de celui qu'ils dévoient publier |i n'ctoit point parlé de JunJ'cniut dans c«ttc IcW

Riv

99* £ L E M E N S

tre , dreffie par G^Jcju , évèque de Vence. Oa y rccomiiundoit à ceux qui publicroient ou fe- roieoc-publier la Coaîlituttoa , ds ne point $'c- carter de la condamnation prccife des V propo- rtions , fie de n'ufer d'aucune invcciive contre qui-quc-ce-fut.

( Il étoit d'autant plus ncccfifalre de recommatv- der une conduite fj^c , qu'on s'en ccartoit tous les jours. Mais je ne fçais s'il faut croire tout ce que le pocte Racine raconte des excès aux- quels fe portèrent les Jifuites , pour rendre leutt aJverfaires odieux. •> Ils (irent-graver .(dit cet Auteur dans fon Hijluirc de Port-Royal , ) »» UM H planche d'Almanach , l'on voyoit Janfttùm» en habits d'Evôque , avec des ailes de dcmon au M dos; & le Pape qui le foudroyoit , lui 8c tous »» fcs fcdatcurs.

If Ils firent jouer dans leur collège de Paris unt r> farce, ce mênic Janfcniut ttoit emporte par •• les Diables \ & dans une proccHion publique qu'ils fircnt-faire aux Ecoliers dans leur collège »♦ de Micon, ils le repréfentcreat encore chargé M de fers, fie traioé en triomphe par un de ce« •« Ecoliers qui reprérenioit la grâce efficace.

»• Peu s'ea fallut que S. Au^^jUn ne fût traité t> lui - mdme comme cet Evoque. Du moins !• *• Pcre Ai.tm & pluficurs autres de Icuri Auteurs, »i l'exemple de Mj^tia , dc^raduicnt de fa M qualité de DoHtiu et U frttt , l'accufant dé* f tre tombé ca pluHeuri czcci iiai fcs cciit^

BE l'Histoire Eccle^t antique. 59^

W contre les Pilu^icns ,& ibutenant qu'il eût mieua r* valu qu'il n'eût jamais écrit fur ces matières.,* i> Un bachelier , dans une thèfe foutenue à Caen . ayant oppofé à leur repondant l'autorité de co » Père fur la dotlrine de la grâce, le répondant eut rinfolence ds dire , tranfeat Au^ufilnus : com'< 5> nie fi, depuis la Conftitution , l'autorité de S«' r> Au^iijltn devoit être comptée pour rien.

» Ils fdtfoienc, par une horrible impiété, des H vœux publics à la Vierge , pour lui demander » que fi les Janjl'nijîcs continuoient à nier la graco M etticace accordée à tous les hommes , elle ob- n tint par fes prières qu'ils fulTent exclus eux « feuls de la rédemption que /. C. avoit mérité» n à tous les hommes. >♦

Quelque violentes que foient les haines qu'inf- pire refprit polémique , de pareils excès ne font gucres vraifemblables. Quoi qu'il en foit , la Conftitution à'Innoar.t X fut reçue & publiée par tous les Evoques de France; mais plufieurs de ces Prélats ne jugèrent pas à-propos de fe fervir du Mandement dont on leur avoit envoyé le modèle. Ceux qu'on appclîoit Jjnfétiiftcs , dédaroient qu'ils ccndamnoient les Cinq propolitions avec le Pape qui les avoit juftement cenfurées -, qu'ils y re- ccnnoiffoient un mauvais fens , mais que ce n'c- toit pas celui de Janfcnius,

Le Janfénifme n'étoit donc , fulvant eux , qu'oo faniôme, dont les Jéfuiics avoient voulu effrayer rE^'iiie. Ccpendan: oi> tà;hoit de leur prouvejr

Rv

j^4 E L E M E N S

que le Pape , en condamnant les V propodtionf J avoit prccenda condamner la doctrine de l'Evcque Flamand, Se par conféquent le JanrcniiJmt. 11 ctoie difficile de fe refufer aux preuves qu'on leur ap- portoic , fil la ledure de la Bulle Alnnoctni X éio'it £eule une démonûration. Alors ils préten- dirent que l'attribution qu'on vouloir faire de la doârine condamncc , a Y Au^ufimut de Janj'enius , étant un point de ùit non révélé , le Pape & TE- glife elle - mcme ne pouvoient rien flatuer à ce fujet , ni les obliger à aucune créance intérieure , l'infaillibilité ne leur ayant jamais été promife à cet égard. De-la, la fa.-neufe didindion entre le d'on 6c le f*ii. Ils reconnoilToient , difoient ils , avec le Pape Se les £vcques,que les V propoft« tiens avoicnt été juAement condamnées ; c'étoic le point de droit : mais ils nioient que cette doc» trine fût celle de Jan/tnius ; c'ctoit le point de fait : fie cette diillndion fubtile ne cuniribuj pas peu a perpétuer les difputes.

Dïfpute particulière du doreur Arnauld.

Des incidens particuliers fe mcloient à ce grand procès. Parmi les dcfcnfeurs de SaitftiÙM , nous avons dit qu'on dil\inguoii le Ao&kmx Antoint Ar- mëulJ , regarde comme leur oracle. On le confuN tuit fur tous les points de cette controverfe , 9l fur tout ce qui pouvoii y avoir rapport.

Le duc de Luntoun s'ciant prc fente pour la •O&fcdun à S, bulf'ui fa paroilTc ,un prircrc nom*

6e l'Histoiîie Ecclésiastique. 39c

Picoté lai refjfi l'abfolutioji , parce qu'il œ croyoit point que les V propoliùons fuHeat dans Janftnius , qu'il étolt Ui avec les Solitaires de Porc- Royal , & qu'il avoit chez lui un de leurs ami». On demanda au dofleur Arnauid ce qu'il peaioit

de la conduite du confefTeur ? 11 blâma ce refus

« dans une Lettre d! un DoHiur Surbenne à une per-

fvhni de condition , comme contraire à toutes les

règles. Dès que cet écrit eut été rendu public ,

on fut inondé de/crrr£j,de réponfes , d'ijfi^ , dere»

marques^ de conférence} , de difccuri , l'on pré-

tendoit que la conduite de Picoté étoit irréprchea»

fible , & que la déclaration de M. Amauld au fu<

jet des V propoûtions étoit inCuffifante.

Ce Doûeur fe défendit par un cent de deux cents cinquante pages in-^" , publié fous le titre de Seconde Lettre de M. Arnauid à un Duc & Pair ( le duc de Luynes ) , pour ferrir de rcponfe à plu; ficun Ec-its qui ont été publiés contre ia première Let- tre. Deux propofitions de ce long ouvrage furent dcnoncées à la facuUé de théologie de Paris , qui oe tarda pis de les condamner.

La première étolt , « que Janfenius n'avoit ja» »( mais cnfeigné les V propof.tions -, « elle fut cenfu- rce le 14 Janvier 1656, comme téméraire , fcan- dalcufc , Ci:.

La féconde étoit , que la grac* , f^ns /j^ne.'U en nt peut riem , avoit manqué à un Jufie en la per- Jonnê de S.Pierre, en um occafion oùl\n ne peut pjiac d.rc ju'il n'ait p^int péché. Cette propofitioQ

Rv;

5^6 E L E M E K 5

fut conJitnnée le 19 du mcmc mois, Comme Con^ tenant l'erreur de !a preroicrc dci V propofiticns & comme tcméraire , impie , blafphématoire , hc» rétique , & t'rappce d'aaathcffle.

Araauld n'ayant pas voulu Ce foumettre à U cearure, la Sorbonne le retrancha de fon corps» On fit-fi^ner cette ccnfure à tous les Dccîcuri , ti. on raya du catalogue ceux qui rerufcreat'de le faire. L'AflTemblce tenue à ce fujet fut , ixt- on , tumultueufe. y//n4:^/i protcfla par-devant no> taire contre rinjuflicc qu'il croyoii qu'on lui avoic fiite. Il prétendit que l'affaire qu'on lui avoic Tuf- «itce , intcrclToit bien moins lE^lifc , que k triom- phe du Calvinifme qui ctendolt fet ravages dans toute l'Europe. » Au lieu de nous réunir contre M l'enaemi commun , ( dit-il dans une de fcs Apolo« gies ) , •« nous nous battons pour un a3us primujtt M un aclui fccunius -, c'cft comme un homme qui w s'occupcroittrès-rcrieufement de Tes ongles , taa> y dis qu'il a les parties nobles attaquées.

lettres provincialts ; ContLzmnMÎon de la

moraU reUchée.

Pour intcrcflfer le public à fa caufe , AmauH s'unit avec le plus cclcbre écrivain que la Tranctt eût alors. L'cloqueot Pj/caI entra dans fon rc(« frntimcni , 8c publia , le 2) Janvier 1656,1a pre-> micrc de fes dix huit Ltu/tî p'ovinciûUt ^ ainû •ommces , parce qut Its dix. premicrcs furent iitrllees i ua Uonuac de pruvmtc* AriumU y

DE l'Histoire EccLEsustiQUE. 39J

eut beaucoup de part. Le but de l'auteur ctoit de faire - triompher fon fyftème , en ridlculifant ceux des Molini(les Se des ThomiAes. La grâce fuffijanie admife par les uns , & ta fcienct moyenne reçue par les autres , font également frondces dans les Provinciales , chef-d'œuvre de plaifante- rie , l'ouvrage le plus terrible qu'on ai: publié con- tre les Jéfuites, puifque long tems après il a ctc l'arfenal les ennemis de la fociété ont trouvé leurs armes.

Arnauld & Pafcal , pour donner le change ; pafférent , des difputes fur la grâce , aux fyftc- ries que certains Cafuiftes s'étoicnt faits fur la mo- rale. C'eil l'objet de pluâeurs Lettres provinciaUSm Depuis près d'un fiécle , des Théologiens, inter- prètes trop indulgens de l'Evangile , cherchoienc à adoucir les devoirs qu'il prefcrlt. Leurs opi- nions étoient dangereufes , & les noms de la plu* part prètoient au ridicule. C'étolent Vaf-juei , /"/- iiutîuty Efcubar f Siinche\ , Sj , 5furj , Tambourin ^ Féjgundti , Layman , Mcya , Hcnriqut\ , Hemo , Ar- risgJ, Piate//*, Arfickïn , Hj{art , Taverne , Teril' /i , Fourmejlrau» , Matin , Konink , Raye , Hurtade , Dicajlitle , &c.

Ces cafuiûes étoient Jéfuites -, Pafcal attribua adroitement à toute la focléré les idées de quel- ques-uns de fes membres. Ses plaifaxiteries Srcnt- rire le public , & fes raifons excitèrent le zèle des Curés. Ceux de Rouen & de Paris ayant fait |lo cjuiait des ptopoâtioas Us plus coadimnahl»^

^9^^ E L E M E N s

que Pd/ca/ a voit relevées , le prcfemcrent à l'af» femblée du Clergé le 24 Novembre i6{ 6. Le bue de cet extraie cioit de prouver que la nouvelle niordle entretenoit parmi les hommes les princi« pes des dclordrcs & des crimes , en abcliiTuit les remcdcs , obrcurciiToit les devoirs particuliers à chaque profelTion , excufoit ai fdvorifoit la viola- cion de ces devons.

L'AiTemblce connut toute l'étendue du mal -, mai* comme elle alloit fe difToudre , on ordonna qu'on imprimeroit , par ordre du Cierge , les Maxime' de S. Charles B^rrunét pour fervir de barrière contre le cours des opinions nouvelles qui tendoient à la de(\ru£lion de la morale ducticnne. Les dé* puces du Clergé écrivirent en mcme-tems une Lettre aux Evcques , afin de les avertir de prc- ferver leurs dioccfes de ces principes pernicieux.

L'inquifition de Rome vengea la morale cvan- gclique, en condamnant en 166481 i669,quar3n" te-cinq proporaions qui la fapoicnt par fcs fon- demens. Inncren XI en profcrivit 6j autres en 1^17.) ; 8c rafferr.blcc du Clergé de 1700, cent vingt* fept , extraites pour la plupirt d'auteurs Jcfuites.

11 ne faut pat croire pourtant que tous les Jé- fuites fuffent de» caTuifle* relichc». La même fo- cicté qui a produit Ej't. tér^ donna le jour à Btur- iélout. Il Teroit encore p*iit abfurde de penfer que les Jcfuites s'étant fait un fyftème réfléchi de corruption , s'éioient propufc de gouverner plus ùcilcmcut les hommes, co dctruifaut cous les pria*

DE L^^IST01RJE ECCLESIASTlOUf. 3^ eipes de la morale. Une telle idce feroit un ju- gement aulîi téméraire qu'infenfo. II j ont eu fans-doute des coiifefleurs foiblcs , qui , moins Prêtres que courtifans , ont oublié auprès des Grands , que le Prince & le Sujet doivent être pefés à la même balance : mais on ne fçauroit fe perfuader que ce relâchement , infpirc par l'ambi- tion à quelques membres d'une Société, ait été le fruit des opinions communes à tout un corps , quj les prefcrivoit comme des loix à chaque particulier,

L'afFoibliffement de la théplogie-morale date de plus loin que les Jéfuites j il remonte aux xil' & Xill'Hccles. M Les Cafuiftes qui ont écrit dans ces n derniers fiecles , ( dit Fleuri , ) étoicnt la plu« w part Rel'gieux, & Religieux-mcndicns , qui fe w trouvoient prefque feuls en polïefllon des étu- t> de:: de de l'adminidration de la pénitence. Or , M la mendicité eft un grand obrtade à la févérité « 8c à la fermeté envers ceux dont on tire la M fubfîAance.

M De plus , ces Cafuiiles ne connoiffoient de rt l'ancienne difcipline fur h pénitence , que le » peu qui s'en trouve dans le Décret de Gratieni car ils ne remontoicnt pas plus haut , comme on y> voit par leurs citations. Ils ne connoiffoient ni M les anciens Canons pénltentiaux , ni les divers Y) degrés de pénitence , ni les folides raifons qui tt les avoient fait-établir. Ainfi , fans en avoir le M dcffein, ils ont introduit deux moyens de laif- ♦t fçr régner le péché : l'uc en cxcufant la plu-

'40é E L f M E V $

M part des pcchcs , l'jutre en facilitant les alM »^ Tolutions. Ce A ôter le pc:!ié,du moins dans n l'opinion des hommes, que leur enfeigner que n ce qu'ils Cf oyoient pcchc ne l'cft pas : c'f ft ce » qu'ont prctendu faire les Dcûeurs modctncs , n par leurs dininc'lions & leurs fubtilicés fcholaf- n tiques , fur-tout par la doflrine de la pnta- n bUiti. (• )

w A l'cgard des pcchcs qu'on ne peuiexcufcr» n le remède cft rabfoÎJiion facile , fans jamai» M la refufer.ni même la différer , quelque Jré- M quentes que foient les rechutes. Ainfi le pé- »« cheur a fon compte , & fait ce qu'il veut v tan- » tôt on lut dit qu'il pcche à la vérité , mais que le »« remède efl facile , & qu'il peut pécher toij» n les jours en fe confeûTant tous les jours. Or, n cette facilité femble ntcetTaire dans les pays n d'Inquifition , le* pécheur d'habitude qui ne M veut pas fe corriger , n'ofe toutefois manquer au M devoir pafchal , de peur d'être dénoncé excom» M munie, & au bont de l'an déclare fufpeddbc» »i relie , 5c comme tel pour(uivi en judice : auflî , n ed-ce dans ces pays-là qu'ont vécu les CafuW» M tes les plus relàchcs>« ; 8c tes Jcfuites ayant beni»

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& leur frt.timent peut, ta bicA livt vki«i<(>o*i Uvori- (cr le Vite»

DE l'Histoire Ecclesi'açtique. 40Î

»♦ coup plus écrit que les autres Ordres , ca ont produit un plus grand nombre.

AJfemblées du Clergé au fujct du Janfcnlfme j Bulle ^Alexandre VII.

Cependant la diftindlion entre le fait & le droit commençoit à faire beaucoup de bruit ,& plufieurs Evècjues la regardant comme un artifice qui laif- folt une porte ouverte à de nouvelles difputes; ne tardèrent pas à s'élever contrllle. L'aflemblce du Clergé de France donna un dccrct le i" Sep- tembre 16; 6, par lequel elle déclara que i'Egii- Je , avec la même autorité infailUble qu'elle juge la Foi , juge des que/lions de fait qui font infiparahle» de la Foi ou des maurs générales de fEglife, qui font fondées fur les fahttes Ecritures , dont l'interprétai $ion dépend de la tradition Catholique qui fe vérifie pat, le témoignage des Pères dans la fuite des ficelés.

Les Evêques , avant que de fe féparer, crurent qu'il n'y avoir pas de moyen plus efficace de connoître les partifans de Janfer.ius ^que de dref- fer un Formulaire qu'on feroit-figner à tous les Eccléfiaftiques. Le fçavant rfe Marca en forma le premier projet -, Se comme on n'avoit pas encore renterm'i un fait , tel que celui de l'attribution des propofuions d'un livre à fon Auteur , dans une confçffion de Foi , il dit que ce fait faifoit une partie du dog re. Le Formulaire qu'il propofa 8e qu'il fit-adopter ,étoit conçu en ces termei :" Je M ne f^ume.s ûnccrement a h ConAicutioa de N9

402 E L E M E N s

»• S. P. le Pape laaoctni A', du 31 Mai 1655 » ^'^* I) Ion Ton véritable fens , expliqué par l'alicnblée »• de Meffeigneurs les Prclats de France , du iS n Mars i6j4{ , &: confirmte depuis par le Bref de I) fa Sainteté du 29 Septembre delà mcmc année. M Je reconnoit que je fuis obligé en confcicnce n d'obcir a cet:e Confliiution ,& je condamne de »» coL-ur 6c de bouche la dodrioe des \' propolitions •> de Cornélius Janj'inlus, contenues dans fon livre >• intitulé , Augfifl.nus , que le Tape & les Evcqucs » on: conJamn.cs \ laquelle dcdrinc n'clt point >i celle de S. Augujim , que Jtnftnius a mal expU- n quée contre le vrai Cens de ce faint dofleur. »

A ce Formulaire l'affemblca joignit une lettre- circulaire à tous les Evêques pour * les exhorter à s'en fervir , afin de rendre l'exécution de la Bulle uniforme dans tous les dioccfes. On arrêta en même temc qu'o ' ccriroit au Pape , pour It prier de d^-finir formellement que les Cinq pro- poûtions ont t.tc condamnées au fens de J an/en iuj,

C'étoit Àlcxjndrt l'II qui occupoit alors la chaire de S. Pitrre. A peine eut-il reçu la lettre des Evoques , qu'il fit -expédier une Bjlle datée du 16 Oûobre 1656. Dans cette nouvelle conf- titution , il s'élève contre ceux qui doutent que les V propofitioni foient dans VAufuftinut de Jan- feniuê , 6c il déclare qu'elles ont ctc coûdamncci in finfn éb t^dim Jaaftnio initnio.

W

DE l'Histoire Ecclésiastique. 405 Quels effets produ'ifit U ^«//c ^'Alexandre VU*

La Bulle du Pape n'arriva à Paris qu'au com- mencement de Mars 1657. Il y eut une affera- blée i'Evêques , formée des Prélats qui fe trou- voient à Paris & à la cour. Ils reçurent cette Conftitution le 17, avec beaucoup de foumiûîon ; & ordonnèrent que tous les Evoques la feroient- rccevoir dans leurs diocèfes , 6c q le ii quelqu'ua ofoit contredire cette définition qui donnoit les V propofuions comme étant de Janfeniui & con- damnées dans le fens de cet Evoque , on procé- deroit contre lui , comme on procède contre ceux qui foutiennent des opinions condamnées. Ils ré- folurent en mème-tems d'ajouter le Formulaife uf 1656 à la nouvelle Bulle,' afin que le Clergé fé»; culier & régulier foufcrivic l'un & l'autre dans ua mois.

La Bulle & le Formulaire furent donc envoyés," de la part de l'AfTemblée , à tous les Archevêques & Evéques de France. La puilTance civile venant à l'appui de la puiffance Ecciéruftique , le Roi donna une Déclaration , par laquelle il enjoignoic à tous les Eccléfiaftiques de fon royaume de fi' gner le Formulaire & la Bulle , avec dcfenfes à tous les Parlemens de recevoir aucun appel com- me d'abus fur ces matières. Le Parlement de Pa- ris fe montra fi peu difpofé à enrcgillrer cette Déclaration , que le chancelier Séguier engagea le Roi à aller en pcrfonnc pour la £iirc-rcccvoir par,

AC>4 E L E M r N s

par cet:e compagnie. £;le (ut eorrgi(lrée eofinle

19 Novembre 1657.

Le concours des deuv PalfTances , qui fembloit devoir afToupir tomes les difputes , ne fervit qu'^ les prolonger; les efptris $'aigr!ffoient à chaque effort qu'on failoit pour Icf calmer. Une alTem- blée extraordinaire du Clergé , convoquée en i66o, & qui continua jufqu'cn 1661 , confirma tout qui s'étoit (ait dans les aHemblces précédentes. Larchevcqae de Routa , Harlal , préûda à celle- ci , 6c en fut l'ame. 11 f.t-ordonner de noiivelics peines contre ceux qui refuferoient de fe fou. mettre. On comprit dans le nombre de ceux quj feroient obliges de figner le Formulaire , non -feu- lement les Religieufes , mais même les Régens 8c les maitrclTcs d'écoles. L'AfTemblée écrivit une let- tre-circulaire a tous les Prélats du royaume , pour les exhorcer à procéder contre ceux qui nevou- droient pas figner le Formulaire. Elle ordonna, qu'en cas qu'il y eut des Evêques qui n'exigeaf- fent pas cette fignature dans leurs diocèfes , îll feruient privés de voix délibérative dans les af- femblces du Clergé , & qu'on procéderolt contre eux fuivant les conAiiutions canoniques.

LeiPrclats quit.<vori(oient les partifios de /«•* /(>i;w , choques de voir leurs confrères les pouf- fer fi vivement , fuppliérent le Roi de trouvet bon qu'ils n'exccutafTent par fes ordres. Ils ft plaignirent de ce que les Evêquet n'étant .aflcm- blcs que pour des tffùrcs puremeot tcmporcllet ^

DE l'Histoire Ecclésiastique. 40c

ils avoient agi avec l'autorité d'ua Concile na- tional. Mais leurs plaintes n'ctoient point ccou- tces i Se les vicaires-généraux du cardinal de A'«r ayant donné un Mandement, dans lequel ils ne demaudoient que la croyar.ce pour le droit & le fi- lence pour le fait , ils fureat obliges de le rctrafceri comme concraire aux Conftiiutions des Papes.

De it part que les Relighufes de Port-Royal

eurent aux d'ifputes fur le Janfémfme ; H'if- toJre d: ce MonaJIére.

Depuis la naiflance des difputcs fur la grâce ,' Ui Religieufe» de Port - Royal étoient dans le trouble. Cette abbaye , fitucc pI^è» de Chevreti- fe , l'une des plus anciennes de l'Ordre de Ci- teaux , étoit tombée vers la fin du xvx' lîcclî dans un grand relâchement. Maric-Angcllque Ar- nauld , d'une famille diftinguce , y avoir pris l'habic à huit ans , avoit taie profclHon à neuf , & avoir été nommée abbelle, n'aya.nt pas encore onze ans 3ccom_ plis. Ce fut elle qui, entrant à peine dans fa 17' année, entreprit la réforeie de fon abbaye. Elle commença par renouvcilcr fes voeux ,& parfaire une a' pro- feHîon , n'ctant pas fatisfaite de la première. En moins de cinq ans, par la feule force de l'exem- ple , toutes les au(^cri:és de la règle de S. Benoit furent volontairement embraflées à-Port-Royal.

Cette réforme eft la première qui ait été intro- duite dans l'ordre de Gteaux ; plulieurs maifons

406 E L E M E V s

de cet Ordre voulurent l'adopter. La ttiefe An» gé/tfue eut une autre confolation : roadanie^r/iA:./'^ fa mcre, fille de l'avocat-j;cnéral AI^rioH , étant rcfttc vfuve depuis quelques années , voulut fe faire Religieufe fous fa fille. Elle acheta au (aux- bourg Saint- Jacques une maifonpour fervir d'hof- pice aux Ketigieufcs de Port-Royal ; bientôt toute la communauté y fut transfcrée , avec le confen» tement du Roi & de l'ArchevCque 4le Paris. La reine Mjrie de Midicit voulut prendre les titres de fondatrice & de bienfaitrice de ce nouveau mo* naAére.

Signature du Formuîj'irc fOfope jux Rtfi^'icujes de Port - RoyaL

Nous avons dit ci-devant que pluileurs Ecri- vains illuftres avoient choiû la roaifon de Port- Royal comme une retraite favorable a leurs étu- des. Parmi ceux qui s'y ctoient retirés , quelques- uns padoient pour ctrc du nombre des det'enfcurs de Janfcnlui : le fuup^on retomba fur les Rcli- gieufci. Un prédicateur les accufa dans fes Ser- mons & dans un Ouvrtigc fatyrique, d'être des filles impénitentti , dtf<ffirttt ,fjtrjmtniàiitt , ritr" gu fi>tUs ^ &t. M. l'Archevêque de Paris ne put fouffrir ces excès , condamna le Livre & les Ser- mons de cet Auteur , 8c déclara les Rciigieufea d* Port-Royal purei & inoocenies des crime» dont TAuteur In avoit voulu noircir. Ncinmoint oa cominua de lc> foup^onocr de jAnfuulmc* Oo tic-

'

DE L*HlSTOlRE ECCLESIASTIQUE. 407 fortlr de Port-Koyal des Champs des l'olualres qui étoieni rcftés au»dehors , 5c on ôta aux llgicu- fes leurs pcnfionnaires & leurs novices.

M. Hardouin de Pcrcjixe , qui avoit fucccdé à M. de Marca dans l'archevêché de Paris, publia le 7 de Juillet 1664 un Mandement pour la lîgna- ture du Formulaire. Il y parloir avec modération de la perfonne de Jar.fenius , en difant qu'on ne pfut le condamner , puifquil a fournis fon livre au faint ficge i \\ y déclaroit quon ne peut prendre fu- jet des Con/litu:ivns du Pape & du Formulaire , de dlr^ qu'ils demandent une foumijfion de fui divine pour ce qui concerne le fait , exigeant feulement pour ce regard une foi humaine & eccUfiafllqtte , qui oblige à foumettre avec finccriti fon jugement à celui des fw périeurs légitimes.

L'Archevêque de Paris propora aux Reiigici:- fes Pert-Royal de figncr le Formulaire fui- vant fon Mandement , en leut^déclarant qu'il ne dcùroit point d'elles une foi divine fur le fait mais feulement une foi humaine, qui emportoit néanmoins uye créance du fait : elles iîrent diffi- culté de le faire. Il leur fit - propofer |de figner purement qu'elles fe foumcttoient d'une foumif- fion fincére aux Condituttons des Papes Inno- cent X & Alexandre VII. Ce tempérament ne leur plut pas encore ; & l'Archevêque , irrité de leur obllination , dit qu'elles étolent pures comme dcj ^nges , mais orgueilleufes comme des Démons,

.Cependant elles envoyèrent à ce Prclat un

îfO? E L E M E N s

a£le qui ne le fztufit point : il leur demanda une fignacure pure & fitnplc -, 6c fur le refus qu'elles firent , il fit-enlever leur AlibefTe avec douze Reli- gieufes , qu'il envoya dans des monanéres fcparés. Les Religieufes qui continuèrent de lui rciîfter, furent déclarées </f/oi<'.j,V'j«* 6- indigna de paf tieiptr mu» Satremens. On conduifit celles qui n'a« voient point fignc , mjme celles qui avoient été envovéfs dans d autres rraifons , à Port-Royal des Champs , on I^ur donna des gardes pour empêcher qu'elles n'cun"cnt communication avec perfonnc. On lailTa celles qui avoient Ciné , dans le monaftére de Port-Royal à Paris.

Les chofes demeurèrent en cet érat à l'égard de la maifon du Port-Royal, jufqu'a l'accommode» mcnrquifut fait en 1669. Elles fe fournirent alors aux dccitlons da faint-fiége , à l'exemple des Evcqucsde Pamiers, d'Aleth, d'Angers fie de Beau- vais , & jouirent de la paix qu'elles avoient tant defirce.

Char.f^emens arrhes à Port-Royal.

Cette mjme année 1660 , le Roi fcpira par un arrêt du Ccr.fcil, donné au mois de Mai , les deux maifons de Port-Roy«l en deux abbayes in- dépendantes l'une de l'autre , l'une à Paris , pour être de nomination royale ; l'autre aux Champs, pour être clrttive 8c triennale.

Port-Roysl des Champ» fut dans un état flo- fiiTant & tranquille pendant covirço dix années.

Les

DE l'Histoire EccirsTAs-nQuE. '^c^

Les parens s'emprcuoicnt d'y n citic Ituis (.rfaos pour les faire-elever avec ipitic. Des pcrforaei de tout état fe retirèrent au-dchors de ce mo- na{^ére , pour y jouir des exemples d'une com-, nauaauté ii régulière. Des Evêques y rendoient de fréquentes vilîtes , y officioient , y doonoieoc le facrernent de la Conf.rniatioo.

Cependant , malgré les illuftres protefteurs qu'a« volt ce monaftére , malgré les vertus qu'on y pratiquoit , la Cour avoit toujours des ombrages fur la façon-dc-penferdes Religicufes. Cette fo« litude étoit regardée par l'Arcbevcque de Pari» C Harlay ) comme le fanfluaire du Janfenifme \ ce prélat, muni d'un ordre du Roi , fit-fortif es 1678 toutes les perfonnes qui s'étoicnt retirées dans ce monaflire , & toutes les pcnfionnaires qu'on y élevoit. Il y eut une défenfe très-ex- prefTe de recevoir des novices : c'eft alors que les Rcli^ieufes mirent entre les mains d'une fœur qui venoit de mourir une Requête adreiTée à ). C. contre leurs perfécuteurs , Requête qu'elles enfé* velirent avec elle dans la fcffe.

La confommaticn des malheurs de Port-Royal appartient au xvm' fiécle.

formulMre J* Alexandre VII ; opfofuicn quelques Evêques,

Cependant le plus grand nombre des Evcque« de France , fournis aux décidons de Rcme , a\0M Tom. //. S

^19 E L I M f N ^

(îgnc le Formulaire C: l'avolt fait-ij^'n.: . ii.ji> ..ai exemple n'jvoit point ctc f-àvi par quelques tvô- ques , qui refufoiem d'aJopter celui que leurs con- frères aroient drefTé. Oa trut donc Hevoir fol» liciter le Pape de l'autorifcr foo approbacioa ; mais Alexandre VII ne vouUnt pas donner force de loi à une formule qui n'ctoit point foo ou- vrage, en donna une nou%-elle , iofcrée dans une Bulle du 15 Fcvricr i60j.

Ce nouveau Formulaire ctolt conçu en ces ter- mes:». Je me foumcts à la CoaAitutioa apsflo'.i- n que d7««cctof -Y du j Mai i6j3 , & à cille •» à'ÀUxandrt VU du 16 Ov-lobre l6$6 ; & je H rejette & condamne ûnccrcmenc les Cinq pro« »• polirions extraites du livre de Cur.icU.s Jj-.':- n nius, intitule Au^ufilnLt , & dans le fcns du ir^m: M auteur, comme le S. Siège Apoftolique lésa con- >t damnies parles fjfiitcs Conilitatioos. C'eft ce Il que j'iiTuie : ^loû Dieu tn'aiJe 5: irj faints Evan- »» giics. ♦»

Une Déclaration du Roi , u ';- .v.- ic ij A .:l fuivant , ordonni à tous les Arclicvcques fie I. va- ques du royaume de figner & de C^ire-C^ner ce Formulaire par tout les EccléllaAiques fccuiieri 6c réguliers , par les Religicufcs & les maîtres d'é- cole, fans aucuoe diAinâion . explication ou ref- triûion.

