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DT 776 .C6 B47 Bertrand, Alfred, 1856-1924 En Afrique avec le missionnaire Coillard

EN AFRIQUE

AVEC LE Missionnaire COILLARD

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Le Missionnaire Coillard et M. Alfred liertrand.

En Afrique

AVEC LE

21Tt5sionnatrc doillarb

A travers l'Etat libre d'Orange, le Pays des ba-Souto, Boulouwayo

DÉPART DE M. COILLARD POUR LE PaYS DES BA-ROTSI.

Mon RETOUR par la côte orientale : Matébéléland, Mashonaland. Territoire de la de Mozambique.

BeIRA. DiÉGO-SUAREZ AU N -E. DE MADAGASCAR.

OUVRAGE ILLUSTRE DE 38 GRAVURES

cT après les photographies de l'autetir ET D'UNE CARTE

Alfred ^BERTRAND

MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DE GEOGRAPHIE DE GENÉVK DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE GÉOGRAPHIE DE LONDRES DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE PARIS :MEMBRE CORRESPONDANT DES SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE DE LYON, MAKSEILLK, NF.IICHATFL, EST-AFRICAINE d'iTALIK, LISBONNE

GENÈVE CH. EGGIMANN & Cie

KDITETIRS

DEUXIÈME ÉDITION

AUX PRÉSIDENTS, AUX PRÉSIDENTES

DES « ZAMBÉZIAS » ET

AUX AMIS DE LA MISSION CHEZ LES BA-FOTSI

(haut-zambèze)

Alfred Bertrand

hïPRiMERiE Ch. Eggimann & Oe

PÉLISSERIE, dS, GENÈVE

EN ROUTE

CHAPITRE PREMIER

Le départ. En Mer. Aux « Zambézias. »

12 Décembre i8g8.

A ])ord du R. M. S. Diinvegan Castle.

APRÈS deux années employées à parcourir l'Europe dans tous les sens pour répondre aux demandes qui lui venaient de France et d'Alsace, de Suisse, de Hollande, de Belgique, d'Ecosse, d'Angleterre, et cela sans aucun souci ni de ses préférences personnelles, ni de sa santé, mais ayant seulement le devoir en vue, M. Coillard, le vénéré fondateur de la mission

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EX AFRIQUE

du Zambèze, prenait place le lo décembre, à la station de Waterloo, de Londres, dans le train qui devait l'emmener à Soutliampton, el de nombreux amis étaient venus saluer encore une fois, pour la dernière fois peut-être, ce héros chrétien, le digne successeur de Livingstone, lui qui à son âge, 64 ans, et après avoir travaillé quarante années à l'évangélisa- tion de l'Afrique, retourne au pays des ba-Rotsi reprendre sa vie de privations et de fatigue, mais aussi consolider et développer la l)elle œuvre de civilisation chrétienne qu'il a entre- prise sur cette terre lointaine.

On lui apporte des fleurs, une gerbe de roses. Dans l'assistance voici des représentants des différentes Eglises fran(;aises de Londres; puis M. Willam Ewing-, de Glascow, l'un des direc- teurs de la Compagnie des lacs africains. Le comte Grey, le directeur de la Compagnie anglaise de l'Afrique du Sud, nous envoie des souhaits de bon voyage par messager spécial ;

suis loul heureux aussi de serrer \'d main à

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M. ïfenry Vernet, l'ancien consul général de Suisse à Londres.

Les amis particuliers de M. Goillard l'en- tourent, derniers vœux, et le train se met en marche.

Plusieurs personnes accompagnent M. Goil- lard jusqu'à Southampton, d'autres amis l'attendent. A bord du R. M. S. Diinvegan Castle^ le steamer sur lequel nous naviguerons à destination du Gap, nous trouvons un paquet de lettres et de télégrammes : en voici de Ge- nève, de Paris, de la Zambézia de Lausanne, de Montauban, etc.

Des mouchoirs s'agitent encore, alors que nous sommes déjà partis et au loin.

Sir Dunnald Gurrie, le directeur de la «Gastle Line», ancien ami de M. Goillard et de la mission du Zambèze, nous a fait réserver d'excellentes cabines et nous a donné une lettre d'introduction pour le capitaine Hay, le commandant du Diinvegan Castle; je suis muni de nombreuses lettres de recomman-

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dation pour des notabilités sud-africaines.

Hier, la traversée de la baie de Biscaye, de fâcheuse réputation, s'est effectuée d'une ma- nière relativement tranquille; il y a une quin- zaine de jours à peine, dans ces parages, le carg-o boat Gland Driimmond a fait naufrage et l'on me dit que sur soixante hommes d'équi- pag*e, vingt-deux seulement ont été sauvés.

Aujourd'hui 1 2 décembre, la mer est calme, le soleil brille et les teintes déjà plus douces du ciel nous font pressentir les belles gammes de couleurs qui vont sous peu nous réjouir ; les matelots préparent les blanches toiles qui doi- vent recouvrir le pont et protég-er les passagers de la canicule.

Cet après-midi nous naviguions paisiblement, lorsque soudain nous avons en vue à tribord un brick-goëlette qui déploie ses signaux de détresse ; notre steamer décrit un grand cercle pour diminuer sa vitesse, se rapprocher et stop- per. Un canot monté par trois hommes se détache du voilier et ne tarde pas à nous accos-

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ter; le limonier monte à notre bord, il est reçu par le premier officier, qui l'attendait à la coupée. Nous apprenons que ce brick-g-oëletle Ilvaho^ portugais, fait route de la Nouvelle- Orléans à destination d'Oporto. Il est en mer depuis soixante-huit jours et il y a longtemps qu'il n'y a plus de pain à bord ; des ordres sont donnés et en quelques minutes quatre matelots apportent les vivres nécessaires, qui sont dépo- sés au fond du canot. ((Bienveillance entre les hommes ». Certes les païens n'auraient pas agi de cette manière. Les rameurs font force de rames et long-temps encore le timonier agile son bonnet en signe de reconnaissance ; nous reprenons notre route et le brick-goëlette dis- paraît au loin.

Après-demain nous serons en vue de la gra- cieuse île de Madère et nous ferons relâche pendant quelques heures à Funchal.

Du Cap, où, si tout va bien, nous pensons arriver le 27 décembre, nous irons dans le Basoutoland, puis à travers l'Etal libre

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(l'Orange, le Transvaal et le Matébéléland à Boulouwayo, doit s'organiser l'importante expédition que M. Coillard emmène au pays des ba-Rotsi et (jui comprendra une colonne de dix-sept missionnaires et artisans-mission- naires européens.

La colonne missionnaire gui accompagnera M. Coillard au Pays des ba-Rotsi (Haut-Zambeze).

Je ne puis pas écrire ces lignes sans expri- mer le vœu que les nombreuses « Zambézias » qui ont été fondées récemment en France et en Alsace, en Suisse, en Hollande, en Belgique, en Italie, en Ecosse et en Angleterre, se pénè- trent de la tâche à accomplir.

A côté du courant de sympathie réclamé de

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chacun de ces groupes, groupes qui doivent être élastiques et s'organiser suivant les difFérents pays ils se trouvent et les milieux dans lesquels ils se meuvent, nous demandons à chaque « Zambézia » d'avoir en vue le même but pratique, et, coûte que coûte, de ne pas s'en laisser détourner ; c'est-à-dire de fournir an- nuellement une somme que chaque a Zambézia» fixe pour elle-même, mais sur laquelle il soit possible de compter, et ce sont ces sommes qui, versées au comité des Missions évangéliques de Paris, pour la caisse spéciale du Zambèze, for- meraient une base de budget assurée, d'après laquelle les missionnaires du Zambèze pour- raient aller de l'avant. Car, on le sait, la mission du Zambèze, quoique dépendant, au point de vue de la direction, du Comité des Missions évangéliques de Paris, n'émarge pas à son budget, mais elle a une caisse spéciale, qui jusqu'à maintenant n'a été alimentée que par des dons plus ou moins aléatoires, et qui n'offre pas de base stable.

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Il s'agit donc, avec l'aide de Dieu, de sou- lager le Gomilé des Missions évangéliques de Paris du grand souci provenant de la (( Caisse spéciale du Zambèze » et tous les efforts des (( Zambézias » doivent tendre à alimenter régu- lièrement la dite Caisse.

J'ajouterai encore que les (( Zambézias » sont reliées entre elles par la « Commission genevoise du Zambèze ». Son dévoué président, M. Edouard Favre, 8, rue des Granges, Genève, se met à la disposition des personnes qui auraient des renseignements à demander au sujet des «Zambézias», de leur organisation, de la feuille les Nouvelles du Zamhèze\ qui leur sert de lien, etc.

N'oublions pas, et ce sera un stimulant pour chaque « Zambézia », le travail déjà accompli au pays des ba-Rotsi par cette poig-née de «braves» que l'on appelle «missionnaires... » Ces cinq stations échelonnées le long- du grand fleuve sur un parcours de cincj cents kilomètres,

^ On «'abonne à l 'Adresse-Office, 4, Boni, du Théâtre, Oenève.

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qui ont été fondées au milieu de souffrances et de privations dont nous ne pouvons nous faire aucune idée en nos pays civilisés, ces cinq stations, comme j'ai pu le constater moi- même, il y a trois années, lors d'un voyage d'exploration que je fis en ces parages, sont des centres d'évangélisation et d'éducation dont le rayonnement bienfaisant se fait sentir au loin; n'est-ce rien que l'abolition de l'escla- vage, la suppression de l'influence des sorciers, de l'infanticide et de ces horribles supplices dont la pensée seule fait frémir d'horreur !

Mais que de travail encore à accomplir ! En effet, qu'est-ce que cinq stations pour un pays dont la superficie est supérieure à celle de la France ?

Aujourd'hui, Léwanika, le puissant roi des ba-Rotsi, le suzerain de trente tribus, jadis un homme de sang-, Léwanika, dont l'influence s'étend jusqu'au faîte du partage des eaux du Zambèze et du Congo, ouvre son pays à l'in- fluence de l'Evangile.

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N'écrivait-il pas récemment à M. Goillard, qu'il considère comme son meilleur ami et

Le roi Léivanika autrefois. D'après une photog'raphio de M. Coillard.

auquel il a donné le titre et le privilège de (( natomoyo », soit de « ministre de grâce » : (( 11

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y a si longtemps que tu me promets de nou- veaux missionnaires, ces missionnaires n'arri-

Le roi Léivaiiika anjourd' Inii. D'après une photographie ilo M. Coillard.

vent pas, qu'est-ce que sont donc tes chrétiens d'Europe? »

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Gomme pourrait le constater tout voyageur loyal et sincère, il est impossible que ces mis- sionnaires donnent davantage, puisqu'ils ont entièrement fait le sacrifice non seulement de leurs aises, de leur santé, de leur patrie, de leur famille, mais de leur propre vie. Non, nous ne voulons pas inflig-er à ces héroïques pionniers la plus cruelle épreuve qu'ils puissent ressentir ici-bas, soit celle de ne pas pouvoir con- solider et développer leur œuvre faute de res- sources. Non, nous ne laisserons pas retourner M. Goillard sur les rives du Zambèze sans qu'il ait la certitude d'être soutenu efficacement. Les « Zambézias » se pénétreront de la grandeur de la tâche à accomplir « civiliser en chris- tianisant )) ; elles persévéreront dans leurs efforts et elles considéreront comme un privi- lège de pouvoir, dans la mesure de leurs forces, contribuer à une œuvre aussi belle et aussi noble. En agissant ainsi, nos horizons s'élargi- ront et nous persuaderons autour de nous que cet effort spécial, loin de nuire à l'œuvre géné-

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ralt^ de la mission en pavs païens, ne peut que la stimuler, la faire connaître, aimer davantage^ et par conséquent lui attirer un nouveau cou- rant de sympathie et d'aide matérielle.

ARRIVÉE AU CAP

CHAPITRE II

Noël à bord. La ville du Cap et ses environs. Une entrevue avec M. Cecil Rhodes. Au sommet de la montagne de la Table. Une nouvelle « Zambézia « .

20 Décembre i8()8.

A bord du Dunuegaii Castle (Océan Atlantique) 25°2i' lat. S., io°5o' long'. E.

LE cri de la vigie de garde se fait entendre ; minuit sonne. Voici Noël. Grâce à une autorisation spéciale, je me trouve sur la passerelle avec l'officier de quart, passerelle d'où le ciel peut être admiré dans toute sa

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beauté : ici Orion, Mars, dont les scintille- ments sont roug-eâlres, Sirius, aux reflets bleuâ- tres, puis devant nous la Croix du Sud.

Ce matin, au moment de déjeuner, les passa- gers ont été ag-réablement surpris en voyant la salle à mang-er ornée de g-uirlandes de houx, les piliers de chêne disparaissant sous les dra- peaux qui servent de tenture. Une branche de gui, placée là, intentionnellement ou non, sur- plombe la tête d'un jeune clergyman, rose et blanc, qui voyage pour sa santé.

A dix heures et demie, service officiel ; la Bible repose sur le drapeau national et les hymnes sont accompagnées par les musiciens du bord.

Pas besoin de dire que le cuisinier-chef s'est surpassé et qu'aucun détail ne manque au menu du traditionnel dîner de Noël, dont les pièces de résistance sont le roastbeef, les oies et les plum-puddings de rigueur.

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Nous sommes arrivés au Cap le 27 décembre, après une traversée qui a duré i5 jours et quel- ques heures.

i5 Janvier i8gg.

Pendant notre séjour au Gap nous avons été, M. Goillard et moi, les hôtes de AI. J.-D. Gartwrig-ht % g-rand commerçant et l'un des hommes influents de la région ; il habite une jolie campag-ne à Wynberg, dans les environs du Gap.

Peu après notre arrivée, nous avons eu la bonne fortune d'avoir une entrevue avec le fameux Gécil Rhodes : c'est un homme à l'as- pect imposant, aux yeux clairs, perçants, impé- ratifs; il nous assure qu'il fait tout son possible pour empêcher l'introduction de l'alcool dans la sphère de l'influence de la British South African Gompany. « I hate liquor for natives ». Je hais que l'on donne de l'alcool aux indigènes.

^ Aujourd'hui membre du Parlement de la Colonie du Cap.

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exclame-t-il avec énergie. Il nous raconte ([ue denx blancs, peu scrupuleux, qui ont contre- .

J/. le J\Hssio).!iai>-c Coillard.

venu à cette loi, ont été récennnent punis très sévèrement.

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M. Gécil Rhodes, qui s'embarque le même jour pour l'Europe, nous remet quelques lig-nes qui nous permettent de visiter l'intérieur de sa belle résidence de a Groote Scliuur », dont le parc est ouvert au public. Cette résidence, que j'avais déjà admirée en 1896, a été incendiée depuis, mais elle a été reconstruite exactement de la même manière, ancien style hollandais, et rien ne semble changé. Dans la bibliothèque de la chambre de travail, je vois la Vie des Césars, le Consulat et V Empire de Thiers, etc. ; nombre d'objets curieux. Dans un cadre doré, voici une lettre sig-née Bonaparte, 3o fri- maire » .

Le maître de maison doit aimer les fleurs, son jardin le démontre, et tout particulièrement les hortensias. Le parc de (( Groote Schuur » , adossé aux flancs de la montagne de la Table, est habité par de nombreux spécimens de la faune sud-africaine.

Parmi les autres personnalités intéressantes que nous avons rencontrées, je mentionnerai un

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Ecossais, le D'' Muir, surintendant général de l'éducation dans la Colonie du Gap; j'ai eu le privilège d'avoir un long entretien avec lui et j'en ai tiré la déduction que Cécil Rhodes va à Londres pour activer la continuation du chemin de fer dont le terminus se trouve aujourd'hui au delà de Boulouwayo. Ce chemin de fer tra- versera le Zambèze à une forte distance, à l'est des chutes Victoria ^ , pour prendre la direction du district des lacs.

De Londres, Cecil Rhodes se rendra, parait- il, à Khartoum, pour conférer avec le vainqueur des mahdistes, lord Kitchener, au sujet de l'éta- blissement de la ligne ferrée qui, partant de Khartoum, doit rejoindre celle qui avance du sud au nord. Dans quelques années, un chemin de fer coupera l'Afrique dans toute sa longueur et mettra en communication directe les villes du Cap et du Caire ; cette voie ferrée transfor-

* Il est probable qu'un embranchement rejoindra les célèbres chutes du Zambèze, appelées aussi chutes Victoria.

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mera le continent africain. Quelle conception grandiose et quelle énergie il faudra déployer pour mener à bonne fin une telle entreprise !

Gomme un éclaireur vigilant, la voie aérienne, soit le télégraphe, précède et prépare l'exécu- tion du chemin de fer. Il est déjà possible, à l'heure qu'il est, de lancer du Gap un télé- gramme jusqu'à un poste avancé qui se trouve entre le lac Nyassa et le lac Tanganyika.

Les environs du Gap, chacun le sait, sont ravissants ; un jour, nos amis nous ont fait suivre la Victoria road, la c(Gorniche)) du Gap, jusqu'à Hout Bay, pour revenir par le Lady Loch Pass au milieu de forêts de pins, de « silver trees » au feuillage argenté, et arriver dans ce pays d'abondance appelé Gonstantia. Ge pays est parsemé de belles fermes pous- sent tous les produits des pays tempérés et une bonne partie de ceux des pays chauds ; il est

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planté de vignobles prospères, et entrecoupé de superbes avenues de chênes et de conifères.

Le 7 janvier, on est en plein été, je suis monté avec quelques personnes au sommet de la montagne de la Table. Conduits en voiture jusqu'à Victoria Neck, nous allons en deux heures, par un sentier facile qui serpente le long" de la croupe de la montagne, jus([u'au premier plateau, se trouvent des pépinières de l'Etat, ainsi qu'un réservoir qui alimente d'eau pure et fraîche la ville du Gap.

Après une heure passée au milieu des bruyè- res, de fleurs variées les g-laïeuls sont en floraison nous arrivons à l'un des points les plus élevés de la montagne de la Table, bien nommée, car son sommet forme un grand pla- teau couvert de roches plates; ici et là, de la verdure. La vue est superbe : au sud, Gape- Point presque contigu au Cap de i3onne-Espé-

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raiice, (jui est masqué par un promontoire ; la False Bay gracieusement découpée, puis l'océan sans limite. A l'est, dans le lointain, on dis- tingue la chaîne des montag-nes appelées Hot- tentot Holland Range. Si nous avançons dans la direction du nord jusqu'au bord de la crête, nous découvrons à nos pieds la ville du Gap, dont le sol aux tons fauves contraste d'une manière saisissante avec les flots azurés de Table Bay.

