Ov n «' W, ."-"h'' x ENCYCLOPÉDIE D'HISTOIRE NATURELLE lAHlS. - IMl'ItmF.niE SIMON HAÇOK ET C. nUK DEItKUlil H, I ■"9 V Famille de Castors. l'I. 31 o "^.^ ENr.Yr.lA)PÉltlK nniSTOlRE NATIIHELLE nu TRAITÉ COMPLET DE OETTIÎ SOIIîNdIÎ ri'spres I.KS TIÎAVAUX l»i:S NATUKAI.ISTI'S LES l'I.US ÉMIlNEM'S W. TOUS l.r.S l'AVS F.T WV. TOIITKS l,ES ÉI'OQIIK.S 6UFF0N, OAUBENTON, LAGEPÉDE, 6. GUVIER, F. CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE, LATREILLE, DE JUSSIEU. BRONGNIART. etc . etc. Ouvraée résumant Iss Observations des Auteurs anciens et comprenant tontes les Découvertes modernes jusqu'à nos jours. PAR LE D' CHENU ciirmmr.iiîN- MA.ion a i.'iifipiTAi, mm itaii;f m vai -iif. -fiiiACi:, l'i.OFrssi'in iriiisToiiiF, nati'iibm.k, ktc. RONGEURS ET PACHYDERMES Avi-r In i-ollalinratinn Ai- M. K. HKSMAREST. pri^|i,ii'.nlrni- tl'Aiintnmie oompai'ce au Mnsi'inn i>- PARIS CHEZ MAHESCQ ET COMPAGNIE, KiiiTRiins TiK t.'RNrvr.i.orKiiir, 5, HUE nu J-ONT-DE- I.Oni (l'HI'.S I.E POiNT M^IIK ] CHEZ GUSTAVE HAVARD, i.iiinAini:, !,•>, HUK r.UKNÉr.AlU) ( PPÈS I.A MOISINAIK) Nous (ioiiiioiis dans ce volume Fhistoire naturelle complète de l'ordre des Rongeurs, et nous commençons celle des Pachydermes. L'importance de Tordre des Rongeurs, qui cependant a été jusqu'ici l'un des moins étudiés de la classe des Mammifères, ainsi que le grand nombre de genres nouvellement admis qu'il renferme, nous a engagé à nous étendre assez longuement sur ces animaux dont les mœurs sont si intéressantes à connaître, et qui, dans certaines circonstances, se multiplient tellement, quils produisent de grands dégâts à l'agriculture. Dans l'ordre des Rongeurs, nous comprendrons sept familles : les Sciuridées, subdivisées en deux tribus, lesScitiHens (genre principal Ecureuil) et \esArcto- myens (genre Marmotte) ; les Muridées, comprenant cinq tribus, celles des Cas- toriens {genre Castor) , Miiriens [ayant les six divisions des Mijopolamiles (genre Myopotame), Arvicolites (genre Campagnol), Mûrîtes (genre Rat), Échimysites /genre I^Jchimys), Capromysiles (genre Capromys); eVClénotmj sites (genre Cténo- niys),] Myoxiens (genre Loir), Hé/amyens (genre lïélamys) et Di/jodiens (genre Gerboise); les Cricilidées (genre Hamster); IcsSpa/acidées (genre Rat-Taupe); les Ilystricidées (genre Porc-Epic); les Léporidées (genre Lièvre) et les Cavidées : ees dernières renfermant les deux tribus des Caviens (genre Cabiai) et des Cliin- c///7/ic»s (genre Chincbilla). L'ordre des Pachydermes est subdivisé en trois sous-ordres : les Poùascidiens , les Pachydermes ordinaires et les Solipèdes. Le premier sous-ordre que nous étudions en entier dans ce volume ne renferme que les genres Eléphant^ Mas- todonte et Dinothérium ; nous commencerons l'histoire du second sous-ordre par la première famille, celle des Suidées, comprenant les genres Hippopo- tame, Cochon, Phacochère, Babiroussa, Pécari, Chœropotame, etc. AVIS AU RELIEUR Les planches tirées hors texte sont au nombre de quarante. Chaque planche doit être placée en regard de la page indiquée. t. 2. 5, 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Pages Taira. — Écureuil à raie dorsale 1 Ptéromys flèche. — Ptéromys éclatant 5 Lagotis criniger. — Écureuil d'Hudson. ... 9 Rat des jardins. — Ecureuil à dos noir. ... 15 Rat noir. — Porc-Épic d'Italie 18 Ecureuil à large queue. — Octodon gliznoïde. . 23 Souris. — Campagnol. (Mâle et femelle). ... 28 Cochon-d'Inde aperea. — Cabiai 52 Euryolis de Brand. — Écureuil Lari 56 Géomys à bourse. — Aperea 40 Mus à raie dorsale. — Spermophile rayé. ... 45 Cochon-d'Inde. — Pilori. (Mâle et femelle). . . 49 Graphiure du Cap. — Coendou à queue pre- nante 54 Chinchilla de Russie. — Campagnol des prairies. — Rat à dos rayé 61 Souris d'Egypte. — Marmotte. — Paca brun. . 67 Pithéchir mélanure. — Spalax Zemni 72 Cabiai 77 Lérot. — Spalax talpoïde 81 Gerbille de Rurton. — Rat pumilion 92 Myslroniys à pieds blancs. — Gerbille de Shaw. 98 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 55. 36. 37. 38. 59. 40. Pages. Rat d'eau. — Mérion Hérine 100 Caïupagnol des neiges. — Lasiuromys villeux. . 103 Otomys cafrc. — Éréthizon ourson 106 Euryotis à une bande. — Rat de Barbarie. . . 112 Agouti croconal. — Lièvre callotis 188 Hespéromys à deux taches — Lièvre variable. . 125 Éréthizon à grosse queue. — Pérognathe fascié. 133 Dendromys à dos noir. — Plagiodonte des habi- tations 139 Saccomys anthophile. — Ascomys du Mexique. 145 Mérion de Labrador. — Marmotte de Beechey. 151 Famille de Castors Tilre. Éléphant chassant le Tigre 167 Sanglier des Papous. — Cochon domestique. . 178 Ane. — Hémione 185 Pécari à collier. — Cochon à masque 199 Rhinocéros unicorne. — Tapir de l'Inde. . . . 207 Cochon des Indes. — Phacochère. 216 Babiroussa. — Pécari tajassou 233 Daman du Cap. — Jument et son poulain. . . 245 Zt'bre. — Cheval de labour 261 2 3 i 2 8 Fi''. 1 — Tair;i. Pitr. 2. — Kciiriinil H raie ilorsale. 11 4- |S RONGEURS. On désigne sous le nom de lioncfeurs Tun des ordres les plus na- turels de la classe des Mammifères, qui renferme des animaux ongui- culés, presque toujours de petite taille, à membres postérieurs plus longs que les antérieurs, et caractérisés, en outre, d'une manière très- générale par le manque de canines à leurs deux mâchoires, et par la disposition de leurs incisives, au nombre de deux, tant en haut qu'en bas, et séparées des molaires par une barre ou espèce intermédiaire bien marquée. Les incisives des Rongeurs ne sont, le plus habituellement, qu'au nombre de deux à chaque mâchoire, très-allongées, arquées, prismatiques, n'ayant pas de racines et poussant toujours par la base à mesure qu'elles' s'usent par l'ex- trémité, qui est taillée en biseau dans les supérieures, et tantôt en pointe, tantôt également en biseau dans les inférieures. La face antérieure de ces dents est couverte d'une lame épaisse d'émail, tandis que le corps est de substance osseuse beaucoup plus tendre; de sorte que ce bord est toujours celui qui résiste et qui forme le tranchant du biseau : cette face antérieure est plane ou arrondie suivant les espèces; ordinairement elle est lisse, mais parfois on voit dans le sens de sa longueur, principalement au milieu, un ou deux sillons ou rainures, tels que dans les Gerbilles, Otomys, Âscomys, .\ulacodes, Lapins. La couleur de ces dents, dans le plus grand nombre des cas, est d'un blanc jaunâtre, et dans d'autres cas d'un orangé foncé. Les incisives supé- R 1 I 2 IIISTOIRK i\ATl IIKLLK. rieures sont mobiles, parce que la màclioire iiiféiieure s'atliciile par un coMcljle k»ngiludinal, de manière à n'avoir de mouvement horizontal que d'arrière en avant et vire versa, comme il convenait pour l'action de ronger. Quand il y a quatre incisives supérieures, les deux antérieures ont les pro- portions et les usages de ces mêmes dents chez les autres Mammifères, et celles qui les suivent sont, au contraire, très-petites, courtes, mousses à leur extrémité etsans utilité bien reconnue. On a trouvé dans les Lièvres, les Lagomys et autres Rongeurs qui constituent la division des Duplicidentaia, qui offrent ce nombre anomal d'incisives supérieures, les indices de deux autres dents, placées une de chaque côté derrière la seconde, mais ces germes ne se développent jamais; si cela arrivait, ces animaux auraient un système dentaire très-analogue à celui des Kanguroos, qui, comme les autres Marsupiaux, en différeraient encore très-manifestement par les caractères les plus importants des or- ganes de la génération. Le genre Phoscolome, également dans les animaux à bourse, ne diffère pas. par son système dentaire, des Rongeurs proprement dits, mais dans ce genre les condyles de la mâ- choire sont transversaux, comme chez les Carnassiers, et dès lors la direction longitudinale des con- dyles des Rongeurs doit être mise au nombre des caractères les plus importants de l'ordre qui nous occupe. Quant à l'usage de ces dents, on voit qu'elles ne sont pas organisées pour saisir une proie vivante, ni pour déchirer de la chair; qu'elles ne peuvent pas même couper les aliments, mais qu'elles doivent servir à les limer, à les réduire, par un travail continu, en molécules déliées; en un mol, qu'elles sont destinées à les ronrjcr, et c'est de là qu'est venu, dans notre langue, le nom de Ron- geur, appliqué aux Mammifères qui le portent. En outre, ces dents peuvent, dans quelques cas, servir à ces animaux de moyens de défense. Les incisives sont toujours, pour les deux mâchoires, opposées par leur pointe. Comme ce sont des dents simples, sans racines proprement dites, elles ont la faculté de pouvoir toujours pousser; lorsque l'une de ces dents vient à manquer, parce que son germe a été enlevé ou détruit, l'incisive qui lui est opposée ne trouvant plus à s'user par son sommet contre une dent correspondante, croît indéfiniment en décrivant une courbe qui est telle dans le Lapin, par exemple, qu'une incisive de la mâchoire inférieure peut devenir assez grande pour rentrer sur le sommet du crâne. Certains auteurs ne sont pas d'accord sur la véritable nature des dents dont nous venons de par- ler, et quelques-uns les appellent des dents antérieures, et les regardent non comme des incisives, mais, au contraire, comme des canines. Qu'il nous soit permis, pour exposer cette opinion, de rapporter le passage qui suit, publié par M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, en 1828, dans le tome XIV du Dic- tionnaire classique d'Histoire naturelle. « Jusqu'à ces derniers temps, les dents antérieures des Ron- geurs avaient toujours été considérées comme de véritables incisives et désignées sous le nom de dentés primores ou incisivi. On croyait par conséquent ces animaux entièrement privés de canines, et l'on voyait, dans l'intervalle qui sépare les dents antérieures des molaires, un espace laissé vide par l'absence des canines. Etienne Geoffroy Saint-Ililaire a donné, il y a quelques années, une tout autre détermination du système dentaire des Rongeurs. Il pense que les dents antérieures de ces ani- maux sont, non pas des incisives, comme on l'avait cru à cause de leur position antérieure, mais de véritables canines; ce sont donc les incisives et non les canines qui manqueraient chez les Rongeurs. Sans chercher à établir cette opinion sur des preuves rigoureuses, nous tâcherons de la faire com- prendre par de courtes remarques. Nous croyons avoir, sinon entièrement démontré, du moins rendu extrêmement vraisemblable, soit par des considérations théoriques, soit au moyen de comparaisons avec quelques genres voisins, que les dents antérieures des Musaraignes, longtemps considérées comme des incisives, sont de véritables canines. Or, en faisant abstraction des modifications de forme, qui seraient ici sans valeur, nous ne voyons guère, entre le système dentaire des Musaraignes et celui des Rongeurs, qu'une seule différence, c'est l'absence, chez ceux-ci, de ces petites dents que l'on a tour à tour désignées, chez les Musaraignes, par les noms d'incisives latérales, de canines et de fausses molaires. Celte absence d'où résulte le vide qui sépare, chez les Rongeurs, les dents antérieures des molaires s'explique d'ailleurs assez bien, d'après la loi du balancement des organes, par le développement considérable des dents antérieures, et ne peut servir de base à une objection contre l'analogie que nous venons d indiquer. Or, si cette analogie est réelle, n'est-il pas évident que les dents antérieures des Rongeurs devront recevoir le même nom que celles des Musaraignes, et être considérées de môme comme des canines? Nous passons sous silence une foule d'autres compa- raisons et un grand nombre de faits qui nous conduiraient quelquefois même, par une voie plus di ROiNCEUnS. ' 3 recte, au même résultat pour arriver à l'examen des objections que l'on peut lui opposer. Les deux plus importantes, ou plutôt les deux seules importantes, sont la position antérieure des prétendues canines et leur insertion apparente dans l'os intermaxillaire; et il est possible de répondre à l'une et à l'autre. Dans presque toutes les Chauves-Souris insectivores, les canines sont de même antérieures et contiguës entre elles; les incisives sont alors placées au devant d'elles, et quelquefois même elles manquent entièrement: ce qui ramène le système dentaire des Chauves-Souris, sinon entièrement à celui des Rongeurs, du moins à celui des Musaraignes. La seconde objection peut également être réfutée, même en admettant comme démontré que la pièce antérieure de la mâchoire supérieure soit véritablement l'intermaxillaire, ainsi qu'on l'admet généralement; car, comme Et. Geoffroy Saint- Ililaire et plusieurs autres zootomistes l'ont fait voir depuis longtemps, les dents antérieures, quoi- que sortant des intermaxillaires, naissent véritablement des maxillaires eux-mêmes. Leurs racines sont en effet placées très-profondément dans ces derniers os, et, bien loin de s'insérer dans les inter- maxillaires, elles ne font que les traverser. Peut-être aussi une troisième objection pourrait-elle être tirée de l'existence de quatre dents à l'extrémité de la mâchoire supérieure dans les genres Lièvre et' Lagomys; ces quatre dents, considérées jusque dans ces derniers temps comme quatre incisives, ne devraient-elles pas, en adoptant la nouvelle manière de voir, être regardées comme quatre canines? Et l'existence de deux canines de chaque côté ne serait-elle pas une véritable anomalie? Peut-être pourrait-on admettre l'explication suivante : de ce qu'on a considéré les quatre dents de l'extrémité de la mâchoire supérieure des Lièvres comme quatre incisives, il ne suit pas que ces dents soient en effet de même sorte. Leur forme est, il est vrai, assez semblable, mais leur insertion est très-diffé- rente; les deux plus grandes naissent, comme les dents antérieures de tous les Rongeurs, dans le maxillaire, et ne font que traverser l'intermaxillaire. C'est, au contraire, dans cette dernière pièce, comme nous nous en sommes assuré, que naissent les deux plus petites, placées en arrière des deux autres et vers leur partie interne. 11 nous semble donc qu'on pourrait considérer les deux petites dents antérieures, ou celles qui naissent dans l'intermaxillaire lui-même, comme de véritables inci- sives, ce qui nous conduirait à admettre, chez les Lièvres et les Lagomys, l'existence des trois sortes de dents. Nous ne pensons pas que cette dernière conséquence, quoique très-contraire aux idées re- çues, offre rien de contraire à la théorie. Qui ne sait, en effet, que la présence des incisives n'est pas constante dans la même famille et quelquefois même dans le même genre? » Toutefois cette opinion n'a généralement pas été admise; et voici comment Fauteur de l'article Rongetirs du Dictionnaire universel d' Histoire naturelle (t. XI, 1848) s'exprime à ce sujet. « Les incisives supérieures des Rongeurs sont implantées dans l'os incisif ou intermaxillaire; mais elles plongent plus ou moins profondément dans l'os maxillaire. On en a quelquefois conclu que ces dents étaient des canines et non des incisives; mais il faut remarquer que, les dents étant des organes phanériques enchâssés dans des os, elles appartiennent à l'os par lequel la muqueuse s'enfonce en forme de crypte pour loger leur bulbe, et cet os est bien ici l'incisif. Les incisives inférieures s'enfoncent bien plus avant dans les mandibulaires, puisque dans certaines espèces elles passent sous la série des molaires, et vont faire saillie par le bout postérieur de leur racine au delà des molaires elles-mêmes. Personne cependant n'a songé à voir des molaires dans ces incisives, qu'on a quelquefois aussi appelées des canines. Les dents antérieures des Rongeurs sont donc, mal- gré leur grand développement, des incisives, tout autant que celles qui constituent les défenses des Proboscidiens. » Un espace interdentaire ou une barre assez longue sépare les incisives des molaires, et cet espace ne présente jamais de dents qu'on puisse comparer aux canines, aux fausses canines ou aux petites molaires antérieures d'un grand nombre de Mammifères. Le nombre des molaires des deux côtés et à chacune des mâchoires varie entre deux et six, et ce nombre peut n'être pas le même aux deux mâchoires. Les Hydromys seuls n'ont que deux molaires de chaque côté et à chaque mâchoire Les Écureuils et les Marmottes en ont cinq supérieures et qua- tre inférieures; les Rats, les Hamsters, les Spalax, en ont trois, tant en haut qu'en bas; les Loirs, les Échiniys, les Castors, les Pacas, les Cabiais, les Porcs-Épics, les Campagnols, etc., en ont quatre; les Gerboises en présentent quatre en liant et cinq en bas, etc. Les lignes que forment les molaires sur les mâchoires sont tantôt parallèles entre elles et tantôt plus rapprochées à un bout qu'à l'autre, et, dans ce dernier cas, dans des sens opposés aux doux mâchoires du même animal ; dans 4 HlSTOllŒ NATURELLE. certaines espèces, ces dents sont simples, c'est-à-dire qu'on peut y distinguer une couronne, un col- let et des racines plus ou moins nombreuses, et ces dents, une fois terminées dans leur ossifica- tion, ne repoussent pas par la base à mesure qu'elles s'usent à la couronne. Dans la plupart de ces animaux, les dents sont composées, c'est-à-dire prismatiques dans toute leur étendue, sans renfle- ment intermédiaire au collet ni amincissement vers la racine; leur coupe, faite dans le sens longitu- dinal, montre partout la même organisation et la même disposition de l'émail; enfin leur germe re- produit la substance de ces dents à mesure qu'elle s'use, comme cela a lieu pour les incisives. Fig. 1 . — Rat des moissons. D'après ces parlicularités remarquables, Fr. Cuvier a formé deux divisions parmi les Rongeurs : la première formée des espèces omnivores, et la seconde des espèces frugivores. « En effet, dit-il, tous ceux de ces animaux dont les dents ont des racines se nourrissent à peu prés indifféremment de sub- stances végétales ou animales, et tous n'ont qu'un cœcum rudimentaire lorsqu'ils ne sont pas privés de cet organe; ceux dont les mâchoires sont sans racines ne se nourrissent naturellement que de sub- stances végétales, et leur cœcum, toujours plus développé et plus compliqué que leur estomac, pa- raît jouer un rôle très-important dans la digestion. » Les molaires simples ou celles des omnivores ne sont habituellement formées que de substance osseuse et d'émail; leur couronne ne présente que quelques tubercules mousses et non des pointes aiguës comme chez les Insectivores et Chéiroptères. Fr. Cuvier rapporte qu'outre ces dents il y en a d'autres qui ont des formes beaucoup plus compli- quées, surtout lorsqu'elles ne sont pas usées, et qui présentent une enveloppe corticale, ainsi que celles des Écureuils. Du reste, dans les unes comme dans les autres, quand l'usure est parvenue à sa dernière période, la couronne n'offre plus qu'une surface plus ou moins unie. Les molaires composées, comme dans les Lièvres, Castors et Campagnols, sont presque toujours prismatiques, et poussent par leur base à mesure qu'elles s'usent par le sommet; elles sont composées d'une sub- stance osseuse, au milieu de laquelle la substance écailleuse dessine des circonvolutions qui se pré- sentent constamment les mêmes à telle époque qu'on regarde les dents; elles ont aussi parfois une partie sémenteuse : les figures dessinées par l'émail sur la table de la dent sont tantôt des lignes an- guleuses ou transversales, tantôt des sinus ou replis au nombre de deux ou trois de chaque côté in- térieur ou extérieur, mais toujours en nombre inverse pour ces deux côtés dans les dents corres- pondantes des deux mâchoires. Les molaires sont exactement opposées couronne à couronne. Quelques Mammifères se rapprochent des Rongeurs par la forme et la disposition de leur système dentaire; tels sont, par exemple, le Chéiromys, le Daman, le Phascolome et d'autres Marsupiaux et le Noctilion; ces animaux, et surtout les deux premiers, ont été classés longtemps parmi les Mammi- fères dont nous nous occupons. G, et Fr. Cuvier ont fait du Chéiromys un genre de Sciuriens; Pallas Kiu;. 1. — Pléi'oniys flèriie. Fig. -2. — Pléromys éclutanl. VI. 2. RONGEURS. 5 a mis le Daman dans le genre Agouti; Linné a rangé les Noctilions avec les Rongeurs, etc.; mais ces opinions sont aujourd'hui tout à fait abandonnées. On ne connaît pas encore la dentition de lait de tous les Rongeurs, et Ton n'a pas constaté si ces animaux remplacent leurs incisives; ce qui ne pourrait avoir lieu que pendant la vie intra-utérine. « Il paraît, dit Laurillard dans VAnatomie comparée de G. Cuvier, que le développement et l'éruption des premières dents est extrêmement précoce chez les Rongeurs, et qu'ils perdent déjà leurs incisi- ves de lait pendant la vie intra-utérine. Ceux qui n'ont que quatre mâchelières n'ont que la première qui soit remplacée. G. Cuvier a constaté que cette dent de lait tombait avant la naissance dans le Cochon d'Inde. Le Castor, le Porc-Épic, le Paca, l'Agouti, n'ont de même qu'une màchelière de lait, et par conséquent une seule de remplacement qui ressemble, pour le dessin de sa couronne, à celle à laquelle elle succède. Lorsqu'il y a plus de quatre molaires, il y en a plus d'une qui change. Ainsi, les Lièvres en ont trois en haut qui changent, sur six qu'ils devraient avoir, et deux (sur cinq) en bas. Dans ceux qui n'ont que trois molaires, il se pourrait faire qu'aucune ne fût changée. » A ces faits, ajoutons avec M. P. Gervais que les Sciuriens qui ont cinq molaires supérieures remplacent deux paires de ces dents, et disons que M. le docteur Emmanuel Rousseau s'est occupé du même su- jet dans son ouvrage sur le Sijstèine dentaire. Fig. 2. — Lièvre commun. La tête osseuse de ces Rongeurs, souvent arrondie et très-rarement allongée, est constamment plate et arquée d'avant en arrière, en dessus, et dans la direction que suivent les incisives supérieu- res; le front n'est pas séparé du chanfrein par un enfoncement comme dans les Carnassiers. Les cô- tés de la tête sont comme perpendiculaires, et l'arcade zygomatique ne fait pas saillie. Cette arcade est faible, et légèrement arquée en dessous. Dans le Paca, et même dans le Cabiai, cette arcade prend cependant beaucoup de largeur; et, chez le premier, on remarque une cavité dans son inté- rieur, ouverte par en bas et sans usage connu. Il y a toujours deux frontaux, tantôt deux pariétaux, comme dans le Loir, la Souris, le Lapin, et tantôt un seul, ainsi que dans l'Écureuil, le Lièvre, la Marmotte. Les intermaxillaires sont très-développés. Les fosses temporales sont grandes, à cause du rétrécissement du crûne. Les fosses orbitaires sont réunies, et elles ont leur cadre assez bien mar- qué, quoique échancré et ouvert sur le côté et en arrière. La mâchoire inférieure, ainsi que nous r avons déjà dit, s'articule par un condyle longitudinal, ce qui permet à cette mâchoire un double mouvement en avant et en arrière, nécessaire par le mode de mastication des aliments. Les trous in- cisifs sont très-grands. 0 HISTOIRE NATURELLE. La gueule est toujours assez ouverte, et le travail des dents n'a lieu que sur le devant; la lèvre su- périeure est toujours fendue en long dans son milieu, et le nom de bcc-de-lièvre, qui a été donné à un défaut de conformation de la lèvre de Thonime, est tiré de la forme que présente constamment celle du Lièvre. La langue est assez petite et douce, excepté dans le genre Porc-Épic, où elle est héris- sée de papilles cornées. Le palais est fortement ridé en travers; il offre cependant quelques places ve- lues dans les Lièvres. Dans quelques espèces, telles que les Hamsters, les joues sont munies de grands sacs membraneux intérieurs qui se portent jusque sur les côtés du cou, et qui servent à placer et à transporter des grains ou des racines dont ces animaux font d'amples provisions dans leurs terriers. Les moustaches sont tantôt très-longues et très-fortes, comme dans les Écureuils et les Rats; tantôt elles sont à peine développées, comme chez les Lièvres. Les yeux sont toujours plus ou moins laté- raux; ils sont plus ou moins développés, suivant le genre d'habitation de ces animaux : ainsi, les es- pèces nocturnes, ainsi que les Loirs, les Lièvres, les Polatouches, etc., les ont gros et saillants; les espèces diurnes, comme la plupart des Rats et les Écureuils, les ont médiocres; les espèces qui font leur séjour sous la terre, ainsi que les Campagnols, les ont très-petits; et, enfin, une espèce, le Spa- lax, qui vit à la manière des Taupes et ne vient pas à la lumière, n'a que des yeux rudimentaires placés sous la peau non repliée en paupière et couverte de poils courts et serrés. La pupille de ces yeux est tantôt ronde, tantôt allongée horizontalement. La dimension des oreilles varie également beaucoup; dans les Lièvres, les conques auditives sont en cornet très-développé, et des muscles nom- breux peuvent les placer dans les directions les plus diverses; chez les Rats, animaux fugitifs, les oreilles sont disposées pour recueillir les moindres sons, et la conque se développe beaucoup dans les espèces qui, comme le Castor, le Campagnol, le Rat d'eau, etc., vivent au bord des eaux et qui nagent souvent, et-le pavillon est extrêmement court, arrondi, peu mobile; enfin, plusieurs Rongeurs fouisseurs, et surtout le Spalax, n'ont pas traces de conques auriculaires. Les cornets du nez sont très-développés. Les narines n'offrent rien de remarquable, et sont toujours percées au bout d'un museau assez généralement obtus, et qui dépasse cependant de beaucoup les mâchoires. 11 n'y a que peu de parties dépourvues de poils chez ces animaux, et la peau n'est guère nue qu'à l'extrémité du museau et aux tubercules placés sous les doigts. Le cou est généralement assez court et formé de sept vertèbres, comme celui de tous les Mammi- fères, à peu d'exceptions près. Le corps des Rongeurs ne prend jamais de très-fortes dimensions. La plus grande espèce connue est le Cabiai, qui n'atteint pas la taille du Cochon. Le Porc-Épic, le Castor et même la Marmotte sont des grandes espèces de cet ordre; tandis que la plupart sont à peu près de la grosseur du Rat, ou même un peu au-dessous. Le corps, assez étroit vers la région des épaules, est ordinairement renflé en arrière : comme le corps de ces animaux est plus ou moins long, il en résulte que le nombre des vertèbres lombaires et sacrées varie, ainsi que celui des côtes. Excepté chez les Spalax, Ratiiyergues, Hamsters, ainsi que dans quelques autres fouisseurs, on peut remarquer que le train de derrière l'emporte de beaucoup sur celui du devant, et que, dès lors, les membres postérieurs sont beaucoup plus développés que les antérieurs. Dans les Gerboises et les Ger- billes, et "même dans l'Hélamys, les membres de derrière sont arrivés à leur maximum de développement, car ces membres sont dix fois- au moins aussi longs que ceux de devant, et la marche ne consiste qu'en sauts étendus et répétés. Dans la plupart des autres espèces, cette disproportion n'est pas la même; mais toujours les membres postérieurs conservent la prééminence; c'est ainsi que l'on a cité le Lièvre, qui, pour rétablir l'égalité de longueur de ses pattes, cherche toujours à monter sur les pentes du terrain, où il a un grand avantage de vitesse sur les Chiens qui le poursuivent. Beaucoup de Rongeurs ont des clavicules complètes, comme les Écureuils, les Castors, les Rats, etc.; aussi peuvent-ils se servir plus ou moins adroitement de leurs mains, soit pour porter leurs aliments à la bouche, soit pour grimper sur les arbres, soit pour fouir la terre, etc. Mais d'au- tres n'ont que des clavicules rudimentaires; et il en est un certain nombre, comme les Cabiais, les Lièvres, etc., qui n'ont pas du tout de clavicules, et qui n'emploient plus leurs membres de devant qu'à la manière des Ruminants, c'est-à-dire comme moyens de support ou de locomotion. La pré- sence ou l'absence des clavicules ont servi, ainsi que nous le dirons, à diviser les Rongeurs en deux sections : les Rongeurs clavicules et les Rongeurs à clavicules rudimentaires ou nulles. Dans les Rongeurs clavicules, le nombre de doigts le plus ordinaire est de quatre avec un rudiment RONGEURS. 7 (le pouce aux pieds de devant, quoique ce pouce s'allonge aussi parfois, et de cinq aux pieds de der- rière, à un petit nombre d'exceptions près, dans lesquelles il n'y aurait que trois doigts, quelquefois très-développés. Dans les grimpeurs, c'est-à-dire les Écureuils, les Loirs, les Capromys, etc., les doigts sont bien divisés, allongés, et les plantes des pieds sont naturellement tournées l'une vers l'autre, de façon à embrasser facilement les brandies des arbres. Les nageurs, tels que les Castors, les Ilydromys, etc., ont les pieds de derrière palmés ou à doigts garnis, ainsi que dans les Ondatras, de cils roides et rangés comme les dents d'un peigne serrées sur leurs bords de manière à former une surface capable de s'appuyer sur l'eau. Les fouisseurs ont les membres antérieurs, et surtout les doigts, disposés presque comme ceux des Taupes. Dans les Rongeurs sans clavicules, les doigts sont accolés les uns aux autres et terminés par des ongles épais, qui entourent presque en entier la der- nière phalange et qui commencent à ressembler légèrement aux sabots que l'on observe au maximum de développement chez les Ruminants. Dans tous les Rongeurs, le cubitus et le radius existent bien formés et entiers, ainsi que le tibia et le péroné; mais ces os n'ont l'un sur l'autre qu'un mouvement assez peu considérable. La plupart des espèces, telles que les Écureuils, les Castors, les Lièvres, etc., sont plantigrades; les autres, comme les Gerboises, sont, au contraire, digitigrades. Le plus habituellement, la paume et la plante des pieds sont calleuses ou divisées en tubercules à peau nue et épaisse; dans quelques cas, cepen- dant, particulièrement dans le groupe des Lièvres, toutes ces parties sont couvertes de poils serrés qui empêchent ces animaux de faire du bruit dans leur marche. Le bassin est étroit, et les os des iles sont dirigés en avant. Un caractère remarquable des Gerboises consiste en ce que les trois doigts du milieu du pied postérieur sont articulés avec un seul os métatarsien. La peau des flancs peut, chez quelques espèces, comme les Palatouches et surtout VAiiomalurus, s'étendre assez considérablement, se couvrir de petits poils et formera ces animaux un véritable pa- rachute pour les soutenir, un peu à la manière d'ailes, lorsqu'ils sautent d'une branche élevée sur une branche plus basse. Dans un petit nombre d'espèces, comme le Spalax, la queue semble manquer complètement; dans d'autres, ainsi que le Hamster et le Lièvre, elle est courte et velue; chez quelques-uns, comme nos Cam- pagnols communs, elle est médiocre et velue; mais, dans la plupart des cas, elle est grande et offre des différences de formes considérables. D'après cela, le nombre des vertèbres coccygiennes doit être également variable, suivant la longueur de la queue, et leur forme doit changer suivant la na- ture des mouvements auxquels cette partie est appropriée. Dans les Rats, la queue est très-lon- gue, ronde ou plutôt en cône excessivement allongé, nue et écailleuse; dans le Castor, elle est très- large à la base et encore plus dans le reste de son étendue, où elle s'arrondit en forme de plaque très-épaisse, très-déprimée, nue et écailleuse, se mouvant surtout de bas en haut et de haut en bas, et leur servant parfois, dans quelques actes de leur vie, comme d'une cinquième extrémité de mem- bre; dans le Coëndou, elle est très-longue, nue et prenante au bout; dans la Gerboise, elle est lon- gue, couverte de poils courts dans la plus grande partie de son étendue, et terminée par un flocon de longues soies; il en est à peu près de même dans les Loirs, dont la queue est cependant plus courte et le pinceau terminal de poils parfois bien marqué; dans les Écureuils, la queue est garnie de grands poils distribués en deux séries sur les côtés, comme les barbes d'une plume. Le poil qui couvre le corps des Rongeurs est généralement de deux sortes : un duvet intérieur lai- neux et très-chaud, comme celui du Castor et du Coypou, et un pelage externe doux ou rude, qui, dans quelques espèces même, se transforme en piquants aplatis plus ou moins résistants, plus ou moins élastiques, comme chez les Échimys: mais ces piquants deviennent parfois plus résistants encore, comme dans les Porc-Épics. Les Rongeurs souterrains ont un pelage doux comme du velours; d'autres l'ont doux et assez long, comme les Loirs, etc. Sous le rapport du système de coloration des poils, nous dirons qu'en général, dans le plus grand nombre des cas, les couleurs sont assez sombres, depuis le gris jusqu'au noir, en passant par le roux; mais parfois on trouve des fourrures très-agréa- blement variées, telles que celles des Écureuils rayés, du Hamster, du Souslik, du Chinchilla, etc. Le Castor est recherché par les fourreurs, et l'Amérique septentrionale en fournit chaque année un grand nombre de peaux, et il en est de même du Myopotame. Le Lièvre variable, qui, gris en été, devient blanc en hiver, comme l'Hermine, la remplace au palais, dans l'université et dans la toilette des dames. 8 HISTOIRE NATURELLE. Les organes de la génération du mâle ne sont ordinairement d'un volume remarquable qu'à l'épo- que du rut. Les testicules, dans ce temps seulement, sont a])parents sous la peau et font saillie à la base de la queue. Dans toutes les autres saisons, on n'en voit nulle trace. Les parties génitales des femelles sont simples, et très-souvent la gestation a lieu dans les cornes de la matrice. Le nombre des mamelles varie de deux, dans le Cochon d'Inde, à huit, dans les Rats-, quelquefois elles sont pla- cées tout à fait sur les côtés du corps, comme dans les Capromys, mais, dans le plus grand nombre des cas, elles sont situées sur le ventre. Le nombre des petits n'est nullement en rapport avec celui de ces mamelles, ei le Cochon dinde en est la preuve; car, quoique n'ayant que deux mamelles, il a cependant par portée de huit à dix petits, ei cela tient probablement à une règle assez générale en zoologie, c'est que les plus petites espèces pullulent beaucoup plus que les grandes. Les jeunes gran- dissent vite et ont acquis, peu de temps après leur naissance, assez de force pour se pourvoir seuls et s'éloigner de leurs parents. Tous sont pourvus avant leur naissance d'un placenta, et ce placenta est discoïde romme celui des Quadrumanes. Des follicules odorantes sont placées près des organes de la génération dans le Castor et l'Ondatra, et, dans le premier de ces animaux, produisent la ma- tière employée en pharmacie sous le nom de Cusioreum. (^ Fig 5. — Ecureuil de l;i Californie. Quelques particularités anatomiques ont été signalées par les auteurs. On sait, par exemple, que ces animaux, essentiellement herbivores ou frugivores, ont, en conséquence, le canal intestinal très- allongé. Leur estomac est simple ou seulement divisé légèrement par des brides, et leur cœcum ac- quiert un assez grand volume; cependant, ce dernier organe manque dans le groupe des Loirs. Dans le Castor, qui mange des substances très-dures et presque ligneuses, telles que des écorces et de jeunes tiges de saules, l'estomac est précédé d'un ventricule succenturié très-bien caractérisé et dont les cryptes mucipares sont même très-développées. Le système vasculaire ne présente pas de particula- rités bien remarquables. Le foie est assez volumineux, et, le plus habituellement, n'offre pas de diffé- rences essentielles; toutefois, chez les Capromys, il présente la singulière particularité que ces divi- sions sont partagées en un nombre assez considérable de petits lobules grenus qui lui donnent une apparence toute spéciale. Quoique presque tous les Rongeurs se nourrissent de substances végétales, leur genre d'alimenta- tion est toutefois assez varié. Ils mangent des grains et graines, des fruits, des racines diverses, des herbes, des feuilles, du bois, des écorces, etc., selon les espèces; et beaucoup d'entre eux se font. en été, des approvisionnements de ces substances, qu'ils déposent dans des terriers plus ou moins yi„ \ — /.U(/o/is ciiiuyer. Vv- 2 Kcuieuil d'IIudsoii. l'I 5. RONGEUIIS. î) profonds qu'ils savent se creuser dans la terre, ou placer dans des sortes de nids sur les arbres, el ■dont ils se servent pendant la froide saison; mais certains d'entre eux n'ont pas besoin d'employer ces précautions, car ils s'engourdissent complètement en hiver et ne prenneni pas alors d'aliments : les Marmottes et les Loirs sont dans ce cas; tandis que dans l'autre sont les Hamsters, quelques Rats, les Écureuils, etc. Certaines espèces, comme les Rats, mangent indifféremment des matières végé- tales et animales, même en état de putréfaction, et surtout des Insectes. Les Rongeurs sont voraces et consomment beaucoup de nourriture; plusieurs d'entre eux, tels que les Campagnols, les Mu- lots, les Hamsters, par leur multiplication parfois prodigieuse, et les Lemmings, par leurs voyages annuels, sont des fléaux pour l'agriculture auxquels il est presque impossible de porter remède. Quelques-uns, comme le Surmulot, le Rat ordinaire, la Souris, sont devenus cosmopolites parce qu'ils ont suivi l'homme partout, qu'ils vitent dans ses habitations et y sont devenus très-incommo- des par leurs déprédations. Quelques-uns d'entre eux sont utiles, tels que le Cochon d'Inde, le Lièvre et le Lapin, par la chair qu'ils nous fournissent, et, comme nous l'avons dit, d'autres, comme le Castor, l'Ondatra, et même les Rats, par les fourrures qu'ils nous procurent. Enfin, il en est, surtout le Cochon d'Inde et le La- pin, qui semblent destinés aux expérimentations des physiologistes. ^^o\ Fig. 4. — Assapan Cet ordre de Mammifères a fourni à la domestication deux de ses espèces, le Lapin el le Cochon d'Inde, auxquelles leur peu d'intelligence ne permet pas d'accorder autant de liberté qu'aux Ruminants el aux Pachydermes domestiques. Les Romains élevaient aussi les Loirs en captivité et les servaient sur les meilleures tables après les avoir engraissés; aujourd'hui, on ne s'en sert plus à cet usage, mais on en conserve quelquefois dans des cages pendant un temps assez long. On conserve aussi des Ecu- reuils en domesticité; et il en est de même des Marmottes, du Rat rayé, du Lerot, etc. Leur cerveau n'a que fort peu, ou bien manque le plus souvent de circonvolutions; les lobes olfac- tifs ont uo développement assez considérable, quoique moindre que celui des hémisphères cérébraux, B 2 10 iiisToiRK natimi.ijj:. et il en est de même des tubercules quadrijumeaux; le c()r[).s calleux est, au contraire, très-étroit. Les parties excentriques du système nerveux, au moins dans le Castoi-, ont un volume considéra- ble; le nerf de la cinquième paire est énorme, et les ganglions intervertébraux sont trés-développés. Ces animaux, en général nocturnes et timides, sont d'une intelligence très-bornée et qui est en rapport avec la petitesse de leur cerveau et la simplicité de cet organe; néanmoins, c'est parmi eux qu'on rencontre les espèces qui montrent les facultés instinctives les plus admirables, telles que le Castor et l'Ondatra, qui se construisent des huttes avec tant d'art; les Hamsters, dont les habitations sont si admirablement pratiquées pour loger à sec et conserver dans d'excellents silos le grain qu'ils ont recueilli; les Écureuils, si adroits dans la construction du nid qu'ils se font sur les arbres les plus élevés, et où ils mettent leurs petits à labri des poursuites de leurs ennemis, etc. Parmi les Rats mêmes, on trouve un certain instinct, et nous nous rappelons à ce sujet celui que montraient des Ca- promys que nous avons vus longtemps en domesticité, et qui semblaient, contrairement à l'opinion généralement admise sur les animaux de cet ordre, montrer un peu d'attachement pour leurs maîtres. Il doit en être de même pour nos Écureuils domestiques, mais non pas pour les Cochons d'Inde, qui ne montrent aucun attachement pour ceux qui les soignent. Les Rongeurs habitent toutes les latitudes et toutes les élévations; on en connaît depuis la ligne équatoriale jusque dans les glaces du Groenland, et depuis les sables des rivages jusque sur les ex- trémités des plus hautes montagnes. Toutefois, nous devons faire observer que l'Océanie, si riche eu Marsupiaux, n'en renferme qu'un nombre excessivement restreint d'espèces, telles que, par exemple, les Ihjdromys chnjsoçiaster et leiicogaster, le Gerbillins fs'idori, etc., et qu'il n'y en a aucun à Ma- dagascar. Chaque espèce a seulement son lieu d'habitation déterminé; les Rats seuls font exception à cette règle; car, comme les circonstances nécessaires à l'existence de l'homme leur conviennent, ils l'accompagnent partout. Le nombre des espèces admises du temps de Linné était assez peu considérable, et elles étaient réparties dans peu de genres; il n'en est plus de même aujourd'hui : on a décrit et on décrit chaque jour des espèces nouvelles de Rongeurs, et l'on a créé parmi elles de nombreuses coupes génériques que l'on aurait pu peut-être restreindre assez notablement. La France en particulier possède une ving- taine d'espèces de Rongeurs, et les principales qui vivent à l'état sauvage sont : l'Écureuil commun et l'Écureuil des Alpes, qui n'en est peut-être qu'une simple variété; la Marmotte, propre aux Alpes; le Castor, qui habite le Rhône; trois espèces de Loirs; plusieurs Rats; le Hamster, d'une partie de l'Alsace; diverses espèces de Campagnols; enfin, le Lièvre et le Lapin. Les genres européens dont la France n'a pas de représentants sont ceux des Sciuroptères, Tamias, Spermophi-les, Sminthes, Ger- billes, Gerboises, Spalax et Porc-Épics. Les espèces pour cette partie du monde sont nombreuses, car on en indique une centaine. Parmi les autres parties du monde, l'Amérique est surtout riche en espèces. Des Rongeurs fossiles ont été signalés par plusieurs auteurs, mais seulement depuis un nombre d'années assez peu considérable. La plupart de ces Mammifères étant des animaux de petite taille, leurs débris n'ont pas toujours pu résister à l'action mécanique sous l'empire de laquelle les terrains fossilifères se sont formés, et ils ne nous sont arrivés très-souvent que mutilés, écrasés et peu recon- naissables. D'un autre côté, ces débris échappent souvent, par leur petitesse, à l'observation de ceux qui ouvrent le terrain dans leque! on les rencontre. Ainsi jusqu'ici, comme le fait remarquer Lauril- lard, il y a peu de Rongeurs fossiles connus et principalement peu de bien déterminés, à cause de cette difficulté d'obtenir des ossements complets, et à cause de la difficulté plus grande encore peut- être de se procurer les squelettes des espèces vivantes, pour avoir des moyens de comparaison et de détermination. A'ussi, pour obtenir l'avancement de la paléontologie sous le point de vue qui nous occupe, doit-on désirer que l'ostéologie des espèces vivantes soit plus complètement étudiée qu'elle ne l'a été jusqu'ici. Laurillard a donné, dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, une énumération des es- pèces de Rongeurs fossiles connues et rangées par terrains; nous reproduisons en partie ce travail. « On rencontre, dans les terrains diluviens et dans les tourbières, des ossements de Castor que l'on n'a pu distinguer du Castor d'Europe; mais il a existé une espèce voisine et plus grande que l'on ne connaît plus à l'état vivant, c'est le Trogonllicrium Cuvieii, Fischer, trouvé sur les bords sablon- neux de la mer d'Azof et que G. Cuvier a reproduit sous le nom de Castor trofjnntlicriuni... Dans les RONGEURS. i \ brèches osseuses du littoial de la Méditerranée, G. Cuvier a trouvé des fragments de deux espèces de Lapins, de deux Lagonujs et d'un Cmnpncjnol d'espèce inconnue. Il a été rencontré également des ossements de Castors, d'Écureuils, de Lièvres, de Lagotis, de Campagnols, de Rats, de Hamsters, de Spermophiles, dans les cavernes, les fissures et puisards naturels d'Angleterre, d'Allemagne et de France. Dans ceux du Brésil, M. Lunda trouvé en grande abondance les ossements d'espèces sembla- bles ou voisines de celles qui vivent maintenant dans le pays; mais il croit avoir rencontré aussi quel- ques genres non connus actuellement. Les terrains tertiaires ont fourni plusieurs ossements de Ron- geurs qui paraissent différents des espèces vivantes. Ainsi, M. Kalip a trouvé, dans les sablières d'Eppelsheim, deux espèces de Marmottes; et il a même établi, sur quelques fragments de mâchoires, un Palœmifs castoroides, un Chalicomrjs Jœgeri et un Clichidus typiis voisin du Castor. M. Lartet croit avoir trouvé à Sansan, département du Gers, deux espèces d'Écureuils, trois de Rats, un Loir, un Lagomys, un Myopotame, un Castor, un Mérione ou Gerboise et un Campagnol. Dans les calcaires d'Auvergne, on rencontre beaucoup de mâchoires de Rongeurs, et l'on a déjà établi parmi eux plu- sieurs genres, tels que ceux des Therydomijs, Jourdan, voisin des Ignkheros, des Archœomys de Laizctetde Parieu,qui sembl-e former le passage entre lesLagostomides et lesCapromys;deSiS/erlco^- ^er, Et. Geoffroy Saint-Hilaire, qui tiennent du Castor et de l'Ondatra; des Perrieromys, Croizet, etc.. Dans les schistes d'OEningen et de Walsch, on a rencontré aussi des Rongeurs, mais qui n'ont pu jusqu'ici être déterminés, attendu le mauvais état de leur conservation. Enfin, dans les plàtrières des environs de Paris, G. Cuvier a trouvé un Écureuil et deux espèces particulières de Loirs. » A ces détails, nous pouvons ajouter que, dans des planches encore inédites de son Ostéo- rjrciplne, De Blainville avait fait représenter quelques fossiles nouveaux de Rongeurs, et principa- lement ceux de MM. Croizet et Lartet, et qui sont en grand nombre; car, sur onze genres indiqués dans le manuscrit du premier, quatre seulement ont été publiés; que M. P. Gervais, dans sa Zoologie et Paléontologie françaises, en a aussi décrit plusieurs; que M. Pomel a fait, incomplètement il est vrai, connaître un groupe particulier, qu'il indique sous la dénomination (ïOmégonte, et d'autres espèces; et que M. Owen s'en est également occupé dans son ouvrage sur les fossiles d'Angleterre. Nous conclurons de ce que nous venons de»?i//s, Palaiouche, Ecureuil, Tamie. — Tribu 2^ Apxtomyeins. Membres postérieurs presque égaux aux antérieurs. Genres : Spermoptiile, Marmotte. Famille II. MURIDÉS. — Fortement clavicules; quatre molaires au plus; yeux de grandeur or- dinaire; point d'abajoues extérieures. — Tribu ^'^ Castoriens. Membres postérieurs seulement un peu plus longs que les antérieurs; pattes postérieures entièrement palmées; queue plate; quatre molaires. Genre Castor. — Tribu 2°. Muriens. Membres postérieurs seulement un peu plus longs que les an- térieurs; pattes postérieures non palmées ou palmées en partie seulement; queue arrondie ou com- primée; deux, trois ou quatre molaires. Genres : Mijopolame, HiiE. orbitaire. Les tcenrcs admis dans celle division sont cen\ des Dipus, Ilcldiinjs, (Jcnoflaclijlits et Pelronnjs, qui habilenl l'Afrique et une partie de l'Asie. Le genre Issioiloroniijs, Croizet, fossile de l'Auvergne, entre dans la même famille. IV. CTEiNO.MYD^, petite famille particulière à rAmérH|u(! méridionale, chrz laquelle il y a une grande perforation sous-orbitaire, quatre paires de molaires à racines non distinrtes, etc., et qui renfermonl les genres Clenomijs, Pœplicujonnjs ou Panmorycles, Octodon ou Dcmlrobius, Schi- zoUon cl Ahrocotna. V. IlYSTRKilDyE, famille nombreuse de Rongeurs de taille moyenne ou grande, si on la compare à celle des autres animaux du même ordre, toujours poui'viie de quatre paires de molaires uniformes, à replis plus ou moins compliqués, ayant une grande perforation sous-orbitaire pour le trou de ce nom cl le masséter, et offrant une forme particulière de la mâchoire inférieure due à ce que la racine des incisives inférieures se prolonge jusqu'en arrière des molaires. On peut distinguer six tribus dans cette famille : 1° CArKosiYNA, renfermant plusieurs genres de l'Amérique méridionale, tels que ceux des Miiopoiamus, Vlacjiodon'm, DacUjlomijs, Caprovnjs, Nélomys ei jjeut-ètre aussi Saccomys; 2° EcHYMiNA, également de l'Amérique du Sud et renfermant les deux genres Echvmjs et Cercomys; puis des groupes fossiles particuliers à l'Auvergne et faisant passage à la tribu suivante; 3° Hystri- ciisA, de l'ancien ou du nouveau continent, on les genres Hystrix ou Porc-Épic, Acanllùon, Eretlii- zonelAulocodon; ^''Synethep.ina, ou hsCoëndon et Synetheres de l'Amérique méridionale; 5° Chlo- noMYNA, ne renfermant que le genre Ckloromys ou Afiouii de l'Amérique méridionale, dont le système dentaire diffère beaucoup de celui de la famille suivante; 6° Cœlogekyna, comprenant seulement le genre Paca ou Cœlogenys, également de l'Amérique du Sud. Fig. 6. — Écureuil de BoUa VL CAVL^Difl, animaux subongulés, à doigts moins nombreux que dans les autres familles, à mo- laires au nombre de quatre paires à chaque mâchoire, obliquement lamelleuses, à perforation sous- orbitaire largement ouverte pour le masséter et le trou sous-orbitaire. Subdivisés en deux tribus : 1" Kerodo.ntyna, comprenant les genres Dolïchotis ou Mara, Kcrodon et Anœma ou Cochon d'Inde, tous originaires de l'Amérique méridionale; 2° HYORocHiERiNA, ne renfermant que le genre Cabiai ou [lydrocliœnis, également de l'Amérique du Sud. VII. LAGOSTOMID.'Ë. Cette famille, difficile à classer dans la série des Rongeurs, comprend les es- pèces à molaires composées de lamelles transverses au nombre de quatre de chaque côté et à chaque mâchoire, dont les doigts sont moins nombreux que dans les premières divisions, dont la perforation RONGEURS. 47 sous-orbitaire est grande et dont la mâchoire inférieure est conformée comme dans les autres famil- les. Trois genres, tous de l'Amérique méridionale, ceux des Chinchilla, Lagolis, Lagostomus ou Viscache, composent cette division. Le second sous-ordre est celui des Rongeurs duplicidentés ou pourvus de deux paires d'incisives supérieures, et qu'IUiger avait, il y a déjà longtemps, nommés Diiplicidentata. Les animaux de ce sous-ordre sont, en outre, caractérisés par une forme toute particulière du crâne et de la mâchoire inférieure, et par la conformation ainsi que le nomhre des molaires, qui sont au nombre de six ou de cinq de chaque côté de la mâchoire supérieure, et de cinq seulement à la mâchoire inférieure. Ou n'admet dans ce groupe qu'une seule famille. VIII. LEPUSlDiE ou LEPORIDjE, qui renferment des espèces répandues à peu près dans tuutes les parties du monde, excepté à Madagascar, qui n'a encore fourni aucun Rongeur, et à la Nouvelle-Hol- lande, et qui sont génériquement groupées, pour la Faune actuelle, dans le grand groupe des Lièvres ou Lepus et des Lagonmjs, et qui ont plusieurs représentants dans la Faune paléontologique de l'Auvergne. C'est la méthode de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire qui nous servira principalement de base dans notre ouvrage; mais, toutefois, nous y ferons quelques modifications plus ou moins importan- tes, en profitant des observations de plusieurs des zoologistes dont nous avons indiqué en partie les principales classifications, ou que nous avons seulement cités dans cette introduction. Fis- 7. — Écureuil b run. PREMIÈRE FAMILLE. SCIURIDÉS. SClURlDyE. h. Geoffroy Sainl-Hilaire. On désigne généralement sous ce nom les deux anciens genres des Écureuils et des Marmottes de Linné, et les nombreuses subdivisions génériques qui y ont été formées ou qui peuvent y rentrer. Ce sont des Rongeurs fortement clavicules, qui ont, au moins dans les individus adultes, cinq molai- res de chaque côté de la mâchoire supérieure. Les Sciuridés sont répandus dans toutes les parties du monde, excepté toutefois dans Australie et à Madagascar; ils sont de moyenne taille. R 18 HISTOIRE NATIJIŒLLE. Deux liibiis ont ote indiquées dans cette famille par M. Isidore Geoffroy Saint-lliiaire, les Scrti- iiiENS et les AiicToMYKiNS, eorrespondanls aux genres Sciuriis et Arclomys de Linné. PREMIERE TRIBU. SCIURIENS. SCIURIJ. A. G. Desmarest. Anhnnux foricmenl clavicules. Cinq molaires supérieures de chaque côlé dans les adultes : toutes ces dents à couronne tuber- culeuse. Incisives inférieures très-conipriniées. Membres postérieurs plus longs que les antérieurs. Doigts longs, armés d^onglcs acérés, quatre aux pattes de devant et cinq aux pattes de derrière. Pouce antérieur très-cour'. Queue longue, touffue, à poils souvent distiques. Des abajoues dans quelques espèces. La peau des flancs étendue chez quelques-uns entre les membres antérieurs et les membres pos- térieurs, et formant des sortes d'ailes. Taille moijenne ou petite. Les Sciuriens constituent l'une des tribus les plus intéressantes de Tordre des Rongeurs par les animaux importants qu'elle renferme et par les particularités organiques variées que ces animaux présentent. Nous n'entrerons cependant pas maintenant dans des détails sur leur anatomie, sur leur zoologie et sur leurs mœurs, car nous croyons ces observations mieux placées dans nos généralités sur chacun des genres, et principalement dans celles qui formeront l'histoire du plus remarquable de tous, celui des Écureuils. Après avoir indiqué brièvement les animaux que comprend la tribu des Sciuriens, nous donnerons donc immédiatement la description des genres et des espèces. Le type de cette tribu avait reçu des Grecs la dénomination de Ijccusc;, que les Latins avaient tra- duit en Sciurus, et d'où est dérivé d'abord l'ancien mot français de Escuricux, et celui actuelle- ment employé d'Ecureuil. Ce nom appartient proprement, comme on le sait, à une jolie petite es- pèce de Rongeur d'une couleur fauve, qui habite sur les arbres, et qui est assez commune dans nos forêts; mais le vulgaire, comme les naturalistes, en a fait un terme générique, et il l'applique à tous les autres Rongeurs qui ont avec notre Écureuil ces rapports, qu'on admet plus ou moins arbitraire- ment et par lesquels on réunit les espèces en genres. Considéré sous ce point de vue général, le nom d'Écureuil n'a pas toujours eu la même signification : Linné, Erxleben, etc., joignirent aux Écureuils les Ijoirs on Myoxus, que Brisson, Gmelin et tous les auteurs modernes, en ont séparés, puis plus récemment l'on en a disjoint les Écureuils volants, les Écureuils de terre, etc., c'est-à-dire les Plé romgs, les Pnlatouches et les Taniias, qui se distinguent des Écureuils proprement dits par des par- ticularités importantes de l'organisme et par le genre de vie qui doit s'en suivre. En outre, on en a rapproché quelques groupes assez voisins et nouvellement découverts, tels que les Anomalurus, par exemple, si remarquables par le grand développement d'une membrane ou sorte d'aile, située entre leurs membres et leurs lianes. Et de cela il est résulté que, sans même y comprendre les Loirs, on a formé avec les Écureuils des anciens naturalistes une tribu particulière de Rongeurs à laquelle on applique généralement les dénominations de Sciurieks, de Sciuridés, de Scidiu^ï;, de SciuridjE, etc., et qui comprend les genres Ecureuil (partagé en Sciurus, Funambulus, Speromsciurus et Guerlin- guel ou Macroxus), Ptéromys, Palatouche ou Sciuropterus . Anomalurus et Tamia. ^l> E c Fis. l- — Rai noir. ÎX Fig. 2. — Porc-épic d'Italie. PI 5 / 9 1 V > ï RONGEURS. 19 1 . SCIURIENS A MEMBRES LIBRES. 1" GENRE. — ÉCUREUIL. SCKUHS. Linné, i7o5. Systema nalur». S/«cij5o;, nom de re.spècc lypique chez les Grecs. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, f ; molaires, |^'; en totalité vhujl-deux dents, et encore nij en al-il dans le plus grand nombre des cas que vincfl, -parce que la cinquième molaire supérieure de chaque côté ne se trouve plus chez les adultes et ne se voit que dans les jeunes individxis. Les incisives su- périeures sont plates en avant, tronquées en biseau à l'extrémité, et les inférieures sont pointues et comprimées latéralement. Les molaires ont leurs couronnes formées en tubercules transverses et mousses, séparés par un sillon : la cinquième, dans les jeunes, est antérieure, petite, simple. Corps svelie, allongé. Tête petite, à oreilles droites, médiocres, arrondies et h yeux grands. Pieds de devant h quatre doigts longs, bien séparés les uns des autres, armés d'ongles compri- més, crochus, avec un tubercule muni d'un ongle obtus en place de cinquième doigt ou de pouce; pieds de derrière très-grands, à tarse allongé et à cinq doigts également allongés, bien séparés les uns des autres et munis d'ongles crochus. Pas d'expansion de la peau des flancs, étendue entre les membres antérieurs et les postérieurs. comme dans les Ptéromys. etc. Pas d'abajoues comme chez les Tamias. Queue longue, souvent garnie de poils disposés sur deux rangs, comme les barbes d'une plume. Mamelles au nombre de huit : deux pectorales et six ventrales. Nous avons déjà dit que le genre Linnéen des Écureuils ou Sciurus avait été considérablement restreint par les zoologistes modernes, et cependant il comprend encore environ une centaine d'es- pèces qui ont été réparties en plusieurs groupes ou sous-genres particuliers, ainsi que nous l'expose- rons bientôt. C'est principalement par la forme de la tête, ainsi que Va montré M. Paul Gervais dans les Souve- nirs cfun voyage dans l'Inde de M. Adolphe Delessert, que l'on peut donner une classification na- turelle des Rongeurs de l'ancien genre des Sciurus; il ne nous est pas possible d'entrer ici dans des détails à ce sujet, et nous nous bornerons à faire remarquer que dans les Écureuils proprement dits il y a une légère dépression du front, que la saillie postérieure des frontaux est peu marquée, que le profil de la face est à peu près droit et la cavité du crâne de la longueur de la face. Le système dentaire des Écureuils proprement dits , aussi bien que celui des Tamias, Gucrlinguets ou Macroxus, et des Sciuroptères ou Palatouches, qui n'en diffèrent nullement, est évidemment sem- blable à celui des Marmottes et des Spermopliiles, et ne se distinguent de ceux de ces derniers genres que par quelques circonstances qui se reproduisent constamment et qui dès lors sont caractéristiques. D'après Fr. Cuvier, on remarque qu'à la mâchoire supérieure l'incisive est unie et arrondie en devant, et qu'elle naît des côtés de la partie antérieure du maxillaire. La première molaire, également à la mâchoire supérieure, est une dent rudimentaire et cylindrique qui tombe après le premier âge, et qui est appuyée au côté antéro-interne de la seconde : celle-ci, un peu plus petite quelquefois que les suivantes, a comme elles un sillon central et un autre plus petit à chacune de ses extrémités; de ces trois sillons résultent une petite crête au bord antérieur, ensuite deux collines séparées l'une de l'au- tre par le sillon central, et enfin une autre petite crête au bord postérieur. Du côté externe, ces sil- lons, ces collines et ces crêtes restent distincts; mais, au côté interne, elles sont réunies par une 20 HlSTOmt: NATUUELLE. crêlo lariijc et circulaire. Cette crête embrasse un peu moins la seconde molaire que les autres, ce qui fait qu'elle en diffère en ce qu'elle est plus étroite intérieurement qu'extérieurement; et il en est de même de la dernière par le prolongement de sa partie postéro-externe. A la mâchoire inférieure, l'in- cisive a la même structure que celle de la mâchoire supérieure, mais elle est plus étroite, et naît en dessous, un peu en arrière de la dernière molaire. La première molaire est d'un tiers plus petite que les autres, qui vont un peu plus en croissant de grandeur jusqu'à la dernière; mais toutes ont les mêmes formes; elles présentent dans leur milieu un creux circulaire, et, dans leur pourtour, une crête divisée par une échancrure au bord interne, et par une autre au bord externe, et du centre de chacune de ces écliancrures naît un petit tubercule; mais l'âge a bientôt effacé ces caractères fugitifs, et alors ces dents ne présentent plus qu'une surface à peu près unie. L'Écureuil commun donne une idée très-exacte de la physionomie de toutes les espèces de ce genre, qui ne diffèrent entre elles que par la taille et par les couleurs. Elles ont toutes des yeux simples, à pupilles diurnes, c'est-à-dire rondes, et des narines entourées d'un mufle; la lèvre supérieure est fendue; la conque externe de l'oreille est elliptique, reployée au bord antérieur; la langue est douce et non papilleuse, comme chez les Carnassiers; leur pelage est soyeux et doux, et ne varie que par la nature des poils, qui diffèrent suivant les climats propres aux espèces, et qui se distingue également par sa coloration, qui est toujours sombre, quoique agréablement disposée dans certaines espèces. Les pieds postérieurs ont cinq doigts armés d'ongles crochus; le pouce est le plus court de tous; le petit doigt vient ensuite, et les trois du milieu sont égaux; les pieds antérieurs ont quatre doigts, avec un rudiment de pouce; ils sont également armés d'ongles crochus : les deux moyens sont de longueur égale. Les pieds sont garnis de tubercules, qui répondent à la réunion de chaque doigt, c'est-à-dire qu'il y en a trois aux pieds de devant et quatre à ceux de derrière; on remarque de plus, aux pieds antérieurs, un tubercule à côté de celui qui forme le pouce. Fig 8. — Ecureuil aux pieds roux. L'anatomie des Écureuils n'est pas complètement connue ; on a cependant quelques détails sur leur ostéologie, principalement sur celle de leurs crânes, et on a décrit la disposition anatomique de plusieurs de leurs organes intérieurs, particulièrement de ceux de la génération. D'après Daubenton, « la tête décharnée de l'Ecureuil commun a plus de rapport à la tête du Liè- vre et du Lapin qu'à celle d'autres animaux. L'Écureuil a un espace dégarni de dents sur les deux mâchoires, entre les dents mâchelières et les incisives; il manque de dents canines; il a les incisives fort longues, et les os propres du nez très-grands; la mâchoire inférieure est courte, et les branches sont très larges; l'apophyse orbitairc de l'os frontal forme une large pointe qui s'étend en arrière RONGEURS. 21 et qui fait partie de l'orbite. Tous ces caractères sont communs à l'Écureuil, au Lapin et au Lièvre, mais l'Écureuil a la tête plus large et plus convexe, et le museau moins allongé; les os propres du nez sont un peu plus saillants en avant que le haut de la mâchoire en dessus; il n'y a aucune ouverture dans l'os de la mâchoire supérieure, au devant de l'orbite, qui est presque ronde, et les branches de la mâchoire inférieure ont chacune une large apophyse qui s'étend en arrière, à peu près comme dans le Lièvre, mais qui est courbée en dedans par son bord inférieur. Fig. 9. — Ecureuil à longue queue. « Les apophyses transverses de la première vertèbre cervicale sont très-apparentes; l'apophyse épineuse de la seconde vertèbre est courte; il n'y en a point sur les cinq autres vertèbres, et leurs apophyses obliques sont très-petites. « Le sternum est composé de sept os; la partie antérieure du premier os est fort large. Les pre- mières côtes, une de chaque côté, s'articulent avec cette partie du premier os du sternum; l'articula- tion des secondes côtes est entre le premier et le second os; les troisièmes côtes s'articulent entre le second et le troisième os, et ainsi de suite jusqu'aux septième et huitième côtes, dont l'articulation est entre le sixième et le septième os du sternum. « Il y a sept vertèbres lombaires : les trois premières n'avaient point d'apophyses accessoires; dans un autre sujet, les apophyses ne manquaient qu'à la première; celles des autres vertèbres sont d au- tant plus grandes, que les vertèbres se trouvent placées plus près de l'os sacrum. Cet os était com- posé en trois fausses vertèbres, et la queue en avait vingt et une. La partie antérieure de la hanche a peu de largeur; sa face interne est concave, et l'externe convexe, au contraire de ce qui a lieu chez le Chien; les trous ovalaires sont très-grands. « L'omoplate est arrondie par ses bords antérieur et supérieur, à peu près comme celle du Chat, mais elle est plus allongée; elle a une épine fort élevée presque dans le milieu de sa face externe, une seconde au bord postérieur de cette face, et une troisième à peu près sur le milieu de la face in- terne : celle-ci est la moins grande des trois. L'omoplate a une apophyse coracoïde très-marquée, e l'épine du milieu de la face externe est terminée par un acromion, aussi l'animal a-t-il des clavicules. Chaque clavicule forme deux très-petites courbures; l'une est près du sternum, et convexe en bas; l'autre se trouve près de l'omoplate : elle est convexe en haut. « L'os du bras a une longue arête mousse sur le devant de sa partie moyenne supérieure, et une autre arête mince et tranchante le long du côté externe de sa partie inférieure; les os de l'avant-bras avaient une courbure saillante en avant; l'os du coude était plat, et adhérait à l'os du rayon en di- vers endroits. « L'os de la cuisse a aussi une tubérosité plate, en forme d'arête longitudinale, au-dessous du 22 FIISTOmE NATURELLE. grand trocliantor, et le i)Otit troclianter est aplati dans le même sens. F^e péroné adhérait au tibia par sa partie inférieure. « Il y avait quatre os dans le premier rang du carpe, et cinq dans le second; le quatrième du pre- mier rang était placé à l'ordinaire derrière le troisième; le second était le plus grand des quatre, et s'étendait si loin du côté du premier, que celui-ci se trouvait placé sur le côté e\téri(îur du premier os du métacarpe; le premier os du second rang du carpe était placé comme au coin entre les extré- mités du premier et du second os du métacarpe; le second et le troisième os du second rang du carpe se trouvaient au-dessus du second os du métacarpe; le quatrième os du carpe au-dessus du troisième os du métacarpe, et le cinquième os du carpe au-dessus du quatrième et du cinquième os du métacarpe. Le cinquième os du carpe était le plus grand des quatre du second rang. « Le tarse était composé de l'astragale, du calcanéum, du scaphoide, du cuboide, de trois os cunéi- formes, et d'un huitième os qui se trouvait placé contre l'apophyse de l'astragale, entre le grand os cunéiforme et le calcanéum; le second os cunéiforme était beaucoup plus petit que les deux autres, et il s'étendait moins en bas, de sorte que l'extrémilé du second os du métacarpe était placé entre le premier et le troisième os cunéiforme. <( Les cinquièmes os du métacarpe et du métatarse avaient une apophyse sur le côté externe de leur extrémité supérieure; le premier os du métacarpe et les deux plus longs du pouce du pied de de- vant sont très-courts; les os du métatarse et les phalanges des doigts des pieds de derrière sont très- longs. » Les organes de la génération n'ont rien de bien particulier : le scrotum est pendant, et l'organe mâle principal se dirige en avant; le vagin est simple. Les Écureuils sont en général des animau.\ dont les mouvements sont légers et gracieux, qui s'ha- bituent à être touchés de toutes les manières sans paraître toutefois distinguer, dit-on, les personnes qui les soignent, ni éprouver d'attachement véritable pour elles; c'est, du reste, ce que l'on peut con- clure de ce qu'on sait sur les mœurs de l'Écureuil commun, qui est devenu en quelque sorte l'un de nos animaux domestiques. Ces Rongeurs sont évidemment conformés pour grimper et pour passer leur vie sur le sommet des arbres les plus élevés; leurs extrémités postérieures, plus longues que les antérieures, sont disposées pour embrasser les branches des arbres. Us se construisent, vers la cime des grands arbres, un nid sphérique formé de petites branches, de feuilles et de mousse; c'est l;'i qu'ils se réfugient et qu'ils déposent leurs petits, au nombre de quatre ou cinq par portée. Quelques espèces américaines sembleraient, néanmoins, dit-on, se creuser dans la terre des retraites à la ma- nière de quelques autres espèces du même ordre. Ils se nourrissent de matières végétales, et princi- palement de graines et de fruits secs, qu'ils portent à la bouche avec les deux mains, se servant de leur moignons de pouces comme de point d'appui pour en ouvrir les enveloppes. Ils vivent tantôt en troupe plus ou moins considérable, tantôt ils ont une vie isolée, solitaire, mais par couples; car le mâle n'abandonne jamais sa femelle. Tous sont sédentaires, et s'éloignent très-peu delà forètqui les a vus naître. Ces Rongeurs ne sont pas tellement frugivores, qu'ils ne veuillent manger aucune matière animale; s'ils rencontrent un nid d'Oiseaux, ils sucent les œufs qu'ils y trouvent, en dévorent les petits, et même la mère s'ils peuvent la surprendre. Gmelin dit qu'en Sibérie on les prend avec des trappes, dans lesquelles on met pour appât un morceau de Poisson fumé, et qu'on tend ces trap- pes sur les arbres. Dans certains pays, ils vivent aussi de la sève sucrée de quelques graminées, et de graines de maïs; c'est probablement pour cela que, depuis qu'on s'est livré à la culture de cette dernière plante en Pensylvanie et en Virginie, les Écureuils s'y sont beaucoup multipliés, et y font de grands dégâts aux récoltes. Us ont l'instinct de la prévoyance : aussi ne font-ils jamais un seul magasin, mais plusieurs, et dans différents trous d'arbres, probablement afin que, s'ils viennent à perdre un de leurs magasins par accident, il leur en reste toujours plusieurs pour les alimenter pendant l'hiver; ils savent fort bien retrouver ces cachettes quand ils en ont besoin, et même sous la neige, qu'ils grattent pour les découvrir. Cet instinct est même conservé en domesticité, et l'on en a vu plusieurs qui, quoique ayant continuellement de la nourriture a leur disposition, n'en faisaient pas moins des provisions d'hiver dans quelque coin recule. Aussi méfiants que rusés, ils construi- sent toujours plusieurs nids à d'assez grandes distances les uns des autres; et la mère, sans même être inquiétée, change souvent ses enfants de domi(^ile, en les transportant avec sa gueule, à la manière des Chais; c'est le matin, au lever du soleil, qu'elle les descend l'un après l'autre sur la Fig. 2 — Ecureuil à l-irge queue. Fig 2. — Octodon glizoïde. l'I. 6. RONGEUKS. 