>^^ mr' • I» ^7 ■% V; i^ :. # ,>>*►*■ ^^^--,. ^. o /t4 i^^ SJC A jr ^*>; k M m m -r^Mf 'ék ■:;ii: i îl 'li''ii i' ^1 iv1il' ! ''l' il il '■ il iib 'M 1 11 l*iil 1 ■ 1 il ' ii'i ii'i ' i à !i|!îï i.:ri ■ .i .■'1 i''.'i 'h \ 1?^ ''' ':' 'i' 1 s!\ 'i S,[ 'l'ir'.î '^1 1 1 lu à 1 1 ' 'i Y J!!lt ■ 1 ■! M Vf '" 1 1 11.11 ■:' ■li lli'il M' '■ 'U 1 1 1 li 11 ENCYCLOPÉDIE DHISTOFRE NAIIÎRELLE ou TRAITÉ COMPLET DE CETTE SCIENCE d'après LKS TIUVAIJX DIÎS ^ ATURALISTES LES PLUS ÉM11NE>TS OE TOUS LLIS l'AYS KT OK l'OUTIlS LRS Kl'OCiUR.S BUFFON, DAUBENTON, LAGEPÈDE, G. GUVIER, F. CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE, LATREILLE, DE JUSSIEU, BRONGNIART. etc , etc Ouvrage résumant les Observations des Auteurs anciens ei eompi-enant toutes les Découvertes modernes jusqu'à nos jours PAR LE D" CHEIMJ CHIKIIlUilEN-nUJOU A L'HOPITAI. Mll.n AIKK DU VAI,-l)E-(;i!ACK. PHOKESSKIIR D'HISTOIRE NaTUIIKLI.K, KTC. ,CARiNASSlERS! A vec la ciillnhnratiun de M. E. DESMAREST^ |iré|>;irateur d'Anntomie Coin(iarée ati Muséum. ^■ CHEZ MARERCO ET COMPAGNIE, ÉniiEi'iis DE i.'kncvolopédie, 5, luiK PII l'O^T-l»^:- LODi ( rnÊs le FO^T-[SEll^• PARIS 1 CHEZ GUSTAVE HAVARO A l.lRltAIIU,. -^ Il III' j< rt 1:1 1«' ■:< i> A ir ■> / ■• tir^i.' i. t «t 1 i tv 15, IIUK CdÉMÎliAlIli (l'HÈS^ M(I^^AIE), A: Nous aurions voulu pouvoir comprendre dans ce volume riiistoire de tous les Mammifères de l'ordre des CARNASSIERS; mais les nombreux détails dans lesquels nous avons dû entrer ne nous l'ont pas permis. Nous traitons spécialement des tribus des Roussettes et des Vespertilioniens dans la famille des Chéiroptères ; des tribus des Talpidés, Soricidés, Macros- célidés, Tupaidés, Gymmiridés , Érinacéidés et Etipléridés, dans la famille des Insectivores ; dans la famille des Carnivores, nous étudions entièrement la sous-famille des Plantigrades, comprenant les tribus des Potidés et des Ur- siens, et nous commençons seulement l'histoire des Digitigrades par la des- cription des genres compris dans les tribus des Mustéliens et des Viverriens. Cette dernière tribu n'est même pas complète dans ce volume, c'est-à-dire que nous avons réservé pour le volume suivant des genres qui, comme ceux des Civettes et des Cyiiictes, otTrent de grands rapports avec les Chiens, qni constituent la division suivante. Dans la sous-l^mille des Digitigrades, les tribus qu'il nous reste à l'aire connaître, et qui nous offrent le plus grand intérêt par l'importance des ani- maux qui y sont compris, sont celles des Caniens, ayant pour type le genre Chien; des Hyéniens, renfermant les deux genres Hyène et Protèle, et des Féliens, dont le groupe générique des Chats est le type. Enfin, la dernière sous-famille, celle des AivipmBiEs, comprendra deux tribus, celles des Phocidés et des Tric/iéc/iidés, ou, d'une manière générale, les Phoques et les Morses. Pour la rédaction de notre travail, outre nos nombreuses recherches sur les animaux eux-mêmes, nous avons consulté un très-grand nombre d'ouvrages, et nous avons fait notre possible pour donner l'état de la science à l'époque actuelle. •Ifr^ J ' Vi »»Aa» „C>7 AVIS AU RELIEUR Les planches tirées hors texte sont au nombre de quarante. Chaque planche doit être placée en regard de la page indiquée. Planches 1 . - 2, 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Pages. 1 9 18 27 34 43 51 60 67 72 82 91 96 103 111 H9 130 137 145 152 Pages. Planches 21 176 22. 23. 24 181 192 203 25 Frontispice. 26. 27. 28. 29 30. 51. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 58. 39. 40. 209 219 223 231 241 249 255 258 262 269 274 281 291 503 307 29043 Km-. 1. — 1-Oiip. Fis. 2 — Hyène. CARNASSIERS. La dénomination de Carnassiers est employée, en zoologie, pour in- diquer divers groupes d'animaux qui se nourrissent plus ou moins exclu- sivement de chair ; mais l'on désigne plus spécialement sous ce nom, et en latin sous celui de Ferœ d'après Linné, un ordre particulier d'animaux de la classe des Mammifères, auquel on peut attribuer pour caractères généraux : un système dentaire composé d'incisives, de canines et de molaires, le plus souvent modifié pour une nourriture animale; quatre extrémités, dont les antérieures ne sont jamais terminées par des mains, c'est- à-dire par une patte ayant un pouce séparé des autres doigts, et opposable à ceux-ci ; des mamelles varia- bles en nombre et en posi- tion; l'articulation de la mâchoire inférieure dirigée en travers, et serrée comme dans un gond, ne permettant aucun mouvement horizontal; des or- bites n'étant pas séparées des fosses temporales; des arcades zygomatiques écartées et relevées; un estomac simple, membraneux ; des intestins en général courts; un cerveau assez sillonné, n'ayant pas de troisième lobe, et ne recouvrant 1 Ocelot du Brésil. 2 HISTOIRE NATURELLE. pas le cervelet; et, enfin, un régime presque constamment Carnivore, quelquefois insectivore, et plus rarement fructivore. Les principaux types des Carnassiers, si nous prenons cet ordre dans sa plus grande extension actuelle, sont : la Chauve-Souris, la Musaraigne, TOurs, la Marte, le Plioque, le Chien, le Lion, etc., que l'on trouve répandus dans toutes les parties de la terre habitable pour les Mammifères, et que l'on peut observer dans les airs, comme les Chauves-Souris; dans les eaux, comme les Phoques; et plus généralement sur la surface du sol, comme l'Ours, le Chien, le Chat, etc. De ces divers genres de vie très-variables, on peut en conclure que Torganisation doit Têlre aussi beaucoup. Les naturalistes s'accordent sur le rang qui doit être assigné à cet ordre dans la classification zoologique; en effet, dans toutes les méthodes, les Carnassiers suivent, médialement ou immédiate- ment, les Quadrumanes, et précèdent les Rongeurs. Mais on est loin d'être d'accord sur les limites de cet ordre, et par conséquent sur sa caractéristique. Sans entrer à cet égard dans l'examen des nombreuses classifications proposées jusqu'à ce jour, nous indiquerons seulement les trois qui ont été le plus généralement suivies. Dans le Sijslcuia luiinrœ de Linné, les Ferœ, placés au troisième rang, et conséquemment après les Primates et les Bruta, sont caractérisés par l'existence, à chaque mâchoire, de six incisives et de grandes canines plus ou moins écartées des autres dents. Cependant, le célèbre naturaliste sué- dois réunit dans cet ordre les neuf genres Plioca, Canis, Felis, Viverra, Miistela, Ursus, Didelpliis, Tnipa, Sorex, dont une partie seulement offre les caractères dentaires assignés par lui à l'ensemble de ces animaux. riK. -2. IMioqno commun. Dans la méthode de G. Cuvier, exposée dans ses premiers ouvrages, et principalement dans la première édition du Règne animal, l'ordre des Ferœ est conservé, mais avec des modifications im- portantes. Le nom de Ferœ est remplacé par celui de Carnassiers; les Mammifères ailés, placés par Linné à la fin des Primates, sont transportés à la tèie de l'ordre des Carnassiers, et les Carnassiers sont partagés en quatre grandes familles : celles des CHiïir.oi'iiini'S, ou Mammifères pourvus d'une membrane alaire (genre Vespertilio); des Insectivores, caractérisés par leurs molaires hérissées de pointes coniques (genres Taipa, Sorex, Erinaceus); des C.\rnivores, ou Carnassiers proprement dits (genres Plioca, Canis, Felis, Viverra, îMiislcIa, Ursus), et des M.\Rsur'i.Mjx (genre Didelpliis), qui diffèrent cependant très-notablement des autres Mammifères par leur mode tout particulier des organes reproducteurs, caractère des plus importants et qui doit les faire placer dans une sous-classe particulière. Du reste, G. Cuvier lui-même, dans la deuxième édition de son Ptèçpie animal, les a déjà ariNAssiKiis. 7^ V'v'. 5. — Vi'spcrliliuii (iiL'illinl '■'o- 4- — Cliicii tlu Terre-Neuve jeune. Kij;. 5. — Ours brun de l'ulnsfue 4 HISTOIRE NATURELLE. retranchés de ses Carnassiers pour en faire un ordre distinct, et, dès lors. Tordre que nous étu- dions ne s'est plus trouvé composé que de trois familles, comprenant un grand nombre d'animaux qui, par leurs formes et les détails de leur organisme, varient beaucoup, et entraînent des varia- tions analogues dans leurs habitudes, au point qu'il est impossible de ranger leurs genres sur une même ligne, et que l'on est obligé d'en former plusieurs subdivisions qui se lient diversement entre elles par des rapports multiples. G. Cuvier caractérise ainsi les trois familles de cet ordre : 1° CHÉIROPTÈRES. Les Chéiroptères, ayant encore quelques affinités avec les Quadrumanes par la disposition de leurs organes génitaux mâles, et principalement distingués par un repli de la peau qui commence aux côtés du col, s'étend entre leurs quatre pieds et leurs doigts, les soutient en Tair, et permet même de voler à ceux qui ont les mains assez développées pour cela. Us comprennent deux tribus : les Chauves-Souris (genres Roussette, Molosse, Noctilion, PhtjUoslome, PJiinoloplie, Taphien, Vesper- tUion, Oreillard, etc.), et les Galéopithèques, que nous avons cru, à l'exemple de De Blainville, devoir réunir aux Quadrumanes; T INSECTIVORES. Les Iksectivokes, qui ont, comme les Chéiroptères, des molaires hérissées de pointes coni- ques, et une vie, le plus souvent nocturne ou souterraine, mais qui n'ont pas de membranes latérales, tout en ne manquant pas de clavicule, et dont les pieds sont courts, produisant de faibles mouvenients. Dans les uns, on remarque, en avant, de longues incisives, suivies d'au- tres incisives et de canines toutes moins hautes même que les molaires, genre de dentition dont les Tarsiers, parmi les Quadrumanes, offrent un exemple, et ce qui rapproche également un peu ces inimaux des Rongeurs; dans d'autres, les canines sont grandes, écartées, et entre elles on voit de petites incisives, ce qui est la disposition la plus ordinaire aux Quadrumanes et aux Carnivores; mais ces deux arrangements dentaires se trouvent dans des genres d'ailleurs très-semblables pour les téguments, la forme des membres et le genre de vie. Les groupes génériques principaux sont ceux des Hérisson, Tenrec, Cladobate, Musaraigne, Desman, Taupe, Condijlure et Scalope; 5° CARNIVORES. Les Carnivores, qui sont essentiellement sanguinaires, ce que démontre leurs quatre grosses et longues canines écartées, entre lesquelles sont six incisives à chaque mâchoire, et leurs molaires ou entièrement tranchantes ou mêlées seulement de parties à tubercules mousses, et, dans ce cas, non hérissées de pointes coniques. Ces animaux sont d'autant plus exclusivement carnivores, que leurs dents sont plus complètement tranchantes, et Ton peut presque calculer la proportion de leur régime d'après l'étendue de la surface tuberculeuse de leurs dents comparée à la partie tranchante. C'est ainsi que les Ours, qui peuvent entièrement se nourrir de végétaux, ont presque toutes leurs dents seulement tuberculeuses. Les molaires antérieures sont les plus tranchantes, ensuite vient une molaire plus grosse que les autres, qui a d'ordinaire un talon tuberculeux plus ou moins large, et derrière elle on trouve une ou deux petites dents entièrement plates : F. Cuvier a appelé cette grosse molaire d'en haut, et celle qui lui répond en bas, carnassières; les antérieures pointues, fausses molaires, et les postérieures mousses, tuberculeuses. C'est d'après ces différences que les genres peuvent s'éta- blir le plus sûrement, mais il faut y joindre aussi la considération du pied de derrière, qui a servi à rétablissement de trois tribus particulières. Dans la première, celle des Plantigrades, comprenant les genres Ouïs, Halon, Coati, Blaireau, etc., la plante entière du pied appuie sur la terre lors CARNASSIERS. 5 que l'animal marche ou qu'il se tient debout. Dans la deuxième, celle des Digitigrades, la plus nom- breuse, puisqu'elle renferme les genres Marte, Mouffette, (^liïen, CAvelte, Iliihie, Chat, Loutre, etc., l'animal marche exclusivement sur le bout de ses doigts en relevant le tarse, et sa course est rapide : le système dentaire offre aussi des différences qui permettent de former d'autres divisions. Enfin, dans la troisième et dernière tribu, celle des Amphibies, qui ne renferme que les deux anciens genres Phoque et Morse, les pieds sont si courts et tellement enveloppés dans la peau, qu'ils ne peuvent, sur terre, servir à l'animal que pour ramper; mais, comme les intervalles des doigts y sont remplis par des membranes, ces pieds constituent d'excellentes rames qui permettent aux Phoques et aux Morses de passer la plus grande partie de leur vie dans les eaux, et de ne venir à terre que pour se reposer au soleil et allaiter leurs petits. Du reste, on doit remarquer que le corps allongé de ces Mammifères, que leur épine très-mobile et pourvue de muscles qui la fléchissent avec force, que leur bassin étroit, leur poil ras et selPrè contre la peau, se réunissent pour en faire de bons nageurs Enfin, M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, en essayant de mettre la classification des Mammifères en harmonie avec l'état actuel de la science, a été conduit à s'écarter en plusieurs points de la méthode de G. Cuvier. Pour lui, l'ordre des Carnassiers doit être circonscrit dans des limites plus étroites, et il en a exclu non-seulement les Marsupiaux, que tous les naturalistes éloignent aujourd'hui, mais aussi les Chéiroptères : ces derniers lui semblant devoir constituer un groupe ordinal distinct; comme l'avaient admis anciennement Blumenbach, Pennant, Daubenton, et comme l'admettent, de nos jours, MM. Van der Hœven, Duvernoy, Charles Bonaparte, Lesson, Waterhouse, etc. Il résulte de ce que nous venons de dire, que, dans la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, les Chéi- roptères formeraient un ordre distinct, et que les Insectivores et Carnivores réunis en constitue- raient un autre auquel il laisse la dénomination de Carnassiers. Nous suivrons la classification adoptée par G. Cuvier dans ses derniers ouvrages et que nous ve- nons d'exposer sommairement, quoique nous pensions que l'arrangement proposé par M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire soit plus naturel que celui de ses devanciers. En effet, si l'on prend les termes extrêmes de l'ordre ainsi constitué, une Chauve-Souris, un Chat et un Phoque, on trouvera de nombreuses et importantes différences : la première se distinguera, au premier abord, par ses membranes alaires si curieuses; le second, par tous les caractères qui dénotent sa carnivorité arri- vée à son summum de développement, et le dernier, par ses formes, rappelant celles des Poissons et indiquant son genre de vie; en outre, on trouvera plusieurs modifications dans le système den- taire. Mais il faut dire aussi, si l'on vient à étudier un nombre plus considérable de genres et d'es- pèces, qu'on parviendra à trouver des passages entre ces points extrêmes; c'est ainsi que des Chéi- roptères on parviendra aux Carnivores par l'intermédiaire des Insectivores et même des Plantigrades, principalement des Ours, qui ont encore quelque chose des dents des Chauves-Souris, et que, d'un autre côté, les Loutres nous serviront à établir le passage des Digitigrades aux Amphibies ou Phoques. Les Carnassiers seront donc partagés, par nous, en trois familles, celles des Chéiroptères, des In- sectivores et des Carnivores, et nous aurons soin, en faisant l'histoire de chacune de ces divisions, de dire les caractères qui tendent à les rapprocher les unes des autres, ainsi que ceux qui les en éloignent. HISTOIRE NATURELLE. PREMIÈRE FAMILLE. CHÉIROPTÈRES. CHEIROPTERA. Les caractères généraux que l'on peut assigner aux animaux de cette famille sont les suivants : formes générales disposées pour le vol; incisives en nombre très-variable; canines plus ou moins fortes; molaires tantôt hérissées de pointes sur leur couronne, tantôt sillonnées en long; un repli de la peau étendu entre les quatre membres, formant des ailes qui permettent à l'animal de voler; doigts des mains excessivement allongés; membranes des mains se prolongeant, par les flancs, jusqu'aux extrémités postérieures, et nues en dessus comme en dessous; pouces postérieurs opposables aux autres doigts; deux mamelles toujours pectorales -:;'2^. '-^ Fig. 6. — \ c'<|ioitilion liimiophile. Les CnÉinoPTÈREs (yjip, maiii; tctescv, aile), plus vulgairement désignés sous la dénomination de CuAuvEs-Sounis, ont le corps plus ou moins couvert de poils assez longs, lisses ou frisés. La tête est grosse, le col court, les oreilles nues, le plus souvent longues et pourvues d'un appareil externe très-compli(iué. Le tragus ou oreillon manque dans les Chéiroptères fruçjïvores ou Rousseiles, et est susceptible de prendre diverses formes dans les Cliéiroptcres insectivores ou Vesperlilioniens, tantôt il est aigu ou arrondi, tantôt il est si développé, qu'on le prendrait pour une seconde conque auriculaire Cet appareil de l'ouïe, souvent énorme dans quelques groupes, semble dispropor- tionné i)ar son développement, ou bien cache tellement la face, que Torgane de la vue, qui est ordi- nairement petit, devient à peine visible. Les ouvertures des narines sont ou simples ou composées dans un nond)ie à peu près égal d'espèces; dans le dernier cas, elles sont entourées de productions membraneuses plus ou moins compliquées. Ces animaux ont des abajoues comme les Singes; pen- dant leur chasse, ils les remplissent d'Insectes, qu'ils dévorent dans leurs retraites. Les lèvres sont dilatables. La bouche est très-grande, et garnie d'un appareil dentaire le plus habituellement beau- coup plus compliqué dans les premières périodes de la vie que dans l'étal parfait; le plus grand nombre des espèces est pourvu des trois sortes de dents dans le jeniicàge, et n'en offre plus (piclquefois, mais très-rarement, dans l'âge adulte, que deux sortes; alors les incisives permanentes CAUNASSIERS. 7 ressemblent, par leur forme, à de pelitos canines : on ))eut dire, d'une manière générale, que les dents des Roussettes sont à peu près conformées comme celles des Singes, tandis que celles des Vespertilioniens ressemblent aux dents des Makis, ce qui tient à des genres de vie analogues. Les ailes sont au moins quatre fois aussi longues que le corps. Les membranes qui les forment sont nues, plus ou moins diaphanes, et présentant des rides en nombre variable qui figurent une espèce de réseau à mailles polygones; leur attache aux membres postérieurs se fait à l'aide d'un osselet styliforme, qui n'est autre chose que le calcanéum, muni d'un prolongement tendineux. Nous parlerons en détail du squelette des Chéiroptères dans nos généralités sur les deux tribus qui composent cette famille, et nous nous bornerons maintenant à noter seulement quelques particu- larités générales qui le concernent ou qu'il produit. L'avant-bras et la main prennent un développe- ment excessif; les phalanges des doigts, suivant l'expression d'Etienne Geoffroy Saint-llilaire, pa- raissent avoir été passées dans une iilière pour servir de points d'appui à une large membrane qui permet à ces animaux de s'élever dans les airs et d'y chercher les Insectes dont ils se nourrissent le plus habituellement. Cette transformation d'une fonction ne se fait pas sans modifications de l'or- gane; aussi ces phalanges effilées n'ont-elles pas d'ongle, ni de phalanges onguéales dans quelques cas. Les pieds sont peu développés et libres, car la membrane interfémorale n'arrive que jusqu'au tarse. Les doigts, au nombre de cinq, parallèlement placés, sont égaux, petits, et armés de lames cornées en forme de griffes. M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire a signalé l'existence d'un os particulier placé derrière l'articu- lation du bras avec l'avant-bras, et présentant, à l'égard de cette articulation, une disposition sem- blable à celle de la rotule dans l'articulation du genou. Cet os, analogue à l'apophyse olécrane, ou plutôt cette espèce de rotule du coude, ne se trouve que chez les Chéiroptères, et il est à noter que, loin d'être établi sur un type chez les Roussettes, et sur un autre chez les Vespertilioniens, il offre une disposition à peu près semblable dans les uns et les autres, à l'exception de certaines espèces du genre VcspcrtÙio, où il n'existe qu'en rudiment. Toutefois, M. Temminck a trouvé quel- ques modifications à cette rotule dans diverses espèces de Chauves-Souris, et il pense que ces mo- difications sont en rapport avec !e plus ou le moins de développement du cubitus, généralement grêle, mais plus fort et plus dévelo|)pé dans les Frugivores que dans les Insectivores. Un grand nombre de Chéiroptères possède la faculté de se servir de ses ailes en guise de main; l'aile peut se ployer dans tous les sens et devient susceptible de préhension; sa structure répond à la fois à tous les besoins de l'animal, à des mains pour saisir, des pieds pour marcher, et des ailes pour voler : la rotule alors sert dans la marche rampante, en appuyant à terre, aux mêmes fonctions que la rotule postérieure dans les animaux des autres ordres de la classe des Mammifères. Les clavicules sont très-puissantes; les omoplates fortes, ce qui fait que l'épaule a une grande solidité. Le sternum est formé de pièces parfaitement ossifiées, et non pas grêles comme celui des Quadrumanes. Le cu- bitus a disparu en partie; le tiers supérieur qui reste se trouve soudé au radius, qui est fortement conformé. Les muscles pectoraux sont et devaient être très-forts, très-volumineux; leurs points d'insertion sont beaucoup plus solidement fixés que chez les Singes. Dans les Chéiroptères insectivores, l'estomac est petit, sans étranglement ni complication; le ca- nal intestinal, d'un diamètre assez égal, est court, sans cœcum. Dans les Frugivores, on remarque quelques différences; les intestins sont particulièrement plus allongés, ce qui tient à leur genre de vie. Les organes mules de la génération sont assez développés, visibles au dehors et pendants. Le cerveau ressemble beaucoup à celui des Insectivores proprement dits, et des Rongeurs par sa forme ovalaire, rétrécie en avant; par la nullité complète des circonvolutions cérébrales; par le peu de développement des hémisphères cérébraux, qui ne recouvrent jamais le cervelet; par la brièveté du corps calleux, dOnt la longueur égale à peine celle des tubercules quadrijumeaux; par la position très en arrière de ces tubercules, etc. Toutes ces connaissances anatomiques, comme le fait remar- quer M. de Quatrefages, rapprochent aussi singulièrement le cerveau des Chauves-Souris de celui des Oiseaux, et tendraient par conséquent à les faire placer à un rang inférieur à celui qu'elles oc- cupent dans la série mammalogique. Tous les Chéiroptères cherchent à se cacher; le plus grand nombre fuit la lumière. Leur demeure habituelle est, le plus ordinairement, en des lieux sombres et ténébreux; les cavernes, les fentes des 8 IIISTOIRE NATURELLE. rochers et des édifices isolés, les creux des arbres, leur servent de retraite. Pendant le jour, ils se tiennent ordinairement attachés par leurs pieds de derrière, comme accrochés par leurs ongles en dessous des branches des grands arbres, et, dans cette position, ils ont la tète en bas, disposition qui leur permet de prendre leur vol dès que le moindre danger semble venir les menacer. Cepen- dant, les Roussettes redoutent moins la lumière que les Vespertilioniens : quelques-unes volent en plein jour, et leur demeure ordinaire est dans les bois, où elles se rassemblent en troupes nom- breuses à la cime des arbres ou dans l'entrée des cavernes. Quelques Chauves-Souris, en particulier les espèces du genre Molosse, ne s'éloignent pas à de grandes distances des lieux de leur demeure habituelle; plus solitaires, et vivant le plus souvent cachées, elles se servent alors de leurs moyens puissants de préhension et d'ascension plutôt que de ceux du vol. Les Vespertilions ou Chauves-Souris proprement dites parcourent, au crépuscule et aux premières lueurs du jour, une grande étendue de pays; les lieux où elles vont pourvoir à leur nourriture sont le plus souvent très-éloignés de l'en- droit de leur demeure. C'est particulièrement pendant les soirées chaudes de Tété que nos espèces européennes sont le plus vives. On a pu quelquefois en conserver en domesticité, mais seulement pendant un temps très-court, et l'on a remarqué qu'elles étaient très-gourmandes. Nous rapporte- rons ailleurs quelques observations de M. Daniell, qui a étudié vivantes des Pipistrelles et des Noctules, Certaines espèces sont purement frugivores, d'autres semblent mêler aux fruits, leur nourriture ordinaire, quelques matières animales; enfin le plus grand nombre est essentiellement insectivore; et ces dernières espèces poursuivent en volant les Insectes, qu'elles recherchent partout, même à la surface des eaux. Ces Mammifères courent après leur proie avec une gloutonnerie qui les aveugle sur le danger, et ne leur permet pas de distinguer les pièges les plus grossiers : aussi peut-on, assure-t-on, en prendre à la ligne, en amorçant un hameçon avec un Insecte, et en agi- tant cet appât dans l'air. Spallanzani semble avoir démontré par des expériences directes que les Chauves-Souris auxquelles on a crevé les yeux volent avec autant de facilité que celles qui n'ont pas subi cette mutilation; qu'elles évitent avec autant d'adresse les corps les plus déliés qu'elles rencontrent sur leur roule; qu'elles suivent la direction des voies souterraines, et passent au travers des branches d'arbres que l'on y a placées sans les frapper de leurs ailes, qu'elles s'introduisent dans les trous des arbres, et qu'enfin elles s'accrochent aux saillies des voûtes ou des plafonds. Spallanzani a privé successive- ment des Chéiroptères, dont il avait préalablement détruit les yeux, des autres organes des sens; et ces animaux ne furent ni moins hardis ni moins adroits dans leur vol; d'où ce célèbre observateur ^ conclut qu'il doit y avoir chez ces Mammifères un autre sens encore inconnu qui semble les guider et les servir efficacement pendant leur aveuglement. Ces expériences sont sans doute des plus re- marquables, mais il serait bon de pouvoir les répéter de nouveau et de les varier autant que possible, afin de confirmer ou d'infirmer les conclusions qu'en tire Spallanzani, et qui, dans l'état actuel au moins de nos connaissances, nous paraissent être hasardées. Lorsqu'on a cherché à prendre ces animaux dans les vieux édifices, ainsi que dans les autres repaires où ils se réfugient, on a toujours trouvé seulement des mâles, ou bien des sujets tous du sexe féminin, souvent aussi des jeunes en grand nombre; mais, dans ce cas, sans que, dans cette masse souvent énorme, on ait pu rencontrer d'adultes de l'un ou de l'autre sexe. L'explication de cette observation, que l'on a longtemps ignorée, est assez simple : en effet, on sait aujourd'hui que les sexes n'habitent jamais ensemble dans un même lieu de retraite; immédiatement après l'accouple- ment, les femelles se retirent, plusieurs réunies, et souvent même par grandes bandes, dans des lieux écartés et loin de la compagnie des mâles, qui, de leur côté, s'associent aussi par troupes. Les sexes restent ainsi séparés jusqu'à ce que les jeunes soient en état de voler et de pourvoir seuls à leurs besoins : ceux-ci alors, à leur tour, s'éloignent de la compagnie de leurs mères et vont choisir un nouveau gîte, où se réunissent un grand nombre d'individus du même âge qui se sépa- rent par sexes vers l'époque des amours. Ces observations curieuses ont été communiquées à M. Temminck par des naturalistes hollandais établis aux Indes orientales, et les envois nombreux que le musée de Leyde a reçus de toutes les parties du monde ont servi à en constater l'exactitude; en effet, presque partout où il a été procédé à la capture des Chauves-Souris, en explorant leurs'repaires, le contenu des envois s'est, le plus habituellement, trouvé exclusivement composé de mâles, ou de femelles, ou déjeunes. Du reste, ces remarques ont été vérifiées en partie sur quelques Vespertilion= El CARNASSIERS. 9 d'Europe par M. lirelim, ot M. le docteur Sénéchal a pu en constater l'exactitude à Paris même, sur le Mtii'in, Hont il a plusieurs fois trouvé, dans les tours de l'ég'lise Saint-Gervais, un très-grand nombre de femelles pleines, et qui, le lendemain, ont avorté, et jamais dans ces grandes troupes de ('iiauves-Souris il n'a pris de màles. Dans nos climats il semble y avoir deux portées de Chauves-Souris par année; car on a souvent trouvé des femelles pleines deux fois par an. Mais ces faits ne sont pas connus encore d'une manière parfaite. Leur portée ordinaire n'est que d'un seul petit, surtout dans les grandes espèces exotiques; chez quelques Chauves-Souris, particulièrement dans les espèces européennes, la femelle a deux pe- tits, et elle les tient cramponnés à ses mamelles ou assujettis à son corps, en repliant sur eux, pen- dant le vol, sa membrane interfémorale, qui leur tient ainsi lieu de soutien ou de poche. La grosseur de ces petits est parfois très-considérable à proportion de celle de leur mère, ce qui est surtout le cas des Roussettes. Les Chéiroptères des climats septentrionaux, prives en hiver des substances nécessaires à leur nourriture, restent engourdis pendant toute cette saison; ceux des contrées tropicales, ayant pen- dant toute l'année une abondance non interrompue, n'éprouvent pas ce phénomène. Ceux qui sont sujets à passer à cet état d'engourdissement se recouvrent de leurs ailes comme d'un manteau, s'ac- crochent à la voûte des souterrains par les pieds de derrière, et demeurent ainsi suspendus, les uns accrochés après les autres et souvent en grand nombre, d'autres se collent contre les murs ou se cachent dans des trous. Le pelage des Chéiroptères est généralement de couleur sombre, souvent brunâtre, et de teintes plus ou moins claires, quelquefois, mais rarement, jaunâtre, et plus habituellement noirâtre. Le système de coloration varie parfois dans une même espèce suivant les sexes; c'est, dans ce cas, constamment une couleur rousse plus ou moins pure qui distingue la livrée de la femelle, tandis que le mâle est co- loré de brun ou de gris. Mais, lorsque le mâle, et quelquefois les deux sexes, sont pourvus de sortes de glandes onctueuses sur les côtés du col, c'est le mâle qui est peint en roux, et la femelle est plus terne et plus obscure. Dans les Yespertilioniens, on ne remarque souvent pas de différence de co- loration entre les sexes. Enfin M. Temniinck pense que, à l'instar des Oiseaux, les Chauves-Souris pourraient bien être sujettes à une double mue, et se trouver ainsi revêtues, en été, d'une livrée dif- férente de celle de l'hiver. La distribution géographique des Chéiroptères présente quelquesfaits remarquables. Toutes les Rous- settes appartiennent à l'ancien continent, en y comprenant toutefois la Polynésie. Les Yespertilioniens ont des représentants sur toute la surface du globe; trois genres, ceux des Vespertïlio, Las'mrus et Plccolus ou Oreillard, paraissent être cosmopolites; un se rencontre à la fois dans les parties les plus chaudes des deux continents [Nîjcùnonius]; un autre paraît être commun aux climats chauds et aux contrées tempérées de l'ancien continent [Rhinoloplius); il en est un (Dhiops) qui habite spécia- lement le midi de l'Europe; qusiive {Tapliozoïis, IS'ijclenis, Bhinopomn i't Megaderina] sont répar- tis dans les contrées chaudes de l'Asie et de l'Afrique; enlin, trois, les genres Vcwtpirus, Noclilio, Molossîis, semblent exclusivement propres à l'Amérique méridionale. Mais si parmi ces genres il en est quelques-uns qui apparlienmnl à la fois aux deux continents, il n'en est pas de même des es- pèces; sous ce rapport, les faunes des deux mondes sont entièrement différentes, et M. Isidore Geof- froy Saint-Hilaire, en démontrant l'identité spécifique des Nyctinomes du Rrésil et du Bengale, a fait connaître la seule exception bien constatée jusqu'ici à cette règle générale. On connaît les Chauves-Souris depuis une époque très-reculée, et leur aspect repoussant, leurs moeurs nocturnes, leurs sombres retraites, en ont fait, pour des peuples entiers, un objet de dégoût et d'horreur. Moïse les met au nombre des animaux impurs dont le peuple de Dieu ne doit pas manger la chair. Les Grecs semblent les avoir prises pour types de leurs Harpies. Les Égyptiens en faisaient un objet de leur culte; car on en a trouvé un grand nombre de momies dans leurs an- ciens temples. Au moyen âge, elles étaient les compagnes des sorciers, des loups-garous, et, quand on a voulu représenter Satan, on a chargé ses épaules de vastes ailes de Chauves-Souris. Bien des années se sont écoulées avant que les naturalistes eux-mêmes eussent des notions pré- cises sur ces êtres. Aristole les définit des Oiseaux à ailes de peau, et s'étonne de ne leur trouver ni queue ni croupion. Pline les regarde également comme des Oiseaux qui, par une exception unique, engendrent leurs petits vivants et les allaitent par des mamelles. Aldrovande les réunit à l'Autruche, 1- 2 iO HISTOIRE NATURELLE. parce que. dit-il, ces deux espèces d'Oiseaux participent de la nature des Quadrupèdes. Scaliger signale la Chauve-Souris comme le plus singulier des Oiseaux, couvert de poils au lieu de plumes, manquant de bec et portant des dents. Ce n'est que beaucoup plus tard que les Chauves-Souris furent placées parmi les Quadrupèdes; et enfin Linné, s'exagérant peut-être la valeur de quelques-uns de leurs caractères, qui les rapprochent des Quadrumanes, les réunit à l'Homme et aux Singes dans son ordre des Primates. liliger, par une combinaison moins ingénieuse, éloigne les Chéiroptères des Quadrumanes, et les classe après les Édentés. G. Cuvier, et la plupart des zoologistes jusqu'à notre époque, en forme la première famille de Tordre des Carnassiers. Enfin, dans ces derniers temps, M Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en fait un ordre tout à fait distinct; et cette disposition paraît devoir être généralement adoptée par les zoologistes. Linné ne plaçait dans cette famille qu'un seul genre, celui des Vespcriilio, dans lequel il forma cependant le groupe générique des Nociilio; Brisson en distingua, plus tard, celui des Roussettes ou Pieropus; mais on peut dire que c'est réellement Etienne Geoffroy Saint-Iiilaire qui a fondé les bases de la classification de ces animaux, en y créant plusieurs genres et en donnant les caractères exacts de nombreuses espèces. Puis vinrent ensuite les importants travaux de Buffon, G. Cuvier, De Blain- ville, A. G. Desmarest, Kulil, Leach, Bafinesque, Fr. Cuvier, Spix, Lesson et enfin ceux de MM.Tem- minck, Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Gray, Quoy et Gaimard, Ch. Bonaparte, Neuwied, P. Gervais, etc. Il résulte de tous ces travaux que la famille des Chéiroptères est aujourd'htii l'une des mieux connues de la classe des Mammifères, et peut-être qu'on y a créé un trop grand nombre de coupes génériques. En effet, cette famille comprend plus de trois cents espèces réparties dans environ quatre-vingts genres. Elle renferme deux tribus bien distinctes : celle des Uoussettes, ou Cliéiroptères frugi- vores, et celle des Vespertilioimejss, ou Chéiroptères insectivores. G. Cuvier, avons-nous déjà dit, y joignait les Galéopithcques, que nous avons cru devoir réunir, à l'exemple de De Blainville, aux Quadrumanes; enfin, disons, en terminant ces généralités, que les Ptcrodaclijles, ces gigantesques fossiles, dont Sœmmering et Oken faisaient de grandes espèces de Chauves-Souris, doivent être rapprochés des Reptiles, de Tordre des Sauriens, comme Ta démontré l'immortel auteur des Ossements fossiles. PREMIERE TRIRU. LES ROUSSETTES. PTEROPII. Vicq d'Azyr, 1792. Système analoniiquc. Molaires non munies de pointes aiguës à la couronne, qui est lisse, offrant seulement sur ses bords une crête plus ou moins apparente. Les Boussettes sont des Chéiroptères frugivores, et, dès lors, par le genre de nourriture qu'elles doi- ventprendre, on comprend que l'un de leurs meilleurs caractères doit être tiré de leur système dentaire. En effet, les molaires, au lieu d'être hérissées de tubercules et de pointes aiguës, comme cela a lieu dans les Chauves-Souris ordinaires qui se nourrissent exclusivement d'Insectes, présentent, à leur cou- ronne, une surface allongée, lisse, et bordée seulement, sur chacun de ses côtés latéraux, principale- ment sur l'externe, par une crête plus ou moins apparente. Ce type, comme le fait observer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui peut plus ou moins varier, semble intermédiaire entre celui des Carnassiers et des Herbivores, et ne se retrouve dans aucun autre Mammifère. Les incisives et les canines rap- pellent, par leur disposition, leur direction, leur forme, et souvent même par leur nombre, celles des Singes; mais ce caractère n'est pas général, il offre quelques exceptions, surtout dans le genre Ceplialotes : on doit toutefois le noter, car, ainsi que le rapporte M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, la disposition de ces mêmes dents, chez les Chauves-Souris insectivores, rappelle, au contraire, la structure des mêmes dents chez les Makis. Cela pouvait, jusqu'à un certain point, être dit a priori, CARNASSIERS. i\ et est en relation directe avec le genre de vie de ces divers animaux. Le nombre total des dents est, le plus habituellement, de trente-quatre, ainsi réparties : incisives, ^; canines, ^^|; mo- laires, |E^|; mais il présente quelques variations, portant sur les incisives et les molaires, qui peu- vent être en plus ou moins grand nombre, suivant les genres, et ces différences ne sont pas toujours en rapport avec certaines particularités extérieures de l'animal. Toutes les molaires supérieures et inférieures ont, sauf la première, aux deux mâchoires, deux racines simples, un peu divergentes: l'antérieure à peine plus grande que la postérieure. Les alvéoles sont assez profondes, et ainsi dis- posées : en haut comme en bas, il y a deux petits trous ronds pour les incisives, un plus grand pour la canine, un autre excessivement petit, derrière l'alvéole de celle-ci, à la mâchoire supérieure, et ensuite huit autres trous rapprochés deux à deux : le postérieur un peu plus grand que l'anté- rieur. Fig. 7. Roussette grise Daubenton, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, G. Cuvier, Vicq d'Azyr, etc., ont donné quelques dé- tails sur le squelette des Roussettes, mais c'est surtout De Blainville (Ostéograpliic : fascicule des Chéiroptères) qui en a publié une description complète que nous allons analyser. Ce squelette, dans son ensemble, et même dans les proportions des parties, ne diffère pas essentiellement de celui des autres Chauves-Souris. Le tronc paraît comme tronqué par l'absence plus ou moins complète de la queue. Le nombre des vertèbres est de trente-huit, savoir : quatre céphaliques, sept cervicales, qua- torze dorsales, trois lombaires, trois sacrées, et trois ou quatre coccygiennes dans les espèces qui ont le minimum de queue. La tête est plus ou moins arrondie, mais légèrement allongée dans le plus grand nombre des cas, ce qui a valu à ces animaux le nom de Chiens volanis, qu'ils portent dans les anciens ouvrages. La crête sagittale est peu prononcée; le frontal offre une crête orbitaire assez étendue. Les mâchoires, plus ou moins longues, sont constamment moins étroites et moins resserrées que dans les autres Chéiroptères. Les vertèbres décroissent assez régulièrement de la première cervi- cale à la dernière coccygienne : celles du cou, particulièrement l'atlas et l'axis, sont très-robustes; les autres n'ont rien de particulier, si ce n'est que les coccygiennes sont soudées entre elles et ne for- ment qu'une seule pièce, et que, dans les espèces qui ont une queue, on voit, au delà des quatre vertèbres ordinaires, quatre ou cinq autres de ces os qui sont entièrement libres. Les côtes, au nombre de treize à quatorze paires, ne sont aplaties et élargies que dans leur partie supérieure. La forme de l'os hyoïde semble assez variable; toutefois, dans les Pleropus fusciis et Duvaucelii, il est composé d'un corps en barre transverse, à peine courbé, et de deux cornes, dont l'antérieure, un 12 HISTOIRE NATURELLE. peu plus longue que la postérieure, est formée de deux pièces assez épaisses, courtes, presque égales, et dont la poslérieure, non divisée, est forte, en forme de petite clavicule : cette disposition semble être la plus habituelle. Le sternum est saillant, et ne paraît composé que de six pièces, à moins que l'on ne considère la base de l'appendice xiphoïde comme en constituant une. L'omo- plate n'est pas carrée, mais en forme de triangle; proportionnellement moins étendue et plus courte que dans les Chauves-Souris insectivores. La clavicule est très-courte. L'humérus, au contraire, est plus long et surtout plus arqué dans sa double courbure. Le radius n'est que d'un quart plus long que l'humérus, au lieu de l'être d'un tiers, comme dans le Vampire. La main est elle-mèm(î ])roporlionnellement un peu plus courte, surtout dans la partie digitale, dont le plus long doigt, celui du milieu, est double du radius en longueur; le pouce est court; le second doigt, le plus court après le pouce, est composé de trois phalanges à peu près dans la proportion ordinaire; des trois autres doigts, le plus long est le médian. Les membres postérieurs ont presque complètement les mêmes proportions, dans chacune de leurs parties, que ceux des autres Chéiroptères. Le bassin est soudé supérieurement par l'iléon au sacrum, et par l'ischion au coccyx intermédiaire, il est libre à son exlrémilé pubienne. Le caleanéum, plus ou moins recourbé en dessous, n'est pas pourvu d'un long éperon. Le pouce est un peu plus court que les autres doigts, et les doigts externes sont légè- rement plus forts que les intermédiaires. Le doigt indicateur, et souvent le pouce, sont constamment lerminés parmi petit ongle, ce qui n'a pas lieu dans les Chauves-Souris insectivores. Quelques par- ticularités ostéologiques se font observer dans la série des genres et des espèces de Roussettes; c'est ainsi que dans les espèces qui ont une queue les vertèbres dorsales offrent des différences, et les lombaires ont leur apophyse épineuse plus prononcée : la forme de la tête varie également; dans le Macrocjlossus minimus, plus connu sous le nom de Roussette-Kiodote, la tête est très-remarqua- ble par sa gracilité, par son allongement, et le peu d épaisseur de ses os. Sfiuelelle île I'ioiisscUl'. Les ailes sont un peu moins larges et moins longues que dans la plupart des espèces de Chéiro- ptères insectivores; à la différence de ces derniers, elles ne s'insèrent pas sur les flancs, mais sur le dos, tantôt vers les parties latérales, tantôt sur la ligne médiane : ce caractère est général, mais il est porté à son suniniuni dans le genre llypoderme. Ces ailes sont quelquefois très-grandes, car l'en- vergure de certaines espèces peut atteindre ji.'squ'à 1"\75. La membrane interfémorale est toujours très-peu étendue; elle est échancrée, et, le plus souvent même, tout à fait rudimentairc et sans usage. Quelques espèces n'ont aucun vestige de queue; d'autres ont un rudiment de cet organe, mais il est en partie engagé dans la membrane intcrfémorale; enfin, il en est qui ont un léger support caudal de la longueur de la membrane. M. Temminclv s'est servi de ces caractères pour fornier trois groupes distincts dans le genre Roussette. CAUNASSlEr.S. 1 X Les organes des sens n'ollVeiit pas de particularités dilïéreniielles bi(!n marquées; cependant l'on doit noter que les feuilles nasales et les oreillons, parfois si développés dans certains Chéiroptères insectivores, manquent coniplélemcnl. Les conques auditives sont très-simples et très peu étendues. Les narines sont écartées l'une de l'autre. Les yeux sont grands, obliquement placés. Les poils sont assez rares, et généralement courts et roides; dans quelques espèces, ceux du dos sont implan- tés si obliquement, que la partie latérale de leur base est enfoncée dans la peau; une Roussette, néanmoins, a sou pelage comme laineux. L'ouverture de la bouche est peu étendue. La langue est rude et papilleuse. Le tube digestif est plus long que dans les autres Chauves-Souris; et cela devait se prévoir a priori. Ou sait, en effet, que plus un animal est carnassier, plus ses intestins sont courts; dès lors, les Uoussettes étant es- sentiellement frugivores, devaient avoir un canal intestinal plus long que les autres Chauves-Souris, qui sont insectivores. L'estouiac est en forme de sac très-allongé, cylindrique et inégalement renllé; l'orifice cardiaque est très-rapproché du pylore. Le foie est composé de trois lobes ; deux grands et un petit, tenant à la racine. Les poumons sont formés de quatre lobes bien distincts. Le cœur est gros, dirigé obliquement à gauche. Ce sont les plus grands Chéiroptères connus, et nous avons dit que l'envergure de certaines es- pèces atteignait jusqu'à 1"',75. Les plus petites espèces, dont l'envergure est encore de 0'",55à 0™,40, dépassentouau moins égalent pour la dimension les plus grandes Chauves Souris insectivores. Les mamelles de ces animaux sont pectorales et seulement au nombre de deux. Les mâles sem- blent être plus grands que les femelles. Quelques-unes de celles-ci sont sujettes à des écoulements périodiques de même que quelques femelles de Quadrumanes; elles ne produisent qu'un seul petit par portée, et en prennent grand soin jusqu'à ce qu'il puisse se suffire à lui-même. MM. Quoy et Caimard ont pu observer que le petit de la Roussette de Kéraudren se cramponnait fortement à sa mère même pendant le vol: fait plusieurs fois observé chez nos Vespertilions européens. Les Uoussettes se nourrissent essentiellement de fruits, cependant on pense qu'un petit nombre d'entre elles mêlent parfois à leur nourriture ordinaire quelques débris dlnsectes qu'elles semblent rechercher. On assure même qu'en domesticité on peut quelquefois les habituer à vivre de matière animale; mais cela n'est pas complètement démontré. Ces animaux sont doux; ils vivent en troupes nombreuses et ont l'habitude de se suspendre, comme les Chauves-Souris insectivores, aux branches des arbres; on les trouve dans les creux des rochers, dans les cavernes, au plafond des grands édi- fices, etc.; ceux que l'on conserve dans des cages restent suspendus par les pattes, et, lorsqu'on leur offre des fruits, ils s'attachent par une seule patte aux barreaux de leur prison, tiennent le fruit avec Fautre patte, et mangent ainsi la tête en bas; ils recherchent principalement les fruits pul- peux, surtout les bananes; d'autres fois les dattes et parfois même des fleurs. D'après cela on voit que ces animaux sont loin de justifier la réputation sanguinaire qui leur avait élé faite par les an- ciens naturalistes. Leur vol est lourd et peu rapide. On a répété pendant longtemps que les Rous- settes étaient des animaux entièrement nocturnes, comme les Chauves-Souris de nos climats; toute- fois, les naturalistes voyageurs de notre époque, en particulier Lesson et Garnot, MM. Quoy et Gai- mard, etc., assurent qu'ils eu ont vu voler en plein jour dans plusieurs régions de POcéanie et de l'archipel indien; et, ainsi que l'un de nous l'a consigné dans le Diclionnaire universel d'Insloirc naturelle, M. Charles Coquerel, chirurgien de la marine, a été à même, assez récemment, de remar- quer qu'à Madagascar certaines espèces de cette famille volaient parfois pendant le jour, mais que, néanmoins, c'était surtout vers le soir qu'on les voyait eu plus grand nombre. Leur chair, au moins pour plusieurs espèces, est de bon goût et semble recherchée. Les Roussettes se trouvent répandues presque partout, à l'exclusion toutefois de l'Europe et de l'Amérique, car l'on a reconnu que c'est à tort que l'on a donné le Brésil pour patrie au Pteropus Leselienanllii, et que le Cepliahtcs tœniolis de Ralinesque ne doit pas se rapporter à un genre de Chéiroptères frugivores; toutefois nous devons faire observer que M. Temrainck ne serait pas éloi- gné decroire qu'il existe des Roussettes aux environs de Fernambouc, ainsi qu'au Chili et au Pérou. Ruffon ne connaissait que deux espèces de Roussettes : la Rousselte commune et la Routjeite. Brisson est le créateur du premier genre fondé dans cette famille, de celui des Roussettes {Plero- piis), mais il serait difficile de dire au juste les espèces sur lesquelles il a basé ce groupe générique; aussi la connaissance précise que l'on en a ne date-t-elle que des travaux d'Etienne Geoffroy Saint- 14 lilSTOIRE NATUIIELLE. Hilaire {Annales du Muséum, t. XV, 1810); depuis, le nombre des espèces a été de plus en plus aug- menté parles travaux de MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire [D'iclionnaire classique, 1828, etc.); Fréiéric Cm'ier {Dents des Mammifères, 1825); A. -G. Desmarest {Mammalogie, 1821); Temminck {Monographie de Mammalogie, t. I et II, 1827-1832); Quoy et Gaimard {Zoologie de l'Astrolabe); J. E Gray {Zoologij of tlie Foyrtjpo- derma), Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; nous y joindrons les genres moins importants des Acérodoin {Acerodon), Jourdan; Épomophore {Epomophorus), Bennett; Éleuthérure {Eleuilieruru) et Xan- THARPYiE {Xantliarpijia), Gray, et enfin le genre Cyinoptère {Cynopterus), Fr. Cuvier, qui n'est pas admis par tous les zoologistes. D'après cela, on voit que nous partagerons les Roussettes en onze genres particuliers; nous au- rions pu y ajouter quelques autres groupes génériques, proposés dans ces derniers temps; nous les avons omis parce qu'ils reposent sur des caractères de trop peu de valeur. Pour les espèces, nous ne décrirons que celles qui sont le mieux connues, et, autant que possible, nous choisirons celles dont on a observé les mœurs. Enfin nous ferons remarquer, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que l'on pourrait admettre deux divisions dans cette tribu : 1° celle des Ptéropiens, renfermant tous les genres de la tribu, sauf celui des Hypodermes, et caractérisée par ses ailes paraissant in- sérées sur les côtés du dos; et 2" celle des Hypodermiens, ne renfermant que le genre Hypoderma, dans lequel les ailes sont manifestement insérées sur la ligne médiane du dos. 1" GENRE. - ROUSSETTE. PTEROPUS. Brisson, 1750. Le Règne animal divisé en neuf classes U'tioi, aile; ircj;, pied. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, \; canines, J-EÎ; molaires, |^g; incisives verticales; canines assez fortes; molaires à couronne large et terminée par deux crêtes : la première à la mâchoire supé- rieure très-petite et pouvant même manquer. Tête longue, étroite, conique. Museau fin, terminé par un mufle sur les côtés duquel s'ouvrent les narines, qui sont un peu tu- berculeuses. Membrane interfémorale très-peu étendue et ne formant le plus souvent qu'une bordure le long du côté interne de la cuisse et de la jambe. Ailes conformées comme celles de la plupart des Chauves-Souri^ c est-à-dire ayant le deuxième doigt onguiculé. CARNASSIERS. 15 Queue tanlôl Irh-peu développée, tantôt au contraire n'existant pas. Pas lie feuilles ni de membranes autour des narines. Oreilles assez petites un maliennes, distantes l'une de l'autre. Langue, principalement à la partie antérieure, hérissée de papilles dures, dirifjées en arrière et de différentes formes. Fig. 9. — Roussette amplicauclc. Brisson a créé le genre Roussette aux dépens des Vesperiilio de Linné, mais c'est Etienne Geof- froy Saint-Ililaire (Annales du Muséum d'histoire naturelle, t. XV, 1810) qui l'a le premier carac- térisé d'une manière complète. Les Roussettes sont des animaux essentiellement frugivores. Les contes absurdes, chargés de merveilleux, qui ont rapport au genre de vie carnassier et même sanguinaire de ces animaux, et qui ont été rapportés par Buffon dans son immortelle Histoire naturelle, ont été produits par le défaut d'observations exactes, et par l'effroi qu'ont dû inspirer aux premiers voyageurs qui les ont vus leur énorme envergure et leur appareil de défense, en apparence si redoutable. Us n'attaquent aucun animal, pas même, ainsi qu'on l'a cru, les Oiseaux et les petits Mammifères; et on leur a assez sou- vent attribué à tort les dégâts commis probablement par les Vampires, qui, eux, sont véritable- ment carnassiers, quoiqu'ils soient beaucoup moins dangereux qu'on ne l'a dit en général. Leur organisation montre qu'ils ne peuvent pas sucer le sang des animaux, ainsi qu'on l'a prétendu. C'est donc avec la plus grande réserve, et, nous dirons plus, en n'y croyant pas, que nous allons transcrire ce que dit Buffon des mœurs de la Roussette et de la Rougette. « Les anciens con- naissaient imparfaitement ces Quadrupèdes ailés, qui sont des espèces de monstres, et il est vrai- semblable que c'est d'après ces modèles bizarres de la nature que leur imagination a dessiné les Harpies. Les ailes, les dents, les griffes, la cruauté, la voracité, la saleté, tous les attributs diffor- mes, toutes les facultés nuisibles des Harpies, conviennent assez aux Roussettes. Hérodote paraît les avoir indiquées lorsqu'il a dit qu'il y avait de grandes Chauves-Souris qui incommodaient beaucoup les iiommes qui allaient recueillir la casse autour des marais de l'Asie; qu'ils étaient obligés de se couvrir de cuir le corps et le visage pour se garantir de leurs morsures dangereuses. Ces animaux sont plus grands, plus forts et peut-être plus méchants que le Vampire; mais c'est à force ouverte, en plein jour aussi bien que la nuit, qu'ils font leurs dégâts: ils tuent les volailles et les petits ani- maux; ils se jettent même sur les hommes, les insultent et les blessent au visage par des morsures cruelles; mais aucun voyageur ne dit qu'ils sucent le sang des hommes et des animaux endormis. » D'après les récits des naturalistes voyageurs modernes, on peut, au contraire, assurer que ces Mam. mifères sont doux et paisibles, et qu'ils vivent en grandes bandes, suspendus pendant le jour par leurs pieds de derrière, la tête en bas et enveloppés par leurs ailes membraneuses. Quelques espèces s'accrochent de cette manière, par centaines, aux branches des arbres; d'autres se cachent dans les 16 IIISTOIl'.E NATURELLE. cavernes, dans les crevasses des rodiers et les trous des vieux arbres; quelques-unes ont l'habilude de se suspendre aux plafonds des grands édifices. Les habitants des pays où vivent les Hoii-ssettes leur font une chasse acharnée dans le double but de se débarrasser d'êtres qui leur sont très-nuisibles en détruisant leurs fruits, et de s'emparer d'animaux dont ils font leur nourriture. En effet, la chair des grandes espèces de ce genre est, dit-on, blanche, succulente, de bon goût et est estimée comme une nourriture saine et délicate, quoique l'odeur due à l'uiine de ces animaux ait pu naturellement rebuter ceux qui en ont fait le premier essai. On les mange à Madagascar, à l'île de France, à Timor, à Luçon, etc. Buffon rapporte qu'on se les procure facilement eu les enivrant, et que, pour obtenir ce résultat, on place à portée de leur retraite des vases remplis de vin de palmier. 11 serait bon, pour confirmer cette observation, de faire des expé- riences directes afin de s'assurer de sa véracité. Les Roussettes paraissent être circonscrites dans toutes les contrées de l'ancien continent, à l'ex- clusion de l'Europe; l'Asie méridionale et les archipels en nourrissent beaucoup plus que l'Afrique et ses îles; l'Océanie en renferme un assez grand nombre; plusieurs se trouvent dans le continent de la Nouvelle-Hollande, ce qui est remarquable, car ce pays, qui nourrit un grand nombre de Marsupiaux, ne possède que très-peu d'espèces de Mammifères ordinaires. De même que l'Europe, l'Amérique en serait aussi dépourvue; il ne paraît pas certain cependant à M. Temminck que cette partie du globe n'ait pas de Roussette; ces grandes Chauves-Souris, qui, selon Swainson, dévorent les fruits et dé- vastent les vergers des environs de l'ernambouc, et celles qu'on dit avoir été vues au Chili et au Pé- rou, lui paraissent devoir se rapporter à ce genre. C'est là un sujet de recherches que l'on peut re- commander aux naturalistes voyageurs, et qu'il serait très-intéressant de vérifier sous le point de vue de la géographie zoologique. Tel qu'il est aujourd'hui restreint, le genre Roussette peut être très-facilement isolé de ses congé- nères; mais, et en raison même de ce que ce groupe est des plus naturels, on trouve de grandes dif- ficultés pour distinguer les espèces d'une manière convenable On en connaît près de trente espèces; car, en effet, Lesson, dans son Nouveau Tableau des Mamnûfcres du Règne animal, en indique vingt-cinq, et, depuis la publication de cet ouvrage (1842), divers zoologistes en ont décrit plusieurs nouvelles. Celles des espèces de ce genre qui ont une queue sont de petite taille, tandis que celles qui n'en ont pas sont toutes très-grandes; la Roussette de J.wa, Pieropus Javanicns, A. G. Desmarest, a 1"',65 à l'",75 d'envergure. Dans toutes les espèces sans queue apparente à l'extérieur, la boîte cérébrale est séparée de la face par un rétrécissement considérable, correspondant à la partie pos- térieure de l'orbite; chez celles à queue apparente, le rétrécissement n'existe pas, et la boîte céré- brale est un peu renflée. On s'est servi de ces caractères et de quelques autres pour former deux groupes dans le genre Roussette; ces deux divisions, toutefois, n'ont pas une grande valeur scienti- fique, car, dans l'une comme dans l'autre, on retrouve les caractères communs et propres à tout le genre, et l'on n'a pu signaler aucune particularité différentielle dans le système dentaire. ROUSSETTES ÉCAUDÉES Temminck. Pas de (jneuc apparente a l'extérieur. Museau assez alimcjé. Mendrrave interfémorule plus ou moins rudinientaire. PJfjinie entièrement frugivore. Ce "roupe coui|irend le plus grand nombre des espèces du genre; les i>liis importantes sont CATINASSIEUS 17 1. UOUSSETl'E ÉDULi:. PTEROPUS EDULIS. Pûron et Lesucur Caractères spécifiqurs. — Pelage noir ou noirâtre, roux sur le cou et les épaules; poils ras, lui- sants et couchés sur le clos; oreilles longues, pointues; membrane interfémorale réunissant les pieds à la région coccygieniie, large à rariiculation du genou et formant un angle très-ouvert : celle de l'aile large, étendue, noire dans l'adulte, brune dans le jeune âge. Envergure, l™. Cette espèce se trouve dans tout l'archipel indien, â Java, Sumatra, Banda, Timor et Sarapouan. Pendant le jour, on voit ces animaux suspendus par les crochets du pouce aux branches des arbres élevés, principalement d'une espèce du genre figuier, dans le voisinage des plantations dont ils dévastent les vergers. On peut cependant, au rapport de M. Temminck, garantir les arbres frui- tiers de leurs dévastations au moyen de filets faits avec des filaments tressés de bambous. Leurs troupes nombreuses, composées souvent de plus de cent individus, se mettent en mouvement vers le déclin du jour; c'est alors que les naturels des lieux où on les trouve en font la chasse au moyen d'un sac attaché à une longue perche; ils les mangent et trouvent leur chair assez bonne, mais l'odeur infecte qu'elle répand en dégoûte les Européens. Blessés ou irrités, ces animaux font en- tendre un cri aigu semblable, dit-on, à celui de l'Oie. La nourriture de la Roussette édule semble consister uniquement en fruits de toutes sortes : on a observé qu'à Java elle habite exclusivement les régions basses, et qu'on ne la rencontre pas dans les contrées élevées de cette île. 2. ROUSSETTE VULGAIRE. PTEROPUS VULGARIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Car.\ctères spécifiques. — Pelage épais, grossier, roux, avec une grande tache d'un brun noirâtre en forme de croix sur le haut du dos; parties inférieures noires; région pubienne roussàtre; mem- branes noires; oreilles petites, pointues, peu échancrées à la partie supérieure et latérale. Enver- gure, 1". Cette espèce est la Roussette de Buffon et de Brisson, le VespcvlUio vampims de Linné, et le Chien volant de Daubenton. Elle habile les îles de France et de Bourbon; on croit qu'elle se trouve également à Madagascar et même en Afrique, mais cette dernière assertion est loin d'être démontrée. On mange cette espèce; sa chair a, dit-on, une saveur particulière qui plaît en général, principale- ment celle des jeunes sujets. La Roussette et la Rougelte {Ptcropiis rubricoUis, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire), autre espèce qui en est très-voisine et a la même patrie, se rassemblent pêle-mêle sur les arbres, où elles sont at- tirées par la présence des fruits et des fleurs; elles ont toutefois des habitudes différentes, car, hors le moment où elles s'occupent à recueillir leur nourriture, les premières vont se fixer sur les grands arbres au fond des forêts, tandis que les autres s'établissent dans les creux des vieux arbres ou dans les anfractuosités des rochers. 3. ROUSSETTE A PAGE NOIRE. PTEROPUS PHAIOPS. Tcmminclî. Caractères spécifiques. — Pelage long, grossier, très-fourni, un peu frisé partout; museau, gorge, joues, tour des yeux, d'un noir profond; le reste de la tête, les côtés du cou, la nuque, les épaules, jaune-paille; poitrine roux doré; pattes postérieures couvertj^s de poils bruns à leur base et d'un jaune clair à la pointe. Envergure : ï"\14. Habite Macassar et les Célèbes. 2 3 18 IllSTOiRE NATURELLE. 4. ROUSSETTE A TÈTE CENDRÉE. PTEROPIS POLIO:E[>HALi'S. Temminck. C\RACTL;r,Es SPÉCIFIQUES. — Dessiis de h tète, joues, g'orge, d'un cendré foncé mêlé de quelques poils noirs; nuque, épaules, devant du cou, brun-marron roussâtre : le reste du corps gris varié. Enveroure : i'"AO. Sa patrie est la Nouvelle-Hollande et la terre de Van-Dicmen. 5. ROUSSETTE DE KÉRAUDREN. PTEROPUS KEn.WDREN. Quoy et Gaimard. Cabactères spécifiques. — Occiput, cou, épaules, haut de la poitrine, d'un jaune pâle : le reste du pelage brunâtre. Envergure : 0™,80. Cette espèce se trouve dans les îles Marianes et Carolines, principalement à Guam. Elle vole en plein jour. Pendant le repos, elle se suspend plutôt aux arbres qu'elle ne se niche dans les excava- tions des rochers. La chair de celte Piousselte, malgré Todeur forte et désagréable qu'elle exhale, est assez recherchée. r,. ROUSSETTE GRISE. PTEROPUS GRISEUS. Et. Geoffroy Saint-IIilaire. CAHACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Pclago gris, légèrement roussâtre, passant à la teinte lie de vin sur le dos; tête et cou roux clair; poils du cou longs el frisés : ceux du dos, courts et couchés; oreilles courtes, et terminées en pointe. Envergure . 0"\58, Habile l'Ile de Timor. 7. ROUSSETTE DE DUSSUMIER. PTEROPUS DUSSUMIERI. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire. CAFACTiÈRES SPÉCIFIQUES. — FacB ct gorgc biuues; ventre et dos couverts de poils bruns, mélangés de poils blancs; partie supérieure de la poitrine d'un brun roussâtre; côtés du cou, et tout l'espace compris à la face postérieure du corps, depuis les oreilles jusqu'à Pinsertiou des ailes, d'un fauve tirant légèrement sur le roussâtre. Habile PInde. 8. ROUSSETTE A MASQUE. PTEROPUS PERSONNATUS. Temminck, Caractères spécifiques. — Pelage mélangé de brun, de jaune et de blanc, avec la tête peinte d'une manière très- tranchée de blanc pur et de brun. Provient de Pile de Ternate. On dit que cette Roussette aime beaucoup le \'n de palmier, dont les habitants des Moluques font une liqueur fermentéc très-spirituciise ct très-enivrante : si l'on s'en rapporte aux voyageurs, quand les Indiens ont percé un palmier pour en tirer la sève, et placé dans la plaie le chalumeau qui doit Herpeste.1 ochraceus. Giviy. PI CARNASSIEUS. 10 diriger la liqueui" dans le vase destiné à la recevoir, ces Cliéiroptères auraient l'intelligence d'aller mettre leur bouche au bout du chalumeau, et de boire cette sève sucrée à mesure qu'elle coule. Elles s'en- ivrent ainsi, tombent au pied de l'arbre, et sont prises par les habitants, qui les mangent et leur trouvent un excellent goût de Perdrix. Un voyageur suédois dit en avoir pris une qui s'était enivrée et laissée tomber au pied d'un arbre; l'ayant attachée avec des clous à une muraille, elle rongea, dit-il, les clous et les arrondit avec ses dents comme si on les eût limés. Ces faits nous paraissent trop merveilleux pour pouvoir être admis sans contrôle. 9. ROUSSETTE LALNEUSE. PTEROPUS DASYMALLUS. Temminck, Caractères spécifiques. — Pelage laineux, long partout; membranes des lianes velues en dessus et en dessous; face, sommet de la tète, joues, gorge, bruns; nuque et cou blanc jaunâtre; corps brun foncé. Envergure, O^jTS. Cette espèce, surtout remarquable par ses poils, qui sont très-laineux, habite le Japon. Comme les autres espèces du genre, elle se nourrit de fruits. Parmi les autres espèces, nous citerons la Roussette d'Edwap-ds {Pteropus Eclwarsïi, Et. Geof- froy), de Madagascar, Ceylan, Pondichéry; la Pi. funèdp.e (P. fnncreus, Temminck), de Timor, Su- matra; la R. DE Macklot (P. Macldolii, Temminck), de Timor; la R. a pieds velus (P. pselapliou, T. Lay), de la côte orientale du Japon; la R. a lèvp.b (P. labïaiiis, Temminck), découverte en Abys. sinie par M. Botta; la R. k.uong (P. argenlulus, Gray),' d'Amboine; la R. de l'Assam (P. Assamcn- sis, Mac-Leay), etc. O^ciiccieiue' Citoapc. ROUSSETTES CAUDAIRES. Temminck. Queue plus ou moins longue, à moitié engagée dam la membrane inter fémorale, qui est ass^z développée. Museau peu allongé, légèrement arrondi. Bégime frugivore, et très-probablement en partie insectivore. Peu d'espèces entrent dans ce groupe; nous ne citerons que 10. ROUSSETTE TAILLÉE. PTEROPUS STRAMINEUS. Et. Geoffroy Saint-IIilairc. Caractères spécifiques. — Pelage très-court, lisse, bien fourni, blanc jaunâtre en dessus, légère- ment onde de roussâtre; toutes les parties inférieures blanchâtres, avec une bande brune à la par- tie moyenne du ventre; membranes d'un brun jaunâtre; queue très-courte. Envergure : O"',!^. Cette espèce provient du Sennaar et du Sénégal, et vit de fruits. On la trouve suspendue dans les cavernes, ou bien aux branches des arbres; elle se cache également dans le creux des arbres. 20 HISTOIRE NATURELLE. 11. ROUSSETTE DE GEOFFROY. PTEROPUS GEOFFROYI. Temminck. Caractèhes spécifiques. — Pelage court, laineux, serré, excepté sur le devant du cou, où les poils sont longs et plus rares; coloration générale d'un gris terne, plus foncé en dessus qu'en dessous; membrane interfémorale large, d'un gris brunâtre; pouce proportionnellement plus long que dans les autres espèces; queue enveloppée par la membrane interfémorale, très-courte. Envergure : O^jSo. Cette espèce, qu'Etienne Geoffroy Saint-IIilaire nommait Pieroptis /Ecjyptianus, babite le Sénégal et PÉgypte, et, dans ce dernier pays, plusieurs individus ont été trouvés par lui attachés au pla- fond d'une des chambres de la grande pyramide. 12. ROUSSETTE DE LESCHENAULT. PTEROPUS LESCUENAULTII. A. G. Desmarest. Caractères spécifiques. — Pelage brun grisâtre sur le dos, cendré foncé sur le ventre; nuque entourée d'un demi-collier fauve; partie delà membrane alaire près du corps, de l'avant-bras et des doigts, présentant un grand nombre de petits points blancs rangés en lignes parallèles; oreilles courtes; queue assez grande, à peine engagée dans la membrane interfémorale. Longueur : O^jOD. Cette Roussette, l'une des plus petites du genre, se trouve à Pondichéry et à Sumatra. Une autre espèce est la Pioussette de Leacii (P. Leacliii, A. G. Desmarest), du cap de Bonne-Es- pérance, où elle est très-abondante pendant la saison des fruits, et où elle opère, pendant la nuit, de grandes dévastations dans les vergers. 2°"= GENRE. - ÉLEUTHÉRURE. ELEUTUERURA. Gray, 1844. Voyage of Sulpliur. Mammalia. E),EuOspcç, libre; oupa, queue. Queue courte, libre, placée au m'dicu d'une écliancrure de la membrane inlcrfcmorale, qui est très-ctroile, et garnie de poils nombreux en dessous près de la base. Pas de glandes sur les côtés du cou. M. Gray a indifjjié ce genre, dans lequel il ne place qu'une seule espèce, qui était rangée précé- demment dans le genre Roussette, groupe des espèces ayant une queue; c'est : ÉLEUTHÉRURE HOTTENTOTE. ELEUTUERURA UOTTENTOTA {PTEROPUS), Smith. Caractères spécifiques. — Pelage très-court, (in, lisse et serré : de deux couleurs en dessus, et gris de souris uniforme en dessous. Envergure : 0'",55. Cette espèce habite l'Afrique australe, et principalement les environs du cap de Bonne-Espérance. CARNASSIERS. 2f S-"" GENRE. - XANTIIARPYIE. XANTILUiPYIA. Gray Voyage of Sulpluir. Miimnialia. XavOoç, fauve; afiruta, Harpvie CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Queue à base renfermée dans le dessous de la membrane inler fémorale, qui esl Iris-rapprocliée de l'épine dorsale. Pouce à dernière phalange assez allongée. Pas de g tabules ati-dessus ni au-dessous dans la région du cou. C'est encore avec une Roussette du deuxième groupe que ce genre a été fondé par M. Gray. XANTIIARPYIE AMPLEXIGAUDE. XANTIIARPYIA AMPLEXICAUDATA (PTEROPUS). Et. Geoffroy. Caractères spécifiques. — Pelage très-court, ras sur le dos; tête et partie supérieure d'un brun roussâtre, un peu moins foncé et mélangé de lie de vin, aux parties inférieures; membranes inter- fémorales d'un brun roux; doigts et queue brun jaunâtre. Envergure : 0'",4r). Elle a été prise à Timor, Amboine et Sumatra. A"'' GENRE. — ÉPOMOPIIORE. EPOMOPHORUS. Bennett, 1858. ^Gray Magazin of Zoology and Botany, t. II. E7tw(/.t:, épaule; (poptw, je porte CARACTÈRES GÉNÉRIQUES, Queue nulle. Nuque ayant une touffe de poils de chaque côté. Pouce à dernière phalange très-longue, aplatie. Ce genre, caractérisé en quelques mots par M. Gray, renferme trois espèces : les Epomophorus Whitii, Bennett; Gambianus et macrocephalus, Ogilby, qui habitent la Gambie et n'ont encore été qu'incomplètement décrites. 5"« GENRE, — ACÉRODON. ACERODON. Jourdan, 1837. Annales des Sciences naturelles, 2° série, t. VIII. Axispor, sans corne; Cf^^u;, dent. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siislhme dentaire : incisives, \\ canines, }-^; molaires, l^; les molaires supérieures à collines tuberculeuses, dans lesquelles cependant se montre avec évidence le Hjpe des molaires des Roussettes: molaires inférieures à trois collines. Par les formes mômes de la tête, par la disposition des membranes interfémorales, les Acérodons rappellent entièrement les Pteropiis. Fr. Cuvier fait remarquer que les tubercules caractéristiques 22 HISTOIRE NATURELLE. des molaires des espèces de ce genre pourraient faire penser qu'il existe entre ces molaires et celles des Chauves-Souris insectivores des rapports de structure propres à fonder entre ces deux familles un rapprochement beaucoup plus intime que celui qui avait été noté avant que le genre Acérodon ne fût créé; mais, toutefois, il ne pense pas que- ces modifications aient en rien changé la na- ture des dents de V Acérodon, et qu'elles puissent même exercer une influence très-sensible sur les mœurs de cet animal : le système dentaire de la famille des Roussettes, et celui de la famille des Chauves-Souris ordinaires, sont différents de forme dans leur essence : chacun d'eux peut se pré- senter avec des modifications plus ou moins profondes; mais, tant que ce qui est essentiel de forme dominera, les Roussettes ne seront pas des Chauves-Souris, ni les Chauves-Souris des Roussettes. Or, l'Acérodon appartient encore exclusivement, sous ce rapport, à cette dernière tribu. Du reste, les rapports de V Acérodon et des Plcropns se retrouvent jusque dans la distribution des couleurs, qui sont brunes, avec une tache plus pâle ou plus brillante sur le cou. Le type est : ACÉRODON DE MEYER. ACERODON MEYERII. Jourdan. Caractères spécifiques. — Pelage brun, avec une tache plus claire sur le cou. Envergure : 2™, 50. Cette espèce a la taille des grandes espèces de Roussettes; elle est originaire des Philippines. M. Meyer lui avait appliqué la dénomination de Pteropus pijroceplialHS. D'après Eschscholtz, qui nomme cette espèce Roussette a crijiière {Pleropus jubaius), cet animal est commun dans l'île de Luçon, et couvre les arbres de ses troupes nombreuses. Il vole le jour, mais reste caché dans le feuillage pendant les fortes chaleurs. Sa chair est tendre, et son goût est, dit-on, à peu près sem- blable à celui de cuisses de Grenouilles : les insulaires, et même les Espagnols établis à Manille, en font grand cas. Une seconde espèce doit être rangée dans le genre Acérodon; c'est le Pteropus Vaniliorensis, Quoy et Gaimard, propre aux îles Philippines, que plusieurs zoologistes regardent comme une vraie Roussette. 6""= GENRE. — PACIIYSOiME. PACHYSOMA. h. Geoffroy-Saint-Hilaire, 1828. Dictionnaire classique, t. XV. Eay.'J', î'iriis; auw.c corps. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslcme dentaire : incisives, |; canines, ~\; molaires, |5i; la molaire qui manque de chaque coté, h chaque mâchoire, est la dernière màchelicre, et non pas la petite fausse molaire antérieure, dent en quelque sorte rudimenlaire, et si peu importante, que sa présence ou son absence ne pour- rait fournir un caractère générique. Formes généralement lourdes et trapues. Tête grosse et courte, principalement dans la partie antérieure, à boîte cérébrale arrondie. Museau gros. Mamelles placées beaucoup en avant de l'insertion du bras, tandis que, dans les Pioussetlcs, elles sont presque axillaires, c'est-h-dire allachées au-dessous de L'insertion de l'humérus sur les parties latérales du corps. Le genre des Pachysomes a été établi aux dépens des Roussettes pour des espèces de Chéiroptères qui, outre les caractères que nous venons d'indiquer, ont les arcades zygomatiques très-distinctes, et l'espace libre qu'elles laissent entre elles et les os temporal et maxillaire annonçant un grand dé- veloppement des muscles élévateurs de la mâchoire inférieure. Cette mâchoire est elle-même assez CARNASSIliRS. 95 ^Zi) cnurto et n'a d'élendue que dans la partie qui donne inserlion aux muscles, c'est-:\-dire sa por- tion poslérieui-e et son apophyse ooronoïde. C'est M. Isidore Geoll'roy Sainl-llilaire qui, le premier, a donné la caractéristique de ce i;enre; mais son père lavait précédemment créé dans ses Leçons sicnof)rnplnées. Les naturalistes anglais appliquent ù ce genre le nom de Ctjnoplcrus, Fr. Cuvier, dénomination que nous réserverons pour un autre groupe générique. Les Pachysomes répandent autour d'eux, dans un rayon assez grand, une odeur pénétrante toute particulière. Leur cri est fort, très-perçant; leur morsure douloureuse. Leur vie est nocturne; ils ne sortent qu'au crépuscule de leur retraite, qui est ordinairement le creux d'un arbre. Leur vol est irrégulier, mais rapide. On n'en connaît que cinq ou six espèces, qui toutes sont propres au continent indien. \. PACIIYSOME A QUEUE COURTE. PACÏÏYSOMA BREVICAUDATUM. Isid. Geoffroy Saint-Ililaire. C.\R.\cTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pclagc dcs côtés du cou long, rude, cachant un appareil sécréteur, à poils divergents d'un centre commun et recouvrant des glandes : parties inférieures du corps cou- vertes de poils soyeux, assez courts, d'un brun olivâtre dans presque toute leur étendue, et roux à la pointe; tête gris cendré; côtés du cou d'un roux vif; poitrine et ventre gris; flancs roussâtres; oreilles bordées de blanc ou de jaunâtre. Envergure : 0'",55. dite espèce habite le continent indien, principalement l'île de Sumatra. 2. PACIIYSOME MAilMlLll-LRE. PACIJÏSOMA TITT£CIIILUM {PTEROPUS}. Temmincl< Gahactères spécifiques. — Pelage fin, lisse, très-court, à l'exception de celui des cùlés du cou, plus long dans les mâles que dans les femelles : les premiers ayant, de chaque coté du cou, une touffe de poils divergents d'un centre commun qui conduisent à des glandes odoriférantes; ventre garni de poils courts; gorge avec des poils clair-semés; oreilles petites, ridées à la base, et plus ou moins bordées par un liséré blanchâtre; queue courte, presque entièrement enveloppée par la mem- brane interfémorale. Envergure : 0'",50. Habite Java et Sumatra. 3 PAGHYSOME A TETE NOIRE. PACHYSOMA MELANOCEPHALUM [PTEROPUS]. Temmlnck. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage assez long, bien fourni, excepté sur le devant du cou; poils du dos d'un blanc jaunâtre à la base et d'un cendré noirâtre â la pointe; nuque, sommet de la tête et museau, noirs; une houppe de poils, couvrant un appareil sécréteur, placée sur les côtés du cou; parties inférieures blanc jaunâtre terne. Envergure : O'",o0. 11 a été trouvé à Java. Les autres espèces de ce genre sont les Paciivsome de Diard {Pncinjsoma D'iardii, Lsid. Geoffroy); DE DuvAucEL [P. Duvauceliï, Isid. Geoffroy), qui toutes sont propres à Sumatra et aux îles voisines, etc 24 HISTOIRE NATURELLE. 7"* GENRE. — WÉGAÈRE. MEGAEIÎA. Temminck. Mi"fa;, granil; atfa, marteau. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsthne dentaire : incisives, \\ canines, '^J; molaires, f^^; mais ce caraclcre, observé seulement dans tinc vieille femelle, n'est peut-être pas général pour toutes les espèces. Queue non apparente à l'extérieur. Museau très-obtus. ^ Naseaux un peu saillants. Oreilles petites, non bordées. Mâchoires très-courtes. Ailes très-courtes. Le genre Megaera est allribiié à M. Temminck par tous les naturalistes, quoique dans ses Mono- graphies de Mamnmlogie, particulièrement dans le tome II (1857), où il résume ce qu'il a dit sur la tribu des Roussettes, il place la seule espèce qu'on y range avec les Paclujsoma. Le crâne est un peu moins fort que celui du Pachysome à queue courte, et remarquable par la saillie des os du nez et par l'extrême brièveté des mandibules, ce qui est cause de la forme très-obtuse du museau et de la légère proéminence des narines, qui sont un peu plus allongées que dans le Pachijsoma ecaudaium, quoique moins proéminentes dans ce type que dans le Cephalotcs Pallasii. L'espèce type de ce genre est la MÉGAÈRE ECAUDEE. MEGAERA ECAUDATA. Temminck. Caractères spécifiques. — Pelage assez court, gris pâle à la nuque et aux côtés du cou, brun bisire à la tète et sur tout le reste des parties supérieures, rare et gris cendré sur les parties infé- rieures; oreilles noires, non bordées; ailes courtes. Envergure : O^joS Cette espèce babile l'île de Sumatra, district de Padang. S'"^ GENRE. ~ CYNOPTÈRE. CYNOPTERUS. F. Cuvier, 1825. Ofiils des Maniiiiifi'ro.s. Kuwv, chien ; irrspov, aile C.\RACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstème dentaire : incisives, \; canines, \^^\ molaires, |^*; les dernières molaires manquent entièrement , d'oli il résulte que les mâchoires sont raccourcies; incisives très-fmcs, rangées sipné- iriqucmcnt, et très-resserrées entre les canines. Oreilles moijennes, bordées par un liséré blanc très-distinct. Queue excessivement courte, réunie, à sa sortie du cocciix, aux membranes inter fémorales. Partie supérieure de l'humérus, cl membrane alairc, très-poilues le long des flancs. Le genre Cunopterus, fondé par Fr. Cuvier pour une espèce de Roussette, semblant offrir des caractères particuliers dans le nombre de ses molaires, n'est pas admis par tous les zoologistes; M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire fait remarquer que ce groupe repose probablement sur une erreur uAUNASSIERS. 23 d'observalion, cl que les caractères qu'on lui assigne ne sont pas suffisants pour molivci la créa- tion dun genre. La seule espèce de Cynoptère est le CYNOt'TÈRE A OREILLES BORDÉES. CYNOPTERUS MARGINATUS {l'TEIiOPUS). Et. Geoffroy. Caractères spécifiques. — Pelage ras, court, brun olivâtre; oreilles présentant un liséré blanc autour du bord extérieur. Envergure de la Noctule d'Europe. Habite le Bengale. 9"^ GENRE. - MACROGLOSSE. MACROGLOSSUS F. Guvier, 182^. Mammifères de la Ménagerie du Muséum, liv. XXXVUI Maicpoç, grand ; "^Xoxraa, langue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sfisltme dentaire : incisives, ~; canines, \^^■, molaires, ~ ; les dents sont petites; il ij n (juatre fausses molaires et six vraies h la mâchoire supérieure, et quatre fausses et huit vraies à l'in- férieure. Museau ircs-alloncjé, grêle, cylindrique, acuminé, en quelque sorte comparable a celui des Fourmiliers . Les mâchoires, au lieu d''Hre plus larqes, à cause de l'allomjement du museau, sont plus petites, et des vides existent entre les incisives droites et (jauches et entre les molaires; la mâchoire infé- rieure dépasse la supérieure. Lancjue cijlindr'ique, ircs-lomjue. un peu extensible Ce genre ne comprend qu'une seule espèce, le MACROGLOSSE KlOIlOTE MACKOGLOSSUS MINimUS (PTEROPUS] Et. tleoffroy Car.\ctères si'Ér.ii'iQUEs. — Pelage court, serré, un peu laineux ; toutes les parties supérieures d'un roux clair un peu teinté de jaunûlre vers la racine des poils, qui, dans cet endroit, sont doux et cotonneux; parties inférieures d'un roussûtre un peu clair; membrane interfémorale velue en des- sus; les poils dépassant le bord de. la membrane. Envergure : 0'",28. Cette espèce, que M. Horsfield indique sous la dénomination de Pterupus rostratus, et Lesson sous celle de Macrocjlossus Kiodotes, cause de grands dégâts dans les vergers; elle »emble préférer le fruit de VEugenia. On la voit, pendant le jour, suspendue aux rameaux élevés des arbres, et ca- chée dans le feuillage; elle se retire aussi dans les creux des arbres et dans les grands édifices. Elle habite les îl<\s de Java, Sumatra et Timor, et a été aussi trouvée au Bengale, d'après Fi . Guvier. 26 HISTOIRE NATURELLE. 10'»" GENRE. - CÉIMIALOTE. CEPIIALOTES. Et. Geoffroy Saint-Ililaiiv, ^810. ■Annales du Muséum, l. XIX. KscpaXtûT-c;, fjui a une f;rosse lùU; CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Stjslèine dcnlnire : incisives, ^; canines, J-^; molaires, ^|; h la mâchoire supérieure, il ]j (i deux incisives pcliles et placées entre les deux canines; mais, a l'inférieure, il n'y en a plus, et, en avant des molaires, on ne trouve plus (fuune seule dent de chaque côté, et qui est bien réellement une canine. Tcte très-grosse, ample, sphéroïdale, séparée du museau par un rélrécissemenl qui correspond à des arcades zijçiomaiiques très-écartées. Museau court, connue tronqué. iV«r/»c.s iubuleuses, trcs-écartées, séparées l'une de l'autre par un profond sillon. Queue placée sous la membrane inler fémorale, et dépassant notablement cette membrane. V'vj, 10. — Cépliiildlu de l'ailas eux Le genre Cephalotes a été créé par Et.. Geoffroy Saint-llilaire, qui y plaçait orii;inairemeni d espèces, le Vesperlilio cephalotes, Pallas, et une autre espèce alors nouvellement découverte pat l'éron et Lesueur. Depuis, on a reconnu que ces deux espèces devaient être les types de deux groupes génériques distincts : la première est restée, pour Et. Geoffroy, dans son genre Cephalotes, et a reçu d'Illiger [Prodromus sijstemalis Mammalium et Avium, 1811) la dénomination nouvelle de Ilarpifm (apruia, nom mythologique); la seconde est le type du genre Hypoderma, Et. Geoffroy, tandis qu'elle constitue le genre Cephalotes selon Illiger. Ce genre est l'un des plus remarquables de l'ordre, par l'anomalie de son système dentaire, par la forme de sa lète et par la dispo.sition do ses narines. Il ne renferme qu'une seule espèce authen- tique, le (^l'PIl.M.OTE DE l'ALLAS. CEPHALOTES PALIASII. Et. Geoiïrov. Caractèbes spécifiques. — Pelage un peu frisé, gris cendré en dessus, blanchcàtre en dessous, peu épais, et doux au toucher; membrane interfémorale d'un rouge tirant sur le jaune, tachetée ir- l'iilucei eus Lou'ii. Ura.v l'I CARNASSIERS. ' 27 régulièrement de blanc; lèvre supérieure lenduo, et munie d'une double rangé» de petites soies; une légère touffe de poils au-dessus des yeux; oreilles très-écartées, nues, rondes et courtes. Envergure : 0'",50. Celte espèce, qui est le Vespertilio cephalotes de Pallas, et le Ilarpifia Pallasîi d'Illiger, se trouve à Âmboine. C'est à tort que Rafinesque place dans le même genre, sous la dénomination de Cephalotes lœnio- tis, une espèce de Chéiroptères provenant de Sicile, et qui doit probablement faire partie de quel- que groupe générique de Cliauves-Souris insectivores, et non de Roussettes. il'"^ GENRE. - HYPODERME. HYPODEHMA. E. Geoffroy Saint-Hilaire, 1829 Dictionnaire classique, l. XV. Vtto, dessous ; c^spixa, peau. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; canines, {^; molaires, Izt; incisives inférieures très-petites, parce que les deux canines sont irès-rapprochées l'une de l'autre; fausses molaires supérieures manquant. Pas d'ongle au doigt indicateur, quoique la phalange onguéale existe. Membranes alaires prenant naissance stir la ligne médiane dorsale, en sorte que le corps ne se trouve pas, comme dans les autres Chéiroptères, placé entre les ailes, qui, habituellement, sont situées sur les flancs, et de telle sorte, que le corps est recouvert par les ailes comme par un manteau. Queue assez longue, donnant insertion à la membrane interfémorale par sa face supérieure, et enveloppée par elle dans son premier tiers. Le genre Hypoderme a été créé par Et. Geoffroy Saint-Hilaire dans ses Leçons sténographiées, et caractérisé d'une manière complète par son fils dans le Dictionnaire classique; ce groupe a été formé aux dépens des Cephalotes, et, ainsi que nous l'avons dit, llliger lui conserve cette dernière dénomination. La forme générale du crâne de l'IIypoderme se rapproche de celle du crâne des Roussettes, mais il existe une différence dans l'appareil remarquable qui remplace l'intermaxillaire, et dont les Rhi noiophes fournissent un autre exemple d'organisation anomale toute particulière. L'Hypoderme a l'intermaxillaire représenté par deux petits osselets détachés des maxillaires, et portant chacun une petite dent; ces osselets styliformes, à peu près courbés en S, sont longs de moins de 0",01, dé- primés, réunis ;\ Textrémité des narines par un cartilage vers l'origine des dents. Leur charnière mo- bile donne à ces osselets, et par conséquent à la dent dont ils sont armés, la faculté de se mouvoir en avant et en arrière, à peu près de la même manière que les incisives mobiles des lUnnolophus agissant de haut en bas. Ce fait doit être noté, car il établit un second exemple des plus curieux d'incisives mobiles dans la classe des Mammifères. On n'a encore bien distingué qu'une seule espèce de ce genre, c'est HYPODERME DE PÉRON UYPODERMA PERONII Et. Geoffroy Saint Hilairo. Caractères spécifiques. — Pelage généralement d'un fauve roussfitre; tête, nuque et cou, de la même couleur, mais passant un peu au brun; portion du dos recouverte par la membrane alaire, ayant la même coloration que les autres régions du corps Envergure ; 0"',G5. 28 ■ HISTOIRE NATURELLE. Cette espèce exljaie une odeur très-forte et très-désagréable, produite par la sécrétion de doux glandes placées sur les joues, et dont la moitié supérieure, recouverte par la peau, est d'un beau rouge. Elle habite les îles de Banda, Samao, Timor et Âmboine, et se retire, pendant le jour, dans les rochers et les cavernes, ne sortant de ces lieux, à peu près inaccessibles, que vers le crépuscule. Sa morsure est cruelle. On reconnaît généralement aujourd'hui que I'Hypoderme des Moluqdes {Hijpoderma Molnccense, Quoy et Gaimard) ne doit être regardé que comme une simple variété de Vthjpodermn Pcronii, et l'on sait, depuis assez longtemps, que le Pleropus paUialus d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire n'en est que le jeune âge. M. Kruger annonce qu'on a trouvé, dans le calcaire de Solenhaufen, deux vertèbres dorsales et deux os fossiles des extrémités qu'il rapporte à une espèce de Roussette Ce fait, s'il était bien dé- montré, serait de la plus haute importance scientifique, puisque^aujourd'hui on ne rencontre au- cune espèce de Roussette eu Europe; maLs il est très-probable que ces débris fossiles appartiennent à un Ptérodactyle, animal perdu que l'on regarde généralement, sinon comme un Reptile, au moins comme intermédiaire entre les Oiseaux et les Reptiles. L'opinion que nous venons d'indiquer, et qui est de De Blainville, a d'autant plus de fondement, que Sœmmering, qui, comme M. Kruger, habitait Munich, a soutenu toute sa vie que le Ptérodactyle était une grande Chauve-Souris fossile. DEUXIÈME TRIBU. VESPERTIIJONIENS. VESPERTIUONIDJE. Gray, 1825. Annals of Philosophical Magazin, t. XXVl. Molaires hérissées de luhereules et de pointes aiguës. Les VEsrEr.TiLioisiEiNS, aussi nommés Chauves-Souris proprement dites ou Chéiroptères insecu- vores, sont des animaux qui semblent presque uniquement se nourrir de matière animale, ce qui les différencie immédiatement des Roussettes, qui, au contraire, sont exclusivement frugivores, et dont les molaires, lisses à la couronne, offrent, seulement sur les bords, une crête plus ou moins appa- rente. L'étude du système dentaire des Vespertilioniens, comme celui des Roussettes, devant donner les meilleurs caractères distinctifs de cette tribu, ainsi que ceux des genres qui y ont été formés, on comprend qu'elle a dû être faite avec le plus grand soin. MM. Et. et Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, De Blainville, Fr. Cuvier, Temmiiick, Gray, Em. Rousseau, etc., s'en sont occupés. D'après De Blainville, on peut dire, d'une manière générale, que le système odontologique est presque toujours normal, c'est-à-dire formé des quatre sortes de dents : d'incisives, de canines, d" avant-molaires et de mo- laires comprenant la principale, aussi distinctes par leur forme que par leur position relative, en sorte que leur signiiication n'offre jamais de difficulté sérieuse. Leur nombre, à l'âge adulte, est même assez constant pour chaque sorte, et ce nombre finit par se rapprocher quelquefois même beaucoup de ce qu'il «st chez les Carnassiers proprement dits. Les incisives, assez petites, et pressées entre les canines, varient en nombre de zéro à une et deux paires, et jamais au-dessus, à chaque mâchoire; en bas, elles peuvent varier de zéro à une, deux et même trois paires : on a donc les formules |, Y, |, fp ^^'^- Les canines, assez grandes et fortes, constamment représentées par la formule -J^J, ne manquent jamais; elles sont minces, allongées, quelquefois assez fortes. Les molaires ne sont ja- mais au-dessous de quatre à chaque mâchoire et de chaque côté, et au-dessus de six; mais toutes les combinaisons intermédiaires peuvent se trouver. Toutefois, les différences en nombre ne portent guère que sur celui des avant-molaires, car il y a toujours une dernière avant-molaire, une princi- pale et deux arrière-molaires : l'on peut donc avoir les formules ^Ef, girl, fE|, f^f, frf ; mais c'est Izl que l'on trouve le plus habituellement. Selon Fr. Cuvier, les quatre premières molaires de CARNASSIERS. 20 la mâchoire supérieure des Vespertilioniens, à peu près de même grandeur, présentent l;i forme la plus pure des vraies molaires d'insectivores : la dernière, de moitié plus petite que les autres, est tronquée à sa partie externe à la mâchoire inférieure : les quatre premières molaires sont dans le même cas que celles de la mâchoire opposée; elles offrent la forme normale de ces dents chez les Insectivores; la dernière vraie molaire a son prisme postérieur imparlait et tronqué en arrière. Lq genre Dcsniodns présente, toutefois, une anomalie des plus curieuses, sur laquelle nous reviendrons plus lard, nous bornant à dire seulement maintenant que sa formule dentaire pour les molaires Les Vespertilioniens ont réellement deux systèmes dentaires, comme la plupart des Mammifères, un de jeune âge et l'autre d'âge adulte; mais ce que le premier offre de remarquable, c'est qu'il n'existe le plus souvent que sur l'animal encore contenu dans le sein de sa mère ou à l'état de fœtus, et qu'il est très-incomplet. Ce système dentaire de jeune âge semble à De Blaiuville n'être jamais formé de plus de deux incisives en haut comme en bas, un peu diversiformes, suivant les groupes génériques, d'une canine en crochet et d'une seule et unique molaire, également en cro- chet, beaucoup plus petite, et distante de la canine, à chaque mâchoire et de chaque côté; mais certains naturalistes, en particulier M. Em. Rousseau, indiquent d'autres nombres pour ces dents. Les incisives, les canines et les fausses molaires qui constituent le premier système dentaire des Chauves-Souris, étant toujours simples, n'ont qu'une seule et petite racine, dont on verrait à peine les alvéoles, également simples au bord des mâchoires, si ces os étaient alors véritablement solides,' en supposant même que les dents de lait fussent autrement que gyngivales dans la seconde denti- tion; les incisives n'ont jamais non plus qu'une seule racine conique, assez peu longue, ces dents n'ayant que très-peu d'efforts à supporter; les canine.' ont également leur racine constamment simple, mais beaucoup plus longue et plus robuste qu'aux incisives; du reste, plus ou moins conique ou com- primée, suivant la forme de la couronne, les molaires ont, comme les précédentes dents, des racines proportionnelles en grosseur et en complication à celles de la couronne. Les alvéoles présentent, supérieurement, deux fentes : l'une antérieure pour l'incisive et l'autre pour la canine, puis deux petits trous ronds très-rapprochés; intérieurement, on remarque une série de six trous : les trois premiers à peu près ronds, et les trois autres ovales : l'antérieur plus grand, à cause de l'obliquité singulière de la dent qui s'y implante. Fig. H — Squelette de Molosse. En général, le squelette des Chéiroptères insectivores, de même que celui des Chéiroptères frugi- vores, se rapproche un peu de celui des Oiseaux; les os longs sont complètement fistuleux, mais la plus grande partie de leur intérieur est remplie par un réseau cellulo-fibreux tellement libre ou peu serré, qu'il disparaît entièrement par la dessiccation, et par une moelle abondante. L'ossification se fait rapidement, et les épiphyses se soudent de très-bonne heure au corps de l'os. En totalité, le 50 HISTOIRE NATURELI.E. nombre des os du squelette ne dépasse guère deux cent sept. La disposition particulière des os du squelette est telle, que la locomotion, et même la station, ne sont nullement troncales. Dans le Vampire, pris pour type des animaux de cette tribu par De Clainville, la colonne verté- brale, considérée dans son ensemble, est courte, souvent tronquée par l'absence de queue, et ne présente guère que trois courbures bien proiioncées, d'où il résulte que le tronc de ces animaux, au repos, prend une forme globuleuse ou ramassée. Le nombre total des vertèbres est de trenle-six, savoir : céphaliques, quatre; cervicales, sept; dorsales, onze; lombaires, sept; sacrées, trois, et co> cygiennes, quatre. La tète, dont la longueur, comparée à celle du tronc, semble réellement dispro- portionnée par sa grandeur, présente une structure évidemment plus rapprochée de ce qui existe chez les Carnassiers ordinaires que de ce qu'offre le même organe chez les Lémuriens. L'orbite est médiocre, latérale, séparée de celle du côté"opposépar un espace considérable, et largement confon- due avec la fosse temporale par suite de l'absence totale d'apophyse orbitaire au frontal et au jugal. La cavité nasale est petite dans sa partie olfactive; la cavité buccale, au contraire, est grande. Les vertèbres cervicales, en général, sont remarquables par leur grande largeur, le peu d'épaisseur de leur corps, la minceur et l'aplatissement de leur arc. et surtout par le diamètre du canal vertébral en forme de gueule de four. L'atlas est la plus large de toutes, et n'a pas d'apophyse épineuse mon- tante; l'axis offre une apophyse odontoide très-marquée : les trois vertèbres cervicales intermédiaires vsont presque égales, à peu près semblables, et sans traces d'apophyses épineuses; la pénultième est plus petite, et la dernière a son arc supérieur large et aplati, sans apophyse épineuse. Les vertèbres dorsales conservent cet aplatissement de l'arc supérieur, ainsi que l'absence d'apophyse épineuse; leur largeur, quoique augmentée par les apophyses transverses, décroit de la première à la dernière. Les vertèbres lombaires sont plus longues, plus étroites, plus épaisses dans leur corps, leur canal est notablement rétréci, et elles sont hérissées d'apophyses. Les vertèbres sacrées sont très-étroites, très-serrées, sans apophyses ni trous, excepté la première. Le sacrum est très-petit, presque com- plètement indivis, à bords à peu près parallèles, et se continuant sans interruption avec le coccyx. Celui-ci, composé de vertèbres en nombre variable suivant les genres, forme une sorte de petite crête, saisie à son extrémité entre les deux ischions. Les côtes, qui s'articulent avec les vertèbres dor- sales, sont toutes assez fortes, aplaties, c'est-à-dire plus larges qu'épaisses, assez fortement arquées en dehors, sans angle bien marqué. L'hyoïde, dans le Glossophage et les Sténodeimes, a son corps élargi, dans son milieu, en plaque, et ses deux cornes assez dissemblables. Le sternum est composé de six pièces, dont la première, ou manubrium, en forme de T, est beaucoup plus robuste que les autres, et pourvue, en dessous, d'une apophyse médiane très-saillante, sans prolongement antérieur; la dernière pièce, ou xiphoïde, est assez longue, terminée par un appendice cartilagineux discoïde. Le thorax est remarquable par sa largeur, presque égale à sa longueur, par sa forme conique et par le peu d'étendue des hypocondres. La longueur des membres antérieurs, depuis leur racine jusqu'à l'extrémité du plus long doigt, est à celle du tronc en totalité, au moins comire 4 est à 1, ce qui donne à l'envergure huit fois au moins la longueur du corps. L'épaule est remarquable par l'étendue des aeux os qui la constituent. L'omoplate a une forme ovale un peu allongée, le bord dorsal éga- lant au moins le bord axillaire, et comprenant la plus grande partie du bord antérieur par l'arron- dissement de l'angle cervical; les faces externe et interne sont chacune partagées en deux grandes fosses. La clavicule est presque aussi longue que l'omoplate, en sorte qu'elle porte le moignon de l'épaule fortement en avant et en haut; elle est, en outre, robuste, comprimée, arquée, dans toute sa longueur, de manière à ressembler à une petite côte qui n'aurait qu'une seule courbure. L'humérus est très-long, courbé en forme d'S presque droit; sa tête est ovale, un peu comprimée; la crête delloïdienne est saillante, tranchante; son corps est arrondi, sans crête, si ce n'est vers son extré- mité inférieure, qui s'élargit subitement. L'avant-bras n'est réellement composé que du radius, le cubitus étant rudimentaire, comme cela a également lieu aussi dans les Ruminants. Le radius est des deux tiers plus long que l'humérus, et plus même que la colonne vertébrale tout entière, sans y com- prendre toutefois la tète .- arrondi et légèrement arqué dans toute son étendue, sans crête ni rugo- sités d'insertion musculaire; il ne présente à l'extrémité supérieure qu'une cavité articulaire un peu oblique, assez large, tandis que son extrémité inférieure est moins large, sillonnée en dessous par des gouttières étroites pour le passage des tendons des muscles extenseurs, et terminée, en avant, par une large gouttière articulaire. Le cubitus se présente comme un os styloïde placé tout à fait CARNASSIERS. 51 à la partie postérieure du radius. Le carpe n'est qu'un nœud fort court, mais très-compliqué par les profondes enchevêtrures des os très-anguleux qui le constituent. La main est très-développée, quoique présentant, dans sa composition, tous les caractères des Mammifères élevés de la série zoologique. Il y a constamment cinq doigts; le pouce jouit d'une liberté et d'une étendue de mou- vements qui ne se voit que dans les Quadrumanes; quant aux autres doigts, ils varient dans leur longueur relative, et, dans le Vamj)ire, le médian est le plus long, puis le cinquième, le quatrième, et enfin le deuxième, qui est le plus court après le pouce. La forme et le nombre des métacarpiens, ainsi que des phalanges, varient suivant les genres. La dernière piialange du premier doigt étant toujours plus ou moins rudimentaire et cartilagineuse, il devient très-difiicile, et souvent impos- sible, de la reconnaître quand elle existe; ce qui n'a pas toujours lieu. Les membres postérieurs sont jtlus faibles et plus grêles que les antérieurs. Le bassin est généralement assez étroit; l'iléon de fornie presque cylindrique; le pubis court, assez large, et l'ischion en forme de demi-anneau. La cavité cotyloïde est parfaitement circulaire, assez profonde. Le fémur égale les trois quarts de l'hu- mérus; son corps est droit, cylindrique, très-grêle; sa tête est sphéroïdale, et l'extrémilé inférieure peu dilatée. La jambe est, comme l' avant-bras, incomplète, mais, à sa partie supérieure, au con- traire de ce qui a lieu dans celui-ci, où c'est à la partie inférieure. Le tibia égale l'humérus en Ion gueur; il est droit, cylindrique, très-grêle, assez renflé, triquèlre, un peu comprimé à l'extrémité su[)érieuro, ainsi qu'à l'inférieure. Le péroné est réduit à l'état styloïde; mais sa partie aciculée est supérieure, et sa partie rentlée est, au contraire, inférieure. Le pied, en totalité, n'égale pas la septième partie de la main; il est essentiellement plantigrade, et les cinq doigts dont il est tou- jours pourvu sont à peu près égaux en force et en longueur, et tous dirigés en arrière par suite de la direction du fémur dans son articulation coxale. Le tarse est à peine plus long que le carpe; l'astragale forme une saillie convexe au côté externe, dans laquelle le corps du calcanéum se place, de manière que ces deux os sont articulés à la fois avec ceux de la jambe, le tibia avec l'astragale, et le péroné avec le calcanéum. Les autres os du tarse ont des formes variables. Les métatarsiens sont courts, presque égaux, décroissant cependant graduellement un peu en longueur du premici au dernier. Le pouce n'a que deux phalanges, et la première est deux fois plus grande que sa correspondante aux autres doigts, où elle décroît du deuxième au cinquième. Les phalanges on guéalcs, Irès-comprimées, presque égales, sont proportionnellement assez longues, arquées, épais- ses, et un peu élargies à la base dejeur bord inférieur, où elles forment une sorte de talon. Les os sésamoides sont très-peu nombreux dans les Vcspertilioniens. Quoique très-petit, et de forme très-variable, l'os pénien existe dans un certain nombre d'espèces de cette tribu, et il manque dans un certain nombre d'autres. Quelques différences ostéologiques se voient dans la série des genres : celles que présente la tête sont surtout intéressantes à étudier. Chez les Sténodermes, la tête est en général plus courte, plus ramassée. Dans les Desmodes, elle est remarquable par la petitesse de la face et du palais, et par la manière brusquement pointue dont la mûchoire supérieure se termine. Dans lesGlossophages, la tête est plus grêle et plus allongée. Les Mégadermes ont la tête encore plus raccourcie et en même temps devenant comme huileuse à cause de la grande minceur de ses parois. Les Rhinolophes etlesRhino- pomes ont toutes les parties du squelette encore plus grêles et plus ténues; la tête, spécialement^ est plus huileuse au crâne, plus raccourcie et plus tronquée à la face, avec un large aplatissement de la région fronto-nasale et un développement singulier des sinus maxillaires. Les Vespertilions ont une forme de tête un peu variable suivant' les espèces, mais généralement plus allongée que dans les genres nommés précédemment, et la crête sagittale est assez prononcée. Les Taphiens et les Nocti- lions, sous ce point de vue anatomique, sont intermédiaires aux Uhinopomes et aux Vespertilions : les Molosses s'en rapprochent aussi et ont une tête courte, rétrécie en arrière vers l'orbite, et des niAchoires allongées. L'analomie de ces animaux n'est pas complètement connue, sauf l'ostéologie, malgré les travaux importants qui ont été publiés sur ce sujet. Nous ne nous en occuperons pas ici, et nous dirons seu- lement ce que l'on pouvait prévoir a priori, que les muscles qui servent à la locomotion aérienne sont notablement développés, tandis que ceux de la locomotion sur le sol le sont peu. Les membres antérieurs, à l'exception du pouce, sont revêtus et réunis par une membrane, ce qui en fait de véritables et puissantes ailes. Les membres postérieurs sont aussi enveloppés dans la ,>z l HISTOIRE NATURELLE. membiane alaire, laquelle naît à l'épaule, se prolonge le long de l'avant-bras, de l'index et du deuxième doigt, qui est le plus long, en laissant le pouce libre, passe de là au tarse en enveloppant tous les autres doigts, eu remplissant l'intervalle qui les sépare et en s'attachant le long des flancs, elle vient enfin se terminer à la queue, qu'elle embrasse plus ou moins. On sent que de l'étendue de leur membrane et des parties des membres qui en font la limite dépend l'étendue du vol de ces animaux. Lorsque le Cbéiroptère est en repos, les dernières phalanges des ailes se replient de di- verses manières, suivant les espèces, et, par la seule disposition des ligaments, tous les doigts se rapprochent, de manière que les ailes enveloppent quelquefois le corps entier de l'animal La queue existe loujours; mais elle est plus ou moins distincte, plus ou moins enveloppée dans la membrane interfémorale et plus ou moins développée, suivant les genres, quelquefois très-courte cl d'autres fois au contraire très-allongée. Les organes des sens sont très-variables et offrent des modifications parfois singulières; ils don- nent, avec les différences que présentent les dents, les caractères les plus propres à diviser ces animaux et à les réunir en groupes naturels. La petitesse de leurs yeux, cachés quelquefois par les oreilles et entourés de longs poils, devait borner singulièrement leur vue; aussi a-t-ou supposé que la i)résence des corps leur était révélée par un autre sens, ainsi que nous l'avons déjà dit en rappor- tant les expériences de Spaltanzani. Les oreilles sont plus ou moins développées; les conques audi- tives sont, en général, plus grandes que chez les Roussettes, et les oreillons sont parfois très-grands, ainsi que cela a lieu surtout dans le genre Oreillard. Le nez est quelquefois simple, quelquefois complexe ou creusé par une cavité; chez les Rhinolophes, et dans d'autres groupes, il offre à la partie supérieure des feuilles plus ou moins compliquées et sur lesquelles nous reviendrons, car elles donnent aussi de bons caractères génériques. Le poil est doux, généralement de couleur brune, tirant tantôt sur le gris ou le noir, tantôt sur le roux. Les membranes des ailes et de la queue, ainsi que les oreilles, sont à peu près nues, et il y a peu d'exceptions à cette règle. La bouche est assez peu fendue. Les lèvres présentent des modifications plus ou moins essen- tielles, et elles ont une double fissure chez les Noclilions. La langue est rude et papilleuse. Les in- testins sont plus courts que ceux des Roussettes, ce qui tient au genre de nourriture qu'ils prennent. Tous les Vespertilioniens sont insectivores, et quelques-uns d'entre eux s'attachent aussi aux animaux pour en sucer le sang; le Vampire en est l'exemple le, plus marquant. Ils sont crépuscu- laires ou nocturnes, très-rarement diurnes et comme par exception, et passent le jour cachés dans les lieux obscurs, dans les vieux édifices, les fentes des rochers, les troncs des arbres, etc. Ils mar- chent avec peine et ne vont sur le sol qu'en se traînant. Leur vie est essentiellement aérienne, et c'est en volant qu'ils attrapent les Insectes dont ils se nourrissent. Lorsqu'on saisit ces animaux, ils se défendent avec un grand courage et cherchent à mordre. Relativement aux Roussettes, ils sont de petite taille, car leur envergure ne dépasse guère 0'",55 et est même souvent moindre. Les organes génitaux consistent, chez les mâles, en une verge pendante et en testicules très- gros; les femelles ont un vagin très-simple. Les mamelles sont au nombre de deux ou de quatre: dans ce dernier cas, qui est assez rare, il y en a deux inguinales et les deux autres sont toujours pectorales. La femelle ne produit généralement à la fois qu'un seul petit; on a pu cependant obser- ver qu'elle en avait quelquefois deux par portée. Les petits naissent totalement nus et aveugles; ils sont soignés tendrement par leur mère, qui les transporte sus[)endus par la mamelle qu'ils su- cent, et fortement attachés à son corps au moyen des crochets qui garnissent leurs pouces. Quel- quefois plusieurs femelles se réunissent dans le même trou pour déposer leur progéniture et pour l'y élever, et, si on enlève leurs petits pour les placer dans un lieu où elles puissent se rendre sans danger, on les voit bientôt y voler pour les allaiter. Les Vespertilioniens semblent, ainsi que nous l'avons dit, se nourrir exclusivement d'Insectes; il est évident qu'ils ne peuvent se trouver que dans les lieux où ces articulés .-.e rencontrent pendant tout le cours de l'année, ou sinon ils doivent entrer dans une torpeur hibernale plus ou moins pro- longée. C'est ce qui a lieu dans les espèces de nos climats, qui passent la froide saison dans un état de léthargie à peu près complet. Eu outre, il n'est donc pas étonnant de voir que les Chauves-Souris, assez petites et peu communes dans nos régions septentrionales, se rencontrent au contraire en grand nombre d'espèces très-varices,, et souvent d'assez grande taille, dans les pays inteiliopicaux, sur les CAP.NASSSIEUS. Tm bords des grands fleuves. Toutefois les espèces paraissent limitées à des contrées plus ou moius cir- conscrites, et il en est de même des groupes génériques véritablement naturels. Les Pliyllostomes et les Sléiiodermes semblent n'exister que dans l'Amérique méridionale, sur les deux versants des Cordillères et jusque dans la Caroline. Les Mégadermes sont au contraire, tous sans exception, des parties les plus chaudes de l'ancien continent, aussi bien en Afrique qu'en Asie. 11 en est de même des Rhinolophes, dont TEurope possède même deux espèces répandues jusque dans ses parties les plus septentrionales. Les Rhinopomes et les Nyctères se trouvent exclusivement dans les parties chaudes de l'ancien monde. Il n'en est plus ainsi des Taphiens, qui sont des deux continents, bien qu'on n'en connaisse pas en Europe. LesNoctilions redeviennent américains; mais les Molosses sont de presque toutes les parties du monde; il en existe même une espèce dans les partieschaudesde l'Europe, sur les bords de la Méditerranée, et les espèces américaines en ont été distraites pour former le genre Nyctinome. Les Emballonures semblent uniquement propres à l'Amérique. Les nombreuses espèces du genre Yespertilion proprement dit sont disséminées dans toutes les parties du monde, depuis la Nouvelle-Hollande jusqu'en Norwége, et l'Europe en possède une vingtaine. Au reste, nous ferons observer que les Vespertilioniens sont au nombre de ces espèces animales que l'homme transporte avec lui et qu'il peut répandre dans tous les climats avec les navires dont il fait usage : c'est peut-être à une circonstance semblable, ainsi que le fait remarquer De Blainville, qu'est dû le fait d'un Oreillard {Vespcrniio auriius, Linné), rapporté, dit-on. de la Nouvelle-Hollande par Pérou et Lesueur, et qui ne différait en rien de celui de nos contrées. On connaît un certain nombre de débris fossiles de Vespertilioniens, mais l'on comprend que, comme ces animaux, et principalement les espèces européennes, à peu près les seules étudiées sous ce point de vue, sont d'une petite taille, et que leurs os sont très-fragiles, les traces qu'ils ont lais- sées dans le sein de la terre n'ont pu être aperçues que depuis que l'attention des naturalistes s'est portée d'une manière plus spéciale sur les fossiles en général. Ces traces ne consistent que dans une partie plus ou moins considérable des os du squelette, ou dans leurs empreintes, lorsque les os, par une cause quelconque, ont disparu. Les premiers ossements fossiles signalés l'ont été en 1805 par Kurg; ils doivent probablement se rapporter au Vcsperlilio murinus et proviennent de la Souabe. G. Cuvier, en 1822, a indiqué une portion assez complète de squelette, découverte dans les couches de gypse du terrain tertiaire de Montmartre, et qu'il a nommé Vespert'dio Parisicnsis, et De Blain- ville, qui le décrit dans son Ostéographïe, le regarde comme très-voisin, sinon identique, avec le Vcsperlilio serotinus. M. Richard Owen a observé des molaires d'une grande espèce fossile de Chéi- roptères insectivores, provenant de l'argile de Londres. D'autres débris de Vespertilioniens ont été indiqués dans le diluvium, soit clans les cavernes, soit dans les brèches osseuses, en Saxe, par M. de Munster, aux environs de Kostritz; en Sardaigne et en France, auprès d'Ântibes, par Wagner; à Liège, par M. Schmerling, comprenant des fossiles de Rfùnolophus fcrrum-cquinus et de Vcspcr- tilio mystacinus et serotinus; en Angleterre, par Mac Leay; en Russie, par M. Eischer de Waldheim, et enlin récemment en France, dans le département de l'Aude, par M. Marcel de Serres, et en Auver- gne, par M. Bravard. De sorte que, dans l'état actuel de nos connaissances sur les ossements fossiles de Chauves-Sou- ris, l'on peut, avec De Blainville, tirer les conclusions suivantes : T des animaux de l'ordre des Chéiroptères, et exclusivement de la tribu des Vespertilioniens, existaient dans nos pays avant la formation des terrains tertiaires moyens de nos contrées européennes, puisqu'on en a trouvé des restes indubitables dans la formation gypseuse des environs de Paris; 2" ces animaux étaient très- probablement contemporains des Anoploilierium et des Palœothcriiun; 5° ils ont continué d'exister sans interruption depuis ce temps jusqu'à nous, et cela dans toutes les parties de l'Europe, puis- qu'on en a rencontré des restes dans le diluvium des cavernes et des brèches osseuses; 4° ces Chauves-Souris si anciennes ne différaient que fort peu, si même elles différaient, des espèces ac- tuellement vivantes dans les mêmes contrées, doù l'on peut induire que les conditions dexisience qui leur sont nécessaires aujourd'hui étaient les mêmes ù cette époque plus ou moins reculée de celle à laquelle nous vivons, et que par conséquent il n'y a rien de changé dans l'ensemble de ces circonstances, ou du moins que ces changements ont été très-peu importants et dans des limites de variations dont les maxhua et les viinima oscillaient comme aujourd'hui, sans influence appréciable sur les corps organisés. r,i * IlfSTOlP.E NATUREflE. Toutes les espèces de cette iribii étaient réunies par Linné dans son genre Vespertilio, dans lequel toutefois il forme le groupe générique des Noclilio, et il y comprenait même les Roussettes, qui n'ont été distinguées que par Brisson. Etienne Geoffroy Saint-Ililaire a commencé à créer plusieurs genres particuliers et en a définitivement éloigné les Pteropns pour en faire une tribu distincte. Les genres qu'il y a admis sont ceux des Phyllostome, Rliinolophe, Mégaderme, Sténoderme, Molosse, Nycti- nome, Tapliien, Myoptère, Noctilion, Nyctère, Rhinopome, Vespertilion, Oreillard, Vampire et Glos- sophage. Mais le nombre des espèces devenant tous les jours de plus en plus considérable, puis- qu'on en décrit aujourd'hui près de trois cents, le nombre des genres a dû aussi augmenter, et cela même dans une proportion plus grande. C'est ainsi qu'on peut en compter près de quatre-vingts qui ont été fondés par iliiger, Leach, Fr. Cuvier, Savi, Kuhl, Keyserling, Spix, Kaup, etc.; et, plus récemment, par MM. Isidore Geoffroy Saint-Iiilaire, Gray, Temminck, Ch. Bonaparte, Alcide d'Orbi- gny, Gundlacb, Neuwied, etc. Sans chercher à indiquer les diverses classifications proposées pour les animaux qui nous occu- pent, nous nous bornerons à dire quelques mots des principales. Fr. Cuvier adopte la tribu des Vespertilioniens, qu'il indique sous le nom de Cliauves-Sourïs, et, dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, 1829, il la partage en trente genres. G. Cuvier [Règne animal, 1829) divise les Chéiroptères en deux grands genres : les Roussettes et les Vespertilions; et, dans ce dernier, il place un nombre assez considérable de sous-genres qui correspondent en partie aux genres d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire. De Blainville (.4j?»«/t's françaises et élranger es d' Anatomie et de Physioloçjie, 1837) n'adopte pas cette tribu, et il fait de ces Carnassiers trois sous-familles distinctes : celles des Plujllonijctères fy\x Vampires, Loplwnyctères ou Bliinolopliiens, et Léionijetères ou Citaiives-Sonris normonyctèrcs. Le nombre des genres est pour lui très-peu considérable. M. Gray [Magazine of Zoologij and Botanij, volume second, iSoS) forme, dans sa famille des Vesperiilionidœ, qui comprend tous les Chéiroptères, cinq tribus qu'il nomme : PInilloslomina, Rhinolophina, Vesperlilionina, Nociilionina et Pteropina, les deux premières constituant la divi- sion primairedes IsTionioni de Spix, et les trois dernières celle des ANisTiornoRi; il y comprend un très-grand nombre de genres. Il en est à peu près de même de M. Ch. Bonaparte; seulement, les coupes génériques sont encore beaucoup plus nombreuses. Dans la plupart de ses ouvrages, publiés déjà assez anciennement, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous ferons connaître la classification d'après l'article Mammifères que M. Baudement a inséré dans le tome VII du Dictionnaire universel d Histoire naturelle, 1846, partage les Chéiroptères que nous étudions, et qui, joints aux Roussettes et aux Galéopithèques, forment pour lui un ordre parti- culier, en quatre familles: Première famille. Les VESPERTILIONIDÉS, dont les expansions membra- neuses latérales constituent de véritables ailes, dont les lèvres offrent la disposition ordinaire, et qui n'ont de phalange onguéale à aucun des doigts de l'aile. Première tribu. Tapiiozoiens. Ncl .simple; membrane interfémorale peu développée; queue courte. Genres : Tapliien, Embàllo- mire, etc. Deuxième tribu. Molossiens. Nez simple; membrane interfémorale peu développée; queue longue, à demi enveloppée. Genres : Pédimane, Myoptère, Molosse. Nyetinome, Dinops. Troi- sième tribu. Vespertiliens. Nez simple; membrane interfémorale peu développée; queue très-déve- loppée. Genres : Vespertilion, Nycticce, Lasyure, Oreillard, etc. Quatrième tribu. Nyctériens. Nez creusé dune cavité. Genre . Nyctère. Cinquième tribu. RuhNOLOi'HiEjis. Nez surmonté d'une feuille. Genres : Rhinopome, Rliinolophe, Mégaderme, etc. Deuxième famille. NOCTILlOiMDÉS, chez les- quels les expansions latérales constituent de véritables ailes, qui ont une double tissure labiale, et à ])halange onguéale manquant à tous les doigts. Genre : Noctilion. Troisième famille. VAMPIBIDÉS, présentant des expansions membrai;euses latérales constituant de véritables ailes, ayant une pha- lange onguéale au doigt mi-dius de l'aile, et dont les dents offrent la disposition ordinaire. Pre- mière tribu. STÉ.NODEiijiiii.Ns. Nez simple. Genre : Sténoderme; et seconde tribu. Puyli,osïomiins. Nez surmonté d'une feuille. Genres : Glossopliage, Vampire, Phyllostome, etc. Quatrième famille. hESMODlDÉS, chez lesquels les expansions latérales constituent de véritables ailes, dont les dents de la mâchoire supérieure sont très-grandes, fortement comprimées, et dont le médius de l'aiie pré- sente une phalange onguéale Myrmecobius à »>an'*cs- l'I. 5 CAUNASSlliUS. 35 Nous suivrons presque complélenienl la (•lassification de M. Isidore Geoffroy Sainl-Uilaire, qui nous semble la plus naturelle de celles qui ont ete proposées : seulement, pour nous, les familles seront des sous-tribus et les tribus de simples divisions. D'après cela, la tribu des Vespertilionieus sera partagée en quatre sous tribus, celles des Vesper- tilionklés, Noctilionidés, Vamp'iridés et Dcsniod'ulcs. PREMIERE SOLS-TI\llll). VESPiaiTILlOiMDÉS. VESPEUTILIONIDJE. Isidore Geoffroy Saint-Hiiaire. Expansions membraneuses latérales constitnanl de vérïiabks ailes. Lèvres offrant la disposition ordinaire. Phalange ongiiéale manquant à tous tes doigts de l'aile. Cette sous-tribu, la plus nombreuse de toutes celles de la tribu des Vespertilioniens, comprend des espèces chez lesquelles le nez est tantôt simple, tantôt creusé d'une cavité et tantôt surmonté d'une feuille. On la partage en cinq divisions : celles des Molossiens, Taphozoïens, Vespcrtiliens, Nijctériens et RInnolophiens MOLOSSIENS. MOLOSSII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez simple. Membrane interfémorale peu développée. Queue longue, à demi enveloppée. Cette division correspond à la deuxième tribu de la famille des Vespertilionidés de M. Isidore Geoffroy Saint-Uilaire. Les genres qu'on y range sont propres à toutes les parties du monde, et l'un d'eux, celui des Dinops, est exclusivement particulier à l'Europe. Les principaux groupes sont ceux des Molosse, Pédimane, Dinops, Nijcnnome. et Myoplcre. Nous y joindrons, mais avec doute, les genres Centu- rion et Pteronote de M. Gray. 1" GENRE. — MOLOSSE. MOLOSSUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1805. Annales du Muséum, t. VI. Nom d'une espèce appliquée au genre. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Tête grosse, à museau très-large et renflé, et à face en partie dépourviie de poils, ne présentant pas d'appendices membraneux. Système dentaire : incisives, |; canines, {^; molaires, |e|, se/on Fr. Cuvier, et |^ selon Et. Geof- froy; incisives de grandeur moyenne, bifides, convergentes far leurs pointes, et légèrement écartées 30 niSTOIl'.E NATURELLE. à leur base : les infcr'iciires irès-peliles, situées en avant des canines, comme repoiissves par celles-ci, et aijant leur tranchant garni de deux petites pointes; can'mcs supérieures grandes: infé- rieures touchant h la base tnterne, à pointe déjetéc du côté extérieur; les vraies molaires à cou- ronne large et hérissée de pointes : les fausses molaires, situées en avant de celles-ci. n'ayant qu'une ou deux pointes seulement. Oreilles grandes, réunies du côté interne par la. base; oreillon petit, rond, épais, extérieur. Yeux petits. Narincs^un peu saillanles, ouvertes en avant, h orifice entouré d'un petit bourrelet Membranes moijennes : iinter fémorale assez étroite, terminée carrément. (Jiieue h extrémité libre; le reste de son étendue étant plus ou moins engagé dans la membrane. Fin. \2. — Molosse Je tleotlVov. C'est eu I8O0 qu'Eiienne Geot'fioy a distingue ce genre de celui des Vespertilio de Linné, aussi le nom de Dgsopes (^ugùittsw, j'inspire l'horreur par mon aspeci), qui ne lui a été appliqué qu'en 1811 par Illiger {Prodi'omus systematicus Dlammalium et Avium), doit-il être rejeté, quoique quel- ques zoologistes aient cru devoir l'adopter. On a depuis formé plusieurs groupes aux dépens des Molosses, mais ils ne diffèrent pas assez notablement de ce genre pour que nous les indiquions; nous citerons seulement les Tbyroptera (ôjpa. ouverture; T^Tsacv, aile), fondés par Spix {Simiœ et Vespertil'ones Brasilicnses, 1825) avec le Molossus aeuticaudatus, A. G. Desmarest {T. tricolor, Spix), Les Molosses sont des Chéiroptères de moyenne taille, qui tous appartiennent à l'Amérique méri- dionale, et qui, par leurs habitudes naturelles, ne paraissent pas différer de nos Vesperlilions eu- ropéens. 11 est facile de reconnaître ces animaux; leur physionomie farouche, leur tête grosse et leur mu- seau très-large, les a fait comparer à un Doguin. La tête est, en outre, épaissie par les oreilles qui, penchées et presque couchées sur les yeux, paraissent devoir plus servir à protéger l'organe de la vue qu'à favoriser la perception des sons; elles naissent très-près de la conmiissure des lèvres, et, après sètre portées derrière le trou auditif, elles reviennent se réunir en avant sur le front. Les Molosses vivent dans les souterrains et les cavernes profondes, où ils se traînent; ils se cram- ponnent à l'aide de moyens de préhension très-vigoureux. Et. Geoffroy n'en indiquait que neuf espèces; M. Temniinck et d autres naturalistes en ont fait connaître plusieurs nouvelles, aussi, aujourd'hui, en décrit-on plus de vingt. Mais on est loin de les connaître toutes assez complètement pour pouvoir affirmer qu'elles constituent réellement toutes des espèces distinctes, et il est probable qu'on devra, plus tard, en rayer un certain nombre du catalogue mammalogique. Les plus distinctes sont : C.UIÎSASSIKHS 57 1. MOl.OSSE, 1" MllLUT VOLANT. Daubuntcii. MOLOSSIIS FVSClVEiMLIl El- GeuHVoy Siiiil-lliliiire. Caractèiies spécifiques. — l'elage trun cendré brun en dessus, cendré ])lus clair en dessous, excepté le ventre, qui est brun à son milieu; corps et tète ayant 0"',60 de longueur; queue dépas- sant légèrement la membrane interfémorale. Ce Molosse, qui, selon \. G. Desmarest, est le véritable VespcrtUio molossiis de Linné, se trouve à la Martinique, et ne diffère que très-peu du deuxième Mui,ot volant de Daubenton (Molossiis longi- cuudaïus, Et. Geoffroy), qui habite le même pays. 2. MOLOSSE VÉLOCE. MOLOSSUS VEI.o.X. Temmiii(.k. Carac'ièiiks si'KciFiQUF.s. — Fclagc très-court, lisse : les poils d'une seule couleur partout; mem- branes des flancs poilues en dessus comme en dessous; corps, en dessus, d'un brun marron très- foncé et lustré; en dessous, d'un marron un peu plus clair et mat : tous les poils unicolores. En- vergure : 0'".28. Ce Molosse, dans lequel la plus petite moitié seulement de la queue est libre, habite le Brésil, et le Mexique suivant Lesson. r>. MOLOSSE OBSCUn. MOl.OSSVS OBSCUnUS. El. GeptTroy Suint-Hilaire Caiiactèues spécifiquks. — l'oils de deux couleurs : en dessus, d'un brun noirâtre, à base blanche; aux parties inférieures, d'un brun cendré, à base également blanche; des soies aux bords des lèvres, mais celles-ci lisses. Envergnre : 0'",26; taille de la Barbastelle. Cette espèce est commune dans l'Amérique méridionale, et a été signalée au Brésil, à la Martini- que, dans l'île de Cuba, à Surinam, etc Parmi les autres espèces du même genre, nous citerons le Molosse a lauge qi'eue (Molossus am- plexicnudnins, Et. Geoffroy), que Buffon, d'après le pays qu'elle habite, nommait Chauve-Souris de la Giufctne; le Molosse Alecto {Molossus Alecto. Temminck), du Brésil; \es Molossus riu/osus, Aie. D'Orbigny, de l'Amérique méridionale, et Moxensis, Alcide D'Orbigny, de Bolivie, etc. Nous laisserons provisoirement dans le même genre le Dijsodcs mops, Fr. Cuvier, dont on a fait le type sous la dénomination de Mops Indicus, du genre Mors. Le système dentaire de ce Chéiro- ptère est composé de : incisives, i; canines, {^[; molaires, |^. dont | ":;:";' l "::"; les incisives supérieures sont rapprochées, allongées et elliptiques. 11 habite l'Inde continentale. ï'^' GENBE. - l'ÊDIMANE. CHEIROMELES. Horsiield, 1823 Zoological rirsearclit'S. Xaip, main; p.ïXo;, membrane. CAllACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sfisthiie dciila'nc : incisives, |; canines, j-r-'; molaires. ^I-^ l^ieds en forme de mains; le cinriuième doifjl opposable et remplissant les fondions de pouce. 38 IllSTOlUE NATURELLE. Une peùte touffe de poils à l'insertion des ongles. Mnseau conique, sillonné, présentant trois rangées de verrues supportant des poils. Membranes alaires amples, se prolongeant sur les flancs jusqu'aux genoux seulement. Membrane interfémorale étroite, retenant la queue dans son tiers supérieur. Queue conique, annelée. Fis. 43. — Pédimane caudalaire Ce genre, formé aux dépens des Molosses, propre à l'archipel indien, ne renferme que deux es- pèces seulement, dont la plus importante est la suivante. PÉDIMANE CAUDATAIRE. CHEIROMELES CAVDATUS. Temminck. Caractères spécifiques. — La tête, le corps et les membres, sont glabres et couverts d'une peau noire, épaisse, et formant de gros plis. La tête est courte et obtuse; les lèvres très-épaisses, et le museau en groin; les oreilles grandes, épaisses et non bordées. De gros plis, sur le devant du cou et LEE^STr.e Fig. 14. — Pédimane ciiudatiiirc. CMINASSIKRS. 39 de la poitrine, cachent une ouverture d'où s'écoule une matière onctueuse très-odorante. Tout le dessous du corps est brunâtre et couvert d'une peau rugueuse. Les membranes alaires prennent at- tache, non aux flancs, mais sur le dos. Envergure • O^jGO. L'odeur que répand cet animal est si forte, qu'elle persiste même après une longue macération dans l'alcool. M. Millier raconte qu'un peintre, qu'il avait chargé de dessiner un Pédimane vivant, eut beaucoup de peine à finir ce travail, parce qu'il eut des nausées, accompagnées de vertiges et de céphalalgie. M. Temniinck pense que c'est à l'aide de cette odeur que ces animaux assez rares peu- vent se retrouver et se réunir dans les grottes obscures qu'ils habitent. Us ne sortent de leur retraite que le soir, et volent péniblement. On les rencontre surtout dans les lieux boisés et sauvages de Java, Sumatra et Bornéo. 5"" GENRE. - CENTURION. CENTURIO. Gray, \SU. Voyage of Sulphur. Mammalia. Centurw, Centurion. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstcme dentaire : incisives, |; canines, -{^{; molaires, fE|; les incisives sont petites : les supé- rieures coniques, écartées, et les inférieures serrées, tronquées; les canines sont (pandes. Tête cfrande. Face lisse, couverte de diverses plaques symétriques. Menton saillant. Lèvre ciliée à l'angle de la bouclie. Narines séparées, placées de chaque côté d'une plaque triangulaire, presque cordiformes. Ailes grandes, avec un large pli oblique à la base du bord supérieur de la conque : lobule conique, droit, aigu, denticulé. Membrane interfémorale profondément échancrée. Calcanéum court, fort. Pieds grands, réunis à l'aile à la base du doigt interne; pouces égaux; membrane se développant entre les doigts internes; doigt du milieu ayant quatre phalanges; pouce allongé, grêle, a phalanges courtes, aplaties. Fis. lô. — CenliJi'ion vieux. Ce genre singulier, qui n'est probablement pas ici à sa place véritable, offre quelques rapports avec les Molosses, mais en même temps ressemble aux Mormoops et aux Phyllostomcs. On n'en indique qu'une seule espèce. 40 IllSTOinE NATUHl':iJ.R CENTURION VIEUX. CENTUlilO SENEX. Gray Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun pâle, composé de poils blanchâtres à la base, plus pâles à la pointe; les touffes des épauletles petites, d'un blanc pur; ailes, près des avant-bra et des cuisses, couvertes de poils; membrane, située entre Tiiulex et le doigt du milieu, faible. Provient probablement d'Âmboine. 4"- GE^M^.R. ^ l'TÉP.ONOTE. PTEnoy(rri]S. Gray, iSii. V(iy;ij,'i' (if Sulpliiir. Maninuilia. riTspov, aile; vtorc;, dos. CAnACTÈRES GÉNÉRIQUES. Oreilles latérales. Menton avec deux côtes membraneuses, transverses. Pieds libres. Ce genre, qui n'a été qu'indiqué par M. Gray. est loin d'être suffisamment connu : aussi ne lui donnons-nous peut-èlre pas la place qu'il doit occuper dans la série. Le type est le Pleronotus Davyi, de Trinidad. S""^ GENRE. — DINOPS. DimPS Savi. 1826. lii novo Gioinalp di Pisa. Aeivcç terrible; (oi, œil CARACTÈRES OÉNÉRIQUES. Système dentaire: incisives, |; canines, i^; molaires, j^. Oreilles réunies et étendues sur le front. Queue enveloppée, dans sa première moitié, par la membrane inter fémorale. Le genre DJwop, créé aux dépens de celui des Molosses, dont il-ne diffère pas d'une manière très-notable, ne renferme qu'une seule espèce. DINOPS l>E CESTONI. DINOPS CESTOMI, Savi. Caractères sf'Écifiques. ^- Corps couvert de poils épars et doux, dungris brun tirant légèrement sur le jaunâtre, un peu plus bruns seulement sur le dos; les ailes d'un brun noir; le museau, les lè- vres et les oreilles, noirs : celles-ci grandes, arrondies, un peu échancrées vers leur bord externe; queue longue, d un brun noir. Cette espèce, à laquelle A. G. Desmarest rapporte, mais avec doute, le Ceplialotcs Ktniotis de Ha- linesque, est du nombre assez peu considérable des Chéiroptères européens. On la trouve en Sicile, et on l'a également observée aux environs de Pise CARNASSIERS. 41 G-"^ GENiiE. - NYCTINOME. NYCTINOMUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaiic, 1810. Description de l'Egypte, Histoire naturelle, t. II. NuÇ, nuit; vofioç, demeure. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siistème denlaïre : incisives, |; canines, -^^•, molaires, |^^; les incisives supérieures sont coni- ques, conùcjuès : les inférieures très-petites, serrées dans l'alvéole; les deux premières molaires sont simples, et les autres plus fortes, à couronne hérissée de pointes aiguës. Nez confondu avec la lèvre, qui est profondément fendue et ridée. Ailes grandes; ponce court; l'indicateur sans phalanges; le médian en ayant trois; l'annulaire et le petit doigt n'en présentant que deux. Pieds couverts de longs poils. Queue longue, enveloppée par une membrane interfémorale moyenne. Ce genre, créé par Et. Geoffroy, se rapproche beaucoup de celui des Molosses, auquel M. Teni- minck le réunit, et dont il ne diffère que parce qu'il a deux incisives de plus à la mâchoire inférieure, que sçs pieds sont velus, sa lèvre ridée, et ses membranes bordées de poils. LesNyctinomes ont les mêmes mœurs que les Molosses. On n'en connaît qu'un petit nombre d'es- pèces, six ou sept, qui sont propres à l'Asie et à l'Afrique. Les deux que l'on peut prendre pour types sont : 1. NYCTINOME DU BENGALE. NYCTINOMUS BENGALENSIS. Et. Geoffroy Saint-Ililaire. C.\RACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pclagc roux cu dessus, brun en dessous; la membrane des ailes bordée d'un liséré de poils très-près des flancs; queue longue, forte. Envergure : 0^,2b. Celle espèce, que Buchanan nommait Vespertilio plicalus, habite le Bengale. 2. NYCTINOME D'EGYPTE. NYCTINOMUS MGYPTIACUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage d'une coloration rousse en dessus, et brune en dessous; la queue est grêle; la membrane interfémorale n'enveloppe que la moitié de la queue, et n'a point de brides membraneuses; elle est garnie d'un liséré de poils très-épais près des flancs. De la taille de nos espèces européennes. Envergure : 0'",26. Cette espèce a été trouvée en Egypte, dans les tombeaux et les souterrains des grands édifices abandonnés. Nous nommerons encore les Nyctinome de Port-Louis [Nyctinomus acetabulosus, Et. Geoffroy) des îles Bourbon et Maurice, et Nyctinome de Ruppell {Dysopes Ruppellii, Temminck), d'Egypte. 4* 42 HISTOIUE NATURELLE. 7""" GENRE. - MYOPTÈRE. MYOPTERIS. Et. Geoffroy Saint-IIilaire, 1814. Description de l'Egypte, Histoire naturelle, t. II. Mu;, rat; TTrspcv, aile. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. SD-slème dentaire : incisivts, |; canines, |i}; molaires, j^; les incisives supérieures sont sim- ples, pointues : les inférieures sont hilobées; les molaires ont des tubercules aigus. Nez simple, sans feuille ni membrane. Museau gros. Chanfrein méplat. Oreilles larges, latérales, distantes, avec un oreillon interne. Membrane inter fémorale mojjenne, n'enveloppant que la moitié ae la queue. Les Molosses, qui sont très-voisins des Myoptères, en diffèrent principalement en ce que leurs larges oreilles sont réunies, que leur oreillon est externe, et que leur chanfrein est convexe. Les Taphiens, quoique aussi assez rapprochés de ces Chéiroptères, s'en éloignent néanmoins parce qu'ils ont quatre incisives inférieures au lieu de deux, que leur mâchoire supérieure est dépourvue entièrement de cette sorte de dents, et aussi parce que leur membrane interfémorale est pliis vaste que la leur. On n'a donné encore la description que d'une espèce de ce genre. MYOPTÈRE DE DAURENTON. MYOPTERUS D.4UBENT0NII. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. CviucTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pclagc eu dessus de couleur brune et en dessous d'un blanc sale avec une légère teinte de fauve; membrane brune et grise. Envergure : 0'°,'2S. Cette espèce, indiquée par Daubenton sous le nom de Bat volant, habite le Sénégal. TAPHOZIENS. TAPHOZIL Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez simple. Membrane interfémorale peu développée. Queue courte. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire fait des Taphoziens la première tribu des Vespertilionidés : nous avons cru devoir changer cet ordre sériai pour pouvoir joindre plus facilement les Taphiens aux Vcspertilions proprement dits. Les Chéiroptères de cette division habitent aussi bien l'ancien que le nouveau continent; mais au- cun n'est propre à l'Europe. Les principaux genres sont ceux des Tapliien, Emballonure, Uro- crijpie, Dicimure, Celano, Aello, etc., ainsi que quelques genres [Cenlronijclère, Mijstasine eiMosic) créés assez récemment par M. Gray. Cervus aniifiensis. l'I (i. CAI'.NASSIERS. 43 i- GENRE. - TAPIIIEN. TAPIWZOUS. Et. Geoffroy Sainl-IIilaire. 1810. Dcscpption lie. l'Egypte, Hist. ii:il., t. 11. Tacpo;, tombeau; (^cto je vis. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, f. canines, j^j; molaires, |^, sur lesquelles il i\ a, a chaque mâ- choires, quatre fausses molaires et six molaires vraies. Tcte courte. Chanfrein marqué d'un sillon longitudinal. Narines non operculées. Mâchoire supérieure courte, large. Orbites très-rapprochées du museau. Lèvre supérieure très-large, mince. Oreilles de moyenne élévation, très-larges, placées aux côtés de la lùle et non jointes entre elles à la base; oreillon interne. Membrane interlémorale très-grande. Queue libre vers la pointe, au dessus de la membrane. ^It. ' Fip 16 — Tapliien saccolaime Le genre Taphien, Taphozous, fondé par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire. correspond aux î^roiipes génériques des Saccopleryx ((Tax>4o;, sac; 7tts?'.v, aile) d'illiger [Prodromus syslemalicus Mamma- lium et Avium, 1811) et Saccolaimus (ascx^;, sac; ly.ii/.oç, gorge) de Kuhl. Et. Geoffroy considère ce groupe générique comme intermédiaire entre ceux des Myoptéres et des Noctilions, et rapporte qu'il se distingue des premiers en ce qu'il n'a que quatre incisives au lieu de deux à la mâchoire in- férieure, et qu'il n'en présente pas à la supérieure. Fr. Guvier le range à côté des Nyctinomes et des Nyctères. Enfin M. Isidore Geoffroy le rapproche des Molosses. Dans le jeune âge de quelques individus, les incisives, toujours au nombre de quatre à la mâchoire inférieure, sont au nombre de deux à la supérieure, et il n'y a pas d'os intermaxillaire, qui se trouve remplacé par une arcade de nature cartilagineuse; les incisives inférieures, à l'aise dans le jeune âge, sont plus ou moins entassées dans l'adulte, bilobées ou trilobées. Les canines sont longues, puis- santes, pointues et à fort talon interne; les inférieures sont plus avancées en devant des supérieures que dans les autres Chéiroptères. La première molaire supérieure a une longue pointe en forme de U flISTOir.E NATURELLE canine et la dernière en lame iransverse; les deux premières des cinq molaires inférieures de cliaquc côté de la niAchoire inférieure sont à pointe conique, les autres pourvues de quatre tubercules. Les Taphiens ont à peu près la même manière de vivre que les Vespertilions; ils se cachent pen- dant le jour dans les vieux bâtiments, dans les crevasses des rochers et des murailles, et ils no vo- lent que le soir. Us sont essentiellement insectivores. On en connaît une dizaine d'espèces qui sont asiatiques et provenant de Calcutta, Java et Su- matra, et africaines, où elles habitent la Nubie, l'Egypte, le Sénégal, le cap de Bonne-Espérance, etc. Quant à l'espèce américaine, commune en Pennsylvanie et désignée par M. Wilson sous la dénomi- nation de Tapliozous mfus, on ne la place généralement plus dans ce groupe, et l'on en fait â juste titre le type d'un groupe particulier, celui des Dcsmodus, qui présente d'importants ca- ractères. M. Temminck a donné une monographie de ce genre. Les espèces principales sont : I. TAPHIEN SACCOLAIME. TAPHOZOUS SACCOLAIMUS. Temmintk. Caractères sPÉciriQUES. — Pelage court, lisse, lustré en dessus, terne en dessous : aux parties supérieures et inférieures des membranes se trouve un ruban de poils courts disposé le long des flancs; face et cuisses nues; tète d'un brun noirâtre marqué de nombreuses taches irrégulières d'un blanc pur. Envergure : 0'°,45. On rencontre cette espèce, type du genre Snccolahmis de Kuhl, dans les crevasses des rochers au bord de la mer, dans les grottes profondes qui servent de retraite aux Hirondelles, et dans les ruines des anciens temples indous. Le mâle a, au milieu du cou, une petite ouverture d'où sort une sécrétion caustique d'une odeur très désagréable. La morsure de ce Taphien, qui fait souvent en- tendre un cri très-perçant, occasionne beaucoup de douleur. Habite Java. 2. TAPHIEN PEI\FORÉ. TAPHOZOUS PERFORATUS. Et. Geoffroy Saint-Ililairo , Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris roux en dessus et cendré en dessous, ou la pointe des poils seule est de ces deux couleurs, la base en étant blanche; queue plus longue que l'os de la cuisse. Envergure, 0'°,20. Et. Geoffroy Saint-llilaire a découvert cette espèce dans les tombeaux égyptiens d'Ombos et de Thèbes, et c'est pour lui le type de son genre Taphien 3. TAPHIEN LEROT-VOLAIST. Daubenlon. TAPHOZOUS SENEGALENSIS. Et. Geoffroy Saint-IIilaire. Caractères spécifiques. — Pelage brun noirâlre en dessus et d'un brun cendré en dessous. En- vergure, O^jlb. Cette espèce de Taphien, qui a été rapportée du Sénégal par Adanson, ne diffère de la précé- dente qu'en ce qu'elle est plus petite, que son museau est plus large et plus long, et que ses oreilles ont leur oreillon très court, très-large et de forme arrondie, tandis que cet organe, dans le Taplio-. Z0U.1 pcrforaiiis. est en forme de fer de lance, terminé par un bord arrondi. CARNASSIERS. 45 4. TAPHIEN LEPTLRE. TAPIIOZOUS LEPTURUS. El. Geoffroy SaiiU-Hiiaire. Oaractères spécifiques. — Pelage gris en dessus, plus pûle en dessous; oreilles el membranes alaires et interfémorale d'un brun obscur. Envergure : 0",23. Cette espèce, qui est le type du genre Saccopteryx dllliger, provient probablement des Indes. Nous indiquerons encore parmi les autres espèces les Tapliozous bicolor, Temminck, de Calcutta; niidiveniris, Ruppell, de Nubie; Mauriiiaviis , Et. Geoffroy, de l'ile Maurice, et leucupterus, Tem- minck, du cap de Bonne-Espérance. Q"'" GENRE. — EMBÂLLONURE. EMBALLONUBA. Kuhl et Temminck, 1838. In Vander Hœvcn Tijdsclirift voon naturlijke GeschiedenniF, Eu.êa>.).«o, jelancp; cupa, queue CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijs(ème dentaire des adultes : incisivca, |; canines, \^; molaires, |^. Dans le jeune âge, les in- cisives sont f . Les incisives supérieures sont placées dans les branches converçjentes des deux inlerniaxillaires: les inférieures rangées en arc de cercle; les canines larges à la base, longues, h trois collines Ires-poinlucs : leur talon portant deux pointes aiguës; parmi les cinq molaires de chaque côté des deux mâchoires, il g en a une fausse très-petite et fine, et tontes les vraies sont hé- rissées de trois pointes très-aiguës. Crâne et mâchoire supérieure comme chez les Taphiens; mais le crâne très-étranglé entre les ar- cades zggomatiqucs. ^ Chanfrein large, creusé. Mâchoire inférieure a peu près comme celle des Vespertilio. Pig. 17 — Emballonure montaRnard. Le genre Emballonure, créé par Kubl, mais réellement caractérisé par M. Temminck dans ses Monographies de Mammalogie, comprend cinq espèces; ce groupe a été, dans ces derniers temps, restreint à une seule espèce, tandis que les autres ont été placées dans d'autres genres, et particu- lièrement dans celui des Proboscidea de Spix, que quelques auteurs regardent comme différent, et que certains autres réunissent au genre qui nous occupe. Le crâne de ces Chéiroptères ressemble, sous certains rapports, à celui des Taphiens; mais il dif- fère de celui-ci par l'existence des os intermaxillaires en branches convergentes. Par quelques autres caractères, ces animaux se rapprochent des Vespertilions. On trouve aussi des rapports entre les 40 HISTOIRE NATURELLE Emballomircs ci les Taphiens dans la manière dont la queue, qui est courte, est enveloppée par la membrane interfémorale. Cette large membrane, manquant du soutien qu'elle possède dans la longue queue des Vespertilions, peut néanmoins être retirée vers le ventre à l'aide d'un tendon al- longé partant du calcanéum. La seule espèce laissée dans ce genre est la suivante. EMBALLONURE MONTAGNARD. EMBALLONURA MOMICOLA. Temminck. CAr.ACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pelage de moyenne longueur, bien fourni, bicolore partout : la base des poils des parties supérieures d'un blanc jaunâtre, et les deux tiers, jusqu'à la pointe, d'un beau brun foncé couleur chocolat; en dessous, les poils sont bruns à la base et chocolat clair jusqu'à la pointe. Les poils du museau et les cils sont longs et rudes; les membranes totalement nues. Enver- gure, 0'",29, de la taille de la Pipistrelle. Cette espèce a été prise dans les parties solitaires et sauvages des montagnes du Munara dans l'île de Java. On la voit suspendue par bandes le long des pans verticaux des rochers ombragés et humides, où sa présence se décèle par l'odeur extrêmement forte et désagréable qu'elle répand dans l'air. On l'a également signalée à Sumatra. Quant aux espèces, toutes de l'Amérique tropicale, et au nombre de cinq, placées dans le genre PnoBoscinÉE {Proboscklea) (TvpcSoax.i-, qui a une trompe) de Spix {Simite et Vesperùliones Brasilien- ses, 1823), on doit probablement, à l'exemple de M. Temminck, les réunir aux Emballomires. Ces Chéiroptères ont reçu les noms de Proboscidea saxaiilïs, Spix {Vespertilio naso, Neuwied); A'^jyc- tinomus Bi'nsUiensis, Isidore Geoffroy; canina, Neuwied; calcarala, ^enmed {Centroiuicieris Maxi- viil'uniiis, Fischer), tous trois propres au Brésil; rivalis, Spix," des bords du fleuve des Amazones, et lineala {Emballonura), Temminck, de Surinam. 3'^'« GENRE. - UROCRYPTE. UROCRYPTUS. Kuhl et Temminck, 1858. In Tijdscliiift voon naturlijke Geschiedennis. Oupa, queue; K^umc;, caclic. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Sijslcmc dentaire : incisives, f; canines, fzj; molaires, |^!j; les incisives trilobées; les canines et molaires comme dans les genres précédents; mais ces dernières dents aijanl cependant toujours (fualre collines. Crâne avec un rudiment d'intermaxillaire aboutissant en pointe sur le talon des canines et irh- (jrcle. Queue trèspctile, comme cachée. D'après ce que nous venons de dire, le genre Vrocrypius diffère essentiellement de celui des Emballonura, dont il est très voisin, en ce qu'il n'a pas d"in Fig. 18. - Urocrvpte à deux raies. de chaque côté de l'épine dorsale depuis le bord inférieur des omoplates jusqu'au coccyx; mem- branes noirâtres, nues; base du pouce engagée dans la membrane pollicaire. Taille de la Barbastelle; envergure, 0'",2Q. Habite TAmérique méridionale, et spécialement les environs de Surinam. 4'»« GENRE. — CENTRONYCTÈRE. CENTRONYCTERIS. Gray, 1844. Voyage of Sulphur. Maiiiraalia. KevTfov, éperon ; vuxTepi;, Cliauve-Souris. ' CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez assez saîllmit. Narhics lulnilnires. Membrane hiterfcmorale prolonqée en cône. Calcanéwn ircs-çjrand. Ce genre, dont on ne connaît pas bien le système dentaire, est placé par M. Gray entre les Embal- lonures et les Urocryptes, et Tcspèce type est VEmballonnra (Vesperlilio) calcarnla, Neuvied. que M. Fischer de Waldheim nomme Ceniromjcleris Maxhnilianus , qui est particulière au Brésil et que Spix range dans son genre Proboscidea. b""" GENRE. — AELLO. AELLO Leach, 1822. Transactions of Linnean Society of London. Nom propre. CARACTÈRES «ÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives. |; canines, [— J; molaires, {il- Médius ayant seulement une qualiième phaUuujc. 48 HISTOIRE NATURELLE. Membi-ane interfémorale droite. Oreilles rapprochées, courtes, très-larges, sans oreillons. Queue ne dépassant pas la membrane et formée de cinq vertèbres dans la partie visible. L'établissement de ce genre ne repose que sur une seule espèce, YAello Cuvieri, Leach, impar- faitement connue et dont on ignore la patrie. Elle est de couleur Isabelle ferrugineuse; ses ailes sont d'un brun obscur; ses oreilles sont comme tronquées au bout. ô""" GENRE. - MYSTACINE. MYSTACINA. Gray, 1844. Voyage of Sulpimr. Mammalia. MuCTTaÇ, moustache. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES S'i'itème dentaire : incisives, |; canines, |£j; molaires, ~; les incisives supérieures grandes. Nez assez saillant, entouré à la base par une ranqée de moustaches courtes, rigides Membrane inter fémorale tronquée Espèce type : Mystacina luberculata, Gray, particulière à la Nouvelle-Zélande. T-o^ GENRE. — MOSIE. MOSIA. Gray, 1843. Magazin of natural History, t. XI. Etymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Sijstème dentaire : inci.nves, |; canines, \^; molaires, |Ef; les incisives supérieures très-écar tées : les internes grandes, obliques, et les externes très-petites. Tête petite, poilue : la partie antérieure aplatie, assez concave en avants Lèvres épaisses: l'inférieure avec deux verrues triangulaires en avant. Fig. 19. — Mosie nlgresceiit. Nez arrondi. Narines apicales, arrondies, non saillantes, sans fossette nu bord postérieur. Oreilles médiocres, latérales. Tragus allongé, bien développé. CARNASSIERS. //O Ailes minces. Pouce peut, mince, à première phalmuje très-courte, (iplatie. Membrane interfcmorale large, tronquée. Calcanéum long. Queue mince, à extrémité saillante sur le milieu de la surface supérieure de la nwnbrane. Pieds postérieurs petits, attachés aux ailes, à In hase des pouces externes : ceux-ci presque égaux, minces. Ce génie, voisin de celui des Mgstucine, se rapproche égalemenl des Emhallonura. On n'y place ^ encore qn'une espèce. MOSIE NIGRESCENT. MOSIA NlGRESCI^ys. Gray. Caractères spécifiques. —Pelage d'un brun foncé, plus pâle aux parties inférieures; membrane interfémorale garnie, en dessous, de poils épars; oreilles assez grandes, pointues à l'extrémité, nues, avec quelques poils à la partie inférieure, à lobule non distinct; tragus oblong, linéaire, re- courbé, arrondi à l'extrémité. Envergure : 0'",25. Habite l'Amérique méridionale. 8«^« GENRE. — DICLIDURE. DICLIDURUS. Neuwied, 1826. Beitr^cge zur NaturgeschiclUe Brasiliens, t. H. A'.;, deux; JcXeiç, clef; cupa, fnieue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire .-incisives, f; canines, |^; molaires, ^Erl; incisives inférieures petites, trilobées; canines supérieures dirigées en avant, coniques, comprimées, légèrement recourbées, munies d'une dent interne : les inférieures droites, avec une rainure proéminente; molaires supérieures aijant une fausse molaire très-petite accolée à la canine, puis un vide, suivi de quatre fausses molaires très- pointues : les inférieures présentant deux fausses molaires, et trois vraies, à collines saillantes Mâchoire inférieure plus longue que la supérieure. Chanfrein de forme elliptique portant une forte excavation. Vi'j;. 20. — niclidure blanc. Aux caractères que nous venons de signaler, vient s'en joindre un des plus importants, et sur lequel M. Temminck insiste particulièrement. Les os coccygiens, au lieu de former un prolongement 50 HISTOIRE NATURELLE. caudal, présentent plusieurs articulations qui se terminent par deux pièces cornées adhérentes ii la peau, et formant un appareil à deux valves ou capsules. La valve supérieure semi-lunaire, creusée en capsule; l'inférieure plus petite, pointue, triangulaire, et adaptée, dans le sens horizontal, sur la précédente. Ces deux pièces se recouvrent, sont mobiles, s'écartent ou se rapprochent, et sont re- tenues, à leur insertion, par un repli membraneux mince qui les isole du corps. Le coccyx se trouve logé dans la capsule supérieure, tandis que le bord postérieur de la membrane interfémorale est tendu sous la valve caudale proprement dite. Outre ce singulier appareil, les Diclidures se font en- core remarquer par l'organisation peu ordinaire de leur crâne : celui-ci présente, en effet, entre les orbites, une dépression elliptique profonde qui fait saillir les os de la face, tandis que le vertex et les frontaux sont boursouflés par d'amples cavités celluleuses L'espèce unique de ce genre est le DICLIDURE BLANC. DICLIDURUS FREYRESSII. Neuvvied. Caractères spécifiques. — Pelage très- long, touffu, un peu frisé, d'une teinte blanchâtre partout, court sur la tête, long sur le dos, et les poils y étant étendus en deux touffes sur les côtés de l'excroissance bivalve de la queue; membrane interfémorale brun clair. Envergure : 0'",58. Cette espèce a été découverte au Rrésil, dans les feuilles d'un cocotier. 9"'^ GENRE. - CÉLÈNO. CELMNO. Leach, 1822. Transactions of Liniican Socicly of London. Nom mythologique. CAR.\CTÈRES GÉNÉniQUES. Sii.sthne denlaire: incisives, |; canines, J-Ej; molaires, j~/. les incisives supérieures pointues : les inférieures rapprocliées, cijlmdriciucs; canines supérieures plus grandes que les inférieures. Ailes à iroisihme et quatrième doigts aganl trois phalanges : le cinquième n'en présentant que deux. Membrane inter fémorale se prolongeant un peu au delà des pieds de derrière. Oreilles écartées : orcillon petit. Queue molle. Dans les Célènos, les doigts des pieds sont allongés, presque égaux, armés d'ongles comprimés, recourbés et larges à leur base. Les membranes alaires débordent légèrement les doigts. Les oreilles sont aiguës et distantes, et n'offrent que des oreillons très-petits; elles sont arrondies en avant, et coupées en ligne droite à leur bord postérieur. La queue est rudimentaire, ou même remplacée par un filet cartilagineux occupant le milieu de la membrane interfémorale. Ce genre, que l'on est loin de connaître complètement, ne renferme qu'une seule espèce, dont on ignore la patrie. CELENO UE BROOK. CELJEKO BROOKSIANA. Lcacli. Caractèi^.es srÉciFiQUEs. — Pelage brun ferrugineux sur le dos, d'une teinte plus olaiie sur le entre et les bras; les membranes noires; taille petite. Ainilopi' ontiurns l'I. 1. CAUNASSlEPii^. y, otoiAieiue t)iPi.Sioi^. VESl^Er.TlLIENS. VESl'EliTlUL Isidore Geoffroy Saiiil-IIilaiiC. Nez simple. Membrane inlerfémorale peu développée. Queue très-dcveloppée : le plus habituellement comprise dans la membrane. Cette division correspond à la troisième tribu des Yespertilionidés de M. Isidore Geoffroy Sainl- Hilaire, et porte la dénomination que nous lui avons conservée. Ces Chéiroptères, très-nombreux en espèces, se trouvent répandus sur toute la surface du globe, mais ils sont surtout abondants en Europe et en Amérique. Les genres que nous adoptons sont ceux des Vesperlilion, Nijelicée, Furie, Scotopliile et Oreillard. Mais nous comprendrons dans cette division un beaucoup plus grand nombre de groupes génériques, que nous ne ferons qu'indiquer, après avoir donné la description des Vesperlilio, que nous diviserons en quatre sous-genres, ceux des Vesperlilion, Minioplère, Pipistrelle et Ocijpète. 1" GENRE. — VESPEHTILION. VESPERTILIO Linné, 1755. System;'. naUira\ Vespertilio, fossoyeur. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Formule cnlaire : incisives, 7; canines, |^; molaires, |^, oit l^^, ou '^, ou |E^, d'un le nombre total des dci s varie de 32-54-56-58. Les incisives supérieures sont séparées par paires ou distantes; elb's sont onstammcnt, dans tous les âges, au nondire de quatre, et, suivant M. Teni minck, lorsqu'elles le- ibent, et quil n'ij en a que deux, c'est par accident ou dans l'extrême vieillesse: les inférieures sont ■>'ès-rapprocliées, à Irancliant bilobé, couchées et dirigées en avant. Les canines sont fortes, souvent triangidaires , ne se touchant pas par leur base. Il existe toujours trois vraies molaires à chaque mâchoire et de chaque côté; la différence en nombre ne porte donc que sur les fausses molaires, qui sont simples, coniques, tandis que les premières ont la couronne large, hérissée de pointes aiguës; les molaires supérieures so)it deux fois plus larges que les inférieures, et pré- sentent une couronne à tranchant oblique : les inférieures sont sillonnées sur les côtés. Gueule très-fendue. Mufle nu, petit. Lèvres très-mobiles : l'inférieure simple. Nez sans feuilles membraneuses , ni sillon, ni rides, ni opercules. Joues renflées, velues. Yeux petits, noirs, brillants, placés latéralement. Oreilles plus ou moins grandes, pourvues d'un oreillon distinct Crâne comprimé, allongé. Langue lisse, moyenne, non protraclile. Abajoues existant toujours, et étant plus ou moins développées. Membranes des ailes très-étendues, soutenues par des métacarpiens fort allongés; l'envergure aijanl quatre à cinq fois la longueur lolalc du corps. 52 HISTOIRE NATURELLE. Doicjl hulïcaleur avec une phalançic; médius en offrant ivo'is; anmtlaire cl peth do'içjl n'en pré- scnlnnl que deux. Pouce séparé des autres doicjls, court, assez robuste, et terminé par un onfjle crochu. Membrane inierfémorale très-grande, enveloppant la queue: celle membrane et lesmiles généra- lement nues. Queue assez longue. Pelaqe doux, épais, aijanl habituellement une coloration grise. Glandes sébacées en dessous de la peau de la face, affectant diverses formes et de variable di- mension. Taille petite. \X Fig. 21. — Vcspertilion Ivirivoul;i. Le genre Vespertilio, connu vulgairemenl sous la dénomination de Chauves-Souris proprement dites, a été créé par Linné, qui y comprenait la presque totalité des Chéiroptères; Brisson et quel- ques aulres naturalistes, tels que Pallas, Daubenton, Leach, Rafinesque, etc., en avaient déjà sé- paré certains groupes, mais c'est Etienne Geoffroy Saint llilaire qui, le premier, en fixa les limites d'une manière précise. Plus tard, cependant, le nombre des espèces de Vespertilions venant à aug- menter considérablement, il devint encore nécessaire d'y faire des subdivisions nouvelles, el de nombreux travaux furent publiés sur ces animaux, principalement par MM. Kubl, Brehm, Leister, Beclistein, Horsfield, de Neuwied, Temminck, Charles Bonaparte, Isidore Geoffroy Sainl-Hilaire, De Blainville, Fr. Cuvier, A G. Desmarest, Gray, P. Gervais, etc.; et ce genre, quoique renfermant encore beaucoup d'espèces propres à toutes les parties du monde, fui cependant considérablement restreint. Nous n'adopterons pas tous les groupes génériques qui ont été formés à ses dépens, et nous n'indiquerons quelques-uns d'entre eux que comme des sous-genres. Les Vespertilions sont des Chéiroptères essentiellement nocturnes; ce n'est qu'au crépuscule qu'ils commencent à prendre leur vol, qui est irrcgulier, incertain. Pendant le jour, ils se réfugient dans les troncs des arbres, dans les crevasses des rochers, dans les vieux édifices, où on les trouve parfois réunis en très-grand nombre. Dans nos climats, ils éprouvent tous un engourdissement hivernal. Les différentes espèces de ce genre, à quelques exceptions près, sont pourvues, comme les Bhi- nolophes et quelques autres Chéiroptères frugivores et insectivores, de glandes odoriférantes, d'où suinte, par des orifices presque imperceptibles de la peau, une matière onctueuse d'une odeur pénétrante et désagréable. Ces glandes, qu'on observe dans les deux sexes, se trou- vent placées près des yeux ou entre ces organes et le mufle; elles sont quelquefois très-dévelop- pées, et recouvrent une grande partie de la tète. Ce sont elles qui produisent, chez certaines espèces de nos Vespertilions européens, cette forte odeur si rebutante qui indique, même à une grande distance, les lieux où se cachent ces Chauves-Souris. Ces glandes, qui se trouvent sur différentes par- ties du corps, suivant les genres el les espèces, sont parfois munies d'un double appareil de sé- crétion : l'un d'une matière onctueuse, l'autre d'une poussière colorée produite par la bourse du front. La Nodule d'Europe, dont l'odeur est si forte et si nauséabonde, a un énorme appareil sécrc- CARNASSIERS. r>f, D.') tour; iiulépeiKlamment des glaiulos du museau, elle en a, dans Tanglc des mftclioires, une seconde paire, et de plus une glande veiruqueuse à la nuque. Ces glandes sont plus grandes suivant les lieux qui servent de retraite, ou de séjour habituel et constant, aux diverses espèces : celles qui vi- vent dans les souterrains humides et celles qui habitent le bord des eaux ont des glandes plus dé- veloppées : aussi répandent-elles une odeur plus forte que les autres. L'osselet, qui se trouve, chez les Roussettes et dans certains Chéiroptères insectivores, dans le tendon du triceps brachial, et qui y forme une rotule olécranienne, ne se rencontre pas dans toutes les espèces de ce genre. Quelques femelles de Vespertilions produisent deux petits, d'autres, en plus grand nombre, n'en ont qu'un; et il paraît que la portée varie, soit périodiquement, soit accidentellement, car il est certain que chez la même espèce, la Noctule par exemple, on a observé celte variation d'une année à l'autre : aussi n'est-il pas étonnant de voir des auteurs assurer, comme résultat de leurs observa- tions, que la Nodule porte deux petits, tandis que d'autres prétendent avoir reconnu qu'elle n'en produit qu'un seul. Une autre particularité dans le genre de vie des Vespertilions, et qui s'étend probablement à tout l'ordre des Chéiroptèies, c'est la réunion d'un grand nombre de femelles fécondées qui s'isolent des mfdes et vont se choisir un gîte commun, spacieux, pour y déposer leur progéniture et vaquer en- semble aux premiers soins que les nouveau-nés exigent. Pendant ce temps, les mâles restent éga- lement isolés et loin des lieux choisis par les femelles, et, dans quelques cas, ils se réunissent entre eux. Nos Vespertilions d'Europe reprennent leurs habitudes sociales vers l'approche de leur torpeur hivernale; pendant ce temps, souvent assez long, mais quelquefois interrompu par quelques beaux jours d'hiver pendant lesquels ils reprennent leur vie ordinaire, un grand nombre d'individus se cramponnent les uns aux autres et forment des tas dans les lieux où ils se sont mis à l'abri du froid. On peut juger de l'innombrable quantité de ces animaux, en voyant sur le plancher des com- bles de nos vieux édifices, principalement dans ceux de l'église Saint-Gervais à Paris, des tas de crottes dont l'épaisseur peut, être évaluée à près de vingt centimètres. Lorsque les femelles sont réunies, et sont au moment de mettre bas, elles se suspendent et ramènent la queue vers le ventre, de manière à former un sac avec la membrane inlerfémorale. C'est dans cette espèce de berceau que le jeune est tout d'abord déposé et reçoit les premiers soins de sa mère, qui, plus lard, le trans- porte avec elle. Lorsqu'elle n'a qu'un petit, ce qui a lieu le plus habituellement, celui-ci se cram- ponne en sautoir à la poitrine de sa mère, et, quand il y en a deux, ils se suspendent le long des tlancs et sont soutenus par la membrane interfémorale. La nourriture des Vespertilions consiste uniquement en Insectes crépusculaires ou nocturnes, et principalement, dans nos pays, en Phalénides; quelques petites espèces semblent, toutefois, ne se nourrir que d'Hyménoptères. Leur gloutonnerie est extrême; Kuhl a vu une Noctule avaler de suite treize Hannetons, et soixante-dix Mouches suffisent à peine au repas d'une Pi))istrelle. Les Vespertilions, ou, d'une manière plus générale, les Vespertilioniens munis d'une queue longue, se servent de ce membre pour faire entrer dans leur gueule, et pousser dans l'œsophage, les Insectes trop gros qu'ils ne peuvent engloutir facilement. Leur queue leur tient alors lieu de doigt; ils la ra- mènent vers la tête, qu'ils baissent légèrement en volant, et parviennent ainsi à se rendre maîtres de leur proie. D'après cela, on voit que la forme de la queue peut influer beaucoup sur les habitudes de ces animaux; aussi a-t-on pu se servir de la conformation plus ou moins différente de cet organe pour distinguer ])lusieurs groupes génériques de Vespertilioniens, et quelquefois même, disons-le, un trop grand nombre. On ne peut que très-difficilement conserver en domesticité des Vespertilions, et ils ne tardent pas à mourir. Aussi croyons-nous devoir rapporler des observations assez récentes qui ont été faites sur plusieurs de ces Carnassiers étudiés vivants. En juillet 1855, M. Daniell reçut cinq femelles fécon- dées de Pipistrelles, et les mit dans une cage, où elles furent fort turbulentes. Elles mangeaient avec avidité les Mouches et la viande crue, mais refusaient obstinément la viande cuite. Lorsqu'une Mouche entrait dans la cage, elles l'étourdissaient d'un coup d'aile, et se jetaient sur elle les ailes étendues comme pour lui fermer la retraite. La mastication et la déglutition étaient lentes et péni- bles Plusieurs minutes étaient nécessaires pour dévorer une grosse Mouche. Au bout de dix-neul jours, les cinq Pipistrelles étaient mortes. A l'autopsie, on trouva qu'elles ne portaient qu'un seul 54 IlISTOIRE NATURELLE. petit. Le 16 mai J854, le même M. Daniell se procura quatre femelles et un mâle de Noctule. Le mâle était très-sauvage, cherchait sans cesse à s'échapper, et mourut au bout de dix-huit jours, après avoir refusé toute espèce de nourriture. Trois femelles succombèrent peu après. Celle qui survécut fut nourrie avec du foie et du cœur de volaille, qu'elle mangeait à peu près comme eût fait un Chien. Pour cela, elle se servait des extrémités postérieures comme d'une pince. Elle mangeait beaucoup relativement à son poids, et se tenait presque constamment pendue au sommet de sa cage, ne quittant cette position que le soir, pour prendre sa nourriture. Le 25 juin, M. Daniell, ayant re- marqué que cette Noctule paraissait fort inquiète, l'observa avec soin, et fut témoin de son accou- chement. Après une heure d'agitation environ, la Noctule s'accrocha par les membres antérieurs, étendit ses pieds de derrière, et roula sa queue de manière à former avec la membrane interfémo- rale une espèce de poche dans laquelle fut reçu un petit, de taille relativement assez forte, entière- ment nu et aveugle. La femelle se mit presque immédiatement à le lécher et à le nettoyer. Cela fait, elle reprit sa position accoutumée, et enveloppa si bien le petit avec ses ailes, qu'il fut impossible d'étudier le mode d'allaitement. Le lendemain, elle mourut, et l'on trouva la jeune Noctule adhé- rente encore à sa mamelle. Un essaya de nourrir le petit à l'aide d'une éponge imbibée de lait; mais il succomba à son tour au bout de huit jours, sans que ses yeux fussent ouverts : quelques poils seu- lement commençaient à se montrer sur le corps. A ces faits, nous ajouterons que nous avons eu sou- vent des Vespertilions vivants, presque exclusivement des Pipistrelles et des Murins, et que, malgré le grand nombre que nous en possédions, nous n'avons pu en conserver aucune plus de quelques jours; souvent les femelles pleines que nous avions ont mis bas, et nous n'avons jamais pu élever les petits, qui mouraient le lendemain ou le surlendemain de leur naissance, sans avoir voulu prendre la nour- riture qu'on leur offrait sur un chiffon mouillé dans du lait. Nous adopterons le genre VespertUio à peu près comme l'a formé M. Temminck dans sa monogra- phie de ce groupe naturel; cependant, nous y formerons un plus grand nombre de coupes géné- riques, et, ainsi que nous l'avons déjà dit, nous y indiquerons comme divisions secondaires des genres créés par divers zoologistes. Malgré tous ces retranchements, les Vespertilions proprement dits renfermeront encore plus do cent espèces, qui se trouvent répandues dans toutes les parties du monde; quelques-unes sont cosmo- polites : l'Europe, l'Asie et l'Amérique en renferment un grand nombre, puis viennent la Malaisie et l'Afrique, qui en comprend moins. On peut dire d'une manière générale que les espèces et les in- dividus sont plus abondants dans les contrées tempérées et septentrionales que dans les régions intertropicales, et que c'est parmi eux que l'on trouve les Chéiroptères qui se rapprochent le plus du pôle nord. Ce sont des animaux utiles en ce qu'ils détruisent une infinité de Lépidoptères crépuscu- laires et nocturnes, dont les chenilles se nourrissent aux dépens des végétaux cultivés par l'homme, ce qui ne les empêche pas d'être l'objet d'un préjugé populaire qui les désigne comme étant de mauvais augure; aussi les gens de la campagne, qui tirent de leur existence le plus grand profit, sont-ils ceux qui sont le plus portés à les détruire. Nous partagerons ce genre en quatre sous-genres : les Vespcrlilio, Miniopterus, Pipislrelhis et Ocijpetes. \" SOUS-GENRE — VESPERTIIJON TROPREMENT DIT. VESPERTIUO. Cli. Bonaparte, 1837. Icoiioi^i'ali:! (Iclh) Fauna italica. Cette subdivision, à laquelle on peut rapporter en synonymie la dénomination de Vesperugo de Blasius [die Wirbclthierc Europas. 1840), telle que la comprennent MM. Ch. Bonaparte et Lesson, renferme plus de soixante-quinze espèces, qui sont répandues dans toutes les contrées. Nous décri- rons les principales, et particulièrement toutes celles de la faune de France. CARNASSIERS. î,5 A. ESPÈCES d'eUROPE. i. LE MUniN. VESPERTILIO MUIUNUS. Linnû, Caractères spécifiques. — Oreilles ovales, delà longueur delà tête; oreillons falsiformcs; pelage des adultes long, lisse, bicolore, plus foncé à l'insertion des membranes, gris-brun en dessus; le sommet de la tête d'une teinte plus claire, dessous du corps blanc ou jaune blanchâtre. Enver- gure : 0",42. Le Murin, dont M. Gray a fait le type de son genre ûlijoiis, est la plus grande des Cbauve.s-Souris d'Europe, et il est répandu beaucoup plus abondamment en Allemagne qu'en France; on l'a signalé aussi dans le nord de l'Afrique. En été, on le trouve dans les clochers ou les anciens édifices rui- nés, et, pendant l'hiver, il se retire dans des cavernes et des souterrains, où on le rencontre alors par centaines. Jamais il n'habite les creux des vieux arbres. Il est d'un naturel très-colère et très- menaçant, et, quand on en réunit beaucoup ensemble, ils s'entre-mordent les uns les autres en se brisant les membres, et se tiennent cramponnés si fortement, que, si l'on essaye d'en soulever un. on entraîne toute la masse : alors ils font entendre un grognement particulier. Cette espèce ne vit en communauté avec aucune autres, et chasse toutes celles qui tendent de s'établir dans les lieux qu'elle habite. L'accouplement a sans doute lieu dès le commencement du printemps, car, le 18 mai, Kuhl a trouvé, dans le corps d'une femelle, des petits qui étaient déjà de la grosseur d'une noisette nous supposons qu'il pourrait bien y avoir deux portées par an. Ce Chéiroptère doit être pris comme type, non-seulement du genre VespcrtUio, mais de tous les Ves- PERTiLiONiEixs; aussi avons-nous cru être utile à nos lecteurs en donnant un extrait de la partie ana- tomique de la monographie de cette espèce, qu'a publiée, en 1859, M. le docteur Emmanuel Rous- seau dans le Magasin de Zoolocfie de M. Guérin-Méneville, pi. vi à ix. travail portant le litre de Mémoire zoulogique et anatomique sur (a Chanve-Soîtris commune dilc Murin, et qui avait été lu à l'Académie des sciences dans la séance du 19 mars 1858, et déjà en partie annoncé dès 1855. D'après M. Emm. Rousseau, les caisses des oreilles sont très-grosses, comme soufflées, et se dé- tachent du squelette avec une très-grande facilité. Tous les os de la tête se soudent de très-bonne heure. Les os des incisives existent, mais ils sont très-séparés l'un de l'autre, de manière à former une sorte de bec de lièvre dans le vide duquel on constate une plaque cartilagineuse mobile susceptible de s'ossifier. Les frontaux ont des sutures très-prononcées. Le trou occipital est très-grand. A l'excep- tion de la région sacrée, les apophyses épineuses des vertèbres sont à peu près nulles. On remarque, sur la face antérieure des deuxième et troisième vertèbres coccygiennes, deux noyaux osseux qui semblent représenter un reste d'os en V. Le sternum présente une crête médiane longitudinale très- prononcée ayant une large surface d'insertion aux muscles pectoraux, qui sont très-développés. Les cartilages sterno-costaux sont tous ossifiés, même dès la naissance. La clavicule est très-longue. L'omoplate très-grande, triangulaire, avec une épine très-marquée. L'humérus est allongé, grêle, non percé à la fosse olécranienne. Le carpe n'a que sept os; le métacarpe en a cinq. Il existe à la symphyse pubienne un appareil ligamenteux qui en permet Técartement dans la parturifion. La tête du fémur est sphérique et comme enfoncée entre les deux trochanters, de sorte qu'il n'existe pas, à vrai dire, de col fémoral. Cet animal a deux dentitions : l'une apparaît pendant que le fœtus est dans le sein de sa mère, et pour cela porte le nom d'intra-utérine; elle se compose de vingt-deux dents, reparties ainsi qu'il suit : quatre molaires, deux canines à chaque mâchoire, quatre incisives en haut et six en bas. Dans les trois premiers mois qui suivent la naissance, on voit surgir successi- vement les dents de la seconde dentition, qui existent conjointement avec celles de la première pen- dant un certain laps de temps. Cette seconde dentition se compose de trente-huit dents, dont vingt pour la mâchoire inférieure, savoir : six incisives, deux canines et douze molaires; la mâchoire su- périeure porte le même nombre de canines et de molaires, mais n'a plus que quatre incisives. L'ap- pareil glanduleux, que Kuhl a vu le premier, se compose de glandes ovales et mamelonnées très- développées à toutes les époques de la vie, et qui recouvrent les branches de la cinquième paire de 50 HISTOIRE NATURELLE. nerfs; leurs concluils excréteurs s'ouvrent de chaque côté des joues; ces glandes sécrètent une Iiu- meur butyrouse douée d'une odeur caractéristique. 2. VF.SPERTILION DE BECII.STEIN. VESPERTILIO BECHSTEIMI. Leislcr. C.\.RACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Orcillcs arrondies à l'extrémité, plus longues que la tête; oreillon fal- siforme, un peu courbé en dehors vers la pointe; pelage d'un gris roux en dessus du corps, blanc en dessous. Envergure : 0'",26. Cette espèce, commune dans le Thuringe, plus rare en Wétéranie, et que l'on a aussi signalée en Angleterre, habite également nos départements de la rive gauche du Rhin 5. VESPERTIIJON DE NATTERER. VESPERTILIO KATERERII. Kiilil. Caractères spécifiques. — Oreilles ovales, assez larges, un peu plus longues que la tète; oreil- lon attaché par une protubérance de la conque, lancéolé en dehors de la pointe; pelage générale- ment d'un gris fauve en dessus et blanc en dessous. Envergure : 0'",30. Ce Vespertilion est caractérisé surtout par les festons de la membrane interfémorale; M. Ch. Bo- naparte y réunit le Vesperûlio emarçfmalus d'Et. Geoffroy. On le trouve dans l'Allemagne occiden- tale, le nord de la France et en Angleterre. 4. VESPERTILION ÉCHANCRÉ. VESPERTILIO EMARGINATUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Oreilles oblongues, de la longueur de la tête, fortement échancrées à leur bord extérieur; oreillon long, droit, en forme d'alêne; pelage d'un gris noirâtre en dessus et cendré en dessous, composé de poils doux et touffus, dont la première moitié est cendrée et la se- conde plus roussâtre. Envergure : 0"',o5. Se trouve dans plusieurs contrées de la France, en Allemagne et en Italie. On a pu le confondre avec la Pipistrelle, parce que, quoique plus grand, sa pliysionomie l'en rapproche assez, il tient aussi du Murin par les deux couleurs de son pelage; mais dans ce dernier la teinte extérieure des poils n'appartient qu'à leur extrémité, tandis que dans le Vesperûlio emarcjïnains elle s'étend jus- qu'à leur moitié; enfin il a de l'analogie avec l'espèce précédente. 5. VESPERTILION DE DAUBENTO.N VESPERTILIO DAUBENTONII. Lcisler. Caractères spécifiques. — Oreilles petites, presque ovales, légèrement échancrées sur leur bord extérieur, nues; oreillon lancéolé, petit, étroit, mince; glandes sébacées blanches, formant une pro iubérance d'un blanc jaunâtre au-dessus de chaque œil; poils du dos serrés, courts, doux, d'un brun noir à la base et d'un brun rougeàtre légèrement mêlé de gris à la pointe : ceux des i)arties in- férieures noirs à la base et d'un blanc sale à l'extrémité; dedans des oreilles et des oreillons jau- nâtre. Envergure : 0"\r)r) Cette espèce habite la France septentrionale, l'Allemagne occidentale, ITrlande, et a aussi été, (lit-on, rencontrée en Sicile. CARNASSIERS. 57 G. VESl^ERTILION A MOUSTACHES. VESPEïlTILlO MYSTACIKUS. Leislcr. Caractères spécifiques. — Oreilles assez grandes, ohlongues, arrondies par en haut, repliées et écliancrées extérieurement; oreillons lancéolés; poils tins et serrés, formant de chaque côté de la lèvre supérieure une sorte de moustache; le dessus du corps d'un brun lavé de marron, avec l'ex- trémité des poils de celte dernière couleur; le dessous mélangé de noir et de jaune. Enver- gure : 0"", 16. Cette espèce, rare en Allemagne, se trouve quelquefois dans nos départements du nord-est : on Ta signalée en Angleterre dans le Devonshire et dans- le Danemark. Elle se loge dans le creux des vieux arbres et dans les habitations de l'homme; son sommeil d'hiver est de courte durée; elle vole rapidement et en rasant la terre ou la surface des eaux, pour y saisir les Insectes dont elle se nour- rit; son odeur est peu sensible. Nous avons déjà parlé d'une espèce fossile de cette division, qui est désignée par G. Cuvier sous la dénomination de Vespertilio Parisicnsis, et qui a été découverte dans les couches du gypse de nos environs. Les autres espèces européennes ont reçu les noms de Vespertïlio dasycnemiis, Boié; rnfcscens, stenolHs, Okenii, Wieciù, Scliinlzïi, Brehm, toutes propres à l'Allemagne; collaris, Sckintz, du Mont-Blanc; Nilsonii, Nathusius, de la Suède; Cappacbn, Ch. Bonaparte, de Sicile, et megapodus, Temminck, de la Sardaigne. B. ESPÈCES d'asie Quatre ou cinq espèces, toutes propres au Japon. Comme type, nous citerons seulement le : 7. VESPERTH.ION MACROMCTYLE. VESPERTILIO MACRODACTYLVS. Temminck. Caractères spécifiques. — Pelage court, cotonneux, bien fourni, uniformément d'un noir enfumé aussi bien en dessus qu'en dessous; extrémité des poils grisâtre. Envergure : 0™, 33. C. ESPÈCES DE LA MALAISIE. Une dizaine d'espèces, propres aux îles de Java et de Sumatra, et décrites par MM. Ilorsfield et Temminck. Type : 8. VESPERTILION MAMELONNÉ. VESPERTILIO PAPILLOSUS. Temminck. Caractères spécifiques. - Oreilles très-distantes, plus larges que hautes, à peii près arrondies, avec un pli longitudinal qui permet à l'organe de se fermer; oreillon très-long, filiforme, en poinçon; pelage abondant, très-touffu, doux, cotonneux, frisé, en dessus brun foncé, nuancé de roussàlre ;"i la pointe, plus clair en dessous. Envergure : 0"\20. 58 IIISTOIUE NATURELLE. 1). ESPÈCES d'aFRIQUE. Peu nombreuses, provenant de LArabie, de la Nubie, de l'Egypte et de la Cafrerie, et signalées par MM. Ruppell et Temminck. Type : 9. VESPERTILION IIESPÉRIDE. VESPEIîTILIO UESPERIDA. Temminck. Caractères spécifiques. — Oreilles courtes, aussi larges que hautes; oreillon en feuille courbée et à pointe arrondie; pelage court, lisse, bien fourni, de deux couleurs partout, en dessus noirâtre à la base et brun roussàtre à la pointe, et en dessous noir à la base et cendré roussâtre à la pointe. Envergure : O'^jlQ. Habite les bords de la mer Rouge, vers les côtes d'Abyssinie. E. ESPÈCES D'AMÉRIQUE. Près de trente espèces propres aux régions méridionales et septentrionales, et décrites par d'Azara, Rafincsque, Fr. Cuvier, A. G. Desmarest, MM. Gray, Say, Leconte, Temminck, Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, d'Alc. D'Orbigny, P. Gervais, etc. Nous n'indiquerons parmi elles que 10. VESPERTILION DE LA CAROLINE. VESPERTILIO CAROLINEASIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaiie. Car.^ctères spécifiques. — Oreilles de la longueur de la tête, oblongues; oreillon en feuille de saule, moitié de la longueur de la conque; pelage bicolore partout; parties supérieures d'un brun marron, avec la base des poils d'un cendré noirâtre, et en dessous d'un jaune cendré à base brune. Envergure : O'",'!'! Habite Charleston, dans la Caroline du Sud. 11. VESPERTILION DE SAliNT-HILAIRE. VESPERTILIO BILARU. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. • Caractères spécifiques. — Oreilles petites, triangulaires, presque aussi larges que hautes, peu échancrées à leur bord extérieur; oreillon allongé; pelage assez variable, passant aux parties supé- rieures du brun-noir au brun-marron, et en dessous du grisâtre au brun-roux. Envergure : 0"',25. De la Capitainerie des Missions au Brésil. 12. VESPERTILION TRÈS-PETIT. VESPERTILIO PARVVLUS. Temminck. Caractères spécifiques. — Oreilles petites, droites, pointues, découpées et à lobe inférieur très-distinct; oreillon en feuille de saule; pelage touffu, court, noir, légèrement enfumé en dessus; côtés du cou et parties latérales de la poitrine d'un noir plus enfumé que le dos; le devant du cou, CARNASSIERS. 59 la ligne nioyenno du veiilrc, les tlancs et rabdonien, à pointe dos poils brune; une teinte isabelle sur les jambes, à l'abdomen et à la base poilue de la membrane interfémoralc. Envergure : 0^,1 5, Habite le Brésil. 2'"« SOliS-GE>'RE. — MINIOPTÈRli. MIMOPTERUS. (Ai. Bonapiirlc. 1857. leoiiogralia ilclla Faniia Italica. Mf;'Jo;, très-pelit; TtTspcv, aile. Ce sous-genre, fondé par M. Ch. Uonaparte, ne renferme que deux espèces, qui sont propres à l'Europe. Le type est : iô. VESPERTILION D'ORSINI. VESPERTILIO ORSINII. Gl). Bonaparte. Caractères spécifiques. — Oreilles petites, à peu près aussi larges que longues, arrondies, sans échancrure, d'un tiers plus courtes que la tête, réunies par une membrane; oreillon grêle, filiforme, moitié de la longueur de la conque; système dentaire comme dans les Oreillards; pelage doux, co- tonneux, très-touffu, à peu près de même couleur partout : en dessus d'un brun marron avec l'ex- trémité des poils un peu plus claire, et en dessous d'un gris clair, plus foncé à la base des poils. Envergure : 0'",18. Ce Chéiroptère habite l'Italie, où on Ta trouvé sur les crêtes peu accessibles et dans les cavernes du mont Corno, à 1,800 mètres d'élévation au-dessus du niveau de la mer. La seconde espèce est le Minioplerus Schrebersii, Natterer, de l'Allemagne, de la Hongrie et de, la Crimée. 5™e SOUS-GENRE. — PIPISTRELLE. PIPISTUELLUS. Kaup, 1829. Eur. Thicnv, I. Nom propre. Ce sous-genre correspond aux genres Noctula et Seroliniis de M. Ch. Bonaparte (Iconoçjrafia délia Faiina Italica), et en partie, au moins, à celui des Vespertis de Blasius {in Wiegmann Ar- ciiiv., t. I, 1859). On en connaît un grand nombre d'espèces, sur lesquelles une quinzaine habitent l'Europe et trois la France; les autres sont répandues dans l'Afrique, l'Asie et l'Amérique. A. ESPÈCES D'EUROPE. 14. NOCTULE. Daubenton. VESPERTILIO NOCTULA. Linné. Caractères spécifiques. — Oreilles plus ou moins arrondies, larges, très-étendues en devant jus- que près de la commissure des lèvres, à bord extérieur courbé en arrière; oreillon court, large, courbé en fer de hache; membrane interfémorale fortement échancrée à l'articulation des pieds; pe- lage de moyenne longueur, soyeux, lustré, couvrant en dessous une partie de la membrane des flancs et toute l'aile le long de l'avant-bras, très-fourni chez les vieux, plus rare chez les jeunes de 00 nisTOir.E naturelle. l'année : parties supérieures d'un beau roux, vif et lustri, et inférieures d'un roux plus clair; les poils de l'aile brunâtres; membranes d'un roux noirâtre. Envergure : 0''',40. La Noctule est plus répandue dans le centre de l'Europe que dans le nord ou dans le midi : on la trouve en France, en Angleterre, en Allemagne, dans l'Italie septentrionale, etc.; et un fait que Ton doit noter, c'est qu'on en a constaté l'existence en Egypte et au Japon. Cette espèce diffère tellement, par sa manière de vivre, de la Sérotine, qu'on ne peut nullement confondre ces deux animaux, quoiqu'ils aient les plus grands rapports par leur conformation exté- rieure. Elle sort la première de sa retraite chaque soir, vers le coucher du soleil, et s'élève d'abord très haut dans l'air. A mesure que l'obscurité augmente, elle se rapproche de terre et surtout de la surface des eaux, où voltigent les êtres dont elle doit faire sa pâture. Les vieilles tours et les clo- chers, les combles des maisons habitées, etc. , sont les lieux où elle se tient ordinairement; mais on la rencontre aussi très-souvent dans le creux des arbres des forets ou des campagnes. En été, on voit voler les Noctules par troupes de dix à vingt individus; et, en hiver, on les trouve blotties par cen- taines dans le même repaire, oit sans doute elles se réchauffent mutuellement par leur agglomération. Elles peuvent résister à une abstinence très-longue, et la vie chez elle est très-dure. De toutes les Chauves-Souris européennes, ce sont celles qui répandent l'odeur la plus désagréable. 15. Slil\OTINE. Uaubenlon. VESPERTILIO SEROTINUS. Linné. Caractères spécifiques. — Museau long, dénudé jusqu'au chanfrein, garni seulement de poils rares; oreilles écartées, médiocres, velues à la hase extérieure, un peu étendues en avant; oreillon en feuille arquée , à pointe ronde ; membrane interfémorale non échancrée; queue dépassant de 0'°,004 à 0",005 cette membrane; pelage de -^loyenne longueur, fin, soyeux, lisse et très-lustré. Le mâle, en dessus, brun châtain et en dessons brun cendré terne; la femelle brun roussâtre en des- sus, gris jaunâtre en dessous; museau, oreilles et membranes des deux sexes, noirs: les jeunes avec un pelage plus sombre et moins lustré. Envergure : 0^, 56. Par sa taille et sa physionomie, elle se rapproche de la précédente espèce; mais elle s'en dis- tingue facilement, non-seulement parce qu'elle a deux fausses molaires de moins, mais encore parce que son pelage est plus long et plus brunâtre. La Sérotine habite le creux des arbres des forêts et de la campagne, et elle en sort au printemps beaucoup plus tard que les autres espèces. Elle vit isolée ou par paire; elle ne vole que lorsque la nuit est close, et fréquente le voisinage des eaux. Son odeur est fade et désagréable, et non musquée comme celle de la Noctule; sa voix est un siflle- ment aigu. Elle ne fait qu'un petit par portée, et ordinairement le met au jour vers la fin du mois de mai. Cette espèce n'est pas rare en France; on la rencontre aussi en Allemagne, en Italie, en Cri- mée, etc. 16. l'IPISTRELLE. Dnubenlon. VESPERTILIO PIPISTRELLVS. Linné. CAr,ACTÎ:r>Es spÉcmouEs. — Oreilles ovales, triangulaires, plus courtes que la tête, légèrement échancrécssur le bord extérieur; oreillons presque droits, terminés par une pointe arrondie; crâne très-saillant, convexe en dessus; occiput arrondi, sans crête; pelage bien fourni, de moyenne lon- gueur; membranes nues; toutes les parties supérieures du corps couleur café, et d'une teinte légère- ment plus claire en dessous. Envergure : 0'",25. Les Pipistrelles, qui sont après l'Oreillard les plus petits Chéiroptères d'Europe, sont remarqua- bles au premier coup dœil par la couleur de leur pelage et de leurs membranes, ainsi que par la grandeur de leur queue. Elles se trouvent en commun, avec d'autres Chauves-Souris, sous les combles Raiiiiuroo. l'I. 8. CARNASSIERS. 61 des habitations, et dans les tours et clochers. Leur manière de vivre ne diffère en rien de celle des autres espèces. Elles habitent le centre de l'Europe; on les rencontre abondamment en France, en Allemagne et en Angleterre. On en a signalé une variété en Egypte, et on en a trouvé aussi une au Japon. Les autres espèces particulières à l'Europe sont les Pipistrdlus vïspi.slrcUus, Savii, Leucippe, Alcifilioe, Arîslippe, toutes de Sicile et décrites par M. Ch. Bonaparte; VesperlUio Leisleri, Kuhl, d'Allemagne; discolor, Natterer, d'Allemagne; Nilsonii, Blaslus, de Suède; lùiliUi, Natterer, de Trieste; Natliusii, Kiister, de Prusse; albolimbaïus, Kuster, de Sardaigne, etc. 17. VESPERTILION LIMNOPHILE. VESPERTILW LIMXOPHILUS. Temminck. Caractères spécifiques. — Oreilles médiocres, parfaitement ovoïdes, sans lobe par devant; oreil- lons courts, droits, larges, en feuille arrondie par le bout; pelage doux, soyeux, de longueur moyenne; les parties supérieures du corps sont, chez le mâle, d'un gris foncé, couleur de souris, et chez la femelle un peu plus roussâtres. Envergure : O^j^o. Cette espèce habite la Hollande; elle qe commence à voler que lorsque la nuit est entièrement venue, et ses mouvements sont très-véloces; elle paraît rarement ailleurs que sur les eaux, à la li- sière des grands roseaux et des bois taillis, rasant la surface de l'eau d'un vol très-rapide. B. ESPÈCES d'aFRIQUE. Quelques espèces propres au cap de Bonne-Espérance, au Sénégal et au Kordofan. Lesson y réu- nit des espèces qui, d'après M. Temminck, doivent entrer dans le genre Nijclicejus. Comme type nous citerons seulement : 18. VESrEUTlLION DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE. VESPERTILIO CAPENSIS. Smitli. Caractères spécifiques. — Oreilles médiocres, distantes, pointues vers le bout; oreillons très- longs, en forme de feuille de saule; pelage long, lisse, soyeux, noirâtre en dessus avec la base des poils d'un brun olivâtre et plus brunâtre en dessous. Envergure : 0'",25. M. Temminck applique à celte espèce la dénomination de VesperlUio megcdurus. C. ESPÈCES d'asie. Une dizaine d'espèces, particulièrement propres à Java et à Sumatra. Nous décrirons : 19. VESPERTILION KIRIVOULA. VESPERTILIO PICTUS. Linné. Caractères spécifiques. — Oreilles grandes, ovales, légèrement échancrées à leur bord extérieur, oreillons grands, subulés; membranes peintes de couleurs tranchées; pelage cotonneux, très-frisé; en dessus d'un roux doré très-éclatant, et en dessous légèrement roussâtre; les flancs et les côtés du cou d'un roux plus prononcé. Envergure : 0"',2l2. 62 HISTOIRE NATURELLE. Cette espèce, qui forme le type d'un genre particulier pour M. Gray, est répandue sur le conti- nent de l'Inde, à Java, Bornéo, Sumatra; mais son existence à Ceylan est douteuse. Nous citerons une seconde espèce, le Vespertilio noctiUina, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, du Bengale. D, ESPÈCES d'aMÉRIQUE. Une seule : 20. GRANDE SÉROTIÎSE. Bulion. VESPERTILIO MAXIMUS. Et. Geoffroy Saint-Hilairc. Caractères spécifiques, — Oreilles ovales, plus courtes que la tête; oreillon subulé; pelage d'un brun marron en dessus, d'un jaune clair sur les flancs et d'un blanc sale sur le ventre. Enver- gure : 0">,45. Cette espèce se trouve à la Guyane, où elle vole par troupes très-nombreuses, au crépuscule, dans les endroits découverts, souvent au-dessus des prairies, et quelquefois en compagnie d'Engoule- vents. i'"^ SOUS-GENRE. — OGYPÈTE. OCYPETES. Lesson, 1844. Nouveaux tableaux du Règne Animal. Mammifères. Ce sous-genre, qui correspond au genre Murîna de M. Gray, ne renferme encore que deux es- pèces découvertes à Java, et dont M. Temminck a le premier donné la description. Le type est le 21. VESPERTlLIOiN POURCEAU. VESPERTILIO SUILLUS. Temminck Caractères spécifiques — Oreilles ayant à leur bord extérieur un oreillon muni d'un pli longitu- dinal; tragus long, filiforme, pointu; pelage très-touffu, long, laineux, bicolore : toutes les parties supérieures d'un roux vif, un peu rougeâtre, avec la base des poils d'un blanc roussâlre; les parties inférieures d'une teinte Isabelle; les flancs cendrés. Envergure : 0'",15. Cette espèce provient de Java et de Sumatra; elle est difficile à trouver, car elle est de petite taille, et son vol est extrêmement rapide; pendant le jour, elle se blottit à la racine et en dessous des grandes feuilles du Musa sapicntum. La seconde espèce, placée dans le même groupe, est le Vespertilio cavernarum , Temminck, éga- lement particulier à l'île de Java. A la suite de la description du genre Vespertilio, nous indiquerons, mais avec la plus grande ré- serve, quelques groupes qui peuvent naturellement y rentrer, et qui ne sont pas assez importants ou assez complètement connus pour que nous nous occupions spécialement de chacun d'eux. Tels sont les genres : Romicia (nom propre), Gray {Mag. of Zool. and. Bât., t. II, 1858), qui ne comprend qu'une es- pèce, le R. calcarata, Gray, dont on ignore la patrie, et dont la dépouille fait partie du Cabinet du Brilish Muséum. CARNASSIERS. 65 Naialiis (du port Natal), Gray [Annals of Pli'ilosopli., t. XXVI, 1825). Type : le N. stmm'meus ou loncjicaudatîis, Gray, dont, on ne connaît pas la patrie. Pacholus (tts'./.uî, épais; m,-, oreille), Glogcr, que M. Gray (Macj. of Zool. and Bot., t. Il, 1858) réunit au genre Scolopliilus, qui, pour lui, correspond à peu près à notre sous-genre Pipislrcllus. Kirivoula (nom spécifique), Gray {Annals of nat. Ilislorij, t. X, 1842), qui a pour type le Vesperlillo pleins, de notre sous-genre Pipislrellns. Marina (du nom spécifique), Gray {Marj. of nai. H'ist., t. X, 1842). Groupe fondé avec le Vesper- lillo sulUus, type du sous-genre Oeijpclcs. Trilactltus [tri, trois fois; laiilo, je me cache), Gray {Annals of nalural lUstory, t. X, 1842), dont le type est le Vesperlillo Hasseltiî, Temminck. NijctuUnla, Gray {Mag. of nat. IIlsl., t. X, 1842), comprenant les iV. prolerus et fulvus, Gray, qui se rapprochent des Scolopinlus de cet auteur. Mijotîs (u.u,% Rat; w;, oreille), Gray {Maçj. of Zool. an l Bot., t. Il, 1858), correspondant en partie au sous-genre VesperlUio, et renfermant les F. murinns, Beclistcinn et Natereri. Harploceplialus (ap-oia, Harpie; xccpaX/;, tête), Gray {Annals ofnal. Historij, t. X, 1842), ayant pour type les Vesperlillo Ilarpla, Temminck, que BI. Gray nomme Harploceplialus rufus. Lcuconoe (nom mythologique), Boié {Isls., 1850); Cneophœus {■/.-nc^T.Tc;, obscur); Nijstaeies (vjoTax- Tï.;, dormeur), et Pteiijçfisles (TTrefu^i^w, je remue les ^iles), Kaup {Enlw. G. Europa's Thés., 1. 1, 1829); Lobosloma (X'.êoc, lobe; a-:c]j.o., bouche), Gundlach {Annals of nat. Hist., 1840), et Clice- ronijclerus (-/.otpc;, Porc; vu)4Tspi;, Chauve-Souris), Lichsteinsten {In Arclilv. Wlefpnann, 1844), groupes génériques incomplètement décrits, et qui, nous devons le dire, ne doivent peut-être pas tous rentrer dans le genre des Vespertilions. 2""^ GENRE. — NYCTICÉE. NYCTICEUS. Rafinesque, 1820. In A. G. Desmavesl. Mararaalogie. Étymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire: incisives, j dans les jeunes, ef | à iàge adulte; canines, [^; molaires, f^,. Les' Incisives supérieures sont toujours accolées contre les canines, et présentent constamment la forme longue, conique et pointue cCune canine : les inférieures sont plus ou moins entassées. A ta mûciiolre supérieure il n'y a pas de fausses molaires, et l' arrière-molaire est en lame trans- verscde, comme formant une demi-dent; en bas, l' arrière-molaire est terminée par un tubercule. Lorsqu'il y a une fausse molaire en haut, elle est toujours extrêmement petite, obtuse, hors de la rangée, et placée derrière le talon de la cctnlne. En tout, Il y a, h l'état normal, trente dents, et trente-deux dans le jeune âge, rarement trente-quatre lorsque la petite pointe existe encore der- rière le talon des canines. Inter maxillaire rudimentalre, et soudée aux maxillaires dans toute sa longueur. Indépendamment de la différence dans le nombre et la forme des dents chez les Nycticées et les Vespertilions, on en trouve dans la forme du crâne. Les NjjciIccus ont le chanfrein irès-élargi, lisse, sur un plan horizontal et angulaire; le crâne est très-étranglé entre les arcades zygomatiques, large et bombé vers l'occiput, qui présente une crête saillante. Cette forme élargie du chanfrein donne à ces animaux quelque chose de la physionomie des Chiens roquets-dogues; leur gueule est 6^^ HISTOIRE xNATURELLE. grande; leur museau obtus, et leur tète paraît encore plus large qu'elle ne l'est réellement, à cause de récarlement des oreilles. Le pelage est plus ou moins court, lisse. ^ ma- Fig. 22. — Nyctieée de Temminck. Le genre Nyctieée a été créé par Rafinesque; M. Temminck en sépare les Nijcùccjtis, qui s'en dis- tinguent principalement par leur pelage long et leur membrane interfémorale plus ou moins velue. On doit aussi regarder ce genre comme synonyme des Ihjpexodona {mt.o, en dessus; s?, six; c(îcu?, deni) de Rafinesque {Joiirn. de Pliijs., n" 87), et surtout du sous-genre Nijclalus (vj/-ra),c;, nocturne), indiqué par Lesson (Tabl. du rcçf. anïm. Mammifères, 1842) comme subdivision des VespcrlUio. 1" SOUS-GENRE. — NYCTICÉE. NYCTICEUS. Temminck. Si nous considérons le groupe des Nycticées comme distinct de celui des Nycticéjés, nous n'y comprendrons qu'un petit nombre d'espèces propres à l'ancien continent, et en particulier à l'Asie et à TAfrique, car aucune espèce n'en a été découverte en Europe ni en Amérique. Comme espèce typique, nous décrirons le NYGTiCEE DE TEMMINCK. iWCTICEUS TEMMINCKII. Horsfield. Caractères spécifiques. — Oreilles plus courtes que la tête, et de forme oblongue arrondie, échancrées au bord externe, et munies d'un oreillon allongé, recourbé en faux; pelage soyeux, formé de poils courts, fauves en dessus, jaunâtres en dessous; les côtés de la tête et du corps d'un roux brillant. Envergure : 0"\55. Cette espèce, qui est voisine, mais distincte du Nijctîceiis Belangeni, est très-commune à Java, à Sumatra, à Bornéo, à Banda, à Timor et dans tout l'archipel indien. Elle vit en grandes bandes de plusieurs centaines d'individus dans les toitures des maisons et dans les trous des arbres; on la voit voler vers le déclin du jour, avant le crépuscule; elle se nourrit principalement de Termites, et rend ainsi de grands services en diminuant le nombre d'Insectes des plus nuisibles à l'homme par la destruction qu'ils font des arbres des forêts, ainsi que de ceux employés dans les constructions. Une autre espèce de ce genre est le Nijcl'iccus nocltdbuis, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui ha- bite le continent de l'Inde. C\RNASSlF.r.S. G5 1""^ SOUS-GENRE. — NYCTICÈJF. NYCTICEJUS. Tcmminck, Chez les Nijclkcjns, le pelage est long, et la membrane inferfémorale est plus ou moins velue. Tels sont les caractères assignés par M. Temminck à celte division, qui comprend une dou- zaine d'espèces, toutes américaines, et qui correspond, en paitie au moins, au genre Aialapltn (nom propre) de Uafinesque, et à celui des Lasiiirus (/aan;, poilu; w^a. queue), de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et qui y est réuni par Lesson. Comme types, nous citerons : I. NYCTICÉJE IIUMÉRAL. NYCTICEJUS HUMERALIS. Rifiiicsque. Caractères spécifiques. — Oreilles ovales, plus longues que la lôlc, et noirâtres, ainsi que le mu- seau; pelage d'un brun foncé en dessus, avec les épaules noires, et les membranes à peu près de la même couleur. Envergure : 0"',22. Habite la province de Kentucky, où elle est commune 2. NYCTICiiJE LASIURE. NYCTICEJUS LASIURUS [VESPERTILIO]. Linné. Caractères spécifiques. — Tête petite; oreilles ovales, courtes; pelage variant suivant les âges et les saisons : le plus habituellement, le sommet de la tête et la nuque sont jaunâtres, avec l'extrémité des poils roux, et tout le reste des parties supérieures jaune, présentant un reflet cannelle vif; le dessous est également jaunâtre, et offre une tache d'un blanc pur de chaque côté de la poitrine; membrane nue, colorée en roux et en noir. Envergure : 0"',o5. Cette espèce, type du genre Lashiriis, est surtout remarquable par la disposition de SOQ système dentaire, qui, à son état normal, est composé de deux incisives de chaque côté de la mâchoire su- périeure, et six à l'inférieure : ces dents étant en haut isolées, et semblables à de petites canines. Les molaires sont, de chaque côté de la mâchoire supérieure, au nombre de quatre, avec une cin- quième pointe derrière le talon des canines, et sans fonction; à l'inférieure, on en compte cinq. Ce Nycticèje se rencontre dans les États-Unis et les provinces septentrionales de l'Amérique du Sud; elle est très- commune à New-York et en même temps à Cayenne. Nous indiquerons encore comme espèce de ce genre le VespertUio novœboraccnsis, Pennant, qui habite l'Amérique du Nord; c'est le type du genre Atalaplia de Rafinesque, qui était basé sur un indi- vidu parvenu à l'extrême vieillesse, et qui, comme le fait observer M. Temminck, et avant lui A. G. Dcsmarest, offrait des différences odontologiques importantes, en ce qu'il avait perdu toutes ses incisives, sans que l'on pût y voir de trace alvéolaire. La caractéristique de ce genre Alalapha de Rafinesque {Prodrome de Somiologie) était : pas d'incisives aux deux mâchoires; nez simple, non muni de crêtes ou de membranes; oreilles médiocrement écartées l'une de l'autre, et pourvues d'oreillons; queue longue, dépassant un peu la membrane interfémorale, ou y étant comprise en entier. —Outre le VespertUio novœboraccnsis, que Rafinesque nomme AtcUapha Amcricana, il y comprenait une autre espèce qui est au moins douteuse, 1'^. Sicnla, qu'il définit par ses oreilles yussi longues que la tête, et sa queue saillante par une pointe obtuse. GO HISTOIRE NATURELLE. rv"^ GENRE. — FURIE. -F67ÎL4. Fr. Ciivier, 1828. Nouveaux Mémoires du Muséuui, t. XVI. Nom niytliolopjiqiin. CARACTÈnES GÉNÉllIQUES. Siistcme dentaire : incisives, |; canines, j^j; molaires, jJE^; les incisives supcricnres loiilcs de mane fjrandeur, poinlues : exlernes disposées sans aucun rapport avec les canines inférieures; inci- sives inférieures placées régnlicremenl sur un arc de cercle, a l'aise, et trilobées; canines supérieu- res beaucoup plus épaisses que les inférieures, toutes à trois pointes : des deux latérales, l'une tournée vers les incisives, l'autre vers les molaires: les canines aijanl aux deux mâchoires des formes anoma- les, et présentant plus de rapport avec des fausses molaires qu'avec des canines ordinaires; les mo- laires conformées comme celles des Vespertilio; il y en a, supérieurement, deux fausses, et trois inféricurcmenl. iMuscau camus, hérissé de poils roides. Yeux saillants, ijros. Narines terminales, n'étant pas séparées l'une de l'autre par un bourrelet. Lèvres entières : la supérieure avec quatre ou cinq verrues sur les côtés, et l'inférieure avec huit tubercules assez- semblables à des verrues. Oreilles à peu près aussi lar(jcs que longues, simples, pourvues d'un orcillon à trois pointes. Ongle du pouce se montrant au dehors de la membrane des ailes. Queue enveloppée presque complètement dans la membrane interfémorale. Oulro ces caractères, on doit (aire remarquer que, chez les Furies, les os frontaux et pariétaux se relèvent presque à angle droit au-dessus des os du nez, et que toutes les parties supérieures sui- vent ce mouvement. Les os de l'oreille sont fort au-dessus de la partie antérieure de l'arcade zygo- matique, qui, au lieu d'être horizontale, forme un arc dont Textrémilé postérieure est très-relevée au-dessus de l'antérieure. La hauteur du maxillaire supérieur est presque nulle, tandis que la bran- die montante de la mâchoire inférieure est très-grande. Les os du nez laissent entre eux une dépres- .sion sensible sur la tète osseuse, quoiqu'elle ne s'aperçoive pas sur la tète non dépouillée. Dans les Yespertilions, on trouve des formes très-opposées; ainsi, les os du nez, les frontaux, les pariétaux et rocciput, sont sur une ligne droite oblique : l'arcade zygoniatique est horizontale; le maxillaire supérieur a une grande hauteur, et la branche montante de l'inférieur est médiocrement élevée. Ce genre a été créé, par Fr. Cuvicr, sous le nom de Furia, et, depuis, M. Ch. Ronaparte en a transformé la dénomination en celle de Furiplerus {fima, furie; tttsow, aile). On n'en connaît qu'une espèce, qui habite la Mana, dans la Guyane. FURIt: lIORP.IIiLE. FURIA IIORRENS. Vv. Ciivlcr. Cap. \r.TK uF-s ppkcifiques. — Pelage d'un beau noir uniforme, doux et épais, excepté sur le museau, où il est j)lus long, plus roide et plus hérissé que sur les autres jiarlies du coips. Envergure : 0"',i'..). Celte espèce, encore rare dans les collections, a été découverte par Leschenault. J^v^"^, CARNASSIERS. C7 4"- GENRE. — SCOTOPIIILE. SCOTOPUILUS, Lcacli, 1822. Transaclioiis ol' Linncaii Society ori.ondou, l. Xlll. 2/40T&Ç, obscurité ; «piXo;, ami. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslème dentaux : incisives, -f; canines, \=~-, molaires, \^\; incisives supérieures inégales, poin- tues, les inlermédiaires étant les plus grandes, simples, et les latérales bifides à lobes égaux : infé- rieures peu distinctement tri fuies; canines supérieures avec une petite pointe en arrière de la base: inférieures offrant cette pointe en avant de la base; molaires comme chez les Vespertilio. Oreilles distantes. Troisième, (juatrième et cinquième doigts des ailes ayant trois phalanges; l'index n'en présen- tant que deux. Doigts des pieds médiocres, égaux, armés d'ongles comprimés et recourbés. Ce genre, dont nous donnons la caractéristique d'après Leacli, n'est pas suffisamment décrit, et c'est probablement avec raison que Lesson le réunit aux Vespertilio; tandis que M. Gray y place des espèces assez nombreuses et rapportées à divers genres On n'y range ordinairement que le SCOTOPIIILE DE KUIIL. SCOTOPUILVS KUBLII. Lcacli. Caractères spécifiques. — Pelage brun ferrugineux; oreilles, nez et ailes bruns. La patrie de-cette espèce est inconnue. 5'^^GENRE. - OREILLARD. PLECOTUS. Et. Geoffroy Saint-llilaire, 1820. In A. G. Desniarcst. Mammalogic et Faune française. nXî/.w, je plie; w;, oreille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. SlJStèh.■^ dentaire: incisives, |-; canines, |n J ; molaires, j^i,^ ou l^^,— total, trente-quatre ou trente- six dents; hwisives supérieures séparées par paires; inférieures contigucs, trilobées à leur tran- chant; cannes médiocrement fortes; molaires agant leur couronne garnie de pointes très-aiguës. Tête moijennc . Nez simpl sans membranes ni crêtes, ni fosse sur le chanfrein. Narines terminales et un peu latérales, séparées l'une de l'autre par un sillon légèrement marqué. Oreilles très-grandes, nues, placées un peu en avant de la tête et réunies à la base par leur bord interne ou un prolongement de ce bord. Oreillon z.jiwent très-développé. Yeuct , 'itô. Langue doue... Corps médiocrement allongé. Ailes membraneuses, étendues, soutenues par quatre doigts très-grêles et très-longs, sans ongles, et accompagnés d'un pouce court, robuste, onguiculé. G8 HISTOIRE NATURELLE. Pieds poslcnciir.i h chuj do'ujls courts : ions dans ht méiitc dlrcclion en arricrc, pourvus d'ouçjles croclms, {'(jaux entre eux. ()i\euc trcs-lon{jue, cnlieren'cnt cotnprise dans la membrane intcrfcmorale, (jui est très-grawlc. Fi". 23. — Oreilhuvl, Les Oreillards ressemblent Lcaucoup aux Vespoitilions, mais ils en diffèrenl par un développe- ment extraordinaire des oreilles, qui sont unies l'une à l'aiitre par un prolongement du bord interne traversant le front vers son milieu. Ce genre, que M. Tcmminck ne regarde pas comme différent de celui des Vcspcrtilio, et que A. G. Desmarcst {DIannn.) indiquait comme un simple sous-genre de Vespertilio, correspond à celui des Macrotus {[j.y.y.yj:, grand; co;, oreille) de Leach {loco àtalo), dénomination qui a été adoptée par M. Cil. Bonaparte, tandis que M. Gray {Voij. ofSulpIiur, 1844) l'applique à une espèce d'Haïti, ))rinci paiement caractérisée en ce que sa queue est saillante au delà de la membrane inlerfémorale. La Barbastelle, qui entre dans ce groupe générique et ne doit pi'obablenient pas en être séparée, a servi de type aux gro\\\')es, des Barbasiellus, Gray {Annals of Maffazin of Hislorij nalural, 1825), et Sijnolns {a-x>, attachée avec; «:, oreille), Kcyserling Von Blasius ((/ic Wirhclthkre, Europas, \Sii)), le premier adopté par M. Ch. Bonaparte et le second par M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire. On connaît plus de douze espèces d'Oreillards qui ont les mêmes liabiludes que les Yespertilions, et sont répandues dans toutes les parties du monde. Quatre sont européennes. 1. OREILI.AIU). l'LECOTUS AURITUS {VESPERTlLIo) l.inné. C.\nACTÈRES SPÉCIFIQUES. —Oreilles presque aussi longues que le corps, inclinées de côté, minces, un peu transparentes, ayant un repli longitudinal et saillant en avant jusqu'à la commissure des It vrcs; un petit repli à la base de leur bord interne, qui est cilié dans toute sa longueur, réunies par la partie inférieure sur la têle; tragus droit, long et pointu, muni d'un lobe externe à la base; tête déprimée; museau long, pointu; face peu velue; glandes odoriférantes placées aux côtés du museau et au devant des yeux, jaunâtres; pelage long, d'un brun cendré nuancé de roussàtrc en dessus, gris blanchâtre nuancé de fauve en dessous, membranes nues, d'un gris blafard, ainsi que les oreilles. Envergtire : 0"','28. Cette espèce, qui se renconlre dans presque toute l'Europe et n'est pas très-rare en France, ha- bite l'intérieur des villes et des villages, où elle établi! son domicile sous les combles des maisons ainsi que dans les clochers. Elle est peu nombreuse en individus, ol ceux-ci vivent isolés; elle ne re- cherche i)as le voisinage des eaux. CARNASSIERS. 09 A 2 DARBAïjTELLL:. PLECOTUS BARDASTELLUS iVESl'EUTILIO]. Liniu'. CAnACTÈr.ES si'ÉciFKviuKS. — Miiseuii très-couit et obUis; tète couverte par les oreilles, qui sont réunies à leur base sur le front; conques auditives Irès-développées, livs-larges, masquant la partie poslcricure du crâne; une large handc de poils au milieu de la conque, qui est nue des deux cùlés; glandes odoriférantes triangulaires; pelage très-court, fin et soyeux; membranes velues des deux côtés; toutes les parties supérieures noires; ventre blancliâtre; membranes brun clair. Enver- gure : 0™,25. Cette espèce, qui appartient à la faune française, babitc les contrées tempérées et chaudes de l'Europe; elle est rare et préfère, comme lieux d'habitation, les vieilles tours élevées. On la trouve quelquefois avec la Pipistrelle, mais jamais avec d'autres Vesperlilions. Les deux autres espèces particulières à l'Europe sont les Plccoliis brcvimaniis, Jenyns, d'Angle- terre et de Sicile, clcorniilits, Eabricius, propre au Danemark. (Jualre sont de la Malaisie, surtout de Timor et de Sumatra. Le Plccolus Timoriensis , Lcsson et Garnof, en est le type. Deux d'Afrique : les Vespertilio Iciiconiclas, Ruppell, de l'Arabic-I'etrée, cl isabelUnus, Temniinck, des côtes de Barbarie. Quatre de l'Amérique, tant méridionale que septentrionale; la plus-connue est le VcspcrlUio dic- galolis, Rafincsque, des États-Unis. NYCTÉRIENS. NFCTElilI. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez creusé d'une cavité. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a désigné cette division sous le nom de famille, et il n'y plac: que le genre Nijclcre, qui habite l'Afrique et l'île de Java. GENRE UNIQUE. -■ NYCTÊRE. NVCTERIS. Et. Geoffroy Saint-Ililaire, 1814. Dcsciiiiliou (lo 1 Égyple. Histoire naluRllc, l. II. N'j/.THît;, Chauve-Souris. CAP.ACTÈHES GÉNÉIUQUES. Sijslcme dcnlcdre : incisives, |; canines, \^\; molaires, *E^ et plus rarement ^„ ce qui donne en tolaUlé trenle-deux ou seulement trente dents; les incisives supérieures bilobées, petites, séparées par paires: les inférieures trilobées; les canines assez fortes; les molaires fjamies à la couronne de pointes aicjucs. Clmnfi^n creusé d'une fosse profonde loncfitudinale. Narines couvertes par une sorte d'opercule cartilagineux et mobile. Oreilles très-grandes, ircs-ouvertes, contiguës à leur base antérieurement. Oreillon presque extérieur. 70 HISTOIRE NATUPiELLE. Membrane inter fémorale plus grande que le corps el comprenanl La queue, qui csl terminée par tin carlilaije bifurqué et en forme de T renversé (i). Ce genre, fondé par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, ne renferme que quatre espèces, qui ont les mêmes mœurs que les autres Ciiéiroptères insectivores. 1. NYCTÈRE CAMPAGNOL VOLAiNT. Daubenlon. NYCTERIS HISPIDUS. Liniu". CaractèPiES spécifiques. — Pelage généralement d'un brun roussâtre en dessus et d'un blanc lé- gèrement teint de fauve en dessous. Envergure, 0'",21. Cette espèoe, qui est le Nrjcleris Daubenlonii d'Et. Geoffroy, habite le Sénégal; on l'a indiquée comme de la Sicile, mais ce fait est loin d'être démontré. 2. NYCTÈRE DE LA TIIEBAIDE. MXTERIS THEBAICUS. Et. Geoffroy Saint-Hilûire. Caractères spécifiques. — Pelage doux et fin, brun en dessus et gris brun en dessous. Enver- gure : On'j^e. Ce Cbéiroptère a reçu d'A. G. Desmarest le nom de Nijcteris Geoffroyi. et de M. Smith celui à'af- finis; on l'a signalé dans plusieurs contrées de l'Afrique très-éloignées les unes des autres, telles que l'Egypte, la Nubie, le cap de Bonne-Espérance et le Sénégal. 5. NYCTÈRE DU CAP. NYCTERIS CAPENSIS. Smith. Caractères spécifiques, — Pelage fauve noir sur le dos et l'occiput; blanc sale sur les côtés du cou; parties inférieures cendrées; une touffe de poils bl aies sur le tragus. Envergure : 0'",'28. Cette espèce habite l'Afrique méridionale, particulièrement l'île de Pâques. 4. NYCTÈRE DE JAVA. NYCTERIS JAVANICUS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage d'un roux vif sur les parties supérieures du corps et d'un cen- dré roussâtre sur les inférieures. Envergure : O'",o0. Et. Geoffroy a donné la description de celle espèce, qui est la plus grande du genre. CLiiiaiiiciiic Llioiàioi], RIIINOLOPIIIENS. RFIINOLOPIIII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez surmonté d'une feuille. Division correspondant à la famille qui porte la même dénomination dans la méthode de M. Isidore Geoffroy Sainl-Uilaire, et au groupe des Loptionijctères de De Blainvilie. CARNASSIERS. 7 1 On connnîi iino cinqnnntnine d'espèces de Rliinolopliiens, et elles se trouvent répandues dans foules les eonlrées du globe : les environs de Paris en renfenncnt deux se rapportant au genre Rlii- noloplie. Les genres que nous admetirons dans cette division sont au nombre de bnit, et, parmi eux, plu- sieurs ne nous sont pas entièrement connus; ce sont ceux des Nijclopliïle, Rlùnopome, Arhe, fUti- iiolophc, Mc(j(ukrme, Mormoops, Cliilomjclère et PInjllodk. \" GENRE. — NYCTOPniLE. NYCWPHILUS. Leacli, 1852. Transactions of Linnean Society of Londoii, t. XIII. K'Ji, luiil; 9'.Xs«, j'aime. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système denlaire : incisives, f; canines, l~\; molaires, ^-j les incisives supérieures lonçjues, coniques, poinlues; par leur position prcs des alvéoles des canines et par leur forme conique, légè- rement courbée, elles ont l'apparence d'une seconde paire de canines : tes inférieures sont fort h l'aise dans l'alvéole, mal rangées, larçjcs, trilobées; les canines sont portées sur un talon à bord saillant : les inférieures armées, postérieurement, par une petite pointe, et toutes assez espacées pour ne pas nuire au développement des incisives comme dans les màchelières; les molaires supé- rieures sont tuberculeuses, à fortes collines, et les inférieures plus coniques. Nez avec deux feuilles nasales, dont la postérieure est la plus cjrande. Oreilles très développées, réunies sur le front, à tragus lancéolé. Membranes assez peu développées. Queue dont la dernière partie dépasse légèrement la membrane inter fémorale. •"~)-«^. ^Y "^ . "^„^ Fig. 24, — Nyctoplule de Geoffroy. Le genre Nyctopliilus a été créé par Leacb, et revu depuis par M. Temminck, qui fait observer que c'est à tort que le zoologiste anglais lui a attribué six incisives inférieures, tandis qu'il n'en pré- sente réellement que quatre. Ce groupe, par la forme et le nombre des molaires, se rapproche desNyctères, mais, au contraire, par la disposition du système dentaire des incisives et des canines, a plus de rapport avec les Rhi- nolophes; en outre, il est encore voisin des Nijcteris par ses oreilles très-grandes, par ses follicules nasales, toutefois sa queue ne présente pas, comme chez ces derniers, un cartilage terminal bifur- qué. Tout le système cutané est peu développé, assez semblable i\ celui des Yesperlilions. On ne connaît qu'une seule espèce deNyclophiie, et elle est propre à une des parties encore indé- terminées de rOcéanie. IllSTOlllE NA'lUIlKi.Li:. NYCTOrilll^E UE GEOITROY, .yVCTOPIlILUS GEOFFROYI. CARACTr.r.ES SPÉCIFIQUES. — Pelage de deux couleurs : en dessus, à base noire et à pointe jjrun foncé; en dessous, à base noirâtre et à pointe cendré blanchâtre; des poils sur la membrane le long des flancs et sur la partie supérieure des deux côtés de la membrane interfémorale. Enver- gure : 0"',23. S'"' GENRE. — RIIINOPOME. PdUSOPOMA Et. GeolTroy Saint-Hilaire, 1811. rirfcri|ilii"in dp l'EsyptP. ilisloiro nalurelle, t. II. Piv, nez; r.mt.y., opercule. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, l; canines, ]-^; molaires, ^E^; les incisives supérieures écartées , l'une de l'autre; tes canines médiocrement développées; les molaires ayant leurs couronnes héris- sées de pointes aicjucs. Nez long, conique, coupé carrément h l'extrémité, surmonté d'une petite feuille. Ouvertures nasales étroites, transversales, munies d'un petit lobe en forme d'opercule. Chanfrein large, concave. Oreilles grandes, réunies, couchées sur le front; oreillon extérieur. Membrane interfémorale étroite, coupée carrément, enveloppant seulement la base de la queue. On a publié quelques détails sur rostéologie des Rhinopomes; nous nous en occuperons en parlant des os des Rhinolophes. Ce genre, dans lequel on voit apparaître les feuilles nasales, qui ne sont encore que très-peu développées, créé par Et. Geoffroy Saint-Ililaire, ne renferme que trois espèces, particulières à rÉgypte, à l'Amérique méridionale et aux Indes, encore l'une d'elles n'y est-elle rangée qu'avec doute. 1. RllINOPOMR A PETITE FEUILEE. niIINOPOMA MICROPHYLLA [VESPERTILIO] Rrunnidi. Caractères spécifiques. — Pelage long, touffu, d'un gris cendré assez uniforme. Envergure : 0'",2I . Cette espèce, que Relon nommait la Chauve-Souris d'Egypte, a été principalement étudiée par Et. Geoffroy, qui a décrit avec soin son organe olfactif. Ce' appareil est remarquable par la grande largeur des fosses nasales, qui cause un renflement considérable des os maxillaires, et surtout, aussi, par l'existence de petits opercules, qui peuvent, à la volonté de l'animal, boucher les ouver- tures des narines. Ce Rhinopome, qui a été observé en Egypte, a généralement les mêmes habitudes que les Chauves-Souris de notre pays, si ce n'est qu'il fait continuellement mouvoir ses narines, les dilatant, et ensuite les contractant, de manière à ne laisser voir aucune trace de l'ouverture. 11 ha- bite principalement les souterrains des pyramides du Caire. lii I — Geiiellc ij.hiIIk'tiik; aEVALET l''iii. -2. - NioN (Ir Tiniis CAUNASSIEUS. 73 2. RHINOrOWR DE I.A CAHOUJiE. RIIINOPOMA CAROI.HVENSIS. Et Gcotirny Sainl-Ilil.iirc. (Iaractères spécifiques. — Pelage brun; membrane obscure. Envergure : 0'",2î Ce Hhinopome n'est pas regardé, sans quelque doute, comme particulier aux États-Unis de l'A- mérique du Sud, et c'est probablement pour cela que Lesson lui a appliqué la nouvelle dénomina- tion de Rliinopoma dubïa. Pour nous, tout en convenant que l'iiabital de cette espèce n'est pas dé- finitivement connu, nous ne pouvons cependant admettre le clianj^ement de nom de Lesson; car il nous semble qu'il vaut encore mieux conserver une dénomination impropre j)lulôt que de surchar- ger la synonymie, qui, malheureusement, en zoologie comme en botanique, ne Test déjà que beau- coup trop. Le BIniiopowa Caroiivcnsis diffère du Blihiopoma uncrophiilla par ses oreilles, qui sont moins grandes et moins séparées; par sa queue, assez longue et épaisse, n'élant engagée par la membrane interfémorale que dans la moitié de sa longueur seulement; et, enliii, par sa taille un peu plus considérable, La troisième espèce de ce genre est le Rhinopome d'Hardwick, Ehinoponia Uardvnckïi, Gray, que l'on rencontre dans les Indes. 5-"^ GENRE. — ARITE. ARITEUS Gray, 1838. Magazin of Zoology ami Botaiiy. PUymologie incertaine. CARACTERES GÉNÉRIQUES. Nez présentant une feuille droite, laneéotée, simple en arrière, arrondie sur le front. Oreilles latérales. Tragus séparé, distinct. Membrane inlerfénwrale peu développée, abord aminci vers la jambe. Ce genre, qui correspond à celui indiqué précédemment par M. Gray sous la dénominaiion d'Islio- pliorns (tiTiGv, voile; Cj^cpoç, porteur), ne rcid'erme qu'une seule espèce [Arileus flavesccus, Gray), dont on ignore la pairie, et dont un exemplaire est conservé dans les collections du Brilish Muséum, Ce groupe est très-rapproché de celui des Rhinolophes, et n'en diffère guère que par la disposilion de sa membrane interfémorale. 4-"* GENRE. — RHINOLOPIIE. RHINOWPHUS. G. Cuvier et Geoffroy Saint-Ililaire, 1797. Tableaux élémentaiios ilu licgnc animal. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. SijSlhne dentaire . incisives, |, ou plus rarement ^l; canines, 'f^' ; molaires, ^, ^l. ou (juebiue- fois ^, ce qui donne en totalité vimjt huit ou trente dents, et rarement trente deux. Les lames inter- maxillaires supérieures peuvent manquer, et alors il n'ij a pas d'incisives supérieures; mais, quand ces lames existent, elles portent chacune une dent obtuse plus oji moins visible; mais ces dents tom- bent dans un âge avancé; les canines sont portées sur un talon assez grand, qui se développe avec l'âge, sans pousser les incisives de leurs alvéoles; les molaires sont toujours à cour une garnie de 7- 10.. 74 HISTOIRE NATUnEM.E. pn'mics (rcs-difjucs : qniiud elles soûl an nombre de seize, elles nifiiKjueiit de toute sorte de moluire (lUOUKile on fausse molaire; quand elles sont an nombre de v'nujl, elles ont nue dent anomale hors de lique, sans fonction présiuiiable, placée anlérienremenl sur le talon de la canine; enlin, quand elles sont au nombre de vimjt deux, elles présentenl une fausse molaire de plus à la mâchoire inférieure. Cueille très- fendue. Oreilles médiocrement graniles, membraneuses, presque nues, sans oreillon, h peu d' exceptions près, et placées sur les côtés de In tcte. Yeux petits. Nci siirnionté de crêtes membraneuses : la supérieure en fer de lance, placée a plat sur le bas du front, et l'inférieure présentant la disposition d'un croissant on d'un fer h cheval, et bordant la lèvre supérieure. Narines à orifice, placées de chaque côté entre les crêtes membraneuses, plus vuUjairemenl con- nues sous le nom de feuilles. Lèvres épaisses, composées d'un acjréfjat de fibres musculaires serrées les unes sur les autres, et oppiisées par leur direction. Membranes interfémorales peu développées, assez semblables à celles des Vespertilio. Doifjts des ailes avec un petit pouce séparé, onçjuiculé, placé près du poi(jnrl, et les (jnatrc doîqts .viiranls formés il'osselets lrc.s-(jrcles : l'indicateur naijant qu'un métacarpien sans phalange, tan- dis que les autres doigts ont un ou deux os, sans trace d'ongle. Queue grande, grêle, entièrement i u en partie embrassée jusqu'à sa dernière articulation par ta membrane 'interfémorale. Pelage composé de poils très-doux. Langue douce. l'k Rliinolo))1iP deuil. Les niiinolophcs manqunil d'os inipriiwixillaire réuni aux maxillaires; cet os est remplacé, chez les espèces pourvues d'incisives siipéiieures, par deux petites lames osseuses, plates, très-minces, diveri^entes aux {\ei\\ exirémilés, et se touchant vers le centre; ces petites lames, suspendues dans le cartilage nasal, portent chacune une incisive peu solidement affermie dans ces lamelles mobiles, et pouvant tomber facilement |)ar le plus léger effort; il paraît cependant qu'elles ne tombent pas régulièrement, et que, lorscju'un effort accidentel les fait céder, elles repoussent, car le plus grand nombre des lUiinolophes pourvus de ces dénis en ont, lo plus souvent, dans Tàge adulte, et toujours dans le jeune âge; leurs incisives mobiles n'étant pas exposées à recevoir de lésion par le dévelop- pement de dents contiguës, comme cela a lieu à la mâclioire inférieure des Molosses, i)ar suite du développement des canines. Les espèces qui manquent totalement de ces dents en sont privées dans loules les périodes de la vie par l'absenccMle lamelles iiitermaxillaii'es, remplacées par un simple cartilage. Ce singulier appareil d'inlermaxillaires mobiles, mis en action par des muscles releveurs CAUiNASSlKHS. 7:, et fléclii.sseurs dépendanls presque exclusivement des lèvres, donne aux IUnnol()|)lies la faculic de lever ou de baisser les ineisives supérieures, exemple 1res reniar(pial)le de dents molules dans la elasse des Mammifères, et présentant certain dei^ré d'analoi^ie avec l'appareil de diverses espères d'Ophidiens, l/extreniité postérieure du carlilai^e nasal et les deux lamelles osseuses sont suspi-n- dues à l'extrémité antérieure du vomer; leur mouvement semble dépendre de rori,'-ane de l'odorat, très-subtil chez ces animaux. On a cru pendant longtemps que nos Rliinolophes d'Europe, et principalement le petit Fer-à-Cbe- val, présentaient quatre mamelles; mais Kuhl a démontré qu'il n'y avait chez ces Chéiroptères, de même que dans les antres espèces de la même famille, que deux mamelles pectorales, et que les deux autres corps glanduliformes, que l'on avait pris |)our des mamelles inguinales, n'étaient que des verrues de la peau, au-dessous desquelles il n'y avait pas de glandes mammaires. M. Temminck a coiilirmé pleinement les observations de Kuhl; il rapporte que ces prétendus mamelons ne servent en aucune manière à la nutrition, et il ajoute que ce sont des appendices particuliers d'où suinte une matière onctueuse, fétide, et qui est destinée à augmenter Todeur désagréable qu'exhalent ces Chauves-Souris. Ces papilles n'existent pas avant l'âge de deux ans, et ce n'est que quand les femelles ont trois ans qu'on les voit bien développées. Mais, outre cet appareil, les Rhinolophes ont, comme les animaux de la même famille, des glandes odoriférantes très-développées. L'oreille est, dans le pins grand nombre des cas, privée d'oreillon ou de tragus, ou bien cet or- gane est excessivement petit, et l'oreille est droite, sans lobe bien marqué; mais, chez quelques espèces, on voit un lobe inférieur, transversal, plus ou moins distinct, quelquefois très-développé, détaché de l'oreille par une échancrure plus ou moins grande, et servant à fermer cet organe d'une manière plus complète que ne pourrait le faire toute antre espèce d"ap|)areil. L'organe de l'odorat présente une grande complication; les chambres nasales ne s'étendent pas au delà des premières molaires; elles sont renflées et globuleuses; l'entrée des narines existe par devant et au-dessous, et représente comme une large oi^erture que termine rintermaxillaire. Le nez est, en dessus, armé de deux feuilles disposées d'une manière toute particulière, et qui a valu à ce genre la dénomination qu'il ])orte. De Blainville et M. Temminck ont donné des détails sur Tostéologie de ces Chéiroptèi'es; le pre- mier zoologiste a étudié avec soin les squelettes des Rhinolophes et des Rhinopomes, qu'il compare avec celui des Mégadermes. Selon lui, la tète des Rhinolophes et des Rhinopomes est plus huileuse au crâne, plus ramassée et plus tronquée à la face, que celle des Mégadermes, et présente un large apliitissement de !a région fronlo-nasale et un développement singulièrement huileux des sinus maxillaires. Les mâchoires sont assez bien semblables dansées trois genres; cependant, le prèmaxil- laire, qui manque encore dans les Rhinolophes. existe, quoique assez peu complet, dans les Rhino- pomes. Le reste du squelette n'offre de différence que dans la longueur des vertèbres de la (jueue, qui ne sont peut-être pas en plus grand nondjre dans les Rhinolophes que chez les Mégadermes, nniis qui, étant très-allongées et excessivement grêles, portent la queue au delà des membres jtostérieurs; et cela même est encore plus manifeste dan.s les Rhinoi»omes. Le sternum est saillant, en angle ou- vert, et muni, latéralement, d'une sorte d'apophyse épineuse, suivant M. Temminck. Les os qui <:onslituent la poitrine ne présentent pas non plus de différence bien appréciable, ni dans le nom- bre, ni dans la forme, au moins chez les Rhinopomes; mais il n'en est pas tout à fjdt de la même manière dans les Rhinolophes, dont les côtes, et surtout les postérieures, sont singulièrement élar- gies, au point de se loucher presque complètement. Chez ces derniers animaux, l'hyoïde est élargi, excavé, courbé fortement en dessus, et ses cornes postérieures, prolongées en forme de bras, dila- tées, spatulées, sont beaucoup plus fortes que les antérieures, extrêmement déliées dans les deux articles qui les constituent. Les os des membres sont très-grêles : aux antérieurs, l'humérus est plus long et moins robuste dans les Mégadermes; le radius est un peu plus arqué, surtout dans les Rhi- nolojdies; le cubitus est filiforme et non coudé, et la main est très-courte : en effet, le plus long doigt, le troisième ou médian, est à peine plus long que le radius; aux membres postérieurs, il n'y a pas de différences appréciables dans ces trois groupes de Chéiroptères. L'os pénien a été trouvé dans deux espèces de Rhinolophes; dans le grand Fer-à-Cheval, où il a au moins 0'",008 d^ long, il est épaissi et triangulaire à la base, qui est excavée en capsule, prenant ensuite, en se rétrécissant d'abord, puis en se dilatant et s'amincissant de nouveau, la forme d'une spatule à l'extrémité; dans 76 HISTOIRE NATURELLE. le pclit Fer-à-Ciieval, où il est nécessairement beaucoup plus petit, il a la forme de la pointe d'une éi)ée triquètre. Les Rhiiiolophes vivent, une i^rande partie de l'année, réunis en bandes de plusieurs centaines d'individus des deux sexes, soit dans les cavernes, les vieux édifices abandonnés ou peu fréquentés, ou dans les trous quelquefois énormes et vermoulus des arbres des forêts vierges : passé le temps de l'accouplement, et quand les femelles sont pleines, celles-ci s'éloignent des mâles, s'établissent plusieurs ensemble dans des retraites particulières, et vaquent en société de leurs compagnes aux soins de la nutrition et de l'éducation, si nous pouvons employer ce mot, du petit ou des deux petits que chacune d'elles a mis au monde. Les mâles, de leur côté, vivent alors réunis, et la famille ne reprend ses habitudes sociales que lorsque les jeunes sont en état de pourvoir à leur subsistance, (^e fait, des plus intéressants, et dont nous avons déjà parlé, semble, du reste, à peu près général pour presque tous les Chéiroptères. Nos espèces européennes sont essentiellement insectivores, noc- tuines, et toutes hivernent. Elles se retirent, en troupes plus ou moins nombreuses, dans les lieux souterrains, où elles passent l'hiver, et la journée entière pendant les autres saisons, enveloppées dans les membranes de leurs ailes, et suspendues aux voûtes, la tète en bas, par leurs pieds de derrière, dont tous les doigts ont une même direction en arrière. Cette habitude ne leur est pas, du reste, particulière, et les Vespertilions la présentent également. Ces Chauves-Souris se trouvent répandues dans les îles de la Sonde, dans l'Inde, l'Asie, l'Afrique et l'Europe; on assure même en avoir assez récemment découvert une espèce en Australie; jusqu'ici, on n'en a observé aucune en Amérique. L'Europe n'en renferme que trois, et, sur ce nomljre, deux se rencontrent dans presque toute la France, et ne sont pas rares aux environs de Paris. Linné, Erxleben etBechstein, associèrent les Rhinolophes avec les Vespertilions sous la dénomina- tion commune de Vesperûlio. Haubenton, le premier, distingua le grand et le petit Fer-à-Cheval, que Linné avait confondus. Et. Geoffroy Sainl-llilaire créa le genre Rliiiiobplms, et, aux deux espèces anciennement connues qu'il y plaça, il en adjoignit de nouvelles qu'il lit connaître; G. et Fr. Cuvier, A. G. Desmarest, Illiger, etc., adoptèrent les idées d'Et. Gc^offroy Saint-Ililaire, et, ainsi que M. Ilorsfield, décrivirent de nouvelles espèces. M. Teiiminck [Monograplne de Mummalofjïe, tome 11, première livraison, 1855) résuma, avec le talent qu'on lui connaît, tout ce qui avait été dit sur ce genre, décrivit de nouvelles espèces, et donna une L.onographie de ce genre : ce travail, des plus importants, nous a servi de guide dans cet ouvrage. Depuis la publication de M. Temminck, peu de changements ont été opérés dans le genre des Rhinolophes; le nombre des espèces, qui est au- jourd'hui de plus de \iiigt, a été seulement augmenté par MM. Gray, Sykes et Martin. Nous devons ajouter, en terminant ces généralités, que deux genres ont été formés aux dépens des lUi'inolopInis, ceux des llrerosiDKr.E (Uipposicleros) [mr.o;, Cheval; at^r.po:, fer), proposé par M. Gray (1858, Amials of Maf/azin of Zoolocjii and Botanij), et PhyHorhina (œuXÀM, feuille; ptv, fivo;. nez), créé par Leach (1822. Transactions of Lhmean Socielij of London), et adopte par M. Ch. Bonaparte. A l'exemple de M. Temminck, nous ne considérerons ces deux genres, qui sont synonymes, que comme une simple section ou sous-genre du genre Rhinolophe, et nous formerons un second sous-genre avec les ftlùnoloplms de MM. Gray et Ch. Bonaparte. f' SOUS-GK!Sl\li. — RHINOI.OPHt:. RULXOLOPIWS. El. Geofïroy Saint-lliLiiic At'Z à fenille nasale peu coinpliquce, à bord lisse, el placée Iransvcrsalemenl ot un ridxtn sur le chanfrein. Oreilles sans lobe disrmcl h la base de la conque, ou bien à lobe peu apparent. Neuf espèces entrent dans ce sous-genre, et aucune n'est propre à l'Europe. CAUNASSIEUS. 