Nous descendons directement au Cap par la Platte Klip Gorge, qui, sans être difficile, me rappelle pourtant certains passages de nos mon- tagnes suisses. Le seul danger inhérent à Table Mountain provient de la rapidité avec laquelle les nuages peuvent s'accumuler à son sommet. Ges nuages, amenés en général par le vent du sud-est, produisent le phénomène appelé le Tapis de la Table ; il est alors facile de s'égarer et d'être précipité au bas des parois de rochers.

Au Gap, comme en Europe, j'ai pu constater combien la personne de M. Goillard est vénérée

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et combien l'œuvre de civilisation chrétienne qu'il poursuit en Afrique est appréciée ; quel travail il a accompli pendant ce séjour au Cap, en vue de sa future expédition et de la colonne missionnaire qui doit arriver d'Europe dans quelques semaines.

Après deux séances publiques, nous avons vu avec plaisir une (( Zambézia » se fonder au Gap; notre hôte, M. J.-D. Cartwright, en a pris la présidence.

DANS L'ÉTAT LIBRE D'ORANGE

CHAPITRE lil

Blœmfontein, capitale de l'Etat Libre d'Orange.

Une audience du Président de la République.

Quelques données sur l'Etat Libre d'Orange.

Nous sommes arrivés hier ici, le 16 janviei-, M. Coillard et moi, par le chemin de fer, après avoir franchi en 36 heures les 1 190 kilo- mètres qui nous séparent du Gap. Nous avons passé à toute vapeur à travers un pays fertile l'ag-riculture et la viticulture se sont beau- coup développées. Mentionnons les villes plus ou moins importantes de Stellenbosch, le j)lus ancien «établissement» européen dans l'Africjue du Sud, fondé en 1 68 1 ; de The Paarl ; de Wel- lington. Après Worcester, la ligne ferrée atteint

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une chaîne de montagnes, les contreforts du Karroo ; ce grand plateau brûlé, desséché, bai- gné par une atmosphère très pure, et, il pleut rarement; à Golesberg- on compte annuel- lement une moyenne de 20 jours de pluie.

BL(EMF0NTEIN La capitale de l' Etat libre d' Orange.

En traversant la rivière d'Orange, nous pé- nétrons dans l'Etat libre du même nom. Sa capitale, Blœmfontein, est un centre rural ; ses larges rues non pavées se coupent à angle droit, les maisons n'ont en général qu'un étage et les bâtiments publics sont construits avec des bri-

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([Lies rouges et des pierres blanches. Voici sur la vaste place du marché les chariots attelés d^nterminables files de bœufs... une vision de la vraie vie africaine. D'après le recensement de i8()o, Blœmfontein comptait 6817 habitants^ parmi lesquels 3ii5 blancs; l'élément anglo- saxon y forme la majorité.

Le lendemain de notre arrivée, nous avons eu une audience du président de l'Etat libre, M. Steyn, homme de haute stature à longue barbe blonde et grisonnante. Il nous reçoit d'une manière toute républicaine dans sa chambre de travail très simple, dont le principal ornement consiste en plusieurs belles cartes de l'Afrique ; après les civilités d'usage, le président nous pose des questions sur le pays des ba-Rotsi, qui semble l'intéresser.

En sortant de l'édifice sont les bureaux du gouvernement, nous voyons la statue de feu le populaire président Brandt, qui de i86/| à 1888, a exercé la plus haute magistrature du pays ; sa sentence favorite «Ail zal redit kom»

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((Tout ira bien», est inscrite sur le socle de i*raiiit.

Le président est élu directement par le suf- frage universel ainsi (pie la Ghanibre « Volks- raad » ; les électeurs doivent avoir l'âge requis, être nés dans l'Etat libre et posséder un capital ou un revenu dont les chiffres sont fixés par la loi. Le président est le chef responsable du pouvoir exécutif; il est assisté par un conseil.

En temps de guerre, chaque citoyen âgé de i() à Go ans peut être appelé sous les armes. L'armée compte 17,881 hommes. En temps de paix, sauf pour les inspections, les citoyens ne sont astreints à aucun service militaire.

Suivant le recensement de 1890, qui n'est qu'approximatif, la population totale du pays conq)rend 207,003 habitants, soit 77,716 blancs et 129,782 noirs ( ba-Souto et ba-Rolong). ^

Le revenu annuel de l'Etat s'élève à environ 7, 7,10, 000 francs, et ses dépenses atteignent à

^ D'après «l'Oflicial Handbook », auquel je me référerai à l'occasion.

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peu près le même cliifïVe ; fait à noter, peu fréquent de nos jours, ce pays n'a pas de dette [)ublique, ou du moins il n'a ([u'une dette d'un million, dont le gouvernement voudrait bien se libérer si ses créanciers y consentaient.

L'Etat libre d'Orange est formé par un grand plateau qui s'étend du nord au sud sur une lon- gueur de ()4o kilomètres et de l'est à l'ouest sur une largeur de 3^0 kilomètres; sa superficie est de 92,000 kilomètres carrés. Ce plateau descend graduellement des montagnes du Drakensberg- à l'est entre la rivière Vaal au nord et à l'ouest et l'Orange au sud ; c'est seulement dans l'est du pays (jue l'on trouve des chaînes de monta- gnes, tandis qu'au sud, à l'ouest et au nord- ouest, s'étendent de grandes plaines accidentées, d'où, ici et là, se détachent une colline ou un pic isolé.

Les ressources naturelles de l'Etat libre d'Orange découlent de l'agriculture et aussi des mines de diamants, dont la principale est celle de Jagersfonteîn.

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L'Etat libre possédait, en 1890, 248,378 che- vaux, 19,782 mules ou ânes, 276,078 bœufs de transport, 619,026 têtes de gros bétail, 7o3,33i moutons du Gap, 5,916,611 moutons mérinos, 627,717 chèvres ang-ora, 280, 538 chèvres indigènes, 34,787 porcs, i46i au- truches. La production de la laine s'élevait à 59,555 balles et celle du grain, y compris le blé et le maïs, atteignait le chiffre de 47,095,452 litres.

L'AGRICULTURE A LEUWRIVER

CHAPITRE IV

Le domaine de Leuw River dans le « Conquered Territory » .

UN propriétaire, M. J. Newberry, im an- glais, dont le domaine de Leuw River se trouve dans la direction que nous devons suivre pour atteindre le pays des ba-Souto, nous a eng-ag-és à passer quelques jours chez lui. Cette invitation facilite beaucoup notre voyage, car, à Blœmfontein, nous avons quitter le chemin de fer, qui poursuit sa route vers le nord, et M. Newberry a mis à notre disposition son «cart» soit une voiture à deux roues très élevées ; elle est attelée de quatre bons chevaux. Nous nous sommes dirigés vers

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EN AFRIQUE

Test, à travers les vastes plaines accidentées de l'Etat libre d'Orange, ([ui sont parsemées ici et de grandes fermes près desquelles se trouvent presque toujours des saules pleu- reurs; les plaines, jadis la patrie des gnous et des zèbres, sont au- u '■••cart jourd'lîui plus ou

moins animées par des troupeaux de chevaux et de bétes à cornes.

La piste que nous suivons est coupée par des ravins qui font tressauter notre véhicule, enlevé à une grande allure. En une journée et quelques heures, nous avons franchi les cent quatre kilo- mètres qui nous séparent de la demeure de notre hôte. Nous longeons une allée d'eucalyptus encadrée de fleurs et bientôt nous entrons dans une confortable maison de campagne anglaise nous recevons un chaud accueil.

EN AFRIQUE 49

Près de la maison, éclairée, ainsi que les dé- pendances, à l'électricité, nous voyons un jardin croissent tous les légumes et tous les fruits européens ; à l'heure qu'il est, les poires, les pêches, les pommes commencent à mûrir. Le domaine de Leuw River est situé dans la partie de l'Etat libre d'Orange ap- ^ pelée (( Con- fl| quered Terri- tory » (Terri toire conquis) l'une des meil- leures régions au point de vue de l'agri- cuUure, surtout le sol est bien irrigué. Le propriétaire, grâce aux capitaux dont il dis- pose, ne néglige aucune amélioration, et il est bien secondé par un intendant capable et dé- voué. Ce domaine, qui s'étend sur une longueur de six à huit kilomètres couvre, à travers monts

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A « Leuw River »

Le domaine de M. J. Newberry,

5o EX AFRigUE

et vallons, une superficie d'environ huit mille acres. .Fai galopé sur un (^hani|) de hlé, coupé il V a quelques semaines, long- de près de trois kilomètres sur un et demi de largeur.

Outre l'intendant déjà nommé, l'état-major blanc se compose de : un chef de culture et deux aides, un ingénieur de traction, un meunier- chef et deux aides, un directeur des mai^asins et deux aides, un surveillant-forestier, deux employés de bureau, un conducteur de trans- port et deux aides, un peintre, un charpentier, un forgeron, un boucher et un aide. En (enqis ordinaire, cent à cent vingi noirs trouvent du travail sur la propriété; les gros travaux se font avec les machines les plus perfectionnées ; plu- sieurs d'entre elles sont actionnées par des loco- mobiles.

La culture du blé constitue le principal pro- duit du domaine, et si les cliam[)s sont irrii^ués et fumés, elle donne une moyenne de cent ving t- cin(j sacs pour un de semence. Sans engrais ni irrigation, le blé rend une movenne de vini»t

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sacs pour un de semence et, dans les bonnes années, de quarante à cinquante sacs; le maïs donne un rendement moyen de quatre-ving t-dix à cent sacs pour un de semence. La culture de l'avoine est aussi très productive.

Nous visitons le moulin modèle attenant au domaine ; il s'y moud annuellement environ cinquante mille sacs de grain récolté sur le domaine ou provenant d'autres propriétés. Un grand réservoir fournit au moulin une force hydraulique de 75 chevaux qui, en cas de né- cessité et grâce à une machine à vapeur, peut être augmentée de loo chevaux.

L'outillage de ce moulin comprend les der- niers perfectionnements : la balance automa- iu\ue qui pèse et enregistre simukanément le poids de chaque sac, puis les ingénieuses «clea- ning- machines» (machines à nettoyer), qui débarrassent graduellement le grain de toutes ses impuretés, et jusqu'aux machines qui sé- parent les différentes espèces de farine. Cette farine doit faire prime sur le marché, mais il

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faut la transporter à Blœmfontein et, dans ce but, on emploie à Leuw River vingt chariots de transport, dont chacun est attelé de quatorze mules. En outre, malgré le mauvais état de la piste, une puissante locomotive routière arrive à voiturer trois ou (juatre lourds chariots.

Quant à l'élevage, une centaine de poulinières paissent dans de gras pâturages ; en ce qui con- cerne le gros bétail, M. Newberry a importé d'Ecosse la race «Polled Angus d'Aberdeen », qui, croisée avec celle du pays, donne parai t-il, de bons résultats en (( viande » .

Dans cette contrée, comme ailleurs, l'agri- culture ne peut pas être considérée comme une médaille sans revers ; suivant les années, il faut compter avec les gelées, la grêle, la sécheresse et les terribles maladies du bétail, la peste bovine en particulier a récemment fait de nom- breuses victimes.

Cinq ((native locations», soit cinq hameaux de noirs, sont établis sur le domaine de Leuw River ; la loi ne permet pas l'établissement de

EN AFRIQUE 53

plus de dix familles dans un même hameau. Suivant une autre loi, le noir, sauf de rares exceptions, ne peut ni posséder le sol, ni devenir citoyen de l'Etat libre d'Orange. Enfin la loi interdit toute vente d'alcool aux indigènes \ et, d'après cette loi, les Européens ne peuvent acheter des spiritueux que dans l'enceinte des villes et villages blanc.

M. Newberry fait aussi une œuvre mission- naire parmi les noirs qui habitent son vaste domaine ; deux évangélistes indigènes et un maître d'école y sont employés; le dimanche venu, M. Goillard leur a adressé la parole, ainsi qu'à d'autres noirs venus pour la circonstance des propriétés avoisinantes ; ce pittoresque auditoire était groupé sous les arceaux de verdure formés par des pêchers en plein vent.

Nous partons demain pour le pays des ba- Souto.

1 Au Transvaal, cette loi est tombée en désuétude : je ne sais pas si elle est respectée dans l'Etat libre d'Orange.

AU PAYS DES BA-SOUTO

CHAPITRE V

Visite de M. Coillard après quinze années d'ab- sence. — L'Œuvre de civilisation chrétienne accomplie par la Société des missions évangé- liques de Paris. Morija. Le grand chef Lérotholi.

ON sait ([Lie c'est du pays des ba-Souto^ il comptait déjà plus de viugt aunées de travail, que M. Coillard essaina eu i884 dans la région du Zambèze, il vient de retourner, en enuTienant d'Europe un précieux renfort

' Comme pour ce qui regarde mon ouvrage « Au Pays des ba-Rotsi » Haut-Zambèze (Hachette 1898), au sujet duquel j'en avais conféré avec M. Coillard, autorité incontestée en cette matière, puisqu'il a vécu près de quarante années en Afrique, j'ai aussi observé dans cet ouvrage les règles qu'il a pro- posées concernant l'orthographe française des noms des ditïé-

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EN AFRIQUE

Tauxiliaii'es. Se trouvant, en janvier de la pré- sente année ( 1899 ) dans la colonie du Cap, à destination de son nouveau champ d'acti- vité, M. Coil- lard profita de la circonstance pour aller revoir son ancienne

Nojis passons en Imc le CaUdo7i. mission du LcSSOUtO OU

Basoutoland, car l'un et l'autre se dit. Les

rentes tribus ou peuplades qui se trouvent clans le Pays des ba- Souto, le Pays des ma-Tébélé, le pays des ma Shona, etc.

Les préfixes « ba » ou «ma» indiquent le pluriel. Ces préfixes représentent en quelque sorte l'article et prennent une minuscule tandis que le nom propre lui-même est écrit avec une majuscule.

Le préfixe « mo » s'emploie au singulier pour indiquer un individu. Exemple : Un mo-Souto. Si l'on veut désigner la langue du pays, on emploie le préfixe «sé». Exemple: le sé-Souto. Quant aux noms de pays, plusieurs sont déjà angli- canisés ou francisés. Exemple : le Matébéléland, le Mashona- land, etc. etc. Pour désigner le Pays des ba-Souto, j'emploie indifféremment les noms de Basoutoland ou Lessouto.

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Eglises, doni il Fat l'un des fondateurs et il a laissé un souvenir vivant, se faisaient une féte de sa visite» M. J. Newberry nous avait oblig*eamnient eng-ag-és, M. Coillard et l'auteur de ce récit, à poursuivre notre voyage jusqu'à Morija dans son « cart » attelé de quatre vig-ou- reux elle vaux, ce que nous mîmes à exécution. Et c'est ainsi qu'après nos deux concitoyens de Genève, MM. Edmond Gautier et Théodore Verne t, nous avons eu nous-même le privilège de voir de près ce pays si particulièrement intéressant.

Mais peut-être ferons-nous bien, avant de mettre le pied dans le pays des ba-Souto, de rappeler brièvement la g-rande œuvre de civili- sation chrétienne qui s'y est accomplie depuis un peu plus de soixante années sous les auspices de la Société des missions évangéliques de Paris.

C'est en i833 que MM. Arbousset, Gasalis et Gosselin fondèrent la station de Morija, le pre- mier des postes missionnaires de la région.

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EX AFRIQUE

Sous l'énerii'ique impulsion de M. Adolphe Mabille, notre compatriote du canton de Vaud, qui y travailla depuis i85() jusqu'en i8t)4? époque de sa mort, Morija devint la station centrale et, pendant cette période, le pays des ba-Souto se couvrit d'annexés et d'écoles. Outre les branches ordinaires, église, école, etc., (jue présente toute station missionnaire, Mo ri j a possède une école normale, fondée en 1868, et dont on se représente- l a aisément Tim- portance si nous disons qu'elle a fourni déjà six cents élèves aujourd'hui dispersés dans tout le sud de l'Afrique, et dont 34 '^/o ont servi ou servent dans l'œuvre d'évangélisation. Les élèves qui ont suivi en entier le cycle des études, soit cinq ou six années, obtiennent le brevet

La 7ioiivelle Ecole biblique de Morija.

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d'instituteur, l'équivalent, à ce qu'il paraît, de celui d'Europe. En i8()G, l'école normale de Morija a obtenu le premier rang- parmi les ins- titutions indigènes du sud de l'Afrique.

L'école biblique de Morija, datant de 1882 et dirigée aujourd'hui par M. Alfred Gasalis, est destinée à former des évangélistes. Depuis sa fondation, elle en a fourni 347, desquels 209 travaillent à cette heure à l'œuvre d'évangélisa- tion au Lessouto, au Transvaal, dans l'Etat libre d'Orang-e, dans le Béchuanaland et même jus- (ju'au Zambèze.

La classe supérieure de cette école comptait lors de notre visite 54 élèves, qui se décompo- saient comme suit : neuf appartenaient à la tribu des ba-Kahalta, un à la tribu des ba- Tuana du lac de Ngami; deux venaient de chez Khama, le roi des ba-Mangwato, trois de l'Etat libre d'Orange, un de la colonie du Gap et quatre du Zambèze : les autres étaient des ba- Souto.

Depuis longtemps quelques personnes de

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Genève s'intéressent à l'école l)ibli(jiie de Morija. Cet intérêt ne doit pas fléchir, car cette école a un rôle de première importance à remplir. J'ai visité avec M. A. (^asalis le nouveau bâtiment construit en bri([ues routes, qui, pour répondre à des besoins urgents, sera j)rocliainenient affecté à cette institution.

M. A. Casalis est aussi le directeur de l'im- primerie, qui occupe seize ouvriers indigènes. Bien (pie cette imprimerie ne [)Ossède (ju'une machine rotative et une autre à pédale, ehe a déjà servi à publier dans la langue du pays un certain nombre d'ouvrages importants. Il serait trop long- de les énumérer tous : je dirai seulement qu'àMorija chaque livre de la Bible a été inq)riiné à part. Laissant de côté les recueils de cantiques et autres ouvrages de piét é, nous mentionnerons encore le dictionnaire sé-Souto, composé [)ar M. Mabille, ouvrage de 47^^ p^g"^^? non compris une grammaire sé-Souto le précédant et (|ui a pour auteur M. Ed. Jaccottet ; une autre gram- maire de M. Kriiger, un manuel de conversa-

EX AFRIOUE 6.S

tioii et (|ua(orze petits volumes de manuels de lecture, d'arithmétique, de géographie el de grammaire. En 1893 seulement, il a été écoulé 1 5,000 exemplaires d'un petit abécédaire. Au risque d'allonger cette énuniération, nous signa- lerons encore un recueil de « coutumes et pro- verbes des ba-Souto » entièrement écrit par ufi maître d'école indigène nommé Azai'iel Sék(''sé. Enfin, on imprime à Morija un journal bi-men- suel, religieux, politique et littéraire appelé le Lésélinyana^ soit (( la Petite Lumière du Les- souto »; ce journal compte trente-deux années d'existence, et il est rédigé par M. Dieterlen, de Léribé. Il convient de rappeler que les mis- sionnaires de la Société des missions évangé- liques de Paris ont posé les règles de la syntaxe eX de la grammaire sé-Souto, et ce qui n'avait été jusque (pi'une langue parlée est devenu ainsi une langue écrite. Revenons maintenant à notre voyage.