Les Evèques étant auiorifcs par le Pape & |>ar le Roi, ct'i^.rent la dénature avec un nau- jrcau z.:lc . miit Pit.J^n cv.h.c dAii:Ji, C^Jtt

©r l'Histoire Ecclésiastique. 41 tf

cvcque de Pamiers , Amauld évcque d'Angers , Cbouard tvcque de Beauvais , fe dulin^uérent ou- vcrteiT^ent des autres. Ils publiérenc des Mande- ciens.dans lelquels ils reconnoiiTjicnt qu'on de- voir fe fouraettre aux décLîons de l'Eg'.ife ea ma- tière de toi ; mais qu'on n'écoic pas obligé d'ad- hérer à ce qu'elle dciermicoit lur certains faits paniculiers , qui , n'étant pas révèles , ne pou» voient jamjis faire la miticre de fes dccilicns. Ils exi.euicnt Icuit me.it pour ces faits une fourni'", fioa de refpedi & de iilence.

i.c(a;i Ai /''.irrité de la réfiftance de ces quatre Prélats ,( J lance qui pouvoit perpétuer long- tems des difpute; qu'il vculoit éteindre) rcfolut de leur faire- i'aire leur procès. Mais a peine AUxanm Jre Vil avoit-il nom r.c , à fa prijre , neuf Evé- ques pour les juger, qu'il mourut. CL'mcnt IX, (oa fncceffeur , confirma dès les premiers jours do fcn pontiâcat par un nouveau Bref ce qu'avoir fait fon prédcceffeur.

Il y avcit peut-être quelqu'inconvénient u recou- rir à Rome pour faire le procès à quclq.' Evûques François. C'étoit renverfer l'ordre des jugsmens eccléfiafliques , à ce que difoisnt les Prélats par- tifans de Janfcnlus , lefquels fe voyant vivement pourfuivis-, tâchèrent ('e mettre dans leurs inté- rêts quelques-uns de leurs confrcres. ils cxpofér rcnt leur caufe à dix-neuf d'entr'eux , qui , quoi- qu'ils euffent ligné le Formulaire purcmciu Se Cim- flemeat, fe déclaréreat ouvenement en leur ii.

Si)

i^it E L r M E N s

veiir,;L'Archcvcque «le Sens , les tvcqucs deChi* Ions fur-A'jrne, de L«..:oj;nc, tle ?.lc4ux , J'An- goulèrae, delà Rochelle, de Cominges , de Cou' icrans , de St-Pons , de LoJcve , de Veiice , de Mirepcix , dApen , de Xaintcs , de Rennes , de SoilTons , d'Amiens, de Tulle Se de Troyes , écri virent au Pape en conunun. Ut lui difuient quo fi c'étoit une erreur de refufcr de fa fou-netcre auxdécifions du falot- G.-^e , par rapport aux points de fait qui n'ctoient pas rcvclcs , l'erreur des quatre Evoques ctoit celle de toute l'Eglife.

Les dix-neuf Prclats ne s'expliquèrent pas moins fortement dms une Lettre qu'ili écrivirent au Roi: «nais leurs lettres n'empèchcrcnt point que l'af- faire ne fut pourfuivie par les deux puiflaacci*

Paix de Clément IX.

Cependant les boas cfprits fouhaitoient de vo'xt la fin d'une guerre qui engendruit tant de hal« fies -, le l'ape le defiroit aufiî : ce Pontife avoit toujours nurquo beaucoup de rcfcive & de mo« ^craiion au milieu Je la fermentation que l'afifaire du Janfcnifme avoit excitce à Rome fou* Ton pré- dccefTcur. L'\rclievcque de Scm {Cini.irin) coo» noifTant fes difpofitions à U paix , entama ua traité d'accommodement avec le nunce Purn B*r» giUiii , archevêque de Thcbei , homcie i'o^ ■•-- aie auiTi fa^e que le Pjpe.

Le toir {uis de Uonit , qui entra Adn\ la nc- ttus,t4Uon , fitcutciuUc au l'ikiai luli;a , que Les

DE LT^i?TomE Ecclésiastique. 4f J

voies de la tigueur , bien loin de ramener les efprits, n'ttoient propres qu'à les aigrir de pUis en pl'JSi que l'aftaire des quatre Evcques ctoit de- venue celle des dix-neuf qui s'ctcisnt déclaré» en leur faveur; que le nombre en étoic aflez cob- fidc'rable, pour donner lieu de craindre uae véri- table divifion dans l'épifcopat : mais qu'en ufant de condefcendance , on pourroit étouircr le mal da:is fon origine, & pacilîer toutes c'aolci , à la fatisfaâion de Rome & de la France.

Le nonce ayant paru très difpofi à écouter d«ï propofjûjns d'accominodcriont , o;î s'en tint à celle-ci. Pour ménager la réputation des qua- tre Evèques , on n'exigeroit point qu'ils rétrac- tafl'ent leurs Mandemens ; du refte ils figncroieni le Formulaire arec fmcîrhi , & le fcroient-ûgner c'ans leurs diocèfes , non en vertu d'un nouveau mandement , mais dans des afTcmblies fynodales qu'ils convoqueroient pour ce fujet. Oa devoit dreffer , dans ces fyr.odes , des procès verbaux de la Signature des Evèques & de celles de leurs diocéfains ; £c enfin les quatre Prélats écriroienc au Pape pour l'affurer de leur parfaite foumif- (îon.

Clé-nent IX ayant appris par fon nonce les conditions de l'accomiiiodemcnt , répondit qu'il vouloit bien fe rehkher fur la révocation des Mjn- dcmens -, qu'il fe contenterolt de la fignature . pourvu qu'elle fût fmcérc.

Les quatre Evcques ccrivirenc donc à ce Ponr,

S iij

4ï-t E L E M E N S

tife une Lettre tris foumife -, mais , fur le broît qu'ils avoient infère dans leurs procès -verbaux quelque reftrjfiion à U à^atta-e , le Pape voulut un cclairctflcmcnt. L'£\cque de Chàîons , un des iDëdîaccurs de la paix , fut chnrgc de le lui don- ner. La déclaration que fit ce PrcFat à cette occa- Con , portoit : ». Qjc les quatre Evoques 5t le» au- X très EccIcfiaAiqaes compris dans laccomn'.oie» M ment , avoient agi de bonne-foi , 8c qu'ils avoient »i condamné fmccrcment les Cinq proporitions ; •> Se que , quant à l'attribucion de ces propoû» !• tions au livre de Jjn/tniui , ils avoient encort »» rendu au faintsûége toute h déférence ôc l'o* n bciffance qui lui e(l due, comme tous les thco- »» logiens conviennent qu'il la faut rendre au re- M gard de tous les livres condamnes .... qui eft ♦♦ de ne dire, ni ccrirc, ni eafeigner rien d: |coa. tt traire à ce qui a étô décidé par l:s Papes à »» ce fjjet. •»

Le Pnpe, content de cette dcclaration , honora les quatre Evêques d'un lî-cf, date du 19 Jan- vier 1669 ; il leur marqua que , quoiqu'il eJt recule* lettres dans le<'quelles il» lui annoiiçoient la TgnjtJtc fincJre qu'ils avoient Caiie du F -. muhire ù'A.'e%ji:Jr{ l'Il ^ les bruits qu'on .. . >i|| femés l 'avoient obligé de ne rien précipiter : •« Car, m dit-il, novi» r.'. -^ ^^^

m -ni exception , t . : . 1 ^ .<. .

m tiii'fortemeot attachés aux Conftiiutiotii de nos p ptcdéccCc art \ inaii qae , lulatcout qa'lt cl

T)E iVj.7ZOlT.Z 2cCLÏSfASTIQUE. '^Xj affuré de leur parfaite foumi(hoo , il croit de< » voir leur donner une niarque de fa bienveillance n pacernclie. »

C'eft ainû que la paix fut rétablie : paix d'au- tant plusdefirce, qu'on étoit plus las de la guerre. Un grand nombre d'Ecclefia^iques qui avoient été interdits , furent rcta'olis en lîgiint le Formulaire ; le doûcur Arnauld foriit de la retraite il s'é- toit caché , 5c fut pr.;fcnte au Roi. Il témoigna à ce prince que c'étoit avec quelque peine qu'il s'étojt trouvé engage dans toutes les conteAations qui avoient déchiré l'Eglife de France, d'à cji pjjfé^ iui dit le Roi avec beaucoup de bonté , il ne* fiut fini parler. Se tournant enfuite vers Po«- fone , miniftre d'Et?t, neveu i'Arnauld , il lui dit : Je crois que vous aye\ bien de /j jcie de voir tout ce qui fe fiffi. Toute la cour i'empreffa , a l'exemple du Roi , de faire honneur au dotleur , r'-.'x piriit chez le D.v'phin 8c chez les Princes avec c difiinfiion marquée,

M o y r-i I ir R , frère du Roi , s'avanç-^nt quel- ques pas vers lui, dit:// faut tien faire eneljvt (iwiice pour voir un kc'mme fi rare & fi extraor- dinaire. Dans fa vifîte qu'il fit au Nonce , ce pré- lat l'appella une plu,-ne d'or ,en donnant degrrnJt éloges au defTein qu'il avoit conçu de confscrcr déformais fes travaux à la défenfe de la Religion Catholique contre Icrt hérétiques.

Quelque tems après Saci fortit de la Baftille ," & fui prcfcnté auKoi par l'Archcvcqn: i!c l'ariS|

biv

Hî(j E L Z M E If s

Les quatre Evoques reotrcrenc en grâce , & Loult X I y leur écrivit avec bonté : dans fa lettre il leur annonça la paix , ii les alTura de fa bonne yolootc pour la miintenir , fie de fon eAime pour leur vertu & leur mcritc.

Pour coni'erver la mcmuire de cet événement, oa fit-frapper une incdaille en 1669: on y voit une colombe rayonnante , le fymbole du St-Ef- pric qui avoir pr^ûib a la paix , 6c au-dCiloui la Bible ouverte fur un autel -, & fur cette BibU le« cleti de S. PUm , & le fccptre avec la main- de-jui>ice en fautoir : pour marquer le concoura éc la puiilance eccUfiallique fie de l'auioritc royale*

Des Pontifes Romains^ depms Urbain VIII jufqu'à Gcmcnt IX.

L'Hifloirc du Janféaifme , que nous avons ra« contée avec quel ]ue détail à caufc de l'intcrêc qu'y prennent encore pLificurs pcrlonnes, a fait» connoitre le nom des Pontifes qui ont fiégé à Eome depuis Urh*in VIII ïjfqu'à C-imnt IX» Nous allons en parler avec un peu plut d'é- tendue , 8c rracer en peu de roots le tableau de leur ponttfica: fit de leurs bonnes 6c mauvaifes qualités.

Innocent X{ Jean-Bjptifte Pamphilo) , Romain , étoit entre dans la cour pontiticale dès fa jeunefle, •'c toit diftinguc dans les nonciatures , S( avoir mé- rité tyxL'rham Vllt l'honorât de la pourpre. Il fuc fcla à ce i'outilc le ij Septembre 1O44 > ^ "■'^^

BE l'Histoire Ecclésiastique. 417;

rut âgé de 81 arft le 7 Janvier 1655. Ce Pape, ( die le P. A'Avrigni,) avoit beaucoup d'clJvatioH il'efprit, de feu, de vivacité Sx. de difcernemcnt. Ferme dans les rencontres les plus épineufes , il étoit inébranlable dans fes réfolutions -, mais il ne les prenoit qu'jnrès y avoir bien penfc. Il éroit fobre, vivant de peu, haiffant le luxe, aulTi pré- cautionné contre les dépeafes fuperflues que ma* gniiique dans les néceffaires. Son œconomie lui donna moyen de laifTer fcpt cents mille ccuî : épar^jne dont il y a très-peu d'exemples. Il ainioic tendrement fes fujets , & faifoit -rendre une exafte julVice. Eiitîn on n'auroit peut-être point de di- faut*à lui reprccher , s'il avoit été plus indiffé- rent fur les intérêts de fa famille. La Don.i OJyn- [•il , fa belle -fœur, le goviverna ,6c; vendit pref- quc toutes les charges de la cour Romaine -, elle perfccuta violemment les Barbtrins ^ neveux d'6^r- httln VIII, qui furent obligés de fe rciirer ea France.

Alexandre Vil {Chigi) fc défendit d'abord de la foiblcîre du népotifme -, mais il finie par en être fubjugué ccramc fon prJdéceffcur. Dès qu'il fut fur le trône, il f.t-mett e un cercueil dans fa chambre , pour fe rappellcr ce morr^nr oit toute» les grandeurs font anéanties, ft'.iis on s'icou. t.me ( dit le Père à'Avrigni ) à voir une bicre, comme toute autre chofe -, Gc ce n'eft guéres par les yeux qu'on devient plivs homme-de-bicn^ Il ippella fes neveux auptçs lui, & los dolonvr

S V

:4i8 E L E M E K s

jnagea abonclararaent du peu ^'il avoît fait jr^ ques-Ià pour eux. Ce fut fous le à .♦•

Itxinirc Vil que 11 leine Chn^'ir.. m !e

royjuoie de Sucde pour fe fjîre Catholique , Se vint fe fixer à Roroe au milieu des lettres âc des artf. La garde Corfe aymt attiiquc l'anibaiIideiM' 4e France ( le duc de C'i^ui ) dans fon patois , Louis XlV it prépara à venger cette infolcncc ; le Pape le ca ma cti cnvoya^it en France un le* gK i Uttrt, Ce fut le cardinal Ci--;< que le Rot reçut en prince c;aîcment généreux & zèle pjuc les droits de fa couronne. A.txanift Vil termina fa carricre le vingt -deux Mai 1667. Quoiqu'il eût foulage par des aumônes abondantes leaRo» trains, pendant une difette dont ils furent afHigéS', & qu'il eût travaillé à rembelliirement de pla- ficurs Eglifcs de Rome , il ne fut [>a* toujnurt aimé de fes fujets , parce que , dans fcs depenfes en. cditîces, il confuha plus fon goût pour Taïc^- teilure, que les ren'uurccs de fcn peuple.

Le faint>fiége ne lût pas long-tems racaot -, le cardinal Jules Rofp^'iofi , Tofcan , homme de erand mérite , d'un cfprit c«,!airc 5c d'un carac- tère conciliant , fut citvé au poB:i<1cat , & prit le aom de CUment l X. Il avoit ctc nonce en L(' pegno-, ou il s'ctûtt acquis l'eftime des grands 8c ë«* petit» -, fon ic^ne ne fut que de drux ans il mourut en 1669, avec la rcputattr>n d'un pontife pacifique, crconomf | Ubasi , ami de* lettre» Se ftut Ju peuple*.

DE L*HijTomE Ecclesu':tique. 4151

Da Papes Clément X (S» Innocent XI. Du

droit Je RcgaL' ; Difput:s aufujet de ce droit.

Cilmnt X ( AlAcri ) , pontife ami de la paix 8c de la vertu , élu en 1670 , ne gouverna l'Eglife que lix aDS-,& eut pour fucceffeur en 1676 /«- nccent Xl^{ Odcfcj.'clit). C'cioit un homme grand, fcc Se maigre: les yeux vLt's, l'air chagrin , les raa- nitres Êéres.le jugement bon , l'efprit ptnctraur, Egaleirent zélé pour la réforme des moeurs & peut les droits de l'E^llfe , il étoit fcvérj pour lui-mê- me & pour les autres , Se ne revenoit prefque ja* mais de fes premières împrefilons , parce qu'il les cro) oit fondées fur la raifon & fur la juftlce. Com- me il étoit dans le Milanoisâc fujct de la mai- fon d'Autriche , Louis Xiy vit avec peine foa excitaàon. En efl'ct , ce Tape, peu favorable à la Frrncev erura vivement dans les difputes qui ve-- nciciit d'y uaiirc au fujct de la Rtgule. l'our faite avec quelque détail 1 hiAoire de ce dcmclé , il faut faire- coonoicre la nature des prétentions de Lcui* XIV.

La Régale eA un droit particulier an Roi de Fraa> te, qui rcmor»ie jufqu'aux tems les plus reculés ce 'la monarchie. Par ce droit , ils pe. doivent le revc'iu des archevêchés & évcchés clu royaume pcnd,i.it. la vacance du ficge , & contèrent tous les bénéfices qui en dépendent , excepte ceux qui ibnt à charge d'ames-, comme les ctKef. Ce peu voir ce le borne point a la nomiiiacicndes béoé^

Svj

4îd E L E M E N s

£ces f!mp!cs ( puifquc le Roi nomme a tou« les cw ponicats vacans ) , comme le difeot l'auteur daSU- cU de Loult XIV t & l'abbc PrtvCt dan» fon AI4- mucl Uxijut. Ced une erreur échappée à ces deux célèbres écrivains , & que nous ne relevons que parce que leurs ojvra^es foiu entre les mains de tout le monde.

Le droit de Régale embrafTe , fuivant les Jurif* confultes François, toutes les Egtifes du royau» me : cependant pluùsurs Evoques des villes réunies à la Couronne fous la troil"iéme race , r.e vou- lurent pas reconnoitre cette prérogative , que des feigocurs particuliers, trop foiblcs, n'avoient pas pu faire-valoir. Il paroit parles rcglllres de la cham- bre-des-Cotnptes de Paris , que quelques dioccfe» avoient été exempts du droit de Rtgale pendant pluficurs ficdes.

L'Evcque de Bellay prétendoit que Ton cgliTe étoit de ce nombre i il voulut faire - valoir fet prétentions fous Henri IV : mais le parlement de Fjris donna un arr«h en 1608, par lequel il dé- clara que la Régale avoir lieu dans tout le royau- me. L'Evcque de Belhy , ^ ceux dont les Eglifes éioient lituées au voilinage de» Alpes & des Py- rénées , & qui croyoient jouir du mime droit que lui, fe pUignitcnt à flf.rl IV , qui , mena* géant les Lvc.; ;es ?< le Vf^z , UilTa cette affairt îfldécire.

Le car .41 c.Q /i » : .- i , voulant confervrr lu Eoi>lc ptiviU^c d: difpofcx du revenu des evè*

DE l'Histoire Ecclisiastique. 4*11

thés & de nomm:r aux béoiifices, dans le court «fpace qui s'écoule enrre la mort d'un Evèque 8c le ferment de fidélité enregiftré de fon fucceffeur , fit-donner deux arrêts au confeil du Roi en 1657 &163S, par lefque'.s les Evêques qui fe difoicnc exempts, étoient obligés de montrer les titres fur lefquelt ils fondoient leurs exemptions. Il y eue un nouvel arrêt donné en 1651 , fous le miniftére du cardinal Mayirin \ mih on publia d'autres arrêts pour accorder des délais. Le grand Coafeil é:oit quelquefois favorable aux Prélats , & le Parle* ment jugeoit toujours conformément au princi- pe , que la Ri'^jle efi un droit infipsr^ilc dt la Ci/«r rvane.

Edit de 1673. Oppojîùom de quelques Evêques,

Cette queftion divifoit les Jurlfcon fuîtes , lorf- que Louii X'.V donna un Edit le 10 Février i6-'3 , pour étendre le droit de Régale dans tous lesdio- cèfes de la Frmce , à l'exception de ceux qui ea étoient exempts à titre onéreux. Les Evêques que cet Edit intérciToit , s'en plaignirent comme d'une nouveauté intolérab'e ; l'oppofuion qu'ils y for- mèrent, engigea le Roi a donner , au mois d'A- vril 167^ , une feco.ide Déclara cion conforme à la première i la plupart des Prélats s'y fournirent. Ni» eolas Pavillon évalue d'AIcth , & François Csultt

évalue de Pamlsrs , tout deux connus par uoc

l(2Ï E L E M E K $

piité exemplaire, turenc les fculs qui oùrcat rwU - «er à Ljùs Xll^.

Ce Prince connoin*oit moins leurs vertus, f\ ^ leur oppofuiai au For nu; lirc concernant ^j/j- miut\ te» enne.nis des Jcix Prdats lai perfoadé- rent , que leur but, en fe roiditTdnt contre Uau» torité , étoi: d'exciter entre la cour de France 8c celle de Rome des broui!l:rics , qui, pouH'ccs à nn certain point , feroieat fevorj jles au pjrti donc on les (Uppofoit ccre. LjuIs Xiy , pîein de ce:te idée , fut encore plus choque des motifs qu'on prctoit à leur réûAance, que de la rclidjace moine.

Bientôt cette difpute acquit toute la chsleur ti'ane f;uerre civile, fur-tout dans les deux F.gH* ies d'Aletlt & de P.tmiersk Le Roi avoit dirpcfi de quelques caiu>nic3t$ de ces deux dioccfcS; il prcteadoit être en droit de le faire, p3.-cc q^e , les ievx E-vâqucs n'ayant pis £iit-enrei;i(lrcr leur ferment, la Rcgale ctnit encore ouverte à fon égard. Pui'iJÎMi & Cju'ct, fermes dans leurs prétentions comme dans leurs fentimeot , rcfufcrent d'admet* tre Ici nouveaux pourvus , 5c dcf<tndirent à leari Chi^iirci de les recevoir.

Les Rigalillet t'j'I.-elTeat alors aux Arche vj ]uei de Narbonne 8c (]e Tuuloufc , métropolitains d A* teih £c de Pjmiers , qui jugent en leur faveur. Lt» Evoques font appel Je leur fentence au faiot-ûige ^ 'V !.••. difpute devient gcncrale..

i>T lITiSTOIRE EccUÇÎAST'QUt; '40^ La Cour di Rome entre dans cette d'ifpiue.

Lorfqu'Z/j/ioc^ftt XI eut été placé fur la chiire de S. Pierre , il embralTa avec plaifir la caufe de deux Prébts qui , comme lui , étolent incap?.bles de plier. Il adrefia des Brefs remplis de vigueur au Roi, à l'Archevêque deTouloufe , & à l'Evcqua dePamlers, qui, depuis la mort de Pavillon arti- vée en 1677, C 5c non en i63o, comme le dit Tauteur du Siide Je Louis XIV , ) ibutint feul le poids de cette Tongue difpute. Dans le Bref adrefTc au Roi le 29 Décembre 1679 t le fouve- rain Pontite l'exhorte fortement à ne pas afTujet- tir au droit de Régate les Eglifes qu'il prétend de« voir en c're c::emptes. Il lui déclare que , s'il ne fe founict aux remontrances paiernellcs qu'il lui a faites & réitérées à ce fujct , il fc fcrvira de l'autorité que lui donne fa plicc. Il attribue aujc mauvais confeils que fes flîiteurs & des hommes fans foi ,fJios difîdenna , lui a voient donnes , tout ce qui s'ctoit fait d'irrégulicr dans cette importante affaire.

L'Evéque de Pam'erj , anime par les éto^cs dU Pontife , foutint fes prétentions avec une fermeté qui ne fe démentit jamais. En 1679 '^ menaça d'ex- communier tous ceux qui , ét.tnt pourvus en Ré^ gnîe , prendroicnt quelque bénéfice dans fon dij- cèfe. Son inflexibilité irrita la Cour , qai fit-faifir tous fes revenus; on en'eva tout dans fa maifua «pifcopa'e. Réduit a une extrême pauvreté , il vi- yoit des fccours (jue U piété de quelques Oinis Itû.

"4^4 E L E M £ N s

rnvoroir. M. le PeUeiUr DtJλinkes lui ayant £iic* remettre une fomme d'argent , le P, de U Chj-jï voulut lui faire un crime auprès du Roi de cette a^^ion géncreufe ', il deixunda une lettre-de>c3chec pour l'exiler : Soit , repondit LouLi XIV , il meftra fat dit ^ut f,.ut mon r'c^ne qut^qu'un ait été puni pour ûtoir fait i'aumine,

La mort de M. de Pam'tt's ^ arrivce en 1680, ne termina point ces conteftations ; le chapitre fie les grands^N-icaires qu'il avoit nommes, s'oppo- fcrcnt toujours au drrit des Réjjiliftes. En va in le mctropolitain nomma un vicaire - gincral pour maintenir les pourvus en rc^jlc -, cnvain le Parle- ment de Touloufe donna des arrois : le P. Ccrtt » un des membres du chapitre , & un des grands» vicaires pendant la vacance du ûége de Pamiers , caCa les fentenccs de l'Archevêque de Touloufe & les arrêts du Farlement. Ce tribunal le con» damna par contumace , non pas à perdre la tcte , comme le die M. de V^.ltalre, mais à ctrc pendu. Il le fut en crBgie , après qu'on eut promené , dans ua tombereau par les rues de Touloufe, un lw>ni> irc de paille habillé en religieux. Le P. C*r/t avok pris la fuite , fie , du fond de fa retraite, U rem* ylii la France des plaiiites , que les injuAices qu'il difoic avoir e/Tuycci lui iofpiroient.

JJfcmbUesiu Clergé de \C^\ & dt i^iS^i.

Leuit XIl^ , voyant que la difpute clcvce entre cour de Rome & lui scduuffoit , iciulut dfr

DE l'Histoire Ecclésiastique. 41^

la terminer dans l'affemblce du Clergé de i63r. Elle étoit compofée de quarante Archevêques ou Evèques , qui réfolurent d'écrire au Pape. Mail comme le Pontife auroit pvi regarder leurs juftes remontrances, moins comme la voix de l'Eg'.ife de France , que comme l'effet des ioprefHons de la cour & le fruit d'une complailance intcreiTée , ils fupplicrent le Roi de convoquer un Concile- national , ou une afTemblce générale du Clergé , qui fe réunirotc pour faire - entendre fa voix au Pontife RoTiain.

Un Concile national entrainoit trop de Ion» gueurs & d'embarras. Le Roi fe contenta de per- mettre une AfTemblce générale, qui fut convoquée pour le 9 Novembre 1 68 1 . L'archevêque de Paris , Harlai , en fut prcfident. L'éloquent évéque (îe Meaux , Bvffutt , prononça un très-beau difcours le jour de l'ouverture. Dans la première partie , il établit la prééminence du ficge de Rome ; dans la fcconde il fit l'éloge de l'Eg'.ife de France -, & la troiiîéme roula fur les moyens propres à préve- nir les divif»ons,8c a les C4imer quand elles font nées. Il parla de la beauté 8c de l'unité de l'Egli- fe, confidérée dans fon tout, dans fes membres, & dans fa durée , avec cette chaleur qui caratldri- foit fon éloquence.

Les premières opérations de l'affemblée roulc- tent fur la Régile. Les Prélats reconnurent que le Roi avoit ce droit fur toutes les E\;lifes du royau- me i mais ils demandèrent quelques adoucifl'cmea»

4*6 E L E M E N\S dans l'exercice de c: privilcge. Selon Tufage conf* camment ohferve iurqu'alors, le Roi oommoit pen« dsnc la vacaace du /u ;s aux doyenocs , aux ar- chidiacoflés, aux prcbcndes , Se aux aucrts béoé- £ces , auxq;teU l'on: atcachces les foiicllons de théologal & de pcnireacicr. Les pourvus exer« çolent leurs tondions , en coaûqueace de la do» mination Royale , fans Ce préfenter ni a l'Evéquc, ni à aucun autre fupcricur ecclé(îjllique. Cet ufjge bleffant la jurit'diclion cpilcopale , V.- p*

plia le Roi d'y rcmcii.T l'une rai.".. .. c,

Loitis Xiy featii la iuilice de leurs renontrao* ces.il donna unEdit,au mois de Janvier i68x, par lequel il enjoignit a ceux qui feroient pour» vus en Régale de bcnéficei , auxquels feroient ae» tachées quelques fondions ou jjrifdtdlon fpiri- tuelles , de le préfenter aux grands*viciires éta- blis par les chapitres , fi les Eglifes ctoicat en- core vacantes , ou aux Evoques pour obtenir d'eux l'appro'oation & million canonique.

Dés que cette Déclaration eut été véritict au Paricmeat . rA^'eroblcc iit de« remercimens fo!em« nelt au Rui, qui leur avoir bciucoup plus donné par ce noavcl Edit . qu'ti ne leur jtsr

celui de 167). Us fi^acreat enfuitc 1 cnt

l'afle d'extcnfjon de la Régale Air toutes le* L);lifM lîc i -ent au Pape u. ur

lui 1 >c% motifs de : ^cn>

«lance. Aptes y avoir établi la ncceiliié de U booM ùuelligcacc cotrtle Sacerdoce ScrEjapir»,

DE l'Histoire Ecclésiastique. 427

îls fupplioient fa Saintetc de donner la paix au Clcrgc François , qui n'avoit renoncé aux droits particuliers de quelques Evèques.que pour le bien gcn-iral de leurs Eglifes , & en faveur du plui gra':i des Rois. Ir.mccnt , peu fatisfiiit de leur conduite & de leur lettre , calTa par un Bref tout ce qu'ils avolent fait en faveur de la Regale , & les exhoru à fatisfalre au plutôt à leur honneur Se à leur con« fcieace en révoquant leur fignature.

Cette démarche da Pape déplut aux esprit» coo- cilians; elle eut des fuites auxquelles ce Pontife ne s'attendoit point, O.i prit occaùon de ce Bref pour exam.ner les droits 6c les pricentions de celuj qui l'avoit donné. Le i8 Mars i68z , une nou> vclle affemblee du Clergé fit-paroître une fameufe Déclaration , qui eft le rempart des libertés de l'E- glife Gallicane. Dans le préambule , les Prélats an- noncèrent qu'ils n'avoient pai moins en vue de maintenir les droits de l'E^Iife de France , que de conferver l'unirc , & doter aux Calviniftes tout prétexte de rendre odicufe la puilTance pontiticale.

/;'. Articles de rAjfemHie de 1682.

Cette Déclaration fur la puiffance temporelle 5c eccléfidftique eft trop importante , pour ne pas la rapporter en entier.

»» Plufisurs perfonnes s'efiforcent en ces tcms- cl de ruiner les Décrets de l'Egtifc Gallicane Se fes Libertés , que nos ancêtres ont foutenue* avec tant de zèle 1 & de reaverfer leurs ioait--.