2^ mousse, et les fait jouer; si elle est surprise dans cette occupation, elle en saisit un qu'elle trans- porte, non dans le nid, ce qui lui ferait perdre trop de temps, mais seulement jusqu'à l'enfourchure d'une grosse branche, où elle le cache; puis elle revient chercher les autres pour les transporter de morne. « Ces animaux ont toujours le soin, dit M. Boitard, quand ils aperçoivent le chasseur, de se tenir derrière le tronc de l'arbre, et de tourner autour pour rester constamment masqués à mesure que le chasseur tourne lui-même autour de l'arbre. Us n'en continuent pas moins à monter, et, par- venus à l'enfourchure d'une branche, ils s'y blottissent et restent invisibles: aussi est-il fort difficile de les tirer à coups de fusil si l'on est seul. » Ce fait a-t il été observé plusieurs fois et avec tout le soin possible? Dans le cas affirmatif, nous demanderons si l'action qu'on prête à ces Rongeurs ne se- rait pas produite par le raisonnement, c'est-à-dire par l'intelligence plutôt que par l'instinct? L'homme chasse les Écureuils quelquefois, mais rarement, pour les manger, et d'autres fois pour en obtenir la peau, qui est, dans certains cas, employée dans l'art de la pelleterie. Les Serpents, les petites espèces du genre Chat, et peut-être même de grandes espèces d'Oiseaux de proie, sont leurs plus grands ennemis; mais les Serpents surtout, assure-t-on, dont la vue semble leur causer un ef- froi si profond, qu'ils perdent la force de les fuir, et qu'on les a vus même se laisser tomber dans la gueule de ces Reptiles : c'est en cela que consiste le charme que ces Ophidiens exercent, dit-on, et qui a paru si merveilleux aux observateurs prévenus. De savants naturalistes, et parmi eux nous pou- vons citer notre illustre Buffon, nous ont dit que des troupes d'Écureuils petits gris voyagent, et que pour passer des rivières, ils s'embarquent sur des morceaux d'écorce qui leur servent de bateaux; qu'ils les gouvernent en traversant le courant au moyen de leur queue, qu'ils étalent au vent, et dont ils se servent comme d'une voile « De telles histoires, comme le fait observer, avec raison, M. Boi- tard, n'ont pas besoin d'être réfutées. La queue de l'Écureuil ne lui sert jamais de gouvernail, et cela pour une raison fort simple, c'est que cet animal craint beaucoup l'eau, et n'y entre jamais; si elle lui sert à se gouverner, c'est dans les airs, quand il fait ses bonds prodigieux, qui le transportent d'un arbre à un autre, à douze ou quinze pas de distance. Mais elle ne peut pas non plus lui servir de parachute, ainsi qu'on l'a prétendu; car, placée à l'extrémité de son corps, dans une chute, elle lui ferait faire plutôt la culbute, et il tomberait sur la tête. » Qu'il nous soit permis, pour compléter les détails de mœurs des Sciiiriis, de rapporter ce que Buf- fon dit de l'espèce typique de ce genre; car, dans ce groupe, l'un des plus naturels de l'ordre des Rongeurs, toutes les espèces ont à peu près les mêmes habitudes, et ce que nous dirons de Tune d'elles pourra s'appliquer également aux autres. « L'Écureuil est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage, et qui, par sa gentillesse, par sa docilité, par l'innocence même de ses mœurs, méri- terait d'être épargné; il n'est ni carnassier, ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des Oiseaux; sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, do la faîne et du gland; il est propre, leste, vif, très-alerte, très-éveillé, très-industrieux; il a les yeux pleins de feu, la physiono- mie fine, le corps nerveux, les membres très-dispos : sa jolie figure est encore rehaussée, parée par une belle queue en forme de panache, qu'il relève jusque dessus sa tête, et sous laquelle il se met à l'ombre; le dessous de son corps est garni d'un appareil tout aussi remarquable, et qui annonce de grandes facultés par l'exercice de la génération; il est, pour ainsi dire, moins quadrupède que les autres; il se tient ordinairement assis presque debout, et se sert de ses pieds de devant comme d'une main pour porter à sa bouche; au lieu de se cacher sous terre, il est toujours en l'air; il approche de> Oiseaux par sa légèreté; il demeure comme eux sur la cime des arbres, parcourt les forêts en sau- tant de l'un à l'autre, y fait aussi son nid, cueille les graines, boit la rosée, et ne descend à terre que quand ces arbres sont agités par la violence des vents. On ne le trouve point dans les champs, dans les lieux découverts, dans les pays de plaine; il n'approche jamais des habitations; il ne reste point dans les taillis, mais dans les bois de hauteur, sur les vieux arbres des plus belles futaies. II craint l'eau plus encore que la terre... Il ne s'engourdit pas comme le Loir pendant l'hiver, il est en tout temps très-éveillé; et, pour peu que l'on touche au pied de l'arbre sur lequel il repose, il sort de sa petite bauge, fuit sur un autre arbre ou se cache à l'abri d'une branche. II ramasse des noi- settes pendant l'été, en remplit les troncs, les fentes d'un vieux arbre, et a recours, en hiver, à sa provision; il les cherche aussi sous la neige, qu'il détourne en grattant. 11 a la voix éclatante, et plus perçante encore que celle de la Fouine; il a de plus un murmure à bouche fermée, un petit grogne- ment de mécontentement qu'il fait entendre toutes les fois qu'on l'irrite. Il est trop léger pour mar- s 24 HISTOIRE NATURELLE. cher; il va ordinairement par petits sauts et quelquefois par bonds; il a les ongles si pointus et les mouvements si prompts, qu'il grimpe en un instant sur un hêtre dont l'écorce est fort lisse. « On entend les Écureuils, pendant les belles nuits d'été, crier en courant sur les arbres les uns après les autres; ils semblent craindre l'ardeur du soleil; ils demeurent pendant le jour à l'abri dans leur domicile, dont ils sortent le soir pour s'exercer, jouer, faire l'amour et manger; ce domicile est propre, chaud, et impénétrable à la pluie; c'est ordinairement sur l'enfourchure d'un arbre qu'ils s'établissent; ils commencent par transporter des bûchettes, qu'ils mêlent, qu'ils entrelacent avec de la mousse; ils la serrent ensuite, ils la foulent et donnent assez de capacité et de solidité à leur ou- vrage pour y être à Taise et en sûreté avec leurs petits; il n'y a qu'une ouverture vers le haut, juste, étroite, et qui suffit à peine pour passer; au-dessus de l'ouverture est une espèce de couvert en cône qui met le tout à l'abri, et fait que la pluie s'écoule par les côtés et ne pénètre pas. Ils produisent ordinairement trois ou quatre petits; ils entrent en amour au printemps, et mettent bas au mois de mai ou au commencement de juin; ils muent au sortir de l'hiver; le poil nouveau est plus roux que celui qui tombe. Ils se peignent, ils se polissent avec les mains et les dents, ils sont propres, ils n'ont aucune mauvaise odeur; leur chair est bonne à manger. Le poil de la queue sert à faire des pinceaux; mais leur peau ne fait pas une bonne fourrure. » Fig. 10. — Écureuil fossoyeur. Contrairement à l'opinion de Buffon, qui pensait que les Écureuils étaient des animaux propres aux contrées tempérées et froides des deux continents, on sait aujourd'hui que le plus grand nom- bre d'espèces de ce genre appartiennent, au contraire, aux contrées chaudes, soit continentales, soit insulaires de l'Asie; mais, en outre, les deux Amériques, l'Europe et l'Afrique, sont remplies, soit des nombreuses espèces du genre, soit des populations nombreuses de quelqu'une de ces espèces : l'Australie et la grande île de Madagascar seules paraissent ne pas avoir d'Écureuils. On comprend que dans un genre aussi nombreux en espèces que celui des Écureuils, on a dû cher- cher à former plusieurs subdivisions particulières, et c'est ce qui est arrivé. Plusieurs des groupes qu'on a créés sont trop caractérisés pour que nous ne les adoptions pas comme genres distincts; tels sont les Tamia, Pteroimjs, Anisomjx, Ciinomijs et Sciuropterus; mais d'autres, tels que ceux des Funambuhis, Xerus ou Speromsciiiriis , Gucrliiiguet ou Macroxus, n'en diffèrent pas d'une manière assez notable pour que nous n'ayons pas cru, avec Lesson, devoir les réunir aux Ecureuils pro- prement dils comme de simples subdivisions secondaires. RONGEURS. 25 4" SOUS-GENHE. ECUREUILS PROPREMENT DITS. SCIURUS. Linné. Loco cilalo. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Crâne assez allongé, trcs-arqiié. Os (lu nez lécjèremcnt inclines. Oreilles médiocres, avec un pinceau de poils dans le plus grand nombre des cas. Queue assez longue, garnie de poils longs, ceux des côiés disposés comme les barbes d'une plume. Ce sons-2;enre est propre à l'Europe, à une partie de l'Asie et à l'Amérique tant méridionale que septentrionale; il renferme une vingtaine d'espèces et en comprendrait un beaucoup plus grand nom- bre si l'on n'en réunissait ensemble plusieurs espèces nominales, en ne les considérant que comme des variétés les unes des autres. 1. ESPÈCES EUROPÉENiNES. 1. ECUREUIL COMMUN. SCIURUS VULGARfS. Linné. CATACTÈnES SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un roux plus ou moins vif en dessus, et passant quelquefois au gris, blanc en dessous; oreilles garnies de longs poils, formant un pinceau au bout de chacune. Longueur de la tête et du corps variant de 0'",02 à 0'",04; celle de la queue étant à peu près la 'a même. F\; Ils ne produisent pas en cap- tivité. La chair de l'Écureuil est bonne à manger, mais elle est néanmoins peu recherchée. La fourrure de la variété commune de notre pays n'est nullement estimée, tandis que celle de la variété du Nord, qui porte, ainsi que nous l'avons dit, la dénomination de Petit-Gris, est souvent employée dans les arts, et a donné lieu à une branche assez importante du commerce de la pelleterie. Les poils de la queue de cet animal ont quelquefois servi à faire des pinceaux. 28 mSTOlUE NATUI5I:LLK 2. ECURKl]II. DKS AIJ'ES. SCIliniIS Al.PIMJS. Vv. Ciivicr. Cabactèues spécifiques. — Pelage d'un brun foncé, presque noir, quelquotbis piqueté (le blanc, jaunâtre sur le dos; parties inférieures d'un blanc très-pur; face interne des menibrtîs grise, bord des lèvres blanc; pieds d'un fauve assez pur; une bande fauve séparant les couleurs du dos et du ventre; oreilles avec nn pinceau; queue noire vue de prolil, brunAlre vue en dessus, parce que, sur leur lon- gueur, les poils sont anneiés de noir et de fauve clair, et de noir pur seulement à la pointe, et ces poils sont divergents comme dans l'Ecureuil commun, lin peu plus petit que le précédent. Cette espèce, que l'on a longtemps regardée comme une simple variété de l'Kcurenil commun, el qu'ony réunit même encore quelquefois, semble en être cependant bien distincte. Pour les proportions et la taille, elle ressemble à lEcureuil commun, mais la tête est plus petite el le système de colo- ration est différent. Un mâle et une femelle de cette espèce ont longtemps vécu à la Ménagerie du Muséum; ils ont mué plusieurs fois et leur pelage n'a pas changé; loutelois, dans l'été, les parties brunes avaient plus de noir que pendant l'hiver, saison pendant laquelle la queue i;risonnait. Cet Écureuil habite les Pyrénées, et les Alpes tant en France qu'en Espagne el en Suisse; il n'y est pas irès-rare. 2 ESPECES AMERICAINES. 5. ÉGUREUIL CAPISTPATE. SCIIJRUS CAPISTRATVS. Bosc, A. G. Dcsmarcsl. Caractères spécifiques. — Pelage ordinairement gris-de-fer, avec la tête noire; quelquefois gris; ventre noir, ou 1/ien entièrement noir; oreilles et bout du museau conslammenl blancs. Plus grand que l'Ecureuil commun; la longueur de la lêle et du corps est de 0'",66. Cette espèce se trouve dans les forêts de la Caroline du Sud, et principalement dans les environs de Carleston ; elle habite les lieux secs, particulièrement dans les cantons plantés de pins, de la semence desquels elle fait, dans la saison, sa nourriture presque exclusive. Les petits courent déjà sur les bran- ches au mois de mars. Lorsqu'il aperçoit les hommes, il s'applique Irès-exaclemenl sur la partie su- périeure des branches, où il se tient et reste tout à fait immobile. Quand il saute d'un arbre à l'autre, il s'aplatit, en quelque sorte, afin d'offrir une moins grande surface à l'air. Cet animal varie considérablement; aussi a-t-on cru devoir y former plusieurs espèces particu- lières, qui ont été parfois adoptées par certains zoologistes, et, au contraire, repoussées par d'autres. Les principales variétés sont: A Le Petit-Gris de Duffon ou Écureuil brdn (Schiriis cinereus, Schreber; Sciurus Carolinensis, Linné). Il est habituellement d'un gris fauve, piqueté de noir en dessus; d'autres fois, il est d'un gris blanchâtre, etc.; il manque de pinceaux aux oreilles; un peu moins grand que le type. On le rencon- tre en Pensylvanie et à la Caroline, où il s'est considérablement multiplié depuis qu'on y cultive le maïs. B. Le CoQUALMN de Ruf/on (Sciurus variegalus, Linné). Pelage roux vif et noir en dessus; dessous àv corps d'un roux orangé; bout du museau et des oreilles blanc. Du double à peu près plus grand que l'Écureuil commun; se trouve au Mexique. G. Écureuil noir {Sciurus niper, Linné). D'un noir foncé en dessus, et d'un noir brunâtre en des- sous; quelquefois il présente le bout du nez, ou les pieds, ou le bout de la queue, ou un collier sur le cou, plus ou moins blanchâtre; de la grandeur de noire Écureuil commun. Il habite l'Amérique du Nord el le Mexique, etc. D. Capistrate a grande queue. Celle variété est surtout remarquable par la longueur de la queue, beaucoup plus développée que dans le type. Un fait curieux se rapporte à l'histoire de la variété que nous avons indiquée sous la dénomination Fig. 1. — Souris. Fig. 2. — Campagnol, (Mâle et femelle. l'I. 7 FiONGEUUS. 29 de PclU-Gr'is. En 1749, la prime accordée en Amérique pour la destruction de cet animal, qui fait un grand mal à la culture, et qui s'élevait à trois pences par tête, monta à huit mille livres sterling, c'est-à-dire qu'on en tua environ un million deux cent quatre-vingt mille. Mais depuis lors le gou- vernement des États-Unis d'Amérique, s'apercevant que cette prime pouvait ruiner le trésor la ré- duisit de moitié, et la supprima entièrement plus tard. Fig. 12. — liciiieiiil capistrate. (Mâle.) 4. ÉCUREUIL D'HUDSON. SClUnUS HUDSONIUS Pennanl. CAP.ACTinEs SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un brun roussâtre en dessus et sur la tête, blanchâtre en dessous; une raie noire occupant les flancs; queue plus courte que le corps, d'un brun roussâtre, bordée de noir; moustaches très-longues, noires. Un peu plus petit que l'Écureuil commun. Il habite les forêts les plus froides de l'Amérique septentrionale, et principalement celles de la baie d'Hudson. On regarde comme n'en étant que des variétés de coloration les Sc'mrus rubrolineatns. A. G. Des- marest, et S. ruber, Rafinesque. Une variété propre à la Colombie en est probablement distincte spé- cifiquement, et constitue le Sciia^us Pàcliardsonn, Bachman. 5. I^CUREUIL A VENTRE ROUX. SCIURUS RUFIVENTRIS Etienne Geoffroy Saint-Hilaiic. Cap.actères spécifiques. — Pelage d'un gris brun en dessus, d'un roux vif en dessous; queue moins longue que le corps, brune à là base et fauve à l'extrémité; pieds bruns; oreilles sans pinceaux. De la grandeur de l'Écureuil commun. De l'Amérique du Nord, dans les environs de la baie d'Hudson. C'est le Sciurus fulvivcnlris d'Ilermann. 50 lIlSTOniE NATUUELLE. 0 ÉGURr'UlL DE LA LOUISIANE. SCIURIS LUDOVICIANUS. Curlis. CARACTÈrŒs SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un gcis foncé en dessus, d'un brun roussâtre en dessous; par- lie interne des membres de cette dernière couleur; queue très-large, plus longue que le corps. Lon- gueur de la tète et du corps, 0'",CG. Se trouve au bord de la rivière Rouge. Parmi les autres espèces assez nombreuses de ce sous-genre, et que nous croyons inutile de dé- crire, nous citerons seulement les suivantes : 1" Sciurus Carolineusis, Godman, ou Se. lencolis, Gap- per, du haut Canada et de la Caroline du Sud; 2" Sciurus macruura, Say, du Missouri; 3° Se. Leivi- sii, Grifiilh, du même pays; 4" et 5° Se. lanufjhwsns et fulicjinoHus, Bachman, de la baie d'IIudson G" Se. submiratus, Bachman, de la Nouvelle-Orléans; 7" Se. Auduboni, Bachman, de la Louisiane 8" Se. Co//ici, Beechey's, Voij. de l'Amérique du PLK. dessous, avpc du brun sous le cou; cuisses rousses: pieds bruns; queue noirûlre dans presque toute son étendue; membrane des flancs ayant un angle saillant près du poignet. iiOngueur totale depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0"','48; longueur de la queue jusqu'à l'extrémité des poils, 0"',5o. Ce Pléromys est le Sciurus petauristn de Linné et de Pallas, et fe type du genre Pclauristus de G. Fischer. Dans celte espèce, la tête est petite à proportion du corps et de forme arrondie; le front est très- large; le nez est d'un brun noir, ainsi que le tour des yeux et les mâchoires, mais ces parties pré- sentent qiiol(]ues poils fauves mêlés aux noirs; les joues et le dessus de la tète sont mêlés de brun- noir et de blanc; les plus grands poils des moustaches sont noirs et ont près de 0"',06 de longueur; les oreilles sont assez grandes et plates, garnies de poils d'un fauve noirâtre; les poils de derrière ces oreilles sont d'un brun marron et ont plus de longueur que ceux du corps; le dessous du cou est d'une teinte brune; les extrémités antérieures en dessous et jusqu'au poignet, où commence le prolongement de la peau, sont d'un gris brun pointillé de blanc, ainsi que cette peau elle-même, qui y forme un angle très-saillant et très-marqué; les poils du dessus du corps, depuis la tête jusqu'à la queue, sont d'un brun gris plus ou moins foncé et piqueté de blanc, cette dernière couleur dominant en quelques endroits; le dessous du corps est d'une couleur cendrée, mêlée de fauve et de brun; les cuisses, au-dessous des prolongements de la peau, sont d'un fauve noirâtre; les jambes et les pieds sont d'un brun noir; la queue est ronde, d'un gris brun à son origine, qui devient de plus en plus foncé jusqu'à son extrémité; une petite membrane joint la base de la queue à la base interne des cuisses. Chez quelques individus, le pelage est plus obscur. l'^i;:. 15 — Pléromys été{;ant. Cette belle espèce habile Maiacca, Syncapore, les îles Fliilippines et une asstz grande partie de l'archipL'l Indien, ses mœurs sont iiès-pcu connues; on sait seulement qu'elle est nicturnc, et cela Fig. I. — Géomys à bourse. Fig. 2. — Apérea PI 10. RONGEURS. Il sui'lout d'après des individus qu'on a observés en domesticité et qui dormaient conlinuenement pen- dant le jour. On mange quelquefois sa chair, qui est assez bonne. Deux autres espèces de ce genre assez bien connues sont : 1" le Ptéromys éclatant, Pt. nitidns. Et. Geoffroy, de Java; et 2° le Ptéromys flèche, Pt. sagitta G. Cuvier, du même pays : les autres espèces sont le Ptcronvjs Icncogenys, Temminck, du Japon; Pi. (jenibarlns et lepidus, Horsfield, de Java; /*/. Horsficldu. Waterhouse, de l'Inde; Pi. aiirantiaciis, Wagner: Pi. elegans, Temminck, etc. 5'"'' GENRE. — SCIUROPTÈRE. SCWROPTERdS. Fr. Cuvier, 1855. Dents des Mammifères. 2)ttoupoç, Écureuil; lîrepov, aile. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslème dentaire : incisives. |; molaires, |^^; en totalité vincjt-deux dents, qui ont hcancoup plus de rapport avec celles des Ecureuils proprement dits qu'avec celles des Ptéromys, auxquels les Sciuroptères ressemblent sous beaucoup d'autres points de vue. Tète un peu arrondie. Partie antérieure de la ligne du profil de la tête droite jusqu'au milieu des fronlaux, on elle prend une direction courbe très arquée, sans dépression iniermédiairc. Occiput saillant. Frontaux un peu allongés. Capacité du crâne comprenant les trois cinquièmes de la longueur de la tête. Oreilles arrondies. Yeux assez gros. Pieds et membrane placée entre les membres disposés comme ceux des Ptérom]js. Taille plus petite que chez ces derniers. Queue longue, aplatie, couverte de poils distiques. Ainsi que nous l'avons dit précédemment, les Sciuroptères ne diffèrent guère des Ptéromys, avec lesquels ils étaient anciennement confondus sous !a dénomination de Palatouches, qu'ils ont seuls conservée; les uns comme les autres sont pourvus d'un développement de la peau des flancs étendu, de chaque côté, entre les extrémités antérieures et les postérieures, pouvant servir comme de para- chute à ces animaux lorsqu'ils sautent de branche en branche, et leur ayant fait donner la dénomi- nation vulgaire d'Ecureuils volants. Les Sciuroptères diffèrent principalement des Ptéromys par les formes du crâne et par la disposition particulière du système dentaire; sous le rapport du crâne, les premiers s'éloignent des seconds en ce que toute la partie antérieure de la figne de profil de leur tête est droite jusqu'au milieu des frontaux, où elle prend une direction courbe très-arquée, sans dépression intermédiaire, au lieu d'en avoir une très-marquée, comme les Ptéromys; en ce que l'oc- ciput est bien saillant, au lieu de ne commencer à se courber que très en arrière; en ce que les fron- taux sont allongés et ont le rapport de leur longueur à leur largeur comme deux est à un, au lieu de l'avoir comme trois est à deux; enfin, en ce que la capacité du crâne remplit les trois cinquièmes de la longueur de la tête, au lieu de n'en occuper que la moitié. Relativement aux dents, les incisives n'offrent rien de remarquable, et, comme celles des Ptéromys, les supérieures sont unies et arrondies ne devant, et les inférieures, avec la même forme, sont cependant plus étroites. Les molaires res- semblent à celles des Écureuils proprement dits et des Tamias, plutôt qu'à celles des Ptéromys, et sont, en même temps, assez analogues à celles des Marmottes et des Spermophiles. Il y a quatre grosses dents à la mâchoire d'en bas, et une très-petite antérieure de plus, et caduque de bonni; heure, à chaque côté de celle den haut; à la mâchoire supérieure, les trois premières vraies molaires présentent chacune deux collines transverses, à sommet mousse et séparées par des sillons égale- ^'i IIISTOIRI] NATURELLE. ment transversaux, et ces collines sont réunies, sur le bord interne seulemeni, par une crête large et circulaire; la dernière ne montre qu'une colline antérieure et sa partie jiostérieure est aj)latie. Toutes les molaires inférieures ont la même forme entre elles, c'est-à-dire qu'elles présentent dans leur milieu un creux circulaire, et, dans leur pourtour, une crête divisée par une échancrure au bord interne et par une autre au bord externe; et du centre de chacune de ces échancrures naît un petit tubercule. .\vec rage, ces dents n'offrent plus qu'une surface unie à leur couronne. On ne connaît que trois espèces de Sciuroptères, et elles sont particulières aux réi,Mons circumpo- laires ou boréales de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. Extérieurement, toutes se ressemblent par leur petite taille, les membranes velues de leurs flancs, leur physionomie, qui est généralement celle deo Écureuils, bien qu'elles aient les yeux plus gros que ceux de ces animaux; la longueur de leur queue, qui est aplatie, couverte de poils distiques, et non ronde comme celle des Piéromys. La ma- nière de vivre de ces Rongeurs est très-analogue à celle des Ecureuils proprement dits; toutefois elle en diffère un peu en ce que ce sont des animaux essentiellement nocturnes. 1. ECUREUIL VOLAiNT DE SIBÉRIE Biisson. SCIUROPTERVS VOLAKS. Pallas, Fr. Cuvier. Caractères spécifiqoes. — Tête arrondie; museau court et obtus; yeux grands et saillants; iris noir et pupille très-grande; oreilles courtes, arrondies; moustaches de la longueur de la tête, roides, noires; membranes des flancs formant, derrière le poignet, une légère avance arrondie en lobe et non anguleuse. Pelage d'un gris blanchâtre cendré sur les parties supérieures, et d'un très-beau blanc sur les inférieures; base des poils et duvet intérieur bruns; membrane des flancs bordée, près du corps et dans toute sa longueur, par une bande de gris brun; extrémité des pieds blanchâtre; queue couverte de longs poils gris cendré, légèrement obscur vers leur pointe. Une variété est entièrement blanche. La longueur totale de la tête et du corps est de 0'",18; celle de la queue est de 0'",12. Cette espèce est le Pteromijs Sibiricus, A. G. Desmarest; c'est aussi le Polatouche des planches enluminées de Buffon, et le Polatoucha de quelques voyageurs. Ce Sciuroptère est un animal élégant par sa forme, mais triste et solitaire, se nourrissant des bourgeons et des jeunes pousses du bouleau et du pin, nichant dans un creux d'arbre et n'en sortant guère que la nuit, grimpant lestement sur les arbres, sautant de branche en branche avec facilité, et se soutenant un peu à l'aide des mem- branes de ses flancs. La femelle met bas, au mois de mai, deux à quatre petits, sur un lit de mousse qu'elle s'est préparé. 11 habite les forêts de pins et de bouleaux de la Lithuanie, de la Livonie, de la Finlande, de la Laponie, de la Russie boréale et surtout de la Sibérie. 2. POLATOUCHE. Buffon. ASSAPAN. Fr. Cuvier. SCIVROPTERUS VOLUCELLA. Pallas. Lesson. Caractères spécifiques. — Museau moins épais que celui de l'espèce précédente; dessus de la tête, du corps et du prolongement de la peau des flancs couverts de poils d'un gris plus foncé et comme glacé de nuances de roussâtre, ces poils étant cendrés près de la racine et d'un jaune rous- sâtre à l'extrême pointe; yeux entourés de cendré noirâtre, avec une tache blanche au-dessus de cha- cun: bord de la peau des flancs plus brun que le milieu en dessus; tout le dessous du corps d'un blanc légèrement teint de jaune sur le bord des membranes et sur le dedans des cuisses et des jam- bes; dessus de la queue d'un brun très-clair, et dessous d'un blanc jaunâtre; moustaches noires, longues de 0'",06. Plus petit que le précédent, sa tête et son corps n'ont qu'une longueur de 0'",14, et la queue, au contraire, proportionnellement plus longue, une longueur de O^jOQ. Cet animal, qui est le Sciurus volucella de Pallas, que l'on nomme quelquefois Scidroptère ou Polatouche d'Amérique, se trouve dans les États-Unis d'Amérique depuis le Canada jusqu'en Virginie, où il est nommé âssapan et Assapalnick, d'après les rapports des voyageurs. Il vit par petites troupes sur les arbres et se nourrit de noix, de graines et de bourgeons. En domesticité, ou plutôt en capti- vité, il entasse toutes les provisions qu'on lui donne dans son réduit, et les cache sous de la mousse, ainsi que le font les Écureuils de nos pays. Il ne sort que la nuit et a des mouvements très-brusques. RONGEURS. 43 Lorsque le crépusr-ule descend sur les forêts, de lent et paresseux qu'il était, il devient d'une vivacilu et d'une agilité surprenantes; grâce à la membrane qui s'étend entre ses pattes, il peut franchir, d'un arbre à l'autre, une distance prodigieuse, de plus de quarante à cinquante pas, si l'on s'en rapporti^ aux voyageurs. Il ne descend pas de dessus les arbres, parce que, assure-t-on, sa marche est embai- rassée sur la terre. D'un naturel doux et tranquille, il s'apprivoise assez (acilement, c'est-à-dire qu'il devient tout à fait inoffensif pour les personnes qui le touchent et qu'il s'habitue à prendre sans crainte sa nourriture dans leur main; mais tout se borne là. Son intelligence ne se développe en au- cune manière par l'éducation; il ne s'attache jamais à son maître, et, s'il trouve l'occasion de re- conquérir sa liberté, il y manque rarement; aussi doit-on le conserver dans des cages à barreaux serrés. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dit que l'espèce s'est reproduite à la Malmaison, chez l'impé- ratrice Joséphine, et que la femelle a mis bas trois petits. «Plusieurs individus, ajoute-t-il, ont existé ù la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle. Ils se tenaient constamment cachés pendant le jour sous le foin qui leur sert de litière, et ne se montraient jamais que lorsqu'on venait à l'enlever; alors, ils s'élançaient à la partie supérieure de leur cage, et, si on les inquiétait de nouveau, ils sautaient, du côté opposé en étendant les membranes de leurs flancs, au moyen desquelles ils parvenaient à dé- crire, en tombant, des paraboles d'une assez grande étendue. » La troisième espèce de ce genre est le Sir-Sik {Sciuropierns sobrinus, Shaw, Lesson), des bords du lac Iluron, dans l'Amérique septentrionale, dont une variété, propre aux Montagnes lîocheuses, a reçu de Richardson le nom de Picrmmjs Alpiuus. Fig. 16. Sciurus anomalurus. 44 IIISTOIP.K NATIJIU'I.LE. DEUXIEME TRIBU ARCT031YENS. ARCTOM¥A. Animaux ayant, de même que les Sciuriens, dix molaires supérieures et huit inférieures, toutes tuberculeuses; la tête est grosse; la queue est courte ou moyenne. Cette tribu est formée avec l'ancien genre linnéen des Marmottes ou Arctomys, qui comprendrait, d'après les zoologistes modernes, cinq ou six genres distincts, ceux des Cïlïllus, Spermopliilus, Cif- nomrjs, Arcioniijs, A^i'isonyx ou Aplodontia, et Lipura. Mais il semble que Ton ne doit réellement adopter que deux de ces groupes, ceux des Spermophiles et des Marmottes, qui, tout en ayant de grands rapports par leur caractéristique, diffèrent toutefois les uns des autres par des particularités remarquables. Tous semblert affectionner les régions septentrionales, principalement en Europe et en Amérique, l'un d'eux, la Marmotte, est répandu jusque dans nos montagnes et est bien connu de tout le monde; depuis ce Rongeur, qui, certes, ne rappelle guère le type des Sciuriens, l'Ecureuil commun, on peut cependant, par des dégradations presque insensibles, arriver aux Sciuridées, et c'est principalement les Tamias chez ces derniers, et les Citilles chez les Arctomyens, qui établi- ront le passage sériai d'une tribu à l'autre. Cette tribu, (;ue nous désignons sous les noms â' Arctomyens, constitue les Arcto)y>ycidce, Les- 6on, Arctomya, Arctomydinn de M. Ch. Bonaparte, et Arcionnjna de M. Gray. 1" GENRE. — SPERMOPHILE. SPERMOPHILUS. Fr. Cuvier, 1822. Mémoires tlti Muséum, t. IX. S-Trepfia, graine; çiXew, j'aime. GAUACÏÈRËS GÉNÉRIQUES Système dentaire : incisives, |; molaires, |^: en totalité vingt-deux dents. Incisives semblables à celles des Marmottes; molaires plus étroites, à colline antérieure rélrécie et à talon qui unit celle colline à la postérieure se prolongeant beaucoup plus intérieurement. Oreille bordée extérieurement d'un hélix, tout a fait détaché de la tête. Pnpulie ovale. De grands abajoues. Doigts des pieds étroits, presque complètement libres. Talon couvert de poils; doigts des pieds de derrière nus. Queue courte, grêle. Les Spermophiles ont été créés par Fr. Cuvier aux dépens des Arctomys, dont ib diffèrent sous plusieurs points de vue. Les molaires de ces animaux ne sont point tout à fait semblables, quoiqu'elles paraissent avoir été formées d'après le même modèle que celles des Arctomys; en effet, celles de la Marmotte, à peu près circulaires, présentent une surface divisée en trois petites éminences longitu- dinales par deux sillons qui s'arrêtent en deçà du bord interne; celles du Souslick, plus larges à leur côté externe qu'à leur côté opposé, présentent aussi deux sillons, mais l'antérieur seul s'arrête sans couper le bord interne de la dent, le postérieur n'est point arrêté par cette partie qui semble avoir été retranchée, ce qui explique la forme étroite de ces molaires au côté interna de la mâchoire, et la partie sur laquelle est le dernier sillon est beaucoup moins saillante que l'autre. Les formes de la ri". I. — Mus à raie iloisiilc. Fi';. 2. — SperiiioiiliiiL' rayé. l'I. nONGEURS. 45 tête offrent quelques différences, mais, au reste, assez peu importantes. Une tête de Marmotte, vue de profil, présente une ligne droite depuis l'occiput jusqu'à Torigine des os du nez, mais infléchie assez profondément au milieu du front; les pariétaux et la partie supérieure des temporaux ne sont que légèrement arqués, leur courbure représente Tare d'un très grand cercle, et la distance de l'an gle postérieur de l'apophyse zygomatique du temporal au sommet de la tête est à la longueur de celle-ci comme cinq est à un; vue de face, elle frappe d'abord par la largeur des frontaux, leur en- foncement entre leurs apophyses orbitaires et par l'étendue de la fosse du temporal qui égale la fosse orbitaire; en outre, les apophyses orbitaires des temporaux partagent à peu près la longueur de la tête en deux parties égales. .\u contraire, une tête de Souslick, type du genre Spermophile, vu( de profil, présente une ligne à peu près uniformément et fortement courbée à partir de l'occiput jus- qu'à l'extrémité des os du nez; ses temporaux et ses pariétaux ont une convexité formée par un arc de cercle assez petit, et la distance de l'angle postérieur de Tapophyse zygomatique du temporal au sommet de la tête est à la longueur de celle-ci comme trois et demi est à un; vue de face, ce qui distingue le plus cette tête de celle de la Marmotte est la grandeur de la fosse orbitaire et la peti- tesse de la fosse temporale; l'intervalle qui sépare l'apophyse orbitaire du frontal, des pariétaux et des temporaux, est de moins d'une ligne, et elle est de six de la pointe de ces apophyses aux lacry- maux; enfin, ces apophyses sont presque d'un tiers plus en arrière que celles de la Marmotte, par rapport à la longueur totale de la tête. Les oreilles externes des Marmottes se détachent en grande partie de la têle, et ne présentent d'apparence d'hélix qu'à leurs bords antérieur et j>ostérieur; toute leur partie supérieure, qui se termine en pointe en arrière et que circonscrit l'arc d'un assez grand cercle, est unie et plate, et son intérieure transversale n'offre de remarquable qu'une éminence infé- rieure qui est une continuation de la partie antérieure de l'hélix, et au bas de laquelle est l'orifice du conduit auditif. Jj'oreille des Spermophiles, au contraire, est entièrement bordée d'un hélix, et cette portion seule est détachée de la tête; à sa partie antérieure, elle se reploie en dedans pour for- mer inférieurenient et au-dessus du trou auditif un bourrelet épais, large dans son milieu, qui s'ar- rondit à son bord inférieur et donne, à son bord supérieur, naissance à un prolongement moins sail- lant que lui, et qui se lie à un second bourrelet produit supérieurement par la partie' postérieure de l'hélix, lequel bourrelet vient se terminer de l'autre côté de l'oreille. Le Souslick a une pupille qui se rétrécit à la lumière et prend une forme ovale; la Marmotte, au contraire, a une pupille constamment ronde. Les narines et la langue n'offrent aucune différence sensible; mais le reste des organes du goût en présentent de considérables; car les Marmottes sont privées d'abajoues et le Souslick en a de très-grandes, qui naissent presque à la commissure des lèvres et s'étendent jusque sur les côtés du cou. Les différences des organes du mouvement ne sont guère moins remarquables; le nombre des doigts est le même; mais, autant les pieds de la. Marmotte sont larges et trapus, ses doigts forts et courts, autant les pieds et les doigts des Souslicks sont étroits et allongés; chez ceux-ci, les doigts sont presque entièrement libres; chez celles-là, ils sont réunis par une forte membrane jusqu'à l'ori- gine de la seconde phalange, et le Souslick n'a de nu aux pieds de derrière que les doigts et les tu- bercules qui en garnissent la base; tout le reste de la plante est revêtu de poils, tandis que, chez les Marmottes, la plante entière est nue. En général, chez les Spermophiles, le pelage est tacheté, et il est unicolore chez les Marmottes. D'après les caractères que nous venons d'indiquer, on voit que les Spermophiles et les Mar- mottes doivent être génériquement séparés les uns des autres; mais, toutefois, s'ils ne doivent plus rester dans le même genre, ils ne doivent pas non plus être séparés par de grandes distan- ces sériales. Leurs dents incisives sont semblables; leurs molaires diffèrent peu, et il en est de même de leurs intestins, à en juger par ce que nous apprend Pallas. Les uns et les autres sont pour- vus de clavicules; on n'aperçoit aucune différence importante dans les diverses parties du squelette qui constituent les membres, la colonne vertébrale et le thorax, et leurs mœurs diffèrent peu. Des ressemblances aussi nombreuses et de cette nature établissent de vraies relations naturelles, et si elles ne justifient pas le rapprochement complet que Gmelin avait fait de ces animaux, elles l'expli- quent et l'excusent, et démontrent que nous devons laisser ces deux genres dans une même tribu et à cô4é l'un de l'autre. Les Spermophiles se rapprochent beaucoup des Tamias, et servent en quelque sorte d'intermé- diaire entre les Marmottes et ces Écureuils de terre, qui se lient eux-mêmes si intimement avec les 46 IIISTOIUE NATLIRKIXE. Écureuils prupi'emcnl dits; aw, avec des dents qui diflèrenl de celles du Souslick, les Tamias oni des abajoues sotublablcs aux siennes et le même genre de vie. Le type de ce genre est le Souslick (Arc- tomijs àùUns, Pailas), rongeur dont les liabitudes naturelles diffèrent beaucoup de celles des Mar- mottes, jjuisque ces dernières se réunissent en société et ne recueillent qu'un peu de foin pour riiiver, tandis (juc les Sj)ermopliiles vivent solitaires et rassemblent principalement des graines ers quantité considérable, mais dont ils ne font cependant guère usage, attendu que, de même que les Arclumijs, ils passent la saison rigoureuse plongés dans un profond sommeil. Les Spermophiles habitent les régions les plus septentrionales de l'Asie, de l'Europe et de PAmé- rique, et sont surtout très-répandus dans ce dernier pays. Quant aux espèces, assez nombreuses, car on en indique plus de vingt, qui ont été réunies aux Souslicks, elles ne sont pas encore suffisam- ment connues, et leur rapprochement n'a guère eu lieu que d'après leurs formes extérieures. 11 est probable que plus tard on devra former avec elles plusieurs genres distincts, et cela a même déjà été essayé; mais, ainsi que nous l'avons dit dans un autre ouvrage, nous ne croyons pas, dans l'état actuel de la zoologie, devoir accepter ces coupes génériques, qui ne nous paraissent pas indispensa- bles; et nous nous bornerons à indiquer comme simples subdivisions sous génériques très-secondai res les groupes des Cilillus, Sperniophilus et Cijnomys. \" SOUS-GENRE. — CITILLE. CITILLUS. Pailas, 178G. Novaispecies Qiiadrupeduiii, clc. Nom d'espèce transporté au groupe. Le type de celte subdivision est le : SOUSLICK. SPERMOPHILUS CITILLUS A. G. Desniarrst. Caractères spécifiques. — Pelage en dessus d'un gris brun, onde ou tacheté de blanc par goutte- lettes, blanc en dessous. Longueur de la tête et du corps, de0'",40 à 0"',45; hauteur, environ 0",09; longueur de la queue, sans y comprendre les poils terminaux, 0'",08. Cette espèce a été indiquée sous des noms divers par différents auteurs; c'est le SousiacKou ZinEt de Buffon, le Lapiin d'Allemagne de Brisson, le Glis chillus d'ErxIeben, V Arclomijs cilillns et Pailas et Gmelin, le Sperniophilus cilillus d'A. G. Desmarest, etc. 11 comprend, en outre, ainsi que nous le dirons bientôt, plusieurs variétés dont on a cherché dans ces derniers temps à faire des espèces particulières. Le Souslick a la tête assez volumineuse et moins déprimée que celle des Marmottes; les yeux sont grands et saillants, d'un brun noirâtre; les oreilles presque nulles, représentées seulement par un rebord court et épais, situé sur la marge postérieure du méat auditif; les moustaches sont noires, plus courtes que la tête; les abajoues s'étendent jusqu'aux côtés du cou; le corps est allongé, cylin- drique, couvert d'un poil assez doux et court, d'un gris plus ou moins brun ou fauve en dessus, et parsemé de petites taches blanches plus ou moins apparentes, tantôt sous la figure de gouttelettes bien distinctes, tantôt formant de simples ondes; les parties inférieures sont d'un blanc plus ou moins teint de jaune; le tour des yeux et les pattes sont jaunâtres; la queue est mince, couverte de poils assez longs, de la couleur du fond du pelage, et souvent distiques. D'après ce que nous venons de dire, le système de coloration du Souslick est très-variable, et c'est pour cela que plusieurs naturalistes ont cherché à former avec ces variétés des espèces qui sont pu- rement nominales, jusqu'à ce qu'on les ait plus complètement étudiées et qu'on puisse dire réelle- ment si les différences qu'elles présentent sont spécifiques. Ainsi, la variété à pelage tacheté est le Spermopliilns (jnilalns, Lesson, et se rapporte à la variété de Y Arcloimjs cilillus, que Pailas dési- gnait sous la dénomination de var. Casaniensis; la variété ondulée, ou à zonen blanches transver- sales à la longueur du eorps, est le Speriuopliilus undululus, Lesson; enfin, une autre variété, que RONGEURS. 47 Buffon nomme Marmotte de Sibérie, et qui est d'un brun jaunâtre uniforme, avec la nuque cendrée et la queue noirâtre, constitue le Spermopliiliis concolor, Temminck. Les Souslicks vivent isolément, hors le temps des amours, et se creusent, sur les pentes des mon- tagnes, des terriers compliqués et profonds d'environ deux mètres, et ayant de deux à cinq issues. En été, ils renferment dans ces galeries des graines de différentes sortes, telles que blé, chènevis, pois, lin, etc., qu'ils transportent dans leurs vastes abajoues. Malgré cette précaution, qui cause de grands dégâts à l'agriculture, ces animaux ne semblent pas profiter de leurs récoltes; car, de même que les Marmottes, qui ne font pas de provisions, ils s'engourdissent pendant l'hiver. Les femelles, dont la gestation dure vingt-cinq à trente jours, font à chaque portée de trois à huit petits, qui nais- sent, dit-on, sans poils et les yeux fermés. Si ces Rongeurs sont nuisibles aux habitants des pays qu'ils habitent, ils leur sont également de quelque utilité ; en effet, leur chair est assez délicate et bonne à manger, et leur peau donne une fourrure dont l'aspect est agréable et qui est assez esti- mée. On peut en avoir en domesticité; ils mangent alors de tout et font, dit-on, la chasse aux Souris et autres petites espèces de Rongeurs ou d'Insectivores, ^ 5- ^^ Fis;. 17. — Souslick. Cette espèce se trouve dans toutes les contrées du Nord et même dans une partie des régions tem- pérées de l'ancien continent, telles que la Russie, principalement dans le pays situé entre le Volga et le lac Baïkal, l'Autriche, la Hongrie, la Bohême, le Kamtchatka, les îles Âléoutiennes, etc. Elle existe également dans la Tartarie; et l'on assure qu'on l'a aussi prise dans la Perse et dans llnde; mais, selon les naturalistes modernes, il est probable que les individus de ces derniers pays consti- tuent des espèces distinctes. Telles sont les : 1" Cilillus Perskus, Lesson; Spermophilus concolor, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; de la Perse et de l'Inde; 2° CitiUus leptodactylus, Eversmann, Lichtenstein; de Boukkarie; 5° CitiUus mugosaricus, Eversmann, Lichtenstein; ayant la même patrie que l'espèce précédente; 4° CitiUus fulvus, Eversmann, Lichtenstein; également de Boukkarie. On a signalé, dans les sables d'Eppelsheim, des débris fossiles qui se rapportent à une espèce de ce sous-genre : c'est le Spermophilus superciliosus de M. Kaup. M. Desnoyers a trouvé, dans les brèches osseuses de Montmorency, des ossements et plusieurs têtes entières de Spermophiles, qu'il rapporte à la même espèce. On en a aussi signale à Auvers, près Pontoise, et dans les environs d'Is- soire, déparlement du Puy-de-l*ôme. 48 HISTOIRE NATURELLE. 2' SOUS-GENRE. - SPERMOPHILE. SPERMOPHILUS. Fr. Cuvier, 1822. Locn cilato. Cette division comprend une dizaine d'espèces, toutes américaines, et dont la plus connue es; la suivante. SPERMOPIIILE DE PARRY. Sl'ERMOPHlLUS PARRYI. Richardson. Caractères spécifiques. — Museau conique; oreilles très-courtes; queue longue, noire au bout; corps tacheté, en dessus, de plaques noires et blanches; ventre ferrugineux. Cette espèce habite la presqu'île Melviile. On en a aussi trouvé des individus dans les Monta- gnes Rocheuses; et, comme le pelage de ces derniers est différent de celui du type, M. Richardson en a fait deux variétés, qu'il nomme eriilliroglulleia et pliœognata. Les autres espèces authentiques de ce groupe sont : 1° Spermophile de Hood {S. trïdecîmlineatus^ Mitchill); 2° S. de Richardson {S. Richarilsonnït, Sabine); o^S. de Franklin (S. Franldinii, Sabine), de l'Amérique du Nord ; 4" Arctonuis pucinosn, Gmelin; 5° S. Douqlasïï, Richardson, des Montagnes Rocheuses; 6° Citillus Mexicanus, Lichtenstein, de Toluca; 7" S. Beecheiji, Richardson; 8" S. spilio- soina, Bennett; et 9'^ S macroxus, Bennett, de Californie. 3" SOUS-GENRE - CYNOMYS. CYNOMYS. Rafincsque, 1817. Airi. Montbiy Magazine. Kutov, Chien; [au;, Rat. Cette division ne renferme qu'une seule espèce bien déterminée, propre à rAraérique du Nord, le : SPERMOPHILK SOCIAL. CYNOMYS SOCIALIS. Rafinesque. Caractères spécifiques. — Pelage brun roussâtre sale et pâle, entremêlé de poils gris et de poils noirs. Longueur totale, 0"',18. Cette espèce est V Arciomys Ludovîcianus, Say, A. G. Desmarest; \e Spermophilus Ludovicianus , Ord, Richardson; Cynomys socialls, Rafinesque, et Arctomijs latrans, Harlan. On y réunit aussi le Cynoiuys griseus, Ralinesque, dont la taille est la même, qui habite le même pays, qui aurait des ongles plus longs, et dont le pelage fin serait entièrement gris. Le Cynomys social est plus grand que le Souslick; son pelage est assez variable pour le système de coloration : cependant dans le plus grand nombre des cas il est d'un biun roussâtre sale, peu coloré, avec quelques poils gris et noirs; mais, dans quelques cas, sa fourrure est entièrement grise. Celte espèce habite les prairies; elle n'est pas rare dans l'Amérique du Nord, principalement dans la province du Missouri. [.•j.v -J . — Col'luill llllll Fi". ^2 et 3. — Pilûi'i Imàle et lemelle). l'I \l 2"- GKNRE. — MARMOTTE. ARCTOMYS Scli.ehor, 170îi. iJie Sauçthiere, etc. Apz 0,-, Ours; (i.u;, Uat. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Syslème dentaire : incisives, |; molaires, l^}; en tolalilé vingl-deux dénis. Les incisives ircs- forles, à fuce nnlérieure arrondie; les inférieures un peu plus comprimées (pie les supérieures. Molaires simples, présenlanl a leur couronne des saillies et des tubercules mousses, dont un, anté- rieur et interne, est le plus saillant. Corps épais, trapu. Tête large, plate en dessus. Pas d'abajoues. Veux grands. Oreilles courtes, arrondies. Pattes robustes: celles de devant terminées par quatre doigts distincts et un rudiment de pouce, et celles de derrière par cinq doiqts. Ongles de tous les pieds robustes, comprimés, crochus. Queue assez courte, velue. La dénominaiion de Marmotte vient du mot italien Marmotta, lequel lire peut-être son origine de Murmeltliier, nom qui, au rapport de Gesner, était anciennement appliqué aux animaux qui nous occupent. D'abord donné à un Rongeur des hautes montagnes de l'Europe, ce nom fut étendu à quel- ques autres Mammifères qui olfrent avec lui les plus intimes rapports. Linné et Pallas confondirent cependant ces animaux avec les Rats; ce dernier en fait toutefois une section particulière sous la dé- nomination de Mures soporosi. Brisson et Erxleben les placèrent dans leur genre Glis, division incohérente qui renfermait, selon le premier, les Loirs, les Marmottes et le Hamster; et de plus, selon le second, le Zemmi, les Lemmings et le Campagnol économe. C'est Schreber le premier et peu après Gmelin qui isolèrent les Marmottes sous le nom d'Arctomgs, le premier dans son Die saûgtliiere, et le second dans son édition du Systema nalurœ de Linné. Un peu plus tard, en 1779, Blumenbach, dans son Handbuck der Nalurgeister, proposa d'en changer la dénomination latine en celle de Marmotta; mais ce changement inutile n'a pas été adopté. Depuis, tous les zoologistes ont toujours conservé ce genre, établi en effet sur des caractères nettement tranchés; mais, le nombre des espèces venant à augmenter assez considérablement, ils ont cru devoir le partager en un assez grand nombre de groupes, et en ont ainsi fait une tribu particulière. De tous ces genres créés aux dépens des Arcionnjs, l'un d'eux seulement semble naturel : c'est celui des Spermoptiilus, dont nous avons déj;\ parlé et dont nous avons exposé avec soin la caractéristique différentielle; parmi les autres, nous nous bornerons seulement à citer le genre Anisongx ou Aplodontia, dont nous avons dit quelques mots en traitant des Sciuriens, et le genre Lipura d'Illiger, qui n'est fondé que sur une espèce assez peu connue, le Lipura Hudsonia, Richardson, qui provient de la baie d'Hudson et de la Colombie, qui a été ballotté dans les genres Hgrax et Arctonujs, et dont Harlan faisait son Arctonujs bra- chijurus. Les Marmottes ont des formes lourdes et trapues; leur tête plate et épaisse, leurs oreilles arron- dies, leurs membres courts et larges, leur petite queue, et de plus leur épaisse et grossière fourrure, leur donnent une physionomie particulière qu'indique assez bien le nom à'Arctomijs (apicrc?, Ours; uu;. Rat), fondé sur les rapports de forme que l'on a cru trouver entre ces Rongeurs, les Rats et les Ours. Leur (^marche est lourde et embarrassée; elles courent mal, mais peuvent s'aplatir de manière à passer par des fentes assez étroites. L'un des meilleurs caractères que nous présentent ces animaux nous est fourni par la disposition de leur système dentaire, que Fr. Cuvier a étudié avec soin. Les Marmottes ont, ,1 la mâchoire supé- 50 HISTOII'.K NATIIHKLLF. lieure, deux incisives et cinq molaires de chaque côté, et à rinférieure une molaire de moins. Les incisives sont fortes, épaisses, et, comme chez tous les Rongeurs, séparées des molaires par un grand espace vide. Les molaires, d'une manière très-générale, sont simples, à couronne garnie de saillies et de tubercules mousses. A la mâchoire supérieure, Tincisive est arrondie et unie en devant; elle naît de la partie antérieure et interne du maxillaire, au-dessus de la première molaire. La première molaire est un simple tubercule à une seule racine; les trois suivantes, qui ont la même grandeur, sont partagées transversalement par deux sillons, lesquels produisent trois collines : le premier de ces sillons traverse entièrement la dent, mais le second est arrêté par une crête ou un talon interne qui réunit Tcxtrémité des deux collines postérieures. Ces dents ont trois racines, deux externes et une interne. La dernière ou la cinquième molaire ressemble aux autres, si ce n'est par sa dernière colline, qui s'est étendue postérieurement en une sorte de talon auquel corespond la racine analogue à la seconde racine externe des molaires précédentes. A la mûchoire inférieure, l'incisive est sembla- ble à celle de la mâchoire supérieure et naît au-dessous de la dernière molaire. Les autres mo- laires sont de grandeur égale et toutes de formes semblables; elles présentent, à leur côté externe, une échancrure; à leur côté interne, un creux circulaire qui comprend toute la largeur de la dent, et, à leur bord antéro-interne, un tubercule droit et très-saillant, qui va diminuant de grandeur de la première à la dernière. La première de ces dents a, en outre, au collet de la racine et à sa face antérieure, un creux bordé d'une petite crête. Lorsque ces dents sont arrivées à un certain degré d'usure, toutes leurs saillies s'effacent, et leur couronne devient tout à fait unie; mais les unes et les autres subsistent durant la vie entière de l'animal. D'après ce que nous venons de dire, l'on voit que les Marmottes ont quelque ressemblance avec les Écureuils sous le rapport de leur système dentaire; mais elles en différent beaucoup par leurs autres caractères, que nous allons passer en revue. Les yeux sont petits, à pupille ronde, à paupières fortes et épaisses : l'interne étant toutefois peu développée. Le mufle n'est qu'une partie nue, et sans doute glanduleuse, placée entre les deux na- rines et divisée par un profond sillon longitudinal qui va ensuite séparer la lèvre supérieure en deux portions; l'extrémité du museau forme une large surface arrondie, séparée du mufle par un repli transversal et nu. Les narines sont formées d'une ouverture antérieure prolongée sur les côtés en un sinus large et légèrement arqué vers le bout. L'oreille est petite, courte, assez mince, arrondie, sim- ple : on n'y voit qu'un rudiment d'hélix qui rentre dans la partie antérieure de la conque, et forme supérieurement un cul-de-sac du fond duquel s'élève un pli qui traverse l'oreille. La langue est courte, très-épaisse, arrondie et douce; ses bords paraissent comme relevés sur les côtés de sa partie antérieure, ce qui forme un sillon longitudinal très-profond. Les lèvres sont épaisses et cour- tes, et forment, à leur angle de réunion, une réduplicalure assez large. Il n'y a pas d'abajoues dans l'intérieur de la bouche, ainsi que cela se voit dans les Spermophiles. Les soies des moustaches sont fortes, longues et implantées dans une épaisse couche musculeuse : on trouve quelques autres bou- quets de soies, l'un sur les sourcils, l'autre sur la joue, et le troisième sous la gorge. Le pelage est long, épais et composé de poils de deux sortes : de laineux nombreux, assez longs et peu frisés et de deux couleurs; et de soyeux plus longs, à peine aus-si nombreux et ordinairement annelés, de plu- sieurs couleurs. Les membres sont courts et forts : les antérieurs se trouvent terminés par une main large, épaisse, divisée en quatre doigts courts et robustes, de longueur peu inégale, réunis jusqu'à la seconde pha- lange par une membrane épaisse, et armés d'ongles forts et reployés en gouttière; en haut de la par- tie interne du carpe se trouve un très-petit rudiment de pouce de forme conique et protégé par un petit ongle plat. Les membres postérieurs ont un pied court et large, terminé par cinq doigts, sem- blables, pour la forme, à ceux de la main, réunis comme eux jusqu'à la première phalange, mais munis d'ongles plus forts et plus courts : les trois doigts du milieu, de longueur peu différente, sont plus allongés que les deux latéraux, qui sont les plus courts, et c'est l'interne qui est le moins long de tous. La paume, la plante et le dessous des doigts sont entièrement nus et marqués de sillons assez réguliers et plus larges que ceux de la paume de la main de l'homme; le pouce offre cinq tubercules •' les trois premiers répondent à la face des doigts, l'un correspondant au quatrième doigt, l'autre au second et au troisième doigt, et le dernier au premier doigt : les deux autres tubercules occupent la partie postérieure de la paume; ils sont extrêmement développés, très-épais et très-saillants : l'un occupe le bord interne et contient le rudiment de paume, et l'autre contient le bord externe. La RONGEURS. 54 plante est garnie de six tubercules, quatre placés à la base des doigts comiDe dans la pouce, excepté qu'il y en a un de plus pour le pouce, et que les deux autres sont placés à peu de distance des qua- tre précédents : Tun au bord externe et Fautre à l'interne; le reste du talon est lisse et entièrement nu. La queue est très-courte, cylindrique et entièrement couverte de longs poils. D'une manière générale, l'anatomie des Arcioniijs a été peu étudiée; cependant on sait quelque chose sur les parties internes de l'organisme de la Marmotte proprement dite. L'ostéologie en a été étudiée par Daubenton dans Y Histoire naturelle générale et parliciiiière de Bitffon, et nous donnerons un extrait de ce qu'il en dit « La tête du squelette a beaucoup de rapport à celle du Rat d'eau, du Campagnol, etc., par la forme principale des os. Il a sur l'occiput une arête transversale très-saillante, et deux autres beaucoup plus petites sur le sommet. Le frontal est large et concave. Les os propres du nez sont longs et larges. Il n'y a point de trou maxillaire au-devant de l'orbite, car il se trouve au-dessus d'une petite apophyse qui est placée à côté de la racine de la première molaire. Le contour des branches de la mâchoire inférieure forme une grande apophyse dirigée en arrière... Les vertèbres cervicales n'avaient presque point d'apophyses épineuses, excepté la seconde, qui en avait une très-grande, plus étendue en arrière qu'en avant; la branche inférieure de rapohyse trans- verse de la sixième vertèbre cervicale s'étendait en arrière sous l'apophyse transverse de la sep- tième. Il y avait douze vertèbres lombaires et douze côtes, sept vraies et cinq fausses... Le sternum était composé de cinq os; la partie antérieure du premier os avait beaucoup de largeur et s'articulait avec les premières côtes, une de chaque côté... Les vertèbres lombaires étaient au nombre de sept; elles avaient des apophyses épineuses larges et courtes... Le sternum avait cinq fausses vertèbres et la queue vingt-deux, qui étaient toutes très-courtes. La partie antérieure de l'os de la hanche était un peu recourbée en dehors... L'omoplate ressemblait presque en entier à celle de l'Écureuil; elle était seulement un peu plus large. Les clavicules avaient moins de courbure; mais les os du bras et de l'avant-bras, de la cuisse et de la jambe ne différaient guère de ceux de l'Écureuil qu'en ce qu'ils étaient, à proportion, plus gros, et que le tibia formait une convexité au-devant sur sa longueur. Le premier rang du carpe était composé de trois os... Il y avait six os dans le second... Il n'y en avait que quatre dans le métacarpe. Le carpe était composé de sept os comme dans la plupart des ani- maux. Il y avait cinq os dans le métatarse; l'extrémité supérieure, la cinquième, était saillante, re- courbée en arrière et un peu en dehors. » D'après ce que nous venons de dire, on peut voir que les caractères ostéologiques des Marmottes rapprochent aussi beaucoup ces dernières des Ecureuils, de même que nous l'avions vu pour la plupart des caractères extérieurs de ces animaux. Daubenton con- sacre quelques pages à l'étude des autres parties molles de la Marmotte; nous ne les reproduirons pas ici, et nous y renvoyons le lecteur. Chez les mâles, les testicules ne sont point renfermés dans un scrotum particulier, et le gland est, à ce qu'il paraît, simplement conique et peu allongé; chez les femelles, la vulve ne se montre au dehors que sous l'apparence d'une fente longitudinale et courte, garnie de deux lèvres épaisses et fortes, surmontées de quelques poils. Il y a de chaque côté, du moins chez la Marmotte des Alpes, cinq mamelles, deux pectorales et trois ventrales. Leurs cris ne consistent qu'en un grognement doux, ou un gros murmure qui se change, dans la colère ou la surprise, en un sifflement fort et aigu. Elles se fouissent avec promptitude une retraite profonde, dans laquelle plusieurs individus se retirent pendant l'hiver, passant cette saison dans un état léthargique dont on n'a pu encore exactement apprécier la cause. D'après ce que l'on sait de l'es- pèce européenne, il paraîtrait que les Marmottes vivent en société, et que, dans les beaux jours du printemps, elles viennent brouter ou jouer à l'entrée de leur terrier, dont elles ne s'éloignent jamais; et l'on assure que, dans toutes leurs sorties, Tune d'entre elles, placée au sommet de quelque rocher voisin, fait l'office de sentinelle avancée et avertit les autres, par un silflcment aigu, de la pré- sence de l'ennemi; alors, toute la troupe rentre dans sa retraite, ou bien se tapit sous les rochers. Elles recueillent dans leur terrier une assez grande quantité de foin qu'elles transportent dans leur bouche; elles s'en forment un lit épais, dans lequel elles se blottissent pour passer l'hiver, et, à l'approche de cette saison, elles ont soin de fermer, en y accumulant de la terre, l'entrée de leur terrier. Elles ne forment pas de provisions; mais, quand elles entrent dans leur retraite hivernale, elles sont très-grasses et garnies sur l'épiploon de feuillets graisseux très-épais, qui paraissent suffi- sants pour réparer les pertes qu'elles peuvent éprouver par l'action vitale qui leur reste: mais ce fait, et surtout l'expliciitiorî qu'on en a donnée, ne sont pas, ainsi que nous le dirons, admis par tout le 52 lllSTOinK NATUI'.KI-LE. o monde. I.ciir iiourrituro ordinaire ne consiste qu'en matières végétales, et surtout en racines, mais on les iiabilne sans peine à manger de la viande; car ce sont des animaux essentiellement omnivo- res. Nous compléterons ces détails de mœurs en ])arlant de la Marmotte commune; l'on ne connaît guère, en effet, les habitudes naturelles que de cette espèce, et, sous ce point de vue, les espèces américaines sont bien peu connues. (lomme il était anciennement formé, le genre Marmotte, ou plutôt Arctonujs, conipienait un grand nombre d'espèces propres à l'ancien comme au nouveau continent; mais, tel qu'il est restreint au- jourd'hui, il ne renferme plus que six ou sept espèces, qui sont particulières aux hautes montagnes de r [Europe et ù quelques provinces de l'Amérique septentrionale. Le type est : 1. M-UIMOTTI-:. Biilïon. ARCTùMYS MARrMTTA. I,iimô Caractèp.es spécifiques. — Pelage gris jaunâtre, avec des teintes cendrées sur la tête; dessus de la tète noirâtre; bout de la queue noir; pieds blanchâtres: tour du museau d'un blanc grisâtre. Lon- gueur totale de la tète et du corps, 0"',34; queue assez courte. La Marmotte commune ou des Alpes, que Blumenbach désignait sous la dénomination à'Arctomiis Alpinn. nom que lui appliquent encore aujourd'hui certains zoologistes, a la tête plate sur le chan- frein, le museau gros et court, les yeux assez grands, noirs; les oreilles très-courtes et comme tronquées, les moustaches très-fortes, le pelage d'un gris noirâtre plus ou moins foncé sur le (îorps, la tête et les flancs; le dessus de la tête noirâtre, les joues et les oreilles grises, le dessous du cou et la face inférieure du corps d'un gris légèrement teint de roussâtre; les poils de son dos sont rudes et grossiers, ceux du ventre plus doux; la queue est garnie de longs poiis très-touffus, lesquels sont noirs et d'un brun roussâtre dans quelques endroits; ongles robustes, pointus, noi- râtres. Nous reproduisons ici une partie de ce que dit Bulfon des mœurs de cet animal, tout eu faisant remarquer, avec quelques auteurs, qu'il a peut-être exagéré leur état d'éducabilité. « La Marmotte, prise jeune, s'apprivoise plus qu'aucun autre animal sauvage, et presque autant que nos animaux domestiques; elle apprend aisément à saisir un bâton, à gesticuler, à danser, à obéir en tout à la voix de son maître; elle est, comme le Chat, antipathique avec !e Chien, lorsqu'elle commence à être fa- milière dans la maison et qu'elle se croit appuyée par son maître, elle attaque et mord en sa pré- sence les Chiens les plus redoutables. Quoiqu'elle ne soit pas tout à fait aussi grande qu'un Lièvre, elle est plus trapue et joint beaucoup de force à beaucoup de souplesse; elle a les quatre dents du devant des mâchoires assez longues et assez fortes pour blesser cruellement ; cependant elle n'atta- que que les Chiens et ne fait mal à personne, â moins qu'on ne l'irrite. Si l'on n'y prend pas garde, elle ronge les meubles, les étoffes, et perce même le bois lorsqu'elle est renfermée. Comme elle a les «lisses très-courtes et les doigts des pieds faits à peu près comme ceux de l'Ours, elle se tient souvent assise, et marche comme lui aisément sur ses pieds de derrière; elle porte à sa gueule ce qu'elle saisit avec ceux de devant, et marche comme rÉcureuil; elle court assez vite en montant, mais assez lentement en plaine; elle grimpe sur les arbres, elle monte entre deux parois de rochers, en- tre deux murailles voisines, et c'est des Marmottes, dit-on, que les Savoyards ont appris à grimper pour ramoner les cheminées. Elles mangent de tout ce qu'on leur donne, de la viande, du pain, des fruits, des racines, des herbes potagères, des choux, des Hannetons, des Sauterelles, etc.; mais elles sont plus avides de lait et de beurre que de tout autre aliment. Quoique moins enclines que le Chat à dérober, elles cherchent à entrer dans les endroits où l'on renferme le lait, et elles le boivent en grande quantité en marmoiiant, c'est-à dire en faisant comme le Chat une espèce de murmure de contentement. Au reste, le lait est la seule liqueur qui leur plaise, elles ne boivent que très-rarement de l'eau et refusent le vin... La Marmotte a la voix et le murmure d'un petit Chien lorsqu'elle joue ou quand on la caresse; mais, lorsqu'on l'irrite ou qu'on l'effraye, elle fait entendre un sifflet si per- çant et si aigu, qu'il ble.>:se le tympan. p]lle aime la propreté, et se met à l'écart, comme le Chat, pour faire ses besoins; mais elle a, comme le Rat, surtout en été, une odeur très-forte qui la rend très- désagréable; en automne, elle est très-grasse; outre un très-grand épiploon, elle a, comme le Loir, ROiNGElT.S. 53 deux feuillets graisseux fort épais; cepeiulant elle n'est pas également grasse sur toutes les parties du corps; le dos et les reins sont plus chargés que le reste d'une graisse ferme et solide, assez sem- blable à la chair dos tétines du Bœuf. Aussi, la Marmotte serait assez bonne à manger si elle n'avait pas toujours un peu d'odeur, qu'on ne peut masquer que par des assaisonnements très-forts. Fi;;, 18. — Maimotlc sriise. '( Cet animal, qui se plail dans la région de la neige et des glaces, qu'on ne trouve que sur les plus hautes montagnes, est cependant sujet plus qu'un autre à s'engourdir par le froid. C'est ordi- nairement à la fin de septembre ou au commencement d'octobre qu'elle se recèle dans sa retraite pour n'en sortir qu'au commencement d'avril : celte retraite est faite avec précaution et meublée avec art; elle est d'abord d'une grande capacité, moins large que longue et très-profonde, au moyen de quoi elle peut contenir une ou plusieurs Marmottes sans que l'air s'y corrompe; leurs pieds et leurs ongles paraissent être faits pour fouiller la terre, et elles la creusent en effet avec une merveilleuse célérité; elles jettent au dehors derrière elles les déblais de leur excavation; ce n'est pas un trou, un boyau droit ou tortueux, c'est une espèce de galerie faite en forme d'Y, dont les deux branches ont chacune une ouverture et aboutissent toutes deux à un cul-de-sac qui est le lieu du séjour. Comme le tout est pratiqué sur le penchant de la montagne, il n'y a que le cul-de-sac qui soit de niveau; la branche inférieure de l'Y est en pente au-dessous du cul-de-sac, et c'est dans cette partie, la plus basse du domicile, qu'elles font leurs excréments, dont l'humidité s'écoule aisément au dehors; la branche supérieure de lY est aussi un peu en pente et plus élevée que le reste; c'est par là qu'elles entrent et qu'elles sortent. Le lieu du séjour est non -seulement jonché, mais tapissé fort épais de mousse et de foin; elles en font ample provision pendant l'été; on assure même que cela se fait à frais ou travaux communs, que les unes coupent les brandies les plus iines, que d'autres les ramassent, et que, tour à tour, elles servent de voitures pour les transporter au gîte; l'une, dit-on, se couche sur le dos, se laisse charger de foin, étend ses pattes en haut pour servir de ridelles, et ensuite se laisse traîner par les autres, qui la tirent par la queue et prennent garde en même temps que la voi- ture ne verse. C'est, à ce qu'on prétend, par ce frottement trop souvent réitéré qu'elles ont presque toutes le poil rongé sur le dos. On pourrait cependant en donner une autre raison : c'est qu'habitant sous la terre et s'occupant sans cesse à la creuser, cela suffit pour leur peler le dos (1). Quoi qu'il en soit, il est sûr qu'elles demeurent ensemble et qu'elles travaillent en commun à leur habitation; elles y passent les trois quarts de leur vie; elles s'y retirent pendant l'orage, pendant la pluie, ou dès (l) Nous n'avons pas besoin de l'aire observer que LCUe dernière explicilion semble plus probable que la prcmicra. 54 IIISiOilŒ NATIIŒLLE. qui] y a qiiehjue diinger; elles n'en sortent même que dans les plus beaux jours et ne s'en éloiifnent guère; Tune fait le guet, assise sur une rodie élevée, tandis que les autres s'amusent à jouer sur le gazon ou s'occupent à le couper pour en l'aire du foin, et lorsque celle qui fait sentinelle aperçoit un homme, un Aigle, un Chien, etc., elle avertit les autres par un coup de silflet, et ne rentre elle-même que la dernière. « Elles ne font pas de provisions pour l'hiver, il semble qu'elles devinent qu'elles seraient inutiles; mais, lorsqu'elles sentent les premières approches de la saison qui doit les engourdir, elles travail- lent à fermer les deux portes de leur domicile, et elles le font avec tant de soin et de solidité, qu'il est plus aisé d'ouvrir la terre partout ailleurs que dans l'endroit qu'elles ont muré. Elles sont alors très-grasses; il y en a qui pèsent jusqu'à vingt livres; elles le sont encore trois mois après, mais peu à peu leur embonpoint diminue, et elles sont maigres sur la fin de l'hiver. Lorsqu'on découvre leur retraite, on les trouve resserrées en boule et fourrées dans le foin; on les emporte tout engourdies, on peut même les tuer sans qu'elles paraissent le sentir; on choisit les plus grasses pour les manger et les plus jeunes pour les apprivoiser. Une chaleur graduée les ranime comme les Loirs, et celles qu'on nourrit à la maison, en les tenant dans des lieux chauds, ne s'engourdissent pas et sont même aussi vives que dans les autres temps... Au reste, il n'est pas sûr qu'elles soient toujours et constam- ment engourdies pendant sept ou huit mois, comme presque tous les auteurs le prétendent. Leurs terriers sont profonds, elles y demeurent en nombre, il doit donc s'y conserver de la chaleur dans les premiers temps, et elles y peuvent manger de l'herbe qu'elles y ont amassée. Attmann dit même que les chasseurs laissent les Marmottes trois semaines ou un mois dans leur caveau avant que d'al- ler troubler leur repos; qu'ils ont soin de ne point creuser lorsqu'il fait un temps doux ou qu'il souf- fle un vent chaud; que, sans ces précautions, les Marmottes se réveillent et creusent plus avant; mais que, en ouvrant leurs retraites dans le temps des grands froids, on les trouve tellement assoupies qu'on les emporte facilement. On peut donc dire que, à tous égards, elles sont comme les Loirs, et que, si elles sont engourdies plus longtemps, c'est qu'elles habitent un climat où l'hiver est plus long. (( Ces animaux ne produisent qu'une fois l'an; les portées ordinaires ne sont que de trois ou qua- tre petits; leur accroissement est prompt, et la durée de leur vie n'est que de neuf ou dix ans; aussi l'espèce n'en est ni nombreuse ni bien répandue. » Ajoutons quelques détails relativement à l'engourdissement des Marmottes, dont on s'est beaucoup occupé. Lorsque ces animaux hivernent, ils sont ordinairement très-gras, et leur épiploon est chargé d'une grande abondance de feuillets graisseux; tandis que, au contraire, ils sont très-maigres et pèsent sensiblement moins quand ils sortent de leurs terriers au printemps. Mangili dit à ce sujet : « Cette différence de poids nous prouve évidemment que la graisse dont les Marmottes sont pourvues leur est infiniment mile; non-seulement il s'en consomme une partie pendant le sommeil léthargique, mais elles en sont encore nourries pendant l^s intervalles de veille auxquels elles peuvent être exposées par l'élévation ou l'abaissement de la température. » A cela, qui était généralement admis, M. Boitard objecte que « la léthargie des Marmottes, pas plus que celle de tous les animaux hiber- nants, n'est point du tout un sommeil, mais une suspension plus ou moins complète de toute circu- lation; dans ce cas, aucun genre de nutrition ne peut s'opérer; la graisse leur devient donc parfaite- ment inutile pendant leur engourdissement; d'ailleurs, quand on déterre des Marmottes à la fin de l'automne, on en trouve de grasses, mais on en prend aussi de très-maigres; de quoi se nourrissent ces dernières? Cette graisse, quand elles en ont, ne leur peut donc être utile qu'au printemps, lors- qu'elles sortent de leur trou et qu'elles ne trouvent alors qu'une nourriture peu abondante. » L'état léthargique dure dej uis le commencement de décembre jusqu'à la fin d'avril, et quelquefois depuis octobre jusqu'en mai, selon que l'hiver a été plus ou moins long. Quel que soit le froid qu'ils aient à supporter quand ils sont sortis de leur état normal, soit par la maladie, soit par un simple chan- gement d'habitude, comme, par exemple, l'esclavage, les animaux hibernants d'une manière générale peuvent mourir gelés, mais ils ne s'engourdissent pas; il en résulte donc que, lorsque l'hiver est très- rigoureux et le froid excessif, les animaux engourdis se réveillent, souffrent beaucoup et finissent par mourir gelés si la température ne change pas après un certain temps; toutefois les Marmottes cou- rent rarement cette funeste chance, parce que leur trou est si profond et si bien bouché, que la tempé- rature se maintient toujours à quelques degrés au-dessus de zéro. Fijf. i — liraphiurc du Cap. Fig. 2. — Coendou à queua prenante. PI 15 RONGEURS. 