Grâce au « cart » tiré par quatre bons che- vaux, du à l'obligeance de l'un de nos amis,

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nous arrivons, au travers d'une contrée devenue montueuse, à la rivière leGalédon; cette rivière sépare l'Etat libre d'Orange, que nous quittons en ce moment, du Lessouto ou Basoutoland. Masérou, le siège du g-ouvernement, est la clef de ce point stratégique. Avant d'atteindre le village de Masiokaneng-, dont nous voyons les

huttes se profi- ler sur la col- line, nous som- mes abordés par trois cavaliers au galop, qui viennent à notre rencontre et parmi lesquels se trouve Joas Akim, un indigène très attaché à AI. Goil- lard. Massés sur la pelouse, les fidèles et les enfants de l'école chantent à gorge déployée pour fêter notre approche; qiiek|ues-uns des missionnaires du Lessouto se sont rendus jus- qu'ici, dans leur impatience de retrouver leur vétéran.

Une chaleureuse récejition.

EN AFRIQUE G5

Cependant, pour atteindre notre destination, il nous reste vingt-cinq kilomètres à franchir le long- d'une piste plus ou moins accidentée, qui se déroule le long- de plateaux bordés de col- lines. Bientôt une escorte de ving t cavaliers, des jeunes gens de Morija, prend la tête du cortège. Mais nous devons encore nous arrêter, car le chef indigène Matété-Sétha, accompagné de ses hommes, vient au-devant de M. Goillard; ici encore des fidèles se sont groupés et chantent en nous voyant venir.

Nous reprenons notre route. Dirigée et escor- tée par de nombreux cavaliers, la colonne se remet en marche jusqu'au moment elle vient se heurter pour ainsi dire à un nouveau groupe- ment d'indigènes, hommes, femmes et enfants, drapeaux déployés. L'évangéliste mo-Souto, Ascer, celui qui accompagna M. Goillard lors de sa première expédition au Zambèze, nous lit une touchante allocution de bienvenue. Chacun entoure M. Coillard et veut lui serrer la main. Un soleil radieux éclaire cette scène et

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fait ressortir les étoffes aux couleurs vives, rouges, bleues, jaunes, vertes, dont les femmes noires aiment à se revêtir. Devant nous, la vaste station missionnaire de Morija s'étage sur le flanc d'une colline au milieu de la verdure; nous apercevons aussi l'église construite en briques rouges, un peu masquée par les arbres. Enfin nous arrivons devant la maison de la vénérable M™^ Ad. Mabille, qui nous offre l'hospitalité; sur la terrasse sont disposées des guirlandes de feuillage et de drapeaux, et, parmi ces derniers, je ne mets pas long-tenq)s à distinguer le drapeau suisse. Un service reli- gieux célébré dans le temple de Morija, cet édifice qui avait tout à l'heure frappé nos regards et dans lequel se presse un sympathique audi- toire, clôt dig'nement la partie officielle de cette émouvante journée.

Peu après notre arrivée à Morija nous sommes allés faire visite, dans son village de Makening-, à Lérotholi, le grand chef des ba-Souto, petit- fils en lig-ne directe du célèbre Moshesli. Nous

EX AFRIQUE

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le trouvons patriarcalement installé sur la place publique, entouré de ses gens; il nous conduit dans une maison à un étage, construite à Teuro- péenne et formée de trois pièces. Il s'en sert en cas de réception, car il n'y habite pas, préférant sa hutte. Lérotlioli est vétu d'un pantalon en coutil et revêtu d'un grand man- teau rouge. Ses

cheveux crépus grisonnent et ses traits ont quehjue chose de dur. Plu- sieurs de ses conseillers l'entourent. M. (^oil- lard s'entretient longuement avec lui, et Léro- tholi lui répond : (( Je te remercie de ce ([ue tu me dis de Léwanika, le roi des ba-l\olsi, car quand tu es parti nous étions inquiets de sa\ oir que tu allais au milieu d'un peuple que l'on

Lérotholi, le grand chef des ba-ScTito et M. Louis Mabîlle.

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disait très sanguinaire, et nous craignions pour ta vie. »

Bien que subissant dans une certaine mesure l'influence du christianisme, Lérotholi est encore païen. Nous sommes présentés à la première de ses femmes, nommée ma-Letsabisa, aux traits rég'uliers, aux yeux expressifs. Elle est coilfée d'un turban foncé, et sur sa robe elle drape une couverture aux larges dessins noirs et bleus.

Le village de Makening- se compose d'un g-rand nombre de huttes pittoresquement g'rou- pées. Voici, sur la pelouse, des chevaux qui broutent et au (( lékhotla » sorte de forum se rend la justice et se tiennent les hommes, deux petits chefs viennent avec quelques-uns de leurs sujets consulter Lérotholi au sujet d'un héritage.

Les huttes, construites en roseaux et recou- vertes de chaume, sont rondes; chacune d'elles est précédée d'un petit portique dont les parois sont enduites d'un pisé brun clair. L'intérieur de la hutte que nous visitons ne forme qu'une

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seule pièce; elle a trois mèires et demi de dia- mètre et autant de hauteur. Des triangles bleus et jaunes, qui alternent, recouvrent le pisé des parois. Aucun meuble, et les couvertures (jui forment la couche sont pliées pendant le jour et suspendues sur des perches transversales assez élevées. Une hutte adjacente et de moindre dimeusion sert de cuisine, cuisine bien primi- tive, car la fumée s'en échaj)pe par les interstices du chaume, et il faut s'accroupir pour ne pas être asphyxié.

Une grande enceinte circulaire de roseaux entoure chaque demeure : j'y remarque les pierres employées à broyer le grain et creusée par l'usage. Je suis frappé de la propreté, malgré les enfants, les chiens, les poules et les canards partout répandus.

Après avoir pris congé de Lérotholi, nous remontons à cheval et rentrons à Moi'ija par une pluie battante.

Le 28 janvier, à l'issue d'un service fait pai' M. Goillard devant une nombreuse assemblée

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EN AFRIQUE

dans le temple de Morija, Stephen Semondji, le jeune Zambézien bien eoniui à Genève, il accompagna M. Coillard, |)rononea (pielques paroles. Quant il eut termine^, une femme mo- Souto, déjà âgée, se leva spontanément et lui dit : (( Quoi- que jenne, tu as bien parlé ; nous sommes heureux ^ d'apprendre com- ment tu as soigné M. Coillard; va et conti- nue à prendre soin de lui jusqu'au moment il sera enlevé de tes mains. »

Il est vraiment touchant de constater de (pielle sympathie M. Coillard est entoui'é : par- tout on veut le voir, lui parler. Que de poignées de main distribuées !

Mais voici le matin d'un beau dimanche. Les fidèles accourent en foule des environs, (pii à pied, qui à cheval, et ce dernier mode de loco-

Lc temple de Morija.

EN AFRIQUE 7 I

motion remporte de beaucoup. Bientôt deux mille personnes au moins sont accroupies sur riierbe, auprès du sanctuaire, (jui n'aurait pu tenir toute cette foule. Des eucalyptus, des pins, des acacias interceptent tant bien que mal les rayons d'un chaud soleil d'été. Lérotlioli lui- même vient s'asseoir à côté de nous, et pendant les deux heures et demie qu'a duré le service, y compris différentes allocutions et plusieurs chants, l'attention n'a pas faibli un instant. En tout cas les ba-Souto savent écouter.

Adossée à la montagne de Makhoarani, don!, les rochers en gradins revêtent des teintes vio- lacées, la station de Morija présente comme plusieurs étages : au bas le presbytère, habité par la famille Mabille. Non loin de là, nous voyons l'église, l'école primaire, l'imprimerie, puis les nombreuses maisons et huttes des indi- gènes. D'immenses aloès, aux branches en forme de candélabres, et aux fleurs jaunes, donnent un aspect particulier au paysage. Un peu au-dessus, nous distinguons l'habitation de

72 EX AFRIOUE

M. et M""^ A. Casalis, ainsi (jue l'école biblique, d'où l'on jouit d'une vue lari>e et variée sur la contrée environnante. Plus haut encore et à une certaine distance, après avoir passé au milieu d'arbres d'une belle venue, eucalyptus, chênes, plantés jadis par les pren)iers missionnaires, nous arrivons à la partie la plus élevée de la station, occupc'c par M. et M"'^^ Ojke, M. el M^^ Goring-, et se trouvent les spacieux bâti- ments de l'école normale.

TOURNÉE CHEZ LES BA-SOUTO

CHAPITRE VI

Les environs de Morija. A cheval ! Thaba- Bossiou « La montagne de la nuit ». A la grotte de Haba-Roana.

SI nos lecteurs le veulent bien, nous allons maintenant rayonner dans la région dont Morija est la capitale spirituelle. M. Louis Mabille devait visiter l'une de ses vingl-cin([ lointaines annexes, j'eus l'avantage de pouvoir me joindre à lui dans une de ses courses.

A sept heures du matin, nous mettons le pied à l'étrier et nous voici grimpant les flancs de la montagne de Maklioarani sur nos ardents poneys ba-souto qui, (pioique trapus, sont aussi agiles que des chèvres. Une fois arrivés sur

-yÔ EN AFRIQUE

le largo plateau ([ui forme le sominel de la mon- tagne et que recouvrent de vastes pâturai^es oii paissent des troupeaux de gros bétail, des che- vaux et des moulons, nous laissons galoper nos montures. Nous descendons ensuite dans des vallons pour remonter des pentes escar[)ées ; après quoi, nous longeons des champs de maïs et de sorgho, et voyons des femmes, en des poses pittoresques, défaire de petites meules de blé pour en trier le grain et en brûler la balle. Quelques villages indigènes aux huttes brunes, semés sur le vert des prairies, mêlent une note gaie au paysage.

Beaucoup de pâturages sont déserts; la «rin- derpest», cette terrible maladie du bétail bovin et (jui sévit en i8()7-i8()8, a décimé les trou- peaux, dont les neuf dixièmes auraient ainsi péri. Perte énorme, car un troupeau est ici connne une caisse d'épargne et l'agriculture mel loi il es ses économi(^s en gros bétail. Chose cui'ieuse, les ba-Soulo iw font ni beui're ni fro- mai»'e; ils ulilisoni bien le lail caillé ou « mah »

EN AFRIOUE 77

pour leur alimentation, niais à [)art cela, toute la traite ou à peu près est consommée par les veaux. Ils disséminent d'ordinaire leurs trou- peaux dans diverses prairies, afin de partager les risques en cas de razzias. Ces razzias étaient fréquentes avant l'arrivée des missionnaires, et les patres habituaient alors leurs troupeaux à un cri d'alarme spécial afin de pouvoir, devant un danger, s'éclipser rapidement. Les mission- naires ont, parait-il, beaucoup de peine à faire disparaître le « mariage par bétail », encore en pleine vigueur chez les païens ba-souto et dans lequel une jeune fille vaut en général vingt têtes de gros bétail, dix chèvres ou moutons et un cheval.

Cependant, notre séjour à Morija louche à sa fin; pendant ces quelques journées, grâce à l'amabilité de nos hôtes, de M-^^ Ad. Mabille, ainsi que de ses enfants ; de M. et de M"'*^ A. Ga- salis, directeur de l'école biblique; de M. et de ^jme Dyke, directeur de l'école normale ; de M. et M"'^^ Goring, nous avons |)u étudier de

^8 EN AFRIQUE

près les différents rouages de l'œuvre si impor- tHiile (|ui s'y poursuit. La veille de notre départ de Morija, soit le 2 février, plusieurs des missionnaires du Lessoulo sont venus saluer M. (^oillard, et nous allons très procliainemenl passer (piekpies jours chez l'un d'eux, un com- patriote, M. Edouard Jacottet, de Neuchâtel, tilulaire de la station de Thaba-Bossiou, dont nous séparent une (piaran laine de kilomètres hienlôl franeliis au galop de nos bons chevaux, en compagnie de M. Jacotlet lui-même.

(k^tte station de Thaba-Bossiou, assise sur une |)(Mite coHine, tire son nom de la montagne (jui l'aNoisine et au sommet de laquelle feu Mosliesh, le grand chef des ba-Souto, avait élabli sa résidence. Nous ne tardons pas à dis- tini» uer son église construite en pierre, à laquelle maïKpie le clocher, puis à gauche, dans la ver- dure, les différentes maisons en très bon étal tjui constituent l'ensemble de ce nouveau centre évang-élique.

M. C^oillard, (jue M. (^asalis a tenu à conduire

EN AFRIQUE 'yg

lui-mrme dans sa voiture, les [)is(es laissant beaucoup à désirer, arrive dans le courant de l'après-midi. Il est reçu par les anciens et les membres de l'Eglise, les élèves de l'école ou plutôt des écoles, car Tliaba-Bossiou possède aussi une école supérieure de jeunes filles (|ui, groupés au bas de la colline, accueillent M. Goillard par de beaux chants.

On compren- dra cpiel est le travail des mis- sionnaires avec lesba-Souto par cet exemple : le

district placé sous la direction de M. Jacottet couvre une superficie à peu près égale aux trois quarts de celles du canton de Neucliâtel, et ren- ferme de 25,000 à 3o,ooo ames de population. Treize annexes sont réparties dans ledit district, et M. Jacottet a sous sa surveillance ii) évan-

Thaba-Bossioq La station viissiomiaire de M. Edouard Jacottet.

8o EN AFRI(2UE

g-élistes ou maîtres d'école indigènes, qui en- seig-nent 786 catéchumènes et 764 élèves des écoles.

L'école supérieure de jeunes filles de Thaba- Bossiou, excellemment dirigée par M"® M. Cochet, comptait 33 élèves ba-souto. Outre leur instruction relig*ieuse, l'arithmétique, la géographie, l'histoire, le chant, le dessin, ces jeunes filles apprennent la cuisine, la couture

et tous les détails de la tenue d'une maison, de manière à 'l , être capables, dans la suite, de devenir des mères de fa- mille dignes de ce nom. Il est triste de pen- ser que, faute de place et de ressources, on doive s'en tenir à ce chiffre limité d'élèves.

EN AFRIQUE 8l

Par un bel après-midi, je suis monté avec M. Jacottet à la montagne de Thaba-Bossiou, soit « Montagne de la Nuit », où, en i865, le grand chef des ba-Souto, Mosliesli, tint tête aux Boers, qui perdirent leur chef Wepnar. Nous découvrons encore, dans les g'org'es escar- pées, les murs qui servaient de rempart aux ba- Souto. Arrivés au faîte, nous débouchons sur un plateau se trouve le cimetière de la famille royale. Chaque tombeau se compose d'un amon- cellement assez régulier de g-rosses pierres pla- cées simplement les unes sur les autres. Ces tombeaux varient comme dimensions ; celui de Moshesh a trois mètres de longueur sur deux de largeur et 76 centimètres de hauteur ; son nom est inscrit sur une modeste pierre de chevet. M. Jacottet m'apprend que, selon toute proba- bilité, le corps n'est pas dans le tombeau ; il a être inhumé en secret à côté ou plus loin, car, étant données les superstitions des ba-Souto, il convenait de laisser ig-norer se trouvait le corps, de peur que l'on s'en servit comme

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82 EN AFRIQUE

d'un « maléfice contre la nation ». Du reste, ces tombeaux sont plus ou moins livrés à l'abandon et l'on n'y voit que des chevaux broutant l'herbe qui les entoure.

Près de là, nous observons aussi de hautes dunes de sable. Gomme nous sommes à une altitude de 5ooo ou 6000 pieds au-dessus du niveau de la mer, on est fondé à supposer que ces dunes sont formées par l'effritement de la montag-ne elle-même, sous l'ac- tion des vents violents qui régnent sou- vent dans ces pa- rages.

Un service en plein air a réuni le dimanche^ à Thaba-Bossiou, un auditoire comme toujours fort attentif, de 1000 à 1200 personnes. Maso- pha% l'un des trois g-rands chefs ba-Souto, est venu, quoique encore païen, passer la journée

Le chef Masojyha et sa suite.

Masopha est mort dans le courant de l'année 1899.

EN AFRIOITE S.'^

à la station iiiissiounaire, et comme il a [)i is son repas à la table hospitalière de M. et M""' Ed. Jacottet, j'ai [)u le voir de près. Masoplia esl, un vieillard ridé, décharné, an rei^ard impératif. Il est vétn à l'enropéemie, et son lari>e chapeau de paille est orné de [)hi- mes blanches, de plumes de paon et de pintade.

Le 7 février, je partis pour une course au Machaché, aimablement arrangée en mon lion- neiu' par M. Jacottet. Avec ses 3ooo mètres, le Machaché est l'une des plus hautes sommités de cette partie de la chaîne des Malouti, et un superbe observatoire pour étudier la configura- tion du pays des ba-Souto . Mon aimable cicérone prend avec lui deux de ses hommes, ainsi qu'un cheval de bât chargé d'une petite tente et des provisions nécessaires. A 9 heures du matin nous nous mettons en selle et commençons à chevaucher à travers plateaux et ravines. Au milieu de la journée, nous faisons une halte

84 EN AFRIQUE

à la grotte de Haba-Roana (chez les petits Bushmen). Nous voyons sur les parois des rochers plusieurs de ces peintures caractéris- tiques exécutées autrefois par les Bushmen. Il en est des roug-es, des jaunes, des noires et des blanches. Ces dernières sont les plus nom- breuses et ce sont celles qui résistent le mieux à l'action du temps : l'ocre, des substances vég"étales et aussi du sang- étaient paraît-il, les ing-rédients servant à la fabrication de ces couleurs.

Ces peintures jetées au hasard sur le rocher accusent une absolue ignorance des proportions mais aussi un sens artistique indiscutable. Que de vie dans cet homme qui tire de l'arc ou dans cet autre qui court après une antilope! M. Ja- cottet me fait remarquer à juste titre que plu- sieurs de ces silhouettes d'hommes rappellent les dessins des vases étrusques.