4i5 E L E M E V s

mens, appuyés fur les falnts Canoos &i fur la Tra- dition des l'ercs. D'autres , fous prcccxte de Ici détendre, ont la hardieffe de donner atteinte à la primauté de S. FUnt & des Pomifcs Romains fe» fuccefTcurs , inAituee par Jesus-Christ ^ d'cm- pêcher qu'on ne leur rende l'obcifl'jnce que tout le monde leur doit , & de diminuer la maie(lc du St-Sicge Ap«ftoliquc , lefpeâablc à toutes lesiu- tioas, l'oa ealelgne la vraie foi de rbgiife, 6c qui conferve fon unitc. De plus , les hcrctiques mettent tout en oeuvre pour t'aiie-piroitre cett« puiiTance , qui maintient la p^ix de l'E^life , odieuie & iofupportableaux liais & aux peuples, & pour éloigner par cet artifice les âmes fimpies de U cora* tnuoion de l'Eglife. Afin de remédier à ces inconvé- niens : Nous Archevêques 8c Evcques ,a{remblé9 à Paris par ordre du Roi , reprcicntant l'E^lifc Gallicane , avec les autres E^cIcllaAiques députés., avons iugé, après une mure délibération , qu'il eft nécelTaire de faire les R^glemeus &c U DccUniioa qui fuivent :

1. M Que S. Pitrrc 8c fe» fucceflfeuri victirei J, C. , 8c que toute l'Eglife mtme , n'ont reçu de puiflTance de Dieu , que fur les chofcs fpirituelles & qui conccroeii: le falut , 8c non point fur let chofei temporcllet 8c civiles : Jesus-Christ nous apprenant lui-même, que /I/i Ri)âumt n't/l point d€ <t rncnJ* ; & «n un autre endroit , ilu'ii jéut rmire À Ccfar et fui tppértitai à Ccfar , 6^ à Du» «**)iM *ff0tiuM à. Dku. Qu'âioAil »*ca ûiutCAii

DE lTÏistoire Ecclésiastique. 41^

i ce précepte de l'Apôtre S. Paul: (^ue touce ptr. /•.r.ne fuit fourni fc aux PuijJ'ancts fupiritures : car il n'y a point de Puiffance qui ne vienne de Dieu , fi» ccjl lui qui vrdonne ccUes qui font fur la terre •, c'ejl pourquoi celui qui s^oppofc aux Puijjtnces , réfifie à l'ordre de Dieu. En confcquence nous déclarons j que 1m Rois ne font fournis à aucune Pulffance eccléruftique , par l'ordre de Dieu , dans les chcfes qui concernent le temporel -, qu'ils ne peuvent être dspofés dircdement ni indirectement par l'au- torité des c!efs de l'Eglife ; que leurs fujets no peuvent être exemptes de la foumi/uon & de l'o- béiflancc qu'ils leur doivent, ou difpenfes du fer- ment de fidélité-, que cette do^rineinécelTaire pour la tranquillité pubtiqite, & autant avantageufe à l'Et^life qu'à l'Etat, doit erre tenue, comme con- forme à l'Ecrlture-Sainte , à la Tradition des Peret de l'Eglife , & aux exemples des Saints.

II. >' Que la pleaitude de puilTance que le St> Siège Apolîoiique & les Succcffeurs de S. Furre , ▼icaires de /. C, ont fur les chofes fpiritueltes, eft telle, que néanmoins les décrets du faint Con» cile œcuménique de Confiance, contenus dans les feffions 4 & 5 , approuvés par le St-Sic^e Apof- tolique , &< contîrmés par la pratique de toute l'E- glife 3c des Pontifes Romains , 6c obfervés de tout tems religieufement par l'Eglife Gallicane , demeu- rent dans leur force & vertu ; & que l'Eglife de France n'approuve pas l'opinion de ceux qui don- nent actciate à ces décrets , ou les attuiblùlcat, en

4)0 E L E M 1 K S

difanr, 'que leur autorité n'rft pas bi«n établie ' qu'ils ne font point approuvés, ou que leur dif- poiîcion ne n. garde que le teins du fchifnc.

III. M Qu'ainC ii faut rcgier l'ufage de la putflfance Aponolique , par les Canons faits par l'Erprit de Dieu & confjcrcs par le refpcû gcmiral de tout le inonde -, que les rig'.es , les moeurs & les cor.ftio tutlons reçues dans le Royaunne & dans l'Eglife Gallicane, doivent avoir leur force Se vertu , fie que les ufjgcs de nos Tcres doivent ticrrcurcr inébranlables: qu'il cfl n-.cme de la grandeur du S. Siège Apc>AoIiquc , que les loix & les coutumes établies du coi de ce f.cjc U des Eglifes , fuhfifter.t inv, . -.

IV. i. Que quoique le l'ap« ait U piincipale part dans les qucflions de Foi, ti. l :, re- gardent toutes les L^,'ifcs , Js , . - en particulier , fon jugiment h'eft pas irréformablc , fi le confcntement de J'Eglife n'intervient Ce font les maximes que nous avons reçues de nos Pères , fit que nous avons arrêté d'envoyer à toutes le* Eglifes Gallicines & aux fivéques qui tes gou- vernent pjr r.^uturî(c du St-Efprii , af'M que nou» difir'- dujfe , que nCH ' lU les in t ^ eue iioui i. . 'i mtmt doârin(

DicLuaûon du Roi,

Le Roi , pour donner une force durable à cet quatre Aitidci qui^îpituicot hutdi alors , 8c qui

1

DE l'HjSTÔIRE ECCLESIASTIQUF. 43 1 ont eu depuis la faniflion de prefciuc tous les peuples Catholiques, ordonna par un Edit qu'il» feroient publics dans toute l'étendue du roy.iu- me , & enregiftrés par tous les Tribunaux & toutes les Facultés de théologie. Celle de Paris témoigna quelque tems après, d'une manière fblemnclle, quel ctoic fonfentiment fur l'autorité du Concile Ôi de» Evoques. Elle cenfura une propofition tirée d'un Manden.ent de l'Archevêque de Strigtjnie contre la Déclararion duCicrgé de France. Cette propofrioo Ctoit, qu il n'appartient quau S, Siège J'eni de juger du controve'fei de la Fo!. Le Parlement de Paris avoit fupprimc l'ouvrage ([ui la reafcrmoic , par ua Arrêt du 23 Juin 16S3.

La Déclaration du Clergé fut vivemcrtt attaquée par les Théologiens Ultramootalns , & on publia divers Ouvrages contre la dodlrinc de l'Eglife de France. Jean-Thimas de Rocabeni ^ qui avoit été Général des Dominicains en 1670 , Archevêque de Valence en 1676 , & qui fut depuis InquiCteur-gé- néral d'Efpagne .publia en 1693 *'<"' volumes in- fol., pour établir les maximes contraires à la Dé- claration du Clergé de France. U prit cnfuite la peine de recueillir en 11 volumes in fol. , tous les ouvrages du même genre que le fien ; 6c il fit - imprimer à Rome à Tes propres frais cet immcnfe recueil. Son Tr.iitî di l'anturité du Pape filt applaudi en Efjîagne & en Italie : mais en France , on le re- garda comme un ouvrage «ilein de maximes con- traires à l'Ecticure , à la Tradition , & à la doâàno Pcr«s.

'432 E L E M E V s

Le Roi chargea le cticbre luju.t de réfuter cet Auteur , âc les autres partifans iz\ opinions UUra« moncaincs , & dt défendre les qvatre Articles. Ce Prélat le fit avec h lumicre 6c la modération que l'on pouvoir attendre de lui. Il prouva datu fa détenfe de la Déclaration du Qergé, que la doâri- ne dcrEglife Gallicane fur la puiû'ance ecclcûalli- que fie fur la puilTance temporelle, renfermée avec prccifion dâ,ns les quatre Articles , n' eft que la doc- trine même des Ecritures &c de la Tradition-, & que bien loin d'aflToiblir 8c de diminuer la primaurc 8c l'autorité du fouveraia i'ontife & du S. Siège, elle lai rend toute fa force, tout fon éclat Se fon an» cienne majellé-, en écartant les prcroç^atives fauffee- & odieufcs , dent l'ignoraoce & i i il irteric fe font efforcées dans les derniers tenis de Ij charger & de robfcurcir. Les Ultramontains ne manquèrent pat de dire, que c'ctoit moins le zèle pour la vérité , que le dciir de p'ulreà la Cour de France, qui avoir cté le mobile fecret de la Déclaration du Clergé. Mais oa ne p^suvoit imputer ce rnoùf à p!urieurs Prciats d'un mérite diAinj;ué , qui ctoient mcmbrea de cette auguHe affemblce. U'ailieurt la faine doc-

lrir>e, qui efl c ' - - '- ' c Art. des, eu

indépendante > ont pu por*

ter pluûcnr^ I •• . ;m:» a » y «tt»

La fermcic (lu ilc>i &: de t ..... I rjoce è na'mtenir la doârine de l'AfTcmlilee de i6Sx, aigrit déplut en plu» Ij < -r- hnoceni A7 re«

&fa des Bulles aux L ,. .s du fécond ordre.

DE lT^istôire Ecclésiastique. *4it;

iretnbres de cette afltniblte , (,;ui avoJent ctc nom- mas Evêqucs. Le Roi, ne voulant pas qu'ils fuffent difringués de ceux qu'il avclt nommés à des évc- chcs , fii-défcnfe de fe pourvoir en cour de Rome pour avoir des Bulles. Cette diillculté fubrifta pen» dant tout le rcfte du pontificat d'Innocent A7,dont I9 roidcur inliexible ne fsut jamais s'accommoder aix teni'.

Nouvelle D'ifputc entre le Roi & le Pape,

Il s'alluma entre le Pape 8t le Roi une nouvelle contedation, qui n'adoucit point l'ancienne. Les liôicls des AmbafTadeurs des princes à Rome, Se les quartiers d'alentour, croient comme un afylc , les vo'curs & les affatuns fe mettoicnt à cou- vert des pourfuites de la jufiice. Innocent XI crut devoir remOdier à cet abus, qui n'ctoit favorable qu'au crime. Il révoqua , par une BuHc datce du i i T.lai 16S7, toutes les tranchifes des ambafladeurs , riime celles de l'ambaffadeur de Fr.mce , & ex- communia tous ceux qui voudroient les foutenir.

L Empereur, les Rois d'Efpagne & de Portugal entrèrent dans les vues fsges d'Innocent XI. Rîais Louit Xiy déclara, dit-on, au nonce que c'ctoit à lui à fervir d'exemple , &»non à le prendre des EUtres fouvcrains. Le marquis de Lavardin fut en- voyé à Rome en qualiûc d'ambaffadcar, pourfoa- tenir les prétentions de Lmis XIV.W le fit avec hauteur. Il entra d.ins Rome , accompagrc de huit ccuts hommes armes , S: avec un tclat qui tcnoic Tom. Il, T

<^4 E L E Af E V s

plutôt d'un triompne que d'une entrée d'ambafla- dcur. Le p^pe l'excommunia. Il ne \»\i\i point de comaunier le jour de Nocl dans l'EplifeFrançoife de S. Lcuh. A rinflant le Pape jctta l'inrerdit fur cette Ey^Ufe. Le marrni» de Ljtjrd-r, prétendit qu'on avolt violé en fa perfonne le droit des gens , & pro- céda contre l'exccmmunication lancée contre lui.

Le Roi , informe des démarches du Pipe , s'em- para d'Avignon, 8t renvoya l'aftairs de l'excora- munication au Parlement , qa'i appclla comme d'à- bus de la Bulle des franchifes. On parla d'aiTem- bler un Concile national , & d'établir en France un Patriarche indépendant de F.ome.

Cependant Louit XïV craignant un fchifme , chercha des moyens de conciliation. Il écrivit de fa main au Pipe-, Se a rinfçu de (on .^mbaHadeur , il dépccha à Rome un homme de confiance qui ne put jamais obtenir audience. Inrtoetm peffi^a tau« jours dans te refus d'accorder des Dulles aux Eve' ques nommés. Les Archevêques Se Evéques qui cioicnt à Paris , approuvèrent l'appel interjeué par le Procureur-péncrjl -, le nombreux Clergé de cette grande ville, & l'Univerfitc, fe joignirent i eux.

Enfin ta mort d'/r-K^c»/ AV. arrivée en t6S4

t fit-efptrer que la paix feroit rendue a l'i; '.life de

France. ÀUxand'c VI 11, ( Ottohont ) fon fuccefleur,

oe fut pas plutôt TurletrAne pontifical , qu'il pi*

rut votilo^r e cor.ci!ier avec 1 oui» Xl^ Ce prince,

wour accclcrcr un accommodement, fc relâcha fur

toE lUistoihe Ecclésiastique. 43 Ç

le droit des fianchifcs de fcs anihaffadeurs , & rendit au nouveau Pape Avignon & le Comtat, Cependant le Pape mourut C:\a'^ avoir termine cette trifte querelle, qui prlvoit tant d'E^lifesde leur$ premiers pafteurs : il ptiLiia au lit de la mort une Bul!e, qui caiToit !a Dfc'araiion du Clergé de 1 682, après avoir pronenct un petit ditcours latin qui commençoit par ces mots ; Dcfclunt vires ,fcd non d:ficit ar.imus.

Un des Dlfputes entre Rome & Li France,

Innocent XII , ( Ptgnatelli ) élevé nu pontificat après lui, avoir l'efprit plus conciliant. Louis XIV de Ton côté voyoit avec douleur la longue va- cance de plus de trente Eglifes du Royaume. On fe relâcha de part 8c d'autre. Enfin, après bien des expédicns propofés par deux habiles négociateurs, les cardinaux à'Ejîrces & Janfon , il fut arrêté que les Prélats auxquels on rcfufoit des Bulles écri- roient chacun en particulier pour appaifer le Pape. Ils difoieiit qu'ils croient douloureufement affli- gés de tout ce qui s'étoit pafTc dans les aiTemblées du Clergé de 168 r fit 16S2, Ils défavouoicnt tout ce qui y avoit été délibéré au préjudice des droits de l'Eglife.

Le Pape, fatisfaitde la foumifllon des Evcque* & du dcfaveu qu'ils avoient fait , leur accorda des Bulles, Les quatre propofitions défavouées par ces Prélats , n'en furent pas rr.oins enfcignées en Fran- ce , comme des vérités fondées fur la raifon ^

Tij

f V5 E L E M E V s

fut la connoiffjncc de l'irâtiquicc. L«s Paricmens du Royaume ont toujours aj^i fur le princi,>c que les quatre Articles ctoicitt les gardiens des liberics de IT^life Gallicane. Lt CIcr je en corps , toujours attaché à fct prcmicres idcts, ne fit aucune dé- marche en cette occalion , 2c même les ILvlqucs nomnics eurent 1 attention d'ccrite fw'parju.cni à Innocent XII , afin que leur lettre ne parût ^ciiut une rétraftation concercce de ce qu'avoient (ait leurs coafrilres fit de ce qu'ils avoicrit fjire.

Ce Pontife mourut en 1699, laiiTant une mimoire chère & ret'peflée de tous ceux qui conooilleiu le prix de la vertu & de la paix. Cernent XI ( A/ijni) eut la tiare après luT , & le montra ami 8c protevîlcur des fçavans ; il fut l'exemple de l'E- glife fit l'objet de l'amour de Rome.

Et 4T Je U Rellpon en Jr.rhtcrre dans le XVn S'icde.

Nous avons vu dins ThiAoïre du ficelé ppécc- Jent : comment ce Royaume li attache autrefois BU Chriûianlfme , ctoit devenu l'afyle de Terreur , depuis que Htnn yill , emporté par les paiîi^ns , s'étoit érigé en chef de \ï.^\'%(t. Us chanicmcn» qu'il fi» au culte extérieur , ne fureni f»ai coofidé- aU>les. Mais les tuteurs de foa fils IMu^ri ^ fe dtcUrucot C4;v.i»iftes,8i la reine Lhj^^uk , ca cm ).-3(Tjnt U même Religion , voulue cependant :quc> & une pvùe de U Hi^rar-

. - , 'C.

tE L*î!!îrOll\E ECCtE^l ASTI QUE. 4)^ Les Anglois s'accoutumèrent peu-à-peu à C\i\- vre la créance des Evcqucs , qui t'evitjt la domi- nanre. Mais le pouvoir de ceux-ci , regarde ccm- me légitime par la plus grande partie de la nation, ctoit anathcmaiifé par les< Puritains ou Tresbytc- riens , qui formoient un grartd parti <îans l'Etat. Ces Puritains ainfi appelles , parce qu'ils prc^en- dolcnt fuivrc l'Evangile à la lettre , foutenoient que le £<ruvernemont de l'Eglife , pendant les trois pte- micrs fiéciss, avoir été exerce par des anciens , & Lônniuoit p2r confi.quent la h^ctarchic ctablie dans l'Eglile Catholique. Atucikcs sux opinions les plus rigides du Calvinilroe , fombres , atra- bilaires , enthoafiaftes , ils mettoicnt dans leur haine contre les Epifcopaux toute l'ardeur du faoaciCme»

Rèpie de Jacques I.

Lorfque Jacques I , auparavant Roi d'Ecofle ,' monta fur le trône d'Angleterre après la reine EU- fahcth en 1603 , les Presbytériens s'imaginèrent que ce monarque , nourri & élevé dans leur fcin , favorifcroit leur fcftc : ils fe trompèrent. Jaloux de l'autorité & ami des plaifirs, Jacques connoif- (bit trop lAir efprit d'indépendance & leur ca- ra^ére intolérant , pour leur ctreTavorablc dans un royaume ils ne dominoient point.

II voulut cependant que le Clergé Anglican eût avec eux une conférence en 1604 a Han|p- tOiKOjrt, On y difputa , non fur les dogmes fpn-; «latnenuuz, mais fur de fioiples cérémonies quj

'4}^ "E L E M E N s

divlfoient violemment les deux partis, C^toît prin» cipalement l'ufage du fijne de la Croix dans la Baptcme , de l'anneau dans le mariage , du furplis, de l'inclination de tcte au nom de Jésus. Quel- ques changemens légers dans la liturgie , furent tout le fruit de cette contcrcnce ,qui ne changea si les cl'prits, ni les ctcurs.

Les Puritains n'en furent môme que plus aigris*' Jacqutt avoit dit fouvent dans le cours de la coo« fcrence : P. Lit i^Evi^ucs , point de Rois. G:s paroio déceloient fcs véritables fentimens. En eft'et, il ne ceH'a depuis de protéger le gouvernement épifcopal, qu'il croyoit plus favorable à 1 autorité fuprômo des Princes , Se il le rétablit en Ecoffe , l«% prétendus Réformateurs l'avoient aboli.

Règne de Charles I ;/!» mon diplorabUi

Charles /, qui monta fur le trône en 1615 ,aprcf Jacjutt I , marcha fur les traces de fon père. U ctoit attaché à l'épifcopat -, il aimoit les cérc- nor.ies eccIcfiaAiqucs, S( vouloit qu'on les reçue comme eiTcnticlles au culte divin. Animé par les confeils de GuilUumt Laud , évcque de Londres , depuis archevêque de Cantorheri , ii envoya ans Ecoffois . les Canons qui dévoient fixer le cuko Ce la jurifdiâion Eccléfiaftique.

Ce peuple enihoufijf^e £< ignorant , croit d'au- tant plus cloignc de les recevoir , qu'il ctoit en- tretenu dans fcs préjuges par les Nobles du royau* ac & pu les Prcsbyicrieas , tous Cj^ftlcmcot 0^

tL i.lIlSTO!RE ECCLESIASTIQUE. 4^9 |>ofcs à l'autorité épifcopale, les uns par jdloulie de pouvoir , les autres par fyftème d'ég;iUié.

L'Evêque d'Edimbourg étant monté en chaire pour proclamer la liturgie de Charles , on lui jette un banc à la tête, on le chafTe hors de l'E^Viiz; la populace s'ameute. Enfin , quatre Confeils de la nation s'alTemblent à Edimbourg en 163S , & dref- fent le fameux Cj»'«ia/;f , par lequel ils s'engagent avec ferHien*: à foutenir leur prolefTion de foi comte le Papi/ne : car iJs sftefioient de confon- dre la Hiérarchie £pifcop-le !k la Religion Catho- liquCia rejetter toutes les r.ouvc^.t.s qui pou?- roicnt le favorifer , & à fc défendre mutucWe- jnentpour le maintien delà Reli^^ion & de l'autorité ffoyale.

On courut aux armes , & l'on vit éclater une guerre audi funeAe à l'Eglife Anglicane, qu'au Rot & au Royaume. Les Puritains d'Angleterre s*c- tant joints aux Ecoffois , devinrent les maîtres , 8c abolirent l'épilcopat dans les deux royaumes. Us abrogèrent aufiî la liturgie & tout le culte de l'E- glife Anglicane, dépouillant de leurs emplois tous ceux qui ne vouloient pas fe foumettre à leur» réformes.

Charlts avoir levé des troupes contre des f*- jcts rebelles : mais non-feulement il avoit à com- battre les Ecoflois , mais il falloit fe défendre contre les ennemis qu'il avoit en Angleterre. On vint à bout de le brouiller avec fon Parlement , £ui lui déclara la guerre , tv leva une armie , doal

44^ E L E M E N <i

il donna le commj/idement à fjirfax , i Croa- wcl 8c à Larr.hcri. Ces trois gcnêraux , tous troi» braves , défirent partout les troupes du Roi. Ce tnjlh«ureux prince , après la perte de la bataiHe de Nazerbi en it>45 , crut trouver encore quelque fidélité dans l'armce d'Ecoflie , qui le livra à fes ennemis. Un l'amena prifunnier à Londres , 8c C'romwe/ , qui, plus lubi !c que Fairj'a* 5t Lambert , s'étoit rendu maître de l'armce , en employant tour-à-tour la fctmrtc , l'artifice & le tanjtifme, lui fit-donner des comm iTalrcs tous Presbytériens pour lui taire fon procès,

Char/ts l fut condamné à avoir la tête tran- chée .ce qui fut exécuté le 9 Février 1649 , à ^ honte de la nation , qui en Lit tous les ans amende* honorable. La conftance avec laquelle il reçut Is mort, excita dans toute l'Europe une pitié, qoi rendu éternellement odieux les auteurs & les coo^^ plices de ce juge.-nent inique.

AJrniniflraùon de Cromwel.

La royauté ayant été abolie , le pouvoir fut re-^ mis au peuple mcme, qui venoit de tremper (et ma'ins dans le Tang de Ton Roi. C^omwt/ , principal auteur de ce parricide, déclaré géoétal perpétuel des troupes de IFiat , régna d. ' -cnt fout

Je titre modcrte de /'/o/f^tur. 1 . uveroa.

Ici Puritains fie les Preshytérieni dirpoféreot d* Cout à leur gré , fie rendirent avec ul'ute4 l'Eglil^ j^ogUcanc le* ouuvai» iiuiciuca» qu'iU co avoico^

Di L*HiSTOiRE Ecclésiastique. 4^

fpçus. Leur prétendu zèle devint un enthouriafoie forcené. Quelques-up.s d'entr'eux prétendant n'aglf que par les infplrations de l'efprit , n'étoieot que des fourbes^ôc des fcélérats , capables & coupahUt (dit M. Fo'm;i ) des plus grands crimes. Leur prin- cipe ctoit, que «» Tout cft permis à ceux qui fonc dedinés à exécuter de grandes chofes , fur-tout quand Iw Etats font menacés de quelque révo- T> lution extraordinaire-, »» Se c'eft d'après ce prin- cipe que Cromnei fe conduifîc.

La feue de ceux des Presbytériens qu'on ap- pelloit Raniers , fe rendit fur-tout famcufe parmi les fanatiques. Pludeurs de ces fedlaires abfurdes , atccndoient tous les jours l'avéncment de J. C. pour fonder fur la terre un nouveau royaume, auqwel ils donnoient le nom de cinjuicmc Monar-' «A e. D'auires loupiroient après une nouvelle ré- '▼clation , plus claire que les précédentes : ce qui les fit nommer Chirc/uurs. Ces différentes folies contribuèrent beaucoup à multiplier les Diides , efprîts téméraires qui attribuant à la Religion les excès même du fanarifme , Ton plus cruel ennemi, y fubilitucrentceux de l'incréJulité. Cromwe! , qui les appelloic Païens , fe moquoit avec eux de toutes lesfcftes, & fe réunilToit avec celle-ci daiiS' la haînc contre l'Eglife Catholique, ,

Rci^.te de Charles IL-

Apres la mort de cet ufurpateur fanguinâîre A^ iij;;>ociitc", il arriva un cîiar^emaot imprtvudanl-

||4& £ L E M E N r

l'Etat & dans l'EglLfe. ChvU* II. fils de CkarUti; fut rappelle par la rtation. Le trône dont Ton père avoit ctc priré, lui fur rendu en 1663. L'Eglife Anglicane, opprimce depuis environ 29 ans, re> prit U première fpiendcur. Les Lvcques ayant été rétablis fur leurs fkges , les Egliies ei^cvtes , fous les admiaiArations précédentes, à l'autorité tfiC- copaie.lui furent toutes rendues. Le culte & la difcipUne reprirent la forme qu'ils avoient eue de» fuis le règne d'Eh/jbcth, Le Parlement donna un arrêt en 1661 , par lequel tous les miniitres Pref- faytcriens en Angleterre étoicnt obliges, fous peine de perdre leurs places , à le foumettre aux loixde l'EgUfe dominante.

Forcés alors de vivre tranquilles , les Angli- cans 2c les Puritains tournèrent toute leur fu- reur contre l'Eglife Romaine. Leur haine trouva un aliment dans une confpiration abrarde, attribues en 1678 aux Catholiques , par un fcclcrat nom- Titus Ojùt. Ce malheureux , tour-j-tour Pré- ^cant , Jéfuite , ApoAat , Se enfin Athée , accufA juridiquement [ les Catholiques An{^Iois , d'avoir confpirc contre la vie de LLirltt II , leur Roi , 8c des ProteAans leurs compatriotes , de concert avec le Pape , le* Jéfuitet , les Fnnçois 6c les Ef- pagool». Le but des confpiraieurs (.toit, (difoit- ll, ) d'établir , pjr la mort du Roi fit de Tes plu* fidèles fujcts , la feule Religion Catholique en An* ^etcrre. La couroooe dcvoii être oflerte au duc ^Ltttk , i coadiuoa ^u'U U tcccvroit cumme u^

DE lITistôire Ecclésiastique, ^ji»

don du Pape. Le Gcnéral des Jefuites dcvoit dif- poier'de tous les emplois & de toutes les char* gcs ^ & le p. de la Chaifc avolt déjà coniîjjné ua» fomme conlîdérable pour celui qui tueroit le Rot régnant.

Malgré rabfurdicc de l'accufatlon, les preuves it-monftratives de l'inipopLure , les v ariatlons 2c rinfamie des témoins , milord Stifford , d'auirei perfonnes de mérite, 5c quelques Jefuites , furent mis à mort , comme convaincus du crime de haute trahifon. La Religion Catholique devint fufpet"^e à prefque tous les Anglois , injullement prévenus; & on fe flatta moins .que jamais de pouvoir la ré- tablir d;ns une Iflc , l'on employoit les impof- tûtes les plus atroces pour U rendre odieufe.

Règne de Jacques I 1 ; il perd fa couronne,

La mort de Char Ut II, en 16S5 , donna ce- pendant aux Fidèles quelques lueurs d'efpérance» Il eut pour fuccciTeur le duc iTorck fon frerc , q\ii prit le nom de Jacques II. Ce prince ccoit depuis long - tems attaché à la Religion Caiho-- hque, qu'il profcffoit ouvertem .nt. Qaand il fut fur le trône , il fouhaita de la voir régner fuc fes fujets. Ce defir , irès-!ouab!e en lui-même , c^e- ■vint funefte parce qu'il le fit-cc!ater ave: tco? peu de nicnajcmenc. J.ic^^ucs demanda d'abord la révocation du ferment fait contre la dodrine Ci- tholique , aufTi-bicn que des loix pénales portcC* contre ceux que les Anglican; apjelloicnt dunoar

Tvi

j444 Elément

îbjurieux de Papiftei. On prévit dès-lofS ce qur arriva -, que la chambre-haute & la chambre-baffe, que les armées de terre , que les flottes feroienc remplies par des fujets de la Religion du mo- ïiarque. Il n'en falloir pas davantage pour allât- mer l'efprit inquiet 6c ombrageux des Anglois.

Jacjues les confirma dans leurs foupçons , en accordant la liberté de confclence à tous fes fu-i- jets , afin ( difoient - ils ) que tous les Catholi- ques puiTent en jouir fans difficulté. On pré. tend que le P. Pe:e rs Jéîuïte, fon confeffeur , qui féflattoit,ou du moins à qui l'on fuppofoit l'am- bition d'être cardinal & primat d'Angleterre , iaf- pira au Roi cette démarche, que les ennemis du monarque & de l'Eglife Romaine ne manquèrent point d'envenimer. Ils le purent d'autant plus fa- cilement, que le Roi fembloit avoir fait une rup- ture ouverte avec l'Eglife Anglicane , & qu'il ne- traignit point d'envoyer à Rome un ambafladeur- extraordinaire , ni de recevoir à Londres un nonce du Pape.

Les mécontens , dont le nombre étoit très- grand dans un pays naturellement orageux & tur- bulent, craignirent ou feignirent de craindre tout- à-la-fois pour leur Religion & leur liberté. Ilsap- pdlcrent à leur fecours en 1688 Guillaume de Néijfr.u, prince d Orange , gendre de Jacquis II. Ce- grince an^bitieux vint enlever à fon beau-pere une couronne , qu'il fe mcnageoit fourdement & <»'«£. adveffe. A £eiae fut'il, débarqué , qu'une tbul&>

DE L'HrsTOiiîE Ecclésiastique. '44^

fie fcigneurs & d'officiers Anglois s'emprcfTcrent de le joindre. Jacques fe vit abandonne par fei favoris , par le prince G:orge de Daneraarck , fon gendre , par la princeffe Anne , fa fille la plus chérie. Dans l'accablement le jetta ce coup im- prévu : Gra~.d Dieu ! prends pitié de moi , s'écria-t-il I mes propres enfans ont abandonné leur père !

Le comte de Tirconnel, vice-Roi d'Irlande, dont la fidélité fera à jamais célébrée , maintint feul cette Ifle dans l'obéiffance de fon Roi. Il y avoit beaucoup de Catholiques dans le pays ; il en for- ma des troupes nombreufes, animées par le zèfe de la véritable Religion. On vit alors des peuples farouches & indociles fe ranger fous les étendards comme une milice réglée; des vieillards faire l'exer- cice comme des jeunes foldats -, des enfans ma' nier les armes qu'ils pouvoient à peine porter ; des femmes, malgré la foibleffe de leur fexe, vou- loir partager les travaux guerriers ,& l'honneur de défendre leur monarque & leur Religion.

Mais tant de conP^ance , de valeur & de fidë- lit: farent inutiles. J.icques perdit tout courage , à la vue de l'ingraritude de fes courtiians , & du pouvoir qu'avoir acquis fon gendre fur tous fts fujets. Il abandonna fon trône , fans' avoir pref- «jue tenté de le défendre, & fe fauva en France, oii Louis Xiy le reçut avec une générofué digne de fa grandeur-d'ame^

Le monarqu: détrôné pnffa le refie de fes jours ibi -Germain en Laye, ôc s'occupa uoiquemeot des.

"44^ Ë L E M E H î

devoirs de la Religion. Il mourut dans cette rf^ trai:e le 16 Septembre 1701,368 aos , détrompe de toutes les illuùons , & fur-tout de celle de* grandeur». 11 dit à foo Alt quelques heures avan^ que d'expirer : Si jamais vous ranoiitt{ fur U ttint Àt vos ancLtret , parJ.nati à fut$ mts tnncnii,ai'' mt\ tes fujits i con/crvei U Re/igiom C*thûli^ut , 6r prifere^^ l'tffCrancc d'un tcnhtur cttrmtl èm» Rujaw me ftrijfa^lt.

La Religion Catholique n'nyant plus en Angle* terre des fouTlcns dans les l'rinces , en parut ex- clue pour loog-icmt. Le zc!e des fidcies qui lonc dans ce royaume a ctc affoiblt encore par la cor»- ruption générale des n-.a.urs que l'irreligioa a produite. La cour, la viSe.Sc pluTicuts gens de» lettres, infedts par riocrcdulite fous Cw/c« //,. & feus quelques - uns de fes fuccdTeurs , con* iruoiqucrent au peuple une partie de ce daa> gcrcux efprit , & on a vu trop fouvcnt chez lut do la huine , de l'indifîcrcnce ou du mcpris pour toutes les vcrités facrëes qui nourfiûbient fci cf» pcrances & fovirer.ciefit (es vtrt..s.