55 La Marmotte se trouve sur le sommet des montagnes élevées de l'Europe, près des glaciers; en France, principalement, on la rencontre assez souvent dans les Alpes et les Pyrénées. On en a signalé quelques individus dans les parties montagneuses de l'Asie. 2. BOBAC. Buffon. ARCTOMYS BOBAC. Schreber. Caractères spécifiques. — Pelage gris noirâtre en dessus, grisâtre sur les extrémités des mem- bres; queue roussâtre; dessous du corps d'une couleur plus pâle. Légèrement plus grande que la Marmotte commune. Cette espèce est la Marmotte de Pologne des voyageurs et le Mus arctonufs de Pallas; elle habite non-seulement la partie septentrionale de l'Europe, mais encore le nord de l'Asie jusqu'au Kamt- chatka; elle n'est pas rare en Pologne, et il parait qu'elle ne descend guère au-dessous de cette latitude. Ses habitudes sont les mêmes que celles de la Marmotte commune; mais, comme elle vit dans des pays beaucoup plus froids, elle ne creuse son habitation que sur le penchant des collines peu élevées, à l'exposition du midi. Elle recherche surtout les plantes oléracées pour sa nourriture, et creuse son terrier dans des terrains très-durs. Les autres espèces sont : 1° Monax, Edwards, ou Marmotte dd Canada, Buffon; Arctoinijs monax, Linné, des États-Unis d'Amérique; 2° M. de Québec, A. empêtra, Schreber, du Canada; 5' A. cali- gnia, Eschschaltz, de la baie de Bristol; et i" Ihjrax Hndaonms, Schreber, ou A. bradnjurus, Har- lan, type du genre Lipiira, llliger, et propre à la baie d'Hudson, M. kaup a signalé dans les sables d'Eppelsheim des débris d'une Marmotte fossile qu'il nomme Arclomiis prîmigeniti, et qui est plus grande que la Marmotte commune; on l'a aussi trouvée à la bar- rière de Fontainebleau, à Niort, et aux environs d'Issoire. M. Pom.el signale également, dans les alluvions ponceuses d'Auvergne, des débris d'un autre Arclomijs. DEUXIÈME FAMILLE. MURîDÉES. Mf//î/i).«:. Isidore Geoffroy Saint-Iïilairc. •^^ J^ Quatre molaires au plus de chaque côlé des deux mâchoires. *«; — ---' Yeux de (jrandcur ordinaire. Pas d'abajoues extérieures. Roucjeuvs fortement clavicules. Linné a compris sous la dénomination générique de Rat, ou plutôt de Mus, la plus grande partie des Rongeurs connus de son temps; car, en efi'et, ces animaux ont, avec la Souris ou le |^.j; des an- ciens, un assez grand nombre de points de ressemblance. Toutefois, les progrès de la science n'ont pas permis aux naturalistes modernes de confondre sous une même dénomination tant d'espèces qui, quoique assez semblables entre elles sous beaucoup de rapports, diffèrent aussi d'une manière très- sensible par la disposition de leur système dentaire et de leur squelette, par leurs organes des sens, par leurs mœurs et par leur habitat. Les Mus de Linné ont donc été divisés à mesure qu'on les a mieux connus, et le nombre des genres qu'on a fondés à leurs dépens est aujourd'hui de plus de cent. La plupart de ces coupes génériques peuvent être admises comme basées sur des caractères 50 IIISTOIIiK NATUI'.r.LM'. assez impôrt;>nts; niais un ccilain noiiibri' d en ire elles peuvent èlro rejelees comme iiiniiles. C'esl, avec ce grand i^roupe qu'on :i créé la famille des Muridés ou Muriens, et l'on y a, particulièrement M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, fait rentrer quelques autres genres linnéens, tel que celui des Castors. D'une manière générale, les Mnridés sont caractérisés par leurs molaires, le plus souvent au nom- bre de trois paires, par leurs yeux de grandeur ordinaire, leurs oreilles assez peu développées, leurs membres constitués à peu près comme ceux du Hat, et par leur queue plus ou moins longue; en ou- tre, leur tête est assez petite, leur trou sous-orbitaire est médiocre, allongé verticalement et tout dif- férent de celui des Sciuridés, qui est très-petit, aussi bien que de celui des Porc-Épics, Écbimys, Ca- biais. Chinchilla, etc., qui est, au contraire, très-ample. Les Muridés, d'après la plupart des auteurs et priiu;ipalement selon M. Isidore Geoffroy Saiiit-Ui- laire. comprennent les Castors, les [>ats proprement dits et les nombreuses subdivisions qu'on y a formées, les Loirs, les Gerboises et les Hélamys, qui chacun forment des tribus particulières, qui ont reçu les dénominations de Castoriens, Muriens, Gliriens, Dipodiens et Ilélamyens. Tous les zoolo- gistes ne sont pas cependant du même avis, et c'est ainsi que M. Paul Gervais laisse le Casior dans la famille des Sciuridés, et qu'il le regarde comme le représentant aquatique des animaux de ce groupe naturel. l>'un autre côté, si l'on n'avait égard qu'aux caractères extérieurs, on réunirait aux animaux de cette famille plusieurs Rongeurs qui en diffèrent toutefois notablement, et même cer- tains autres Mammifères, comme les Musaraignes, de la famille des Insectivores; mais des carac- tères de première valeur les en séparent aisément. Les Muridés sont, en général, des animaux assez petits; peu d'entre eux atteignent une taille moyenne, et surtout un très-petit nombre une taille élevée. Us sont répandus dans toutes les parties du monde; car l'Océauie, qui comprend si peu de Mammifères ordinaires, en possède un certain nombre: mais c'est surtout l'Amérique et l'Europe qui en renferment le plus. Ces Ptongeurs sont omnivores, et l'on sait les dégâts considérables qu'ils occasionnent à nos plan- tations, à nos champs, aux objets nombreux que nous emmagasinons pour l'exportation industrielle ou pour la consommation locale, etc. D'après cela, on comprend de quelle utilité est leur étude, quoi- que en eux-mêmes ils ne présentent rien de bien remarquable. Ainsi que nous l'avons dit, nous subdivisons celte famille en cinq tribus : celles des Castoriens, HTurkns, Gliriens, Dipodiens et Ilélantijens. PREMIÈRE TRIBU. CASTORIEINS. CASTORII. Nobis, Quatre molaires de chaque côté aux deux mâchoires Membres postérieurs légèrement plus longs que les antérieurs. Pattes postérieures entièrement palmées. Queue plate. Rongeurs essentiellement aquatiques Un seul genre d'animaux actuellement vivants entre dans cette tribu, c'est i:elui des Castors; deux groupes d'animaux fossiles, les Trogoniherium et les Steneofiber, doivent y être joints et ne con- stituent guère que deux subdivisions secondaires d'un même genre. Les deux caractères qui, immédiatement, distinguent les Castoriens des autres Muriens et même de tous les Plongeurs, consistent dans leurs pattes de derrière, qui sont entièrement palmées et leur ser- vent comme de rames, et dans leur queue aplatie horizontalement en forme de large spatide que re- P.ONGKLUS. 57 couvrent des écailles. Chez certaines Marmottes, et principalement dans VArctomijs cnijicira, les pat. tes de derrière présentent déjà des membranes qui unissent les doigts: c'est un rapport que Ion doit signaler entre les deux divisions. On sait que l'instinct, on peut même en quelque sorte dire l'intelligence des Castors, est Irès-dé- veloppée, ce que montrent surtout les retraites qu'ils savent se construire; nous nous en occuperons avec soin en traitant l'histoire du genre Castor on Fiher, que nous terminerons en donnant quelques détails sur les Trogoniherium et Steneofiber. GENRE UNIQUE. — CASTOR. FIBER. Linné, 1755. Systema nalurae. Fiber, nom appliqué à l'espèce typique du genre par les anciens. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstème dentaire : incisives, |; molaires, |^; en totalité vnujl dents. Incisives trh-forlcs, h face antérieure plate et à face postérieure anguleuse. Molaires composées, aijanl leur couronne h peu près plate et présentant des circonvolutions de l'émail et dc^s écliancrures sur les côtés; trois ex- ternes et une interne à la mâchoire supérieure, et une externe et trois internes à ta mâchoire inférieure. Ligne dentaire supérieure plus écartée postérieurement; les inférieures, au contraire, plus éloignées l'une de l'autre en avant. Yeux petits. Oreilles courtes, arrondies. Doigts au nombre de cinq à tous les pieds; les antérieurs courts, peu séparés; les postérieurs plus longs, réunis par une membrane. Deux poches, situées de chaque côté des organes génitaux des mâles, renfermant une matière onctueuse, odorante, appelée castor eum. Queue large, déprimée, ovalaire, nue et écailleuse. c.-_ Fig. 19. — Castor d'Europe. Ues Grecs et les Latins désignaient sous les noms de vadTw? et de Fiber notre Castor terrier et so- litaire, connu plus particulièrement autrefois en France sous la dénomination de Bièvre; car ils igno- r.« 8 ÔS HISTOIRE NATUnELI.K. raient l'cxislence dos Castors qui vivent en soeiélé, et qui se eonsiruisent i:. tenir debout. A mesure que les uns plantent ainsi Umu-s pieux, les autres vont chercher de la terre, qu'ils gAchent avec leurs pieds et battent, dit-on, avec leur qucuc; ils la porlcnl dans leur gueule et avec les pieds de devant, et ils en transportent une si grande quantité, qu'ils en remplissent tous les intervalles de leur pilotis, (le pilotis est composé di> plusieurs ranii;s de pieux, tous égaux en hauteur et tons plantés les uns contre les autres; il s'étend d'un bord à l'autre de la rivière; il est rempli et maçonné partout : les pieux sont plantés verticalement du côté de la chute de l'eau; tout l'ouvrage est, au contraire, en talus du côté qui en soutient la charge, en sorte que la chaussée, qui a dix ou douze pieds de largeur à sa base, se réduit à deux ou trois pieds d'épaisseur au sommet; elle a donc non-seulement toute l'étendue, toute la solidité nécessaires, mais encore la forme la plus convenable pour retenir l'eau, l'empêcher de passer, en contenir le poids et eu rompre les etïorts. Au haut de la chaussée, c'est-ù-dire dans la partie où elle a le moins d'épaisseur, ils pratiquent deux ou trois ouvertures en pente, qui sont autant de décharges de superficie qu'ils élargissent ou rétrécissent se- lon que la rivière vient à hausser ou baisser, et lorsque, par des inondations très-grandes ou trop subites, il se fait quelques brèches à leur digue, ils savent les réparer et travaillent de nouveau dès que les eaux sont baissées. « 11 serait superflu, après cette exposition de leurs travaux pour un ouvrage public, de donner encore le détail de leurs constructions particulières si dans une histoire l'on ne devait pas tenir (ompte de tous les faits, et si ce premier ouvrage n'était pas fait dans la vue de rendre plus commodes leurs petites habitations : ce sont des cabanes, ou plutôt des espèces de maisonnettes bâties dans leau sur un pilotis plein, tout près du bord de leur étang, avec deux issues : l'une pour aller à terre, l'autre pour se jeter à l'eau. La forme de cet édifice est presque toujours ovale ou ronde; il y en a de plus grands et de plus petits, depuis quatre ou cinq jusqu'à huit ou.dix pieds de diamètre: il s'en trouve aussi quelquefois qui sont à deux ou trois étages; les murailles ont jusqu'à deux pieds d'épaisseur; elles sont élevées aplomb sur le pilotis plein, qui sert eu même temjvs de fondement et de plancher à la maison. Lorsqu'elle n'a qu'un étage, les murailles ne s'élèvent droites qu'à quelques pieds de hauteur, au-dessus de laquelle elles prennent la courbure d'une voûte en anse de panier; cette voûte termine l'édifice et lui sert de couvert; il est maçonné avec solidité, et enduit avec pro- preté en dehors et en dedans; il est impénétrable à l'eau des pluies, et résiste aux vents les plus im- pétueux; les parois en sont revêtues d'une espèce de stuc si bien gâché et si proprement appliqué, qu'il semble que la main de l'homme y ait passé; aussi la queue leur sert-elle de truelle pour appli- quer ce mortier, qu'ils gâchent avec leurs pieds. Ils mettent en œuvre différentes espèces de maté- riaux, des bois, des pierres, et des terres sablonneuses qui ne sont pas sujettes à se délayer par l'eau; les bois qu'ils emploient sont presque tous légers et tendres; ce sont des aunes, des peupliers, des saules, qui naturellement croissent au bord des eaux, et qui sont plus faciles à écorcer, à couper, à voiturer que des arbres dont le bois serait plus pesant et plus dur. Lorsqu'ils attaquent un arbre, ils ne l'abandonnent pas qu'il ne soit abattu, dépecé, transporté; ils le coupent toujours à un pied ou un pied et demi de hauteur de terre; ils travaillent assis, et, outre l'avantage de cette situation commode, ils ont le plaisir de ronger continuellement de l'écorce et du bois, dont le goût leur est fort agréable; car ils préfèrent de l'écorce fraîche et du bois tendre à la plupart des aliments ordi- naires; ils en font une ample provision pour se nourrir pendant l'hiver; ils n'aiment pas le bois sec. C'est dans l'eau et près de leurs habitations qu'ils établissent leur magasin; chaque cabane a le sien proportionné au nombre de ses habitants, qui tous y ont un droit commun, et ne vont jamais piller leurs voisins. On a vu des bourgades composées de vingt ou de vingt-cinq cabanes; ces grands éta- blissements sont rares, et cette espèce de république est ordinairement moins nombreuse; elle n'est le plus souvent composée que de dix ou douze tribus, dont chacune a son quartier, son magasin, son habitation séparée; ils ne souffrent pas que des étrangers viennent s'établir dans leurs enceintes. Les ])lus petites cabanes contiennent deux, (juatre, six, et les plus grandes dix-huit, vingt, et même, dit-on, jusqu'à trente Castors, presque toujours en nombre pair, autant de femelles que de mâles; ainsi, en comptant au rabais, on peut dire que leur société est souvent composée de cent cinquante ou de deux cents ouvriers associés, qui tous ont travaillé d'abord en corps pour élever le grand ou- vrage public;, et ensuite par compagnie pour édifier des habitations particulières. Quelque nom- breuse que soit cette société, la paix s'y maintient sans altération; le travail commun a resserré leur union; les commodités qu'ils se sont procurées, l'abondance des vivres qu'ils amassent et consom- RONGKURS. 65 ment ensemble, servent à l'entretenir; des appétits modérés, des g:oills simples, de l'aversion pour la chair et le sang, leur ôtent jusqu'à l'idée de rapine et de guerre : ils jouissent de tous les biens que l'homme ne sait que désirer. Amis entre eux, s'ils ont quelques ennemis en dehors, ils savent les éviter: ils s'avertissent en frappant avec leur queue sur l'eau un coup qui retentit au loin dans toutes les voûtes des habitations; chacun prend son parti, ou de plonger dans le lac, ou de se receler dans leurs murs, qui ne craignent que le feu du ciel ou le fer de l'homme, et qu'aucun animal n'ose en- treprendre d'ouvrir ou de renverser. Ces asiles sont non-seulement très-sûrs, mais encore très-pro- pres et très-commodes; le plancher est jonché de verdure; des rameaux de buis et de sapin leur ser- vent de tapis, sur lequel ils ne fontni ne souffrentjamais aucune ordure: la fenêtre qui regarde sur l'eau leur sert de balcon pour se tenir au frais et prendre le bain pendant la plus grande partie du jour; ils s'y tiennent debout, la tête et les parties antérieures du corps élevées, et toutes les parties posté- rieures plongées dans l'eau; cette fenêtre est percée avec précaution; l'ouverture en est assez élevée pour ne pouvoir jamais être fermée par les glaces, qui, dans le climat de nos Castors, ont quelque- fois deux ou trois pieds d'épaisseur; ils en abaissent alors la tablette, coupent en pente les pieux sur lesquels elle était appuyée, et se font une issue jusqu'à l'eau sous la glace. Cet élément liquide leur est si nécessaire, ou plutôt leur fait tant de plaisir, qu'ils semblent ne pouvoir s'en passer; ils vont quelquefois assez loin sous la glace, c'est alors qu'on les prend aisément en attaquant d'un côté la cabane, et les attendant en même temps à un trou qu'on pratique dans la glace à quelque distance, et où ils sont obligés d'arriver pour respirer... « C'est au commencement de l'été que les Castors se rassemblent; ils emploient les mois de juillet et d'août à construire leur digue et leurs cabanes; ils font leur provision d'écorce et de bois dans le mois de septembre, ensuite ils jouissent de leurs travaux, ils goûtent les douceurs domestiques; c'est le temps du repos, c'est mieux, cest la saison des amours. Se connaissant, prévenus l'un pour l'autre par l'habitude, par les plaisirs et les peines d'un travail commun, chaque couple ne se forme pas au hasard, ne se joint pas par pure nécessité de nature, mais s'unit par choix et s'assortit par goût; ils passent ensemble l'automne et l'hiver; contents l'un de l'autre, ils ne se quittent guère; à l'aise dans leur domicile, ils n'en sortent que pour faire des promenades agréables et utiles; ils en rapportent des écorces fraîches, qu'ils préfèrent à celles qui sont sèches ou trop imbibées d'eau. Les femelles portent, dit-on, quatre mois; elles mettent bas sur la fin de l'hiver, et produisent ordinaire- ment deux ou trois petits; les mâles les quittent à peu près dans ce temps; ils vont à la campagne jouir des douceurs et des fruits du printemps; ils reviennent de temps en temps à la cabane, mais ils n'y séjournent plus : les mères y demeurent occupées à allaiter, à soigner, à élever leurs petits, qui sont en étal de les suivre au bout de quelques semaines; elles vont à leur tour se promener, se ré- tablir à l'air, manger du Poisson, des Écrevisses, des écorces nouvelles, et passent ainsi l'été sur les eaux, dans les bois. Ils ne se rassemblent qu'en automne, à moins que les inondations n'aient renversé leur digue ou détruit leurs cabanes; car alors ils se réunissent de bonne heure pour en ré- parer les brèches. « Il y a des lieux qu'ils habitent de préférence, où l'on a vu qu'après avoir détruit plusieurs fois leurs travaux, ils venaient tous les étés pour les réédifier, jusqu'à ce qu'enfin, fatigués de cette per- sécution et affaiblis par la perte de plusieurs d'entre eux, ils ont pris le parti de changer de demeure eX de se retirer au loin dans les solitudes les plus profondes. C'est principalement en hiver que les chasseurs les cherchent, parce que leur fourrure n'est parfaitement bonne que dans cette saison; et lorsque, après avoir ruiné leurs établissements, il arrive qu'ils en prennent en grand nombre, la société, trop réduite, ne se rétablit point; le petit nombre de ceux qui ont échappé à la mort ou à la captivité se disperse; ils deviennent fuyards; leur génie, flétri par la crainte, ne s'épanouit plus; ils .s'enfouissent, eux et tous leurs talents, dans un terrier, où, rabaissés à la condition des autres animaux, ils mènent une vie timide, ne s'occupent plus que des besoins pressants, n'exercent que leurs facultés individuelles, et perdent sans retour les qualités sociales que nous venons d'ad- mirer... « Tous les voyageurs s'accordent à dire qu'outre les Castors qui sont en société, on rencontre partout dans le même climat des Castors solitaires, lesquels, rejetés, disent-ils, de la société par leurs défauts, ne participent à aucun de ses avantages, n'ont ni maison, ni magasin, et demeurent, comme le Blaireau, dans un boyau sous terre : on a même appelé ces (vastors solitaires Castors 1er- C4 HISTOIRE NATURELLE. ricrs; ils sont aisés à reconnaître; leur robe est sale, le poil est rongé sur le dos par le froltement de la terre; ils habitent coninio les autres assez volontiers au bord des eaux, où quelques-uns même creusent un fossé de quehiues pieds de profondeur pour former un petit étang qui arrive jusqu'à l'ouverture de leur terrier, qui s'étend quelquefois à plus de cent pieds en longueur, et va toujours en s'élevant afin qu'ils aient la facilité de se retirer en haut h mesure que l'eau s'élève dans les inon- dations; mais il s'en trouve aussi, de ces Castors solitaires, qui habitent assez loin des eaux dans les terres. Tous nos Bièvres d'Europe sont des Castors terriers et solitaires, dont la fourrure n'est pas à beaucoup prés aussi belle que celle des Castors qui vivent en société. Tous différent par la couleur, suivant le climat qu'ils habitent; dans les contrées du nord les plus reculées, ils sont tous noirs, et ce sont les plus beaux; parmi ces Castors noirs, il s'en trouve quelquefois de tout blancs ou de blancs tachés de gris, et mêlés de roux sur le chignon et sur la croupe. A mesure qu'on s'éloigne du nord, la couleur s'édaircit et se mêle; ils sont couleur de marron dans la partie septentrionale du Canada, châtains vers la partie méridionale, et jaune ou couleur de paille chez les Illinois. Un trouve des Castors en Amérique depuis le trentième degré de latitude nord jusqu'au soixantième et au delà; ils sont très-communs vers le nord, et toujours en moindre nombre à mesure qu'on s'avance vers le midi : c'est la même chose dans l'ancien continent; on n'en trouve en quantité que dans les contrées les plus septentrionales, et ils sont très-rares en France, en Espagne, en Italie, en Grèce et en Egypte... Fig. 20. — Castor du Canada. « Les Castors habitent de préférence sur les bords des lacs, des rivières et des autres eaux dou- ces; cependant il s'en trouve au bord de la mer, mais c'est principalement dans les mers septentrio- nales et surtout dans les golfes méditerranéens qui reçoivent de grands fleuves, et dont les eaux sont peu salées. Ils sont ennemis de la Loutre; ils la chassent et ne lui permettent pas de paraître sur les eaux qu'ils fréquentent. La fourrure du Castor est encore plus belle et plus fournie que celle de la Loutre; elle est composée de deux sortes de poils : l'un plus court, mais très-touffu, fin comme le duvet, impénétrable à l'eau, revêt immédiatement la peau; l'autre plus long, plus ferme, plus lustré, mais plus rare, recouvre ce premier vêtement, lui sert, pour ainsi dire, de surtout, le défend des or- dures, de la poussière, de la fange : ce second poil n'a que peu de valeur, ce n'est que le premier que l'on emploie dans nos manufactures. Les fourrures les plus noires sont ordinairement les plus fournies, et par conséquent les plus estimées; celles des Castors terriers sont fort inférieures à celles des Castors cabanes. Les Castors sont sujets à la mue pendant l'été, comme tous les autres Quadru- pèdes; aussi la fourrure de ceux qui sont pris dans cette saison n'a que peu de valeur. La fourrure des Castors blancs est estimée à cause de sa rareté, et les parfaitement noirs sont presque aussi rares que les blancs. « Mais, indépendamment de la fourrure, qui est ce que le Castor fournit de plus précieux, il donne encore une matière dont on a fait un grand usage en médecine. Cette matière, que l'on a appelée castortum, est contenue dans deux grosses vésicules que les anciens avaient prises à ton pour les testicules de l'animal. Les sauvages tirent, dit-on, de la queue du Castor une huile dont ils se ser- vent comme de topique pour différents maux. La chair du Castor, quoique grasse et délicate, a ton- HONG ECUS. C: jours un goût amer assez désagréable : on assure qu'il a les os excessivement durs; ses dents sont également très-dures, et si tranciiantes, qu'elles servent de couteau aux sauvages pour couper, creu- ser et polir le bois. Ils s'habillent de peaux de Castors, et les portent, en hiver, le poil contre la chair : ce sont ces fourrures, imbibées de la sueur des sauvages, que l'on appelle Castors fjras, dont on ne se sert que pour les ouvrages les plus grossiers. » Les peaux de Castors forment une grande branche du commerce des Européens dans les parties septentrionales de l'Amérique. On les distingue, sous ce rapport, en trois sortes : les Castors rjras, dont nous avons dit quelques mots; les Castors neufs et les Castors secs. Les Castors neufs sont les peaux des Castors qui ont été tués pendant l'hiver et avant la mue; elles sont très belles, et ne sont employées que comme fourrures. Les Castors secs proviennent de la chasse d'été, durant le temps de la mue : ces dernières peaux, qui ont perdu une partie de leurs poils, ne servent qu'au feutrage, et sont employées par les chapeliers; mais on doit dire que, depuis l'invention des chapeaux de soie, elles sont beaucoup moins recherchées qu'autrefois. On fait aussi des draps avec le poil de Castor mêlé avec de la laine de Ségovie; mais ces draps, par leur qualité, sont infiniment au-dessous des draps ordinaires; ils ne gardent pas bien la teinture, et deviennent secs et durs comme le feutre. Un autre produit du Castor est le cnstoreum, substance résinoïde d'un brun rougeàtre à l'exté- rieur et d'un fauve jaunâtre à l'intérieur; d'une odeur forte, pénétrante et fétide; d'une saveur acre et amère, et qui est composée de castoriiie, d'une huile volatile, de résine, de mucus, d'albumine, d'osmazône, de carbonate, de benzoate, etc. Administré en médecine sous forme de teinture alcooli- que à la dose de dix à vingt grains, il agit comme excitant de la circulation et sédatif du système nerveux; aussi est-il employé dans l'hystérie, l'hypocondrie, etc. Daubenton a donné, dans V Histoire naturelle de Buffon, quelques détails sur l'ostéologie du Cas- tor; nous renvoyons le lecteur à ce travail, que nous ne pouvons analyser ici, ainsi qu'à VAnatoinie comparée de G. Cuvier. Parmi les autres points de l'anatomie de ce Rongeur, nous dirons seule- ment que le cerveau manque de circonvolutions, tandis que le cervelet, au contraire, est profondé- ment feuilleté dans ses trois lobes. Jl existait autrefois des Castors dans une grande partie de l'Europe septentrionale, et il y en avait également en Angleterre. En France, cette espèce, aujourd'hui limitée à une portion du Rhône, vivait dans une étendue plus considérable du cours de ce fleuve et dans ses principaux affluents, le Gardon, la Durance, l'Isère, etc. Il y avait aussi des Castors dans la Somme, dans la Seine, etc.; la petite rivière de Bièvre, qui se jette dans la Seine à l'extrémité de Paris, près le pont d'Austerlitz, paraît leur devoir son nom, et, dans le Midi, on les appelle aujourd'hui Vibré, dénomination qui a sans doute la même origine que celle de Dicvre, Fiber, etc. Ainsi que nous l'avons dit, le Rhône est le seul fleuve en France qui nourrisse des Castors, et il y en a encore aujourd'hui en assez grande quantité dans la partie méridionale de ce tleuve pour que l'on s'étonne de l'assertion de quelques auteurs au sujet de la disparition complète de ces Rongeurs; cependant il est à craindre que cette extinction ne soit prochaine. Les dégâts qu'ils occasionnent parfois dans les plantations, et en particulier dans les oseraiesou saussaies, le prix de leur fourrure, leurs poches de castoréum, leur chair, qui est bonne à manger; le soin que les naturalistes mettent à se les procurer pour les musé'es publics, sont autant de causes qui hâteront la destruction complète des Castors et même peut-être aussi de ceux plus abondants propresà l'Amérique, Aujourd'hui, on tue de temps en temps des Castors d'Europe auprès d'Arles, ainsi qu'à la hauteur de Beaucaire etTarascon, ou même auprès d'Avignon. Quelques-uns remontent encore au delà, jusqu'au pont Saint-Esprit; et il peut en venir accidentellement dans l'embouchure de l'Isère. Dans certains cas, ils entrent aussi dans le Gardon et dans la Durance. Ceux qui restent dans le Rhône fréquentent les îles de ce fleuve, et ils se retirent dans des terriers qu'ils creusent sous la berge. Nulle part ils ne construisent comme en Amérique; car la présence de l'homme est un obstacle constant à l'exercice de leur industrie; mais G. Cuvier rappelle qu'Albert le Grand, au treizième siècle, a connu les cabanes des Castors européens. M. Paul Gervais, auquel nous empruntons quelques-uns des dé- tails que nous venons de donner, fait observer que, dans la propriété de la Tour-de-la-Motte, à trois lieues de Saint-Gilles, dans le département du Gard, un des terriers habités aujourd'hui par les Castors fut mis à découvert par l'éboulement d'une digue; il servait à plusieurs Castors; sa longueur était de quinze mètres environ, et il occupait toute la largeur de la chaussée; à son intérieur étaient plusieurs compartiments, et l'un d'eux renfermait des branches de saules, dont quelques-unes, fixées en terre, n 0 (w; iiisToim'; nati rkllk. avaient poussé des feuilles. En i,^énéi'al, c'est pendant les grandes eaux et au moment même des fortes crues que Ton prend des Castors Leurs îles, leurs terriers, les endroits où ils se nourrissaient étant alors inondés, ils viennent dans les lieux plus élevés pour y trouver des aliments, et, comme ces lieux sont aussi ceux que l'homme habite le loni*- du fleuve, les Castors y sont plus exposés à être tués ou faits prisonniers. En 18i0, pendant une crue, on en a pris un sur le port même d'Avignon; dans quelques endroits, on les attrape en creusant des trous dans lesquels on met des tonneaux défon- cés et recouverts seulement de branchages, d'herbes et d'un peu de terre : les Castors tombent dans ces pièges et ne peuvent plus en sortir; on s'en empare alors, et il est facile de les conserver vivants, car ils ne cherchent pas à mordre, et ils sont peu difficiles sur le choix des aliments : les jeunes pousses de saules sont cependant la nourriture qu'ils préfèrent, et il est très-probable que le prin- cipe particulier qu'elles renferment donne au castorèum son caractère dominant. Ou prend de temps en temps des Castors au château d'Avignon, en Camargue. Le musée d'Arles possède des jeunes de cette espèce pris sur les bords du Rhône, et, dans plusieurs autres musées, on en conserve des exem- plaires adultes. L'année 1840, qui fut marquée en France par une si terrible inondation, paraît leur avoir été funeste : on en tua alors plus que d'habitude. Autrefois ils étaient plus nombreux, puisque les religieux dune ancienne chartreuse, située sur la rive droite du Rhône, à Villeneuve-les-Avignon, avaient rangé la chair de ces Rongeurs parmi les mets maigres, et qu'ils en vendaient en grand nom- bre des saucissons fort estimés dans le pays. Plusieurs de ces Castors européens ont été conservés plus ou moins longtemps dans nos ménage- ries. « J'ai eu, dit Fr. Cuvier, dans la ménagerie du Jardin du Roi, deux Castors terriers : l'un, en- voyé de Vienne, en Autriche, venait du voisinage du hanube; l'autre avait été pris, presque au moment de sa naissance, dans le Dauphiné, sur les bords du Gardon, et il offrait cette particularité remar- quable d'avoir été allaité par une femme; aussi était-il tout à fait privé, et, sans les dégâts qu'il occa- sionnait en coupant tout ce qu'il rencontrait avec ses fortes incisives, on n'aurait point eu besoin de le tenir renfermé... On leur donnait pour nourriture des branches de saule, dont ils mangeaient l'é- corce; dès que ces branches étaient pelées, ils les réduisaient en petits fragments et les entassaient der- rière la grille de leur cage. Je crus voir dans ce fait une indication du penchant du Castor à bâtir; et, pourvérifier ma conjecture, je leur fis donner delà terre, de la paille et des branches d'arbres. Le len- demain, je trouvai toutes ces matières entassées derrière la grille et la fermant en partie; et, comme ils ne travaillaient pas au grand jour, je fis pratiquer de petites ouvertures dans les volets de leur loge, de manière que j'en tirai assez de lumière pour les observer et non point pour les empêcher de se livrer à leurs travaux. On leur donna de nouveaux matériaux de construction et à l'instant même ils se mirent à l'ouvrage. L'intervalle qui se trouvait entre la grille et les volets qui fermaient la loge, et par où seulement la lumière et l'air pouvaient s'introduire, était toujours le lieu où ils cherchaient à construire. Placés sur le tas de terre, ils la jetaient avec force par derrière eux, ainsi que le bois et la paille qui y étaient mêlés, à l'aide de leurs quatre pattes, et du côté où ils voulaient la transpor- ter; ou bien ils en formaient des pelotes, qu'ils plaçaient entre leur mâchoire inférieure et leurs pieds de devant pour les pousser ainsi jusqu'à leur grille; quelquefois c'était simplement avec la bouche qu'ils portaient ces divers corps, et ils ne paraissaient mettre à cela aucun ordre; à mesure qu'ils plaçaient ces matières, ils les pressaient les unes contre les autres avec leur museau, et, à la fin du travail, il en résulta une niasse épaisse assez solide. Je les ai vus presque toujours travailler seuls, et plusieurs fois je les ai observés, un bâton en travers dans la gueule, cherchant à l'enfoncer à coups redoublés dans leur édifice, sans autre but apparent que d'y placer ce bâton-là de plus. Ils empoi- gnent aussi les corps d'une seule main, et ils peuvent de cette manière prendre et porter les plus petites choses. Lorsque des bouts de bois dépassaient la surface de la grille, ils étaient aussitôt cou- pés. Il leur est arrivé de mêler avec de la terre, dans leurs constructions, le pain ou les racines qu'ils ne mangeaient pas, comme ils y mêlaient le bois ou la paille; mais ils allaient les reprendre quand ils étaient pressés par la faim. Leur propreté était fort grande; ils couchaient constamment à la même place, et ils avaient grand soin de déposer bien loin de là leurs excréments. Quand ils ne dormaient pas, ils n'étaient occuj)és qu'à se lisser le poil avec leurs pattes et à enlever les plus petites impure- tés. Ils mangeaient toujours assis dans l'eau et y apportaient leur nourriture. Lorsqu'ils se croyaient menacés de quelque danger, ils faisaient entendre un bruit sourd, frappaient avec force de leur queue, et se jetaient, avec l'apparence de la colère, sur l'objet qui les irritait. Du reste, l'existence Kiy. I. — Souris d'Éj^ypte. l'ig. 2 — iliniiolle. -' -^ÎJ^>ù,:r-. 1-iu- .",. _ I'; IL'U brun l'i. i: UOA'GEUUS. ' G7 diurne de ces animaux était presque entièrement remplie par le sommeil; et, comme tous deux étaient mâles, ils n'ont pu m'offrir aucune observation sur l'accouplement. Mais il résulte de ce que je viens de rapporter que le Castor terrier ne diffère pas plus du Castor constructeur par l'instinct que par les organes, et que le genre de vie solitaire du premier ne doit être attribué, comme le pensait Buf- ibn, qu'à ce qu'il se trouve en petit nombre dans des contrées où la culture et une grande popula- tion s'opposent au développement de ses dispositions naturelles, à l'existence de ses facultés instinc- tives. » D'après ce que nous venons de dire, on comprend que le Bièvreou Castor de France, Castor Gnl- liœ, Et. Geoffroy Saint-IIilaire, le même que le Castor terrier et que le Can'is Ponticiis des anciens, ne doit pas constituer une espèce distincte du Castor fibcr de Linné, que Lesson nomme Castor Ame- ricanus En effet, nous avons démontré que le premier ne différerait pas du second par ses habi- tudes naturelles si la civilisation n'était pas venue gêner son instinct naturel; et la caractéristique différentielle qu'on en donne, et qui consiste principalement, pour l'espèce européenne, en une taille plus grande, en un pelage plus rude et une queue proportionnellement plus longue, n'offre vérita- blement aucune valeur spécifique. Plusieurs localités où il n'existe plus actuellement de Castors vivants renferment des ossements de l'espèce type de ce genre enfouisdans le sol, et qui semblenttémoigner qu'elles ont été fréquentéesau- trefoispar eux. Ces fossiles de Castors sont principalement enfouis dans les tourbières. Les localités où l'on en a recueilli sont, d'après M. Paul Gervais, Abbeville, dans la vallée de la Somme, les environs de Paris, auprès de Port-à-l'Anglais, à quelque distance du confluent de la Seine et de la Marne: Resson, dans le département de l'Aube; la Ferté-Aleps, dans Seine-et-Oise, et la caverne de Lunel- Viel, dans le département de l'Hérault. D'autres fossiles du genre Castor ont été aussi indiqués par les paléontologistes comme devant constituer des espèces particulières; tels sont les débris trouvés aux Barres, près d'Orléans et ceux de Sansan, et \e Castor Issiodorensis, découvert dans les alluvions ponceuses d'Auvergne par M. Po- mel; mais ces fossiles sont trop imparfaitement connus pour que l'on puisse positivement affirmer qu'ils ne se rapportent pas au Castor fibcr. On peut probablement aussi indiquer comme de la même espèce lesCastor clœveri, Croizet et De Parrieu, des terrains supérieurs d'Issoire; Danubii seu Galliœ, Marcel de Serres, des cavernes de l.unel-Viel, elDasijpus Arvernensls, Croizet et Jobert, des galets d'Auvergne. 11 n'en est pas de même d'autres débris qui constituent bien des espèces particulières, comme le Castor {Cliaiicomiis) sigmodus, P. Gervais, découvert aux environs de Montpellier: et surtout le Castor (Steneofiber) Ficiflccjjsis, Et. Geoffroy Saint-Ililaire, trouvé fossile dans le terrain à Cainotherium el Dremoilicr'mm, de Saint-Géraud-le-Puy, dans le département de l'Allier. D'autres fossiles encore plus caractérisés, et qui constituent le genre Trogontlierhim de M. G. Fis- cher de Waldheim {Zoocpios., 1815^ doivent être rapportés au groupe naturel des Castors. L'espèce principale est le Trogontlierium Werneri, Fischer, trouvé dans le lac de Jaroslawel, dans les envi- rons d'Azof, et qui est de taille beaucoup plus considérable que le Castor ordinaire. Une autre espèce est le Trogontlierium Ciivieri, Fischer, Castor des tourbières, Castor trogonlher'mm, G. Cu- vier, des terrains de quatrième époque de la vallée de la Somme, et, d'après M. Owen, de plusieurs parties de l'Angleterre. DEUXIEME TRIBU. MURIENS. MURir. Isidore Geoffroy Saint-Hilaiiv. • Membres assez allongés; les postérieurs seulement un peu plus longs que les antérieurs. Pattes de derrière en général composées de doigts libres, non palmés on palmés, mais en partie seulement; pattes de devant présentant quatre ou cinq doigts, et celles de derrière constamment cinq. 68 IJISTOIIU': NATURRM.r:. Onçjles Imbiliielleuicnt crochus, cl propres a fouir la terre. Queue arrondie ou comprimée, souvent longue, qucUpicfois très-courte. Sjisicmc (U'uUiirc composé, h chaque mâchoire et de chaque côté, d'une incisive cl de molaires î'ariunt en nombre de dcu.r, trois ou quatre. Yeux' et oreilles disposés comme ceux des liais. Taille cjénéralement très-petite et rarement moyenne. Aspect ressemblant presque toujours à celui de notre liât ordinaire. Le nom de Mus, créé par Linné, ou celui de Rat, a été primitivement appliqué par les naturalistes à tous les Rongeurs de petite taille; mais aujourd'hui il nVst emj)loyé dans le sens rigoureusement méthodique que pour désigner un genre, dont le Hat commun, le Surmulot, la Souris et le Mulot peuvent être cités comme des exemples d'espèces. Mais, si l'on a fondé aux dépens de ce genre lin- néen un nombre considérable de genres, peut-être même trop multipliés, on n'en a pas moins senti la nécessité de les réunir ensemble pour en former une division primaire ou tribu qui les renferme tous, et qui, conséquemment, renferme, en grande partie au moins, le genre Mus de Linné. Dans la classification de M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, que nous suivons presque complètement dans cet ouvrage, cette tribu porte le nom de Muriens, et renferme les genres principaux des Mijopoiame, IJijdromifs, Ondatra, Campagnol, Lemming, Olomys, Rat, Acomys, Hamster, Ctenomijs, Pe- phagomijs, Capromys, Dactijlomys, Nelomys, Echimys, etc., parmi lesquels nous formerons plu- sieurs divisions parliculières, telles que celles des Myopoiamites, Arvicoiites, Muriles, Echi- mysiics, Capromysiies et Clcnomysiles. Cette tribu, dune manière générale, correspond aux Muridce, Gray; aux Murina, Uliger, etc. Les Muriens se trouvent répandus en assez grand nombre sur toute la surface du globe, et, dans quelques cas, sont très-abondants. Ce sont des animaux de petite taille; peu d'entre eux, comme l'Ondatra, sont de taille moyenne; et beaucoup, comme la plupart des Campagnols et comme beaucoup de Rats proprement dits, sont très-petils Ce sont généralement des animaux qui vivent de matière végétale, et dont le plus grand nombre font des provisions de graines; aussi sont-ils très-nuisibles à la culture, et, dans quelques cas même, sont-ils la cause de la ruine complète des agriculteurs. 11 en est aussi qui vivent dans nos maisons et s'attaquent à tout ce qu'ils rencontrent; tels sont le Rat commun, le Surmulot, la Souris, eto., qui, en raison même de ce genre de vie, ont accompagné l'homme partout, et sont devenus, comme lui, cosmopolites. Les mœurs de ces Rongeurs sont très-utiles à étudier avec soin; car ce n'est que de cette étude que l'on pourra tirer les moyens de les détruire; et c'est pour cela que nous nous éten- drons beaucoup sur leur histoire particulière. Outre les espèces nombreuses que Ton voit actuellement vivantes dans toutes parties du monde, il en existait aussi un nombre considérable dans la faune antédiluvienne, ainsi que nous le montre l'é- tude de leurs fossiles, et, ce qui est remarquable, c'est que c'est surtout parmi les animaux paléonto- logiques de cet ordre qu'on trouve le plus grand nombre d'espèces qui se rapportent à des types encore existant aujourd'hui à la surface du globe. Cela tient-il à ce que ces espèces, en général de petite taille et répandues en grand nombre, n'ont pu être détruites aussi facilement que d'autres espèces assez grandes ou de taille moyenne? ou bien cela ne tient-il pas plutôt à ce que l'étude d'animaux si petits étant très-difficile à faire avec soin, on n'a pu reconnaître aussi facilement que pour d'autres grou- pes d'animaux les différences qui peuvent exister entre les espèces actuellement vivantes et les es- pèces fossiles? MYOPOTAMITES. MYOPOTAMITE. Nobis. Pieds assez longs; ceux de devant composés de quatre ou cinq doigts libres, et ceux de derrière palmés, mais non pasjusquà l'exlrémité des doigts. RONGEURS. 09 Queue assez longue, plus ou moins arrondie. Molaires au nombre de deux ou de quatre de chaque côté cl a chaque mâchoire. Taille assez gramle ou moijenne. Corps rappelant un peu, pour la forme, celui du Castor. Nous placerons dans celte division deux genres seulement, ceux des Mijopotames et des IJijdro- mijs; le premier propre au Chili et le second à la Nouvelle-Hollande, et qui ne comprennent chacun qu'un petit nombre d'espèces. Quand on le connaîtra mieux, on pourra probablement aussi y joindre le genre Guillinomys de Lesson, qui ne renferme qu'une espèce unique. Ces animaux sont des Mam- mifères essentiellement aquatiques, d'assez forte taille, et ayant d'assez nombreux rapports avec les Castors, auxquels ils étaient anciennement réunis; mais, en même temps, offrant de i'analogie avec les Rats proprement dits. 1" GENRE. — MYOPOTAME. MYOPOTAMUS. Commerson, HGO; Éiienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1805. Annales du Muséum, t. VJ. Mu;, Rdt; norauio:, fleuve. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, {£-]; molaires, |^; en totalité vingt dents. Incisives fortes, teintes en jaune; molaires grossissant depuis la première jusqu'à la dernière, de même forme à peu près que celles des Castors, c'est-à-dire composées d'un ruban osseux replié sur lui-même; les molaires supérieures ressemblant beaucoup aux inférieures, et n'en différant guère qu'en ce que les pre- mières présentent une échancrure à leur face 'interne et trois à l'externe, tandis que les secondes offrent une disposition tout à fait contraire. Corps de forme rappelant celle du Castor. Tête large; museau obtus. Oreilles petites, rondes. Pieds longs, pentadactijles; ceux de devant libres, et ceux de derrière palmés; les pouces anté- rieurs tr'es-courts. Ongles gros, obtus, peu arqués. Queue allongée, conique, forte, écaïUeuse, parsemée de gros poils. Le genre Myopotame, indiqué depuis longtemps par Commerson et même par Molina, n'a été véri- tablement connu et bien établi que vers le commencement de ce siècle. Etienne Geoffroy Sainl-llilaire, réunissant au Quouya, nom sous lequel D'Âzara avait fait connaître l'espèce typique de ce groupe, deux autres Rongeurs rapportés de la Nouvelle-Hollande par Pérou et Lesueur, en avait formé, sous la dénomination d'IJydromys, un genre, qu'il soupçonnait devoir être placé entre les Castors et les Rats d'eau; mais ce n'était que d'après des caractères peu sûrs, tirés seulement des pelleteries du Quouya, que ce Mammifère avait été réuni aux deux autres espèces que nous venons de nommer; aussi plus tard, lorsque des indications plus satisfaisantes furent venues compléter ce qu'on connais- sait de cet animal, les zoologistes, et Etienne Geoffroy Saint-Ililaire lui-même, ont-ils été conduits à faire du Myopotamus de Commerson le type d'un genre distinct, et ont-ils en même temps conservé le groupe des Hydromys pour plusieurs espèces australasiennes. Les niammalogistes n'ont pas tous adopté le nom de Myopotamus \iow désigner ce groupe; quelques-uns, et parmi eux Frédéric Cuvier, lui ont appliqué, d'après Larranhaya, le nom de Potamys (Tre-ay-o;, fleuve; au,-, Rat); d'autres, avec G. Cuvier, l'ont appelé Cou'ia, etc. Nous regrettons que l'espace nous manque pour rapporter les importants détails anatomiques qui ont été donnés sur ces animaux, en Angleterre, par M. Martin et, en France, par M. Lereboullet.,Nous rapporterons seulement un des faits les plus curieux de l'histoire de ces animaux, et qui consiste en ce que les mamelles sont presque dorsales, situées seulement à quelques centimètres de la colonne 70 iiisToiRi' natl'i;i:llr. vertébrale et c'est ce quia valu àcesHongeurs la dénomination de Masionolus {M. Papeiarii) (u.%13 Tc;, mamelle; votc?, dos), que leur a appliqué M. Wesnniël. La place du Myopolame n'est pas délinilivemenl lixéc dans la série des Mammifères; mais, d'a- près renscmhle de ses caractères et de ses mœurs, tout en ne l'éloii^iianl ]ias trop des Mats, et sur- tout du genre Campagnol, on doit très-probablement le rai)proclier également des Castors. L'espèce unique de ce genre est le : 5IY0P0TAME, Commerson, ou COYPOU, Molinn. HIYOPOTAMUS COYPUS. El. Geoffroy Saint-llilaire. Caractkrfs spécifiques. — Teinte générale d'un brun marron sur les parties supérieures du corps : cette couleur s'éclaircissant sur les flancs et passant alors au rou\ vif, d un roux sale et presque obscur sous le ventre; toutefois ce système de coloration étant assez variable, suivant la manière dont le Coypou hérisse ou abaisse ses poils, et cette mobilité dans le ton du pelage provenant de ce que chaque poil est d'un cendré brun à son origine et d'un roux vif à sa pointe. Le feutre, caché sous de longs poils, est cendré brun, d'une teinte plus claire sous le ventre; ses longs poils n'ont, sur ]^>. dos, que leur pointe qui est rousse, et ceux des flancs sont de cette dernière couleur dans la moitié de leur longueur. Comme chez tous les Mammifères qui vont souvent à l'eau, les poils de la queue sont rares, (;ourts, raides, et d'un roux sale, et cet organe lui-même est écailleux dans ses parties nues. Chez quelques individus, la couleur est plus pfde et tend à passer au blanc, ce qui tient peut- être à une maladie albine. Le contour de la bouche et l'extrémité du museau sont blancs; les mous- taches, longues et raides, sont également de la même couleur, à l'exception de quelques poils noirs. I^ femelle ne diffère pas du mâle pour le pelage. La longueur totale de l'animal est d'environ 1*", sur laquelle la queue a plus de 0™,5o. - •:-^--:=== -rrrrS*^ -K * — £a^s-j^ ^ . i"" ^^r^* \C - ^ ~ ''^ifflsl^ ^- i^- g,-^» ^ . v'f Fij!;. 21 . — Myopolainc Cette espèce a reçu des voyageurs et des zoologistes un assez grand nombre de noms; c'est le ihoi'OTAMfc, Mtioi)olamus, Commerson; Coyi'Ou ou Coïpu ci Mus cnijjnts, Molina; nnonija, D'Azara; RONGEUUS. 71 Ihjdromijs coypus, Et. Geoffroy Saint-Ililaire; Polamys co;ipu, A. G. Desmarest; Mus caslorides, Barrow; Couia, G. Cuvier; Mijopolamus coypus, El. Geoffroy Saint-Hilaire, A. G. Desmarest, G. Cu- vier, etc. D'Azara, Molina, et beaucoup plus récemment M. Auguste Saint-Hilaire, ainsi que M. Gay, s'accor- dent à donner au Myopotame un caractère doux : il semble s'attacher à ceux qui prennent soin de lui et mange tout ce qu'on lui offre; il s'apprivoise facilement, aussi a-t on pu le réduire aisément en domesticité. On ne l'entend, dit-on, crier que lorsqu'il est maltraité, et alors sa voix consiste en un petit cri assez perçant. A l'état de nature, il habite les bords tles rivières dans des terriers qu'il sait se creuser, et il nage avec une grande facilité. La femelle fait de cinq à sept petits par portée; elle en a le plus grand soin, et, dans leur jeunesse, les conduit partout avec elle. Cet animal est très-commun dans les diverses provinces du Chili, de Buénos-Ayres et du Tucuman; il se trouve aussi, mais beaucoup plus rarement, au Paraguay et au Brésil. Le Myopotame a, par son pelage, des rapports nombreux avec le Castor; aussi sa fourrure, de même que celle de ce dernier, a-t-elle été souvent employée dans le commerce de la chapellerie. Pen- dant très-longtemps, et avant que l'on eût des détails zoologiques sur cet animal, on en importait, en Europe, les peaux par milliers, et elles portaient le nom de racoucJe; mais aujourd'hui cette bran- che de commerce est presque entièrement détruite. M. Lund a trouvé, dans les cavernes du Brésil, quelques ossements fossiles, qu'il rapporte à une espèce de ce genre et à laquelle il a appliqué la dénomination de Mijopolamus nni'ujuus; mais ces débris fossiles sont loin d'être suffisamment connus, et l'espèce de M. Lund ne peut pas encore être admise d'une manière positive. C'est auprès du genre Myopotame que vient se ranger le groupe générique des Guillinomys (Guil- lino, nom d'espèce; p,-, Bat), indiqué par Lesson, en 1842, dans son ISouveau Tableau du Bcçine animal: Mammifères, et qui ne renferme qu'une espèce, le G. Cliilcnsis, Lesson; Casior hu'ido- br'ius, Molina, ou Guillino, qui se trouve aux bords des eaux douces du Chili. 2'"" GENBE. — IIYDBOMYS. [lYDROMYS. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1805. Annales du Muséum, t. VI. Y^wf, eau; u-'Jî, Rat. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siistème dentaire: incisives, f; molaires, fE^f; en tolalilé douze dénis seulement. Incisives assez minces; molaires simples : la longueur de chacune d'elles étant double de sa largeur; l'émail qui les traverse dans leur milieti se conlournant de manière que leur tranche figure assez bien le chiffre arabe huit (8), ce qui est surtout sensible par deux excavations assez profondes correspon- dant h l'espace circonscrit par les deux cercles qui forment ce chiffre. Pieds de devant à quatre doigts de médiocre longueur, libres, velus, avec des ongles petits, poin- tus, légèrement recourbés, et présentant un pouce rudimentaire ayant un très-petit ongle plat: pieds de derrière à cinq doigts assez longs, réunis jusqu'aux ongles par une membrane large, un peu velue, et terminés par des ongles semblables à ceux des pieds de devayit. Queue longue, ronde, couverte de poils très-courts, peu fournis, un peu plus longs et plus abon- dants à la base, et semblant là une continuation de ceux de la croupe. Nous avons dit, en décrivant le genre précédent, que ce groupe a été formé avec deux animaux qui avaient été placés anciennement à tort avec les Myopotames; depuis on en a fait connaître une troisième espèce. Toutes proviennent de l'Océanie, et ce fait doit être marque; car on ne connaît qu'un très-petit nombre de Mammifères monodelphes propres à cette partie du monde, qui. au con- traire, n'est riche qu'en Marsupiaux. En effet, les seuls .Mammifères monodelphes de la Nouvelle- Hollande ne se rapportent guère qu'aux genres Pteropus, Nydromys, Pseudoimjs, Mus Gerbillusel liapalotis. Le genre qui nous occupe présente des carac^tères particuliers qui l'ont fait considérer 72 IlISTOIin-; NATIJHELLK. comme devant former une tribu particulière à laquelle M. Gray a appliqué la dénomination àihjdro- mhui; toutefois les Ilytlromys offrent quelque analogie avec les Myopotames, et aussi, par leur genre de vie, avec les (lastors. Ces Rongeurs ont à peu près les formes de notre F»at d'eau, et, à ce qu'il paraît, ses habitudes; car, coninie lui, ils vont s'établir près des rivières, dans les excavations du rivage. Ce sont des ani- maux de petite taille. Leurs organes des sens sont Irès-peu connus; l'œil paraît petit; le nez res- semble assez à celui des Rats; les oreilles sont courtes et arrondies. Leurs poils sont de deux sortes : les uns, laineux, forment une bourre assez épaisse, très-fine et très-douce au toucher; et les autres, soyeux, plus longs et plus raides, les recouvrant presque entièrement. La mâchoire supéiieure est garnie de moustaches longues et raides. L'espèce la plus connue est : L'IIYDROMYS A VE.NTRE JAUNE. UYDROMYS CntlYSOGASTER. El. Geoffroy Saint-Iliiairc. Capactèhes spécifiques. — Dessus de la tête, du cou et des épaules, dos, liant des fluncs, croupe, partie postérieure de la cuisse, poignet et doigts des pieds de derrière, d'un brun roux; gorge, cô- tés de la tète et du cou, partie inférieure de l'épaule et bras, poitrine, ventre, partie inférieure des flancs, devant de la cuisse et de la jambe, doigts postérieur et inférieur des membres, d'un roux jaune vif: tour de la bouche blanchâtre; moustaches noires; queue d'un brun noirâtre, avec le bout blanc. Taille semblable à celle d'un petit Lapin. Cette espèce est commune en Tasmanie. Les deux autres espèces de ce genre sont V Uijdroniijs leiicocjasier, Et. Geoffroy Saint-Ililaire, qui habite les îles du canal d'Entrecasteaux, et V IlijUromus fulvogasler, Ogilby, qui provient des bords de la rivière des Cygnes à la Nouvelle-Hollande. Fig. '22. — llydromys à ventre jaune. UJcuxiiiue DiciAtot). AIWiCOLITES. ARVICOLIT^. Nobis. Pieds a cinq doigls; ceux de derrière d'une manière bien manifeste cl ceux de devant n'aiicint le pouce qu'à Vciai riidimentaire et quelquefois très-peu apparent; pas de palmalurc aux pieds "■'^^ Fig. \ - l'illicdicii iii.'lniiiire. Fi;;. 2. — Spnlyx Zeiu l'i. n; RONGEURS. 73 dans les espckes naijcuses, mais les bonis des cloigls garnis de cils raides qui les remplacent Ongles crochus cl indiquant des espèces fouisseuses. Queue linéaire ou arrondie, longue dans la plupart des espèces, mais quelquefois 1res- courte, généralement velue. Siistème dentaire composé de seize dénis : deux incisives et six molaires a chaque mâchoire, dif- férant peu dans les divers genres. Taille mogenne dans un genre; petite et même très-petite dans les autres. Corps, par sa forme générale, rappelant un peu celui des liais proprement dits. Celte divftiion, qui renferme cinq ou six genres, est formée avec le genre naturel des Campagnols de De Lacépède, et renferme un assez grand nombre 'd'espèces propres à presque toutes les parties du monde, mais qui ont été plus particulièrement étudiées en Amérique et surtout en Europe, tant dans les parties méridionales que dans les glaciers des hautes montagnes. La plupart des Arvicolites sont des animaux granivores, formant des magasins de grains et de ra- cines, et faisant aussi de grands dégâts à l'agriculture, et, par leur taille généralement petite, échap- pant souvent à la destruction qu'on cherche à en faire. Ce sont des animaux essentiellement terres- tres, quoique quelques-uns cependant soient, en partie au moins, aquatiques. Les genres que nous admettrons dans cette division sont ceux des Ondatras, des Campagnols ou Arvicola, subdivisés en Hemiotomys, Microtus, Arvicola, Mgodes et Mynomes, et auxquels on peut probablement joindre les deux groupes génériques des Arvicanlhis et Pseudomys, des Sigmodons et des Lemmings. 3'"^ GENRE. — ONDATRA. ONDATRA. De Lacépède et G. Cuvier, 1802. Tableau des Mammifères. Nom d'espèce. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, |e|; en totalité seize dénis. Incisives supérieures pla- nes, taillées en biseau; inférieures aiguës, arrondies antérieur enienl; molaires composées, a cou- ronne plane, et présentant des lames écailleuses iransverses en zigzag. Pieds antérieurs à quatre doigts, le pouce n étant que rudimentaire; pieds postérieurs à cinq doigts : tous très-divisés, avec leurs bords garnis de cils raides remplaçant la membrane des pieds des Castors et autres Mammifères aquatiques. Queue longue, linéaire, comprimée latéralement, à peau nue, granuleuse, parsemée de quelques poils. Des glandes pubiennes sécrétant une matière blanchâtre très-odorante, et la versant par deux canaux, soit h la base du gland du mâle, soit dans le canal de l'urètre de la femelle. Six mamelles ventrales. Le nom d'Ondatra, ou plutôt Ondalhra, a été appliqué, par les Hurons, au Rongeur qui constitue l'espèce unique de ce genre; la plupart des voyageurs qui ont parlé des animaux de l'Amérique sep- tentrionale l'ont fait connaître sous la dénomination de Dai musqué, et c'est sous ce nom que son histoire, sa description et les principaux détails de son anatomie ont été donnés par le docteur Sar- rasin. Ce naturaliste regardait cet animal comme une espèce de Castor, et cette idée fut longtemps partagée par les zoologistes; c'est en effet dans ce genre que Brisson, Linné, Erxleben, etc., le firent entrer. Gmelin l'en sépara; mais ce fut pour le réunir à son Mus coypus, notre Myopotame, et en former la première division de son genre Rat. Cependant Buffon et Daubenton avaient déjà annoncé la grande analogie qui existe entre les formes et l'organisation intérieure de cet animal et du Rat d'eau, et un examen attentif n'a fait que confirmer depuis cette opinion : d'abord à De Lacépède et à G. Cuvier, qui créèrent le genre Ondatra, comprenant la division des Campagnols a pieds palmés, u' 10 74. ISTOIIU-; NATliriKLM;. puis surtout à IV. (liivicr, (|iii n'en taisait (|ii'ii!ic simple espèce du geurc Campaguol. De tout eela. il résulte que le groupe des Ondatras, tout en ayant quelques rapports avec celui des Castors, en a encore plus avec celui des Campagnols, et euliu que l'analogie qu'il a avec les l'iats ne peut le faire trop éloigner de la division (U\sMuriens. ONDATHA. liiillon, ()^DATItA /llumilCVS. Lcsson. Caractkrks SPÉCIFIQUES. — La coulcur générale -du pelage est roussûtre; une bande plus foncée, qui naît au-dessus du nez, s'étend sur tonte la longueur du dos; une teinte grise, légère, se mêle ({uelquefoisà la couleur principale, et cela est produit par les deux sortes de poils dont l'animal est. revêtu : un duvet gris tirant légèrement sur le roux, extrêmement lin et épais, long de 0'",015, re- couvre entièrement la peau, et ce duvet est lui-même recouvert par les poils plus gros, bruns, de la longueur de 0'",003, qui donne la couleur générale. Sa taille approche de celle du Lièvre : sa lon- gueur, viepuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, qui est aussi longue que le corps, est de 0"\035; sa hauteur, au train de devant comme à celui de derrière, est de 0"',010. Fis. 25. — Ondatra. La tète de l'Ondatra est large et aplatie, ressemblant beaucoup à celle du Rat d'eau; il a les yeux grands, les oreilles arrondies, couvertes de poils, très-courtes. C'est un animal bas sur jambes. Ses pieds ont cinq doigts fortement onguiculés, surtout ceux de derrière; mais ils ne sont pas palmés, et l'on observe seulement sur leur côté interne une membrane très-étroite, garnie de poils forts et longs, qui, s'entrelaçant avec les poils de la membrane opposée, équivalent à peu près, pour les ef- fets, à la membrane des animaux à pieds palmés. La queue, garnie d'écaillés comme celle des liais, est aplatie latéralement; mais sa plus grande largeur ne va pas au delà de 0"',015 à 0"',018. Le pe- lage varie assez considérablement dans ses teintes; aussi en distingue-t-on trois variétés principales : RONGEURS. 7.H Tune presque iioiràliT, qui a reçu le nom de n'ujra; l'autre tachetée ou niacalata, et la troisième entièrement blanche ou alha. Quant à l'espèce elle-même, c'est le Mus ou Castor zibctliicus, Linné; le Fihcr zibetliicus, Richardson, et VOvdalra zibctliicus deLesson et des naturalistes modernes. On peut juger, par ses formes générales, que l'Ondatra ne doit point avoir été doué des qualités ni soumis aux besoins qui supposent de la facilité, de l'aisance dans les mouvements. « Son corps al- longé, ainsi que le fait observer Fr. Cuvier, sa tète grosse, ses jambes courtes, s'opposent en effet à une course rapide, à des sauts agiles. Aussi l'Ondatra semble-t-il courir et se mouvoir sur terre avec le même embarras que les Canards : on le voit se balancer dans sa marche comme ces Oiseaux, et alors tourner en dedans, comme eux, l'extrémité antérieure de ses pieds. JJais cette apparente imper- fection est compensée par les goûts, par les habitudes de cet animal, et l'harmonie entre ses facul- tés et ses besoins subsiste toujours parfaite. 11 trouve sa nourriture dans le fond ou sur les bords des eaux, et il passe sa vie dans des terriers qu'il se creuse sur le rivage ou dans des habitations ana- logues <» celles des Castors, qu'il se construit au bord des marais, des étangs, et en général de toutes les eaux dormantes. Mais, si cette industrie pour la construction d'une retraite se rapproche de celle du Castor, elle est bien loin de l'égaler, n C'est pendant l'automne que ces Rongeurs se réunissent en un cert;iin nombre, et le plus souvent par famille; ils choisissent près du rivage un emplacement qui puisse les mettre à l'abri des inonda- tions, tout en leur permettant d'établir des communications avec l'eau, et alors ils s'occupent à tirer, ordinairement du fond de la rivière, la terre argileuse qui doit servir de base à leur construction; ils la pétrissent fortement avec leurs pattes en la mélangeant à des débris de joncs, et, après l'avoir convenablement préparée, ils en forment une espèce de dôme. Celte hutte a environ neuf à douze mil- limètres d'épaisseur, et elle est recouverte à l'extérieur par une couche de joncs épaisse de vingt- quatre à vingt-sept millimètres; sa grandeur varie suivant le nombre des individus qui doivent l'ha- biter, et leur est proportionnelle; et, quand elles ne sont destinées qu'à six seulement, leur diamètre en tous sens est de soixante-six millimètres environ. Une ouverture est ménagée pour communiquer immédiatement avec la terre; mais elle se ferme quand les grands froids sont arrivés. Plusieurs ca- naux souterrains conduisent de l'intérieur de l'habitation au fond de la rivière. C'est par ces der- nières issues que l'Ondatra va chercher sa nourriture et qu'il essaye de s'échapper lorsque quelque danger le menace. La nourriture de ces animaux, qui, en été, se compose d'un assez grand nombre de plantes et de fruits de toute espèce, semble consister uniquement, en hiver, en des racines de quelques plantes aquatiques. On dit cependant que ces animaux ch«isissent de préférence différents Nympliœa, et sur- tout VAcorus calainus. On a quelquefois attribué l'odeur de l'animal à cette dernière plante; mais, aujourd'hui que l'organisation anatomique de l'Ondatra est mieux connue, cette idée n'est plus ad- mise. Il arrive parfois, lorsque l'hiver est très-rigoureux, que les mares au bord desquelles ces Ron- geurs habitent se gèlent dans toute leur profondeur, et alors, assure-t-on, ces animaux ne trouvant plus aucune espèce de nourriture, se dévorent les uns les autres. La voix de l'Ondatra est une sorte de gémissement que l'on peut facilement imiter. Cet animal n'est pas farouche, et, en le prenant jeune, on peut aisément l'apprivoiser. 11 ne nage ni aussi vite, ni aussi longtemps que le Castor : il va plus longtemps à terre; il ne court pas et marche encore plus mal. Fr. Cuvier a donné des détails sur la reproduction de ces animaux, et nous lui emprunterons ceux qui vont suivre « Aussitôt que le printemps renaît, et que les neiges découvrent la terre, les Onda- tras entrent en chaleur; ils sortent alors de leurs cabanes, l'abandonnent, se séparent, et se répan- dent dans les environs, chaque mâle uni à une femelle. Celle-ci met bas, bientôt après, -cinq ou six petits, et une seule fois par an. On ignore la durée de la gestation; mais on sait que les jeunes sont déjà grands au mois d'octobre. Ces animaux passent ainsi toute la belle saison dans l'isolement,, et ne se rassemblent qu'à la lin de l'automne pour construire une nouvelle habitation; car on a ob- servé, dit-on, qu'ils ne retournent jamais à celle de l'année précédente. L'époque du rut est, pour l'Ondatra, plus encore que pour beaucoup d'autres animaux, celle d'une révolution extrêmement re- marquable. Il semble passer alors à une existence nouvelle; de nouveaux orgases se développent en lui; tous ses rapports avec ce qui l'entourait auparavant sont changés, et, s'il éprouve de nouveaux besoins, de nouveaux plaisirs, il court aussi de grands dangers. Tant que le froid le fient renferma; 70 IIISTOIIIK NATIJHEIJ.K. \Ians sa liutlo, ses organes crénérateurs ('talent restés dans une sorte d'oblitéralion telle, que les inatoinistes qui disséquèrent des Ondatras pendant l'hiver cherchèrent en vain les parties dans les- quelles s'élabore la liqueur séminale; leur petitesse fut cause qu'ils ne purent être aperçus. Mais, à peine le désir de la reproduction se fait-il sentir, que ces parties prennent un accroissement subit et considérable, et en même temps se développe un autre organe composé d'un double appareil de glandes duciuel naissent deux canaux qui, après avoir rampé le long de la verge, dans l'Ondatra mâle, viennent aboutir à l'insertion du bolanus: ils rampent de même le long de l'urètre de la fe- melle, et finissent au-dessus du vagin. Ces corps glanduleux sont situés sous le muscle paussier, sur les grands obliques, à un pouce et demi de l'os pubis; ils donnent naissance à une matière assez semblable au lait par sa consistance et par sa couleur, et celte matière répand une forte odeur de musc : d'où est venu le nom de Hnt musqué, sous lequel plusieurs voyageurs nous ont fait connaître l'Ondatra. Cette odeur est même si forte, que, dans quelques cas, elle en devient dangereuse. Sarra- sin en a deux fois été réduit ù l'extrémité. Aussi les sauvages ont-ils donné le nom de puant à un lac et à une rivière sur les bords desquels ces animaux avaient coutume de s'établir. Quant aux voya- geurs qui n'ont vu les Ondatras que hors du temps du rut, quelques-uns nous ont parlé de l'odeur qu'ils répandent comme plus agréable que celle du musc, de la civette, de l'ambre. Au reste, l'odeur musquée paraît être particulièrement propre au règne animal : beaucoup d'animaux de toutes les classes, de tous les ordres, la répandent abondamment; on peut même la produire à volonté, suivant la manière dont on traite certaines matières animales. Nous devons observer que les Rats et plusieurs autres Rongeurs présentent à peu près, à l'époque du rut, les mêmes phénomènes que l'Ondatra; on voit aussi leurs organes de la génération prendre un développement considérable, et on retrouve même chez eux un appareil glanduleux semblable à celui de l'Ondatra : seulement la liqueur qui en provient en diffère beaucoup par l'odeur. » L'Ondatra se trouve dans une grande partie de l'Amérique du Nord; il est surtout assez abondam- ment répandu au Canada. On dit qu'il parait se rencontrer en Amérique partout où se trouve le Cas- tor. La chasse de cet animal a lieu eh tout temps : en hiver, pendant sa réclusion, pour sa chair, que l'on dit être alors très-bonne, et (jui n'est mangeable que pendant cette saison; et pour sa peau, qui s'emploie à la fabrication du feutre, et qui serait aussi utilisée dans l'art du fourreur s'il était possi- ble de la débarrasser entièrement de son odeur musquée. C'est, au contraire, uniquement à cause du musc que cette chasse a lieu en été. Alors le moyen le plus efficace des chasseurs pour l'attaquer est d'imiter la voix des femelles, assez semblable à une sorte de gémissement. Le mâle accourt trompé par ce cri. Dès que le chasseur s'en est emparé, son premier soin est de lui arracher les glandes odo- riférantes; il les enveloppe d''abord dans un morceau de peau, les fait sécher et les livre ensuite au commerce. La chasse d'hiver a lieu principalement lorsque les dégels commencent; le sommet des huttes des Ondatras se montre alors au-dessus des neiges qui restent, et, en pratiquant avec célérité une ouverture dans cette partie, on s'empare de tous les individus qui n'ont pu s'échapper par les canaux souterrains. Le baron De Lahoulan, qui voyageait au Canada vers la fin du dix-seplieme siè- cle, rapporte qu'à cette époque les peaux de Rats musquées entraient en grand nombre dans le com- merce; mais cette pelleterie n'est guère recherchée aujourd'hui, et on ne la trouve que très-rarement chez les fourreurs. 4"- GENRE. — CAMPAGNOL. ABVICOLA. De Lacépède et Cuvier, 180Ô. . Tableau méthodique des Mammifères. Avrum, champ; co?o, j'habite. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sii-iihue dentaire : incisives, j; molaires, jr:^; enlotalilé seize dents. Incisives supérieures ussez lar()es, taillées en biseau; inférieures aiguës; molaires composées, sillonnées sur les côtés, à cou- ronne marquées d\in(jles ou de zigzags formés par la saillie des replis de l'émail : la plus grosse ituée en avant et la plus petite en arrière. Oreilles assez qrandes ou médiocres. /. {^i''- ku Caillai l'I 17 UONGKURS. 77 Taille Irès-peùle; javibcs coitrlcs. Pieds (le devant aijant un rudiment de pouce caché sous la peau et n étant représenté h l'exté- rieur que par un ongle, et présentant quatre doiçjts munis d'ongles assez faibles; pieds de derrière à cinq doigts onguiculés, non garnis de cils sur leurs bords, ni palmés, quoique quelques espèces nagent facilement. Queue ronde, velue, à peu près de In longueur du corps, et rarement courte. Mamelles pectorales et ventrales, en nombre variable de huit à douze. Les Rongeurs dont noifs allons nous occuper maintenant ont toujours été réunis, par les auteurs systématiques anciens, dans le genre des Rats. Gmelin et Pallas avaient à la vérité formé des divi- sions dans ce groupe; mais elles étaient assez vagues : De Lacépède et G. Cuvier en groupèrent les espèces plus naturellement, donnèrent à chacun des sous-genres qu'ils formèrent des caractères pré- cis, et, les premiers, réunirent un certain nombre de Rats sous la dénomination de Campagnols. Ce groupe secondaire est devenu d'abord un genre particulier, puis, dans ces derniers temps, une petite tribu désignée sous les noms ù'Arvicolcc, Lesson-, Arvicolidœ, Waterhouse ; Arvicolina, Ch. R«- naparte, etc. On a donné de nombreux détails sur Tostéologie de la plupart des espèces de Campagnols, et prin- cipalement sur celle de la tète, qui a souvent pu fournir des caractères spécifiques satisfaisants. Nous renvoyons à ce sujet aux nombreuses notices de MM. De Selys-Longchamps, Gerbe, Mariins, etc., et nous nous bornons à dire seulement que le nombre des paires de côtes peut varier de treize à qua- torze, parce que ce fait remarquable a servi pour la classification. Des détails importants ont été pu- bliés sur le système dentaire de ces animaux; nous citerons principalement l'étude consciencieuse qu'en a faite Fr. Cuvier dans son ouvrage classique sur les Dents des Mammifères. Chez les Campagnols, le museau est court, un peu obtus. Les oreilles sont larges, légèrement plus longues que le poil ou, au contraire, beaucoup plus courtes. Il n'y a pas d'abajoues, comme chez beaucoup de Muriens. Les yeux sont petits ou médiocres. Les pieds antérieure ont quatre doigts onguiculés, et une verrue ou un ongle très-petit remplaçant le pouce : les postérieurs ont cinq doigts onguiculés; mais le pouce est très-peu développé. Les ongles sont médiocres, arqués et comme en gouttières en dessous. 