Tout près de nous, de petits pâtres gardent des chèvres blanches ; ils nous ramènent nos chevaux, qui, entravés, paissaient à cpielque

EN AFRIQUE 85

distance, et nous poursuivons notre marche en côtoyant des champs de maïs et de sorgho règne une g-rande animation. Ces champs sont, en effet, l'objet d'une active surveillance, car il faut à tout prix les soustraire à la rapacité des oiseaux. Pour cela, des noirs, hommes, femmes et enfants, véritables statues aux poses gracieuses, ont été placés sur des tertres ou de légers échafaudages ; ils éloignent la gent ailée en poussant des cris répétés et en maniant une longue baguette flexible au bout de laquelle ils mettent une boule d'argile, sorte de catapulte redoutable entre leurs mains.

Nous arrivons au pied du Machaché, dont la silhouette se dresse à notre gauche, avec ses pentes gazonnées s'arrêtant à de belles parois de rochers. Nous suivons une gorge serpente un sentier encombré de pierres, au milieu des- quelles nos poneys ba-souto se faufilent avec une adresse surprenante. Enfin nous atteignons un col. Puis, après avoir traversé encore quel- ques pâturages, nous dressons pour la nuit

80 EN AFRIQUE

notre campement sur le bord d'un ruisseau aux eaux claires.

Le paysage qui nous entoure rappelle cer- taines parties des Alpes moyennes en Suisse. La flore est superbe et nous cueillons en parti- culier difïérentes espèces d'orchidées.

Les dernières teintes du soleil couchant s'év a- nouissent et la nuit arrive à pas rapides ; je puis encore distinguer à quelques centaines de mè- tres une antilope immobile sur un rocher. Les chevaux entravés paissent tranquillement, et notre repas terminé, nous ne tardons pas à aller chercher le repos dans notre tente longue de six pieds, larg-e de quatre et haute de trois, ce qui nous permet juste de nous étendre.

VUE D'ENSEMBLE SUR

LE PAYS DES BA-SOUTO

CHAPITRE VU

Au sommet du Machaché (3,000 mètres). La configuration du Basoutoland, appelé la Suisse de l'Afrique méridionale. Cana. Léribé. L'organisation de la Mission. Ses résul- tats. — Situation actuelle et notes générales sur le pays des ba-Souto.

LE lendemain, levés au petit jour, nous grimpons à cheval dans les pâturages jusqu'aux assises de la cime proprement dite. Ensuite nous laissons nos poneys et prenant par une arête, nous escaladons quelques ro- chers, ce qui nous conduit sans grande peine au sommet du Machaché. L'atmosphère est parfaitement claire; aussi jouissons-nous d'une

go EN AFRIQUE

vue d'ensemble du pays des ba-Souto avec, d'un côté, la contrée que borde la rivière du Galédon et de l'autre, la région que commande le massif des Malouli et qui s'étend entre les rivières du Petit-Orange et du Grand-Orange.

Devant nous, du nord-est à l'ouest, se déroule le haut plateau, très cultivé et tacheté de nom- breux villages indigènes; puis, au delà, nous plong-eons dans la plaine du Lessouto, d'où émergent des montagnes tabulaires qui sont la continuation du haut plateau, et plus loin encore, nos yeux pénètrent jusqu'à l'Etat libre d'Orange, nous disting-uons très bien l'emplacement de la ville de Ladybrand. La chaîne la plus éloignée que nous apercevions du haut du Machaché s'étend sur la rive droite du fleuve Orang-e ; le mont Hamilton, 3,5oo mètres, s'y détache nettement, cette chaîne à peine dentelée, rappelle la ligue du Jura vue des Alpes.

Beaucoup plus découpées sont les montagnes c[ue nous avons aux premiers plans. 11 en est de

EN AFRIQUE QI

niPiiie de celles (|ue nous découvrons au sud et au sud-ouest, et (jue l'on désigne sous le nom de Tliaba-Putsoa ; nous en sommes séparés par la vallée coule le Makhaleng (rivière des aloës); ces montagnes en lignes parallèles sont boursouflées, accidentées et coupées par des g"orges profondes. Bref, du sud-ouest au nord- est, nous n'avons autour de nous qu'un océan de montagnes. Les pays des ba-Souto a été appelé la Suisse de l'Afrique du Sud, mais c'est une Suisse sans neiges éternelles ni glaciers.

Otte cime nous sommes tire son nom d'un cannibale (( Alachaché », qui s'embusquait au pied de la montagne pour tuer les passants en vue de les manger. Le cannibalisme n'était pourtant pas de tradition dans cette contrée, il s'y est propagé à la suite des guerres et des famines, et, en i83o, il y florissait encore; il n'a disparu que sous l'influence des mission- naires et du grand chef Mosliesh . AL Jacoltet a eu comme membre de son Eglise une femme âgée (|ui, étant jeune, avait été prise par des

92 EN AFRIQUE

cannibales. Ils l'avaient enfermée dans une caverne pour l'engraisser et lui avaient coupé une oreille pour la reconnaître, mais elle avait pu déjouer la vigilance de ses gardiens et s'enfuir.

Dans l'après-midi du 8 février, nous nous quittons, M. Jacottet et moi, au pied du Ma- chaché, lui retournant à Thaba-Bossiou, moi allant rejoindre M. Coil- lard à Cana. M. Jacottet a eu l'obligeance de me prêter un bon cheval ainsi ([u'un de ses hommes

connue guide. La nuit

nous surprend au milieu des rochers et le guide a pei'(hi le point d'orienta- tion ; après avoir mis pied à terre, nous nous engageons dans une gorge hevaux, maie

Utie famille chez les ba-Soiito

(pie nos eue vaux, maigr(

leur agilité, ont de

EN AFRIQUE qS

la peine à gravir. Enfin, après avoir longtemps erré, nous sommes heureux d'apercevoir les lumières de l'hospitalière station missionnaire de Gana dont M. et M'^^Kohler me font les hon- neurs de la manière la plus aimable.

Le lendemain, j'ai le temps de parcourir le joli jardin qui entoure la maison d'habitation et croissent en abondance les fruits et les légumes européens.

La station missionnaire de Gana compte dix annexes, cinq cent trente-huit fidèles, huit écoles avec (juatre cent quarante-cinq écoliers.

Près de Gana, l'on voit une caverne jadis habitée par les cannibales; on y a découvert beaucoup d'ossements et M. Koliler me donne la mâchoire d'un malheureux qui fut jadis dévoré dans cet antre. M. Koliler nous conduit lui-même, M. Goillard et moi, dans son « cart » jusqu'à Léribé, soit à une distance de 35 à l[0 kilomètres.

A divers endroits, j'assiste encore à la chaude réception faite par les habitants à leur ancien

94 EN AFRIQUE

missionnaire M. Goillard. C'est à Léribé même que ces manifestations se produisent naturelle- ment avec le plus d'éclat, dans l'église édifiée par les soins de M. Coillard et abritée par les

superbes eucalyptus il l'entoura. J'ai les yeux l'em- placement exact le vaillant pionnier planta sa tente lorsque, en i85c), il ar- riva pour la pre- mière fois à Lé- ribé. J'habite la maison qu'il y construisit dans la suite. Gomme on le sait, M. Goillard a travaillé pendant plus de vingt années à Léribé, avant de se rendre de au Zambèze.

Gomme à l'ordinaire, M. Goillard est assailli de visites. Jonathan, petit-fils de Moshesh et

EN AFRIQUE QO

l'un des chefs les plus considérables du pays, lui dit entre autres paroles : « Si nous avons un peu d'intellig*ence, bien que nous n'en ayons pas beaucoup, c'est à toi que nous le devons. C'est toi qui m'a ouvert les yeux ; c'est toi et mon père Molapo qui avez fait de moi ce que je suis. » A son réveil, M. Goillard trouve déjà des visi- teurs devant sa porte : de tout côté on vient pour le voir et lui parler. Un évangéliste indi- gène, Pliélémoné, après une allocution dans le temple, lui a reuiis de la part de l'Eglise de Léribé une somme de 5oo fr. pour la mission du Zambèze. Du reste, dans le courant d'une année, les chrétiens du Lessouto, m'apprend M. Dieterlen, ont réuni plus de 4jOOO fr. pour cet objet.

Quels sacrifices cette somme ne représente- t-elle pas et quel pouvoir que celui qui opère de telles transformations et qui peut faire d'un (( sauvage » un homme et d'un « cannibale » un (( chrétien ».

Le dernier dimanche passé à Léribé, près de

96

EN AFRIQUE

deux mille indigènes sont accourus des environs pour entendre encore une fois M. Goillard. Nombre d'entre eux ont fait dans ce but plu- sieurs journées de voyage, qui à pied^ qui à cheval.

Quelles étaient pittoresques ces files d'hom- mes, de femmes drapées dans des étoffes aux couleurs voyantes, que l'on distinguait serpentant au loin dans la prairie et qui peu à peu se grou- paient près de la station missionnaire ! Combien l'a- pôtre du Zam- bèze dut souf-

Le tet/iple de Lérîbé.

frir

, lorsque ,

en 1884, il partit de Léribé, dont il était titulaire depuis 1807, pour fonder avec son admirable compagne la mission des ba-Rotsi, au nord du Zambèze ; mais quelle joie aussi pour lui que de constater les progrès accom- plis par l'Evangile parmi les ba-Souto, dont

EN AFRIQUE 97

quelques-uns, comme nous l'avons dit, étaient cannibales.

Le Lessouto est divisé au point de vue mis- sionnaire en dix-sept districts, y compris les deux stations du Griqualand East. Chaque sta- tion missionnaire forme une unité dont dépen- dent un certain nombre d'annexés; chacune de ces annexes dirig-ée par unévangéHste indig-ène, forme un centre d'évang-élisation et par consé- quent un point de contact avec la nation.

Les évang-élistes et les anciens d'église, tous des indigènes^ font partie des conseils presbyté- raux et des consistoires; chaque consistoire envoie ses délég"ués au synode qui se réunit tous les deux ans et qui est présidé par les mission- naires européens.

C'est ainsi que se fonde la future Eg-lise du pays des ba-Souto.

En l'année 1898, l'Eg-lise du pays des ba- Souto comptait 10,098 professants indig-ènes sortis du paganisme. Mais avec sa merveilleuse organisation, ses diverses écoles que nous eus-

7

98 EN AFRIQUE

siolîs voulu décrire plus en détail, car à côté de l'Evangile, chacun le sait, l'instruction et l'édu- cation sont les meilleurs moyens à employer pour dissipei" la superstition et pour moraliser ; il convient aussi de signaler une école indus- trielle formant les indigènes aux métiers de charpentiers, de charrons, menuisiers, tailleurs de pierre, ete.

Avec le dévouement de ses missionnaires à leur œuvre de civilisation chrétienne, cette Eg-lise forme au milieu d'une population totale de 260,000 indigènes, le ferment qui fait levei- la pâte. Partout son action est sensible dans les moeurs, dans les idées, dans le développement matériel.

Nous pourrions encore ajouter que le com- merce, quand il est honnêtement conduit, forme aussi un secours précieux. Il fait appel à l'effort du païen, il développe son individualité en mul- tipliant ses besoins et, pour les satisfaire, le païen doit s'astreindre à un travail r('gulier ; or le travail régulier constitue, pour les noirs aussi.

EN AFRIOl E 99

un moyen moralisateur de première importance. A ce titre, le christianisme et la civilisai ion européenne, si elle est honnête, loin de se con- trecarrer, contribuent à réaliser un seul et même idéal. Ouoique des temps nouveaux s'an- noncent, il ne faut pas se dissimuler la grandeur des difficultés à surmonter car les vices déve- loppés par le paganisme ont jeté des racines profondes; les missionnaires ont beaucoup à lutter contre la polygamie, source d'immoralité, négation de la vie de famille, et qui au point de vue du pouvoir, engendre chez les chefs des luttes intestines sans cesse renouvelées entre les enfants des différentes femmes.

Nous laissons à ceux de nos lecteurs qui dési- reraient des détails plus circonstanciés sur l'œu- vre magnifique, aux bienfaits de laquelle nous avons tenu à rendre le témoignage d'un témoin sincère, le soin de nous compléter eux-mêmes, à l'aide du Journal des Missions évangéliques de Pans ' .

' On s'abonne chez M. Scliultz, 9, rue Latitte, Paris.

lOO EX AFRIQUE

Fait remarquable, le peuple des ba-Souto en reprenant conscience de lui-même, voulut à son tour conquérir ses frères d'Afrique à la vie supérieure que seul l'Evangile a pu rallumer dans les âmes. La mission du Haut-Zambèze chez les ba-Rotsi est en quelque sorte issue du peuple des ba-Souto. En 1870 déjà, ces anciens païens ont fait dans ce sens un effort considé- rable ; ils ont réuni une somme de dix mille francs qui permit l'exécution d'un voyage mis- sionnaire chez les ba-Nyaï. Ce voyage peut être considéré comme la première étape de la grande œuvre de civilisation chrétienne que depuis Tannée i884 au milieu de difficultés et de souffrances inouïes, AI. Coillard a entreprise au Pays des ba-Rotsi; œuvre dont j'ai pu constater les résultats acquis, lors d'un voyage d'explo- ration que j'ai fait en 1890 dans ces contrées.

Que les a Zambézias » ne se laissent pas dé- courager! qu'elles se pénètrent de force, de bonne volonté, et qu'elles soient décidées dans la mesure de leur pouvoir, à former un appui

EN AFRIQUE

solide pour les vaillants pionniers du Haut- Zambèze; elles faciliteront ainsi la marche de cette jeune mission sur les traces de sa sœur ainée.

Répétons encore^ ce dont chaque voyageur impartial peut témoigner, que toute œuvre de civilisation n'ayant pas les principes du christianisme à sa base, est une œuvre néfaste, greffant des vices raffi- nés sur la pour- riture engen- drée par le pa- ganisme.

Le pays des ba-Souto ou le

Lessouto est borné à l'ouest et au nord [)ar l'Etat libre d'Orange, à l'est par le Natal et le Griqualand East, au sud par la colonie du Gap.

Sa superficie est estimée à i6,5oo kilomètres

Cavaliers indigènes.

I02 EN AFRIQUE

carrés et l'on [)eat calculer son altitude a env iron 1,600-2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer.

On [)eut sommairement diviser le pays des ba-Souto en deux régions distinctes :

a) Celle (jui s'étend entre les contreforts des Malouti ' et l'Etat libre d'Orange, contrée fertile qui produit en abondance le blé, le maïs, le sorgho, l'avoine, etc. ; elle est aussi la plus habitée.

b) La région montagneuse proprement dite, formée par les différentes chaînes des Malouti (jui sont séparées par des vallées coulent le fleuve de l'Orange et ses affluents; cette rég-ion renferme de riches pâturag-es paissent en été de nond3reux troupeaux de chevaux, de gros bétail ainsi que des chèvres et des moutons.

D'une manière générale le pays des ba-Souto est presque entièrement dénué de bois et de forets, mais l'eau y est abondante.

^ Grès.

EN AFRIQUE

10 3

Aujourd'hui les ba-Souto attribuent à la col- laboration de leur grand chef Mosliesh, ainsi qu'à l'œuvre chrétienne et morale qu^a exercée parmi eux la mission française de la Société des Mis- sions évangéliques de Paris, le fait qu'ils sont devenus un peuple.

Avant i833, ce pays était continuelle- ment ravagé par des guerres civiles et c'est pendant la pé-

[od

e (jui s e-

coula entre les années i833 et 1870, que le grand chef M o- shesli a réuni entre elles les débris de diffé- rentes tribus, soit des ba-Kuéna, des ba-Tokeng-, des ba-Siia, des ba-Hlakuana, des ma-Kloakhoa, des ba- Taung-, des ba-Phuti, des ma-Kholokué, des l)a-Rolong-, des ba-Hlaping-, des ba-Tlokoa,

Guerriers ba-Souto et J'I. Dieterlen.

I04 EN AFRIQUE

des ba-Péli, des ma-Hluibi, des ma-Péné, etc.

De ragglomération de ces clans ou débris de clans est née la nation des ba-Souto. Au point de vue moral, il faut le répéter, le rôle de la mission dans cette œuvre a été considérable.

Les recensements de 1870 et de 1891 accu- saient respectivement une population de 127,707 et de 218,324 indigènes; aujourd'hui le chiffre de 2605OOO indigènes serait sûrement dépassé.

Primitivement des bergers, les ba-Souto ont franchi une étape supérieure et ils sont devenus des agriculteurs.

Le Lessouto est peut-éti-e le pays africain (jui par rapport à sa superficie, occupe le prenjier rang- au point de vue de la culture de la terre; ce pays non seulement nourrit ses propres hale- tants, mais il exporte chaque année au Transvaal et dans l'Etat libre d'Orange de 100,000 à 200,000 sacs de céréales.

De nature, le mo-Souto est industrieux, so- ciable, bienveillant, très superstitieux, enclin à un matérialisme pratique et, menteur, comme

EN AFRIQUE 100

tous les païens. Sous rinfluence du christia- nisme il est capable de beaucoup se développer et son dévouement peut devenir complet.

En cas de guerre tout mo-Souto est soldat : excellent cavalier, mauvais tireur, bon mar- cheur, il peut être très sobre.

D'une manière générale le langage des ba- Souto est imagé. Ils se servent volontiers de comparaisons et ils parlent par sentences; voici quelques-unes de ces sentences qui sont d'un usage courant et que M. Dieterlen a bien voulu me transmettre :

« La braise eng"endre la cendre. » = Un bon père peut avoir un mauvais fils.

(( Pour abattre un éléphant il faut être d'accord. » = L'union fait la force.

(( Un cheval tombe, bien qu'il ait quatre pattes. » = Môme les sag-es peuvent se tromper.

(( L'enfant du crabe marche de côté. » Tel père, tel fils.

c( La famine est blottie sous le panier à provi- sions, » etc.

Suivant le désir qu'avait exprimé l'intelligent chef Mosliesh et après bien des péripéties, le

I06 EN AFRIQUE

g'ouveniement anglais a rteiidu son protectorat sur le pays des ba-Souto; il protège les ba- Souto contre leurs ennemis du dehors et aussi contre eux-mêmes, et les luttes intestines qui par la rivalité des chefs désolaient le pays ont beaucoup diminué.

Un village au Pays des ba-Souto.

Les autorités interdisent l'entrée de toute boisson alcoolique dans le territoire.

Toute hutte paie une taxe annuelle de ^5 fr., taxe unique, et une fois les dépenses de l'admi- nistration réglées, le surplus est employé dans l'intérêt du pays. C'est ainsi que l'on se mettra

EN AFRIQUE I 07

bientôt à construire des ponts et depuis long- temps déjà de fortes subventions sont allouées en faveur de l'instruction et de l'éducation des indigènes. Les ba-Souto vivent aujourd'hui, à la faveur de ce protectorat très larg*e, sous une sorte de régime de home rule, et bien que soumis au contrôle des autorités anglaises, les chefs indigènes continuent à avoir un grand pouvoir sur leurs sujets.