Hévocaùon de tEdlt de Nantes ; affb:l>V(femcnt du Cjlvinifme en France.

Ia fuite des cvénemens nous a entrain.* au-

delj de l'anoce i68j;innce rematquahle pu

décadence du Ca!vinifin<: en France. Dep'ii» !•

'yrilcde la Rochelle , cette hcrcfie fembloit Un-

goir cLo» ce royiuinc, U^ AVK , «prii l* i>**

DE L*HlSTOreE ÈCCLE5TASTIQUE. 44^

<âeNimcgue,réfo!ut de lui porter les derniers coups;

II crut que le nom de Rvl tris - Chrctun l'ubli-

geoic à ne laiHer fublirter daiw fon royaurae que

la ftule Religion Catholique»

Pcu-à-peu les Prétendus -Réformés furent dé- pouilles de tous les privilèges qu'oa leur avoic accordés. Le Temple de Sdumur, permis à DupUJfism Mornai pour lui & pour fa famille , fi't uémoli. Les Académies nouvelles foim>!cs par les Pro» teftans, fur«nt fiipprimies , ain(i que les Cham- bres mi-paicivs. On mit les Miniitres à la taille » on défend. t les mariages entre personnes de difté- lente Religion. Les fages - femmes Catholiques eurent feules le pouvoir de baptifcr les enfans de< CalviniAcs en cns de danger. Il étoit per« mis à ces enfans de fe convertir , dès qu'ils au» roient atteint l'âge de 7 ans , & à 14 ki pcreî» dévoient leur payer une penfion dans un fcnii- naire , pourttre confirmes dans la Foi par l'cnfei- gncment. Enfin le Roi ne dnnnoit plus à fes fu- jets Protcflans ol charge de judicaturc, ni emploi de finances, pendant qui! combluit de bienfaits ceux qui Ce convertifToient.

Tandis que Louis XIV eftiayoit les Prctendus» Réfoimcs par le mcconteniemcnt qu'il faifoit- éc'ater contr'ijux-, un grand nombre de iMiflîoa- caires répandus dans les provinces , tâchoienc de les ramener à l'Eclife prmiiùve par leurs dif- couis , parleurs exemples , & par diverfesinflruc- tMus paAorales. Les Minillxes Calvioiûes s'opr

-{4^ E L E M E N s

pofant de tout leur pouvoir aux converfiotw ,?* voie de l'enfeignenient parut trop lenic à Loain XIV, 5c il fe perTuacli qv'il crtirpcrott pncfque entièrement la Religion Proreftanrc dans fou Royaume , s'il rcvoquoii l'Edit de Nantes , que la nccefTitd des tems, autant que U reconnoifTance, avoir arrache a Henri IT.

Cette matière importante fut mife en délibéra» tion dans ion Confcil , & les fcntimcns furetic Iong-ten$ partages , parce qu'en donnant quel- ques fu)«ts à rEglire,on craignoit d'en enlever aa plus grand nombre à l'Erar.

Ccuîc qui croient d'avis qu'on s'en tint aux Toies de douceur difoient pour appuyer leur fen» timent : •« Que les confcier.ccs ne fc pouvernoient M point par la force ; que les manicres dures ré* M voltoienr , au lieu de gagner les efprits ; qoe , n le zèle devoit être réglé par la prudence; qoe »» quoique les Rois doivent procurer à leurs pen- V p'es l'avantage de la Religion , leur principal »» devoir eft de maintenir la tranquillité publî- w que. Que fi l'on poufToit les Caiviniftes à bout v> en leur ôtant tout exercice de leur Religion» »• on le» jftteroit dans le dércfpoir ; qu'il y eo » avoit plut de 1500 mille dans 1* royaume •■, »» qu'on trouvoit parmi eux uo f;ran4 nombre ùt n richec marchands, beaucoup de matriuts & c)e M foldatt , des ouvriers habiles en toute forte de' »< profefnon , de ^ officim d'ure expc'rieoce con- H fosvmce. (^pc û l'on oc garJoit plus mefurf:

DE l'Histoire Ecclésiastique. 445

r à leur égard, on les mettrolt dans la néceflirc,

» ou de fortir du royaume pour fe tranfpljçfcr

dans d'autres pays, ou de d%,fobéir au Roi en

s'alTernblant malgré les défenfes ; que le pre-

n mier parti étoit ruineux pour l'Etat , & que

n l'autre paroiffoit avoir quelque chofe de trop

dur. Qu'il vauiroii bien mieux leur lailTer quel-

« ques Temples i que la d^Pâculté de s'y rendre

>) rebuteroit le plus grand nombre, & que les

r> plus en.ttis trouvant au moins quclc^ue moyen

n de pratiquer leur Religion , vivroient en paix :

» au lieu que s'ils étolent rcduits par une fup-

» prefCon totale a s'afTembler malgré les àcknCesj

M ils fe rcodroient coupables d'une défobéiiTancfl

p> manifefle , qu'il faudroit néceiTairement puolr.i*

Ceux qui penchoieot pour les voies rigourcu-

fes ne goùtcient guéres ces raifons , dont quel»^

ques- unes cependant mérîtoient d'être pefécsj

•< Que peut-il y avoir à craindre ( difoient-ils ),à

X pouHer une poignie de gens fans chef , a demi

M abbatus & qui p^'rdront bientôt courage } Si la

M feule vue de quelques dragons a fufti pour en

n ramener un tort grand nombre , Se même des

villes entières, que fera-ce lorfque le Roi par*

M lera ? Les gens-de-condition feront les pre-

M miers à donner lexcmple , & le peuple fuivra

» immanquablcmen N'efc-il pas tems enJîn de

7> porter le dernier coup à l'héréfie & à la ré«

n bcllion ?Cet efprit remuant 6: indocile, qui dans

^ tous, les tems fuig c^r^âvu Uçs hUj^ut,uo:s^ l<;f

450 E L E M E N S

5> domine encore. A la vérité il n'y a pas à crain- îjjdre que le Roi étant élevé au point de gran» n deur & de purirance l'amour de (es peu» pies & la profpérité de fcs armes l'ont mis , ils T> ofent entreprendre de remuer •, mais fi la for- n tune cefToit de nou» fdvorifer , on trouveroit »t parmi eux le même efprit de révolte qu'on y ft a vu dans tous les tems. La tranquillité ») du royaume ôt l'intirct de la Religion deman» ?' dent donc également qu'on coupe le mal dans fa racine. Le Roi , redouté de tous les voifinc, 71 & ayant des troupes nomhreufes d: aguerries, M auroit-il quelque chofe à craindre ? 6c n'eft-il H pas de fa piété & de fa gloire d'achever •t que ^x Rois fes prédéceffeurs oo: entreprif ft inutilement & fans fruit? »

Ces différentes raifons , appuyées par le chan^ celier le TcUlcr & par Louvols fon fils , déter- minèrent Louis XlV. Il fe décida d'autant plus à révoquer l'Edit de Nantes , qu'il n'en reftoic guércs que le nom. On avoit annuUé prefqae toutes les difpofuions par une foule d'Edits don- nés en i68z , 83 & 84. Un grand nombre de Temples étoient ditrults ; les Minières n'ofoient prefque plus paroître ; on avoit enlevé aux père»- tous les enfans qui montroient le plus léger de* fir d'ctre Catholiques. L'efpoir des récompenfcs» la crainte des chàtimens , avotent ébranlé plufieur» adultes. Il y en eut un grand nombre qui ccdc- ^cot a l'apprchcaiioa de voir loger des gcns-sj^

l'Histoire Ecclésiastique; 45 f

guerre dans leurs malfons. On avoic commencé ces expéditions militaires , ordonnées par Lou~ vois , dans la province du Béarn ; on les em- ploya dans le refte du royaume. Les troupes ré-: pandues par -tout ne trouvèrent prefque aucune réfiftance, & on n'entendoic parler que d'abjura-, tions ou de difpofitions à abjurer.

Le defféin que Louis XIV méditoit depuis long" teras , fut donc exécuté , & l'Edit de Nantes fut anéanti par un autre Edit donné la i8 Octobre 1685;. Cette muv. Déclaration portolt en fubftance la révocation de tout ce qui s'étoit fait en fa-» veur des Caîviniftes , la démolition de tous leurs Temples , la déicnfe exprefTe de s'affembler pour les exercices de leur Religion , & un ordre pré- cis à tous les Minières de fonir du royaume quinze jours après la publication de l'Edit. Cer pendant, pour les encourager à abjurer l'erreur^ le Roi faifoit de grands avantages à ceux d'en-r tr'eux qui fe convertiroient : il leur promettoit l'exemption des tailles , & une penfion plus forto d'un tiers de leurs appointemens.

Un grand nombre de Miniftres , fédults pae ces offres avantageufes , ou convaincus de la f juf- fêté du Calvinifme , fe rendirent à la vérité. Les autres , au nombre de £ix cents , quittèrent la France , emportant dans un cœur ulcéré les plus vifs regrets & le refientimetu le plus durable,

A l'exemple des Pafteurs , plufieurs familles de fïugueaots cherchérçflt un afyle daus les contrée^

45* E L E M I N s

leur Religion ctolt profefVce. Ft comme tel tranfmigrjtions qui poavoienc dcpeupler la Frjnce» svoient di'jk commence avant la publicariaa de l'Edic revocatif, on détendit aux Proteflant dan« un article particulier , noa - feu'.emcnt de pafi'er dan* les pays étrangers , mais m^me de tranf- porter leurs biens & leurs eflfets , feus peine tlci gzléres pour les horrmes , & de confifcation de corps & de biens pour les femmes.

Tel fut ce fameux Edif , que Lou'.sXlJ^ fi?ot •vec tant de joi.*, & don: il le feroit encore plut fcîici'c, fi deux cents mille de tes lujcts n'avoienc emporte chci nos voifins les manufaîlures de France & prés de deux cents millions d'argent coa<ptant. La ciu^^celier le Te.'/ler , à qui Ton grand àfc antronçoit une mort prochaine , s'écria ^ après avoir fccUc cette Déclaration : A^cnc <finrmi« ftrvum tuum , Domine , quia viéerunt eeuli mei /jlutart tuurn. Ce fut en effet le dernier afbe qu'il ligna.

Il n'ctoit pas po^ible qu'un Editqui devoit pro- duire de fi grands changemens dans la Religion & dans la fortune même du vii la na-

tion , s'crtcutiit paiiiblcmenf. 1 d'un

côté , l'enthoufiafme de l'antre, caufoient des tranf- greflions que les ma^inrats ctoient obligés de pu- nir (elon la fcvcriic des ordonnance». Tous les pafT.ij.e» des fronricres furent gardés , 8c ceux qui cherchoient i les franchir, punis comme coupa- bles. Malgré ces précautioru,un grand nonibre do Cilvùuftci c(hapfa à fc» furrcillaiu , ^ fe rrpiÉr:

DE l'HlSTOmE ECCLESTA5TIQUF. 4Çj Oircnt en buiiTe , à Genève , en Allcm-igne , en Hollande 5c en Angleterre. Oubliant qu'ils étoient Chrctuns & François , pluHeurs e;.hatcrent les plaintes les plus amcres & contre l'Edit de rcvoca" tioji, & contre le Prince qui l'avoit donné, & contre le Clergé qu'ils foupçoanj.enc de l'avoir foliicitc , Si enîia contre la manière don: on le f^lbit-exc- cuter.

Les diclamitions contre la France furent fi vio- lentes, que l'auteur de l'Avis aux RJ/uglct , publié en 1690 , leur confcilloit que s'ils retournoient dans leur patrie de Taire une efpcce de quaran- taine. " Le mauvais air que vous avez humé >i dar.s les lieux de votre cxil , ( ajoutoit-il , ) vous a infe£lts de deux n-.aladics tout-a-fjit odieu- Ces. L'une eft refptit de fatyre; l'autre un écr- it tain efprit rcpubl.cain, qui ne va pas a moins n qu'a iiitrcdiirc l'anarchie dans le monde, le tt plus grand flcau de la fociétc civile. »

Cet Avis ne corrigea pcrfonne , & jamais les preJïes de Hollande, li Uconaes en libelles, n'en produifirent autant. Le miniAre JurUu fut l'un de ceux qui fe fignalérent le plus par leur fanatif» que 6c leur emportement. Devenu tout-â-couy IjB rival de A'i///'r...-<jw.uj , il annonça dans fon Ac- tompliffttnent dci Prophéties , •« que la décadence du Papifme comn.enccrcit vers l'an 1690 , & qu'en H 1710 ou lyij.auplus tard.àpoinc rtitcroit- X il en France quelque trace de l'ancienne Re i^ « rIoo. n Mills ce qu'il avoit cru voir dait^ r.<i(-

HS^ E L E M E K s

ces profanes &: a des intérêts purement hu- Où'uis.

Qu'Ut'iJïcs en luUe ô" en France ; leur conJ.imnMlon.

On vit naitre dans ce ficcle une erreur non moins dangcrcufe que les dogmes desVaudJÏi; c'eft celle du Qu'tnfmc. Son auteur fur un prctre Erpagnol , ( M:ch:l Mo/inot ) qji s 'étant rendu re- comm^.nJable dans fa pairie 5c cnfuite a Rome par une pieté tendre & une cloqiience douce , fe fit un grand nombre tic difciple* illaflres dans l'un & r^uire fexe. Il développi fes principes dans fon Guide /pirituti ,q\i'ï\ avoit publié en ef- pagnol en 1675 » & ^ui fut imprimé en italica en 16S1. On tira de cet oi:vr.!g(? , qui renou. velloit ( difjit - on ) les idées extravagantes des Bezfrds & des Be^uirttî , foixante - huit pro- positions , qui parutent ouvrir la pone au liber- tinage.

Le fond; de ces propofuions ccoit : Que l'état part4it du Chrétien conlîlle dans le repos d'une oroe , telicment abfoibce pjr fon union i^ec Pieu, qu'elle n'a aucune volonté ni aucun mou* vement qui-lui foit propre* C'eft Dieu qui pro* dtiit tout en elle , & elle n'ed plus qu'«in ^re palfif. i'ar cet entier abandon à l'inliacncc di- vine « le Chrctico parvient « aimer Dieu i. un amour pur , c'cA-a-dirc , exempt de toute vue ii'imc;ct patùculicr, il rc pcru'c , ni aux rccoqi-

pcnfQ

DE l'Histoire EccLESiAsnQUfc "^^

Ipenfes , ni aux peines. Il n'cft inquiet ', ni de fon ralur,nt de fa damnition. Il envifage ces objets avec une parfaite indifférence , & dans cet état il oe fçauroit pécher. Il n'a befoin d'au* cun culte extérieur , &: a quelque vice qu'il fe livre , rien ne doit lui être imputé dans l'état d'im- paflîbilifc il eft arrivé.

Ces idées dangereufes furent dénoncées à l'Iti» quiGtion. Mollnos , malgré la proteftion des amis: les plus puilTans & la bienveillance dont le pape Innocent XI l'honoroit , fut condamné eu 16S7 * une pénitence publique , à la rétradlation de Tes erreurs , & à une prifon perpétuelle. II y finie fa triftç carrière en 1696, martyr des plus ab- furdes rêveries qui aient palTé par la tête des hommes.

Le Quiétifme ne mourut point avec fon au- teur. Il eut des partifans en Italie , en Efpagne & en France. Une femme qui joignoit aux agrc- irens de la beauté un grand fonds de fentiment & de tendreffe , Madame Ae la Mothc-Guion ^ fut une des apôtres de la nouvelle doctrine, qu'elle modifia pour la rendre moins odieufe. Elle pu- blia divers Ouvrages, pleins d'idées obfcures & d'cxprefllons alambiquces. Elle y cnfeignoit /'d- handon parfait qui ejl la cUf de tout /'intérieur , ne Ttftryant rien , ni mort , ni vie , ni fe'fiHion , n- falut , ni paradis , ni enfer.

Dans fon Explication de Y Apocalypfe , elle fai-

foit la proplictcffe : elle prcdifolt l'avenir , el!c

Tom, 11^ y ^

45^ E L E M E N s

tes profanes &; à des intérêts purement hu- mains.

Quléùjlcs en Italie & en France ; Uur

conidmnation.

On vit naître dans ce" ^iz\^ une erreur non moins dangereufe que les dogmes des Vaudjis ; c'eft celle du Qjrhifme. Son auteur far un prêtre Erpagnol , ( Mhhzl Mo/inos ) qji s 'étant rendu re- comm'.ndable dans fa patrie & enfuite à Rome par une piété tendre & une éloquence douce , fe fit un grand nombre de difciples illaflres dans î'un & l'autre fexe. Il développa fes principes dans fon Guide fpirhue/ ^ qn'W avoit publié en ef- pagnol en 1675 » ^ <î"' f"^ imprimé en italiett en 1681. On tira de cet ouvrage , qui renou- velîoit ( difait - on ) les idées extravagantes des Bc^ards & des Béguines , foixante - huit pro- pcrfuions , qui parurent ouvrir la porte au liber- tinage.

Le fondî de ces propofitions étoit : Que l'état partait du Chrétien conlîile dans le repos d'une ame , tellement abfoibée par fon union avec Dieu, qu'elle n'a aucune volonté ni aucun mou* vement qui-lui foit propre. C'cft Dieu qui pro- duit tout en elle , & elle n'eil plus qu'un être palfif. Par cet entier abandon à l'influence di- vine , le Chrétien parvient à aimer Dieu d'un amour pur , c'eft-à- dire , exempt de toute vue jd'inté:ct particulier, il ne penfe , ni aux récoqi-

pcnfQ

DE l'Histoire Ecclésiastique.- "^^

|>enfes , ni aux peines. Il n'eft inquiet ", ni de fon ralut,ai de fa damnation. Il envifage ces objets avec une parfaite indifférence , & dans cet état il ce fçauroit pécher. Il n'a befoin d'au- cun culte extérieur , êc a quelque vice qu'il fe livre , rien ne doit lui être imputé dans l'étac d'im- pafEbilité il eft arrivé.

Ces idées dangereufes furent dénoncées à l'In» quiiïtioii. Molinos , malgré la protection des amis les plus puiffans & la bienveillabce dont le pape Innocent XI l'honorolt , fut condamné en 16S7 k une pénitence publique , à la ré:ra£lation de fes erreurs , 8c à une prifon perpétuelle. Il y finie fa triftç carrière en 1696, martyr des plus ab- furdes rêveries qui aient pafTé par la tête des hommes.

Le Quiétifme ne mourut point avec fon au- teur. Il eut des partifans en Italie , en Efpagne & en France. Une femme qui joignoit aux agré- mens de la beauté un grand fonds de fentimenc & de tendreffe , Madame ds la Mothe-Guion , fut une des apôtres de la nouvelle doflrine, qu'elle modifia pour la rendre moins odieufe. Elle pu- blia divers Ouvrages, pleins d'idées obfcures 8c d'expreïïîons alambiquces. Elle y enfeignoit Pw handon parfait qui ejl la cUf de tout l'intérieur , m réfervant rien , ni mort , ni vie , ni pe'-ficlion , n- /alut , ni paradis , ni enfer.

Dans fon Explication de \ Apocalypfe , elle fai- foit la prophéteffe ; elle prcdifoit l'avenir , elle Jom, 11^ y

H^ £ L £ M f N S

rscootoit des vifions ; St. quoiqu'on IVit juftU fiée fur l'article dcj mœurs , il y a quel»iaes- , unes de ces viûons, (dit le P. d'Jyrlgiti) qu'oa ne pourroic rapporter Utxs falir l'inu^ioatioa 11 plus pure.

» Comme elle fe croyolt favorirée , ( ajoute le même auteur , ) •• de toutes les grâces qui m ont A- for: didinguc Ste Thuij'c , elle voulut H bien , à l'exemple de cette Sainte), écrire U M Vu... LJ , nouvelles révélations, nouvelles im» M piétés , ou plutôt nouvelles lulics. Elle dit qu'elle H voyolt clair dans le fond des âmes , fur lef- » quelles elle reccvoit une au:ori:c miraculeufe , » aufli-bicaque furies corps , q.ic Dieu l'avoic •n choifie pour détruire la raifon humaine 8c établir H la fdgede divine par la deAruftion de la fagefle tt du monde. Ce que je lierai , ajoutoit-elle , J»fM M lié: Ci oue je AèlUrai , fu* Jèîli!, Je fn'u €tttt •I pierre fehe'e psr ld\C «'* fjiinie , rtjctt/i par ie$ M archlteHet. Elle étoit venue à un tel point de H perfeûioo , qu'elle ne pouvoir plus prier Uf M Saint» , ni miïme ta Su Vierfê ; 8c la raifoa n de cette impuilTance , e'tjt que et n'tjl pat i t'E- (• poufe , mail aux domtjli^uti de prier te$ autre i de H prier pour eut. Comme époufe , elle étoit rem- M plie de grâces non-feulement pour elle, nuif M encore pour les suirrs. Elle en étoit quelque»' M fois f> pleine , que (a vie étoit eo danger. M M falloit promptement la délacer 8c la mettre fur u ua lJt;eacorc foo corps en crevou-U en pîu«

■DE l'Histoire Ecclesi astique. a^9

w iîeurs endroits... Mais le remède fouvcrain ctoic » de s'affeoir auprès d'elle en filcnce. Alors de ce « réjervoir divin les enfans de la fageffe put- vt /aient incejfdmmtnt ce qu'il leur falluit , te fai» »» foit un dégorgement de g'^aas , dont chacua " recevoir félon fo.T de^ré d'oraifon.

i< Ce qu'il y a de furprenant , c'eft que Ma* M dame Guion eût avance tant d'extravagances, »i ayant autant d'efprit qu'elle en avoit. Car tous »» ceux qui l'ont connue avouent qu'il eA difficile M d'en avoir davantage , & que perfonne ne par- n loit mieux des chofes de Dieu. Ce fut par-li <• qu'elle furprit l'eftime des plus geos-de-bien & i> des plus éclairés, n

Ses principes de myAicitc étoient trop fufpeds & avoienc dcja trop de partlfans, pour qu'ils n'excitaffent pas le zcle des Lvêqucs de France. L'archevêque de Paris ( Har/ai ) , l'èvéque de Châlons ( N,.ail/es ) , l'cvèque de Meaux ( Bo/" Juii) , condamnèrent la dodrine de Mjiame Cuion , qui fe rctrùcla avec mode ftie , & lui op- pcfétcni en 1695 divers articles qui conte- noicnt la vra^e Fui de l'Eglif.: fur ces matières délicates.

La nouvelle Quiétifte avoir des amis illuAres, qui avoient etc également touches des charrres de fon efprit & de la pureté de fes moeurs. De ce nombre ctoit Fén^lon , archevêque de Cambrai. Il compofa un ouvrage , intitule itt Maximes du iaints , dans lequel il crut avoir juAiiîé en pacr

Vij

1^6 E L E f N S

tié la doflrlne de Ton amie , & établi celle <ie« tbcoloo-cns fur la myilicit.-. Bojfuei y vit des erreurs , & l'^ifT^irc l'ut ponce à Rome. Il s'éleva uoe vive difpt^tc entre ce prélat & Fèatton ; m:ii» elle l'ut termir..c par le jjtjeraeni à'înnvctnt XII, qui condamna, en 169:), le livre de l'archevê- que de Cambrai avec lei. XXIII propolîtioas qu'on en avoic extraites. ( * )

(• ) Les principales font le» finrantes. »• I! jr «

f dit M. de Ccnhray 1 « \>'\ état iuSitucI d'amour •« Dieu, qui cX un.- churid pure 8t faas aiicai. mè- •« lange de motif de rint«^rct propre...» Ni la crainte »» des chitiinciis , ni le ciefir des rifciurpenfci, n'ont M plus de part à cet amour. On n".iiire plus Dieu, »% ni pour le mérite , ni p >ur la p!?rfc<nion , ni pour »» le honneur qu'on doit trou>fer en l'aimant. Eo •t l'état d* vie contemplative ou unitive , on perd •t tout motif intéreflé de crainte 8t d'cf; érance. *t D.i.ns Us dcrni-res épreuves l'amc peut ttre in» •1 vinrihlcment perfujf'ce d'une perûuTrioii rc^fléchie, >. & qui r.'o.l pas d^iii le fond itulmc (v? la conf* >i cicncc , qu'elle eil jutlem-nt répro.ivée de Dieu. jt (^ cft ..'.ors qae l'jmc diviiée d'avec cllemcmcex- •• pire fur la Croix avec J. C. en c'ifant : O Dieu, »• mon Dku^ pyur^fuol m'4\c^-vnus ahjniunni ? iy»n% r> f^nc imoreffinu involontaire c^c Héûlpoir , elle fait n V '■' : "t pro;>re pour l'éter-

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DE L'Hl^TOIPE ECCLEs/aSTIQUF. ^é^ Fér.tlon fe fournit à la dccifîon du falnt fîcge avec une fimplicite , qui piouvcU cgalemcnt U pureté de fcs intentions & J'clévation de (en. ame. Quelques liuloriens prévenue ont tâché de répandre des foupçors fur cette (bumilTiOTi fi magnanime. «« Les perfonnes vraiment défincé- « reffées ( dit M. l'Abbé Radnc ) ne furent pas H fort édifices du Mandement que M. de FcntLn >♦ publia en crtte occafion. On croyolt qu'il ne i> fongeroi: plus qu'à réparer le (can'ldle qu'il avoit n Cdulé à l'Eglue , par une rétrjtlation publique » de (es erreurs ; mais on n'y trouva rien d'a|>" prochant : tout y paroiffoit fec & plein de pa- »> i\)Ies vagues, qui pcHivolent n'exprimer qu'une n foumiflion extérieure & forcée. Un homme , y, difoii-on , qui eft forcé de fe foumettre , ne n voyant plus aucun moyen d'échapper , dira » fans peine tout ce qui eA contenu dans ce n MùnJement. On n'y voit rien qui marque ua n finccrc repentir. Il adhère au Bref du Pape par n déférence ou par nccelGté , & non pas par n perfuafion ou par conviiflion. Il fe (oumet aa n jugement du Pape , comme il fe foumettoit aux »» articles d'IlTy. C'eft un homme qui croit qu'oa n lui a fait une iniuflice qu'il n'eft pas en état

>t ment en tant qu'il eft ce que Dieu veut de nous yr Les âmes transformées , en fe confelfant, doivent (létcfter leurs fautes , fe coiul.imner a (lellrcr la r^ »♦ miiri jn de leurs péehJs , non co-nntc Uur prcprê H piirifcjtion 6" dîUvrancc , mais comn.e chole «;ui >• Dieu veut.

Viij

4^^ E L E M E N s

M de repoufler , & qui prend réfolution de por- n ter fa croix co f»!ence. » Voila ce que dit un Hiliorieii prévenu : mais Its bons el'prits , \et coeurs fenfiblcs furent pénétres de cette docilité, fi rare dans un homme de gcnie.

Il ne chercha point à éluder la coadamnation par des chicanes ; il ne dit point 'qu'elle étoit l'cuvrage de 1 intrigue, ainfi que s'eft fouvcnt ex- primée Terreur anathcmatifée & confondue. //» rtlon t'avoua coupable dès qu'il fut condamné ; Se il parut à quelc^uei égards plus grand dans ft 4éfaite , qu'il ne l'auroit été l'il eût triomphe* Pour donner à fon diocefe un monument de déférence au faint.fiége , il fit-faire pourrexpofi* tlon du St-Sacremeni , un ScUu porté par deux Anges , dont l'un fouloit aux pieds divers Li« vres litretique» , fur l'un def..;^els cioit le titre du fien.

Auflî Innoein: XII , qui connoiiVoit fa fenf>bi» lité , fa douceur fie fa docilité, H.ioit en le com* parant à quelqiies>uns de fes adrerfairei , que A Ftm/on avjii pahé par un t»tii i'ëmour divin , iiet ennemis aroicm p4thi par iif^t J'émour in

D'iverfcs trrturj ; d<t Quakers.

On ne trouva pas la mcme docilité dant lei Bcrctiques qui naquitcnt , vers le irilieu de ce fiéde , en Angleterre , le berceau de quelques écrites (c d'un plus grand nombre d'erreurs.

î^p"" l'HiRtOîre Eccxe*;iastique. 4Cy Cette noûvel^e (eue d'emhoufiaftes connus fous le nom de Q^i:ùkers ou Tremlleurr , parce que duni leurs exercices publics ils étoient agités de treia» blemens par tout le corps , dut fort origine à un Cordonnier fanatique nomme George Fox. Cet in. fcnfé , âgé feulement de vingt-trois ans , quitta la boutique de fon perô pour parcourir les pro» rinces d'Angleterre, prêcîiant fon gallmathias fur 1.1 Imnicre intérieure , exhortant à la vertu h eu donnant IVxemple,

Fox étoît pcrfuadé ; il perfuada. Il eut bientôt un grand nombre de difciples, qui croyoient imi- ter les premiers Chrétiens. Ils recevoient ce qu'il» appelloient l'E/pric , 8c Je premier qui l'avoit reçu, fok homme, foie femme, prôchoit les au- tres. Ils ne voulurent ri Temples, ni Autels , ni ornemcns , ni cércmonies. Se faifant un devoir précieux de la chirité , i!s avoient une bourf» commune pour fccourir les pauvres.

Leur enthoufiafme s'ochiuffant à racfure que leur nombre augmenroit , ils oférent , dans la ré- volution qui coùra la tcte à Charles /, interrom- pre l'exercice du culte divin , 6c attaquer avec -fureur Ceux qui le célébroienr. Cromwel réprima leur fanatifme par des clvirimens exemplaires. Leur carnficre s'adoucir , ôc quelques gens-d'cf- jrit , tels que Robert Bardai fic Guittaume Penn , ayant embraflTé leur fefle , donnèrent une appi- rence de raifon à leur théologie 8c une forme »

leur dlfcipline ecclcûaftique.

Vif

Feu» , homme ardent & fingulier , avoîc fo»' ■tts à la dominatioo Angloife une province de rAmérique Septentrionale. Il alla s'y ctablir avec cinq cents de fes Sectaires , & donna a ce pays iufqu'alors fauvage , & aujourd'hui trcs-florilTanr , ]e nom de Pcnfilyjnie. Le refus que les Quakers d'Angleterre fai/oient de prêter fcrraent en juf- tice, refus dans lequel ils ont perfcvcrc , leur Bttiroit de tems en tenu quelques, perfccutions^» qui fervirent beaucoup à augmenter la Colonie ée l'Amérique. Enfin Charles 11 fçachant que , maigre leurs erreurs & leur fanatifmc , ils ctoienc frugaux, modef^es , juAes & charitables, leslaiflj vivre comme ils voulurcat. Jacques 11 leur fut fa> .vorable , it OuiJaumc ill leur accorda la liberté de fuivre leur religion telle (qu'ils l'avoient pra* tiquée d'abord. La populace AngloiCe qui les ivoifc long - tems infaltcs , comme des infebrct qui Touloicnt fc di>( n^uer des autres hummei,atiai par aimer leurs ma:ur$ Jouces , ût ^ar rci'itcâftf leur conduite exade <Sc fcvcre.

D<s Socirùens & des D:'pet,

Les liorirurt dune te tanatirme s'ctoif fouillé tn An^'ctcirc, les prestes qu'^vuieni fjiti lanr et nouvr es erreur», la manière dont cet et* ceuri s'cioieot accrcdiiéet maigre leur abfurdité Cl le ridicule de ceux qui les prèchoient , firent iioe imprcHion funrftei fur quelque» cfpritt ce- Viciufcs. JLcs unt »'ima]jla(.rcat que cet uot;

DE l'Histoip.e Ecclésiastique. 46^

Vers étolt le jouet d'une deftinie aveugle. D'au* très crurent qu'on avoit cmpoifonnc les fources du Chriftianifme , & voulurent ramener tout à l'origine primitive. On vit dès-lors fe former torrent d'implctcs , qui , dans ce fitcle, a inonde l'Europe , & qui grolVit tous les jours , maître les digues que l'éloquence , le fi^avoit ôc le zcle lui ont oppofées.