11 n'y a ni cils, ni palmures entre les doigts. Dans le plus grand nombre de cas, la queue est de la longueur du quart du corps; dans d'autres, elle dépasse un peu la moitié, et peut même être légèrement plus longue; elle est arrondie, composée de petits anneaux écailleux pres- que toujours revêtus de poils courts. Le choix de la nourriture des Campagnols, qui, au reste, est généralement toute végétale, est très- absolu pour chaque espèce. Les uns sont granivores; d'autres recherchent les herbes aquatiques, et d'autres les racines des plantes potagères. L'existence de plusieurs des espèces de Sibérie est en quelque sorte liée à celle de certaines plantes de la famille des Liliacées, tels que l'ail, les tulipes, les lis, qu'elles dévorent, et dont elles remplissent leurs magasins; car tous les Campagnols sont remar- quables par l'instinct qui les porte plus ou moins à rassembler des provisions dans une case parti- culière de leurs souterrains ou garennes. Ces garennes sont parallèles au sol et plus ou moins lon- gues selon les espèces. La queue de ces Rongeurs n'est pas prenante comme celle des Rats, et leurs ongles sont faits pour fouir et non pour grimper; aussi ne les voit-on jamais sur les arbres et sont-ils toujours sur le sol. La petitesse de leurs yeux et de leurs oreilles indique également que ce sont des animaux essentiellement fouisseurs, et ces habitudes sont d'autant plus prononcées, que ces carac- tères sont plus marqués. Cette règle n'offre aucune exception, ainsi que le fait observer M. De Selys- Longchamps. Certaines espèces sont sujettes à opérer de grandes migrations, mais sans s'établir pour cela dans de nouvelles régions comme les Rats : tel est particulièrement ÏArvicola œconomus, en Asie, et, dit-on, dans le nord de l'Europe. Les Lemmings, qui forment un genre h peine distinct des Campagnols et dont nous nous occuperons immédiatement après, ont aussi ces habitudes au plus haut degré; ils voyagent, comme le Campagnol économe, en ligne droite, par troupes de plusieurs cen- taines de mille, sans se laisser arrêter par aucun obstacle. Plusieurs Campagnols vivent auprès des eaux et semblent même se plaire dans celles-ci; tel est par excellence VArvieola amphibius. D'après la quantité innombrable de ces animaux, selon certaines influences climatériques, et surtout d'après leur genre de vie, on comprend que ce sont des animaux très-nuisibles à l'agriculture, et contre 7S IIISTOIUK NATCl'.ELLi;. lesquels «jii doit prciulro des |)i'('caiilions miles. Les détails des mœurs de ces iloDyeurs sont irès- iiiléressauls à étudier, et nous y reviendrons avec soin en nous occupant plus particulièrement de 'histoire des espèces. Les Canipai^nols ont des représentants en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique; mais seule- ment dans les irgions septentrionales de ces deux dernières contrées: et ils en auraient même en Océa- nie si on devait réunir à ce i^enrc les Pscudomijs de I\l. Gray, ce qui n'est, du reste, pas bien démontré. Ils semblent être étrangers à l'Amérique méridionale et aux parties de l'Afrique et de l'Asie comprises dans l'hémisphère austral. Mais la plus grande majorité des espèces sont particulières à l'Asie cen- trale et à l'Europe; elles paraissent y former des sections géographiques distinctes : les espèces d'Asie sont cantonnées dans des zones séparées dans le sens de la longitude, et d'autres d'après la hauteur du sol; celles cFEurope sont aussi localisées d'une manière très-positive, et, pour ne parler que des principales, nous dirons, d'après M. De Selys-Longchamps, que les Arvicoln mvplnbins, arvalis et rubidiis, semblent être de toute l'Europe transalpine; que VA. terreslris est propre aux Alpes et à la Suisse; VA vionlicola, aux Pyrénées, et probablement à l'Espagne; VA. lùvnlis, et deux autres espèces, aux régions élevées des Alpes; VA . sublerrancns, aux pays situés entre la Meuse et la Seine; les A. (Icslrnclor, Savii, etc.. aux contrées du nord des Alpes; les A. socialis, (cconomus, etc., seraient circonscrites au désert situé entre le Volga et le Jaïck. C'est en 1805 que ce genre a été véritablement établi, par De Lacépède et G. Cuvier, sous la de- nomination iVArvicola, nom qui a été assez généralement adopté en France et en Italie, surtout par Fr. Cuvier, A. G. Desmarest, Lesson, et MM. Ch. Bonaparte, Savi, De Selys-Longchamps, .Martins. Gerbe, etc. ; quoique cependant le nom d' Iliipiidn'us (u-r.o^y.io;, qui vit sous terre), qui lui a été appli- qué, en 181i seulement, par llliger [Prodromiis sijatcmahcus Mammaimmcl Av'mm), a été adopté par certains zoologistes, et surtout par ceux d'Allemagne. Depuis, les Lf.mmikgs (Lcmnius), Geoffroy et G. Cuvier, en ont été séparés avec raison, et s'en distinguent en particulier par leur queue telle- ment courte, qu'elle est à peine visible; et Ton a cherché à y former quelques groupes génériques particuliers, tels que ceux de MicnoxF, {Microtiis), Schranck, et Myode {Mijodcs) (p.u;, Rat; euîo;, as- pect), créé par Pallas {Zooçjraphic Russo-Amihqnc, I, 18H), qui n'ont pas été adoptés, et qui correspondent presque entièrement au groupe des Arv'icola. Plusieurs travaux monographiques ont été i)ubliés sur les Campagnols, et nous citerons seulement ceux que M. De Selys-Longchamps a donnés d'abord dans ses Eludes de Micromammalofjie, puis dans la Revue zoologique de M. Guérin- .Méneville relativement aux espèces européennes de ce groupe, et nous n'indiquerons que dans nos descriptions spécifiques les noms des mammalogistes, principalement nombreux en France, qui ont d.écrit de nouvelles espèces. Selon M. De Selys-Longchamps, la place que le genre des (Campagnols ainsi conçu doit occuper dans la série des Rongeurs clavicules est indiquée par la forme de leurs molaires composées, qui les rapproche des Castors d'une part et des Lièvres d'autre part, qui sont inclaviculés; mais leurs autres affinités ne permettent pas de les classer suivant une série entièrement linéaire; ainsi, les grandes espèces aquatiques à longue queue et à oreilles courtes passent aux Castors par le genre Ondatra, tandis que celles à oreilles et queue courtes inclinent vers les Rats-Taupes ou Aspalax par le genre Lemming. Mais les Campagnols, aussi terrestres, à oreilles et queue plus longues, forment un embran- chement particulier qui se rapproche des vrais Rats ou Mus par plusieurs genres exotiques à dents semi-composées. Dans ses premières notices sur les Campagnols, M. De Selys-Longchamps avait, d'après des consi- dérations tirées de la longueur des oreilles et de la queue de ces Rongeurs, formé des sections et des groupes particuliers, et, quoiqu'il ail, en partie au moins, abandonné cette méthode dans ses der- niers ouvrages, nous n'avons pas cru cependant devoir ne pas nous en servir pour classer les espèces que nous décrirons. Toutefois nous devons, avec le savant mammalogiste de Liège, prévenir que l'on ne doit élever aucune de ces sections au rang de genres ou de sous-genres. Car toutes passent de I une à l'autre par des nuances insensibles dans la longueur de la queue et des oreilles; et, quant au caractère tiré de la racine des dents, il est probable qu'il existe à un degré plus ou moins fort chez d'autres espèces. Quoi qu'il en soit, les groupes que nous admettons sont les suivants : Première section. — i" Groupe. Hem'wlonnjs, De Selys-Longchamps. 5'' Groupe. Hlkrolus, Sciiranck. lioNCEri'.S. 79 l)oii\iènie section, -■ l"' (Ironpc. Arvicola, De St'lys-Ltmgchamps. 'i'Ciroupe. Myodes, {'allas. Troisième section. — ^lynoincs, (raprès un i^enre créé par Raliiiesqae pour des espèces améri- caines qui peuvent rentrer dans le t^roupe des Campai^nols. Enlin nous y réunirons, mais avec doute, les genres, Arvicantliis, Lesson, et P«CH. CAMPAGNOL FA13VE. ARVICOLA FLLVUS. A. G. Desmarest. Caractères spéoifiquks. — Pelage d'un fauve jaunâtre clair en dessus, blanchâtre en dessous. Oreilles externes presque nulles, nues. Pieds d'un jaunâtre clair. Queue de la longueur du tiers du corps. Taille de VArvicola arvalis. Cette espèce, que M. El. Geoffroy Saint-Hilaire range dans le genre Lemming, et Brants dans celui des Hypudœus, habite la France, la Belgique, etc.; mais est excessivement rare partout. M. Selys- Longchamps dit que cet animal est voyageur. G. CAMPAGNOL DE SAVI. ARYICOLA SAVII. Selys-Longchamps. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris brun en dessus, cendré en dessous, bicolore, bru- nâtre sur les parties supérieures, blanchâtre sur les inférieures. Pieds d'un cendré clair. Oreilles externes un peu velues, beaucoup plus courtes que le poil. Queue un peu plus courte que le tiers du corps. Taille de VArvicola arvalis. Ce Campagnol a les formes du précédent; mais ses oreilles sont un peu moins nulles, quoique infi- niment plus courtes que le poil; le pelage est d'un brun gris terreux en dessus et cendré en dessous, ce qui lui donne à peu près l'apparence des individus clairs du Campagnol souterrain. Il se trouve en Toscane, en Lombardie et probablement dans toute l'Italie. M. Grespon affirme qu'il existe aussi en Provence. Il est, comme VArvicola arvalis, sujet à une immense multiplication : le prince Ch. Bonaparte assure qu'on en tua onze mille dans une seule ferme des États romains en une saison. 11 aime les lieux secs, se creuse deux ou trois garennes courtes, dont l'une sert de maga- sin et l'autre de nid. Sa nourriture consiste en céréales, et, dans la campagne de Pise, il semble, d'après M. Savi, montrer une grande préférence pour les fèves, et il en remplit son magasin quand il en trouve l'occasion. Il présente des variétés blanches et tapiréesde blanc {albus et cdbomaculatus). Tout récemment, M. Gerbe (Bévue et Magasin de Zoologie, 1852) a fait connaître une nouvelle e.spè(;e de ce groupe, son Campagnol de Selys (Arvicola Selysii), qui semble établir le passage des Microtus aux Arvicola. Il est, en dessus, d'un fauve ferrugineux, fauve cendré pâle en dessous, avec RONGEURS 83 les côtés (lu corps plus Lrillanls; les pieds d'un cendré blancliAtre; les oreilles proéminentes, poilues; les moustaches grêles, plus courtes que la tète; la queue fauve en dessus, hiancliàtie en dessous. Il vit sur les montagnes de Barcelonnette à une hauteur de deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer. C'est au même groupe que doivent se rapporter le Campagnol incertain (Arvicola hicerlus), De Se- lys, qui habite le midi de la France, et je Campagnol des Pyuknées (^^1. Pyrennicus), Selys, que Ton a trouvé dans les Pyrénées à une grande élévation, dans les régions froides du pic du Midi; et que M. Rambur a également rapporté de la Siei a-Nevada, en Espagne. 7. CAMPAGNOL ÉCONOME. ARVICOLA CECONOMVS Pallas, A G. Dcsinuic.-^t Cap.actères spécifiques. — Pelage brunâtre, résultant du mélange des poils gris foncé et noirâtres; les jaunes étant plus nombreux sur les flancs et sur le dos, et les blanchâtres sur le ventre. Tête pro- portionnellement plus petite et plus courte que dans Y Arvicola arvaiis. Museau plus prolongé, brun à son extrémité, revêtu d'une petite crête de poils hérissés. Oreilles externes nues, beaucoup plus courtes que le poil. Yeux très-petits. Queue égalant à peine le quart du corps, très-bicolore et poilue, noire en dessus, blanchâtre en dessous, composée d'anneaux écailleux entre lesquels s'élèvent des poils nombreux très-longs, surtout à la face inférieure. Taille un peu plus forte que celle de V Arvi- cola arvaiis. Cette espèce, que G. Cuvier nomme Campagnol des prés, et Vicq d'Âzyr Fégoule, a été successi- vement rangé par Pallas et Gmelin dans le genre Mus, par Brants dans celui des Ihjpmlœus, par A. G. Desmarest dans celui des Arvicola. et par Tiedemann dans celui des Lcmmus. Plusieurs auteurs ont pensé que le Campagnol économe se trouvait en Europe; mais M. De Selys- Longchamps croii que ces auteurs ont pris pour lui, soit des Arvicola Savii, soit des Arvicola fui- vus, soit des Arvicola subterraneus, etc., et que cette espèce n'habitait que les vallées profondes et humides de la Sibérie, depuis l'Irtisch jusqu'en Daourie d'une part, et jusqu'au Kanichatka d'autre part : toutefois, le prince Ch. Bonaparte, probablement d'après Eversmann, dit qu'il se montre dans les déserts au nord de l'Oural. C'est un des Rongeurs les plus nuisibles à l'agriculture par les grandes provisions qu'il rassem- ble dans son terrier. C'est un animal fouisseur, se creusant sous les gazons des magasins considéra- bles à côté du terrier qu'il habite, et dans lesquels il rassemble jusqu'à quinze kilos de racines de diverses sortes; les unes de bonne qualité, même pour la nourriture des hommes, et les autres véné- neuses. Il voyage en grandes troupes et toujours en ligne droite, en traversant à la nage les rivières qu'il rencontre sur sa route. 11 s'accouple au printemps, et la première portée est mise bas au mois de mai, et composée seulement de deux ou trois petits. La femelle en fait encore une ou deux dans le restant de l'été et de l'automne. A l'époque du rut, elle répand une odeur très-forte, très-fétide, un peu musquée. En hiver, ce Campagnol ne s'endort pas, et fait usage des provisions qu'il a ramassées pendant l'été. SECTION SECONDE Oreilles exlernes, aussi longues que le poil, bien développées. Yeux variables en grandeur, sou- vent proéminents. i" groupe. CAMPAGNOLS PROPREMENT DITS. ARVICOLA. Selys-Longchanips. Lnco cititlo. Queue de la longueur du tiers ou du quart du corps. Molaires sans racines, caracthr commun Si IIISiOlliK NATlini'LLE. aux groupes prccédeiil.s. Oreilles externes, aussi louyues ou un jieu plus hnKjucs (pie le poil, bien développées 8. CAMPAGNOL SOUTERRAIN MtVICOLA SliUTEliRAlVEUS. Selys-Lcngcliamps. Caractères spécifiques. — Pelage presque entièrenienl a un i,n'is noirâtre plus ou moins foncé, à l'ox(;eption de la gorge, qui est cendré foncé, et du ventre, dont les poils cendrés sont terminés de blanc dans le pelage complet; mais variant quelquefois un peu plus la coloration. Pieds d'un cendré foncé. Oreilles médiocres, presque nues, de la longueur des poils. Yeux très-petits. Queue de la lon- gueur du tiers du corps, bicolore, noirâtre en dessus, blanche en dessous. Taille un peu plus forte que celle de VArvicoln arvensis. Treize paires de côtes. Son pelage est ordinairement du même gris en dessus que la Souris, tandis que VArvicola arven- sis est d'un fauve grisâtre, approchant de la nuance du Mulot. Les très-jeunes individus sont d'un noir un peu bleuâtre uniforme, avec la peau des oreilles blanche. Il habite les environs de Paris, la Flandre et la Belgique, et probablement aussi la Suède. Aux environs de Liège, il est commun dans les jardins potagers situés non loin des rivières. Il se trouve aussi dans les prairies humides, mais jamais dans les champs. Se nourrit de racines, principalement de céleri, de carottes et d'artichauts, et cause par là de grands ravages dans les jardins. Vit tou- jours souterrainement dans ses garennes; aussi ne tombe-t-il que bien rarement dans les trous à découvert que l'on fait pour prendre VArvicola arvensis; c'est au moyen d'une pince à ressort qui l'étrangle au moment où il se saisit de l'amorce qu'on parvient à s'en débarrasser. Ce Campagnol n'est pas sujet à se multiplier comme celui des champs. Chaque famille vit dans un semis séparé de céleri ou d'un autre légume. Dans ses garennes, ou trouve un magasin où il rassemble ses provisions, qui sont composées de petits morceaux de légumes d'égale grosseur; très-souvent ce sont aussi des frag- ments de racine de grand liseron. 9. CAMPAGNOL DES CHAMPS. ARVICOLA ARVALIS. Linné. Caractères spécifiques. — Pelage des parties supérieures d'un fauve jaunâtre plus ou moins mêlé de gris brunâtre, surtout chez les femelles. Une ligne d'un jaune plus pur sur les flancs. Dessous du corps d'un blanc sale. Pieds revêtus de poils plus courts et plus rigides que ceux du corps, d'un blanc jaunâtre. Oreilles assez grandes, plus longues que le poil, garnies de petits poils courts, jau- nâtres. Yeux proéminents, volumineux, si on les compare à ceux du Campagnol souterrain. Queue de la longueur du quart du corps ou légèrement plus longue, couverte de poils courts, d'un jaunâtre sale, à peu près unicolore Huit mamelles, dont quatre pectorales. Treize paires de côtes. Taille de la Souris; ayant environ 0"\015 de longueur pour le corps chez les adultes. Cette espèce est le Campagnol de Buffon; le Mîis arvalis, Linné; Arvicola arvalis, Griffith, Selys; Lemnius arvnlis, Tiedemann; Hypudœus arvalis, Brants; Arvicola agreslis, Fleming; Arvicola vul- garis, A. G. Desmarest, etc. Son système de coloration varie assez considérablement, soit selon l'âge, soit individuellement. Les jeunes ont fréquemment le ventre cendré au lieu de l'avoir blanchâtre. On a indiqué plusieurs variétés, telles que deux variétés albines (albus) : l'une blanche, à yeux rouges, et l'autre d'un blanc jaunâtre; une variété tapirée de blanc {maculatus), et une autre d'un noir profond (ater). Le Campagnol des champs se trouve dans presque toute l'Europe, à l'exception de l'Angleterre et de l'Italie; il est surtout commun en France et en Belgique, s'étend jusqu'à l'ouest de l'Obi, en Sibérie. On l'a observé dans les Alpes à plus de six mille pieds d'élévation près de l'hospice du Saint- Gothard, et on l'a signalé comme propre au pic du iMidi dans les Pyrénées. Mais les plaines cultivées sont la véritable babitation de cet animal, qui y devient un fléau par son extrême multiplication. Avant l'époque de la moisson, il coupe la lige des blés pour en faire tomber l'épi; cette nourriture venant à lui maïujuer, il dévore les racines des jeunes trèfles, ])uis se rejette ensuite sur les champs riONGEUliS. 85 de carottes; et, enfin, à l'approche de l'hiver, après avoir attaqué les semailles de froment, il vient se réfugier en grand nombre dans les meules de blé; et, dans d'autres cas, il se retire dans les bois, où il trouve facilement de quoi subsister jusqu'au printemps, où il va recommencer ses ravages dans les champs. Ce Campagnol vit en société, et, lorsque les femelles veulent mettre bas, ce qui leur arrive deux fois par année, au printemps et en automne, elles creusent une excavation particulière, en garnissent le fond de mousse ou d'herbe sèche, et mettent au monde de six à dix petits. Dans certaines années, ces animaux sont en quantité innombrable dans nos champs et y occasionnent des dégâts énormes; c'est ainsi qu'au commencement de ce siècle le seul département de la Vendée, comme cela est constaté par des procès-verbeaux réguliers, a éprouvé, dans moins de deux années, une perte de près de trois millions par le fait de ces Rongeurs. Mais, dans d'autres années, le nombre de ces animaux diminue considérablement, et ils semblent même disparaître à peu près complètement. Comment expliquer des faits si singuliers? Disons ce qu'en rapporte Fr. Cuvier. « 11 est facile de concevoir l'innombrable multitude de ces animaux toutes les fois que sont détruits les agents qui servent à la réprimer et à maintenir dans la nature cet équilibre par lequel subsistent les êtres qui la composent. 11 ne faut donc pas chercher la cause de cette multiplication dans des circonstances qui auraient favorisé la reproduction de ces animaux, mais dans celles qui ont fait disparaître la puissance qui en détruisait les effets. Les ravages affreux, la famine, que traînent ordinairement après eux les Campagnols dans les cantons où ils s'établissent doivent être des motifs assez puissants pour faire rechercher les causes véritables qui communément bornent le nombre de ces animaux. On pourrait alors prévenir les dangers que l'on aurait à courir. Sans doute plusieurs circonstances concourent à modérer la multiplication des Campagnols; mais, à la manière subite avec laquelle d'innombrables légions de ces animaux paraissent et couvrent de grandes éten- dues de terre, il semble qu'une force plus puissante que celle que nous connaissons agit dans le si- lence et loin de nous pour nous débarrasser de ces dévastateurs; et cette supposition acquiert encore plus de vraisemblance en songeant que ces animaux disparaissent avec la même promptitude avec laquelle ils se sont montrés. Cette question résolue offrirait non-seulement un secours à l'agriculture contre un de ses plus dangereux ennemis, mais elle donnerait encore au philosophe de nouvelles lu- mières sur l'économie générale de la nature. » Pour compléter l'étude des mœurs du Campagnol des champs, qu'il nous soit permis d'emprunter à M. Selys-Longchamps quelques nouveaux détails. « J'ai vu, dit-il, les Campagnols devenir presque rares en certaines années sans que l'on puisse se rendre compte de la cause de cette destruction ni de celle qui les ramène en si grand nombre une ou deux fois tous les dix ans. Je suis tenté de croire qu'ils opèrent de grandes migrations pendant certaines années. C'est sans doute dans une de ces circon- stances que je les ai vus, en iSo'i, envahir eu si grand nombre un jardin potager entouré d'eau et de murailles, qu'il en tombait plus de soixante par jour dans un petit tonneau disposé à cet effet le long des murs. Lorsqu'ils sont poussés par la faim, ils se dévorent les uns les autres. On dit que les pluies continuelles les font périr. Les Oiseaux de proie en détruisent une grande quantité, surtout les Chouettes et les Buses. J'ai disséqué des Buses qui en avaient avalé jusqu'à quinze. Le Héron s'en nourrit également. On voit que ces Oiseaux, qui ne nuisent que rarement aux basses-cours, et pren- nent diflicilement le gibier, doivent être respectés par les agriculteurs, qui confondent à tort dans une même réprobation toutes les espèces d'Oiseaux de proie. Plusieurs procédés ont été essayés pour se débarrasser des Campagnols. On a tenté de les empoisonner au moyen de carottes préparées avec de l'arsenic, que l'on place dans les garennes; mais cette méthode offre des dangers réels pour les autres animaux. On a aussi essayé d enfumer leur demeure, et cette opération est bien préférable, pourvu que l'atmosphère en facilite la réussite. Une excellente pratique, qui est employée par les cul- tivateurs de la llesbaye, dans la province de Liège, consiste à creuser dans les champs, au moyen d'une tarière en fer, un grand nombre de petits trous ronds d'un diamètre de douze à quinze milli- mètres. Les Campagnols y tombent, et on vient les tuer deux fois par jour avant qu'ils n'aient eu le temps de sortir en creusant des garennes latérales. » Du reste, une pratique semblable est indiquée dès 1807 par Tessier comme ayant été mise en usage dans la Vendée par M. Thieffries, ancien officier de cavalerie, cl Tessiev {Dictionnaire des Sciences naturelles, t. VI, p. 319) décrit même avec soin la tarière inventée pour percer les trous dans lesquels tombent les Campagnols qu'on veut détruire. 80 IIISTUIHE NATURELLI'l. Un assez grand nombre dVspèces ont été jadis oonfondnesavec celle-ci et n'en ont été distinguées d'une manière complète que dans ces derniers temps; telles sont : 1° Campagaol BniTANMQin: {Arvîcola Brilanmcns), Selys-Longchamps. — De l'Angleterre et de l'Ecosse, où il parait remplacer 1'^. arvalis, dont il n'est peut-être qu'une variété; c'est l'yl. agrcs- tis. Fleming. 2° CAMrAGNoi, MINEUR (Arv'icola cuniciilarius), Jules Ray, De Selys. — Cette espèce, (jui habite les prairies des environs de Troyes en C-hampagne, diffère principalement de YArvicolu arvalis par ses oreilles plus courtes, plus velues; par sa queue bicolore, le dos plus foncé et le ventre blanchâ- tre, à reflets chamois. 3" Cami'ao'Ol agreste (Arvîcola agrcslis), Linné. — Habite la Suède et la Norwége, depuis la Sca- nie jusqu'au soixante-sixième degré de latitude; mais point dans les montagnes alpines. ¥ Campagnol négligé [Arvîcola neglectus), Thompson. — Se trouve en Angleterre, en Ecosse, en Belgique, en France, au nord de la Seine et à l'ouest de la Moselle, dans les Pyrénées, etc. 5° Campagnol arénicole {Ai^vicola arenicola), De Selys. — Des îles de la mer Baltique et de la Hollande. M. De Selys lui réunit peut-être à tort le Lemmus insularis, Wilson, qui habite les mêmes pays. 6° Campagnol moyen (Arvicola médius), Wilson. — De Laponie et des Alpes norwégiennes. 7" Campagnol a tête de Rat (Arvicola ratiîceps), Keyzerlik et Blassius. — Des parties arctiques de la Russie; d'après M. Sundervall, il serait identique avec le précédent. 8° et 9° Campagnols de Lebrun et de Lavernede (Arvicola Lebninii cl Lavcrncdii), Crespon. — Ces deux espèces, encore incertaines, ont été prises dans le midi de la France. Les deux espèces suivantes, également européennes, seraient très-remarquables si cela se confir- mait, parce qu'elles ne présenteraient que douze paires de côtes : ce sont le Campagnol social (Arvi- cola socialis, A. G. Desmarest), Pallas, des déserts situés entre le Volga et le Jaïk, et 1'^. diiodecim- costatus, Selys, qui est insuflisamment connu, et qui aurait été trouvé auprès de Genève et de Mont- pellier. Parmi les espèces étrangères à l'Europe, nous citerons seulement : 1° le Campagnol des ails (.4. alliaris, Pallas), A. G. Desmarest, qui habite l'Asie et particulièrement la Sibérie; et parmi les espè- ces américaines plus nombreuses, 2° Y Arvicola xantliognalhus, Leach, de la baie d'Hudson; o° Ar- vicola dasijtriclws, Wied, du Brésil; 4° Arvicola Peusglvatica, Ord, des États-Unis; 5° Lemmus Noveboraserisis, Rafinesques, des montagnes Rocheuses; &° Arvicola Borealis, Richardson, de l'Amé- rique du Nord, et 7° Arvicola Gapperi, Vigors, du haut Canada. 2°'e GROUPE. CAMPAGNOLS MURINS. MYODES. Pallas, Selys-Longcbamps, 1811. Zoographie russo-asialiquc. Oreilles externes un peu plus longues que le poil, bien développées. Moustaches très-longues. Queue rarement médiocre et souvent plus longue ou aussi longue rjuc le corps. Dans quelques es- pèces (Arvicola rutilus, Wageri, etc.), les molaires ont des racines chez les vieux individus; mais pas de racines chez les jeunes. Treize paires de côtes. Ce groupe renferme une quinzaine d'espèces propres à l'Europe et à l'Asie, et qui offrent plus de rapports avec les Rats que les premiers Campagnols que nous avons étudiés. Parmi el'es quelques- unes vivent sur les liantes montagnes à une élévation très-considérable au-dessus du niveau de la RONGEURS. 87 mei"; l'une d'elle, décrite récemment par M. Martins, VArvicola nivalis, nous a paru assez intéres- sante pour que nous soyons entré à son sujet dans de grands détails. Fig. 20. — Campagnol (Myodes) de Nager. 10. CAMPAGNOI, DES RUISSEAUX ARVICOLA GLAREOLUS. Schrebcr. Caractères spécifiques. — Pelage des parties supérieures d'un roux ferrugineux, plus ou moins vif selon la saison, les poils étant terminés de noirâtre : la couleur rousse se fond sur les côtés du corps et de la tète en un cendré brun, qui lui-même disparaît pour faire place au blanchâtre du des- sous, avec un glacé roux clair sur tout le .ventre. Oreilles assez grandes, un peu ovales, plus longues que le poil, garnies de petits poils roussâtres; une touffe de poils blancs très-fins et cachée derrière l'oreille. Yeux proéminents. Queue un peu plus longue que la moitié du corps, couverte de poils courts, noirâtres en dessus, d'un blanc jaunâtre en dessous : ces poils cachant les anneaux écail- leux, qui sont au nombre de plus de quatre-vingt-dix. Pieds d'un blanc sale, un peu plus longs que ceux de VArvicola arvalïs, ainsi que les doigts. Taille du Campagnol des champs. Cette espèce, dont la synonymie est très-embrouillée, se rapporte au Mus riuilus, varietas, Pallas; au Lemmus fulvns, Geoffroy, Millet; à ÏArv'icola riifesceiis, ï)e Selys; à VHypudœus hercyniens, Mehlis; au Lemmus rtibidus, Bâillon. Il se trouve dans les bois humides et fréquente le voisinage des petits ruisseaux, sur le bord des- quels il creuse souvent ses garennes; M. Yarrell dit qu'il se construit un nid en laine. On en a trouvé des individus sur les collines qui entourent la ville de Liège. Il semble habiter toute l'Europe entre le quarante-troisième et le soixante-cinquième degré de latitude, excepté en Irlande, et se trouve de l'est à l'ouest entre les Pyrénées et l'Oural. a. CAMPAGNOL DE WAGER. ARVICOLA WAGERI. Schinz, Gerbe. Caractères spécifiques. — Vertex, nuque et dos, d'un roux châtain clairon d'un roux ferrugineux plus ou moins vif; côtés du corps et face d'un cendré brun ou roussâtre; moustaches plus longues que la tête; oreilles grandes, arrondies, noirâtres ou brunâtres dans leur moitié supérieure, et plus claires dans la partie inférieure; pieds blanchâtres; queue à peu près de la longueur du corps, noi- râtre ou brunâtre en dessus, d'un blanc jaunâtre ou jaunâtre en dessous, et terminée par un petit pinceau long de O'",005. Plus petit que le Campagnol des champs. M. Schinz avait fait connaître cette espèce d'une manière incomplète, et récemment, en 1852, 88 HISTOIRE NATURELLE M. Gerbe en a donné une descriplion détaillée. Celte espèce, qui se trouve au mont SaintGothard, n'est pas très-rare en Provence, dans le département des Dasses-AIpes. On le trouve dans les hautes montaiîncs à deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer; mais il descend dans les vallées et les collines boisées, et semlilo préférer les contrées exposées au nord. 11 fait sa dcMneure de tout ce qui peut lui offrir un abri, et ne prend jamais trop de peine pour se creuser un terrier compliqué comme la plupart de ses congénères. Les trous abandonnés par d'autres animaux, une crevasse pro- fonde qu'il accommode à ses besoins, sont le plus souvent ses lieux de retraite. 11 s'établit aussi dans les tas de pierres, sous les genévriers fourrés, dans les broussailles et les herbes épaisses. On ne sait s'il fait des magasins d'hiver; mais M. l'abbé Caire assure que, pour satisfaire à ses besoins d'alimentation, ce Campagnol sort de sa retraite en toutes saisons, et que, même par les plus grands froids, il vague sur la neige. Sa nourriture consiste en grains de plusieurs sortes et en herbes. 12. CMJPAGÎS'OL A QUliUE Rr.ANCHE. ARVICOLA LEVCURUS. Gerbe. Caractères spécifjqoes. — Pelage, en dessus, d'un gris cendré, légèrement lavé de blanc jaunâtre ou de fauve très-clair, surtout à la croupe; en dessous, entièrement blanc; côtés du corps jaunâtres; pieds blancs; moustaches épaisses, plus longues que la tête; oreilles grandes, plus longues que le poil environnant, noirâtres ou brunâtres; queue assez épaisse, entièrement blanche, d'un tiers plus courte que le corps. Taille plus petite que celle de VArvicola arvalis. M. Gerbe dit que cette espèce, assez voisine de VArvicola arvalis, se trouve dans les Basses- Alpes, aux environs de Barcelonnette, quelquefois à une élévation de mille cinq cents à mille huit cents mètres au-dessus du niveau de la mer; mais il descend aussi dans les vallées lorsqu'il est chassé par les neiges. Il habiterait aussi, dit-on, les Pyrénées. Il terre moins que la plupart de ses congénères, et se réfugie dans les granges, les chalets, dans les foins, eic. Il se nourrit d'herbes, de racines et de grains, et semble rechercher sa nourriture dans toutes les saisons. 13. CAMPAGNOL DES NEIGES. ARVICOLA NIVALIS. Martins. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris noirâtre, passant en quelques semaines au gris cendré sur l'animal empaillé, et mélangé de jaune sur les flancs. Poils des côtés plus longs que ceux du dos. Ventre d'un gris cendré clair maculé de blanc sale et de noir. Oreilles saillantes, arrondies, plus longues que les poils du pelage environnant, et hérissées elles-mêmes de poils courts peu ser- rés. Yeux médiocres. Moustaches plus longues que la tête, implantées dans tout l'intervalle compris entre l'œil et les narines, couvertes de poils soyeux, blancs, noirs ou bicolores. Pattes blanchâtres, armées d'ongles crochus, concaves en dessous, au nombre de quatre aux pattes de devant, de cinq plus recourbés et plus forts à celles de derrière : celles de derrière dépassant d'un tiers environ la longueur des extrémités antérieures. Queue plus longue que la moitié du corps, composée d'anneaux très-serrés et hérissés de soies blanchâtres très-courtes en dessus, un peu plus longues en dessous et dépassant l'extrémité de la queue de deux millimètres environ. De la taille à peu près du Campa- gnol des champs. Longueur totale, O'",09o; de la queue, 0'",055. Quelques particularités anatomiques ont été signalées par M. Martins, et nous renvoyons le lecteur à son important travail. Celte espèce est voisine des Myodes alliarius et saxaiilis, de VArvicola rubidus et de quelques autres, mais en diffère néanmoins par des caractères importants. Dès i8H , le colonel Weiss avait vu ce Rongeur au sommet du Faulhoru; il fui revu depuis à trois mille quatre cent cinquante-cinq mètres de hauteur; en 1852, par M. Hugi; d'après cela, on aurait tort de croire que le Campagnol des neiges a suivi l'homme à l'époque où une maison a été construite au .sommet du Faulhorn, car cela n'a eu lieu qu'en 1833. Mais c'est M. Martins qui l'a fait connaître, d'abord dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1842, puis dans les Ann. des Se. naturelles, deuxième série, t. XIX, et troisième série, t. VIII. et qui a observé qu'en été au RONGEURS. 80 moins il séjourne, au-dessus ou près de la limite des neii;es elerncUes, à plus de deux mille sept, cent huit mètres de hauteur. 11 habite volontairement dans ces régions glacées, puisque toutes les espèces de son genre vivent dans la plaine au milieu des cultures, autour et même dans les mai- sons. Pour lui, on le trouve aussi quelquefois dans les habitations des hommes; et, en hiver, quel- ques-uns s'y réfugient, tandis que le plus grand nombre restent dans leurs terriers sur la montagne. VArv'icola nivalls est un animal essentiellement herbivore, et il trouve, dans les tristes régions qu'il habile, une nombreuse récolte de plantes dont il se nourrit. M. .1. A. Wagner l'a décrit et ligure sous le nom d''IIiipuclœiis Alpinns, d'après un squelette et deux peaux qu'il avait reçus du mont Sainl- Gothard; entin M. Schinz lui a imposé le nom cVIIijpudœus nivicola, d'après des individus prove- nant également de la même localité. Le Campagnol des neiges habite de préférence, dans les Alpes, une zone comprise entre deux mille cent et deux mille sept cents mètres, c'est-à-dire depuis la limite du rhododendron jusqu'à celle des neiges éternelles. L'exception que semble présenter le Sainl-Gothard est plus apparente que réelle; car le décroissement de la température est très-rapide le long des pentes de ce massif. On rencontre ensuite quelquefois VArvicola nivrtHs dans ces oasis de végétation qui surgissent çà et là au milieu des champs de neiges éternelles, à des hauteurs qui dépassent quelquefois trois mille mètres au-des- sus du niveau de la mer. Mais c'est surtout dans les auberges peu nombreuses que l'on trouve dans les Alpes que ces Rongeurs pullulent. Les terriers sont simples ou composés, et s'ouvrent par un ou plusieurs trous circulaires de deux centimètres de diamètre devant lesquels on voit souvent delà terre rejetée de l'intérieur des galeries avec les crottes des animaux qui les habitent. Les terriers eux-mêmes sont rectilignes et terminés en cul-de-sac évasé dans lequel il y a un peu de foin ou des débris de racines et de feuilles, surtout du silène ncaulïs haché très-menu. Ces terriers ont en général de vingt à vingt-cinq centimètres de long; le plus souvent ils sont ramiiiés, et se divisent en un grand nombre de galeries irrégulières qui pénètrent entre les pierres, et présentent plusieurs orifices éloignés les uns des autres. Jamais on n'y trouve de provisions, même au commencement d'octobre, immédiatement avant les premières neiges de l'hiver. Dans une course au glacier de Grindelwald, en janvier 1852, M. Ilugi a constaté le premier que ce Campagnol ne tombe pas en léthargie pendant l'hiver. En entrant dans le chalet de la Stieregg, ce voyageur mit en fuite plus de vingt de ces animaux. Ce fait a été confirmé par l'aubergiste du Faulhorn, qui abandonne chaque année sa maison en automne pour descendre dans la plaine; en 1845, il monta pour la visiter au milieu de l'hiver, et il y trouva plusieurs Campagnols aussi vifs et aussi alertes que pendant l'été. D'après cela, comme le remarque M. Ch. Martins, il semble que l'o- pinion de M. Obwald Ileer, qui suppose que, pendant l'hiver, ces Campagnols descendent dans les régions subalpines, n'est pas exacte : en effet, ces voyages seraient bien difficiles pour des animaux qui habitent des rochers isolés au milieu de vastes glaciers, puis les bergers des hautes Alpes au- raient remarqué ces migrations, et l'on a vu que les premières neiges d'octobre trouvent encore tous ces Rongeurs sur les montagnes. Ces Campagnols n'émigrent donc pas en hiver, ne s'endorment pas pendant les froids épouvantables qui régnent sur les sommets qu'ils habitent, leur pelage ne change pas, et ils n'amassent pas de provisions comme plusieurs de leurs congénères; il semblerait donc qu'ils continuent à vivre dans leurs terriers, et circulent entre la neige et le sol comme les ficmmings, et qu'ils y trouvent des plantes herbacées qui se conservent sous la neige. La température propre de (îette espèce est assez élevée; M. Ch. Martins a constaté qu'un petit thermomètre, enfoncé dans l'ab- domen d'ufie grosse femelle, resta stationnaire à trente-six degrés neuf dixièmes. Réunis dans une cage, ces Campagnols se blottissent dans un coin, serrés les uns contre les au- tres, même lorsque la température du milieu ambiant est à quatorze degrés. Le plus souvent ils se cachent sous la mousse et font entendre îin petit grognement accompagné de grincements de dents très-faibles en se frottant souvent le museau avec le côté radial des deux mains. Quand ils dorment, le ventre se dilate beaucoup à chaque inspiration. Leur humeur n'est point belliqueuse comme celle des Lemmings, qui se battent entre eux jusqu'à ce que mort s'ensuive. Jetés dans l'eau, ils nagent très-bien, en s'élançant par saccades. Comme l'indique son système dentaire et son estomac, qui offre un peu les traces de divisions de celui des Ruminants, les Arvicola nivalis sont purement herbivores, et repoussent constamment une nour- i,' 12 90 IIISTOir.K NATIIIKI-LK. ritiire animale. Ils sont, au contiaiio, irès-fiiands de miel cl d'avoine, qu'ils n'ont pas dans leur patrie, et manî^cnt toutes les plantes alpines, excepté les carex, les liiznla, les arbulus, etc., dont les tiges et les feuilles sont trop coriaees. Us mangent avidement les plantes suivantes : .silène acait- lix, pan (tlphin, polenrilla (jraiidiflora, (jeum montanii»!. (jo]ia s'iuiplcx, ccraslhim htlipilium, tri- fol'nnii prdlciisr, lcp\din\n itlpinniu; (DilInjUis vnhic.raiia. clinjscuulieninin aljnniim, (jcnùana cani- pcstris, hnvanca; ainhis alpiiia, cmnpanula HrjuifulKi. pusilld; saxifraiia uziloidcs, scilum alra- tum. et les feuilles du cirshim spinoslssimum; ils ont des préférences pour certaines parties de la plante : les (leurs de fjeum et de polenlilla, par exemple; ils rongent avec avidité les racines des ra- nunciilnsctlpcslr'is et glacialis, qui sont d'une àcreté exti'ème; cl M. Cli Martins en a vu un qui mangea les feuilles de sept tiges (Vaantinim napcllns de deux à trois décimètres de haut sans l'ien perdre de sa vivacité. Malgré cette nourrituie, les individus gardés en domesticité, et la ménagerie du Mu- séum en a possédé deux pendant quelques mois, préfèrent à toute autre nourriture de la laitue, de la chicorée, de l'avoine, des morceaux de pommes, etc. A ces détails nous pourrions encore ajouter quelque chose relativement aux conditions d'exis- lence de ce Campagnol; mais nous nous bornerons à renvoyer à ce que M. Ch. Marlins dit à ce sujet iAnn. Se. nal., 18i8, p. 201), et nous ne rapporterons que la conclusion qu'en tire notre savant naturaliste; car «lie paraît paradoxale, et est cependant expliquée par lui d'une manière très proba- ble; c'est que le Campagnol des neiges habite les sommets élevés des Alpes, parce qu'il est plus frileux que ses congénères, et que. le sol dans lequel il creuse ses terriers est plus chaud pendant l hiver sur les montagnes que dans la plaine. C'est auprès de celte espèce que viennent se ranger : 1° le Cami'agnol de Baili.o:* [Arvicola Bail- lonii). De Selys, qui diffère de Varvali.'i, \° par sa taille beaucoup plus (orte et sa queue propor- tionnellement plus courte; 2° par ses pieds postérieurs, plus courts en proportion; 5" par la colora- tion du corps et de la queue, d'un gris plus foncé et moins jaunâtre en dessus, gris ardoisé en dessous, et doux au toucher comme le pelage du nivalis; mais, d'un autre côté, il se distingue de ce dernier par ses ])ieds et sa queue plus courts, il habile les parties élevées du mont Sainl-Gothard; et 2° VArvieola rufofuscus, Schinz, qui se trouve dans les mêmes contrées que VA. Daillonii, et en est très-voisin, sinon identique, comme le pense M. De Selys. Trois autres espèces du nord de l'Europe sont : 1° VArvieola rnlihis. Pallas, de Laponie et de Finlande; 2° VA. rvfoeanus. Sundewall, de Laponie; et T." 1.4. (jrefjaHs, Pallas, particulier ;i la Sibérie occidentale. Quelques autres espèces, purement asiatiques, ont été décrites ; telles sont VArvieola saxatilis, A. G. Desmarest, de la Sibérie orientale, et qui pourrait bien se retrouver en Europe; le Mus nd- crnriis, Gmelin, de la Perse; et VHypudmus Sijrinens, I>ichtenstein, propre à la Syrie. Campagnol (Microlus) de Selys. RONGEURS. m SIÎCTION TROISIEME. MVKOMES. MYNO.MES. Rafinesqiio, 1828. Ani. Moiithly Magazine, I. II. Qneite velue, apJalie, écaïlleiise comme chez les Onchilms. Quatre dohjls seulement a cliaqua pied, avec un doicft interne très-court. A l'exemple de M. De Selys-Longchamps, nous ne considérons le genre Mtjnomes de Ralinesque que comme un simple groupe du genre naturel des Campagnols. En effet, il en a tout à fait le même système dentaire, les mêmes caractères généraux, et n'en diffère réellement que par la disposition particulière et la grandeur de sa queue. La seule espèce de ce groupe est le : 14. CAMPAGNOL DES PRAlRItS. AhVICOLA PEXSYLVAMCA. Ont et W.irliin. C.vRAGTÈiiES siÉciFiQUEs. — Pelage fauve brunâtre en dessus, blanc grisâtre en dessous. Longueur de la tête et du corps, 0'",012; de la queue, 0"',Û02. Cette espèce, que Rafinesque nomme Mynomes pratensîs, habite le bord des rivières, et vit de bulbes de liliacées, et plus particulièrement de ceux de l'ail. 11 n'est pas rare aux États-Unis d'Amé- rique. Nous rangerons aussi dans le genre Campagnol le Lemmus Nilol'icus, Et. Geoffroy, dont Lesson {Nouv. Tab. du Règne animal. Mammifères. 1842) a fait son genre Arvicantliis, dont il n'a pas publié les caractères. Celte espèce habite l'Egypte; son pelage est brun mêlé de fauve sur le dos, gris jaunâtre sur le ventre; les oreilles sont presque nues et brunâtres, et la queue est brune, pres- que aussi longue que le corps. Quelques auteurs ont également rapproché, sinon réuni à ce genre, le groupe des Pscudomys i^i'j^'.;. faux; ao:, Rat), créé par M. Gray {Proceedinc/s of znolocjical Socictij of London, 1832), qui ne renferme qu'une seule espèce, le Pscudomijs Australis, Gray, surtout remarquable par son habitat. Nous répéterons, en terminant l'histoire des Campagnols, que plusieurs espèces, soit récentes, soit perdues, se trouvent dans divers terrains â l'état de fossile; mais que c'est principalement dans les couches osseuses du rocher de (Jette que G. Cuvier en a signalé des restes fossiles qui ne présentent, au reste, aucune différence caractéristique avec les os des Campagnols ordinaires. 5"'^ GENRE. SIGMODON. SIGMODON. Say el Ord. 1820. Zoological journal, t. II. li'.ru.a, sigma; c^cu;, ileiil. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sij.stème dentaire : incisives, j; molaires, |— ; en lolaHlr .'n)l)lai»Ie à l'aboiement d'un petit Chien, et ne déranj^ent leur marciie qu'après avoir fait tous les efforts possibles pour surmonter l'obstacle qu'ils rencontrent : alors ils se débandent et se ca- chent, jusqu'à ce que le dan!;er soit passé, dans les trous, dans les broussailles et sous les pierres des lieux voisins. Mais une chose très-remarquable, c'est que ces animaux disparaissent aussi subi- tement qu'ils se sont montrés; et, lorsque ce n'est pas par une cause qui les détruit complètement, ils infectent l'air et causent des maladies. Ces animaux, comme on le présume, sont très-feconds. Nous iijnorons les circonstances de la gestation; mais on dit que leurs petits ne retardent point leur marche, parce qu'ils les emportent avec eux. Les Lemmings servent de nourriture à tous les animaux carnassiers qui habitent les régions septentrionales de l'Europe, mais particulièrement aux Renards et aux animaux de la famille des Martes; ils ne sont d'aucune utilité pour nos besoins. « Une troisième espèce européenne, propre à la Sibérie, principalement dans les contrées situées au nord de l'Ohy, est le Lksiminc, a collier, Vicq d'Azvr, Leminns lorfjuatus, Pallas. Entin, nous ne citerons parmi les espèces particulières à l'Amérique que le Lemmus Hudsonins, Eorster, qui se trouve surtout dans la terre de Labrador. Le ZoKOR et le Sukerkan, jadis rangés dans ce groupe, constituent des genres tout à fait distincts "X _ Fi?. 28. — LeiiiininiT. G lOlôlCUIC/ COicn biOl). MURITES. MURITjE. Nobis. CARACTÈHES DlSTlNCTll'S. Pieds asseZ: courl<, également dcveloj)j)cs : les anlcrïeurs à quatre doigts onguiculés cl avec une verrue recouverte d^uu ongle irès-obtus en place de pouce : les postérieurs médiocrement allongés, à cinq doigts onguiculés RONGEUhS. * 95 Ongles assez cvoclius. Queue lonçiue ou très -longue, nue ou ccaïlleuse. Système dcnlaire composé de seize dents, une mcisîvc el trois molaires de chaque côté cl à clia (juc mâchoire. Les particularités de ce snslèmc dentaire variant selon les diverses subdivisioiis gcné- riqiies. Taille généralement petite; forme analogue h celle des Rats. Les lîongeiirs qui constituent cette division sont essentiellement ceux qui rentraient dans l'an- cien yenre Rat ou Mus, qui, dans ces derniers temps surtout, a été subdivisé en un nombre assez considérable de genres, et qui comprend beaucoup d'espèces propres à toutes les contrées de la terre, et dont quelques-unes sont même devenues cosmopolites. Ces animaux sont ordinairement de petite taille; ils sont omnivores, c'est-à-dire qu'ils se nour- rissent de toutes les substances qui se trouvent à leur disposition, et c'est principalement en raison de cela que la plupart d'entre eux sont si nuisibles à l'homme, dont ils mangent les substances ali- mentaires, les habillements, etc. Mais le plus grand nombre vivent dans les bois ou dans les champs de matières végétales, qu'ils peuvent ronger avec une grande facilité. Presque tous les Muritessont terrestres; un très-petit nombre seulement a des habitudes aquatiques. D'assez nombreuses subdivisions ont été formées dans cette tribu; les groupes que nous adopte- rons, d'après Lesson, sont ceux des Rats arvicoles, vrais Rats, Rats-Loirs et Rats éciiymyformes, dans lesquels nous placerons les genres particuliers créés par les auteurs modernes. Nous avouerons que nous ne savons pas si nous sommes parvenu à établir un ordre véritablement naturel dans notre disposition sériale, et que le groupe des vrais liais sera, pour une partie au moins, une sorte de division iVineerKa sedis dans laquelle nous placerons plusieurs genres de Muriens, que nous ne pour- rions disposer avec certitude dans les autres subdivisions. Nous dirons aussi que le peu d'intérêt que présentent, en général, la plupart des espèces nous a engagé à ne pas entrer dans de nombreux détails sur les caractères génériques ainsi que sur les descriptions spécifiques, excepté toutefois pour le genre Rat proprement dit, le plus important de tous. i" GROUPE. RATS ARVICOLES. Lesson. Les espèces que nous placerons dans ce groupe particulier offrent en même temps des caractères voisins de ceux des Campagnols et des Rats, et servent ainsi à établir le passage sériai entre ces deux grands genres naturels. On y range un nombre très-restreinl de Rongeurs qui proviennent de l'Afrique méridionale et de TAmérique du Sud, et qui constituent les deux genres Otomys, Fr. Cuvier, on Eurgolis, Drandt, cl Reithrodon, Waterhouse. 7'"« GENRE. — OTOMYS. OTOMYS. Fr. Cuvier, 1825. f" ■ n?, oreillt; [J.'jç, Ual. S ncnls (les Mammifères. ¥ CARACTERES GENERIQUES. 'V Molaires supérieures à couronne formée de lames transversales un peu arquées, bordées d'émail. cl dont le nombre est de trois pour la première, de deux pour la seconde et de quatre pour la troi- sième : molaires inférieures ayant moins de largeur que les supérieures, h lames moins arquées, au nombre de quatre pour la première et seulement de deux pour chacune des deu.r, dernières. •)(; iiisToii'.i: N.\T[;ni'LLE. l'V. (Itivier a Inriitc, sous le iiniii d'Olomijs, un i^enre (|iii ne (litïèii! ircllcmoul des lîats proj)!'»'- iiuMiI (lits ou des Max que par les caractères odoutologifiiios que nous venons d'indiquer, et qui se rapproche en même temps assez des Campa;;nois. M. lirandt a désiiJi'iié iCeslaclil (1er Mii'izni, 1(S27) le mèuKt groupe sous la dénomination à' lùinjoiis (rjpu:, large; o).-, bouche), qui a été souvent adop- tée par les zouloi;isles. Les espèces de ce groupe proviennent de l'Afrique méridionale, et principalement des environs du cap de Bonne-Espérance; ce sont : i° I'Otomys a dkux taiks (Olonnjs bisiilcnlus), Vv. (luvier, que M. Rrandt a désigne sous le nom û'Iùiniuùs irrorala; 2° I'Otomys du Cap ou Najiaquois (Olomys Cn- prnsis), Vr. Cuvier. A ces deux espèces on peut enjoindre une troisième, dont la patrie n'est pas indiquée par les auteurs ; c'est VEuriiolis pallida, Wagner. Fig. 29. — Otomys namaquois. 8'"« GENRE. — P.EITHRODON. BEITHRODON. Waterhonse, 1857. Procpeding^ nf znnlogical Society of I omlon. PeiG^ov, sillonnée; o'^O'j; denl. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Incisives supérieures marquées, en avanl, d'un sillon vertical. Molaires décroissant en gran- deur de la premicrc à la dernière. Tête forte; crâne un peu élargi. Queue médiocre, velue. Un caractère remarquable de ces animaux, et en général de beaucoup de Rats de l'Amérique méri- dionale, c'est leur tendance à ressembler, par la forme de leurs molaires et un peu aussi par plu- sieurs autres particularités, aux Campagnols et aussi au genre Octodon. C'est ce qui fait que les Bcitlirodons sont parfois indiqués vulgairement sous la dénomination de Dais-Canipagnols, ou de Jials-Arvicoles, que nous avons employée pour distinguer un petit groupe distinct de liais. Les Reithrodons appartiennent à l'Amérique du Sud, et M. Waterhouse en a fait connaître trois espèces particulières dans les l'rocecdings de la Société zoologique de Londres |)Our 1857, et dans la partie mammalogique du Vogage du lieaglc; ce sont les Beilhrodon igpicus de la Plata. cunicu- loides de la Palagonie, et chinchil laides du détroit de Magellan, dont les deux dernières, ainsi que l'indique leurs noms, oifrent quelque analogie éloignée avec le Lapin et avec le Chinchilla. a*" CRDUPF,. VRAIS RATS. Lesson. Les Rongeurs que l'on pla(-c dans ce groupe sont les espèces véritablement typiques de la tribu des Muriens de M. Isidore Geoffroy SaintHilaire; car c'est parmi eux que nous trouverons le Rat RONGEURS. 97 ordinaire, le Surmulot, la Souris, le Mulot, etc. Dès lors on comprend que ce sont de tous les Mam- mifères ceux qui sont le plus essentiellement Rats, et que tous, ou presque.tous, rentraient ou pour- raient rentrer dans le genre naturel des Mus de Linné. On connaît plus de cent espèces de ce groupe, et elles sont répandues dans toutes les parties du monde. On peut même dire que, tout au moins pour certaines d'entre elles et des plus importantes, leur patrie originaire n'est pas connue d'une manière bien positive; car beaucoup de ces animaux ont suivi l'homme partout, et. trouvant partout à sa suite les moyens de pourvoir à leurs besoins naturels, sont devenus cosmopolites. Des genres nombreux ont été formés dans ce groupe, la plupart pour des espèces actuellement vivantes et quelques autres pour des espèces que l'on n'a rencontrées, jusqu'ici au moins, qu'à l'état fossile. Le principal de tous ces genres est celui des Bats ou des Mus; parmi les autres, nous cite- rons seulement ceux des Pliijllolis ou Hespcroniys, Scapteromys, Oxiinnjsterus, Abrollirix, I\eo- tomn, Sminllius, Akodon, etc.; enfin nous grouperons avec doute un autre genre dont la place n'est pas encore déterminée d'une manière bien positive, celui des Pillieclnre, Fr. Cuvier, qui nous a paru trop intéressant à étudier pour que nous n'en disions pas quelques mots. 9"- GENRE. - RAT. MUS. Linné, 177)5. Systenia natuijr. Mj;, Rat. CARACTÈRES GÉiNÉRIQUES. Sifsihne dentaire : incisives, f : molaires, l~l; en totalité seize dents. Incisives supérieures as- sez courtes, en coin; les inférieures longues, comprimées, très-aiguës. Molaires simples, à couronne (jarnie de tubercules mousses : l'antérieure étant la plus grande tant en haut quen bas; toutes à peu près aussi longues que larges. Museau assez prolongé, plus ou moins aigu. Oreilles développées, oblongues ou arrondies, souvent nues. Pas d'abajoues. Yetion assez saillants, moins développés que dans d'autres Bongeurs. Pieds antérieurs à quatre doigts onguiculés et une verrue recouverte d'un ongle très-obtus en place de pouce; pieds postérieurs médiocrement allongés, non palmés, à cinq doigts onguiculés. Queue rarement plus courte que le corps, longue ou très-longue, térélile, nue, quelquefois flo- conneuse au bout, et écailleuse. Ces écailles, très-petites, formant des anneaux dont le nombre est constant dans chaque espèce, et de dessous lesquels sortent les poils. Pelage composé de poils doux et de poils plus ou moins rudes, assez raides, principalement sur les parties supérieures, et ayant, dans quelques espèces, la tendance à se changer en pirjuants. Sifslèmc de coloration blanc, gris, roux ou noir; jamais brillant. Taille moyenne et souvent même petite. Cœcum assez petit. Le nom de Ptat et celui de Mus, Linné, a été primitivement appliqué, ainsi que nous l'avons dit, par les naturalistes, à tous les Rongeurs de petite taille; il a été ensuite employé pour désigner pres- que tous les animaux qui entrent dans la tribu des Muriens, et enfin aujourd'hui il est encore plus restreint et n'est plus appliqué qu'à des Rongeurs qui, comme le Rat commun, le Surmulot, la Sou- ris, le Mulot, etc., présentent l'ensemble des particularités organiques que nous avons indiqué dans nos caractères génériques. Brisson et Pennant donnaient à ce genre le nom de Battus. L on a même cherché à le partager en plusieurs sous-genres; nous indiquerons trois de ces subdivisions : celles des Mus Anclorum, Museulus, Rafinesque, et Micromys, Lesson. Le système dentaire des Rats donnant les meilleurs caractères de ce genre, nous croyons devoir transcrire la description qu'en a publiée Fr. Guvier. Il y a deux incisives à chaque mâchoire et trois 13 98 iiisToii'.E natciiklm:. niolnircs (\o cli.'iqiui côto dos deux inAclioircs. « A la niiiclioiir supérieure, l'iucisive est lisso cl plate autériourcnuiit; olle nait. (Iqs cùics de la |)arlie aulérioure du maxillaire. Les trois mâelielières vont en diminuant de i;randeur de la première à la dernière; elles sont d'abord rcmar(|«ables en ce qu'elles sont couchées d'avant en arrière, et ce caractère existe presque constamment. La première se ('ompose de six tubercules, qui, considérés dans leur ordre transversal, se pi'éscntcnt ainsi : deux en avant, l'un })lus i>ros. corresjKjndaiit à la partie moyenne de la dent, et l'autre au (•ôté interne; trois ensuite, deux j)etits sur les bords, le plus yrand dans le milieu, et un cnlin i\ la partie postérieure de la dent, et de la grandeur du tubercule moyen des trois précédents. Cette disposition de cfrands tubercules au milieu et de petits sur les bords donne la forme d'un trèfle à la ligne onduleuse qu'ils forment. La seconde est formée de quatre tubercules, un en avant du côté interne, deux au milieu, disposés obliquement de dehois en dedans, et d'avant en arrière, le quatrième en arrière au côté externe. La dernière en a également quatre disposés entre eux comme ceux que nous venons de décrire, c'est- à-dire qu'elle ressemble à celle qui la précède. A la mûcboire inférieure, l'incisive est semblable ;\ celle de la mâchoire supérieure; elle naît fort en arrière et au-dessus des molaires, du milieu de la branche montante du maxillaire, où son bulbe a produit une petite saillie. Les mûchelières vont en diminuant de grandeur de la première à la troisième; elles sont penchées dans le sens inverse de celles qui leur sont opposées, et elles sont également formées de tubercules. La première en a cinq : un petit antérieurement, deux au milieu et deux postérieurement. La seconde en a quatre, disposés aussi par paires : deux en avant et deux en arrière. La dernière n'en a que trois : un en avant et une paire ensuite. » Ce système dentaire a été étudié dans la plupart des espèces typiques européennes, ainsi que dans plusieurs espèces exotiques, et il est à peu près le même, sans modifications bien impoi'tantes, pour toutes les espèces du même genre. L'ostéologie de ces Rongeurs est importante à connaître, et lions renvoyons aux travaux particu- liers de Daubenton et des anatomistes modernes; nous nous borneroiiS à dire qu'elle présente quel- (|ue analogie avec celle des Écureuils. L'espèce nous manque aussi pour donner des détails sur les autres parties de l'anatomie interne des animaux qui nous occupent. La forme de la tète des Rats est assez obtuse, et ne se termine point par un museau fin et coni- que comme celui qui a valu aux Loirs le nom de Mifoxin (de u.j:, Rat; ^Im:, pointu); leurs yeux, médiocrement ouverts, ne sont pas très saillants et globuleux comme ceux de ces derniers Ron- geurs; leurs oreilles, très-grandes, arrondies ou ovalaires, sont minces et couvertes d'un poil si court, qu'à premier aspect elles semblent nues; leur bouche n'a pas d'abajoues comme celle des Hamsters; leurs pieds, médiocrement longs et terminés par des doigts minces, offrant des ongles aigus et grêles, ne présentent pas les dispositions de grandeur des Gerboises et des llélamys; le pouce des mains est très-court, tuberculeux, ou même n'est représenté que par une saillie garnie d'un ongle obtus; il n'y a pas de membrane entre les doigts des pieds de derrière comme chez les Ilijdromijn, ni de rangées de cils raides comme dans les Ondatras. La queue, dont la longueur est souvent égale ou plus considérable que la tète et le corps réunis, est ronde à la base et insensible- ment conique jusqu'à l'extrémité; elle est recouverte par des écailles très-petites disposées par an- neaux ou verticilles entre lesquels apparaissent des poils longs, raides et assez rares; sa forme et sa disposition distinguent facilement les Rats des Ondatras, chez lesquels la queue est comprimée latéra- lement; des Castors, où elle est élargie et aplatie horizontalement; des Loirs, des Gerboises et des Campagnols, dont la queue est entièrement velue; enfin des Hamsters, des Marmottes, des Lemmings, chez lesquels elle est très-courte; des Aspalax, qui en sont dépourvus, etc Le pelage est ordinaire- ment assez dur, ou plutôt, au milieu des poils fins qui recouvrent les parties supérieures de ces ani- maux il y a beaucoup de poils plus longs, plats, et plus durs que les autres, et qui, chez quelques espèces, rappellent un peu les piquants des Ecliimijs. La taille des Rats est médiocre, ou plutôt assez petite, et la plus grosse espèce n'a guère plus de 0"',05o de longueur totale pour la tête et le corps réunis. Ces Rongeurs sont essentiellement om- nivores, comme le montre la disposition particulière de leurs molaires; cependant ils préfèrent le plus habituellement une nourriture végétale, et surtout des giains et des racines. Quelques-uns sont aussi avides de matière animale en décomposition; lorsque la disette se fait sentir, les Rats s'atta- quent mutuellement, et les plus faibles deviennent la proie des plus forts, qui ensuite se battent entre eux. C'est par ce motif que certaines espèces assez faibles, comme le Rat ordinaire, semblent pij^ i — itystroitiy à pieds blancs. l'ii;. -2. — Gerbille de Sliaw. 15. U(lNGl<:iJRS. 99 (liiiiiiiiier cliuque jour, parce que de plus fortes, comme le Surmulot, 1( ur loin une cliasse continuelle et meurtrière. Néanmoins les espèces ne sont pas détruites entièrement, parce que les jeunes crois- sent rapidement et sont bientôt en état de reproduire eux-mêmes. A l'époque des amours les mâles se livrent entre eux des combats furieux pendant la durée desquels ils font entendre des sifflements aigus. Les mamelles sont en nombre variable de quatre à douze; les mâles sont très-lascifs et ont des temps de rut marqués pendant lesquels leurs ori^anes principaux de la reproduction, qui habituelle- ment sont intérieurs et comme atrophiés, deviennent très-volumineux et forment une saillie très- considérable au-dessous de la queue; les femelles, qui font quelquefois plusieurs portées par an, produisent dans chacune d'elles un nombre toujours considérable de petits, qui parfois s'élève jus- qu'à dix ou quinze. L'instinct naturel de ces animaux n'offre rien de bien remarquable. Quelques-uns se creusent des terriers très-simples, peu étendus, sans profondeur, et peu d'entre eux \ réunissent des provisions pour Ihiver, comme le font les Campai^nols et d'autres Piongeurs Presque tous les Piats, sinon tous, ne subissent pas d'engourdissement hivernal; toutefois on a dit que certaines es- pèces s'engourdissent, comme les Loirs, pendant l'hiver; mais ce fait a encore besoin de confirma- tion. Plusieurs se sont attachés à l'homme et ont été transportés partout où il s'est établi. La Souris, qui ne (piilte pas ses habitations, paraît être, de toutes les espèces qu'on pourrait domestiquer, celle qui existe primordialement en Europe, et que les anciens désignaient particulièrement sous le nom grec de Mu:, dont les Latins ont fait leur Mus; quant à la plupart des autres espèces européennes, elles ont été introduites par le commerce des hommes; c'est ainsi que le Rat ordinaire ou le Hat noir est apparu le premier, que le Surmulot est venu ensuite, et que récemment on a signalé le ^[ns Alcxandrinns en Italie, et une autre espèce décrite par Lesson, 1<^ Mus subcœruleus, à Rochefort. Nous avons dit que Linné, le premier, a créé et restreint le genre Rat; car auparavant le nom de ]\[us était appliqué à presque tous les Rongeurs, depuis on a fondé à ses dépens un grand nombre de groupes génériques, et l'on a même cherché â former des subdivisions parmi les espèces qu'on a laissées dans ce genre, et qui proviennent de toutes les parties du globe. Les seules subdivi- sions que nous adopterons sont celles des Mus, Musculus et Microniijs, encore ferons-nous ob- server que ces groupes ne sont pas bien caractérisés et que |)lusieurs espèces passent facilement de l'un à l'autre. 1^ GROUPE. MIS. Auctorum. Ce groupe ne renferme que cinq ou six espèces, qui toutes se trouvent en Europe, et se sont en même temps répandues avec l'homme sur un grand nombre de points du globe. i SURMULOT. MUS DECUMANUS. PalLis. Caractères spÉciFinuts. — Yeux plus gros que ceux du Rat noir ou Rat vulgaire, et sortants, grands, ronds, noirs. Oreilles proportionnellement plus courtes, plus arrondies et un peu velues. Museau plus court, mais tète plus allongée. Chanfrein plus arqué et mâchoire inférieure presque égale en longueur à la supérieure. Tout le dessus du corps d'un brun roussâlre ou ferrugineux terne, mêlé de gris; les poils étant ardoisés à la base, et les plus longs noirâtres. Dessous du corps cen- dré clair ou blanchâtre. Tout le pelage généralement rigide et comme hérissé. Pieds presque nus, non palmés; leur peau couleur de chair. Queue plus courte que le corps, presque nue, couverte de petites écailles formant un peu plus de deux cents anneaux. Mamelles au nombre de douze. Taille plus forte que celle du Rat ordinaire; longueur totale du corps, mesuré depuis le haut du museau jusqu'à l'anus, 0"\28; de la tête depuis l'occiput jusqu'au bout du nez, 0'",07; de la queue, 0"',21; des oreilles, 0"\02. Celte espèce est le Mus sijlveslrls. Rrisson; le Mus Norivegicus. Linné, Erxleben; le Mus decu- 100 HISTOIRE NATURELLE )naniis, l'allas ((lénomiiialion qui a pivvalii); \c Mus griseus, PennanI; c'est sous la dénominalion (le SuHMULOT qu'il a ctc lo \)his souvenl indiqué, vl c'est sous ce nom que Bufl'on l'a décrit; le Pouc du même auteur semble aussi n'en être qu'une simple variété. C'est le Wanderralle des Allemands, et le Norwaii-Iint des Anglais. On connaît un assez grand nombre de variétés de cette espèce, quoique cependant elles soient beaucoup jtlus rares (|ue dans le Piat ordinaire. Les unes sont dues à des influences climatériques, tels seraient les 3Ius dccnmrntus Norwcificus et sfjlveslris; toutes les autres, en plus grande quan- tité, ne sont dues qu'à l'albinisme ou à des changements peu considérables du système de coloration : oe sont les variétés blanche [albus. Lesson), blanchâtre {albuhis], couleur de cannelle {cinnamo- meus), uniformément gris de perle (griseus) et tacheté de gris et de brun (niaculatus) . Mais nous devons faire observer avec M. De Selys-Longchamps que l'on distingue toujours facilement ces va- riétés de celles des autres espèces du même genre à la longueur de la queue et à la forme de la tète et des oreilles. Fig. 30. Rat Surmulot. Le Surmulot est la plus grande espèce de Rat d'Europe. Il est indigène de l'Inde et de la Perse, et s'est introduit en Angleterre vers i730, importé par le commerce maritime. Ce n'est guère qu'en 1750 que son existence a été signalée en France. De l'Angleterre et de la France, il a fait invasion dans tous les ports de mer, et s'est propagé au point qu'il habite maintenant non-seulement toute l'Europe, mais encore l'Amérique, une partie de l'Afrique et de l'Océanie, et, en un mot, toutes les contrées où les Européens ont des colonies. Il s'est en quelque sorte constitué le compagnon de l'homme, et, comme lui, est devenu cosmopolite; et, comme il est plus fort que le Rat ordinaire, qui existait déjà dans beaucoup des lieux où il a pénétré, il l'a détruit et remplacé presque partout. En 1727, à peu près à la même époque où le Surmulot était transporté par mer en Angleterre, il paraît, d'après le témoignage de Pallas, qu'il fit irruption par terre dans la Russie méridionale par Astrakan; et y apparut en si grande quantité à la fois qu'on ne pouvait rien soustraire à son atteinte; il venait du désert de l'ouest, et avait traversé le Wolga, dont les flots durent en engloutir un grand nombre. Buffon a appliqué à cette espèce le nom de Surmulot, à cause de sa ressemblance extérieure avec le Mulot, qu'il dépasse néanmoins beaucoup en dimensions. C'est l'animal le plus nuisible du genre Rat, et peut-être même de tout l'ordre des Rongeurs. Sa force lui donne les moyens de percer des murs très-épais, d'attaquer les Oiseaux de basse-cour, les Pigeons, et de se défendre des attaques des Chiens et surtout des Chats, qu'il parvient souvent à vaincre. Le Surmulot se nourrit de toutes les matières animales ou végétales qu'il rencontre, et il semble chercher à détruire tous les objets Fig. 1. — Rat d'eau. Fis- '-i. — Mérioii H erine. PI. 21. UONGEURS. 101 qui se rencontrent sur son passage. Il fréquente de préférence le bord des eaux, les égouls et les canaux, d'où lui vient le faux nom de Bal d'eau, sous lequel il est connu en Belgique et ailleurs. Ou le voit souvent traverser les rivières à la nage, mais il plonge mal; c'est ordinairement dans des terriers peu profonds, sur le bord des eaux, qu'il établit sa demeure. On sait les quantités innombrables d'individus qu'on en détruit lorsqu'on cliasse ces iîats dans les égouls de nos villes. Duffon rapporte que c'est dans les châteaux de Chantilly, de Marly et de Versailles qu'ils se tirent remarquer pour la première fois par les dégâts qu'ils occasionnèrent. Aux environs 'de Paris, les Surmulots étaient surtout très-abondants dans la voirie de Montfaucon, où vers le soir on les voyait recouvrir en entier les cadavres des Chevaux abattus dans la journée. Us ne sont pas moins communs dans un grand nombre d'établissements renfermant des matières animales en décomposition, dans les amphithéâtres de dissection, dans les boyauderies, les latrines publi- ques, etc. Us se creusent des terriers à peine assez profonds pour contenir leur corps, ou ils se ca- chent dans l'intérieur des charognes ou même dans la cavité des têtes de Chevaux depuis longtemps desséchées. D'autres recherchent les endroits où y il a des grains, et se rencontrent dans les caves et dans les granges, les celliers et les magasins; mais, lorsqu'ils ne sont pas pressés par le défaut de nourriture, ils ne s'établissent pas dans les greniers ni dans les étages supérieurs des maisons. Quel- quefois ils se sont tellement multipliés sur les navires, qu'on s'est vu dans la nécessité d'abandon- ner ceux-ci pendant un temps assez long, pour que, manquant enfin de nourriture, ces animaux s'ex- terminassent entre eux-mêmes presque complètement. Quelques-uns, en plus petit nombre, vivent à la campagne, et ceux-ci attaquent les jeunes animaux, tels que les Levrauts, les Lapereaux, les jeunes Perdrix et les Pigeonneaux, qu'ils trouvent au gîte ou dans leurs nids. Nous avons dit que les Sur- mulots étaient les ennemis acharnés du Rat ordinaire et qu'ils en avaient considérablement restreint l'espèce; toutefois, dans quelques circonstances, on les a vus vivre en bonne intelligence les uns avec les autres. Fr. Cuvier a constaté ce fait intéres.sant, et il rapporte ce qui suit à ce sujet : « Les Sur- mulots n'excluent pas nécessairement les Rats ordinaires d'où ils s'établissent, et j'ai vu ces deux espèces vivre sous le même abri et dans des terriers contigus. C'est qu'ils trouvaient dans ce lieu d'abondants aliments, et que les plus forts n'avaient pas besoin, pour se nourrir, de faire la guerre aux plus faibles; car ce n'est que dans ce cas seulement que les uns sont la cause de la disparition des autres, et, comme toutes les espèces du genre, ces Rats se dévorent entre eux lorsqu'ils sont pressés par la faim. La plupart des aliments, au reste, leur conviennent, ainsi qu'à tous les Ron- geurs à racines distinctes de la couronne dans les dents molaires. )» On a dit que l'odeur des Lapins les faisait fuir, et l'on a indiqué comme un moyen sûr de les éloi- gner l'introduction de ces animaux dans les lieux qu'ils habitent; néanmoins l'on a remarqué que les Surmulots s'établissent parfois dans d'anciens terriers de Lapins; ce qui semble contradictoire avec le fait que nous avons énoncé. Ces Rats pullulent énormément ; en effet, les femelles font de douze à vingt petits par portée, et les portées se renouvellent trois fois par an. Certaines races de Chiens, et en particulier les Lévriers, les Chiens anglais et surtout les Boule- Dogues, les détruisent avec une rare adresse, faisant aussi bon marché des Rats que les Chats le font de la Souris. Ils ont souvent le foie attaqué par un Cysticerque, le Cysticerciis fasciolaris, qui est contenu dans un petit kyste membraneux. 2. R.\T ORDINAIRE .ou RAT NOIR MUS RATTUS. Linné. Caractères spécifiques. — Tête plus courte que celle du Surmulot. Museau aigu. Mâchoire infé- rieure plus courte que la supérieure. Yeux gros et saillants. Moustaches longues, noires. Oreilles ovales, très-grandes, brunes et nues. Poils en général très longs, mais variant de' longueur. Dessus du corps d'un cendré noirâtre, sans mélange de roussâtre; dessous du corps pâlissant insensiblement et passant au cendré. Pieds noirâtres, peu poilus, avec les doigts parsemés de poils blanchâtres : cinq doigts aplatis aux pieds de derrière et quatre à ceux de devant, avec un ongle représentant le pouce; ongles latéraux, tant en devant que derrière, très-courts. Queue un peu plus longue que le corps, presque nue, composée de deux cent cinquante anneaux écailleux environ, noirâtre. Longueur totale de la tète et du corps. 