Selon les anciens usages de cette contrée le mode de propriété immobilière est encore tribal, et lorsqu'un habitant émig-re avec sa famille d'un district dans un autre, il perd la propriété de ses champs et de sa hutte; il lui est assigné, dans la rég-ion il arrive, le terrain sur lequel il pourra bâtir sa demeure et les champs qu'il pourra cultiver. Pas n'est besoin d'ajouter que le gouvernement apprécie hautement l'œuvre de civilisation chrétienne accomplie dans le pays des ba-Souto par la Société des missions évan- g'éliques de Paris.

ROUTE POUR BOULOUWAYO

CHAPITRE VIIl

Du pays des ba-Souto à celui des ma-Tébélé par l'Etat Libre d'Orange. Kimberley. Maféking. A Palapye, visite à Khama, le roi des ba-Mangwato. Arrivée à Boulouwayo ; progrès accomplis dans cette ville depuis 1895. Organisation et départ de l'expédition de M. Coillard.

LE 18 février, nous |)renoiis congé des directeurs de la station de Léribé, M. et M'"*^ Dielerlen; après les avoir remerciés de leur chaude hospitalité ainsi que de tous les renseignements qu'ils ont bien voulu nous don- ner, nous traversons, M. Coillard et moi, la rivière Calédon dans un «cart» aimablement mis à noire disposition, et nous remettons le

112 EN AFRIQUE

pied dans l'Etat libre d'Orange. Nous atteignons bientôt la paisible petite ville de Ficksburg-. Nous arrivons ensuite, à travers de g-randes plaines coupées ça et par des coteaux, à Prinzesbourg-, M. Ch. Newberry nous ac- cueille dans son superbe domaine de dix mille acres, soit l^ôoo hectares. Le propriétaire a déjà planté un million d'arbres d'essences diverses : eucalyptus, pin, peuplier, même le noyer. La maison d'habitation offre tous les avantages et le confort d'une «country house» anglaise.

Le frère de notre hôte, M. J. Newberry, de Leuwriver, qui nous attend chez ce dernier, nous a envoyé son «cart» attelé de deux paires d'excellents chevaux, ce qui facilite beaucoup notre voyage dans un pays les communica- tions sont difficiles. Nous arrivons à Ladybrand, M. Goillard y donne une conférence devant un nombreux auditoire convoqué dans la salle du tribunal. Nous faisons notre prochaine halte à New-Vale, propriété de la famille Keck et

EN AFRIQUE I 1 3

pour la seconde fois, nous y recevons la plus gracieuse des hospitalités, ce qui nous permet de constater un intéressant travail missionnaire s'accomplissant parmi les indigènes. Enfin, nous sommes à Leuwriver, M. J. Newberry nous réservait un accueil aussi chaud que lors de notre séjour en route pour le pays des ba- Souto. Il nous fit conduire encore à Blœmfbn- tein, avaient été arrang-ées plusieurs con- férences pour M. Goillard. De Blœmfontein 480 kilomètres de voie ferrée nous amènent à Kimberley, la «ville des diamants», dont l'in- dustrie continue à prospérer.

D'après ce que j'entends dire autour de moi, Kimberley est entrée dans une nouvelle phase de son existence : on n'y vient plus seulement pour tenter la fortune et s'en aller, on s'y éta- blit. Dans une visite au « compound », le quar- tier des noirs travaillant aux mines, nous avons rencontré des mineurs zambéziens qui ont tenu à remettre à M. Goillard de petites sommes d'argent, fruit de leur travail.

8

I l4 EN AFRIOI'E

C'est maintenant 35o kilomètres à faire plus au nord pour gagner Maféking-, le vaste campe- ment (jui formait, il n'y a que peu d'années, le point terminus de la ligne de chemin de fer el le point de départ des caravanes pour l'inté- rieur. C'est à Maféking- que notre expédition

fut organisée en 1895, et c'est de cette localité (jue nous par- tîmes dans nos chariots lirés par des t)œufs, à desti- nation du Pays des ba- Rotsi (Haut-Zambèze). Actuellement le «chariot de feu», A Palapye comme s'expriment les

Khaina, le roi des ba-Mangzvato, et M. Coillard. ^ ^

noirs, a prolonge sa course de 800 kilomètres au N.-E. jusqu'à Boulouwayo.

Nous avons le plaisir d'être rejoints à Mafé- king- par M. A. Bœgner, le directeur de la

EN AFRIQUE I 10

Société des missions évangéliques de Paris, qui revient de Madagascar el qui, désirant revoir M. Goillard, l'accompagnera jusqu'à Boulouwajo.

En roule pour celte dernière ville, nous nous arrêtons deux jours à Palapye, la résidence de Kliama, le sage roi des ha-Mangwalo et l'ami de M. Goillard, qui nous accorde plusieurs entre- vues. Dej)uis la dernière fois (jue je le vis, sa haute taille s'esl un peu voûtée ; il possède toujours même charme el même distinction : un parfait gentlemen.

Il me permit de lui adresser quelques ques- tions au sujet de son voyage en Angleterre, il se rendit, il v a quatre ans, pour demander à la reine Victoria son appui afin d'empêcher l'entrée de toute* espèce d'alcool sur son terri- toire, belle mission, dans laquelle on sait qu'il obtient gain de cause. M. Goillard veut bien me servir d'interprète.

Khama compare Londres à une fourmilière. Il nous dit que ce qui l'a le plus frappé en

I l() EN AFRIOUE

Angleterre, c'est le nombre des chrétiens qu'il a rencontrés ; s'il pouvait retourner en Europe, il voudrait en visiter les différentes Eglises. Il nous raconte encore que, lors de sa présentation à la reine d'Angleterre, on lui avait recom- mandé de toujours regarder la reine, sans tourner la téte ni à droite, ni à gauche, et que le ministre des colonies en personne mit aux

pieds de la sou- veraine, la su- [)erbe fourrure

dont Khan) a voulait lui faire hommage. Puis la reine se leva et lui fît un petit A Palapye (hscours ; Kha-

AJ>res la rizuiuni pitbiique dans le " Ickhotla

du roi Kkama. Uia UC iUt paS

peu gêné lors(]ue, suivant l'étiquette de la cour^ il dut se retirer ci reculons et en saluant. 11 nous montre le Nouveau-Testament en ma- rocjuin rouge et aux armes d'Angleterre (pii lui a élé offert par la reine.

EN AFRIQUE 1 I 7

Sur la demande de M. Goillard, Kliama annonce, dans le grand enclos, le (( lékiiolla », il rend la justice, une réunion |)ublique dans laquelle nous avons pu adresser la parole à plusieurs centaines de ses sujets.

Le 12 mars, nous sommes à Boulouwavo. Cette ville s'est beaucoup développée depuis notre passage il y a trois ans et demi, alors que nous revenions de notre exploration au pays des ba-Rotsi. Aujourd'hui elle est éclairée à l'électricité, et sur l'emplacement se trou- vaient jadis quelques huttes, se dresse un liôtel qui ne serait déplacé dans aucune grande ville européenne. A ce que m'apprend M. E. Ross Townsend, le « civil commissioner », la popula- tion de la ville aurait plus que doublé depuis 1895. A cette époque, le quartier Est de la ville comptait 20 maisons : il en possède acluellement 200. Le chang-ement est aussi remarquable dans la partie sud-ouest a voisina ut la gare, e( (jui s'est accrue de 200 à 3oo cojistructions.

Le long- de la «Main street». Tarière princi-

Il8 EX AFRIQUE

pale, il a été élevé plusieurs bâtiments, parmi lesquels nous citerons la ((Mashonaland agency» avec des colonnades d'un bel effet, le nouveau club, supérieurement installé et qui remplace avantafi;"eusement la bicoque en tôle galvanisée des temps passés, l'élégante église wesleyenne, nous avons assisté, un dimanche, à un im- portant service dans le- quel de superbes chants étaient ac- SilBZSBdSi^lt^^^ffliJ compagnés par la

musique mili-

I,e meilleur hôtel de Boiiloiiwayo en iSçj.

tan^e.

Les voies pu- bliques importantes de Boulouvvajo, qui ont une largeur moyenne de 3o mètres, se coupent à angle droit, à l'américaine. Celles (jui courent du nord au sud sont des (crues», les autres portent le nom (( d'avenues » et sont désignées par des numéros. Aujourd'hui, Boulouwayo est actuellement administré par un maire, assisté de huit conseillers : tous ces édiles

EN AFRIQUE I I Q

son! élus par les contribuables jouissant d'un revenu annuel d'au moins 1700 francs. Nous voyons passablement d'arbres fruitiers dans les environs de la ville, et on y cultive beaucoup de légumes. L'irrég ularité des saisons et le manque d'eau empeclieront probablement cette con- trée de produire de grandes quantités de blé; l'élevage du bétail y a plus d'avenir. On parle aussi

d'introduire dans certains emplacements convenables la vigne et le caféier.

Rencontré à différentes reprises l'honorable capitaine Lawley, neveu du duc de Westminster et l'administrateur délégué du pays des ma- Tébélé ou Matébéléland. Nous déjeunons chez lui à la résidence, fort bien située à trois ou (juatre kilomètres de la ville, sur la hauteur.

Le meilleur hôtel de Boiilouwayo en i8çç.

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EN AFRIQUE

Cette résidence fut occupée par les ma-Tébélé en iScjC).

Personne ne s'attendait alors à cette rébellion qui a éclaté comme un coup de foudre dans un ciel serein. Les ma-Téhélé auraient pu entrer sans coup férir dans Boulouwayo, alors une

La colcnne missioimaire qui accompagnera M. Coîllard au Pays des ba-Rotsi (Haut- Zavtbeze) .

ville ouverle, et il est prol)able (jue j)as un blanc n'aurait échappé à la mort . Aujourd'hui, cette jeune cité est entourée d'une enceinte de forts (jui rendent toute surprise de ce i»enre impossible.

Le 17 mars, la colonne missiomiaire (}

ue

M. Goillard allendait d'Europe airiva à bon

EN AFRIQUE I 2 I

port à BoiiloLiwayo. Elle comprenait clix-sepl membres : le docteur et M"'^ de Proscli, Gene- vois; M. et M*"'® Bouchet, cette dernière, hélas ! enlevée depuis dans la fleur de sa jeunesse et de sa riche nature, également de Genève ; M. et M'"^ P. Ramseyer, de Neuchâtel ; M. Burnier, de Lausanne; M. et M"'*^ Rittener, de Ghâteau- d'Œx; enfin M. et M'"^ Liénard, M. Verdier, M. et M"^'^ Lemue, Dupuy, M. et M'^^^ Martin, tous Français.

Il est malaisé de se représenter ce que sup- pose l'organisation d'une expédition pareille en tel pays. M. Goillard, malgré son âge, n'a négligé aucun détail ; il s'est arrêté au parti le plus pratique et qui off're le moins de risques : il a passé un arrangement avec un vieux « trek- ker» blanc bien connu et expérimenté, ([ui s'est engagé par contrat à transporter cette expédi- tion missionnaire, la plus forte qui se soit encore dirigée vers le Zambèze, jusque sur les bords du fleuve, vis-à-vis de Kazoungoula. Toutes les précautions dont il était humainement possible

EN AFRIQUE

de s'entourer ont ainsi été prises. Dans cette partie de l'Afrique, il faut toujours compter avec la possibilité du manque d'eau, avec les grandes steppes de sable, avec le climat, etc.; mais ce sont les Acts of God, comme disent les Anglais, et l'homme n'y peut rien.

Maintenant, la noble caravane est partie, son chef en téte. C'est un beau spectacle que celui

offert par cette colonne de jeu- nes gens cou- rant joyeuse- ment à la suite de l'apôtre du Zambèze, vers

Avnni le départ de V Expédition I Quelques-uns des chariots.

un

but

SI

^and,

et à travers tant de difficultés et d'inconnues. Nos vœux les plus ardents les acconqjagnent dans leur héroïque entreprise et nous espérons qu'en Europe les « Zambézias » formeront pour la mission du Zambèze une réserve solide, sur laquelle elle pourra compter.

EN AFRIÇ^UE 12^

Après avoir accompli mon programme, (|ui était d'accompagner M. Goillard jus(ju'à Bou- louwayo, je vais mettre à exécution nn second plan auquel je pensais depuis longtemps.

J'ai pris le parti de traverser le pays des ma- Tébélé, direction du nord-est, pour arriver ainsi dans celui des ma-Shona et séjourner à Salis- burj, capitale officielle de la Rliodésia. De là, je rejoindrai, direction sud-est, je le [)ourrai, la ligne du chemin de fer de Beira, par le moyen duquel, à travers la colonie portugaise Est-africaine, soit le territoire de la Compagnie de Mozambique, j'atteindrai Beira. Puis je me propose de prendre passag-e sur l'un des stea- mers de l'Océan Indien à destination de Mada- gascar, Aden, Djiboutil, canal de Suez, et le reste.

A TRAVERS LA RHODÉSIA

CHAPITRE IX

En coach à travers le Matébéléland et le Masho- naland. A Salisbury, sa fondation et les difficultés qu'eurent à surmonter ses premiers pionniers. Les cruels ma-Tébélé.

DE BoLilouw ayo à Salisbury s'éteodenl 4^0 kilomètres de prairies entrecoupées par des forêts, des sables et des marécages. Nous les avons franchis en 89 heures, soit quatre jours et quatre nuits, sans nous arrêter, sauf quelques heures pendant une nuit et le l,em[)s nécessaire pour les relais et les repas très élasticjues, ainsi que pour remettre en état notre « coach », qui a eu de nombreuses aventures. Pendant ce tra jel, il a versé une fois et s'est enlisé six ou sept fois.

128 EX AFRIQUE

11 ne j30uvait guère en être autrement, car la piste est des plus mauvaises.

Le (( coacli », construit en Amérique et haut sur ressorts, qui vous secoue aiïreusement, peut tenir douze voyageurs ; mais nous n'avons ja- mais été seulement la moitié de ce nombre. A plusieurs reprises, comme je l'ai dit, nous sommes restés enlisés, et même près de Gwelo le conducteur a retourner dans cette ville chercher une autre voiture, la nôtre s'étant em- bourbée si profondément que ni la pelle, ni la pioclie, ni les efforts redoublés de l'attelage ne purent la dégager.

Pendant cette opération nous avons passé la nuit à côté d'un marécage et sans pouvoir allu- mer du feu. Miasmes, forte rosée; tout est humide et froid après la forte chaleur de la journée. Puis est veuu un pays de bois et de marais, non loin de Fort Gil)bs; la contrée est déserte : seuls, des vautours perchés sur les arbres et qui semblent guetter une proie donneut quelque animation au paysage. Xous avons

EN AFRIQUE I29

franchi un peu plus loin la rivière Sebakwe, qui forme la frontière naturelle entre le Matébélé- land et le Mashonaland, et nous atteignons Enkledoon, petite localité composée de quelques huttes et d'une église ; elle est située dans une contrée fertile, bien arrosée et qui renferme déjà des fermes prospères. Qui peut savoir ce que l'ave- nir réserve à ces villes naissantes ?

C'est ainsi que Gwelo déjà nom- mée sera sans doute appelée à devenir, avec ses 200 à 3oo habitants, le centre d'un district

minier " coach s'embourbe.

On me dit que dans la saison des pluies de novembre à janvier les rivières sont très enflées, de sorte que le «coach» a pris jusqu'à ([uinze jours pour effectuer le trajet de Boulou- wayo à Salisbury. L'énergie angio-saxonne ne

9

l3o EN AFRIQUE

se laisse rebuter par aucun obstacle, et c'est vraiment un tour de force d'avoir entrepris cette lig-ne de poste rég*ulière. Pendant le mois d'oc- tobre 1895, M. Zeederberg-, entrepreneur de ce

service, pour le- quel il reçoit une forte subvention annuelle, a perdu 320 mules sur les différentes routes des postes rhodé- siennes. Pauvres mules, cinglées par un fouet que le conducteur manie à deux mains, on ne peut s'empêcher de vous plaindre et de vous apprécier !

Nous voici à Salisbury ; je fais d'abord con- naissance avec son infirmerie. Sir Marshall Clark, le représentant du g-ouvernement britan- nique au pays de Rhodésia, à ([ui je ne saurais assez témoigner ma reconnaissance, est venu

Encore !

EN AFRIQUE l3l

me prendre à l'hôtel pour nie conduire à l'infir- merie, car je souffre d'une attaque de fièvre paludéenne, unie probablement aux restes d'une ancienne insolation. Je dois la faveur d'une chambre particulière à l'infirmerie et les bons offices dont j'ai été l'objet, à une lettre d'introduction que m'avait remise sir Godefroy Lag'den, le résident du pays des ba-Souto, chez lequel, à Masérou, nous avions séjourné jadis, M. Coillard et moi.

Une fois rétabli et je n'oublierai pas les soins du D' \\ ylie je v isite Salisbury et ses environs dans le « cart » que m'offre complai- samment sir Marshall Clark.

Salisbury est encore un des témoins les plus éloquents de l'énergie anglo-saxonne. C'est le 2 septembre 1890 qu'une première expédi- tion de pionniers partie du nord du Transvaal, 200 européens et i5o indigènes, atteignit, après une marche de plus de 1600 kilomètres, le haut plateau de 4ooo à 5ooo pieds sur lequel devait s'élever bientôt la capitale de la Rliodésia.

l32 EN AFRIQUE

Les 35o hommes de 1890 eurent à affronter des diffîcaltés surhumaines. Pendantla première année, la mortahté causée par la fièvre fut très forte. En 1892 survint une famine qui mit presque un terme à l'existence de la jeune colo- nie. En 1893 seulement, les choses prennent un meilleur aspect, de nouveaux colons arrivent et la ville de Salisbury est définitivement fondée ainsi que celle de Victoria. Au mois d'octobre de la même année, le roi des ma-Tébélé envahit le pays des ma-Sliona, ce qui amena la guerre contre les ma-Tébélé et la naissance de la ville de Boulouwayo. Malgré ces circonstances ad- verses, la marche en avant continue; mais nous n'en avons pas fini avec les revers du début.

Quand, à la fin de 1896, les temps semblaient plus propices, l'Afrique du Sud fut de nouveau convulsionnée par le « raid » de Jameson, événement qui causa beaucoup de préjudice à laRhodésia. Deuxmois plus tard février 189G éclata la « rinderpest », l'effrayante épidémie du bétail. Sur une seule ferme périrent plus de

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trois mille animaux et il n'y eut bientôt presque plus de bestiaux dans le pays.