77 A. ESPÈCE d' AFRIQUE. 1. RHINOLOPHE TRIDENT. miNOLOPHUS TRIDENS. Et. Geoffroy Saint-IIilairo. Car.^ctèfîes spécifiques. — Pelage rare, court et lisse, d'un cendré blanchàlre, à base blanche en dessus et blanchâtre sale en dessous. Toute la surface du museau couverte par un fer à cheval, mais la feuille nasale étant peu comprimée, large à la base et sélevant en lame iransverse, dont la partie supérieure est terminée par trois dents; queue assez courte, non engagée dans la membrane interfémorale dans son dernier tiers. Taille de la Pipistrelle; envergure : 0'",'28. Cette espèce se trouve en Egypte, dans les profondes excavations des montagnes, et surtout dans les parties les plus reculées des tombeaux des anciens rois et du temple de Denderach. La seconde espèce de cette section est le Rliinoloplins Comwcrsonii, Et. Geoffroy, qui est très- voisine de la précédente, si même elle s'en distingue; elle habite Madagascar. B. ESPÈCE d'asie. Une seule espèce, le Rlnnoloplnis Duldumensis, Sykes. propre au pays des Mahrattes, dans rinde, et qui se rapproche du 7». insigms. C. ESPÈCES DE LA MALAISIE. 2 RHINOLOPHE NOBLE. IIHINOLOPHUS NOBILIS. Horsfiekl. Caractères spécifiques. — Pelage très-doux, lin, long, d'un brun marron en dessus et blanchâtre en dessous; feuille nasale simple, à bord terminal en couronne; fer à cheval entouré d'une large membrane pointue par devant et de plis latéraux. Envergure : 0",55. Fig. 20 — Rli'moloplie noble. Elle se trouve aux Moluques, principalement à Java, où on la voit voler communément le soir dans les jardins, et, pendant le jour, elle se tient cachée sous les feuilles du Musa sapknlum. 78 IllSTOllIE NATURELLE. o. RHINOLOPIIE DIADÈME. RHINOLOPHIS UIADEMA. h'A. (leollroy SaiiU-ilil;iin-. CARACTÈnES sTi'xiFiQUES. — Pelage d'un roux vif uniforme, présentant des retlels dorés; feuille de- là base du front trois fois plus large que haute, à bord arrondi, et formant avec le bourrelet en fer à cheval de la lèvre supérieure une espèce de diadème qui entoure les ouvertures des narines. En- vergure : O^jSS. Ilapporté de Timor par Péron et Lesueur. 4 IIHINOLOPHE A DEUX COULEURS. RINOLOPHUS BICOLOR. Tcmniiiick. Caractères spécifiques. — Pelage long, très-lin, lisse, bicolore partout; en dessus d'un blanc très-pur depuis la tête jusqu'aux deux tiers du corps, et d'un roux marron à la pointe; plus blan- châtre en dessous, mais seulement parce que l'extrémité des poils est colorée en brun; membrane d'un brun clair: feuille petite, transversale, de petite taille. Envergure : O^.^o. Habite Java, Amboine el Timor. Les autres espèces de cette division sont les Rhinoloplius ins'ignis, Horsfield, de Java; speoris, Schneider, de Timor et d'Amboine; trkuspidaiiis, Temminck, des Moluques, et larvattis. Horsfield, de Java. 2« SOUS GENRE — l'llYLI>ORIIlISE. PIlYLLORHiyA. Ixacli. Nez avec vne feuille plus on moins compliquce, élevée en forme de fer de lance, et porlaiii une sorte de soelc naissant du centre du fer à cheval. Oreilles offrant un lobe dislïnct à la base de la conque; ce lobe plus ou moins développé, ser. uni à fermer le passade auditif cl tenant lieu de tragus. Ce sous-genre, qui, tout en répondant au genre l^lnjllorhina de Leacli, (;orrespond également au genre llipposideros de M. Gray, renferme quatorze espèces propres à toutes les parties i\u monde, à l'exception de lAmérique. A.. ESPÈCES d'eUROPE. Trois seulement. 5. RHINOLOfllE IM'LTIT FER-A-CHEVAL, ou lilFER, Daubentoii RIII.\OlA>PlliS UIPPOCREPIS. llumiaim. Caractères spécifiquics. — Pelage d'un bhiiic lustré; dans l'adulte, rextrémilé des poils des par- ties sii[)erieures légèrement brunâtre; membranes diaphanes, d un cendré foncé dans les mâles, jaunâtre chez les femelles; feuille frontale composée de deux pièces en forme de fer â cheval, l'infé- rieure étant en lame verticale carrée. Sa longueur est de 0™.9, et son envergure de O^.'i?. Celt(! espèce a successivement porté les noms de \ espertilio Itipposiderus, liechslein; V. minas, Montagu; filtinoloplius hiliasiatus. Et. GeoftVoy, et //. liippoercpis, Hermann, que nous avons (-AUNASSIKHS 71) adopté avec la plupart dos autours. VA\e se trouve dans les vieux édilices, dans les cavernes, etc., et est assez difticile à découvrir parce qu'elle se suspend aux lieux les moins accessibles à l'iiomme. File habite l'AlleiLagne. l'Anii^leterre et la France; mais, dans ee dernier pays, elle est assez rare. o. lîlIlNOLOI'ilH CUAND FEU-A-CllblVAI, ou lliNIFER. Daiibenton. RHIXOLOPHUS FERRllM-EQUINUM. Linn('. CxRACTÈRES .«n'xiFiQUES. — Pelage très-doux, d'une couleur blanchâtre mêlée de cendré clair et de roux en dessus, et d'un gris teint de jaunàlre en dessous; membranes noiràires; face pourvue dune membrane nue en forme de fer à cheval, bordant la lèvre supérieure et entourant les narines; au-dessus une seconde crête nasale, dont la partie inférieure s'avance verticalement sous forme d'une plaque à peu près carrée, et la supérieure assez grande, aplatie en fer de lance. Enver- gure : 0'",40. Cette espèce, longtemps confondue avec la précédente, a reçu d'Et. Geoffroy le nom de Rlûno- loplius unihaslalus. Les Rliinolophes qui constituent cette espèce se trouvent dans toute l'Europe, excepté toutefois dans les parties septentrionales et orientales; ils sont communs dans les environs de Paris. Leurs habitudes ne diftèrcnt pas de celles des Chauves-Souris ordinaires; ils commencent à paraître vers la chute du jour pour saisir, dans leur vol incertain et irrégulier, les Insectes crépusculaires ou noc- turnes, tels que les Phalènes, les Noctuelles et plusieurs Diptères dont ils font leur unique nourri- ture. Pendant le jour ils se tiennent cachés dans les vieux édifices, dans les carrières ou les souter. rains abandonnés, mais toujours à une certaine distance les uns des autres; c'est dans les mêmes lieux qu'ils vont hiverner. Lorsqu'on en place jjlusieurs dans une boîte, ainsi que le fait remar- quer .\. G. Desmarest, qui a pu les étudier vivants, ils ne tardent pas à sattaquer avec férocité en se brisant mutuellement les os des membres, et Unissent par s'entre-dévorer. 7 RllIiNOLOtniE GLIFFON lUIlNOLOl'HUS CIJVOSUS. tWippell Caractères spécifiques. — Pelage en dessus d'un cendré nuancé d'une teinte lie de vin et en des- sous d'un blanchâtre sale; feuille nasale simple, en fer de lance, peu élevée et garnie de poils. En- vergure : 0"',28 Ce Rh'im'oplius, que M. Smith nomme R. Gcoffrr.yi, et Lichstenstein /î. Capcusis, a été trouvé en Dalmatie et en Afrique, dans diverses parties de I Egypte, ainsi qu an cap de Bonne-Espérance. B. ESPÈCE d'aFRIQUE. Une seule espèce, le Rlihwloplius Londeri, Martin, particulière à Fernando de Pô. C. ESPÈCES d'asie. Trois espèces : les Rli'molopinis Rouxii, Temminck, de Calcutta; nippou, Temminck. du Japon et le Rli'niolopliits corniidis, le plus connu de toutes, 80 IIISTOir.K NATUlUa.LK s. RHIISOLOPIIR CORNT. RIIiyOLOI'nUS (onSVTUS. Temininck. Caractères spécifiques. — Pelage en dessus blanc roussàtre, plus clair en dessous; socle du fer à cheval élevé en corne obtuse. Envergure : 0"\'26 Du Japon. D. ESPÈCES DE LA MALAISIE. Six espèces : 9. RHINOLOPHP: deuil RUINOLOPHUS LUCTUS Temminck. Caractères spécifiques. — Pelage excessivement long, touffu, laineux, d'un noir terne couleur de suie, mais avec la pointe des poils des parties supérieures terminée par une coloration gris clair,' et présentant une teinte plus roussàtre dans la variété indiquée par M. P. Gervais sous le nom de nifa. Envergure : 0'",40. Habite les îles de Java et des Philippines. 10. RHINOI.OPHE NATN. nHINOLOPlIUS MlXOli. Horsfiekl. Caractères spécifiques. — Pelage en dessus d'un brun noirâtre légèrement cendré, en dessous d'un cendré brun clair chez le mâle et plus roussàtre dans la femelle. Envergure : 0'",'2S. Habile Java, Sumatra et Timor. Les autres espèces, décrites par M. Temminck, habitent tontes Java, à l'exception de la dernière, qui est dAmboine, ce sont les Rhinoloplius trifoliatus, affin'ts (d'Horsfield), pusillus et Ennjoih. E. ESPÈCE de l'australie. Une seule espèce particulière à la Nouvelle-Galle du Sud et indiquée par M. Gray sous la déno- mination de Rhinolophus niegaphylhis. S-"- GENRE. — MÉGÂDERME. MEGADËRMA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1810. Annales du Muséum, t. XV. Me-^a;, i^rand ; '^spp-î'., peau. CARACTÈRES GÉ^ÉRIQUES. Sijsthne denlaire : incisives, ^•, canines, J"]; molnircs, f*;^?; les incisives inférieures se trouvant uniformément placées à côté l'une de l'autre sur la même ligne, et dentelées à leur tram liant; les canines fortes, crochues; les molaires (farnies de poiiiles aigurs. Oreilles très-grandes, réiniies sur le devant de la tête; orcilhn iiilerne três-développé. CARNASSIERS. 81 Narines environnées et surmontées d'un appemlice técjmncnlnire dont la forme varie ilans clm- quc espèce, mais qui se compose toujours de trois parties, l'une verticale, l'autre tioriz,ontale ci la troisième en forme de fer à cheval Os inlermaxillaires rudimeninires ou nuls. Troisième doiçjt des pieds antérieurs manquant de pludançje onijuéale . A ilcs très-développées. Membrane inierfémorale coupée carrément. Queue non apparente à l'extérieur. Les Mégadermes, distingués par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, ont beaucoup de rapport avec les Phyllostomes et les Rhinolophes, mais ils ne sauraient être confondus avec eux; car, s'ils se rappro- chent considérablement des premiers par la présence d'oreillon et Fabsence de queue, et des seconds par leur appareil nasal, ils s'éloignent des uns et des autres par leurs lèvres velues, sans tubercules^ et par leur langue courte, lisse, sans verrues ni papilles. En parlant des Rbinolophes, nous avons dit quelques mots du squelette de ces Chéiroptères. Daubenton le premier a fait connaître une espèce de Mégaderme; Etienne Geoffroy Saint-IIilaire en a donné une monographie, et M. Gray {Mafi. of Zool. and Bot., 1858) a cherché à y indiquer une subdivision nouvelle, celle des Lavia, à laquelle il assigne pour caractères chaque narine couverte par une lame membraneuse, valvulaire, longitudinale, et dans laquelle il ne place qu'une espèce, la Megadermafrons, Et. Geoffroy. On ne connaît que quatre espèces de ce genre; elles habitent l'Afrique et l'Inde, et l'on ne sait rien sur leurs habitudes naturelles. 1. MÉGADERME FEUILLE. Daubenton. MEGADERMA FRONS. El Geoffroy Saint-Hilaire. CAr..\CTÎ;RES SPÉCIFIQUES. — PcIagc d'une belle couleur cendrée avec quelques reflets jaunâtres peu apparents; feuille nasale ovale, très-grande et d'une demi-longueur des oreilles. Enver- gure : O^jiO. Cette espèce habite le Sénégal. 2. MÉGADERME LYRE. MEGADERMA LYRA. Et. Geoflroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage roux en dessus, fauve en dessous; feuille nasale rectangulaire, à follicule de moitié plus petite qu'elle; oreilles amples. Envergure : 0'",25. De la côte de Coromandel. 3. MÉGADERME St'ASME. MEGADERMA SPASMA (VESPERTIL10\ Linné. i Caractères spécifiques. — Front d'un roux clair : le reste du pelage roussAtrc; feuille nasale en cœur, à follicule aussi grande qu'elle. Envergure : 0'°,27. De l'île de Ternale. 11 82 HISTOIRE NATURELLE. 4. MÉGADERME TKÈFLK. MEGADERMA TRIFOLIUM. Et. Geuffroy Sainl-Uilairc. Cahactèufs spécifiques. — Pelage long, moelleux, de couleur gris de souris: feuille nasale ovale, A follicule aussi grande qu'elle; oreillon en trèfle. Envergure : 0'°,26. Cette espèce a été trouvée à Java par Leschenault. 6""" GENRE. — MORMOOPS. MORMOOPS. Leadi, 1822. Transactions of Linncan Socirty i f London. Mosp.w, larve; wy, aspect. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstènic dentaire : incisives, |; couines, -{^J; molaires, fEg, en totalité ,lrcnte-six den(s; les inci-, sives supérieures sont inécf aies, et les intermédiaires sont larçjenient échancrées; les inférieures sont égales, tri fuies; les canines sont comprimées, canaliculées en devant: les supérieures aijant le double de la longueur des inférieures; les molaires sont hérissées de pointes aiguës. Nez à membranes très-compliquées. Narines larges. Oreilles réunies aux membranes nasales. Nez couvert de tubercules irréguliers. Face ayant l'aspect des plus bizarres. Queue entièrement enveloppée dans la membrane interfémorale. Ce genre, créé par Leacli et adopté par tous les zoologistes, ne renferme qu'une seule espèce propre à Java, et principalement remarquable par la disposition de ses oreilles, qui, réunies aux membranes du nez, présentent un vaste appareil propre à recevoir les sons et les odeurs. La bouche elle-même participe à celte richesse d'organisation; mais, ce qui passe toute mesure, c'est que les os du crâne s'élèvent perpendiculairement au-dessus de ceux de la face, de sorte que ces deux par- lies principales delà tête forment un angle droit. MORMOOPS DR DE BlAliSVILLE. MORMOOPS BLAINVIfJ.II. I.eacli. Caiiacïères spécifiques. — Pelage long, brun noirâtre, uniforme. Envergure : 0'",ûO. Cette espèce, découverte à la Jamaïque par M. Lavis, a sur le nez une feuille droite et adhérente aux conques auriculaires, lia queue, comme bifurquée à son sommet, est entièrement engagée dans la membrane interfémorale, qui la déborde de beaucoup; cependant la dernière vertèbre caudale est libre, mais elle est peu visible. Le front est brusquement élevé, en laissant entre lui et les maxillaires une profonde dépression. La lèvre supérieure e.'^l lobée, légèrement crénelée, tandis que rinfèrieure s'étend en une membrane à trois festons, ayant au milieu un appendice charnu, dis- posé en une sorte de diadème; de chaque côté du menton part un feston membraneux qui va se sou- der avec le pavillon de loreille. La langue est hérissée de papilles recourbées, bilides en avant. |.-|„ 1 __ Zorillp hyse sa(;ro-iliaque, en a encore une iskiatique, à l'extrémité de laquelle s'articule la partie mobile de la queue, ce qui fait que le détroit postérieur forme un trou ovale complet. Le fémur et le tibia sont assez courts, robustes, et ce dernier est comprimé et tranchant à son bord in- terne. Le péroné est, au contraire, filiforme et moins complet que chez les Taphiens. Le calcanéum est pourvu d'un éperon osseux, articulé, encore plus considérable que dans les Tophoziis, et qui est l'analogue du pisiforme de la main. Le pouce est notablement plus court que les autres doigts, qui sont presque égaux, et croisant légèrement du premier au cinquième. FiLi. 27. — Noclilioii voisin. Les Noctilions se trouvent dans les contrées chaudes et boisées de l'Amérique méridionale, telles que le Brésil, le Paraguay, la Guyane, le Pérou, les Florides, etc.; leurs mœurs n'ont pas été obser- vées; mais toutefois, d'après la forme de leurs vraies molaires, on peut conjecturer qu'ils vivent d'Insectes et non pas de fruits, comme Linné le rapporte. Ces Chauves-Souris se ressemblent tellement par leur taille et tous les détails de leurs formes, qu'on ne peut les distinguer spécifiquement qu'avec beaucoup de doute. Aussi, dans ces derniers temps, a ton réuni en une seule plusieurs prétendues espèces et n'en at-on admis positivement que deux. 86 HISTOIRE NATURELLE. 1. NOCTILION LÉPORIN. NOCTILIO LEPORINUS. Linné. Caractères si'ikiFiQUEs. - Pelage d'un fauve roussâlre plus ou moins jaunâtre, uniforme, avec les meniLiranesalaires un peu brunâtres. De la taille d'un Rai de moyenne grandeur; enver- gure : U'",40. Cotte espèce, qui a successivement reçu les noms de Noclilio unïcolor, dorsalus, albiventer. Va. Ceoffroy; m fus. Spix; viilatus. Neuwied, et rufipes, Alcide D'Orbigny, est propre à diverses contrées de l'Amérique du Sud. 2. ISOCTlLlOiN VOISIN. NOCTILIO AFFINIS. A. d'Orbigiiy. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun cannelle assez clair en dessus, un peu plus pâle en dessous : un indice de raie plus claire longeant la ligne médio-dorsale et résultant plutôt de la dis- position particulière des poils que d'un changement de couleur. De taille un peu moins considérable' que celle de l'espèce précédente. Ce Noctilion est très-commun à Concepcio, dans la Bolivie; il répand une forte odeur musquée, que l'on sent de loin. TROISIEME SOUS-TRIBlî. VAMPIRIDÉS. VAMPIRJDjE Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Eorpansious mevibraneuses latérales conslituant de véritables ailes. Dents offrant la disjwsition ordinaire aux Vespertilions en général. Phalan(}c onçjuéak existant au doigt médius de l'aile. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a créé comme famille distincte, et sous la dénomination que nous lui conservons, cette sous tribu, qui est principalement caractérisée par son système dentaire nor- mal et semblable à celui du plus grand nombre des Vespertilioniens, et par son médius de l'aile ayant une phalange onguéale. Les Vampiridés sont partagés en deux divisions : les Slénodermiens et les Pliyllostoniiens. STÉNODEl^MIENS. STENODERMII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nez simple. Cette division correspond à la tribu des Slénodermiens de la famille des Vampiridés de M. Isidore beotfroy Saint-llilaire, et est caractérisée d'une manière générale par son nez non surmonté de crête ou de feuille membraneuse. CARNASSSIEHS. 87 0(1 n'y ranime qu'un seul genre, celui des Stcnodcriiia, qui est particulier à lAujérique méri- dionale. GENRE UNIQUE. - STÉNODERME. STENODERMA. Et. Geoffroy Sainl-Hilaire. 4 814. Description de l'Égypto. Histoire luiturpllc, I. 11. Stevc;, élroil; ci'epa?, peau. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siisthne dentaire : hicîsives, |; canines, ~^| ; molaires, ^. Eliennc Geoffroii Saivt-Hilaire al- tribue à ces animaux quatre incisives aussi bien à ta mâchoire supérieure qu'à l'inférieure, tandis que G. Ciivier, tout en admettant quatre incisives inférieurement, n'en sujnale que deux à la mâ- choire d'en haut. La dernière molaire est ronde, tuberculeuse, et la principale est évidemment toujours la plus forte. Nez simple, sans feuille ni production membraneuses. Oreilles petites, latérales, isolées, ovales, échancrées au bord externe. Oreillon intérieur. Membrane interfémorale rudimentaire, bordant seulement les jambes. Queue nulle. Ce genre a été créé par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire pour une espèce, son Steuoderma rufa, que l'on rangeait précédemment dans le genre Vcspertilio, dont on fait aujourd'hui le type du genre Desmodus, tandis que l'on admet d'autres espèces dans le genre Sténoderme. Quelques particularités relatives au crâne des Sténodermes ont été données par De Blainville. La tête est en général plus courte que dans le Vampire; elle l'est déjà dans sa partie vertébrale; mais c'est surtout dans sa partie appendiculaire quelle est très-ramassée et quelquefois même d'une briè- veté et d'une forme arrondie tout à fait remarquables; ce qui fait que le palais et la mâchoire infé- rieure ont quelque ressemblance avec ce qu'ils sont dans l'espèce humaine. Selon De Blainville, les deux espèces que Ton doit particulièrement laisser dans le genre Steuo- derma sont les S. Janiaicensis et cavernarum. Nous citerons également le Sténoderme du Chili. STKiSOUERME DK LA JA^MAIQUE. STENODERMA JAMAICEXSIS [AltTIBEUS] l.cicli. « Caractèues spécifiques. — Felage biun en dessus, gris de souris en dessous; oreilles et niem- branes brunâtres. Cette espèce a reçu plusieurs noms particuliers : c'est la Grande Chauve-Souris fer de lance de la Guyane de Buffon; le Vespertilio perspicillatus de Linné; le Phijllosioina perspicillatum d'Eùenne Geoffroy Saint-IIilaire; le P. Jamaicense d'Horsfield, et VArtibeus Jamaicensis de Leach. On la trouve dans une grande partie de l'Amérique méridionale. 88 HISTOIBE NATURELLE. (JdeiX'Ximi^ 0^K'i6ior). PUYLLOSTOMIf^NS. PHYLLOSTOMJI. Isidore Geoffroy Sainl lïilaire. Nez surmonte d'une feuille. Cette division, que M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire indique comme une tribu de sa famille des Vampiridés, se distini^iie de la division des Sténodermiens en ce que les animaux qu'elle renferme portent tous sur le nez des crêtes ou des feuilles membraneuses. Ces Chéiroptères sont particuliers à l'Amérique, principalement aux parties tropicales de cette partie du monde. Les deux genres principaux, dans lesquels on pourrait faire rentrer tous les autres, sont ceux des Glossophages et des Phyllostomes; mais on y place aujourd'hui une quinzaine de genres; nous in- diquerons ceux des Glossopliacje, Anoure, Plujllophore, Monophijlk, PInjUoslome, Vcunpire, Ca- roUie, Lophostome, Slurmie , Ariibée, Madalée, Brachijplujile, MacropliiiUe el Diplujlle. 1" GENRE. - GLOSSOPHAGE. GLOSSOPJIAGA. Et. Geoffroy Saint-IIilaire. 1804. Mémoires du Muséum, t. IV. rÀwoaa, langue; «pa")fo;, qui suce. CARACTËHES GENERinUES- Sjistcme dentaire: incisives, |; canines, -\^\; molaires, ^\. Les dcnls, au nombre de vingt- quatre en totalité, sont toutes très-petites et rappellent assez bien la conformation du système den- taire des Macrocjlosses de la famille des Roussettes; incisives rangées régulièrement; canines médiocres; molaires tout à fait semblables à celles des Pluilloslomes. Fig. 2y — Glosso()li;igc caïuialaiic. Mâchoire inférieure allongée. J\cz avec une crctc en forme de fer de lance. Tête lonque, conique. CARNASSIERS. 89 Langue très-longue, roulée, élroite, extensible, avec des bords saillants ou en bourrelet, et fai- sant la fonction d'un organe de succion. Membrane inter fémorale rudimentaire, oti même n'existant pas. Membranes des ailes médiocrement développées. Queue courte, ou nulle. Ce genre, créé aux dépens des Phyllostomes, a été lui-même paitagé en plusieurs groupes géné- riques, c'est ainsi que le Glossopliaga amplexicaudala est devenu le type du genre Pliyllophore, le G. ecaudala celui du genre Anoura. La tête de ces animaux est en totalité, et dans ses appendices, beaucoup plus grêle et plus allon- gée que celle du Vampire; mais les autres parties du squelette ne présentent pas de différences très appréciables. On ne range plus dans ce genre qu'un très-petit nombre d'espèces qui sont propres à l'Amérique méridionale et qui ont les mêmes habitudes que les Phyllostomes, c'est-à-dire que, comme le montre leur langue, elles sucent le sang des animaux. 1. GLOSSOPHAGE DK PALLAS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. GLOSSOPHAGA SORICINA [VESPERTILIO). Pallas. Caractères spécifiques. — Pelage doux et laineux, d'un cendré brun en dessus et d'un brun très- clair en dessous; membrane interfémorale assez large et coupée en angle rentrant; queue très-courte ou nulle. Envergure : 0°',25. Cette espèce, que Vicq d'Azyr nomme la Feuille, et que Buffon indique sous la dénomination de Chauve-Souris Musaraigne, se trouve à Surinam et à Cayenne. 2. GLOSSOPHAGE CAUDATAIRE. GLOSSOPHAGA CAUDIFËR. El Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun noir uniforme, un peu plus clair en dessous qu'en dessus; membrane interfémorale très-courte; la queue la débordant légèrement. Envergure : 0"',24. Cette espèce, que M. Gray place dans le genre Monoplnjllus de Leach, habite le Brésil. 2"'^ GENRE. - ANOURE. ANOURA. Gray, 1825. Magazin of Zoology and Botany. A, privatif; oupa, queue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Incisives, l~l, suivant M. Gray. Membrane interfémorale très-étroite, très-courte, bordant les cuisses. Vouée petit, mince. Calcanéum très-court. Queue nulle. Le genre Anoura a été indiqué plutôt que caractérisé par M. Gray; il est fondé aux dépens des Glossophages, dont il ne diffère guère que par son manque de queue, et encore ce caractère ne lui est pas exclusif. On n'y place qu'une seule espèce. 9 12 90 HISTOIRE NATURELLE. \NOl]RK SANS (jUIiUK A^OUI{A ECAUDATA [GLOSSOPHAGA). lit. Geolfroy Saint-lliliirc CiRACTÈKES spÉciKiyuEs. — Pelage dun bi'uii obscur. De petite taille. Fig. 29. Anoure sans queue. Celle espèce, que M. Gray nomme Anoura Gco(fro]fï, habite le Brésil, principalement les envi- rons de Rio-Janeiro. S-"' GENRE. - PllYLLOFHORE. PHYLWPUORA Gray, 1838. Magazin of Zoology and botaiiv, t. 11. ^ 'l>'jÀ>.cv, feuille; cpcpsu, je porte. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez ■présentant une feuille en dessus- Membrane inter fémorale lar()e. Queue courte, souvent terminée par une nodosité et renfermée dans la membrane interfémorale. Le genre Phyllophore, créé par M. Gray, ne se distingue pas très-notablement de celui des Glos- sophages, dont il a été démembré; sa membrane interfémorale est seulement plus large, et sa queue présente un renflement vers sa terminaison. On n'y range que trois espèces particulières à l'Amérique méridionale. LESeSTRE Pin- I — Uat percli al l-'m. "2 — llyèiiG myei ri. 1-2. CAUNASSIEUS. 91 1. PHYLLOPIIORE A QUKUE ENVELOPPÉE. PIIYLLOPIIORA AMPLEXICAUDATA (GLOSSOPHAGA). Et. Geol'lroy Saiul-llilaire, Caractères spécifiques. — Pelage brun noirâtre, légèrement plus foncé en dessus qu'en dessous. Habite le Brésil, principalement auprès de Rio-Janeiro. Fig. 30. — Phyllophore à queue enveloppée. '2. PHYLLOPHORE NOIRE. PHYLLOPHORA NIGRA. Gray. Caractères spécifiques. — Pelage noirâtre, plus pâle en dessous; fossette de la lèvre inférieure frangée de quelques petites barbes; feuille nasale médiocre, ovale, lancéolée, plus longue que large; oreilles médiocres, arrondies, de moitié aussi longues que la tête. De l'Amérique du Sud. Fig. 31. — Phyllophore noire 92 HISTOIRE NATURELLE. 3. PFiYfJ.OPIIORR WÉGALOTIS PHYLLOPHORA MEGALOTIS. Gray. Cabactères spécifiques. — Pelage noirâtre, plus clair en dessous qu'en dessus; fossette de la lèvre inférieure non frangée sur le bord; feuille nasale ovale, lancéolée, plus longue que large; oreilles très-grandes, arrondies, aussi longues que la tête. Se rencontre dans lÂinérique tropicale. i«^' GENRE. - MONOPHYLLE. MONOPHYLLUS Leach, 1822. Transactions of Linnean Society of Loiidon, t. XIII. Movo;. une seule ; cpuXXcv, feuille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siislhne dentaire : incisives, ■^; canines, \=\; molaires, |— |. Selon Leach, qui a donne la for- mule dentaire que nous avons indiquée, les incisives supérietires so}il inégales; les deux du milieu étant plus longues que les latérales et bifides; les canines et les molaires ne présentent pas de ca- ractères particidiers . Nez aijant une seule feuille droite. Queue mille. Ce genre, qui n'est pas suffisamment connu, ne renferme que deux espèces particulières à l'Amé- rique du Sud : l'une, créée récemment par M. Gray sous la dénomination de Monophgllus Leachii, et l'autre, type du genre, et plus anciennement connue. MONOPHYLLE DE REDMANN. MONOPHYLLUS REDMANNII. Leach. Caractères spécifiques. — Pelage brun en dessus, gris en dessous; oreilles arrondies; feuille na- sale aiguë, couverte de petits poils blanchâtres; membranes brunâtres. Se trouve à la Jamaïque. b"" GENRE. — PHYLLOSTOME. PHYLLOSTOMA. Cuvier, Et. Geoffroy Saint-Hilaire, 1797. Tableaux élémentaires du Règne animal. O'jA/.ov, feuille; (sxou.%. bouche. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Stjsti'me dentaire : incisives, |; canines, \^^■, molaires, j^r^ ou l^, ce qui donne en totalité vingt- huit OU trente-deux dents; mais, ce nombre n'est pas constant, car quelquefois on trouve deux incisives de moins ou pas du tout à l'une ou h l'autre mâchoire ; les incisives sont souvent serrées entre les canines, les latérales étant très-petites, et les intermédiaires plus larges et taillées en Inseau; les canines sont très-qrosses a leur base, et se louchent presque htne l'autre par leurs collets; les molaires oui leurs couronnes hérissées de tubercules aigus, ce qui montre la carnivorité de ces Chéiroptères . CARNASSIERS. Tête lonçiuc, umformémenl conique. Gueule Ircs-fcndue . Lèvres laissant voir les canines en dcliors. Nez surmonte de deux crêtes mcinbnnicuscs de formes différentes. Oreilles grandes, nues, non réunies à la base, ii oreillon interne et dentelé. Yeux très-petits, latéraux. Langue simple, hérissée de papilles cornées, dont la pointe est dirigée en arrière. Ailes très-développées. Doigt du milieu aijant une phalange de plus que les autres. Membrane interfémorale plus ou moins développée. Queue variable dans sa longueur. Pelage court, lustré. Taille moijenne. 95 Fig. 32. — Phyllostome allongé. Le nom de Phyllostome a été donné à ces animaux à cause de la disposition particulière des par- ties qui entourent la bouche et qui surmontent le nez. La membrane nasale, arrondie à son attache, se dresse en se rétrécissant pour finir en pointe obtuse. Elle est côtoyée par deux sillons profonds qui se terminent aux narines et qui les partagent en deux portions; l'inférieure assez semblable à un fer à cheval, et la supérieure imitant un fer de lance; enfin, la partie moyenne do la feuille est plus épaisse et plus charnue que les latérales, qui sont fort rétrécies inférieurement par les sillons des narines, ce qui fait que la portion lancéolée s'atténue à ses deux extrémités. Cette membrane n'adhère aux téguments de la face que sur le rebord des narines. Toutes les espèces de ce genre proviennent de l'Amérique méridionale : leurs mœurs sont peu con- nues; toutefois, on sait qu'elles sont nocturnes, et beaucoup plus sanguinaires que les autres Chéi- roptères. En effet, les Phyllostomes ne se contentent pas de vivre d'insectes, mais ils attaquent les gros animaux endormis pour en sucer le sang, qu'ils font sortir de la peau en l'incisant avec les pa- pilles cornées dont leur langue est munie. Nous verrons qu'une espèce d'un groupe voisin, qui a long temps été réunie aux Phyllostoma, s'attaque même à l'espèce humaine. Ces Chauves-Souris sont 94 HISTOIRE NATURELLE. également frugivores, et peuvent, dit-on. en une seule nuit, détruire tous les fruits d'un pays, quand elles viennent s'y jeter en grandes troupes. Le genre Phvllostome de G. Cuvier et d'Et. Geoffroy Saint Ililaire a été, peu d'années après sa créa- tion, partagé en deux groupes naturels, ceux des Plujllosloma et Glossopliaga; depuis, il a été sub- divisé en un grand nombre de groupes génériques, tels que ceux des Vanipiuis, CaroUia, Artibcus, Bracluipfnilla, Macroplujtla, DiplujUa, et en outre plusieurs genres, tels que ceux des Lophosioma, Sturnira et Madalens, qui en sont très-voisins, auraient pu y rentrer naturellement. Nous avons cru utile d'indiquer les caractères de tous ces genres, fondés pour la plupart par Leach et par M. Gray; mais nous ne les croyons pas tous assez bien connus pour pouvoir encore être adoptés définitivement; il est très-probable que le nombre en sera considérablement restreint lorsqu'on aura pu les étudier avec soin. Malgré tous ces retranchements, le genre Phyllostome renferme encore une quinzaine d'espèces, dont les principales sont les suivantes. 1. PHYLLOSTOME FER UE LANCE. Buffon. l'HYLLOSTOMA IIASTÀTUM [VESPERTILIO). Linné. C.\RACTÈRFS SPÉCIFIQUES. — Pclagc courl, uiarrou en dessus et brun en dessous; feuille nasale ver- ticale, entière, sans échancrure à l'extrémité, sans bourrelet, avec le milieu largement renflé, la base très-étroite, et débordée par la feuille de la lèvre, qui est en forme de fer à cheval; queue très-courte, enfermée entièrement dans la membrane interfémorale, qui se prolonge en pointe au delà de son extrémité. Envergure : 0'°,35. Se trouve principalement dans la Guyane, mais n'est pas rare dans plusieurs contrées de l'Amé- rique du Sud. 2. PHYLLOSTOME OBSCURE ET RAYÉE. D'Azara, PHYLLOSTOMA ROTUNDATUM. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage brun rougeâtre; museau assez aigu; feuille nasale verticale, entière et arrondie à son extrémité. Envergure : 0'",37. Habite le Paraguay. 5. PHYLLOSTOME ELEUR DE [JS PHYLLOSTOMA LILIUM Et. Geoffroy Sainl-Hilaiic. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun roussâtre en dessus, d'un brun blanchâtre en des- sous; feuille nasale étroite à la base, aussi courte que large. Envergure : 0",30. Trouvée au Rresil. Parmi les autres espèces, nous nous bornerons à citer les PliyUostoma hraclujotiiw, obscuriini, superahaunn, brevicaudatiim, découverts au Brésil, et décrits par M. Neuwied, et les PlujUosioma cirrliasurn, bidens, soricinum, également du Brésil, et que M. Spix indique à tort comme se rap- portant au genre Vampirus. CARNASSIERS, 95 6™" GENRE. VAMPIRE. VAMPIRUS. Et. GeotTioy Sainl-Hilaiie, 1804. Mémoires du Muséum, i. IV. Nom niylliologique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ■^; canines, \E\; molaires, |e|, ce qui donne trente-quatre dents en totalité; les molaires sont très-tiibercideiises; supérieurement, il y en a quatre fausses, savoir : deux normales et deux anormales, et six vraies, et, inférieurement, six fausses, sur lesquelles il y a deux normales et quatre anormales, et six vraies; les incisives supérieures du milieu sont très- larges, et les latérales beaucoup moins développées. Museau allongé. Membrane interfémorale large, tronquée à l'extrémité. Queue nulle. Les autres caractères comme dans les Phyllostomes. Fig. 33. — Vampire spectre. Ce genre ne renferme qu'une seule espèce, dont Buffon fait un portrait effrayant; nous allons transcrire quelques lignes de V Histoire naturelle générale et particulière, et nous nous permetlrons ensuite de contredire quelques-unes des assertions avancées par notre illustre compatriote. « Le Vampire a le museau allongé; il a Taspect hideux des plus laides Chauves-Souris; la tête informe, et surmontée de grandes oreilles fort ouvertes et fort droites; il a le nez contrefait, les narines en entonnoir, avec une membrane au-dessus, qui s'élève en forme de corne ou de crête pointue, et qui augmente de beaucoup la difformité de la face. Le Vampire est aussi malfaisant que dif- forme; il inquiète l'homme, tourmente et détruit les animaux. D'après M. de La Condamine, ces Chauves-Souris sucent le sang des Chevaux, des Mulets, et même des hommes, quand ils ne s'en ga- rantissent pas en dormant à l'abri d'un pavillon. Il y en a de monstrueuses pour la grosseur; elles ont entièrement détruit, à Borja et en divers autres endroits, le gros bétail que les missionnaires y <)fi HISTOIRE NATURELLE. avaient introduit, et qui commençait à s'y multiplier. Ces faits sont confirmés par plusieurs autres historiens et voyageurs, lierre Martyr, qui a écrit assez peu de temps après la conquête de l'Amé- rique méridionale, dit qu'il y a, dans les terres de Tistlime de Darien, des Chauves-Souris qui sucent le sang des hommes et des animaux pendant qu'ils dorment, jusqu'à les épuiser, et même au point de les faire mourir. Jumilla assure la même chose, aussi bien que dom George-Juan et dom An- tonio de Ulloa. Il paraît, en conférant ces témoignages, que respéce de ces Chauves-Souris qui su- cent le sang est nombreuse et très-commune dans toute l'Amérique méridionale. « Plus loin, Rnffon décrit la manière dont les Vampires parviennent à percer ta peau des animaux pour sucer le sang. « Nous avons cru devoir examiner comment il est possible que ces animaux puissent sucer le sang sans causer en même temps une douleur au moins assez sensible pour éveiller une personne endormie. S'ils entamaient la chair avec leurs dents, qui sont très-fortes, et grosses comme celles des autres Qua- drupèdes de leur taille, l'homme le plus profondément endormi, et les animaux surtout, dont le sommeil est plus léger que celui de l'homme, seraient brusquement réveillés par la douleur de cette morsure; il en est de même des blessures qu'ils pourraient faire avec leurs ongles • ce n'est donc qu'avec la langue qu'ils peuvent faire des ouvertures assez subtiles dans la peau pour en tirer du sang et ouvrir les veines sans causer une vive douleur. La langue, en effet, est pointue et hérissée de papilles dures très-fines, très-aiguës, et dirigées en arrière; ces pointes, qui sont très-fines, peuvent s'insinuer dans les pores de la peau, les élargir, et pénétrer assez avant pour que le sang obéisse à la succion continuelle de la langue. » Cette dernière observation de Buffon, quoique faite, ainsi qu'il le dit, sur une langue de Roussette, est des plus exactes*, et il a parfaitement décrit le mécanisme au moyen duquel les Vampires peuvent tirer du sang des animaux pour se l'assimiler; mais il a exagéré le résultat des blessures que font ces Chauves-Souris. En effet, les plaies produites par la langue des Vampires sont trop petites pour occasionner une perte de sang capable de faire périr l'animal attaqué; il est donc très-probable que ces blessures ne sont pas dangereuses, à moins qu'elles ne soient envenimées par le climat. Aux observations publiées par Buffon, nous ajouterons que Pison avait déjà donné des détails très- circonstanciés sur les habitudes sanguinaires des Vampires, et nous transcrirons ce qui est dit sur le même sujet par Félix D'Azara dans son Hisloire naturelle du Paraguay, a Les espèces de Chauves- Souris américaines à feuille sur le nez diffèrent des autres espèces en ce que, posées à terre, elles y courent presque aussi vite qu'un Rat, et en ce qu'elles aiment à sucer le sang. Quelquefois, elles mordent les crêtes et les barbes des volailles qui sont endormies, et en sucent le sang; d'où il ré- sulte que ces volailles meurent, mais parce que la gangrène s'engendre dans les plaies. Elles mor- dent aussi les Chevaux, les Mulets, les Anes et les bêtes à corne, d'ordinaire aux fesses, aux épaules ou au cou, parce qu'elles trouvent dans ces parties la faculté de s'attacher à la crinière et à la queue. Enfin, l'homme n'est point à l'abri de leurs attaques, et, à cet égard, je puis donner un té- moignagne certain, puisqu'elles ont mordu quatre fois le bout de mes doigts de pied, tandis que je dormais en pleine campagne dans des cases. Les blessures qu'elles me firent, sans que je les eusse senties, étaient circulaires ou elliptiques, de deux à trois millimètres de diamètre, mais si peu pro- tondes, qu'elles nepercèrent pas entièrement la peau, et l'on reconnaissait qu'elles avaient été produites en arrachant une petite bouchée, et non pas en piquant, comme on pourrait le croire. Le sang qui provient de la blessure ne vient ni des veines, ni des artères, mais seulement des vaisseaux ca- pillaires de la peau, d'où les Vampires les tirent sans doute en suçant ou en léchant. » Enfin, nous citerons le passage suivant d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire, publié dans sa monographie des Phyllosto- mes {Méin. du Muséum, t. XV, 1810). « Tous les Phyllostomes (et l'on sait que le Vampire était le l^lniUostoma spcclrum du savant zoologiste qui écrivait ces lignes), qu'ils aient ou non les mâchoires courtes ou allongées, sucent le sang des animaux. Il ne faudrait pourtant pas croire qu'ils se nour- rissent absolument et exclusivement de sang; ils ne se sont déjà rendus que trop redoutables en détruisant en totalité, à Borja et dans divers endroits, le gros bétail que les missionnaires y avaient introduit, sans ajouter encore à ces faits par des exagérations qui tiennent du merveilleux, fous vivent d'Insectes, à la manière des autres Chauves-Souris; je m'en suis assuré en ouvrsnt 1 estomac de plusieurs d'entre eux; et ils ne se hasardent même à se jeter sur le bétail que dans les nuits où ils éprouvent disette d'autres aliments. Il n'est pas vrai que les blessures qu'ils i> ut soient aussi dangereuses pour les hommes que le rapporte le père Jumilla. Outre que cela ne se iMg. 1 — l'clis huiny c; p; » ' T ( (_ r Viii. 2. — ModCette srinclio. l'I i: CARNASSIERS. 97 peut concevoir du peu trefforts qu'ils doivent faire pour attirer à eux quelques gouttes de sang, on le sait positivement par D'Azara, qui dit qu'au Paraguay personne ne craint ces animaux et ne s'en occupe, quoiqu'on dise d'eux ([ue, pour endormir le sentiment ciiez leur victime, ils caressent et ra- fraîchissent, en battant leurs ailes, la partie qu'ils vont mordre et sucer. » Nous avons dit que les Vampires habitent les régions tropicales de l'Amérique; nous ajouterons qu'on n'eïi connaît qu'une seule espèce. VAMPIRE. Buffon VAMPIRUS SPECTRUM iVESPERTILIO). Linné. Car.\ctères spécifiques. — Pelage doux, de couleur marron en dessus, et d'un jaune roussâtre en dessous; feuille nasale moins large que haute, se prolongeant sur le fer à cheval, sans être découpée à sa base, ayant son bourrelet du milieu peu épais, ses lobes latéraux arrondis, et venant mourir en pointe à son extrémité; membrane des ailes s'étendant jusqu'à la base du doigt extérieur du pied de derrière; milieu du bord postérieur de la membrane interfémorale se prolongeant en angle sail- lant. Longueur totale, 0"',16: envergure de 0'",66 à 0'",70. Le squelette de ce Chéiroptère peut être pris comme présentant à peu près la moyenne exacte des caractères des Vespertilioniens; c'est pour cela que, à l'exemple de De Blainville, nous en avons donné précédemment une description assez complète. Le Vampire est la plus grande espèce connue de Vespertilioniens. et, par sa taille considérable, semble se rapprocher des Roussettes; mais il est essentiellement carnassier, tandis que ces der- nières sont tout à fait frugivores. On le trouve, d'une manière générale, comme nous l'avons dit, dans presque toute l'Amérique méridionale, mais il est surtout commun au Brésil et dans la Guyane. T"" GENRE. — CAROLLIE. CAROLLIA. Gray, 1858. Magaziii of Zoology aiul Bot.iny. Etymolouie incertaine. IIAHACTÈRES GIÎNlilBIUUES Membrane interféniomle larçie, tronquée. Membrane antérieure des ailes large. Pâlies libres vers la partie postérieure de la clieville du pied. Pouec lonçj, composé de deux phalanges allongées, égales. Oreilles à oreillon petit. Face courte. Queue nulle. [■'ig. 54 — C;a-ollic vcrruqueuse. Ce genre a été créé aux dépens du groupe des Phyllostomes, dont il ne diffère pas d'une manière bien notable. Il ne comprend que deux espèces particulières à l'Amérique méridionale : le Plufllo- 10 13 98 JllSTOIRE NATURELLE. stomu brachiiolmn, Neiiwied (Carollia BrasUiemis. Gray), propre au Brésil, et une espèce récem- ment décrite. CAROLLIE VliRRUQUEUSE. CAROLLIA VERliVCATA Gray. Caractèises spécifiques. — Pelage d'un brun ferrugineux; oreilles assez larges, ovales postérieure- ment; tragus médiocre, ovale, trigone. pointu, avec une faible échancrure en dehors près de l'extré- mité, et rétréci à la base; feuille nasale ovale, lancéolée. Habite TAmérique tropicale. 8"'^' GENRE. — LOPHOSTOME. LOPHOSTOMA. Alcide d'Orbigny, 1836. Voyage dans l'Amérique niérklionalc, Atlas, 17' livraison. Aocpoc, crête ; OTOaa, Ijouclie. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstème denlaire : incisives, |; canines, |^]; molaire, |^^; les deux molaires antérieures les plus petites de toutes. Tête tin peu allongée. Mâchoires longues. Nez surmonté d'une feuille simple, liasti forme. Oreilles grandes, en cornet élevé, et garnies, intérieurement, d'un oreillon écliancré à la base interne. Queue beaucoup plus courte que la membrane interfémorale : celle-ci très-ample, et descendant au niveau des ongles. Dernière vertèbre libre à lu face supérieure de la membrane. Eperons soutenant la membrane très- forts, mais de peu d'étendue. Pelage doux, composé de poils longs. Fig. 53. — l.ojiiiosloaie îles t'orèls. CÂHNASSlIiRS. 99 Ce genre, par la disposition de son système dentaire, se rapproche beaucoup des PlujHosioma, et principalement des groupes des Slurnira et Vampiriis. tandis qu'il s'éloigne des Sténodermes, dont les molaires sont plus frugivores; il ne comprend qu'une seule espèce particulière à l'Amérique méridionale LOPHOSTOMfc] DES FORETS. LOPUOSTOMA SYLVICOLUM. Aie. d'Orbi"n y- Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris de souris brun en dessus et sur la tète, cendré en dessous, avec la région du cou un peu plus claire; poils doux, allongés, excepté ceux de la face, qui sont. courts, brunâtres. Envergure : 0'",35. Celte espèce habite les grandes forêts qui bordent le pied oriental de la Cordillère bolivienne, au pays des sauvages Yuracarès; elle attaque souvent les personnes endormies en plein air. O-"" GENRE. — STUUNIRE. SIURNIRA. Gray.. 1842. Magaziiî of naluial llistory, t. X. ' Élymologie incertaine. CARACTERES GÉNÉRIQUES. Nez à feuille lancéolée, simple. Oreilles à traçjns distinct à l'extérieur. Lèvres ciliées sur les côtés : la supérieure ayant une grande verrue entourée d'une série de petites verrues. Membrane interfémorale très-étroiie, marginale. Ailes naissant à la partie postérieure du corps. Pattes de derrière libres. Pouce composé de deux plialancjes : la première allongée, et la terminale courte. Calcanéum n'existant pas, ou plutôt peu développé. Queue nulle. Une touffe de poils en forme d'épaidelte à la base des ailes chez les mâles. ^f/ >^> / / \ \, Fig. 36. — Slurnira spectruni. Ce genre, qui offre quelque rapport avec ceux des Anoura, dit?, Artibeus , et avec les Phgllostoma par la conformation de son système dentaire, qui est semblable, ne renferme qu'une seule espèce. 100 HISTOIRE NATURELLE. STUHISIBE SPECTRE. STURNIRA SPECTRUM. Gray. Caractères spÉciriQUES. — Museau brun, avec la racine des poils plus foncée; dessus des bras et côtés du corps, près des ailes, noirâtres; l'épaulette grande, d'un jaune brique; feuille nasale droite, ovale, lancéolée, presque aussi large que hante. Celte espèoe a été découverte dans l'Amérique méridionale. lO"'^ GENRE. — ARTIBÉE. ABTIBEIS. Leach, 1822. Transactions of l.inneau Society ofLondon, t. XI 11. ApTt, en ligne droite; èxi^bi je m'avance. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dcntciire : incisives, j; canines, {-;e-j; molaires, r^;. D'après Leach, les incisives supé- rieures sont bifides, et les inférieures sont tronquées; tes canines d'en liant ont un rebord interne à leur base; les molaires sont semblables à celles des Phylloslomes Pouce formé d'une plialange longue et d'une seconde courte. Membrane interfémorale profondément échancrée. Ailes ailachées très-près de la base des orteils. i\ez portant deux feuilles : l'une liorizontale et l'autre verticale. Queue nulle. L'espèce typique de ce genre, que l'on range cependant quelquefois avec les Phyllostomes. est le ARTIBÉE BRUN ET RAYÉ. D'Azarj. ARTIBEUS LINEATUS {PHYLLOSTOMA). Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage brun, et seulement plus clair en dessous qu'en dessus, avec une raie blanche sur le milieu du dos. une autre allant de chaque narine à l'oreille du même côté, et une troisième parlant de l'angle de la bouche jusqu'à la base de l'oreille, parallèle à la précé- dente. Envergure : 0'",52 Habile le Paraguay. M. Gray a signalé deux autres espèces : \esArtibeus fimbriatus et fuliçfinosus, des mêmes pays que l'espèce précédente. Quant à VArtibeus Jamaicensis, Leach, nous l'avons placé, d'après De Rlainville, dans le genre Sténodernie. CÂHNASSIEUS ll">^ GENRE. — MADATÊE. MADAT^US. I.each, 1822. Traiisnctions of Liiincan Society of Loiidoii, l. Xlll Élymologie incertaine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, j, canines. \_\; molaires, ij-;^; les deux incisives intermédiaires supérieures ont plus de longueur que les latérales : elles sont bifides; les inférieures sont égales, simples, aiguës; les canines sont assez fortes; les molaires comme dans les Phijlloslomcs. Nez portant deux feuilles. Lèvres garnies de papilles molles, comprimées, frangées. Langue bifide à sa pointe. Queue nulle. Ce genre ne renferme qu'une seule espèce MADATÉE DF LEWIS. MADAT^US LEWISII. Leach. Cahactères spécii'Iques. — Pelage uniformément noirâtre; Tune des feuilles nasales brusquement pointue vers le haut; oreilles médiocres, arrondies; membrane interfémorale échancrée. Ce Chéiroptère habile la Jamaïque. I^""" GENRE. - RRACHYPHYLLE. BBACHYPHVLLA. Gray, 1835. Proceedings of Zoological Society of Ijondoii. Boa^uç, court ; œuXXov. feuille. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Nez présentant une feuille ovale, entourée en arrière par un sillon profond Membrane interfémoi-ale courte, profondément échancrée, offrant deux raies distinctes. M. Gray a indiqué plutôt que caractérisé ce genre, dans lequel il ne place qu'une seule espèce, son Bracliijpliijlla cavernarum, particulier à l'île Saint-Vincent, l'une des Antilles, et que De Blain- ville fait rentrer dans le groupe générique des Sténodermes. IS'"^ GENRE. MACROPHYLLE MACROPHYLLA. Giay, 1858. Magazy of Zoology and Botauy, (. 11. Ma)4pc/;, long ; hî>i^i' iA>î''> «canines assez géné- ralement \E\, parfois en plus grand nombre ou bien nulles; molaires, Ve^,, f^, |^, —fEr, etc.; et, selon De Blainvillc, on peut dire que le nombre total des dents, étudiées d'un seul côté, à chaque mû- choire, est, dans l'état normal, de dix en haut comme en bas, mais qu'il peut descendre à huit en haut et six en bas. La forme des dents, pour toutes les sortes, indique assez bien leur usage, étant toutes plus ou moins pointues, ou iiérissées de pointes plus ou moins élevées qui s'entre-croisent; aussi les incisives méritent rarement ce nom; les canines encore moins fréquemment; mais toujours les avant- molaires sont aiguës ou armées de pointes comme les molaires proprement dites; dans le plus grand nombre des cas les incisives sont longues en avant, et suivies d'autres incisives et de canines toutes moins hautes que les molaires: dans d'autres cas les canines sont grandes, écartées, etdes incisives peu développées se remarquent entre elles; enfin les incisives peuvent être petites et les canines manquer. Les molaires se rapprochent pour la forme de celles des Carnivores, et elles montrent que ces animaux sont plus carnassiers que les Chéiroptères; elles sont généralement assez fortes. Quant à la proportion de ces diverses dents, il n'arrive pas toujours que ce soit la première des dents maxillaires supérieures, ou celle qui la croise inférieurement, qui ait réellement la forme de canine, quoique les zoologistes leur en aient souvent donné le nom. Nous n'entrerons pas, pour le moment, dans de plus grands développements sur le système den- taire, car il ne présente pas des caractères uniformes; et, ainsi que le fait observer De Blainville, il offre trois types différents et qui se trouvent dans les trois grands genres linnéens des Taupe, Mu- saraigne et Hérisson; c'est donc en étudiant ces groupes génériques que nous donnerons plus de détails. Nous croyons cependant devoir faire connaître immédiatement un extrait d'un important travail de M. Duvernoy, publié en 1844 dans les Mémoires de la Société d'Hïsloïrc ncUurelle de Strasbourg, quoique le savant professeur ne s'occupe presque exclusivement que de la structure des dents des Musaraignes. Dans la substance tubuleuse des dents chez plusieurs Insectivores et Rongeurs, M. Duvernoy a distingué très nettement les embouchures des tubes, qu'il appelle calcigères avec M. l\. Owen. La plupart de ces tubes ne lui ont montré de coloration que dans leurs parois; leur canal paraît blanc et même transparent comme la gangue qu'ils traversent. Ces tubes et ces canaux sont très-serrés les uns près des autres, à leur origine et dans une partie de leur trajet, au point qu'on les distingue à peine, et qu'ils forment, vus par transparence, comme des taches de couleur grise dans les lames qui ne sont pas suffisamment amincies. Ils se séparent et deviennent moins nombreux à mesure que l'on s'éloigne du bulbe dentaire. Dans une dent ancienne, la plupart ne se prolongent pas jusqu'à l'émail, de sorte que la partie de la substance tubuleuse qui s'approche de l'émail montre de moins en moins ces tubes. Un certain nombre, après s'être ramifiés en diminuant de calibre et s'être anastomosés entre eux, vont se terminer dans une ligne noire, courte, réticulée, qui sépare assez nettement de l'émail la substance tubulée. Observé avec soin dans les dents de Musaraigne, le noyau pulpeux est d'autant plus petit que la dent est plus ancienne. Sa forme est exactement, en petit, celle de chaque dent; elle répète intérieurement la forme extérieure de la couronne et des ra- cines. Le noyau pulpeux, avec sa couleur rouge, s'aperçoit généralement assez, sans préparation, à travers la substance osseuse de l'émail de ces dents, qui sont très-minces. Aux époques de la pre- mière et de la seconde dentition des Musaraignes, la membrane émaillante, qui se voit à l'extérieur des molaires, à travers la capsule dentaire qui recouvre la série des dents, est colorée lorsque ces dents doivent être colorées; bien plus, l'étendue et la place de ces parties teintes correspondent exactement aux parties de ces dents qui présenteront la même coloration; elles restent au con- traire blanches chez les jeunes Musettes, dont les dents sont sans couleur. Dans les Musaraignes, le cément se développe avec les dents, dont il forme pour ainsi dire la gangue, et il se durcit avec elles. Le cément, chez ces animaux, forme un organe distinct de la mâchoire et des dents, dont il est sé- paré par une membrane particulière, sorte de périoste du cément. Chaque mâchoire a de l'un et do l'autre côté une rainure ou dépression, superficielle ou profonde, dans laquelle le cément est reçu avec les dents. C'est cette même membrane alvéolaire du cément qui produit les couches adventives du cément dentaire autour des racines des dents de l'homme; c'est cette même membrane dont l'ac- tivité nutritive comble de son produit les alvéoles et en fait sortir les dents. L'aspect du cément, qui répond à chacune des grandes cavités alvéolaires des Musaraignes et les remplit, est, en quelque 108 HISTOIRE NATURELLE. sorte, une poche à parois contournées, remplie elle-même d'une substance osseuse. Des branches vasculaires considérables, à ramifications assez nombreuses, se détachant presque à angle droit des vaisseaux sanquins du canal dentaire, pénètrent cette substance dans une direction uniforme, en se divisant assez régulièrement, et semblent la partager en cellules ou en compartiments. .M. Duvernoy résume ainsi son mémoire. La structure interne du cément alvéolaire est analogue à celle des os des mâchoires. Sa substance se compose de petites cellules qui se présentent comme des taches de forme irrégulière, rarement rondes, plutôt ovales ou oblongues, se prolongeant aux deux bouts par un ou plusieurs filets. Dans quelques individus, ces taches paraissent noires avec un contour formé d'une ligne blanche transparente; dans d'autres, leur couleur est une ligne noire et l'intérieur est blanc. Ces différences dépendent sans doute des degrés d'ossification qui font dispa- raître ou laissent subsister les parois membraneuses. Dans quelques cas, ou voit rayonner de leur contour beaucoup de traits fins, traits qui leur donnent une apparence étoilée, et elles paraissent au milieu d'un réseau extrêmement fin dont on n'aperçoit les cordons noirs, très-déliés, qu'avec beaucoup d'attention, au moyen d'un grossissement considérable. Dans une dentition ancienne, ou du moins bien terminée, le cément alvéolaire est soudé et confondu avec la substance osseuse des mâchoires, et sa propre substance s'en distingue difficilement. Les petites taches qui répondent aux cellules de Retzius paraissent peut-être moins nombreuses et plus allongées. La membrane du cé- ment, sorte de périoste, est mince, noire dans celte dentition terminée, et semble se continuer, dans plusieurs cas, avec les ramifications vasculaires qui parlent de celte membrane ou viennent y aboutir. Le cément alvéolaire est évidemment pénétré par des branches vasculaires qui partent des vaisseaux du canal dentaire; mais la membrane cjui revêt de toutes parts ce cément paraît être le l)rincipal ccMilre de l'activité nutritive des productions du cément, et le point de départ ou l'aboutis- eant de ses principaux vaisseaux. Quant au développement des premières dents chez les Musaraignes, chez la jeune Musette, le bord des mâchoires est creusé d'une dépression ou rainure, dans laquelle les dents sont enfoncées par leurs racines; celles-ci y sont enveloppées de leur cément, lequel a l'apparence d'une pulpe granu- l-euse qui remplit l'intervalle d'une racine à l'autre, La couronne fait saillie en dehors de celte rai- nure; elle n'a encore que ses pointes un peu durcies dans les vraies molaires, ou sa pointe unique dans l'incisive moyenne ou celle qui la suit. Les molaires vraies et fausses sont renfermées dans une seule capsule. Un léger débris de cloison membraneuse semble marquer leur place particulière dans la rainure qui les reçoit. Dans de plus jeunes Musettes, dont la peau n'a encore aucun poil, la cap- sule des molaires de la mâchoire inférieure surmonte le bord libre de cette mâchoire, comme une vessie allongée qui lui serait ajoutée. Chez les individus plus jeunes encore, tout est moins distinct. La capsule des molaires de la mâchoire inférieure ne se distingue du périoste de cette dernière que par un ruban du bord libre de cette capsule, que l'on dirait gonflée par une pulpe homogène. Chez ces animaux, le durcissement des dents précède celui des mâchoires; ils ont deux dentitions identiques pour le nombre et la forme. La seconde dentition s'effectue de bonne heure; et, ce qu'il y a de singulier et de particulier à ces animaux, c'est que toutes les dents se renouvellent à la fois. Le cément ancien, qui maintenait les dents auxquelles il appartient, disparaît avec elles, détaché sans doute par le développement, au fond de la rainure alvéolaire de la série des dents nouvelles et de leur cément. M. Duvernoy pense que les dents des Musaraignes se renouvellent plusieurs fois. Il se demande avec raison comment ces animaux peuvent se nourrir et saisir leur proie quand leurs dents sont couvertes de leurs capsules membraneuses et mal affermies par leur cément alvéolaire encore mou. A l'époque de leur mue dentaire, cet anatomiste a constaté que les os de leur tête étaient moins so- lides et moins affermis qu'à toute autre époque, et que leur estomac et leur canal inteslinal étaient toujours vides. Le squelette des Insectivores présente des particularités remarquables; mais, de même que le .système dentaire, il offre des différences telles, qu'il doit être étudié dans les trois types princi- paux de la famille; on peut seulement dire maintenant que la clavicule existe constamment. Les diverses parties internes de l'organisme des Insectivores varient aussi trop pour que nous nous en occupions maintenant. Les orifices des narines sont percés différemment à l'extrémité d'un museau ])lus ou moins pro- CARNASSIERS. 109 lonc:é en boutoir solide, résistant, propre à fouir, ou en une trompe molle, mobile, et servant à explorer les corps qui Tenvironnent. Il n'y a quelquefois pas d'yeux, ou bien ces organes sont rudi- menlaires, petits, médiocres, et, plus rarement, un peu grands, et ces diverses particularités orga- niques sont en rapport avec le genre de vie de ces animaux, c'est-à-dire que, plus l'espèce aura des hal)iludes subterranéennes, moins l'organe de la vision sera développé. Les oreilles, dans leur con- que et dans le canal auditif externe, sont dans le même cas : ce canal est très-petit, très-large, et la conque tout à fait nulle, petite, ou moyenne, mais jamais grande, quelquefois très-simple, et d'autres fois pourvue, à son bord externe, d'un ou deux replis ou lobes qui ont quelques rapports avec ce qui se voit dans les Chéiroptères. Les mamelles ne sont pas pectorales comme dans ces Mam- mifères; elles sont, au contraire, ventrales, et en plus grand nombre. Les membres sont complets, et diversement disposés, suivant les mœurs différentes de ces ani- maux. La plante des mains et des pieds s'appuie constamment sur h terre; les mains de devant ont cinq doigts, toutefois, dans le genre Chrysochlore, on n'a pu constater la présence que de trois ongles; le pouce est presque égal aux autres doigts, quoique placé sur le même rang; les pieds ont toujours cinq doigts, armés d'ongles robustes. La vie des Insectivores est, le plus souvent, nocturne et souterraine; les espèces qui, comme la Taupe, doivent vivre dans des souterrains qu'elles se creusent dans le sol, ont des membres antérieurs très-fortement constitués, assez courts, et leurs extrémités sont transformées en des espèces de pelles, tandis que dans d'autres espèces, comme les Hérissons et les Musaraignes, les membres ont des formes plus grêles, et quelquefois sont transformés en des sortes de rames dans les espèces aqua- tiques. Leurs mouvements sont assez faciles. Enfin, dans un genre des plus curieux, celui des Ma- croscélides, les pattes de derrière acquièrent un grand développement, tandis que celles de devant sont courtes; l'animal ne peut guère plus marcher qu'en faisant des sauts plus ou moins forts, et, sous ce point de vue, a beaucoup de rapports avec les Gerboises, et même avec les Péramèles. La queue, quelquefois assez longue, est souvent peu développée. Le pelage varie beaucoup; assez court et très-doux dan-s les Taupes et dans quelques Musarai- gnes, il devient plus rude dans d'autres groupes, et peut inème se présenter, en partie, sous forme de piquants, comme on commence à le voir dans nos Hérissons d'Europe, et comme cela devient tout à fait manifeste dans les Tanrecs. Le système de coloration des poils est généralement sombre, brunâtre ou noir; une exception se remarque seulement dans le genre Chrysochlore, qui renferme des espèces vulgairement désignées sous le nom de Taufcs dorées, et qui ont, sur un fond noirâtre, des reflets métalliques. Les caractères spécifiques, tirés de la coloration des poils dans son inten- sité, dans sa teinte, et même parfois dans sa distribution, ne sont pas très-rigoureux; en effet, M. Duvernoy s'est assuré que che.'. les Musaraignes, genre où le nombre des espèces est plus grand que dans aucun autre groupe de cette famille, les variations sont nombreuses, suivant les sexes, l'âge, et même la saison. Beaucoup d'Insectivores passent l'hiver en léthargie; cela a principalement lieu pour les espèces qui habitent les pays froids; mais, toutefois, quelques-unes de celles qui vivent dans les régions chaudes, comme les Tanrecs, éprouvent également le même phénomène. Leur nourriture la plus habituelle, et presque exclusive, consiste en Insectes, dont ils dévorent un nombre immense; c'est ainsi qu'ils rendent de grands services à l'agriculture; cependant, et cela s'applique surtout à la Taupe, on cherche continuellement à les détruire, parce qu'ils mangent parfois les racines, et parce que les espèces dont la vie est tout à fait souterraine font des galeries nombreuses qui nuisent à la culture. Quelques-uns fouissent la terre pour rechercher les Vers dont ils se nourrissent. Quant aux lieux qu'ils habitent, les uns, comme les Taupes, restent constamment dans les étroits conduits qu'ils se creusent sous le sol; dautres, comme les Hérissons et les Musaraignes, se cachent sous les débris qu'ils rencontrent; il en est, comme les Tupaia, qui grimpent sur les arbres à la manière des Écureuils, et un petit nombre ne cherche pas de re- fuge. Cela se conçoit facilement, car, par leur taille très-petite et très-rarement moyenne, ils sont exposés plus que d'autres Mammifères à la voracité des Carnivores; ils ne peuvent guère se servir de leurs dents contre leurs ennemis; quelques-uns d'entre eux, les Hérissons, les Tanrecs, les Éri- cules, etc., se défendent en hérissant les poils de leur corps, qui sont transformés en piquants. Un très-petit nombre de Musaraignes se trouvent dans les eaux et nagent avec facilité; les Macros- 110 IlISTOlPiE NATURELLE. célides sautent, mais la plupart des autres Insectivores marchent et même courent avec une grande célérité. Relativement à la distribution géographique des Insectivores, nous dirons que les trois genres principaux de cette famille sont essentiellement propres à l'ancien continent, et que tous trois sont européens. Un seul, celui des Musaraignes, se trouve dans toutes les parties du monde, l'Amérique méridionale et la Nouvelle-IIollandc exceptées. Les Taupes sont exclusivement de l'ancien continent, ou tout au plus des parties septentrionales du nouveau, car il semble peu probable qu'on en ait rencontré en Amérique, et c'est à peine si elles dépassent, en Asie et en Afrique, le littoral de la Méditerranée. L'Amérique méridionale seule offre les Chrysochlores, et l'Amérique du Nord les Tu- pains. Les Gymnures ne se rencontrent qu'en Asie, et l'Afrique offre les Macroscélides. Enfin, les Jlérissons sont particulièrement de l'ancien continent, tandis que les Tanrecs elles Éricules n'habi- tent que les îles de Bourbon et de Madagascar. Comme résultat de l'ancienneté à la surface du globe, on peut dire que les types européens des Mammifères de cette famille sont connus depuis la plus haute antiquité historique. Des individus qui se rapportent à l'un d'eux, au genre Musaraigne, étaient conservés à l'état de momie par les Egyptiens; et les deux ou trois espèces qui ont été admises à cet état ne paraissent pas, à De Rlain- villc, surtout d'après les remarques de M, Ehrenberg, différer d'une espèce actuellement vivante en Afrique et même en Egypte. En outre, on peut voir, au musée du Louvre, des figurines égyptiennes qui représentent des Musaraignes. Les trois genres typiques des Insectivores se trouvent à l'état fossile : 1» dans les brèches os- seuses du littoral de la Méditerranée; 2° dans le sol des cavernes de l'Allemagne, de l'Angleterre, de la Belgique et de la France; 5° dans un terrain tertiaire moyen des montagnes sous-pyrénéennes; 4° dans un terrain d'eau douce d'Auvergne. Des dix espèces qui ont été reconnues jusqu'ici, six, savoir; une Taupe, trois Musaraignes, un Desman et un Hérisson, ne semblent pas, à l'illustre au- teur de VOsiéograpliie, différer spécifiquement de celles qui existent aujourd'hui à l'état vivant; elles se rencontrent pêle-mêle avec des restes d'animaux qui ne vivent plus dans nos contrées; les quatre autres, dont on ne connaît pas encore les analogues à l'état vivant, savoir : une Taupe, une Musaraigne, un Hérisson et un Tanrec, forment des espèces nouvelles, et intermédiaires à celles qui existent aujourd'hui. Les anciens naturalistes connaissaient à peine les trois types européens de la famille des Insecti- vores, et ils ne se sont nullement occupés de leurs rapports naturels ni de la place qu'ils doivent occuper dans la classification des Mammifères. Aristote, trois cent cinquante ans avant l'ère chré- tienne, dit néanmoins quehjues mots de la Taupe, qu'il désigne sous le nom d'ka-y.\7l; des Musa- raignes, qui sont pour lui ses Murales, et des Hérissons, ses Ecliinos. Pline, cinquante ans avant Jésus-Christ, n'ajoute que peu de chose aux écrits d'Arislote, et, le premier, il crée les mots Talpa, Mus araneus et Erinacens. Du reste, il augmente encore le nombre des fables déjà répandues sur la Musaraigne, en rapportant que sa morsure est venimeuse en Italie, que cet animal ne se trouve pas au delà des Apennins, et qu'elle meurt lorsqu'elle a traversé, ou mieux, qu'elle est tombée dans une ornière; quant au Hérisson, il se borne à en dire avec plus de raison que, comme l'Ours, il se cache pendant les mois d'hiver. Elien ne fit que rapporter les fables de ses devanciers; toutefois, il indique la manière dont le Hérisson trompe la voracité du Renard. Au moyen âge, les auteurs qui se sont occupés d'histoire naturelle, Isidore de Seville, Albert le Grand, Agricola, Scaliger, ne firent que rectifier ce qu'avaient dit Aristote et Pline, et n'augmentè- rent que peu les connaissances acquises sur les Insectivores. Gesner, en 1520, est le premier qui ait passablement défini, au moins dans les deux genres Taupe et Musaraigne, les Insectivores, qui ait donné des figures passables des trois genres types de cette famille, et ait démontré qu'on ne devait pas les confondre avec les Rats, ainsi qu'on le faisail avant lui. Puis vinrent Walton (1552), Aldro- vande (1045), Marc-Aurèle Séverin, Johnston (1657), Charleton (1G68), qui ajoutèrent quelques ma- tériaux à leur histoire. Ray, en 1695, est le premier qui, sentant leurs rapports naturels, les ait rapprochés tous convenablement dans un système mammalogiquc. Linné, de 1 755 à 1 766, dans les diverses éditions de son Sijstema naturœ, rassembla ce qu'avaient dit ses devanciers, fonda définiiivement les grands groupes des Hérissons, Taupes et Musaraignes; il détourna le nom de Sorcx, qu'il appliqua aux Musaraignes, et celte dénomination latine leur est icc^ — ^^^ Kio. 1 — Cliieii liasset écossais. Fi;;. 2. — rienelle il'Eiirope. CARNASSIERS. Ml restée, et est venue remplacer celles de M iisarcmcus et Mas araneiis, employées très-longtemps auparavant, et qui avaient l'inconvénient de faire regarder cet animal comme se rapportant au genre Mns ou Rat. Ilill (1752) copia presque Linné, et décrivit la Talpa acauda, qui, depuis, est devenue le type du genre Clirysocldore. Brisson (175G) n'indiqua rien de nouveau, si ce n'est qu'il définit mieux les espèces, déjà plus considérables en nombre. Daubenton, la même année, caractérisa de nouveau certaines espèces du genre Musaraigne, et il donna un travail important sur ce sujet dans le grand ouvrage de Buffon, publié en 1760. Pennant, en 1771, plaça ces animaux à la lin des Ron- geurs. Erxleben (1777) rapprocha aussi les Taupes des Musaraignes, mais il en sépare les Héris- sons, non-seulement par les Chauves-Souris, mais encore par les Ours. Sclireber (1778) s'occupa, pour la première fois, de leur système dentaire comme d'un caractère propre à les distinguer. Iler- mann (1780) donna de grands détails sur les Musaraignes européennes. En 1780, Pallas et Storr sentirent les rapports naturels des Insectivores entre eux et avec les autres Mammifères. Beclislein, de 4789 ù 1795, augmenta le nombre des espèces de Sorex. Linck, en 1795, en forma un ordre particulier sous la dénomination de Rosores. G. Cuvier (1798), Lacepède (1798) et Illiger (1811), prenant en considération rigoureuse le système dentaire, les ont partagés en plusieurs genres géné- ralement adoptés aujourd'hui, et, dès celte époque, on peut presque dire qu'à l'exception du genre Sorex'û y eut autant de genres que d'espèces bien connus d'Insectivores. Elienne Geoffroy Saint- Hilaire (1811), Savi (1822), Say (1835), Gloger, Brehm, augmentèrent le nombre des espèces déjà connues, principalement parmi les Musaraignes; il en fut de même d'A. G. Desmarest en 1820, et de Fr. Cuvier en 1827. Raffles, Smith, Vigors et Horsfield, Martin, Brandt, etc., ont ajoulé au cata- logue manimalogique de nouvelles formes beaucoup plus distinctes, fournies par l'Afrique, l'Inde et l'Amérique. En 1820 et 1827, M. Isidore Geoffroy Saini-Hilaire décrivit de nouvelles espèces, et fit connaître plus tard le genre Éricule; M. Gray créa, en 1837, le genre Corsira;U. Temminck décrivit le groupe des Ilylogales, qui correspond aux Tupa'ia. et M. Doyère donna, en 1855, la caractéristique du nouveau genre des Euplères, que De Blainville rapproche des Mangoustes ou des Genettes. Wa- gler, en 185G, a appliqué de nouveau, aux Musaraignes connues jusqu'à lui, les principes de divisions génériques qui avaient été employés par De Lacepède, et il introduisit aussi les bases de la distinc- tion et de la distribution géographique des espèces, ce qui a été adopté par MM. Jennys (1835), Na- thusius (1857), Gray et Duvernoy (1855) : ce dernier zoologiste surtout, et sans avoir eu connais- sance du travail de Wagler, publia sur les Sorex un travail important dont nous donnerons l'ana- lyse. De Blainville {Ann. d'Anatomîe et de Phiisiolofjie, t. II, 1858, et d'OstéograpIne : Fascicule des Insectivores, 1841) a donné un mémoire, auquel nous avons emprunté plusieurs passages, sur l'an- cienneté des Insectivores à la surface de la terre, dans lequel il résuma tout ce qui avait été dit avant lui sur ces animaux, posa les bases de leur classification, et indiqua les espèces que l'on a trouvées à l'état fossile. Depuis la publication de cet ouvrage, plusieurs travaux ont encore été faits sur les Insectivores; on doit particulièrement citer une notice de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire, publiée en 1844, sur les Tanrecs et les Éricnles, la description de quelques espèces du nord de la France appartenant au genre Musaraigne, par M. de Selys Longchamps; une monographie des espèces du même groupe naturel particulières à l'Amérique septentrionale, par MM. Say et Bochman; la description d'une es- pèce nouvelle de Sorex de Madagascar, par M. Charles Coquerel, etc. Enfin, outre les ouvrages de G. Cuvier et de De Blainville sur les Insectivores fossiles, nous devons encore indiquer les travaux de M. Kaup, et ceux de Schmerling, Schlotheim, et de MM. de Laizer, R. Wagner, l'abbé Croizet, Richard Owen, Lartet, etc. Le nombre des espèces d'Insectivores aujourd'hui connu est de près d'une centaine, et leur distinction doit reposer essentiellement sur le système dentaire, qui, pour la plupart d'entre elles, principalement dans les Musaraignes, présente une particularité tranchée dans le nombre, la forme ou les proportions des dents. On a donné la caractéristique d'environ trente genres de cette famille, formés aux dépens des Musaraignes (Sorex), Taupe (Talpa), et Hérisson (Erina- ceits), seuls genres admis par Linné, ou bien qui ont été créés sur des espèces nouvellement dé- couvertes : plus de la moitié de ces genres sont basés sur de bons caractères, tous très-distincts, et les autres peuvent être regardés comme de simples subdivisions sous-génériques. En outre, un no [IISTOIRE NATURELLE. assez grand nombre de noms génériques ne devront être considérés que comme synonymes de groupes précédemment créés. Dans l'étude que nous en ferons, nous placerons à la fin de la famille les Hérissons, qui, surtout dans le genre Tanrec, qui en a, à juste titre, été démembré, présentent un système dentaire nor- mal, et qui se rapproche assez de celui des Carnivores. Nous subdiviserons les Insectivores en sept tribus particulières, qui correspondent aux sept familles indiquées par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; seulement, nous intervertirons la disposi- tion qu'il a adoptée dans le but de placer à la tête de notre famille les Taupes, qui, comme le fait remarquer De Blainviile, peuvent être considérées comme le type le plus parfait des Insectivores. Cela posé, les tribus que nous adoptons, et dans lesquelles nous n'indiquerons maintenant que les ]irincipaux genres, sont les suivantes : r* Tiibu. — Talpidés : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux très-petits ou nuls; pattes antérieures converties en pelle ou en pioche. 1"" Division. — Talpiens : Membres antérieurs pentadactyles, en forme de pelle. Genres : Taupe, Scalope, Condijlure et Urotrique. 2" Division. — Chrysochloriems : Membres antérieurs tridactyles, en forme de pioche. Genre ; Clirijsochlore. 1" Tribu. — SoRiciDÉs : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux très-petits; pattes antérieures établies sur le même type que les postérieures. Genres : Desnian, Musaraigne, compre- nant un grand nombre de subdivisions particulières, etc. o'' Tribu. — Macroscélidés : Pb.ntes des pieds nues; yeux bien développés; membres postérieurs extrêmement allongés. Genre : Macroscélide . ¥ Tribu. — Gymnuridés : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux et membres pos- térieurs bien développés; queue écailleuse. Genre : Gymnure. <>" Tribu. — TuPAiDÉs : Plantes des pieds nues; corps couvert de poils; yeux bien développés; membres poslérieuis également bien développés; queue touffue. Genre : Tnpaia. (1* Tribu. — Eriinacéidés : Corps couvert de piquants. Genres : Tanrec, Ericule, Hérisson. 1" Tribu. — Eii'LÉRiDÉs : Plantes des pieds velues. Genre : Euplèrc. PREMIERE TRIBU. TALPIDIÎ:S. TALPID/E. Isidore Geoffroy Saini-Iïilairc. Plantes des pieds et des mains nues. Pattes antérieures converties en pelles ou pioches. Yeux très-petits. Cette tribu correspond à la famille d'Insectivores de U. Isidore Geoffroy Saint Ililaire, qui porte la même dénomination. On n'y comprend qu'une douzaine d'espèces, propres à toutes les parties du monde, l'Océanie exceptée, et qui sont réparties dans cinq genres distincts, que Linné réunissait sous le nom géné- rique de Talpa. Nous y formons deux divisions, celles des Talpiens et des Chrysoculorie.ns. CARNASSIERS. H3 TALPIENS. TALPIL Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Membres anlérieiirs pentadactijles, en forme de pelle. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a créé cette division, qu'il nomme famille, et dans laquelle on ne comprend que les quatre genres Taupe, Scalope, Condijiure et Urotrique. i" GENRE. — TAUPE. TALPA. Linné, 1735. Systema natura% 1. 1. Taîpa, nom appliqué au groupe par Pline. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire: incisives, ~\ canines, \^^ ; molaires, '^^,cntotalité quarante-six dents; lesincisives supérieures sont petites, bien rangées et semblables, sauf la taille, à celles des Carnivores; les infé- rieures sont larges, légèrement déclives et disposées en arc; en liant les canines sont minces, crochues, terminées en pointe tranchante an bord postérieur, et offrant, de même que les inférieures, cette particularité d'être attachées au maxillaire par deux racines au lieu d'une seule, ainsi que cela se présente ordinairement; en bas ces mêmes dents sont triangulaires, fortes, ce qui, joint à leurs deux racines, les fait regarder par Fr. Cuvier comme les premières et les plus grandes des fausses mo- laires; à la mâchoire supérieure, il y a trois petites fausses molaires en rudiment de chaque côté, puis une quatrième assez forte, triquètre à la base et à couronne formée d'une seule pointe, et enfin trois vraies molaires, les deux premières a couronne pourvue d'un bord tranchant avec deux pointes, et la troisième triangulaire, à sommet en dehors et dirigée transversalement; à la mâchoire inférieure, il y a deux petites fausses molaires, puis une troisième plus grande, tranchante, pointue, triangulaire, avec un petit talon en arrière, et trois vraies molaires, égales entre elles, à bord ex- terne tranchant, divisé en trois tubercules aigus et double talon intérieur. De Blainville n'admet pas entièrement cette disposition de système dentaire, et pour lui la formule dentaire est \-\- \-{- 3 t .■} 3T^3' Corps petit, trapu, comme cylindrique. l'été large en dessus, allongée, terminée en pointe pur une espèce de boutoir dans lequel sont per- cées les narines. Uï'^. 3S. — ïaupe coajiiiiKic. il 15 414 HISTOIRE NATURELLE. Conques amlilivcs manquant oiiicyemcnl. Yeux Irès-pctits, h paupières très-c trottes, situées au-dessous d'un poil très touffu. Douche très-femlue, armée de dents visibles à l'extérieur et destinées à broijer les enveloppes plus ou moins solides qui eutourenl le corps des animaux, presque exclusivement des Insectes, dont les Taupes font leur proie ludntuelle. Lèvre supérieure divisée. Langue couveiHe de papilles molles. Cou court, extrcnmnent musculeux, surtout à la face supérieure. Membres très-courts : les antérieurs aussi épais et robustes que les postérieurs sont débiles. Mains semblant sortir d\i corps, h cause de la brièveté du bras et de t' avant-bras, très-larges, à paume toujours tournée en arrière et h bord interne tranchant; les cinq doigts qui les terminent réunis jusqu'à la racine des ongles, qui sont peu arqués, longs, linéaires, arrondis et tranchants au bout. Pieds de derrière à sijsièmes osseux et musculaire peu développés, et ayant cinq doigts grêles, faibles et munis d'ongles de force médiocre. Point de glandes odoriférantes situées à la base de la queue ou sur les côtés du corps. Estomac membraneux, allongé. Pas de cœcuni. Queue courte, presque nue, a épidémie plissêe en petites lignes circulaires, analogues h celles que présentent les Rats. Pela/je très- fin, doux au toucher, fort dense, court, soyeux, composé de poils perpendiculaires au plan de la peau. Le genre Taupe [Talpa) a été créé en 1755 par Linné, et comprenait alors plusieurs espèces, qui toutes, à l'exception d'une seule, ont servi de types à des groupes génériques qui en sont très-dis- tincts; c'est ainsi que les Talpa Asiatica et rubra doivent être rapportées au genre Chrijsochlora, et que la Talpa longicaudata est devenue le type du genre Condglurus. Il n'y restait plus qu'une seule espèce linnéenne, la Taupe ordinaire, Taipa Europœa, qui habite l'Europe tempérée et sep- tentrionale, ainsi que l'Italie supérieure, et à laquelle on a réuni deux autres espèces découvertes assez récemment, les Talpa cœca, Savi, de l'Italie inférieure et de quelques autres contrées de l'Europe, et la Talpa moogura, Sicbold, du Japon. Un grand nombre de naturalistes se sont occupés de ce genre; nous citerons surtout les excel- lents travaux dEt. Gcoffrov Saint-Ililaire. Fig. 39. -- Squelette tie Taupo touinuinc. Le sj sterne osseux des Taupes, étudié par plusieurs anntomistes, particulièrement parDauhenton De Bla.nv.lle, Etienne Geoffroy Saint-lIilaire et G. Cuvier, présente des par.i.ularité! des plus ": marquables, aussi croyons-nous devoir nous y arrêler Les os de ces animaux sont en général durs CARNASSIERS. 115 et résistants, peu colluleux et fortement éburnés, très-blancs, peu ou point salis de graisse, assez pesants, fortement articulés et serrés entre eux. Le squelette offre quelques rapports avec celui des Cliauves-Souris par la forme générale du tronc, court, plus large en avant et se rétrécissant assez fortement en arriére; mais il est composé d'un plus grand nombre d'os, ce qui tient en partie à ce que les membres sont moins incomplets cl que les mains ont besoin de pièces accessoires. La colonne vertébrale est composée de quarante-sept pièces: quatre vertèbres cépbaliques, sept cervicales, qua- torze dorsales, six lombaires, cinq sacrées et onze coccygiennes. La série que forment ces vertèbres est d'un diamètre presque égal, si ce n'est aux lombes, où il se renfle un peu et n'offre guère que les courbures ordinaires : une en dessus, très-prononcée au cou, une autre en dessous, étendue presque jusqu'à la queue, qui se recourbe un peu en dessus. Les vertèbres cépbaliques ont leur corps assez allongé, aplati en dessus comme en dessous, leur arc large, surbaissé, comme bulleux, élargi sur les côtés et tout à fait lisse. La tète en totalité est déprimée, triangulaire, élargie en ar- rière, atténuée en avant et un peu en forme de soufflet, sans traces de crêtes ni d'apophyses d'in- sertion musculaire; ses condyles articulaires étant larges, presque terminaux, très-distants, et l'angle facial de dix degrés au plus. La cavité cérébrale est proportionnellement assez grande, déprimée, élargie sur les côtés, mais sans que les différentes fosses soient bien nettement séparées. Les loges sensoriales sont fort peu développées. La mâchoire inférieure est longue, étroite clans sa branche horizontale, qui est en même temps assez courbée en sens opposé sur ses deux bords, et présentant, dans sa branche verticale, une sorte de palmature trilobée, large. Les vertèbres cervi- cales sont élargies, courtes, les premières cependant bien plus que les dernières; l'atlas est remar- quable par la manière dont il est évasé, élargi en soucoupe à la face antérieure et sans apo- physes un peu marquées; l'axis est plus étroit et son apophyse odontoïde est considérable; la troi- sième vertèbre a encore une apophyse épineuse, styliforme, et les quatre dernières n'en offrent plus. Les vertèbres dorsales ont surtout des apophyses transverses très-prononcées, dirigées en avant. Dans les vertèbres lombaires, les trois sortes d'apophyses sont développées. Le sacrum est comprimé. On remarque des os en V dans la plupart des vertèbres coccygiennes. Il y a seulement quatorze côtes, qui sont presque arrondies, plus ou moins courbées, de forme médiocre. L'hyoïde, presque con- tigu au sternum, est assez étendu; toutefois son corps est court, peu épais, large, légèrement ex( avé en arrière. Le sternum, composé de sept pièces, est très-étendu, et cela lient particulièrement à la forme singulière et au grand développement du manubrium; le xiphoïde est assez long et terminé par une plaque arrondie; les cornes sternales sont au nombre de sept. Le thorax, formé parles côtes et par le sternum, est étendu, presque conique, sensiblement déprimé et élargi sur les côtés. Les membres sont courts, presque égaux en longueur, mais disproportionnés, du moins pour la force et l'épaisseur, et très-distants par la manière dont sont avancés ceux de devant. Aux membres antérieurs, l'omoplate est principalement remarquable par sa grande longueur, qui égale celle des douze premières vertèbres dorsales, ou celle de l'humérus et du radius réunis, ainsi que par sa grande étroitesse, n'étant dilatée un peu qu'à son extrémité dorsale, où sa forme est triquètre. La clavicule ne se présente pas comme un os long, ainsi que cela a lieu dans tous les autres Mammi- fères, mais c'est un petit os assez semblable à une courte phalange excavée à ses deux extrémités, traversée obliquement par un gros trou vasculaire, et pourvue, au milieu environ de son bord inférieur, d'une apophyse rentrante et tronquée. L'humérus offre également une forme tout à fait particulière, en ce que ce n'est plus un os long et cylindrique, mais un os plat, presque carré, très- élargi à ses deux extrémités, ce qui produit une forte échancrure de chaque côté, plus large à l'ex- terne qu'à l'interne. Les deux os de l'avant-bras sont aussi fort courts, mais complets et de forme plus normale : le radius, bien moins long que le cubitus, est droit, un peu comprimé, presque éga- lement large en haut et en bas; il présente supérieurement sa cavité articulaire sigmoïde avec un bec avancé, formant une sorte de petit olécrane en drrière et en dehors, et ayant inférieurement sa sur- face d'articulation transverse, en contre-poulie, à branches très-inégales. Le cubitus est large, di- laté en fer de hache, transverse, oblique et recourbé vers les deux tiers de l'os, La main continue la forme raccourcie et élargie du bras et de l'avant-bras; le raccourcissement portant essentiellement sur les os du métacarpe et sur les deux premières phalanges, et l'élargissement sur l'addition au bord interne du carpe d'un grand os en forme de C ou de corne comprimée, recourbée et un peu tranchante. Aux membres postérieurs, les formes sont plus normales. Le bassin est allongé, étroit, ^|g HISTOIRE NATURELLE. tout à fait parallèle au sacrum, avec lequel l'iléon, qui est presque cylindrique, se soude solidement dans presque toute sa longueur; le pubis ne se soude pas avec celui-ci du côté opposé, de manière que se portant tout entier en arrière, il forme avec l'iskion un grand trou sous-pubien très-long, ce qui le fait ressembler un peu à un bassin d'oiseau. Le fémur est très-court, quoiqu'un peu plus long que rhumérus, mais bien plus étroit; il est légèrement comprimé, élargi assez fortement en haut par un grand troc'hanter; les deux tubérosités de l'extrémité inférieure sont presque égales, séparées par\ine poulie large, peu profonde. La jambe, de longueur médiocre, est faible et remarquable en ce que le tibia, assez fortement arqué en deux sens opposés, est comme doublé dans toute sa lon- gueur par un péroné soudé intimement avec lui dans sa moitié inférieure, et libre seulement dans son tiers supérieur et à sa terminaison. Le pied, fort petit et tout à fait plantigrade, est assez court, peu étroit; l'astragale est peu élevé, assez large; le calcanéum, très-large dans sa partie articulaire avec l'astragale, est comme étalé et prolongé en arrière par une tubérosité assez forte et un peu re- courbée en haut; les os du tarse et du métatarse ont à peu près la forme ordinaire : les phalanges sont presque égales, notablement moins longues que les métatarsiens. Il ny a guère de différences appréciables dans le squelette des Taupes de sexe et d'âges diffé- rents; cependant le bassin de la femelle se distingue facilement de celui du mâle en ce que les pubis sont plus fortement soudés entre eux dans celui-ci, et au contraire assez écartés dans celui-là. Les os de la face, en général, et surtout ceux du nez, se soudent de très-bonne heure. Les trois espèces de ce genre semblent constituées tout à fait sur le même type. Pour terminer ce que nous avions à dire sur les os des Taupes, nous devons ajouter qu'il y a d'assez nombreux os sésamoïdes, et qu'il existe un os pénien dans la Taupe ordinaire. Ce dernier os est extrêmement petit et présente la forme d'un dard obtus, un peu courbé dans le sens vertical, et pourvu dans ce même sens d'une petite crête à sa base. Le système musculaire est très-développé dans certaines de ses parties; c'est ainsi que les muscles du cou, et ceux qui font jouer les membres antérieurs, sont très gros pour permettre à l'animal de fouir avec facilité. Les autres muscles ont à peu près leur forme normale, et cela se remarque sur- tout dans les membres postérieurs. La tête est terminée par un boutoir armé à l'extrémité d'un osselet particulier, qui sert à l'animal comme d'une tarière pour percer et soulever la terre, et qui constitue aussi un organe délicat de toucher. D'assez longues moustaches sont placées autour de la base du boutoir; c'est sans doute dans cette partie de la tête que réside principalement le siège du toucher; car la paume des mains et la plante des pieds, tout en étant entièrement nues, sont recouvertes d'une peau roide et calleuse. L'œil est si petit et si bien caché par les poils, qu'on en a nié l'existence, et qu'on a pu même considérer comme tout à fait aveugle l'espèce (Talpa cœca) décrite par M. Savi. Cependant aujour- d'hui, grâce surtout aux observations de M. Krohn, on peut penser, malgré les remarques d'habiles anatomistes, qui semblent démontrer le contraire, qu'il n'en est pas ainsi, et que le nerf optique se trouve dans les Taupes, aussi bien que l'œil; mais le premier est très-faible, très-difficile à voir, et le second présente un ensemble qui rappelle un arrêt de développement dans la formation de l'œil des Mammifères mieux doués sous ce rapport. Malgré cela on n'en doit pas moins noter l'état tout à fait rudimeiitaire de l'organe de la vision chez ces animaux, car cet état est en corrélation avec son genre de vie. Cela nous démontre encore une fois de plus l'harmonie si admirable que Dieu a mise en toute chose; en effet, la Taupe, se trouvant constamment dans des habitations souterraines, n'avait pas besoin d'avoir des yeux parfaitement conformés et qui ne lui eussent été d'aucune utilité; Dieu ne lui en a donc pas donné de complets; mais, en même temps, il lui en a laissé des vestiges dis- posés comme dans les autres animaux. A. G. Desmarest s'est assuré par des expériences directes que les Taupes voient, et il a remarqué que leurs paupières pouvaient jouer à droite et à gauche, de façon à ne plus se trouver en face de l'œil, dans certains moments; alors l'œil est tout à fait placé sous la peau, et il y a tout lieu de croire qu'il ne peut plus servir à la vision, si ce n'est pour reconnaître un degré de lumière très- intense, tel par exemple que celui d'un rayon de soleil ou de la déflagration subite de la poudre à canon. Ce sujet important est loin d'être encore épuisé, et il serait à désirer que l'on fît de nou- velles recherches. Si l'appareil de la vision est peu développé, celui de l'olfaction l'est en revanche beaucoup. Le CARNASSIERS. 117 tympan est très-large, rouie est très-fine, bien que la conque auriculaire manque, et que l'oreille externe ne consiste qu'en un long conduit sous-cutané, décrit par Etienne Geoffroy Saint-IliJairc^ Les organes reproducteurs présentent chez la Taupe des particularités des plus curieuses. Dans le mâle les organes externes sont très-développés. Chez la femelle, les appareils génital et urinaire dé- bouchent à l'extérieur par deux orifices distincts. La vulve des jeunes femelles n'est pas perforée. Le clitoris est perforé par le canal de l'urètre, et à l'extérieur ressemble beaucoup au pénis du mâle. Le seul caractère extérieur qui permet de distinguer les jeunes femelles des mâles, c'est que le pénis de ces derniers est plus distant de l'anus que le clitoris des femelles. Le bassin, comme nous l'avons dit, est très-étroit, mais les pubis ne se joignent pas, de sorte que les organes génito-urinaires et le rectum ne sont pas complètement renfermés dans sa cavité, et que le fœtus, en naissant, no traverse pas le bassin. Cette circonstance permet à la Taupe de produire des petits, qui, proportion gardée avec la mère, ont un volume plus considérable que dans aucune autre espèce. Le nombre des ma- melles est de huit : deux pectorales, quatre dans la région ombilicale et deux dans la région in- guinale. Les Taupes entrent en amour au commencement du printemps, et ensuite au mois de juillet. Les femelles mettent bas deux fois par an; leur portée est peu considérable et composée de trois à cinq petits et quelquefois d'un nombre moindre; depuis le mois de mars jusqu'à celui d'août, on les trouve accompagnées de leurs petits, qui naissent tout nus et tout rouges. La mère soigne ses enfants avec beaucoup de tendresse et les dépose sur un lit de feuilles et d'herbes qui tapisse le sol d'une sorte de chambre assez spacieuse de ses galeries, dont la voûte est supportée par des piliers de terre, et qui est située dans la partie la plus élevée et la plus sèche du terrier, de façon à être tout à fait à l'abri des inondations. L'intestin n'est pas dix fois aussi long que l'animal; son diamètre est peu considérable et varie peu dans ses diverses régions; il n'existe aucune trace de cœcum. L'estomac est cependant très- ample; il reçoit le cardia à son centre. Pour déchirer la terre et la pousser derrière elle, la Taupe a reçu un instrument merveilleusement approprié à sa destination. Par la disposition ostéologique de ses membres antérieurs, de son ster- num et surtout de ses mains, elle se trouve armée de deux sortes de pelles très-robustes à l'aide desquelles, le museau placé en avant, elle s'avance quelquefois si rapidement dans la terre qu'elle y semble nager. Mais, d'un autre côté, en raison de la gracilité de ses membres de derrière, et parce que le ventre traîne sur la terre, la Taupe se meut aussi péniblement sur la terre qu'elle le fait rapi- dement en dessous. Toutefois, et malgré l'opinion universellement admise, nous devons dire que M. Pouchet rapporte, au contraire, que, sur le sol, la Taupe est un animal dont les mouvements sont extrêmement vifs, et qui court avec une si grande rapidité, que Pocil ne peut suivre l'action de ses membres. On considère généralement la Taupe comme nuisible, et on lui fait une guerre active à cause des dommages auxquels elle donne lieu; cependant ce n'est que par exception qu'elle mange les racines des plantes, car sa nourriture consiste presque entièrement en Insectes et en Vers de terre, qu'elle découvre en perçant ses galeries, et auxquelles elle joint, assure-t-on, quelques bulbes du colchique d'automne. Elle se nourrit principalement de mcins ou larve de Hanneton; mais elle détruit aussi en grand nombre les Courtillères; ce n'est qu'accidentellement qu'on la voit manger des graines ou des fruits tombés des arbres. Enfin, d'après des observations d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, il arrive parfois à la Taupe de s'emparer, pour construire son nid, de tiges de diverses graminées qu'elle saisit par la racine, et fait descendre verticalement et peu à peu sous terre; c'est ainsi que l'on a trouvé, dit-on, dans un seul nid quatre cent deux tiges de blé parfaitement conservées et avec leurs feuilles entières. Le véritable tort qu'elle cause résulte de la destruction des plantes de prairie ou des céréales qu'elle trouve sur son chemin, et surtout des irrégularités que ses nombreuses taupinières établissent sur le sol, ce qui empêche de faucher aussi près de terre qu'on peut le faire lorsque la surface en est unie. Mais, toutefois, elle rend de grands services en détruisant un très-grand nombre d'Insectes qui nuiraient beaucoup plus qu'elle àl'agriculture; en effet son appétit est extraordinaire, et, pour nous servir de l'heureuse expression d Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, nous dirons « qu'elle n'a pas faim comme tous les autres animaux, mais que, chez elle, ce besoin est exalté, que c'est un épuisement H8 HISTOIRE NATURELLE. ressenti jusqu'à la frénésie. Elle se montre violemment agitée; elle est animée de rage quand elle s'élance sur sa proie; sa gloutonnerie désordonné toutes ses facultés; rien ne lui coûte pour assouvir sa faim; elle s'abandonne à sa voracité, quoi qu'il arrive; ni la présence d'un homme, ni obstacles, ni menaces, ne lui on imposent, ne l'arrèiont. La Taupe attaque ses ennemis parle ventre; elle entre la tête entière dans lo corps de sa victime; elle s'y plonge; elle y délecte tous ses organes des sens.» Une Taupe meurt de faim au bout de très-peu de temps, et il est à remarquer que, dans le cas même où sa faim est portée au plus haut degré, elle ne touche presque jamais aux matières végétales qui se trouvent auprès d'elle; qu'au contraire, si un animal se rencontre à sa portée, elle s'élance sur lui à l'improviste, lui ouvre le ventre et le dévore presque tout entier en peu de temps. Les Crapauds sont à peu près les seuls animaux qui lui répugnent; elle dévore avec avidité les Oiseaux. Si même l'on place dans un lieu fermé deux Taupes de même sexe, la plus faible est bientôt dévorée, et on ne retrouve plus d'elle que sa peau et ses os. Après avoir assouvi sa faim, la Taupe est tourmentée par une soif ardente, tellement que, si on la saisit parla peau du cou, et qu'on l'approche d'un vase plein d'eau, on la voit, dit-on, boire avec avidité, malgré la gêne d'une telle position. La plupart des faits que nous venons de rapporter, et qui sont indiqués par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans le Die- l'ionnaire classique ci llisloirc nainrclle, sont dus à M. Flourens. Mais nous ajouterons qu'ordinaire- ment les Taupes trouvent assez de larves, d'Insectes parfaits et de Vers sans avoir recours à une autre nourriture. A. G. Desmarest {Dict. des Se. nat., t. LU) a donné de nombreux détails sur les galeries creusées par les Taupes, ainsi que sur les moyens employés pour détruire ces animaux, et nous croyons utile de les transcrire. « Les Taupes vivent isolément chacune dans son système de galeries particulières et elles ne viennent guère au jour que lorsqu'elles veulent changer de canton pour trouver un terrain plus riche en nourriture, ou à l'époque de l'amour, pour le rapprochement des sexes. Les mâles, plus robustes et plus gros que les femelles, creusent des souterrains moins tortueux, et leurs taupinières sont plus nombreuses et plus rapprochées les unes des autres que celles qui appartiennent aux tra- vaux des femelles. Les jeunes individus ne pratiquent que des boyaux tortueux et offrant à de grandes distances des taupinières d'un petit volume. Selon les saisons, les galeries sont plus ou moins profondes, parce que la température qui résulte de ces saisons a une influence sur les Insectes et les Vers, en les faisant Renfoncer plus ou moins dans le sol; les Taupes doivent naturellement les suivre. Selon la nature du sol elles sont aussi plus ou moins superficielles; ainsi, quand le terrain est sablonneux, les racines sont peu profondes et les Insectes s'enfoncent peu; alor-s-^les galeries des Taupes rasent pour ainsi dire la surface du terrain et font elles-mêmes une saillie en dessus; au contraire, quand le terrain est à la fois gras et léger, ces travaux sont profonds et poussés avec une activité telle, qu'ils occupent un développement quadruple au moins des premiers. Une Taupe creuse horizontalement à partir d'un point central, et elle ouvre plusieurs galeries dans des directions différentes, lesquelles se rejoignent entre elles par des boyaux de communication. Les taupinières qu'elle forme de distance en distance ont pour objet de rejeter en dehors la terre fouillée et qui obstruerait le passage; c'est à l'aide de sa tête qu'elle soulève cette terre pour former le soupirail par lequel elle rejette ensuite tous les autres débris dont elle veut se débarrasser. Pour établir son domicile, elle choisit ordinairement un terrain meuble et fertile, et s'éloigne également des endroits pierreux et rocailleux et des lieux marécageux ou seulement très-humides. Dans sa demeure, le point où elle se lient le plus souvent est toujours le plus élevé et le plus sec. Jamais ses galeries ne sont en communication directe avec l'air extérieur. Elle se livre à ses travaux de mineur principalement vers le lever et le coucher du soleil, et aussi vers midi. En hiver elle est beaucoup moins active qu'en été, mais elle ne tombe point dans un état de torpeur comme divers Insectivores et Ron- geurs. « On fait une chasse active aux Taupes, soit en les poursuivant avec la bêche ou la houe, et en les enlevant avec ces instruments une fois qu'on a reconnu le lieu où elles travaillent, soit en cherchant à inonder leur demeure, soit enfin en plaçant des pièges dans les galeries qu'on a interrompues. Le piège le pbis usité et le plus anciennement imaginé est la taupière de Delafa'ille. Il consiste en un cylindre de bois creux,, long de O^.SS, dont le diamètre intérieur est égal à celui des galeries ordinaires des Taupes. A chaque bout de ce cylindre est placée en dedans une petite fourche en bois, suspendue supérieurement et d'une manière mobile par l'angle de réunion de ses branches, de [>> I — (lljifii iloiiue. l-'i;;. '2 — GiiOpiir(' ■I IC, CARNASSIERS. H9 façon que celles-ci tombent obliquement à la paroi inférieure du conduit; ces fourches sont situées en sens opposé, et leurs pointes se regardent. Ce piège étant placé dans une coupure que l'on fait à la galerie la plus nouvellement creusée par la Taupe que l'on veut atteindre, sa cavité intérieure est comme la continuation de sa galerie. Or, si la Taupe veut la traverser, elle rencontre d'abord une des fourches, dont elle soulève facilement les branches; mais, lorsqu'elle a passé, celles-ci retombent et empêchent son retour; de même elle ne peut passer au delà de la seconde fourche, qui s'oppose de la même manière que la prcmière^à sa sortie, une fois qu'elle est entre les deux. Une petite tige mobile et terminée par un peu de papier fait connaître par son mouvement que l'animal est pris, et alors on va relever le piège. Un autre piège, inventé pariM. Lecourt, consiste en deux branches car- rées et croisées, réunies par une tète à ressort, à la manière des pincettes ordinaires; la tête est en acier aplati; les branches sont en fer, leur extrémité est armée de deux crochets plies en contre- bas et à angle droit, de cinq lignes; sa longueur totale est de 0'",22. Ce piège est tendu, les bran- ches ouvertes, dans le sens des galeries, et une détente empêche le rapprochement des branches; mais, si la Taupe touche à cette détente, elle se trouve immédiatement saisie par les deux branches, qui se rapprochent par l'effet du ressort. » La meilleure manière de prendre un grand nombre de Taupes, celle employée le plus générale- ment par les taupiers, consiste plutôt à les guetter dans leurs travaux du matin, et, quand on en voit une pousser la terre, on coupe vivement avec une bêche le boyau dans lequel elle se trouve, ainsi que derrière elle; alors on est sûr de la saisir dans la taupinière qu'elle forme. Lorsque Ton a reconnu la position d'un nid de Taupe, à l'époque des amours, plusieurs hommes armés de houes Qu de bêches se placent autour de ce gîte, et, à un signal donné, coupent toutes les galeries qui sont en communication avec la chambre où se tient cet animal; ensuite on attaque cette chambre et l'on détruit la Taupe et ses petits. Ajoutons que, loin de détruire les Taupes, des agriculteurs de quelques pays en achètent souvent pour les mettre dans leurs vignobles quand les racines des vignes sont attaquées par les Insectes, et qu'ils s'en sont toujours bien trouvés. Ainsi, les agricul- teurs tireraient peut-être avantage de la propagation des Taupes, car elles leur seraient très-utiles en détruisant des animaux qui nuisent beaucoup plus qu'elles à leurs cultures, et, comme l'a écrit M. Pouchel, comme l'a dit de nouveau récemment à la Société eulomologique de France M. Mocque- rys, les Taupe^, après avoir détruit les Insectes nuisibles à l'agriculture, ne tarderaient pas à dispa- raître d'elles mêmes, au moins en grande partie, parce qu'elles ne trouveraient plus à assouvir leur faim vorace. Le pelage de ces Insectivores, doux et iin, a été employé comme fourrure, mais rarement, parce qu'il est diflicile de trouver un nombre considérable de peaux qui présentent exactement les mêmes teintes. L'on en fit même, dit-on, des couvertures de lit; mais l'immense quantité de peaux qu'il fallait pour cela, et surtout les frais de fabrication, qui l'emportait. sur leur produit, ont fait renon- cer depuis longtemps à cette industrie. Sous Louis XY, quelques femmes de la cour s'imaginèrent de faire servir cet animal à leur toilette en alliant sa peau aux mouches et au fard dont elles se cou- vraient le visage, elles s'en firent des sourcils; mais cette mode absurde fut de courte durée. Quanta la chair des Taupes, elle a une mauvaise saveur, se corrompt promptement et n'est pas employée. Ainsi que nous l'avons dit, on ne connaît que trois espèces de Taupes aujourd'hui vivantes; mais à l'état fossile on en a trouvé plusieurs espèces dans des couches géologiques assez récentes, et qui se rapportent exclusivement au terrain tertiaire. Le plus grand nombre des débris fossiles que l'on a recueillis jusqu'ici doivent se rapporter à notre espèce vulgaire encore existante, et l'on en a constaté la présence dans un assez grand nombre de localités; c'est ainsi que M. Schmerling en a trouvé dans plusieurs cavernes des environs de Liège; M. Schlotheim dans une caverne près de Kos- trig; M. Richard Owen en Angleterre; De Blainville aux environs de Sansans (Aude) d'après M', l'abbé Lartet, et en Auvergne d'après M. Bravard. De Blainville indique, mais avec doute comme en étant distincts, sous le nom de Taupe à dents a'ujuës, des débris de mâchoires découverts en Auvergne; mais il décrit comme tout à fait particulières les Talpa minuta et aniiqnana; la première, recueillie à Sansans par M. Lartet, et la seconde en Auvergne, et provenant de la collection de M. De Laizer. Les caractères ostèologiques ou odontologiques qu'offrent ces fossiles permettent de les distinguer facilement les uns des autres et d'avec les espèces récentes. Parmi les espèces vivantes, nous ne décrirons que le type. 120 ■ HISTOIRE NATURELLE. LA TAUPE. Buffnn. TALPA VULGAlilS. Brisson. Caractères spécifiques. — Pelage doux, luisant et d'un noir cendré, qui prend différentes teintes lorsqu'on le voit sous divers aspects; c'est ainsi qu'il est cendré clair, quand on regarde l'animal de- puis ia têle jusqu'à la queue et que les poils sont couchés en arrière; noir, mais non luisant, lors- qu'on le voit, au contraire, par derrière depuis la queue jusqu'à ia têle; noirâtre seulement sur la poi- trine et le ventre. Quand la Taupe sort de l'eau et qu'elle n'est plus que légèTement mouillée, son pelage présente quelques reflets métalliques un peu analogues à ce qu'on observe, à un beaucoup plus fort degré, chez les Chrysochlores. Le menton et la poitrine sont d'un gris très-légèrement glacé de fauve. La longueur totale, mesurée depuis le bout du nez jusqu'à l'anus, est de 0'n,i5; la tète, depuis le boutoir jusqu'au centre des oreilles, 0^,004; la main, 0°\015; le pied, O-^jOlS; le pouce, Les nuances du pelage que nous venons d'indiquer appartiennent à la majorité des individus; toute- fois elles offrent assez souvent des variations qui ont été mentionnées par les auteurs. Ainsi Brisson, Klein et Seba ont décrit une Taupe de l'Oslfrise sous les noms de Talpa variegata et macuUiia, dont le pelage est marqué de taches blanches et de taches d'un noir foncé; une seconde est la Taupe blanche (Talpa alba), Seba, que l'on trouve, quoique rarement, dans tous les pays, mais qui est plus commune en Pologne et dans le canton de Konsclnva, non loin des monts Durais; une troisième est la Taupe jaune {faipaflava), Pennant, dont le pelage est d'un gris jaunâtre ou couleur de paille plus ou moins nuancé de noirâtre, symétriquement, dans diverses parties de son corps, et qui se rencontre en Au- nis, au bois de Vincennes, etc.; enfin une quatrième, désignée par Lesson sous la dénomination de Talpa gr'isca, est d'un cendré clair uniforme, et provient, dit-on, de Rohème. Du reste, ces variétés sont loin de devoir constituer des espèces; on remarque également des variations dans la taille de ces animaux, ce qui fait distinguer par les laupiers des grosses et des pelitcs Taupes. • La Taupe est connue depuis la plus grande antiquité, et, ainsi que l'a démontré Olivier, elle por- tait chez les Grecs le nom d'AoTrau^. Linné lui appliquait la dénomination de Talpa Europœa, qui est assez généralement adoptée, quoique le nom de Talpa vulgaris de Brisson soit plutôt admis par quelques zoologistes. La Taupe est répandue dans toutes les contrées fertiles de l'Europe, mais on n'en trouve pas, dit-on, en Irlande, et l'on en voit peu en Grèce. M. Harlan assure que l'espèce existe aussi dans l'Amérique septentrionale; mais ce fait est très-loin d'être démontré; et Lesueur, l'un de nos plus zélés zoologistes, qui a pendant près de vingt ans séjourné dans le pays indiqué par M. Harlan, a plusieurs fois assuré à l'un de nous que, malgré ses recherches, il n'en avait jamais vu. C'est à cette espèce que l'on doit rapporter tous les détails de mœurs que nous avons précédem- ment donnés. Les deux autres espèces sont la Taupe aveugle, Talpa cœca, Savi, qui est plus petite que la pré- cédente, puisque la longueur totale n'est que de 0"',12, à laquelle elle ressemble beaucoup par sa forme et son pelage; son boutoir est plus aplati. M. Savi la disait tout à fait aveugle; mais il est bien démontré que cela n'est pas exact, car les paupières de cet animal ont encore une ouverture distincte, quoique beaucoup plus petite que dans la Taupe commune. Elle a été découverte dans les Apen- nins, mais, depuis, elle a été signalée en Grèce, à Hambourg, en Suisse, dans le midi de la France, et Et. Geoffroy Saint-Ililaire croit même que la variété de l'espèce précédente, indiquée sous le nom de Pelilc Taupe, pourrait bien lui être rapportée. Enfin, la dernière espèce, qui est très-distincte, comme le démontrent les diverses parties de son organisation et de son pelage, est particulière au Japon, et a reçu de Siebold et de M. Temminck le nom de Talpa moogura. CARNASSIERS. 121 !2"« GENRE. - SCALOPE. SCALOPS. G. Guvier, 1800.' Leçons d'anatomie, t. I. ^ioXcTti;, Taupe. CARACTÈRES GÉNÉRIUUES. Sijsicnie dentaire : incisives, ;; canines, „; molaires, |^, ce qui donne, d'après Fr. Cnvier, un total de trente-six dents; les deux incisives supérieures sont très-fortes, très-larges, arrondies en devant, planes en arrière, perpendiculaires à la mâchoire, et tronquées en biseau : inférieiire- ment, les deux incisives du milieu sont petites, tranchantes, et les latérales très-longues, pointues, crochues, presque comme des canines; il n'y a pas de canines; les six premières molaires supérieures sont des fausses molaires : deux cglindriques, très-petites, minces comme des fils; une troisième beaucoup plus grande, cylindrique, pointue; une quatrième plus petite, mais de même forme; une cinquième pyramidale, tronquée obliquement au sommet, et une sixième du double plus grande que la précédente, de même forme : les trois vraies molaires ont plus de largeur que les autres, et leurs couronnes sont garnies de tubercules pointus, forts, et munies d'un talon intérieur, petit; les molaires inférieures comprennent trois fausses molaires h une seule pointe, qui sont couchées en avant, et trois vraies molaires composées comme celles des Chauves-Souris. Museau très prolongé, cartilagineux, terminé par un boutoir. Yeux très-petits, cachés par des poils. Pas d'oreille externe. Pieds très-courts, à cinq doigts : les antérieurs très-larges, ayant les doigts réunis jusqu'à la dernière phalange; les ongles longs, aplatis, linéaires, propres à creuser la terre, croissant depuis le pouce jusqu'au troisième doigt y compris, les deux autres diminuant, et l'externe étant le plus petit de tous : pieds postérieurs très-petits, très-grêles, h doigts pourvus de petits ongles crochus, arqués. Queue courte. Le genre Scalope, .formé par G. Cuvier avee une espèce placée par Pennanl dans le genre Taupe, et par Linné dans celui des Musaraignes, a beaucoup de rapport avec les animaux de ces deux groupes, et surtout avec ceux du premier; mais il en diffère principalement par son système den- taire et par la disposition de quelques-uns de ses organes des sens. Le corps est de forme allongée, cylindrique, musculeux dans toutes ses parties antérieures, qui concourent aux mouvements des pattes de devant, et à ceux qui ont pour but de relever la tête. Celle-ci est dans la proportion de la tèle de la Taupe, relativement au volume du corps, et est supportée par un cou très-court, très-musculeux. Le museau est encore plus allongé que celui des Musaraignes, garni de plusieurs rangées de pores, terminé par un boutoir, et non flexible et mobile comme celui du Desman. La gueule est assez fendue. Les membres sont très-courts, pentadactyles, et ceux de derrière parais- sent faibles et débiles, comparativement à ceux de devant, qui sont exactement semblables à ceux de la Taupe, c'est-à-dire terminés par une large main nue et calleuse, dont tous les doigts, soudés intimement les uns aux autres, sont arm ''S d'ongles forts, crocbus, et formant, par leur réunion, une lance coupante, une sorte de bêche, pour entamer et creuser la terre. Les membres postérieurs sont plantigrades, allongés, à talon bien marqué, à doigts grêles, bien séparés, et garnis d'ongles minces, arqués. Le pelage est très-fin, perpendiculaire à la peau, comme celui de la Taupe; mais il est moins doux au toucher, et son aspect est moins velouté. Le squelette de ces animaux, étudié par M. De Blainville, présente quelques particularités à no- ter. La mâchoire inférieure a plus de force et plus de courbure dans sa branche horizontale que celle de la Taupe. La colonne vertébrale n'offre rien de particulier, si ce n'est que les vertèbres sacrée et coccygienne sont très-comprimées. L'omoplate a ses fosses canaliculées. La clavicule n'a pas l'apophyse du bord inférieur disposée comme dans la Taupe, et son trou vasculaire est plus 12 16 122 HISTOIRE NATURELLE. rorisidérabie. L'humérus est un peu plus carré. Les membres postérieurs sont plus grêles, et pro- portionnellement plus faibles. De Blainville a donné également des détails sur le système dentaire, et, pour lui, la signification des dents n'est pas la même que pour Fr. Cuvier. Ce système dentaire est anomal de forme, de pro- portions, et même de nombre, du moins à la mâchoire inférieure, et cette anomalie porte surtout sur les parties antérieures. Les mœurs des Scalopes sont analogues à celles des Taupes, seulement, de même que quelques Musaraignes, ces animaux recherchent les terrains humides, tels que les bords des rivières et des ruisseaux. Us se creusent des galeries dans le sol. Leur nourriture consiste en Insectes et en Vers. Us sont propres à l'Amérique septentrionale. On n'en connaît qu'une seule espèce. SCALOPE DU CANADA. SCALOPS CANADENSIS. G. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris fauve, tant en dessus qu'en dessous du corps : chaque poil étant d'un gris de souris à la base, et presque fauve à la pointe. La longueur, pour la tête et le corps, est de près de O^.SO, et celle de la queue n'a pas 0°',03. Cette espèce était nommée, par Linné, Sorex aquaticus; parPennant, Tnipa fusca; par Brisson, Talpa Virginiana; c'est aussi une variété de la même espèce, le Scalops Pennsiilvanka, Ilarlan, que Lesson {Manuel de Mammalogîe, 1827) avait prise pour type de son genre Talpasorcx {Talpa, Taupe; Sorex, Musaraigne), genre qui, dès lors, doit être rayé de la nomenclature, et qui était ca- ractérisé par des particularités odontologiques qui ne sont pas exactes. Le Scalope habite les États-Unis d'Amérique, depuis le Canada jusqu'en Virginie. Le Scalopus cristalus d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire est devenu le type du genre qui suit. 3"* GENRE. - CONDYLURE. CONDYLURUS. lUiger, 18H. Prodroma syslcnialica Mammalium et Avium. Kov^uXoç, nœud ; oupa, queue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire d'après Fr. Cuvier : incisives, |; canines, \^^^, molaires, —^j ce qui, en tota- lité, donne quarante dents : les deux incisives supérieures sont arrondies à leur bord externe, tandis que l'interne est droit; elles sont convexes en avant, et concaves en arrière : les inférieures sont fortement dirigées en avant; les canines supérieiires sont longues, pointues, et un peu en cro- chet^ et les inférieures très-peliles; des molaires d'en haut, quatre sont très-pclites, distantes : la cinquième est triangulaire; les trois vraies nioUmrs sont hérissées de pointes, et vont en diminuant de grandeur de la première à la dernière : celles d'en bas sont normales, plus grosses (jue les supé- rieures; les vraies molaires sont d'égale grosseur entre elles. Museau très-prolongé, quelquefois garni de crêtes membraneuses disposées en étoile autour des ouvertures des narines. Pas d'oreilles externes. leux extrêmement petits; mais les parties qui l'environnent dépourvues de poils. Lèvres séparées des parties environnantes par un sillon qui semble former les contours d'autres lèvres, et paraissent être doubles. Pieds antérieurs courts, larges; ci cinq doigts munis d'ongles robustes et propres à fouiller la terre; pieds de derrière grêles, à cinq doigts. CARNASSIERS. 125 Queue de longueur médiocre. Corps trapu, couvert de poils très-fins, doux, courts, d'une couleur uniforme, et perpendiculaires à la peau. \ \ Fig. 40. — Condylure à museau étoile. Ce genre, créé par Illiger, et qui a été réuni à celui des Talpa par G. Cuvier, doit en être distin- gué. Il renferme quatre espèces : l'une d'elle appartenait au genre Sorcx de Linné; une seconde à son genre Taupe; une troisième a servi de type pour la création du genre Astronujclcr (acr/ip, étoile; piciep, museau) de M. Harris (1826, Boston Journal, t. II), qui n'a pas été adopté par la plupart des zoologistes; enfin, une dernière a été plus récemment découverte. Les Condylures ont tout à l'ait le port et l'aspect des Taupes; leurs membres ont la même con- formation que ceux de ces animaux. Leur tête a les mêmes proportions, mais le museau est terminé par des appendices charnus qui forment comme une espèce de couronne autour des narines. Les yeux sont cachés par des poils, et il n'y a pas plus que dans les Talpa de conques auditives. La queue est plus longue que celle des Taupes, mais elle est également revêtue par une peau ridée transversalement, sur laquelle les poils sont rares; le nom générique qu'Illiger leur a assigné semble indiquer que cette queue a des nodosités remarquables, ce qui n'est cependant vrai que dans les individus desséchés, et non dans ceux qui sont vivants ou conservés dans l'alcool. Le système dentaire des Condylures, ou plutôt celui d'une espèce de ce genre, le Condyluracristata, a été étudié par plusieurs naturalistes, et particulièrement par A. G. Desmarest {Journal de Physi- que, 1819); par Fr. Cuvier {Denis des Mammifères, 1825), et par De Blainville {Ostéographie des In- sectivores, 1841), et ces trois auteurs sont loin d'être d'accord. Nous avons donné notre caractéristique des dents d'après Fr. Cuvier, et nous nous bornerons à ajouter qu'A. G. Desmarest admet la formule dentaire : incisives, |; dents coniques ou fausses molaires, |^; et vraies molaires, |^, et que De Blainville dit qu'il y a, à chaque mikhoire, et de chaque côté, quatre incisives, une canine, trois avant-molaires et trois molaires, et que ces dents ressemblent à celles des Taupes, avec quelques différences de forme et de proportion. Le squelette ressemble à celui des Talpa, mais il montre une dégradation bien plus marquée vers les Musaraignes que cela n'avait lieu dans les Scalopes. La tête est allongée, étroite, peu dilatée dans sa partie crânienne, et les mâchoires, surtout celle d'en bas, sont longues, très-grêles; le crâne est entièrement lisse, il n'y a pas d'orbite distinct, et l'arcade zygomatique est très-mince. Les vertèbres coccygiennes sont plus nombreuses que dans la Taupe, plus longues, plus régulière- ment décroissantes, avec les os en V inférieurs plus nombreux et plus prononcés. Les côtes sont plus grêles. La diminution dans la disposition à la locomotion souterraine se montre surtout dans les membres antérieurs, qui sont plus longs et moins larges : les membres postérieurs sont plus allon- gés, plus élevés et proportionnellement plus forts que chez les Taupes, et le bassin est plus court, mais sa forme générale est la même, si ce n'est dans celle de l'extrémité postérieure du pubis, plus en crochet, et ces diverses particularités tendent à présenter déjà, en partie au moins, ce qui doit avoir lieu dans les Musaraignes. iU HISTOIRE NATURELLE. Fr. Cuvier dit que les organes génitaux ne sont pas contenus dans une poche, et que l'urètre est indépendant du vagin; son canal a son orifice à l'extrémité du clitoris. Les animaux de ce genre n'ont encore été observés que dans l'Amérique du Nord, où ils vivent absolument à la manière des Taupes. Toutefois, ils ont une vie un peu moins souterraine, et Ton en trouve quelquefois sur le sol. Les espèces qu'on place dans ce genre sont les suivantes. 1 CONDYLUIŒ A MUSEAU ÉTOILI'. CONDYLURA CRISTATA [SOREXi Linné. • Caractèhes spécifiques. — Narines entourées d'un cercle de lanières membraneuses, disposées en étoile; queue moins longue que la moitié du corps; pelage court, très-doux, un peu moins fin et moins fourni que celui de la Taupe d'Europe; mais absolument du même gris noirâtre velouté. Lon- gueur de la tête et du corps : 0"',12; celle de la queue : 0'",05. Cette espèce habite le Canada, et a pour cela reçu de Lafaille la dénomination de Taipa Ca- nadensis, et de Buffon, celle de Taupe du Canada. De Lafaille assure que cet animal peut à vo- lonté écarter ou rapprocher les franges cartilagineuses roses qui terminent son nez, à la manière du calice des fleurs, en enveloppant et renfermant les conduits nasaux auxquels elles servent d'abri. On ne connaît pas bien les mœurs de cet Insectivore; cependant, on sait qu'il vit sous terre comme notre Taupe, qu'il se creuse des terriers dans les terrains légers, et qu'il pousse la terre en dehors en tau- pinières moins grosses et moins élevées. De ce dernier fait, et des appendices assez fragiles de son nez, on a conclu qu'il ne devait pas fouiller la terre avec son museau; mais, ainsi que le remarque JI. Boitard, cela doit être une erreur, car, sans cela, comment repousserait-il la terre de son boyau à la surface du sol? Comment creuserait-il chaque jour de nouvelles galeries pour trouver sa nourri- ture, qui doit consister en Vers, en larves, en Insectes, et peut-êlre aussi en bulbes et petites racines charnues? 2. GONDYLURE A POIL VERT. COADYLURA PRASINA. Hanis. Cabactèhes spécifiques. — Pelage très-fin, de couleur verte, avec une teinte grisâtre vers l'extré- mité de la queue : celle-ci est très-mince, et étranglée à son origine, ensuite élargie, et amincie gra- duellement vers son extrémité; sa surface n'a ni rides, ni sillons transversaux, et les poils qu'elle porte ne sont pas rangés en verticilles; forme générale du Condylure à museau étoile. Longueur de la tête et du corps : 0"',12; de la queue : 0'",04. Cette espèce, dont M. Ilarris a fait le type de son genre Astromijcter , a été prise aux État-Unis, dans le district du Maine. Les deux autres espèces sont : le Condyluhe a ghosse queue [Condijlura macroura), Harlan, remar- quable par une queue grosse et aussi longue que le corps, et qui habite la Colombie, et le Con- dylure A LONGUE QUEDE [CoiidijUira longicandata), Illiger, espèce douteuse, particulière à la baie d'Iliidson. et qui serait caractérisée par son pelage d'un brun ferrugineux, et sa queue plus allongée proportionnellement que dans les autres espèces. CARNASSIERS. 125 4"^« GENRE. - UROTRIQUI::. UROTIUCIWS. Temminck, 1842. In Magasin df Zoologie di; Cîuérin-Méncville. Oupa, queue, ûfi'î, Tff/.o;, [loil. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système (Iciilairc : incisives, |; canines, l_l; molaires, !ÎZ^; en totalité trente-six dents; les incï sives supérieures sont grandes, droites, triangulaires, très-fortes, formées exactement comme cèdes du Desman des Pyrénées; les inférieures sont droites, coniques, un peu courbées et à talon plus large; les canines sont longues, coniques, aboutissant vers la moitié de la longueur des incisives; parmi les ynolaires supérieures on compte quatre petites fausses molaires : la première, accolée à la canine, est très-petite, les trois autres augmentent graduellement en volume jusqu'aux vraies mo- laires, qui sont au nombre de qua-re et hérissées de pointes; inférieurement il y a trois petites fausses molaires égales en volume et une quatrième du double plus forte, conique, à talon, et trois vraies molaires hérissées de pointes. (Temminck.) Télé longue, pointue. Trompe dépassant les incisives supérieures. Oreilles et yeux cachés sous la peau. Pieds de devant fouisseurs, à peu près conformés comme ceux des Taupes; pieds de derrière re- présentant ceux des Musaraignes. Queue assez longue, grosse, écailleuse, abondamment garnie de longues soies qui forment un pinceau vers le bout. Fig. 41. — Urolrique talpoïde. Le genre Urotrique présente des caractères communs aux Taupes et aux Musaraignes, et vient établir la liaison entre les Talpidés et les Soricidés. M. Temminck indique les particularités ostéologiques suivantes : « L'omoplate est, comme dans la Taupe, remarquable par sa longueur et par son étroitesse, mais plus dilatée à son extrémité. Les clavicules, quoique robustes, ressemblent à celles des Desmans; elles sont courtes, fortes, grosses. L'humérus, quoique court et robuste, n'a pas, comme dans la Taupe, cette forme particulière d'un os carré, plat et large, il est plat et allongé. L'avant-bras ressemble plus à celui de la Taupe, cepen- dant il est plus large et plus grêle; le radius y est en rapport normal avec le cubitus : ces deux os sont tellement accolés l'un sur l'autre, qu'ils semblent former une seule et môme pièce; le cubitus étant plat et large, tandis que le radius est grêle comme dans les Musaraignes-, mais l'olécrane, quoique moins élevé que chez la Taupe, est terminé en fer de hache transverse. La main est raccourcie par le peu de longueur des métacarpiens, et manque de l'os additionnel interne en forme de croissant, qui existe dans la Taupe. Les ongles, plus grêles que ceux des autres Insectivores, sont également plus comprimés. Le bassin ne diffère pas de celui de la Taupe Le fémur est court et le tibia 126 histoire: naturelle. proportionnellement beaucoup plus long que chez les Talpa; l'un et l'autre ont la même forme que dans les Musaraignes. Le pied est petit, long, plantigrade et pourvu, au côté interne, d'un très-petit rudiment représentant l'os particulier, bien plus long chez la Taupe, et qui paraît former sous la peau un sixième doigt. )> Les habitudes de 1 Urotrique ressemblent plus à celles des Taupes qu'à celles des Desmans et des Musaraignes; il fouit la terre et se creuse des conduits souterrains assez semblables à ceux des Taupes, mais moins visibles en ce qu'ils sont plus profondément placés dans l'intérieur du sol, et qu'ils ne présentent pas de buttes à la surface de la terre. On ne le voit jamais dans les plaines, sé- jour ordinaire des Taupes; il établit toujours sa demeure dans les contrées couvertes de hautes mon- tagnes, à une élévation de trois à quatre cents mètres au-dessus du niveau de la mer, et c'est dans ces localités seulement qu'on peut espérer de trouver des individus morts sur le sol; c'est du moins dans cet état qu'ont été recueillis tous les sujets rapportés par les voyageurs. On ne connaît qu'une seule espèce de ce genre; elle habite le Japon, particulièrement dans les régions méridionales et orientales. UROTRIQUE TALPOIDE. UnOTRICUUS TALPOIDES. Temminck. Caractères spécifiques. — Pelage serré, abondant, velouté, lustré, d'une teinte générale brun- marron très-foncé, avec la base des poils noirâtre; parties inférieures un peu plus claires. Longueur, depuis le bout de la trompe jusqu'à l'origine de la queue, 0'",12; de la queue, 0"',03. Ojiuxienu (j)widion. CHRYSOCHLORIENS. CHRYSOCHLORII. Isidore Geoffroy Saint-Hilaiie. Membres antérieurs à trois doigts en forme de pioche. Cette division, qui répond à la deuxième tribu de la famille des Talpidés de M, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ne renferme qu'un seul genre, celui des Chrijsochlores, propre au cap de Bonne- Espérance. GENRE UNIQUE - CHRYSOCIILORE. CHRYSOCHLORIS. G. Cuvier. 1800. Leçons d'anatomif, t. I. Xp'joo?, d'or; xXœpo;, couleur veile. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire: incisives, •;; canines, {}; molaires, ^zh en totalité quarante dents; les inci- sives supérieures fortes, aiguës : les inférieures latérales semblables, avec deux trcs-petitcs dents intermédiaires; molaires supérieures comprenant six fausses molaires, petites, cl cinq vraies mo- laires écartées les unes des autres, triangulaires, avec un tubercule aigu à chaque angle, et un quatrième à la base de l'angle interne, qui est le plus prononcé, et la dernière ne présentant qu'une lame mince, légèrement échancrée; molaires inférieures plus minces que celles d'en haut, mais éga- lement espacées, et pénétrant entre ces dernières lorsque la bouche est fermée. CARNASSIERS. 127 Museau peu prolongé, carlïlacj'menx, comme tronqué an bout, nu. et de couleur de chair. Narines environnées de lames valvulaires. Yeux irès-pclits. Point de conque externe de l'oreille. Lèvres entières. Langue douce. Pieds de devant à trois doigts, armés d'ongles robustes et en gouttière, comme ceux de la Taupe: pieds de derrière assez faibles, à quatre ou cinq doigts armés d'ongles peu robustes, et dont l'exté- rieur est le plus court. Corps épais, trapu. Queue nulle. Pelage très-court, doux, perpendiculaire à la peau. Deux mamelles inguinales. Fig. 42 — Glirysochloi'i: du Cap. Ce genre a été fondé par G. Cuvier, quoiqu'on l'attribue généralement à De Lacépède, pour une espèce d'Insectivores, vulgairement connue sous la dénomination de Taupe dorée, et que Linné rangeait dans le genre Talpa sous le nom de T. Asiatica. De Blainville, dans son Ostéograpliie des Insectivores, a étudié le squelette du Clirysoclilore. La colonne vertébrale, composée de quarante-deux vertèbres, est, en totalité, plus allongée et plus cy- lindroide que celle des Taupes. La tète est, dans sa forme générale, beaucoup plus courte; la mâ- choire inférieure est très-courte et très-forte dans sa branche horizontale; le rocher est très-grand. Les vertèbres cervicales sont assez courtes; cependant, l'atlas est un peu évasé, et l'axis a un corps très-long. Le sacrum est encore plus étroit et plus en crête que celui de la Taupe. Les vertèbres coc- cygiennes décroissent très-rapidement. Il y a dix-neuf côtes, qui sont fortes et larges. L'hyoïde n'of- fre rien de particulier. Le sternum est allongé, étroit, à cornes nombreuses. Le thorax, en totalité, est beaucoup plus long, plus conique et un peu moins déprimé, que dans la Taupe. Les membres antérieurs en diffèrent beaucoup. L'omoplate est large, arquée en cercle; sa crête, qui ne commence qu'à la moitié de l'os, est remarquable par lar disposition qu'elle présente. La clavicule est longue, étroite, et a une seule courbure. L'humérus est en forme de croissant; la concavité en dedans; l'extré- mité supérieure offre une tête articulaire, comprimée comme dans les Oiseaux. La main est tout à fait anomale, et rappelle un peu ce qui«existe dans certains Edentés, en ce qu'un seul doigt s'est développé outre mesure; les autres ne servant qu'à le renforcer, ce qui fait qu'on ne peut que diffi- cilement constater la présence des autres doigls. Les membres postérieurs rentrent bien davantage dans le type des Taupes; seulement, chaque moitié de la ceinture pelvienne est encore plus indé- pendante de celle du côté opposé, ces deux parties s'écartant fortement en arrière. Les pieds sont un peu plus robustes que dans la Taupe; les doigls extrêmes sont proportionnellement plus courts, et surtout il n'y a pas de faux doigt interne. D'après les détails dans lesquels nous venons d'entrer, on voit combien les Chrysochlores sont 128 HISTOIRE NATlTiELI-E. distincls des Taupes sous le point de vue de leur charpente osseuse; il en est de même dans la dis- position des extrémités des membres. Il n'y a que trois doigts aux pieds de devant : l'ongle externe est triple en longueur du doigt suivant, et lintecne est le plus petit; en outre, il y a un petit ergot corné sessile sur le carpe : les membres postérieurs, d'après la plupart des auteurs, présenteraient cinq doigts comme la Taupe; toutefois. De Blainville n"en indique que quatre. Mais si ces deux ani- maux dikrent ainsi, ils ont aussi de nombreux rapports; c'est ainsi que leur forme générale est à peu près la même, cl qu'ils ont des mœurs semblables. Aussi, de même que la Taupe, le Chrysochlore se creuse des galeries sous la surface du sol, et il paraît même qu'elles sont plus profondément si- tuées pour rinsectivore étranger que pour celui de notre pays. Les trois espèces que l'on range dans ce genre sont toutes propres au cap de Bonne-Espérance. CIIRYSOCHLORE DU CAP. (HRYSOCHLORIS CAPENSIS. A. G. Desmarcsl. Caractères spkcifiques. — Corps couvert en entier de poils, dont la base est brune, et l'extré- mité d'un vert brillant qui produit les plus beaux reflets métalliques et cuivreux très-brillants, sur- tout lorsque l'animal est en entier plongé dans un liquide transparent. Un peu plus petite que la Taupe d'Europe; sa longueur totale est d'environ 0™,13. Celte espèce porte dans Buffon le nom de Taupe dorée, qu'elle a vulgairement reçu; Brisson en fait sa Talpa Sibirica aurala, et Linné sa Talpci Asialka. C'est par erreur que, d'après une fausse indication donnée par Seba, on a indiqué la Sibérie comme étant la patrie de cette espèce; elle est, au contraire, africaine, et on n'en trouve que dans les environs du cap de Bonne-Espérance, où elle est, dit-on, très-commune. Deux autres espèces du genre Chrysochlore, toutes deux propres au même pays que la précédente, ont été indiquées récemment : ce sont les CImjsochloris Hotlenlota, H. Smith, et Damarensis. Ogilby. Quant à la Taipa riihra d'Erxleben, que l'on croit de la Guyane, et que l'on a quelquefois rangée dans le genre qui nous occupe, on sait positivement qu'elle ne doit pas y entrer, et on la regarde comme une simple variété du Sculops Cunacknsis. DEUXIEME TRIBU. SORICIDÉS. SOmClDJE. îs. Geoffroy Saint-Hilaire. Plantes des pieds et des ma'ms nues. Corps couvert de poils. Yeux trcs-pclhs, mais bien distincts h l'extérieur. ' Pattes antérieures établies sur le même tijpe que les postérieures. Celle tribu, qui correspond à la famille d'Insectivores de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire qui porte le même nom, comprend ini assez grand nombre d'espèces réparties sur toutes les parties du globe, et qui sont généralement de petite taille. Deux genres principaux, ceux des Desnians et ôes Musaraignes, forment cette tribu; l'on a créé à leurs dépens un assez grand nombre de coupes génériques que nous n'adopterons pas, afin de ne pas compliquer encore un sujet déjà difficile par lui-même, mais que nous aurons soin cependant d'indiquer. Quant au genre Urolrique de M. Temminck, que M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire place avec les Soricidés, nous avons cru, par l'ensemble de ses caractères, devoir le comprendre avec les CARNASSIERS. 129 Talpidés; cela, au reslo, est peu important, car, ce genre établissant le passage entre ces deux tri- bus, il était indifférent de le ranger vers la fin de Tune ou au commencement de l'autre. i'^' GENRE, - DESMAN. MYGALE. G. Cuvier, 1808. Leçons (ranatomie, t. 1. Mu;, Rat; ^aXv), Belelte. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sysième denlahe : incisives, f; canines, j^J; molaires, l^, d'aprcs El. Geoffroij, pour le Der man des Piirénces, tandis que Pallas, pour le Desman de Moscovie, indique : incisives, ;; dénis co niques, f^l; molaires, |;e|, en tolalilc quarante-quatre dents. Les incisives supérieures intermé- diaires sont triancjidaires , 1res fortes, aplaties; tes inférieures petites, éfjales entre elles; canines inoijennes, coniques, non distinctes par la forme des incisives latérales et des premières molaires; les quatre dernières molaires en liant et les trois dernières en bas de chaque côlé, à couronne large, fjarnie de tubercules aif/ns. Tête moyenne. ♦ Gîteule assez ouverte. Narines placées à l'extrémité d'un long prolongement, en forme de trompe très mobile dans tous les sens et douée d'une grande sensibilité. Pas d'oreilles externes. Yeux très-peiits Membres courts : les cinq doigts de chacun, surioul ceux des postérieurs, réunis par une mem- brane. 3!ains et pieds nus. Ongles longs, arqués. Queue comprimée latéralement, ccailleuse, ce qui la transforme en une sorte de rame. Corps allongé, couvert de poils assez doux. Fiçç. 43. — Desman do Moscovie. Ce genre a été fondé par G. Cuvier pour une espèce, le Mggale mosctiata, placée par Linné et Pallas dans le genre Musaraigne, et avait reçu précédemment, en 1803, de Lacépède ( TaW. du Règne ani- mal), le nom générique de Desman, tiré de la dénomination de l'espèce avec laquelle on le formait, tan- dis que Vhcùv {Siistema Mammalium, 1829) lui a appliqué le nom de Mgogalea (..u:, Rat; faXv;, Be- lette), et Wagler {Naiurliclies Siislem der Ampliibia, 1 850) celle de Caprios (Ka^ptc, Sanglier). Depuis, une seconde espèce, le Sorex Pijrenaicus , Et. Geoffroy, ayant été découverte, a servi également de A- I'' i:,o riFSTOinE naturelle. ivpe n un Q;enve. nouveau que M. Isidore Geoffroy Sainl-llilaire nomme Mijgniina (diminutif do M//- (inle), et M. Kaup (Eni. G. Etiropas, 1. 1, 18'29) Galcmys {-^^.Xr^ Belette; y.\,:, Rat), et qui ne diffère du i^enre des Dcsmaiis proprement dits que par sa queue moins comprimée, ainsi que par quelques particularités de son système dentaire. Les caractères des Mygales et des Mygalines ne nous ayant pas paru très-importants, nous avons laissé réunis dans un seul groupe les deux animaux qui leur servent de types. Les Desmans, dont la taille égale environ deux fois celle du Rat d'eau, se tiennent sur le bord des ruisseaux et des rivières, où ils se creusent des galeries souterraines dont Touverture est sous l'eau, et dont une portion est assez élevée pour n'être jamais submergée; ces galeries sont très-longues, car elles ont de douze à quinze mètres, ils nagent très-facilement; les pieds de derrière sont palmés, et leur queue, plus ou moins comprimée, leur sert comme de rames. Ils restent souvent plongés dans l'eau, en faisant seulement sortir au dehors l'extrémité de leur trompe pour respirer. Ils se nourrissent d'Insectes, de Vers et surtout de Sangsues, et aussi, dit-on, des racines de Nijmpliœa. Ils ne se montrent jamais sur la terre ferme, et vivent isolés ou seulement par couples. Leur corps est assez allongé, couvert de poils très-doux, les uns soyeux, plus ou moins irisés, les autres, au contraire, duveteux et formant une sorte de bourre. Les conques auditives n'existent pas. Les pattes pentadactyles sont armées d'ongles robustes, les antérieures propres à fouiller, les posté- rieures disposées pour la natation. Ils répandent en tout temps une très-forte odeur de musc, qui se communique aux poissons qui mangent leur chair. La liqueur qui produit cette odeur est sécrétée par une double rangée décryptes glanduleux de la grosseur d'un petit pois, au nombre de quatorze ou quinze de chaque côté, placés sous la base de la queue. Ils n'éprouvent pas d'engourdissement hibei'nal, mais ils se trouvent parfois prisonniers sous la glace. Le squelette de ces animaux présente quelques particularités, qui toutes pourraient les faire rap- procher de la division des Talpidès plutôt que de celle des Soricidés, avec lesquels toutefois ils ont un assez grand nombre d'autres points de rapport. L'ensemble du squelette ressemble à celui des Musaraignes, mais la tète rappelle tout à fait celle des Condylures, le crâne étant large, déprimé, tout à fait lisse, et l'arcade zygomatique étant complète et hliforme comme dans les Taupes. Les ver- tèbres cervicales sont courtes, en forme d'anneaux, sans apophyses épineuses; il n'y a que treize ver- tèbres dorsales; les six vertèbres lombaires sont hérissées des trois sortes d'apophyses; les vertè- bres sacrées sont au nombre de cinq; enfin, et cela doit être noté, on compte vingt vertèbres coc- cygiennes cannelées par des sillons longitudinaux, sans trace d'apophyse, décroissant peu à peu de longueur et de diamètre, de manière à constituer une queue conique, très-pointue. Le sternum est court. Le thorax, également court, est brièvement conique, dilaté fortement en arrière, élargi sur les côtés et déprimé comme dans les Taupes. Les membres antérieurs participent de ceux des animaux de ce dernier genre et de ceux des Sorex; l'omoplate est longue, étroite; la clavicule droite, courte; l'humérus peu développé, robuste; les deux os de l'avant-bras et même ceux de la main rappellent les parties analogues chez les Musaraignes. Aux membres postérieurs, le bassin est plus court dans sa partie antérieure que dans la postérieure; le fémur est peu allongé, dilaté, aplati à ses extrémités; la jambe est plus allongée et plus grêle que celle des Sorcx; mais le pied est beaucoup plus long que dans ce genre, principalement par le grand allongement des métatar.siens. D'après ce., parli- cularilès, que nous avons empruntées à De Rlainville, on voit que les Desmans servent d'une ma- nière parfaite à établir le passage des Taupes aux Musaraignes. Les deux espèces de ce genre sont : 1. UESMAN DE MOSCOVIE. MYGALE MOSCOVITICA. El. GeollVoy Saiiit-Hilairc. CAr.ACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pelage très-beau et très-luisani, formé de deux sortes de poils, comme celui des Castors, d'un brun plus pâle en dessus et plus foncé sur les flancs; ventre d'un blanc ar- genté; (|uelqucs parties blanches sur la face; queue plus courte que le corps, écaillcuse, presque nue, étranglée à la base, cylindrique et renflée vers le milieu, très-comprimée verticalement à son extrémité. Longueur de la tête et du corps, 0"',2r); de la queue, 0"',1*J. s Fifî. 1 — Grabicr. Fijf. 2. — Genelte fossane ri. ]■ CAP.NASSIKP.S. 17)1 Biiffon avait parlé fort peu du Dcsnian de Russie; cependant celte espôcc avait déjà été signalée par Aldrovande, Clusius, Gharlelon, Klein et Linné, et ce dernier la nommait Sorex moscliala; mais elle ne l'ut bien connue qu'après la description qu'en fit Pallas, qui la désignait sous le nom de 3lij(jalc mosch'ifcrus, et depuis lors elle a été étudiée de nouveau par Klienne Geoffroy Saint-ililaire et par M. Brandt Cette espèce habite la Paissie méridionale; elle est surtout irès-commui» aux environs de Woro- nech, oii les pêcheurs la prennent parfois dans leurs filets. Les détails de mœurs (jue nous avons déjà donnés se rapportent spécialement à elle, car on sait peu de chose sur les habitudes de la se- conde espèce. 2 DKSMAN DES l'YRÉNÉES. MYGALE PYREKAICA. Et. Gcollroy Siiinl-Hilairc. C.\n.\cTÉUEs si'ÉciFiQUi-s. — Pelage composé de longues soies et de feutre; tout le dessus du corps étant d'un brun marron, les flancs gris-bruns et le ventre gris argenté; point tie parties blanches sur la face; queue plus longue que le corps, cylindrique dans la plus grande partie de sa longueur, di- minuant insensiblement depuis son origine, et verticalement comprimée à son extrémité Longueur de la tête et du corps, 0"',1o, de la (jueue, 0'",14. Eii;. 44. — Uesiiiim drs l'yrôiKcs. Ce Desman a été découvert, il y a une trentaine d'années, par M. Desrouais, auprès de Tarbes, dans les petites rivières, qui y sont fort nombreuses. C'est un animal qui se nourrit exclusivement d'Insectes, et qui répand une odeur très-forte et très-tenace. Il est moins aquatique que le Desman de Hloscovie, ainsi que le démontre son organisme. Il a été pendant quelque temps très-rare dans les collections; mais il Test beaucoup moins aujourd'hui, bien qu'on ne l'ait pas trouve ailleurs que sur le versant septentrional des Pyrénées. S»'" GENUK. — MUSARAIGNE. SOBEX. Linné, 1735. Syslcma natunï'. Mus araneus, nom nppl'ujué par les Ijatins à ces animaux. CARACTÈnES GÉNÉRIQUES. Sijslcme denlaire : inchivts, .^; fausses canines ou incisives lalérales inlermcdiaires, |^} on ;y.'4; nwUùres, l^l, en lotaiilé vinfil-linil ou irenle dcnls; les incisives supérieures interniédiaircs à double 132 HISTOIRE NATURELLE. crochet, ayant un fort éperon situé a leur talon; les inférieures allongées sortant droites de l'alvéole et ne se recourbant qu'à l'extrémité; les fausses canines, que quelques auteurs regardent comme des incisives latérales, sont, surtout supérieurement, beaucoup plus petites que les incisives inter- médiaires; les molaires ont leur couronne large, hérissée de pointes : les supérieures étant plus grandes et h tranchanl oblique. Os intermaxillaire inférieur court. Corps couvert de poUs fins, courts, lustrés. Tête très-allongée, terminée par un muffle divisé par un sillon profond, médian. Nez prolongé, mobile, h narines s ouvrant sur les côtés. Oreilles courtes, arrondies, présentant deux opercules qui oeeupenl presque toute la largeur de la conque. OEil tellement petit, qu'il est difficile d'en distinguer la pitpillc, noir; paupières fortes, charnues, épaisses, ciliées. Fijï. 45 — Musaraigne d'eau Pieds h cinq doigts bien conformé.^-, et étant dans les mêmes rapports h ceux de devant qu'à ceux de derrière; le pouce étant le plus court de tous. Plantes des pieds et paumes des mains garnies de six tubercules. Ongles crochus, comprimés latéralement, terminés en pointe et non propres à fouir la terre. Queue plus ou moins longue, tantôt tétragone. tantôt comprimée dans une partie de sa longueur. Mamelles au nombre de six ou de huit, tant pectorales que ventrales. Une glande sébacée sur chaque flanc, entourée de soic.-i roides, serrées, laissant suinter une hu- meur grasse. fjingue grosse, presque conique, pointue à l'extrémité, marquée de petits sillons transversaux. Fi". 46. — Musaraigne commune Le genre Musaraigne, créé par Linné, comprend des Mammifères de très-petite taille, qui étaient anciennement confondus avec les Rats, et qui avaient reçu depuis longtemps déjà, même dans les CARNASSIERS. \ 'Z.X O.) ouvrages do Pline, le nom de Mm aranms {mus, Rai; arancus, Araignée), que Brisson {IVcçfne anima!, 1756) leur a appliqué génériqucment. M. Savi conjecture que leur dénomination est due à leur forme à peu près semblable à celle du Rat, au choix de leur proie la plus ordinaire, les In- sectes, et à riiabilcié que les Musaraignes mettent à s'en emparer. Leur nom vulgaire, dans nos campagnes, est celui de Muselles. Fig. 47. — Musaraigne de l'Inde à glande odoriférante. Ces animaux, ainsi que nous le dirons, ont donné lieu à de nombreux et importants travaux, et, principalement dans ces derniers temps, ont été, par plusieurs auteurs, partagés en un nombre assez considérable de genres ou sous-genres que nous chercherons à indiquer brièvement. L'organisation interne des Musaraignes a été étudiée par divers anatomistes; nous citerons à ce sujet plus particulièrement les travaux de Daubenton, Etienne Geoffroy Saint-llilaire, De RIainville, Fr. Cuvier, etc., et surtout ceux plus récents de M. Duvernov. Fig. 43 — Musaraigne à queue de R^t De Blainville, dans son Osléograplik, a donné une description complète du squelette de la Musa- raigne à queue de Rat, Sorex viijosuvus. Pallas, pris pour type des animaux qui nous occupent comme en étant le plus grand et montrant les différences qu'il présente d'une manière plus facile à saisir. La colonne vertébrale est formée d'un grand nombre de vertèbres; il y a quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, cinq lombaires, quatre sacrées et vingt coccygiennes La tète est al- longée, étroite, presque triquèfre; la mâchoire supérieure est rapprochée du palatin postérieur, et elle est allongée; l'inférieure est également très-étendue dans son ensemble. L'atlas a une apophyse épineuse inférieure très-développée : les apophyses latérales sont grandes et percées d'un seul grand trou; l'axis offre une apophyse épineuse large, arrondie, assez élevée; la dernière cervicale diffère à peine de la première dorsale, car elle n'a pas plus d'apophyse épineuse qu'elle. Celte apophyse de- vient au contraire assez marquée dans les autres vertèbres dorsales, surtout à la troisième et sur les dernières; alors elle s'élargit en s'inclinant un peu en avant. Les vertèbres lombaires sont courtes, 17)4 HISTOIRE NATURELLE. assez robustes. Le sacrum est très-comprimé et offre une crête continue formée par les apophyses épineuses soudées ensemble. Les vertèbres coccygiennes n'ont pas d'apopliyses épineuses; leurs articulations sont assez saillantes, et elles décroissent assez rapidement en diamètre. Les côtes, au nombre de quatorze paires, sont légèrement courbées en dehors; la première est |)lus forte et plus courte que les autres. Le sternum est composé de six pièces. Dans le membre antérieur, Fomoplatc est courte, large, ovale, arrondie à son bord antérieur. La clavicule est longue, grêle, (cylindrique, arquée dans un seul sens et dans toute son étendue. L'humérus est court, robuste, et lappelle un peu celui de la Taupe, quoique toutefois il ait une forme normale. Le radius et le cubitus sont médio- cres, droits, serrés l'un contre l'autre, presque égaux. La main est très-petite, le carpe n'a que trois os à la première rangée et quatre à la seconde; les os du métacarpe, ainsi que les phalanges, ont une forme normale. Aux membres postérieurs, le bassin ne s'articule qu'aux deux vertèbres sa- crées, et il reste libre à l'extrémité du pubis. Le fémur, le tibia et le péroné, sont constitués comme ceux de la Taupe, à peu d'exceptions près; les os du pied ressemblent également à ceux de ce der- nier Insectivore, mais ils sont un peu plus allongés. H n'y a pas d'os pénien. Si nous cherchons à indiquer quelques différences dans le système osseux des différentes espèces de ce genre, nous di- rons que, dans le Sorcx jlavcscens, le nombre des vertèbres dorsales est de quinze au lieu de qua- torze, et qu'il en est de même des côtes; qu(!, dans la Musaraigne d'eau, il n'y a que treize verlèbies dorsales, et que, dans le Sorex brevicaudatus de l'Amérique du Nord, la forme de la tête est plus large, plus déprimée que dans les autres espèces, et le nombre des vertèbres coccygiennes moindre. Fig. 49. — Squclulte ilc Musaiaigiic de l'Inde. Le système dentaire des Musaraignes, que l'on regarde comme intermédiaire entre celui des Car- nivores et des Rongeurs, a donné lieu à des travaux importants dans lesquels les auteurs sont très- loin d'être d'accord, soit sur le nombre des dents, soit sur leur signification. La formule que nous avons donnée dans notre caractéristique est d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire, et a ensuite été reproduite dans la Mam»ialo(jïc d'A G. Desmarest. Fr. Cuvier dit que, chez ces animaux, il y a trente dents : dix-huit supérieures et douze inférieui'es; les premières consistent en deux incisives très-fortes, cro- chues, terminées en une pointe renforcée à sa base, et ayant, postérieurement, une forte dentelure, seize mâchelières, dont dix fausses molaires et six molaires vraies : celles-ci, excepte les deux dernières, composées de deux prismes réunis et portés par une large base, ayant un tubercule |)ointu antérieurement et une surfilée aplatie postérieurement, et la dernière n'offrant qu'un seul prisme. Les dents inférieures se composent de deux incisives fortes, longues, crochues, terminées eu pointe, et couchées en avant, et de dix mâchelières, dont quatre fausses molaires et six vraies : celles-ci formées de deux prismes parallèles, terminés par trois pointes, excepté la dernière, qui est plus petite et moins développée (|ue les autres. D'après De Blainville, le nombre total des dents des Musaraignes varie de huit à dix en haut et de chaque côté, et n'est jamais au-dessus ni au-des- sous de six en bas, et toujours il y a quatre molaires postérieures qui ne changent pas, et qui sont lontlamentales, comme dans tous les autres Insectivores, en sorte que la diminution dans le nombre total et la variation ne portent que sur celles que Loua nommées dents intermédiaires. Spécialement CARNASSIEnS. 135 dans le Surc.v vtilgaris, il y a dix dents en haut do chaque côté, et six en bas; mais, en comptant les dentelures des incisives, on peut trouver, supérieurement, trois incisives, une canine et huit fausses molaires; ces dernières présentant une principale et trois arriére-molaires, et, inférieurc- ment, huit dents, savoir : doux ou trois incisives, pas de canines, deux avant-molaires et trois mo- laires vraies. Enlin, M. Duvernoy a étudié également le même sujet; nous avons parlé de son travail dans nos généralités sur les Insectivores, et nous n'y reviendrons pas maintenant, devant en dire encore quelques mots en parlant des quatre sous-genres de Musaraignes. Nous terminerons en fai- sant remarquer que les formes et la disposition des dents des Musaraignes, la couleur de leur émail, etc.. présentent des caractères particuliers dont on s'est servi, tantôt pour former des divi- sions génériques ou sous-génériques, tantôt pour diflérencier les espèces Tune de l'autre. Selon M. Duvernoy {Mém. de la Soc. du Muséinn d'iîïsi. nat. de Strasbourg, t. Il, 1837), l'esto- mac de ces animaux n'a qu'un simple cul-de-sac, le cardiaque, qui est plus ou moins développé, et dont la forme varie suivant qu'il est plus ou moins distendu par les aliments. Le canal intestinal, assez court, est dépourvu de cœcum. Le foie a cinq lobes et une vésicule; mais la proportion et la situation de cette vésicule, la forme et la proportion de ces lobes, varient un peu d'une espèce à l'autre. La rate est énorme, prismatique, et repliée sur elle-même dans le Sorcx Indiens; elle est plate, un peu plus large en arrière dans les S. iclragonurus et IJermanni. Le pancréas est énorme dans le Sorex Hernianni, et il s'étend à l'extrémité postérieure de la rate au pylore et au duodénum. Les organes reproducteurs mâles offrent, à certaine époque, un énorme développement, relative- ment à la taille des Musaraignes. Quelques faits remarquables se présentent aussi dans les organes femelles; le vagin est souvent très-long. Les femelles mettent bas vers la fin du printemps, et leur portée est de six à neuf petits. Les organes génitaux sont enfermés dans une cavité longitudi- nale qui contient aussi l'anus. Les glandes mammaires sont énormes; elles forment deux paquets très-considérables qui se joignent sur la ligne médiane de la région abdominale et du pubis. Le cerveau a des hémisphères petits et sans circonvolutions, ce qui n'empêche pas que le volume total de cet organe ne soit assez considérable. Les nerfs qui se rendent aux yeux sont très-peu déve- oppés, et comme atrophiés. Les Musaraignes ressemblent beaucoup, soit par leurs formes extérieures, soit par la nature et les couleurs de leur pelage, soit même, à plusieurs égards, par leur organisation intérieure, aux petites espèces du genre Rat, avec lesquelles e\\£S étaient jadis confondues, et dont on les dislingue d'ail- leurs facilement, et au premier coup d'œil, par leur museau terminé en une espèce de trompe, ainsi que par tous les caractères faciles à saisir qui distinguent un Insectivore d'un Rongeur. Ce sont gé- néralement de très-petits Mammifères, et, en effet, la plus petite espèce de cette classe est la Musa- raigne de Toscane, Savi, et la Musaraigne de Perrottet, Duvernoy. Les plus grandes espèces habi- tent les régions méridionales du globe : telles sont les Sorcx cfujanteus et Sonneraùî, Isid. Geoffroy Saint-llilaire. Ces animaux sont presque aveugles, vivent d'Insectes, d'Arachnides, de Vers et de petite proie, qu'ils recherchent à terre ou dans l'eau. M. Duvernoy fait observer qu'à défaut de leur nourriture habituelle, qu'ils ne peuvent plus chasser pendant l'hiver, dans nos climats au moins, il ne serait pas étonnant qu'ils mangeassent des graines, qu'ils semblent chercber jusque dans les granges pendant l'hiver. C'est une opinion répandue dans les campagnes qui semble vraisemblable, et qui ne serait pas plus étonnante que le changement de nourriture de la Marte Zibeline, lorsqu'elle se trouve réduite à manger de la farine, faute de proie vivante. Ils poussent la voracité jusqu'à se dévorer quelquefois l'un l'autre; M. Ziel, de Druniath ^Bas-Rllin), cité par M. Duvernoy, écrit en effet qu'ayant enterré plusieurs i)ots de terre vernissés dans tous les endroits où il avait supposé la j)ré- sence de ces animaux, dès le lendemain il aurait dû retirer, d'un seul pot, trois Musaraignes, si la plus grosse d'entre elles n'avait presque entièrement dévoré ses deux compagnes, et il ajoute qu'il a pu plusieurs fois constater ce fait curieux. Il se pourrait aussi que la plupart des Musaraignes de nos pays septentrionaux passassent l'hiver engourdies dans des trous souterrains; c'est là un sujet d'étude sur lequel on n'a, au reste, aucun fait à citer. Les Musaraignes habitent solitaires des trous dans la terre ou dans les murailles, dans les broussailles, etc., d'où elles sortent rarement le jour. Elles vivent près des habitations, et quelquefois, ainsi que nous venons de le dire, se trouvent, en hiver; dans les greniers. Plusieurs espèces se rencontrent dans les lieux secs; d'autres se plaisent, au contraire, dans les prairies humides ou sur le bord des fontaines, et on les voit plonger dans i3C IllSTOlUE NATURELLE. l'eau ou nager pour s'emparer de leur proie; il en est qui semblent même tout à fait aquatiques. La plupart répandent, principalement à l'époque où les sexes se recherchent, une odeur qui, dans cer- taines espèces, approche beaucoup de celle du musc, et qui provient de glandes jiarliculières pla- cées sur les flancs, et décrites avec soin par Et. Geoffroy Saint-ililaire. Buffon, en parlant de la Musaraigne commune, dit que cette odeur répugne aux Chats : qu'ils la chassent, qu'ils la tuent, mais qu'ils ne la mangent pas comme la Souris; et cette opinion est assez généralement admise. Tou- tefois, M. Duvernoy rapporte, d'après Lesueur, qu'il n'en est pas ainsi pour trois espèces améri- caines de ce genre, qui étaient très-recherchées par une Chatte. Enfin, nous ajouterons que l'un de nous a été plusieurs fois à même de constater un fait tout à fait contraire à celui signalé par Lesueur : dans lune des cours dépendant de l'École vétérinaire d'Âlfort, et dans laquelle on avait déposé un grand nombre de fagots, il vit plusieurs fois une Chatte occupée pendant toute la journée à chas- ser des Musaraignes; mais jamais elle ne les mangeait, se bornant à les tuer, puis, sans s'en occu- per davantage, à venir les ranger à côté les unes des autres dans un lieu un peu éloigné de leur retraite habituelle. C'est à tort que Ion a dit, depuis la plus haute antiquité, et que Buffon a ré- pété, que la morsure de ces animaux était venimeuse : il n'en est absolument rien. Leur pelage est doux et épais; sa longueur est à peu près la même sur toutes les parties du corps; mais, sur le museau, la queue et les pattes, il est cependant plus court qu'ailleurs; il se compose de poils laineux et de poils soyeux; sa couleur est d'un gris plus ou moins brunâtre, mais dont la teinte peut changer suivant diverses circonstances. Les moustaches, quoique longues, sont assez faibles. Le genre Musaraigne doit être mis au nombre de ceux qu'on désigne sous le nom de cosmopo- lites; on retrouve les espèces qui le composent dans toutes les parties du monde et sous presque tous les climats, et l'on pourrait peut-être même admettre, avec les naturalistes américains, que quel- ques espèces sont communes aux deux continents, On en a rencontré en Europe, en Afrique, à Mada- gascar, dans l'Inde et dans l'Amérique septentrionale; mais c'est surtout en France et en Allemagne qu'on en a découvert le plus grand nombre : la faune française en renferme une dizaine, La difficulté de se procurer ces animaux, leur petite taille, leur pelage, dont les couleurs varient souvent dans la même espèce, suivant les âges, les saisons et les sexes, ont rendu la caractéristi- que spécifique très-difficile; aussi les zoologistes ne sont-ils pas d'accord sur le nombre d'espèces qu'on doit placer dans ce genre, et cela malgré les belles monographies publiées sur ces Insecti- vores. Les uns n'en reconnaissent qu'un trop petit nonjbre, et d'autres en admettent peut-être beaucoup trop. Quelques Musaraignes, conservées à l'état de momies, ont été trouvées dans les tombeaux des anciens Egyptiens, et la raison qui semble avoir déterminé ce peuple à les placer au nombre des animaux sacrés, c'est que, suivant Antoine Liberalis, Latone avait pris la forme d'une Musaraigne pour échapper aux poursuites de Typhon, ou bien, d'après Plutarque, parce que cet animal ne nuit pas à l'homme. Strabon rapporte qu'elles étaient adorées à Ânthribis. Olivier est le premier natura- liste qui ait reconnu les restes d'une grande espèce de Musaraigne au nombre des momies égyp- tiennes; depuis, on en a trouvé plusieurs dans divers nécropolis. On ne sait pas d'une manière positive si ces Musaraignes momifiées appartiennent à des espèces distinctes, ou si l'on doit les rapporter à une espèce qui vit encore aujourd'hui en Egypte. Quoi qu'il en soit, M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire pense que Ton doit rapporter certaines momies de Musaraignes aux Sorcx myosunis et aramns, et qu'une autre momie doit être le type d'une espèce distincte, son Sorcx rclUjiosus; MM. Ehrenherg et De Blainville sont d'un avis opposé; ils croient que les momies égyptiennes de Musaraignes ne sont pas distinctes du Sorcx flavescens, grande espèce que l'on trouve communé- ment aujourd'hui dans une grande partie de l'Afrique. Les Musaraignes ont également été signalées à l'état fossile. G. Cuvier, le premier, en a indiqué des débris dans une brèche osseuse provenant de Sardaigne, et De Blainville rapporte ces débris, soit au Sorcx fodicns, soit au Sorex rcmifer. D'autres fossiles de ces animaux ont été signalés par MM. Wagner, Owen, de Schlotheim, Billaudel, et surtout par M. Schmerling, qui décrit deux crânes presque complets qu'il rapporte avec certitude aux Sorcx araneus et vulgaris. De Blainville signale aussi quelques débris de Musaraigne trouvés dans des dépôts de Sansans, par M. Lartet, et d'Auver- gne, par M. Bravard. C'est peut-être aussi à un fossile de ce genre que doit se rapporter le genre SpaUicoUon (aTraXa?, Taupe; c^ou,-, dent) de M. Wood (i8i5, Journal de l'InslUiii, n" 578). ■ GaUdictts viltata Gray. l'I IS. CARNASSliiRS. 157 Nous avons déjà donné une esquisse de riiisloire zooclassiqne du genre Musaraigne; nous avons dit qu'Aristote les désignait sous !e nom de (^-u-ya).-/) {Mijgalc), et Pline sous celui de Musnranrus; et nous avons cité les principaux auteurs qui, tels que Buffon, Daubenlon, llerniann, Pallas, G. et Fr. Cu- vier, De Blainville, A. G. Desmaresl, Savi, Say, et MM. Et. et Isid. Geoffroy Saint-Ililaire, De Selys Long-champs, Waglcr, Duvernoy, Jennys. Natliusius, Kaup, Gray, Dckay, Brandt, etc., se sont occu- ' pés de ces animaux. Il ne nous reste plus qu'à parler des nombreuses subdivisions génériques qui ont été formées dans ce genre, puis à décrire quelques-unes dos principales espèces, qui sont au nombre d'environ vingt-cinq. Les caractères sur lesquels reposent ces divers genres, qui souvent sont synonymes les uns des autres, ne nous ont pas paru assez tranchés pour que nous ayons cru devoir les adopter; nous nous bornerons donc à indiquer ces différents groupes, et nous suivrons la monographie des Musaraignes, publiée en 1842, par M. Duvernoy, dans le tome IV, 2" série, du Ma- gasin de Zoologie de M. Guérin-Méneville, ainsi que dans les Mémoires de la Sociéié du Muséum d'Histoire naturelle de Strasbourg, 1854, tome II. Nous admettrons quatre sous-genres : 1° Les SOREX, comprenant : A. CnociDURA (x.ç,cy.i;, duvet; cupa, queue), Wagler (1852, Isis); type : le Sorex araneus. B. ScKCUs, Hemprin et Ehrenberg. C. Pachyura {Tzy.yjjç, épais; oupa, queue), Selys Longcbamps [Micromaninialogie, 1859); type : Sorex elruscus. D. Myosorex (a'j-r, Bat; sorex. Musaraigne), Gray (1857, Proceedings of Zoologicat Socielg of London, t. V), ayant pour type le Sorex varius, Smith, du cap de Bonne-Espérance, qui répond probablement au 5. lierpesles, Duvernoy. 2" Les AMPHISOREX, qui correspondent au genre Corsira, Gray (1857, Proc. Soc. Lond.), ayant pour type le Sorex pugmœus 5" Les HYDROSOREX, qui renferment les deux genres : A. Cuossopus (;4fcf;(jc-:, membrane; ivcuç, pied), Wagler (/.si^, 1852); lype : Sorex fodiens. B. PiNALiA, Gray [Proc. Zool. Soc. Lond-, 1857). A" Les BRACîlYSOREX, répondant au genre Blarina, Gray {Proc. Zool. Soc. of Lond., 1857), et ayant pour type le Sorex hrevicnudatus. On doit peut-être indiquer comme synonyme de ce sous- genre le genre Utisorex (oj;, oreille; sorex. Musaraigne), Dckay (1842, N. H. Neiv-York, t. 1). Quant au genre Solénodon [Solenodon] (cwXr.v, canal; o^wv, dent), Brandt (1825, Mamm. exol. Mus. Pe.tr.), qui a pour type le Sorex paradoxus, De Blainville, provenant d'Haïti et de Cuba, nous ne le laissons qu'avec doute dans le groupe naturel des Musaraignes, car il doit probablement en être distingué. Enfin, nous citerons comme devant peut-être rentrer dans ce même groupe les deux genres indi- qués par M. Kaup (Eutw. G. Europa's, t. I, 1859) sous les dénominations d'HYDROGALE (uiî'up, eau; ^;7.Xn, Belette), et de Leucorhyixcuus {'/vj-m:, blanc; fj^x-o;, bec). i" S0US-CF:NRE. — musaraigne. SOIîEX. Duvernoy. 1S54. Mémoire (lo la Société du Muséum d'Histoire naturelle de Strasbourg, t. II. • Les deux incisives inférieures à tranchant simple, et les deux supérieures en hameçons, cest-a dire nijant un talon en pointe; les trois on quatre petites dents cpii suivent, à la mâchoire supérieure, diminuant beaucoup de vohime de la première à la seconde; aucune n'étant colorée. \ô- 18 \:,8 lilSTOilll:: iNATLMiELLE. Outro ces caractères fondamcnlaux, les Musaraignes de ce sous-genre ont toujours les oreilles dé- couvertes et plus développéf's que celles des espèces des autres sous-genres; leur pelage est plus sec, moins luisant, moins huileux; elles sont, en général, plus terrestres. Les Soicx renferment une douzaine d'espèces propres à l'Europe et à diverses régions de TAfri- quc; on en a indiqué une comme venant de Java. A. F.^PÈCES AYANT TROIS TFTITES DENT> I.NTERJIÉDIAIRES. 1. MUSARAIGNE COMMUNE. SOREX ARA^^US Linné. CAîiACTLHES srnciFiQUER. — l'elagc gris en dessus, cendré en dessous; dans les parties supérieures du corps, la pointe des poils étant rousse, le gris y prend celte teinte, et le cendré des parties infé- rieures vient de ce que les poils sont terminés par du blancliûlre : du reste, la couleur varie beau- coup. Longueur de la tète et du corps, 0'",062; de la queue, 0"'.0r)5. Celte espèce, qui porte vulgairement le nom de Mii.<;cllC; sous lequel la désigne Buffon, et est le type du genre CrGcidiira de Wagler, doit être distinguée du Sorex (encodon, llermaun, qui a été confondu à tort avec elle. On la trouve assez communément dans les diverses parties de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de presque toute TEurope, et principalement dans les bois, où elle se cache dans les troncs d'arbres, les creux des rochers, sous les feuilles, etc. L'hiver, elle se rap- proche des habitations et vient se cacher dans les écuries, les granges, les cours ù fumier, etc. ■2. MUS.\RAIGNE MANGOUSTE. SOREX HERPESTES. rinvcrnoy CAnACTÎ;r,ES spécifiques. — Pelage épais, soyeux, gris-brun un peu mélangé de gris clair en des- sous; queue grêle. Celle espèce, propre au cap de Bonne-Espérance, et qui se distingue facilement du Sorcx cija- neits, Duvernoy, du même pays, est probablement le Mijosorcx varius, Smith, Gray. Nous indiquerons, en outre, les Sorex flavcscens, Is. Geoffroy, et crassicaudciuis, Lichleinstein, propres à l'Afrique équaloriale. B. ESPÈCES AYANT QUATRE PETITES DEXTS I.NTERMÉDIAIP.ES. 5. MUSARAIGNE GÉANTE. SOREX GIGANTEVS. Is. GeolTroy Saint-Uilaire. CvrACTiHEs SPÉCIFIQUES. — Pclagc cendré, légèrement roussàlre en dessus, d'un cendré pur en dossous; queue arrondie. La têle elle corps longs de O™,!!; la queue, 0™,05. Celte espèce, qui est tout à fait distincte des Sorcx Somicrali'i et niiiosunts, se trouve, comme eux, a.ssez communément dans les Indes orientales. Elle est très-incommode par l'odeur niusquce qu'elle répand, ce qui, dil-on, fait fuir les Serpents. C.VllNASSIEllS. 159 4. MUSAKAlGiNt: DK MADAIJASCAH. snitliX MADÀGASCAUIEySIS. ('h. Cujiicic!. Caiiactères spécifiques. — Pelage épais, soyeux, luisant, d'un ç^v'is brunâtre, un peu plus l'onté sur les régions supérieures. Longueur du eorps et de la tèie, 0"'.(JI.)9; de la queue, 0"\05(S. Cette espèce, voisine du Sonx ijraciiis, De Blainvillc, du cap de Bonnc-lispérance, et du S. ctni:^- cns, Savi, provient de Madagascar. 5. MUSARAIGNE DE TOSCANE. SOIIEX ETliUSClS. Savi. C.\n.'\cTÈnEs sn'ciFiQuns. — Pelage brun grisâtre en dessus, gris en dessous. Longueur de la tête et du corps, 0'",03; de la queue, 0'",05. Celle espèce, type du genre Paclujuva de M. Selys Longcliamps, babite communément l'Italie. Elle se tient ordinairement sous les racines ou dans les troncs des vieux arbres, d;ins des amas de paille ou de feuilles, ou bien dans les trous des digues. Elle se plaît particulièrement, pendant l'hiver, dans les las de fumier. 2'"e SOUS-GENRE — AMPIIISOREX. AMPUISOREX. Duvenioy, I83i. MéDioirts de la Suciuic du .Miinniiu d'Histoire niiurcUe de Strasbourg, t. li. Aij.o:, autour; 40)É!.i-, Musaraigne. Les incisives inférieures a tranchant denlclé; les supérieures fourchues, ayant leur talon pro longé; les petites dents qui les suivent, au nombre de cinq, diminuant graduellement de In première à la dernière, qui est rudimenlaire; toutes les dents colorées à leur pointe. Les Amplii.sorex ont les oreilles repliées et à peu près cachées dans les poils; ils sont moins ter- restres que les espèces du sous-genre précédent, et se trouvent en Europe et dans l'Amérique sep- tentrionale. G. MUSARAIGNE CARRELET. SOREX TETRAGONURUS. Ilerminn. CAr.ACTiiREs SPÉCIFIQUES. — Pelage ordinairement noirâtre en dessus et cendré brun en dessous; mais le noir du dessus du corps passant parfois au brun, et les flancs variant du brun grisâtre au gris plus clair. De la taille de la Musaraigne commune. Celte espèce, type du genre Corsica, se trouve, dans presque toute TEurope, dans les jardins et dans les granges. Parmi les autres espèces de ce sous-genre nous citerons seulement, pour PEurope, la Musaraigne ri.Ai;oN, Daubenlon, Sorcx constriclus, llermann, pijgmœus, Gloyer, et la Musaraigne des Alpes, Sorex Alpinus, Schinls; et, pour l'Amérique du Nord, les Sorex personnatus, Isidore Geoffroy Saint-Uilaire, et Lesuerii, Duvernov. 140 [JISTOIllE NATUilELLE. o'^" SOUS-GENRE. — UYDilUSOREX. UYDliOSOREX. Duvcrnoy, 183-i. Mémoires de la Sociét(' ilii Muséum d'Hisluire naturelle de Strasbourg, t. li. Y^tof,eau; sorcx. Musaraigne. Les incisives inférieures h tranchanl simple., du moins sans dentelures muUiplcs; les incisives supérieures en hameçons; les deux premières petites dents suivantes égales, la troisième un peu plus petite, la quatrième rudimentaire; la pointe des incisives et celle des molaires plus ou moins colorées. Dans les Ihjdrosorex, les oreilles sont repliées et cachées dans les poils; le bord cMerne des larses est garni d'une rangée de poils roides. Les espèces de ce sous-genre, qui habitent les mêmes pays que celles du sous-genre précédent, s'en distinguent facilement en ce qu'elles sont essentielle- ment aquatiques. 7. MUSARAIGNE AQUATIQUE. Daubenton SOREX CAniNATUS llermanii Caractères spiîciiîques. — Pelage d'un brun noirâtre en dessus, d'un blanc légèrement gris rous- sâtre en dessous; ces deux couleurs ne se confondant pas Tune avec l'autre sur les flancs; queue offrant à sa face inférieure une ligne blanche très-distincte et composée à son extrémité d'assez longs poils. Longueur totale : O^.IO, sur lesquels la queue mesure 0'",05. Cette espèce, type du genre Crossopus, présente de nombreuses variations de couleur qui ont reçu chacune un nom particulier, ce qui fait que la synonymie en est très-embrouillée. On la trouve dans presque toute l'Europe : elle n'est pas rare aux environs de Paris, vit dans les ruisseaux tran- quilles, et attaque des animaux parfois plus forts qu'elle. Une espèce, qui a été anciennement confondue avec elle, est la Musaraigke ror.iE-RAME {Sorex re- mifer), Et. Geoffroy. 4""e SOUS-GEPnRE. - BRACIIYSOBEX. BBACHYSOREX. Duvernoy, 1842. Magasin de Zoologie de M. Guériu-Méncville. B^cf-Yu;, court; sorex, Musaraijiiie. L'incisive inférieure atjant deux ou trois dentelures obtuses (pu donnent à son tranchant le ca- ractère de celui des Amphisorex; l'incisive supérieure n'offrant cpi'un talon pointu ne dépassant pas la petite dent intermédiaire cpii la suit, et se divisant par l'usure en deux talons; il ij a cpialre ou cinq petites dents intermédiaires qui ont un talon produisant une petite pointe, double de celle de la partie principale de la dent; molaires supérieures h talon formant une ou deux pyramides; la seconde fausse molaire d'en bas ayant sa couronne compliquée d'une ou deux pointes avec un tranchant arrondi en arrière; dents colorées. Les Brachysorex, qui correspondent aux Blarina de M. Gray, ont les oreilles cachées dans les poils et assez petites. Leur queue est très-courte. Le type est : CAUNASSIEUS. lii 8. MUSARAIGNE A OUI':UE COIT.ÏK. SORHX BREVICAUDÀTUS. Say. CAnACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un noirâtre plombé en dessus et d'une nuance plus claire en dessous; pieds blancs; queue courte, robuste, peu velue, renflée légèrement dans son milieu, dépri- mée. Un peu plus petite que la Musaraigne commune. Cette espèce se trouve dans les ÉlatsUnis d'Amérique, principalement dans la province du Mis- souri. Une seconde espèce de ce sous-genre est le Bmchysorex Ilarlanl, Duvernoy, qui se rapporte probablement au Sorcx parvus, Say, cl qui habite le même pays que la précédente. Pour terminer l'histoire du genre Musaraigne, il nous reste à dire quelques mots d'une grande espèce de ce groupe naturel que De Dlainville indique, ainsi que nous l'avons dit, sous le nom de Sorcx paradoxus, et dont M. Brandt a fait son genre Solcnodon, qui est adopté par la plupart des naturalistes. Le système dentaire de cette espèce, tout en rappelant celui des Sorcx d'une manière générale, semble aussi se rapprocher d'une part de celui des Desmans, et de l'autre de celui des Chrysochlores, C'est donc un des chaînons de la série zoologique. Le Solemdon paradoxus, Brandt, habite l'Amérique tropicale et plus spécialement Haili et Cuba. TROISIEAIE TRIBU MACROSCÉLIDÉS. MACROSCELW/E. Is. GeotTroy Saint-Hilairc. Piailles des pieds et paumes des mains nues Corps couvert de poils. Yeux bien développés. Membres postérieurs exlremcmenl développés. Cette tribu correspond à la famille d'Insectivores de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire; qui porte le même nom; elle ne comprend qu'un seul genre, celui des Machoscélides, propre à l'Afrique, qui est des plus remarquables en ce que ses formes générales rappellent celles des Gerboises. GENRE UNIQUE. — MACROSCÉLIDE. MACROSCEUDES. Smith, 1850. lii Soiith-Atricaii Quarlcrly Journal. Ma/.:o;, long; o/.eXi;, jambe. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsii'me dentaire : incisives, ^; molaires, |-Z^; les incisives sont petites; à la mâchoire supérieure il y a deux fausses molaires de chaque côté et cinq vraies; à la mâchoire inférieure deux fausses molaires abnormales et trois fausses molaires normales ou à deux racines, et trois vraies de chaque côté; les vraies molaires ont la couronne creuse au milieu; l'émail qui borde la couronne est fes- tonné en plusieurs pointes, plus saillantes en dehors supérieurement et moins saillantes en dedans, et le contraire a lieu à la mâchoire inférieure. (Duvernoy.) Museau alloncjé, en forme de petite trompe, assez semblable à celle des Desmans, mais plus arrondie. 142 IIISTOÎUE iNATUUELLE. Yeux médiocres. Oreilles grandes. Jambes postérieures beaucoup plus lonçjues que les antérieures. Mains et pieds planlicfrades, tous a cinq doigts et ceux-ci onguiculés; le pouce, surtout aux pieds de derrière, beaucoup plus court et plus reculé que les autres doigts. Ongles tranchants, en faucille, au innins s'nni-rrtractiles Queue allongée. Fig. 50. — Macroscélide lypo. Ce genre a été créé par M. Smilli, en 1859, dans un supplément à la Zoologie du sud de l'Afrique, et, la même année, M. Isidore Geoffroy Saiut-Hilaire [Annales des Sciences naturelles) en donnait une nouvelle description à Paris et démontrait que l'espèce typique n'était autre que le Sorcxara- ueus maximus Qtpensis, décrit et figuré par Pctiver dans ses Opcra Hislorinm naturatem spectan- tia, pi. wiii, llg. 'J. Depuis, M. Uuvernoy [Mém. de ta Société d'Histoire naturelle de Strasbourg) on a fait connaître', tant sous le point de vue zoologique que sous celui de l'anatomie, une deuxième espèce, et MM. Liclistenstein etOgilby en ont également décrit plusieurs autres. Le genre Macroscélide est des plus curieux et est principalement remarquable par la grande dis- proportion que l'on trouva! entre ses deux paires de membres, les antoric; rs étant beaucoup plus petits que les postérieurs. D'après ce caractère important, ces animaux représentent, parmi les In- sectivores, les Gerboises, qui appartiennent à l'ordre des Rongeurs, et les Péramèles, qui sont de la sous-classe des Marsupiaux; ils ont le port extérieur des uns et des autres; mais la conformation de leurs organes génitaux les éloigne considérablement des Péramèles, qui, au reste, sont plus grands qu'eux, tandis que la forme et la disposition de leurs dents ne permettent pas de les placer avec les Rongeurs, car elles indiquent parfaitement que ce sont de véritables Insectivores. Mais la décou- verte de ce genre est surtout intéressante en ce qu'elle vient montrer la reproduction de types fon- dés sur les mêmes principes dans des ordres très-différents, et elle vient à l'appui de la série paral- lélique si liabilement démontrées en zoologie par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Les naturalistes ne sont pas d'accord sur la disposition du système dentaire, ni même sur la dé- termination des dents, ^'ous avons ra))porlé l'opinion de M. Duvernoy à ce sujet. D'après M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, en procédant d'arrière en avant, on trouve de chaque côté, à la mâchoire su- périeure, cinq màchelières, dont la pénultième et l'antepénullième sont les plus grosses, et la der- CARNASSIERS. 14." iiière la plus petite; celle-ci est de forme triangulaire et n'a que trois pointes, dont deux sont anté- rieures et une postérieure; les quatre autres sont de forme quadrangulaire et ont quatre pointes; en avant de ces cinq màchelières se trouvent quatre fausses molaires très-comprimées, dont la pos- térieure a deux pointes placées l'une à la suite do l'autre, et les trois antérieiiies une pointe un |)eu recourbée en arrière, et un petit tubercule obtus; la troisième fausse molaire, la plus grande de tontes, est séparée des deux antérieures par un espace à peu près égal à la longueur d'une dent; enfin tout en avant se trouve une dent plus longue que les fausses molaires, conique, arrondie à son extrémité, séparée de celle du côté opposé par un intervalle vide, assez étendu, et qui, d'après l'ana- logie, doit être considéré comme une canine. A la mâchoire inférieure, on trouve de chaque côté, d'arrière en avant, deux màchelières de forme quadrangulaire et à quatre pointes, très-semblables à la pénultième et à rantépénultième supérieures; puis une très-longue dent, séparée par un sillon profond, en deux portions : l'une postérieure, triangulaire, à deux pointes; l'autre antérieure, trian- gulaire, à trois pointes; viennent ensuite deux autres màchelières de forme comprimée, ayant trois pointes placées à la suite Tune de l'autre, et dont Fintermédiaire est la plus grande; puis quatre autres dents très-comprimées, paraissant être des fausses molaires; enfin une dent plus longue moins large que les précédentes, tournée en avant, se trouvant en contact avec celle du côté opposé et qui paraît être une canine. Ainsi, en résumé, pour M. Is. Geoffroy, les Marroscélides auraient à chaque mâchoire et de chaque côté : neuf molaires dont quatre fausses, une canine et pas d'in- cisive. Enfin, selon De Rlainville, la formule dentaire serait : incisives, |; canines, {^J; mo- laires, ^i^, et la disposition générale de ces diverses dents s'éloignerait de celle des Musaraignes pour se rapprocher de celle des Hérissons. Le squelette des Macroscélides, dabord étudié par MM. Isid. Geofà'oy et Duvernoy, l'a été depuis par De Blainville dans son Osléo(jraplnc. La tête, assez raccourcie, toujours triangulaire, et fort large en arriére, rappelle un peu celle des Chrysochlores, par le grand développement de toute la loge auditive, l'état bulleux et la grande saillie de la caisse, par la petitesse et la finesse du museau, ainsi que par l'état complet du cadre orbitaire et de l'arcade zygomatique. La colonne vertébrale ressemble assez à celle des Desmans; elle présente sept vertèbres cervicales, treize dorsales, sept lombaires, six sacrées et dix-sept coccygiennes. Le sternum se compose de six pièces, et la première en forme de T étroit et allongé. Les côtes sont comme chez les Musaraignes; il en est de même des membres antérieurs; cependant, ils sont beaucoup plus grêles, et surtout bien plus petits, compara- tivement avec les postérieurs. Ceux-ci sont, au contraire, tout différemment constitués; le bassin est plus ouvert que chez les Sorex; le fémur plus long, moins robuste; le tibia l'est encore plus, et rappelle un peu celui d'un Oiseau par sa gracilité; le péroné est très-mince; le pied est ég:alemcnt très-allongé, et égale en longueur les deux tiers de la jambe. Quelques autres particularités anatomiques ont été données par M. Duvernoy, principalement pour une espèce particulière, son Macroscélides Rozeti. Pour la myologie, on peut surtout remarquer que les muscles propres à produire l'extension du pied sur la jambe, ou de celle-ci s'ir la cuisse, et de la cuisse sur le bassin, ont reçu un développement proporti nné à l'usage que l'animal devait faire de ses membres postérieurs. Plus particulièrement destiné à se dresser sur ces extrémités, et à s'avancer en sautant par le redressement subit de leurs différentes parties, le Macroscelide devait avoir, dans les muscles qui servent à opérer ce redressement, une force et un développement extraor- dinaires. Cela a lieu en effet, et c'est la principale modification qui se présente dans le plan général d'organisation de ces extrémités. Les glandes parotides sont minces et étendues. Le corps de l'os hyoïde forme une lame comprimée, aplatie, courbée dans le sens de son bord. La langue est pro- portionnellement très-grande, longue, étroite, obtuse, et sans aspérités sur sa surface. L'œsophage se dilate vers le cardia. Les intestins ont un diamètre égal partout. Le foie est subdivisé en quatre lobes : le moyen présentant deux scissures, et un lobule droit, prismatique, bifurqué, grand; le droit petit, rond, et le gauche oblong, assez développé. La vésicule du fiel est médiocre. Les poumons ont chacun trois lobes. Le cœur est ovale, obtus; son ventricule droit a des parois si minces, qu'elles sont affaissées : de sorte que la forme qu'il conserve vient de son ventricule gauche. Dans l'indi- vidu femelle, étudié par M. Duvernoy, la vessie était assez grande, à parois très-épaisses; les reins étaient grands, ovales; la vulve présentait une large ouverture. Les Macroscélides ont reçu de De Blainville {Ostéocjravltic, 184J) le nom de Diposorcx (^ittcuç, iU IIISTOII'.E NATUiSELLE. Bipède; sorcx, Musaraigne), et aussi la dénomination de Musaraicjnvfi-Gerboisca, qui indique les rapports qu'ils ont avec un des groupes les plus naturels de l'ordre des Rongeurs :Lichtenstein (1853, SaïKj Thicre), prenant eu considération d'autres particularités, celles de la forme de rexlrémité de leur museau, les nomme Bhïnomus (piv, nez; mus, Rat). Ce sont des animaux de petite taille, à pe- lage doux, assez long, et qui ne marchent que difficilement sur leurs quatre pattes, tandis qu'ils font des sauts successifs, et courent avec agilité au moyen de leurs membres de derrière, ainsi que l'indique toute la disposition de ces parties. Ils se nourrissent principalement d'Insectes et d'autres petits animaux; mais, comme le fait observer M. Duvernoy, leurs dents montrent qu'ils ne doivent pas rejeter entièrement une alimentation végétale, et qu'ils mangent des graines. On croit qu'ils se construi- sent des sortes de terriers où ils se réfugient. Tous leurs organes des sens paraissent Irès-développés, leur museau, très-allongé, annonce que l'odorat a reçu une grande étendue, que la trompe prolonge encore, tout en lui servant d'organe de toucher actif très-délicat. La grandeur de la caisse, et celle de l'oreille externe, donnent une grande perfection au sens de l'ouïe. Les yeux étant placés de côté, il n'y en a jamais qu'un qui voit un même objet; cnliu, si l'on peut juger de la bonté de la vue par le développement de ses organes, il est probable que cet animal voit très-bien, et que l'un ou l'autre de ces sens l'avertissent fidèlement de tout ce qui se passe autour de lui à une assez grande distance. On connaît aujourd'hui six espèces de Macroscélides; cinq proviennent des environs du cap de Bonne-Espérance, et une de l'Afrique septentrionale. Les deux plus connues sont les suivantes. 1. MACROSCI'XIDE TYPE. MACROSCELIDES TYPUS. Smitli. CAitACTiir.F.s spÉciFinurs. — Dessus du corps rexèlii de poils U'un gris noirâtre dans la plus grande partie de leur longueur, puis noir, et enfin fauve à la pointe, ce qui, dans leur ensemble, produit une teinte fauve variée de brun; poils de la face concave des oreilles blanchâtres : ceux de la face convexe d'un fauve roussatre; dessous du corps avec des poils noirs à la racine, blancs à la pointe; face interne des avant-bras et des jambes, mains et pieds, à pelage blanchâtre; queue variée de roux brunâtre et de blanchâtre à son origine, noire dans le reste de son étendue. Longueur de la tête et du corps : O^.lo; de la queue, 0'",10. Habite le cap de Bonne-Esperance. '2. MACROSCi;r>IDE DE UOZET. MACROSCELIDES ROZETI. Duvernoy Caractères spécifiqiiks. — Pelage d'un gris de souris, plus fauve en dessus qu'en dessous, avec un peu de jaune et de brun; moustaches longues, composées de poils variant de couleur, tantôt jaunes, tantôt gris, tantôt noirs; oreilles ayant peu de poils; queue semblant formée de petits an- neaux écailleux et imbriqués, ce qui tient à la disposition de l'épiderme. et offrant des poils roidcs, peu nombreux. Longueur de la tète et du corps : 0"',1C; de la queue, 0'",'12. Cotte espèce habite la Barbarie; elle se trouve dans les environs de Bonc et d'Oran, et même, assure-t-on, d'Alger. M. Wagner a pu l'observer à l'état de liberté. Ce Macroscélide se lient princi- palement dans les crevasses de grandes roches détachées, sur une montagne rocailleuse située au bord de la mer près d'Oran; il ne creuse pas de trous profonds, mais il fait pour ses petits une espèce de lit dans les broussailles les plus épaisses du palmier nain; il se nourrit de larves d'In- sectes, de Sauterelles et de Mollusques terrestres; incapable de casser la coquille de l'IIelix lacté, il introduit sa trompe dans cette coquille, et ne laisse pas à l'animal le temps de se retirer. 11 marche sur ses quatre pattes, mais il se sert de ses longues jambes postérieures pour sauter sur sa proie. Il fait entendre un très-petit cri ou sifflement quand il est poursuivi. Ses mœurs sont très-douces, et l''iii I — Panlhère iiiàle, vieille. ^CET. K,o. 2, l'.intlière Ifiinello l'I r.i CAIUNASSIKRS. \AU r. l'on peut facilement le tenir en captivité; on le nourrit avec des t;raines de plusieurs sortes, mais il j)rérère à tout autre aliment des Insectes, et, lorsqu'on lui en présente, il les saisit avec avidité. Les autres espèces de ce genre, provenant toutes du cap de lîonne-Kspérancc, ou plus particu- lièrement de la côte sud-ouest de ce pays, sont les Macioscclidcs uipcstris, Sm'ilh; jacii lu s [liliino- vnjs), Liclisteinsten; mclanotis el Alcxandri, Ogilby. QUATRIÈME TRIBU. TUPAIDÉS. TUPAWjE. Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Plantes des pieds et pnnmcs des mains mies. Corps couvert de poUs. Yeux bien développés. Membres postérieurs normalement développés. Queue touffue. M Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a fondé cette tribu sous le nom de famille, et il la place entre les Eupléridés et les G mauridés.On n'y range qu'un seul genre, celui des Tupain ou Cladohales, propre aux îles de la Sonde, et comprenant des Insectivores grimpeurs. Nous y réunirons le genre fossile des Palœospalax de M. Owen. GENRE UNIQUE. — TUPAIA. TUPAIA. Haftles, 1822. Liiincnii Traiisaclioii ot Society ol l.oiuloii, I. Mil. Nom (le pays de l'espèce typi(iuc. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstème dentaire : incisives, |.; canines, ^; molaires, 1^]; en totalité, trente-huit dents; les inci- sives supérieures sont petites, arrondies, crochues, les moyennes plus fortes que les latérales, (pli sont écartées des premières : les inférieures sont longues, obiupies en avant, les (piatre nunp-nnes plus grandes cpîe les deux latérales; les fausses molaires, au nombre de (piaire de chaque côté des deux mâchoires, sont arrondies, trcs-distanles : les molaires normales sont assez serrées, aijantdes tubercules sur la couronne : les fausses molaires inférieures sont très-anomales. (Fr. Cuvier.) Corps allongé, cijlindri(pic . Tcle pointue. Yeux très-grands. Oreilles peu élevées et fort larges. Museau très-allongé, terminé par un mufle sur les côtés duquel s'ouvrent les narines. Bouche fortement fendue. Langue douce. Moustaches courtes. Membres h cinq doigts, arnu's d'ongles aigus qui se relèvent el ne .s'usent pas dans la marche Paumes des mains et plantes des pieds nues; les plantes .s'appliquant en entier sur le .sol. Queue longue, velue, disliipie. Pelage doux, épais. Mamelles ventrales, au nombre de quatre. U 19 140 HISTOIRE NATUl'.KLLE. Ce i^cnrv. avail été fondé par A. G. Dosmarest [MammaUxjïv, 18'20) sous la dénomination de Gii- sorex {(/lis, Loir; sorcx, Musaraigne); mais le nom de Tiipaia, créé postérieurement par Raffles (Lhmcan Traus. of Soc. of London, 1822), a prévalu. On lui a aussi successivement appliqué plu- sieurs autres dénominations qui sont généralement rcjctées aujourd'luii; telles sont celles des So- rcxcilis [sorcx, Musaraigne; (jl'ts, Loir) de Diard [Asiniic. lUsearch.. t. XIV, 1822); Hijlocjulc (uXvi, bois; -ja/.-/). Belette) de M. Temminck (Monoijraplncdc Mainnialo()ic, t. I, 1820); Hijlomifs (jÀr,, bois; p.'j-:, Rat) de M. Millier [Vcrlh. Nerderl. av. Bcz'nt., 1859), et Cladobalcs (/.>.arîc:, branche; paivc), je marche) de Fr. Cuvier {Denis des Manmùfcrcs, 1825), quoique ce dernier nom soit ciicore quelquefois employé, surtout en France. î i I Fig. 51. - Tiipsia Tmin. D'après De Ii\airivil!e, le système dentaire des Tupaia a assez d'analogie avec celui des Musarai- gnes; toutefois, il commence en même temps à ressembler à celui des Hérissons. Les incisives supé- rieures sont latérales, coniques, un peu courbées, aiguës, fort distantes; la première plus forte que la seconde : les inférieures sont, au contraire, comprimées, aiguës, les deux premières presque égales, serrées, déclives et terminales, un peu comme dans les Makis; la Iroisièiue beaucoup plus petite et latérale; la piemière molaire supérieure est de même forme et grandeur que la première avant-molaire; mais la correspondante inférieure est en forme de canine : il n'y a plus que six vraies molaires de chaque côté et à chaque mâchoire supérieurement comme iuférieurement. Le squelette de ces animaux semble, au premier aspect, rappeler celui des Ecureuils, tant par la laille que par la disposition générale des pièces qui le constituent. H y a quaranie-liuil vertèbres : qua- tre céphali(|ues, sQ\)[ cervicales, treize dorsales, sept lombaires, quatre sacréeset vingt coccygieunes. La tète, en totalité, présente une cavité cérébrale assez grande; une selle tursique étroite; des fosses criblées très-larges; une orbite complète; une fosse temporale peu profonde; des fosses auditives peu développées : la mâchoire inférieure a sa branche horizontale longue et étroite. Les vertèbres cervi- cales sont courtes, larges, entassées, sans apophyses un peu prononcées : les dorsales sont également courtes et larges; les lombaires plus fortes. Le sacrum est composé de deux vertèbres soudées; mais dont une seule est articulée avec l'iléon. Les premières vertèbres coccygiennes sont courtes, mais elles vont en s'allongeant et eu se rétrécissant vers l'extrémité. L'os IivoùIp a une forme particulière. Les CAnNASSIERS. ]f,l côles sont au nombre de treize, et produisent, par leur réunion avec les vertèbres et le sternum, un thorax court, conique, peu développé. Les membres sont, en ayant ([uehpuvs rapports avec ceux des Musaraignes, encore plus dans la forme de ceux des Écureuils que le tronc, par leur allongement et leur élégance. Cette dernière particularité organique indique les mœurs de ces animaux. En effet, loin de se cacher dans des galeries souterraines, ou de rester sur la terre, ils montent avec agilité sur les arbres. Ces habitudes, et quelques-uns de leurs caraclères extérieurs, parliculièremenl celui tiré de leur queue longue et touffue pouvant être relevée sur leur dos, les font ressembler à des Éc'ureuils avec lesquels on les a parfois confondus. Dans une note que M. Paul Gervais a communiquée à l'Académie des sciences en 1858, ce natu- raliste cherche à démontrer qu'on doit placer à côté des Tupaia le genre Mijrmecobius, fondé par M. Waterhouse, et placé par lui dans la sous-classe des Marsupiaux. «En comparant les caraclères des Myrmécobies avec ceux des Didelphes, on peut reconnaître, dit M. l'aul Gervais, qu'ils s'en éloi- gnent manifestement pour se rappi'ocher davantage de ceux des Insectivores, et, en particulier, de ceux des Tupaias. Les caractères extérieurs du Mijrmecobius, ainsi que ceux fournis par l'examcii de son crâne, me semblent, en effet, confirmer l'opinion que j'avance. La tète osseuse du Mijnnv- cob'ius fasciatiis, comparée à celle des Tupaia, présente la même forme générale : les orbites, com- plètes dans celle-ci, y offrent, presque à un égal degié, la même particularité; l'angle de la mâchoire inférieure, si différent de ce qu'il est dans les Didelphes, la branche montante de celle-ci et la po*- siliou (lu condyle sont tout à fait semblables. Il n'y a également (jue deux trous palatins : les anté- rieurs, très-petits, au lieu de quatre, comme dans les Didelphes, et les dents, quoique différentes en nombre, affectent la même structure et la même disposition. » Nous avons cru devoir indiquer le rapprochement proposé par M. Paul Gervais; toutefois, comme il n'est généralement pas adopié, nous laisserons le genre Myrmécobie avec les Marsupiaux, et nous ne nous en occuperons pas ac- tuellement. On n'a encore donné la description que de quatre espèces de Tupaia; toutes de petite taille, et propres à l'Asie et à la Malaisie. 1. BANXRINGS ou SISRING DES JAVANAIS. TUPAIA JAVANICA. Ralfles. Caractères spécifiques. — Pelage brun, tiqueté de jaunâtre en dessus, et de blanchâtre en des- sous; une ligne blanche droite, naissant sous le cou, et venant, de chaque côté, se terminer au mi- lieu de l'épaule. Longueur du corps : O^.Sl; de la queue, 0'",18. Habite Java. 2. TUPAIA ou TANA. TUPAIA TAXA. Raffles. Caractères spécifiques. — Pelage brun, tiqueté de jaunâtre en dessus, roux ferrugineux en dessous, ainsi que dans une petite ligne oblique qui s'étend du cou aux épaules. Longueur du corps : 0'",'27; de la queue, O^.IS. Habite Sumatra. 3. PRESS. TUPAIA FERRUGINEA. Raffles Caractères spécifiques. — Pelage brun-marron en dessus, blanchâtre en dessous; queue grisâtre. Longueur du corps : 0"'/2l; de la queue, 0'",15. Se trouve à Java. f48 HISTOIRE NATURELLE. La dernière espèce de ce genre, le Tiipaia Pcfiuanits, a été nouvellement décrite, par M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, dans le Voyage de Bélanger, et provient, comme l'indique son nom, du Pégu. Nous riipprocherons du genre Tupaia le groupe générique fossile, indiqué par M. Owen (1844, IJi.st. hr'il. foss. Mamm.). sous la dénomination de Palœospalax (naXaio;, antique; oTvaXa?, Taupe), qui, tout en présentant des caractères intermédiaires aux animaux que nous étudions, particuliè- rement au Tiipaia lana, et à ceux des Éricules, offre aussi certaines particularités des Talpiens. Ce genre Palœospalax ne renferme qu'une seule espèce, le P maffuns, dont quelques débris ont été trouvés en Angleterre CIXQUIEME TRIBI . GYMNUHIDÊS. GYMMURID^. Is. Geotlrov Sainl-Hilaire. Paumes des mains el plantes des pieds nues. (lorps couvert de poils. Yeux bien développés. Membres postérieurs normalement développés. Queue écaillense. Cette tribu, repondant à la famille du même nom, ne renferme que le seul genre Gyninure, qui lui-même ne comprend qu'une seule espèce habitant la Malaisie. GENRE UNIQUE. - GYMNURE. CYMNURA Vigors el Horsfield, 1827. Zoological Ji)iini;il, I. 111, ii. 10. ruu,vo.', 1111 ; cupa, queue. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsième dentaire : incisives, {-; canines, \^; molaires, l^]; la conformation des dents est à peu près semblable h celle des Ilérissous; les i)icisives supérieures sont latérales, simples, en crochet; les deux premières inférieures étroites, déclives, presque terminales, et la troisième latérale, plus petite, en crochet; canines toutes bvtgues, étroites, aiçjurs, les supénùeures ont deux racines; des (piaire avant molaires supérieures, trois sont très-petites, simples, coniques, presque écfales, et la dernière épaisse, triquètre, h talon interne; ces mêmes dents, à la mâchoire inférieure, se rappro- chent de celles des Tanrecs; les deux premières sont petites, coniques, obtuses, et les autres moins élevées que les cauiucs; les trois molaires vraies, en haut comme en bas, sont disposées comme dans les Hérissons. [\)e I)L.\iinville.) Corps assez peu dégagé. Museau étroit, allongé, pointu, dépassant la mâchoire inférieure. Oreilles arrondies, nues. Yeux petits. Moush((chrs assez, bnigues. Ongles médiocres, rétracliles. Queue de inoijeniie longueur, grêle, nue el squameuse dans une partie de son étendue. l^iltlcs le premier étudia les animaux qui nous occupent, ol il les décrivit sous le nom de Viverra gipunura; toutefois, comme ils sont très-distincts des Viverra ou Civettes, avec lesquels le célèbre voyageur anglais les laissait confondus, plusieurs naturalistes eurent à la fois l'idée de les en sépa- CARNASSIERS. 149 rer génériquement. Lesson et A. G. Desmarest en France, Vigors et llorsfield en Angleterre, établi- rent en effet, dans la même année 1827, une coupe générique nouvelle pour le Viverrn gipnnura, et, par un heureux liasard, ou plulùt parce qu'ils aperçurent tous le caractère le plus apparent de ces Mammifères, les uns et les autres donnèrent à cette subdivision le nom si bien trouvé de G//m- niira, qui devint générique de spécifique qu'il était, et ils dédièrent l'espèce type à Raffles. Cepen- dant, comme cette transformation de nom est contraire aux principes d'une saine nomenclature, De Blainville (Comptes roidus de l'Académie des Scioices, 1858) proposa de changer la dénomination de Gymnure en celle AKcliinosorex (ey^ivo;, épineux; sorex, Musaraigne), qui rappelle les rapports naturels de ces animaux et en même temps la nature de leurs poils à demi épineux. Mais cette mo- dification nouvelle n'a pas été adoptée. Une fois créé, le genre Gxjmnura fut laissé à côté des Ci- vettes dans la famille des Carnivores; ce n'est que plus tard que MM. Vigors et Horsfield, ainsi que De Blainville, démontrèrent que ces animaux, par leur système dentaire et la forme de leur tète, de- vaient être placés dans la famille des Insectivores et établir le passage des Tupaia aux Hérissons, dont ils présentent les caractères communs. Fig; 52. — Gymnure de Raffles. On ne connaît pas les mœurs de ces animaux, et leurs dépouilles n'ont même été envoyées que très-rarement dans nos collections. On n'en a décrit qu'une seule espèce. GYMNURE DE RAFFLES. GYMNVRA RAFFLESII. Vigors et Horsfield. Caractères spécifiques, — Pelage composé de deux sortes de poils : une bourre courte, très- épaisse et très-douce, et un poil long et dur; le corps, les jambes et la première moitié de la queue, noirs; la tête, le cou et les épaules blancs; une bande noire passant sur les yeux. Longueur de la tête et du corps, 0'",55; de la queue, 0'",28. Cette espèce habite les Indes orientales. 130 HISTOIRE NATURELLE. SIXIEME TRIBU. ÉRINACÉIDÉS. ERINACEIDjE. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Corps couvert de piquanls. Cette tribu, caractérisée d'une manière complète par son système dentaire d'Insectivore et ses poils transformés en piquants, caractère des plus remarquables et que l'on ne retrouve que chez les Ecliid- urs, dans la division des Monotrèmes, correspond à la famille des Érinacéidés de M. Isidore Geof- froy Saint-Hilaire. Elle ne renferme que trois genres, ceux des Hérisson, Ericule et Tanrec; le pre- mier propre à l'Europe, à l'Asie et à l'Afrique, et les deux autres particuliers aux îles de Bourbon et de Madagascar. 1" GENRE. — HÉRISSON. ERINACEVS. Linné, 1735. Systema uatura;. Erinaceus, nom appliqué anciennement à l'espèce typique de ce groupe. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslcme dentaire : incisives, f; canines, {j; molaires, ^^•, la première incisive supérieure est forte, très séparée de l'analogue d'en bas, convergente avec elle, très-obtuse; les suivantes sont très- petites et rappellent par leurs formes les fausses molaires; l'incisive inférieure est couchée en avant, parallèle à celle qui lui est contiguè; il n'y a pas de canines; les molaires ne sont plus des prismes saillants, élevées par leur face triangulaire sur une base, celle-ci est confondue avec les prismes, et ces dents sont devenues tout à fait triturantes; elles se subdivisent en haut et de chaque côté en trois fausses et quatre vraies; les deux premières fausses molaires n'ont qu'une seule racine et la première est la plus grande; la troisième est h plusieurs racines, sa face interne offre un tubercule pointu qui l' épaissit beaucoup; la première molaire vraie est remarquable par le tubercule principal de la face externe et la petite partie tranchante de sa base antérieure; elle présente, en outre, plusieurs pointes; la deuxième, tout à fait triturante, est à peu près carrée, avec xine pointe à chaque angle; la troi- sième, qui est plus petite que la deuxième, lui ressemble pour la forme; la dernière est petite, com- primée d'avant en arrière, tranchante, avec une ou deux petites échancrures sur le côté externe de son tranchant; les molaires inférieures sont de chaque côté an nombre de quatre fausses et trois vraies; les trois premières fausses molaires n'ont qu'une seule racine, c'est la moifenne qui est la plus grande, les deux autres étant a peu près d'égale grandeur; la dernière présente trois pointes disposées en triangle; la première et la deuxième vraies molaires sont formées de deux parties, une antérieure composée de trois pointes d'égale grandeur, disposées en triangle, et une postérieure composée de deux pointes; la troisième de ces dénis est irès-pelite, avec trois pointes. (Fr.. Cuvikr.) Corps trapu, couvert de piquants en dessus et de poils roides en dessous, pouvant se rouler par- faitement en boule par la contraction des muscles peaussiers. Museau pointu. Narines s'ouvrant sur les côtés d'un mufle h contour frangé, qui dépasse de beaucoup la mâchoire inférieure. Lèvres entières, sans sillon ni découpures. Yeux de moyenne taille, à pupille circulaire et ayant une troisième paupière qui peut les re- couvrir. Oreilles arrondies, plus ou moins courtes. CAl^NASSIERS;. 151 Pieds courts, préscnltml tous chiq do'Kjis, armés d'ongles robustes, propres h fouir la terre. Paumes des mmiis et plantes des pieds nues, (famies de tubercules saillants, recouverts d'une peau douce. Queue nue, courte ou presque nulle. Mamelles au nombre de dix en totalité : six pectorales et quatre ventrales. Pas de ccecum. FIl'. 53. — Hérisson d'Europe. Le genre Hérisson, Erinaceus, Tnn des pins remarquables de Ions ceux de la famille des Insecti vores, a été crée par Lidiié, qui y comprenait, outre Tespèce connue depuis la plus haute antiquité, V Erinaceus Europœus, le Tanrec, son Erinaceus ecaudatns, qui forme aujourd'hui, ajuste titre, le type d'un genre distinct Le nom qui est aj)pliqué à ce genre, et qui lui a été donné depuis très- iongtemps, celui de Hérisson, rappelle la particularité la plus saillante de leur organisme, la pré- sence d'épines qui hérissent la peau. Le système dentaire de ces Mammifères est des plus remarijuablcs, mais les zoologistes sjnt loin d'être d'accord sur les noms qu'ils doivent appli(|uer aux dents qui le composent. Nous avons donné la formule dentaire admise par Fr. Cuvier, et nous ajouterons, d'après ce savant naturaliste, que, dans leur position réciproque, les incisives inférieures correspondent par leur pointe avec la pointe des incisives de l'autre mâchoire; que les fausses molaires inférieures agissent par leur pointe contre la face interne et postérieure des deux dernières incisives et des fausses molaires inférieures, et que les molaires, opposées couronnes à couronnes, remplissent par leurs saillies les vides qu'elles forment ou qu'elles laissent entre elles, et que la partie antérieure et externe de la première mo- laire d'en bas agit contre la portion tranchante de la première molaire d'en haut, et la face posté- rieure de la dernière molaire inférieure agit contre la face antérieure de la petite dent comprimée qui termine la série des molaires supérieures. G. Cuvier, et d'après lui A. G. Desmaresl, admettent pour les Hérissons un système dentaire complet, et la formule qu'ils donnent est : incisives, f; ca- nines, }^; molaires, |— 'j, ce qui, en totalité, donne trente-quatre dents; pour ces naturalistes les incisives intermédiaires de la mâchoire supérieure sont fort longues, écartées l'une de l'autre, cylin- driques et dirigées en avant, et les inférieures sont proclives; les canines sont plus petites que le? molaires, et ces dernières rappellent un peu celles des Carnivores. PourMM. Etienne et Is. Geoffroy Saint-Ililairo, il n'y aurait que deux sortes de dents, et, au contraire de ce que pense F. Cuvier, ce se- raient les incisives qui manqueraient. Enfin De Blainville a également une opinion différente comnin on peut le voir par le passage que nous transcrivons de son Osléograplne : « Chez les Hérissons proprement dits, le système dentaire est encore aussi anomal au moins que dars les Tupaias; eu ef- fet, le nombre total de dix dents en haut n'est que de huit en bas, par le manque de l'incisive et de l'avant-molaire intermédiaire, et la forme ainsi que la proportion des canines. Les trois incisives de la mâchoire supérieure sont complélemeïit latérales, simples, coniques, verticales, la première nota- ^50 HISTOIP.E NATURELLE. blement plus longue que les deux autres; les deux de la maudibule sont déclives, surtout la pre- mière, bien plus'longue et plus large. La première maxillaire est très-petite, à deux racines et une seule pointe, comme les avant-molaires, et celle qui lui correspond en bas est plus large et oblique à la couronne, imbriquant la dernière incisive. On compte trois avant-molaires en haut, dont les deux antérieures simples et presque semblables, et la troisième, sorte de principale, est carrée à sa base et triquètre, tranchante, à couronne oblique, tandis qu'en bas il n'en existe que deux, une pre- mière très-petite et une dernière triquètre, soulevée et à trois cornes à sa partie antérieure, avec un talon simple pour la postérieure. Des trois vraies molaires d'en haut, la première et la seconde ont leur couronne carrée, surtout celle-là, avec un tubercule mousse à chaque angle, la postérieure s'é- chappant en outre en un lobe tranchant dirigé en dehors et en arrière, et la troisième beaucoup plus petite, oblique, presque tranchante à la couronne. A la mâchoire inférieure, les deux premières sont également de même l'orme, si ce n'est que l'antérieure est soulevée par trois pointes et la pos- térieure en talon à deux pointes; quant à la troisième, elle est beaucoup plus petite, et c'est le talon qui est plus élevé que la partie antérieure, devenue presque rudimentaire. » La disposition des al- véoles offre une série simple de cinq trous arrondis, dont le premier est le plus grand, et le deuxième le plus petit et le plus rentré, et au delà deux séries, l'une externe, de dix trous, assez bien rap- prochés deux à deux, les premiers bien plus petits et plus serrés; l'interne de quatre, en général plus grands et comme bilobés. Liférieurement, il n'y a que onze alvéoles, les quatre premiers ser- rés, ronds, un peu obliques, les six suivants deux à deux, plus grands et verticaux, et enfin un dernier évasé et rond. L'importance du sujet dont nous venons de nous occuper nous a engagé à nous étendre autant que nous l'avons fait; pour plus de détails, nous renvoyons nos lecteurs aux ouvrages des auteurs que nous avons cités et à l'article Hérisson, inséré par M. Emile Baudemeni dans le tome VI du D'ict'wuiiu'irc loiiverscl d'Hisluire nuttirellc. La forme générale du squelette des Hérissons revient un peu, parle raccourcissement du tronc et des membres, à celle de la Taupe; le tronc est même encore plus court par suite de la brièveté de la queue. Plusieurs naturalistes, et spécialement Buffon, Daubenton, Et. Geoffroy, G. et Fr. Cuvier, De Blain- ville, etc., se sont occupés de l'osléologie de ces animaux, et nous allons en dire quelques mots d'a- près le dernier zoologiste que nous venons de nommer. Dans ces animaux, et plus particulièrement dans VErinaceus Europœus pris pour type, il y a quarante sept vertèbres : quatre céphaliques, sept cer- vicales, quinze dorsales, six lombaires, trois sacrées et douze ou treize coccygiennes, et toutes ces vertèbres sont en général courtes et fort serrées entre elles. Les vertèbres céphaliques commencent manifestement la tendance à la brièveté du tronc, aussi bien dans leur partie basilaire, profon- dément canaliculée, que dans les arcs qui composent la voûte du crâne. Le rocher est petit, pres- que arrondi, convexe, légèrement saillant en dehors Les osselets de l'ouïe sont assez ramassés. La caisse du tympan est formée par un os assez large et laissant une ouverture grande, oblique et arrondie. Le mastoïdien est triangulaire. Le squammeux s'élargit en dehors. La tête osseuse, considérée en totalité, est courte, ses deux lignes longitudinales forment un angle de 15o environ; ses deux orifices externes sont tout à fait terminaux; à Fexlérieur l'orbite est incomplet et confondu entièrement avec une fosse tenijiorale très-grande, et à l'intérieur la cavité cérébrale n'offre toujours de bien prononcé que la loge du lobe olfactif. La mâchoire inférieure, ])resque aussi longue que la tête, est forte à cause de sa largeur et de sa brièveté, et offre surtout une courbure générale assez remarquable. Les vertèbres cervicales sont larges, courtes, aplaties dans leur corps, surbaissées dans leur arc, en toit, mais sans apophyse épineuse, sauf l'axis, où elle est même assez peu élevée et arrondie; mais elles ont, au contraire, des apophyses transverses fortes. Les vertèbres dor- sales ont le corps également assez lai'ge, mais rond, et l'arc serré, pres(|ue imbriqué, avec une apo- physe épineuse large, conligue et un peu élevée. Les vertèbres lond)aires, à peine plus fortes que les dorsales, oi!l le corps très-cylindri(pie : leur apophyse épineuse est arrondie, à peine plus élevée, et les tubercules supérieurs des articulations sont aussi élevés qu'aux doi'sales, mais il n'y a pas d'a- pophyses transverses. Le sacrum, foi'iné par les vertèbres sacrées soudées ensemble, est un peu cu- néiforme. La deuxième vertèbre eoccygienne et les suivantes, les antérieures surtout, n'ont plus guère que des apophyses articulaires et transverses et pas d'os en V. L'hyoïde, composé de neul pièces, a sou corps transverse, aplati, dilaté un peu aux extrémités. Le sternum a pris le caractère raccourci de tout le squelette; aussi les cinq pièces dont il se compose sont-elles larges, épaisses et — .^ESSàùtf^ Fin. 1. CttKi.s or.liroptis. l'i-. -À. — Ch.ical. PI. ^0 CARNASSIERS. 153 assez courtes, sauf le manubrium, qui est toujours un peu plus long; le xiphoïde, au contraire, est si court, qu'il semble rudimentaire. Les côtes, au nombre de quinze, huit vraies et sept fausses, sont larges, assez fortes, assez longues, courbées en dehors et surtout sur leurs bords; les deux dernières sont même presque toutes droites, très-petites, tandis que la première est notablement plus épaisse et plus courbe. Les membres sont à peu près égaux en longueur, mais les antérieurs sont un peu plus robustes que les postérieurs. L'omoplate, de la longueur de l'humérus, est étroite, triangulaire et à cavité glénoïde offrant une apophyse coracoïde épaisse, assez avancée. La clavicule est longue, aplatie, et n'offre qu'une seule courbure. L'humérus, assez court, ro- buste dans ses crêtes et ses tubérosités, présente la particularité unique dans cette famille d'être ouvert dans la cavité olécranienne et de n'être pas percé au condyle interne. L'avant-bras est assez bien comme dans les Musaraignes, le cubitus étant cependant plus large et plus comprimé, et son olécrane comme tronqué, épais, mais non dilaté, ni contourné. La main est également courte, le carpe composé du même nombre et des mêmes os que celui des Tupaias, seulement avec des formes et des proportions un peu différentes : il y a trois os au premier rang, un à l'intermédiaire et quatre au second, sans compter les sésamoïdes. Les doigts étant aussi bien dans les mêmes proportions que dans les Musaraignes, les os qui les composent suivent ces proportions; cependant les métacarpiens sont notablement plus courts et plus robustes, et les onguéaux un peu plus longs. Les membres pos- térieurs rentrent aussi dans la forme de ceux des Sorex. Ainsi le bassin s'articule par un iléon assez élargi avec les vertèbres sacrées ; il n'y a pas de symphyse pubienne , quoique les détroits soient considérablement agrandis. Le fémur est très-robuste, aplati, élargi supérieurement par un troisième trochanter en forme de crête, et inférieurement par une large poulie écartant les deux tu- bérosités, d'ailleurs fort épaisses. Les deux os de la jambe, en se soudant intimement dans la moitié inférieure de leur longueur, reproduisent ce qui existe dans presque tous les Insectivores, excepté chez les Tupaias et les Tanrecs. Dans le pied, le pouce est plus court proportionnellement que chez les Musaraignes; la tubérosité du calcanéum est plus large, plus recourbée en dessous, et les méta- tarsiens sont bien moins longs en proportion, ce qui indique une marche plus essentiellement plantigrade. La rotule est fort épaisse, étroite, semi-cylindrique, arrondie aux deux extrémités. Il n'y a pas d'os du pénis. Les Hérissons sont des animaux de taille moyenne. Leur nourriture ordinaire se compose princi- palement d'Insectes, de Mollusques, de Crapauds et de petits Mammifères Ils sont très-voraces et très-avides de chair; ils peuvent, toutefois, se passer assez longtemps de nourriture. Ils man- gent aussi des racines et des fruits, et quelquefois des bourgeons, mais ils ne montent pas sur les arbres, comme on l'a prétendu, leurs ongles ne pouvant leur permettre de grimper, et ils n'empor- tent pas non plus les fruits en les perçant avec leurs épines, comme on l'a prétendu, car il leur serait, en effet, impossible de se débarrasser ensuite de leur butin. C'est également à tort que les anciens naturalistes rapportaient que ces animaux s'approvisionnaient pour l'hiver dans le creux des arbres; cela ne leur serait d'aucune utilité, puisqu'ils passent en léthargie la saison hibernale. Comme les Lapins, ils supportent aisément la privation d'eau. Pallas dit qu'ils peuvent impunément manger plus d'une centaine de Cantharides sans éprouver aucun accident, tandis que la plupart des Carnas- siers n'en mangeraient pas une seule sans ressentir les douleurs violentes d'un empoisonnement, et qu'un petit nombre de ces Insectes leur donnerait inévitablement la mort. Si ce fait, avancé par un naturaliste en qui on doit avoir toute confiance, était vérifié par des observations nouvelles, il serait très-intéressant pour la physiologie, et nous appelons sur lui l'attention des personnes qui pour- raient le constater. Le Hérisson établit sa demeure dans les trous au pied des vieux arbres, sous la mousse, sous les pierres, dans tous les trous formés par les corps qui se trouvent à la surface du sol, ou dans des anfractuosités de terrain. Il y reste plongé dans l'obscurité pendant le jour, et ne sort guère mo- mentanément du repos dans lequel il est comme engourdi que pour chercher sa proie, ce qu'il fait surtout vers le crépuscule, et, dès qu'il a trouvé la matière animale dont il se nourrit, il la dévore et rentre dans son immobilité. Les formes épaisses de cet animal, ses membres courts, sa marche plantigrade, tout indique un être lourd et indolent; son intelligence est très-bornée, et Ton n'a réussi que très-rarement à l'apprivoiser. H deviendrait très-souvent la victime des Carnivores, s'il n'avait reçu de la nature une armure puissante qui arrête l'impétuosité de ses adversaires. « Cette armure, 15 20 154 HISTOIRE NATURELLE. dil M. Emile Bauclement, ne consiste pas dans un organe particulier créé exclusivement dans ce but; elle n'est autre chose qu'un large bouclier formé par la peau, dont les poils, légèrement modiliés, sont devenus des épines acérées. Ces piquants, qui garnissent le sommet de la tète, le dos, les épaules, la croupe et les côtés du corps, sont de forme conique, et se rétrécissent à leur base en une sorte de petit pédicule qui les attache à la peau. Ils sont blanchûtres dans les deux tiers de la lon- gueur, présentent ensuite un anneau d'un brun noirâtre, et sont terminés par une pointe d'un blanc terne. Dans toute l'étendue du bouclier hérissé de ces piquants, on ne trouve aucune aulre espèce de poils. Le front et les côtés de la tête, la gorge, la poitrine et le ventre, les aisselles et les jam- bes, sont couverts de poils soyeux et durs, brunâtres ou blanchâtres, au-dessous desquels se trouve une bourre épaisse, presque toujours peuplée par des Parasites. La peau est noire partout où elle est couverte de piquants; elle est d'un blanc roux dans ia partie où elle est revêtue de poils; le museau, les oreilles et les doigts, sont d'un brun violet. Le tour des yeux et des lèvres, le mu- seau, les oreilles et le dessus des doigts, sont dépourvus de poils, et on ne trouve que de légères moustaches sur le côté de la lèvre supérieure. La queue, très-courte et noire, est nue el de couleur brune. Quand le Hérisson n'est pas inquiété, les piquants restent couchés en arrière; son corps se présente alors comme une masse oblongue, convexe, portée sur quatre jambes très-courtes dont on n'aperçoit que les pieds, et terminée, en avant, par un museau mince. Mais, est-il effrayé par quel- que bruit, essaye-t-on de le saisir ou de le toucher, est-il menacé par quelque Carnassier, il se pe- lotonne aussitôt, en fléchissant la tête et les pattes sous le ventre; ce n'est plus un animal; on ne voit qu'une sorte de boule hérissée de piquants entre-croisés en tous sens, qu'on ne saurait prendre d'aucun côté, et devant laquelle s'arrête l'audace de celui qui l'attaque, qui n'ose aller déchirer sa gueule et ses pattes sur cette pelote menaçante. Cependant, et ce fait est raconté de- puis la plus haute antiquité, le Renard ne se laisse pas rebuter par ces difficultés, et il parvient, non sans avoir reçu de nombreuses blessures, à forcer son ennemi à se développer. On a pu aussi dresser des Chiens à cette chasse. C'est la peur qui rend le Hérisson immobile pendant cette dé- fense toute passive; c'est aussi la peur qui l'oblige à répandre son urine, dont l'odeur ambrée, dés- agréable, éloigne encore, dit-on, les assaillants. « Quand les Hérissons n'ont rien qui les inquiète, leurs piquants, si hérissés lorsqu'ils se mettenten défense, sont couchés en arrière les uns sur les autres comme le poil des autres Mammifères. Pour que ces Insectivores puissent, ainsi que nous l'avons dit, hérisser si fortement leurs piquants, il leur fallait une disposition particulière de certains de leurs muscles. C'est ce qui a lieu en effet, et leurs peaussiers sont très-développés et disposés d'une manière admirable pour cet usage, ainsi que pour permettre aux diverses parties de Taniuial de se transformer en une espèce de boule. Les intestins sont assez développés; mais il n'y a pas de cœcum. Les épiploons, le foie, la raie, les reins, sont logés dans d'énormes paquets de graisse; et ces paquets graisseux, très-volumineux avant l'époque où l'animal doit se mettre en léthargie, le sont, au contraire, très-peu à celle où il sort de son état d'engourdissement annuel. C'est, en quelque sorte, une espèce de nourriture qui sert à con- server la vie à ces animaux pendant qu'ils ne prennent pas de nourriture extérieure. La parotide, les glandes maxillaires, sous-maxillaires et cervicales, peuvent quelquefois ne former qu'un seul et même appareil réuni au thymus. Le système nerveux présente des dispositions paiticulières; nous nous bornerons à noter que la moelle épinière se termine, assure-t-on, à la deuxième vertèbre lom- baire; le nerf optique est presque rudimentaire, et il en résulte que leur vue est faible et très-peu étendue, surtout pendant le jour. Si les Hérissons passent le jour dans un état d'inaction et de somnolence à peu près complet, et s'ils restent caches dans les pierres, sous les troncs des vieux arbres ou dans la mousse qui couvre leurs racines, ils deviennent, au contraire, assez actifs pendant la nuit, et marchent presque toujours, n'approchant pas des habitations et recherchant la proie dont ils doivent se nourrir. On ne les voit pas boire, dit-on; quoiqu'ils mangent beaucoup, ils peuvent supporter une longue diète. Ils sont très-carnassiers, et mangent parfois des cadavres de grands Mammifères nouvellement morts, et qu'ils trouvent dans les bois. Ils font mouvoir sans cesse autour d'eux leur mufle, à la manière des Co- chons, fouissent la terre à une petite profondeur, et prennent le vent avec une très-grande délica- tesse. Ils se jettent à l'eau quand le péril est imminent, et nagent pendant longtemps avec une grande facilité. Un fait très-remarquable a été signalé par MM. Prévost et Dumas sur la résistance qu'oppose CARNASSIERS. 