0"',0-21 ; de la tète, 0'".004; de la queue. O'-VÔS^. 102 IIISTOllil-: NATlJnKLLK. Cette espace est le IUt de lîiilToii, le Hat oIlItl^Alnl•; de la plupart des auteurs, le Iîat .noir d'A. G. Dtsmarest et de Fr. Cuvier, le Mus donicslicits major. Rai; le Mus rallus, Linné, Pallas, Selireber. dénomination qui est généralement adoptée, (^est le IJausralle des Allemands, le Frenck Munie, e'est-à-dire Rat français des habitants du pays de Galles, qui lui ont appliqué ce nom sans doute parce qu'il y est venu de France. (3n connaît un assez liraiid nombre de variétés du Rat ordinaire. La principale est la variété albiiic (nlbus, Lesson ). L'albinisme se voit souvent chez les Rats; ces animaux sont alors entièrement blancs, avec les yeux rouges, la queue, les oreilles et les pieds couleur de chair. Cette maladie,, qui tient à un vice du sang, se perpétue souvent : M. De Selys-Longchamps rapporte qu'il a eu chez lui, dans la province de Liège, beaucoup de Rats blancs qui se sont reproduits dans les gre- niers d'une ferme pendant quatre ans, sans être détruits par les Rats noirs qui s'y trouvaient en même temps. Les autres variétés sont les suivantes : loule noire, brune, roussàire en dessus et d'un blanc sale en dessous, tachetée de blanc isahelle. En outre, on a quelquefois regardé comme une variété italienne de cette espèce un Rat qui, mieux étudié, a dû être rapporté au Mns Alcxan- drinns d'Etienne Geoffroy Saint-Ililaire; et l'on devrait peut-être aussi y rapporter \e Mus hibernicus de Thompson. Le Rat ordinaire se trouve maintenant dans toute l'Europe, si ce n'est dans la Toscane et l'Italie méridionale, où il est remplacé par le Mus Alexandrinus et par le Surmulot, qui l'en a peut-être expulsé comme étant plus fort et ayant le même genre de vie : on le rencontre aussi dans presque toutes les parties du globe dans les colonies européennes. On ne sait pas positivement d'où ce Rat est originaire; mais ce qui est certain, c'est qu'il était inconnu des anciens, et qu'il n'est parvenu en Europe que depuis le moyen âge. Quelques naturalistes ont pensé qu'il a été amené de l'Amérique, où il est assez répandu aujourd'hui; et d'autres ont dit, au contraire, qu'il a été transporté de l'an- cien continent dans le nouveau; mais aucun fait positif ne peut appuyer ni l'une ni l'autre de ces opinions sur la patrie originaire de ce Rongeur. On peut aussi avec autant de raison supposer, comme M. De Selys-Longchamps, que sa patrie était la Syrie, et qu'il nous est venu en Europe au temps des croisades; mais toutefois on peut objecter à cela que les auteurs modernes qui en ont parlé clairement ne remontent même pas au delà du seizème siècle, et que c'est Gesner qui, l'un des premiers, l'a bien décrit la première fois. Le Surmulot, arrivé plus récemment chez nous, ne peut souffrir le Rat noir et lui fait une guerre cruelle. Il semble déjà avoir chassé celte espèce de l'Angleterre et en a rendu le nombre des indi- vidus assez peu considérable dans plusieurs parties du continent. Ils ont cependant des habitudes un peu différentes : le Surmulot se tient habituellement dans les canaux, les caves et le bas des maisons, tandis que le Rat noir habite de préférence les greniers, les toits et les endroits secs. Mais ce n'est pas uni(juemenl à la cause que nous venons d'indiquer que l'on doit rapporter la rareté actuelle des Rats noirs, comparée à la multitude innombrable des Surmulots; en effet, ces animaux ne pullulent pas autant : la femelle ne fait qu'une seule portée par an, et cette portée ne se compose ordinairement que de cinq à six petits, et rarement plus. Le Rat noir vit dans les maisons, où il se tient caché pendant le jour. Il se nourrit de grains, de fruits, de farine, de pain, de légumes et de toutes les matières animales qu'il trouve à sa disposi- tion. Il ronge tout ce qu'il rencontre, soit pour se gîter, soit pour se nourrir; il attaque les Pigeons, les Poulets, les jeunes Lapins des clapiers, etc. H est d'un tempérament très-lascif; et, à l'époque des amours, les mâles se battent entre eux pour se disputer la possession des femelles, et quelque- fois se blessent à mort. Lorsque les vivres leur manquent, ils se font la guerre entre eux, et les plus faibles sont mangés par Us plus forts. Leurs ennemis principaux sont les Chats, les Relettes, les Chouettes, et surtout, ainsi que nous l'avons dit, les Surmulots; ils se défendent contre eux avec beaucoup de courage, mais presque constamment sans succès. Dans les maisons rurales où le Rat se propage, c'est un véritable fléau par les dommages qu'il cause en rongeant le linge, les étoffes, les harnais de cuir, le lard, en un mot tout ce qui tombe sous sa dent. Le goût particulier (ju'il a pour le lard fait qu'on emploie ordinairement cette matière pour amorcer les pièges nombreux qu'on lui tend. A la Nouvelle-Hollande, dans presque toutes les colo- nies, dans les archipels les plus écartés, partout enfin, ces animaux sont le fléau des habitations,, et, lorsque les lieux qu'ils fréquentent ne leur donnent plus une nourriture abondante, ils se déplacent. rps 0"'.008, et la queue 0"',004. La synonymie du Rat nain ou Rat des moissons est très-compliquée, et, d'après M. De Selys-Long- champs, on devrait ne regarder comme formant qu'une seule et même espèce toutes celles qui étaient désignées sous les noms de Mus miniilus, l'allas, Erxleben, Schreber, Gmelin, A. G. Desmarest, Les- son, Fischer: pcndiilinus, llermann; soricinus, Hermann, Schreber, Gmelin, A. G. Desmarest, Lesson, Fischer; parvnli(s,]\ermaun, Fischer; messorins, Shaw, A. G. Desmarest, Lesson, Fischer; campcslris, Fr. (àivier, A. G. Desmarest, Fischer, et avenarius, Woif. Nous renvoyons aux Eludes de Micromnm- mulocjie, dans lesquelles M. DeSelys-Longchamps donne avec soin les raisons qui l'engagent à réunir toutes ces prétendues espèces en une seule; nous ferons seulement observer que quelques zoologistes regardent encore comme distincts An Mus minulus les Mus messorins, Shaw, elsoricinns, llermann. Le premier serait caractérisé par son pelage, d'un gris de Souris mêlé de jaunâtre en dessus, blanc en dessous, avec les pieds de cette même couleur, et la queue très-peu plus courte que le corps, et vivraient dans les endroits rocailleux et les champs cultivés en Angleterre et en France. Le second, à museau très-prolongé et comme celui des Musaraignes, à oreilles orbiculaires, velues, à queue aussi longue que le corps, aurait un pelage d'un gris jaunâtre en dessus et blanchâtre en dessous; on le trouverait dans la France orientale et occidentale, à Strasbourg selon Hermann, et dans les environs de Saintes d'après Lesson. La couleur du pelage, dans celte espèce, est d'un fauve moins vif et mêlé de grisâtre chez les jeu- nes individus, tandis q«e chez les vieux elle devient souvent d'un roux jaune très-beau et uniforme, à peu près comme le pelage du Muscardin. D'autres fois les joues et la croupe sont seulement d'un roux vif. D'après cela on voit qu'il faut se mettre en garde de vouloir créer des espèces avec le pelage, qui varie assez considérablement, et il en sera de même d'après les caractères que l'on peut tirer de la longueur de la queue, (jui est très-variable sous ce rapport, elle est composée d'environ cent trente anneaux éeaiLleux, et égale le plus souvent, chez les vieux individus, la longueur du corps; mais i! arrive quelquefois qu'elle est d'un tiers plus court. M. DeSelys-Longchamps a décrit une variété isa- Jbelle de cette espèce qui a été prise aux environs de Liège. RONGEURS. 1110 Dans l'Europe occidentnle, le Slits niinuius so rassemble, l'hiver, sous l(!s meules de blé : c'est ce qui lui a fait rjonner, on Angletcire, le nom de Mus nicssoriiis. En été il se tient dans les champs et entrelace dans le blé un nid suspendu dans le genre de ceux de quelques espèces d'Oiseaux du genre des Mésanges; ce nid est très-recouvert, ovale et très-artistement tressé : de là le nom de Mus pcnduHnns. il se nourrit de grains et de racines; pullule quelquefois beaucoup et dès lors est très- nuisible à lagriculture. On peut très-facilement l'habituer à la domesticité, et il devient en peu de temps, souvent au bout de trois ou quatre jours, d'une grande familiarité lorsqu'il est en captivité; il est d'un naturel très-doux; rien de plus amusant que la vivacité et la souplesse de ses mouvements : tantôt ce sont les attitudes d'un Écureuil, tantôt celles d'un Gerboise, et alors il se tient debout comme celui-ci. On le nourrit avec du froment et du pain trempé dans du lait; il ne répand aucune odeur. Le Rat nain semble habiter toute l'Europe tempérée; il est commun en France, en Relgique, en Angleterre; il se trouve dans toute l'Allemagne, et Pallas l'a vu dans une grande partie de la Russie et de la Sibérie; enfin, selon Savi, il semble se rencontrer en Italie, quoiqu'il ne paraisse pas habiter le midi de la France et la Suisse. 2. ESPÈCES D'ASIE. 'i'2. r.AT CAl^ACO. MUS CARACO Pall.is, Gmolin. Cauactèrf-s srKCiFiQUES. — Pelage mélangé de roussâtre et de gris, plus foncé sur le dos que sur les côtés; ventre d'un cendré blanchâtre; pattes d'un blanc sale; queue plus longue que la moitié du corps; pieds à demi palmés. Longueur de la tête et du corps, O'",020; de la queue, 0'",014. Cette espèce se tient dans l'intérieur des maisons, à peu près comme le Rat ordinaire; mais il habite de préférence le voisinage des eaux. H nage très-bien, creuse la terre, et fait autant de ravage que nos Rats européens. Il habite les contrées orientales de la Sibérie, et principalement la Mongolie, où il paraît être venu des régions orientales de l'Asie et des provinces australes de la Chine. 13. RAT SUBTir.. MUS SUBTIL1S. Pallas. C.MlACTKRES SPÉCIFIQUES. — Pelage fauve ou cendre en cIcssu.h, avec une ligne dor&alc noire; oreilles plissées; queue plus longue que le corps. Longueur de la tête et du corps, 0"',008; de la queue, O^.OOG. On réunit à cett'e espèce, qui est voisine du Rai noir, les Mus vagiis et betulinus, Pallas. Elle présente de nombreuses variétés. Ce Rat monte facilement sur les arbres à l'aide de ses larges mains, et, lorsqu'il marche ou qu'il court, il tient ses doigts écartés. Sa nourriture consiste en toutes sortes de substances végétales ou animales, mais surtout en grains. On le rencontre abondamment en Sibérie, principalement dans les forêts de bouleaux situées entre l'Oby et le Jenissey; on le trouve également dans tout le désert de la Tartarie au delà du cinquantième degré de latitude boréale. Deux espèces assez connues sont : 1° le Rat strié [Mus striatus), Linné, des Indes orientales, et •2" le Rat de i/Inde [Mus Indiens), Et. Geoffroy, des environs de Pondichéry. Parmi les autres espèces asiatiques de Rats, qui sont au nombre d'une trentaine, nous nomme- rons seulement les i)/»s Ma'abarmsis, Shaw, ou M. giganteus, liardwich, le plus grand de tous les Rats de la côte de Coromandel, de Calcutta, du Bengale; oleraceus, Bennett, du pays des Mohrattes; Abboiii, Waterliouse , de Trébizonde, etc. 110 HISTOIRE NATLiriELLi:. T). ESrÈCE DE MALAISIF. 1i. PAT DE JAVA. MUS JAVÀNUS. Ilrniiiiiin CARACTÈnES si'ÉciFiQUEs. — Pelai^e (riiii beau roux en dessus; exii'cmités des p;itu\s blanches; queue plus courte que le corps; pieds non palmés. A peu près de la laille du Surmulot. Habite l'ile de Java. i. ESPECES DE L'AUSTRALIE. Outre plusieurs espèces européennes et américaines du c^enre Mus qui se sont acclimatées en Océanie, on a indiqué dans ces derniers temps plusieurs espèces qui sembleraient particulières ;\ celle partie du monde, et qui ont reçu les noms de Mus fuscipcs et GouUln, Waterhouse; Gi'fiyn, dclicalulus, Inrsulus. penicillaUis et Novœ-IIoltandiœ, Gould, et lulreola, Gray. 5. ESPÈCES DE L'OCÉANIE. On eu décrit deux espèces : 1° Mus Galapngoensis, Waterhouse, des îles de Gallapagos et^Cha- tliam, et 2" Mus Jacobiœ ou dccumanoides, Waterhouse, des îles James cl Gallapagos. 6. ESPECES D'AFRIQUE. 15. IvAT DE BAllBARTE. MUS BARBAItUS. Linnû. Caractères spécifiques. — Pelage brun en dessus, marqué de dix lignes longitudinales blanchû- ties; dessous du corps blanchâtre; oreilles courtes, nues; pattes de devant à quatre doigts et celles de derrière à cinq; queue à peu près aussi longue que le corps. De la taille de la Souris. Cette jolie espèce se trouve très-répandue dans le nord de l'Afrique et y remplace nos espèces de Uats européens, et il fait de grands dégâts. Depuis la conquête de rAlgérie, on l'a souvent apportée en France; il est à craindre qu'elle ne s'acclimate dans nos provinces méridionales. Un de nos col- laborateurs en a élevé un grand nombre d'individus en captivité; et la ménagerie du Muséum en pos- sède plusieurs individus qui y ont reproduit plusieurs fois. • Des détails nombreux ont été donnés sur cette espèce par MM. Dennett. Wagner, Duvernoy et Lc- reboullet : ces deux derniers naturalistes surtout ont publié, dans les Mémoires du Muséum d'His- toire naiiirclte de Slrasbourfi, t. III, 1840-1846, des particularités remarquables sur le système dentaire et sur l'anatomie interne; nous y renvoyons le lecteur. 16. RAT PUMILION. MUS PUMILIO. Spermann. Caractères spécifiques. — Pelage d'un fauve noir varié de cendré en dessus, avec trois lignes dorsales plus claires; dessous du corps blanchâtre; queue médiocre, légèrement pointue. A peu près de la taille de la Souris. Cette espèce, que Fr. Cuvier indique sous le nom de 3lus lincatus et Lesson sous celui de Mus Donavani, doit peut-être, ainsi que le fait observer M. P. Gervais, être rapportée au genre Dendro- 7mis : elle se trouve aux environs du cap de Donne-Espérance. l'armi les autres espèces, nous indiquerons le Mus Hayii, Waterhouse, du Maroc; prelcxlus, RONGEURS. 111 Rrandt, de Syrie; flavivenlris. Rrandl, d'Arabie; Orientalis, Ruppell, de Massona; variciyuits. Rrandt, de Nubie; gemilis, Riandt, de Nubie et d'Egypte: colonus, Licbtenstein, d'AIgoa-Ray; iloli- charus, Smuts, et Allcni, Waterhouse, du cap de Bonne-Espérance, et Lisularis, Waterbouse, de l'île de l'Ascension. 7. ESPÈCES D'AMERIQUE. C'est à cette partie du monde que se rapporte près de la moitié des espèces du genre Mus; car l'on en a décrit plus de trente qui sont répandues dans toutes les provinces, depuis les plus sep- tentrionales jusqu'aux plus méridiona'es. Nous n'en citerons que quelques-unes. Fig. 52. —Rat Leliocla. A. ESPECES DES ETATS-UNIS. 11. BAT NOIRATRE. MUS NIGRICANS. Rafinesque. Caractères spécifiques. — Pelage entièrement noirâtre en dessus, grisâtre sous le ventre; queue noire, plus longue que le corps. Longueur de la tête et du corps, 0'",018. Ce Rat est le Mks agrarius, Godmar, et le Mus sylvatkus, Forster, Richardson: il vit dans les bois, où il se nourrit de graines, et principalement de noisettes. Habite les États de l'ouest de TA- mérique septentrionale. 18. RAT AUX PIEDS BLANCS. MUS LEUCOPUS. Rafinesque. Caractères spécifiques. — Pelage d'un fauve brunûtre en dessus, blanc en dessous; tète fauve; oreilles grandes; les quatre pattes blanches; queue aussi longue que le corps, d'un brun pâle en dessus, grise en dessous, de la taille du Rat. Des États de l'ouest de l'Amérique septentrionale. Quelques autres espèces de IVlmérique septentrionale sont les Mus leiontis, polionolus, Immilis, aiireohis, Mkclùganensîs, Cnrolmeusis et palustris. JI2 I]IST(4I;K iNATUIŒLLH. n. ESPÈCES DES ANTILLES. 19. BAT PILORI. MVS PILORIDES. A. G Desmarcsl. Cah.^ctères spécifiques. — Pelage entièrement d'un beau noir lustre, à l'exception du menton, de la gorge et de la base de la queue, ({ui sont d'un blanc pur; queue un peu plus longue que le corps. Presque aussi grand que le Surmulot. Ce Rat, qui habite Saint-Domingue et la Martinique, s'y fait remarquer par les dégâts qu'il y cause. Les naturalistes le connaissent depuis longtemps : Hocbefort, dès 1659, et Dutertre, en par- lent avec assez d'exactitude, et racontent les ravages qu'il fait aux cultures dans les Antilles; on l'a considéré quelquefois, on ne sait trop pourquoi, comme étant du genrt» (Uivin : ses habitudes sont celles des Rats; ses caractères génériques ne l'éloignentpas non plus de ces derniers animaux, et, ce qui est même remarquable, son crâne et ses dents ont une assez grande analogie avec ceux du Sur- mulot et de certaines grandes espèces asiatiques de Rats. On a signalé au moins vingt-cinq espèces vivantes et fossiles provenant de cette partie du monde; mais ces espèces sont bien imparfaitement connues, et il est probable que le nombre en sera très- considérablement restreint plus lard. Nous n'indiquerons que le : 20. r.AT DU DRI':SII-. MUS DRASII.IE^SIS. A. G. Dcsnnrest. CAnACTÈRKs srÉciFiQDF.s. — Tètc plus courte que celle du Rat ordinaire; oreilles moins longues; moustaches noires; pelage ras et doux, d'un brun fauve en dessus, fauve sur les lianes, grisâtre en dessous, queue un peu plus longue que le corps. De la taille du Rat ordinaire. Se trouve communément au Brésil. Cette espèce est le type du genre des Ilalochilus, Wagner; ses dents sont en même nombre que celles des Rats; mais elles ont, dans la disposition de leur émail, quelque chose de celles des Ccrco- mijs, Fr. Cuvier, Parmi les autres espèces de la même patrie, les plus connues sont les Mus vitlpinus, squamïceps et phiisodes, Lichtenstein; pijrrkoninus, ^Vied, et un grand nombre d'espèces créées par M. Lund. telles que les espèces vivantes, qu'il nomme Mus principal' cupinticus, mustacalis, laliccps, la- siurus, expitlsns, lonçi'icaudïs cl laiiolis, et les espèces fossues suivantes, outre plusieurs voisines des précédentes : Mtis robiislus, debilis, orijclca, lalpïnus, etc. r. ESPÈCES DE LA PLATA ET i... \GUAY. Une douzaine d'espèces. 21. RAT ROUX. MUS RUFUS. \. G. Desmarcsl. Caiiactères spécifiques. — Pelage généralement d'un fauve roussâlre; dessus de la tête et partie antérieure du dos plus obscurs; ventre jaunâtre; quei ant plus de la moitié de la longueur du corps. Longueur totale, 0"',0J6. Ce Rat, le Rat noux ou Rat ciKQUiiiME de D'Azara, habite le Paraguay, où il vil au bord des eaux. 22. RAT A GROSSE TÈTF:. MUS CEPIIALOTES. A. G. Desmarcsl. CaractÎsrf.s spécifiques. — Tête très-grosse, ■ lu couri; pelage brun en dessus, plus clair sut Fig. 1. Euryotis à une bande. Fig. 2 — Rat de Barbarie. PI. 24. RONGEURS, Jlo les côtés, blanchâtre tirant légèrement sur le fauve en dessous; queue de la longueur du corps. Lon- gueur de la tête et du corps, 0"',012. Cette espèce, le Rat a. grosse tête, ou Rat second de D'Azara, varie dans les couleurs de son pe- lage suivant les âges et les sexes. Elle habite les champs cultivés et s'y creuse des demeures souter- raines. Se trouve dans les environs du village de Saint-Ignace-Gonazon, au Paraguay. Des espèces assez connues du même genre sont : 1° le Rat oreillard, D'Azara {Mus auritus, A. G. Desmarest), de Buénos-Ayres; 2" le Rat lauciia, D'Azara {Mus lauclin, A. G. Desniarest), du même pays, et 5° le Rat a tarse ko'.r, D'Azara [Mus nigrîpes, A. G. Desmarest), du Paraguay. Les autres espèces des mêmes pays sont les Mus angouya, A. G. Desmarest (peut-être le même que le Mus BrasiUensis): Azarœ, Brandt; dubius, Brandt, du Paraguay; maurus, Waterhouse (decumanus, Waterhouse), qui ne différerait même peut-être pas du Surmulot; flavescens, Water- house: brevirostris, Waterhouse, de la Plata, etc. D. ESPECE DE LA MAGELLANIE. C'est encore M. Waterhouse qui a fait connaître un Rat qui provient du détroit de Magellan, et auquel il a appliqué les noms de Mus [Soricinus) Magellanicus. E. ESPECE DU CHILI. M. Bennett indique sous la dénomination de Mus lonquaudaïus une espèce de Rat qui provient de la Conception, vers le trente-septième degré de latitude. Outre les nombreuses espèces que nous avons décrites ou indiquées se rapportant au genre natu- rel des Rats, il en est encore un grand nombre qui ont présenté à quelques naturalistes des carac- tères assez saillants pour qu'ils aient cru devoir en former des genres particuliers. Quelques-uns de ces groupes génériques, étant fondés sur de bons caractères assez faciles à saisir, doivent être dès lors adoptés; mais, d'autres n'offrant que des différences peu appréciables et les animaux qui y en- trent pouvant être réunis sans inconvénient aux Mus proprement dits, nous avons pensé, au moins jusqu'à ce qu'ils soient complètement connus, ne devoir les indiquer que comme en étant de simples subdivisions secondaires. § 1 PHYLLOTIS. PUYLLOTIS. («t'JXXcv, feuille; to,-, oreille) Waterhouse, 1857. Proceedings of the zoological Society of London. Ce genre, particulièrement caractérisé en ce que les animaux qui y entrent ont des oreilles gran- des, larges, minces, a été créé, par M. W^aterhouse, sous le nom de Pliijlloiis en 1857, et depuis a été revu monographiquement par le même auteur dans la Zoolocjij of the MajcsUj Sk'ip ihe Bencjle, 1839, et indiqué alors sous la dénomination <ï Hesperomys (e^-sso;, crépuscule; ii:j;, Rat), tirée des habitudes naturelles des espèces. On ne range que quatre espèces dans ce groupe, et toutes sont propres à l'Amérique méridio- nale. Ce sont les PlnjUolis Darwinii, de Coquimbo, au Chili; xcmthopifijus, de Santa-Crux, au Mexi- que; yriseo-flavus, du Rio-Negro, et biinaculatus; tous décrits par M. Waterhouse. § 2. SCAPTÉROMYS. SCAPTER031YS. (SxawTvip, npoç, celui qui fouille; fj.u;, Rat.l Waterhouse. 1851. Proceedings of the zoological Society of Londoii. Un Rat de Maldonado a servi à M. Waterhousse de type pour la création de ce genre, et il indique l'espèce unique de ce groupe sous la dénomination de Scnplewmijs tumidus. i\/t HISTOIKE iNATURELLi:. § 3. OXYMYCTÈRE. OXTMYCTERUS. (0?uç, aigu; îi.u)4Tï)p, nez ) Waterhoiise, 1855. 1 Proceediiigs of the royal Society of London. Ce groupe esl assez bien caractérisé; les molaires sont didymes ou subdiilymes, et décroissantes en volume d'arrière en avant: le crâne est étroit, allongé, différant beaucoup de celui des Mus et se rap- nrocliant davantage de celui des Uijdnmvjs; les pieds ont cinq doigts en avant et en arrière; les ongles sont forts, fouisseurs, presque aussi développés que ceux des Asconujs; la queue est moins longue que le corps, garnie de poils courts. Ces Rongeurs évidemment fouisseurs comprennent deux espèces : rOxvMYCTÈRE nasiqde (Oxijmijc- te.rus nasntus), Waterhouse, de Maldonado, et l'O. scalops (0. scalops), P. Gcrvais, du Chili. § 4. ABROTflUlX. ÀBROmniX. (Agpo;, doux; OpiÇ, poil.) Waterhouse, 1857. ï'roceedings of tliezoological Society of London. Ce groupe, caractérisé par quelques particularités odonlologiques, l'est également par quelques différences extérieures et principalement par la douceur de son pelagc; ce qui est remarquable dans un groupe comme celui des Rats chez lequel les espèces ont ordinairement des poils assez rudes. Les dix à douze espèces de ce groupe sont propres à l'Amérique méridionale. La plupart d'entre elles ont été décrites par M. Waterhouse; ce sont les Abrotlirix lorigipiUs, de Coquimbo, au Chili; obscnriis, de Maldonado; olivaceus (Mus Rcmjgeri. Wat.), de Coquimbo; vii- cropus. de Santa-Crux; hraclujolis. de l'archipel de Chonas; xanlliorhim, de Santa-Crux; caticsccns, de Port-.l)ésiré, en Magellanie, et arenicola, de Maldonado. Une espèce propre au Chili a été décrite, par M. P. Gervais, sous le nom de Mus rupeslris. C'est auprès de ce groupe que viennent se placer les Calomijs (x.aXo;, beau; p.u;. Rat) de M. Water- house (Proceedincfs of ilie zooïoçjical Sociely of London, 1837), qui comprennent les Mus Inma- cuUilus, (jracilipcs et elegans, de l'Amérique du Sud; nous en parlerons ailleurs, parce que l'espèce typique, le C. elegans, avait été précédemment décrite, par Fr. Cuvier, sous le nom cY Eligmodontïa, genre dont nous dirons quelques mots. - § 5. AKODON. AKODON. (Ax.-/i, pointe; o^cu;, dent.) Moyen, 1835. Acla nalurse cuiiosoruin, t. XVI. Dans ce petit groupe, qui est assez naturel, les molaires vont en décroissant, et leurs tubercules sont pavimenteux, bien distincts; leur queue est un peu plus longue que le corps. Une seule espèce, encore assez peu connue, entre dans ce groupe; c'est VAkodon Boliviensc, Mèyen, qui habite les Andes du Pérou. § 6. NÉOTUME. NEOTOMA. (New, je nage; TO[;.r,, division.) Say et Ord. Journal ol'Pliiladelpliia, t. IV. Les Rongeurs de ce groupe ont quelques rapports avec les Campagnols; mais ils s'en distinguent surtout par leurs molaires à longues racines : pour les autres caractères dentaires, ils sont très-voi- sins des Mus; ils ont, comme ceux-ci, quatre doigts aux membres de devant, avec un rudiment de ponce, et cinq doigts aux pieds de derrière, et les extrémités de leurs membres montrent que ce sont des animaux nageurs; leur queue est velue. Les Neolomes habitent l'Amérique du Nord et ont cependant une certaine analogie avec les Bcï- throdons, dont nous avons parlé, et qui se trouvent dans l'Amérique méridionale. Le type est le Néotome de la Floride [Neoloma Flor'idanà), Say etOrd [Mus t'Ioridnnus, A. G. Des- marest). Il a les oreilles très-grandes, la queue plus longue que le corps, blanche en dessous, brune KONGEURS. 115 en dessus; le pelage court, très-doux, couleur de plomb mélangé avec des poils jaunàlies et noirs; le jaune domine sur les flancs, et le brun sur la ligne dorsale; le dessous du corps est d'un blanc pur. Il habite la Floride orientale et les bords du Missouri. Une autre espèce du même groupe .est le Neotoma (Mijonus) Ortimmondii, Richardson, des montagnes Rocheuses. î — -"> Fig. 33. — Néotome de la Floride. g 7. SMINTHE. SMINTHUS. (Sp.tvSo;, Rat., Nathusius, 1840. Keyserl. Europ. Wirbeith. Ce groupe a été créé par M. Nathusius et adopté par M. Nordmann pour un Murien propre à la Crimée, le Snnntlius loricjer, qui peut rentrer dans le groupe naturel des Mus. Fi". 34. — Sniiulhus lorigcr On range encore quelquefois dans le genre naturel des Rats plusieurs groupes que Ton peut géné- riquement en distinguer: tels sont les Phlœomys, également d'Asie, dont nous parlerons en faisant l'histoire des Capromysites, et les genres africains des Cricelom]js et des Dendromijs; le premier voi- sin des Hamsters et le second constituant un autre groupe des Rats-Loirs. On y réunit aussi quelque- fois le genre Acomijs de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire, que nous rangerons dans le groupe des Rats échimyformes. Enfin on pourrait aussi y placer le genre Acnnthomus, Lesson, du même groupe. no HISTOIRE NATURELLE, Nous réunissons oncoro à ce genre plusieurs groupes créés dans ces derniers temps, mais ce n'est (|(i'avec doute; ce sont, pour les espèces vivantes, les genres Tliomomys (Ouj^x?, champs; p.j;, Rat), Maximiiien De Wied {Acla natni-œ Cunosorum, t. XIX, 1859); Clitlionergus (y,ewv, terre: ss^w, je laboure), Nordmann (Voijaçie dans la lînss'ie méridionale, 1840); niiombaimis {ocit.èci;, rhombe; (j.u?^ Rat); Mijsiromiis ([^.uTTftv, cuiller; u.u;. Rat), Wagner {In Wieçfmann Archiv., 1841), et Psamnio- »/>/.v (Çuau-u.'.;, sable: u.j;, Rat), lliippell {Alla.'i. 1820); et, peut-être, parmi les fossiles, les genres Perieronnis (mont Périer; j^.j;, Rat), Laizer et DeParrieu; Ger' GENRE. ~ PITHECIIIRE. PITHECHIRUS. Fr. Cuvier, 1832. Mammifères de la ménagerie du Muséum. nt9y,x.oç, Singe; /.stp, main. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Tête à peu près semblable a celle des Rats. Pieds de derrière atjnnt quelque ressemblance avec ceux des Sarigues; pouces très-séparés aux viembres postérieurs, avec un ongle plat, et ceux des membres antérieurs très-courts, garnis d'on- gles aplatis, et paraissant opposables aux autres doigts, comme dans les Quadrumanes. Queue ressemblant à celle des Mus. Le genre Pithéchire est loin d'être complètement connu, et Fr. Cuvier n'en a pas donné une des- cription suffisante. Il le range dans Tordre des Rongeurs, et c'est avec doute que nous le rappro- chons des Rats, tout en faisant observer que la particularité remarquable de ses pouces opposables montre qu'il est voisin du genre des Dendromys, qui constitue le groupe des Rats-Loirs. En effet, sa position dans la série des Mammifères n'est pas déterminée d'une manière positive, et Lesson, dans son Species des Mammifères, le range à la fin de sa famille des Quadrumanes, à côté de TUnan et du Bradype; mais il n'en donne pas plus les caractères génériques que ne l'avait fait Fr. Cuvier. D'a- près la figure, il paraît se rapporter réellement à l'ordre des Rongeurs. L'espèce type de ce genre est le : PITHÉCHIRE A QUEUE NOIRE PITHECHIRUS MELANURUS. F. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage, extérieurement, d'un beau fauve uniforme, un peu plus clair en dessous qu'en dessus; queue noire. Un peu plus gros que le Surmulot. On ne connaît qu'un seul individu de cette espèce, qui a été envoyé au Muséum par Alfred Duvau- cel, et qui provenait probablement du Bengale. «e GROUPE. RATS -LOIRS. Lesson. On n'indique que deux espèces qui entrent dans ce petit groupe, et elles ne constituent qu'un seul genre, celui des Dendromijs de Smith. Ces Rongeurs, ainsi que l'indique leur nom général, participent à la fois des caractères des Rats proprement dits et de ceux des Loirs; ils proviennent de l'Afrique méridionale, et principalement des environs du cap de Bonne-Espérance. RONGEURS. 417 H™* GENRE. DENDROMYS. DENDROMYS. A. Smith, 1829. s. Afric. Quart. Journal. AEv5pov, arbre; [au;, Rat. CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire à peu près semblable à celui des Rats. Tête pointue, ressemblant plus à celle des Loirs qu'à celle des Rats. Paumes des pieds de derrière opposables aux autres doigts, comme dans les Quadrumanes. Queue assez longue. Taille petite. Pelage doux, présentant des lignes sur le dessus du corps. Fig. 34. — Dendromys à dos noir. Ce genre, qui tient à la fois des Rats et des Loirs, ne renferme que de petites espèces particu- lières à l'Afrique méridionale, et qui sont remarquables par leur joli pelage, présentant des lignes longitudinales noirâtres sur un fond gris. On n'en connaît bien que deux espèces, les Dendromgs typicus et melanotis, Smith, qui sont par- ticulières au cap de Bonne-Espérance, et dont la première a été anciennement décrite par M. Brandt sous le nom de Mus mesomelas. On doit aussi probablement y réunir le Mus pumilio, décrit depuis longtemps, qui habite également les environs du cap de Bonne-Espérance, ainsi que quelques espèces qui en sont voisines. 5« GROUPE. RATS ECHIMYFORMES. Lesson. Une dizaine de Muriens entrent dans ce groupe; ce sont des espèces à aspect général des Rats pro- prement dits, mais présentant quelques poils plus longs que les autres, semi-épineux, et ayant de l'analogie avec ceux qu'offrent les Échimys. Ces animaux, ainsi que l'indique leur nom, tiennent donc à la fois des Mus et des Echimys, et peuvent servir à établir le passage entre ces deux genres naturels. On en trouve dans presque toutes les contrées du globe, excepté toutefois en Amérique, où {\S HISTOIRE NATURELLE. l'on n'en a pas sii^iialé. Cesl siirtoiii on Afrique (|iril y en n le plus; niais on en rencontre aussi en Asie el en Malaisie, cl l'un d'eux, le Mus Aliwaudriniis, El. Geoffroy Saint-Ililaire, a été importé en Italie et s'y rencontre fréquemment dans certaines provinces. Deux ii[cnres entrent dans ce groupe : les Acomijs, Isidore Geoffroy Saiut-Hilaire, et les Acanllio- »;//«, Lesson. 12'"'' GENRE. - ACOMYS. ACOMYS. Isidore Geoffroy Sainl-Hilaire. 1840. Dictionnaire universel d'Ilisloiro naturelle. A)cr,, cpino; |j.u;. Rat. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système doilaire : incisives, \^^■, inolaires, f^i}; en tolalité seize dents comme les Rats, hicisives assez fortes; molaires peu tuberculeuses, petites, décroissantes. Pas d'abajoues. Corps revêtu, sur le dos et sur les côtés, de poils entremêlés d'épines carénées. " Membres postérieurs un peu plus longs que les antérieurs, non palmés. Queue arrondie. Le genre Acomifs a été créé par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire pour y placer le Rat du Cairk (Mus cahirinus). Et. Geoffroy Sainl-Hilaire, qui diffère des véritables Rats par ses poils transfor- més en piquants à peu près semblables à ceux que présentent les Échirays; mais il se distingue de ces derniers par le nombre de ses dents; enfin il se différencie des Hamsters par l'absence d'aba- joues. ACOMYS DU C.^IRE. ACOMYS CAHIRINUS. Isidore Geoffroy Saint Hilaire. Caractères spécifiques. — Tête assez courte; museau effilé; oreilles très-grandes, arrondies, pres- que nues, et de couleur brune; dos couvert de poils raides, d'un cendré assez foncé, les côtés étant seulement un peu plus clairs et d'un aspect plus doux; dessous de la mâchoire inférieure, gorge el ventre, d'un gris blanchâtre qui se fond avec la couleur grise des flancs; queue de la longueur du corps, grisâtre, écailleuse et parsemée de poils gris; pieds d'un blanc sale; moustaches brunes. Lon- gueur de la tête et du corps, 0'",01"2; de la queue, 0'",012. Ce Rongeur se trouve communément en Egypte. L'autre espèce est le Mus subspinosus, Waterliouse, du cap de Bonne-Espérance. Quant au Rat perchai,, que l'on a rangé dans ce groupe, il trouve plus naturellement sa place dans le genre suivant. Enfin le Rat du Nil, que l'on place quelquefois dans ce groupe, et qu'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire mettait dans le genre Lemmns, on en a fait le type du genre Acanthis, placé auprès des Campagnols. IS-"» GENRE. — ACANTHOMYS. ACANTIIOMYS. Lesson, 1842. Nouveau t-nbloau du nègne animal, Mammifères. Ay.7.vOo:, ('piiicux; \J-'->', Rat. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstème dentaire composé du même nombre de dents et assez semblable à celui des Acomys. Corps presque entièrement couvert de piquants, comme les Ecliimys. Taille moyenne. RONGEURS. H9 Ce genre a été créé par Lesson pour y placer quelques espèces africaines, européennes, asiati- ques et malaisiennes, rangées précédemment dans le genre Mus, et qui en diffèrent au premier as- pect par leurs poils épineux ou beaucoup moins doux que ceux de ces derniers animaux. Les carac- tères détaillés de ce groupe n'ont pas encore été publiés, et, d'après ceux que nous avons pu ob- server, ne nous semblent guère différer de ceux que présentent les Acoynys. Toutefois ces Muriens sont peut-être encore plus épineux et établissent un peu mieux le passage des Mus aux Echimijs. Quoi qu'il en soit, on range six espèces dans ce genre. 1. l'ERCIlAL. CulTon. ACAXTIIOMYS PERÇU AL. Lesson. Caractères spécifiques. — Oreilles nues, sans poils, arrondies; jambes courtes; pieds de derrière très-longs comparativement à ceux de devant; queue semblable à celle du Surmulot, mais plus courte; pelage d'un brun moins foncé que celui du Rat sur la partie supérieure de la tête, du cou, des épaules, du dos, de la croupe et des flancs; dessous du corps d'une couleur grise, plus claire sous le cou et sous le ventre qu'ailleurs; poils épineux; moustaches noires; queue écailleuse, d'un brun grisâtre. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, O'^jO^iS; de la tête, 0'"005; de la queue, 0'",021. Fig. 55. — Perchai. Ce Rongeur de grande taille est le Rat perchal de Buffon, le Mus "perchai, Gmelin, et ïEchimys perchai, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; il habite les maisons, et est parasite comme plusieurs espèces de Rats. On le mange. 11 se trouve dans la ville et aux environs de Pondichéry, dans l'Inde. 2, RAT D'ALEXANDRIE. MUS ALEXANDRINUS. Et. Geoffroy Saiiit-llilaire. Caractères spécifiques. — Tête un peu allongée; museau plutôt subtil, plat en dessus; mâchoire inférieure beaucoup plus courte que la supérieure; yeux gros et proéminents; oreilles très-grandes, larges, presque ovales; poils du dos longs, rigides, d'une grosseur presque uniforme dans presque toute leur longueur, et quelques-uns courts, assez mous; couleur de toutes les parties supérieures du corps d'un cendré mêlé de ferrugineux, parce que les petits poils sont gris à la base et ferrugi- neux à l'extrémité, tandis que les longs poils sont noirâtres; dessous du corps d'un blanc tournant au jaunâtre; pieds presque nus, couleur de chair; queue plus longue que le corps, y compris la tête; 420 HISTOIHK NATUfŒLI.E. les écailles disposées eu deux cent vingt ou deux cent quarante anneaux, toutes très-visibles, avec de petits poils rares et rigides. Taille à peu près semblable à celle du Mus raitus. Cette espèce, créée par Et. Geoffroy Saint-liilaire pour des Rats trouvés à Alexandrie, a reçu, d'après cet habitat, le nom de Mus Alexundrinus. M. Paolo Savi, de Pise, fil remarquer, en 1824, que l'animal que les Italiens prenaient pour le Rat ordinaire différait de ce dernier par la couleur ferrugineuse de son pelage, qui le faisait ressembler au Surmulot, tandis qu'il se distinguait de ce dernier par sa queue beaucoup plus longue; et il crut devoir en faire une espèce particulière sous la dénomination de Mus tccloruni, tout en convenant qu'elle avait de grands rapports avec le Mus Alcxaudrinus; plus tard iM. De Selys-Longchamps a démontré l'identité de ces deux espèces. Le Rat d'Alexandrie aura été importé d'Egypte par le commerce maritime, et maintenant il se trouve en Toscane, dans les États romains et sans doute dans l'Italie méridionale; U paraît aussi qu'il habite- rait exclusivement la Sardaigne, et qu'au contraire on ne trouverait en Lombardie que le Mus ratlus. Ce Rongeur a les mêmes mœurs que le Rat ordinaire; comme lui il se tient dans les parties supé- rieures des maisons, dans les greniers, ce qui lui a fait donner en Toscane le nom de Rat des toits, comme lui, il a pour ennemi implacable le Surmulot. On en connaît une variété fuligineuse (fuli- Qinosus, Lesson), décrite par le prince Charles Bonaparte, et une variété albine (albus, Lesson;, si- gnalée par Cetti comme trouvée en Sardaigne. Les autres Acmuliomijs sont les Mus sctifer, llorsfield, de Java, plaiytlirix, Bennett, des Mahrat- tes, dans l'Inde, et Inspidus, Lichstenstein, d'Arabie, qui ne diffère probablement pas du dimidiatus, Cretzmar, de Nubie et du Sinaï. ÉCHIMYSITES. ECHIMYSITjE. Nobis. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Système dentaire : incisives, |; molaires, f^|; en totalité vingt dents. Incisives supérieures à face antérieure plane et lisse; incisives inférieures aiguës; molaires simples, aijant de véritables racines et pas de tubercules h la couronne : supérieures offrant trois lames seulement, dont deux sont réunies : inférieures présentant chacune quatre lames transverses, réunies deux à deux par nn bout. Tête allongée. Chanfrein plat. Yeux assez grands ou médiocres. Oreilles moijennes ou courtes^ allongées légèrement ou arrondies. Pas d'abajoues. Pieds à cinq doigts : ceux de devant présentant quatre doigts onguiculés et un rudiment de pouce portant quelquefois ?/n ongle; ceux de derrière tous onguiculés. Queue longue ou très-longue, écailleuse, tantôt couverte de poils rares, tantôt garnie de poils nombreux. Poils, dans le plus grand nombre des cas, etjsurlout ceux des parties supérieures, en forme de piquants, comme des laines d'épées ou des lances carénées sur une de leur face el en gouttière sur l'autre, se terminant par une soie fine. Taille petite, et à peu près semblable h celle des Piats. Cette division, qui a reçu de plusieurs auteurs des noms particuliers, comprend les Rongeurs épineux qui formaient l'ancien genre des Echimys. Dans un travail inédit, fait en 1808 ou 1809, Et. Geoffroy Saint-IIilaire forma le genre Echimys et y distingua sept espèces de Rongeurs épineux de l'Amérique méridionale, qui jusqu'alors avaient RONGHUKS. 121 été ballottées entre les genres Rat, Loir et Porc-Épic. Ce groupe et toutes les espèces trKt. Geoffroy Saini-Ililaire furent admis successivement dans les publications de G. et de Fr. Cuvier, d .\. G. Des- marest, de Desmoulins, de Lesson, etc. Fr. Cuvier, en 1809 {Bull, de la Soc. pliilomatliique et An- nales du Miiséiim), lit connaître le système dentaire des Echimijs. En 1811, lUiger, dans son Pra- dromits siisteniaiis Mammalïuni cl Avïinn, ne connaissant probablement pas le genre Eclihnys, l'établit de son côté sous le nom de Lonclieres. Dans ses ossements fossiles, G. Cuvier donna les caractères de la tête osseuse des Écbimys. Lichstenstein, Fischer et A. G. Desmarest, s'occupèrent des espèces de ce groupe. Ce dernier zoologiste proposa, sous le nom é'JIeieroinys, un genre qui doit probablement rentrer dans la même division. Plus récemment M. Jourdan créa le genre NelonDjs pour une espèce nouvelle, à laquelle on adjoignit plusieurs anciens Eckimi\s. Enfin, en 1858 {Comptes-rendus de l'Académie des Sciences) ei en iSiO (Magasin de Zoologie, troisième série, deuxième année), dans un savant mémoire, M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire résuma d'une manière complète tout ce que l'on savait sur les Rongeurs épineux de la division des Echimgs et démontra la nécessité de la création d'un nouveau genre, celui des Daclglomrjs. Pour compléter cet historique, nous devons ajouter que, depuis le travail de M. Isidore Geoffroy Sainl-Uilaire, M. Pictet a publié, dans les Mémoires de l'Académie de Genève pour 1841 , 1845 et \Siï. plusieurs notices sur diverses espèces d'Échimysites, et qu'il a fait connaître spécialement le squelette de VEchimys Cagenncnsis; et qu'E. Deville a décrit un groupe nouveau de cette division, son genre Lasiuromgs. Enfin nous di- rons encore que le genre Cerconiijs, indiqué en 1832 par Fr. Cuvier dans les Nouvelles Annales du Muséum, doit, selon plusieurs zoologistes, rentrer dans la division qui nous occupe. D'après ce que nous avons rapporté, on voit que nous comprendrons sous le nom d'Échimysites, les anciens Ecbimys, ou Rongeurs épineux proprement dits. En effet, la plus grande majorité de ces animaux, au milieu de poils ordinaires, présentent, surtout sur les parties supérieures et principale- ment au-dessus de la tète, des sortes de piquants assez analogues, quoique moins bien formés, à ceux des Porcs-Épics. Toutefois nous devons faire observer que, d'après des observations récentes dues en grande partie à M. Pictet, on sait aujourd'hui que dans le jeune âge ces piquants n'existent pas encore, et que, même chez certaines espèces, il n'y a pas de poils épineux. Cependant, si on exa- mine ces poils au microscope, on voit qu'ils ont la même composition que les piquants, tout en n'en ayant pas l'apparence à la simple vue. Si l'on ne peut plus trouver la caractéristique de ces animaux d'après leurs poils épineux, on doit la chercher dans la disposition de leur système dentaire, dans la forme de leur tête, dans leurs pieds et surtout dans la disposition de leur queue, qui est écailleuse comme celle des Rats, mais dont les écailles sont recouvertes de poils quelquefois assez nombreux. Ainsi que nous l'avons dit, toutes les espèces assez peu nombreuses de cette division sont parti- culières à l'Amérique du Sud. Les genres qu'on y forme et que nous décrivons sont ceux des Daclij- lomys, Eclnmijs, Nelomys et Lasiuromys; nous y ajouterons, mais avec doute, les deux groupes des Ileteromiis et Cercomys. Nous dirons aussi quelques mots des Échimysites fossiles, dont quel- ques-uns se rapportent au genre Ecliimys, et dont les autres forment les groupes des Pliyllomys Lonchopliorus, et peut-être même des Arclucomys, que toutefois nous indiquerons ailleurs. 14™« GENRE. — DACTYLO-MYS. DACTYLOMYS. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, 1858-1840. Annales dos Sciences nDturellcs, 2° série, t. X. — Magasin de zoologie. Nom tiré de l'espèce type YEcInmtjs daclylinus. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. . Syslhm dentaire: incisives, |; molaires, ^] en totalité vingt dents. Molaires supérieures divi- sées transversalement par un sillon en deux portions subdivisées par une écbancrure : les deux rangées des molaires supérieures assez rapprochées en arrière, presque contiguës en avant; les deux rangées des molaires inférieures aussi plus rapprochées en avant qu'en arrière, avec l'inter- valle qui les sépare partout plus grand, quoique moindre que chez les autres Rongeurs. 122 IIISTOIltK NATinKLLK. l^ullis coiiiii'.'i : autcriciires scmblunt lélradaciiilcs, tant le pouce esl rudïmenhûrc, avec les deux do'ujls inlcrmédia'nes cxlrùmemeni l6nr]s cl armés, ainsi que les latéraux, d'ongles courts, con- vexes, le pouce néiavl presque apparent que par son onçjle; postérieurs à cinq doiqts bien mar- qués, les trois intermédiaires à onyles médiocrement comprimés et allongés, et les deux externes, qui sont plus courts que les autres, h ongles courte, convexes. Corps couvert non de piquants, mais de poils assez doux sous le corps, ne présentant rien de rcnmrqnable en dessus et devenant seulement raides sur la tête. Queue assez semblable à celle des Didelplies, très-longue, souvent même plus que le corps, cou- verte, h sa face, de poils, et vêtue, dans ses quatre derniers cinquièmes, d'écaillés circulaires ou hexagonales, régulièrement disposées par rangées circulaires. Le genre Daetglomgs a été créé par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire pour VEchimys dactijlinus. Et. Geoffroy Saint-lliliiire, et le oora qu'il lui a appliqué dérive de cette dénomination spécifique : un seul individu de l'Amérique du Sud et provenant du Musée de Lisbonne, avait servi au savant profes- seur du Muséum pour la création du groupe: mais depuis MM. De Castelnau etE. Deville en ont rap- porté plusieurs individus, et ce dernier s'en est occupé dans une note insérée dans la Revue zoolo- ijiquc. Les Daclijlomgs sont surtout remarquables par leur système dentaire, par l'organisation de leurs pattes et par leur système pileux; aussi dirons-nous encore quelques mots à ce sujet. Plusieurs zoologistes se sont occupés du système dentaire des Daclglomys, Fr. Cuvier, à l'article Echimiis de son ouvrage sur les Dents des Mammifères, termine en 182o. donne la description sui- vante de l'Échimys dactylien, espèce type de ce groupe générique : « Incisives, f; molaires, |^^. A la mâchoire supérieure, les incisives sont unies et légèrement arrondies, et elles prennent racine au- dessus de la première màchelière. Les mâchelières sont toutes à peu près d'égale grandeur, et leur forme est très-régulière à certain degré d'usure : toutes, à un premier degré, sont partagées trans- versalement par un sillon, et chacune des deux portions qui en résulte a une échancrure profonde à la face interne et se termine en angle aigu à la face externe; mais le bord antérieur, ou la ligne d'émail qui forme cet angle antérieurement, est arrondi. A mesure que l'usure augmente, les échancrures s'effacent ou s'interrompent et se transforment en ellipses. A la màchelière inférieure, l'incisive est semblable à celle de la mâchoire supérieure; elle naît au-dessous des dernières mâchelières. Celles-ci vont eu grandissant un peu de la première à la dernière; toutes se composent de deux parties : la première, qui est la plus grande, et qui a une profonde échancrure à sa face interne; et la seconde, séparée de la première par un sillon transversal, a la forme d'une ellipse très-allongée. La pre- mière de ces dents a, en outre, à sa partie antérieure, un point circulaire entouré d'un cercle d'é- mail. » A ces observations M. Isidore Geoffroy Saint-Ilibire ajoute les remarques suivantes, qui sont du plus haut intérêt : « A la mâchoire supérieure, les deux rangées dentaires, déjà si peu écartées en arrière qu'il n'existe entre elles qu'un espace égal à la largeur d'une dent, se rapprochent de plus en plus en avant, au point que, tout à fait à leur partie antérieure, elles ne s^ trouvent plus séparées entre elles que par un simple sillon. Les deux rangées dentaires inférieures sont aussi plus rapprochées en avant qu'en arrière; mais l'intervalle qui les sépare est partout beaucoup p!us grand, quoique bien moindre encore que chez les autres lîongeurs. » Enfin, en nous occupant du genre f.a- siuromys, nous donnerons, d'après E. Deville, quelques détails sur le système dentaire d'un groupe d'animaux très-voisins, sous le rapport odontologique, de celui des Daelglomys. Il en sera à peu près de même lorsque nous nous occuperons des Nelomys, qui en sont également assez voisins sous le même point de vue. M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire donne ainsi la description des pieds des Daclylomys. « Les pieds de devant offrent peut-éire la conformation la plus remarquable et la plus éminemment carac- téristique que l'on connaisse chez les Rongeurs, quelques fouisseurs exceptés : il n'existe que quatre doigts; les deux latéraux assez longs, les deux intermédiaires extrêmement longs, tous quatre armés d'ongles courts et convexes, semblables à ceux d'un grand nombre de Singes; les paumes, aussi bien que les plantes, sont nues. Les pieds postérieurs, de forme assez allongée, ont cinq doigts : les trois médians, qui sont les plus longs, ont des ongles de forme allongée et médiocrement com- primée : le doigt externe, beaucoup plus court, a un ongle beaucoup plus court aussi et convexe: KOXGKllRS. 123 en(in le doigt interne, très-court, porte un ongle également très-court et souvent comparable à l'ongle du pouce dun grand nombre de Quadrumanes. » E. Deville dit que M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire a été trompé par le mauvais état du sujet qu'il a observé lorsqu'il a annoncé, avec tous les zoologistes, qu'il n'existait au pied de devant que quatre doigts; selon K. Deville, les pieds anté- rieurs, de même que les postérieurs, auraient cinq doigts, et il ajoute : « Les deux doigts laté- raux sont longs, les deux intermédiaires très-longs, à ongles courts et convexes, et le cinquième doigt ou pouce est tellement petit, qu'il paraît rudimentaire; mais, lorsqu'on regarde avec attention (dans un sujet bien complet), on aperçoit un doigt portant un ongle de forme arrondie. Ce n'est seulement que sur le squelette que l'on peut se rendre parfaitement compte de l'existence de ce doigt, qui est composé de deux phalanges. » Dans l'espèce typique de ce genre, les poils du dos sont de deux sortes : les uns plus courts, d'un roux mordoré; les autres plus longs, noirs ou noirâtres, avec l'extrémité d'un gris jaunâtre; ceux des lianes sont pareillement noirs, avec la portion terminale gris jaunâtre; le dessous est blan- châtre, et les membres sont presque entiers de cette couleur, sauf un certain nombre de poils fon- cés mêlés au milieu des autres; le dessous de la tête est couvert de poils raides qui forment deux huppes, l'une très-petite et dirigée en avant sur le nez, l'autre plus grande et dirigée en arrière sur la nuque. Ce sont même ces derniers caractères qui servent principalement à distinguer, au premier aspect, les Dacnjlonvjs des Echbmjs. La queue oifre aussi de bons caractères par sa longueur et surtout par sa disposition assez ana- logue à celle des Sarigues, quoique non prenante, selon l'observation d'E. Deville. Une seule espèce entre dans ce genre, c'est : DACTVLOMYS TÏI'l;;. UACTYLOMYS TiPVS. h. Geoffioy Saint-IIilaire. CARACTÈnES siÉciFiQUEs. — Corps couvcrt de poils assez doux, variés de roux mordoré, de noir et de fauve; une petite huppe de poils un peu raides, d'un blanc roussâtre sur la tête. Taille d'environ trois décimètres et demi; la queue plus longue que la tête et le corps réunis. Fis; 36. — Daclylomys tyj)C. Cette espèce est VEclihnys daclijlhms d'Et. Geoffroy Saint Hilaire, Cuvier, A. G. Desmarest, Les- son, etc.; c'est le Lonclieres dacltjlinus, Fischer, et c'est à M. Isidore Geoffroy que l'on doit son élévation comme type d'un groupe particulier sous la dénomination que nous avons indiquée. Jusque dans ces derniers temps, on n'en connaissait qu'un seul individu, rapporté du musée de Lisbonne par Et. Geoffroy Saint-IIilaire; mais, assez récemment, plusieurs exemplaires en ont été I2i ■ IJISTOIRE NATURELLE. i;ii)])Oi't(''s do rAméiiquo du Sud par l'oxpédition scienlilique de M. De Casteinaii. D'après E. Doville. (|iii faisait partie de cette expédition, le pelage des jeunes individus csl généralement plus fauve que celui des adultes, et ne présente pas de roux sur le dos; car les poils y sont noirs à la base et fauves fi l'extrémité; la queue est terminée par un petit pineeau de poils blancs. (in supposait cet animal propre au Brésil, mais, d'après E. Deville, il habiterait les bois humides des provinces du Pérou. Ce n'est que le matin et le soir que l'on peut se le procurer; car, dans le milieu de la journée, au moment des fortes chaleurs, il se tient blotti dans des trous qu'il ne fait pas lui-même. lo"'" GENRE. — ÉCIJIMYS. ECUIMYS. Etienne Geoffroy Saint-Ililaire, 1809. Bulletin de la Société pliilomatliique de Paris. E/ivcç, Hérisson; {^.j;, Rai. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsicmc (Icuiairc : incisives, |; molaires, f^; en lotnlité vingt dents. Molaires sn-péricures for- mant deux courtes rangées sensiblement parallèles et assez écartées : chacune de ces molaires iliviscc, par un sillon, en deux portions, dont la postérieure seule est large et subdivisée par un sillon secondaire, et l'antérieure est, au contraire, étroite et sillonnée; molaires inférieures éga- lement divisées en deux portions tris-inégales : l'une étendue et double, qui, à cette mâchoire, est antérieure, et une étroite et simple, postérieure. Pas d'angles rentrants ni saillants aux bords in- ternes des rangées dentaires inférieures. Oreilles grandes, membraneuses^ ovalaires. Corps couvert, supérieurement, et surtout sur la tête, d'un mélange de piquants aplatis et de ]ioils. Pattes grêles, étroites, toutes manifestement pentadaclgles; doigts externes du membre de devant bien développés, tandis ijue ceux du membre postérieur sont très-courts; doigts externes, soit aux membres de devant, soit aux membres de derrière, extrêmement petits, presque rudimentaires; ongles, liors ceux de ces derniers doigts, comprimés, arqués, assez petits en arrière, très-petits en avant. Queue souvent plus longue que le corps, revêtue, dès son origine, cVécaillcs et de poils en pro- portion variable. Le genre Echimgs a été indiqué, en 1809, par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, puis désigné par llli- ger, en 1811, [Prodromus sgstematis Mammulium et Avium), sous la dénomination, encore quel- quefois adoptée, de Loncheres (y.c^y/.p-/;:, qui est armé d'une lance), et, ainsi que nous l'avons dit dans nos généralités sur les Échimysiles, a été depuis partagé en plusieurs groupes particuliers, sur- tout par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui en a donné une bonne monogi'aphie, et ne comprend plus aujourd'hui que quelques espèces. Les Echimys ont été étudiés avec beaucoup de soin, soit sous le point de vue anatomique, soit sous celui de la zoologie. M. Pictet a donné la description du squelette d'une espèce de ce genre, VEeltimgs Caiicnucnsis , et il l'a fait comparativement avec celle d'un squelette du genre Rat. Nous renvoyons le lecteur au travail du savant genevois. M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire a surtout donné une bonne description du système dentaire des Echimys, comparativement à celui des groupes génériques voisins et principalement celui des iSélomijs. « Les molaires supérieures, dit-il, sont disposées en deux rangées sensiblement parallèles et très-distinctes l'une de l'autre. On peut donner une idée claire et exacte de l'étendue de l'inter- valle qui les sépare, en disant que la longueur de l'une des rangées est moindre que la distance com- prise entre les bords externes de Pune et de l'autre rangée. Les Nélomys présentent, au contraire, une tout autre disposition, et la différence est même telle à cet égard entre les deux genres, que .l'on peut reconnaître, par elle, de très-loin et avant tout examen de détail, un crâne d'Echimys d'un Pin-. 1 _ llespéromys à deux taclies. Fift. '2. — 1. lèvre variable. l'I. 20. IWiNGEinS. 12 b rràne de Nélorays. Cette différence, il est vrai, ne dépend pas seulement de l'écartement des deux rangées dentaires, mais aussi de leur brièveté absolue, brièveté qui tient un peu de la longueur des molaires. Chacune de celles ci, seulement aussi longue que large, est transversalement divisée par un sillon oblique très-marqué et descendant assez bas, sur le côté interne, en deux parties très-iné- gales, Tune antérieure, l'autre postérieure. L'antérieure est une partie étroite et plus ou moins com- plètement simple, comprenant le tiers de la couronne dentaire; les deux autres tiers de la (-ouronne représentant un triangle assez irrégulier et à côtés sinueux, ayant son sommet en dedans et sa base en dehors. Dans l'intérieur de ce triangle est un sillon à peu près transversal qui en divise la surface en deux portions. Tous ces détails peuvent être résumés en disant que chaque dent a la couronne divisée en deux portions, dont la postérieure, beaucoup plus grande, est, à son tour, subdivisée par un plus petit sillon. Les molaires inférieures sont, comme les supérieures, composées de deux parties transversales séparées par un sillon oblique, et dont l'une, étroite et simple, comprend un tiers, et l'autre, triangulaire et double, les deux tiers de la couronne. Mais ici, contrairement à ce qui a lieu en haut, le sillon divise profondément le côté externe, et est à peine marqué au côté in- terne, et c'est ici la surface antérieure qui est double et la postérieure qui est simple. Les molaires supérieures et inférieures se ressemblent donc, quant aux éléments dentaires dont elles se compo- sent; mais ces éléments dentaires offrent, supérieurement et inférieureraent, des dispositions inver- ses. Les dents présentent, d'ailleurs, selon les espèces et, dans la même espèce, selon l'âge, des dif- férences qui modifient notablement l'aspect de la couronne des molaires. On peut prendre une idée des différences extrêmes en comparant les figures des Echimys selosus et hisp'ulus [Mag. zooL, deuxième série, deuxième année, 1840, pi. XXXIX), à celles de tout le genre, qui diffèrent plus par leurs dents aussi que par leurs téguments et leur queue. » La forme générale des Échimys est assez semblable à celle des Rats, surtout pour la disposition du corps. Les oreilles sont ovalaires, assez grandes, membraneuses. Le pelage est composé, en des- sous, de poils; en dessus, d'un mélange de poils et de piquants aplatis, comparables à des lames allongées, triangulaires, très-pointues, mais ayant, à droite et à gauche, sur toute leur longueur, un rebord épais; ou, ce qui revient au même, ces lames sont assez épaisses à leurs bords, mais exca- vées et amincies dans leur portion médiane. Une particularité des plus curieuses, observée par M. Piclet dans son Ecliimtjs inermis, consiste en ce que, chez ce Rongeur, il semble, à première vue, n'y avoir de poils épineux sur aucune des parties du corps, mais que, si l'on étudie au microscope les poils des parties supérieures, on voit qu'ils sont absolument composés comme les piquants des Échimys ordinaires. Les pieds postérieurs, de forme très-allongée, ont cinq doigts. Le médian et ses deux voisins, à peine plus courts que lui, sont surtout extrêmement longs; vient en- suite l'externe, puis l'interne, qui est très-court. La surface plantaire est nue sur toute sa longueur. Les pieds de devant, dont la paume est pareillement nue, ont, comme les antérieurs, cinq doigts; mais leurs proportions ne sont plus les mêmes. Après le médian, qui est le plus long, vient le qua- trième, puis le second, notablement plus court que le précédent, puis l'externe, et enfin le pouce, qui est excessivement court, et l'on peut dire même seulement rudimentaire. Tous les ongles, hors ceux des pouces, qui sont extrêmement courts et obtus, sont petits, mais arqués, aigus, comprimés. En arrière, tous les ongles sont de cette dernière forme, mais très-différents par leur grandeur. Ceux des pouce» sont très-petits, ceux des autres doigts plus grands, quoique encore assez petits, que ceux de devant. La queue, longue et très-grêle, est, sur toute sa longueur, et par conséquent sans excepter sa base, couverte d'écaillés carrées ou ovalaires, régulièrement disposées par rangées circulaires. Des intervalles de ces écailles sortent des poils toujours assez nombreux et assez longs pour être aperçus dès le premier aspect, principalement sur la partie terminale de la queue : quel- quefois même, comme chez VEcliimys hisp'ulus, ces poils sont assez longs, sans cependant l'être beaucoup, et assez nombreux pour cacher les écailles, surtout vers le bout de la queue. C'est en ayant égard à l'état de ce dernier organe que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a trouvé moyen de subdiviser les espèces d'Échimys en deux sections : celles où les écailles de la queue s'aperçoivent partout, et celles où la queue présente des poils assez nombreux pour cacher les écailles vers la partie terminale. Les mœurs des Echbnys ne sont pas connues d'une manière satisfaisante, et l'on suppose seule- ment que, sous ce rapport, ils ont plus de ressemblance avec les Loirs qu'avec les Rats. Ils sem- blent être des animaux grimpeurs et frugivores. 120 mSTOlUK NATrnKI.l,F. M. Isidore (ieofïroy Sainl-llilaiie iraifmct que six espèces dans ce ijenre, et encore rei,'arde-t-ii comme douteux X Eclnnujs mijosuros : M. l'ictci. plus récenuiient, a fait connaître une nouvelle es- pèce, VEvlimujn lurnn'i.'i, et a montré (ju'on devait probablement réunir en une seule espèce les Ech'imijs Cajiainensis, setosus et mifosuros, et, dès lors, il n'existerait jusqu'ici que cinq espèces de ce genre, et toutes seraient propres à TAmérique méridionale. ESPÈCE A OLEUE ÉCAILLEUSE. 1. ÉGUIMYS DE CAYENNE. ECIIIMYS CATE^NE^SIS. Et. Geoffroy Sainl-Hilairr, Piclet. Caractères spécifiques. — Dessus du corps variant du brun gris au brun roux: flancs plus clairs; dessous du corps, côté interne des pattes et pieds, d'un blanc pur, séparé de la couleur brune par une ligne tranchée; sur le dos, des piquants longs et faibles, presque entièrement cachés dans les poils, et la croupe ainsi que les cuisses non recouvertes de véritables piquants dans le plus grand nombre des cas et chez les individus presque adultes ; tarses postérieurs longs ; queue écailleuse, présentant des poils blanchâtres qui forment un pinceau à l'extrémité. Taille de moins de deux décimètres; queue plus longue que la tête et le corps réunis. La synonymie de celte espèce est assez embrouillée, surtout d'après les dernières observations de M. Pictet, qui réunit en une seule trois espèces admises assez généralement par les auteurs. Ces pré- tendues espèces sont : 1° EcHiMYs SOYEUX (Eclumijs sctosus, Etienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Desmarest, Cuvier, Lonclieres setosa, Fischer), qui serait le jeune âge de i'Échimys de Cayenne, n'aurait que trois molaires de chaque côté des deux mâchoires, et dans lequel il n'y aurait souvent pas de piquants parmi les poils; 2° ÉciiiMYS DE Cayenne (Ecliimijs Caiicnnens'is] ou Uat ue i.a Guyane {Ecliimijs (yiiiianensis, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, Lonclieres Ccuianiensis, Fischer), qui serait l'adulte de l'espèce depuis le moment où les vrais piquants naissent jusqu'à celui où ils sont en majeure partie sur le dos: 3° ÉcHiMYs MYOSURE (Ecliimijs [Lonclieres] nnjosuros, Lichtenstcin; Mus lepiosoma et cinnamo- meus, Lichtenstein, et Lonclieres longicaudatus, [iengg), qui serait l'individu tout à fait adulte, et chez lequel les piquants du dos seraient médiocrement longs, mais très-larges, ronds, et en partie seulement couchés dans les poils. Les habitudes de ce Rongeur ne sont pas connues. Il habile une grande partie de l'Amérique mé- lidionale, principalement la Guyane, le Brésil et le Paraguay. 2. ÉCHIMYS A ÉPINES BLANCHES. ECHIMTS ALBISPIM'S. Ts. Geoffroy Saint- Ililnirc. Cahactères spécifiques. — Dessus du corps d'un brun rougcâtre, un peu plus clair sur les flancs; dessous du corps et la plus grande partie des pattes d'un blanc pur: des piquants très-forts, très- nombreux, peu mélangés de poils, et répandus jusque sur la croupe et les cuisses : ceux des parties latérales à extrémité blanche; queue écailleuse, avec quelques poils courts, bruns à la face supé- rieure, blanchâtres à l'intérieur. Taille de moins de deux décimètres; queue à peu près de même lon- gueur que le corps et la tête. Habite l'île de Déos, sur la côte du Brésil, près de Bahia. ESPECES A QUEUE VELUE. 5. ÉCHIMYS SANS ARME. ECniMYS I.\ERMIS. Piolet. f!\RACTÎ;RES SPÉCIFIQUES. — Pelage doux et soyeux, même lorsqu'on passe la main d'arrière en RONIJEUHS. 127 avant et même chez les individus très-adultes; mais on peut reconnaître au microscope que ces poils soyeux sont canaliculés comme les piquants des autres Echimys, sans que leur diamètre dépasse toutefois celui d'un poil ordinaire; brun fauve roussâtre, plus foncé sur le dos et plus blanchâtre en dessous; poils du dos de deux sortes : les uns cylindriques, les autres aplatis; gris dans la moitié basilaire bruns ensuite, puis d'un jaune clair et terminés par une pointe d'un brun foncé; ceux de la croupe un peu plus longs; queue à écailles, mais celles-ci cachées par de très-grands poils qui les recouvrent. De la taille du précédent. Habite le Brésil et la Bolivie. 4. ËCHIMYS ÉPIÎNEUX. ECHIMYS SPINOSUS. Et. Geoffroy Saliil-Hilaire. Caractères spécifiques. — Dessus du corps roux, blanc en dessous; queue couverte d'un assez grand nombre de poils courts, et beaucoup plus courte que le corps, qui a de 2 à 5 décimètres. Cette espèce est le Bat épineux ou Bat premier, D'Azara; Échiîiys roux, G. Cuvier [Lonclieres rufa, Lichtenstein). On le trouve au Paraguay. Fig. o7. — Èchimys épineux. 5. I^.CHiMYS A AIGUILI.ONS. ECÏÏIMTS UISPIDUS. VA. Geoffroy Sainl-Hilaire. Caractères spécifiques. — Pelage uniformément d'un brun roussâtre, composé de poils en des- sous, et, en dessus, presque entièrement de piquants longs, très-larges et très-forts; queue écail- leuse, mais en même temps couverte de poils brunàires qui, devenant, à partir de la face, de plus en plus nombreux, finissent par cacher entièrement les écailles dans la portion terminale. Taille de moins de 2 décimètres; queue à peu près de même longueur que le corps et la léte. C'est le Lonclieres hï-pïda, Fischer, et il diffère du Mus liispidns de Lichtenstein, qui est un Nélomys. Habite l'Amérique méridionale, probablement le Brésil. Teltes sont les espèces actuellement laissées dans le genre Ecliimys; toutefois faisons observer que le rapprochement indiqué par M. l'iotet de trois espèces en une seule doit être continué ou infirmé par de nouvelles observations. Nous verrons dans les autres genres de la division des Echi- mysites quelques-unes des espèces placées anciennement dans ce genre; pour d'autres, elles doivent être éloignées de ce groupe de Rongeurs comme en différant beaucouj), comme, par exemple, le Lemnus ISiloticus, qui est plus voisin des Lemmings, et le Mus calùrinus, qui, il est vrai, res- 128 IIISTOIRK NATURELLE. semble aux Kcliimys par les léguments, mais qui, ayant un système dentaire fort analogue à celui des Rats, doit former près d'eux un genre distinct, celui des Acoviijs. Quoique, ainsi que nous l'avons dit, toutes les espèces actuellement vivantes du genre Eclnwys soient américaines, il semble cependant qu'on en ait découvert des débris fossiles en Europe. Ce fait curieux n'est, du reste, pas uniquement jiarticulier à ce groupe. MM. Jourdan, De Laizer et De Parrieu ont en effet fait connaître des débris fossiles de crâne et de mâchoires qui se rapportent à des Ron- geurs qui semblent très-voisins des Eclwivjs, et qui provenaient de l'Auvergne. Quant au genre Arcliœmys, que Ton a quelquefois rangé dans la division des Échimysites, il nous semble, et nous avons pour appui l'opinion de Laurillard, qu'il est plus voisin du genre des Capromijs. 16-"^ GENRE. - NÉLOMYS. NELOMYS. Jourdan, 1837. Annales des Sciences naturelles. NyiXvi;, cruel; (^.'J;, Rat. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siislcme dcnlnïre : incisives, |; molaires, |^; en totalité vingt dents. Molaires supérieures for- mant deux loncjues rangées non parallèles, assez rapprochées; chacune de ces molaires divisée, par nn sillon transversal, en deux portions principales très-distinctes; toutes deux étendues et subdivi- sées par un sillon secondaire. Inférieurement, la première molaire pareillement divisée et subdivi- sée : les autres composées seulement de trois portions disposées de manière que les rangées des molaires forment, à leurs bords externes et surtout internes, une suite d'angles rentrants et sail- lants plus ou moins inarqués. Oreilles arrondies, membraneuses, médiocres. Pas de mufle proprement dit, car la nudité qui entoure les narines est seulement linéaire. Corps couvert, supérieurement, d'un mélange de piquants aplatis et de poils. Pattes assez longues: les postérieures beaucoup plus courtes que les antérieures; toutes pentadac- tgles. Doigts externes, soit antérieurement , soit postérieurement, bien développés : les internes., très-courts en arrière, tout à fait rudimenlaux's en avant. Ongles, hors ceux de ces derniers doigts, comprimés, arqués, beaucoup plus petits en avant qu'en arrière. Queue très-longue, à base revêtue de téguments semblables à ceux du corps, et Is reste de son étendue d'écaillés et de poils en proportion variable. Le genre Nélomys a été créé, par M. Jourdan, aux dépens des Échimys des anciens auteurs; il a été adopté, mais avec doute, par Fr. Cuvier, et tout à fait confirmé par M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire, qui a été obligé d'en changer en partie la caractéristique. Les espèces de ce genre, d'une taille plus grande et de forme plus lourde que les vrais Échimys, leur ressemblent, et, par là, diffèrent beaucoup des Dactylomys par la nature de leurs téguments, résultant, en dessus, d'un mélange de poils et de piquants aplatis, à rebords saillants. Le système dentaire a donné lieu à plusieurs travaux intéressants : nous le ferons connaître d'a- près M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire. « Les molaires, en même nombre que chez les Echimys, of- frent une disposition différente, et différent aussi par le nombre et la forme des parties qui entrent dans la composition de chacune d'elles. Les molaires supérieures sont disposées en deux rangées non parallèles; ces rangées sont plus écartées l'une de l'autre en arrière que vers leur partie anté- rieure. Les deux rangées, en effet, après s'être rapprochées, s'écartent de nouveau, mais très-légè- rement, en avant. Chaque rangée suit donc, non une ligne droite, mais une courbe dont la con- vexité, d'ailleurs peu marquée, est en dedans, ou, en d'autres termes, regarde la convexité de l'autre rangée. Les deux rangées des molaires des .Nélomys, à la mâchoire supérieure, diflerentbien plus en- core de celles des Échimys par leur grande longueur, très-supérieure ici à la distance qui sépare les bords internes de l'une et de l'autre. Cette grande longueur vient de la forme, elle-même très-allon- ru.iNGEUr.S. 129 i^oe, de chaque molaire, et celle forme, à son tour, dépend de la composition plus complexe des dénis chez les Nélomys. Chez les Échimys, chaque couronne est divisée transversalement par un sillon en deux parties, Tune intérieure, simple et étroite; la postérieure large et paraissant double, en raison d'un sillon secondaire qui la traverse sur uni^ grande partie de son étendue. Chez les Nélomys, la couronne est aussi divisée par un sillon transversa! en deux parties; mais il y a celte différence que chacune de ces parties, et non pas l'une d'elles seulement, est étendue et subdivisée par un sillon qui la fait paraître double. En outre, ce sillon est ici plus profond, et Ton croirait même, au premier aspect, qu'il existe de chaque côté huit molaires à couronne double, tandis que, dans la réalité, il en existe quatre à couronne quadruple ou au moins triple. La disposition des sil- lons, soit principaux, soit secondaires, est d'ailleurs variable. Us sont tantôt presqu>î reclilignes, transversaux et étendus d'un bord à l'autre de la couronne, d'où la division de la surface coronale des molaires en bandes transversales parallèles, ce qui a lieu chez le Nelomij.s lilainviUii. Dans une autre espèce, le Didelphoïdcs, qui est un Nélomys et non un Échimys, les sillons secondaires, très- marqués au bord externe, ne s'étendent pas jusqu'au bord interne, où les deux subdivisions de la couronne se confondent en une extrémité coronale de forme arrondie. Chez le Neloniijs cristnliis, la même disposition a lieu, et de plus les sillons commencent à être anguleux et ;i tracer sur la couronne des zigzags ; ce que Ton retrouve, et beaucoup plus marqué, dans le Nelonnjs seniivïllosus. Donc Ion voit que les molaires supérieures, si elles étaient les seules parties que l'on connaisse dans les Nélomys, pourraient servir à la fois à les réunir génériquement et à les distinguer spécifiquement. Les molaires inférieures forment dans leur ensemble deux rangées analogues, par leur disposi- tion et leur étendue, aux deux rangées supérieures; mais la forme des molaires est très-différente : leur aspect rappelle la disposition si curieuse et si bien connue chez les Ondatras et les Campa- gnols; les bords de chaque rangée, les internes surtout, présentent plusieurs parties avancées, poin- tues dans quelques espèces, obtuses dans d'autres, et entre ces parties des angles rentrants. La première des molaires inférieures est la plus compliquée dans sa couronne, et celle qui ressemble le plus aux molaires supérieures; elle est divisée, dans toutes les espèces, par deux sillons très-mar- qués et étendus, d'un bord à l'autre, en trois portions principales : la première, antérieure, triangu- laire, ayant son sommet en avant, et souvent subdivisée en deux portions par un petit sillon qui n'en- tame jamais le bord externe; la seconde, intermédiaire, irrégulièrement elliptique, étendue trans- versalement, est toujours simple; la troisième, postérieure, triangulaire, ayant au bord externe son sommet, qui est simple, et, au bord interne, sa base, profondément divisée par un sillon; cette der- nière portion se compose donc de deux segments distincts en dedans et réunis en un seul en dehors; d'où il suit que cette première molaire est quadruple à sa couronne, et même quintuple quand le seg- ment triangulaire antérieur est subdivisé. Les trois molaires suivantes, toutes de même forme, sont, au contraire, seulement triples. Chacune d'elles présente, en dehors, une échancrure, et, en dedans, deux échancrures qui pénètrent très-profondément; ce qui donne nécessairement pour chacune d'elles deux angles plus ou moins distincts au bord exierne et trois au bord interne. Les échancrures et les angles sont prononcés au maximum chez le Nclonnis Blainvilliî, celle de toutes les espèces chez laquelle l'aspect général des molaires inférieures rappelle le plus les Campagnols et les Ondatras; elles le sont au nnnimum chez le iSelomifs cristatus. Sous ce rapport, les deux autres espèces du même genre se placent entre celle-ci dans l'ordre suivant : Nclomiis semivillosits et Nelonnjs arma- itis; le premier se rapprochant du Nclomijs Blainvitlii, et le second tenant une sorte de milieu entre le didelplwïdes et le cristatus. D'autres particularités remarquables des Nélomys se trouvent dans la conformation de leurs pattes et de leur queue. Aux pattes de devant, le doigt interne est tout à fait rudimentaire; c'est un simple tubercule, por- tant toutefois un petit ongle court, convexe, et, par là, très-différent des autres ongles, tous petits, mais comprimés et arqués. Les proportions des doigts sont telles, que le médius et le quatrième, sensibliîment égaux entre eux, séparent le second et le cinquième, plus courts, lesquels sont aussi égaux entre eux. La surface palmaire est nue, de même que la surface plantaire. Les pieds posté- rieurs sont beaucoup plus courts, et, en revanche, beaucoup plus larges que âans les Echinufs. Sous ce rapport, on peut dire que les vrais Échimys sont aux Nélomys ce que les Gerbilles sont ans Rats. Les ongles sont moyens, comprimés, arqués, et par conséquent assez semblables à ceux I.' L7. ioo iiistoihk natuiuilli-. dos l'icliimys; mais les proportions dos doigts sont très-différentes. Leur longueur déoroît dans Tordre suivant : le médius et lo f|ualriômo, lesquels sont presque oxaotement égaux; le second, qui est notablement plus oourt i\uv celui-ci; l'externe, qui est bien développé et par conséquent beau- coup plus long, à proportion, que clioz les vrais Kcliimys; enfin l'interne, qui est plus court. La quoue, longue, mais épaisse à la base, est couverte, dans la plus grande partie de sa longueur, d'ocaillos entre lesquelles naissent des poils parfois assez nombreux pour cacher entièrement celles-ci, non-seulement à Texlrémité, mais dans toute la longueur du j)rolongement caudal. Dans toutes les espèces connues de Nélomys, on trouve un caractère qui, s'il n'est pas par lui-même d'une valeur véritablement générique, est du moins remarquable par sa constance chez les Nelomys, et par son absence non moins constante chez les Eclimiys : c'est que la queue est, près de son ori- gine, couverte de ])iquants ou de longs poils raides et très-résistants, semblables aux piquants ou aux poils de la croupe. M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire partage les six espèces, toutes américaines, qu'il admet dans ce genre, en deux groupes, suivant que chez les unes la queue semble tout à fait velue, et que chez les autres elle paraît tout à fait écailleuse. A ces six espèces M. Pictet en a joint récemment une sep- tième. ESPECES A QUEUE VELUE. 1. NÉLOilYS HUPPÉ. NELOMYS CRISTATUS. h. Geoffroy SuinUIlilairc C.\iîACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Queuc vcluc, en grande partie noire, avec le tiers ou les deux cin- quièmes terminaux blancs; corps d'un brun roussàtre; le dessus de la tète noir latéralement, blanc sur la ligne médiane. Taille d*e plus de 5 décimètres; queue un peu plus longue que le corps et la tête réunis. Cette espèce a été désignée par Buffon sous le nom de Lérot a queue dorée : c'est Y Ihjsir'ix dirij- suros, Schreber, qui a été successivement rangé dans les genres Mijoxus et Lonclieres, et qu'Etienne Geoffroy Saint-Uilaire a indiqué sous la dénomination d Échihys huppé (Ecli'wnjs cristatus), quia été presque généralement adoptée jusqu'à ce que le genre Nelomys ait été créé. Dans cette espèce, les formes générales sont assez semblables à celles du Lérot. La tète est très- grosse à proportion du corps; le museau et le front sont étroits; les yeux assez petits; les oreilles larges, courtes et ne s'élevant pas au-dessus des poils de la tête; les moustaches sont fortes et très- grandes; des piquants plats, de la longueur de 0'",05 environ, sont entremêlés au poil du dos et s'élèvent au-dessus de lui, moins nombreux et plus petits sur les flancs, et nuls sous le ventre : ces piquants, étant d'abord cylindriques et très-minces, s'aplatissent ensuite, et leurs bords relevés leur donnent la forme d'une gouttière, dont le fond est jaune et les côtés sont bruns. Pelage de couleur marron, tirant au pourpre presque noir sur les côtés de la tête, et au brun sur le milieu du dos, plus pâle sur les flancs et très-clair sous le ventre; base de la queue de couleur marron, son milieu étant noir, et sa dernière moitié de couleur jaune; poils de cette dernière partie plus longs que ceux de la base. Une tache blanche, allongée, étroite, sur le front. Huit mamelles. Ce Nélomys habite la Guyane : ses mœurs ne nous sont pas-connues. 2. NÉLOMYS PEl.NT. NELOMYS PICTUS. Pictet. Caractères spécifiques. — Tête grosse; yeux médiocres; oreilles arrondies; pattes fortes, médio- crement longues; ongles comprimés, aigus; queue longue, épaisse, solide; côtés de la tête, cou et ventre, blanchâtres; dessus de la fête et du corps brun noirâtre; dessus de la queue plus roussûtre et dessous plus blanchâtre; tête couverte de longs poils. Longueur de la tête et du corps, 0'",058; de la queue, 0,055. Ce curieux Piongeur, qui est propre au Brésil, se rapproche plus que les autres espèces du même UONGEUnS. 151 i^roupe des Uaclijluiniis; mais cost bien un A'c/oj»//5 par la disposition de son système dcntairo et de ses pattes. Les poils ne semblent pas épineux à simple vue, mais présentent cetle structure au microscope. Deux autres espèces du même groupe sont le Nélomys paillé (A^c/oj»yjs paleaceus, Illiger) et le N. DE Blaikville (A^. BlahivUlii, Jonrdan), du Brésil. Fiï. 58. — Ni'lomys de ni.iinvillc. ESPECES A QUEUE ECAILLEUSE. 3. NÉLOMYS D1DEI.PI101DE. NELOMYS DIDELPHOIDES. Etienne et Is. Geoffroy Saint-IIiliiirc Caractères spécifiques. — Queue écailleuse, sauf la base, avec quelques poils brunâtres; corps d'un brun roussâlre tiqueté de jaune clair, avec le dessous blanchâtre; des piquants médiocrement forts sur le corps, extrêmement ténus sur la tête. Taille d'environ 0'",20; la queue plus courte que la tète et le corps réunis. Celte espèce, qu'A. G. Desniarest a fait connaître le premier, d'anrès Et. Geoffroy Saint-Ililaire, provient, comme les autres Nélomys, de l'Amérique méridionale. 4. NÉLOMYS ARMÉ. NELOMYS ARMATIS. Is. Geoffroy Saint-niliirc. CARACTiinEs SPÉCIFIQUES. — Qucuc écailleuse, sauf la base, avec quelques poils blancs; dessus du corps d'un brun tiqueté de jaune; dessous blanchâtre; côtés de la tête roux; piquants du dos très- larges et forts. Taille de O"^,^ environ; queue seulement égale aux trois quarts de la longueur de la tête et du corps réunis. Celte espèce, qui a été confondue avec VEcliiinijs hlspidiis, dont elle est distincte, a été désignée, sous les noms de Mus hispidus, Lichslenstein, et de Loncliercs Inspida, Fischer. Elle habite la Guyane. 5. NÉLOMYS DEMI-VELU. NELOMYS SFMlVILiOSUS. Is, Geoffroy Siint-IIilairc. Caractères spécifiques — Queue écailleuse, sauf la base, mais encore avec des poils assez nom* breux de couleur fauve; corps d'un brun roussâtre tiqueté de jaune, avec le dessous plus clair; des \:,2 IllSTOirŒ iNATUl\l'IJ>E. ]>iqiiants nHHliooroment loris sur le corps, d'autiTs plus faibles, mais encore Irèsraides cl très apla- ',is sur la tète. Taille un peu moins île 0'",!20; queue ayant pareillement un peu moins de 0"',50, et par conséquent égale à la tète et au corps réunis. Habite la Nouvclle-drenade. C'est auprès des Fsclomijs que nous placerons deux groupes génériques de Rongeurs lossiles, dé- couverts dans les cavernes du Brésil par M. Lund, et indiqués par ce naturaliste dans les Annales des Sciences mtlurelles pour 1857; ce sont : 1° les PlnjUomijs (cpuAXov, feuille; [j.-j-, Hat), qui ne comprend que le P. affmis Brnsiliensis, et 2° les Lonclwplioriis {y.ofyr,, piquant; œ:;», je porte), ayant pour type el espèce unique le L. fossids. 17""= GENUE. — LASIUROMYS. LASlUnOMYS. E. Doville. 1855. l'.cvui' et Magasin de Zoologie, 2' série, t. IV. Aaoi'.:, lu'rissé; u.u;, Rnl. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Si/sicme dentaire : dénis en même nombre que dans les Daclijlomijs cl les Nrlomiis; molaires su- périeures, au nombre de quatre, transversalement ■partagées en deux parties distinctes : chacune d'elle formée d'une lame en émail un peu arrondie au côté interne et présenjanl un profond repli au côté externe; molaires inférieures également partagées en deux parties. Corps couvert entièrement de poils, comme dans le Ductglomijs, el non de piquants, comme dans la plupart des Nélomgs. Pieds à cinq doigts : les antérieurs courts, avec les deux doigts inlermédiaires assez longs, et les deux latéraux plus courts; le cinquième doigt rudimcntaire, représenté par un ongle convexe; les autres ongles comprimés, arqués ; postérieurs allongés, avec les trois doigts médians les plus longs, icxterne plus court el rinterne encore plus court; tous aijant les ongles comprimés, arqués, plus forts que ceux des pieds extérieurs. Queue presque aussi longue que le corps, entièrement couverte de poils longs et doux; des écailles carrées, disposées par rangées transversales régulières rf'où sortent les poils nombreux qui recou- vrent le dessous de la queue. Le genre Lasiuromijs, créé par E. Deville pour un Rongeur découvert par l'expédition de M. De Castelnau dans FAmérique méridionale, présente des caractères communs aux deux genres Daciglomgs et Nelomgs. « C'est principalement, dit E. Deville, dans sa dentition et dans la forme de ses pattes qu'il se rapproche desNélomys, etj)ar son ensemble et son pelage qu'il se rapproche des Dactylomys. Les dents molaires de la mâchoire supérieure, au nombre de quatre de chaque côté, forment, comme dans ces deux genres, deux lignes très-rapprochées, mais différemment disposées. Elles sont dis- tantes, en avant, de la largeur de cinq millimètres, et, eu arriéré, d'environ la largeur de deux dents, ou six millimètres; elles diffèrent en cela de celles des Dncttjlomys, qui, en avant, sont séparées tout au plus par* la distance de deux millimètres, et qui, en arrière, se trouvent écartées de la lar- geur de sept millimètres; ce qui donne à la mâchoire supérieure l'apparence dun triangle; el de celles des Nélomys, qui, en avant, ont les leurs d'environ la largeur de deux dents, ou quatre milli- mètres, et, en arrière, de six millimètres. La composition des molaires de la mâchoire supérieure du I asiuromgs présente quelque ressemblance avec celle du Nélomys; on peut même dire qu'elles sont presque identiques, à quelques différences près, dans le dessin de la dent, avec celles de ce genre. Elles sont transversalement partagées en deux parties très-distinctes; chacune d'elle est formée d'une lame en émail un peu arrondie au côté interne, et elle présente un profond repli à son côté externe, li'analogie se conserve pour la mâchoire inférieure; la couronne de la dent est divisée en deux parties, et, elle est formée par une lame plissée unique, ayant deux profonds replis à son côté interne et trois a son côté externe. Les pieds antérieurs et postérieurs présentent cinq doigts ayant à peu près la Fij; I. — liréiliizon à ;j;rosse queue. Fig. 2, — l'i'iognallic luscié. PI. 27. ROiNGEUUS. 1 r.5 même disposition que chez les Nélomys. Les pieds antérieurs sont courts: les deux doigts intermé- diaires sont assez longs; les deux latéraux plus courts; cliacun de ces doigts est armé d'un ongle com- primé et arqué; le cinquième doigt, ou pouce, est rudinientaire, et représenté par un ongle con- vexe. Les pieds postérieurs sont de forme assez allongée et ont cinq doigts; les trois médians les plus longs, le doigt externe un peu plus court et le doigt interne encore plus court; chacun de ces doigts porte un ongle comprimé, arqué, et plus fort que ceux des pieds antérieurs. Ce qui rapproche le La- siuromiis du Dactijlomijs et du j\e(oiiiys, c'est aussi l'état des téguments du corps pour le premier, et la proportion des poils de la queue pour le second. » Tels sont les principaux caractères assignés par E. Deville à ce genre, qui ne comprend qu'une seule espèce. LASIUCOMYS VILLEUX. LASIUROJIYS VILWSUS. E. DcviUc. CAiiACTÈBES SPÉCIFIQUES. — Corps couvcrt de poils doux: dessus de la tête d'un blanc roussàtre; joues, oreilles et une grande tache sur le dos, noires; le reste du corps lavé de roux et de gris: ventre fauve; queue moins longue que l'animal, velue, dans toute son étendue, roussàtre à sa nais- sance, noire dans le reste de sa longueur. Longueur de la tête et du corps, 0'",05l; de la queue, 0'",027. Dans cette espèce, les poils de la tête sont dirigés comme ceux des Dactylomys; mais, au lieu d'être des poils durs, ils sont, comme le reste du corps, doux au toucher. Ce caractère, que nous indiquons d'après E. Deville, n'indiquerait-il pas que ce Rongeur n'appartient peut-être pas au groupe des anciens Ech'mvis? Les mœurs du Las'niroimjs ne sont pas connues; d'après la disposition de ses ongles, il semble que c'est plutôt un animal grimpeur qu'un animal fouisseur. Il a été trouvé dans le Pérou auprès du village de Saint-Paul, dans la partie brésilienne du haut Amazone. IS"'" CE.NUE. — IIÉTÉP.OMYS. UETEROMYS. A. G. Desmarest, ïWa. Dictionnaire d'Hisloire iiauircll?. Etcio;, différent; ,au:, Rai. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siisthve dentaire : incisives, |; molaires, ;j^|; en totalité seize dents. Des abajoues extérieurs comme les Hamsters. Pieds offrant six callosités en dessous et cinq doigts, dont l'interne est très-petit. Forme générale du corps et queue des Rats. Des piquants aplatis sur le dos, comme chez les Ecliimijs. Ce genre a été proposé par A. G. Desmarest, qui lui-même ne l'a pas reproduit dans sa Mam- malogie, tandis que Lesson, au contraire, dans son Manuel de Mammalogie, 1857, l'a adopté : il correspond probablement au groupe des Dasgnotus (^ativr, poilu; v^ro,-, dos) de Wagler [JSatur. sgst. der Ampli., 1850). Mais il n'est pas suffisamment connu pour ligurer délinitivement dans la série zoologique : si sa caractéristique se vérifie, et principalement celle de son système dentaire et de ses abajoues, il est véritablement des plus curieux. Par son système pileux, il se rapproche des Échimys, auprès desquels nous le rangeons avec doute, et, par ses abajoues, il a du rapport avec les Hamsters, dont on l'a généralement rapproché. La seule espèce connue est le : loi IlISTOlRl!; NATURELLE. IIKTKROMYS HK THOMPSON. UKTEIlOMYa rilOMPSOMI. Lps?on. Cahactèiiks si'kcifiquks. — Pelage briiii-inairoii en dessus el blaiie eu dessous; dos revêtu d'é- plues laiieéolées, Unes, cntremcléos de poils llus; (pieue écailleuse, revêtue de qiu'lques poils épars. De la taille du Hat commun. Cette espèce est le Mus anomalns de Tliompson, le Cricclus anomalus d'A. G. Desmarest, el est souvent regardé comme une simple espèce du genre Hamster. Habite l'île de la Trinité. 19""' GENRE. - CERCOMYS. CERCOMYS. Fr. Cuvier, 1852. Nouvelles Annales du Muséun), t. I. K65/.0;, queue; f^-u', Rat. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslènte dcniaire : dénis en même nombre que celles des Ecliimys; couronnes des molaires supé- rieures ayant deux triancfles échancrés a la face exltrnc, a forme circulaire. Os incisif prolongé en avant el en arrière des os du nez, élargi à la partie antérieure. Pariétaux courts, de forme bombée. Poils de deux sortes : les uns longs, droits, fermes, assez rares, de conlexturc uniforme; les autres courts, fms, doux, plus épais que les premiers. Pas d'épines parmi ces poils. Tels sont, en résumé, les caractères particuliers que Fr Cuvier assigne à ce genre, et qui sont loin de prouver suflisamment que ce groupe doit être placé définitivement parmi les Écliimysites, quoique toutefois il ail un peu l'aspect des Echinnjs. Mais en même temps il a quelques rapports avec les Capromys, ce qui Ta quelquefois fait ranger dans la même division que ce groupe générique remarquable. On n'admet qu'une seule espèce de Cercomys, et elle provient de l'Amérique méridionale et plus spécialement du Drésil. Fifr oD. — Cercomys. [iONGELUlS. 135 CAPROMYSITES. CAPROMYSIT.E. Nobis. Siislhne denlaire, an moins dans (es Capronujs, composé de : incisives, |; molaires, |^; en totaliié vingt dcnls. Molaires à couronne disposée comme celles des animaux qui mangent des ma- tières végétales et presque analogues a celles des Castors. Tête assez allongée. Moustaches fortes. Yeux médiocres. Oreilles droites, moyennes: Pas d'aba- joues. Cou court. Pieds robustes: les antérieurs à quatre doigts bien séparés et à pouce rudimentaire, et les pos- térieurs à cinq doigts, dont le pouce est le plus petit de tous. Ongles forts, aigus. Queue de la moitié de la longueur du corps, jorte; conique ou grêle, couverte de nombreuses écailles disposées par anneaux. Poils assez fournis, rudes; quelques poils plus fins sur différentes parties du corps. Taide assez forte, et équivalant à trois ou quatre fois celle des Bats. La division que nous indiquons ici a été créée par Lesson sous le nom de famille des Capromy- siDE^, et comprend principalement le genre Capromgs, qui en est véritablement le type. Ce sont des animaux assez peu nombreux, propres aux Antilles, à la Malaisie, et peut-être, pour quelques espèces fossiles, à l'Amérique méridionale et à TEurope. Les Capromysites sont des Ron- geurs ayant de très-grands rapports avec les Rats, mais dont la taille, assez voisine de celle des Lapins, est beaucoup plus considérable. Ils vivent de substances végétales, et, une espèce au moins, peut être facilement réduite à l'état domestique. Les trois genres principaux de cette division sont ceux des Capromgs, Plagiodontia et Plibmijs; d'autres groupes y ont été rattachés, tels sont : le genre Mgsateles, Lesson, qui peut naturellement rentrer dans le genre Capromys; le genre Cercomgs, Fr. Cuvier, que nous avons ranijé dans une autre division, et celui des Aulacodes, qui est mieux à sa place auprès des [Iijstrix. Enfin quelques groupes fossiles, tels que ceux des Megamgs, Palœomgs et Arcliœomgs, ont aussi été mis quel- quefois dans cette division. 20'^<= GENRE. - CAPROMYS. CAPROMYS. A. G. Desmarest. 1822. Blcmoirps de la Société d'Histoire naturelle de Taris, t. !. KaTrpoî, Sanglier; [i.\>;, Hal. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Incisives, |,- molaires, jtrrî; en totaliié vingt dents. Incisives supérieures peu fortes, tronquées transversalement à l'extrémité, et à face antérieure sans sillon; inférieures très-légèrement subu- lées, assez semblables a celles cfcn haut : les premières jaunâtres et les autres blanches; molaires prismatiques, a couronne traversée par des replis d'émail qui pénètrent assez profondément, et assez semblables a celles des Castors. Tête assez lonque, a museau comme tronqué à l'extrémité et h gueule peu ouverte. Moustaches nombreuses, fortes. Yeux médiocrement grands. Oreilles droites, latérales, grandes. Cou court. Corps assez gros. Pieds très-robustes, intermédiaires, pour la longueur, à ceux des ïiats et des Marmottes. 150 IIISTOlIUi >JATIii;!,;L!.K.. Ih'ujls au nombre de chuj tt cIkuiuc pied : les pitv/.ç (iiilrnctirs aiiaiit (inalic (lo'iijls hioi .sépare.';, lerDÙiié.-} par de.s oiujies /orls, ar(juês, aeéréa, cl un rudiment de pouce pourvu d'un petit onfjlc tronque transversalement, et les pieds po.stéricttrs aijanl cinq doicfls plus lonçjs que ceux de devant, mais de même forme, avec un pouce petit, bien détaché., et le médius le plus long de tous. Paume des tnains et plante des pieds nues, noires, chagrinées h gros grains. Queue ayaiit à peu près ta longueur de la moitié du corps, droite, grosse, conique, presque nue et couverte de nond)reuses écailles disposées par amicaux. Poil assez fourni et généralement rude, ne recouvrant pas toutes les parties du corps et laissant voir une peau grise ou noire. Taille assez considérable et presque aussi forte que celle des Lapins. Le genre Capromgs a été formé par A. G. Dosmaresl dans un mémoire présenté, en 1822, à la Société d'IIistoiie naturelle de Paris, et il correspond au genre Jsodon (inc;, égal; t^ou.-, demi, créé également en 1822, par Tlionias Say, dans le Journal de l'Académie des sciences naturelles de Philadelphie; mais ce dernier nom n'a généralement pas été adopté, comme n'ayant probablement pas la priorité, et surtout comme ayant été antérieurement employé par Et. Geoffroy Saint-llilaire pour désigner un groupe de i\]arsupiaux. G. Cnvier indique aussi ce genre dans son Ptègne animal sous les dénominations d'Uoulia et à'Ulia. Les formes générales de ces Rongeurs sont celles des Rats, si ce n'est que le corps est plus mas- sif, le train de derrière bien plus volumineux et que les jambes sont beaucoup plus grosses. Les pieds de derrière sont surtout semblables à ceux des Marmottes, et ils semblent faire le passage de ce dernier animal à ceux qui composent le genre des Mits. G. Cuvier range ce groupe entre les llg- dromqs et les Rats proprement dits. Pour nous, nous leur assignerons la place que M. Isidore GeoflVoy Saint-llilaire leur donne dans sa méthode mammalogique. Les poils durs de ce Rongeur, sa coloration sombre et l'ensemble de sa démarche, le font ressembler un peu à un Sanglier de petite taille, et ses formes générales rappellent en même temps les Rats : de là Tétymologie de leur nom de Capromgs (x.xTTpc;, Sanglier; wj;, Rat). A. G. Desmarest et Thomas Say ne connaissaient qu'une seule espèce de ce genre, que le premier nommait Capromgs Fourn'ieri, d'après le nom de M. Fournier, qui lui en avait rapporté deux indi- vidus vivants de l'île de Cuba, et que le second désignait sous la dénomination cVIsodon pilorides. i>epuis, Pœ;pping en a fait connaître une autre espèce, le Capromgs prehensilis, et M. Guerin-Méne- ville a indiqué le Capromgs Pœyi, qui ne constitue peut-être pas une espèce. Lesson, de son côté, dans son JSouveau tableau du Pkègne animal, MAMsiiFÈiiEs, 1845, a cru devoir fonder avec les Capro- mgs prehens'il'is et Pœyi un genre particulier, qu'il nomme Mgsateles (,u.u;, Rat; a.-^ù.rr,, imparfait', qu'il ne caractérise pas, et qui ne semble pas fondé sur des particularités bien remarquables. Toutes ces espèces proviennent des Antilles. L'espèce typique de ce groupe, VUt'ia des habitants des Antilles ou le Capromgs Fournieri des zoologistes, d'après les recherches nombreuses d'A. G. Desmarest, aurait été décrite, il y a plus de trois cents ans, par Gonzalo Fernando d'Oviedo et Valdès, dans son ouvrage ayant pour titre Uis~ toire naturelle et générale des Indes, îles et terre ferme de la grande mer océane, où il parle d'un animal presque identique avec elle, et qu'il nomme llut'ia, dénomination encore conservée à Saint- Domingue. Brown semble également s'être occupé de la même espèce et peut être même du Capro- mgs prehensilis. Le nom de Chemi est aussi employé par les créoles des Antilles pour désigner le Capromys de Fournier ou le Capromys préhensile, et les habitants de cette même île se servent éga- lement de la dénomination (ÏAguiia congo pour indiquer le premier, et de celle d'Agutia caravalli pour désigner le second. Enfin le Piloris de plusieurs voyageurs, ou Mus pilorides de Pallas, ne serait pas, comme semble le penser Thomas Say, un Capromys, et serait, au contraire, un Rongeur constituant un groupe tout à fait distinct. Avant de passer à la description des espèces, nous croyons devoir donner quelques détails sur les caractères organiques de ces animaux des plus curieux, et nous ne croyons pouvoir mieux faire que de les emprunter, en grande partie au moins, au mémoire d'A. G. Desmarest. Les incisives supérieures sont peu fortes, tronquées transversalement à leur extrémité, et leur face antérieure n'a point de sillon; les inférieures ne sont que légèrement subulées, et assez sembla- - m UoNGliUltS. i:.7 blés à celles d'en haui; les premières sont jaunâtres et les autres blanches. Les molaires sont pris- matiques, ayant leur couroune traversée par des replis d'émail qui pénètrent assez proiondémeni et qui sont semblables à ceux qu'on voit sur la couronne des molaires fles Castors. La tête est assez longue, comprimée latéralement, avec le front et le chanfrein sur une seule ligne très-légèrement arquée. Le bout du museau est comme tronqué, plus haut que large, et présente dans sa partie supérieure les narines, qui sont très-ouvertes, obliques, plus larges et plus rapprochées l'une de l'autre vers le bas qu'en haut; leur contour, en dehors et en dessus, est bordé d'un bourre- let très-apparent, et l'intervalle qui les sépare est marqué d'un sillon médian et longitudinal qui se termine en bas par la bifurcation de la lèvre supérieure, La gueule est médiocrement ouverte; la lèvre inférieure assez renflée, transversale et non pointue, comme dans la plupart des Rongeurs. Les moustaches sont nombreuses, assez fortes, la plupart presque aussi longues que la tête. Les yeux, situés très-près de la ligne du chanfrein, sont un peu plus rapprochés de la base des oreilles que de Textrémité du museau ; ils sont médiocrement grands, de bien peu plus longs que hauts; leurs pau- pières sont bien formées, et la supérieure est garnie de cils très-lins, assez longs et bien rangés. En avant du canthus antérieur est un très-léger sillon, dirigé vers le museau, situé absolument à la même place où existe le larmier dans les Ruminants. La cornée est assez bombée; l'iris de couleur brun foncé; la pupille, longitudinale et étroite le jour, est ronde le soir; la sclérotique est grisâtre. Les oreilles ont en hauteur à peu près le tiers de la longueur de la tête; elles sont droites et laté- rales, presque nues et noirâtres; leur bord antérieur est droit, leur bout arrondi et leur bord posté- rieur marqué d'une échancrure arrondie assez prononcée. Le cou est court. Le corps, assez gros, est, comme celui de la plupart des Rongeurs, beaucoup plus épais postérieurement qu'antérieurement, et le dos est généralement fort arqué au-dessous de la région des épaules. La queue, dont la longueur n'excède pas la moitié de celle du corps et de la tète ensemble, est droite, grosse, conique, presque nue et couverte de nombreuses écailles disposées par anneaux. Les membres postérieurs sont inter- médiaires, pour la longueur, entre ceux des Rats proprement dits et ceux des Marmottes; mais ils sont au moins aussi épais et robustes que les pieds de ces derniers animaux. Les antérieurs sont pourvus de quatre doigts bien séparés, terminés par des ongles forts, arqués et assez acérés, et d'un rudiment de pouce pourvu d'un pelit ongle tronqué transversalement, ainsi que cela existe chez les Rats, les Marmottes, les Écureuils, etc. : le plus long doigt est celui qui représente le médius, et les autres décroissent dans l'ordre suivant : l'annulaire, l'index et l'auriculaire. Les pieds de derrière ont cinq doigts, de même forme que les antérieurs, mais plus longs, plus larges et pourvus d'ongles plus robustes; le pouce, quoique le plus petit, est bien détaché, et son ongle est aussi fort que ceux des autres doigts : de ceux-ci, le médius est le plus long; les deux qui l'accompagnent à droite et à gauche, de très-peu plus courts, sont égaux entre eux, et le doigt externe est intermédiaire entre ces doigts et l'interne. Les articulations de toutes les phalanges sont bien senties en dessus et en dessous; les muscles qui meuvent ces phalanges sont fort saillants, surtout vers l'extrémité des doigts. On remarque un assez grand nombre de rides transverses, bien apparentes sur leur face in- férieure, et la même chose existe pour les doigts des mains. La paume et la plante des pieds sont nues, noires et chagrinées à gros grains, à peu près comme l'est l'écorce d'une truffe. La plante est ainsi conformée jusqu'au talon, ce qui indique que l'animal est plantigrade; néanmoins le talon ev est un peu relevé, et ne touche que fortuitement sur le sol lorsqu'il marche doucement. La paumo présente cinq saillies principales, séparées par des rides profondes : une de ces saillies corre'^pond au pouce rudimentairo; une autre, située en dehors, représente le talon du poignet; une troisième est à la base du doigt index; une quatrième répond à la fois au médius et à l'annulaire, et la cin- quième est à la racine du doigt externe. La plante du pied, plus étroite vers le talon qu'ailleurs, a, vers ses deux tiers antérieurs, une ride transversale très-profonde, au delà de laquelle sont quatre tubercules analogues à (-eux des pieds de devant et disposés ainsi : un pour le doigt interne; un se- cond pour le doigt qui vient après; un troisième pour les deux suivants, c'est-à-dire le doigt du mi- lieu et l'annulaire; et enfin un quatrième pour le doigt externe. La peau chagrinée du dessous des quatre pieds présente une rugosité plus grande que les autres et de forme presque hexaèdre sur la partie la plus saillante de chaque tubercule. Les mamelons, de couleur brunâtre, situés tout à fait sur les côtés du corps, sont au nombre de quatre, et ceux de la première paire, ou pectoraux, sont éloignés d'environ deux pouces et demi de ceux de la seccnde, ou abdominaux. L'anus, rlacé vers R. ■!» 158 IllSTOIHE NATlinLLLE la base de la queue, forme une saillie conique, oblongue, très-prononcée, au sonimei de laquelle est rissue du canal intestinal, presque circulaire, rebordée et finement marquée de stries convergentes. Le poil dont l'animal est recouvert est assez fourni et généralement rude; l'extrémité du museau, le contour des narines et les lèvres, sont noirs et revêtus d'un poil excessivement fin et court. Les pau- pières sont nues et noires; les oreilles aussi nues et noires, mais parsemées de quelques poils Irès- iins et assez longs, de couleur grisâtre. La peau des parties du corps couvertes de poil est d'un gris blaneliftlre; celle du bas-ventre, qui est presque nue, est plus brune. Le dessus des doigts, du métacarpe et du métatarse, de couleur noire, présente des écailles d'entre lesquelles sortent les poils qui garnissent ces parties. Enfin le dessous des pieds est granuleux, nu et noir. La queue est marquée d'environ cent cinquante anneaux formés d'écaillés saillantes et anguleuses, dont les dimensions di- minuent progressivement depuis sa base jusqu'à son extrémité. Des poils assez courts et raides, dans la direction de la queue, sortent entre ces écailles, et sont plus abondants en dessus qu'en des- sous, où ils sont plus promptemcnt usés à cause du frottement continuel auquel est exposée la face inférieure de cette partie. Les poils du chanfrein sont dirigés en arrière et se prolongent parfois en une sorte de huppe vers l'occiput, ni;iis se terminent aussi quelquefois à peu près comme les poils de la tète de l'Agouti proprement dit. Ceux de la partie où naissent les moustaches sont noirâtres et forment ainsi une tache de cette couleur, bien apparente sur chaque côté du museau. Les poils du bas du chanfrein, ceux des coins de la bouche, du menton et du dessous du cou, sont généralement gris; ceux du haut du front, des joues, du dessus du cou, du dos, des flancs et de la face externe des membres, sont généralement bruns, avec un anneau plus ou moins large de couleur jaunâtre vers l'extrémité, et leur petite pointe est noire. De ce mélange il résulte une teinte générale de brun ver- dàtre, dont la couleur jaune est distribuée par piquetures. Les poils delà croupe sont plus durs que les autres, et passent au brun-roux; enfin ceux qui avoisinent la base de la queue sont beaucoup plus gros, secs, presque raides comme des piquants, et tout à fait roux. Les soies des moustaches sont très-longues et à pou près au nombre de trente de chaque côté. Quelques-unes des plus grandes sont blanches et terminées de noir : les autres sont toutes noires. 11 y a aussi quelques soles fines de cette dernière couleur, qui forment un bouquet au-dessus de l'œil, et un autre enti'e l'œil et l'o- reille. Les poils raides répandus entre les écailles de la queue sont roux ou roussûtres, si ce ne sont ceux du dernier quart de cette partie, qui passent insensiblement au brun. A. G. Desmarest donne d'assez grands détails sur les habitudes naturelles de l'espèce type de ce genre, le Capromijs Fournïen, et il fait surtout connaître les mœurs de cet animal à l'état domes- tique. « Quant aux mœurs des IJt'ias à l'état sauvage, je ne sais, dit-il, autre chose, si ce n'est qu'ils se trouvent dans les bois, qu'ils grimpent très-facilement aux arbres et aux lianes, et qu'ils vivent de végétaux. Dans l'étarde domesticité où sont les deux individus que je possède, j'ai fait les remar- ques suivantes sur leurs mœurs. Leur intelligence me semble aussi développée que celle des Écu- reuils et des Rats, et bien supérieure à celle des Lapins et des Cochons d'Inde. Ils ont surtout beau- coup de curiosité. Ils paraissent très-éveillés la nuit, ce qu'indique d'ailleurs la forme de leurs pupilles. Le sens de l'ouïe ne semble pas avoir autant de finesse que dans les Lapins ou les Lièvres. Leurs narines sont toujours en mouvement, surtout lorsqu'ils flairent un nouvel objet. Leur goût paraît assez délicat pour qu'ils puissent distinguer et dédaigner les végétaux qu'on leur donne, qui ont été touchés par des matières animales, pour lesquelles ils ont beaucoup de répugnance. Ils vi- vent en bonne intelligence entre eux, et dorment très-ntpprachés l'un de l'autre. Lorsqu'ils sont éloignés, ils s'appellent par un petit cri aigu très-peu différent de celui du Hat, et leur voix, lors- qu'ils éprouvent du contentement, est un bger grognement fort bas. Ils ne se disputent guère que pour la nourriture, lorsqu'on leur donne un seul fruit pour eux deux; alors l'un s'en empare et se sauve avec, jusqu'à ce que son adversaire le lui ait enlevé. Ils font de longues parties de jeux en se tenant debout, à la manière des Kanguroos, appuyés solidement sur les larges plantes de leurs pieds et sur la base de leur queue, et en se poussant avec les mains, jusqu'à ce que l'un d'eux, trouvant un mur ou un meuble pour s'appuyer, reprenne de la force et regagne l'avantage. Ils ne se mordent jamais. Ils ont beaucoup d'indifférence pour les autres animaux, et ne font même aucune attention aux Chats. Ils aiment à être flattés et surtout grattés sous le menton. Ils ne mordent point, mais tàtent légèrement la peau de ceux qui les caressent avec leurs incisives. Ils ne boivent pas ordinaire- ment, mais cependant je les ai vus quelquefois humer de l'eau, ainsi que le font les Écureuils. Leur riiT- I — Uenilromys à dos noir. li- 'i — l'Iii^iiotliinlc (les li.iliilaliuiis I -JS. RONGEURS. 159 nonrriUire consiste seulement en nialières végétales, telles que clioiix, ehicorée, raisins, noix, pain, pommes, thé bouilli, cliâtai,qnes, carolles, etc. Ils sont peu rlifficiles sur le choix de ces aliments; mai'* j'ai remarqué qu'ils ont un goût particulier pour les herbes à saveur forte et pour les plantes aromatiques, telles que l'absinthe, le romarin, les géraniums, la pimprenelle, le céleri, la matri- caire, etc. Le raisin leur plaît beaucoup, et, pour en avoir, ils se hâtaient, cet été, de grimper après une perche assez longue, à Textrémité de laquelle je plaçais ce fruit. Ils aiment beaucoup le pain trempé dans l'anisette, ou même le vin pur. (( Leurs excréments sont des crottes noires allongées, ovales, de consistance semblable à celles des Lapins, mais plus petites. Leur urine, blanche comme l'urine de Lapin, rougit, en séchant, le linge blanc sur lequel elle est répandue, et cette couleur est d'autant plus foncée qu'ils ont fait usage d'aliments plus secs. L'analyse diimique de l'urine d'Utia, faite par M. Lassaigne, a présenté les principes suivants : 1° de l'urée; 2° une huile rougeâtre combinée à la potasse; 5" un mucilage ani- mal coloré en brun; 4° du benzoate de potasse; 5" du sulfate de potasse; 0" du muriate de potasse ou de soude; 7° du carbonate de chaux. Cette sécrétion a la plus grande analogie avec celles du Lapin et du Castor, qui ont été analysées par M. Yauquelin. Cependant elle diffère de l'urine de Cas- tor en ce que cette dernière contient de l'acétate de magnésie en plus. (( Quant à leur démarche, ce sont des animaux presque absolument plantigrades; leurs mouvements sont assez lents, et leur train de derrière est comme embarrassé lorsqu'ils vont doucement, ainsi qu'on le remarque dans l'Ours. Ils sautent quelquefois en se retournant brusquement de la tête à la queue, comme le font les Surmulots. Ils courent au galop lorsqu'ils jouent, en faisant beaucoup de bruit avec les plantes des pieds. Lorsqu'ils grimpent, ce qu'ils font avec facilité, ils s'aident de la base de leur queue comme d'un point d'appui et descendent de même : dans certaines positions, sur un bàlon, par exemple, cette queue leur sert de balancier pour conserver l'équilibre. Dans le repos, ils se met- tent souvent aux écoutes, debout, en laissant pendre les mains, ainsi que le font les Lièvres et les Lapins. Enlin, pour manger, ils emploient tantôt les deux mains et tantôt une seule. Ce dernier cas arrive lorsque les corps qu'ils tiennent sont assez petits pour qu'ils puissent les tenir entre leurs doigts réunis et le tubercule de la base du pouce. » Nous ajouterons que ces deux individus, qui étaient deux mâles, aimaient beaucoup la gomme arabique, et qu'ils venaient même de fort loin lorsque l'on secouait la boîte qui la contenait. C'est même ce goût particulier qui causa leur mort; car, ayant trouvé des couleurs communes dans la com- position desquelles entrait une certaine dose de gomme, ils les dévorèrent et périrent quelques heures après, à peu de distance l'un de l'autre, empoisonnés. M. Mac-Leay a donné, de son côté, quelques détails sur l'instinct et les mœurs de ces animaux. Dans V Histoire physique, politique et naturelle de l'île de Cuba, M. Ramon de La Sagra rapporte une note, qui lui a été communiquée par A. G. Desmarest, sur les particularités que présente le squelette de l'espèce typique ; nous ne pouvons reproduire cette note, et nous y renvoyons le lecteur. L'anatomie des autres parties de ces animaux n'a pas encore été faite d'une manière complète, et elle présentera probablement des particularités curieuses, comme l'a montré M. R. Oween pour la splanchnologie. Le foie, ainsi que nous avons pu l'observer depuis longtemps pour le Capromijs Fournieri, et comme l'a dit M. Pœpping pour le Capromrjs prehensilia, au lieu de n'être fractionné qu'en un petit nombre de lobes comme celui des Rats, est, au contraire, subdivisé en un très-grand nombre de parties. Les trois espèces admises dans ce groupe sont les suivantes : 1. CAPROMYS DE FOURNIER. CAPROMYS FOUflMERI. A. G. Desmaresl. Caractères spécifiques. — Pelage grossier, d'un brun noirâtre, lavé de fauve obscur dans toutes les parties supérieures; la croupe est rousse; les mains, les pieds et le museau, sont noirâtres, avec quelques poils blancs; le ventre et la poitrine sont d'un gris brun sale assez uniforme, avec des poils intérieurs très-frais, de couleur grise, mêlés aux poils soyeux, seuls apparents ailleurs. Taille d'un Lapin de moyenne grosseur; mais dont le corps est ramassé dans ses formes. Cette espèce est ['Isodon pilorides, Say, et une variété en est désignée sous le nom d'ihitia vaUn- 1.40 HISTOIRE NATURELLE. ziiclu. Nous en avons, dans nos généralités p^énériques, fait connaître les formes cl les habitudes; ajoutons seulement, d'après M. Ramon de La Sagra, qu'elle vit dans les forêts, soit sur les arbres, soit dans les halliers, et qu'elle reclierelie l'ombre cl l'obscurité. Elle habite Cuba. Fig. 40. — Capromys de Fourniei - 2. CAPROMYS PRÉHENSILE. CAPROMYS PREHENSILIS. Pœpping. C.\r!ACTÈRF,s SPÉCIFIQUES. — La tête, le dessus des pattes, les moustaches et les ongles, sont blancs; le reste du corps est couvert d'un poil mou, flexible, de couleur ferrugineuse mêlée de gris; sa (jueue, plus grêle que celle du Capromys Foumieri, est égale en longueur au corps, qui a en- viron 0'",065; la queue, dont la base est couverte de poils ferrugineux, a son extrémité nue en dessous. Cet animal est paresseux et lent; il se tient dans les arbres, où il grimpe avec facilité en se pre- nant aux branches. C est Y A gutiu car abali des colons et le type du genre Mysalclcs (M. Pœppingii, Lesson). Il vit dans les forêts comme le précédent, mais dans des endroits plus sauvages et loin des liabitations.il se tient de préférence sur la cime des arbres, et se cache entre les rameaux pour éviter la poursuite des nègres. Il s'aide de l'extrémité de sa queue pour saisir les plantes parasites, au mi- lieu (lesquelles il se réfugie, il est encore plus farouche et plus sauvage que l'Outia; ce n'est qu'avec difficulté qu'on parvint à l'assujettir à la vie domestique; il refuse les caresses, se cache pendant le jour dans l'intérieur de sa cage, mord fréquemment celui qui veut le toucher, et travaille la nuit à ronger sa chaîne. Dans cet état d'esclavage forcé, il mange peu, vit dans une continuelle agitation, maigrit et meurt promptement. UOnlia coiuja atteint une taille plus grande que VOntia carabalï, et c'est pour cela que les nègres le préfèrent. Ils les chassent tous deux continuellement, non-seulement pour se nourrir de leur chair, mais pour la vendre aussi dans différents marchés. Celui de la Havane estfonié annuellement d'un grand nombre de ces animaux, que l'on vend écorchés, secs, fumés et aplatis H que les gens pauvres achètent de préférence Cette viande conserve cependant un goût RONGEURS. lil désagréable et une odeur forte, assez semblable à celle qu'exhale ranimai. Comme le précédent, il liabite également Cuba, mais il est plus rare que lui, et on ne le rencontre guère que dans la partie méridionale de l'île. 3. CAPROMYS DE POEY. CAPROMYS POEYl. Guérin-Méncville, CAyiACTÈHES SPÉCIFIQUES. — Très-voisin du Capromiispreliensilis, mais en différant par son pelage marron, tiqueté de jaunâtre; par sa tête, d'un jaune ferrrfgiiieux en dessus, blanche en dessous; par ses pattes ayant les doigts couverts de poils marrons; par ses moustaches noirâtres, avec la base seulement blanche, et par sa queue, qui est entièrement couverte de poils ferrugineux, un peu héris- sés, et dont rextréiiiité n'est pas nue en dessous. Ce Rongeur provient des Antilles, et est regardé par Lesson comme une simple variété du Capro- mys preliensilis, aveclequel il a véritablement de nombreux rapports. On a quelquefois rapproché de ce genre le groupe des Cercomrjs, Fr. Cuvier, et celui des Aulaco- (les, que nous laisserons auprès des Porcs Épies. Lesson range aussi auprès de lui les genres de fossiles suivants : i° Megamys (ae-vor.;, grand; fy.j;, Rat), Alcide D'Orbigny, comprenant le M. Patarjonensis, propre aux terrains tertiaires de l'Amérique méridionale; 2" Pai,.eomvs (TTaXaioç, antique; (au,-, Rat), Kaup (Isis, 4832), ne renfermant que le P. Arveruensis, Laizet et De Parrieu, des terrains tertiaires de la Limagne; ô" Arch/Eomys (ap/,ato;, ancien; |i.u;, Rat), Laizet et De Parrieu (journal Y Institut, 1840). 21""^ GENRE. — PLAGIODONTIE. PLAGIODONTIA. Fr. Cuvier, 1830. nXa-j'io;, transverse; o^ou:, dent Annales des Sciences naturelles, -l" série, i. VI. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslime dentaire à peu près semblable à celui des Caproniijs, mais en différant par la disposi- tion de la couronne des molaires. Tête moins courte que celle des Bals. Oreilles très-petites. Yeux également assez petits Bouche médiocrement fendue. Pieds tous à cinq doigts : le pouce antérieur n'étant que rudimentaire; tes quatre autres doigts des pieds de devant avec des ongles minces, crochus, assez forts; les doigts des pieds de derrière plus longs que ceux de devant; tous armés d'ongles crochus, comprimés. Queue cylindrique, entièrement nue, non prenante. Aspect général des Bals. Taille d'un petit Lapin. Le genre Plagiodontia, qui ne paraît pas différer très-notablement de celui des Capromijs, a été fondé par Fr. Cuvier pour une espèce trouvée aux Antilles par M. Ricord, et qui doit probablement être rapportée, ainsi que le fait remarquer Lesson, au Cuniculus Bahamciisis de Catesby. L'espèce type et unique de ce genre est le : PLAGIODONTIE DES MAISONS. PLAGIODOSTIA (EDIUM. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage généralement d'un brun clair qui devient d'un blond jaunâtre aux parties inférieures; moustaches bien fournies, placées de chaque côté du museau., au-dessus et au-dessous des yeux; queue nue et revêtue d'écaillés pentagonales très-petites, serrées l'une contre IW IIISTOIIW': NATll[IKI>LK. raiilrc cl irpaiitliics iiiiitornumciit sur toute la surface de la peau. Longueur de la tête et du corps, 0"',055; de la (pieue, 0">,0i:). Cette espè<'e, qui iiorte le nom de lUit-Caiics à Saint-Domingue, a une physionomie générale as- sez semblable à celle des lîats, avec une tête moins lourde. Ses oreilles, proportionnellement à sa taille, sont très-petites; ses yeux, situés entre Textrémité du museau et les oreilles, sont un peu plus rapprochés de celles-ci; ses narines sont étroites et environnées d'un petit mufle, et sa bouche est de médiocre étendue. Tous les pieds ont cinq doigts; le pouce de ceux de devant n'est que rudimcn- taire; les quatre autres doigts de ce membre sont armes d'ongles minces, crochus, assez forts : les deux moyens sont d'égale longueur et plus grands que les deux externes, aussi d'égale longueur; les doigts des pieds de derrière, plus grands que ceux de devant, sont tous armés de forts ongles cro- chus et comprimés; le pouce est le plus court, puis le doigt externe, et les trois moyens sont à peu |)rés d'égale longueur. La queue est cylindrique, entièrement nue, non prenante. Cette espèce habite Saint-Domingue, où elle n'est pas commune; elle semble fuir la clarté du jour, et c'est la nuit seulement qu'elle se met en campagne, le mâle et la femelle presque toujours réunis : elle se rapproche ordinairement des habitations pour chercher sa nourriture, qui consiste l)rincipalement en racines et en fruits. Comme tous les Rongeurs frugivores, ces animaux sont fort bons ;\ manger, et les Haïtiens, qui en sont très-friands, les recherchent si soigneusement, qu'ils ont fini par les rendre très-rares. 22'"- GENRE. — PHLOEOllYS. PHLOEOMYS. Waterhouse, 1839. 'l'/.oioc, iirécocc: u-u;. Rat. Boai'ding of zoological Society of Lniidon. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système denlaïrc : inc'isives, |; molaires, |5|; en lolaiiic seize dents. Les molaires ont h leur couronne des saillies d'émail assez considérables. Mufle nu, entamant les narines, percées presque h ses côtes. Oreilles médiocres, velues extérieurement. Humérus présentant un condijlc interne. Membres antérieurs à quatre doigts et un pouce rudinienlaire, mais onguiculé : les ongles des quatre auires doigts robustes; doigts assez forts, peu velus, non palmés: paume nue; membres postérieurs à cinq doigts bien développés , couverts de petites écailles épidermiques; plante et des- sous des doigts nus; ongles forts. Queue ccailleuse, médiocre, velue, à poils courts et raides. Le genre Plilœomgs a été fondé par M. Waterhouse pour un Rongeur des plus curieux, son Phlœo- mgs Cumingii, découvert dans lîle de Luçon par Cuming, et qui l'avait déjà été trouvé antérieure- ment dans la même localité par M. de La Gironnière; il a donné lieu à un mémoire important publié par M. P. Gervais dans la Zoologie de la Bonté. (Texte, t. I, pag. 45 et pi. VII et Vlll.) Cet animal est l'une des plus grosses espèces de la famille des Muriens : sa taille et sa physionomie sont à peu près celles des Capronigs, et c'est pour cela qu'on l'a rapproché de ces derniers Rongeurs; mais, comme le fait remarquer M. P. Gervais, il semble plus voisin des Rats proprement dits, et, par ses dents, du genre des Gerbilles. M. P. Gervais a donné quelques détails sur l'ostéologie et l'odontologie çie ces animaux. « Le crâne du Plilœomgs adulte, dit-il, à peu près grand comme celui du Capromys prcbensilis, ou du Phlœgiodontiaœdium, en diffère à la première vue par la petitesse de son trou sous-orbitaire, grand comme celui des Gerbillus, des Mus et des Lemmus, et semblablement disposé, c'est-à-dire remonté à la hauteur de rar(;ade zygomatique, comprimé, un peu plus élargi supérieurement, et en communi- cation avec le canal lacrymal. Les Capromys ont, au contraire, comme beaucoup d'autres Rongeurs, nONGt:URS. 145 et paiticulièremeni les Clenoniijs, Ecliimijs, Miiopotamiis, llijalrix et (jtvia, \n trou soiisorbitaire fort grand. Le crâne du Phlaomijs est allongé, très-peu bombé, un peu élargi au front, qui est très- déprimé, ainsi que l'espace interorbitaire; son apojjliyse postorbitaire forme une petite saillie en pa- lette, et qui communique avec la crête sourcilière. L'apopbyse orbital re antérieure est peu considéra- ble. Le chanfrein est très-legèrement bombé, et les os propres du nez sont presque plans. La partie faciale est peu élargie. Le palais est étroit, à peu près dans une direction rectiligne. Les arcades zy- gomatiques sont médiocrement fortes et sans apophyse inférieure ni orbitaire. l-a crête occipitale est petite, et elle donne verticalement une petite crête médiane qui descend perpendiculairement à la courbure supérieure du trou occipital. Les dents in(;isives n'ont pas de rainure à leur face antérieure; elles sont de force moyenne, et jaunâtres en avant. 11 n'y a que f molaires de chaque côté; l'anté- rieure est la plus grande. Ces dents ont, dans leur nature, quelque analogie avec celles des Gerbilles; l'émail forme, à leur couronne, des ovales ou ellipses bien séparées entre elles. La màchelière anté- rieure de la mâchoire d'en haut a trois de ces ovales, dont celui du milieu le plus grand et l'antérieur le plus petit; la moyenne en a deux seulement, dont l'antérieur un peu plus grand, et la troisième également deux et dans les mêmes rapports, mais proportionnellement plus petits, k la mâchoire in- férieure, la molaire antérieure a trois ovales : le premier le plus petit et le troisième le plus long; le deuxième en a trois, dont le petit en arrière, et le troisième deux; le dernier de ceux-ci est le plus large d-^ tous. Ceux qui ont la plus grande longueur absolue ont, proportionnellement, le 'dia- mètre antéro-postérieur ou petit diamètre moins considérable. La partie osseuse de la mâchoire in- férieure n'a rien qui indique une force musculaire plus grande que chez les Gerbilles ou les iîats, et n'a ni saillie à son bord inférieur auprès de son condyle, ni prolongement de sa partie angulaire Le crâne n'a pas non plus l'apophyse styloïde prolongée comme cela se voit, par exemple, chez le Phlœ- (jiodotuia, et ses bnlla ossea ne sont pas plus développés que ceux des Uats. \ la mâchoire supérieure, la barre ou espace vide entre les deux sortes de dents est plus grand que la longueur de la série des molaires. La longueur totale du crâne est de 0'",00, et la largeur, aux arcades zygomatiques, de O^.Oi'i. » M. P. Gervais donne ensuite quelques détails ostéologiques d'après un jeune sujet. La seule espèce que l'on connaisse de ce genre est le : PHLŒOMYS DE GUMING. PULŒOMYS CUMI.\GU. Walcrhoiise. CAr.ACTÈr.ES SPÉCIFIQUES. — Poils généralement roux-cannelle à la base, et terminés de blanc sur presque tout le corps, qui est glacé de cette même couleur; une tache roussâtre auprès de l'oreille; pattes de devant blanc sale; moustaches raides, noires. Longueur de la tète et du corps, 0",0o5; de la queue, O^jO^O : cette dernière de couleur chocolat. Le Plilœoinys Cnmingn est rare et peu connu à l'île de Manille. On le trouve dans les bois, où il vit dans des espèces de terriers. Il se nourrit d'écorces d'arbres, suivant M. Cuming, ainsi que de raci- nes, d'après M. de La Gironnière. il est plutôt nocturne que diurne. Ses molaires sont en partie recou- vertes d'une couche d'un brun foncé, comme les dents des peuplades indiennes qui mâchent le bétel. Les deux Phlœoniys de M. de La Gironnière ont été pris dans la province de Nueva Exoica, sur les montagnes, au nord-est de Manille, à quarante ou cinquante lieues de cette ville. Cette curieuse es- pèce de Rongeurs n"a pas encore été trouvée dans l'île de Luçon, et il paraît qu'elle n'est commune nulle part. Dans l'espace de dix ans, M. de La Gironnière, malgré des chasses et des excursions fréquentes, n'en a vu que les deux exemplaires qui ont été rapportés en France par l'expédition de la lonitc, et qui font aujourd'hui partie des collections du Muséum d'histoire naturelle. On ne trouve les Plilœoniijs que dans l'intérieur de l'île, et les naturels les considèrent comme une espèce de La- pin. Us sont très-vigoureux et peuvent blesser des Chiens d'assez forte taille. Toutefois ces animaux sont susceptibles de s'apprivoiser facilement, et l'un d'eux a vécu librement, pendant un certain temps, dans la chambre de son maîlre, montant sur son lit quand la fantaisie lui en prenait,*et venant sur- tout manger dans sa main. Sa nourriture consistait en pain et en riz; il dormait tout le jour et ne commençait jamais à courir que le soir. Ils ne terrent pas. 144 lllSTOir.K NATlir.l'LLi:. CTÉXOMYSITES. CTENOMVSIT^, Nobis. Siisiciiic (Inilairc : incisives, f; molaires, ^;; en totnlité vinçjl dénis. Incisives petites on motjcn- Uis; molaires oblonques, croissant de taille de la première h la dernière, h couronne ressemblant soureul à celle des Castors. Tête plus OH moins allongée. Moustaches médiocres. Veux petits. Oreilles moijennes. Pas d'aba- joues. Membres courts, plus ou moins empêtrés, h cinq doujts. Ongles fouisseurs. Poils assez doux ou très-doux. Corps de la taille cl de la forme de ceux des Rats. Queue généralement médiocre, plus ou moins couverte de poils. Les Cténomysites correspondent aux Cténomys de De Blainville,ct aux petites familles des Cténo- myens, P. Gervais. Ctenomysida^, Lesson: Psammonjctina, A. Wagner; Ociodoiiiidœ, Waler- liouse, etc. Ce sont des animaux assez semblables aux Hats extérieurement, mais à poil fort doux, comme ce- hii d'un i^rand nombre de lîongeurs de TAmcrique, à quatre paires de molaires sans racines, à trou sous-orbitaire considérable, et à mâclioire inférieure conformée, dans sa partie osseuse, sur le mo- dèle propre à une grande partie des Rongeurs des mêmes contrées, et dont le Cociion d'Inde fournit un exemple bien connu. Les Cténomysites sont des animaux fouisseurs, et dont le régime est essen- tiellement herbivore; aussi quelques-uns d'entre eux causent-ils des dégâts considérables dans les régions qu'ils habitent, et, sous ce rapport comme sous quelques autres, rappellent-ils les Campa- gnols. Leur tête est assez grosse. Leurs pattes sont robustes. Leur queue assez courte. Par quelques particularités, ils se rapprochent des Capromys d'un côté et des Loirs de l'autre. On n'en connaît que douze à quinze espèces, dont on a formé presque autant de genres, tandis que celui des Cicnuiiiys aurait pu à peu près suffire pour les comprendre toutes. Toutes les espèces sont propres à l'Amérique du Sud. Les genres que nous indiquerons sont ceux des Ctcnonujs, De Blainville; Scliizodon, Walerhouse; Poepliagumijs, Fr. Cuvier (P«a»/moryc/cs, Pœpping) ; Ociodon, Benneit (Dc/n/ro/;ii/5 , Meyen), et Abrocoma, Waterhouse. 25""^ GENDE. — CTÉNOMYS. CTENOMYS. De Blainville, 1820. Ktsi;, peigne; p.v»;, Rat. Dullclin lie la Société philomaUiique de Paris. CAHACTÈRES GÉNÉRIQUES. / Siisième dentaire : incisives, f; molaires, |^J; en totalité vingt dents. Incisives fortes, en partie exserles, à coupe carrée, à bord large et tranchant, sa)is sillon anléricur. Molaires oblon- gues, croissant assez rapidement de la première à la dernière, à couronne sigmoide, sans aucun repli d'émail. Tête ovale, peu déprimée. Yeux petits ou médiocres. Auricules visibles, très petites. Mend>res assez courts, empêtrés. Cinq doigts à chaque pied. Oiiglcs fouisseurs, très-longs, très- arqués et pointus en avant, plus courts, plus larges, excavés en cuiller en arrière, où ils sont gar- nis à leur racine d'une série de poils durs et raides formant une sorte de râteau, d'oii a été tiré le nom du genre. J Fiji. 1 — Saccomys :into|)liilp. I''i,;;'. '2. — Ascoiiivs du Mexique IM. 29. Puils en fjéiiéral assez doux. Corps assez allongé, sniciforme, an peu déprimé, assez poilu. Queue médiocre, couverte de poils rares. Le genre Cténomys a été créé par II. De Blainville pour un Rongeur propre au lîrésil et présentant quoique analogie avec le Rai d'eau. Le corps des Cténomys est de la grosseur de celui de notre Rat ordinaire; un peu plus renfié en arrière, et surtout plus déprimé, plus en forme de sac, et ayant un peu plus l'aspect général des Spatax ou Rat-Taupe. La tête, assez petite, est déprimée. Le museau est celui d'un Rat, plus raccourci et plus comprimé, ce qui tient à la disposition des incisives, beaucoup plus fortes et plus sorties que dans les Rats. Les orifices des narines sont très-étroits et recouverts par le cartilage extérieur, formant une espèce d'opercule. Les yeux sont petits. Les oreilles externes sont plus petites que dans les Rats et les Campagnols. La bout lie est peu fendue. Les incisives sont pres- que complètement exsertes, ou ne peuvent être recouvertes par les lèvres; elles sont très-fortes, taillées en biseau à leur face postérieure, droites et tranchantes à l'extrémité, sans sillon, de couleur orangée à leur face antérieure, et enlin presque de même forme en haut et en bas : celles-ci cepen- dant un pou plus étroites et plus longues que celles-là. Les molaires sont également à peu près sem- blables aux deux mâchoires, au nombre de quatre de chaque côté elàchaquemàchoirt^ décroissantes de la première à la dernière, subitement beaucoup plus petite qu« les autres; toutes sont à peu près, d'égale venue dans toute leur longueur; leur couronne est plate, ovale, recourbée un peu en forme de virgule, dont les extrémités seraient également arrondies; Témail les borde à la circonférence sans former de plis ni de festons, et elles s'imbriquent un peu l'une l'autre en dedans. Les membres sont très-courts, n'ayant de bien libres que les avant-bras et les jambes. Les antérieurs sont termi- nés par une paume assez considérable, pourvue d'une collosité pallicide et carpienne fortes. Ils ont cinq doigts bien distincts, mais courts, peu séparés ou fendus. Le pouce est le plus court de tous» mais cependant bien conformé, et terminé par un ongle conique; les quatre autres doigts, dans les proportions ordinaires, sont pourvus d'un ongle aussi long qu'eux, très-arqué, à dos mousse, tran- chant dans la moitié postérieure de la face inférieure, fendu dans le reste et un peu élargi à l'extré- mité, ce qui montre que ce sont de véritables ongles fossoyeurs. Les membres postérieurs ont aussi leur plante longue, assez large et tout à fait nue; les doigts, également au nombre de cinq, peut-être un peu moins disproportionnés qu'à la main, le premier étant presque aussi long que le cinquième, ont aussi des ongles assez forts, mais droits, et élargis en cuiller ou gouttière à l'extrémité; à leur racine, en dessus, est une rangée de poils raides, durs, courts, formant une espèce de râteau, ce qui n'existe pas aux membres antérieurs. La queue, courte, n'égale guère que le quart de la longueur totale du corps; elle est assez grosse, obtuse à son extrémité, et commençant assez brusquement en arrière du corps. Le poil qui recouvre la plus grande partie du corps est doux, lin, assez court, très-couché, d'un gris ardoise à sa base, et d'un. brun roussâtre luisant dans le reste de son étendue,, ce qui donne pour couleur générale du roux luisant en dessus, se fondant en blanc roussâtre en dessous. Les poils qui recouvrent les extrémités sont plus courts, plus durs et plus rares. Ceux de la queue sont dans le même cas, sans écailles entremêlées, et d'un brun noirâtre. Les moustaches sont assez longues. ' Tels sont, d'après De Blainville, les caractères principaux que présente l'espèce typique de ce groupe. Aujourd'hui, et sans y comprendre les groupes voisins, on en connaît trois ou quatre espè- ces, qui toutes proviennent de l'Amérique méridionale. Ce sont probablement des animaux fouis- seurs, se creusant des terriers et vivant de matières végétales. 1. CT1?N0MYS BRÉSILIEN. CTEXOMYS BRASlUt^XSTS. De Blainville Caractères spécifiques. — Pelage de couleur roussâtre sur presque toutes les parties du corps. sauf en dessous, où il est blanchâtre; les poils de la queue sont bruns; corps trapi . de la taille d'un gros Rat d'eau. Habite la province de la Phtta, au Rrésil. 1,' l'.t 14(5 IIISTOIUE iNATURELLE. 2. CTKNOMYS DE MAGKLLANIK. CTENOMYS MAGEI.LANICUS. Bcnnclt. CAu.vaknF.s sn'xiFiQUES. - Poils châtain fauve, un peu plus clairs en dessous qu'en dessus; pattes et queue bianchAtros. De la taille du précédenl. Habile le détroit de Maj^ellan, près le cap de Grégory, où il a été découvert par le capitaine lliiig. Deux autres espèces sont le CTÉivowys a coluer {Clenomtjs lorquatua, Lichslenstein), du Brésil, et le Clenomiis Bonar'iensis, Alcide D'Orbigny, fondé sur un fragment fossile de mâchoire inférieure trouvé dans une grotte aux environs de Duénos-Ayres, et qui ne diffère probablement pas, suivant M. P. Gervais, du CAcnonii,s Binsiliensis. %A""' GENRE. SGHIZUDON. SCHIZODON. Waterhouse, 1841. ^-/^i^M, je divise; &5ou;, dent, l'roccedings of zoological Society of Londoii. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siistime dentaire : incmves, |; molaires, |-^: en lotaiué vingt dénis. Chaque molaire clanl par- tagée en deux par les deux ciflindres d'ivoire qui composent ces dents. Les autres caractères comme dans les Clénomtfs. Fi?. 41 . — Scliizodoii lauvc. Ce genre a été fondé par M. Waterhouse pour une espèce unique se rapprochant beaucoup des Cténomys, et n'en différant que par un caractère important odontologique : c'est la séparation des deux cylindres d'ivoire dont se compose la partie dure de chaque molaire qui est plus ou moins com- plète, et que chaque dent est comme partagée en deux, d'où a été tiré le nom de Scliizodon (a/^ilu, je divise; cJtuç, dent). La seule espèce est le : RONGFiURS. 147 SCmZOnON brun. SCBIZODON FUSCUS. Waterhousc. Caractères spécifiques. — Pelage crun gris brun en dessus, lavé de fauve en dessous; pieds bruns; taille à peu près semblable à celle du Surmulot; queue n'ayant que la longueur de la tête. Se trouve au Chili, d'où il a été rapporté par M. Bridges. 20'^'^ GENRE. POÉPHAGOMYS. POEPIIAGOMYS. Fr. Guvier, 1854. novi, herbe; cpafw, je munge; |au;, rai. Annales des Sciences naturelles, 2' série, 1. 1. CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, |^,; en totalité vingt dents. Molaires h émail formant, autour de la partie éburnée, une ceinture disposée h peu près en chiffre 8 : toutes didijmes, décrois- sant de la première à la dernière. Oreilles moîjennes, presque sans poils. Queue de la longueur de la moitié du corps, velue. Taille du Rat commun. Les autres caractères semblables h ceux des Cténomgs. Fig 42. — Poépliagomys noir. Fr. Cuvier a fait connaître, sous le nom de Poépliagomys, un genre curieux de Rongeurs ne ren- fermant qu'une seule espèce propre au Chili, et qui a été décrite depuis par M. Pœpping [In Wieg- mann Archiv.. t. VI, 1856) sous la dénomination générique de Psammoryctes (iJ/aap.;j.o;, sable: uoujc- To;, fossoyeur). Ce genre semble très-voisin des Cténomys et en même temps des Octodons, qui s'en distinguent toutefois facilement par leur queue floconneuse à l'extrémité, qui tend à rapprocher ces derniers des Callomys. « Le Poépliagomys atcr, dit M. P. Gervais dans la Zoologie dé la Favorite, a le port général des Campagnols, et sa taille se rapproche de celle du Rat d'eau ; sa queue égale à peu près, comme chez les Campagnols ordinaires, la moitié de la longueur du corps; et ses oreilles, de grandeur 148 IIISTOli'.K NATl IIKI.LE. moyenne, sont prcs(|ue. dénudoos. Tous ces caraoliTOs Ceraionf pi'oiiflii' le l'oc|)l)aL,^nniys pour un Canipai^nol, cl leudiaicnt à le faire placer dans le sous-i^enre Arv'icola du i^enre Lonnnjs; mais ses dents ne sont point celles des CampaL-nols. î.es molaires des Campagnols sont au nombre de trois do chaque côté des deux molaires, et leur émail forme des replis disposés en Z. Chez les l'oépliagoniys, jl y a quatre molaires |)artout, et les dents ont leur émail formant, autour de la |)artie éburnée, une ceinture disposée à peu près en chiffre 8. C'est sur Tinspection de ce caractère des dents molaires que Fr. Cuvier a cru devoir faire des l*oéphaL;omys un i^enre distinct, et il reconnaît qu'il offre ;4vcc les Oclodon des rapports évidents. Chez ces Poéphaii^omys, la queue est courte, velue, mais non floconneuse, et les molaires sont toutes didymes, décroissant de la première à la dernière, etc., chez les Octodons, ces mêmes dents sont didymes et en forme de 8 à une mâchoire, et, au contraire. irré£;;ulièrement triangulaires à l'autre; de plus, la queue est longue et en balai. Ces caractères, si l'on ne fait d'abord attention qu'aux animaux qui les présentent, paraissent autoriser à faire de ces Tîongeurs deux genres distincts; mais ils deviennent bien moins importants si Ton étudie aussi les espèces voisines de celles qui nous occupent. Quelques-unes de ces espèces présentent en effet des caractères peu différents, plusieurs d'entre elles viennent combler la lacune qui semble séparer les Poéphagomys des Octodons; de plus, il en est qui lient ces animaux à plusieurs autres genres de Rongeurs qu'on avait crus jusqu'ici en être i)arfaitement distincts. On reconnaît alors qu'il est difficile d'admettre que les uns et les autres puissent devenir, ainsi que l'ont voulu les autetir ••, autant de genres particuliers. » Après quelques autres considérations, M. P. Gervais propose, avec De Blain- ville, de ranger dans un grand genre Orifclonujn, et comme sous-genres les Diplosioma, Saccoplio- rtis, Saccovnj.'i, Pocpliaçionnjs et CAcnomifs, tandis que les Oclodon, s'ils ne faisaient pas partie du mênif groupe, se trouveraient au commencement du grand genre Callonnjs, et cela par suite de la considération de leur queue, qui a du rapport avec celle des Chinchillas. Pour nous, nous pensons que c'est entre les Cténomys et les Octodons que doivent se placer les Poéphagomys, tout en convenant qu'ils ont aussi quelque analogie avec les Hamsters. L'espèce unique de ce genre est le : ror'pJIAr.OMYS noir, poéphagomys ATEII. Fr. Cuvier. CAK.^CTiiiREs SPÉCIFIQUES. — Pelage d'une coloration entièrement noire, un peu luisante. Un peu plus petit que le Hat d'eau. C'est à la même espèce que M. Pœpping a appliqué la dénomination de Psannnoryclcs noctivu- gana, et que les habitants de Valparaiso nomment Cnniro. Fr. Cuvier a constaté dans ce Piongeur un des caractères propres aux Cténomys : ranipieur remar- quable du cœcum, dont la capacité égale celle de l'estomac. Cette espèce est assez rare, ou plutôt la nature de ses mœurs lui permet-elle d'échapper plus faci- lement que d'autres aux recherches de l'homme, puisque en effet elle a des habitudes nocturnes et ne sort pas de sa retraite pendant le jour. 11 paraîtrait toutefois, d'après M. Darwin, qu'on la rencon- trerait plus abondamment dans les régions alpestres que dans les pays de plaine. Ce Piongeur se creuse des terriers considérables, et probablement dans le but d'atteindre les racines des arbres, -comme le fait le Cténomys brésilien. Ces trous sont très-incommodes pour les Chevaux. On le trouve au Chili, principalement dans les environs de Valparaiso et de Coquimbo. 2G">'= GENRE. — OCTODON. OCTOBON. Bennett, 1852. Ox-Tw, huit; O'îiur, dent, l'roccedings of zoological SociPlyof Loiidoii, l. 11. , CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dniinirc : încisivis, f ; molaires, ;|5|; en lolalilé vingt dents, ipii diffèrent, par quelques particularïtts, de celles des ^mres précédents. r.ONGEUHS. I/i9 Oreilles assez (frandes. Queue courte. Plus petit que le lîal. Le i,^enre Oclodon., assez voisin des précédents, a été créé par M. Bemieit en 1852, et a été indi- qué Tannée suivante par M. Meyen [Acla natiirœ Ciirïosornni, t. XVI, 1852) sous la dénomination de Pcmirobius (^ev(î;ov, arbre; pt^;, vie). Les Octodons sont très-communs dans les parties centrales du Chili, et ne sont pas rares aux envi- rons de Valparaiso. 