Le gouvernement ayant ordonné la destruc- tion de tout le bétail contaminé, soit qu'il appar- tint aux blancs ou aux indigènes, ces derniers avaient péniblement ressenti l'intrusion des blancs dans leurs affaires ; leurs prophètes n'eurent pas de peine à les persuader que la « rinderpest » était due aux maléfices des Euro- péens. D'où le soulèvement des indigènes, qui eut pour résultat l'anéantissement d'un dixième environ de la population blanche; son exter- mination aurait été conq^lète, si une semaine avant l'époque fixée pour les nouvelles Vêpres siciliennes, plusieurs inspecteurs blancs n'a- vaient déjà été tués par les ma-Tébélé, ce qui fit avorter le projet. On n'a qu'une idée bien incomplète en Europe de la barbarie des ma- Tébélé ; la guerre qui nous occupe forme une page aussi horrible que dramatique de l'histoire de ces jeunes pays. Une fois la rébellion répri- mée, et cela dura longtemps, il s'écoula encore

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bien des mois avant que l'ordre fut complète- ment rétabli et que les colons pussent de nou- veau reprendre leur activité normale.

11 faut espérer pour le bien de ces contrées et pour la cause de l'humanité que la puissance des ma-Tébélé aura reçu en 1896 un choc dont elle ne pourra plus se relever. C'est un châti- ment qui pour s'être fait attendre n'en a été que plus mérité.

Pendant plus d'un demi-siècle, les ma-Tébélé, véritables tigres humains, ont étendu leurs déprédations sur une superficie de pays qui peut être évaluée à cent quarante-quatre mille kilomètres carrés, soit du lac Ngami à l'ouest jusqu'à l'arête du grand plateau non loin des possessions portugaises Est-africaines, et au nord jusqu'à Zambèze.

Par eux de grands districts ont été dépeuplés et rendus déserts. Toujours en guerre, les ma- Tébélé vivaient de rapines, de pillages et ils étaient devenus la terreur des populations indi- gènes. Ils exécutaient dans ces contrées des

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« raids » au cours desquels les hommes étaient massacrés souvent avec des raffinements de cruautés impossibles à décrire. Il en était de même pour les enfants, auxquels ils laissaient souvent parfois la vie sauve, afin d'en faire des esclaves ou de futures recrues pour leur armée.

Les ma-Tébélé professaient un profond mé- pris pour les tribus indigènes du sud de l'Afri- que, ils faisaient une exception en faveur de la tribu martiale qui avait pour chef Gunyunyana. Lors de la première guerre en 1893, Loben- goula, le roi des ma-Tébélé ne désirait pas se mesurer avec les blancs; mais il fut débordé par ses jeunes guerriers qui voulaient « laver leurs lances dans le sang*. »

M. Louis Jalla de la mission du Haut-Zam- bèze, m'a raconté que dans un voyage qu'il fît au sud du grand fleuve, il trouva les restes de malheureux enfants à moitié carbonisés. Les ma-Tébélé avaient passé par-là. Après s'être saisis de quelques-unes de ces pauvres créa- tures, ils les avaient attachées par les jambes à

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une traverse reliée à des pieux fichés en terre ; puis ils avaient allumé des feux à une certaine distance de leurs victimes et pendanf, toute la nuit, ces féroces guerriers s'étaient repus de leurs cris d'agonie.

En 1878, le missionnaire Goillard fut le pri- sonnier de Lobengoula et pendant sa captivité, il put se rendre compte des choses liorribles qui se passaient dans le camp du roi des ma-Tébélé.

(( Boulouw ayo » l'ancienne résidence de Lo- bengoula porte un nom bien significatif, ce mot de langue zouloue se traduit par a Place des car- nages ».

Ceux d'entre leurs captifs, que les ma-Tébélé ne considéraient que comme bons à garder Je bétail, étaient appelés « Maholis » ; on les dé- signe aujourd'hui sous les noms de (( ma-Iva- langa » ou de « ma-Kalaka » et ils sont dissé- minés dans certaines parties du Matébéléland et du Mashonaland.

Bref ce qui caractérise les ma-Tébélé, race guerrière d'origine zouloue, c'est la cruauté;

EN AFRIQUE I^y

ils sont en général courageux, d'autre part ils dédaignent tout travail régulier.

Leur développement physique est très supé- rieur à celui des ma-Shona.

Les ma-Shona, de dispositions beaucoup plus pacifiques, se livrent aussi plus volontiers à un travail suivi soit pour cultiver le sol, soit dans l'exercice de divers métiers.

Pendant plus d'un demi-siècle, le pays des ma-Shona a été mis à feu et à sang- par les ma- Tébélé; avant cette époque, les tribus qui peu- plaient le Mashonaland possédaient du bétail en abondance et cultivaient le sol.

SALISBURY

CAPITALE DE LA RHODÉSIA

CHAPITRE X

Salisbury, capitale officielle de la Rhodésia. Elle va être reliée à l'Océan Indien ; modifica- tions au point de vue économique. L'élection du Conseil législatif. La Rhodésia. On y trouve des débris de la nation des ba-Rotsi ; leur influence auprès des indigènes. Un épisode de la révolte de 1896.

Aujourd'hui Salisbury, chef-lieu du Masho- iialand, est aussi le siège du gouverne- ment, soit la capitale officielle de la partie de la Rhodésia située au sud du Zambèze, com- prenant le Matébéléland et le Mashonaland.

Elle a été conçue sur le plan d'une grande cité, et on me dit que les rues tracées couvrent en longueur une superficie de 00 à 60 kilo-

EN AFRIQUE

mètres. Les maisons, g-énéralement en briques, aux toits couverts de tôle galvanisée, ont rare- ment plus d'un étage; beaucoup d'entre elles se composent uni([uement du rez-de-chaussée et sont indépendantes les unes des autres; elles

de Salisbury.

varient d'aspect suivant le goût de leurs posses- seurs. Nous trouvons encore nombre de cons- tructions faites entièrement de tôle galvanisée.

Ici, plus encore (|ue jadis à Boulouwayo, qui depuis peu, a accompli d'énormes progrès, nous

EN AFRIQUE l43

avons l'impression d'un grand campement. En somme, Salisbury, tout officielle qu'elle soit, a moins d'animation que Boulouwayo, la ville d'entreprise par excellence, dont les rues sont aussi mieux entretenues et les maisons mieux construites.

A cette heure, Salisbury compte une popula- tion de 2000 à 2600 blancs, pour la plupart gens mariés. Sans parler des édifices réservés à l'administration, elle possède trois églises, deux écoles, un hôtel, trois banques, un mar- clié couvert, huit hôtels ou hôtelleries, une station de police centrale, trois clubs dont l'un m'a fait l'honneur de m'inscrire dans son livre. En outre, trait bien typique et caractéristique des mœurs anglaises, Salisbury possède plus de vingt sociétés de sport, tir, musique, etc.

La presse locale y est représentée par deux journaux : \e Rhodesian Herald , paraissant tous les jours, et le Rhodesian Times, qui est heb- domadaire. De superbes boutiques sont déjà ouvertes dans le quartier des affaires. Tout près

l44 EN AFRIQUE

de celui-ci se trouve le quartier officiel. Enfin, au nord-est, en dehors de la ville proprement dite, a pris naissance le quartier aristocratique, avec les deux résidences gouvernementales et de nombreuses villas aux jardins fleuris. La ville est administrée par un maire et huit conseillers. J'ai eu l'honneur d'accompagner sir Marsliall et lady Clarke à la cérémonie, l'administrateur du Mashonaland, M. Milton, a remis au maire, M. Fairbridge^ l'insigne de son pouvoir, soit une magnifique chaîne d'or massif ornée de médailles. Cette cérémonie a eu lieu dans la halle du marché, remplie d'une foule de citoyens, dont quelques-uns en bras de chemise, ce qui n'a nullement nui au décorum.

Jusqu'ici la ville de Salisbury était isolée et sans communication facile, ce qui y rendait la vie très chère : c'est ainsi que, pendant mon séjour, une douzaine d'œufs pouvait se payer encore de 20 à 20 francs et un poulet de i5 à 20 francs. Tout cela va changer, car le chemin de fer si désiré, dont la tête de ligne se trouve

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à Beira sur l'Océan Indien, avance rapidement, et l'on parlait même de son inauguration pour la fin du mois de mai de la présente année ^ . Ce chemin de fer modifiera du tout au tout les con- ditions d'existence de Salisbury et sera d'un immense bénéfice pour le Mashonaland tout entier.

L'administrateur du Mashonaland, M. Milton, que j'ai eu le privilège de rencontrer plusieurs fois, m'a dit que pas plus tard qu'en 1897, une tonne de marchandises ( 1 000 kilos) voiturée par un chariot à bœufs, de Umtali, alors terminus du chemin de fer, à Salisbury, soit un parcours de 270 à 280 kilomètres, revenait à 8760 francs. Aujourd'hui, pour le même parcours et par le même moyen de locomotion, une tonne de mar- chandises coûte 25o francs de transport. Ces prix s'abaisseront encore considérablement lorsque la lig*ne ferrée atteindra Salisbury. En effet, d'après la convention anglo-portugaise de

^ L'inauguratiou s'est faite à l'époque tixée.

10

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1891, les tarifs de cette ligne ne doivent pas dépasser ceux des chemins de fer de la colonie du Cap, soit 6 pence ou 60 à 65 centimes par tonne et par mille. A cette époque, par consé- quent, de Umtali à Salisbury, une tonne de marchandises coûtera 18 francs 4o c. et du port de Beira sur l'Océan Indien, à la tête de la lig-ne, Salisbury, la tonne de marchandises reviendra de 226 à 260 francs. C'est donc toute une révolution économique qui se prépare.

Pendant mon séjour à Salisbury, il m'a été donné d'assister à l'élection d'un nouveau « con- seil législatif » pour la Rliodésia et devant siéger à Salisbury. Il doit se composer de deux députés élus par le Mashonaland, de deux élus par le Matébéléland, tandis que la direction de la Char- lered Company possède pour sa part cinq repré- sentants. Dans la circonscription de Salisbury, ce jour d'élection, un lundi, est considéré comme férié ; les électeurs se croisent dans les rues et se rendent au scrutin en arborant les couleurs de leur candidat préféré, bleu clair ou bleu foncé

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et orange. Ces couleurs se voient partout. Voici même un beau chien qui, sur son poil noir frisé, arbore fièrement le ruban bleu clair. En outre, comme dans tous les pays du monde en pareille circonstance, des affiches, mais grandes et répandues à profusion, célèbrent les mérites des différents candidats.

Le Mashonaland, d'une superficie d'environ 182,000 kilomètres carrés, compte approxi- mativement 2 5o,ooo à 3oo,ooo indigènes et Gooo blancs. Le Matébéléland, de 124,800 kilomètres carrés, possède de son côté 120,000 indigènes et 6000 blancs. Ces deux provinces réunies sous le nom de Rhodésia du Sud, sont dotées d'un gouvernement dans le détail duquel nous ne pouvons entrer en ce moment.

Disons encore, cependant, que les colons de la Rhodésia du Sud fondent à tort ou à raison non seulement beaucoup d'espoir sur les mines, mais avec le développement de l'irrigation sur- tout, ils prévoient aussi un certain essor de l'agriculture et de l'élevage. Le pays de Rho-

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désia produit déjà des céréales, ainsi que du tabac et du caoutchouc. On parle d'introduire le café, le riz, le coton, etc. Mais que d'ennemis contre lesquels il faut lutter ! A ceux déjà connus

de nos lecteurs, il faut ajouter une ma- ladie, particu- lière au cheval, la « horse sick- ness» qui, en peu de temps, a

Au Pays des ma-Shona. ^^î; . enlcvé Ic 8o ^/q

de leurs che- vaux aux troupes montées. En ce qui concerne la Rhodésia, sujet tellement discuté et d'actualité brûlante, je transcrirai en quelques lignes les résultats d'entretiens que j'ai eus à ce sujet avec M. Simpson, l'un des rédacteurs du Rhodesian Herald^ et qui a habité Salisbury pendant quatre années : «Jusqu'ici ce qui a été écrit au sujet du pays de Rhodésia, n'a pas toujours été impar- tial. Tandis que ses admirateurs le décrivent

EN AFRIQUE l49

comme un véritable paradis découlant de lait et de miel, ses détracteurs en font un tableau tout aussi erroné, en le dépeignant sous les sombres couleurs d'un marécage toujours hanté par la fièvre et impropre à la colonisation européenne.

Ces doux manières de voir sont exagérées. Bref l'on peut dire que le pays de Rhodésia n'est ni aussi bon, ni aussi mauvais qu'on a bien voulu le représenter. Que dans des circonstances ordi- naires, ce pays soit capable même sans parler de l'industrie encore problématique des mines d'or de nourrir un assez bon nombre d'Euro- péens, cela ne fait pas de doute pour la plupart de ceux qui l'ont visité. Il faut ajouter que seuls les hommes persévérants, sobres, doués d'une g-rande énergie, et décidés à supporter nombre de privations et de déceptions sans cesse renou- velées, dont on ne se fait aucune idée dans nos pays civilisés, sont capables de gagner leur vie dans ces contrées nouvelles. En outre, chaque nouveau colon devrait être pourvu d'un petit capital ».

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En parcoLiraul la ville, je suis Frappé du nombre de bicyclettes; les cavaliers et les voi- tures abondent moins qu'à Boulouw ajo ; ces dernières sont attelées de mules, qui résistent peut-être mieux à la « liorse sickness ».

Le chef du cadastre de la Rliodésia, M. Orpen, ancien magistrat au Basoutoland et vieil ami de M. Goillard, qu'il connaît depuis i858, soit une année après son arrivée en Afrique, disons en passant qu'il a épousé M"^' Rolland, fille du missionnaire bien connu, me fournit d'intéres- sants détails etlinolog-iques.

Il me dit qu'aujourd'hui encore, on trouve des débris de la tribu des ba-Rotsi dans le Matébéléland et le Mashonaland. Avant que Amasw^are et ensuite Mosélékatsi le grand chef des ma-Tébélé, ne les aient vaincus et concjuis, les ba-Rotsi formaient parait-il, la race ré- gnante du territoire appelé aujourd'hui la Rlio- désia du Sud. Leur souverain s'appelait Mambo et il résidait aux sources de la rivière Shangani soit à environ 80 kilomètres à l'est de Boulou- wayo .

EN AFRIQUE l5l

C'est après leur défaite que les ba-Rotsi énii- grèrent en masse au nord du Zanibèze.

A l'Iieure qu'il est, lors({u'elles ont à investir du pouvoir l'un de leurs chefs, plusieurs des tribus nia-Kalaka et ma-Sliona s'adressent pour cette cérémonie à quelque ressortissant de la tribu des ba-Rotsi. Les ba-Rotsi, disent-ils, furent les premiers représentants de la race noire qui pénétrèrent dans cette contrée, d'autres tribus suivirent leur émii^ration ([ui venait du « Nord ». Les ba-Rotsi rencontrés par M. Orpen lui ont dit que leur langage différait de celui des ma-Kalaka. Ils considèrent le «Molimo» qu'ils adorent, comme le créateur de toutes choses. L'endroit le ((Molimo» se manifeste lui-même dans l'obscurité et par la voix, comme un oracle, se trouve être une caverne située à 4o kilomètres au sud de Roulouwayo ; ce n'est pas la seule caverne habitée par les prêtres, et la voix du (( Molimo » puisse être en- tendue.

Les ma-Shona et d'autres tribus, quelques-

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unes habitant même le territoire portugais, envoient au «Molimo» des présents qui consis- tent en bétail noir, en chèvres noires ainsi ([u'en des cadeaux variés, toujours de couleur noire, et aussi des enfants.

Entre autres invitations reçues avant mon départ, j'ai aussi eu le plaisir de me rendre chez le (( Ghief Inspector», M. Robinson et presque toutes les personnes que je rencontre dans cette maison ont passé par les transes et les horreurs de la rébellion de 1896.

On estime que pendant cette période, auMas- honaland seulement, deux cents blancs ont été massacrés par les indigènes, tandis que deux cents autres blancs sont morts soit en com- battant, soit des suites de leurs blessures, soit de la fièvre. Que de scènes trag-iques se sont passées dans cette contrée, la révolte a éclaté soudainement et souvent, sans que les malheu- reux colons isolés et disséminés dans cet im- mense pays, aient eu le moindre espoir de secours. A quelques kilomètres de Salisbury,

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une famille entière est brutalement assassinée, et quels supplices; disons qu'à Mazœ ces sau- vag-es se saisissent d'un malheureux colon et vivant, ils lui coupent tous les doig-ts ; ailleurs un blanc se voit brûler vif par les indigènes. Des chefs de familles, impuissants à les secourir, voient les leurs mis à mort avec des raffinements de cruauté. Il faudrait des pag'es pour raconter ces atrocités.

Que de combats désespérés ; mais aussi que de traits d'héroïsme et de dévouement se sont pro- duits à cette époque, qui forme l'une des pages les plus sombres de l'histoire de cette jeune colonie. C'est ainsi que non loin de Salisbury, des blancs, dont quelques-uns, g-ens mariés, sont assiég-és par une horde de sauvages. Deux hommes se dévouent et ils s'efforcent d'atteindre la hutte qui sert de bureau des télé- g-raphes, car les indig-ènes n'ont pas encore appris en temps de guerre à couper les fils, et demander du secours à Salisbury. Ils avaient quelques centaines de mètres à parcourir : l'un

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d'eux tombe presque aussitôL mortellement frappé, tandis que le second, grièvement blessé, peut avant d'expirer, lancer un télégramme à Salisburj. Ce télégramme, réclamant l'en- voi immédiat de cent hommes, est reçu par le capitaine Randolph Wesbit, qui comman- dait une patrouille forte seulement de vingt hommes. Il se met aussitôt en route et il par- vient à se frayer un passage à travers les assié- geants. Les femmes sont placées dans un chariot recouvert de tôle et furent sauvées; les indi- gènes furieux de voir cette proie leur échap- per, attaquent à différentes reprises le petit convoi dont presque tous les hommes furent tués ou blessés.

LE CHEMIN DE FER

BEIRA-UMTALI-SALISBURY

(colonie portugaise est-africaine)

CHAPITRE XI

De Salisbury à Russapee, la première station organisée du chemin de fer de Beira-Umtali à Salisbury. Une ville qui se déplace. A travers le territoire de la Compagnie de Mo- zambique de New-Umtali à Beira. La ligne ferrée. Le pays de la mort. Le port de Beira sur l'Océan Indien.

J'ai quitté Salisbury sur une « wagonetle » recouverte de toile blanche et attelée de dix mules. Deux autres voyageurs, dont l'un m'ins- pire assez peu de confiance, tachent comme moi d'y prendre place au milieu des bagages et des sacs de lettres qui l'encombrent. Plusieurs de mes amis qui ont été si bons pendant mon

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séjour sont venus me serrer la main. A sept heures et demie du soir, les claquements du grand fouet ont fait prendre le trot aux mules, et Salisbury a disparu bientôt à nos regards.