155 e flérisson à Tasphyxie; plusieurs fois ces savants l'ont vu, après un séjour de douze à quinze mi- nutes sous l'eau, reprendre rapidement ses facultés et courir comme auparavant, tandis que la plu- part des animaux à sang chaud auraient trouvé, dans cette immersion, une mort très-prompte. Us ne causent que peu de dégâts dans les jardins et dans les parcs; ils peuvent même y rendre d'utiles services, en détruisant un grand nombre de petits Mammifères, d'Insectes et de Mollusques nuisi- bles. Il paraît que sur les bords du Tanaïs et à Astracan, on les élève dans les maisons comme les Chats, et qu'ils rendent à peu près les mêmes services que ces Carnivores. On en voit parfois, dans nos climats, en domesticité; on peut même les faire obéir à la voix de Thomme, et l'on en a vu qui se déroulaient et se laissaient manier sans cesse au commandement de leurs maîtres. La captivité leur est néanmoins odieuse; la mère abandonne ses nouveau-nés dans l'esclavage dès qu'elle peut s'en tirer elle-même; l'on amême remarqué des femelles, étroitement renfermées, dévorer leurprogéniture. L'accouplement a Heu au commencement du printemps, et c'est pendant la nuit que les mâles re- cherchent leurs femelles. Les testicules sont gros, presque cylindriques, dépourvus de scrotum; les vésicules séminales ont un volume beaucoup plus considérable que celui des testicules, et forment, de chaque côté, de trois à cinq paquets, composés chacun d'un tube à parois minces et membraneuses, qui se replient un très-grand nombre de fois et se réunissent ensuite en un canal unique; il y a, en outre, des vésicules accessoires également très-développées, et que l'on ne doit pas confondre, comme l'ontfait certains naturalistes, avec les prostates, qui manquentchezcesanimaux, ainsi que les glandes de Cowper. La verge est dirigée en avant, et comme découpée en trois lobes figurant un trèfle. Les reins ne sont pas divisés, et leurs capsules en sont à peu près le seizième en volume. Les organes fe- melles n'offrent guère de particularités différentielles; cependant, l'ovaire est également très-divisé. A l'époque des amours, les vésicules séminales sont extraordinairement gonflées, et les testicules se glissent en quelque sorte du bas-ventre sous la peau du périnée ou sous celle de l'aine. Les piquants de la peau ne forcent pas le Hérisson à s'accoupler face à face, debout ou couché, comme l'avaient supposé plusieurs naturalistes; il s'accouple à la manière des autres Mammifères. On ne sait pas au juste la durée de la gestation; mais c'est vers la fin de mai qu'on trouve les jeunes nouveau-nés. La portée est de trois à sept petits, dont la peau est blanche et parsemée de poils qui indiquent la place des piquants. Ils naissent les yeux et les oreilles fermés. Pendant l'hiver, les Hérissons se retirent dans des trous où ils restent plongés dans un engour- dissement léthargique complet. Dans l'état de veille, leur température, comme celle des autres ani- maux hibernants, est à peu près aussi élevée que celle des Mammifères qui n'hibernent pas, et elle est d'ailleurs toujours plus élevée que la température de l'atmosphère, bien qu'elle soit un peu en rai- son de celle-ci. Parmi les animaux hibernants, le Hérisson est un de ceux qui s'engourdit le plus fa- cilement et le plus profondément; il tombe dans l'état léthargique quand le thermomètre est encore à six et même à sept degrés au-dessus de zéro. En se réveillant, il lui faut de cinq à six heures pour reprendre sa température ordinaire, et, si une excitation ou une température plus élevée l'é- veille, il retombe ensuite dans son engourdissement quand cette même température vient à changer. Dans nos pays, la chair des Hérissons n'est pas estimée; elle ne laisse pas de l'être cependant en Espagne, où elle passe pour une viande de carême. Anciennement, on se servait des peaux de ces animaux pour démêler ou serancer le chanvre; mais, maintenant, on emploie des peignes dont l'u- sage est infiniment préférable. On ne connaît d'une manière bien complète que deux espèces de Hérissons, qui sont propres à l'Europe, tant tempérée que septentrionale; toutefois, dans ces derniers temps, on a donné la des- cription de sept autres espèces qui seraient particulières à l'Asie et à l'Afrique, et qui sont encore loin d'être connues d'une manière assez suffisante pour être définitivement admises dans le catalogue des Mammifères. En outre, certaines espèces, autrefois placées dans ce groupe naturel, ont dû, mieux étudiées, servir de types pour des genres distincts ou rentrer dans des divisions déjà créées. C'est ainsi que les Hérissons de Madagascar et soyeux, plus connus sous les noms de Tanrec et de Ten- drac, forment les genres Tanrec et Éricule; que le Hérisson de Sibérie n'est qu'une variété du Hé- risson d'Europe; que les Hérissons de Malacca et d'Amérique sont des espèces de Porcs-Épics, et, enfin, que les Hérissons cuirassés sont des Tatous. On a signalé, à l'état fossile, des débris qui doivent se rapporter à ce groupe naturel d'Insecti- vores. C'est ainsi que M. Schmerling a trouvé, dans les cavernes d'Engihoul et d'Engis, auprès de 156 HISTOIRE NATURELLE. Liège, des fragments de (rois demi-mâchoires inférieures qui doivent, sans nul doute, se rapporter au Hérisson commun, VErînaccus Enropœus; et, ce qui est digne de remarque, c'est que ces os se sont rencontrés, brisés et dispersés comme ceux des espèces éteintes, à différentes profondeurs dans la terre à ossements, et par conséquent avec des débris d'espèces que l'on regarde comme perdues. De Blainville décrit aussi des débris fossiles de trois espèces plus ou moins voisines des Hérissons, et découverts, en Auvergne, dans un terrain fluviatile. Ce sont : 1" son Erinacciis Arvernensis, fondé principalement sur une portion à peu près complète de tète, découverte par M. l'abbé Croizet, et dont les dents montrent un grand rapprochement avec celles de nos Erhiaceus aujourd'hui exis- tants; 2" son Erinaccus soricino'ules, qui comprend une moitié gauche de mâchoire inférieure qui se rapporte à un animal fossile représentant un degré d'organisation insectivore intermédiaire aux Mu- saraignes et aux Hérissons, et dont la taille était assez considérable; et 3" son Erinaccus [Centelcs] aniHiuus, provenant de la collection de M. De Laizer, et consistant en un fragment de mandibule du côté gauche; ce dernier fossile semble se rapporter à une espèce du genre Tanrec, ce qui est on ne peut plus remarquable, puisqu'on ne retrouve plus les espèces actuellement vivantes de ce groupe qu'à Bourbon et à Madagascar; mais l'on doit encore conserver quelques doutes relativement à cette espèce, car l'on ne connaît pas assez de débris pour pouvoir la déterminer positivement 1 . HKRISSON. ERINACEUS. Linné. Caractères spécifiques. — Corps oblong, convexe en dessus; tête très-pointue; oreilles courtes, larges, arrondies; yeux saillants; cou très-court; jambes très-basses, laissant toucher le ventre à terre dans la marche; parties supérieures du corps revêtues de piquants roides, très-aigus â leur ex- trémité, à peine longs de O^jOo, implantés par petits groupes, divergents et s'entre-croisant dans toutes les directions, ayant chacun la pointe blanchâtre, ainsi que les deux tiers de la longueur de- puis la racine, et un anneau brun dans le commencement du troisième tiers; museau, front, côtés de la tête, dessous et côtés du cou, poitrine, aisselles, jambes, couverts de poils rudes d'un blanc jau- nâtre sale; pieds et queue revêtus de poils courts et roides. Mesure du corps depuis le haut du mu- seau jusqu'à lanus, 0'",20; de la queue, O^.OO^. Le Hérisson avait reçu des Grecs le nom d'Ex^vo?, et des Latins celui à! Erinaccus, qu'on lui a gé- nériqucment conservé dans nos nomenclatures zoologiques modernes. Beaucoup de naturalistes ont distingué deux races dans le Hérisson commun, et quelques-uns d'entre eux les ont même regardées comme des espèces distinctes. L'une de ces races porte le nom dllKiiissoN-CHiEN (Erinaccus caninus), Et. Geoffroy, et l'autre celui d'HÉnissoN-PoRC {Erinaccus suillus, Et. Geoffroy). Leurs caractères particuliers sont tirés de la forme du museau, qui ressemble à celui du Chien dans la première, et qui, dans la seconde, rappelle le groin du Cochon. Outre son museau plus court et plus mousse, le Hérisson-Chien n'aurait pas les crêtes occipitales qu'Etienne Geoffroy Saint-IIilaire a trouvées dans le Hérisson-Porc; chez celui-ci l'étendue de la peau couverte de piquants serait moins considérable; la queue serait plus longue et plus mince, et les poils plus grossiers, plus roides et d'un roux foncé. Perrault assure que le Hérisson-Chien est plus rare, et Ray affirme, au contraire, que le Hérisson-Porc ne se rencontre pas en Angleterre. Daubenton, de son côté, après avoir examiné plusieurs Hérissons qu'on lui présentait comme appartenant à l'une et à l'autre de ces deux races, dit ne pas avoir reconnu de différences tant soit peu considérables entre elles; il conteste à Perrault la valeur de ses observations et Texactilude de ses dessins, en même temps qu'il se sert de la contradiction qui existe entre les assertions de Perrault et celles de Ray, comme d'une induction contre l'existence des deux races. Â. G. Desmarest semble être du même avis que Daubenton : il pense que les différences qu'on a pu remarquer dans cette espèce ne sont peut-être que des différences de sexes, et nous admettrions ce point comme entièrement éclairci si l'opinion d'Etienne Geoffroy Saint-Ililaire, qui est d'un grand poids scientifique, ne venait le con- tredire. CARNASSIERS. 157 On peut regarder également comme variété du Hérisson d'Europe l'animal que Séba désignait sous le nom spécifique de Hkrisson de Sibiôp.ie, et que Pallas nomme Erinaceus Silnrlcus; en effet, il ne s'en distingue pas d'une manière bien manifeste et n'en diffère guère que par ses oreilles plus simples et par le bord de ses narines ne présentant ])aa de découpures. Les détails de mœurs dans lesquels nous sommes entré en parlant du genre se rapportent tous à cette espèce : aussi n'y reviendrons-nous pas. Nous dirons seulement que cet Insectivore fixe son domicile dans les bois ou dans les haies épaisses, et vit dans l'isolement; que sa retraite ordinaire est le creux d'une souche, ou un trou sous une grosse pierre ou une roche, et quelquefois aussi il se cache dans la mousse ou les feuilles sèches. Ce Hérisson se trouve généralement répandu dans toutes les régions de l'Europe, et il semble avoir le Volga pour limite. C'est le seul de nos Mammifères d'Europe dont le corps soit armé d'é- pines et qui jouisse de la propriété de pouvoir se pelotonner et se transformer en boule. Sa chair n'est pas bonne à manger; chez les anciens, il était l'objet d'une chasse importante, parce qu'on se servait de sa peau comme de cardes pour peigner les laines. Pline rapporte que le monopole de cette marchandise, accaparé par la fraude, donnait de grands bénéfices, et qu'il n'est point d'objet sur lequel le sénat ait porté plus de décrets, ou à propos duquel les empereurs aient adressé plus de plaintes aux provinces. Aujourd'hui les piquants sont employés comme épingles dans les laboratoires d'anatomie pour attacher les préparations qui doivent être conservées dans l'alcool. Jadis on s'en servait en médecine contre lincontinence d'urine, surtout contre celle qui suit parfois les accou- chements difficiles, et contre l'hydropisie. Lémery dit que sa chair a bon goût et fournit un bouillon diurétique et laxatif, et il rapporte diverses propriétés attribuées à son foie, séché et pulvérisé. Enfin M. Carbarcini de Campiglio a employé assez récemment le fiel, qui a une odeur musquée très- prononcée, pour préparer une eau distillée propre à suppléer au musc. 2. HERISSON A LONGUES OREILLES. ERINACEUS AURITUS. Pallas. CARACTi^:RES SPÉCIFIQUES. — Muscau court; oreilles grandes; piquants non réunis par touffes ou épis à leur racine, séparés et courbés en arrière, dans le repos de l'animal; narines dentelées comme la crête d'un Coq; jambes un peu plus minces et plus longues que celles du Hérisson d'Europe; queue un peu plus courte, conique, presque nue; poils plus fins; museau garni de quatre rangées de moustaches; piquants blancs à la base, avec une zone fort étroite de brun noirâtre sur le milieu, et du jaunâtre à leur pointe; iris de l'œil bleuâtre; queue d'un blanc jaunâtre. Taille un peu moindre que celle de l'espèce précédente. Outre les caractères spécifiques que nous venons d'indiquer, on peut ajouter que le Hérisson à longues oreilles diffère du Hérisson d'Europe en ce que ses piquants sont cannelés, et les cannelures bordées de petits tubercules; que ses oreilles atteignent presque la moitié de la tête en hauteur, et qu'elles sont brunes au bord et blanches intérieurement; que les poils qui recouvrent le dessus du corps sont blancs; que les yeux sont plus grands, etc. 11 paraît aussi que la femelle fait deux por- tées par an et que chacune de ses portées est composée de six à sept petits. Pallas a constaté que cet animal éprouvait, comme notre espèce, un engourdissement hibernal. Une autre particularité re- marquable, c'est que, moins bien armé que le Hérisson d'Europe, il devient plus facilement la proie des animaux qui l'attaquent, et il paraît que les Flamants en détruisent un grand nombre près de l'Oural et du Yaik. D'après M. Emile Baudement, le Hérisson à longues oreilles présenterait également quelques dif- férences anatomiques; c'est ainsi que, d'après le naturaliste que nous venons de citer, cet Insecti- vore aurait dix-neuf vertèbres dorsales et lombaires, treize côtes avec le rudiment d'une quatorzième; le Hérisson d'Europe ayant quatorze côtes avec le rudiment d'une quinzième; le premier aurait donc six vertèbres lombaires et le second sept. En outre, la clavicule du Hérisson d'Europe serait plus courbée que celle du Hérisson à longues oreilles. 158 HISTOIRE NATURELLE. Cet animal liabito principalement la province crAstracan, vers la partie inférieure du Volga et de l'Oural, ainsi qu'à rorient, en deçà du lac Raikal. Mais on le trouve aussi dans un tout autre pays; c'est ainsi qu'Éiienne Geoffroy Sainf-Hilaire Ta découvert en Egypte, ce qui lui a fait donner par ce naturaliste le nom de Hérisson d'Éfiypic. Car il est bien démontré que ce dernier animal ne doit pas former une espèce particulière, ainsi qu'on l'a cru pendant quelque temps. Les autres espèces, signalées dans ces derniers temps et dont nous nous bornerons à citer les noms, sont les Er'maceus concolor, Martin, de Trébizonde; spatcmgus et Graiju, Bennett, de l'Hi- malaya; collaris, Gray, de Tlnde continentale; frontalis, Bennett, du sud de TAfrique, et Capensis, Smith, du cap de Bonne-Espérance. S-"^ GENRE. — ÉRICULE. EIUCULUS. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 1837 Comptes rendus de l'Académie des sciences. Diminutif A'Erinaceus, nom latin du genre Hérisson CAKÂCTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; canines, \^\; molaires, fE^, dont fausses molaires, \^{, et vraies molaires, j^; en totalité trente-six dents; incisives non séparées des molaires, comme chez les Tanrecs, par de grandes canines semblables à celles des Carnivores; de chaque côté et à chaque mâchoire, la canine est presque continue à la fausse molaire; mâchelieres ressemblant, par la fonne générale, à celles des Tanrecs; mais cajant, transversalement, plus d'étendue à leur couronne, et les fausses molaires étant beaucoup plus petites. (Isid. Geoffroy.) Tête plus allongée que dans les Hérissons, et moins que chez les Tanrecs. Membres courts. Pieds pentadactyles; le doigt médian le plus long de tous : les latéraux plus courts. Queue peu apparente, très-courte. Pelage composé de trois sortes de poils; les tins, en petit nombre, ordinaires, les autres très-longs, et les derniers, plus nombreux, transformés en piquants très-résistants. Fi g. 54. Éritu'.c tcndrac. Le genre Éricule a été créé, par M. Isidore Geoffroy Saint-IIitaire (1857, Comptes rendus de l'Académie des sciences, et 1839, Magasin de Zoologie, de M. Guérin-Méneville), pour un genre d'Insectivores dans lequel il place le Sora et le Tcndrac de Buffon, et qui, par l'ensemble de ses caractères, offre la transition des Hérissons aux Tanrecs. M. Martin (1838, Procecdings of Zoolo- gical Society of London), qui ne connaissait pas le travail du savant professeur de Mammalogie CARNASSIERS. 159 du Muséum de l'Histoire naturelle de Paris, a appliqué à ce même î^enre la dénomination d'Ecln- nops (s/.tvo;, épineux; w»]^, aspect), qui n'a pas dû être adopté : et il en est de môme du nom de Tendrac, indiqué par De Blainville. Le système dentaire des Éricules offre des rapports mixtes avec ceux des Hérissons et les Tanrecs; d'une part, en effet, selon M. Isid. Geoffroy, auquel nous empruntons le passage qui va suivre, les molaires sont en même nombre, et à peu près de même forme que chez les Tanrecs; et, de Tautre, les grandes canines, comprimées, pointues, qui forment le caractère éminemment dislinctif de ceux-ci, et les rendent, seuls entre les Insectivores, comparables, par leur système dentaire, aux Carnivores, sont remplacées par des dents que Ton pourrait prendre seulement- pour les premières fausses molaires. La première incisive supérieure un peu comprimée, ayant en arrière un petit talon, mousse à son extrémité, présente une plus grande surface en dehors; elle est séparée de sa congé- nère par un intervalle assez étendu, absolument comme chez les Hérissons; la seconde incisive, sé- parée aussi par un intervalle, soit d'elle, soit de la canine, a la même disposition et offre de même, en arrière, un petit talon; mais elle est plus courte. La troisième dent vient immédiatement derrière la suture de l'intermaxillaire, et a, par conséquent, la position d'une canine; mais la forme en est tout autre. Elle est comprimée, et présente en arrière un talon très-peu distinct du reste de la couronne, qui représente, dans son ensemble, un triangle. La dent qui suit celle-ci, ou la fausse molaire, est plus petite et de forme triangulaire; elle est séparée par un petit intervalle de la canine, et contiguë à la première des vraies molaires. Chacune de celles-ci porte une grande émi- nence qui compose, à elle seule, presque toute la couronne, et qui se termine par une surface très- allongée, peu prolongée, dirigée obliquement de dehors en dedans, et d'arrière en avant : l'angle interne de cette surface s'élève en une pointe assez aiguë. La cinquième molaire, qui est à peu près de la même forme que les autres, est beaucoup plus pelite; elle n'a que deux racines, comme la fausse molaire, tandis que les autres mâchelières en ont trois. Les incisives inférieures ne ressemblent ni à celles des Tanrecs ni à celles des Hérissons : la première, séparée de son homologue par un inter- valle peu étendu, est très-petite, et a en dedans un talon tellement petit, qu'on l'aperçoit à peine; elle présente, en avant, une surface étroite en bas, dilatée en haut; la deuxième incisive, grande, lui est contiguë; sa face principale est tournée en dehors; elle a, postérieurement, un talon bien marqué. La dent qui vient ensuite, et que l'on doit considérer comme la canine inférieure, est un peu plus grande, et a deux petits talons : l'un en avant, l'autre en arrière; sa forme générale est celle d'un triangle dont le sommet est dirigé en haut et un peu en ardère. Lorsque les mâchoires sont rapprochées, ce sommet se trouve placé en avant de la pointe de la canine supérieure. La fausse molaire représente de même un triangle à deux talons : l'un antérieur, l'autre postérieur; mais elle est plus petite que la canine. Les quatre premières mâchelières ont chacune '^ar couronne presque entièrement formée .par une grande éminence à surface supérieure triangulaire, avec deux angles internes se relevant en pointes mousses, et un angle externe élevé en une pointe plus haute et moins obtuse. La cinquième molaire a la même forme que les autres; mais elle est beaucoup plus petite. Le squelette ressemble beaucoup à celui des Tanrecs. La tête, par sa longueur et par sa forme, tient le milieu entre celle de ces animaux, mais elle est beaucoup plus longue, et celle des Héris- sons, qui est plus courte; toutefois les Éricules ressemblent surtout aux Tanrecs par la forme de la région moyenne de la tête, et notamment par le caractère qui rend si remarquable la tête de ces derniers, par l'absence d'arcade zygoraatique; mais la région occipitale, à l'exception du trou sous- orbitaire, toutes les parties antérieures, particulièrement les intermaxillaires et les maxillaires infé- rieures, sont comme chez les Hérissons. Les pieds ont chacun cinq doigts armés d'ongles assez longs, un peu plus recourbés, et surtout plus comprimés que chez les Tanrecs. Le doigt médian est le plus long : les deux autres doigts, surtout l'interne, sont les plus courts. Le doigt externe des pieds de devant est cependant propor- tionnellement plus long que dans les Tanrecs. La queue existe, mais elle est plus courte encore que chez les Hérissons, très-peu apparente; les piquants de la croupe ne s'arrêtant pas, comme dans les Ennacens, à quelque distance au-dessous de la queue, mais s'étendant jusqu'à elle, et l'enveloppant supérieurement et latéralement. Le pelage, bien différent de celui des Tanrecs, est, comme dans les Hérissons, composé de trois sortes de poils : des poils ordinaires, en petit nombre, couvrant la tête jusqu'à la nuque, les mem- 160 HISTOIRE NATURELLE. bres et toutes les parties inférieures du corps; quelques longs poils naissant sur les parties latérales du museau, et se dirigeant en arrière; enfin, des piquants très-résislants, soit en avant et au milieu du dos, soit en arrière, et il n'existe à cet égard aucune différence entre ceux de la croupe, du dos et du cou. Sur la tête comme sur les flancs, les épines commencent tout à coup à remplacer les poils, sans qu'il existe entre les unes et les autres, ou une étendue plus ou moins grande, des soies roides et des épines à demi flexibles, faisant une transition presque insensible des poils aux épines; enfin, les longs poils qui, chez les Tanrecs, s'élèvent du milieu des piquants, manquent complè- tement. Les Éricules, de même que les Tanrecs, ne se trouvent qu'à Madagascar. On n'en connaît que deux espèces, et encore n'est-on pas certain qu'elles soient réellement distinctes l'une de l'autre. On a, d'après M. Jules Goudot, des détails sur les mœurs de l'une d'elles, qui a reçu des voyageurs le nom de Sora. Cet animal habite à Madagascar dans l'intérieur des vastes forêts qui couvrent les montagnes du pays des Ambanivoults. C'est au milieu du jour qu'on le voit sortir de sa retraite, probablement souterraine, et chercher en furetant sa nourriture; il saute et court avec beaucoup d'a- gilité; lorsqu'on s'approche de lui, il hérisse aussitôt en diadème la huppe épineuse qu'il porte or- dinairement rabattue sur son cou; on l'entend alors souffler très-distinctement, et il saute par inter- valles en hérissant de plus en plus ses piquants. Les voyageurs, et en particulier MM. Goudot et Sganzin, distinguent les Éricules des Tanrecs, et les indiquent comme des espèces particulières de Hérissons. En parlant des Tanrecs, nous ajouterons, d'après M. Ch. Coquerel, quelques détails de mœurs sur une des espèces d'Éricule. 1. SORA. ERICULUS NIGRESCENS. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire Cahactères spécifiques. — Pelage composé, en dessus du corps, de piquants dont la portion ap- parente au dehors est noire, avec l'extrême pointe d'une partie d'entre eux blanchâtre ou roussàlre; coloration générale noirâtre, quelquefois finement tiquetée de blanchâtre. Longueur totale, 0™,19. C'est l'espèce typique dont le Muséum possède trois individus, rapportés par MM. J. Goudot et Sganz'U, et que M. Martin nomme Echinops l'elfairii. ii. TENDRAC. Buffon. ERICULUS SPINOSUS [CENTETES). Illigcr. Caractères spécifiques. — Pelage présentant des piquants dont la portion apparente au dehors est roussàlre, avec l'extrême pointe blanchâtre. De la taille du précédent. Cette espèce, qui a reçu les noms d'Erinaceus ecaudatits, Linné; Seliger inaiiris, Et. Geoffroy, d'après Lesson; et Echinops sp'mosiis, Lesson, est regardée comme douteuse par M. Isid. Geoffroy, et comme devant peut-être être réunie au Sora : le Muséum de Paris n'en possède que de vieilles peaux, et les voyageurs modernes n'ont pas donné de nouveaux détails sur cet animal. 3"« GENRE. — TANREC. CENTETES. lUiger, 18H Prodronius Mainnialiuni et Aviuni. Kevtso), je pique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Syslcmc dentaire : incisives, ^ ou j; canines, \^^■, molaires, |e|, dont fausses molaires, J^; vraies molaires, |^|; en totalité trente-huit ou quarante dents. Par l'existence d'incisives, les Tan- CARNASSIERS. ICI rccs se distinguent des Hérissons, et, par la disposition de ces dents, placées entre de grandes ca- nines, ils sont différenciés des Ericules, chez, lesquels elles sont situées entre de petites canines; les incisives supérieures sont comprimées, crochues, dentelées h leur bord postérieur : les inférieures sont minces, à tranchant arrondi; les canines d'en haut sont fortes et crochues, isolées : celles d'en bas grandes, fortes, s engageant dans un vide de l'os intermaxillaire ijuand les mâchoires sont réu- nies; les molaires sont normales, et disposées comme chez les Hérissons. Tête allongée, conique. Museau très-pointu. Narines terminales, et percées dans un petit mufle. Gueule très-fendue. Yeux médiocres. Oreilles courtes, arrondies, presque nulles. Corps bas sur jambes, couvert de piquants comme celui des Hérissons, mais ne pouvant se mettre en boule. Pieds plantigrades, à cing doigts armés d'ongles assez robustes, fouisseurs. Queue nulle. Fig. ôô. — Sc[uelclle de Tanrcc. Buffon et Daiibenton sont les premiers naturalistes qui aient parlé de l'espèce type de ce genre, le Tanrcc, et non Tenrec, comme on l'écrit généralement par erreur. G. Cuvier, en 1798, tout en laissant les Tanrecs avec les Erinaceus, les distingua cependant des véritables Hérissons, et forma pour eux une section qui fut bientôt après érigée en genre par Lacépède, en 1805 {Tableau de laclas- siftcation des Mammifères), sous le nom de Tenrec, dont on a fait Tenreeus, puis également, par Et. Geoffroy Saint-Ililaire (1800, Catalogue des Mammifères du Muséum), sous celui de Seliger {scta, piquant-, gero, ]e porte), modilié en celui de Sctifer, et enfin par Illiger (1811, Prodromus Mammaliumct Avium), sous la dénomination de Centetes (zsvteû), je pique), dont une faute ortho- graphique fit plus tard Centcnes. De toutes ces dénominations latines, la dernière fut le plus habi- tuellement adoptée; comme M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, nous avons préféré prendre la déno- mination de Centetes, qui, sauf la recliticaiion d'une seule lettre, est celle que l'usage a consacrée. En 1857 et 1859 [Comptes rendus de l'Académie des Sciences et Magasin de Zoologie de M. Guérin- Méneville), M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, à Paris, en révisant les caractères génériques et spéci- fiques des animaux qui nous occupent, et l'année suivante M. Martin, à Londres, formèrent, aux 16 21 -jn? IIISTOmE NATURELLE. (Ic'.pens des Tanrecs, le premier, son genre Éricule, et le second, son genre Éclimops, qui tous les deux se correspondent. Le système dentaire constitue, pour le genre Tanrec, un caractère des plus tranchés et des plus remarquables. Comparable, en effet, par la disposition des dents de trois sortes, au système den- taire des Carnivores, il s'écarte tout à fait des conditions ordinaires aux autres Insectivores, quoi- que présentant certaines ressemblances avec le système des Hérissons et des Taupes : tous ceux-ci, sans aucune exception, manquant de longues canines, et offrant, quant à leurs incisives, des arrange- ments variables suivant les genres, mais toujours très-différents, et qui rendent, le plus souvent, extrêmement diflicilc la détermination des dents antérieures. Les auteurs ont, depuis longtemps, signalé l'importance de ces dernières dents, et, cependant, ils sont loin d'être d'accord sur ce su- jet. Pour M. Isidore Geoffroy Sainl-llilaire, les véritables nombres des incisives sont, pendant une partie de la vie des Tanrecs, f , puis, plus tard, lorsqu'ils sont parvenus ù l'âge adulte, i\ et la rai- son de cette différence entre les jeunes individus et les vieux est évidemment l'accroissement considé- rable qu'ont pris, dans ces derniers, les canines inférieures, dont les pointes, quand la bouche est fermée, sont reçues dans deux larges et profondes échancrures de la portion postérieure de l'inter- niaxillaire, et occupent précisément de chaque coté la place où se trouvait d'abord la troisième incisive inférieure. Quant aux incisives inférieures, rien de semblable n'a lieu : les canines supé- rieures, quand la bouche est fermée, se trouvent derrière les canines inférieures, et, par conséquent, leur accroissement peut se continuer sans déterminer la chute des dents placées tout en avant de la màclioire. Les auteurs qui n'ont indiqué que quatre incisives inférieures se sont donc trompés, ou bien ont fait leurs descriptions d'après des mâchoires à dentitions incomplètes, en exceptant toute- fois ceux d'entre eux qui ont appliqué le nombre de quatre à l'animal décrit par Buffon sous le nom de Tendrac, et qui entre dans un groupe particulier, celui des Éricules. D'après De Blainville, le système dentaire des Tanrecs, quoique régulier, et par là se rapprochant de celui des Carnivores, tient aussi d'une manière assez évidente à celui des Didelphes; selon lui, il est composé de dix dents en haut comme en bas : trois incisives, une canine et six molaires. Le squelette de ces animaux a été étudié par plusieurs auteurs, et particulièrement par De Blain- ville, G. Cuvier et M. Isidore Geoffroy; d'après ces auteurs, sa forme générale rappelle assez bien celle des Hérissons, quoique peut-être moins qu'on ne le croirait à l'extérieur. Le nombre total des vertè- bres est de quarante-sept : quatre céplialiques, sept cervicales, dix-neuf dorsales, deux sacrées et dix coccygiennes. La tête est allongée, et cela a un certain effet sur les cavités, loges sensoriales et fosses d'insertion musculaire; mais ce n'est qu'une exagération de ce qui a lieu dans le Hérisson : la mâ- choire inférieure est plus longue et plus étroite, moins courbée dans sa branche horizontale, et avec, une apophyse bien plus longue que dans le genre Erinaceus. Les vertèbres cervicales sont un peu moins courtes, moins entassées, que celles du Hérisson; elles offrent toutefois les mêmes particu- larités, si ce n'est que l'apophyse épineuse est plus élevée et les apophyses transverses plus longues et plus imbriquées. Les vertèbres dorsales sont plus nombreuses, et remarquables parla grande élé- vation et la grande inclinaison de leur apophyse épineuse, qui, en même temps, est plus étroite. Les lombaires ressemblent tout à fait à celles du Hérisson. Les vertèbres sacrées n'ont pas d'apo- physes épineuses; les coccygiennes ne présentent rien de particulier. L'hyoïde est plus simple que celui des Eilnaccus; le sternum est allongé, plutôt comprimé que déprimé, composé de sept pièces. H y a dix côtes, longues, grêles. Les membres sont aussi bien dans les mêmes proportions que dans le Hérisson : aux antérieurs, l'omoplate est plus large, la clavicule est un peu aplatie, l'humérus l)lus robuste, le radius acquérant plus de prépondérance que le cubitus; la main n'offre pas de diffé- rences appréciables : aux membres postérieurs, le bassin est plus articulé à la symphyse pubienne; le fémur a son troisième Irochanter moins prononcé; la jambe ressemble presque complètement à celles des Tupaias, c'est-à-dire que les deux os, proportionnellement un peu moins longs cepen- dant, sont entièrement séparés dans toute leur longueur; la rotule est courte, presque triquètre, Irès-convexe d'un côté, et presque plate de l'autre; le pied est un peu plus long que dans le Hérisson. Le pelage, comme dans le Hérisson, est épineux à la partie supérieure du corps et sur les flancs; mais il se présente des différences remarquables entre les téguments des Tanrecs et ceux des Héris- sons. Dans ces derniers, la tète est garnie de poils en dessus comme en dessous, jusqu'à la nuque, CARNASSIERS. 1 ( )0 réi-ion à partir de laquelle toute la face supérieure du corps est couverte de piquants dont la Iom- i^ueur et la force sont sensiblcmont les mêmes partout, cl qui sont les seuls téi^umeiits de la partie supérieure; chez les Tanrecs, a|)rès un espace assez étendu, qui est un proloiic,enienldu muno, vien- nent des poils courts de nature ordinaire, puis d'autres un ]uui plus durs, ensuite d'aulres j)Uis durs encore, et ainsi de suite, par gradation insensible, jusqu'à ce qu'au niveau des yeux on trouve de petits piquants, suivis eux-mêmes d'autres plus forts et plus longs. Le passage des piquants aux j)oils se fait de môme par nuances insensibles sur les flancs, tandis qu'il en est tout autrement dans les Hérissons. Un troisième caractère des téguments des Tanrecs est que la partie postérieure du corps est couverte, non plus de piquants forts et résistants comme ceux de la partie antérieure, mais de poils assez faibles et demi-fîexibles, ou même de soies. Enfin, du milieu des piquants et des soies, naissent, de dislance en distance, de très-longs poils, comparables à ceux des moustaches. Toutes ces différences entre les Tanrecs et les Hérissons ne peuvent assurément être considérés comme étant de valeur générique, mais elles méritent d'être appréciées, en raison de leur généralité, puisqu'on les retrouve dans toutes les espèces qui, par le reste de leur organisation, se rapportent au genre Tanrec. En outre, tandis que chez les Tanrecs le corps est couvert, en dessous, de poils, et en dessus de piquants, avec des soies roides intermédiaires, par lesquelles s'opère graduellement le passage des poils aux piquants, il est, chez les Ericules, garni également, en dessous, de poils, mais, en dessus, il n'offre que des piquants roides, sans intermédiaires. La tête est considérablement allongée; le museau prolongé en une sorte de groin très-certaine- ment mobile, et qui, en avant, dépasse de beaucoup les dents. Les cinq doigts des Tanrecs sont symétriquement disposés; savoir : le médian le plus long de tous, le deuxième et le quatrième presque aussi longs que lui, les deux latéraux très-courts. Les trois premiers portent des ongles robustes, assez longs, très-peu arqués, plus ou moins obtus à leur extrémité; les deux autres, des ongles plus courts et un peu plus arqués. La disposition des doigts et la proportion des ongles sont sensiblement les mêmes aux pieds de devant et à ceux de derrière, c'est la seule différence de quelque intérêt que l'on ait à remarquer, quant aux pieds, entre les Tan- recs et les Hérissons, qui ont les membres conformés sur des types conséquenimenl peu différents. La queue manque chez les Tanrecs; seulement, on voit à sa place un petit tubercule formé par la pointe du coccyx : mais ce caractère est de peu d'importance, puisque les Hérissons n'ont eux- mêmes qu'une queue extrêmement courte et presque rudimentaire. Les Tanrecs se creusent des terriers dans le voisinage des eaux, et s'y endorment plusieurs mois de Tannée, et cela, au rapport de Bruguière, pendant les grandes chaleurs. Ils ne peuvent se mettre en boule comme les Hérissons, et prennent une nourriture semblable à la leur et presque unique- ment-composée d'Insectes. Ils se vautrent dans la fange et séjournent plus longtemps dans l'eau que sur la terre. Ils multiplient beaucoup. Ils sont tous originaires de Madagascar, mais ils ont été na- turalisés aux îles de France et de Bourbon. Buffon rapporte que « ces petits animaux grognent comme des Pourceaux; qu'ils se vautrent comme eux dans la fange; qu'ils aiment Teau et y séjour- nent longtemps, et qu'on les prend dans les petits canaux d'eau salée et dans les lagunes de la mer.» Puis il ajoute « qu'ils sont très-ardents en amour; qu'ils se creusent des terriers où ils se retirent et s'engourdissent pendant plusieurs mois; que dans cet état de torpeur leur poil tombe, et qu'il re- naît après leur réveil; qu'ils sont ordinairement fort gras, et que, quoique leur chair soit fade et mollasse, les Indiens la trouvent de leur goût et en sont même friands. » M. Ch. Coquercl {Revue zoologique, 1848) a donné des détails sur les mœurs du Tanrec soijeux et de VÉiicule noirâtre, et nous croyons utile de reproduire en partie cette note. « Les habitudes de ces deux espèces sont très-différentes : les Tanrecs, quand on les saisit, se défendent avec fureur et mordent cruellement; TÉricule, au contraire, se blottit sur lui-même et se roule en boule dès qu'on l'inquiète, n'offrant à ses agresseurs qu'une défense purement passive. Il ne se roule pas cependant en boule aussi complètement que le Hérisson; il se renverse sur le dos, rapproche seulement ses deux extrémités en fourrant sa tête entre ses pattes et l'embrassant souvent avec ses mendjres antérieurs. 11 demeure dans cette position jusqu'à ce que le danger qu'il redoutait semble s'être éloigné; il revient alors peu à peu sur lui-même, se rétablit sur ses pattes et cherche à fuir, mais sa course est alors moins rapide que celle des Tanrecs. L'Éricule est beaucoup plus rare à Sainte-Marie de Madagascar que les Tanrecs; pendant les trois mois que j'y passai à terre, je n'ai pu me procu- jf;4 IIISTOIUE NATURELLE. rtT par les naturels qu'un seul individu. Je le plaçai dans un petit enclos fermé par une palissade de bois, à laquelle il était attaché par une patte de derrière au moyen d une corde assez lon.que. Ten- dant le jour il se tint blotti dans un coin; mais durant la nuit il creusa une petite galerie sous terre à travers laquelle il passa de Tautre côté de la palissade. Il ne put cependant se débarrasser de la corde qui le tenait captif, et je fus très-étonné de le retrouver le lendemain malin au dehors de l'enclos où je l'avais placé la veille. Je ne crois pas que l'Éricule ait jamais été trouvé à Maurice ou à iîourbon; les Tanrecs au contraire y ont été transportés et s'y sont beaucoup multipliés. Us sont connus sous le nom de Tangues par les noirs, qui les recherchent comme animaux alimentaires; ils ne mangent toutefois que les femelles et rejettent les mâles à cause de l'odeur infecte qu'exha- lent ces derniers, surtout à l'époque du rut. J'aurais vivement désiré avoir des renseignements exacts sur le prétendu sommeil de ces animaux pendant les grandes chaleurs; mais je ne puis mal- heureusement me prononcer avec une certitude complète à cet égard; je dois dire cependant que ce fait me paraît très-douteux. Je me suis trouvé à Sainte-Marie de Madagascar pendant les mois les plus chauds de Tannée, en janvier et février; j'ai conservé à cette époque des Tanrecs pendant plusieurs semaines dans une caisse en bois, et je n'ai jamais remarqué que ces animaux tombassent dans un état de torpeur. Us sont essentiellement nocturnes; pendant le jour ils restent blottis dans un coin; ils s'agitent au contraire beaucoup pendant la nuit; plusieurs parviennent même alors à s'échapper en grimpant le long des parois de la caisse, qui étaient cependant assez élevées. 11 se peut que des observateurs inattentifs, ayant trouvé pendant le jour des Tanrecs engourdis, aient conclu, dans l'ignorance de leurs habitudes nocturnes, que ces animaux passent les grandes chaleurs dans un état de torpeur. Tlusieurs personnes, en qui je puis avoir toute confiance, m'ont assuré cependant qu'à Dourbon, à l'époque de la saison la plus chaude, les Tanrecs disparaissent tout à coup dans les lieux bas; mais elles n'avaient jamais entendu parler de leur prétendu sommeil estival, et m'ont as- suré qu'à cette époque ces Insectivores se retiraient sur les hauteurs, où ils trouvent sans doute une température moins élevée et une nourriture plus abondante. Les noirs, de leur côté, m'ont répété que, dans les lieux élevés, on trouvait des Tanrecs pendant toute Tannée. Ces animaux vivent dans des espèces de terriers qu'ils creusent à l'aide de leurs ongles robustes. Leur régime peut être exclusi- vement insectivore; j'ai nourri toutefois pendant plus de quinze jours un très-petit Tanrec avec du sucre brut qu'il dévorait avec avidité. Quand on les inquiète, ils redressent leur huppe épineuse, mais je ne les ai jamais vus sauter par intervalle, comme le dit M. Jules Goudot; ils courent avec as- sez d'agilité, mais ne sautent pas. » De son côté, M. le docteur Rrown-Séquart (Comptes rendus de la Société de Biologie, 1849) s'est occupé de l'état léthargique des Tanrecs. Selon lui, la torpeur de ces animaux a lieu de la même ma- nière que celle des Hérissons, des Loirs et autres Mammifères hivernants. Son opinion est fondée sur les faits suivants : 1° les Tanrecs terrent et dorment, ainsi que Tout constaté MM. Julien Desjardins et Telfaio, du mois de juin au mois de novembre, c'est-à-dire pendant la saison froide des îles Mau- rice et Madagascar; 2" des animaux hivernants de plusieurs espèces, observés par Pallas, Mangilli, Marshall, llill, Berthold et Barkow, se sont engourdis à une température de 16" à 19" centi- grades au-dessus de zéro. M. Brown-Séquart a trouvé que des Loirs, même à la température de 20" à 22", peuvent tomber dans la torpeur hibernale, et il en a vu dormir pendant une semaine entière à une température variant de 15" à 20"; 5" les Tanrecs sont soumis, pendant le temps de leur hibernation, aune température qui varie entre 15" à 22" ou 25" centigrades, rarement plus, pour Maurice et souvent moins pour Madagascar; ces animaux sont donc exposés à une température suffi- samment basse pour pouvoir les endormir, puisqu'elle peut engourdir les animaux hivernant en Eu- lope; il y a donc lieu d'admettre que l'hibernation a les mêmes causes pour les Tanrecs que pour les autres Mammifères soumis à cet état de torpeur. Les espèces placées dans le genre Tanrec sont aujourd'hui au nombre de trois; car Ton doit en re- irancher deux espèces qu'on y plaçait jadis : 1° le TEisnr.AC, Buffon, type du genre Éricule, et 2" le Taniiec sans or,Eiu,Es [Seiiger inauris, El Geoffroy), qui n'était fondée que sur un individu reconnu pour un Hérisson déformé par une mauvaise préparation. CARNASSIERS. 165 1. TANREC. Cuflon. CENTETES SETOSVS. G. Cuvicr. CAnACTÈr.Es SPECIFIQUES. — Pelage fauve, plus ou moins tiqueté do blanc en dessus, composé, sur la nuque, le cou, la ])arlie anlérieuie du dos et la croupe, de soies roides, et en dessous de poils ordinaires. A peu près de la taille de notre Hérisson, c'est-à-dire ayant environ 0"',28 de longueur totale. Cette espèce, qui est VErinocens ecaudalus de Linné, se trouve à Madagascar et aussi à Maurice et à Bourbon, où elle a été naturalisée. 2. TANREC ARMÉ. CENTETES ARMATUS. Isid. Geoffroy Saint-Ililaire C.\nACTÈr>Es SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un gris noirâtre, très-tiqueté de blanc, composé sur la nuque, le cou, les épaules, le dos et les lombes, de piquants très-résistants, sur la croupe de piquants fins t demi-lle\ibles, et en dessous de poils ordinaires. Longueur totale de la tête et du corps : 0"\'i'i. Celte espèce a été fondée sur un individu non encore adulte et qui provenait de Madagascar, d'où avait été rapporté par M. Sganzin. e 3, TAiNREC RAYE. CENTETES SEMI-SPINOSUS. G. Cuvicr. CAr.ACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pelage présentant trois raies longitudinales d'un blanc jaunâtre sur un fond noirâtre; des poils entremêlés de piquants formant vers la nuque une huppe. Longueur delà tête et du corps : 0'",15. Le Tanrec rayé, décrit par Sonnerai, indiqué par Buffon sous la dénomination de Jeune Tanrcc, et par Et. Geoffroy sous celle de Seliger variegahis, n'est pas suffisamment connu. Il semble très- probable que ce n'est que le jeune âge en livrée d'une espèce que l'on n'a pas encore pu étudier à l'âge adulte. Il provient également de Madagascar. SEPTIEME TRIBU, EUPLÉRIDES. EUPLERIDjE. Is. Geoffroy Saiiil-Hilaire. Planles tics p'te{ls velues. Corps couvert de poils. Yeux assez grands. Membres postérieurs bien développes. Celte tribu, qui répond à la famille des Eupléridés de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ne com- prend qu'un seul genre, celui des Euplères, créé en 1855 par M. Doyère. Ce n'est qu'avec doute que nous comprenons celte tribu dans la famille des Insectivores; car, ainsi que De Blainville a cherché à le démontrer, les caractères tirés des dents de l'espèce typique, ainsi que ceux donnés par le squelette, et même la forme générale du corps, comme on peut le juger par notre figure, sem- 166 HISTOIRE NATURELLE. blent montrer qu'elle devrait être placée dans la famille des Carnivores, auprès des Mangoustes et des Geneltes GENRE UNIQUE. — EUPLÈRE. EUPLERES. Uoyère,. 1855. Annales des Sciences n;!tuiclles. K'J, bien; 7rXvip-/i;, complet. CAnACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsii'me dentaire : incisives, |; canines, -J^]; molaires, |e-^; les incisives su féricur es peu les, par- failcmenl rançiées; les canines inférietircs à double racine, se lo(]eant en arrière des canines d'en haut, comme dans la Taupe; h la mâchoire d'en haut, six fausses molaires séparées par de larcjcs intervalles, cl quatre, pcut-clre six molaires vraies à cinq pointes; à la mâchoire d'en bas, quatre fausses molaires et an moins six vraies hérissées de pointes aigiics. Museau effilé, term'iné par un petit mufle. Yeux grands. Oreilles grandes, triangulaires. Jambes de moyenne grandeur. Tarses allongés, garnis de poils en des.sous. Pieds tous à cinq doigts bien séparés, garnis en dessus d'un poil ras; te pouce beaucoup plus court que les autres doigts, surtout aux membres postérieurs, oii il touche à peine la terre. Ongles déprimés, aigus, semi-rétracliles, de moitié plus longs aux membres antérieurs. Corps vermiforme, revêtu d'une fourrure épaisse et composée de poils soijcux, garnis à leur base d'un duvet court, serré. Toile est la caractéristique de ce genre donnée par M. Doyère, d'après un individu unique, et malheureusement jeune, rapporté de Madagascar par M. Jules Goudot, et appartenant au Muséum. Le créateur du genre insiste particulièrement sur le système dentaire de l'Euplère, qui, d'après lui, doit le faire ranger dans l'ordre des Insectivores et doit le faire rapprocher des Carnivores; il donne aussi des détails sur la tête osseuse de cet animal. De son côté, DeBlainville, qui avait eu à sa dispo- sition les mêmes matériaux qui avaient servi à M. Doyère, pense que l'EupUre doit être rangé dans 1 ordre des Carnivores et être placé auprès des Mangoustes. Selon le savant auteur de VOsléogra- phie, les incisives supérieures, au nombre de trois paires, sont disposées en cercle, non contiguës, éga- lement distantes, presque égales, pointues; les canines sont très-petites, en crochet, un peu compri- mées et d'une forme particulière; les trois molaires sont larges, l'antérieure triangulaire, mince, aune seule pointe, mais avec deux racines; la principale plus large, tranchante au bord externe, unicuspide avec un petit talon interne presque médian; l'arrière-molaire, triquètre à la base, est relevée en de- hors par un tranchant oblique, divisée en deux pointes à peu près égales, et pourvue d'un talon en dedans. A la mâchoire inférieure les incisives sont petites, égales, en cercle : l'externe seule bilobée à la tranche; les canines sont encore plus petites qu'en haut, en crochet aigu, avec deux talons, l'un en avant et l'autre en arrière; les trois molaires sont assez bien comme en haut, mais en général très-reculées. Outre ces trois molaires, que De Blainville regarde comme de jeune âge, on voit aussi qu(!lques dents qui sont évidemment d'adultes. A la mâchoire supérieure il regarde comme telle une première avant-molaire un peu plus petite; mais en crochet comme la canine de lait, et une arrière- molaire tout à fait semblable à celle du jeune âge, un peu plus grosse cependant et avec un talon plus large, plus arrondi. A la mâchoire inférieure, il range au nombre des dents d'adulte une pre- mière avant-molaire en crochet aigu, collée contre la canine, une première arrière-molaire en train de sortir, plus large que son analogue dans le système de lait, mais de n)ême forme, et seulement avec la pointe interne de la partie antérieure et le talon plus larges, et, comme en arrière de cette dent il existe une alvéole assez grande, on peut, dit-il, en conclure que dans l'Euplère il y a au moins à la mâchoire inférieure deux arrière-molaires, une principale et trois avant-molaires, ou six en tout, comme dans les Yivcrras. s CAnNASSIRRS. IG7 La \èlo osseuse de l'Eiiplère est remarffuable par sa forme ovale et même allongée, arrondie et un peu rf^nllée en arrière au crâne, allému'e et presque poiutue en avant, sans rétrécissement postorbi- 'aire fortement indiqué, surtout par l'absence presque complète d'apophyse de ce nom au frontal comme au jugal; du reste le chanfrein de cette tête est fortement arqué, sans traces d'aucune crête, sans doute à cause de l'âge, mais avec une saillie vermiforme considérable, au milieu de l'occipital postérieur. Les appendices maxillaires sont remarquables par leur élroilesse et par leur forme poin- tue, atténuée en avant. Dans le membre antérieur que l'on possède au Muséum, mais incomplètement, l'humérus est court et gros, les deux os de l'avant-bras sont également courts, un peu même plus que l'humérus, ce qui est encore assez bien comme dans la Mangouste; on peut en dire à peu près autant des os de la main, quoique le premier doigt soit proportionnellement un peu plus fort. Dans le membre postérieur, le fémur est court et gros; le tibia et le péroné sont peu anguleux; le pied est assez court. On ne connaît qu'une espèce de ce genre. EUPLÉRE DE GOUDOT. EUPLERES GOVDOTIl. Doyère. CARACTÈnrs SPÉCIFIQUES. — Poil soyeux ou jar d'un brun très-foncé; le duvet qui en garnit la base fauve, d'où résulte un pelage d'un fauve nuancé de brun, plus foncé aux parties supérieures; le des- sous du corps, où il n'y a pas de jar, est d'une couleur beaucoup plus claire, et notamment la gorge, qui est d'un blanc cendré; une ligne noire transversale passe au-dessus des épaules. Longueur, de- puis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, C'j^G, et de celle-ci, 0"',15 (jeune âge). Cette espèce, qui porte à Tamalave le nom de Falanouc, se trouve dans les plaines sablonneuses où elle se creuse des terriers. l'ig fif; — EiiplÏTc (je Gondol. iG8 HISTOIRE NATURELLE. TROISIÈME FAMILLE. CARNIVORES. CARNIVOBA. Los animaux qui composent la famille des Carnivores sont principalement caractérisés par la dis- position de leur système dentaire; ils ont toujours à chaque mâchoire quatre grosses et longues ca- nines écartées, entre lesquelles sont le plus ordinairement six incisives dont la racine des inférieures est un peu plus rentrée qiie les autres; leurs molaires sont, ou entièrement tranchantes ou mêlées seulement de parties à tubercules mousses et non hérissées de pointes coniques; les molaires anté- rieures, tant ù la mâchoire supérieure qu'à l'inférieure, sont les plus tranchantes, et portent le plus habituellement le nom de fausses molaires; vient ensuite une molaire plus grosse que les autres, la carnassière, qui a d'ordinaire un talon tuberculeux plus ou moins large, et derrière elle on trouve une ou deux petites dents entièrement plates, et ces molaires postérieures ont reçu la déno- mination de tnberculenses. Quelquefois, dans le langage vulgaire, le nom de Carnivores est appliqué ù tous les Mammifères qui se nourrissent en totalité ou en grande partie de chair, et il est alors synonyme de Carnas- siers; mais d'une manière plus spéciale, et particulièrement d'après G. Cuvier, la dénomination de Carnivores est appliquée à l'une des familles de l'ordre des Carnassiers et répond à l'expression si généralement usitée de Bêtes féroces, et à celles de Ferœ et de Seciindates, au moins en partie pour cette dernière. On peut, avec Fr. Cuvier, dire que ce sont les animaux les plus puissants par la force musculaire et peut-être aussi par l'intelligence; aussi sont-ils, avec les Singes, les Mammifères dont les rapports avec la nature sont les plus étendus, et qui exercent sur son économie la plus grantle influence. Comme l'indique leur nom, les Carnivores vivent, soit complètement, soit en grande partie, de chair, ou mieux et plus généralement de matières animales, telles que. des muscles, ou bien de sang, de substance cérébrale, de tendons, etc., parties de l'organisme que beaucoup d'espèces préfèrent à la chair musculaire; plusieurs se nourrissent aussi d'os. Mais il est peu d'espèces, qui, dans leur régime dicléiique, ne mélangent aux matières animales quelques substances végétales; il en est qui vivent autant de végétaux que de parties animales, et certaines espèces sont plus phytophages que carnivores. C'est ce que nous verrons en étudiant les Ours, qui ne sont carnivores que par excep- tion; tandis que nous montrerons que les Chats sont exclusivement carnivores, et intermédiaire- ment nous pourrions citer d'autres groupes d'animaux. Ces différences d'instincts concordent né- cessairement avec des différences de conformation, soil de l'ensemble de l'appareil digestif, soit de chacune de ses parties, spécialement de l'intestin d'autant plus court, de l'estomac d'autant plus petit, du foie et des glandes accessoires d'autant plus développés, des molaires d'autant plus tran- chantes que l'animal est plus carnassier. Le système dentaire est surtout des plus importants à étu- dier; en effet, ces animaux sont d'autant plus exclusivement carnivores que leurs dents sont plus complètement tranchantes, et l'on peut presque calculer la proportion de leur régime diététique d'après retendue de la surface tuberculeuse de leurs dents, comparée à la partie tranchante; et de là il résulte encore que dans cette famille, plus encore que aans les autres, on pourra trouver de bons caractères dans la considération du système odontologique. Excepté chez le Morse seulement, on trouve toujours, à chaque mâchoire, deux grandes canines très-saillantes, de forme conique. Les incisives sont placées entre les canines et beaucoup plus pe- tites qu'elles; ces dents sont, à l'exception d'une espèce, l'Enhydre, constamment au nombre de six CARNASSlliUS. 169 clans les Plantigrades et les Digitii^rades, tandis que ce nombre ne se rencontre plus dans les Amphi- bies, c'est-à-dire dans la tribu qui renferme les Phoques, chez laquelle on trouve j, |, f , f et l- in- cisives. Quant aux molaires, on peut, avec M. Isidore Geoffroy Saintllilaire, les rapporter à deux types principaux : molaires dissimilaires et molaires similaires. Les Carnivores à molaires dissimi- laires sont les Planiigrades et les Digitigrades, excepté le genre Protèle; il existe toujours chez eux, en avant, des molaires plus petites et moins compliquées que les autres, ce sont les fausses molaires; et, en arrière des molaires plus grosses et plus complexes, les màclictières. Parmi celles-ci, la der- nière ou les deux dernières ont ordinairement la couronne plus ou moins large et tuberculeuse, d'où le nom de dents tuberculeuses qu'elles ont reçu de Fr. Cuvier. Entre les tuberculeuses el les fausses molaires, il existe, au contraire, de chaque côté et à chaque mâchoire, une dent comprimée, à couronne tranchante, connue sous la dénomination de carnassière. Les tuberculeuses supérieures et inférieures sont généralement opposées entre elles, couronne à couronne, et par conséquent très- propres à broyer les matières végétales, comme cela a lieu d'une manière parfaite chez des animaux exclusivement phytophages, de même que les Piuminanls, par exemple, tandis que les carnassières sont alternes, se rencontrant côté à côté, comme les deux branches d'une paire de ciseaux, et sont très-convenablement disposées pour couper, pour diviser la chair. Les Carnivores à molaires simi- laires comprennent tous les Amphibies, et un genre très-exceptionnel de Digitigrades, celui des Pro- tèles, qui, avec des canines et des incisives tout à fait semblables à celles des Chiens, a pour dents moyennes et postérieures de petites dents conoïdales à couronne simple dont on ne peut retrouver les analogues que parmi les Édentés et les Cétacés; les molaires de plusieurs Amphibies ont de même la couronne simple, mais ces dents sont d'une autre forme et plus développées ; enfin d'autres genres de celte dernière tribu ont les molaires similaires, mais leur couronne, au lieu d'être simple, est tricuspidée ou trilobée. Nous ajouterons, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que « cette ana- lyse des caractères dentaires, quelque succincte qu'elle soit, suffît déjà pour montrer que, plus grand sera le développement des carnassières et plus petit celui des tuberculeuses, plus devra prédominer le régime diététique animal, plus l'être devra être exclusivement Carnivore. Au contraire, plus les tuberculeuses s'accroîtront et plus les carnassières viendront à diminuer, plus l'animal sera à la fois végétivore et Carnivore, en d'autres termes omnivore. On arrive facilement à ce résultat par le seul raisonnement, en partant de la notion si bien acquise à la science, de la corrélation harmo- nique de toutes les parties d'un même appareil, et plus généralement d'un même être. Mais l'obser- vation seule peut faire connaître jusqu'à quel point les modifications du système dentaire expriment fidèlement et clairement les modifications du régime diététique, et dans quelles limites s'exercent les variations que présentent les Carnivores. )) Nous ne devons pas maintenant entrer dans plus de détail sur ce sujet important; c'est dans l'étude particulière de chacim des genres que nous complé- terons ce que nous avons à dire sur le système dentaire des Carnivores. On ne peut étudier le squelette des Carnivores d'une manière générale; car il est construit sur des plans assez différents les uns des autres; trois types doivent y être surtout remarqués, ce sont ceux des Ours, des Chats et des Phoques; nous nous en occuperons avec soin en faisant l'histoire par- ticulière de chacun de ces genres importants, puis nous parlerons des différences qu'on peut remar- quer chez les Martes, les Chiens, les Hyènes, les Protèles, etc. Nous ajouterons seulement que leurs os sont plus solides que ceux des autres Mammifères, d'une texture plus compacte, et que leur clavicule, qui est très-petite, se trouve placée dans les chairs; nous donnerons plus tard d'autres remarques. Les appareils locomoteur et sensitif sont, avec l'appareil digestif, et spécialement le système dentaire, ceux qui fournissent aux Carnivores les caractères les plus importants. Il ne suffit pas. comme le fait remarquer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, à l'animal carnassier de pouvoir agir sur la chair dont il se repaît par des dents et un appareil digestif dont les formes, la disposition et la structure ont, avec leur fonction, les rapports les plus admirablement harmoniques. Il faut, avant tout, que l'animal puisse reconnaître de loin la présence d'une proie, aussi attentive à l'éviter que lui-même est ardent à sa recherche. La proie aperçue, il faut qu'il puisse l'atteindre; et, après l'a- voir atteinte, qu'il puisse la vaincre et s'en rendre maître. Ce sont toutes ces conditions indispen- sables qui méritent au plus haut degré de fixer l'attention. Chez les Carnassiers les organes des sens sonttrès-développés. Lavue et l'ouïe sont surtout très-per- fectionnées chez les Carnivores par excellence, c'est-à-dire chez les Chats et les Chiens; l'odorat et le IG' 22 170 HISTOIRE NATURELLE. goût chez les Carnivores qui ont plus spécialement un régime plus végétal ou omnivore : c'est ainsi que les Ours, et surtout que les Coatis et quelques genres qui sont voisins de ceux-ci, offrent des fosses na- sales d'une étendue considérable, au devant desquelles le nez se prolonge souvent en un groin mobile, un peu comme celui des Cochons. Dans ces genres, les mêmes os qui produisent le plancher des fosses nasales forment aussi la voûte du palais; la langue est très développée et la membrane palatine très- étendue; au contraire, les globes oculaires sont peu volumineux, et les caisses auditives ne font pres- que jamais qu'une très-faible saillie à la base du crâne. Dans les Chats, au contraire, l'inverse a précisément lieu; les caisses auditives sont considérables, et les yeux très-développés; ceux-ci pré- sentent d'ailleurs dans leur structure deux modifications importantes, d'où les habitudes diurnes d'un certain nombre d'espèces et les habitudes nocturnes des autres. M. Isidore Geoffroy Saint-IIi- laire donne l'explication de ces divers faits, et nous transcrivons les paroles mêmes du savant pro- fesseur. ({ Si nous recherchons pourquoi les Carnivores par excellence ont l'odorat et le goût moins développés que la vue et Touie. nous pouvons apercevoir la raison philosophique de ce fait en nous plaçant au point de vue de l'hannonie nécessaire de toutes les parties de Tétrc. Il nous paraît, en effet, se rattacher à une donnée, qui, au premier aspect, peut sembler n'avoir avec lui aucune connexion : la disposition des armes les plus redoutables des Carnivores, leurs canines. Ces dents, placées à la partie antérieure des mâchoires, ne peuvent agir comme armes qu'en s'entre-cro'isant d'une mâchoire à l'autre; et leur entre-croisement a lieu par suite de l'élévation de la mâchoire in- férieure, opérée par la contraction des deux masseters et des deux ptérygoïdiens internes, muscles qui s"insèrent les uns et les autres sur les branches montantes du maxillaire inférieur. Les canines sont donc en avant de la mâchoire inférieure, et c'est tout à fait en arrière que s'avancent les muscles élévateurs. Il sullit de réfléchir sur cette disposition pour conclure, en partant des no- tions les plus élémentaires sur la théorie des leviers, que, plus la mâchoire inférieure sera allongée, plus, toutes choses égales d'ailleurs, l'action du système dentaire, et spécialement celle des canines, se trouvera affaiblie, d'où résulte, comme conséquence nécessaire de la loi d'harmonie, la brièveté de la mâchoire inférieure, et par suite de toute la face, chez les Carnivores par excellence; laquelle, à son tour, entraîne le moindre développement des organes sensitifs antérieurs. » Le système nerveux est très développé chez ces Carnassiers, et le cerveau offre des circonvolu- tions plus ou moins compliquées. Les membres, en totalité, sont assez longs, et libres à leur extrémité dans les Plantigrades et les Digitigrades, tandis que, dans les Amphibies, ils sont, au contraire, extrêmement courts, et leurs ex- trémités, jointes par des membranes épaisses, sont transformées en de véritables nageoires. Dans le premier cas, pour nous servir de l'expression de M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, ces membres ne sont pas empêtrés, tandis que, dans le second cas, ils sont empêtrés. Les ongles, ou, comme on les nomme plus vulgairement, les griffes, sont, chez les Carnivores par excellence, desarmes d'une grande puissance et destinéesà déchirer leur proie. On peut dire que ces griffes deviennent habitucllem.ent plus acérées à mesure que les dents sont plus tranchantes, ou, ce qui revient au même, à mesure que l'animal est plus exclusivement Carnivore. Ainsi, dans le genre Chat, et nous prendrons le Lion principalement pour type, les ongles, par un mécanisme par- ticulier, deviennent rétractiles, et les armes de l'animal, logées durant la marche dans de véritables fourreaux, se trouvent ainsi protégées contre toutes les causes qui pourraient en altérer l'acuité. Dans d'autres groupes génériques, les ongles ne sont qu'à demi rétractiles, et les animaux qui com- posent ces groupes sont déjà moins bien armés en même temps qu'ils sont moins carnivores. Enfin la rétractilité devient quelquefois nulle, et par suite les ongles sont plus ou moins obtus. Ces dispo- sitions ne sont pas cependant générales, et il n'y a pas toujours une correspondance nécessaire entre la disposition des ongles et celle des dents; c'est ainsi que quelques animaux du genre Muslcla de Linné, tout en ayant un système odontologique semblable, présentent des différences importantes dans la disposition des ongles. Les extrémités des membres peuvent être transformées en nageoires ou libres. Dans le premier cas, les Carnivores qui présentent cette disposition, tels que les Phoques et les Morses, constituent les Ampliibies de G. Cuvier. Dans le second cas, on peut remarquer deux pariicularités des plus cu- rieuses; c'est ainsi que plusieurs genres, auxquels on applique habituellement le nom général de Plantigrades, appuient la plante entière du pied sur le sol, lorsqu'ils marchent ou qu'ils se tien- CARNASSIERS. 171 nent debout, ce que l'on aperçoit aisément par l'absence de poils sous toute cette partie, tandis que d'autres genres en plus grand nombre, ceux qui constituent la tribu des Digitigrades, ne mar- chent que sur le bout dos doigts en relevant le tarse : chez ces derniers, la course est plus rapide que chez les autres, et à celte première différence s'en joignent beaucoup d'autres dans les habi- tudes et même dans la conformation intérieure. Quoi qu'il en soit de ces différences, ces deux divi- sions des Plantigrades et des Digitigrades, qui ont été très-longtemps pour ainsi dire classiques, ne sont plus adoptées par quelques zoologistes, qui ont montré qu'elles rompaient souvent les dispo- sitions les plus naturelles, et qu'elles n'étaient pas toujours vraies, puisque certains Digitigrades, le Chien lui-même, marchent souvent, dans leur premier âge, à la manière des Plantigrades, et qu'en outre on connaît des Carnivores semi-planligrades. En disposant les Carnivores terrestres d'après leur mode de station, on place nécessairement, à l'une des extrémités de la série, les espèces qui s'appuient sur la surface inférieure tout entière des pieds, et à l'autre extrémité celles qui, dans la station et dans la marche, relèvent la plus grande partie du, pied. La série qu'on forme ainsi concorde d'une manière remarquable avec celle qu'on forme d'après le système dentaire, sans qu'on puisse toutefois lier, par des rapports exacts de pro- portionnalité, les modifications des mâchelières et celles des pieds. On peut dire, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que les espèces les plus exclusivement carnivores, et qui ont par conséquent les mâchelières les plus tranchantes, sont celles aussi qui s'appuient sur la moindre partie du pied, et que, réciproquement, les genres les plus omnivores sont en même temps les plus plantigrades. Tels sont, par exemple, les Kinkajous, les Ours, et plusieurs genres voisins qui vivent, comme eux, en grande partie de végétaux : ces Carnivores s'appuient jusque sur la partie postérieure du talon. Dans les groupes desMustelas et des Viverras de Linné, le talon commence à se relever au moment même où les carnassières commencent à être caractérisées. Dans le groupe des Chiens, la marche est fran- chement digitigrade, de même que les habitudes sont celles d'espèces essentiellement carnassières; et l'animal s'appuie uniquement sur la face inférieure des phalanges. Enfin, les Chats, qui sont de tous le plus complètement carnivores, sont aussi ceux chez lesquels les plantes des pieds et les pau- mes des mains touchent le sol sur la plus petite partie de leur surface : les phalanges onguéales, étant relevées, n'ont plus aucun contact avec le sol, et les première et deuxième phalanges suppor- tent seules le poids du corps. Les métacarpes et les métatarses des vrais Digitigrades diffèrent à la fois de ceux des Plantigrades, et par la direction, et par la forme. Chez les Ours et tous les vrais Plantigrades, les métacarpes et les métatarses, horizontaux aussi bien que les doigts, sont courts et larges. Dans les semi-Plantigrades, ils sont médiocrement longs et larges, et présentent des degrés d'obliquité très-différents, soit d'une espèce à l'autre, soit dans la même espèce et chez le même individu, selon les altitudes qu'il prend. Dans les vrais Digitigrades, ils se rapprochent plus ou moins de la verticale par leur direction, et les métacarpes peuvent même être entièrement verticaux. En même temps, de larges et courts qu'ils étaient, ils deviennent longs et grêles; en sorte que, soit par leur direction, soit par leur forme, ils semblent non plus faire partie du pied, mais consti- tuent, entre la jambe et le pied, un segment de plus dans les membres. De là résulte, pour ceux-ci, une plus grande longueur relative, et, ce qui est bien plus important encore comme condition d'agi- lité dans la course et surtout dans le saut, l'existence d'une brisure de plus dans Pensemble du membre. Une autre particularité, qui se rattache à celles que nous venons d'étudier, a été encore signalée par le savant zoologiste que nous avons plusieurs fois cité : c'est la suivante. Tout genre omnivore, dans la famille des Carnivores, est pentadactyle aux quatre membres; au contraire, les genres qui offrent le plus de carnivorité, et la plupart de ceux qui les avoisinent, sont tétradactyles, soit à l'une des paires de membres, soit même aux quatre membres à la fois. La taille des Carnivores, comparée à celle des Mammifères en général, est moyenne; mais, toute- fois, ils sont tous plus grands que les animaux des deux familles précédentes. Les plus petites es- pèces se trouvent dans les genres Mangoustes et Martes, et les plus grandes dans celui des Chats. La grande majorité des Carnivores sont terrestres; ils se trouvent sur le sol, et courent avec une aisance plus ou moins grande; quelques-uns grimpent sur les arbres avec une grande facilité : un certain nombre d'espèces est aquatique; ils nagent aussi vite que les Poissons et aussi aisément qu'eux, et ne viennent sur le sol, où ils se traînent péniblement, que pour y respirer l'air. ^72 HISTOIRE NATURELLE. D'une mnnière générale, comme nous l'nvons dit, les Carnivores se nourrissent de chair, et, dès lors, leurs habitudes naturelles sont sanguinaires; c'est ainsi que les grandes espèces, comme les Lions, les Tigres, les Panthères, etc., se nourrissent de gros animaux, presque exclusivement de Ruminants; et que les petites espèces, comme les Martes, s'attaquent aux petits Mammifères, et sou- vent même aux Oiseaux, dont ils font un grand carnage dans nos basses-cours. D'autres espèces, comme les Protèles et les Hyènes, se contentent de chair plus ou moins putréfiée, et vont parfois déterrer les cadavres pour s'en repaître. Les espèces aquatiques se nourrissent de Poissons; les Phoques spécialement en font une grande consommation. Les Plantigrades ont un régime omni- vore; et l'on sait que les Ours peuvent se nourrir exclusivement de matière végétale, quoique ne repoussant pas une nourriture animale. Du régime diététique de ces divers animaux résultent leurs mœurs, sur lesquelles nous reviendrons. Nous nous bornerons à ajouter que même les espèces les plus féroces ont pu être apprivoisées, et que nos ménageries en renferment en grand nombre, et qu'elles ont pu quelquefois s'y reproduire. Les Carnassiers les plus féroces semblent parfois, en domesticité, d'une grande douceur; Ton sait quelle obéissance ils montrent à ceux qui les ont domptés; mais aussi, ce qu'on n'ignore pas, c'est que souvent leur naturel terrible reprend le dessus, et que plus d'un de nos fameux montreurs d'animaux a trouvé la mort en jouant avec les armes ter- ribles de l'animal, qu'il avait cru avoir entièrement maîtrisé. Ce que nous venons de dire s'applique plus parliculièremcnt aux grandes espèces du genre Chat, comme le Lion, la Panthère, le Tigre, le Léopard, etc.; il n'en est pas de même du Chien, qui sait se montrer constamment l'ami, et quel- quefois le prolecteur de l'homme. Dans chaque article sur les divers genres de Carnivores, nous re- viendrons avec soin sur les détails de mœurs, qui constituent l'une des branches les plus attrayantes de la zoologie. Parmi les conditions de l'existence des animaux, en tant qu'individus, celle qui comprend la nourriture étant évidemment la plus importante, et celte nourriture étant ici elle-même animale, on voit comment, pour les Carnivores, la distribution géographique est déterminée par la coexistence d'autres animaux, soit de la même classe, soit de classes différentes, et beaucoup moins qu'on ne l'a cru par la température; aussi l'on peut dire d'une manière générale qu'aux lieux où se trouvent un grand nombre d'animaux herbivores, surtout où les Carnivores pourront être à l'abri des pour- suites des Carnivores plus forts qu'eux, et surtout de celles de l'espèce humaine, ils seront plus nombreux en espèces et même en individus, comme l'Afrique en est un exemple remarquable, prin- cipalement dans son intérieur, là où la civilisation a à peine pénétré de nos jours. C'est là en effet que, sauf le Tigre, toutes les formes particulièies de Carnivores existent en grand nombre, parce que, outre la condition de température, se trouve la première, bien plus importante, labondance de la nourriture fournie par les Singes, par les Ruminants et autres animaux. Et, comme parmi ceux-ci il s'en trouve de toute taille et de toute grandeur dans les eaux et dans les airs comme sur la terre, on comprend comment la forme carnassière s'est pour ainsi dire modifiée d'une manière si variée pour atteindre à toutes ces nécessités d'harmonie générale, aussi bien dans la dimension que dans le mode et le degré de carnivorité. On comprend encore comment l'espèce humaine exerce une in- fluence sur les Carnivores encore plus grande, peut-être, que sur la plupart des autres espèces de Mammifères. Quoi qu'il en soit, et malgré le grand nombre d'espèces africaines de Carnivores, on en trouve dans toutes les parties du monde ; l'Asie en renferme quelques-unes ; l'Amérique égale- ment, et l'Europe, assez riche en petites espèces, en possède aussi quelques grandes, particuliè- rement dans les genres Ours et Phoque. Depuis les temps historiques, l'on connaît des changements plus ou moins étendus que la distri- bution géographique des Carnivores a éprouvée, et qui sont le résultat d'une action plus ou moins immédiate de la part de l'homme; en effet, des animaux de la famille que nous étudions ont aban- donné certains pays, soit que les conditions d'existence n'y existassent plus pour eux, soit parce qu'eux-mêmes ont été le sujet de chasses, de poursuites, qui ont lini par détruire certaines es- pèces, ou les ont refoulées dans des contrées nouvelles, après les avoir fait quitter celles qu'elles habitaient primitivement. La science possède, en effet, des preuves que les Phoques, et surtout cer- taines espèces des mers du Sud, non-seulement sont devenus beaucoup moins abondants depuis les expéditions nombreuses de pêche que les Américains, les Anglais et les Français ont envoyées dans ces parages, mais encore qu'ils ont abandonné certaines localités plus au nord, et où ils trouvaient CARNASSIERS. . 173 les dispositions les plus favorables à leur existence, pour se retirer plus au sud; on doit en dire au- tant du Phoque commun en Europe, et du Tlioque moine de la Méditerranée; le premier s'est, en effet, de plus en plus retiré vers le nord, abandonnant nos rivages de la Manche et de l'Océan, tandis que le second n'existe plus que sur quelques points de l'Adriatique, et semble s'être réfugié dans la mer Noire. Il en est de même de l'Ours commun d'Europe, qui, par suite des embûches con- tinuelles auxquelles il est exposé, n'existe plus que dans les parties les plus inaccessibles de nos Alpes et de nos Pyrénées, et qui existait jadis dans toutes les montagnes européennes un peu élevées, et cela depuis les temps historiques, comme objet de chasse chez les Grecs, les Romains, et les peu- ples d'Europe jusqu'au quinzième siècle. Les petites espèces de Carnivores, comme les Blaireaux, et surtout les Martes, les Fouines, les Belettes, les Putois et les Hermines, ayant pu échapper à l'action de l'espèce humaine par la facilité qu'elles ont de se cacher et de trouver aisément leur prin- cipale condition d'existence, étaient sans doute réparties à peu près, autrefois, comme elles le sont encore aujourd'hui. Mais il n'en est pas de même des grands genres Chat, Chien et Hyène. Toute- fois, pour ce dernier, on n'a pas de preuves historiques de son ancienne extension au delà de ce qu'il est aujourd'hui. Mais pour le Lion, et même pour les Panthères; car les anciens auteurs grecs ont laissé des preuves indubitables de leur existence dans les parties orientales et méridionales de l'Europe; et même pour le Loup, on a la date certaine de l'époque à laquelle ils ont disparu de l'Angleterre. La faune fossile des Carnivores comprend également un grand nombre d'espèces; on en a trouvé dans presque tous les terrains, mais plus particulièrement dans ceux de formation assez récente, et dans les cavernes à ossements. Ces fossiles se trouvent répandus sur presque toute la surface du globe: c'est ainsi qu'on en a signalé aux monts Himalayas, au Brésil, etc.; mais c'est principale- ment en Europe que les recherches des paléonthologistes en ont fait découvrir un plus grand nom- bre, et on les doit principalement aux travaux de G. Cuvier, De Blainville, Blumenback, Goldfuss, Huot, Oken, et de MM. Lund, Groizet et Jobert, Bravard, Marcel de Serre, P. Gervais, Owen, Falcon- ner et Caulley, Lartet, Schmerling, etc. Quelques-unes de ces espèces se rapportent à des genres connus, tels que ceux des Ours, Chien, Chat, Hyène, Phoque et Morse; ou à des groupes particuliers, comme ceux des Cainotherium, Bravard; Agnotlieriiim, Kaup; Ampliiarctos, Taxolliefnim, Palœo- cî/on et P/erof/on, De Blainville; Ampliicijon, Lartet, etc. Nous reviendrons sur ce sujet dans cha- cun des groupes naturels de la famille des Carnivores, et nous ne nous y étendrons pas davantage maintenant. Les auteurs anciens, pour peu qu'ils se soient occupés d'histoire naturelle, ont tous fait mention des genres principaux de Carnivores; mais, selon leur coutume, sans s'occuper beaucoup de leur distinction spécifique et encore moins de leur distribution systématique. On voit cependant qu'ils les désignaient sous le nom commun de Serridentes ou de Carcliarodonta, et, dans Elien, on trouve l'énumération de quelques-uns d'entre eux, tels que le Loup, le Chien, le Lion et la Panthère. D'après cela, on voit que les anciens, sur les travaux desquels nous aurons l'occasion de revenir, ne rangeaient pas dans cette division les petits Carnivores de nos méthodes actuelles, et qu'ils n'y comprenaient même pas les Ours et les Phoques. Pour trouver quelque chose de positif sur les animaux qui nous occupent dans les ouvrages des auteurs modernes, il faut immédiatement arriver aux travaux de Linné. Ce savant naturaliste les partage dans les genres suivants encore adoptés aujourd'hui, quoique partagés en un nombre plus ou moins grand de subdivisions : Plioca, comprenant un assez grand nombre de genres actuels; Ursîis, renfermant non-seulement les Ours actuels, mais encore les petites espèces qui, comme le Blaireau, le Coati, le Raton, le Kinkajou, etc., sont désignés, par De Blainville, sous la dénomina- tion de Petits Olrs, Siibiirsi; Musiela, comme la Marte, le Putois, la Loutre; Viverra, tels que la Mangouste, la Civette, la Genette; Fdis, comme les Chats et les Lynx; et Canis, comme les Chiens, les Renards, le Fennec, le Protèle, et les Hyènes, qui constituent le genre Hijœua de Brisson. Les zoologistes plus récents que Linné ne sont pas d'accord sur la classification que l'on doit suivre dans l'étude des animaux qui constituent la famille si naturelle des Carnivores, et cela tient à plusieurs causes qui dépendent de l'organisme même de ces Mammifères. Nous laisserons à ce sujet M, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire exposer les difficultés qui se présentent. « Établir dans cette divi- sion la série d'après les divers degrés de carnivorilé qu'offrent les genres, semble à la fois très-ra- 174 HISTOIRE NATURELLE. tionnel et très-facile : ti-ès-ralionnel, puisque tous les systèmes se modifient corrélativement suivant que ranimai est plus ou moins Carnivore; très-facile, puisque la forme des molaires, et spécialement le rapport des dents carnassières à celui du développement des dents tuberculeuses, expriment très- nettement et très-lidèlement, d'une part, au point de vue anatomique, les conditions organiques de l'ensemble du canal alimentaire; de l'autre, pbysiologiquement, le degré de carnivorité. Mais, s'il en est ainsi en général, et si, par suite, la direction de la série est peu diflicile à déterminer, il n'en est pas moins vrai qu'il reste à résoudre, à un point de vue plus spécial, de nombreuses et plus ou moins graves difficultés. Les unes tiennent à ce fait qu'il y a concordance générale entre les modi- fications des autres appareils et celles du système dentaire. Un animal pourra donc être plus Carni- vore qu'un autre par ses dents, et ce dernier, au contraire, par la conformation de ses griffes, ou même par celle de ses membres, se rapprocher davantage des Carnivores par excellence. Les dents elles-mêmes, à les considérer isolément, peuvent parfois donner lieu à des diflicultés; car cer- tains genres sont remarquables par des dents de forme mixte, les autres par la coexistence de dents bien caractérisées comme carnassières, et d'autres bien caractérisées comme tuberculeuses. Dans ces deux cas, mais pur des causes bien différentes, le régime doit donc être, et est plus ou moins, en grande partie, végétal. Mais toutes ces difficultés ne sont que secondaires. Les unes peuvent être résolues par diverses considérations particulières, variables selon les genres qu'elles concernent; les autres, il est vrai, résistent jusqu'à présent aux efforts des zoologistes; mais elles n'offrent que des points d'une faible importance. Là n'est donc pas le nœud de la difficulté en ce qui concerne la clas- sification dans son ensemble. Ce nœud se trouve, au contraire, dans la multiplicité des types, très-légè- rement différents les uns des autres, que la nature a créés dans ce groupe, et, par suite, des rapports divers et entre-croisés de cent manières, par lesquels une transition intime s'opère entre la plupart d'entre eux; aussi celte famille est-elle une de celles où l'impossibilité de classer tous les genres en une série unique est le plus manifeste, ot où la classification, sur quelque principe qu'on la fonde, offre le plus de difficulté. » Nous ne suivrons pas plus loin M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans les considérations dans lesquelles il entre dans Farticle Carnivore du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, tome 111, '1845, et nou;s nous bornerons maintenant à dire que, dans la classification de ce savant professeur, qui ne comprend pas les Chéiroptères parmi les Carnassiers, cet ordre, ainsi restreint, est partagé en trois sections, dont l'une d'elles renferme les liNSEcrivoREs, et que les deux sections, celles des Cah.xivores et des â^ithibies, sont partagées en quatre familles subdivisées elles-mêmes en plusieurs tribus, ainsi que nous l'exposerons bientôt. G. Cuvier, d'après Storr, a pris pour base de sa classification la disposition particulière que pré- sentent les extrémités des membres. C'est ainsi que, selon que l'animal appuie sur le sol, pendant la marche, la plante entière de ses pieds, qu'il marche sur le bout des doigts ou que ses pattes sont transformées en nageoire, il forme les trois tribus des Plantigrades, Dicfuigrades et Anipliibies. Malheureusement, ces caractères, faciles à saisir, et par conséquent d'une grande valeur, ne sont pas sans quelques exceptions, et l'on a pu indiquer certains Carnivores qui ont une marche intermé- diaire entre celle des Plantigrades et des Digitigrades, et qui sont semi-plantigrades ou semi-digiti- grades; en outre, les Loutres, qui ont les pieds palmés, ont dû, par l'ensemble de leurs caractères, être cependant rangées avec les Digitigrades : c'est par suite de ces considérations que les zoologistes modernes commencent à abandonner cette classification, qui a été longtemps classifique en mamma- logie. Quoi qu'il en soit, et comme nous l'adopterons encore dans cet ouvrage, nous allons exposer celte méthode en quelques mots. I. TniBi DES PLANTIGRADES. Cette Iribu renferme les espèces de Carnivores qui marchent sur la plante entière des pieds, ce qui leur donne plus de facilité pour se dresser sur leurs pieds de derrière; ils participent à la len- teur, à la vie nocturne des Inseclivores, et manquent, comme eux, de cœcum; tous ont cinq doigts CARNASSIERS. i75 à tous les pietls. Les genres principaux sont ceux des Ours, Raton, Panda, Benlitrong, Coati, lîinha'jon, Blaireau, Glouton, etc. II. TniBu DES DIGITIGRADES. Elle comprend les espèces qui marchent sur le bout des doigts. On y forme trois subdivisions ; 1° les espèces qui n'ont qu'une tuberculeuse en arrière de la carnassière d'en haut; manquant de cœcum, mais ne tombant pas en léthargie. Ce sont les animaux que l'on a nommés Verm'iformcs, à cause de la longueur de leur corps et de la brièveté de leurs pieds, qui leur permettent de passer par les plus petites ouvertures : quoique petits et faibles, ils sont très-cruels, et vivent surtout de sang. Les groupes génériques sont ceux des Putois, Marte, Moufette, Loutre, etc.; 2° dans la deuxième subdivision, il y a deux tuberculeuses plates derrière la carnassière supérieure, qui, elle- même, a un talon assez large; ils ont un petit cœcum. Tous les animaux de ce groupe, tels que les genres Chien, Civette, Genctte, Paradoxure, Mangouste, Suricate, sont carnassiers, mais sans monli'er beaucoup de courage à propoi'tion de leurs forces, et ils vivent souvent de charognes; 5° en- lin, dans la troisième subdivision, les diverses espèces n'ont pas de petites dents du tout derrière la grosse molaire d'en bas. Les genres principaux sont ceux des Ihfenes et des Chats, qui sont les plus cruels et les plus carnassiers de tous les animaux de la classe entière des Mammifères, III. Tribu des AMPHIBIES. Cette division est composée de Carnivores chez lesquels les pieds sont si courts et tellement enveloppés dans la peau, qu'ils ne peuvent, sur terre, leur servir qu'à ramper; mais, comme les intervalles des doigis y sont remplis par des membranes, ce sont des rames excellentes. Aussi les animaux de cette tribu passent-ils la plus grande partie de leur vie dans la mer, et ne viennent- ils à terre que pour se reposer au soleil et allaiter leurs petits; leur corps allongé, leur épine très- mobile, et pourvue de muscles qui la fléchissent avec force, leur bassin étroit, leur poil ras et serré contre la peau, se réunissent pour en faire de bons nageurs, et tous les détails de leur anatomie confirment ces premiers aperçus. Les deux grands genres placés dans cette tribu sont ceux des Phoques et des Morses. De Blainville, dans son Ostéographie, a indiqué d'autres bases de classification, et il expose sa méthode de la manière suivante. « Prenant en première considération les extrémités, dans leur ap- plication sur le sol, ainsi que dans leur division en cinq doigts, dont le pouce est plus ou moins marqué, ce qui entraîne la forme des ongles plus ou moins en sabot, caractère qui, en se pronon- çant en moins, indique un éloignement plus grand de l'homme, on peut voir pourquoi cet ordre est placé après les Insectivores, en prenant le point de comparaison avec les espèces normales qui sont encore claviculées, et comment il doit finir les Secundates, puisque les dernières espèces n'ont que quatre doigts et sont essentiellement digitigrades. On peut aussi trouver un indice de disposition sériale dans la longueur proportionnelle des oreilles, cpii, sauf l'exception des Loutres, s'accrois- sent presque régulièrement des Ours aux Hyènes. « Dès lors, on voit que la disposition des espèces doit être de celles qui sont les plus palmi- grades et plantigrades, les plus quinquedigitées, à celles qui le sont moins, ce qui place les Phoques à la tète des Carnivores; et, en effet, quoiqu'ils forment réellement un groupe anomal, pour cher- cher et poursuivre leur nourriture dans l'eau, ce qui est, au fond, assez peu important dans notre manière de voir, ce sont certainement les espèces les plus intelligentes, les plus élevées et aussi les plus essentiellement palmigrades et plantigrades. « Viennent ensuite les Ours, dont les rapports avec les Phoques ont été sentis de tous temps, et consistent principalement dans une queue courte, une tête forte dans sa portion céphalique, ses cinq doigts presque égaux, etc. 176 HISTOIRE NATURELLE. « Les Petits-Ours, que l'on peut désigner sous le nom générique, à la manière de Linné, de Su- bîirsus, conservent encore une partie de ces caractères dans leur forme lourde, ramassée, dans leur marche plantigrade, la presque égalité des cinq doigts aux deux mains et la grande facilité à s'en- graisser et à s'engourdir pendant l'hiver, du moins pour les espèces septentrionales. « Les mêmes raisons déterminent la place des Miistelas de Linné immédiatement après les Petits- Ours, puisque tous ont encore cinq doigts presque égaux, qu'ils sont au moins subplantigrades, que leur système de coloration est uniforme ou au plus bicolore, que Tintestin est entièrement dé- pourvu de cœcum, et que l'humérus est percé d'un canal pour le passage du nerf médian. (( Après eux, les Viverras viennent nécessairement, quand on les considère dans la série entière qu'ils forment, et quoique les premières espèces soient encore plantigrades, parce que les der- nières deviennent en effet de plus en plus Felis à mesure que des Mangoustes, qui sont à la tête, on passe par des nuances presque insensibles jusqu'aux Genettes, qui sont presque des Chats. Dans ce groupe commence l'existence d'un cœcum, qui deviendra de plus en plus développé à mesure que nous descendrons dans la série. « Le genre Felis doit être placé ensuite; chez lui, le tarse s'élève d'une manière déjà assez forte, et n'est jamais nu; le pouce ne manque pas en avant, mais il manque complètement en arrière; le cœcum est encore court, quoique bien marqué; il y a un canal au condyle interne de l'humérus; en outre, ce grand genre offre des caractères qui lui sont propres dans le système dentaire, dans la brièveté des mâchoires et la disposition des phalanges onguéales. (( Les Canïs deviennent encore plus digitigrades; le tarse s'élève encore plus; les ongles sont plus obtus, appuyant sur le sol; le cœcum est plus long; l'humérus n'a pas de canal au condyle interne; la poitrine est plus comprimée, et l'animal devient plus essentiellement quadrupède. « Enfin, tous ces caractères se prononcent encore plus dans les Hyènes, par lesquelles se termine la famille, et qui n'ont plus en effet que quatre doigts aux quatre membres, le pouce ayant tota- lement disparu; dont les tarses sont encore plus élevés, les doigts proportionnellement plus courts, les ongles plus obtus, le cœcum plus long, et qui joignent à cela un assez bon nombre de carac- tères qui leur sont propres dans le système dentaire, dans l'appareil crypteux anal, ainsi que dans le nombre des vertèbres costales et des côtes. « La disposition des espèces, dans chacun de ces grands genres, se déduit absolument des mêmes principes, et c'est surtout dans la partie molaire du système dentaire que l'on trouvera le plus de différences propres à la formation des subdivisions génériques. » Enfin, la classification la plus récente est celle de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous avons déjù dit quelques mots, et dont nous allons actuellement exposer le tableau. PREMIERE SECTION. — CARMVORES. Extrémités non empêtrées; molaires alternes h couronnes an moins en partie tranchantes; circon- volutions cérébrales plus ou moins développées. PREMIÈRE FAMILLE. — POTIDÉS, Doigts profondément divisés. Genres : Kinkajou on Potto. DEUXIÈME FAMILLE. — VIYERRIDÉS. • Doigts non profondément divisés. PREMIÈRE TRIBU. — URSIENS. Planiifjrades; membres courts; màchelieres courtes, tuberculeuses. Genres : Ours, Nélours ou Prochilé, Union, Couii. Kiij. I. — Vesperlilioii pipislrelle. lii. '2. — Terre-neuve. l'I '21. CARNASSII^RS. 177 DEIÎXIKMK THIHU. — MUSTKIJKNS. Plmilifjrfules on scnii-difiitifjradcs; nicnihrcs courts; corps nUoiicjé; une tuberculeuse eu lniui. Genres : Blaireau, Taxïilêe, Mijdus, Th'iosuie, Hatel, Glouton, Hurou, Mélo(jaIe, Moufette, Zor'ille, Marte, l^iitois, Aoiniv, Loutre, Lucride, Euliijdre. TllOISIÈME TUIBU. - VIVERRIENS. Plautifjrades ou semi-digitigrades; membres courts ou moifeus; deux tuberculeuses en haut et une eu bas. Genres : Ictide, Paradoxure, llémiçfale, Cynogale, Mangouste, Crossarque, l^aitdie, Gaiid'ietis, Snricate, Allure, Civette, Genelte, Bassaride, Mangouste, Cijnietis. QUATllIÈME TRIBU. — CANIENS. Digitigrades; membres plus ou moins allongés; deux tuberculeuses au moins en haut et en bas. Genres : Otociion, Fennec, Renard, Chien, Hgénopode, Cgon. CINQUIÈME TRIBU. — MYÉNIENS. Digitigrades; membres plus ou )noi){s allongés; corps surbaissé en arrière; tuberculeuses nulles ou rudimcntaires. Genres : Jlijène, (Milieu. ^1.\1ÈME TRIRU, - FÉLIEISS. Digitigrades; membres plus ou moins allongés : les postérieurs plus développés que les loitérieurs; tuberculeuses nulles ou rudimentaires . Genres : Guépard, Chat, Tigre, Lgnx. DEUXIEME SECTION. — AMPHIBIES. Extrémités empclrées; circonvolutions cérébrales plus ou moins développées. PRRMIKRE FAMILLE. — PHOCIDÉS. Màchelières comprimées; pas de défenses. Genres : Plwqtie, Pelage, Stemmatope, Sténorliijnquc, Otarie. DEUXIÈME FAMILLE. - TRICHÉCIIIDÉS. Màchelières cijlindriques; deux défenses a la mâchoire supérieure. Genre : Morse. Nous avons cru utile d'exposer en détail la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Flilaire, quoique, prenant principalement pour guide dans notre ouvrage la méthode donnée par G. Cuvicr dans son Bègne animal, nous ne puissions la suivre complètement. Toutefois, nous cliercherons à nous servir de ces deux classifications, ainsi que de celle de De Blainville, en indiquant toutefois, comme base, les divisions primaires de G. Cuvitr, et nous servant, comme divisions secondaires, des familles et tribus de M. Isidore Geoffroy Saint-lJilaire et des grands genres admis par De Rlainville. En terminant ces généralités, nous ne chercherons pas à dire les noms des naturalistes qui se sont 17 27i 178 IlISTOir.l': NATURELLE. plus spéoialemeni occupés des Carnivores, el nous ne donnerons pas non pius la liste complète des i^enres qui ont été formés dans cette famille; ces détails trouveront plus naturellement leur place lorsque nous exposerons les caractères de nos principales divisions, et lorsque nous ferons l'his- toire de chacun des genres principaux. Pour nous, nous subdiviserons donc la famille des Carnivores en trois sous-familles : celles des Pldnùijrades, Diijiluirades et Amphibies. PREMIÈRE SOnS-FAMILLE. PLANTIGRADES PLANTIGRAD.E G. Cuvier. Animaux marchant sur la plante entière des pieds, ayant tous cinq doicjls a toutes les extré- mités des membres; molaires montrant moins de carnivorité que dans les deux sous familles sui- vantes Le caractère principal des Mammifères de celte division consiste dans la marche plantigrade des animaux qui y entrent; mais Ton doit remarquer que ce caractère n'est pas exclusif pour cette sous- famille, car, non-seulement on le voit dans les Quadrumanes el dans un certain nombre d'espèces d'Insectivores et de Rongeurs, mais on le retrouve aussi dans des individus de la même famille, c'est-à-dire dans quelques genres de Digitigrades, tels que les Mélogales el les Gloutons. Ce sont ces particularités, el quelques autres sur lesquelles nous reviendrons, qui ont engagé plusieurs zoolo- gistes, et en particulier De Blainville el M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, à ne pas adopter les divi- sions des Plantigrades et des Digitigrades de G. Cuvier, et à en revenir, en grande partie, à la classi- fication de Linné. Toutefois, les Plantigrades marchent essentiellement sur la plante des pieds el la paume des mains tout entière, ce qui leur donne plus de facilité pour se dresser sur leurs pieds de derrière. Ils n'ont pas de cœcum. Ils participent à la lenteur, à la vie nocturne des Insectivores, et, comme eux, certaines espèces éprouvent, pendant la froide saison, un engourdissement léthargique. Ce sont, en général, des Mammifères de grande taille, quoique quelques-uns d'entre eux n'atteignent que de moyennes dimensions. On n'en connaît pas un très-grand nombre d'espèces, quoiqu'ils soient ré- pandus sur presque toute la surface du globe, el l'on n'y a formé qu'un petit nombre de genres. L'on en a, surtout dans ces derniers temps, découvert un assez grand nombre d'espèces à l'état fossile. Les Plantigrades, qui correspondent presque entièrement au genre Ursus de Linné, seront divi- sés par nous en deux tribus : celles des Potidés, répondant à la famille du même nom de M. Isidore Geoffroy Sainl-IIilaire, el comprenant seulement le genre Kinkajou, el des Ubsidés, répondant aux Ursiens de M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, et dont le genre le plus important, et que l'on peut seul adopter, est celui des Ours. PREMIÈRE TRIRU. POTIDÉS. POTIDyE. Isidore Geoffroy Saiiit-Hilaire. Molaires alternes, à couronne au moins en partie tranchante. (Arcoiivohilinns cérébrales j)lus ou moins développées, ihiijls profondément divisés. CAI{NÂSSII<:i{S. 179 Celte tribu, fondée par M. Isidore Geoffroy Saint-liilaire comme famille de ses Carnivores, et in- diquée par lui sous la dénomination que nous lui conservons, correspond aux divisions des Cerco- leptidîdœ et Cercolcplidiiue de M. Charles Bonaparte (Siinupsis, 1857), et aux Pseudolemur'uleœ, Melecib'meœ de Lesson {Nouveau Tableau du liègnr aniniat; Maiiiiuifhrs, \S\2). Elle ne renferme qu'un seul genre, celui des Kuiluijous, que Linné rangeait parmi ses Vivcrra, et que d'autres natu- ralistes ont cru devoir placer à la suite des Makis ou Lcinur, dans Tordre des Quadrumanes; mais il est bien démontré que, par son système dentaire et par la disposition de ses extrémités, il doit rentrer dans l'ordre des Carnivores, tandis que, par quelques-uns de ses caractères tout particu- liers, il forme, dans la sous-famille des Plantigrades, une division spéciale. GENRE UNIQUE. — KINKAJOU. POTOS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire et G. Cuvier, 1800. Tableaux élémentaires d'Histoiiy nalurelle. Potos, nom appliqué à l'espèce unique de ce genre. CARACTÈRES GÉNÉRIQURS. Système dentaire : incisives, f; canines, p-J; molaires, ^; en totalité trente-six dents; la dernière incisive de chaque côté très-légèrement hors de ligne; les canines inférieures plus longues que les supérieures; les deux molaires antérieures les plus petites et les plus coniques; les trois der- nières à couronne tuberculeuse. Corps svcitc. Tête arrondie. Museau peu prolongé. Oreilles ovales, assez grandes, membraneuses. Pieds à cinq doigts bien séparés, armés d'ongles assez robustes, très-comprimés et crochus. Queue longue et prenante, comme celle de certains Quadrumanes, n'ayant pas de parties dé- pourvues de poils Pelage laineux. ^ ,'~ Langue douce, extensible. LESESTHE .^â Fis. Kinkajou. Le genre Kinkajou est l'un des plus curieux de ceux de la classe des Mammifères, en ce qu'il présente des caractères communs à plusieurs groupes, c'est-à-dire aux Quadrumanes ordinaires, aux Lémuriens, aux Insectivores, aux Chéiroptères et aux (Carnivores; aussi les auteurs ont-ils été longtemps à le placer dans des divisions différentes. On l'a rangé, dans l'ordre des Quadrumanes, à la fin des Makis; mais, ainsi que nous l'avons dit, par l'ensemble de ses caractères, il doit être ^h ... 180 HISTOIRE NATURELLE. compris dans la famille des Carnivores de l'ordre des Carnassiers; et là, d'après G. Ciivier, on le rangeait enire les Coatis et les Rlaireaux, tandis que nous, pour nous conformer à la classilicalion (le M. Isidore Geoffroy Saint-llilairi', nous le mettons à la tète de la famille et auprès des Ours. C'est à Lacépèdc {Tableau des Mammifères, 1799-1800) à qui Ton doit réellement la création de ce genre, formé avec une seule espice indiquée par Gmelin et Sclireber sons le nom de Viverra caii- (livolviila, et par Pennant, sous celui de Lemnr caudivolvulus, car il Tindique sous la dénomination de Kinlmjoii; presque immédiatement, G. Cuvier adopta ce groupe, et Et. Geoffroy Saint-llilaire lui ajipliqua le nom latin de Polos, tiré de la dénomination spécifique la plus vulgaire, celle de Potol, Polos ou Polo En 1800, M. Constant Duméril (Zoologh'. anahjiique), imité par Tiedmann, appliqua à ce groupe le nom latin de Caudivolvulus Scanda, queue: volvo, j'enroule), et Illiger, en 1811 [Pro- droma sijstemaùca Mammal'mm et Avium), celle de Cercoleptes (icco^-c;, queue; /.stttc;, aminci); et ces deux dernières dénominations ont été assez généralement adoptées aux dépens de celle d'Et. Geoffroy Saint-llilaire, qui avait cependant l'antériorité sur elles. D'après la forme du système dentaire des Kinkajous, Fr. Cuvier fait observer que ce genre s'é- loigne, à beaucoup d'égards, des Quadrumanes, mais qu'il ne se rapproche guère non plus des Car- nassiers, et c'est pour cela qu'il le range intermédiairement entre les deux. Pour nous, qui recon- naissons qu'aujourd'hui la caractéristique ne peut pas être tirée d'un caractère unique, ainsi que le faisait Fr. Cuvier, la question est tout à fait résolue, comme nous l'avons dit. Quoi qu'il en soil, à la mâchoire supérieure les deux premières incisives se ressemblent; elles sont terminées par des lignes droites, et, usées obliquement à leur face interne, elles ont la forme d'un coin; la troisième, plus grande que les autres, est coupée obliquement du côté de la canine, et elle est arrondie à son extrémité; après un intervalle assez grand, vient la canine, arrondie à sa face externe, aplatie à sa face interne, sillonnée longitudinalement sur l'une et sur l'autre, et tranchante postérieurement. Les deux fausses molaires qui suivent sont petites et à une seule pointe : la première est un peu plus longue que la deuxième, mais celle-ci est plus épaisse. La première molaire est fortement creu- sée dans son milieu longitudinalement aux mâchoires; il en résulte deux crêtes, une au bord interne et l'autre au bord externe : la première est peu épineuse, et simple; la deuxième, plus épaisse, est partagée, dans son milieu, par une légère dépression qui forme deux petits tubercules : cette dent est plus étroite à sa partie interne qu'à sa partie externe. La suivante ne diffère de celle qui la pré- cède que parce qu'elle est aussi large à sa partie intérieure qu'à sa partie extérieure, et qu'elle est plus grande : la dernière, plus [élite que les deux autres, est circulaire, creusée dans son milieu, et revêtue, sur ses bords, d'un bourrelet d'émail. A la mâchoire inférieure, les incisives, un peu plus petites que celles de la mâchoire opposée, leur ressemblent, du reste, tout à fait, excepté la troisième, qui est moins longue, et coupée moins obliquement. La canine est très-épaisse à sa base, et terminée, postérieurement, par une face oblique et aplatie. Les fausses molaires sont semblables à celles de l'autre mâchoire, avec une forme un peu plus crochue. La première molaire est plus éle- vée antérieurement que postérieurement, creusée dans son milieu, et garnie, sur ses bords, d'une crête d'émail. La deuxième, qui est plus grande, ainsi que la troisième, présentent également pour caractère une partie centrale creusée et des bords d'émail relevés en crêtes, sur lesquels s'obser- veiil de légères dépressions. Dans leur position réciproque, ces dents sont assez semblables à celles des Quadrumanes. Le squelette des Kinkajous a surtout été étudié par De Blainville; d'après lui, les os qui le com- posent, comme ceux de tous les Petits-Ours, sont fréquemment sujets à s'imprégner d'une grande quantité de graisse. Ce squelette diffère de celui du type des Ours, pour se rapprocher de la forme vermiforme assez allongée de celui des Martes, et il est surtout remarquable par la longueur de sa queue. En totalité, il y a soixante-quatre vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, qua- torze dorsales, six lombaires, trois sacrées et trente coccygiennes. Les vertèbres céphaliques sont tellement courtes, aussi bien dans leur corps, du reste assez large, que dans leur arc, arrondi et voûté sans étranglement postorbitaire, qu'il en résulte une tête qui a quelque ressemblance avec celle des Chats et des dernières espèces dOurs, et cela d'autant plus que les mâchoires sont elles- mêmes encore beaucoup plus courtes, au point que la moitié de la ligne basilaire se trouve au delà du bord postérieur de l'orbite, au milieu de l'arcade zygomalique : la boite céphalique est, du reste, sans crête sagittale, l'occipitale étant même peu maïquée, et, en outre, remarquable par la grande saillie Pitr. \ - Bec-(le-lièvre à venlre blanc. -^,,1, :q; |rj„ 2 — Pfiijlloiihora tànra. PI. 2-2 CAUNASSIIlRS. 181 (lo rapophyscorbiUiiic du frontal, presque épineuse, par la pelilessc des os du nez, iriangulaires et ressemblant à ceux de certains Singes, et par la position un peu avancée ou moins terminale du trou occipital. La màclioire inférieure, fort courte et large dans sa brandie horizontale, dont la symphyse est haute et oblique, est soudée à angle droit dans sa branche verticale, de manière à ressembler un peu à celle des Quadrumanes; seulement, Tapophyse coracoïde est plus élevée, plus arquée; le condyle plus large et plus transverse; et, enfin, outre l'apophyse angulaire arrondie, il y eu a une autre supérieure plus petite, presque conliguë au condyle. Les vertèbres cervicales sont très-courtes; l'apophyse épineuse de Taxis un peu élevée en avant; les apophyses transverses sont dilatées, même celles de la sixième. Les vertèbres dorsales sont un peu allongées dans leur corps; mais leur apopliyse épineuse est assez élevée et assez large. Les vertèbres lombaires s'allongent dans leur corps; leur apo- physe épineuse est médiocre; le styloide des articulations est considérable, et les Iransverses, élar- gies, sont fortement dirigées en avant. Les vertèbres sacrées ne sont presque qu'au nombre de deux, dont la première seule est articulée avec Tiléon, et encore sont-elles libres par l'apophyse épineuse. Parmi les vertèbres coccygiennes, les cinq ou six premières sont complètes, avec des os en V; les suivantes s'allongent peu à peu pour décroître ensuite, mais peu rapidement, et elles sont pourvues toutes, comme à l'ordinaire, de six épines ou apophyses en avant : deux en haut, deux latéralement et deux en bas, et de trois seulement en arrière : une médiane en dessus et deux latérales. L'hyoïde a son corps d'abord court, pourvu d'une paire d'apophyses inférieures très-prononcées; les cornes postérieures sont soudées, comme formées de deux articles. Le sternum est composé de dix pièces: le manubrium ayant une pointe assez obtuse en avant; les pièces intermédiaires courtes, compri- mées, et le xiphoide étroit, assez long. 11 y a quatorze paires de côtes, remarquables par leur lon- gueur, leur peu d'arqùre en dehors, et leur presque égalité de grosseur. Les membres ont assez bien entre eux la proportion de ceux des Blaireaux. L'omoplate est large et courte, très-arrondie dans ses deux bords antérieur et supérieur; sa crête, obliquement portée en avant, est simple à sa ter- minaison acromiale. 11 n'y a pas de clavicule; quoique Fr. Cuvier et M. Fischer de Waldheim en in diquent une. L'humérus est court, robuste, courbé en S, n'égalant en longueur que les neuf pre- mières vertèbres dorsales. Le radius, dun cinquième au moins plus court que l'iunnérus, a sa tête plus arrondie. Le cubitus est très-comprimé, comme canaliculé dans sa longueur, pourvu, en haut, d'un olécrane court, recourbé en dedans, et, en bas, d'une apophyse styloide très-courte. La main, en totalité, égale à peine le radius en longueur; les métacarpiens sont courts, et les phalanges sont très-grêles. Les membres postérieurs sont plus longs que les antérieurs. L'os innominé, à peine aussi long que le fémur, et fortement excavé à la face externe de l'iléon, est remarquable par le peu d'étendue de son articulation avec le .sacrum, et surtout par sa direction bien moins parallèle à la colonne vertébrale que dans les Petits-Ours; la symphyse pubienne est toujours" fort large. Le fémur est à peine plus long que l'humérus, à peu près droit, assez fortement élargi, surtout inférieurement. La jambe, qui ne surpasse la longueur de la cuisse que d'un dixième environ, est composée d'un tibia et d'un péroné plus grêles que ceux du Blaireau. Le pied est assez étroit; le tarse surtout assez allongé, les métatarsiens et les phalanges sont très-grêles. Dans les Kinkajous, la tête est globuleuse, les yeux sont grands, les oreilles sans lobule, et ayant une forme à peu près demi-circulaire; les narines sont ouvertes sur les cotés du mufle; la langue est douce et longue. Les pattes ont toutes cinq doigts, et chacun de ces doigts est terminé par un ongle un peu crochu et très-comprimé; le pouce est beaucoup plus court que les autres doigts aux pieds de derrière; le troisième et le quatrième doigt sont les plus longs; aux pieds de devant, les trois doigts du milieu sont à peu près de même longueur; les deux latéraux sont plus courts. La queue, couverte de poils dans toute son étendue, est longue et susceptible de s'enrouler autour des corps, ce qui a fait rapprocher ces animaux dos Singes à queue prenante. Le pelage est touffu, et généralement laineux. Les mamelles sont inguinales, et au nombre de deux seulement. Le Kinkajou est un animal nocturne, A démarche lente, recherchant les contrées solitaires et montueuses. 11 se met à l'affiU sur les branches des arbres; la queue, étendue horizontalement, est en volute à l'e.xtrémiié; il atteint avec une grande dextérité les petits Mammifères et Oiseaux, dont il fait sa proie; se jette avec avidité sur les volailles, en les saisissant sous l'aile et en buvant le sang, sans les déchirer. 11 joint à cette nourriture du miel d'Abeilles sauvages, des œufs d'Oiseaux, et, dit-ou, une noiirrilnre plus végétale, telle que des bananes, etc. 11 s'apprivoise très-aisément, 182 HISTOIRIC NATURELLE. et devient même alors caressant; très-vif dans ses njouvements, et ayant presque toute l'allure d'un Singe. 11 habite l'Amérique, où il porte les noms de Ciiclmmbi et Monnvir. On n'en connaît qu'une espèce. KFNKAJOU ou POTO. Buffon. POTUS CAUDIVOLVULUS [VIVEItRA) Gmelin, CAiiACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pelage dun roux, vif en dessous et à la face interne des quatre jambes, d'un roux brun à la face externe des membres et en dessus du corps; pattes et extrémité de la queue presque entièrement brunes; mais ces diverses teintes pouvant varier suivant les différents indivi- dus. Longueur de la tète et du corps : 0"",50; celle de la queue, à peu près égale, mais cepen- dant un peu plus considérable. Cetle espèce, dont nous avons indiqué les mœurs dans nos généralités génériques, semble se trou- ver dans toute l'Amérique, principalement dans les contrées méridionales. Selon M. De Humboldt, elle est particulièrement abondante dans la Nouvelle-Grenade, près de Muzo, et dans la Mésa de Guandinz. On l'a trouvée aussi dans les forêts de Fernambuc et sur les rives du Rio-Negro; mais on ne la rencontre pas dans les provinces de Cumana et des Caracas. Sonnini dit quelle existe dans l'Amérique septentrionale, probablement dans la Louisiane et les Florides, et il répète, avec Pen- nant, qu'on la voit également à la Jamaïque, où elle est rare, et porte les noms de Polot, Polos, ou Polo. M. De Humboldt ne l'a pas rencontrée dans l'île de Cuba. Enlin, Warden dit qu'on la trouve dans le New-Hamsphire, mais il ne Taflirme pas, et paraît même en douter. DEUXIEME TRIBU. URSIENS. URSIL Isidore Geoffroy Sainl-Hilaiie. Doigts peu profondénieni divisés. Membres compléleuient planiigrades. assez courts, épais. Mùclielières toutes tuberculeuses. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaiie a formé sous cette dénomination une tribu particulière de la famille des Viverridcs, de la section des Carnassiers carnivores, et il y comprend principalement les genres Ours, Mélours, Raton et Coati, c'est-à-dire des animaux qui formaient le genre linnéen Our.s {(Jrsus). Cette tribu correspond aux Ursidœ de M. Gray, aux Ursinœ de M. Swainson et aux Omnivora de M. Tschudi. Les Ursiens sont en assez petit nombre, et se trouvent répandus presque partout; on en connaît presque autant d'espèces fossiles que d'espèces vivantes. Le nombre des genres proposés par les auteurs est presque aussi considérable que celui des espèces admises, mais, si l'on veut parvenir à caractériser les groupes génériques d'une manière convenable, on doit les restreindre de beaucoup et ne conserver guère que (;eux créés par les auteurs du siècle dernier. Nous subdiviserons cette tribu en deux groupes, à la manière de De Blainville; nous y admettrons des Our.s proprement dits, et des Petits-Out.s : les premiers, désignés sous la dénomination latine d'Ursus, et les seconds sous celle de Subursus. CARNASSIERS. i 87. Jitciuiete ()ioi.uoii . OURS PROPREMENT DITS. URSl. Linné. De Blainville. Animaux de grande taille. Formes épaisses. Pieds fortemnit plaiitifirades. Molaires peu tuberculeuses. Les animaux de cette division peuvent être compris dans un seul genre, celui des Ours, quoi- que l'on ait proposé d'y former d'assez nombreuses subdivisions : tels que les genres Thatarctos et Danis,Gvdiy, Helarctos, Horsfield; Procliilus, lUiger, qui lui-même répond aux Mclursus, Meyer, etc., que nous indiquerons simplement comme dessous-genres. Nous y joindrons également quelques groupes de fossiles, qui doivent rentrer dans ce genre naturel, et que l'on a indiqués sous les noms îVUrsus; d'Ampliiarctos, De Blainville; Cullridens, Croizet, etc. GENRE UNIQUE. — OURS. UBSIJS Linné, ^55. Systema natura\ Nom appliqué très-anciennement à ce f^roupe d'animaux. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Formule dentaire : incisives, ~; ca)nnes, [E-J; molaires, ?^; en lotalilr quara)ite-deu.r dents. Les incisives sont bien rangées : les deux extérieures plus fortes et plus pointues que les quatre intermédiaires, et, à la mâchoire inférieure, ces deux mêmes dents étant larges, pointues, avec tin lobe latéral bien séparé à la face externe; les canines sont fortes et coniques; les molaires peuvent cire en nombre variable si l'on ne prend pas l'animal adulte, car les fausses molaires ne sont pas encore venues dans les jeunes individus, et elles sont tombées dans les très-vieux : il y a trois vraies molaires très-larges, à couronne carrée, totalement tuberculeuses, et trois fausses molaires supé- rieures, et quatre inférieures, petites, obtuses, espacées entre elles. Corps trapu, couvert d'un épais et long pelage, lisse ou laineux. Télé grosse, à museau plus ou moins prolongé, et mobile. Narines ouvertes. Oreilles médiocrement grandes, un peu pointues, velues des deux côtés. Faites épaisses, terminées par des extrémités fortement plantigrades; ces pattes aijant toutes cinq doigts presque égaux, armés d'ongles très-forts, très-courbés, et destinés à creuser la terre, ou à permellre à l'animal de s'accrocher au tronc des arbres quand il grimpe. Queue très-courte. Cerveau volumineux, à circonvolutions nombreuses. Langue lisse. Mamelles au nombre de six : deux pectorales et qiiatre ventrales. Pas de cœcum. Les Ours sont des animaux très-remarqnables parmi les Carnivores, à cause de leur grande taille, et l'on peut dire qu'à l'exception de quelques espèces de Chats et de Plioques, ce sont les plus grands 184 HISTOIFŒ NATURELLE. Carnassiers. On connaît la physionomie générale de ces Mammifères, leurs formes trapues, l'épais- seur de leur taille et de leurs membres, et la pesanteur de leur allure, qui semblent annoncer un naturel grossier et sauvage; cependant, leur front large, leur museau fin, leur tète, qu'ils portent habituellement haute, détruisent en partie l'impression qui résulte de leurs proportions générales; c'est, en effet, qu'ils se distinguent par tout ce qui tient à l'intelligence. Doués dune force à la- quelle la plupart des animaux ne sauraient résister, les Ours sont peu dangereux et ne font que rarement usage de leurs puissants moyens d'attaque, parce que l'organisation de leur appareil digestif les rend plutôt omnivores que carnivores; cependant ils deviennent très-carnassiers quand ils sont pressés par la faim. Fig. 58. — Ours brun des Alpes. Les molaires, au lieu d'être tranchantes et disposées de manière à se rencontrer par leurs faces latérales et à agir entre elles comme le font les deux branches d'une paire de ciseaux, sont larges, aplaties, tuberculeuses, et disposées de manière à se rencontrer, par leurs couronnes, avec celles de l'autre mâchoire, et à agir sur elles comme le fait le pilon sur son mortier, d'où il suit qu'elles sont très-propres û écraser et à broyer des matières végétales, mais qu'elles ne peuvent que difficilement couper ou déchirer de la chair, ce qu'ils ne font qu'avec leurs incisives. Le système dentaire de ces animaux étant des plus importants, nous croyons devoir reproduire en entier la description qu'en donne Fr. Cuvier {Dents des Mammifères, 1825). A la mâchoire supérieure, le nombre des incisives et celui des canines est de six pour les premières, et de deux seulement pour les secondes. Les deux premières incisives, d'égale grandeur, ont du rapport avec celles de la même mâchoire dans le genre Chien, mais le lobe moyen efface presque entièrement, par sa grandeur, les lobes latéraux, l'un et l'autre très-petits. Elles sont divisées en deux parties, intérieurement, par un sillon transversal, et la partie interne, bien moins saillante que la partie opposée, est partagée elle- même en deux lobes par une dépression qui est perpendiculaire au sillon transversal. La troisième incisive est divisée en deux parties par un sillon oblique, et sa forme crochue la rapproche un peu de la canine. Celle-ci vient ensuite après un petit intervalle vide; elle est conique, légèrement cro- chue, et garnie, longitudinalement en avant et en arrière, d'une côte tranchante. Immédiatement à la base de la canine est une fausse molaire en rudiment; puis, à peu de distance, on en trouve une seconde qui tombe quelquefois avec l'âge; et, après un autre vide, on en voit une troisième à la base de la carnassière, très-peu développée aussi, mais parfois, cependant, à deux racines. La carnas- sière est réduite aux plus petites dimensions : extérieurement, on y reconnaît le tubercule moyen, qui est propre à cette espèce de dent chez les petites espèces de Plantigrades, ainsi que le tubercule postérieur, mais le lobe antérieur est presque effacé; à son côté interne se trouve, postérieurement, un tubercule plus petit que les précédents, et qui l'épaissit. Cette position particulière du tuber- cule interne, que l'on voit en général à la partie antérieure des carnassières supérieures, tandis que c'est à commencer pur la partie opposée que les fausses molaires deviennent tuberculeuses, semble CARNASSIERS. 18;i Fijf. 59. -- Ours Ijriiii. Fig. 00. — Patte anti^rieure. Fig. 01. — l'aile postérieure Fi'^. 6-2. — Ours polaire. Fig. 05. — Patte antérieure. Fig. 04. — Patte postérieure. 18 24 186 HISTOIRE NATURELLE. devoir faire regarder cette dent, non comme une carnassicre, mais comme une fausse molaire; et alors la carnassière supérieure aurait entièrement disparu, et la seule fausse molaire normale qui existerait remplirait les fonctions de carnassière. La dent suivante présente, à son bord extrême, les deux tubercules principaux des premières tuberculeuses ; à son cùté interne sont deux tubercules parallèles aux deux premiers, mais séparés l'un de l'autre par un tubercule plus petit : celte deni est à peu près le double plus longue que large. La dernière molaire, d'un tiers plus grande que la précédente, dont les proportions sont les mêmes quant aux rapports de la longueur à la largeur, offre, sur son bord externe, à sa partie antérieure, deux tubercules qui semblent avoir leurs analogues à la dent précédente, mais qui sont un peu plus petits. Au bord intérieur de cette même partie est une crête divisée en trois par deux petites écbancrures. La partie postérieure est un talon qui fait à peu près un tiers de l'étendue de la dent, laquelle est bordée d'une crête divisée irrégulièrement par trois principales écbancrures, et tout l'intérieur de la couronne est couvert de petits sillons, de petites aspérités, qui sont propres aux Ours. A la mûclioire inférieure, le nombre des incisives est également de six, et celui des canines de deux, comme dans les petits Plantigrades. Les incisives sont bilobées comme celles des Chiens, et les canines garnies de côtes semblables à celles de la mâchoire opposée. Les fausses molaires sont au nombre de deux ou trois, et même quel- quefois de quatre : les premières sont à la base des canines, les autres en sont séparées par un intervalle vide, et se trouvent rapprochées des niAchelières proprement dites. La première est plus grande que la deuxième, et se conserve chez l'animal adulte; la deuxième, extrêmement petite, tombe avec l'âge, et, sous ces différents rapports, la troisième lui ressemble; la quatrième seule a une forme normale. Après elle vient une dent étroite comparativement à sa longueur, mais non tran- chante. On y remarque, antérieurement, un tubercule, puis un autre à sa face externe, et deux plus petits à la face interne, vis-à-vis du précédent. Ces quatre tubercules forment à peu près la moitié de la dent; après eux, vient une profonde échancrure, et la dent se termine, en arrière, par une paire de tubercules. La mâchelière suivante, qui est la plus grosse des dents de cette mâchoire, est fort irrégulière quant à la distribution de ces saillies et de ces creux, de ces tubercules et des vides ou des dépressions qui les séparent. On y distingue cependant deux tubercules principaux à sa moitié antérieure : l'un à la face interne, l'autre à la face externe, qui sont réunis par une crête transversale; mais ces tubercules sont subdivisés, Tinterne surtout, par de petites échancrui'es qui le partagent en deux ou trois autres. On pourrait dire de même de la partie postérieure, et, cepen- dant, une ligure seule peut en donner une idée bien nette, car elle est encore plus irrrégulière que l'autre. La dernière dent, encore moins susceptible d'être décrite que la précédente pour les détails, est plus petite qu'elle, a une forme elliptique, est bordée, dans son pourtour, d'une crête irrégu- lièrement dentelée, et garnie, dans son intérieur, de rugosités plus irrégulières encore. Dans leur position réciproque, toutes ces dents sont opposées couronnes à couroiuies, excepté la première molaire inférieure, dont le bord externe est, à sa partie antérieure, en rapport avec le bord interne de la carnassière supérieure, seules dents qui, chez ces animaux, sont propres à couper de la viande, encore ne peuvent-elles le faire qu'imparfaitement. A ces détails, nous ajouterons quelques remarques sur le système odontologique d'après De Blainville (Osicofirapliie). La troisième incisive d'en haut est en forme de canine, et la moyenne parmi celles d'en bas étant sur un plan un peu plus interne que les autres, tend à être repoussce en dedans par suite de la pression que détermine le développement des canines. Celles-ci sont tou- jours normales, très-fortes, coniques, avec une petite carène en avant comme en arrière. Les molaires supérieures peuvent être divisées en trois avant-molaires : une principale et deux arrière-molaires. Des avant-molaires, la première est toujours collée contre la canine, et les deux autres plus petites, espacées également, et occupant la barre. La principale est très-petite; elle est presque triquètrc, à deux racines, et collée contre la dent qui suit. Les deux arrière-molaires sont plates et eniière- meni tuberculeuses; l'étendue et la disproportion de ces dents peuvent servir à établir la série des espèces, si, toutefois, elles ne varient pas selon les sexes. A la mâchoire inférieure, les avant- molaires sont au nombre de trois : la première accolée contre la canine, et les deux autres, plus petites, également distantes et remplissant la barre. La principale est également assez petite, elle offre deux racines, sa couronne est comprimée, et presque à trois lobes. Des trois arrière-molaires, la première, un peu plus longue, mais plus étroite que la deuxième, est formée de deux lobes non CARNASSIERS. S7 hilides; la deuxième, plus longue qu'épaisse, est composée, à la couronne, de deux paires de mamelons obtus, et la troisième, ou dernière, est la plus petite : sa couronne est ronde, pres- que plate. L'ftge apporte au système dentaire des différences assez considérables, et il y a deux formes de dents avant celles de l'adulte; quant aux sexes, il n'y a de différences que pour la gran- deur des dents, et surtout pour celle des canines, toujours un peu plus grêles dans les femelles; mais il n'en est pas de même des espèces. Le .système dentaire, convenablement étudié, les diffé- rencie très-bien, et mieux qu'aucune autre parti'", de l'organisme; toutefois, ces différences sont plus faciles à sentir qu'à exprimer, même par l'ico'jographie, et elles sont, jusqu'à un certain point, tra- duites par les racines et par les alvéoles de ces dents. Le squelette des Ours offre des particularités des plus remarquables, aussi pensons-nous devoir donner un extrait de son histoire, principalement d'après VOstêograplih de De Blainville, qui a pris pour type l'Ours brun d'Europe, Ursus arclos. Ce squelette indique une grande force et une puissance d'action remarquable dans l'animal dont il constitue la charpente, surtout quand on l'étudié provenant d'un individu mâle et dans la force de l'âge. Les os montrent, dans leur structure, une consistance, une densité manifestes dans la grande épaisseur et la dureté des parties éburnées, dans l'étroitesse du canal médullaire des os longs, et dans l'état serré, condensé des extrémités, et même du corps des os plats et courts. La surface extérieure de ces os est presque partout fortement accidentée ou accentuée par les saillies, apophyses, crêtes et rugosités d'insertion musculaire. Ils se touchent par de larges surfaces articu- laires, fortement sinueuses, et revêtues de cartilages épais; ils sont en général assez courts, larges, robustes, et leurs proportions rappellent un peu ce qui se voit dans l'homme, du moins dans le tronc et dans les membres. Le nombre des os du squelette est aussi un peu moins considérable que dans les autres Carnivores, surtout à cause de la brièveté de la queue. Fig. 65. — Ours des Asiuries. Squelette. La colonne vertébrale est en général assez courte, large, épaisse, en totalité et dans ses parties; en même temps qu'elle est très-hérissée d'apophyses et très-serrée dans ses parties composantes. Les courbures, au nombre de deux seulement, sont assez peu marquées. Il y a quarante-quatre ver- 188 HISTOIRE NATURELLE. lèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, cinq lombaires, cinq sacrées et neuf à dix coecygiennes. Les vertèbres céplialiques sont, en général, longues, quoique peu étroites et légèrement arquées horizontalement dans leur base, qui est large et plate, comme leur arc; nous ne pouvons entrer dans la description détaillée de ces vertèbres et des différentes parties qu'elles l)résentent, et nous nous bornerons à dire que la tête qu'elles forment est anondie, forte, mais un peu allongée, et qu'elle présente des différences assez considérables dans la série des es- pèces. Les vertèbres cervicales sont assez courtes, leur longueur totale égalant à peine le tiers de celle du Ironc; aussi ont-elles le corps large, plat, et même légèrement caiialiculé en dessous, coupé un peu obliquement à chaque extrémité, de manière à s'imbriquer l'une l'autre, et les apo- physes sont généralement assez marquées. L'atlas, médiocre dans son corps, sans apophyse épi- neuse en dessus comme en dessous, avec l'excavation articulaire postérieure égale à l'antérieure, est ])ourvu d'apophyses transverses longues, étroites, à bords presque parallèles, obliquement et fortement déjetèes en arrière. L'axis, fort long dans son corps excavé en dessus coinnin en dessous, offre des apophyses transverses étroites et très-obliques en arrière. Les trois vertèbres cervicales intermédiaires sont presque semblables, courtes. La sixième a son apophyse épineuse étroite, éle- vée, mais moins que la septième, au contraire des apophyses transverses, qui sont très-élargies, et semi-lunaires à leur bifurcation. Les vertèbres dorsales sont en général plus courtes, plus ramassées, plus serrées, dans toutes leurs parties; leur corps est court, arrondi en dessus, et leur apophyse épi- neuse est toujours forte et épaisse. Les vertèbres lombaires ressemblent aux vertèbres doi'sales, mais elles sont encore plus larges et plus robustes qu'elles. Les vertèbres sacrées sont courtes, sou- dées par leurs apophyses épineuses et Iransverses Le sacrum, qui résulte de la réunion de ces cinq vertèbres, est très-solide, assez plat, large, et percé de quatre trous ronds en dedans comme en dehors, et ses bords sont assez peu parallèles. Les vertèbres coccygiennes sont très-petites, apla- ties, courtes, décroissant peu rapidement de la première à la dernière; aucune n'a ni arc, ni apo- physe épineuse, ni même d'os en V. L'hyoïde a son corps en petite barre transverse presque droite; ses cornes antérieures, médiocres, formées de trois articles assez épais, croissant du premier au dernier, un peu claviformes, et les postérieures simples et grêles. Le sternum est composé de sept pièces, assez courtes et robustes. Le maiiiibrium est obtus, comme tronqué en avant, sans prolongement cartilagineux; et le xiphoïde est assez court, étroit, conique, médiocrement dilaté ou spatule à sa terminaison. Les côtes, au nombre de quatorze paires, dont neuf vraies et six fausses, sont longues, comprimées, à bord antérieur s'avançanl assez sur la gouttière, et leur gracilité augmente de la première à la dernière. Le thorax, que ces diverses parties produisent, est grand, assez large, mais un peu moins allongé que dans les autres Carnivores. Les membres, en général, sont robustes, assez courts, presque égaux: ceux de 'devant, cependant, un peu plus longs que ceux de derrière; ils sont peu distants entre eux, et se fléchissent presque à angle droit au carpe et au tarse. Les membres antérieurs sont remarquables par leur grande force. L'omoplate est de forme paral- lélogramniique, très développée aussi bien en largeur qu'en hauteur. La cavité glénoïde est très- grande, ovale, allongée, sans apophyse coracoide, ni rétrécissement en forme de cou un peu mar- qué. Il n'y a aucun rudiment de clavicule, pas même suspendu dans les chairs. L'humérus, gros et robuste, est assez court; sa tête est très-large, arrondie; son corps, assez marqué en avant, est presque triquèlre dans sa partie postérieure; son extrémité inférieure est large et aplatie. L'avanl- bras n'est pas tout à l'ait aussi long que l'Iiumérus, au contraire de ce qui a lieu chez les autres grands Carnivores, et, en outre, il est plus robuste que le leur. Le radius est surtout épais et tour- menté. Le cubitus est moins robu^e proportionnellement. La main, en totalité, est bien plus coui'te que l'avant-bras; mais elle est large et robuste. Le carpe présente, à sa première rangée, un sca- phoide, un triquètre et un pisiforme; ;\ sa deuxième, un trapèze, un trapézoïde, un grand os et un uiiciforme. Les métacarpiens sont presque droits, forts, médiocrement longs, presque égaux. Les phalanges sont encore proportionnellement plus courtes que les métacarpiens; elles sont au nombre de trois à chaque doigt. Los innominé est tout à fait parallèle à l'axe vertébral. L'iléon est assez court, large et épais, solidement articulé avec les deux premières vertèbres sacrées. Le pubis est également remarquable CARNASSIKHS. . 189 par retendue el la lari-eur de sa symphyse. L'iskion est assez court, fortement élargi en arrière, de manière à coiistilner avec le pubis nn tron oblnrateur grand et arrondi. La cavité cotyloïde, ibr- mée par la réunion de ces trois os, est ronde, profonde, et largement écliancrée postérieurement. Enfin, le bassin lui-même, considéré en totalité, est large, grand et allongé. Le fémur est le pins long de tous les os du squelette; il est presque tout à fait droit dans son corps : sa tête supérieure est très-arrondie, et l'extrémité inférieure prend une épaisseur assez considérable. IjCs os de la jambe, plus courts que le fémur de plus d'un quart, et à peine plus longs que ceux de l'avant-bras, sont aussi assez robustes, et plus que dans aucun autre Carnivore. Le tibia, presque droit, triquètre dans son corps, est élargi à ses deux extrémités. Le péroné, très-comprimé, au point d'être tran- chant sur ses deux bords, est fortement élargi supérieurement et surtout inférieuremenl, où il con- stitue une malléole externe très-saillante.. Le pied ressemble beaucoup à la main dans presque toutes ses parties. Le tarse comprend : un astragale aussi large que long; un calcanéum également peu allongé, épais; un scaplioide assez étenilu, triangulaire; un cuboïde qui ressemble assez à celui de l'homme, mais qui, toutefois, est moins cubique, et trois cunéiformes. Les métatarsiens, el même les phalanges du jiied, sont si semblables aux métacarpiens et aux phalanges delà main, qu'il est très difficile de les distinguer. On remarque cependant que les métatarsiens sont en général un peu plus grêles, plus longs et un peu plus arqués que les métacarpiens, qu'ils ont surtout leur tête un peu plus comprimée. Ouani aux phalanges, qui sont aussi proportionnellement un peu moins épaisses, les onguéales seules sont susceptibles d'être aisément distinguées de celles de la main par plus de brièveté dans la pointe qui les termine. Le nomlire des os sésamoides est considérable, et, généralement, ils prennent un développeme.nt très-grand. Nous ne citerons parmi eux que la rotule, qui est large, arrondie, épaisse, assez régu- lière, et même un peu symétrique, en sorte qu'elle rappelle assez bien celle de l'homme. L'os du pénis existe, et est même assez développé; il est allongé, presque cylindrique, canaliculé à sa face supérieure, et terminé en avant, après s'être renflé un peu, par une pointe qui occupe la partie inférieure du renflement. La description que nous venons de donner se rapporte spécialement, comme nous Pavons dit, à rOurs brun d'Europe; les différences que les autres espèces présentent sous le rapport du sque- lette ne sont pas considérables, et ne portent guère que sur des nuances de formes et très-rarement sur ie nombre des os. Cela étant, nous ne suivrons pas De Blainville dans l'étude qu'il fait de l'Ours noir d'Europ(î, de l'Ours noir d'Amérique, de l'Ours blanc, et des Ours à grandes lèvres, malais et orné; nous dirons seulement que ces trois derniers se distinguent, sous le rapport ostéologique, de rOiirs biun d'Europe plus aisément que les deux autres. Le système musculaire, qui doit être lié intimement au système osseux, est également très-puis- sant. Les muscles de la colonne vertébrale, et ceux qui servent à faire mouvoir les membres, sont très-épais et très-développés. Les organes de mouvement des Ours rendent bien raison de la pesanteur de leurs allures, ainsi que le fait observer Fr. Cuvier; au lieu de marcher sur le bout des doigts, comme tous les animaux légers et coureurs, ils marchent sur la plante entière des pieds; chacun de leurs pieds a cinq doigts armés d'ongles forts et crochus, très-propres à fouir la terre, et ils sont presque privés de queue. Mais, si leur marche francliement plantigrade, ainsi que le peu de longueur de leurs membres, s'op- pose à la vélocité de leurs mouvements, la structure de leurs membres leur donne la faculté de se tenir debout avec une grande facilité, de monter sur les arbres, dont ils peuvent embrasser le tronc el saisir les branches; et la forme de leur corps, ainsi que la quantité de leur graisse, en font de très-bons nageurs. Leurs yeux sont petits, mais ils ont toutefois une bonne vue. Leurs oreilles sont velues sur les deux faces, la conque auditive externe est peu développée, arrondie, et leur ouïe est très-délicate. L'odorat, chez eux, est des plus étendu. Outre l'allongement du museau, ils ont des narines très-grandes, tiès-ouvertes, entourées d'un mufle dont le cartilage a une mobilité consi- dérable, el il est même une espèce chez laquelle cette partie est si large et si mobile, qu'elle semble former de véritables valvules. Les lèvres sont aussi d'une extrême mobilité, et la langue est longue et très-flouce. Ces animaux paraissent même se servir de ces organes pour palper les corps, et, ce qui est certain, c'est que, chez eux, le goût est aussi lin que l'odorat. Les moustaches sont peu pro- noncées, tandis que le pelage est touffu, plus ou moins hérissé, composé de poils longs, lanugineux à 190 HISTOIRE NÂTUnELI>E, la base, plus on moins lisse au sommet, devenant plus nombreux et plus hérissé en iiiver, plus lisse et plus couché en été. En totalité, leur tête est allongée, large en arrière et terminée en avant par un mu- seau assez fin, mais d'ailleurs d'une forme assez variable et qui a servi à fournir de bons caractères pour distinguer les espèces, comme l'ont montré, les premiers. Et. Geoffroy Saint-Ihlaire et G. Cuvier. Fig 66 — Ours noir d'Amérique. ♦ "Le système de coloration de ces animaux étant à peu près uniforme, on ne peut guère en tirer de caractères un peu importants; on doit cependant faire observer que, dans certaines espèces, dans le jeune âge, et dans d'autres pendant toute la vie, on remarque que la partie interne du cou ou de la poitrine est blanche, ou du moins de couleur plus claire que le reste. Quant à la couleur elle- même, si plusieurs espèces sont communément noires, tandis que d'autres sont brunes, fauves ou blanches, il faut savoir que, dans ce genre plus que dans tout autre, à cause de ses habitudes al- pines, les poils qui sont brun foncé ou presque noirs dans l'âge adulte, et lorsqu'ils viennent d'être renouvelés, perdent peu à peu cette couleur foncée pour roussir, jaunir et blanchir de plus en plus, à mesure que l'animal devient plus âgé, que le poil devient lui-même plus vieux, et que la saison hi- vernale est plus intense. 11 peut également y avoir quelques différences de coloration suivant les sexes, et l'on connaît des cas assez bien constatés d'un albinisme complet. Quelques points de l'anatomie interne des Ours doivent être signalés ici : le cerveau est volumi- neux, et ses circonvolutions sont assez nombreuses. L'estomac est de médiocre grandeur; l'intestin, assez long, est à peu près de même diamètre dans presque toute sa longueur : comme chez les au- tres l'iantigrades, il n'y a pas de cœcum. La crosse de l'aorte ne fournit que deux artères : la sous- clavière gauche et un tronc d'où proviennent les deux carotides primitives, et la sous-clavière droite. Les reins présentent une particularité des plus remarquables; ils sont tellement divisés et se trouvent composés de lobules tellement distincts, qu'on a pu les comparer â des grappes de raisin. Les organes principaux de la reproduction des mâles sont suspendus dans un scrotum, comme chez la plupart des Carnassiers; il n'y a pas de vésicules séminales. Le genre Ours, comme le fait observer M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, est très-remarquable, non-seulement en ce qu'il offre une combinaison de caractères zoologiques qui lui est propre et que l'on peut regarder comme très-singulière, mais aussi, et c'est sous ce point de vue qu'il semble sur- tout très-intéressant, parla concordance parfaite que l'on observe entre les modifications organiques de ses organes digestifs et celles de ses meuîbres, entre ses goûts et les moyens qu'il a de les sa- tisfaire. De tous les Carnivores, les Ours sont en même temps ceux qui ont le moins d'appétit pour la chair, et ceux qui réussissent, avec le plus de difficulté, à se procurer une proie vivante et à la déchirer. Ils se nourrissent de substances végétales et animales, et s'habituent aussi bien aux unes qu'aux autres; ce sont cependant les matières sucrées qui leur plaisent le plus; ils aiment le miel avec une sorte de fureur, et vont le chercher sur les arbres en détruisant les ruches. En liberté, ils mangent les jeunes pousses des arbres, les fruits et les racines succulentes, et, lorsque la faim les presse, ils attaquent les animaux, mais ils ne s'y décident, dans nos climats au moinî, qu'à la CARNASSIERS. 191 dernière extrémité; toutefois, quand ils sont familiarisés avec le danger qu'ils courent en attaquant la jiroie vivante qu'ils peuvent vaincre, ils s'y exposent et le bravent quelquefois. « C'est sûrement, ditF.Cuvier, pour avoir observé desOurs placés dans des circonstances différentes, à l'égard de la nourriture qu'ils avaient été plus ou moins à même de se procurer, que quelques auteurs ont dis- tingué ces Mammifères en espèces carnassières et en espèces lierbivores; car, sous ce rapport, tous ont le même naturel, excepté l'Ours blanc, qui, par le goût qu'il a pour la chair dans son état de nature, confirme ce que nous venons de dire sur les effets de l'habitude. En effet, ces Carnivores ne se nourrissent exclusivement de chair que parce qu'ils ne peuvent trouver d'autre nourriture dans les régions glacées qu'ils habitent, et la preuve, c'est qu'en domesticité on les habitue sans peine à ne se nourrir presque uniquement de pain. » C'est en humant au moyen de leurs lèvres extensibles que les Ours boivent; on sait qu'ils aiment, surtout l'Ours blanc, se vautrer souvent dans l'eau. Fis. 67. — Ours du Iî( ni'iil Ce sont des animaux qui recherchent la solitude. Ce que dit Buffon de l'Ours brun peut s'appli- quer à toutes les espèces de ce genre, si ce n'est toutefois à l'Ours blanc, qui n'est pas moins sau- vage que les autres, mais qui, ne pouvant trouver son abri dans le creux des arbres et dans l'inté- rieur des forêts, est forcé de rester sur le sol des pays désolés qu'il habite, et même souvent sur les blocs de glace qui couvrent les mers de ces régions polaires. « L'Ours, dit l'illustre au- teur de Vllisloirc nalurellc générale cl parl'iculihn\ est non-seulement sauvage, mais solitaire; il fuit par instinct toute société; il s'éloigne des lieux où les hommes ont accès; il ne se trouve à sou aise que dans les endroits qui appartiennent encore à la vieille nature : une caverne antique dans des rochers inaccessibles, une grotte formée par le temps dans le tronc des vieux arbres, au milieu d'une épaisse forêt, lui servent de domicile; il s'y retire seul, y passe une partie de l'hiver sans provision, sans en sortir pendant plusieurs semaines. Cependant il n'est point engourdi ni privé de sentiment, comme le Loir et la Marmotte; mais, comme il est naturellement gras et qu'il l'est exces- sivement vers la fin de l'automne, temps auquel il se recèle, cette abondance de graisse lui fait sup- porter l'abstinence, et il ne sort de sa bauge que lorsqu'il se sent affamé. » L'espèce de léthargie de l'Ours varie suivant la rigueur de Ihiver; lorsque cette saison est très-douce, il n'y tombe point; au contraire, son sommeil devient assez profond quand le froid est rigoureux. Dans ces habitudes, ne voit-on pas la prévoyance de Dieu? D'après son genre de vie, et cela s'applique principalement aux espèces des pays froids, comment l'Ours trouverait-il la nourriture qui lui convient pendant la froide saison? C'est pour remédier à cette difficulté qu'il tombe en une sorte de torpeur et qu'il peut se passer de prendre des aliments. Une preuve que nous pouvons donner de ce que nous venons d'avancer, c'est qu'à l'état de domesticité l'Ours est aussi éveillé en hiver qu'en été; toutefois nous devons faire remarquer qu'il mange beaucoup moins et qu'on le voit même passer parfois plu- sieurs jours sans prendre aucune nourriture; mais, malgré cela, il ne cesse pas de remuer et n'é- prouve nullementl'élat léthargique qu'il éprouve dans la nature. Ajoutons, en terminant ce sujet, que ;|92 HISTOIRE NATUREÎ.LE. la civilisation luimaine semble encore Téloigner davantage et le repousser dans les lieux les plus inaccessibles; c'est ainsi qu'en Europe, où on lui fait une chasse active, il se réfugie vers les cimes les plus escarpées des grandes montagnes; en France, par exemple, dans nos Pyrénées et nos Alpes. Les Ours entrent on rut, dans nos climats au moins, vers les mois de juin et de juillet; alors les mA'es et les femelles se rechercheni, et ils se séparent bientôt pour reprendre leur vie isolée. La nestalion dure sept mois, car les femelles mettent bas en décembre ou en janvier, et leur portée est (le deux à cinq ou six peiits. La nécessité de l'allaitement les empêche sans doute de tomber dans leur sommeil hivernal, mais toutefois, cela n'a pas été constaté d'une manière complète. Les mères (lomient de grands soins à leurs petits et s'en occupent longtemps. Les mœurs des Ours sont des plus curieuses à étudier, et nous ne croyons pouvoir mieux faire que de copier sur ce sujet ce qu'en rapporte Fr. Cuvier, que Ton doit toujours citer lorsque l'on étudie rinstinct des animaux. « C'est la prudence qui fait le caractère principal de l'Ours; on ne porte pas plus loin que lui la circonspection; il s'éloigne, lorsqu'il le peut, de tout ce qu'il ne con- naît pas; s'il est forcé de s'en approcher, il ne le fait que lentement et en s'aidant de tous ses moyens d'exploration, et il ne passe outre que quand il a bien cru s'assurer que l'objet de sa crainte est pour lui sans danger. Ce n'est cependant ni la résolution ni le courage qui lui manquent; il pa- raît peu susceptible de peur; on ne le voit i)oint fuir; conhant en lui même, il résiste à la menace, oppose la force à la force, et sa fureur, comme ses efforts, peuvent devenir terribles si sa vie est menacée. Mais c'est surtout pour défendre leurs petits que les femelles déploient toutes les res- sources de leur puissance musculaire et de leur courage; elles se jettent avec fureur sur tous les êtres vivants (|ui leur causent quelques craintes, et ne cessent de combattre qu'en cessant de vivre. Ce qui ajoute en quelque sorte au mérite de leur prudence et de leur courage, c'est la singulière étendue de leur intelligence, qui semble ôter à toutes leurs autres qualités ce qu'elles pourraient avoir d'aveugle et de machinal. On connaît l'éducation que reçoivent les Ours de la part des hommes dont la profession consiste à conduire ces animaux de ville en ville, en les faisant danser grossièrement au son d'un flageolet et appuyés sur un bâton, et l'on sait que, par le moyen des châtiments et des récompenses, et en plaçant l'animal dans toutes les circonstances de ses actions, Fi;;. 68. — Ours malais. on parvient â les lui faire répéter au commandement. Ce sont de ces associations que l'on arrive toujours à former chez les animaux même les plus brutes. Mais nous avons pu voir l'éducation de plusieurs espèces d'Ours, faite librement, et par ces animaux eux-mêmes, nous présenter des résul- tats plus remarquables que l'éducation forcée dont nous les savions susceptibles. Elle Jious a été ofrcrie par les Ours qui vivent dans les fosses de la ménagerie du Muséum de Paris, sous la seule in- fluence du public, qui leur parle et qui leur donne continuellement des gourmandises. A l'aide de ces deux uniques moyens, ces animaux ont appris â faire une foule d'exercices qu'ils répètent au simple commandement et par le seul espoir d'être récompensés par un gâteau ou par un fruit. Ainsi, à ces mots : Monw h l'arbre, ils montent au tronc; déi>ouillé qui a été placé dans leur fosse. Si on leur dit : Faia le beau, ils savenj^ qu'ils doivent se coucher sur le dos et réunir leur quatre pattes. Au mot de : Prk:i, ils s'asseyent sur leur derrière et joignent leurs pieds de devant, etc. Ces ac- 1*1,'. ] — Chien ■l'Ainériqiic Fi-. 2 — Pnr.iHoNurcdc Niihic l'I, 25 CARNASSIERS. 195 lions sans iloute peuvent finir par ne suivre ces conimandcnients qu'au moyen d'une véritable asso- ciation d'idées; c'est ce que riiabitude produit même en nous; mais les Ours qui nous les ont présentées ont dû les commencer librement, et, après plus ou moins d'hésitation et d'erreurs, comprendre le sens précis de ces mots, ou plulùt de ce signe : Moule à l'arbre; or, c'est là un des résultats les plus élevés auxquels puisse atteindre l'intelligence des brutes; mais il est cons- tant qu'ils arrivent à comprendre la valeur des signes artificiels sans les moyens qui forment immé- diatement les associations. On conçoit tout ce que peut produire l'application des facultés d'où ré- sulte ce fait général, qui explique les récits singuliers dont les Ours ont dil être l'objet; aussi ne rapporterons-nous pas ces récits, qui peuvent amuser, mais non pas instruire, et, en les dépouillant des erreurs qu'ils renferment, ils perdraient leur principal intérêt, c'est-à-dire tout ce qu'ils ont de merveilleux, jd Fig. 69. — Ours Euryspile, Les Ours sont recherchés à cause de leur fourrure, principalement en hiver, dans les pays froids, parce qu'alors elle est plus épaisse et plus brillante que dans d'autres saisons; mais toujours elle est composée de poils épais et longs. En automne, la chair des jeunes est succulente, et l'on dit que les pattes sont un mets très-délicat. Pétrone nous apprend qu'elle était très-recherchée chez les anciens Romains. Les Ours adultes ont une chair assez dure et noirâtre, quoique de bon goût. Dans les con- trées où ils sont nombreux, leur fourrure devient un objet d'un assez grand commerce. Peu d'ani- maux sont plus utiles à l'homme qu'eux; car, outre l'emploi que nous en avons indiqué, ils servent encore à divers autres usages. Les Kamtschatdalcs font avec leur peau des couvertures, des gants, des bonnets, des harnais pour les traîneaux et des sandales pour marcher sur la glace, qui ont l'avantage de les empêcher de glisser; dans plusieurs contrées européennes, on s'en sert pour former la coiffure des militaires, ainsi que pour la confection de manchons communs, et, chaque an- née, la France importé pour ces usages trois à quatre mille peaux que l'on tire principalement de la Russie et de l'Amérique du Nord. Quelques peuplades de l'Asie septentrionale et de l'Amérique em- ploient la graisse des Ours dans la cuisine pour apprêter les aliments, et ces peuplades sauvages, pendant leurs excursions, sucent avec délice la moelle de leurs os. Un autre usage propre à nos pays civilisés consiste à former avec cette graisse une pommade qu'on a préconisée pour faire pousser les cheveux, et qui n'a qu'un seul avantage, celui d'être très-line. Les Kamtschatdales s'éclairent avec l'huile que l'on extrait de ces animaux, et les intestins sont employés par les femmes à la confection de masques qu'elles portent pour se garantir les yeux des rayons du soleil réfléchis par la neige; on se sert aussi de ces organes en guise de vitres pour garnir les fenêtres, et il n'y a pas jusqu'aux os dont on ne lire parti; en effet, on transforme les omoplates en des sortes de faucilles pour mois- sonner les herbes. La manière de chasser ces Plantigrades diffère suivant leur nombre dans les pays où on veut les atteindre et suivant le degré d'industrie des peuples qui se livrent à cet exercice. Cependant, par- tout où les armes à feu sont en usage, ce sont elles qu'on préfère à tout autre moyen. Dans certaines contrées, les hommes vont les attaquer corps à corps, et ils peuvent le faire avec succès, parce que, pour se défendre comme pour attaquer, les Ours se dressent sur leurs pieds de derrière et présen- 19 25 1^4 liiST()Ii!K NATUUKU.E. tcnt au pieu dont leur adversaire est armé les parties les plus vulnérables de Unir corps; mais, si on ne fait que les blesser du premier coup, ils deviennent furieux et se jettent sur leur ennemi, qu'ils éirei"ncnt, et ne tardent pas, souvent, à étouffer. Les pièges sont aussi employés pour détruire les Ours, mais leur extrême défiance rend souvent ce moyen tout à fait inutile; pour les y faire tomber, il faut les attirer par celui de leurs sens qui a le plus d'empire sur eux, par la gourmandise; et, dans ce cas, le miel est la substance la plus convenable qu'on puisse leur offrir. Les peuples sauvages qui habitent les forets de l'Amérique, où les Ours sont en assez grand nombre, font des battues, ras- semblent ces animaux sur un setd point, et parviennent de la sorte à en tuer beaucoup; mais c'est à l'époque de leur sommeil léthargique qu'ils sont le plus recherchés : on va les tuer dans leur retraite, quand elle a été découverte. Les chasseurs français et espagnols qui vont les attaquer dans les Py- rénées sont armés de bons fusils à plusieurs coups. Presque tous les hivers on cite les chasses qu'ils leur font; mais le nombre de ces animaux diminue chaque année, et il est probable que, d'ici à un laps de temps assez restreint, on n'en trouvera plus en Europe. Les Ours étant des animaux qui habitent constamment des régions froides, l'on peut présumer que toutes les espèces doivent se trouver en plus grande abondance dans les contrées polaires ou dans les montagnes élevées au voisinage des neiges perpétuelles; et, en effet, c'est ce quia lieu, tandis que l'on peut, au contraire, prévoir qu'il ne doit pas s'en rencontrer dans les pays de plaines, et surtout dans les contrées équatoriales. Ce genre habite dans les parties septentrionales du globe, dans l'ancien comme dans le nouveau monde, les chaînes de montagnes élevées et les vastes forêts incultes. Ce n'est que dans la Nouvelle-Guinée et dans la Nouvelle-Hollande qu'il n'existe pas d'Ours, ou du moins, qu'on n'en a pas encore trouvé. On en dit autant de toute l'Afrique, sauf le versant nord de l'Atlas, et encore il y a quelques doutes à ce sujet, quoique Poiret, dans son Voijarjc dans le nord de l'Afrique, assure en avoir vu. Mais, si ce genre se trouve à peu près répandu partout, les espèces qui le constituent sont plus ou moins limitées à certaines parties du monde. Ainsi, l'Ours blanc habite les rivages des îles et des continents compris entre le cercle polaire et le pôle nord, aussi bien en Amérique qu'en Europe et en Asie; et, s'il arrive quelquefois jusqu'en Islande et en Norwége, c'est qu'il y a été porté par quelque banc de glace, entraîné lui-même à l'époque du dégel annuel. Les Ours proprement dits, tels que le noir et le brun, sont assez répandus dans toute l'Europe, et surtout vers le nord, en Norwége, en Russie, en Pologne, et aussi dans les Alpes, dans les Pyrénées, et sur le versant sep- tentrional des montagnes qui, en Europe, en Asie et en Afrique, entourent le périple de la Méditer- ranée. Us se trouvent également dans l'Amérique du Nord, depuis une mer jusqu'à l'autre, et depuis le golfe du Mexique jusqu'au Canada; mais, avec l'espèce d'Europe, plus rare peut-être, il s"en ren- contre une ou deux autres qui sont particulières à celte contrée. Le versant septentrional de l'Atlas possède, dit-on, l'Ours commun. Il n'en est pas de même de l'Asie méridionale, continentale et insulaire, qui nourrissent, la première l'Ours du Thibet, que l'on trouve dans les parties les plus montueuscs, et l'Ours à grandes lèvres, qui paraît se rencontrer aussi dans l'archipel indien. Cette partie du monde renferme, surtout dans les grandes îles qui la constituent, l'Ours malais, dont la forme de la tête rappelle beaucoup l'espèce qui habite les Cordillières dans l'Amérique méridionale. Sauf les grandes îles de l'Asie, on ne connaît pas d'Ours dans aucune autre île, pas même dans les deux îles de l'An- gleterre; et la Sicile, la Sardaigne et la Corse, n'en nourrissent point. Des ossements fossiles d'Ours se trouvent dans les brèches osseuses du littoral de la Méditerranée, dans les fentes des rochers, et dans le diluvium; mais c'est surtout dans les nombreuses cavernes des roches calcaires qu'il s'en rencontre un nombre si grand, que, pendant des siècles, on tirait des cavernes d'Allemagne, sous la dénomination de Licorne fossile, des dents qui entraient dans l'ancienne matière médicale. Ces cavernes à ossements gisent presque partout dans des massifs slratiliés de calcaire coquillier assez ancien, et qui est de la nature de celui du Jura. Ce calcaire, caractérisé par les coquilles d'es- pèces maintenant perdues qu'il renferme, l'est encore par son aspect, qui offre presque toujours des escarpements perpendiculaires, et i)ar les cavités naturelles qu'il recèle dans ses couches, et desquelles sortent communément des sources considérables. Les cavernes à ossements de l'Alle- magne, surtout celles du llartz, de la Hongrie et de Franconie, ont leur intérieur le plus souvent divisé en grande salles séparées les unes des autres par des passages très-étroits et si bas, qu'il est CARNASSIERS. 495 difficile de croire que, les animaux dont on y rencontre les débris aient pu y pénétrer d'eux-mêmes, à moins que d'imaginer que ces passages ne se soient rétrécis depuis le temps où le dépôt de ces débris a eu lieu, par reffet de l'infiltration des eaux cbargées de matières calcaires, qui y auraient déposé des couches d'albâtre. Dans ces cavernes, les os sont détachés, épars, et eu partie brisés, mais jamais roulés, un peu plus légers et moins solides que les os récents, et contenant encore beau- coup de gélatine, et nullement pétrifiés. Ils sont enveloppés par une terre endurcie, encore facile à briser, contenant aussi des parties animales quelquefois noirâtres, et imprégnées d'albâtre. Les os sont souvent soudés entre eux, ou leurs cavités sont remplies par celte matière incrustante. Le nom- bre de ces débris est très-considérable, notamment dans la caverne de Gayleurette; ils sont épars, mêlés, et appartiennent îw de grandes espèces de Carnassiers qui n'existent plus, notamment à des (;hats de la taille d'une Panthère, à une espèce d'Hyène, à des Chiens, etc.; mais les trois quarts au moins se rapportent à des Ours. Aucune espèce d'animaux herbivores ni marins ne s'y rencontre. Le bon état de conservation de ces os, et l'humus qui les entoure, prouvent qu'ils n'ont pas été roulés par la mer, ou entraînés par des inondations. L'absence de ces mêmes os dans la rocho qui forme les parois des cavernes indique assez que celles-ci ne sont pas le résultat d'une dissolution de cette roche, qui aurait respecté les ossements qu'elle contenait. Il ne reste plus qu'une supposi- tion probable, c'est que ces animaux habitaient ces demeures et qu'ils y mouraient paisiblement; mais ce qui est difficile à concevoir, c'est cette réunion d'espèces inconnues, ou dorit les analogues les plus rapprochés vivent dans des contrées très-éloignées de celles où l'on trouve leurs dèbns, et sous des climats si différents. Quoi qu'il en soit, malgré la grande multiplicité de ces os, on n'ad- met, De Rlainville surtout, qu'un petit nombre d'espèces d'Ours fossiles. Les traces les plus anciennes des Ours à la surface de la terre se trouvent dans nos livres sacrés et en plusieurs tuulroits. Nous voyons ensuite les poêles, les mythologistes grecs, tirer, sous le nom d'Arctos (vi^y.Toi), dont l'élymologie n'est nullement certaine, des comparaisons plus ou moins justes de ces animaux, ou bien les énumérer parmi ceux qu'Orphée charmait par la douceur de sa lyre, ou qui gémissaient de la mort de Daphnis, ou même comme objet de chasse de leurs héros. Notre système de constellations dans l'hémisphère nord nous rappelle, même dans la dénomination que nous avons conservée aux deux plus septentrionales, un mythe célèbre, celui d'Arcas, fils de Jupiter et de la nymphe Calisto, elle-même fille de Lycaon, roi d'Arcadie, changé en Loup pour avoir donné à manger les membres d'Arcas, lequel, ressuscité et devenu grand chasseur, ayant ren- contré dans les forêts sa mère, changée en Ourse par la jalousie de Junon, et prêt à la tuer, en fut »!m- pêché par Jupiter, qui le changea lui-même en Ours, et les plaça l'un et l'autre dans le ciel. Depuis ce temps, le nom d'Ao^to; est devenu, en grec, à la fois celui de l'animal et celui du pôle auprès du- quel se trouva la constellation de l'Ours. Les peintures et les monuments des anciens ne semblent, au reste, pas représenter ces animaux. Les naturalistes anciens n'ont connu qu'un petit nombre d'espèces vivantes d'animaux de ce genre. Aristote donne peu de détails sur ces Mammifères; il dit que l'Ours a le pied semblable à la main de l'homme, ce qui a été admis par Oppien, qui ajoute que, pendant l'hiver, cet animal, retiré dans sa bauge, et sans nourriture, lèche ses pieds et ses mains. Élien accepte ces faits, et les resul encore plus merveilleux : c'est ainsi que, pour lui, la durée de l'abstinence des Ours est fixée à qua- rante jours, et qu'il rapporte qu'ils ne lèchent que leur main droite. Tite-Live nous apprend que, dès l'an C85 de la fondation de Rome, on vit quarante Ours dans le cirque. l'iine, à l'occasion des ani- maux exposés à la curiosité des Romains dans les jeux que les consuls et les empereurs donnaient au peuple, cite cent Ours de Numidie, que Domitius Abenobardus, édile curule, l'an 693 de Rome, montra dans le cirque avec autant de chasseurs éthiopiens. Atlienee assure que Ptolémée Pliila- delphe montra un Ours blanc en Egypte; mais, comme le fait remarquer De Rlainville. cet Ours ne doit probablement pas être rapporté à l'espèce désignée sous la dénomination actuelle d'Ursus ma- riiimus, mais probablement à l'Ours de Syrie, assez récemnient décrit par M. Ehrenberg. Ainsi, les anciens ne connaissaient sans doute qu'une seule espèce d'Ours, celle qui habite encore les montagnes élevées du périple de la Méditerranée; mais, dès que l'étude des sciences naturelles se fut portée plus au nord, et que les relations avec les habitants de cette partie du monde devinrent plus fréquentes, la connaissance de ces animaux se rectifia, s'agrandit, ainsi que le nombre des espèces. Albert le Grand reconnut qu'il y a en Europe des Ours noirs, bruns et blancs, et, en outre, <> ■196 HISTOIRE NATURELLE. le premier, il distingua le véritable Ours blanc [Ursus maritimus) des régions arctiques. G. Agricola et Gesner crurent devoir distinguer des espèces différentes dans l'Ours d'Europe. En 1655, Worm, outre la distinction d'Ours grands et petits, noirs et blancs, terrestres et maritimes, ajoute que les Norwégiens en séparent trois espèces : une plus grande, de couleur fauve, plus frugivore que les autres; une deuxième, noire, plus petite et plus carnassière, et une troisième encore plus petite, mais aussi malfaisante, et qu'à cause de son goût pour les Fourmis on nomme Ours des Fourmis; et il ajoute que ces trois espèces prétendues produisent ensemble, en donnant lieu à des espèces intermédiaires, ce qui prouve que ce ne sont que des variétés d'une seule et même espèce; enfin, le même auteur donne une bonne description de TOurs blanc. En 1695, Ray, qui eut le tort de joindre les Ours avec les Chats, réunit toutes ces variétés en une seule espèce. Linné, dans la première édi- tion de son Sifstemanaturœ, en 1755, établit le genre Ursus; et sa note caractéristique principale portant sur le nombre des doigts, il y comprit non-seulement les Ursiens, mais encore tous les Plantigrades de taille médiocre qui forment notre division des Petits-Ours, partagée elle-même en plusieurs groupes génériques très-distincts, et il confondit, sous le nom commun (ï Ursus nrctos, les Ours d'Europe et d'Amérique. Brisson, en 1756, imita Linné; mais, à 1 exemple de Klein, il sépara, sous le nom d'Ursus albus, l'Ours blanc, qu'il avait réuni à celui d'Europe. Mais c'est surtout dans ["Histoire naturelle çiénérale et particulière de Buffon, en 1760, que l'on commença à distinguer et à reconnaître, outre l'Ours brun et l'Ours noir d'Europe , un Ours noir et un Ours brun de l'Amérique septentrionale, différents de l'Ours blanc maritime. Ces dis- tinctions spécifiques furent faites plus nettement par Pennant (1770), Erxleben (1777), et Dlu- menbacb; ce dernier, en outre, fit, le premier, connaître deux espèces fossiles, les Ursus spelœus eXarctoideus. En 1782, Pallas, et depuis (1789j, Gmelin, établirent, d'une manière comparative, les trois espèces qui furent seules longtemps admises; savoir : Y Ursus arctos, ou Ours d'Europe; Y Ur- sus albus ou marilimus, ou Ours polaire et Y Ursus Amcricanus, ou Ours noir d'Amérique. En 1805, G. Cuvier, ayant à discuter sur les espèces fossiles, commença par définir les espèces vivantes, et, d'après la considération de la forme du crâne et surtout de celle du front et des mâchoires, il crut pouvoir en distinguer quatre; savoir : l'Ours noir d'Europe, l'Ours brun d'Europe, l'Ours d'A- mérique et rOurs blanc. Sur ces entrefaites, plusieurs espèces vivantes bien distinctes furent suc- cessivement introduites dans le système mammalogique : d'abord une grande espèce connue dans les Indes orientales, et qui, considérée pendant un assez long temps comme une espèce de Paresseux par Shaw, et qui est devenue depuis le type du genre Procliilus d'IUiger elMclursus de Meyer, fut re- connue par De Blainville comme appartenant au genre Ours, et nommée Ursus labiatus, à cause de la grandeur de ses lèvres; puis deux autres de la même partie du monde, l'une de l'Archipel et l'autre du Thibet, furent envoyées, par MM. Raftles et Alfred Duvaucel, et acceptées par G. Cuvier, d'après les travaux de son frère, sous les noms (ï Ursus Malaianus et Thibetanus. Les voyages dans l'Amérique méridionale en procurèrent une septième espèce des Cordillières, qui fut nommée Ours orné, Ursus ornatus, par Fr. Cuvier. Les voyageurs dans l'Amérique du Nord, après avoir vaguement reconnu une très-grande espèce particulière, ont fini par en apporter des dépouilles, sur lesquelles les natundisles américains ont établi l'Ours gris ou féroce, Ursus ciuercus, ou ferox, ou liorribilis. A ces huit espèces bien distinctes, on pourrait peut-être en joindre deux autres qui ne sont pas encore suffisamment distinguées, et sur lesquelles nous reviendrons bientôt. Quant à la disposition sériale des espèces, suivant De Blainville, en faisant entrer la considération de la lon- gueur proportionnelle du pouce aux pieds de devant, du nombre des eûtes, du trou ou condyle interne de l'humérus, et de la proportion des deux arrière-molaires d'en haut, commençant jtar l'Ours marin, on doit suivre par les Ours d'Europe, puis par l'Ours noir de l'.Xmèrique septentrio- nale, par les Ours de l'archipel indien, et finir par les Ours des Cordillières. C'est, à peu de chose près, l'ordre que nous suivrons dans nos descriptions spécifiques. Ces diverses espèces vivantes ont été partagées par les naturalistes modernes en plusieurs groupes génériques particuliers; pour M. Cray, les quatre principaux sont ceux des Thalassarcios, pour Y Ur- sus maritimus; Ursus proprement dit, pour les Ursus arctos, nï(jcr et ferox; Uelarctos, pour les Ursus or},atus, Thibcianus et Malaianus, et Procliilus. d'après llliger, pour Y Ursus labiatus. Nous n'adopterons pas ces divers genres, mois nous les indiquerons comme subdivisions secondaires du grand genre Ours. CARNASSIERS. 197 Il nous reste à dire quelques mots sur Tliistoriquo des diverses espèces d'Ours fossiles. En 1072, Pelerson Ilayn, te premier, représenta plusieurs os fossiles tirés des cavernes à ossements dont nous avons précédemment parlé, et qu'il indiqua sous le nom de /)m/yo»s. Rruekman, en 1752, dans une description des cavernes de Hongrie, annonça que la plupart des os qu'elles contenaient, aussi bien que ceux des cavernes d'Allemagne, étaient des os d'Ours. Une fois celte affinité admise, on voulut les comparer aux espèces vivantes, et les premiers qui s'occupèrent de ce sujet crurent reconnaître, dans les tètes d'Ours des cavernes, la tète de l'Ours blanc. Rientôt après, Camper, Ro- senniiiller, Ilunter et Rlumenbach, annoncèrent que ces tètes différaient de celles des espèces ac- tuelles, et le dernier établit même deux espèces parmi elles, sous les dénominations cVUrsus spe- lœiis et arctoideus. G. Cuvier {Ossements fossiles, t. IV, 2" édition) admit la première comme es- pèce distincte, et la seconde avec doute, ainsi qu'une troisième, décrite par Goldfuss sous le nom d'Ursiis prisons. Depuis ce temps, plusieurs paléontologistes, tels que MM. Oken, Croizet et Jobert, Devèze et Bouillet, Marcel de Serre, Nesti, Buckland, Smerling, Falconner et Cautley, etc., firent connaître de nouvelles espèces, en sorte qu'en les inscrivant toutes, elles s'élèveraient à douze, dont onze pour l'Europe ; mais De RIainville, de son côté (Osléographie : fascicule des Ursus), n'en admet que deux espèces : l'Ours des cavernes et l'Ours d'Amérique; encore regarde t-il la première comme constituant, avec les Ours bruns et noirs d'Europe actuels, et l'Ours féroce d'A- mérique, une seule et unique espèce, qui atteignait une taille gigantesque, comparativement avec les races actuelles, et il forme un groupe distinct avec VUrsus Sivcdensis de M. Falconner, et Cautley son genre Amplûarclos, qu'il nomme aussi Sivalarclos. 11 est certain que plusieurs de ces espèces fossiles ont été établies sur des caractères trop fugitifs; mais nous croyons avec MM. Laurillard, Owen, Pictet, Wagner, etc., que les Ours des cavernes diffèrent autant, et même plus, de l'Ours brun, que celui-ci diffère des autres espèces vivantes, et nous décrirons, dans leur ordre zoologique, cinq ou six de ces esnèces. !•' SOUS-GIÎNRE. — THÂI.ARCÏOS. TIIALARCTOS. Gray, 1825. Aimais ofNat. pliilosopliical. Qy.\y.Gay., mer; apxTo;, Ours. • CARACTÈRES DISTINCTIFS. Ci'âne aplati, formant avec le cluni frein une seule ligne arquée en dessus. Museau fm, long, aijanl un peu d'analogie avec celui des Maries. Corps allongé, bombé sur le dos. Ongles courts, peu recourbés. Sjistème de coloration : blanchâtre Cette division sous-générique ne renferme qu'une seule espèce 1. L'OURS BLA^C ou POLAIRE. URSUS MARITIMUS. Caractèeies SPÉCIFIQUES. — Cct animal est bas sur jambes, et néanmoins son corps, son cou, sa tète, sa main et son pied, sont très-allongés, et beaucoup plus que dans les autres espèces du même genre. Sa taille est très-grande et atteint plus de 2"; les voyageurs disent même qu'ils en ont vu d'énormes, et vont jusqu'à leur attribuer une longueur totale de 4""; mais dans cela il faut faire la part de lexagération de ceux qui les ont observés. Un de ses traits les plus remarquables est la saillie de ses sourcils, qui résulte de la conformation particulière des os du front. Les poils blancs qui recouvrent tout le corps sont longs, soyeux et très-touffus; il y en a jusque sous une partie de la paume des mains et de la plante des pieds, ce qui assure sa marcbe sur les glaces les plus unies. Son œil est petit et noir, ainsi que sa langue et tout l'intérieur de la gueule. Cct animal semble, ainsi que nous l'avons dit, n'avoir pas été connu des anciens; car il paraît cor- 198 HISTOIRE NATURELLE. tain aujourd'hui, que l'Ours blanc que Ptolémée Philadelphe fit voir au peuple d'Alexandrie et dont parlent Athénée et Calixène le Rliodien, appartenait à une variété albine de notre Ours d Eu- rope Ce ne serait qu'au moyen âge, lorsqu'on commença à explorer les contrées polaires, qu on le découvrit, et les voya-eurs l'indiquèrent sous les noms ù'Oiirs polaire, d'Ours de la mer glaciale Rt d'Ours blanc, qui furent acceptés par Buffon. Linné lui appliqua le nom latin d'Ursus maritimus, qui doit être adopté, et d'autres naturalistes l'indiquèrent sous des dénominations diverses, telles que celles d'Ursus allms, Rrisson; d'Ursus mariniis, Pallas; de î'/m/nrcios mari En été, les Ours blancs, retirés dans l'intérieur des terres, y errent solitairement dans les forêts, et mangent les graines, les fruits et les racines qu'ils peuvent trouver, tout en recherchant les ca- davres et en attaquant les animaux qu'ils rencontrent. C'est dans les bois qu'ils font leurs petits et que les femelles les aUaiient sur un lit de mousse et de lichen. Celles-ci portent sept mois, et mettent bas au mois de mars un ou deux petits, très-rarement trois. Les mères sont très-attachées à leurs petits, et Fr. Cuvier assure qu'elles les portent quelquefois sur leur dos en nageant. Ces animaux ont une voix qui ressemble, dit-on, à l'aboiement d'un Chien enroué plus qu'au murmure grave des autres espèces d'Ours. Dans les hautes latitudes qu'habitent les Ours blancs, les étés sont très-courts, et bientôt des neiges abondantes, en leur cachant leur nourriture, les obligent à quitter les forêts et à venir sur les bords de la mer. Us sont alors non-seulement suivis de leur famille, mais encore d'une troupe nombreuse d'Ours que la famine a aussi chassée des bois; et cette association passagère doit être in- diquée, car les autres espèces du même genre vivent constamment solitaires. Dès lors, ils se préparent à combattre plus sérieusement les grands animaux marins, en attaquant les Rennes et autres Rumi- nants qu'ils rencontrent, et qui ne leur offrent pas de résistance. Puis ils reprennent le genre de vie d'hiver dont nous avons parlé. Fr. Cuvier dit qu'ils éprouvent un engourdissement hivernal, et s'exprime ainsi : « C'est au mois de septembre que l'Ours blanc, surchargé de gaisse, cherche un asile pour passer l'hiver. Il se con- tente, pour cela, de quelque fente pratiquée dans les rochers, ou même dans les amas déglace, et, sans s'y préparer aucun lit, il s'y couche et s'y laisse ensevelir sous d'énormes masses de neige. 11 y passe les mois de janvier et de février dans une véritable léthargie. » Les faits indiqués par Fr. Cuvier nous semblent loin d'être confirmés, et nous croyons, avec M. Boitard, qu'on doit les révoquer en doute : 1" parce que les récits des voyageurs nous montrent les Ours blancs comme ayant une grande activité de mouvement, même pendant les plus grands froids, ce qu'au reste on a pu observer dans nos ménageries, et 2" parce que c'est pendant l'époque désignée comme étant celle durant laquelle ces animaux seraient en léthargie qu'a lieu le développement des fœtus chez les femelles. (( L'Ours blanc, et nous copions encore un auteur que nous avons plusieurs fois cité, est l'effroi des marins qui sont obligés d'hiverner près du cercle polaire. Dans les contrées qu'il habite, il n'a jamais rencontré un être assez fort pour le vaincre, ce qui f;iit que la crainte est pour lui un senti- ment étranger, mais dont il est cependant très-susceptible. N'ayant jamais éprouvé de lutte sérieuse, il ignore le danger, et sa stupidité l'empêche de le reconnaître lorsqu'il l'aperçoit pour la première fois. Aussi l'a-t-on vu venir d'un pas délibéré attaquer seul une troupe de matelots bien armés. D'autres fois, il s'élance à la nage et va, sans hésitation, tenter l'abordage d'une chaloupe montée de plusieurs hommes, d'un vaisseau même, et il péril victime, non de son intrépidité, mais de sa stupide imprudence. S'il sent de la résistance, s'il est blessé, il cesse honteusement le combat, et fait lâchement ce que ne font jamais l'Ours brun, le Tigre et les grandes espèces de Chats. Les ma- rins qui ont hiverné dans le Nord ont rempli leurs relations d'histoires plus ou moins vraisembla- bles touchant les Ours blancs. Ce qu'il y a de bien positif, c'est qu'ils ont été toujours inquiétés par ces animaux, qui venaient flairer une proie vivante jusqu'à la porte de leur cabane, et qui grim- paient quelquefois sur le toit pour essayer de pénétrer par la cheminée. Mais, toutes les fois qu'on les recevait à coups de fusil, ou même à coups de lance, ils se hâtaient de prendre la fuite, ou, du moins, n'essayaient pas de soutenir une lutte. » Malgré leur férocité, les Ours blancs, surtout pris jeunes, peuvent être conservés en domesticité. 200 HISTOIRE NATURELLE. et l'on en voit souvent dans nos ménageries; mais ils ne se montrent guère susceptibles d'éducation ni de beaucoup d'attachement, et restent constamment d'une sauvagerie brutale et stnpide. Us sont assez vifs, et cela surtout pendant les ])lus grands froids de nos hivers, tandis que, dans nos cli- mats, pendant Tété, ils semblent languissants et faibles, recherchent avec avidité Teau la plus froide qu ils peuvent trouver. Leur nourriture est peut-être un peu plus exclusivement composée de chair que celles des autres Ours; mais, néanmoins, ils ne refusent pas le pain et les gâteaux que le public qui les regarde jette continuellement dans leurs fosses. 2= SOUS-GliNRE. — DANIS. DAMS. Gray, 1825. Aiinals of iSat. pliilosophical. CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS. Tête proportîonnellemcnl un peu plus large en arrière que celle de l'Ours d'Europe. Ongles très-longs, comprimés, arqués, assez aigus. Jambes longues. Queue très-courte. Taille plus considérable que celle des autres espèces d'Ours. Sqstème de coloration variant du gris au brun. Comme le sous genre précédent, celui des Danis ne comprend qu'une seule espèce. 2. L'OURS FKtîOCE. URSUS FEROX. Lewis et Clarck CaractjIres spécifiques. — Poils longs, abondants, surtout autour du cou et derrière la tète, d'une couleur grise ou grisâtre, tirant quelquefois sur le brun ou le blanc; ventre moins volumineux que celui de TOurs ordinaire; tête beaucoup plus grande et plus mince. Longueur totale, d'environ 5"», et, parfois, selon les voyageurs, de plus de 4". Cet Ours, que l'on nomme vulgairement Ouns féroce, terrible et rôdeur, ou Ours gris, a égale- ment reçu plusieurs dénominations des naturalistes; en effet, c'est VUrsus fcrox de Lewis et Clarck, VUrsus horridns d'Ord, VUrsus cincreus d'A. G. Desmarest, VUrsus candescens de Smith et Wilson, et le Danis ferox de M. Gray. Du reste, cette espèce n'est pas admise par tous les auteurs, et on la réunit quelquefois à l'Ours d'Amérique, qui lui-même est regardé comme une simple variété de l'Ours ordinaire. Cependant, d'après M. Clinton, qui a été à même d'étudier un squelette de l'Ours féroce, il n'y aurait pas identité entre lui et l'Ours d'Amérique. Les grands ongles très-acérés de cet Ours ont donné lieu de penser au zoologiste que nous venons de citer que les seules parties qui ont été trouvées de l'animal appelé Mégalongx pourraient avoir appartenu à cette espèce, attendu que ces mêmes pattes ne sont pas à l'état de véritables fossiles, et qu'on ne connaît aucun Mammi- fère vivant dans l'Amérique septentrionale qui soit muni d'une pareille armure. L'Ours féroce habite les parties les plus élevées de la province de Missouri, les bords boisés de la rivière Jaune et du petit Missouri, la chaîne des montagnes Uocky; M. Coris l'a trouvé en (Califor- nie, et llearne dans le pays des Esquimaux. Les voyageurs font un portrait effrayant de cet Ours; il joint à la stupidité de l'Ours blanc la fé- rocité du Jaguar, le courage du Tigre et la force du Lion; aussi est-il la terreur des habitants no- mades des contrées qu'il habite. Un de ces animaux, tué par MM. Lewis et Clarck, pesait près de trois cents kilogrammes, et, d'après Warden, on en trouve qui pèsent au moins quatre cent cinquante kilogrammes. C'est, dit-on, le plus farouche, le plus horrible des animaux, et il présente en résumé toutes les qualités qui jettent l'épouvante. Sa physionomie est terrible; son agilité égale sa force prodigieuse; sa cruauté surpasse celle de tous les autres animaux, et son courage prend sa source CARNASSIERS. 201 et sa supériorité de la conscience de sa force. Il vit solitaire, à la manière de notre Ours d'Europe, et habite presque cxlusivcment les forets. Endormi pendant le jour dans les profondes cavernes des montagnes, il se réveille au crépuscule, sort de sa retraite, et tue les Mammifères qu'il rencontre, surtout les Daims et les Argalis. 11 descend parfois dans les vallées, et fait de grands dégâts dans les troupeaux de Bisons, qui, malgré leur force, ne peuvent lui résister. Warden assure qu'à l'époque des premiers froids il se retire dans les cavités des rochers ou dans des creux d'arbres, où il reste dans un état d'hibernation jusqu'à la fin de la froide saison. Cela, au reste, n'est pas bien démontré, et il est possible que cet Ours n'éprouve pas d'état léthargique; il est probable aussi qu'il mêle à une nourriture animale une nourriture végétale, et que ce soit forcé par la nécessité qu'il devienne aussi féroce que le représentent les voyageurs. On fait une chasse active à cet Ours; nous rapporterons ce qu'en dit M. Boitard, « Le chasseur indien de l'Arkansas possède un talent merveilleux pour découvrir, pendant l'hiver, la caverne dans laquelle l'Ours féroce a établi sa demeure; il sait, dans les autres saisons, l'attendre à l'affût, le surprendre dans son fourré au moment où lui-même attend une proie, le suivre à la piste, et le percer de ses tièches ou de ses balles. Lorsqu'il a découvert la trace de ses pas, il la suit, armé d'un arc, d'une carabine et d'un couteau indien long et cffdé, couteau dont il se sert plus ordinairement pour scalper la chevelure de ses ennemis vaincus. Il s'approche du féroce animal en se cachant et en rampant dans les bruyères, et il a soin de prendre le dessous du vent, non pas qu'il craigne que l'Ours, averti de sa présence par la finesse de son odorat, prenne la fuite, mais pour n'en être pas attaqué le premier, et conserver l'ascendant qu'a toujours le premier assaillant. Quand le chasseur se croit à distance convenable de l'animal, il se redresse, se fait voir tout à coup, et lui lance une flèche, puis il se laisse tomber sur la terre, se met à plat ventre, et, soutenu sur son coude, il saisit sa carabine, ajuste l'Ours et attend. L'animal, furieux et blessé, hésite un instant entre la fuite et rat(aque; mais, voyant son ennemi à terre, il s'élance sur lui pour le déchirer. Le chasseur a le courage d'attendre qu'il soit à cinq pas de lui, et alors seulement il fait feu, et lui envoie dans la poitrine une balle qui le renverse roide mort le plus habituellement. Si la carabine vient à manquer, l'intrépide chasseur se relève lestement, et, le couteau à la main, il attend une lutte corps à corps. Le plus ordinairement, ce changement de posture suffit pour arrêter l'aninial, qui, après une nouvelle hésitation, se retire à pas lents, et en tournant souvent la tète vers son agresseur. Mais quelquefois aussi l'Ours, dans la fureur que lui cause une douloureuse blessure, se dresse sur ses pieds de der- rière, étend ses bras et se jette sur son ennemi. Celui-ci lui plonge alors son couteau dans le cœur et le renverse mourant. S'il manque son coup, il. meurt lui-même déchiré en mille pièces, victime d'une puérile" vanité qui l'a fait s'exposer par bravade à un danger sans utilité, ou seulement dans le but de conquérir une misérable fourrure, propre à faire des manchons, des palatines et des man- teaux pour les sauvages. » 5-^ SOUS-GENRE. — OURS TROPREMENT DIT. URSUS. Linné, 1735. Systema natui'a;. CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS. Tête très-grosse, élargie m arrière. Front formant une saillie pi'ononcée au-dessus des yeux. Museau assez gros. Jambes dont la hauteur varie suivant les variétés et les âges. Ongles courts, coniques, recourbés. Taille n'étant pas bien déterminée, car elle peut différer dans les individus d'une même espèce, mais étant cependant au-dessus de la mogenne. Sijstème de coloration du pelage variant assez cGUsidérablcment, en passant par toutes les nuances du fauve blond au gris, au brun noirâtre et au blanc : ces deux dernières teintes ne pa- raissant appartenir qu'aux individus attaqués de mélanisme et d'albinisme. 19' 26 202 HISTOIRE NATURELLE. Ce sous-genre ne renferme que trois espèces vivantes, dont l'une d'elles, qui comprend un assez grand nombre de variétés particulières, ne diffère peut-être même pas spécifiquement de l'Ours or- dinaire. On y place également un nombre assez considérable d'espèces fossiles. Ô. OURS ORDINAIRE. URSUS ARCTOS. Linné. CARACTÈiiES SPÉCIFIQUES. — Pclagc quclqucfois un peu laineux, ordinairement brun ou d'un brun jaunâtre, quelquefois d'un brun lisse à reflets presque argentés, parfois aussi fauve, etc.; front con- vexe au-dessus des yeux; museau diminuant de grosseur d'une manière très-brusque; jambes variant beaucoup en hauteur; plante des pieds moyenne. Longueur de la tête et du corps variant de l'°,'29 à r,62. Cette espèce, que Buffon a décrite sous le nom d'Ours, que G. Cuvier désigne sous la dénomination d'Ours brun d'Europe, avait reçu, depuis longtemps, de Linné, celle d'Urs^is arctos. On a cherché à y distinguer un nombre assez grand d'espèces, que nous ne regarderons que comme de simples variétés; telles que les Ursus nlbus, Lesson; Pyrenaicus, Norweçficiis, coUaris, Fr. Cuvier; ïsabeUi- mis, Ilorsfield; Sijriacus, Ehrenberg et lîemprich; nicjer, G. Cuvier; 5fu/a?75, Et. Geoffroy, et Sibi- rïcus, Fr. Cuvier. Nous pourrions probablement aussi y joindre les Ursus Amerîcanns, Richardson, et Tliibelanus, Fr. Cuvier, qui n'en diffèrent probablement pas. Gel Ours habile les hautes montagnes dans certaines grandes forêts de toute l'Europe, d'une partie de l'Asie et de l'Amérique, si l'on doit y réunir Y Ursus Americmius : plusieurs naturalistes, tels que Dapper, Sliaw, Poncet et Poiret, affirment qu'il en existe également en Afrique, dans la Barbarie, au Congo et en Nubie. Poiret dit que les Ours qui habitent l'AtlaS; entre l'Algérie et le Maroc, sont très carnassiers, et il ajoute les détails suivants, que nous transcrivons, quoique nous soyons loin de les croire définitivement acquis à la science. « L'opinion que l'Ours lance des pierres quand il est poursuivi est admise chez les Arabes de l'Atlas, comme parmi les peuples d'Europe. Pendant mon séjour chez Ali-Bey, à la Mozoule, un Arabe apporta la peau d'un Ours qu'il avait tué à la chasse. Il me montra une blessure qu'il avait reçue à la jambe, poursuivi, disait-il, par cet Ours : ce rapport ne me con- vainquit point, car il était très-possible que ce chasseur, poursuivi par TOurs, ait frappé du pied contre une pierre et se soit blessé en fuyant un ennemi trop à craindre pour laisser de sang-froid le chasseur qui l'attaque. « En France, on ne le trouve plus que sur les cimes les plus élevées des Alpes et des Pyrénées. Il n'existe pas en Angleterre, mais il est probable qu'on l'y rencontrait jadis. L'Ours en liberté mène une vie solitaire, et ne quitte guère les forêts que poussé par la faim. Il se loge dans les cavernes, les trous des rochers, et plus souvent encore dans les trous des vieux arbres séculaires. C'est là qu'il passe ses journées à dormir, en attendant la nuit, pour se mettre en campagne et chercher sa nourriture. On prétend que, faute d'arbre creux ou d'anfractuosilés des rochers, il se construit une sorte de cabane avec des branches de bois mort et du feuillage; qu'il y passe l'hiver dans une somnolence plus ou moins profonde, sans prendre d'aliments, et que c'est dans cette retraite que la femelle met bas. Ces assertions, qui doivent avoir un grand poids, puis- qu'elles ont été rapportées par G. Cuvier, ont été cependant réfutées par plusieurs naturalistes, et M. Boilard écrit à ce sujet : « J'ai habité un pays où les Ours ne sont pas très-rares; j'en ai chassé, j'ai surtout consulté un grand nombre de chasseurs et d'habitants de la contrée, et je me suis as- suré que les Ours ne se creusent ni antres ni terriers, et se construisent moins encore de cabanes. Pans les Alpes, ils n'habitent que des trous d'arbres, et encore faut-il que ces trous ne soient pas à plus de deux mètres au-dessus du sol. Ils s'y retirent non-seulement en hiver, mais dans toutes les saisons, et c'est dans ce lieu que la femelle met bas. Ils y dorment, il est vrai, mais ils en sortent toutes. les fois que la faim les presse, ce qui arrive aussi souvent en hiver qu'en été. Ce qu'on a dit de leur léthargie, de ce qu'ils se nourrissent de leur graisse, de Faction de sucer leurs pattes, etc., est entièrement faux. » Nous ne pouvons donc rien affirmer à ce sujet, et nous resterons dans le doute; quoiqu'il nous semble plus probable qu'à l'état de nature ces animaux éprouvent un en- gourdissement plus ou moins complet pendant la froide saison « Blumenbach assure, dit G. Cuvier, que l'Ours se contente de matières végétales dans sa jeu- Vi'j. 'J. — Ours iioluire. U^\» ALt T l'I. -2i. CARNASSIERS. ' 205 nesse, et qu'il devient plus carnassier lorsqu'il passe trois ans. Il est certain qu'on peut le nourrir avec du pain seulement; ceux de notre Ménagerie ne mangent pas autre chose, et, quoiqu'ils n'en reçoivent que trois kilogrammes par jour, ils se portent très-bien; l'un d'eux a même vécu quarante- sept ans à ce régime dans les fossés de Berne, où il était né. Us mangent aussi volontiers des légu- mes, des racines, des raisins; mais, ce qu'ils aiment le mieux, c'est le miel : ils renversent les ruches, grimpent dans les arbres creux et s'exposent à la ))iqûre des Abeilles pour s'en rassasier. Ils recher- chent les Fourmis, sans doute à cause de leur acidité, car ils aiment tous les fruits acides, et surtout les baies d'épine-vinelle et de sorbier. Lorsque la faim les presse, ils dévorent les cadavres et les voiries. Les nôtres boivent chacun un demi-seau d'eau par jour: ils la hument à peu près comme le Cochon. Leurs excréments sont jaunâtres et très-liquides; ils urinent en avant, et sans lever la cuisse. L'Ours commun commence à engendrer dès l'âge de cinq ans; une femelle a mis bas à plus de trente ans. )) Nous ajouterons qu'actuellement à la Ménagerie du Muséum on les nourrit presque exclusi- vement avec de la viande crue. L'Ours, malgré ses formes assez lourdes, est doué d'une certaine agilité, qu'il déploie avec beau- coup de prudence. Lorsqu'il monte sur un arbre, il s'accroche aux branches avec ses mains, et au tronc avec les griffes de ses pieds de derrière; quelquefois aussi, il embrasse la tige avec ses bras et ses cuisses; mais, dans tous les cas, il y met beaucoup de précaution, et jamais il ne lâche une patte de son appui qu'il ne se soit assuré, à plusieurs reprises, que les trois autres ne lui manque- ront pas. Il se nourrit habituellement de faînes, de graines de diverses plantes, de cerlains fruits et baies, et même de racines. Les Ours du nord de l'Europe et de l'Asie se nourrissent, pendant la belle saison, de fruits, de baies, et principalement de celles de l'airelle, de l'arbousier, etc.; des bulbes de certaines Liliacées, telles que les Lilïum bulbïferum, Kanilschaiansc, etc.; ils ne dédai- gnent pas les graines, e(, faute de mieux, ils mangent les feuilles laiteuses du laiteron, de la campa- nule à larges feuilles, et même des jeunes pousses du bouleau. Mais, quand cette nourriture vient à lui manquer, il attaque les animaux qu'il rencontre, et s'en repaît; il descend alois dans les plaines et se jette sur les troupeaux. Quelques-uns sontichthyophages, et dévorent un très-grand nombre de Pois- son, L'Ours nage avec une grande facilité. Il n'est pas dangereux pour l'homme, à moins qu'il ne soit attaqué. S'il rencontre un chasseur, il ne fuit pas à la vue de ses armes, il passe outre; s'il est blessé, sa colère devient terrible, il court sur son agresseur, le saisit dans ses bras et l'étouffé en lui dévo- rant le visage ou lui brisant le crâne. On rapporte que, « s'il est harcelé par une meute de Chiens courageux et appuyés par de nombreux piqueurs, il se retire, mais il ne fuit pas. Il gagne lente- ment sa retraite en se retournant, de temps à autre, pour faire face à ses nombreux ennemis, qui reculent aussitôt épouvantés. Enfin, harassé de fatigue, mortellement blessé parles balles des chas- seurs, près de mourir, il s'apprête à faire payer chèrement la victoire à ses ennemis. Debout, le dos appuyé contre un arbre ou un rocher, il les attend, et tout ce qui est assez téméraire pour l'appro- cher tombe écrasé par sa terrible patte ou brisé par ses dents. En Europe on fait la chasse à cet animal avec le fusil et des Chiens. Quelquefois aussi, quand il a été aperçu dans la plaine et que l'on a découvert sa retraite, on le traque comme le Loup, c'est-à-dire que tous les paysans d'un ou de plusieurs villages se réunissent, entourent la forêt d'une ceinture de tireurs et de traqueurs, qui marchent en resserrant de plus en plus le cercle qui le circonscrit, et finissent par l'approcher et l'accabler sous leur nombre. » Lesseps donne des détails sur la manière dont on fait la chasse de l'Ours de Sibérie, qui, ainsi que nous l'avons dit, n'est qu'une variété de l'Ours d'Europe. « La chasse de cet animal exige de l'art et beaucoup de hardiesse. Les Kamtchatdales l'attaquent de différentes manières : quelquefois ils lui tendent des pièges. Sous une trappe pesante, suspendue en l'air, ils mettent un appât quel- conque afin de l'attirer. L'Ours ne Ta pas plutôt senti et aperçu qu'il s'avance pour le dévorer; en même temps il ébranle le faible support de la trappe, qui lui tombe sur le cou et le punit de sa vo- racité en lui écrasant la tête, souvent même tout le corps. 11 est encore une autre chasse aux Ours fort en usage au Kamtchatka, et par laquelle on jugera qu'il faut autant de force que de courage. Un Kamtchatdale part pour aller à la découverte d'un Ours; il n'a pour armes que son fusil, espèce de carabine dont la crosse est très-mince, plus une lance ou un épieu, et son couteau. Toutes ses provisions se bornent à un petit paquet contenant une vingtaine de Poissons sèches. Ainsi muni et équipé, il pénètre dans l'épaisseur des bois et dans tous les endroits qui peuvent servir de repaire 204 HISTOIRE NATURELLE. à l'animal. C'est pour l'ordinaire à travers les broussailles ou parmi les joncs, au bord des lacs et des rivières, qu'il se poste et attend son ennemi avec constance et intrépidité. S'il le faut, il restera ainsi en embuscade une semaine entière, jusqu'à ce que l'Ours vienne à paraître. Dès qu'il le voit ù sa porlée, il pose en terre une fourche de bois qui tient à son fusil. A l'aide de cette fourche, le coup d'œil acquiert plus de justesse et la main plus d'assurance; il est rare qu'avec une balle, même assez petite, il ne touche pas l'animal, soit à la tête, soit dans la par(ie des épaules, son endroit sen- sible. Mais il faut qu'il recharge son fusil dans la même minute; car, si l'Ours n'est pas renversé du premier coup, il devient furieux et accourt aussitôt pour se jeter sur le chasseur, qui n'a pas tou- jours le temps de lui tirer un second coup. Alors le Kamtchatdale a recours à sa lance, dont il s'arme à la hâte pour se défendre contre l'Ours en furie qui l'attaque à son tour. Sa vie est en danger s'il ne porte pas à l'animal un coup mortel. Souvent il arrive dans ces combats que l'homme n'est pas le vainqueur; cela n'empêche pas les habitants de ces contrées de s'y exposer presque journellement. » L'Ours montre une intelligence assez développée; il ne tombe que rarement dans les pièges qu'on lui tend; tout objet nouveau éveille chez lui la défiance; il l'observe prudemment avant de l'appro- cher, passe sous le vent pour s'en rendre compte par l'odorat, s'avance doucement, le flaire, le tourne et le retourne, puis s'en éloigne, s'il ne lui convient pas de s'en emparer. Nous pouvons citer un fait qui vient à l'appui de ce que nous venons d'avancer, et dont nous avons été témoin à la Mé- nagerie du Muséum; on voulait détruire l'un des Ours des fosses, et on essaya de l'empoisonner avec de l'acide arsénieux; mais l'animal, après avoir senti le gâteau ou le morceau de viande qui conte- nait le poison, vint le plonger dans son auge remplie d'eau, et ce ne fut qu'après l'y avoir laissé assez longtemps, et l'y avoir plusieurs fois remué, qu'il se décida à manger ce qu'on lui offrait, et il le lit impunément. L'Ours aime la vie solitaire, et fuit, par instinct, toute société, même celle de ses semblables. Il ne cherche sa femelle qu'au temps des amours, c'est-à-dire au mois de juin, et, ce moment passé, il la quitte et va fixer sa demeure à plusieurs lieues de la forêt qu'elle habite. Aussi ne prend-il aucun soin de ses petits, et ne manque-t-il même pas, assure-t-on, de les dévorer, s'il vient à les décou- vrir dans leur retraite. Il en est, au contraire, tout différemment de la femelle, qui aime ses petits Qvec la plus vive affection, qui les dépose sur un lit de feuillage et de mousse dans le creux de quel- que rocher. Elle les garde avec elle jusqu'à ce c|u'ils aient deux ans et qu'ils aient acquis la force né- <;essaire pour repousser toute agression étrangère; elle les soigne, leur donne des fruits et du gi- bier, les lèche, les nettoie et les porte avec elle, dans ses bras, lorsqu'ils sont fatigués. Si un danger les menace, elle les défend avec un courage furieux et se fait tuer sur la place plutôt que de les abandonner. Aussi n'est-ce qu'avec beaucoup de danger et de prudence que les montagnards vien- nent à bout de s'emparer de ses Oursons, ordinairement au nombre d'un à trois, très-rarement plus nombreux. Pendant leur jeunesse, les petits de l'Ours ordinaire ont en général sur leur pelage, d'une colo- ration uniforme, un collier blanc plus ou moins prononcé. Cependant on trouve dans la même portée des Ours qui n'ont pas du tout de collier, d'autres qui le perdent peu de temps après leur naissance, et enfin certains autres qui le conservent jusqu'à ce qu'ils aient atteint près du tiers de leur gros- seur. D'après cela, on comprend que l'on ne doit pas admettre d'espèces fondées sur de jeunes Oursons et caractérisées presque exclusivement par la présence ou l'absence de ce collier. Pris jeunes, ces animaux sont susceptibles d'une certaine éducation, vivent très-bien en domesti- cité, et peuvent y reproduire leur espèce, ainsi que l'on en a annuellement la preuve dans nos Mé- nageries. On voit souvent, dans les villages et les petites villes, des habitants de nos montagnes alpines qui montrent de jeunes Ours auxquels ils ont appris à marcher debout, à faire des culbutes et à danser d'un pas lourd au son de la musique. Quoique ces animaux obéissent à leurs maîtres, ils ne le font qu'en grognant et en grinçant des dents; aussi les tient-on constamment muselés et se défie-t-on beaucoup de leur colère, qui procède souvent d'un caprice et tourne toujours en fureur. Les Ours sont très-communs dans les Ménageries, et, de tous les animaux qui y sont compris, ce sont peut-être ceux que recherche le plus le public. Nous avons déjà dit quelques mots à ce sujet; nous ajouterons seulement que la domesticité retire aux femelles une partie de leurs bonnes qualités maternelles; en effet, quoiqu'elles donnent encore des soins à leurs petits, elles ne poussent pas toujours l'affection jusqu'à leur abandonner une partie de la nourriture qu'elles ont à leur disposi- CARNASSIERS 205 lion; en effet, nous avons vu souvent de ces mères disputer à leurs petits les gâteaux qu'on leur je- tait ou la chair qui leur était destinée. La fourrure des Ours est, quoique grossière, assez recherchée; on en fait des tapis d'assez grande valeur, des bonnets niililaires et des manchons communs. La graisse , dont ils sont abondam- ment pourvus, a été longtemps préconisée comme un remède infaillible contre les rhumatismes, ainsi qu'une foule d'autres maladies, et surtout comme ayant la vertu de faire pousser les cheveux, .\ujourd'hui, il est bien démontré que l'on ne doit pas ajouter foi aux récits de toutes les cures merveilleuses produites par elle; toutefois il est certain que cette graisse, dépouillée par des pro- cédés très-simples d'une odeur particulière très-désagréable dont elle est imprégnée, est très-douce, très-fine, et peut avantageusement servir de base à de bonnes pommades. Elle peut môme remplacer le beurre ou la graisse pour la cuisine, ainsi que nous avons été à même d'en faire l'expérience. 11 s'agit, quand on veut enlever à cette graisse son odeur désagréable, de la faire fondre et d'y jeter, lorsqu'elle est très-chaude, du sel en quantité suffisante, et de l'eau par aspersion; il se fait une sorte de détonation, et il s'élève une épaisse fumée qui emporte avec elle la mauvaise odeur. Malgré tout cela, on plutôt à moins qu'elle ne soit parfaitement préparée, cette graisse rancit très-facile- ment. La graisse de l'Ours blanc est moins bonne, et cependant elle est beaucoup plus recherchée que celle de l'Ours d'Europe, et cela parce que, dans les régions septentrionales qu'habite ce Carni- vore, le manque de matière animalisée doit faire employer avec soin celles qu'on rencontre; il en est de même de sa chair. Plusieurs peuples mangent celle de l'Ouis ordinaire; nous avons pu cons- tater que la chair de nos Ours de ménagerie, quoique noirâtre et un peu dure, avait bon goût. Les pattes fournissent un mets très-délicat. Les variétés que l'on a formées dans cette espèce, et qui, comme nous l'avons dit, constituent pour beaucoup d'auteurs des espèces distinctes, sont nombreuses. A. L'Ours blanc terrestre, Buffon Ursus albus, Lesson. Cette variété, que Fr. Cuvier nomme Ours des Alpes, d'après le pays où on l'a rencontrée, n'est qu'accidentelle; c'est par albinisme qu'elle est entièrement blanche. B. L'Ours des Pyrénées. Ursus Pyrenaicus, Fr. Cuvier. Cette variété habite les montagnes des Asturies, d'où a été tiré le nom d'Ours iles Asluries qu'on lui a quelquefois spécifiquement appliqué. Elle est de petite taille relativement à la grandeur des in- dividus typiques de l'espèce qui nous occupe; dans ses premières années, tout son pelage est d'un blond jaunâtre, excepté la tète, qui est d'un blond plus foncé, et les pieds, qui sont noirs; l'extré- mité seule des poils est blonde; dans le reste de leur longueur, ils sont bruns, et il parait que cette couleur devient celle de l'animal lorsqu'il arrive à l'âge adulte. G. L'Ours de Norwége. Ursus Norwegicus, Fr. Cuvier. Cet Ours n'est connu que par un jeune individu âgé de cinq semaines, qui différait des deux précédents en ce qu'il était entièrement dun brun terre d'ombre, sans aucune trace de collier blanc D. L'Ours a collier. Ursus collarïs, Fr. Cuvier. Il atteint une très-grande taille; son pelage est brun chez les jeunes individus comme chez les adultes, et chez les femelles comme chez les mâles; les membres sont noirs et les épaules cou-" vertes d'une bande blanche qui semble varier de grandeur. Cette variété habite le nord de l'Asie, principalement le Kamtchatka 206 HISTOIRE NATURELLE. Nous avons parlé de la chasse que leur font les habitants de ce dernier pays, nous ajouterons, d'après le voyage de Coock, quelques détails sur des Ours qui se rapportent probablement à cette variété, quoique Ton nMudique pas qu'ils aient de collier. Ces Ours sont spécialement redoutables lorsqu'ils sortent de la tanière où ils ont passé l'hiver. Si la gelée se trouve forte et si la glace n'est pas encore rompue dans les lacs, ce qui les prive de leur moyen de subsistance (c'est-à-dire des Poissons qu'ils recherchent activement), ils ne tardent pas à devenir affamés et féroces. Ils ont l'odorat très-fin; ils sentent de loin les Kamtclialdalcs, et ils les poursuivent. Comme ils rodent hors de leurs sentiers ordinaires, ils attaquent souvent les malheureux qui ne se trouvent pas sur leurs gardes, et, quand ceci arrive, les chasseurs du pays ne sachant point tirer à la course et ayant tou- jours besoin d'avoir leur fusil posé sur un point d'appui, il n'est pas rare de les voir dévorer par ces animaux. Il règne une grande affection entre l'Ours femelle et ses petits, et les chasseurs la mettent à profit pour assurer le succès de leur chasse. Ils ne s'avisent pas de tirer un Ourson lors- que la mère est dans les environs, car elle entre dans un accès de fureur qui va jusqu'à la frénésie. Si un petit est blessé et si elle découvre son ennemi, elle l'immole à sa vengeance. D'un autre côté, si la mère est blessée, ses petits ne la quittent pas; lors même qu'elle est morte depuis assez long- temps, ils continuent à se tenir près d'elle; ils témoignent l'affection la plus profonde par des mou- vements et des gestes très-expressifs, et ils deviennent finalement la proie des chasseurs. » • E. L'Ours is.\belle. Vrsus isabellhius, Ilorsfield Son pelage, d'un fauve jaunâtre très-prononcé, le distingue du précédent. Il habite les monts Ili- malayas du Népaul. F. L'Our.s DE Syrie. Ursîis Sunaciis, Ehrenberg et Hemprich. Cette variété, qui ne diffère pas très-notablement de l'Ours brun d'Europe, se trouve dans les hautes montagnes du Liban. G. L'Ouns DU TuiBF.T. Ursus Tliibelanus, Vv. Cuvier. Les caractères de cette variété consistent dans la ligne droite du chanfrein et dans son système de coloration. Son pelage est généralement lisse et noir; mais la lèvre inférieure est blanche, ainsi qu'une tache en forme d'Y sur la poitrine, et dont les deux petites branches se trouvent en avant des épaules, et la plus longue entre les jambes, s'étendant jusqu'au milieu du ventre; le museau a une légère teinte de roussâtre. La taille est à peu près semblable à celle de notre Ours ordinaire Se trouve au Thibet, au Népaul et au Sylbet. 11. L'Ours noir d'Europe. Irsus n'ujcr, Lesson. Cette variété, décrite par Buffon, adoptée par G. Cuvier, et à laquelle M. Boitard applique le nom à' Ursus aler, est au moins douteuse, car, par ses caractères, elle parait se rapporter à l'Ours brun d'Europe. Son front est aplati, légèrement concave, surtout en travers; son pelage est laineux, d'un brun noirâtre; le dessus du nez fauve clair et le reste du tour du museau d'un brun roux. Celle espèce se rencontre dans le nord de l'Europe et probablement aussi au Kamtchatka. 1. L'OuRs DE Sibérie. Ursus Sibirîcus, ¥i\ Cuvier. Celle variété, qui ne diffère guère de VOurs h collier, se rencontre eu Sibérie et en Laponie. .\cerbi rapporte la manière curieuse dont on fait la chasse à cet animal pendant la saison d'été. CARNASSIERS. 207 (( Lorsqu'un Lapon, dit-il, connaît la retraite d'un de ces formidables animaux, il se munit d'une longue lance, ayant un fort bAton attaché en travers, à di\-liuit pouces ou deux pieds de sa pointe. Avec cette arme il a l'audace de s'approcher de TOurs et de lui présenter le fer de sa lance devant la poi- trine au moment où le Carnivore se lève sur les pieds de derrière pour étreindre le chasseur dans ses terribles bras; l'Ours blessé, loin de se reculer pour fuir, saisit avec ses doux pattes le bAton placé en travers de la lance, le tire à lui, et ainsi s'enfonce lui-même le fer dans la poitrine quand il croit tirer à lui son ennemi. » Un missionnaire, Canots Leems, raconte également la manière dont on fait la chasse en hiver à ces animaux. « Il arrive souvent, rapporte-t-il, que le Lapon, étant à la poursuite du gibier, découvre, au moyen de ses Chiens, la retraite que l'Ours s'est choisie. Alors, le chasseur se dispose à surprendre l'a- nimal, et, pour y parvenir, il coupe un certain nombre de branches des arbres voisins, qu'il plante et entrelace fortement à l'entrée du repaire, ne laissant qu'un espace suffisant pour que l'Ours puisse y fourrer la tête. Cela étant fait, le chasseur, qui s'est pourvu d'une hache, se met en devoir d'éveiller l'animal quand il est dans son plus profond sommeil. L'Ours, provoqué par la témérité et les insultes de l'assaillant, s'avance avec la plus grande rage vers l'ouverture; mais il n'a pas plutôt mis la tête à l'espèce de guichet fait à dessein, que le chasseur lui porte un coup avec sa hache, qui, s'il touche au bas des yeux, abat sûrement l'animal par terre. » 4. L'OURS NOIR rrAMIÎRIQUE. G. Cuvier. IIRSUS AMERICANUS. Ricliardson. Caractères spécifiques. — Pelage ordinairement noir, lisse, long, brillant, présentant parfois une tache fauve au-dessus de chaque œil, et du blanc ou du fauve à la gorge ou à la poitrine; dans quel- ques cas assez rates, le pelage est entièrement fauve. Le front est plat, presque sur la même ligne que le museau. Le nombre des dents est quelquefois plus considérable que dans l'Ours ordinaire. Plante des pieds et paumes des mains très-courtes. La taille ne dépasse guère 1™,50. Cette espèce est regardée, par la plupart des naturalistes modernes, comme ne devant former qu'une simple variété de l'Ours ordinaire d'Europe; et nous avouerons que l'on ne peut réellement pas trouver dans ses caractères spécifiques de quoi la différencier d'une manière réellement complète. L'Ours noir d'Amérique habile les parties septentrionales des États-Unis; il est possible que son habitat s'étende plus loin, et il n'est pas improbable qu'on ne le rencontre au Kamtchatka, et que les Ours à collier et de Sibérie n'en soient que des variétés. Quoi qu'il en soit, ce point n'est pas encore complètement décidé; mais il est sûr que VUrsiis gidaris d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire n'en diffère spécifiquement pas; car on ne peut se fier au système de coloration, puisqu'il varie beaucoup, depuis le jaune clair jusqu'au chocolat. Selon Duprals, cité par Buffon, « cet Ours paraît l'hiver dans la Louisiane, parce que les neiges qui couvrent les terres du Nord l'empêchent de trouver sa nourriture et le chassent des pays septentrio- naux. Il vit de fruits, et entre autres de glands et de racines, et ses mets les plus délicieux sont le lait et le miel; lorsqu'il en rencontre, il se laisserait plutôt tuer que de lâcher prise. Malgré la pré- vention où Ton est que l'Ours est carnassier, je prétends, avec tous ceux de cette province et des pays circonvoisins, qu'il ne l'est nullement. Il n'est jamais arrivé que ces animaux aient dévoré des hommes, malgré leur multitude et la faim extrême qu'ils souffrent quelquefois, puisque, même dans ce cas, ils ne mangent pas la viande de boucherie qu'ils rencontrent. Dans le temps que je demeurais au Natchez, il y eut un hiver si rude dans les terres du Nord, que ces animaux descendaient en grand nombre; ils étaient si communs qu'ils s'affamaient les uns les autres et étaient très-maigres; la grande faim les faisait sortir des bois qui bordent le fleuve, et on les voyait courir la nuit autour des habita- tions et entrer dans les cours qui n'étaient pas bien fermées; ils y trouvaient des viandes exposées au frais; ils n'y touchaient pas et mangeaient seulement les grains qu'ils pouvaient trouver. » Outre cette alimentation, l'Ours d'Amérique se nourrit aussi de Poissons qu'il va chercher à la nage et en plongeant. C'est surtout pendant l'hiver qu'il descend des hautes montagnes boisées pour ve- nir pêcher sur le bord des lacs et des rivières. Son cri ressemble à des pleurs et diffère ainsi nota- 20S HISTOIRE NATURELLE hlemenl du tjrognement de l'Ours ordinaire d'Europe. Habituellement il se jtlaît particulit'rement dans les forêts d'arbres résineux, et il babite surtout dans les cavités formées par le temps dans leur tronc. H aime à se loger vers la cime des arbres élevés. Pour le prendre, les Américains mettent le feu au pied de l'arbre;, et le forcent ainsi à sortir de sa retraite pour se sauver des flammes. On rapporte que, si l'on trouve une famille d'Ours dans cette position, « la femelle descend la première à re- culons, comme le font les Ours, et, lorsqu'elle est près de terre, les chasseurs Tabaltent d'un coup de fusil à bout portant tiré dans le centre de l'oreille. Les Oursons descendent ensuite, et on les prend vivants et sans danger s'ils sont encore petits; dans le cas contraire, on les tue. On chasse en- core l'Ours d'Amérique avec des Chiens courants qui le harcèlent jusqu'à ce que le chasseur ait trouvé le moment favorable pour le tu'er. Toutes les manières de le chasser sont sans danger, parce qu'il ne court jamais sur celui qui l'attaque, et que, blessé ou non, il ne cherche jamais qu'à fuir. Seule- ment, il ne faut pas s'approcher imprudemment de lui lorsqu'il est abattu et mourant, car alors, sen- tant qu'il ne peut plus échapper au danger, il cherche à se défendre et à se venger. » Il sert aux mêmes usages que les ospèi-es précédentes, et, en outre, les Américains ont un grand intérêt à le chasser, parce qu'ils emploient sa chair pour leur nourriture, et qu'en le détruisant ils enlèvent un des plus redoutables ennemis de leurs champs ensemencés. 5. L'OURS ORNE. URSUS OKNATUS. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage lisse et noir; le dessous du corps et les côtés de la mâchoire in- férieure, le dessous du cou et la poitrine, jusqu'aux jambes de devant, sont blancs; du museau, qui est d'un gris roux, part une ligne fauve qui passe entre les yeux et se sépare ensuite en deux pour former, au-dessus de ces organes, deux demi-cercles. Le museau est un peu plus court que celui des autres espèces d'Ours, d'un fauve sale. Sa taille dépasse rarement l". C'est le premier Ours, ainsi que le fait observer Er. Cuvier, dont on ait vu le pelage aussi orné; mais ce système de coloration lient peut-être uniquement à l'âge de l'animal, et disparaît quand l'Ours devient adulte. Dans ce cas, ce ne serait qu'une simple variété de l'Ours d'Amérique, et dès lors, probablement aussi, de l'Ours ordinaire d'Europe. Il est commun dans lesCordillières du Chili, ce qui lui a valu le nom d'OuRsDEs Cordillièp.es, qu'il porte quelquefois, et se rencontre également dans presque toute l'Amérique australe. S'il est le même que celui que Garcillasco de la Véga et Acosta disent exister au Pérou, c'est le seul Ours qu'il y ait dans l'Amérique méridionale. D'après M. Roulin, qui a longtemps séjourné dans les pays qu'il habile, cet Ours, dans sa jeu- nesse, paraît se nourrir exclusivement de fruits et de racines, et est alors peu dangereux. Mais lors- que, poussé par la faim, il a une fois mangé de la chair d'un animal, il y prend tellement goût qu'il ne veut plus d'autre nourriture; il devient alors la terreur de toutes les fermes du canton, auxquelles il enlève un grand nombre de Mules et de Chevaux. C'est ù ce sous genre auquel nous croyons devoir rapporter les diverses espèces d'Ours fossiles qui ont été découvertes dans les nombreuses cavernes à ossements de l'Allemagne et dans les brè- ches osseuses, ainsi que dans le diluvium du littoral de la Méditerranée. Dès 1672, Péterson Hagn représenta plusieurs os d'Ours tirés des cavernes allemandes, et il les figura sous le nom d'ossements de Drafjons. Brûckman, en 1752, dans une description des cavernes de la Hongrie, annonça que les os qu'elles renferment, de même que ceux des cavernes de l'Allemagne, étaient des ossements d'Ours. Une fois cette affinité admise, on voulut les comparer aux espèces vivantes, et les premiers auteurs qui s'occupèrent de ce travail crurent reconnaître dans les têtes dOurs des cavernes la tête de l'Ours blanc. Mais Comper, Rosenmuller, Hunter et Blumenbach, annoncèrent que ces têtes diffé- raient de celles des espèces actuelles, et le dernier établit, sous les noms iVUrsus spclœus et arctoi- dcus, deux espèces parmi elles. G. Cuvier admit la première comme espèce distincte, et la seconde avec doute, ainsi qu'une troisième espèce décrite par Goldfuss sous la dénomination iV.Ursus pris- cus. Depuis ce temps, plusieurs paléontologistes, tels que MM. Oken, Groizet et Jobert, Bravard, De- |-'i^. 1. — Ours (les Asiuries (iii;ile-)Ouiie). ^ ''-"u/iLHr; |''l" "2. — ll/'IJiKllIC ri \n'> CARNASSIERS. 209 vèze et Bouillet, Marcel do Serre, Nesti, Falconner cl Caulley, établirent de nouvelles espèces, en sorte qu'en les inscrivant toutes on en compterait douze, dont onze propres à l'Europe. De BlaiiiviUe n'en adopte que deux seulement, l'Ours des cavernes et l'Ours d'Auvergne; encore regarde-t-il la première comme constituant, avec les Ours brun et noir d'Europe, une seule et unique espèce, qui atteignait une taille presque gigantesque, comparativement avec les races actuelles. Pour nous, h l'exemple de la plupart des paléontologistes modernes, et principalement de M. Laurillard, nous en admettons cinq espèces que nous allons indiquer d'après le naturaliste que nous avons cité en der- nier lieu. 6. L'OURS DES CAVERNES ou A FRONT BOMBlî. URSUS SPELJEUS. Blumenbacli. Caractères spécifiques. — Front fortement élevé au-dessus de la racine du nez, et présentant deux bosses convexes. Chez cet Ours, le diamètre de l'orbite est comparativement plus petit que dans les autres; les dents offrent chacune quelques différences avec celles des espèces actuelles; M. Owen a principale- ment fait remarquer que la première molaire permanente d'en haut a son diamètre anléro-posté- rieur plus long, et que la même dent de la mâchoire inférieurn offre une pointe de plus. L'Ours des cavernes était de près d'un quart plus grand que notre Ours d'Europe; il était égale- ment plus trapu, car des os longs d'individus de même taille sont plus épais à proportion dans l'es- pèce fossile que dans l'espèce actuelle. De Blainville réunit celte espèce à notre Ours d'Europe, VUrsusarclos, et Smerling, au contraire, veut en distinguer ses Ursiis fornicaltis, major et rninor. On rencontre les ossements de ce Carnivore en grande abondance dans toutes les cavernes d'Alle- magne, de Belgique, de France, et plus rarement dans celles d'Angleterre. 7. L'OURS ARGTOIDE. URSUS ARCTOIDEUS. Blumenbach. Caractères spécifiques. — Crâne moins bombé que dans l'espèce précédente; bosses frontales moins saillantes; crêtes temporales se réunissant plus en arrière et par un angle plus aigu. De la même taille que VUrsus spehvus. De Blainville regarde les têtes sur lesquelles cette espèce est établie comme celles de femelles de l'Ours des cavernes; MM. Wagner, Pictet et Owen la considèrent comme une variété du même Ursits; enfin M. Laurillard fait remarquer que, comme il existe de rares humérus qui se distinguent par un trou au condyle interne pour le passage de l'artère cubitale, on doit peut-être les attribuera ces têtes de formes particulières et peu nombreuses, et qui, dès lors, constitueraient une espèce dis- tincte. Oken en fait son (Jrsiis planus. Du reste, les débris de cet Ours se rencontrent dans les mêmes lieux que ceux de l'espèce précé- dente. 8. L'OURS INTERMÉDIAIRE. URSUS PRISCUS. Goldfuss. Caractèufs spécifiques. — Tête tenant le milieu entre celle de l'Ours ordinaire et celle de l'Ours noir d'Amérique; profil supérieur de cette tête moins arqué que dans aucune espèce vivante. L'es- pace compris entre h première molaire permanente et la canine plus étendu, de sorte que les petites fausses molaires sont plus écartées. De la taille de l'Ours d'Europe. Il a été trouvé pour la première fois dans la caverne de Gaylenreuth, et depuis a été repris dans plusieurs localités différentes, surtout eu Allemagne. '20 27 2\0 flISTOinE NATURELLE. De Blainville regarde cette tête comme un degré plus rapproché de l'Ours d'Europe que de l'Ours à front bombé; M. Wagner pense que son caractère spécifique ne peut être donné avec certitude; mais MM. i'ictct et Owen l'admettent comme espèce perdue. Enfin M. Laurillard fait observer que, soit qu'on le considère comme la souche de nos Ours d'Europe, soit qu'on le regarde comme espèce distincte, il n'en est pas moins vrai que les différences qui caractérisent les Ours des cavernes et arctoïde de celui-ci ne tiennent pas aux circonstances extérieures, puisque ces circonstances étaient les mêmes pour toutes les espèces contemporaines. 0 I/OL'DS D'AUVEUGNE. UliSUS ARVERNEASIS. Croizcl cl Jobert. CAnACTKRES SPÉCIFIQUES. — Musoau plus large que celui de l'Ours ordinaire; molaires plus petites; fausses molaires très-séparées l'une de l'autre et persistantes; le talon interne de la carnassière d'en haut aussi rudimentaire que dans l'Oms blanc et dans l'Ours malais; les six incisives occupant un espace moindre, comme dans l'Ours noir d'Amérique, quoique les externes soient fortes. Taille or- dinaire, un peu moins forte que celle de l'Ours d'Europe. Un autre caractère dé cette espèce consiste dans son humérus, qui est percé au condyle interne, comme cela a lieu dans l'Ours orné. Les débris de cette espèce, dont une mâchoire supérieure est représentée dans VEssai sur la vioiitaçpic (le Bov.lade, 1827, de BIM. Devèze et Bouillet, sous la dénomination d'Ursus inhiimus, et dans les Recherches sur les osseiiicnls fossiles du Pu[]-dc-î)ômc, 1828, de MM. Croizet et Jobert, et une autre dans VOsU'ofjraphiede De Blainville, se rencontrent dans les alluvions anciennes sous- volcaniques de l'Auvergne. De Blainville pense que cette espèce, la seule qu'il regarde comme éteinte, pourrait bien être la môme que TOuns de Toscane {Ursus Etruscus), G. Cuvier, établi sur des fragments de mâchoires su- périeures. Mais, comme le fait observer M. Laurillard, on voit que le talon interne de la carnassièro est plus marqué dans lOurs d'Amérique que dans celui de Toscane, ce qui fait penser qu'il y a là deux espèces particulières. G. Cuvier avait changé ce nom iV Ursus Elruscus en celui d'LVsî/s cullrî- (lens, Nesti, d'après le témoignage de M. l'ortland, qui lui avait annoncé que cet Ours portait de longues canines aplaties, comme le Smilodon ou Fclis culiridens, d'Auvergne; mais, comme aucun naturaliste italien n'a rien publié depuis ce temps à cet égard, on est encore obligé d'attendre avant de se former une opinion définitive sur cette espèce. M. Croizet indique aussi ces mêmes fossiles sous le nom générique de Culiridens, et il y distingue trois prétendues espèces, les C. Elrunrio- rium, Issiodorensis et Arverncnsis. Quant aux espèces nommées Ursus Piilorii et mcloposcairuus par M. Marcel de Serre, Ursus Leo- dicnsis tX(ji(janleus, par Smcrling, et Ursus Neschersotsis, par M. Croizet, c'est avec raison que De Blainville a dit qu'elles ne reposaient pas sur des caractères assez bien déterminés et qu'elles de- vaient se rapporter, soit à VUrsus spelœus, soit à VUrsus nrcloideus. M. Lund a figuré, mais non décrit, une espèce particulière, son Ursus Brasilicnsis, dont quel- ques ossements avaient été découverts sur le bord d'un fleuve de l'Amérique méridionale. .Mais un fait curieux, et qui semble tout à fait confirmé par les observations de M. Ilarlan, qui a pu l'obser- ver sur les lieux, c'est que les nombreux ossements d'Ours que Ton rencontre dans les cavernes de l'Amérique ne constituent pas des espèces particulières, mais qu'ils se rapportent à celle qui se trouve encore aujourd'hui dans cette contrée. Enfin, une espèce fossile plus importante,. et sur laquelle nous regrettons de ne pouvoir donner quelques détails, est l'Oons des Sivamcs {Ursus Sivalcusis), dont MM. Cunilcy et Ilugh Falconner ont trouvé, dans le versant méridional dos monts llimalayas, une tête osseuse, qu'ils ont figurée dans leur bel ouvrage, mais non décrite. De Blainville pense que cette espèce doit avoir de l'analogie avec l'espèce d'Ours actuellement vivante dans l'Inde, VUrsus Icdnntus, et il lui a appliqué les noms génériques d'/lj»/)//irt/r/os (aacpt, des deux côtés; apx.rc.-. Ours) et de Sivalarclos (6'/'m/ir, Sivalic; apitro;, Ours) dans son Oslcocfraphic, 184i : 9^ fuscirule. CARNASSIERS. SU 4" SOUS-GENRE. — IlELAUCTOS. UELARCTOS. llorsficlcl, 1854. Zoological Journal, t. II. Elr,, chaleur du soleil; apxT&ç, Ours. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Oncjlcs longs et conip rimes. Museau assez court. Lèvres non pendantes. Pelage noir. Une tache jaunâtre, large, en cœur on en croissant, sur la poitrine. Ce sons-genre ne renferme qu'une seule espèce, dont llorsfield a fait le type de son genre IIcL- arclos, tandis que M. Gray la comprend dans le genre Procliilus d'illiger. 40. OURS EURYSPILE ou OURS MALAIS. URSUS MALAYANUS. Raffles. Caractù:res spécifiques. — Pelage noir, assez ras et luisant; au-dessus des yeux, il y a une tache d'un fauve pâle, très-marquée dans les jeunes individus, et qui disparaît avec l'âge; le museau est également d'un fauve roussâtre, et la poitrine est couverte d'une tache de cette même couleur, qui pré- sente la figure imparfaite d'un large cœur. C'est la plus petite espèce d'Ours; elle a un sixième de grandeur de moins que l'Ours aux grandes lèvres. La tête de cet animal est ronde; son front large, et son museau plus court proportionnellement que celui des autres Ours. Le cartilage des narines est semblable à celui de TOurs d'Europe. L'Ours euryspile, qui a reçu successivement les noms d'Ursus Malaijanus, Raffles, et de Proclii- lus Malaijanus, Gray, et dont llorsfield a voulu à tort faire deux espèces particulières sous les dé- nominations à'iîelarclos Malaijanus et eurijspilus, est nommé, par les Malais, Ours bateleur, parce que, chez ces peuples, on l'apprivoise souvent, et qu'on lui apprend facilement à danser et à faire divers tours. De même que l'Ours à grandes lèvres, il présente quelque chose de grotesque dans les gestes et la tournure. Il est, au reste, peu farouche, et ne manque pas d'une certaine intelligence. On le trouve à Bornéo, à Java, à Sumatra, probablement dans d'autres îles de la Sonde, et, selon Duvaucel, dans le Pégu. On a pu le transporter vivant en Europe, et notre Ménagerie du Muséum de Paris en a possédé, pendant assez longtemps, un individu. Par la forme arrondie de sa tête et la largeur de son front, il se distingue aisément des autres espèces du même genre, une seule exceptée, c'est-à-dire de l'Ours à grandes lèvres, qui habite à peu près les mêmes contrées que lui, et c'est probablement pour cela qu'on a dit qu'il n'en était sans doute qu'une variété plus petite et bien tranchée. Pour nous, nous les regardons comme tout à fait distinctes, et nous n'aurions, pour le prouver, qu'à rapporter les caractères particuliers des deux sous-genres Helarctos et Procliilus. 212 HISTOIRE NATURELLE. û« SOUS-GENRE. — PROCIIILE. PROCIIILVS. Illiger, 18H. l'rofironui sysleiiialica Maiiimaliuni et Aviuni, ITpcyeiAo;, lùvre à partie saillante. CARACTÈRES DISTJNCTIFS. Onçflcs lonçjH, comprime.';. Museau allongé. Lèvres loncjues, pendantes, ires-mobiles. Pelage noir brunâtre. Une tache blanche en forme de V sur la poitrine. Ce sous-genre, créé comme genre par Illiger, non-seulement pour la seule espèce qui y entre aujourd'luii, mais encore pour celle que nous avons comprise dans le sous-genre Ilclarclos, corres- pond au genre Mclursus (mêles, Blaireau; vrsus. Ours), créé par M. Bleyer (Zool. Am. 179i), et adopté, avec juste raison, par M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire, et au genre Chondrorhijnchus (y.ovrîpo,-, cartilage; çu^y.o;, nez) de G. Fischer [Zoographie, t. II, i8I4). On n'y range qu'une seule espèce. \\. [/OURS AUX GRANDES LÈVRES ou OURS JONGLEUR. VRSVS LABIATUS. De Blainville. Caractères spécifiques. — Pelage d'un noir foncé, présentant quelquefois quelques taches éparses, un peu brunâtres; la poitrine marquée d'une tache blanche en forme de V; de taille moyenne, car sa longueur totale ne dépasse pas l'",55, c'est-à-dire qu'il est d'un huitième moins grand que l'Ours d'Europe. Chez cet animal, les lèvres sont très-grandes, lâches, très-extensibles, et la langue est d'une lon- gueur extraordinaire : ces deux caractères sont. particulièrement d'une très-grande valeur, et, en outre, on doit remarquer que le bout de la lèvre inférieure dépassant la supérieure donne à ce Car- nivore une ligure stupidement animée, pour nous servir de l'expression même de Fr. Cuvicr. La tête est assez petite. Les oreilles sont grandes, comparativement à celles des autres espèces du même genre. Le museau est épais, allongé. Le cartilage du nez consiste dans une large plaque plane et mobile. Dans le jeune âge, les poils n'étant pas très-longs, cet Ours parait assez élevé sur ses jambes et très-libre dans ses mouvements; mais, en devenant vieux, les poils qui entourent la tête, prenant beaucoup de longueur, donnent à celte partie du corps des proportions presque monstrueuses, et ceux du reste du corps, tombant presque jusqu'à terre, cachent ses jambes et le font paraître beau- coup plus lourd, au contraire, qu'il n'est en effet. L'Ours à grandes lèvres a donné lieu à une singulière méprise de la ])art des naturalistes; nous allons la faire connaître d'après les propres paroles de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire [Diction- naire classifjue, t. XII, 1827). « Un individu de cette espèce, privé de toutes ses incisives, soit par suite de l'âge, soit par quelque autre circonstance individuelle, fut amené en Europe, vers 1790, par des montreurs d'animaux; il fut examiné à cette époque par plusieurs naturalistes, et décrit par eux avec soin. L'espèce pouvait être dès lors bien connue; mais ces naturalistes ne comprirent pas que l'absence des incisives pouvait être accidentelle, et, grands admirateurs delà méthode lin- néenne, ils se trompèrent, pour avoir suivi à la lettre un immortel ouvrage sans en avoir pénétré l'esprit. Le nouvel animal manquant d'incisives appartcua'l nécessairement, suivant eux, à l'ordre des Brûla, que caractérise la phrase suivante : Dénies prïmores nulli ulrinque; ainsi, quoiqu'il eût CARNASSIERS. 215 le port, la physionomie, les doigts, et tous les caractères extérieurs des Ours, il fut placé dans le genre Bradiipus. On se fondait, pour ce dernier rapprochement, sur Texistence, chez le nouvel Ours, d'ongles très-allongés et de poils assez semblables à ceux des Paresseux, et sur cette autre considération purement négative qu'il s'éloigne des autres genres de l'ordre des Bruta beaucoup plus encore que de celui des Bradypes. On se rappelle en effet que cet ordre, qui correspond à peu près à celui que l'on désigne aujourd'hui sous le nom d'Édentés, comprenait les genres Bmdijpu.s, Mijrmccophacja, Manïs, Dasijpus, BInnoceros, Eleplias et Tricliccus. C'est ainsi que VUrsus la- hiatus fut décrit par divers auteurs sous le nom de Brailijpus nrs'iuns, Shaw; de Paresseux nrsi- formc, Pennant; de Paresseux Ours et de Paresseux à cinq do'igis. Plus tard, quelques auteurs, sans comprendre encore ce qu'était le Bradijpus ursinus, comprirent du moins qu'il n'était pas un véritable Paresseux, et ils créèrent pour lui un genre nouveau, qui fut nommé Procli'ilus i)ar Illiger, et 3Iclnrsus par Meyer. On doit à Ruchanan et à Sonnini d'avoir annoncé les premiers, à De Rlain- ville (Soc. pliilomaili'ique, i817) et à Tiedeman, d'avoir démontré que le prétendu Paresseux n'est qu'un Ours, à la vérité remarquable par la présence de quelques caractères particuliers. » A cet his- torique des plus intéressants, nous ajouterons seulement que, pour Tiedeman, cet animal est son Ursus loncjirosiris, et que pour Fr. Cuvier, qui a pu plus tard l'étudier, mais sur un très-vieil indi- vidu, c'est son Ours jongleur. Celte espèce est, suivant Duvaucel, assez commune au Rengale, particulièrement dans les montagnes du Silliet, et elle se rencontre le plus habituellement dans les environs des lieux habités. Elle passe pour être exclusivement frugivore. Douce et intelligente, elle se laisse facilement dresser par les jon- gleurs de l'Inde, et, comme la précédente, on lui apprend à faire différents exercices et à les répé- ter devant le public. PEÏITS-OURS. SUBURSI. De Biainvillc. Corps assez trapu, moins cependant que celui des Ours. Marche plantigrade. Quelle quelquefois courte, quelquefois longue. Pas de clavicule. Humérus percé d'un trou au condgle interne. Sijslème denlaire différant de celui des Ours, et parlicuUer pour presque chaque espèce. Les Petits-Ours, pour nous servir de l'heureuse expression de De Blainville, sont en général des animaux de taille médiocre que Linné comprenait, pour la plupart du moins, dans son genre Ursus, parce qu'en effet ils ont également le poil hérissé, qu'ils sont le plus souvent plantigrades, pourvus de cinq doigts aux deux paires de membres, que les carpes comme les tarses sont entièrement nus, larges, et appliqués complètement sur le sol. Aussi tous ces animaux ont-ils une démarche et une allure qui ne peuvent être comparées à celles des autres Carnivores, et surtout des Digitigrades, comme les Chiens principalement. Ce sont des animaux qui, comme les Ours, se nourrissent plus volontiers de substances végétales qu'animales, demi-nocturnes, dormeurs, quelquefois au point de s'engourdir complètement dans l'hiver, s'engraissantavec la plus grande facilité. Tous sont également dépourvus de clavicules, n'ayant pas même d'os claviculaires; ils n'ont pas non plus de cœcum, le côlon se conti- nuant sans interruption avec le rectum. Mais ils en diffèrent, parce que toutes les espèces de Petits- Ours ont l'humérus percé au condyle interne, particularité qui n'existe peut-être que dans deux espèces d'Ours, et surtout par leur système dentaire, qui, différant constamment de celui de ces derniers animaux, présente une composition particulière presque pour chaque espèce. C'est même ce qui a 214 HISTOIRE NATURELLE. déterminé les zoologistes qui ont pris ce système comme base de l'établissement des genres à en former un assez grand nombre, qu'ils ont confirmés plus ou moins heureusement par quelques lé- gères particularités, et entre autres par la considération de la queue, qui, presque nulle dans les premières espèces, s'allonge beaucoup dans certaines autres. Les Petits-Ours se trouvent répandus dans toutes les parties du monde; un seul genre, celui des Blaireaux, se rencontre en Europe, sur les bords de la Méditerranée. On en connaît des espèces vi- vantes en assez petit nombre, et quelques-unes à l'état fossile. Parmi ces dernières, quelques-unes correspondent à des espèces encore existantes aujourd'hui; et d'autres constituent des groupes tout à fait distincts. Cette division répond en partie à la famille des Viverridés de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et à ses tribus des Ursiens et des Mustéliens. Pour De Blainville, on ne doit y admettre que : 1" en groupes d'animaux actuellement vivants, les genres Panda {Ailurus), Raton (Procijon), Coaii {Na- sna), Kinkajou [Cercolcptes], krclhes [ArctUes on Iciites), Ârctonyx {Arctoivjx) et Blaireau [Mêles); et 2° les groupes d'animaux fossiles qui portent les noms de Picrodon et Taxolherïnm. Pour nous, nous admettrons un plus grand nombre de coupes génériques, tout en faisant, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, une tribu pour le Kinkajou {Cercolcptes) et en rangeant dans cette division des genres que De Blainville n'y mettait pas; nous y placerons particulièrement les genres Raton (Procijon), Panda (Ailurus), Coati {Nasiia), Ictide ou ârctitides [Iclïdes), Acjno- ihcrium, Blaireau (Mêles) et les subdivisions qu'on y a formées, Taxotuerium, Pai,.€ocvon, Am- PHicYON, Ptérodo.\, Glouton (Giilo), Galictis {Galidis), Mélogale ou Helictis [Melogale) et Ratel [MelUvora). 1^"^ GENRE. ~ RATON. PROCYON. Storr, 1780. rrodroma ractliodica Mammalium. IIpoîcuwv, nom appliqué au Raton chez les anciens. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsd'me dentaire: incisives, ■£■; canines, '^; molaires, |^'; en totalité quarante dents incisives inférieures bien rangées; canines grandes, comprimées de chaque côté; les trois premières mo- laires simples, triangulaires, pointues, distantes entre elles, les trois dernières luberculcuscs ; la quatrième présentant trois pointes sur son bord externe; la cinquième presque en entier tubercu- leuse et la plus forte de toutes, et la sixième n'offrant absolument que des tubercules. Corps peu massif. Tête large. Museau pointu, assez effilé, quoique moins que celui des Coatis. Oreilles externes petites, ovales. Yeux assez ouverts, à pupilles rondes. Langue douce. Pattes moins fortes que celles des Ours. Pieds terminés par cinq doigts, armés d'ongles assez acérés, forts. Talons des pieds de derrière nappuijant pas tout h fait sur le sol dans la marche, ce qui fait que l'animal n'est pas complètement plantigrade. Queue médiocrement longue, pointue, non prenante. Mamelles toutes ventrales, au nombre de six. Le genre Raton a été créé, par Storr, aux dépens des Ours, avec lesquels il était anciennement confondu, et dont il se distingue par ses formes moins lourdes et par leur agilité beaucoup plus grande. Tiedeman [Zoolog., 1808) a proposé de donner le nom de Lotor à l'espèce véritablement CARNASSIERS. 215 typique do ce groupe, mais ce fractionnement inutile n'a pas été adopté par les auteurs; M. Gray, 1825, l'adopte et fait une division particulière de ce genre sous la dénomination de Procifonhia. Ainsi que nous l'avons déjà dit, le genre Raton offre d'assez grands rapports avec celui des Ours, et en même temps il a beaucoup d'analogie avec les Coatis, de sorte qu'il peut servir à établir d'une manière parfaite le passage entre ces deux groupes génériques. D'après M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire, les caractères du système dentaire peuvent être résu- més de la manière suivante : six incisives à chaque mâchoire; les inférieures toutes très-petites, tan- dis qu'à la mâchoire supérieure celles de la paire latérale sont assez grandes et en forme de canines; ces dernières dents assez fortes, comprimées; molaires tuberculeuses, au nombre de six do chaque côté et à chaque mâchoire; savoir : à la supérieure trois fausses molaires qui grandissent successi- vement depuis la première jusqu'à la troisième; une carnassière assez semblable à celles des Chats, mais beaucoup plus épaisse, et deux mâchelières assez semblables à celles qui leur correspondent à la mâchoire supérieure. l'i"'. 71. — Raton laveur. Pour De Blainville, le système dentaire des Ratons n'offre l'ien de bien différent de celui des Coatis, sur lequel nous rapporterons ce qu'en dit ce célèbre naturaliste. Le nombre des dents et la disposition sont absolument les mêmes dans ces deux genres, quoique les barres postcaniennes soient moins étendues et même presque nulles. Les incisives sont également petites, mais plus en ligne droite : les supérieures toutes contiguës, et les inférieures presque verticales. Les ca- nines sont moins déjetées en dehors et moins tranchantes, surtout dans le Raton crabior. Les trois avant-molaires sont aussi plus coniques dans leur pointe, moins cependant chez le Raton ordi- naire que dans ce dernier; la principale supérieure est surtout plus grosse et moins triquètre : aussi son bord externe a-t-il trois denlicules, un médian plus grand au milieu de deux égaux, et son talon large et arrondi offre deux tubercules plus marqués. Quant aux deux arrière-molaires, c'est assez bien la même forme et la même proportion, du moins dans le Raton commun, car, dans le Raton cra- bier, la dernière molaire, aussi bien en haut qu'en bas, est, proportionnellement avec l'avant-der- nière, beaucoup plus petite, ce qui caractérise parfaitement ces deux espèces. Le squelette de ces animaux, sur lequel Daubenton avait dit quelques mots, a surtout été étudié par De Blainville; il en donne une description comparative avec celle du Blaireau, qu'il prend pour type de sa division des Siihnrsns. Dans le Raton crabier, le squelette s'allonge par l'augmentation de la partie caudale, et les membres deviennent plus grêles et même plus élevés que dans les Ours. Le nombre des vertèbres est en totalité de quarante-huit à cinquante, dont quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze ou quinze dorsales, cinq ou six lombaires, trois sacrées et dix-huit coccygiennes. La tête, quoique un peu plus allongée que celle du Blaireau, lui ressemble cependant beaucoup dans sa forme générale, même dans un assez grand nombre de particularités; seulement, dans la partie crâ- nienne, il y a un peu plus de largeur et d'étendue, et la crête occipitale est moins prononcée; dans la partie faciale, il y a proportionnellement plus de largeur; l'orbite est notablement plus grande et ses apophyses sont pltis marquées, et l'arcade zygomatique est plus fadjle La mâchoire inférieure 210 fllSTOIRE NATURELLE. est encore robuste, mais moins allongée que celle du Blaireau. Les vertèbres cervi(;ales ne présen- tent que peu de différences. Les dorsales ont leur apophyse épineuse un peu plus élevée, plus étroite et plus inclinée en arrière. Les vertèbres coccygiennes sont moins nombreuses; les deux ou trois premières ont seules des os en V et ont des apophyses Iransverses plus longues; les dernières s'al- longent et s'eiïilent assez graduellement, sans cependant être de longueur très-inégale. Lhyoïde a son corps assez court, droit. Les pièces du sternum sont au nombre de neuf: le mannbrium dépasse un peu en avant l'articulation de la première corne. Les côtes sont au nombre de quatorze paires, dont neuf vraies, qui sont grêles, étroites, sauf la première, notablement large. Les membres sont évidemment plus longs que ceux du Blaireau, et surtout plus grêles. Ij'omoplate est encore assez élargie en avant, et l'appendice de l'angle assez marqué. L'humérus, égalant en longueur les dix pre- mières vertèbres dorsales, est sensiblement moins robuste que dans le Blaireau, surtout remarquable par plus de longueur proportionnelle; l'empreinte deltoïdienne dépasse à peine la moitié de la lon- gueur totale de l'os; le condyle est toujours percé d'un trou oblique. Le radius égale en longueur Thumcrus; aussi est-il fort grêle, un peu arqué, un peu moins large à l'extrémité supérieure qu'à l'infé- rieure, et très-serré contre le cubitus, encore plus grêle que dans le Blaireau, également un peu arqué, terminé supérieurement par un olécrane court, assez rebroussé, et inférieurement par une apophyse styloïde longue et assez renflée. La main est devenue plus longue et plus étroite en totalité et dans toutes ses parties. Cette différence est sensible même dans le carpe; les métacarpiens sont aussi no- tablement i)lus longs et plus grêles. Les phalanges prennent leurs proportions ordinaires; les deuxièmes près de moitié plus courtes que les premières. Les membres postérieurs, surtout dans leur dernière partie, sont encore plus allongés proportionnellement que les antérieurs. L'os inno- miné est un peu moins long et même surtout un peu moins large que l'iléon chez le Blaireau. Le fémur est au contraire plus long et atteint les onze premières vertèbres dorsales. Les os de la jambe sont de la longueur de celui de la cuisse, et proportionnellement encore un peu plus grêles. Le tibia est, en outre, assez fortement comprimé dans ses parties supérieures, et médiocre- ment élargi à ses deux extrémités; le péroné plus large en bas qu'en haut, sans apophyse malléo- laire un peu saillante, et très-grêle et même un peu arqué dans son corps. Le pied n'est pas tout à fait aussi long que la jambe. Le tarse est évidemment plus étroit que dans le Blaireau; mais la forme et les proportions des os qui le composent sont à peu près les mêmes dans le Bâton et le Blaireau. Les métatarsiens et les phalanges sont un peu plus allongés. L'os du pénis existe et est même assez développé, comparativement avec celui du Blaireau; il est fortement recourbé en S renversée princi- palement à la partie antérieure, qui est fortement arquée en dessus; son corps est assez renflé en massue en arrière, un peu triquètre, arrondi jusqu'en avant, oix il se comprime et se termine par un petit renflement bifurqué par une gouttière. Le squelette du Raton ordinaire ne diffère guère de celui du crabier, que nous venons de dé- crire, que parce que les membres en général et les os qui les composent sont plus grêles et plus élevés, ce qui a sans doute, comme le fait remarquer De Blainville, porté Daubenton à établir la com- paraison avec ceux du Chat. Mais, du reste, ce sont les mêmes formes et les mêmes nombres dans toutes les parties; la tête est seulement un peu plus étroite dans la partie cérébrale et plus allongée dans la partie faciale, quoique la voûte palatine, au delà des dents, soit un peu plus longue. Généralement semblables aux Ours par leur organisation, les Bâtons leur ressemblent aussi à beaucoup d'égards par leurs mœurs. Toutefois ils passent pour être beaucoup plus agiles qu'eux, et l'on prétend qu'ils montent aux arbres avec une grande promptitude et beaucoup do facilité. Mais, comme le remarque M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, ce dernier fait ne doit nullement nous sur- prendre, puisque les Bâtons sont d'une taille de beaucoup inférieure à celle des Ours, et qu'ils sont ainsi notablement plus légers. « Du reste, ajoute le savant professeur que nous venons de nommer, nous n'avons jamais observé dans les allures des Bâtons qui ont vécu à la Ménagerie du Muséum rien qui indiquât en eux l'agilité qu'on leur attribue. Toujours leur marche nous a paru assez lourde et leurs allures pesantes, plus même que celles des Ours. » Le régime diététique des Ratons est le même que celui des Ours; ils vivent également de substances végétales et de substances ani- males, et ils ont même plus de facilité pour atteindre une proie vivante. Leur intelligence est aussi développée que celle des Ursus; cependant ils sont moins courageux que ceux-ci et présentent sou- vent de la timidité et de la crainte. M. Isidore Geoffroy dit « qu'à l'aspect d'un homme, un Raton CARNASSIERS. 217 s'enfuit aussilôt et se relire dans le coin le plus obscur de sa loge; souvent même il s'élance contre ses barreaux et lémoii^ne la plus vive frayeur : l'Ours, qui, de mt'mc que le Ratoti, ne posswle que des armes peu puissantes, ne redoute rien, parce que sa grande taille et sa force en compensent la faiblesse; d'autres Carnivores, tels que les Chats et les Lynx, aussi petits que le lîaton, fident à l'ap- proche de riiouinie, mais en menaçant, i)arce qu'ils ont conliauce dans l'excellence de leurs armes; mais le Raton, à la fois mal armé comme le premier et faible comme le second, ne trouve en lui- même aucune ressource; il ne songe qu'à la fuite et non à la défense. » La fourrure de ces animaux est douce et épaisse à la fois, et à peu près de même nature que celle des Renards. Elle est assez recherchée dans le commerce de la pelleterie; ce qui fait que l'on chasse souvent ces animaux. Les Ratons actuellement vivants sont tous exclusivement propres ù l'Amérique, et se rencontrent aussi bien dans les contrées méridionales de cette partie du monde que dans les régions septentrio- nales. On en connaît bien, et depuis longtemps, deux espèces, qui sont très-facilement caractérisées; dans ces derniers temps, M. Wagler en a décrit une troisième, et M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire a dit qu'on devrait peut-être en distinguer deux autres. Jusqu'ici, il ne paraît pas qu'on ait encore trouvé d'ossements fossiles qui aient appartenu à une espèce de Ratons, soit dans les immenses alluvions de la Plata et de sesaflluents, soit dans les nombreuses cavernes du Brésil, explorées assez récemment par MM. Claussen et Lund; cependant il est très-probable que par la suite on en découvrira. Quant aux débris fossiles provenant des plà- irières des environs de Paris, décrits par G. Cuvier dans ses Osscniotis fossiles, comme se rappor- tant à un groupe paléoutologique voisin des Ratons et des Coatis, ossements dont De Rlainville fait son genre Taxolher'ium, nous aurons bientôj l'occasion d'en parler. Les deux espèces de Ratons, qui sont seules parfaitement connues, sont : 1. RATON LAVEUU. PROCYON LOTOIl [UltSUS). I/miié. Caractères spécifiques. — Teinte générale du corps d'un gris noirAlre, plus pâle sous le ventre et sur les jambes; museau et oreilles blanchâtres; chaque œil entouré d'une tache noire qui descend obliquement jusque sur la mâchoire inférieure; poils des joues et des sourcils blancs, longs et diri- gés en bas; chanfrein noir; lèvre supérieure portant des moustaches longues, fortes; jambes présen- tant des poils presque ras; queue très-touffue, d'un blanc jaunâtre, offrant cinq anneaux noirs et quelquefois un nombre plus considérable. Longueur du corps, pnvirqn Q",65; de la queue, 0"',26. V'iL'. 72. — IV-iton Invour Buffon a parlé de cet animal qu'il désigne sous son nom vulgaire de Raton; Storr, le premier, le séparant du genre liunéen des Ursus . lui a appliqué la dénomination latine de Prucijun lulor, qui est généralement adoi)tée aujourd'hui 21 28 218 UISTOinE NATURELLE. Cinq variétés sont indiquées par les auteurs, et souvent même signalées coniiue des espèces parti- culières, ce sont : 1° le liatoii laveur fauve, Etienne Geoffroy Saint-IJilaire, qui a du blanc où l'es- pèce type a du gris, et du roux assez vif à la place du noir; 2" le lialun laveur h (jorgc hruue, que Palisot de Beauvais regardait comme une espèce distincte, chez lequel la gorge offre une lâche brune, et qui en outre est petit et a une queue très-longue; 5» le Ralon laveur blanc {Mêles albus, Brisson), dont le dessus du corps présente des poils très-épais, et qui est d'une couleur blanc jau- nâtre en dessous; 4° le liaton afjonarapopé, que D'Âzara indique comme venant uniquement du Pa- raguay, et qui diffère du Procifon lotor par l'absence de tache noire sur l'œil, par les oreilles plus pointues, et parce que le dernier tiers de la queue est noir; et 5° le Bâton hrun du paifs des llu- rons, que M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire indique avec doute comme pouvant former une espèce particulière. Quant aux individus à pelage blanc ou roussàtre clair, que l'on trouve quelquefois aux Etals-Unis, il est très-probable que l'on doit les rapporter aussi au type que nous venons de décrire. Le Ralon laveur, qui ressemble un peu à un Renard, mais dont le tronc est plus épais, plus rac- courci et plus ramassé, semble se rencontrer dans les deux parlies de l'Amérique; mais cependant il est plus commun dans les régions septentrionales que dans les provinces méridionales. Ces Carnivores se nourrissent de racines, et parfois ils montent, dit-on, aux arbres pour s'empa- rer des œufs dans les nids et même des jeunes Oiseaux. On les apprivoise aisément et l'on en a com- munément dans nos ménageries; on les nourrit avec du pain, de la chair crue ou cuite, et, en géné- ral, avec tous les aliments végétaux ou animaux que l'on a sous la main. Us ont la singulière habi- tude de plonger constamment leurs aliments dans l'eau et de les rouler ensuite quelque temps dans leurs mains avant de les avaler; c'est même à celte particularité qu'ils doivent leur surnom de la- veur, et que Linné les a désignés sous le nom d'Ursus lolor. Leur fourrure était employée autrefois dans nos fabriques de chapeaux; leur graisse sert aux mêmes usages que celle des Ours. 2 RATON CRABIER. PROCYON CANCRIVORUS [URSUS]. Linné. CahactI^ues spécifiques. — Teinte du pelage d'un gris fauve mêlé de noir et de gris; le noir domi- nant sur la tête, le cou et le dos; les côtés du cou et du corps sont d'une couleur fauve sans mé- lange; le bout du nez et les narines sont noirs; une bande brun noirâtre entoure les yeux et s'étend jusqu'aux oreilles; le dedans de celles-ci offre des poils blancs; une tache blanche se trouve au mi- lieu du front; les parties inférieures sont d'un blanc jaunâtre; les pattes d'une couleur brun noirâtre, et la queue, fauve mêlé de gris, présente huit ou neuf anneaux noirs. 11 est un peu plus grand que le précédent. Cette espèce a été décrite par Buffon sous le nom de Ralon crabïer. M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire fait observer qu'on devrait peut-être faire deux espèces distinctes du Ralon crabicr du Brésil et de celui de la Guijane, qui jusqu'ici ont été spécifiquement réunis. Quoi qu'il en soit, le Raton crabier, dont le corps est plus allongé et la queue proporlionnellement plus courte que celle du Raton laveur, semble répandu dans toute l'Amérique méridionale, au Paraguay, au Brésil et à la Guyane, où il est principalement assez commun. Il a le même genre de vie que le Raton laveur, et, comme lui, aime à habiter des lieux peu éloi- gnés des fleuves, des lacs ou des bords de la mer. 11 se nourrit souvent avec des Crustacés, qu'il re- cherche sur les rivages, et c'est à cette particularité qu'il doit le nom de Balon crabïer. Enfin, une iroisième espèce de ce genre, que nous nous bornerons à nommer seulement, est le MaxllaUm d llernandez, que M. Wagler indi({ue sous la dénomination de Procijon Ilernandczii, et qui est propre au Mexique. v^. (.•j._r '2. >;(11éIV()II à lliniH-llfllPS l'I '■11. CARNASSIERS 219 2'^'' GENRE. — PANDA. AILURUS. Fr. Cuvier, 18-25. Maniiiiifércs de la incnagoric du MusiHim, .no* livr. AiXojpc?, Chat. CARACTÈRES GÉNMUQUES. Siisthnc dentaire : incisives, |; canines, f^j; molaires, ijl!;, en lolalilé trente-six dents; les inci- sives sont à pen près toutes d'égale dimension; les canines sont fortes; les molaires auymentcnt de rjrossenr à mesure qu'elles deviennent plus postérieures. Tête arrondie, grosse . Face obtuse. Joues élargies. Front aplati et large. Museau conique, large et court. Nez obtus. Narines terminales. Oreilles courtes, distantes, un peu aiguës. Ires-poilues. Yeux placés en avant, proche des narines. Moustaches composées de poils peu fournis Corps épais. Pieds pentadactijles; paume et plante revêtues d'une bourre très-dense et très-moelleuse. Ongles très-aigus, comprimés, arqués. Queue forte, épaisse, touffue. Langue papilleuse. Fis. 73. — Panda éclatant. Ce genre a été créé par Fr. Cuvier et était placé par lui intermédiairement entre les deux familles des Civettes et des Ours. M. Hardwicke, qui en a donné une monographie dans les Mémoires de la Société imnéennc de Londres pour l'année 1826, a montre que les Pandas devaient être rapprochés des Ratons et des Coatis par la disposition à peu près semblable de leur système dentaire. En effet, ils ne diffèrent guère des Ratons que parce que leur tête est plus allongée, le museau beaucoup plus long et terminé par un nez mobile et par quelques particularités tirées du nombre et de la forme des 250 HISTOIRE NATURELLE. molaires. En outre, comme la majorité des Onrs et Petits-Ours, leur marche est franchement planti- grade, et cependant leurs ongles sont conformés presque comme ceux des Civettes, c'est-à-dire qu'ils sont rétrac^tiles. D'après cela, on voit que ce genre, qui n'est pas encore suffisamment connu, présente des caractères communs à plusieurs groupes, et que sa place n'est pas jusqu'ici détermi- née d'une manière bien positive dans la série des animaux. On ne connaît qu'une espèce de Panda, qui est propre aux monts Himalayas. PANDA ÉCLATANT. AILURUS REFUI.GENS. Fr Cuvier GAHACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Formcs généralement ramassées et massives; cou court; longueur to- tale d'environ !■" : la queue comptait près d'un tiers de cette longueur. Pelage composé de poils longs, frès-doux et lanugineux ù la base; queue épaisse à la naissance, cylindrique et atténuée vers la pointe, et revêtue de poils très-longs et peu serrés. La fourrure de cet animal présente des cou- leurs tranchées et remarquables; le front offre des poils fauves; le dessus du dos, du cou et de la tête, ainsi que la base des membres, sont d'un beau fauve brun qui prend parfois une teinte dorée; une bande brune court derrière les yeux et va s'unir à celle du côté opposé sur le cou; la face, le museau et les oreilles sont d'un blanc pur; l'abdomen et les extrémités sont au contraire, noirs; la queue est annelée de cercles alternativement jaunes ou brun fauve, et présente du noir à son extrémité; le feutre recouvrant la paume des mains et la plante des pieds est de couleur grise ou brunâtre. Le Panda fréquente le bord des rivières et des torrents qui descendent des montagnes. Il se plaît sur les arbres, où il peut facilement monter au moyen de ses ongles rélractiles. Il se nourrit presque exclusivement de petits Mammifères et d'Oiseaux; conséquemment, par son régime diété- tique, il est plus Carnivore que les autres Pelits-Ours; mais on ne l'a pas encore assez étudié en liberté pour savoir s'il ne mélangerait pas une nourriture végétale à une proie vivante. Son cri sert fréquemment à le faire découvrir, et ressemble au mot it'/m souvent répété; aussi porte-t-il le nom de Wlin et celui de Clniwa dans le pays qu'il habite, et c'est même de cette dénomination corrompue que l'on a fait en français le nom de Panda Cet animal semble représenter en Asie les Ratons qui sont propres à l'Amérique; on ne l'a jus- qu'ici trouvé que dans la chaîne des monts Himalayas située entre le Népaul et les montagnes nei- geuses. Duvaucel le premier a rapporté de ce pays plusieurs individus de cette espèce, qui ont servi à la description de Fr. Cuvier, et presque en même temps M. llardwicke en recevait également un individu à Londres et s'en servait pour publier une bonne monographie. ô'"' GENRE. - COATL NASUA. Storr, 1780, Prodromus metiiodicus Maninialium. Nantis, npz CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. SijsitDie (leniaîre : incisives, |; canines, ^; ; molaires, |Ef, en lotalitc quarante dents: les inci- sives inlérieiires sont bien rangées; les canines sont fortes, aiguës, eonipriniées, et présentent un tranchant h leurs faces antérieure et postérieure; les trois fausses molaires supérieures de chaque cote sont simplement coniques, et il y a trois vraies molaires, dont une carnassière antérieure cl deux tuberculeuses postérieures; sur les quatre fausses molaires inférieures, on remarque une car- nassihe et une tuberculeuse. Corps allongé, srelte. Acî très allongé, fort mobile, figurant une sorte de trompe. Museau tronqué obliquement, et dont le bord supérieur est saillant. CAP.NASSIEÏÎS Orcillat pclilcs. ovales. Pieds à cinq doicjls, demi palmés Onçjlcs (rès-forls. Marche plaui'ujvade. Queue ircs-lonfiiie, couver le de poils, non prenante. Lamjne lisse. Mamelles au nombre de six : lonies ventrales. n\ Fia. 74. — Coati. Ce genre a été créé par Storr sous la dénomination de Nasua, et, depuis, Lacépède {Tableau des Mammifères, 1805), en l'adoptant, lui a appliqué, aussi bien en français qu'en latin, la dénomina- tion de Coati. On n'en connaît que deux espèces actuellement vivantes, propres à l'Amérique méri- dionale, et encore la plupart des auteurs sont-ils d'avis que l'on doit les réunir en une seule. On a cru pouvoir en signaler plusieurs à l'état fossile, comme nous le dirons bientôt. Les Coatis, par leurs formes lïénérales, et diverses particularités de leur organisme, doivent être placés auprès des Ratons, avec lesquels ils ont de nombreux rapports. Leur corps assez allongé, à tête étroite et prolongée en un mufle nu qui a la mobilité d'un groin; leur queue non prenante, an- nelée, presque égale au tronc en longueur; leurs yeux petits et leur langue douce et extensible, sont autant de caractères au moyen desquels on peut facilement les reconnaître. L'odorat est leur sens le plus perfectionné. Leur voix est un petit sifflement ou grognement assez doux, lorsqu'ils mani- festent leur joie, et un cri très-aigu quand ils expriment la colère. Les femelles ont par portée cinq ou six petits. En outre, ces Carnivores sont grimpeurs, comme le montre la disposition de leurs membres, dont les extrémités leur servent à saisir les objets qu'ils veulent porter à leur bouche. Leur régime diététique est omnivore, et, en cela, ils rentrent dans la règle habituelle que nous présentent la plupart des IMantigrades. Ils boivent en lapant. Ils répandent une odeur assez désagréable. Leur pelage n'offre rien de bien remarquable; il se compose de poils assez durs, variés en proportions diverses de roux ou de brun. 222 HISTOIRE NATURELLE. Le syslùme dentaire des Coatis, de même que celui des Ratons. Pandas, Kinkajous et Ictides, les distinguent des SuOursus, voisins des Mustéliens, tels que les Gloutons, les Arctonyx, les Rlai- reaux, etc., pour les rapprocher jusqu'à un certain point des Yiverriens. M. P. Gervais se demande si c'est pour cette raison que Linné, dont les erreurs elles-mêmes ont si souvent un côté rationnel, plaçait les Coatis dans son genre Viverm sous les noms de Viverra nasua et narica, et il ajoute : « Nous n'oserions l'affirmer. Ce qui nous parait cependant démontré, c'est que, malgré certaines analogies apparentes avec les Vivcrras, les Coatis et genres voisins sont de véritables Plantigrades auxquels les naturalistes modernes ont assigné leur place réelle. Certains caractères de leur denti- tion elle-même, leur squelette manquant entièrement de clavicules, leur système digital, sont autant de points qui les éloignent des Yiverriens pour les rapprocher du même groupe que les Ratons, et ces derniers sont eux-mêmes assez rapprochés des Ours pour que du temps de Linné on ne les en séparât pas encore génériquement. » Les dents incisives sont faibles, peu serrées. Les canines ont une forme toute spéciale : les infé- rieures, très-fortes, rappellent celles des Sangliers et sont en pyramide recourbée; les supérieures, très-comprimées, ont le diamètre antéro-poslèrieur de leur collet considérable. Selon De Blainville, à qui appartient celte caractéristique dentaire, les six molaires de chacune des mâchoires se subdi- visent ainsi : trois avant-molaires, une principale et deux arrière-molaires. Les avant-molaires, peu considérables, ont chacune deux racines; la principale et les arrière-molaires sont tuberculeuses, la première de celles ci étant plus forte que la deuxième et à peu près carrée, mais bien éloignée du volume qu'elle acquiert chez les Petits-Ours plus voisins du genre des Martes. Fr. Cuvier, dans son ouvrage sur les dents des Mammifères, décrit en même temps les caractères odontologiques des Ra- tons et des Coatis, et ne signale pas de différences très-sensibles entfe ces deux genres. Daubenton est le premier qui ait fait connaître le squelette du Coati avec quelques détails, et il a indiqué de nombreuses mesures linéaires en le comparant avec celui du Raton. De Blainville, assez récemment, est celui de tous les anatomistcs qui en ait donné une description complète. La dégrada- tion ou la marche vers lesMustelas est peut-être encore plus évidente chez cet animal que dans le Ra- ton ordinaire, plus cependant peut-être dans le tronc que dans les membres, et cela à cause de la lon- gueur de la queue notablement plus grande. En effet, le nombre des vertèbres est de cinquante-six, dont quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze ou quinze dorsales, cinq ou six lombaires, trois sacrées e4, vingt-deux coccygiennes. La têle est encore plus étroite et plus allongée que celle des Ratons, surtout dans la partie faciale, qui est un peu comprimée. La voûte crânienne est moins élargie en arrière, moins étranglée derrière les orbites; les os du nez sont plus longs, relevés et un peu élargis à leur extrémité antérieure; les apophyses occipitales et mastoïdiennes sont moins pro- noncées; la caisse est plus huileuse et plus arrondie; la voûte palatine un peu plus prolongée et plus transverse à son bord postérieur. L'arcade zygomatique est assez faible et moins arquée. La mâchoire inférieure est aussi plus allongée, plus étroite. Les vertèbres cervicales, dorsales et lombaires ressem- blent assez, à quelques différences près, à leurs analogues chez les Blaireaux et les Ratons. Toutefois les vertèbres sacrées ont leur apophyse épineuse plus courte. Les coccygiennes en diffèrent davan- tage; les premières étant fortement apophysées et pourvues d'os en V, les autres s'allongeant, s'amincissant surtout assez rapidement, de manière à former une queue assez longue et fort aiguë. L'os hyoïde ne diffère guère de celui des Ratons. Le sternum est composé de pièces très-étroites, et son manubrium est très-peu prolongé en avant. Les membres, quoique tendant â prendre les propor- tions ordinaires de ceux des Carnivores inférieurs, n'y sont peut-être pas encore arrivés autant que dans le Raton ordinaire, que Ion a pu, sous ce point de vue, comparer avec ceux du Chat. L'omoplate est moins arrondie à son bord antérieur, et la crête est moins longue. L'humérus est un peu plus ro- buste, avec la saillie du condyle interne très-prononcée. Le radius et le cubitus sont proportionnel- lement plus courts et plus robustes; l'olécrane est très-large, très-aplati et recourbé en dedans à son extrémité. Les os des mains, sauf des différences de grandeur, sont dans les mêmes formes et proportions que chez les Ratons. On peut dire la même chose des membres postérieurs, si ce n'est qu'ils sont un peu moins longs et moins grêles que dans le Raton ordinaire. L'os innominé est tou- jours assez large dans sa partie iliaque et dans la symphyse pubienne. Le fémur est moins étranglé dans son milieu. Le tibia est plus large inféricurement, et le péroné est bif^n plus arqué en dehors, surtout dans sa partie supérieure. Le pied, évidemment un peu plus court et moins étroit, rappelle ^ CI :j ■n CAnNASSlK us. 22 zo davantage celui du Ralon crabier que celui du Raton ordinaire. I/os du pénis ressemble assez à ce- lui du Raton; il est seulement un peu plus grêle, plus comprimé et surtout beaucoup moins courbé à l'extrémité antérieure, terminée par une dilatation cordii'orme. On n'a encore trouvé dans le squelette des diverses sortes de Coatis aucune différence qui puisse autoriser leur distinction en plusieurs espèces; aussi quelques naturalistes n'en reconnaissent-ils, provisoirement du moins, qu'une seule; qu'elle vienne de Colombie, du Mexique, du Brésil, de la Guyane et du Paraguay, toutes les différences observées jusqu'ici, et qui ont rapport aux mœurs ou à la coloration, dépendent, suivant cette manière de voir, de l'âge, du sexe ou de la race. D'après M. P. fiervais, qui rapporte les observations de différents voyageurs, le Coati solitaire {Nasiia soli- taria) du prince Maximilien de Wied ne reposerait que sur des individus mâles qui, chassés de leurs troupes, continueraient à vivre éloignés des autres animaux de leur espèce. D'Azara était déjà en garde contre cette cause d'erreur. Voici comment il s'exprime à cet égard. « On dit qu'il y a des Coatis qui vont seuls, et on les appelle Hoeçiur (qui va seul) et Mondé; mais beaucoup de personnes croient qu'ils sont d'une espèce différente de celle qu'on appelle simplement Coati. Les différences qu'elles assignent ne consistent point dans les couleurs, puisqu'elles attribuent à l'une et à l'autre deux sortes de poils, ni dans les formes, ni en autre chose qu'en ce que le Coati mondé est solitaire ou dépareillé, et avecdes dimensions plus grandes, quoique proportionnelles à celles du Coati ordi- naire. Pour moi, je suis persuadé qu'il n'y a qu'une espèce de Coati, et que la différence qu'on in- dique dans la taille dépend de l'âge ou du sexe, comme aller seul vient de ce qu'il y a beaucoup de mâles qui, abandonnant la société, tâchent de rencontrer des femelles dans les endroits écartés. » M. Maximilien De Wied, qui n'admet pas cette manière de voir, rapporte à son Coati social {Nasua socialis) les Coati brun, roux et noir de Fr. Cuvier et d'A. G. Desmarest. Pour nous, après avoir pré- venu nos lecteurs de la dissidence des auteurs sur ce sujet, nous allons décrire l'espèce principale, puis nous donnerons des détails sur les mœurs, ainsi que sur les variétés de cette espèce, et nous terminerons l'histoire du genre Coati en disant quelques mots de divers fossiles qu'on y a rap- portés. COATI SOCIAL. NASUA SOCIALIS. Wied. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun plus ou moins vif, brunâtre ou fauve, ou même noi- râtre; en dessus du corps, on peut remarquer une teinte plus ou moins verdâtre, et le dessous de l'a- nimal est d'une coloration plus claire, surtout un peu plus jaune; le museau est d'un gris noirâtre, avec trois taches blanches autour de chaque œil. Longueur de la tète et du corps : O^.Si; de la queue : 0"\40. Si nous réunissons sous le nom de Coati social plusieurs des espèces des zoologistes, nous devons au moins regarder ces prétendues espèces comme constituant des variétés du type. Nous en citerons particulièrement trois : \° Le Co.vTi BRUN de Fr. Cuvier, ou Coati noirâtre de Buffon, que Linné nommait Viverrn nasua, et qu'A. G. Desmarest indique, dans sa Mawmalogie, sous la dénomination de Nasua fusca. Le pelage est brun ou fauve en dessus, d'un gris jaunâtre ou orangé en dessous; il y a trois taches blanches autour de chaque œil, et une ligne longitudinale de la même couleur le long du nez. Cet animal se nourrit de chair et de substances végétales; il égorge les petits animaux, les volailles, mange les œufs, et recherche les nids; il boit à la manière des Chiens, en lapant et en ayant le soin de relever la pointe de son nez au-dessus de l'eau; il appuie ses deux pattes de devant sur la chair qu'il veut dépecer, et se sert de ses ongles pour la porter à sa gueule, comme le font les Chats, il marche par pelitcs troupes, La femelle fait de trois à cinq petits par portée. 11 n'est pas entièrement plantigrade lorsqu'il marche, mais bien lorsqu'il se repose. En domesticité, il est d'un caractère gai, mais ne s'attache pas à son maître. On le nourrit de pain, de chair crue ou cuite, de fruit, etc. H habite le Brésil, la Guyane et le Paraguay, où on l'élève en domesticité, en ayant soin de l'attacher, parce qu'il grimpe partout mieux que le Chat, et parce qu'il n'est rien qu'il ne re- tourne et ne mette en confusion. 224 HISTOIRE NATURELLE. 2° Le Coati roux, Fr. Ciivier ( Viverranasua, Linné; Nasiia rufci, A. G. Desmarest). Son pelage est généralement d'un roux vif brillant; le museau est noir grisâtre, avec trois taches blanches autour de chaque œil, mais sans ligne longitudinale de cette couleur sur le nez. Selon Laborde, il vit dnns les grands bois, par petites troupes de trois ou quatre individus. Il pose, en marchant à terre, l'ex- trémité des pieds de devant, et n'appuie pas en entier la plante de ceux de derrière; il tient sa queue droite et perpendiculaire à son corps quand il marche, et la passe entre ses jambes lorsqu'il s'endort; son nez ^^st sans cesse en mouvement, et palpe les corps comme une trompe. Il répand une odeur forte, très-désagréable; ses pattes lui servent très-bien pour grimper aux arbres et pour porter sa nourriture ;i sa gueule. 5" Le Coati bhon variété f, Fr. Cuvier (Nasiia anrca, Lesson). Dans ceUe variété, le pelage est plus jaunâtre brillant que dans les autres, et semble comme doré. On pourrait peut-être encore indiquer comme variété de cette espèce le Coaû fauve, cité par A. G. Desmarest, et qui correspond au Coati mondé de Marcgrave, ainsi que, probablement, au IXasiia solilaria. Wied, et qui se distingue seulement par son pelage plus fauve que brun. Un particularité remarquable dans cette espèce se trouve dans la disposition que présentent les extrémités des membres. Les tubercules qui garnissent les pieds de devant sont très-épais, séparés de ceux de la paume par des plis tout particuliers; le pouce communique avec un tubercule très- large, divisé en deux parties, qui est en rapport lui-même en arrière avec un autre placé sur le bord de la main; les trois doigts moyens s'appuient sur un seul et même tubercule qui se prolonge du côté externe de la main, et en arrière duquel s'en rencontre un autre très-fort qui termine la paume du côté du poignet; les doigts externes étant en rapport avec un tubercule très-petit qui communi- que avec une partie du précédent. La plante du pied de derrière a un tubercule correspondant au pouce, un deuxième répondant aux deux doigts suivants, et les deux autres sont en rapport avec la commissure du deuxième doigt avec le troisième, et de celui ci avec le petit doigt; enfin, le cin- quième se trouve aussi en arrière du côté du talon, et toutes ces parties sont recouvertes d'une peaiè extrêmement douce. Ainsi que nous l'avons dit, cette espèce se rencontre dans la plupart des contrées de l'Améri- que méridionale; elle est surtout commune dans les vastes forêts du Brésil, de la Guyane et du Paraguay. Leur caractère n'est pas farouche, et l'on peut aisément les apprivoiser. Aussi les conserve-t-on souvent en domesticité dans leur pays natal, et a-t-on pu même les apporter dans nos ménageries européennes. Dans celle du Muséum de Paris, on les tient avec les Singes et les Makis, i-ans qu'il e . résulte aucun accident, et l'habitude qu'ils ont de grimper sur tous les objets qu'ils peuvent atteindre leur donne une certaine analogie avec ces animaux. Quoique embarrassés dans leurs mouvements, ils ne sont pas maladroits, et leur douceur, jointe à leur curiosité inquiète, en fait des Mammifères intéressants à observer. L'odorat les guide surtout dans leurs explorations. Fr. Cuvier a donné d'im- portants détails sur un individu de cette espèce qu'il avait été à même d'étudier au Muséum. Ouoi- que très-apprivoisé lors de son arrivée à la ménagerie, ce Coati, qui appartenait à la race des Coatis fauves, ne sortit de sa cage qu'après avoir cherché à reconnaître par son odorat ce qui se trouvait autour de lui. Lorsque sa défiance fut apaisée, il parcourut l'appartement, examinant tous les coins avec son nez, et retournant avec ses pattes les objets qui lui faisaient obstacle. D'abord il ne permit pas qu'on le touchât, et il se retournait en menaçant de mordre quand on approchait la main de lui; mais il reprit entièrement confiance dès qu'on lui eut donné à manger, et, depuis ce moment, il reçut toutes les caresses qu'on lui fit, et les rendit même avec empressement, introduisant son long museau dans la manche, sous le gilet, et faisant entendre un petit cri très-doux. Dans la maison de la personne qui l'avait offert à la ménagerie, on lui avait laissé une entière liberté, et il parcourait les greniers et les écuries pour chercher les Souris et les Rats, qu'il prenait très-adroitement. 11 allait aussi dans les jardins pourchasser et dévorer des Insectes, des Limaçons et des Vers de terre. MM. Qiioy et Gaimard, pendant leur campagne de l'Uranic, ont eu à bord un Coati sur lequel ils ont donné quelques détails. « Cet animal, naturellement nocturne, ne tarda pas à s'accoutumer à la vie diurne du ses nouveaux compagnons; le grand bruit des manœuvres cessa bientôt de l'effrayer, il devint même Irès-familiei'. Il s'attachait de préférence aux personnes qui lui donnaient à manger, CARNASSIERS. 225 répondnir. :'t loiir oppol pnr un polit cii, et s'approcliait aussitôt pour les caresser. Il aimait à secou- f'Iicr dans lo linm;\(; dos ninn^lols, et, coninio il choisissait do préférence celui d'un marin de service, il n'était pas rare, au retour do celui-ci, qu'une lutte s'engageât entre le matelot et le Coati, dont les (;ris perçants exprimaient alors la colère; les coups no faisaient pas toujours céder l'animal. Il y avait sur la corvette un Chien avec lequel il aimait beaucoup à jouer, malgré l'inégalité dos forces. Ce Chien se prêtait volontiers à cet amusement; le Coati, au contraire, s'emportait fréquemment, et le faisait crier en lui mordant les oreilles. Il n'était pas difficile sur le choix des aliments; tout, ou à peu près, lui paraissait bon, et il mangeait indifféremment de la viande crue ou cuite, du lard salé, du pain, du biscuit mâché ou trempé dans le vin ou dans l'eau-de-vie, des bananes, des Crustacés, du miel, etc.; il aimait de préférence le sucre et les Méduses, et, dès qu'on lui en montrait, on le voyait se précipiter dessus avec une étonnante avidité. Il mangeait des Souris, et il les attrapait lui-même très- lestement. » Malgré ces marques évidentes de familiarité, Fr. Cuvier fait observer que les Coatis sont très obsti- nés, et que les corrections ne les empêchent pas de faire ce qu'on veut leur défendre. Leur morsure est dangereuse, à cause de leurs canines fortes et tranchantes. Les Iiatons ont une organisation assez semblable à celle des Coatis; ils n'en différent, pour ainsi dire, que par leur physionomie générale, par la disposition de leurs narines et par leurs yeux, qui ont des pupilles qui se rétrécissent à la lumière en une fente transversale; aussi, selon Fr. Cuvier, ils pourraient n'être considérés que comme une division des Coatis. De Dlainville semble être du même avis, mais, pour lui, ce sont les Coatis qui seraient une subdivision des Ratons, et non ces der- niers l'une dos divisions des premiers. Si nous passons à l'étude des fossiles, nous voyons que G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, a cru reconnaître, comme étant voisins des Coatis et des Ratons, dos ossements trouvés enfouis dans les couches de plâtre de Montmartre, auprès de Paris, qu'il a nommés Co.^ir des pl.mrières, et dont les auteurs qui l'ont suivi ont fait leur Nasnn Parisiensis; De Rlainville a démontré que ces os fos- siles ne se rapportaient pas à ce groupe, et il en a fait son genre Taxai licrinm, dont nous nous occu- perons bientôt. Ilorman de Meyer a indiqué, sous la dénomination de Nasna Niccnsis, des osse- ments fossiles provenant de Keferstein, et qui, comme le fait remarquer M. Paul Gervais, ne sem- blent pas se distinguer de ceux du Coati des plàirières. Pondant longtemps, on n'avait pas découvert de débris de Coati dans les cavernes si nombreuses de l'Amérique méridionale, dans lesquelles on rencontre des fossiles en si grand nombre. Mais, dans (OS derniers temps, M. Lund, dans son Cataloçjiie des fossiles du Brésil, signale un véritable Coati découvert avec les ossements fossiles des cavernes de ce pays. Enfin, notons que VHijocnodon qui provient des environs de Tarbes, que M. Dujardin croyait devoir rapporter à ce groupe générique, en est cerlainemenl différent, et constitue un genre par- ticulier. /r'' GENRE. — IGTIDE. ICTIDES. Valonciennes. . i\iiii;iles (les Sciences naturollps, I. IV. l/.ri;. Putois. CARACTÈRES GÉNÉUIQUES. Siistèmc dentaire : incisives, ^; canines, {^; molaires, |^; en totalité trente-six dents; les inci- sives ont la forme ordinaire de ces sortes de dents; les canines sont loncfues, comprimées, tran- chantes sur. leurs bords antérieur et postérieur, et ressenûdenl beaucoup a celles des Coatis; les molaires se subdivisent supérieurement en quatre fausses cl six vraies, et inférieurement en six fausses cl quatre vraies: elles sont remarquables par la (jrosseur de leur talon, qui est court, plus arrondi et encore plus fort que chez les Paradoxurcs. Tôle grosse. Yeux petits. 22 29 226 IlISTOinE NATURELLE. Oreilles arrondies, velues, terminées par un p'ineeau de poils. Lèvres (jarnics de lonçjues mouslaches. Corps trapu. Pieds à einq doigts, armés d'ongles crochus, comprimés, assez forts, non contractiles. Marche plantigrade. Queue prenante, entièrement velue. Le genre Iclides a été créé par M. Valenciennes, décrit avec soin par lui, en 1825, dans les An- vates des Sciences naturelles, mais indiqué précédemment, et d'après lui, sous la même dénomina- tion, par G. Guvicr. De son côté, M. Temminck {Monographie de Mammalogic, t. II, 1824) l'a fait connaître sous le nom û'Arclictis (apxTc;, Ours; t-cTiç, Putois), qui montre les rapports qu'il présente avec les Plantigrades et les Digitigrades, ou plus particulièrement avec les Ratons et les Paradoxu- res dont il a été plus ou moins rapproclié. Le squelette d'une espèce de ce groupe, désignée sous le nom vulgaire de Benturong, a donné lieu à d'importants travaux de M). Temminck et De Rlainville, qui ont montré que, quoique plus grand que celui du Kinkajou, il offre dans son ensemble, et même dans la proportion des parties qui le composent, la plus grande analogie avec lui. Il y a soixante-cinq vertèbres : quatre cépha- liques, sept cervicales, treize dorsales, sept lombaires, deux sacrées et trente-deux coccygiennes. La tète, en totalité, est assez allongée, un peu étroite dans sa partie vertébrale, et courte dans sa par- tie faciale. La mâchoire inférieure a un peu la forme de celle des Ratons, seulement elle est plus forte, et les deux parties de l'apophyse angulaire sont jilus marquées. Les vertèbres cervicales sont plus longues et plus étroites que celles des Kinkajous; l'atlas a ses apophyses transverses plus éten- dues et moins larges, et celles de l'axis sont longues, styliformes. Les dix premières vertèbres dor- sales ont l'apophyse épineuse médiocre, assez distante et inclinée également en arrière, et les trois dernières l'ont en avant. Les vertèbres lombaires, assez longues et fortes, croissant de la première à à la sixième, offrent des apophyses généralement assez développées. Le sacrum n'est en apparence composé que de deux seules vertèbres, dont une seule articulée avec l'iléon; mais une troisième doit être comptée dans la vertèbre suivante, dont les apophyses transverses sont bien plus étendues que dans celles de la queue. Des vertèbres coccygiennes, les deux ou trois premières sont tout à fait semblables à la dernière sacrée, les sept suivantes ont des apophyses épineuses articulaires et des os en V; toutes les autres, en général, sont courtes pour leur grosseur, décroissant assez peu rapidement dans les deux dimensions, de manière à constituer une queue peu effilée et très-hérissée d'épines apopliysaires. L'hyoïde, composé de neuf pièces, a son corps très-court, presque cylin- drique, un peu élargi à ses extrémités et portant des cornes antérieures de trois articles. Le sternum a huit pièces assez étroites : le manubrium est dilaté vers son milieu et le xiphoide est assez étroit. Les côtes sont au nombre de treize à quatorze paires, assez semblables à celle des Kinkajous. Aux mem- bres antérieurs: l'omoplate est très-large, flabelliforme, à apophyse acromion bifurquée; il n'y a pas de clavicule, mais seulement une aponévrose ligamenteuse séparant le muscle trapèze du deltoïde; l'hu- mérus, assez allongé, est percé au condyle interne; l'avant-bras est long, faible; les os du carpe et du métacarpe, ainsi que les phalanges, ne présentent rien de remarquable; il n'en est pas de même des phalanges onguéales, qui, d'après M. Temminck, ressemblent à un soc de charrue, tant elles sont comprimées et élevées à la base dorsale. Les membres postérieurs sont plus longs que les an- térieurs, quoique médiocres; l'os innominé ressemble beaucoup à celui du Kinkajou; le fémur est proportionnellement plus long, plus grêle, à peine courbé dans toute sa longueur, large, aplati; le tibia est plus court que le fémur; le péroné est droit, très-grêle; les os du pied rappellent ceux du Kinkajou, si ce n'est les phalanges onguéales, qui ont la forme de celles du membre antérieur. Il n'y a même pas de trace d'os du pénis. Fr. Cuvier a fait observer que ce genre doit être placé dans la famille des Civettes, qu'il est caractérisé par une molaire tuberculeuse à la màclioire inférieure, et par deux molaires semblables à la mâchoire supérieure; enlin il remarque que, très-voisin du Paradoxure, il se rapproche cependant aussi dos Ratons, c'est-à-dire que ses dents augmentent d'épaisseur et deviennent de plus en plus tuberculeuses. Kr. (luvier ajoute : <( A la mâchoire supérieure, les incisives n'offrent rien de parti- culier. Les canines sont très-tranchantes antérieurement et postérieurement, et se rapprochent par CARNASSIERS. 227 1;^ de celles des Coaiis. Les deux fausses molaires sont épaisses et du reste normales. La carnas- sière consiste en un tubercule du côté externe, très-semblable à une fausse molaire, et en une crête du côté interne qui borde ce tubercule et est plus saillanie, plus épais dans sa partie moyenne, c'est-à-dire que le tubercule interne et antérieur, que l'on peut suivre depuis les Chats jiisqu'aux Paradoxures, se change en une crête qui entoure toute la partie interne de la dent, de plus cette carnassière est peu étendue. La tuberculeuse qui vient ensuite est à peu près de la même grosseur que la carnassière, et elle est arrondie dans toutes ses dimensions, tandis que dans le i'aradoxure elle est plus étendue de dedans en dehors que d'avant en arrière, et ce sont ces mêmes formes ar- rondies que présente la seconde luljerculeuse, qui est très petite et rudimontaire, comme au reste dans la même famdle de Carnivores. A la mâchoire inférieure les incisives ont cela de particulier que les moyennes ne naissent pas en arrière des autres, ce qui est chez toutes les Civettes, comme chez les Ratons et les Coatis, Les canines sont fortes et plus tranchantes en arrière qu'en avant. Les trois fausses molaires sont normales et très-épaisses, et vont en augmentant de grosseur de la pre- mière à la dernière. La carnassière a tous les caractères que l'on reconnaît fi celle des Paradoxures, ainsi que la luberculeuse. Dans leur position réciproque, la carnassière d'en haut, comme les fausses molaires, est alterne, c'est-à-dire qu'elle correspond au vide que laissent entre elles la troisième fausse molaire et la carnassière d'en bas; c'est sur la face interne de son tubercule et sur sa crête que ces dents agissent. » Ce genre ne renferme jusqu'ici qu'une espèce véritablement bien distincte, et qui anciennement était réunie aux Paradoxures. BENTURONG. ICTWES AI.UItRO^S. [PAliADOXURUS.) Fr. Cuvicr. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris plus ou moins noirâtre. Longueur de la tête et du corps : 0'",65. Fig. 75. — Benturong. Cette espèce a été fondée par Fr. Cuvier d'après la ligure d'un Mammifère qui porte à Java les noms de Benturong et de Dinlnrong, animal que Duvaucel avait vu vivant dans la ménagerie du marquis d'Haslings, à Baragpoor, où on le conservait comme originaire de Boutan. Depuis, M. Valenciennes Ta retirée du genre Paradoxure dans lequel on l'avait placée pour en faire, ajuste titre, le type d'un groupe générique particulier. M. Temminck, d'après les renseignements qui lui ont été fournis par MM. Kuhl et Van liasse!, pense que l'on doit réunir à cette espèce les Ictidcs atcr et aurea de Fr. Cuvier, qui n'en diffèrent que par quelques particularités de leur système décoloration, variant légèrement. En effet, on croit que les mâles sont noirs, que les femelles sont grisâtres et que les jeunes individus sont roussatres, et que ces diverses teintes passent de l'une à l'autre. La physionomie du Benturong est semblable à celle d'un Raton; ses poils sont durs, longs, épais. 998 UlSTOinE NATIIP.ELLE. chacun d'eux est noir dans les deux tiers de sa longueur, et grisàlre, quelquefois roussàtro, à la pointe. 11 en résulte que la couleur générale du corps est grise roussàtre en dessus sur un fond noir; le ventre est un peu plus foncé que le dos, et il est presque noirâtre; le feutre est laineux, lin, assez épais et roussàtre. La tête est grosse, à peu près aussi large que longue; le nez, le front et le tour des yeux sont gris; les lèvres sont noires; les moustaches sont très-longues, composées de poils blancs ou noirs, ou bien noirs à la base et blancs à la pointe; les yeux sont petits; les oreilles sont arrondies, petites. Le bras est de la même couleur que le corps, mais l'avant-bras paraît plus blanc parce que les poils qui le recouvrent ont plus de leur moitié blanchâtre. Il y a cinq doigts à chaque main, et la paume est noirâtre. Les membres postérieurs sont aussi longs que les antérieurs et of- frent le même arrangement dans la distribution de leur couleur; le pied a cinq doigts à peu près dégale longueur et pourvus d'ongles assez forts; la plante est noire, entièrement nue et touche le sol sur tous les points de sa surface; la partie antérieure est lisse, tandis que celle qui répond au talon est hérissée de nombreuses aspérités cornées, très-dures. La queue a environ 0"',50 de lon- gueur; elle est prenante sans être nue en dessous à son extrémité inférieure; sa base est très grosse et pourvue de muscles très-forts, et elle est recouverte de poils semblables à ceux du dos, avec son extrémité noire. Le Benturong se trouve à Java, et il semble également assez commun à Sumatra et à Malacca, On rapproche quelquefois de ce genre et de celui des Ainpiùcyon, le groupe de fossiles que M. Kaup nomme Acjnollicrium (apto,-, inconnu; ô/.p, bête féroce), qui comprend deux espèces, les A. major, I>artet, des environs d'Auch, et A. minor, Ue Blaiuville. T)"" GENRE. — BLAIREAU. MELES. Linné, 1735. Systema natura*. Mêles, nom appliqué par les Latins à l'espèce typique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siislcme dentaire : incisives, |; canines, ~^; molaires, |^, en (olalité trente-six dénis présen- tant la plus cjrande analofiie avec celles des Ours; la carnassière de la mâchoire supérieure est re- marquable par sa petitesse, à cause de sa partie postérieure, qui en fait en apparence, extérieure- ment, une fausse molaire, et sa partie interne est composée d'une base (jurnie de trois petits tubercules que sépare un creux assez sensible; la tuberculeuse d'en haut est démesurément (jrande cl aussi large que longue, à bord externe garni de trois tubercules. Corps épais, bas sur jambes. Museau peu prolongé. Oreilles courtes, arrondies, cachées dans les poils. Yeux petits. Langue lisse. Pieds tous terminés par cinq doigts armés d'ongles très-robustes engagés dans la peau; ceux de devant fouisseurs. Poils rudes, longs, rares, de trois couleurs. Queue très-courte. Une poche ou follicule entre Canus et la queue, aijant son orifice transversal et laissant suinter une matière grasse très-fétide. Mamelles au nombre de six : deux pectorales et quatre ventrales. Linné plaçait d'abord les Blaireaux dans le genre des Ours, et, en effet, l'espèce typique a un faciès qui rappelle assez celui de ces animaux, mais en miniature; plus tard, il en lit un groupe distinct sous la dénomination latine de Mêles, qui fut ensuite changée par G. Cuvier {Leçons d'Anatomie comparée, t. 1, 1819) en celle de Taxus, qui a souvent été adoptée. Depuis, on a formé aux dépens de ce genre le groupe des Taxidea (diminutif de Taxus) pour le Mêles Labradorica de CAUNASSIERS. 229 Linné, et celui des Urs'ilaxus {Ur.siis, Ours; Taxiis, Blaireau), IIodt;son, pour une espèce désignée sous le nom A'U. Ncpalens'is, et qui correspond probablement à YUrsus Indiens, Sbaw. l'our nous, sans adopter ces divers genres, nous les indiquerons comme formant de sim|)les subdivisions secon- daires. L'osléologie du Blaireau, étudiée par plusieurs anatomistes, Ta été avec beaucouj) de soin par De lilainville, qui, dans son OsUvijraplùc, l'a pris pour type de son groupe primaire des Subtirsus. L'ensemble du squelette de cet animal, aussi bien dans la nature que dans le nombre et la forme des os qui le composent, aussi bien dans les courbures que dans les proportions des régions de la colonne vertébrale et des parties des membres qui la soutiennent, montre les grands rapports (|u'il a avec les Ours. Toutefois le Blaireau a généralement les os de son squelette plus courts proportion- nellement à leur longueur, et par conséquent plus robustes que ceux des autres l'etits-Ours, et même que ceux de tous les autres Carnassiers, à l'exception de la Loutre. La série vertébrale est égale- ment plus courte que dans aucune autre espèce, à cause de la brièveté de la queue : aussi n'est-elle formée que de quarante-neuf à cinquante vertèbres: quatre cépbaliques, sept cervicales, quinze dor- sales, cinq lombaires, trois sacrées et quinze ou seize coccygiennes. La partie crânienne de la tète est épaisse, robuste, arrondie, assez peu déprimée, encore assez large cependant dans sa partie basi- laire et même dans son arc pariétal, mais notablement étranglée au milieu de la vertèbre sphéno- frontale. La partie appendiculaire est généralement courte. Le rocher est petit, presque arrondi. L'étrier, également peu développé, a sa platine elliptique allongée et ses brandies larges. Le basi- laire est évident, ovale, très-aplati. L'enclume est médiocre. Le marteau est considérable, surtout dans son corps. La mâchoire inférieure est robuste, médiocrement allongée dans sa branche hori- zontale, presque droite sur ses deux bords et courte dans sa branche verticale. Les cavités, loges, fosses et orifices de la tète du Blaireau sont assez bien comme dans les Ours. La fosse temporale est énorme, tandis que les loges sensoriales sont en général assez petites. Les vertèbres cervicales con- stituent un cou robuste, court, fortement apophyse. L'atlas, large dans son anneau, a beaucoup de ressemblance avec celui de l'Ours, aussi bien dans sa forme que dans les trous dont il est percé; mais ses apophyses transverses sont bien plus courtes et plus arrondies. Il y a également beaucoup de ressemblance entre les six autres vertèbres cervicales et celles de l'Ours. Les vertèbres dorsales sont aussi à peu près dans le même cas; l'apophyse épineuse des onze premières fortement inclinée en arrière, celle de la douzième presque verticale, et celle des trois postérieures anléroverse. Les vertèbres lombaires sont larges dans leur corps, assez peu hérissées. Les vertèbres sacrées ont une forme plus particulière, surtout par l'apophyse épineuse tout à fait verticale; le sacrum qui résulte de leur réunion est court, assez large, un peu en coin. Les trois premières vertèbres coccy- giennes semblent pouvoir faire partie du sacrum, tant elles ressemblent à la dernière de celui-ci, en diminuant seulement d'étendue; les antres,, plus nombreuses que dans l'Ours, sont aussi plus grêles et décroissent plus rapidement, surtout en diamètre, en sorte quaugmenlani au contraire en lon- gueur, elles constituent une queue plus effilée, quoique cependant aucune n'ait d'os en V. L'hyoïde a son corps en forme de barre transverse assez allongée, un peu courbée, élargie aux extrémités, et portant en avant de grandes cornes assez courtes, formées de trois articles. Le sternum est com- posé de neuf pièces, en général moins larges et plus allongées que dans l'Ours : le manubriuni est dilaté vers son milieu pour l'articulation de la première corne de l'hyoïde, et le xiphoïde est long, quoique légèrement dilaté à son extrémité. Les côtes, au nombre de quinze |)aires, dont neuf sier- nales et six asternales, sont assez robustes, mais plus courtes que dans les Ours; elles sont même assez fortement comprimées d'avant en arrière, surtout supérieurement. Le thorax, en totalité, est assez peu comprimé, comme celui des Ours; mais il est plus étendu, surtout dans les hypocondres. Les membres sont robustes, courts, peu éloignés entre eux. Aux antérieurs, l'omoplate est un peu moins large proportionnellement à sa longueur que dans les Ours, et son bord antérieur est moins arrondi; il n'y a pas de clavicule; riiumérus, dans sa forme générale, se rapproche de celui de l'Ours des Cordillières, seulement il est proportionnellement un peu plus long; le radius, arqué et polygo- nal, est supérieurement presque aussi large qu'inférienrement; sa tête huméralc, ovale, transverse, est relevée à son bord antérieur par une saillie anguleuse arrondie; le cubitus est très-large et très- comprimé, surtout en haut, oi\ l'olécrane, assez court, se recourbe fortement en dedans, et en bas il se prolonge en une apophyse styloïde assez large; la main, composée des mêmes os que dans 250 IIISTOIP.E NATURELLE. • rOurs, mais dans des proportions un peu différentes, considérée en totalité, est un peu plus longue et plus étroite, puisqu'elle égale presque la longueur de l'avant-bras. Les membres postérieurs s'éloignent un peu plus de ceux des Ours, principalement dans les proportions des parties qui les composent, la cuisse étant à peine plus longue que le pied, et la jambe étant plus haute qu'elle, ce qui indique évidemment un passage vers les Digitigrades. L'os innominé, de la longueur du fémur, est encore assez large dans sa partie iliaque; la symphyse pubienne est aussi assez étendue; le fé- mur, un peu courbe dans sa longueur, est large et assez comprimé aux extrémités, ressemblant beaucoup à celui de l'Ours, sauf sa longueur, qui est proportionnellement moindre; le tibia et le péroné sont dans le cas contraire, c'est-à-dire légèrement ])lus longs, et par conséquent no- tablement plus grêles; le pied, en totalité, offre encore plus que la main la tendance à s'allonger et à se rétrécir, et c'est surtout dans les os du tarse et du métatarse que cela est plus évident; l'as- tragale, très-plat dans son corps, large dans sa poulie tibiale, s'avance assez fortement dans sou apophyse scaphoïdienne; le calcanéum a son apophyse postérieure large, épaisse transversalement, un peu recourbée en bas, mais surtout fort excavée à son côté interne; le scaphoide est large trans- versalement et porte en avant trois facettes; les métatarsiens sont plus allongés que ceux des Ours, quoique assez épais; le quatrième est avec le médian le plus long de tous, et celui du pouce le plus court, en même temps qu'il est le plus grêle; les phalanges ont, au contraire, assez bien conservé la brièveté qu'elles ont chez les Ours; seulement ce sont les deux médianes qui sont les plus larges. Les os sésamoides sont nombreux; la rotule est assez large et très-épaisse en haut. L'os pénieu existe; il est assez long, un peu courbé dans son corps, qui est triquètre, presque canaliculéen des- sous et anguleux en dessus, un peu renflé en massue rugueuse à son extrémité postérieure. Plusieurs naturalistes, et en particulier Fr. Cuvier et De DIainville, se sont occupés du système dentaire des animaux de ce genre. Selon ce dernier auteur, le nombre total des dents est au mini- mum de ce qu'il peut être dans le groupe des Subursus, et, en effet, il n'est ordinairement que de neuf de chaque côté, tant eu haut qu'en bas, et se subdivise en trois incisives, une canine et cinq molaires. Les incisives sont disposées presque transversalement et terminales en haut comme en bas; la troisième supérieure plus grosse que les autres et en forme de canine; la troisième inférieure élargie en palette, inégalement bilobée et notablement plus forte que la seconde, plus rentrée que la première, la plus petite de toutes. l>es canines sont robustes, mais courtes, coniques, assez ar- quées, surtout les inférieures, qui sont plus en crochet et moins carénées que les supérieures. Des trois avant-molaires supérieures, la première, quand elle existe, est très-petite, simple, gemmiforme, un peu rentrée et caduque; la deuxième et la troisième presque semblables, si ce n'est pour la gros- seur, et n'ayant qu'une seule pointe un peu comprimée avec un rudiment de talon en arrière. Les deux seules inférieures sont aussi à peu près semblables; la postérieure étant cependant pluslargi; à son collet surtout, et toutes deux ne présentant qu'une seule pointe mousse. La principale molaire d'en haut est triquètre, avec le bord externe tranchant à deux pointes, l'antérieure bien plus sail- lante que la postérieure, et avec un talon assez large ayant à son bord postérieur un seul tubercule excavé; celle d'en bas, plus petite, est presque semblable à la dernière avant-molaire, si ce n'est qu'elle est plus grosse : aussi n'a-t-elle qu'une seule pointe à peine comprimée et médiane, avec deux arrêts basilaires plus marqués. La seule arrière-molaire d'en haut, qu'on peut considérer, ainsi que chez les Ours, comme représentant les deux des Coatis qui se seraient soudées, est remarquable par sa largeur, son étendue, son peu de hauteur, étant formée au bord externe par trois pointes basses, décroissant de la première à la dernière, et par un large talon creusé de deux excavations sigmoides produites par le bord interne de la dent et par une saillie intérieure en croissant. Des deux arrière- molaires d'en haut, la première est assez semblable à celle de l'Ours, étant assez étroite, allongée; mais sa moitié antérieure est plus régidièrement triquètre et à trois pointes; l'externe postérieure est la plus forte et la plus élevée, tandis que la partie postérieure en est au contraire plus large, plus arrondie, son bord éhivé étant à deux pointes en dehors comme en dedans. Ouant à la dernière ar- rière-molaire, elle est beaucoup plus petite, tout à fait ronde, en cupule, à bords relevés, l'externe presque Lilide. Relativement aux alvéoles, on remarque en haut une série externe de sept trous : un premier en trou de serrure, deux arrondis, plus petits et rappi'ocliés, deux inégaux, le postérieur plus grand, et deux postérieurs, et une interne de trois trous, un solitaire et deux plus grands et rapprochés en arriére. Eu bas, il y a une série de neuf trous : les deux premiers les plus petits, très-rapprochés CARNASSIERS. 251 oMiqiiemont, les deux suivants à peine plus grands et se (oucliant presque, mais dans la môme ligne, ainsi que les cinquième et sixième, augmentant graduellement en diamètre; vient ensuite une grande fosse, à chaque extrémité de laquelle est un trou conique, le postérieur beaucoup plus grand que ranlérieur. et, entre deux, deux très-petits trous sur le même rang; enlin une alvéole terminale assez grande, mais peu profonde. Les racines sont, comme à Tordinaire, proporlioniielles à la force et à la complication de la couronne des dents. Celles des incisives sont toujours simples en haut comme en bas. Pour les canines, la racine est également simple, conique ou comprimée, suivant la forme de la couronne, et généralement au moins aussi longue qu'elle. Les avant-molaires d'en haut ont, pour la première dent, une seule racine, et pour les deux autres deux racines coniques, bien distinctes; en bas, les deux avant-molaires offrent deux racines; la principale supérieure a trois racines; la ])remière arrière-molaire présente deux racines en dehors, une seule grande en dedans et une intermédiaire en arrière, et elles sont toutes très-basses; la seconde arrière-molaire d'en haut est dans le même cas; enfin les racines des arrière-molaires, inférieurement, toujours beaucoup plus simples, puisqu'elles ne sont pas au-dessus des deux principales; toutefois la première est souvent très étendue et offre quelques petits radicules intermédiaires. Le Blaireau a l'air de marcher en rampant, à cause de la brièveté de ses jambes, et, comme son poil est long, son ventre paraît alors toucher à terre; ses doigts, armés d'ongles très-solides, sont engagés dans la peau : la longueur de ceux de devant les rend propres à fouiller la terre; la queue n'est pas très-longue. Il y a sous cet organe, au-dessus de l'anus, une poche à fente transversale d'où suinte une humeur grasse, fétide. La langue est douce. Le pelage, assez rude, est composé de poils qui sont blancs vers la peau, puis noirs dans le tiers extérieur, excepté la pointe, qui est blanche, ce qui donne au corps une couleur grisâtre; dans le jeune âge, le noir, qui occupe le mi- lieu de la longueur du poil, est alors d'un fauve Isabelle, qui produit une teinte jaune sur le gris du pelage. Les mœurs des Blaireaux sont bien connues, surtout dans l'espèce typique, et nous aurons oc- casion de nous en occuper bientôt; disons seulement maintenant que ces animaux vivent principalement de proie, qu'ils savent trouver les nids des Abeilles Bourdons, et qu'ils détruisent surtout un grand nombre de Lapins et de Mulots; ils mangent aussi, dit-on, des Sauterelles, des Serpents, des œufs d'Oiseaux, et sans doute quelquefois une nourriture végétale composée de fruits et de racines. C'est au moins ce que Ton doit supposer, car en captivité, où l'on peut les conserver assez facile- ment, ils prennent une nourriture composée de matière animale et de matière végétale. Ils vivent presque constamment dans les terriers qu'ils se creusent dans le sol; on trouve rarement le mâle et la femelle réunis. C'est en été que celle-ci met bas trois ou quatre petits. Les Blaireaux, dont on ne connaît réellement que trois espèces, et encore l'une d'elles imparfaite- ment, se trouvent dans l'Europe méridionale, dans l'Asie, principalement aux Indes orientales et dans le nord de l'Amérique. Les naturalistes ont cru devoir former trois genres particuliers avec les trois espèces connues de Blaireaux, Ce sont les genres : Blaireau rRorr.EMEM dit {Taxus); Taxidée [Taxidea], Waterhouse, et probablement celui des Ursïtaxns. Hogdson. En outre, Fr. Cuvier avait proposé d'indiquer, sous le nom (}i' Arclomjx coUaris («picTo;, Ours; ovjÇ, ongle), un animal qui, mieux étudié-, a été reconnu être une simple variété du Blaireau vulgaire. Pour nous, nous ne citerons ces groupes génériques que comme de simples sous-genres, et nous décrirons les diverses espèces actuellement vivantes, après avoir dit quelques mots de celles que l'on trouve à l'étal fossile. On a signalé quelques débris de Blaireau à l'état fossile, et, en général, on les rapporte à l'es- pèce commune vivant encore actuellement. C'est dans le diluvium des cavernes que ces restes ont été d'abord signalés. RosenmùUer cite le Blaireau au nombre des animaux dont on a trouvé des os- sements dans les cavernes des environs de Gaylenreuth, en Franconie, et, suivant G. Cuvier, les in- dique comme ayant été trouvés à la surface du sol avec ceux d'animaux d'espèces encore vivantes; on en a cité aussi comme découverts dans la caverne de Bronnenstern, également en Franconie. MM. .lean-Jean, Dubreuil et Marcel de Serres, en ont découvert dans la caverne de Lunel-Yiel, dépar- tement de l'Hérault; M. Billaudel en a recueilli dans la caverne de l'Aviso, à Saint-Macaire, départe- ment de la Gironde, une mandibule décrite et figurée par De Blainville dans son Ostéoriraplik. M. Mac-Eury en a cité une demi mâchoire inférieure, trouvée dans la caverne de Kent, comté de Bevan, en Angleterre. Enfin M. Schmeiling en a rencontré dans les cavernes de la province de Liège. 252 HISTOIRE NATURELLE. Ainsi que nous l'avons dit, on n'a pas signalé de différences entre ces ossements de Rlaireaux et ceux de l'espèce vivante, soit que réellement il n'y en ail aucune, soit que ces os, jusqu'ici en petit nombre, n'aient pas encore pu être comparés d'une manière suffisante. 11 paraît toutefois que ce c^enre se trouvait déjà dans la faune dont les terrains tertiaires nous ont conservé les restes; car M. Morren a découvert aux environs de Bruxelles, au milieu de strates d'un calcaire grossi, enfouies sous des bancs de silex corné, et mélangées avec des os de Batraciens, dUphidiens, d'Oiseaux et des dents de Squales, une tête et plusieurs parties du squelette d'un carnassier qu'il croit être une es- pèce distincte de Blaireau, et que M. Laurillard propose de désigner sous la dénomination de Mêles Morreni. \" SOrS-GENRK. - BLAIREAU. TAXUS. Schrebcr. Ce sous-genre ne renferme qu'une espèce qui soit véritablement bien distincte. BLAIREAU COMMUN. TAXUS EUROPMUS. Sthreber. Caractères sPKCiFtouES. — Pelage d'un gris brun en dessus, noir en dessous; tète présentant de cbaque côté une bande longitudinale noire, passant sur les \eux et les oreilles, et une bande blanche sous ces dernières, s'étendant depuis l'épaule jusqu'à la moustache Longueur totale de O^.Tô à 1"". Fi;;. 7G. — Blaireau commun Cette espèce, le Mêles de Pline, qui a été décrite et figurée par Buffon et Fr. Cuvier sous le nom (le Blaireau, a reçu de Linné la dénomination (VUrsus mêles, et d'A. G. Desmarosl celle ôe. Mêles rnlfinris. On a en quelquefois distingué le Taisson, Ursus iiuvus, Schreber, qui n'en est réellement qu'une variété et qui n'en diffère que par son ventre, d'un gris plus clair que ses flancs, par ses oreilles de la même couleur que le corps et seulement bordées de noir, et jiar la bande noire de la face, qui passe par-dessus l'œil sans y toucher, et qui, en outre, ne se trouve jamais que dans les contrées habitées par le Blaireau coilimun, et pèle-méle avec lui dans les mêmes localités. On doit aussi en considérer comme n'en étant que des variétés le Bamsaor ouArctoniix coll(iris,l'v Cuvier, et le Mêles lludsou'nis. Les chasseurs ont aussi établi, parmi les Blaireaux d'Europe, des distinc- tions analogues à celles qu'on dit exister entre les divers Hérissons; ils reconnaissent un Blaireau Clùen et un Blaireau Cochon, d'après la forme de la tête; mais les naturalistes n'ont pas encore été à même d'apprécier ces différences. Le Karajou, Mêles Labrailoriea, Sabine, a parfois été égale- CARNASSIERS. o; >.) mcril réuni à la même espèce. Enfin quelques Mammifères de groupes plus ou moins distincts por- tent, dans certains cas, la dénomination générale de Blaireaux; c'est ainsi que le Blaireau blanc de. Brisson nVst qu'un Ralon laveur, atteint de la maladie albine; que le Blaireau puanl du cap dn Bonne-Espérance, de Lacaille, paraît devoir être rapporté à la Marie Zorille; que le Blaireuu de rocher des Hollandais est le Daman du cap de Bonne-Espérance, et que le Blaireau de Surinam de Brisson est le Coaù brun. D'une manière générale, le Blaireau a la taille d'un Chien de médiocre grandeur, et sa physio- nomie rappelle celle du Mâtin. Son corps est très-bas sur jambes, et il le paraît encore plus qu'il ne l'est réellement, à cause de la longueur des poils, qui traînent jusqu'à terre. Les oreilles sont pres- que cachées dans le poil des côtés de la tête. La queue ne descend guère que jusqu'au milieu des jambes de derrière. Il y a, à chaque patte, cinq doigts armés d'ongles très-forts et crochus, propres à fouir la terre. Les poils du corps sont durs, rares, longs et de trois couleurs, blancs, noirs et roux, la proportion de ces trois teintes variant selon les parties où on les observe; la tête est blanche, excepté le dessous de la mâchoire inférieure, et offre deux taches noires longitudinales qui naissent de chaque côté, entre l'extrémité du museau et l'œil, et qui vont en s'élargissant de manière à envelopper l'œil et l'oreille, derrière laquelle elles se terminent; il y a une large bande blanche sur le milieu du front; la gorge, la face inférieure du cou, la poitrine, les aisselles, la face intérieure du bras, le ventre, les aines, la face intérieure de la cuisse et les quatre jambes, sont noires; les côtés du corps, les alentours de l'anus et la queue, sont d'un blanc sale; tout le restant du corps est d'un gris roussàtre. Les mœurs du Blaireau sont bien connues; nous rapporterons ce qu'en dit Buffon, parce que le portrait qu'il en a tracé, comme toujours de main de maître, est de la plus grande exactitude. « Le Blaireau est un animal paresseux, défiant, solitaire, qui se retire dans les lieux les plus écartés, dans les bois les plus sombres, s'y creuse une demeure souterraine; il semble fuir la société, même la lumière, et passe les trois quarts de sa vie dans ce séjour ténébreux, dont il ne sort que pour chercher sa subsistance. Comme il a le corps allongé, les jambes courtes, les ongles, surtout ceux des pieds de devant, très-longs et très-fermes, il a plus de facilité qu'un autre pour ouvrir la terre, y fouiller, y pénétrer et jeter derrière lui les déblais de son excavation, qu'il rend tortueuse, oblique et qu'il pousse quelquefois fort loin. Le Renard, qui n'a pas la même facilité pour creuser le sol, profite de ses travaux; ne pouvant le contraindre par la force, il l'oblige par adresse à quitter son domicile, en l'inquiétant, en faisant sentinelle à l'entrée, en l'infectant même de ses or- dures; ensuite il s'en empare, l'élargit, l'approprie et en fait son terrier. Le Blaireau, forcé à changer de manoir, ne change pas de pays; il ne va qu'à quelque distance travailler sur nouveaux frais à se pra- tiquer un autre gîte, dont il ne sort que la nuit, dont il ne s'écarte guère, et où il revient dès qu'il sent quelque danger. Il n'a que ce moyen de se mettre en sûreté, car il ne peut échapper par la fuite; il a les jambes trop courtes pour pouvoir bien courir. Les Chiens l'atteignent promptement lorsqu'ils le sur- prennent à quelque distance de son trou; cependant il est rare qu'ils l'arrêtent tout à fait et qu'ils en viennent à bout, à moins qu'on ne les aide. Le Blaireau a le poil très-épais, les jambes, la mâchoire et les dents très-fortes, aussi bien que les ongles; il se sert de toute sa force, de toute sa résistance et de toutes ses armes en se couchant sur le dos, et il fait aux Chiens de profondes blessures. Il a d'ailleurs la vie très-dure; il combat longtemps, se défend courageusement et jusqu'à la dernière extrémité. Autrefois, que ces animaux étaient plus communs qu'ils ne le sont aujourd'hui, on dres- sait des Bassets pour les chasser et les prendre dans leurs terriers. Il n'y a guère que les Bassets à jambes torses qui puissent y entrer aisément; le Blaireau se défend en reculant, éboule de la terre afin d'arrêter ou d'enterrer les Chiens. On ne peut le prendre qu'en faisant ouvrir le terrier par- dessus lorsqu'on juge que les Chiens l'ont acculé jusqu'au fond; on le serre avec des tenailles, et ensuite on le musèle pour l'empêcher de mordre. Les jeunes s'apprivoisent aisément, jouent avec les petits Chiens et suivent comme eux les personnes qu'ils connaissent et qui leur donnent à manger; mais ceux que l'on prend vieux demeurent toujours sauvages: ils ne sont ni malfaisants, ni gour- mands, comme le Renard et le Loup, et cependant ils sont animaux carnassiers; ils mangent de tout ce qu'on leur offre : de la chair, des œufs, du fromage, du beurre, du pain, du poisson, des fruits, des noix, des graines, des racines, etc., et ils préfèrent la viande crue à tout le reste. Us dorment la nuit entière et les trois quarts du jour, sans cependant être sujets à l'engourdissement pendant l'hi- 934 IllSTOIUE NATURELLE. ver, comme les Marmottes cl les Loirs. Ce sommeil fréquent fait qu'ils sont toujours gras, quoiqu'ils ne mangent pas beaucoup, et c'est par la même raison qu'ils supportent facilement la diète et qu'ils restent souvent dans leur terrier trois ou quatre jours sans en sortir, surtout dans les temps de neige. « Ils tiennent leur domicile propre, ils n'y font jamais leurs ordures. On trouve rarement le mâle avec la femelle; lorsqu'elle est prête à mettre bas, elle coupe de l'herbe, en fait une espèce de fa- got qu'elle traîne entre ses jambes jusqu'au fond du terrier, où elle fait un lit commode pour elle et ses petits. C'est en été qu'elle met bas, et la portée est ordinairement de trois ou de quatre petits. Lorsqu'ils sont un peu grands, elle leur apporte à manger; elle ne sort que la nuit, va plus au loin que dans les autres temps; elle déterre les nids de Guêpes, en emporte le miel, elle détruit les ra- bouillères des Lapins, prend les jeunes Lapereaux, saisit aussi les Mulots, les Lézards, les Serpents, les Sauterelles, les œufs d'Oiseaux, et porte tout à ses petits, qu'elle fait sortir souvent sur le bord du terrier, soit pour les allaiter, soit pour leur donner à manger. « Ces animaux sont naturellement frileux; ceux qu'on élève dans la maison ne veulent pas quitter le coin du feu, et souvent s'en approchent de si près, qu'ils se brûlent les pieds, et ne guérissent pas aisément. Ils sont aussi fort sujets à la gale; les Chiens qui entrent dans leurs terriers prennent le même mal, à moins qu'on ait grand soin de les laver. Le Blaireau a toujours le poil gras et mal- propre; il a entre l'anus et la queue une ouverture assez large, mais qui ne communique point à l'intérieur et ne pénètre guère qu'à un pouce de profondeur; il en suinte continuellement une li- queur onctueuse d'assez mauvaise odeur qu'il se plaît à sucer. Sa chair n'est pas absolument mau- vaise à manger, et l'on fait de sa peau des fourrures grossières, des colliers pour les Chiens et des couvertures pour les Chevaux. » A ces détails, nous ajouterons avec M. Boitard que, plein d'intelligence, rusé, très-défiant, le Blaireau ne donne que très-rarement dans les pièges qu'on lui tend. Si l'on a tendu un lacet à l'en- trée de son terrier, il s'en aperçoit aussitôt, rentre dans sa demeure et y reste renfermé cinq à six jours, s'il ne peut, à travers des rochers, se creuser une autre issue; mais, pressé par la faim, il finit par se déterminer à sortir. Après avoir longtemps sondé le terrain et observé le piège, il se roule le corps en boule aussi ronde que possible; puis, d'un élan, il traverse le lacet en faisant ainsi trois ou quatre culbutes, sans être accroché, faute de donner prise au nœud coulant. Si l'on veut forcer un Blaireau à sortir de son terrier en l'enfumant ou en y faisant pénétrer un Chien, il ne manque jamais de faire ébouler une partie de son terrier, de manière à couper la communication entre lui et ses ennemis. Les Allemands ont pour la chasse du Blaireau la même passion que les An- glais pour celle du Benard; mais ils satisfont leur goût avec beaucoup plus de simplicité. En au- tomne, trois ou quatre chasseurs parlent ensemble à la nuit close, armés de bâtons et munis de lanternes; l'un d'eux porte une fourche, et les autres conduisent en laisse deux Bassets et un Chien courant bon quêteur. Ils se rendent dans les lieux qu'ils savent habités par des Blaireaux et à proximité de leurs terriers; là ils lâchent leur Chien courant, qui se met en quête et a bientôt ren- contré un de ces animaux. On découple les Bassets, on rappelle le Chien courant et l'on se met à la poursuite de l'animal, qui ne tarde pas à être atteint par les Chiens, et qui se défend vigoureusement des dents et des griffes. Le chasseur qui porte la fourche la lui met sur le cou, le couche et le main- tient à terre pendant que les autres l'assomment à coups de bâton. Si l'on veut le prendre vivant, on lui enfonce au-dessous de la mâchoire inférieure un crochet de fer emmanché d'un bâton, on enlève l'animal, on le bâillonne et on le jette dans un sac. Si on le trouve hors de son terrier, on le chasse aussi au fusil. Sa graisse passait autrefois pour avoir de grandes vertus médicales, mais n'est plus en usage au- jourd'hui. Son poil a la propriété singulière de ne pas se feutrer; c'est pourquoi on s'en sert très- avantageusement pour la fabrication des brosses employées dans des circonstances qui favoriseraient le feutrage. Les meilleures brosses à barbe se composent avec ce poil. Le Blaireau semble appartenir à la fois à presque toute l'Europe, à l'Asie tempérée, ainsi qu'au nord de l'Amérique. En Europe il est répandu en Espagne, en Italie, en France, en Allemagne, en Pologne, en Angleterre, en Suède, en Norwége, dans les terres montucuses qui bordent le Volga, en Bulgarie, ainsi que sur les rives du Jaïk. On le trouve, assure-t-on, quelquefois dans les bois des en- virons de Paris. Mais il est assez rare partout, et principalement dans les régions méridionales. CARNASSIERS. . ' oxn ÏÔO 2« SOUS-GENRE. — TAXIDÉE. TAMDEA. VValcrl.ousc. Une seule espèce entre dans celle subdivision, et encore nous devons faire remarquer que quel ques auteurs ne la regardent pas comme distincte et la réunissent au Blaireau ordinaire. CARKAJOU. Duffon. TAXIDEA LAUltADORlCA {MELES). Sabine. CAiîACTÈr.Es SPÉCIFIQUES. — Le pelage est brun en dessus, avec une ligne longitudinale blancliAfro, bifurquce sur la tête et simple tout le long du dos; les côtés du museau sont brun foncé, et les pieds de devant sont noirs. La longueur totale est de 0'",70, non compris la queue. Cette espèce est le Gloulon du Labrador de Sonnini, et faisait partie, sous la dénomination d'Ur- siis Lahradoricus, du genre Ours de Linné. Le Garkajou présente de très-grands rapports avec le Blaireau it n'en est probablement qu'une simple variété; comme lui il est carnassier et habite un terrier. La femelle est beaucoup plus petite que le mule. Cet animal se trouve dans l'Amérique septentrionale, dans le Labrador, dans la province de Blis- souri et dans le pays des Esquimaux. 5'= SOUS-GENRE. — URSITAXE. URSITAXUS. IIod"son. Ce sous-genre ne comprend qu'une seule espèce propre au Népaul, ['Ursiiaxiis Ncpalcnsis, Ilodg- son, qui n'est probablement pas distinct du Mêles Indien, Ilardwich, et de VUrsiis Indiens, Shaw, et que l'on ne connaît pas assez complètement pour que nous la décrivions. C'est auprès des Blaireaux et des Gloutons que nous placerons plusieurs groupes d'animaux fos- siles qui ont avec eux certains rapports, tout en s'en éloignant plus ou moins sous divers points de vue. Nous citerons plus paiticulièrement les genres : T.\xoTKEr.njM [Taxiis, Blaireau; 0/^;-.ov, bêle sauvage), créé par De Blainville {Osléograpliic, fas- cicule des Subursi, 1841) et ne renfermant qu'une seule espèce, son P. Parisiensc, que G. Cuvier (Osseni. foss., t. 111) ou plutôt les compilateurs qui l'ont suivi, nommait Nasua Parisiensis, et dont des déb-ris ont été découverts aux environs de Paris, dans le plâtre de Jlontmarlre. Celte espèce repose sur plusieurs fragments de crâne et de mâchoire inférieure, ainsi que sur quelques os des membres, et tous ces débiis, dont De Blainville a rapproché quelques ossements fossiles trouvés eu Auvergne par M. Croizet, semblent bien avoir appartenu à un Carnassier de la division des Planti- grades, quoique en même temps ils présentent, pour quelques-uns d'entre eux, comme l'a démontré G. Cuvier, de la ressemblance avec les Dasyures. Nous ne croyons pas devoir entrer dans plus de détails ici, et nous renvoyons aux travaux de G. Cuvier et de De Blainville. I'al.ïocyg?* (7T7.Xai&;, ancien; icutov, Chien) et Arctocvon (x^--'.;. Ours; /cjwv. Chien). Pc Blainville {Oslcograplnc, fascicule des Subursi, 1841) a établi sous ces noms un genre de fossiles qui com- prend divers restes d'un Carnassier, consistant en une grande partie de la tête et en quelques os longs mutilés, trouvés dans le grès siliceux tertiaire de la Fère, département de l'Aisne. Les dents molaires de la mâchoire supérieure sont au nombre de sept, dont trois fausses et quatre vraies tu- berculeuses. Les trois fausses molaires cl la première grosse molaire ont été brisées, et ne laissent voir que leurs racines ou leurs alvéoles; les autres sont à peu près carrées et ont beaucoup d'analo- gie avec celles du Raton; la dernière est de beaucoup plus petite. La voûte palatine est large; la crête occipitale est très-haute et prolongée en arrière; la cavité cérébrale est petite; l'arcade zygo- '250 ' . HISTOIRE NATURELLE. nialique est très-écartée, ce qui donne une grande largeur à la tète. L'iiimiérus est très-fort et re- marquable par sa crête deltoïdienne très-longue et très-saillante. De Blainville, qui donne à cette es- pèce le nom particulier de Palœocijon prhnœvus, lui assigne la place que nous lui conservons et le regarde comme étant un animal aquatique; M. Laurillard, Tun de nos savants les plus modestes et l'un de ceux qui connaissent le mieux les animaux fossiles, en considérant la petitesse de la boîte crânienne du Palœoajon prhnœvus, le grand écartement des arcades zj'gomatiques et la forme de l'humérus, pense, au contraire, que celte espèce fossile appartenait à un genre de Didelphes plus omnivore que le Tbylacine et les Dasyures. Ami'Hicyon (aaçi, près de; x'jwv, Chien). C'est à M. Lartct, dans les Ditllcùns de la Soc'icic de Gro- lofjie pour 1856, à qui l'on doit la création de ce groupe de fossiles, que, peu d'années après, en 1841, De Blainville, dans son Oslcograplûe, fascicule des Subursi, a décrit d'une manièn? complète. Ces ossements constituent une forme animale voisine de celle des Ictides, mais avec une taille égale ou même supérieure à celle de l'Ours, et un système dentaire presque semblable à celui des Chiens ordinaires, ce qui lui a valu la dénomination qu'elle porte. C'est aux investigations per- sévérantes et éclairées de M. Larlet,. dans le célèbre dépôt de Sansans, contenant un grand nombre d'ossements de Mammifères, d'Oiseaux, de Reptiles et d'Amphibiens, que l'on doit la découverte de ce genre et de toutes les pièces nombreuses qui ont servi à De Blainville à en déterminer les rap- ports. Avant la découverte de M. Lartet, la science avait cependant déjà quelques indices de ce groupe d'animaux perdus, mais tellement faibles, qu'il était presque impossible de s'en servir sans erreurs. Aussi G. Cuvier, dans ses Ossciiioits fossiles, avait-il donné comme d'un Loup d'une taille gigantesque une première arrière-molaire supérieure gauche, trouvée dans le dépôt d'Avaray, près de Beaugency, et qui doit évidemment être rapportée à r^»jp///cyoîK M. Kaup avait aussi trouvé une dent qui semble être également du même groupe, et il avait parfaitement reconnu qu'elle in- diquait une forme animale particulière, pour laquelle il avait proposé le nom d'Arinollierium, qui devrait avoir la priorité si l'identité du genre pouvait être établie d'après ce seul fragment. Dans ce genre il y a trois paires d'incisives supérieures : l'externe plus forte que les autres et plus ou moins caniniforme ; les canines soiit extrêmement fortes, robustes, assez comprimées, carénées et même tranchantes en arrière, un peu aplaties en dedans, plus convexes en dehors et lorlement cannelées dans leur longueur, surtout en avant; les molaires sont au nombre de sept: trois avant-molaires, une principale et trois arrière-molaires, comme dans le Pal(Voc]fon, mais de toutes autres forme et proportion. Les dénis de la mà55 Ce sont des animaux assez éléi^aiits, laiit par leur fornie générale et la dis])osition de leur queue, garnie de très-longs poils et relevée eu panache sur leur dos, que par les couleurs, le blanc cl le noir, qui tranchent d'une manière parfaite sur leur pelage, qui présente toutefois du brunâtre. Le nom qu'ils portent provient du mot latin lucpli'uis, odeur fétide, odeur puante, et il indique, ainsi que les surnoms ùcBrlcs pua)ilrs, d'Eiifanls du diable, qu'ils portent quelquefois, l'odeur in- fecte qu'ils répandent, surtout lorsqu'ils sont irrités et qu'ils veulent éloigner d'eux leurs ennemis, dette odeur est tellement forte, qu'elle suffoque, et, s'il tombait, dit-on, une goutte de cette liqueur empestée dans les yeux d'un homme, il courrait risque de perdre immédiatement la vue. Lorsqu'il s'en répand sur les habits, elle leur imprime une odeur tellement forte et tenace, qu'il devient pres- que impossible de la faire passer malgré tous les moyens employés pour cela. Kalm, dans son VaijCKjc dans l'Anicriciue scpicnir'ionalc, parle de cette odeur infecte des Moufettes, et nous lui em- pruntons à ce sujet le passage suivant : « En 1749, il vint un de ces animau.K près de la ferme où je logeais; c'était en hiver et pendant la nuit; les Chiens étaient éveillés et le poursuivaient. Dans le moment, il se répandit une odeur si fétide, qu'étant dans mon lit je pensai être suffoqué; les Vaches beuglaient de toute leur force. Sur la lin de la même année, il se glissa une Moufette dans notre cave; une femme, qui l'aperçut la nuit à ses yeux étincelants, la tua, et dans le moment la cave fut remplie d'une telle odeur, que non-seulement la femme en fut malade pendant quelques jours, mais que le pain, la viande et les autres provisions qu'on conservait dans cette cave, furent tellement infectés, qu'on ne put en rien garder, et qu'il fallut tout jeter au dehors pour ne pas empester le lieu dans lequel étaient ces objets. » Des faits à peu près semblables sont rapportés par D'Azara et par d'autres naturalistes voyageurs, et Ion doit ajouter foi à ces récits lorsqu'on se rappelle que des Moufettes, ainsi que nous avons pu le constater plusieurs fois, conservées dans l'alcool depuis plus de dix ans, conservent cependant une odeur très-forte et très-désagréable lorsqu'on les relire du liquide dans lequel elles étaient contenues, et que celte odeur reste pendant longtemps aux mains des personnes qui les ont maniées. La détermination et la distinction des espèces de ce genre ne peuvent pas encore être établies d'une manière convenable dans l'étal actuel de nos connaissances. Tous les individus que possèdent les collections zoologiques de l'Europe, et que les naturalistes ont pu comparer entre eux, et tous ceux que les voyageurs oui décrits quelquefois légèrement dans leurs ouvrages, sont assez diffé- rents par les dispositions des couleurs de leur pelage pour faire regarder comme probable l'exis- tence de plusieurs espèces; mais ils ne le sont peut-être pas assez pour que le nombre de ces es- pèces puisse êtretixé avec une entière certitude. Il en résulte qu'une grande confusion existe à cet égard, et que certains auteurs ont admis un nombre très-considérable d'espèces, tandis que d'autres pensent qu'il n'en existe, au contraire, que très-peu. Toutefois, on est généralement d'accord aujour- d'hui pour ne plus placer dans ce groupe générique que des espèces provenant toutes de l'Amé- rique, et principalement des régions septentrionales. La prétendue Moufette du Cap a été reconnue n'être autre chose que le Zorille, espèce du genre Marte de Linné, et la Moufette de Java ou Télé- GAN, Mcphïùs Javancnsis, A. G. Desmaresl, est devenue le type du genre Mijdans de Fr. Cuvier. Buffon, dans son Ilisloire naturelle fjénérule et. particulière, t. XIII, et Supplcnicnl, t. VU, ad- met cinq espèces de Moufettes, et il les indique sous les noms de Couse, de Conépate, de Chinchc, de Zorille et de Moufette du Chili. Le Coase a été éloigné du genre qui nous occupe pour être placé tantôt dans le groupe des Martes, tantôt, mais plus rarement, dans celui des Coatis. Le Zo- rille n'a généralement pas été admis comme espèce distincte. Le Conépate est devenu le type du sous-genre Mepkilis des auteurs modernes sous la dénomination latine de Mephitis puloriiis, Tiede- mann. Il en est de même du Chinchc et de la Moufette du Chili : le premier, type du sous-genre Chincha de Lesson, sous le nom de Chinclin Americanu, et le second, type du sous genre Tlûosmus, Lichtenslein, sous l'épithèle latine de Thiosmns Chilensis . G .Cuyïer, ùnnsh Rcgnc animal, clù^âfrim lui A. G. Desmaresl, dans sa Mamnudocjic, ainsi que Uanzani, remarquent que les différentes races qu'indiquent les descriptions des voyageurs rentrent tellement les unes dans les autres, qu'on est leuiè, ou de n'admettre qu'une seule espèce, ou d'en former dix-huit, réunissant ensemble toutes les Moufettes sous le nom de Mephitis Aniericana; ces auteurs font observer toutefois que, lorsqu'on connaîtra mieux ces animaux, on devra probablement indiquer des espèces définitives dans celle grande espèce, en quelque sorte provisoire, et ils désignent les nombreuses variétés décrites par les 250 HISTOIRE NATURELLE. voyageurs. Depuis cette époque, et sans ptirler des subdivisions fondées par Lichlenslein, Lesson et M. drav, sur lesquelles nous reviendrons bientôt, nous ajouterons que M. P. Gcrvais, dans le Voifnqe de la Bonite, de MM. Eydoux et Souleyet, a donné de nombreux détails sur le Mepini'is FcuUlei, et que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans la partie zoologique du voyage de la Vémis, a fait connaître une nouvelle espèce, le Mcphilis vicsomela. Pour compléter cet historique, nous dirons encore que, pendant longtemps, on n'avait pas signalé de Moufettes fossiles, mais que, assez récemment, dans la liste des fossiles des cavernes du Brésil, donnée par MM. Lund et Claussen, on a signalé quelques os de ces Carnassiers. On ne semble pas en avoir rencontré des fragments en Europe, à moins que nous y rapportions le genre Palœomc- pliiiis [nx/Moc, antique; Mepli'itis, Moufette), indiqué par M i3i§er [Vûrlenberg foss. Saugtti., 1859), et qui est loin d'être connu d'une manière suffisante. l"' SOUS-GENRl':. — TlIIOSME TIIIOSMVS. Liditenslein, 1858 Abhanlungen der Berlin Akademie. ©ctcv, soul'rc; ornj.r,, odeiii'. Le principal caractère de ce sous-genre consiste dans le museau, qui est moins allongé (jue dans les autres sous-genres, ainsi que dans le groin qui le termine, et qui est assez long. On y range cinq espèces, dont la plus connue est le : TlIIOSME DU CHILI. MEPIIITIS CUILEASIS. El. GeolTroy Saiiit-Ililaire. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun noirûtre, présentant deux lignes blanches qui par- tent du sommet où elles sont unies, et s'avancent le long du dos en se rétrécissant jusque sur les hanches; la cjueue est blanche, avec quelques poils bruns. La longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à Torigine de la queue, est de 0'",50, et cette dernière partie a 0'",20 de longueur. Fi?. 82. — Moufetlc du Cl)ili. Cette espèce, qui a été adoptée par Fr. Cuvicr, a été décrite pour la première fois par Duffon. G. Cuvicr la regardait comme une simple variété du Viverra nicpliilis de Linné. Comme l'indique son nom, elle provient du Chili. Les autres espèces de ce sous-genre sont : 1" I'Yacouaré, D'Azara; Tlnosnmsyafiara, Lichlenslein; Viverra concpali, Gmelin, du Paraguay et de la Magellanie; 2" le Mepliilis misnta, Rennelt, de Ca- lilornie; 5" le Giilo QiiUaisis, De Ilumboldt, de Quito, au Pérou, dont le corps est noir, marqué de deux bandes longitudinales, avec une queue courte, blanche et noire, très-touffue; et 4« le Thiosmus mapurilo, hesson, variété Zon//ft, Ilernand, de la Nouvelle-Grenade et de Santa-Fé de Bogota, CARNASSIERS. 257 décrite par De Huniboldt, et remarquable par son pelage loulïïi, d'un noir foncé, n'ayant sur le dos qu'une bande blanche, et dont la queue est terminée par du blanc. 2« SOUS GRNRE. — CIIINCIIE. CHL\CIIA. Lessoii, ISi'i. Nouveau tableau du Règne animal; Mammifères. Chincha, nom de l'espèce typique du groupe. Ce sous-genre ne renferme qu'une seule espèce. CHINGUE. MEPniTIS AMERICANA. A. G. Dosmarest. Caractères spécifiques. — La tète, les épaules, les côtés du corps et les parties inférieures et pos- térieures, les membres et une ligne qui naît entre les épaules, s' avançant ensuite sur la queue en s'élargissant, sont noirs; le blanc commence entre les deux yeux, s'élargit sur le sommet de la tète, continue à s'étendre sur les côtés du corps, et finit à la queue, où il se mêle avec beaucoup de poils noirs; on voit en outre deux taches blanches, Tune sur les membres de devant, et l'autre sur les cuisses. La taille de cet animal est à peu près celle du Chat domestique. C'est l'espèce de Moufette qui a été décrite par Buffon sous la dénomination de Chinche, et elle correspond au Viverra inepli'iiis, Erxleben; Mephiùs Amerïcana, k. G. Desmarest; Mcpliilis cli'mcha et Amerïcana, Lesson, et doit aussi se rapporter à la variété Ihid.sonîca de Richardson. Le pelage de cet animal varie beaucoup, ce qui a fait établir dix-sept variétés dans cette espèce, parmi lesquelles quelques-unes doivent être regardées comme présentant de véritables différences spécifiques. Sans donner les caractères de ces diverses variétés, nous dirons que plusieurs nous semblent importantes, et nous renvoyons pour plus de détails à la Mammalocfic d'Â. G. Desmarest. Le Chinche se rencontre dans presque toute l'Amérique, depuis le centre des Etats-Unis jusqu'au Paraguay, dans les plaines comme dans les pays de montagnes, dans les endroits boisés comme dans les lieux découverts; mais l'on peut dire qu'il est surtout commun dans le Chili. 3« SOUS-GENRE. — MOUFETTE MEPHITIS G Cuvier Loco citalo. Quatre espèces entrent dans ce sous-genre, ce sont : 1. MOUFETTE DE FEUII.LÉE. MEPHITIS FEVILLEI. P. Gervais. CAiucTÎ:aES spécifiques. — Pelage entièrement d'un brun légèrement roussâtre, sans bandes blan- ches bien marquées. Longueur totale de la tête et du corps, Q"',bl; de la queue, 0"", 15. Dans cette espèce, le mufle est nu et saillant; les tarses et les carpes sont également sans poils à leurs parties plantaire et palmaire; les ongles sont plus longs antérieurement que postérieurement, et fouisseurs aux quatre extrémités; la queue n'est pas en panache comme dans le Chinche. Cette espèce, qui semble bien distincte, était désignée par A. G. Desmarest sous la dénomination de 3[ephiiis Amcvicana, variété Clùnclic de Feuillce. Elle se trouve aux environs de Monte-Video. 25 53 258 HISTOIRE NATURELLE. 2. MOUFETTE INTERROMPUE. MEPHITIS IXTEnRVI'TA. Rafinesque. Caractèhes spécifiques. — Brune; deux raies courtes, blanches, occupant parallèlement la tête; huit raies se dessinant sur le dos, les quatre antérieures parallèlement, et les quatre postérieures dans un sens inverse. Cette Moufette, qu'A. G. Desmarest indique comme simple variété du Mepkitis Americana, se trouve à la Louisiane, où elle est rare. Les autres espèces du même sous-genre sont la MephUis mcsomcla, décrite récemment dans la partie zoologique du voyage de la Vénus sous les ordres de l'amiral du Petit-Thouars, et qui pro- vient de l'Amérique méridionale, et le Conépate de Buffon; Viverra puloriiis, Erxleben; MepliU'is pulorhis, Tiedemann, qu'A. G. Desmarest ne considérait que comme simple variété du Mepinùs Americana, et qui habite les États-Unis de l'Amérique septentrionale. 2"^ GENRE. — MYDAUS. MYDAUS. Fr. Cuvier, 1821. Mamniift'ivs de la Ménagerie du Muséum. Mji^'aw, je sens mauvais. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslîine dcnlaïre : incisives, f; canines, J^; molaires, |e|; en totalité trente-deux dents, qui ressemblent beaucoup h celles des Moufettes, et sont en même nombre. Toutefois, les incisives sont disposées sur îin arc de cercle trcs-pctit, au lieu d'être placées sur une ligne droite, et les molaires sont beaucoup plus écartées. Tête plus courte que dans les Moufettes, et rappelant celle des Blaireaux. Oreilles presque entièrement dépourvues de conques externes. Pupille ronde. Narines s' avançant 1res au delà des mâchoires, et environnées d'unmufle qui a de la ressemblance avec celui du Cochon. Marche presque entièrement plantigrade et très-peu digitigrade. Mains et pieds présentant tous cinq doigts, réunis jusqu'à la dernière phalange par une mem- brane très-étroite. Ongles aigus et propres à fouir le sol, très-grands aux mains et médiocres aux pieds. Six mamelles : quatre pectorales et deux inguinales. Pelage peu fourni aux parties supérieures, et les parties inférieures, comme le museau, presque entièrement nues; les poils, en général, sogeux. Moustaches très-rares. Queue rudimentaire. Ce genre a été créé, en 1821, parFr. Cuvier; le type et espèce unique de ce groupe générique est une espèce de l'ancien genre Moufette, le Mephitis Javanensis, A. G. Desmarest, d'après sir Raf- fles, ou Mephitis meliceps, Griffith, qui est propre à la Malaisie, et se distingue particulièrement par 'a forme de sa tète, par sa queue rudimentaire et par la disposition que présentent les extrémités de ses membres. On lui a quelquefois appliqué la dénomination de Mijdas. Le système dentaire des Carnassiers de ce groupe ressemble tellement ù celui des Moufettes, que Fr. Cuvier les a décrits tous deux ensemble; il ne diffère que par les caractères de peu d'impor- tance que nous avons déjà indiqués. Il en est de même do son squelette, dont l'iconographie, plutôt que la parole, peut montrer les différences, tant elles sont de peu de valeur et même peu saisissables. On n'en connaît qu'une seule espèce vivante, et De Blainville désigne sous la dénomination de Fiii 1 — Heiiai'l. [Tf.T o l'oncv lie Sli(ll:iiiil. l'I n5. CARNASSIERS. 259 Mijdaus de Mciidon une espèce de Mustélien fossile, trouvée aux environs de Paris, dans la craie de Meudon, et qui doit très-probablement être rangée dans ce genre, mais que l'on no connaît pas d'une manière parfaite. L'espèce unique de ce groupe générique est : MYDAUS ou TÉLÉGOiN STICMIAD. Marshani. MYDAUS MELICEPS. Fr. Cuvicr. Caractères spécifiques. — Couleur générale du pelage brunfttre, avec le sommet de la tête et une ligne qui se prolonge quelquefois le long du dos jusqu'à l'extrémité de la queue, blancliàtrc. A peu près de la même taille que le Chinche. Dans le Télégon, la peau est de couleur de chair, et presque tous les poils, qui sont peu touffus, sont d'un brun marron très-foncé; on en trouve cependant quelques-uns sur la poitrine, ou cachés parmi les autres, qui sont blancs et d'une apparence soyeuse, tandis que les autres sont plutôt un peu laineux. Cette espèce répand, comme les Moufettes, une odeur extrêmement fétide, et c'est à cette même circonstance que se rapporte la dénomination générique de Mijdaus que leur donne Fr. Cuvier, et qui provient du mot grec [y-u^aw, je sens mauvais; c'est aussi d'après l'étymologie de ce nom que nous avons cru, à l'exemple de plusieurs zoologistes, pouvoir donner à ce genre le nom de Miidaus, de préférence à celui de Midans, que lui appliquait le savant naturaliste qui Ta créé. On ne connaît rien des mœurs de ces animaux; mais, d'après leur analogie avec les Moufettes, d'après la disposition de leur système dentaire, d'après la forme de leurs ongles, on peut conjecturer, sans crainte de se tromper, qu'ils sont carnassiers, et qu'ils vivent dans des terriers, qu'ils peuvent facilement se creuser. Les Mydaus ne sont pas rares à Java, et c'est de cette île que Leschenault, Diard et Duvaucel, ont envoyé au Muséum d'Histoire naturelle de Paris les peauxet le squelette qu'il possède. On les trouve également à Sumatra et à Bantam. Z""' GENRE. — MARTE. MUSTELA. Linné, 1755. Systema natufcT. Nom appliqué anciennement à la Marte, espèce typique du groupe générique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslème dentaire : incisives, f; canines, \^\; molaires, ''!> ou |^|; en tolalité trente-quatre ou trente-huit dents. La deuxième incisive de chaque côté est un peu rentrée. Les canines sont fortes. Les molaires sont tranchantes : les antérieures ou fausses molaires sont coniques, comprimées, tan- tôt au nombre de trois en haut et de quatre en bas, tantôt au nombre de trois en bas et de quatre en haut et de quatre en bas; les carnassières ou grandes molaires, trilobées, ont un petit tubercule a l'intérieur seulement dans quelques espèces; la dent tuberculeuse ou dernière molaire a une couronne mousse, tant en haut qu'en bas. Corps très-long, grêle, vermiforme, comme arqué ou voûté lorsque l'animcd est en repos. Tête petite, ovale, légèrement aplatie en dessus. Mâchoires inférieures courtes. Oreilles externes courtes, arrondies. Pupille (dlongée transversalement comme dans les Mammifères crépusculaires. Langue douce. Pieds très-forts, très courts, à cinq doigts réunis dans une grande partie de leur longueur par une membrane. Ongles crochus, très-acérés, excepté chez les Zorillcs. 2(50 HISTOIRE NATURELLE. Queue de médiocre grandeur. Des pentes (jlandes près de l'anus ifécrétant une matière dont l'odeur est très-désagréable, très- forlc, persistante. Pelage composé de poils très-fins, doux au toucher; les plus grands brillants, très flexibles. Mamelles toutes ventrales, au nombre de quatre à huit. Tube intestinal ne présentant pas de cœcum. Le genre Martin, Mustcla, a élé crée par Linné pour des espèces dont l'organisation offre beau- coup d'analogie et qui pourraient constituer une petite famille d'animaux partagée elle-même en plu- sieurs groupes génériques. Mais ce genre n'a pas toujours élé circonscrit de même; tout en y pla- çant conime type la Marte, le Putois et le Zorille, Rai et Rrisson y associèrent les Mangoustes- Linné lui-même y réunit les Loutres. Tonnant confondit les Maries avec une foule d'animaux hétérogènes, et Erxlebcn leur associa les Clouions. Depuis, Fr, Cuvier, considérant que la slructure des organes de la mastication et de la digestion sont, chez les animaux carnassiers, dans des rapports intimes avec le naturel fondamental, et que les différences que ce naturel présente, suivant les espèces, tiennent aux modifications organiques qui ont pour objet, non de le changer, mais seulement de varier les moyens de le satisfaire, a regardé tous les Carnassiers pourvus du même système de dentition que les Maries, et non dérivant de ce système, comme appartenant à un même grand genre, suivant les différences de leurs autres systèmes d'organes, et il y l'orme cinq subdivisions : celles des Putois, Zorillcs, Martes, Grisons et Gloutons. Les naturalistes plus récents que Fr. Cuvier ont plus ou moins modifié ce que ce savant naturaliste avait fait; mais en général, et nous les suivrons ici, ils ont laissé dans le grand genre Marte ses trois premières divisions sous-génériques, et ils ont formé des genres distincts avec les deux dernières. A cela nous ajouterons qu'outre les nombreuses es- pèces vivantes de ce genre on a, dans ces derniers temps surtout, fait connaître quelques fossiles qui peuvent, comme le montre De Rlainville, y rentrer naturellement. Le système dentaire des Martes est particulier et est, en général, leur caractère le plus commun. A la mâchoire supérieure, on trouve trois incisives, une canine, deux ou trois fausses molaires sui- vant les sous-genres, une carnassière et une tuberculeuse. Les incisives et les canines n'offrent rien de remarquable et sont ce qu'on les voit chez les Chats, les Hyènes et le Ratel, si ce n'est qu'elles ont leur lobe interne très-petit. La première fausse molaire des Martes est une très-petite dent à une seule racine, et dont la couronne se termine par une pointe très-mousse; c'est une dent rudimen- taire. Les deux suivantes, qui sont les analogues des deux seules fausses molaires supérieures des Putois et du Zorille, sont à plusieurs racines, minces de dehors en dedans, larges d'avant en ar- rière et très-pointues; la première est un peu plus petite que la deuxième; elles sont normales. La carnassière ne diffère pas de celle des Chais, si ce n'est par son tubercule interne plus distinct. La tu- berculeuse est tout à fait semblable à celle du Ralel. A la mâchoire inférieure se trouvent trois inci- sives, une canine, trois ou quatre fausses molaires, une carnassière et une tuberculeuse. Les inci- sives et les canines sont comme chez les Ratels. La première fausse molaire, chez les Martes, est rudimcntaire et à une seule racine; les trois suivantes, qui sont les trois seules fausses molaires in- férieures du Putois et du Zorille, ont deux racines et les formes des fausses molaires normales. La carnassière est semblable à celle des Chats, à l'exception du talon, qui est développé postérieure- ment. La tuberculeuse est petite, ronde, et sa couronne se termine par trois petites pointes. Dans leur position réciproque, les relations de ces dents sont à peu près les mêmes que dans les autres Carnassiers. Les particularités tirées du squelette varient trop selon ces trois sous-genres pour que nous nous en occupions maintenant. Le corps de toutes les Maries, long, grêle, vermiforme, leurs jambes courtes, leur agilité et leur souplesse, leur permettent de se glisser dans les trous les plus petits, pourvu toutefois que leur tête puisse y pénétrer. C'est ainsi qu'elles entrent avec la plus giande facilité dans les basses-cours les mieux fermées, et qui, par cela, paraissent â l'abri de leur fureur. En effet, ce sont les plus cruels elles plus sanguinaires de tous les Carnassiers, et, quand ils arrivent dans une basse-cour, ils s'ap- prochent avec précaution de leurs victimes, les tuent et niellent ainsi à mort tout ce qu'ils rencon- trent, lors même que leur faim est entièrement assouvie. Ces animaux sont tellement cruels, qu'ils CARNASSIERS. 2G1 n'épargnent même pas les espèces du même genre qu'eux, et que les plus forts détruisent les plus faibles, et cependant, dans la même espèce, les parents ont le plus grand soin de leurs petits et font en quelque sorte leur éducation aussitôt qu'ils commencent à marclicr. C'est toujours de proie vi- vante qu'ils se nourrissent, et ce n'est que pressés par la faim que parfois ils prennent quelques débris de matière animale morte ou de matière végétale, telles que des ronces, des raisins, etc. Leur nourriture la plus liabiluelle consiste en petits Mammifères, quelquefois ils s'emparent même des Lapins et des Lièvres, qui sont cinq ou six fois plus gros que les espèces qui les attaquent, et en viennent assez facilement à bout; ils se nourrissent aussi d'Oiseaux, d'œufs, qu'ils vont dénicher sur les arbres, de quelques Reptiles et Ampliibiens, etc. I^a plupart d'entre eux vivent dans les bois; mais deux espèces, la Fouine et la Belette, aiment à se rapproclier des habitations des hommes, et font dans les basses-cours les dégâts que nous avons signalés. Ils emploient dans l'attaque une grande ruse, un courage furieux, une cruauté inouïe et un goût très-prononcé pour le sang, car sou- vent ils ne tuent les animaux que pour sucer leur liquide. On peut toutefois dire peut-être qu'ils ont une certaine intelligence; réduites en captivité, les Martes s'apprivoisent assez bien; cependant jamais assez pour sentir de l'affection pour leur maître, et ne pas s'effaroucher de la présence d'un étranger. Sans cesse agitées par un mouvement de défiance et d'inquictude, elles ne peuvent rester un moment en place, et, si elles cessent par intervalle d'essayer à briser leur chaîne, c'est pour dor- mir. La Fouine, sans s'attacher positivement à son maître, peut cependant s'apprivoiser et devenir capable d'une certaine éducation. M. Buitard cite à ce sujet une anecdote dont il a été témoin et re- lative à un garde qui avait dressé une Fouine à pénétrer dans les basses-cours et les fermes, et à tuerie plus de volailles possible, dont il s'emparait ensuite au moyen d'un Chien qui allait prendre le gibier aussitôt qu'il avait cessé de vivre (1). La plupart des espèces de Marte hnbitcnt les contrées tempérées et septentrionales de l'ancien continent, principalement de lEurope; quelques-unes sont propres à l'Amérique, et une seule, le Zorille, à la partie méridionale de l'Afrique. Nous allons successivement les passer en revue, en les rangeant dans les trois sous-genres Marte (Muslela), Putois (Pulorius) et ZoniLLi; {ZoriUa); nous parlerons aussi des espèces fossiles les plus importantes. l'-- SOUS-GENRE. — MAllTE. MUSTELA. G. Cuvicr, t707. Talilraux élémentaires du rtgnc animal. D'après le nom de h Mauti:, MusicJa des anciens. C.MIAGTÈRES lUSTINCTIFS. Une fausse molaire de plus en liaul et en bas que dans le sous-genre des Putois. (larnassièrc inférieure aijanl un pclil luhcvcnic. Museau un peu allonçic. Onfjles acérés, à demi rétraclïlcs. (1) Nous demandons à nos lecteurs la permission de rapporter les propres paroles de M. Boilard [Dictionnaire universel d'Ilitloire naturelle, tome VIII, 1847) à ce sujet. « Dans un villige sur les bords de la Saône, un ancien gardc-cliasse, un peu fripon, était parvenu à apprivoiser si Inen une Fouine, qu'il ajjpelait Robin, que jamais il ne l'a tenue à l'altiche; elle courait librement dans toute la maison sans rien briser, et avec tonic l'adresse d'un Chat. Elle était turbulente, il est vrai, mais elle prenait ses précautions pour ne rien renverser. Elle répondait à la voix de son maître, avançait quand d l'appelait, ne le caressait pas, mais semblait ])rendre plaisir à ses caresses. Elle vivait eu très-bonne intclli;:cncc avec Bibi, petit Gbien terrier anglais ipii avait été élevé avec elle. Geci est déjà très-singulier, mais voici qui l'est davantage : Uuliin et Bibi n'étaient pour leur maître que des instruments de vol et des complices. Cliaquc matin, le vieux garde sortait de chez lui, portant à son bras un vaste panier à deux couvercles dans lequel était caché Robin; Bibi suivait derrière son maître, lui marchant presque sur les talons. Ce trio se rendait ainsi autour des termes écartées, où l'on est dans l'usage de laisser la viilaille errer assez loin de l'habitation. Dès que le vieux garde apercevait une Poule à proximité d'une haie, dans un lieu d'où l'on ne pouvait le voir, il prenait Robin, lui montrait la Poule, le posait à terre et continuait son che- min. Robin se glissait dans la haie, se taisait petit, rampait comme un Serpent, et s'approchait ainsi de l'Oiseau; puis tout à coup il s'élançait sur lui et l'étranglait sans lui donner le temps de pousser un cri. Alors le vieux fripon de garde revenait sur ses pas; Bibi courait chercher la Poule et l'apportait, suivi de Robin; l'Oiseau était aussitôt mis dans le 262 HISTOIRE NATURELLE. Un assez "^rand nombre d'auteurs, et particulièrement Daubcntou ihn&V Histoire naliirclle générale et particulière de Buffon, et De Blainville dans son Ostéoçj rapine, fascicule des Mustelas, ont donné la description complète du squelette de la Fouine, que l'on peut prendre pour type des animaux de ce sous-"-enre. Ce squelette, dans sa nature analomique, a quelque chose de plus cassant, de plus sec, de plus dur que celui des Petits-Ours, et, sous ce point de vue, se rapproche davantage de celui des Chats, c'est-à-dire qu'il est peu imprégné de graisse et plus blanc. Le mode d'assemblage des os qui le constituent est aussi un peu plus serré, les saillies et les cavités d'articulations plus prononcées en "-énéral. La colonne vertébrale est composée de cinquante-deux vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées et dix-huit coccygiennes, se disposant de manière à produire une arqûre très-prononcée, en dessus au cou, en dessous au dos et surtout aux lombes. Sans entrer dans de minutieux détails sur les vertèbres céphaliques étudiées chacune séparément, nous dirons que de leur réunion et de leurs appendices sous un angle d'environ vingt degrés, il résulte une tête ovale presque droite en dessous, et assez régulièrement arquée en dessus, le point culminant ou le plus bombé étant dans l'espace interoculaire, un peu en gouttière en avant de ce point; et, au contraire, pourvue d'une crête sagittale peu élevée en arrière; ayant ses orilices terminaux assez grands; l'antérieur ou nasal un peu oblique et bordé seulement par les prémaxillaires et les naseaux; le médian ou palatin assez petit et à peu près au milieu du dia- mètre longitudinal; le postérieur plus grand, ovale, presque transverse et échancrant un peu le b.i- silaire; la cavité cérébrale est assez considérable, de forme ovale, presque circulaire, partagée en deux par une lame osseuse occipitale complète, mais étroite. Les vertèbres cervicales forment un cou allongé. Les vertèbres dorsales ont leur corps large, cylindrique, non caréné et presque de même diamètre, et leur apophyse épineuse médiocre, avec une sorte d'arrêt à leur bord postérieur, inclinée en avant aux dix premières et en arrière aux quatre autres. Les lombaires sont peu allon- gées, épaisses, assez fortement hérissées par leurs apophyses. Les trois vertèbres sacrées sont pe- tites, distinctes, au moins dans leur apophyse épineuse. Les vertèbres coccygiennes, surtout les dix ou douze dernières, sont grêles, assez longues, décroissant rapidement. Le sternum ne pré- sente rien de différent de celui de la plupart des Carnassiers; il est composé de dix pièces, toutes étroites, comprimées latéralement et élargies à leurs extrémités articulaires; le manubrium étant élargi et le xiphoide entièrement cartilagineux. Les côtes sont au nombre de quatorze paires; elles sont grêles, très-comprimées et croissent régulièrement de la première à la dernière; leurs car- tilages sont également grêles, presque aussi longs qu'elles. Il en résulte un thorax de médiocre lon- gueur, un peu en baril. Les membres sont petits par rapport à la longueur du tronc, et assez espa- cés; ils sont tous presque égaux. Les antérieurs ont une clavicule rudimentaire suspendue dans les chairs, à peine osseuse; leur omoplate est assez étroite, presque triangulaire; l'humérus un peu re- courbé, percé très-bas au-dessus du condyle interne, l'externe présentant une crête longue; le ra- dius est grêle, assez arqué; le cubitus est un peu fort, comprimé, arqué en dedans, avec un olécrane court, élargi, et une apophyse odontoïde large et forte; le carpe est composé de sept os; le méta- carpe comprend des os assez grêles; les phalanges sont également très-minces et les onguéales sont comprimées, aiguës, élevées en contre de charrue, quelquefois un peu arquées. Les membres pos- térieurs sont un peu plus longs que les antérieurs, surtout dans la jambe et dans le pied; l'os inno- miné est robuste, un peu courbé dans son bord postérieur, avec l'ischion dilaté vers sa tubérosité; le fémur est assez long, un peu courbé en S; le tibia, plus long que le fémur, est assez grêle, droit presque triquètre et s'élargissant inférieuremenl; le péroné est très-grêle, parfaitement droit, sans arêtes un peu prononcées; le pied, un peu plus long que la jambe, est composé d'un tarse propor- tionnellement assez court, dont l'astragale, élevé dans sa poulie, a sa fête portée sur un col légère- ment allongé; lecalcanéum est comprimé, canaliculé à l'intérieur de sa tubérosité; le métatarse est très-long, assez étroit, formé de cinq os grêles, serrés; les phalanges sont minces, peu allongées, panier avec li Fouine, qui avait sa petite loge séparée, et l'on se remettait en marclie pour chercher une nouvelle occa- sion de recommencer celte manœuvre. A la fin, les fermiers du voisinage s'aperçurent de la diminution du nombre de leurs Poules ut de leurs Chapons ; on se mil à {juclter, et l'on ne larda pas à saisir les voleurs sur le fait. Le juge de paix, qui n'était nullement soucieux des progrès de l'histoire naturelle, fit donner un coup de fu.sil à la Fouine, et crut faire grâce au vieux garde en ne le condamnant qu'à payer les Poules qui, grâce à Bibi et à Robin, avaient passé par son pot-au-feu. )) Fi1. Tri CARNASSIERS. 2G5 moins étroites toutefois qu'aux mains, et les onguéales étant un peu moins élevées qu'aux membres antérieurs. L'os du pénis est un peu élargi ù la base, presque triquétre dans les deux tiers posté- rieurs, se relevant et se tordant un peu vers sa terminaison, où il s'élargit considérablement et est percé d'un trou ovalaire. Spécifiquement, il y a peu de différences ostéologiques dans ce sous- genre, ainsi qu'on a pu surtout le constater dans la Marte et la Zibeline. Les Martes sont essentiellement carnassières, comme toutes les espèces du genre; mais on connaît moins leurs mœurs que celles des Putois, dont nous allons bientôt nous occuper. Elles sont de pe- tite taille, semi-digitigrades, et parfois un peu plantigrades; leurs paumes et plantes des mains et des pieds sont presque toujours nues, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'elles sont couvertes de poils. On trouve ces animaux dans toutes les parties du monde, excepté en Afrique et en Océanie; elles ne sont surtout pas trop rares dans le nord de l'Europe et de l'Amérique. On a jusqu'ici constaté l'existence de dix espèces récentes; mais, en outre, on en a découvert plusieurs autres à létat fossile, et ces débris paléontologiques constituent tantôt des espèces parti- culières et tantôt se rapportent aux espèces que l'on trouve encore pendant la période géologique actuelle 1. MARTE. MUSTELA MARTES. Linné. Caractères srÉciFiQur?. — Pelage formé de deux sortes de poils : 1° de grands, longs et fermes, cendrés auprès du corps, ensuite fauve clair, et terminés de brun mêlé de roux très-luisant; 2° d'un duvet très-fin, très-abondant, non entièrement recouvert par les longs poils, de couleur cendrée très-légèrement teintée de fauve et de blancbâtre. Bout du museau, poitrine, les quatre jambes et la queue, d'un brun noirâtre, dans lequel il ne paraît que peu de couleur fauve; gorge, partie infé- rieure du cou et partie antérieure de la poitrine, de même couleur, mais offrant une tache d'un jaune clair; partie postérieure du ventre rousse; bords et dedans des oreilles de couleur blanchâtre légè- rement teinte de jaunâtre. En résumé, ce pelage est brun, avec une tache jaune clair sous la gorge. Longueur totale de la tète et du corps, 0'",48; de la queue, O^^SS. Les anciens connaissaient la Marte, ainsi que plusieurs espèces du même genre, telles que la Fouine, le Putois, le Furet et la Belette, et il semble que c'était particulièrement à la Fouine, et selon d'autres à la Belette, que les Grecs donnaient le nom de ^aXïi, et les Latins celui de Mustela. Mais les recherches des auteurs à cet égard sont assez obscures pour que nous ne croyions pas devoir nous en occuper. Chez les modernes, beaucoup de naturalistes en ont donné des descriptions plus ou moins complètes; nous citerons seulement Buffon, qui l'indique sous la simple dénomination de Marte; Fr. Cuvier sous celle de Marte commune, et Linné, qui lui a appliqué le nom latin de Musiela maries, qu'elle porte encore aujourd'hui. Quelquefois on écrit Martre au lieu de Marie. On a signalé la Marte à l'état fossile; mais ce fait, cité surtout dans le Catalogue paléonlologiqiie de M. Tournai, et indiquant des débris fossiles de cette espèce comme trouvés dans les brèches osseuses du dépar- tement de l'Hérault, n'a pas été confirmé d'une manière bien positive. La Marte habile tout le nord de l'Europe et FAmérique septentrionale jusqu'à la baie d'Iludson. Buffon assure qu'il n'en existe pas en Angleterre, parce qu'il n'y a pas de bois dans ce pays. Avant que les grandes forêts fussent détruites en France, elle y était assez commune; mais aujourd'hui elle est, au contraire, devenue très-rare. Elle se plaît dans la profondeur des forêts les plus sau- vages, où elle grimpe avec agilité sur les arbres les plus élevés, pour faire une chasse incessante aux petits Mammifères, aux Oiseaux et aux œufs qu'elle peut rencontrer. Elle détruit une grande quantité de petit gibier et de Rongeurs, tels que les Mulots, les Loirs, les Lérols; elle mange aussi des Lézards, des Serpents, des Grenouilles, et recherche les ruches des Abeilles sauvages pour s'emparer de leur miel. La Marte n'est pas un animal tout à fait nocturne, malgré la disposition de sa pupille; mais, ainsi que tous les animaux sauvages qui habitent des pays très-peuplés où l'homme les inquiète souvent, elle se cache pendant le jour et ne sort de sa retraite que la nuit pour com- mettre ses dévastations. « Courageuse et rusée, dit M. Boilard, la Marte, comptant surtout sur son 264 HISTOIRE NATURELLE. extrême agilité, s'effraye peu quand elle est chassée par les Chiens courants; elle se plaît à faire battre et rebattre la passe, à les dépister, à les fatiguer avant de monter sur un arbre pour échap- per à leur poursuite. Encore, quand elle emploie ce dernier moyen, ne se donne-t-elle pas la peine de grimper jusqu'au sommet. Assise à la bifurcation de la première branche, elle les regarde effron- tément passer sans s'en inquiéter davanlage. Elle ne se creuse pas de terrier et n'habite même pas ceux qu'elle trouve tout faits; mais, quand elle veut mettre bas, elle cherche un nid d'Écureuil, en mange ou en chasse le propriétaire, en élargit l'ouverture, l'arrange à sa fantaisie et y fait ses petits sur un lit de mousse. Tant qu'elle les allaite, le mâle rôde dans les environs, mais n'en approche pas. Lorsque les petits sont assez forts pour sortir, la mère les conduit chaque jour à la promenade et leur apprend à grimper, à chasser et à reconnaître la proie dont ils doivent se nourrir. C'est alors que le mâle se réunit à la femelle, apporte à ses petits des Oiseaux, des Mulots et des œufs. Dès lors ils ne rentrent plus dans le nid et dorment tous ensemble dans des trous d'arbre ou dans des feuilles sèches, sous un buisson charnu, etc. » La portée des femelles est de deux ou trois petits selon Ruffon; mais il paraîtrait qu'elle peut être plus considérable et se composer de cinq ou six petits. La fourrure de la Marte est assez recherchée, quoiqu'elle le soit beaucoup moins que celle de la Zibeline; on l'emploie surtout à faire des manchons de femme. 2. FOUINE. MUSTELA FOINA. Brisson. CAnACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pelage de deux sortes de poils : les plus courts très-fins, doux, d'un cendré très-pàle, ou même blanchâtres; les grands longs, fermes, moins abondants que le duvet, et le laissant voir par places, de couleur cendrée dans la première moitié de sa longueur, et d'un brun noirâtre dans le reste, avec quelque teinte de roussâtre qui paraît sous différents aspects; jambes et queue noirâtres; dessous du corps plus gris que le dessus; une bande plus brune sur chaque flanc, depuis l'aisselle jusqu'à l'aine; une tache blanche sur la gorge qui s'étend sur une partie de la mâchoire inférieure jusqu'aux oreilles, sur la face inférieure du cou et sur la partie antérieure de la poitrine, et de chaque côté sur la face antérieure des bras jusqu'au pli du coude; poils de la queue les plus grands de tous, assez durs. En résumé, la Fouine se distingue de la Blarle, avec laquelle elle a de commun un pelage brun, en ce que tout le dessous de sa gorge et de son mufle sont blan- châtres, et qu'il n'y a seulement qu'une seule tache jaune clair sous la gorge; sa taille est la même. La Fouine, connue depuis très-longtemps, est regardée par quelques zoologistes, particulièrement par De Rlainville {Ostéographie, 1841), comme le type du groupe qui nous occupe. La Fouine se rencontre dans l'Europe et l'Asie occidentale; elle est assez commune en France et en Angleterre. Elle se tient de préférence au voisinage des habitations rurales, et fait même quel- quefois ses petits dans les granges ou les magasins à foin; d'autres fois, elle établit son domicile dans un trou de rocher, dans le creux d'un arbre. Du reste, ses mœurs sont en tout point semblables à celles de la Marte et du Putois. Elle dort deux fois par jour, et se place pour cela un peu à la ma- nière des Chats; quand elle est éveillée, elle se met continuellement en mouvement. Ruffon nous en a tracé un portrait que nous croyons devoir reproduire. « La Fouine a la physio- nomie très-fine, l'œil vif, le saut léger, les membres souples, le corps flexible, tous les mouvements très-prestes; elle saute et bondit plutôt qu'elle ne marche; elle grimpe aisément contre les murailles qui ne sont pas bien enduites de plâtre, entre dans k'S colombiers, les poulaillers, etc.; mange les œufs, les Pigeons, les Poules, etc.; en tue quelquefois uu grand nombre et les porte à ses petits; elle prend aussi les Souris, les Rats, les Tauj)es, les Oiseaux dans leur nid. Les Fouines, dit-on, portent autant de temps que les Chats. On trouve des petits depuis le printemps jusqu'en automne, ce qui doit f;iire présumer qu'elles produisent plus d'une fois par an. Les plus jeunes ne font que trois petits, les \)\\is âgés en font jusqu'à sept. Elles s'établissent, pour mettre bas, dans un magasin â foin, dans un trou de muraille, où elles poussent de la paille et des herbes; quelquefois dans une fente de rocher ou dans un trou d'arbre, où elles portent de la mousse, et, lorsqu'on les inquiète, elles déménagent et transportent ailleurs leurs petits, qui grandissent assez vite, car celle que nous CAKNASSIKP.S. 2or; avions f levée avait, au boiinriin an, presque alteinl sa î^irandeur naturelle; et de là on peut inférer que ces animaux ne vivent que iiuil à dix ans Klle demandait à mani^er comme le Chat et le Cliien, et mangeait de tout ce quou lui donnait, à Texception de la salade et des herbes; elle aimait beau- coup le miel, et préférait Iq cliènevis à toutes les autres graines. » D'après cela on voit que la Kouine montre quelques marques d'intelligence, et nous avons déjà eu occasion d'en indiquer d'autres preuves; nous ajouterons encore que, chez les anciens, il paraîtrait que la Kouine, de même que la Belette, étaient réduites à l'étal de domesticité, et qu'elles vivaient dans les maisons à la manière de nos Chats. Jusqu'ici on n'a pas signalé positivement de Fouine à l'état fossile; mais il est probable qu'on parviendra à en découvrir, aujourd'hui surtout que les recherches paléonlologiques sont suivies avec autant de soin qu'on le fait. C'est auprès delà Fouine que l'on range trois espèces particulières de Martes découvertes A l'état fossile : la Muslcla çiciirl laides de De Blainville, fondée sur deux morceaux de mâchoire inférieure trouvés dans le terrain tertiaire moyen d'eau douce de Sansans; 'i» la Mitsicla pardineiisis de MM. Croizel et Jobert, de la troisième époque géologique et particulière à l'Auvergne; et 3" li Muslcla ples'icûs, \/m7.qx et de Parieu, propre aux alluvions du Puy-de-Dôme, et dont De Piainville a pu donner une bonne description du système dentaire. "> ZIBELINE. MVSTELA ZIBELLIXA. Linné Cahactères spécifiques. — Très-semblable à la Marte par les formes et l'habitude du corps, ainsi que par la grandeur. Pelage d'un fauve obscur, mêlé d'un brun foncé; devant de la gorge ayant quelques nuances cendrées; partie antérieure de la tête et oreilles blanchâtres; pieds très-velus et couverts de poils jusque sur les doigts. Longueur de la tête et du corps; 0'",40, de la queue, 0"',5r». Cette espèce habite le nord de l'Europe et TAsie septentrionale, la Tartarie et la Sibérie jusqu'au Kamtchatka. Elle se tient sur les bords des fleuves; choisit les lieux ombragés et les bois les plus épais; vit dans des trous ou dans des espèces de nids formés d'herbes sèches, de mousse et de ra- meaux, soit sur les branches élevées, soit dans des creux d'arbres ou de rochers; passe la journée entière dans cette retraite et une partie de la mauvaise saison sans néanmoins s'y engourdir; fait sa nourriture habituelle de la chair des Ecureuils, des Lièvres, et aussi des Martes et des Hermines, auxquelles elle donne la chasse. En été, elle joint aux substances animales quelques fruits, et sur- tout ceux du cormier, dont l'usage lui cause, assure-t on, des démangeaisons très-vives. La femelh; met bas vers la fin de mars ou au commencement d'avril, et sa portée n'est que de trois à cinq pe- tits. Les fourrures des Zi! elincs de Sibérie passent pour les plus précieuses des espèces du sous- genre Marte, et l'on estime surtout celles de Witinski et de Ncrrskinsk. Les bords de la Wiiima, ri- vière qui sort d'un lac situé à l'est du Baïkal et va se jeter dans la Lena, sont fameux par les Zibe- lines que l'on y chasse. Ces Carnivores abondent dans la partie des monts Altaï que le froid rend inhabitable, ainsi que dans les montagnes de Saïan, au delà de l'Enisseï, et surtout aux environs de rOi et des ruisseaux qui tombent dans la Tomba On a donné de grands détails sur la chasse que les habitants de la Sibérie font à la Zibeline, et l'on a décrit avec soin les fatigues auxquelles l'homme s'expose pour s'emparer de cet animal dans un pays déshérité de Dieu et dans lequel It^ froid auquel il s'expose peut devenir mortel; nous renvoyons à ce sujet aux récits des voyageurs, ainsi qu'au résumé qu'en a donné M. Boilard, et nous terminerons l'histoire de cet animal en rapportant, d'après M. Lesseps, la manière singulière dont les Kamlchadales s'emparent de la Zibeline. « Un d'enlre eux, dit-il, nous demanda un cordon; nous ne pûmes lui donner que celui qui attachait nos Chevaux. Tandis qu'il y faisait un nœud coulant, des Chiens accoutumés à cette chasse entouraient l'arbre. L'animal, occupé à les regarder, soit frayeur, soit stupidité naturelle, ne bougeait pas; il se contenta d'allonger son cou lorsqu'on lui présenta le nœud coulant; deux fois il s'y prit lui-même, deux fois ce lacs se délit. A la fin, la Zibeline s'élant jetée à terre, les Chiens voulurent s'en saisir, mais bientôt elle sut se débarrasser et elle s'accrocha, avec ses pattes et ses dents, au museau d'un des Chiens, qui n'eut pas sujet d'être satisfait de cet accueil. Comme nous voulions tâcher de '25- ôi 266 HISTOIRE NATURELLE. prendre l'animal en vie, nous écartâmes les Chiens; le Carnivore quitta aussitôt prise et remonta sur un arbre, où, pour la troisième fois, on lui passa le lacs, qui coula de nouveau. Ce ne fut qu'à la quatrième fois que le Kamtchadale parvint à le prendre. Cette facilité de chasser les Martes est d'une grande ressource aux habitants de ces contrées, obligés de payer leur tribut en peaux de Zibe- lines. » M. Kaup {Europas Thierw, t. I, 1859) a désigné des débris fossiles de ZihcUina. 4. VISON. MUSTELA VISON. Linné. Caractères spécifiques. — Grands poils du corps bruns, plus ou moins teints de fauve et luisant noir par-dessous; un duvet très-doux, très-touffu, de couleur cendrée claire, depuis la racine jus- qu'à la pointe, qui a une teinte de fauve pâle; queue peu touffue, médiocrement longue, de couleur noire; pieds garnis de poils. Longueur de la tête et du corps, 0'",40. Par les dispositions de ses couleurs, cette espèce a tellement de rapport avec le Minx de notre continent, que l'on serait tenté de les réunir si G. Cuvier n'avait rangé la première dans le sous- genre Marte et la seconde dans celui des Putois. Au reste, le caractère le plus saillant est de peu de valeur, puisqu'il consiste seulement dans la couleur de la queue et dans celle de la lèvre supé- rieure. Le Vison vit sur les bords des eaux et habite sous terre. Sa femelle produit de trois à six petits par portée. Sa nourriture consiste en Poissons, Oiseaux aquatiques, Rats, Souris, Moules, œufs de Tortue, etc. Quelquefois il pénètre dans l'intérieur des habitations rurales, y commet les mêmes dégâts que le font dans nos fermes les Fouines, les Belettes et les Putois. La patrie de cette espèce est le Canada, ou d'une manière plus générale le nord des Etats-Unis. Lesson l'indique comme propre au Poitou et à la Saintonge; mais c'est probablement par erreur que ces localités ont été indiquées. 5. PEKAN. MUSTELA CANADEXSIS. Linné. Caractères spécifiques. — Corps couvert de poils de deux sortes; un duvet de couleur cendrée sur la plus grande ])artie de sa longueur, depuis la racine, et ayant la pointe grise avec quelques nuances de fauve; poils luisants, fermes, présentant les mêmes couleurs que le duvet, excepté dans la partie qui dépasse celui-ci, laquelle est grise et noire, avec quelques nuances de marron, et la pointe qui est noire; couleurs générales résultant de celles des poils et du duvet, et offrant un mé- lange de gris et de fauve sur la tête, le cou, les épaules, le liaut des jambes de devant et le dos; côtés du corps plus gris que les parties supérieures; croupe noirâtre; bas des jambes de devant, jambes de derrière en entier, les quatre pieds et la queue, noirs, avec quelques nuances de brun; dans certains individus, du blanc entre les jambes de devant, sur la poitrine et entre les jambes de derrière, sur le ventre. On en connaît une variété entièrement blanche, que l'on indique sous le nom de Vison blanc {Muslcla alba, Richardson). De la taille de la Marte. Cette espèce vit, comme la précédente, sur le bord des lacs et des rivières, dans des terriers qu'elle se creuse. Elle habite le Canada et le nord des États-Unis. 0. MAIITF. A TÈTE DE LOI TRE. MUSTELA LUTREOCEPUALA. Ilarlan. Caractèhes spécifiques. — Pelage généralement d'un blanc brunâli'o ou jaunàlre, plus clair en dessous, avec la queue d'un brun ferrugineux. D'assez grande taille. Par ses formes générales, cette espèce ressemble à la Loutre; sa tète et ses oreilles sont sembla- CAlliNASSlKlSS 267 l)los; ses doigts sont à demi palmés, ce qui indique dos liabiludos aquatiques. Klle vit de Reptiles, (le Crustacés et de l'oissoiis, et habite de prélerencc le bord des ruisseaux et des petites rivières dans le Maryland et les Étals-Unis. On croit pouvoir rapporter en synonymie à cette Marte le iMinli des Américains de VVarden, la Mustcla riifa d'A. G. Desmarest, et la Miisiela vison de Sliaw; mais l'on n'est pas bien sûr que cet animal diffère réellement du Vison et du Pékan. 7. MAllTE DES ItUlWNS. MUSTELA HURO. Ih. Cuvier. Caractères spécifiques. — Uniformément d'un blond clair, les pattes et la queue plus foncées; le dessous des doigts entièrement revêtu de poils, comme ceux de la Zibeline. De la taille de la Fouine. Cette espèce, dont la couleur du pelage varie beaucoup, provient du haut Canada. 8. \VA.IACll lUrSTELA PEXNANTl. Erxlcl)Cii. Caractères spécifiques. — Museau pointu et nez d'un brun noirâtre; oreilles courtes, larges, ar- rondies, bordées de noir; moustaches longues, soyeuses; poitrine brune, avec quelques poils blancs; ventre et cuisses d'un brun noir; pieds larges, velus, ayant des ongles blancs; fond du pelage jau- nâtre, quelquefois noirâtre, passant au brun-marron sur la lête; queue touffue, très-grêle à son ex- trémité, noire et lustrée. Celle espèce, qui est la Musiela inelanorhipicha, Boddârl, la Miislela piscatoria, Lesson, et le Viverra piscator, Shaw, habite la Pennsylvanie et les bords du grand lac des Esclaves. 'J. GUJA. MUSTELA CUJA. Molina. Caractères spécifiques. — Pelage très-doux, épais, entièrement noir; queue aussi longue que le corps, touffue; museau relevé vers Textrémité; yeux noirs. Taille du Furet. Celte espèce, que l'on croit être la Mustcla cigogniari, Ch. Bonaparte, Viverra cliinga Molina, a à peu près les mêmes mœurs que la Fouine; elle chasse continuellement aux Souris, qui sont sa principale nourriture, et la femelle fait deux portées par an, chacune de quatre ou cinq petits. Elle habile le Chili et le Mexique. On indique encore plusieurs autres espèces de ce sous-genre, et presque toutes proviennent de rAroêrique; elles ne sont pas assez connues pour que nous les décrivions, et nous donnerons seu- lement le nom des principales. Ce sont : la Marte-Pienard [Mnsiela vulpina, Ralinesque). du Ca- nada; la Marte-Zorra (Mustcla Sinnensis, Ilumboldt), de l'Amérique méridionale, particulièrement de l'embouchure du Kio-Sinii; le Quiqui {Mustcla quiqiù, Molina), indiqué comme du Chili, etc. 2« SOUS-GENRE. — PUTOIS. PUTORIUS. G. Cuvier, 1797. Tableaux élémentaires du Règne aninuil. ^'om spécifique transporté au croupe sous-géucriquc. !CAl\AGTERES DISTINCTIFS. (Air)iassicre de la màchuïrc supérieure n'ayant pas de tubercule inierne. Tuberculeuse d'en haut plus longue (pie large. cfQ^i, IlISTOir.E iNATUl'.ELMv Fausses molaires supér'ienrcs an nombre dr deux, cl les inférieares an iioinhr,- de Irais de diarjuc calé. iMnsean jilus court cl jdiis ip-os ijue celui îles esjiiees du sous-ijenre Marie. Tous exlialanl une odeur péiiélranle, désagréable. FiR. 85 Putois L'osléologii' de plusieurs espèces de ce sous-genre a élé donnée plus ou moins complélemenl; c'est ainsi que Daubenton, dans Vllistoire naluretle générale el parlieulière de Buffon, a décrit le squelette du Putois sauvage et du Furet. G. Cuvier et De Blainville sont depuis revenus sur le même sujet. Le squelette du Putois, pris pour type des animaux de cette division, considéré en totalité, est généralement plus allongé dans le trotic et ses parties que celui de la Fouine, et, au contraire, les membres sont plus courts et plus distants. Le nombre des os de la co- lonne vertébrale est en totalité de cinquante-trois : quatre vertèbres céplialiques, sept caudales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées et dix-neuf coccygiennes. La forme de la tête est presque semblable à celle de la Marte; la seule différence appréciable outre celle de la taille porte sur (-e que la face est encore plus courte, au contraire de la partie cépbalique, qui est plus élargie en arrière. Les vertèbres du cou, du dos, et surtout celles des lombes, sont plus grêles dans leur corps; leurs apophyses sont plus étroites, moins marquées. Les vertèbres sacrées et coccygiennes sont, contrairement, un peu plus courtes proportionnellement, et leur dia- mètre décroît plus rapidement, ce qui rend la queue plus eflilée. La série sternale, c'est-à-dire 1 hyoïde, le sternum et les côtes, ne présentent aucunes différences notables, si ce n'est peut-être plus (le gracilité, el par conséquent de rapprochement avec celles des Belettes. Les membres sont assez courts, égaux, très-distants : les antérieurs ont une clavicule rudimentaire; l'omoplate est assez large, ovalaire; l'humérus est court, arqué en S; le radius et le cubitus sont, pour la forme, sembla- bles à ceux de la Fouine, mais très-courts. Les membres postérieurs, en général, plus courts que les antérieurs, ont un os inuominé plus étroit; le tibia et le péroné sont moins droits, et, consé- (piemincnt, plus arqués; le pied de même forme, est proportionnellement plus long dans toutes ses parties. La rotule, dans le Putois, est étroite, allongée, un peu oblique. L'os du pénis de cet animal, ainsi que celui du Furet, sont de forme triquètre, irrégulière; cet os est élargi, spatule à la base, fortement canaliculé en dessous, et à extrémité antérieure en crochet, comme pliée eu gouttière, mais non percée. Si nous étudions les différences ostéologiques que peuvent présenter les principales espèces de ("e sous-genre, nous verrons (pu* le Furet n'a qu(î quinze paires de rôles, (jne la face est proportion- nellement moins large, et que l'os innominé est plus court. Dans la Belelle et l'Hermine, les os du squelette offrent de grandes différences de taille, et sont généralement plus grêles; la tète et le Ironc plus ;i!longés; les membres sont plus courts, plus inégaux, plus distants; le tibia n'est pas plus long (pie le fémur; il n'y a plus ({ue (juinze vertèbres coccygiennes. Dans le l'utois, aiusi que dans le Furet, la Belette et l'Hermine, le Miislela uiidipes de Java, qui est une véritable P.elellc, seulement plus gro.sse que la nôtre, ainsi que dans la Miislela boccamela de Sirdaigiie, (pii semble ne p;is différer de la Belette, la seconde fausse molaire manque aux deux ma- Fig. j _ Gîvotle. Fig. -2.— Cheval haskir. l'I. .-) CAUNASSll'US. 209 choires, ce qui réduit le noniliro de ces deuts à |. Il y a, on outre, (|ut'l((ues ditïérences dans plu- sieurs de ces deuts, mais elles sont à peu près loutes spéeili(|ues; toutefois, dans toutes les espèces lie ce sous-genre, le tubercule de la ]>arlie interne de rarrière-molairo d'en haut est réi^uliùrenient coni(pie et médian : la dernière arrière-molaire d'en bas est très-petite, ronde, et relevée dans son milieu par une pointe conique, mousse. Les Putois, en général, sont des animaux très-carnivores, et qui ont les mêmes mœurs que les Mar- tes; on en connaît nue douzaine d'espèces, qui sont surtout répandues en Europe et en Asie. Cette première partie du monde principalement renferme les deux tiers des espèces de ce groupe, et l'une d'entre elles se rencontre à la fois en Europe et en Afrique; enlin, ou en signale une espèce à Java. Ouelques débris fossiles ont aussi été découverts. I l'UTOIS. MUSTELA PUTOUIUS. Linné. CAHACTÈnEs seKcrin^Mj!:.?». — Pelage brun; les poils intérieurs étant d'un blanc jaunâtre; quelques taclies blanches à la tête, et notamment près du museau. Longueur de la tête et du corps, U'",55; de la queue, 0'",16. Le Putois est connu depuis la plus haute antiquité; il est très-répandu et se trouve dans l'Europe méridionale, tempérée et boréale. Dans cette espèce, la queue est plus courte proportionnellement que celle de la Marte et de la Fouine; la paume des mains est garnie de quatre tubercules à la base des doigts, savoir : deux très-petits, internes, correspondant, l'un au pouce et l'autre à l'indicateur; un grand se rapi>oriani à la fois au médius et à l'annulaire; un moyen tout à fait externe et sous le petit doigt; un cinquième plus reculé, et du côté externe; la plante des pieds n'en a que quatre seulement, disposés comme les antérieurs; tous les doigts ont aussi, en dessous de leurs dernières phalanges, un tubercule très- apparent. Le tour de la bouche, les côtés du nez, la pointe des oreilles, sont blancs; la partie qui est entre la bouche, le coin de l'oreille et le front est blanc varié de brun. Les poils du corps sont de deux sortes : les grands, fermes, luisants, d'un brun noir; les plus courts laineux et de co- loration blanc jaunâtre ou fauve blanchâtre, d'où il résulte que la teinte générale est brune partout où les grands poils sont abondants et recouvrent les autres (sur le dos, par exemple), et qu'il y a un mélange de fauve partout où ces derniers sont apparents à l'extérieur (sur le ventre, par exem- ple); les quatre jambes et la queue sont d'un brun noir uniforme. Le Putois porte vulgairement la dénomination de Bclc puante, nom qui lui vient de l'odeur in- fecte qu'il exhale, surtout lorsqu'il est en colère; car, alors, celte odeur devient tellement forte, (|u'elle dégoûte et éloigne les Chiens les plus ardents à la chasse. Ses mœurs sont semblables à celles de la Fouine; il habite, en été, les campagnes et les bois voisins des habitations, et, l'hiver, il va se loger dans les vieux bâtiments, les granges, les greniers à foin, il dort pendant le jour, et ne sort de sa retraite que la nuit pour aller à la chasse des petits animaux qu'il peut rencontrer; il attaque souvent les basses-cours, rll se glisse dans ces endroits, dit Buffon, monte aux volières, aux colombiers, où, sans faire autant de bruit que la Fouine, il fait plus de dégâts. Il coupe ou écrase la tête à toutes les volailles, et ensuite il les emporte une à une, et en fait un magasin. Si, comme il arrive souvent, il ne peut les emporter entières, parce que le trou par où il est passé se trouve trop étroit, il leur mange la cervelle et prend seulement les têtes. Comme il aime beaucoup le miel, il sait profiter du temps où les Abeilles sont engourdies pour attaquer les ruches et les pil- ler. )) Les sexes se rapprochent au printemps; les mâles se livrent alors entre eux des combats acharnés; les femelles font de trois à cinq petits par portée; elles les allaitent, les accoutument en; M. Buckland, dans la caverne de Klrkdale; MM. Marcel de Serres et Dnbreuil dans celles du dépar- lement de rilérault; M. deCIiristol dans celles de Lunel-Yiel; enfin M. Sclimerling dans les cavernes des environs de Liège. Ce sont principalement des débris de têtes que Ton a trouvés; mais cependant un a aussi quelquefois découvert d'autres portions du squelette. ■2. FURET. MUSTELA FUliO. Limi.'. CAnvcTÈREs SPÉCIFIQUES. — Pelage jaunâtre avec les yeux roses. En général plus petit que le Pu- Lois, il n'en diffère pour la forme du corps qu'en ce qu'il a la tête moins large et le museau plus étroit et plus allongé. Son pelage d'un jaune clair offre, dans certaines parties, des teintes de lilanc, parce que les longs poils sont en partie blancs, tandis que les poils courts et laineux sont jaunes en entier. Les femelles sont un peu plus petites que les mâles. Le Furet onISimse n'est irès-probablemont qu'une simple variété albine du Putois, perpétuée par une longue domesticité. Il nous a été apporté d'Espagne, et les Espagnols eux-mêmes Font reçu de Bar- barie dès la plus haute antiquité, si l'on s'en rapporteàStrabon. A l'état sauvage, il ne peut vivre en France, et, s'il s'échappe des lieux où il est enfermé, il ne tarde pas à mourir pendant l'hiver. En Es- pagne, où il s'est parfaitement naturalisé, ses mœurs ne diffèrent guère de celles du Putois. « En nais- sant, dit Buffoii, il apporte une telle haine pour les Lapins, qu'aussitôt qu'on en présente un, même mort, à un jeune Furet qui n'en a jamais vu, il se jette dessus et le mord avec fureur; s'il est vivant, il le prend par le cou, par le nez, et lui suce le sang. )> Les chasseurs ont tiré parti de cet instinct pour employer cet animal à la chasse du Lapin. On élève pour cela les Furets; on essaye de les dresser, mais ils ne sont jamais très-bien apprivoisés, et leur éducation se borne à tirer parti de l'instinct que leur a donné la nature, et on en fait ainsi, non des domestiques, mais des esclaves tou- jours en révolte et qu'on ne peut conduire qu'à la chaîne. Ils ne reconnaissent pas leur maître, n'obéissent à personne et mordent ceux qu'ils rencontrent. Lorsqu'on s'en sert, on a soin de les museler avant de les présenter à l'entrée du terrier, car sans cela ils en tueraient tous les habitants, leur mangeraient la cervelle, se gorgeraient de sang, puis ils s'endormiraient sur leurs victimes. Quand ils sont muselés, ils les attaquent seulement avec les ongles; les Lapins se hâtent alors de sortir, et, dans leur frayeur, vont donner tête baissée dans les pièges qu'on a tendus à l'entrée de leur terrier. Les Furets se détachent quelquefois et s'enfoncent dans les profondeurs des terriers; alors ils sont perdus pour le chasseur. On les élève dans des cages ou des tonneaux; on les nourrit avec du pain, du son, du lait, et l'on s'abstient de leur donner de la chair; ils dorment continuel- lement et ne se réveillent que pour manger. La femelle porte six semaines et fait par an deux por- tées composées de cinq à six petits, et quelquefois de huit à neuf; elle en a assez peu de soin, et l'on assure même que parfois elle les dévore. Ces animaux, comme le Putois, exhalent, surtout quand ils sont en colère, une odeur fétide très-forte. 7>. Pfc;ROU.\SCA. MUSTELA SARMATICA. Pallas. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun ferrugineux, tacheté de jaune en dessus; la gorge et le ventre noirs. Longueur de la tête et du corps, O^jSô; de la queue, O™,!?. Cette espèce est très-voisine du Putois pour les formes générales, mais elle a la tête plus étroite, le corps plus allongé, la queue plus longue elle poil plus court; sa tête est triangulaire; son nez est pointu et dépasse un peu la lèvre; les oreilles sont droites, arrondies, velues; les ongles aplatis, crochus, plus longs aux pattes de devant qu'à celles de derrière; la queue est déliée, garnie de longs poils. Le pelage est luisant, noir sur la tête, blanc autour de la bouche et des oreilles, sur le som- met de la tête et sur le front; varié sur le corps de brun et de petites taches jaunes qui blanchissent CARNASSIERS. 271 pendant riiiver; uno raie hlanclie olilique se remarque au dessus des yeux; il y a une autre raie lon- gitudinale, jaunâtre, de chaque eùté de la tète; une troisième de cette dernière couleur sur chaque épaule; le corps est noir en dessous, de même que les pieds, qui sont d'un noir très foncé; les poils de rorii;ine de la queue sont cendrés à la base, noirs dans le milieu et blancliâtres à leur pointe; ceux de Textrémité cendrés à la base, mais noirs à la pointe; les ongles sont blanchâtres. Le Pérouasca habite la Pologne, surtout en Volhvnie; on le trouve aussi en Russie, dans les champs déserts situés entre le Tanaïs et le Volga. C'est un animal irès-vorace, faisant une guerre conti- nuelle aux Rats, aux Loirs, aux Reptiles et aux Oiseaux; ne sortant que pendant la nuit des terriers qu'il habite dans le jour, et qu'il se creuse lui-même ou qu'il trouve tout faits; répandant une mau- vaise odeur, principalement lorsqu'il est irrité, et alors redressant les poils dont son corps est cou- vert, comme le font les Chats quand ils se mettent en fureur. 4 HERMINE ou ROSELET. MUSTEIA ERMINEA. I.inné. Caractères spécifiques. — Pelage d'été d'un brun marron pâle en dessus, blanc en dessous; pe- lage d'hiver blanc; queue toujours noire à l'extrémité. Longueur de la tête et du corps, 0"','2(); de la queue, O^.OO. Dans son pelage d'été, cette espèce, qui porte vulgairement la dénomination de Roselci, a les parties supérieures et les cô4és du museau, le dessus de la tête, du dos et du cou, la queue, dans sa plus grande longueur, d'un brun marron pâle; les parties inférieures d'un blanc uniforme, teinté de jaune très-clair; les doigts des quatre pattes, ainsi que le bord des oreilles, d'un blanc pur; la queue terminée par un flocon de poils noirs. Dans son pelage d'hiver, alors qu'elle porte plus ordinairement le nom d'IJominc, elle est d'un blanc légèrement teint de jaune par tout le corps, excepté le flocon du bout de la queue, qui reste constamment noir. En automne et au printemps, dans le mois de mars, on trouve souvent des Hermines blanches et tachées par plaques de couleur brune marron, soit que cette dernière teinte ne soit pas encore totalement venue, soit qu'elle n'ait pas encore dis- paru en entier. Cette espèce habite l'Europe tempérée, où elle est plus rare que la Belette; mais elle est plus commune dans le Nord, surtout en Russie, en Norwége, en Sibérie et en Laponie. On la rencontre également au Kamtchatka et dans les parties les plus septentrionales des États-Unis d'Amérique. L'Hermine a les mêmes mœurs que la Belette, seulement elle est d'un caractère plus farouche qu'elle, ne se plaît que dans les forêts les plus arides, et jamais elle ne s'approche de> habita- tions deshoma:es. Elle se nourrit d'Écureuils, de Rats, et reclierche les œufs des Oiseaux dans les prairies humides. Elle s'élève très-bien en domesticité, et s'apprivoise même plus que la Belette. Sa fourrure est des plus recherchées, surtout quand elle a ce blanc éclatant qu'elle perd toujouis plus ou moins en vieillissant pour prendre une teinte un peu jaunâtre; on s'en sert pour faire des man- chons et pour orner les robes des dames, ainsi que celles des docteurs. La cbasse de cette espèce, ainsi que celle de la Zibeline, occupe un très-grand nombre d"hommcs, et procure un des produits les plus considérables du commerce des peuples du Nord, et principalement de l'empire russe. 5. 13ELETTE. MUSTELA VULGARIS Linné. Car.\ctères spécifiques. — Pelage d'un brun roussâtre en dessus, blanc en dessous; lextrémité de la queue n'est jamais noire dans l'espèce typique, mais cela peut se remarquer dans quelques va- riétés. La longueur de la tête et du corps n'est que de 0"',10, et la queue a environ O^^Oo. Cette espèce est excessivement effilée; la partie supérieure du museau, de la tête, du cou et du corps, les épaules, la face externe et antérieure des jambes de devant, les pieds de derrière en en- tier, sont d'un brun roussâtre ou fauve, légèrement teint de jaunâtre; les parties inférieures du corps, depuis rextrémilé de la mâchoire inférieure jusqu'à la queue, la face interne et postérieure 27-2 IIISTOIRF. NATUP.F.U.F.. (les jaiiilifs (le devant, de la cuisse et de la jambe, sont, hlanclies; souvent denx taches linin fauve sont situées à quelque distance au delà des coins de la boudio. f.a Belette, qui est très-piohablenieni le Vo.jt, des Grecs, el qno Pallas a désignée sous la même dénomination de Gnlc, varie assez considérablement dans son système de coloration, d'où il résulte que plusieurs de ces variétés ont été regardées comme des espèces particulières. Nous indiquerons les principales variétés, mais en faisant remarquer que, mieux étudiées, quelques-unes d'entre elles constitueront peut-être des espèces particulières : 1° le Puloriiis boi'cawela, Cetti, que Ton regarde comme I'i/.ti; d'Aristote, et qui se trouve en Sardaigne, établit un passage de la Belette à l'Hermine; en été il est brun ci roussàlre en hiver; 2° rilERMiNETTE ou Belette des keiges (Mnstcla nivalis, Linné, Mnstcla Injcmalis, Pallas) semble être une simple variété blanche de la Belette avec la seule diffé- rence qu'elle a constamment le bout de la queue noir; elle habite le nord de l'Europe et se rencontre qtu'lquefois en France; 5° la Belette altaïque (Mustela nlta'icn, Pallas), animal propre au nord de l'Asie et de l'Europe, et qui est très-insufiisamment connu; et A° la Belette des Alpes {Mustela Al- pina, Gebler), qui ne paraît différer de la Belette que par sa taille légèrement plus grande; elle est jaunâtre ou brunâtre en dessus, d'un jaune pâle en dessous, avec le menton blanc, ainsi qu'une par- tie de la bouche; habite les Alpes, où elle se loge dans des trous de rochers ou dans des terriers, et se nourrit de petits Mammifères et d'Oiseaux. Celte espèce est vorace et carnassière comme les autres espèces du même genre; en été ^Ue reste dans la campagne et dans les bois, et se nourrit de tous les petits animaux qu'elle rencontre, s'atta- quant parfois à des Mammifères cinq ou six fois plus gros qu'elle, tels que des Surmulots ou sur- tout des Lapins, et venant toujours à bout de les tuer et de les dévorer. En hiver, elle ne s'écarte guère des habitations de l'homme, et fait alors la guerre aux volailles et aux autres animaux conser- vés dans les basses cours. Elle produit deux ou trois fois par an trois, quatre ou cinq petits, que la femelle dépose sur un lit de feuilles sèches, dans le creux d'un vieil arbre. La Belette chasse le jour et non pas uniquement la nuit, comme l'assurait Buffon; elle peut aisément s'apprivoiser, pourvu qu'elle soit prise jeune et traitée avec beaucoup de douceur. La Belette se rencontre dans les parties tempérées el septentrionales de l'ancien monde, ainsi que dans le nord de l'Amérique. Elle n'est pas rare partout. On a signalé plusieurs débris fossiles de cette espèce dans les cavvrnes, et mélangés avec une foule d'autres animaux; M. Buckland en a indiqué des traces dans la caverne de Kirkdale; M. Schmer- ling dans celles des environs de Liège et M. Marc-Enry dans la caverne de Kent, près de Terbay, en Angleterre. (5. TUIICURI. :)IUSTELA LUTREOI.A. l'alLis. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun noirâtre, avec le dernier tiers de la queue tout à fait noir; la lèvre supérieure, le menton et dessous du cou, blancs. De la taille de la Marte. Cette espèce, qui habite le nord de l'Europe et surtout la Finlande, a les pieds à demi palmés; elle se tient sur le bord des eaux, et se nourrit de Grenouilles, d'Écrevisses et de Poissons; ses habitudes tiennent à la fois à celles de la Loutre et du Putois. Elle n'exhale qu'une légère odeur de musc, peu désagréable, d'où il résulte que sa fourrure, d'ailleurs très-belle, est plus recherchée que celle des autres espèces du même genre. C'est probablement cette espèce que Buffon nommait Vison, et qu'Erxleben indiquait sous la dé- nomination de Mnslcla minor. 1. GtlOnOGK. MUSTELA SIBIRICA. F.ilhis. Caractères spécifiques. — Pelage à poils longs, d'un fauve doré en dessus, et d'un jaune fauve pâle eu dessous; le tour du muile blanc, el la partie du museau comprise entre les veux el celle partie brune. De la taille et avec les formes du Furet. CARNASSIERS. 273 Le Cliorock habite les foitHs de la Sibérie, et, ainsi que le I*utois, dont il a les mœurs, il se rap- proelie des habitations rurales pendant l'hiver, et dévaste les basses-cours. 8. rilTOlS A GORGK DORÉf:. MUSTELA FLAVIGULA. Dodd^rt. Caractères spécifiques. — Pelage généralement noir, avec la gorge, le ventre et le dos, jaunes; les joues blanches. La longueur de la tète et du corps est de 0'",59, et la queue a à peu près la même dimension. La coloration de cette espèce diffère considérablement dans les divers individus, aussi est-il pro- bable qu'on l'a décrite sous plusieurs noms, et qu'on doit lui rapporter les Mustda fjnudrkolus, Shaw; Mustda kucolis, Temmink, el Pulorius Hnrdwicku, llorsfield. 11 se trouve au Népaul. 9. PUTOIS D EVERSMANN. PUTORIUS EVERSMANNIl. Lesson. Caractères spécifiques. — Pelage d'un jaune clair, à pointe des poils brune seulement sur les lombes; la poitrine et les pieds bruns; la queue partout d'une teinte égale. Celle espèce, qui ressemble beaucoup au Putois, habile entre Orenbourg el Boukara. • 10. FURET DE JAVA. MUSTELA NUDIPES. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage d'un beau roux doré très-brillant; la tête et l'extrémiié de la queue blanches ou d'un blanc jaunâtre; le dessous des pieds entièrement nu. De taille un peu plus petite que le Putois. Il a été trouvé à Java. Ses mœurs n'ont pas été étudiées; mais l'on pense que ce sont les mêmes que celles de nos Martes européennes. S** SOUS-GENRE.— ZORILLE. ZORILLA. G. Cuvier, 1795. Tableaux élémentaires du Rtgne animal. Nom spécifique appliqué au groupe sous-générique. CARACTÈRES DISTINCTIFS Système dentaire à peu près semblable h celui du Putois. Tuberculeuse d'en haut assez large. Deux fausses molaires à la mâchoire supérieure, et trois a l'inférieure. Museau court. Ongles des pieds de devant obtus, épais, propres h fouir le sol, mais non à grimper sur les arbres. G. Cuvier a commencé à étudier rostéologie du Zorille; depuis, Lichtenstein en a donné une bonne figure, et De Blainville a décrit le squelette, qui, d'après lui, ne s'éloigne pas encore beaucoup de ceux du Putois et de la Fouine. Le nombre des vertèbres est toujours à peu près le même : ciii- quanle-six à cinquante-sept, dont vingt et une à vingt-trois à la queue; celles du tronc sont au nom- bre de quinze dorsales et de cinq lombaires. La partie postérieure de la tête est encore un peu moins longue proportionnellement; les apophyses orbitaires sont plus prononcées, et le trou sous- 26 55 274 HISTOIRE NATURELLE. orbitaire est plus pelit. L'apophyse épineuse de Taxis se projette entièrement en avant. Les apo- pliyses transverscs des vertèbres cervicales sont moins prononcées. L'apophyse épineuse des ver- tèbres dorsales est courte, et celle des vertèbres lombaires assez large, élevée. Les vertèbres coecygiennes sont nombreuses, diminuant graduellement de grandeur, médiocrement allongées. Il V a onze pièces au sternum. Les côtes sont an nombre de quinze paires. Les membres anté- rieurs sont formés, comme dans les espèces du même genre, d'une clavicule rudimentaire, cartilagi- neuse; d'une omoplate à peu près semblable à celle de la Fouine; d'un humérus assez court, percé au condyle interne; d'un radius court; d'un cubitus fortement canaliculé à la face externe; d'une main forte, surtout en largeur; aussi les os qui la composent sont-ils plus courts, bien plus robustes que dans les Martes : ceux du cinquième doigt sont plus longs que les autres, et les phalanges onguéales plus longues que les secondes. Les membres postérieurs ressemblent davantage à ceux du Putois dans les proportions des parties; en effet, les pieds sont beaucoup plus allongés, plus grêles que les mains, et surtout dans les os du métatarse, car les doigts sont courts, les phalanges onguéales toujours plus longues que les deuxièmes. L'os du pénis ressemble à celui du Grisou; il est grêle, droit, assez régulièrement triquètre, peu ou point canaliculé en dessous et dilaté en spatule oblique à son extré- mité antérieure. Le Zorille offre encore une arrière-molaire supérieure un peu plus large que celle qui lui corres- pond dans le Putois, ou mieux plus ovale transverse; la partie externe avec trois pointes basses, et l'interne avec deux marginales; la principale inférieure a un double denticule à son bord posté- rieur; la première arrière-molaire a la pointe interne très-prononcée, le talon un peu plus large, ainsi que la deuxième arrière-molaire, pourvue d'une pointe interne comme dans les Moufettes. Plusieurs zoologistes ont formé un genre particulier avec le Zorille, qui réellement diffère assez fortement des Martes; c'est le genre llhabdogale (fag.îo;, baguette; •^'a>.r., Belette) de Miiller [m Wieg- niann Arcliiv., t. VI, première partie, 1858), et celui des Zorilla, Lesson (Nouveaux Tablcaitx du licgne animal. Mammifères, 1842). On ne connaît qu'une seule espèce de ce groupe, le Zorille, qui est Carnivore comme les autres Martes, et qui se rencontre dans plusieurs parties de l'Afrique, telles que le cap de Bonne- Espérance, l'Abyssinie et la Sénégambie. ZORILLE ou PUTOIS DU CAP. VIVERRA ZORILLA. Linné. CARACTÈnES SPÉCIFIQUES. — Pelage noir, avec quelques taches blanches sur la tête et des lignes longitudinales blanches sur le corps en dessus, ou blanc avec des taches ou des lignes noires. Lon- gueur de la tête et du corps, 0",54; de la queue, 0"',27. Le Zorille a reçu le nom vulgaire de Blaireau du Cap; A. G. Desmarest le nomme Muslela zorilla, et Lesson Zorilla variecjata, dénomination adoptée par les classificateurs modernes. Le pelage de cet animal est généralement de couleur noire ou noirâtre, avec des raies, des bandes et des taches blanches ou blanchâtres qui ont quelque apparence de jaunâtre; une tache blanche se remarque sur le front, entre les deux yeux; le dessus du cou et du dos sont marqués de quatre bandes de la même couleur, dont les deux du milieu commencent à l'occiput, et Pexlérieure de cha- que côté s'étendant jusqu'à une petite distance de l'œil : ces bandes n'étant pas régulières ni pour la largeur, ni par la direction; une bande blanche se voit de chaque côté de la poitrine, commençant derrière le coude, remontant vers le dos ou le milieu du corps, et formant une bande transversale sur la partie postérieure du dos; une deuxième bande blanche transversale sur les lombes, laquelle descend au devant du genou; une tache de la même couleur de chaque côté de la croupe, et une petite bande en forme de demi-anneau à l'origine de la queue, dont le bout est aussi de couleur blanche; la poitrine, les jambes et les pieds sont noirâtres, sans mélange de blanc; les grands poils sont fer;nes et lustrés, cachant un duvet très-dense et offrant les mêmes couleurs; il y a des poils entre les doigts des pieds de derrière. Cette espèce, au reste, varie plus ou moins dans sa colo- ration. Le Zorille, qui, ainsi que nous l'avons dit habite l'Afrique méridionale, a le même genre de vie Dï#*ïSr-^^-^.£^' -^J Pio i _ Cluit serval pi„ 2. — Paradoxure d'Hamillon. PI. 56 c\r,N\ssii;ns. 273 que la Mailo, à cola pii\s que, iic poiivaiil i^i'imper sur les arbres, il se erensc un terrier où il se ré- fugie pendant le jour, et dans lequel 11 se relire à la moindre apparence de danger. 4"'<^ GENRE. - LOUTRE. LUTRA. Linné, 1748. Systriim luiliuii'. Lutra. nom iloiiiié à Im I^oiilre coiiiiiuiaf |i,ii l(js i.iitiiis, CARACTÈRES GÉNÉRKjUKS. Sjistcinc ilenia'ire : incisives, |; canines, f^j; moUtircs, |^| ou |5|, en lolalilé Ircntc-six ou (reulc-linit dcnls. Deuxième incisive inférieure de chaque côté iin peu rentrée dans (juclqucs es- pèces, et sur la liçjne des autres incisives dans une autre. Canines nioijennes, crochues. Première molaire supérieure petite, mousse, quelquefois caduque; deuxième tranchante; troisième semblable pour la forme, mais plus épaisse; quatrième ou carnassière de grosseur médiocre, à deux pointes externes, et munie d'un fort talon en dedans; cinquième à trois petites pointes en dehors avec un larcje talon interne, relevé d'un tubercule mousse. Corps très-lonç], épais, écrasé, bas .tur pattes. l'cte large, aplatie. Oreilles courtes, arrondies. Lançiuc légèrement, papilleuse. assez douce. moustaches formées de quelques poils longs. Membres très-courts, forts. Doiçjts des mains et des pieds allongés, armés d'ongles crochus, non rétraclilcs. réunis par une membrane, et les transformant en des espèces de rames propres h la natation. Paume des mains nue et garnie au milieu d'un large tubercule à quatre lobes; plante des pied.'i nue à la partie antérieure et h talon recouvert de poils. Queue moins longue que le corps, forte, déprimée h la base. Pelage composé de deux sortes de poils; un duvet excessivement fin, doux et de longues soies brillantes; en totalité, ce pelage est doux, mais il est rude dans quelques espèces. Deux petites glandes sécrétant une rupteur fétide, situées près de l'anus. Pas de coccum . Linné, dans les premières éditions de son Sgslema naiurœ, plaçait les espèces qui forment le genre naturel des Loutres dans son genre Mustela ou Marte, qui présente avec lui de grands rap- |)orts, si ce n'est que les espèces qu'il renferme sont essentiellement disposées pour une vie aqua- tique et ont pour cela subi des modifications plus ou moins profondes; mais, dans l'édition de 1748 de son immortel ouvrage, il a créé le groupe générique des Loutres, Lutra, et cette division des plus naturelles a été adoptée par Brisson, Soopoli, Erxleben, G. Cuvier, Shaw, Lacépède, Illiger, A. G. Desmarest, en un mot par tous les zoologistes classificateurs. Dans ces derniers temps, on l'a même considéré comme formant une famille particulière, et l'on a cru pouvoir y créer un assez grand nombre de subdivisions génériques; c'est ainsi que Gloger a indiqué le genre Latax, qui correspond à ceux des Pusa, Oken; Enhgdris, Licbtenstein, et Enlujdra, Flemming; et que d'autres groupes ont été créés, tels que ceux des Pteronura, Gray; Aonyx, Saricovia et Leptongx, Lesson, etc., auxquels on devrait peut-être joindre quelques groupes d'animaux à l'état fossile Sans adopter tous ces grou- pes, nous indiquerons les princijjaux comme subdivisions sous-génériques. Les Loutres se lient, sous le rapport de la dentition, de la manière la plus intime aux Moufettes ou Mydaus, et surtout aux Martes, avec lesquelles elles ont de nombreuses analogies. « A la mâ- cboire supérieure (nous empruntons ici la description de Fr. Cuvier), les incisives et les canines sont exactement ce que nous les avons vues chez les Martes, les Gloutons et les Moufettes. Les fausses molaires sont au nombre de trois : la première est très-petite et rudimentaire; la deuxième, un peu plus grande que la première, mais beaucoup plus petite que la troisième, est, ainsi que cette der- 27C HISTOIRE NATURELLE. nière, régulièrement conformée comme dans toutes les fausses molaires normales. La carnassière est principalement remarquable par l'étendue et la forme que le tubercule interne a prises. Ce n'est plus même une pointe saillante reposant sur une base très-large comme chez les Moufettes, c'est une sur- face large, terminée du côté interne par une ligne circulaire et bordée dans cette partie par une crête unie et saillante. La tuberculeuse a repris les dimensions et les formes de celle des Martes; elle est de même plus étendue du côté externe au côté interne que d'avant en arrière, et les inéga- lités qui en divisent la surface ne diffèrent en rien de ce que nous avons fait observer chez ces der- niers animaux. A la mâchoire inférieure, les incisives et les canines n'ont rien qui les distingue du système de dentition des Moufettes, et il en est de même des fausses molaires, de la carnassière et de la tuberculeuse. Dans leur position réciproque, il résulte des différences que nous avons indi- quées entre les Moufeltes et les Loutres que dans celles-ci un tubercule ne vient plus remplir le vide que laissent entre eux les tubercules disposés en triangle de la carnassière inférieure. Le pre- mier de ces tubercules, celui qui est à la partie antérieure de la dent, est en opposition avec le centre creusé de la surface large, bordée d'une crête, qui a remplacé chez ces animaux le tubercule que l'on peut encore voir dans les Moufettes; les deux autres tubercules remplissent le vide qui reste entre la carnassière et la tuberculeuse opposée, et cette dernière présente presque toute sa couronne au talon postérieur de la carnassière d'en bas. Il ne reste en opposition avec la tubercu- leuse de cette dernière mâchoire que le bord postérieur de la dent analogue de la mâchoire d'en haut. Il serait difficile de déterminer par les dents si les Loutres sont plus carnassières que les Mou- fettes : car, si elles paraissent avoir des dents carnassières qui s'éloignent un peu plus de celles des Martes que les carnassières des Moufettes, elles ont, par contre, des dents tuberculeuses moins étendues que celles de ces derniers animaux » De Dlainville, de son côté, a également donné quelques dé- tails sur l'odontologie des Loutres, et particulièrement sur celle de la Loutre commune, et compara- tivement il a indiqué les différences que présentent celles du Cap, du Kamtchatka, du Chili; cette dernière principalement remarquable en ce que, supérieurement et de chaque côté, il n'y a que quatre molaires au lieu de cinq. Fig. 84. — Loutre commune. Un assez grand nombre d'auteurs se sont occupés de Fostéologie de la Loutre commune, et en particulier Daubonton dans Yllisioire naturelle (jcncralc et parliculicre de IJulfon, et G. Cuvier dans ses Ossements fossiles. Steller, anciennement, et, depuis, Ëverard Home et M. Martin, ont dé- crit le squelette de la Loutre du Kamtchatka. Plus récemment, De Dlainville, dans son Ostéocjraphic , fascicule des Musielas. 1841 , a donné de nouveaux détails sur cinq espèces de ce groupe. En général, les Loutres, chez lesquelles on pourrait même indiquer des différences spécifiques dans quelques |)arties du squelette, s'éloignent des véritables Martes, non-seulement par les modifications que les pu'xes qui le constituent ont éprouvées pour une locomotion aquatique, mais encore par quelques points indiquant une véritable dégradation. Plus particulièrement le squelette de la Loutre d'Europe, iMim vukjaris, considéré dans son ensemble, est caractérisé par le grand allongement de la co- CARNASSIERS. 277 lonne vertébrale et surtout par la brièveté proportionnelle des membres en général, et dans toutes leurs parties. Toutefois, le nombre des vertèbres est le même que dans la Fouine : quatre cé- pbaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées, et la différence ne porte que sur les coccygiennes, au nombre de vingt-six. La tête se distingue de celle du groupe des Musielns par la largeur et la grande dépression de la boîte cérébrale, la minceur des os et par l'extrême brièveté de la face, séparée de celle-là par un étranglement susorbilaire très-prononcé. • On doit aussi remarquer la force de la crête occipitale, la nullité de la crête sagittale, le dévelop- pement peu marqué des apophyses orbitaires, la grandeur du trou sous-orbitaire et son grand rap- prochement du bord de l'orbite. Les vertèbres cervicales sont plus courtes que dans la Fouine, et assez semblables pour les apophyses, si ce n'est que l'épineuse de l'axis est convexe, quoique sur- baissée, et que la transverse de la septième est bien plus pointue. Les vertèbres du dos n'offrent rien qui leur soit particulier que leur grande laxité, ce qui indique aussi l'étroitesse et la distance de leurs apophyses épineuses, ainsi que la grande saillie du tubercule des apophyses transverses. Les vertèbres lombaires sont courtes dans leur corps et hérissées de larges apophyses, toutes diri- gées en avant; les transverses surtout croissant rapidement de la première à la dernière, qui est beaucoup plus large que les autres. Les trois vertèbres sacrées sont distinctes dans leurs apo- physes épineuses, qui sont assez larges; mais la dernière n'est pas soudée aux autres et ressemble à une première coccygienne. Quant à celles-ci, elles sont en général courtes, telles que dans la Fouine, décroissant moins rapidement, beaucoup plus épaisses ou robustes, avec les apophyses et les crêtes d'insertion musculaires mieux marquées, principalement les transverses des premières. L'os hyoïde a son corps large et plat, ses cornes antérieures formées de trois articles également comprimés et crois- sant en longueur du premier au dernier, et en sens inverse en largeur, avec ses cornes postérieures presque droites. Le sternum n'est formé que de dix pièces, dont le xiphoïde est longtemps cartilagi- neux; les pièces intermédiaires sont courtes, presque égales; le manubrium est médiocrement pro- longé en avant. Les côtes, au nombre de dix paires sternales et de quatre asternales, sont grêles, très-espacées, presque contournées en S, fort allongées, ou mieux comme tordues, très-plates infé- r eurement, et pourvues, surtout les dernières, de cartilages très-longs et larges, ce qui donne à la poitrine, et surtout aux hypocondres, une étendue considérable. Les membres sont courts et dis- tants, plus encore que ceux du Putois, avec lesquels ils ont une certaine ressemblance, et les os longs qui entrent dans leur composition ont une cavité médullaire aussi développée que celle des Martes. Les antérieurs sont pourvus d'une clavicule très-grêle, presque aciculaire, très-courte, à peine un peu courbée, mais bien osseuse; d'une omoplate courte, large, flabelliforme, comme celle des Putois, très-étendue dans son bord supérieur, avec l'apophyse récurrente de la crête moins prononcée, quoique plus large; d'un humérus robuste, court, égalant à peine les six premières ver- tèbres dorsales, fortement courbé en deux sens contraires, avec l'empreinte dclloidienne descendant en crête aiguë jusqu'au delà de la moitié de sa longueur, un trou au condyle interne, etiecondyle ex- terne élargi par une forte crête; d'un radius et d'un cubitus également très-courts, robustes, tourmen- tés, accentués par des crêtes d'insertion musculaire très-prononcées, le dernier surtout remar- quable par l'épaisseur et la largeur en cuiller de l'olécrane, et le premier par son arqùre et par une presque égalité dans la largeur de ses deux têtes; d'une main égale en longueur à l'humérus et dans laquelle on remarque la brièveté du carpe, déterminée par la petitesse de ses os, et sur- tout celle du pisifojme; et le peu de longueur des métacarpiens et des phalanges moindre que dans les Maries, et même que dans les Putois, à l'exception des onguéales, plus petites que les deuxièmes et surtout bien moins hautes que la griffe. Les membres postérieurs, plus longs que les antérieurs, du moins dans les deux dernières parties, sont aussi asstz robustes; l'os inno- miné est cependant médiocre, et ses deux parties sont presque égales; le fémur, à peine un peu plus long que l'humérus, est à la fois court et large à ses deux extrémités, l'inférieure beaucoup plus épaisse; le tibia est notablement plus long, très-épais, triquètre et comme un peu tordu; le péroné, au contraire, est grêle et terminé en spatule presque également à ses deux extrémités, l'inférieure cependant bien plus épaisse; enfin le pied, plus long d'un quart que la main, est large et épais, sur- tout le tarse : du reste, il ressemble assez bien à ce qu'il est dans le Putois, si ce n'est toutefois que ses différents os sont plus gros proportionnellement à leur longueur, ce qui les rend plus couris, et que les phalanges onguéales sont beaucoup plus petites et bien moins hautes dans la par- 278 niSTOir.E NATURELLE. lie terminale. L'os du pénis a la forme générale de celui des Musiclas, mais il est beaucoup plus court plus ijros proportionnellement et bien moins courbé, ce qui le fait ressembler un peu à celui des Phoques'' à oreilles. Daubenton, qui a depuis longtemps donné la figure de cet os dans la Loutre, mâle, y a joint celle de Tos du clitoris de la femelle. M. Martin dit que Tos du pénis de la Loutre de mer est robuste, de trois pouces un quart anglais de long. Dans les différentes espèces de Loutre, on a signalé quelques différences. D'abord à la tète, dont la forme générale est assez bien la même dans toutes, si ce n'est que le crâne est plus déprimé, plus large, plus longuement étranglé dans la Loutre à petits ongles et dans celle de mer, ce qui le fait ressembler davantage à celui des Phoques; la face présente encore plus de brièveté que dans la Loutre commune :par exemple dans la Luira lataxïna, et, en outre, une sorte d'augmentation gra- duelle dans les apophyses orbilaires. En effet, presque nulles dans la Loutre sans ongles, elles s'ac- croissent peu à peu dans les Loutres communes, Enhydre de la Guyane, de Bahia, du Pérou, de Dio-Grande, et deviennent grandes dans la Lonlrc lalaxïnc. Dans le nombre des vertèbres dorsales et dans celui des côies, on peut aussi noter quelques différences importantes. Dans la Loutre du Bré- sil, les vertèbres en général, et principalement celles de la queue, sont bien plus courtes et beaucoup plus larges dans leur corps et leurs apophyses transverses, et les os longs qui entrent dans la com- position des membres, surtout l'humérus et le fémur, sont remarquablement courts, larges et dé- l)rimés : mais ce dernier caractère n'est pas particulier à cette espèce, car il se trouve dans les Lou- tres du Kamtchatka et les sans ongles du Cap. Un autre fait, rapporté par M. Martin, c'est que chez la Loutre de mer la tète du fémur est, comme dans celui des Phoques, dépourvue de la fossette d'in- sertion du ligament rond, et que la main est remarquable par sa petitesse, au contraire du pied, dont les doigts vont en croissant assez rapidement du premier ou pouce, au cinquième, le plus long de tous. Fig. 85 — Loutre du Japon. La Loutre est un animal essentiellement aquatique, comme l'indique rallongement de son corps, l'aplatissement de sa léte, la palmature de ses pattes, etc. Elle ne marche que difilcilement sur le sol et semble même ne faire que s'y traîner, tandis que, au contraire, l'eau est son véritable élé- ment; là elle progresse avec une grande vitesse, elle plonge très-facilement et exécute les mouve- ments du Poisson le plus agile. La Loutre se nourrit presque exclusivement de Poissons et en détruit wn très-grand nombre; elle mange également les autres animaux aquatiques qu'elle rencontre, tels que les llrustacés, les Vers, etc., et elle s'empare aussi quelquefois, dit-on, d'herbes marines dont elle fait sa nourriture. D'après cela on voit que son régime diététique est encore carnassier, mais toutefois moins que chez les Martes. Elle se retire dans un gîte qu'elle se forme dans la fente d'un ro- cher ou dans la cavité d'un arbre, mais très-près des rivières ; d'autres se logent dans les anfractuosités qu'elles rencontrent dans les berges. Certaines espèces sont fluviatiles, et il en est qui sont marines. On a vu quelques Loutres apprivoisées et dressées par leur maître de telle sorte, qu'elles vont à la pèche pour lui; mais ces cas sont rares, et cet animal semble d'un naturel sauvage, intraitable et peu apte à être gardé en domesticité. Buffon a essayé souvent d'apprivoiser de jeunes individus sans y avoir jamais réussi. « Ils cherchaient toujours à mordre, dit-il, même en prenant du lait, et avant que d'clre assez forts pour mâcher du Poisson; au bout de quelques jours, ils devenaient plus CARNASSIERS. ^271) (Innx parce qu'ils rtaiont nialados ol faibles; et, loin de s'aecoutumer à la vie domestique, ils sont tous morts dans le premier Age. » Contrairement à cette opinion, M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire fait observer qu'il a vu une Loutre élevée en domesticité par nu paysan qui l'avait piise jeune; elle était apprivoisée, caressait et suivait son maître à la manière d'un Chien, et se montrait même très- |)eii farouche à l'égard des étrangers : il est vrai que le possesseur de cette Loutre cioyait presque, en l'adoucissant, avoir opéré un prodige, parce que ses préjugés lui avaient toujours fait supposer à cet animal un instinct tout à fait intraitable. Toutes les Loutres ont à peu près le même pelage : toutes sont d'un brun plus ou moins foncé en dessus, d'un brun plus clair en dessous, et surtout à la gorge, qui est même quelquefois presque blanche; les variations spécifiques sont très-peu notables, et c'est ce qui fait que la distinction des espèces est Irès-diflicile. Aussi pendant longtemps n'a-t-on admis dans ce genre que trois espèces par- ticulières, la Loutre d'Europe, la Loutre d'Amcrique et la Loutre marine, qui peuvent être carac- térisées assez facilement. Mais, plus récemment, les envois provenant du cap de Bonne-Espéran(;e, de diverses parties de l'Inde, et des deux Amériques, ont augmenté considérablement le nombre des espèces, à ce point que Fr. Cuvier en admettait déjà douze, et qu'aujourd'hui on en indique une vingtaine; mais, toutefois, on est encore loin d'être bien certain de l'existence d'un aussi grand nombre d'espèces, et c'est tout au plus si on en connaît à peu près complètement la moitié. D'un autre côté, on a reconnu que l'on devait éloigner de ce genre plusieurs animaux qui y étaient iilacés jadis, tels que le Yapock, qui est un Didclplie; la Loutre d'Egypte, qui se rapporte au genre Man- gouste, etc. Du moment que le genre Loutre a été indiqué comme renfermant un grand nombre d'espèces, certains zoologistes ont dû, selon leurs habitudes, chercher à y former des subdivisions génériques ou sous-génériques. Neuf genres ont ainsi été proposés; mais l'un d'eux a été indiqué sous quatre noms différents par quatre auteurs particuliers, d'où il résulte qu'il n'y en a réellement que six, en y comprenant la subdivison des Loutres proprement dites. Nous iniliqiierons ces divisions comme île simples sous- genres sous les noms de Latax, Gloger (correspondant aux Pusa, Oken; Enluj- dris, Flemniing; Enhydra, Richardson), pour la Loutre du Kamtchatka ou Loutre marine; Plcro- nurus, Gray, pour une espèce nouvelle; Aonijx, Lesson, pour la Loutre du Cap ou sans ongles; Sarïcovîa, Lesson, pour la Loutre d'Amérique; Leptomjx, Lesson, pour la Loutre Barangou Luira leplonijx, llorsfield, et Lutra proprement dit, qui renferme quatorze espèces, dont le type est la Loutre d'Europe. Avant de passer à la description des principales espèces de ce genre, nous allons, d'après De Blain- ville, dire quelques mots des Loutres que l'on a découvertes à l'état fossile. On a indiqué sous le nom de Lutra Clerniontensis des débris de crânes et surtout un assez grand nombre de dents ayant ap- partenu à une petite espèce, et ayant été trouvés en Auvergne, d'abord par M. l'abbé Croizet, qui lui a appliqué le nom que nous avons indiqué, -et plus récemment par M. De Laizer. Dans le dépôt de San- sans, .M. Lartet a aussi rencontré quelques ossements qu'il rapporte à sa Lutra dubïa. MM. Croizet et Jobert, d'après Lesson. ont aussi cité comme propres à l'Auvergne des os fossiles, qu'ils indi- quent comme formant leurs Lutra elavera et aniiqua, la première des terrains tertiaires, et la se- conde du terrain crétacé. On a encore fait connaître des traces de Loutre dans un terrain plus an- cien, c'est-à-dire dans la formation de Meudon, touchant à la craie, désignée sous le nom de calcaire pisolilhique; mais De Blaiiiville ne regarde pas ces fossiles comme appartenant à une Loutre, mais comme une espèce de \ iverra qu'il indique sous la dénomination de Palwoniclis. l'-- SOUS-GENRE. — LATAX. LATAX. Gloger, 1838. Ce sous-genre, qui ne renferme qu'une seule espèce, correspond au groupe des Pusa (nom pro- pre), Oken '(Zoo/or/., 1817); Enlnjdra {eyA^^o;, qui se plaît dans l'humidité), Flemming [Phïloso- phicnlZooL, t. Il', 1825î; Enhi}dris, Lichtenstein {Lid. DarslaL, 1827). 280 IllSTOinE NATUnELLE. 1. LOUTRE WARINL; ou LOUTRE LU KAMTCHATKA. LVTRA 31ARI.\A Sicllcr. Cahactères spécifiques. — Pelage d'un beau brun marron lustré, dont la nuance varie suivant la disposition des poils; avec la tête, la gorge, le dessous du corps et le bas des membres antérieurs, d'un gris brunâtre argenté. Longueur de la tête et du corps : l""; de la queue, O'",5o. Cette espèce, que Buffon désignait sous la dénomination de Loutre du Kamtchatka, et que les voyageurs indiquent sous celui de Loutre marlne, a reçu de Linné et de Schreber le nom de Musiela lulris, d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire celui de Liitra hilris, de Flemming celui à' Enlvidris Slelleri, de Piicliardson celui à' Enhijdra Slelleri; enfin, c'est la Lnlra marina, Steller. et la Lntax marina, Lesson; Tune de ces variétés est la Loutre de mer, Cook [Laïax cjracilis, Sliaw, Pennant), et Tautre h Latax arc/entala, Lesson. La Loutre marine vit par couple; la femelle ne met bas qu'un seul petit, après une gestation de huit à neuf mois; sa fourrure, composée principalement de poils laineux, surtout à la partie supérieure du corps, est remarquable par sa douceur, son moelleux et son éclat. Aussi la peau de ces Loutres est-elle très-recherchée dans la Chine et dans le Japon, d'où les Russes et les Anglais en transportent annuellement un grand nombre qui sont immédiatement livrées au commerce des pelleteries. Elle habite non-seulement le Kamtchatka, mais aussi la partie la plus septentrionale de l'Amé- rique et plusieurs îles; elle se tient le plus souvent sur le bord de la mer, et non pas comme les autres espèces, à portée des eaux douces. 2'^ SOUS-GENRE — PTERONURE. PTEROMIRA. Wiegmann, 1858. Archives, t. IV. riTêpcv, aile; o'jpa, queue. Une seule espèce entre dans ce sous-genre, c'est la Luira Standbacidi, Gray {Pteronurus Stand- backii, Lesson), propre à l'Amérique septentrionale, et qui est loin d'être encore connue d'une ma- nière suffisante. 5* SOUS-GENRE. — AONYX. AONYX. Lesson, 18'27. Manuel de Mammalogie. A privatif; cvu^, ongle. Ce sous-genre a été indiqué par Lesson comme genre particulier, et il lui assigne pour caractères: système dentaire et habitude du corps des Loutres proprement dites; pieds de forme distincte et doigts à peine réunis par une membrane; le deuxième doigt paraissant soudé au troisième sur toute la première articulation : étant tous les deux plus allongés que les autres; tous les doigts privés d'ongles ou ayant seulement un vestige d'ongle rudimentaire aux deuxième et troisième extrémités des membres postérieurs. On n'y range qu'une seule espèce. 2. LOUTRE DU CAP. LUTRA INUKGUIS. Fr. Cuvicr. Caractères spécifiques. — Plus grande que la Loutre d'Europe, à laquelle elle ressemble par son pelage, qui est d'un brun châtain, avec l'extrémilé du museau et de la gorge blanche. Dans cette espèce, qui est la Luira Capensis, Riippel, cl VAonijx Dclalandii, Lesson, les pieds Fig. 1 — Gouguarii UESB^TRC j,,^, , -2. — l»anpliin de ISisso, l'I, r.7. CARNASSIERS. 281 préseiitoiil une p.iiliciilarité Irùs romarquahlc : les doii^ts, gros^ courts, sont très peu palmés, sur- tout aux membres autérieurs; ils sont do grandeur trrs-inégalo, et les deu\ plus longs, le deuxième et le troisième, ont leur pi'emière phalange réunie; enfin, les ongles manquent parlent, si ce n'est toutefois aux deux grands doigis du membre postérieur, ou même ils ne sont que rudimenlaires. Les membres sont moins allongés et le corps un peu plus raccourci que dans la pliq)art des espèces; en outre, l'iniperfection de la palmalure rend celte espèce plus terrestre que les autres. Cependant elle vit à peu près de la même manière que notre Loutre d Europe, et se nourrit de Poissons et de Crustacés. Elle se trouve aux environs du cap de Bonne-Espérance. 4-^ SOUS GENRl-:. — SAl'WCOVIE. S.\RICOVIA. Lcfson, 184'i Nouveau Talilcau du Tiègne animal. Maiimiiforcs. Nom spécifique Iransporlé à la subtiivision sou,-;-guni'rii|nc. 11 n'entre encore dans ce sous-genre qu'une seule espèce. 5. LOUTtlE D'AMKRIQUL; ou SARICOVIENNE. LUTRA BRASILIENSIS. Ray. CAn.\CTÎ:nEs si-écifiques. — Un peu plus grande que notre Loutre d'Europe; son pelage est géné- ralement d'un beau fauve, un peu plus clair sur la tète et le cou. plus foncé vers l'extrémilé des membres et de la queue, avec la gorge et la pointe du museau d'un blanc jaunâtre. Cette espèce a reçu de G. Cuvier le nom de Loutre d'Amérique; d Etienne Geoffroy Sainl-Ililaire celui de S.vr,icoviE>^E; Gmelin la nomme Miistcla Drasilicnsis; Ray Ltiira Brasilicnsis, et enfin Lesson Sar'icovia Dra.silïcnsis. Une particularité remarquable que présente cet animal, c'est qu'il n'a pas de véritable mufle, et que les narines sont nues sur leurs contours. On n'a pas de détails sur ses mœurs, car ce qu'on en a dit peut aussi bien se rapporter à une es- pèce particulière qu'à la plupart des autres. Celte espèce habite rAniérique méridionale, surtout le Brésil; elle paraît exister aussi dans le sud de l'Amérique septentrionale. 5^ SOUS-GEiNRK. - LEPTÛNYX. LEPTOiyYX. I.csson, 1842. Nouveaux Tableaux du lîègue animal. Mammifères. AîTCTc;, grêle; v/j:, ongle Une seule espèce constitue ce sou.s-genre, • 4. LOUTRE BARANG. LUTRA BARANG. Fr. Cuvier. Car.vctères spfxifiques. — Pelage rude, brun sale en dessus, avec la gorge d'un gris brunâtre qui se fond avec le brun du reste du corps; poils laineux, d'un gris brun assez sale. Longueur de la tête et du corps, 0'",65; de la queue, de 0'M8 à 0'",20. Cette espèce est la Luira IcplGnijx d'IIorsfield et la Liitra cincrca d'IIliger; on croit aussi devoir y réunir le Simung de Raffles, que M. Lsidore Geoffroy Saint-IJilairc désigne sous la dénomination la- tine de Lnira persp'inllaïa. 27 36 282 HISTOIRE NATURELLE. On ne oonnaît pas les mœurs de ce Carnivore, mais la gracilité de ses ongles doit faire présumer qu'elle présente quelques particularités plus on moins distinctes. Le Barang se trouve dans l'Inde, parliculièremenl dans les îles de Java et de Sumatra. 5« SOUS-GENRE. — LOUTRE t'ROPREMENT DITE. LUTRA. Linné. Loco citato. Ce sous-genre, type du groupe naturel que nous étudions, renferme encore quatorze espèces, qui toutes ne sont peut-être pas bien caractérisées. Nous n'en décrirons que quelques-unes, et nous nous bornerons à citer les noms des autres. L'Europe n'a qu'une espèce. 5. LOUTRE D'EUROPE. LUTRA VULGARIS. Erxicben C.\n\CTD:nES spécifiques. — Pelage en dessus d'un brun foncé, en dessous d'un gris brunâtre avec la gorge et l'extrémité du museau d'un grisâtre clair; la couleur de la gorge se fondant insensible- ment et se nuançant avec celle du dessus du corps. Quelques variations se remarquent dans quel- ques individus. La longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, est de 0"',10; et celle de celte dernière de 0'",50 à ()'",ôb. Cette espèce, la mieux connue de toutes,» est la Loutre de Buffon et la Muslcla Inlra de Linné. On y distingue plusieurs variétés, telles que les Roensîs, Ogilby et variegaln, Fr. Cuvier; cette der- nière caractérisée par de petites taches blanches. La Loutre était connue des anciens, comme on peut le voir par divers passages d'Hérodote et d'Aristote; les Grecs lui donnaient le nom d'Evj'^:i; (Eiuiilns), ainsi qu'on a pu s'en assurer depuis la découverte de la fameuse mosaïque de Palestine. C'est en hiver que la Loutre entre en rut, et elle met bas trois ou quatre petits au mois de mars; ceux-ci, qui restent auprès de leur mère deux ou trois mois au plus, ont acquis toute leur taille et toute leur force à la deuxième année. Cet animal vit au bord des étangs, des fleuves et des ruis- seaux, et s'y pratique, entre les rochers ou sous quelques racines, une retraite garnie d'herbes sèches, où il passe presque tout le jour, ne sortant que le soir pour chercher sa nourriture, qui con- siste le plus souvent en Poissons, en Reptiles aquatiques, en Crustacés, en Vers, etc., et quelque- fois, mais plus rarement, en matière végétale. Sa chair peut se manger en temps de carême; mais elle est peu estimée, parce qu'elle conserve un goût désagréable d'huile grasse. Sa fourrure, employée à divers usages, l'est surtout dans le commerce de la chapellerie, où cependant elle commence à être abandonnée. La chasse à la Loutre est assez compliquée; on cherche toujours à faire arriver l'animal que l'on poursuit dans un endroit où il n'y a que peu d'eau, et où l'on peut le saisir plus facilement, tandis qu'on ne peut le faire que très-diflicilement dans un lieu où Peau est plus haute. En Suisse on a trouvé dans la molasse des débris fossiles de la Loutre d'Europe. Cette espèce se trouve répandue dans toute l'Europe; aujourd'hui elle est assez rare en France. On n'a signalé qu'une seule espèce propre à l'Afiique, la Liitrn Pocns'is, Walerhouse, de Fer- nando-Po. En Asie, on connaît trois espèces : les Litlra Indien, Gray, des Indes orientales; Lnira Cliinen- sis, Gray, de Chine, et : CAUNASSIiaiS. 285 6. LOUTRE MRNAlEn. LUTRA ^^ln. Fr. Cuvior, CAnACTKiiEs SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un cliâlaiii foncé en dessus, plus clair sur les côtés du corps, d'un bleu roussàtre en dessous, sur la gorge, les côtés de la léte, du cou et le tour des lèvres. Le bout du museau est roussûtre, et deux taches à peu près de la même couleur, placées Tune au-des- sus de l'autre, se rcmarcpient en dessous de l'œil. Longueur de la tète et du corps 0'", 75; de la queue, 0"', 45. Cette espèce provient de Pondichéry. L'Amérique, plus riche que les autres parties du monde, renfermerait neuf espèces de ce genre si elles doivent être toutes admises. Les principales sont : 7 LOUTRE DE LA GUYANE, LUTRA I^AUÏDRIS. Er. Guvier. C.\RACTi;nEs spécifiques. — Pelage d'un brun très-clair surtout en dessous, avec la gorge et les côtés de la face presque blancs. Longueur de la tête et du corps, 0'",65; de la queue, 0"',55. Habite la Guvane. 8. LOUTRE DE LA TRIMTE. LUTRA IXSULARLS. Fr. Cuvier. Cahactères spécifiques. — Pelage composé de poils très courts, lisses, d'un brun clair en dessus, blanc jaunàlre en dessous, ainsi que les côtés de la tète, la gorge et la poitrine. Longueur de la têle et du corps, 0'",75; de la queue, O^jSO. Un individu de cette esj)èce a été envoyé de Tile de la Trinité par M. Robin. 9. LOUTRE DE LA CAROLINE. LUTRA LATAXI3!A. Er. Cuvier. Caractèhes spécifiques. — Pelage dun brun noirâtre en dessus, d'un brun moins foncé en des- sous, avec la gorge, l'extrémité du museau et les côtés de la tête grisâtres. Se trouve à la Caroline et constitue une espèce bien distincte. 10. LOUTRE DU CANADA. LUTRA CANADENSJS. Sabine. Caractères SPÉCIFIQUES. — Tête osseuse ressemblant beaucoup à celle de la Loutre commune, dont elle diffère cependant à certains égards, et surtout en ce que, vue de profil, elle suit une ligne plus inclinée, surtout dans sa partie antérieure. Cette Loutre, qui se rencontre au Canada, est désignée par Ilarlan sous la dénomination de iMlrn Brasilicusis, qui a été souvent adoptée. Les autres espèces sont : la Loutre du Pérou, Luira Pcriiv'iois'is, P. Gervais, fondée sur une portion de crâne trouvée à San-Lorenzo au Pérou; la Litlra Plaicnsis, Waterliouse, de la Plata; la Luira Paroensîs, Renyger, découverte au Paraguay; la Luira Chilcnsis, Pennett, ou Luira fcl'ina, Shaw et la Muslela fdina, Molina, du Chili, et la Luira Californ'ur, Gray, de Californie. 28i HISTOIRE NATURELLE. S-"" GENRE. BÂSSARIDE. BASSAIilS. Liclitenslein, 1851. In Wagner, Isis. Baaaxpi;, Renard. CARACTERES GENERIQUES. Sijsiîmc dentaire : hic'is'.vcs, |; can'me.s, ~^\; molaires, ^, en tolalilé quarante dent,-;: les inci- sives et les molaires ne présentent rien de reniarfinablr; les molaires se subdivisent en haut cl de chaque côté en trois fausses molaires, une carnassière et deux tuberculeuses, et en bas en quatre fausses molaires, une carnassière et une tuberculeuse; ce sont les nombres qu'on trouve le plus ordi- nairement chez les Viverras, et les formes de ces diverses deuts se rapprochent aussi beaucoup de celles que l'on voit chez la plupart de ces derniers. Tête assez eflilce. Lançjue douce. Corps allonge, porté sur des membres courts, ce qui le rapproche de celui des Mustéliens. Doigts au nombre de cinq à toutes les extrémités. Ongles fortement arqués. Queue très lon/jne. Pas (le poche odoriférante. ?\" 86. — Bassaride rusée. M. Liclitenslein a indiqué ce genre en 1831 dans le journal l'isis, et l'a depuis décrit dans son Saeugthiere, liv. IX, en 1854; et, depuis, M. Paul Gervais Ta fait plus complètement connaître dans la partie zoologique du voyage de In Bonite, de I\1.M. Eydoux et Souleyet. Il est fondé sur une es- pèce de Digitigrade découverte au Mexique, retrouvée depuis en Californie, et dont la place n'est pas posiiivemeut indiquée dans la série des Carnivores. C'est ainsi qu'il estconsidéié par M. Water- liouse [Proeeed. zool. Societij of London, 1859) comme appartenant au groupe générique des Ursus de Linné, par De Rlainville, dans un Mémoire présente à l'Académie des sciences {Comptes-rendus, 1857), par M. Isit'ore Geoffroy Saint-Ilikiire, dans ses cours ainsi que dans le Diciionnnire univer- sel d'Histoire naturelle, 1842 et par M. Paul Gervais (Zoologie de la Bonite, 1841) comme un Vi- verra; enlin par Do Rlainville (Osiéographic et Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 18^2) comme un Mustela. Le Bassaride doit être éloigné de la tribu des Ur.sicus; mais il semlde présenter des caractères communs aux Mustéliens et aux Yiverriens, et vient lier intimement ces deux tribus ensemble. C'est ainsi que, par la forme générale de son corps et la hauteur peu considérable de ses membres, il se rapproche beaucoup des premiers, tandis que son sysièino dentaire est presque seni- blable à ceux des seconds. D'après cela, on comprend qu'il est à peu près indifférent de placer les Bassarides, soit à la (in des Mustéliens, soit au commencement des Yiverriens; nous les laisserons avec les Mustelas de Linné, parce que cette tribu renferme déjà un assez grand nombre d'espèces CAPiNASSIEUS. 285 américaines, tandis que les Vivcvms n'en possèdent i)as encore; loutcfois nous conviendrons avec M. Isidore Geoffroy Saintllilaire qu'ils offrent de grands points de ressemblance avec les Galidies et Galidiclis. Les Bassarides ne sont pas encore suffisamment connus; leur osléoîogie a été étudiée avec soin par De Blainville. Par sa forme i^énérale, le sfjneUite ressemble davantage à celui d'un V'ivcrra qu'à celui (ï un Mnstcla, et cela à cause de la longueur de la tète et de la queue. Le nombre total des ver- tèbres n'est-cependant que de cinquante-quatre, savoir : quatre céjjbaliques, sept cervicales, treize dorsales, six lombaires, trois sacrées et vingt-deux coccygiennes. Les vertèbres cépliali(ines et leurs appendices constituent une tête assez longue, assez étroite, moins large dans la partie cérébro-tem- porale, et au contraire plus étroite, ]ilus eflilée, moins obtuse, dans la partie faciale que dans les Martes. Du reste, l'orbite est assez grande et pourvue d'une apophyse lrès-mar(piée. La caisse est plus étroite; le canal auditif plus court et plus ouvert; le palais plus étroit, moins prolongé, dépassant à peine la dernière molaire; la mandibule est surtout plus longue, plus étroite, plus courbée, avec son apophyse angulaire i)lus prononcée, plus en crocbel, et il n'y a qu'un seul trou mentonnier. Les vertèbres cervicales sont plus allongées et forment ainsi un cou plus long, et elles ont en général leurs apophyses plus étroites. Dans les vertèbres dorsales Tapophyse épineuse des dix premières est dirigée en arrière, et celle des deux dernières seulement l'est en avant. Les vertè- bres lombaires sont, au contraire, assez longues, ce qui donne aux lombes une étendue considé- rable; elles sont hérissées d'apophyses très-prononcées, fortement inclinées en avant. Les vertèbres sacrées sont courtes, étroites, très-distinctes par leur apophyse épineuse, assez grêles et anléro- verses. Quant aux vertèbres coccygiennes, après les cinq ou six premières, les autres sont longues et eflilées, décroissant graduellement de manière à produire une queue longue, grêle, très-pointue. L'hyoïde a sou corps court, proportionnellement assez large; ses deux grandes cornes ont les deux premiers articles longs, très-grêles. Le sternum est court, composé de neuf pièces; le manubrium en ibrme de poignard et le xi[ihoïdc assez long, spatule. Les côtes sont au nombre de treize paires, aussi grêles, aussi étroites que dans les Fouines, et peul-êire même encore plus courtes, propor- tionnellement aux cartilages; la dernière est surtout remarquable par sa grande brièveté et par son peu de courbure. Le thorax se distingue de celui des Maries par moins de longueur et par une forme conique. Les membres sont assez bien dans les proportions ordinaires. Les antérieurs sont dépourvus de clavicule osseuse; l'omoplate est triangulaire, médiocrement large; l'humérus est long, médiociement courbé et percé au condyle interne par un canal très-oblique, très-étroit; lo radius et le cubitus sont faibles, peu arqués, serrés, assez longs; la main est plus courte que le radius, surtout par suite de la brièveté de la deuxième rangée des os du carpe et par celle des métacarpiens, dont les troisième et quatrième sont presque égaux; les phalanges, particulièrement les premières, sont proportionnellement plus longues; les onguéalcs sont cependant petites et remarquables par leur forme amincie, courte, à peine arquée et presque dépourvue dégaines à la base. Aux mem- bres postérieurs : l'os innominé ressemble complètement à celui de la Fouine; le fémur est dans le même cas, quoique proportionnellement plus court, étant à peine plus long que l'humérus; les deux os de la jambe sont légèrement plus arqués que dans la Fouine; le pied est un peu plus court que dans cet animal, n'excédant que de peu la longueur du tibia; il est, du reste, assez étroit, et le moins de longueur ne s'observe guère que dans le tarse et le métatarse, car les phalanges sont, comme à la main, assez allongées, sauf les dernières, qui sont encore plus courtes et plus droites. La rotule est ovale, mince, courbée, presque symétrique. L'os du pénis est encore plus long que dans les Martes; courbé dans deux sens opposés et élargi fortement à la base, se rétrécissant gra- duellement jusqu'à sa terminaison, qui est élargie et comme tronquée; ce dernier caractère les rap- proche des Mustéliens, chez lesquels cet os est également très développé, tandis qu'il s'éloigne des Yiverriens, chez lesquels il est très-peu développé cpiand il existe. Le système dentaire, d'après De Blainville, offre une molaire de plus que les Martes, et par là se lie à celui des Yiverriens, dont il se rapproche aussi un peu par sa forme générale. Les incisi- ves sont toujours dans une disposition parfaitement transversale en haut comme en bas, la deuxième de celles-ci étant un peu plus rentrée que les autres. Les canines sont en général plus grêles et plus aiguës que dans les autres Mustéliens. Les avant molaires ne diffèrent guère que par un peu plus d'unité à celles d'en haut et de crénelnre au bord postérieur à celles d'en bas, La principale supé- 28G [IfSTOir.E NATUP.KLLE. rieurecsl moins inéqiiilaléralcnient Iriquètio et moins carnassière à son borJ externe que clans la Fouine; aussi son talon interne est-il plus large, un peu bilobé, et rinlerieure encore presque sem- blable à la troisième avant-molaire : la taille est plus grande. Les deux arrière-molaires supérieures offrent le caractère de leurs analogues dans les Vivcira.s ; la postérieure est seulement plus petite que raniéricure. Les deux arrière-molaires d'en bas sont aussi plus insectivores que dans les 3fustêln.'- SOUS-GENRE. — AMBLYODON. AMBLYODOA. Jourdan, 1837. Comptes-rendus des séances de l'Académie des Sciences. Al;.6).uç, angle; o^tov, dent. C'osl principalement par la conformation de ses dents que ce groupe a été distingué de celui des Paradoxures. Les dénis, en général, sont plus omnivores que celles du Paradoxure type. Les inci- sives et les canines présentent cependant la plus grande ressemblance : celles-ci étant également comprimées et tranchantes; mais les avant-molaires sont déjà un peu moins comprimées, aussi bien que les principales, et surtout que celles d'en bas, qui sont plus épaisses. Quant aux arrière-molaires, la disproportion entre celles d'en haut est presque la même; mais la première est plus triquètre, le talon interne étant notablement plus petit que le bord externe, et, pour les deux d'en bas, elles sont encore plus semblables dans les formes et les proportions, seulement les tubercules, plus abais- sés, semblent légèrement plus mamelonnés. Outre les caractères que nous venons d'indiquer, M. Jourdan montre que les Ambhjodons diffèrent des Paradoxures par quelques autres points de leur organisation; mais cependant cela n'est pas marqué d'une manière bien notable. On ne place qu'une seule espèce dans cette subdivision. 4. AMBLYODON DORE. AMBLYODON AUREA. .lourdaii. Caractî:rf.s sncciFiQUEs. — Coloration d'un brun fauve doré, répandu uniformément sur toutes les parties du corps. Taille d'un Chat ordinaire. CARNASSIERS. 295 Cette espèce est le ParaUoxurus PliUippensis de M. Temminck, et le P. Joiirdanu d'Ogilby. Il provient des îles Piiilippines, et Ton n'en connaît pas les mœurs. 4" SOUS-GENRE. — TAGUME. PAGUMA. Gray, 1830. Proceedings of zoological Society of Loudon. Étymologie incertaine. Ce sous-genre est fondé sur une espèce de Paradoxure assez peu connue, et qui ne se distingue guère des autres que par des caractères de peu de valeur, et qui ne sont véritablement pas gé- nériques. La seule espèce de ce groupe est le Paguma larvata, Gray, autrefois connu sous les dénomi- nations de Paradoxiirns larvatiis, Gray, Temminck; laniger, Hogdson; Grayi, Bennett; Viverra tarvala, Gray, et Gulo larvatus, H. Smith. Elle habite le Népaul, les Himalayas, et la Chine. Les groupes des Cryptoproctes et Hémigales gnt quelquefois été réunis au genre Paradoxure; mais ils en sont distincts; nous nous occuperons plus tard du premier, et le second va être décrit immédiatement. 2-'« GENRE. - IIÉMIGALE. HEMIGALUS Jourdan, 1857. Comptes-rendus des séances de l'Académie des Sciences. H|xi, à moitié; faXin, Belette. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; canines, \^; molaires, f^, dont fausses molaires, ^=^, vraies molaires, |^|; en totalité quarante dents. Les deux incisives externes sont séparées des quatre autres par un intervalle assez grand. La troisième fausse molaire a nn talon interne, et les der- nières molaires de la même espèce sont presque aussi développées que les dents qui les précèdent; les fausses molaires sont tranchantes comme chez les Genettes, tandis que les vraies molaires sont tu- berculeuses comme celles des Paradoxures. Tête effilée. Museau fortement fendu. Oreilles droites, assez élevées, ovoïdes, nues intérieurement, et poilues à claire voie vers la pointe du bord externe, avec une échancrure à la base externe du lobe. Pieds semi-plantigrades, comme ceux des Genettes. Plante des pieds antérieurs nue seidement dans le tiers de sa surface; celle des pieds postérieurs nue dans les deux tiers. Ongles à moitié rétractiles, grêles, pointus. Queue non susceptible de s'enrouler sur elle-même. Ce genre a été créé par M. Jourdan pour une espèce placée précédemment dans le genre Paradoxure, auquel on le réunit quelquefois, quoiqu'il en diffère assez notablement. Ce groupe a reçu de son créateur le nom à'iiemigalus, que De Blainville [Annales des Sciences naturelles, iS'51) a modifié en celui à'Hemigalea. M. Gray, dans les Proceedings de la Société zoologique de Londres pour 4857; M. Temminck, dans ses Monographies de Mammalogie, et M. Paul Gervais, dans la partie zoologique du Voyage de la Bonite de MM. Eydoux et Souleyet, se sont occupés de l'espèce unique de ce genre. L'étranglement et les apophyses postorbitaires de la tête sont très-prononcés. En outre, le sque- lette diffère de celui des Paradoxures, d'abord dans le nombre des vertèbres caudales, qui est de vingt-sept, et ensuite parce qu'il est un peu plus grêle dans toutes ses parties, et surtout 296 HISTOIRE NATURELLE. dans les os longs des membres, qui sont légèrement plus élevés. Il y a aussi moins d'élévation dans l'apophyse épineuse des vertèbres cervicales, plus de largeur et moins d'enfoncement inter- iliaque dans les apophyses Iransverses de la septième vertèbre lombaire; moins d'élargissement dans le bord antérieur de l'omoplate, par là plus droite, et enfin une disposition plus rétractile dans les phalanges onguéales, plus hautes, plus comprimées, et, dans les deuxièmes phalanges, plus excavées au bord externe, surtout aux membres antérieurs. Une particularité importante, citée par M. Paul Gervais, existe en ce que le condyle interne de l'humérus a un trou pour le passage du nerf médian, comme chez les autres Yiverriens, et qu'il n'y a pas de perforation à la fosse olécra- nienne. L'espèce type du genre Hémigale ayant ses mâchoires plus grêles que les Paradoxures, le sys- tème dentaire qui les arme est plus aigu, et pour ainsi dire intermédiaire à celui du Paradoxurus irjpus et du Cynogale; les avant-molaires sont en effet un peu plus comprimées, plus en forme de lancette dans le premier, mais la principale de la mâchoire supérieure et les deux arrière-molairessont un peu comme dans le second, légèrement moins larges cependant, surtout au côté interne. On peut à peu près dire la même chose de ces mêmes dents à la mâchoire inférieure; mais la principale est évidemment un peu plus épaisse et moins denticulée sur ses bords. Quant aux deux arrière-molaires, elles sont comme dans le Cynogale. M. P. Gervais fait, en outre, observer que les dents de ce Car- nivore ont, par leur forme, une analogie remarquable avec celles du Canis megalolîs, A. G. Desma- rest; mais le nombre est ici comme dans la plupart des Yiverriens, c'est-à-dire de six molaires de chaque côté de chacune des mâchoires. Ce nombre des molaires, indiqué par M. Paul Gervais, diffé- rerait de celui signalé par M. Jourdan, qui dit qu'il y en a sept inférieurement. D'après M. Tem- minck, le système dentaire correspondrait à ceux de la Genette de l'Inde (Viverra Indica), et de la Fossone {V. fossa); mais cette ressemblance, ainsi que le fait observer M. Paul Gervais, n'est pas absolue. La langue est garnie de papilles cornées; le gros intestin a 0'°,16 de longueur, et le cœcum, qui n'a que 0",025, est ample et peu musculeux; l'intestin grêle mesure l'",40. L'espèce unioue placée dans ce genre est : HEMÎGALE ZEBRE, HEMIGALUS ZEBRA. JourJan. Cahactères spécifiques. — Pelage d'une teinte jaunâtre ou isabelle plus ou moins foncée, d'égale longueur partout, sans longs poils, soyeux, doux et bien fourni; les quatre extrémités sont d'un brun clair à pointe des poils jaunâtre; le bout de la queue, depuis la moitié, est noir ou brun noi- râtre. Une raie brune s'étend sur toute la longueur du crâne, depuis le museau jusqu'à l'occiput; une autre, de chaque côté, va du museau au bord de l'orbite; cette bande varie en longueur, ce qui rend les interstices jaunâtres plus ou moins marqués; une bande longitudinale brune est dessinée de chaque côté de la nuque; ces deux bandes aboutissent à la première large bande transversale disposée sur les omoplates; cette première bande est pleine ou bien imparfaite, probablement selon l'âge des sujets; on compte cinq et jusqu'à sept de ces larges bandes transversales distribuées à intervalle sur toute l'étendue du dos, depuis la conque jusqu'à la croupe, tandis que la base de la queue est plus ou moins distinctement marquée de demi-anneaux bruns. La longueur de la tête et du corps est de 0"',42; celle de la queue de O'°,30. Cette espèce, YHemîgalea zébra de De Blainville, a reçu plusieurs dénominations : c'est le Para- doxurus Dcrbyanus, et Paradoxurus zébra, Gray; VHemigalus zébra, Jourdan; le Viverra Boiei, Ilenrici; le Viverra Derbyi, Temminck, etc. Elle est insectivore et frugivore, et a quelque analogie extérieure avec l'animal dont il est question dans les Mémoires de M. Ilardwicke, sous le nom de Linsang, que M. Horsfield appelle Fdls gracîlis, et qui constitue le sous-genre Pr'wnodon dans le genre naturel des Civettes ou Viverra; mais la dentition de cette dernière espèce est assez diffé- rente, et la patrie n'est pas la même, Java et Sumatra étant les pays qu'habite le Linsang, et Tllé- migale semblant se trouver seulement à Bornéo. CARNASSIERS. '297 S""" GENRE. - MANGOUSTE. HEIÎPESTES. Illiger, 1811. Prodroma systemaliea Mammalium cl Avimii. Kpitw, je r.impe. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siisthne dcnluire : incisivci, f; canines, }^; molaires, |e| ; en loialilé trente-six dents; la deuxième incisive inférieure de chaque côté un peu rentrée; les canines fortes, assez courtes, co- niques; molaires au nombre de cinq partout dans'les adultes, et de six dans les très jeunes indivi- dus, parce qu'il y a tine petite dent caduque de plus; deux fausses molaires supérieures presque exactement coniques, suivies d'une carnassière larcje et hérissée de pointes, et de deux dents tuber- culeuses, grandes et étroites; deux fausses molaires inférieures; la troisième et la quatrième dents à couronne hérissée de pointes, et correspondant ensemble à la carnassière supérieure; dernière molaire tuberculeuse et opposée atix deux tuberculeuses d'en haut. Corps allongé, bas sur jambes. Tête petite. Museau pointu. Yeux assez grands, pouvant être recouverts par une membrane wfclitante complète. Oreilles courtes, arrondies. Langue garnie de papilles cornées, longues, acérées. Pieds courts, à cinq doigts, à demi palmés. Ongles aigus, à demi rétractiles. Queue grosse à la base, très-longue, pointue. Une poche volumineuse simple, située h la partie inférieure du ventre, et dans la profondeur de laquelle est l'anus. Poils annelés de diverses couleurs, courts sur la tête ainsi que sur les pattes, et longs sur les autres parties du corps. Mamelles ventrales et pectorales. Fig. 89. — Mangouste d'Egypte. Linné plaçait les espèces que nous rangeons dans ce groupe dans les genres Mustela et Vivcrra, principalement dans ce dernier. En \1\)1, Lacépède, dans les Mémoires de l'Institut, G. Cuvier 28- 38 298 HISTOIRE iNATURELLE. et Élienne Geoffroy Sainl-Ililaire, dans les Tableaux élémentaires du Rkj ne animal, distinguèrent ce ^enve, et le premier les désigna sous la dénomination de Mangoustes, -et le second sous celle de Vi verra, que plus tard les uns et les autres changèrent en celle ùlchneumon. En 1811, dans son ProdromuslMammalium et Avium, Uliger appliqua au même groupe le' nom d'Herpestes, qui a été généralement adopté. Depuis, plusieurs subdivisions particulières ont été formées aux dépens des Mangoustes, et diverses d'entre elles peuvent être génériquemenl adoptées. Le squelette de la Mangouste d'Egypte, étudié par De Blainville {Ostéographk, fascicule des Vi- verras, 1841) et pris pour type du genre qui nous occuie, est plus vermiforme que celui de la Ci- vette. Le nombre des vertèbres est de quatre céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, trois sacrées et trente et une coccygiennes, nombre plus considérable que dans les Martes. La tète est moins allongée que celle des Civettes; l'orbite est plus petite; l'arcade zygomatique est plus large, mais surtout plus courte; la mâchoire supérieure est courte, et l'inférieure robuste. Les vertèbres cervicales ressemblent à celles de la Fouine; les dorsales ont leur apophyse épineuse haute et incli- née en arrière; les coccygiennes ont l'apophyse épineuse très-petite. L'hyoïde est robuste. Le ster- num est formé de huit pièces. Les côtes ont des cartilages très-longs. Aux membres antérieurs: l'omoplate est grande, large; il n'y a pas de rudiment de clavicule; l'humérus est court, fortement arqué en S; le cubitus et le radius sont aussi très-arqués, serrés et tourmentés; la main égale le ra- dius en longueur. Dans les membres postérieurs : le bassin est plus long et plus étroit que dans la Civette et la Marte; le fémur est court, comprimé dans son corps, presque tranchant au bord externe; le tibia et le péroné ont la même longueur que le fémur; le premier est large et comprimé, et l'autre très-grêle: le pied est d'un cinquième plus long que le tibia. Il y a un os dans le pénis, et sa forme, variable suivant les espèces, ressemble quelquefois à celle d'un sabot. Peu de différences osléolo- giques se remarquent dans les diverses espèces de ce groupe naturel; il n'en est pas tout à fait de même des Mangoustes qui servent de types aux genres Iclinciimonïe et Crossarque, qui offrent quelques particularités différentielles. Fr. Cuvier. dans son ouvrage sur les Dents des Mammifères, décrit le système dentaire des Mangoustes en même temps que celui des Paradoxures. Genettes et Civettes, dont en effet il diffère peu. D'après De Blainville, les incisives sont plus en ligne droite même que dans les Paradoxures, ressemblant tout à fait à ce qu'elles sont chez les Martes, et la deuxième inférieure étant également assez fortement rentrée. La même ressemblance existe pour les canines, qui ne sont nullement caré- nées, et dont l'inférieure est en crochet. Les trois avant-molaires sont dans le même cas, un peu moins comprimées cependant; c'est ce qu'on peut également dire des principales, seulement la su- périeure est un peu moins carnas^iè^e. par suite d'une diminution du tranchant postérieur et de l'augmentation du talon interne antérieur. Mais les différences deviennent très-sensibles quand on vient à examiner les arrière molaires : en haut, la première est iriquètre et encore plus serrée, en- core plus oblique que dans la Civette, et la deuxième, très-petite, transverse, est formée de deux lobes presque égaux, l'externe oblique, un peu trilobé à son bord; en bas, la dissemblance avec la Civette est moindre. Cependant les trois pointes de la partie antérieure de la première arrière- molaire sont plus soulevées et le talon est bien plus petit. Quant à la pos:érieure, sa forme est éga- lement presque triquèire; elle n'a que trois poinies à la couronne, une en arrière formant talon et d(îux seulement en avant, la iircmière des trois antérieures de la précédente étant obsolète Les di- verses espèces de Mangoustes offrent quelques nuances différentielles, surtout dans la proportion des arrière molaires et dans l'élévation de leur partie insectivore; mais, comme ces variations por- tent aussi quelquefois sur le nombre total des molaires, on voit comment les zoologistes récents ont pu être conduits à l'établissement d'un assez bon nombre de genres, qui, comme le fait remarquer De Blainville, sont admissibles lorsque ces différences concordent avec celles tirées du nombre des doigts ou de quelques autres parties de l'organisme. Nous reviendrons sur ce sujet en nous occu- pant de certains groupes d'animaux, placés jadis avec les Mangoustes, et qui en sont au moins très- voisins. Les mœurs des Mangoustes sont très-analogues à celles des Martes. Elles vivent de racines, mais leur nourriture consiste principalement en petite proie vivante et en œufs. Elles se tiennent le plus ordinai- rement à terre, dans les endroits découverls, et elles ont un penchant déterminé pour la chasse aux Reptiles, et c'est probablement pour cela que les anciens Égyptiens les avaient mises au nombre de CARNASSIERS. 299 leurs dieux. On peul faciloincnl les réduire en donieslicitc, et elles montrent alors assez d'intelli- gence; il paraît qu'en Egypte on en trouvait jadis dans les habitations, où elles vivaient à la manière de nos Chats domestiques. Ces animaux habitent les contrées chaudes de Tancien continent. Fi<ï. 90. — Mituroustc ichneumon. Les espèces que nous laisserons dans ce genre, à l'exemple de la plupart des zoologistes, sont au nombre d'une quinzaine, et on peut y former deux subdivisions particulières ou sous-genre, celle (les MiuHjOz d'après Ogilby et celle des Herpesles d'Illiger. On pourrait peut-être aussi, à l'exemple de Lesson, ne regarder les Iclineianonies de M. Isidore Geoffroy Sainl-llilaire que comme un troi- sième sous-genre de ce groupe; toutefois nous indiquerons ce groupe comme distinct 1" SOL'S-GEINUE. — MONCOS. MUNGOZ. Ogilby, 1837. l'roccedings zoological Society of Loiidoii. Sept espèces entrent dans ce sous-genre, les deux principales sont 1. MANGOUSTE A BANDES. IIERPESTES FASCIATUS. A. G. DeMimiest. Caractères spécifiques. — Pelage généralement brun; dos et flancs recouverts de longs poils blanchâtres, terminés de roux et marqués dans leur milieu d'un large anneau brun bien tranché; l'arrangement de ses poils étant tel que les anneaux bruns d'un certain nombre d'entre eux, arri- vant à la même hauteur, forment sur le dos des bandes transversales de cette couleur, au nombre de douze à treize, lesquelles sont séparées entre elles par autant de bandes rousses formées par les extrémités des mêmes poils. Son corps a de 0'",25 à 6"',27 de longueur, et sa queue environ 0'",20; taille de la Fouine. Cette espèce, qui est la Mangouste de l'Inde de Buffon et la Mangouste de Buffon de Fr. Cuvier, et qui avait reçu anciennement de Linné la dénomination de Viverra miingoz, est particulière auv Indes orientales. Les habitants du pays qu'elle habite la regardent comme un ennemi acharné des Ophidiens, et prétendent que, lorsqu'elle a été mordue par quelque Serpent venimeux, elle sait se guérir en mangeant la racine de lOpliiorha mongos, Linné. "•2. MANGOUSTE UE LA TOUIiANNE IIERPESTES EXILIS. Paul Gervai.s. Caractères spécifiques — Les poils sont marqués de plusieurs anneaux alternativement jaune clair et noirs, ce qui leur donne un aspect tiqueté; le jaunâtre est remplacé par du roux-cannelle à la tête et sur presque toute la longueur de l'épine dorsale; les pattes passent au noir; le dessous de la gorge et le ventre n'ont presque pas de poils tiquetés; ceux de la gorge sont roux clair, et les au- 500 HISTOIRE NATURELLE. très de couleur pâle, brun enfumé à la base. La qiioue présente la couleur et le tiqueté des flancs; elle est bien velue et en balai, mais non pénicillée. Taille de la précédente espèce. Cette espèce habite la Touranne, en Cochinchine. Les autres espèces sont : 1° Mangouste de Java, Et Geoffroy {Herpcsles Javaniciis, A. G. Desma- rest), de Java; 2" Mangouste fauve {Moncjos fnsca. Waterbouse), de Madras; o° MA^cousTE a queue COURTE {Jlerpcslcs briiclujnrus , Gray), des Indes orientales; 4° Mangouste de Malacca (//. Mnlacccn- sis, Fr. Cuvier; 11. Frcdcrlci, A. G. Desmarest), de Pondicbéry et de Malacca; et 5" Mangouste n'EmvAHDS, Et. Geoffroy (//. Edwnrds'ù, A. G. Desmarest), des Indes orientales. e*- SOUS-GEKRt;. — MANGOUSTES PROPlîEiMENT DITES. BERPESTES Illiger. IjOCO cilato. Parmi les huit à neuf espèces de celte division, nous ne décrirons que la: 7,. MANGOUSTE ORDINAIRE ou MANGOUSTE D'i'GYPTE. IIERPESTES PHARAOMS. A. G. Uesmarcst Caractèues SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un brun foncé tiqueté de blanc sale et composé de poils secs et cassants, courts sur la tête et les membres, longs sur les flancs, le ventre et la queue, qui se ter- mine par un pinceau en éventail. Le ventre plus clair que le dos, et au contraire la tète et les pattes d'une leinte plus foncée. Sa longueur, mesurée depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, est de 0™,50, et ce dernier organe ayant à peu près la même longueur. C'est la Mangouste de Ruffon et des anciens naturalistes; la Mangouste d'Égyi'TE ou Rat de Pua.- i!aon; le Necus dos Egy])tiens modernes, Y Iclineumon d'Hérodote; le Viverra iclincinnon de Linné et Y Ichnciwion Plinraonîs d'Et. GeofiVoy Saint-Iiilaire. Cette espèce semble confinée maintenant dans la basse Egypte, entre la Méditerranée et la ville de Siout. Comme nous l'avons dit, la Mangouste, ou plutôt Vv/'jvj^.ty,, était placée par les Égyptiens au rang (les animaux qu'ils adoraient, parce qu'ils la considéraient comme un destructeur actif de Reptiles (]ui abondent dans leur pays. Ils croyaient que ces animaux entraient dans le corps des Crocodiles endormis la gueule béante. Ce fait est fabuleux, mais on peut dire que les Mangoustes nuisent aux Crocodiles en détruisant leurs œufs, dont elles sont très-friandes. Les Mangoustes se tiennent dans les campagnes, au voisinage des habitations, et se trouvent sur les bords des rigoles qui servent aux irrigations. Lorsqu'elles pénètrent dans les basses-cours, elles mettent à mort toutes les volailles qu'elles rencontrent, se contentant d'en manger la cervelle et den sucer le sang. Dans la campagne, elles font la guerre aux Rais, aux Oiseaux et aux petits Rep- tiles; elles recherchent aussi les œufs des Oiseaux qui nichent à terre, ainsi que ceux des Reptiles. Leur démarche est très-circonspecte, et elles ne font pas un seul pas sans avoir examiné avec soin l'état des lieux où elles se trouvent. Le moindre bruit les fait arrêter et rétrograder. On peut facile- ment les apprivoiser, et celles qu'on a observées en captivité avaient des allures très-analogues à celles des Chats; elles montraient quelque affection pour les personnes qui en prenaient soin, mais les méconnaissaient lorsqu'elles avaient une proie en leur possession; alors elles se cachaient dans les lieux les plus reculés en faisant entendre une sorte de grognement. Les Mangoustes ont la singu- lière habitude de frotter le fond de leur poche anale contre des corps durs, lisses et froids, et sem- blent éprouver une sorte de jouissance dans cette action. Elles lapent en buvant comme le Chien, et aussi comme lui lèvent une de leurs jambes de derrière pour uriner. Les autres espèces de ce sous-genre sont : \" Mangouste mmqvE illcrpcsles numicus, Fr. Cuvier), d'Algérie; 2" //. saugninais, Rii|)pcll, de Kordofan; 5" //. nuis(jitjcll(i, P.uppell, de Simen, en Abys- sinio; \" Il zchra, Ruppcll, de Kordofan; 5" Mangouste necus (//, (jiueiis, A. G. Desmarest}, de la CARNASSIERS 501 Cafrérie; 0° Mangouste des marais (//. paliidinosus, (i. (envier, M. urinalor, Sniitli) du cap de Bonne-Espérance; et enfin doux espèces dont la patrie est inconnue, les : 7" Mangouste bougk (//. rnber, A. G. Desmarest), et 8° Grande MA^GOusTE (//. major, Et. Geoffroy). iNous ajouterons que De Blainville a donné la description de quelques débris fossiles d'une es- pèce qu'il nonim(! Mavgiisla (/Kjanlca, et sur laquelle nous reviendrons en parlant des Civettes fossiles. 