11 y en a, dit-on, par centaines dans les haies et les bosquets, où ils font des terriers communiquant entre eux et ayant souvent un très-grand développement. Ce sont des ani- maux granivores et qui lont souvent beaucoup de mal aux champs de blé. Ils détruisent parfois des récoltes entières et semblent, dans le nouveau monde, remplacer nos Campagnols européens. Leur allure a quelque chose de celle des Écureuils, ou plutôt des Loirs, avec lesquels on les a parfois comj)arés. L'espèce unique de ce genre est le : OCTODOIN DE CUMMING. OCTODON CUMMIXniI. Bcnnctt. CARACTÈr.Es SPÉCIFIQUES. — Pelage en dessus d'un gris brun mêlé de noir, plus clair en dessus; queue noirûtre. Taille du Rat commun, ou plutôt un peu plus petit. Cette espèce est le Sciurus tlegiis, de Molina; le Dcndrobius dccjus, Meyen, et le Clenomijs degns, P. Gervais. Il habite le Chili. rig. 43 — Octodon de Cumining. 27me GENRE. - ABROCOME. ABROCOMA. Waterhouse, 1857 Aopcr, doux; M^-Ti, poil. Prncccdings ofzoological Society of London. CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire : incisives., |; molaires, );^|; en tolaliic vingt dents. Incisives très-petites, peu fortes. Molaires à peu près semblabcs à celles des Cténomijs. Oreilles grandes. 150 IIISTOinE NATli|{KIJJ<. Pâlies presque nues; le dessous couvert de pelits tubercules ronds et cliarnns, mcine sous Us orleils. 0)i(iles assez grcles. Queue mèdiocremenl allongée, couverte de poils de même loncfueur partout. Poils très-fins, très doux, aijanl de l'analogie avec ceux des Ckincliillas. M. ^Vaterhouse a formé, sous le nom 6'Abroconin, un genre de Rongeurs qui lui paraît très- voi- sin, d'un côté, de VOctodon, des Cienomijs el ihi Poepliagomrj s , et, de l'autre, des Cliincliillas; mais son organisation dentaire Péloigne suffisamment des uns et des autres. Il diffère des Cténomys et Poépliagomys par la grandeur de ses oreilles, la délicatesse de ses ongles et la petitesse de ses incisives; des Octodons par la longueur égale partout des poils de sa queue. Toutefois il se rappro- che de ce dernier genre par la conformation de ses pattes, qui sont nues, et dont le dessous est cou- vert de petits tubercules ronds et charnus; mais le genre Oc<0(/on présente sous l'orteil des incisions iransverses qui manquent dans ÏAbrocoma; chez celui-ci, le dessous des orteils, ainsi que le reste du dessous de la patte, est couvert de tubercules. En outre, ces animaux ont quelques rapports avec les Cavia. L'extrême finesse de la fourrure des deux espèces, les Abrocoma Bennettii et Ciwieri, Water- house, toutes deux provenant du Chili, qui composent ce genre, a suggéré à l'auteur le nom qu'il lui applique, et qui provient des mots grecs aêpo,-, doux; My:n, poil. Cette fourrure, qui donne à ces ani- maux de l'analogie avec les Chinchillas, est composée de deux sortes de poils, dont les plus longs tellement déliés que l'on peut presque les assimiler aux fils d'une toile d'araignée. TROISIEME TRIBU. MYOXIENS. MYOXIJ, Nobis Système dentaire : incisives, f ; molaires, |— ^, en totalité vingt dents. Incisives supérîeîires peu larçjcs, inférieures acérées. Molaires à racines distiiïctes, à couronne marquée en généi-al de deux sillons d'émail. • Tête assez allongée. Yeux saillants, plus ou moins gros. Oreilles arrondies, petites ou moyennes. Pas d'abajoues. Pattes antérieures h quatre doigts distincts et un rudiment de pouce, postérieures a cinq doigts. Membres postérieurs un peu plus longs que les antérieurs. Ongles très-courts, très-recour- bés, acérés. Queue habituellement aussi longue ou plus longue que le corps. Taille ])elile. Faciès des Bats, mais plus allongé, plus petit. Cette tribu de la grande famille desMuriens, que Lesson nomme les Myoxideœ, ne renferme que l'ancien genre des Loirs ou Myoxus, et a été indiquée par plusieurs zoologistes sous différents noms, el à laquelle nous appliquons la dénomination de Myoxiens (lihjoxii) pour nous conformer à notre nomenclature. Ces animaux constituent la tribu des Gliriens de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Les animaux assez peu nombreux qui entrent dans cette division, et qui proviennent tous de l'an- cien monde, ont un aspect tout particulier qui rappelle en même temps les Rats, les Écureuils et les Gerboises. Ce sont de jolis Rongeurs de petite taille, et dont la robe, couverte de poils courts, lui- sants et de couleurs pâles, est des plus agréable à l'œil; ils ont des mœurs nocturnes pour la plu- part, restant enfermés dans leur nid pendant le jour et n'en sortant que le soir pour pourvoir à leur nourriture, (pii est presque exclusivement végétale et consiste en graines ou en fruits. Une particu- Fis. > • — Mérion de Labrador. Fig. 2. — Marmotte de Beechey. PI. 50. RONGEURS. 151 larité des plus remarquables que présentent ces animaux, c'est que pendant l'hiver ils tombent dans un état complet de léthargie. Deux genres seulement, ceux des Loirs et des Grapli'mrcs, forment celte tribu. 28'^' GENRE. — LOIR. MYOXUS. Schreber, 1792. Muto^u;, nom du Loir chez les Grecs. Sanglliicn. CAIUCTÈRES GÉNÉRIQUES. Siislème dentaire : incisives, |; molaires, |^; en totalité vingt dents. Incisives supérieures peu larges, sans sillon à la face interne, inférieures acérées. Molaires à racines distinctes et à couronne marquée de deux espèces de collines transverses formées par une double ligne d'émail. Tête plus allongée que celle des Rats. Yeux gros, saillants. Oreilles assez grandes, arrondies. Moustaches longues, assez épaisses, noirâtres. Pas d'abajoues. Membres de devant un peu plus courts que ceux de derrière; pattes antérieures à quatre doigts, avec un rudiment de pouce : postérieures à cinq doigts. Poils très-fins, très-doux au toucher. Corps assez allongé. Queue longue, tantôt très-touffue et ronde, d'autres fois déprimée et à poils distiques, parfois encore floconneuse à l'extrémité seulement. Pas de coecuni ni de gros intestins. 4 Le genre Loir a été créé par Schreber, sous la dénomination de Mgoxus, aux dépens des Rats ou Mus de Linné, et, ayant pour type le Loir ordinaire ou Myoxus glis, a reçu de Brisson, et depuis de Blumembach, ainsi que de quelques autres zoologistes, le nom particulier de Glis. Ce genre, qui ne renferme qu'un nombre assez peu considérable d'espèces, a été, en 1832, partagé, par Fr.Cuvier, en deux groupes, les Loirs proprement dits et les Grapivures. Ce sont des animaux de la grande division naturelle des Rats, qui, par leur aspect général, par quelques-uns des caractères qu'ils présentent, par leurs habitudes, etc., se rapprochent assez des Écureuils, avec lesquels on les a quelquefois réunis dans les anciens ouvrages de zoologie. Ils ont aussi quelque chose de certains groupes de la division naturelle des Gerboises. Mais les Loirs nous offrent des caractères bien marqués et qui peuvent aisément les faire distinguer de tous les autres Rongeurs. Leur système dentaire est particulier, et a été surtout étudié par Fr. Cuvier dans son ouvrage sur les Dents des Mammifères. Le nombre total des dents est de vingt; savoir : une incisive et quatre mâchelières de chaque côté et à chacune des deux mâchoires. A la mâchoire supérieure, l'incisive est aplatie et lisse antérieurement, et naît des côtés de la partie antérieure du maxillaire. La première màchelière est plus petite que toutes les autres; les deux suivantes, qui sont égales, sont les plus grandes, et la dernière est intermédiaire entre elle et la première. Ces dents ont un caractère quj ne permet pas de les confondre avec aucune autre, et qui, jusqu'à présent, leur est exclusif; elles sont coupées transversalement par des sillons trés-étroits : celui du milieu est ordinairement composé de deux branches qui forment un F, et ceux des extrémités forment à chacune d'elles une ellipse très-allongée; cependant, comme ces sillons sont d'une profondeur inégale, ces figures varient : le peu de largeur des sillons, leur direction transversale et les rapports qu'ils ont entre eux, ne chan- gent point. A la mâchoire inférieure, l'incisive est semblable à celle de la mâchoire supérieure, et il en est de même du rapport de grandeur des quatre mâchelières. Ces dents présentent aussi des sil- lons très-étroits séparés par des collines qui le sont également; mais, entre chacune des collines qui traversent toute la dent, s'en trouve une plus petite, de sorte que chaque dent a de cinq à sept col- lines suivant leur grandeur, en comptant celles qui la terminent antérieurement et postérieurement. J52 lIIS'KHr.K NATUI'.IlLLF:. et que les petites sont celles qui en présentent le moins. Du reste, il en est pour tes dents comme pour celles de la mâchoire supérieure : Tàge change, jusqu'à un certain point, les rapports de leurs traits caractéristiques, mais ce qui en reste suffit toujours pour les faire reconnaître. C'est dans le Loir proprement dit qu'a été prise cette description; mais on peut dire que le système den- taire ne varie pas dans les autres espèces du même genre. C'est parce que, ainsi que nous le dirons, le Loir du Cap offre quelques légères particularités odontologiques que Fr. Cuvier en a fait le type d'un genre particulier, celui des Grapliiurus. L'anatomie de ces animaux présente quelques ])articularités remarquables et montre des ressem- blances et aussi des différences avec celle des Rats proprement dits; nous renvoyons aux travaux des analomistes et plus généralement à ceux de Daubenlon et de Fr. Cuvier. Les Loirs sont des Rongeurs de petite taille, à pelage soyeux, d'un brun clair, h formes assez sveltes, et rappelant un peu l'aspect général des Écureuils et des Rats. Chez ces animaux, l'œil a la pupille londe et susceptible de se contracter comme un point; la paupière interne est peu dévelop- pée, et les paupières externes sont minces et garnies de cils. Le mufle, divisé en deux par un sillon profond, ne se compose que de deux parties qui se trouvent renfermées entre les deux narines : la partie supérieure du museau est velue et séparée du mufle par un fort repli transversal, et les bords postérieurs des narines sont de même garnis de poils : celles-ci se composent d'une ouverture oblon- gue, ouverte longitudinalement et se continuant sur les côtés en un sinus assez large qui, se diri- geant en arriére, forme une ligne arquée vers le haut. L'oreille est demi-membraneuse et peut se fermer hermétiquement par contraction : l'hélix n'a de bourrelet que vers le bas de la partie anté- rieure de l'oreille et rentre dans la conque; l'anthélix ne se fait remarquer que vers la partie infé- rieure et postérieure de loreille; le conduit auditif est situé au fond de la partie postérieure de la cavité auriculaire. La langue est assez longue, épaisse, charnue, très-douce et couverte de petites pa- pilles molles et coniques. La lèvre supérieure est épaisse, velue, et, ses bords se soudant l'un à l'autre en arrière de la base des incisives, forme antérieurement une sorte de gaine de laquelle sor- tent les dents. Les membres antérieurs, un peu plus courts que les postérieurs, sont terminés par une main divisée en quatre doigts bien distincts, de longueur moyenne, libres et seulement réunis à leur base par une très-légère membrane, et armés d'ongles arqués, comprimés et pointus; en outre, on trouve aussi, à la partie interne du carpe, un gros' tubercule allongé, garni à la base d'un rudiment d'ongle plat, attaché au carpe sur toute sa longueur, et que Ton doit regarder comme un rudiment de pouce. La paume de ces pattes est entièrement nue et garnie de cinq tubercules : l'un, placé au haut de son bord interne, contient le rudiment du pouce et acquiert un assez grand volume; le second est placé parallèlement au premier, à la partie supérieure du bord externe de la paume; les trois au- tres se trouvent à la base des doigts : l'un répond au quatrième doigt, le second au doigt externe et le troisième aux second et troisième doigts. Aux membres postérieurs, les pieds sont allongés et ter- minés par cinq doigts libres qui sont seulement réunis à leur base par une légère membrane; ils sont tous armés d'ongles arqués, aigus et comprimés, et le pouce, quoique assez court, est suscep- tible de s'écarter fortement des autres doigts et même de leur être opposé en certaines circon- stances. La plante de ces pieds est nue et garnie de six tubercules : le premier est placé au milieu de son bord interne; le second, plus en avant que le précédent, se trouve au bord externe; le troi- sième répond à la base du pouce, et les trois autres sont dans les mêmes rapports entre eux que leurs analogues de la paume des mains. Toutes ces parties, ainsi que le dessous des doigts, sont recou- vertes d'une peau très-douce et de couleur de chair brunâtre. La queue, chez tous, est allongée et lâche, et terminée, chez quelques-uns, par un joli bouquet de poils assez allongés et blanchâtres. Le pelage est épais et revêtu de couleurs sinon brillantes, au moins douces et harmonieuses : les poils sont ordinairement courts, lustrés. Ce sont des Rongeurs nocturnes qui passent la journée dans leur retraite et ne commencent à chercher leur nourriture qu'au crépuscule. Ils habitent en général les forêts, où ils vivent de faînes, de châtaignes, de noisettes et d'autres fruits sauvages; ils mangent aussi des œufs et, dit-on, même de jeunes Oiseaux. Quelques-uns se rencontrent dans les vergers, ou dans quelques coins des habitations des campagnes, et détruisent un grand nombre de fruits. Ils se font un nid de mousse dans le tronc des arbres creux, dans les fentes des rochers ou des murs, sur les appuis des fenêtres, etc., et ils recher- chent de préférence pour leur habitation les lieux secs. Ils boivent peu, dit-on. et descendent rare- noNT.Euns. 155 nient à terre. Ils semblent essentiellement destinés à i^rimper, el on pent les voir parfois, le soir des chaudes soirées de l'été, courir avec une grande facilité le long des murs des vergers, tandis quils semblent moins à leur aise sur le sol. Ces animaux sont courageux, et, lorsqu'ils sont attaqués, dé- fendent leur vie jusqu'à la dernière extrémité; mais toutefois plusieurs Carnassiers, parliculièrcmcnt les Chats sauvages et les Martes, en détruisent un grand nombre. C'est vers la lin du printemps que les sexes se recherchent, et les femelles font leurs petits pendant l'été : chaque portée est habituel- lement composée de quatre ou cinq petits qui croissent très-vite et peuvent se reproduire dès l'année suivante. Fv'.Ai.- Lu Ces animaux présentent une j)articularité des plus remarquables, c'est qu'ils éprouvent un engour- dissement hivernal. A l'approche de l'hiver, ils font, dans leurs retraites, des provisions de fruits pour servir à leur nourriture jusqu'au moment de l'engourdissement, qui a lieu lorsque la tem- pérature s'abaisse à environ sept degrés au-dessus de zéro. Cet état de torpeur dure autant que la cause qui le produit et cesse avec le froid. Quelques degrés de chaleur au-dessus du terme que nous venons d'indiquer suffisent pour ranimer ces animaux, et, pour ceux au moins que l'on conserve en domesticité, si on les tient l'hiver dans un lieu très-chaud, ils ne s'engourdissent pas toujours : tou- tefois nous avons été à même d'observer plusieurs Lérols, que nous avions pris à Âlfort, qui, dans une pièce dont la température moyenne était au moins de douze degrés au-dessus de zéro, s'engour- dissaient parfois, et dans d'autres cas remuaient comme en été. A l'état sauvage, les Loirs se rani- ment si, pendant la saison du froid, la température s'élève, et alors ils consomment une partie des provisions qu'ils ont réunies, devant en conserver un peu pour le commencement du printemps, où ils trouveraient peu de chose dans les bois ou les vergers, et jusqu'à ce qu'ils puissent manger des bourgeons de feuilles. Lorsqu'ils sentent le froid, ils se serrent et se mettent en boule pour offrir moins de surface a l'air; c'est ainsi qu'on les trouve, en hiver, dans les arbres creux et dans les trous de mur exposés au midi; ils gisent là sans aucun mouvement sur de la mousse ou des feuilles sèches; on peut les prendre et les rouler sans qu'ils remuent ni qu'ils s'étendent; on ne parvient à leur faire reprendre leurs mouvements qu'en les soumettant à une chaleur douce et graduée, car ils meurent si on les approche tout à coup d'un feu trop vif. Malgré cet étal complet de torpeur, la sensibilité existe encore chez ces animaux, ainsi que plusieurs observateurs l'ont remarqué. Les Loirs, et principalement le Lérot, peuvent assez bien être apprivoisés, surtout lorsqu'on les prend jeunes, et ils peuvent vivre ainsi plusieurs années dans les cages où on les conserve. M. le comte Tvzenhauz, de Vilna, a publié, daiis la Bcviie et Magasin de Zooingie pour 1850, des détails 154 IIISTOIP.K NATIll'.KLU:. iii"'s-(nricii\ sur K-s Loirs d'Europe obscrvc's à l'rtal de domestication, cl nous croyons devoir repro- duire ([uciqucs passages de son travail. « Pour rapprocher ces animaux autant que possible de l'état de nature, je liens mes Loirs captifs, chaque espèce séparément, dans des cases vitrées, hautes de i-'u)(\ pieds, sur trois pieds et demi de lari^e. L'intérieur de ces cases est garni de branches prises aux arbres (pie chaque espèce an'ectionne le mieux. Le fond de la case est recouvert d'une couche de sable de trois pouces irc,paisseur; les aliments à leur choix et l'eau sont renouvelés tous les jours; enfin des boites à étoupes et un thermomètre se trouvent placés dans des endroits convenables. Ces dispositions prises, je suis à même de visiter mes prisonniers sans trop les alarmer. Les Loirs sau- vages, introduits dans le nouveau domicile, parcourent avec inquiétude et célérité tous les recoins, et Unissent par se cacher dans la boîte à étoupes sans avoir touciié aux aliments. La nuit venue, leur agitation augmente; mais cependant ils finissent par prendre un peu de nourriture, et rentrent avant le jour dans leur cachette pour ne plus en sortir que vers les dix heures du soir. Or c'est en tonte sai- son leur heure normale, le Lérotin excepté, qui sort maintes fois dans le courant de la journée, plus souvent dans l'après-midi, et tous les jours régulièrement vers le crépuscule pour ne plus rentrer qu'au lever du soleil. Les jeunes de l'année, forcés par un appétit qu'aiguillonne leur prompte crois- sance, viennent à toute heure prendre leur nourriture. Ce besoin de sommeil diurne est si impérieux chez le Loir proprement dit et chez le Muscardin, que, lorsqu'on le i éveille bien avant l'heure accou- tumée, il s-'élance sur la première branche qui se trouve à sa portée et s'y cramponne quelquefois la tête en bas pour continuer son somme jusqu'au terme normal. Par les fortes chaleurs de l'été, ou quand le temps est à la pluie, ce sommeil tient même de l'engourdissement; les Loirs sont alors diffi- ciles à réveiller, et la température de leur corps est un peu au-dessous de celle de l'air ambiant. Mais un fait bien remai'quable, c'est qu'en hiver les Loirs peuvent augmenter à volonté le degré de leur propre chaleur par une accélération de respiration énergiquement contenue. Ayant voulu, par un froid assez vif, faire geler un Muscardin, je le retirai de sa boîte dans un état de parfaite torpeur. La teuqiératurc ambiaiUe était de sept degrés Piéaumur au-dessous de zéro. Celle de l'animal mar- quait un degré au-dessus du zéro de Réaumur. Sa respiration n'était pas perceptible. Je le mis cou- ché à nu sur son dos, et le laissai ainsi exposé au fioid. Au bout d'une demi-heure, je revins; mais grande fut ma surprise de ne plus le retrouver à la place où je l'avais laissé; il était rentré dans sa boîte. J'en pris un autre également engourdi; je le couchai de la même façon, et ne le quitlai plus. Quelque temps après, mon Muscardin commenva à respirer librement avec une vitesse et une force croissantes, entr'ouvrit les yeux, se mit sur les pattes et courut droit ;i la boîte pour se rendormir derechef. Le tout s'est passé en moins d'une demi-heure, et la chaleur de l'animal parvint alors jusqu'à quinze degrés Réaumur. Plus d'une fois j'ai observé qu'en plongeant la boule d'un thermo- mètre entre plusieurs Loirs blottis ensemble dans la même boîte, la chaleur monte progressivement à mesure que je parvenais à les réveiller. On peut également s'en convaincre par le sentiment du tou- cher. La saison, tout au moins autant que le froid, semble influer sur le terme de l'engourdissement et du réveil de ces animaux. J'ai vu le Loir et le Muscardin cesser entièrement de prendre de la nour- riture, et tomber en léthargie dès le 20 septembre, par une température de plus de douze à quinze degrés Réaumur, quoique la température du mois d'août eût été souvent bien inférieure, et reprendre leurs allures accoutumées pour quelques jours, et même au cœur de l'hiver. Après le sommeil, le be- soin le plus impérieux des Loirs captifs est le manger; ces petits Mammifères semblent n'être créés que pour satisfaire à ces deux fondions. La quantité d'aliments que consomme un Loir dans les vingt-quatre heures surpasse son propre poids; aussi engraisse-t-il promptcment, et ne perd-il, à son réveil au printemps, qu'une portion minime du poids qu'il avait à l'époque de son engourdissement hivernal. Quant au choix des aliments, il est presque le même pour toutes les espèces; tous aiment également les fruits ;'i noyaux et à pépins, ainsi que les noisettes, dont cependant le Lérotin et le -Muscardin ne peuvent entamer la coquille. Ils n'aiment pas, en général, les baies, et refusent con- stamment les glands. Ils sont très-friands d'œufs d'Oiseaux, et probablement dévorent les petits; mais le Muscardin fait exception; quoique privé à dessein de nourriture pendant deux jours de suite, il n'a pas voulu toucher aux œufs et aux petits Oiseaux placés dans la mangeoire. 11 est donc plus que probable que, comme les fruits et les noisettes ne sont mûrs que dans une saison plus avancée, que les trois espèces principales de Loirs ont recours à une nourriture toute animale dès le printemps, d'autant plus qu'ils n'ont pas l'habitude de l'Ecureuil, qui, à cette époque, mange les bourgeons des liOKGEURS, 155 arbres fruitiers et autres, notamment ceux du sapin. Je viens, en outre, de m'assurer tout rérem- ment que tous ces niniaux se nourrissent très-voloniiers d'Insecfes dont l'apparition, précédant la la ponte des Oiseaux, leur offre une alimentation précoce : c'est aux Hannetons qu'ils chassent de préférence. En domesticité, le pain de froment, toute pâtisserie, fruits secs, viande crue ou cuite, sont fort de leur t^oût. S'ils viennent à manquer de nourriture, ils se font une i^uerre à mort, et les plus faibles sont les victimes de la voracité des plus forts. Sur dix Lérotins enfermés dans la même case, et supposés engourdis faute d'avoir reçu leur ration dans les vingt-quatre heures, trois ont élé mangés par les sept autres, qui n'ont rongé que les chairs; les dépouilles sont restées intactes, cha- que peau retournée les poils en dedans, comme l'eût fait un habile préparateur, et le squelette pres- que complet. Plus tard, j'en vis un en plein jour qui me semblait malade; il fut assailli par les siens et dévoré vivant en moins de quelques minutes. Il est à remarquer que ce dernier acte de voracité n'a pas été suscité par la faim. Les Loirs, n'en déplaise à ceux qui soutiennent le contraire, boivent souvent et beaucoup (1); ils ne se baignent point dans l'eau, mais se lavent à la manière des Souris, avec leurs pattes de devant; ils sont très-propres et très-soigneux de leur pelage. Le Muscardin ci le Loir ont la singulière habitude de déposer leur crottin dans l'abreuvoir, tandis que le Lérotin en garnit le pourtour de son gîte. Une opinion populaire, généralement établie dans nos contrées, en Pologne, prétend que non-seulement la morsure des Loirs est mortelle, mais que le seul contact de leurs dé- jections fait enfler les parties qui en auraient été souillées, en produisant par la suite des ulcères inguérissables; que si par hasard un Loir venait à passer sur le dos d'un Bœuf ou d'un Cheval au pâ- turage, ces animaux devraient infailliblement périr dans les vingt-quatre heures, ainsi que beaucoup d'absurdités de la même valeur. Il en est donc, au sujet des Loirs chez nous, comme de la Musarai- gne en France, dont cependant les prétendues qualités délétères ne sont point accréditées parmi les habitants du Nord. » On connaît aujourd'hui huit à dix espèces de Loirs, et elles se trouvent répandues dans les con- trées tempérées de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. En outre, on en compte quelques-unes à l'état fossile, et qui ont été trouvées principalement en France. 1. I.OIR. riilVoii M YOX us G us. Sà\r cher. CArACTÎ:nES spécifioues. — Pelade d'un gris brun cendré en dessus, blanchâtre en dessous, avec du brun autour de l'œil; queue bien fournie de longs poils dans toute sa longueur; taille d'un petit Fiat. Longueur du corps et de la tète réunis, 0'",015; de la queue, O'",0lo. Le Loir est connti depuis la plus haute antiquité, c'est le Mju^o; et l'EXsici; des Grecs, le Glis des Latins et le Mijoxns çjlis des zoologistes. De plus petite taille que lÉcureuil, il a la tête et le museau moins larges que cet animal, avec les doigts et les ongles plus fins, et la queue moins touffue. Les oreilles sont grandes, ovales, presque nues. Les yeux sont très-saillants, ouverts et bordés de noir. Les faces supérieure et latérale de la tête, le dessus du cou et du dos, la face externe des membres, la queue presque en entier, sont de couleur grise, mêlée de noir et argentée; les poils de ces parties étant cendrés sur environ la moitié de leur longueur, depuis la racine, et le reste étant dans les uns d'un gris très-brillant jusqu'à la pointe, et, dans les autres, d'abord gris et ensuite noir à l'extrémité, le dessous et une partie des côtés de la tête, la gorge, la face inférieure du cou, la poitrine, les aisselles, la face intérieure des bras et de l'avant-braç, les pieds de devant, le ventre, les aines, le dedans des cuisses et des jambes, les côtés des métatarses et les doigts des pieds de derrière, sont d'une couleur blanche, légèrement teintée de fauve à quelques endroits et argentée sur quelques poils; la face inférieure de la queue, depuis son origine jusqu'à moitié de sa longueur, est également blanclic ou blanchâtre. Les mousta- ches sont noires, longues de O'",006. Les poils de la queue sont presque disposés comme ceux de la queue de l'Ecureuil, Cette espèce se distingue des autres par ses oreilles courtes, presque rondes et un peu plus larges (1) A l'appui de celte opinion, nous dirons que les Lcrols que nous avons eus en captivité buvaient assez frérjnenimeilt, ct-qu'ils préleraieiit le lait à toute autre boisson K. U. 156 IIISTOIIIK NATLUKLLE. ù li'ur oxlrémik- qu'ù lour base, cl par sa (iiieiic distique, aussi lonr^ue que le corps, ou à peu près, entièrement rouverte de poils loni^s el épais, très-touffue el plus forte à rextrémilé qu'à sa base. Le l.dir vit (l;uis les forêts, yrimpe sur les arbres el meute de branche en branche avec une grande l('i(éreté; sa nourriture consiste en châtaignes, noisettes, fruits sauvages, œufs d'Oiseaux, etc. il se construit un nid très-arlistenient dressé. La durée de sa vie paraît être de cinq ou six ans. Il passe riiiver en léthargie, est irès-gras lorsqu'il entre dans son engourdissement hivernal, pour en sortir au printemps assez maigre : nous renvoyons, pour plus de détails à ce sujet, aux pages que Buffou consacra à cet animal. L'espèce du Loir n'est pas très-répandue, quoiqu'on la rencontre dans plusieurs contrées de l'Eu- rope et de r.^sie. On ne la trouve pas dans les climats très-froids, ainsi que dans les pays décou- verts, comme l'Angleterre. Mais elle habite assez communément en Espagne, dans la France méridio- nale, en Italie, en Grèce, en Allemagne, en Suisse, etc., où on la voit principalement dans les forêts montagneuses. Sa chair est bonne à manger, el elle a le goût de celle du Cochon d'Inde; c'est ce Rongeur que les Romains élevaient et qu'ils prenaient soin d'engraisser pour leur table. On mange encore des Loirs dans quelques parties de lltalie, mais on ne les nourrit plus pour cela en domesticité. 2. LÉROT. Buffoii. MYOXUS MTELA. Sclircbcr. Caractkres SPÉCIFIQUES. -- Pelage d'un gris fauve en dessus, blanchâti'e en dessous; une lacne noire entourant l'œil et s'étendant, en s'élargissant, jusque derrière l'oreillej queue longue, touffue seulement au bout, noire, avec l'extrémité blanche; plus petit que le précédent; la lêle et le corps n'ont que 0™,015, el la queue 0'",0I2. Buffon fait remarquer que le nom de Lékot provient probablement de Lo'irot, parce qu'en e^et cet animal est plus petit que le Loir. C'est le Mus availananim major, Linné; le Mus querchius, Linné; le Sciurus qncrcïnus, Erxleben, et le Mijoxits nilda de Schreber, ainsi que de tous les natura- listes modernes. Il porte vulgairement, et presque indifféremment, les noms de Loir, Lérot et Rai blanc. Corps et tête plus courts que dans le Loir; oreilles plus longues; museau un peu plus pointu; chan- frein et partie antérieure du front d'un fauve jaunAtre; dessus de la tête, du cou et du dos, face ex- terne du bras et la cuisse, d'un gris fauve, qui s'éclaircil sur les parties latérales; face externe de la jambe d'un gris noirâtre; parties inférieures des joues, dessous du menton, gorge, poitrine, ven- tre, face intérieure et extrémité des quatre pattes, d'un blanc sale; une tache d'^in brun noir, bor- dant l'œil et passant au-dessous de l'oreille en s'élargissant; oreilles ayant une petite tache d'un blanc jatMifttrc en avant de leur bord antérieur; leur surface externe étant couverte de très-petits poils d'un gris fauve. Poils des parties supérieures du corps d'un gris de souris foncé dans les trois quarts de leur longueur et terminés de fauve plus ou moins brunâtre; ceux des parties inférieures également gris dans ia plus grande partie de leur longueur et termines de bianc. Queue noire, à poils ras, avec le bout blanc, où elle est terminée par un flocon de longs poils. Les jeunes individus diffèrent un peu des adultes, et, au lieu des teintes rousses du dessus du corps, de la tête et de la queue, ils n'ont qu'une couleur gris cendré uniformément répandue sur toutes les parties du corps. « Le Loir, dit Rulfon, demeure dans les forêts, el semble fuir nos habitations; le Lérot, au con- traire, habite nos jardins, el se trouve quelquefois dans nos maisons; l'espèce en est aussi plus nom- breuse, plus généralement répandue, et il y a peu de jardins qui n'en soient infestés. Ils se nichent dans les trous des murailles; ils courent sur les arbres en espalier, choisissent les meilleurs fruits elles entament tous dans le temps qu'ils commencent à mûrir; ils semblent aimer les pêches de pré- férence, et, si l'on veut en conserver, il faut avoir grand soin de détruire les Lérols; ils grimpent aussi sur les poiriers, les abricotiers, les pruniers; et, si les fruits doux leur manquent, ils mangent des amandes, des noisettes, des noix el même des graines légumineuses; ils en transportent en grande quantité dans leurs retraites, qu'ils pratiquent en terre, surtout dans les jardins soignés, car dans les anciens vergers on les trouve souvent dans de vieux arbres creux; ils se font un lit d'herbes, de RONGEURS. 157 mousse et de feuilles. I.e froid les engourdit, et la chaleur les ravive: on en trouve quelquefois liult ou dix dans le même lieu, tous engourdis, tous resserrés en boule au milieu de leurs provisions de noix et de noisettes. Ils s'accouplent au printemps, produisent en été, et font cinq ou six petits qui croissent promptcment, mais qui cependant ne produisent eux-mêmes que dans Tannée suivante. Leur chair n'est pas mangeable comme celle du Loir; ils ont même la mauvaise odeur du Rat domes- tique, au lieu que le Loir ne sent rien; ils ne deviennent pas aussi gras et manquent des feuillets graisseux qui se trouvent dans le Loir, et qui enveloppent la masse entière des intestins. » Celte espèce se trouve en France, en Allemagne, en Italie, en Suisse, en un mot dans tous les climats tempérés de l'Europe, et même en Pologne et en Prusse; mais il ne paraît pas qu'il y en ait en Suède ni dans les pays septentrionaux. 3. LÉROTIN. Tyzenhauz. MYOXUS DRYAS. Sclircbcr. Caractères spécifiques. — Pelage gris noirâtre à la base et jaunâtre à l'extrémité, entremêlé de poils plus longs, noirâtres; chanfrein gris cendré; dessus de la tête et toutes les parties supérieures d'un gris brun cendré lavé de jaunâtre; toutes les parties inférieures du corps et des membres d'un blanc faiblement teint de jaunâtre; moustaches plus longues que la tête, noires; une tache noire qui prend naissance à l'origine des moustaches, s'élargit en entourant l'œil, et vient aboutir à la base de l'oreille : celles-ci courtes, demi-circulaires, presque nues, d'une couleur rembrunie sur les bords; queue distique, cendrée, distinctement zonée de noirâtre, avec l'extrémité des poils latéraux et ter- minaux blancs, de même que ceux qui couvrent la page inférieure de la queue; beaucoup plus petit que le Lérot, auquel il ressemble. Longueur de la têle et du corps, 0'",010; de la queue, 0'",009. Ce n'est que depuis 1850, époque à laquelle M. Tyzenhauz a décrit et figuré cette espèce dans la Ucviic et Magazin de Zoologie, que l'on connaît véritablement ce joli Rongeur, que l'on confondait auparavant, soit avec le Loir, soit avec le Lérot, et qui est le Mus niiedula de Pallas. Le nom de 3his (Injas lui avait été appliqué anciennement par Schreber, et M. Tyzenhauz a proposé récemment de lui donner en français la dénomination de Lérolin pour rappeler les rapports qu'il a avec le Lérot. Le système de coloration de cette espèce peut parfois un peu varier : en hiver, par exemple, les teintes jaunâtres sont beaucoup plus faibles, et alors le pelage supérieur est d'un gris presque pur, et les zones foncées de la queue sont à peine perceptibles. Les jeunes, qui grandissent très-vite, sont, quelques jours après leur naissance, d'un gris jaunâtre pâle, comme satiné sur les parties supé- rieures, avec les parties inférieures et les pattes presque nues; la tache noire superoculaire déjà dis- tinctement prononcée et les moustaches blanches. Cette espèce, qui habite une partie de l'Asie, a été retrouvée, en 18-48, en Lithuanie par M. Ty- zenhauz, et il explique qu'on ne l'ait pas pris plus tôt, parce que c'est un animal éminemmeni noctivague et qui ne pouvait être que très-rarement aperçu pendant le court intervalle de sa vie ac- tive, qui ne doit guère être compté que depuis le 15 mai jusqu'au 15 septembre, c'est-à-dire depuis l'époque du commencement de la végétation des feuilles en Pologne jusqu'à celle de leur chute. M. Tyzenhauz a étudié cet animal avec le plus grand soin, et il donne d'intéressants détails sur ses mœurs. « Le Lérotin, dit-il, habite les forêts de pins et de sapins, préférant même ces der- niers lorsqu'ils croissent sur un terrain sec et élevé; on ne l'a pas encore aperçu dans les bois de bouleaux, de chênes ni dans les coudriers, résidence favorite du Muscardin. VerS la (in de mai, on trouve déjà, dans les forêts, son nid, qui lui sert de demeure pendant la belle saison. Il construit ce nid en forme de boule, avec une ouverture latérale; il l'établit communément dans l'enfourchure d'une branche de sapin vers son extrémité, à dix-huit ou vingt pieds de hauteur au-dessus du sol, ayant toujours soin de l'exposer au soleil du midi. Ce nid est construit avec de menues branches sèches, des brins d'écorce, de mousse verte, d^s bouts de rameaux verts de sapins, le tout assez né- gligemment lié avec des fibres végétales et quelques crins de Cheval. Son diamètre est de six à sept pouces. Parfois il arrive qu'il le place aussi dans les ruches vides suspendues aux arbres des forêts, dans l'intention d'y attirer les essaims d'Abeilles sauvages. Pour l'ordinaire, une famille composée de cinq à six individus occupe le nid : le père et la mère avec leur progéniture de l'année révolue; il y a toute apparence que les jeunes quittent le nid vers la fin de juin pour faire ménage à part, car 158 IIISTOIRH NATyiU-:LLE. on ne trouve, passé ce U-mps, que la femelle avec les petits nouveau-nés. Si l'on vient à toucher, même en plein jour, à la branche qui porte le nid, toute la famille décampe avec promptitude, et va se cacher entre les branches du suniuict de l'arbre. Or ce n'est que par une pluie battante qu'on réussit à les capturer; car, craignant de se mouiller, ils n'osent sortir, et, Touverture du nid une fois bouchée, on l'enveloppe d'un sac pour le détacher de la branche... Quels sont les aliments dont se nourrit le Ijérotinù l'état de liberté, surtout pendant les premiers jours de sou réveil? Fait-il des pro- visions pour l'hiver? Quels sont les endroits où il se cache? C'est à quoi je ne saurais encore repondre positivement... L'analogie du système de coloration, dans les animaux du même genre, s'accorde très-souvent avec celle de leurs habitudes et de leurs mœurs. Or les plus rapprochés sous ce double aspect sont le Lérotin et le Lérol : tous deux habitent de préférence les forêts composées d'arbres résineux; ils sortent volontiers en plein jour de leur retraite, ce que ne font jamais ni le Loir, ni le Muscardin, qui attendent l'heure des ténèbres pour vaquer à leurs besoins. Ils sont plus éveillés et plus lestes dans leurs mouvements, franchissent, en sautant avec plus de légèreté, les petits espaces entre les branches des arbres, et courent plus franchement à terre. Le Lérotin se rapproche aussi du Lérot par le port; il est moins épais que le Loir, porte, en marchant, la queue plus haute que la tête; au repos, sur une branche, il la tient pendante et non recourbée, contournée en spirale vers 1^ bout, presque prenante, car parfois le Loir s'en sert pour maintenir son équilibre lorsqu'il dort étant perché. Cependant le Lérot est beaucoup plus sensible au froid que le Lérotin. Les premières gelées qui le malin se font sentir aux approches de l'automne suffisent pour l'engourdir, et ce n'est que dans l'après-midi, lorsque le soleil réchauffe l'atmosphère, qu'il sort de son état de torpeur, tandis que le Lérotin supporte gaillardement jusqu'à huit degrés de froid, et qu'il ne quitte pas son trou; c'est plutôt par un temps humide ou tant que dure la pluie. Voilà ce qui me fait présumer que le Nord est sa vraie patrie. Je ne puis pourtant pas affirmer qi/on ait aperçu, en hiver, ses traces sur la neige. » A. },\[]SC\Wm^. Ba\(on. MYOXUS AVELLANARIIS A. G Desmarcst. CARACTÈhKs SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un fauve clair en dessus, presque blanchâtre en dessous; (jueue de la longueur du corps, aplatie horizontalement et formée de poils exactement distiques; |)lus petit que les trois espèces précédentes; la tête et le corps ont une longueur de 0"\008; la queue n'a que 0'",00(3. Fiff. 45. — Muscardin. Le nom français de Muscardin provient de la dénomination de Moscarditis. qui lui est donnée en Italie suivant Buffon. C'est le Mus avcUanarum ininor, Linné; le Mus uvellanayiua, Linné; le Sein- HONGEURS. 159 rus avellanarius, Erxleben, le Mijoxus niuscardbnis, Gmelin. et le Mijûxur avcllanarius, A. G. Des- niarest. 11 est quelquefois indiqué vulgairenient sous le nom de Croquc-ISoix. Dans cette espèce, la tète est plus large, le museau moins allongé, les yeux plus grands et les oreilles plus courtes, le (Vont plus élevé que dans le Loir et le Lérot. Les oreilles ont à peu près la même forme et la même grandeur que celles du Loir. La queue est aplatie, linéaire, garnie de poils distiques assez longs. Le dessus du corps est de couleur fauve claire et blonde; le ventre et le dessus de la tête sont jaunâtres; la gorge est presque blanche. Les poiU du dos sont gris, avec leur pointe rousse; quelques-uns cependant, plus longs que les autres, sont d'un brun assez uniforme, et ceux de la queue sont d'un roux terne dans toute leur longueur. Les moustaches sont longues de pris de 0'", 008. Ce joli petit animal fait son nid à peu près comme l'Écureuil; mais il le place beaucoup plus près du sol, entre les branches d'un r oiselier ou dans un buisson. Il lui donne une forme ronde, avec une ouverture conique par en haut et le compose d'herbes entrelacées. Chaque portée est de trois à quatre petits. Ceux-ci abandonnent le nid où ils ont pris naissance dès qu'ils sont grands, et cher- client à gîter dans le creux ou sous le tronc des vieux a;rbres; et c'est là qu'ils reposent, qu'ils font leurs provisions et qu'ils s'engourdissent. On peut le réduire assez facilement en domesticité, et nous en avons vu plusieurs qui avaient été envoyés vivants d'Italie en France. Le Muscardin se trouve, en Europe, depuis l'Espagne et l'Italie, jusqu'en Suède, et, dit on, en Angleterre. Parmi les espèces étrangères à l'Europe, nous citerons seulement le Mijoxus lincatiis, Temminck, qui provient de Yesco, au Japon, et les M. Coupe't, Fr. Cuvier, M. viurimis, A. G. Desmarest, Lalandianus, Schinz; erijlhrobranchus, Smuth, et Africaniis, Shaw; tous provenant du cap de Bonne Espérance. C'est auprès de ces deux dernières espèces qu'étaient placés les Mijoxus Capensïs ou Caloirii et elcgans, qui constituent le genre Grapliiurus. Quant au Mijoxus Vircjinicus, Ueichenbach, qui provient de Virginie, il est plus que probable qu'il n'appartient pas à cette coupe générique, qui semble propre à l'ancien monde. Enfin quelques débris fossiles ont été signalés par les paléontologistes, et nous nous bornerons à indiquer ces espèces, qui ne sont pas encore connues d'une manière suffisante pour être définitive- ment admises dans le catalogue mammalogiqne. Ce sont les Mijoxus spœleus et Parisïensis, G. Cu- vier, provenant du gypse des environs de Paris, et le Mijoxus avellanarius fossilis, Marcel De Serres, découvert dans la caverne de Lunel-Viel, qui ne diffère probablement pas de notre Mus- cardin actuel. 29">« GENRE. — GRAPHIURE. GRAPHWRUS. Fr. Cuvier, 1829. r^/açiç, pinceau; cupa, queue. Mamraifi-res de la ménagerie du Muséum, 1829, et Nouvelles Annales du Muséum, 1. 1, 1S3-2. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslbne dentaire : incisives, |; molaires, |ê|; en totaliié vingt dents. Molaires proportionnelle- ment a la gramleur du corps, plus petites que dans les Loirs, à série commençant en arrière de rapopliyse maxillaire, semblant formées d'une seule substance compacte et blanche, et sans sillons ni rubans d émail. ^' Membres faibles. Organes des sens, pieds, queue, el en général les autres caractères génériques, semblables à ceux des Loirs. Le genre Graphiure a été créé par Fr. Cuvier pour y placer une espèce unique, propre au cap de Ronne-Espérance, el rangée précédemment avec les Loirs. Ce groupe ne diffère guère du précédent, et il faut suivre exactement la méthode de Fr. Cuvier pour l'adopter; car ce n'est que dans le système iCO HISTOIRE NATURELLE ticntaire dos Giapliiiiros ol dos Loirs que l'on peut trouver quelques particularités dilToreiUiellcs. On y a étçalemont remarqué néanmoins quelques caractères dans le squelette et surtout dans le système digestif, principaleniont dans la disposition de l'estomac. Toutefois ce n'est qu'avec grand doute que nous admettons ce genre et parce que nous nous soumettons à raulorito de son savant fondateur. Fig. 4(3. — Gra^'liiuru du Cap, Fr. Cuvier (Nouv. Aun. du Musi'um, t. I, 1852) s'est surtout attaché à montrer Ie.> rapports et les différences que lesGraphiures et les Loirs nous présentent. « Chez tous les Loirs, dit-il, la gran- deur des quatre màcholièros qui se trouvent de chaque côté des deux mâchoires est, comparativement à celle de tous les autres Rongeurs, dans les proportions de la grandeur de leur corps, et la série de ces dents commence au moins à la base de l'apophyse zygomatique du maxillaire. Dans le Graphiure, qui, par sa taille, surpasse celle du Lérot, ces dents ont à peine le tiers de la grandeur de celles de ce Loir; elles sont même à peine de moitié aussi grandes que celles du Muscardin, qui est de moitié plus petit que le Graphiure, et leur série ne commence que fort en arrière de l'apophyse du maxil- laire. A la vérité, chez le Graphiure comme chez les Loirs, les màchelières ne paraissent formées que d'une seule substance compacte et blanche; de sorte que, quoique sillonnée, on n'y aperçoit pas les rubans d'émail qui caractérisent les màchelières composées, lesquelles, outre la substance écail- leuse, contiennent encore de la substance osseuse. Le Graphiure a une puissance de manducalion très-faible comparativement à celle des Loirs. Le Graphiure, comme les Loirs, est tout à fait prive de cœcum: le canal intestinal, chez les uns comme chez les autres, est d'un diamètre et d'une structure à peu près uniformes dans toute sa longueur, de sorte qu'à cet égard les petits et les gros intestins ne se distinguent pas. La première différence qui se fait remarquer est dans le diamètre de ce canal; on le trouve, sous ce rapport, proportionnel à la taille des animaux, chez le Loir, le Lérot et le Mus- cardin, tandis que chez le Graphiure il est deux ou trois fois plus large même que celui du Loir. Sa longueur, chez le Graphiure, est d'un pied quatre pouces, c'est-à-dire semblable à celui du Muscar- din, et par conséquent de plus de moitié plus court que celui du Léi'ot, qui a trente-trois pouces, et que celui du Loir, qui en a quarante. L'estomac, d'une forme à peu près hémispiiérique lorsqu'il est rempli, chez le Lérot et le Muscardin, est partagé, chez le premier, en parties égales par le cardia, et le pylore se trouve à l'extrémité de la partie droite. Chez le Muscardin, le pylore et le cardia sont beaucoup plus rapprochés. Chez le Loir, l'estomac, replié sur lui-même, présente deux parties mon- tantes, la gauche ou la partie cardiaque, qui est la plus grande, et la droite, qui est la jiartie pylo- rique. Chez le Graphiure, l'estomac approche beaucoup de celui du Lerot pour la forme et les rap- ports du pylore et du cardia; mais il est près de deux fois plus grand. Ainsi, excepte par l'absence UUiNGElJP.S. 161 de cœcum. le canal alinierilaire du Grapliiure diffère coniplélernenl de ceux des Loirs; il ne leur est proportionnel ni pour le diamètre, ni pour la longueur, et ce que dans le premier cas il semble ga- gner pour la faculté digeslive, il paraît le perdre dans le second; de sorte qu'au total il reste infé- rieur, quant à cette faculté induite des formes et des proportions propres aux trois espèces de Loirs; car, ni le foie, ni le pancréas, ni la rate de ces animaux, n'ont présenté de modifications propres à infirmer ce résultat. p]xtérieurement, les organes des sens du Graphiure, comparés à ceux des Loirs, ne présentent aucune modification de laquelle on puisse conclure un changement dans les fonctions. » Enfin Fr. Cuvier termine son mémoire en donnant les différences ostéologiques de la tète, que pré- sentent d'une manière assez peu sensible le Graphiure et les différentes espèces de Loirs. On indique aujourd'hui deux espèces de Graphiures; mais la plus connue et celle qui est le type de ce groupe est le : GRAPHIUI^E DU GAP. OliAPIllURUS CAPENSIS. Fr. Cuvier. Caractïîres spécifiques. — Pelage d'un gris brunâtre foncé en dessus, et d'un blai.c roussûlre foncé en dessous, avec une large bande d'un noir brun sur les yeux. Taille du Loir. Cette espèce est le Mifoxns Catoirii, Fr. Guvier, qui habile les environs du cap de Bonne -Espérance. La seconde espèce, décrite par M. Ogilby, est le Graplûurwi chHjans, de la côte occidentale du cap de Bonne-Espérance. On doit aussi probablement ranger dans le même genre le Mijoxus c'inc- rescens, Buppel, qui provient de Port-Natal. QUATRIEME TRIBU. IIÉLÂMYENS. HELAMYII. Is. Geoffroy Saint-Uilairc. Molaires an nombre de quatre de chaque côté et aux deux mâchoires. Membres postérieurs beaucoup plus lonçjs que les antérieurs, un peu plus proportionnels entre eux cependant que dans les Gerboises. Police antérieur bien développé, tandis quil est rudimentaire chez les Dipodiens. Quatre doigts seulement en arrière. Ongles allongés, peu recDm-bés. Cette tribu a été formée par M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, et ne renferme qu'un seul genre, celui des Ilelamiis, créé par Fr. Cuvier, et dans lequel il n'entre qu'une seule espèce, 1'//. Cafcr, propre au cap de Bonne-Espérance, et qui pendant très- longtemps a élé rangée dans le genre des Gerboises ou Dipus, dont elle diffère par les caractères que nous avons indiqués et par d'autres par- ticularités que nous allons signaler en décrivant le genre. SO"'" GENRE. — HÉLAMYS. HELAMYS. Fr. Cuvier, 1821. EXir,, couleur (lu soleil; |j.u;, Rat. Diclionnaiie des Sciences naturelles, t. XX. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, J^; en totalité vingt dents Incisives supérieures et in- férieures en forme de coin; molaires simples, à deux lames, tant en haut quen bas. Tête courte, large, plate. Yeux grands, à fleur de tête. Pas d abajoues. Museau épais, terminé par un petit mufle. Oreilles longues, minces, étroites. 21 1Gt> IllSTOlUE NATUUELLR. Pieds antêrieuru à cinq doigls bien disiinits; poslcricurs plus louçjs que les antéricitrs el sculc' mcni h quatre doiqls. Onqles trh-lonqs, aigus. Queue iunque, très-louffue, très-musculeusc . Le gonio llcliiniiis i\ été créé par Fr. Cuvier |)Oiir une espèce de rioiigeiirs nommée auparavant Lièvre sauteur ou Gerboise du Cap, et qui a été rangée dans le genre Dipus des zoologistes. Ce groupe générique a été adopté par tous les auteurs et est même devenu le type d'une petite tribu particulière. Illiger {Prodromus stistemalicus Mammalimn et Avium, 1811) avait proposé pour ce groupe le nom de Pedctes (rvy.rîr.rr,;, sauteur), dénomination qui, ayant l'antériorité, aurait dû être adoptée; ce qui a eu lieu pour quelques naturalistes, tandis que le plus grand nombre, avec G. Cu- vier, Etienne el Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ont conservé, dans le catalogue mammalogique, le nom (.Vllelaviijs. Fig. 47. — Hélamys du Cap. Cet animal a l'apparence extérieure d'une Gerboise, c'est-à-dire que ses membres antérieurs sont très-courts, tandis que les postérieurs sont très-longs; de sorte que, quand il court debout sur ses pieds de derrière, il ne peut s'avancer qu'en s'élançant par sauts successifs, comme le font les Kan- guroos. Sa taille est plus considérable que celle des Lièvres, et il présente quelque cliose d'analogue à ces animaux. Le système dentaire est tout particulier et présente à lui seul des caractères qui suffisent pour faire distinguer ce groupe de tous les autres. Les incisives des deux mâdioires sont semblables, et les molaires sont dans le même cas. Leur couronne approche de la forme cylindrique el offre, à leur surface, le cercle d'émail qui les entoure, mais interrompu par un repli qui partage la dent en deux parties égales. Ce pli à la mâ;'hoire inférieure naît à la face interne des dents, el, à leur face externe, à la mâchoire opposée. Les membres présentent des caractères importants que Fr. Cuvier indique ainsi : '( Il y a quatre doigts aux pieds de derrière; l'externe est très-petit; des trois suivants, le moyen est le plus long, et les deux autres sont à peu près égaux. Tous quatre sont armés d'ongles très-épais, droits, poin- tus et triangulaires. Les pieds de devant ont cinq doigts très-distincts, terminés par des ongles longs, étroits et en gouttière. La plante est couverte de plis plutôt que de tubercules; mais la paume a deux lobes charnus d'une grosseur démesurée : l'un, à la base du pouce, de forme spliérique, est de la dimension d'une petite noisette; l'autre, à la base du petit doigt, a la forme d'un disque; il ne tient à la paume que par un point de son tranchant; le reste de celle partie est libre et garni de poils. Les pieds de devant servent principalemcni à fouir el à porter les aliments à la bouche; l'animal ne s'appuie dessus que lorsqu'il marche lentement, et. quand il veut aller vite, il les applique contre nONGEURS. If, )0 son corps et les cache dans ses poils, de telle manière qu'il semble être bipède. Sa queue, très- épaisse, trèsmusculeuse, pourrait bien, comme celle des Gerboises et des Kanguroos, l'aider dans ses mouvements, » Quant aux organes des sens, on a remarqué que les yeux n'ont aucun organe accessoire; que l'o- reille, longue, étroite, terminée en pointe, est remarquable par un Iragus long de plusieurs lignes et très-étroit; que les narines consistent dans deux t'entes qui forment entre elles un angle droit, et qu'elles sont entourées d'un poil très-fin; que la langue en dessous est garnie de papilles douces; que la lèvre supérieure est entière, mais qu'elle offre cette particularité curieuse que ses bords, de chaque côté de la mâchoire supérieure, se réunissent en arrière des incisives et forment, au-dessus de ces dents, une poche dans laquelle on pourrait cacher une noisette, etc. Les poils sont de deux sortes : les lai- neux en petite quantité et les soyeux assez épais; ils sont un peu rudes et assez longs. De fortes moustaches garnissent la lèvre supérieure et le dessous des yeux. Quelques points de l'anatomie des organes de reproduction ont été étudiés par Sparmann et par Fr. Cuvier. Nous dirons seulement que les mamelles sont au nombre de quatre et placées sur la poi- trine, et que la poche abdominale, chez les femelles, est analogue, par sa position, à celle des fe- melles de Didelphes, mais ne renfermant pas les mamelles. Une seule espèce entre dans ce genre, c'est : IIIÎLAMYS DU CAr. nELAMYS CAFER. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage fauve, jaunâtre clair, varié de noirâtre en dessus, blanc en des- sous, avec une ligne de la même couleur dans le pli des aines; jambes brunes; queue assez mince, roussâtre en dessus à l'origine, grise en dessous et noire au bout. Taille d'un Lièvre de forte grosseur. Celte espèce porte vulgairement les noms de Lièvre sadteur, de Gerboise du Cap, deMANNET; c'est VJErmanctje sprinçieode liaas des Hollandais du Cap. Les zoologistes lui ont successivement appli- qué un nombre assez considérable de dénominations, telles que les suivantes : Dipus Cafer, Gme- lin, Thumberg; Mus Ca fer, Pallas; Yerbua Capensis, Sparmann, Forster; Pedeles (;«/e>-, llliger; Pedelcs Capensis, A. G. Desmarest, et Uelamifs Cafcr, Fr. Cuvier. Ce Rongeur vit dans des terriers très-profonds, d'où il s'éloigne peu et où il rentre précipitamment et comme s'il s'y plongeait dès que le moindre bruit alarme sa timidité, qui est excessive. Il passe une partie du jour à dormir, et ne pourvoit à ses besoins que pendant la nuit ou durant les crépus- cules du soir et du matin. Âllamand, qui a vu cet animal vivant en Hollande, d'où il aurait été apporté des colonies du cap de Bonne-Espérance, dit que dans son sommeil il ramène sa tête entre ses jambes de derrière, qui sont étendues, et "qu'avec celles de devant il rabat ses oreilles sur ses ' yeux et les y tient pour les préserver de toute atteinte extérieure. Sa voix ne consiste que dans un grognement assez sourd lorsqu'il est calme. Sa nourriture est un mélange de matières végétales et animales; il mange des racines et recherche les Insectes et petits animaux qu'il rencontre. Il habite les environs du cap de Bonne-Espérance, où il est rare, et ne se rencontre guère que dans les régions montagneuses. CINOriEME TRIBU. DIPODIENS. DIPODll. Nobis. Sijstcme dentaire : incisives, ■§; molaires, |^J; en totalité dix liuil dents. Pouce antérieur bien développé. Membres postérieurs beaucoup plus longs que les antérieurs Ongles allongés, peu recourbes. ICi IIISTOIRK NATlJhKMK. Queue Ires-Umque. couverte de poils cornis, exeeplé h non e.rlrémilé, oh roii remarque ui\ /locùn de lonçjs poils . Taille pelile. Los animaux qui forment cette division sont bien caracicrisés, parmi les Rongeurs, parla dispro- portion extraordinaire que l'on observe entre la i^randetir des membres. Aussi en a-t-on lait de bonne iieure un groupe distinct, qui a reçu la dénomination de Gerboise, et a-t-on de bonne heure aussi élevé ce genre au rang de tribu, qui a reçu plusieurs dénominations particulières. Les Pipodiens sont des Mammifères de petite taille, propres à presque toutes les contrées du globe, mais surtout abondants en Afrique. On y a distingué plusieurs genres particuliers; mais les seuls que nous adopterons sont ceux des Gerboises ou T)ipus, Gerbilles, Meriones et Eligmodonlia; le premier, subdivisé en deux groupes particuliers, et le dernier, qui a quelques rapports avec les Gerboises et les Rats. 51""' GKNRE. - GERBOISE. DIPUS. Schreber, 1795. ii'.?, double; ^rcu;, pied. DieSaugUiierc, etc., t- IV. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijsième dentaire : incisives, f ; molaires, *:E;^; en totalité dix-huit dents. Incisives supérieures plates, terminées en biseau à leur extrémité : inférieures subulées, tres-aicjucs a la pointe; molai- res simples, à couronne tuberculeuse, léçièrement écliancrées. Tète très-lanie, à pommettes très-saillantes. Yeux çjrands. Oreilles loncjues et pointues. Pieds antérieurs courts, à quatre doigts, avec une vernie omjuiculée en place de pouce : posté- rieurs cinq ou f,ix fois plus longs que les antérieurs, terminés par trois ou cinq doigts. Ongles assez aicfus. Un seul métatarsien pour les trois doigts du milieu. Queue très-longue, cglindrique, couverte de poils courts dans .son élendue et termin e par un flocon de grands poils. ■ Taille petite. Ce genre a été créé par Schreber sous le nom de Dipus, et correspond aux groupes des Jaculus et Yerbua. indiqués en 1777 par Erxleben. l'ourles anciens naturalistes, les Gerboises étaient placées dans le genre des .)fiis, et lorsque ce grou[)e eut été distingué par son caractère le plus saillant : la biièveté des jambes antérieures et l'extrême longueur des jambes postérieures, on y comprit une foule d'espèct's qui durent,pour la plupart, entrer dans d'autres divisions, telles que des Tarsiers, des Kanguroos, etc., et quelques autres encore qui, tout en ayant beaucoup d'analogie avec tes Gerboises, en sont toutefois distincts, tels que les groupes que l'on nomme Gerlnlle, Merione, llelamgs, Eligmo- dontia de Fr. Cuvier, ou (.allomijs, Waterhouse, etc.; et dès lors l'ancien groupe des Dipus devient une petite famille à laquelle on applique les dénominations de Jerboidœ. Grav; Gerboidœ, Water- house; Dipodineœ, Lessou; Dipudiens. Et. Geoffroy Sainl-llilaire; Pedimana, G. Fischer; Pedi- mani, Vicq D'Azyr; Dipodina, Ch. Bonaparte, etc., et dont on sépara les Hélaniys. Dans ces der- niers temps, on a cherché à subdiviser ce qui restait de Gerboises, et l'on a créé plusieurs groupes, tels que ceux des Lagostomus, Brookes, fondé avec le Dipus maximus de Blainville, ou Viscaclie, qui semble former un genre plus voisin des Chinchillas que d'aucun autre; Notomgs, Lesson, qui est probablement distinct; Dipus proprement dit, et Alactaga, Fr. Cuvier, ou Scirtitcs, Wagner, que nous ne regarderons que comme de simples subdivisions d'un seul et même grand genre. Ou devra i)robablement aussi y rapporter les Dipodomgs [^^c, deux; tcu;, pied; [j,j;. Rat) de Gray [Annals ofnatural llistorg, 1841), et Oipoides (^i;, deux; tzvj;, ]»ied) de Jœger [Fossil Saiïgtliier Wurtem- berg, 187)0). Fr. Cuvier a publié la description du .sytièine dentaire des Gerboises, système composé, à chaque RONGEURS. 165 mâclioire, de deux incisives, et qui offre quatre molaires de ciiaque côté supérieurement et seulement trois inférieurement. « A la mûchoire supérieure, l'incisive est unie; elle naît au-dessus des pre- mières mâchelières. La première niâchelière est rudimentaire; la seconde, qui est la plus grande, présente des contours très-irréguliers, dont les caractères principaux sont deux échancrures au côté externe et une au côté interne. La troisième, qui vient après la seconde, pour la grandeur, lui res- semble tout à fait, et la quatrième nous présenterait sans doute encore les mêmes formes si elle n'était pas plus usée que les précédentes : le cercle de sa partie antérieure est vraisemblablement le reste de la première écbancrure extérieure, et l'on voit au côté interne un pli qui indique l'échan- crure de ce côté. A la mAclioire inférieure, l'incisive est unie, mais très-comprimée; elle naît près du condyle et d'une tubérosité externe. La première mâchelière est la plus grande, et ses contours ne sont pas moins irréguliers que ceux de l'autre mâchoire. Ces contours présentent six lobes séparés par des échancrures ou plutôt des plis, excepté le dernier au côté interne, qui est assez profond pour porter le nom d'échancrure. La seconde, plus petite que la première, est encore plus irrégu- lière qu'elle; à sa face inierne, elle présente à chacune de ses extrémités une écbancrure profonde et une moyenne qui l'est beaucoup moins; à sa face externe, elle en présente deux, une antérieure très-petite et une postérieure beaucoup plus profonde. La dernière a, à sa face interne, une écban- crure antérieurement et un pli postérieurement, et. à sa face externe, un pli à sa partie moyenne. » Fip;. 48. — Gerboise de Mauritanie. Quelques points de l'anatomie des Gerboises ont été traités par divers auteurs, et Ton s'est plus spécialement occupé du squelette de ces animaux. Meckel, Pander et D'Alton, G. Cuvier, dans leurs ouvrages d'Anaioniie comparée, en ont dit quelque chose; mais ce sont principalement MM. Duver- noy et Lereboullet qui, dans un travail important sur le Dipiis Maurilanicus, inséré dans le tome III (1840-1844') des Mémoires de la Société d'Histoire naturelle de Strasbourg , ont donné les détails anatomiques les plus complets que possède la science. Nous renvoyons à ce travail important et nous nous bornerons à dire, relativement à l'ostéologie, que, d'une manière générale, le squelette des Gerboises se fait remarquer au premier aspect par l'énorme développement des os des membres postérieurs et principalement du fémur, et, par contre, par le peu de développement des os des ir.f) IIISTOIIU': NATURKIJ.F.. membres antérieurs et surtout de l'humérus. En outre, dans les espèces qui n'ont que (rois doigts aux pieds postérieurs, il semble n'y avoir qu'un seul os du métatarse, parce que les deux autres métatarsiens sont excessivement grêles et collés contre le métatarsien moyen, tandis que dans les espèces à cinq doigts il y a trois os du métatarse bien distincts. D'après M. Lereboiillet, qui a donné riiistoire de la myologie du Mus Afaurilanicus, les muscles des extrémités postérieures ont acquis, chez ces animaux, un développement considérable et bien en rapport avec la longueur des leviers osseux qu'ils sont appelés à mettre en mouvement. Si Ton jette un coup d'oeil général sur la disposition des muscles des membres postérieurs, on peut voir aussi combien elle est favorable à la production du saut. Les muscles extenseurs ont acquis un développe- mont considérable, et l'emportent de beaucoup sur les fléchisseurs. Le cerveau, d'après ce rn'en dit M. Duvernoy, est court, épais, très-élargi en arrière, fortement tronqué en avant. Vu par sa face supérieure, il a la forme d'un trapèze, et ses faces latérales sont légèrement échancrées. La surface des hémisphères est lisse et enlièrement dépourvue de circonvo- lutions; il existe vers leur tiers antérieur une légère dépression transversale. Le cervelet est forte- ment incliné en arrière et en bas, et séparé du cerveau par une cloison osseuse, mince et fragile, qui s'étend d'un rocher à l'autre. Nous renvoyons au travail du même auteur pour les particularités relatives aux organes des sens, à ceux de la digestion, de la reproduction, etc. Le corps des Gerboises est un peu allongé, plus large en arrière qu'en avant, et bien lourni de poils doux, soyeux, assez courts. Les pommettes sont très-saillantes, ce qui donne à ces animaux une forme de tête singulièrement large et aplatie en devant; le museau est court, large et obtus; un nombre assez considérable de poils raides s'étend de chaque côté et forme de longues moustaches; le nez est nu, cartilagineux, et offre des formes assez compliquées dans certaines espèces; les oreilles sont longues et pointues; les yeux sont grands, saillants, et tout à fait placés sur les côtés de la télé; la lèvre supérieure est fendue. Les pieds de devant sont très-courts et très-faibles; ils ont quatre doigts, et le pouce ou doigt intérieur n'est que rudimenlaire, mais muni d'un ongle obtus; les qua- tre grands doigts sont longs et présentent des ongles crochus. Les pieds de derrière sont très-dis- proportionnés avec ceux de devant, et sont quatre ou cinq fois plus longs qu'eux; ils sont terminés par trois ou cinq doigts, selon les espèces, et ces doigts sont ornés d'ongles courts, larges et obtus. Les trois doigts du milieu sont toujours supportés par un seul os métatarsien terminé par autant de poulies articulaires : ce qui est comparable à ce qu'on observe dans les Ruminants et dans les Oi- seaux ; et, lorsqu'il n'y a que trois doigts, il n'y a en tout qu'un seul os du métatarse ; mais quand il y en a cinq, il y a trois os métatarsiens, dont un seul est très-fort, les latéraux étant très-gréles et très- courts. Les naturalistes ont été longtemps dans l'erreur à l'égard de la démarche des Gerboises; presque tous ont regardé ces animaux comme ne marchant que sur les pieds de derrière, et ne se servant pas de ceux de devant pour cet usage; et c'est pour cela qu'ils leur avaient appliqué le nom de Dipus, du grec, ^i;, deux, et ttiu:, pied; mais l'observation des mœurs de ces Rongeurs, parfaite- ment d'accord avec la structure de leur corps, qui ne leur permettrait pas de se tenir longtemps debout sur leurs tarses, a détruit cette grave erreur. En eflet, les Gerboises marchent habituelle- ment sur leurs quatre pattes; mais, lorsqu'elles sont effrayées, elles cherchent à se sauver par le moyen de sauts prodigieux, qu'elles exécutent avec beaucoup de vitesse él de force. Quand elles veulent sauter, elles relèvent leur corps sur l'extrémité des doigts des pieds de derrière et se soutien- nent avec la queue; leurs pieds de devant sont alors si bien appliqués contre la poitrine, qu'il semble qu'elles n'en ont point du tout; ayant pris leur élan, elles sautent, et, tombant sur les quatre pieds. elles se relèvent de nouveau avec tant de célérité, qu'on les croirait continuellement debout. La queue des Gerboises est aussi longue ou presque une fois et demie aussi longue que le corps : elle n'est pas très-forte à sa base; sa grosseur est, au contraire, à peu près égale dans toute son étendue : tantôt elle est parfaitement cylindrique, d'autres fois elle est comme quadrangulaire; elle est ordi- nairement couverte de poils ras jusqu'à son extrémité, qui est terminée par de longs poils soyeux en flocon. Les Gerboises se servent de leur queue pour se soutenir au moment où elles se relèvent d'un saut pour en exécuter un nouveau; elles lui donnent alors la forme d'un cas renversé. Quelques expériences ont été faites à ce sujet; Lepéchin ayant coupé la queue à quelques-uns de ces animaux à différents degrés de longueur, observa que l'étendue de leur saut diminuait dans la même propor- tion ; les individus auxquels il la coupa tout à fait ne pouvaient plus couiir du tout, mais se renver- ■•^llli»' '" UONGECRS. 107 saienl en aniùre lorsqu'ils voulaient se dresser sur leurs pattes de derrière, manquant de Fappuj qu'ils trouvaient dans leur queue. ï-es femelles ont huit mamelles placées sur toute l'étendue du ventre ; l'orifice de la vulve semble se confondre avec l'anus. Les mâles sont généralement plus petits que les femelles; les teintes de leur pelage sont également moins foncées; les testicules ne sont pas apparents au dehors, mais an temps des amours ils acquièrent un volume très-considérable et sont saillants sous la peau, en formant une protubérance fort considérable sous la base de la queue, de même que cela peut s'observer chez les Rats proprement dits; l'organe principal de la génération mâle, dans son état ordinaire, est caché lui-même dans un fourreau très-épais. Les Gerboises vivent par troupes plus ou moins nombreuses, se nourrissent de racines et de grains et boivent peu. Elles se creusent des terriers comme les Lapins, où elles s'arrangent un lit de feuilles et de mousse, et passent l'hiver dans un engourdissement léthargique semblable à celui des Mar- mottes et des Loirs. Elles portent leurs aliments à leur bouche avec les pattes antérieures. Leurvie se passe dans l'obscurité; la lumière les incommode, et le jour est le temps de leur sommeil. Mais, dès que la nuit tombe, leur réveil commence : c'est alors qu'elles s'occupent de leurs divers besoins, qu'elles pourvoient à leur nourriture, et qu'elles se recherchent au temps des amours, c'est-à-dire au commencement de la belle saison. Elles semblent difficiles à garder en captivité, et encore plus à transporter dans nos climats; elles rongent les bois les plus durs avec une extrême facilité, et il est nécessaire, lorsqu'on veut les conserver, de les mettre dans des cages de fil de fer ou dans des boîtes garnies de tôle, encore cherchent-elles à détacher les parcelles de fer qu'elles peuvent saisir avec leurs dents. Cependant nos ménageries en possèdent assez souvent, et l'on en voit surtout très-fréquem- ment en France depuis la conquête de l'Algérie. Les Gerbilles et les Mérions, qui étaient anciennement confondus avec les Gerboises, s'en distin- guent principalement par leurs pattes postérieures, qui sont constamment divisées en cinq doigts, tous à peu près de même grosseur, et surfout par leur métatarse très-long, et formé d'autant d'os distincts qu'il y a de doigts. On connaît une quinzaine d'espèces de ce genre; toutes vivent dans les lieux déserts et incultes, au milieu des vastes solitudes du nord de l'Afrique et de l'Asie centrale -^l orientale; et il paraît même que c'est à juste raison que Lesson en a distingué, sous le nom de Nutomijs, une ou deux espèces qui sont propres à la Nouvelle-Hollande. La synonymie des espèces est encore aujourd'hui assez embrouillée. Nous indiquerons comme simples subdivisions sous-génériques les Dipns proprement dits et les Alaclaga ou Scirietes des auteurs modernes, et spécialement de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et nous dirons quelques mots des Notomijs. ]" SOUS-GEiNRE. — GERBOISES PROPREMENT DITES. DIPUS. Aiiclorum. Les espèces de ce groupe, qui n'ont que trois doigts aux pieds de derrière, propres à l'Europe et à l'Asie, sont au nombre de six, et le type est : i . GERBOISE ou GERBO. DIPUS GERBOA. Gmelin. Caractères spécifiques. — Pelage fauve en dessus, blanc en dessous; une ligne blanche en forme de croissant s'étendant de la partie antérieure de la cuisse jusque sur la fesse; queue fauve dans une grande partie de son étendue, mais l'extrémité noire et elle-même terminée par du blanc; le corps et la tête ont une longueur d'environ 0'",0I6, et la queue est un peu plus longue que lui. Cette espèce est le Jerbunli des Arabes, et c'est de ce nom qu'on a fait la dénomination française de Gercoise. C'est le Gerbo et peut-être la Gerboise de Bulfon, le Ulusjaculus, Linné, Fabricius, G. et Fr. Cuvier; le Mus saliens, Schaw; le 3his saçjîlla, Pallas, et le D\pus sagitla, Zimmer- mann. Pour Gmelin et A. G. Desmarest, c'est le Dipns gcrboa, et la Gerboise tridacïyi.e de quelques auteurs, le Gerbiia, le Gcrboa et le Gerbo. Le Dipns Brucii, trouvé par Bruce à Barca, n'en est qu'une simple variété spécifique. I()8 IIISTOIIIK NATUlUJXt:. La Gerboise habile les coiilrées sai)loiiiieuses et désertes de l'Kgyple, de la Syrie, de l'Arabie, et se trouve aussi dans la Sibérie orientale et sur les bords du Volga, Elle vit en troupes, se pratique des terriers, qu'elle creuse avec ses pattes de devant et avec ses dents. Son naturel est inquiet, et, lo'-squ'elle n'a pas le temps de rejoindre sa demeure, elle fuit avec une rapidité extrême en exécu- tant une suite de sauts irùs-considérabics. Sa nourriture principale consiste en bulbes de plantes. il paraît, d'après Sonnini, que, quoique la chair de cet animal ne soit pas très-bonne, le peuple d'Egypte la mange cependant. Les autres espèces du même groupe sont : 1° la GiaiBOisr: d'Egypte [D'ipus J^giiplius. Ilempr. et Ehremberg), qui habite l'Egypte et la Bar- barie, que l'on a assez récemment distinguée de l'espèce précédente, surtout d'après des individus apportés d'Algérie, ou plutôt de Tunis, et à laquelle on rapporte comme synonymes le Dipus bipes. Lichstenstein. et D'ipus rjerboa, Olivier, et probablement la Gerboise de Buffon. 