Je dois renoncer à dénombrer les incidents souvent dramatiques, dont ma mémoire ainsi que mon journal ont gardé les traces. Je dé- tacherai pourtant, presque au hasard, quelques passages de mes notes :

21 avril. Quelle nuit! Serrés comme des an- chois, les jambes brisées et, secoués à en périr ! De bonne heure nous sommes enveloppés par un épais brouillard, tout est mouillé et humide. A neuf heures du matin nous atteignons Maran- deila. Notre patache court par monts et par vaux, le long d'une contrée verdoyante; nous y jouissons de ravissants points de vue sur les collines aux rochers superposés affectant les formes les plus diverses et dont plusieurs ne semblent se maintenir que par un prodige d'équilibre ou par une longue habitude.

EN AFRIQUE IDQ

Nous continuons à être secoués et à suffoquer de chaleur. Après avoir passé à gué la rivière de M'clieki, les mules ont de l'eau jusqu'au poitrail, et une plaine de marécag-es, nous arri- vons à Headland, sorte de ferme-hôtellerie îenue par des Boers. Gomme je n'ai rien mangé depuis le matin, et il est cinq heures, je suis heureux de voir arriver du thé, du beurre, du pain et de la « compote aux tomates ».

23 avril. Ayant quitté Headland, nous pre- nons une piste fort mauvaise ; nous allons des- cendre un col lorsque la roue de droite de l'arrière de notre véhicule se casse, et nous versons. A quelques minutes plus bas, alors que nous aurions été lancé à grande allure, nous ne nous en serions pas tirés à si bon marché !

Le « driver » a pris deux mules pour aller quérir une roue à Headland. A onze heures et demie seulement, il revient dans un léger «cart», muni d'une roue de rechange, mais.

l6o EN AFRIQUE

ô déception ! l'essieu est trop gros pour la roue. Notre «driver», le malheureux cocher souffre subitement d'un violent accès de fièvre. Il s'é- tend par terre, commence à gémir. Je lui fais avaler une forte dose de quinine et nous atten- dons. Ce n'est qu'entre une et deux heures qu'il

peut donner l'ordre à son aide «boy» d'atteler les ix mules au petit «cart», de le remplir avec les sacs de poste et

d'aller à Russapee pour y cher- cher du se- cours.

Je vais pendant ce

temps, avec un compagnon, chercher de l'eau pour apaiser la soif de notre « driver » gisant toujours malade dans la wagonette. Au cours de cette promenade, j'ai aperçu au sommet

£n détresse !

EN AFRIQUE iGl

(ruiie colline les huttes plus que rudimeiitaires d'un villai»e indii»'ène, disséminées dans les ro- chers.

J'essaie de me mettre à l'abri des rayons du soleil en m'installant derrière un bloc de granit. Ce n'est qu'entre cinq et sept heures du soir (ju'arrive le secours désiré, sous la forme d'un chariot de transport et d'un nouveau conducteur amené par le a boy». Nous avons vite fait de charger le bagage sur le chariot et de nous y hisser nous-mêmes, tant bien (jue mal ; le « driver », qui a recouvré ses esprits, peut [)rendre les rênes, tandis que le nouveau con- ducteur maniera le grand fouet, et... en route !

Nous n'avons pas roulé une heure qu'à une forte pente, oi-dre est donné au (( boy » de serrer le frein ; en descendant du chariot il roule à terre, et l'attelage lancé s'embourbe, heureu- sement sur la gauche de la piste, ce qui nous empêche de verser. Cependant la piste, tra- versant des marécages, demeure mauvaise ; nous nous emboui'bons sérieusement et il faut

162 EX AFRIOUE

recourir à la bèclie pour déi»ager l'uue des roues.

Après avoir t'raiiclii de grandes plaines cou- vertes de hautes herbes, nous a|)ercevons dans le lointain avec (juelle joie î les lumières de Russapee. Xous passons la rivière Lésa pi, •27) à ,So mètres de large, avec une profon- deur moyenne de quatre pieds. Les mules

entrent bravement dans l'eau, (pii inonde le fond du chariot.

Enfin nous sommes arri- vés, et nous ne sommes pas fâchés de faire honneur, dans la petite hôtellerie de Russapee, au repas qui nous y est servi. Xous sommes restés vingt-six heures sans manger, et pendant ce temps nous n'avons eu comme boisson qu'une tasse de café et un peu d'eau. Nous allons chercher \c repos dans des huttes rondes en torchis et recouvertes

EN AFRIQUE 1 ()3

de cliauiiie qui servent de cliaiid)res à coucher. Quant à Russapee elle-nienie, c'est une petite localité insalubre, située au-dessus d'une plaine niarécai>euse ; niais, ô nierveille! nous y retrou- vons le contact avec le monde civilisé. Nous en- tendons le sifflet de la locomotive de la ligne Beira-Unilali-Salisbury, qui d'une manière régulière, s'arrête pour le quart d'heure. Nous montons bientôt en wagon, w^agon très primitif, avec une l)anquette sur chaque côté pour empiler les bagages. Nous ne sommes pas en route de- puis une demi-heure que nous nous arrêtons pour prendre de l'eau, puis pour charger de bois le tender, car la machine est chauffée au bois, et ces deux manœuvres se renouvelleront souvent.

En quatre heures, nous gagnons Umtali, Old-Umtali, la vieille ville, qui a été fondée en 1892 n'existe plus. Au moment de la cons- truction du chemin de fer, il a été jugé néces- saire de déplacer la ville à seize kilomètres plus à l'Est, ce qui a été accompli moyennant des

l64 EN AFRIQUE

indemnités au montant d'environ un million de francs payées aux habitants. La nouvelle ville, située à une altitude de 1200 mètres, a reçu le nom de New-Umtali. Sa population blanche peut être évaluée de 3oo à 700 âmes. Cette ville est surtout formée d'une large artère bordée de constructions en l)ri(|ues ou en tôle

galvanisée, ces dernières les plus nombreuses, ainsi que de maisons disséminées. J'y visite un hôpi- tal, le tribunal, un superbe parc traversé par une

Ritssapee dans le Mashonaland, ou nous trouvons la première station dél à ( | Uelfl UCS organisée du cheiiiin de fer Beira-Lintali-Salisbury. J ' '

pelouses de fleurs : roses, œillets, etc. On me montre, dans une serre, des plantons de caféier dont on va essayer la culture.

Grâce à de précieuses introductions de per-

EN AFRIQUE I G5

sonna4»es officiels, la direction du clieniin de fer nie fait la gracieuseté de mettre à ma disposilion un wagon diredenient pour Beira et f[ui sera attaché à la (jueue d'un train spécial. Ces! un grand privilège, surtout en ces contrées des |)os- sessions portugaises ou du territoire de la Gom- [)agnie de Mozambique, (jue je vais traverser |)0ur atteindre l'océan Indien, et qui complent pai'uii les plus malsaines et les plus meurtrières du inonde. Pendant un certain temps la fron- tière que je vais franchir est restée indécise : celte question doit être arhitragée en Suisse, à Berne (( Berner agreenient », par une connnis- sion (pii n'a [)as encore rendu sa sentence.

J'ai pris possession de mon wagon et la direc- tion de la (Compagnie a poussé la courtoisie jusqu'à me considérer conmie son hôte, et à ne vouloir accepter aucun paiement pour le voyage jus([u'à Beira. Mon wagon est un wagon de marchandises couvert; le chef de gare de New-Umtali a eu la délicate attention d'y mettre une chaise, l'unique chaise de son bureau. J'ai

l66 EN AFRIOIE

ofïert riiospitalilé dans la dite voilure à M. K. Sim[)son, riiii des rédacteurs du Rhodesian Herald^ i\m retourne en Europe; il m'a Fourni nombre d'informations el d'apeirus inléres- sants sur le [)ays de Rliodesia (|u'il a habité de- puis 1895.

Après deux heures de route, nous atteii»iions la petite ville portugaise de Massikessi, une douzaine de douaniers vêtus de (( kaki » et coif- fés d'un feutre gris, circulent autour de notre ti'ain, examinant les bagages. Nous avons cessé d'être sous le drapeau anglais ; mais le chemin de fer nous circulons, est pourtant la pi'o- priété d'une com[)ag'nie anglaise (pii a désiré relier la Rliodesia à l'océan Indien.

Après avoir traversé ([uekpies stations, dont plusieurs sont autant de petites villes naissantes, nous stoppons au 1 13*^ mille, et l'on me demande si je consentirais à donner encore l'hospitalité dans mon wagon au docteur Edouard Rist. Sur ma réponse affirmative, je vois entrer un homme jeune encore et sympathirpie. Par une

EN xVFRIOlTE l(')7

curieuse coïncidence, mon nouveau conipai»non a passé les premières années de sa vie dans le canton de \ aud, puis il a suivi le collèi»'e de Lausanne et vécu chez le fils d'Urbain Olivier ; il conserve pour la Suisse une vive affection. Ancien élève de l'Inslitut Pasteur à Paris, il est venu pour le compte de la Compagnie de Mozambique installer à Beira un laboratoire bactériologique, destiné à la prophylaxie des maladies infectieuses, et en particulier de la peste. Il vient de passer deux jours à l'hôpital anglais installé avec beaucoup de soin par la direction générale du chemin de fer Beira-Um- tali, pour les employés de la ligne. Nous ne tar- dons pas à faire bonne connaissance et à mettre nos provisions en commun, nous félicitant l'un et l'autre de cette rencontre si inattendue.

Au matin et en quête d'une tasse de café, nous trouvons à Bamboo Creek une hôtellerie tenue par le fameux chasseur français Jean Renault, de Pau, dont les exploits cynégé- tiques ont fait (juelque bruit.

l68 EX AFRIQUE

Il y a beaucoup de gros gibier dans le ((Beira Flatt», plaine de Beira, zèbres, anti- lopes variées, buffles, etc. Après une conver- sation avec Jean Renault, j'en tire la conclusion qu'il considère la chasse aux buffles comme beaucoup plus dangereuse que celle du lion. Les lions puHulent dans ces contrées et Jean Renault me dit qu'en une seule année, douze ou treize blancs furent victimes de ces fauves.

Nous avons traversé de nombreux maré- cages recouverts de hautes herbes, des forets plus ou moins denses, avec çà et des groupements de huttes en roseaux, tout im- prégnées d'humidité et qui servent d'habitation aux pauvres nègres occupés à la voie.

Nous parvenons, toujours à travers une plaine marécageuse, à un endroit nommé Fon- tesvilla, qui est considéré comme un véritable charnier, et dont les huttes sont construites sin- des pilotis immergés dans l'eau et la boue. Le sol est seulement à un mètre et demi au-dessus du niveau de la mer ; pendant la saison des

EN AFRIOUE l()()

pluies, Fontesvilla et ses environs son! conver- tis en un grand lac vaseux de deux à trois pieds de profondeur. Bryce raconte dans son livre, qu'en i8()() le climat de Fontesvilla parui lelali- vement salubre, attendu ({u'au cours de celle année-là le [\'2 W seulement des blancs étal)lis avait trouvé la mort. Ou'étail-ce alors dans les périodes moins heureuses?

Nous ne sonnnes [)lus s(''par(''s de i3eij'a (|ue par cinquante-quatre kilomètres, mais nous sommes impatients de les avoir derrièi'e nous pour échapper aux émafiations fiévreuses de cette région pestilentielle.

Au moment nous traversons la lûvièi'e Pungwe, sur un pont provisoire élevé à la suite d'un accident de la voie, et tandis cpie nos wa- gons sont poussés par des noirs, je m'amuse à en photographier deux (pii premieni la fuite en s'/'criant (pie ma boîte renferme un démon. Sur la rive droite de la livière, nous passons une heure au soleil à attendre, avant de iVancliii- la grande plaine marécageuse, coup(''e |)arfois

EN AFRIQUE

par la tbrri vier4»e e( de superbes groupes de palmiers et bambous, le serpent sous les fleurs, cai* partout nous voyons l'eau croupissante sous cette nappe de verdure. Enfin, entre une et deux heures de l'après-midi, nous débar- quons à Beira.

l^ar les quelques détails (jue nous avons donnés sur l'atroce climat de cette partie des possessions portugaises^ on peut se faire une idée de ce que la construction des 2 1 7 milles le (( mille )) compte lOocj mètres ([ui séparent Beira d'Umtali a coûté de vies d'hommes. Com- bien de travailleurs à leur poste de devoir le matin et qui, le soir déjà, dormaient dans la tombe! On estime à 1000 blancs et coolies les pertes de la période 1892 à 1898. Pour le ter- rassement de la ligne, on fit venir des Indes deux steamers chargés de coolies; ils furent si vite enlevés (pi'il fallut appeler, pour prendre leur place, des nègres des bords du Zambèze, beaucoup plus réfractaires à ce climat meur- ti-iei-. La construction du [)ont de Rewiew a

EN AFRIOIE 171

coûté le 80 on 85 % des ouvriers employés à ce travail.

Combien dans celle atmosphère infestée, les fièvres paludéennes sont endémiques, les individus les plus forts sont fauchés connne l'herbe, l'cwistence humaine est peu de chose ! Aussi bien les gens voient-ils la mort d'un autre œil (|ue chez nous, comme la visiteuse toujours présente et pi'éle à faire son oeuvre. Une après- midi, dans une des petites stations (jue nous avons traversées, on nous informe (pie l'em- ployé du télégraphe venait de succomber à une attaque de lièvre paludéenne. Cela semblait chose tout ordinaire.

Le chemin de fer de Beira a coulé des hécatombes d'hommes et beaucoup d'argent, car il a pi'ésenté des dittîcultés le('lmi([ues innnenses. Les rails sur la section Beira- Fmîah, n'ont (ju'un écartement de deux pieds ; cet (Parlement va être porté à trois pieds, connue c'est déjà le cas sur le Ironcon Llnitali-Salisbuiy, une somme de

172

EN AFRIQUE

seize millions de francs a été souscrite à cet efFel.

Tant d'énergie et de sacrifices appellent plus (jue de l'étonnement. Il est impossible de ne pas admirer l'indomptable go ahead des Anglo-Saxons, asservissant littéralement la terre à leurs besoins, et lui arrachant à force

d'énergie les biens (ju'elle semblait vou- loir refuser à jamais à l'in- dustrie humai- ne. La ligne (jue nous ve- nons de j)arcourir fera époque dans le dévelop- pement économi(jue du sud de l'Afrique et déjà l'on parle d'une nouvelle voie (jui reliera Salisbury à J3oulou- wayo en passant par Gwelo.

Cette course à travers le |)ays de la nior'l est

Une m-; a Beira.

EN AFRIOUE 178

lieLireiisemeiit achevée ; nous sommes sur les bords de l'océan Indien, à Beira. Dans cette ville les rues sont couvertes d'un sable épais il serait difficile de se mouvoir sans la ressource des trottoirs cimentés. Il y a aussi, dans les principales artères, une voie ferrée courent, non pas des tramways soit électriques, soit à vapeur, mais de petites voitures appartenant à des particuliers et poussées par des noirs. C'est dans une de ces petites voitures sur rails que je fais quelques visites une en parti- culier au club entouré d'une vaste galerie dominant la mer et l'on me fait Tlionneur d'inscrire mon nom et que je me rends, selon l'usage, à la Résidence. j'ai une inté- ressante entrevue avec le gouv^erneur |)ortu- gais, le colonel Manuel Raphaël Gorjano. Il a la réputation d'un brave homme, toutefois pas toujours secondé par son entourage comme il le faudrait.

On a fait en général une si mauvaise répu- tation à Beira (jue le voyageur est plutôt trompé

EX AFRIQUE

en l)ien à sou sujel . La ville repose sur le sal)le et grâce aux travaux d'assainissement suceessiFs et aux hrises de l'Océan, on es[)ère y rendre le séjour à peu [)rès supportable. La population comptait, d'après le rapport officiel de i8()8, 4ooo à 45oo habitants^ savoir 665 Portugais, 191 Anglais, 85 Français, 5(j Grecs, hiiWens, 33 Allemands, 24 Autrichiens, if) Suisses, 9 Hollandais, 2680 nègres, 309 Indous, 127 Chi- nois, plus quelques Belg-es, Scandinaves, Amé- ricains, Russes, Espagnols, Turcs, etc. une belle macédoine de nationalités, comme on voit. D'après la même autorité, les importations se sont élevées en 1892 à 22,5oo,ooo fr. et les exportations caoutchouc, cire d'abeille, un peu d'ivoire à 786,000 fr.

La colonie portugaise de Mozambi(jue ou Est-africaine portugaise est divisée en deux provinces séparées par le Zambèze, à savoir, au nord, la province de Mozambique propre- ment dite et au sud celle de Loureiico Marqués. L'ensemble a une superficie estimée à l^l^-j^noo

E!v AFHiori-: 170

kilomètres carrés ; une pai'tie iinporlaiile de cet immense territoire a été concédée à di- verses compagnies. La portion cédée à la (k)m- pagnie de Mozambique, avec quartier général à Beira, s'étend du Zambèze au nord, à la l'ivière Sabi au sud, snr un espace de ()(),5oo kilomè- tres. Une autre compagnie s'est engagc'e à construire en une année, un chemin de fer qui partant de l'océan Indien, aboutira aux rives du lac Nyassa, tandis qu'une troisième compagnie assise sur la rivière Sal)i et le Limpopo, s'est chargée, de son côté, d'établir une voie ferrée allant du Limpopo juscpi'à la frontière du Transvaal.

LE RETOUR

PAR LA CÔTE ORIENTALE

12

CHAPITRE XII

En mer : de Beira à Marseille. La ville de Mozambique. Diégo-Suarez N.-E. de Mada- gascar. — Rencontre du général Galliéni à bord du «Djemnah«. Djiboutil. Le conseiller intime de Ménélick. La mer Rouge.

DE Beira à Marseille, le voyage est encore assez long- et ne manque certes pas d'inté- rêt. Nous l'avons effectué à bord de la Gironde des messag-eries maritimes, de Beira à Diégo- Suarez, au nord-est de l'ile de Madagascar, avec escale à Mozambique, sur le canal de ce nom ; puis, à partir de Diégo-Suarez, à bord du Djemiiah^ qui vient des îles de la Réunion el de Tamatave, ramenant en France, pour un congé bien mérité, le général Galliéni.

i8o EN AFRIQUE

Les souvenirs alDondeiit: pendant la nuit qui a suivi notre départ nous avons doublé l'embou- chure du Zambèze, puis voici Mozambique que nous saluons au passag-e et qui offre un spec- tacle absolument enchan- teur, avec ses ^^ Tï.'^ vieilles mai- ^ sons portu- i»aises et plus que centenaires^ ses

la rade de la ville de Mozambique. COUStrUCtionS modcmCS

à toit plat, blanches, roses, rougeâtres, se détachant en groupements pittoresques sur le bleu de la mer, encadrées par des cocotiers aux formes gracieuses. Un cloclier d'un blanc très pur domine cet ensemble. Enfin, en sui- vant la côte, se présente un village indigène dont les huttes de roseaux de teintes sombres forment un vif contraste avec la ville portu- gaise. Dans la rade, de nombreuses embarca- tions aux blanches voiles et des « dhaws » battant le pavillon turc ; ces dernières ne con- tiendraient-elles pas des esclaves?