Les Unitaires OU Soc'nîtns continuèrent d'atta» qucr le dogme de la Trinité , & ils entraînèrent dans leur parti des Ecrivains diftingucs qui par- lèrent ouvertement pour eux. On vit en Angle- terre des Dodeurs qui n'avoient pas craint de pLider dans^ des ouvrages fçavans en faveur de l'Arianifme , vivre tranquillement dans la com- munion de l'Eglife Anglicane , & s'clever aux pre» micres dignités de cette Eglife.

5/?/;;(yj , Juif Hollimlois, converti eu ChriQIa- nifme , m.iis qui n'avoir aucune Religion , fe dé- clara l'Apôtre de l'Athcifine dans un livre qui fut heurcufcment plus fameux que lu. Son l'yllê- rae eft d'autant plus extraordinaiie, q'i'il ne pi- loit pas qu'aucun Athée ait penfc comme lui. Selon ce viConnuire ,U n'y a qu'une feule fub- Aance éternelle & indivifibie » qu'il appelle Dir.u. Tous les Êtres , que nous croyons bien diffcren»- les uns des aiures, ne font que cet:e fuLflance éternelle & indivifible , modii'ie en autant de fa« cens différentes , qu'il y a d'Êtres divers en ap- parence. Ainâ fon DiEUcfl en mcinc-ceoi»'

Vv

efprit & raariére, homme & bète , bon Se fhauviîs /

jufte & impie , froid & chaud , &c De forte

que, pour parler juAe dans ce fyAime bizarre, îi ne faut pas dire : Le Soleil échauffe la terre ; la Mer porte les VaiiTeaux -, Brutut » poignarde Ci/dr , &c. mais il faut dire : Diéu moUjU tH fo- l<\t tchtujfc Ditu moJ:f.i <n terrt : Diea modijit tu mtr 'pont Ditu mjéif.i «a vûijft*un : D'ttu moi'tJU en Brutus a poignardé Ditu motlifitn Céfar , &C.... Expofer fimplement ce fyftime avec fcï confc- q-jcnccï , n'cft-cc pis le réfuter ? Spiwfaemployl cependant toute la fubtilité de fon efprit pour facctéditer -, mais comme fon ftyle avoit peu d'a- grcmcns , & qu'U ccrivoit en latin , il fît beaucoup moins de mal que le fcepiique B.ty.'t , l'un des ireillcurs Ecrivains François qu'ait poflëdés la Hol* lande.

Ce ccicbre Pyrrhonien , ne en Lingucdoc, 8c re- tiré en Hollande peu de tems avant la révoca* tion de l'Edit de Nantes ,n'ctoitpas plut attaché à Cahin qvi^yi Pape. Quoiqu'il pjtût extérieure- ment uni aux ProtcAant par les liens d'une mê- me croyance , il agit p!u« d'une fois pour retour- TitT en France. •• Il ne dcmandoit ( dit le Père 6' A r. gni) f^miC la pcrmifTion de faire le J,urr.*i » du SfjréUi , & la liberté de demeurer dans •* k royaume un an avant que de faire abjura- Ni.us il ne vouioit pas que M. l'Evique . .lux fit irophcc de fa converfion , & 1c p m*t»t/Ji (onuai l'otÊfj : c'cA ce qu'il éccivit a

»E l'Histolbe Ecclésiastique. 4^7

i* quelqu'un de fes amis. » Cette négociation ,

^l'ayant pas réiirti alors , ( cctoit vers l'an 169&) >1 continua de demeurer à Rotterdam , ilccri- •vit avec une licence qu'on trouva trop-forte ea •Hollande même. En confervaut le langage d'un homme qui n'a pas abandonné le Chrillianifme, liayU lui tait des plaies d'autant plus fanglantes , i]u'il cache .la main dont il dccoche fes traies. Ses Pen/écs fur la Ctmite , fon Traité dt ta. Toiînu- *e , & fur-toi:t fon cworme DiHiunnaire , fonzli grande fource ou quelques fopiiiAes modernes, plagiaires peu délicats & compilateurs infatiga- •bles , ont puife leur morale Se leur théologie. Oa n'a jamais f.iit un plus grand abus de fon génie ■8c de fes lumières pour étendre le doute à tout, & pour ohfcurcir les pùac'ipes les plus clairs Se les plus cvidens ; ne recourant à la Foi que pour dégrader la raifon . & n'employant la rai- fon que pour combattn: la Foi. On auroit dii iiiticdler ce Difiioonaire : Lt Steptic'fmt tnftignc par ordrt a/pfijbctijue. Il mourut a Rotterdam en >'7c6, après .nvoir vécu en homme dégagé del'am* biiton des honneurs & des ri.hefTcs, mais non -de celle d'occuper le nubîic de fes talcr.s & de fes écrits.

Réforme de la Trappe,

Si ce nouveau genre de maux ffflgfa l'Fglire,

elle éprouva des confolations qui adoucirent fes

peines. Ce ficcle vit rcnouvellcr les vertus des

anciens Solitaires dt l'Egypré. /mi le Boutkiilit

\ vj

46S E L E M E V s

de Ranci , après avoir livre fa jcuncfTc aux égî^ rcmens du ficelé . fut ramené a DiEi: par la mort d'une dame avec laquelle il avoir été très - \\c, Ayant connu le néant de l'ambition fie des plar- firs .il alla s'enfévelir dant la folitudc de la Trap* pe , dont il <^oit Abbé i il y établit la réforme la plus auftére, 8t fît-obfcrver dans cette nouvelle Thébaide la règle de S. Benoit dans fa pureté primitive. Il y jouit des hommages que l'admi-- ration des hommes doit à la vertu. Les agré> mens de fon efprit fe confervérent en lui dani un corps très-roortiiié. Jacques II , roi d'Angleter- re , à qui fon zèle pour la Religion avoit fait^ perdre fon royaume, la Reine fon cpoufe , Afow^ sitVR frerc du Roi , des Princes , des grands* Seigneurs alloient fouvçnt s'cditier dans (3 re- traite , confacrce à un filence éternel. Le norrv bre de fes difciples fut confidcrable , & Tondit de lui ce qu'on avoit dit de S. FroMçois : Efur'm éocet,& difcipuLs invcnit. Ce» illuflre reformateur termina fa carrière avec le fiécle -, il mourut le ao d'Odobre 1700, âgé d'environ 75 ans , laif- fant plufieurs Ouvrages de fpiritualicé , dont la plupart roulent fur les devoir» de la vie monaf* tique.

Le travail de« maint ctoit le feul auquel il vou- lut appliquer les Religieux , quoique fa com> plexion délicate , qui lui interdifoit ce travail à lui-mcme ,( félon l'Abbé de Chotfi , ) evii lui ûirC'Ceaiir que pliiûe'^& Ccaobicet n'ctoitm

DE l'Histoire Ecclésiastique. 4<<'^

pas plus robufles que lui. A/ai.V^u , fàchc qu'oa voulut leur interdire l'étude, dont il avoit fait un û bon ufage , réfuta le Réformateur de la Trappe avec autant de force que de politelTe. L'Abbé de Rance avoua , pour ainfi dire, fa dé- faite en continuant d'ectire , d'éxudier & d'entro tenir des correfpondances avec des f^avans 6c d'autres perfonnes illuftres. Ses confeiis en ra- menèrent plufieurs a une vie plus régulière.

Le foin de leur falut eu. l'objet de plulîeurs de fes Lettres fpirituelles , écrites , comme fes au- tres Ouvrages , avec élégance , mais avec peu de profondeur. •■>■ Perfonne , { dit le P. à'Àyri^ni , ) M n'exprime plus noblement une penfce , & ne hi M tourne en plus de manières diftcrentes ; mais il M ne penfe pas toujours comme il s'exprima, y> Content , ce femble , de bien parler , il ne mc- n dite pas affez les chofes , & ne fait fouvent M qu'effleurer les matières. « S'il fut , comme S. Bernard , le guide de beaucoup de perfonnes de la première qualité , qui penfoicnt à entrer dans les voies de la piété ou a s'y fortifier , il n'eut pas comme luicertyle affcflueux qui vaaucjLur, & qui le touche & le pénètre.

La lef rme que le nouveau Btrnard avoit intro- duite à la Trappe fut aufll établie dans ledernier fic- elé i Sept'Fondi ^iàzMX lieues de Bo urbon-Lan- ci i & dans celui-ci, clîeJ'a été au Val-dcs-Choux ^ dans le diocèfe de Langres -, ces trois maifoni font le tableau de la vie la plus péniteate & M plus mortiÂic*.

Sfyo F. L E Nt E N <;

Aouwjux Ordres ReUgutdx.

LViprit de relJHrhçment s'croii glifTc noo-i'cu- Jement djnt le< cloîtres ; i'ccat ccclci'idrii'jue n'en «voit pas été exempt, four ranimer dans le Clergé )b piiité & les lumières , Pierre de Berulle , qu'£/r- h,iin K/// honora depuis de la pourpre Romaine, fonda en i6ii la congrcgatian des Prctres de l'Oratoire de France. Atlonné dès fa jeuneiTe « .rctude des fciences eccïciinliques , & à la pra> tique des vertus , i! f >rind des dilciplcs dignes de lui. Deux ans nprus ù prantotion aa cardi- nalat , il mourut, à^é do ^6 iiaa , en diCaat la Meffe. N'ayant pu acl>ever le ûinncs comine Prêtre , il l'acheva comme vi:'^.rr,e. C'eft ce qui donna lieu à ce diAiquc :

C-xptJ j'ub extremis , ii 4 ftttrdoi

Pt'jictre mt fùifcm > .:>nn.

Sa cungregatioQ fut dans lei iiccle dernier un« pcpinicre d'hcntimes-de-lcttt«s du premier ordre , de Prêtres vertueux, de penies cclâ.tcs , fie qui produit encore àa hommes tle mérite, parce que Jes exercices ctafliquec y forcent au travail.

Comme i!s ne ftmt point de< vœux, chaque •^rtKulier ne ticot au corps qt'e par des iieas qu'il e(l rnuiours tnaicre de rompre. 5i ctne !»• berfé afFoiblit a certains égards U congrcfatioa, .(•dit le P. é'/tvri'vi ,) clic la Sourient tie l'.iutre m «n lui procurant an h>|éts , qui cherchent un %r tfyle b^oorAble , la vtriu peu fc feut«mr

DE l'HiStoirï Eccleçià«;tique. 47 ^

♦> fans courir les rUqiies d'une dcp^ndanceéier* M nclle , toujours fort a charg; à la nature. » Le fupérieur n'eft que le premier parmi fes c^aux : c'eft ce qui fit -dire à un Magiftrat célèbre', dans un plaidoyer, que l'Oratoire dl un corps «> tout le monde obéit , & perfonne ne coin* »» mmde. w

Ce fut encore pour accroître les fruits du faint iriniftére , que Cc'ar de Bus , prêtre du Ccmtat Tcnainîn , & St Vinccnr de Paul ,' fonderont, l'un les Doclrinains , & l'jurre les Laiarijles ou Prê- tres de la MiiTion : deux congrégation* , les membres n'étant lies que par des votux <împ!es , connoiffent peu le repentir.

M. Oifier , curé ae St-Sulpice,& fupînenrda Séminaire de ce nom , & M. Eudes , donnèrent naiiTance à deux autres fociétésde ce g^nre , o.i l'on ne fait pas même des voeux fimplcs. EUcs ont'étc utiles au Cierge , dont elles ont inrmc les mœurs^

S. François de SaUs , évèque de Oencve,mort à Lyon en i6i2 , prélat trcs-rtcommandable par fa douceur, fa chariré , & par la converiîon de près de So.ooo hérctiquci , fut le père des Rc/i- giti'fit it Ia Vlfuat'ion ; il fut fécondé dans ce de/Tcin par Madame de Chante! , que d piété ren- dre & fervente a fait-mettre dans le catalogue des Saints. Pour honorer la vifite eue la Sit Vierge f.t à fa confine Ste £//yj/«rA , ces Religieufes vi- iitoicnt d'abord les pauvres 8c les malades ; «ai«

47Î E L E M E y s

s. François les ayant enfuite cloltrces , voulut (Td moins que leurs maifons fuflent rafyle de l'inlîr- mité , & que le défaut de fanté ne fut pas ua fujet d'exclulîon comine d^ns tant de couvens.

L'un des ob)ett des Filts de S. Françuit d* Sales , croit l'éducation des perronncs du fexe. Ce fut auffi celui des ReHi^nuftt de NutrfDime , fondées par Madame de Lcjî^nac , jeune veuve de Bordeaux , qui avoit tout ce qu'il faut pour l'ou» tenir le titre de fondatrice : des biens confidcra* bics , un grand nom , de la pictc , de la fermeté & de la fagefTe. Dans Ton inAttut , approuve par le pape P^lI T en i6;7 , on joint l'office do Marthe à celui de MadeUne, 6c le zcle du fdluC du prochain à celui de fa propre pcrfedion.

£n 1611 Paul F" confirma un inAitut à-pei^ près fcinjlable. Nous voulons parler des Ur/Jinet^ ainti jppellées , parce que Ste A/tçi.'e , qui les avoLc fondées en i6}7 à Brelle , les mit fous li protcc* tion de Sce UrfuU. Ce ne fut qu'en 1604 qu'cl» tes s'ctablirent à Paris , par les foins d'uni: pieut'e veuve, Marie l'tJuiJiitr , dame refpcvice à la vil- le , honorée à la Cour^Sc, de la capitale , elles Ce répandirent dans toutes les provinces. Le ca.- radtcre de cet Ordre , proportionne aux fortes je aux foibles , aux faines âc aux ii^firmes , l'a multi» plié pour ravao:age da public. Les l'-fuliau (k chargent de l'éducation des jeunes fillci , & elle» ont fait-goùtcr jufqu'au CaoaJd lu (ruui de leur ic'tt fie de leur chajit«i»

©E l'Histoire Ecclésiastique. 47-/

iLe foulagement des pauvres ic des malades étoit bien digne de l'attention des grandes ame$v c'eft ce que Madame le Gras eut en vue , en éta- bliffant la Communauté des Filles de la Charité, lefquelles uniffant l'aâion à la prière ficrifient leur jeuneffe , & fouvent la beauté & la nailTan- ce , aux befoins de l'humanité fouffrante , 5c veil- lent avec une ardeur égale fur la fanté du corps & fur le falut de l'ame.

A ces Inftituts nouveaux, il faut joindre les ré- formes des Ordres anciens. Dom de la Ci^ur for» ma la congrégation des BénédiElins de S. Maur Sc celle Ai S. Vannes & de S. Hy.iulphc , l'une Ôc l'au- tre fccundes en fçavans , dont les ouvrages ont enrichi nos bibliothèques. Il ed ne dans cesdeuji corps quelques difputes , que la ("a^elïe du gou- vernement a éceinres , parce qu'au milieu des mur- mures & des cabales , l'efprit primitif deretraitt & d'amour pour l'étude n'auroit pu fubfifter.

Le cardinal de la R.'chef^ucaule , d'une famille qui ne le cède qu'à celle des l'rinccs, d'une vertu digne des premiers fie cl ci , travailla auHî à réfor- mer les Ordres monailiques , 8c en particulier ceux de i». Auguftm Sc de S. Benoit ; il étoit Abbé de Ste Geneviève - du - Mont , ôc il eut le boa- heur d'introduire la réforme dans fon abbaye.

Son zèle s'exerça utilement fur plufieurs mai- fons de Bcnédidins , & de Bernardins , qu'il re? mit fur la route qu'avoient tracée leurs l'ercs. Mïus ua fçrvice important qu'il readic à \$

4-4 E L r M E N $

Religion Se à rhumanité , fut d'obliger le» Tn- nitaires de fc fenrir du tiers de leur rcr^nu, fé- lon que leur rè^Ie , approuvée par CL-unt If, le leur prefcrivoit. La maifon de Paris , ainû que di- vers Couvcni de province , employoienc à vivre coramodcmeitt les biens que la piété avoît def- tincs au rachat des infortunes. Le Cardinal re- média à cet abut , & rénbllt la difclpline régU> liire , en mêrne-tems qu'il affuroit dci flfCOUrt aux Clucticnt capilfi chez lei Infidi!«l»

EenvMtts EccUfiafii^uts.

Le« i»otnbreu« Ecrivains qui iMuftrérent ITglift dans cefiédeli fécond en grinH^-hommes , furent pour la plupirt formés dans Is cloître. Les Je» fuites, joignant l'érude de» belles-'ettrei à celte des fciences eccléfîaftiquei , éclairèrent les unes par les autres. Qui ne connolt les Biliamln , le» Grtt\tr , les SIrmond , les Pttau , les Ccrnicr, doHt les talens 8t l'érudition /îrent tint d'honneur à leur focictc } BotUniut , membre du même corp», forma le projet louable de donner !ei Afte» drt 'Saints fur le* originaux^ il cm pour a^ot;c^ 4c pour continuateurs dans cette fnnde entreprife», •HtiftKc^iut h Pjp<hf<i , ' r*f

d'autres Jéfuite» , non moi- >in«

'habiles qu'eux à démêler U vcritc à itavers let fa> Mes r.

I.i nentateuri de l'Eetirurrfsiote

tfu»- augm«otc« du oom de divers Jcfuitts , qtii ne

DE l'Histoire Ecclésiastique. ^75

contribuèrent pas peu à éclaircir les Livres facréi : tels Cont Menochius , Tirin^ Vlilalp^nd , Corneille de la Pitrre , Bonfrerius , Emmanuel Sa , 8lC. 8cc.

La chaire évangéllque mettra toujours au pre- n»ler rang de ceux qui l'ont enrichie , le P. Bout~ dilout, qu'on appella /e roi des prédicateurs & le prédicateurs des rois. Dans un genre trop fouvent livré à la déclamation , il n'exagéra jamais (dit M. l'abbé Mauri , ) les devoirs du Chriftisnifme. La fécondité incpuifable de Tes plans , (a logique ptef- fante & exaile, fon ftyle fimple & nerveux , na- turel & nobles l'ufage admirable qu'il fait de l'E- criture & des Pères ; la connoiffance profonde qu'il montre par-tout de la Religion 8c du véri- table efprit de la Religion : telles furent les qua- lités qui lui méritèrent les fuflTrages de la ville & de la cour. Pénétre des grandes véiitcs qu'il annon- çoit, il fit-almer la Religion par fon exemple , au> tant que par Tes difcours. Il mourut en 1704 , laif. fant une mémoire rcfpe^^ée des ennemis mimes des Jéfuitei.

Cheminais, la Colomhiért , la Rut , 8(c. confrè- res Ac imitateurs du P. Bourdalout , offrent dans quelques-uns de leurs fermons, une morale tou- chante & une éloquence pathétique.

Une louable émulation anima les Prêtres de l'O* ratoirc , & ils oppoférent aux grands» hommes de la Compagnie de Jcfus drs écrivains ron-mcin« secommandables. Cajfabut , It Cuinte, Simon , Lami , ^laudult^Mald tanche^ font des noms célèbres dans I4

At^ E L E M E V S

rcpubl. des lettres -, & la fin du libcle vltpsroitre Majjitlom , qui peigoit les paHîons avec les traits qui les caraâérirenc , qui fçut parler au cœur , Vit; tendrir & le maitrifcr. Son grand art , efl d'alier chercher dans nous-mêmes ces fophifmes fecrets , dont le vice fçait ù bien s'aider, lorsqu'il veut nout aveu(,ler ou nous fcduire. •• Pour combattre 8c dc« M truire ces TophiTmes, (dit un Académicien celé» bre ,) .. il lui futîit prefquc[de les dcveloper : mais il »» les développe avec une onftion fi a fie cl u eu Te & n il tendre , qu'il fubjugue moins qu'il n'entrain^ n Sa didion , toujcurs lacile , clcgante & pure , eft n par-tout de cette Jimplicité noble , fans laquellt M il n'y a ni bon goût , ni vcritable éloquence. K Cette fimplicitc, réunie dans Mijji.'t^n à Ihar- M mouic la plus Téduilante 8c la plus douce , ea M eonrunte encore des grâces nouvelles. Et « qui met le comble au charme que fuit-éprouver M ce Ayle enchanteur, on Cent que tant de beau- M tés n'ont prcrque rien coûté à celui qui les a w proHuitïS. 11 lui échappe mcme quelquefois. Toit m dans les exprelTions , (on dans les tours , Toit n dans la mciodie ù touchante de Ton ilyle , det M oégligencet qu'on peut appeller heurcufes , ft paice qu'elle» achèvent de t'^ire-dirparoiire non» m feulement l'empreinte , mai* )urqu'au foup^oa m du travail, n SLiJjfiI/uK, parvenu par fun mérite à révèchc de Clermont , mourut dans Ton diocefc en K741 , ple.itc de fes ouailles dont il etoit le prrc.

Lei Bcncdiûins acquirent un nouveau luflrtf par les fçavaotcs cdicioas dci Pcrcs ,doni ils cfti

l'Histoire EcclesustiOui:. ^-^y

fîchirent nos bibliothèques, &. par les recherches U> borieufes qu'ils firent fur divers ob)ets de l'hiftoire & des. antiquités. Les plus diflingués dans cette branche importante de littérature, furent d'/^cA^ri , A1j4/7/û// , Ruinard y Martianai , Montfaucon, j

Le cordelier Antoine Pdgi rcfornia les erreurs de Baron-us -, tandis que les Dominicains CunbJjU & Alexandre fe livroient à d'autres travaux qui ont été utiles aux théologiens.

Si du Clergé régulier nous paffons au fcculier, nous trouverons plulleurs noms qui méritent de paffer à la poftcrité. Baronius & BelUrmin , qui avoient été tirés , le premier de l'Oratoire de Rome, & le fécond de l'ordre des Jéfuites , pour écrc placés dans le collège des cardinaux, fe A' gnalércnt l'un comme Arnaliûe , & l'autre comme ControverfiAe. Les cardinaux Bona & Nvrit mar^ chérent fur leurs traces j le dernier fut un pro» dige d'érudition , & le principal ornement de l'or- dre des Hcrmites de S. Augujlin dont il avoit étc membre.

La France eut à fe glorifier de plufieurs prélats , non -moins recommandables par leurs mœurs , que par leur fçavoir & leur éloquence : tels furent, Laubifplne , évêque d'Orléans ; Marca , archevêque de Paris -, Goi^e^u , évcque de Vente; Mafcjron , évêque de Tulles -, Fléchitr , évéque de Nimes , qui ne connut qu'un vainqueur eo éloquence , Ix qui n'en eut point en vigilance, en charité, & en coûtes les vertus apoftoUqucs -, l'immoriv:! Bojfutt ,

4"»S E L E M E N s

évèque de Meaux , l'aigle des iheolog. Franço's. Arrctoru-nous un mom.'nt a ce graud-homme. Ne a D:jon en 1617 d'uae famille ouble , il s'aa> Qonça de bonne heure par (es fuccès dans la chaire. Il cxcelloit fur-toui driis les Orairons fu* sèbrcs: genre d 'éloquence qui demanJe cetce de- ▼ation de penfces , te cette nobleff: (t fentt- mens , qui animoicnt l'on génie. Lou-t XIV , qui l'avoir ncir.mc a l'cvèchc de Condom , le fit queU que-teras après précepteur du Dau ihin , ftc fuc- ceHîvement premier ui monier de la Dauph.ne , é^'èque de Meaux , con'eiller d'ctat , & preroier^ aumônier de la DuchctTe de Bour,;rgre.

Dans ces dift'crentes places , »• on vit , (dit Ma/- fllom , ) •> un homme d'un génie vaAe & heureux , M d'une candeur qui carattcrife toujo.ir» lcspr.in 1-» âmes & les efprits du preir.icr ordre-, un i\c- M que au milieu de la cour ; l'homme de tous kt H talens d. de toutes 1rs Tcienccs \ le doreur toutes les Eglifes -, la terreur de toutes les fe^ri ( M le Père du xvii* Hccle , 8c à qui il ne nunqu* »i que d'être ne dan» les premirr* tcms pour avoir « ctc la lumière des Conciles , & r«me des Vetet H affcmblcs à Nicce & n tphcfe. «

S^achant allier la qualité de payeur avec cci:« «le do()eur . il ne négligea iamai» fon itoupeau , ■lalgrc la multiplicité de Tes travaux toujours r«» naiflam. D 1 r. i; fc fervit de lui pour rapprller dans le fein de rEj^life pluficurs Calvinifles, entre autres , le maréchal de Turcnnt, Il ttiuropba dca

OE l'Histoire Ecclésiastique. a79

hérétiques dans tous Tes ouvrages, ix l'ur-toiK (ians fon excellciue H Jloire dts ratiathm des Egli- j<s Proiejiantcs , & dans fon Expofiron de la doc- trine dt l'EoUji Catholique. Il mourut à Paris !e li Avril 1704, à 77 ans.

Les produttlions forties de fa plume ont ctç recueillies en plufieurs volumes in-4°. On diftin- gue parmi fes ouvrages, fon Difcuurs fur rUiJiuirp, UnivtrfeiU , il voit & juge d'un coup-d'œtl les léginaccurs & les conqucrans, les rois & les na- tions , les crimes & les vertus des hommes îx trace d'un pinceau rapide & énergique , (dit M. d'-i- lembert , ) le tems qui dévore & engloutit tout , la main de DiLU fur les grandeurs humaines , & les royaumes qui meurent comme leurs mjttres , taa« dis que la Religion fubfiAe éternellement.

Bojfuet eut un illuftre rival dans F^nelon , ar- chevêque de Cambrai, dont le caraclcre doux 3c 1 cfprit iniînuaat rasienéreat tant d'hcreiiques au bercail.

Le Clergé du fécond ordre , non moins riche en fçavans que celui du premier , produifit Launoi , Htrmant , Cotelier , Balii\t , Ainauld , Nicuh , liilt' mont , fleuryy & une foule d'autres , dont le mérite & les vertus feront à jamais célébrés par les hif« toriens ecckfiaAiques. Nous ne citons ici que leurs ooms-, la notice de leur vie & de leurs ouvra- ges fe trouve dans des livres qui font entre le» mains de tout le monde. La leclicighe l^oricufç dc$ aocituis muiiuacûS

4^0 E L ï M E y s

de l'hiftolre de l'Eglife , a été l'objet de l'occupaî cion de quelques-uns de ces fçavans. «'On a fait, ( dit l'Abbc Gcujtt)" «îcs Toyages longs , pcni» * blés , Se fouvent dangereux , pour aller dans n les pays les plus éloignes , chercher des ina- n nufcrits , dccliiffrer des infcriptions , acheter des M midaiiles , vifiter d'anciens morumens , lever n des plans. On a parcouru toutes les hibliothc- »» ques , fouillé dans mille recoins d'un grand nom» n bre de Monaftcres , qui poffcdjicnt la plupart n beaucoup de ces richedes littéraires fans les n connoitre , & , depiiis l'ignorance qui »'y n éioit introduite a>cc le relkhemeni , elles »» ctoient négligées ,!t trop fouvfnt même en par- ti tie diHîpées. On en a recueilli les précieux dé« n bris, & fauve pour toujours un très -grand nom- «• bre , ou en les donnant au public par limpref- H fion, ou en la dcpofant dans les bibliothèques r> connues , les fçavans ont la liberté de les M confultcr.

M On a vu plus d'une fois des Communautés régulières , d'où l'amour de l'étude avoit chaiTé M l'ignorance & l'oifiveié , f^ire-cntrcprendre ce» voyage» a leur» dcpen» aux plu» h.âbile» de leur» M membre»-, de» paiticulier» mêmes s'y engager ». à leur» frais, fans autre but que de chercher tt la vcrité , & de quoi l'appuyer par de nouvel» M les preuve». Mai» plu» fuuveni encore ces voya« n ge» ont été entrepris a la folltcitition deiRoit n 6l de» Pnncct , qui ont fouroi aux dépeafes

qui

feE l'Histotre Ecclésiastique. 4'Si

qui étoient nécsffaires pour les taire plus com- modément , & en retirer plus de truir.

>• Outre les monumens fans nombre que. l'on en » a rapportés, la Géographie s'ed pertcflionnée »• par ces voyages ; l'Afironomie , la Navigatioa >. 6c tous les Arts , y ont trouvé de grands avan- " ca^es. On en a retire plus de lumières fur les >t mœurs , les coutumes , les ufages , &. la reli* gion des peuples que l'on a vidtés ; fur la for- me de leur gouvernement -, fur la fagefle ou la >t bizirrene de leurs lol.Y j fur les révolutions qui leur ont fait-changer de face; furies eau Tes & it les progrès de ces révolutions . & toures ces i> lumières ont été utiles à la Religion , qui en s >i pris occafîon, ou de s'introduire dans ces lieux, ou de s'y affermir. Elles ont donné Heu de con- « fulter les traditions de ces différens pays , d'exa- ♦♦ miner fur quoi elles étoient fondées , & de re- » monter ainfî jufqu'à l'origine des peuples, & à )• leurs différentes tranfraigrations ; ce qui n'a pas M peu contribué à éclaircir beaucoup d endroits de •» l'Ecriture-faintc, qui leroient toujours dcmeu- H rés obfcurs fans ces connoifi'ances , 8c a rcpan- M dre un grand jour fur l'HiAuire , tant Ecdéfiaf» Il tique que profane, n

Tom, 11^

IDÉE GÉNÉRALE

DES

iir^ÉNEMEXS ECCLÈSlASTiqVES DU DlX-HUITltML SlLCLE.

Affulre du Cas de confàence,

J—i'tsrRiT contentieux qui a dominé les hommes dans tous les pays !c dans tous les àges.ne s'aiToi- blit point dans catui-ci. Les opinions de Jjnfe- aiut , qui avoient caufé de (i grandes divifiont dans le ficde précédent, troubloient encore l'E- gliie : diffcrcns Pap es les avoient profcritcs -, mais les difciples de l'Evcque d'Yprcs ayant prétendu que leur conlimnition portoit , non fur les fen- titn;ns de leur miitre , mais fur les erreurs que fes c.iaemtt Itii avoient actriiiucet , cette dillinc» tioa éternifa la difpute. Enfin on vit éclore en 1701 un pro'ïlènî théjlogique , qu'on fit «cou- rir eti manifcrit fou» le nom de Cu it tonj- $iiict , priS'.àac qui fut une nouvelle fcmcnce

de querelles. Un CjafîlTeur demandiit s il pouvoit donner

•abfoljùaa * aa £;;Lu nique furptii de JaaTd-

Elemens de l'Hist. Ecclés. 4S3'

nifme -, mais qui , examine fur cette maticre, avoit repondu :

1'. Qu'il condamnoit les Cinq propofitlons dans tous les fens que rtglil'e les a conJamnccs -, mais qu'il croyolc que fur le fait il fuffifoit d'avoir une fouinlflîon de filence & de refpeft ,& que , tant qu'on ne pourroit pas le convaincre d'avoir foutenu aucune propofition anaihcmatifce , on n'étoit point en droit de l'inquitter , ni de tenir fa Foi fufpe£le.

2°. Qu'il ctoit perfuadé que la prédeAination ëtoit gratuite , & la grâce enicace par elle-même.

3°. Que ne croyant pas la Conception imma- culée de Marii fil ne difoit cependant rien contre ceux qui penfent autrement.