4"'^ GENRE. — ICIINEUJIIE. ICHNEiMIA. Isidore Geoffroy Saini-Ililaire, 1857. Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences. DiminiUit' ^\'lc^lneumon. C.\RACTERES GENERIQUES. Sijslcme deniaïre. : incisives, |; canines, \^\ molaires |£?|' f'^»"' fausses molaires, |5|; carnas- sières, \^; tuberculeuses, |~; en lotalilé quaranle dents, comme chez- les Mancjousles, mais en dif- férant par leurs formes et leur disposition, et principalement en ce que la quatrième fausse molaire inférieure a quatre tubercules, et que les tuberculeuses des deux mâchoires sont assez étendues. Corps plus allongé que celui des Mangoustes, cl plus haut sur jambes; ce qui rend le ventre moins pendant. Crâne renflé dans l'intervalle, et iin peu en arrière des orbites, à pourtour orbitaire complète- ment osseux, et a arcade zijgomatique étroite, peu écartée du crâne. Oreilles à conques très-larcjcs, très-courtes. Mufle assez prolongé. Nez prolongé au delà des incisives, beaucoup plus que chez les Mangoustes. Membres assez élevés, tous terminés par cinq doirjis; les pouces courts et placés haut, surtout en arrière. Paumes des mains et plantes des pieds en très-grande partie velues. Ongles assez grands, un peu recourbés, obtus. Queue longue, nullement préhensile. Une poche en avant de lanus. Pelage composé de deux sortes de poils : les soijeux assez longs, rudes, peu abondants; les lai- ncu.T doux, très abondants, plus ou moins visibles à travers lessoijeux. Fig. 91. Ichneumic à queue blanche. Une espèce anciennement rangée avec doute par G. Cuvier dans le genre Mangouste, son Herpes- tes nlbicaudus, de Sénégambie et du cap de Bonne-Espérance, est devenue pour M. Isidore Geof- froy Saint-IIilairc le type d'un genre nouveau auquel trois autres espèces ont été jointes. Dans son Cours de Mammalogie |)Our 1857, M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire avait appliqué à ce groupe la 50i HISTOIRE NATURELLE. dénomination de Lasiopiis, que plus tard, dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences pour 1857, et surtout dans le Magasin de Zoologie de M. Guérin-Méneville pour 1839, il a cl)ani,'é en cehn d' Iclmeumonia, nom qui a été adopté pour ce genre, généralementadopté aujourd'hui par lous les zoologistes. Le système dentaire est caractéristique. D'après M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire : « A la mâchoire supérieure, les canines, les deux premières fausses molaires, sont comme chez les Mangoustes; mais a troisième fausse molaire, au lieu de présenter, comme chez celles-ci et la plupart des Carnivores, une forme simple, comme celle de la dent précédente, est triangulaire à sa base, et porte quatre tu- bercules obtus, trois occupant son bord externe, parmi lesquels l'un, intermédiaire, très-grand; les deux autres, antérieur et postérieur, très-petits; le quatrième, plus grand que ceux-ci, plus petit que l'intermédiaire, est placé au bord interne, en dedans de ce dernier. Cette dent, très-complexe, se trouve ainsi avoir quelque ressemblance avec la dent suivante, c'est-à-dire la carnassière, dont la base représente un triangle allongé ayant sa base en avant, et qui porte aussi trois tubercules ex- ternes, peu tranchants, et un intermédiaire obtus, disposition qui, au reste, existe pareillement chez les Mangoustes. La première tuberculeuse, de forme triangulaire, a la couronne presque plate, sauf une excavation triangulaire à son milieu, et est tout aussi grande que la carnassière. Enfin, la der- nière dent supérieure, ou la seconde tuberculeuse, de même forme à peu près que celles-ci, est elle-même presque aussi grande que la carnassière, ce qui constitue une différence assez importante à l'égard des Mangoustes, pourvues seulement d'une très-petite tuberculeuse postérieure. A la mâ- choire inférieure, les incisives, quoique très larges à leur couronne, sont régulièrement rangées suivant une ligne légèrement couchée, et non entassées entre les canines. Après une fausse molaire beaucoup plus petite que les autres, viennent deux autres fausses molaires de forme et de dimen- sions ordinaires, puis une quatrième, irès-épaisse, et à quatre tubercules obtus : l'un antérieur, très- petit; le second aussi grand à lui seul que tous les autres, et deux autres postérieurs : l'un externe, l'autre interne. La carnassière a trois tubercules en forme de pyramides triangulaires, tous trois entassés en avant, et laissant derrière eux, sans aucune éminence remarquable, une surface étendue qui compose à elle seule la moitié de la dent. Vient ensuite la tuberculeuse, qui, de même que ses analogues de la mâchoire supérieure, n'offre que des tubercules à peine saillants, et égale presque en étendue la carnassière; elle surpasse par conséquent considérablement la dent qui lui correspond chez les Mangoustes. En résumé, ce système dentaire diffère de celui des Mangoustes par l'étendue plus grande des tuberculeuses, et, en général, des parties mousses ou plates des dents, et, récipro- quement, par l'étendue moindre et la moindre saillie des émineuces comprimées et à bords anguleux et tranchants. Il indique donc des animaux plus éloignés encore que les Mangoustes du régime exclusivement Carnivore, et c'est ce que conlirme l'examen du mode suivant lequel les dents se ren- contrent quand la bouche se ferme : les dents de la mâchoire inférieure s'appliquent alors par leur couronne sur la couronne tout entière de la première tuberculeuse, sur une grande partie de la carnassière, et sur le tubercule de la dernière fausse molaire de la mâchoire supérieure, h La tête offre certaines particularités ostéologiques assez remarquables. L'arcade zygomatique est étroite, courte et très-peu écartée du crâne. L'os jugal est surmonté d'une apophyse postorbitaire très-développée qui s'articule avec l'apophyse du même nom. Le crâne est renflé derrière les orbites. Deux caractères tressaillants distinguent les Ichneumonies des Mangoustes. Le corps, moins al- longé chez les premiers que chez les seconds, est porté sur des membres moins épais et plus élevés, et la face postérieure du pied, au lieu d'avoir une plante large, aplatie et nue, a une surface étroite, très-convexe et velue, à l'exception du bas du métatarse et du dessous des doigts. La face palmaire de la main est de même velue sur une grande partie de son étendue, tandis qu'elle est entièrement mie chez les Mangoustes. La marche de ces animaux est franchement digitigrade, et non pas presque plantigrade, comme celle des Mangoustes. Chaque pied est terminé par cinq doigts, armés d'ongles assez grands, légèrement comprimés, un peu recourbés, obtus à leur extrémité, à l'exception des pouces, principalement des postérieurs, qui sont plus haut placés, et ne touchent pas le sol dans la marche; la proportion des doigts est 'a même que chez les Mangoustes. Le corps est terminé, en arrière, par une longue queue, assez renflée à la base, mais s'amincissant rapidement et ne jouis- sant évidemment, jias même au plus faible degré, de la faculté de s'enrouler autour des corps. Le B E V AL e 1 . E 5 a 5 T n t Kii^. I — Maiiguusl rl'Alger. et: VALET Fiiï. 2. — Marie conimnne. l'I. 7^1 CARNASSIERS. 7^ pelage est composé de deux sortes de poils : les uns laineux, tiès abondants; les autres soyeux, généralement rudes au toucher, plus ou moins annelés, et recouvrant presque entièrement les premiers. En résumé, nous dirons avec M. Isidore Geoffroy Saint llilaire que les Iclmeumonies sont en quel- que sorte des Mangoustes un peu moins carnassières, ce que vient de démontrer l'examen de leur système dentaire, et tout à fait digiiigrades, ce que la conformation des jambes et des pieds indique avec évidence. Quelques rapports se montrent aussi entre les Carnivores que nous étudions, les Gy- nogales, et même les Grossarques. Les Iclmeumonies habitent des terriers, et, d'après M. Ehrenberg, ils se nourrissent de Coléo- ptères, leurs excréments renfermant souvent des débris de ces Insectes; mais il est probable (|u'ils vivent aussi de petits Mammifères, d'Oiseaux et d'œufs. Ils semblent se rencontrer dans tout linté- rieur de l'Afrique, et leur présence a été indiquée à la fois dans le nord-est de cette partie du monde, dans Touest et dans le sud. On en a décrit trois ou quatre espèces. 1. ICIINEUMIE A QUEUE OLANCIIE. ICIIKEUMIA ALIilCAUDA. Isiilorc Geoffroy S,iiiii-llil;urf. Caractères spécifiques. — Corps d'un cendré fauve, très-peu tiqueté, passant au noirâtre en des- sus, principalement sur la croupe, qui est noire; queue blanche dans les trois derniers quarts de sa longueur. Depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, la longueur est de 0'",45; la queue a 0"',o5. Cette espèce, qui avait reçu de G. Cuvier le nom à' IJcrpcslcs albïcandiis, et de M. Smith celui iïlclincuDion albicaiills, habile la Sénégambie et le cap de Bonne-Espérance. 2. ICHNEUMIE ALBESGENTE. ICHNEUMIA ALBESCENS. Isidore Gcorfroy Siiint-Hilnirc. Caractères spécifiques. — Corps d'un cendré clair, très-tiqueté de blanc; queue variée de blanc et de noir dans sa première moitié, blanche dans la seconde, l'ius grande que la précédente espèce, et la queue ayant proportionnellement plus de longueur. C'est à celle espèce que M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire rapporte, mais avec doute, Yllcrpeslcs Icucurus d'Ilemprich et d'Ehrenberg; elle est propre au Sennaar, au cap de Ronne-Espérance, et peut-être au Dongola. r,. IGIINEUMIE GRÊLE. ICH^EVMIA GRACILIS. Uiippcll. Caractères spécifiques. — Corps d'un cendréun peu jaunâtre; partie postérieure de la queue noire. Celte espèce, décrite par M Riippell comme appartenant au genre Mangouste [Ilerpcsics], et sous la dénomination spécifique que nous lui conservons, provient de Massouah, en Abyssinie. 5"'" GENUE. — MANGUE. CROSSARCHUS. Fr. Cuvier, 1825 Wammifères (le la Ménagerie du Muséum, livr. XLVIK. Kçoiacç, rrynn-e; apj^o;, anus, CAHACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sii-ticme dentaire composé de dénis en nictne nombre rpœcliez les Surieales; mais, par leurs for- mes fjénéralcs, rcsscndflanl davantage à celles des Manrjonsies. avec lesquelles elles ont beaucoup d'unalofj'ic. :.Ui HISTOIRE NATURELLE. THc arrondie. Museau plus (jraud (jne dans les Mangoustes, se prolongeant de beaucoup au delà des mâ- choires. Mufle bien niaripic, sur les bords duquel s'ouvrent tes narines, très-mobile, et atjant de la res- semblance avec celui des Coatis. J^upillc ronde. Oreilles assez peliles, arrondies; la conque offrant dans son milieu deux lobes très-saillants si- tués iun au-dessus de l'autre. Lanque douce sur ses bords, papilleuse, cornée au centre. Pieds penladaelijles, comme chez les Mangoustes, sans aucune trace de la petite membrane în- terJiqitale qui existe clvz ceux-ci; doigt du inilieu le plus long de tous, et le pouce le plus court. Plante du pied posant tout entière sur le sol dans la marche, qui dès lors est tout à fait planti- grade, et présentant cinq tubercules, dont trois placés à la commissure des quatre grands doigts, et les deux autres plus en arrière. Paume de la main agant le même nombre de tubercules que la plante, et ces organes étant disposés h peu près de la même manière. Queue aplatie, d'un tiers environ moins longue que le corps. Une poche anale sécrétant une matière onctueuse puante. Ce genre a été créé par Fr. Cuvier, dans son Histoire de la Ménagerie du 3luséum, pour un ani- mal provenant de Sierra-Leone, oonnu sous la dénomination de Mangue. Le squelette des Mangues n'offre rien qui puisse le faire distinguer bien complètement de celui des Mangoustes, et parliculièrement de l'espèce d'Egypte. C'est toujours à peu près, comme le fait re- marquer De Blainville, le même nombre d'os au tronc comme aux membres, sauf à la queue, où il n'y a que viugt-deux vertèbres; seulement, chacun de ces os est en général plus ramassé ou plus court proportionnellement, ce qui rend les apophyses épineuses des vertèbres plus serrées; les pouces sont peut-être aussi un peu plus développés, et surtout les phalanges onguéales; les autres différences ostéologiques, qui ne sont pas plus fortes que des différences spécifiques, ne peuvent guère être rendues que par l'iconographie. D'après Fr. Cuvier, l'anus est situé à la partie inférieure de la poche anale, c'est-à-dire que celle ci se rapproche de la base de la queue; elle se ferme par une sorte de sphincter, de sorte que, dans cet état, elle ne semble être que l'orifice de l'anus; mais, dès qu'on l'ouvre et qu'on la développe, elle ])résente une sorte de fraise qui, en se déplissant, finit par offrir une surface très-considérable; cette poche sécrète une matière onctueuse très-puante dont l'animal se débarrasse en se frottant contre les corps durs qu'il rencontre. L'espèce unique de ce genre est la : WANGUli:. CROSSARCUrS OBSCURUS. Fr. Cuvier. Cauactères SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un brun uniforme, seulement avec une teinte un peu plus pâle sur la tête; chaque poil étant brun, avec la pointe jaune. Longueur de la tête et du corps : 0"',32; de la queue, 0"\'18. Cette espèce habite les côtes occidentales de l'Afrique, et principalement Sierra-Leone. Fr. Cuvier et M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire ont donné des détails sur les mœurs d'un individu (jui a vécu à la Ménagerie du Muséum. Cet animal était d'une extrême propreté; il déposait toujours ses excréments dans le même coin de sa cage, et avait, au contraire, bien soin de ne jamais salir celui où il avait coutume de se coucher. Il était doux et Irès-apprivoisé, et aimait à être caressé; et, quand on approchait de sa cage, il venait présenter immédiatement sa gorge ou son dos. Lorsqu'on s'éloi- gnait (le lui, il faisait entendre de jietits sifllements ou cris aigus semblables à ceux d'un Sajou. H avait l'habitude d'élever de temps en temps son corps sur ses pattes de devant, et d'applicjuer son anus contre la partie supérieure de sa cage. Il buvait en lapant, et faisait alors un bruit semblable à celui que produit le frottement du doigt sur un n)arbre mouillé. Il se nourrissait habituellement de viande; mais il mangeait aussi volontiers du pain, des carottes, des fruits desséchés, e!c. CARNASSIERS. 305 G'"'' GENRE. — ATIIILACE. ATIIILAX. Vv. Ciivior. 1824. Mammifères, i. III. A, privatif; ônXaE, i)oai'sn CARACTÈRES CÉNÉRIQIIlîS. Siisthne dentaire assez semblable h celui des Mangoustes, mais 1rs devis présentant plus d'épais- seur, plus de force; avec une tres-pelile avanl-molaire à chaque mâchoire. Doir/ts dans les mêmes proportions que ceux des Mançioustes. Ongles obtus. Queue aussi (jrosse dans toute sa longueur. Pas de poche anale. Ce genre, créé par Fr. Ciivier sous le nom que nous lui conservons, ain.si que sous celui dAti- lax, ne renferme qu'une seule espèce, le Vansire, propre à Madagascar, que l'on rangeait précé- demment dans le genre Mangouste, et que beaucoup de zoologistes modernes y réunissent encore. Les yl//u/aa; sont loin d'être parfaitement connus; nous pouvons cependant donner, d'après De Rlainville, quelques détails sur leur système osléologique dans le nombre et la composition des os. L'espèce typique de ce genre n'offre rien de différent de ce qu'on remarque dans la Mangouste d'E- gypte; seulement il n'a que vingt-cinq vertèbres à la queue, au lieu de vingt-liuif. La tête est peut- être un peu plus robuste, moins allongée dans sa partie cérébrale; les crêtes et les fosses sont plus marquées; le front plus plat, plus large; l'orbite plus ovale et un peu moins complète dans son cadre; l'arcade zygomatique est moins large, aussi bien que l'apophyse coronoïde; mais, du reste, elle est parfaitement semblable. Les vertèbres offrent quelques différences un peu plus marquées, qui ne portent cependant pas sur la forme ni sur les proportions de leurs corps, mais seulement sur celles de chaque apophyse, en général plus larges, surtout l'épineuse des dorsales, ou proportionnelle- ment moins longues que dans la Mangouste. Les verlèbres sont aussi généralement un peu plus épaisses. Il en est de même des côtes, qui sont légèrement plus robustes à leur racine. Les diffé- rences observées dans les membres sont plutôt spécifiques que génériques : à ceux du devant: lomoplate a son bord antérieur moins sinueux, mais elle est toujours très-large, quadrilatère; l'humérus est percé au condyle interne et au-dessus de la poulie, et le pouce est dans les mêmes proportions que dans la Mangouste d'Egypte. Aux membres de derrière, il y a, en général, plus de force et plus d'épaisseur proportionnelle; le pouce cependant est un peu moins grêle et légère-. ment plus long, de même que le métatarse, qui est plus étroit. On ne connaît qu'une seule espèce de ce genre. VANSIRK. ATHILW VANSIRE. Fr Cuvier. Caractères spécifiques. — Poils soyeux, moins longs que ceux de la Fouine et de la Marte, d'un brun foncé, avec des anneaux étroits d'un blanc jaunâlre vers leur pointe seulement, qui rendent le pelage pointillé de cette couleur; poils intérieurs d'un brun uniforme; tête et pattes d'un brun plus teinté de roux que le reste du corps; oreilles assez grandes, brunes; queue couverte de poils assez longs, touffus, bruns, annelés, comme ceux du corps, de blanc jaunâtre, avec celte différence que les anneaux de cette dernière sont plus nombreux et beaucoup plus larges Longueur de l'ani- mal, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0'",r)4; de celte dernière, 0'",]6. Cet animal, que Buffon a décrit sous la dénomination de Vansip.e, a été indiqué par Erxleben sous le nom de Musiela galcra; par Et. Geoffroy Saint-Ililaire sous celui de Ichneumon c/alcra, et par A. G. Desmarest sous la dénomination ô'flerpestes galera, que lui conservent des naliiralistesqui n'en font pas le type d'un genre distinct. 29 ' 39 306 HISTOIRE NATURELLE. Les mœurs du Vansire sont bien peu connues; on sait seulement qu'il aime beaucoup à se baigner. Il se trouve dans l'île de Madagascar, d'où il semble originaire, et se rencontre aussi à l'île Maurice, où il a été acclimaté. C'est auprès de ce genre que l'on range quelquefois le genre Eupleres, qu'à l'exemple de M. Doyère, son créateur, nous avons laissé avec les Insectivores. 1"" GENRE. - GALIDIE. GALIDIA. Isidore Geoffroy Sainl-Hilaire, 1857. Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences. Diminutif de ^aXYi, Belette. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsihne dentaire : incisives, |; canines, ,^J; molaires, |^ ou |e|. ^ /« mâchoire supérieure, vincfl dénis, ou seidement dix-huit, suivant nue la première molaire, qui est rudimentaire, existe ou n'existe pas; à la mâchoire inférieure, dix huit. Incisives supérieures externes très-grandes et échancrées en dehors et en arrière. Canines supérieures presque droites, aplaties en dedans; les in- férieures arquées. De chaque côté, supérieurement, deux ou trois fausses molaires, une carnassière, deux tuberculeuses; inférieur ement, trois fausses molaires, une carnassière, une tuberculeuse; tu- berculeuses moins étendues que les carnassières. Crâne à pan renflé entre les orbites et se rétrécissant fortement en arrière de ses fosses : apo- plujscs postorbitaircs des frontaux et desjugaux ne se joignant pas. Palais présentant un grand nombre de sillons semi-circulaires à convexité antérieure. Museau fin, allongé. Mufle bien marqué. Nez médiocrement prolongé, h narines s'ouvrant par des ouvertures assez étendues, et prolon- gées obliquement en arrière sur le bord du mufle, près de la ligne à partir de laquelle commencent les poils. Oreilles à conque de largeur et de longueur moyennes. Fipr. 92. — Galiiiie concolore. Membres assez courts, tous à extrémités terminées par cinq doigts; ces doigts aijant en arrière le médian et le quatrième égaux; mais, en avant, le médian plus long que les autres; puis le qua- trième, puis le deuxième, puis, mais avec une grande différence de longueur, l'externe, et enfin tinterne, qui est le plus court. Plantes des pieds, satif les talons, et paumes des mains nues. Fig. 1 — Maiiij,ousle à bandes. BEVMLCr LESESl Kt Fig. 2. - Loup. (Mâle.) l'I. 40. CARNASSIERS. 307 Onqies, surtcnl ceux de devant, assez longs, médiocremenl arqués, demi-rétracl'des, assez aigus h leur extrcmilé. Queue moins longue que le corps, nullement préhensile. Poils soyeuoc, médiocrement longs, serrés, cachant les poils laineux. M. Isidore Geoffroy Sr.int-Hilaire a créé ce genre pour trois Carnivores de Madagascar, dont l'un avait été signalé par M. Smith, et dont les deux autres étaient alors nouveaux. Ce genre, ainsi que rindique son nom tiré du grec, -^ain, montre les rapports qu'il présente avec les Belettes, et en général avec les Mnstéliens, tout en appartenant réellement aux Viverriens. Les analogies que ce groupe offre avec les Mangoustes sont moindres que dans les groupes précédents, quoiqu'il y ait encore quelque chose, dans la conformation de leurs pieds, qui montre que ce sont des animaux plus carnassiers. Le corps des Galidies se termine par une queue longue et couverte de longs poils plus ou moins fins. Le pelage se compose de poils laineux et de poils soyeux : ceux-ci fins, de lon- gueur médiocre, très-abondants, et recouvrant entièrement les laineux. Pour compléter la caractéristique de ce genre, il nous reste à parler avec plus de détails que nous ne l'avons fait du système dentaire, et à dire quelques mots de leur ostéologie; c'est ce que nous allons faire en copiant ce qu'en rapporte M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans le Magasin de Zoologie de M. Guérin-Méneville pour 1859. « Les dents des Galidies sont moins nombreuses et plus tranchantes que celles des Galiciis. Outre les quatre canines et les douze incisives si constantes chez les Carnivores, on trouve, de chaque côté, à la mâchoire supérieure, tantôt cinq et tantôt six molaires, selon que la première fausse molaire est tombée ou non; à la mâchoire inférieure, cinq molaires seulement. Les six incisives supérieures sont bien rangées, et le sont sur une ligne droite : les deux paires intermédiaires ne présentent rien de remarquable; mais les incisives externes sont plus longues, beaucoup plus grosses que les au- tres, singulièrement épaisses à leur base; chacune d'elles est creusée, en dehors et en arrière, d'une gouttière oblique, large et peu profonde, où se loge, quand la bouche se ferme, la partie an- térieure de la canine inférieure correspondante. Les canines supérieures sont droites, comprimées, aplaties en dedans, très-peu convexes en dehors, creusées, à la partie antérieure de leur face in- terne, d'un sillon longitudinal presque linéaire. La même dent présente sur la face externe, mais seulement chez la Galidia elegans, quelques autres sillons pareillement longitudinaux et linéaires. Après la canine vient, de chaque côté, soit un très-pelit intervalle vide, soit une dent excessivement petite et perdue presque entièrement dans la gencive : dans le premier cas, il y a cinq molaires supé- rieures seulement; dans le second, il y en a six. Sur trois crânes, deux offrent cette petite dent: l'un appartient à une Galidia ckgans adulte, l'autre à une espèce adulte des G. olivacea; la troisième, qui ne la présente pas, est celui d'une autre Galidia elegans, plus âgée que la précédente. L'exis- tence ou l'absence de cette molaire accessoire n'est donc pas même un caractère spécifique. On trouve, au contraire, constamment deux fausses molaires, l'antérieure plus petite, la postérieure plus grande; toutes deux tressaillantes, comprimées, presque tranchantes; puis une carnassière ayant la forme d'un triangle à base antérieure, lequel est sensiblement plus allongé et plus rap- proché de la direction longitudinale chez la Galidie élégante La base de ce triangle résulte de la juxtaposition de deux tubercules ayant chacun la forme d'une petite pyramide triangulaire : en arrière de celui d'entre eux qui est externe, vient une éminence comprimée, tranchante, très-sail- lante, puis une autre éminence très-peu saillante, mais à arête aiguë, dont l'extrémité forme le som- met du triangle que représente la dent dans son ensemble. La première tuberculeuse, placée trans- versalement, a trois petites éminences peu saillantes en dehors,et une plus saillante, triangulaire, tout à fait en dehors. Vient ensuite une seconde tuberculeuse beaucoup plus petite, et qui pré- sente sur sa couronne deux petites concavités, dont chacune est bornée en dehors par une partie saillante; dans la Galidia olivacea, les deux tubercules, surtout le dernier, sont plus étendus que leurs analogues dans les G. elegans. A la mâchoire inférieure, les incisives sont rangées sur une ligne droite, mais peu régulièrement; les deux externes, qui sont de beaucoup les plus grandes, et les deux internes sont un peu plus en avant que les deux incisives de la partie intermédiaire. Les canines diffèrent beaucoup de celles de la mâchoire supérieure : elles sont triangulaires et arquées, avec une arête assez marquée et courbe comme elle en arrière. Un petit intervalle correspondant :,08 HISTOIRE NATURELLE. à la place, d'ailleurs plus étendue, qu'occupe la première fausse molaire de la plupart des Viver- ricns, précède trois fausses molaires tranchantes, dont la postérieure a, derrière son éniinence prin- cipale, un tubercule comprimé, presque de même forme que celle-ci, La carnassière, très-étendues a trois grandes pointes triangulaires en avant, et, derrière elles, une autre concave, dont le bord postérieur se relève en un bord assez saillant. Vient enfin la tuberculeuse, qui est semblable à la supérieure. La tuberculeuse inférieure de la Gnlidia elcgans est une très-petite dent, représentant un ovale très-peu allongé, avec trois ou quatre tubercules, et l'analogue de cette dent, chez la Ga- lidia oliracea, a cinq tubercules à arêtes assez vives, etc. » La boîte cérébrale est étendue, allongée, et séparée de la base par un rétrécissement un peu plus mar((ué chez la Galidia elerjans, un peu moins chez la G. olivacea; la région nasale présente à peine un léger renflement, qui ne dépasse nullement, en arrière, les apophyses postorbitaires : disposi- tion bien différente de celle qui existe chez les Mangoustes et les Ichneumies. L'apophyse postorbi- taire du frontal est, de chaque cùté, irès-allongée; mais celle du jugal léiant très-peu, le pourtour orbitaire n'est osseux que dans ses deux tiers antérieurs. Les arcades zygomatiques sont médiocre- ment écartées du crâne. Les naseaux ne finissent pas en arrière en pointe, comme dans beaucoup de Carnassiers, mais s'articulent avec les frontaux par des sutures obliques, assez étendues. Les con- ques auditives sont grandes et font une assez forte saillie à la base du crâne. Les espèces placées dans ce genre, toutes propres à l'île de Madagascar, sont au nombre de trois. i. GALIDIE ÉLÉGANTE. GALIDIA ELEGANS. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Cakactères spécifiques. — Corps d'un beau rouge marron foncé; queue presque aussi longue que •e corps, ornée de longs anneaux alternativement noirs et de la couleur générale du pelage. Lon- gueur de la tête et du corps, 0'",4U; de la queue, 0'",50. Cette espèce, que M. Smith, dans son African Zoology, a indiquée sans lui appliquer aucune dé- nomination, semble être le Vomlsira de Flacouri. Elle est surtout répandue dans les environs de Tamatave, dans l'île de Madagascar. 2. GALIDIE CONCOLORE. GALIDIA CONCOLOR. Isidore Geolfroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Corps d'un brun rougeâtre, tiqueté de fauve et de noir; queue beau- coup plus courte que le corps et de même couleur que lui. Longueur du corps et de la tête, 0"',25; de la queue, 0"',19. Elle habite Madagascar. 3. GALIDIE OLIVATIIE. GALIDIA OLIVACEA. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — Corps d'un brun olivâtre, tiqueté de fauve; queue de même couleur que le corps. Longueur de l'animal, prise de l'origine delà queue au museau, O^joO. Cette espèce est nommée par les habitants de Madagascar Snlano et Sntanon. CARNASSIEI'.S. 7m 8""' GENRE. - GALIDICTIS. GALIDICTIS Isidore GeortVoy Saint llilairo, ISôO. Magasin ilc Zoologie de M. Guéi'iii-Méiicvilli'. (lalidiii, Galidie; t>4Ti;, Beli lie. C.VRACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sifstème dentaire : incisives, f; canines. ~\; molaires, fE?|; en loialiié irente-six dénis. Ce sijs- ihne dentaire est irès-voisin de celui des Galidies, mais les canines supérieures sont beaucoup plus grosses, un peu arquées, obtuses et préscnlanl a leur surface un grand nombre de petites licjucs ho- rizontales et circulaires couleur de rouille; les inférieures très-arquées, irès-épaisscs, colorées de roux; les incisives supérieures sur une rangée courbe, à concavité antérieure, la paire externe d'une dimension considérable; les inférieures mal rangées, très-grandes, à l'exception de la pairt interne; la première fausse molaire parait ne devoir jamais exister chez les adultes, et les molaires en général diffèrent peu de celles des Galidies. Pieds pentadactijles, semblables a ceux des Galidies. Tète assez large, avec un mufle large, court, peu prolongé au devant des dents Oreilles larges, courtes, comme chez les Mangoustes. Queue aussi longue que le corps et la tête réunis. Pelage rappelant celui des Genetles. Fier 93. — Galidielis slrié. Le genre Galidiclis de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, que ce savanl zoologiste avait d'abord indiqué sous la dénomination de Galiciis, dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences pour 1857, offre beaucoup de rapports avec les Galidies, ainsi que l'indique son nom, et n'est pas jusqu'ici suffisamment connu. Outre les particularités que nous avons déjà signalées, ce genre présente quelques caractères os- téologiques assez distincts. Le crâne est remarquable par la largeur du museau en avant, par l'écar- tement des arcades zygomatiques, qui sont très-développées, mais ne portent que de très-courtes apophyses postorbitaires; par l'étendue considérable de la symphyse de la mâchoire inférieure, et par quelques autres caractères de moindre apparence. Ce crâne et le système dentaire que nous avons décrits indiquent un animal plus éloigné des Ga- lidies que ne le sont ordinairement des genres voisins; les pieds sont néanmoins presque entièrement semblables, et le corps offre aussi une grande analogie, si ce n'est très-probablement dans la région recto-génitale. L'espèce type de ce groupe est le: MO HISTOIRE NATURELLE. CARNASSIERS. VONSIRE BLANC. GALIDICTIS STRIATA. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire Caractères spécifiques. — Corps présentant en dessus cinq grandes bandes noires longitudinales et deux autres plus petites de même couleur sur un fond grisâtre; la queue est au contraire, la base exceptée, uniformément blanche. Longueur de la tête et du corps, la même à peu près que celle de la queue, d'environ 0'",dù. Cette espèce, que M. Jules Goudot indique comme étant nommée par les Madécasses Vont.sira foutclie, était connue depuis assez longtemps, et, avant que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en ait fait le type de son genre Galidictis; et elle avait reçu d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire le nom de Miistela striala, et de G. Cuvier celui de Pnlorius sirîaliis. Elle habite l'île de Madagascar, et, ce qui concorde avec les différences du système dentaire, a une férocité beaucoup plus grande que celle desGalidies, qui, eux, sont plus omnivores. TABLE ALPHABÉTIQUE AcÉRODON. Acerodon . 21 Aei.i.o. Aello 47 Amblyodon. Amhlyodon 294 Amphisorex . Amphisorex ISO Anouhe. Anoura 89 Aonyx. Aonyx 280 Arite. Ariteus 73 Artidée. Artibeus 100 Atihlace. Alhilax. 505 Bassaride. Bassaris 284 Blaireau. Mêles 228 Brachypiiïli.e Brachyphylla 101 Brachysorex. Brachysorex 140 CARNASSIERS. Carnkwra 1 CARNIVORES. Carnivora 168 Céi.èno. Cceleno 50 Centurion. Centurio 39 Centronyctère. Centronycteris 47 GériiALOTE. Cephaloles 26 CHÉIROPTÈRES. Cheiroptera 5 Chilonyctère. Chiloiiycteris *. . 83 Chinche. Chincha 257 Chrysochlore. Chrysochloris 226 GIIRYSOCIILORIEISS. ChrymcMorii 126 Ci.ADOBATE. Tupaia 145 Coati Nasua 220 Condylure. Condylurus 124 Coralme. Cor allia 97 Cyiiogale. Cynoyalus . 292 Cynoptère. Cynopterus. . .... 24 Danis. Danis 200 Desman. Mygale 129 Desmode. Desmodus 103 DESMODIDÉS. Desmodidœ 102 Di-sMODiENS. Dcsmodii 102 DiciiDiiiiK. Dicliduru.s 49 DKilTIGKADES. Digiligradœ. 250 DiNOPS. Dinops 40 DiPHYLLE. Diphylla 102 Eleutiiérure. Eleutherara 20 Emballondre. Emballonura 45 EroMOPHORE. Epnmophorus 21 Ericui.e. Ericulus 158 ERINACEIDES. Erinaceidœ iSQ Euplère. Eiipleres i06 EUPLÉRIDÉS Eupkridœ 165 Furie. Furia (j(5 Galidie. Galidia 5()G Galidictis. Galidktis ' , 3()() Glossophage. Glossoplinga 88 Gi.ouroN. Gvlo 237 Grison. Galictis 240 Gymnure. Gymnura 148 GYMNURIDÉS. Gymnuridœ 148 llelarctos. Uelarclos 211 llÉsiiGALE. Hemigalus 095 Hérisson. Erinaceus 150 Herpestes. Herpesles 500 Uydrosorex. Uydrosorex 140 IIypoderme. Hypoderma 27 IcHNEUMOME. Ichneumonia 501 IcTiEiE. Ictides 225 INSECTIVORES. Insectivora . 105 Ki-N'kajou. Potos , 179 Latax. Latax 282 . Leptonyx. Leplonyx 281 L0P110STOME. Lopitosloma. 92 Loutre Luira. . _ 275 Luira. Luira 282 Macuoglosse, Macroglossns 25 Macropiiyi.le. Macrophylla 101 Macrosi:élipe. Macroscelidvs! 141 MACROSCÉLIDÉS. Macroscelidœ I41 Madatée. Madalcus 101 MA^COUSTE. Mangousla 297 MA^GUE. Crossarchus 303 Marte. Mustela . 259 Mécaère. Megacra 24 Mégadehme. Megaderma 80 Mélocaie. Melogule 243 Mephilis. Slephitis 257 Miniopti're. Miniopterus 59 Moi.ossL, M0I0SIUS 55 MOLOSSIENS. Molossii 55 MoNOPiiYi.LE. Monophyllus 92 MoRMOOPS. Mormoops 82 315 HISTOIRE NATURELLE. CAI'.NASSIERS MosiE. Mosia Moi'FF.TTE. Mephilis Mongos. Munçjoz MusMiAir.KE. Sorex Muslela. Mtislela MUSTÉLIliNS. MusteW. . . . Mndai'S. M\idam MYorTÈUE. Myoplerus. ... Mystacise Mystacma NOCTl LIENS. Noctilii . . . Nor.Tii.ioN. ISoctilio NOCTILIOMDÉS. Noclilionidœ. Nycti":re. Nijcleris NYCTÉRIEÎNS. Nijcterii. . . . 48 20-2 ^>'.)6 131 201 2.-,! 258 42 48 8i 84 8") 69 (39 Nycticée. Ni/cticeus 133 Nyclicejus. Nyclicejus ''5 Nycticeus. Nycliceus 64 Nyctopiiile. jyyctophiius "îl Ocypète. Oci/petes 62 OnEFLLAnc Plecotus 67 OURS. Ursi 18.-; OvR>. Ursus lî^.j Pachyso.me. l'achysoma 22 Panda, iilurus 2l9 Parauoxlte. Paradoxurus 287 Paradoxurus. Paradoxurus 291 Pépimane. Chciromdcs 57 PETITS-! UJl'.S Sulmrsi 215 PiiYLLoniE. Phyllodia 85 Piivi.i.oi'iioiiE. P/njlInpIiora P/njIIorhiiia. Phyllorhina PiiYi.LosTmiE. Phi/Uostoma 92 niVl^l.ÔSTOMII'NS. VhiUoslomU 88 PijiistreUf. l'ipistrt'llus 59 VLMSTUilwnES. Plantiyradœ 178 PUTIDLS. Potidœ |78 Prochile. Prochile 212 Ptéuonote. Pieronotus 40 Ptérom'iie. Pleronurus 280 Putois. Puiorius 267 Ratkl. Mvelliora 247 90 78 Raton. /'/oc/yo/i • 214 RiiiNOLoPHE. Rhinolophus . . . ' 75 RIIINOLOPIIIENS niimolopliii 70 Rhinolophus. Rhinolophus "fi Rhinopome. Rhinopoma 72 RousfETTE. Pteropus l* ROUSSETTES. Pteropii 10 Saricovie. Saricovia . . 2ol ScAi.opE. Scalops 1-' ScoTOPiiiLE. Scotophilus. . . 6/ Sorex. Sorex '•'^7 SÛRICIUÉS. Soricidœ "128 Stéxoderme. Stenoderma °' STÉNODERMIEÎNS. Stenodermii Sturnire Sturnira TALPIUÉS. Talpidœ TALPIENS. Talpii Tanrec ('entêtes TAfiiiEN. Taphozous TAPHOZIENS. Taphozii. 86 99 112 US 160 43 42 Taupe. Ta/pa ^^^ Taxidée. Taxidea. ■ . . Taxus. Taxus Thalarclos. Tkalarctos. Thiosme. Thiosmus. . . 235 232 197 256 Unoci-.yPTE. Urocryptus '*" 12o 182 225 201 9.^ l]itoTiiiQi,'E. Vrotrichus URSIENS. Vrsii • TJr.siTAXE Ursitaxus Ursus. Ursus Vampire. Vampirus VAMPIRIDÉS. Vampirtdœ Vespertilio. Yespcrlilio VESPERTILIEiSS VespertiUi Vkspertilion. Vespertilio VESPERTILIONIUÉS. Vesperiilionidw VESPERTFLIONIENS. Vespertilioniœ VlliERRlENS. Viverridœ Xamiiarpyie. Xantharpyia 21 Zorille. Zortlla 2io o 80 54 51 51 25 28 286 ENCYCLOPÉDIE D'HISTOIRE NATURELLE PARIS. - IMl'RlMEIilK SIMON RAÇO> ET (/ HUK DRRFUliTH, I. c o' ENCYCLOPIÏIHK iviiisTomi: nâhiîklli ou TliAITIÎ COMI'LIÏT l»R OIÎTTIÎ SCIIÎXdlî (i'apres Llis; TIIAYAUX DES MATUHALISTKS ILS II. US ÉMI^E^TS V\- TOUS LUS l'AVS KT lu.; TODTKS l-KS Kl'OyUKS BUFFON, DAUBENTON, LAGEPÈDE, G. GUVIER, F. CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE, LATREILLE, DE JUSSIEU, BR0N6NIART. etc., etc Ouvrage résumant les Observations des Auteurs anuiens et comprenant toutes les Découvertes modernes jusqu'à nos jours. PAR LE D" CHENU CHimiROIEN -MAjnil A I.'IIÔPIT.U, MII.ITAIRF, lit; VAI. - DR - P.RACK , l'IlOhK.SSF.rt; n'ill^TOIIlK NATllIIEM F, ETC. CARNASSIERS ,\vco In rnllaboratinll rie M. E. DESMAREST^ ])if pnrnliur li'.^iiiitoniic Ci'in|iHrec au Muféum. DEUXlliME l'AliTlK l_e5E5TK£ PARIS CHEZ MARESCQ ET COMPAGNIE, liDITEURS DE 1,'ENCYCI.OPKnii: , ^, ftui: nu roîiT-DE- LODi (l'iiÈs i.r. popt-neuf). ^ CHEZ GUSTAVE HAVAI'.D. i.innAïF;)::, lo, KUli GUKMiGAUD (PRÈS LA MONKAIK). Nous terminons dans ce volume l'iiisloire des Manmiitères de l'ordre des CARNASSIERS; c'est-à-dire que nous étudions une assez grande partie des genres de la famille des CARNIVORES, et plus spécialement de ceux des sous-familles des DIGITIGRADES et des AMPHIRIES. Dans les DIGITIGRADES nous complétons l'étude de la tribu des Viver- uiENS, et nous donnons l'histoire des Caniens, Hyéniens et Féliens, et dans les AMPHIRIES nous faisons connaître les tribus des Piiogidés et des Tiu- CHÉCHIDÉS. D'après cela, ce volume ne comprend quun assez petit nombre de grands genres naturels, (els que ceux des C^Ve//e, Chien, Hi/ène, Chat, Lifnx, Phoque, Morse, etc.; mais, en revanche, chacun de ces groupes sont des plus impor- lanls par les nombreuses et inléressanles espèces qu'ils renferment. C'est ce qui nous a engagés à nous élcndi'c longuenienl sui' chacun de ses genres el à décrire presque toutes les espèces qui sont placées dans chacun d'eux. Comme dans le volume précédent, nous ne nous sommes pas bornés à donner l'histoire purement zoologique des animaux que nous décrivions; nous avons cherché à indiquer les points les plus saillants de leur anatomie. nous avons aussi donné de nombreux détails sur leurs mœurs, et nous avons cité ce que l'on sait sur les fossiles, tant des espèces encore aujourd hui existantes que de celles lieaucoup plus nombreuses et souvent si remarquables dont on ne le- trouve plus les analogues. l'aris, 51 mars 18Ô3. AVIS AU RELIEUR Les planches tirées hors texte sont au nombre de quarante. Chaque phuiche doit être placée en reyai'd de la page indiquée. l'l;ai(Jics 1 H«se. 1 1 2 \) o. ...... 18 4 '27 5 34 G 45 7 .51 8 60 y. . . 67 JU ". . 7-2 Il * 82 'î "-" it> 01 15 96 14 105 15 III 10 no 17 1 50 18 t57 l'J 145 ■20 152 l'l;iiicl es 21. . Hiigcs. ' 17(! 09 181 25 102 24. . , 205 25. . . . . . . h'rontisjjice . 26. . . 200 27. . . . .../'... . ' 210 28 . . '>'>5 29 . . 251 50 . . . 241 51 . . . 240 52. . . . 255 55 258 54 .... 262 55. . . . 260 56 . . . 274 57 • 2S1 -- 58. . . . 50. , . 271 505 507 a. c c o >;,'."|i7'~r "^ TROISIEME FAMILLE. - CARNIVORES. DIGITIGRADES. DEUXIEME TRIBU. — VIVERRIENS. (Suite ) 9"'" GENRE. — CRYPTOPROCTE. CRYPTOPROCTA. E. Bennell, 18o2. rroccrdiiigs of tlic zoological Society of Loiulon . Kp'jTTTc;, cache; rpwjCTo;. anus. CAHACTRRES GI'NÉniQUES. Siisiènie dentaire assez semblable à ccliiî des Viverriens, mais naijanl pu cire cliid'ié que sur un jeune sii'iet. 2 HISTOIRE NATURELLE. THe, par la courbure de son chanfrein, aijunl les plus grands rapports avec celle des CJials et à museau un peu allongé. Allure des Chats. Membres épais, assez courts. Ongles rélractiles. Queue assez, longue. Poche anale développée, cachant en grande partie l'anus. Cœcum long de près de O^jOo. M. E. Bennett, d'après un Carnassier qui lui avait été envoyé de la partie sud de Madagascar par M. Telfair, résidant à Maurice, a décrit le genre Cryptoprocta, qui malheureusement n'est connu que par un sujet non adulte et qui présente des caractères qui viennent lier intimement ensemble les Viverriens aux Féliens. Le naturel du Cryptoprocte, au dire de M. Telfair, qui a pu l'observer vivant pendant quelques mois, est très-faroucbe; sa force musculaire et sa légèreté sont des plus remarquables, et sa carnivorité est au moins aussi grande que celle des Chats. Les glandes qu'il présente en bas de l'anus lui ont valu le nom qu'il porte. Le crâne d'un jeune individu du Cryptoprocta ferox a été décrit par M. E. Bennett, et depuis, en France, par M. Paul Gervais dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, 1846, ainsi que par De Blainville, dans son Ostéographie, fascicule des Viverras, 1841. Ce crâne a O^jOS de lon- gueur; il est un peu plus allongé que celui du Chat dans sa partie faciale, par suite surtout de l'al- longement des frontaux et des maxillaires; son chanfrein est plus large que dans les Civettes, moins bombé que chez les Chats et pourvu d'une apophyse poslorbitaire assez marquée; de même que chez les Viverriens, l'apophyse orbitaire ou zygomatique est à peu près nulle, contrairement a ce que présentent les Mangoustes, et le trou sous-orbitaire est ovalaire, transverse. L'échancrure palatine est en upsilon, comme dans beaucoup de Chats, et la caisse auditive un peu moins renflée que dans ces animaux, mais moins allongée. La boîte crânienne a l'ampleur qui caractérise les Felis d'une manière générale. Le système dentaire a été étudié par les mêmes zoologistes qui ont étudié quelques points de leur osléologie; M. Paul Gervais s'exprime ainsi à ce sujet : « La dentition, dans le sujet unique que j'ai pu étudier, est encore imparfaite et comprend les dents de lait, plus la première avant-molaire d'adulte supérieurement et inférieurement. Les incisives sont simples, l'externe étant la plus grosse et pourvue d'un petit talon postérieur. Les canines, sans doute de remplacement comme les inci- sives, ne sont pas entièrement sorties. Quant aux molaires, celles d'adulte {une seule paire en haut et en bas) sont gemmifornies et à une seule racine. Il y a trois dents molaires de lait comme dans la plus grande majorité des Carnassiers : une avant-molaire, une principale et une arrière-molaire, et cette formule est aussi bien celle de la mâchoire inférieure que de la supérieure. L'avant-molaire a deux racines, et sa couronne est bilobée. La principale est comprimée, a trois lobes supérieurement, sans talon antérieur interne, comme on le voit chez les Chats; inférieurement elle a trois denticules, dont le médian surpasse les deux autres en hauteur; son talon postérieur est très-petit et manque des pointes qu'on lui voit chez les Genettes. L'arrière-molaire supérieure est régulièrement prisma- tique, de même grandeur que celle des Chats; l'inférieure est aussi parAùtement semblable à celle de ces animaux, et bien différente de celle des Viverriens en général; elle n'en a ni le talon élargi, ni les trois pointes rangées en triangle; elle est au contraire comprimée, a deux denticules considé- rables, dont l'interne tronqué en avant et le second surmonté d'un très-petit tubercule à son bord postérieur, et avec un talon aussi petit que celui des Chats de même âge ou des Hyènes ta- chetées. « Le Cryptoprocte est donc dans son jeune âge un Viverrien à dents de Chai, sauf le nombre un peu plus considérable, et il est très-probable qu'à l'état adulte la forme de ses dents présente en- core une grande analogie avec celle de ces animaux. On doit en conclure que ses habitudes sont aussi sanguinaires que les leurs, et c'est ce que dénote également sa physionomie générale. On pourrait peut-être dire que le Cryptoprocte est intermédiaire aux Viverriens et aux Féliens, comme le Bassaris l'est aux Mustéliens et aux Viverriens; » et nous ajouterons l'Euplère aux Insectivores et aux Viverriens. CARNASSIERS. 5 M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire fait remarquer que la description courte, mais précise que donne M. E. Bennett du Cryploprocte suffit pour montrer un animal très-différent des Galidies. Outre la i^randeur de ses oreilles, la forme de sa tête et quelques autres caractères de moindre importance, le Cryploprocte a, comme les Paradoxures, des doigts courts, presque inégaux entre eux, réunis dans une très-grande partie de leur longueur et terminés aux quatre extrémités, principalemeni en avant, par des ongles très-rétractiles, acérés, aigus et courts, très-comparables à ceux des Chats; tandis que les doigts des Galidies, beaucoup plus libres que ceux des Mangoustes, sont très-inégaux et ter- minés, surtout en avant, par des ongles longs et peu recourbés, qui, bien qu'assez aigus à leur terminaison, ne sont nullement comparables aux griffes des Paradoxures et des Chats. L'espèce unique de ce genre est : Cl\YPTUPROCTE FÉROCE. CRYPTOPROCTA FEROX. E. Bennelt Caractères spécifiques. — Pelage d'une couleur générale roussâlre, rappelant celle de plusieurs Chats et de l'Euplère. Longueur de la tête et du corps, 0'",25; de la queue, 0",30. M. E. Bennelt pensait que celle espèce était la même que l'animal nommé Paradoxurtis aureus par Fr. Cuvier, mais l'examen du crâne a dissipé tous les doutes à cet égard et a montré que ces deux animaux sont différents. Le Cryploprocte habite la partie sud de l'île de Madagascar 10- GENRE. — SURICÂTE. SURICATA. A. G. Desmarest, 1806. Dictionnaire d'Histoire naturelle édité par Delcrville, t. XXIV. Nom spécilique transporté au groupe générique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire . incisives, f ; canines, \^,; molaires, |-Zf ; en totalité quarante dents. La deuxième incisive de chaque côté est un peu rentrée. Les canines sont fortes. Les molaires supé- rieures se subdivisent en tï-ois fausses molaires : une carnassière, avec un talon intérieur, et deux petites tuberculeuses; les molaires inférieures présentent quatre fausses molaires : une carnassière semblable à celle d'en haut, et une seule tuberculeuse. Corps allongé. Museau pointu, long, en forme de boutoir mobile. Oreilles petites, arrondies. Yeux médiocrement ouverts. Langue couverte de papilles cornées. Pieds de devant et de derrière à quatre doigts. Ongles arqués, robustes. Queue assez longue, pointue, plus grêle que celle des Mangoustes. Poche anale assez semblable à celle des Mangoustes. Pelage composé de poils annelés de différentes teintes Ce genre a été créé pas A. G. Desmarest, en 4806, dans le tome XXIV du Dictionnaire d'Histoire naturelle édité par Deterville, pour une espèce indiquée précédemment par Linné sous le nom de Viverra tetradactijla , et que l'on avait placée avec les Mangoustes. Illiger, en 1811, dans son Prodroma sgstematica Mammalium et Aviiim, a changé la dénomination de Suricala en celle de Ryzœna, qui, malgré toutes les règles de la priorité, est adoptée par quelques zoologistes. Le squelette des Suricates a été étudié; d'après De Blainville, il offre encore, dans la partie troncale, le même nombre d'os que la Mangouste d'Egypte, sauf à la queue, où les vertèbres sont au 4 HISTOIRE NATURELLE. nombre de vingt-deux; mais, aux deux paires de membres, qui sont plus digitigrades que dans les Mangoustes, le pouce manque presque complètement. La tête est remarquable par sa brièveté, qui rapp'elle celle des Chats, et par son cadre orbitaire complet. Aux membres antérieurs, l'omoplate ressemble ù celle de la Fouine; l'humérus, étant à peu près dans les mêmes proportions que celui de cet animal, est terminé inférieuremenl par une poulie simple avec un seul trou au condyle interne; le radius et le cubitus sont plus longs, plus serrés et plus grêles que dans les Civettes; ù la main, les os du carpe sont à peu près disposés comme dans la Mangouste, si ce n'est le trapèze; les métacar- piens sont peu allongés, et les phalanges courtes, sauf, toutefois, les dernières. Les membres pos- térieurs sont courts et grêles, surtout dans le fémur; le pied est aussi long que le tibia; les métatar- siens sont très-allongés; les phalanges sont comprimées, grêles, et l'onguéale plus courte et plus étroite; pour le pouce, quoique le premier cunéiforme existe bien complet et même encore assez fort, il ne porte qu'un rudiment du premier métarsien, mais sans trace de phalange. Fi", i. — Suricate mâle. Quant au système dentaire, d'après De BlainvjUe, le nombre des molaires est quelquefois réduit à quatre en haut et à cinq en bas par l'absence de la première avant-molaire aux deux mâchoires, et de la dernière avant-molaire d'en haut. Mais le plus ordinairement celle-ci existe comme dans le Moii- gos. Les principales sont, en outre, bien plus raccourcies, au point que la supérieure ressemble presque tout à fait à la première arrière-molaire de cette mâchoire, et que l'inférieure diffère à peine des deux arrière-molaires, elles-mêmes presque semblables, La seule espèce de ce genre est : SURIGATh: IJU CAP. SURICATA CAPENSIS A. G. Desmarest. Caractèkes spécifiques. — Pelage mêlé de brun, de blanc, de jaunâtre et de noir; le dessous du corps et les quatre membres jaunes; la queue noire à son extrémité; le nez, le tour des yeux et des oreilles, ainsi que le chanfrein, bruns; les ongles noirs. Longueur de la tête et du corps : 0™,55; celle de la queue à peu près semblable. Cet animal est le Sup.icate de Buffon, le Zenick du Cap de Sonnerat, le Suricate du Cap ou Suri- cate vivERHiN de la plupart des auteurs. Linné lui appliquait le nom de Vivcrra lelradaciijla, el Gmelin celui de Vivcrra zenick; A. G. Desmarest l'a nommé Suricala Capcnsis, et Illiger, Rijzœna lelradaciijla. Le Suricate habite les environs du cap de Bonne-Espérance, principalement sur les bords du lac Tschad, et c'est par suite d'une erreur, qui a été reconnue depuis longtemps, que Buffon lui don- nait l'Amérique méridionale pour patrie. On ne sait â peu près riei! sur ses habitudes naturelles; on suppose seulement qu'elles ont de l'analogie avec celles des Mangoustes. Buffon a observé un Suricate en capiivilé; c'était un animal CARNASSIERS. 5 adroit, d'un caractère gai; il aimait la viande, le Frisson, le bit et les œufs; il refusait le pain et les fruits, à moins qu'ils n'eussent été mâchés, et ne buvait que de l'eau tiède, à laquelle il préfé- rait son urine, malgré l'odeur forle et désagréable qu'elle répandail; il était frileux; sa voix élait semblable à l'aboiement d'un jeune Chien, et quelquefois au bruit d'une crécelle tournée ra))idc- ment; souvent il grattait la terre avec ses pattes. Fitr. 2. — Suricate femelle. Fr. Cuvier a eu aussi l'occasion d'étudier vivant, dans la ménagerie du Muséum d'Histoire natu- relle de Paris, un individu de cette espèce; il a remarqué qu'il avait l'odorat très-fin; sa nourriture se composait de chair, de lait et de fruits sucrés; il buvait en lapant; ses habitudes avaient du rap- port avec celles des Chats, mais il semblait être plus susceptible d'attachement que ne le sont la plupart des espèces sauvages de ce dernier genre. ir-^ GENRE. — CIVETTE. VIVEJinA. Linné, 1755. System? naïui'io. Viverra, nom appliqué ariciennemcnt à lu CiveUc. CARACTERES GÉNÉRIQUES Système dentaire : incisives, f ; canines, {^; molaires, ^E|; en totalité quarante dents; inci- sives inférieures placées sur une même ligne; canines assez fortes; molaires supérieures consistani, de chaque côté, en trois fausses molaires un peu coniques, comprimées : une carnassière (frande, tranchante, aiguë, presque tricuspide, et deux tuberculeuses; molaires inférieures présentant quatre fausses molaires, une carnassière forte, bicuspide, et une seule tuberculeuse très-large. Corps allongé. Tête longue. Museau pointu. Nez terminé par un mufle assez large, h narines grandes, percées sur les côtés. Pupilles se contractant sur une ligne droite. Langue couverte de papilles cornées. G HISTOIRE NATURELLE. Oreilles nioijemies, arrondies, droites. Pieds pentadaclytes, à doigts séparés. Ongles à demi rétractiles. Queue longue, couverte de poils. Poche plus ou moins profonde, ou simplement un enfoncement de la peau, près de l'anus, renfer- mant, dans (juclqucs espèces, une matière grasse très-odorante. Pelage assez doux, marqué de bandes longitudinales ou de taches plus colorées que le fond. Cœcum petit. Le mot Civette est d'origine arabe, et depuis longtemps il est usité en Europe pour indiquer une substance odorante comparable au musc, et il désigne aussi l'animal qui produit ce parfum. Dans la nomenclature scientifique, les zoologistes l'ont souvent étendu à un certain nombre d'espèces de Mammil'ères plus ou moins semblables à la Civette; Linné leur a donné le nom générique de Vivei^ra, qui a été lui-même transformé en celui de Viverriens lorsqu'on a eu créé plusieurs groupes dans ce genre, et qu'on en a fait ainsi une tribu particulière. Quoique les Viverrn soient exclusivement de l'ancien monde, les Grecs et les Romains étaient loin d'en connaître un grand nombre d'espèces; à part la vraie Civette, Llchneumon ou Mangouste d'Egypte, et peut être la Genette, les autres n'avaient pas encore été observés de leur temps. Si l'iine emploie la dénomination de Viverra, il est bien cer- tain que ce n'est pas pour une des espèces du groupe qui porte ce nom aujourd'hui. Belon est le pre- mier, au seizième siècle, qui se soit servi du nom de Civelta; d'après Ruell, le même animal portait chez les Grecs celui de Zapction, et, selon M. Dureau De La Malle, il avait plutôt, de même que plusieurs Musléliens, celui de ra).r,. On croit que la petite Panthère d'Oppien et des Grecs était la Genette. l^içr. 3. — Civette. De nos jours, l'ancien genre Viverra ou Civette est partagé lui-même en un assez grand nombre de coupes génériques, toutes de l'ancien continent, et dont les espèces sont répandues en Asie, en Afrique et à Madagascar. Plusieurs de ces genres, qui constituent notre tribu des Viverriens presque tout entière, ont déjà été étudiés; il ne nous reste plus qu'à parler des Civettes proprement dites, ainsi que des subdivisions qu'on y a formées, telles que celles des Civettes, Genettes, Priono- dontes, qu'on regarde comme en étant généralement distinctes. Enfin, nous devrons dire quelques mots des Viverra fossiles, et nous terminons l'iiistoire de cette tribu par la description du genre Cynîctis, qu'on en a rapproché, et qui, jusqu'ici, n'est pas complètement connu. Le squelette de l'espèce type de ce genre, la Civf.tte {Viverra civetta), est bien connu, et De Dlainville, qui La pris pour type de sa division principale des Viverra, Ta décrit avec soin; aussi croyons-nous devoir lui emprunter la plupart des détails qui vont suivre. La nature, la dispo- sition et le nombre des os qui constituent ce squelette sont à peu près semblables à ce qui se présente dans la Fouine, type du groupe des Mustéliens, et les différences ne portent guère que s CARNASSIERS. 7 sur quelques parlicularilés de proportion ou de forme. Le nombre des vertèbres est de einquanle- Irois : quatre oépbaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, six lombaires, trois sacrées et dix- neuf coccygiennes, disposées de manière à former les courbures normales. Les vertèbres céplialiques >ont plus longues, plus étroites, moins élargies et moins déprimées que dans les Martes. L'angle fa- cial est moins ouvert. La tête en totalité est étroite, allongée, un peu arquée dans la ligne sincipi- lale, quelquefois avec une courbure assez marquée, suivant que le front a été soulevé par l'agran- dissement des fosses nasales et que la crête sagittale a été plus développée, presque droite, mais assez canaliculée dans la ligne basilaire. La cavité cérébrale est d'un ovale allongé, l^a mâchoire in- férieure est médiocrement allongée, quoique bien plus que dans la Fouine. Aux vertèbres cervicales, les apophyses transverses de l'atlas sont proportionnellement plus étendues, plus arquées au bord antérieur que dans la Fouine. L'apophyse épineuse de l'axis est convexe, assez avancée. Il y a aussi quelques différences dans les vertèbres dorsales. Les vertèbres lombaires, augmentant peu rapidement de la première à la dernière, ressemblent, sauf la grandeur, à ce qu'elles sont dans les Musléliens. Le sacrum est dans le même cas, et les apophyses épineuses des vertèbres qui le constituent sont bien plus élevées. Les quatre premières vertèbres coccygiennes sont seules pourvues d'une apophyse Irans- verse; les autres sont toutes médiocrement allongées, presque à six angles. L'hyoïde offre un corps (ransverse, étroit, peu ou point arqué. Le sternum, assez robuste, est formé de huit pièces médio- crement allongées, à coupe tétragonale. Les côtes sont au nombre de quatorze paires, moins com- primées que celles des Martes, un peu plus larges, moins tordues. Le thorax est assez comprimé, plus ouvert en arrière que dans la Fouine, et par conséquent moins vermiforme. Les membres, en- core assez courts, sont néanmoins un peu plus allongés et plus robustes que ceux des Musléliens. Aux membres antérieurs : Tomoplate est plus longue, plus étroite et proportionnellement moins large que dans les Martes; la clavicule n'existe qu'à l'état rudimentaire et se présente comme un filet cartilagineux; l'humérus est assez court, à peine plus long que l'omoplate; on y remarque deux trous, Tun au condyle interne et l'autre au-dessus de la poulie articulaire; le radius égale presque l'humérus en longueur, il est très-arqué; le radius est parallèle à ce dernier os; le carpe, le méta- carpe et les deux premières phalanges sont dans les proportions de ces parties dans la Fouine; le pouce est notablement plus petit, plus grêle, plus court, et les phalanges onguéales sont également plus petites, moins comprimées, plus droites et moins aiguës à leur pointe. Les membres posté- rieurs, dans leurconformation, semblent se rapprocher de ceux des Chiens, plus même que de ceux des Musléliens; le bassin, eu totalité, est assez court; le fémur, d'un quart plus long que lliumérus, est tout à fait droit, cylindrique dans son corps, assez peu élargi supérieurement, et l'étant au contraire beaucoup inférieurement; le tibia et le péroné ressemblent davantage à ce qu'ils sont dans les Mus- téliens; le tarse est aussi long que le métatarse, et celui-ci l'est plus que les phalanges, de manière à pouvoir être comparé à ce qu'il est dans les derniers Carnassiers. La rotule est plus étroite et plus épaisse que dans les autres Viverriens. L'os du pénis, assez court et gros, ressemble à une petite l)halange obtuse et comme fendue transversalement à l'extrémité postérieure, élargie et bicorne à l'autre. Desdifférencesostéologiquesasseznolables se remarquent chez certaines espèces de ce groupe, dont on a fait des subdivisions particulières; nous signalerons seulement celles des Zibeths et des Geneltes. La tête osseuse de cette première espèce ne se distingue toutefois de celle des Civettes qu'en ce qu'elle est en général plus étroite, plus grêle dans toutes ses parties, et surtout dans l'étranglement postorbi- taire et dans le canal rétro-palatin; l'arcade zygomatique est plus large; et, en outre, un fait singulier, c'est qu'il n'y a pas de trou au condyle interne de l'humérus. Dans la seconde espèce, c'est-à-dire dans la Genette, le tronc est en général plus allongé que dans la Civette, par suite d'un plus grand nombre de vertèbres qui le constitue; la tête participe de cet allongement général aussi bien au crâne qu'à la face; il y a un trou au condyle interne de l'humérus; quelques particularités de peu d'importance se remarquent aussi dans certaines autres parties du squelette, et il en est de même, relativement aux proportions des os dans diverses espèces de la subdivision des Genettes; nous dirons seule- ment en terminant ce sujet que la Zibeth offre un os du pénis assez semblable à celui de la Civette, et qu'on n'en a pas trouvé de traces dans deux espèces de Genettes. C'est dans l'espèce typique de ce groupe naturel que l'un de nous a eu occasion de signaler un exemple de pathologie ostéologique des plus curieux en ce que peu de faits semblables ont été si- 8 HISTOIRE NATURELLE. gnalés jusqu'ici chez les animaux ; aussi croyons-nous devoir donner en note un extrait de ce travail (1). Le système dentaire a été étudié par De Blainville. Dans la Civette, les incisives ne présentent que d'assez légères différences avec ce qu'elles sont cl)ez les autres Carnassiers; elles sont en général moins transversalement terminales que dans les Mustéliens, et plus que dans les Chiens, mais moins lobées à leur tranchant. Les canines sont aussi un peu plus grêles, moins robustes, moins en cro- chet que dans les Chiens et même que les Mustéliens; elles sont aussi tout à fait lisses Les avant- molaires, tant d'en haut que d'en bas, rappellent très-bien pour la forme et la proportion celle des Martes; la carnassière d'en haut est moins carnassière; les arrière-molaires des deux mâchoires ont des formes plus particulières. Les racines sont en rapport de grosseur, de forme et de proportion avec les particularités de la couronne, c'est-à-dire que lorsque celle-ci est simple, celle-là l'est aussi, et qu'au contraire elle se complique avec elle. Les incisives, les canines et souvent les premières avant-molaires n'ont qu'une racine; les deuxième et troisième avant-molaires en ont deux; enfin les autres moluires peuvent en avoir trois. Les alvéoles traduisent tri s-exactement le nombre, la forme et la disposition des racines. Outre ces détails, on a signalé quelques particularités ditïérenlielles dans le squelette du Zibeth et de différentes espèces de Genettes; mais nous ne croyons pas devoir nous étendre davantage sur ce sujet. Les paléontologistes ont étudié des débris fossiles de plusieurs espèces du groupe naturel des Civettes; nous nous en occuperons en donnant les caractéristiques spécifiques. Avant de parler des espèces de Civettes, il nous reste à dire quelques mots de la matière grasse, très-odorante que ces animaux produisent, et nous croyons devoir copier à ce sujet ce qu'en rap- porte M. Paul Gervais dans le tome III'"- du Dictionnaire universel (f Hisloire naturelle. « La matière odorante que sécrètent les espèces de Viverra présente par son abondance un des caractères de ce genre, et l'organe qui le fournit est plus développé dans les Civettes que dans les Genettes. Entre l'anus et les organes de la reproduction, dans le mâle comme dans la femelle, on remarque une fente longitudinale conduisant dans deux cavités qui semblent être des replis d'un scrotum compa- rable à ce que présente souvent l'hermaphrodisme. L'intérieur en est plus ou moins velu et percé d'une infinité de pores communiquant avec autant de follicules mucipares. La matière odorante est versée par ces dernières, et, suivant l'âge de l'animal, son sexe et l'époque de l'année, elle est plus ou moins abondante. De tout temps cette matière a été un objet de commerce à cause de son emploi pour la toilette et en médecine. Une grande partie de l'Afrique intertropicale, et même l'Inde, nous (1) S;ir plusieurs parties du squelelle d'une Civette que j'ai nioiilré à la Société de Biologie, on peut voir que les os présentent des érosions trcs-m;irquécs. La tète est principalement remarquable par la généralité de l'affection des os du crâne et de la face : pre?(|iie tons les os sont détruits en grande pnriie par la maladie; ceux du nez sont mènie |)rcsque entièrement pcrlorcs; l'arcade zygoniatique et les parties qui avoisinent le trou occipital olfrcnt des traces ap- parentes de destruction, ainsi que l'arlicuiation des deux Ijranches de la mâchoire inférieure. I^'intérieur du crâne, ainsi que j'ai pu m'en assurer par l'ouverture formée pour enlever le cervem. ne semble pas anormal, et il paraît en être de même i es fosses nasales : le spbénoidc est intact. La colonne vertébrale, à l'exception de l'atlas et de l'axis, qui sont usés par la maladie et troués en divers endroits, est à peu près dans l'état normal. Les membres ne sont pastrès-attaqués par l'affection palbologique ; loutcrois le tissu d'une des omoplates et du bassin est crodé, et l'on peut voir dos perfora- lions sur le premier de ces deux os ; l'autre omoplate, cjui est déformée, est soudée avec l'humérus ; enfin l'on voit des caries sur la plupart des os longs Le sternum est éi;alement difforme; mais celte dei-nière observation est peu impor- tante, car elle se remarque Irès-souvent chez les Mammifères. Le système dentaire est parfai enicnt intact; les ijcnts sont bien conservées el ne présentent aucune trace pathologique. Le cerveau, que j'ai observé à l'extérieur seulement, et com- parativement avec le cerveau d'une Civette normale, ne m'a pas présenté de différences appréciables. Je n'ai malheureusement pas étudié d'une manière complète la maladie qui a c insé la mort de la Civeitc d'où provionl ce squelette; toutefois je trouve dans mes notes que ce iMammitère est mort à la suite d'une i)aralysie et que sa tête étail couverte de nombreux abcès, mais je ne veux établir en rien le rapport qu'il peut y avoir entre ces affections et l'état pa- Ibnlogique des os. La cause de la maladie qui a produit l'allération que je viens de décrire est probablement due à l'hu- nndité du lieu qu'habitait la Civette. Quoi qu'il en soit, j'ai souvent vu, dans les os d'un assez grand nombre de MammilV- res morts à la ménagerie du Muséum, des cas pathologiques de même nature, cependant moins généraux, el ayant surtout une gravité beaucoup moindre que celui que je signale. Les animaux du groupe des Didelphes principalement, ont leurs os presque constamment attaqués. L'animal qui présente cette grave affection a vécu environ quatre ans à la ménagerie du Muséum ; il était très-adulte et avait été donné par M. le docteur Clot-Bey, qui l'avait apporté d'ÉgypIe. La tête a été préparée et se trouve dans la ga- lerie d'Analomic comparée du Muséum d'histoire naturelle de Paris. (E. I)e<>i.*pest, Revue zoologique, 184U.) -^ o ~2 CARNASSIERS. 9 l'envoyait anciennement par la voie d'Alexandrie et de Venise. Depuis, on Ta encore obtenue par le Sénégal et par les rehilions des Hollandais avec l'arcliipel indien. Il paraît même qu'on avait amené en Hollande des Civettes indiennes ou Zibellis pour les conserver en vie et en recueillir leur malièr odorante. Cette sorte de captivité des Civettes est d'usage dans quelques parties de l'Ethiopie, mais c'est une véritable captivité et non une domestication. Le caractère farouche et irascible des Civettes ne le permet pas autrement. On les lient en cage et on vide leur poche avec une cuiller, en ayant soin, dans quelques endroits, d'y introduire préalablement un peu de substance onctueuse ou même des sucs végétaux qui, se mêlant à la matière sécrétée, en augmentent la quantité. La civette du commerce est donc très-souvent falsifiée, et, du temps de Buffon, on préférait celle d'Amsterdam, comme préparée par les parfumeurs eux-mêmes. En Afrique, où Textraction se répète deux ou trois fois par semaine, la quantité d'humeur odorante dépend de la qualité de la nourriture et de cer- taines dispositions de l'animal; il en rend d'autant plus qu'il est mieux et plus délicatement nourri. Duffon donne à ce sujet tous les détails désirables. L'analyse de la civette, faite par M. Boutron- Charlaid, a fourni les produits suivants : ammoniaque, élaine, stéarine, mucus, résine, huile vola- tile, matière colorante jaune et quelques sels. Cette substance, autrefois très-vantée en médecine, n'est plus employée aujourd'hui qu'en parfumerie. C'est toutefois un stimulant et un antispasmo- dique énergique. Elle a une grande analogie avec le musc; elle est également très-persistante. Des peaux de Civettes sentent encore leur odeur longtemps après avoir été préparées, et le sque- lette lui-même en reste imprégné malgré les lavages nombreux auxquels on le soumet en le pré- parant. )) En décrivant les espèces, nous donnerons des détails sur les mœurs de ces animaux tant à l'état de liberté qu'à celui de captivité. Nous citerons comme sous-genres les Civettes proprement dites, les Genettes et les Prionodontes ou Linsangs, qui tous sont souvent regardés comme étant des genres particuliers. Nous ne parlerons pas des divisions formées dans ce genre et qui n'ont pas été adoptées, telles que celles des Vivei-ri- cula (diminutif de Virein-a), Ilodgson (Ann. of uni. Hist., 1838), et Osmetcclis, Cray {Ann. nat. Hist., 1842), ainsi que de quelques groupes de fossiles comme celui des Pakeniciis (TraXato,-, ancien; wT-t.-, Belette), De Blainville (Osiéograpliie, 1841). l*^"" SOUS-GENRE. — CIVETTES PROPREMENT DITES. VIVERRA G. Cuvicr, 1800 Leçons d'anatomie comparée. CARACTÈRES DISTIiNCTIFS. Poclie profonde., située entre l'anus et les organes de la généralitn, et divisée en deux sacs, se remplissant d'une sorte de matière onctueuse ayant une forte odeur de musc. Ongles à demi rétracliles. Pupille verticale. Ce sous-genre, qui a reçu d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire la dénomination latine de Civetla, adoptée par Lesson dans son Nouveau Tableau du Règne animal, Mamm'fères, 1842, renferme sept espèces, dont deux seulement sont parfaitement connues, tandis que les autres n'ont été indi- quées que par des phrases diagnostiques. 1. CIVETTE. VIVERRA CIVETTA. Linné Caractères spécifiques. — Pelage gris, marqué de taches et de bandes brunes ou noirâtres; une crinière tout le long du dos; queue moins longue que le corps, entièrement colorée en brun. La lon- gueur totale de la tête et du corps est de 0"',G5; de la queue, de 0'",43. 1,2 2 10 HISTOIRE NATURELLE. Celle espèce, qui a élé décrite par Belon et par Buffon, habile plusieurs conlrées de l'Afrique, ei principalement l'Âbyssinie. Ses mœurs sont peu connues à l'état libre. La Civelte est cependant nocturne, et, par son organi ■ sation, fait le passage des Martes aux Chats. Elle vit de chasse, poursuit et surprend les petits ani- maux, surtout les Oiseaux. Elle cherche à entrer dans les basses-cours, comme le Renard, pour em- porter les volailles. Elle préfère les endroits sablonneux et les montagnes arides. Son cri ressemble à celui d'un Chien en colère. La Civette, ainsi que Tespèce qui va suivre, le Zibeth, ne sont pas très- rares dans les ménageries, où ils conservent leur mauvais naturel. Ce sont des animaux à pupilles verticales, et chez qui la colère fait à peu près seule diversion à une somnolence habituelle. Comme on ne les débarrasse pas de leur matière odorante, elles en laissent quelquefois tomber des frag- ments, et l'odeur qu'elles répandent est toujours très-forte, et l'on peut encore l'augmenter en les agaçant. Une Civette a mis bas à la ménagerie du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, mais ses petits, au nombre de trois, n'ont pu être élevés. En Afrique, on la conserve en domesticité pour en obtenir la matière grasse qu'elle produit. 2 ZIBETH. VIVERRA ZIBETH A. Linné. Caractères spécifiques. — Pelage gris, nuancé de brun disposé en bandes transversales sur les jambes; gorge blanche, avec deux bandes noires de chaque côté; point de crinière; queue longue, couverte de poils courts, annelée de noir. De taille un peu plus élevée que celle de l'espèce précé- dente, et ayant à peu près les mêmes mesures en longueur. Cette espèce est le Zibeth de Duffon et le Musc de Lapeyronie; on doit probablement lui rapporter aussi le Viverra Ceijlonica, Palias et la Martes Pliilïppensis, Camilli, ainsi que diverses des espèces que nous citerons dans ce sous-genre, et qui n'en sont probablement que de simples variétés. Voici comment Fr. Cuvier expose comparativement les caractères des deux espèces que nous ve- nons d'étudier : a Le Zibeîh a le corps presque généralement couvert de taches noires, petites et rondes sur un fond gris teint de brun dans quelques parties. La Civette a sur un fond gris des bandes transversales, étroites et parallèles l'une à l'autre sur les épaules, plus larges sur les côtés du corps et les cuisses, et quelquefois assez rapprochées et contournées pour former des taches œillées. Huit ou dix anneaux noir-brun couvrent la queue du Zibeth, et quatre ou cinq seulement celle de la Civette, dont l'extrémité, sur une longueur de 0"',i6, est entièrement noire, tandis que Textrémité noire de celle du Zibeth en a à peine O^jOS. Celui-ci a sur les côtés du cou quatre bandes noires sur un fond blanc. La Civette a aussi le cou blanc avec des bandes noires, mais celles-ci se réduisent à trois. Le Zibeth a sous les yeux une tache blanche, et son museau est gris. La Civette a celte partie de la tête entièrement noire, excepté la lèvre supérieure, qui est blancbe; elle n'a au- cune tache sous l'œil. En général, il y a plus de brun chez le Zibeth que chez la Civelte, où les teintes sont plus blanches. La crinière dorsale de la Civelte est beaucoup plus forte que celle du Zibeth, et son pelage est en général plus rude par suite de la roideur des poils soyeux. » Le Zibeth vit dans l'archipel indien, à Sumatra à Bornéo, à Célèbes, à Âmboine et aux Philip- pines. 11 habite aussi l'Inde continentale. M. Gray, dans ces derniers temps, a cru devoir y distinguer quatre espèces : les Civctta nudulata, Irugaluncja, pallida et maculata, qui, spécifiquement, n'en doivent probablement pas être séparées. Quant à la Civctta Abyssinica, Rùppel, propre au Sennaar et au Kordofan, elle forme, sans nul doute, une espèce particulière. Nous citerons aussi le Viverra Ilardwîckii de Lesson, propre à .lava, et qui paraît dans le même cas CARNASSIERS. Il 2« SOUS-GENRE — GENKTTE. GENETTA. V.. Cuvier, 1817. Itëgnc animal. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Poches réduites à un simple enfoncement . Ongles complètement rétracliles. Pupille verticale. Une dizaine d'espèces sont placées dans ce sous-genre; nous ne décrirons que les plus connues, nous bornant à citer seulement les autres. Fiiï. 4. — Genette panlhériii'j. 3 GENETTE VIVERRA GENETTA. Linné. Caractères spécifiques. — Pelage gris marqué de petites taches noires, les unes rondes et les autres de forme allongée; queue annelée de noir. Longueur de la tête et du corps : 0'",45; de la queue, 0'",38. Dans cette espèce, qui a été décrite par Buffon, et qu'une foule de voyageurs ont citée, le corps est mince et allongé, le museau pointu, les jambes courtes, l'anus présente deux grosses glandes saillantes ayant l'apparence d'une poche et produisant une matière épaisse et d'une odeur analogue à celle du musc; la prunelle est semblable à celle du Chat domestique; les oreilles externes assez grandes, elliptiques, garnies d'un petit lobe au côté externe; les moustaches sont grandes. Les poils laineux sont d'un gris cendré, et les poils soyeux sont seuls apparents à l'extérieur. Le fond du pelage est d'un gris un peu jaunâtre, qui résulte de poils gris avec le bout noir, ou de poils entiè- ment noirâtres; ces derniers, par leur réunion, formant un assez grand nombre de taches noires disposées en lignes longitudinales, qui sont longues sur le cou et sur les épaules, et généralement arrondies sur les côtés du corps et sur les membres; celles du milieu du dos produisent presque une ligne continue; queue ayant dix à onze anneaux noirs ou d'un brun foncé; parties inférieures du corps grises, ainsi que la tète et le devant des pattes; parties postérieures de celles-ci, ainsi que le tour du museau et les lèvres, derrière les narines, noirs; bout de la lèvre supérieure blanc; une lâche blanche au-dessous de l'œil : l'intérieur de l'oreille blanchâtre. Les mâles et les femelles sont semblables sous le rapport des couleurs du pelage; les jeunes ont la teinte générale du corps légè- rement violâtre. Les habitudes naturelles de celte espèce sont peu connues; on sait seulement qu'elle se tient de 12 HISTOIRE NATURELLE. uréféreiice au voisinage des petites rivières et dans les lieux bas et humides. Elle s'apprivoise faci- lement, et produit même en captivité; la durée de sa gestation est de quatre mois environ. On la trouve dans la France occidentale et méridionale, 'et elle n'est surtout pas rare aux environs de Rocliefort. Elle habite aussi l'Espagne. Ou lui donne aussi pour patrie les régions septentrionales de l'Afrique; mais Fr. Cuvier regarde la variété qu'on y rencontre comme formant une espèce parti- culière, sa Viverra Afra. 4 CIVETTE DE L'INDE. VIVERItA lADICA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Gauactères spécifiques. — Corps très-allongé; pelage d'un blanc jaunâtre, avec huit bandes lon- gitudinales étroites, brunes. De la grandeur de la Genette. Cette espèce, qui est la Genette rasse de Fr. Cuvier; Viverra rasse, Horsfield, provient de Java. 5. CIVETTE BONDAR. VIVERRA BONDAR. A. G. Desmaresl. Caractïîres spécifiques. — Fond du pelage fauve, avec la pointe des poils noire; une bande dor- sale noire, ainsi que deux petites bandes étroites parallèles sur chaque flanc; les quatre pieds et le bout de la queue noirs. De petite dimension. Habite le Bengale. (') FOSSAKE. VIVERRA FOSSA. Linné, Caractères spécifiques. — Pelage gris-roux, marqué de taches brunes disposées sur le dos en quatre lignes longitudinales et épaisses sur les flancs; queue roussàtre, faiblement marquée d'an- neaux d'un roux brun. Longueur de la tête et du corps : 0"',45; de la queue, 0'",08. Cette espèce, que l'on a indiquée quelquefois comme appartenant au sous genre Civette, se trouve à Madagascar, où elle n'est pas rare. Ses mœurs sont semblables à celles de la Fouine; elle mange de la viande et des fruits, mais elle préfère ces derniers, surtout les bananes. Parmi les autres espèces du même sous-genre, nous indiquerons seulement les espèces propres à l'Afrique, telles que les Viverra Sencgalcnsis, Fr. Cuvier, et pardina, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, du Sénégal; Genetla Poensis, Warterhouse, de Fernando-Po; Viverra felina, Thunberg, et tigrina, Schreber, du cap de Bonne-Espérance, qui semblent plus distinctes que les autres. 3'^ SOUS-GENRE. — LLNcANG. l'RIomDON. HorslieUl, 1855. Zoologycal Rescarches. rio'.wv, scie; orîtu;, dent. CAUACTÈIÎES DISTINCT! ES. Molaires supérieures, de chaque côlé, an nombre de cinq seulemenl, d'après M. llorsjield: six molaires inférieurement. Queue aijanl la faculté de s'enrouler autour des corps. Ce sous-genre, ainsi que l'observe De Blainville, repose probablement sur une erreur dans le nombre des molaires, car il est probable qu'il y en a six aussi bien à la mâchoire supérieure qu'à la CAUNASSIERS. 13 màcliûire iiiféiieurc, cl, dès lors, (ju'ii tloil rtnirer dans le sous-genre des Geneltes; car la dispo sitioii remaïqiiabie que présente la queue n'est pas d'une valeur telle, que l'on puisse pour cela for- mer une subdivision générique. On n'y range qu'une seule espèce : 7. LINSANG. VIVERRA PREIIENSILIS. Horsfield. Caractères spécifiques. — Pelage d'un jaune verdâtre, avec la ligne dorsale, le bout de la queue, les pattes, deux lignes de tacbes allongées près du dos, et beaucoup de petites ta(;lies orbiculaires noires sur cbaque flanc. De la grandeur de la Mangouste d'Egypte. Cette espèce, que Sonnerat nommait Civette de Malacca, Gcnella Malaccensis, Linné, et qu'Hors- lield anciennement indiquait sous le nom de Fclis (jrncUis, est le Liinsang, ou Prionodon pre- Itcnsilis de Lesson et des zoologistes modernes, et se fait remarquer par sa queue prébensile. On a découvert des débris fossiles de plusieurs espèces de Viverra; jusqu'ici on n'en a point recueilli dans les couches meubles du sol, mais seulement dans les dépôts tertiaires d'eau douce. G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, tome III, donne la première indication certaine dune espèce de Genette, provenant du gypse du terrain parisien. De Blainville, dans son Osiéograpliie des Viverras, 1841, en figure les débris de cinq espèces, et, dans son texte, donne des détails aux- quels nous renvoyons; car nous nous bornerons à citer rapidement ces espèces, qui se rapportent aux genres Civette et Mangouste, et, dans le premier, aux sous-genres Civette et Genette. A. Espèces de la division des Civettes proprement dites, i. CIVETTE D'AUVERGNE. VIVERRA ANTIQUA. Uc Blainville. De la taille du Zibeth. Espèce établie sur deux fragments de mâchoires supérieure et inférieure, dont l'un porte quatre dents molaires, recueillis par M. Tabbé Croizet dans les terrains sousvolca- niques d'Auvergne. 2. ZIBETII DE SANSANS. VIVERRA ZIBETHOIDES. De Blainville, Établi sur deux petits fragments de mâchoires inférieures du côté droit, portant deux dents, trou- vés par M. Lartet dans la colline subapennine de Sansans. D. Espèces ds. la division des Genettes. 5 GENETTE DE PARIS. VIVERRA PARISIENSIS. G. Giivicr. Les débris de cette espèce ont été figurés par G. Cuvier, et elle était considérée par lui comme plus voisine de la Fossane que de toutes les autres Geneltes, mais en différant cependant assez pour con- stituer une espèce très-peu supérieure par sa taille à la Genette de France. ^^ IllSTOIRE NATURELLE. 4. GENIiTTE Gr.ÊLE. VIVERRA EMLIS De Blainvillc Établie sur un côté gauche de mâchoire inférieure à dents très-incomplètes, long de 0'",40. Trouvé à Sansans par M. Lartet. Si, enfin, nous voulons compléter ce que l'on sait d'une manière générale sur les animaux fossiles de la tribu des Viverriens, nous ajouterons encore que De Blainville a fait connaître aussi une espèce du genre Mangouste sous la dénomination de Viverra (jujanica, et que cette espèce est établie sur deux fragments considérables de mâchoires inférieures portant les quatre dernières dents molaires, recueillis dans le terrain d'eau douce du Soissonnais, et qui étaient de la grandeur d'une Hyène de forte taille. 42"'' GENRE. — CYNICTE. CYNICTIS Ogilby, 1852. l'rocceilings of the zoological Society of Loiiiloii. K'jwv, Chien; 'x-ti;, Belette. CAnACTÈRES GÉlNÉUKJUES. Stislème dciUairc assez semblable à celui îles Mangoustes; loutefuis, la parl'u' auu'rieure de ta prcnàcre anicre-molairc d'en bas est bien plus soulevée et plus insectivore. Cercle orbitaire plus complet encore (pie dans ces animau.i. t*ieds conformes comme ceux des Chiens, aijant cinq doigts en avant et (piatre en arrière. Ongles assez aigus. Le genre Cijnictis de M. Ogilby, que nous plaçons ici parce qu'il a de nombreux rapports avec les espèces de la tribu suivante, celle des Caniens, ou du genre Chien proprement dit, a aussi beaucoup d'analogie avec les Mangoustes, à ce point que l'espèce qui en forme le type était placée dans ce dernier genre sous la dénomiiiaiion à Iclmcumon penicillatus, G. Cuvier. M. Isidore Geoffroy Saint- llilaire, dans ses Leçons de Mammalogie, publiées en 1855, et antérieurement dans ses cours, avait indiqué ce groupe générique sous la dénomination de Cynopus (jcjwv, Chien; ircu;, pied), qui n'a pas dû être adoptée, puisque le nom de Cynictis avait été créé antérieurement. M. Ogilby en a quelque- fois modifié la dénomination en celle de Cunictis. De Blainville a étudié le squelette du Cynictis penicillatus, et il a vu qu'il se distingue de celui des Mangoustes en ce qu'il a une vertèbre dorsale et une paire de côtes de moins, treize au lieu de quatorze, et une lombaire de plus, sept au lieu de six. La tête est assez voisine, parla forme générale, de celle du Suricate, quoiqu'un peu plus allongée dans la partie céphalique, mais les vertèbres lombaires sont remarquables par la longueur de leurs apophyses transverses, et les trois vertèbres sacrées, parce que la première est seule articulaire avec Tiléon, et surtout parce que la dernière est si petite, qu'elle est difficile à distinguer nettement; enfin, les vingt-huit ou vingt-neuf vertèbres coccygiennes sont caractérisées par leur gracilité. Le sternum a huit pièces, courtes et larges. L'omoplate rappelle la forme de celle de la Mangouste; l'humérus est assez grêle, et les deux os de l'avant-bras sont comme dans le Suricate; la main est aussi comme dans cet ani- mal, mais plus longue, plus grêle. Dans les quatre os métatarsiens externes, en outre, la première phalange est beaucoup plus longue que la deuxième, au contraire de ce qui a lieu chez le Suricate, où elles sont presque égales; le pouce est très-petit, comme dans les Mangoustes. Les membres posté- rieurs sont grêles, allongés; l'os innominé assez long, s'étalant vers sa terminaison ischiatique; le fémur est de médiocre longueur, grêle; le tibia est robuste comparativement avec la gracilité du péroné; le pied, beaucoup plus long que la main dans une disproportion encore plus grande que dans le Suricate, et quoique aussi terminé par quatre doigts, présente cependant un premier cunéi- lorme dévehippc, et pailani \ui mctalarsirn réduit ;'i un seul tubercule; les quatre métatarsiens sont CAUNASSIEUS. ^^ dune longueur et d'une graciliié remarquables, ce qui a aussi lieu pour les phalanges, dont les pre- mières sont bien plus longues que les deuxièmes. Ou a indiqué trois espèces de ce genre, qui toutes proviennent de I Afrique du Sud ou interlro- picale; la mieux connue est : • GYNICTE. CYNICTIS PENICILLATUS Lesson Caractères spécifiques. - Corps grêle, de forme élégante; pelage généralement fauve, sauf au bout de la queue, qui est de couleur blanchâtre. De la taille de la Fouine. G. Cuvier le premier admit cette espèce sous le nom d'Herpestes penicillaïus: c'est la Mançiousia Vainaulii d'Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, et le Cunictis Steedmannii de Smiih, enfin le nom que nous lui avons conservé lui a été donné par Lesson. Elle se trouve aux environs du cap de Donne-Espérance. C'est à Delalande que 1 on en doit la découverte TROISIÈME TRIBU. CANIENS. CANII. Isidore Geoffroy Sainl-IIilaire. Molaires alternes à couronnes au moins en partie tranchantes. Tuberculeuses nulles ou rudimentaires . Circonvolutions cérébrales assez notablement développées. Le genre Chien (Canis) de Linné, créé en 1735 dans le Syslema naturœ, est devenu pour les zoologistes modernes une division ou tribu particulière qui a reçu successivement les dénomina- tions de Vulpiens ou Caniens, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ; Canina, Gray, et Canidœ, Waterhouse, et à laquelle De Blainville laisse sa dénomination Linnéenne de Canis. Celte tribu renferme des animaux connus depuis la plus haute antiquité, et dont l'un d'entre eux, le Chien ordinaire, est devenu en quelque sorte le compagnon de l'homme, et l'a suivi dans toutes les régions qu'il est venu habiter. Chez tous, le système dentaire est composé de quarante à qua- rante-deux dents; savoir : six incisives en haut et autant en bas; deux canines à cbaque mâchoire; douze molaires supérieures et douze à quatorze inférieures. Les molaires se subdivisent en trois fausses en haut, quatre en bas, et deux tuberculeuses placées derrière l'une et l'autre carnassière : la première supérieure de ces tuberculeuses est très grande; la carnassière supérieure n'a qu'un petit tubercule en dedans; mais l'inférieure a sa pointe postérieure tout à fait tuberculeuse. A ces caractères principaux viennent s'en joindre d'autres également de première valeur : c'est ainsi que les membres franchement digitigrades ont les antérieurs tous à cinq doigts, dont quatre seulement touchent la terre, le pouce se trouvant placé trop haut pour atteindre le sol, et n'étant pour ainsi dire qu'à l'état rudimentaire; toutefois, dans le genre Hyénoïde, groupe qui se rapproche assez de celui des Hyènes, il n'y a plus que quatre doigts en avant. Les extrémités postérieures n'ont que quatre doigts, et ce n'est qu'anormalement que l'on en compte parfois cinq, et, alors, ce doigt supplémentaire n'atteint jamais le sol. Les ongles ne sont ni rétractiles ni tranchants; aussi ne peuvent-ils servir d'armes à l'animai, et ne lui sont-ils utiles que pour la locomotion, pour fouir la terre. La tête est allongée; les yeux médiocres; les oreilles grandes, et toujours bifides vers la base de leur bord postérieur; les moustaches sont peu développées; le mufle nu; enfin, le pe- lage est assez rude, et ne présente qu'une coloration uniforme. La langue est douce, et non pas papilleuse comme celle des Féliens ou Chats. H n'y a pas de poche anale, ce qui distingue les Ca- niens des Hyénines, que l'on a parfois réunis dans la même division. L'anatomie interne de ces Carnassiers offre aussi plusieurs particularités différentielles qui ne sont 16 IliSTOIRE NATUllELLfc], pas sans imporlance. Quoique la clavicule ne disparaisse pas d'une manière absolument complèle, elle est du moins toujours beaucoup moins considérable que chez lesFéliens. L'humérus, qui n'est jamais percé au condyle interne, l'est, au contraire, dans la fosse moyenne de son extrémité infé- rieure. L'os d^; pénis est généralement très-développé, et surtout plus que dans les tribus voisines. Le canal intestinal n'est pas non plus sans caractères particuliers propres à distinguer ce groupe : d'abord dans la forme et la disposition de la langue, et ensuite dans la faiblesse musculaire de l'estomac, ainsi que dans la longueur et le diamètre proportionnel de l'intestin en général, et du cœcum en particulier, notablement plus grand que dans les Féliens. Le régime diététique de ces animaux est la carnivorité; les espèces sauvages le montrent surtout d'une manière manifeste, mais l'état de captivité agit beaucoup sur elles, et les espèces que nous élevons dans nos maisons deviennent plus omnivores, tandis que cette influence de l'homme se re- marque moins chez les Chats domestiques. On connaît une centaine d'espèces de cette tribu, et, parmi elles, plusieurs n'ont été trouvées qu'à l'état fossile; elles sont répandues sur presque toutes les parties du globe; elles s'y rencontrent aussi bien à l'état sauvage qu'à l'état de domesticité : aussi n'en est-il pas qui aient subi, par l'in- fluence des climats, de la nourriture et de la captivité, des altérations organiques plus profondes et plus variées. M.Boitard indique ainsi qu'il suit l'habitat des principales espèces de ce groupe, et par- ticulièrement de celles de l'amien genre Chien. « Autour du pôle boréal se groupent, parmi les Chiens domestiques, celui des Esquimaux et celui de Sibérie; puis, parmi les espèces sauvages, l'Isatis, qui occupe tout le littoral de la mer Glaciale et tout le nord de l'Europe et de l'Asie au-dessus du 60« degré; le Renard argenté et le Renard croisé du nord de l'Amérique et du Kamtchatka. Un peu plus loin du pôle, mais toujours au nord, on trouve, en Europe, le Chien d'Islande, le Loup, le Loup noir, le Renard, qui existe aussi en Amérique. Dans ce dernier pays, à peu près sous les mêmes latitudes, le Loup ordinaire d'Europe, le Loup odorant, celui des prairies et le Renard agile; tous trois des bords du Missouri. En Asie, le Wah des Himalayas. Dans une zone plus tempérée, et en se rapprochant du tropique, apparaissent, outre notre Loup et notre Renard, les nombreuses races du Chien domestique, que la douceur du climat et une antique servitude ont façonnées de mille ma- nières, tant au moral qu'au physique, et dont le nombre est incalculable en Europe, en Asie et en Amérique. Puis, en Asie, dans l'Inde et la Tartarie, le Corsac et le Karagan; le Renard gris dans la Virginie, et le Renard tricolore, qui, des États-Unis, se répand dans l'Amérique méridionale jusqu'au Paraguay. Les Chackals occupent une zone oblique àl'équateur, depuis l'Inde et la Perse jus- qu'au cap de Bonne-Espérance. Si nous portons nos investigations sur toute la zone équatoriale entre les deux tropiques, et même jusqu/u la latitude du cap de Bonne- Espérance, on verra que cette zone est riche en espèces. Dans l'Inde, nous trouverons le Quao, le Renard du Bengale, le Chien de Sumatra, le Loup de Java, etc. L'Amérique nous fournira l'Alco, le Loup du Mexique, le (^alpen du Chili et des îles Malouines; le Koupara ordinaire et le petit Koupara, tous deux de la Guyane, et le Loup rouge. L'Afrique offrira le Renard d'Egypte, le Fennec d'Angola, le Renard de Delalande, le Kenlir et le Ilyénoïde; tous trois du cap de Bonne-Espérance. Nous trouverons le Dingo dans la Nouvelle Hollande; et, enfin, nous verrons toutes les îles de l'Océanie peuplées de nom- breuses variétés de Chiens domestiques. » Nous ajouterons à cette dernière observation qu'il en est de même de l'Europe, et que, là surtout, la domestication a produit sur le Chien ordinaire des croise- ments de races telles, quel'onnepeutplusque très-difficilement reconnaître chez elles le type primitif. La position des Caniens dans la série mammalogique varie selon les auteurs, et on les place tantôt avant les Féliens, tantôt, au contraire, après cette tribu. De Blainville les range immédiatement après les Chats, parce que les premières espèces qu'il y place, c'est-à-dire les Renards, ont la pupille verticale et une petite clavicule presque normale, tandis que les dernières, comme les Loups, ont la pupille ronde, et n'ont, par exemple le Ilyénoïde, que quatre doigts en avant comme en arrière, ainsi que cela a lieu chez les Hyènes. Pour nous, à l'exemple de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire et de la plupart des zoologistes, nous mettrons les Caniens après les Viverriens, avec lesquels ils ont (le l'analogie, et nous les séparerons des Féliens par les Hyènes, avec lesquelles ils ont, comme l'ont reconnu tous les auteurs, de nombreux rapports. Quant aux genres créés dans cette tribu, ils sont peu nombreux, si l'on s'en rapporte à la plupart des naiuralistes.mais.si l'on veut suivre lesclassificationsmodernes, etprincipalement celle deM.II. Smith, ! CARNASSIERS. 17 on pourra y rormer d'assez nombreuses subdivisions génériques ou sous-t;énériques, que nous ne ferons qu'indiquer. Les i^enres admis par M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire sont ceux des Oloajon, Fennec, Renard, Cliicn, Jljiénoïde et Cijon, que nous étudierons successivement, tout en ne les adoptant pas tous, puisque, par exemple, nous laisserons les Renards et les Cyons dans le grand genre naturel des Chiens. En outre, nous citerons quelques autres groupes composés, tant d'animaux vivants actuellement que d'espèces que l'on ne retrouve plus aujourd'lmi qu'à l'état fossile. I" GENRE. — CHIEN. CANIS. Linné, 1755. Kuov, Cliieii. Systrnia iiatiii'.v. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstcinc denlaïre : incisives, |; canines, — ; molaires, ^; en totalilé cjunranle deux dents; incisives h trois lobes lorsqu'elles ne sont pas encore usées, et toutes placées sur u)ic mcnie ligne; canines coniques, aicfucs, lisses; molaires : les supérieures se subdivisant en trois petites dents ai- fjucs ou fausses molaires tranchantes, h un seul lobe, une carnassière h deux pointes, et deux pe- tites dents h couronnes plates : les inférieures comprenant (p.tatre fausses molaires disposées comme celles d'en haut, une carnassière dont la pointe postérieure est mousse, et deux dénis tuberculeuses. Museau pointu, avec un mufle ou partie nue assez considérable, arrondie. Tête allotifjée, surtout dans la partie maxillaire, et à arcade zijgonialique médiocrement arquée en dehors. Fifc. 5. — Chien de chasse. Yeux à pupille en forme de disque dans les Chiens proprement dits et allongée dans les fienards. Langue lisse. 18 HISTOIRE NATURELLE. Oreilles médiocres ou qranUes, droites, pointues, mais seulement dans l'état de nature, car la do- mestication modifie considérablement ces organes. Mamelles pectorales et ventrales. Pieds (le devant à cinq doigts, les deux du milieu égaux et les plus longs : ceux de derrière a quatre doigts seulement, avec le rudiment d'un cinquième os du métatarse, qui ne se montre par aucune trace à l'extérieur : ces doigts étant entre eux dans les mêmes rapports que les quatre plus lonqs des pieds de devant. Onqles allongés, assez obtus, non rétractiles; les doigts posant seids à terre dans la marche. Queue de mogcnne longueur. Pas de poches ou de follicules près de l'anus ou des parties de la génération. Pelaqe qénéralemcnt trèa-fourni, assez rude, composé de deux sortes de poils. Moustaches assez petites. Plante des pieds garnie de tubercules : celui (jui se trouve à la base des doigts ayant trois lobes et avec la même forme à tous les pieds; celui qui garnit l'extrémité de chaque doigt elliptique; de plus, il y en a un autre sous l'articulation du poignet- Corps de taille généralement moyotnc; mais pouvant assez notablement varier sous ce rapport. '-,Ji||l-lllil:ir.""' iiimiH.., Fig. 6. — Bouledogue. Si Ton s'en rapporte à M. l'abbé Maupied pour les élymologies qu'il a données du nom de Chien, cette dénomination serait aussi admirable qu'elle est remarquable dans les langues anciennes. En hébreu, c'est Kaleb, nom composé de la particule ka, qui signifie comme, et qui est explétive en composition, ou bien de /ca/ (tout), et de /e/>(cœur), le siège des affections: d'après cela Icnom de Chien, en hébreu et en chaldèen, veut donc dire très-affectueux, très-caressant. En grec, le nom de Chien signifie la mémo chose; le motxuuv (Chien) n'est que le participe du verbe y.ju (caresser, embrasser); le nom de Chien, en grec, veut donc dire caressant. En latin, Canis vient du verbe caneo (vieillir, par extension être prudent); le nom latin du Chien signifie donc fidèle, prudent. Le nom français. Chien, vient du grec xuov, y.uev, et a par conséquent la même signification. Ces étymologies si remarquables ne prou- veraient-elles pas, comme le fait observer De Blainville, que le Chien a été de tout temps un animal fidèle, caressant, prudent, attaché à l'homme, et créé avec lui et pour lui? Les Chiens, pris d'une manière générale, sont des animaux omnivores, très-intelligents, se nour- rissant de chair fraîche ou de chair corrompue, et joignant quelquefois à ces aliments des substan- ces végétales, telles que des fruits, des racines, etc., et, par là, on voit qu'ils sont loin d'avoir bc CD o lO CAHNASSIEHS. 19 Tappétit oarnassiiM' des Cliats; les petites espèces, eependant, semblent plus carnassières que les grandes, et elles sont aussi plus rusées et plus eourai;euses; mais, du reste, il est rare qu'elles attaquent une proie vivante, et, lorsqu'elles le font, elles sont réunies en troupes nombreuses et suivent alors leur proie à la piste, par suite de leur odorat rendu très-délicat par le prodigieux développement de la membrane pituitaire sur les nombreux replis des cornets étlimoïdiens. Tous voient et entendent très-bien, et tous boivent en lapant. Les femelles sauvages éprouvent le besoin du rut en hiver; elles portent trois mois, et quelquefois davantage : chaque portée produit de trois à cinq petits. Les espèces domestiques peuvent produire à toutes les époques, et surtout deux fois par an, en été et en hiver. Quelques espèces se creusent des tanières, ou profitent des terriers formés par d'autres animaux; mais le plus grand nombre établissent leur domicile dans les taillis des forêts les plus fournis, etc. Un très-grand nombre de ces animaux étant devenus domestiques sont les commensaux de l'homme, qu'ils suivent partout, et dont, en quelque sorte, ils reproduisent les mœurs. Les Chiens proprement dits, ou ceux à pupille en forme de disque, sont des animaux diurnes, et, par l'exercice, leur vue peut acquérir beaucoup de force; les Renards, ou Chiens à pupille allongée, voient mieux, au contraire, la nuit que le jour. Les Chiens, mais il faut en excepter les Renards, sont loin d'avoir la propreté des Chats. Ils hurlent ou aboient, et font surtout entendre leur voix lorsqu'ils chassent : alors cette voix se modifie suivant les sentiments qu'ils éprouvent. La couleur de leur pelage est le brun, qui, d'une part, se fonce jusqu'au noir, et, de l'autre, se pûlit jusqu'au fauve; le blanc s'y joint souvent, et c'est du mélange de ces trois couleurs que résultent toutes les variétés qu'offrent, sous ce rapport, les différentes espèces ou races de ce genre. En résumé, on peut dire avec Fr. Cuvier que « les Chiens proprement dits sont des animaux de taille moyenne, et que leurs proportions annoncent de la force et de l'agilité; la partie antérieure de leur corps est forte et ramassée, et la partie postérieure svelte et légère; leurs jambes sont élevées; leur cou est long et épais, leur tête effdée, leur poitrine large; leurs cuisses et leurs épaules sont charnues, et leurs jambes tendineuses; leurs muscles se dessinent fortement, mais leurs allures ne sont pas en parfaite harmonie avec leurs organes; ils ont la démarche un peu indécise, et ne portent pas la tête haute; leur regard manque de hardiesse, et ils sont généralement prudents : ils n'ont du courage que lorsqu'ils sont pressés par la faim. Les Renards diffèrent encore des Chiens à ces divers égards : ils sont généralement plus petits et plus bas sur jambes; leur corps paraît plus allongé, et ses propor- tions n'annoncent pas de vigueur; leur tête paraît plus pointue, plus fine : ils la portent dans les épaules, et toutes leurs formes sont arrondies; aussi ont-ils un naturel plutôt timide que courageux; ils ne chassent que des animaux sans défense, les Lapins, les Oiseaux; ils ont toujours recours à la ruse, au silence; c'est la nuit ordinairement qu'ils se mettent à la recherche de leur proie, et la fuite est la seule ressource qu'ils opposent au danger; s'ils se défendent, ce n'est qu'à la dernière extrémité, et lorsqu'on les poursuit jusqu'au fond de leur retraite. » Nous n'étendrons pas plus loin ces détails de mœurs, parce que nous ne voudrions pas nous ré- péter, et qu'ils seront complétés lorsque nous nous occuperons spécialement du Chien domestique, du Loup, du Renard, du Chacal, de l'Isatis et des autres espèces principales. Cependant, nous donnerons, avant de passer aux descriptions particulières, des détails sur l'ostéologie et le système dentaire, bases de la partie zoologique ; puis, après avoir dit quelques mots de la distribution géo- graphique, nous indiquerons les points principaux de l'histoire zooclassique des Chiens, ainsi que des classifications qu'on a formées dans ce genre. L'étude de l'ostéologie du Chien ordinaire, ainsi que celle du Loup, a été commencée à une épo- que déjà reculée, mais ne l'a pas été d'une manière complète; c'est ainsi que Vésale et G. Blasius s'en sont occupés. Daubenton ne fut pas plus heureux que ses devanciers, car il fit porter sa compa- raison du squelette du Chien avec ceux du Cochon, du Cheval, et autres animaux domestiques par lesquels Buffon, à l'ouvrage duquel il joignit son travail, avait cru devoir commencer sa vaste His- toire naiurelk générale et parlicuUère : toutefois, il donna des détails sur trois espèces de ce grand genre : le Loup, le Chacal et le Renard. G. Cuvier, d'abord dans ses Leçons d'Ami tomie comparée, mais surtout dans ses Recherches sur les ossements fossiles des Quadrupèdes, publié en 1825, décrivit l'ostéologie du Chien et du Loup, qu'il prit pour type du groupe des Carnassiers, et il donna de bonnes figures. MM, Meckel, Pander et D'Alton, n'ajoutèrent que peu de chose à ce qu'on savait avant eux; 20 HISTOIRE NATURELLE. il n'en fut pas tout à fait de même de Guldenstaedt {Nat. Comm. Acad. Pet., t. XX, 1776), qui donna la description du Chacal comparativement avec celles du Loup et du Renard, et de Spix, qui fii^ura avec .soin le crâne du Renard dans sa Céplialo[iénésic; mais c'est principalement De Blainville qui, dans son Ostéograpliie, fascicule des Canis, donna le travail le plus complet sur le squelette des ani- maux du yenre Chien, où, après avoir étudié le Loup comme type, il décrivit un assez grand nombre d'espèces et de variétés : c'est d'après lui que nous entrerons dans quelque développement sur ce sujet important. ri'j;. 7. — Cliieii de Dalmatio. Les os du Loup sont en général d'un tissu légèrement moins serré, un peu moins éburné et même moins blanc que celui des Chats, peut-être parce que la cavité médullaire et le tissu diploïque sont uu peu plus étendus, comparativement à la partie éburnée; et par cela ils sont un peu moins cassants et moins pesants. Le nombre des os en totalité est le même que celui des Chats. La série vertébrale se compose de quatre vertèbres céplialiques, sept cervicales, treize dorsales, sept lombai- res, trois sacrées et dix-sept ou dix-huit coccygiennes. La tête en totalité est assez notablement al- longée, et beaucoup plus que celle des Chats. La vertèbre occipitale est large et plate dans son corps. La sphéno-pariétale est assez allongée, même dans son corps. La spheno-frontale est encore consi- dérable, du moins dans son arc. Quant au vomer et aux os du nez, ils participent à la longueur de la face, déterminée par celle des mâchoires; aussi sont-ils beaucoup plus étendus que chez les Chats. Les mâchoires ont un caractère particulier dans leur allongement, et môme dans la manière dont elles s'atténuent en forme d'avance pyramidale. Pour les osselets de l'ouïe, l'étrier est en pyramide tronquée; le lenticulaire est très-mince et ovale; l'enclume en forme de dent molaire, avec ses deux bras ou racines presque égales et très-divergentes; le marteau est très-arqué, à tête petite, à cou dilaté, et à manche assez court. L'angle facial, sous lequel la mâchoire supérieure se joint au crâne, est nécessairement diminué de ce qu'il est chez les Chats, et, en effet, il ne dépasse guère une vingtaine de degrés, sur- tout en faisant abstiaction des bosses frontales. Les cavités et fosses internes ou externes ont égale- ment éprouvé des modifications importantes : les deux cavités dont nous voulions seulement parler sont l'oculaire et rolfaciive. La première est notablement moins grande que dans les Chats, mais plus ovale, plus oblique en dehors, et surtout encore moins fermée dans son cadre que chez eux, par suite d'un moindre développement des apophyses orbitaires. La cavité olfactive est, par contre, bien CARNASSIERS. 21 plus étendue, non-seulement en elle-même, à cause du prolongement des os du nez et des màelioi- res, mais aussi par suite du i^rand divclo[)pi'iM('iit des cofiiels, suiloul des inférieurs, et même des sinus maxillaires et frontaux, qui soulèvent quelquefois le front de manière à former une sorte de rigole dans la ligne médiane; du elianfrein, et à augmenter iiotaldement le degré de Tangle facial. Le judais est long, peu profondément voûté, si ce n'est dans l'angle formé par l'écartement des deux arrière-molaires, où se voit un enfoncement assez profond pour loger la carnassière inférieure. Les ouvertures de la tête sont grandes : le trou occipital, en particulier, est i)resque complètement ter- minal; son diamètre transverse est un peu plus grand que le vertical, et dans la proportion de un à trois avec celui de la cavité cérébrale. Les condyles sont presque terminaux, assez saillants, ova- laires. A d'iCijtiiP Fisf. 8. — Cliion courant Les vertèbres cervicales sont assez différentes de celles des Chats et des Ours de la même tailh; par un peu plus de longueur en général, et par la forme des apophyses transverses, qui sont plus larges d'avant en arrière. L'atlas a son corps pourvu, inférieurement, d'une épine au milieu de son bord postérieur, et ses ailes, projetées en arrière, sont un peu plus étroites que dans les Chats. L'axis a son apophyse épineuse très-longue d'avant en arrière, mais très-peu élevée, et presque tout à fait rectiligne à son bord supérieur. Les trois cervicales intermédiaires ont toutes leur corps pourvu, en dessous, d'une sorte de carène apophysaire. La sixième se distingue par son apophyse épineuse presque aiguë et antéroverse, ainsi que par son apophyse transverse, dont le lobe inférieur est assez large et non sinueux à son bord. Les vertèbres dorsales sont plus courtes et plus épaisses dans leur corps que les cervicales; les apophyses épineuses sont assez étroites, assez aiguës. Les vertèbres lombaires forment une région plus courte que dans les Chats, mais cependant beau- coup moins que dans les Ours. Les apophyses épineuses croissent de hauteur en diminuant de lar- geur jusqu'à la quatrième, pour décroître ensuite assez rapidement jusqu'à la septième; les apophyses transverses sont en général plus grêles, et d'autant plus qu'elles sont plus postérieures. Les trois vertèbres sacrées constituent un sacrum étroit, à bords presque parallèles, mais plus court et plus ramassé que dans les Chats. Les vertèbres coccygiennes sont petites, grêles, et produisent une queue bien effilée, et moins forte que celle des Chats. Le sternum est formé de huit pièces, sans compter le xiphoïde, assez longues, étroites, à coupe trapézoïdale, presque égales, sauf le manubrium, qui est double des autres, et la huitième, qui est cubique, et ne se distingue du xiphoïde qu'en dedans. L'hyoïde, composé du même nombre de pièces que celui des Chats, présente un corps transverse peu étroit et moins épais, triquétre dans sa coupe, de grandes cornes, dont l'article basilaire est 22 HISTOIRE NATURELLE. le plus court et le plus large; les deux autres étant presque égaux; le dernier assez arqué; et, enfin, une corne thyroïdienne plus forte et plus longue que les articles de Tantérieur. Les eûtes sont aussi en même nombre et en même disposition que dans la Panthère; elles sont seu- lement un peu plus larges et plus plates, surtout en dessous, les antérieures plus que les autres : carac- tères qui se trouvent déjà assez manifestement dans le genre des Civettes. Le thorax, qui en résulte, est aussi un peu plus long, plus comprimé, et, par suite, plus haut dans le sens vertical que dans les Chats. Les membres sont généralement un peu plus élevés, plus redressés, que dans ces derniers ani- maux, et peut-être même aussi un peu moins distants entre eux. Aux membres antérieurs, l'omoplate est assez étroite; sa crête, qui est presque médiane, est haute et presque droite, et se termine par un acromion peu développé, arrondi, non bifurqué, et ressem- blant à ce qui a lieu dans les Ours; l'apophyse coracoïde est réduite à un simple tubercule épais, à peine saillant au-dessus d'une cavité glénoïde ovale, appointie supérieurement. La clavicule, qui sem- ble manquer, existe toutefois; mais elle est réduite :\ une petite pièce osseuse, plate, large, arrondie à son extrémité, et se terminant brusquement en pointe ù l'autre extrémité. L'humérus est court, gros, avec sa double courbure assez marquée, assez large, et comprimé supérieurement, ce qui est produit par une empreinte deltoïdienne assez forte. Le radius, presque aussi large supérieure- ment qu'inférieurement, est fortement comprimé en dessous de la tête humérale, et arqué dans toute sa longueur. Le cubitus, qui suit la courbure du radius dans toute sa longueur, en se collant presque contre lui, est encore assez large, assez épais dans son apophyse olécrane; mais, dans le reste de son étendue, il s'amincit et s'atténue assez rapidement en se courbant, de manière, cependant, à conserver le même diamètre, en produisant une apophyse odontoïde assez large, comprimée et arron- die à son extrémité. Les os du carpe peuvent se subdiviser en deux rangées : dans la première, le sca- phoïde est le plus grand et le plus large de tous, et pourvu en dedans d'une apophyse plus forte et plus grande que celle des Chats; le triquètre est assez gros, avec une apophyse carpienne forte; le pisiforme est très-court, épais, dirigé en arrière. Les os de la seconde rangée sont peu développés en général; 1« trapèze est très-petit, semblable à un cunéiforme; le trapézoïde et le grand os sont pres- que égaux, et le dernier est pourvu, en dedans, d'une apophyse plus épaisse que celle de l'unci- forme. Les os du mé^acarpe sont assez longs, assez étroits, plus serrés et plus droits sur les bords que ceux des Chats. Les phalanges sont proportionnellement plus courtes que celles des Chats; les onguéales en diffèrent assez notablement: elles sont étroites, triangulaires, peu comprimées, peu ar- (juées, et assez pointues, pourvues, à la base seulement, d'une sertissure peu avancée. Il y a cinq doigts à la main. '.ESESTnE Fig. 9. — Poodie, Les membres postérieurs sont peut-être plus longs, plus élevés que les antérieurs, et l'augmenla- tion porte également sur les os de la jambe et du cou-de-pied. L'os innominé n'uflVe pas de gran- CARNASSIERS. 23 des différences, comparé avec celui de la Pantlu''re; il est, toutefois, un peu plus déprimé, plus élari^i, plus raccourci dans toute son étendue; le trou sous-pubien est assez petit; la cavité ischiatique est plus développée. Le fémur est court, sensiblement courbé, surtout en bas, peu épais dans sa partie supérieure, assez large en bas. Le tibia est assez épais, assez robuste, à doubb^ courbure plus mar- quée que dans les Chats, à articulation supérieure peu élargie, et à articulation inférieure assez pro- noncée, assez serrée, un peu plus obliquée que dans les Chats. Le péroné est très-grêle, très-mince, surtout dans son corps, qui, dans sa moitié inférieure, se courbe subitement pour s'aj)pliqui'r contri; le tibia; les deux tètes sont assez dilatées. Le pied, à quatre doigts, est généralement plus étroit et plus serré que celui des Chats, et les os du tarse forment un tout sensiblement plus long que dans ces derniers animaux. L'astragale est trè.s-profondément excavé par une poulie à bords inégaux, et sa tête, très-étroite dans le sens vertical, est portée par un cou également très-étroit, et dans la même direction. Le calcanéum est aussi très-étroit, peu comprimé, fortement échancré en arrière. Le scaphoide a le plus grand diamètre de sa cavité astragalienne vertical. Il y a trois cunéiformes, et un cuboïde qui est notablement allongé. Les métatarsiens sont assez étroits, assez serrés, allongés, divergents : quoiqu'il n'y ait que quatre doigts, le premier cunéiforme porte, articulé avec lui, un rudiment de premier métatarsien, de forme triangulaire, et collé fortement à la base du deuxième, pourvu d'une facette articulaire. Quant aux os des doigts proprement dits, on ne peut guère trouver, comme différence avec leurs analogues à la main, que dans un peu plus de gracilité. Les os sésamoides offrent peu de différence de ce qu'ils sont dans les autres Carnassiers digitigra- des. Au carpe il y en a deux : l'un, le pisiforme, dans l'abducteur du pouce, et qui s'articule avec la tubérosité seule du scaphoide à sa partie inférieure, et un autre plus petit à l'extrémité du ten- don du cubital antérieur, et articulé avec l'unciforme; en outre, les sésamoides articulaires de la base des doigts sont proportionnellement plus forts que dans les Carnassiers moins digitigrades. Aux membres postérieurs, la rotule est bien plus étroite et bien plus épaisse que dans les Chats de même taille; les deux sésamoides pisiformes des tendons des gastrocnémiens existent toujours; mais il ne semble pas y en avoir dans les tendons des muscles poplité, et long péronier. L'os pénien a acquis un très-grand développement; dans le Loup, cet os est long, doublement ar- qué, atténué, et coupé carrément en arrière, s'élargissant et s'excavant fortement en dessus et dans le reste de son étendue, tandis qu'en dessous il est presque caréné. <■ e sESTrF Fin; ]0. — Cliien du Saint-Ccrnanl. Si l'on étudie les sexes du Loup sous le point de vue ostéologique, on peut remarquer que la tête des mâles est plus courte et plus large, le front plus élevé, plus bilobé par la grande saillie des sinus frontaux, etc., tandis qu'au contraire la tête des femelles est toujours plus longue et plus étroite. 24 HISTOIRE NATURELLE. De Rlainville, que nous avons presque textuellement suivi jusqu'ici, donne ensuite des détails com- paratifs sur les particularités que Ton peut remarquer dans les diverses espèces de Loups, telles que le Loup nain ou Cnnis lijcaon, le Loup du Canada, le Loup de l'Inde, le Loup du Mexiqu(! et le Loup roug;e ou Canis campeslris, qui diffère assez considérablement des autres espèces pour qu'on ait cherché à en faire le type d'un genre distinct; puis il s'occupe plus spécialement du Chacal, (\u Renard, et de quelques autres espèces dont nous croyons devoir dire quelques mots. LE^K^TRE Fis 11. — Cocker. Le squelette du Chacal, en totalité, ne semble se distinguer de celui du Loup que par sa taille, qui est moindre; mais, cependant, on peut voir qu'il en diffère d'une manière assez particulière pour se rapprocher de celui du Renard, qui, lui, passe à la forme que nous étudierons chez les Chats. Dans la tête, le renflement cérébral est plus marqué que dans le Loup, et les crêtes sont moins développées. La colonne vertébrale offre un peu plus de largeur dans les deux dernières vertèbres cervicales inter- médiaires, un peu plus d'étroitesse dans les apophyses épineuses des vertèbres lombaires, et jusqu'à vingt vertèbres coccygienius beaucoup plus grêles que celles qui forment la queue du Loup. Le ma- nubrium est beaucoup plus long, et la huitième pièce du sternum est plus forte. Les côtes sont moins dilatées inférieurement, et, par là, se rapprochent de celles des Chats. Aux membres antérieurs, l'omoplate est plus élargie; la clavicule plate, lamclleuse, moins petite cpie celle du Loup, un peu courbe. Le pouce de la main semble un peu plus long. Aux membres postérieurs, le bassin paraît raccounîi, plus large dans toutes ses parties. Le pied, au contraire, est composé d'os en général plus grêles, ce qui le rend plus étroit. L'os du pénis a la même forme que celui du Loup, mais il est beau- coup plus droit. Dans l'Isatis {Canis lacjopus), les os du nez sont proportionnellement plus larges, et se terminent par une échancrure à cornes bien plus égales; les orbites sont plus grandes, la racine du nez plus bombée. L'os du pénis est plus court que celui du Loup, plus évasé; sa gouttière commence à l'ex- trémité tronquée, pour finir presque à l'autre; eulin, il est caréné en dessous. Le Renard {Canis vulpcs) présente un squelette plus petit que celui du Loup, plus grêle, et com- posé d'os plus blancs et plus cassants. La tête est plus étroite, plus effdée; le front est moins bombé; la crête sagittale et les os du nez sont moins grêles que dans les Chacals. Aux vertèbres cervicales, l'apophyse épineuse est en général plus étroite et plus aiguë; l'apophyse épineuse des vertèbres dorsales est évidemment jdiis large, au contraire des dixième et onzième, qui sont très-fines et très- aiguës; les apojdiyses transverses des vertèbres loudiaircs sont également plus longues, plus étroites et plus droites que dans le Chacal; enfin, les vertèbres coccygiennes, qui sont au nombre de vingt, sont notablement plus longues, et décroissent moins rapidement que dans le Loup et le Chacal, de manière à former une queue se rapprochant, pour la forme, de celle des Chats. Il n'y a pas de diffé- rences à signaler dans la séiie slernale. Aux nu'mbres rnilérieurs, l'omoplate, quoique semblable à CARNASSIERS. 25 celle du Chacal, rappelle cependant léi^èrement celte dn Chat dans la saillie coracoidicnne et dans la bifurcation de l'acroniion. La clavicule est plus développée, et dans la forme norniale de celte sorte d'os, c'est-à-dire étroite et allongée. L'humérus est proportionnellement un peu plus allongé, et à impression deltoïdienne pins large et plus remontée. Des deux os de l'avant-bras, le radins, un peu plus court proportionnellement, et surtout moins mince dans son corps, est plus arqué; le cubitus est également moins effilé. La main offre des phalanges onguéales plus arquées, plus comprimées et plus aiguës. Aux membres postérieurs, il y a moins de longueur dans le bassin, le fémur et les deux os de la jambe; mais ceux du pied sont plus longs, plus grêles, plus serrés, de manière à former un tarse et un métatarse plus étroits. L'os pénien d'un Renard d'Algérie, étudié par De Blainville, ressemblait beaucoup au même os d'un Chacal; il était seulement un peu plus court, et la carène in- férieure était plus prononcée et plus pincée. Dans le Renard de D'Azara et dans le Renard argenté {Canîs chicreo-argentcus), les différences ne sont guère appréciables que par l'ostéographie : il n'en est pas de môme dans d'autres animaux, tels que le Fennec, le Can'is mcyalolis, l'Hyénoide ou Cijnoliijœna picla, et surtout le Protéle, que De Blainville en rapproche, mais dont nous ferons connaître l'histoire isolément.' Enfin, dans un dernier groupe d'espèces qui appartiennent à la section des véritables Loups, mais que la forme de la tète tend à rapprocher des Hyènes, et dans lesquelles on peut compter les Can'is cancrivorus, brachijldcs, bracltijotus, etc., le pouce des pieds de devant est court, remonté, ce qui indique une véritable dégradation, et, toutefois, toutes les espèces ont encore une certaine ressemblance avec les Chacals. I.F5ESTRE Fi-mç: pour ces peuples, le Loup est devenu le symbole du dieu Mars, à cause de sa férocité et de son ardeur pour le carnage et même le leur, à cause de l'histoire plus ou moins apocryphe de l'allaitement de Romulus et de Rémus, fon- dateurs de Rome, par une Louve, et au principe plus réel que cette ville obtiendrait l'empire du monde par la force des armes; en outre, leurs enseignes conservées et leurs médailles dénotent que c'était bien le Loup de nos forêts qu'ils avaient choisi comme symbole. 34 HISTOIRE NATURELLE. Le Chacal semble être l'animal que les anciens Grecs, et même les auteurs plus récents, ainsi qu'on peut le voir dans les ouvrages d'Homère, d'Aristote, d'Hérodote, de Théocrite, d'Oppien, d'Élen, de Pollux, etc., désignaient sous le nom de Thos (Ou;, ou 6-.;). Ce point a été cependant très- controversé, et voici à ce sujet les conclusions qu'en tire De Rlainvilie. (( Si l'on pouvait avoir une confiance absolue dans la description dAristote, en supposant même que le texte n'a pas été altéré par les copistes dans la succession des siècles, on ne pourrait que difficilement admettre l'identité absolue du Tiios et du Chacal. Cependant, en considérant que la description peut être fautive en plusieurs points, de quelque part que vienne l'erreur, il est impossible de croire que le Chacal, si commun dans tout le Levant, ait pu échappera la connaissance des anciens. Je regarde donc comme très-probable que le Thos est le Chacal des Orientaux et notre Canis aiircus, ce que Guldenstaidt avait également admis, comme presque tous les zoologistes le font aujourd'hui. » Ainsi désigné sous la dénomination de Thos, le Chacal aurait été indiqué dans l'Écriture sainte, et dans presaue tous les ouvrages des naturalistes grecs, latins, ainsi que dans ceux du moyen âge, et à plus forl^ raison dans les livres de l'époque actuelle. Le Renard, qui est le Carnassier le plus répandu dans tout l'Orient, était désigné, chez les Hé- breux, sous les noms de Sclioiial, ScliooL et, chez les Arabes, sous celui de Sliaar. Les Grecs, de- puis Homère jusqu'à Op])ien, l'ont nommé axutv/.ç, et les Latins, Vulpcs, dénomination que cet animal a conservée spécifiquement. En outre, les diverses espèces de Chiens dont nous venons de nous occuper ont été représentées sur di- vers monuments anciens, et ont été indiquées dans différents objets d'art, tels que des tableaux, des sta- tues, et sur diverses médailles. Chez les Chinois, le Chien a servi de modèle à l'un des caractères figura- tifs les plus anciens de leur écriture, caractère qui même est devenu la clef de tous ceux qui indiquent les animaux quadrupèdes; il en est de même du z les Egyptiens, où il se trouve également comme signe hiéroglyphique. Mais cela ne s'applique guère qu'au Chien domestique, ce qui a lieu également pour les momies des animaux de ce genre conservées par les Égyptiens. C'est ainsi que l'on peut probable- ment rapporter à diverses races du CAinis famïliaris le C f/rahis de De Blainville, et les C. saccr et aniib'is de M. Ehrenberg; toutefois, Savigny rapporte au Chacal (C. aarciis) une momie qu'il avait trouvée dans les tumulus d'Egypte. A l'état fossile, ce n'est qu'en 1774 qu'Esper, le premier, reconnut d'une manière certaine des traces de Loup et de Renard dans les cavernes de Gaylenreuth. Depuis cette époque, des os fossiles assez nombnux d'animaux du genre Chien ont été signalés en Italie, en France, en Allemagne et en An- gleterre, et cela dans des terrains d'ancienneté très- différente, et ces débris ne se rapportent guère (|u'au Loup et au Renard. Nous nous occuperons plus tard de ces fossiles, et nous nous bornerons actuellement à dire que les auteurs qui s'en sont surtout occupés sont : G. Cuvier, Goldfuss, Wagner, Schmcrling, De Rlainvilie, et MM. Riickland, Marcel de Serre, Dubrenil et Jean-Jean, Bravard, Croizet. et Jobert, Murcbisson et Gédéoii Mantell, et, enfin, nous citerons M. Lund, qui a signalé des traces fossiles de ces Carnassiers dans les cavernes du Brésil. Nous avons indiqué la plupart des auteurs qui se sont occupés des espèces du genre Chien, et nous compléterons cette liste en donnant la description des espèces et des races; mais nous croyons, avant de passer à la partie descriptive, devoir dire quelques mots d'un travail de M. Hamilton Smith {Ihc nalural'tsCs Librarij, t. IX et X, 1859), dans lequel le savant naturaliste anglais crée divers sous-genres (!t divisions dans le genre Chien, et cela en donnant à ces subdivisions des noms particu- liers qui, dans les tendances des naturalistes modernes, feront de chacun d'eux des genres plus ou moins utiles, et qui viendront probablement encore surcharger la synonymie zoologique déjà si em- brouillée. M. H. Smith subdivise la famille des Canidœ, ou le genre Unm. en cinq sous-genres. ' l" sous-genre. — C/iao» (nom propre), subdivisé en dix sections : A. Lupm (quatre espèces; type : le Loup'; R. Lijcisciis (xu)4o,-, Loup) (trois espèces; tY{)e : ('.nuis lalmns]; C. Cliryscns (y.ouaîc:, doré) (huit espèces; tyj)e : (1. ))iiiii(('vus]\ 1). Tliuiis (six espèces; type : C. anllins, Fr. Cuvier ; E. Sncalhis (cinq espèces; type : le Chacalh V. Ciiimlopcx (itjw-., Chien, a/.wn-fl^, Renard) (cin(i espèces, type : le Corsac); : 1,1 ,1/ :;//^ , 4?4 ( y. u ce •o CARNASSII-IUS. :,:, (î. Mcfjdlaiis, lllii^or (ai^a;, i^raïul; w;, oreille) (liiiq espèces; type : le Fennec, qtu; nous décrirons séparément); II. CJirijsociion (/.puacç, d'or; x.'jmv, Chien) (une espèce : le Canis canipcslris. De Wied); I. Dnsiciiou (rîuGc,-, du nord; y/jwv, Chien) (quatre espèces; type : f.Vf)(ls- (mlard'inia); .1. Cerdocijon, peu d'espèces; nouvelles et encore peu connues. 2""' sous-ii;enre. — Cnnis, conq)renant ses Canes [cri et Canes familiares : ces derniers subdi- visés en Canes lachnei, lan'iarïi, veiiat'ic'i, saçiaccs, doiitesiici et vrcaiti, iciinMniant les diverses races et variétés de Chiens oi'dinaircs. 5""' sous-yenre. — Vulpes, dans lequel entre un assez grand nombre d'espèces subdivisées en tr^is sections, et dont le type est le Renard. -4"'" sous-genre. — Agr'ioilns (a-)-;io;, féroce; c^cu,-, dent); type : (Mn'is Lalandii , ou nuire Ilyé- ' noïde. 5"'" sous-genre. — Lijcaon (nom mythologique), ne renfermant que le Canis p'uiiis. Mf^SHEL Pirr 49. _ Cliien sauvage du Cap. Passant maintenant à la description des espèces, des races et des nombreuses variétés du grand '.enre Chien nous y admettrons deux sous-genres, ceux des Chiens proprement dits et des Renards, et nous regarderons comme formant un groupe générique distinct les Hijénoïdes, ou Chiens à quatre doigts à tous les pieds, ainsi que les Fennecs. TA] HISTOIRE NATURELLE. 1" SOUS-GEKRE. — CHIENS PROPREMENT DITS. CAMS. Linné. CARACTÈRES DISTIÎSCTIFS. Pupilles (les ycii.v nvides, ce qui démoulre des nuimiiiix diurnes. Queue non touffue. Oii y admet un assez t^raiitl nombre d'espèces; mais les principales sont le Chien donieslique et ses nombreuses races et variétés de races, et le Loup ordinaire. Fis 20. — Terrier. 1. ESPÈCE COSMOPOLITE. 1. CHIEN DOMESTIQUE. CANIS FAMILIARIS. Linné. f C,ARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Muscau plus OU iiioins allongé ou raccourci; queue recourbée en arc, et se redressant plus oh moins, tantôt infléchie à droite, tantôt infléchie à gauche; pelage très-varié pour la nature du poil et pour ses teintes, à cela près que, toutes les fois que la cjueue offre une cou- leur quelconque et du blanc, ce blanc est terminal; ouïe ayant beaucoup de finesse; vue très-per- çante. Cette espèce tout entière paraît avoir passé sous l'empire de rhomme. On ne la connaît nulle part aujourd'hui à l'état de pure nature. Des races domestiques ont bien, dans certaines contrées, recouvré leur indépendance depuis un nombre assez considérable de générations, et, par là, elles ont sans doute repris quelques-uns des traits de l'espèce sauvage. Il s'en trouve à cet état dans presque toutes les parties de l'Amérique; on en rencontre dans quelques contrées de l'Afrique, et il en existe dans l'Inde. Ces Chiens sont loin d'avoir perdu toutes les traces de la longue servitude de leur race; en effet, leurs couleurs varient encore d'une race et même d'un individu à l'autre, et ils rentrent sans résistance dans l'état de domesticité. Us vivent quelquefois en familles de deux cents individus; ha- bitent (le vastes terriers, chassent de concert, et ne souffrent pas le mélange des individus d'une fa- mille étrangère : ainsi réunis, ils ne craignent pas d'attaquer les animaux les plus vigoureux et de se défendre contre les Carnassiers les plus forts; le repos, chez eux, succède immédiatement aux fati- gues de la chasse, et, dès que leurs besoins sont satisfaits, ils s'y livrent, comme tous les autres animaux sauvages, avec d'autant plus de .sécurité, que les dangers qui les entourent sont plus faibles. CARNASSIERS. 57 « La reclit^rche des aliments et de la sécurité , qui faisait la condition principale de l'existence du Chien sauvage, n'est plus paur ainsi dire, comme le fait remarquer Fr. Cuvier dans son savant articles CIncn du Dict'wunaire des Sciences naturelles, qu'une condition secondaire de l'existence du Chien domestique; ce n'est plus en poursuivant une proie qu'il obtient sa subsistance, ce n'est pas en fuyant le danger ou en le bravant qu'il peut s'y soustraire, mais c'est en se consacrant au service de l'homme. Ce service est devenu la première condition de sa vie, et ce sont les diffé- rentes empreintes qu'il en reçoit qui caractérisent les différentes races; de sorte qu'on pourrait, jusqu'à un certain point, juger de la civilisation d'un peuple, ou d'une de ses classes, par les mœurs des animaux qui lui sont associés. Des causes aussi puissantes que celles des mœurs des peuples et des classes dont ils se composent, des climats, de la nourriture, du sol, etc., suffiraient presque pour expliquer les nombreuses modifications que le Chien domestique a éprouvées, et qui forment ces différentes races. Cependant, ces modifications sont si considérables, et de telle nature, que plu- sieurs naturalistes ont cru être fondés à penser que nos Chiens n'avaient pas pour souche une seule espèce; qu'ils devaient leur existence à des espèces différentes qu'on ne pouvait plus reconnaître aujourd'hui à cause du mélange de leurs races. Nous ne partag'erons point cette manière de voir (c'est Fr. Cuvier dont nous transcrivons ici ce passage) : outre la difficulté bien reconnue des Mulets pour se reproduire, difficulté qui n'existe point entre nos Chiens, nous verrons que les modifications les plus fortes n'arrivent au dernier degré de développement que par des gradations insensibles, qu'on les voit naître véritablement, et que, dès lors, il est impossible de supposer leur existence dans une espèce qui aurait antérieurement existé. D'ailleurs, tous les Chiens ont une disposition instinctive qui les porte à se réunir en famille, et qu'ils nous montrent dès qu'ils sont dans la situation de le faire. Nous avons vu que les Chiens rendus à l'état sauvage vivent ainsi, et les villes d'Orient nous montrent le même phénomène dans ces Chiens, qui n'ont aucun maître, qui se sont réunis en fa- milles, et qui, après avoir adopté un quartier, n'y souffrent la présence d'aucun Chien étranger. » Fig. 21. — Chien du nord de rAmériquc, Entre les différentes races rie Chiens, la faille varie considérablement, et les individus n'en sont pas )8 HISTOIRE NATURELLE. tous moins bien conformés. La taille ordinaire est de soixante-quinze centimètres environ de longueur, non compris la queue; c'est le milieu entre celle du Loup et du Chacal, mais elle peut aller beau- coup au-dessus et descendre, au contraire, beaucoup au-dessous. Daubenton, dans \ Histoire natu- relle générale cl particulicre de Ruffon, a donné une table très-détaillée dos dimensions des Chiens des principales races; nous renvoyons nos lecteurs à ce travail, et nous nous bornerons à faire ob- server qu'on y voit un Mâtin dont la longueur, mesurée du bout du nez à l'anus, était de 2 pieds H pouces, et la hauteur à l'épaule, de 1 pied H pouces 6 lignes; un Basset avait 2 pieds 6 pouces de long, et seulement 11 pouces de haut; un grand Danois avait une longueur de 3 pieds 6 pouces, et un Épagneul n'avait que 11 pouces de long du museau à l'anus. En outre, nous citerons un Chien de la Nouvelle Hollande qui, selon Fr. Cuvier, mesurait 8 décimètres de la tète à l'origine de la queue. Nous ferons, enfin, observer qu'il existe souvent, entre des Chiens de races très-voisines, des différences de taille très-considérables, comme entre le grand et le petit Lévrier. Fipf. 22. — Griffon terrier. Les formes de la tète varient aussi beaucoup, et l'on peut en juger d'après ce qu'en dit Fr. Cuvier, qui a montré ('ombien rintelligence était plus développée dans les races chez lesquelles la cavité cé- rébrale est grande que dans celles où elle l'est, au contraire, peu. La tête est quelquefois très-grosse, t'i d'autres fois assez notablement efiilée, comme dans le Lévrier. Ce sujet est des plus importants, et nous aurons occasion d'y revenir, car c'est sur des considérations tirées de la forme et de la dis- position de la tète qu'est basée la classification des races données par Fr. Cuvier. En général, tous les Chiens ont cinq doigts aux pieds de devant, et quatre à ceux de derrière, réunis par une membrane qui s'avance jusqu'à la dernière phalange, avec le rudiment d'un cinquième os du métatarse qui ne se montre par aucune trace à l'extérieur. Ces doigts, qui sont d'inégale lon- gueur, conservent à peu prés les mêmes relations dans toutes les races, excepté l'interne des pieds de devant, dont l'extrémité ne s'avance quelquefois pas jusqu'au milieu du métacarpe, tandis que d'autres fois il va jusqu'au bout de cet os. De plus, il y a des Chiens qui ont un cinquième doigt au pied de derrière, à la face interne : ce doigt est ordinairement très-court; il arrive parfois que son métatarse est imparfait, et que les phalanges et l'ongle seulement sont complets; mais quelquefois aussi tous ces os sont bien conformés, et ne diffèrent de ceux des autres doigts qu'en ce qu'ils sont proportionnellement plus petits; mais toutefois, quelques individus ont ce cinquième doigt très- long, bien proportionné, et s' avançant jusqu'à la naissance de la première phalange du doigt voisin. La queue varie pour sa longueur, mais est composée, le plus habiliu'llement, de dix-huit vertèbres. CAUNASSIEHS. 59 La queue est quelquefois basse, ce qui arrive le plus souvent, et parfois, cependant, ranimai la porte relevée. La domesticité n'exerce pas d'influence sur les orcfanes de la vue, car les yeux de toutes les races se ressemblent; il n'en est pas de même pour le nez, la boucbe et les oi'cillcs, qui jieuvent être plus ou moins profondément modiliés. L'alloni;ement du museau déterminant un allonyrmeut dans les os du nez, et couséquemment dans les cornets que ces os renferment, est un des premiers caractères par lesquels les Chiens se distinguent, sous le rapport du sens de l'odorat : les ra(,'es dont le mu- seau a un certain allongement, comme le Matin, le Chien-Loup, le Chien courant, ont l'odorat beau- coup plus délicat que celles qui ont le museau court et obtus, comme le Dogue et le Carlin; cepen- dant les Lévriers, qui ne semblent pas sentir avec beaucoup de linesse, font exception à cette règle. Enfin, un des changements des plus remarquables qu'ont éprouvé le nez et la bouche de certains Chiens consiste dans le sillon profond ([ui vient séparer leur lèvre supérieure et leurs narines, ainsi qu'on l'observe chez certains Dogues, qui reçoivent de ce caractère une physionomie toute par- ticulière. Les modifications de l'ouïe se manifestent surtout dans la situation et dans l'étendue de la conque externe de l'oreille. L'oreille est droite, mobile, et d'une grand(Hir médiocre dans le Chien de berger, le Chien-Loup, etc., ainsi que dans les races peu soumises; mais, dans les races plus pri- vées, on voit l'oreille tomber en partie, l'extrémité s'affaisse et n'a plus de mouvement, comme dans les Mâtins; enfin, chez les Chiens tout à fait asservis, la conque auditive entière ne se soutient plus; elle prend une grande étendue par le développement de ses cartilages, comme cela se remarque chez plusieurs races de Chiens de chasse, chez les Épagneuls, les Bassets, etc. 't II P'/ Fi;!. 17> — Ep-if!;ne(il, varlélé. Habituellement, les Cliiens ont dix mamelles, cinq de chaque côté; savoir : quatre sur la poitrine, et six sur le ventre. « Mais, dit Daubenlon, auquel nous empruntons ce passage, il y a de grandes variétés dans le nombre des mamelles de ces animaux : de vingt et un Chiens de différentes races, tant mâles que femelles, dont j'ai compté les mamelles, il ne s'en est trouvé que huit qui eussent cinq ma- melles de chaque côté; huit autres n'en avaient que quatre à droite et autant à gauche; deux autres, cinq mamelles d'un côté et quatre de l'autre; et, enliu, les trois autres Chiens présen(aient quatre mamelles d'un côté et seulement trois de l'autre. )> Un fait relatif à la fonction de reproduction qui doit être 40 HISTOIRE NATURELLE. noté, c'est que les Chiens sauvatfes n'entrent qu'une seule lois en ehaleur dans l'année, tandis que le Chien domestique éprouve au moins deux fois par an le besoin du rut, et quelquefois un plus grand nombre de fois. La gestation dure soixante-trois jours, et chaque portée produit depuis quatre ou cinq petits jusqu'à dix ou douze. Ceux-ci naissent les yeux fermés, et ne voient la lumière qu'au bout d'une douzaine de jours. I i Fiï. '24. — Terrier d'Ecosse. Les poils des Chiens diffèrent, dans les diverses races, par leur nature, par leur couleur, par leur finesse, par leur longueur, parleur disposition, et surtout par leur système de coloration. Les con- sidérations tirées du pelage de ces animaux étant des plus importantes, nous croyons devoir rappor- ter ici ce qu'en dit Fr. Cuvier. « Les Chiens des pays froids ont généralement deux sortes de poils : les uns, courts, fins et laineux, couvrent immédiatement la peau, tandis que les autres, soyeux et longs, colorent l'animal. Dans les régions équatoriales, cette laine légère et chaude s'oblitère, et finit par dis- paraître tout à fait; et il en est de même dans nos habitations, où la plupart des Chiens peuvent se sous- traire à l'intluence de nos climats et au froid de nos hivers. Le Chien turc a la peau nue et iiuileuse; le Dogue, le Doguin, le Lévrier, le Carlin, ont le poil court et ras; le Chien de berger, celui de la Nouvelle-Hollande, le Matin, le Chien d'Islande, ont les poils plus longs que les espèces précédentes, mais j)lus courts que le Chien-Loup, que l'Epagneul, que le Barbet, et surtout que le Bichon, dont les poils descendent ([uelquefois jusqu'à terre. Si l'on considère le poil sous le rapport de la finesse, on ne distingue pas moins de races : le Chien de berger, le Chien-Loup, le Griffon, ont les poils durs, tandis que le Bichon, quelques Barbets, le grand Chien des Pyrénées, l'ont soyeux et doux; chez les uns, il est droit et lisse; chez les autres, laineux et bouclé; quelques races ont le corps cou- vert de longs poils, tandis que la tète et les jambes n'ont que du poil ras; d'autres, au contraire, ont la tète et le cou garnis d'une crinière, et le corps couvert de poils courts: tel est, dans le pre- mier cas, le Chien-Loup, par exemple, et, dans le second, le Chien-Lion. Sous ce rapport, les Chiens offrent presque toutes les variations que présentent les poils dans la classe entière des Mammifères. Quant aux couleurs, c'est du blanc, du brun plus ou moins foncé, du fauve et du noir, que celles des Chiens se composent. On voit de ces animaux qui sont entièrement de l'une ou de l'autre de ces couleurs; mais le plus souvent elles sont dispersées irrégulièrement [»ar faciles, tantôt grandes, tan- tôt petites; quelquefois, cependant, on voit qu'elles tendent à se disposer symétriquement; souvent elles se partagent chaque poil et produisent alors des nuances différentes, suivant que le blanc, le noir, le fauve ou le brun, dominent; mais on voit des Chiens dont le pelage est semblable à celui (lu Loup par le mélange du blanc, du fauve et du noir; d'autres, plus rares, chez lesquels il est d'un beau gris ardoisé. Ces couleurs n'accompagnent pas toujours exclusivement certains autres carac- tères : les races de Chiens qu'elles distinguent ne se remarquent pas nécessairement par les formes CAIÎiNASSIKISS. A\ (le la têto, la nature des poils ou les proportions du corps; toutefois, lorsqu'on a soin de réunir des individus de même couleur, la race ordinairement se ])erpélue, et il en est de même pour la i)hipari des autres caractères : nouvelles preuves que les modilications accidentelles finissent toujours par devenir héréditaires. » Ajoutons à ces considérations une remarque curieuse rajjportée \m- À. G. Des- marest : c'est que, toutes les fois que la queue offre une couleur quelconque et du blanc, ce blanc est constamment terminal. Fiir. 25 — Épagneul, variété. (Newfoundland 11 n'est pas possible de déterminer l'époque à laquelle le Chien a été réduit en domesticité, mais cette époque doit remonter aux premiers temps de la civilisation humaine. « Comment Thomme, dit Buffon, aurait-il pu, sans le secours du Chien, conquérir, dompter, réduire en esclavage, les autres animaux? Comment pourrait-il encore aujourd'hui découvrir, chasser, détruire les bètes sauvages et nuisibles? Pour se mettre en sûreté et pour se rendre maître de l'univers vivant, il a fallu commencer par se faire un parti parmi les animaux, se concilier avec douceur et par caresse ceux qui se sont trouvés capables de s'attacher et d'obéir, afin de les opposer aux autres. Le premier art de l'homme a donc été l'éducation du Chien, et le fruit de cet art, la conquête et la possession paisible de la terre. » Le régime diététique des Chiens n'a pas varié très-notablement avec leur état de domesticité. En t-ffet, suivant les diverses contrées qu'il habite, cet animal se nourrit de chair qu'il prend vivante ou qu'il chasse, ou bien de charogne; quelquefois aussi il se contente de fruits, de substances végétales, mais non de légumes; et, dans certaines localités où les Mammifères et les Oiseaux sont rares, il se rabat sur les Reptiles et les Poissons, ce qu'il ne fait pas partout ailleurs. A l'état domestique, on sait qu'il est peut-être moins carnassier, tout en préférant une matière animale à tout autre aliment. Le Chien boit en lappant. Lorsque le mâle urine, il le fait en levant l'une de ses pattes postérieures, tan- dis que la femelle s'accroupit. « Plus docile que l'homme, a dit Buffon, plus souple qu'aucun des animaux, non-seulement le Chien s'instruit en peu de temps, mais même il se conforme à toutes les habitudes de ceux qui lui commandent; il prend le ton de la maison qu'il habite; comme les autres domestiques, il est dédai- c2 • 6 42 HiïjTOIRE NATURELLE. gneux chez les grands et rustre à la campagne : toujours empressé pour son maître et prévenani pour ses seuls amis, il ne foi t aucune attention aux gens indifférents, et se déclare contre ceux qui. par état, ne sont faits cfue pour importuner; il les connaît aux vêtements, à la voix, à leurs gestes, et les empêche d'approcher. Lorsqu'on lui a confié pendant la nuit la garde de la maison, il devient plus fier et quelquefois féroce; il veille, il fait la ronde, il sent de loin les étrangers, et, pour peu qu'ils s'arrêtent ou tentent de franchir les barrières, il s'élance, s'oppose, et, par des cris de colère, il donne l'alarme, avertit et combat; aussi furieux contre les hommes de proie que contre les animaux carnassiers, il se précipite sur eux, les blesse, les déchire, leur ôte ce qu'ils s'efforcent d'enlever; mais, content d'avoir vaincu, il se repose sur les dépouilles, n'y touche pas, même pour satisfaire son appétit, et donne en même temps des exemples de courage, de tempérance et de fidélité. » Le Chien a su se prêter à toutes les circonstances qui l'environnent. Ici il est chasseur, dans un autre endroit il est pêcheur ou guerrier; ailleurs il est devenu berger ou gardien de nos habitations. Ces animaux sont certainement plus intelligents, plus civilisés, si l'on peut se servir de cette expres- sion, chez les peuples éclairés que chez ceux qui sont encore dans la barbarie; dans le premier cas ils sont susceptibles d'une éducation plus variée, ils sont plus dévoués à leur maître, leurs races sont également plus nombreuses; dans le second cas, ils sont féroces, presque sauvages, ayant peu d'atta- chement pour l'homme, vivant pêle-mêle avec leurs maîtres, partageant leur nourriture ou plutôt la leur dérobant, et ne les aidant que rarement à la conquérir. Ajoutons le tableau admirable de conci- sion et d'exactitude qu'en donne Linné. « Le Chien est le plus fidèle de tous les animaux domesti- ques; il fait des caresses à son maître, il est sensible à ses châtiments; il le précède, se retourne quand le chemin se divise. Docile, il cherche les choses perdues, veille la nuit, annonce les étrangers, Fig. 26 — Chien d'Orienl. garde les marchandises, les troupeaux, les Rennes, les Rœufs, les Rrebis, les défend contre les Lions et les bêtes féroces, qu'il attaque; il reste près des Canards, rampe sous le filet de la tirasse, se met en arrêt et rapporte au chasseur la proie qu'il a tuée, sans l'entamer. En France il tourne la broche, ^2 ci 43 CARNASSIERS. (Ml Sibérie un l'aUelk' au liaim'au; lorsqu'on est à tahle, il demande h nianc^er; quand il a volé, il manlie la queue entre les jambes; il grogne en mangeant; parmi les autres (lliiens, il est toujours le ni ;îlre chez lui; il n'aime point les mendiants, il attaque sans provoeation ceux qu'il ne connaît pas. » m' Fig. *27 — P^pagneul, variété. (Springer.' A ces détails déjà nombreux, nous ne pouvons cependant résister au désir de donner encore quel- ques extraits des magnifiques pages consacrées par Buffon à l'histoire du Chien, et nous pensons que nos lecteurs, tout en rectifiant peut-être quelques-uns des faits avancés par notre illustre peintre de la nature, nous en sauront gré. « Le Chien, indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer les regards de i'homme. Un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire, rend le Chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le Chien domestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de plaire; il vient en rampant mettre aux pieds de son maître son courage, sa force, ses talents; il attend ses ordres pour en faire usage, il le consulte, il l'interroge, il le supplie, un coup d'ceil suffit, il entend les signes de sa volonté; sans avoir, comme l'homme, la lumière de la pensée, il a toute la chaleur du sentiment; il a de plus que lui la fidélité, la confiance dans ses affections; nulle ambition, nul intérêt, nij désir de vengeance, nulle crainte que celle de déplaire; il est tout zèle, tout ardeur et tout obéissance; plus sensible au souvenir des bienfaits qu'à celui des outrages, il ne se rebute pas par les mauvais traitements, il les subit, les oublie ou ne s'en souvient que pour s'attacher davantage; loin de s'irriter ou de fuir, il s'expose de lui-même à de nouvelles épreuves, il lèche cette main, instrument de douleur qui vient de le frapper, il ne lui op- pose que la plainte, et la désarme enfin par la patience et la soumission. L'on peut dire que le Chien est le seul animal dont la fidélité soit à l'épreuve; le seul qui connaisse toujours son maître et les amis de la maison; le seul qui, lorsqu'il arrive un inconnu, s'en aperçoive; le seul qui entende son nom et qui reconnaisse la voix domestique; le seul qui ne se confie point à lui-même; le seul qui, lorsqu'il a perdu son maître et qu'il ne peut le retrouver, l'appelle par ses gémissements; le seul qui, dans un voyage long qu'il n'aura fait qu'une fois, se souvienne du chemin et retrouve la route; le seul enfin dont les talents naturels soient évidents et l'éducation toujours heureuse. « Le Chien, fidèle à l'homme, conservera toujours une portion de l'empire, un degré de supériorité sur les autres animaux; il leur commande, il règne lui-même à la tète d'un troupeau, il s'y fait mieux entendre que la voix du berger; la sûreté, l'ordre et la discipline sont les fruits de sa vigilance et de son activité : c'est un peuple qui lui est soumis, qu'il conduit, qu'il protège, et contre lequel il n'em- ploie jamais la force que pour y maintenir la paix. Mais c'est surtout à la guerre, c'est contre les animaux ennemis ou indépendants qu'éclate son courage, et que son intelligence se déploie tout en- tière : les talents naturels se réunissent ici aux qualités acquises. Dès que le bruit des armes se fait 4t HISTOIRE NÂTURELLF. entendre, dès que le son du cor ou la voix du chasseur a donné le sii^nial d'une guerre proeliaine, brûlant d'une ardeur nouvelle, le Chien marque sa joie par les plus vifs transports, il annonce par ses mouvements et par ses cris l'impatience à combattre et le désir de vaincre; marchant ensuite en silence, il cherche à reconnaître le pays, à découvrir, à surprendre l'ennemi dans son fort; il re- cherche ses traces, il les suit pas à pas, et par des accents différents indique le temps, la distance, l'espèce et même l'âge de celui qu'il poursuit. Intimidé, épuisé, désespérant de trouver son salut dans la fuite, l'animal (principalement le Cerf) se sert aussi de toutes ses facultés, il oppose la ruse à la sagacité; jamais les ressources de l'instinct ne furent plus admirables : pour faire perdre sa irace, il va, vient et revient sur ses pas; il fait des bonds, il voudrait se détacher de la terre et sup- primer les espaces; il franchit d'un saut les routes, les haies, passe à la nage les ruisseaux, les ri- vières; mais toujours poursuivi, et ne pouvant anéantir son corps, il cherche à en mettre un autre à sa place; il va lui-même troubler le repos d'un voisin plus jeune et moins expérimenté, le fait lever, marcher, fuir avec lui; et, lorsqu'ils ont confondu leurs traces, lorsqu'il croit l'avoir substitué à sa mauvaise fortune, il le quitte plus brusquement encore qu'il ne l'a joint, afin de le rendre seul l'objet et la victime de l'ennemi trompé. Mais le Chien, par cette supériorité que donnent l'exercice et l'édu- cation, par cette finesse de sentiment qui n'appartient qu'à lui, ne perd pas l'objet de sa poursuite; il démêle les points communs, délie les nœuds du fil tortueux qui seul peut y conduire; il voit de l'odorat tous les détours du labyrinthe, toutes les fausses routes oîi l'on a voulu l'égarer; et, loin d'abandonner l'ennemi pour un indifférent, après avoir triomphé de la ruse, il s'indigne, il redouble d'ardeur, arrive enfin, l'attaque, et, le mettant à mort, étanche dans le sang sa soif et sa haine. Ce penchant pour la chasse ou la guerre nous est commun avec les animaux; l'homme sauvage ne fait que combattre et chasser. Tous les animaux qui aiment la chair et qui ont de la force et des armes chassent naturellement : le Lion, le Tigre, dont la force est si grande qu'ils sont sûrs de vaincre, chassent seuls et sans art; les Loups, les Renards, les Chiens sauvages, se réunissent, s'entendent, s'aident, se relayent et partagent la proie; et, lorsque l'éducation a perfectionné ce talent naturel dans le Chien domestique, lorsqu'on lui a appris à réprimer son ardeur, à mesurer ses mouvements, qu'on l'a accoutumé à une marche régulière et à l'espèce de discipline nécessaire à cet art, il chasse avec méthode, et toujours avec succès. « Fig. 28 — Griffon^ variété. (Terrier ) Un des usages les plus anciens que l'on fit des Chiens au moyen âge doit être cité ici : on se ser- vit de ces animaux comme d'auxiliaires des Espagnols dans leurs expéditions militaires du nouveau monde. Christophe Colomb, à sa première affaire avec les Indiens, avait une troupe composée de deux cents fantassins, vingt cavaliers et vingt Limiers. Les Chiens furent ensuite employés dans la con- (piéte des différentes parties de la terre ferme, surtout au Mexique et dans la Nouvelle-Grenade, CARNASSIERS. 45 ainsi que dans lous les points où la lésislanro des Indiens fut prolonj^ée. Ou reste les Romains s'en sont é^alement servis dans leurs guerres des Gaules, et de notre temps on les a employés à la guerre dans les Antilles. Fig. 20. — Demi- Kpiigjneul. La vie des Chiens est ordinairement bornée à quatorze ou quinze ans, quoiqu'on en garde quel- ques-uns jusqu'à vingt ou vingt-cinq. On peut connaître l'âge de ces animaux en examinant leurs dents, qui, dans la jeunesse, sont blanches, tranchantes et pointues, et qui, à mesure qu'ils vieillissent, deviennent noires, mousses et inégales; on le connaît aussi par le poil, car il blanchit sur le museau, sur le front et autour des yeux, lorsque ces animaux commencent à se faire vieux. La mort, qui n'arrive habituellement qu'après la vieillesse, est souvent précédée de la décrépitude ou de quelques maladies telles que la gale, les rhumatismes, etc. Quelquefois ces animaux deviennent excessivement gras, c'est ce qui arrive lorsqu'ils ont trop de nourriture et pas assez d'exercice. Dans leur jeune âge, ils sont presque tous tourmentés par un mal qui en emporte un grand nombre : ce mal est connu sous le nom de maladie des Chiens; il paraît tenir, dit-on, à un état particulier des organes cérébraux. Les Chiens sont aussi Irès-sujets au ténia, mais il est rare qu'ils périssent par celte cause. Une maladie beaucoup plus cruelle que celles que nous venons d'indiquer, et des plus dangereuses en ce que le Chien la communique malheureusement beaucoup trop souvent à l'homme, estl'hydrophobie ou la rage. On sait que le Gliien est à peu près le seul animal cliez lequel cette maladie se déclare spontané- ment. Bien des causes ont été attribuées au développement de la rage : ce sont principalement la cha- leur, la privation de boisson, l'excès du froid; puis, selon des expériences assez récentes, on pourrait croire que la principale cause serait une continence absolue ou même seulement prolongée. Malgré les nombreux écrits publiés sur ce sujet, malgré les nombreuses recherches d'hommes qui semblent le plus compétents pour juger ce sujet, c'est à dire de médecins et de vétérinaires, on ne sait encore rien de bien positif sur les causes qui produisent cette terrible maladie. Dans cet état de choses, peut-on, ainsi que le font plusieurs auteurs, et spécialement M. Boitard dans \e Dicùonnairc univers sel d'His:oire naturelle, blâmer le gouvernement de notre pays des mesures de précaution qu'il a cru devoir prendre à certaine époque de Tannée contre les Chiens qui errent en si grand nombre dans nos villes et nos campagnes? Ne pourrait-on pas plutôt lui demander de chercher, par un impôt ou 46 HISTOIRE NATURELLE. par tout autre moyen, à diminuer le nombre des Chiens, qui, d'après des statistiques récentes, con- somment, dit -on, en France au moins un millième des substances alimentaires qui s'y trouvent, et ne devrait-on pas tout au moins l'engagera maintenir toute l'année les mesures de police qu'il a mises en vigueur et qu'il ne fait guère exécuter que pendant les fortes chaleurs? Nous motivons cette dernière proposition sur ce que des cas de rage ont été signalés non-seulement en été, mais aussi à toutes les autres époques de l'année, surtout en hiver. Utiles sous plusieurs rapports pendant leur vie, les Chiens le sont encore après leur mort; leur peau est employée à divers usages dans l'industrie. Quant aux peuples des îles de la mer du Sud et de la Nouvelle-Hollande qui s'en nourrissent, on sait qu'ils sont quelquefois en même temps anthro- pophages, et, en effet, c'est déjà l'être à moitié, dit Bernardin de Saint-Pierre, que de manger des Chiens. Ainsi que nous l'avons déjà dit, le Chien, ayant suivi l'homme sur tous les points de la terre, a dû comme lui éprouver les influences des divers climats; de plus, soumis à une antique domesticité, il en a subi les conséquences et présente des races très-caractérisées et souvent constantes. Nous allons passer en revue les principales en suivant le travail de Fr. Cuvier, qui a établi sa classification sur l'ostéologie de la tête, et qui, s'il n'est pas parvenu à un résultat parfait, a, dans le plus grand nombre des cas, pu trouver des caractères assez marqués et assez constants. Dans cette classification que nous suivrons et à laquelle nous joindrons des races et des variétés que n'a pas indiquées Fr. Cu- vier, les Chiens sont partagés en trois familles ou races principales, dans lesquelles les nombreuses variétés et sous-variétés viennent prendre place; ces races sont celles des Malins, Epagneuls e' Dogues. V\'^. 30 — Chien de hcrgcr d'Amérique. CARNASSIKRS. 47 V:'^ RACE. — MATINS. CARACTÈRES DISTINGTIFS. Tête plus ou moins aHongcc, avec les pariétaux tendant à se rapprocher, mais d'une manière presque insensible, en s élevant au-dessus des temporaux; condijle de la mâchoire inférieure sur la même ligne que les dents molaires supérieures. 1. CHIEN DE LA NOUVELLE-HOLLANDE ou DINGO. CÀNIS FAMILIARIS AUSTRALIE. A. -G. Desmarest. Taille et proportions du Chien de berger, excepté la tête, qui ressemble entièrement à celle du Mâtin. Pelage très-fourni; queue assez touffue; deux sortes de poils, des laineux gris et des soyeux fauves ou blancs; dessus de la tête, du cou, du dos et de la queue d'un fauve foncé; dessous du cou et poitrine plus pâles; museau et face interne des cuisses et des jambes blanchâtres. Longueur du corps, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0™,50. Celte variété est pour Fr. Cuvier celle qui se rapproche le plus du type spécifique, c'est pour cela qu'il la place en tête de toutes les autres et qu'il en donne une description des plus complètes. Le Chien de la Nouvelle-Hollande, qui a été découvert par Peron et Lesueur aux environs du port .lackson, est très-agile; il court avec la queue relevée ou étendue horizontalement, avec la tête haute et les oreilles droites; il est très-vigoureux et rempli de courage; vorace et se jetant sur les volailles ou la viande qu'il trouve à sa disposition, sans que la crainte d'aucun châtiment puisse le retenir; il n'aboie pas, et hurle, dit-on, d'une manière lugubre. Aussi hardi qu'affamé, ce Chien ne craint pas de se jeter quelquefois sur le gros bétail, et lui fait des morsures presque toujours mortelles: quand il surprend un grand Kanguroo, il s'élance sur son dos, s'y cramponne et le déchire; mais, si celui-ci l'aperçoit et se retourne pour le combattre, le Dingo se retire à quelques pas pour recommencer son attaque aussitôt que l'autre veut partir, et finit souvent par le tuer. Ce Chien est le compagnon des sauvages qui, aujourd'hui, sont relégués vers le centre du continent australien. 2. CHIEN DES HIMALAYAS ou WAH. CANIS FAMILIARIS HIMALAYENSIS. Ilog.son. Tête allongée; museau pointu; oreilles droites, pointues; queue touffue; pelage d'un gris cendré sous la gorge, avec deux taches noirâtres sur les oreilles; poils extérieurs bruns, soyeux, et les inté- rieurs cendrés, laineux. Se trouve dans les montagnes de l'Himalaya. 3. CHIEN DE SUMATRA. CAMS FAMILIARIS SVMATRENSIS. Hardwicli. Museau pointu; yeux obliques; oreilles droites; jambes hautes; queue pendante, très-touffue, plus grosse au milieu qu'à la base; pelage d'un roux ferrugineux, plus clair sur le ventre. Il a beaucoup d'analogie avec le Chien de la Nouvelle-Hollande, ainsi qu'avec le Quao, et il se trouve dans les forêts de Sumatra. 4. QUAO. CAMS FAMILIARIS QUAO. Hardwicli. oreilles moins arrondies que celles de la variété précédente; queue plus noire. Se rencontre dans les montagnes de Ransgbor, dans l'Inde, où il paraît vivre à l'état sauvage. i8 HISTOIRE NATURELLE. 5. CHIEN DE LA NOUVELLE-IRLANDE ou POULL. CANIS FAMILIARIS UYEERNI^. Lcsson. Museau pointu; oreilles courtes, droites et pointues; jambes grêles; pelage ras, brun ou fauve. Les habitants de la Nouvelle-Irlande le multiplient et l'élèvent dans des sortes de parcs pour le manger, et ils Font habitué à se nourrir de tout, principalement de végétaux et de poissons. 0. CHIEN DES LNDES-ORIEMALES ou DHOLE. CANIS FAMILIARIS IXDICUS. Bo tnnl. Forme et taille du Chien de la Nouvelle-Hollande; pelage d'un roux uniforme brillant; queue peu touffue. Celte variété vit à l'état sauvage en Orient, et, dit-on, aussi dans l'Afrique méridionale; les divers individus se réunissent en troupes nombreuses pour chasser les Gazelles, ce qu'ils font en plein jour pour éviter la rencontre des Léopards et des Lions. A ces espèces sauvages on doit probablement joindre : 7. CHIEN MARRON D'AMÉRIQUE. CANIS FAMILIARIS AMERICANUS. Nobis. Diffère des Lévriers en ce que sa taille est un peu moins élancée; tète plate et longue; museau effilé; pelage hérissé, fauve ou brunâtre. Ne serait-ce pas à cette variété qu'on devrait rapporter les Canis Novœ-Culedon'iœ et Canadcns'is décrits en quelques mots par Richardson? 8. CHIEN DU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE. Kolbe. CANIS FAMILIARIS CAPENSIS. Nobis. Museau pointu; oreilles droites; queue longue, traînant presque à terre; pelage clair, long, tou- jours hérissé, un peu fauve. On le renconire vivant à l'état sauvage et à celui de domesticité, et on le dit excellent pour la garde des troupeaux; il existait dans le midi de l'Afrique avant le voyage de Vasco de Gama : aujour- d'hui on le trouve marron au Congo. Les Canis Inqopus, Richardson, des rives de la Makensie, dans l'Amérique boréale, et le Canis Dukunensis, Sykes, des Mahrattes, sont placés par Lesson dans la même division que les variétés précédentes. 9. CHIEN M.\TIN CANIS FAMILIARIS LANIÀRIUS. Linné. Tête allongée; front aplati; oreilles droites à la base et demi-pendantes dans le reste de leur étendue; taille longue, assez grosse, sans être épaisse; jambes longues, nerveuses, fortes; queue relevée en haut; pelage assez court sur le corps et plus long aux parties inférieures et à la queue; couleur ordinairement fauve jaunâtre, avec des rayures noirâtres, obliques, parallèles entre elles, mais peu marquées et irrégulièrement disposées sur les flancs : d'autres individus blancs, gris, bruns ou noirs uniformes. Longueur du corps entier, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue : environ 1""; hauteur : 0"',?)5. Gmelin y forme deux sous-variétés qu'il nomme Canis loniarius apriniis et suillus. Ce Chien est fort et courageux, il se bat avec vigueur contre It s Loups; il est assez intelligent et CARNASSIERS 41) très-attaché à son maître. On remploie parfois à la chasse du Sanglier et du Loup, mais le plus sou- vent il est destiné à la garde des habitations rurales et à celle des troupeaux. Fi» 51. — MAI in. 10. CHIEN DE TERRE-NEUVE. CAMS FAMILIARIS TERRE-NOVJE. Blumenbacli. Tète plus large que celle du Mâtin; museau plus épais; oreilles pendantes; pattes fortes; pieds conformés comme ceux des autres Chiens, quoique l'on dise généralement qu'il les a palmés; poils longs, noirs et blancs. Habite Terre-Neuve, la Nouvelle-Ecosse, et est remarquable par son courage. Il se plaît à aller dans l'eau pour en retirer les objets qui flottent à sa surface; il est aimant, fidèle et peut recevoir une certaine éducation. La réputation de cette variété est trop connue pour que nous entrions dans plus de détails sur ses mœurs. tl. GRAND DANOIS. Buffon. CAMS FAMILIARIS DAMCUS MAJOR. Buitarcl. Il tient un peu du Mâtin, mais il a les formes plus épaisses, le museau plus gros et plus carré, les lèvres un peu pendantes; son pelage est toujours d'un fauve noirâtre, rayé transversalement de bari- des à peu près disposées comme celles du TTigre. C'est le plus grand de tous les Chiens, car on as- sure en avoir vu d'aussi grands qu'un âne. Une sous-variété indiquée par Gmelin porte le nom de Ca)iis Danicus cursorius. C'est le plus paresseux et le plus inoffensif de toutes les variétés de Chiens; il est probable que les Chiens d'Êpire, si célèbres par leur force, appartenaient à une race croisée du grand Danois et du Mâtin, race qui existe encore aujourd'hui et qu'on emploie à la chasse du Loup et du Sanglier. c2 7 50 HISTOIRE NATURELLE. 12. DANOIS MOUCHETE. CANIS FAMILIARIS DAMCVS. A. -G Desmarest, Plus mince et plus léger que le Mâtin, dont il atteint la taille; pelage liabituellement blanc, marqué de taches arrondies, petites et nombreuses; queue grêle, relevée, recourbée; yeux souvent avec une partie de Tiris d'un blanc bleuâtre. Cet animal est purement de luxe; il était de mode autrefois de le faire courir devant les chevaux de carrosse. Quant au petit Danois, nous en parlerons plus tard, parce qu'il n'appartient probablement pas à la race que nous étudions actuellement ; au moins d'après l'opinion de la plupart des naturalistes. 15 LÉVRIEU. CANIS FAMILIARIS GIîAlUS. Linné. Museau très-allongé, et beaucoup plus que dans aucune autre variété de Chien; front très-bas, ce qui est causé par l'oblitération des sinus frontaux; lèvres courtes; jambes minces et très-longues; mus- cles maigres; abdomen très-rétréci; oreilles à demi pendantes; pelage essentiellement composé de poils soyeux, manquant souvent de cinquième doigt aux pieds de derrière; queue peu charnue. Lon- gueur totale : environ 0™, 66. Fiiî. 'ô'i. — Ei'vrier. Ce Chien a une intelligence bornée, est peu susceptible d'éducation, très-sensible aux caresses, même des personnes qu'il n'a jamais vues, et s'attachant peu à son maître. Ses formes sont sveltes et légères. Sa vue est excellente; son ouïe très-fine. Sa course est très-rapide, ce qui fait que les va- riétés de grande taille sont employées à la chasse à courre, principalement à celle du Lièvre et du Lapin. Toutefois, les Lévriers d'Ecosse et d'Irlande étaient aussi autrefois en usage comme Chiens de garde. Buffon considère le Lévrier comme propre aux contrées chaudes de l'Europe, et il le fait des- cendre de la race du Matin. On y distingue plusieurs sous-variétés, telles que : .\. LE GRAND LÉVRIER. A pelage d'un gris ardoisé tirant très-rarement sur le fauve, ordinairement court et lisse, quelque- fois long, roide et hérissé. Fig. I. — Cliat de Java. Fig. 2. — Chat or...'. M. CARNASSIERS. 51 R. I.E LÉVRIEIl l)'ll;I.ANDE. A pelage blanc ou cannelle. C. I.E LÉVRIER DE I,\ MAUTE-ÉCOSSE. A poils rudes et rougeâtres mêlés de blanc, qui couvrent la moitié des yeux; oreilles pendantes; taille, grande. D. LÉVRIER DE RUSSIE. Corps grêle, couvert de poils longs, assez grossiers, divisés par mèches; queue très-longue, roulée en spirale. E. LÉVRON ou LÉVRIER d'iTALIE. De petite taille; pelage blanc ou de couleur Isabelle claire, quelquefois varié de ces deux couleurs. F. LÉVRIER CIIIEIN TURC. Présentant les formes du Lévron, avec la peau nue et grasse du Chien turc; tremblant continuelle- ment comme ce dernier. Une variété voisine du Lévrier est le Canis lepornrïus Anicricanus, Godes, propre aux Antilles, et qui n'est pas suffisamment connue. Nous ajouterons encoxe deux autres variétés qui sont regardées par quelques zoologistes comme ne s' éloignant pas beaucoup du Mâtin; ce sont le Chien de berger et le Ckien du mont Saint-Bernard. que l'on rapproche aussi parfois du Basset. 14 CHIEN DE BERGER. CANIS FAMILIARIS DOMESTICUS. Linné. Semblable au Mâtin, mais à oreilles courtes et droites, à queue horizontale ou pendante, à pelage long, hérissé, noir ou noirâtre. Cette variété très-intelligente est surtout employée pour la garde des troupeaux; elle est très- sobre et très-attachée à son maître. En Afrique, en Amérique et en Asie, les variétés du Chien de berger sont si nombreuses, qu'il y en a de toutes les tailles et de toutes les couleurs, mais constamment avec les mêmes formes et tou- jours avec le poil hérissé. Dans le midi de l'Angleterre, ce chien est ordinairement blanc et noir, avec les poils parfois crépus : ceux d'Ecosse sont les plus petits de tous; en France on en distingue deux sous-variétés sous les noms de Chien de Brie et de Chien de montagno. 15. CHIEN DU MONT SAINT-BERNARD ou DES ALPES Boitard. Cette variété, très-voisine du Chien de berger, est née de la femelle du Mâtin croisée avec un mâle du Chien de berger . le Chien a conservé la taille de sa mère et acquis le pelage et l'interigence do son nère. 52 HISTOIRE NATURELLE. C'est cette variété que les moines du mont Saint-Bernard ont dressée à aller à la recherche des voyageurs égarés dans les montagnes, et parfois enterrés plus ou moins dans les neiges; et tout le monde sait avec quelle sagacité, quelle ardeur de zèle, ce Chien s'acquitte de ces pieuses fonctions. M. Boitard réunit aux animaux qui forment cette race les Chien crabier (Canis thoiis), Linné, et Petit Koupaea (Canîs caviœvorus), que la plupart des zoologistes regardent comme formant deux es- pèces particulières. Fis. 55. — Cliien de bercer. 2^ RACE. — EPAGNEULS. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Têle médiocrement atloncjée, avec tes pariétaux ne tendant pas h se rapprocher des leur nais- sance au-dessus des temporaux, s' écartant au contraire et se renflant de manière à açjrandir la ca- vité cérébrale et les sinus frontaux. IG. ÉPAGNEUL. CANIS FAillLlARIS ESTRAniUS. Linné. Oreilles larges, pendantes; jambes sèches, courtes; corps assez mince; queue relevée; pelage de longueur inégale dans les différentes parties du corps, composé de poils très-longs aux oreilles, sous le cou, derrière les cuisses, sur la face postérieure des jambes, sur la queue et plus court sur les autres parties du corps : généralement blanc avec des taches brunes ou noires, particulièrement sur la tête; une tache fauve au-dessus de chaque œil dans les individus dont la tête est noire; taille petite. Cette variété, de petite taille, présente plusieurs sous-variétés, et comprend des animaux doués d'une grande intelligence et très-attachés à leur maître. Le grand EpaçpmU et le Cliicn de Calabre V CARNASSIERS. 53 sont supérieurs aux petites sous-variétés sous le rapport de la finesse de Todorat; ils sont seuls em- ployés à la chasse : le premier comme Chien couchant ou Chien d'arrêt et le second dans la chasse au Loup. Le petit Épngneul, le Gredin, le Pijrnme, le Bichon et le Cliicn-Lion sont élevés pour Tagréraent, et l'on est parvenu à rapetisser leur taille considérablement, ils sont originaires d'F.spagne et se trouvent surtout dans l'Europe méridionale et tempérée. ■liî' I f i' ' Il iV ,. •" ^ '- 1 1 fer W Fig. 54. — ÉpagneuL Les sous-variétés sont A. GRAND ÉPAGNEUL. Front assez aplati; nez quelquefois fendu; queue médiocrement touffue. Longueur du corps: 0'";80; hauteur au train de devant : O^/lô. B. CHIEN DE CALABRE. De la taille du précédent et participant de ses caractères et de ceux du Danois, desquels il provient. C. PETIT ÉPAGNEUL. Tète petite, arrondie; oreilles et queue couvertes de longs poils. Longueur du corps : 0'",32; hau- teur au train de devant : O"",!?. D. GREDIN. Canïs [amil'mris brevipUiis, Linné. En tout semblable, pour la taille et les formes du corps et de la tête, au petit Égagneul; pelage entièrement noir; queue médiocrement touffue. 54 HISTOIRE NATURELLE. E. PYRAME. Presque semblable, pour la taille, au pelil Épagneul; pelage noir, marqué de feu sur les yeux, sur le museau, sur la gorge et sur les jambes. F. BICHON ou CMIEN DE MALTE. Catiis Mel'itœus, Litiué. Museau semblable à celui du petit Barbet; poil de tout le corps et de la tête excessivement long et soyeux, ordinairement blanc. Taille très-petite. G. CHIEN LION. Canis famUiarîs leonïnus, Linné. Ne diffère du Bichon qu'en ce que le poil est court sur le corps et la moitié de la queue, tandis qu il est aussi long que celui du Bichon sur la tête, sur le cou, sur les quatre jambes et sur le bout de la queue. On peut encore ajoutera ces sous-variétés les suivantes : Y Épagneul frisé. VÉpagiieul anglais et VÉpagneid écossais ou Cliien anglais, qui est aujourd'hui assez rare en France et se dislingue par son pelage blanc avec de larges taches blondes. 17. CIIIDN TERRIER ou RENARDIER. CAMS FAMILIARIS VULPIXARIVS. Petit, robuste, musculeux; museau fort, un peu court; oreilles petites, à demi pendantes; jambes .issez courtes; pelage ras, brillant, noir, avec le derrière des pattes, les joues et deux taches sur les yeux d'un fauve vif. Ce Chien est courageux, hardi, entreprenant, mais peu attaché à son maître; on l'emploie à la chasse pour acculer le Renard dans son terrier, où il pénètre aisément. On en connaît une sous- variété, le Terrier griffon, qui se distingue du type par ses poils plus longs, plus ou moins hé- rissés. Vl. CHIEN DE CUBA. CANIS FAMIIJARIS VALLEROSUS. Lesson. Intermédiaire au Barbet et à l'Épagneul; pelage blanc, satiné et soyeux, frisé : poils très-longs, très-flexucux, épais sur la tête et tombant en crinière; nez noir; pattes courtes, couvertes de sortes de manchettes frisées; queue touffue; oreilles amples, tombantes. • Celte variété est particulière à l'île de Cuba. 10. BARBET ou CANICHE. CAMS FAMIUARIS AQUATICUS. Linné. Tête grosse, ronde; cavité cérébrale plus vaste que dans aucune autre race; sinus frontaux très- développés; oreilles larges, pendantes; jambes courtes; corps épais, raccourci; queue presque hori- zontale; poil long, frisé sur tout le corps, de couleur noire ou tacheté de noir sur du blanc, quelque- fois tout blanc, ou bien jaunfitre ou roussâtre. Longueur de la tète et du corps : 0'",80. Le Harbol est de tous les animaux de ce genre celui dont l'intelligence paraît le plus susceptible de développement; il est extrêmemenl attaché à son maître., et Ton sait que c'est par excellence le CAUNASSIEUS. 55 Chien de l'aveugle. 11 aime Teau et nage avec lapins grande facilité. On reiiipluic utilement :\ laelias.se des oiseaux aquatiques. On y distingue deux sous-variétés, le petil Barbet et le Griffon, qui, de petite taille, sont élevées dans les appartements, et dont la seconde sous-variété ccnendant chasse assez hicn. ^?_=— :^^^^^\>^ ,. — Fiiï. rî.5. — B^irbot ou Ciiniclii A. PETIT BARiiET. Cmùs famUiaris minor, Linné. Semblable au Barbet par le port, par la figure, par le poil du corps, long et frisé; museau moins gros à proportion; poil soyeux sur le sommet de la tête, sur les oreilles et à l'extrémité de la queue. B. GIIIFFON. Forme du Barbet; oreilles légèrement redressées; pelage long, non frisé et disposé par petites mèches droites dans toutes les directions; couleur ordinairement noire, avec des taches de feu sur les yeux et les pattes; museau garni de longs poils comme le corps. Taille médiocre ou petite. Lesson indique encore comme sous-variélés le Can'ts fimmnciis, Bechstein et I'âlco {Canîs fanii- Haris Americanus, Linné), qui est propre au Mexique et est très-imparfaitement (!onnu. ^0. CllIliN COUHAIST ou CHIEN DE CHASSE. CANIS FAMILIARIS GALLICUS. Linné, Museau aussi long et plus gros que celui du Mâtin; tète grosse, ronde; oreilles très-larges, très- longues, pendantes; jambes longues, charnues; corps gros, allongé; queue relevée; poil court, à peu près de même longueur sur tout le corps, d'un blanc uniforme ou d'un blanc varié de taches noires, brunes ou fauves irrégulièrement distribuées. Longueur du corps : 0"',86; hauteur au train de de- vant : 0'",55, 56 HISTOIRE NATURELLE. Cette variété, originaire de la France, est propre à la chasse et employée surtout dans celle des bêtes fauves; son odorat est acquis et elle montre beaucoup d'intelligence. Une variété voisine de celle-ci est le Cliien courant suisse, surtout en usage pour la chasse du Lièvre, et qui, comme le Chien courant ordinaire, ne s'attache pas à son maître et mord à la moindre contrariété. D'après Gmelin, il y aurait deux sous-variétés de ce Chien, le Canis gallïcus scoiîciis et le C. gal- licus venatïcus. 21. CHIEN BRAQUE ou CHIEN D'ARRÊT. CÀNlS FAMILIARIS AYICULARIUS. Linné. Ne diffère de la variété précédente pour la figure qu'en ce qu'il a le museau un peu plus court et moins gros par le bout, la tête plus grosse, les oreilles plus courtes, moins larges, en partie droites et en partie pendantes; les jambes plus longues, le corps plus épais, la queue plus charnue et plus courte; pelage blanc pur, ou blanc avec des taches noires, brunes ou fauves. Longueur totale, 0",67: hauteur au train de devant : 0'",50. 11 a moins de nez que le Chien courant, mais il chasse également bien; on l'emploie principale- ment comme Chien d'arrêt dans la chasse aux Lièvres, aux Perdrix, aux Faisans, etc On y distingue deux sous-variétés : le Braque à nez fendu et le Braque de Buffon. 22. BRAQUE DU BENGALE. CANIS FAMILIARIS BENGALENSIS. Nobis. Les formes générales sont celles du Braque, mais ses jambes sont plus longues; pelage constam- ment blanc, avec de grandes taches de brun-marron, et de nombreuses mouchetures d'un brun grisâtre, et ayant, sur les yeux et sur les pattes de devant, de petites taches d'un fauve plus ou moins jaune ou rougeâtre. Cette variété, originairedu Bengale, a les mêmes qualités que le Chien d'arrêt, et ses passions 'sont beaucoup moins vives. Le Canis irrilans, Bechstein, se rapproche de cette variété. 23. LIMIER. CANIS FAMILIARIS SAGAX. Linné. Ressemble au Chien courant, mais est plus grand, plus robuste; nez plus gros et plus grand, oreilles très-longues, très-larges, très-pendantes, assez plissées; lèvres légèrement pendantes. Le Limier a les mêmes habitudes et les mêmes qualités que le Chien courant, et s'emploie comme lui à la chasse du Lièvre et des grandes bêtes fauves; cependant, on ne s'en sert guère qu'en le conduisant à la laisse pour faire l'enceinte et découvrir le gibier. 24. CHIEN BASSET. CANIS FAMILIARIS VERTAGVS. Linné. Tête semblable à celle du Braque ou du Chien courant; oreilles longues, pendantes; nez quelque- fois fendu; queue longue; jambes courtes, grosses; pelage ras, marqué de taches noires ou brunes, plus ou moins étendues, nombreuses, sur un fond blanc : quelquefois noir et marqué de taches de feu. Longueur de la tête et du corps : 0"',65, hauteur au train de devant : 0^,30. Cette variété, propre à l'Europe méridionale et tempérée, comprend plusieurs sous-variétés, telles que : CARNASSIERS. 57 A. Basset a jajides dp.oites. Ruffon. Caractérisé par ses jambes courtes, droites. B. Rasset a jambes ToitsEs. Ruffon. JaHibes de devaiil arquées en dehors. vj^ iC:^-., Yl )/â'//^' Fig. 36. — Bassel à jambes torses. C. Chien burgos. Ruffon. Corps allongé; jambes courtes; poil long, soyeux; taille souvent très-petite. Résultant du mélange du Basset et de l'Épagneul. liCs Rassels ont le même caractère et les mêmes mœurs que le Chien courant; ils sont très-ardents à la chasse, où on les emploie principalement pour attaquer les Blaireaux et les Renards dans le fond de leur terrier. Une variété voisine de celle-ci est le Bassel de Siiinl-Domingue, rapporté, par M. le docteur Ri- cord, d'Haïti, où il fait la guerre aux Rats, qui sont très-nombreux dans cette île. C'est ici que la plupart des zoologistes placent le Cliien de berger, que nous avons cru devoir rap- procher du Mâtin. 25. CIlIEN-LOUr. CANIS PAMILIARIS POMERANUS. Linnd. Oreilles droites, pointues; tête longue; museau long, effdé; corps et jambes bien proportionnés; queue haute, enroulée en avant; poil court sur la tête, sur les pieds et sur les oreilles, longs et soyeux sur tout le reste du corps, principalement sur la queue; pelage blanc, gris-noir ou fauve. Taille moyenne. Cette variété a des habitudes semblables à celles du Chien de berger, qu'elle pourrait remplacer. t« 8 58 " HISTOIRE NATURELLE. 20. CHIEN DE SICÉRIE. C.1A75 FAMII.IARIS SIBIRICUS. Linné. Do crantls poils partout, môme sur la tête et sur les pattes; du reste, en tout semblable, pour la forme de la tète et des oreilles, et pour la direction de la queue, au Chien-Loup. Habite la Sibérie. 27. CHIEN DES ESQUIMAU.X. CANIS FAM[L!ARIS BOREALIS. A. -G. Desmarest. Tète semblable à celle du Chien-Loup; queue en panache, relevée en cercle; oreilles droites; poils soyeux, très-peu abondants : poils laineux, au contraire, excessivement serrés, très-fins, ondulés; couleur du pelage variée par grandes taches irrégulièrement distribuées de blanc, de noir pur ou de gris; anus noir; trois points noirs sur chaque joue, desquels partent quelques soies roides; de grande taille. Cette espèce habite le nord du globe, et spécialement les rivages de la baie de Baffin, en Améri- que, où il est employé, par les Esquimaux, comme bête de trait pour leurs traîneaux. C'est, en effet, un animal assez soumis à l'homme, et lui étant attaché, mais ne connaissant plus son maître et nv craignant aucun châtiment lorsqu'il désire satisfaire son appétit, qui est pour ainsi dire insa- tiable. » 28. CHIEN DE CHINE. CANIS FAMILIARIS SINENSIS. Boitard. Plus grand, plus trapu et plus lourd que le Chien-Loup, avec lequel il a la plus grande analogie; pelage noir. Originaire de la Chine. :*« RACE. — nOGUES. CARACTERES DISTINCTIFS. Miiscau assez raccourci; crâne rapeùssc, présenlaut idi nionvcmcnl ascensionnel prononcé; sinus fronlaux atjanl une étendue considérable; condijlcs de la mâchoire injérieurc placés au-dessus de la lifpie des molaires supérieures. 29. GRAND DOGUE. CANIS FAMILIARIS HIOLOSSUS. Linné. Museau gros, court, plat; nez retroussé; lèvres épaisses, pendantes; tête grosse, large; front aplati; oreilles pendantes à l'extrémité; cou renflé, raccourci; jambes courtes, épaisses; corps gros, allongé; queue relevée, repliée en avant par le bout; poil presque ras sur tout le corps, excepté le derrière des cuisses et la queue, où il est un peu plus long; lèvres, bout du museau, face externe des oreilles, noirs, et tout le restant du corps de couleur fauve pâle; narines souvent .séparées par une fente. Longueur de la tête et du corps : 0^,82; hauteur du corps au train de derrière : 0'",45. Ce Chien habile l'Europe, et plus particulièrement l'Angleterre. Son intelligence est très-bornée; CARNASSIERS. 59 toutefois il est très-courageux et attaché h son maître; on VéUye pour la garde des maisons, et on le dresse pour les combats d'animaux. Fi?. 57. — Do"uc. On peut regarder comme n'en étant que des sous-variétés les A. Dogue du Thibet. ^klseau très-raccourci; peau excessivement lâche et plissée; couleur noire. Habite le Thibet. B. DoGum. Pelage tirant un peu sur le noirâtre; oreilles plus longues que dans le type; lèvres plus pent- dantes. Habite 1 Europe. \\ a quelque intelligence pour conduire les troupeaux, mais il est triste et brutal. 30. BOULE-DOGUE, CANIS FAMILIAMS FRICATOR. Linné. Plus petit que le Dogue; corps beaucoup moins long; pattes moins fortes; queue tout à fait recour- bée en cercle; museau extrêmement court, entièrement noir; nez relevé, tête presque ronde; pelage ras, d'un fauve pâle et jaunâtre, blanc dans une variété. Ce Chien, dont le Doglan ne diffère guère, est originaire de l'Europe. Il a peu d'attachement, encore moins d'intelligence, et son courage intrépide dégénère souvent en férocité, surtout quand il a été dressé pour le combat; il devient alors véritablement dangereux, et c'est pour cela que sa destruction a été prescrite en France. co HISTOIRE NATURELLE. 31. DOGUE DE FORTE RACE. CAMS FAMILIARIS ANGLICUS. Gmelin. Tète très-raccourcie, et très-semblable à celle des variétés précédentes; oreilles entièrement pen- dantes, ne se relevant jamais; lèvres tombantes, recouvrant la mâchoire inférieure; queue ayant son extrémité relevée; narines séparées l'une de l'autre par un sillon profond; pelage ras le plus souvent, mais quelquefois composé de poils longs; pelage tantôt fauve par parties, tantôt à fond blanc, et varié de taches noires ou brunes. On y distingue plusieurs sous-variétés, telles que les Canis fani'iHaris an (j liens, pahuatus et orbicular'is, Bechstein, et anglicus proprement dit, Gmelin. C'est le plus gros et le plus fort de tous les Chiens domestiques; il résulte du mélange des races du Mâtin et du Dogue proprement dit. Il est grossier, lourd, peu intelligent; cependant il est sus- ceptible d'attachement, et bon pour la garde des maisons ou pour traîner de petites charrettes. Il est docile et lidèle. Sa vie est courte, et son développement très-lent, car il est dix-huit mois à croître, et il est déjà décrépit à cinq ou six ans. 55. GARMN ou MOPSE. CANIS FAMILIAMS MOPSUS. Linné. Très-petit; nez encore pais court que celui du Boule-Dogue, dont il semble être la miniature; tète absolument ronde; face, comme sans museau, noire jusqu'aux yeux; queue recourbée en trompette; jambes courtes; corps très-trapu; pelage d'un jaune fauve foncé. Fig 38. — Carlin. Le carlin est criard, sans intelligence ni attachement; il a, en outre, le défaut d'avoir l'haleine forte et d'une odeur désagréable. Cette variété a été très-commune en France il y a une ciiuiuantaine d'an- nées, mais ello est, au contraire, très-rare aujourd'hui. • Vi"io^. 2. — Chat de Diard. pig. 2. — Caracal. •PI. S CARNASSIERS. 61 53. CHIEN O'ISLANDt". CANIS FAMIilARIH ISLANDICUS. Linnô. Tête ronde; museau mince; yeux gros; oreilles en partie droites et en partie pendantes; poil lisse, surtout derrière les jambes de devant et sur la queue. Longueur de la tête et du corps : O^.SO; hau- teur au train de devant : 0'",35. Commun en Islande. 54. CHIEN PETIT DANOIS ou ARLEQUIN. CAMS FAHIIUARIS VARIEGATUS. Linn6. Front bombé; museau assez mince, pointu; yeux très-grands; oreilles à demi pendantes; -jambes sèches; queue relevée; pelage ras, présentant le plus souvent des taches noires et blanches. Taille du Carlin. Le nom donné à cette race est impropre, car il n'existe aucun rapport de forme ou de taille entre ce petit Chien et le grand Danois, avec lequel on le compare. 53. CHIEN ANGLAIS. CANIS FAMILIAniS IIHITA^XICUS. A. -G. Dcsmarcst. Il paraît résulter du mélange du petit Danois et du Pyrame, dont il a la taille; tête bombée; yeux saillants; museau assez pointu; queue mince, en arc horizontal; poils ras partout; oreilles médio- cres, à moitié relevées; robe d'un noir foncé avec des marques de feu sur les yeux, sur le museau, sur la gorge et les jambes. Cette variété est aujourd'hui assez répandue comme Chien d'agrément. 50. ROQUET. C/liV/5 FAMILIARIS Hi'BRIDUS. Linnc. Ayant, comme le petit Danois, la tête ronde, les yeux gros, les oreilles petites, en partie droites et en partie pendantes; jambes menues; queue retroussée et inclinée en avant; museau gros, court, un peu retroussé, comme celui du Doguin; mêmes poils et couleur que le petit Danois, et, comme lui, pouvant être arlequiné. Buffon donne, pour races oi'iginaires de celle-ci, le petit Danois et le Doguin. Il est courageux, quoique faible et méprisé par les Chiens plus grands que lui, hargneux, criard, mais attaché à son maître et très-fidèle. 57. CHIEN D'ARTOIS ou LILLOIS. Museau très-court et excessivement aplati. On le regarde comme provenant du mélange du Roquet et du Carlin. De Flandre et d'Artois. 38. CHIEN D'ALICANTE ou CHIEN DE CAYENNE. CANIS FAMILIARIS ANDALOSLE. A.-G. Desmaresl. Museau court du Doguin; poil long de l'Épagneul, et provenant probablement du mélange de ces deux races. 62 HISTOIRE NATURELLE. 39. GÎIIEN TURC. CANIS FAMILIARIS JEGYPTIUS. Linné TêtP très-grosse, arrondie; museau assez fin; oreilles droites à la base, assez larges et mobiles, se tenant horizontalement; corps rétréci sous le ventre; membres grêles; queue moyenne; peau pres- que entièrement nue, comme huileuse, noire ou couleur de chair obscure, tachée de brun par grandes plaques. Taille du Carlin. Peu intelligent; assez attaché à l'homme; souffrant continuellement de la température de notre pays, et grelottant sans cesse; n'étant élevé que comme Chien d'appartement, et y étant très-turbulent lorsqu'il est en bonne santé. On l'a cru d'abord originaire de Turquie, puis de l'Afrique, particulièrement de la Harbarie ou de l'Egypte. Mais ce qui semble plutôt certain, ainsi que le tait observer Lesson, c'est que le Canh ca- ribœus de Linné doit être rapporté à son JLgijpt'tns, et que c'est If même animal que Christophe Colomb trouva en Amérique, dans les îles de Lucayes, lors de la découverte, en 1482, et qu'il retrouva, en 1494, dans l'île de Cuba, où les habitants relevaient pour le manger. Les Français qui abordèrent les premiers à la Martinique et à la Guadeloupe, en 1655, l'y rencontrèrent également, et il est encore assez commun à Payta, dans le Pérou. Lesson le nomme Can'is nudus, et le place auprès du Chien de berger, quoiqu'il n'ait aucun rap- port avec lui. On peut n'en regarder que comme une variété le Cliien turc à ctinicrc de Buffon, qui présente une sorte de crinière formée par des poils assez longs et roides, derrière le nez, et dont ce dernier organe est plus ou moins allongé. Cette variété provient du Chien turc et du petit Danois, ou du petit Lévrier. Fi?. 39 — Chien turc. Tel est, d'une manière générale, le tableau des races du Chien ordinaire; ce tableau est incom- plet pour beaucoup de races qui nous sont inconnues, et il en est un grand nombre qui ne doivent leur existence qu'au caprice et à la mode, et qui n'offrent aucune particularité dont la science puisse faire son profit. En effet, on est toujours sûr de former des races ou plutôt des variétés lorsqu'on prend le soin d'accoupler constamment des individus pourvus des particularités d'organisation dont on veut faire le caractère de ces races. Après quelques générations, ces caractères, produits d'abord acciden- CARNASSIERS. G3 tellement, seront si 'fortement enraeinés, qu'ils ne pourront plus être délruits que par le concours de circonstances très-puissantes; les qualités intellectuelles s'affermissent aussi, comme les qualités phy- siques; seulement, comme il dépend do nous de développer les premières, jusqu'à un certain point, par l'éducation, et non pas les secondes, nous sommes pour ainsi dire absolument les maîtres de créer des variétés en modifiant l'intelligence. C'est ainsi que les Chiens se sont formés pour la chasse par une éducation dont les efforts se propagent, mais qui a besoin d'être entretenue pour qu'ils ne dégénèrent pas. Cette éducation est un art particulier, dont les règles reposent entièrement sur l'ex- cellence des sens, de la mémoire et du jugement des Chiens. Si, ainsi que nous venons de le dire, on peut conserver intactes des races de Chiens, il n'en est pas moins vrai que ces mêmes races, abandonnées à elles-mêmes, ne tardent pas à se mêler de telle sorte, que l'on ne peut plus en reconnaître aucune, et c'est à ce mélange auquel on a donné le nom de : 40. CHIEN DE RUE. CANIS FAMILIARIS IIYBRIDUS. A -G. Desmarest. Ce Chien ne peut se rapporter à aucune des quatre races précédemment décrites, ainsi qu'à au- cune de ces variétés, parce qu'il résulte du croisement fortuit de deux ou plusieurs variétés apparte- nant à des races différentes. 11 varie de mille manières en grandeur, en forme, en (ouleur et en in- telligence. Très-souvent, la femelle met bas, à la fois, des petits de races différentes de la sienne, et qui n'appartiennent pas même entre eux à la même variété, quoique tous enfants du même père. D'après ce que nous venons de dire, on ne peut tracer aucune règle pour la taille ni le pelage de cette sorte de Chiens (l). M. Hamilton Smith, dans l'ouvrage que nous avons déjà cité, admet un plus grand nombre de va- riétés, mais nous ne croyons pas devoir en parler ici, nous étant borné à nous occuper des principales, (i) On pouirait, sans s'inquiéter «les races auxquelles ils appartiennent, rapporter des traits noniJjreu.K de i'instintt de quelques Cliiens. Sans indiquer ce que tout le inonde suit relativement à l'utile intelligence que montrent plusieurs races de Chiens, tels que le Chien de berger, le Chien de garde, le Chien de Terre-Neuve, le Chien du mont Saint-Ber- nard, celui des Esquimaux, celui de chasse, qui sont devenus les véritables domestiques, nous dirons même les c .mp:i- gnons de l'homme, sans parler de ces Cliiens qui savent mendier, voler avec adresse, ou do ceux qui font des tours d'a- dresse, ou qui, comme Munito, apprennent en quelque sorte à jouer aux dominos )u aux cartes, sans parler de ce Chien si utile à l'homme et qui devient le guide de l'avcugie, nous exposerons cependant en quelques lignes, d'après M. Thié- baut Ue Derneau, l'histoire de ([uelques Chiens devenus célèbres. « Le Caniche Moustache s'est fait distinguer par son audace militaire, durant les premières campagnes d'Italie; ce fui surtout à la bataille de Marengo qu'il s'attira l'amitié de nos soldais, par ses marches cl contre-marches poi r dé- couvrir les mouvements de l'ennemi et détourner les nôtres des embiîches qu'on leur tendait. 11 était sans cesse à l'avant- garde, et allait toujours le premier à la découverte. Nos soldats avaient en lui une telle confiance, qu'ils suivaient aveu- glement le chemin qu'il leur indiquait. Ils onl plus d'une fois, grâce à sa vigilance, surpris et mis en déroule l'ennemi qui s'avançait de nuit et par des roules détournées. Quand Moustache fui blessé au champ d'honneur, il fut soigné avec solhcitude, el l'armée lui rendit les hommages militaires à sa mort. « Un autre Chien, Parade, aimait la musique; le matin, il assistait régulièrement à la parade aux Tuileries; il se pl.i- çait au milieu des musiciens, marchait avec eux, cl, lorsqu'ils avaient terminé leur exercice, il disparaissait ju.squ'au len- demain à la même heure. Le soir, d allait à l'Opéra, aux ItaUens ou à Fcydeau; il se rendait droit à l'orchestre, se pla- çait dans un coin, et ne sortait qu'cà la (in du spectacle. « Un Chien braque, nommé Tropique, né à bord de la corvette la Géographe, avait un tel attachement pour son habi- tation Uottante, qu'il ne la quittait pas sans peine pour suivre, dans ses excursions sur terre, le naturaliste Lesueur. Comme le vaisseau terminait son voyage aux terres australes, el se disposait à revenir en France, l'équipage consentit ù laisser Tropique à l'île Maurice, chez l'un des habitants où il avait été bien reçu; mais, le Chien ayant trouve moyen de s'échapper, vint à la nage rejoindre unepremière fois le bâtiment, éloigné de la côte d'une demi-portée de canon. On le rendit à son nouveau maître, el, le départ approchant, on changea de mouillage, et on alla se placer dans la grande rade, à environ une lieue du fond du port, dans l'endroit où les bâtiments prêts à partir ont coutume de faire leurs dernières dispositions. Tropique, s'étanl encore échappé, nagea d'abord du côté où il avait trouvé la corvette une premi'^re fois; mais, ne l'y ayant pas rencontrée, il vint, par un prodige d'intelligence et de courage, la rejoindre à une aussi grande distance. On l'aperçut de loin, se reposant de temps en temps sur les bouées ou bois ilottants destinés à marquer l'entrée du chenal. On le vit redoubler de force et d'ardeur dès qu'il put entendre la voix des personnes du bâtiment; et, cette fois, du moins, son attachement recul sa juste récompense; on le gardi à bord. Arrivée au Ilavi-e, d'où elle était partie 6'f HISTOIRE NATURELLE. On indique plusieurs débris fossiles qui peuvent se rapporter au Chien ordinaire, ('.tniis [ami lia ris, mais Ton comprend, lorsque Ton étudie l'ostéoloi^rie du Loup, si voisine de celle du Chien, combien il est difficile d'assurer positivement que ces débris appartiennent plutôt à l'une qu'à l'autre de ces deux espèces. Fk. 40. — Dingo. Esper le premier, dès 1772, dit que les crânes d'Ours et de Loup des cavernes de Franconie étaient mêlés avec des crânes de Chiens de même grandeur et d'autres plus petits. Il en est de même de MM. Marcel De Serres, Dubreuil et Jean-Jean, pour des fragments de mâchoires supérieures et infé- rieures trouvés dans des cavernes des environs de Montpellier. Mais c'est principalement M. Schmer- ling, en 1853, qui a démontré l'existence du Chien domestique à l'état fossile : les débris qu'il in- dique consistent dans une tête presque entière et dans plusieurs os des membres, et ont été trouvés avec des ossements d'Ours, d'Hyènes et de Chats dans des cavernes des environs de Liège, et qui se trois ans auparavant, la corvette fut désarmée, l'ctal-major logé à terre, cl peu à peu le bâtiment devint désert. Tropi- que allait et venait pendant tous ces travaux, suivant tour à tour Lesueur ou ses compagnons, mais ne manquantjamais de revenir à bord le soir ou à l'heure des repas. Bientôt il ne resta sur la corvette qu'un seul gardien incoimu à Tropi- que; il devint alors triste et rêveur. Lesueur mit tout en œuvre pour se l'attacher et l'empêcher de retourner tous les soirs à bord. Il ne put y réussir. Un jour, l'on changea de place la corvette, qui fut amenée dans le bassin intérieur du port; Tropique, à son retour, ne l'ayant pas trouvée, passa la nuit sur un ponton qui avait été placé entre la terre et le bâtiment. Il y demeura encore la journée du lendemain jusqu'au soir, qu'étonné de ne l'avoir point vu, Lesueur alla le chercher. Tout son extérieur était changé, il avait perdu sa gaieté; craintif, la léte et la queue basses, n'avançant plus qu'avec lenteur, les regards tristes, abattus, tout indiquait chez lui le plus violent chagrin. Ce fut en vain que Lesueur pressa le Chien dans ses bras, l'appela de la voix, et qu'il chercha à le distraire par ses caresses, par ses attentions: tout fut inutile. Tropique retournait constanuTient sur le ponton; enfin, il refusa toute espèce de nourriture, et le malheu- reux, les yeux fixés sur l'endroit où avait été la corvette, expira bientôt. » CARNASSIERS. C5 r;ipporlent à un animal plus laiblo que ne l'est le Loup, et au coiitraire plus grand que ne l'est le Re- liard. On peut encore signaler doux crânes donnés comme fossiles, l'un imprégné d'oxyde de cuivre et trouvé dans un bain, à Antemina, par M. Penlîand, et l'autre provenant des'tourbiéres d'iogogne, près de Gliàteau-Thierry, découvert par M. Roblaye, et dont la taille très-petite et la forme de'la^ête sont tout à fait semblables à ce qui existe dans la race des Dogiiins. A ces débris fossiles, qui semblent se rapporter au Chien domestique, on pourrait probablement en joindre quelques autres avec lesquels on a cru devoir faire des espèces particulières; nous revien- drons sur ce point en terminant l'histoire du genre des Chiens. Fig. 41 . — l-oiip de Siiniatni II. ESPKCK DKfiROPE. 2. I.OUP CO.MML'N. CAMS LUPUS Ijtino, Type du genre Luinis. II. Siiiilli. Caractères spécifiques. — Tête gro.sse, oblongue, terminée par un museau efjilé; plus semblable, pour la taille et les formes du corps, au Mâtin qu'à aucune autre race de Chiens domestiques, mais ayant le corps un peu plus gros et les jambes plus courtes, le crâne plus large, le front moins élevé, le museau un peu plus court et plus gros, les yeux plus petits et plus éloignés l'un de l'autre, avec l'ouverture des paupières plus oblique; Us oreilles plus courtes et di'oiles; la queue grosse, touffue, droite, pendante derrière le corps; pelage d'un gris fauve, compose de poils dont les plus longs sont blancs à la racine, noirs un peu au-dessus, ensuite fauves, puis blancs et noirs à l'extrémité, ceux delà c2 . y GG HISTOIRE NATUREI.LR. tète, au devant ilc ronvertnro des oreilles, ceux du cou et de la partie antérieure du dos, des fesses et de la queue étant les plus longs et ayant jusqu'à G'", 14, les autres beaucoup plus courts, princi- palement sur le museau et sur les oreilles : tous ces poils étant fermes et durs, et recouvrant un ieulre plus doux et de couleur cendrée; une bande oblique noire sur le poignet des jambes de devant dans les individus adultes; museau noir. Quelquefois, par albinisme ou par vieillesse, certains indi- vidus sont presque entièrement blancs, ainsi que cela a également lieu pour quelques-uns de ceux qui liabitent les régions septentrionales. Longueur totale, mesurée depuis le bout du museau jusqu à l'origine de la queue : l''\16; hauteur au train de devant : 0"\80; à celui de derrière : 0'",75; tou- tefois la taille varie beaucoup, et il paraîtrait que les individus qui habitent les contrées septentrio- nales sont plus grands que ceux qu'on trouve dans les régions méridionales. Buffon nous a tracé un tableau exact en beaucoup de points des mœurs de cette espèce du genre Chien. « Le Loup, dit-il, est l'un de ces animaux dont l'appétit pour la chair est le plus véhément; et, quoiqu'avec ce goût il ait reçu de la nature les moyens de le satisfaire, qu'elle lui ait donné des armes, de la ruse, de l'agilité, de la force, tout ce qui est nécessaire, en un mot, pour trouver, atta- quer, vaincre, saisir et dévorer sa proie, cependant il meurt souvent de faim, parce que l'homme, lui ayant déclaré la guerre, l'ayant même proscrit en mettant sa tète à prix, le force à fuir, à demeu- rer dans les bois, où il ne trouve que quelques animaux sauvages qui lui échappent par la vitesse de leur course, et qu'il ne peut surprendre que par hasard ou par patience, en les attendant longtemps, et souvent en vain, dans les endroits où ils doivent passer. Il est naturellement grossier et poltron, mais il devient ingénieux par besoin, et hardi par nécessité; pressé par la famine, il brave le danger, vient attaquer les animaux qui sont sous la garde de l'homme, ceux surtout qu'il peut emporter aisé- ment, comme les Agneaux, les petits Chiens, les Chevreaux; et, lorsque cette maraude lui réussit, il revient souvent à la charge, jusqu'à ce que, ayant été blessé ou chassé et maltraité par les hommes et les Chiens, il se recèle, pendant le jour, dans son fort, n'en sort que la nuit, parcourt la campa- gne, rôde autour des habitations, ravit les animaux abandonnés, vient attaquer les bergeries, gratte et creuse la terre sous les portes, entre furieux, met tout à mort avant de choisir et d'emporter sa proie. Lorsque ses courses ne lui produisent rien, il retourne au fond des bois, se met en quête, cherche, suit à la piste, chasse, poursuit les animaux sauvages, dans l'espérance qu'un autre Loup pourra les arrêter, les saisir dans leur fuite, et qu'ils en partageront la dépouille. Enfin, lorsque le besoin est extrême, il s'expose à tout, attaque les femmes et les enfants, se jette môme quelquefois sur les hommes, devient furieux par ses excès, qui finissent ordinairement par la rage et la mort. « Le Loup, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, ressemble si fort au Chien, qu'il paraît être modelé sur la même forme, cependant, il n'offre tout au plus que le revers de l'empreinte, et ne présente les mêmes caractères que sous une forme entièrement opposée; si la forme est semblable, ce qui en ré- sulte est bien contraire; le naturel est si différent, que non-seulement ils sont incompatibles, mais aniipathiques par nature, ennemis par instinct. Un jeune Chien frissonne au pn'mier aspect du Loup, il fuit à l'odeur seule, qui, quoique nouvelle, inconnue, lui répugne si fort, qu'il vient en tremblant se ranger entre les jambes de son maître: un Mâtin qui connaît ses forces se hérisse, s'indigne, l'at- taque avec courage, tâche de le mettre en fuite, et fait tous ses efforts pour se délivrer d'une pré- sence qui lui est odieuse; jamais ils ne se rencontrent sans se fuir ou sans combattre, et combattre à outrance, jusqu'à ce que la mort suive. Si le Loup est le plus fort, il déchire, il dévore sa proie; le Chien, au contraire, plus généreux, se contente de la victoire, et ne trouve pas que le corps d'un cuiicuii morl sente bon; il l'abandonne pour servir de pâture aux Corbeaux, et même aux autres Loups; car ils s'entre-dèvorenl, et, lorsqu'un Loup est grièvement blessé, les autres le suivent au sang, et s'attroupent pour l'achever. « Le Chien, même sauvage, n'est pas d'un naturel farouche; il s'apprivoise aisément, s'attache et demeure fidèle à son maître. Le Loup, pris jeune, se prive, mais ne s'attache point, la nature est plus forte que l'éducation; il reprend avec l'âge son caractère féroce, et retourne, dès qu'il le peut, à son état sauvage. Les Chiens, même les plus grossiers, cherchent la compagnie des autres animaux, ils sont naturellement portés à les suivre, à les accompagner, et c'est par instinct seul, et non par éducation, qu'ils savent conduire et garder les troupeaux. Le Loup est, au contraire, l'ennemi de toute société, il ne fait pas même comi)agnie à ceux de son espèce; lorsqu'on les voit plusieurs en- semble, ce n'est point uii(> société de paix, c'est un attroupement de guerre, qui se fait à grand bruit, Il l'rolèlc ilu Deliil.nu PI. !». CARNASSIERS. 07 avec dos liurlenienls affreux, et qui dénote un projiîl d'attaquer (|uelque gros animal, comme un (lerf, un Bœuf, ou se déiaire de quelque redoutable Mâtin. Dès que leur expédition militaire est consommée, ils se séparent, et rclonrnenl en silence à leur solitude. Il n'y a pas même une grande habitudt' entre le mâle et la femelle; ils ne se cherchent qu'une fois ]>ar an, et ne demeurent (pie peu de tem[)s en- semble. C'est en hiver que les Louves deviennent en chaleur : i)lusieui's mâles suivent la même femelle, et cet attroupement est encore plus sanguinaire que le premier, car ils se la disputent cruel- lement; ils grondent, ils frémissent, ils se battent, ils se déchirent, et il arrive souvent qu'ils mettent en pièces celui d'entre eux qu'elle a préféré. Ordinairement, elle fuit longtemps, lasse tous ses aspi- rants, et se dérobe, pendant qu'ils dorment, avec le plus alerte ou le mieux aimé. . Le temps de la gestation est d'environ trois mois et demi (i), et l'on trouve des Louveteaux nouveau-ués depuis la lin d'avril jusqu'au mois de juillet... Lorsque les Louves sont prêtes à mettre bas, elles cherchent, au fond du bois, un fort, un endroit bien fourré, au milieu duquel elles aplanissent un espace assez considérable en coupant, en arrachant les épines avec les dents; elles y apportent ensuite une grande quantité de mousse, et préparent un lit commode pour leurs petits; elles en font ordinaire- ment cinq ou six, quelquefois sej)t, huit, et même neut, et jamais moins de trois; ils naissent les yeux fermés comme les Chiens; la mère les allaite pendant quelques semaines, et leur apprend bientôt à manger de la chair, qu'elle leur prépare en la mâchant. Quelque temps après, elle leur apporte des Mulots, des Levrauts, des Perdrix, des volailles vivantes; les Louveteaux commencent par jouer avec elles, et finissent par les étrangler; la Louve, ensuite, les déplume, les écorche, les déchire, et en donne une part à chacun. Ils ne sortent du fort où ils ont pris naissance qu'au bout de six semaines uu deux mois; ils suivent alors leur mère, qui les mène boire dans quelque tronc d'ai'bre ou àquehpie source voisine; elle les ramène au gite, ou les oblige à se receler ailleurs lorsqu'elle craint quelque danger, ils la suivent ainsi pendant plusieurs mois. Quand on les attaque, elle les défend de toutes ses forces, et même avec fureur; quoique dans les autres temps elle soit, comme toutes les femelles, plus timide que le mâle, lorsqu'elle a des petits, elle devient intrépide, semble ne rien craindre pour elle, et s'expose à tout pour les sauver : aussi ne l'abandonnent-ils que quand leur éducation est faite, quand ils se sentent assez forts pour n'avoir plus besoin de secours; c'est ordinairement à dix mois ou un an, lorsqu'ils ont refait leurs premières dents, et lorsqu'ils ont acquis de la force, des armes, et des talents pour la rapine... Les mâles et les femelles sont en état d'engendrer à l'âge d'en- viron deux ans. (( Le Loup a beaucoup de force, surtout dans les parties antérieures du corps, dans les muscles du cou et de la mâchoire. Il porte avec sa gueule un Mouton, sans le laisser toucher à terre, et court en même temps plus vite que les bergers, en sorte qu'il n'y a que les Chiens qui puissent l'atteindre et lui faire lâcher prise. Il mord cruellement, et toujours avec d'autant plus d'acharnement qu'on lui résiste moins, car il prend des précautions avec les animaux qui peuvent se défendre. Il craint pour lui, et ne se bat que par nécessité, et jamais par un mouvement de courage. Lorsqu'on le tire, et que la balle lui casse quelque membre, il crie, et cependant, lorsqu'on l'achève à coups de bâton, il ne se plaint pas comme le Chien; il est plus dur, moins sensible, plus robuste; il marche, (ourt, rôde des jours entiers et des nuits; il est infatigable, et c'est peut-être de tous les animaux le plus difficile à forcer à la course. Le Chien est doux et courageux; le Loup, quoique féroce, est timide. Lorsqu'il tombe dans un piège, il est si fort et si longtemps épouvanté, qu'on peut le tuer sans qu'il se dé- fende, ou le prendre vivant sans qu'il résiste; on peut lui mettre un collier, l'enchaîner, le museler, le conduire ensuite partout où l'on veut sans qu'il ose donner le moindre signe de colère ou même de mécontentement. Le Loup a les sens très-bons, l'œil, l'oreille, et surtout l'odorat; il sent souvent de plus loin qu'il ne voit; l'odeur du carnage l'attire de plus d'une lieue, il sent aussi de loin les ani- maux vivants; il les chasse même assez longtemps en les suivant aux portées... Il préfère la chair vi- vante à la chair morte, et cependant il dévore les voiries les plus infectes : il aime la chair humaine. On a vu des Loups suivre les armées, arriver en nombre à des champs de bataille où Ton n'avait en- terré que négligemment les corps, les découvrir, les dévorer avec une insatiable avidité... On est obligé quelquefois d'armer tout un pays pour se défendre des Loups. Dans les campagnes, on fait (1)11 paraît, m ilgré ce qu'on dit Biiflon et d'après des expériences récentes, que la gcslalion, de même que pour les Ciii'îiis, ne si rail que de soixaiUc-truis jours. 68 HISTOIRE NATURELLE. des battues à force d'hommes et de llfuins, on tend des pièges, on présente des appâts, on fait des fosses, on répand des boulettes empoisonnées; et tout cela n'empêche pas que ces animaux ne soient toujours en même nombre, surtout dans les pays où il y a beaucoup de bois. Les Anglais préten- dent, toutefois, en avoir purgé leur île... Les princes ont des équipages pour la chasse du Loup, et cette chasse, qui n'est point désagréable, est utile, et même nécessaire. « En Orient, et surtout en Perse, on fait servir les Loups à des spectacles pour le peuple; on les exerce de jeunesse à la danse, ou plutôt à une espèce de lutte contre un grand nombre d'hommes. On achète jusqu'à cinq cents écus, dit Chardin, un Loup bien dressé à la danse. Ce fait prouve au moins qu'à force de temps et de contrainte ces animaux sont susceptibles de quelque espèce d'éducation. J'en ai fait élever et nourrir quelques-uns chez moi : tant qu'ils sont jeunes, c'est-à-dire dans la pre- mière et la seconde année, ils sont assez dociles, ils sont même caressants, et, s'ils sont Lien nourris, ils ne se jettent ni sur la volaille, ni sur les autres animaux; mais, à dix-huit mois ou deux ans, ils reviennent à leur naturel; on est forcé de les enchaîner pour les empèi-her de s'enfuir et de faire du mal... Il n'y a rien de bon dans cet animal que sa peau; on en fait des fourrures grossières, qui sont chaudes et durables. Sa chair est si mauvaise, qu'elle répugne à tous les animaux, et il n'y a que le Loup qui mange volontiers du Loup. Il exhale une odeur infecte par la gueule : comme pour assou- vir la faim il avale indistinctement tout ce qu'il trouve, des chairs corrompues, des os, du poil, des peaux à demi tannées et encore toutes couvertes de chaux, il vomit fréquemment, et se vide encore plus souvent qu'il ne se remplit. Enfin, désagréable en tout, la mine basse, l'aspect sauvage, la voix effrayante, l'odeur insupportable, le naturel pervers, les mœurs féroces; il est odieux, nuisible de son vivant, inutile après sa mort. » Fis. 42. — A"uara de Falkland. Le l(»ng passage que nous venons de transcrire fait bien connaître les mœurs du Loup, cepen- dant r.ullon a exagère quelques points de son histoire, et a cherché à aïontrer des différences trop CARNASSIERS. 69 considérables entre le Chien et le Loup. Toutefois, il est très-probable que le premier ne descend pas (lu second, ainsi qu'on l'a pensé pendant loni^tenips, nu qu'on le pense même encore; une preuve que Buffon en donne, c'est que la Louve et le Chien, ou le Lnup et la Chienne, n'ont jamais pu pro- duire ensemble; mais ce fait ne peut cependant ])lus être admis aujourd'hui, elles naturalistes rapportent que ces animaux peuvent se rapprocher, et qu'il en résulte des métis, qui pourraient eux-mêmes se re- produire. Les Loups ont plus de courage que ne leur en a accordé notre illustre naturaliste; ils sont, entre eux, plus sociables qu'il ne l'a dit, et ils peuvent se familiariser plus qu'on ne l'a prétendu. Fis. 43. — Chacal de Nubie. A ce sujet, qu'il nous soit permis de rapporter ce qu'en dit Fr. Cuvier. « Le Loup, pris jeune, s'apprivoise aisément; il s'attache ù celui qui le soigne, au point de le reconnaître après plus d'une année d'absence. C'est un fait dont j'ai été le témoin, et le Loup qui l'a présenté avait été doué d'un caractère assez heureux pour que l'âge n'eût apporté aucun changement dans sa confiance et sa fami- liarité. On ne saurait trop le répéter, il ne faut point juger les dispositions naturelles des animaux d'après quelques individus seulement, et il faut toujours avoir égard aux circonstances dans lesquelles leur race se trouve. Au reste, on doit admettre qu'en général aucun animal n'est privé de la faculté de s'apprivoiser, et n'a un caractère absolument intraitable. Tous les animaux, ainsi que nous, aiment le bien et fuient le mal, et ils n'apprennent à connaître positivement l'un et l'autre que par expé- rience. Si les hommes leur font du bien, ils s'y attachent, autant qu'il est en eux de s'attacher; dans le cas contraire ils les fuient; et, si quelques individus refusent longtemps de s'apprivoiser, c'est que le sentiment de la défiance, qui est naturel à tous les animaux, et qui est un des dons les plus pré- cieux que la nature leur ait accordés, est trop fort pour que le bien qu'on leur fait puisse être facile- ment senti par eux; mais jamais leur férocité n'est absolue. Lorsqu'on a voulu établir ce fait pour quelques espèces, et même pour celle qui nous occupe, on n'a pas senti qu'un animal qui serait dans 70 HISTOIRE NATCUt^l.LK. celte disposition périrait iiifailliblemeiit; rhomme n'est pour lui qu'un être, comme tous les autres êtres de la nature; l'impossibilité absolue de s'habituer avec lui entraînerait celle do s'habituer avec les autres. Et comment un animal qui serait perpétuellement dans un état de défiance absolue pour tout ce qui l'environnerait pourrait-il exister? » Ajoutons que Fr. Cuvier, à propos de la familiarité de quelques Loups, a donné l'histoire de deux de ces animaux, qui vivaient à la ménagerie du Muséum, et qui ont montré pour leur maître un attachement aussi grand, aussi passionné qu'aucun Chien ait pu l'éprouver. L'un d'eux, le seul dont nous voulions parler, ayant été pris fort jeune, fut élevé de la même manière qu'un Chien, et devint familier avec toutes les personnes de la maison; mais il ne s'attacha d'une affection très-vive qu'à son maître : il lui montrait la soumission la plus entière, le caressait avec tendresse, obéissait à sa voix, et le suivait en tous lieux. Celui-ci, obligé de s'absenter, en lit présent ù la ménagerie du Muséum, et l'animal souffrit de cette absence, au point qu'on craignit de le voir mourir de chagrin. Pourtant, après plusieurs semaines passées dans la tristesse, et presque sans prendre de nourriture, il reprit son appétit ordinaire, et l'on crut qu'il avait oublié son ancienne affection. Au bout de dix- huit mois, son maître revint au Muséum, et, perdu dans la foule des spectateurs, il s'avisa d'appeler l'animal. Le Loup ne pouvait le voir, mais il le reconnut à la voix, et aussitôt ses cris et ses mouve- ments désordonnés annoncèrent sa joie. On ouvrit sa loge; il se jeta sur son ancien ami, et le cou- vrit de caresses, comme aurait pu le faire le Chien le plus lidèle et le plus attaché. Malheureusement il fallut encore se séparer, et il en résulta pour ce pauvre animal une maladie de langueur plus lon- gue que la première. Trois ans s'écoulèrent; le Loup, redevenu gai, vivait en très-bonne intelligence avec un Chien, son compagnon, et caressait ses gardiens. Son ancien maître revint encore; c'était le soir, et la ménagerie était fermée. 11 l'entend, le reconnaît, lui répond par ses hurlements, et fait un tel tapage, qu'on est obligé d'ouvrir. Aussitôt l'animal redouble ses cris, se précipite vers son ami, lui pose les pattes sur les épaules, le caresse, lui lèche la ligure, et menace de ses formidables dents ses propres gardiens, qui veulent s'interposer. Enfin, il fallut bien se quitter. Le Loup, triste, immobile, refusa toute nourriture; une profonde mélancolie le fit tomber malade; il maigrit, ses poils se hérissèrent, se ternirent; au bout de huit jours, il était méconnaissable, et l'on ne douta pas qu'il mourût. Cependant, à force de bons traitements et de soins, on parvint à lui conserver la vie; mais il n'a jamais voulu, depuis, ni caresser ni souffrir les caresses de personne. Disons encore, et cela avec la plupart des auteurs modernes, que c'est surtout pendant la nuit que le Loup affamé oublie sa prudence ordinaire pour montrer un courage qui va jusqu'à la témérité. P»encontre-t-il un voyageur accompagné d'un Chien, il le suit, s'en approche peu à peu, se jette tout à coup sur l'animal effrayé, le saisit même auprès de son maître, l'emporte, et disparaît. Du en a vu souvent suivre un cavalier pendant plusieurs heures, dans l'espérance de trouver un mo- ment propice pour étrangler le cheval et le dévorer. On sait, en outre, la poursuite que les Loups, réunis, font dans le Nord aux traîneaux qui emportent des voyageurs. Si, pendant la nuit, le Loup peut se glisser dans une bergerie sans être découvert, il commence par étrangler tous les Moutons les uns après les autres, puis il en emporte un et le mange. 11 revient en chercher un second, qu'il cache dans un hallier voisin, puis un troisième, un quatrième, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le jour vienne le forcer à battre en retraite. Il les cache dans des lieux différents, et les recouvre de feuilles sèches et de broussailles; mais, soit oubli, soit défiance, il ne revient que rarement les cher- cher. En plein jour même, lorsqu'il est pressé par la faim, il oublie toute prudence, et se livre par- fois à la chasse. Alors il parcourt la campagne, s'approche d'un troupeau avec précaution pour n'être pas aperçu avant d'avoir marqué sa victime, s'élance, sans hésiter, au milieu des Chiens et des bergers, saisit un Mouton, l'enlève, l'emporte avec une légèreté telle, qu'il ne peut être atteint que par les Chiens, et sans avoir la moindre crainte de la poursuite qu'on lui fait, ni des clameurs dont on l'accompagne. Quelquefois, il emploie la ruse, et nous citerons à ce sujet des faits dont M. Boitard assure avoir été té- moin. « Si un Loup, dit-il, a découvert un jeune Chien inexpérimenté dans la cour d'une grande ferme isolée, il s'en approche avec effronterie jusqu'à portée de fusil; il prend alors différentes attitudes, fait des courbettes, des gambades, se roule sur le dos, comme s'il voulait jouer; mais, quand le jeune novice se laisse aller à ces trompeuses amorces et s'approche, il est aussitôt saisi, étranglé, et en- traîné dans le bois voisin pour être dévoré. Lorsqu'un Chien de basse-cour est de force à disputer sa vie, deux I/nips se rcunitsent, et savent fort bien s'entendre pour l'atliicr dans un piège; l'un se me t CAHNASSIEUS. 71 cil embuscade et attend; lautre va rôder aiilonr de la ferme, se fail poursuivre par le Mâtin, Taitire ainsi jusqu'auprès de Fembuscade, puis tous deux se jeltent à la l'ois sur le malheureux Chien qui tombe victime de son courai^e et de la perlidie de ses ennemis. » Le Loup existe dans toute TEuropé, excepté dans les îles Britanniques, où il a été détruit- il habite aussi le nord de l'Asie, de lAnierique, et il est à croire qu'il a pénétré de l'ancien dans le' nouveau continent par les glaces du Kamtchaïka. Fig. 44. — Chacal du Sénésal. On a donné la description d'assez nombreux ossements fossiles qui doivent être rapportés au Loup, et que l'on nomme, en général, d'après M. Goldfuss, Cnnis spclœus. Esper, le premier, en 1772, en a indiqué des os fossiles dans les cavernes de Franconie et dans celles de Gaylenreuth. M. Goldfuss, en 1823, ayant soumis à un examen scrupuleux une tête presque entière et parfaitement conservée, pro- venant des mêmes cavernes, a cru devoir l'en distinguer sous le nom de Canis speUciis, que nous avons cité, donnant comme une différence principale que la crête sagittale s'élève davantage en général, et en même temps plus vers sa partie postérieure que dans le Loup ordinaire. G. Cuvier, ayant eu à sa disposition plusieurs pièces de ce même carnassier, soit en dessin, soit en nature, a également con- clu qu'une espèce de Loup a existé, non-seulement dans les cavernes, mais aussi dans les terrains diluviens avec des restes d'Ours, d'Hyènes et d'Éléphants, et, considérant la brièveté plus grande du museau, il semble la regarder comme différant du Canis lupus. M. Schmerling a positivement ad- mis leur identité pour des débris trouvés dans les cavernes des environs de Liège, et il en est de même pour une mandibule garnie de ses dents, trouvée dans la caverne de Lunel-Viel, et étudiée par MM. Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean. Entin, De Blainville est arrivé au même résultat d'après les pièces fossiles nombreuses de la galerie d'analomie comparée et de paléontologie du Muséum, et qui consistaient en des ossements fossiles jirovenaut de la caverne de Kent, près de Torquay, en Angleterre; de celhs de Gaylenreuth; de Sauts, dans la Charente • Inférieure; 72 HISTOIRE NATURELLE. de Cai,^liari, en Sardaigne; d'une brèche calcaire de Milhac de Nonlron, département de la Dor- do£ïne; des environs d'Abbeville; de terrains de diluvium en Allemape, en Italie, en Angleterre et en France, etc. Quant au Canis spelœus vihwr de M. Wagner, il semble ne pas différer non plus du Loup ordi- naire. 5. LOUP NOÏR. Buffon. CANIS LYCAOX. Linné. Caractèhes st'KCiFiQOEs. — De même grandeur que le Loup ordinaire, mais avec des formes plus légères, plus élancées, des yeux plus petits et plus rapprochés, des oreilles plus éloignées, et sur- tout un pelage d'un noir profond et uniforme. Le Loup noir habite principalement la Russie et le nord de l'Europe, mais on le trouve également dans les hautes montagnes de la France, et aussi, assure-t-on, dans l'Amérique septentrionale, au Canada, à moins que les Loups qui habitent dans ce pays ne constituent, ainsi que cela est possible, une espèce particulière. On dit que cet animal est beaucoup plus féroce que le Loup ordinaire. Ce Carnassier constitue-t-il bien réellement une espèce distincte du Loup, ou ne devrait-il pas en être regardé comme une variété atteinte de mélanisme'.' Ce fait probable n'est pas démontré jusqu'ici; mais, ce qui tendrait à le faire croire, c'est que les deux individus que la ménagerie du Muséum a possédés ont produit des petits dont le pelage, loin d'être noir, tendait, pour la coloration, à se rap- procher de celui du Loup ordinaire. Le Loup noir pourrait être placé aussi parmi les espèces américaines. Nous verrons plus tard une autre espèce, le Chacal, qu'on rencontre aussi en Europe, mais que nous rangeons plutôt avec les espèces africaines, parce qu'il est plus commun que partout ailleurs dans cette partie du monde. IIL ESPÈCES D'AMÉRIQUE. 4. LOUP ODORANT. CANIS NVBILUS. Sav. CAnACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Plus grand que le Loup ordinaire; pelage obscur, pommelé à sa partie supérieure, gris sur les flancs; exhalant une odeur forte, fétide et caractéristique. Cet animal, qui n'est peut-être qu'une variété du Loup ordinaire, est robuste, d'un aspect redou- table, et habite les plaines du Missouri, dans l'Amérique du Nord. Il vit en troupes nombreuses, chasse les Ruminants, et attaque même le Rison quand il le trouve éloigné de son troupeau. Les ha- bitants du pays où on le rencontre le redoutent, et, quand ils l'ont tué, s'en font un trophée. 5. LOUP DES PRAIRIES. CANIS LATRANS. Harlan. Cahactèhes spécifiques. — De la taille du précédent; pelage d'un gris cendré, varié de noir et de fauve cannelle terne, présentant sur le dos une ligne de poils un peu plus longs que les autres, et formant comme une courte crinière, avec les parties inférieures du corps plus pâles que les supé- rieures, et une queue droite. • Celte espèce est signalée comme propre à la Colombie; elle est moins carnassière que les précé- dentes, car, à une nourriture animale elle mêle une alimentation végétale consistant en baies ou en CâRNASSIEHS. 75 fruits. Ce Loup vit en troupes composées quelquefois de plus de cinquante individus associes pour i.i chasse, l'attaque et la défense, aguerris, et soumis à une sorte de tactique régulière. C'est le type de la section des Ltjcisnis de M. M. Sniitli. Fig. 45. — Loup d'Amérique. 6. LOUP ROUGE. CANIS JUBATUS A.-G. Desmarest. Caractères spécifiques. — Couleur générale d'un roux foncé, qui devient très-clair sur les parties inférieures, et presque blanc à la queue et dans l'intérieur des oreilles; une tache blanche, entourée d'une autre tache foncée, au-dessous de la tête; extrémités des quatre pieds et haut du museau noi- râtres; une sorte de crinière composée de poils dont la dernière moitié est noire, partant de l'occi- put et s'étendant tout le long du dos; poils du corps assez longs, et ayant jusqu'à près de 0'",6 sur la croupe; celui de la queue un peu touffu, un peu plus long que celui du corps. Longueur du corps : {"'bO; de la queue, 0'",40. Cette espèce habite le Paraguay. Elle se tient dans les lieux bas et marécageux, vit solitaire, ne sort de sa retraite que pendant la nuit, nage facilement, et se nourrit de petits animaux. Elle chasse à la piste, et est très-courageuse. La femelle, qui ne diffère pas du mâle, et a six mamelles de cha- que côté du ventre, met bas ses petits vers le mois d'août, et en fait, dit-on, trois ou quatre par portée. Son cri consiste dans les sons gua-a-a, qu'il répète plusieurs fois, et en les traînant, et il le fait entendre de très-loin. 7. LOUP DU MEXIQUE. CÂNIS MEXICANUS. Linné. CAr.ACTÈr.Es SPÉCIFIQUES. — Dc la grandeur du Loup ordinaire, mais ayant la tête plus grosse à 74 HISTOIRE NATURELLE. proportion; yeux hagards et étincelants; oreilles longues, droites; cou gros, épais; pelage cendré, varié de taches fauves; plusieurs bandes noirâtres s'étendant de chaque côté du corps, depuis l'épine du dos jusqu'aux flancs; moustaches roides, implantées sur la lèvre supérieure, variées de gris et de blanc. Habite dans les régions chaudes de la Nouvelle-Espagne, et semble moins farouche que les pré- cédents. Fig. 46. — Caygotte de Mexico. 8. ClIIEN ANTARCTIQUE. CAMS ANTARCTICUS. Sliaw. CAiiACTÈREs spÉciFiQuns. — Formcs et proportions analogues à celles du Loup, mais de taille plus petite; pelage d'un gris brun roussâtre, composé d<^ poils annelés de fauve et de noir; gorge d'un blanc sali; poitrine brunâtre; ventre et intérieur des membres d'un jaune pâli; queue longue, rousse à la base, noire vers ses deux tiers supérieurs, et blanche à son extrémité; oreilles de la couleur du dos. Cette espèce, type de la section des Dusicijon de M. II. Smith, se rapporte très-probablement au Canis ndpivns de Molina; il habite les îles Malouines. Il se fait des terriers dans les dunes: sa voix ressemble à celle du Chien ordinaire, mais elle est plus faible. Sa nourriture consiste principalement en Oiseaux. CARNASSll';i;s. 75 y. GIIÎEN GUABIKn ou KOUPAHA. CAMS CANCRIVORUS. Kl. GcolTroy S.iint-IIilaire. CARACTÈnES SPÉCIFIQUES. — Gruiulpur du corps et formes i^énérales analogues à celles du Cliiou de berger; museau assez liii; pelage cendré et varié de noir en dessus; parties inféi'ieures d'un blanc jaunâtre; oreilles brunes; cùlé du cou, derrière les oreilles, l'auve; taises et bout de la queue noirâtres. Cette espèce, que quelques auteurs regardent comme ne constituant qu'une simijle race dn Chien ordinaire, a reçu successivement les noms de Cliicni des bois de Caijenne, IJHfî'on; Cams tlioits, Linné, et (jtn'is cavurvorus, Jardine, et est le type de la section des Cerdocijon, IF. Smith, Elle ha- bite la Guyane et le Brésil; elle fait sa proie des Agoutis, des Pacas, etc., et mange aussi des fruits; elle va par petites troupes de six à sept individus. Une autre espèce, particulière à l'Amérique, est le Can'is ocliropits, Eschscholtz, propre à la Cali- fornie, dont nous ne nous occuperons pas, parce qu'il n'est pas encore complètement connu. IV. ESPÈCES D'ASIE. 10. LOUt' DE JAVA. CAiMlS JAVANUS. A. -G. Desmarcst. Caractères spécifiques. — Oreilles proportionnellement plus courtes que dans le Loup ordinaire; pelage d'un brun fauve, qui devient noirâtre sur le dos, aux pattes et à la queue. Cette espèce, qui provient de l'île de Java, n'est connue que par la phrase que nous avons copiée d'après Fr. Cuvier, el ne peut pas encore être définitivement admise. 11. CORSAG ou ADIVE. CANIS CORSAC. Linné. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris fauve uniforme en dessus, d'un blanc jaunâtre en dessous; membres fauves; queue très-longue, touchant la terre, noire à Textrémité; de petite taille, car la longueur de la tête et du corps ne dépasse pas 0'",50, et celle de la queue 0™,2G; c'est-à-dire qu'il est plus petit que le Renard, et à peu près de la taille de notre Chat domestique. Le Corsac est le type de la section des Cijnaln-pex de M. II. Smith; il habite les déserts de la Tar- tarie, et se retrouve dans l'Inde. Il vit par troupes dans les steppes déserts et couverts de bruyères, où il est sans cesse occupé à chasser les Oiseaux, les Rats, les Lièvres et autres petits animaux. Sa voix, qu'il fait entendre la nuit, est moins glapissante que celle du Chacal. L'accouplement a lieu au mois de mars; la femelle met bas, au mois de mai, de cinq à six petits. D'après G. Cuvier, le Cor- sac ne boirait pas; mais ce fait, qui semble étrange, est-il bien avéré? Ce joli animal, aujourd'hui si peu connu en France, a été néanmoins fort commun à Paris sous le règne de Charles IX, parce qu'il était de mode, chez les dames de la cour, d'en avoir au lieu de Chiens ordinaires; on le désignait sous le nom A\Adivc, et on le faisait venir, à grands frais, de l'Asie. 12. KARAGAN, CANIS KARAGAN. Pallas. ' Caractères spécifiques. — Un peu plus grand que le Corsac; pelage d'un gris cendré en dessus, d'un fauve pâle en dessous. 76 HISTOIRE NATURELLE Cet animal, qui a été confondu avec le précédent, est probablement le même que V Isatis de Buffon. Il est excessivement commun dans les vastes déserts de la Tarlarie, principalement sur les bords de rOural, où il vit de la même manière que le Corsac. Les chasseurs Kirglis lui font une guerre inces- sante pour s'emparer de sa fourrure, qui est assez estimée, et ils apportent annuellement jusqu'à cinquante mille peaux de ces animaux à Orenbourg. Le Canis mclanolus de Pallas, propre aux environs d'Orenbourg, n'en diffère peut-être pas. Il n'en est pas de même du Can'is pallipcs, Sjkes, particulier au pays des Mahrattes, qui constitue une es- pèce bien caractérisée. Fis. 47. — Coi-sac. V. ESPÈCES D'AFRIQUE, 1-, CUIKN MÉSOMtLAS, CANIS MESOMELAS. Linné. Caractèbks spÉcrriQUEs. — Taille du Chacal; oreilles du double plus grandes que celles de cet ani- mal; poils du dos recouverts d'anneaux fauves, noirs et blancs, mais avec des annelures très-larges, d'où il résulte une teinte peu uniforme, et qui offre çà et là des plaques irrégulières de blanc et de noir, tranchant entièrement entre elles; cette couleur du dos formant une plaque triangulaire, large aux épaules, et s'amincissant insensiblement jusqu'à la base de la queue, où elle n'a plus que 0"',G de largeur; queue de couleur fauve ou rousse, avec l'extrémité noire; flancs roux; mâchoire in- férieure, dessous du cou et de la gorge, poitrine et ventre blancs; pattes rousses tant en dedans qu'en dehors. CARNASSIERS. 77 Celte espèce habite le cap de Bonne-Espérance, mais on la rencontre aussi en Abyssinie, dans le Sennaar et en Nubie; ses mœurs sont analogues à celles du Chacal. C'est probablement le type de la section des Tlwus de M. H. Smith W- Fig. 48. — Chacal du Cap. Une autre espèce, décrite récemment, et très-voisine de celle-ci, est le Cnuis vnrîcgatus, Riip- pell, trouvé en Abyssinie, que M. Isidore Geoffroy Sainl-llilaire ne regarde que comme une simple variété du Chacal. 14. CHIEN ANTllUS. CANIS ANTIIUS. Vv. Cuvier. Caiiactères spécifiques. — De la taille du Chacal, mais ayant des proportions plus élégantes et des formes plus légères; pelage gris, parsemé de quelques lâches jaunâtres en dessus, blanchâtres en dessous; queue descendant jusqu'au talon, fauve, avec une ligne longitudinale noire à la base, et quelques poils noirs à la pointe. Cet animal, que les voyageurs indiquent sous la dénomination de Chacal du Sénéçjal, d'après le pays qu'il habite, n'est Irès-probablement, ainsi que le pense M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, qu'une simple variété de l'espèce suivante, c'est-à-dire du Canis aurais. Il en diffère par son odeur un peu moins forte; mais ses mœurs sonlabsolumenlles mêmes. Eu captivité, ses habitudes sont assez douces, et sa voix est un son prolongé, et non pas un aboiement éclatant comme celle du Chacal. 78 IIISTOIHE NATURELLE. Une femelle de cette espèce vivait à la ménagerie du Muséum; on mit avec elle, dans la même cage. un Chacal mâle de l'Inde, et ils ne montrèrent aucune répugnance l'un pour l'autre, ce qui n'arrive habituellement pas aux animaux d'espèces différentes quoique Irès-rapprochées. Le 2fi décembre, ils s'accouplèrent, et, le 1" mars suivant, la femelle mit bas cinq petits, qui eurent les yeux fermés pen- dant dix jours. Deux seulement ont vécu, et, lorsqu'ils furent adultes, l'un était farouche, méchant, indomptable; l'autre très-doux et caressant. 15 CHACAL ou JACKAL. CAMS AUREUS. lAnnC-.. Caractèhes spécifiquf.s. — Yeux très-petits; pupilles rondes; pelage très-fourni; queue touffue comme celle du Renard; les poils soyeux étant épais, durs, et d'une longueur moyenne, et les lai- neux en petite quantité; tête, cou, côtés du ventre, cuisses et face externe des membres et des oreil- les, d'un fauve sale; dessous et côtés de la mâchoire inférieure, bout de la lèvre supérieure, dessous du cou et du ventre, face interne des membres, blanchâtres; dos et côtés du corps, jusqu'à la croupe, d'un gris jaunâtre qui tranche avec les autres couleurs environnantes; queue mélangée de poils fauves et de poils noirs, ces derniers dominant à son extrémité; mufle et ongles noirs; prunelles fauves. Longueur totale du corps, 0'"68; de la tète, 0'",10; de la queue, 0"',20. Fis:. 49. — Cliatai. Le Chacal, (pu' Ton nomme aussi Jackal, est le Tlws de i'iinc, le Thocs d'Aristofe, le C.ola des Indiens, le Loup doré de G. Cuvier, etc., et il furme la section des Sacalitis de M. H. Smith. On le trouve dans presque toute l'Afrique, mais plus particulièrement dans les régions qui s'éten- CARNASSIERS. 79 (lent depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu'à la Barbarie; en Asie, il est répandu depuis la Turquie jusque dans l'Inde; enfin, on le rencontre en Morée et dans quelques parties de l'Europe. En raison des nombreuses contrées qu'il habite, on conçoit que son pelai^e peut varier beaucoup, et, d'après M.Isidore Geoffroy Saint-llilaire, on pourrait distinguer des Chacals du Caucase, de l'Inde, d'Algérie, de Morée, et l'on pourrait même y joindre les Canis varicgaiiis, RuppcU, et aullms, Fr. Cuvier. La seule de ces variétés dont il nous importe de donner les caractères est celle d'Algérie, parce qu'elle est très-répandue aujourd'hui, et qu'on a voulu la regarder comme une espèce particulière sous les dénominations de Canis burbanis, Shaw, et de Canis Algcricnsis, Bodichon. Elle est un peu moins grande que le type, et son pelage est plus rude : les parties supérieures sont abondamment variées de noir, surtout à la croupe et à l'extrémité de la queue; le dessous du corps est dun fauve clair; il y a, sur le devant des jambes de devant, une ligne noire interrompue. Cette espèce se prive très-bien, et on l'a presque à l'état de domesticité, comme notre Chien ordinaire, dans les villes de l'Algérie; son caractère est assez doux, quoique capricieux, et on l'élève très-bien dans nos ménageries. Du reste, ce (}ue nous disons ici d'unevariété s'applique également aux autres, et a été observé pour celle de l'Inde. Fie;. 50 — Corilofan. Plusieurs naturalistes, tels que Guldenstsdt et Tilesius, pensent que le Chacal est le type de notre Chien domestique; mais nous croyons, avec presque tous les zoologistes modernes, que cet animal n'a fait que contribuer pour une part à l'existence des nombreuses variétés du Chien domestique, et que toutes les autres espèces sauvages du même genre y ont également plus ou moins contribué. Quoi qu'il en soit, le Chacal produit très-bien avec le Chien domestique. Les Chacals vivent en troupes d'une trentaine d'individus au moins, et quelquefois de plus de cent, particulièrement dans les vastes solitudes de l'Afrique et de l'Inde. Ils répandent une odeur 80 HISTOIRE NATURELLE. forte, désagréable. Ils dorment, en général, le jour; et, la nuit, ils parcourent la campagne pour cher- cher leur proie tous ensemble, et, pour ne pas trop se disperser, ils font entendre conlinuellement un cri lugubre ayant quelque analogie avec les hurlements d'un Loup et les aboiements d'un Chien, et pouvant se traduire par les voyelles oua... oua... oua. Ils sont tellement audacieux, qu'ils s'ap- prochent des habitations et entrent dans les maisons qui se trouvent ouvertes, et alors ils se jet- tent sur tous les alimcTits qu'ils rencontrent; toutes les matières animales leur conviennent, et ils vont déterrer les cadavres dans les cimetières; ils ne rejettent même pas les charognes les plus puantes, mais cependant ils préfèrent s'emparer de jeunes animaux, surtout des Ruminants, auxquels ils font une guerre acharnée. Lorsqu'une armée est en marche, ou qu'ils rencontrent une caravane, ils les suivent continuellement, dans l'espérance de s'emparer d'aliments pendant les campements; et par là ont de l'analogie avec les Loups qui agissent de même. Quelques débris fossiles doivent constituer des espèces qui entrent dans le sous-genre Chien; nous devrions peut-être en parler maintenant, mais nous préférons ne le faire qu'après avoir exposé l'his- toire du sous-genre des Renards, parce que nous nous occuperons alors en même temps des Chiens et des Renards fossiles. 2« SOUS-GEiNRE. — LES RENARDS. VULPES. H. Smith. Incisives de la mâchoire supcrieiire m ins échancrées que dans les CJiicns, ou même recliliçjnes sur leur bord horizontal; les rangées dentaires, an lieu d'être continues^ Ont les trois premières mo- laires séparées, ne se touchant pas, et il reste surlonl un large intervalle entre la canine et la pre- mière molaire. Museau plus conique, plus pointu que celui des Chiens. Pupilles prenant, en se fermant, la figure de la coupe d'une lentille, et dénotant des animaux nocturnes. Queue plus longue que dans les Chiens, plus touffue. Animaux exhalant une odeur fétide. Les Renards, quoique aussi forts à peu près que les Chacals, n'attaquent pas les animaux qui pour- raient leur résister, et ils se boraentà vivre de petits Mammifères, d'Oiseaux, de Reptiles, d'Insectes, et même de fruits ou baies quand ils ne trouvent pas mieux; ils aiment surtout les raisins. Ils ne tou- chent au cadavre d'un animal mort, ou à quelque autre voirie, que quand ils sont très-pressés par la faim, car il leur faut habituellement une proie vivante. Les Renards montrent moins de courage que les Chiens, mais, en même temps, ils ont plus de finesse, et leurs races sont célèbres depuis la plus haute antiquité. Ils ne chassent que la nuit, tandis que le jour ils dorment dans des terriers qu'ils savent se creuser avec assez d'art. Leur vie est solitaire, et ce n'est même que-rarement, et pour peu de temps, que le mâle habite le même lieu que la femelle. Néanmoins, ils aiment assez à rapprocher leurs terriers les uns des autres, et ils se mettent volontiers deux ensemble pour chasser le même Lièvre. Ces animaux n'aboient ni ne hurlent, ils glapissent. On en connaît une vingtaine d'espèces, parmi lesquelles plusieurs doivent probablement être réunies. Du reste, ils sont moins répandus sur le globe que les Chiens, et l'on n'en a encore trouvé ni en Australie, ni dans les îles de l'ar- chipel indien. I. ESPECES D'EUROPE. 10. RENARD. CAMS VUl.PES. Linné. CARACTÎînEs srtciFiQtJF.s. — Museau effilé; tête assez grosse, à front aplati; oreilles droites, pointues; yeux très-inclinés; queue grande, touchant la terre, extrêmement touffue; pelage composé de poils CARNASSIERS. 81 Ionj,'s et épais, d'un fauve plus ou nioius foncé, semblables sur le corps et sur la queue; lèvres, tour de la bouche, mâchoire inférieure, devant du cou, gorgée, ventre, intérieur des cuisses, blancs; mu- seau roux; derrière des oreilles d'un brun noir; pattes d'un brun foncé en avant; queue terminée par des poils noirs. Longueur du corps, mesuré en ligne droite, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, O^.TO; de la tête, 0'",16; des oreilles, 0'",H; de la queue, 0'",45. Hauteur du corps au train de devant, 0"',55; au train de derrière, 0'",58; ces mesures variant suivant les diffé- rents individus. Fig. 51. — RonarJ Jo Turijuie. Dans cette espèce, le pelage peut varier plus ou moins considérablement, et il peut ainsi se pro- duire des variétés constantes que quelques auteurs ont même regardées- probablement ù tort, comme étant de véritables espèces. Les principales variétés sont : i" Le Renard cuarbonnier (Canis alopex, Schreber), qui ne diffère du Renard ordinaire que par le bout de la queue, qui est entièrement noir, ainsi que quelques poils du dos, le poitrail et le de- vant des pattes de devant. Quelques auteurs, et en particulier Steinmuller, regardent le Renard char- bonnier comme le jeune âge du Renard ordinaire, mais il est probable que c'est une variété indivi- duelle, surtout propre aux pays montagneux. On la rencontre communément dans les montagnes du département de Saône-et-Loire; 2" Le Renaud no«le, qui semble n'être qu'un Renard charbonnier très-vieux, et qui est parti- culier à la Suisse; 3° Le Renahd croix d'Europe (Cams cnu'ujcr, Brisson), ne se distinguant du Renard charbon- nier que par quelques poils noirs qui forment une croix sur !e dos; ,5 11 82 inSTOIP.K NATIJHKI.U:. 4." Lo ru..NAi;ii A vF.Mnp, >oin (Canis incl(mo(jnsln\ Cli. Ronnpartt't, qui, ainsi qiio le remarque M. P.oitard, ne paraît (Mre qu'une sousvariélc 'lu Ilenard eharl)onuier, dont la gorye, la poitrine, le ventre et le côté inférieur des cuisses, sont d'une couleur noirâtre en hiver, et deviennent blancs en été. On le trouve en Italie, et parfois aussi, mais plus rarement, en France, dans les forêts mon- ta^ncnses entre la Loire et la Saône; ^o' 5° Le Renahd musqué, dont le pelage est d'un beau rouge pûle en dessous, au lieu d'être blanc, ci dont l'extrémité de la queue est également noire, mais avec quelques poils blancs disséminés. Il ré- pand une odeur musquée, analogue à celle de la Fouine. Se rencontre en Suisse; 6" Le RENAiti) lii.ANc (Can'is aihus, Scbreber), qui est une variété albine du Renard ordinaire. Il habile principalement les régions septentrionales, et c'est surtout pendant Ihiver qu'il a son pelage le plus blanc. Le Renard portait, chez les Grecs, la dénomination d'A).w7r/,?, et, chez les Latins, celle de Vnlpcs, qui lui est conservée par les zoologistes comme épitbète spécifique, et même, par quelques-uns d'entrf! eux, comme nom géiUTique, et alors ces auteurs l'indiquent sous la dénomination (b' Vnlpcs vulfjdris, d'après Klein. Le lienard est le \'olpc des Italiens, le Fiiclis des Allemands, le Fox des Anglais, le //«■r/' des Suédois, le Zorra ou iUtposa des espagnols, le Lis des Polonais, le Liça des Russes, le T'ilk des Turcs et des Persans, le Taùlcb ou Doren des Arabes, le Nori des Indous, etc. C'est encore à Ruffou que nous emprunterons l'histoire des mœurs de cet animal. « Le Iienard, dit-il, est fameux par ses ruses, et mérite en paitie sa réputation; ce que le Loup ne fait que par la force, il le fait par adresse, et réussit plus souvent. Sans cher('lier à combattre les(]liiensni les bergers, sans at- taquer les troupeaux, sans traîner les cadavres, il est plus sûr de vivre. Il emjiloie plus d'esprit que de mouvement, ses ressources semblent èln\ en lui-même: ce sont, comme l'on voit, celles qui manquent le moins. Fin autant que circonspect, ingénieux et prudent, même jusqu'à la patience, il varie sa con- duite, il a des moyens de réserve qu'il sait n'employer qu'à projios. Il veille de près à sa conserva- tion : quoique aussi infatigable, et même plus léger que le Loup, il ne se lie pas entièrement à la vi tesse de sa course; il sait se mettre en sûreté en se pratiquant un asile, où il se retire dans les dan- gers pressants, où il s'établit, où il élève ses petits : il n'est point animal vagabond, mais animal domicilié. Cette différence, qui se fait sentir même parmi les hommes, a de bien plus grands effets, et supj)0se de bien plus grandes causes, parmi les animaux. Lidée seule du domicile présuppose une attention singulière sur soi-même; ensuite, le choix du lieu, l'art de Hiire son manoir, de le ren- dre commode, d'en dérober l'entrée, sont autant d'indices d'un sentiment supérieur. Le Renard en est doué, et tourne tout à son profil; il se loge au bord des bois, à portée des hameaux; il écoute le chant des Coqs et le cri des volailles, il les savoure de loin, il prend habilement son temps, ca- che son dessein et sa marche, se glisse, se traîne, arrive, et fait rarement des tentatives inutiles. S'il peut franchir les clôtures, ou passer par-dessous, il ne perd pas un instant, il ravage la basse- cour, il y met tout à mort, se retire ensuite lestement en emportant sa proie, qu'il cache sous la mousse, ou jjortc à son Kirrier; il revient quelques moments après en chercher une autre, qu'il em- porte et cache de même, mai,s dans un autre endroit, ensuite une troisième, une quatrième, etc., jus- qu'à ce que le jour ou le mouvement dans la maison l'avertisse qu'il faut se retirer et ne plus revenir. Il fait la même manœuvre dans les pipées et dans les boqueteaux où l'on prend les Grives et les Ré- casses au lacet; il devance le pipeur, va de très-grand matin, et souvent plus d'une fois par jour, visiter les lacets, les gluaux, emporte successivement les Oiseaux qui se sont empêtrés, les dépose tous en différents endroits, surtout au bord des chemins, dans les ornières, sous de la mousse, sous un genièvre, les y laisse quelquefois deux ou trois jours, et sait parfaitement les retrouver au besoin. Il chasse les jeunes Levrauts en plaine, saisit quelquefois les Lièvres au gîte, ne les manque jamais lorsqu'ils sont blessés, déterre les Lapereaux dans les garennes, découvre les nids de Perdrix, de Cailles, prend la mère sur les œufs, et dêli'uit une quantité prodigieuse de gibier. Le Loup nuit plus au paysan; le Penard unit plus au gentilhomme. « Li chasse du Penard demande moins d'appareil que celle du Loup; elle est plus facile et plus amusante. Tous les Chiens ont de la répugnance pour le Loup; tous les Chiens, au contraire, (lias- sent le Penard volontiers, et même avec plaisir. On peut le chasser avec des Bassets, des Chiens f ^€t||^?¥ CAUNASSIEUS. 83 courants, des Uraques : dès qu'il se sent |>ûursuivi, il court à son terrier; les Bassets à jambes torses sont ceux qui s'y i^lissent le plus aisément : celte manière est bonne pour prendre une portée entière de Renards, la mère avec les petit*; pendant qu'elle se défend et combat les Bassets, on tâelie de découvrir le terrier par-dessus, et on la tue ou on la saisit vivante avec des pinces. Mais la façon la plus ordinaire, la plus agréable et la plus sûre de chasser le Renard, est de commencer par bou- cher les terriers et par le tirer lorsqu'il veut se rendre au gîte... Pour détruire les Renards, il est encore plus commode de tendre des pièges, où l'on met de la chaii' pour appât, un Pigeon, une vo- laille vivante, etc.. Le Renard est aussi vorace que carnassier; il mange de tout avec une égale avidité, des œufs, du lait, du fromage, des fruits, et surtout des raisins : lorsque les Levrauts et les Perdrix lui manquent, il se rabat sur les Rats, les Mulots, les Serpents, les Lézards, les Crapauds, etc.; il en détruit un grand nombre: c'est là le seul bien qu'il procure II est très-avide de miel; il attaque les Abeilles sauvages, les Guêpes, les Frelons, qui d'abord tâchent de le mettre en fuite en le perçant de mille coups d'aiguillon; il se retire, en effet, mais c'est en se roulant pour les écraser, et il revient si souvent à la charge, qu'il les oblige à abandonner le guêpier; alors il le déterre et en mange et le miel et la cire. Il prend aussi les Hérissons, les roule avec les pieds, et les force à s'étendre. Enfin, il mange du Poisson, des Écrevisses, des Hannetons, des Sauterelles, etc. « Cet animal ressemble beaucoup au Chien, surtout par les parties intérieures; cependant il en diffère par la tète, qu'il a plus grosse â proportion de son corps; il a aussi les oreilles plus courtes, la queue beaucoup plus grande, le poil plus long et plus touffu, les yeux plus inclinés; il en diffère encore par une mauvaise odeur très-forte qui lui est particulière, et enfin par le caractère le plus essen- tiel, par le naturel, car il ne s'apprivoise pas aisément, et jamais tout à fait : il languit lorsqu'il n'a pas la liberté, et meurt d'ennui quand on veut le garder trop longtemps en domesticité. H ne s'accouple pas avec la Chienne, et, s'ils ne sont pas antipathiques, ils sont au moins indifférents. Il produit en moindre nombre, et une seule fois par an ; les portées sont ordinairement de quatre ou cinq, rare- ment de six petits, et jamais moins de trois. Lorsque la femelle est pleine, elle se recèle, sort rare- ment de son terrier, dans lequel elle prépare un lit à ses petits. Elle devient en chaleur en hiver, et l'on trouve déjà des petits Renards au mois d'avril : lorsqu'elle s'aperçoit que sa retraite est dé- couverte, et qu'en son absence ses petits ont été inquiétés, elle les transporte les uns après les au- tres, et va chercher un autre domicile. Ils naissent les yeux fermés; ils sont, comme les Chiens, dix- huit mois ou deux ans à croître, et vivent de même treize ou quatorze ans. « Le Renard a les sens aussi bons que le Loup, le sentiment plus fin, et Torgaiie de la voix plus souple et plus parfait. Le Loup ne se fait entendre que par des hurlements afi'reux; le Renard gla- pit, aboie, et pousse un son triste, semblable au cri du Paon; il a des tons différents selon les senti- ments différents dont il est affecté; il a la voix de la chasse, l'accent du désir, le son du murmure, le ton plaintif de la tristesse, le cri de la douleur, qu'il ne fait jamais entendre qu'au moment où il reçoit un coup de feu qui lui casse quelque membre, car il ne crie point pour toute autre blessure, ei il se laisse tuer à coups de bâton, comme le Loup, sans se plaindre, mais toujours en se défendant avec courage. H mord dangereusement, opiniâtrement, et l'on est obligé de se servir d'un serrement ou d'un bâton pour le faire démordre. Son glapissement est une espèce d'aboiement qui se fait par des sons semblables et très-précipités. C'est ordinairement à la fin du glapissement qu'il donne un coup de voix plus fort, plus élevé, et semblable au cri du Paon. En hiver, surtout pendant la neige et la gelée, il ne cesse de donner de la voix, et il est au contraire presque muet en été. C'est dans cette saison que son poil tombe et se renouvelle; l'on fait peu de cas de la peau des jeunes Renards ou des Renards pris en été. La chair du Renard est moins mauvaise que celle du Loup; les Chiens, et même les hommes, en mangent en automne, surtout lorsqu'il s'est nourri et engraissé de raisins, et sa peau d'hiver fait de bonnes fourrures. 11 a le sommeil profond; on l'approche aisément sans l'éveil- ler : lorsqu'il dort, il se met en rond comme les Chiens; mais, lorsqu'il ne fait que se reposer, il étend les jambes de derrière et demeure étendu sur le ventre : c'est dans cette position qu'il épie les Oi- seaux le long des haies. Ils ont pour lui une si grande antipathie, que, dès qu'ils l'aperçoivent, ils font un petit cri d'avertissement : les Geais, les Merles surtout, le conduisent du haut des arbres, répè- tent souvent le petit cri d'avis, et le suivent quelquefois à plus de deux ou trois cents pas. a Le terrier du Renard est quelquefois construit par lui, mais le plus souvent il s'empare du logis d'un Blaireau, ou même d'un î.apin, et il l'élargit et le (li3})osc à sa convenance. Ce terrier est divisé en 8i HISTOIRE NATURELLK trois parties : la niahe, près de l'entrée; c'est là que la femelle se tienî quelques moments en em- buscade pour observer les environs avant d'amener ses petits jouir des douces influences de l'air et des rayons du soleil; c'est aussi lu que le Renard qu'on enferme s'arrête quelques minutes pour épier l'instant favorable d'échapper aux chasseurs. Apres la maire, vient la fosse, où le gibier, la volaille, et autres produits de la rapine, sont déposés, partagés à la famille, et dévorés ; presque toujours la fosse a deux issues, et quelquefois davantage. Vacciil est tout à fait au fond du terrier; c'est l'ha- bitation de l'animal, l'endroit où il dort, où il met bas et allaite ses petits. Ce terrier n'est guère ha- bité qu'A l'époque où le Renard élève sa jeune famille, et lorsqu'il veut se dérober à un danger pres- sant. Dans toute autre circonstance, il passe la journée ù dormir dans un fourré quelquefois très-éloi- gné de sa retraite, mais toujours rapproché du lieu où il a l'intention de commettre quelque dépré- Fi". 52. — RennrJ de Magellan. dation : et ce n'est qu'à la i»rune, ou même la nuit, qu'il se met en chasse. Il emploie la ruse pour se glisser dans les poulaillers ou pour s'emparer des jeunes animaux dont il fait sa nourriture. Dans les pays où le Lièvre abonde, comme le rapporte M. Boilard, deux Renards savent très-bien s'entendre pour lui faire la chasse. « L'un s'embusque, dit-il, au bord d'un chemin, dans le bois, et reste immo- bile; l'autre se met en quête, lance le Lièvre, le poursuit vivement, en donnant de temps à autre de la voix pour avertir son camarade. Le Lièvre fuit, et ruse devant lui comme devant les Chiens; le Re- nard le déjoue, est toujours sur ses traces, et combine sa poursuite de manière à le faire passer dans le chemin auprès duquel son compagnon est en embuscade. Celui-ci, dès qu'il voit le Lièvre à sa portée, s'élance, le saisit; l'autre chasseur arrive, et ils le dévorent ensemble. Si l'affûteur manque son coup, au lieu de courir après le Lièvre, il reste un moment saisi de sa maladresse, puis, se ravisant, et comme s'il voulait se rendre compte des causes de sa mésaventure, il retourne à son poste, et s'é- CARNASSIRRS. 85 lance de nouveau dans le chemin; il y retourne, s'élance encore, recommence plusieurs fois ce ma- nège. Sur ces entrefaites, son associé paraît, et devine sur-le-champ ce qui est arrivé; dans sa mau- vaise humeur, il se jette sur le maladroit, et un combat de quelques minutes est livré. Ils se séparent ensuite, l'association est rompue, et chacun se met en quête pour son propre compte. » Lorsque le Renard court un danger quelconque, ou qu'il éprouve quelque désir, il emploie des ruses qui sup- posent certainement beaucoup d'intelligence. Mais ses ruses sont toujours les mêmes, el, une fois que Texpérience nous les a apprises, rien n'est plus facile que de le rendre victime de sa propre finesse. Par exemple, lorsqu'il est lancé par les Chiens, après avoir fait une tournée de dix minutes, il revient constamment repasser exactement sur sa voie, à cent ou cent cinquante pas environ de l'endroit où il a été lancé. Quand il est pris par les Chiens, après avoir lutté un moment, il contre- fait parfaitement le mort, et se laisse tourner el retourner par les chasseurs sans faire le plus petit mouvement; puis tout à coup, au moment où l'on y pense le moins, il se relève el décampe leste- ment. Fis. 53 — Renard de Caama. On a prétendu que le Chien de Laconie, dont parle Aristote, n'était rien autre chose que le Re- nard plié à la domesticité; mais ce fait paraît d'autant moins probable, que cet animal ne s'appri- voise jamais complètement. On l'a toutefois communément dans les ménageries; et il serait encore beaucoup plus répandu partout s'il n'était pas Irès-désagréable par la mauvaise odeur qu'il répand. Le Renard habite les contrées septentrionales de l'ancien et du nouveau continent, et n'est pas rare surtout dans presque toutes les parties de l'Europe. La variété qui constitue le lîenard char- bonnier a été principalement prise en Bourgogne el en Alsace; et le Renard à ventre noir, dont 86 HISTOIRE NATURELLE. M. Ch. Bonaparte fait une espèce particulière, son Vnlpcs luelanoçjaster, se trouve dans l'Italie mé- ridionale. La fourrure que fournit le Renard, surtout celle de plusieurs variétés, comme le Renard charbon- nier et le Renard blanc, est assez recherchée dans le commerce de la pelleterie. Sous le point de vue de la paléontologie, le Renard est dans le même cas que le Loup. Son exis- tence dans les cavernes d'Allemagne, et surtout dans celles de Gaylenreulh, indiquée depuis long- lem.ps par Esper, a été prouvée depuis par G. Cuvier, d'après l'examen d'un certain nombre de pièces, et surtout par quelques dents et des doigts tout entiers, qu'il a décrits et figurés dans ses Ossements fossiles. Des débris fossiles de la même espèce ont été signalés par un grand nombre d'auteurs, et dans des lieux très-différents; M. Buckland a décrit des dents trouvées dans la caverne de Kirkdale; M. Schmerling, de nombreux fragments provenant de celles de la province de Liège; M. Mac-Enry s'est occupé "de ceux de la caverne de Kent, près Torquay; MM. Marcel De Serres, Dubreil et Jean- Jean, ont signalé quelques os dans la caverne de Lunel-Viel; enfin, M. Marchisson a publié la descrip- tion et la figure d'un squelette entier de Renard, trouvé dans les schistes argileux d'Œnengen, c'est- à-dire dans le terrain tertiaire; mais De Blainville pense plutôt devoir rapporter ce squelette au Cha- cal, tandis que M. Laurillard en fait une espèce particulière sous la dénomination de Canis antiqmis. Lesson et quelques zoologistes rangent, à la suite du Renard, le Corsac, que nous avons compris dans le sous-genre des Chiens. 17. ISATIS ou RENARD BLEU. CAMS LAGOPUS. l.iniié. Caiîactêres spécifiques. — Tête courte; museau allongé, noir à l'extrémité; oreilles velues; pattes et plantes des pieds couvertes de longs poils; queue kmgue, très-touffue; poils du corps longs de 0'",5 environ, d'un cendré ou d'un brun très-clair, uniforme, devenant d'un très-beau blanc en hiver ; dessous des doigts garni de poils : cinquième doigt des pieds de devant presque aussi fort que les autres, un peu plus court seulement, avec l'ongle plus recourbé. Jeunes individus tan- tôt gris très-foncé, tantôt blanc jaunâtre, tantôt marqués d'une ligne dorsale brune, et d'une ligne transversale de la même couleur sur les épaules, lignes qui disparaissent à leur première mue, ce qui leur a f;iit donner le nom de Renards croisés, déjà appliqué à une variété du Renard ordinaire. Longueur de la tête et du corps, 0'",C0 à 0'",CC; de la queue, qui descend jusqu'à terre, 0"',55. Hau- teur du train de devant, environ 0"',o2. L'Isatis, dont les nomenclateurs modernes font leur Vulpes lacjopvs, est le Pescls des Russes, le Fialracka des Suédois, le Befr des Islandais, le Graa-rœv des Danois, le Naiidi des Finnois, le Melrak des Norwégiens, le JS'jal des Lapons. Cet animal se trouve sur tout le littoral de la mer Glaciale et des fleuves qui s'y jettent, et, partout au nord du soixante-neuvième degré de latitude; il est surtout commun en Islande, dans le Groenland, vraisemblablement au Spitzberg, et peut-être même dans le nord de l'Amérique. Les Isatis ont une singulière habitude, et qui est unique parmi les Carnassiers; ils émigrent, en grand nombre, du pays qui les a vus naître, dès que le gibier dont ils se nourrissent ordinairement vient à manquer. En gé- néral, ces émigrations ont lieu vers le solstice d'hiver, et les émigrants descendent parfois au delà du soixante-neuvième degré; ils n'y fixent pas leur domicile et n'y creusent pas de terriers, quoi- qu'ils Y restent quelquefois trois ou quatre ans, mais jamais plus. Passé ce laps de temps, pendant lequel le gibier a dû se repeupler dans leur patrie, ils y retournent. Comme le Renard, l'Isatis est rempli de ruses, de hardiesse, et enclin à la rapine. Sans cesse il est occupé, pendant la nuit, à fureter dans la campagne, et quelquefois on l'entend chasser avec une voix qui tient à la fois de l'aboiement du Chien et du glapissement du Renard. 11 a, sur ce dernier, l'avan- tage de ne pas craindre l'eau, et de nager avec la plus grande facilité; aussi se hasarde-t-il souvent à traverser les bras des rivières ou les lacs pour aller chercher, parmi les joncs des îles, les nids des Oiseaux acpiatiques. Mais sa nourriture ordinaire consiste en Rats, en Lièvres et en divers petits aninuiux. Quoique vivant dans les contrées les plus froides du globe, l'Isatis se tient cependant dans les lieux découverts et montueux, et non dans les vastes forêts de pins qu'on y rencontre. Ses ter- CARNASSIERS. 87 ricrs sont profonds et étroits, tapissés de mousse, et très-propres. L'acconplomcnt a lieu au mois de mars; la chaleur dure quinze jours, et la gestation un peu moins de deux mois. La fourrure des Isatis est très-recliercliée, très-précieuse, et constitue une branche de commerce con- sidérable; aussi fait-on une chasse à outrance à ces animaux. M. Boitard donne quelques détails à ce sujet, et nous croyons devoir les transcrire ici, à cause surtout de leur originalité. « S'il arrive à un chas- seur de prendre un ou deux très-jeunes Isatis, il les apporte à sa femme, qui lesallaite et les élève jusqu'à ce que leur fourrure puisse être vendue. Les voyageurs prétendent qu'il n'est pas rare de trouver de pau- vres femmes qui partagent leur lait et leurs soins entre leur enfant et trois ou quatre Renards bleus. La portée des femelles est composée de sept à huit petits. Les mères blanches font leurs petits d'un gris roux en naissant, et les mères cendrées font les leurs presque noirs. Vers le milieu du mois d'août, ils commencent à prendre la couleur qu'ils doivent conserver toute leur vie. En septembre, ceux qui doivent être blancs sont déjà d'un blanc pur, excepté une raie sur le dos et une barre sur les épaules, qui noircissent encore; on les nomme alors Krcstoiv\ki ou Croisés. En novembre, ils sont entière- ment blancs; mais leur pelage n'a toute sa longueur, tout son prix, que depuis décembre jusqu'en mars. Les gris prennent leur couleur plus vite; ce sont les plus précieux, surtout quand cette couleur est d'un gris ardoisé tirant sur le bleuâtre. La mue commence en mai et finit en juillet. A cette épo- que, h\s adultes ont la même livrée que les nouveau-nés de leur couleur, et ils parcourent des phases de coloration absolument semblables. » Ces variations de couleur suivant les diverses époques de l'année, et aussi quelques difiérences de coloration individuelles, ont fait appliquer des noms diffé- rents à certains individus de cette espèce; tels sont les Cuiùs laçjofus fnscus, CLeriilcus, Fr. Cuvier, et (uriginosus, Richardson. D'après De Blainville, l'Isatis semblerait avoir laissé des traces de son existence ancienne, et cela dans la faune paléontologique même lU Paris; en effet, le Canis Monlis martijrum de quelques anatomistes, ou Canis Parisicusis de plusieurs autres, décrit pour la première fois par G. Cuvier, paraît devoir lui être rapporté. Ce fossile consiste en une demi-mâchoire inférieure du côté droit, découverte dans le gypse de Montmartre. En comparant les fragments de cette mâchoire, on trouve les plus grands rapports avec le Canis lagopns, quoique indiquant un animal un peu plus fort; ainsi la proportion de la dent principale, et des deux dernières avant-molaires, la position du trou menton- nicr postérieur au-dessous de la troisième avant-molaire, la forme presque aiguë de l'apophyse angu- laire, et même la forme peu convexe du bord inférieur, sont comme dans le Canis lagopits : seule- ment, il y a plus de force en général, et surtout l'apophyse coronoïde est notablement plus large. Ce rapprochement parait très-probable; mais, s'il n'est pas exact, on doit au moins en conclure que le Canis Parisicnsis était très-voisin de l'Isatis. II. ESPÈCES D'AMÉRIQUE. 18. RENAIÎD ARGENTÉ. CANIS ARGENTATUS. Et. Geoffroy Sainl-llilaire. Caiiactèhes spécifiques. — Formes du Renard; pelage entièrement de couleur noire, à laquelle se mêle, dans plusieurs points, et en plus ou moins grande quantité, quelque peu de blanc; extrémité de la queue presque tout à fait blanche; devant de la tête et flancs blanchâtres; quelques poils ter- minés de blanc dans les parties noires du pelage; poil laineux, très-épais et très-fin, d'un gris pres- que noir; pattes et museau couverts de poils courts; yeux jaunâtres; quelquefois une tache blanche sous le cou. Longueur de la tête et du corps, Q'",10. Cette espèce, à laquelle Gmelin donnait la dénomination de Canis Ltjcaon, et que G. Cuvier nom- mait Renard noir, nous présente encore l'exemple d'un animal qui a passé d'un continent dans l'au- tre, car, s'il habite principalement le nord de l'Amérique, on le trouve aussi dans le Kamtchatka, comme l'affirment Krakenniiiikof et Lesseps. Il a Us mêmes mœurs (pie le Renard; mais, comme il est plus grand et plus fort, il est également 88 HISTOIRE NATURELLE. plus courageux, et ne craint pas d'attaquer des animaux d'une certaine grosseur. On assure que, lorsqu'il peut s'approcher d'un troupeau, il a la hardiesse d'enlever, malgré les cris des bergers, les Agneaux ou Chevreaux qui lui conviennent; mais cela paraît être une exagération. Sa fourrure est moins estimée que celle du Renard bleu; elle a, néanmoins, du prix. La ménagerie du Muséum en a possédé un vivant, et il avait les habitudes du Renard. Ainsi que ce dernier, il marchait la tête et la queue basses, et, quoique très-bien apprivoisé et assez doux, il gar- dait un amour de liberté qui a fini par le faire mourir dans la tristesse et le marasme. Lorsqu'on le contrariait, il grognait comme un Chien en montrant les dents, et il eût été dangereux de le toucher dans ses moments de mauvaise humeur et de tristesse. Il exhalait une odeur très-désagréable, mais qui ne ressemblait pas à celle du Renard. Il paraissait beaucoup souffrir de notre température d'été. Fis. 54. — Renard d'Amérique. 10. RENARD TA! VE C^A7,S' FULVUS. A. -G. Dcsm;irost. CARACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Poiagc présentant différentes nuances de roux et de fauve; dessous du cou et bas-ven(re blancs; poitrine grise; face antérieure des jambes de devant et pieds noirs, avec du fauve sur les doigts; queue terminée de blanc; taille et forme du Renard. Cette espèce habite les États-Unis d'Amérique, dans l'État de Virginie. A l'extérieur, elle a beau- coup de rapports avec notre Renard d'Europe; mais elle en diffère surtout par la vivacité des couleurs et la finesse du poil; en outre, à l'intérieur, on trouve une différence dans la tête osseuse; cette dif- férence consiste en ce que, dans le Renard ordinaire, les deux crêtes latérales qui servent d'attache aux muscles crotapbites forment un angle assez peu prolongé, et se réunissent à la suture de l'os frontal, tandis que, dans le Renard fauve, ces deux crêtes sont dirigées, parallèlement l'une ;\ l'aulre, à O'",o d'intervalle, et ne se réunissent qu'à la crête occijitale. 20. UE>'ARD GRIS. Catcshy. CAMS VIRGINIAXUS. Erxlcben. Caractères spécifiques. — Corps entièrement d'un gris argenté; forme et grandeur du Renard or- dinaire. CARNASSIERS. 89 L'on ne sait rien de bien positif sur ce Renard, et il est probable qu'on doit le réunir à Tune des espèces précédentes. Il habite la Viri>inie. '21. REN.ARD TRICOLOIŒ ou AGOUARACII.W. CAMS CINERI-O-ARGKNTATUS. Erxlcljo.i Caractères spécifiques. — Dessus du corps d'un gris noir; tète gris fauve; oreilles et côtés du cou d'un roux vif; gorge et joues blanches; mâchoire inférieure noire; ventre fauve; queue fauve glacée de noir, avec le bout d'un noir foncé. Longueur du corps, mesuré depuis le bout du nez jusqu'à'rori- gine de la queue, 0"\70; de la queue, 0'",f)5. Hauteur au garrot, 0'",/t3. Fig. 55 — Renard tricolore. Cette espèce habite les Etats-Unis d'Amérique et le Paraguay, i) Azara donne sur elle les détails sui- vants: « L'Agoiiarachay, pris jeune, s'apprivoise, et joue avec son maître, de la même manière etavec plus de tendresse et d'expression que le Chien; il reconnaît les personnes de la maison, et les fête en les distinguant des étrangers, quoiqu'il n'aboie jamais contre ces derniers. Mais, s'il entre dans la maison un Chien du dehors, son poil se hérisse, et il le menace par ses aboiements jusqu'à ce qu'il le fasse fuir, sans toutefois oser le mordre. Il ne gronde point contre les Chiens de la maison, au contraire, il joue et folâtre avec eux. Il vient lorsqu'on l'appelle au crépuscule du matin et du soir, parce qu'il se couche et dort le reste du jour, atin de n'avoir pas besoin de repos pendant la nuit, qu'il emploie à parcourir la maison, pour chercher des œufs et des Oiseaux domestiques, auxquels il ne pardonne jamais quand il peut en attraper. Il n'est pas docile, et, si l'on veut le faire entrer dans un lieu, ou si l'on veut l'en faire sortir, il faut beau<;oup de peine pour l'y obliger; il souffre même, auparavant, des coups, auxquels il répond en grognant. » Cependant, un jeune individu de cette espèce, apporté de New-York, a vécu à la ménagerie du Muséum, et, sans être méchant, était farouche, et exhalait une odeur très-désagréable. cs 12 90 HISTOIRE NATURELLE. A l'état sauvage, le Renard argenté a les mêmes mœurs que notre Renard, mais plus de hardiesse, car il ose approcher, pendant la nuit, des bivacs où dorment les voyageurs, pour s'emparer des sangles et des courroies de cuir, qu'il emporte et dévore. Il pousse l'effronterie jusqu'à s'introduire dans les basses-cours pour en enlever la volaille, ou toute autre chasse à sa convenance. Enfin, dans le Paraguay, on assure qu'il mange des fruits, des cannes à sucre, et qu'il suit le Jaguar pour s'ap- provisionner de ce que celui-ci gaspille; et il en serait de même, dit-on, du Chacal, qui accompagne aussi le Lion. Le Renard argenté habite les bois et les buissons les plus épais; il y vit solitaire; sa voix est gutturale, retentissante, et semble prononcer le mot goua-a-a. Quelquefois, la femelle met bas, en plein air, dans un tas de feuilles ou d'herbes sèches; mais, le plus habituellement, elle s'empare d'un terrier de Viscache, l'agrandit, et y fait, en octobre, de quatre à cinq petits, qui naissent presque noirs, et parmi lesquels se trouve parfois un albinos. Ne serait-ce pas à cette espèce que l'on devrait rapporter les ossements trouvés par M. Lund dans les cavernes du Rrésil, et qu'il regarde comme se rapportant au Canis jiibatus ou campestris? et ne pourrait-on pas dire la même chose de ses Canis prolalopex et troglodytes? 22. RENARD AGILE. CAMS VELOX. Say. Caractères spécifiques. — Pelage doux, fin, soyeux, fauve, et d'un brun ferrugineux; dessous de la tète d'un blanc pur; poils du cou plus longs que les autres, et formant une sorte de fraise. De la grandeur à peu près du Renard ordinaire. Cette espèce a la taille svelte et le corps mince, ce qui la rend très-légère à la course; sa queue est longue, cylindrique, noire. Elle se plaît dans les pays découverts, sur les bords du Missouri; se loge dans un terrier, et paraît avoir les mêmes habitudes que l'espèce précédente, avec laquelle on la con- fond assez souvent. 23. RENARD CROISÉ. CAMS DECUSSATUS. Et, Geoffroy Saint-Hilaire. Caractères spécifiques. — De la taille du Renard ordinaire; tout le corps, et surtout le dos, la queue, les pattes et les épaules, d'un gris noirâtre, plus foncé vers les épaules, à poils annelés de gris et de blanc; une grande plaque fauve partant de l'épaule jusqu'à la tête, et une autre de même couleur sur le côté de la poitrine; museau, dessous du corps et pattes, noirs; queue terminée par du blanc. Le Renard croisé, que Schreber a nommé Canis crucigcr, est regardé, par quelques auteurs, comme n'étant qu'une variété du Renard argenté. On le rencontre dans le nord de l'Amérique, et probablement jusqu'au Kamtchatka. A ces diverses espèces, propres à l'Amérique, et qui, ainsi que nous l'avons dit, ne sont pas con- nues entièrement, il faudrait en joindre encore quelques-unes que nous ne ferons que nommer, parce qu'on n'a pas assez de détails sur elles; ce sont : 1° Le Canis vulpcs, Ilarlan, de la Nouvelle-Calédonie, et de la Nouvelle-Angleterre, que Lesson nomme Vttlpcs Ainericanus; 2° Le Canis Magellaniciis, Darwin, du Chili et des îles Malouines; 3" Le Canis fulvipcs, Darwin, des îles de Chiloé; A° Le Canis griseus, King, de la Magellanie; 5° Le Canis Brasiliensis, Schinz, ou Canis Azarœ, Wied, du Rrésil, du Paraguay, de la Plata, de la Patagonie et du Chili. Enfin nous pourrions citer des débris fossiles, dont nous parlerons bientôt. Couguiir. Hyène taclieléc. l'I 12. CAHNASSIEUS. 91 m. ESPÈCES IVASIE. '24. RENARD DU BENGALE. CANIS BEIVGALENSIS. Shaw. Caractères sprcifiques. — Pelage brun en dessus, avec une bande longitudinale noire sur le dos; tour des yeux blanc; queue noire à l'extrémité; forme et taille du Renard ordinaire. Ce Renard, qui habite l'Inde, principalement le Bengale et l'île de Ceylan, diffère peu, au moins quant aux mœurs, de noire espèce d'Europe. On a décrit, dans ces derniers temps, des espèces nouvelles comme propres à l'Asie; ce sont les suivantes, qui sont trop peu connues pour que nous nous en occupions dans cet ouvrage : 1" Vnlpes Himalaicus, Ogilby, du Népaul et de l'Himalaya; 2" Vulpes xanthina, Gray, de l'Inde; 5" Vnlpes Kokri, Sykes, du Klun, ou pays des Mahrattes. IV. ESPÈCES D'AFRIQUE. 25. RENARD D'EGYPTE. CANIS NILOTICUS. Et. Geoffroy Saint-tlilaire. Caractères spécifiques. — De la taille du Renard ordinaire; dessus du corps couvert de poils fau- ves, mélangé de cendré et de jaunâtre sur les flancs; dessus des cuisses cendré, avec quelques poils terminés de blanc; dessous du corps, depuis l'extrémité de la mâchoire inférieure jusqu'à l'anus, de couleur cendrée; quelques poils blancs sur les côtés du cou; pattes d'un fauve uniforme; oreilles noires en arrière. Il habite l'Egypte et la Nubie. 26. RENARD PALE. CANIS PALLIDUS. Creulzchman Caractères spécifiques. — Pelage d'un fauve très-clair en dessus, blanc en dessous; queue touffue, noire à l'extrémité. Ce Renard se trouve en Egypte et en Nubie; on sait qu'il habite un terrier pendant le jour, qu'il chasse pendant la nuit, et que, conséquemment, ses mœurs sont à peu près les mêmes que celles du Renard ordinaire. n HISTOIRE NATURELLE. 27. RENARD VARIÉ. CANIS VARIEGATUS. Riippel. Caractères spécifiques. — Pelage trun fauve jaunâtre en dessus, blanc en dessous; sur le dos et sur la queue, il y a des mèches noires formées par des poils plus longs que les autres. Habite la Nubie et TEgypte. Ces trois espèces semblent au moins voisines, et ne sont p a o -a) i CARNASSIERS. 97 La collection de la Société z^ologique de Londres possède un squelette de cet animal, et M. Yarrel en a donné la description. Le Fennec monte sur les arbres avec la plus grande facilité; il se plaît surtout à grimper sur les Dattiers, dont il aime, dit-on, à manger les fruits. Mais il fait surtout la cliasse aux petits Mammi- fères et aux Oiseaux, et recherche les œufs de ces derniers. De son habitude de monter sur les arbres, et de ce qu'il ne peut embrasser les branches avec ses petits membres, on en a déduit que les ongles devaient être à demi rétractiles ou même tout à fait rétractiles; et, de ce que sa nourriture consistait en matières végétales et animales, on a dû soupçonner que ses molaires devaient différer de celles des Chiens, et se rapprocher davantage de celles des Insectivores, c'est-à-dire qu'elles de- vaient être à couronne tuberculeuse. Le Fennec dort la plus grande partie de la journée, et ce n'est que le soir qu'il sort de son gîte pour satisfaire son ap])étit. Sa physionomie est fine et rusée, et res- semble beaucoup à celle du Renard. Il porte ses oreilles droites, et ce n'est que lorsqu'il est effrayé qu'il les couche en arriére. Il se prive aisément; et l'on peut, aujourd'hui, être témoin de ce fait en étudiant l'individu qui vit depuis quelques mois à la ménagerie du Muséum, et à laquelle il a été donné, en 1851, par M. Ducourt. Ce Fennec provient du grand désert du nord de l'Afrique; son aspect général rappelle tout à fait celui d'un Renard, et ses oreilles ne semblent même pas aussi démesurément grandes que l'avaient annoncé les naturalistes. Il est d'une grande douceur, aime à ce qu'on le flatte, et vit en assez bonne intelligence avec un jeune Chien qu'on lui a donné pour compagnon de capti- vité. Il n'a pas une nourriture exclusivement carnassière, car il ne repousse pas les fruits ou gâteaux qu'on lui présente. Cette espèce, dont Bruce a vu trois individus de variétés différentes à Tunis, à Alger et à Sen- naar, se trouve fréquemment dans le territoire des Arabes Beni-Menzzahs, et Werglahs, ancien pays des Mélano-Gétulés, et aussi, dit-on, mais beaucoup plus rarement, dans la province de Constantine. Les Arabes de ces contrées le chassent pour en avoir la fourrure, qu'ils envoient vendre à la Mecque, d'où elle passe dans l'Inde. On le trouve aussi en Nubie et en Egypte; mais il est très-rare partout. Une seconde espèce propre à ce genre est le ReiNapo d'Afrique {Canis famelkus, Riippel; Fcnnecus famelicus, Lesson), propre à la Nubie et au Kordofan. Dans cet animal, qui a beaucoup d'analogie avec le Fennec, les oreilles sont moins longues; la tête est jaune, et le corps gris, ainsi que les deux tiers de la queue, qui est blanche à l'extrémité. Enfin, une dernière espèce est le Fennec de Denham [Vuli}esDenliamn, ou Canîsfeimccus, Denham), qui diffère du Fennec par son pelage d'un roux blanchâtre uniforme, seulement plus pâle en dessous; son dos brun blanchâtre uniforme; son menton, sa gorge, son ventre et les parties internes de ses cuisses et de ses jambes, blancs; son museau noir. Il se trouve dans l'Afrique centrale, et n'est pro- bablement pas distinct du Fennec ordinaire. S'"" GENRE. — OTOCYON. OTOCYON. Lichst.enstein, 1838. In Wiograann Archiv., toni. IV. nç, oreille; wov, Chien. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sifslhne denlaïrc : incisives, f; canines, |^; molaires, ^; eniolalité, quarante- deux dents, d'oii il résulte qu'il y a, à chaque mâchoire, deux dents de plus que dans le genre Canis, et, en outre, on peut remarquer que les dents sont plus omnivores que dans le groupe que nous venons de nommer. Oreilles très-larges et très-longues, égalant presque la tête, avec un double rebord h leur bord inférieur externe. Jambes plus grandes que celles du Renard. Tête petite. Queue très- fournie. c *•* 98 liiSTOinE NATURELLE. Le genre Oionjon de Liclistenslein, qui ronT.s])on(l au genre Mcfinloiis (^s^a:, grand; <.),-, oreille) de Bennett, et qui a pour type une espèce de Chien, le Canis vtcfjaloiis, A. G. Desniarest. du Cap de Bonne-Espérance, est parfaitement caractérisé par le nombre de ses molaires plus considérable que dans les véritables 6V/»j,ç. Dans ce genre, la disposition omnivore est au minimum, non-seulement ])arce que les carnassières sont tout à fait au minimum en elles-mêmes, mais aussi relativement aux tuberculeuses, dont le nombre est augmenté aux deux mâchoires; d'où il resulle que le système dentaire de ce groupe a une certaine analogie avec celui de quelques Petits-Ours. Les incisives ont assez peu le caractère de celles des Canis, en ce que les supérieures sont petites, presque égales, espacées et entières, peut-être cependant par usure; mais les inférieures sont bilobées; les canines de même, et n'étant pas plus comprimées, ni carénées, que dans les Renards. Les avant-mdlaires sont à peu près dans le même cas, seulement elles sont plus petites, moins espacées, que dans les espèces du genre Chien; mais elles croissent graduellement de la première à la troisième, sont tout à lait simples et triangulaires en haut comme en bas, et seulement un peu plus étroites inférieurement. C'est surtout dans la forme de la principale ou carnassière d'en haut, et de la première avant-molaire ou carnassière d'en bas, que les différences commencent à être marquées. Elles consistent en ce que, en haut, la partie antérieure de la dent, c'est-à dire sa partie carnassière, a considérablement aug- menté d'étendue, puisqu'elle constitue la dent entière, celle-ci n'étant cependant pas plus large que la première tuberculeuse, et qu'en bas cette carnassière, moins changée et moins réduite toutefois, est devenue presque insectivore; les trois pointes ou tubercules pointus de la moitié antérieure étant également soulevés, et le talon étant entièrement formé de deux pointes. Quant aux tuberculeuses, au nombre de trois à chaque mâchoire, celles d'en haut sont tout à fait semblables à celles des Ca- v'is, sauf qu'elles décroissent sensiblement de la première à la dernière, ayant deux denticules pres- que égaux en dehors, et un large talon en dedans. Celles d'en bas décroissent encore plus rapide- ment : les deux premières à deux collines transverses, bicuspidées, et la dernière à peu près de même forme, mais la colline postérieure réduite à n'être qu'un petit talon. Le squelette de l'Otocyon a été décrit avec soin par De lUainville dans son Osiéograpliie, et cet auteur a montré que l'ensemble des os rappelle évidemment celui d'un petit Renard, mais encore plus grêle et plus élancé ou élevé sur pattes, et avec une queue plus courte et plus rapidement eHilée. Les apo- physes épineuses des vertèbres dorsales sont plus étroites que dans les Renards, et ne vont pas en s'élargissant en arrière : celles des lombaires sont également plus étroites et plus inclinées en avant; et les transverses d'une gracilité extrême, la dernière étant peut-être la plus large. La série sternale, ainsi que les côtes, sent absolument comme dans les Vulpes. L'omoplate est peut-être un peu plus haute, un peu plus étroite, et sa crête très-élevée, surtout vers sa terminaison. L'humérus est certainement plus long, plus droit, en un mot plus semblable à celui des Chats; mais sans crête épicondylienne, sans canal interne, et même sans trou médian à son extrémité inférieure : l'articulation est, du reste, en double j)oulie comme dans les Canis. L'avant-bras est encore plus long que le bras. Le radius très-courbé, et le cubitus presque tout à fait postérieur, soudé même dans sa moitié supérieure, et très-grêle dans le reste. Le carpe est comme dans le Renard; mais la main est beaucoup plus allon- gée, surtout dans les métacarpiens, qui sont d'une longueur et d'une gracilité tout à fait particu- lières. Les premières et les secondes phalanges sont assez bien comme dans le Renard, mais les onguéales sont encore plus longues, plus comprimées et plus aiguës. Les membres postérieurs pré- sentent des différences à peu près de même intensité. Le bassin est proportionnellement plus long, et son angle antérieur et inférieur est plus arrondi. Le fémur est long, arqué, comprimé en haut et moins en bas. Les os de la jambe sont plus grêles, et le péroné entièrement soudé au tibia dans sa moitié inférieure. Le pied est encore plus long, plus grêle et plus serré que dans le Renard, avec le pouce également plus rudimentaire. Mais c'est surtout la tête qui offre le plus de différence, quoiqu'elle rentre cependant très-bien dans la forme de celle des Renards, et surtout du Renard ar- genté. Elle est seulement encore un peu plus allongée, l'espace lyriforme supérieur étant plus large, l'orbite est aussi plus circulaire et plus complète dans son cadre par plus de longueur des apophyses orbitaires. L'os du nez est moins fortement bifide; le trou sous-orbitaire est plus avancé; la pointe médiane du bord palatin beaucoup plus longue; l'apophyse ptérygoïde interne plus petite; le trou auditif plus grand; l'apophyse anguleuse de la mandibule plus large, plus arrondie, de manière à ce que l'os mandibulaire est presque droit. CAUNASSIERS. 99 L'espèce unique de ce genre est le OTOCYON A GRANDES OlililLLES. OTOCYON MEGALOTIS. Lcssoii. Caractères spécifiques. — Polaire gris de fer, très-légèrement teint de fauve; une ligne de poils plus longs (|ue les autres, et noirâtres, le long du dos; oreilles grises en dehors, avec, le bout noir, et bordées de petits poils blancs; queue très-touffue, noire, avec du gris seulement à la racine; tèîe grise, jusqu'au bout du nez, ainsi que le clianfrein, noirûtre; ventre d'un blanc sale; les quatre pattes noires. Le pelage étant, en général, plus laineux que celui des Chiens. Sa taille est moins considéra- ble que celle du Renard ordinaire. Cette espèce a reçu, d'A. G. Desmarest, la dénomination de Canis mcçjalotis; Desmoulins lui a ap- pliqué celle de Cams Lalandn, tirée du nom du naturaliste voyageur qui l'a trouvée le premier, et M. Ilamilton Smith, qui la range dans sa subdivision des Acjv'witns aiirïii de son sous-genre Chien, le nom de Megalotis Lalandii, eniin, c'est ['Oiociion Cafcr de Lichstenstein. Elle habite les environs du cap de Bonne Espérance, et, dit M. Boitard, la Cafrerie. Fia 59. — Zcrda de Lal.indc. C'est auprès de ce genre, et à côté de celui des Hyénoïdes, que vient se ranger le genre Piimœvu.f de M. Hogson, fondé sur une espèce de Canis, propre aux monts Ilimalayas et aux pays des Mah- rattes, le Chien des Himalayas, Canis primœvus, Ilogson; Canis Dnklnme^jsis, Sikes; Pnmœvus bnansii, Lesson, qui se fait distinguer par quelques particularités de son système dentaire et de son ostéologie. Dans cet animal, nommé Chien primitif par M. Hogson, parce qu'il pense que cette espèce a pu être la souche sauvage du Chien domestique de tout le versant méridional des Ilimalayas, et même du Dingo de la Nouvelle-Hollande, la tète osseuse est remarquable. En effet, quand on la compare à celle d'un> Loup, on observe qu'elle s'en éloigne assez fortement par sa brièveté et la déclivité presque sans courbure de son chanfrein pour se rapprocher de celle du Chien crabier et peut-être encore mieux de l'Hyène, formant ainsi quelque chose d'intermédiaire entre les Caniens et les Hyéniens. Elle est large 100 HISTOIRE NATURELLE. et courte dans ses deux parties, sans coup de hache ni relèvement frontal, K\s os du nez sont plus larges; les prémaxillaires plus courts; les orbites moins grandes, plus longues et un peu plus complètes dans leur ordre. La caisse est moins renflée, et la mandibule a quelque chose d'intermédiaire à celle du Loup et à celle du Chien crabier, étant un peu plus en bateau que dans celui-ci, et cependant ayant le coude assez mai'qué, et l'apophyse angulaire presque comme dans celui-là. Dans le système dentaire, on voit que l'étendue de la carnassière supérieure est proportionnelle- ment au maximum de ce qu'elle est chez les Chiens, puisqu'elle dépasse notablement celle des deux tuberculeuses, dont la dernière est même très-petite, à peine triquètre; mais, de plus, en bas, cette même dernière tuberculeuse n'existe plus, et la carnassière est d'une largeur plus grande que dans aucun Canien, surtout en proportion avec l'unique tuberculeuse presque ronde. Au reste, les incisives, les canines, les avant-molaires et les principales sont comme dans le Loup et dans les autres espèces de Canis de grande taille. 4- GENRE. — CYNHYENE. CYNHY.^NA. Fr. Guvier, 182'J. Dictionnaire dos sciences naturelles. K'jwv, lUjrpna, qui ressenible à l'Hyène et au Cliien, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslème dcnla'ire comme cchù des CIncns, c'cst-à dire comjwsé de canines, ~ incisives, }-5;: molaires, Ç^; mais préseulani le petit lobe en avant des fausses molaires moins prononcé. Yeux firos, saillants. Papille arrondie, diurne. Pieds ne présenlanl que quatre doujts seulement; le pouce manquant en avant comme en arrière. Tête fi rosse. Museau large. Queue touffue, longue. Ce genre, l'un des plus curieux de la famille des Carnassiers, sert à établir le passage desCaniens aux Ilyéniens; en effet, il a le système dentaire des premiers et la conformation digitale des se- conds, ce qui fait qu'on l'a rangé tantôt dans l'une, tantôt dans l'autre des deux tribus que nous ve- nons de nommer; quoique réellement il ait plus de rapport avec les Canis qu'avec les Hyœna. Temniinck rangeait la seule espèce qui entre dans ce groupe dans le genre Hijœna, sous la déno- mination d'il, picta, et Burchell en fit sa //. venatica. Ruppell désigna le même animal sous le nom de Canis pictus, et Griffit sous celui de Canis tricolor. Enfin, Fr. Cuvier, le premier, la regarda comme devant être le type d'un genre distinct, qu'il nomma Cynlniœna, et M. H. Smith le désigna comme une subdivision de son sous-genre Canis, qu'il nomma Lijcnon. Ce genre est généralement adopté, mais la dénomination en a été changée en celle d'HYÉNoïDE(////enoM/es), assez généralement admise aujourd'hui, et adoptée par M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire. De Blainville, dans son Ostcographie, donne les détails suivants sur cet animal remarquable : <( Nous devons d'abord faire observer que, comme cette espèce n'a pas le singulier pénis des Chiens, ni même la bilobure de la racine du bord postérieur de l'oreille, nous ne voudrions pas assurer que, malgré la similitude complète du système dentaire, le squelette de cet animal fût réellement celui des Canis, de manière ((u'il est, à leur égard, la contre-partie du Megalolis. Nous n'avons vu, en effet, qu'une partie de la tête osseuse d'un seul individu de sexe inconnu. Cette tête est encore plus courte, plus brusquement déclive, du moins depuis le front, que dans le Canis primœvns, ce qui lait supposer que le rapprochement de celle des Hyènes est encore plus grand. Toutefois, la gouttière fronto-nasale est très-forte, plus que dans aucune autre espèce de Canis, et, par conséquent, autre- ment que dans les Hyènes, où il n'y en a pas de traces. Les os du nez sont assez bien, comme dans le Canis primœvus, larges surtout dans leur moitié supérieure. On peut en dire autant du bord CARNASSIERS. 101 palatin, et même de la mandibule, qui, sauf plus de largeur pour le premier, de force et de brièveté pour la seconde, sont assez bien intermédiaires à celui-ci et au Loup. Du reste du squelette je n'ai pu étudier que les extrémités, et même sans le carpe ni le tarse complets; cependant il m'a semblé qu'il y avait au moins autant de rapprochement à faire avec la Hyène qu'avec le Loup, le pouce n'é- tant ni plus ni moins rudinientaire en avant qu'en arrière. » Le système dentaire de l'IIyénoïde est en tout semblable à celui du Loup, sauf plus de rapproche- ment et plus de force pour chaque dent. Toutefois, la proportion de la carnassière supérieure, et les deux tubercules qui la suivent, n'est pas plus à l'avantage de celle-là que dans le Loup ordinaire, puisqu'il y a égalité; et que la dernière tuberculeuse est, proportionnellement avec la première, très- petite, et sensiblement plus que dans le Loup. A la mâchoire inférieure, il y a moins de différence, si ce n'est dans la troisième incisive, proportionnellement plus petite, et dans la première avant-mo- laire, plus haute, plus aiguë, ainsi que dans les denticules antérieurs et postérieurs des deux autres et de la principale, qui sont évidemment plus prononcés, même dans un sujet dont les carnassières sont assez usées. Imj;.60. — Hyène lycaon. L'espèce type et unique de ce genre est le : HYKNOIDE. CYNHYÂi'NA PICTA. Temminck. Caractères spécifiques. Pelage très-varié; en effet, sur un fond grisâtre se dessinent, d'une ma- nière plus ou moins tranchée, des taches blanches, noires, d'un jaune d'ocre foncé, très-irrégulière- ment parsemées et mélangées, quelquefois assez larges, d'autres fois très-petites, toujours placées sans ordre et sans nulle symétrie : et ces taches variant beaucoup, non-seulement sur les parties cor- 10^ HISTOIRE NATURELLE. respondantes du même animal, mais encore d'individu à individu. La queue est touffue, blanche au bout, et descend jusqu'aux talons. La taille est celle du Loup ordinaire. Fr. Cuvier donne la description suivante d'un individu qu'il a pu observer avec soin : « Tête noire; front, calotte, derrière des yeux et dessus du cou, jaune roussâtre; côtés du cou d'un brun noirâ- tre; dessous d'un gris brun, avec un large demi-collier blanc vers le bas; épaules, dos, flancs et ven- tre, noirs; une large tache rousse derrière le haut de l'épaule, et deux taches blanches en avant; quelques taches de roux sur les côtés du corps; jambes blanches, avec une tache rousse derrière le coude, bordée d'une ligne noire, qui se termine vers le bas par une tache de même couleur, dont le centre est roux : celle-ci suivie d'une tache semblable, au-dessous de laquelle se trouve encore une tache noire, mais pleine; une autre tache noire en rose, et à centre roux, vers le haut du devant de la jambe, suivie de deux plus petites taches pleines; croupe variée de roux et de brun; cuisses et Iraut de la jambe bruns, avec deux fortes taches blanches : l'une au milieu de la cuisse, et l'autre à la partie postérieure du genou; bas de la jambe et partie antérieure de la cuisse roux, avec quelques taches noires; un anneau noir au talon; tarse blanc; doigts noirs, ainsi que quelques taches sur les côtés du tarse; queue rousse ;i l'origine, puis blanche, ensuite noire, et, enfin, blanche à la pointe; dessous du corps noirâtre; intérieur des jambes de devant blanc, avec (juelques taches et quelques lignes noires; celui des postérieures roux pâle sur la jambe, avec quel- (|ues ondes noires obliques vers le bout; tarse blanchâtre; une tache en rose, noire, et roussâtre au centre près du talon; oreilles grandes, ovales, noires, avec de petites taches roussàtres; poil assez court, excepte sur la queue, qui est touffue vers le bout. » La description donnée par Temminck ne se rapporte pas entièrement à celle que nous venons de rapporter, et cela démontre les variations individuelles que nous avons indiquées. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire indique un fait des plus importants relativement à cet animal. « Vn voyageur très-digne de foi, dit le savant professeur que nous venons de nommer, qui a vu vi- vant un individu de celte espèce, nous a assuré qu'il tenait dans un état habituel de flexion, non l»as seulement, comme les Hyènes, les membres postérieurs, mais aussi, ce qu'on n'a encore observé chez aucun autre animal, les membres antérieurs. » Cette espèce habite le midi de l'Afrique, c'est-à-dire le cap de Bonne-Espérance, le Kordofan, la Nubie et l'Abyssinie. Avec le courage du Chien, l'Hyénoïde a la voracité des Hyènes, ce qui la rend très-dangereuse pour le bétail. Elle se réunit en troupe plus ou moins nombreuse, et ose alors se défendre contre le Léopard, et même contre le Lion. Elle aime à se nourrir de voirie et de cadavres corrompus; et, pour satisfiure ce goût, elle a la hardiesse de pénétrer, pendant la nuit, dans les cours des fermes, et même dans les villages, où elle vient ramasser les immondices jusqu'aux portes des maisons. Malgré cela, elle ne se livre pas moins avec ardeur à la chasse des Gazelles et autres espèces d'Antilopes. Dans ce cas, plusieurs Hyénoïdes se réunissent en meute, et poursuivent leur gibier avec autant d'or- dre et de persévérance que nos meilleurs Chiens courants, et en plein jour. Lorsque l'animal est pris ou forcé, elles le dévorent toutes ensemble sans se quereller; mais elles ne souffrent pas qu'un ani- mal carnassier d'une autre espèce vienne leur disputer leur proie, et c'est alors que, comptant sur leur courage, sur leur nombre et sur leur force collective, elles osent résister au Léopard et au Lion. Faute de gibier, les Hyénoïdes attaquent parfois les troupeaux, les Moutons surtout, et même les Bœufs et Chevaux quand elles les trouvent isolés; mais aucun fait ne constate qu'elles se soient ja- mais jetées sur les hommes. Comme les Hyénoïdes ont presque toujours été confondues, par les voya- geurs, avec les Hyènes, il est possible que quelques-uns des traits de leurs mœurs et de leurs habitudes, que nous venons de signaler, d'après M. Boitard, ne s'appliquent pas exclusivement à elles. Le genre Proièle, que nous décrirons dans la tribu suivante, est rangé, par De Blanville, dans le groupe naturel des Chiens et placé à côté du Cynhyène. CAUNâSSIERS. i03 QUATRIÈME TlUBU. IIYÉNIENS. IJYENIl. Isidore Geolfrov Saint Hilnirt;. Molaires allcrncs, h couronne an moins en partie tranchante. Tuberculeuses nulles ou rudinunlnires. Membres plus ou moins allonyés, forlemenl digiticj rades. Corps surbaissé en arrière. Le genre des Ilijœna, auquel on joint un groupe générique nouvellement décrit, forme la tribu des Hijéniens de M. Isidore Geoffroy Sainl-Iliiaire, qui correspond à celle des Hijœnina de M. Gray, et, en partie, au genre IJijœna de De Blainville. Cette tribu est voisine de celles des Caniens et des Féliens; mais elle se distingue principalement de l'une et de l'autre par son corps surbaissé en arrière, ainsi que par l'aspect tout particulier des ani- maux qui y entrent; en outre, tandis que les tuberculeuses sont nulles ou rudimentaires chez ces ani- maux, comme chez les Féliens, chez les Caniens, au contraire, il y a toujours deux tuberculeuses au moins en haut et en bas. Quelques auteurs varient sur la position que l'on doit assigner à cette tribu dans la série mammalogique; les uns commencent par elle la division des Carnivores, et placent à la suite la tribu des Caniens; les autres la rangent après les Viverriens, et comme joignant ceux-ci aux Féliens, enfin, il en est, et à leur tète vient se placer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui mettent les Ilyéniens entre les Caniens et les Féliens : nous adopterons cette dernière manière de voir. L'espèce typique de cette tribu, la Hyène rayée, est connue depuis longtemps, et citée par les Grecs et les Romains; mais les autres n'ont été indiquées que dans des temps beaucoup plus récents. Le régime diététique des Ilyéniens est encore la carnivorité; mais ces animaux ne sont pas carnas- siers à un degré aussi prononcé que les Chats, en effet, les Hyéniens semblent préférer les matières animales putréfiées, qu'elles vont rechercher jusque dans les charniers et les cimetières, et il semble que ce n'est que par exception qu'elles s'emparent d'une proie vivante, et alors même elles ne chas- sent que des animaux de petite taille, et qui n'offrent pas beaucoup de résistance. Les Protéles sem- blent avoir le même genre de vie, mais, en outre, ils se nourrissent de jeunes animaux, et surtout de la matière grasse qui se trouve dans la loupe caudale des Moulons à grosse queue, qui ne sont pas rares, surtout dans les fermes, dans les pays qu'ils habitent. D'après cela, on voit que ces animaux ont, en quelque sorte, usurpé la réputation de férocité que l'on se plaît en général à leur donner, et qui ne leur est probablement venue que de leur aspect farouche, et qui semble être sanguinaire. Loin d'être redoutables, les Hyènes se voient parfois en liberté dans les rues des villes d'Orient, où elles vont à la recherche des matières animales en putréfaction. Deux genres seulement entrent dans cette tribu; ce sont ceux des Hyènes, créé par Brisson en 1756, ayant quatre doigts à tous les membres, et Photèles, fondé, en 1824, par M. Isidore Geoffroy Saint-IJilaire, ayant cinq doigts en avant et quatre en arrière. On n'en connaît qu'un très-petit nombre d'espèces actuellement vivantes, cinq au plus : trois se rapjjortant au genre llijœna, et une, peut-être deux, au genre Prolcles; mais on a décrit sept à huit espèces de Hyènes comme s'éiant trouvées à l'état fossile. Les Ilyéniens vivants habitent diverses parties de l'Afrique, principalement les environs du cap de Donne-Espérance, et plus rarement l'Abyssinie, l'Egypte, la Nubie, la Barbarie, le Sénégal; mais, en outre, il en est une espèce, la Ilijœna vulgaris, qui se trouve non-seulement dans ces diverses régions, mais dont l'habitat s'étend aussi dans une portion de l'Asie, particulièrement dans la Perse et dans l'Inde. 104 HISTOIRE NATURELLE. Les espèces fossiles sont plutôt propres à l'Europe, et ont surtout été découvertes, en France, dans les cavernes du Midi, ainsi que dans quelques-unes de celles de rAllemagne et de l'Angleterre; cepen- dant, M. Lund en a signalé aussi des traces, en Amérique, dans les cavernes du Brésil; et MM. Baker et Durant, dans les monts Ilimalayas. Quelques auteurs joignent à cette tribu des animaux que nous avons compris avec les Caniens; tels sont les genres Cynlujœna ou Hijénoïdes, ayant pour type le Canis piclus, et rAcur.AGUAZA ou Loup ROUGE (Canis jubatus], dont Wagler a fait le type d'un genre particulier, celui des Cynailuius, qui n'est généralement pas adopté. Fig. 61. — Hyène tachetée. 1" GENRE. — PROTÈLE. PROTELES. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, 1824. MémoiiTS du Muséum, tome XI. rifc, devant; Te).r,et;, complet. CARACTERES GENERIQUES. Syslème dentaire : incisives, |; canines, {^•, molaires, |5^; en tolalilé trente-deux dents, qui ont une disposition anormale. Formes générales des Ihfenes. Têle plus allongée. Museau fin, presque conique, et, sous ce rapport, se rapprochant de celui des Chiens et des Civettes. Membres antérieurs à cinq doigts : le dernier, ou le pouce, peu développé, ou rudimentaire. Membres postérieurs à quatre doigts seulement disposés comme ceux des Hijhnes. Langue douce. Pelage composé de poils, les uns courts, doux, et les autres longs, rudes; quelques-uns formant une crinière sur le dos. Les Protèles se rapprochent beaucoup des Hyènes, des Chiens de la subdivision des Renards et des Civettes; aussi est-ce avec ces trois genres de Mammifères qu'on a généralement comparé Tes- pèce typique, découverte assez récemment au cap de Bonne-Espérance, par Delalande, et avee les- quels on les a successivement placés, jusqu'à ce que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en ait fait, à juste raison, un groupe générique particulier. Au premier coup d'oeil, le Protèle frappe par sa grande ressemblance avec l'Hyène; ses formes générales sont les mêmes; ses membres postérieurs, fléchis sur eux-mêmes, semblent, comme dans ce genre, beaucoup plus courts que ceux de devant : c'est surtout avec ïllijœna vulguris que le CARNASSIERS. 105 Protclcs Delaland'ù a le plus d'analogie par sa forme et par son pelage, offrant sur un même fond décoloration de semblables rayures transversales. On pourrait dire la même chose d'un autre animal que nous avons étudié dans la tribu des Caniens, celui des Gynhyèiies ou Ilyénoïdes, qui a avec le l'rotèle d'assez nombreux rapports; mais, toutefois, on trouve de nombreuses différences entre les uns et les autres. Ainsi, sans parler maintenant de leur système dentaire, qui est assez caractérislicpie pour les uns comme pour les autres, on peut observer que la tête, au lieu d'être ramassée comme dans les Hyènes, est légèrement plus sveltc, et remarquable par ses proportions élégantes; le museau, au lieu d'être obtus et comme tronqué, est plus allongé, assez fin, en sorte que la tête du Protèle, dans son ensemble, ressemble à celle de la Civette, et même un peu à celle du Renard. Les membres aniérieurs sont pentadaclyles comme chez les derniers Carnassiers que nous venons de nommer, et le i)ouce n'est que rudimeiitaire comme chez les Chiens proprement dits; les membres postérieurs sont télra- dactyles comme dans les Hyènes : l'étymologie du nom de ce genre rappelle la particularité que nous venons de signaler relativement au nombre des doigts des pieds de devant, qui sont complets, com- parativement avec ce qui a lieu chez les Hyènes, où on ne trouve plus que quatre doigts seulement. Le carpe et le tarse sont disposés comme chez les Hyènes, c'est-à-dire que, tandis que chez la plupart des Carnassiers les os métacarpiens sont plus courts que les métatarsiens, ici tout le contraire a lieu, et le pied antérieur est au moins aussi grand que le postérieur. Les ongles sont forts, robustes, pointus. Le pelage est composé de poils assez nombreux; les uns courts, doux, et les autres plus longs et très-rudes; en outre, on remarque sur la partie dorsale du corps une crinière très-fiu-le; b queue est très-touffue. Fi^. 62. — Protèle de Delnlnnrio Un des points les plus intéressants de l'histoire des Protèles se trouve dans l'étude de leur système dentaire, et c'est en même temps un des sujets qui a le plus occupé les naturalistes modernes. G. Cii- vier, qui s'en est occupé le premier, dit n'avoir eu en sa possession que des crânes n'ayant que des dents de lait, petites et usées, parce que les dents persistantes, ajoute-t-il, avaient été relardées, comme il arrive assez souvent aux Genettes; de sorte que, pour lui, les dents de cet animal, à leur état normal, devaient resscmljler à celles des Civettes et des Genettes, et, d'après cela, il fit du Protèle une espèce de Civette. Cette explication hypothétique n'a pas été confirmée, et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (i]!agasin de Zoologie, 1841) a démontré, au contraire, que le système den- taire du jeune âge persistait, et qu'il se présentait de la même manière à l'âge adulte; en outre, sui- vant lui, le Protèle adulte, aussi bien que le jeune Protèle, n'a pas un système dentaire de Vivcrra, et ses molaires ne sont comparables à celles d'aucun autre Carnassier, car il faut descendre jusqu'aux Edentés et aux Cétacées pour trouver sur les arcades maxillaires un ensemble de dents aussi sim- lUO IIISTOinE NATIIU'LLE. jilcs: (lo i)lii.s, ces molaires siniplos se (rouveni associées avec des iiici.sives et des canines parfaite- nienl anal(\mies, par leur fornic et leur disposition, comme par leur nombre, à celles des autres Car- nassiers, ce qui est très-remarquable et unique dans la série zoologiquc. Enfin, De Blainvillc, tant dans les Annales d'Annloni'ic cl de Pliijsiologie que dans son Ostéograpliic : fascicule des Canis, re- i^arde le système dentaire des Protèles comme présentant, dans l'ordre des Carnassiers, un exemple d'anomalie constante. En effet, pour lui, les dents des Protèles sont anomales; il y en a presque tou- jours (pielques-unes qui, tout à fait rudimentaires, restent cachées dans In gencive: parfois même il y a de vieux individus qui manquent complètement de l'une des molaires. Quoi qu'il en soit, le système dentaire des Protèles se compose, en général, de six incisives, deux canines à chaque mâchoire, et de quatre molaires tant supérieurement qu'infèrieurement. Suivant De Blainville, il serait possible de trouver dans le système dentaire de la mâchoire supérieure de ces animaux les six molaii'es des Chiens, en considérant comme une seconde avant-molaire une plus petite dent que la première, mais de même forme, qui se trouve d'un seul côté, entre cette première et la seconde, et sur un seul crâne de la collection du Muséum d'Histoire naturelle de Paris: mais il serait plus difficile, sinon impossi- ble, de trouver sept molaires pour la mâchoire inférieure. En haut, les incisives, en demi-cercle assez avancé, sont petites, bien rangées, et un peu plus subégales que dans le Loup, et toutes les trois épaisses et régulièrement bilobées à la couronne. La canine est assez forte, conique, peu comprimée, assez pointue. Les molaires sont complètement anomales de nombre et de forme : elles sont au nom- bre de quatre seulement, petites, débordant à peine la gencive, et très-espacées. Une première avant- molaire à une seule racine longue, conique, un peu courbée, portant une couronne simple, conico- obtuse, un peu comprimée, en forme d'incisive. Une seconde avant-molaire de même forme à peu près à la couronne, mais évidemment plus grosse et plus haute, à deux racines peu séparées. Une troisième plus basse, probablement la ))rincipale, et qui est subtriquètre à deux et peut être trois racines connées, sans talon postérieur et triangulaire, sirbtranchante. Après un intervalle, qui sans doute représente la place de la première tuberculeuse, vient la quatrième molaire, réelle de forme, presque triquètre, presque ronde à la couronne, et soutenue probablement par trois racines connées, et la plus jtetite des quatre. En bas. les trois incisives, un peu déclives, subtransverses, bien rangées et subégales, courtes, épaisses, sont sans doute bilobées, ce qui est certain pour la première, du moins dans le jeune âge. Les canines sont comme celles d'en haut, assez fortes, coniques et très-di- vergentes en dehors, ce qui donne à l'extrémité de la mandibule quelque chose de celle de certains Sangliers. Les molaires, au nombre de quatre, s'entrecroisent avec les supérieures, de manière que l'extérieure est entre la première et la seconde d'en haut, la seconde entre la seconde et la troisième, et les dernières entre celle-ci et la quatrième : elles vont assez loin en décroissant de grandeur de l'antérieure à la postérieure. Après un intervalle en forme d'échancrure semi-lunaire, et tranchant sur ses bords, la première, la plus élevée, la plus déjetée en dehors, est triangulaire, simple à la couronne, et probablement à une seule racine. La seconde un peu moins haute, mais légèrement plus large, à couronne triangulaire, e.st certainement pourvue de deux racines serrées, et d'une sorte de talon. La troisième est un peu ])lus petite que la seconde, mais de même forme et également à deux racines. Enfin, la (piatrième. la plus petite et la dernière, formée de deux parties presque égales, lautérieure, cependant, un i)eu plus grande, n'a véritablement qu'une seule racine. Les mo- laires de lait du Prolèle sont normales, quoique celles d'adultes ne le soient que très-difficilement; en effcl, elles sont au nombre de trois, disposées comme dans les autres espèces. Une première avant- molaire à deux racines en haut comme en bas; une principale plus forte, mais assez bien de même liirme; enfin, une arrière-molaire com[)lexe à trois racines et à couronne formée de ces deux })arties. Les alvéoles sont des plus singulières, d'abord par leur petitesse et ensuite par leur disposition, sem- blables, puur les incisives, à ce qui a lieu chez les Chiens, mais espacées et difficilement perceptibles pour les molains. En examinant son système dentaire, on voit que le Protèle manque de dents propres à la mastica- tu)u dans son état adulte, aussi bien que dans son jeune âge; que dès lors il doit avaler sans mâ- <'her; qu'il ne peut i)robabloment, comme les animaux du groupe naturel dans lequel il entre, celui de; Hyéniens, et des Caniens suivant De Blainville, déchirer une proie vivante, et doit conséquemment se nourrir de matières molles, de vhiÀw-, ])utréfiées ou de la chair de jeunes animaux, qui est moins dure que celle des animaux adultes. H paraîtrait, en effet, ainsi (pic le rapporte M. Burchcll, que le Pro- anNASsiEUs. 107 tèle attaque les Moiiloiis ;t grosso (|M(I1i', cl (jiril rochorclu' snitdiil la loupe graisseuse qui lornic la plus grande partie de la queue de ces lîuuiinauts, cl cela est eu lapport avec leur système dentaire, car, pouvant décliircr la peau avec leurs canines, ils emploient ensuite facilement pour leui' nourri- ture la nmticre semi licpiide dont se compose la loupe graisseuse. Le squelette du IMotèle a été décrit avec soin, ])ar 51. Isidore Geoffroy Saiul-llilaiie, dans les Mé- moires du Muséum, et par De DIainvillc [Osicoçjrnphic : fascicule des CMnis), auquel nous emprun- tons les détails qui vont suivre. « Considéré d'abord dans son ensemble, et comparé avec celui de la Civette, du Loup et de riiyène, il est évident que ce squelette a beaucoup plus de ressemblance avec celui des Chiens qu'avec l'un des deux autres, jiar la brièveté du tronc, surtout dans la région lom- baii'c, et par celle de la queue, ainsi que par l'élévation des mains et des pieds, qui sont cerlaineuu'nt dans la proportion ordinaire des Canis. La tèle, courte et large, et par là assez différente de celle du Loup, rappelle, au contraire, un peu la forme du crâne du Chien crabier d'Amérique, par la manière dont le chanfrein, doucement arqué dans toute son étendue, tombe, en s'excavanl légèrement en avant, pour former un museau raccourci. On ])eul même reconnaître une certaine analogie dans la maniéi-e dont se produisent la crête occipitale d l'intervalle supérieur des fosses temporales. >'ais on trouve des différences assez grandes dans la forme des os du nez, bien plus scaléniformes, le sommet supé- rieur très-aigu, et la base plus large et oblique: dans l'orbite, plus circulaire, plus complète dans son cadre, par l'avance presque égale des deux apophyses orbitaires. et surtout de celle du jugal, qui, lui-même, est plus large et plus court, et ressemble un peu à ce qu'il est dans les Felis. La mâchoire supérieure est également singulièrement large, et cela dans tous les os qui la constituent. Ainsi, l'a- pophyse ptérygoide interne, très-saillante, est un peu dolabriforme; le palatin et le maxillaire, par leur grande étendue, forment une voûte palatine à bords parallèles, remarquable par sa largeur et son excavation, se rétrécissant assez peu aux prémaxillaires, dont la branche montante est courte et très-aiguë. Cette forme de la fosse osseuse du Protèle et de ses mâchoires, même à l'extrémité, rend assez difficile de concevoir la comparaison qui en a été faite avec celles du Renard et de la Civette. Cet élargissement du museau et du palais a nécessairement déterminé quelque chose de sendjlable dans l'appendice maxillaire inférieur : il commence, en effet, par une caisse considérable, contre la- quelle s'applique, d'une manière fort serrée, un os mastoïdien très épais. Le squammeux est court dans son apophyse jugale; mais celle-ci s'écarte fortement en dehors, afin que les branches de la mandibule se disposent de manière à correspondre aux bords maxillaires, c'est-à-dire à former, par leur écartement, une sorte de parachute ou de fer à Cheval très-ouvert, au sommet duquel la mandi- bule se rétrécit presque subitement dans une partie de la symphyse pour s'élargir transversalement à sa terminaison. Chaque côté a, du reste, assez bien la forme de celui de la mandibule du Chien cra- bier, avec moins de hauteur cependant, et plus d'obliquité de l'apophyse coronoide, un peu plus de saillie de l'apophyse anguleuse, et moins d'arrêt dans le coude. Elle est aussi plus étroite dans sa branche horizontale. Cette disposition des deux mâchoires est sans doute eu rapport avec un élargis- sement proportionnel de la langue, ce qui, joint à la forme si anomale des dents, hh présunu'r quel- que particularité biologique singulière dans l'espèce, et peut-être dans l'état de la nourriture de cet animal. « Le reste du squelette rentre presque complètement dans ce qui existe chez les Canis. Aux vertè- bres cervicales, l'apophyse épineuse de l'axis est longue, très-basse, presque rectiligne à son bord supérieur, et nullement convexe, comme dans les Civettes. Le lobe interne de l'apophyse transverse de la sixième vertèbre cervicale est court et arrondi, plus semblable à ce qu'il est chez le Loup que chez celles-ci, où il est échancré. Du reste, les apophyses transverses des vertèbres intermédiaires sont également courtes et arrondies, et les épineuses, quoique larges à la base, sont très-peu élevées, pro- portion qui est particulière à cet animal. Les vertèbres du tronc sont au nombre de quatorze dor- sales et de six lombaires, comme dans les Felis, et non pas comme dans les Canis ni dans les Viverra, et encore moins dans les lïijœna. Leurs apophyses épineuses sont en général courtes; les onze premières vertèbres dorsales rétroverses, et les trois dernières plus courtes encore, et un peu inclinées en avant, comme celles de toutes les lombaires, vertèbres qui sont habituellement courtes, et dont les apophyses transverses croissent de la première à la dernière, la plus longue et la plus large. Le sacrum n'est formé que de deux vertèbres seulement, et la queue de vingt et une; toutes courtes, et décroissant rapidement d'épaisseur. 108 IIISTOmE NATURELLE. « Les membres, généralement élevés, rappellent presque complètement ceux des Cams. L'omoplate est étroite, et ressemble cependant assez à celle de la Civette. Son acromion est un peu bifurqué, et la tubérositécoracoïdienne est très-épaisse. L'humérus est tout à fait celui d'un Cmùs, mais peut-être un peu plus droit cependant, avec un trou médian, et sans canal interne ni crête externe. Les deux os de l'avant-bras sont encore plus dégradés que dans les Canis et autant que dans les Ilyèues; le ra- dius plus antérieur, plus large, plus contigu au cubitus, qui, comme dans celles-ci, est robuste et tri- quètre, dans la division bicorne du bord antérieur de Tapophyse olécranienne, qui est, au contraire, arrondie. Le carpe est élevé; le métacarpe comme dans les Canis. ainsi que le pouce; mais les phalan- ges sont plutôt comme dans la Hyène, par la brièveté et la presque égalité des secondes. Outre les sésamoides ordinaires de l'articulation métacarpo-phalangienne, M. Lsidore Geoffroy Saint-Hilaire en iker et Durant en si- gnalent aussi dans les monts Himalayas, et M. Lund dans les cavernes du Brésil. De sorte qu'aujour- d'hui on connaît, à l'état fossile, non-seulement une espèce analogue à l'une de celles vivant actuel- lement, mais encore plusieurs espèces qui en sont tout à fait distinctes. Si l'on n'a connu que très-tard les diverses espèces d'Hyènes, et même le type, que l'on a long- temps confondu, tantôt avec le Chacal, tantôt avec la Civrtte, tantôt avec le Glouton, et tantôt avec le Babouin, les recherches des voyageurs modernes et les éludes des naturalistes nous les ont fait connaître d'une manière complète, tant sous le point de vue anatomique et zoologique que sous celui de la paléontologie. Daubenton a donné la description d'un squelette de l'Hyène, et il en a comparé les os avec ceux de la l'anthère et du Loup. G. Cuvier a figuré la plupart des os des deux Hyènes rayée et taclieiee. .^iM. Pander et D'Alton en ont publié les squelettes. Enfin, De Blainville, auquel nous empruntons les détails qui vont suivre, a complètement étudié, anatomiquement et iconograpliiquement, l'espèce type (le ce genre, l'Hyène rayée. Les os sont assez durs et assez denses, serrés et articulés entre eux d'une manière pénétrante, ce qui donne à leur tronc, et surtout à leur cou, une roideur qui avait pu faire supposer que ce dernier n'était formé que d'une seule pièce. Le squelette est remarquable, dans son ensemble, par la direction un peu oblique de la séi'ie vertébrale et dans la disproportion de grosseur entre les membres anté- rieurs et les postéi'ieurs : le nombre total des os qui le compose est de cent cinquante, de même que cela a lieu pour le Loup. La colonne vertébr'ale se subdivise en quatre vertèbres céphaliqucs, sept cervicales, vingt trou- cales, subdivisées en quinze dorsales et cinq lombaires, trois sacrées et vingt-deux ou vingt-trois coccygiennes. La tête, dans son ensemble, est moins effilée que celle des Chiens, ])lus courte, et se l'approche un peu de la forme de celle des Chats. Les vertèbres céphaliques, dont nous ne croyons ]ias devoir donner ici une description détaillée, offrent comme caractère commun d'être assez étroites dans leur corps, et surtout d'être très-élevées en toit très-aigu dans leur axe, et cela à cause de la M2 HISTOIRE NATURELLE. grande saillie de leur apophyse épineuse formant une crête dépassant, en arrière, les condyles par la grande saillie de l'épine de l'occiput. Les mâchoires sont remarquables par leur grande force et par leur brièveté, quoique un peu moindre, peut-être, que dans les Féliens, et, sous ce rapport, bien éloignées de ce qu'elles sont chez les Caniens. L'apophyse ptérygoïde est assez distincte, quoique sou- dée de très-bonne heure. Le palatin est médiocre. Le lacrymal très-petit, un peu arrondi. Le jugal est épais et large. Le maxillaire est prismatique, large, court. Le prémaxillaire de médiocre gran- deur, de même que l'appendice mandibulaire. Le rocher est petit, court, irrégulièrement arrondi. La caisse est un peu comprimée. Les osselets de l'ouïe sont assez bien comme chez tous les Carnassiers : l'étrier à platine ovale un peu allongée et convexe: le lenticulaire comme soudé, et formant le cro- chet du plus grand des deux bras de l'enclume, l'un et l'autre assez courts; enfin, le marteau assez courbé dans sa longueur. Le temporal est assez bien comme dans les Chiens. L'arcade zygomatique est large, épaisse. L'angle facial est plus ouvert que dans le Loup. Les fosses occipitales et ptéry- goïdiennes sont grandes, tandis que les cavités sensoriales sont peu développées. Quant aux trous d'entrée des artères, ou de sortie des veines et des nerfs, ils sont plus petits que dans les Chats, et même que dans les Chiens. Les vertèbres cervicales sont en général beaucoup plus fortes, plus lar- ges, plus épaisses et plus longues que dans les animaux que nous venons de nommer; elles ressem- blent, du reste, assez à celles du Loup. Les vertèbres dorsales, en plus grand nombre que dans la plupart des Carnassiers, sont encore assez fortes, mais évidemment plus étroites et plus courtes que les cervicales, surtout dans leur corps remarquablement petit. Les vertèbres lombaires sont courtes, plus que dans les Chats, mais elles sont moins larges que dans les Ours, et même, peut-être, que dans le Loup, étroites, presque égales, décroissant un peu, et presque insensiblement, de la première à la dernière. Les vertèbres sacrées sont petites, décroissant rapidement de la première à la troisième, for- mant un sacrum court. Les vertèbres coccygicnnes sont assez bien dans le même cas que les précé- dentes, c'est-à-dire qu'elles constituent une queue courte et tombante. Fig. 63. — Hyène de l'Albara. L'os hyoïde a son corps large, épais, presque triquètrc; ses cornes sont les antérieures courtes et les postérieures assez larges et minces. Le sternum n'est formé que de huit pièces ct)urles, épaisses, CAP.NASSIKHS. Il: qiiadrilalcres, à niamibriuin peu saillaiil en avant, et à xi[»lioïdi; alloTii,^', ('pais, à liords parallèles. Les oôtfs sont au nombro de quinze, neuf sternales et sixastcrnales : elles sont, pour la force, inlei- niédiaires à celles des Chats et des Chiens, bien moins j^rèles que dans ceux-là, moins larges, infé- rieurement, que chiz ceux-ci; mais, en général, plus fortes, plus arrondies, plus arquées que dans le Loup, plus mémo que chez l'Ours. Fif;. G4 — Hyène bnino. Les membres antérieurs sont, en général, plus robustes que les postérieurs. L'omoplate est assez ttroilc, un peu comme dans le Loup, sans élai'gissement inférieur de son bord antérieur, à crête peu élevée et avec un simple tubercule coracoidien. La clavicule est plus rudimentaire que dans les autres genres de Carnassiers : elle est très-petite, tré.s-mince, ovale, un peu plus large à rexirémiléacromiale qu'à l'autre extrémité. L'humérus, surpassant à peine en longueur l'omoplate, est presque en tout semblable à celui du Loup, d'abord par l'absence du canal nerveux du condyle interne et de crête à l'externe, puis par l'existence presque constante d'un trou de non-ossification au-dessus de la surface ariiculaire, et enfin par la forme générale courte, assez robuste, un peu courbée en /'renversé C*-.). Les os de l'avant-bras ressemblent également à ceux des Canli, mais ils sont plus courbés, plus ser- rés, plus collés l'un contre l'autre, au point de se souder parfois dans la partie moyenne de leur longueur. Le radius est plus large, plus plat, d'un diamètre plus égal dans toute sou étendue. Le cubitus a un olécrane plus épais, moins allongé, beaucoup moins recourbé en dedans, à extrémité coracoïdiuine large, arrondie. Dans les os du carpe, qui ont beaucoup d'analogie avec ceux du Loup, le scaphoide a son apophyse interne plus large, moins saillante; le pisiforme est plus calcanéiforme; le trapézoïde plus petit, et l'unciforme le plus gros de tous, pentagonal supérieurement. Les os du métacarpe ont généralement moins de gracilité que ceux des Cunis, et plus de longueur que ceux des Fclis; ils sont moins serrés, plus larges, plus droits : le premier est très-court, triangulaire, assiz semblable à un os sésamoide. Les phalanges sont un peu plus grosses, proportionnellement à leur lon- gueur, que celles du Loup, et rappellent en même temps celles des Chats. Les ongucales sont épaisses, obtuses. c2 iô lU HISTOIRE NATURELLE. Los membres postérieurs sont moins forts que les antérieurs, parce qu ils sont composés d'os plus farcies. Le bassin est plus court que celui du Chien, plus élargi, et ressemble un peu à celui de rOars, mais il s'en distingue par la longueur de l'iléon, dont le bord inférieur est excavé et prolongé en une épine antérieure recourbée en dessous, s'écartant en dehors, et parce qu'il est pourvu, au- dessus de la cavité cotyloide, d'un tubercule considérable pour l'insertion du biceps, et, au bord antérieur du pubis, d'une forte éminence iléo-pectinée. Le fémur est un peu plus long que l'humé- rus, plus robuste, plus quadrilatère, large inférieurement, arqué. Les deux os de la jambe sont plus courts que le fémur; le tibia, semblable à celui du Loup, a sa crête supérieure peu marquée. Le pé- roné est courbé et collé contre le tibia. Les os du pied, aussi analogues à ceux des Canis, sont forts. Le calcanéum est cependant plus gros et plus court dans son apophyse; le scapho'ide et le cuboidc sont allongés. Les métatarsiens sont proportionnellement moins longs. Les phalanges plus grêles, plus étroites qu'à la main, et surtout les dernières. Les os sésamoïdcs semblent être en petit nombre; à la main, il y a un petit pisiforme, et un os dans l'aiticulalion métacarpo-phalangienne, et des sésamoïdes lenticulaires. Aux membres posté- rieurs, la nitule est remarquable par sa forme large, assez arrondie; elle est plus mince que dans les Chiens, et un peu moins cependant que dans l'Ours. Il y a des sésamoïdes des gastrocnémiens, et, au pied, on en trouve dans l'articulation tarso-phalangienne, ainsi que tkans les muscles extenseurs des doigts. D'après les remarques de Daubenton et de De Blainville, qui ont été à même de disséquer des Hyè- nes mâles, il semble qu'il n'y a pas d'os de pénis dans ces animaux, et cela, contrairement à ce qui a lieu chez les Canis et chez les Felis; et ce fait est Irès-remarquable. Suivant Et. Geoffroy Saiut- llilaire, l'os pénial serait représenté, chez ces animaux, par un petit os placé dans la cavité cotyloide, entre l'ischion, le pubis et l'iléon. On n'a pas pu remarquer de grandes difCérences individuelles, peut-être parce qu'on n'a été à même d'observer qu'un petit nombre de squelettes; et, pour les différences de sexes, elles ne se voient que dans la taille générale plus petite dans les femelles, ainsi que dans la proportion des os, un peu plus grêles chez celles-ci. Tous les détails que nous venons de donner se rapportent à l'Hyène rayée; De Blainville a pu voir des différences ostéologiques assez notables entre cette espèce et l'Hyène tachetée. Ces différences consistent dans les proportions de chacun des os généralement plus robustes et plus grands, plutôt que dans le nombre et même dans la manière dont ils sont assemblés. A la tête, il y a plus de briè- veté, plus de largeur, surtout au crâne. La série vertébrale décroît un peu moins rapidement : les vertèbres sont plus fortes, plus épaisses; le sacrum en présente une de plus, et la queue cinq de moins. Le sternum est plus robuste. Les membres ont une épaisseur plus grande : aux antérieurs, l'omoplate est plus étroite, l'humérus plus large en haut; aux membres postérieurs, le bassin est aussi plus étroit, le fémur un peu plus long, le tibia plus gros et plus court, le péroné courbé vers son mi- lieu, les os du pied sont légèrement plus gros. L'odontologie des Hyènes a été étudiée avec soin d'abord par Daubenton, et ensuite par Fr. et G. Cuvier et par De Blainville; ces derniers surtout pour les besoins de la zoologie et de la paléontologie. Le système dentaire de ces animaux se rapproche à beaucoup d'égards de celui des Fclis, et, par cela, s'éloigne de celui des Canis. Les dents de l'espèce type, l'Hyène rayée, sont en gé- néral très-fortes, très-serrées, très-solidement enracinées, les molaires principalement, occupant, sans intervalle, toute la longueur des mâchoires, de manière souvent à se presser, se déranger, du moins dans les intermédiaires, comme si elles s'imbriquaient latéralement. Il y a trois paires d'incisives, une paire de canines en haut et en bas, comme chez tous les Carnassiers, et de plus cinq paires de molaires en haut et quatre seulement en bas, comme dans quelques espèces de Mustéliens. Supérieu- rement, les trois incisives sont rangées en arc de cercle, bien moins courbé, cependant, que chez les Chiens; elles sont fortes, très-serrées : la première plus petite que la seconde, et l'une et l'au- tre pourvues d'un talon interne, bilobé à la couronne, et d'une racine longue, comprimée; la troi- sième, la plus grosse de toutes, est en crochet pointu, un peu caniniforme. La canine qui suit après un intervalle destiné à loger la canine inférieure est encore assez robuste, courte, fortement radicu- lèc : ovale sans autres cannelures ou arêtes que celles qui séparent le tiers interne, plus plat, des deux tiers extei-nes, plus convexe, de la circonférence. Les trois avant-molaires suivent presque immc- CARNASSIERS. H5 diatemenl la canine : la première très-pelite, avec une seule racine assez longue; la deuxième plus grosse, avec deux racines presque égales, longues, peu divergentes; la troisième plus épaisse que les autres, plus grande, pourvue de deux racines presque verticales. La principale, proportionnellement plus grande que celle des Felis, a sa couronne formée, en dedans, d'un assez large talon, et, en de- hors, d'une lame tranchante divisée en trois lobes. L'unique arrière-molaire, la plus petite de toutes, est tout à fait rentrée, et transverse, comme dans les Chats; elle n'a qu'une racine, portant une cou- ronne triquètre, un angle obtus très-peu marqué en arrière, un second arrondi en dedans, et le plus aigu en dehors. Inférieurement, les trois incisives sont disposées plus transversalement, et, en gêné-, rai, plus petites qu'en haut, moins inégales, plus étroitement et plus longuement radiculées : la pre mière est toujours plus petite, la seconde la plus rentrée, la troisième la plus grosse, cunéiforme, avec un petit auricule au bord externe de la couronne. La canine ressemble assez bien à la supérieure, aussi longue qu'elle et à peine plus en crochet, quoique plus déjetée en dehors. Après une barre as- sez marquée, formée par un bord épais et rentrant, viennent les deux avant-molaires, assez bien de même forme, la postérieure seulement beaucoup plus forte et surtout plus élevée, plus épaisse, à deux racines serrées, presque égales. La principale est plus large, un peu moins haute et moins épaisse que la seconde avant-molaire, au contraire des talons, qui sont bien plus marqués, particulièrement le postérieur. La seule arrière-molaire est assez bien comme son analogue chez les Chats, quoique proportionnellement beaucoup plus petite : elle est moins épaisse, plus tranchante; elle a deux ra- cines, dont l'antérieure est la plus grosse. Le système dentaire du jeune âge est représenté par la formule : incisives, f; canines, \~; mo- laires, 1^; en totalité, vingt-huit dents seulement. La couronne des incisives est tout à fait indivise, même dans le talon des supérieures. Les canines sont plus grêles que dans l'adulte, parce que la racine est plus droite. Les molaires sont bien moins serrées que dans l'adulte; en haut, l'avant-mo- laire est assez forte, triquètre, à trois racines, et à couronne triangulaire; la principale est {égère- ment plus compliquée que son analogue dans l'adulte; l'arrière-molaire est encore plus forte et plus compliquée que dans l'adulte, dont elle diffère beaucoup, surtout par ses trois racines divergentes; en bas, toutes les molaires sont à deux racines : l'avant-molaire plus obliquement triangulaire; la principale, avec les talons plus larges, plus distincts; enfin, l'arrière-molaire ne diffère guère de celle d'adulte que parce que le talon postérieur est beaucoup plus large, au contraire de l'arrêt antérieur des deux racines de cette dent; l'antérieure est également la plus forte, au contraire de ce qui a lieu pour les deux dents antérieures. Les différences individuelles du système dentaire, ainsi que celles des sexes,, sont trop peu im- portantes pour être notées. Il n'en est pas de même pour les différences spécifiques qu'on remarque entre l'Hyène rayée et l'Hyène tachetée, surtout dans les molaires, dents véritablement caractéristiques. En haut, dans cette dernière, les deux premières avant-molaires sont proportionnellement plus petites; la princi- pale offre aussi plus de développement par suite de la largeur plus grande de son talon tranchant; et la tuberculeuse est surtout beaucoup plus petite, quoique également triquètre, presque sigmoïde, ayant la base en arrière, à la couronne. Il y a plus de ressemblance pour les quatre molaires de la mùchoire inférieure; la première est néanmoins proportionnellement moins grande; la seconde est un peu plus élevée; la troisième presque semblable; mais plus oblique par pression en arrière; la dernière, ou carnassière, est assez différente, d'abord parce qu'en totalité elle est proportionnel- lement plus large, et ensuite parce que le talon postérieur est beaucoup plus petit, au contraire du bourrelet antérieur : il n'y a pas de tubercule interne. Quant à l'Hyène brune (Hijœna fusca), on ne trouve pas de différences entre ses dents et celles de l'Hyène rayée, et c'est une des raisons qui portent De Blainville à les réunir en une seule et même espèce. Les muscles qui mettent en jeu l'armature de la mâchoire, et ceux qui fixent la tête sur le cou, sont si vigoureux, qu'il est presque impossible de forcer Ips Hyènes à lâcher ce qu'elles ont saisi en le leur arrachant, et les voyageurs racontent avoir vu certains de ces animaux emporter dans leur gueule des proies énormes sans les laisser toucher le sol. Les violents efforts qu'exigent de pareils mouvements amènent même quelquefois l'ankylose des vertèbres cervicales. Cepen- dant, ce n'est pas pour s'emparer d'une proie vivante que ces fortes dents, que ces muscles 116 HISTOIRE NATURELLE puissants des deux mâchoires onl été donnés aux Hyènes, mais seulement pour leur permettre de briser avec beaucoup de facilité les os les plus durs. Le diaphragme est très-épais. Les muscles des membres démontrent que lllyène est un animal fouisseur beaucoup plus qu'un animal coureur; et expliquent cette particularité organique par suite de laquelle ce Carnassier aime à déterrer les cadavres pour s'en nourrir. L'anatomie interne d'un individu de ce genre a été faite par Daubenton, et nous extrayons ce qui suit de son travail inséré dans Vllisioire naliirclie çicnêrale cl pnrlicuUcre de Buffon. « L'épiploon n'allait pas au delà du milieu de l'abdomen. L'estomac était situé à gauche, et le foie se trouvait pla(;é presque en aussi grande partie à gauche qu"à droite. La rate était posée, transversalement, de gauche à droite, derrière l'estomac, sous les intestins grêles. Le duodénum s'étendait jusqu'au bout du rein droit, et se joignait au jéjunum. Le cœcum était dirigé d'arrière en avant jusque dans Lhypocondre droit. Le colon s'étendait en avant dans le même hypocondre, et se prolongeait en arrière dans Thypo- condre gauche, où il se repliait en dedans avant de se joindre au rectum. L'estomac était gros et court, le pylore fort étroit, et le duodénum avait peu de diamètre. Le jéjunum était un peu plus gros que le duodénum, et l'iléon était aussi plus gros que le jéjunum. I^e cœcum se recourbait du côté de l'iléon, et devenait de plus en plus gros depuis son origine. H en était de même du côlon jusqu'au rectum, qui, au contraire, diminuait de grosseur en approchant de l'anus. Le foie n'avait que trois lobes ; le plus grand était divisé en trois parties par deux profondes scissures; il était, en dehors, d'une couleur rouge pâle, et encore plus pâle en dedans de son parenchyme. Le vésicule du liel avait la forme d'une poire. La rate était fort longue, et à peu près de la même largeur dans toute son étendue; sa couleur était d'un rouge bien moins pâle que celui du foie. Le pancréas avait deux bran- ches. Les reins étaient placés fort en arrière; ils étaient larges, et avaient peu d'enfoncement. Il y avait quatre lobes dans le poumon droit. Le cœur était gros et court. La langue était large dans toute son étendue, et peu épaisse par le bout, hérissée de papilles dans diverses parties. Les bords de l'entrée du larynx étaient courts et épais; l'épiglotte avait moins d'épaisseur à son extrémité que sur les côtés, et l'extrémité était un peu echancrée. Le cerveau avait peu d'anfractuosités; le cervelet ressemblait à celui de la plupart des autres Carnassiers par sa forme et sa situation. » Les organes génitaux des Hyènes ressemblent beaucoup à ceux des Chiens, sauf, ainsi que nous l'avons déjà noté, qu'il n'y a pas d'os du pénis. Entre l'anus et la queue, on trouve, chez les mâles et chez les femelles, une petite poche glanduleuse qui sécrète une humeur épaisse et octueuse dont l'odeur est très-fétide. L'existence de cetl' poche, considérée par les anciens comme une vulve, leur à fait croire que l'Hyène était hermaphrodite, et de là toutes les fables et les traditions superstitieuses dont l'histoire de cet animal est chargée. Elien rapporte à ce sujet mille contes ridicules qui n'a- vaient de fondements que dans l'imagination ignorante de gens effrayés. Pline, avec son exagération ordinaire, dit que l'Hyène, hermaphrodite, change de sexe tous les ans; qu'elle rend les Chiens muets par le seul contact de son ombre; qu'elle imite la voix humaine, et appelle même les hommes par leur nom, etc. Les Hyènes habitent des cavernes, qu'elles quittent la nuit pour aller à la recherche des cadavres et des restes infects abandonnés sur le sol ou enfouis dans le sein de la terre. On les voit quelquefois pénétrer dans les habitations pour y chercher les débris de la table et les parties des animaux qui sont rejetées ; souvent, dans le silence des ténèbres, elles entrent dans les cimetières, y fouillent les tombeaux, et emportent les corps morts qu'elles ont déterrés. Les habitaiits des pays chauds où elles se trouvent ont su tourner à leur profit les instincts immondes des Hyènes, et se reposent sur elles du soin de débarrasser leurs villes des charognes et des immondices qu'on laisse le soir dans les rues. Pendant la nuit, les Hyènes pénètrent dans l'enceinte des murs, enlèvent avec avidité tous ces débris dont elles se repaissent, et délivrent ainsi l'homme des maladies qu'engendreraient tous ces miasmes infects et pernicieux en se répandant autour de son habitation. L'un de nos collaborateurs nous a assuré avoir clé témoin de faits semblables en Algérie : il a vu, la nuit, à Constantine, des Hyènes venir enlever les matières animales qu'on avait laissées dans les rues de la ville. D'après cela, on voit que les Hyènes sont beaucoup moins sanguinaires qu'on s'est plu à le dire, et que le tableau ([u'en trace Buffon est un peu outré. En effet, notre savant naturaliste rapporte que : k Cet animal sauvage et solitaire demeure dans les cavernes des montagnes, dans les fentes des rochers ou dans des lanières qu'il se creuse lui-même sous terre; il est d'un naturel féroce, et, quoique pris tout petit, CARNASSIEHS. 117 il ne s'apprivoise pas; il vit de proie coninie le Loup, mais il est-plus fort el paraît plus hardi; il attaque quelquefois les hoinnies, il se jette sur le bétail, suit de près les troupeaux, et souvent ronge dans la nuit les portes des élables et les clôtures des bcri^(uies; ses yeux brillent dans l'obscurité, et l'on prétend qu'il voit mieux la nuit que le jour. L'Hyène se défend du Lion, ne craint pas la Pan- thère, attaque TOnce, laquelle ne peut lui résister; lorsque la proie lui manque, elle creuse la terre avec les pieds et en tire par lambeaux les cadavres des animaux et des hommes. » Plusieurs des faits annoncés dans ce passage ne sont pas exacts: en effet, les Hyènes peuvent rester longtemps en mé- nag'erie et y vivent même très-longtemps ; elles ne recherchent pas une proie vivante, à moins que cette dernière, par sa faiblesse, ne leur offre pas de résistance, ou lorsqu'elles sont pressées par le besoin : enlin, elles n'attaquent pas les grandes espèces de carnivores, et semblent bien plutôt devoir fuir devant elles. Du reste, ce sont des animaux nocturnes, peu propres à la course par suite de la disposition de leurs membres de derrière, qui les fait paraître boiteux. "''V.- Fig. 65. — Hyène du désert. Nous avons dit que Ton connaissait des Hyènes vivantes et des Hyènes fossiles; les premières sont toutes propres à l'ancien continent, et il n'en existe pas dans le nouveau; car l'animal auquel on a donné le nom d'Hyène d'Amérique est le Loup rouge, espèce du genre Chien; les secondes se rap- portent plutôt à l'Europe, quoiqu'on en ait signalé aussi des débris en Asie et en Amérique. Les espèces actuellement vivantes sont les : 1. HYÈNE r.AYÉt: llVAiSA VULGÀlilS. G. Guvicr cl Kl Gcofl'roy Saint-llilaire. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris jaunâtre, rayé transversalement de brun sur les flancs et sur les pattes. Longueur du corps depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, en- viron 1 mètre; de la tète, depuis le bout du museau jusipi'à rucripul. (i"\27; de la queue. 0"',i8. Hauteur du train de devant aux épaules, O"".^?^. 118 HISTOIRE NATURELLE. C'est la seule espèce de ce genre qui ait été connue des anciens; c'est à elle à qui Linné a ap- pliqué la dénomination de Cnnis lujœna. Le pelage de cette Hyène, composé de deux sortes de poils, les laineux en petite quantité, et les soyeux seuls apparents au dehors, est d'un gris jaunfttre, rayé transversalement de noir; les bandes noires du dos et de la croupe se dirigent du dos au ventre; elles se courbent et deviennent obliques en se continuant avec les raies des épaules et des cuisses; celles des jambes sont petites, horizon- tales, interrompues, et entremêlées de taches en roses ou de petites taches pleines. La tête porte un poil très-court, roussâtre, varié irrégulièrement de noir; le menton est noirâtre; la gorge est toute noire. Sur le dos s'étend une longue crinière noire, ondée de jaunâtre, et qui est continuée sur le cou et sur la queue par des poils plus allongés et plus roides que ceux du reste du corps. Les oreilles sont longues, de forme conique, larges à la base, presque nues, et de couleur brune. Les pattes sont uniformément grisâtres, velues jusqu'au bout des doigts. La queue est de moyenne longueur, et garnie de poils allongés et touffus. L'Hyène d'Abyssinie et de Nubie, décrite comme espèce nouvelle par Rruce, sous la dénomination de Cams Iniœnontelas, ne diffère en rien d'essentiel de l'Hyène rayée. Ce Mammifère est seulement d'une taille un peu plus forte; sa tête est très-grosse, son museau droit et épais; les poils qui cou- vrent les côtés de son corps sont peu touffus et aussi longs que ceux de la crinière, d'un brun uni- forme dans toute leur longueur, et légèrement teints de grisâtre sur quelques parties du corps. Sa tète est couverte de poils courts d'un brun grisâtre; sa nuque, les côtés et le devant de son cou, sont de couleur blanchâtre; ses pattes sont annelées de lignes brunes et de lignes blanchâtres; le dessous de son corps, d'un blanc sale, est taché d'un peu de brun; sa queue est longue et couverte de grands poils bruns en dessus et blanchâtres en dessous. L'Hyène rayée est difficile à apprivoiser, bien qu'on ait quelquefois réussi à le faire. M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire rapporte que celles de la ménagerie du Muséum ne se sont jamais adoucies '•omplétement, et il cite une d'elles qui se rongea tous les doigts des membres postérieurs, qui fu- rent ainsi tout à fait détruits. Cependant, dans les suppléments de son Ilisloire nalurclle, Buffon parle d'une Hyène qu'il vit à la foire Saint-Germain; et il dit qu'elle était très-bien apprivoisée et obéissait aux ordres de son maître. Cette espèce se trouve dans l'Inde, la Perse, la Turquie, l'Abyssinie, l'Egypte, la Nubie, la Lybie, la Barbarie et le Sénégal. M. de Christol en a signalé des débris fossiles dans les terrains d'Auver- gne de la quatrième époque. 2 IIVÈNI-: BRUNt:, HY.ENA DIIUNEA. Thunberg. CAHACTÈnES SPÉCIFIQUES. — Pelage couvert en dessus de longs poils brun grisâtre; dessous du corps d'un blanc sale; queue touffue, unicolore. Taille de l'espèce précédente, L'Hyène brune est très-voisine de l'Hyène rayée, et y est même réunie par la plupart des auteurs, et surtout par De Blainville. C'est à cette espèce que M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire applique le nom à'Hijœna fusca, et c'est probablement à elle que se rapportent les Hyœna villosa, II. Smith; Cuvierî, Jardine. Tout le corps de cette Hyène est couvert de poils longs et pendants d'un brun roux; la tête est garnie de poils courts brun grisâtre; le dessus du dos, les flancs et les cuisses sont ondés; les jambes un peu plus noirâtres; les pattes sont annelées de blanc et de brun; le dessous du corps, la face interne des membres, le corps et le torse, sont d'un blanc sale; les poils du corps sont aussi longs que ceux de la crinière; la queue est unicolore, longue et touffue; les oreilles sont allongées, l)ointu(!S, et presque nues. La patrie de cette espèce est le cap de Bonne-Espérance. Fennec. Grand Danois. l'I. l(i. CAItNASSlKllS. ll'J 7.. IIYENK TACHIlTI;!': in\1-yA CROCUTA. Linné. ZiiiniiLMiiumn. Caractères spécifiouks. — Pelage d\u\ jaune terne, parsemé de taches brunes, arrondies, en ]»etit nombre. Taille et corpulence d'un grand Matin, avec la tête plus épaisse et moins allongée que celle de cet animal. Cette espèce, vulgairement connue sous le nom d'UvfcNE du Cap, est rilvfc.NF. tacuetée de Pennant, le Loup tigre de Kolbe, et I'IIyèine de Barrow. C'est le Canis crocuta de Linné, VHijama Capcnsis de A. G. Dcsmarest, slr'iata de Pennant et Lichstenstein, et maculata de Thunberg; enfin, c'est proba- blement à une variété de cette espèce qu'on doit rapporter I'Hyène rousse, [Iii(vna rufa, de G. Cuvier. Le pelage de cette Hyène est d'un fauve roux, marqué de nombreuses taches d'un brun foncé, qui sont disposées sur le corps en bandes longitudinales, et répandues plus irrégulièrement sur les épaules et sur les cuisses; la queue longue, garnie de poils longs, peu touffus et noirs, est aussi ta- chetée à son origine. Le dessous du corps et la face interne des membres sout d'un fauve blanchûtre. Les oreilles sont larges et courtes, presque nues, et d'une forme à peu près carrée. Le poil de rilyéne tachetée est plus court que celui de l'Hyène rayée; il devient relativement plus long sur le cou et sur le dos, où il forme une petite crinière peu fournie. Cette espèce habite le midi de l'Afrique, principalement les environs du cap de Bonne-Espérance. Delalande en a rapporté le jeune, dont la tête est foncée et le corps noirâtre, marqué seulement de quelques taches sur le dos et à l'origine de la queue. Une race particulière, que G. Cuvier regarde comme espèce distincte sous la dénomination d'HYÈNE rousse, Hijccna rufa, se trouve aussi au Cap, et se distingue par des taches en plus petit nombre; par un poil plus long, plus doux, d'une couleur rousse plus foncée; par les jambes noires et le ventre de la même couleur. LTIyéne tachetée paraît pouvoir s'apprivoiser plus aisément que l'Hyène rayée : Barrovv dit qu'on l'emploie pour la chasse, et qu'elle égale le Chien en fidélité et en intelligence. On en a conservé, à la ménagerie du Muséum de Paris, un individu pendant seize ans; il s'est toujours montré très-dou.\, si ce n'est dans sa vieillesse, pendant laquelle les infirmités le rendirent plus farouche. Quand il ar- riva à Lorient, il s'échappa, courut quelque temps dans les champs sans causer aucun dommage, et se laissa reprendre sans résistance. On a quelquefois regardé comme une quaîrième espèce de ce genre, sous la dénomination d'HYÈsE PEINTE, ou Chien hyénoïde, Hijœna venaiïca, Burchell, un Carnassier assez voisin de ceux-ci par sa forme extérieure, et que nous avons placé dans la tribu des Chiens, sous le nom générique de Cyn- HYÈNE, qui rappelle les rapports de cet animal d'un côté avec ceux du genre Chien, et de l'autre avec ceux du genre Hyène. De nombreux ossements fossiles d'Hyènes ont été principalement découverts dans les cavernes, mais ils se trouvent aussi parfois dans les terrains meubles et même dans certaines brèches osseuses; nous avons déjà dit qu'on les rencontrait principalement en Europe. D'après les paléontologistes, on en compterait un assez grand nombre d'espèces distinctes, outre l'une d'elles qui est analogue à l'Hyène rayée; mais ce nombre doit être considérablement restreint, et il est probable qu'on ne doit en si- gnaler que trois espèces européennes, et peut-être deux autres, l'une des monts Himalayas, et l'autre de l'Amérique méridionale. Les débris d'Hyènes se rencontrent principalement en grande quantité dans les cavernes et réunis à un très-grand nombre d'autres os; ces faits singuliers ont donné lieu à diverses explications des naturalistes, et, pour faire connaître ce sujet important, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de rapporter ce qu'en dit De Blainville dans son Osiéocjraphïc, quoique le passage que nous allons transcrire soit peut-être un peu long pour les limites que nous nous sommes tracées. (( Dans toutes les localités où l'on trouve des ossements dllyènes, ils y sont pêle-mêle, et souvent fragmentés, brisés, plutôt les os longs que les os courts, plutôt la mandibule qu'une autre partie, avec ceux de toutes sortes d'animaux terrestres, Mammifères, Oiseaux et Reptiles, et même, dans quelques localités, avec des ossements d'hommes, comme s'en est assuré bien positivement Schmer- ling, en Belgique, et M. Marcel de Serres, dans les cavernes du midi de la France. Les os que l'on 120 mSTOlHE NATURELLE. rencontre le plus souvent accompagnant les ossements fossiles dllyènes paraissent être ceux d'Ours, de grands Fel'ift, de Loups, d'Éléphants, de Rhinocéros, de Cochons, et surtout de Ruminants à bois et à cornes, ainsi que d'individus du genre Cheval, et quelquefois ces os semblent avoir éprouvé l'action des dents d'animaux carnassiers. On ne peut guère citer comme ayant appartenu à des squelettes entiers que les os d'Hyène trouvés à Lawfort, en Angleterre, quelques-uns de ceux d'Auvergne, et peut-être de la caverne de Lunel-Viel. Partout ailleurs, ils sont épars et indistinctement mêlés avec les autres os du dépôt. Us sont à différents degrés de détérioration, suivant quelques circonstances de localités et de leur propre nature; il paraît cependant qu'en général ils sont moins altérés, ils ont un aspect plus frais, plus récent, moins friable, que ceux des autres animaux avec lesquels ils se trouvent, comme le disent M, Goldfuss de ceux de Gaylenreuth, dans le limon et non dans la brèche; M. Noggerath, de ceux de Sundwig, dans une terre très-meuble, au-dessous d'une couche de stalagmite de vingt ù quarante pouces d'épaisseur, et M. Buckland, de ceux de Kirkdale. Ces os sont toujours fragmentés, de l'aveu de tous les paléontologistes; mais, suivant les uns, ils sont an- guleux et offrent même des traces d'érosion; et, suivant M. Schmerling, au contraire, la plupart sont évidemment roulés. Dans les excavations, ils sont dans des relations différentes par rapport au sol; quelquefois tout à fait libres et à la surface; d'autres fois à découvert, et même collés au plafond de la caverne; le plus souvent, ils sont enfouis ou dans la terre argileuse, ou dans une sorte de brèche formée par le stalagmite, celle-ci couvrant le sol argileux; particularités signalées surtout par M. Schmerling dans les cavernes des environs de Liège. « Mais, de ces faits incontestables, peut-on en conclure d'une manière un peu plausible que l'es- pèce d'Hyène fossile la plus commune dans la partie tempérée de l'Europe a non-seulement vécu dans les pays où l'on rencontre des fragments de son squelette, mais qu'elle se retirait dans les ca- vernes où on les trouve, et que c'est elle qui y a apporté les ossements des autres animaux qu'on y rencontre avec les siens? C'est tout autre chose. On a pu en effet opposer à cette manière de voir, proposée surtout par M. Buckland, et adoptée par M. G. Cuvier, reposant sur le fait d'un assez petit nombre d'os de Ruminants qui paraissent avoir éprouvé l'effet de la dent d'animaux carnassiers, de la présence de fèces ou de coprolithes trouvés avec eux; et enfin, sur un certain nombre d'os d'Hyènes usés, polis d'un côté seulement, ce qu'on attribue au passage des Hyènes rentrant et sortant de leurs retraites, que ces ossements d'Hyènes sont bien fragmentés, bien dispersés, bien peu nombreux même, pour provenir d'animaux qui auraient vécu dans les cavernes et seraient morts de leur mort naturelle, en admettant même que ces os ne soient pas roulés. « Sans doute, les Hyènes se retirent, se réfugient dans les cavernes, probablement pour s'y ca- cher, et même y élever, y allaiter leurs petits; mais M. Kaon a fait la juste observation que ces ani- maux, qui se nourrissent de cadavres, les mangent sur place, au lieu de les emporter en totalité ou en partie dans leur retraite, comme il faudrait qu'ils eussent fait si les ossements des animaux que l'on trouve avec les leurs étaient réellement les restes de leurs repas. Ce sont ces difficultés qui ont porté M. Schmerling à dire que les ossements tossiles d'Hyènes ne proviennent pas d'animaux qui auraient vécu aux lieux où on les trouve, et qu'ils ont été entraînés par une grande inondation. Mais, pour admettre cette hypothèse, il faut passer sous silence les masses iï album rjrœcuni, que l'on trouve dans ces cavernes, et que M. Buckland regarde comme des excréments d'Hyènes, et, suivant lui, entièrement semblables à ceux d'une Hyène du Cap, vivante, qu'il a pu se procurer et examiner comparativement. H reconnaît cependant que les coprolithes de Kirkdale, de forme sphérique, irrégu- lièrement comprimés, variant d'un demi-pouce à un pouce de diamètre, de couleur d'un blanc jau- nâtre, à cassure terreuse, contiennent des petits fragments non digérés d'émail de dents. Or, je r,e connais encore aucun animal qui se nourrisse de dents et puisse même les digérer; en sorte que cette particularité pourrait être une objection de plus à opposer contre l'opinion de M. Buckland, que les os de Mammifères trouvés en grande quantité dans la caverne de Kirkdale avec ceux d'Hyènes y ont été apportés par elles, et nullement par des inondations. En effet, en faisant observer que les Hyènes, plus que les autres Carnassiers, vivent solitairement chacune dans leur tanière, qu'elles n'emportent pas nécessairement tous les cadavres d'animaux qu'elles rencontrent, mais qu'elles les dévorent souvent sur place; que, dans le cas contraire, c'est au plus à l'entrée de leur tanière qu'elles le font, et non dans cette tanière elle-même; qu'il n'est nullement démontré, ni même probable, que des Hyènes sauvages se mangent les unes les autres, au moins hors le cas d'absolue nécessité; et CARNASSIERS. 121 que loutes les cavernes à ossements sont fort loin do contenir des Hyènes; que, dans aucune même, elles n'y sont en nombre proportionnel aux os d'animaux herbivores qui se trouvent avec elles; que, pour des animaux si avides d'os qu'un le dit, bien peu de ceux-ci offrent ré(;llement les traces d'a- voir été rongés, brisés, mangés par elles; qu'il est très-diflicile d'expliquer comment des animaux venant mourir de vieillesse ou de maladies dans ces cavernes, pendant une suite si longue de géné- rations, n'ont laissé eux-mêmes que des os brisés, fracturés, mêlés avec ceux de leurs victimes; on est presque forcé de conclure, avec la plupart des géologues qui ont écrit sur les cavernes ossifères depuis M. Buckland, que les ossements d'Hyènes, et même leurs excréments, devenus coprolitlies, qu'on trouve dans ces cavernes, y ont été apportés, ainsi que ceux qui sont dans le diUivium ordi- naire, et comme l'ont été les parties dures de tant d'animaux mammifères ou d'autres classes de Ver- tébrés avec lesquels on les trouve pêle-mêle, brisés, fracturés, sans aucune espèce d'ordre, ce qui ne peut faire soupçonner une distinction de victimeurs et de victimes, qu'ils y ont été apportés, déj:"i en fragments, des pays environnants, où les animaux dont ils proviennent vivaient, sans doute, par une inondation générale ou par des inondations partielles et répétées à des intervalles plus ou moins éloignés, mais non pas assez étendues pour avoir ramassé, accumulé successivement des ossements d'animaux de pays éloignés avec ceux des lieux où elles se sont arrêtées, comme l'a surtout pensé M. Schmerling; qu'en supposant même que les ossements d'Hyènes ne se trouvent i)as mêlés avec ceux de l'espèce humaine, ce qui ne peut cependant pas être mis en doute aujourd'hui, il ne faudrait pas regarder cette absence, avec G. Cuvier, comme une preuve que l'espèce humaine n'existait pas à l'époque du dépôt des ossements dans les cavernes, car, s'il est vrai qu'aujourd'hui les Hyènes, comme les Loups, comme les Chiens mêmes, s'attaquent quelquefois aux cadavres d'hommes dans certaines circonstances de nécessité absolue, ce n'est pas une raison pour qu'elles l'aient fait à des époques où nos pays, beaucoup moins peuplés d'abord, étaient de plus couverts de forêts, où les Ruminants, leur pilture harmonique, étaient si abondants en individus et même peut être en espèces. Les races nombreuses de Cerfs, de Bœufs et de Chevaux, ont disparu en très-grande partie, parce que les hommes ont abattu les forêts, anéanti, ou au moins grandement diminué les pâturages li- bres, et se sont prodigieusement multipliés, et dès lors l'une des deux espèces d'Hyènes qui habi- laient notre Europe s'est retirée et s'est concentrée uniquement dans les deux autres parties du monde; lautre (et peut-être ajouterons nous d'autres) a complètement disparu. « Ainsi, nous retrouvons pour ce genre de Mammifères carnassiers ce que nous avions reconnu pour la plupart des autres (c'est De Blainville qui parle), et surtout pour les Felis et les Canis; c'est-à dire qu'avec le grand nombre d'animaux herbivores qui peuplaient si abondamment nos anti- ques forêts, et qui ont disparu en grande partie, vivaient pour ainsi dire proportionnellement, non- seulement des espèces de Carnassiers sanguinaires, hardis, agissant courageusement corps à corps comme les premiers, ou plus habilement, et en s'associant dans leurs chasses, comme les seconds, pour les attaques de vive force, et qui les dévoraient vivants, mais encore des espèces moins coura- geuses ou moins féroces, moins franchement carnassières, et par conséquent plus hideuses, aux- quelles étaient réservés leurs cadavres; les Hyènes étaient ici ce que, chez les oiseaux de proie, les Vautours sont à l'égard des Faucons. Ainsi, l'harmonie des principales espèces animales était alors, en Europe, au moins aussi parfaite qu'elle l'est aujourd'hui, si même elle ne l'était réellement da- vantage, comme plus voisine de l'époque où elle était sortie de la conception créatrice, et nécessaire- ment alors moins dérangée par le développement fatal de l'espèce humaine. » Nous n'indiquerons avec quelques détails que les trois espèces européennes qui semblent seule- ment avoir existé, et nous nous bornerons à donner la liste, encore incomplète, des espèces propo- sées par les paléontologistes, et qui, la plupart du temps, ne sont réellement que nominales. Ces espèces sont : Vlhjwna fossilis, G. Cuvier; 1'//. speliva, Goldfuss, des cavernes de France et d'Alle- magne; les 77. priscn et mtcrmcd'ia, Marcel de Serres, de la caverne de Lunel-Viel; les IL etuario- rhim et hsïoilorcnsis, Croizet et Johert, des terrains de la deuxième époque, d'Issoire, en Auver- gne; les 77. dnbia, Arverncnsis et Periieri, des mêmes auteurs, et particulières aux galets et li- gnites d'Issoire, etc. Les seules espèces fossiles que nous voulions indiquer sont les : m i9.2 HISTOIRE NATURELLE. A HYÈNE DES CAVERNES. HYjENA SPEL^A Goldfuss Les meilleurs caractères de cette espèce sont tirés de ses dents carnassières : le lobe postérieur de la carnassière supérieure est plus grand que dans l'Hyène tachetée, tandis qu'il est plus petit que dans l'Hyène rayée; la carnassière inférieure n'a en arrière de ses deux lobes tranchants qu'un léger bourrelet, et n'offre point de tubercule interne à son lobe postérieur; la dent tuberculeuse supérieure est petite et à une seule racine, comme dans l'Hyène tachetée. Cette espèce, d'une taille plus élevée que nos Hyènes actuelles, et qui semble se rapproclier da- vantage de l'Hyène tachetée que de l'Hyène rayée, se trouve en France, en Allemagne et en Angle- terre, dans plusieurs cavernes, et principalement dans celle de Kirkdale, illustrée par M. Buckland dans ses Beliquiœ diluvïanœ. B. HYÈNE DE MONTPELLIEli. UYJiNA lUONSPESSULANA. De Chrislol. Cette espèce ressemble à l'Hyène rayée par la structure de sa dent carnassière inférieure, c'est- à-dire qu'elle offre en arrière de ses lobes un tube à deux pointes obtuses et un tubercule à la base du tubercule postérieur; la dent tuberculeuse supérieure, placée en travers de la mâchoire, est plus grande et à deux racines. Cette Hyène, qui correspond à VHyœna prîsca, Marcel de Serres, et probablement aussi à l'Hyène d'Auvergne, de MM. Croizetet Jobert, ainsi qu'à l'Hyène de l'ancien diluvium du Val d'Arno, se trouve dans le midi de la France. C HYENE DE TERRIER. HY^NA PERRIERl Croizet el Jobert. Dans cette espèce, il y a un talon bilobé à la partie postérieure de la carnassière inférieure, el il n'y a pas de tubercule interne au lobe postérieur de cette même dent. D'après cela, cette Hyène, propre aux cavernes d'Auvergne, tiendrait à la fois de l'Hyène tachetée et de l'Hyène rayée, et semblerait devoir être adoptée; tandis que les autres prétendues espèces que nous avons nommées plus haut doivent au contraire être probablement rejetées. Enfin, MM. Baker et Durand ont figuré, sous le nom d'HvÈ.NE de i/Himalaya, llijœna Sivalcnsis, (les débris fossiles d'une espèce de ce genre, qui serait d'une taille moindre que l'Hyène des ca- vernes, mais qui s'en rapproche cependant davantage que l'Hyène rayée, vivant actuellement dans les Indes; et M. Lund a aussi énuméré une Hyène fossile trouvée dans les cavernes du Brésil, qu'il ap- pelle Hijœna neogœa, mais il n'a fait connaître aucun de ses caractères. C'est aussi auprès de ce genre que De Blainville range le groupe des Agnollierhmt, dont nous parlerons ailleurs. CAIUNASSIKUS. 123 CINQUIEME TRIBU. FÉLIENS. FELII. Isidore Geoffroy Sairit-Hilaiiv. Maldives alternes, à couronnes tranchantes. Tuberculeuses nulles ou rîtdiiuentaires, an contraire des Caniens, chez lesquels il y a au moins deux tuberculeuses en haut et en bas. Membres plus on moins allongés, les postérieurs plus développés que les antérieurs, tandis que cela n'a pas lieu chez les Caniens et les Ihjéniens. Marche franchement digitigrade. Cette tribu des zoologistes modernes correspond au genre Chat (Fe/is), fondé par Linné en 1735, et a reçu de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire la dénomination de Féliens, tandis que M. Gray lui ap- plique le nom de F^elidœ, Lesson celui de Felisineœ, et que De Blainville lui conserve celui de Felis, donné par Linné. Quelques animaux de cette tribu, tels que le Lion et le Chat ordinaire, ont été indiqués depuis très- longtemps, et d'autres, en assez grand nombre, n'ont été découverts que dans des temps plus moder- nes. Les Féliens sont des animaux dont le corps est en général médiocrement allongé, quoique lu queue le soit souvent assez, et cela principalement à cause de la brièveté du museau et même de la tête, habituellement large et globuleuse, pourvue d'oreilles arrondies, assez courtes, mais toujours largement ouvertes, ainsi que les yeux, et de moustaches très-longues. Leurs membres sont très-souples dans toutes leurs articulations, et terminés par des paumes et surtout des plantes élevées, ne touchant pas ù terre, entièrement velues, et par des doigts courts, cinq en avant, quatre en arrière, armés de griffes rétracliles fort aiguës, décroissantes du premier au dernier. Leurs incisives et leurs canines en même nombre que dans tous les Carnassiers, c'est-à-dire les premières au nombre de six en haut comme en bas, et les secondes de deux seulement; les molaires sont au minimum de nombre, quatre- en haut et trois en bas; mais elles sont, au contraire, au maximum de carnivorité par la diminutioi»! de la partie tuberculeuse interne, postérieure, et par l'augmentation de la partie tranchante et mar- ginale : dans les Lynx, au moins à l'âge adulte, il y a deux molaires de moins, parce que la petite molaire antérieure peut manquer. Le pelage est en général très-doux et serré, ordinairement d'un; roux fauve, quelquefois uniforme, et le plus souvent grisâtre ou roussâtre, tacheté de brun noir, avec des barres ou des traits plus ou moins prononcés sur les membres, à la face et sur la queue,, où elles tendent à former des anneaux. Quant aux parties internes, on peut se borner à dire, d'abord pour le squelette, que la clavicule, toujours osseuse, est cependant rudimentaire, non articulée, et presque sésamoïde; que l'humérus est constamment percé au-dessus du condyle interne, et que les phalanges secondes et troisièmes ont la disposition rétractile la plus prononcée; ensuite, pour l'intestin, que la langue est hérissée de pa- pilles cornées et pointues; qu'il existe un cœcum assez prononcé entre les deux parties du canal ali- mentaire; et, enfin, que l'anus est pourvu d'une paire de glandes odoriférantes à sa marge interne : l'organe principal sexuel mâle soutenu par un os rudimentaire, étant hérissé de crochets à son ren- flement antérieur. Les mœurs des Féliens ne sont pas moins caractéristiques que leur organisation. Ce sont, en effet, des animaux plus ou moins nocturnes, rusés, hardis, avides de sang, marchant av«c précaution, sou- ples et rampants lorsqu'il s'agit d'arriver à portée de la proie, puis, après avoir tendu tous leurs ressorts en les ramassant, les débandant subitement et s'élançant d'un seul bond sur elle, en éta- 12i HISTOIRE NATURELLE. laiil dessus, pour la retenir, les mains et la gueule, armées de leurs ongles aigus et de leurs dents acérées. \m^ \',/;^ V\" OC) — Pantlicre. Figr 07. — Jaguar. Fis- 08. — Tii Fiff. 09. — CouKuar. Fig. 70. Panthère noire. On a décrit des Chats vivants et desCliats fossiles. Les premiers sont au nombre d'une cinquantaine, et se rencontrent dans toutes les parties du globe; l'Europe même en possède, mais en petit nombre. Il y a près de deux cents ans que Ton a recueilli, en Europe, des ossements fossiles appartenant à une grande espèce de Velu, sans cependant qu'on les ait reconnus comme tels. C'était d'abord dans les cavernes d'Allemagne, et jusqu'en IS^T), époque de la publication de la seconde édition des CARNASSIERS. 125 OssemeiUs fossiles de G. Ciivier, on n'était guère allé au delà de la confirmation de ce fait; mais, depuis lors, on en a trouvé, et de toute taille, dans un grand nombre d'endroits d'Europe, dans des terrains très-différents, en sorte que, aujourd'hui, si l'on acceptait comme démontrées les es- pèces de Felis fossiles proposées par les paléontologistes, il en aurait existé plus de vingt dans l'Europe ancienne, et, en outre, on devrait en admettre comme propres à l'Amérique, principalement dans les cavernes du Rrésil. La position des Féliens, dans la série zoologjque, a dû varier suivant les diverses classifications des auteurs. Lesson les place entre les Caniens et les Viverriens; De Blainville les range, au contraire, après ses Viverras et avant ses Canïs; enfin, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous suivons la méthode mammalogique, les met à la fin de sa section des Carnivores, de son ordre des Carnas- siers, c'est-à-dire après les Ilyéniens et immédiatement avant les Amphibies. Fi". 71. — Oiicc. Cette tribu étant Tune des plus naturelles de la classe des Mammifères, l'on comprend que l'on a pu difficilement trouver des caractères, au moins plausibles, pour y former des subdivisions généri- ques, et que dès lors le nombre des genres qu'on y a admis à été très-peu considérable. A bien dire même, l'on ne devrait y comprendre, comme Linné, qu'un seul genre, celui des Chnls ou Felïs, et ne regarder ceux qu'on y a créés que comme des subdivisions secondaires. M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire indique les genres des Guépard (Giiepardus\ Chat {Felis], Tigre {Tigris) et Lyi>x (Xyna;) : nous les étudierons successivement et séparément, à l'exception de l'avant-dernier, qui ne nous pa- raît pas différer des vrais Chats, et que nous réunirons à ce groupe. Quant aux espèces fossiles, elles rentrent dans la coupe générique des Felis, quoique cependant un fossile, indiqué par M. Lund, le Felis Smilodon, puisse peut-être, par plusieurs particularités différentielles, être considéré comme devant former un genre nécessaire. l)'nprès cela, la tribu des Féliens renferme ]>our nous les genres Gucvard, Chai et Lijnx. i26 HISTOIRE NATURELLE. 1- GEiNRE. - GUÉPARD. GVEPAIWIS Duvornoy. M('iiioirrs (te la Société du Muséum d'Iiistoire iiatuallc de Strasbourg. Un nom de ^c^;pcce typique. CAI^ACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siixtcwc fletitnire : incisives, g-, canines, \^^: molaires, ^jZ^; c est-a-dire trente dents en totalité, comme dans les Chats. Les sillons des canines presque effaces; les molaires tranchâmes, a lobule plus prononcé que dans les Felis : les deux premières d'en bas h quatre lobes au lieu de trois; la deruihe molaire, ou carnassière d'en bas, présentant, au lieu d'un talon effaré à peine sensible, un petit lobule pointu et très-distinct, ce qui rapproche les Guépards des Hijènes; la seconde molaire d'en haut aijant également son quatrième lobe plus marqué que dans les Chats, mais, en revanche, son tubercule interne est entièrement effacé. Tcle plus courte, plus petite, plus ronde que celle des Felis. Jambes plus hautes. Doicfls plus alloncjcs que dans les vrais Felis. Onqies faibles, usés à la pointe, non rctractiles, comme ceux des Felis, et n'étant propres ni à retenir, ni à déchirer une proie. Queue plus lonçjue que dans les Chats. Le genre Guepardus de M. Diivernoy a reçu de M. Wagler {Sijsl. der Ampti'ib., 1850) le nom de Cijnailurus (zuwv, Chien; aacupo?, Chat), et Lesson {ISouv. Tabl. du Règne animal, \S\'2) lui ap- plique la dénomination de Cynofclïs, qui a la même signification que la précédente (/.uwv, Chien; Felis, Chat), et indique les rapports que ce groupe présente avec les Chiens et les Chats. Nous avons dit que Ton ne devrait probablement les considérer que comme une subdivision de ces derniers, quoiqu'ils aient néanmoins, outre les caractères que nous avons déjà indiqués, une taille plus élan- cée, et que leur colonne vertébrale soit plus droite, et, toutefois, nous ferons observer que leurs formes générales, la facilité qu'ils ont de courir, leur extrême douceur, leur attachement et leur obéissance à leur maître, leur courage, les rapprochent plus des Chiens que de Chats. L'espèce unique de ce genre, le Guépard, offre aussi, dans son squelette, plusieurs caractères importants qui indiquent évidemment un passage vers les Canis. La tête est arquée et raccourcie, l'espace fronto-orbitaire est très-soulevé; le chanfrein est incliné en arrière, sans crêtes sagittale et occipitale bien prononcées; le nez est large, peu pincé, assez canaliculé au dos; le bord palatin est large et échancré au milieu; les apophyses ptérygoïdes petites, en crochet; les caisses très-petites. Les corps des vertèbres sont plus longs que dans les Chats : les apophyses transverses des vertèbres cervicales courtes, ramassées; l'apophyse épineuse de la dixième vertèbre dorsale très-inclinée, bi- furquée à la pointe; enfin, les vertèbres lombaires remarquables par la longueur et la forme étroite de leurs apophyses transverses. Les côtes sont assez élargies. L'hyoïde est composé de neuf pièces assez robustes. Aux membres antérieurs, l'omoplate a une forme particulière, ovalaire; l'humérus est très-comprimé, arqué supérieurement; le radius est également arqué, et presque de même largeur en haut qu'en bas; le cubitus est très-grêle; la main est comme dans le Lynx, avec les secondes pha- langes plus courtes, et les troisièmes moins hautes dans leur pointe. Les membres postérieurs ont peut-être plus d'élévation que les antérieurs : l'os innominé est assez court, mais le fémur et le tibia sont surtout notablement plus longs que lui; le péroné est remarquable en ce qu'il est très-grêle, presque fdiforme; les os du pied sont allongés, serrés, et les phalanges bien comme à la main. Nous ne reviendrons pas sur le système dentaire de cet animal, qui présente des différences nom- breuses avec celui des Chats; nous en avons suffisamment parlé dans notre caractéristique géné- rique. L'espèce unique de ce genre est le : CARNASSIKUS. 127 GUÉrARI). GIJEP ARDUS JlIBATUS. Diivcrnoy. CAnACTÈnr.s spkcifiques. — Pelage d'un beau fauve clair en dessus, et d'un blanc pur en dessous; de petites taches noires, rondes et pleines, également semées, garnissent toute la partie fauve; celles de la partie blanche sont plus larges et plus lavées; sur la dernière moitié de la queue se trouvent douze anneaux alternativement blancs et noirs; enfin, les poils des joues, du derrière de la tête et du cou, sont plus longs, plus laineux que les autres, ce qui lui forme comme une espèce de petite crinière : une ligne noire part de l'angle antérieur de Tocil, et descend en traversant la joue et en s'élargissant jusqu'à la lèvre supérieure, vers la commissure, et une autre plus courte part de l'an- gle postérieur, et se rend vers la tempe. De la taille d'un Mâtin; longueur, l'",13, non compris la queue, longue elle-même de 0'",45; hauteur, 0"',C5. Le Guépard a une physionomie particulière qui pourrait servir seule à le faire distinguer des Chats, et il y joint une grande légèreté, ainsi que des mouvements faciles. Comme il a les doigts longs, les ongles libres et posant sur le sol par leur extrémité très-peu pointue, il court avec beaucoup plus d'agilité que les Chats, et peut aisément atteindre le gibier qu'il poursuit; mais, au contraire, il ne peut que difficilement déchirer sa proie avec ses ongles, et ne peut pas monter sur les arbres comme le font la plupart des Fclis. D'après ces habitudes, qui, sous quelques rapports, rapprochent le Gué- pard des Chiens, on a cherché depuis longtemps à le dresser pour la chasse; et, selon des historiens persans, c'est un de leurs premiers rois qui sut employer cet animal à cet usage; quoique toutefois les Arabes semblent en avoir parlé les premiers. Eldemiri dit que Chaleb, fils de Wolid, eut l'idée de le substituer, pour la chasse au Lion et au Tigre, au Chien qu'on y employait dans les Indes depuis la plus haute antiquité, si l'on s'en rapporte à Elien. M. Boitard (Mammifères du Jardin des Plantes et Diciionnaire universel ) a donné des détails à ce sujet, et nous les transcrivons ici. « A Su- rate, au Malabar, dans la Perse et dans quelques autres parties de l'Asie, on élève ces animaux pour s'en servir à cet exercice. Les chasseurs sont ordinairement à cheval, et portent le Guépard en croupe derrière eux; quelquefois ils en ont plusieurs, et alors ils les placent sur une petite char- rette fort légère et faite exprès. Dans les deux cas, l'animal est enchaîné, et a sur les yeux un ban- deau qui l'empêche de voir. Us partent aussi pour parcourir la campagne, et tâcher de découvrir des Gazelles dans les vallées sauvages où elles aiment à venir paître. Aussitôt qu'ils en aperçoivent une, ils s'arrêtent, déchaînent le Guépard, et, lui tournant la tête du côté du timide Ruminant , après lui avoir ôté son bandeau, ils le lui montrent du doigt. Le Guépard descend, se glisse dou- cement derrière les buissons, rampe dans les hautes herbes, s'approche en 'louvoyant et sans bruit, toujours se masquant derrière les inégalités du terrain, les rochers et autres objets, s'arrêtant su- bitement, et se couchant à plat ventre quand il craint d'être aperçu, puis reprenant sa marche lente et insidieuse. Enfin, lorsqu'il se croit assez près de sa victime, il calcule sa distance, s'élance tout à coup, et, en cinq ou six bonds prodigieux et d'une vitesse incroyable, il l'atteint, la saisit, l'étrangle, et se met aussitôt à lui sucer le sang. Le chasseur arrive alors, lui parle avec amitié, lui jette un morceau de viande, le flatte, le caresse, lui remet le bandeau et le replace en croupe ou sur la charrette, tandis que les domestiques enlèvent la Gazelle. Néanmoins, il arrive quelquefois que le Guépard manque son coup, malgré ses ruses et son adresse. Alors il reste tout saisi et comme honteux de sa mésaventure, et ne cherche plus à poursuivre le gibier. Son maître le con sole, l'encourage par ses caresses, et les chasseurs se remettent en quête avec l'espoir qu'il sera plus heureux une autre fois. Dans le Mogol, cette chasse est, pour les riches, un plaisir si vif, qu'un Guépard bien dressé, et qui a la réputation de manquer rarement sa proie, se vend des sommes exorbitantes. En Perse, cette chasse se fait à peu près de la même façon, à cette différence près que le chasseur, qui porte le Guépard en croupe, se place au passage du gibier, que des hommes et des Chiens vont relancer dans les bois. L'empereur Léopord l" avait deux Guépards aussi privés que des Chiens. Quand il allait à la chasse, un de ces animaux montait sur la croupe de son cheval, et l'autre derrière un de ses courtisans. Aussitôt qu'une pièce de gibier paraissait, les deux Guépards s'élançaient, la surprenaient, l'étranglaient, et revenaient tranquillement, sans être rappe- lés, reprendre leur place sur le cheval de l'empereur et sur celui de son courtisan. » 128 HISTOIRE NATURELLE. D'après ce que nous venons de dire, on voit que le Guépard est beaucoup moins féroce que les Chais, et qu il peut aisément s'apprivoiser, quoiqu'à l'état sauvage il habite les forêts et vive de proie. On a eu, assez récemment, un Guépard à la ménagerie du Muséum : il était si familier, qu'on l'avait placé dans un parc, où il vivait librement, et dont jamais il n'a cherché à sortir. 11 obéis.sait au commandement de son gardien ; il aimait surtout les Chiens, avec lesquels il jouait sans jamais chercher à leur faire aucun mal. Un jour, rapporte M. Boilard, il reconnut, parmi les curieux qui vi- sitaient la Ménagerie, un petit nègre qui avait fait la traversée du Sénégal sur le même vaisseau que lui, et il lui fit autant de caresses qu'un Chien en ferait à son maître qu'il retrouverait après une longue absence. V v^ '"^__ Fig. 72. — Guépard. Le Guépard, aussi nommé le Failli, habite les Indes orientales, Sumatra, la Perse, le Bengale et Guzarate, et en même temps on le trouve aussi en Afrique, au Sénégal, dans le Kordofan et au cap de Bonne-Espérance; car il semble démontré que l'on ne doit pas faire deux espèces de Guépard des in- dividus de ces divers pays, et que le Fd'is pibaia de Schreber et de Linné est le même animal que le Fd\s (jullala d'IIermann, le Fclis venalica d'IIainilton Smith, que le Pardalis d'Appien, et le Giic- paril (le Buffon et de Fr. Cuvier. MM. Croizet et .lobert rapprochaient de cet animal leur Fcl'ia mcganlcrcnn, trouvé en Auvergne dans les galets et ligniles d'Issoire; mais c'est plutôt une espèce de Lynx , à moins même qu'il ne doive constituer un genre nouveau M. Lund a signalé une molaire de la mâchoire supérieure, trouvée dans les cavernes du Brésil, comme se rapportant également au Guépard ou djimilurus m'mulns; mais, d'après De Blainville, les dimensions de cette dent montrent qu'elle appartient plutôt à un Fclis proprement dit, et probable- ment même à l'une des nombreuses espèces de ce genre encore existant en Amérique. CARNASSIERS. 150 De Rlainville a fait connaître, sous la dénomination de Fd'is qundndaUata, deux crûnes fos- siles, dont l'un assez complet, découvert par M. Lartet dans le célèbre dépôt de Sausans, et qui offre quelque rapport avec les Guépards, tout en constituant un genre particulier de Félien présentant quatre molaires : c'est-à-dire une avant-molaire en bas comme en haut. La tète indique un animal dont le crâne est en général court, assez petit, resserré dans la partie vertébrale, et très-large, mais encore plus court dans la partie faciale ou maxillaire. Le système dentaire est surtout re- marquable. A la mâchoire supérieure, il y a quatre molaires, mais la première était extrêmement petite, sa racine ronde et immédiatement collée contre la canine; la barre était cependant très-courte; la seconde molaire avait une couronne très-comprimée, très-tranchante, et comme quadrilobée, un peu comme dans le Guépard; la troisième était proportionnellement très-grande, et la quatrième était encore assez développée, et, ce qui la rapproche encore de ce que' son analogue est dans le Guépard, c'est qu'elle était parfaitement visible en dehors de la ligne dentaire. Une mâchoire infé- rieure, qu'on rapporte à la même espèce, était principalement remarquable, dans son système den- taire, en ce que, à peu près au milieu de la barre assez étendue qui sépare la canine de la première molaire, on trouve une alvéole petite, ronde, qui indique une première avant-molaire que l'on n'a jusqu'ici observée dans aucun Félien; après un intervalle encore assez marqué, viennent les trois molaires caractéristiques des Féliens, et qui ont surtout du rapport avec celles du Fclisjnbnius et du Lijnx. De Rlainville dit que, dans ce Félien fossile, la forme générale du crâne, dans sa partie ver- tébrale, semble avoir plus de ressemblance avec une petite Panthère, la partie faciale avec le Lynx, et le système dentaire avec le Guépard; et il en conclut que ce Félien était une grande espèce de Guépard ayant quatre molaires en haut comme en bas, en passant ainsi encore davantage que cclui-ri vers les Chiens : c'est pour cela que nous avons cru devoir en parler maintenant. Fig. 73. — Chat du Nepaul. 17 130 HISTOIRE NATURELLE. 2"- GENRE. — CHAT. FEUS. Linné, 4735. Systoma nalurn», 1. I. FtUs, nom antiennemeiit appliqué p;ir les Latins à ce groupe générique. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslhne (Icnlnire : inctsive.-er, comme dans TOurs blanc et le Glouton; soit en l'exagérant, comme chez les animaux lâches qui, croyant leur vie menacée, combattent avec désespoir, avec fureur: c'est ce cju'on appelle le Cdu- rage de la peur, et celui-ci est terrible. Ces animaux lâches n'attaqueront leur proie que lorsqu'ils y seront poussés par la plus cruelle des nécessités, la faim; ils ne l'attaqueront jamais de face, dans la crainte d'une résistance; mais ils se glisseront dans l'ombre de la nuit, se placeront en embus- cade, l'attendront en silence et avec une patience que rien ne lassera, s'élanceront sur elle à l'impro- viste, la surprendront et la tueront sans combat, sans la moindre lutte. Alors même que leur faible victime succombera sans essayer de se défendre, ils ne commettront pas le meurtre sans colère; et, s'ils rencontrent la moindre résistance, la crainte les poussera à une fuite honteuse ou à la fureur : dans ce dernier cas, le combat sera terrible et désespéré. Tels sont les Chats. Deux llawers hollan- dais chassaient aux environs du Cap, et l'un d'eux s'approcha d'une mare. Un Lion était caché dans les hautes herbes et ne pouvait voir le chasseur; trompé sans doute par le bruit de ses pas, qu'il pre- nait pour ceux d'un animal ruminant, d'un bond prodigieux il s'élance sur lui, et par hasard le saisit au bras. Mais il avait reconnu son adversaire; et, surpris de la hardiesse de sa propre attaque, i' resta immobile pendant plus de trois minutes, toujours tenant le chasseur, sans oser ni le lâcher pour fuir, ni l'attaquer pour le dévorer, et fermant les yeux, afin de ne pas rencontrer le regard effrayant de sa victime. Cette terrible situation ne cessa qu'au moment où le chasseur eut frappé le monstre d'un coup de couteau. Alors commença une lutte atroce qui ne finit que par la mort de l'un et de l'autre. Dans les rampoks de Java, on faisait combattre des Tigres et des Panthères contre des hommes. On amenait dans l'arène ces animaux renfermés dans des cages de bois, et ils étaient tellement effrayés à la vue des hommes qui les entouraient, qu'il fallait mettre le feu à leur cage pour les obliger d'en sortir, et les attaquer à coups de dards pour les déterminer à combattre. » y ^x / '^ÙJf^ f'Uy //"(/l'r'rvu^in//-- '-'■V/ .-WA (.!,;. y][lWf>, '■Mm^'â^j M^^ Fig. 80. — Chat de Sumatra. Dans le passage que nous venons de citer, on n'a certainement pas rendu une entière justice au cou- rage des Chats, et, d'un autre côté peut-être, le même M. Boitard, dans les lignes qui vont suivre, a-t-ii riant que ces pauvres animaux, demandant pourquoi on s'adressait à eux seuls, avaient abandonné la Pamphylie, sa province, pour se retirer en Carie; mais encore d'éducateurs d'animaux dont l'état était de les élever et de les instruire. Un autre résultat qui intéresse davantage les naturalistes, c'est que le nombre des animaux féroces, Lions, Panthères et Ours, étant nécessairement diminué, surtout en Afrique, d'où on en tirait un si grand nombre, on fut obligé de faire entrer dans les jeux un plus grand nombre d'animaux sauvages, mais non carnassiers; et, en effet, dans l'énumération que donne 150 HISTOIRE NATURELLE. Vopiscus des animaux montrés par Probus, le nombre de ceux-ci l'emporte beaucoup sur celui de ceux-là. n De tous ces faits, et de l'observation que de tout temps les potentats ont cherché à avoir en capti- vité, dans des Ménageries, plusieurs des grandes espèces de Chats, on peut conclure que la poursuite des animaux carnassiers du genre Fclis, qui s'est continuée pendant très-longtemps, a contribué à diminuer considérablement le nombre des individus de chaque espèce dans les pays qu'elles habitent, et a fait transporter leurs ossements dans des lieux, siège de la civilisation, où ils n'auraient pas existé sans cela. Il y a près de deux cents ans que l'on a recueilli, en Europe, des ossements appartenant à une grande espèce de Chat, sans cependant qu'on les ait reconnus comme tels. C'était d'abord dans les cavernes d'Allemagne, et, jusqu'à la publication du célèbre ouvrage de G. Cuvier sur les Ossements fossiles, en 1825, on n'était guère allé au delà de la confirmation de ce fait. Mais, depuis lors, on en a rencontré dans un grand nombre d'endroits d'Europe et d'autres parties du monde, dans des ter- rains très-différents, et de toute taille, en sorte qu'aujourd'hui, si l'on acceptait comme démontrées les espèces de Felis fossiles proposées par les paléontologistes, outre quelques-unes des espèces en- core existantes, il en aurait existé plus de vingt rien que dans l'Europe ancienne, et sans compren- dre celles des autres pays. D'après De Blanville, les seules espèces fossiles dont l'existence serait réellement bien connue sont : \° Felis speleœ, Goldfuss, à une grande taille joignant des caractères du Tigre, quelques particu- larités du Lion, et formant aussi sans doute une espèce propre à nos climats; 2" Felis leo, plus petit que le précédent, et auquel on peut rapporter les F. apUanistes et prisai, Kaup : tous trois propres à l'Europe; 5° Felis tigris crisiala, Falconner et Cautley, qui ne semble différer du Tigre actuellement vi- vant que par une taille un peu moindre; particulier aux monts Sivalicks; 4" Felis anliqua, G. Cuvier, évidemment de taille moindre que les précédents, quoique supérieure à celle de la Panthère, auquel De Blainville rapporte les Felis leopardus, Richard Ovven, Marcel De Serres; Arvernensis, Croizet et Jobert; pardineusis, Croizet et Jobert, elogijgea, Kaup; et prove- nant des cavernes d'Europe, 5" Felis onca, Lund, créé d'après un fragment de métacarpe, et en y rapprochant le Guepardus viinula du même auteur; particulier aux cavernes du Brésil; 6° Felis cullridens, Bravai'd, établi sur la considération de la taille des canines; de rAuvergne> ainsi que le suivant; 1° Felis vicgantereon, fondé sur une tête entière et des morceaux de mâchoire supérieure et infé- rieure, et ne laissant aucun doute sur sa distinction tranchée; 8° Felis smilodon, Lund, des plus remarquables par le grand développement de ses canines; des cavernes du Brésil; 9° Felis palmidens, De Blainville fondé sur un fragment de mâchoire inférieure qui a beaucoup d'analogie avec son analogue dans le F. megantcreou; d'Auvergne; iO" Felis quadridentala. De Blainville, établi sur un fragment de mâchoire inférieure montrant quatre molaires seulement; de Sansans; H° Felis inacriira, Lund, espèce d'Oceloïde créé sur un fragment peu caractérisé; du Brésil; 12"Fc/i,s lijnx. De Blainville, propre à diverses parties de l'Europe, et réunissant les F. anicdilu- viana, \vm\\); Issiodorensis, Croizet et Jobert; breviroslris, Croizet et Jobert; Engiboliensis, Schmer- ling, et serval, Marcel De Serres, qui, d'après les débris de mâchoires sur lesquels elles sont for- mées, ne diffèrent pas, sauf quelques légères variations dans les dimensions des dents, de ce qui a lieu dans le Lynx; CAUNASSIEUS. ibï 15» Fetis subfiwialmjana, Falconnor et (^aiilley, reposant, sur une tête trouvée dans les monts Si- valicks, et qui semble avoir beaucoup de rapports avec le Fclïs viverrïna actuellement vivant; iA° Fclis calus, Sehmerling', d'Europe, et auquel De Blainville réunit les F. férus, Marcel De Ser- res; magnus, Scbmerling, et mïnulus, Sehmerling. Les fragments sur lesquels reposent ces espèces, dont deux au moins peuvent former des subdivi- sions génériques particulières, ont été recueillis, en grand nombre, en Europe, surtout dans l'Europe centrale, sur les confins de rAllemagne, en Belgique, en Angicterie, en France, principalement dans la France méridionale, et en Italie, dans sa partie septentrionale; en moins grand nombre dans l'Inde, et en très-petit nombre en Amérique. Les conditions géologiques dans lesquelles ils ont été trouvés sont très-différentes; depuis les terrains tertiaires jusque dans les diluvium; dans le gypse de Paris, le Fclis pnrdo'ulcs; dans un terrain dVau douce, à Sansans, les F. palmidcns, quadrutcnlala et par- dm; dans un terrain analogue des sous-Uimalayas, les F. ticjris crislata et snbh'wudaijana; dans un terrain de même époque, mais à l'état de sable ou de grès sableux, à Eppelsbeim, les F. leo aphnnia- Ics elprisca; dans les calcaires tertiaires marins du Languedoc et dans le terrain de craie en Angle- terre, le F. pnrdus, etc. Une assez grande quantité de ces ossements ont été recueillis dans des di- luvium plus ou moins anciens, tantôt libres à la surface de la terre, comme dans le val d'Arno, ou dtyis les terrains tertiaires d'Auvergne, les Felis spelœa, pardiis, cuUridens, meganlercon, hjnx : en Allemagne et en Belgique, le F. spelœa, et en Amérique, dans un diluvium volcanique où se sont présentées à peu près les mêmes espèces que dans le val d'Arno; tantôt dans les cavernes : en Alle- magne, surtout à Gaylenreutb, les F. spelœa et antiqua : en Angleterre, les F. spelœa, cultridcns et calus : en Belgique, auprès de Liège, les F. spelœa, leo,pardns et calus: en France, principa- lement à Lunel-Viel, les F. speUea, leo, leopardus, lijnx, calus: au Brésil, en très-petit nombre, les F. onca et suiilodon : enfin, dans l'alluvium, dans le bassin même de Paris, à sept mètres de profondeur, avec des dents de Cheval, le Felis spelœa, et, en Amérique, dans le Texas, le F. onca. Ces débris fossiles, partout en assez petit nombre, et jamais comparables, sous ce rapport, à ceux des Ours, sont rarement rapprochés comme provenant d'un même individu. Quoiqu'on général d'in- dividus adultes et des deux sexes, on en a parfois rencontré qui provenaient de jeunes individus. Ils ne sont presque jamais roules; le plus souvent fracturés, et quelquefois écrasés. Leur association est extrêmement variée entre eux et sous le rapport des espèces animales avec les fragments desquels ils se trouvent; c'est ainsi que, dans la caverne de Lunel-Viel, on a rencontré avec eux des os de Cerfs, de Bœufs, de Lapins, de Rats, d'Ours, d'Hyènes, etc. : nous avons donné ailleurs une expli- cation de ces associations d'animaux en quelque sorte antipathiques dans les mêmes cavernes en disant que leurs ossements avaient pu y être apportés, peut-être d'assez loin, par des cours d'eau. Dans le plus grand nombre des cas, ils sont dans des terrains d'eau douce assez peu étendus, et lo- caux; mais, toutefois, on a deux exemples de fossiles de Chats propres aux dépôts marins. On a ob- servé que presque aucun de ces ossements n'est en place, et que les dépôts de nature très-différente dans lesquels ils ont été découverts sont toujours sous le versant de montagnes ou de pays élevés peu distants. De l'ensemble de ces faits, en les étudiant sous les points de vue géologiques et zoologiques, nous pouvons conclure avec De Blainville que ((depuis le temps, fort éloigné sans doute, où se produisaient, parla dégradation des formations précédentes, les terrains tertiaires moyens, jusqu'à celui où notre sol a été recouvert de l'énorme couche de diluvium qui s'observe sur une grande partie de l'Europe, il a constamment existé dans les vastes forêts qui la couvraient alors un assez bon nombre d'espèces de Fc/i* de taille extrêmement différente, depuis celle d'un petit Cheval jusqu'à celle de notre Chat, espèces qui étaient pour les populations si abondantes alors de Ruminants et de Pachydermes ce que sont aujourd'hui les Felis d'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique, pour les Herbivores de ces parties du monde. Avec la diminution et la disparition de ceux-ci, déterminées sans doute par celles des forêts et par les inondations partielles et générales, ont dû successivement diminuer et disparaître les es- pèces carnassières créées pour l'harmonie des êtres; mais il semble que leur disparition a précédé celle des autres espèces moins éminemment disposées pour ne manger que de la chair. La plupart de ces espèces étaient plus ou moins analogues à celles qui existent aujourd'hui dans les deux grandes s 152 HISTOIRE NATURELLE. parties de l'ancien continent, mais il s'en trouvait aussi qui paraissent ne plus exister actuellement à la surface de la terre, et qui remplissent des lacunes de la série zoologique. L'une, entre autres, de ces formes, pourvue de longues canines cultriformes exsertes à la mâchoire supérieure, ce qui a dé- terminé une disposition en rapport de la mâchoire inférieure et de ses dents de devant, paraît avoir été propre à l'Europe tempérée. Du moins, jusqu'ici, nous ne connaissons à l'état vivant aucune espèce de Felis, petite ou grande, qui offre quelque chose d'analogue au Felis cultridens. » Nous ajouterons à cela qu'une autre espèce fossile du même groupe, le Felis sin'ilodon des cavernes du Brésil, a été découverte depuis que De Blainville écrivait les lignes qui précèdent. Fig. 83. — Chat Colocolo. Après ces généralités, que l'importance du sujet nous a engagé à donner avec autant de détails, nous allons passer à la description des nombreuses espèces de ce genre, et nous chercherons encore à dire quelque chose sur les mœurs si intéressantes de la plupart d'entre elles. Les espèces vivantes nous occuperont principalement, mais nous ne nous en occuperons pas moins pour cela des espèces fossiles les plus remarquables. L'ordre à suivre dans l'étude de ces espèces pouvait être de deux sortes : ou les placer d'après les pays qu'elles habitent, ou les disposer en petits groupes naturels; c'est ce dernier arrangement que nous préférerons comme étant plus naturel que le premier que nous venons d'indiquer. Lévriec de France. Chats clomcstii|ucs. ['1 20, CARNASSlEliS 153 \. LES LIONS 1. LION. FELfS LEO. Linné. Cahactkp.es spécifiques. — Corps musculenx ; membres forts; tète i^rosse; dos, flânes, train de derrière, jambes de devant et tête couverts de poils courts et serrés d'un brun fauve, provenant de ce que ces poils, fauves dans la plus grande partie de leur longueur, sont noirs à leur extrémité, et de ce qu'ils sont mêlés de quelques autres poils épars, entièrement noirs; poitrine, partie antérieure du ventre, épaules, cou, devant de la tête et bout de la queue, revêtus de longs poils mélangés de noir et de fauve; queue floconneuse au bout; ceux des côtés du cou et de la tête beaucoup plus longs que les autres, et tombant en mèches épaisses qui forment la crinière; papilles rondes; conques ex- ternes des oreilles petites, arrondies. La Lionne ne diffère du Lion, que nous venons plus spécialement de décrire, que par l'absence de crinière, par des proportions plus allongées, par sa tête plus petite, etc. La mesure des Lions de moyenne taille, mesurée depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, est de l'",80; celle de la queue est de 0"',80, et la hauteur au train de derrière, aussi bien qu'à celui de devant, est de 0"\8o. Fig. 84. — Ijion. Les Lionceaux, en naissant, n'ont que O^.^ô de longueur, depuis l'occiput jusqu'à l'origine de h queue; celle-ci a une longueur de 0'", 17, et la hauteur des trains de devant et de derrière est de 0"". 10. .» " 20 1;,.V HISTOIRE NATLRELLK. Il iTv a point de (liuu'rc ni tie tlucoii au bout de la queue; pelage asse?, toulTii, à demi frisé et non lisse, d'un fauve sali par du noir et du gris, provenant d'anneaux de ('cs diverses couleurs répartis sur les poils; des bandes noires, transversales et parallèles sur les flancs, et qui, sur le dos, se réu- nissent à une ligne longitudinale médiane s'étendant depuis la tète jusque vers l'extrémité de la queue; des taches noirâtres de diverses formes, plus ou moins nombreuses, sur la tête et sur les membres; derrière des oreilles tout noir; parties inférieures et latérales du corps plus claires que les supérieures; moustaches fortes. La livrée de ces jeunes animaux dispaïaît peu à peu, et, dès l'âge de neuf mois, ne consiste j)lus que dans la ligne dorsale qui est noirâtre: la crinière ne commence à croître qu'à trois ans, et n'est complète qu'à six. Les Lions ont été très-connus des anciens; on en a vu paraître jusqu'à cinq cents à la fois dans les cirques de lîome, et on en a apprivoisé au point de pouvoir les atteler : Marc-Antoine se montra au j)euj)le romain dans un char traîné par deux Lions. Nous avons indiqué ailleurs le nombre im- mense des animaux de cette espèce exposés dans les arènes de Rome, nous n'y reviendrons pas. Ce Carnassier portait déjà chez les Grecs la dénomination de Aitov, que les Latins lui conservèrent en en faisant celle de Léo, d'où sont venus les noms de Leone, en italien; de Lcon, en espagnol; de Lew, en allemand; de Lcijon, en suédois, et de Lion, en français et en anglais. Tous les naturalistes depuis Linné l'ont appelé scientifiquement Felis ko; quelques auteurs, toutefois, d'après des diffé- rences plus ou moins fortes que présentent des- individus de pays différents, ont cherché à y former plusieurs espèces particulières, que nous ne regarderons que comme de simples variétés. Tels sont : 1" Le Lion de Rakbarie, Fr. Cuvier, Felis Barbarus, Lesson, dont le pelage, composé de poils soyeux, les poils laineux étant courts et très-rares, est brunâtre , et qui a une grande crinière chez le mâle. Cette variété, qui se trouve dans toute la Barbarie, est surtout commune dans la province de Constantine; c'est elle que nous voyons le plus habituellement dans nos Ménageries, surtout en France, depuis que nous possédons l'Algérie. 2" Le Lio.\ DU Sénégal, Felis Sencgalens's, Lesson, dont le pelage est légèrement jaunâtre, brillant, sans longs poils à la ligne moyenne du ventre, ainsi qu'aux cuisses, et qui offre une crinière peu épaisse. Celte variété habite la Sénégambie et la Gambie. 3" Le Lioîs DE Peiîse, Felis Persicus, Temminek, auquel on réunit en général le Lio> d'âp.abie, Felis Arnbicns, Fischer, dont le pelage est d'une couleur Isabelle très-pâle, qui présente une crinière touffue mélangée de poils de différentes teintes que dans les deux variétés précédentes, qui n'a point de longs poils à la ligne moyenne du ventre, ni aux cuisses^ et chez lequel les grandes mèches de poils noirs et de poils brun foncé de la crinière paraissent davantage sur le fond pâle et très-ras du reste de la robe. Cette variété, de petite taille, est propre à l'Arabie et à la Perse; c'est à elle que l'on croit devoir rapporter les Lions qui, d'après les anciens auteurs, vivaient jadis en Grèce. 4" Le Lion du Cap, Felis Capensis, Smuts.On pourrait peut-être distinguer, avec M. Boitard, deux sous-variétés dans cette variété : l'une, le Lion jaune, qui serait peu dangereux, se contentant de dévorer les immondices qu'il rencontre, mais se glissant aussi quelquefois la nuit dans les basses- cours pour s'emparer des Chiens, des Moutons, et, quand il le peut, du gros bétail; et l'autre, le Lion brun, le plus féroce, le plus redouté de tous, mais devenu fort rare, et se retirant dans Tinté- rieur à mesure que la civilisation s'avance vers le centre de l'Afrique. 5" Le Lion sans crinièhe, Olivier, variété dont l'existence douteuse ne repose que sur la foi d'un voyageur français, Olivier, qui dit l'avoir découverte en Syrie, principalement sur les confins de l'Ara- bie. Le professeur Kretschmar a annoncé, en 1827, au major Smith, qu'il attendait de Nubie la peau et les mâchoires de cette variété de Lions, qu'il suppose être plus grande que l'espèce typique, dont le pelage serait brunâtre, et qui surtout serait entièrement privée de crinière : malgré cette assurance, on n'a pas encore vu cette peau en Europe. Quelques auteurs se sont demandé si ce n'est pas cette même variété qu'on voit quelquefois représentée sur les monuments de l'ancienne Egypte. A ces six variétés principales, on peut encore joindre le Felis Gazaralcnsis. Smée, de Gazarate, le Fc/Às tnibnihis, métis jirovenant du Lion et du Tigre, et qui a été ilécrit avec soin par Fr. Cuvier, et qui ne peut réellement constituer une variété particulière. CARNASSIERS. 155 Toutes ces variétés semblent éi^alenient différer pai' la grandeur, car on trouve des Lions adultes qui ont jusqu'à 2 "'GO à 2'"9'2 de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à la naissance de la (|ueue, mais seulement dans les déserts, où ils vivent sans inquiétude et pourvus de ])roies abon- dantes; d'autres, et ce sont les plus ordinaires, ne dépassent pas r",80 de longueur sur 1"',14 de hauteur. Les individus, habituellement pris jeunes et conservés dans les Ménageries, sont de petite taille, i-es femelles sont généralement diin (piart plus petites que les niûles. D'après les auteurs anciens, il faudrait aussi ajouter à ces variétés : 1" Le Lio.N A cRhMÈr.E ci'.Éi'UE, tel que le représentent les anciens monuments; 2" Le Lio.N DES Indes, qui, d'après Aristote et Élien, est noir, hérissé, et qu'oii dressait à la chasse , o" Le Lion de Syrie, également noir, et qui a été cité par Pline. Aucun voyageur moderne ne fait mention de ces trois derniers; mais ce n'est pas une raison suffisante pour nier leur ancienne existence, surtout lorsqu'on réfléchit aux nombreuses espèces fossiles de Fc/is trouvées dans un grand nombre de lieux, et que l'on ne rencontre plus aujourd'hui à l'état vivant. l*ourquoi ceux-ci n'auraient-ils pas disparu comme ceux-là? Il y a plus, l'espèce elle-même n'est- elle pas menacée d'une destruction à peu près complète, et cela d'ici à un nombre assez restreint d'années : dans un ou deux siècles peut-être'.' En effet, Hérodote, Aristote, Pausanias, affirment que de leur temps les Lions étaient très-communs en Macédoine, en Thrace, en Acarnanie, en Tliessalie, où maintenant il ne s'en trouve plus aucun. L'Écriture sainte, Appien, Apollonius de Tyane, Élien, et un grand nombre d'autres auteurs anciens, disent qu'il y en avait beaucoup en Asie, et particu- lièrement en Syrie, en Arménie, aux environs de Babylone, entre l'IIyphasis et le Gange, etc.; et ce- pendant aujourd hui il ne s'en trouve plus guère en Asie qu'entre l'Inde et la Perse, et dans quelques rares cantons de l'Arabie; toutefois, Chardin dit qu'on en rencontre au Caucase, mais cela pourrait bien être une erreur. Leur véritable patrie actuelle est l'Afrique; ils y sont encore assez abondam- ment répandus, depuis l'Atlas jusqu'au Cap de Bonne-Espérance, et depuis le Sénégal et la Guinéa jusqu'aux côtes de l'Abyssinie et du Mozambique; malgré cela, leur nombre n'est plus le même qu'il était jadis, car on ne pourrait plus aujourd'hui en réunir autant qu'on le faisait dans l'ancienne Rome pour donner au peuple ces jeux sanglants qui lui plaisaient tant. L'homme, soit pour son uni- que plaisir, soit pour sa sûreté, tend donc à détruire entièrement cette belle espèce de Chats. Une autre cause, dont nous parlerons plus loin, tend probablement aussi à détruire l'espèce du Lion. La civilisation, pénétrant dans les déserts jadis habités par cet animal, détruit continuellement les Ruminants qui lui servaient de pâture presque exclusive, et dès lors en diminue naturellement le nombre, ou bien le repousse dans le centre des continents où nous ne pénétrons que rarement. Enfin une dernière cause, que cite De Lacépède, consisterait dans les changements physiques qui se seraient produits dans les lieux habités par les Lions, dans des déboisements, des destructions t!e montagnes, qui auraient pu agir et sur les Lions, et sur les animaux qui leur servent de pâture. Buffon a représenté, dans un langage qui est devenu classique, le Lion tel qu'il se présente à notre esprit, dans sa beauté, dans sa force, dans sa noblesse, dans ses actions; De Lacépède a rempli la même tâche pour la Lionne, et G. Cuvier, ainsi que De Blainville, ont rappelé ce que les anciens con- naissaient sur ce Carnassier. Avant de rapporter quelques-uns des passages de Buffon, nous devons faire remarquer à nos lecteurs qu'il faut se défendre de la magie de ses expressions, et toujours avoir présent à la pensée que les couleurs qu'il emploie pour peindre le Lion sont plutôt prises dans le sentiment que cet animal inspire communément que dans sa véritable nature : non pas, ainsi que le dit Fr. Cuvier, que les faits d'après lesquels ce sentiment s'est établi soient précisément faux, mais la plupart ont été présentés sous un faux point de vue, et ont donné naissance à de fausses idées. En effet, d'après les naturalistes et les voyageurs modernes, on doit dire que le Lion ressemble à tous les autres Chats par son caractère comme par son organisation, et que, s'il a acquis une répu- tation de générosité, de noblesse, d'élévation, cela tient à quelques circonstances mal appréciées de ses actions. « Dans les pays chauds, écrit Bufton, les animaux terrestres sont jjlus grands et plus forts que dans les pays froids ou tempérés, ils sont aussi plus hardis, plus féroces; tontes leurs qualités 15G HISTOIRE NATURELLE. naturelles semblent tenir de l'ardeur du climat. Le Lion né sous le soleil brûlant de l'Afrique ou des Indes est le plus fort, le plus fier, le plus terrible de tous; no^ Loups, nos autres animaux carnas- siers, loin d'être ses rivaux, seraient à peine ses pourvoyeurs. Les c^rands Chats d'Amérique sont, comme le climat, infiniment plus doux que ceux de l'Afrique; et ce qui prouve évidemment que l'excès de leur férocité vient de l'excès de la chaleur, c'est que, dans le même pays, ceux qui habitent les hautes montagnes, où l'air est plus tempéré, sont d'un naturel différent de ceux qui demeurent dans les plaines, où la chaleur est extrême. Les Lions du mont Atlas, dont la cime est quelquefois couverte de neige, n'ont ni la hardiesse, ni la force, ni la férocité des Lions du Biledulgérid ou du Sahara, dont les plaines sont couvertes de sables brûlants. C'est surtout dans ces déserts ardents que se trouvent ces Lions terribles qui sont l'effroi des voyageurs et le fléau des provinces voisines ; heureusement l'espèce n'est pas nombreuse, il paraît même qu'elle diminue tous les jours; car. de l'aveu de ceux qui ont parcouru cette partie de l'Afrique, il ne s'y trouve pas actuellement autant de lions, à beau- coup prés, qu'il y en avait autrefois. Les Romains tiraient de la Lybie, pour l'usage des spectacles, cinquante fois plus de Lions qu'on ne pourrait y en trouver aujourd'hui. On a remarqué de même qu'en Turquie, en Perse et dans l'Inde, les Lions sont maintenant beaucoup moins communs qu'il ne l'étaient anciennement; et, comme ce puissant et courageux animal fait sa proie de tous les autres animaux, et n'est lui-même la proie d'aucun, on ne peut attribuer la diminution de quantité dans son espèce qu'à l'augmentation du nombre dans celle de l'homme; car il faut avouer que la force de ce roi des animaux ne tient pas contre l'adresse d'un Hottcntot ou d'un iu"'gre, qui souvent osent l'attaquer tête à tête avec des armes assez légères. « L'industrie de l'homme augmente avec le nombre; celle des animaux reste toujours la même : toutes les espèces nuisibles, comme celle du Lion, paraissent être reléguées et réduites à un petit nombre, non-seulement parce que l'homme est partout devenu plus nombreux, mais aussi parce qu'il est devenu plus habile, et qu'il a su fabriquer des armes terribles auxquelles rien ne peut résister : heureux s'il n'eût jamais combiné le fer et le feu que pour la destruction des Lions ou des Tigres! « Cette supériorité de nombre et d'industrie dans l'homme, qui brise la force du Lion, en énerve aussi le courage : cette qualité, quoique naturelle, s'exalte ou se tempère dans l'animal suivant l'u- sage heureux ou malheureux qu'il a fait de sa force. Dans les vastes déserts de Sahara, dans ceux qui semblent séparer deux races d'hommes très-différentes, les nègres et les Maures, entre le Sénégal et les extrémités de la Mauritanie, dans les terres inhabitées qui sont au-dessus du pays des Hotten- tots, et en général dans toutes les parties méridionales de l'Afrique et de l'Asie où l'homme a dédai- gné d'habiter, les Lions sont encore en assez grand nombre, et sont tels que la nature les produit : accoutumés à mesurer leurs forces avec tous les animaux qu'ils rencontrent, l'habitude de vaincre les rend intrépides et terribles; ne connaissant pas la puissance de l'homme, ils n'en ont nulle crainte; n'ayant pas éprouvé la force de ses armes, ils semblent les braver; les blessures les irritent, mais sans les effrayer; ils ne sont pas même déconcertés à l'aspect du grand nombre; un seul de ces Lions du désert attaque souvent une caravane entière, et, lorsqu après un combat opiniâtre et violent il se sent affaibli, au lieu de fuir, il continue de battre en retraite, en faisant toujours face et sans ja- mais tourner le dos. Les Lions, au contraire, qui habitent aux environs des villes et des bourgades de riiule et de la barbarie, ayant connu l'homme et la force de ses armes, ont perdu leur courage au point d'obéir à sa voix menaçante, de n'oser l'attaquer, de ne se jeter que sur le menu bétail, et, enfin, de s'enfuir en se laissant poursuivre par des femmes ou par des enfants, qui leur font, à coups de bâton, quitter prise et lâcher indignement leur proie. « Ce changement, cet adoucissement dans le naturel du Lion, indique assez qu'il est susceptible des impressions qu'on lui donne, et qu'il doit avoir assez de docilité pour s'apprivoiser jusqu'à un certain point, et pour recevoir une espèce d'éducation; aussi l'histoire nous parle de Lions attelés à des chars de triomphe, de Lions conduits à la guerre ou menés à la chasse, et qui, fidèles à leur maî- tre, ne déployaient leur force et leur courage que contre ses ennemis. Ce qu'il y a de très-sûr, c'est que le Lion, pris jeune, et élevé parmi les animaux domestiques, s'accoutume aisément à vivre et même à jouer innocemment avec eux, qu'il est doux pour ses maîtres, et même caressant, surtout dans le premier âge, et que, si sa férocité naturelle reparaît quelquefois, il la tourne rarement contre ceux qui lui ont fait du bien. Comme ses mouvements sont très-impétueux et ses appétits fort véhé- ments, DU ne doit pas présumer que les impressions de l'éducation puissent toujours les balancer; CARNASSIERS. 157 aussi y aurait-il quelque (Jauger à lui laisser souffrir trop longtemps la faim, ou à le coutrariei' en le tourmentant hors de propos; non-seulement il s'irrite des mauvais traitements, mais il en garde le souvenir et parait en méditer la vengeance, comme il conserve aussi la mémoire et la reconnaissance des bienfaits. Je pourrais citer ici un grand nombre de faits particuliers, dans lesquels j'avoue que j'ai trouvé quelque exagération, mais qui cependant sont assez fondés pour prouver au moins, par leur réunion, que sa colère est noble, son courage magnanime, son naturel sensible. On l'a souvent vu dédaigner de petits ennemis, mépriser leurs insultes, et leur pardonner des libertés offensantes; on l'a vu, réduit en captivité, s'ennuyer sans s'aigrir, prendre, au contraire., des habitudes douces, obéir à son maître, flatter la main qui le nourrit, donner quelquefois la vie à ceux qu'on avait dé- voués à la mort en les lui jetant pour proie, et, comme s'il se fût attaché par cet acte généreux, leur continuer ensuite la même protection, vivre tranquillement avec eux, leur faire part de sa subsis- tance, se la laisser même quelquefois enlever tout entière, et souffrir plutôt la faim que de perdre le fruit de son premier bienfait. « On pourrait dire aussi que le Lion n'est pas cruel, puisqu'il ne l'est que par nécessité, qu'il ne détruit qu'autant qu'il consomme, et que, dès qu'il est repu, il est en pleine paix, tandis que le Ti- gre, le Loup, et tant d'autres animaux d'espèce inférieure, tels que le Renard, la l'ouine, le Putois, le Furet, etc., donnent la mort pour le seul plaisir de la donner, et que, dans leurs massacres nom- breux, ils semblent plutôt vouloir assouvir leur rage que leur faim. (( L'extérieur du Lion ne dément point ses grandes qualités intérieures; il a la figure imposante, le regard assuré, la démarche fière, la voix terrible; sa taille n'est point excessive, comme celle de l'É- léphanl ou du Rhinocéros; elle n'est ni lourde, comme celle de l'Hippopotame ou du Bœuf, ni trop ramassée, comme celle de l'Hyène ou de l'Ours, ni trop allongée, ni déformée par des inégalités comme celle du Chameau; mais elle est, au contraire, si bien prise et si bien proportionnée, que le corps du Lion pourrait être le modèle de la force jointe à l'agilité; aussi solide que nerveux, n'étant chargé ni de chair ni de graisse, et ne contenant rien de surabondant, il est tout nerf et muscle. Cette grande force musculaire se marque en dehors par les sauts et les bonds prodigieux que le Lion fait aisément, par le mouvement brusque de sa queue qui est assez forte pour terrasser un homme,, par la facilité avec laquelle il fait mouvoir la peau de la face, et surtout celle de son front, ce qui ajoute beaucoup à la physionomie ou plutôt à l'expression de la fureur, et, enfin, par la faculté qu'il a de remuer sa crinière, laquelle non-seulement se hérisse, mais se meut et s'agite en tous sens lors- qu'il est en colère. « A toutes ses nobles qualités individuelles, le Lion joint aussi la noblesse de l'espèce; j'entends par espèces nobles dans la nature, celles qui sont constantes, invariables, et qu'on ne peut soupçon- ner de s'être dégradées : ces espèces sont ordinairement isolées et seules de leur genre; elles sont distinguées par des caractères si tranchés, qu'on ne peut ni les méconnaître ni les confondre avec aucune des autres, à commencer par l'homme, qui est l'être le plus noble de la création, puisque les hommes de toutes les races, de tous les climats, de toutes les couleurs, peuvent se mêler et produire ensemble, et qu'en même temps l'on ne doit pas dire qu'aucun animal appartienne à l'homme ni de près ni de loin par une parenté naturelle. Dans le Cheval, l'espèce n'est pas aussi noble que l'indi- vidu, parce qu'elle a pour voisine l'espèce de l'Ane, laquelle paraît même lui appartenir d'assez près, puisque ces deux animaux produisent ensemble des individus, qu'à la vérité la nature traite comme des bâtards indignes de faire race, incapables même de perpétuer l'une ou l'autre des deux espèces desquelles ils sont issus; mais qui, provenant du mélange des deux, ne laissent pas de prouver leur grande affinité. Dans le Chien, l'espèce est peut-être encore moins noble, parce qu'elle paraît tenir de près de celles du Loup, du Renard et du Chacal, qu'on peut regarder comme des branches dégé- nérées de la même famil'e. Et, en descendant par degrés aux espèces inférieures, comme à celles des Lapins, des Belettes, des Rats, etc., on trouvera que chacune de ces espèces en particulier ayant un grand nombre de collatérales, l'on ne peut plus reconnaître la souche commune ni la tige directe de chacune de ces familles devenues trop nombreuses. Enfin, dans les insectes, qu'on doit regarder comme les es- pèces infinies de la nature, chacune est accompagnée de tant d'espèces voisines, qu'il n'est plus pos- sible de les considérer une à une, et qu'on est forcé d'en faire un bloc, c'est-à-dire un genre, lors- qu'on veut les dénommer. C'est là la véritable origine des méthodes, qu'on ne doit employer, en effet, que pour les dénombrements difficiles des plus petits objets de la nature, et qui deviennent totale- 158 HISTOIRE NATURELLE. ment inutiles et même ridicules lorsqu'il s'agit des êtres du premier rang : classer Tliomme avecjc Singe, le Lion avec le Chat, dire que le Lion est un Cliat h crinière et à queue longue, c'est dégra- der, défigurer la nature au lieu de la décrire et de la dénommer. « L'espèce du Lion est donc une des plus nobles, puisqu'elle est unique, et qu'on ne peut la con- fondre avec celle du Tigre, du Léopard, de l'Once, etc., et qu'au contraire ces espèces, qui sem- blent être les moins éloignées de celles du Lion, sont assez peu distinctes entre elles pour avoir été confondues par les voyageurs et prises les unes pour les autres par les nomenclateurs. (( Les Lions de la plus grande taille ont environ huit ou neuf pieds de longueur depuis le mufle jusqu'à l'origine de la queue, qui est elle-même longue d'environ quatre pieds; ces grands Lions ont quatre ou cinq pieds de hauteur. Les Lions de petite taille ont environ cinq pieds et demi de longueur sur trois pieds et demi de hauteur, et la queue longue de trois pieds. La Lionne est dans toutes les dimensions d'environ un quart plus petite que le Lion... « Ces animaux sont très-ardents en amour; lorsque la femelle est en chaleur, elle est quelquefois suivie de huit ou dix mAles, qui ne cessent de rugir autour d'elle et de se livrer des combats furieux jusqu'à ce que l'un d'entre eux, vainqueur de tous les autres, en demeure paisible possesseur pt s'éloi- gne avec elle. La Lionne met bas au printemps, et ne produit qu'une fois tous les ans, ce qui indi- que encore qu'elle est occupée pendant plusieurs mois à soigner et allaiter ses petits, et que, par con- séquent, le temps de leur premier accroissement, pendant lequel ils ont besoin des secours de leur mère, est au moins de quelques mois. « Dans ces animaux, toutes les passions, même les plus douces, sont excessives, et l'amour ma- ternel est extrême. La Lionne, naturellement moins forte que le Lion, devient terrible dès qu'elle a des petits; elle se montre alors avec encore plus de hardiesse que le Lion; elle ne connaît point le danger; elle se jette indifféremment sur les hommes et sur les animaux qu'elle rencontre; elle les met à mort, se charge ensuite de sa proie, la porte et la partage à ses Lionceaux, auxquels elle apprend de bonne heure à sucer le sang et à déchirer la chair. D'ordinaire, elle met bas dans des lieux écar- tés et de difficile accès; et, lorsqu'elle craint d'être découverte, elle cache ses traces en retournant plusieurs fois sur ses pas, ou bien elle les efface avec sa queue; quelquefois même, lorsque l'inquié- tude est grande, elle transporte ailleurs ses petits, et, quand on veut les lui arracher, elle devient fiiieuse, et les défend jusqu'à la dernière extrémité. « On croit que le Lion n'a pas l'odorat aussi parfait ni les yeux aussi bons que la plupart des au- tres animaux de proie : on a remarqué que la grande lumière du soleil paraît l'incommoder, qu'il marche rarement dans le milieu du jour, que c'est pendant la nuit qu'il fait toutes ses courses, que, quand il voit des feux allumés autour des troupeaux, il n'en approche guère, etc.; on a observé qu'il n'évente pas de loin l'odeur des autres animaux, qu'il ne les chasse qu'à vue et non pas en les sui- vant à la piste, comme font les Chiens et les Loups, dont l'odorat est plus fin. On a même donné le nom de Guide ou de Pourvoijeur du Lion à une espèce de Lynx auquel on suppose la vue perçante et l'odorat exquis, et on prétend que ce Lynx accompagne ou précède toujours le Lion pour lui indi- quer sa proie : nous connaissons cet animal, qui se trouve, comme le Lion, en Arabie, en Lybie, etc., qui, comme lui, vit de proie, et le suit peut-être quelquefois pour profiter de ses restes, car, étant faible et de petite taille, il doit fuir le Lion plutôt que le servir. « Le Lion, lorsqu'il a faim, attaque de face tous les animaux qui se présentent; mais, comme il est très-redouté et que tous cherchent à éviter sa rencontre, il est souvent obligé de se cacher et de les attendre au passage; il se tapit sur le ventre dans un endroit fourré, d'où il s'élance avec tant de torce, qu'il les saisit souvent du premier bond : dans les déserts et les forêts, sa nourriture la plus ordinaire sont les Gazelles et les Singes, quoiqu'il ne prenne ceux-ci que lorsqu'ils sont à terre, car il ne grimpe pas sur les arbres comme le Tigre ou le Puma; il mange beaucoup à la fois et se remplit pour deux ou trois jours; il a les dents si fortes, qu'il brise aisément les os, et il les avale avec la chair. On prétend qu'il supporte longtemps la faim; comme son tempérament est excessivement chaud, il supporte moins la soif, et boit toutes les fois qu'il peut trouver de l'eau. 11 prend l'eau en lapant comme un Chien; mais, au lieu que la langue du Chien se courbe en dessus pour lapper, celle du Lion se courbe en dessous, ce qui fait qu'il est longtemps à boire et qu'il perd beaucoup d'eau; il lui faut environ quinze livres de chair crue par jour; il préfère la chair des animaux vivants, de ceux sur- tout qu'il vient d'égorger; il ne se jette pas volontiers sur les cadavres infects, et il aime mieux r.ARiNASSlEllS. 1à<) cliasscr une nouvelle proie (|iie de retourner ehereher les restes de la première; mais, (pu»i(pie dor- (linaire il se nourrisse de chair fraîche, son haleine est très-forte et son urine a une odeur insup- portable. (\ Le rugissement du Lion est si fort, que, quand il se fait entendre, par échos, la nuit dans les déserts, il ressemble au bruit du tonnerre; ce rugissement est sa voix ordinaire, car, quand il est en colère, il a un autre cri qui est court et réitéré subitement; au lieu ([ue le rugissement est un cri prolongé, une espèce de grondement d'un ton grave, mêlé d'un fi'émissement plus aigu : il rugit ciiu] ou six fois par jour, et plus souvent lorsqu'il doit tomber de la pluie. Le cri qu'il fait lorsqu'il est en colère est encore plus terrible que le rugissement; alors il se bat les flancs de sa queue, il en bat la terre, remue ses gros sourcils, montre des dents menaçantes, et tire une langue armée de pointes si dures, qu'elle suffit seule pour écorcher la peau et entamer la <'hair sans le secours des dents ni des ongles, qui sont après les dents ses armes les plus cruelles. 11 est beaucoup plus fort par la tète, les mâchoires et les jambes de devant, que par les parties postérieures du corps ; il voit la nuit comme les Chats; il ne dort pas longtemps et s'éveille aisément; mais c'est mal à propos que 1 on a prétendu qu'il dormait les yeux ouverts. ft La démarche du Lion est fière, grave et lente, quoique toujours oblique. Sa course ne se fait pas par des mouvements égaux, mais par sauts et par bonds, et ses mouvements sont si brusques, qu'il ne peut s'arrêter à l'instant, et qu'il passe presque toujours son but : lorsqu'il saute sur sa proie, il fait un bond de douze à quinze pieds, tombe dessus, la saisit, et, avec les pattes de devant, la dé- chire avec les ongles et ensuite la dévore avec les dents. Tant qu'il est jeune et qu'il a de la légèreté. il vit du produit de sa chasse, et quitte rarement ses déserts et ses forêts, où il trouve assez d'ani- maux sauvages pour subsister aisément; mais lorsqu'il devient vieux, pesant et moins propre à l'exercice de la chasse, il s'approche des lieux fréquentés et devient plus dangereux pour l'homme et pour les animaux domestiques; seulement on a remarqué que, lorsqu'il voit des hommes et des animaux ensemble, c'est toujours sur les animaux qu'il se jette et jamais sur les hommes, à moins qu'ils ne le frappent, car alors il reconnaît à merveille celui qui vient de l'offenser, et il quitte sa proie pour se venger... « (Juelque terrible que soit cet animal, on ne I?isse pas de lui donner la chasse avec des Chiens de grande taille et bien appuyés par des h( mmes à cheval : on le déloge ou le fait retirer; mais il faut que les Chiens et même les Chevaux soient aguerris auparavant, car presque tous les animaux fré- missent et s'enfuient à la seule odeur du Lion. Sa peau, quoique d'un tissu ferme et serré, ne résiste point à la balle, ni même au javelot; néanmoins, on ne le tue presque jamais d'un seul coup : on le prend souvent par adresse, comme nous prenons les Loups, en le faisant tomber dans une fosse profonde qu'on recouvre avec des matières légères, au-dessus desquelles on attache un animal vivant. Le Lion devient doux dès qu'il est pris, et, si l'on profite des premiers moments de sa surprise ou de sa honte, on peut l'attacher, le museler et le conduire où l'on veut. « La chair du Lion est d'un goût désagréable et fort; cependant les nègres et les Indiens ne la trouvent pas mauvaise et en mangent souvent : la peau, qui faisait autrefois la tunique des héros, sert à ces peuples de manteau et de lit; ils en gardent aussi la graisse, qui est d'une qualité fort pé- nétrante, et qui même était de quelcjne usage dans notre ancienne médecine. » Le tableau que De Lacépède nous a tracé de la Lionne est peint avec trop de force et de vérité poui' que nous ne le reproduisions pas à la suite de celui que Buffon a donné du Lion, et que nous ve- nons de donner. « Le Lion, dit-il, a dans sa physionomie un mélange de noblesse, de gra- vité et d'audace, qui décèle, pour ainsi dire, la supériorité de ses armes et l'énergie de ses mus- cles. La Lionne a la grAce et la légèreté; sa tête n'est point ornée de ces poils longs et touffus qui entourent la face du Lion et se répandent sur son cou en flocons ondulés; elle a moins de parure; mais, douée des attributs distinctifs de son sexe, elle montre plus d'agrément dans ses attitudes, plus de souplesse dans ses mouvements. Plus petite que le Lion, elle a peut-être moins de force; mais elle compense, par sa vitesse, ce qui manque à sa masse. Comme le Lion, elle ne touche la terre que par l'extrémité de ses doigts; ses jambes, élastiques et agiles, paraissent en quelque sorte quatre ressorts toujours prêts à se débander pour la repousser loin du sol et la lancer à do grandes distances; elle saute, bondit, s'élance comme le mâle, franchit comme lui des espaces de douze à quinze pieds; sa vivacité est même plus grande, sa scrisibilité plus ardente, son désir plus ICO IIISTOIHE NATURELLK véhément, son repos plus court, son dépait plus brusque, son élan plus impétueux. Elle offre aussi cette couleur uniforme et sans tache, dont la nuance rousse ou fauve suflirail pour faire reconnaître le Lion au milieu des autres Carnassiers, et pour le séparer même du Couguar, ou prétendu Lion d'Amérique. » On sait que le Lion peut se reproduire dans nos Ménageries, où on le voit fréquemment, et Ton a pu même obtenir le produit d une Lionne et d'un Tigre, espèce qui, ainsi que nous le verrons, en est assez voisine. Fin. 85. — Lion el Lionne. Dans nos climats, ainsi que le fait observei' Fr. Cuvier, quelques précautions seraient nécessaires j)Our faciliter la reproduction de ces animaux : la principale consisterait à les tenir très-chaudemeni et de manière qu'ils ne fussent point plongés dans l'atmosphère humide et malsaine de toutes nos Ménageries. En effet, aucun des petits nés au Muséum de Paris n'a vécu au delà d'un an, c'est-à-diic au delà de l'époque où les canines se développent, époque qui paraît très-dangereuse pour les Lion.' . De Lacépède a donné des détails intéressants sur une Lionne provenant de Barbarie, qui a produit à notre Ménagerie. Lorsque cette Lionne eut six ans, elle entra en chaleur, et les signes que cet étal produisirent furent les mêmes que chez la Chatte; elle s'accoupla, devint pleine; mais au bout de deux mois elle mit au monde deux fœtus morts qui n'avaient pas de poils. Vingt et un jours après, elle revint en chaleur, et, dans le même jour, reçut cinq fois le mâle; et l'on s'aperçut bientôt qu'elle était pleine. Au bout de cent huit jours, c'est-à-dire un peu plus de trois mois et demi, dès sept heures du malin, ses douleurs commencèrent; à dix heures elle mil bas un petit Lion mâle; un second CARNASSIKUS ICI Lionceau naquit i\ dix heures oi demie, et un troisième à onze lieures un quart. L'un de ces trois jeunes Lions avait, cinq jours après sa naissance, environ un pied depuis le devant du front jusqu'à l'origine de la queue; la queue était longue de cinq pouces dix lignes. Lorsque ces Lionceaux sont venus au jour, ils n'avaient pas de crinière; et, en effet, ce n'est qu'à trois ans que cette parure paraît : et, en outre, ils n'avaient pas au bout de la queue ce flocon de poils qu'on observe chez les adultes. Leur poil était laineux et n'offrait pas encore la couleur de la robe de leur père; il présentait sur un fond mêlé de gris et de roux un grand nombre de bandes petites et brunes, qui étaient surtout très-dislinctes sur l'épine dorsale et vers l'origine de la queue, et qui étaient disposées transversale- ment et de chaque côté d'une raie longitudinale brune, et étendue depuis le derrière de la tète jusqu'au Fi". 8G. — Combat de Lion et de Pantlière. bout de la queue. A mesure que ces Lionceaux grandirent, les nuances de leurs couleurs se rappro- chèrent de celles du Lion adulte; leurs bandes et leur raie disparurent, et les proportions de leurs différentes parties se rapprochèrent de celles de leur père ou de leur mère : toutefois, à Tûge de neuf mois, les jeunes mâles nés à notre Muséum avaient encore la raie longitudinale et les bandes transversales sur le dos. C'est en novembre 1801 que les Lionceaux sont nés; vers la fin de mars de l'année suivante, leur mère a été couverte par le mâle, et le 15 juillet elle a donné le jour à deux jeunes Lionnes; elle à porté ces deux femelles pendant un temps égal, ou à peu près, à celui pendant lequel elle avait porté les trois Lionceaux mâles. Peu de temps après la naissance de ces deux fe- melles, les trois Lionceaux étaient déjà devenus méchants. Un de ces jeunes Lions, qu'on avait coupé pour tâcher de savoir quel peut être l'effet de la castration sur des individus d'une espèce aussi tcr- c» 21 1(V2 HISTOIRE NATURELLE. rible que celle du Lion, paraissait moins trailable que les autres. La Lionne a quatre mamelles : lallaitement dura six mois. Ainsi que la Chatte, la Lionne avait le plus grand soin de ses petits; elle les léchait sans cesse, ne les quittait point, et les entretenait dans une grande propreté. Cependant une prolonde inquiétude l'agitait souvent; il semblait qu'un instinct secret l'excitât à vouloir les porter dans des lieux cachés et loin delà vue des hommes : elle les prenait entre ses dents, et, dans un grand état d'agitation, les promenait pendant des quarts d'heure, ce qui a occasionné la mort de plusieurs. On n'a pu suivre sur aucun de ces jeunes Lions les progrès du développement du caractère, car ils sont tous morts, et il paraît qu'ils ont succombé aux premiers effets de la dentition; les deux jeunes Lionnes de la seconde portée périrent aussi à la même époque. Avant l'époque citée par De Lacépède, et aussi depuis, on a constaté plusieurs cas de reproduction de Lions dans les Ménageries d'Europe, principalement à Florence, à Naples, et surtout en Angleterre, où les animaux des Ménageries sont soignés avec le plus grand soin. En 1824, il est né, à la Ménagerie de Windsor, d'une Tigresse qu'on avait accouplée avec un Lion, deux petits : ils étaient très-doux l'un et l'autre, ne ressemblaient ni à leur père ni à leur mère, et ne se ressemblaient pas même entre eux. Ce fait du croisement de deux espèces aussi distinctes, et qui avait été nié à tort par Buffon, ne pourrait-il pas, ainsi que le fait remarquer M. Boitard, expliquer la grande confusion qui existe dans l'histoire de la synonymie des Chats ? Les excréments de ces animaux sont semblables à ceux du Chat, et très-fétides. Le mâle, du moins dans nos Ménageries, ne se débarrasse des siens qu'une fois par jour; son urine est aussi très-puante, ainsi que celle des Lionnes. Comme nous l'avons dit, Buffon a embelli le tableau lorsqu'il nous a tracé l'histoire du Lion; mais peut-être aussi certains naturalistes ont-ils exagéré en sens opposé. Quoi qu'il en soit, et en pre- nant note de cette dernière remarque, rapportons à ce sujet ce qu'en dit l'auteur de l'article Chat du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. « Il est fâcheux que toutes les belles qualités du Lion s'évanouissent devant la réalité toujours peu poétique et encore moins flatteuse. Ce roi des animaux ressemble à tous ses congénères, ou, s'il se dis- tingue du Tigre, du Jaguar, etc., c'est par sa poltronnerie. Quoique n'ayant pas la pupille nocturne, il ne sort de sa retraite que la nuit et seulement quand il est poussé par la faim. Alors, soit qu'il se glisse dans les ténèbres à travers les buissons, soit qu'il se mette en embuscade dans les roseaux, sur les bords d'une mare où les animaux viennent boire, par un bond énorme il s'élance sur sa victime, qui est toujours un animal faible et innocent, ne pouvant lui opposer aucune résistance, lors même que, dans son attaque, il n'emploierait pas la surprise, la ruse ou la perfidie. Ce n'est que poussé par une faim extrême qu'il ose assaillir un Bœuf ou un Cheval, ou tout autre animal capable de lui résis- ter. Dans tous les cas, s'il manque son coup, il ne cherche pas à poursuivre sa proie, parce qu'il ne peut courir, et Ton a appelé cela de la générosité, comme on a décoré du nom de gravité la lenteur forcée de sa marche. Sa nourriture ordinaire consiste en Gazelles. Dans l'ombre, il parcourt la cam- pagne, et, s'il ose alors s'approcher en silence des habitations, c'est pour chercher à s'emparer des pièces de menu bétail échappées de la bergerie; il ne dédaigne pas même de prendre des Oies et autres volailles quand il en trouve l'occasion. Enfin, faute de mieux, il se jette sur les charognes et les voiries, malgré cette noblesse et cette délicatesse de goût qu'on lui suppose. Il est arrivé assez souvent;» nos sentinelles, à Constantine, de tirer et de tuer des Lions qui venaient la nuit rôder au- tour de la ville, afin de manger les immondices jetées hors des murs. Si, pendant le jour, un Lion a la hardiesse de s'approcher en tapinois d'un troupeau pour en saisir un Mouton, les bergers crient aussitôt haro sur le voleur, le poursuivent à coups de bâton, lui arrachent sa proie de vive force,, mettent leurs Chiens à ses trousses, et le forcent à une fuite honteuse et précipitée. Il en arrive sou- vent ainsi au cap de Bonne-Espérance, quand les howars hollandais le surprennent rôdant autour de leurs ccuries : ils en ont même tué quelquefois à coups de fourche. Mais c'est dans les vastes solitudes, où il domine en maître parce qu'il domine seul, que le Lion déploie toutes les facultés qui assurent sa puissance. « Un intrépide voyageur français, Adulplie Delegorgue, dans son Voijage dans l'Afrique australe (2 vol. in-8. Paris, ^1. René et compagnie, 1847), ouvrage très-peu répandu, a donné d'intéressants iétails sur les mœurs des animaux en grand nombre, qu'il a chassés nombre de fois dans lapro- CAUNASSIEHS. 105 viiice du cap de Bonne-Espérance. Les faits rapportés par Adulphe Dclogori^ue, mort depuis peu d'années, au commencement d'un second voyage, victime de son zèle pour la science, ceux surtout ((iii concernent la chasse du Lion, nous ont semble trop importants pour que nous n'ayons pas cru utile de les transcrire ici malgré leur longueur et parce que leur autlienlicité nous paraît cer- taine. Nous avons pensé que ces détails compléteraient ceux que nous avons rapportés, et qu'ils rectifieraient en même temps certains faits qu'indiquent continuellement les naturalistes et les voya- geurs, et qui ne sont cependant pas tout à fait authentiques. .Nous croyons intéresser nos lecteurs, et nous faire ainsi pardonner la longueur du récit qui va suivre ; puissions-nous par là rendre aussi hommage à la mémoire de l'infortuné Delegorgue. « Le Lion, qui, chez nous, jouit d'une si haute réputation de noblesse et de courage, ne la conserve probablement aussi entière que parce qu'il habite loin de notre pays, et que nous ne sommes nulle- ment à même d'observer ses mœurs à l'état sauvage. Au dire des chasseurs sud-africains habitants des contrées nouvellement envahies, où chaque jour on rencontre de ces animaux, le Lion est un ani- mal qu'il est prudent de laisser passer sans molestation. Sa chasse offre des dangers, et la posses- sion de sa peau, ne rapportant que de cinquante à soixante-quinze francs, ne tente pas suffisamment la cupidité pour engager des hommes à en faire une chasse spéciale. Aussi le plus souvent le Lion doit-il la vie à son peu de valeur intrinsèque. Mais, par suite de ses déprédations nocturnes, quand, après avoir dispersé des Bœufs, le Lion s'est emparé de quelqu'un d'entre eux, la colère du Boer, lésé dans ses intérêts les plus chers, ne connaît point de bornes; elle ne calcule plus rien, et son apaisement ne sera complet que lorsque la peau du Lion, portée au marché, aura payé une partie des pertes. « Notre Boer partira seul à cheval; quelquefois des amis l'accompagneront, la société est peu utile; elle tourne même fréquemment à l'avantage du Lion que l'on attaque. L'animal a été vu; il s'est levé; lentement et fièrement, il a parcouru de quinze à trente pas, jetant fréquemment un regard sur ses derrières, puis il s'est couché. Son parti est bien pris : ce qu'il veut, c'est tout d'abord du respect; l'attaque-t-on, c'est vaincre ou mourir. « Le Boer l'approche à trente pas. Jusque-là point de danger; il est libre encore de l'attaque et de la retraite; mais, bien résolu, notre homme tourne son Cheval la croupe du côté du Lion. II en saute à bas, conservant la bride passée au bras gauche; il ajuste et tire. Que la balle ait atteint la cervelle, la mort est instantanée; l'animal roule ou s'affaisse alors, sans rien témoigner qu'un tremblement des pattes, qui s'allongent, et tout est fini. Mais, que le chasseur ait tiré en plein corps, la question change. Il est impossible de savoir si le coup est léger ou mortel; l'hémorragie peut se déclarer dans l'effort violent que fait l'animal pour se venger; elle est plus ou moins prompte, lors même que le cœur a été traversé de part en part; et, dans une circonstance de ce genre, il arriva que le Lion vécut encore assez pour s'élancer sur le Cheval, le déchirer de trois coups de patte, lorsqu'il expira pro- che du cavalier, renversé par le choc. « Que l'animal ne soit que légèrement blessé, le chasseur doit s'attendre à une sévère riposte dont ne saurait le sauver le galop de son Cheval, trop lent à s'ébranler, et sur lequel tombera le Lion au second ou troisième bond. Faire tête alors en croisant la baïonnette, je le suppose, système inventé par des chasseurs de cabinet, serait un pis-aller inutile, nuisible même; car, du choc, l'homme le plus solide sera renversé sous le Lion, et, en admettant même que l'animal se soit enferré le cœur, l'heureux succès inespéré n'empêchera pas que l'homme ne soit déchiré en lambeaux d'un coup de griffe ou croqué d'un coup do dent. (( Le mieux, en pareil cas, est de faire le sacrifice du Cheval en s'en écartant pour recharger son arme, et tout chasseur qui se possède pourra, s'il le veut ensuite, approcher à bout portant le Car- nassier furieux qui s'acharne sur sa victime, et l'étendre d'un seul coup à ses pieds, parce que, dans les efforts que fait le Lion pour mordre à plaisir, les muscles des mâchoires agissent d'une façon puissante, tandis que les organes voisins restent neutres, comme si leur coopération était inutile. Ainsi, alors les yeux sont fermés, et le Lion, qui savoure la vengeance, ne voit pas plus que s'il était aveugle. Les Cafres des frontières de la colonie du cap de Bonne-Espérance, vulgairem.enl nom- més Cafres chauves, sont tellement convaincus de cette particularité, qu'ils basent leur mode d'atta- que sur sa connaissance. H L'un d'eux, porteur d'un vaste bouclier de buffle, épais et ''ur, auquel a été donné une forme 1G4 HISTOIRE NATURELLE. concave, s'api)roctie le premier île ranimai et lui lance hardiment une assagaye. Le Lion bondit vers son ai^resseur; mais l'homme s'est laissé tomber à plat sur la terre, et son bouclier le recouvre de même que ces cônes marins adhérant aux rochers sans permettre la moindre prise. Un instant de stupéfaction s'écoule pour l'animal indécis, puis il essaye ses griffes et ses dents sur la partie supé- rieure du bouclier, qui les voit glisser sans effet produit. 11 redouble en y mettant plus de force, et alors, cerné par la bande d'hommes armés, son corps est tour à tour percé de vingt, de cent assagayes à la hampe trémoussante qu'il s'imagine recevoir de l'homme qu'il tient sous lui. Les as- saillants se retirent, le Lion s'affaiblit bientôt et tombe à côté du Cafre à la carapace, lequel a soin de ne se dégager que quand le terrible animal ne donne plus signe de vie. « Le Cheval, dans la chasse du Lion que font les Boers, a son utilité, non dans le but de joindre l'animal, lequel, s'il est vu en plaine découverte, atteindra toujours son ennemi, mais bien pour sau-* ver le cavalier des griffes du Lion, par substitution si le cas l'exige; car il est à la connaissance de tous les chasseurs sud-africains que le Cheval sera toujours la première victime. Le Cheval est un traître qui prête son dos à l'homme; le Lion ne le craint pas; il en vient facilement à bout; il en fait sa proie favorite. L'homme, au contraire, diffère des animaux à quatre pattes; le Lion le craint da- vantage; fréquemment ceux de sa race sont tués par lui, et dans toute contrée giboyeuse il ne dévore pas l'homme après l'avoir tué. « Certains animaux, lorsqu'ils sont mortellement blessés, témoignent une faiblesse qui résulte, soit de leur peu de moyens de défense, soit de la douceur de leur caractère : les uns poussent des cris plaintifs, qu'ils ne font entendre qu'à cette heure suprême; les autres versent des larmes; la Canna surtout attendrit le chasseur, qu'il semble implorer, au lieu de se servir contre lui de ses re- doutables cornes; d'autres se résignent simplement, sans donner aucune marque ni de force ni de fai- blesse. Le Lion diffère d'eux tous; il semble se rapprocher de l'homme; il participe hautement du dés- espoir du vaincu. A-t-il la conscience de sa mort prochaine, tant qu'il conserve la faculté de se mou- voir, griffes et dents sont en action; sa défense peut être comparée à la plus vigoureuse attaque; mais est-il démonté, ses ennemis se tiennent-ils à une distance infranchissable pour lui, traversé déjà dans ses parties vitales, le désespoir s'empare tout entier de lui, l'effort de ses dents se tourne contre lui-même; il se croque les pattes, se brise les doigts, comme s'il tentait de s'anéantir, comme s'il voulait devenir l'auteur de sa propre mort. C'est un véritable suicide que les armes reçues de la nature ne lui permettent pas de consommer. « Mais un si grand courage n'est provoqué que par des circonstances indépendantes de la volonté du Lion; et, jugé sous un autre aspect, le roi des animaux ne mérite plus son titre; il n'est même plus digne du respect qu'on lui porte. En effet, et plus de cinquante fois je l'ai vu, le Lion, pris au dépoitrvu, s'enfuit à l'aspect d'un homme seul, d'un enfant, d'un Chien qui surgit inopinément de- vant et proche de lui. Dans un pays coupé de ravins, parsemé de collines, présentant quelques bois qui servent à couvrir sa retraite, le Lion détale à cinq cents pas sur le seul bruit de voix d'hommes que lui rapportent les vents. Il est certain de n'avoir point été soupçonné; il fuit prudemment, de crainte de danger; la compagnie de trois ou quatre de ses semblables ne le rassure pas; il part avec eux, doucement et sans iiruit d'abord, rapidement et par larges bonds ensuite. La peur, sans aucun doute, s'est emparée de lui, et il cède à la peur! « Est-ce en pays découvert, où se présentent des inégalités de terrain, le Lion en profite, mais il n'ose se lancer à la course; il craint de donner à penser à l'homme qu'il songe à fuir, il semble re- douter de compromettre sa dignité; il tourne, retourne, comme s'il s'occupait d'autre chose, mais s'éloignant toujours; et, sans aucun doute, il ira loin si l'homme ne fait aucune démarche. Veut-on rarrèter dans sa retraite lorsqu'il reste en vue, rien de plus aisé : il suffît d'agiter les bras et de le lu 1er fortement; le Lion reste en place et écoule; mais, quand le silence se fait, le Lion continue. Va-l-on droit à lui en criant encore, il s'arrête de nouveau; souvent même il se couche immédiatement. Malgré lui, le Lion accepte le défi lancé; cette fois, son honneur, sa réputation de courage, sont mis en jeu. Mais le chasseur peut, s'il le veut, déloger l'animal de sa position prise, et le moyen est aussi facile qu'étrange. « Des herbes longues d'un mètre couvrent la terre ; que l'homme qui s'en approche de loin s'y accroupisse ou qu'il s'y couche, l'animal s'inquiète de ne plus voir son ennemi; s'imagine-t-il que f.elui-ci va le tourner ou se prépa'-^r à bondir, à l'attaquer d'une manière imprévue ? Je ne sais ce CARNASSIEUS. 165 qu'il est convonablement permis de supposer en ce cas; mais tant de l'ois je l'ai essayé, et jamais le Lion n'est resté en place. Bien plus, quand je ne le voulais ])as, pour ni'étre simplement agenouillé, afin d'éviter des branches d'arbres, ou pour mieux ajuster mon canon de fusil sur des Lions levés de quelques pas, en se tenant à trente, je vis chaque ibis partir ces animaux, saisis d'une panique irré- sistible, et, outre ceux qui me sont propres, mille faits de ce genre que m'ont racontés des chasseurs plus vieux et plus expérimentés que moi confirment pleinement mon opinion à cet égard. « 11 ne faut pas croire non plus qu'il soit dangereux de blesser un Lion surpris sans s'y attendre; son premier mouvement sera toujours de fuir, s'il est en état de le faire. Ainsi donc, qu'un Lion sommeille, les jambes allongées, ou qu'il quitte sa proie, sur laquelle il a concentré son attention, pourvu qu'il ne sache rien du chasseur, celui-ci ne doit jamais hésiter à faire usage de ses armes : ainsi j'ai fait maintes fois, à de très-courtes distances, sans courir le moindre danger. « La nuit, cet animal, qui, comme tous ceux de la race féline, jouit d'une excellente vue, atteste par ses actes une audace voisine de la témérité. Le domaine de l'homme, dont il s'écarte pendant le jour, lui devient familier durant les ténèbres. Le Lion ne balance point à saisir le Cheval attaché près du maître qui dort, et le bœuf fixé par les cornes aux roues d'un chariot habité, souvent même en dépit des Chiens, trop tardifs à aboyer. Le cri des hommes, la détonation du fusil, ne réussissent pas à le chasser; mieux vaut l'usage du long fouet, dont la mèche le châtie et l'effraye par son éclat trop voisin. (( Mais que l'homme change brusquement de rôle, qu'il biesse le Lion trop confiant dans les avan- tages que lui offre l'obscurité plus ou moins incomplète, le Lion, alors, désappointé, honteux et pe- naud, se retire sans plus rien oser tenter. En effet, la partie est perdue pour lui : les Bœufs, solide- ment fixés, sont tout debout, incapables d'obéir à la peur qui les presse de fuir et les livre aux Lions; les Chiens aboient, prêts à réclamer le voleur, et les hommes ne dorment plus. Que la lune se dé- masque un instant, ou seulement que quelques étoiles nous désignent d'un rayon le Lion, dont le plan d'attaque échoue, tirez-le hardiment : confus, il partira. Ainsi, encore une fois, ai-je fait à dix pas sur un Lion d'abord suivi peu après de sa femelle. A défaut de toute autre arme sous la main, mon fusil double chargé du n° 5 fit grogner et partir l'un et l'autre, sans qu'ils osassent témoigner autre- ment leur colère. « Dans les contrées où, faute d'un gibier suffisant et facile, le Lion est réduit à convoiter, le jour, les troupeaux des habitants et à tenter d'en saisir quelque individu la nuit, son habitude est de faire plus d'un repas de sa proie. Pour peu que l'on prenne ses précautions et que l'animal ait faim, il est assez aisé de l'avoir sous le coup du fusil; il suffit de se poster à proximité des débris et d'y attendre patiemment que le maître paraisse. C'est d'ordinaire entre dix et onze heures de la nuit que l'espérance du chasseur se réalise; le Lion arrive lentement par le dessous du vent, et toute chance favorise l'homme, si l'animal n'a point croisé la ligne de ses émanations; mais pas de bruit, pas un souffle inutile, que pas une feuille ne bouge; et, blessé sans aucun soupçon, l'animal partira s'il n'est étendu mort. « Si, au contraire, le Lion a deviné la présence du chasseur, qu'il l'ait entrevu, celui-ci court les plus grands risques. Cette fois le Lion se considère maître de ce qu'il a conquis, et d'ordinaire il ne souffre point de partage. Gare à l'homme! Que tout son sang-froid lui vienne en aide, qu'il n'ait pas la malheureuse idée de tergiverser, qu'il tienne bon, qu'il s'accroupisse. Cette mesure le sauvera peut-être de l'attaque, où le tir est si inexact et si difficile; et si l'animal, dans son hésitation, se présente bien à découvert, que le coup parte et l'étende roide sur place, sinon le Lion sera le maître, et bientôt la lune projettera sa pâle lumière sur un groupe effrayant que l'on se figurera. « Cependant, et c'est ici le lieu de faire cette remarque, il arrive quelquefois que, par un caprice inexplicable, généralement qualifié de générosité, le roi des animaux ne tue pas l'homme qu'il tient sous lui, bien qu'il en ait été blessé le premier. Quelquefois il se contente de divers coups de dents qui brisent et broient les membres, ou d'un seul qui laboure la poitrine de quatre sillons. Il borne là sa vengeance et s'en va. J'ai connu un intrépide chasseur qui deux fois en sept ans avait été tenu de la sorte par un Lion blessé; la première lui avait valu deux fractures aux membres, la seconde six, sans compter les profonds stigmates laissés par les griffes sur maintes parties de son corps. Un autre, du nom de Vermaes, non moins intrépide, tenu plus d'une minute par une fameuse Lionne, en fut quitte pour quatre traces profondes des canines, glorieuses cicatrices qu'il me découvrit avec j66 HISTOIRE NATURELLE. un air de vive satisfaction. Et pourtant la vie de ces hommes avait été complètement à la merci de ce.s terribles animaux. Mais prétendre assigner une cause à leur conduite étonnante me semble diffi- cile, pour ne pas dire impossible. « Le Lion est donc plus pacifique et moins dangereux pour l'homme qu'on ne se l'imagine ordi- nairement. Il arrive tous les jours que les Cafres, qui n'ont pas d'armes à feu, traversent avec leur famille des espaces où circulent de ces animaux, et, pour ces hommes, la présence des Lions n'est point une cause d'effroi. Un ou plusieurs Lions bondissent à dix pas et se maintiennent à trente; les Cafres passent comme sans y prendre garde, et jamais je n'ai ouï parler d'accidents dont les Lions eussent été les auteurs sans provocation. Ces mêmes Cafres chassent-ils devant eux des Bœufs ou des Vaches, la question peut changer; je ne réponds pas des bêtes à cornes, non plus que des proprié- taires qui voudront les protéger. Mais ici l'on peut voir encore que le Lion ne s'adresse pas directe- ment à l'homme. « Ainsi les peuples pasteurs sont les seuls dans ces contrées qui aient quelque chose à redouter du Lion. Ils sont les seuls qui voient avec plaisir la mort du Lion; et pourtant, si cet animal a expié de sa vie quelque rapine commise, j'oserais dire que c'est une dîme assez justement prélevée. En effet, le Lion a véritablement dans ces parages son incontestable utilité, et voici comment je le prouve : que depuis Draakens-Berg ou des sources du Tonguela jusqu'au tropique du Capricorne pas un Lion n'existe, il est certain que les hordes de Gnous et de Couaggas, qui n'y sont déjà que trop nombreu- ses, vont se multiplier dans une effrayante proportion. Je ne demande pas dix ans, et les peuples pas- teurs n'y trouveront pas une pointe d'herbe pour leurs bestiaux. « Il y avait beaucoup de Lions quand je traversai l'Elands-Rivier à Vaal-Rivier, puisque chaque jour nous en apercevions plusieurs, et que presque chaque nuit ils tentaient de saisir nos Bœufs; leur nombre était cependant insuffisant, puisque leur mission n'était pas remplie; et cela est d'autant plus vrai, qu'avant d'atteindre Vaal-Bivier je cheminai six journées sansque mes Bœufs trouvassent à saisir le moindre gazon. C'était l'hiver, tout avait été tondu par les Gnous et les Couaggas, dont la bouche et les dents rasent littéralement la terre, et pas un pouce de terrain n'existait sans porter l'empreinte d'un pied. Or, dans des terres friables, ces empreintes équivalent à un labourage. « Donc, s'il n'y avait pas de Lions qui diminuassent le nombre d'individus des espèces d'Herbi- vores sauvages, non-seulement les Cafres ne trouveraient pas de pâturages pour leurs bestiaux, mais les Gnous et les Couaggas eux-mêmes verraient leur masse entière y périr d'inanition si l'émigration leur était interdite. Il est vrai que, quand l'homme civilisé ou simplement doté d'armes à feu s'établit quelque part, le Lion n'a plus de mission à remplir, puisque alors l'homme le remplace, et bientôt disparaissent les Herbivores et les Carnassiers. Mais, avant disparition complète, comme la proie de- vient de plus en plus difficile à saisir, comme encore les animaux domestiques sont moins rapides à la course et de condition meilleure, le Lion se jette sur eux, et sous ce concours de circonstances il les préfère, lors même qu'abondent Gnous et Couaggas. C'est ce qui explique la molestation dont sont l'objet les voyageurs qui ne circulent qu'avec de longs attelages. « Les peuples qui, par suite de guerres désastreuses, vivent simplement des produits de la terre, ou ceux qui, comme les Boschjesmans, ne vivent que de chasse, sont loin de vouer leur haine au Lion. Pour eux, il n'est nullement nuisible, et dans mille circonstances il leur est utile. En effet, le mode de chasser de ces hommes n'offrant un rapport ni grand ni certain, ils sont fréquemment ré- duits à chercher fortune dans les bois. Le Lion leur laisse de grands débris, nullement à dédaigner, et chaque matin des vedettes recueillent les indications des Vautours, qui jamais ne les trompent. Le manteau de plus d'un Makaschla est fait de la peau de la proie du Lion, que la moelle des os de la victime a rendue souple, tandis que le même homme s'était repu de sa chair : aussi ces peuples ne se souciaient-ils nullement de m'aider à les débarrasser de ces voisins dont ils prisent les services. (( 11 est très-naturel que les mœurs du Lion subissent des modilications suivant les climats et les lieux qu'il habite. Aussi la description que j'en donne ne regarde que celui de l'Afrique australe. Peut-être diffère-telle de celle que l'on ferait du Lion du Sahara; mais le fond, ce me semble, doit rester le même. Je pense avec quelque raison que les individus provenant de l'Afrique australe doivent être les plus grands et les plus forts de leur race. La peau plate etséchée de l'un d'eux, qui était un mâle parfaitement adulte, mesurait du nez à l'extrémité de la queue 'ô"',hO, la queue allant pour I"',00. (( Leur force trouve à s'y exercer plus qu'en aucun autre lieu de l'Afrique, les Buffles et les Rhino- CARNASSIERS. 