EN AFRigiE lîSl

Grâce à rautorisalion du capitaine Rivière, dont l'extrême obligeance ne s'est pas un ins- tant démentie, nous pouvons, M. Rist, un troi- sième voyageur et moi, aller à terre dans la matinée et parcourir la ville de lMozaml)i(pie.

Le village indigène à Mozaïubique

La chaleur est déjà intense. Nous nous rendons au marché, assez bruyant, se débitent des bananes, des citrons, des ponuTies de canelle, des arachides, du tabac, du piment, des feuilles

l82 EN AFRIQUE

Ix'lel, etc. Les rues sont propres, le plus sou- vent étroites ; en voici une flanquée d'un tiot- toir dallé de marbre blanc et noir. L'église de Sao Paolo est plus intéressante de loin que de près ; nous passons près d'une caserne sont postés des soldats indigènes revêtus d'uniformes en coutil avec des revers rouges. Non loin d'un grand jardin public, véritable bouc[uet de fleurs, nous voyons l'hôpital, dont le doctem' Rist chante merveille, après une courte visite qu'il vieni d'y faire. Enfin, par ime belle avenue de figuiers, nous poussons jusqu'au village indi- gène caché au milieu des cocotiers et qui nous transporte dans un autre monde.

L'iIe sur laquelle s'élève la ville de Mozam- bi([ue a une longueur de (piatre kilomètres. Il se fait un grand commerce. Les indigènes apportent à Mesaril, une ville placée sur la terre ferme, de l'or, de l'argent, du fer^ de l'ivoire, des graines de sésame, de l'huile, du sorgho, de l'arrowroot, de l'écaillé, de l'indigo.

Nous avons ('té frappés du grand nombre

E-N AFRIQUE 1 83

d'Iiidous reiic(3ntrés, se livrant au commerce et seiublaut être dans une position prospère.

... Diégo-Suarez, Madagascar! Cette splen- dide rade de Diégo-Suarez pourrait sans doute, vu ses dimensions, servir de lieu de refuge aux flottes réunies du monde entier. On peut diviser la rade de Diégo-Suarez en deux parties. Au nord la baie du Tonnerre qui est séparée de la baie des Cailloux Blancs par le cap Vertoma- nitry, ces baies sont frangées par des montagnes plus ou moins élevées, boisées et très décou- pées. Au sud, après avoir longé la bande de terre du cap Andronomody et le phare au som- met duquel flotte le drapeau tricolore, nous passons devant la baie des Français. Celle-ci est séparée de la baie du Port de la Nièvre par la Pointe du Corail, sur les flancs de laquelle est bâtie la ville d'Antsirana. Nous débarquons à Antsirana, qui s'élève en g-radins au bord de la mer, et nous trouvons 5ooo à 6000 hommes de garnison, infanterie de marine et artilleurs. Les maisons d'Antsirana conq^rennent un étage

l84 EX AFRIQUE

OU seulement un rez-de-chaussée. Elles sont construites en bois. La ville est certainement plus avenante vue de la mer que lorscjue on v a débarqué. Nous parcourons dans sa longueur la chaussée qui du nord au sud traverse Antsi- rana et qui aboutit à la campagne. Ici et nous découvrons de beaux points de vue, au sud sur le Mont d'Ambre et les montagnes qui l'entou- rent, au nord sur la mer. Xous croisons des chariots traînés par des zèbres, ces animaux à la téte fine et (pii sauf un garrot énorme, sont bien proportionnés. Groupes pittoresques d'hommes et de femmes malgaches à la démarche légère; les femmes, dont la j^eau bronzée ressort au milieu des cotonnades blanches ou de cou- leurs voyantes dont elles aiment à se parer, attirent l'attention par les étranges cond^inai- sons qu'elles font subir à leur chevelure, com- binaisons variant à l'infini et qui souvent ne manquent pas d'originalité. Voici une Malgache dont l'épaisse toison noire es! séparée par plu- sieurs raies parallèles, tandis que celle de sa

EX AFRIQUE I S5

compagne est couverte de nombreuses papillotes savamment superposées. Antsirana occupe une position stratégique de premier ordre, mais le commerce n'y est pas important.

L'après-midi de notre arrivée à Antsirana, le Djemnah arrive majestueusement. Le pavillon du général Galliéni, gouverneur de Madagascar et de ses dépendances, bleu foncé avec un petit écusson rouge et blanc, flotte au grand mât. Grande agitation à terre, l'on ^ient d'élever un arc de triomphe sur la jetée, pen- dant que déjà les troupes se massent. Au mo- ment où le général met pied à terre, le canon tonne.

...Nous avons pris congé du brave capitaine Rivière et nous nous sommes transbordés le soir même de son arrivée, sur le Djemnah. Beaucoup de monde y prend place, dont un bon nombre de soldats anémiés par les fièvres et qui ne reverront probablement pas tous la France aimée. Je partage ma cabine avec le docteur Rist, ([ui se rend en Egypte.

l8() EN AFRIQUE

Au petit jour, monté sur le gaillard d'avai^t, je vois arriver les malheureux zébus qui doivent servir à noire nourriture. Ils sont hissés à bord par le treuil. On me dit parfois que du rivage au steamer, l'un d'eux devient la proie des re(juins (jui pullulent dans la rade de Diégo-Suarez. On me doime la photographie de l'un de ces requins, capturé en 1898 par l'équipage de la Gironde', il mesure entre k) et 20 pieds, et son poids a été estimé à 4oo livres environ.

J'ai eu plusieurs fois l'occasion de m'entrete- nir avec le général Galliéni : grand, maigre, toujours correct, c'est le type du gentleman sous le soldat. Il m'accueillit d'une manière très affable, en me disant que nous sommes collè- gues, puisque nous faisons partie l'un et l'autre de la Société de géographie de Paris. Il me pose plusieurs questions sur le pays des ba-l\otsi, puis me parle de ses différentes explorations au Soudan, au Tonkin et ailleurs. C'est un homme qui a des vues d'ensemble sur les événements inq3ortants qui s'accomplissent en ce moment

EN AFRIQUE 187

concernant la conquête de l'Afrique par les grandes nations civilisées. En ce qui regarde Madagascar, il me dit être arrivé à la conviction que les missions protestantes dans cette île, les sociétés anglaises aussi bien que les autres, poursuivent une œuvre exempte de toute arrière- pensée politique. Il admire beaucoup les mis- sions norvégiennes, qui ont fondé à Madagas- car une école pour jeunes filles, les élèves recueillies depuis le plus jeune âg e, sont gardées jusqu'au moment de leur mariage, et formées en vue de leur futur rôle de mères de famille. Il témoigne sa haute estime pour la Société des missions évangéliques de Paris et pour ses deux délégués, M. Bœgner, son directeur et M. Paul Germond, notre compatriote vau- dois, dont il partage le sentiment au sujet du rôle des écoles professionnelles. Une ancienne propriété de la reine de Madagascar a été mise pour ces écoles à la disposition de la Société de Paris. Le gouverneur a étudié la situation con- fessionnelle à Madagascar avec toute la loyauté

l88 EX AFRIOUE

d'un homme énergique et voulant le bien, et il est décidé à assurer sur ces terres lointaines, le respect des différents cultes et des lois qui les garantissent.

Partis le 7 mai des eaux malgaches, nous

Le général Gallîénî, Gouverneur de Madagascar et de ses déj>end::!ices.

heures du soir, el naviguerons désormais dans l'hémisphère nord.

Je ferai grâce à mes lecteurs de certains dé- tails très personnels : de longues journées el des nuits plus longues encore, passées dans une

EN AFRIQUE I 89

fièvre brûlante, me causant une faiblesse, une transpiration continuelle, ainsi que des insom- nies pénibles. Et que dire de cette cabine sur- chauffée au milieu des réverbérations du soleil ! Mais dans ma vie de voyageur j'ai fait des expé- riences plus douloureuses... Je sais que Celui (jui tient notre destinée entre ses mains est Tout-Puissant... et que, « quoi qu'il arrive, il ne faut pas se décourager »... En outre, n'ai-je pas le privilège d'avoir à mes côtés le l^rave D' Rist, qui m'administre force quinine, sina- pismes, etc. ?

Le 1 4 mai nous jetons l'ancre devant Djiboutil devenue terre française depuis sept années; cette ville est située sur la côte des Somalis au sud-est de la baie de Tadjoura. On me dit que Djiboutil possède une population de 12,000 habitants parmi lesquels on compte 1,200 Européens. Dépôt de charbon et importations diverses.

Djiboutil forme la téte de ligne du chemin de fer éthiopien ou abvssin, soit la ligne ferrée qui

igO EN AFRIOLE

est actuellement en consLrLiction de Harrar '620 kiloni., Entolo 760 kilom.

En rade de Djiboutil nous voyons plusieurs vaisseaux battant le pavillon français et à bâbord tout près de notre ancrage, un croiseur sous pression, va ramener en France le valeureux commandant Marchand qui, ainsi que ses com- pagnons de voyage sont attendus d'un jour à l'autre.

Un Européen, conseiller intime de Ménélick, le roi des Abyssins, s'est embarqué à l)ord du Djejnnali et je l'entends déplorer l'intrusion des Européens en Abyssinie ; on aurait com- prendre en Europe, me dit-il un jour, qu'il fallait respecter les Abyssins, augmenter leur force et non pas l'amoindrir. D'après lui, les Abyssins qui sont guerriers de naissance, auraient pu en cas de nécessité mettre 5oo,ooo hommes sur pied de guerre; ils serviraient ainsi de « tampon » contre les innombrables tribus musulmanes qui les entourent, tribus dange- reuses et qui toutes détestent les « Ghiaours ».

EN AFRIOIE

Le i5 mai, après avoir [)assé le détroil de Bab-el-Maiidel), nous débouchions dans la nier Rouge, que je traversais pour la (jualrième fois; la chalein* est toujours forte : on me dit que sur le pont, à l'ombre et malgré lesdoul)les tentes, le thermomètre est monté jusqu'à 35*^,;") centigrades.

Nous perdons sur la mer Rouge une dame française des colonies qui se rendait en France avec son mari, pour sa santé. Un voile de deuil nous enveloppe tous. Allant moi-même mieux, je suis invité à participer à l'émouvante céi"('- monie de l'ensevelissement en mer.

Le i8 mai, nous voyons le Sinaï au matin et on nous annonce Suez pour le soir. C'est que j'ai pris congé, avec reconnaissance, du docteur Rist, se rendant à Alexandrie pour prendre possession de ses nouvelles fonctions de médecin inspecteur général des services sa- nitaires en Egypte.

Nous sommes maintenant dans des rég-ions familières et l'on n'attend pas de nous une des-

192 EN AFRIQUE

criptioli du parcours sur la Méditerranée jusqu'à Marseille, nous arrivons le 20 mai et débar- ([uons avec quelques retards causés par les formalités sanitaires. Nous prenons, comme compagnons de voyage, notre petite part des honneurs rendus au général Galliéni, et chacun poursuit sa route vers le point l'ap- pellent ses affections ou ses devoirs. Pour moi, je regagne Genève. Je suis impatient de me débarrasser entièrement de la fièvre, et il n'est pas besoin de dire que je suis obsédé par tant de souvenirs qui me reviennent en foule, et qui me font penser aux destinées encore inconnues du vaste continent noir dé- chirant les ténèbres de sa nuit séculaire, et à son futur rôle économique, social, religieux, civihsateur.

TABLE DES GRAVURES

ET TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES GRAVURES

Pages

1. Le Missioiiiitiire Coillard et M. Alfred

Bertrand 4

2. Le roi Léwanika autrefois -lo

3. Le roi Léwanika aujoiird luii 21

4. M. le Missionnaire Coillard 80

5. Blœmfontein 4^>

6. Le c( cart » 4^

7. A a Lenw River » /jD

8. Nous passons en bac le Galédon ôS

9. La nouvelle école biblique de Morija . (io

10. Une chaleureuse réception

11. Lérotlioli, le i;"rand chef des ba-Soiito, et

M. Louis Mabille (')7

196 EX AFRIQUE

Pages

12. Le temple Je Morija 70

13. Tliaba-Bossiou, la station missionnaire de M.

Edouard Jacottet 7()

14. Dimanche 8a

15. Le chef Masopha et sa suite 82

iG. Une famille chez les ba-Souto ()2

17. La maison construite par ]\L Goillard à Léribé 94

18. Le temple de Léribé 9(>

19. Cavaliers indig-ènes 101

20. Guerriers ba-Souto et M. Dieterlen . . . . io3

21. Un village au Pays des ba-Souto . . . . loG

22. A Palapye Kliama, le roi des ba-Mang-

wato, et M. Coillard ii4

28. A Palapye Après la réunion publique dans

le « lékhotla y) du roi Khama i iG

24. Le meilleur hôtel de Boulouwayo en 1895 . 118

25. Le meilleur hôtel de Boulouwayo en 1899 . 119

26. La colonne missionnaire qui accompagnera

M. Coillard au Pays des ba-Rotsi (Haut-

Zambèzei 120

27. Avant le départ de l'expédition ! Quelques-

uns des chariots 122

28. Le acoacli» s'end^ourbe 129

29. Encore ! ^"^^

30. Ari été par la fièvre à l'Infirmerie de Salisbury 142

EN AFRIQUE I ()7

Pages

31. Au Pays des ma-Shoua i48

32. En détresse iGo

33. Dans les hautes hei^bes 1G2

34. Russapee dans le Mashonaland, nous

trouvons la première station org^anisée du

chemin de fer Beira-Umtali-Salisburv . . iG4

35. Une rue à Beira 172

36. Dans la rade de la ville de Mozambique . . 180

37. Le village indi2;ène à Mozambique . . . . 181

38. A bord du « Djemnah » Le général Galliéni,

g-ouverneur de Madag'ascar et de ses dépen- dances 188

Une carte.

TABLE DES MATIÈRES

(Chapitre I. En route.

Pages

Le départ. En mer. Aux « Zambézias ». 1 1

Chapitre II. A rivée au Cap.

Noel à bord. La ville du Gap et ses environs. Une entrevue avec M. Ceci! Rhodes. Au sommet de la montagne de la Table. Une nouvelle « Zambézia » 27

200

EN AFRIQUE

(Chapitre III. Dans VEiat libre d'Orange.

T-»i c Pages

Blœmfontein, capitale de TElat libre d'Orange. Une audience du Président de la Républi- que. — Quelques données sur l'Etat libre d'Orang-e 3^

Chapitre IV. L' Agriculture (i Leuu^river, Le domaine de Leuwriver dans le « Gonquered

Territory » . . . 47

Chapitre V. Au pays des Ba-Souto. Visite de M. Coillard après quinze années d'ab- sence. — L'œuvre de civilisation chré- tienne accomplie par la Société des Mis- sions évan^éliques de Paris. Morija. Le grand chef Lérotholi 07

Chapitre VI. Tournée chez les Ba-Souto. Les environs de Morija. A cheval ! Thaba- Bossiou (( La montag-ne de la nuit ». A la g-rotte de Haba-Roana 76

EN AFRIQUE

201

Chapitre VII. Vue (F ensemble sur le pcii/s des Ba-Soiito.

Pages

Au sommet du Macliaché, 3ooo mètres. La confi2;"uratioii du Basoutolaiid, appelé la Suisse de l'Afrique méridionale. Gana. Léribé. L'org-anisatiou de la Mission. Ses résultats. Situation actuelle et notes g"énérales sur le pays des ba-Souto. 89

Chapitre VIII. En route pour Boulouumyo. Du pavs des ba-Souto à celui des ma-Téj)élé par l'Etat libre d'Orange. Kiml)erley. Ma- féking-. A Palapye. Visite à Khama, le roi des ba-Mangwato. Ari-ivée à Boulou- wavo ; pro^-rès accomplis dans cette ville depuis 1890. Oro-anisation et départ de l'expédition de M. Coillard m

Chapitre IX. A travers la Rhodésia. En coach à travers le Matél)éléland et le Mashona- land. A Salisburv. sa fondation et les difficultés qu'eurent à surmonter ses pre- miers pionniers. Les cruels ma-Tébélé. 127

202

EN AFRIOl E

(Chapitre X. Ln capitale de ta Rhodésia,

Pages

Salishiirv, capitale officielle de la Rhodésia. Elle va être reliée à l'Océan Indien ; modifi- cations au point de vue économique. L'élection du Conseil législatif. La Rho- désia. — On y trouve les débris de la na- tion des ba-Rotsi ; leur influence auprès des indig-ènes. Un épisode de la révolte de 1896 i4i

Chapitre XI.

Le clieinin de fer Beira-Umtali-Salisbiirij (Colonie portugaise est-africaine).

De Salisburv à Russapee, la première station or- ganisée du chemin de fer de Reira-Umtali à Salisburv. Une ville qui se déplace.

A travers le territoire de la Compagnie de Mozambique de New-Umtali à Beira.

La ligne ferrée. Le pays de la mort.

Le port de Beira sur l'Océan Indien . . . 167

EN AFRIQUE

203

(hiAPITRE XII

Le retour par la côte orientale.

Pages

En mer : de Beira à Marseille. La ville de Mo- zambique. — ' Diégo-Suarez N.-E. de Ma- dag-ascar. Rencontre du général Gallié- ni à bord du « Djemnah ». Djiboutil. Le conseiller intime de Ménélick, La Mer Roug-e i 7()

DU MÊME AUTEUR :

/lu pays des ba-F^otsi

Haut-Zambèze VOYAGE D'EXPLORATION EN AFRIQUE

et retour par les Chutes Victoria, le Matébéléland, le Transvaal, Natal, le Cap. Ouvrage illustré de 105 gravures et de deux cartes.

Paris Hachette 1898

Traduction anglaise par A.-B. Miall :

THE KINGDOM OF THE BAROTSl

Upper Zambezia

A VOYAGE OF EXPLORATION IN AFRICA

Returning by the Victoria Falls, Matabeleland, the Transvaal, Natal and the Cape.

With 97 illustrations and two maps.

LONDON : T. Fisher-Unwtn, Paternoster Square, 1899.

BW9455.B54 ^ .„ ^

En Afrique avec le missionnaire Coillard

Princeton Theological Seminary-Speer Library

1 1012 00040 2943