4*. Qu'il lifoit les livres à' Amauld ,ic St Cy^ ran , de le Maine , comme bons & approuvés j & qu'il croyoit même qu'on pouvoit lire le Nou» %cau-TcJlamcnt de Mons dans les diocèfes les Evêques ne l'avoient pas profcrit.

On fent bien que ce Cas de confcience écoit iina« ginaire, & qu'il n'avoit été propofé que pour avoir des rcponfcs favorables à ceux qui étoienc attachés à la caufe de Janftnius, Quarante Doc- teurs de Sorbonne , parmi lefquelsil y en avoit , (dit le V.d'Avrigni, ) dont le titre de tris-faga Maître faifoit prefque tout le mérite , fe laiffé. rcnt prendre à ce picge. Ils répondirent que les fcntimcns de l'Eccléfiafliqae n'ttoicnt ni nou- veaux , ni condamnés par l'Eglife , ni icU c.ifitt qu'on dût lai rcfufcr l'abfolution, X ij

*4S4 E L E M E N s

Cet écrit , qui avoir cté d'jbord répandu four- dcment , ctani devenu public , fut ctnfuré en J703 pzT le cardinal dp Noai.'les , comme con- traire aux corftiiurions des Papes, ce mme ten- dant a renouvcUer les qucOicns dctidcci, favo- rifant la pratique c!cs équivoques & des reftric- tions mentales, & dérogeant à l'autoritc de l'E- glife. Ce Prclat renouvella en même - rems la de» fenie Hc prodiguer l'accufntion vague & odieufe du Janfénifme, pour décrier fes ennemis ou fei rivaux ; à moins qu'on n'eût fcutenu de vive vcix ou par écrit quelqu'une des propontions condamnées. Tous les Doftcurs qui avoient fignc Je Cas de confcience , avouérenr qu'ils avoient été furnris , à l'exception d'un feul qui fe re- tira en Hollande : le P. Que/nel applaudit à fon cbflination , & traita les autres de parjure» qui avoient facrifîé leur coafcience à des vue* hu- maines.

£ulU Vise. 4 M DoMisi ; Jvjbvéiion de Fcrt-Ki'yM,

Rome ne tarda pas de s'expliquer dans diffc^ rcns brefs -, mai» CUncnt XI le fit plus fclem- ncllement encore djn» fa bulle Vincam D n^ni Saiaoïh , publiée en 1705. Dans cette fameufe con- Aitution , le Pape condamne le filence rcfpte- «ueux , comme plui pi'^'prc à couvrir le mal qu'à le Rucrir , î^. .1 perpétuer l'erreur qu'a U détruire ^ il prctcod que lei pariifans de ceûlcoce a'iffec*

tt l'Histoire Ecclésiastique. 48^

tint de cacher le venin de l'erreur , que pour le répandre plus librement dans les conjonfta- rcs favorables, 6c qu'ils ne font-confi'Aer l'obcif- fance due aux oracles prononcés par l'E^^Ufe, qu'à ne pas contredire en public des vérités qu'ils fe réfervent de cenfurer en f^crat. La bulle en - rc^iftrée au Parlement, envoyée à toas les Evè- ques,fut reçue unanimement par rAfTemblée ge« nciale du Cierge de FrarWe.

Le cardinal de NjaUlts , qui l'avoit fait pu- blier folemnellement dans fon diocèfe , crut de- voir l'envoyer aux Religieufes de Pott-Royal des Champ? , en leur demandant une preuve pir écrit de leur foumiflion à ce décret. Elles répondirent qu'elles le foumettotent fincérement , mais fans déroger à ce qui s'étoit pîfl'é à leur égard , lorf- qae Clément IX rendit la paix à l'EgUfe. Cette reûriâion leur attira le courroux de la Cour* Le lieutenînt - de - police tle Paris , (d'Argen/on) alla le 29 Octobre 1709, avec trois cents exe.nptt ou archers , pour faire - enlever les Religieufes» On les difperfa en difiF^rens monaftcres , la plupart fignérent le Formulaire ; on fupprinia le titre d'abbaye , on en rafa tous les bàtimens ; on- exhuma les cadavres , & il ne refta pas un vef- tige d'une maifon qui avoit été l'afyle des taicns & même des vertus, mais long tems reprcfcntce à Louis XIV comme la retraite de l'erreur & la forterelTe du /anfénifme. Les revenus de l'ab- i.aye de Pori-Iloyal des Cbaaipj furent réunis à

Xii)

4^6 E L E M E V s

ceux de la malfon de Paris. Ceux qui croient regardes comme les Percs du ironaCcrc détruit* firent fur la ruine de Tes mur$ divcifes complain- tes, qui auroieoi pu toucher les lefleurs fenûbles, fi Ton n'y avoir mêlé des injures fit des dcdama- tioas contre le Roi fie le cardinal de NuailUt.

Révolte des Cjlvtnijîes duns Its Cevenrus.

La révocation de l'Edit de Nanres avoir un peu affoi'jli le Calvltiifme en France; mais tin» l'avoir pat ctelnt. PluJïeurs s'etoient convertis, foit par crainte , foit par perfuafîon , fur-rour par- mi les Seigneurs fit la hauie-Bourgeoifie. D'au- tres avoienr porte leur obftinition , leurs richef- fes fit leurs talens dans le pays étranger , d'où les Winiftres atiifoient par des écrits emportes le fana- tifmc de leurs frères en Frame. Ce feu couvoit rru- jours dans le fein de la populace Calvinifte , Se il éclata vers l'jn fci.

Quelques RcIit;ionnalres des Cevennei , voyant Louit XIV occupe à fe dcfcnHre contre une par- tie de l'Europe , armée peur difputer le trône d'Efpagne à Ton petit-fils , crurent qu'ils avoieiK une occafjon favorable de rétihlir fur let'.rs rochers l'exercice public du Calvinifrre. Fiers de leur po- fition qui les rendoit inacceHibles , ils s'afTembloient dans les lieux écartés à la campagre, ils chaa* toient les Pfcatimes a le.ir manière.

Vers le mime tcitis .l'Abhé CkàiUr , inifîion- mIxc fort 2clé , fit-coaJaire dans on couvcar^

DE l'Histoire Ecclésiastique. 4??^

))ar ordre de la Cour , deux filles d'un gentil* homme Calviniflc , qui , après avoir embrafte U Religion Catholique , refufoienc d'en remplir les devoirs. Cet enîcvement , que les Huguenots ré- folurent ,dc venf^cr , fut l'une des premières rour< CCS de leurs fureurs.

Un incident qui ùirvint vers le milieu de Juirt I703 , acheva d'aigrir les efprics. Les Hugue* Tiots fe plaignoient depuis long-tems qu'en haine de leur Religion , on furchargeoic leur taxe de la capitation , pour foulagcr les Catholiques. Dans le tems que leurs murmures étoient les plus forts, les Receveurs de quelques villages des hautes Ce- vennes ayant voulu faire des fiilies , furent en- levés durant la nuit dans leurs maifons & pen» dus à des arbres avec leurs rôles au coù.

Le marquis^ de BrogUe , lieutenant-dc-roi de la province, & l Intendant i?«f/Vi//(r , envoyèrent des troupes fur les lieux, & firent -punir les coupables comme ils le mcritoient. Leur mort ne fit qu'irriter le mal. Le nombre des Camifards (carc'ed ainh qu'on les appelloit , parce qu'ils tnettoient fur leurs habits des chemifes blanches,) augmenta par le fuppiice de leurs camarades.

Ralliés fous l'étendard du fanatifme 6c de l'indc- pendance , excites par les Proplùtcs du dejert\ ils fe dcguifoient la nuit & allaient piller dans les maifons. Au larcin ils joignirent bientôt le meurtre , le facrilége, &unc intinitcs d'autres cri» mes : cfi'ct funeAe de leur haiuc contre la Keli;

'4^5 E L I M E V 5

'gion Catholique & fes mioiiUcs. L'Abbé eu Ckti» /er fut la première vitiime qu'ils iromo'.creuT. II» a'attroupcrenc un foir, & ayant eafoncc les por- les de (i maifon, ils le mjiljcrcrcnt avtc quel- ques ELclcùaAiqnes qui part^geuttac les travaux & Ton zèle.

Dès-lors on vit rcnouvcller dans les Ceven- nes tous les exccs que les Calviniiles avoicni au- trefois com.-nis en France. Les Croix âc les fta> tues des Saints turent briféei , les vaCes^facrcs ealevés , les hoAict touîcet aux ptedijes Lgli- fes brùlces , les minières des Autels c|^orgcs. A fnet'ure que cette multitude augmentoit , le nom» bre des U!um':ntt gTOtuiIoit auiii. Les femmes mêmes Ce dirent infpirces pour annoncer les ora- cles du Ciel. La populace les ccoutoit les uiu & les autres , comme s'ils avoient été de vcrita- blés Frophctcs. 11$ ordonnoient toujours de la part de Dieu d'immoler les Catholiques 8t ptm- cipalemeot les Piètres , & leurs ordres ctoient exécutes fur-le-champ.

Patmi les Prophètes, on diAiogua fur-tout ua vieux CalviniAe , nomme </« Strr* qui forma des élèves. Il choifit dans fon voifmjge quinze jeu* nés garçons , que leurs parcns lui conficrent vo- lontiers i fit il fit-donncr a fa femme, qu'il aH'o^ eu à fon emploi , pareil iwmbre de filles.

Ces cnCins n'avoieni re^u pour première le- çoo du Chnniinifme , que des fcntimcni d'her- TCur £( d'avcflioa pour 1 Egiife Romaine : Un

DE l'Histoire Ecclesiastiquî. ^^^j

avoicnt donc une difpofuion naturelle au fana- tifme. D'ailleurs ils étolcnt tort-ignorans -, ifs ttoient placés au milieu des montagnes du Dau- phiné , dans un lieu couvert d'cpaiflcs forêts, environne de rochers & de précipices , éloignes iz tout commerce , & pleins de refpedl pour du Serre , que tous les Proteftans du canton rcvé- roicnt comme un des héros du parti Proteftant.

Lorfque quelqu'un des afpirans au don de Prophétie étoit en état de bien jouer fon rôle, le Maitre-Prophète affembloit le petit troupeau , phçoit au miieu le prétendant , lui dilbit que le teuis de fon infpiration étoit venu : après quoi, d'un air grave & myftérieux , il le baifoit , luj foiiîHoit dans la bouche , & lui déclaroic qu'il avo.t reçu l'efprit de Prophétie-, tandis que les autres, fdifis d'étunnement , attendoient avec ref- pefl la naiffance du nouveau Prophète , & fou- piro'ïnt en fecret après le moment de leur inf- tallation. Bientôt du Si^re ne put contenir l'ar- deur dont il avoit cmbràfc fes c ifcipics ; il les congédia, St lesenvoyi dans les lieux il croyoit qu'ils jetteroienc un plus grand éclat.

Au moment de leur départ , l les exhorta à communiquer le don de Prophétie à tous ceux quls'en trouvcroicnt dignes, jprès les y avoir pré- parés de la même manicre dont ils avoicnt été difpofés eux-mêmes ; & !eur réitéra les afTurar.- ces qu'il leur avoit données, que tout ce qu il*- prc^iroient arriverolt infailliblcmcnr.

Xv

4^0 E L E M E V s

Les erprits des peuples auxquels ils s'adreiTé» »enc ccoieni diipofcs à écouter avec tcfpc:i les Bouveaux Prophètes : leurs préjuges , la Icftute des Lettres paAorales de M. JurUu , la folitude daris laquelle i!$ vivoient , !es rochers & les mon- tagnes qu'ils habitnieot , leur haine contre les Catholiques , & l'extrême rigueur avec laquelle on les traitoit , les avoient prépares à écouter comme un prophète quiconque leur annonceroit avec enthoufiafme , & d'une manière extraordi- oaire, la ruine de la Religion Catholique.

Les accès de Prophccie varioient -, la rè^le oe- dinaire ctuit de tomber, de s'cadoimir, ou d'ê- tre furpris d'un alToupilTement , auquel fe jot- gnoicnt des mouvcmensconvuliits : les exceptioos de la rè^le furent de s'agiter & de prophctifer en veillant, quelquefois dans une cxtjfe llmple •■ fouvent avec quelques ccovulfioos.

Les prédidlions des Prophètes du DauphiaC itoicnc confufcs ,& con^uei en mauvais François, d'un Ayle bas & rampant , fouvent difficile à eo* tendre a ceux qui n'ctoient pas accoutumés vx f at( it du Vivarais & du D. uphinc.

Les prédications des Prophètes du Dauphiné » ctoieni pareilles a leurs prophéties -, il* cutaH'oicitc k lott & à travers ce qu'ils «voient pu retenir d'exprclFions fie ce p.tTagci de la Bible, & c'cft ce que leurs auditeurs appclloient de belle» cs- koriaiions qui leur arrachoient les larmes. Le feu du Uoatumc ayam exalte le courage

Df l'Histoire Ecclésiastique. 491

ies rebelles , ils mirent en fuite les troupes du Roi , qui fe trouvèrent dans les montagnes des Cevenncs. Leurs premiers fuccès augmentcreru leur fureur Ce leur nombre. Piufieurs nouveaux- convertis du Vivarais Se du bas Languedoc fe joignirent à eux : Point d'impjti & de liberté dt cenfclence , étoic leur cri de guerre.

Louis XlV envoya d'abord contr'eux Je ma- réchal de Mcntrevei , qui les enferma dans leucs cavernes , & força , l'une après l'autre , toutes leurs retraites. Il fit pendre quelques-uns des principaux rebelles , & en envoya un grand nom- bre aux galères. Le maréchal de ViUars lui fuc- céda dans une commifllon ù défagréable -, pour les négociations comme pour la guerre, ce géné- ral employa des moyens plus doux , fc promit l'impunité à ceux qui fe foumettroient. RoUndàc. C^xdlier , chefs des fanatiques , fe détachérea» de leur parti , en ramenèrent plulieurs , & la tran- quillité parut rétablie.

Les malheurs des armes du Roi pendant U guerre de la fjcceirion d tfpagne , ranimèrent leur audace. Les ennemis de la France en*, oyoient de l'argent 5c des troupes. Raienel , l'ame de cette faction , tramoit un complot horrible : les nou- veaux convertis du Vivarais dévoient prendre le» armes , fécondes par les foltats de la garnifon de Nimes, tandis que la Duc de Savoie entreroit en Diuphinc ou en Provence avec quarante mil'e hommes, Les tsefuics des icbclles ctuient aûc.x-

X y;

A^X E L E M E N <;

b'itn prifes V mais un SuifTe , cCpioa du dufrdft BarwUky qui commandoic pour-lors en Laague- doc , avercir fun nuitre qu'il avoit vu entrer ( le l6 Avril 1705 ) dans MontpeUier trois ciraagert ^ut lui paroiflToienc rufpsds : on les arrête , on les mec à la qucdion , Se ils déclarent que les Cami/u/ <f j , aprcs s'être rendus maîtres de Nimes , chofc qui leur paroiffoit facile , dévoient venir à Wontpeîlicr égorger le duc de Barwick , l'Inten- dant de la province , & faire- révolter tout le Languedoc Les chefs des Fanatiques font arrê- tés fur-le champ -, ils pcrilfent fur la roue , & leur fupplice rend enfin la paix aux Cevennes.

L'adoiiniAration raffermie , foutenue d'armées nombreufes toujours exilantes , ne permettra )a« mais ie retour des anciennes horreurs. Le tem» , les moeurs adoucies , la focictc pcrfcclionnce 1 ont changé l'efprit de la plupart des Proteflan*. Ils font en gcncral fagcs &. circonfpeifis , 8t ils au- roient tort de ne pas 1 être. Le gouvernement mo- déré fous lequel nous vivons, eft bien éloigne de les perfccuicr. Il exhorte les Evêques 6c les Intcndnns à l'indulgence ; il fjvoril'e leur com- merce ; il leur donne toute la liberté qu'une race profcrite jadii , fit qu'on veut cependant con» ferver , peut efpcrer raifonnablerrcot dans ua pays elle ne profcfTe point U Religion de iM Prince.

'de l'Histoire Ecclésiastique. 4^3

^ouveMi-TeJÎJment de Quefnel , condamne par la Bulle USIGBSITLS. ^

H ëtoit plus difncilede donner la paix à rEcllie de France , toujouri dcchirce par les querelles du JanfeniCme. Un livre d'un Père de l'Oratoire cé- lèbre les renouvelU avec plus d'ardeur qu'aupa- ravant. Le Père Quzfml , difciple Arnaud , hom- me fçavanc âc bon ccrivain , avoir public en 1693 & 1694 des Rcflexivns morales fur le Nouvc^wT cf' (0in<nr , approuvées par le cardinal de NoniL'ei ^ alors fimple Evèque de Chàlons , comme le pain des forts & le lait des foibles.

L'empreffement des parcifans de Jan/enius pour ce livre , fit - foupçonner aux Jefuites qu'il C3« choit un poifon fecret -, ils l'attaquèrent au com- mencement du Jîécle dans dciix brochures , l'une intitulée : Le Père Quefnel fc.iit'eux dam fei Rs' flexion/ furie Ncuweau-Te^ament \ Vautre : Le Père Quefnel hérétique , ficc. L'Auteur attaqué chercha à fc juftifier ; mais fes apologies n empêchèrent point que les Rejuxion$ morales , dcnoncees a Ro- me , ne fuffent condamnées par un décret de Clé- ment Xlen 1708. " D'un autre côté , (dit l'Abbé Ladvoeat ,) n les Evèques de Luçon , de |la Ro- »♦ chelle , & de Gap , condamaérent le Livre du P. QjtfMtl, par des Mandemer.i , lefquels de- r< voient être fuivis & appuyés d'une Lettre écrite ■y* au Roi , & fignée par la plupart des Evoques de »» Iraxjce. Elle leur fut envoyée tçutc-Klrcirce ; nui»-

i|fl4 E L E M E N s

M le projet échoua en partie , le paquet que l'Abbf ■• Bochjri de Saron envoyoit à l'Evcque de Cler- n mont , Ton oncle, & dans lequel étoit contenu » le modèle de la Lettre au Roi , étant tombé ti encre les mains du cardinal àc Noaii/ts. m

Les Réflixlon» moralts commençoient a faire beaucoup de bruit, elles furent fupprimces par ua Artct du Confeil en i7ii , proûritcs par le car- dinal de NvjU/et en 1-15 -, enfin folcmnellemeiu anathimatifces par la CcnOitution Unigtnitus ^f}tr' b!icc à Rome le S Septembre de la même année , fur les inllances de Louis Xll^,

Cltmtnt XI avoit extrait du livre du P. Q«f/- ncl ICI pTopoiitions , qu'il condamna comme fauf' fes , captieufes , mal-fcnnantes , capables de bleder les oreilles pieuTes , injurieui'cs a l'Eglife 6c a Tes bfdgcs , favorables aux hcrcùi^ucs , aux lutcûcs & au fchifme.

Dans cette famcufc Ccnflitution , le Tape dit: Qu'après avoir cherche attentivement les raifoiu du fuccès prodigieux des RéjUxiont mor^/o, il reconnu que l'accueil qu'on ne cclTe de faire à cet Ouvrage , malgré les erreurs , vient principale» ment de ce que le venin en eft trè*-caché. Ceft un abfccs , a)ouie*t-il , dont la pourriture ne peut fortir qu'après qu'on y a fait des incilioai. 1/ •'eA décidé à arrêter le cours du mal , noa-feu- cment par fa folliciiudc pailorale -, mais parce qut tes dénonciations d'un grand nombre d'Lvèqutf fr«nçoi«,dc io inûaucci mtcrwci du fitu uU^

DE lUistoire Eccle3ia';tiquï. 49Ç

Chrétien , l'ont dtterminé a ne pas dirfcrer le re- mède. La plupart des propolitions coadamnccs (juj concernent la grâce, renfermoient , félon le Pjp€, les dogmes de Janfcnius. Il y en a d'autres qui regardoicnt la pénitence , la lecture des Livres fa- crés, les excommunica ions injuAes dor.t la t'aufTe- ne pouvoir être évidente qu'autant qu'on con- noilloit les principes ou les intentions de l'Au- teur. Mais comme quelques-unes de ces propo- fitions fouffroient un fens favorable, elles devin- rent le prétexte /dp mille réclamations." LaCon- >♦ ftitution (dit \'\hbè Ladvocat ^) fut reçue par n l'Affemblée du Clergé de France, Scenregirtrce » en Parlement en 1714 , avec des modifications, M De 48 Evèques dont l'Affemblée du Clergé M étoit compofée, 40 acceptèrent la Bulle, & M en donnèrent des Explications en 1714: mais H M. le cardinal di NusilUs , à la tête de fcpt M autres Evcqucs , ne jjgeant pas ces Explicjti<.ns M fuffifantes , refufa de l'accepter ; ce q\ii irrita M tellement Loris XIV ^ qu'il fit-expédier un grand » nombre de Lcttres-de- cachet contre les oppo- M fans. Mais après la. mort de ce prince , MM. M de /a fî^oue , évêque de Mirepoix , 5ojfl<rt ,cvc- M que de Sener , Colben de Croijji , évcquc de M Montpellier , & de LangU , évoque de Boulo- gne , appellérent de cette Bulle au futur Con. n cile général, le 5 Mjrs 17'? i ^ '«uf excm- *• pie fut fuivi par M. le cardinal de jN^oailits yii- n par q^uelques autres Evov^ues. »

4$6 E L E M E N s

Le P. Quefnel furvccut peu à fa condamnation ; îl mourut à Amfterdam en 1719, après uoe vie fort-agitce. Obligé de quitter fa patrie , il s'ccoit retiré à Bruxelles , & y avoit été arrête ; ca Favoit transfcrc de- a Matines, il fur enfer- mé d.inf les prifons de l'archevêché -, il fut tiré de fon cachot p.ir une voie incfpcrce : un gen- til-homme Erpa^no! perça les murs de fa prifon , krii'a les chaînes , & lui donna îe moyen de s'é- vader en Hollande. Dans ce nouvel afyle , il brava fcs nombreux ennemis -, il écrivit jufqu'au dernier foupir pour fc défendre , 5c mourut , pour ainfi dire , les armes a la main.

Ayant un coeur au-delTus de d naiiTance 8c de fa fortune , du talent pour écrire , & jouiffaiu d'une famé robufte , que ni l "ctude , ni les voya- ges, ni les peines continuelles d'efprit n'alicrérenc jamais i joignant à des mceurs pures le defir de diriger les confciences , perTonne ne parut p'us «n état que lui de remplacer le cé'èbre Arruutd, Il en avoi: recueilli les derners fjjpirs. Un Au» reur ex-Jcfuitc prétend , « (^xî AmsuH mourant t* l'avoir dcA{;né Chef d'ine faflion malheureufe. n Aufli les Janfcnilles , à la mort de leur Pofi , »« de leur Pitt-Ablc , mirentili Qi.tj'ati a la tétc du parri. L'ex>Oratorien mcprifa dei titres A n fadueux . 8t ne porni que ctlui de Ptrt-PrUur. H II avoit choilî Hruxclles pour fa retraite. Le M fçavant Btnédiâin Gtrbtron , un prêtre nommé m Biigddt , & trois ou quatre autres pcrfonnea de

DE l'Histoire Lcclesiastique. 497

>• confiance , comporoicat fa focietc. Tous les >i refforts qu'on peut mettre en mouvement , il " ks faifoit agir en di>;ne Chef du parti. Soute» » nir le courage des Elus perfccutcs i leur con- » lerver les anciens amis & protecteurs , ou leur n en faire de nouveaux i rendre neutres les per- " fonnes puilTantes qu'il ne pouvoir te conci- » lier ; entretenir fourdenient des correfpondaa- Il ces par-tout, dans les cloîtres , dans le Cler- 1* gc , dins les Parlemens , dans pluù^urs Cours H de l'Europe : votla quelles étoicnt ûs occupa- V tions continuelles, n

Nous ignorons ù Que/nel joua un fi grand rôle; mais ce qu'il y a de fur , c'eft qu'on jugeroitplus favorablement de lui , fi l'on s'en rapportoit à la manière dont il s'expliqua dans fes derniers ino« mens. Il déclara dans une Profeffion de foi , •« qu'il » vouloir mourir comme il avoit toujours vécu , M dans le fetn de l'Ëglife Catholique -, qu'il croyoie »» toutes les vérités qu'elle enfcigne -, qu'il con-; H damnoit toutes les erreurs qu'elle con lamne j »» qu'il reconnoilToit le Souverain Pontife pour M le premier Vicaire de J.C. , 8c le fiége Apof-^ n tolique pour le centre de l'Unité. »

Mort de Louis XIV.

L'oppofitlon que la bulle Unigenltus trouva en France, remplit d'amertume les dernières années de Louis Xll^\ les maux du corps aggravoienr le» afili^ions de rcfprii. Ce moaarque s'afltoihliilok

49^ E L E M E V S

de jour en jour ; enfin il mourut le premier Se3- terrhre 1-15 , avec cette grandeur-d'amc qui avoit anime le refte de fa vie. Tous fcs difcoars furent d'un prince Chrétien. Le» fcntimen» de Religion qui croient dans fon coeur , parurent alors dan* leur plus grand éclat ; on le vit aux prifes avec la mort , dans toutes les angoiiTes de l'agonie , fe plaignant feulement , au milieu de fes plus cruelles douleurs, de ne fouiTrir pas aflez pour i'cxpiatiom de fes péchés.

On lui dit en lui prcCcnrant des cordiaux tSirt^ en veut vous rappetUr à h vie \ il répondit : L/t t;« , la mort, tout ce qu'il plaira à Dieu. Il dit à feS domeftiques qui pleuroient : M'avt\-vous cru im- mcrtel} Il avoua fes fautes. Ayant fait-venir les Prioces & les PrincefTes da fang , il leur parla fans trouble & fans émotion, 8c dit au Dauphin , qui dcvolt lui fucccder. Mon Enfant , vous alle\ itre wn grand Roi ; ne m'irnite\ pas dans U ^oùt que j'ai tu pour la guerre ; iJcht[ d'aroir la pmi* avec vos vot» fins. RenJei à Dieu ce que vous lui deyt\ ; reccnnoif- ff^ Us oh/igaiions que vous lui avc\ ; fmiltS'lt A»- no''tr par vos fujets, 5uive\ toujours de honr tomftlli» Tâ(he\ de fvula^er vos peuples , et que je fuis afff^^ malheureux de n'ê*oir pas pu faire. Loun XIV exhorta enfuiie let Prchtt qui ctoient autour dt lui i f'ire- triompher la caufe de l'Eglife. Il fou* tint ainfi , iuTqu'au dernier moment , le furnom Cr.tnJ que l'F.'irope lui avoit donne , 6c que poAcrité lui confirmera.

DE l'Hi?toîîie Ecclésiastique. 4f^9

Mon Je Clément XI.

Cette fermeté d'ame qui accompagna Lou!i XlV au tombeau, anima aulïï CUmcnt XI. Ce pape vit la mort avec cette confiance qui fe rcfîgne aux ordres éternels -, il ne montra jamais autant de force que dans ce terrible moment. L'E^life le perdit le 19 Mars 1721 , jour de S. lufcph donc il avoir compofé l'Office ; il voulut être cnféveli dans le caveau qu'il avoir fait-conilruire de foa vivant , avec cette fimple infcriptioa : jacct Juannes'Francifc-is Aibanus. La candeur de fon ca- ractère , la pureté de fes moeurs, fa tendre bien« faifance, excitèrent les plus vifs regrets. Géné- reux envers tout le monde , il ne fat avare que peur lui-même -, il réduifit fa table à la plus graada frugalité , tandis que des mil'ieps de pauvres trou- voient des reiTources pour tous leurs befoins dans fon immenfe charité. Marfeille , affligée par ut» fléau terrible, reffentit les effets de fa commifé- rarion. Les qualités de fon ame étolent peintes fur fa phyfionomie , & fou feul afpecl infpiroit les vertus dont il étoit pénétré.

Ponùficdt ^'Innocent XIII de Benoît XIII; - RcJÎ'uutions fuites au S. Siège,

La vacance du fdlnt-fK,^e ne fut que de qua» rante-neuf jours. Le cardinal Mic/ie/-Ange C^nti , Romiin , evéque de Viterbe , âgé de 66 ans , d'une 4es plut illuAres familles de Kome , qui avoil

500 F. L E M L N J

<ic)a conne douze Fjpcs à 1 Egliic , fut placé fur la chaire poaiiftcal« fous le nom A'Iin^ctit XIII, Le nouveau Fape , prudent , Ttge. pacifique, cc'.ai* re. avoic l'ane noble, cftimoit le mente & pro- tégeoit les fctences. Les circontlances dam ieC» quelles il fut clu , paroilVoient peu fivotdblesau repos du fouverain Pontife. Les ProtcAans ayant pluùeurs Princes pui/T.ins dans leur communion , formoient de violens projets ci'ctendre leur icdeea ^l!;magaet le^ l'nn^ejCatholiques.divifesentr'cux, nctoiaot que foiblemsai attaches au faict<âege: Ja Fiance c:oit toujuais a^i.cc par dei dii'putes fur l'accepution de la Bulle L'mgtnitut ; 1 empe< xeur répetoit U poiTefTioa des duchés de Panne & de Plaifaoce , tandis que l'Eipagne demandoic celle de Cafiro âc de Roncigiione. <')a eipcroic que Je nouveau Pape termineroii tous les difTcrende & appianiroit toutes les diâicultes-, mais il ne licgea qu'environ trois ans. Il mourut le 7 Mars 1724« Comme on le prclToit a l'heure de la mort de rem- plir les places vacantes dans le facré collège , il ré- pondit: Ji ne fun p.'us ic te mondt. Les cardinaux afTemblcs au conclave , lui donncreot pour fuc- ceiTeur !e cardinal l'inctr.t Sijr.t de» L'rjiat , Do» ininicaio, clu après une vacance de 2 mois fie 11 jour», fervent religieux , pieux caidiaal fit faine pape.

Lci vertus du nouveau Poatife , refpeAces de* cnnemit mcmci de rLi;;ife , oputicnt une rcfti. Autioa aptCi lac^ucUe U cour Uc Mut&c iwuyuu^»

DE L*HlSTOIRE ECCLESIASTIQUE. ^Oî

Clément XI n'ayant pas voulu reconr.iitre l'ar- cbiduc Charles pour roi d'Efpagne , l'empereur s'em- para en 1708 de Comachlo dans le Ferrarois. Quoi- que ce Pape eût fait la paix avec l'empereur Jum feph , cette ville n'avoit point été refiituee , ni fous fon pontificat , ni fous celui A' Innocent XIII, Il étoit réfervé au zèle aftif de Eenoît XIII , de procurer ce domaine à l'Eglife •, il obtint de l'em- pereur CAjr/^j /^, que les Impériaux évacuetoient cette place, & c'eft ce qui fut exécute en l'évrier de l'année 171^'

ChrîJl'uKÎfme prêché & profcnt à la Chine ; Difputes fur les Cérémonies Chlnoïfes,

La joie qu'eut le Pape du fucccs de cette aftair*,' fut trouSlée par l,i nouvelle des malUeurs que le Chriftianifme venoit d'éprouver à la Chine. Com- me nous n'avons parlé qu'en palTant des mifllons faites dans ce vafte empire, & des travcr'is qu'el- les éprouvèrent, nous faitifTons cette occafion pour en tracer une courte hiftoire.