107 coros n'étant nulle part plus nombreux qu'au pays des Massilicalzi, où j'ai ioni^lemps cliassé, et d'or- dinaire, chez ces animaux nullement énervés, la force est en raison de leur taille. S'en faire une juste idée n'est guère possible; tout ce que je puis avancer et certifier pour l'avoir vu, c'est qu'un Buffle mâle vieux, que je tuai, portait, de l'épaule à la naissance de la queue, quatre sillons profonds de quatre centimètres, résultant d'un simple coup de patte. Maintes fois je trouvais des, lîliinoceros shmis de la plus haute taille, que ni leur peau, ni leur poids, ni leur force, ni leur fureur, n'avaient pu préserver de la mort. La place du combat était visible; partout elle était foulée, et l'empreinie du Lion s'y lisait sur chaque point. « Le jeune Éléphant qui suit sa mère périt souvent victime du Lion, qui le guette au passage, l'abat, l'étrangle, et part sans le disputer, certain de le retrouver ensuite. Mais je ne sache pas que le Lion attaque rilippopotame, qui, de tous les animaux connus, porte la peau la plus épaisse; l'effet de ses mâchoires est sans doute trop redoutable, et le Lion y renonce, quoique sa chair lui convienne fort par sa similitude avec celle du Rhinocéros simus. Et je dis ainsi, parce que le Lion venait sou- vent sur les débris de nos Hippopotames tués et gisants sur les bords du fleuve. « La force musculaire du Lion est encore attestée par l'étonnante largeur de ses bonds. Du point où reposait un mâle à celui où il retomba après un seul saut, je mesurai dix-huit de mes pas. C'est en s'élançant ainsi inopinément sur sa proie qu'il l'atteint; car le Lion est mauvais coureur, et, s'il pro- cédait autrement, les Antilopes, trop lestes, lui échapperaient toujours. « Vers novembre, décembre et janvier, durant l'été de ces climats, quand les herbes sont longues, le Lion chasse seul ou suivi de sa femelle. Il peut alors espérer réussir pendant le jour, tant il excelle à s'approcher en rampant; la longueur des herbes le couvre. L'animal herbivore qui paît porte bas la tête; il ne la relève qu'à intervalles à peu près égaux, si quelque bruit ne l'y engage. La distance mesurée par le Lion est parcourue; il jette un regard, s'assure de sa proximité, se ramasse et bondit : l'Antilope est à lui. Mais arrive-t-il que le Lion ait failli, il bondit encore ; sa proie lui échappe-t-elle de nouveau, il fait un bond de plus, qui est le dernier, et que le succès ne couronne presque jamais. Le Lion se ravise alors et fait route en sens opposé à la course de l'Antilope. « Pendant l'hiver, durant juin, juillet et août, quand les herbes sont ou foulées ou brûlées par le feu, pour un Lion seul, la chasse n'est possible que la nuit; encore, comme elle ne saurait être fort abondante en résultats, le jour voit fréquemment ces animaux, réunis en cordons, qui cernent et rabattent le gibier vers des gorges, des défilés et des passages boisés, enlacés et difficiles, où sont postés quelques-uns de leurs acolytes. Ce sont des battues faites en règle, mais sans bruit, où les émanations des Lions qui rabattent du vent sous le vent suffisent pour contraindre au départ les Her- bivores qui les recueillent. « Une fois, à deux reprises, en quelques minutes d'intervalle, nous tombâmes, mes chasseurs et moi, au centre d'une ligne de semblables traqueurs, vingt d'abord, trente ensuite, les courts buis- sons de JoïKj-dora, jeunes Mimosas, nous en ayant primitivement intercepté la vue. Un Rhinocéros sur lequel nous allions paraissait surtout être l'objet de leur convoitise. Malheureusement notre pré- sence les troubla dans leur plan d'attaque, et la leur nous ayant contraints à abandonner notre pre- mier but, le Rhinocéros dut sa vie aux idées simultanées de possession qu'avaient eues ses deux plus redoutables ennemis. <( Toutefois, ce que j'eusse désiré le plus ardemment, c'eût été de voir aux prises avec le Rhino- céros cette troupe de Lions si formidable. Souvent j'ai rencontré de grands débris résultant de ces combats, dans lesquels l'herbivore avait toujours fini par succomber; et jamais il ne m'a été donné d'être proche témoin de telles scènes, si palpitantes d'intérêt. « Cependant un homme a vu, a ouï tout cela : la nuit, seul, sans armes, sans feu, abandonné de ses Cafres, blotti dans un buisson de Jong-dora, dévoré par la soif, assailli de mille inquiétudes, et de plus flairé par des Rhinocéros, contre lesquels il ne trouvait pas un arbre qui lui servît d'asile; or, mon estimable ami de Wahlberg a été témoin à vingt pas d'une de ces luttes, et lui seul au monde, peut-être, saura nous dire la rudesse de l'attaque, le désespoir de la défense, comme aussi ses an- goisses d'alors. C'est à l'état de nature, au milieu des forêts sauvages, quand ils agissent en toute liberté et qu'ils ne soupçonnent pas l'œil de l'homme, que ces animaux doivent être surtout observés pour être bien connus. » Nous n'ajouterons plus rien sur les mœurs du Lion : nous dirons seulement que l'on sait corn- 168 HISTOIRE NATURELLE. bien, surtout depuis que nous possédons l'Algérie, la chasse de cet animal a été faite souvent; mais nous ne décrirons pas ces chasses dans lesquelles Thomme court souvent de graves dangers, car nos lecteurs en ont tous lu les récits dans les journaux, et tous ont admiré le courage de notre in- trépide Gérard. Nous devons, pour terminer, nous occuper des traces que le Lion a laissées dans le sein de la terre. C'est seulement en Europe, d'abord dans les cavernes d'Allemagne, par Schmerling, et ensuite dans celles de Lunel-Viel, par MM. Marcel de Serres, Diibreuil et Jean-Jean, que l'on a cru avoir trouvé un petit nombre d'ossements du Fclis leo, tels que cinq incisives et une canine supérieure, une carnassière inférieure, un fragment antérieur de mâchoire inférieure gauche, une mâchoire inférieure droite de jeune, un sacrum entier, une portion de cubitus et de fémur, un avant-bras complet, un bassin, quelques vertèbres, etc.; mais l'on n'est pas bien certain que ces os se rapportent réellement au Lion, car ils ne diffèrent guère que par la taille, plus petite, d'une es- pèce fossile bien authentique, le Felis spelœa. Fig. 87. — Métis de Lion et de Tigre. Kaup, dans la description des ossements fossiles du grand-duché de Darmstadt, et comme trouvées dans les sables d'Eppelsheim, fait connaître deux espèces fossiles, les Felis aplianista et prisca, fondées sur quelques fragments de dents, et ces fossiles doivent se rapporter probablement, ainsi que le fait remarquer De Blainville, au Fclis leo. Une espèce fossile qui se rapproche du Lion, tout en présentant, en même temps, quelques parti- cularités du Tigre, est le Felis spelœa Goldfuss, ou Grand Chat des cavernes de G. Cuvier. Esper, Sœmmering, Leibnitz, considéraient les ossements de cette espèce comme devant se rapporter au Lion : c'est Goldfuss et G. Cuvier qui la distinguèrent définitivement. Les ossements attribués à cette espèce sont assez nombreux, beaucoup plus que pour toute autre, quoique partout on les ait ren- contrés isolés et pêle-mêle avec des os d'Ours, d'Hyènes et d'autres animaux carnassiers ou non : on CARNASSIERS. IGO PU a trouvé presque partout en Europe, d'abord eu Alleuiai^ne, puis suceessivemeut eu Aui^leterre, en Belgique, dans la France septentrionale et méridionale, pres(iue toujours dans 1(^ diluviuui di's cavernes. Nous ne décrirons pas les ossements du Felis spclœa, luuis dirons seulement (pie la lèie. qui tient de celle du Tigre dans ses parties postérieures et dans la mâchoire inférieure, et même un peu de celle du Jaguar dans sa brièveté, est au contraire plus léonine dans la forme du nez et du mufle. Vk. 88 — Pumas. 2. LES PUBIAS. 2. CONGOUAl\ ou PUMA. l'EUS CONCOLOn F.innr. CvRACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Corps long ct effilé; tète petite; jambes fortes, peu élevées: queue longue et traînante; côtés de la tète et occiput, dessus du cou, épaules, dos, lombes, croupe, queue, à l'ex- ception de son extrémité, côtés du corps et face externe des quatre jambes, d'une couleur fauve plus ou moins foncée et mêlée de quelques teintes noirâtres sur les parties supérieures, parce que la pointe des poils y est noire; face postérieure des cuisses ou fesses d'un fauve foncé; chanfrein, tour des yeux, front et dessus de la tête d'un fauve terne et mêlé de gris et de noirâtre; du gris très-apparent au-dessus et au-dessous des yeux; jKiils de l'intérieur de l'oreille blancs, légèrement teints de fauve; ceux de la face externe noirâtres; partie de la lèvre supérieure qui porte les moustaches noire; reste 09 170 HISTOIRE NATURELLE. (le la lèvre supérieure, lèvre inférieure et gorge (run beau blanc; dessous du cou d'une couleur fauve pâle, mêlée de blanchâtre; partie antérieure de la poitrine et face interne des bras d'un blanc mêlé de cendré et de fauve; partie postérieure de la poitrine et ventre d'un fauve clair et mêlé de blanc; face interne des cuisses blanclie, avec quelques légères teintes de cendré et de roussâtre; queue fauve, avec des poils noirs sur la fitce supérieure, et le bout noirâtre; soies des moustaches longues de 0'",05 à 0'",06, en partie noirâtres et en partie blanches. Longueur du corps, depuis le bout du mu- seau jusqu'à l'origine de la queue, 1"',08; celle-ci ayant O^.TS : mais souvent de moindre dimen- sion. Les jeunes individus, d'après Fr. Cuvier, ont tout le corps, mais surtout les cuisses, couvert de laclies rondes d'une teinte un peu plus foncée que celle du pelage, et qu'on n'aperçoit que sous certains aspects; ces taches s'effacent avec l'âge, et c'est sur les pattes de derrière qu'elles se sont conser- vées le plus longtemps. Cette espèce est l'une de celles du genre Chat qui a reçu le plus grand nombre de noms; on l'a vulgairement indiquée sous les dénominations de Lion (l\4)nérujitc. de Lion des Péruviens, de Tigre rouge ou Tigre poltron, et les voyageurs l'ont désignée sous celles de Cougouar, de Puma ou Pounia, (ï Vagouati, de Pita, ù'Yagoua, de Cuguacuarana, de Cuguacuara, de Gouazoara, etc.; c'est le Felis concolor de Linné, le Felis puma, Shaw; le Felis fulva et le Cougouar de Bulfon. Cet animal est répandu dans presque toute LAmérique méridionale, particulièrement dans la Guyane, dans le Brésil et dans le Paraguay. On regarde en général comme n'en étant que des variétés, soit de coloration, soit de pays, les Waeula, Schreber, du Démérary; Soasoaranna, Schreber, des savanes de rOrénoque; Cougouar noir, Buffon, ou Jaguarélé, Pison {Felis discolor, Schreber; niger, Les- son), qui ne diffère du type que par la teinte plus noirâtre de son pelage; Cougouar de Pennsglvanie du même auteur, et L'élis unicolor, Traillard, qui habite le Démérary, est plus petit que l'espèce ty- pique, et en entier d'un fauve brun-rouge sans tache, avec la queue longue, la tête pointue, les oreilles ne présentant pas de noii'. On assure que les petits du Felis unicolor ne porteraient pas, comme ceux du Couguar, une livrée : si cela était réellement exact, on devrait faire deux espèces particu- lières de ces deux animaux. Buffon en a donné la description suivante : « Le Cougouar a la taille aussi longue, mais moins étoffée que le Jaguar; il est plus levreté, plus eifdé et plus haut sur jambes; il a la tète petite, la queue longue, le poil court et de couleur presque uniforme, d'un roux vif, mêlé de quelques teintes noirâtres, surtout au-dessus du dos; il n'est marqué ni de bandes longues comme le Tigre, ni de fâches rondes et pleines, comme le Léopard, ni de taches en anneaux ou en roses, comme l'Once et la Panthère. H a le menton blanchâtre, ainsi que la gorge et toutes les parties inférieures du corps. Quoique plus faible que le Jaguar, il paraît être encore plus acharné sur sa proie; il la dévore sans la dépecer. Dès qu'il l'a saisie, il l'entame, la suce, la mange de suite, et ne la quitte pas qu'il ne soit pleinement rassasie. K Cet animal est assez commun à la Guyane ; autrefois, on l'a vu arriver â la nage et en nombre •lans l'ile de Cayenne, pour attaquer et dévaster les troupeaux : c'était dans les commencements un Iléau pour la colonie, mais peu à jx'U ou l'a chassé, détruit, cl relégué loin des habitations. On le trouve au Brésil, au Paraguay, au pays des Amazones, etc. « Le Cougouar, par la légèreté de son corps et la plus grande longueur de ses jambes, doit mieux courir que le Jaguar, et grimper aussi plus aisément sur les arbres; ils sont tous deux également pai'cssciix cl poltrons dès qu'ils sont rassasiés; ils n'atta((uent pres([ue jamais les hommes, â moins qu'ils uc les trouvent endormis. Lorsqu'on veut passer la nuit ou s'arrêter dans les bois, il suflit d'allunu'r du feu pour les empêcher (l'approcher, ils se plaisent â l'ombre dans les grandes forêts, ils se cachent dans un fort ou même sur un arbre touffu, d'où ils s'élancent sur les aninuiux qui passent. Quoi(pi'ils ne vivent que de proie, et qu'ils s'abreuvent plus souvent de sang que d'eau, on prétend que leur chair est aussi bonne que celle du Veau; d'autres la comparent à celle du Mouton; j'ai bien de la peine â croire que ce soit en effet une viande de bon goût; j'aime mieux m'en rap- porter au témoignage de Pesmarchais, qui dit que ce qu'il y a de mieux dans ces animaux, c'est la peau, dont on fait des housses de cheval, et (|u'on est peu friand de leur chair, qui d'ordinaire est maigre et d'un fumet peu agréable, w CAUNASSIEUS. 171 D'aitrès Vr. Cuvioi', la lemelle met bas doux ou trois petits, qui, à dix-liuil mois, ont près l'un mètre de lougueur : elle ne dilïèi'e pas du mate, et queNiuefois ils eliassent ensemble. Ils aiment ])ai-lieulièrement le sani^', ce qui lait qu'ils tuent beaucoup [ilus «l'animaux qu'ils n'en mangent. C'est une habitude qu'ils partagent avec la plupart des petits Carnassiers, et Ton a envisagé ces animaux sous un point de vue très-faux lorsqu'on a j)rèlendu établir sur ce fait qu'ils étaient plus féroces et plus cruels que les espèces qui ne tueut cliaque jour qu'un animal : les uns et les autres ne cherclient également qu'à assouvir leur faim et à salisfaii'e leur appélil. Ouand ils ne mangent pas toute la proie, ils en cachent les restes avec soin dans la taille ou sous quehjue abri, et vont les retrouver lorsque la faim les presse de nouveau. Un Cougouar qu'on avait châtré était devenu, au rapport de D'Azara, très-gras, et sa paresse était très-grande ; mais il s'était très-apprivoisé : il n'était dangereux que pour la volaille, et il ne cher- chait pas à s'échapper et à recouvrer la liberté; ses manières étaient entièrement celles du Chai domestique, soit qu'il guettât sa proie, soit qu'il mangeât, soit qu'il se mit en colère. La Ménagerie du Muséum a possédé plusieurs Cougouars, et toujours ils ont été très-doux pour leurs gardiens, et ont montré des mœurs analogues à celles de nos Chats domestiques Le major Smith raconte un fait singulier d'un de ces animaux. On l'avait renfermé dans une cage, et, comme on voulait s'en défaire, on lui tira un coup de fusil, dont la balle lui perça le cœur. L'animal était occupé à manger lorsqu'il reçut le coup, et le seul signe de douleur qu'il donna fut de redoubler subitement de voracité; il se jeta sur sa nourriture avec une nouvelle avidité, et la dé- vora en buvant son propre sang, jusqu'au moment où il tomba mort. On rapporte à la même espèce les débris fossiles indiqués par M. Lund sous la dénomination de P'el'is a f finis concoim, et qui proviennent du bassin du Rio das Velhas, au Brésil. Quant au Felis Pardincnsis, découvert par MM. Croizet et Jobert dans les galets et lignites d'issoire, en Auver- gne, que Lesson en rapproche, on doit plutôt, avec De Blainville, le placer auprès de la Panthère, 3. LES TIGUES. 5 TIGl\E RO\AL. hELlS TIGRIS. Litinô. Caractè:res spécifiques. — Corps très-allongé; jambes courtes; tête petite; queue très-longue; pelage assez ras, à l'exception des côtés des jambes, qui sont garnis de grands poils; parties supé- rieures du corps d'un jaune fauve; bout du museau, joues, face interne des oreilles, dessous du cou, gorge, poitrine et ventre, d'un beau blanc; des bandes noires transversales, variables en nombre de vingt à trente, assez étroites, partant de la ligne moyenne du dos, et s'étendant parallèlement entre elles sur les flancs; queue marquée de quinze anneaux noirs, sur un fond blanc jaunâtre, et dont les premiers se partagent en plusieurs lignes; quelques bandes transversales et doubles sur la face ex- terne des pieds de derrière; deux ou trois bandes obliques sur la face externe des pieds de devant, et deux ou trois autres sur la face interne; quelques mouchetures noires sur le fond et le dessous de l'œil; papilles rondes. La femelle ne diffère pas du mâle. Les individus de moyenne taille ont une longueur de 1"',50 depuis le bout du museau jusqu'à la naissance de la queue, celle-ci ayant près de 1"', et leur hauteur moyenne est de 0''\70; mais on en connaît des individus beaucoup plus grands. Les jeunes individus présentent la même distribution de couleurs que les adultes, mais en diffè- rent par les nuances; le blanc étant mêlé de gris, le noir de brun, et le jaune d'une teinte plus obscure. Ce Carnassier, qui depuis longtemps porte le nom de Tigre royal, était le Tirjris des Romains, qui, ainsi que nous l'avons dit, le virent pour la première fois dans le cirque, sous le régne d'Au- guste, et a été décrit par la plupart des naturalistes Aristote en dit quelques mots, et Pline raconte ^72 HISTOIRE NATURELLE. une histoire fabuleuse sur la manière dont on parvient à s'emparer de ses petits. Dans les temps mo- dernes, Buff'ou, De Lacépède, Fr. Cuvier, etc., s'en sont occupés. 11 habite le Bengale, le royaume de Siani, celui du Tonquin, la Chine, Sumatra, et, en i,^énéral, toutes les contrées" de l'Asie méridionale situées au delà de l'indus, et s'étendant jusqu'au nord de la Chine. On a cherché à y former plusieurs espèces particulières, ou, tout au moins, des variétés distinctes qui ne diffèrent entre elles que par quelques particularités de la coloration de leur pelage : c'est ainsi que Lesson y distingue les Fdis lïfjris Monçjolïca, propre à la Mongolie, à la Boukarie, aux steppes des Kirguis, etc.; mcjia, de Sumatra, et alba : la première presque noire, et la dernière blanchâtre. Ce n'est qu'avec doute que nous regarderons, avec Fr. Cuvier. comme simple variété de la même espèce son Ticr.E okdclé {Fclis nebulosus), dont les taches noires, au lieu de former des lignes transversales, se recourbent pour enceindre de grandes taches dune couleur plus claire : cet animal a vécu trois ans à Londres, où il avait été amené de Canton; M. Boitard pense qu'il doit être rapporté au Fclls inacroscdis, Teniminck. « La force prodigieuse et les goûts sanguinaires du Tigre, dit Fr. Cuvier, en ont fait la terreur des pays qu'il habite. Excepté l'Éléphant, aucun animal ne peut lui résister. 11 emporte un Bœuf dans sa gueule presque en fuyant, et l'éventre d'un coup de griffe. On ne saurait peindre avec des couleurs trop fortes sa férocité, les ravages qu'il cause, l'effroi qu'il inspire; mais tout ce qu'on a dit de son naturel intraitable, de la fureur qui l'agite sans cesse, du besoin insatiable qu'il a de répandre le sang, de son insensibilité aux bons traitements, de son ingratitude envers ceux qui le soignent, n'est qu'un tissu d'exagérations ou d'erreurs. Sous tous ces rapports, le Tigre ressemble aux autres Chats. En général, on l'apprivoise aussi aisément que le Lion; il devient très-familier avec ceux qui le nour- rissent, et il les distingue de toutes les autres personnes; lorsqu'il n'a aucun besoin, et qu'on ne l'ef- fraye point, il reste très-calme, et, dès qu'il est repu, il passe presque entièrement son temps à dormir; il aime à recevoir des caresses, et il y répond d'une manière très-douce et trè.s-expressive : il ressemble beau(;oup, dans ce cas, au Chat domestique; il voûte de même son dos, fait à peu près le même bruit, se frotte de la même manière; en un mot, a les mêmes dispositions naturelles. Notre Ménagerie du Muséum en a possédé plusieurs, et tous se ressemblaient par les mœurs, comme par les proportions du corps, la grandeur et le pelage. On a vu à Londres un Tigre mâle et un Tigre femelle s'accoupler et produire. La portée fut de cent et quelques jours. Le Tigre qui vivait à Paris en 1855 se promenait librement sur le pont du vaisseau qui l'amenait en France, et les mousses du bâtiment dormaient entre ses jambes, la tête appuyée sur ses flancs, qui leur servaient, en quelque sorte, de traversin. On a vu à Francfort un Tigre d'une rare beauté que son maître avait habitué à faire divers exercices, et tout Paris sait que M. Martin entrait dans la cage d'un de ces animaux, qu'il a montré sur plusieurs théâtres, le caressait, le contrariait même, sans qu'il en soit jamais ré- sulté le moindre accident. Chez les anciens, Héliogabale même se lit voir dans le cirque, placé dans un char traîné par deux de ces Carnassiers. « 11 serait naturel d'attribuer à la faiblesse du Chat domestique son caractère timide et caché, ses allures souples et rampantes; le Tigre, cependant, malgré sa force, lui ressemble aussi à cet égard. ^Villamson représente un Tigre qui s'approche d'un village pour y ravir sa proie : il est tapis contre terre, et s'avance à pas lents, avec une inquiétude d'être découvert que tout en lui décèle. Son cou- rage ne se montre pas mieux lorsqu'il est attaqué ouvertement. On trouve dans le î o//«f/e des pères Jésuites à Siani le récit du combat d'un Tigre contre trois Éléphants, dans lequel l'animal féroce se laissa vaincre, pour ainsi dire, sans se défendre : il chercha d'abord à faire quelque résistance; mais, dès qu'il sentit le danger, il se tint dans le plus grand éloignement de ses ennemis, qui le tuè- rent bientôt après sans aucune peine. « Si dans quelques occasions on a vu des Tigres attaquer leur proie avec audace et témérité, comme il serait dil'licile d'en douter d'après ce qu'ont dit des voyageurs dignes de foi, ces animaux étaient sans doute poussés hors de leur naturel par une faim violente; dans ce cas-là, leur aveugle- ment paraîtrait extrême. Grandpré rapporte avoir vu un Tigre s'élancer à l'eau, et s'avancer à la nage pour attaquer et enlever un homme de son équipage. )> A ces détails, ajoutons quelques-uns des inimitables ])assages de Buffon, tout en faisant remar- quer que notre illustre naturaliste a exagéré la férocité du Tigre, comme il a exalté les bonnes qua- lités du Lion. CARNASSIERS. 177) « Dans la classe des animaux carnassiers, le Lion est le premier, le Tigre lé second ; et comme le premier, même dans un mauvais genre, est toujours le plus grand et souvent le meilleur, le second est ordinairement le plus méchant de tous. A la lierté, au courage, h la force, le Lion joint la no- blesse, la clémence, la magnanimité; tandis que le Tigre est bassement féroce, cruel sans justice, c'est-à-dire sans nécessité. Il en est de même dans tout ordre de choses où les rangs sont donnés par la force; le premier, qui peut tout, est moins tyran que l'autre, qui, ne pouvant jouir de la puis- sance plénière, s'en venge en abusant du pouvoir qu'il a pu s'arroger. Aussi le Tigre est-il plus à craindre que le Lion : celui-ci souvent oublie qu'il est roi, c'est-à-dire le plus fort de tous les ani- maux; marchant d'un pas tranquille, il n'attaque jamais l'homme, à moins qu'il ne soit provoqué; il ne précipite pas ses pas, il ne court, il ne chasse que quand la faim le presse. Le Tigre, au contraire, quoique rassasié de chair, semble toujours être altéré de sang, sa fureur n'a d'autres intervalles que ceux du temps qu'il faut pour dresser des embûches; il saisit et déchire une nouvelle proie avec la même rage qu'il vient d'exei'cer, et non pas d'assouvir, en dévorant la première; il désole le pays qu'il habite; il ne craint ni l'aspect ni les armes de l'homme; il égorge, il dévaste les troupeaux d'a- nimaux domestiques, met à mort toutes les bêtes sauvages, attaque les petits Éléphants, les jeunes Rhinocéros, et quelquefois même ose braver le Lion. « La forme du corps est ordinairement d'accord avec le naturel. Le Lion a l'air noble; la hauteur de ses jambes est proportionnée à la longueur de son corps; l'épaisse et grande crinière qui couvre ses épaules et ombrage sa face, son regard assuré, sa démarche grave, tout semble annoncer sa fière et majestueuse intrépidité. Le Tigre, trop long de corps, trop bas sur ses jambes, la tête nue, les yeux hagards, la langue couleur de sang, toujours hors de la gueule, n'a que les caractères de la basse méchanceté et de l'insatiable cruauté; il n'a pour tout instinct qu'une rage constante, une fu- reur aveugle, qui ne connaît, qui ne distingue rien, et qui lui fait souvent dévorer ses propres en- fants et déchirer leur mère lorsqu'elle veut les défendre. Que ne l'eut-il à l'excès cette soif de son sang! ne pût-il l'éteindre qu'en détruisant, dès leur naissance, la race entière des monstres qu'il produit'. « Heureusement pour le reste de la nature, l'espèce n'en est pas nombreuse, et paraît conlinée aux climats les plus chauds de l'Inde orientale. Elle se trouve au Malabar, à Siam, au Bengale, dans les mêmes contrées qu'habitent l'Éléphant et le Rhinocéros; on prétend même que souvenx, le Tigre accompagne ce dernier, et qu'il le suit pour manger sa fiente, qui lui sert de purgation ou de rafraî- chissement : il fréquente avec lui les bords des fleuves et des lacs; car, comme le sang ne fait que l'al- térer, il a souvent besoin d'eau pour tempérer l'ardeur qui le consume; et, d'ailleurs, il attend près des eaux les animaux qui y arrivent, et que la chaleur du climat contraint d'y venir plusieurs fois chaque jour : c'est là qu'il choisit sa proie, ou plutôt qu'il multiplie ses massacres; car souvent il abandonne les animaux qu'il vient de mettre à mort pour en égorger d'autres; il semble qu'il cher- che à goûter de leur sang; il le savoure, il s'en enivre; et, lorsqu'il leur fend et déchire le corps, c'est pour y plonger la tête et pour sucer à longs traits le sang dont il vient d'ouvrir la source, qui tarit presque toujours avant que sa soif ne s'éteigne. « Cependant, quand il a mis à mort quelques gros animaux, comme un Cheval, un Buffle, il ne les éventre pas sur place s'il craint d'y être inquiété; pour les dépecer à son aise, il les emporte dans les bois, en les traînant avec tant de légèreté, que la vitesse de sa course paraît à peine ralentie par la masse énorme qu'il entraîne (1)... (1) Le père Tachard, cilé pnr Buffon, donne le récit suivant du combat d'un Tigre contre des Éléphants : « On avait élevé une haute palissade de bambous d'environ cent pas en carré. Au milieu de l'enceinte étaient entrés trois Éléphants des- tinés pour coml)allrj le Ti;jre. Ils avaient une espèce de plastron, en forme de masque, qui leur couvrait la tête et une partie de la trompe. Dés que nous fûmes arrivés sur le lieu, on fit sortir de la loge qui était dans un enfoncement un Tigre d'une ligure et dune couleur qui parurent nouvelles aux Français qui assistaient à ce combat. On ne lâcha pas d'abord le Tigre qui devait combatre, mais on le tint attache par deux cordes, de sorte que, n'ayant pas la liberté de s'élancer, le premier Éléphant qui l'approcha lui donna deux ou trois coups de sa trompe sur le dos : ce choc fut si rude, que le Tigre en fut renversé et demeura quelque temps élendu sur la place sans mouvement, comme s'il eût été mort; cependant, dés qu'on l'eut délie, quoique celte première attaque eût bien rabattu de sa furie, il lit un cri horrible et voulut se jeter sur la trompe de l'Éléphant qui s'avançait pour le frapper; mais celui-ci, la repliant adroitement, la mil à couvert par se.s défenses, qu'il présenta en même temps, et dont il allcignil le Tigre si à propos, qu'il lui lit faire un grand saut en l'air ; cet animal en lui si étourdi, qu'il n'osa plus approcher. 11 fil plusieurs tours le long de la palissade, s'élançant quelque- 174 HISTOIRE NATURELLE. « Le Tii^re rugit à la vue de tout être vivant; chaque objet lui parait une nouvelle proie, qu'il dé- vore d'avance de ses regards avides, qu'il menace par des frémissements affreux mêlés d'un grince- ment de dents, et vers lequel il s'élance souvent malgré les chaînes et les grilles, qui brisent sa fureur sans pouvoir la vaincre. Son rugissement est différent et plus rauque que celui du Lion. « L'espèce du Tigre a toujours été plus rare et beaucoup moins répandue que celle du Lion : ce- pendant, la Tigresse produit, comme la Lionne, quatre ou cinq petits; elle est furieuse en tout temps, mais sa rage devient extrême lorsqu'on les lui ravit; elle brave tous les périls, elle suit les ravis- seurs, qui, se trouvant pressés, sont obligés de lui relâcher un de ses petits; elle s'arrête, le saisit, l'emporte pour le mettre à l'abri, revient quelques instants après et les poursuit jusqu'aux portes des villes ou jusqu'à leurs vaisseaux, et, lorsqu'elle a perdu tout espoir de recouvrer sa perte, des cris forcenés et lugubres, des hurlements affreux, expriment sa douleur cruelle et font encore frémir ceux qui les entendent de loin... « La peau de ces animaux est assez estimée, surtout à la Chine; les mandarins militaires en cou- vrent leurs chaises dans les marches publiques; ils en font aussi des couvertures de coussins pour l'hiver; En Europe, ces peaux, quoique rares, ne sont pas d'un grand prix. On fait beaucoup plus de cas de celles du Léopard de Guinée et du Sénégal, que nos fourreurs appellent Tigre. Au reste, c'est la seule petite utilité qu'on puisse tirer de cet animal très-nuisible, dont on a prétendu que la sueur était un venin et le poil de la moustache un poison sûr pour les hommes et pour les animaux; mais c'est assez du mal réel qu'il fait de son vivant sans chercher encore des qualités imaginaires et des poisons dans sa dépouille, d'autant que les Indiens mangent de sa chair, et ne la trouvent ni mal- saine ni mauvaise, et que, si le poil de la moustache, pris en pilule, tue, c'est que, étant dur et roide, une telle pilule fait dans l'estomac le même effet qu'un paquet de petites aiguilles. » Il semble que des ossements de Tigre ont été trouvés dans les cavernes d'Allemagne; mais ce fait n'est pas positivement démontré. De Blainville rapporte également à la même espèce le crâne pres- que entier trouvé dans une roche fort dure tertiaire des monts Sivaliens, et dont MM. Falconer et Cautley ont fait leur Felis crisiala. 4. LES FARDES. 4. PANTHÈRE. FEUS PAHDUS. Linné. Temminck. Caractères spécifiques. — Pelage bien fourni, de médiocre longueur; la couleur du fond d'un jaune d'ocre clair, et tout le dessous du corps et de la queue, ainsi que les côtés du ventre, d'un blanc pur; toutes les taches bien prononcées, très-rapprocliées les unes des autres, quoique séparées : les taches en rose qui couvrent les flancs, une partie de l'omoplate et la croupe, composées de trois ou quatre taches noires, formant un cercle imparfait qui ceint une tache jaune d'ocre, absolument de la même teinte que le fond du pelage; le haut du dos, la tête, le cou, les quatre extrémités, la queue et les parties inférieures du corps, couverts de grandes et de petites taches pleines d'un noir pro- fond et de forme ronde ou ovale; les taches pleines du corps n'étant jamais en bandes, et les taches en rose des flancs n'ayant jamais un plus grand diamètre que de 0'",27 à 0,52 au plus; quelques ban- des noires transversales sur la face interne des jambes et à la partie inférieure, et, vers le bout de la queue, plusieurs grandes taches noires divisées par des cercles blancs très-étroits; oreilles aussi grandes que celles du Léopard, rondes, noires à leur base, et d'un cendré blanchâtre au bout; ran- gées des moustaches blanches, et prenant leur origine sur des lignes noires disposées transversale- lois vers los personnes iiui paraissaient vers les galeries ; on poussa ensuite les trois Elcpliants contre lui, et ils lui don- nèrcnl tour à tour de si ruiies coups, qu'il lit cntore une fois le mort et ne pensa pl-is qu'à éviter leur rencontre; ils t'eussent lue sans doute, si l'on n'eùl l'ait linir le combat, v CAHNASSiraiS. MU ment sur les lèvres. Longiieiir totale ries adultes, 1"',C7, suc laquelle la queue porte 0"',7U; hauteur a'environ 0'",rjO. A cette description, que nous avons presque textuellement copiée de la monographie de M. Tem- minck, ajoutons avec le naturaliste néerlandais que la taille des ranthères adultes est moindre que celle du Léopard, que la queue est aussi longue que le corps et la tête, avec son extrémité pouvant aboutir à la pointe du museau; que le crâne est en totalité plus long et plus comprimé dans la Pan- thère que dans le Léopard; la ligne de la face est la même, mais celle du crâne diffère; les arcades zygomatiques sont beaucoup plus écartées dans le premier que dans le second, et la face est plus obtuse dans le Léopard que dans la Panthère; enlin, le frontal est plus large et plus rectangulaire dans ce dernier, mais ses apophyses postorhitaires sont moins fortes. D'après M. Temniinck, et contrairement à l'opinion de (1. Cuvier, la Panthère ne se trouve pas en Afrique, mais seulement dans l'Inde; elle est particulièrement commune au Bengale, dans les îles de la Sonde, probablement à Java, à Sumatra, etc. Elle a été souvent confondue avec le Léopard; et très-fréquemment, surtout en France, on a indiqué ces deux animaux indistinctement sous l'un de ces noms on bien sous l'autre : quoi qu'il en soit, il paraît assez certain que ce n'est pas à la Panthère, mais au Léopard, qu'on doit appliquer le nom du Pardalis d'yElion et des anciens auteurs. Le Fcl'is cliahjhcain d'Hermann doit être rapporté au Felis parilus, comme n'en étant qu'une simple variété. La Panthère n'habite que les forêts; elle monte sur les arbres avec une extrême agilité, ce que ne font ni le Lion ni probablement le Tigre, et elle peut ainsi poursuivre les Singes et les autres animaux grimpeurs dont elle se nourrit. Ses yeux sont vifs, continuellement en mouvement; son re- gard est cruel, effrayant, et ses mœurs sont, assure-t on, d'une atroce férocité. Elle n'attaque pas l'homme lorsqu'il ne vient pas lui-même l'attaquer; mais, à la moindre provocation, elle entre en fu- reur, se précipite sur lui avec une grande rapidité, et le déchire avant qu'il ait eu le temps de pen- ser à la possibilité d'une lutte. La nuit, la Panthère vient rôder autour des habitations isolées pour sur- prendre les animaux domestiques, les Chiens principalement; et, faute de proie vivante, elle se nourrit de matière animale plus ou moins putréfiée, et même de cadavres qu'elle déterre. D'après ce que nous venons de dire, on voit que ses mœurs ne diffèrent pas d'une manière bien notable de celles des autres espèces du même genre. 5 LÉOrARl). Fi:iJS LEOPAnOUS. Linné. Caractères spécifiques. — Pelage bien fourni, de médiocre longueur, d'un jaunâtre clair sur le dos, plus pâle sur les flancs, et blanc au ventre et à la partie inférieure de la queue; toutes les ta- ches très-prononcées, jamais contiguës, et exactement séparées des taches voisines par le fond jaune clair du pelage; taches en rose qui couvrent les flancs, une partie de l'omoplate, la croupe et une portion de la queue, com|)osées de trois ou quatre taches noires, formant un cercle imparfait qui ceint une tache jaune, toujours plus foncée que le fond du pelage; haut du dos, tête, cou, les quatre extrémités et parties inférieures du corps, couverts de grandes et de petites taches pleines, d'un noir profond, et de forme ronde ou ovale; taches pleines du corps n'étant jamais en bandes, et taches en rose des flancs n'ayant jamais un plus grand diamètre que 0'",57 à 0'",42 au plus; quelques bandes noires transversales sur la face interne du haut des jambes, et près le bout de la queue deux ou trois cercles imparfaits, divisés par des cercles blancs bien plus étroits; oreilles rondes, noires à la base et jaunâtres au bout; rangées des moustaches blanches, prenant leur origine sur des lignes noires, disposées transversalement sur les lèvres. Longueur totale des individus adultes, environ 2", sur les- quels la queue occupe plus de 0"',80; hauteur, environ O^.Gô. M. Temniinck ajoute à la description que nous venons de donner que la taille des Léopards adultes est moindre que celle de la Lionne, que la queue est seulement de la longueur du corps, avec l'ex- trémité n'aboutissant qu'aux épaules : la couleur du pelage étant d'un fauve jaunâtre clair, celle de la partie inférieure des taches eu rose plus foncé ou d'un jaunâtre plus vif que le fond du pelage et 476 ' niSOTIUE NÂTURELLR. les nombreuses taches assez distantes; enfin, la queue n'ayant que vingt-deux vertèbres, tandis qu'il y en aurait vingt-huit dans la Panthère. Les jeunes individus de cette espèce ont souvent été pris pour des espèces distinctes : leur four- rure est toujours plus longue, d'une nature plus cotonneuse, même un peu crépue; les taches pleines plus ou moins contiguës, et les taches en rose moins distinctement marquées, souvent même effacées ou plus claires qu'à l'ordinaire; le tout suivant la longueur des poils, constamment en rapport avec râ"-e des individus. Toutes les taches de la robe des jeunes sont plus claires, et le fond du pelage un peu plus terne que dans les adultes; et il résulte de cette disposition des taches et de la nature du poil que ces jeunes animaux sont difficiles à rapporter à leur type; toutefois, le jeune Léopard est aisé à reconnaître de la jeune Panthère : la longueur de la queue, en proportion de celle du corps, doit surtout servir à lever tous les doutes à ce sujet. Fig. 89 — I/'opard. Les couleurs du pelage du Léopard varient quelquefois beaucoup plus, car il semble aujourd'hui démontré que la Pa.nthère isoniE (Felis mêlas, Peron et Lesueur), propre à Java et à Sumatra, n'en est (pi'une variété accidentelle, qui send>le d'un noir uniforme, mais sur le pelage de laquelle, lorsqu'on la regarde à un certain jour, on |)eut apercevoir des taches plus noires que le fond du pe- lage, et à peu près semblables à celles du Léopard. A Java, on a reconnu ce que nous disions, que la Panthère noire n'était qu'une variété noirâtre du Léopard; car l'on trouve assez fréquemment, dans le repaire du Léopard, des jeunes individus, l'un tacheté comme la mère, l'autre noirâtre, et pareil au prétendu Fclis mêlas de certains naturalistes. M. Temminck décrit ainsi une de ces variétés : la robe est teinte de marron, ou couleur bai très-foncé, distribuée par nuances plus ou moins sombres ou noirâtres; cette couleur est répandue sur tout le pelage; le marron pur règne sur les parties infé- rieures du corps : au museau, aux deux faces des quatre extrémités, et au bout de la queue; un mar- ron noirâtre, très-intense, est répandu sur toutes les parties supérieures du corps et de la queue, ainsi que sur le sommet de la tète et aux oreilles. Les taches distribuées sur cette fourrure sont d'un marron noirâtre aux parties inférieures et sur les quatre extrémités, et d'un noir profond sur le des- sus du corps; les taches en rose, et celles dites pleines, sont formées et distribuées de la même ma- nière que sur les peaux ordinaires du Léopard. Les taches du dos et de la queue sont peu distinctes; elles paraissent cependant, et sont bien marquées lorsque les rayons du soleil éclairent cette robe. La Ménagerie du Muséum en a possédé deux individus : l'un qui lui avait été rapporté par Peron et Lesueur, et l'autre, qui vit actuellement, et qui provient de Java, d'où elle a été rapportée en 1841, par M. le capitaine Geotïroi. M. Boitard, qui, à l'exemple de certains naturalistes, pense que cette variété est bien une espèce distincte, dit qu'elle porte, à Java, le nom d'Ar'unaov, et il donne à son sujet les détails de mœurs suivants. « L'Arimaou est un animal farouche, indomptable, qui n'habite que les forêts sauvages. Au moyen de ses ongles puissants et crochus, il grimpe avec agilité sur les arbres, poursuivant de branche en branche, jusqu'à leur sommet, les Wouwous et autres Singes dont il se nourrit. Ses yeux sont vifs, inquiets, (bms un mouvement continuel; son regard est cruel, elfravant, et ses mœurs sont CARNASSIKHS. ^77 (V une atroce férocité. Cependant il n'attaque pas riionime s'il n'en est lui-même attaqué; mais, à la moindre provocation, il entre en fureur, se précipite sur lui av(M' la rapidité de la foudre, et le dé- chire avant qu'il ait eu le temps de penser à la possibilité d'une fuite. Pendant le jour, il reste et dort dans ses halliers; mais, la nuit, il devient un sujet d'effroi pour tous les êtres vivants. Il rôde silen- cieusement autour des habitations isolées pour surprendre les animaux domestiques, les Chiens sur- tout, pour lesquels il a un goût de préférence. » La synonymie de cette espèce est excessivement end^'ouillée, ainsi que nous l'avons dit en nous occupant de la Panthère. Suivant M. Temminck, ce serait à elle qu'il faudrait réellement api)li(iu('r la dénomination de Pardalis d'^Elien; et G. Cuvier l'aurait confondue avec la véritable Panllière, et l'aurait indic[uée sous les noms de Fclh f ardus et Icopnrdus; enfin, Schreber en aurait fait son Felis varia, et nous ajouterons que Fr. Cuvier l'aurait désignée quelquefois sous la dénomination de Felis palearia, et M. Ilaniilton Smith sous celui de Felis anliquorum. Du reste, on est loin d'être d'accord pour savoir à laquelle des deux espèces on doit plus particulièrement laisser le nom de Panllière, et à laquelle on doit plutôt appliquer celui de Léopard; ce n'est même qu'avec doute que nous avons cru devoir adopter l'opinion de M. Temminck à ce sujet. Mais cette inversion de nom n'a au- cune importance scientifique tant qu'on ne saura pas positivement quels sont les animaux que les anciens nommaient Léopards et Panthères, ce qui paraît extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible à établir. Les pays habités par cette espèce sont le nord et le midi de l'Afrique, et probablement toute l'é- tendue de cette vaste partie du monde; on la rencontre en Algérie, mais elle est beaucoup plus rare que le Lion. En outre, elle a aussi pour patrie l'Inde et les îles de la Sonde, Java et Sumatra. D'après Fischer, on la trouve également en Perse, dans la Souagarie et la Mongolie, jusqu'aux monts Altaï. Il est célèbre par sa férocité; comme la Panthère, dont il a les mœurs, il grimpe sur les arbres avec une grande agilité. Les nègres le craignent beaucoup, et cependant ils lui font une chasse active pour s'emparer de sa fourrure, qui est très-belle. Les négresses du Congo recherchent beaucoup ses dents pour s'en faire des colliers. On sait que la robe de ces animaux est très-recherchée par les marchands de fourrures, et (pic c'est une branche importante de commerce. (i. ONCK. rJuffon. FEUS U!\CIA. Gmelin Caractères spécifiques. — Plus petit que le Léopard, car il n'a pas beaucoup plus de 1"\25 de longueur totale, non compris la queue, qui est aussi longue que le corps moins la tête; pelage plus long, d'un gris blanchâtre sur le dos et sur les côtés du corps, et d'un gris encore plus blanc sous le ventre, et étant, comme celui du Léopard, moucheté de taches en rose, à peu près de la même grandeur et de la même forme, mais plus irrégulière. La plupart des naturalistes ont cru que l'Once de Buffon devait être le même animal que le .laguar ou Felis onça Linné, et il est résulté de cette opinion que ce Carnassier a été rayé des catalogues mammalogiques comme faisant double emploi. Cependant G. Cuvier, dans une addition qu'il plaça à la fin du tome IV de l'édition in-4° de ses Recherches sur les ossements fossiles, publia une note par suite de laquelle l'existence de cette espèce, dont on avait douté, sembla démontrée. « L'Once de Buffon, dit-il, qui n'avait pas été vue depuis ce grand naturaliste, paraît s'être retrouvée. M. le major Charles Ilaniilton Smith, l'un des naturalistes qui connaissent le mieux les Quadrupèdes, m'a fait voir le dessin d'un animal que le roi de Perse avait envoyé au roi d'Angleterre, et qu'on nourrissait à la Tour de. Londres. Il venait des hautes montagnes du nord de la Perse, et il offre tous les caractères qu'on observe dans la description de Buffon, etc. » Il est probable que cet animal, qui parait destiné à vivre dans des pays assez froids, est celui qui se trouve au midi de la Sibérie et dans le nord delà Chine, etc. Le même animal est le Felis pnnlhcra d'Erxleben, et le Felis irhis, Millier, et a été admis assez récemment comme espèce distincte, par Lesson, ainsi que par M. Roilard, dans son article Chat du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. c? 23 178 HISTOIRE NATURELLE. On le trouve on Perse, dans la Sibérie orientale, et jusque sur les bords du lae Baikal. Quant à ses mœurs, Buffon, qui seul en a parlé, a tellement confondu son histoire avec celle d'autres grands Chats, qu'il est à peu près impossible d'en rien démêler de certain. Néanmoins, il est excessivement probable que ses habitudes différent peu de celles de la Panthère et du Léopard. A ce £;roupe de Chats, nous devons ajouter l'espèce fossile, nommée par G. Cuvier Fd'is anûqua, et à laquelle De Blainville joint, jusqu'à contradiction bien établie, les Fdis Icopanlns, Arvcmen- sia, Pardincnsis et ogijijca, et qui toutes ne différent probablement pas du Léopard actuellement existant. Le Felis nnùqua semble spécifiquement caractérisé par la proportion des dents et par sa taille un peu plus considérable que celle de la Panthère; on en a découvert un grand nombre de fragments; tels que : \" des dents trouvées à Gaylenrculh et à Nice; 2° une tète provenant du val d'.\rno; 5" des os divers indiqués comme d'Auvergne par MM. Croizet et Jobirt; 4° quelques dents des cavernes des environs de Liège. Le Felis Icopardus a été signalé comme fossile pour la première fois, en 1859, par MM. Marcel De Serres, Dubreuil et Jean-Jean, dans leurs Recherches sur les ossements fossiles de la caverne de Liincl-Viel, d'après un certain nombre d'ossements et de dents trouvés dans cette caverne, et, depuis, M. Ovven a indiqué une molaire d'en bas découverte dans le cray de Suffolk, à New-Bourne, par M. Lyell, et trouvée avec des dents de Squales, dont elle a l'aspect uni et poli. Du reste, cette espèce ne semble réellement pas différer du Felis leopardus vivant actuellement, ou, au moins, du Felis an- tiqua fossile. Le Felis Arvernensis a été formé, par .MM. Croizet et Jobcrt, d'après quelques fragments dos et de dents trouvés avec ceux du Felis anliqua dans le diluvium sablonneux volcanique si abondant en certaines parties de l'Auvergne. Les caractères différentiels attribués à ce Chat fossile sont d'être plus petit que le Felisspelœa, dont la taille était supérieure à celle du Lion, et d'avoir la totalité de la ligne dentaire beaucoup moindre que dans le Felis aniiqiin, c'est-à-dire de 0'",058 seulement, tandis qu'elle est de 0'",Ù80 dans celui-ci. Le Felis Pardincnsis est établi, par MM. Croizet et Jobert, sur quelques fragments d'os peu carac- téristiques, découverts en Auvergne, aux environs de Pardines, d'où a été tirée la dénomination spé- cifi(pie; il ne peut réellement pas constituer une espèce distincte, et se rapproche assez An Léopard. Le Felis ociiifjea repose sur deux fragments fossiles : l'un en une extrémité antérieure d'une man- dibule droite portant en place une canine et les deux premières molaires, et l'autre en un second os du métacarpe ayant 0"',06d de longueur, trouvés tous deux dans les cavernes de Darmstadt, et dé- crits par M. Kaup. Selon ce naturaliste, cette espèce se rapprocherait assez des Felis palmidens, de Sansans, et Issiodorensis, d'Auvergne; et, selon De Blainville, devrait probablement être réunie au Felis anliqua. D'après ce que nous venons de dire, on voit que ces prétendues espèces sont très-imparfaitement connues, qu'elles ne sont peut-être pas distinctes les unes des autres, et qu'elles se rapportent pro- bablement toutes au FeU.-utniiqun. qui lui-même ne doit probablement pas être distingué du Léopard acluellemenl vivant 5. LES JAGUARS. 7. JAGUAR. FELIS ONCA. Linn.' C.\R\cTi>iiEs spÉciFiQUF.s. — Proportious épaisses et lourdes; poils courts, fermés et très-serrés les uns contre les autres, tous soyeux, et un peu plus longs aux parties inférieures qu'aux supérieure^; fond (lu pelage jaunâtre, couvert de taches ou entièrement noires ou fauves, bordées de noir, celles de l:i première sorte existant seulement sur la tête, sur les membres, sur la queue et sur toutes les CAIINASSIEIIS. 179 parlies inférieures du corps; celles de la seconde sorte se trouvant principalement sur le dos et le cou, ainsi que sur les côtés, étant grandes et peu nombreuses, avec une forme plus ou moins arron- die, et quelques-unes ayant un ou deux points noirs dans le milieu, et l'on n'en compte an plus que cinq ou six de chaque côté du corps, en suivant la Vv^ue la [dus droite du dos au ventre; quelques taches bordées sur le cou et sur les épaules; celles de la ligne moyenne du dos étroites, longues et pleines; celles de la tête et des pattes plus petites que celles du ventre; cette dernière partie, ainsi que la poitrine, le cou, la gorge, la mâchoire inférieure, la partie antérieure de la lèvre sui)érieure, le bord antérieur des cuisses, la face interne des jambes et le dedans de la conque de l'oreille, blancs; derrière de l'oreille noir, avec une tache blanche; commissure des lèvres noire, ainsi que le bout de la queue et les trois anneaux qui se voient près de son extrémité; quatre mamelles seulement d'après Fr. Cuvier. C'est la plus grande espèce connue de Chat, après le Lion et le Tigre; D'Âzara en a me- suré un qui avait une longueur de l'",94, non compris la queue, qui élail longue de 0'",59. Cette espèce est la Grande Paisthère de Buffon, el a souvent porté le nom de Tir.r.E n A»i':r.iQi;r {Tiçiris Americann, Bolivar) : c'est le Ycujonnrcté de D'Azara, b; TlatUmqui-Ocololl dliernandès, ÏOnçn de Marcgrave, et le Jaguar d'Ét. Geoffroy Saint-Hilaire. On y distingue plusieurs variétés : la plus connue est le Jaguar woin ou Jafiuareté de Mar'cgrave, qui a été à tort distingué spécifiquement par Erxleben, sous la dénomination de Felis mqrn: elle est toute noire, avec des taches en l'aies encore plus noires que le fond du pelage : sa lèvre supé- rieure est blanche, et les parties inférieures du corps sont cendrées, elle est rare et habite le Biésil. Une variété tout à fait albine a été signalée par D'Azara. Enfin les chasseurs du Paraguay assurent qu'il existe dans ce pays deux autres variétés du Jaguar; l'une plus grande et à jambes plus fortes et plus robustes, qu'ils nomment Jaçiîiarélé-popé, et que M. Ilamilton Smith a scientifiquement indi- quée sous la dénomination de Felis ourn major, et l'autre plus petite, qu'ils appellent Oiiza : c'est le Felis 0}iça minor, ilamilton Smith. Le Jaguar habite une grande partie de l'Amérique méridionale; il est répandu depuis le Mexique exclusivement jusque dans le sud des pampas de Buénos-Ayres, el nulle part il n'est plus commun et plus dangereux que dans ce dernier pays, ainsi que le fait observer M. Boitard : « Malgré le climat presque tempéré et la nourriture abondante que lui fournit la grande quantité de bétail qui paît en liberté dans les plaines, rapporte l'auteur que nous venons de citer, il y attaque très-souvent l'homme, tandis que ceux du Brésil, de la Guyane et des parties plus chaudes de l'Amérique fuient devant lui, à moins qu'ils n'en aient été attaqués. Les bois marécageux du Parana, du Paraguay et des pays voi- sins, sont peut-être les endroits où ils sont le plus fréquents; ils étaient encore si nombreux au l'araguay, après l'expulsion des jésuites, qu'on y en tuait deux mille par an, selon D'Azara. Aujour- d'hui le nombre en est considérablement diminué. Cependant, au Brésil et dans la Guyane, presque régulièrement au lever et au coucher du soleil, on entend leur cri retentir à une très-grande dislance; il consiste en un son flùté, avec une très-forte aspiration pectorale, ou bien, quand l'aninuil est irrité, en un rûlement profond qui se termine par un éclat de voix terrible. Le Jaguar se plaît parti- culièrement dans les grandes forêts traversées par des fleuves, dont il ne s'éloigne pas plus que le Tigre, parce qu'il s'y occupe sans cesse à la chasse des Loutres et des Pacas. 11 nage avec beaucoup de facilité, et va dormir, pendant le jour, sur les îlots, au milieu des touffes de joncs et de roseaux. Il pêche, dit-on, le Poisson, qu'il enlève très-adroitement avec sa patte. 11 ne quitte sa retraite que la nuit, s'embusque dans les buissons, attend sa proie, se lance sur son dos en poussant un grand cri, lui pose une patte sur la tête, de l'autre lui relève le menton, et lui brise ainsi le crâne sans avoir besoin d'y mettre la dent. Il est d'une force si extraordinaire, qu'il traîne aisément dans un bois un Cheval ou un Bœuf qu'il vient d'immoler. 11 attaque les plus grands Caïmans; et, s'il est saisi par eux, il a l'intelligence de leur crever les yeux pour leur faire lâcher prise. En plaine, le Jaguar fuit presque toujours devant l'homme, et ne fait volte-face que lorsqu'il rencontre un buisson ou des hautes herbes, dans lesquelles il puisse se cacher. On prétend qu'il vit en société avec sa femelle, ce qui ferait exception parmi les animaux de son genre. Quoique grand, il grimpe sur les arbres avec autant d'agilité que le Chat sauvage, et fait aux Singes une guerre cruelle. La nuit, rien n'égale son audace, et, sur six hommes dévorés par les Jaguars, à la connaissance de D'Azara, deux lurent enlevés devant un grand feu de bivac. » 180 HISTOIRE NATURELLE. On fait une chasse aclive au Jaguar, parce que sa fourrure est très-recherchée et est une branche importante de commerce entre TAmêrique et l'Europe. V ^^■^^■yî Fig. 90. — Jaguar t'cnicllc. G. Cuvier avait indiqué cet animal comme se trouvant à l'état fossile en Europe; mais, comme il l'a fait observer plus tard, ce fait est loin d'être démontré. M. Lund en a ligure quelques os comme trouvés dans les cavernes du Brésil. Enfin, on en rapproche le Fetis protopantlier, du même auteur, et qui a été découvert dans la même localité. 0. LES RIMAOUS. 8. CHAT .\ LONGUE QUEUE. FEUS MÀCROSCELIS. Horsficia. * Caractères si'écifiques. — Pelage d'un gris jaunûtre, avec des taches noires, transversales et très- gran. 190 HISTOIRE NATURELLE. Le sternum est composé d'une série de neuf os allongés, renflés aux bouts, et réunis à leur base par des cartilages simulant les ligaments fibro-palpeux des vertèbres, et les pièces ressemblent même beaucoup pour la forme aux vertèbres caudales postérieures, dont elles ne diffèrent guère que par l'absence des crêtes apophysaires. Les neuf pièces du sternum sont consécutives, non épiphysées, disposées en ligne droite, plongeant antérieurement un peu en dessous. Chaque pièce sternale n'a qu'un seul point d'ossification. On remarque chez quelques Chats de petites pièces rudimentaires très-courtes, articulées par des ligaments sur les extrémités des appendices transverses des premières vertèbres lombaires, d'ordi- naire privées de costines, et ces osselets paraissent faire la continuation immédiate de ces apo- physes. Dans son ensemble, le bassin des Chats, que l'on peut considérer comme formant les appendices des vertèbres sacrées, est beaucoup plus étroit que chez l'homme, surtout dans sa partie antérieure correspondant au grand bassin, qui n'est guère plus évasé que le petit, dont il n'est pas distinct; il est aussi plus allongé d'avant en arrière, et surtout dans la partie qui répond à la symphyse des pubis, symphyse qui se prolonge beaucoup entre les deux ischions. La direction du bassin suivant sa plus grande longueur, c'est-à-dire de la crête iliaque aux tubérosités ischiatiques, est oblique d'avant en arrière et en dessous; mais, du reste, les deux parties latérales sont parallèles entre elles. Quant aux différentes parties du bassin, telles que l'iléum, le pubis, le cotylien, l'ischion et le pénisial de M. Straus-Durhkeim, c'est-à-dire l'os du pénis, nous n'entrerons pas dans leur description parti- culière, qui serait trop étendue pour notre ouvrage. Les membres antérieurs, comme chez tous les Mammifères, sont composés de cinq parties con- sécutives, formant des angles alternatifs entre elles, et qui sont l'épaule, le bras, l'avant-bras et la main. L'épaule est formée de la réunion de deux os, l'omoplate et la clavicule, avec un os coracoïdien rudimeutaire fixé à l'omoplate, où il constitue l'apophyse coracoïde, et un quatrième os formant une épiphyse sur le bord de la cavité glénoïde, mais distinct seulement comme os à part dans les très- jeunes sujets. Le bras ne renferme qu'un seul os, ou l'humérus, formé d'une diaphyse et de plusieurs épiphyses, lesquelles s'unissent en une seule pièce, lorsque l'animal devient adulte. L"avant-bras renferme deux os longs, le cubitus et le radius, mobiles à la fois sur l'humérus et sur la main, et mobiles l'un sur l'autre dans les mouvements de pronation et de supination. L'avant- bras fait un angle obtus avec l'humérus, en se dirigeant verticalement en dessous dans la station. La main du Chat se compose de deux parties bien distinctes, la palmure et les doigts. La palmure se subdivise en carpe et métacarpe, et présente à peu près les mêmes os que chez l'homme, avec des différences notables dans la forme et la disposition. Dans l'état de station, la palmure est toujours étendue sur l'avant-bras, mais seulement jusqu'à la direction droite et un peu plus, afin que le poids du corps tende à la maintenir en extension. Les doigts, au nombre de cinq, ont entre eux les mêmes longueurs relatives que chez l'homme, et entre eux les mêmes rapports de longueur que leurs os mé- tacarpiens : c'est-à-dire que le premier interne, ou le pouce, est le plus court; et ensuite le cinquième; le second, le quatrième, et enfin le troisième, sont progressivement de plus en plus longs. Chacun de ces doigts, à l'exception du pouce, se compose de trois osselets consécutifs ou phalanges, mais le pouce manque de phalanginc. Outre ces trois os, chacun des quatre doigts externes porte en dessous, à la base de la phalangeale, deux osselets sésamoïdes, égaux dans le même doigt; tandis qu'au pouce seulement le sésamoïde interne est seul ossifié, et l'externe réduit à un simple grain cartilagineux. On retrouve également dans les membres postérieurs les mêmes parties que chez l'homme, avec des différences de forme et de disposition que nécessitent principalement la marche quadrupède et le genre de vie aufjuel les Felis sont appelés. Ces membres se partagent en cuisse, jambe et pied, correspondant dans les antérieures au bras, à l'avant-bras et à la main; et ces parties font, dans leur disposition naturelle de repos, des angles alternatifs entre elles, afin de rendre la marche, la course et surtout le saut, plus faciles, plus souples, et même la station plus sûre. La cuisse se dirige obli- (piement en dessous et en avant; la jambe obliquement en dessous et en arrière; le pied en dessous et un peu en avant, et, enfin, les orteils en avant, en appuyant sur le sol. La cuisse renferme quatre os, dont le principal est le fémur, et trois autres os, fort petits, pla- CARNASSIEUS. 191 ces dans le creux du jarret, qui n'out pas été vus par la plupai't des anatomistes, et que M. Straus- Durlikeim décrit pour la première fois : deux de ces os ont reçu le nom de crilhoïdes, à cause de leur forme demi-ovalc qui leur donne quelque ressemblance avec un grain d'orge, et le troisième, situé sous le crithoïde externe, et, dans le tendon du muscle poplité, est le popUlaire. La jambe renferme deux os principaux, le tibia et le péroné, ainsi que le rotule et les (Cartilages interarticulaires, fixés au tibia par des ligaments particuliers. Ces os diffèrent assez peu de leurs correspondants dans Tespèce humaine. Le pied des Carnassiers se compose des mêmes parties principales que celui de Fliomme, et analo- gues à celles de la main, c'est-à-dire qu'on y distingue deux parties principales : le cou-de-pied, correspondant à la palmure, et les orteils, correspondant aux doigts; mais la disposition de ces par- ties n'est pas tout à fait la même que dans l'espèce humaine pendant la station et la marche. Les Chats appartenant à la grande division des Digitigrades n'appuient plus la plante sur le sol, mais seulement l'extrémité du métatarse et les orteils absolument comme à la main, et tiennent le pied dans une position presque verticale, de manière que ses faces antérieures et postérieures correspondent au dessus et au dessous du pied de l'homme. Le cou-de-pied se divise en tarse et métatarse, eux-mêmes subdivisés en un assez grand nombre d'os, dont quelques-uns ont reçu des noms particuliers de M. Straus-Durhkeim. Dans les orteils, le pouce ou hallux manque; les quatre orteils restants ressemblent parfaitement pour la forme aux doigts, dont ils ne diffèrent que par une grandeur un peu plus considérable, mais étant toutefois dans les mêmes proportions, c'est-à-dire que le second, ou le hillux, est le plus long et le plus fort; le troisième, ou le hollux, à peine un peu plus court et plus faible; le premier, ou le hellux, sensiblement plus petit que ceux-là; et, enfin, le quatrième, ou le hullux, est un peu moindre encore que le premier. Il y a aussi trois phalanges et deux sésamoïdes. La syndesmologie ou la description du système ligamentaire a été faite avec grand soin et beau- coup de détails par M. Straus-Durhkeim, et cette étude, entièrement nouvelle dans le Chat, a donné lieu à de nombreuses découvertes intéressantes. Mais ce sujet est trop peu connu pour que nous nous y arrêtions longtemps ici ; aussi nous bornerons-nous à donner seulement quelques géné- ralités. D'une matière très-générale, le système ligamentaire du Chat ne diffère en rien de celui de Ihomme, et la plupart de ses parties se rapportent même individuellement à leurs analogues chez ce dernier. Quelques-unes cependant manquent dans cet animal; mais, par contre, il en a aussi un assez grand nombre qu'on ne retrouve pas dans l'espèce humaine. On peut les diviser en ceux appartenant au torse et en ceux appartenant aux membres. Les ligaments de la partie centrale du corps se distinguent ensuite en ceux de la tête et en ceux du tronc. La plupart des pièces qui entrent dans la composition de la tête étant articulées entre elles par suture et par synchondrose, on n'y trouve qu'un fort petit nombre de ligaments proprement dits, mais les pièces mobiles en offrent une quantité plus considérable. Les ligaments et les aponévroses du tronc se distinguent en ceux qui unissent les vertèbres entre elles; en ceux qui se rendent de celles-ci à leurs appendices, et en ceux qui réunissent les parties de ces derniers. Les ligaments et les aponévroses de la colonne vertébrale sont ou généraux, et embras- sent plusieurs vertèbres, ou bien spéciaux seulement, en passant d'une pièce à celle avec laquelle celle-ci s'articule immédiatement. Les membres présentent un très-grand nombre de ligaments et d'aponévroses. Dans le membre antérieur, on distingue ceux qui sont propres aux diverses parties de ce membre, et en outre une gaîne aponévrotique générale qui enveloppe toutes les parties. Il en est de même de ceux du mem- bre postérieur, qui, outre les ligaments qui lui sont propres, comprend une sorte de gaîne continue qui enveloppe tout le membre, et qui est l'aponévrose crurale, jambière et podale. Le système musculaire du Chat offre beaucoup de particularités remarquables; il nous sera im- possible d'entrer dans ce sujet avec quelques détails, nous ne pourrons même pas donner les noms des muscles nombreux du Chat, et nous ne pourrons guère indiquer que quelques généralités, qui sont même plutôt du ressort de l'anatomie comparée en général que de celui plus spéciale de l'his- toire du genre Felis. iOO HISTOIRE NATURELLE. Les muscles qui mettent la tète et ses parties en mouvement se subdivisent d'après les organes qu'ils meuvent en ceux des téguments, des oreilles, des yeux, du nez, des lèvres, des mâchoires, de la langue, du voile du palais, du pharynx, de l'hyoïde, du larynx, et, enfin, en ceux qui meuvent la tête entière. Les téguments, n'ayant aucun point fixe sur lequel ils se meuvent, ne reçoivent que des muscles qui les déplacent en les fronçant. Les muscles de l'oreille se distinguent en ceux qui meu- vent sa partie antérieure, et en ceux qui meuvent sa partie interne, placés dans la caisse du tympan. Les muscles qui meuvent les yeux et leurs dépendances se distinguent en ceux qui font agir les pau- pières et ceux qui meuvent le globe de l'œil. Les muscles moteurs du nez sont, chez le Chat, beau- coup moins développés que chez l'homme; aussi leur nez est-il très-peu mobile : il n'y a même que le myrtiforme, dont la fonction est de dilater les narines, qui soit bien distinct, tandis que le pyra- midal n'est qu'une dépendance du frontal, et l'élévateur de l'aile du nez qu'une dépendance de l'élé- vateur de la lèvre supérieure. Quoique les Chats ne puissent pas produire, avec leurs lèvres, et sur- tout avec l'inférieure, des mouvements aussi variés que peut le faire l'homme avec les siennes, ce qui vient principalement du peu de force du muscle labial, leur lèvre supérieure est cependant pour- vue de muscles plus puissants, surtout l'élévateur propre, qui fait exécuter ce mouvement d'élévation qu'on remarque chez ces animaux lorsqu'ils menacent : ces muscles sont, pour les deux lèvres, au nombre de six. La mâchoire étant, dans le Chat, articulée à la tête par des gynglymes, dont les ca- vités sont très-profondes et embrassent étroitement les condyles, il n'y a guère que les mouvements d'élévation et d'abaissement qui soient possibles, avec un bien léger glissement latéral dans les deux articulations, mais non le mouvement de prélraction et de rotation, comme cela a lieu chez l'homme, et mieux encore chez les Ruminants, où les cavités glénoides sont presque planes. Il n'y a ainsi chez le Chat que des muscles élévateurs et abaisseurs de la mâchoire; mais, par le genre de vie des Felis, ces muscles ont dû être très-développés, très-puissants. La langue est mise en mouvement par deux ordres de muscles : les uns, qu'on nomme extrinsèques, prenant leur point fixe sur quelque partie extérieure à cet organe, et les autres, ou les intrinsèques, constituant la masse même de la langue, et lui faisant exécuter des mouvements sur elle-même. Les muscles du voile du palais ont une dispo- sition particulière. On retrouve, parmi les muscles qui meuvent le pharynx, tous ceux qu'on remarque chez l'homme, et quelques-uns de plus qui existent bien aussi chez ce dernier, mais moins distinc- tement, ou qui ont été décrits comme faisant partie d'autres muscles; tels sont le génio-pharyngien et le glosso-piiaryngien : tous ces muscles peuvent se distinguer en prétracteurs, élévateurs et constric- teurs. Les muscles de l'hyoïde et du larynx sont assez nombreux, et quelques-uns sont communs à ces deux organes. La tête étant mobile dans tous les sens par la combinaison des mouvements qu'elle peut exécuter sur l'atlas et l'axis, les divers muscles qui entourent ces articulations et qui se fixent, soit à la tête, soit à l'atlas, peuvent être distribués en quatre ordres : les extenseurs, les fléchisseurs latéraux, les fléchisseurs directs et les rotateurs. Les muscles qui meuvent les diverses parties du tronc sont distribués en six régions principales particulières : celles des téguments, du rachis, du thorax, de l'abdomen, de l'anus, des organes urinaires et des parties génitales. Il y a quatre muscles bien distincts et bien développés qui meuvent la peau du tronc; ce sont des contracteurs. Les vertèbres étant plus ou moins mobiles en tous sens, leurs muscles se partagent de là en ceux qui les portent en dessus, ou les extenseurs; en ceux qui les portent de côté, ou les fléchisseurs latéraux; en ceux qui les fléchissent en dessous; et, enfin, en ceux qui leur font éprouver un mouvement de rotation : ces muscles sont puissants dans le Chat, et cela se conçoit, car il meut avec une assez grande facilité les diverses parties de sa colonne verté- brale et spécialement sa queue. Les côtes ont des muscles protracteurs et rétracteurs. Relativement aux muscles moteurs du sternum, on peut remarquer qu'outre l'analogue du muscle triangulaire de l'homme, il existe encore, chez le Chat, un second moteur propre du sternum, placé en dehors de la poitrine, et qui a la même fonction, celle de porter le sternum en avant, en rendant plus aigu l'an- gle que les côtes font avec lui, tandis que le sternum est porté en arrière.^par le droit abdominal : les autres mouvements de cette chaîne d'os sont impossibles, et les muscles se distinguent de là ex- clusivement en prétracteurs et en rétracteurs. Relativement aux muscles moteurs de la respiration, on peut dire que, dans le Chat, il n'y a qu'un seul muscle essentiellement inspirateui', le diaphragme, et point d'expirateur, excepté dans des cir- constances où la respiration devient pénible. CARNASSIERS. 195 Plusieurs muscles peuvent mouvoir l'abdoineu; ces muscles sont tous conslri(îleurs, mais la dila- tation du ventre peut être aussi produite par des muscles qui agissent sur les fausses côtes en les portant en arrière. Il y a des muscles spéciaux de l'anus, des organes urinaires et des organes génitaux, et ces der- niers diffèrent dans les deux sexes de la même espèce. Fig. 94. — Gliat domestique.' Les muscles des membres sont puissants, quoique cependant assez peu développés. Les os de l'épaule, l'omoplate et la clavicule, étant librement suspendus dans les chairs, sont mobiles dans tous les sens; toutefois, comme la première est appliquée contre le thorax, elle ne peut se mouvoir que dans un plan vertical, d'où ces muscles se distinguent en prétracteurs, élévateurs, rétracteurs et abaisseurs. La clavicule est réduite à un petit osselet suspendu dans un repli où plusieurs muscles se rencontrent, mais sur lesquels elle n'a aucune influence, et il en résulte qu elle n'a pas de muscles qui lui soient propres. L"avani-bras, étant uni à l'humérus par une articulation gingiymoïdalc, ne peut se mouvoir que dans deux sens opposés, en avant et en arrière, ou en flexion et en extension; mais les deux os qui entrent dans sa composition se meuvent en outre l'un sur l'autre en supination et en pronation; il existe de là quatre espèces de muscles, des extenseurs, des fléchisseurs, des supinateurs et des pronateurs. Dans le Chat, la main est mobile en tous sens, cependant plus fortement en avant et en arrière que de côté, où le mouvement est très-borné : cette partie du membre reçoit aussi quatre espèces de muscles : des extenseurs, qui la portent en avant: des abducteurs, qui la portent en de- hors, des fléchisseurs qui la plient en arrière", et, enfin, des adducteurs, qui l'inclinent en dedans. Quoiqu'il y ait une très-grande ressemblance entre les membres postérieurs et antérieurs, tant sous le rapport des os que sous celui des muscles, les différences sont cependant encore assez considé- rS 25 194 HIST01I5E NATURELLE. râbles, surtout clans les parties les plus proches du tronc. En effet, quoique les os du bassin et celui de l'épaule soient bien évidemment les analogues les uns des autres, les différences qu'ils présentent sont toutefois fort grandes, et elles sont encore plus sensibles relativement aux muscles : ceux mouvant l'épaule étant très-nombreux et fort développés, tandis que les muscles fixés au bassin, qu'on doit leur comparer, sont plutôt des moteurs de la colonne vertébrale, le bassin étant à peu près immobile. Quant aux analogues des muscles moteurs de l'humérus, ils doivent nécessairement être ceux qui meuvent le fémur; et ceux de l'avant-bras, de la main et des doigts, sont ceux de la jambe, du pied et des orteils, parties entre lesquelles il y a, au contraire, beaucoup de ressemblance, comme aussi des différences notables. La cuisse étant, comme dans l'homme, susceptible d'un mouvement de circumduction, les muscles qui la meuvent peuvent de là être distingués en extenseurs, fléchisseurs, adducteurs, rotateurs en dedans et rotateurs en dehors; mais, comme la cuisse, dans l'état de station, est fortement fléchie en avant, tandis qu'elle est en extension chez l'homme, les fonctions de plusieurs de ses muscles ne sont pas les mêmes dans les deux espèces. Dans la jambe, nous trouvons des muscles produisant des mouvements d'extension, de flexion et de rotation : la supination et la pronation sont impossibles. Les muscles du pied se distinguent en muscles moteurs du cou-de-pied et de ses parties, et en mo- teurs des orteils. Relativement aux muscles du cou-de-pied, on peut remarquer que plusieurs des muscles moteurs du pied, prenant leur attache sur le fémur, contribuent beaucoup aux mouvements de la jambe, et, par contre, d'autres, spécialement destinés aux mouvements des orteils, contribuent à leur tour aux mouvements du pied, prenant leur point fixe sur la jambe. Le pied peut exécuter des mouvements d'extension et de flexion, et des mouvements latéraux d'abduction et d'adduction; mais ces derniers sont plus bornés. Les muscles qui meuvent les orteils sont aussi nombreux que ceux qui meuvent les doigts, avec lesquels ils ont la plus grande analogie, tant par leur fonction que par leur forme et leur disposition, surtout dans leur partie podale, et se distinguent de même en extenseurs, abducteurs, fléchisseurs et adducteurs. Nous avons cherché à donner, d'après M. Straus-Durhkeim, une idée générale de l'ensemble du système locomoteur du Chat domestique, et ce que nous avons dit peut, à quelques remarques près, s'appliquer non-seulement à tous les Felis, mais même à presque tous les Carnassiers. C'est pour cela que nous nous sommes autant étendu sur ce point purement d'auatomie comparée; un autre but que nous nous proposions était de faire brièvement connaître l'ouvrage si peu répandu de M. Straus- Durhkeim, dans lequel, quoique nous soyons loin d'adopter toutes les idées de l'auteur, nous avons trouvé des remarques du plus haut intérêt, et qui sont, pour la première fois, introduites dans la science de l'organisation. Après cette description anatomique, peut-être un peu trop longue, revenons à la partie zoologi- que, proprement dite, du Chat domestique. Du Chat sauvage, que l'on peut spécialement nommer Felïs calus feriis, Schreber, et qui est le même que le Manal de Pallas, et peut-être de son croisement avec quelques espèces voisines, sont provenues de nombreuses variétés et races, que l'on a parfois regardées comme constituant des es- pèces particulières, parce qu'elles présentent des caractères tranchés et assez constants, mais dont la plus grande partie, devenue domestique depuis un grand nombre d'années, et qui s'est répan- due partout, ne présente guère plus de caractères distinctifs, et passe, d'une manière insensible, d'une variété à une autre, et même d'une race à l'autre. Les races les plus caractérisées sont : A. CHAT DOMESTIQUE TiGP.É. Fel'is cciltis (lomcslicus, Liuné. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Pelage irh-anahcjiic a celui du Chai sauvage; lèvres el piaules des pieds conslanwienl noires; selon les divers individus, il y a des différences nolables dans le nombre des lâches des flancs el des CARNASSIERS. m. anneaux noirs de la queue, mais le front et les joues ont de petites bandes disposées comme celles du Chat sauvage, et le bout de la queue est noir. Cette variété, moins carnassière que le Chat sauvage, a les intestins proportionnellement plus longs que les siens. Elle est plus défiante que les autres races, et conserve les habitudes sauvages de sa souche primitive, dont elle est très-rapprochée. B. cn.\T d'espagne. Felis catus llispanicus, Linné. CARACTÈRES DISTINÇTIFS. Poil assez court, brillant; pieds et livres couleur de chair; robe tachée par plaques irrégu- Uères de blanc pur, de roux vif et de tioir foncé, et quelquefois ne présentant que deux de ces couleurs. Cette variété, qui est la même que le F^elis catus maculatus, Boddaërt et Linné, est assez répandue dans nos maisons en Europe. Une remarque intéressante, faite par A. G. Desmarest, est que les indi- vidus qui offrent à la fois les trois couleurs que nous avons indiquées, c'est-à-dire le blanc, le roux et le noir, sont constamment des femelles; toutefois, il paraîtrait probablement, d'après Bory De Saint- Vincent, qu'en Espagne et en Portugal on aurait vu quelques mâles dont la robe était également tricolore. C. CHAT DES CHARTREUX. Fclis cutus cœruleus, Linné. CARACTÈRES DISTINÇTIFS. Poil trcs-fin, un peu long, partout d'une belle couleur gris ardoisé uniforme; lèvres et plante des pieds noires. Cette race, après celle du Chat tigré, est la plus rapprochée de la race sauvage; elle est très- alerte. D. CHAT d'angora. FcUs catus Angorensis, Linné. CARACTÈRES DISTINÇTIFS. Poil du corps doux, sogenx, très-long, surtout autour du cou, sous le ventre et à la queue; poils de la tête et des pattes courts; couleur blanche, gris pâle, fauve pale, ou mélangée par plaques ir- réguiièrcs. Cette race, très-éloignée du type primitif, ne présente point les mœurs carnassières ni la vivacité du Chat tigré; elle estindolente, dormeuse et malpropre. Elle est originaire d'Angora, en Natalie, patrie de plusieurs races de Mammifères à poils longs et soyeux. Ces différentes races, par leur mélange, produisent une foule de sous-variétés, qui toutes ont des traits confondus et affaiblis des variétés dont elles proviennent. Les plus curieuses, toutefois, sont celles des Chats tout blancs ou des Chats tout noirs, et à poils non soyeux. Parmi les autres races, nous citerons seulement les suivantes, car nous indiquerons comme espèces distinctes plusieurs des variétés que Lesson y a réunies. Ce sont : l** Le Chat roux de Tobolsk, indiqué par Gmelin; J9C IIISTOinE NATURELLE. 2" Le Cliai h oreilles pendanlcs, à poils lins et longs, noirs ou jaunes, qui se trouve eu do- mesticité en Chine, dans la province de Pé-chi-ly, et qui est probablement le Fclis Sinensis, Neuhmann; 3'^ Le Chat du Cliarazan, en Perse, à poils longs, doux et fins, comme celui du Chat d'Angora, et de couleur grise comme la robe du Chat des Chartreux; d'où Buffon conclut que ces trois races n'en font qu'une seule; 4" Le Cliai gris-bleu ou ardoisé, du cap de Conne-Espérance, mentionné par Kolbc, et que Buf- fon rapporte aussi à la même race que la précédente; 5" Le Cliat rouge ou Fclis domeslicus ruber, Gmelin, indiqué également par Kolbe, provenant aussi du cap de Bonne-Espérance, et remarquable par une ligne rousse qui s'étend tout le long du dos et qui commence à la tête; C'' Le Cliat de Pensa, propre à la Russie, cité par Pallas et très-peu connu; 7" Le Chat de Madagascar ou Suça, de Flacourt, qui s'accouple avec les autres, et qui, dit-on, est caractérisé par sa queue tortillée ; fait qui est loin d'être prouvé. 8" Le Cliat du Japon ou Fclis Japonica, Kœmpfer, indiqué récemment, et non suffisamment connu. On observe chez les Chats plusieurs degrés de domesticité : ceux qui sont le plus près de la race sauvage par leur conformation le sont aussi par leur naturel défiant et farouche. « La domesticité des Chats, fait remarquer Fr. Cuvier, ne semble pas remonter à des temps très- éloignés, en Europe, du moins. Il paraîtrait que les Grecs les connaissaient assez peu ; Aristote n'en a dit que quelques mots, et il en est de même des autres auteurs de ce temps qui ont traité de l'his- toire naturelle : cependant ils étaient communs chez les Égyptiens. Mais d'où ce peuple les connais- sait-il? Ces animaux ont été transportés par les Européens dans toutes les contrées de la terre, et ils n'ont éprouvé qu'une légère influence de la diversité des climats. Bosmann dit que, sur les côtes de Guinée, ils sont encore comme ceux de Hollande; les races d'Amérique, qui paraissent venir des Chats d'Espagne, sont toujours les mêmes que les nôtres, et ceux de Tlnde et de Madagascar n'ont point éprouvé de changements importants. « L'éducation a, au contraire, diversifié les Chats domestiques à l'infini; tant sous le point de vue physique que sous le point de vue moral. « Si les uns, dit Fr. Cuvier, sont des fripons incorrigibles, d'autres vivent au milieu des offices et des basses-cours, sans être jamais tentés de rien dérober, et l'on en voit qui suivent une Marte, comme le ferait un Chien. Ce haut degré de domesticité de certains Chats est, sans contredit, Texemplo le plus remarquable de la puissance de l'homme sur les animaux, de la flexibilité de leur nature, des ressources nombreuses qui leur ont été données pour se ployer aux circonstances, et pour se modifier suivant les causes qui agissent sur eux. Je ne crois pas, en effet, que, excepté chez les Chats, nos soins aient développé entièrement et presque créé une qualité nouvelle dans nos animaux domestiques : nous avons étendu, perfectionné celles qu'ils avaient reçues de la nature, et surtout celles qui les portent à l'affection. Avant l'état où nous les avons réduits, ils sont entraînés par un sentiment naturel à vivre avec leurs semblables, à s'attacher les uns aux autres ; à s'entr'aider mu- tuellement. Nous ne sommes devenus pour eux, en quelque sorte, que d'autres individus de leur espèce : seulement nous avons pris sur ces animaux l'empire qu'auraient pris, mais à un moindre degré, les individus qui parmi eux auraient été les plus heureusement organisés. Les Chats étaient poussés, par leur naturel, à vivre seuls; une profonde défiance les suivait partout; rien ne les portait à s'attacher à notre espèce; on n'apercevait en eux aucun germe de sentiments affectueux; cependant quelques races sont profondément domestiques, et ont un besoin extrême de la société des hommes. C'est surtout chez les femelles que ce besoin-là se manifeste : aussi je serais disposé à trouver l'ori- gine de leur domesticité dans l'affection de celles-ci pour leurs petits, et il est à remarquer que les mâles sont beaucoup moins dépendants quelles. Il semblerait que la domesticité de ceux-ci ne par- ticipe plus do celle de leur mère, n'a pour cause que l'influence que sa nature, modifiée par nous, a CAUNASSlIiUS. 197 exercée .sur la leur, et non point cette disposition profonde et indestructible sur laquelle, par exem- ple, est fondée la sociabilité du Chien. » Les mâles et les femelles, hors le temps des amours, n'ont que peu de rapports entre eux. Ces dernières sont plus sédentaires. Elles font le plus habituellement deux portées par an, au printemps et en automne, et quelquefois trois, après une gestation de cinquante-cinq ou cinquante-six jours, et ces portées sont comjjosées chacune de quatre à cinq petits. Ceux-ci sont allaités pendant plusieurs semaines, et pour l'ordinaire soignés avec une grande tendresse par leur mèi'e, qui leur apporte des Souris, de petits Oiseaux, etc., et les dresse à la chasse. Les mâles, au contraire, sont sujets à dé- vorer leur progéniture. Les jeunes Chats sont très-joueurs, et s'occupent continuellement à guetter l'objet qui sert à leur amusement, comme si c'était une proie, et à sauter brusquement dessus : ils sont trè.s-adroits pour saisir ainsi les Oiseaux, les Souris, les petits animaux et jusqu'à certains Insectes. Les Chats sont observateurs et n'entrent jamais dans un endroit qu'ils n'ont pas encore parcouru sans en f;iire une visite exacte. Ils aiment la chaleur en hiver, et, au contraire, recherchent en été les lieux les plus frais pour y dormir. Leur sommeil est généralement très-léger, et le moindre bruit les éveille. Adultes à l'âge de quinze mois, et quelquefois même plus tôt, les mâles se battent entre eux pour se disputer la possession des femelles. Dans leurs combats, ils font entendre une voix entrecoupée de sons rauques ou plaintifs, de faux sifflements : alors ils répandent une odeur de choux gâtés ou de mauvais musc particulière. Quand on les caresse, ils expriment leur contentement par un bruit analogue à celui d'un rouet, et dont on n'a pas expliqué la production d'une manière bien satisfaisante. Le mouvement balancé de leur queue est, chez eux, un signe de colère ou d'impatience, et, lorsqu'ils sont surpris, ils relèvent leur dos en arc, s'élèvent tant qu'ils peuvent sur les pattes, 'hérissent leurs poils et gonflent leur queue, qu'ils laissent pendre, ou plutôt qu'ils balancent de droite à gauche, ou de gauche à droite. Ils ont un goût passionné pour certaines plantes odorantes, et notamment pour la valériane et lecha- taire : quand ils en trouvent, ils se frottent dessus avec délices. Ils sont très-propres et ne manquent jamais de se lécher après avoir pris leur nourriture, et de lustrer très-souvent leur robe avec leur salive. Ils ont aussi le plus grand soin d'enterrer leurs excré- ments et de les couvrir de poussière ou de cendre. Leur urine est très-puante, surtout chez les mâles, qui la lancent en arrière, et sans s'accroupir comme les femelles et les jeunes. Ces animaux, d'un caractère plein d'indépendance, sont en général, assiu-e-t-on, plus attachés aux habitations qu'aux hommes, et on les a vus quelquefois revenir de plus d'une lieue dans l'ancien do- micile dont on les avait écartés. Ils font ces voyages de nuit et se dirigent alors plutôt par la vue que par l'odorat. La durée moyenne de la vie des Chats est de quinze ans environ; mais quelques indi- vidus vivent plus longtemps; et nous en avons possédé un qui avait plus de vingt-deux ans. La langue du Chat domestique est mince et large à son extrémité; elle est hérissée de petites pointes qui la rendent très-rude, particulièrement lorsqu'elle n'est pas humectée d'une salive abon- dante. Leurs pattes de devant sont divisées en cinq doigts, et celles de derrière en quatre seulement; les ongles sont crochus, longs et aigus; le Chat les retire à volonté et les tient cachés dans leurs étuis, de sorte qu'ils ne s'usent pas en marchant, et l'animal ne les fait sortir que lorsqu'il veut saisir une proie, se défendre ou attaquer, ou bien s'empêcher de glisser. La manière dont les femelles transpor- tent leurs petits est curieuse à étudier : d'abord elles les lèchent dessous le cou, comme pour les pré- parer à être saisis par la même partie; elles les serrent ensuite avec leur gueule, de façon à ne pas les laisser échapper, mais pas assez fortement pour les faire crier; ainsi chargées, elles marchent la tête haute, afin que le petit ne frappe pas contre terre, et celui-ci ne fait aucun mouvement et laisse pendre son corps et ses pattes comme s'il était mort; la Chatte, en le déposant dans l'endroit qu'elle a choisi pour lui, le lèche de nouveausous le cou. Lorsque les petits commencent à marcher, la mère les ac- compagne partout, les appelle près d'elle par un miaulement doux et particulier; lorsqu'ils ne répon- dent pas, elle miaule de nouveau : sa physionomie prend un caractère d'inquiétude; elle fait quelques pas dans le chemin qu'elle voudrait leur faire suivre, les appelle encore, et revient à eux; elle tâche de les emporter; s'ils sont déjà un peu grands, elle les traîne les uns après les autres, et se repose de temps en temps. Si quelque ennemi paraît, un Chien, par exemple, la femelle défend ses petits avec fureur. Toutefois les femelles se prêtent assez souvent à nourrir de jeunes animaux d'un tout autre genre, et même d'espèces qui leur sont naturellement ennemies. 193 HISTOIRE NATURELLE. Un murmure court et oontiiiu est l'expression de contentement, de l'affection et même des désirs des Chats. Ils ont encore une autre manière de marquer les sensations agréables qu'ils éprouvent, en élargissant les doigts, et en posant et relevant alternativement les pieds de devant ; mais cette espèce de petrissement n'a lieu que lorsqu'ils se trouvent sur quelque meuble mollet, comme un coussin, un lit, ou qu'ils appuient leurs pieds sur les vêtements ou sur l'objet qu'ils caressent. Les petits Chats, dans le moment où ils tettent avec le plus de plaisir, pressent de la même manière les ma- melles de leur mère. L'agitation de la queue est un signe de colère ou de passion violente dans les Chats; ils la tiennent relevée et droite en marchant vers un objet qui les flatte; lorsqu'ils sont assis. ils la font habituellement revenir en rond sur leurs pattes de devant, et, lorsqu'on les retient de force, ils témoignent leur impatience par le mouvement de balancement qu'ils donnent à son extré- mité. Ces animaux regardant en général les Chiens comme leurs ennemis les plus redoutables; cependant, élevés jeunes ensemble et toujours dans les mêmes maisons, ces deux Carnassiers finissent par s'entendre très-bien et par jouer presque continuellement les uns avec les autres. Les Chats marchent légèrement, presque toujours en silence et sans faire aucun bruit. Dans leurs courses sur les toits les plus escarpés, ils sont exposés à tomber de très-haut; mais, lorsqu'ils tombent d'eux- mêmes, ils se trouvent presque constamment sur leurs pieds, de sorte que souvent la chute est pour eux sans danger. Après avoir mangé, les Chats passent leur langue de chaque côté des mâchoires et sur leurs moustaches pour les nettoyer. Comme ils ne peuvent atteindre de leur langue les côtés de la tète, ils mouillent une patte de leur salive, et la frottent ensuite sur ces parties pour les lustrer. A la sortie de leurs dernières dents, les jeunes Chats sont ordinairement malades : on les voit alors souffrir beaucoup, languir et maigrir Ils sont sujets aux vomissements, qu'ils font précéder de cris doulou- reux : ils font de grands efforts pour vomir. De même que les Chiens, ils mangent du chiendent et quelques autres Graminées. Le Chat était, parmi les Mammifères, celui dont les Égyptiens punissaient le plus sévèrement la mort, soit qu'on l'eût donnée par inadvertance, soit de propos délibéré. On était toujours criminel quand on tuait un Chat, et ce crime ne s'expiait que par les plus cruels supplices. Hérodote dit même que, quand le Chat meurt d'une mort naturelle, tous les gens de la maison où cet accident est arrivé se rasent les sourcils en signe de tristehse. On embaumait le Chat et on l'ensevelissait à Bnbastis, actuellement Racta. La vénération des Egyptiens pour cet animal était fondée en partie sur l'opinion qu'ils avaient qu'Isis, la Diane des Grecs, voulant éviter la fureur de Typhon et des Géants, s'était cachée sous la figure du Chat. Ils représentent leur dieu Chat tantôt avec sa forme naturelle, et tantôt avec un corps d'homme portant une tête de Chat. 11 semble que les Grecs ne connaissaient pas ce Carnassier. Les Chats domestiques ont été transportés dans toutes les contrées de la terre, et s'y sont partout conservés avec des caractères à peu près constants. Buffon a évidemment chargé de sombres couleurs le portrait du Chat, pour faire valoir celui du Chien. En effet, ainsi que le fait observer M. Boitard, auquel nous empruntons ce passage : « cet animal est d'un caractère timide; il devient sauvage par poltronnerie, défiant par faiblesse, rusé par nécessité, et voleur par besoin : il n'est jamais méchant que lorsqu'il est en colère, et jamais en colère que lorsqu'il croit sa vie menacée; mais alors il devient dangereux, parce que sa fureur est celle du désespoir, et qu'alors il combat avec tout le courage des lâches poussés à bout. Forcé, dans la domesticité, de vivre continuellement en société du Chien, son plus cruel ennemi, sa méfiance naturelle a dû augmenter, et c'est probablement à cela qu'il f^uit attribuer ce que Buffon appelle sa fausseté, sa marche insidieuse, et il a conservé de son indépendance tout ce qu'il lui en fallait pour assurer son existence dans la position que nous lui avons faite, et, si l'on rend cette position meilleure, comme à Paris, par exemple, où le peuple aime les animaux, il abandonne aussi une partie de son indépendance en proportion de ce qu'on lui donnera en affection. )) Malgré ce que nous venons de dire, et quoique nous y trouvions aussi un peu d'exagération, nous ne devons pas moins rapporter quelques-unes des pages de Buffon sur le Chat domestique, et nos lecteurs pourront d'eux-mêmes rétablir les inexactitudes qu'il a pu commettre. « Le Chat est un domestique iniidèle, qu'on ne garde que par nécessité, pour l'opposer à un autre ennemi domestique encore plus incommode, et qu'on ne peut chasser; car nous ne comptons pas les gens qui, ayant du goût pour toutes les bêtes, n'élèvent des Chats que pour s'en amuser: l'un est CARNASSIERS. 190 l'usage, Taiitre l'abus; et quoique ces animaux, surtout quaud ils sont jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un caractère faux, un naturel pervers, que l'âge augmente encore et que l'éducation ne fait que masquer. De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, lors- qu'ils sont bien élevés, souples et llatteurs comme les fripons; ils ont la même adr(;sse, la même subti- lité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite rapine; comme eux, ils savent cou- vrir leur marche, dissimuler leur dessein, épier les occasions, attendre, choisir, saisir l'instant de faire leur coup, se dérober ensuite au châtiment, fuir et demeurer éloignés jusqu'à ce qu'on les rappelle. Ils prennent aisément des habitudes de société, mais jamais des mœurs : ils n'ont que l'apparence de l'attachement; on le voit à leurs mouvements obliques, à leurs yeux équivoques; ils ne regardent jamais eu face la personne aimée; soit défiance ou fausseté, ils prennent des détours pour en appro- cher, pour chercher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur foui. Bien différent de cet animal fidèle dont tous les sentiments se rapportent à la personne de son maître, le Chat paraît ne sentir que pour soi, n'aimer que sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser; et, par cette convenance de naturel, il est moins incompatible avec l'homme qu'avec le Chien, dans lequel tout est sincère. « La forme du corps et le tempérament sont d'accord avec le naturel; le Chat est joli, léger, adroit, propre et voluptueux; il aime ses aises, il cherche les meubles les plus mollets pour s'y reposer et s'ébattre : il est aussi très-porté à l'amour, et, ce qui est rare dans les animaux, la femelle paraît être plus ardente que le mâle; elle l'invite, elle le cherche, elle l'appelle, elle annonce par de hauts cris la fureur de ses désirs, ou plutôt l'excès de ses besoins; et, lorsque le mâle la suit ou la dédaigne, elle le poursuit, le mord, et le force, pour ainsi dire, à la satisfaire, quoique les approches soient toujours accompagnées d'une vive douleur. La chaleur dure neuf ou dix jours, et n'arrive que dans des temps marqués. Comme les mâles sont sujets à dévorer leur progéniture, les femelles se cachent pour mettre bas; et, lorsqu'elles craignent qu'on ne découvre ou qu'on n'enlève leurs petits, elles les transportent dans des trous et dans d'autres lieux ignorés ou inaccessibles; et, après les avoir allaités pendant quelques semaines, elles leur apportent de petits animaux, et les accoutument de bonne heure à manger de la chair : mais, par une bizarrerie difficile à comprendre, ces mêmes mères, si soigneuses et si tendres, deviennent quelquefois cruelles, dénaturées, et dévorent aussi leurs petits, qui leur étaient si chers. « Les jeunes Chats sont gais, vifs, jolis, et seraient aussi très-propres à amuser les enfants si les coups de patte n'étaient pas à craindre; mais leur badinage, quoique toujours agréable et léger, n'est jamais innocent, et bientôt se tourne en malice habituelle; et, comme ils ne peuvent exercer ces talents avec quelque avantage que sur les plus petits animaux, ils se mettent à l'affût près d'une cage, ils épient les Oiseaux, les Souris, les Rats, et deviennent d'eux-mêmes, et sans y être dressés, plus habiles à la chasse que les Chiens les mieux instruits. Leur naturel, ennemi de toute contrainte, les rend incapables d'une éducation suivie. On raconte néanmoins que des moines grecs de l'île de Chy- pres avaient dressé des Chats à chasser, prendre et tuer les Serpents dont cette île était infestée; mais c'était plutôt parle goût général qu'ils ont pour la destruction que par obéissance qu'ils chas- saient; car ils se plaisent à épier, attaquer et détruire assez indifféremment tous les animaux faibles, comme les Oiseaux, les jeunes Lapins, les Levrauts, les Rats, les Souris, les Mulots, les Chauve- Souris, les Taupes, les Crapauds, les Grenouilles, les Lézards et les Serpents. Ils n'ont aucune doci- lité, ils manquent aussi de la finesse de l'odorat, qui, dans le Chien, sont deux qualités éminentes; aussi ne poursuivent-ils pas les animaux qu'ils ne voient plus, ils ne les chassent pas, mais ils les attendent, les attaquent par surprise, et, après s'en être joués longtemps, ils les tuent sans aucune nécessité, lors même qu'ils sont les mieux nourris et qu'ils n'ont aucun besoin de cette proie pour satisfaire leur appétit. « La cause physique la plus immédiate de ce penchant qu'ils ont à épier et à surprendre les autres animaux vient de l'avantage que leur donne la conformation particulière de leurs yeux. La pupille dans l'homme, comme dans la plupart des animaux, est capable d'un certain degré de contraction et de dilatation; elle s'élargit un peu lorsque la lumière mancjue, et se rétrécit lorsqu'elle devient trop vive; dans l'œil du Chat et des Oiseaux de proie, cette contraction et cette dilatation sont si considé- rables, que la pupille, qui dans l'obscurité est ronde et large, devient au grand jour longue et étroite comme une ligne, et dés lors ces animaux voient mieux la nuit que le jour, comme on le remarque 200 IIISTOIHE NATUHKLLE. dans les Chouettes, dans les Hiboux, clc; car la forme de la impille est toujours ronde dès qu'elle n'est pas contractée. Il y a donc contraction continuelle dans l'œil du Chat pendant le jour, et ce n'est, pour ainsi dire, que par effort qu'il voit à une grande lumière; au lieu que, dans le crépuscule, la pupille reprenant son état naturel, il voit parfaitement, et profite de cet avantage pour reconnaître, attaquer et surprendre les autres animaux. Fig. 95. — Ch.it de l'Himalaya. « On ne peut pas dire que les Chats, quoique habitants de nos maisons, soient des animaux entiè- rement domestiques; ceux qui sont le mieux apprivoisés n'en sont pas plus asservis : on peut même dire qu'ils sont entièrement libres, ils ne font que ce qu'ils veulent, et rien au monde ne serait ca- pable de les retenir un instant de plus dans un lieu dont ils voudraient s'éloigner. D'ailleurs la plupart sont à demi sauvages, ne connaissent pas leurs maîtres, ne fréquentent que les greniers et les toits, et quelquefois la cuisine et l'office lorsque la faim les presse. Quoiqu'on en élève plus que de Chiens, comme on les rencontre rarement, ils ne font pas sensation pour le nombre; aussi prennent-ils moins d'attachement pour les personnes que pour les maisons : lorsqu'on les transporte à des distances assez considérables, ils reviennent d'eux-mêmes à leur grenier, et c'est apparemment parce qu'ils en con- naissent toutes les retraites à Souris, toutes les issues, tous les passages, et que la peine du voyage est moindre que celle qu'il faudrait prendre pour acquérir les mêmes facilités dans un nouveau pays. Ils craignent l'eau, le froid et les mauvaises odeurs; ils aiment se tenir au soleil, ils cherchent à se gîter dans les lieux les plus chauds, derrière les cheminées ou dans les fours; ils aiment aussi les parfums et se laissent volontiers prendre et caresser par les personnes qui en portent : l'odeur de cette plante que l'on appelle Y herbe aux Chats les remue si fortement et si délicieusement, qu'ils parais- sent transportés de plaisir. On est obligé, pour conserver cette plante dans les jardins, de l'entourer d'un treillage fermé, les Chats la sentent de loin, accourent pour s'y frotter, passent et repassent si couvent par-dessus, (pi'ils la détruisent en peu de temps. CARNASSIERS. 201 (( A quinze ou dix-liuil mois, ces animaux ont pris tout leur accroisscmcnl; ils sont aussi en état d'engendrer avant l'âge d'un an, et peuvent s'accoupler pendant toute leur vie, qui ne s'étend guère au delà de neuf ou dix ans; ils sont cependant très-durs, très-vivaccs, et ont plus de nerfs et de ressorts que d'autres animaux qui vivent plus longtemps. « Les Chats ne peuvent mâcher que lentement et dilïuilement ; leurs dents sont si courtes et si mal posées, qu'elles ne leur servent qu'à déchirer et non pas à broyer les aliments; aussi cherchent- ils de préférence les viandes les plus tendres; ils aiment le Poisson, et le mangent cuit ou cru; ils boivent fréquemment; leur sommeil est léger, et ils dorment moins qu'ils ne font semblant de dormir; ils marchent légèrement, presque toujours en silence, cl sans h'we aucun bruit; ils se cachent et s'éloignent pour rendre leurs excréments, et les recouvrent de terre. Comme ils sont propres et que leur robe est toujours sèche et lustrée, leur poil s'électrise aisément, et l'on en voit sortir des étin- celles dans l'obscurité lorsqu'on le frotte avec la main : leurs yeux brillent aussi dans les ténèbres, il peu près comme les diamants, qui réfléchissent au dehors, pendant la nuit, les lumières dont ils sont, pour ainsi dire, imbibés pendant le jour. » A ces détails, nous devons encore ajouter que non-seulement on a trouvé des momies de Chats dans 1rs tombeaux de l'ancienne Egypte, mais qu'on en a aussi découvert à l'état fossile, et cela princi- palement dans des cavernes en Allemagne, en Angleterre, en Belgique et en France. En Angleterre, M. Mac-Enry a figuré un côté de mandibule trouvé dans la caverne de Kent. En Belgique, M. Schmer- ling, qui a rencontré des ossements de Chats en assez grande abondance dans les cavernes des envi- rons de Liège, a encore trouvé à distinguer, d'après un côté droit de mandibule qui, comparée avei^ celle d'un Chat sauvage, lui a paru plus grande, et même avec quelques particularités différentielles, un Fcl'is cnlus magniis et un Fciis calns miiuilus, dont il a obtenu des têtes entières et plusieurs au- tres ossements, sans penser aux variations de taille individuelle ou déterminées par les sexes, et qui, certainement, dépassent souvent celles qu'il indique entre ses Fefis macpms et minutus. Eniin, MM. Marcel de Serre, Dubreuil et Jean-Jean ont encore porté plus d'attention à leur Feiis ccttus férus, puisque dans leur ouvrage ils ont consacré plus de quatre pages in-4'' à énumérer les ossements de Chats qu'ils ont trouvés brisés, épars pêle-mêle dans le limon de la caverne de Lunel-Viel, en en don- nant des mesures linéaires et en établissant leur comparaison avec un Chat sauvage tué aux environs de Béziers. Plusieurs espèces de Fdis sont assez voisines du Chat domestique, pour être quelquefois réunies avec lui; telles sont : 20. CHAT GANT!':. FEUS MAMCULATA. Ruppel. Temminck. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris fauve, avec la plante des pieds noire; sur la tête il y a sept ou huit bandes noires, arquées, étroites; queue longue, noire au bout, avec des anneaux rap- prochés de cette couleur; ligne du dos noire; parties inférieures blanches, nuancées de fauve sur lu poitrine; face externe des pieds de devant offrant quatre ou cinq petites bandes transversales brunes : face interne, avec deux grandes taches noires; cuisses avec cinq ou six petites bandes. A peu près de la taille du Chat domestique. Cette espèce, que quehpies auteurs ne regardent que comme une variété du Felis calns, habite l'Egypte, et probablement toute la partie septentrionale de l'Afrique. 21. CHAT ONDK. FEUS UNDATA. A. G. Desmarost. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris mat, avec de nombreuses petites bandes noirâtres, un peu allongées, de la taille du Chat domestique. On ne possède pas de description complète de cette espèce, dont le pelage, ainsi que le fait ob- server G. Cuvier, présente plutôt des ondes que des taches. Il se trouve dans l'île de Java. 202 IIIST0I15E NATURELLE. Un individu de cette espèce a paru, en 1842, à la Ménagerie du Muséum, et M. Boitard a donné ^nv lui les observations suivantes : « Un caractère des plus extraordinaires et que je crois presque uni(|ue dans le genre des Chats m'a été offert par cet animal : il a les pieds palmés, et la membrane qui réunit les doigts s'étend jusqu'à l'extrémité des phalanges onguéales. On doit en déduire par analogie qu'il habite le bord des eaux et des marais, et que ses habitudes le rapprochent du Lynx (les marais. Je ne connais que l'Ocelot qui offre une particularité analogue à celle-ci; mais les mem- branes de ses doigts sont bien moins grandes, bien moins remarquables que dans celui-ci. b 22. CHAT dp: java. FELIS JAVANEASIS. a g. Desmarost. C.\p,.\cTfc;nrs si'Écifioues. — Pelage d'un gris brun clair en aessus et blanchâtre en dessous, avec quatre lignes de taches brunes allongées sur le dos, et des taches rondes épaisses sur les flancs; une bande transversale sous la gorge, et deux ou trois autres sous le cou. A peu près de la taille du Felis cal II s. Cette espèce, à laquelle on peut probablement rapporter les Felis Siunatrana, Ilorsfield, et ni'i- niila, Temminek, le Kimnig et le Servalin, et peut-être même l'espèce précédente, le Felis xindatu, provient des îles de Java et Sumatra. Fis. nn. - Gh.il î\o I)i;inl. 23 CHAT Dli DIARU. FEUS DlARDlï G. Ciivior. Caractères frÉciFJQUEs. — Fond du pelage d'un gris jaunâtre; dos et cou se'més de ladn's noires formant des bandes longitudinales; d'autres taches descendant de l'épaule en lignes perpendiculaires f *--âfe. Chien ûcossais. .r^:>' ^ ,' Aguara rayé. l'I CARNASSIEUS. 203 aux précédentes, sur les eiiisses et une partie des (lanes, à anneaux noirs, et centre gris; des ta(dies nniràlri!s et pleines sur les jambes; queue à anneaux nuageux. Longueur de la télé et du corps, O'",^^); de la queue, 0'",75. Habite Java. 2i. CHAT NÈGRE. D'Azara. FEUS AMElllCAAA. Bcn-l. C.\RACTÈnES SPÉCIFIQUES. — Pelage entièrement noir. Un peu plus grand que notre Chat sauvage; car sa tête et son corps ont ()'",G5 de longueur, et sa queue 0"',45. Ce Carnassier, le Felis nicjrilïa, Boitard, qui est loin d'être suflisamment connu, se trouve dans l'Amérique méridionale, principalement dans les provinces de Maldonado et de la Plata. 25. EYRA. D'Azara FEI.IS EYRA A G. Desmarest. Caractèhes spécifiques. — Pelage roux clair partout; une tache blanche de chaque côté du nez, ainsi que la mâchoire inférieure et les moustaches; queue plus touffue que celle du Chat domestique; prunelle ronde. Longueur de la tête et du corps, 0"\54; de la queue, 0'",29. y Ce Chat est très-doux, d'un caractère gai, et il s'apprivoise très-facilement. 11 vit dans les forêts du Brésil et du Paraguay. Le Chat domestique, ainsi que quelques-unes des espèces que nous venons de décrire, ont une certaine utilité dans l'industrie : ainsi leurs peaux forment une branche assez considérable du com- m(>rce de la pelleterie; et l'on en prépare des fourrures. L'Espagne en fournit beaucoup; mais la plus grande quantité de ces peaux se tire du Nord. La Russie en vend, non-seulement à FEui-ope, mais encore aux Chinois, grands amateurs de fourrures. Le poil du Chat d'Angora, ainsi que celui du Lapin d'Angora, est susceptible d'être filé : on en fait des gants, etc. On emploie les boyaux de Chats pour faire des cordes à violon, et notamment des chanterelles. C'est auprès de cette espèce et des précédentes que l'on doit probablement ranger le Fclis eoc'ilis, dont M. Lund a signalé les ossements fossiles comme trouvés dans les cavernes du bassin de Rio das Velhas, au Brésil. B. RACES TYPES. 1. D'AFRIQUE. 26, GllAT DE LA CAFRERIL. FEUS CAFRA. A. G Dcsniarcsl CAHACTÈr.ES SPÉCIFIQUES. — Pclagc d'uu gris fauve en dessus; paupières supérieures blanchâtres, gorge entourée de trois colliers; flancs marqués de vingt bandes brunes transversales; huit bandes noires traversant les pattes de devant, et douze celles de derrière; queue longue, à quatre anneaux bien marqués, et terminée de noir. Cette espèce, que Lessou regarde probablement à tort comme la même que le Fel'is nigrîpcs, Burchell, se trouve en Cafrerie, d'où l'a rapportée Delalande. 204 HISTOIRE NATURELLE. 27. CHAT OBSCUR. FELIS OBSCURA. A. G. Desmarest. Caractères spécifiques. ^ Pelage d'un noir un peu roussâtre, avec des bandes transversales d'un noir foncé, et très-nombreuses; sept anneaux à la queue. Plus grand cjne le Chat sauvage, et presque de la taille du Serval. Ce Carnassier, que Fr. Cuvier nommait le Chat noir du Cap, habite l'Afrique australe; il est d'un naturel très-doux. La Ménagerie du Muséum en a possédé un individu vivant qui était libre et très- privé. 2. D'ASIE. 2S. CHAT A COLLIER FULIS TORQUATA. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris fauve en dessus, blanc en dessous; front marqué de quatre lignes longitudinales brunes; joues n'en présentant que deux; un collier sous le cou et un au- tre sous la gorge; des taches brunes et allongées s'étendant sur le dos; pieds et ventre mouchetés de brun; queue brunâtre, avec des anneaux peu apparents. V ' \ Fig. 97. — Chat du Bengale. Cette espèce se trouve au Bengale; sa synonymie est assez compliquée, car c'est le même que le Chat du Népaui,, Fr. Cuvier (Felis Nepalcnsis, Vigors et Ilorsfield), et que le Chat nu Bengale [Felis Dengalcnsis, A. G. Desmarest), el probablement aussi le même que le suivant. CARNASSIEUS. . 205 29. CHAT A TAC.IIKS Di-: IlOUll.I.l';. FEUS ItUlUGINOSA. Isidore GL'olïniy S:unl-llili(iic Car\ctèues spécifiques. — Pelage d'un yris roussAlre en dessus et sur les flânes, hlane en des- sous; dos marqué de trois lignes longitudinales; taches des lianes de couleur de rouille, disposées en séries également longitudinales; taches ventrales noirâtres, disposées en bandes transverst^s, irrégu- lières; queue de même couleur que le fond du pelage, mais sans taches. Taille un peu moindre que celle de notre Chat domestique; queue formant environ le tiers de la longueur totale. Ce Chat a été trouvé, par M. Bélanger, dans les bois de lataniers des environs dePondichéry. L'on peut ranger auprès de ce Carnassier une espèce assez nouvellement décrite, le Felis moor- inensis, Ilodgson, du Népaul, qui est probablement le même que celui désigné sous la dénomination de CuAT DU Népaul. 5. DE LA MALAISIE. On range dans cette subdivision deux espèces particulières, que M. Horslleld a fait connaître dans le tome ill du Zoological Journal: ce sont les Fclis planiccps et Tciitininchii, propre à Sumatra. 4. d'ami:rioue. A. ESPECES UNICOLORES. r.O. JAGUARUNDI. FBI.IS JAGUARUXDI. LacL'p<';de. A. G iJesniarcst. Caractèues spécifiques. — Pelage d'un brun noirâtre, tiqueté de blanc sale; poils de la queue plus longs que ceux du corps; moustaches longues, marquées d'anneaux alternativement noirs et gris. De la taille du Chat domestique, et ayant un peu la forme allongée du Cougouar. Il habite le Paraguay, et probablement aussi le Chili, u Cet animal, rapporte D'Azara, qui l'a dé- couvert le premier, habite seul, ou avec sa femelle, les bords des forêts, les buissons, l'es ronces et les fossés, sans s'exposer dans des lieux découverts. Il grimpe avec facilité aux arbres pour y pren- dre des Oiseaux, des Rats, des Micourés, des Insectes, etc., et il attaque aussi les volailles, s'il en trouve une occasion favorable pendant la nuit; car il est nocturne. Enfin, c'est un Chat sauvage, sans qu'on puisse en donner une meilleure idée que par cette dénomination. Je ne doute pas qu'on puisse le priver, parce que j'en ai vu un pris adulte qui se laissait toucher vingt-huit jours après. » C'est probablement à la même espèce qu'on doit rapporter le Felis Darwinn de M. Martin. Une espèce probablement voisine de celle-ci est le Felh cluihjbcaia, Uermann, que Ton ne connaît pas bien, et que Ton suppose propre à l'Amérique. 51. CHAT SAUVAGE DE LA NOUVELLE-!;SPAGNE. Buffou. FEUS MEXICANA. A. G Desmaicst. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris bleuâtre uniforme, moucheté de noir. D'assez grande taille. Cette espèce, qui est encore douteuse, a toutes les formes d'un Chat ordinaire, et la queue compa- rativement aussi longue que celle de cet animal; son poil, assez rude pour qu'on en puisse faire des pinceaux à pointe fixe et ferme, est d'un gris cendré bleuâtre, analogue à la couleur grise de la robe 20G IIISTOIUE NATURELLE. (lu Chat des Chartreux, et moucheté de petites taches noirâtres. C'est h' Felis Novœ-Uispaniœ, Schintz. Il habite le Mexique. n. ESl'KCES VERSICOLORES. 52. COLOCOLO. FEUS COLOCOLA. Fr. Cuvicr. Caractères spécifiques. — Pelage blanc, plus ou moins grisâtre, avec des bandes longitudinales flexucuses, noires, et bordées de fauve; queue semi-annelée, jusqu'à la pointe, de cercles noirs-, jam- bes, jusqu'aux genoux, d'un gris foncé. A peu près de la même grandeur que l'Ocelot. Il se trouve à Surinam, et, assure-t-on, également au Chili. D'après Molina, il habite les forêts, de même que le suivant, et tous deux se rapprochent des habitations pendant la nuit pour faire visite aux poulaillers et enlever la volaille : ils se nourrissent habituellement de Souris et d'Oiseaux. 53. GIJIGUA. FEUS GUIGUA. Jlolina. Caractères spécifiques. — Pelage fauve, marqué de taches noires, rondes, larges d'environ 0'",0H, s'étendant sur le dos jusqu'à la queue. Il est de la taille de notre Chat sauvage et en a les formes. G. Cuvier pense que cette espèce pourrait bien n'être qu'une variété du Margay. 11 habite une grande partie de l'Amérique méridionale, et particulièrement le Chili. 54. CHAT A VENTRE TACHÉ. FEUS CEUDOGASTEIi. Tomminck. Caractères spécifiques. — Pelage doux, lisse, court, d'un gris de souris, marqué de taches plei- nes, d'un brun fauve; taches du dos oblongues, et les autres rondes; cinq ou six bandes brunes, demi-circulaires, sur la poitrine; ventre blanc, marqué de taches brunes; deux bandes brunes sur la face interne des pieds de devant, et quatre sur les pieds de derrière; queue brune, tachée de brun foncé; oreilles médiocres, noires à l'extrémité; moustaches noires, terminées de blanc. A peu près de la taille du Renard; la queue un peu plus courte que la moitié de la longueur totale. Ses mœurs sont inconnues. Il se trouve au Chili et au Pérou. ('e n'est pas le même animal que le Chat h ventre laelietc de Geoffroy Saint-Ililaire. que l'on a ([uelquefois confondu avec lui. Nous pourrions encore indiquer quelques autres espèces de Chats qui ont été signalées dans divers ouvrages, soit sous des noms scientifiques, soit seulement sous de simples dénominations vulgaires; mais nous croyons qu'elles ne sont pas assez bien connues pour que nous en parlions ici. L'histoire ;iii genre Chat, comme le comprenaient les anciens naturalistes, sera, du reste, complète par ce que nous allons dire du groupe générique des Lipix, où nous donnerons en terminant un tableau des espèces, peut-être en trop petit nombre, admises par M. Temminck dans sa Monocjrapliie des Felis. Nous avons indiqué un assez grand nombre d'ossements fossiles qui se rapportent au genre des Chats : les uns ayant appartenu à des espèces encore existantes aujourd'hui, et les autres à des es- pè('es qu'on peut placer à côté d'espèces que nous décrivions. Nous en aurions peut-être quelques autres à signaler encore; mais les uns, tels que les Felis smilodon, cultridcns, megantereon, trouve- ront plus naturellement leur place auprès des Lynx; et les autres ne sont fondés que sur des débris CAIiNASSIEliS. 207 trop peu caractérisés pour que nous devions nous on occuper : toutefois, nous nous arrêterons quel- ques instants sur les deux espèces suivantes : 1" Fclis qiiadrideiilatu, De Blainvillc, propre au célèbre dépôt tertiaire de Sansans, et consistant en une portion de crâne, qui sembK' indi(iu('r, dans sa partie vertébi'ale, une certaine ressemblance avec une petite Pantlière, dans sa partie faciale avec le Lynx, et par le système dentaire avec lo Guépard; 2° Fd'is siib-Uimalnrjmm, Falconner et Cuntley, particulier aux monts Sivalicks, et qui offre un assez grand rapport avec le icl'is vïverrhui. 5'"'' GENRE. — LYNX. LYNCUS. Gray, 1825. Auv?, Lynx. Annals of pliikisophical, t. XX\1. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siisihnc ilenlaire : incisives, |; cnvines, \z\; molaires, f,l;',; en lolalilé vingl-hnil dénis, c'est- à-dire cfue la pclile fausse molaire anlérienrc, celle pelile denl placée contre cl derrière la canine de la mâchoire supérieure chez les vrais Chats, n'existe pas dans presque toutes les espèces. Taille moyenne. Oreilles larges et longues, souvent terminées par un pinceau de poils plus ou moins épais et plus ou moi)is longs. Jandws élevées, et faisant paraître l'animal ])lus haut que le Chat ordinaire. Queue quelquefois de moyenne longueur, mais le plus liainluellcnuiit Irès-courle. Fourrure généralement plus longue que dans le genre précédent. Tels sont les caractères qui peuvent distinguer les Lynx des Felis; quelques-uns d'entre eux sont fixes, mais il faut cependant avouer qu'ils ne sont peut-être pas assez importants pour permettre de former deux genres particuliers, car les Lynx, comme les Chats, ont un air de famille com- mun, un faciès tout particulier, qui tend à les réunir, et ne permet guère de les séparer qu'artificiel- lement. Dans un genre aussi nombreux que celui des Felis, il était bon d'établir peut-être quelques subdivisions pour arriver plus facilement à la distinction des espèces, et c'est pour cela que nous avons dû adopter les trois genres Guépard, Chat et Lynx, qui, pour quelques naturalistes encore, ne forment que de simples subdivisions d'un même et grand genre naturel. Les espèces du groupe des Lynx présentent quelques particularités ostéologiques que nous allons signaler d'après ce qu'en dit De Blainviile. Le crâne du Caracal, qui commence la division des Lynx, se distingue parce que la partie verté- brale de la tête est fortement arquée au chanfrein, le calmen étant interoibitaire. Il en résulte que le nez est très-déclive, et assez rapidement, ce qui concorde avec la grande brièveté de la face, qui est, du reste, assez étroite et assez pincée entre les orbites. Les os du nez sont d'une forme particulière; les apophyses orbitaires médiocres; les ptérygoïdes assez courtes, et le bord palatin quelquefois un peu échancré au milieu; le trou sous-orbitaire est encore médiocre. Le reste du sque- lette a beaucoup de rapports avec celui des Lynx proprement dits, quoique le nombre des vertèbres caudales soit de vingt et une; mais on peut trouver, dans la forme des apophyses transverses des vertèbres lombaires, plus de ressemblance avec ce qu'elles sont dans le Guépard. Dans le Lynx d'Europe, type du genre que nous étudions, le crâne offre une courbure plus uniforme dans toute l'étendue du chanfrein, depuis l'occiput jusqu'à l'extrémité des os du nez : ceux-ci, plus larges et plus triangulaires, sont aussi moins étranglés dans le milieu. Les orbites sont aussi pro- portionnellement plus grands, ])lus complets dans leur cadre que dans les Chats ordinaires, et cela à cause d'une plus grande saillie des apophyses orbitaires. Le bord palatin est assez constamment 208 IIISTOIPiE NATUUELLE. é(;hancré dans son milieu. Du reste, sauf un peu plus de grandeur, les autres os caractéristiques (ml la plus grande ressemblance avec ceux des Felis. Les différences que Ton peut remarquer dans le Lynx du Canada {Felis riifa) sont les suivantes : un peu moins d'arqûre du chanfrein, ce qui donne à la tête un aspect plus allongé et un peu plus étroit, étroitesse qui est plus marquée entre les orbites et dans le reste de la face, dont le nez est en effet plus pincé; l'orbite, plus petit, est peut-être aussi un peu plus complet dans son cadre; les apophyses ptérygoïdes sont plus courtes; le bord palatin est droit, et même avec un indice de pointe médiane; le bord du trou sous-orbitaire se déverse un peu davantage sur ce trou, qui est assez petit. Ce qui distingue, au premier coup d'œil, le squelette de cette espèce, c'est, outre la brièveté et la gracilité de la queue, qui n'est composée que de quinze vertèbres décroissant fort rapidement, la grande élévation et la gracilité de ses membres, et, par conséquent, des os longs qui les constituent, ce qu'on supposerait difficilement en voyant l'animal couvert de sa peau. Dans les vertèbres caracté- ristiques, on doit faire observer que la lame inférieure de la sixième cervicale est assez étroite, plus que dans le Serval, et de même forme; la onzième dorsale a une très-petite apophyse épineuse, et les apophyses transverses de la septième lombaire sont en lame de sabre assez large et excavée. L'humé- rus est d'un tiers plus long que l'omoplate, un peu moins rectiligne à son bord postérieur que dans le Serval; le radius est à peine moins long que l'humérus, et très-comprimé, tout à fait plan à sa face postérieure; la main est assez bien comme dans le Serval, mais, toutefois, avec des os beaucoup moins grêles et des phalanges plus normales. Aux membres postérieurs, le fémur est d'un tiers au moins plus long que l'os innominé, qui, lui-même, est court. Le tibia égale presque le fémur en longueur, et le pied, de l'extrémité du calcanéum à celle des secondes phalanges médianes, est aussi long que le tibia. Du reste, ces os sont presque comme dans le Serval, sauf un peu plus de grosseur propor- liounellc. Si l'on compare le squelette du Lynx d'Europe à celui que nous venons de décrire, on trouve qu'il est non-seulement beaucoup plus grand, mais encore bien plus grêle dans toutes ses parties, ce qui se lit même dans les apophyses épineuses et transverses des vertèbres et surtout aux os longs des membres : la proportion différentielle augmentant assez régulièrement de l'omoplate et de l'os in- nominé à l'humérus, ou au fémur, au radius ou au tibia, et au métacarpien ou au métatarsien médian; et, comme le diamètre ne suit pas la même loi, les os des membres semblent encore plus longs d plus grêles. Les côtes elles-mêmes sont d'une gracilité remarquable. L'hyoïde, d'après Uaubenton, ressemble davantage à celui du Cougouar qu'à celui du .Jaguar; mais les pièces intermédiaires des grandes cornes sont proportionnellement plus courtes : la pièce basilaire étant presque aussi lon- gue que celle-ci, à peu près comme dans le Caracal, dont l'hyoide ressemble beaucoup à celui du Lynx. Une autre espèce de ce groupe, dont nous voulons parler sous le point de vue de l'ostéologie, est h Felis pajeros. La tête est presque triangulaire, c'est-à-dire large en arrière ettrès-atténuée en avant, et le crâne proprement dit assez renflé, à peine rétréci derrière les oreilles; l'espace interorbitaire est très-large, avec des apophyses orbito-frontales très-courtes; la racine du nez est presque carénée, tant elle est pincée par suite de la grande étroitesse de ses os; le menton est excessivement court; l'ouverture nasale peu oblique et presque terminale; le bord |)alatin est à peine échancré, et les caisses sont extrêmement développées. Le reste du squelette, outre quelques particularités de pro- portion qui l'éloignent assez des véritables Lynx, lui ressemble beaucoup, seulement il a son humé- rus percé, non-seulement au condyle interne comme chez tous les Féliens, mais encore en dessus de la cavité olécranienne : ce qui n'avait pas encore été observé dans d'autres espèces de la même tribu; enfin, le rudiment du premier métatarsien offre une proportion un peu plus grande, et même une forme plus phalangifèrc, quoiqu'il n'y ait pas encore de phalanges palliciales. Un groupe d'animaux de ce genre, que l'on indique quelquefois sous la dénomination de Clials bollcs ou sous celle de Calo-hpix, avec Pallas, présente aussi quelques particularités dans son os- téologie. Ce groupe renferme le Felis clinus, de la grandeur d'un petit Lynx; le Felis califjaia, un peu moins grand, et le Felis maniculnta, quelquefois plus petit que notre Chat d'Europe, et que nous avons cru devoir laisser dans le genre Chat proprement dit, et ranger auprès de notre Felis catiis. Chez tous, la dispo.sition du crâne est semblable. La tête est assez courbée au front, assez pincée au nez; les orbites sont grands, obliques ou ovales; les apophyses orbilaires sont assez rapprochées, cl (• jo 1 — Gla(lol);it(; de Java. pjn. 0 — Renard Isatis l'I. '2(i. CAIi.NASSIKI'.S. '100 mémo coiiiltées; roiivorliirc palaliiic est hw^v, liaiisveise, avec une pointe mnliano courir; l'apo- physe angulaire lie la mandibule est égalemeul large et eourle. foui' le s(pielelle, eu romparanl celui du l'clis calignia et celui du Chat (rKgvpte, il semble à i)e r.laiuville que la similitude dait complète, sauf la grandeur : rauleiu- (jue nous venons de nommer a cependant noté deux ou trois vertèbres caudales de plus dans le premier (pie dans le second : l'un eu ayant vingt-trois, et l'autre seulement vingt, avec une différence de même sorte dans leur longueur : ainsi, la queue, (pii dans l'un égale en longueur les vertèbres sacrées, ne dépasse pas la cinquième dans rautrc. Le bord antérieur de l'omo- plate est aussi bien plus droit dans le Chat d'Kgypte qiu> dans le Fel'is cal'ujaia ou Chat botté des Indes. \ /" -.y— Fig. 'J8. - Lynx boUt Une dernière espèce, que i)e iilaiuville range dans le même genre Lynx parce qu'elle n'a pas de première avant-molaire supérieure, est le Fd'is longicandata, qui en diffère cependant considé- rablement par sa queue, très-remarqual)le jiar sa longueur et par la forme ramassée semblable à celle des Chats proprement dit.s= Cette espèce, dont l'osléologie se rapproche assez de celle du Fdis Sumalvana, est malheureusement peu connue; d'après le peu que nous en avons dit, on voit qu'elle semble se rapprocher à la fois des Chats proprement dits et des Lynx: elle nous montre encore que le caractère à peu près unique du genre Lynx, c'est-à-dire l'abse.i e d'une molaire de chaque côté de la mâchoire supérieure, n'est pas de première valeur, car, pir l'ensemble de ses autres ca- ractères, et principalement par la longueur de sa queue et la forme de sa tête, elle se rapproche plus des Chats que ûcs Lynx. D'après tout cela, doit-on ranger le Frl'is lonfiknudaln parmi les Lijn.v, ou le placer parmi bs Fclis? CllAU.S ou LYN.\ Dl'.S MARAIS /■T/./S CIIAUS. Giiklenslact. CARACTÈnn:s spécifiques. — Jambes longues; museau obtus; une bande noire depuis le bord anté- rieur des yeux jusqu'au museau; dos, cou et devant des pieds, d'un gris sale; ventre d'un blanc sale, ta(;lieté de roux; iris jaune; dessous des yeux, ainsi que les côtés du museau, d'un roux brun, qui s'étend, mais avec une teinte plus foncée, sur l'extérieur des oreilles; dedans de celles-ci rempli d'un poil blanc très-lin, leur pointe terminée par un petit bouquet de poils noirs; queue de la couleur du dos dans sa première moitié, et variée d'anneaux noirs et blancs dans le reste de sa longueur : le bout de cet organe noir, avec deux anneaux de la même couleur qui en sont rappro(thés; des marques ou raies noires formant en quelque sorte, sur le derrière et au bas des jambes, des bottines plus longues à celles de derrière qu'à celles de devant. Longueur de la tête et du corps, 0,G5; de la queue, variant de 0'",2I à (r,24. Le Chaus est le Lynx dotté de Bruce, le Caracai. de Lydie de Buffon, le Felis Ujbicus. Olivier, et vulgairement le Ly.nx des mahais. C'est le Dil;aja Icuschlca des Russes, le Kir mijschak des Tartarcs, le Moes-cjcdn des Tclierkasses. Le Chat a onEiii.Es housses de Fr. Cuvier n'est, selon quelques auteurs, qu'une variété du Chaus, à pelage plus pâle, à bandes moins apparentes sur le corps et sur les jambes, et à queue plus annelée. On ne compte que deux ou trois anneaux noirs au plus à la queue du Chaus, tandis qu'il y en a au moins cinq complets à celle du Chat à oreilles rousses. G. Cuvier pense que, si ce Chat n'est pas une espèce distincte, on doit le rapporter au Lynx ganté que nous avons précédemment étudié; mais, ainsi que certains naturalistes, nous n'avons pas cru devoir adopter cette opinion. Le Chaus habite les vallées du Caucase, selon Culdenslaedt; l'Abyssinie et la Nubie, suivant Bruce; Oliviei' Ta vu fréquemment aux environs du lac Maréotis, en Egypte; et Et. Geoffroy Saint-ililaire l'a rencontre dans une des îles du Nil; mais c'est surtout sur les bords du Kur et du Terek qu'il est le plus commun. Ce Carnassier présente une particularité assez remarquable parmi les animaux de la tribu des Fé- liens, c'est d'être un excellent nageur, d'halùter de préférence dans les endroits marécageux et sur les bords des fleuves, et de se plaire j»rincipalement dans l'eau, où il est sans cesse occupé à faire la chasse aux Canards et aux Oiseaux aquali(pies, et aux Reptiles, ainsi qu'aux Amphibiens, et venant même, assui'e-l-on, à bout de s'emparer di^s Poissons en plongeant sous l'eau. Le nom de Clians, que nous lui avons (onservé, était celui que les anciens Latins employaient pour désigner le Caracal. 4. LYNX DORl^. FF.LIS CIIRYSOTIIRIX. Tenimintk. Cahactères spécifiques. — Oreilles courtes, arrondies, noires en dehors, roussûlres en dedans; CAP.NASSIEFiS. 215 pelage très-court, luisant, d'un rouge hai très-vif, sans taclics sur les parties supérieures, avoe quel- ques petites laelies brunes sur les lianes et le ventre: eu dessus d'un blanc ronssàtre; pattes d'un roux doré; queue avec; une bande brune tout le long de la ligne médiane, et le bout noir. Longueur de la lèle et du corps, 0"\C>(j- de la queue, 0"',ôT>. Ce n'est qu'avec doute que nous i)laçons iei cette espèce, (|ui est loin d'être connue suflisanimenl, (pie M. Temniinck a aussi désignée sous le nom de Fclis nnrnla, et dont on ignore la patrie. C'est à l'exemple de M. Ooitard que nous l'avons i-angée parmi les Lynx, mais nous avouerons qu'elle ne diffère pas très-notablement des Chats proprement dits. C'est dans la subdivision des Lijnx hotlés que l'on range généralement le Felis man'iciilata, que certaines considérations nous ont engagé à laisser dans le vrai genre Fclis, auprès du Fclis catits. C'est peut-être encore dans le même groupe que nous devrions décrire le Felis lonçficandaln . indi- qué par De Blainville dans son Ostéograpliie; mais nous ne croyons pas cet animal assez connu et asstz important pour nous en occuper dans un travail aussi général (pu' le nôtre. 111. LYNX PROPREMENT DITS. I. ESPÈCES DE L'ANCIEN CONTINENT. 5. PARDE. VELIS PARUINA. Okeii. Tcniminck. Caractères si'Kcifiques. — Pelage court, d'un roux vif et lustré, parsemé de mèches ou taches lon- gitudinales d'un noir profond, avec de semblables taches sur la queue; joues avec de grands favo- ris; queue plus longue proportionnellement que celle du Lynx ordinaire. Taille du Blaireau. Il habite les contrées les plus chaudes de l'Europe, telles que le Portugal, l'Espagne, la Sicile, la Sardaigne, la Turquie, etc.; il est rare partout, et a les mêmes moMirs que le Lynx ordinaire, avec lequel il a été longtemps confondu D'après G. Guvier, il porte le nom de Luup-cervier des four- reurs. G. LYNX ou LOUP-CERVIER. FEUS LYNX. Linné. Caractkhes spkcifiques. — Corps gros, ass(z élevé sur les jambes, qui sont très-fortes; tête gros.se, arrondie; nez et chanfrein peu révélés; oreilles pointues, terminées par un pinceau de longs poils; dessus de la tête et du dos. flancs, face externe des quatre membres, pieds postérieurs, partie supé- rieure de la queue, d'une couleur fauve, roussàtre et presque éteinte, mêlée de blanc, de gris, de brun et de noir, parce que ces diverses couleurs terminent les poils; le brun et le noir formant de petites taches, et presque des bandes le long du dos et des lombes; les taches brunes étant plus ap- parentes qu'ailleurs sur les épaules et sur les cui.sses, et les noires sur les lèvres, à l'endroit des moustaches, sur l'avant-bras et le devant de la jambe; menton, gorge, dessous du cou, poitrine, ventre, face interne des membres et face intérieure de la queue, d'un blanc mêlé d'une légère teinte de fauve et de quelques taches noires, principalement sur la face interne de l'avant-bras; bords des paupières noirs; poils des oreilles blancs en dedans, d'un f;uive très-clair sur les bords, blanchâtres à la base de la face externe et noirâtres au bout, avec un pinceau de grands poils allongés et noirs; queue noire à son extrémité dans une longueur de 0™,07; doigts des pieds très-velus; pelage très- duux au toucher; queue courte, noire à l'extrémité. Longueur de la tête et du corps variant entre 0'",75 à 0'",90; celle de la queue n'atteignant pas O"",!!. On trouve des variétés de cette espèce qui ont des taches et bandes moins foncées, la queue 214 HISTOIRE NATURELLE. rousse, avec le bout noir; tout le dessous du corps blanchâtre, et la taille plus petite; tel est le Feiis riifa de Pannant. Fischer en cite aussi une variété tout à fait blanchiitre. Les Latins paraissent avoir connu cet animal, et ils Tout indiqué sous les noms de Cliama, de Cliaus et de Lupus cervnrhis; car, ainsi que nous l'avons dit, c'est au Serval que doivent réellement s'appliquer les dénominations de Ajv; et de Lynx, données par les anciens. C'est le Wargeliœ ou le Lo des Suédois, le Los des Danois, le Goitpe des Norwéiiiens, le Rys oslroiuîdz des Polonais, le P,ys des Russes, le Sijlausin des Tartares, le Polzchorï des Géorgiens, et, enfin, le Lijnx ordi- naire des auteurs, et le Lonp-ccrvicr des fourreurs. Thunberg avait formé, aux dépens du Lynx, une espèce qu'il nommait Felis lupuliniis. Le Lynx se trouve dans toutes les parties septentrionales de l'ancien monde. Il paraît que du temps des Romains il était assez commun dans les Gaules, d'où on en amenait en assez grand nombre pour les jeux du cirque de Rome; aujourd'hui il est très-rare en France : cependant on en rencontre encore quelquefois dans les Pyrénées et dans les Alpes, d'où il descend parfois dans nos déparlements méri- (lionaux. On le prend aussi en Espagne; mais il est plus commun en Allemagne, et surtout dans les pays du Nord, où sa fourrure fait un objet de commerce assez étendu. Il habite également les forêts du Caucase et de l'Asie. Ruffon a donné d'intéressants détails sur cet animal, etnouscroyons devoir les reproduire ici : « Notre Lynx, dit-il, ne voit point à travers les murailles, mais il est vrai qu'il a les yeux brillants, le regard doux, l'air agréable et gai; son urine ne fait pas des pierres précieuses, mais seulement il la recouvre de terre, comme font les Chats, auxquels il ressemble beaucoup, et dont il a b^s mœurs et même la propreté. 11 n'a rien dn Loup qu'une espèce de hurlement, qui, se faisant entendre de loin, a du tromper les chasseurs et leur faire croire qu'ils entendaient un Loup. Cela seul a peut-être suffi pour lui faire donner le nom de Loup, auquel, pour le distinguer du vrailioup, les chasseurs auront ajouté l'épithète de ccrvicr, parce qu'il attaque les Cerfs, ou philôt parce que sa peau est variée de taches ;i peu près comme celles des jeunes Cerfs, lorsqu'ils ont la livrée. Le Lynx est moins gros que le Loup, et plus bas sur jambes. Il est communément de la grandeur d'un Renard. Il ne diffère de la Panthère et de l'Once que par les caractères suivants ; il a te poil plus long, les taches moins vives et mal terminées, les oreilles bien plus grandes et surmontées à leur extrémité d'un pinceau de poils noirs, la queue beaucoup plus courte et noire à l'extrémité, le tour des yeux blanc, et l'air de la face plus agréable et moins féroce. La robe du mTde est mieux marquée que celle de la femelle ; il ne court pas de suite comme le Loup, il marche et saute comme le Chat ; il vit de chasse et poursuit son gibier jusqu'à la cime des arbres; les Chats sauvages, les Martes, les Hermines, les Écureuils, ne peuvent lui échapper; il saisit aussi les Oiseaux; il attend les Cerfs, les Chevreuils, les Lièvres au passage, et s'élance dessus; il les prend à la gorge, et. lorsqu'il s'est rendu maître de sa victime, il en suce le sang et lui ouvre la tête pour en manger la cervelle, après quoi souvent il l'abandonne pour en cher- cher une autre : rarement il retourne à sa première proie, et c'est ce qui a fait dire que de tous les animaux le Lynx était ceUii qui avait le moins de mémoire. Son poil change de couleur suivant les climats et la saison; les fourrures d'hiver sont les plus belles, meilleures et plus fournies que celles de l'été : sa chair, comme celle de tous les animaux de proie, n'est pas bonne à manger. » Ajoutons que le Lynx se place quelquefois en embuscade sur une des basses branches des arbres, pour s'élancer de là sur un faon de Renne, de Cerf, de Uaim ou de Chevreuil; il lui saute sur le cou, s'y cramponne avec ses ongles, et ne lâche que lorsqu'il a abattu sa proie en lui brisant la première vertèbre du cou; il lui fait alors un trou derrière le crâne el lui suce la cervelle par celte ouverture. Rarement il attaque une autre partie des grands animaux, à moins qu'il n'y soit poussé par une faim excessive. On en a de temps en temps dans nos Ménageries, et \\ y vit assez longtemps. Pris jeune et élevé en captivité, il s'apprivoise assez bien et devient même caressant, ce qui ne l'empêche pas de re- prendre sa liberté dès qu'il en trouve la plus légère occasion. Comme le Chat, il est d'une excessive propreté et passe beaucoup de temps à se nettoyer et à lisser son pelage. On a indiqué un assez grand nombre d'ossements fossiles propres à divers terrains et à divers pays, que De Rlainville croit devoir rapporter, au moins provisoirement, au Fdis lipix ou hpuoides. En effet, sauf quelques légères diffcrences dans les dimensions des dents des nuuhoires inférieures, sur lesquelles sont établis les Felis anlediluviana , Issiodorensis , hreviroslris, Fnijilioliensis et Serval, CAr.NASSlEUS. 215 toutes ces prétendues espères indiquent seulement une yrande espèee de Lynx. Sans adopter com- plètement Topinidii de De lilainvilie, niuis dirons quehpies mois de chacun de ces fossiles : I" Fdi.s (ttUcdiluviana, Kaup. — Fondé sur un frai^mcnt de mandibules et sur deux molaires très- incomplètes qui y sont à peine implantées, indiquant un animal de la taille d'un petit Lynx, et provenant du célèbre, dépôt d'EppclsIieim. 2" Fclis Iss'todorcusis, Croizet et Jobert. — Les fragments qui se rapportent à celte espèce sont plusieurs débris de mâchoires inférieures, une vertèbre atlas et une vertèbre dorsale, des humérus, un cubitus, un radius, un fémur, des os mélaiarsiens ei quel([ues phalanges, recueillis dans les terrains meubles des environs dlssoii'c, en Auvergne, et qui semblent se rapprocher du Lynx du Canada. 5" Fiiis b)Xviroslris, (Iroizet et .lobert. — Créé principalement sur des débris de mandibules, dont Tune est caractérisée i)ar la brièveté de la bari'c qui sépare la canine de l'alveole de la première molaire et qui est très-courle. Le Fclis Perieri, Croizet, se rapproche un peu du Fclis brcvirostrisy et a élé trouvé dans les mêmes lo(;alités. •i" Felis Enfiilioliens'is, Schmerling. — Cette espèce ne repose que sur les considérations de quel- ques dents et d'un fragment d'humérus, et ne semble pas différer du Lynx : elle provient de la ca- verne d'Engilhoul, i>rès de Liège. 5" Fclis serval, Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-.]ean. — C'est de la caverne de Lunel-Viel que proviennent les ossements assez nombreux rapportés au Serval par les auteurs que nous venons de nommer, mais que De Blainville est tenté d'indiquer comme appartenant plutôt au Lynx. 7. LYNX UE MOSGOVlli. FEUS CERYAlilA. Tcinminck. G.\R\CTÈRES SPECIFIQUES. — Moustachcs blanches; pinceaux des oreilles courts, et manquant même quelquefois; pelage d'un cendré grisâtre, brunissant sur le dos; fourrure Une, douce, longue et touf- fue, surtout aux pattes, avec des taches noires dans l'adulte, brunes dans le jeune âge; queue conique, plus longue que la tête, à extrémité noire. Taille à peu près semblable à celle du Loup. Cette espèce, qui porte vulgairement les noms de Chelason, de Cuulon et de Lynx de Moscovie, que Thunberg nommait Fclis lupus, et Brisson Caliis ccrvarius, et qui est le Kal-L> des Suédois, a été longtemps confondue avec le Lynx ordinaire. On le trouve dans le nord de l'Asie, et il a les mêmes monirs que les espèces précédentes; mais sa grande taille et sa force le rendent plus redoutable pour le gros gibier, et il attaque les Chevreuils adultes, les jeunes Cerfs et autres Ruminants de cette grandeur. 8. MANOUL ou MAISUL. FEUS MAMU. I'jUus. Caractères spécifiques. — Pelage d'un fauve roussâlre uniforme, très-touffu et très-long; deux points noirs sur le sommet de la tête; deux bandes noires parallèles sur les joues; museau très-court; queue touffue touchant à terre, marquée de six à neuf anneaux noirs. Taille du Uenard. Ce Carnassier habite les steppes déserts et rocheux qui s'étendent entre la Sibérie et la Chine. Il paraît qu'il ne se plaît pas dans les bois, où il n'entre jamais, et qu'il préfère les pays stériles et hérissés de rochers : aussi n'est-il pas rare dans la Daourie et dans toutes les contrées comprises entre la Mer Caspienne et l'Océan, au sud du cinquante-deuxième degré de longitude. C'est un animal nocturne qui ne sort que la nuit du trou de rocher où il dort pendant le jour, pour aller faire la chasse aux Oiseaux et aux petits Mammifères dont il se nourrit; mais c'est principalement aux Lapins qu'il fait une guerre aussi acharnée que cruelle. 2i0 lllSTUlIlt: iNATLRKLLE. II. ESPÈCES D'AMÉRIQUE. 1 DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE. il LYNX DU CANADA. Diiiïon. FEUS CANADES'SIS. El. Geoffroy SjiiU-lIiliire. CAnACTf.RES SPÉCIFIQUES. - Coi'ps couvert (le longs poils grisâtres mêlés de poils hlaiics, nioii- ( hclé et rayé de fauve plus ou moins foncé: tète giisàlre, mêlée de poils blancs et de fauve clair, et comme rayée de noir en quelques endroits; bout du nez noir, ainsi que le bord de la ma clioire inférieure: poil des moustaches blanc, long d'environ 0'",07; oreilles garnies de grands poils blancs en dedans et de poils un peu fauves sur le rebord, et gris de souris sur la face poslé- lieure, dont le bord externe est noir; pinceau des oreilles composé de poils noirs, et long de deux centimètres environ: queue grosse, courte, même plus que dans le Lynx proprement dit, bien fournie de poils noirs depuis l'extrémité jusqu'à la moitié, et ensuite dun blanc roussâtre; dessous du ventre, jambes de derrière, intérieur des jambes de devant, et les quatre extrémités des pattes d'un blanc sale; ongles blancs, et longs de l'",Oi . Cette espèce est le Lynx du Cakad.v et du Mississipi, deBuffon; c'est aussi le Felis Dorcalis, Blum- berg, Temminck, et le LviNX de Suède. En effet, ce Lynx aiipartient en même temps à l'Europe et à l'Amérique: on le rencontre principalement dans les régions circumpolaires, en Suède, en Lapoiiie, aux Etats-Unis, dans la baie d'IIudson, au nord des grands lacs et des UKuitagnes Rocheuses. Il a les mêmes mœurs que les autres espèces, et change un peu de pelage suivant la saison. 10. LYNX DAI ou ClL\T-Cfc;in'lER. lEI.lS RUFA. Giiklciistacill CAHACTÈnES si'ÉcîFiQurs. — PcLigc d'une couleur générale d'un roux clair, plus ltlancli;ilre sur les parties inférieures du corps, piiiicipalement sous la poitrine, oïi il esl tout à fait blanc, avec un grand nombre de taches et d'ondes assez petites et de taille différente, et disposées assez irréguliè- rement; ligne dorsale noirâtre, et dessous du cou roussâtre; tète de la couleur du pelage en général; oreilles assez grandes, noires en dessus, avec une tache centrale blanche, d'une teinte roux clair en dedans, et à pinceaux de poils très-peu marqués ; yeux jaune verdàtre ; luz gros; moustaches peu épaisses, blanches; pattes roussàtrcs à l'extrémité, noires en dessous, avec des ondes brunâtres, légères; queue courte, très-grêle, roussâtre, avec des anneaux gris et noirs, et un petit anneau ter- minal blanc. D'après les auteurs, le pelage est roussâtre en été et d'un brun cendré en hiver. Lon- gueur du corps et de la tête, r",r)3, sur lesquels cette dernière mesure environ 0'",20: longueur de 1:1 queue, 0'",15. Cette espèce esl le Cliat-cerv'icr des fourreurs, le Felis-Harj des Américains, le Fclis Canadcnsis de quelques auteurs, le L'iiix d' Amêr'uinc des voyageurs, ïOcoloclùl d'IIernandès, le Bn}j-Cai des Anglo-Américains, vulgaiicmonl le hjnx ou Chnl bai , le Chai a venlre laclictc d'Ét. Geoffroy Saint- Ililaire, probablement le Fti'is diibin de Er. Cuvier; et on y léunit aussi, selon quehjues auteurs, et particulièrement d'après Lesson, les Fclis Fluiidanns, Ralinesque, et Carolhiensls, décrits comme espèces [lar A. -G. Dcsmarest dans sa Mammalofjic. Sans admettre immédiatement ce rapprochement, (pii lu' pourra être établi d'une manière positive (jue lorsqu'on connaîtra mieux ces divers animaux, nous allons indiquer les caractères priiici|iau\ de ces (\n\\ Lynx. A. i.v.w 1)1. i.A iLor.iDE, Lijnx Floridanus. Ralinesque. Taille un peu moindre que celle du Lynx bai; pelage grisâtre: pas de pinceaux aux oreilles; flancs CAHNASSIKUS. 217 variés di^ lâches d'un brun jauiiâlre, v{ de raies ondideuses noires. Habite la Floride, et se trouve aussi dans la Géorgie et dans la Louisiane. B LY.Nx DE i.A c.\uoLiNR. Fcl'is iMroliueusis . A. G. Desmarest. Pelage d'un brun clair, rayé de noir depuis la tète josqu'à la (|ueui'; ventre pâle, avec des taches noires; deux taches noires sous les yeux; moustaches noires et roides; oreilles garnies de poils tins; jambes assez minces, tachées de noir; femelle ayant des formes plus légères que le mâle, étant d'un cris roussâtre, sans aucune tache sur le dos; ventre d'un blanc sale, avec une seule tache noire, llaliite la Caroline. Fio[. 99. — Lynx du Canada. Le Felis rufa se trouve principalement dans les États-Unis; mais il semble répandu dans l'Améri- que septentrionale, depuis le Canada jusqu'au Mexique, et se rencontre même en Colombie. Cette es- pèce est très-recherchée à cause de sa belle fourrure, qui est un objet de commerce assez répandu. Ses mœurs sont à peu près les mêmes que celles du Lynx ordinaiie. On le conserve quelquefois en captivité; et il en est mort un récemment à la Ménagerie du Muséum, qui y avait vécu quelques mois : cet animal, qui nous a servi dans notre description des caractères spécifiques, était d'un caractère très-colère, et ne s'est jamais entièrement apprivoisé. 28 51,^ lilSTOIHK NATllp.KLLK. 11. LYNX TASGIK lANX FASCIATUS. nnlinesque. (Jahactèp.es spécifiques. — Pehigo très-épais, d'un biun roiissfttro, avec des bandes et des points noirâtres en dessus; oreilles garnies de pinceaux de poils, noires en dehors; queue très-courte, blan- che, avec la pointe noire. De grande taille. Cette espèce, admise par Â. G. Desmarest, et qui, selon G. Cu^ier, n'est peut-être qu'une simple variété du Feiis Canadensis, dont elle ne diffère pas très notablement, est loin d'être suffisamment connue. Elle a été trouvée, par les capitaines américains Lewis et Clarke, sur la côte nord-ouest de l'Amérique septentrionale. 12. LYNX DORÉ. LYNX AUREUS. l\alinesquc. Caractères spécifiques. — Pelage jaune clair brillant, parsemé de taches noires et blanches; ven- Ire d'un jaune pfde, sans taches; queue très-courte; oreilles sans pinceaux. De moitié plus grand que le Chat ordinaire; sa queue n'ayant pas plus de 0'",05. . Espèce douteuse admise par A. G. Desmarest, mais que G. Cuvier ne regarde que comme une va- riété du Lynx bai; elle a été simplement indiquée par Leroy dans son Voyage au Missouri; on l'a rencontréo sur les bords delà rivière Yellowstone, vers le quarante-quatrième degré de latitude nord et le vingt-deuxième de longitude occidentale du méridien de Washington. DE L'AMERIQUE MERIDIONALE. 1." PA.IRPiOS hEllS l'AJEROS. A C, I>i^smanM. Caractères spécifiques. — Corps robuste; tête forte; oreilles pointues; quatre mamelles seule- ment, comme dans le Chibigouazou; fond du pelage, sur les parties supérieures du corps, d'un gris brun clair, et sur les inférieures blanchâtre, avec des raies ou des bandes brunes et roussâtres très- peu marquées; parties inférieures de la tête blanches; dessous de la gorge blanchâtre, avec de larges bandes en travers, d'un fauve un peu roussâtre; ventre également blanc, avec des bandes plus foncées, plus visibles, et mal suivies ou non contiguës; une raie longitudinale peu apparente sur l'é- l)ine du dos, avec deux autres bandes à peu près parallèles à celle-ci sur chaque flanc, mais aussi peu sensibles; membres ayant leur face externe d'un blanc roussâtre, et l'interne blanchâtre, avec des bandes ou zones obscures très-remarquables en travers; queue sans anneaux ni raies, très-gonflée et touffue, principalement vers sa naissance; poils de la ligne moyenne du dos longs de 0'",07; sur tou- tes les parties du corps, un poil interne de couleur plus claire que le poil extérieur, et variant depuis le blanchâtre jusqu'au cannelle foncé; face externe de l'oreille ayant sa pointe noire; l'interne garnie de longs poils blancs; bord nu des lèvres noir; lèvre supérieure et tour des yeux blancs, excepté le grand angle de ceux-ci; une tache obscure sur le sourcil; une raie brun-cannelle partant de Fangle extérieur de l'œil, et suivant le côté de la tête jusqu'au-dessous de l'oreille; une autre raie pareille, et |)arallèle à celle-ci, naissant de la moustache; poils des moustaches longs de 0'",07 au plus, blancs, mais ayant quatre anneaux noirs à la base. Longueur de la tête et du corps, 0"',75; de la queue. Ce Carnassier est le Chat pampa de DAzara et le Felis Brasiliens'is d'IIoffmansegg» On le trouve dans les contrées au sud de Buéno.s-Ayres, entre le trente-cinquième et le trente-sixième degré de latitude méridionale-, il habite aussi la Pafagonie, Baliia, Santa-t'rux, etc. C'est une espèce bien dis- I l' ijr. 2. — f>/(-« allie^reiix. CARNASSIERS. 219 tincte qui semble préférer les pays jVoids aux pays tempérés : elle se tient ordinairement dans Us pampas, ou grandes plaines dépourvues d'arbres ou de buissons, et elle y vit de Perdrix et de trés- jeunes Chevreuils. lij, 100 — {'-licros. i't LYNX MONTAGNARD. LYiSX MONTANUS. Rafinesquo. Caractères spécifiques. — Pelage grisâtre et sans taches en dessus, blanchâtre avec des taches brunes en dessous; oreilles dépourvues de pinceaux de poils, noires en dehors, offrant quelques taches blanchâtres et fauves en dedans; queue très-courte, grisâtre. Longueur de la tête et du corps, environ 1"'. G. Cuvier pensait que ce Lynx pourrait bien n être qu'une variété du Lynx du Canada; mais, de- puis, cet animal a été mieux connu; on l'a même eu vivant à la Ménagerie du Muséum, et l'on a pu s'assurer qu'il forme réellement une espèce distincte. Il habite les contrées élevées de l'État de iNew- York, les montagnes du Pérou, les Alleganhys, etc., et, si l'on doit, ainsi que le proposent certains, naturalistes, lui réunir le Fdis maculata, Vigors etHorsfield, il se trouverait aussi au Mexique. Après avoir décrit ou indiqué presque toutes les espèces placées par les auteurs dans l'ancien genre Chat ou Felis, nous devons, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, dire que toutes ces es- pèces ne doivent probablement pas être réellement admises, mais, cependant, nous ne croyons pas qu'elles puissent être restreintes autant que l'a fait M. Temminck dans ses Monocjniphïes de Mamma- hfi'ie. Néanmoins, comme l'opinion du savant naturaliste néerlandais a une grande valeur, et que plusieurs naturalistes ont adopté ses idées, nous citerons, en terminant, les noms des espèces qu'il croit devoir admettre. 220 HISTOIRE NATURELLE. CHATS DE L'ANCIEN CONTINENT ET DES ARCHIPELS. 1" Lion [Felis ko); ■ 2" Tigre royal {F. l'ujns); 3° Guépard (F. jîibata); i" Léopard {F. Icopardus), 5" Panthère [F. par dus); 6" Felis longibande (F. macroscelis); 7" Serval {F. serval et Capensïs^-; 8" Felis cervier (F. ccrvaria); 9° Felis polaire {F. borealis) (c'est notve Lynx Canadensis); lO*" Lynx (F. Iipix); il° Parde [F. pardina); 12" Caracal (F. caracal); 15" Felis doré {F. auraln); l^** Chaus {F. chaus); 15" Felis botté {F. caligala); 16" Chat {F. caliis); 17" Felis GANTÉ (F. mawicu/afa); 18" Felis servalia {F. minula). H. CHATS DU NOUVEAU CONTINENT. 19" Cougouar ou Puma {F. concolor et discolor), 20" Jaguar {F. onça); 21" Jaguarundi (F. jaguariindi); 22" Felis a ventre tacheté [F. celidogaster); 25" Felis bai {F. m fa); 24° Ocelot {F. pardalis)- 25" Felis oceloïde {F. macronra); 26" Chati [F. miiis'; 27" Margay {F. tigrina). En outre, M. Temminck indique encore, mais il a soin de dire qu'il ne les a pas vues en nature, les espèces suivantes : 1° Le Pàrnau maugin, Raffles; 2" Le Felis mamil, Pallas; 3" Le Clinl pampa, D'Azara; 4" VEyra, D'Azara; 5" jFt'/is/ascié, Raiinesque; 6° Felis montagnard, Rafinesque; 7" Le Felis de ia Floride, Ralinesque. Les autres espèces, décrites avant l'époque où M. Temminck publia sa Monographie, sont réunies CARNASSIERS. 991 par lui à celles qu'il adopte; nous l'avons indiqué, en yrandc partie an moins, on donnant nos des- criptions des espèces; aussi n'y reviendrons-nous pas actuellemen* Fis;. 101. — Félis oceloïdc, Nous avons désigné la plupart des espèces de Féliens fossiles admises par les auteurs, et nous avons cru devoir donner leur histoire immédiatement après celle des espèces récentes, auxquelles elles se rapportaient ou dont elles étaient voisines. Cette méthode nous a semhlé meilleure que celle (|ui aurait consisté à nous occuper séparément des espèces vivantes et des espèces fossiles : nous n'avons cependant pas pu la suivre, au moins en apparence, pour quelques-unes d'entre elles, parce qu'elles différaient de tous les Féliens connus par des caractères trop importants. Ce sont de ces fos- siles dont il nous reste à parler maintenant, et nous les plaçons naturellement ici parce qu'ils ont un certain rapport avec les Lynx; nous observerons cependant qu'on pourrait en faire un genre par- ticulier, auquel on appliquerait le nom de Sniilodon, tiré du FcHs sm'dodon, Lund, l'un des plus re- marquables d'entre eux. Ces espèces sont les Fdis mccjanlereon, Rravard; Fdïs cullridens, Bravard; Felis palnùdens, De Blainville, et Felis smilodon, Lund, qui proviennent, les trois premières d'Eu- rope et la dernière du Brésil; toutes sont surtout remarquables par suite delà longueur et de la forme de la canine supérieure, et, selon De Blainville, formeraient une division parmi les Lynx, ce qui pa- raît confirmé par la proportion des os des membres : ces espèces, étudiées chacune séparément, pré- sentent principalement les particularités que nous allons noter. 1° Felis megantereon, Bravard. — Cette espèce a été fondée, par M. Bravard, sur une mandibule du côté droit, assez extraordinaire pour qu'on ait pu douter de sa normalité, doute qui a augmenté à mesure qu'on a cru devoir lui rapporter un fragment de mâchoire supérieure, et surtout des dents, en forme de couteau, trouvées isolées, et dont G. Cuvier avait fait d'abord son Ursus aiUridens, qui avait depuis reçu les noms de Macliairodus et Steneodon, et qui a été confondu ensuite avec l'Ours du val d'Arno, nommé Ursiis Elriiscns. Il y a une dizaine d'années, le même M. Bravard a découvert 990 HISTOIRE NATUUELLE. une tête presque complète de la même espèce, armée de sa dent falciforme. En outre, on attribue aussi à la même espèce un humérus et une moitié inférieure du même os, une vertèbre lombaire et une dorsale, une partie inférieure d'omoplate, un radius et un cubitus. Plusieurs paléontologistes se sont particulièrement occupés de cette espèce, mais De Blainville princi- palement lui a surtout consacré de nombreuses pages dans son Ostéographie du genre des Felis, et nous allons lui emprunter quelques passages de son travail. « La mandibule, pièce principale, puisque c'est elle qui est le fondement du Felis megantereon, indique un animal de la taille d'une petite Panthère; elle est surtout fort remarquable par sa forme, si singulière qu'au premier aspect on pourrait la re- garder comme monstrueuse. En effet, la branche horizontale, la seule existant dans le fragment, est d'abord un peu renflée, et, par conséquent, convexe sous la dent carnassière, aussi bien un peu en dehors qu'à son bord inférieur: mais, au delà, la supérieure et la face externe rentrent en dedans, et l'inférieure s'est relevée, puis s'est éloignée en formant une apophyse géni-dilatée en une sorte de crochet très-prononcé en dessous; comme le bord supérieur, à peu près droit dans presque toute son étendue, arrivé vers l'extrémité antérieure, s'est relevé fortement en haut en soulevant les canines et les incisives, il en résulte un menton fort singulier en paroi verticale élargie, d'une hauteur presque égale à la longueur de la branche horizontale de la mandibule. C'est cette particularité qui a valu à cette espèce le nom bien mérité de Felis à fp-and menlon. De cette disposition, qui augmente un peu très-probablement avec l'âge, il résulte que le trou mentonnier a dû être plus considérable, et surtout s'est trouvé percé plus bas que dans les autres Felis. Quant aux dents, les trois molaires sont tout à lait normales et complètement adultes. Leur proportion est: O^.OH, 0"\017, 0"\0I8, proportion fort normale, et qu'on trouve dans plusieurs individus adultes de Panthère, et leur forme n'offre réellement rien de particulier qui puisse faire admettre, avec MM. Croizet et Jobert, que la dernière, pas plus que les (feux autres, soient des dents de lait, qui sont bien différentes dans ce genre et seulement au nombre de deux inférieurement. Quant aux dents de devant, leur position est au moins fort singulière, d'abord par l'étendue de la barre qui sépare la première molaire de la canine, mais surtout par la médiocrité de celle-ci, comprimée et tranchante au bord postérieur, et qui semble presque une incisive par l'élévation de son collet au-dessus de celui des molaires. Les incisives elles- mêmes ne sont pas connues, sauf la troisième, qui est médiocre, et de forme assez ordinaire; mais, outre leur grande élévation, elles étaient sans doute fort serrées, et par conséquent Irès-aplaties transversalement. » La mâchoire supérieure que l'on rapporte à la même espèce n'offre rien de bien particulier, si ce n'est dans l'existence de canines toutes particulières. Ces canines, que l'on a quelquefois rapportées au Felis cultridens, sont principalement remarquables, non-seulement par leur grandeur, mais en- core par leur forme en lame de couteau : elles sont fusiformes, c'est-à-dire très-comprimées, tran- (^hantes, en arrière surtout, et arquées régulièrement dans toute leur longueur, et principalement dans leur partie émaillée. Ces sortes de dents cultriformes ont été trouvées d'abord isolées de la mâ- choire à laquelle elles appartenaient, en Italie, par M. Nesti, et, depuis, en Allemagne et en Angle- terre; mais aussi, assez récemment, M. Bravard en a découvert, aux environs d'Issoire, en Auvergne, dans le diluvium volcanique, dents qui étaient implantées dans les alvéoles de la mâchoire supérieure. Nous ne décrirons pas les autres fragments attribués justement, selon toute probabilité, au Felis megantereon, et nous dirons seulement, en terminant, que MM. Croizet et Jobert, en fondant leur calcul sur la proportion de la ligne dentaire et des parties des membres qu'ils connaissaient, ont pensé que cette espèce devait être d'une taille plus élevée que celle du Cougouar, qu'il devait éga- ler le Tigre en hauteur, et que sa forme élancée le rapprochait beaucoup du Guépard; mais ajoutons cependant avec De Blainville que ces suppositions ne reposent évidemment que sur des bases assez peu fondées. 2" Felis culiridens, Bravard. — C'est pailiculièrement sur des canines supérieures, de forme sem- blable à celles de l'espèce précédente, mais beaucoup plus grandes, que repose cette espèce; on lui a aussi attribué quelques ossements, tels qu'un fémur, un métacarpien et un métatarsien, trouvés en Auvergne. M. Croizet représente une de ces dents, découverte dans le diluvium volcanique d'Auvergne : elle est cuUriforme, et a 0"',1C»5 en ligne droite, d'une extrémité à l'autre. M. Kaup a iiguré, dans ses Ossenienis du Muséum de Darnisiadi, une dent, trouvée en Allemagne, qui devait avoir 0"',1G4, .S~' %i!r^-;, ,.■'..;(' mi ^■,r:J Fi« 1. — Hérisson à Iront blanc. Kig. '■2. — I^.liieiix llo^Jll;ul<^^. l'I. -2ii CARNASSIERS. 225 en admettant que la longueur de la partie oniaillée fût égale à celle de la racine, et de O^^^O, en supposant que celle-ci soit dans la propoi tion de ce qu'elle est dans la canine des Felis en général, ce qui n'est pas rigoureusement nécessaire. 5" Feiis pnhnidcns. De Rlainville. — M. Lartet a découvert cette espèce dans le célèbre dépôt de Sansans, et il la désignait comme d'un Felis incrjcnilereou, mais De Blainvillc en a fait une espèce à laquelle il a appliqué le nom que nous avons indiqué, et il y rapporte un fragment de mandibule portant toutes ses dents, différant assez peu de celles du Felis incfianlereon, et une canine supérieure isolée, cultriforme, et ayant 0'",09 de largeur à la base sur un longueur présumée de O'",!^. 4° Felis smilodon, Lund. — Cette magnifique espèce repose sur une tète presque complète, sauf l'occiput, et qui présente toutes ses dents, qui sont venues confirmer ce que l'on avait présumé ja- dis relativement au système dentaire du F. megcmtei'con, animal du même groupe naturel. Fig. 102. — Félis smilodon. Ce crâne est en totalité de la grandeur d'un crâne de Lion, mais la grandeur de sa canine supé- rieure le fait paraître beaucoup plus grand, et surtout lui donne un aspect tout particulier. Le côté dioit de cette tête est complet, tandis qu'il ne reste guère du côté gauche que la canine supérieure, cl les dents inférieures privées des os qui les soutiennent, sauf toutefois les canines, qui sont encore à leur place naturelle. La mâchoire supérieure manque d'occiput, mais on peut distinguer facilement les autres os qui la constituent; sans nous en occuper ici, nous dirons seulement quelques mots des dénis qu'ils supportent. Les molaires de chaque côté delà mâchoire supérieure sont, comme chez les Lynx, au nombre de trois, quoique, d'après la figure qu'en donne De Rlainville, elles ne sembleraient être qu'au nombre de deux seulement, et cela tient à ce que la molaire la plus postérieure est excessive- ment petite, qu'elle est déplacée et cachée par la deuxième ou moyenne, qui, elle, est très-déve- loppée, et atteint à environ une largeur de 0"S05; enfin, la molaire antérieure est médiocre. Après une courte barre, on voit la canine cultriforme, cannelée et énorme pour sa longueur; car, en totalité, mesurée par son milieu et en ligne droite, elle a 0"',27, tandis que la partie qui sort de l'alvéole a 0'",20. La barre qui suit est assez courte. Les canines sont peu développées, au nombre de trois, et vont en grandissant de l'interne à l'externe. La mâchoire inférieure est déplacée dans le fossile que nous étudions; elle offre, de chaque côté, un système dentaire composé de trois molaires, une canine et trois incisives. I;es molaires, médiocres, vont en diminuant de grandeur de l'antérieure ^24 HISTOIRE NATLRELLK. à la postérieure, qui est excessivement petite, et a un seul mamelon. Une barre assez longue sépare les molaires de la canine, et c'est là que devait venir se placer la pointe de l'énorme canine supérieure, ainsi que le montre une dépression des os maxillaires. La canine est petite, car sa partie sortie de ralvéole n'a environ que 0",05. Les trois incisives vont en grandissant de l'externe à Tinterne, et celle ci est séparée de celle de l'autre branche de la mandibule par une courte barre. On ne connaît encore que cette seule tête de Felis smilodon, et pas d'os, et elle provient des cavernes du Brésil. Ce superbe fossile a été acheté deux mille francs par l'Académie des sciences de l'Institut de France, et il ûiit aujourd'hui partie de la magnifique collection paléontologique du Muséum d'histoire naturelle. On n'en a pas encore donné la description; De Blainville l'a seulement représentée de grandeur naturelle dans son 0 s téo graphie, et nous avons reproduit cette figure, qui donnera mieux que nous ne pourrions le faire par quelques paroles une idée exacte de ce fossile, l'un des plus remar- quables de ceux qu'on ait découverts jusqu'ici. t'ij; 105. — Félis bai. CARNASSIKI'iS. 22.") THOISIKME SOUS-FAMILIi\ AMP11I15IKS. AMPUIBLE. fî. CiiviiM. Carnassiers a pieds cniprirrs, c'esl-à-ilire jo'nils les uns aux attires par des nintiliranc^, et pcr- v.tetlaul a ces an'ttnattx ttne r\e atittalique eti incine [eitips qu'une vie aérienite; molaires mouiranl (les liabiludes carnivores el herhirores; circonvolutions cérébrales plus oti moins développées. Le principal caractère des Amphibies consiste dans leurs pieds si courts et tellement enveloppes dans la peau, que les animaux qui les ont ne peuvent, sur terre, s'en servir que pour ramper, ou j)lutôt se traîner avec assez de diflicullé; mais, comme les intervalles des doigts y sont remplis par des membranes, ce sont des rames excellentes, et ces Carnassiers peuvent passer la plus grande partie de leur vie dans la mer, et ne viennent à terre que pour se reposer au soleil, quelquefois re- cherclier leur nourriture, et allaiter leurs petits, qu'ils déposent dans les anfractuosités des rochers auprès des eaux. Leur corps allongé, leur épine dorsale très-mobile, et pourvue de muscles qui la flé- chissent avec force, leur bassin étroit, leur poil ras et serré contre la peau, se réunissent pour en faire de bons nageurs, et tous les détails de leur organisation coidirment ces premiers aperçus. Fig. 104 — Plioqiie (lu (îroi^nhiml On voit, par le peu que nous venons de dire, que les Amphibies ont, par leur aspect général, quel ques rapports avec les Cétacés, que nous étudierons plus tard, ou même avec la plupart des Ma •^^ 29 mmi- i>2(j HISTOIRE NATURELLE fères aquatiques, tels que les Loutres, par exemple, et c'est pour cela que l'on a quelquefois réuni les uns et les autres dans un même groupe, basé sur une seule considération, celle du séjour, et qui, dès lors, est loin d'être naturelle, puisque une classilication véritablement naturelle en zoolo- "•ie doit être basée, non pas sur une seule considération, mais sur l'ensemble même de tous les caractères que nous présentent les animaux. Et, en effet, si l'on étudie avec plus de soin la réunion des caractères qu'offrent les Amphibies, on verra que c'est avec les Carnassiers qu'ils ont le plus de rapport, et que l'on ne peut pas mettre les uns dans un groupe et les autres dans un autre. C'est pour cela que les Amphibies ont dû être rangés dans la famille des Carnivores, dans laquelle on peut voir tous les passages, depuis les animaux les plus éminemment terrestres jusqu'à ceux qui nous occupent, et qui sont, au contraire, essentiellement aquatiques. Fig. lOô. — Morse Les Amphibies renferment les deux grands genres linnéens des Phoques et des Morses, et. par ce dernier, on peut, jusqu'à un certain point, nous l'avouons, passer aux Lamantins, qui entrent dans la division des Cétacés, si l'on doit les laisser réellement dans cet ordre; mais, d'un autre côté, on peut aussi trouver des rapports avec les Rongeurs, ordre d'animaux que nous étudierons après celui des Carnassiers. A propos des Carnassiers, dont nous parlons actuellement, nous croyons devoir rapporter mainte- nant une remarque intéressante, donnée par M. Boitard dans le Diclionnnire universel d'Hi.sioïrc milnreUe. «Le mot amphibie, dit-il, a été appliqué assez mal à propos, par G. Cuvier, aux Phoques, car il n'a pas du tout, ici, la signification que lui donnaient nos pères, et qu'on lui donne encore assez généralement dans le monde. Les anciens croyaient qu'il existe dans la nature des êtres privilégiés ayant la faculté de vivre également sur la terre et dans l'eau, ou plutôt sous l'eau. Des observations mieux suivies, et faites avec plus de philosophie, ont prouvé que, à deux ou trois exceptions près, tous les animaux n'ont chacun qu'un seul système de respiration, et ne peuvent pas, par conséquent, respirer dans deux éléments différents. Les uns sont munis de poumons ou d'organes analogues, dont l'appareil est propre à décomposer l'air pour en soutirer l'oxygène indispensable à l'entretien de la vie. Ceux-là sont obligés de respirer l'air en nature, comme l'homme, et, si on les submerge pendant un certain temps, ils périssent asphyxiés. Les autres sont munis d'ouïes ou branchies, propres seule- ment à décomposer l'air pour en extraire l'oxygène, et ils périssent également asphyxiés s'ils sont plongés dans l'air pur. » Les Phoques sont essentiellement des animaux à respiration aérienne, et ils sont obligés de venir à la surface de l'eau pour respirer l'air en nature; on voit donc que ce ne sont réellenienlpas des Amphibies y éntih\ei>. Cependant, ce nom a prévalu, et ceux qu'on a proposé de lui CARNASSIERS. 257 subsliUier ii'oni pas été adoptés. Tel est le nom de Cipiomorplics, indiqué par Latreille, qui fait de ces animaux un ordre particulier, qu il place entre les Mammifères quadrupèdes et les Cétacés, et celui (Wiciuaiiqucspinnipcdcs, donné par Lesson. Du reste, les Phoques et les Morses ne sont pas les seuls animaux qui portent la dénomination i,^énérale (ÏA^upliibics, car le même nom a été appliqué à un(ï division primaire des Reptiles, ou même, selon quelques auteurs, à une classe particulière d'ani- maux, qui, eux, méritent un peu mieux la dénomination qu'ils portent; car, presque^ tous, dans leur jeunesse, ils ont des branchies, et par conséquent une respiration aquatique, tandis que, dans leur âge adulte, ils sont pourvus de vrais poumons, et ont une vie aérienne. Quoi qu'il en soit, nous adopterons, pour les Carnassiers qui vont nous occupei', le nom géné- ralement admis d'AMrniBiES, et nous les subdiviserons, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, en deux tribus distinctes, celle des Phocidés, comprenant particulièrement l'ancien genre Phoque, et celle des TRicnÉCHiDÉs, ne comprenant que le genre Morse ou Triclicclnis. PREMIÈRE TRIBU. PHOCIDÉS. PHOCIDjE. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire. Pieds empêtrés. Mâchoires comprimées. Point de défenses. Circonvolutions cérébrales irès-dévcloppées. On peut, d'une manière générale, caractériser ainsi les Phocidés : animaux ayant quatre ou six inci- sives à la mâchoire supérieure, quatre seulement à l'inférieure; canines au nombre de quatre en haut comme en bas, et toutes pointues; molaires variant en nombre depuis vingt jusqu'à vingt-quatre, toutes tranchantes ou coniques; cinq doigts à tous les pieds, dont ceux de devant vont en décroissant du pouce au petit doigt, tandis qu'aux pieds de derrière le pouce et le petit doigt sont les plus longs et les intermédiaires les plus courts; les pieds de devant sont enveloppés dans la peau du corps jus- qu'aux poignets, ceux de derrière jusqu'aux talons; la queue, qui est courte, est placée entre ceux-ci; la tète ressemble à celle du Chien, quoiqu'elle soit plus arrondie: la langue est lisse, échancrée au bout; l'estomac est simple; le cœcum assez court, et le canal intestinal long et assez égal dans toute son étendue. Les Phocidés vivent, en général, de Poissons; ils mangent toujours dans l'eau, et peuvent fermer leurs narines, lorsqu'ils plongent, au moyen d'une espèce de valvule. Comme, en plongeant, ils res- tent assez longtemps sous l'eau, on a cru que le trou de botal restait ouvert chez eux comme dans le fœtus; mais il n'en est rien : toutefois, il y a un grand sinus veineux dans le foie qui doit les aider à plonger, en leur rendant la respiration moins nécessaire au mouvement du sang, qui est très-noir et abondant. De temps en temps, ils viennent sur le sol, et peuvent même y rester quelques instants. Ces animaux sont connus depuis la plus haute antiquité, et les poètes eux-mêmes nous en ont donné l'histoire, qu'ils ont parée de toutes les brillantes fictions de leur imagination ingénieuse. C'est probablement le Phoque commun {Plioca vituUnn) quils ont été à même de connaître, et il leur a sufli pour inventer les tritons, les sirènes, les néréides, et toute la cour aquatique de leur dieu Neptune. « Suivons-les un instant, dit M. Boitard, dans leurs gracieuses épopées. Voici les bords heureux de la Méditerranée, dont les eaux vertes et limpides reflètent le feuillage grisâtre de l'olivier, entrelacé aux rameaux grêles du grenadier et aux riches pampres de la vigne. Les flots, en battant continuellement contre la roche calcaire qui enfonce sa base dans leur sein, y ont creusé des grottes et des cavernes à demi submergées, que l'imagination superstitieuse ou poétique a peuplées d'êtres mystérieux ou terribles. C'est l'humide demeure des sirènes, des tritons, des génies de la tempête; et, dans le moyen âge, ces sombres grottes sont les palais des fées de la mer, Encore aujourd'hui. 2L'.S HISTOIRE NATUUELI lorsque le ciel est voilé de noirs iiuai^es, lorsque le vent l;( mil dans les arbres de la forêt et ride la surface des eaux, par une nuit d'automne, le marin, assez imprudent pour approcher sa nacelle de ces antres ténébreux, laisse tout à coup tomber sa rame de saisissement et d'effroi en entendant les sons lut^ubres qui viennent frapper son oreille épouvaiitée. Qu'il se hâte de dresser sa voile triangu- laire, de tourner sa proue vers la haute mer, et de saisir son aviron, car, s'ij tarde un instant en- core, il verra sa barque entourée par les fantômes des matelots morts dans les flots, et, pour peu ([u'il ait un vieux parent victime de la tempête, il le reconnaîtra probablement à la pâleur de sa figure blanche, au sombre feu qu'exhalent toujours les yeux caves d'un mort qui a quitté le séjour des spec- tres pour venir jeter encore un dernier rci^ard sur ce qu'il aimait sur la terre. 11 apercevra ces âmes lantasiiques t;lisser sur les eaux en les ridant à peine, et, si le vent chasse un instant dans le ciel le nuage qui obscurcissait la lune, il les verra se traîner sur cette terre qu'elles regrettent, et, désespé- rées, se replonger en gémissant dans la mer, où elles resteront jusqu'à la consommation des siècles. Telle est la superstition d'aujourd'hui. Entrez dans la pauvre cabane du premier pêcheur que vous rencontrerez sur la côte, asseyez-vous à côté de lui, à son foyer, et vous apprendrez, en comparant les longues histoires qu'il vous débitera sur les cavernes de la mer, que. depuis Charybde elScylla, les niènies faits ont donné lieu à des superstitions aussi différentes que les siècles qui les ont vues liaître. Les sirènes, monstrueuses (illcs d'AchéloUs et de Calliope, au corps de femme et à queue de poisson, au ciiant mélodieux et perlide, pouvaient plaire aux imaginations grecques et romaines du temps d'Homère et de Virgile; mais elle ont été détrônées par les fées et les génies du moyen âge; et puis sont venus les premiers naturalistes, qui ont remplacé les unes et les autres, en les dépoéti- sant, pai' des Evèques, des Moines et des Capucins. )> Fisr. 106. Otarie molosse. Au seizième siècle. Rondelet a figuré le Moine et l'Évêque. a De notre temps, dit-il, en Norwége. on a pris un monstre de mer après une grande tourmente, lequel tous ceux qui le virent incontinent lui donnèrent le nom de Moine, car il avait la face d'homme, rustique et mi-gracieuse, la tète rasée et lisse; sur les épaules, comme un capuchon de moine, dont les deux ailerons au lieu de bras; le bout du corps finissait en une queue large. Le portrait sur lequel j'ai fait faire le présent m'a été donné par très-illustre dame Marguerite de Valois, reine de Navarre, lequel elle avait eu d'un gentilhomme (jui en portait un semblable à l'empereur Charles-Quint, qui était alors en Espagne. Le gentilhomme (lisait avoir vu ce monstre tel comme son portrait le portait, en Norwége, jeté, par les flots et la tem- pête de mer, sur la plage, au lieu nommé Dièze, près d'une ville nommée Danelopock. J'ai vu un pareil portrait à Rome, ne différant en rien du mien. Entre les bêtes marines, Pline fait mention de l'Homme m-irin, et du Triton, comme choses non feintes. Pausanias aussi fait mention du Triton. J'ai vu un portrait d'un autre monstre marin, à Rome, où il avait été envoyé, avec lettres par les- fpu'lles on assurait pour certain que, l'an ir)^!. on avait vu ce monstre eu habit d'évèqiu', comme est rARNÂSSIERS. '229 lo portrait, pris en Pologne, et porté an roi diidil pays, faisant certains signes j)onr montrer qu'il avait grand désir de retourner en la mer, où, étant amené, se jeta incontinent dedans. » Dans tous les auteurs qui suivirent immédiatement RondehU, on ])eul lire l'histoire des deux ani- maux que nous venons d'iudi(pier, et cette iiistoire, vraie pour (juelques-unes de ses parties, participe du roman pour beaucoup d'autres. Nous en dirons quelques mots d'après ces anciens récits. Le Moine, (piand on le sort de Teau, pousse un profond soupir, prouvant les profonds regrets qu'il éprouve en quittant malgré lui son élément de prédilection, et il fait plusieurs signes énergiques pour qu'on le laisse y rentrer. On reconnaît facilement que c'est un abbé du royaume des Ondins, à la coiffure qu'il a sur la tète, coiffure qui ressemble à la mitre ou au capuchon. Quant à lEvêque, il est couché sur le rivage sans dire mot, ce qui fait (jue les pécheurs s'aperçurent qu'il ne savait pas le suédois; ils vou- lurent le faire lever pour l'emmener à la ville, où leur dessein était de le montrer aux curieux pour de l'argent: mais la chose était dilTicile, car le corps de l'Évéque se terminait en une queue fourchue, à la manière des Marsouins, et il manquait de jambes pour marcher; on le porta donc; tous les cu- rieux furent édifiés de son air grave et réfléclii, et l'on crut reconnaître quelques signes d'onction à la manière dont il tenait constamment ses mains sur sa poitrine; ce n'est pas non plus sans admi- ration que l'on vit comment ses cinq doigts étaient réunis par une membrane simple qui lui donnait une grande facilité pour nager. Fig. 107. — l'tioque à deux couleurs. Nous avons cru devoir donner une idée de ce que les anciens naturalistes, tels que Celsius, Âldrovande, Gesner, etc.. ont écrit sur les Phoques; car, par le peu que nous en avons dit, on pourra comprendre comment il se fait que leur histoire a été pendant très-longtemps l'une des plus em- brouillées de l'histoire naturelle. Cependant les voyageurs mentionnèrent un assez grand nombre d'espèces de ce groupe, mais l'amour du merveilleux Tenq^orta chez eux; il en résulta que les 250 HISTOIRE NATURELLE. détails de mœurs furent empreints du merveilleux qu'ils se plurent à leur prêter, que leurs des- criptions furent mal faites, le plus souvent même mensongères, et, dès lors, qu elles ne purent venir en aide aux naturalistes. Égède, Cranlz, Steller, Molina, Erxleben, donnèrent toutefois quelques des- criptions bonnes ou passables; mais, comme les Phoques sont, pour ainsi dire, dispersés sur toute la surface de la terre, et qu'il y en a très-peu de conservés dans les Musées, et enfin qu'ils varient beaucoup dans leur pelage, en raison de l'âge et des sexes, il en résulte que les travaux des zoolo- "•istes restèrent imparfaits. Linné, le premier, commença à en donner une première classification , mais qui était loin d'être complète. Roddaert, et ensuite Peron, en divisant les Phoques en rai- son de ce que les uns, c'est-à-dire leurs Phoques proprement dits, n'ont pas une conque extérieure de l'oreille, tandis que leurs autres, c'est-à-dire les Otaries, en ont une, firent un peu avancer la science. Fr. Cuvier vint plus tard donner une classification particulière des Phoques, qu'il divisa en sept genres particuliers, fondés principalement sur des caractères tirés de l'ostéologie de leurs têtes : ie travail de notre illustre compatriote fit certainement avan(;er la science ; mais réellement était-il indispensable de partager autant le genre Phoque, et ne pouvait-on pas y former simplement des subdivisions sans leur imposer des noms particuliers et sans en faire de nouvelles coupes génériques? A peu près à la même époque, M. Nilson créa également deux genres, et, depuis, M. Gray en indiqua également d'autres. Plus récemment, les naturalistes voyageurs, comme MM. Lesson et Garnot, Quoy et Gaymard, Hombron et Jacquinot, etc., firent connaître de nouvelles espèces, et les naturalistes classificateurs tels que A. -G. Desmarest, Fr. Cuvier, Lesson, Roitard, etc., cherchèrent à résumer les observations de leurs devanciers; mais nous devons avouer que, malgré tout cela, l'histoire de ces animaux est encore loin d'être complètement terminée Destinés à passer la plus grande partie de leur vie dans l'eau, les Phoques avaient plus besoin de nageoires que de pieds. Aussi leurs bras et leurs avant-bras sont-ils courts et engagés sous la peau de la poitrine; la main et les doigts, au nombre de cinq, sont, au contraire, très-longs et engagés dans une membrane, ce qui les fait ressembler tout à fait à une nageoire, dont ils remplissent les fonc- tions. Les pieds de derrière, également palmés, sont étendus le long du corps, sous la peau, jusqu'au talon, et ne laissent voir que les deux pieds, attachés à l'extrémité du corps, et leur formant comme une nageoire échancrée, au milieu de laquelle passe une queue courte. Le corps est allongé, cylin- drique, fusiforme, à épine dorsale souple, soutenue par des muscles puissants qui lui permettent de grands mouvements. Les poils sont généralement secs, courts et cassants; mais, dans quelques espèces, sous ces poils il s'en trouve d'autres qui sont doux et soyeux, et parfois ces poils sont assez longs. Les lèvres sont garnies de moustaches rudes, à poils plats, noueux, paraissant souvent articulés, en quelque sorte comme les antennes des Insectes : quelques auteurs, et en particulier Rosenthal, regar- dent ces moustaches comme l'organe du tact chez ces animaux, parce qu'elles sont creuses et tapissées de nerfs à leur base. La tête est plus ou moins arrondie. Les narines peuvent se fermer en se con- tractant lorsque l'animal plonge. Les yeux sont très-grands, arrondis, doux, brillants, à paupières presque immobiles, ne consistant qu'en un simple bourrelet, dépourvues de cils. L'oreille externe consiste le plus habituellement en un simple trou, peu allongé, ayant aussi la faculté de se contractei' et de se refermer hermétiquement lorsque l'animal plonge : dans certaines espèces, cependant, telles que les Otaries, la conque est visible et même plus on moins grande. La langue, échancrée à l'extré- mité, est très-'Hroite, très-mince au sommet, large, épaisse, courte à la base, papilleuse. L'anatomie des Phoques présente aussi des particularités remarquables. Le cerveau est très-déve- loppé et le cervelet très-grand. L'estomac a la forme d'un croissant, dont les deux extrémités sont tournées en avant; les intestins sont longs et contournés en de nombreuses circonvolutions; le cœ- cum est très-court. Le foie est grand, à quatre lobes pointus. Le système circulatoire est conduit dans des vaisseaux dont le calibre est gros et les parois épaisses; le sang est très-abondant et noi- râtre; le cœur est ovoïde, placé au milieu de la poitrin% mais cependant un peu plus à droite qu'à gauche. Le poumon n'a qu'un seul lobe, qui est très-volumineux. Les muscles sont épais, noirâtres, en raison de la couleur du sang qui y est répandu : ceux de la colonne vertébrale, ainsi que ceux qui doivent faire mouvoir les membres, sont très-puissants. Enfin, leur chair est très-huileuse, recouverte d'une épaisse couche de graisse presque liquide, dont on fait de l'huile. Le système osseux et le système dentaire, qui nous restent à étudier, offrent des particularités curieuses. Nous allons les faire connaître en prenant pour guide l'Ostéographie de De Rhiinville, tout ^^---%''-' tel ^ ~^-'(^'S i;/ '"1 M'^ I .,, . ^ l'A 'i^^^-^^iig^ rit;. 2. — Cdnis ]uctns l'I . '29. CAUNASSIKUS. 25i cil fais:iiit observer que nous appliquons à la tribu entière des Pbocidés ce qu'il dit des Pboques, qu'il comprenait à la manière générique de Linné. Le squelette du Phoque commun {Plioca viiulina), pris pour type de tous les animaux qui consti- tuent la tribu des Phocidés, est assez remarquable par plusieurs particularités tenant à leur genre de vie tout anomal. La structure des os doit être notée; les os, longs eux-mêmes, ont un diploé très- abondant, au point que la cavité médullaire est réellement nulle, quoique les mailles ou lacunes di- ploiques du milieu de l'os so'ent notablement plus larges que le reste : cependant la partie éburnée est encore assez épaisse, surtout aux apophyses. Le nombre des os du squelette est à peu près le même que dans la plupart des Carnassiers, seulement il y a moins d'os sésamoides. La connexion entre les surfaces articulaires étant généralement large, arrondie, peu profondément sinueuse ou enche- vêtrée, et les parties cartilagineuses intermédiaires aux articulations étant considérables, il en résulte que le squelette permet des mouvements aussi étendus que faciles, et presque onduleux, dans toute l'étendue de la colonne vertébrale, comme dans les parties qui terminent les membres : il en résulte aussi que les courbures générales sont bien plus marquées que dans les autres Carnassiers, et surtout que dans les Cétacés, principalement dans toute l'étendue du cou, en dessus, ce qui relève la tête à angle droit, et dans toute la longueur du reste du tronc, et même au sacrum, en dessous. La série vertébrale, assez courte, n'est composée que de quarante-six vertèbres, dont quatre cépha- liques, sept cervicales, quinze dorsales, cinq lombaires, quatre sacrées et onze coccygiennes. La tète osseuse se présente sous une forme générale qui la distingue de celle de tous les Carnas- siers, et même aussi de celle de la Loutre, par la minceur de ses os, la largeur, la dépression du crâne, la brièveté du museau, et, en un mot, par une forme un peu arrondie. La vertèbre occipitale a un corps très-large, longtemps membraneux, et percé au milieu par l'écartement et la largeur des condyles, la grandeur du trou condyloïdien, et par la verticalité de la partie postérieure de l'arc oc- cipital. La vertèbre pariétale offre encore un corps aussi large que celui de l'occipitale, mais plus court; ses apophyses ptérygoïdales et ses ailes sont petites; elle est large, assez bombée, quoique surbaissée, échancrée en arrière et en dedans, et présente la trace d'insertion des muscles élévateurs de la tête. La vertèbre frontale se rétrécit presque subitement dans son corps, mais à ailes arrondies et assez développées : une particularité de cette vertèbre consiste dans l'absence d'apophyse oibitaire. La vertèbre nasale est formée par un vomer assez court, peu surbaissé, et par des os du nez étroits, assez allongés, triangulaires, divisés à leur bord antérieur par une échancrure profonde en deux pointes inégales. Les appendices céphaliques sont courts dans la partie dentaire, et longs dans la partie radiculaire. La mâchoire supérieure présente un ptérygoidien interne court; le palatin est à deux branches lamelleuses; il n'y a pas d'os lacrymal, et le zygomatique est petit; le maxillaire est assez grand, un peu plus haut que long : le prémaxillaire a, la même forme que lui. Le rocher est large, ovale, épais, sans angle solide intérieur. Les osselets de l'ouïe, renfermés dans une caisse très- large, renflée et séparée de la masse mastoïdienne en bourrelet allongé par un enfoncement trans- verse ridé, sont composés d'un étrier très-petit et à peine percé, d'un lenticulaire en tambour ovale assez élevé, d'une enclume renflée considérablement dans son corps, et d'un marteau assez mince dans son corps, mais à manche un peu allongé. La mâchoire inférieure est presque entièrement hori- zontale, à peine convexe ou concave sur ses deux bords; son condyle est transverse, et l'apophyse coronoïde assez pointue. De la réunion sous un angle de vingt degrés environ des appendices avec les vertèbres céphaliques, il résulte une tête en général assez petite, un peu triangulaire, très déprimée, antérieurement droite, inférieurement peu bombée, et déclive dans la ligne du chanfrein, avec ses cavités, fosses, ouvertures, trous, en général assez grands. Les vertèbres cervicales sont assez longues, du moins dans leur corps, très-étroites dans leur arc, de manière à laisser entre elles en dessus un espace vide considérable : elles sont, du reste, assez fortes. L'atlas est en soucoupe évasée, sans apophyse épineuse, en dessus comme en dessous, mais avec des ailes larges. L'axis a son corps long, un peu caréné en dessous, à apophyse en fer de hache. Les trois intermédiaires ont sensiblement la même forme, croissant de la première à la troisième, à corps caréné, sans apophyse épineuse, qui apparaît dans la sixième. La septième a cette apophyse encore un peu plus forte, et, au contraire, l'apophyse transverse a ses deux lobes peu distincts, ou très-resserrés. Les vertèbres dorsales ont le corps assez large, croissant vers les dernières, plus large et plus 2r>2 HISTOIRE NATURELLE. caréné aux premières, à tubercules supérieurs des apophyses articulaires très-prononcés, et ù apo- physes épineuses presque égales en hauteur, un peu pointues aux premières, s'élargissant et s'arron- dissant aux autres. IjCs lombaires sont semblables aux dernières dorsales, mais conservent toujours le caractère d'avoir le canal medidlaire très-grand, le pédicule de Tare étroit, fortement écliancré, d'où résultent de très-grands trous de conjugaison. Fig. 108. — Piioquc moine. Parmi les vertèbres sacrées, la première, ressemblant à une lombaire par h forme de son are, a ses apophyses transverses assez élargies pour s'articulei' à l'iléor; les autres ont leurs apophyses transverses élargies horizontalement et soudées. Après les deux premières vertèbres coccygiennes, qui ont la forme des dernières sacrées rapetis- sées, les neuf autres ne présentent plus qu'un corps, d'abord déprimé, ])ar l'élargissement des apo- physes transverses, et devenant de plus en plus conique et cannelé jusqu'à la dernière. L'hyoïde et le sternum rappellent tout à fait ceux des Carnassiers que nous pourrions appeler ordinaires. L'hyoïde a son corps étroit en barre transverse, presque droit, un peu élargi à chaque extrémité pour l'articulation des cornes; parmi celles-ci, les antérieures, assez peu allongées, sont formées de trois articles, et les postérieures n'en présentent qu'un seul, qui est large et un peu arqué. F,e sternum long et étroit est composé de neuf jiièces, dont les intermédiaires croissent sensi- blement de largeur et même d'épaisseur de la seconde à la huitième; le manubrium et le xiphoïde sont plus grands que les autres pièces; le premier est long, étroit, un peu plus lai'ge en avant qu'en arrière, et le dernier est très-long et terminé en une partie cartilagineuse fortement élargie en spatule bilobèe. Les cornes sternales, au nombre de dix, sont remarquables par leur longueur, leur gracilité et le renflement qu'elles présentent à leur milieu. CAUNASSliaiS. t)nn Les côtes, au nombre de quinze, tlonl dix vraies ou sternales, et cin(j fausses ou asternales, sont en général étroites, comprimées dans leur parlie supérieure, et à peine élargies à leur terminaison; elles sont courtes, peu arquées et croissent reguiièremeut et insensiblement en longueur de la pre- mière à la neuvième sans décroître, ensuite à peine de celle-ci à la dernière. La cage de la poitrine qu'elles forment est grande, large, coniciue, à peine un peu comprimée, et surtout très mobile dans toutes ses parties. -. r . Fig 10!). — Plio(iiio à crèle. Les membres sont très-écartés les uns des autres : ceux de devant sont d'abord aplatis et lac- courcis en totalité aussi bien que dans cbacune des quatre parties qui les constituent et qui sont presque égales entre elles. L'épaule ne présente pas de trace de clavicule : l'omoplate est grande, ronvexe en avant et en dessus; il n'y a pas d'apophyse coracoi le, et l'acromion est sous forme d'une pointe mousse; la crête est peu développée, et la cavité glénoide est médiocre, ovalaire. L'humérus est très-court, très-robuste, à corps de forme triquètre, n'étant en quelque sorte que la jonction des deux extrémités élargies; supérieurement la tète est élargie, arrondie, le trochanter interne plus élevé qu'elle, et inférieurement la tête est moins large que la supérieure, plus comprimée. Le radius et le cubitus sont généralement aplatis, grêles. La main, en totalité, est à peine plus longue que chacune des trois autres parties du membre : le carpe est surtout très-court, quoique assez large, et composé d'os petits. La main est ostéologiquement composée de telle sorte qu'elle forme une na- geoire coupée obliquement du premier doigt, le plus long, au cinquième, qui est le plus petit ; c'est ce que l'on peut voir en examinant les os du métacarpe, qui décroissent rapidement du premier au dernier ; celui-là est non-seulement le plus long, mais encore le plus épais et un peu arqué : le cin- quième, ou le plus court, est un peu plus épais que les trois intermédiaires, et, comme eux, assez fortement étranglé dans son milieu. Pour les phalanges, les plus intéressantes sont les onguéales, qui c^ " 30 . 27,i - IIISTOir.K NATinEfJ.K. sont assez fortes et toiilcs pourvues à leur base d'une sorte d'étui coupé obliquement par l'embase- ment de l'ongle; elles suivent l'ordre de décroissement de lu première à la cinquième, et leur pointe est assez peu courbée. Les membres postérieurs sont en totalité beaucoup plus longs que les antérieurs, et l'augmentation porte principalement sur la jambe et le pied : ils sont dirigés parallèlement au tronc. Le bassin est comidet, presque parallèle à l'axe vertel)ral, très-allongé : cet allongement ne portant pas sur Tiléon, qui est très-court, tandis que le pubis est, au contraire, très-long, pour aller rejoindre oblique- ment l'ischion, qui est lui-même long, et il en résulte un trou sous-pubien énorme, ovalaire, très- étendu.Le fémur est remarquablement court, et, en effet, sa longueur égale à peine les trois quarts de celle de l'humérus : il est comprimé d'arrière en avant, à corps n'étant guère qu'un cou destiné à unir les deux tètes, dont la supérieure est arrondie, petite, et l'inférieure avec deux tubérosités presque égales. La jambe, deux fois et demie plus longue que la cuisse, est formée de ses deux os très-complets, quoique soudés, au moins supérieurement, où ils constituent une large surface arti- culaire, presque convexe, surtout dans sa partie externe. Le tibia est large, aminci supérieurement, arqué en deux sens dans son corps, et fortement excavé inférieurement. Le péroné est robuste, très- anpu' en dehors. Le pied en totalité, et mesuré dans son jjIus long doigt, est encore plus long que la jambe. Le tarse est même assez développé pour contribuer à l'allongement total. L'astragalea une forme particulière; sa poulie, peu saillante, est en toit, le côté interne pour le tibia, et l'externe pour le péroné : mais surtout il devient plus long que large par l'addition en arrière d'une sorte d'apo])hyse, qui se colle en dedans de la tubérosité du calcanéum. Celui-ci est, au contraire, très- court. Les os du métatarse sont, en général, longs et robustes, et les terminaux plus que les inter- médiaires. Les phalanges sont plus longues et plus grêles que celles des mains, et les onguéales, à l'exception de celle du pouce, sont plus faibles et moins arquées. Les os sèsamoïdes sont peu nombreux; la rotule, le seul os de cette catégorie que nous citerons, est petite, arrondie, assez peu épaisse. L"os du pénis, dans le Phoque commun, est assez petit, droit, rétréci au milieu et renflé à ses extré- mités : l'antérieure ajdatie, un peu cxcavée, en forme de spatule, étroite, obtuse, et la postérieure radiculaire, presque triquètre. Les différences que le squelette des Phocidés présente, en l'examinant dans la série des espèces qui constituent cette tribu, ne sont véritablement que spécifiques, c'est-à-dire qu'elles ne s'élèvent jamais au-dessus de celles qu'indique la dégradation sériale, ce qui confirme que ce grand genre constitue un groupe distinct, niodiliè par un ensemble de particularités biologiques. Dans les espèces les plus rapprochées du Phoque commun, on peut voir que les différences de l'ostéologie de la tête ne portent guère que sur la grandeur en général, peut-être sur le degré d'étranglement de ses deux parties, et surtout sur la forme des os du nez et de l'ouverture nasale, sur celle de l'os palatin et de l'ouverture de ce nom, ainsi que sur la forme du rocher, de la caisse, de l'apophyse mastoïde, de l'occipital et des crêtes de la partie postérieure de la tête : et cela plus spécialement étudié dans les Pliuca hisjùda, Grociilaiidica, barbala cl firijpltus. Dans le Moine, ou Phoca mouachna, l'ensemble et le plus grand nombre des pièces du squelette sont presque tout à fait comme dans le Phoque commun : toutefois, les vertèbres cervicales ont leur corps sensiblement plus court et moins longuement caréné; le sternum est plus large et plus canali- culé; la proportion des membres indique évidemment encore plus de disposition à la natation; la tête est plus courte que dans le Plioca (jrijphus, plus ramassée et plus bombée au front. Dans le Phoca IcjXonfix, au (;oulraire, la tête est plus allongée, les os du nez sont subdivisés en deux lobes presque égaux; l'arcade zygomatique est très-allongée, surbaissée. Parmi les Phoques à trompes, c'est-à-dire les Plioca crislala et leonina, la tète offre beaucoup de ressemblance avec celle du i'hoque commun. Dans les Phoques à oreilles, ou Otaries, les différences sont encore assez peu manifestes, et elles ne portent guère que sur la forme et sur la proportion des différentes pièces qui constituent le sque- lette. La têtj est eu général plus allongée, moins rétrécie dans le milieu de l'os frontal, plus courte encore, et surtout moins large, moins aplatie dans sa partie vertébrale, et plus longue dans la portion radicale des appendices céphaliqiu's, (pioique beaucoup plus courte dans la portion qui porte les ilents; les os (lu uez sont plus coui'ts cl plus lai'ges; le |U'èniaxillaii'e e>t Irès-dèveloppé ; le rocher CAUNASSIlir.S, 235 petit; il y a une grande intensité de puissance dans la préhension maxillaire. Les apophyses épineuses des vertèbres cervicales sont plus prononcées que dans le Phoca monnchus, au contraire de ce qui a lieu pour les vertèbres dorsales et les lombaires : les vertèbres sacrées constituent un sacrum très- étroit. 11 n'y a que huit pièces au sternum. Les membres présentent des dil'férences plus importantes, étant moins éloignés entre eux, et leur disproj)orti(»n étant moins prononcée. Les antérieurs, plus libres, ont une omoplate plus large, à crête plus prononcée, et à fosse sous-scapulaire Iteaucoup plus petite que la surscapulaire. L'humérus n'est pas percé à son condyle interne; le cubitus est à olécràne plus arrondi et plus dilaté, les os du carpe et de la main présentent quelques particularités Les membres postérieurs prennent une proportion plus normale. I^c bassin a plus de longueur dans Filéon et un peu plus de brièveté dans l'ischion; le fénuir est plus long et moins large; le tibia et le péroné sont plus courts, plus droits; dans les os du tarse, l'astragale reprend assez bien sa forme normale : il y a quelques différences appréciables dans le métatarse et les phalanges. Quelques par- ticularités ostéologiques ont pu même être observées dans les espèces d'Otaries, mais nous n'en parlerons pas maintenant, ces particularités trouvant plus naturellement leur place ailleurs. Le système dentaire des Phocidés ne peut pas encore être considéré comme tout ù fait normal, quoiqu'il soit composé d'incisives, de canines et de molaires bien distinc^tes, disposées comme dans les Carnassiers; mais, par le nombre et la forme, les différences deviennent sensibles et montrent qu'on peut former plusieurs groupes secondaires dans cette tribu. Le nombre total des dents n'est jamais au-dessus de dix en haut et de huit en bas, ni au-dessous de huit en haut et de se])t en bas, partagées en incisives, en canines, seules variables, et en molaires, toujours au nombi'e de cinq et très-rarement de six. Ces dents, par leur disposition aux deux mâchoires, s'enlre-croisent : celles d'en bas avant leurs correspondantes d'en haut, incisives, canines et molaires, mais en totalité, et jamais les pointes de la couronne, quand il y en a, entre elles, comme cela a lieu dans les autres Carnassiers. Dans le IMioque commun qui doit encore nous servir de type, la foimule dent.iire est : incisives j, canines y^|, molaii'es f-Z-l; en totalité trente-quatre dents. Les incisives supérieures sont coniques, assez pointues, arquées en crochet, toutes terminales, presque égales, croiissaut cependant légè- rement de la première à la troisième, qui est notablement plus forte; les inférieures sont termi- nales, coniques, un peu aiguës, plus droites et plus petites. Les canines soiit, comme dans les autres Carnassiers, coniques, robustes, pointues, assez cannelées à la partie postérieure, un peu arquées, surtout à la nu'iclioire inférieure, où elles sont en même temps légèrement plus courtes. Les molaires qui suivent immédiatement sans intervalle, surtout à la mâchoire supérieure, et qui sont cependant toujours en contact peu serré, prennent presque de suite le même caractère et la même forme géné- rale, aussi bien supérieurement qu'inférieurement : elles augmentent seulement un peu de la première à la troisième, pour décroître ensuite, du moins en haut, car, en bas, les quatre dernières sont presque égales; la couronne est tranchante ou comprimée, avec un simple épaississemenl plutôt qu'un véritable talon à la base; en haut, si ce n'est à la première, qui est arrondie et beaucoup plus petite, son bord est peu profondément lobé par une pointe presque médiane; mais, en bas, la lobule est plus profonde, et ses denticules par conséquent plus distinctes et autrement disposées. Les racines des dents ont cela de particulier que généralement elles ne sont pas en proportion avec la couronne, étant constamment plus fortes qu'elle : celles des incisives et des canines sont les plus simples; et, quanta celles des molaires, elles ne sont jamais au-dessus de deux dans le même ])lan, chacune d'elles correspondant à chaque côté de la couronne, et par conséquent jamais à la pointe la plus saillante. Pour les alvéoles, elles suivent la disposition des racines et ne forment qu'une seule et unique série, depuis la première incisive jusqu'à la dernière molaire, et cela aux deux mâchoires : il n'y a de différence que dans le nombre avant et après celle bien plus grande de la canine. Le système dentaire des autres espèces de Phoques sans oreilles se simplifie d'une manière re- marquable dans les espèces ascendantes, pour se compliquer ensuite dans les Phoques à oreilles. Dans les premières, telles que dans le l'hoca lagiinis, les denticules des molaires sont plus aiguës, plus profondes, plus nombreuses; dans le Plwca barbata, ces dents deviennent plus petites, et il en est de même dans le Pltoca Gwënlandica. Puis dans d'autres espèces, comme les Phoca Icptonijx et tnonacluis, il n'y a plus que (juatre incisives en haut comme en bas, et de cette diminution d'une inci- sive su.jiérieure il résulte que les canines deviennent plus robustes; les molaires, dans la première, ':^3G mSTOlUE NATUUELLE. sont "raiides, tiilubées, coninie palmées, et 1 en est à peu près de même dans une espèce nouvelle rapportée par MM. Ilombron et Jacquinol du voyage de l'amiral d'UrvilIc au pôle sud, et figurée par eux sous la dénomination de Plioca carpopluigu. Dans d'autres espèces, telles que les Plwca crïn- Uila et leon'ina, le nombre des incisives diminue encore et n'est plus cpie de quatre en baut, et seu- lement deux en bas. Dans les Otaries ou Phoques à oreilles le sstème dentaire est beaucoup plus fixe, plus normal quee dans les autres espèces de Dbocidés, ne descend jamais au même degré de simplicité, et revient au même nombre que dans le Plioca viiuima. Les incisives sont moins terminales, disposées en arc de cercle, plus fortes; les canines sont tres-robustes, très-longues; les molaires, plus ou moins serrées et obliques, inclinées en sens inverse, ont une petite pointe en avant, et souvent une autre moins marquée en arrière, surtout aux trois«})Ostérieures, qui sont les plus fortes. Suivant les sexes, on sait que les canines sont toujours beaucoup plus prononcées dans le mâle que dans la femelle. Les différences d'âge ne semblent pas apparentes dans les Phoques sans oreilles, tandis que dans les Phoques à oreilles elles sont appréciables et consistent principalement dans une incisive supérieure de moins, dans une canine plus grêle et plus faible, et dans trois molaires seu- lement, en haut comme en bas, petites, coniques et distantes entre elles. Comme on le voit, le système dentaire offre des différences remanpiables dans les Phocidés, et il en résulte que l'on s'en est servi, ainsi que nous le dirons, pour la caractéristique des genres qu'on a créés dans cette ti'ibu. l'ig. 110. — • l'iioi^ue I.ion. Les Phocidés vivent en grandes troupes dans presque toutes les mers du globe; cependant, il parait que la plupart de leurs espèces varient, selon qu'elles appartiennent au voisinage de l'un ou de l'autre pôle; car il est à remarquer qu'ils préfèrent les pays froids ou tempérés aux climats chauds de la zone lorride, C'est en général à travers les écueils et les récifs qui bordent toutes les mers, et jusque sur les CAllNASSIERS. 237 glaces des pôles, qu'il faut aller cherelier les graiules espèces.Làcesanimauxse jouent, à travers les tem- pêtes, sur les vagues en fureur, passent presque tout leur temps dans Teau, et s'y nourrissent de Poissons, de Crustacés, de Mollusques et, habituellement, de tous les petits animaux qu'ils rencontrent. Parfois même ils mangent des Oiseaux. « L'un de ces animaux, dit l.esson, qui nageait très-près de la corvette, se saisit, devant nous, d'une Sterne qui volait au-dessus de l'eau en compagnie d'un très-grand nom- bre de Mouettes. Ces Oiseaux maritimes raseaient la mer, et se précipitaient les uns sur les autres pour saisir les debiùs de Poissons qui étaient dévorés par le Phoque, lorsque celui-ci, sortant vive- ment la tète de l'eau, s'efforça à chaque fois de saisir un des Oiseaux, et y parvint en notre présence.» „.jCïU«St^ 1m;:. 111 — Plioqiic br.iliu ils sont très-bons nageurs, quoique les Cétacés les surpassent encore sous ce rapport. Un fait des plus singuliers, mais qui semble établi d'une manière certaine, est que ces animaux ont l'habitude conshinte, quand ils vont à l'eau, de se lester, comme on fait d'un navire, en avalant une certaine quantité de cailloux, qu'ils rejettent lorsqu'ils retournent sur le rivage. Les uns recherchent les plages sablon- neuses et abritées, d'autres les rochers exposés à l'action des eaux, et il en est qui se trouvent dans les touffes épaisses d'herbes qui croissent sur les rivages. A terre, les Phoques ne mangent pas; aussi, s'ils y restent quelque temps, maigrissent-ils beaucoup. En captivité, pour dévorer la nourriture qu'on leur donne, ils la plongent habituellement dans l'eau, et ils ne se déterminent à manger à sec que lorsqu'ils y ont ete habitués dès leur première jeunesse, ou qu'ils y sont poussés par une faim extrême. Ces Carnassiers sont susceptibles d'une sorte d'éducation, et ils montrent une grande douceur. Lors- qu'un Phoque est pris jeune, il se prive parfaitement, s'attache à son maître, pour lequel il éprouve une affection aussi vive que le Chien. De même que ce dernier, on assure qu'il reconnaît sa voix, lui obéit, le caresse, etc. On en a vu auxquels des matelots ou des bateleurs avaient appris à faire diffé- rents tours, et qui les exécutaient au commandement avec assez d'adresse et beaucoup de bonne volonté. V 233 ' lllSTOIUE NATCRELLE. L'intellii^ence des Phocidés est assez grande; ils sont affectueux, bons, patients; mais, si on les tourmente trop, ils'peuvent devenir dangereux. Pour les conserver longtemps en captivité et en bonne santé, il faut les tenir, pendant la plus grande partie du jour, et surtout lors de leurs repas, dans un cuvierà demi rempli d'eau; la nuit, on les fait coucher sur la paille. Ainsi traités et nourris avec du Poisson, on peut les garder vivants pendant assez longtemps. Nos Ménageries en ont souvent possédé : et les montreurs d'animaux en font souvent voir dans nos grandes villes. Lorsqu'un Phoque veut sortir de l'eau, il faut qu'il choisisse une place convenable; c'est sur une roche plate, s'avançant dans l'eau en pente douce, par laquelle ils grimpent, s'accrochant avec les mains et les dents à toutes les aspérités qu'ils peuvent saisir, puis ils tirent avec difficulté leur corps sur le sol. Malgré cela, ils rampent assez vite, même en montant des pentes roides. Il est aussi éton- nant de voir avec quelle adresse ils se cramponnent à un glaçon tlottant et glissant, et parviennent à se hisser dessus pour se reposer et dormir, sans craindre d'être emportés en pleine mer. « Le quartier de rocher mousseux sur lequel un Plioque a l'habitude de se reposer avec sa famille devient, rapporte un voyageur, sa projniété relativement aux autres individus de son espèce qui lui sont étrangers. Quoique ces animaux vivent en granils troupeaux dans la mer, qu'ils se protègent, se défendent vraiment les uns les autres, une fois sortis de leur élément favori, ils se regardent, sur leur rocher, comme dans un domicile sacré, où nul camarade n'a le droit de venir troubler leur tranquillité domestique. Si l'un d'eux se rapproche de ce sanctuaire de la famille, le chef, ou, si l'on veut, le père, se prépare à repousser par la force ce qu'il regarde comme une agression étrangère, et il s'en- suit toujours un combat terrible, qui ne linit que par la mort du propriétaire du rocher ou par la re- traite forcée de l'indiscret étranger. Le plus ordinairement, c'est la jalousie qui occasionne ces com- bats; mais il est évident que l'instinct de la propriété y entre aussi pour quelque chose. Jamais une famille ne s'empare d'un espace plus grand qu'il ne lui est nécessaire, et elle vit en paix avec les fa- milles voisines, pourvu qu'un intervalle de quarante à cinquante pas les sépare. Quand la nécessité les y oblige, ils habitent encore, sans querelle, à des distances beaucoup plus rapprochées; trois ou quatre familles se partagent une roche, une caverne, ou même un glaçon; mais chacun vit à la place qui lui est échue en partage, s'y renferme, pour ainsi dire, sans jamais aller se mêler aux individus d'une autre famille. )> Chaque mâle a ordinairement trois ou quatre femelles; le chef de la famille défend ses femelles avec un grand courage; et c'est surtout lorsqu'elles sont pleines, de novembre à janvier, qu'il redou- ble de soins et de tendresse pour elles; l'accouplement a lieu en avril, et la femelle ne fait qu'un seul ou deux petits. C'est sur le sol, à quelque distance de la mer, et sur un lit d'algues ou d'autres plantes marines, ([ue les femelles mettent bas. La mère ne va pas à l'eau tant que ses petits ne peuvent s'y traî- ner, ce qui a lieu une quinzaine de jours après leur naissance. Comment les femelles se nourrissent- elles pendant ce temps.' On ne le sait pas positivement, mais on suppose que le mâle porte alors de la nourriture à sa femelle. Quand le petit est arrivé à la mer, la femelle lui apprend à nager, et le sur- veille jxMidant qu'il se mêle aux troupeaux des autres Phoques; elle l'allaite, toujours hors de l'eau, pendant cinq ou six mois; le soigne très-longtemps, mais, aussitôt qu'il peut pourvoir seul à ses be- soins, le père le chasse et le force à chercher un autre lieu pour s'établir. « C'est pendant la tempête, dit M. Boitard, lorsque les éclairs sillonnent un ciel ténébreux, que le tonnerre gronde et éclate avec fracas, et que la pluie tombe à flots, c'est alors que les Phoques ai- ment à soi'tir de la mer pour aller prendie leurs ébats sur les grèves sablonneuses. Au contraire, (juand le ciel est beau et que les rayons du soleil échauffent la terre, ils semblent ne vivre que ])our ddrniir, et d'un sommeil si profond, qu'il est fort aisé, quand on les surprend en cet état, de les appro- cher pour les assommer avec des perches ou les tuer à coups de lance. A chaque blessure qu'ils reçoi- vent, le sang jaillit avec une grande abondaiice, les mailles du tissu cellulaire graisseux étant très- fournies de veines. Cependant, ces blessui'es, qui paraissent si dangereuses, compromette nt rarement la vie de l'animal, à moins qu'elles ne soient très-profondes; pour le tuer, il faut atteindre un viscère principal ou le frapper sur la face avec un pesant bâton. Mais on ne l'approche pas toujours facile- ment, parce que, lorsque la famille dort, il y en a toujours un qui veille et qui fait sentinelle pour réveiller les autres s'il voit ou entend quelcpie chose d'inquiétant. On est obligé pour ainsi dire de lutter corps à corps avec eux, et de les assommer, car un coup de fusil, quelle que soit la partie où la balle les aurait frappés, ne. les empêcherait pas de regagner la mer, tellement ils ont la vie dure. CARNASSIKUS. 559 Quand ils se voiciil assaillis, ils se difondont avec courai^o; mais, malgré li'iir queue terrible, cette lutte est sans danger pour riiomme, parce qu'ils ne peuvent se mouvoir assez lestement pour ôler le temps au cliasseur de se dérober à leur atteinte. Faute de pouvoir faire autrement, ils se jettent sur les armes tionl on les frappe, et les brisent entre leurs dents redoutables. )> Les Pliocidés donnent plusieurs produits utiles à riiomme. C'est ainsi qu'ils ont, entre les muscles et la peau, une épaisse couclie de i;raisse, dont on tire une grande (pianlité d'huile employée aux mêmes usages que celle de Pialeine, et qui a même l'avantage de n'exiialer aucune mauvaise odeur. Quelques espèces ont une grossière fourrure qui est recherchée pour les habits des peuples septen- trionaux. Les Américains emploient, dit-on, les peaux les plus grossières à un usage singidier : ils en ferment, le plus hermétiquement possible, toutes les ouvertures, et les gonllent d'air comme des ves- sies-, ils en l'éuuissent cinq ou six, les li\ent solidement les unes aux autres, placent dessus des joncs ou de la paille, et en forment ainsi de très-légères embarcations, sur lesquelles ils s'exposent sur leurs plus grands fleuves. Les habitants du Kamtchatka se servent de ces animaux pour divers usages; la peau est employée pour former de petites pirogues; la graisse les éclaire; la chair, quoique coriace, et d'odeur désagréable, est leur nourriture ordinaire. Mais les Américains des États-Unis et les Anglais font surtout en grand la chasse aux Phoques pour en obtenir la graisse, et cette chasse constitue, pour eux, une branche importante de commerce, puisqu'ils y emploient plus de soixante navires de deux cent cinquante à trois cents tonneaux. Lesson a donné, d'après M. Dubaut, d'intéressants détails sur cette espèce de pèche, et nous croyons devoir en transcrire quelques-unes ici. « Les navires destinés pour cet armement sont solidement construits. Tout y est installé avec la plus grande économie; par cette raison, les fonds du navire sont doublés de bois. L'armement se compose, outre le gréement, très-simple et très-solide, de barriques pour met- tre riiuile, de six yoles armées comme pour la pêche de la Daleine, et d'un petit bâtiment de quarante tonneaux mis en botte à bord, et monté aux îles destinées à servir de théâtre à la chasse lors de l'ar- rivée. Les marins qui font cette chasse ont ordinairement pour habitude d'explorer divers lieux suc- cessivement, ou de se fixer sur un point d'une terre, et de faire des battues nombreuses aux environs. Ainsi, il est ordinaire qu'un navire soit mouillé dans une anse sûre d'une île, que ses agr-ès soient débarqués, et que les fourneaux destinés à la fonte de la graisse soient placés sur la grève. Pendant que le navire est ainsi dégréé, le petit bâtiment, très-fin et très-léger, est armé de la moitié environ de l'équipage, fait le tour des terres environnantes en expédiant ses embarcations lorsqu'il voit des Phoques sur les rivages, en laissant çà et là des hommes destinés à épier ceux qui sortent de la mer. La cargaison totale du petit navire se compose d'environ deux cents Phoques coupés par gros mor- ceaux, et qui peuvent fournir quatre-vingts à cent barils d'huile, chaque baril contenant environ cent vingt litres, valant à peu près quatre-vingts francs. Arrivé au port où est mouillé le navire principal, les chairs des Phoques, coupées en morceaux, sont transportées sur la grève, où sont établies les chau- dières, et sont fondues. Les fibres musculaires, qui servent de résidu, sont destinées à alimenter le feu. Les équipages des navires destinés à ces chasses sont à part; chacun se trouve ainsi intéressé au succès de l'entreprise. La campagne dure quelquefois trois ans, et au milieu des privations et des dangers les plus inouïs; il arrive souvent que des navires destinés à ce genre de commerce jettent des hommes sur une île pour y faire des chasses, et vont, deux mille lieues plus loin, en déposer quelques autres, et c'est ainsi que, bien souvent, des marins ont été laissés, pendant de longues an- nées, sur des terres désertes, parce que leur navire avait fait naufrage, et, par conséquent, n'avait pu les reprendre aux époques fixées. L'huile est importée en Europe et aux Etats-Unis; les fourrures se vendent en Chine. » Après ces généralités sur les Pliocidés, nous voulons encore dire quelques mots sur les traces fossiles f{u'ils ont laissées dans le sein de la terre, puis nous entrerons dans la description des genres et des espèces. C'est encore Espcr, et comme provenant des cavernes de Gaylenreuth, qui le premier a fait graver des os qui se rapportent aux l*ho(jues, et il dit qu'il a trouvé des mâchoires de ces animaux dans un amas d'os d'Éléphants, d'Hyènes, etc., à Kahlendorf, dans le pays d'Aischtedt, mais ces pièces se rapportent probablement à des Ours. En dSOG, lors de la publication de la première édition des Jicclierches sur les ossancnts fuss'ilcs, G. Cuvier décrivit deux fragments d'humérus trouvés dans les environs d'Angers par M. Picnau, et il les décrit comme de Phoque; mais il est aujourd'hui démon- 240 HISTOIRE NATURELLE. tré, (rapiès les travaux do De Blainville, qu'ils doivent pUitôt appartenir à un Lamantin. Ce n'est donc qu'assez récemment qu'on a eu la preuve positive qu'il existe réellement des Phoques fossiles, et ces débris ont été recueillis dans un assez grand nombre d'endroits plus ou moins éloignés en Europe, et probablement toujours dans des terrains tertiaires et dans des versants en général assez peu éloignés des bords de la mer. Ainsi, dans le versant de la mer du Nord, on peut indiquer : 1" des dents signalées par M. Roué, comme trouvées avec des débris de Squales; 2" des dents, une vertèbre et quelques autres os, trou- vés en Westplialie, d'après M. Hermann de Meyer; o" des dents décrites par le même auteur comme trouvées à Laxbérg, près Aix-la-Chapelle; 4° des ossements signalés par M. Tnglar; et 5° un bassin trouvé par M. Eugène Robert, en Islande, dans un tuf coquiller, avec des Cijprinn Island'ica et au- tres coquilles récentes. rig 112. — SttnorhyiKjue de Wecldd Dans le versant de la mer Noire, on peut parler d'un pied de derrière existant dans le musée de Pesth, en Hongrie, et qui a été trouvé à Ilolicli, à dix lieues de Vienne, dans la vallée du Danube. Ce pied a été attribué à une espèce particulière qu'on a nommée Plioca Vieiinensîs anliqua, et qui est voisine du Phoque commun et en diffère cependant par les proportions des diverses parties : ainsi la tubérosité du calcanéum est plus longue, les métacarpiens et surtout celui du doigt externe, les premières phalanges, les seules qui existent, sont plus longues et plus grêles. Dans le versant de l'Océan, M. Desnoyers cite quelques localités, aux environs mêmes de Paris, où il aurait trouvé des ossements fossiles de Phoques. Enfin, dans le versant de la Méditerranée, nous devons noter que M. Alexandre Lefebvre a rap- porté au Muséum plusieurs fragments d'os de Mammifères, consistant en vertèbres et en côtes, et qui Kio 1. — Paradoxure varié. £«^^ Fig. 2. — Chien Kurd. l'I .1(1 I C.MINASSIKHS. m sans doute ont appartenu à une espèce de l'hoque, et qu'il avait trouvé ces débris en Egypte, dans un terrain qu'il rapporte à celui de la craie. La classification des Phocidés est Tune des plus embrouillées de celles des Mammifères, et cela se conçoit, car les animaux assez nombreux qui entrent dans cette tribu ne se trouvent, à peu d'excep- tions près, que dans des lieux très-éloignés de nous, et ne nous arrivent pas facilement. La difli- culté qu'il y a pour les conserver et pour les envoyer dans nos musées fait que les naturalistes ne les connaissent pas complètement,, et qu'ils doivent se fier souvent à des récits exagérés de voya- i^eurs. 11 en résulte que les espèces sont encore mal connues, et que les genres qu'on a voulu établir dans cette tribu ne sont pas encore fondés sur des caractères tout à fait hors de doute. Ouoi qu'il en soit, la meilleure classilication que nous en ayons est celle que Fr. Guviei', en 1820, nous en a donnée dans le Dicliouuaire des scicuccs naturelles, et dans laquelle il partage les Phoques en sept genres, ceux des : Culocépliale, Slénorliijixiiie, l^elage, Stemnialope, Macrocliin, Arclocé- pliale et Plaiijrhijnqne. Mais à ces genres nous devons joindre celui des Olaries, fondé précédem- ment, en 1807, par Peron, dans le Voijacie aux terres australes. M. Wilson a indiqué aussi les genres C//.«/o/j/jore et Halirlière, en 1820, plus récemment que Fr. Cnvier; M. Gray enfin, en 18'27. a fait connaître ceux des Leplonijx et M'ieromjx. Nous indiquerons tous ces genres, mais nous conserverons la division devenue classique des l*hoques et des Otaries, les uns caractérisés en ce qu'ils manquent d'oreilles externes, et les auîres en ce que la conque externe de l'oreille est visible, enroulée et recouvre son orifice. l'ii;. 115. Cali)((''|)liale du ("iroëiilaml. (Variété.) 242 llISTOirŒ NATLRELLi:. PHOQUES PROPREMENT DITS. PHOCA. Linné. Pas d'oreilles cxlernes. I)ic'mvcs h tranchant shupic. Molaires iraw hantes, à plusieurs, (fénéralement trois, poi)iles. Doigts lies pieds de derrière terminés par des ongles pointus, pkurs sur le bord de la membrane qui les unit. Cette division comprend en grande partie le genre Phoque, Phoca, de Linné. Siisiema nalurœ, 1755, et correspond presque complètement aux groupes des Phocidœ et Phocina, Gray, 1835; Pho- cinœ, Ch. Bonaparte, 1840; Phocadœ, Agassiz, 1841, et Otoes, G. Fischer (wtcî;, sans oreille). Ce nom de Phoque, appliqué par Linné, et qui provient du mot grec owicr,, dont les Latins firent Phoca, qui servait à désigner jadis l'espèce typique de ce groupe, n'est pas resté gènériquemeni dans la science. En effet, lorsque F. Cuvier a subdivisé les Phoca en plusieurs genres, il ne s'en est malheureusement pas servi pour désigner l'un d'eux, et il en résulte qu'un nom connu depuis la plus haute antiquité a été remplacé par des dénominations nouvelles dont les racines sont tirées du grec. Cela nous semble fâcheux, mais nous avons dû suivre ce qu'ont fait les zoologistes modernes, et, dès lors, nous n'avons pas cru pouvoir rétablir comme dénomination de genre le nom de Phoque; seule- ment nous ferons observer qu'on pourrait peut-être, à l'exemple de Lesson, de M. Boitard, etc., ne considérer notre division des Phoques proprement dits que comme un grand genre, et ne regarder les genres qui vont suivre que comme des subdivisions secondaires. On connaît un trè.s-grand nombre de Phoques, et ils sont répandus dans presque toutes les mers. Leur taille est quelquefois très-considérable, et d'autres fois, au contraire, elle l'est médiocrement : c'est ce qui a principalement lieu pour nos espèces européennes, qui ne dépassent guère l'",25 à l'",50 de longueur. Les côtes de France possèdent quelques espèces de Phoques, mais plus parti- culièrement le Phoca vilulina; c'est ainsi que l'un de nos collaborateurs, en rapportant quelques dé- tails entomologiques sur une excursion qu'il lit en 1852 à la pointe Saint-Ouentin, à quelque distance de Saint-Valery en Somme, dit que « l'on voit les Phoques se chauffer au soleil sur le banc qui assèche dès que la marée baisse; mais il faut se contenter de les regarder de loin, car les bestiaux de Protéc sont très-méfiants, et, dès qu'ils aperçoivent une embarcation ou une figure humaine, ils se hâtent de plonger, et l'on ne voit apparaître sur l'eau que leur tète ronde. » Buffon, dans son Histoire générale et particulière, tome XIII, 1765, n'avait pu distinguer que qua- tre espèces de Phoques, et encore ne l'avait-il pas fait d'une manière complète; l'histoire de ces ani- maux n'est pas bien divisée pour chaque espèce dans son immortel ouvrage, et c'est pour cela que nous pensons devoir en rapporter quelques passages dans nos généralités, conservant ce qui est plus distinct pour l'histoire particulière de chaque espèce. « En général, écrit-il, les Phoques ont la tète ronde comme l'homme, le museau large comme la Loutre, les yeux grands et haut placés, peu ou point d'oreilles externes, seulement deux trous audi- tifs aux côtés de la tête, des moustaches autour de la gueule, des dents assez semblables à celles du Loup, la langue fourchue ou plutôt échancrée à la pointe, le cou bien dessiné, le corps, les mains et les pieds couverts d'un poil court et assez rude, point de bras ni d'avant-bras apparents, mais deux mains ou plutôt deux membranes, deux pennes renfermant cinq doigts et terminées par cinq ongles, deux pieds sans jambes, tout pareils aux mains, seulement plus larges et tournés en arrière comme pour se réunir à une queue très-courte qu'ils accompagnent des deux côtés, le corps allongé comme celui d'un Pois.son, mais renflé vers la poitrine, t troit à la partie du ventre, sans hanches, sans crou- CARNASSIERS. 243 pes et sans cuisses au dehors; animal (rautaiit plus étrange qu'il paraît fictif, et qu'il est le modèle sur lequel riniagiiiation des poètes entanla les tritons, les sirènes et ces dieux de toute sorte à tête humaine, à corps de quadrupède, à queue de Poisson; elle Phocpie, en effet, règne dans cet empire muet par sa voix, ])ar sa ligui'c, par son iiilelligence, par les facultés, en un mot, qui lui sont com- miMies avec les hal)itants de la terre, si siq)érieures à celles des l*oissons, qu'ils semblent être, non- seulement d'un autre ordre, mais d'un monde différent; aussi cet amphibie, quoique d'une nature très-éloignée de celle de nos animaux domestiques, ne laisse pas d'être susceptible d'une sorte d'é- ducation. On le nouri'it en le tenant souvent dans l'eau, on lui apprend à saluer de la tête et de la VOIX; il s'accoutume à son maître, il vient lorsqu'il s'entend appelt r et donne plusieurs autres signes d'intelligence et de docilité. l''ig 114. — Squclctlc ilii l'iiuipiu caiiiiiiuu. '( Il a le cerveau et le cervelet proportionnellement plus grands que riiomme, les sens aussi bons (pi'aucun des quadrupèdes, par conséquent le sentiment aussi vif et l'intelligence aussi prompte; l'un et l'autre se marquent par sa douceur, par ses habitudes communes, par ses qualités sociales, par son instinct très-vif pour sa femelle, et très-attentif pour ses petits, par sa voix plus expressive et plus modulée que celle des autres animaux; il a aussi de la force et des armes, son corps est ferme et grand, ses dents tranchantes, ses ongles aigus; d'ailleurs il a les avantages particuliers, uniques, sur tous ceux qu'on voudrait lui comparer; il ne craint ni le froid ni le chaud, il vit indifféremment d'herbe, de chair ou de Poisson; il habite également l'eau, la terre et la glace... « Mais ces avantages, qui sont très-grands, sont balancés par des imperfections qui sont encore plus grandes. Le Veau marin est manchot ou plutôt estropié des quatre membres, ses bras, ses cuis- ses et ses jambes sont presque entièrement enfermés dans son corps; il ne sort au dehors que les mains et les pieds, lesquels sont à la vérité sous-divisés en cinq doigts, mais ces doigts ne sont pas mobiles séparément les uns des autres, étant réunis par une forte membrane, et ses extrémités sont plutôt des nageoires que des mains et des pieds, des espèces d'instruments faits pour nager et non pour marcher; d'ailleurs les pieds étant dirigés en arrière, comme la queue, ils ne peuvent soutenir le corps de l'animal, qui, quand il est sur terre, est obligé de se traîner comme un reptile et par un mouvement plus pénible, car son corps ne pouvant se plier en arc, comme celui du Serpent, pour pren- dre successivement différents points d'appui, et avancer ainsi par la réaction du terrain, le Phoque demeurerait gisant au même lieu, sans sa gueule et ses mains, qu'il accroche à ce qu'il peut saisir, et il s'en sert avec tant de dextérité, qu'il monte assez promptement sur un rivage élevé, sur un rocher <2U iiist(Mi;k natii^.kixk. et niôiiiP sur un i;l:i(;oii, ([iioique nipidc et i;liss;iiit. Il manlic ;ilis,si beaucoup plus vile qu'ciu ne pourrait rinia-ine'r, et souvent, quoique blessé, il éehappe par la tuile au chasseur. ' « Les Phoques \ivcnt en so(tiélé ou du moins en grand nombre dans les mêmes lieux; leur climat naturel est le Nord, quoiqu'ils puissent vivre aussi dans les zones tempérées et même dans les climat.s chauds, car on en trouve quelques-uns sur les rivages de presque toutes les mers d'Europe, et jusque dans la Méditerranée; on en rencontre aussi dans les mers méridionales de l'Afrique et de TAmérique; mais ils sont infiniment plus communs, plus nombreux, dans les mers septentrionales de TAsie, de l'Europe et de l'Amérique, et on les retrouve en aussi grande quantité dans celles qui sont voisines de l'autre pôle au détroit de Magellan, à l'Ile de Juan Fernandès, etc. « Les femelles mettent bas en hiver; elles font leurs petits à terre, sur un banc de sable, sur un rocher ou dans une petite île et à quelque distance du continent; elles se tiennent assises pour les allaiter et les nourrissent ainsi pendant douze ou quinze jours dans l'endroit où ils sont nés, après quoi la mère emmène ses petits avec elle à la mer, où elle leur apprend à nager et à chercher à vivre; elle les prend sur son dos lorsqu'ils sont fatigués. Comme chaque portée n'est que de deux ou trois petits, ses soins ne sont pas fort partagés, et leur éducation est bientôt achevée; d'ailleurs ces animaux ont naturellement assez d'intelligence el beaucoup de sentiment; ils s'entendent, ils s'entr'aident et se secourent mutuellement; les petits reconnaissent leur mère au milieu d'une troupe nombreuse; ils entendent sa voix, et, dès qu'elle les appelle, ils arrivent à elle sans se tromper. Nous ignorons com- bien de temps dure la gestation; mais, à en juger par celui de l'accroissement, par la durée de la vie et aussi par la grandeur de l'animal, il paraît que ce temps doit être de plusieurs mois, et l'accrois- sement étant de quelques années, la durée de la vie doit être assez longue; je suis même porté à croire que ces animaux vivent beaucoup plus de temps qu'on n'a pu l'observer, peut-être cent ans el davantage, car on sait que les Cétacés, en général, vivent bien plus longtemps que les animaux qua- dnq)èdes, et, comme le Phoque fait une nuance entre les uns et les autres, il doit participer de la nature des premiers et par conséquent vivre plus que les derniers... M La voix du Phoque peut se comparer à l'aboiement d'un chien enroué : dans le premier âge, il fait entendre un cri plus clair, à peu près comme le miaulement d'un Chat; les petits qu'on enlève à leur mère miaulent continuellement, et se laissent quelquefois mourir d'inanition plutôt que de pren- dre la nourriture qu'on leur offre. Les vieux Phoques aboient contre ceux qui les frappent, et font tous leurs efforts pour mordre et se venger; en général, ces animaux sont peu craintifs, mais ils sont courageux. L'on a remarqué que le feu des éclairs et le bruit du tonnerre, loin de les épouvan- ter, semble les récréer; ils sortent de l'eau dans la tempête; ils quittent même alors leurs glaçons pour éviter le choc des vagues, et ils vont à terre s'amuser de l'orage et recevoir la pluie, qui les ré- jouit beaucoup. Ils ont naturellement une mauvaise odeur, et que l'on sent de fort loin lorsqu'ils sont en grand nombr(i : il arrive souvent que quand on les poursuit ils lûchent leurs excréments, qui sont jaunes et d'une odeur abominable; ils ont une quantité de sang prodigieuse, et, comme ils ont aussi une grande surcharge de graisse, ils sont par cette raison d'une nature lourde et pesante: ils dorment beaucoup el d'un sommeil profond; ils aiment à dormir au soleil sur les glaçons, sur des ro- chers, et on peut les approcher sans les éveiller, c'est la' manière la plus ordinaire de les prendre. On les tire rarement avec des armes à feu, parce qu'ils ne meurent pas de suite, même d'une balle dans la tête; ils se jettent à la mer et sont perdus pour le chasseur; mais, comme l'on peut les ap- ])roclu'r (le près lorsqu'ils sont endormis, ou même quand ils sont éloignés de l'eau, parce qu'ils ne peuvent fuir que très-lentement, on les assomme à coups de bâtons et de perche; ils sont très-durs et très-vivaces; ils ne meurent pas facilement, dit un témoin oculaire, car, quoiqu'ils soient mortelle- Mieiil blessés, qu'ils perdent tout leui' sang et qu'ils soient même écorchés, ils ne laissent pas de vivre encore, el c'est quelque chosi' d'affreux de les voir se rouler dans leur sang. C'est ce que nous observâmes à l'égard de celui que nous tuâmes, et qui avait huit pieds de long, car, après l'avoir ecorché et dépouillé même de la plus grande partie de sa graisse, cependant, et malgré tous les «■oups (pi'on lui A\M\ (Idunés sur la tête et sur le museau, il ne laissait pas de vouloir mordre encore: il saisit mêmt' une demi pique qu'on lui présenta avec presque autant de vigueur que s'il n'eût point été blessé; nous lui enfonçâmes après cela une demi pique au travers du cœur et du foie, d'où il sortit encore autant de sang que d'un jeune Dœuf. Au reste, la chasse, ou si l'on veut la pêche de ces animaux n'est pas diflicilc cl ne laisse pas d'être utile, car la chair u'eii est pas mauvaise à manger. CARNASSIERS. 