Après la mort de S. François Xavier , quelques Religieux, animés par fon exemple, trouvèrent le moyen de pénétrer à la Chine. Le P, Mjtthitm Ricci, Jéfuite, y annonça l'Evangile avec tant de fucccs , que fcs confrères le furnommérent VApCtrt des Chinois. Ce mifTionnaire avoit eu certainement beaucoup d'obllacles à furmonter. Premiércmenr , les peuples de la Ch'ne ont pour les autres ni- fions un mépris , que le P, F-'ai vint à-buu:

Ç02 E L E M E N S

vaincre , du moins en partie. En fécond lieu , il falloir apprendre lear langue, & elle eft [lus dif- ficile toute feule , que la plupart de celles de l'Eu- rope enfemble. C'cft une n-.ine il y a toujours à creiifer. Les Chinois n'ont point, comme "les autres peuples, un alphabet , qui , à l'aide de vingt- quaire cara^ùes , puifle fufîire à tout exprimer. Au lieM de lettrcî , ils ont trois mille trois cents quatre-vingt-dix caradcres primiiifs , dont cha- cun expriiT.'j une Idée. Leur kr^ueel: donc ccm- pofec d'une rruhitude de fgures -, & a ir.efure qu'on fait de nouvelies découvertes dans la na- ture & dans les arts , il faut de nouveaux caraûé- res pour les exprimer.

Ces difficultés dévoient effrayer les Europsens ; le P. Ricci les furmonta. 11 parla facilement une langue , que la plupart des Mlflionnaires font ré- duits à bégayer toute leur vie. A fcs talens , il joignit un efprit fouple & un caraftcre adroit , qui fçavolt fe plier à celui des peuples qu'il vouloir convertir. Les Chinois , fcrupuleufement attachés à leurs ufages & à leurs cérémonies , en obfcrvoient à l'égard de leurs pirens morts & du philofophe Confucius , qui paroiffuienc tenir de l'i- dolâtrie. Le P. Ricci en penfa diflcremmcnt : il jugea que cps cérémonies tiolcat purement ci- viles & politiques, & il les toléra d'autant plus facilement qu'elles avoicnt jette les plus profondes racines. Les Domiaicaios étant entrés dans la Chioe'pour

t>E L*HlSTOlRE ECCLÏSIASTIQUE. ÇO5 exercer l'apcftolat, ne s'accoir mode- tni point de la çondefcendance du P. Ricci ^ qui leur paroliToit plus politique que Chrétienne. Leur Père M^-^Iès vint du fond de la Chine pour porter fcs plain- tes au pape Innocent X confe les mlfTionn .ires Jéfuites. II obtint en 1645 un décret de la con- grégation de la Propagande , par lequel les céré- monies Cbinoiies furenr condamnées. L; Pape donna fa fan^ion à ce décret. Mais l'année fui- vante , les Jéfuites ayant expofé h queilion fous une autre face, obtinrent un décret tout contrai- re, qui jugeoit les cérémonies Chinoifes purement civiles.

, Tandis qu'on difputoit en Europe, les Jéfuites profpéroient à la Chine. Leurs profondes connoif- fances dans les Mathématiques, leî rendirent extrê- mement chers aux Empereurs de la famille Tartare , qui, vers le milieu du xvii' Cécle, s'étoient rendus maîtres de l'empire Chinois. Ce fut principalement fous le règne de l'empereur Cjrz-///, prince d'un génie élevé , ami & protecteur des lettres , qu'ils jouirent de la plus haute faveur. En 1692, ce prince déclara par un Edit folemnel , qu'il regirdoit la Picligion Chrétienne comme une doctrine iniiocen- te , & il permit de l'enfeigner.

Parmi les Miiîjoonaires envoyés à la Chine , on diftinguoit un Jéfuite de Bordeaux , appelle le P. Ccmte. A fon retour , il publia en 1700 deux volumes de Mcn:.,ir(s fur l'état de cet empire. On y Ufoit , «iue ce peuple avoit conlervé pendant

504 E L E M F y s

deux mille act , la conncifîànce é.» vrai DiBV ; qu'il avoir facriné au Crcatrur dans le plus ancien teirple de l'univers ; que les Chinois avoient pra* tique les plus pures leçons de la iroralc , «andis que le refte de l'univers avoir crc dans l'erreur Se dans la corruption.

L'Abbé Bt,ileau, frère du Satyricue , frrrir foa etrrcau ébramic (ce turenr fcs expreflions ) par cet éloge des Chinois. 11 etoir dcdleur de Sorbonne, & il le dencmça à fa ccnpas;nie comme un blaf* phcme , qui mettoir !e peuple àx la Chine pref- que au niveau du peuple de D-cii. La faculté prof* crivlr CCS proptlltions , ainfi que le livre dont on les avoit tirées ; Se ce fut le même inotif,qui porta long-tems après le parlement de faris à lo condamner au feu par fon Arrêt du 6 Mars 1761.

La cenl'ure de la Sorbonnc ayant réveille la dif< pute fur la légitimité des cérémonies Chinoifet , & la querelle devenant toujours plus vive , CU- nent XI crut pouvoir la termirer en en%-oyant en I701 un légat à la Chine : il chcifit Thim»t MsU» lard , archevêque de Tournon , qui n'arrivt à Pékin qu'en i ~Of . Ce légat ayant eu une audience de TF-mpercur de la Chine , fit divers nglemens que les MilTionnaires ne vc«u!iirenr point obirr- TCt , flc il mourut en pnfon en 1710 -, viâime, tiifoft-on, des Jéruitestuxqiiel» on ir -«rt,

ou plutôt de» fif^'ues , de» traverfci, . ip-

tÏTité qu'il avoit effityôe^.

Ciimtnt A7, fcoTiblc à f<l pcri» , fit fon éloge co

l-lcin

feï l'Histoire Ecclestxsttque. ^of

plein conCftoire. « Comme un or pur , dlfolt-il , »• le cardinal de Tuurnon a été éprouvé dans la fournaife par un nombre infini d'injures qu'il a r> fouffertes avec une grandeur-d'ameSc une force »• mcrveilleufes.'» Cependant il ordonna le ijDé» ccmbre 1710, que les décrets émanes de l'Inquifi» tion ou du S. Sitge fur les cérémonies Chinoifes , feroient exécutés à l'avenir , & qu'on n'allieroic plus le culte liu vrai Dieu avec celui de Baal,

Les difputes des Miflîonnaires avoient fait tort, dans l'efprit des grands & du monarque de U Chine, à la religion qu'ils annonçoient. Après la mort de l'empereur Cam-Hien 1714, fon fucceffeur Vj' iCiiing ordonna , q le non-feulement les apô- tres du Chriflianifme fortiroient de fes états , mais encore tous ceux qui profeflToient cette Re- ligion. Comme ce prince étoit naturellement bon , il ce décerna pas des peines rigoureufes , & il re- tint même auprès de lui quelques Jéfuites diAin» gués , ou comme artides , ou comme fçavans. II td (^ifficile de dire en quel état eft la Religion Chrétienne aujourd'hui en cette contrée : les re- lations fe contredifeot , & on exagère ou l'on ex- ténue les fucccs des Apôtres de la C'iine , feloa l'efprit qui dirige ceux qui écrivent ces relations.

Il :n a été de même dans les éloges ojtrés qu'on a donnés aux Chinois. Il cA certain que les Minionnaires n'ont tant fait-valoir le mérite de ce peuple vain & frivole , que pour donner plus d'cc'.at à leurs conquêtes fpirituellcs bi lum

Ton, II, r

■jO^ E.LE M E K s

juge de cette nation par ce qu'en dit l'amiral ^«/îvi 6c les voyageurs poftiriejfs ,-ellî ae mi:rite pa» le titre de prtmiir peuplée de l'Univers , que lui ont donne quelques Phllofophes entlioufiittes,

E: quant aux Lctt-c$ Chinois qu'on a tant van- tés, il faut convenir qu'avec leur prctendue lit- térature , ce font des hommes très-ruperditieux, Une magie aveugle , une futte crédulité aux foa^ ges , l'invocation des génies 5c des démons , une idolâtrie ftupide, enfin les préjugés les plus mé» prifâbles , font trcs-comnuns p:rmi ces hommes fi éclairés de la prcmicre nation du Monde.

Concile d'Embrun ; acceptation du Cardinal de Noaillis.

Tous les Evèques de France n'avoient pas reçu la B.ille Unigenitus , que quelques-uns même trat- toient de décret monllrueux. De ce nombre éroit Soëntn , évèque de Scncz , vieillard rcfpe^lable par fes vertus i mais qui , ayant eu occaùon de connoitre Quefntl à l'Oratoire , dont ils êtoient membres l'un & l'autre, s'ctoit rempli de fes fen- timens. Il publia en 1716 une lnf\ruc\ion pjHo- rale.dans laquelle il combloit d'éloges le livre des Rcflexiont moraUi , & pei^noit la Bulle i'ni- genituM avec des couleurs peu favorables à cette conditutiun fie a ceux qui l'avoient follicicce.

h'i, de Tencin , grchcvc'jue d Lmbrun , fit mctro» politam de rtvéque de Scnet , eut ordre d'alfem- blcr uo Coaule provtu:ul d^ii» fu \ilk «rdiir

DE l'Histoire Ecclésiastique. ç«>7

eplfcopale. L'ouvercure de ce fynode fe fit le 16 Août 1717. M. de Sûancn y fut appelle , & , mal- £rc fes protei^ations contre tout ce que les Pré- lats affemblés pourroient faire , & fon appel au futur Concile , il fut déclaré fufpens de tout pou- voir & de toute jurifdldlion épifcopale ; on con- damna fon Inftrutlicn patiorale , comme témérai- re , fcandaleufe , féditieufe , injurieufe à l'Eglife , aux Evcques 8f à l'autorité royale. Une lettre-de- cachet l'exila à l'abbaye de la Chaife - Dieu en Auvergne, il mourut en 1740, à çz ans ; fa retraite fut d'autant plus fréquentée par fes par- tifans , qu'à beaucoup defprit il joignoit de gran- des vertus. 11 fignoit ordinairement {es lettres , Jean , tvîque de Sene\ , pr'tfonnier de Jefus-Chrift ; 3c ceux qui étoient attachés à fa caufe Se à fa per- fonne recevoieot ces lettres comme celles d'un Martyr,

L'année d'après la condamnation de TEvêque i* Scnez , le cardinal de Nuailiet , archevêque de Paris , accepta la conAitution Unigcniius par un Mandement publié le 11 Oilobre 1718. Dans ce Mandement, fon Inftrutlion paflorale du 19 Jan- vier 1719 fut révoquée , les R<- flexions morales condamnées dans le même fens que Clément XI les avoit anathématifies. Il écrivit en même tems une lettre .irculaire à tous les Evcques du royau- m;, & une lettre particulière à 5«ij.'f A7//, qui, comblé de joie par cette acceptation pure & fira- ple, le remercia dans toute l'efFu/ion dcfoncaur*

Yij

Le cardinil mourut l'année d'après, à 7S ani, A des m jîurs pures i j une piitc foHde , il avoir toujours joint un extérieur très-rt^uîier , une mo* dcftie dans les man'cres, une égalité & une dou- ceur de caraûére peu communes. Ses charités itoicnt imiienfes. Ses meubles vendus , fie toutes les autres déf eafcs payées", il ne laiffa pas plus de 500 livres. Ses epnemis ne purent refufcr de recoonoirre en lui les meilleures intentions. H ■imoit le bien & le faifoit. Ecriture fainte , Père» «le lEglife , trnditioii , théologie pofuive , théo- logie morale-, il fçavoit tout ce qu'un Evcque doit fvavoir.

Prétendus Miracles de Paris.

L'année de la mort du cardinal de Njai!U$ \ le tombciu d'un diacre de Paris , nommé l'Abbé Paris , frère d'un conrciller au Parlement , vitn agiter la capitale d'un nouveau genre de faoa- cifme. Ce diacre ctoit mort appcllant & réap- pel!ant ; le peuple lui attribua une quantité in- croyable de miracles. Celui qui fit le plus de bruir , & qui fervit le plus i nourrir la crédulité du peuple , fut la prétendue gucrifon d'une fille aveu- gle & perclufe, à la fin d'une neuv.iinc faite fur le tombeau de Pârit. On publia le détail de ce pro- dige dans une difTertaiion remplie de tant de cer- ti/icùt« , que les efprits les moins crtdulcs cioient en fufpent. M. du Lui, qui avoir faccédé au cardinal de SoêitUi daoi l'arcbevivhi de Paris , ordOQM

I

DE L*HlSTOIRE ECCLESIASTIQUE. 5c J une informatioa juridique. Les CoaunifTaires nom* mes par ce Prélat , reconnurtot qu'il n'y avoit eu aucune gucrifon , que les fjits avoient été al- térés , les atteAations falfifices -, que la prêteur due aveugle n'avoit jainals perdu la vue , & que long-teras après la neuvaine , elle avoit toujours eu la même peine à marcher. Le miracle fut donc déclare faux , la diiTertation condamnée , U on défendit de publier de nouveaux prodiges fans r>.u< torité de M. l'Archevêque.

Cette dcfenfe r.e put arrêter l'enrhouiiafmeexiité par le récit des nuracles attribues à l'Abbé Pdrij, On alloit prier jour & nuit fur fon tombeau au cimttiére de S. Midard ; on éprouvoit des con* vulûons fie des fecoufTes extraordinaires ; enâa il y eut des chofes û ridicules , que des difputes théologiques qu'on devroit toujours traiter gra- vement , furent malheureufement un objet de dé« riûon pour une partie de la aa;ion , &: la Reli- gion n'y gagnoit point. Un Jefaite ( le P. Scu- ^eant ) ayant ofc faire une comcdie fur les pro« diges du diacre Parilîen , les plaifanteries qu'il em- ploya contre ces prefliges , ont été tournées de- puis contre les vrais miracles par un ennerr.i de la Religion , ôt tres-mat-a-propos. La force de l'imagination pourroit avoir opéré quelque guc- rifon paffagére fur le tombeau de l'Abbi P^lrii i nous ne voulons ni l'avouer, ni le nier: m^is , dans les relacions publiées à ce fujet , on ne voit ni mort relTufcité, ni moatsijnv tran^portcc , ci f»^

t»'^ E L E M Ë V $

vicre mife à fec , ni même aucun fourd 8c aveugle- , recouvrer la vue & l'ouie. De tels miractes configncs dam le$ Lcritures , ou dans les Hiflo- TÏens ecclcfiaftiques , font rcfervcs à l'Auteur de la nature. 8c à ceux qui en ont reçu le pouvoir de £a divine bonté.

Ponti/îcM de Clément X 1 1 ; fon dc/imirejjcment,

Benoit XIII mourut en 17ÎO , âgé de St ant. Le cardinal Liurtm Cvrfini , Florentin, dcftinc par la providence à gouverner l'Eglife univcrlelle , fut élu par le fufTrjge unanime de tous Tes coU lègues. Le pontificat de Btnvii XIII avoir été gouverne par le cardinal Cofcia , homme derpotiquo & hautain , qui avoit révolte les Romains par fet manières & par la création de nouveaux impôts. Le lendemain du couronnement du nouveau Papr , le peuple aflTemblc de toutes pans .cria: yin C!i~ mint XII \ iufl et des inju/iices du de-nitr min'tfit't ! Cette juflke fe fit ; ceux qui avoient malverfé furent punis, 8t le cardin.il C /ci* fut enfermé au ch.tteau Si-Ange, il expia les .thtit d'.iutorité iont 11 t'érott rendu cou pabl».

La nomination aux bcntfico un 1 nixit jM>it brouille penUni quelque temt la cour de Rome 8c celle ic Savoie-, d'4uirc« ohiets t'itoient mcics i cette di pute, U l'on defiruii que la paix fe fit en- tre les deux coutt. Ces différends furent en effet lunuoc* cp 17}9 C( IcKoi de ^rd^ignc obcia»

DE l'Histoire Ecclestastique. ^ii'

un cïvapeiu de cardir.iî 2 fa nomimtion , cor.^mo les 2utii.'S couroriDcs Caù. cliques. Le Pape eilt encore le plaifir de voir lîs Princîs de 'VX'irtim- bçrg rer.oncer au Luthérarirmc, 8c reconnoîtrc le fiége Aportolique pour le centre de l'unité.

La vieillelTe du Ponrife étoit très-avancée; en- fin il paya le tribut à la nature le 6 Février 1740, à SS ans. Les aumônes qu'il répandoit & les ver- tus qui l'iUufiréfent, furent l'objet de l'amour des V^jêts de l'Etat eccîcfiaflique. Ses levenus furent four les pauvre»; fon trcforijr lui ayant rendu fe> comptes , il vit qu'il n'avoir pas 1500 écus en caifTe : Ci,mnent, dît lePspe ,j'etots p/uj riche étant cardinal f qut depuis que je fu'u Pape! & cel4 ctoit vrai.

, £kfSon de, Benoît XIV ; fcs grandes quaUtisi

Le faint-néige vaqua pîus de fix mois après la mort de CUmtni XII. Enfin , après bien its agita- tions , toutes les voix fe réunirent en faveur du cardinal Prefper Lamhertini , de qui il n'avoit pref- que pas été queAion dans le conclave. Son mé- rite auroit dl^ , ce femble , fixer plutôt Tattcntioa des cardinaux -, fon nom étoit célèbre parmi les fçava«s de l'Europe, par des Ouvrants remplis d'c- rudition, & par fa profonde connoi/Tance du droit canonique. Après avoir pafTé par différens em« plois , i! étoit parvenu au fiégc arcliicpifcopal de Bologne fa patrie , te s'y étoit faitaimer par une humeur cnjor.ce , par un carafttre affahie , p4* en cfpric impartial âc juAc, T iv

fit E L t M E y s

Lorfqu'il fac parvenu au pontificat , îl prit U Bom de Echoit XIV ^ en mémoire de Benvit XII t , qui lui avoit accorde la pourpre Romaine. Sa douceur pjrut dans Tes audiences , il accueil- loic cgalcracnt les grands fie les petits -, 6c foa goût pour les fciences fe foutiat fur le trône pon- tifical. Trois académies furent établies en 1741 i il les compofa des hommes les plus fçavans de Ro- me, & les chargea de travailler , l'une fur l'Hif- toire EcclcfiaAique , l'autre fur l'HiAoire profane, te la troifiéme fur les Canons 6c les Dccrctales des Papes. Ceux qui fe diAingueroient dans chaqut genre, dévoient être récompenfés par des prix ho- norables, 6c ils l'etoient encore plus par l'accueil gracieux du fouverain.

Il ttoit furvenu quelques différends entre la cour de Rome 8c celles de Naples au fujet de la jurifdidion eccléiîailique -, ils furent terminés en 1741. Cette même année il y eut un nouvel ac- commodement entre le duc de Savoie 6c le Fapc. Par !e traité fait entre ces deux puidances , le Roi de Sardaigne nominoit a des cvcchcs de fes états , vacans depuis long-tems. Btnoit XH' lui accorda enfutte le titre de grand-vicaire des Acfs du faint ûcg; dans le Piémont , fous la redevance d'un calice d'or , qui doit ctre prcfcoté tous les ans au faini-ficge le jour de S. Pitm.

Chaque année du pontificat de Btnoit Xll'fat ourquce par quelque bulle pour reformer des abas* ou pour inuoduiie des ufages aules. Il tcot^u-

DE l'Histoire Ecclésiastique, çtj

vella les décrets portes contre les fauteurs de» pratiques idolâtres, introduites daas les minions de l'Inde & de la Chine. II forma des projets de réunion pour les différens hérétiques ftparsis de l'Egllfc -, il auroit voulu terminer les querelles touchant les matières de la Grâce. Son idée étolc de faire-figner un corps de doctrine , telle vé- rité feroit prcfcrite & telle erreur condamnée i maig ce projet filage n'eut point d'exicution.

Refus des Sacnmcns ; Billets de ConfeJJîon,

Son efprit de modération parut fur-tout dans la dlfpute élevée en France , en 1751 , au fujet des refus des Sacreraens, faits aux Janfénirtes , Se des billets de confelTion exigés des malades qui étoient foupçonnés de l'être. Cette querelle, dont le théâtre fut principalement a l'aris , efl trop ré- cente pour la retracer. Le repos de l'épifcopat »• de la mag'ilrature Se de beaucoup de citoyens en fut troublé. Ic^j</> -YF voulant ércindre cette guerre ir.ieûine qui divifoit fou royaume , confulta ^e- noit XIV, Ce Pontife envoya au Roi une lettre circulaire pour tous les Evoques de France, dans laquelle , après avoir établi que la conAitution Uni^cnitus étoit une loi univerfclle , à laquell* onncpouvoit réfifter fans fe mettre en danger de perdre fon falut éternel» il donno't un tempéra- ment qui devoir (atisfairc tous les partis, en ce que les rtirai^aircs à la Bulle ctoieni jugés indi. gpes des Sacreraens, comme Us pcheurs public*»

Yv.

^4 E L E Nf E V s

il leur révolte ctoit notoire , loit par le droit J foit par le tait. Cette Lettre er.c^cUgue , en date du i6 Oâobrc 1756, fut reçue par le Clergé de France , & peu-à-peu ramena la paix.

Alort de Benoît XIV ; fon élo^e.

Le bref de Btnvlt XIV h Louis X y . e(i de I756; il mourut environ un an 8c demi après, en 175S. Aime des Catholiques , refpci"^; des Protet^ans , prince (ans favori , pape fans népotif- me , auteur fans vanité, il mcriia les hemniages des ennemis mômes de l'Eglife. Son dcfintcrcf- fement ctoit extrôme. Des qu'il fut fur la chaire de S. Pierre , il céda à la chambre ApoAolique ce que fes prcdéccfTeurs mettoicnt au nombre de Icuri revenus particu'iers. Il lailTa fcs parens dans t'ctat qu'ils avoient avant qu'il parvint au pontt> ficat. Enfin il eut le caraflércde la véritable vertu: Il fut dur pour lui-même , & indulgent pour les autres. Le cardinal CharUs Rt\\pnico ^ Vénitien ^ prélat plein de douceur , de bonté 8c de religion, lui fuccéda^

Expulfion des Je fuites^ du Potuti^l ; DigreJJtMi fur Us m'tjjitns du, P^aguai»

C'eft fous ce Pontife qu'une focictc nombreufe; puiflfantc en crédit , en lumières , en ri^helTei , cprouva les premicre» fecouITci de fj chute pro* (haine, ntnoit XIV , averti par le Roi de Por- tugal que Ut J^foitct du Paraguai s auiibuctait

DE l'Histoire Ecclésiastique, çtç

des droits contraires à 1j rnodeftie rcîig-eufe & 3UX prctentions dçi Souverains , adreffa au car- dinal SjlJanha un Bref pour les réformer. Ce bref n'opcra pas de grands changemens. Les Jcfui- tes déplaifoient toujonrs aa Roi de Portugal, qui les priva en 1758 de leur emploi de confciTcnr à la coar , & leur donna toutes les marques delà difgrace.

On prétend que le premier ornge que les Jé- fuites éprouvèrent en Portugal , vint du fond du Paraguai. On fçait que , vers le commencement du dernier fiécle , quelques Mi^Fionnaires de cet ordre s'ctoient frayé l'entrée de cette province de l'Amérique Méridionale qui confine les éta- bliffemcns Efpagnols & Portugais fur la rivière de la Plata. Les h^bitans de ces contrées étoicnt à-peu-prcs dans l'état des Sïuvages , ne connoif- fant aucun Art, &: cherchant une fubfiAance pré- caire dans le produit de leur chalTe ou de leur pêche. Les Jtfuites entreprirent d'inftruire leurs arr.es, & Ictr apprirent a donner à leurs corps une nourriture qui ne irtanqua jamais.

Après les avoir engagés à fe réunir dans des villages, ils leur enfci'^nérent l'art de bâtir des maifons , de cultiver l.i terre, & d'cicver des ani. maux donief^iques. Les principes de la fubordi' nation & «ie la police leur étoient inconnus ^ il» ccmnienctrcnt à goûter les douceurs de la fo- cicté & les avantages du bon ordre. Les Jcfukes gouveroant les peuples qu'Us avoient civiUfos y

5l5 E L E M E N s

avec la tenJrcffu- d'un pcre , entretenoient iki* égalité parfaite encre les membres de cette nom- breufe famille. Le produit de leurs champs, tous les fruits de l'indullne des particuliers , croient daos des magafms commuas pour les befoins de chaque individu. Un petit nombre de mag:ftrat«, ctioiàs par les Indiens eux-mêmes , veilloient fur la tranquillité publique. Une légère réprimande, une petite note d'infamie , ou quelques coups de fouet pour les fautes graves , fuftifoient pour ramener au devoir ce peuple innocent & hea» leux.

Mais en faifant le bonheur de ces fauvage» Américains , les Jtfuitcs ttoicnt foupçonnes en Europe de les avoir civilifts pour les gouverner cxcluiivement. Us avaient défendu toute corn* munica-.ioii avec les Efpagnols ou les Portugais leurs voiiîns -, & tl n ctoit permis a aucun négo- ciant de ces deux nations d'entrer dans leur ter* riioire. Les Indiens leurs fujcis n'ccoient inftruits d'aucune des langue* de l'ancien monde & a me- sure qu'ils civilifoient quelque tribu nouvellt ^ ils raiTuiettilToient à un dialeif^e particulier , qu'ils chcrchoient a rendre univerfel djns tous leurs- éonuines.

A ces précautions , les Jcfuxc^ eu i<.>>^uitent (dit-on) de plus ;ilarmantes pour lesRoisd'Ef- pagni 6( de for<uf;al. Ut formèrent des corps de cavaleiie bien armes & bien difciplines. Ut ccabit- moi. des Aircoaux fouiais d'Irma ia de ouoi*

DE L*HlST01RE ECCLESIASTIQUE» ^17 fions de toute efpcce. Ei.rin ils eurent des for- ces militaires , pour fe fdire-craindre dans un pay» les Efpagnols & les Portugais n'avoicnt que que!(|ues bataillons délabrés & mal difciplinés.

Les Rois de ces deux nations , infttuits par les gouverneurs des provinces voifines du Para- guai , parurent crindre que les Jcfuites n'cten- diiTent la domination de l'ordre fur toute la par- tie méridionale de l'Amérique.

Dans ces circonftances , il y eut un complot hjrr.ble formé contre Jufcph roi de Portugal ; il fut affafiîne le 3 Septembre 175S. Quelques Jc- fui es furent impliqués dans le procès fjit aux conjurés. On prétendit que les principi.ux chefs de la coofpi ration s'etoient confeffcs à des mem- bres de la fociété , qui , loin de les détourner de c; crime , les y avoient encouragés. Cette ac- cufation n'étoit pas , fans doute , fondée fur de» preuves évidentes ; mais le Roi de Portugal, pré- venu contre ces Religieux par fon premier miniftre C-irvalho , les chafla en 1759 de fes états. En ex- puUant les Jcfuites , on en avoit fait - enfermer trois qui paiToient pour les plus coupables. De ce nombre ctoit Mj/agrida , Jéfuite Italien , mif- iîonnaire à Lisbone, qui fut brûlé par ordre du St - Office le 21 Septembre 1761 , non comme complice d'un parricide i mais comme un fau.x- prophète, qui s'étoit attribué le don de prophé- tie &. de miracles , & qui avoit écrit d'ni!!eurs iu ouvrages remplis de pieufcs cx:ravag3Qc:s,.

<lS E L E M E y s

Expuljîon des Je flûte s , de France^

Les ennemis que les Jéfultcs avoicnt en Franc# profîtcrent des ombrages que leur expuliion de Portugal infpiroit , pour augmenter la haine du public & pour opérer leur deflruâion. II fe prc- fenta bientôt une occafion favorable à leurs def- feins. Un Jcfuite François nomme /* fj/wt* , chef des mifi:ons de l'Amérique , homme ambitieux » hardi Se entreprenant, faifoit le commerce à la Martinique , & avoir des correfpondances en France. Les Anglois lui ayant tait dans le cours de la guerre de 17)6 des prifes confidcrables , il efîuya des pertes qu'il vouLit faire-fupporter à fes corrcfpondans de Lyon & de Marfcille. Ces négocians Pattaqucreat , lui & fcs confrères, en )u(\ice rcglce. L'affaire fut portée a la grancfe chambre du parlement de Paris , Se les Jcfuites 'urent condamnés tout d'une voix. Oa leur in- terdit le commerce qoe faifoient quelques mem- bres <!e la focictc , 8t on les oMigca .de payer les dettes que cette piofclfion fi^peu faite pour ëes Bcligieirx leur avoit occaftonnccs.

Dans le» Mémoires imprimés contre les Jé- fuites , leurs adverfaires prcientUrcni prouver que ce» Pères , en vertu de leurs Confliiution» , étoient folidaires les 00s p»ur les lutres , & que ceux de France dévoient icquitter le» dettes des mifi fions Américaines. Urt Arrit du parlement ,da \ ;loût X761 ,eo exigeant f^'w (ameufcs Coaf,

DE lUistoire Ecclésiastique, çrj;

blutions fufTent produites , oidonoa par provi- fion la clôture des Collèges des Jéfuites pour le premier Oflobre fuivant. Liuis X V prorogea tems jufqu'au i" Avril 1762, & cette proroga- tioo faifoit-appréhender qu'ils n'obtiniTeat desmar. ques de faveur encore plus iigna!^es.

Le Roi confulta fur cette grande affjire les Evoques qui étoient à Paris. Le plus grand nom- bre étant favorable à laconfervation des Jcfuites , i-ou/jA"^, déférant à leurs avis , rendit un Edit dont l'objet étoit de les laiffer fubriftcr.en mo- difiant à plufieurs égards leurs ConlUeutions. Cette Déclaration, portée au Parlement pour y être en- regiArée y trouva une oppoûiion gcucraîe. On y fit de fortes remontrances i & ces remontran- ces eurent plus de fuccès que ne pouvoit atten- dre le Parlement mCme. Le Roi , fans y rica repondre, retira fon Edic

Peu de tems après la Cour déclara au priacl-' pal du Collège des Jéfuites de Paris, qu'il ne lui reAolt plus qu'à obcir au Parlement , & à celfer leurs levons le 1". Av.il 1761. Depuis cette épo- que , les Collèges des Jcfuites furent fermes ; 8c la Société perdant la p rincipale branche de foa crédit, l'éducation de la NoblelTe , commençafé-. xieufement à craindre fa deflruflion.

En effet, le 6 Août de la même année, l'Indi- tut fut condamne par le Parlement d'une voix unanime , fans aucune oppolition de la part de l'autorité fouveraicc, Lci enians de S. l^nat ,

Çl* E L £ M E N s

cbligés de renoncer a la Règle de leur pcre » fu-cni fccularifes & ditfous , leurs biens aliénés' & vendus ; & le plus grand nombre reftcrene difperfes çà & là, accables de ce^coup inactenda , te obligés de quitter un habit qui leur étoit cher Se que quelques-uns avoienc illuAré par leurs ralens. Les autres Parlemens de France ayant fuivi l'exemple de celui de Hans , le Roi contîrma la dilToluiion de la focicte par un Edit du moij de Novembre 1 764. Ln ordonnant que cette fociécc rero:t anéantie dans l'on royaume , il permit ncanmoins à ceux qui la com^oôienc de vivre en paniculier dans Tes Etats fous l'au- torité fpirituelle des Evèques , qui en employèrent plulîcurs pour le fcrvice de leurs dioccfes. C'eft ainiî que la deArudion d'une focicte puifTante & illuAre a plusieurs cgards,fut opcrce en moins de trois ans , fans bruit & fans rcfiHance. IMufieurt ex- Jcfuites , cachant le femiment de leur doa> leur , proHicrent da feul moyea qu'on Ic^ laif- foit d'être heureux en fe rcndatu utiles.

Cet evcnemi-'iit accabla de irlfteffc Cîtmtni XIII ^ protecteur & ami des Jéfuites, rur>tout lorfqu'il vit le Roi d'Efpa^ne , le Roi de Njplet & le duc de l'urme imiter la France fie fupprimrr la C^mpëgnit it J t $ i s. Une jlTaire particulio avec ce dernier Souverain contribua à r^panJre la douleur fwr fj refpei>«ble vicilîeffe. II crut le» droits du fouvcrain Uontife .Ktaquts par le mi. Biûérc Ptfbc^an. 11 Unça ua Bref, qui,eoitfiOU'

Di l'Histoire Ecclésiastique. 511

Ycllant les anciennes prcfentions des Papes , in» difpofa toutes les branches de la maifon de Bour- bon. On fe faidc d'Avignon & de Bcncvent , 8c dément XIII mourut au commencement de 1769, avec le chagrin de voir beaucoup de Puidances aigries Se de n'avoir pu les ramener.

Tableau du Pontificat de Clément XIV.

Des conjonâures H délicates dévoient rendre le conclave orageux , & il le fut auffi. Enfin le facré collège , dtcidé par l'éloquence perfuafive du cardinal de Bemis , proclama fouverain Pon* tife , le 19 Mai 1769 , le cardinal GangantUi , de l'Ordre des Mineurs conventuels, Prélat connu, comme Benoît Xlf^, par l'étendue de fcs lumié* res , la finefTe de fon erprit & la foupIeflTe de fon carafVére.

Peu de Pontifes avoîent été élus dans des circonftances plus difficiles. Le Portugal brouilîé avec le S. Siège depuis l'expulfion des JcAiites , vouloir fe donner un patriarche. Les Rois de Trance , d'Efpagne, de Naples, & le duc de Par- me, ne dévoient pas être difpofés favorablement, Venife prétendoit réformer les Communautés Re- ligieufes fans le concours de Rome. La Pologne cherchoit à diminuer l'autorité papale dans royaume. Les Romains eux-mêmes murmuroicnt. Enfin un efprit de vertige, répandu par de pré- tendus Sages dans toutes les contrées de l'Europe , actaquoit le Trône & l'Autel.

Çll E L E M E K s

Pour remédier à tant de itiiux di/Tcrens , CU' ment XIV chercha d'dbord a fe concilier le» Sou' vcrain$. Il envoya un Nonce à Lisbonue ; il l'up- pnma la le^lure de la Bulle In eccn* D^miii , quj tévolcoit depuis lon^» tcms les F rinces. 11 ferrp^ les yeux fur les cntreprifes des Vénitien» , pc - fuadé que la douceur les rameneroit. Il négocia avec l'Efpagne 5c la France , fans rien taire qui put marquer la pulillanimité ou la balTcH'e. 11 fe conduisit «n homme adroit 8c en gracd-homme* Preffc de (c cc^ldcr fur le fort dei JiCahit, dont pluûeurs Souverains follicitoient l'extinc- tion totale , il demanda du teins pour examiner cette grande affaire. Je fuis , ccrivoit-il , ptrê des jidelis , & fur-tout dit Religieux ; je Ht fuit m* décider à détruire un Ordre célèbre , /anj avoir dt* rt^i/ons qui me juflijient aux yeux de Dieu & de Ia foflirité. Entin , après deux ou trois anaces de dilcufTion, il donna le ii Juillet 1773 .'* f'Snieux Bref qui fupprime à jamais la Compagnie de Jt» avs i mais, en anéantilTant la focicté , il recoai> mande, dans ce .iicmc Br- f q /on a trouvé i\ rigou- reux . la plut grands cgardt pojr les membres qui la compofoient. Cette c-poque fut celle de la rcfti» tution des dorraines dont Ici Rois de France & de Napies s'ctoient fa fis : dumaines qu'on croyott perdus à jamais pour le faint-fic^e.

Clément XlV , accablé de maladies , de travaux 8c de foucis, ne fit prefque plus que languir de- puis U fupprcûioo des Jiifuitcs, Des la fia dft

DE l'Histoire Ecclésiastique, çi^

Juillet »774, le Pape n'é oie p!us qu'une ombre de Jui«mcme. Il fentoitdes douleurs cruelles , fa voijc s'ctoit éteinte. Je vais à /V/crnà* , difoit-ll , &■ je fçais pourquoi. En t. et il rendit le <?ernier fou- pir le il Septetnbre delà même annce , viftime d'un travail cxcelTif & d'un mauvais rcgime , tinfi que l'attefta fon mcciecin.

L'Eglife perdit par cette mort un Pontife fage, courageux, ji.fie, an i des 'ettre?. Elevé , comme Sixte V , de l'obfcurité du cloître a l'cclat du trône , élu comme lui dans des circunftances difficiles , confidcrc comme Sixu des ttrjugers & des Souverains , 11 ne fut ni dur , ni iiflexi- ble , ni fuperbe comme ce Pape. Ajoutons à ces traits qu'il fut de la plus grande fobricté , & aufS dëfintercfTé que peu faftucux. Aflîs au rang de» Rois , il fut fervi comme un limple religieux. Lorsqu'on lui repréfenta que la dignité papale exigeoit plus rl'apprèts , il fe contenta de répon- dre : Ni Saine Pierre , ni Saint François ne m^onê appris à dîner plut fplendidemsnt. Tout entier à fcf devoirs , il veilloit une partie des nuits , pour s'oc- cuper des aflFairps de l'Eglifc dont il étoii le chef, & des Ernts dont il étoit le père. La Rig/* , di- foi:-il quelquefois ,<y?/j houjfole des Religieux ; mais le bejl'in des peuples efl celle des Souverains. A quelque heure qu ils aient te/lin de nous ^ il faut êir» à eux.

Il étoit très - fecret , & , fuivant l'expreflîon d'un cardinal honunc-d'cfprit > fon pontificat a'c:

524 ElEMENS

toit pc$ celui des curieux, i'n S<.unrali ,(diroil dément Xiy ,) qui a bttutoup de icnJUtut ,«€ /f-m- Toh manquer d'are trafu : et qui ri a pis été dit , ne $\crit feint.

Les Anglo.s pljccrent de fon vivant fon burte parmi ceux des grands hommes. Plut à Dieu t dit-il , qui/t fffent p<,ur U Religion ce qu'ils fvnt pvur moi ! Lt$ intérêts de cette faintc Religion lui tenuienc au cœur , &, quoique très indulgent« il écrivit à Louis XV , pour l'engager à reprimer l'audace des apôtres de l'incredulicc. Sa p'cté ctoic finccre -, mais elle étoit noble & élevée comme le Chril\bnifme : & quoiqu'on ait tâché de U noircir, fon nom brillera toujours parmi celui de* grands Papes & des Souverains illurires.

Son. amour pour les lettres l'engagea de for. iner à Rome un Mufxum , il rallcmbla beau» coup de précieux rcAes de l'antiquiic. Il s'ctoic fuit-donncr une lifle des plus célèbres Ecrivains de fcs ciats , 6c li la raort n'eût pas empcchd l'exécution de fes defTcins , il devoit récompen» fer ceux dont les Ouvrages avoicnt pour ob- jet U Religioa ou la patrie, u II efl juAc ( difoit» U au cardinal Cdvalih.ni ) •• que les Auteurs qui n nous ioAruiTcnt ou nous édifient , trouvent det m rcmuncraieurs dans les Princes. L'argent a% M peut être mieux employé qu'à foutenir le mé« »• rite & à encourager les talent. Il e(l honieu* w qu'il n'y ait des rccherchci ciablies que pour p Us mal£Aiicuti , & qu'on ne t'uiforae ai de 1a

ri l'Histoire Ecclesia«>ttque. ^î^

M fortune , ni de la dc.neure des hommes qui M éclairent le monde.

Ele^Uon de Pie V I ; Jubilé Univerfel,

Après la mort de CUmcnt XfF , le; cardiniux furent occupés pendjnt environ cinq moi; à don- ner un chef à l'Eglife. Les vertus du cardinal Brafchi , d'une ancienne famille de Cesène , réu- nirent les fuffrages , & il fut élu le 1 5 Février 1775. Ce Pontif>; , diftingué par la droiture de fes vues , par fon caradlére généreux , par fon humeur bicnfaifjnte , & fur-tout par une piété excnlplaire , a commencé fon pontificat dans l'an- née fainte. Ceft ain/î qu'on appelle l'année du }u- llU Univcr/ei , dé]i. indiqué par Clcmcnt XIV, & confirmé par Pic VI.

Dans la lettre circulaire qu'il écrivit aux Eve- ques de la Chrétienté pour ouvrir les tréfor» des Indulgences , il témoigne fa douleur fur les maux de l'Eglife. Il fe plaint fur-tout de l'efprît de licence & d'innovation qui femble être aujour- d'hui le fceau de la philofophic.

M Après avoir répandu (dit -il) de toutes parti les ténèbres de leur impiété , & comme arr.!- M ché la Religion du cœur des hommes , ces M Phiiofophes corrompus tentent aufiî de brifor «» tous les liens qui uniilent les hommes cntr'eux M & avec ceux qui lei gouvernent. Elevant leur •• voix', ils annoncent àigrands cris que l'homme V cA libre , & répètent làùi cciTc qu'J o'cft

526 Elemens de l'Hist. Ecclesiast.

» fuumis à l'empire de qui-quc-ce-.oic ; que II M Tocictc n'eA qu'une inulinude d'hommes tgno> t* rans , dont la ftupidicc fe profterne devant des M Prêtres qui les trompent, devant des Rois qu M les oppriment -, de maïucrc que l'unlun entre n le Sacerdoce & l'Empire n'cii , félon eux « n qu'une confpiration barbare contre cette pré- M tendue liberté qui el\ naturelle à l'homme. Qui n ne voit pas, ( ajoute le fouverain Pontife ) «t que de ù moniltucufes extravagances & tam M d'autres dclires fembiables , couverts avec tant M d'art , menacent d'autant plus le repos & la »« tranquillitc publique , que l'on tarde a rcpri- tt mer l'impictc de leurs auteurs i & qu'ils font d'autant plus pernicieux pour les âmes radie» H tées au prix du fang de J. C. , que leur doc- n trinc comme la gangrène gâte de plus en plus M ce qui cA fain,& fe glilTe dans !es cours des H Rois , 8c ( ce qui nous fait prefque horreur M à dite ) s'inùnue jufques dans le fanûuaitc. ••

F I X.

A P P R O B A T I O N.

/'Al lu , par orért A< M^rj'rfneur It CjKDl'DfS- SciÂi X, un manL/trii ini.iu e : tltmeni de l'Hif- toire Lcdcfiaftique , dont la m.ihiJt fi. /j /uctjt mt parutffcni dtxoir jiirt'dipnr i'.inpitjj„,n. A Paru (t 20 itftimbrt 1781.

S>ini G U Y O T , PrddJc. ord. du Rci.

TABLE DES MATIÈRES

CONTESVESDASSLE T O M E I I.

Onzième S 1 é c l e. Antipapes , Page j

Coiilommation du fchifme des Grecs, 7. Pontificat de Grégoire VU ; Dilputes au fujet des Inveftitures , 10 Déposition à'Hcnri iy , 6c mort ^.e Grégoire Vil , n Succefleiirs de Grégoire VII , ij. Cardinaux, 14

Ordres \{.^[\^tauix,{Véill^mbreufe ; Chartreux; Citzaux ; Chcnoims-rî i^uWers) ;

Hérclios , {Bérer.ger ; i\ianich* ; Rofcdin) Simonie , i8 Des Pèlerinages , des nouvelles Péaitences , ôc des Fla- gellations , 21

Douzième Siècle.

Première Croifade , ( Pierre l'Hermite , Gotfefroi tîe BuuiUon ) 2<5. II. Croifade , ( .S. Bernard) 31

III. Croifade, ( Gui de Liifignan ; Saladin) j^

JV. Croifade , ( Philippe- Augujie ; Richard Cœur-de- lion ; Saladin ; Chctillon ) 37 Nouvelles difputes au fujet des Inveftitures, 39 Suite des Difputes de Henri IV avac Pa/chal II , 40 Les difputes continuent fous Gelafe II Se CaLjle II, 4Z

I. Concile de Latran , 44 Schifme après réle£tion d'Innocent II ,

II. Concile de L^inn ; Pierre & Henri de Bruis, 6c Arnaud de Brejjfe , 47

Nouveaux trouble, à Rome,

m. Concile général de Latran ; Vaudois £• Albigeois, jj

Nouveaux Ordres Relii;ieux, ( Fontévrault ; Prémon~

très i Carmes ; Granwnt ; CUrvaux ) 56

Abbcs de Cluni , (St. Hugues; Pierre I5 Vénérable) , 59

Ordres Militaires , ( Templiers ; Hofpitaliers , dep. de

Malthe ; Teutoniques ^ 61

Ecrivains célèbres, (S. Bernard; Pierre Lombard ; Gra-

tien ; Huguei h. liichard de St.Viàor ; Pierre de

Blois,&c.) 6^ Hiftoire d'^in/ïjr / , 66

Différen») de S.Thomas deCantorh. avec Henri II, 6g

De S. Hugues , évêque de Lincoln , 74

Treizième Siècle. Nouvelle Croifade ; Empire des : atini à C. P. 7$

Nouveau Roi de Jcrufalem ; pri .• uv L>ami;tie , jS Çi'i'iiiùfida frcdtrif JI, 79

TABLE.

Por.fîfcat finncctni III ; IV. Concile ft Latrir.;». Difp.ires rie trcutrit U «vec Ici Wy^i , ( Guàjci

(fibeLns) , ^^

1. Concile gi^n^nil «<e î yon , gg

I" Croifa<^c * 1. ll'Croifjde dcS.Ioiu*, 91

Croifade co: coit, o^

Hiftoire du 1 1 ... .. > ^ lin luilltion , r^ty

Nouveaux Orc'rei licli^. : Do-ninic.tir.j , loi. Fr-^nin- cains , 114. Auguftins, 107. Trimuircs, Religieux de la Merci, loS. \_.,rme$, 10^

Nouvelles Difpvites ff% «"efcenlaiu de Fridenc //avec les Papes, 1 10. //. Concile génJral de Lyon, 1 ij Ecrivain» KcclJfmdiqiK-s , ( Alhtrt le Gr. ; S. Thumtu d'A^- ; Vincent Beaiiv. ; R.i-mond ; S. Bcrjy.t- ture ; Alx. de li^a ; S. Ani.'':r.c cie Pad. iD^-. .! ; GuiU. de S. Am.ur; Rob.5t.rf,;, J ; .<,

ttat de rtglife de Rome, 110. Inflitutton du Jubilé, iî|

QVATORZIFMFSltCtE.

Différend de Boriftee VIII »y te Pi -.'i-re le Bi/, rij Bulles de l'vnlj'ate Bi R<?ponfe de Vril p^e, ijp

Attcr.tr ts contre le Pape ,^roort, {Gutijts, GiltL)tfi Pontificat de Bcncit Xl , Ijj

Tranflïtion eu d'int-Cicit i Avigncn , ij^

Extinflion des Ti irpliei s; Ccncile-géi.i'r. de Vlenne.i j7 Règli-mensdu Corcile d*^*i<^!ne , 1 ^^

^'o^tdc CUnent y\\>oT\i'S\c.y<!cJtat\ XXII , 141 Difputes des Francifcaiiis. Krrciir de Jctn XXII i fa

mort, ^ 14J

Pon»ificatî de Btnoit XII ,Clcmtu VI , InnotenI VI ,

te Urkain F , 146

Etït <'<' R( ••-'• ; Conv'fstion de RitMri; I48

F(! . < >ri^ine du Sciiifinc , Ifc

Cr V, IÇ)

M(..i . i '■^n du Schîfme, 1^4

Ht^r^iqim , ( ' -l* i FratutÙt* ; Tat^

luri-.i ,(?" Hf

Ecr. ' /cJi 5ctf;

f, . i - . , ,J.2A4»Zt/»i

J. Rt.J:ri * , N. Ortne ; lUfjr.^ut ) l6t

O V 1 V T. f r M K S I 1 C t R. C!o'- t<7

Coocilt

TABLE.

ConciledeConnance;<ie'poritiùn c'estroîst^apfî,^. lyf Continuation du Concile de Confiance ; éleftioa de

Mjrtin y ^ i-jt

Condamnation de WicUf , de Jtan Hut j fupplice de

celui-ci 8c de Jérôme de Prague , 17c

Fin du Concile de Confiance , 176

Guerre des Hu/Tites , 178

Concile de Pavie , transféré à Sienne , puis a Bâle, 179 Les HufTitesau Concile de Bâle, iSo

Fin du Concile de Bile, i8t

Concile de Ferrare transféré à Florence ; réunion

paflfagére des Grecs , 182

Nouv. tentatives p' éteindre le fchifme des Grecs , 187 Progrès des Turcs ; prife de Conftantinople, iSS

Siège de Rhodes, 19»

Eglife de France .Pragm.'tiquc-Sanflion, ipf

Différends des Curés avec les Religieux , 100

Suite des Pontifes Romains , depuis Eugène IV , aoi Nouveaux Ordres , les ujis Religieux, les autres

Militaires , 20J

^çavaiiii ; ( Gerfon ; Pierre A^AilU ; Bfffarion ; Th. à

Kempis , &«.. Thierri de Nicm ; P latine ; Ville ;

Argirophile f&ic. ) invention de l'Imprimerie , 205

Seizième Siècle.

Idée générale de ce fiécle , 2To

Pôtificat (L'Alexandre VI ; Supplice de Savonarole , 2 1 ( Eleftion de Pie III ; Prétentions du Cardinal à'Amboi-

fe; commencement du Pontificat de /u/« y/, 214 Démêlés de Julet II avec Louis XII, 216

Conciles de Pife & de Latran , 217

Mort de JuUs II ; élef\ion de Léon X , aig

Entrevue de Lévn X Scàc Pr.inçois I, Concordat, 220 Indulgences préchées en Allem.igne , •»• 225

Luther prêche contre les Indulgences , ibid.

Première condamnation de Luther , 22c

Conférence de Worms, 226!

Captivité de Luther ; expofition abr. de fcs erreurs, 22 J Mort de Léon X\ fes Succefl'eurs , 230

Progrès du Lutliéranifme , 2Jt

De Cjr/i-y?iJ(/, 2^2. De Zuin^ie, ■1J4

Les Luthériens prennent les armes, 2^8

Différentes diettes en Allemagne au fujet du I.uthéra-

nifme.a^O. Ligue de Smalcaldc, 24Z

Mort de Clément VIII, 243. Schifmc d'Angleterre, 244 Tom, II. Z

TABLE.

Cltmert Vil rcfafe de Hi'T^u^r^ ',. ,^-,r;,^« ^c HeHri

VllI ; Scnte.icc cie .■' par t rjn-

mcr; (."ouronnemcnt c.'.r , p. i^j

Venri VIU eA MCOiDinufuc ; i, ic Up^rc de l'Eglife

Roinaine, 15I

M '•' ' ." •. Mon de Luther , 156

K ijrme (Jublie pjr I.4it.4<r,n8

L). .-...CI, 161

Suite <^c 1 !ii Tc liu Luthéranifnie ,ji\fqu'à la mort

de ChjrLs ^i.ti't , 26J

Les nouvelles erreurs s'i.' nFraice, 16 j

Hifloire (<«? C-i/»-;»». î**.*;. : .' Cahriéres 5c

M' ■;: u e.T France, 271

I. . 2-Ç

C\,..: ■■<:, 2-«S

LeCo... .r,urti\e Paul III, lyS

Contir. ite , î'jç

Décrets ce- - r.^ku'.rfu Concile, j^ii/.

Nouveaux pt . t.- c a i^ rance , 2S6

ConjLirati.^n <'.' \t. n>iio , tr, L.j'.cs, ^87

ApoA.iri; (le ii'.e\!ues Prélats, , 290

Colloque ce '.'ouiv , i')i. Guerre civile , 296

M.iflacTC de la St Banht'.'cni , 279

Rcgne ('c Wrnri /// i liiAoire de la Ligue, 304

Ilinri ly monte fur Je trône , j«y

F.dit de Nantes accordé aux Calviiiine*. jr»

Suite de l'Hiftoire de la Religion en Angleterre ; mort

de Mjtu ^tu4ift, jij

Pcrlécution f*<'^ ' .-li.'lnno^ r.-.r F/ r,t..,t. _ j,^

Des partis q ■'. Ançl., jio

Hirtoire de IV .y^-Paï, ;ï)

De la Religioii cUns une partie du N>Hd , 31$

Hirtoire du Socini.Tnirme , ^^ t. Des AnahaptiftM, ^^7 Si' " /r&deS\ tA<t//c/ ^on-. J4}

r le do Lépanto , 34 j

I\ . . !.- ... . A/Z/i de la réfjrmation du

< jlendricr , j^<

PontiticJt de iiJTK/', 74^. Pr fr; ^iircc't -i. ^49 Fondation <ie non '

des Anciens , (C

Uni ; C triut-A: .••4u\ . 1 '.'■■ ■n iijr.Uj l'c.t-

tint ; Bj'-.jbittt , Orcturi(r.n\'\Xi\\ti) ^%Q

Des Jcfuitcs , j5^

DeitVdres de C lier de

Al«ltiie ; Eiitrepr.i. ^x ..>, jj|

TAULE.

£crtvaîns Ecclériafliqucs , ( Dricdo; Cajetan ; Erafme; ClichcoiK ; Ecchhis ; Crvppcr ; Canus ; D:fpcr,f:i ; Sariiùrus ; Ximcncs ; Jccob>itiui ; Vi\is ; le t cvrc^ Merlin i Papiin ; SadoUt ; Fanvini ; Janftnius ; S. Ch. BorromJe ; L. de Crznadi ; Toltt ; Aîuldanat , P'uhou i GénJhrard ; Ciaconius ; ) p. 363

Rclicxions fur les changemens opérés en ce (iéclcdant les Sciences ecckT;afliquo3 , 370

Ôix- SEPTIEME Siècle.

Fleflion & mort tle Léon XI , 574

Pontificat de F.ilY^'; fHffcrencl avec la Républ.de A'^ei

ntl'e ,375. Mort de PaulV \ éleflioii de Gr,XF, 37S P.i.itificat a'l//-?>jri VllI, Î7()

De Marc-Ant. de Dominis & de Fra-Fao/o, ihiil,

RevoUe des Calviniftcs en France , 3.9 i

Difpiitcsfar la Grâce; Molinil'me, 38;

De i'AuguJlirus ie J.mfinins , 387

Condamnation du livre do J^mfeaius par le Pape, 38» De quelle manière !a Bulle A'InncKcntXiwt re<;uc en

Fr3rce,39I. Dtfpute particulière du <So£{. Arnauld.i^c)^ Leuris provincial::; con^îivnnaùon delà moralç rel-i-

ehée, 31)6. AiTemclècs du Tlergé au ûjjct dujanfé-

nifme ; Bulle H Alexandre Vil, 40 1

Qu/b effîts produifit la B.il'^; A' Alexandre Fil , 405 De la part que les ReH^ieufes de Port-Royal eurent

aux difputesfur le Janféu. ; Hift. de ce monafl. , 40 j Signature du Formul.-irepropofce aux Religieufes de

I*. Roy>'l, 406. Cliani^emens arrivés à P. Royal, 408 Formula rred'^/i;*JH<fr(; VU ; oppofitijnde quelque*

Fvêques , 409. Pa^x âe Clc'm-nt IX, 411

Des Pontifes Romains depuis Urbain FUI jufqu'à

C liment IX , '416

Des Pipe'i Clément X ic Innocent XI -,^{1 droit de

Régale ; difpiites au fujet de ce droit , 4i<j

Edit de KÎ73 ; f«ppofido;wde quel.iucî Evêques, 411 cour de Rome entre dans cette difpute, 41»

ACembléeï du Gergé 4e 16S1 & lôSz , 414

IV. Articles fie l'AlYemblJe de 1CS2, 4Î7

Déclaration du Roi, ATy

IWouvelIe difputc entre le Roi & le Pape , 43»

Fin des difputes entre Rome & la France, 4^^

Etat delà Religioi en Ani^Iet. dansle xvir "fîéclc , 456 Règne de Jacques l, 437. P.fgne de Charles I ; fa mort

ASjjlorable , 4.3S.Adn.iniflr. de Cromwi/, 44c. Régn^

de Chcrlcsll, 441. Rè^nc de Jacjues II; 1 perd f,

(«uroiine^ 4^.

TABLE.

Révocation rie l'Edit de Nantes ; iffoiblilTcment i\i

Calvinifme en Frincc, 44^

Expuifion des \'.iudoi$ du Piémont , 454

Quictirtes en Italie & en France ; leur condamnation *

( A/o///i<M ; Mad. Guion ; Fcndon,) 4^6»

Diverfcs erreurs des Quakers , 46X

Des Socinicns & Hes Ofiftes , ( Spinof» ; BayU, ) 464

Réforme de 1.1 " iljncé) 4^7

Howyczcx {* .X .( Orjror/ej» de France;

r -- ,Eu.iiflct; yiJUjnJtntj;Ur-

I .:. ;Congrég.dc S.A/uur, Sec.

' .' , ) , . -«^^

Ecriv3\>i i ccif 1 .ili 1 i?s , ( K rtiitfî , Pciau ; Sirmond;

BellArr.'it ; Bolljn.ius \ J'..' roih i BourJalvuc ; la

Ru: , vC--. M .1 ',!ic>. A. : . . . ; d.'Achéri ; Ruinard ;

hi^ r:-fjLCun . f. i. I ': : r. L Cintu Sir.vrii Ltim\t

Ml. '// -, r- - •' " ■■ "

/ ; F..r.i; .

r.::'>:r, P ^ :.:, ..

BaJu'^L ; Arnduld j Nicole ; ïiucmut; fUury; (xc.) 474

Jdce géntraU des Èvinemeus EccUJlifl' ques.

DU XVI II* SIÈCLE.

AfF»irc du Cas de c ' 481

Bulle Vincam Dom 01 l'e Port -Royal , 484

Kiîvolte des Ca!vii»i.": , Ccvcnncs, 486

NoiivcAU-Te>1ament de ^uf/ne^ condamné par la Bulle UNir.FMTU<; . 4<lf

Mort de Louis XIV, 49'. Mort de Clément XI , 499 Pontifient ^'Innocent XIII ii Benoit XIII , Reditu- t'. ■- , ihid»

C' ifcrit à la Chine ; difpute

I . 'ifcs, 501

0> tion du card.deA^0<u//c.f,;c6

l'r. .• '• 50«

Poiiii iv-Ji i^c t\. -.v.i.' A/y/ -lent, 510

Fle'^iondc Ihnoii A'/K. cv, ^it

M. -, s>4

Ex j^al } Diercnion fur les

,h,d. fi Krancc. 51S

T»l»ie-n<iii i ir.iiK-î ti<- C/. •:<•') ' Xlf, 5>|

àlcftion lie Pitri 1 Jal'i'é in.verfcl, p-

Fin de la Table du Tome II.

PRIVILEGE DU ROI.

LOUIS , par la grâce de Dieu, Roi de France & de Navarre , A nos amcs & fcaux Confeillcrs , les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel , Gtand- Confeil , l^rcvôt de Paris , Baillits , Sénéchaux , Jeurs Lieutenans Civils & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra : Sai.ut. Notre améleS'LE ROY, Imprimeur Libraire a Caen, Nous a fait cxpofer qu'il defireroit faire imprimer & donner au public un Ouvrage qui a peur titre : EUmcns dcVHijLifc Ec- cléjiajii.jue , &c. s'il rous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privilège à ce ncceffaires. A ces causes. Voulant favorablement traiter l'Expofant , nous lui avons permis & permettons , par ces Piéfentes , de faire imprimer ledit Ouvr. autant de fois que bon lu' Semblera , & de le vendre , faire vendre & dé- »|'er par tout notre Royaume , pendant le tems de o'x années cofécutives , à compter de la date des Pré- sentes. Faisons defenfes à tous Imprimeurs, Librai.'^ ^"& autres perfonnes de qiielq. qualité & condition qu'elles foient , d'en introduire d'impreflîon étran- gère dans aucun lieu de notre obciiTancei comme aufli d'imprimer ou faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni coni refaire ledit Ouvrage , fous quelque prétexte que ce puiffc être , fans la permiflion ex« prelTe & par écrit dudit Expofant, fes hoirs ou ayans caufes , à peine de faifie & de confifcation des exemplaires contrefaits , de fix mille livres d'amen? de , qui ne pourra être modérée , pour la première fois, de pareille amende & de déchéance d'état en cas de rccidivc , & de tous dépens, dommages 6c intérêts , conformément à l'Arrêt du Confeil du 30 Août 1 777 , concernant les Contrefaçons. A la char- ge que ces Préfentes feront enregistrées tout au long fur le Rcgiftre de la Communauté des Impri- nieurs & Libraires de Paris , dans trois mois de la date d'icelles ; que l'imprcfTion dudit Ouvrage fera faite dans notre Royaume & non ailleurs, en ^)cau papier & hcnu carndlére , conformément aux Rcglemens de la Librairie , à peine de déchéance

duprcicnt Privilège i qu'avant de IVxpofer en ven- te , le manufcrit qui aura fcrvi de copie a l'im- prcllion dudit Ouvrage fera remis, djn» le même érat l'Approbation y aura ctc donncc, es mains de notre très-cher 8c Jcal Chevalier , Garde des Scecux de France, le fieur Hue dl AIihomenil , Commandeur de nos Ordres; qu'il en fera enfuite remis deux exemphi;ei dans notre Bi:?îio(hcque publique , un dans celle de notre Château du Lou- vre , un dans celle de notre très -cher 3t féal Che- valier, Chancelier de France, le fieur de Mau- TEou , & un dans celle dudit lieur Hue de Mi» BOMLNiL. Le tout a peine de nullité des Prcrcn- tes ,du contenu defquelles vous mandons fit enjoi- gnons de faire jouir ledit Expofant & fcs hoirs plei- nement 8c paiùlilement , fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trojble oucmpcthemfnt. Voulons que la copie des Prcfen:c$,qui fêta imprimée tout au long au commencement ou a la fin dudit Ouvrage , foit tenue pour duement lignifiée, 6c qu'aux copies col- lationnties par l'un de nos amcs &: f^aux ConfeiU Icrs-Secrctaires, foi foit ajoutée comme à l'orijuntl. Commandons au premier notre HuilTicra^Scrgent fur ce requis de faire p' l'exccution d'icclles , tous Acles requis fie nL-ceffaires, fans demander autre per- jniflion, Scnonobftant clameur de Haro, Charte Nor- mande , 8c Lettres a ce contraire^. Car tel ert notre plaifir. Donné à Paris le 27' jour du moi» de Mars Tao de grâce 1 7^1 , & de notre rè-ne le huitième.

PAR LE ROI , EN SON CONSEIL. Signé LE B E r. u e.

P-f rtréfmr h Rtfiflrt XXI -^e la Char-.hr; RoyëU £f Sy'AuaU de Lihrjirtt Imprimiuri r^e l'j'lt , N* 1483 , FoliO 665. t>-frmtmc-Jt amx ti . «.»«-

c/r» .f«<i« /< pf(l'cit P' ri ((t , &àla. terc

à tùditt Chambre let ^ •• F.xrmr.'n'c. f-j. -f par l'Art'dcCrUl du Rc'lcmttt .'.t '-:7. APi'it^Utt Avril l -*< î. ^'S'* LE Cl IKC , Synit.

Rt^i/tréfur U Rtgi/!r, de U C r --.^-.f/ dit I-nrrl^

tniurt-Uhraint dt U Vile ée i A C^tn U

iuA^riJirii. Si;né?.î.i. .'''^^.

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