245 la peau fail une bonne fouriure; les Américains s'en servent [nun' faire des ballons qu'ils rrniplissenl. (l'air et dont ils se servent comme de radeau; l'on tire de leur graisse une huile plus claire cl d'un moins mauvais goût que celle du Marsouin et des Cétacés. » Le meilleur des caractères, et en même temps le plus facile à saisir, qui distingue les Phocidés de cette division, consiste dans ce qu'ils n'ont pas d'oreille externe, tandis que, dans l'autre division, celle des Otaries, fondée par Peron, l'oreille externe est distincte. On a formé une dizaine de genres dans cette division ; mais les principaux sont ceux créés par Fr. Cuvier, et auxquels il a appliqué les noms de CaloccpluiUis, Slm rhijndius, Pclarjus, Slcmma- lopiis, Macrorliimis, Arctocrplinlns et Pliilijrlnjncltits. Fig. 115. — riio|uc commun jeune. \' GENRE. — GALOCEPIIALE. CALOCEPIIALUS. Fr. Cuvier, 1826. KaXc?, belle; x.êcpaX-/i, tète. Dictionnaire des sciences naturelles, t. XXXiX. CARACTERES GENERIQUES. Siislvnie (Icnlaîre : incisives, ~; canines, \^; nwlaiirs, |^ .• en lolalité trcnlc-qualre dents. Les molaires, toutes tranchantes, principalement formées d'une pointe moifenne qrande, d'une plus petite antérieurement, et de deux écjalenient plus petites postérieurement. Crâne bombé sur les côtés, aplati an sommet, et présentant une grande capacité c<'rébrule : ce (pli a valu h ces animaux le nom qu'ils portent. Crête occipitale consistant en de léfières ruçjosités. Museau présentant beaucoup de brièveté. 24G IlISTOIRE NATUnELLL:. Les caractères qui distinguent essentiellement les Calocephalus des autres genres de Pliocidés sont particulièrement tirés de la disposition du système dentaire. Fr. Cuvier, le premier, Ta montré d'une manière complète dans son ouvrage intitulé des Dents des Mammifères considérées comme caractères zoolocfujucs. 1825. « Nous avons vu, dit ce savant zoologiste, en décrivant les differenls systèmes de dentition des Insectivores et des Carnassiers, combien il existait de ressemblance entre les dents des premiers et les mâciielières tuberculeuses des seconds : les unes rappellent tout à fait les autres par leurs formes et leur destination ; elles se composent des mêmes tubercules, disposés suivant les mêmes rapports, mais seulement un peu plus obtus dans Tordre des Carnassiers que dans celui des Insectivores; et chez tous elles sont appropriées pour broyer plutôt que pour couper. ( Nous allons voir chez les Phoques de notre première division toutes les màchelières prendre la forme plus ou moins amincie et tranchante des fausses molaires normales, avec des dentelures plus profondes et plus nombreuses sur leurs bords, et conserver des racines multiples; et, chez ceux de la seconde division, nous les verrons prendre, en s'épaississant, une forme plus ou moins conique, qui semblerait d'autant plus faire le passage de ses dents à celles de quelques espèces de Cétacés, que chacune d'elles parait n'avoir qu'une seule racine. (( Ce sont là les deux uniques formes générales sous lesquelles se montrent les màchelières des l'ho- ([ues; mais les divisions qu'elles caractérisent comme des sous-ordres ou familles, se partagent l'une et l'autre en plusieurs groupes par d'autres considérations, et entre autres par celle des incisives, dont le nombre diffère suivant les espèces. Sous ce rapport, les Phoques à dents pourvues de plusieurs racines forment trois divisions : 1" ceux qui ont six incisives supérieures et quatre inférieures, parmi lesquels se trouve le Phoque commun; 2° ceux qui ont quatre incisives supérieures et quatre infé- rieures, où nous voyons le Phoque moine; 3° ceux qui ont quatre incisives supérieures et deux infé- rieures, et dont le seul exemple non.* est offert par le Phoque à mitre. « Les Phoques dont les dents n'ont qu'une seule racine paraissent avoir deux ou quatre incisives à la mâchoire inférieure, et six ou quatre à la supérieure, lorsque l'âge n'en a pas fait tomber quel- ques-unes; car, à en juger par les exemples que j'ai sous les yeux, elles peuvent disparaître, même en totalité; ainsi un Pboque à crinière, Plioca jubata, a perdu l'une de ses dents à l'os nialaire inférieur gauche sans qu'il soit resté aucune trace de l'alvéole; et un Phoque à trompe, Plioca pro- boscidea, ne conserve plus d'autres marques de ses dents incisives inférieures que des dépressions fort insuflisantes pour que les dents aient pu y être enracinées. '( Les canines sont, pour le nombre et la forme extérieure, semblables à celles des Carnassiers des premiers genres, à une seule exception près. Les màchelières à racines multiples sont au nombre de cinq ou de six de chaque côté de la mâchoire supérieure, et au nombre de cinq de chaque côté de la mâchoire inférieure; celles à racines simples sont, dans trois espèces, au nombre de six à chaque maxillaire supérieure, et au nombre de cinq à chaque maxillaire inférieure; et une quatrième, le Phoque à trompe, n'en a que cinq de chaque côté des deux mâchoires; mais nous devons faire remarquer que cette tête paraît avoir appartenu à un animal assez vieux, et c'est elle qui n'a conservé que de légères traces des alvéoles de ses incisives inférieures; d'un autre côté, une seconde tête de cette division n'avait conservé que les cinq premières màchelières supérieures d'un côté, sans aucune trace de la sixième, tandis que les six étaient bien entières du côté parallèle. Ces animaux seraient-ils sujets à perdre leurs dents, et leurs alvéoles se rempliraient-elles rapidement? » Après quelques autres considérations générales, Fr. Cuvier entre dans les descriptions particulières des dents des diverses divisions qu'il forme parmi les Phoques, et c'est de la manière suivante qu'il fait connaître le système dentaire de ceux dont les dents ont des racines multiples, et dont plus tard il a fait son genre Calocéphale. « Ces animaux ont, dit-il, trente-quatre dents : dix-huit supé- rieures, subdivisées en six incisives, deux canines et dix màchelières; seize inférieures, comprenant quatre incisives, deux canines et dix màchelières. « A la mâchoire supérieure, la première incisive est un peu plus petite que la seconde, et celle-ci de moitié plus que la troisième; toutes sont crochues, terminées en pointe et de la forme des cani- nes, surtout la dernière. La canine vient après un intervalle vide; elle est forte, arrondie uniformé- ment, excepté à sa face interne, où l'on voit de légères côtes longitudinales séparées à la base de la dent et réunies à la pointe. La première mAcholière, située à la base de la canine, est de moitié plus petite que les autres, arrondie, lerniiiicc par une pointe autour de laquelle se remarquent quel- CARNÂSSIEHS. 247 ques autres pointes liès-pelilcs, disposées irrégulièrement. Les quatre qui suivent et qui se ressem- blent, ont, comme je l'ai dit, la Ibime des fausses molaires; mais elles sont épaisses, et leur tran- chant postérieur est divisé en deux dentelures par deux écliancrures, la première très-profonde et la seconde moindre. Ces écliancrures ne sont pas aussi nettement maïquées sur la dernière de ces dents. Toutes se touchent et se recouvrent un peu par leur base. « A la mâchoire inférieure, la première incisive est plus petite que la seconde, et elles participent aussi un peu Tune et Tautre de la forme des canines. Les canines sont semblables à celles de l'aiitre mâchoire, et il en est de même des mâchelières, seulement on voit une ou deux échancrures, et par conséquent une ou deux dentelures sur le tranchant antérieur de celles-ci. '( Dans leur position réciproque, les incisives et les canines des deux mâchoires sont dans les mêmes rapports que celles des Carnassiers; et les mâchelières ressemblent encore à cet égard aux fausses molaires du dernier ordre; elles sont alternes et ne passent point Tune devant Tautre de ma- nière à couper comme les deux lames d'un ciseau , mais les tranchants des unes sont opposés direc- tement aux tranchants des autres, de sorte que, tout en divisant, elles compriment. C'est le Phoque commun (Plwca vilul'wa) qui nous fournit ce type de dentition. )> Sans répéter les caractères communs aux Phocidés, dont nous nous sommes précédemment occu- pés, nous ajouterons seulement que, dans les Calocéphales, la membrane interdigitale ne dépasse pas les doigts et n'enveloppe même pas entièrement ceux de devant, que les doigts vont en dimi- nuant de longueur graduellement de l'interne à Texterne, et qu'aux pieds de derrière les deux ex- ternes sont les plus longs; que leur pupille est à peu près semblable à celle du Chat domestique; que les narines ne se prolongent pas au delà du museau et forment entre elles un angle droit; que la langue est échancrée à son extrémité; que les organes de la génération chez la femelle sont très- simples; que ceux du mâle sont tout à fait cachés à l'extérieur; que les mamelles sont abdominales et au nombre de quatre seulement; que le canal intestinal est très-simple et n a qu'un très-petit cœ- <:um; et enfin que le cerveau est trés-développé. assez riche en circonvolutions. Ces animaux, ainsi que tous les Phocidés, étant susceptibles de rester fort longtemps sous l'eau sans respirer l'air en nature, on avait d'abord cru qu'ainsi que les fœtus ils avaient une communi- cation ouverte dans leur cœur entre l'oreillette droite et l'oreillette gauche par le trou de Botal, mais cela n'existe pas; leur circulation a lieu comme dans tous les autres Mammifères; seulement on re- marque que leur sang est d'une couleur plus noire, qu'il est plus abondant et surtout plus chaud. Selon Fr. Cuvier, les mouvements de la respiration ont lieu à des intervalles très-réguliers, et il pa- raît qu'à chaque inspiration il entre une grande quantité d'air dans les poumons. Les Calocéphales sont assez mal partagés sous le rapport des sens. Leurs yeux sont ceux d'animaux nocturnes; une lumière vive les blesse; ils ne sont point construits pour servir dans l'air, mais dans l'eau, ainsi que le prouvent l'aplatissement de la cornée et la sphéricité du cristallin. Leurs oreilles sont dépourvues de conque externe propre à rassembler les sons, ou en ont une si petite, qu'elle est inutile. F>eur peau est très-forte et surtout accompagnée d'une couche très-épaisse de graisse ou de lard qui anéan- tit toute sensibilité; et les moustaches seules semblent être des organes un peu délicats propres au toucher. L'odorat paraît être le sens le plus parfait, si l'on en juge toutefois par le grand développe- ment des cornets du nez; car aucune observation directe ne prouve la délicatesse de ce sens chez les Phoques. Le goût semble assez fin; car ceux de ces animaux que l'on garde dans les Ménage- ries savent parfaitement distinguer les espèces de Poissons qu'on leur donne, et refusent constam- ment tous ceux dont ils ne font pas un usage ordinaire. Ils sont voraces, avalent les morceaux pres- que sans les mâcher, et après les avoir enduits d'une salive abondante et épaisse, sécrétée par des glandes fort développées. Quelques-uns d'entre eux vivent de Mollusques, tels que de Sèches, et il en est qui mangent des herbes. Presque tous lestent leur estomac de pierres assez grosses et assez nom- breuses. Beaucoup ne mangent que dans l'eau, et ceux qui vivent de Poissons leur déchirent le ventre et en dispersent les entrailles avant de les avaler. Ces Mammifères vivent en grandes troupes dans presque toutes les mers du globe; cependant, il paraît que la plupart de leurs espèces varient, selon qu'elles appartiennent au voisinage de l'un ou de l'autre pôle; car il est remarquable qu'ils préfèrent les pays froids ou tempérés, aux climats chauds de la zone torride. Ce sont les espèces de ce genre qui se sont prêtées au plus grand nombre d'observations, parce que plusieurs d'entre elles se trouvent d;ins nos mers, qu'on a pu en faire vivre en captivité, et qu'elles 248 HISTOIP.E NATURELLE. ont été Tobjel d'un assez grand nombre de recherches anatomiques. (Jiioiqiie leurs organes du mou- vement et leurs sens aient une structure peu favorable à l'exercice et au développement de l'intelli- gence, il est peu d'animaux plus heureusement doués, sous ce rapport, que les Calocéphales; aussi, ainsi que nous l'avons dit, leur cerveau a-t-il une étendue qui le rend presque comparable à celui des j)remiers Singes, et les observations auxquelles les actions de ces Phocidés ont donné lieu confirment entièrement ce qu'avait fait prévoir l'inspection de l'encéphale. « 11 n'est pas, dit Fr. Cuvier, d'ani- maux sauvages plus faciles à apprivoiser, qui aient une conception plus vive et qui soient disposés à plus d'attachement pour ceux qui les soignent; ils les reconnaissent de loin, les appellent du geste et du regard, et se conforment, sans qu'il soit nécessaire d'employer la force, à tous les exercices qu'ils leur demandent, et que leur organisation leur permet. Dans l'eau, ils sont d'une agilité extrême, et ils peuvent y rester longtemps sans respirer; à terre, ils se meuvent en avançant alternativement leur train de devant et leur train de derrière. Mais, quoiqu'ils aient des muscles vigoureux, des on- gles aigus, des dents tranchantes, les moyens de conservation qu'ils ont reçus résident plus encore dans leur intelligence que dans leur force physique. » I-'ig. 116. — ArclocôiilKilc lobô. Ij cl 'anatomie du Phoque commun a été faite avec soin par Daubenton, et, comme le Plwca vïlnthm peut être pris pour type de tous les Calocéphales, nous rap|»(>rlerons maintenant une partie de ce qui en est dit dans V Histoire fiénémle cl parlicitlicre de l>uffou; mais, comme ces détails ne sont relatifs qu'à certaines parties de l'organisme, nous n'en croyons pas moins devoir donner un extrait du travad de Rosenthal sur les organes des sens des Phoques. '( A 1 ouverture de l'abdomen, rapporte Daubenton, les viscères se sont trouvés situés comme dans h's autres Quadrupèdes; l'épiplmin est très-court, fort mince et placé derrière l'estomac; le loie s'étendait beaucoup plus à droite qu'à gauche, et l'artère hépatique était fort apparente le long Fig 1 . — Ichneuniie à queue blanche. Hg. 2 — Cynictisd'Oiiilby, l'I. .",1. CACuNASSlLliS. îiî) du lig;ini(Mit siispcnsoir" du foie jusqu'au nonibiil; restomac se trouvait dans le milieu de la réi^ion épigastrique, il était courbé en arc de cercle, cl la convexité se tiouvait en airière et les deux ex- trémités en avant; le pylore terminait celle du côté droit. « Le canal intestinal s'étendait, en arrière, sons l'estomac, vers son extrémité postérieure; dans cet endroit, le canal intestinal se recourbait, et ensuite il se piolongeait en avant jusque contre le py- lore; il faisait plusieurs petites circonvolutions sous Testomac, dans la région ombilicale, dans le côté gaucbe, dans le côté droit, dans les régions iliaques et dans l'Iiypogastrique; eniin, il s'étendait en avant depuis la région liypogastrique jusqu'à l'endroit du [)ylore où se trouvait le cœcuni; le cô- lon était fort court, il se formait sous l'estomac un petit arc dont la convexité était touriice en avant. Fig. 117. — Caloccpliale du Gioëulaiul. « L'estomac différait de relui des antres animaux par sa forme, il n'avait point de grand cul-dc- sac; l'œsopliage aboutissait à l'extrémité gauche de cet estomac, qui était fort long à proportion de sa grosseur; il n'avait point de courbiu'e dans la partie qui s'étendait depuis l'œsopliage jn.'^qu'à l'angle que formait la partie droite, comme dans les estomacs de la plupart des Quadrupèdes; cet an- gle était bien marqué, et le reste de la partie droite, qui se trouvait entre l'angle et le pylore, était longue et avait peu de diamètre, la courltni'c, que l'on appelle la grande courbure dans l'estomac de I bomme, et qui y est en effet très-apparente, avait peu de convexité dans l'estomac du Phoque, de- puis la courbure qui se trouvait derrière l'angle jusqu'à l'œsophage. « Les intestins grêles avaient tons à peu près la même grosseur, cependant la portion la plus grosse se trouvait dans le duodénum et la plus petite dans l'iléum; le cœcum était fort court et ar- rondi par le l)out; la première portion du côlon avait le plus de diamètre; la grosseur de cet intestin était moindre dans le reste de son étendue et égale à celle du rectum, excepté près de l'aïuis, où U rectum était plus gros que le côlon à son origine. (( Le foie était très-grand, mais il avait à proportion moins d'épaisseur que de longueur et de lar- 250 lllSTOIIiK .NATir.KLU:. i;eur; los lobes étaient fort longs et pointus par rcxtrémité; U y en avait quatre, deux à dcoite, un à i,'auclie eu entier, et le quatrième dans le milieu : celui-ci était divisé en trois parties par deux scis- sures; le lii^ament suspeiisoir se trouvait dans l'une des scissures, et le vésicule du fiel dans l'autre, qui était à droite de la première; le lobe i^auclie et le lobe inférieur et antérieur du côté dmit avaient à peu i)rès autant de i^rosscur l'un que l'autre: le lobe supérieur et postérieur du côté droit était le plus petit de tous, et il avait à sa racine un appendice bien marqué. « La rate se trouvait placée transversalement de droite à ij^auche sur restomac; elle avait à peu près la même largeur dans toute sa longueur; elle était d'une couleur rougeàtre et plus foncée que celle du foie; elle pesait sept gros et dix-liuit grains. « Le pancréas était fort grand, très-épais, très-compacte et de couleur de cliaii'; il avait une figure singulière et oblongue: son extrémité droite était plus large (jue la gauche. i( Les reins étaient fort grands; ils avaient peu d'enfoncement et ils étaient tuberculeux en dehors; eu les ouvrant, on voyait distinctement que tous ces tubercules étaient autant de petits reins qui for- maient le grand; il y avait au milieu de chaque petit rein une pupille blanchâtre dont sortait l'urine; elle coulait dans des conduits qui se réunissaient pour former l'uretère. « Le centre nerveux du diaphragun^ était très-peu étendu, et la partie charnue avait beaucoup d'épaisseur. Le cœur se trouvait dans le milieu de la poitrine, un peu plus à droite qu'à gauche; sa pointe était dirigée en arrière et peu apparente, parce qu'il avait une figure fort extraordinaire; il était aplati par-dessus et par-dessous; il formait presque un ovale dont le grand diamètre s'étendait de droite à gauche d'uii côté à l'autre de ce viscère, et le petit diamètre depuis la base jusqu'à la pointe; l'oreillette droite n'avait guère plus d'étendue que la gauche. Les principaux vaisseaux sanguins étaient très-gros, on voyait très-distinctement le canal artériel, qui communiquait de l'artère pulmo- naire à l'aorte; son diamètre, pris de dedans en dehors, était de deux lignes et demie. 11 sortait trois branches de la crosse de l'aorte. « Les poumons étaient très-grands, il n'y avait quini lobe dans chacun; le poumon gauche était un peu plus grand que le droit. « L'extrémité de la langue était échancrée, presque fourcliue, fort étroite et fort mince en compa- raison du reste, qui était large, épais et court; la partie antérieure était garnie de petites papilles, et parsemée de grains ronds et peu apparents; il y avait sur la partie postérieure quehpies petites glandes et des papilles larges, n)ais peu élevées et molles. « F/epiglotte était recourbée en dessous et eu arrière, épaisse et de figure triangulaire un peu al- longée. Les anneaux de la trachée-artère étaient cartilagineux dans toute leur étendue. 11 n'y avait point de sillons marqu^'s au palais; on apercevait seulement (pulques rides irrégulières sur la partie postérieure, et un enfoncement assez large sur le milieu. '( Le cerveau était fort grand, et le cervelet encore plus grand à proportion: celui-ci se trouvait placé au-dessous de la pai'tie postérieure du cerveau, de l'organisation intérieure a retrouver si ces tlilïérences eoiiii'ideraient avec les caractères différentiels extérieurs, et, à ce sujet, CARNASSIERS. 251 il n [Miblif un mi'moii'(^ iiiipoi'laiif, dans le fonu' XII dos Mémoires de la Sociélé des (juieux de la nalitre de Bonn, sur ios ort;aiu\s des sens clicz los IMifxjucs. Un extrait de ce travail, traduit de l'al- lemand en fran(.'ais par M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, a été inséié dans l'arlicle Pho(jne de Les- son dn Dielionnnire elasstqiie d'Histoire naturelle, et nous crovons utile de reproduire eu partie eel extrait. Si le tact est dans foute sa perfection eliez riiomme, s'il conserve ses ]dus précieux attributs chez plusieurs animaux, il perd la plupart de ses avantai^es cliezies Phoques; leurs envelopi)es extérieures, leurs membres, ne sont pas disjmsés favoiablenu'ut pour en être le siéi^e. Toutefois, on peut regar- der comme organes essentiels du toucher chez ces animaux les longues soies d'une nature parti- culière qui revêtent les lèvres sous forme de nujustaches roides : ces soies sont imjdantécs au milieu des fibres d'un muscle épais qui sert à l'occlusion des cavités nasales; leur sensibilité exquise est mise en jeu au contact des corps, mais elle est plus avivée encore lorsqu'elle coïncide avec l'ou- verture des narines, parce que le sens de l'odorat ajoute un moyen de plus à la perception de la sen- sation. Ces poils des moustaches sont roides, annelés le plus souvent, arrondis à leur extrémité infé- rieure, où ils sont traversés d'un canal central dans l'étendue d'une ligne et demie; ils sont, dans toute la portit)n enfoncée dans les interstices du muscle clausteur des narines, entourés d'une capsule cornée cylindrique ou bulbe producteur, ouvert à ses deux extrémités et nu en dehors, tandis que son intérieur est tapissé par une légère pellicule ou membrane vasculaire. Cette membraiu^ forme une vé- ritable gaine à la soie, et s'unit à la capsule cornée par son extrémité ouverte inférieure, va joindre le bout du canal du poil et s'y attache circulairement en y laissant pénétrer quelqiu's légers petits vaisseaux. En entrant dans le bulbe pour en tapisser les parois internes, cette membrane laisse péné- trer des vaisseaux et des nerfs; ces derniers appartiennent à la deuxième branche principale de la cinquième paire, cjui prend sur la surface un développement considérable : ils envoient de nombreux llleis aux extrémités dn bulbe, dont les poils ou soies des moustaches sont les prolongements, e( qui ont sans doute pour but de transmettre au bulbe, véritable siège de la sensation du toucher, les im- ])ressiûns qu'ils reçoivent par le contact des corps extérieurs. On conçoit alors que les sensations de relation par le toucher doivent être très-obtuses chez les Phoques. La langue est longue de 0'",08, et large, à sa partie postérieure, de O'",0o pour le Veau marin du nord de l'Europe. Le muscle lingual reçoit, comme chez les autres animaux, les hyoglosse, génio- glosse et les autres muscles de l'appareil hyoïdien; la membrane muqueuse qiu la tapisse est dense, et se replie en plusieurs rides à la partie postérieure : elle recouvre une meml)rane fibreuse beau- coup plus épaisse, et qu'on ne peut comparer qu'au réseau de Malpighi de certains animaux herln- vores; les papilles nerveuses, sièges du goût, sont de grandeur très-inégale; elles ne sont pas roides, et leurs pointes sont dirigées en arrière; de très-petits rameaux nerveux se rendent à chacune d'elles; l'os hyoïde, ])ar la manière dont il est placé et aussi par sa forme, a beaucoup de rapport avec celui de l'homme; son corps est aplati, large d'à peu près 0"',00i, et disposé obliquement, de sorte que le bord tranchant est dirigé en haut et en devant, et que le bord épais est tourné en arrière et en bas; les cornes thyroïdiennes sont plus larges et plus robustes proportionnellement que celles de l'os hyoïde de l'homme, et elles s'unissent immédialement avec le cartilage thyroïde; leurs extrémités sont terminées par une membrane qui affecte la forme d'une membrane capsulaire; les cornes anté- rieures se composent de trois portions osseuses, arrondies, réunies par les cartilages. Les muscles de la région hyoïdienne ne présentent rien de particulier. Le sens de l'odorat est bien moins déveloj)pé chez les Phoques que chez les autres Carnassiers : en eflet, quelques-uns d'entre eux ne paraissent pas avoir la conscience des odeurs, même à une faible distance. On doit donc penser que, chez ces Amphibies, l'appareil olfactif est disposé, comme chez les Poissons, a recevoir les particules des arômes apportés par un fluide beaucoup plus dense que l'air, tel que l'eau, leur respiration a terre est toujours gênée, et ne s'exécute que par des inspirations fortes et aidées de tous les muscles, et notamment des divers plants de fibres intercostales. La ca- vité nasale est inégalement large et très-comprimée à sa partie supérieure par le développement des fosses orbitaires; le corps de l'ethmoïde est très-petit, et, dans le Plioca fœlida, à la partie externe des cornets supérieurs, il y a sej)! ajiophyses aplaties enroulées à leur bord; le cornet inférieur est, au contraire, très-grand, remplit en grande partie tout l'espace des fosses nasales antérieures et postérieures, et se trouve foi'uié de feuillets enroulés très-minces; la |)osition de la pituitaire qui la 0^0 IIISTOIP.K NATH'.KI.I.K. tapisse est niiiur, v\ revoit, conKiic à l'ordinaire, les nerfs des première et eiiiquiènir paires. Li' rebord des narines est formé d'une membrane épaisse, remplie de gi'aisse, et qui s'attaehe à la por- tion eartilagineuse du vomer; il en résulte que les ailes du nez jouissent d'une grande mobilité, et peuvent éprouver un degré de contraction assez puissant pour le fermer complètement. Ce mouve- ment est opéré par deux muscles, faisant rol'lice de constricteurs, et dont les fibres s'entre-croisent dans la lèvre supérieure et dans la membrane musculo-fibreuse du pourtour des narines; le plus Iar<'e de ces muscles, Télévateur des ailes du nez, prend naissance sur les côtés du maxillaire supé- rieur et des os nasaux, se dirige obliquement en bas et va s'épanouir dans le labial supéiieur et au pourtour entier de la narine, qui est placée de son côté; ses fibres, en se contractant, tirent ainsi les ailes du nez en debors, et par conséquent les ouvrent de toute la capacité de leur diamètre transver- sal; le deuxième muscle, plus épais, est le constricteur des ailes du nez, qui nait de la partie posté- rieure du maxillaire supérieur, et, sur les rebords des alvéoles, se rend dans les téguments de la lèvre stqiérieure, où il forme un faisceau musculaire où sont logés les bulbes producteurs des soies des moustaches, et se rend à la partie antérieure de la cloison nasale, après avoir contourné le bord des buccinateurs; ces libres, en se contractant sur leur point fixe en dedans, serrent les ailes du nez contre la cloison, et opèrent en même temps un mouvement d'érection à diacun des poils ou soies des moustaches. Les yeux sont remarquablement grands, et plus rapprochés que dans beaucoup d'autres animaux; l'œil est presque sphérique, et a 0"',04 de hauteur sur un diamètre transversal un peu moindre; la membrane sclérotique se compose d'un tissu épais et presque fibro-cartilagineux, mou et mince dans son milieu, mais épais en avant aussi bien qu'à la partie postérieure : et ce fait se retrouve dans d'au- tres animaux marins. La cornée est aplatie, ayant environ O'",0'2 de diamètre; elle est épaisse à ses bords, mince dans son milieu, et peut s'isoler aisément en plusieurs feuillets. Une membrane bru- nâtre tapisse la surface interne de la sclérotique; son tissu est cellulaire et lâche, et paraît destiné à servir de moyen d'union entre les divers plans membraneux. Au-dessous existe une autre membrane aisément séparable en deux feuillets; la vasculaire ou tunique choroïdienne est entièrement formée par un tissu cellulaire qui unit le réseau vasculaire qui la parcourt, et qui est généralement occupé par un pygmenlum noir; les vaisseaux s'unissent irrégulièrement ;i sa partie postérieure, et ils sont ré- gulièrement disposés à la partie antérieure. La membrane colorée ou choroïde consiste en un tissu homogène, mince, serré, ne recevant pas de vaisseaux, et teinte en dedans comme en dehors. Le corps ciliaire se compose de plis qui, d'abord petits, sont plus grands à mesure qu'ils se rappro- chent du cristallin L'iris, par la nature de son tissu, a de grands rapports avec la choroïde, mais elle comprend, en outre, un grand nombre de vaisseaux. La membrane uvéc est un simple prolon- gement de la choroïde; elle offre des plis qui se dirigent vers l;i pupille, qui partent de sa partie postérieure, et dont les deux faces sont enduites d'uu'pvgmentum noir. La rétine prend naissance à une lamelle excavée de la terminaison du nerf opti(pie, et est très-mince par comparaison avec les membranes précédentes; son tissu est formé par un réseau dont les mailles sont remplies d'une sub- stance médulhiire assez épaisse qui se détache aisément pai' la macération : le tissu réticulé reste alors à nu, et la surface interne de la rétine est parsemée de vaisseaux qu'on y découvre aisément, et qui laissent de profondes impressions sur l'humeur vitrée; quelques fibres un peu plus grosses pa- raissent avoir quelque analogie avec des vaisseaux; cette membrane concourt à contenir une masse vis- (lueusejaunàtre qui est sans doute déposée par les petits vaisseaux, et semble analogue à ce que l'on observe chez beaucoup de Poissons. Le cristallin est grand, sphérique, et a environ 0"',009 de dia- mètre; riiumeur a(pieuse est en quantité considérable. Six muscles servent à mouvoir, en divers sens, le globe de l'œil; un bourrelet, presque immobile et circulaire, privé de cils, forme les pau- pières. Le voile palpèbral est grand, et consiste en un repli lâche et mobile de tégument, renforcé par un demi cartilage mince, convexe, suivant la forme de l'œil : quatre muscles, nés de la partie postérieure de l'orbite, et dirigés en avant, où ils s'unissent à la base des muscles droits, ont pour fonctions de mouvoir un })eu les paupières : séparés des muscles propres de l'œil dans la partie antérieure de l'orbite, ils se perdent dans les fibies du palpèbral ou muscle orbiculaire. La glande lacrymale est extrêmement petite. On ne trouve aucun organe destiné à absorber ou à servir d'émou- cloir à la sécrétion des larmes. La glande d'ibnvh'rius est très-petite, et, toutefois, existe avec ses canaux. Pi.r. 1. — Canin (inthax. |.'j,r O. — FcJix pinniccjjs. CAhNASSIKIîS. '.),'» Le coiidiiit aiidilif, rnrmc par riiiiinii iTos cl de carlila^'cs, ahmilil à iiiic ouvcitiiic cxlrriciiic. Ionique (le 0"'.0(l'i; la |i()ition carlilaj^iiuHist' consiste en qnatre lari^cs demi anneaux solides, nnis l'un à l'antre par une nund)raue é|)aisse et forte; il en résulte un tuyau élastique, éti'oit. loui^ de ()",(ll, un peu tordu, courlié, et susceptible d'être rétréci et raccourci suivanl les nmuvemei.ts de l'animal. L'anneau cartilagineux externe diffère, par sa forme, de ceux (jni le suivent; sajortion antérieui'e est léyèienicnt convexe, et est munie, en dessus, d'un petit pi'oloni^cmcnt faisant saillit' sur l'ouverture atiriculaii'c extérieure, et assez comparable au tragus de quelques animaux terrestres. Ce conduit reçoit, non-seulement quelques fd)res du peaussier, mais encore des muscles propres qui naissent de l'aponévrose du crotaphyte, et se rendent à la jjartie postérieure du tube cartilagineux. Un petit faisceau plus épais naît de la base de l'apophyse zygomatique et se rend au cartilage an- indaire; eutin, des fibres musculaires, disposées en faisceaux grêles, s'avancent jus([u"au troisième anneau. Le conduit auditif osseux est court; son ouverture est ellioli([ue. La mendjrant' du tynq)an est grande, irrégulièrement arrondie; sa position est obli(jue. La cavité du tympan est très-développée, et présente la forme d'une pyramide dont le sommet est dirigé en haut et en arrière; le côté externe supporte la membrane du tympan, l'interne est adossé à la base du crâne, et le postérieur corres- pond au labyiiuthe. Les petits os de l'oreille n'ont rien de remarquable, si ce n'est leur position, qui est un peu plus obli(pie que dans les autres Mammifères. L'oreille interne n'a rien de particu- lier; le vestibule est très-large, et n'a pas plus de 0'",OÛ(j dans son plus grand diamètre. Une lame criblée sert pour le passage du nerf acoustique, qui est très-épais. Pour conq)léter ces détails anatomiques nous renvoyons à ce que nous avons déjà dit dans nos gé- néralités sur les Phocidés, relativement au squelette de ces animaux; car en effet le type que nous avons décrit était le Phdqne commun , I<"ig. 118. — l'iioque commun. On indique une dizaine d'espèces de Calocéphales, mais il est très-difiicile de les caractéiiser d'une manière complète, car on peut remarquer dans une même espèce de grandes différences de couleurs suivant les sexes, les âges et peut-être même les saisons. 254 IIISTOIRK WIFRELIF 1. P1I0<>UK COMMUN ou VRAU MAFIIN. PHOfX VITlil.lW. Linnô. Caractères .si'I'Cmiques. — Couleur iiéiirrale d'un gris jaunâtre, avec ([uel((ues lâches irré!4ulière;> noirâtres, mais diflerant suivant ([lU' l'animal est sec ou mouillé; au moment où le Pluique sort de l'eau, toute la partie supérieure do son corps et de sa tète, ses membres postérieurs et sa queue sont gris d'ardoise: le gris de la ligne moyenne le long du dos, de la queue et des pattes est uniforme: celui des côtés du corps se compose de nombreuses petites taches rondes, sur un fond un peu plus pâle et jâuuàti'e; toutes les parties inférieures sont de cette dernière coideur; lorsque ce pelage est entièrement sec, on ne voit plus de gris que sur la ligne moyenne, où se trouve aussi un petit nombre de taches réjjandues irrégulièrement; tout le reste du corps est entièrement jaunâtre. Mais ces cou- leurs ne sont pas toujours les mêmes dans tous les individus, car il paraît ([u'en vieillissant les teintes diminuent d'intensité, et ({ue le i)elage devient blanchâtre. Ce pelage est continuellement lubréfié par une matière grasse qui naît d'organes glanduleux principalement situés autour des yeu.K, sur les épaules, sur les côtés du dos ou les côtes du ventre et autour de l'anus; cette matière est noirâtre et jiuante. La longueur totale de l'animal est d'environ 1"'. Cette espèce, dont Lesson a assez inutilement changé le nom de Pli. v'itiilhia, connu depuis très- longtemps, en celui de Plioca L'mnm, est la plus lépandue de toutes celles de cette famille; elle se trouve surtout dans la mer Baltique et dans tout l'Océan atlantique, depuis le Groenland jusqu'aux rivages de la mer du Xord; mais on l'a rencontrée plus au sud, et il paraît même qu'elle se port" quelquefois jusque vers le cap de Bonne-Kspérance d'une part, et de l'autre jusqu'aux terres magel- laniques et aux îles situées au large de cette partie méridionale de l'Amérique; elle habite, dit-on encore, la Méditerranée et la mer Noire, et, suivant l'asseition de plusieurs voyageurs, mais qu'on ne saurait admettre sans de nouveaux renseignements plus positifs, il se trouverait même des indi- vidus de cette espèce dans la mer Caspienne et dans le lac Daïkal, ainsi que dans les lacs Onega et Ladoga, en Russie. Enfin c'est presque exclusivement ce Phoque que l'on voit sur nos côtes de l'O- céan, et que Fon peut parfois se procurer vivant. C'est à cette espèce, l'une des plus connues des marins, que presque toutes les autres du même genre ont été rapportées sous la dénomination générale de Veaux, de Loups ou de Chiens marins; et il pa- raît, d'un'e autre part, que, sous celle de Plioca vïtiilïna, les naturalistes en confondent probablement plusieurs qui sont éminemment différentes par leurs caractères anatomiques; du moins c'est ce qu'en rapporte M. Otto, qui assure avoir disséqué deux Phoques de la P)allique, très-semblables par les ca- ractères extérieurs, mais dont les têtes osseuses offraient des dissemblances remarquables dans l'é- eartement des orbites et dans l'allongement du crâne. Dans leurs ouvrages, les naturalistes indiquent des variétés assez nombreuses de cette espèce dont nous nous abstiendrons de faire connaître les caractères. Nous ne ferons cjue citer en passant : 1" celle du golfe de Bothnie (Plioca viinlina Bollniica, Linné), qui a le nez plus large, les ongles plus longs et le pelage plus obscur; 2" celle des lacs Orom et Baikal {Pli. v'ilulina Sib'ir'ica, Gmelin), qu'on dit ai'gentèe, et cpii. selon Péron, pourrait bien n'être qu'une Loutre; et 5° celle de la Caspienne {Pli. viiuliiiu Qispira, Pallas, Krachenninikovv et Gmelin), qu'on dit êire de la taille du Phoque commun ou j)lus petite, et variée de noir, de jaune, de cendré, de blanchâtre. C'est avec plus de certitude que nous rapporterons avec A. -G. Desmarestà celte espèce le Phoque dont parle Olafsen dans son Voijagc c)i Islande sous le nom de Landselur. Il est, dit-il, de l'espèce de ceux qu'on trouve dans la Balti- que. On le prend au printemps; il fait et nourrit ses petits à cette époque, sur les anses qui sont basses, et consé({uenMnent sous l'eau, loi'sque la ma'ree est haute. Les femelles tiennent ces petits à terre jusqu'à ce qu'ils aient changé leur premier poil. Ce poil est blanc, et quelquefois d'un jaune clair; il devient ensuite d'une couleur foncée et mouchetée de gris un peu plus clair sous le ventre ([u'ailleui's, nuirqué de taches blanches et rondes sui' les côtés; à mesure qu'il vieillit, la couleur -s'éclaircit encore, et, à la fin, il est d'un blanc tirant sur le gris. La taille de ce Phoque se rapporte d'ailleurs assez à celle de l'espèce commune. r)'a[»rèsM. Boilard. le Kassiciack {Pli. viliilina, Erxle- hen; Pli. niaciilaia, Roddaert) parait égalemeut en être uwc variété dont le ])elage est gris en dessus, (.A!l.NASslKU>. 2: ).) b/anc en dessous dans les jeunes, puis ffun . CALOCtÎPIlALE LIÈVRE. CALOCEl'HALl'S LEPORIJSUS. Fr. Cuvier. C.\r,.\ciÈr,!.s seKciiKjLKS. — Poils longs, peu serrés, non couchés sur le corps; peau ayant une épaisseur remarquable; pelage d'un blanc sale, mêlé d'un i)eu de jaune, et jamais moucheté. Jeunes individus ayant un pelage sem!»lal)le à celui du Lièvi'c, variable jiar sa longueur, sa flexibilité et sa blancheui'. Longueur, depuis le bout du museau jus(pi"à i'extrcniité de la queue, '2'", OU; celle-ci n'ayant guère que 0"',05. (Je Calocéphale, k Plioca Lcpcdienii de Lesson, dont la taille est de 2'" environ, est des mers d'Islaude, et se trouve lrc(pu'niuieiil entre le Spitzberg et le pays des Tchutkis. Pans les mois d'été, il 2r)6 IIISTOIUK NATUnELLl'] •se trouve dans la mer l-lanclio, oii il n clé ûbservé par Lepechiii, qui l'a nommé Phocn vitulina, et en a donné la description suivante : « il ressemble beaucoup, pour la forme et la grandeur, au Pho- que du Groenland; mais il a sur tout son corps un blanc sale, mêlé d'un ])eu de jaune, et il n'est ja- mais mouclietc. Ses ])oils sont plus longs; ils ne sont point serrés et se tiennent di'oits. Le poil des jeunes surtout, par sa longueur, sa llexibilité et sa blancheur, ressemble à celui des Lièvres varia- bles : de là leur dénomination. La tète n'est pas aussi grande que celle du Phoque à croissant, mais elle est allongée- la lèvre supérieure est plus grosse et aussi épaisse que celle d'un Veau; les veux ont la prunelle noire; les dents sont semblables, pour le nombre, à celles du Phoque du Groenland, mais elles sont beaucoup plus fortes; les jtoils des moustaclies sont différemment distribués : ils sont |ilaces sur quinze rangs, épais et forts. Les bras sont beaucoup plus faibles; les mains petites, ser- rées et comme coupées: la membrane qui unit les doigts ne forme j)oint une demi-lune; elle est égale pîMlout; la queue est plus courte et plus épaisse; l;i peau est d'une épaisseur remarquable, avant jus- qu'à quatre lignes sur un animal qui vinit d'être tue. )i Fig. 119. — Calocéphale lièvre. Pendant son sejuur sur les bords de la mer Blanche, ce Phoque se tient à reinboucliure des fleuves qui se rendent dans cette mer, les monte avec le flux et les redescend avec le reflux. On le tue pour en avoir la graisse et la peau; son cuir est surtout estimé à cause de son épaisseur; on le coupe en ligne spirale pour en fabri(pier des traits ou des harnais d'une certaine longueur, que Ton rend droits en les sus])en(lant cl en attachant une pierre au bout libre; on travaille la peau des jeunes; les poils ont une conlcMir noire, et Ton en fait des chapeaux fpii imitent le castor, mais qui sont rudes au toucher. l'V. ('.u\ier a eie à même d'eludier à la Ménagerie du Muséum un Irès-jeune individu de celle (>spèce qui avait été pii^ dans la Manclu (Ihez eet animal, le do- el.iil i;;ir;ii d Un très-grand nonliic de pe- CVRNASSIEP.S. !257 tites laclios noirâtrfis sur un fond i;ris jaunâtre, et elles loi-niaient une liç-iio le long de l'épine dor- sale; la haude du ooû paraît ne se montrer que lorsque les taches du flos s'effacent, lesquelles ne se voient que quand Taninial est mouillé; lors([iril est sec, sa couleur, dans ces parties, est iiniformé- uuMit jaunâtre. J^'individu qui a vécu au Muséum a pu aisénu'ul être aj)priv()isé; loisqu'il était contra- rié, il souillait à peu près comme un (Huit, et, lorsque sou inq»atience était portée plus loin, il faisait entendre un petit aboiement; il lu' diercliait i)oint à mordre pour se défendre, mais à égratigner avec ses ongles, et ne mangeait jamais (pTau Innd de Teau; sa luturriture consistait eu Poissons de mer: il n'a jamais été possilde de lui fiirc niangei' d\\ Poisson d'eau douce. r.. CAF.OCHIMIAIJ', MAllIfr.l-;. CMOCEPIIMUS DlSCOiOli. t'r. Cuvier. C.\r..\cTÈnF.s si'ÉciiiQUEs. — Pelage d'un gris fonce, veiné de lignes Itlanchàtres, irrégulières, for- mant sur le dos et sur les flancs une sorte de marbiiire : ce dessin se distinguant mieux lorsque l'ani- mal est dans l'eau que lorsqu'il est à sec. De la taille du Pho(pie commun. Cette espèce, qui ne diffère peut-être pas du Plioca viiuima, cl dont Lesson a fait sou Plioca Frc- (lerici, se trouve sur les côtes de l'Océan, et a été principalement prise sur celle de France. Elle a été fondée par Fr. Cuvier d'après un individu qui a vécu quelques semaines à la Ménagerie du Mu- séum en même temps que le Phoque lièvre dont nous avons parlé. On le voit souvent entre les mains des sallind"au(jues; ses mœurs s(MiI douces et son intelligence est irès-developpée. 4. C,\LOCl':PHAI.t': L.\GI'RIÎ. calocePHAUIS LAGVr>US. Fr. Çiivier. C.vn.vcTKRES sr'i'.ciFu^LES. — Tout le dessus du corps d'un cendré argenté, avec quelques taches éparses d'un brun noirâtre: flancs et dessous du corps d'un cendré presque blanc; ongles forts, noirs; moustaches médiocres, eu partie noirâtres, eu partie blanchâtres, et gaufrées à peu près comme dans le Phoque commun. Longueur totale, environ 1'". Cette espèce a été créée par G. Cuvier sous la dénomination de Plioca lagurus, d'après un individu envoyé de Terre-Neuve au Muséum d'Histoire naturelle, par M. de la Pilaye, et a reçu de Lesson la dénomination de Plioai Pilaifi. On lui rappoite un Phoque décrit par A. -G. Desmarest, dans le sup- plément de sa Mammalogie sous les noms de Puoque a queue i;i,.\?sche (Plioca albicaiula), dont il ignorait la patrie et auquel il assigne les caractères suivants : formes du Phocpie coiumun; pelage gris de fer, s'éclaircissant sur les côtés et blanchâtre sous le ventre; quelques petites taches noi- râtres irrégulières sur le dos et les flancs; museau blanc en dessus; moustaches médiocres, noires; queue assez longue, mince, d'un beau blanc; ongles des pieds de devant longs, robustes, comprimés, peu arqués et noirs. Longueur : 1"\020. 5. CAi.oci:priA!.E iti: Groenland, calocephalus r.noEMA^Dicus. pr. cuvier. C.vr.ACTÈUEs si'ÉciFiQUES. -— Molaircs petites et écartées, n'ayant à la mâchoire supérieure qu'un seul tubercule en avant ou eu arrière du Inbercule moyen; il a, suivant Lesson, trente-huit dents, sur lesquelles six incisives en bas et quatre en haut; pelage des mâles adultes blanchâtres, avec le front et une tache eu croissant noii'e sur chaque flanc; tète entièrement noire; jeunes tout blancs en naissant, puis prenant une teinte cendrée avec de nombreuses taches sur les parties inférieures du corps. Longueur totale, 1"',95. Cette espèce est le Phoque a cuoissa.nt d'A. G. Desmarest et a reçu d'Othon Fabricius le nom de Pliora Grocnlandica, d'où Fr. Cuvier a tiré celui de Caloccpliains GroenInnUkns, et Lesson en fait son Plioca Miillcri. C- O^) •258 IIISTOIP.E NATURELLE. (](' Plioqiio osf très-soniblablc. p;ii' ses t'ni'mcs, ianches, parsemées de taches rares et d'une couleur fauve sur le ventre: soies des moustaches pâles, les plus i)etites noires, pointues, comprimées, avec leur bord en totalité ondulé; ongles forts. Lon- gueur totale variant considérablement entre 'l"',oO et i''',()5. Ce Phocidé est le Neitsk des voyageurs et le Puoque iNeitso.ak de Buffon. C'est le Plioca fa-ùdn d'Olhon l"al)ricius, le Phoca //i.ç/Hf/rt de Sclireber. d'où Fr. Cuviei' a fait son Caloccphnlns liispidiis, et Lesson son llalichcrus liispiilus; enfin Nilson lui a appliqué la dénomination daPItoca minnlalu, et Lesson l'a indiqué sous le nom de Phoca Sclircbcri. Dans cet animal la figure du cori)s est i)resque ellipti((ue; les talons des pieds de derrière sont à peine apparents, à cause de l'obésité des individus qu'on a observés. Le dos est trè.s-bombé; le vei:- tre plat. Les poils sont très-épais, presque droits sur la peau, doux au toucher, assez longs et lins: et ces poils recouvrent des soies laineuses, très-frisées, plus profondément placées. Le pelage des adultes est presque brun, vai'ié de l)lauchritre, avec le ventre blanc, et [«résentant quelques taches bruiu'itres, Dans les jeunes individus de celle espèce, la coloration du dos est d'un blanc sale ou li- 562 IIISTOIUI-: NATURELLE. vide, sans toches, et le ventre est blanc. Dans les vieux, au contraire, le l'iioque est très-varié, le museau presque nu et le poil fin corps ras. Erxleben dit que cet animal a le poil hérissé et mêlé de soies aussi rudes que celles d'un Sanglier, d'où a été tirée, pour le dire en passant, la dénomination du genre; la robe, d'après le même naturaliste, serait d'un brun pfde, tachetée en dessus, blanchâtre en dessous, avec le tour des yeux noirs. On en connaît une vaiiété qui, sur un fond blancliàire, offre une ligne dorsale d'une coloration plus foncée. Les vieux mâles répandent une odeur très-puante et nauséabonde, qui existe également dans leur ( hair et dans leur graisse; et cette dernière est aussi très-fluide. Cette espèce semble se nourrir sur- tout de Crevettes et d'autres espèces de Crustacés: mais elle doit aussi manger des Poissons. Les sexes se rapprochent dans le mois de juin, et les femelles mettent bas en lévrier. Ce Phocidé est propre aux mers polaires du Nord; il habite les golfes les moins fréquentes du Groenland, et aussi, dit-on, les côtes les plus désertes de la Suède. 2. IIALlCtlÈrxE GRIS, ILMICUERVS GRISEUS. Hornsdiucli. CAiiACTÈiiEs si'KciiiQUEs. — Pelage composé de deux sortes de poils : celui de dessous blanc, lai- neux, court; celui de dessus, au contraire, long de 0'",054, soyeux, d'un gris plombé sur le dos, blanc sur le reste du corps. Un peu plus petit que le précédent. Celle csjtèce est la même que celle désignée par Oïlion Eabricius sous la dénoniiiialion de Plioca fjryplius, qui a été assez souvent adoptée, et pai' Pallas sous celhî de Phoca œnoleus'is. Cet Amphibie est loin d'être suffisamment connu, au moins sous le j)oint de vue de ses mœurs. On le trouve, comme l'espèce précédente, dans les régions circumpolaires du Nord, et il aurait clé égale- ment rencontré sur les côtes de la Poméranie. Fig. 121. — llulkiiùi'c y ris. I Fis. I . — Éricule noir. Fig.2. — Loup. (Variété.) f'I. 34. CAliNASSIKIlS. '2C^7> r.'"" GENRE. - STÉNORHYNQUE. SrE[\()IUfVm:mJS. Vv. Giivi,.,', 1820. DiriioniKiirt' lies Scieiicos nature lies, i. WXiX. ÏTîvcç, élroil; p'J"^//^:, niiiseaii CARACTÎ'RES GÉNÉRIQUES. Siisthne deulnire : incisives, l; canines, 'p-J ; molaires, |e| : enlotaiitc, trenle-cleux dents. Ces dents sont composées à leur partie moijenne d'un long tubercule arrondi, cijlindrique, recourbé en arrière, et séparé de deux autres tubercules un peu plus petits, l'un antérieur et l'autre pos- térieur, par une profonde échancrure. Tcte, comparativement à celle des Calocépliales, tout en museau, c'esl-a-dire trcs-alloncfèe et très-efjiléc vers son extrémité, d'oii a été tiré le nom du (jenre. Pieds terminés par des ongles petits, surtout postérieurement. Ce geni-e correspond ;"i celui des Leptomix (Xctvto;, grêle; cvu?, ongle) de M. Gray (Mag. nul. JUstorij n. 1, t. I. 1857), et à la division des Stenorhxjncina du même auteur. C'est, comme on vient de le voir, principalement la disposition du système dentaire qui a servi à caractériser ce genre; en effet, c est dans ces animaux que les molaires ne sont pas simples et sont chacune divisées comme en plusieurs petits tubes distincts : aussi croyons-nous devoii- rapporter à ce sujet ce qu en tlit Fr. Cuvier : « A la mâchoire supérieure, la première incisive est plus petite que la seconde, et toutes deux ont les formes de la caniuc; celle-ci, qu'un léger intervalle vide sépare des incisives, est très-forte, arrondie en dehors aux deux crêtes, l'une au côté interni', l'autre au cote postérieur. Les màchelières sont toutes de même geandeur et de même forme; leur partie moyenne se compose d'un long tubercule arrondi, cylindrique, séparé des parties latérales par deux profondes échancriu'es qui produisent, en avant et en arrière de ce tubercule moyen, un autre tubercule un peu plus petit, mais de la même forme à la mâchoire inférieure; les incisives, les canines et les molaires sont semblables à celles de la supérieure en tous points. Dans leurs positions réciproques, ces dents sont absolument <'e que nous les avons vues dans les systèmes précédents (celui des Caloccphalus); seulement les incisives sont elles-mêmes alternes, et les deux moyennes contigués de la mâchoire inférieure se logent dans le vide qui sépare les deux analogues de la mâchoire opposée. Ces dents nous ont été offertes par la tête du Phoque nommé leptonijx par De Blainville; les màchelières sem- blent nous montrer celles du Phoque commun développées au dernier degré; toutes les écliancrures de leurs tranchants sont profondes et produisent de longues pointes. » Fr. Cuvier ne rangeait dans le genre Slénorliynque qu'une seule espèce; nue seconde espèce y a été placée par Lesson, et Ton doit aujourd'hui y en mettre également une troisième espè<;e provenant des mers polaires australes, et rapportée par MM. Hombron et Jacquinol. Ces Phocidés sont tous pro- pres aux mers polaires. I. STÉINORHYNQUE A PETITS ONGLES. STENORHYSCIIUS LEPTO^YX. Fr. Ciuicr. C\r,ACTf;r>Es spécifiques. — Pelage d'un gris noirâtre en dessus, passant au jaunâtre sur les côtés, à cause des petites taches qui s'y trouvent; flancs, dessous du corps, pieds et dessus des yeux d'un jaune gris pâle; moustaches simples, courtes; ongles de derrière très-courts. Longueur totale variant de S-", 50, à rr. Cette espèce, qui n'est pas jusqu'ici connue d'une manière complète, a été décrite pour la première fois par De Blainville, d'après une tête osseuse qu'il avait été à même d'oberver, en 1820, dans le musée d'IIauville, à Ingouville, ])rès du Havre, et qui aujourd'hui fait partie de la galerie du Muséum, et à laquelle il a appli(pu'> la dénomination de Plwca leptonijx, qui rappelle la petitesse des ongles. 264 HISTOIRE NATURELLE. M. Evcrard Homo a fait roprésonter dans K's Tvansacl'wns nf ilie Soc'u'lij rorjal oj London, 1822, une tt'tc de rr I'lio(jiic ; et c'est piobablcment pour cela que Eessoii a applique à cet animal la dé- nomination de l^iiontr; de Home, l'Iioca Ilouici. Enllii. il y a nue dizaine d'années, MM. Hombron et .lacquinot ont i'a|ipoiié de liui voyant' au iiùle -iid le s(juel(!tt' c(im|)let d'un individu de cette espèce. Fig. m. — StL'ii.'iiliyiii|iiL' ;i |)elilN (Hii^lcs. Ce Sténoilivnque provient des mers des îles Malouines et de la Nouvel le-Géorgifi : on le réunit ([uelquel'ois, ainsi qno nous le dirons, avec l'r-spèi'e sni\anlt'. 2. STENORHYNQUE DE WEDDELL. STI-XOllUYNCnUS WEDDEI.LIl. L,\v. STKNOl'.IIY.NOl'l': CARCIXOPiI..\r,i;. srRXoniiyyriils r.\nri.\ol'il\Grs. lloini.ron c\ Jncquinnt Garactèues spÉciFnji.'Es. — Molaires subdivisées, comme celles du Stenoriinchus Icptonijx. en plusieurs tubes particuliers, mais offrant ce caractère spécial, qiu' ces sortes de tubes sont en plus grand nombre. CARNASSIERS. ^ 265 Celte espèce a été créée par MM. Hombron et .lacquinot; plusieurs parties caractéristicpies en ont été figurées dans l'atlas de leur voyage au pôle sud, mais la description n'en a pas été donnée en- core. La publication de la zoologie de cette expédition, d'abord arrêtée par les événements politi- ques, puis par la mort de Hombron, décédé en 185'i, au Sénégal, est rejtrise aujourd'hui, et M. le docteur Pucheran s'occupe en ce moment de ce qui concerne l'Iiistoire naturelle des Mammifères et (les Oiseaux. Comparé à celui du Sloiorliiinchits leplonifx, le système dentaire du Sloiorlujnchm carchwpluKjus ■présente des particularités qui rapprochent ces deux espèces, et d'autres qui les éloignent nette- ment. Ainsi les dents, en général, sont en même nombre dans les deux espèces, et les molaires, dans l'une comme dans l'autre, ne sont pas simples, mais comme composées d'une grande partie médiane, et, des deux côtés, de sortes de petits tubes qui y sont accolés : jusque-là, les dents des Slenorlïijnclius leptomjx et cnrnnoplingns se ressemblent; mais, tandis (|ue les molaires du premier ne sont composées que de trois tubes, un médian assez long et un autre plus petit de chaque côté de celui-ci, celles du second sont formées dun tube médian également grand, et, pour les deux molaires antérieures, d'un tube en avant et de deux en arrière, et, pour les trois suivantes, d'un tube en avant et de trois en arrière. Ces curieux caractères se retrouvent aussi bien à la mâchoire supérieure qu'à la mâchoire inférieure. Ce Sténorhvnque se rencontre communément sur les glaces du pôle sud, et acquiert une assez grande taille. lAin de nos amis, M. Paul De Saint-Martin, aujourd'hui employé à l'école vétérinaire de Toulouse, et qui faisait partie de l'expédition au pôle sud de l'amiral Dumont D'Urville, vient de nous trans- mettre, sur cette espèce, les détails suivants, que nous croyons devoir rapporter en entier : « C'est sur les glaces de la banquise des régions polaires méridionales que nous avons pris le Stenorfuj)icluis carcinophagus, et ce nom lui a été appliqué par Hombron, à cause de la grande quantité de Crus- tacés trouvée dans son estomac ; Crustacés qui presque tous étaient les mêmes que ceux qui ser- vent de nourriture aux Baleines, et qui se trouvent par bancs si grands et si compactes, que l'eau de la mer paraît rouge ou jaune, suivant la coloration de ces Ainiculés, qui sont de taille excessive- ment petite. Ce Phoque est long de 2™, 30 à 2'", 60; la tète est assez grosse, toute ronde et ressem- blant à la tète d'un Douledogue à qui on aurait coupé les oreilles au ras de la peau; il n'a pour or- gane auditif externe qu'un petit trou que l'on ne découvre que difficilement, caché qu'il est par les poils qui sont presque ras. Les mâchoires et les dents sont très-fortes, ressemblant beaucoup à celles des Carnassiers, les incisives et les canines étant longues et fortes, et les molaires présentent cinq lubérosités. La forme générale du corps est cylindrique, conique aux deux extrémités. Le poil est court, roide, d'une couleur brunâtre miroitant. Les membres antérieurs sont très-courts, formant une nageoire à cinq doigts représentés par cinq ongles sur la peau, qui est noirâtre : le tout réuni en- semble par la peau et indiqué seulement par quatre sillons. Les membres postérieurs ont la forme d'une nageoire en éventail dont les deux doigts externes sont les plus longs; les deux intermédiaires plus courts et celui du milieu le plus petit de tous : ces membres sont placés à l'extrémité inférieure du corps et séparés seulement par une petite queue longue de 0n\09 à 0'", 12, qui est reliée aux deux membres par la peau, ce qui la rend peu apparente et nous fit prendre, à la première vue, les deux nageoires postérieures pour la queue, ces deux membres étant toujours allongés dans l'axe du corps. i( Quant aux mœurs de ces animaux, il y a peu de chose à dire de particulier; ils vivent continuel- lement dans l'eau, ils nagent avec une grande vitesse et viennent de temps à autre sortir la tête hors de l'eau pour respirer, ce qui leur donne l'apparence d'un bon nageur prenant ses ébats. Lorsqu'il fait un peu de soleil, c'est alors qu'ils grimpent sur les glaces, où ils ne parviennent à se hisser qu'après maints pénibles efforts: quand ils y sont, ils se couchent au soleil et ont vraiment l'air de grosses sangsues, ainsi que l'a dit un officier de V Astrolabe : dans cette position ils se meuvent très- difficilement et ne peuvent que soulever leur tête et leur cou en s'appuyant sur leurs membres anté- rieurs; aussi est-il très-facile de les étourdir en leur frappant sur le nez avec un bon bâton. Quoiqu'ils aient l'air doux et inoffensifs, ils cherchent, lorsqu'on les attaque, à mordre comme ferait un Chien à l'attache, mais il est très-aisé de se mettre à l'abri de leurs morsures ; cependant ils cherchent plutôt à fuir qu'à se défendre, et, s'ils trouvent un trou au milieu des glaces, ils plongent rapide- ca 34 200 HISTOIRE NATURELLE. ment et dispaiaissent. Les seules parties mangeables ^onl : le cerveau, qui est aussi bon que eeliii du Veau, et le foie; encore ee dernier a-t-il un léger goût d'huile de Poisson. Le reste du corps n'est pas mangeable à cause de Fodeiir d'huile qui lui est communiquée par la couche de graisse de 0'",05 a 0'°,U0 d'épaisseur qui recouvre tout le corps immédiatement au-dessous de la peau. Cette dernière, quoique n'étant pas recherchée par les pêcheurs, parce qu'elle n'a pas de fourrure, ne laisserait pas que de faire, étant bien préparée, un cuir fort et imperméable. (( Une espèce voisine du Stcndrhijncliiis cnrc'nwpliaçjus. que nous avons été à même d'observer dans les mêmes parages, est le Stenorlnjmlnis Icplouyx, qui n'en diffère guère, au premier aspect, que par la couleur de son pelage, qui est d'un gris souris léger, tacheté de petits points noirs, et par ses molaires, qui ont moins de tubercules et ont presque la forme de la moitié supérieure d'une fleur de lis. La taille de ce Phocidé est de 2™, 60 à o"; les membres antérieurs sont un peu plus forts que ceux du Sténorhynque carcinophage, et il en est de même des membres postérieurs. Les mœurs des deux espèces sont les mêmes. » On a quelquefois regardé comme une espèce fossile de Sténorhynque les débris fossiles décrits par M. Grateloup, sous le nom de Squalodon, provenant de Leognan aux environs de Bordeaux, et dont nous parlerons ailleurs en traitant de l'histoire des Dauphins. C'est aussi à un animal voisin de ceux-ci, et peut-être plutôt des Calocéphales, que se rapporte le groupe fossile des Piulnjodons Uyyy:, épais, c^^cu:. dent) de M. il. Van Meyer [Jalircbinli fur iMin., 1858.) 4'-'^ GENRE - PELAGE. PELAGIUS. Fr. Cuvier, 1826. Diciioiinaire des Sciences naturelles, i. XXXIV. [TêXa-^ic;, marin. CARACTÈRES GÉiNÉRIQUES. Sii(J'J sont très-l'orles, roitles conimc (•elles du Tigre, loii!j;iies de six à sept pouces, la plupart d'uu beau blanc; quelques-unes aussi noirâtres; elles sont entièrement lisses, et non pas ondulées, eoninie on le dit dans d'autres espèces. L'ouverture de la gueule n'est pas très-grande, et la bouche ne se fend que jusqu'au-dessous de l'angle intérieur de l'œil. I^a gueule est toute lisse ou sans rides ; la langue se rétrécit ou s'amincit tout à coup vers sa partie antérieure, et alors n'a pas plus d'un pouce de lar- geur; la pointe en est légèrement écliancrée; elle est lisse et sans papilles aiguës : l'animal la tire quelquefois en convoitant un Poisson, et la pliant en gouttière. « Le cou est épais, plus gros que la tête; en l'étendant même au plus fort, il ne devient jamais de beaucoup plus long, ce qui arrive, au contraire, dans le Phoque commun. Le dos forme une ligne droite et un peu bombée seulement dans les environs des épaules, d'où le corps diminue insensible- ment de grosseur vers la queue; le corps est, comme dans le groupe entier des Phoques, entièrement uni, lisse, arrondi, et sans formes musculaires apparentes à l'extérieur; on n'y distingue ni vertèbres dorsales, ni côtes, ni omoplate; on n'y observe que quelques plis lorsque l'animal se courbe, mais cela même seulement lorsqu'il a maigri. « Les poils sont très-courts, longs de quatre lignes et couchés en arrière, très-serrés et collés sur le corps, tant que l'animal se trouve dans l'eau; on ne les sent pas alors en passant la main d'arrière en avant pour les saisir; il les faut gratter et soulever avec les ongles, sans quoi on ne les observerait point; mais, lorsque l'animal est hors de l'eau, et que sa peau est sèche, ces poils sont relevés et dressés tout droit en haut, de manière cependant qu'ils sont doux en passant la main dans le sens des poils, et qu'ils opposent une légère résistance en la passant à contre-poils; ils ressemblent alors à une peluche, et la peau à une étoffe moirée, lorsque l'animal n'est pas encore entièrement séché, de sorte que les poils secs sont dressés en haut dans quelques endroits, et que d'antres encore mouillés sont couchés et plus éclatants; les poils de la partie du dessous du cou sont un peu plus roides et plus rudes, ce qui paraît servir à l'animal lorsqu'il se traîne sur les rochers. 11 semble aussi que les poils bruns, un peu moins courts, de la longueur environ de huit lignes, qui garnissent les bords des pieds aplatis de devant, lui servent aux mêmes usages; les poils se présentent sous le miscrocope tout uniformes, sans ondulation ni autre structure particulière. La couleur principale de l'animal est la noire; il y a cependant différentes taches; c'est surtout au ventre, aux environs du nombril, qu'il se trouve une grande tache d'un blanc sale, ou qui a presque la couleur grise luisante du Phoque com- mun. Cette tache peut avoir deux pieds de long sur un demi-pied de large; elle est en général d'une forme carrée, de façon cependant que ses côtés sont différemment découpés et crénelés. Hermann crut d'abord cette forme régulière et constante dans l'animal: mais il a observé ensuite qu'elle se termine du côté droit en une ligne courbée en dedans, et du côté gauche en une ligne courbée en dehors; on voit à peine la pointe latérale de cette tache dans l'animal couché entièrement sur le ventre; elle est parsemée de quelques taches noirâtres; un grand nombre d'autres petites taches arrondies tirant sur le gris se trouvent sur le sommet de la tête; la gorge et la partie antérieure du cou sont encore plus marquetées et tachetées, et les taches y tirent sur le jaunâtre; beaucoup de raies blanchâtres se cioi- sent sur le dos; ces raies sont semblables à celles formées sur les fourrures par les poils qu'on a dé- rangés par des coups de baguette; les pieds de derrière sont nus vers leur extrémité dans quelques endroits; dans (Fauires il se trouve des poils courts, roides, ordinairement gris, toujours couchés en arrière; lorsque l'animal est tout sec, les deux doigts extérieurs sont plus tachetés que les trois in- térieurs. « Quant aux formes des pieds, on n'observe jamais rien de l'omoplate à l'extérieur; le bras est court, caché sous la peau, et ne se fait remarquer que par une légère bouffissure dans quelques atti- tudes de l'animal: l'avant-hras avec le carpe et les doigts sont également très-courts, aplatis et cou- verts d'une peau commune; les articulations ne s'observent tant soit peu qu'en pliant exprès les pat- tes de devant, ou lorsque l'animal s'appuie dessus; les doigts ne se distinguent que par les ongles et par des enfoncements à peine sensibles dans la peau, qui cependant sont plus apparents sur la paume que sur le dos de la main; entre le quatrième et le cinquième doigt, il se trouve une canne- lure plus distincte, longue d'un pouce et demi et large d'une ligne et demie. En se représentant chacun des doigts partagé dans sa largeur en trois parties, on trouve, environ au premier tiers, l'on- gle qui est d"une couleur noire, large seulement de deux lignes, long d'un pouce, peu courbe et ne dépassant pas de beaucoup l'extrémité du pied. Ces ongles sont en sillon à leur surface intérieure, 270 mSTOll'.b; NATI IlELLi:. non pointus, et les deux derniers sont plus rapprochés que les aulics. Le bord antérieur des pieds, rini porte les cinq ongles, est assez mince, comme tranchant, et s'étend sans division en ligne droite. L'animal, en se reposant, applique ses pieds fortement contre le corps, en arrière; mais, lors- (ju'il se traîne, ravant-bras est en direction presqife verticale, et la main en ligne tout à fait perpen- diculaire avec le corps; Fangle de rarticulation devient alors sensible, comme dans une main sur la paume de laquelle on s'appuie; car c'est dans l'usage des pattes de devant que consiste le principal avantage de l'animal pour s'avancer sur la terre en s'appuyant dessus, et en traînant après lui le corps autaut qu'il le peut. Ilermann a vu aussi, à différentes reprises, que l'animal, par une flexion tout à faitn])posée, s'appuyait sur le dos de la main, tantôt d'un côté seulement, tantôt des deux cô- tés à la fois. 11 peut aussi porter la patte antérieure en avant, et on a vu qu'il la passait sur le nez, qu'il s'en servait pour se frotter et se parer. « Le corps, comme dans tous les Phoques, diminue de grosseur, et se termine en pieds de der- rière, sans marquer une hanche ou des cuisses. Dans quelques attitudes et mouvements seulement de l'animal, on peut observer sous la peau quelque peu de l'articulation de la cuisse. Les pieds de der- rière sont beaucoup plus grands et plus larges que ceux de devant, et d'une tout antu^e structure. Dans l'état de repos, ils sont comme une main placée sur la paume ou sur la surface inférieure, la pronalion étant la position la plus naturelle aussi dans la main. C'est ainsi que les deux pieds se croisent, le droit se couchant à demi sur le gauche. Dans cette position, on nepeutpas les étendre ai- sément et leur donner la forme d'une large nageoire caudale de Poisson; il fiut replier en arrière ou en dehors un pied après l'autre, ou il faut les jjorter dans la supinalion; mais, comme cette attitude est forcée, les pieds se retournent pour ainsi dire d'eux-mêmes, et vers le dedans; le doigt, qui dans la pronation se trouve être l'intérieur, est un peu plus gros et plus large que l'extérieur, mais tous deux sont très-comprimés ou aplatis, et beaucoup plus larges que les trois autres, qui sont ronds, comme le sont ordinairement les doigts, et dont celui du milieu est le plus mince; ces doigts sont réunis par une peau très-souple, quoique épaisse, de sorte qu'ils se laissent beaucoup écarter entre eux et éten- dre; mais, en se repliant, ils présentent une particularité qui n'a été observée nulle part; c'est qu'on compte bien cinq doigts du côté extérieur, mais seulement quatre à l'intérieur; qu'il y a par consé- quent au dehors quatre intervalles ou rainures, à l'intérieur, au contraire, seulement trois; ceci vient de ce que les doigts ne se trouvent pas tous dans le même plan, mais que le second et le quatrième se touchent presque, et sont séparés à l'intérieur par celle des trois rainures qui est au milieu; que du côté extérieur, au contraire, le doigt du milieu, qui est le plus mince, est placé sur l'intervalle entre le second elle quatrième doigts, par conséquent hors du plan dans lequel sont situés les autres doigts; les trois doigts intérieurs étant d'ailleurs plus courts que les autres. Cotte organisation et cet arrangement donnent au bord postérieur du pied une forme semi-lunaire; la peau est encore déchirée irrégulièrement en quelques lobes sur ce même bord postérieur, ce qui peut bien être accidentel cl provenir de ce que, dans des mouvements violents, l'animal déchire cette peau sur des rochers tran- chants. Dans ce Phoque, il n'y a pas d'ongles; il. ne se trouve au milieu des doigts, à la face exté- rieure, qu'une rainure courte, à l'extrémité de laquelle, vers la partie antérieure, est placé un petit cartilage arrondi, comme le rudiment ou le commencement d'un ongle; ce cartilage est encore telle- ment confondu avec le reste, qu'on ne l'observe que difficilement, et qu'il n'existe pas sur tous les doigts. Les pieds de derrière, en les étendant, sont plus de la moitié plus larges au bord postérieur (jue loisqu'ils sont plissés. Dans ce dernier étal, les doigts ne sont séparés entre eux que par une can- nelure ou rainure étroite, large environ de deux lignes, et la peau qui les réunit est cachée du côté intérieur et roulée en plis; les deux rainures qui, du côté extérieur, séparent le doigt du milieu du second et du quatrième, montent d'un demi-pouce plus haut, vers la jambe, que les deux autres. A la face inférieure des pieds de derrière se trouvent encore deux plis ou bourrelets élevés, qui vont en direction oblique vers le milieu de celte surface, où ils aboutissent en un angle aigu et se termi- nent insensiblement en pointe; l'un de ces bourrelets descend obliquement du bord des pieds, et s'étend un peu au delà de la base du pli le plus extrême; l'autre est convergent avec le premier, et s'étend jusque vers l'intervalle mitoyen des plis. « Entre les pieds se présente la queue, longue d'un demi-pied, mais assez large, immol)ile et ob- tuse, deux plis vont de chaque côté de la base obliquement en arrière et en dehors; elle n'est pas entièrement séparée des pieds. \ V\fX. l. — Cvniflis loplurus V'i'y. 2. — Vivcra Abyssinien. n. 58. CARNASSII'T.S. 271 « Ce Plioque a t'té vu à Slrasbourg, en octobre elen novembre 1778. dans une caisse de bois qu'on remplissait d eau trempée d'une bonne éciielle de sel, à la lianteurd'un pied à un pied et demi, vers les dix àonze lieures du matin. On laissait écouler l'eau vers la nuit, et on plaçait dauslacaissedes nattes dejonc sur lesquelles l'animal dormait couclié sur le côté. Son sommeil était très-léger, et le moindre sifflement du conducteur, ou une mouche qui se plaçait sur lui, était capable de l'éveiller. Il dormait environ cinq heures de suite, et ronflait fortement : il bâillait en se réveillant. On ne le nourrissait que de Poissons, dont on disait ([u'il mangeait par jour jusqu'à quatorze livres. On voulait persuader aux spectateurs qu'il ne mangeait que des Anguilles, des Truites et d'autres bons Poissons, pour re- lever le prix et les grandes dépenses de l'animal. On lui donnait, en effet, pendant le jour, quelques Anguilles ou des Carpes vivantes, lorsque les spectateurs les payaient à part; mais on lui faisait prendre, le matin, du Poisson blanc commun, et ordinairement des Poissons morts et d'autres très-petits, qu'il mangeait du meilleur appétit. Il les prenait ou des mains de son conducteur ou des spectateurs, ou hors d'un baquet d'eau, ou très-adroitement dans l'eau de sa caisse. Il les attrapait toujours par la tête, les écacbait et les secouait à quelques reprises dans l'eau, en séparait les intestins, et les ava- lait ensuite en entier. II ne peut pas manger hors de l'eau; c'est pourquoi il a jeûné, au commence- ment, pendant plusieurs jours, avant qu'on eût appris à lui présenter les Poissons dans une cuve remplie d'eau, parce qu'on le conduisait toujours à sec dans une voiture particulière. Si l'on en croit les personnes qui le montraient, il n'a, une fois, rien eu à manger pendant cinq jours, et une autre fois, pendant huit jours, il a manqué de Poisson; au commencement même, lorsqu'il a été pris, il n'a rien mangé, de chagrin, dit-on, pendant une quinzaine de jours. On ne lui donnait pas de chair de Mammifères, parce que, selon le conducteur, un pareil animal, dont le propriétaire avait voulu user d'économie, était mort à Montpellier pour avoir mangé de la viande. Buffon dit, d'après la plupart des historiens des Phoques, et encore, après lui, Pernetti, que les Phoques mangent aussi des her- bes. Bellon raconte qu'ils font même du tort aux fruits des vergers et des vignes, ce qui est difficile à croire, puisque le nôtre, au moins, n'a pas pu manger hors de l'eau. Mais on ne sait où le conduc- teur a appris que celui-ci, dans l'état de liberté, se nourrit aussi d'une plante marine qui, selon lui, a des feuilles semblables aux œillets, et qu'il a appelée, en italien, garofato (vraisemblablement une espèce de fucus). Hermann a vu seulement qu'il n'avait pas touché aux laitues et aux chicorées qu'on lui avait jetées, et qu'il les laissait flotter dans l'eau : peut-être, dit-il, en est-il autrement avec les fucus ou autres plantes marines. Cependant, les habitants des côtes de la Dalmatie assurent formel- lement que les Phoques viennent à terre pendant la nuit, pour sucer les raisins mûrs de vignes. '( Le Phoque moine ne boit autrement, selon le rapport du conducteur, qu'en avalant avec les Pois- sons une petite quantité d'eau. Il avait perdu, pendant le voyage, à ce qu'on disait, plus de cinquante livres de son poids, ayant pesé auparavant neuf quintaux d'Allemagne. Il avait grandi d'un pied de- puis qu'on l'avait pris, c'est-à-dire dans l'espace d'un an. Toutes les fois que ce Phoque rendait ses excréments, étant hors de l'eau, ils étaient liquides, d'un brun jaunâtre; il en rendait peu à la fois, et ils n'ont pas paru être très-puants. Au rapport du conducteur, ils sont quelquefois plus solides et semblables aux excréments humains. L'urine, qu'il lâchait fréquemment, paraissait répandre une odeur plus forte et désagréable. D'ailleurs, l'animal ne puait pas, car on le tenait très-proprement. « Sa voix était courte et semblable à celle d'un Chien enroué, sonnant à peu près comme va, va; quelquefois elle était un peu hurlante et plaintive, mais peu forte. Personne ne pouvait l'engager à faire entendre sa voix, si ce n'était son conducteur; et, selon lui, l'animal savait parler, répétant ces mots : papa, maman, qu'il lui disait; ou il rapportait que sa voix prononçait le mot oui, lorsqu'il lui demandait s'il avait faim ou s'il avait trouvé bon le Poisson. Il était, d'ailleurs, très-attaché à son maitre; il le cherchait et le suivait partout où il l'apercevait. Peut-être l'habit rouge du maître y a-t il contribué en quelque chose; mais il était aussi très-obéissant à un autre conducteur habillé en gris, qui le commandait quelquefois. Il était en général très-apprivoisé; il se laissait toucher et caresser, et Hermannn pouvait prendre sans peine la plupart de ses dimensions avec une ficelle ou une bande de parchemin, en se promenant tout autour de sa caisse étant alors à sec. Il n'était de mauvaise humeur que lorsqu'on prenait quelques dimensions de sa tête, en se soulevant alors avec quelque grogne- ment. Mais d'autres ibis il supportait facilement qu'avec une petite bande de papier roide on lui tou- chât par derrière entre les deux yeux; il les fermait à demi pendant celte opération, ou lorsqu'on tendait un fil d'une partie de la tète à une autre. Il a fallu sans doute que la voix et le secours du 272 HISTOIRE NATURELLE. conducteur y contribuassent pour (jut-lque chose. Ce qu'il supporta le moins, ce tut de lui toucher le ventre ou les pieds de derrière, où il ne pouvait voir ce qui se passait; il prenait alors de suite une autre attitude, ou il faisait au moins un mouvement. Il se roulait ou se tournait sur le dos, aux pa- roles de son maître, tant à sec que dans l'eau, et cela à différentes reprises; il lui présentait l'une et l'autre de ses pattes de devant, étant alors couché sur le dos; il lui prenait de la bouche la baguette avec la gueule; il se laissait arracher des poils, ouvrir la bouche et y mettre le poing, avec celte précaution, cependant, de la part de l'homme, de ne mettre la main que sous la lèvre supérieure épaisse. Aussi le maître portait-il plusieurs cicatrices des plaies reçues au commencement. II était très-sensible au froid, à ce que le conducteur disait : Buffon le nie, et il semble cependant, en effet, que la grande quantité de lard doit garantir assez ces Phoques du froid. Il n'aimait pas les Chiens; si on lui en présentait, il criait, et les ha|)pait avec ronflement; il tâcha une fois d'en chasser un par un claquement de dents. (( Sa manière ordinaire de se reposer était de se coucher avec la tête étendue toute droite, quand il n'y avait pas encore d'eau dans sa caisse, ou s'il n'y en avait pas assez pour lui passer par-dessus les narines. Dans cette position, où il fallait qu'il levât les yeux pour voir ce qui se passait autour de lui, il avait l'air d'être plus méchant qu'il ne l'était en effet, surtout lorsqu'il ouvrait les narines. En prenant ensemble ses traits et ses actions, on trouvait en lui un animal doux, d'un air peu farouche, mais néanmoins pas tout à fait amical; qui dans s^on attitude ordinaire observait ce qui se passait au- tour de lui, sans soupçon et avec un regard sans crainte, et dont l'état habituel de repos, auquel le contraignaient sa corpulence et sa graisse, contrastait fortement avec cette attitude, où il levait la partie antérieure du corps, et présentait une belle poitrine large, avec une tête assez bien faite, et des yeux assez vifs. Il prenait surtout cette dernière attitude quand on lui présentait un Poisson; il se dressait alors autant qu'il le pouvait, en s'appuyant sur ses pattes de devant, et ne détournant pas les yeux de sa future proie. Dans cette attitude on le pouvait certainement nommer un bel animal. La docilité et la curiosité des Phoques a déjà été remarquée par d'autres. On a cité plus haut des exemples de la première, qui prouvent que notre espèce n'en manque pas; mais elle ne manque pas non plus de la dernière. Plusieurs fois le jour, l'individu que nous décrivons, passant par-dessus le bord de sa caisse, en s'aidant avec le cou et les pattes de devant, se mettait en observation et regardait ainsi les spectateurs, se laissant regarder et toucher sans donner aucune marque de crainte. Dans cette attitude, il ne ressemblait pas mal, par derrière, à un moine vêtu en noir, en ce que sa tête, lisse et ronde, représentait une tête d'homme affublée d'un capuchon; et ses épaules, avec les pieds courts et tendus, imitaient deux coudes, s'avançant sous un scapulaire, d'où descendait un froc long, noir, non plissé. (' Ce Phoque avait été pris dans l'automne de 1777, dans la mer de la Dalmatie, sur l'île d'Osero, avec un autre de la même espèce. Il appartenait à une société de Vénitiens, qui l'ont conduit et montré dans plusieurs pays, et qui l'ont fait voir à Strasbourg à la fin d'octobre et au commencement de novembre 1 778. Sur leur route pour Paris, où ils pensaient l'offrir au roi, ils disaient avoir gagné, dans l'espace d'un an, plus de dix mille livres, déduction faite de frais considérables de transport. Une autre so- ciété, associée à celle-ci, conduisait l'autre individu par une autre route, dans une grande cuve garnie de cercles. Hermann ne l'a pas vu lors de son passage par Strasbourg pour la Suisse, le 2 novembre; mais un des propriétaires lui a assuré que c'était aussi un mâle, qu'il était d'un pied environ plus court et de moitié moins gros de corps que l'autre; qu'il n'avait pas de tache blanche au ventre. Il a raconté aussi qu'un vieux pêcheur avait observé au rivage le plus grand individu garni de la tache pendant plusieurs années, et qu'il l'avait reconnu par la même tache lorsqu'il avait été pris. Il en concluait qu'il était déjà vieux. Les dents noirâtres, qui paraissaient usées, le pourraient peut-être confirmer. Mais comment cela s'accorderait-il alors avec un accroissement si considérable, qu'on di- sait être d'un pied dans l'espace d'une année? L'un ou l'autre fait paraît être faux. « Selon l'un des propriétaires, on voit ces Phoques sur les rochers escarpés, inaccessibles, où ils dorment à l'air, en été; mais, en hiver, ils dorment dans des cavernes, dont l'entrée est sous l'eau. Mais c'est particulièrement Deben, cité par Pontoppidan, qui dit que les Phoques aiment à se tenir dans de telles cavernes inaccessibles, dont l'entrée se trouve sous l'eau, et qu'on appelle Imtiçe-laler dans l'île de Feroë. Le hurlement des Phoques, qu'on entendait sortir la nuit de ces cavernes, a causé une grande frayeur à Tournefort. Les matelots ont assuré que les Phoques faisaient entendre ces hur- CÂRNASSIEnS. '27o lemenls peiidaul leurs amours el leur acrouclienieiit; cl Touniefoi't observe, à cette occasion, que les commentateurs de Pline ne sont pas d'accord sur ce passage, s'ils le faisaient en dormant ou en veil- lant. » A ces détails sur le Phoque moine mâle, donnés parHermann, nous ajouterons les différences prin- cipales observées par Fr. Cuvier sur la femelle qui vivait à Paris il y a une vingtaine d'années, et dont les habitudes, dans son état d'esclavage, étaient absolument les mêmes que celle du Phoque mâle. La longueur de cette femelle était d'environ 3"", depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité des pieas de derrière. Ses formes étaient absolument semblables à celles du Veau marin. Sa couleur, dans 1 eau, était noire sur le dos, sur la tète, sur la queue et sur la partie supérieure des pattes; le ventre, la poi- trine, le dessous du cou, de la queue et des pattes, le museau et les côtés de la tête, ainsi que le dessus des yeux présentaient une coloration d'un blanc gris jaunâtre. Lorsque l'animal était à sec, les parties noires étaient beaucoup moins foncées, et les parties blanches plus jaunâtres. Les pieds de derrière avaient cinq doigts armés d'ongles, etc. Les organes de la génération paraissaient très-peu développés; la vulve ne consistait que dans une ouverture longitudinale, et les mamelles, au nombre de quatre, étaient disposées autour du nombril, à peu près à égale distance l'une de l'autre, et elles étaient cachées dans de légers enfoncements dégarnis de poil. Sa voix était un cri aigu et fort, qui sortait du fond du gosier et qui ne variait que par le ton. Elle avait, au contraire du mâle, une grande propension au sommeil, et, durant son sommeil, on la voyait souvent rester dans l'eau au fond de sa caisse, et par conséquent sans respirer, pendant une heure entière. Elle avait beaucouj» d'attachement pour son maître. Enfin, nous rapporterons que M. Boilard dit qu'il en a vu un individu qui vivait depuis deux ans en servitude, et qui paraissait ne regretter nullement sa liberté, il avait de 2™, 250 à 2", 350 de lon- gueur totale; on le nourrissait exclusivement de Poissons, qu'il mangeait toujours au fond de l'eau du cuvier où on le tenait le jour. Plusieurs fois son maître Fa lâché dans des étangs, et même de grandes rivières, telles que la Saône, par exemple, et il^ revenait aussitôt qu'il l'appelait en sifflant. De Blainville semble penser que c'est cette espèce que les anciens connaissaient et qu'ils ont indi- quée sous la dénomination de Phoque, devenue plus générale depuis : à ce sujet, qu'il nous soit per- mis de rapporter le passage suivant de VOsléograpliie : « Les premières notions que la tradition nous a laissées des Phoques se trouvent dans les écrits des poètes et des mythographes grecs, lors- qu'ils nous ont représenté, d'après Homère, le vieux Protée au service de Neptune et gardant des troupeaux de Phoques au milieu desquels il sortait sur le rivage pour se livrer au repos. Cette fable ou mythe, dont on voit l'origine dans les poésies orphiques, fut ensuite mêlée à l'histoire de la guerre de Troie, par Hérodote, et même à celle d'Hercule, mais sans qu'on puisse y entrevoir rien autre chose que Protée était sans doute quelque chef de peuplade habitant des rivages de la mer as- sez tranquilles pour que les Phoques s'y retirassent en nombre considérable, comme c'est aujourd'hui dans les habitudes de ces animaux. En effet, Pharos, que l'on dit le siège du royaume de Protée, était une île située vers l'embouchure du Nil, ou peut-être mieux encore dans la mer Adriatique, île nommée aujourd'hui Lyssa, l'une de celles où l'on trouve encore de nos jours la seule espèce de Pho- que de la Méditerranée, le Pelngiiis monaclius d'Hermann. « Cette opinion ne pourrait-elle pas être, jusqu'à un certain point, corroborée par l'observation que la Phocide, d'où sortirent les deux colonies de Phocéens : l'une, qui fonda la ville de Phocée, en lonie, sur la côte de l'Asie Mineure; l'autre, la ville de Marseille, dans les Gaules, s'étendait jusque sur les côtes de la mer, vers l'entrée du golfe Adriatique, et que ce rivage était peut-être fréquenté par les Phoques'? Toutefois, il est juste d'avertir qu'aucune de ces villes, dont le nom tenait plus ou moins de celui de Plioca, n'a jamais représenté un de ces animaux sur ses médailles. » a.i 274 FIISTOIRE NATUI^ELLE. 5"'^ GENRE. — STEMMATOPE. STEMMATOPUS. Er. Cuvier, 1820. Diclionnairt' dos Sciences naturelles, t. XXXIX. :>:TEp.[j.a, couronne; totvc;, front. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Stislhnc dcnlaïre : incisives, \; canines, \^\; molaires, |e|; en toialilé trente dents; molaires striées à leur couronne, peu sorties de la cjcncive, et a racines composées, courtes, larges. Tête surmontée d'un organe particulier oi forme de sac dilatable. Museau étroit, obtus. Crâne développé. Ces Phocidés semblent s'éloigner tout à fait des types dont nous venons d'exposer les carac- tères, et ont tous la tête ou les parties voisines surmontées d'un organe particulier dont la nature n'est pas connue, et c'est à ce caractère que Fr. Cuvier a fait allusion lorsqu'il a formé ce groupe gé- nérique aux dépens des Phoques, et qu'il l'a nommé Stemmatope. Les dents sont au nombre de trente : seize à la mficlioire supérieure et quatorze seulement à l'inférieure. Supérieurement, la première in- cisive est de plus de moitié plus petite que la seconde, et elles ont l'une et l'autre la forme de la ca- nine. Celle-ci est forte et assez semblable à celle des autres Phoques. Des molaires qui viennent im- médiatement après la canine, la première est la plus petite, mais elle a la même forme que les au- tres, lesquelles sont principalement remarquables par les stries qui partent du col de la racine et qui viennent se réunir à la pointe de la couronne; les plus profondes sont à la face interne, oia l'on en voit surtout deux; ces sillons divisent légèrement les bords de la dent, particulièrement la posté- rieure, qui l'est d'ailleurs plus profondément encore que l'autre par une échancrure; la dernière molaire paraît avoir deux échancrures au lieu d'une sur son bord postérieur. Inférieurement, l'inci- sive est petite et rudimentaire. La canine ne présente aucun caractère particulier, et les molaires sont tout à fait semblables à celles de la mâchoire opposée, seulement un peu plus divisées sur leurs bords antérieurs; en général, elles ont toutes leur partie moyenne très-mousse. Dans leur action ré- ciproque, les incisives moyennes paraissent être sans emploi; la seconde supérieure fait l'effet de canine sur la partie antérieure de la canine inférieure, et les molaires inférieures passent en dedans des supérieures, de manière qu'elles sont dans les mêmes relations que les molaires des Pelages. Le museau est étroit et obtus, et la capacité cérébrale assez étendue. On ne connaît rien, ou à peu près, sur les autres parties de l'organisation; seulement fv. Cuvier a pu voir qu'il n'y avait aucune trace d'oreille externe, que la langue était douce et échancrée, et que les doigts étaient garnis d'ongles au delà desquels s'étendait la membrane natatoire. La seule espèce qui entre dans ce genre est le : STEMMATOPE A CAPUCHON. STEMMATOPUS CRISTATUS G. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage long, laineux près de la peau, entièrement blanc dans le jeune âge, d'un gris brun en dessus et d'un blanc d'argent en dessous; à l'âge adulte, il est quelquefois parsemé de taches grises. Longueur totale des individus adultes variant entre 2"", 35 et 2", 60. Cette espèce est le Phoque a CArocHON de G. Cuvier; vulgairement on l'indique sous le nom de Ca- pucin; les Groënlandais le nomment Nesadusalik et Kakop.tak, et il a successivement reçu des natura- listes les noms de Phoca cristata , Gmelin , Erxlebcn; Plioca leonina , Othon Fabricius; Phoca mitrata, Camper; Stemmatopus cristatus, Er. Cuvier; Phoca cucullata, Boddaërt, et enfin M.Nil- son {Shandia fauna, 1820) avait cru devoir en distinguer une espèce particulière à la Scandinavie à Tig. I — llerpcstes IJadius. Fi":;. 2. — Furet de Java. c- Pl. 56. ^ ^ CARNASSIERS. 275 laquelle il appliquait la dénomination générique de Cijstopliore (jcuiTt;, vessie; (pesw, je porte) et celle spécifique de Borcalis. Cette espèce est surtout remarquable par l'espèce de sac içlobuleux dont la tête est t^arnie à son sommet chez les mâles, et dont sont privées les femelles. Ce sac est susceptible de se gonfler par l'ac- cumulation de l'air; il paraît même communiquer avec les narines et avoir une certaine mobilité au moyen de laquelle il se porte plus ou moins en avant sur le museau; il paraît aussi être pourvu de muscles particuliers qui modiiient sa forme. Quel est son objet? quel est l'usage que l'animal en fait? C'est à quoi il serait diflicile de répondre; mais au moins c'est un organe fort singulier et qui méri- terait qu'on en fît une étude toute spéciale. Les moustaches sont grêles, annelées, aplaties et obtuses au sommet; l'iris est fauve. Le corps est allongé, i\ peu près conique, revêtu de longs poils, droits, au milieu d'une bourre laineuse; la couleur du pelage varie suivant les ûges; elle est communément d'un gris brun supérieurement, et d'un blanc argenté inférieurement; l'individu décrit par Dekai était parsemé de taches grises; les jeunes sont entièrement blancs, et les vieux ont la tête et les pieds noirs. ^>c» Fig. 124. — Stcmmatopc à capuclion. Ce Phoque se présente sur les côtes du Groenland dans les mois d'avrd, de mai et de juin, époque à laquelle, d'après Othon Fabricius, il se rend à terre. Selon Craulzius, il se trouve très-abondam- ment au aétroit de Davis; il y fait régulièrement deux voyages par an, et y réside depuis le mois de septembre jusqu'au mois de mars; il en sort alors pour aller faire ses petits à terre, et revient avec eux au mois de juin, fort maigre et fort épuisé. Il en part une seconde fois en juillet, pour aller plus au nord, où il trouve probablement une nourriture plus abondante; car il revient fort gras en sep- tembre. Sa maigreur, dans les mois de mai et juin, semble indiquer que c'est alors pour lui la saison des amours, et que dans ce temps il oublie de manger, comme les Ours et les Lions marins. Il vil aussi sur les côtes septentrionales de l'Amérique, si réellement, ainsi que cela est généralement ad- aiis, le Phoca mitraln, Camper, est le même que le Phoca cr'islnin, Othon Fabricius. 'i7C HISTOIRE NATURELLE. Un brigadier des douanes en retraite a pris, auprès de l'ile d'Oléron, sur les côtes de France, un individu mâle du Phoque a capuchon [Phocu cr'islaia), qui flottait sur l'eau et qu'il avait pu harpon- ner, et il est venu le vendre à la Ménagerie du Muséum de Paris, où il est mort presque immédiate- ment le 2 août 1845. Cette espèce est rare sur nos côtes et ne peut guère s'y trouver que lorsqu'elle est chassée par de grandes tempêtes des mers du Nord, qu'elle habite de préférence à toutes autres. Les caractères que cet individu, qui était jeune, présentait étaient les suivants : couleur du dos et de la face supérieure des pattes, ainsi que de la tête, bien tranchée, gris ou bleuâtre clair pendant la dessiccation, et brun d'ardoise pendant que l'animal est mouillé; poils lisses, Irès-couchés, et surface du corps comme cannelée tant que le Phoque est mouillé, se redressant peu à peu et prenant une teinte plus claire à mesure qu'ils se dessèchent. La tête est large; les yeux grands; les oreilles peu reculées, sans trou d'oreille externe apparent; le nez à narines fendues en croissant et busqué en dessus; les moustaches sont peu annelées, à grandes soies blanches, les plus petites noirâtres. Les ongles sont blanchâtres. Longueur du corps, du bout du nez à l'extrémité de la queue, 1"\H5; de l'extrémité de la queue à l'anus, 0"',10; longueur de la patte antérieure, 0"\,20; de la patte posté- rieure, 0'",25. La peau de ce Mammifère a été montée pour les galeries de Zoologie du Muséum, et le squelette a été préparé pour les galeries d'Anatomie comparée. Le Phoque à capuchon vit de Poissons; il est polygame; la femelle ne produit qu'un seul petit, qu'elle dépose sur la glace dès le mois d'avril. Ses chairs, son lard et ses tendons sont utilises par lesGroënlandais,qui se vêtissent aussi de sa peau; ses membranes et ses intestins servent à fabriquer des sortes de vitres et des cordages pour les pirogues; mais c'est surtout pour son lard qu'on le re- cherche. 6'- GENRE. - MACRORIIIN. MACRORHINbS. Fr. Cuvier, 1826. Diclioiiimirp des ScifMicos naliiiTlIcs, I. \\\l\. Maicoo:, loiip ; piv, ne/.. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siistcmc (IcuUnrc : incisives, ^; ccmines, ]£j ; inolnircs, {^l, en lolulilé trente ilenls; les incisives sont crocluics comme les canines, mais plus petites qu'elles; les canines sont, an contraire, plus fortes, arquées, saillantes, hors des lèvres; molaires à couronnes imitanl un mamelon pédicule , et a racines plus larges que les couronnes. Mâle pouvant prolonger son museau par une sorte d'érection en nue espèce de trompe, h l'exlrc- niité de laquelle se trouvent les narines. Le type et espèce unique de ce genre, qui nous est donné par le Phoque à trompe, s'éloigne encore plus que celui des Stemmatopes des premiers groupes que nous avons fait connaître; les formes de la tête n'ont plus que des rapports si faibles avec les formes des têtes des autres Phocidés, qu'on peut à peine retrouver dans les unes quelques traces des autres, et des différences non moins grandes sont présentées par les dents, qui sont au nombre de trente : seize supérieurement et quatorze infé- rieurement. A la mâchoire supérieure, la première incisive est de moitié plus petite que la seconde, et toutes deux paraissent avoir les formes de la canine; celle-ci est d'une force extraordinaire, sur- tout par l'épaisseur de sa face; les molaires sont incontestablement à racines simples, les alvéoles en sont la preuve, et la couronne est à mamelon. A la mâchoire inférieure, l'incisive de chaque maxillaire ne laisse d'autres traces qu'un creux large et peu profond, qui contenait une racine simple, conique. La canine est plus longue et non moins forte que celle de la mâchoire supérieure, et, ce qui la rend très-remarquable, c'est qu'elle constitue une véritable défense, qu'elle est entièrement creuse et que la capsule dentaire r(\st(' tout à fait libre à sa base. Les cinq molaires qui suivent se ressemblent ab- solument, le collet de la racine est très-large, et la couronne qui naît de ce collet est semblable à un petit mamelon obtus, qui parait être le diminutif de celui des molaires des Stemmatopes. CAUNASSIEKS. 277 Ce genre correspond à celui des MinouoA (tiré du nom vulgaire de l'espèce (ypi(|ue) de Gray, et probablement à celui des Bliinopliocn (w, nez; Pliocn, Phoque) de Wagler {Siisl. der Amphib., 18~)0). et il a pour type le Phoque à trompe, espèce aujourd'hui bien connue, ctit laquelle on a joint trois ou quatre Phocidés que l'on regarde comme devant former des espèces particulières, mais qui ne sont pas suffisamment connus. Ces espèces sont: Vtg. 125. — Macrcirliiii n Ironipo. I. MACRORUIN A TROMPE. MACRORHIMJS PltOBOSriDEUS. Fr, Ciivier CARACTÏinES si'ÉciFiQUES. — Pclagc salc, grisâlre ou d'un gris bleuâtre, quelquefois d'un brun noi- râtre, rude et grossier; yeux très-grands, proéminents; poils des moustaches rudes, contournés en spirales; ongles des mains très-petits; queue courte, très-apparente. Les mâles ont un prolongement tout particulier du nez, en forme de trompe membraneuse et érectile, molle, élastique, ridée, longue quelquefois de 0'",50 et ayant beaucoup d'analogie avec cette longue crête qui pend sur le bec d'un Coq d'Inde; cette trompe manque à la femelle et aux jeunes avant l'âge adulte, et même probable- ment au mâle lorsque la saison des amours est passée. Il atteint jusqu'à 8 à iO"' de longueur. Cette espèce est vulgairement connue sous le nom de Phoque a thomi'E, Péron; c'est le Lion marln de Coxe, le Lion de mer d'Anson, le Lame de Molina, le Phoque a museau hidk de Forster, I'Éléphant MARIN, probablement le Phoque de l'île Saint-Paul ou Plioca Coxii , A. G. Desmarest; les na- turalistes ont pendant longtemps mal connu ce Phoque, et c'est pour cela qu'ils lui ont appliqué un grand nombre de dénominations latines telles que celles de : Plioca Icomna, Linné; Miroiuja pro- boscidca, Gray; Macrorhhms proboscidcus, Fr. Cuvier. Enfin c'est le Miouroug des habitants des côtes baignées par la mer où vit cet animal. Ce grand Phocidé, successivement observé à l'île de Juan-Fernandez, sur l'île Georgia, aux îles Maurice, de Nassau, par lîoggers, Anson, Pernetti, Cook, Forster, Bernard Pendorf, Bougainville, Byron, etc., avait toujours été mal décrit, et surtout mal figuré. C'est à Péron et Lesueur que nous devons enfin la connaissance à peu près exacte de la forme et des mœurs de cet animal, qu'ils ont rencontré en grande abondance sur les îles du détroit de Hass, qui sépare la terre de Van-Diémen de HISTOIRE NATURELLE. Nouvelle-Hollande. Nous suivrons ces naturalistes dans la description qu'ils en donnent, tout en (isant remarquer que leur récit semble toutefois, en beaucoup de points, n'être qu'une compilation de ceux d'Anson, de Pernetti et de Roggers. Pérou et Lesueur rejettent la dénomination de Lion marin appliquée au Phoque à trompe, parce qu'elle a déjà été employée pour désigner un Mammifère de la même famille auquel elle convient da- vantage, et d'autres auxquels elle ne convient pas du tout. Ils rejettent aussi celle d'Éléphant marin, qui est donnée au même animal par les pêcheurs anglais de la Nouvelle-Hollande, parce qu'elle a été déjà consacrée au Morse, et ils adoptent celle de Plioca proboscidea, qui rappelle le caractère sin- gulier par lequel celte espèce se différencie de toutes celles que l'on a distinguées jusqu'à ce jour. (( Des proportions énormes, rapportent nos voyageurs, de vingt, vingt-cinq ou même trente pieds de longueur, et de quinze à dix-huit pieds de circonférence; une couleur, tantôt grisâtre, tantôt d'un gris bleuâtre, plus rarement d'un brun noirâtre; l'absence des auricules; deux canines inférieures longues, fortes, arquées et saillantes; des moustaches formées de poils durs, rudes, très-longs et tordus comme une espèce de vis; d'autres poils semblables, placés au-dessus de chaque œil, et tenant lieu de sourcils; des yeux extrêmement volumineux et proéminents; des nageoires antérieures fortes et vigoureuses, présentant à leur extrémité, tout près du bord postérieur, cinq petits ongles noirâ- tres; une queue très-courte, cachée pour ainsi dire entre deux nageoires horizontalement aplaties, et plus larges vers leur partie postérieure, tels sont les traits qui distinguent en général le Phoque à trompe. Mais un caractère plus particulier se présente dans cette espèce de prolongement du museau, ou plutôt des narines, qui a fait imposer à cet Amphibie le nom d'Éléphant marin. Lorsque l'animal est en repos, les narines, affaissées et pendantes, lui donnent une face plus large; mais, toutes les fois qu'il se relève, qu'il respire fortement, qu'il veut attaquer ou se défendre, elles s'allongent et prennent la forme d'un tube de douze pouces de longueur environ; non-seulement alors la partie an- térieure de la tête présente une figure toute différente, mais la nature de la voix en est également beaucoup modifiée. Les femelles sont étrangères à cette organisation, elles ont même la lèvre supé- rieure légèrement échancrée vers le bord Les individus de l'un et de l'autre sexe ont le poil extrê- mement ras; dans tous, il est d'une qualité trop inférieure pour que leur fourrure puisse rivaliser avec celle de la plupart des autres Phocidés antarctiques. « Habitant exclusif des régions australes, le Phoque à trompe se complaît particulièrement sur les îles désertes, de manière toutefois qu'il semble en affectionner quelques-unes exclusivement aux au- tres. Ainsi, dans le même détroit de Bass, qui réunit les îles Furneaux, l'île Clarck, la Préservation, les Deux-Sœurs, Waterhouse, l'île Swan, le groupe de Kent, les îlots du Promontoire, l'île King et celles du Nouvel-An, à peine en trouve-t-on quelques individus sur les Deux-Sœurs; ils paraissent être complètement étrangers à l'île Maria; sur l'île Decrès, on n'a pu voir qu'une seule défense de Phoque à trompe; enfin cet Amphibie n'existe pas sur le continent de la Nouvelle-Hollande, non plus que sur la terre de Van-Diémen. Les habitants de ces deux dernières régions ne le connaissent que par quelques individus que les courants ou les tempêtes repoussent sur leurs rivages. On en observe de nombreux troupeaux à la terre de Kerguelin, sur l'île de Georgia et à la terre des États, où les Anglais font habituellement la pêche de ces animaux. Ils existent en grand nombre sur l'île de Juan- Fernandez, et on en trouve aux îles Malouines; mais ils sont plus rares sur ce dernier point. Quelle que puisse être la raison de cette préférence, qui dépend peut-être de la présence ou de l'absence de petites mares d'eau douce, dans lesquelles les Phoques à trompe aiment à se vautrer, il résulte de toutes les observations faites jusqu'à ce jour sur cet objet, que ces puissants animaux sont confi- nés entre JiS" et 55" de latitude sud, et qu'ils existent dans l'Océan atlantique et le grand Océan austral. « Également ennemis d'une chaleur trop forte ou d'un froid trop vif, ils s'avancent avec l'hiver de ces parages du sud vers le nord, et retournent avec l'été du nord vers le sud. C'est à la mi-juin qu'ils exécutent leur première migration; ils abordent alors, en grande troupe, sur les rivages de l'île King; ces rivages en sont quelquefois couverts, disent les pêcheurs anglais. Un mois après leur arrivée, les femelles commencent à mettre bas; réunies toutes ensemble sur un point du rivage, elles sont environnées par les mâles, qui ne les laissent plus retourner à la mer, et qui n'y retournent plus eux-mêmes, non-seulement jusqu'à ce qu'elles se soient délivrées de leur fruit, mais encore pendant toute la durée de l'allaitement. Lorsque les mères cherchent à s'éloigner de leurs petits, les mâles les CARNASSIERS. 270 repoussent en les mordant. Le travail du part ne dure pas plus de cinq ou six minutes, pendant les- quelles les femelles paraissent beaucoup souffrir; dans certains moments, elles poussent de longs cris de douleur; elles perdent peu de sang. Durant cette pénible opération, les mâles, étendus autour d'elles, les regardent avec indifférence. Les femelles n'ont jamais qu'un petit, et, dans l'espace de cinq ou six ans que les pécbeurs ont observé ces Phoques sur divers points des régions australes, ils n'ont vu qu'un seul exemple de portée double. L'Éléphant marin, en naissant, a quatre à cinq pieds de longueur; il pèse environ soixante-dix livres; les mules sont déjà plus gros que les femelles; du reste, les proportions relatives des uns et des autres n'offrent pas de différence sensible d'avec celles qu'ils doivent avoir un jour. « Pour donner à teter à son nourrisson, la mère se tourne sur le cùté en lui présentant ses ma- melles. L'allaitement dure sept ou huit semaines, pendant lesquelles aucun membre de la famille ne mange ni ne descend à la mer. L'accroissement est si prompt, que, dans les huit premiers jours qui suivent la naissance, ils gagnent quatre pieds de longueur et cent livres de poids environ. La mère, qui ne mange point, maigrit à vue d'oeil; on en a même vu périr pendant cet allaitement pénible; mais il serait difficile de décider si elles avaient succombé d'épuisement, ou si quelques maladies particulières avaient causé leur mort. Au bout de quinze jours, les premières dents paraissent; à qua- tre mois, elles sont toutes dehors. Les progressions de l'accroissement sont si rapides, qu'à la fin de la troisième année les jeunes Phoques ont atteint à la longueur de dix-huit à vingt-cinq pieds, qui est le terme le plus ordinaire de leur grandeur; dès ce moment, ils ne croissent plus qu'en grosseur. Lorsque les nourrissons se trouvent âgés de six à sept semaines, on les conduit à la mer; les rivages sont abandonnés pour quelque temps; toute la troupe vogue de concert, si l'on peut s'exprimer ainsi. La manière de nager de ces Mammifères est assez lente; ils sont forcés, à des intervalles très-courts, de reparaître à la surface de l'eau pour respirer l'air dont ils ont besoin. On observe que les petits, lorsqu'ils s'écartent un peu de la bande, sont poursuivis aussitôt par quelques-uns des plus vieux, qui les obligent, par leurs morsures, à regagner le gros de la famille. Après être demeurés trois se- maines ou même un mois à la mer, les Phoques à trompe reviennent une seconde fois au rivage; ils y sont ramenés par un besoin pressant, celui de la reproduction. Ce n'est qu'à trois ans, lorsque les mâles ont pris toute leur croissance, que se développe leur trompe. On peut considérer comme un in- dice de puberté, dans ces animaux, l'apparition de ce singulier appendice. (( Les mâles se disputent la jouissance des femelles; ils se heurtent, ils se battent avec acharne- ment, mais toujours individu contre individu. Leur manière de combattre est assez singulière. Les deux colosses rivaux se traînent pesamment; ils se joignent et se mettent, pour ainsi dire, museau contre museau; ils soulèvent toute la partie antérieure de leur corps sur leurs nageoires; ils ouvrent une large gueule; leurs yeux paraissent enflammés de désirs et de fureur; puis, s'entre-choquant de toute leur masse, ils retombent l'un sur l'autre, dents contre dents, mâchoire contre mâchoire; ils se font réciproquement de larges blessures; quelquefois ils ont les yeux crevés dans cette lutte; plus souvent encore ils y perdent leurs défenses; le sang coule abondamment; mais ces opiniâtres adver- saires, sans paraître s'en apercevoir, poursuivent le combat jusqu'à l'entier épuisement de leurs for- ces. Toutefois, il est rare d'en voir quelques-uns rester sur le champ de bataille, et les blessures qu'ils se font, quelque profondes qu'elles soient, se cicatrisent avec une promptitude inconcevable. Pen- dant le combat, les femelles restent tranquilles et indifférentes. Elles deviennent la récompense du vainqueur, auquel elles se livrent de bonne volonté en se couchant sur le côté à son approche. « La durée de la gestation paraît être d'un peu plus de neuf mois, de sorte que les femelles fécon- dées vers la fin de septembre commencent à mettre bas, ainsi que nous venons de le dire, vers la mi-juillet. Peu après l'accouplement, la chaleur devenant trop forte pour ces animaux dans les îles du détroit de Bass, ils reprennent en troupe la route du Sud, pour y demeurer jusqu'à l'époque où le retour des frimas doit les ramener sur les rivages alors plus tempérés de ces mêmes îles. 11 reste néanmoins un certain nombre d'individus sur l'île King et sur celles du Nouvel-An; mais il est possi- ble qu'ils y soient retenus par quelques infirmités, parle manque des forces indispensables pour une longue navigation, ou par toute autre indisposition. « La plupart des Phoques connus préfèrent les rochers pour leur habitation. Le Phoque à trompe, au contraire, se trouve exclusivement sur les plages sablonneuses; il recherche le voisinage de l'eau douce, dont il peut se passer, il est vrai, mais dans laquelle les animaux de cette espèce aiment à se 280 HISTOIRE NATURELLE. plonger, et qu'ils paraissent humer avec plaisir. Ils dorment indifféremment étendus sur le sable, ou flottants^ la surface des mers. Lorsqu'ils sont réunis à terre en grandes troupes pour dormir, un ou plusieurs individus veillent constamment; en cas de danger, ceux-ci donnent l'alarme au reste de la bande; alors tous ensemble s'efforcent de regagner le rivage pour se jeter au milieu des flots protec- teurs. Rien n'est plus singulier que leur allure; c'est une espèce de rampement, dont les nageoires antérieures sont les seuls mobiles; et leur corps, dans tous ses mouvements, paraît trembloter, comme une énorme vessie pleine de gelée, tant est épaisse la couche de lard huileux qui les enve- loppe. Non-seulement leur allure est lente et pénible, mais encore, tous les quinze ou vingt pas, ils sont forcés de suspendre leur marche, haletant de fatigue et succombant sous leur propre poids. Si, dans le moment de leur fuite, quelqu'un se porte au-devant d'eux, ils s'arrêtent aussitôt; et si, par des coups répétés, on les force à se mouvoir, ils paraissent souffrir beaucoup. Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette circonstance, c'est que la pupille de leurs yeux, qui, dans l'état ordinaire, est d'un vert légèrement bleuâtre, devient alors d'une couleur de sang très-foncée. Malgré cette lenteur et cette difficulté de leurs mouvements progressifs, les Phoques à trompe parviennent, sur l'île King, à franchir des dunes de sable de quinze à vingt pieds d'élévation, au delà desquelles se trouvent de petites mares d'eau douce. Ces animaux savent suppléer, par la patience et l'obstination, à tout ce qui leur manque d'adresse et d'agilité. « Le cri des femelles et des jeunes mâles ressemble assez bien au mugissement d'un Bœuf vigou- reux; mais, dans les mâles adultes, le prolongement tubuleux des narines donne à leur voix une telle inflexion, que le cri de ces derniers a beaucoup de rapport, quant à sa nature, avec le bruit que fait un homme en se gargarisant; ce cri rauque et singulier se fait entendre au loin; il porte avec lui quelque chose de sauvage et d'effrayant. Ces animaux sont incommodés par la trop vive ardeur du soleil; alors on les voit soulever â diverses reprises, avec leurs larges nageoires antérieures, de gran- des quantités de sable humecté par l'eau de la mer, et le jeter sur leur dos jusqu'à ce qu'il en soit entièrement couvert. Leurs yeux, conformés comme ceux des autres Phoques, c'est-à-dire pour l'habi- tation dans l'eau, sont peu propres à bien les guider dans un autre élément; aussi ne peuvent-ils, surtout en sortant de la mer, distinguer les objets qu'à de très-petites distances. D'un autre côté, le définit d'auricule contribue peut-être à l'imperfection de leur ouïe, qui paraît être assez mauvaise. « Les Phoques à trompe sont d'un naturel extrêmement doux et facile; on peut errer sans crainte parmi ces animaux; on n'en vit jamais chercher à s'élancer sur l'homme, à moins qu'ils ne fussent at- taqués ou provoqués de la manière la plus violente. Les femelles sont surtout très-timides; à peine se voient-elles attaquées, qu'elles cherchent à fuir; si la retraite leur est interdite, elles s'agitent avec violence; leurs regards portent l'expression du désespoir : elles fondent en larmes. En mer, de jeu- nes Phoques, d'une espèce infiniment plus petite que la leur, viennent nager au milieu de ces mons- trueux Amphibies sans que ceux-ci fassent le moindre mal à ces débiles étrangers. Les hommes eux- mêmes peuvent impunément se baigner dans les eaux où les Phoques à trompe se trouvent réunis, sans avoir rien à redouter, et les pêcheurs sont accoutumés à le faire. Comme plusieurs autres Pho- ques, ils paraissent susceptibles d'un véritable attachement et d'une sorte d'éducation parti- culière. A ce sujet, nous pouvons dire qu'un matelot anglais, ayant pris en affection un de ces animaux, approchait de lui tous les jours pour le caresser, sur la plage même où l'on mettait à mort tous les autres Phoques qui l'environnaient. En peu de mois, il était si bien parvenu à l'apprivoiser, qu'il pouvait impunément lui monter sur le dos, lui enfoncer son bras dans la gueule, le faire venir en l'appelant : malheureusement ce matelot, ayant eu quelque altercation avec un de ses camarade.'^, celui-ci, par une lâche et féroce vengeance, tua le Phoque adoptif de son adversaire. « Pour ce qui concerne la durée de la vie de ce Phoque, les pêcheurs anglais n'ont pu donner des notions bien précises à cet égard; mais ils sont portés à croire, d'après le grand nombre d'individus qu'ils voient mourir naturellement sur les rivages, que le terme moyen de leur existence ne va guère au delà de vingt-cinq ou trente ans. Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'aussitôt qu'ils sont blessés, ou lorsqu'ils se sentent malades, ils quittent les flots, s'avancent dans l'intérieur des terres plus loin qu'à l'ordinaire, se couchent au pied de quelque arbrisseau, et y restent jusqu'à leur mort, sans re- tourner à la mer. (( Ces animaux ont à craindre les tempêtes, irès-violentes dans ces parages; les vagues furieuses les brisent contre les rochers de granit qui forment le sol des îles qu'ils habitent. Ils paraissent Fig. 1 . — Loutre de la l'iala. 11. 57. CÂllNASSlhinS. 281 avoir, au fond des eaux, des ennemis |)uiss:uits; car on les voit, de temps à autre, sortir inopiné- ment do la mer en grande liiUe, et souvent couveris d'énormes blessures. Mais leur ennemi le plus dangereux, c'est riiomme. Lorsque par hasard quelques-uns d^nlre eux viennent à terre sur le con- tinent ou à la terre de Van-Diemen, les sauvages de ces contrées les poursuivent avec de longs mor- ceaux de bois enflammés, qu'ils leur enfoncent dans la gorge, et les tuent ainsi. Alors ces hommes affamés se jettent sur les cadavres de ces Phoques, et ne les quittent pas qu'ils n'aient dévoré la chair en entier. Avant rétablissement des Anglais au port Jackson, les Phoques à trompe jouissaient d'une tranquillité parfaite dans les îles du détroit de Bass; il n'en est plus ainsi : les Européens ont envahi ces retraites si longtemps protectrices; ils y ont organisé partout des massacres qui ne sauraient manquer de faire éprouver bientôt un affaiblissement sensible et irréparable à la population de ces animaux. Des pêcheurs, en petit nombre, sont envoyés de la colonie du port Jackson sur ces îles, où les Phoques sont les plus communs, et y ont leur résidence habituelle. Nous en trouvâmes dix dans l'Ile King. Ces hommes étaient chargés de préparer, en huile et en peaux de Phoques, la car- gaison de quelques navires destinés pour la Chine. Ils étaient pourvus des objets nécessaires pour subsister pendant le temps de leur séjour, qui avait déjà duré treize mois, et de futailles, pour re- cueillir l'huile, qu'ils séparaient de la graisse en la faisant bouillir dans de grandes chaudières. Leur nourriture principale consistait en viande de Phascolomes, de Kanguroos et de Casoars. Pour chasser ces animaux, ils avaient des Chiens qui, après les avoir atteints et étranglés, étaient dressés à con- duire leurs maîtres aux lieux où ils avaient laissé leur proie. '( Pour tuer les Phoques, il suffit de leur appliquer un seul coup de bâton sur l'extrémité du mu- seau; mais ce moyen n'est pas celui que les pécheurs emploient : ils font usage d'une lance de douze à quinze pieds de longueur, dont le fer, extrêmement acéré, n'a pas moins de vingt-quatre à trente pouces; ils saisissent avec adresse l'instant où l'animal, pour se porter en avant, soulève sa nageoire antérieure gauche; c'est sous cette partie que la lance est plongée, de manière à percer le cœur; et les hommes chargés de cette opération cruelle y sont tellement exercés, qu'il leur arrive rarement de manquer leur coup. Le malheureux Amphibie tombe aussitôt, en perdant des flots de sang. « En ouvrant l'estomac de ceux qu'on vient de tuer, on y trouve ordinairement un grand nombre de becs de Sèches, beaucoup de fucus, de pierres et de gravier; jamais on n'y aperçoit des débris de Poissons ou de tout autre animal osseux. Il n'est pas vrai, comme Tout annoncé plusieurs voyageurs, que ces animaux paissent l'herbe du rivage, ou même qu'ils broutent le feuillage de certains arbres; ce fait est absolument conlrouvé « La chair des Phoques à trompe est non-seulement fade, huileuse, indigeste et noire, mais encore il est impossible de la retirer des couches de graisse qui l'enveloppent. La langue seule fournil un aliment assez bon. Les pêcheurs salent les langues avec soin et les vendent au prix des meilleures salaisons. Le foie paraît avoir quelques qualités nuisibles; car des pécheurs anglais, ayant voulu es- sayer de s'en nourrir, éprouvèrent un assoupissement invincible qui dura plusieurs heures et qui s'est renouvelé toutes les (ois qu'ils ont voulu goûter de ce perfide aliment. La graisse fraîdie jouit, parmi les pêcheurs, d'une grande réputation pour la guérison des plaies. La peau est épaisse et forte; on l'emploie à couvrir de grandes et fortes malles; ou l'estime surtout convenable pour les har- nais des chevaux et des vojtures; malheureusement celles des vieux individus, et dès lors les plus précieuses par leur dimension et par leur force, sont les plus mauvaises, à cause des nombreuses et larges cicatrices dont elles sont couvertes. L'huile que fournit la graisse du Phoque à trompe est r()i)jet immédiat des entreprises des Anglais sur les îles où ces animaux abondent; la quantité qu'un seul Phoque peut fournir est prodigieuse; les pêcheurs l'estiment, pour les plus gros individus, à quatorze ou quinze cents livres. On la prépare à peu près comme celle d^n Baleine. Péron rapporte que les dix pêcheurs de l'île King en fabriquaient environ trois mille livres par jour. Elle est alxm- (lante surtout avant rallaitement des petits. On l'emploie pour les aliments, auxquels elle ne commu- nique aucune saveur désagréable; elle fournit à la lampe une flamme extrêmement vive et pure, sans fumée ni odeur, et elle dure plus longtemps que l'huile ordinaire employée à cet usage. Cette huile est destinée pour l'Angleterre, où l'on s'en sert pour divers usages économiques, mais particulière- ment dans les manufactures de draps, pour adoucir la laine; elle s'y vend sept livres seize sous le gal- lon, c'est-à-dire les quatre pintes, ancienne mesure de Paris, n C'est à la même espèce que l'on rapporte en général le Piioour; de i/îlk SaiiNt-Paui,. PIioch (jKvi'i. i;2 50 282 HISTOIRE NATURELLE. A.-G.Desmarest, qui ne diffère, probablement du MucrorlnmiH proboscïdens que par l'absence d'une ironipe, ce qui pourrait tenir à Tàge ou au sexe de l'animal décrit par Cox. Les autres espèces placées dans le même genre, que nous nous bornerons à indiquer, sont : '2 MACnORHIN D'ANSON. MAcnORIlINUS AXSOMI., Lcsson. Caractères spécifiques. — Pelage fauve clair; ongles des mains robustes; crêtes occipitales et sagittales peu développées; nez surmonté d'une trompe érectile; taille de 4"" à 5"'. Cette espèce, décrite par Anson sous le nom de Liojs marin, qui est le Pfiuca leonhia, Linné, le Plwca Aiisoni'i, A. -G. Desmarest, le M'irouga Ansoni'i, Gray, n'est peut-être que l'Éléphant marin ou Plioca pwbosc'ulca, mal décrit et mal figuré. Comme ce dernier, il habite les îles Antarctiques et celle de Juan-Fcrnandez. 5 MACBOHHIN DE BYRON MACRORHINUS BYRONII. I.essnn. Caractères spécifiques. — Tête osseuse présentant six incisives supérieures dont la seconde ex- térieure est plus grosse que les autres, et semblable à une canine; crêtes occipitales et sagittales, ainsi que l'apophyse mastoïde, très-saillantes. Cette espèce, que G. Cuvier place avec les Otaries, ne repose que sur une tête étudiée par De Blain- ville, voisine de celle du Phoque à trompe, et qui a reçu de Deblains et d'A. G. Desmarest la déno- mination de Plioca Biironii, et de M. Gray celle de Mirouga Bvro.mi. Provient des îles Marianne. 4 MACRORHIN DES PATAGONS. MACRORHIMIS PATAGO?IICVS. Bjitard Caractères spécifiques. — Région cérébrale très-étendue; museau très-court; occipital large- ment déprimé dans sa partie moyenne. C'est le Plioca Palagomca, Fr. Cuvier, et le Mirouga Pntagonïca, Griffith. Il ne semble pas être très- différent du précédent, et paraît même n'en être qu'une variété; Fr. Cuvier n'en a vu et décrit qu'une tète de'jeune individu. 11 se trouve aux terres de feu et sur les rives glacées du détroit de Magellan. Oi^cuaciciuc OAciôioii, OTARIES. OrARIJi. Pérou. Siisicnic deniaire compose de dents ennombre un peu variable. Incisives en général à deux Iran- chauls. Molaires espacées, coniques. Oreilles à conque cxlernc plus ou moins apparenle, cl (juclquefois irès-peu, enroulée el recou- vrant l'orifice auriculaire. Pieds antérieurs en nageoires placés au milieu du corps cl sans ongles. Cette division correspond au genre Otarie de Pérou, et comprend d'une manière générale les Phoques à conque auditive visible à l'extérieur, tandis que la première division, celle des Phoques CARNASSIERS. 283 proprement dits, renlVriuc les espèces privées de la cdiique extérieure de l'oredie. iNous devons con- venir que cette subdivision est artificielle, et que déjà chez lesMacrorhins, compris dans les Phoques sans oreilles externes, on peut apercevoir parfois un léger rudiment de conque auriculaire; mais ce rudiment devient souvent un peu plus apparent chez les Arctocéphales et les Platyrhynques, pour l'être tout à fait chez les Otaries proprement dites. On ne connaît qu'un nombre assez restreint de Phocidés de celte division ; elles se trouvent aussi bien dans l'océan Pacifique, principalement vers le Nord, que dans les mers Australes, et sont répar- ties dans les trois genres que nous venons de nommer. Les mœurs de ces animaux sont à peu près semblables à celles des Phocidés, et nous nous en occuperons en donnant les détails spécifiques. Fig. 126. — Otarie marbrée. 1" GENRE. — ARCTOCÉPHALE. ABCTOCEPHALUS. Fr. Cuvier, 1826. Diclionnaire des Sciences naturelles, t. XXXIX. ApxToç, Ours; x-îcpctXn, tète. CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire: incisives, \ ; ca)iincs, [rrl ; molaires, ç^ : en totalité, trente-six dents. Sur les six incisives supérieures , les quatre moijennes sont profondément échancrées dans leur milieu, et les quatre inférieures correspondantes échancrées d'avant en arrière; les canines sont de monxjne force; les molaires n'ont qu'une racine moi)is épaisse que la couronne, qui consiste en un tubercule moyen garni à sa base, en avant et en arrière, d'un tubercule beaucoup plus petit. Tête surbaissée. 08i IIISTOIIIK .NAT! l'.KI.LK. Museau rclrccï. Ma'im placées très en arrière, ce qui fait paraître le cou trcs-alUnigr. Pieds aijanl inic membrane à cinq lobes dépassant les doi(jts. Le type de ce genre a été offert par I'Ours marin, Phoca nrs'nia, Linné, à en juger, du moins, par la tête qui a servi de guide à Fr. Cuvier, et qui était désignée sous ce nom. Le système dentaire consiste en Irente-six dents, vingt à la mâchoire supérieure, savoir six incisives, deux canines et douze molaires, et seize à la mâchoire inférieure, se divisant en quatre incisives, deux canines et dix molaires. Les quatre incisives moyennes supérieures sont partagées transversalement dans leur milieu par une échancrure profonde; les deux premières sont petites, comprimées latéralement, à |)eu près d'égale grandeur, quelquefois partagées en deux par un sillon transversal, et beaucoup plus petites que la troisième, qui a toutes les formes de la canine. Celles-ci sont trè.s-f(n1es, très-larges à leur base, et terminées seulement en arrière par une côte saillante. Immédiatement après viennent les molaires, qui se ressemblent toutes; un étranglement sépare nettement la racine de la couronne; celle-ci est généralement conique, avec un petit tubercule à la base de sa partie antérieure; les cinq premières se suivent régulièrement à la même distance; mais la dernière est séparée de la largeur de tout un al- véole de celle qui la précède, et elle est beaucoup moins profondément enracinée que les autres; les racines ont cela de très - remarquable , qu'après l'étranglement qui les sépare de la couronne, elles se renflent pour s'allonger ensuite en un cône deux fois plus long que la couronne elle-même. A la n)âchoire inférieure, les incisives sont échancrées d'avant en arrière; elles sont coniques et de gran- deur à peu près égale; la canine est semblable à celle de la mâchoire opposée, et les molaires sont, de même que celles de l'autre mâchoire, coniques, avec des racines plus grosses et plus longues que la couronne, mais ayant, par derrière comme par devant, un petit tubercule pointu à 'leur collet. Dans leur action réciproque, ces dents semblent alternes, et la sixième supérieure n'en a aucune qui lui soit opposée. La télé est singulièrement surbaissée et le museau rétréci, comparativement avec la tête des Platyrhynques. Tout ce qu'on connaît sur les autres systèmes d'orçranes, c'est que les oreilles ont une conque externe rudimentaire; que la membrane du pied de derrière se prolonge en autant de divisions que les doigts, mais sous forme de lobe très-prolongé, et que les membres antérieurs sont placés fort en arrière, ce qui fait paraître le cou plus long. Fr. Cuvier ne plaçait qu'une seule espèce dans ce genre, mais aujourd'hui on en admet nue se- conde, d'après M. Gray. I. ARCTOCKl'HALE OURSiN. AliCTOCEPHALUS URSmUS. Vv. Cuvier. Caractèiies spécifiques. — Corps mince, tête ronde; gueule peu fendue; yeux proéminents; mous- taches longues; oreilles pointues, coniques; pelage composé de deux sortes de poils : celui de dessous court, ras, doux, satiné, d'une belle couleur rousse, et celui de dessus plus long, brunâtre, tacheté de gris foncé. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité la queue, variant de l'",50 à 2'". C'est rOuRS MARIN de Buffon, le Phoca ursina de Linné, Vl'rsus marinus de Steller, ÏArcloce- plialus ursimis, Fr. Cuvier, et YOlaria Fahricii, Lesson. il habite les côtes du Kamtchatka et les îles Aléoutiennes, et en général toutes les parties de l'océan Pacifique du Nord. Il se plaît au milieu des rochers et des récifs, sur les côtes les plus expo- sées à la tempête, et ses mœurs sont extrêmement sauvages. La finesse de son odorat l'avertit à une très-grande distance de l'approche des chasseurs, ce qui le rend très-difficile à prendre : cependant on le recherche beaucoup, parce que sa fourrure, assez douce, est très-estimée, principalement en Chine. Le Phoque oursin ressemble beaucoup, par ses formes extérieures, au Lion mari)i, type du genre Plniiirlnjnclius; il en a la tête, les oreilles externes; son corps a la même proportion; ses membres sont conformés de la même manière; les doigts de ses nageoires postérieures sont également dépassés CARNASSIERS. 285 par les lanières de peau fort allongées et linéaires; sa queue est aussi courte, etc.; mais il en diffère par la taille et par le pelage. Le poids des plus grands Phoques oursins des mers du Kamtchatka est d'environ vingt pouds de Russie, c'est-à-dire quatre cents de nos kilogrammes, et leur longueur n'excède pas 5'". Leur poil est hérissé, épais et long; il est de couleur noirâtre et tacheté de gris sur le corps, et jaunâtre ou roussâtre sur les pieds et les flancs; il y a, sous ce long poil, une espèce de feutre, c'est-à-dire un second poil plus court et très-doux, qui est également de couleur roussâtre; mais dans la vieillesse les plus longs poils deviennent gris ou blancs à la pointe, ce qui les fait paraître d'une couleur grise un peu somljre. Ils n'ont pas autour du cou de longs poils en forme de crinière, comme les Lions marins. Les femelles diffèrent si fort des mâles par la couleur, ainsi que par la grandeur, qu'on serait tenté de les prendre pour des animaux d'une autre espèce. Leurs plus longs poils varient; ils sont tantôt cendrés et tantôt mêlés de roussâtre. Les petits sont du plus beau noir en naissant; on fait de leur peau des fourrures qui sont très-estimées; mais, dès le quatrième jour après leur naissance, il y a du roussâtre sur les pieds et sur les côtés du corps : c'est pour cette raison que l'on tue souvent les femelles qui sont pleines, pour avoir la peau du fœtus qu'elles portent, parce que cette fourrure est encore plus soyeuse que celle des nouveau-nés. Fig. 127 — Arctocépliale ourfin. Les habitudes de ce Phoque diffèrent peu, quant au fond, de celles du Lion marin, mais bien par les détails. Us vivent en familles; chaque chef se tient à la tète de la sienne, composée de ses femelles, au nombre de huit, jusqu'à quinze, et, dit-on même, cinquante, et tous leurs petits des deux sexes : chaque famille se tient séparée, et, quoique ces animaux soient en certains endroits par milliers, les familles ne se mêlent jamais. Les mâles se battent entre eux pour se disputer la possession des fe- melles; et, après un combat cruel, le vainqueur s'empare de la famille du vaincu, qu'il réunit à la sienne. Le Phoque oursin craint seulement le Lion marin; du reste, il tait une guerre cruelle à tous les 286 HISTOIRE NATURELLE. autres animaux de mer, et notamment aux Loutres marines. Il n'est ni ilanc^ereux, ni redoutable pour l'homme; il ne cherclie même pas à se défendre contre lui, et il n'est à (-raindre que lorsqu'on le réduit au désespoir, et qu'on le serre de si près qu'il ne peut fuir. La femelle n'a pas l'indiffé- rence qu'on reproche à la Lionne marine pour son petit; elle lui témoigne un attachement si vif et si tendre, que, même dans le plus pressant danger pour sa propre personne, elle n'abandonne jamais son petit; elle emploie tout ce qu'elle a de force et de courage pour le défendre et le conserver, et souvent, quoique blessée elle-même, elle l'emporte dans sa gueule pour le sauver Le cri de ces animaux est plaintif, mais il varie selon les circonstances. En général, le bêlement d'un troupeau en- tier de ces Phoques ressemble de loin à celui d'un troupeau composé de Moutons et de Veaux. Les femelles mettent bas, au mois de juin, sur les rives désertes de la mer du Nord ; et, comme elles entrent en chaleur dans le mois de juillet suivant, on peut en conclure que le temps de la gestation est au moins de dix mois; les portées sont ordinairement d'un seul, rarement de deux petits, les mères les allaitent jusqu'à la lin d'août. Ces petits, déjà très-forts, jouent souvent ensemble; et, dit-on, lorsqu'ils viennent à se battre, celui qui est vainqueur est caressé par le père, et le vaincu est protégé et secouru par la mère. 2. ARCTOCÉPllALE LOBÉ. AnCTOCEPHMUS LOBATUS (jr.iy. Caractehes spécifiques. — Pelage brun, tirant sur le rouge lorsque l'animal commence à vieillir. Longueur de i™, 50 à 'i'". Cette espèce, qui ne diffère peut-être pas de la précédente, dans laquelle on pourra peut-être quelque jour distinguer plusieurs espèces particulières, est l'Ouns mari.'n de Fousteh, VArclocepImlns lobaïus, Gray, etl'O/rtr/a Forsleri, Lesson, qui lui rapporte les synonymies que nous avons appliquées à VArcloceplialus tirsïnus. Cet animal est le Phoque à fourrures des pêcheurs européens ou américains. 11 habite les hautes lati- tudes, fréquente toutes les côtes morcelées de l'extrémité australe de l'Amérique, le cap Ilorn, la terre des États, les îles Malouines, l'archipel de Pierre-le-Grand, et aussi les îles Marquises, Penantipodes, les parties méridionales de la Nouvelle-Hollande, de la Nouvelle-Zélande et de la terre de Van-Diemen. Du Petit-Thouars le mentionne à l'île de Tristan d'Amyna. Enfin, on l'a aussi signalé dans les mers du cap de Bonne-Espérance. Ce Phoque, comme le précédent, est recherché dans le commerce de pelleterie, et sa fourrure esttrès- estimée. La couleur la plus ordinaire de cette fourrure est le brun; mais, lorsque l'animal est parvenu à toute sa croissance, elle lire sur le rouge. Sa qualité ne diffère de celle des Castors que parce que les poils ou le feutre soyeux qui la composent sont les plus courts. Mais cependant cette fourrure est grossière sur le dos et sur le cou, et ce n'est que sous le corps, et notanimenl sous le ventre, qu'elle prend cette finesse et ce moelleux qui la fait rechercher. Les crins qui couvrent le corps et qui dé- passent le feutre sont toujours arrachés. Pour cela, on chaulfe doucement la peau, et on la ratisse for- tement avec un large couteau de bois façonné à cet effet. Débarrassée de ses longs poils, la fourrure acquiert alors toute sa beauté et se vend en Chine environ douze francs, et jusqu'à trente et trente- six francs en Angleterre, en y comprenant la prime. On en fait des chapeaux superfins, des garni- tures de robes, des manteaux, etc. Des chasseurs de Phoques assurent que cette espèce, si pré- cieuse à leurs yeux, ne se trouve jamais que sur les côtes les i)lus battues par les vagues, dans les lieux les plus âpres des côtes de Fer qui bordent la plupart des îles de la mer du Sud, et que jamais on ne la voit se reposer dans les criques bordées de longues plages sablonneuses, déclives, où la mer roule paisiblement ses eaux pendant la marée montante. Ses mœurs sont, dit-on, très-sauvages, et son odorat très-subtil; de loin, elle a la conscience, par son moyen, des approches de l'homme, et s'empresse de gagner la mer et de fuir un ennemi qu'elle a appris à redouter. CARNÂSSII'IBS. 287 î"'- GENRE. — PLATYRllYNQUE. PLATYIiflVNCllUS. Vr. Cuviei, 182G. bictiûiiDiiirc (les Sjic'iiC(?s naturelles, I. XXXIV. nXatuç, large; fJ^/.cç, nez. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Syslbne dentaire : incisives, |; canines, j^ ; molaires, |5| : en tolalité, trente- six dénis, comme dans les genres précédents. Les incisives pointues. Les molaires n'cujant pas de pointe secondaire, excepté a leur partie antérieure. Crâne tres-clcvé. Museau plus élargi que dans les Arctocéphales. Ce genre est Tun des moins bien connus dic ceux de la tribu des Phocidés, et les espèces qu'il ren- ferme n'ont pas encore été étudiées suffisamment. Les Platyrhynques sont répandus dans presque toutes les mers, dans le nord de f Océan Pacifique, dans les mers australes, à Manille, au Chili, etc. ■]. PLATYRHYNQUE LION MARIN. PLATYRHYi\CHUS LEONINUS. Fr. Ciivier. Caractères spécifiques. — Pelage uniformément fauve; moustaches noires; le mâle portant sur le <'0u une crinière qui lui descend jusque sur les épaules; tète assez petite, presque semblable à celle d'un Dogue, avec le nez légèrement relevé et comme tronqué à son extrémité; longueur totale assez variable, car l'on indique des individus n'ayant que 4'", tandis que d'autres peuvent atteindre, dit-on, au delà de 8"'. La synonymie de cette espèce est l'une des plus embrouillées de celles des diverses espèces de la tribu des Phocidés : il paraît, toutefois, que c'est à cette espèce qu'on doit rapporter tous les animaux décrits sous les noms suivants : Phoque a crinière, Forster; Lion marin, Steller, en partie Buffon, principalement d.ins son Supplément, probablement Pernetti, et Krachennikikow; enfin, les zoolo- gistes nomenclateurs lui ont successivement appliqué les dénominations de Phocajubata, Schreber: Otaria jubata et leonina, A. -G. Desmarest; Platijrlnjnclius teoninus, Fr. Cuvier, Lesson, etc. Pendant longtemps on a confondu avec cette espèce : i" le Lion marin d'Anson, mais il a été bien démontré que cet animal devait être rapproché du Macrorhin à trompe; 2° \e Lion marin de . Pernetti, et probablement aussi de Forster, qui pourrait peut-être, d'après Lesson, être réuni au Platgrhijnclnis molossinus; mais cela n'est pas encore démontré, et nous laisserons sous le même nom les Lions marins de Pernetti, Forster et Steller; 5° le Phoque de l'île Saint-Paul, qui doit peut- être constituer une espèce particulière d'Otaries; et 4'^ le Phoca Californica, décrit assez récemment par Lesson, et que l'on a reconnu n'être que le jeune âge du Platijrliijnchus leoninus. Le Platyrhynque Lion marin, en adoptant la réunion des Lions marins de Forster et de Steller, ainsi que l'admet G. Cuvier, se trouverait répandu dans toute la mer Pacifique, aussi bien dans le détroit de Magellan, dans les mers australes, que dans l'Océan Pacifique du Nord, au Kamtchatka, aux îles Kourilles, en Californie, etc. Certains zoologistes pensent, et leur avis est probablement le meilleur, qu'il doit y avoir deux espèces confondues parmi celle que nous décrivons : l'une propre au pôle nord, et Tautre particulière aux mers australes; mais, dans l'état actuel de la science, on ne peut pas parvenir à distinguer ces deux espèces, et il \aut mieux, à l'exemple de notre illustre com- patriote, les laisser réunies jusqu'à ce que des études nouvelles viennent nous les faire connaître plus complètement. Cela posé, nous rapporterons ce que les auteurs disent du Lion marin. C'est d'après Forster que nous décrirons d'abord les Phoques, appelés Lions marins, qui habitent la pointe sud de l'Amérique, c'est-à-dire les îles Falkland, le détroit de Magellan et la Terre des Etats. Ensuite, nous rapporterons la description donnée par Steller de ses Lions marins, et nous 288 IllSTOir.E NATLir.ElXi;. examinerons s'il nous est permis de cléeider fidentité ou la non-identité d'espèce de ces animaux, h'après l'auteur que nous avons cité le premier, le Lion marin est le Phoque à oreilles externes de la plus i^rande espèce. Sa longueur est de dix à douze pieds anglais, lorsqu'il a pris tout son accroissement; les femelles, qui sont beaucoup plus minces que les mâles, sont aussi plus petites et n'ont communément que sept ou huit pieds; les plus gros nulles pèsent de douze à quinze cents livres (anglaises), et, en moyenne, cinq cent cinquante après qu'on en a ôté la peau, les entrailles et la graisse; le diamètre du corps, dans les individus des deux sexes, est à peu près égal au tiers de la longueur; l'épaisseur est à peu près la même partout, et l'animal se présente aux yeux comme un gros cylindre, plutôt fait pour rouler que pour marcher sur la terre; aussi le corps trop arrondi n'y trouve d'assiette que parce que, étant re- couvert partout d'une graisse excessive, il prête un point d'appui aux inégalités du terrain et aux pierres sur lesquelles l'animal se couche pour se reposer. La tête paraît être trop petite à proportion d'un corps aussi gros; le museau est assez semblable à celui d'un gros Dogue, étant un peu relevé et comme tronqué à son extrémité; la lèvre supérieure déborde sur Tinférieure, et toutes deux sont garnies de cinq rangs de soies rudes, en forme de moustaches, qui sont longues, noires et s'étendent le long de l'ouverture de la gueule; ces soies sont des tuyaux dont on peut faire des cure-dents; elles deviennent blanches dans la vieillesse. Les oreilles sont coniques, longues seulement d'environ 0'".01 à 0^,02; leur cartilage est ferme et roide, et néanmoins elles sont repliées vers l'extrémité; la partie inté- rieure en est lisse et la surface extérieure est garnie de poils. Les yeux sont grands et proéminents; l'iris est vert, et le reste de l'œil est blanc, varié de petits filets sanguins; il y a une membrane cli- gnotante à l'intérieur. Les sourcils, composés de crins noirs, surmontent les yeux. Les dents sont au nombre de trente-six : les incisives supérieures ont deux pointes, au lieu que les inférieures n'en ont qu'une; il y en a quatre, tant en haut qu'en bas; les dents canines sont bien plus longues que les in- cisives, et de forme conique, un peu crochues à leur extrémité, avec une cannelure au côté intérieur. Les pieds du devant ou les mains, qui partent de la poitrine, sont de grandes bandes plates, d'une membrane noire et dure, lisse et sans poil, et dans le milieu se trouvent quelques vestiges d'ongles qu'on distingue à peine. Les nageoires de derrière, lisses et sans poils, comme celles de devant, sont divisées en cinq longs doigts, aplatis et enveloppés dans une peau mince, qui s'étend au delà des ongles, qui sont fort petits. La queue, de forme conique et couverte de petits poils, est courte. La tête du mâle et la partie supérieure de son corps sont recouvertes de poils épais ondoyants, longs de deux à trois pouces et de couleur jaune foncé ou tanné, qui flottent sur le front et sur les joues, et forment une crinière sur le cou et sur la poitrine de l'animal. Cette crinière se hérisse lors- qu'il est irrité. Sur tout le reste du corps, des poils courts, lisses, fauves brunâtres et comme collés à la peau, l'enveloppent dans rne robe satinée et luisante. La femelle n'a pas le moindre vestige de crinière, à quelque âge qu'elle soit parvenue; tout son poil est court, lisse et luisant, comme celui de la robe du mâle; mais il est d'une couleur jaunâtre assez claire. Suivant Steller et Krachenninikow, le Lion marin du Nord serait plus petit que celui du Sud, puisque sa taille ne surpasserait guère celle du Phoque Ours marin; sa peau, sur tout le corps, serait brune; sa tète de moyenne grosseur; ses oreilles courtes; le bout de son museau court et relevé, comme celui du Chien doguin; son cou serait nu, avec une petite crinière d'un poil rude et frisé. Mais ces caractères, comme le fait observer A. G. Desmarest, ne sont certainement pas suffisants pour affirmer que l'espèce de Steller est différente de celle de Forster. Le père Labbé fait mention du Lion marin des côtes du Brésil, lieu où cet animal serait assez'com- mun. Lemaire l'observa à l'île du Roi, sur la côte des Patagons; mais cet auteur dit qu'on ne le ren- contre pas au delà du cinquante-sixième degré de latitude septentrionale. Jlolina semble l'avoir vu au Chili. Bougainville a trouvé le Lion marin aux îles Malonines, se partageant le terrain avec les Plioques à trompe et avec d'autres espèces du même groupe. Cook l'a également vu sur les îles du Nouvel-An, situées à la côte du nord de la Terre des États, etc. Il est remarquable qu'on n'ait point signalé cet animal dans l'immense intervalle qui sépare les deux régions qu'il habite. D'autres voyageurs l'ont re- connu dans le grand Océan boréal, dans les îles Kourilles et au Kamtchatka. Steller, qui s'était embar- qué sur le vaisseau de Bering, en qualité de naturaliste, dans le voyage où ce navigateur découvrit., pour les Russes, rAmérique du Nord-Ouest par les latitudes élevées, vécut pour ainsi dire avec ce.s Amphibies pendant plusieurs mois, dans l'île sur laquelle le vaisseau de Bering fit naufrage. « Les Lions marins, dit Ruifon, vont cl se ticinient par gi'andes familles, chaque famille est ordi- CARNASSIERS. 289 nairement composée d'un mâle adulte, de dix ou douze femelles et de quinze à vingt jeunes des deux sexes; tous nagent ainsi dans la mer, demeurent ainsi réunis lorsqu'ils se reposent à terre... La présence ou la voix de Tliomme les fait fuir ou se jeter à Teau; car, quoique ces animaux soient bien plus grands et plus forts que les Ours marins, ils sont néanmoins plus timides. Lorsqu'un homme les attaque avec un simple bâton, ils se défendent rarement et fuient en gémissant; jamais ils n'attaquent ni n'offensent, et l'on peut se trouver au milieu d'eux sans avoir rien à craindre, ils ne deviennent dangereux que lorsqu'on les blesse grièvement ou qu'on les met aux abois; la nécessité leur donne alors de la fureur; ils font face à l'ennemi et combattent avec d'autant plus de courage qu'ils sont plus maltraités. Les chasseurs cherchent à les surprendre sur la terre plutôt que dans la nu'r, parce qu'ils renversent souvent les barques lorsqu'ils se sentent blessés. Comme ces animaux sont puissants, massifs et très-forts, c'est une espèce de gloire parmi les Kamtchadales, que de tuer un Lion marin mâle... Les mâles se livrent souvent entre eux des combats longs et sanglants. On en a vu qui avaient le corps entanié et couvert de grandes cicatrices. Ils se battent pour défendre leurs femelles contre un rival qui vient s'en saisir et les enlever; après le combat, le vainqueur devient le chef et le maître de la famille entière du vaincu. Ils se battent aussi pour conserver la place que chaque mâle occupe toujours sur une grosse pierre qu'il a choisie pour domicile; et, lorsqu'un autre mâle vient pour l'en chasser, le combat commence et ne finit que par la fuite ou par la mort du plus faible. » ,,.-11, ^ -.^^ -T^j;;^"^ Y\%. 128. — ri;ilyrliynque lion ninrin. L'accouplement est précédé, dans cette espèce, de plusieurs caresses étranges : c'est le sexe le plus faible qui fait les avances, c'est ainsi que le décrit George Forster : « La femelle se tapit aux pieds du mâle, rampant cent fois autour de lui, et de temps à autre rapprochant son museau du sien comme pour le baiser : le mâle, pendant cette cérémonie, semblait avoir de l'humeur; il grondait et montrait les dents à la femelle, comme s'il eût voulu la mordre : à ce signal, la souple femelle se re- tira et vint ensuite recommencer ses caresses et lécher les pieds du mâle. Après un long préambule c^ 57 290 HISTOIRE NATURELLE. de cette sorte, ils se jetèrent tous les deux à la mer et y firent plusieurs tours en se poursuivant l'un et l'autre: enfin la femelle sortit la première sur le rivage, où elle se renversa sur son tlos; le mâle, qui la suivait de près, la couvrit dans cette situation, et Faccouplement dura huit à dix minutes. » Selon Forster, l'accouplement des Lions marins a lien en décembre et janvier, aux terres magellani- ques, et, suivant Steller, en août et en septembre, sur les côtes du Kamtchatka. Ces animaux choisis- sent toujours les côtes désertes pour y faire leurs petits et s'y livrer au plaisir de l'amour. Leur voix diffère selon l'âge et le sexe. Les vieux mâles mugissent comme des Taureaux; les femelles font en- tendre un cri comparable au beuglement des Veaux, et les jeunes bêlent presque comme les Agneaux. 11 paraît qu'ils ne prennent aucune nourriture pendant leur séjour à terre, qui dure quelquefois plus d'un mois; aussi deviennent-ils maigres. Ils ont l'habitude alors d'avaler un certain nombre de grosses pierres qui tiennent leur, estomac tendu. Le temps de la gestation est d'environ onze mois; les voyageurs ne s'accordent pas sur le nombre de petits que la femelle produit à chaque portée. Selon Steller, elle n'en fait qu'un; suivant Forster, elle en fait deux. L'odeur de ces animaux est forte. Les voyageurs ne sont point d'accord sur la bonté de leur chair; les uns disent qu'elle est noire et mauvaise, et d'autres qu'elle est, ainsi que la graisse, d'un goût très-agréable. Quant à I'Otarie de Californie, Olaria Californina, Lesson, ou Jeune Lion marin de Californie, Choris, il est démontré que c'est un jeune du Platyrlujnclius leuninus. Dans cet individu, le pelage est ras, uniformément fauve brunâtre; les moustaches sont peu fournies; le museau assez pointu; les membres antérieurs sont réguliers, plus grands que les postérieurs; cinq rudiments d'ongles occupent l'extrémité des phalanges et sont débordés par une large bande de la membrane; les pieds postérieurs sont minces, ayant trois ongles au milieu et deux rudiments d'ongles internes et externes; cinq fes- tons, lancéolés et étroits, dépassent de cinq ou six pouces les ongles; la queue est très-courte. 2 PLATYRUYNQUE A GUIN. l'LATYltlIiWCHUS MOLOSSIMJS. Lesson. Caractères spécifiques. — Pelage d'un roux uniforme, ras sur toutes les parties du corps; poils des moustaches aplatis, d'un brun rouge, à extrémité noire; mains manquant d'ongles; pieds en pré- sentant trois très-gros; tête petite, arrondie; oreilles petites, pointues, roulées sur elles-m "mes. Lon- gueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue, variant entre l'",30 et 2"\60. Cette espèce est le Plioca et Olaria Molossina, Lesson et Garnot; il se rapporte probablement au Lion marin delà petite espèce, Pernetti, et l'on doit également lui réunir I'Otarie de Guérin, Quoy et Gaimard ou Plaixjrh\inclms Uraniœ, Lesson. Le Plalijrliiinchus Molossiniis habite, ainsi que l'indique son nom, les Moluques et presque toutes les parties des mers australes; c'est un Phocidé à formes élancées, régulières, à tête petite, arrondie, comme tronquée en avant, et présentant exactement le museau d'un Dogue. Le nez est peu proémi- nent et séparé par une rainwe; la lèvre supérieure déborde l'inférieure, et toutes les deux sont gar- nies sur leurs rebords de poils courts et serrés. Les moustaches qui couvrent la face sont disposées sur quatre à six rangs; elles se composent de poils d'autant plus allongés qu'ils sont plus exté- rieurs, et dont la plus grande longueur est de 0'",12; ces poils sont lisses, très-rudes, aplatis trans- versalement et de couleur fauve clair. L'œil, à iris verdâtre, est place à 0",08 de la commissure de la bouche. Les oreilles sont très-petites, épaisses, pointues et roulées sur elles-mêmes; elles sont revêtues d'un poil ras et serré; leur face interne est nue. Les paupières sont longues de 0'",04, t.; jurées de poils roux et courts. Les membres antérieurs sont aplatis en nageoires que termine une membrane épaisse, sinueuse en son bord, qui est d'un noir vif et complètement lisse. Les phalanges sont empêtrées dans cette portion membraneuse et sont indiquées par trois stries principales et pro- fondes; sur leur partie moyenne on observe quatre rudiments d'ongles. Les membres postérieurs sont rapprochés, aplatis, terminés par des phalanges d'égale longueur; les trois doigts du milieu sont garnis chacun d'un ongle fort, noir, long de 0"',04, arrondi, convexe supérieurement, aplati infé- rieuremenl et terminé par un rebord taillé obliquement à la partie externe de la phalange extérieure, CARNASSIERS. '2'H et avec les rudiments des deux phalanges intérieures. On remarque seulement deux rudiments d'on- gles aux doigts externe et interne. La membrane qui unit les doigts est large, et les engage jusqu'à 0'",04 au delà des ongles en formant un rebord. Cette portion, garnie de nervures tendineuses qui partent de la dernière phalange, se divise en cinq festons étroits, arrondis à leur sommet, où ils sont plus larges qu'à la base et d'autant plus développés qu'ils sont plus extérieurs. La surface externe des membres est couverte, comme toutes les autres parties du corps, d'un poil abondant, court et serré, tandis que les aisselles, les aînés et le dessous des membres sont complètement nus. Les mem- branes n'ont aucune trace de poils et sont d'un noir vif. La queue est courte, aplatie et pointue à son extrémité. La longueur des poils ne dépasse pas 0'",01, et leur couleur est d'un roux brun comme satiné lorsque l'animal est en vie. Ce Phoque a trente-six dents; les incisives supérieures, aplaties transversalement, sont séparées en deux lobes par un sillon profond. Fig. 129, — Plalyrhynquc à crin. Le Pi,ATYRHYNQUE OU Otarie DE GuÉp.iN, Plaiifrhi\nclins iJraniœ, Lesson, ne semble pas différer assez du Platyrhynque des Moluques pour qu'on puisse en faire une espèce distincte; cependant MM. Quoy et Gaimard lui donnent six incisives en haut et quatre en bas, quatorze molaires supé- rieures et douze inférieures; son pelage est brun, ras; son museau aplati, portant cinq rangs de moustaches; sa taille est d'environ 1"',60. 11 habite également les îles Malouines. 3. PLATYRIIYNQUE UI\1GUE PLATYRIIY^CIIUS FLAVESCENS. Pœping. Caractères spécifiques. — Pelage brun-gris ou blanchâtre, composé de deux sortes de poils; tête grosse, ronde. Longueur variant de I"' à 2'", 50. 29ii HISTOIRE NATURELLE. Cette espèce, qui habite les mers du Chili, est le Plwca litpinn de Molina; elle est loin d'être suf- fisamment connue, et Ton n'en sait que ce que nous en a rapporté Molina. « Les Français et les Es- pagnols, dit-il, nomment cette espèce Loup mahin. 11 varie pour la grosseur et la couleur du pelage. Sa longueur est de trois, de six et de huit pieds. Son pelage est brun, gris, quelquefois blanchâtre, composé de deux sortes de poils, l'un doux comme celui du Bœuf", l'autre plus dur; la tète est grosse, ronde et ressemble à celle d'un Chien auquel on a coupé les oreilles près de la peau. Son nez res- semble à celui du Veau; le mufle est court, obtus; les deux lèvres sont égales, la supérieure un peu cannelée, comme celle du Lion. 11 a quatre doigts à chaque patte de devant, ce qui le distingue des autres l'hoques; ses pattes de derrière en ont cinq. La queue a trois pouces de longueur. Lorsqu'ils s'accouplent, ce qui se fait ordinairement à la fin de l'automne, ils s'appuient sur les pattes de der- rière et s'embrassent avec les nageoires. La femelle met bas au printemps et fait un, deux ou, mais rarement, trois petits. Ils marchent très-mal sur la terre et se traînent plutôt d'un endroit à l'autre; il serait cependant très-imprudent de s'en approcher, car, quoique loui'ds et pesants en apparence, leur cou a beaucoup de flexibilité, et l'on s'exposerait toujours aux morsures de leurs dents terribles. Lorsqu'ils voient passer quelqu'un près de l'endroit où ils sont couchés, ils ouvrent la gueule telle- ment, qu'une boule d'un pied de diamètre y entrerait aisément. La voix des vieux Urigues peut être comparée au mugissement des Taureaux et au grognement des Cochons. Ces Phoques ne peuvent pas rester longtemps sous l'eau; on les voit souvent sortir la tête pour respirer ou pour prendre quelque Pingouin ou autre Oiseau aquatique dont ils sont très-friands. Les jeunes bêlent comme des Agneaux. Les Chiliens font avec la peau de ces animaux des sortes de radeaux sur lesquels on peut passer les ri- vières et pêcher à la mer. On en prend deux que l'on gonfle d'air; on attache sur ces ballons plusieurs traverses de bois sur lesquelles une ou plusieurs personnes peuvent s'asseoir. On en prépare une sorte de maroquin à gros grain, surpassant le maroquin en bonté; on en fait encore des souliers et des bottes imperméables à l'eau. Les habitants de l'archipel de Chiloé font un commerce considérable d'huile dUrigue; elle est préférée à l'huile de Baleine. On trouve souvent dans l'estomac de ces ani- maux des pierres de plusieurs livres. » 5""^ GENRE. — OTARIE. OTARIA. Péron, 1807. Voyage aux TfTics Australes, t. III. Otaria, Otarie. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sifulcme dentaire : incisives, |; canines, \e\', molaires, |^. Les quatre incisives supérieures mitoyennes, à double tranchant; les externes simples et plus petites; les quatre incisives inférieures fourchues; toutes les molaires simples, coniques. Conques auditives externes, visibles, petites. Doigts des nageoires antérieures presque immobiles. Membrane des pieds de derrière se prolongeant en une lanière au delà de chaque doigt. Ongles plats, menus. Poils plus longs, moins ras que dans les autres genres de Phocidés. Nous avons défini le genre Otarie comme le faisait G. Cuvier dans son Règne animal, mais nous ne nous dissimulons pas que tous les caractères qu'il assigne à ce groupe ne sont pas applicables aux espèces que nous y rangeons; car, en effet, depuis la publication de l'ouvrage classique de G. Cuvier, les Otaries ont été partagées, par Fr. Cuvier, en plusieurs genres, et celles qu'à l'exemple de plu- sieurs naturalistes nous laissons sous cette dénomination n'y sont que parce que nous n'avons pu les mettre ailleurs, ne les connaissant pas suffisamment. C'est donc en quelque sorte, et pour parler à la manière de Linné, un groupe de Phoques à oreilles d^insertœ sedis que nous indiquons sous le nom d'Otarie. Sous le rapport de l'ostéologie, nous pouvons dire que les animaux de ce groupe sont trop mal CARNASSIERS. 293 définis pour que nous puissions en donner les différences spécifiques, d'autant plus que l'on ne pos- sède guère que des tètes de ceux qui ont été désignés sous des noms particuliers par les voyageurs modernes. Cependant, nous dirons que Ton croit avoir remarqué quelques différences qui portent sur la forme de la voûte palatine plus ou moins reculée, plus ou moins terminée en ligne droite ou oblique; sur celle des os du nez, qui n'est pas toujours la même, et surtout sur la forme, la direc- tion et le développement de Tapopliysc orhi aire. La taille des Otaries, sans égaler celle des grandes espèces de Phocidés, est encore assez consi- dérable. Leurs mœurs sont analogues à celles des autres Phoques, c'est-à-dire qu'on les rencontre dans les mers auprès des côtes, et que souvent ils se rendent sur le rivage. Les dix ou douze espèces rangées dans le groupe des Otaries ne se rencontrent pas aussi près des pôles que les espèces des autres genres de l'hocidés; elles sont propres aux mers australes, mais aussi bien à celles qui baignent le cap de Bonne-Espérance qu'à celles du détroit de Magellan, des îles Malouines, et même de l'Australie. 1. OTARIE NOIRE. OTARIA PUSILLA. Lesson. Caractères spécifiques. — Pelage doux, généralement noirâtre; pieds de derrière n'ayant d'ongles apparents qu'aux trois doigts du milieu, et terminés par une membrane dont le bord offre cinq lobes; soies des moustaches rondes, lisses. Longueur totale variant entre 0"\10 et l'",50. Fi^. 130. — Otarie noire. Cette Otarie, qui, à raison de la petitesse de sa taille et de la forme ae ses pieds de derrière, ne peut être confondue avec les espèces des genres précédents, a d'abord été décrite par Daubenlon 294 HISTOIRE NATURELLE. sous le nom de Petit Phoque noir, et ensuite par M. Pages, qui communiqua des observations à Buffon. Celui-ci a voulu prouver que cette espèce était celle de Rondelet et le Plwca des anciens ou «DwxYi d'Aristote et d'yËlien, et Vitiilus marinits de Pline; A. G. Desniarest, dans le tome XXV du Dictionnaire d' Histoire naturelle, de Déterville, avait adopté cette manière de voir, et en même temps, ayant observé dans la collection du Muséum les individus qui ont servi à la description de Daubenton, mais sans aucune indication qui pût les faire connaître, les avait attribués à une espèce d'Otarie signa- lée par Pérou, près de l'île de Rottness, sur la côte occidentale de la Nouvelle-Hollande, qui a beau- coup de rapport avec eux, et qu'il nomma Otaria Peronii. Mais plus tard, dans sa Mnmninlogie, averti de son erreur par De Blainville, qui possédait des renseignements particuliers sur le Phoque de Buffon, il reconnut le double emploi qu'il avait fait, et annonça que c'était à tort que Buffon rappor- tait à cet Amphibie le Phoque de Rondelet, qui n'a pas d'oreilles externes, et le Phoque des anciens, trop vaguement décrit par eux pour qu'il soit possible de le rapporter plutôt à un geiire qu'à un autre, et même plutôt au Ptiocn vitulina qu'à tout autre. De tout cela il résulte, en résumé, que le Petit Phoque noir de Buffon et Daubenton est le même que le Phoca pnsitta, Linné, le Phoca parva, Boddaërt, et que les Otaria Peronii et pusilla, A. G. Desmarest. Dans cette espèce, la tète est ronde, un peu déprimée; le museau est très-court; il y a six incisives supérieures, dont les deux extérieures en forme de canines, et les quatre intermédiaires grosses et sillonnées transversalement sur leur tranchant; il y a quatre incisives inférieures, dont les deux in- termédiaires, placées l'une rontre l'autre et aussi grosses que les plus grandes de dessus, sont ter- minées chacune par trois petits lobes, et dont les deux externes, courtes et pointues, se placent par leur pointe dans la rainure ou le sillon transverse des incisives d'en haut; les premières molaires sont courtes, petites, à une seule pointe et distantes entre elles. Les oreilles externes sont étroites. Les pattes de devant ont le doigt intérieur le plus long de tous, sans ongles apparents, velues en dessus et entièrement nues en dessous; les pattes de derrière sont tout à fait rejetées en arrière et dans la direction du corps, à cinq doigts, dont les trois du milieu ont leurs phalanges et leurs on- gles bien marqués, les autres ayant un ongle rudimentaire à peine visible; la membrane des doigts se prolongeant un peu au delà de ceux-ci et terminée par un bord sinueux, dont chaque partie sail- lante ou chaque lobe est de grandeur proportionnée à celle du doigt auquel elle correspond. Le pe- lage est doux et luisant; le dessus du corps est d'un brun tirant sur le gris de fer, avec la tête plus foncée et le dessous beaucoup plus clair, surtout sur la poitrine; chaque poil étant d'un fauve très- clair dans la plus grande partie de son étendue, puis d'un brun minime plus abondant en dessus qu'en dessous, et terminé de gris clair sur le dos ou de blanchâtre sous le ventre. Les jeunes indivi- dus ont une coloration plus obscure que les adultes. Deux individus de celte espèce, observés en captivité pendant quelques jours par M. Pages, lui ont montré toutes les preuves d'intelligence qu'on trouve dans le Phoque commun. Il habite les mers du cap de Bonne-Espérance; et, selon Daubenton, on le trouverait aussi dans les mers de l'Inde, ce qui est très-peu probable. 2. OT.^RIE DE DELALANDlv OTARIA DEI.ALANDIl. G. Cuvier. Caractîuies spécifiques. — Pelage doux, fourré, laineux à la base, avec la pointe des poils anne- lée de gris et de noirâtre, ce qui lui donne une teinte d'un gris brun roussfitre; dessous du corps d'une coloration plus pâle. Longueur totale, l'",12. H provient des mers du cap de Bonne-Espérance, d'où il a été rapporté par Delalande. 5. OTARIE DE M1IJ5ERT. or.l/î/.4 MILBERTl. G. Cuvier. Cauactî;res siÉciFiQUEs. — Pelage d'un gris cendré en dessus et blanchâtre en dessous. Longueur de la tète et dn corps ayant à peu près 1'". Cette espèce, qui est loin d'cire coMipIélomeiit connue, habite les mors australes. CARNASSIERS. 295 4. OTARIE D'IIAU VILLE. OTARIA IIAUVILII. G. Guvicr. (iAR.\CTÈRES si'ÉciFiQUEs. — Pelage (riin gris foncé et cendré en dessus, blanchâtre sur les flancs et sur la poitrine; ventre présentant une bande longitudinale d'un brun roux, avec une autre bande transversale, noirâtre, allant d'une nageoire à l'autre. Longueur totale, 1"',50. Cette espèce est la même que VOtnria Pcron'û, De Hlainville; elle habite les îles Malouines. On réunit quelquefois à cette Otarie les cinq espèces qui vont suivre, et qui ne sont pas décrites d'une manière suffisante; mais, comme ces animaux sont tous très-imparfaitement connus, nous ne voyons pas plus de raisons pour les réunir en une seule espèce que pour les décrire tous séparément. C'est donc avec cette restriction que nous les citerons isolément. 5 OTARIE Ct)UROISNÉE. OTAfilA COnONATA. De niainviUc. Caractères spécifiques. — Pelage noir, varié de taches jaunes; une bande sur la tète et une tache sur le museau, de couleur jaune; cinq ongles aux pieds de derrière. La patrie de cette espèce est inconnue. 6. OTARIE A COU ItLANG. OTARIA ALBICOLLIS. l'éron. CaractO;res spécifiques. — Pelage marqué d'une grande tache blanche à la partie moyenne et su- périeure du COU; membres antérieurs situés très en arrière. Longueur, 2"', 51) à 5". Cette Otarie abonde sur les plages de l'île Eugène, l'une de celles qui avoisinent la terre Napo- léon de la Nouvelle-Hollande, et qui est située par le trente-deuxième degré de latitude méridio- nale et le cent trente et unième de longitude orientale. Sa longueur moyenne est d'environ 5*". Elle est particulièrement caractérisée par une grande tache blanche à la partie moyenne et supérieure du (tou, qui lui a valu le nom qu'elle porte. Les pieds antérieurs sont moins éloignés de la poitrine que ceux de la plupart des autres Amphibies du même genre. 7 OTARIE JAUNATRE. OTARIA FLAVESCEiVS. Sliaw. Caractères spécifiques. — Pelage d'un jaune pâle uniforme; oreilles longues; ongles manquant aux doigts des mains, et trois seulement aux doigts moyens des pieds. Longueur, de 0'",40 à 0"',70. C'est une espèce assez rare, et Tune des plus petites du genre. Sa couleur est un jaune pâle uniforme, ou couleur de crème foncée, sans mélange. La tête est petite; le nez un peu pointu. Les oreilles sont lon- gues de 0™,03; elles sont très-étroites, pointues et en forme de feuille. Les moustaches sont longues et blanchâtres; les dents plutôt émoussées que pointues. Les pieds de devant sont en forme de nageoire, . sans aucune apparence d'ongles. Ceux de derrière sont fortement palmés, et ont de véritables on- gles, longs et distincts, desquels les trois intermédiaires sont plus larges que les autres. La queue n'a qu'environ 0'",03 de long. Cette espèce a été prise dans le détroit de Magellan; le seul individu qu'on en connaît fait partie du musée de Lever, à Londres. 296 HISTOIRE NATURELLE. 8. OTARIE DES ILES FALKLAND. OTARIA FALKLANDICA. Shaw. Caractères spécifiques. — Pelage gris cendré, nuancé de blanc terne; pas d'ongles aux doigts des raains; quatre ongles aux doigts des pieds. Longueur totale, 1"',40. Fig. 151. — Otarie des îles Falkland. Cette Otarie, que Lesson a nommée Oiar'ia Shaiv'iï, a le poil court, cendré; son nez est court et garni de moustaches noires; ses oreilles sont courtes, velues et pointues; ses incisives supérieures sont marquées d'un sillon transversal comme dans les autres Otaries; mais les inférieures ont un caractère particulier, en ce qu'elles ont aussi un sillon, mais dans une direction opposée; les mo- laires sont très-fortes, avec un petit appendice sur chaque côté prés de leur base; les pieds de devant sont sans ongles, et le bout de la nageoire est terminé en palmures qui s'étendent au delà des extrémités des doigts qui ne sont pas séparés; les pieds de derrière n'ont que quatre doigts pourvus d'ongles longs et aigus; les membranes les enveloppent. Ce dernier caractère est encore particulier à cette espèce, s'il a été bien observé. On a trouvé cette Otarie dans les mers aux environs des îles Malouines et Falkland. 9. OTARIE COCHON DE MER. OTARIA PORCINA. Molina. Caractèhks spécifiques. — Pelage et forme du Phoca lupiiia ou Plaltjrluinclius flavcsccns; museau plus allongé; oreilles relevées; cinq doigts aux pieds d<' devant. La connaissance de cet animal est due à Molina, qui, comme on sait, n'inspire pas une grande CAUNASSiKiiS. 297 coiiliaiice aux iialiiiiili.'-lcs. Aussi (imoliii a-l-il coiisidcié ce Cochon mur'm comme ne différant |tas du Lion marin de IVrnelli. Néanmoins, Pennant, Sliavv et Sonnini continuent à le dislini-uer, et Les- son, en l'admeltanf, en a clianj-é la dénomination en celle iVOlarïa Mol'iimïi. Sonnini pense que le peu que Ton sait de ce Phoque, que Molina a pu comparer sur les lieux au Lion marin, Ten éloigne suflisamment. Il ressemble à TUrii^ne pour la fiyure, le poil et la manière de vivre, et cet Uriyne res- semble lui-même beaucoup au Pliotpie commun; mais il en diffère en ce que son museau est plus alloni^é, et se rapproche du groin d'un Cochon, et en ce que ses oreilles sont plus relevées et ses pieds antérieurs recouverts par une membrane. On le rencontre sur les côtes du Chili : mai^ il y est rare. 11). OTMiiti CKiSURIÎE. OTARIA CIAEIŒA. l'ûroii CAn.xcrÈREs srÉoiFiQiJKs. Pelage dur, grossier, de couleur gris cendié. Longueur variant de o"" à 4'". L'Otarie cendrée est encore une espèce dont la découverte est duc aux naturalistes fraisais de lex- pedilion commandée par le capitaine l'audin. Elle a été rencontrée sur les rivages de Pile Decrès, qui est située par le trente-sixième degré de latitude mcridionale et le cent trente-cinquième degré de longitude orientale, en face des golfes Bonaparte et Joséphine, de la terre Napoléon. Leur poil est très-court, de couleur gris cendré, très-dur et très-grossier; mais leur cuir est épais et fort, et l'huile qu'on prépare avec leur graisse est aussi bonne qu'abondante. Depuis, MM. Quoy et Gaimard ont pu de nouveau étudier cette Otarie à la Nouvelle-Hollande, vers son extrémité méridionale, dans le détroit de Bass, aux cnx irons du port Western. 11. OTARIK AVSTH.VLK. orAlIlA AUSTRAils Oiioy el Gaiiiianl. C.viiACTLiits si'icciFiQUi-s. — l'clagc d'uu gris à retlets jaunâtres en dessus du corps: dessous d'un jaunâtre clair: moustaches blanches. D'une longueur totale n'atteignant pas o'". Cette espèce, plus ptuite que la précédente, vit dans les mêmes parages, mais sur un autre j)oi:it de la côte méridionale de la Nouvelle-Hollande, principalement aux environs du port du roi (leorges. Tout le dessus de son coi'ps, jusqu'à l'origine de sa queue, est d'un gris qui, sous un certain jour, a des retlets bleuâtres; ce gris devient plus clair sur le cou, et passe au blanc sale sur la léle, les joues et les côtés du museau; le bout du nez est noirâtre; les mousla.?hes sont blanches, for- tes, aplaties: tout le dessous du corps est jaunâtre clair en avant, et d'un roux de Veau en arrière. La ligne de démarcation entre cette teinte et la couleur grise qui occupe le dos a lieu sur les flancs d'une manière tranchée; les membres sont roux clair en dessus, et presque noirs en dessous dans les deux tiers de leur étendue: les antérieurs se terminent un peu en pointe arrondie; enfin, ce (pii distingue encore cette espèce, c'est qu'il n'y a nul feutre au-dessous des poils ordinaires. A ces détails, nous ajouterons la note suivante, qui nous a été transmise par M. Paul De Saint- Martin, qui concerne une Otarie (pie l'expédition au pôle sud de l'amiral Dumont D'Urville a plu- sieurs fois eu occasion d'observer aux îles Auckland, et qui doit se rapporter très-probablement à VOlnria aitslralis. « Cette espèce n'a que 2"", 50 ou 2"", 60 de longueur; elle est de couleur fauve; la tête est petite; les membres antérieurs sont très-longs, et permettent à l'animal, quand il veut mar- cher, de soulever tout le corps dans une position oblique, ce qui lui donne Pair d'un cul-de-jatte traînant la partie postérieure de son corps : cela ne l'empêche pas cependant d'avoir des mouvements très-vifs; et je puis l'affii'mer d'après celui que nous avons eu vivant à bord, qui nous a tant fait cou- rir sur le pont de VAslrolahc, et qui, s'il n'avait pas eu la gueule attachée, aurait très-bien cherché :i mordre. Ces Phocidés vivent sur la côte, au milieu des fucus, dont ils se nourrissent, ainsi (pie de Poissons; ils aiment, lors(pril fait beau, se reposer à terre, oii il n'est pas extraordinaire de les ren- 2118 IIISTOIHE NATUHELLt. coutrei' à cent et deux cents pas du rivage, dans des endroits ([ui sembleraient devoir leur être inaccessibles, et dont ils parviennent à surmonter les obstacles non sans de fréquentes culbutes. » Ainsi que nous l'avons dit dans nos généralités sur 1rs Carnassiers Amphibies et sur les Phocidés, riiisloire zooclassique des espèces de celte tribu est Tune des moins connues, même aujourd'hui, et nous pouvons encore répéter à ce sujet ce que disait, il y a plus de trente ans, A. G. Desmarest, dans la monographie des Phoques du Dïcùonnaïre d'Hïsloire naturelle, édité par Déterville. (( Ici se termine l'énumération des Phoques et des Otaries qui peuvent prendre place dans les systè- mes d'histoire naturelle; mais il est encore quelques espèces admises assez légèrement par les auteurs, et que nous avons cru devoir laisser hors de rang, jusqu'à ce que des observations nouvelles établis- sent leurs caractères d'une manière bien positive. A ce sujet, nous recommanderons aux navigateurs et aux naturalistes qui s'occuperont par la suite de ce genre de recherches de détailler avec soin les proportions du corps des Phoques qu'ils décriront, de recueillir des renseignements précis sur les différences des mâles, des femelles, ainsi que des jeunes individus et des adultes. Ils s'attache- ront également à recueillir des notes sur la manière de vivre de ces animaux, sur le nombre des pe- tits, répo(pie de l'arcouplemenl, celle de la mise bas des femelles, la durée de rallaitement, etc. Quant aux caractères les plus importants, ceux qu'il conviendra de vérifier avec soin seront particu- lièrement tirés du nombre et de la forme des dents chez les individus adultes; de la forme des nageoi- res antérieures et postérieures; du nombre des ongles existants sur chacune; de la force relative de ces ongles; de l'étendue plus ou moins considérable et de la forme des membranes qui unissent les doigts; de la présence ou de l'absence d'oreilles externes; de la distance respective des yeux et des oreilles, entre eux, et avec l'extrémité du museau, etc. Enfin, nous croyons devoir inviter les voya- geurs à réunir dans une collection unique les dépouilles des Phoques qu'ils rencontreront, telles que peaux entières, têtes osseuses, nageoires, etc., parce que ce sera le seul moyen d'établir des com- |>araisons exactes entre les diverses espèces de ces animaux, qui paraissent beaucoup plus nombreu- ses qu'on ne l'a cru jusqu'à ce jour. Des dessins soignés, faits sur le vivant, ajouteraient encore au mérite des descriptions détaillées que nous réclamons; ils donneraient une idée bien autrement exacte des poses de ces animaux que ceux qui ont été publiés jusqu'à ce jour, et notamment ceux du Commodore Anson, de Pernetti et de Parsons. » Disons cependant que les recherches des naturalistes voyageurs ont fait connaître quelques nouvelles espèces, et ont donné des renseignements sur certaines de celles anciennement décrites; quoique, tou- tefois, les dénominations de Chïen, Loup, Renard, Chat, Lion, Ours, Veau, Cochon, Eléphant, etc., auxquelles les voyageurs ajoutent marins, ont plus nui à l'avancement de la science qu'elles ne lui ont servi, en indiquant des rapports éloignés, et en augmentant la confusion qui déplus en plus existait depuis longtemps. Lesson, tout en voulant y remédier, est venu mettre le comble à èette confusion en changeant des dénominations depuis longtemps admises, pour les remplacer par des noms spécifiques tirés du nom de la première personne qui avait parle de ces animaux. De tout cela, il résulte que ce n'est qu'avec doute ((ue nous avons rapporté plusieurs de nos espèces dans les genres créés par Fr. Cuvier. et nous devons maintenant dire quelques mots pi'ini ipalement de Phoques privés d'oreilles dont la caraetéristi(pie donnée par les auteurs est telle, ({u'un n'a pas plus de raison pour les ranger dans l'un des genres modernes plutôt que dans un autre; nous irons même plus loin, en ajoutant que ces espèces ne sont peut-être (pu; nominales. Nous citerons donc avec la plus grande réserve les Phoques ((ui suivent : 1" Le l'iioQUK Dr. i.'îLE Saint-Paul, Phoca Coxii, A. G. Desmarest. — Cette espèce, que Cox indi- (pie sniis le nom de Lion marin dans son ouvrage sur l'Ile de Saint-Paul, n'a pas de trompe; elle j>araU réellement exister, mais elle a été décrite si impai'faitement, que l'on ne peut pas l'admettre sans avoir de nouveaux détails, qui démontreront peut-être qu'on doit, comme certains naturalistes, la rapporter au Macrorhinus proboscideus . Salongueur est de vingt pieds anglais environ, et sa circon- férence de vingt et un. Son pelage est généralement d'une couleur de buffle sale, tantôt d'une teinte plus ')rune, tantôt d'un blanc sale ou couleur de i)ierre. Ces Phoques sont si abondants aux îles d'Amsterdam el de Saint-Paul, dans l'océan Indien, situées par trente-huit degrés de latitude méri- CARNASSIKllS. ^299 dionale et soixante-quinze dei^rés de longitude orientale, (|ue Cox en tua douze eents en dix jours ;. ils se tiennent à terre au milieu des roseaux, et leurs femelles ne font qu'un petit par portée. 2° Phoque a lo.xg cou, Parsons, PhocalongicolUs, Sliaw. —Ce Phoque, dont la ])atrie est inconnue, a le corps très-élancé; les jambes antérieures placées à égale distance de l'extrémité du museau et du bout des nageoires postérieures; point d'ongles aux pieds de devant. D'après la mauvaise ligure qu'on en ti'ouve dans les Transacùons plnlosopliiques, on serait d'abord tenté de le reganler comme une espèce factice établie sur l'observation d'une peau mal préparée; mais on doit cependant ajaurner toute décision à cet égard, attendu que Pérou a rencontré, dit il, des Phoques qui présentaient des variétés assez remarquables dans la position des membres antérieurs. Il lui a paru que le courage et l'activité de ces animaux sont dans un rapport assez exact avec la position relative de leurs pieds de devant; suivant que ces principaux agents de la locomotion se trouvent plus ou moins rapprochés de la poitrine, la démarche est plus ou moins facile; et, comme chez les Phoques, ainsi que chez tous les autres animaux, la possibilité d'échapper aux périls est un motif de l'affronter; il s'ensuit natu- rellement que ces Amphibies en sont encore plus ou moins timides. o" Phoque a tête de Tortue, Pliaca teslndinea, Shaw. — Cette prétendue espèce, que Parsons dit exister sur plusieurs côtes de l'Europe, n'a pas été observée depuis ce naturaliste. U rapporte qu'elle a la tête conformée comme celle de la Tortue, le cou allongé, et les pieds semblables à ceux du Pho- que commun. G. Cuvier croit que cette espèce est purement nominale, et qu'elle n'a été fondée que sur l'examen d'une vieille peau mal bourrée. A" PiroQUE FASCiÉ, Phoca fasciala, Shaw. — Celte espèce, qui se rapporte peut-être à VOlaria coronaia. De Blainville, n'est encore connue que par sa peau, qui a été décrite par Pallas. Elle est des îles Kourilles; son poil est court, épais, roide, et de coideur noirâtre uniforme, mais marqué, sur la partie supérieure, d'une bande jaune semblable à un ruban, et tellement disposée, qu'elle repré- sente en quelque manière le contour d'une selle occupant un large espace sur le dos. Le port de l'animal est inconnu; mais l'on sait que c'est un Phoque de grande taille. 5" Phoque ponctué, Plioca punciaUi, Encyclopédie anglaise. — Cet animal a le corps, la fête et les membres, tachetés. Habite les îles Kourilles. 6" Phoque moucheté, Plioca macnlata, Encijclopédie anglaise. — Dans cet animal le corps est moucheté de brun. Des îles Kourilles. 7" Phoque îsoir, Plioca nigra, Encgclopédie anglaise. — Des mêmes mers que les deux précé- dentes, et remarquable par la singulière conformation de ses pieds, qu'on ne décrit cependant pas. 8" Phoque des rivages, Plioca liiioiea, Lesson. — De petite taille; pelage très-épais, composé de poils serrés, très-courtS; d'une seule sorte : bruns sur le corps, jaunâtre plus ou moins clair en des- sous. Ce Phoque, qui se trouve dans les mers d'Islande, n'est très-probablement qu'une variété du Caloceplialus vituUnus. 9° Phoque de Choris, Plioca Clioris, Lesson. — Pelage blanc, couvert de petites taches noires, nombreuses. Du détroit de Behring. 10" Phoque Lakhtak, Krachenninikow. — G :■ Phoque ne diffère du Phoque commun que par la grosseur seulement, puisque sa taille égale celle du plus gros Pxeuf. On le prend depuis le cinquante- neuvième jusqu'au soixante-quatrième degré de latitude septentrionale. 11° Phoque tighé, Krachenninikow. — Espèce provenant des mers du Kamtchatka, étant gros comme un Bœuf d'un an, et variable dans ses couleurs, mais habituellement marqué, sur le dos, de taches rondes et d'égale grandeur, avec le ventre d'un blanc jaunâtre. Ses petits sont blancs. 12" Phoque grumm-selur, Olafsen. — Ce Carnassier, qui porte vulgairement le nom de Roi des Plwrpies, serait d'une taille si monstrueuse, que quelques auteurs le classeraient parmi les Baleines. On dit qu'il acquiert, en longueur, douze à quinze aunes du pays, c'est-à-dire de 15 à 20'" de nos mesures. On ajoute qu'il est très-rare en Islande; néanmoins, on en aurait vu dans la partie occidentale de cette île, sur les anses de Breedelford. Il lurait de longs poils sur la tête, et d'autres, également longs, autour de la queue. m iii'^Toinr: NATCREU.n . DEUXIEME TRIBU. TRICIIÉCHIDÉS. THICHECHID.E. Isidore Geoffroy Snint-llilaire. Pieds empêtrés. Molaires cylindriques et non comprimées, comme dans Us Pliocidés. Deux grosses défenses h la mâchoire supérieure. Pas d'incisives ni de canines h la mâchoire inférieure. D'une manière générale, les Tridiéciiidés ressemblent aux l'iiocidés, ont le même aspect qu'eux, mais s'en distincfuent frès-faoilement et au premier aspect par les deux énormes défenses que les adultes portent à la mâchoire supérieure, qui ne sont autre chose que des canines très-développees et ayant quelque analogie avec les défenses des Éléphants. Les mcEurs desTrichéchidés sont les mêmes que celles d(s autres Amphibies; ce sont également des animaux qui peuvent vivre à la fois et dans l'eau de la mer et sur la ti^rre: leur nourriture semble aussi se composer de Poissons, d'animaux marins et même de plantes marines: du reste, sous ce point de vue comme sous beaucoup d'autres, ils se rapprochent des Phoques et ont un estomac semblablemcnt disposé. Ils habitent les régions les plus septentrionales du globe, et principalement le Sj»itzberg et je Groenland. GENRE UNIQUE. — MORSE. TPdCHECIHJS. Linné. IToa. Syt^tPHirt naliino. Os;:, Tp"///-, poil; ;//•>, je pojscili-. CAUACTKRES GÉNÉRIQUES. Sijslème dentaire : incisives. ^^; canivcs. ,',1,',; molaires. |^* ; en lolaHir. v'n(jl-deux dents. Lesinci- sives ne se Irouvoil (jue dans le jeune âne. et aijaul j.r> sfjue la forme des molaires. Les canines forment ilrfi défenses énormes, plus longues que la Icle, ovales, comprimées laléralemenl, arquées oi bas o'jluses h l'extrémité, aqaut i'ivoire inu'rieur çiranulcu.r, très dur et non formé de H(jnes courtes entrecroisées comme l'ivoire de l'Eléphant. Mula'res supérieures assez petites, à peu près cq lin ilri(pics, h couronne simple, et troncpiéis obliquement, dont les trois premières .sont plus internes (pie les autres, la troisième étant la plus çp-and: et lu dernière la plus petite : deux de ces dents manquant q nique temps aprèt la naissance de l'animal. Les molaires inférieures de même form.- que celles d'en haut, eu diminuant de (jrosseur depuis l'antérieure jusqu'à la dernière. Corps alloiifjé, conique, de même forme que celui des Pliocidés. Tête r^nde. Museau très renflé. Pas d'oreilles e.rternes. L*ieds antérieurs disposés comme ceux des Ph cidés, a cinq doigts armés d'ongles faleulaires très- courts; pieds postérieurs tout h fait dans la direction du corps, horizontaux, h cinq doigts réunis par la peau, et dont les deux externes sont les p'us longs. Queue très-courte. Les Morses, souvent réunis par les auteurs anciens, et même par Linné, avec les Lamantins, les Dugongs et lesSiellères, pour former un genre unique, ou bien joints seulement à un ou deux de ces animaux pour en composer d'autres groiq:)es génériques, difiérent notablement des uns et des CARNASSIEHS. T.OI anti'ts, (M fompospril un dos i^eiirrs Its |»liis natiirols do la srrio znoloni((np. C'csi I. inné qui en 17,"5, en a formé un i;('ni'o disiincl sous la dénomination latine de Tr'icliecliiis, qui a été i^éuéralenu'nl adoptée, taudis que eelles d'Oilobenus, Brisson, Bosmarus, Scopoli, et Mnnali, Boddaërt, qui avaient été proposées, ont définitivement été rejetées. Les animaux de ce genre ont beaucoup d'analoi^ie avec les Pliocidés, mais ils s'en distinguent facilement par leur mûcboire inférieure manquant de canines et (rincisives, et par les canines supé- lieures formant d'énormes défenses dirigées inférieurenu'nt. Us ont les pieds si courts et tellement enveloppés dans la peau, que sur la terre ils ne peuvent leur servir qu'à ramper : mais, comme les intervalles des doigts y sont remplis par des membranes, ce sont d'excellentes nageoires; aussi les Morses passent-ils la plus grande partie de leur vie dans la mer, et ne viennent-ils à terre que pour dormir au soleil et allaiter leurs petits. Leur corps allongé, quoique moins que celui des Phocidé'-, leur colonne vertébrale assez mobile et pourvue de muscles puissants qui la fléchissent avec force, le bassin étroit, leurs poils ras et serrés contre la peau, et beaucoup d'autres points de leur ana- tomie intérieure, concourent à en faire d'excellents nageurs. Les mœurs de ces animaux ressemblent à celles des Phocidés, ainsi que nous le verrons en donnant la description de l'espèce unique qui entre dans ce groupe générique; nous allons mainte- nant donner seulement quelques détails sur leur organisation interne et externe, ainsi que sur les caractères distinctifs qu'on peut en tirer. Le système dentaire du Morse est assez particulier, et, quoiqu'il ait donné lieu à |)lusieurs travaux importants, parmi lesquels nous devons principalement citer ceux de Fr. Cuvier et de De Blainville, l'on n'est pas encore d'accord sur le nombre des dents de ces animaux. Le premier des auteurs que nous avons nommé, dans son ouvrage intitulé des Denis des Maninùfcres considérées comme camclères zoolofjiqites, 1 825, rapporte les détails qui si.ivent et que nous croyons devoir reproduire en entier, quoique nous ne soyons pas du même avis que lui sur la place qu'il assigne au Morse dans la série des Mammifères. « Nous avons vu, dit-il, que les Phoques, sous le rapport de leur système de dentition, se rattachaient d'une part aux Carnassiers, et de l'autre aux Cétacés. Les Morses, très-voisins des Pho(pies par les organes du mouvement, s'en éloignent beau- coup par les dents. Ils semblent à cet égard présenter un système tout particulier, qui ne paraît pas plus convenir pour broyer des matières végétales que pour couper des substances animales Ou dirait (pie les dents de ces Amphibies sont spécialement destinées à briser, à rompre des matières dures; car elles semblent, par leur structure et leur rapport, agir sur les unes et sur les autres comme le pilon agit sur le mortier. Ils forment un de ces groupes isolés qui rompent la série nécessairement continue des classifications, et qu'on peut rapprocher presque indifféremment, suivant le point de vue sous lequel on les considère, de l'une ou de l'autre des branches du système général que l'on admet. Nous aurions pu les placer à la suite des Phoques, qui laissent un large vide entre eux et les Marsupiaux frugivores; mais, entraînés par des analogies qui avaient aussi quelques fondements, nous sommes amenés à n'en parler qu'après les rtuminants. Au surplus, nous devons faire remarquer que nous commençons, ebcz ces animaux, à voir le nombre des dents varier avec les individus [tar celles qui sont rudimentaires et qui disparaissent plus ou moins promptement. On dirait qiu' ces oi'ganps tendent à perdre de leur importance, et qu'ils ne doivent plus être autant considérés par leur nombre que par leur forme et leur structure. (( A la mâchoire supérieure, la première incisive, séparée par un espace vide assez grand de sa congénèr»' dans une espèce, tandis qu'elle en est très-rapprochée dans une autre, est une très-petite dent conique et crochue lorsqu'elle sort de lalveole, mais qui s'use et disparaît bientôt tout à fait; c'est une dent rudimentaire. la seconde, beaucoup plus grosse que la première, est cylindrique et coupée obliquement du dehors au dedans de la mâchoire. La canine est une défense très-grande qui se dirige en bas en se recourbant du côté du corps; elle est arrondi-' à sa face externe et marquée d'un sillon longitudinal à sa face interne, est sans racine, et prend naissance dans le maxillaire à la hauteur des narines. La première màchelière, séparée par un vide de la seconde incisive, et beaucoup plus grosse qu'elle, est coupée obliquement comme celle-ci, mais celte surface oblique est un peu creusée. La seconde, du double plus grande que celle qui la précède, est coupée de même, mais elle a dans cette partie deux dépressions, deux creux, l'un antérieur et l'autre postérieur, séparés par une colline obtuse et étroite à son sommet. La troisième a beaucoup de ressemblance avec la 302 HISTOIRE NATURELLE. seconde, et la quatrième n'est qu'une petite dent i-udimeniaire qui tombe avec iàge. Toutes ces dents n'ont qu'une racine conique très-courte, et elles sont entièrement formées d'une seule substance très- dure, très-compacte, qui est analogue à celle des défenses. « k la mâchoire inférieure, il paraît que, dans le premier âge, la première dent est une incisive rudimentaire qui ne tarde pas à s'oblitérer et à disparaître; c'est pourquoi nous ne l'avons pas fail entrer en compte avec les autres. Les quatre màchelières paraissent avoir la même forme, elles sont plus étendues de devant en arrière que de droite à gauche, et la surface de leur couronne est légè- rement convexe. La dernière est un peu plus petite que les autres, qui sont d'égale grandeur. Ces dents sont delà même nature que celles de la mâchoire supérieure. » On a vu que nous n'adoptons pas l'opinion de Fr. Cuvier rehiiivement à la position des Morses au- près des Cétacés; nous les rapprochons, au contraire, des Phocidés, mais nous n'en faisons pas une simple espèce du genre Phoque, comme Pont fait plusieurs auteurs. En effet, selon De Blainville, « le Morse offre, outre Panomalie qui le caractérise, le maximum dans la simplicité du système dentaire chez les Phoques. D'abord, il n'y a qu'une paire d'incisives, et en- core à la mâchoire supérieure seulement; de plus, cette incisive, rentrée par suite du développement anomal de la canine, est presque molaire, aussi bien par sa position que par sa forme. 11 n'y a aussi dans le Morse qu'une seule paire de canines, et également à la mâchoire supérieure; mais cette canine est remarquable par sa forme plus ou moins arquée, comprimée, cannelée dans sa longueur, assez pointue, verticale, et surtout par son très grand développement, qui fait qu'elle est toujours exserte. Quant aux dents molaires, au nombre de trois seulement en haut et de quatre en bas, toutes très- espacées, ce ne sont plus avant leur usure que des cônes obtus, opposés base à base, et dont le su- périeur, formant la couronne, s'use d'une manière très-irrégulière dans toutes les espèces qui n'ontplus que de ■] incisives; ainsi que dans les Morses, les molaires, comme les incisives et les canines, n'ont plus qu'une seule racine plus ou moins conique... La disposition alvéolaire chez les Morses est si par- ticulière, qu'il est impossible de la confondre avec celle d'aucune autre espèce de Plioque : cinq alvéoles à la mâchoire supérieure, dont la seconde infiniment plus grande en dehors et en arrière de la première, et trois postérieures plus rapprochées, et quatre correspondantes à la mâchoire infé- rieure, décroissant de la première â la dernière... Suivant l'âge, il me semble d'abord que tous les Phoques sans oreilles n'ont pas de système dentaire déjeune âge; du moins je n'ai trouvé aucun individu de Pespèce commune dans nos mers, quoique assez jeune quelquefois, qui m'ait offert plus ou moins de neuf dents en haut et de huit en bas; et dans le Morse, dont M. Gaimard nous a rapporté des mâchoires d'individus très-jeunes, c'est le même nombre et la même forme que dans l'adulte; seulement la canine est évidemment plus grêle et plus droite, ce qui porte à penser qu'elle appartient à un premier système dentaire. » Daubenlon entre dans quelques détails sur la structure des grandes canines ou défenses. « Ces dents, dit-il, ont â Pt xlérieur une couleur jaunâtre, elles sont composées d'une écorce et de deux autres substances; sous Pécorce, qui n'a qu'une ligne d'épaisseur, il y a une substance compacte, épaisse d'environ quatre lignes: elle est d'un blanc terne; j'ai remarqué qu'elle est chatoyante à certains as- ))ects, et que par cet effet elle a quelque rapport avec les parties grises blanchâtres de la pierre cha- tuyante que l'on ap[)elle œil de Chai; la partie compact*! des défenses du Morse prend un bon poli, de même que Pécorce, dont la couleur diffère peu de celle de la substance compacte; le reste des déienses est composé de liUls longitudinaux et de tubercules adhérents les uns aux autres; ils pa- raissent dans leur entier au fond de la cavité, qui est à la racine de ces défenses. Lorsque cette substance tuberculeuse est sciée et polie, elle a une couleur jaunâtre et un poli fort inégal. » Nous ajouterons que ces grosses dents du Morse sont tiès-rechercliées, parce qu'elles ont une assez grande v:deur dans le commerce de la tabletterie. L'ostéologie du Morse a été donnée par plusieurs auteurs, mais De Blainville, dans son Ostéo- (jraphïe, s'en est surtout occupé. Comparativement avec les Phocidés, et principalement avec le (]ii.()ce])iialns viinlinns, les différences ne sont pas très-considérables, et peut-être même pas plus fortes (pi'avec des espèces de la même ti'ibu, si ce n'est, toutefois, pour la tète, qui est, en effet, nuMlilléc |)ar l'anomalie singulière (juc ))résente le système dentaire. Cette tête est, en outre, très- petite, proportiounellemenl avec le reste du tronc, et formée d'os très-épais; c'est avec celle du Sleni- inatojxis ir'isiains qu'elle semble avoir le plus de rapports; mais elle est cependant assez singulière II-. 1. — Clirysocliloris Villosa. t>llti!£ V'i'^. '2. — llûiiiygiile zébrcc. l'I. 50 CAIi.WSSIEllS. 30.T par la largeur et la brièveté du frontal joigiiaut la face au cràue, et par l'éloigiiemeul presque égal de ces deux parties. La vertèbre oeeipitale. épaisse dans son corits presque caréné comme dans sou ai'c, est fortement aplatie, et relevée verticalement à la partie ])Ostérieure, avec une crête médiane. La pariétale est courte dans son sphénoïde, et très-large, échancrée, dans chacun de ses pariétaux. Le frontal l'est encore davantage dans son corps; mais ses frontaux, de forme parallélogrammique, sont très-étendus, peu rétrécis dans l'orbite, et s'élargissant beaucoup à la partie antérieure de celte cavité. Le vomer est nécessainment court, comme la face, et cependant les os du nez, en quadrila- tère l'égulier, à bords droits, sont plus grands que dans aucune autre espèce d'Amphibie. Le ptéry- goidien interne forme une apophyse épaisse, en crochet recourbé en dedans, se joignant intimement à un palatin assez large, et à bord droit postérieurement. Le lacrymal est toujours indistinct, mais le zygomatique, très-court, produit à lui seul une apophyse orbitaire externe assez élevée et obtuse. Le maxillaire est également très-court, très-renflé, très-convexe, surtout par la grande saillie en dehors de l'alvéole de la canine; et le prémaxillaire, épais, remonte jusque entre le nasal et le maxillaire, de manière à circonscrire, avec le premier, l'orilice nasal, qui est assez petit et prcs([ue rond, à bords très-épais, et sans traces de trous incisifs. La série des os dont se compose l'ajjpendice maxillaire inférieur commence par un mastoïdien énorme, soudé à un rocher médiocre, à une caisse petite, plate et non renflée, à un temporal dont la partie squameuse est arrondie et médiocre, et dont l'apophyse zygomatique est courte et très-épaisse; quant au mandibulaire, ses deux branches sont da)is la même ligne; le condyle est épais et terminal; le coronoïde oblique et très-arrondi; et, enlin, l'angulaire est obtus, à peine sensible; l'apophyse geni est, du reste, assez marquée, et la symphyse est considérable. Les différentes cavités et loges de la tète sont en général moins grandes que dans les Phocidés; ainsi, l'orbite est petit, et il en est de même de la cavité nasale; le palais est assez étendu et excavé, sans trous palatins ni incisifs. Les vertèbres cervicales sont encore plus courtes que dans le Pelagiiis monachns; les apophyses épineuses plus élevées, et les transverses plus obliques et plus épaisses : celle de la sixième vertèbre même assez étroite. Les vertèbres dorsales et lombaires conservent aussi bien plus de brièveté, plus de rondeur dans leur corps, et leurs apophyses sont aussi généralement plus courtes. Les vertèbres sacrées, également plus courtes, sont aussi plus serrées et soudées par leur apophyse épineuse. La série sternale est de neuf pièces, dont la première est à peine prolongée en avant. Les côtes n'offrent guère de différence qu'en ce qu'elles sont beaucoup plus robustes que dans le Caloccpitalus vUnliniis; mais elles sont toujours peu arquées, et même courtes, proportionnellement aux cornes sternales. Les membres, en général, sont bien plus courts que dans les Phocidés. Aux membres antérieurs, l'omoplate rentre assez bien dans la forme normale, plus allongée que large; le bord postérieur, le plus long, est tout à fait droit, la crête en occupant toute la longueur, et se terminant en un acromion qui atteint et descend presque jusqu'à l'angle glénoïdien. L'humérus, quoique très-robuste, est plus long proportionnellement que dans les autres Amphibies : la gross(! tubérosité, assez fortement comprimée, dépasse la tète; et la petite tubérosité, qui l'est moins, est plus basse; du reste, la crête deltoïdale descend très-bas; il n'y a pas de trou au condyle interne, comme dans le PcUkjïus monachus. Les deux os de l'avant-bras sont assez bien comme dans cette espèce : seulement, le cubitus, dont l'olécrane est plus épais, moins arqué, descend moins bas que le radius. Le carpe est court, mais très-lai'ge, et surtout le scaphoïde, qui est énorme; le triquètre allonge le cubitus, et le pisiforme prend un peu la forme allongée de celui des Carnivores; le trapé- zoïde est en coin à côté du trapèze, et non presque au-dessus de lui comme dans le Calocéphale comnuin. Les doigts sont presque égaux; aussi la proprution des métacarpiens est-elle plus normale que dans ce dernier; celui du pouce le plus long et le plus fort, puis le second, le cinquième, le troisième, et le quatrième le plus petit de tous. Les premières phalanges décroissent assez régulière- ment (le la première à la cinquième, du moins en longueur, car celle-ci est plus robuste que les intermédiaires; les secondes phalanges sont courtes, surtout la dernière, qui est presque cubi- que; enfin, les onguéales, en hoidette peu dilatée, sont très courtes, presque égales, sauf la pre- mière, un peu plus longue que les autres. Aux membres postérieurs, le bassin est assez bien comme dans le l'elage moine, ainsi que le fé- lui r et les os de la jambe; mais les os du tarse deviennent presque normaux: seulement, l'astragale 50 i IIISIOII'.L' iVATURLI.LE. a sa iMnilic liès-obli(|iie en dedans, et la liiberosite du ta'cméuni îsl cnur; . Les melalarsiens sont loujuiirs aiiomauN de proportion, les extrêmes étant plus longs et plus forts que les internes : mais ceux-ci, presque égaux, approchent plus de la dimension des extrêmes. Il en est de même des pha- langes; seulement, le doigt externe est un peu plus fort que l'interne; et les phalanges onguéales sont courtes et presque égales, avec des pointes très-courtes. Daubenton, dans V Hisloire nalurclle de Buffon. a donné la description d'une peau desséchée do Morse conservée au Muséum; puis il a fait connaître, principalement sous le point de vue anatomi- que, un fœtus de cet animal. Le genre Morse semble ne renfermer qu'une seule espèce pmpre à la mer Glaciale : ce|)endaiit quelques auteurs, principalement Shaw, paraissent croire qu'il y en aurait deux : l'une des mers gla- ciales, l'autre des mers équatoriales; mais ces deux espèces n'ont jamais été décrites comparative- meiil, de sorte qu'on ne peut indiquer de caractères qui soient propres à chacune d'elles; toutefois, l'une serait j)lus grande que l'autre, et aurait de jjIus fortes défenses, et toutes deux seraient revêtues d'un pelage court, serré, tout à fait analogue à celui des Phocidés. Au sujet de ces deux prétendues esjtèces, qu'il nous soit permis de citer ce qu'en pensent plusieurs auteurs. « J'ai vu à Jakutsk, dit Omelin, quelques dents de Morse qui avaient cinq quarts d'aune de Russie, et d'autres une aune et demie de longueur; communément, elles ont quelques pouces de largeur à la base, .le n'ai pas entendu dire qu'auprès d'Anadirskoï l'on ait jamais chassé ou péché ce Morse pour en a\oir les dents, qui, néanmoins, en viennent en si grande quantité; on m'a assuré, au contraire, que b s habitants trouvent ces dents, détachées de l'animal, sur la basse côte de la mer, et que, par ' onséquent, on n'a pas besoin de tuer auparavant les Morses. Plusieurs personnes m'ont demandé si les Morses d'Anadirskoï étaient une espè<'e différente de ceux qui se trouvent dans la mer du Nord ci ;i l'entrée occidentale de la mer Glaciale, parce que les dents qui viennent de ce côté oriental sont beaucoup plus grosses que celles qui viennent de l'Occident, etc. )> Gmelin ne résout pas cette ques- tion, et Buffon en donne une solution qui ne semble pas exacte. « On n'apporte d'Anadirskoï, dit-il, ([ue des dents de ces animaux morts de mort naturelle; ainsi, il n'est pas surprenant que ces dents, qui ont pris tout leur accroissement, soient plus grandes que celles du Morse du Groenland, que l'on lue souvent en bas àg'". w A cela, M. Buitard ajoute : « Celles celte hypothèse ne pi ut elre admise, car il faudrait admettre aussi que jamais, dans le Groenland, les Morses n'atteignent toute leur grandeur, et que tous ceux que Ion tue, sans, aucune exception, sont jeunes, puisque leur.s dents sont, aussi sans aucune excep- tion, beaucoup plus petites que celles qui viennent d'Anadirskoï; cette proposition n'est pas soutena- ble. D'un autre côté, on a dit, il y a quelques années, qu'il existait une autre espèce de Morse, dont la taille atteignait quelquefois jusqu'à vingt pieds de longueur, ce qui fait supposer des dimensions plus grandes dans les défenses : serait-ce cette espèce qui a laissé ses dépouilles à Anadirskoï? Mais cette prétendue seconde espèce serait propre seulement aux mers équatoriales, si on s'en rapportait aux voyageurs qui l'ont indiquée, et ne se trouverait pas dans celle du Nord. D'ailleurs, il est plus que prob;ible qu'ils auro;it pris pour des Morses des Lamantins ou des Dugongs. Voici une autre dif- licullé : il e:st certain qu'on ne trouve [)resque plus de Morses aux environs d'Anadirskoï, et cpie ceux qui s'y montrent de loin en loin ne dépassent pas douze pieds de longueur. Or, un Morse qui aurait des canines longues d'une aune et demie russe devrait avoir le corps long au moins de trente-cinq pieds, ce qui ne s'est jamais vu; les plus grands qui aient été observés par des naturalistes et par des voyageurs dignes de foi ne dépassent pas treize ;i qualoiz^ pieds. « Quant à moi. ajoute M. Boilard, je pense que l'ivoire trouvé .^ur les bords de la mer, aux envi- rons d'Anadirskoï, n'est rien autre chose que les dents fossiles d'un grand Morse dont l'espèce ne se trouve plus vivante, et que l'on doit par conséquent classer avec les autres animaux paléontologi- ques. Ce qui me fait croire à cela, c'est que, dans le même pays, on rencontre des collines entières composées, presque en totalité, d'ossements de Mammouths, de Rhinocéros et autres animaux per- dus, et que l'on possède au cabinet de Saint-Pétersbourg des défenses de Mammouths dont l'ivoire est aussi parfaitemeni conservé que s'il avait été pris sur les animaux vivants. >' La science ixissède quelques renseignemenls, malheureusement incomplets, sur des fragments de Morse qui ont été trouves ;ï l'état fossile: cl de niMne que les fossiles de Phocidés, ces débris prctien- nent tous de terrains tertiaires. CAIl.XASSIKHs. 5U5 G. Cuvier, le prom'ur, [»aiail en avoir eu un frai^iuent de cùle et un corps de veilèbre, trouves, au- près d'Angers, dans le versant de TUcéan, avec les fragments qu'il avait cru devoir rapporter à des Phocpies. De Blainville rapporte que cette côte et cette vertèbre, qui existent dans la collection paléou- lologique du Muséum, ont tous les caractères d'une côte et d'une vertèbre de Morse, et entre autres la taille et l'amincissement de la partie supérieure pour la côte. G. Cuvier a également signalé un frag- ment de dents de Tr'iclicclins, qui provient de Dax, dans les Landes. •M. Jœger parle, dans une lettre adressée, en 1830, à M. liermann De Meyer, de fragments fossiles de Morse, comme découverts dans la molasse de Wartemberg, c'est-à-dire à un grand éloignemcnt du versant de la mer Noire. M. Georges, dans son Ilisloire nalurellc de Russie, indique aussi quelques ossements fossiles do Morse. M. Mitchiil parie également de débris de crâne et de dents ayant appartenu au Morse, et qui oit été trouvés, dans un terrain tertiaire, en Virginie, dans le comté d'Accomas; mais il ne donne aucun détail sur ce fossile. Enfin M. Duvcrnoy, dans un premier aiterçu publié dans les Mémoires de la Suc'iélé d'Histoire ua- turellede Sti'asbotirf) , en 1857, a annoncé que des dents fossiles, trouvées, en Algérie, province d"0- lan, dans une roclie blanche crélaiée delà partie supérieure du second terrain teiliaire, étaient celles d'un Mammifère marin, selon toute apparence, de la famille des Morses; et, depuis, revenant sur ce sujet dans une note présentée à l'Académie des sciences, il a présumé que ces dents devaient être plus raporochées de celles des Phoques ou des Moïses que d'aucun autre Mammifère récent ou fossile. MORSP:. THICHECHIS IIOSMÀHVS. l.iiiiic Caractères spécifiques. — Tète moyenne, relalivenieiit à la grosseur du corps, arrondie, obtuse; lèvres très-renflées; narines en croissant; os maxillaires et partie antérieure de la tête très-renflés: soies des moustaches aplaties, sortant de trous qui se remarquent sur la lèvre supérieure, très-rap- prochées les unes des autres; bouche assez petite, armée de défenses recourbées en dessous, qui ont, dans quelques individus, jusqu'à 0"',66 de longueur, et qui convergent un peu entre elles par leur pointe; yeux petits, brillants; orifices des oreilles très en arrière; corps plus épais à la poitrine qu'ailleurs et diminuant jusqu'à la queue, qui, comparativement, a plus de longueur que celle des Phoques; cou court et épais; peau très-épaisse, muqueuse, noirâtre, avec quelques poils très-rares, courts, rudes, roussâtres ou bruns, se remarquant plutôt sur les jambes qu'ailleurs; pieds postérieurs très-larges; quatre mamelles ventrales. Longueur moyenne, depuis le haut du museau jusqu'à l'ori- gine de la queue. o'",G0; de celle-ci, 0",12; mais certains individus pouvant, dit-on, atteindre jusqu'à 6'" de longueur, et de 5'", 50 à 4'" de circonférence. On en a trouvé du poids de mille kilogrammes. Cette espèce a été vulgairtnu'iit appelée Yacue marine, Cheval marin, Bête a grandes dents par les voyageurs; c'est le Morse de Buffon et de Cook: le Tricheclms rosmarus, Linné, Erxleben, Gmelin; YOdobenus, Brisson; YEquns niarinus, Bai; Arlic Wolnis. Sliaw, et le Mmiali tricheclms, Bod- daert. Les peuples germaniques l'indiquent sous le nom de ]ynltross et de Rossmur; et, dans les catalogues méthodiques, elle est souvent désignée sous celui de Rosmarus. Les Morses se trouvent abondamment dans l'Océan atlantique septentrional et dans les régions jio- laires de l'Océan Pacifique. Ils sont communs au Spilzberg, plus rares au Groenland; on en trouve aussi à la baie d'Hudson et prés de l'Islande, de la Nouvelle-Zemble et même au pays des Tscliaktcliis. Mais ces animaux, qui étaient autrefois très-abondants, deviennent chaque jour de plus en plus rares par suite de la chasse acharnée qui leur a été faite, reculent leur habitat dans les régions polaires les plus inaccessibles à rhoniine, et. lorsqu'on aura pu y pénétrer, on finira probablement par en détruire l'espèce. Nous avons dit qu'on a prétendu en avoir observé une espèce dans l'Océan austral, mais que ce fait est loin d'être démontié. Les habitudes naturelles des .Morses sont absolument semblables a celles des grands Phocidés. Comme eux, ils paraissent vivre de |>roie, telle que de Poissons, de Mollusques, de Crustacés, etc.; ^* SU 306 HISTOIRE NATURELLE. mais la forme de leurs dents semble iudiqiiei' qirils peuvent se nourrir aussi de substances végétales et probablement de fucus. Ils vivent en troupes composées de plus de cent individus; les femelles mettent bas en hiver sur la terre ou sur la glace, et ne produisent ordinairement qu'un seul petit, qui est, en naissant, déjà long des deux tiers d'un mètre, qu'elles soignent avec tendresse et défendent avec fureur. Ils sont moins susceptibles d'éducation que les Phocidés. Des détails de mœurs du plus haut intérêt ont été donnés relativement au Moïse par Buffon cl surtout par les voyageurs, tels que Zorgdrager, Cook, Girard de Veer, M. Xavier Marmier, etc., qui ont étudié ces animaux dans leur pays natal; nous donnerons quelques extraits des ouvrages de jilu- sicurs des auteurs que nous venons de nommer. % - - Fig. 15'2. — Morse. Buffon s\sl loiiguenieiil étendu sur l'histoire tlu Moïse, m lc -- - -^ _„... Le nom de \uclic luarinc, dil-il, sous lequel le Morse est le plus généralement connu, a été trés-mal appliqué, puisque l'animal qu'il dési- gne ne ressemble eu rien à la >'ache terrestre; le nom iVÉlcplianl de mer, que d'autres lui ont donné, est mieux imagine, parce qu'il est fondé sur un rapjjort unique et sur un caractère (rés-a[)- parent. Le Morse a, comme l'Eléphant, deux grandes défenses d'ivoire qui sortent de la mâchoire sui)érieure, et il a la tète conformée ou plutôt déformée de la même manière que l'Éléphant, auquel il ressemblerait en entier par cette partie capitale, s'il avait une trompe; mais le Morse est non-seu- lement privé de cet instrument, qui sert de bras et de main à l'Eléphant, il l'est encore de l'usage des vrais bras et des jambes; ces membres sont, comme dans les Phoques, enfermés sous sa peau; il ne sort en dehors que les deux mains et les deux pieds; son corps est allongé, renflé par la partie de 1 avant, étroit vers celle de l'arrière, partout couvert d'un poil court; les doigts des pieds et des mains sont enveloppes dans une membrane et terminés par des ongles courts et pointus; de grosses A_, J(_ ij Fig. 1. — l'aradoxiire Hoiidar. Fiji. 2. — Chien loup irAlsace. 40. CARNASSIERS. 307 soies en forme de nioustaclies environnent la gneiile; la langue est échanerée; il n'y a point de con- que aux oreilles, etc., en sorte que, à Texception des deux grandes défenses qui lui changent la forme de la tête et des dents incisives qui lui manquent en haut et en bas, le Morse ressemble pour tout le reste au Phoque; il est seulement beaucoup plus grand, plus gros et plus fort; les plus grands Pho- ques n'ont tout au plus que sept ou huit pieds; le Morse en a communément douze, et il s'en trouve de seize pieds de longueur et de huit ou neuf de tour. Il a encore de commun avec les Phoques d'ha- biter les mêmes lieux, et on les trouve presque toujours ensemble; ils ont beaucoup d'habitudes com- munes, ils se tiennent également dans l'eau, ils vont également à terre; ils montent de même sur les glaçons; ils allaitent et élèvent de même leurs petits; ils se nourrissent des mêmes aliments; ils vi- vent de même en société et voyagent en grand nombre; mais l'espèce du Morse ne varie pas autant que celle du Phoque; il parait qu'il ne va pas si loin, qu'il est plus attaché à son climat et que Ton en trouve très-rarement ailleurs que dans les mers du Nord; aussi le Phoque était ('onnu des anciens, et le Morse ne l'était pas. « Il paraît que l'espèce en était autrefois beaucoup plus répandue qu'elle ne l'est aujourd'hui, on la trouvait dans les mers des zones tempérées, dans le golfe du Canada, sur les cotes de l'Acadie, etc.; mais elle est maintenant confinée dans les mers arctiques : on ne trouve des Morses que dans cette zone froide, et même il y en a peu dans les endroits fréquentés; peu dans la mer glaciale d'Europe, et encore assez dans celle du Groenland, du détroit de Davis et des autres parties du nord de l'Amé- rique, parce qu'à l'occasion de la pêche de la Baleine on les a depuis longtemps inquiétés et chas- sés. Dès la fin du seizième siècle, les habitants de Saint Malo allaient aux îles Ramées prendre des Morses, qui, dans ce temps, s'y trouvaient en grand nombre; il n'y a pas cent ans (c'est en 1765 que Buffon écrivait ceci) que ceux du Port-Uoyal au Canada envoyaient des barques au cap de Sable et au cap Fourchu, à la chasse de ces animaux, qui, depuis, se sont éloignés de ces parages... « Le Morse peut vivre au moins quelque temps dans un climat tempéré; Evrard Worst dit avoir vu, en Angleterre, un de ces animaux vivant et âgé de trois mois, que l'on ne mettait dans l'eau que pen- dant un petit espace de temps chaque jour, et qui se traînait et rampait sur la terre; il ne dit pas qu'il fût incommodé de la chaleur de l'air, il dit au contraire que lorsqu'on le touchait il avait la mine d'un animal furieux et robuste, et qu'il respirait assez fortement par les narines. Ce jeune Morse était de la grandeur d'un Veau, et assez ressemblant à un Phoque; il avait la tête ronde, les yeux gros, les narines plates et noires^ qu'il ouvrait et fermait à volonté; il n'avait point d'oreilles, mais seulement deux trous pour entendre; l'ouverture de la gueule était garnie d'une moustache en poils cartilagineux, gros et rudes; la mâchoire inférieure était triangulaire; la langue épaisse, courte, et le dedans de la gueule muni de côté et d'autre de dents plates; les pieds de devant et ceux de der- rière étaient larges, et l'arrière du corps ressemblait en entier à celui d'un Phoque; cette partie rampait plutôt qu'elle ne marchait; les pieds de devant étaient tournés en avant, et ceux de der- rière en arrière, ils étaient tous divisés en cinq doigts recouverts d'une forte membrane; la peau était épaisse, dure et couverte d'un poil court et délié, de couleur cendrée. Cet animal grondait comme un Sanglier et quelquefois criait d'une voix grosse et forte; on l'avait apporté de la Nouvelle- Zemble; il n'avait point encore les grandes dents ou défenses, mais on voyait à la mâchoire supé- rieure les bosses d'où elles devaient sortir; on le nourrissait avec de la bouillie d'avoine ou de mil, il suçait lentement plutôt qu'il ne mangeait; il approchait de son maître avec grand effort et en gron- dant; cependant il le suivait lorsqu'on lui présentait à manger... « La femelle met bas en hiver sur la terre ou sur la glace, et ne produit ordinairement qu'un petit, qui est en naissant déjà gros comme un Cochon d'un an; nous ignorons la durée de la gestation, mais, à en juger par celle de l'accroissement et aussi par la grandeur de l'animal, elle doit être de plus de neuf mois. Les Morses ne peuvent pas toujours rester dans l'eau, ils sont obligés d'aller à terre, soit pour allaiter leurs petits, soit pour d'autres besoins; lorsqu'ils se trouvent dans la néces- sité de grimper sur des rivages quelquefois escarpés et sur des glaçons, ils se servent de leurs dé- fenses pour s'accrocher et de leurs mains pour faire avancer la lourde masse de leur corps. On pré- tend qu'ils se nourrissent de coquillages qui sont attachés au fond de la mer, et qu'ils se servent aussi de leurs défenses pour les arracher; d'autres disent qu'ils ne vivent que d'une certaine herbe à larges feuilles qui croît dans la mer, et qu'ils ne mangent ni chair ni Poisson; mais je crois ces opi- nions mal fondées, et il y a apparence que le Morse vit de proie comme le Phoque, et surtout de Ha- 508 HISTOIRE NATURELLE. rengs cl d'autres petits Poissons, car il ne mange pas lorsqu'il est sur la terre, et c'est le besoin de nourriture qui le contraint de retourner à la mer. » Zorgdrao'er, dans son ouvrage intitulé Description de la prise de la Baleine cl de la prche du Groenland, etc., a donné des détails sur les Morses, et nous rapporterons quelques passages de son ouvrage d'après la traduction que M. le marquis de Montmiral en a donnée à Ruffon. « On trouvait autrefois dans la baie dHorisart et dans celle de Klock beaucoup de Morses et de Phoques, mais aujourd'hui il en reste fort peu; les uns et les autres se rendent, dans les grandes chaleurs de l'été, dans les plaines qui en sont voisines, et on en voit quelquefois des troupeaux de quatre-vingts, cent et jusqu'à deux cents, particulièrement des Morses, qui peuvent y rester quelques jours de suite, et jusqu'à ce que la faim les ramène à la mer. La mâchoire supérieure du Morse est armée de deux dents d'une demi-aune ou d'une aune de longueur; ces défenses, qui sont creuses à la racine, deviennent encore plus grandes à mesure que l'animal vieillit; on en voit quelquefois qui n'en ont qu'une, parce qu'ils ont perdu l'autre en se battant, ou seulement en vieillissant; cet ivoire est ordinairement plus estimé que celui de l'Éléphant, parce qu'il est plus compacte et plus dur... On voit beaucoup de Morses vers le Spitzberg; on les tue sur terre avec des lances; on les chasse pour le profit qu'on a de leurs dents et de leur graisse; l'huile en est presque aussi estimée que celle de la Baleine; leurs deux dents valent autant que toute leur graisse; l'intérieur de ces dents a plus de valeur que l'ivoire, sur- tout dans les grosses dents, qui sont d'une substance plus compacte et plus dure que les petites. Si l'on vend un florin la livre l'ivoire des petites dents, celui des grosses se vend trois ou quatre et sou- vent cinq florins; une dent médiocre pèse trois livres, et un Morse ordinaire fournit une demi-tonne d'huile; ainsi l'animal entier produit trente-six florins, savoir, dix-huit pour ses dents, à trois florins la livre, et autant pour la graisse. Autrefois on trouvait de grands troupeaux de ces animaux sur terre, mais nos vaisseaux, qui vont tous les ans dans ce pays pour la pêche de la Baleine, les ont telle- ment épouvantés, qu'ils se sont retirés dans des lieux écartés, et ceux qui y restent ne vont plus sur la terre en troupes, mais demeurent dans l'eau ou dispersées çà et là sur les glaces. Lorsqu'on a joint un de ces animaux sur la glace ou dans l'eau, on lui jette un harpon fort et fait exprès, et sou- vent ce harpon glisse sur sa peau dure et épaisse; mais, lorsqu'il a pénétré, on tire l'animal avec un câble vers le timon de la chaloupe, et on le tue en le perçant avec une forte lance faite exprès; on l'a- mène ensuite sur la terre la plus voisine ou sur un glaçon plat; il est ordinairement plus pesant qu'un Bœuf. On commence par Técorcher et on jette sa peau, parce qu'elle n'est bonne à rien (1); on sépare de la tète avec une hache les deux dents, ou l'on coupe la tète pour ne pas endommager les dents, et on la fait bouillir dans une chaudière, après cela on coupe la graisse en longues tranches et on la porte au vaisseau. « Les Morses sont aussi difficiles à suivre à force de rames que les Baleines, et on lance souvent en vain le harpon, parce que, outre que la Raleine est plus aisée à toucher, le harpon ne glisse pas aussi facilement dessus que sur le Morse. On l'atteint souvent par trois fois avec une lance forte et bien aiguisée avant de pouvoir percer sa peau dure et épaisse; c'est pourquoi il est nécessaire de cher- cher à frapper sur un endroit où la peau soit bien tendue, parce que, partout où elle prête, on la per- cerait diffi(;ilement; en conséquence, on vise avec la lance les yeux de l'animal, qui, forcé par ce mouvement de tourner la tète, fait tendre la peau vers la poitrine et aux environs; alors on porte le coup dans cette partie et on retire la lance au plus vite, pour empêcher qu'il ne la prenne dans sa gueule et qu'il ne blesse celui qui l'attaque, soit avec l'extrémité de ses dents, soit avec la lance même, comme cela est arrivé quelquefois, ('ependant, cette attaque sur un petit glaçon ne dure jamais longtemps, parce que le Morse, blessé ou non, se jette aussitôt dans l'eau, et par conséquent on pré- fère de l'attaquer sur terre. « Quand ces animaux sont blessés, ils deviennent furieux, frappent de côté et d'autre avec leurs dents; ils brisent les armes et les font tomber des mains de ceux qui les attaquent, et, à la fin, en- ragés décolère, ils mettent leurs têtes entre leurs pattes de nageoires et se laissent ainsi rouler dans l'eau. Quand ils sont en grand nombre, ils deviennent si audacieux, que, pour se secourir les uns les autres, ils entourent les chaloupes, cherchent à les percer avec leurs dents, ou à les renverser en (1) C'est avec raison que Bufïon fait observer que ZorgJragcr ignorait qu'on fait un très-lion cuir de celle peau; et il cile, comme ayant été fait avec lui, des soupentes de carrosse, des sangles et des cordes de b:iteau. CARNASSIERS. .Wg frappant contre le bord. Au reste, cet Elcplianl de mer, avant de connaître les hommes, ne craignait aucun ennemi, parce qu'il avait pu dompter les Ours cruels qui se tiennent dans le Groenland, qu'on peut mettre au nombre des voleurs de mer. « On ne trouve ces animaux que dans des endroits peu fréquentés, comme dans File de .Masser, derrière leWorland, dans les bois qui environnent les terres d'IIorisout et de KIock, et d'ailleurs dans des plaines fort écartées et sur des bancs de sable dont les vaisseaux n'approchent que rare- ment; ceux même qu'on y rencontre, instruits par les persécutions qu'ils ont essuyées, sont tellement sur leurs gardes, qu'ils se tiennent tou.= assez près de l'eau pour pouvoir s'y précipiter promptement. J'en ai fait moi-même l'expérience sur le grand banc- de sable de Rif, derrière le Worland, où je rencontrai une troupe de trente ou quai'anle de ces animaux. Les uns étaient tout au bord de l'eau, les autres n'en étaient que peu éloignés; nous nous airétàmes quelques heures avant de mettre pied à terre, dans l'espérance qu'ils s'engageraient un peu plus avant dans la plaine, et comptant nous en approcher; mais, comme cela ne réussit pas, les Morses s'étant toujours tenus sur leurs gardes, nous abordâmes avec deux chaloupes en les dépassant à droite et à gauche; ils furent presque tous dans l'eau au moment où nous arrivions à terre, de sorte que notre chasse se réduisit à en blesser quelques- uns qui se jetèrent dans la mer de même que ceux qui n'avaient pas été touchés, et nous n'eiimes que ceux que nous tirâmes de nouveau dans l'eau. Anciennement et avant d'avoir été persécutés, les Mor- ses s'avançaient fort avant dans les terres, de sorte que dans les hautes marées ils étaient assez loin de l'eau, et que dans le temps de la basse mer la distance était encore beaucoup plus grande, on les abordait aisément. On marchait de front vers ces animaux pour leur couper la retraite du cûté de la mer; ils voyaient tous ces préparatifs sans aucune crainte, et souvent chaque chassem* en tuait un avant qu'il piit regagner l'eau. On faisait une barrière de leurs cadavres et on laissait quelques gens à l'affût pour assommer ceux qui restaient. On en tuait quelquefois trois ou quatre cents. On voit, par la prodigieuse quantité d'ossements de ces animaux dont la terre est jonchée qu'ils ont été autrefois très-nombreux. » 11 faut que le nombre de ces animaux soit énormément diminué, et cela déjà du temps de Zorg- drag'er,ou plutôt qu'ils se soient presque tous retirés vers des côtes encore inconnues, puisqu'on trouve dans les relations des voyages au Nord qu'en ITO-i, près de l'île de Cherry, à soixante-quinze de- grés quarante-cinq minutes, l'équipage d'un bâtiment anglais rencontra une prodigieuse quantité de Morses, tous couchés les uns auprès des autres; que de plus de mille qui formaient ce troupeau les Anglais n'en tuèrent que quinze; mais qu'ayant trouvé une grande quantité de dents, ils en rempli- rent un tonneau entier; qu'avant le 15 juillet, ils tuèrent encore cent de ces animaux, dont ils n'em- portèrent que les dents; qu'en 1706 d'autres Anglais en tuèrent sept ou huit cents dans six heures; en 1708, plus de neuf cents dans sept heures; en 1710. huit cents en plusieurs jours, et qu'un seul homme en tua quarante avec une lance. Voici maintenant le portrait que Girard de A'eer, le narrateur candide des premières expéditions hol- landaises au Spitzberg, trace de ces animaux, a Ce sont des monstres marins de merveilleuse force, plus grands qu'un Bœuf, et vivant en mer. Ils ont la peau semblable à celle du Robbe ou Chien de mer, ayant le poil fort court elle museau semblable à celui du Lion. Se mettant souvent assis sur la glace, à grand'peine on les peut tuer, sinon en les frappant aux tempes de la tête. Ils ont quatre pieds et nulle oreille, et engendrent à la fois un ou deux petits. Ils ont à chaque côté du museau deux dents qui sortent long environ d'une demi-aune, qu'on estime valoir comme les dents d'Élé- phant en ivoire, principalement en Moscovie, en Tartarie et aux environs. » M. Xavier Marmier, dans le tome I" des Vonages de la conimîssion scientifique du Nord, en Scandinavie, en Laponie, au Spilzberçf et aux Feroë, sous la direction de M. Paul Gai- mard, rapporte ce qui suit relativement au Carnassier que nous étudions, et il donne d'intéressants détails sur d'autres animaux des régions septentrionales, et particulièrement sur l'Ours blanc. « Le Morse, qui est à présent l'objet essentiel des pêches du Spitzberg, est un animal amphibie, qui ressemble tellement aux Mammifères domestiques, que beaucoup de navigateurs lui ont donné le nom de Cheval marin et de Vache marine. C'est une bête lourde, informe, de douze à quinze pieds de longueur et de huit à dix de circonférence. Sa peau épaisse est recouverte de poils épais, et sous cette peau s'étend une forte enveloppe de graisse qui préserve le Morse des rigueurs de l'hi- ver. Souvent les Morses gisent en grand nombie le long des bancs de'^lace. Ils sont là immobiles et 310 HISTOIRE NATURELLE. CARNASSIERS. entassés pêle-mêle l'un sur l'autre. Mais l'un d'eux, pendant leur repos, fait l'office de sentinelle. A la moindre apparence de périls, il se précipite dans les vagues. Tous les autres essayent aussitOjt de le suivre; mais dans ce moment critique la lenteur de leurs mouvements produit parfois des scènes assez grotesques. Dans l'état de confusion où ils sont couchés, ils ont peine à se dégager des masses de chair pesantes qui les serrent de tout côté. Les uns roulent maladroitement dans l'eau; les autres s'avancent péniblement sur la glace. La pesanteur de leur corps et l'énorme disproportion de leurs membres leur rendent tout mouvement sur la glace très-difficile. Sans pouvoir traîner la partie pos- térieure de leur corps, ils lèvent, baissent tour à tour la tète, et serpentent comme des chenilles. Mais, lorsque ces pesants et informes animaux sont dans l'eau, ils reprennent toute leur vigueur, et, s'ils sont attaqués, ils se défendent avec un étonnant courage. Quelquefois ils engagent eux-mêmes la lutte : ils s'élancent sur les embarcations des pêcheurs, en saisissent les bords avec leurs longues dents pareilles à des crochets, et les tirent à eux avec fureur. Quelquefois ils se glissent sous la cha- loupe et s'efforcent de la faire chavirer. Leur peau dure, rocailleuse, résiste aux coups de pique et de lance, et ce n'est pas sans peine et sans danger que les pauvres pécheurs se délivrent de ces re- doutables adversaires. Dans ces batailles acharnées, Ifts Morses sont ordinairement conduits par un chef, que l'on reconnaît facilement à sa grande taille, à son ardeur impétueuse. Si les pêcheurs par- viennent à tuer ce chef de bande, à l'instant même tous ses compagnons renoncent à la lutte, se réu- nissent autour de lui, le soutiennent, à l'aide de leurs dents, à la surface de l'eau, et l'entraînent en toute hâte loin des embarcations agressives et loin du péril, dans l'espoir sans doute de lui sauver encore la vie. Mais ce qu'il y a de plus dramatique et de plus touchant à voir, c'est lorsque les Mor- ses combattent pour la sécurité de leurs petits. Ordinairement ils essayent de déposer leurs petits sur un banc de glace pour lutter ensuite plus librement; s'ils n"ont pas le temps de les mettre ainsi en sûreté, ils les prennent sous leurs pattes, les serrent contre leur poitrine, et se jettent avec une audace désespérée contre les pécheurs et contre les chaloupes. Les jeunes Morses montrent le même dévouement et la même intrépidité quand leurs parents sont en péril. On en a vu qui, ayant été dé- posés à l'écart, s'échappaient hardiment de l'asile que leur avait choisi une tendresse inquiète pour prendre part à la lutte dans laquelle était engagée leur mère, la soutenir dans ses efforts et partager ses périls. Les douces lois de la nature se retrouvent partout, dans les déserts brûlants de l'Afrique comme dans les ondes glaciales du Nord, dans l'instinct d'un monstre sauvage comme dans les doux soupirs de l'oiseau des prés. )» En terminant ce que nous avons cru devoir dire sur le Morse, faisons observer qu'il est bien dé- montré aujourd'hui que les Lamantins et le Dugong, qu'on a longtemps placés dans le genre Triche chus, en sont très-distincts; en effet, ces .Mammifères ont beaucoup plus de rapports avec les Cétacés qu'avec les Amphibies, et doivent dès loi's être éloignés du groupe générique dont nous nous sommes occupé. FIN DU VOLUME. TA1]LE ALPilABETlOUE Agiiode. Afjriodiis , ûo AM1>UIB1£S. Ampliibiœ 225 Arctocéi'Iiale. Arctocephalus 583 (Jalocéphale. Calocephalus 245 CANIENS. Canii 15 Canina 15 Canis 35 CARNASSlIiUS. fcrœ 1 CARNIVORES. Carnivora. 1 Caracais '210 Calus 150 Cerdocyon. t'erdocyon 35 Chaon. Chaon '. 3 Chat. Felis 150 CiiiES. Canis 17 Chiens propriîment dits. Canis 56 Chrysc. Chryseus 34 Chrysocyon. C/irysocyon 35 Civette. Vicerra 5 Cryi'TOprocte. Cryplopvuc(a 1 Cynailure. Cynailurus VlQ Cynalopcx. Cynalopex 54 Cynhïène. Cynliyctna lOO Cynicte. Cyniclis 14 Cynofdis. Cynofeiis 150 Gynope. Cynopus 14 DIGITIGRADES. DiijUiyiudœ. . I Dusicyon. Dusicyon 55 Fclidœ 123 FÉLIENS. Felii 123 Felisineœ 123 Feus vrais 187 Fennec. Fennecus 94 GE^ETTE. Genelta \i Pngcs. Guépard. Guepardas 120 l[ALiriiÈiiE. UaJicherus 260 Uyœnina 103 Uy-i-nodon. Ilyœnudon 04 lIvÈNE Uyœna 109 FIYÉNIENS. Hywnii 103 IIyknoïdr. Ilyœnoides 100 Jaguars 178 Leptonyx. Leptonyx 262 LiNSANG. Prionodon 12 [joxs 153 l.upus 54 l-ycaon. Lycaoïi 3-5 Lycisque. Lyciscus 34 Lynx. Lyncus 207 Lynx botté. Calo-Lynx 211 Lynx phopreuent dits- Lynx 215 Macrorhin. Macrorliinus 27r) Megalolis. Meyalotis 35, 08 Mirouije. Mirouya 277 More. Trichedius 500 Ocelots 181 Osmekclis. Csiuclectis 9 Otarie. OUtria 292 Otaries iRornuME.NT niTi s. Olaruc r • • 282 Otocyon. Olocyon 97 Pachyodoii Pachyodon 266 Palœnicte. Palœnictis 9 Pardfs 174 Pelage, l'clayit^s , 266 niOClDÉS. Phoctdœ 227 Phoques proprement dits. Plioca 242 Platyrhynque. Plalyrhynchus 287 I'hotéle. Proleles 104 512 HISTOIRE NATURELLE. CARNASSIER!^. Pages. Pumas 169 Renakd. Vulpes 80 tlhinopluqu:. Rhinophoca . 2// HlMAO'JS.. . c . . . 180 HyzÈNE. H'jzjenrt. . 5 Sacalie. SacaHui. 34 Sunv^i.s 185 S^ualodon. Hqu-ilochn 268 SrEy.MATO.'E. Slcmmalopu^ 274 SrÉ.Nor.iiïNQ-x. Slinorhytichus 203 P«gc« SuRiCATE. Suricata Thous. Tlious Tigres TRICHÉCHIDÉS. Trichechidœ. VivERRA. Yiverra Viierricule. VirerriciiUt. . , . YIVERRIENS. Viverrlàc. . . Vulpes \'iilpiens 171 300 y 9 1 55 15 Il.N DE LA TABLE. mn-- if -v.^5^' "'?*