2° La GennoisE ti;ait {Dipus ichim, Lichstenstein), des steppes des Kirguis, des environs du lac d'Aral et de Boukkarie. 5" La Gi;r>noisE de Mauritanie {Dipus Mauritanicus), que M. Duvernoy a Fait connaître avec beau- coup de soin. Elle n'est pas rare en Algérie et se trouve surtout aux environs d'Oran. 4" Le Dipus hiriipcs, Lichstenstein, de la Nubie. 5" l^e Dipus Itifiopus, des steppes du lac Aral. T SOUS-GENRE. — ALAlTAGA. ALACTAGA. F.-. Cuvier. Ce groupe, indiqué comme le précédent par Fr. Cuvier, renferme une dizaine d'espèces particu- lières à l'Afrique et à l'Asie, correspond au genre Scirletes (a/.tsTaw, je saute), A. Wagner (/ji Wieg- iwinn Arcliiv.. t. VIT, 1841), et est principalement caractérisé en ce que les pattes de derrière pré- sentent cinq doigts, et dans une seule espèce quatre seulement. Le type en est : ^ 2. ALACTAGA. VIPUS JACULVS. Zimmermann. Caractères spécifiques. — Pelage d'un fauve très-pâle en dessus, blanc en dessous; une raie blanche en croissant sur les fesses; cinq doigts aux pieds de derrière : celui du milieu beaucoup plus long que les autres; oreilles longues. Longueur de la tète et du corps, 0",017; de la queue, 0"\026. Cette espèce est TAlagtaga de Buffon, le Musjaculus de Pallaset le Dipus jaculus de. Zimmermann. Ce Rongeur se creuse des terriers assez profonds, et il a la précaution de boucher les issues de sa demeure avant de se livrer à son sommeil léthargique d'hiver; il s'engourdit également pendant les grandes chaleurs; il n'amasse pas de provisions d'hiver dans son terrier. C'est la nuit qu'il va à la recherche de sa nourriture, qui consiste en herbes, en feuilles et en racines; mais il mange aussi les matières animales qu'il peut rencontrer, telles que des Insectes, des Mollusques, des Oiseaux et de petits Mammifères, et n'épargne même pas, dit-on, sa propre espèce. La femelle produit plusieurs fois dans l'année, et toujours un nombre assez considérable de petits. Cet animal, dans sa fuite, ainsi qu-^ le rapporte Pallas, franchit, par ses sauts, des distances si considérables, et ses sauts se succèdent avec une telle rapidité, qu'il semble ne pas toucher le sol, et qu'un bon Cheval ne peut le dépasser à la course. C'est à cette rapidité dans le saut qu'il doit le nom de Flèche, en latin Jaculus. Cette espèce se rencontre en Tarlarie; on la trouve surtout dans les steppes situées entre l'Irtisch et le Volga. Les autres espèces du même groupe, que nous nous bornerons à nommer, sont les suivantes: 1° Dipus bracliiiui'us. De Blain ville, de Sibérie et de Tartarie; 2° Dipus minutus, De Blainville, ou D. pjjgmœus, Illiger, du pays des Kirguis; 3° Dipus decwnnnus, Lichstenstein, des monts Ourals; 4° Dipus spéculum, Lichstenstein, de Sibérie et de l'Altaï: 5° Dipus elaler, Lichstenstein, delà Sibérie; ti" Dipus platijurus, Lichstenstein, de la Boukkarie et du lac Aral. RO.XGEURS. 169 Nous indiquerons aussi une espèce de ce groupe qui est principalenient remarquable en ce qu'elle ne présenterait que quatre doigts aux pieds de derrière au lieu de cinq; c'est la Gehboise pe la Cï- rÉNAÏQUE, Bruce, Alaclaga Cyrena'ica, Lesson; B'ipns iclradaclijlus, Lichstenstein; Dipiis Abjissi- mcus, Meyer, et Meriones Lifbicns, Lichstenstein. Enfin nous devons dire que Lesson, dans son Nouveau Tableau du Règne animal : MAMMiFr;REs, 1842, place le Dipus Mïichdlïï, Ogilby, dans un genre particulier, celui des ISoiomifs, qu'il ne ca- ractérise pas : nous ajouterons que cette espèce est propre à la Nouvelle-Hollande, et qu'on a signalé, sous le nom de D'ipus Is'nlorii, L Verreaux, une autre Gerboise du même pays. SS-"" GENRE. GERBILLE. GEBBILLUS. Â. G. Desmarest, 1804. Diminutif de Gerboise. Diclionnaire d'Histoire naturelle de Dcierville. CARACTERES GÉNÉRIQUES. Stisicnie dentaire : incisives |, molaires, |^; en totalité seize dents. Incisives comme celles des Gerboises; molaires semblables aux deux mâchoires : la première étant la plus grande et a trois tubercules gui la partagent à peu près également dans sa longueur; la seconde nen aijant que deux, et la troisième, qui est la plus petite de toutes, nen ayant qu'un. Tcle allongée., a pommette peu renflée. Oreilles médiocrement longues, arrondies à textrémité. Pieds antérieurs courts, h quatre doigts onguiculés, avec un rudiment de pouce; pieds posté- rieurs longs ou très-longs, terminés par cinq doigts onguiculés, aijant chacun son métatarsien par- ticulier. Queue longue, couverte de poils. Fijj. 49. — Gcrliille africaine. A. G. Desmarest a créé, en 1804, aux dépens des Gerboises, le genre Gerbille, qui a été adopté •par tous les zoologistes, et dont llliger (Prodromus systematicus Mammalium et Avium. \^\\) a changé la dénomination en celle de Meriones, qui aurait dû être rejetée de la science, puisqu'elle n'avait pas la priorité, si Fr. Cuvier ne l'avait reprise pour l'appliquer à une Gerbille de l'Amérique méridionale qui diffère un peu des autres espèces, qui toutes sont propres à l'ancien contaient. Le système dentaire des Geibilles a été étudié avec soin par Fr. Cuvier et plus récemment par 170 FIlSTOinK NATIT.KIli:. M. Diivernoy, ne présenta pas de très-grandes différences avec celui des Gerboises, et se rapprodie également un ]hhi de celui dos lianislers. Elles ont de grands rapports avec les Gerboises, mais présentent cependant quelques particida- rités anatomiques dilïércnliclles, ainsi que la montré M. Smulli pour une espèce nu moins, le (kr- liillus Sclilcgclii, du cap de Uoune-Espérance, et qu'on peut remarquer surtout dans le tarse de toutes les espèces. Ces animaux vivent dans des trous qu'ils se creusent en terre et sautent avec force comme les Gerboises; une espèce hiverne; leur nourriture est presque exclusivement végétale. On indique une dizaine d'espèces de ce genre; mais on n'en connaît réellemeut bien qu'une ou deux, et il est possible que plusieurs des autres soient purement nominales. I^es Gerbilles habitent l'ancien continent; elles se rencontrent en Egypte, en Perse, au cap de Bonne-Espérance, en Séné- gambie et dans l'Inde. Pour les espèces africaines, on peut prendre pour type : 1. GERBILLE D'EGYPTE. GEBBILLUS JEGYPTIVS. A. G. Desmarest. Caractères spécifiques. — Pelage fauve en dessus, jaune en dessous; pieds postérieurs penta- dactyles; doigts un peu inégaux. Beaucoup plus petite que la Gerboise. C'est ainsi qu'Olivier caractérise son Dipus A£()\jplhis, et tous ces caractères conviennent pres- que également à la Gerbille des pyramides. C'était là ce qui avait porté plusieurs zoologistes à les réunir; mais, comme le lait remarquer M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, la Gerbille d'Egypte n'est que de la taille d'une Souris; elle a les pattes antérieures pentadactyles, la queue brune et les membres postérieurs aussi longs que le corps; et aucun de ses caractères ne convient à l'autre espèce. Cette Gerbille provient de l'Egypte et du Kordofan. Est-ce à cette espèce ou à la Gerbille des py- ramides qu'on doit rapporter les Meriones qnadrhnacul citas, Ilemp., et robusins, Cretzmar, des ?némes pays.' Si cela est douteux, on ne peut guère douter que le Dipus (jerlnllu.s, Olivier, ne soit synonyme du Gerbillus jEcjyptim. Les autres espèces africaines sont : ■ 1° La Gkri;im,e DEsi'vr.AMiDEs [Dipus piiramidnm) , propre à l'Egypte, et distinguée par A. G. Des- marest et Isidore Geoffroy Saint-Milaire; 2° La GruuiLLE de Sh.vw (Gerbillus Slicntiil), de l'ouest de l'Algérie, décrite par M. Duvernoy; 5° Dipus imnnricinus, Linné, des côtes méridionales du bord de la mer Caspienne: 4° Gerbillus mcridiarnis, A. G. Desmarest, des contrées situées entre le Volga et l'Ural; 5" Gerbillus pycjargus, Fr. Cuvier [Merioncs gerbillus. Creizmar; M. sijeneusis? Lichstenstein), de Nubie; (\° Dipus Burtonii, Er. Cuvier (M. opimus? Lichstenstein), du Sennaar; 7" Gerbillus Scncgalensis, Er. Cuvier, de Sénégambie; 8° Gerbillus Schlegellii, Smuth [G. bracliyurus, Er. Cuvier), du cap de Bonne-Espérance, qui de toutes les espèces de cette tribu est celle qui se rapproche le plus des Rats proprement dits. Les espèces asiatiques sont : 2. GERBILLE HARDWICKE. GERBILLUS INDICUS. A. G. Desniare&t. Caractères spécifiques. — Pelage marron en dessus et parsemé de petites taches brunes dispo- sées en lignes longitudinales, blanchâtre en dessous; queue un peu plus longue que le corps, brune et terminée par un flocon de poils blancs. Longueur de la tète et du corps, 0'",0i7. Celte espèce, que Fr. Cuvier nomme I'Héri.ne, et qu'Ilardvvicke a fait connaître sous le nom de Dipus Indicus, habite l'Indoustan, entre Benarès et Andwon. Elle se nourrit d'orge, de blé, et forme des magasins considérables d^ ces différents grains dans des terriers spacieux qu'elle habile; elle nONGElJKS. • 171 coupe le i>T;iiii près de la racine et emporte ainsi l'épi tout eutier. Elle ue touche à ses piovisiuus (pie lorsque les moissons sont faites et que les champs ne lui en fournissent plus. Les deux autres espèces sont : 1" (ierbillus otnr'ia, Vr. Ciivier (Gerbillu.t Citvieri, Waterhonse) de riiide; "il" Gcrbillus loiicjipes, Sciirebcr, des environs de la mer Caspienne. oo'"- GENHE. — MÉIUONE. MEniONES. Fr. Cuvier, 18i>l. M/îsoc, fémur. Ueiils ilfs Miimiiiil't'iï'S. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ~; molaires, Iz^; en totalité dix-huit dents. Molaires à couronne présentant une sorte d' C/d renversé, avec des cercles de pins en plus marqués sur les dernières dents; tandis que dans les Gerbilles les molaires sont simples; elles sont composées dans les Mcriones. Membres antérieurs h quatre doicjls; postérieurs a cinq. , Autres caractères comme chez, les Gerbilles. Le genre Meriones a été créé par Illiger; mais il avait dû être rejeté de la science, parce que A. G. Desmarest avait précédemment fondé le même groupe générique sous le nom do Gerbillns; mais Fr. Cuvier, ayant observé des différences remarquables dans les dents du Dipus Americanus, Burton, rangé avec les Gerbilles par A. G. Desmarest, en a fait le type d'un genre auquel il a apj)li- qué le nom employé par llliger. A cette espèce typique on devra probablement joindre toutes les espèces américaines placées précédemment parmi les Gerbilles. C'est avec les Gerboises plutôt qu'avec les Gerbilles que les dents des Meriones ont du ^rapport : leur nombre est le même, et l'on en trouve une bonne description dans l'ouvrage classique de Fr. Cu- vier sur les Denis des Mammifères. L'espèce typique et la seule qui soit véritablement bien connue est : WÉRIONE DU CANADA. MERIONES CANADEISSIS. Lcssoii. CAitACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Pelage jaunâtre en dessus, blanc en dessous; oreilles très-courtes; queue presque entièrement nue, un peu plus longue que le corps, sans tlocons de longs poils à l'ex- trémité. Taille semblable à celle de la Souris. Cette jolie espèce n'a été bien connue que dans ces derniers temps par la bonne description ([n'en a donnée, sous le nom de Meriones nemoralis, M. Isidore Geoffroy Sainl-Hilaire dans le Diction- naire classique d' Histoire naturelle. Davies, le premier,' l'avait figurée, mais ne l'avait pas décrite. Cètâ'itlb Dipus Amer icanus, Burton; le Mus sijlvaiiciis, Milchell; le Mus Cnnadensis, Shaw; le Ger- billus soricinus et Canadensis, X. G. Desmarest, et le Gerbillns Dariesii, Raiinesque. Un individu de cette espèce a été trouvé, par M. Davies, engourdi et roulé sur lui-même, dans un terrier en forme de petite chambre ovale, à la profondeur de vingt pouces anglais. En été, on ren- contre ce Mérion dans les prairies et dans les endroits les plus fourrés des bois; lorsqu'il est in- quiété, il fuit avec vitesse et en exécutant une suite de sauts, comme le font les Gerboises. On ne sait positivement de quelle substance il se nourrit, et l'on n'a pas trouvé de provision dans son domi- cile d'hiver; il est probable qu'il mange des matières végétales. Cette espèce est particulière à l'Amérique du Nord, et principalement au Canada. Les autres espèces, qui sont encore parfois rangées avec les Gerbilles, sont très-insuffisamment connues et n'ont guère été signalées que par Ratinesque. Elles sont toutes de l'Amérique septentrio- nale : nous nommerons seulement les Meriones Labradoricus, lîichardson, ou Gerbillns Undsonius; Meriones nncrocephalns, Ilarlan; Gerbillns meçialops, etc. 172 llISTOinE NATUUELLE. -o'r" GENRE. — ÉLIG\10T)0NTIE. ELIGMODOMIA. Vv. Ciivicr, 1857. E/.'.-^-u/.;, zii;z,i;;; c-Î-.'j;, ilonl. Aiiiiiilivs des Siic'iiccs nalurcllos, 2* sér c, l. VU. CARACTÈRES (JÉNÉIUQUES Siistcme dcnln'ire : 'lucis'ivcs, :, ; nioliùrcs, |l:p eu loUil'ilc seize dénis. Incisives unies, jaunes; nioldires à racines dislinctes de la couronne, semblables aux deux nuïciwires, nijanl de cliaffue côlé des écliancrures allerualives formaul des zigzafjs, allant cl décroissant de la première a la der- nière. Oreilles minces, ovales, longues. Yeux vwyens. Moustaches fortes. Pieils de derrière proporlion)iellrment plus longs que ceux de devant. Doigts minces, au nond>re de cinq, plus longs en arrière quoi avant; pouce posiéiieur plus court que les autres doigts; ponce antérieur rudimenlaire. Queue longue, avec des poils courts, cl au-dessous des poils des veriicilles d^écailles comme chez les lUiis. Taille médiocre. Pelage en général soyeux, lisse, composé de poils de médiocre grandeur. Ce genre a été fondé, en 1857, par Fr. Cuvier pour un Rongeur nouveau de Ruénos-Ayres, qu'il nomme Eligmodontia njpus, et la même année M. Waterliouse, dans les Proceeding of ihe rogal Societg of London, Ta éi^aloment fait connaître sous une autre dénomination, celle de Callomgs (y.rt.- /o;, beau; u.\):. Rat), et il en a décrit trois espèces. La longueur des tarses de ces Mammifères, les poils qui revêtent le tubercule du métatarse, la nu- dité des tubercules terminaux des doigts, donnent lieu de penser que, n'appuyant que l'extrémité des doigts en marcbant, ils pourraient bien n'avancer, lorsqu'ils veulent le faire ])romptement, qu'en sautant à la manière des Gerbilles. C'est ce qui a engagé Er. Cuvier, et depuis lui la plupart des zoologistes, à ranger ce genre, qui a réellement le faciès général des Muriens, dans la tribu pai'ticu- lièrc des Uipodiens, et assez près des Gerboises, quoiqu'il présente également quelques-unes des jiarticularités des Chinchillas. Les Eligmodontia ont leur tète osseuse dans son ensemble et dans ses parties, à peu près dans les proportions et les formes de celle du Mulot. Sa portion crânienne est peut-être un peu plus ra- massée par plus de brièveté dans la région basilaire et moins d'étendue dans la caisse. Les yeux sont d'une grandeur moyenne. Les oreilles, minces, ovales et larges, ont les trois quarts de la lon- gueur de la tête et égalent celles d'un Rat long de 0"',012. Le nez consiste en deux très-petites na- rines environnées d'un mufle fort étroit, et la langue est épaisse et douce. De très-fortes moustaches garnissent les côtés du museau, et quelques-unes se montrent au-dessus des yeux. Ce qui constitue la différence essenùelle entre les Rats et les Éligmodonties, c'est la forme des molaires, qui, chez les seconds, est tout à fait nouvelle et diffère essentiellement de celle des Rats; en effet, elles présentent toutes, de chaque côté, des échancrures alternatives, de manière à former des zigzags, circonstance qui a fait donner à ce genre le nom que lui a appliqué Fr. Cuvier (s>.ivy.c;, zij^zag; c^ou;, dent). Quelques autres particularités odontologiques sont aussi assez remarquables. Les pieds de derrière sont proportionnellement beaucoup plus longs que ceux de devant: les pre- miers ont neuf lignes, tandis que les seconds n'en ont que trois, ce qui diffère essenliellement des proportions de ces parties chez les liais, où les pieds de devant ne font pas le tiers, mais la moitié de ceux de derrière; et, relativement à la longueur du corps, le tarse, chez lÉligmodonlie, en égale le tiers, et chez les Rats le quart seulement. Les doigts, minces en général, sont plus longs aux pieds de derrière qu'à ceux de devant, et au nombre de cinq aux uns comme aux autres, garnis d'ongles falciformes. Le pouce des membres postérieurs est sensiblement plus court que les autres doigts; les trois moyens soni à peu près égaux et plus longs que l'externe. Aux membres antérieurs, RONGEURS. 475 il n'y a que quatre doigts entiers; le pouce est rudimentaire et ne se montre au dehors que par l'on- gle plat et obtus qui le revêt. Sous le tarse, au lieu de six ou sept tubercules nus, comme chez les Rats, il n'y en a qu'un eu forme de trèfle, entièrement recouvert de poils raides; et il en est de même pour les tubercules du carpe. La queue est très-longue et entièrement revêtue de poils courts sous lesquels se montrent les verticilles d"écailles caractéristiques de la queue des Rats. Les poils de la queue sont aplatis; ceux du corps, tous soyeux, sont lisses, et de médiocre longueur. L'espèce typique est : ÉLIGMODONTIE DE BL'ÉNOS-AYRES. ELIGMODONTIA TYPUS. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Pelage d'un brun grisâtre en dessous, passant au fauve sur les flancs et les cuisses, et toutes les parties inférieures du corps et le dessus des extrémités sont blanches; la queue est médiocrement blonde. La longueur de la tête et du corps est de 0"',008; la queue est longue de n'",OIO. Cette espèce a été désignée, par M. Waterhouse, sous les noms de Mus et de Calloniys elcgnns, et c'est probablement le Dipus muscnlus, Ivuhl. Elle provient des environs de Buénos-Ayres et de Bahia- Blanca. Ses mœurs ne sont pas connues; mais la grande étendue de ses oreilles annonce un animal timide, vivant dans une grande retraite et peut-être dans des terriers que ses ongles, semblables à ceux des Mulots, lui permettent de faire dans les terrains meubles. Elle se nourrit sans doute de fruits et de racines. Les deux autres espèces placées dans ce genre sont les Mus ou Callomjjs bimacnlaïus, Water- house, de Maldonado et de la Plata, et Mus ou Callontijs gracilipcs, Waterhouse, de Bahia-Blanca. [•"ig. 50. — Élignioiloiilie de Buénos-Ayres. il\ IIISTOIKK NATl l'.KI.LK. TROISIEME FAMILLE. CRICÉTIDÉES. CRICETWAi. Nohis. Siffitème (leulaire : incisives, ^■. molaires, ;|~:{ ou |^. Des abajoues exlcrieures pins on moins développées. Yeux de médiocre çirnndcur. Clavicules bien développées, fortes. Membres à peu près de incnie longueur en avant et en arrière. Taille peiile ou moijeune. Aspect assez analogue à celui des liats. Les Rongeurs assez peu nombreux que nous placerons dans cette famille se rapprochent assez des Hats; mais en même temps s'en éloignent d'une manière notable par les abajoues extérieures, sou- vent très-développées, qu'ils présentent. Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'étendue que l'on doit donner à cette famille; M. Isidore Geoffroy Sainl-IIilaire, dans la famille des Psioudostomides, ne comprend pas les Hamsters, qu'il laisse dans la tribu des Muriens; Lesson compose sa famille des Saccophoreœ comme notre famille des Ci'.icÉTiDÉEs. Le caractère commun, en présentant des abajoues extérieures et quelques autres particularités, nous a engagé à ne pas séparer les Hamsters des véritables Rongeurs à abajoues. Ces animaux sont essentiellement américains; mais cependant le groupe des Cricctoimjs est afri- cain, et celui des Hamsters comprend des espèces propres au nord de l'Europe, à l'Asie, à l'Afrique et à l'Amérique. Ils vivent essentiellement de matières végétales et se creusent des terriers dans les- quels ils se réfugient dans la froide saison. Les genres que nous décrirons sont ceux des Gcomijs, Tliomomijs, Diplostome, Saccomys, Pero- gnallius, Cricelomijs et Hamster. 1" GENRE. — GÉOMYS. GE03ÎYS. Uafinesque, 1817. Vfi, lerre; u/j;. Rai. The American Monilily Magazine. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, {—l; en totalité vingt dents. Incisives supérieures mar- ,]:iées chacune de deux sillons longitudinaux sur leur face antérieure : l'un sur le milieu et le plus profond, et l'autre sur le bord interne et peu appareni; mola'ires sans racines, à couronne représen- tant un ovale simple dans les postérieures et double dans les aniérieures Tête obtuse. Museau assez court. Or e'illes très- petites. Bouche munie d'abajoues extérieures très- grandes. P'icds ayant tous cinq doigts onguiculés. Ongles des pieds de devant très-longs. Plante des pieds reposant en entier sur le sol . Queue ronde et nue. Poil court, très- fin. Corps épais. Taille médiocre. Ce genre, doiil l'espèce t>'pe était anciennement placée avec les Hamsters, est loin d'être complè- tement connu, et cependant il a reçu successivement quatre noms particuliers: c'est le genre Gcomys nONGEÏJRS. 175 (!c Raiinesqiie Snuillz; le genre Ascomijs (aazoç, sao; f/.uç, Rat) de Lichstenstein [Ahbanlnngcn dcr fkrlin Alcadcmïe, 18'25); le genre Saccoplionis (aaiotoî, sac; cpsçoi, je porte) de Kiihl (He'itr. znr Zool., 1820), et Pscmlo.slonia {à.a^, nom de l'espèce typique chez les Grecs. Nova coiiinieiUai'ia Pctropolilarii, t.MV. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sgslhne denlairc : incisives, 4; molaires, |^; en totalité vingt dents. li(cisives très-larges, cou- pées carrément h l'extrémité, tant en liant quen bas; molaires à couronne tuberculeuse, tronfiuies, presque cijiuulriqucs, et a peine saillantes hors des gencives. Tête très-large, aplatie, anguleuse sur les côtés. Yeux rudimentaircs, entièrement recouverts pur la peau et avec des paupières mal formées. Oreilles externes nulles. Pattes très-courtes, toutes à cinq doigts. Ongles plats, menus. Queue nulle ou excessivement courte. Pelage court, très-doux. Corps allongé, cylindrique; bas sur jambes. Taille médiocre. Les Grecs, ainsi que le rapporte Âristote, donnaient les noms d\4spalax (AoTraXa?) et de Spalax à un petit Mammifère fouisseur que les commentateurs ont considéré à tort comme devant être notre Taupe vulgaire, tandis que la Taupe, ou TaXira des Grecs, est, selon M. Savi, une espèce du genre Taupe différente de l'espèce ordinaire, mais que Ton a souvent confondue avec l'animal type du genre qui nous occupe. Giildenstœdt, le premier, décrivit cet animal, et fît voir qu'il était très-différent de la Taupe, et devait être rapporté à un genre particulier, qu'il nomma Spalax, genre qu'Erxleben adopta ensuite, ainsi que De Lacépède, qui (Tableau des Mammifères, 1805) changea ce nom en celui de Talpoides (talpa, Taupe; v.8o;, aspect). Cette dernière dénomination, comme celles (ï Aspalax [kry-y.- 1.0.1, nom grec), proposée par Olivier et A. G. Desmarest [Dict. d'Hist. nat. de Dcterville, t. XXIV, 180i); d'Aspalouuis {kGr.xXo.l, nom grec; p-'j;, Rat), indiquée par De Lamarck, et iVOnimatotergus, données par Keysel et Blasius, n'ont pas prévalu, et le nom de Spalax, ainsi que celui plus vulgaire de Rat-Taupe, ont été généralement adoptés. Toutefois les Spalax de Giildenstœdt ont été restreints: les genres Baihgergus et Orgcterus ont été formés à leurs dépens dans ces derniers temps; d'autres groupes, tels que ceux des Siplincus (cKpvsu;, Taupe) et Lemmomgs (xsaaa, écaille; au.-, Bat), que, comme dans un autre de nos ouvrages, nous n'indiquerons que comme de simples subdivisions se- condaires,-ont été admis par quelques zoologistes; puis, enfin, tous ces groupes génériques et quel- Fig. 1. — Agouti croconal. Fia. '2 — l.iùvrc cillotis. IM, '25. UONGEURS. 189 ques genres, assez nouvellement découverts et qui en sont voisins, ont été réunis pour former une petite tribu particulière de Rongeurs que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire nomme Spalac'ulés, et que M. Gray indique sous les dénominations à'Aspalncidœ et d'Aspalacina. Fr. Cuvier a décrit avec soin le système 'dentaire des Spalax d'après l'étude des têtes du Zemni et du Zokor; nous renvoyons le lecteur à ce travail et à ce que nous en avons rapporté dans nos caractères génériques Le corps des Spalax, et plus spécialement du Rat-Taupe zemni, type de ce groupe, est assez ro- buste, allongé, cylindrique, informe; les pattes sont courtes et propres à fouir, quoique moins ro- bustes que celles de la Taupe, et elles conservent la division des doigts comme chez les Rongeurs ordinaires, si ce n'est qu'il y en a cinq aux pattes de devant, de même qu'à celles de derrière, éga- lement terminées par des ongles forts et obtus. La tète, très-large à cause de la grande saillie des arcades zygomatiques, est plate en dessus, et terminée par un mufle cartilagineux très-obtus. Le cou, très-musculeux, n'est guère plus étroit que la tête. Les yeux ne sont nullement apparents à l'extérieur, parce que la peau ne se replie pas et ne s'amincit pas pour former des paupières et la conjonctive, et que le rudiment du globe de l'œil, réduit à la grosseur d'une graine de pavot, est recouvert par une bande tendineuse. 11 n'y a pas de trace d'oreilles externes, et on voit seulement le méat auditif en écartant les poils. La queue manque complètement. Il n'y a que deux mamelles in- guinales. Les animaux de ce genre sont essentiellement souterrains; ils vivent dans l'intérieur de la terre, où ils se creusent des galeries, et, sous ce point de vue, ils se rapprochent de la Taupe; tandis que par leur système dentaire, et conséquemment par la manière dont ils se nourrissent, ils ont de nom- breux rapports avec les Rats, mangeant des racines et des graines, et faisant de grands ravages dans les campagnes. D'après cela, on comprend pourquoi les Spalax des naturalistes ont reçu la dé- nomination vulgaire de Rats-Taupes, nom qui rappelle la ressemblance que ces Rongeurs offrent, et par leur conformation et surtout par leurs mœurs, avec les Rats et avec les Taupes. On ne met plus dans ce genre que trois espèces, qui appartiennent à l'Europe, à l'Asie et à l'A- frique, et qui toutes trois sont devenues les types des groupes distincts, selon les zoologistes mo- dernes. I. SPALAX PROPREMENT DITS. SPALAX. Guldenstœdt. 1. RAT-TAUPE AVEUGLE ou ZEMNI. Burfon. SPALAX TYPULUS. Illiger. CAnACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Corps cylindiquc; tète grosse, presque pyramidale, plus étroite en avan et terminée par un museau cartilagineux, dur, très-fort; une sorte de ligne saillante de chaque côté de la tête s'étendant des narines au méat auditif; narines arrondies, étroites; bouche petite; langue charnue, épaisse, plate, obtuse, lisse; oreilles externes à peu près nulles, à conduit auditif large; dos long, droit, queue nulle; pieds courts, terminés par cinq doigts munis d'ongles arrondis, un peu plus longs à ceux de derrière qu'à ceux de devant; pelage composé de poils doux, très-courts, dont la base est d'un cendré noirâtre, et dont l'extrémité est roussâtre, d'où il résulte une teinte générale grise, lavée de cette dernière couleur; devant de la tête et dessous du corps noirâtres; deux mamelles inguinales; à peu près de la grosseur du Rat commun. Longueur de la tête et du corps, 0™,025. Dans une variété qu'Â. G. Desmarest nomme Aspalax tijplilus varicfiaiiis, le pelage est semblable à celui de l'espèce type, mais varié de grandes taches blanches irrégulièrement disposées. Cet animal est WaTzv.Xai ou Taupe d'Aristote et des anciens; il est connu vulgairement sous le noms de Rat-Taupe, de Zemni, de Sleptz et de Rat-Taupe aveugle: c'est le il/H, « Ujphhis, Pallas, Gmeliu; le Spalax microplitlialmus, Gùldenstsedt; Spalax major et Glis zemni, Erxleben; Spalax iiiplus, Illiger; Spalax Paltasii, Nordmann, etc. De même que les Taupes, les Rats-Taupes vivent en société, et se creusent des galeries souterraines peu profondes et communiquant avec des cavités plus basses où ils sont à l'abri des eaux pluviales, (j'est particulièrement dans les plaines unies et fertiles qu'ils établissent leur demeure, parce qu'ils fOO IIISTOinE NATURELLE. y trouvent vn graiido aboiulaiico les raciiios du ij;aznn ordinaire cl du corfcuil hnibeux dont ils font leur nourriture habituelle. Outre des racines, il paraît qu'ils mani^ent aussi parfois des graines, des fruits et des Icgumcs, dont ils font ])rovision Tliiver dans leurs terriers. Leur démarclie est brusque et irrégulière: ils marchent aussi bien en arrière qu'en avant : au nioiiidie bruit, ils s'arrêtent, écou- tent, et, lorsqu'on les atta([uc, ils se défendent avec courage. Le temps des amours est le printemps, et se prolonge jusqu'en été. La femelle fait deux ou quatre petits. Le Zemni habite la Syrie, la partie méridionale de la Russie, la Perse, la Pologne, la Hongrie et la Grèce; mais c'est surtout en Russie qu'où le trouve plus communément. IL SIPUNE. SIPUNEUS. Brandt, 1827. 2. ZOKOR. SIPUNEUS ASPALAX. rraiull. CAnACTÈnES srKciKiQL'ES. — Corps trapu, bas sur jambes; nez gros, large, proéminent, dur, re'.êtu d'un cuir épais et calleux, divisé en deux par un sillon moyen, peu profond; oreilles formant, seule- ment autour du conduit auditif, une espèce de ruban cartilagineux qui est très-court, surtout en de- vant; pelage composé de poils touffus et un peu rudes, à peu près comme dans le Campagnol Rat d'eau : ceux de la partie supérieure du corps étant d'un gris cendré sale à leur extrémité et de cou- leur brune près de leur racine, et ceux des parties inférieures, les uns brun cendré et les autres hiancliàtres; sommet de la tête plus gros que le reste du corps, et marqué d'une bande blanchâtre longitudinale et moyenne dans quelques individus; ongles des trois doigts du milieu des pattes de devant aplatis sur les côtés et tranchants en dessous : ceux du pouce et du doigt externe courts el tronqués obliquement, le pfemier étant légèrement divisé en deux points. Longueur de la tête et du corps, 0'",02G; de la queue, 0'",025. Ce Rat-Taupe est le Zokor Vicq D'Azyr et G. Cuvier; c'est le Mus aspcdax, Pallas, Boddaert; le Lcmmns zokor, A. G. Desmarest; le Siplincus aapnlnx, Brandt. Ce Rongeur vit sous terre, comme la Taupe, dans des galeries très-longues et superficielles. Sa nourriture consiste en racines de diverses plantes, et particulièrement en celles de YErijllironiuni, du Liiinm pomponinm et de quelques Iris. 11 habite l'Asie russe, et plus particulièrement les steppes de l'Irlisch. in. LEMMOMYS. LEmWMYS. Lesson, 1845. 3. SUKERKAN. SPALAX MINOR. Exieben. Caractf:res spécifiques. — Tête grosse, raccourcie; museau épais, très-court; oreilles consistant en un seul petit rebord qui entoure le méat auditif; yeux très-petits; membres courts, robustes; mains à cinq doigts garnis d'ongles forts; queue très-courte; pelage d'un gris brun en dessus, blan- châtre en dessous. Longueur de la tête et du corps, 0"',010; de la queue, 0"\00G. Cette espèce est le petit Spalax de rEncyclopédie; c'est le Sukerkan. Vicq D'Azyr; le Mus inlpi- nm, Pallas; le Spalax minor, Erxleben; le Mus tulpinus, Gmelin; le Lnnmus lalp'mus, A. G. Desma- rest, et le Lemmomijs talpinus. Brandt le range dans le genre Ijalliijergus, et MM. Keyser et Bla- sius en ont fait le type de leur genre Chlocrgus. Une variété noire, avec les quatre pieds blancs, a reçu de Pallas le nom de Mus talpinus niijcr. Ce Rongeur vit sous terre et ne sort que la nuit de sa retraite; l'accouplement a lieu au mois de mars, mais il n'est pas aussi productif que dans les espèces précédentes. Les racines du Lathifrus esculenta et du Phlouiis luberosa sont sa nourriture habituelle. 11 se trouve dans l'Asie russe, sur- tout dans les steppes d'Astracan et dans les monts Ourals. ho, Spalax Javanus, G. Cuvier, est le type du genre A^//c'= GENRE. — SYNÉTHÈRE. SYNETHEBES. Fr. Cuvier, Î822. SuvYiôn;, qui habite avec. Mémoires du Muséum, t. IX. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siisième dentaire : incisives, f; molaires, |^; en totalité vingt dents. Incisives tisses antérieu- rement : supérieure naissant h la partie antérieure et inférieure des maxillaires, et inférieure de la partie postérieure de la mâchoire; molaires allant en diminuant de grandeur de ta première à la dernière, présentant toutes une écliancrure interne et une externe, précédée et suivie, sur tes ^>v Fis;. 1. — Pécari à collier. Fis. 2 — Goflioii ù niasc|iic l'I. ".. RONGEURS. 199 (lents à ilcnn usées, iCiine ellipse figurée par un ruban d'email, qui, à la naissance de la dent, n était encore qu'une écliancrure. Os frontaux très-élevés, irës-développés. Os du nez relevés dans la moitié postérieure, ne for- mant qu'à peu près les deux riu(iuihnes de la courbure de la tête, et presque aussi larges que longs. Sinus frontaux Irès-dévcloppés. Fosses orbilaircs et temporales réunies, très-grandes. Pieds antérieurs à cinq doigts : le pouce étant très-pclii. et pieds postérieurs à quatre doigts seulement à rextérieur. Ongles minces, aigus, propres à grimper. Pelage presque entièrement composé d'ép'ines. Queue préhensile. Fig. 56. — Synélhère à queue prenante. Le genre Sgnellieres de Fr. Cuvier, réuni à celui des Spliiggurus du même auteur, a été distin- gué, dès 1803, par De Lacépède {Tableau des Mammifères) sous la dénomination de Coendu, qui' aurait dû prévaloir. Depuis, en 1855, M. Brandt {Mém. Ac Pétrop.) a désigné le même groupe natu- rel sous le nom de Cereolabes (xcok&ç, queue; xay.êavw, je saisis). Chez ces animaux, les sens paraissent généralement obtus; les yeux sont petits, saillants, à pupille ronde et à très-petites paupières; les narines s'ouvrent par des orifices simples et circulaires, très- rapprochés l'un de l'autre dans une surface large, plate, couverte d'une peau lisse et non glandu- leuse; l'oreille est d'une, très-grande simplicité, très-petite; la bouche est également remarquable pour sa petitesse; la lèvre supérieure est entière; la langue douce; il n'y a pas d'abajoues. Les or- ganes du mouvement diffèrent peu de ceux des Éréthizons; toutefois les pieds de derrière n'ont que quatre doigts seulement; mais leur tubercule, de même que dans le groupe précédent, fait l'effet du pouce opposable; les ongles sont minces et propres à faciliter l'action de grimper sur les arbres. Le pelage est presque entièrement formé d'épines qui ne tiennent à la peau que par un pédicule très- mince; aussi s'en détachent-elles avec une extrême facilité : on ne trouve de poils que sur une partie de la queue et au-dessous du corps; d'épaisses moustaches garnissent les côtés du museau. La seule espèce bien connue de ce genre est : GOENUOU A GRANDE QUEUE. Buffun. SYNETHERES PREHElSSILIS. Vc. Cuvier. Caractères spécifiques. — Épines généralement blanches, jaunâtres à leur origine, noires dans leur milieu et blanches à leur extrémité : les plus épaisses aux parties supérieures du corps, et les plus longues sur le dos, plus minces et plus courtes sur les membres, les côtés de la tête et les côtés de la première moitié de la queue; des poils véritables, d'un brun noir, sur toutes les parties infé- 2(i0 HISTOIRE NATURELLE. rieures du corps et ?ur la moitié postérieure de la queue; museau et dessous des patles nus. Longueur de la tète et du corps, 0"',40; de la queue, qui est prenante, 0™,45. Cette espèce, qui est le Coendu(\e Margrave et Xlhjslrix preliensilis de Linné, est répandue dans une grande partie de rAmérique méridionale, et principalement dans le Mexique, !a Guyane et le Rrésil. H vit ordinairement sur les arbres, où iî se tient avec facilité à l'aide de ses pattes; et il n'em- ploie, dit-on, sa queue que quand il veut descendre de sa retraite. Il se nourrit do fruits, de feuilles, de racines et de bois tendre. M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire a étudié plusieurs individus de cette espèce qui ont vécu à la ménagerie du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, et il a rapporté quelques détails à leur sujet. L'un d'eux se tenait constamment, pendant toute la durée du jour, caché dans du foin qu'on avait placé dans sa cage, et paraissait redouter l'éclat de la lumière; sa queue, habituellement appuyée contre la terre, et dirigée horizontalement suivant l'axe du corps, était toujours enroulée sur elle- même à son extrémité comme celle d'un Sajou; mais jamais il ne s'en servait pour saisir les objets qu'il trouvait à sa portée. Le cri, qu'il faisait entendre toutes les fois qu'on le touchait ou qu'on l'exposait au contact de la lumière en enlevant le foin qui le couvrait, était un petit grognement plaintif. D'après Fr. Cuvier, le Ho'Uzilquatsin d'Hernand serait peut-être une seconde espèce de ce genre, et se distinguerait par des épines dont l'extrémité serait noire. Enfin une autre espèce, propre à TAmérique centrale, serait le Synellieres platycenlratiis, décrit par M. Brandt. 5"'^- GENRE. — SPHIGGURE. SPHIGGURUS. Fr. Cuvier, 1822. 2'.pi"f-y(.), je sii.sis ; cufa, queue. Mémoires du Muséum, t. IX. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, ^;; en totalité vinyt dents semblables h celles des Sij- nél Itères. , Os frontaux déprimés. Espace des organes olfaclifs très-petit, la capacité cérébrale étant la même que dans les Synéthères. Pouce du pied de derrière caché par la peau. Pelage et queue comme dans le genre précédent. Le genre des Sphiggurus de Fr. Cuvier n'est pas admis par tous les zoologistes; et, en effet, il ne diffère pas très-notablement du précédent. Par les organes de la dentition, des sens et du mou- vement, les Sphiggures ressemblent aux Synéthères; mais les formes de la tête sont si ditférentes entre eux. que, sous ce rapport, il n'y a plus d'analogie entre ces animaux : autant les parties an- térieures du crâne de ces derniers sont proéminentes, autant celles des premiers sont déprimées; et l'on peut dire avec Fr. Cuvier qu'il y a entre eux la même différence ostéologique qu'entre les Porcs- Épics et les Acanthions. Ce groupe, particulier à l'Amérique méridionale, renferme quatre espèces vivantes, dont deux seulement suffisamment connues, et une espèce fossile. 1. COUY. D'Azara. SPHIGGURUS SPINOSUS. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Parties supérieures du corps revêtues d'épines attachées à la peau par un pédicule très-mince, et terminées par une pointe très-aiguë : celles de la tête blanches à la base, noires au milieu et marron-brun à l'extrémité; celles qui viennent après, depuis la naissance du cou, à base d'un jaune de soufre, et celles qui garnissent la croupe, comme celles qui se trouvent dans le premier tiers de la queue, à extrémité noire; quelques poils longs, fins, rares, entre les épines; membres et dessous du corps avec des épines courtes, grisâtres; dessus de la peau avec des poils durs, noirs; pas de poils à l'extrémité. Longueur de la tête et du corps, 0",o5; de la queue 0"',50. RONGEURS. 201 Cette espèce habite le Rrésil : c'est Vlhjsirïx subspînosns, Lichstenstein. 11 se tient sur les grands arbres, grimpe avec facilité à l'aide de ses pattes, et ne se sert de sa queue que pour descendre. Quand il est à terre, sa démarche est lente; il est sédentaire, et ne prend de mouvement que lorsqu'il a faim. Sa nourriture consiste en fruits, en feuilles, en fleurs et en jeune bois. La femelle produit vers la fin du mois de septembre, et la portée est peu nombreuse. 2. OUICO. SPUIGGURUS VILLOSUS. Fr. Cuvier. CARACTÊnES SPÉCIFIQUES. — Poils très-Iongs, très-épais, couvrant l'animal et cachant les piquants : ces poils, blanchâtres à leur origine, sont ensuite noirs, et enfin blancs ou d'un marron très-clair à leur extrémité; queue de cette dernière couleur dans sa première moitié et noire dans le reste. Lon- gueur de la tête et du corps, O'",o0; longueur égale pour la queue. Cette espèce est le Gouy de D'Azara, VHijsirix insidiosa de Lichstenstein et la variété nyctemera du même auteur; elle habite le Brésil. Selon M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, l'Orico ne serait qu'une variété de coloration du Couy, et, à l'appui de son opinion, il rapporte la note suivante, que lui a communiquée M. Alcide D'Orbigny. « Cette charmante espèce, digne de la plus scrupuleuse élude dans ses mœurs et son pelage chan- geant avec les saisons, avait attiré toute l'attention des naturalistes, et, après divers examens, elle n'était pas encore bien connue, puisque deux noms spécifiques lui ont été donnés. Ce qui avait causé l'erreur est sans doute la différence complète de sa robe d'été à sa robe d'hiver. Dans l'hiver, il sort, à travers les épines, de longs poils dont elles sont presque entièrement cachées, tandis que l'été ces poils tombent, et il ne reste plus que les épines, dont la couleur jaunâtre, exposée à l'ar- deur d'un soleil brûlant, devient roussâtre à l'extrémité des aiguillons. Dans une de nos courses à Rio de Janeiro, près des forêts vierges du côté du Pain-de-Sucre, nous vîmes un individu vivant dans les mains d'un nègre, et nous l'achetâmes. Questionné sur l'animal, le nègre nous apprit que ce Porc- Épic se rencontrait fréquemment sur le sommet des montagnes, dans l'intérieur des épaisses forêts. » M. Brandt a décrit, mais peut-être pas assez complètement, deux autres espèces de ce genre, ses Splncjçjurus nigrîcans et affinis, également du Brésil. Il Ihfstrix Cayennensis de Fr. Cuvier est probablement un Spiggure. Enfin M. Lund a désigné, sous le nom de Sijneilieres magna, un fossile qui se rapporte probable-, ment à ce genre, et qui provient des grottes du Brésil, si riches en ossements fossiles. M. jourdan (Annales des Sciences naturelles, 1837) a fait connaître, sous le nom de Theridoniiis (6r,pirW, peiit animal; p-uc, Rat), un genre de Rongeurs fossiles dont les débris ont été trouvés dans les massifs élevés du centre de la France, principalement près le Puy en Velay et dans les environs d'Issoire, et qui, par les racines de ses dents et par les plis de leur couronne, semble se rapprocher des Porcs-Épics de l'Amérique médionale, des Synéthères et des Sphiggures, et peut-être aussi de quelques Échimys, quoique cependant la partie antérieure de leur arcade zygomatique présente un développement osseux beaucoup plus considérable, et qui semblerait indiquer un animal fouisseur. Le système dentaire n'a pu être observé qu'à la mâchoire supérieure. Il peut faire croire que l'ani- mal type était de la taille du Surmulot, mais qu'il était tout à la fois plus fort et plus trapu. Lesson indique ce fossile sous la dénomination de Theridomys Jourdani. G""^ GENRE. — AULACODE. AULACODUS. Temminck, 182 i. ÂuXa?, sculptée; cèvj;, dent. Monographie de Mamnialcgie, t. I. CARACTERES GENERIQUES. Système dentaire ; incisives, |; molaires |e| dans le jeune, et {^.Idans l'adulte; en totalité seir.e OH vingt dents. Incisives supérieures cannelées, inférieures lisses; molaires assez analoyues à celles (les Marmottes, a 26 20\> HISTOIRE NATUni'LLr,. Muscaii court, larjjc, obtus. Point d'nhnjoucs. Oreilles très-grandes. Polies à cinq doigts en avant, mais le pouce n'étant que rudimcntaire et visible seulement sur le squelette. Queue de moitié plus courte que la trie et le corps réunis, très-garnie de poils. Ce genre n'a pas été suffisamment décrit par M. Temminck; car c'est sur un seul individu non adulte, et dont on ne connaît même pas la patrie, qu'il l'a créé. Mais depuis, M. P. Gervais (Dicl. univ. d'flist. nat., 18i'2) a publié quelques détails nouveaux et intéressants sur cet animal, et M. Jourdan en a donné la figure. Le squelette est assez remarquable, surtout dans sa partie céphalique. Le museau est court, large, obtus; à l'extérieur, on ne voit que quatre doigts à tous les pieds; le squelette montre un pouce distinct aux pieds de»devant, mais ce doigt semble manquer de pha- lange onguéale. La queue est plus courte que la moitié du corps et de la tête, et totalement couverte de poils. Les oreilles sont très-grandes, le bord externe en demi-cercle complet, et la conque pour- vue de plusieurs appendices membraneux. Cet animal appartient incontestablement à la division des Porc-Épics, tout en ayant en même temps quelques rapports éloignés avec les Marmottes. La seule espèce est : AUr.ACODE LE SWIÎV'DERF.IN. AULACODUS SWINDEniANVS Temminck. Caractl;res spécifiques. — Pelage fourni, grossier, long, composé de poils forts, annelés de jau- nâtre et de brun foncé; queue avec des poils courts, bruns. Longueur de la tête et du corps, 0"\2D; de la queue, 0 ,07. La faille de ce Rongeur est un peu plus forte que celle du Campagnol Rat d'eau, dont il présente à peu près la forme générale. Les oreilles sont très-grandes, nues, en demi-cercle. Les incisives su- périeures à double sillon. La queue est à peu près moitié moins longue que le corps, garnie de poils courts, disposés à claire-voie, et ces poils sont semblables à des soies, longs et durs, La tète est courte et le museau obtus; les moustaches sont longues. Le pelage est très fourni, grossier, long, et ressemble aux soies des Agoutis et des Cabiais; ces poils sont environ longs de 0",02, annelés de jaunâtre et de brun foncé, ce qui fait que toutes les parties supérieures et les quatre membres sont variés de ces deux couleurs; les deux mâchoires et toutes les parties inférieures sont couvertes d'un poil également long; queue d'un blanc jaunâtre uniforme; les poils, à la queue, sont courts, bruns en dessus et jaunâtres à la partie inférieure; ils sont répartis à claire-voie; quoi- que la queue soit entièrement poilue, le bout est abondamment couvert de poils. Il habite Sierra-Leone et la Sénégambie, auprès de Fonta-Diallon. On rapproche de ce genre, peut-être à tort, le genre fossile des Aulacodon, Kaup, qui ne comprend que r.l. iijpus des sables d'Eppelsheim, en Hesse. SIXIEME FAMILLE. LÉPORIDÉES. LEPORIDJi. Isidore Geoffroy Saint-Hilairc. Système dentaire : incisives, |; molaires, f^? dans les Lièvres, et seulement fE? dans les Laqo- mijs. Incisives supérieures grandes, sillonnées : inférieures plus ou moins tranchantes; molaires à couronne composée de lames verticales soudées ensemble. Tête assez grosse ou nioijenue. Oreilles grandes oti médiocres. Yeux grands ou mogens. RONGEURS. 205 Clavicules imparfaites. Pieds de devant plus courts que ceux de derrière : les anlérieurs h cinq doigts et les postérieurs à quatre. Ongles médiocres. Queue courte ou nulle. Corps couvert de poils longs, luisants, gris ou blanchâircs. Taille moyenne ou petite. Cette famille, l'une des plus naturelles de Tordre des Rongeurs, est formée avec le genre J^iÈvut; (Lepus) de Linné, et a pour types notre Lièvre et notre Lapin. On a cherché à la subdiviser eu quel- ques groupes génériques; mais les seuls qui aient été généralement adoptés sont ceux des Lièvres et des Lagomys, que nous allons faire connaître, et qui renferment une trentaine d'espèces propres ii presque toutes les parties du monde, mais qui se trouvent principalement dans les contrées froides et tempérées de l'ancien et du nouveau continent. 1" GENRE. — LIÈVRE. LEPiS. Linné, 1755. Nom (l'espèce. Systeraa naturae. CAIUCTÈKES GÉNÉRIQUES. Sjisthnc dentaire : incisives, ^: molaires, 5l|; en totalité vingt-huit dents. Incisives supcrieure.s anlêrienres grandes, cunéiformes, aijanl un sillon longitudinal en avant : postérieures petites, exactement appliquées, dans leur longueur, contre les premières; incisives inférieures tranchantes, à coupe carrée; molaires supérieures à couronne plate, présentant des lames émaillcuses transver- sales, saillantes, et la dernière étant beaucoup plus petite que les autres : inférieures assez sembla- bles a celles d'en haut. Tête assez grosse, avec un espace sons-orbitairc percé en réseau dans le squelette. Museau épais. Oreilles très-grandes. Yeux grands, saillants, latéraux. Bouche garnie de poils dans rintérieur. Pieds de devant assez courts, grêles, à cinq doigts : postérieurs très-longs, à quatre doigts seu- lement. Doigts serrés les uns contre les autres. Ongles médiocres, peu arqués. Plantes et paumes des pieds velues. Un repli de la peau formant une sorte de poche sous chaque aine. Queue courte, velue, relevée. Mamelles variant en nombre de six a dix. Pelage composé de poils longs, luisants, d'un gris plus ou moins blanchâtre. Taille mogenne. Linné a désigné sous la dénomination de Lepus ce genre, l'un des groupes les plus naturels de Tordre des Rongeurs, et qui a pour types notre Lièvre et notre Lapin communs. Les naturalistes mo-- dernes ont tous adopté cette division; ils en ont seulement séparé quelques espèces, qu'ils ont dis- tinguées génériquement sous le nom de Lagomys, et avec certains groupes formés aux dépens des liapins, et qui, comme ceux des Chionobutus, Kaup (1829); Ilaplodon, Wagler, et Ommatotergus , Nordmann, n'ont pas été adoptés en général, ils en ont fait une petite famille particulière, celle des Léporidés (Leporidce), Gray, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, etc., Leporina, A. G. Desmarest. M. Wa- gler {Syst. cler Amphib., 1850) les désigne sous la dénomination de Cunieulus, qui est plus spé- cialement appliquée au Lapin. On peut dire d'une manière générale que les Lièvres ont tous des caractères bien marqués, pris dans la forme particulière de leur corps, dans leurs habitudes assez bien connues, et surtout dans leur système de dentition tout spécial, et de ce que ces caractères sont en quelque sorte secondaires ou spécifiques, il est résulté que si Ton peut aisément reconnaître le genre, il n'en est plus de même des espèces, qui ne diffèrent que très-peu les unes des autres. Le système dentaire, déjà observé par les anciens naturalistes et décrit par Daubenton dans VHis- toire naturelle générale et particulière de Duffon, a surtout été étudié avec soin par Fr. Cuvier, qui a été ù même de voir sept espèces de ce genre; nous nous bornerons, à ce sujet, à ce que nous avons 20-i IIISTOIUE NATURELLE. dit dans nos caractères génériques. L'anatomie des animaux de ce genre, et surtout celle du Lièvre, a été faite par plusieurs naturalistes, et nous renvoyons à ce sujet aux travaux de Daubenton et de G. Cuvier, ainsi qu'aux anatomistes qui ont étudié les organes internes. Une particularité remarqua- ble de l'anaiomic interne de ces Rongeurs, c'est que le cœcum est énorme, boursouflé, et présente une lame spirale (|ui en paicourt la longueur. Zuologiqiu'nuMii, la forme générale du corps des Lièvres est toute particulière à ce groupe; la tèle est assez grosse; le museau épais, recouvert de poils courts, soyeux; les yeux sont grands, saillants, latéraux, à membranes clignotantes; les oreilles sont longues, molles, revêtues de poils en dehors, et presque nues en dedans, la lèvre supérieure est fendue jusqu'aux narines, qui sont étroi- tes et susceptibles d'être bouchées par une sorte de pincement transversal de la peau; les moustaches ij» sont pas très-êpaisses; l'intérieur de la bouche est garnie de poils; les pieds antérieurs sont as- sez courts, grêles, pentadactyle;? : les postérieurs sont, au contraire, très longs, tétradaclyles; tous les doigts sont serrés les uns contre les autres, armés d'ongles médiocres, peu arqués; le dessous des pattes est velu. Le système de coloration est à peu près le même dans toutes les espèces, et ne diffère que par plus ou moins de blanc, de noir, de gris et de roux; des poils assez longs, doux au toucher, couvrent le corps de ces animaux, tandis que des poils longs et rudes formant une sorte de bourrelet, destiné sans doute à modérer l'impression du sol dans l'action de la course, se remar- quent au-dessous des pattes, et même dans toute l'étendue des tarses postérieurs. La queue, courte ou même presque nulle, est nue, généralement relevée. Fig. 57. — ÏjèvreTapcti. Les Lièvres sont des animaux doux et timides : le plus léger bruit les effraye, le plus petit mou- vement les fait dévier de la route qu'ils suivent. Le sens de l'ouïe, qui est très-développé chez eux, supplée à la disposition défavorable de leurs yeux, et les met en garde contre ce qui se passe au- tour d'eux. Ils ne s'attaquent entre eux que rarement, et ce n'est guère qu'à l'époque des amours que les mâles se livrent entre eux des combats assez acharnés. Ils se creusent des terriers spacieux, dans lesquels ils restent habituellement cachés pendant le jour , ne sortant guère que le soir pour aller pâturer. Leur nourriture est exclusivement végétale, ils mangent déjeunes pousses d'ar- brisseaux, des écorces, des racines, de l'herbe nouvellement germée, etc. Soit qu'ils marchent, soit qu'ils courent, leur mode de ])rogression est le saut; ce qui, comme chez les Kanguroos, tient à la grande longueur des membres de derrière par rapport à ceux de devant. Plusieurs enne- mis détruisent un grand nombre de ces Rongeurs; tels sont surtout les Carnassiers; et, en outre, l'homme leur fait une chasse active. Sans ces motifs de destruction, leur nombre croîtrait tellement, qu'ils auraient probablement en peu de temps détruit nos bois et ensuite nos cultures. RONGEURS. 205 Les animaux de ce genre se rencontrent partout; ils se trouvent plus ou moins communément dans l'ancien et dans le nouveau continent, sous toutes les latitudes, depuis les régions polaires jusqu'à l'équateur. Partout, ainsi que nous l'avons dit, ils se montrent avec des caractères génériques si constants, qu'il est assez difficile de distinguer les espèces; on peut cependant, en s'aidant de quel- ques caractères importants, tels que ceux tirés de l'étude de la tête osseuse, et sans trop se fier au système de coloration, en distinguer spécifiquement une trentaine d'espèces, et il est probable qu'il en reste encore beaucoup à faire connaître. La position de ce genre dans la série mammalogique a assez peu varié dans les diverses classifica- tions des zoologistes, et on les a presque toujours placés vers la fin de l'ordre des Rongeurs, entre les Porcs-Épics et les Cabiais et Agoutis. La disproportion que l'on remarque entre la longueur de leurs membres antérieurs et postérieurs a engagé Et. Geoffroy Saint-Ililaire à les rapprocher des Kanguroos, avec lesquels ils ont en effet, sous ce point de vue, quelque analogie, mais dont ils dif- fèrent, d'un autre côté, par des caractères zoologiques et anatomiques de première valeur. A l'exemple de M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire et de M. Gerbe, et comme nous l'avons déjà fait dans le Diciionnaire universel d'Histoire naturelle, nous partagerons les Lièvres en deux groupes particuliers : les Lièvres proprement diis et les Lapins, groupes qui, hàtons-nous de le dire, sont peu importants, et qu'il serait fâcheux de voir plus tard élevés au rang de genres. Nous ajouterons même qu'il reste quelques doutes sur la place que doivent occuper certaines espèces, soit dans l'un, soit dans l'autre de ces deux groupes. l. LIÈVRES PROPREMENT DITS. LEPUS. Auctorum. Les espèces de ce groupe sont éminemment coureuses; elles ne terrent pas, c'est-à-dire qu'elles ne creusent pas de demeures souterraines; leur corps est élancé; leurs jambes sont longues et dé- liées, surtout les antérieures; les oreilles sont très-développées, dépassant la tête d'au moins 0"',05. A. ESPÈCES D'EUROPE. i. LIÈVRE COMMUN. LEPUS TIMIDUS. Linné. Caractères spécifiques. — Tête assez grosse; yeux grands, ovales, saillants, latéraux; oreilles d'un dixième plus longues que la tête; membres de derrière très-longs comparativement à ceux de devant; jambes, tarse, métatarse, et principalement les pieds, allongés; queue de la longueur de la cuisse; pelage composé d'un duvet traversé par de longs poils, seuls apparents au dehors, d'un gris plus ou moins fauve ou roux selon les localités, et résultant du mélange des couleurs qui sont dis- tribuées par anneaux sur ces poils, savoir : le gris à la base, le noir au milieu et le fauve ou le roux à la pointe; dessous de la mâchoire inférieure et ventre blancs; bout des oreilles noir; pieds d'un gris fauve, avec les poils des paumes et des [dantes roux, queue blanche, avec une ligne longitudi- nale noire en dessus; chair noire. Longueur du corps, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0'",50; longueur de la queue, 0'",12; hauteur du train de devant, O^joQ; hauteur du train de derrière, O'",o8, dans les grands individus, et d'un cinq ou sixième moindre dans les plus petits. Le Lièvre est le Aa^wc des Grecs, d'après Elien; le Lcpus ou Levipcs des Latins, selon Pline; le Lrpre des Italiens, le Liebre des Espagnols, le Lebre des Portugais, le îlase des Allemands et des Hollandais, le Uare des Anglais, le Sajouz des Polonais, le Zaïiza des Russes, V Ernab, Harncb et Arnepti des Arabes, le Tansan des Turcs, le Kargos des Persans, etc. C'est le Lièvre des Fran- çais et de Duffon [Hist. nat. gén. et part., t. VI, pi. XXXVIII), le Lepus, Ray; le Lepus vulgaris, Klein, et le Lepus timidus de Linné, ainsi que de tous les naturalistes modernes. Les mâles portent en général la dénomination de Bouquins; ils se distinguent des femelles par leur derrière tout blanc, leur tête plus arrondie, leurs oreilles plus courtes et leur queue plus longue et plus blanche; les femelles ou Hases sont plus grosses que les mâles; les jeunes ou Levrauts ont 206 IHSTOIRE NATURELLE. souvent un épi de poils blancs ou étoile placé sur le sommet de la tète. On remarque quelques varia- tions dans cette espèce, et les Lièvres de montagnes sont en général plus bruns sur le cou que ceux de plaines, qui sont presque rouges. On en connaît aussi de tout blancs, ce qui résulte de la maladie albine, qu'on observe chez un très-grand nombre d'animaux et même dans Tespèce humaine. Les mœurs du Lièvre ne sont pas aussi connues qu'on pourrait le supposer pour un animal aussi commun que lui; cependant plusieurs naturalistes, et principalement Dul'fon, ont fait connaître un assez grand nombre de faits intéressants relativement à ses habitudes. Les Lièvres ne se creusent pas de terriers comme le font les Lapins, et vivent sur le sol, principalement dans les plaines ou dans les pays de montagnes, et non dans les bois, et s'abritent entre quelques mottes de terre ou seulement dans un sillon. Ils quittent leurs retraites au coucher du soleil et y reviennent une ou deux heures avant son lever; on les voit, au clair de la lune, jouer ensemble, sauter et courir les uns après les autres; mais le moindre mouvement, le bruit d'une feuille qui tombe, suffit pour les trou- bler, et alors ils fuient chacun d'un côté différent; mais ils passent surtout la nuit à chercher leur nourriture, qui est uniquement végétale, et se compose d'herbes, de racines, de feuilles, de fruits et de grains; ils préfèrent, dit-on, les plantes dont le suc est laiteux; ils rongent aussi les écorces des arbres pendant l'hiver, surtout celles de la viorne, et il n'y a guère que l'aune et le tilleul auxquels ils ne touchent pas, assure-t-on. Lorsqu'on en élève en domesticité, on les nourrit avec de la laitue, des choux et autres légumes; mais la chair de ces individus est toujours de mauvais goût. C'est à tort qu'on a dit qu'ils ruminaient. On a rapporté qu'ils étaient erratiques, mais ce fait probable n'est pas prouvé; la raison que l'on donne pour appuyer cette assertion est qu'à certaines époques ce gibier est Irès-abondant dans certains pays : ce fait est vrai, et si l'on avait observé qu'en général ce sont des mâles qu'on rencontre alors, on se serait facilement expliqué cette surabondance de Lièvres, d'autant mieux que leur apparition coïncide avec l'époque du rut. Les Lièvres multiplient beaucoup, et, dans les cantons réservés pour le plaisir de la chasse, on tue quelquefois, assure t-on, quatre ou cinq cents de ces animaux dans une seule battue. C'est la nuit que les deux sexes se rapprochent, et cet acte a lieu depuis le mois de décembre jusqu'au mois de m:irs. Alors les mâles traversent des terrains immenses, font de grands voyages et rôdent de tous cùûés. Les chasseurs savent reconnaître ces liouveaux arrivés, principalement lorsqu'ils ne sont point encore cantonnés; car alors il est rare qu'ils retournent aux lieux d où ils ont été lancés, et, au contraire, ils vont toujours droit devant eux; quand on voit ainsi un Lièvre filer, on peut être assuré que c'est un mâle voyageur. Les femelles sont habituellement sédentaires; et, lorsqu'elles ont trouvé un lieu qui peut leur fournir une nour- riture suffisante, elles ne s'en écartent plus; toutefois, dans le midi de la France, lorsque l'hiver est rigoureux, on en voit arriver un grand nombre qui émigrent des Alpes et des Pyrénées. Le gîte adopté par les Lièvres n'est pas longtemps fréquenté par eux; ils l'abandonnent bientôt pour un autre situé à peu de distance. L'été, c'est presque constamment dans les bruyères, dans les vignes, sous les arbustes, qu'ils vont se reposer; l'hiver, au contraire, ils recherchent les lieux exposés au midi, découverts et à l'abri des vents; ils restent presque constamment dans les plaines et ne vont que sur les lisières des bois ou des forêis. La gestation est de trente à quarante jours, et chaque portée ne se compose ordinairenient que de trois ou quatre petits, mis bas en rase campagne, à côté d'une pierre, sous une touffe d'herbe ou dans un buisson. On assure que ces petits ou Levrauts naissent avec les yeux ouverts et le corps couvert de poils, on ajoute même que quand il y a plu- sieurs petits dans une même portée ils naissent marqués d'une étoile au front, et que cette étoile manque quand il n'y a qu'un seul petit; mais ce fait doit être absolument regardé comme faux. L'al- laitement est d'une vingtaine de jours, après lesquels les jeunes se séparent et vivent isolément, mais ù des distances peu éloignées les unes des autres, ainsi que du lieu où ils sont nés; cependant ils vivent solitairement et se forment chacun un gîte à une petite distance, comme de soixante à quatre- vingts pas; aussi, lorsqu'on trouve un jeune Levraut dans un endroit, on est presque sûr d'en trouver un ou deux autres aux environs. On disait autrefois que les femelles étaient hermaphrodites; la faus- seté de ce fait est bien démontrée aujourd'hui, et la raison qui avait fait croire à leur hermaphro- disme vient de ce qu'on avait cru voir dans leur clitoris, qui est d'une grosseur presque égale à l'or- gane reproducteur du mâle, un organe qui les rendait propres à se suffire à elles-mêmes. On rapporte que ces femelles sont très-lascives et que leur fécondité est très-grande; on croit qu'elles reçoivent en tout temps le mâle, même pendant la gestation : leur double matrice a donné naissance à cette opinion; Fig I. — Khinocé moceros unicorne. Fi-. 2. — Tapir de l'Inde. ri. ÔC. RONGEUUS. 207 il est vrai que, dans certains cas, la fénondalion n'ayant porté que sur une des deux cornes de la matrice, la femelle chez qui cette particularité se présente peut redevenir en chaleur et recevoir de nouveau le mâle, ce qui explique la superfétation; mais, le plus habituellement, la fécondation a lieu en même temps des deux côtés, et la gestation suit son cours naturel. Les mœurs des Lièvres sont douces et taciturnes : leur timidité, qui est très-grande, est devenue proverbiale. Mais ils sont loin d'être aussi stupides que quelques auteurs ont bien voulu le dire, et, comme preuve de leur sagacité, on peut citer les ruses qu'ils emploient pour échapper aux Chiens et aux autres ennemis qui les poursuivent : on en a vu qui, pressés par le danger, ont traversé des ri- vières, des troupeaux de Brebis; se sont élancés sur une pierre, sur un mur, un buisson, etc.; enfui ne peut-on pas encore citer comme preuve de leur instinct les tours de force qu'on leur fait exécu- ter, comme, par exemple, de battre du tambour, de danser au son de la musique, etc.? On a dit qu'ils dormaient les yeux ouverts; ce fait est basé sur ce que, lorsqu'on surprend cet animal au gîte, on le voit toujours immobile, dans l'attitude du repos, et les yeux grandement ouverts; mais de cela il ne faut pas conclure que, contrairement à ce qui a lieu chez tous les autres animaux, ils puissent dormir les yeux ouverts; seulement on doit penser qu'avertis du danger au moindre bruit par leur ouïe, qui est très-fine, ils ouvrent les yeux, et que, retenus par la paresse, ils restent dans la posi- tion du sommeil et cherchent à deviner le danger qui vient les menacer. Les Lièvres dorment beaucoup; ils n'ont pas de cils aux paupières et ne paraissent pas avoir de bons yeux; ils ont, comme par dédommagement, l'ouïe très-fine et l'oreille d'une grandeur démesu- rée relativement à celle de leur corps; ils remuent ces longues oreilles avec une extrême facilité, et ils s'en servent comme de gouvernail pour se diriger dans leur course, qui est si rapide, qu'ils devancent aisément tous les autres Mammifères. Comme ils ont les jambes de devant beaucoup plus courtes que celles de derrière, il leur est plus commode de courir en montant qu'en descendant; aussi quand ils sont poursuivis commencent-ils toujours par gagner la montagne : leur mouvement dans leur course est une espèce de galop, une suite de sauts très-prestes ettrès-pressés; ils marchent sans faire aucun bruit, parce qu'ils ont les pieds couverts et garnis de poils, même par-dessous; ce sont aussi peut-être les seuls animaux qui aient des poils en dedans de la bouche. Ces Rongeurs ne vivent que sept ou huit ans au plus, et la durée de la vie est, comme dans les autres animaux, proportionnelle au temps de l'entier développement du corps : ils prennent presque tout leur accroissement en un an. On n'entend leur voix que quand on les saisit avec force, qu'on les tourmente et qu'on les blesse : ce n'est pas un cri aigre, mais une voix assez forte, dont le son est presque semblable à celui de la voix humaine. La chasse au Lièvre se faisait autrefois à l'aide d'Oiseaux de proie; mais elle est beaucoup plus simple aujourd'hui. On ne la fait plus qu'au fusil, avec des Chiens courants, ou en restant à l'affût; dans le nord de la France, ou pour mieux dire dans les vastes plaines découvertes, on se donne pour- tant encore quelquefois le plaisir de faire forcer le l-ièvre par des Chiens. « Lorsqu'il y a de la fraî- cheur dans l'air par un soleil brillant, dit Buffon, et que le Lièvre vient de se gîter après avoir couru, la vapeur de son corps forme une petite fumée que les chasseurs aperçoivent de fort loin, surtout si leurs yeux sont exercés à cette espèce d'observation : j'en ai vu qui, conduits par cet indice, par- taient d'une demi-lieue pour aller tuer le Lièvre au gîte. Il se laisse ordinairement approcher de fort près, surtout si Ton ne fait pas semblant de le regarder, et si, au lieu d'aller directement à lui, on tourne obliquement pour l'approcher. Il craint les Chiens plus que les hommes, et, lorsqu'il sent ou qu'il entend un Chien, il part de plus loin : quoiqu'il coure plus vite que les Chiens, comme il ne fait pas une route droite, qu'il tourne et retourne autour de l'endroit où il a été lancé, les Lévriers, qui le chassent à vue plutôt qu'à l'odorat, lui coupent le chemin, le saisissent et le tuent. » La peau de ces Mammifères servait beaucoup autrefois dans l'art du fourreur; son emploi, quoique de beau- coup restreint de nos jours, est cependant encore en usage dans la pelleterie moderne. L'art culinaire et la gastronomie donnent la chair du Lièvre comme un mets savoureux et excitant; mais ici il y a encore des exceptions dues à des influences dimatériques et au genre de nourriture : les Lièvres qui vivent dans les pays chauds ont une chair coriace, excessivement noirâtre, d'un goût désagréable, et, parmi ceux des pays tempérés, les Lièvres qui vivent libres au milieu des plaines montagneuses, sur les coteaux, dans les terrains secs et fertiles en thym, en serpolet et autres herbes aromatiques, sont sans contredit préférables à ceux qui habitent les plaines basses et marécageuses, cl surtout à 208 HISTOIRE NATURELLE. ceux qu'on ('lève clans les garennes ou dans les parcs, où Ton pcul facilement se procurer le plaisir de les luer. La chair des Lièvres était défendue au peuple juif; et il est probable que cette défense, dictée par l'hygiène, n'avait été provoquée que pour les espèces d'Orient, dont la chair est un mets trop excitant pour les peuples de ces contrées. Ce qui semble le démontrer, c'est que la loi du pro- phète la défend également aujourd'hui aux mahométans. Comme chez nous, les Grecs et les Ro- mains recherchaient pour leur table la chair de ces animaux. L'ancienne médecine employait diverses parties du Lièvre pour le traitement de certaines maladies; ainsi leur graisse était réputée excel- lente pour enlever les taies qui recouvrent les yeux; leur sang était regardé comme un excellent toni- que, et il était en usage pour la guérison des érésipèles : nous n'avons pas besoin d'ajouter, en ter- minant, que la médecine moderne a rejeté avec raison toutes les préparations dans lesquelles le Lièvre entrait comme médicament. Le Lièvre se trouve abondamment dans toute l'Europe, excepté dans les régions arctiques et al- pestres; on le rencontre dans l'Asie Mineure et dans la Syrie, et il étend son habitat plus au nord que le Lapin. En France, on le prend partout; et il en est de même en Allemagne. Ou en a également rencontré des débris à l'état fossile, et M. Marcel De Serres en a signalé, en France, dans la caverne de Lunel-Viel. On a aussi découvert, dans la caverne de Kiikdah et dans les brèches osseuses de Cette, de Gibraltar et d'Ulineto,près dePise.des os fossiles que l'on a rapportés au Lièvre commun et quelquefois aussi au Lapin. "2. LIÈVRE VARIABLE. LEPUS VARIABILIS. Pnllas, Linné. Caractères spécifiques. — Tête moins grosse comparativement que celle du Lièvre ordinaire; oreilles plus courtes; yeux plus rapprochés du nez, et à iris d'un jaune brun; jambes moins longues que celles du Lièvre; queue plus courte; pelage assez semblable à celui du Lièvre en été; entièrement d'un blanc éclatant en hiver, à l'exception d'une petite bordure d'un noir foncé au bout des oreilles et d'un peu de fauve ou de jaunâtre à la plante des pieds; queue blanche toute l'année, et ayant à peine quelques poils bruns sur la face supérieure en été. Longueur de la tête et du corps, 0'",80. Dans le Lièvre ordinaire et dans la plupart des espèces du même genre, la robe de l'animal con- serve constamment la même couleur, ou du moins, si elle diffère selon la saison, on n'y remarque qu'une teinte plus ou moins foncée; au contraire, dans le Lièvre variable, la robe revêt annuellement deux systèmes de coloration : une l'été et l'autre l'hiver. D'un brun grisâtre en été, cet animal devient blanc pendant l'hiver; mais un fait qu'il est important de noter, c'est la manière irrégulière dont les changements périodiques de couleur paraissent s'opérer; les uns étant déjà en partie blancs sur le corps, tandis qu'ils sont encore roux sur les pattes, et réciproquement : d'où il résulte que ces Ron- geurs présentent, sous le rapport de leur coloration, une multitude de variations. C'est peut-être à cette particularité que sont dues plusieurs espèces que l'on a décrites comme distinctes, et qui, mieux étudiées, devraient être regardées comme se rapportant à celle-ci : tels seraient probable- ment le Lepus liiibridiis, Pallas, du désert de la Russie septentrionale; le Lcpus hibcrnicus, Thomp- son, d'Irlande; le LiiivRE DU Groenland, et peut-être aussi le Le/)Ms Medilerraneus, Wagler, qui semble toutefois former une espèce particulière. Le Lièvre variable est devenu, pour quelques auteurs, d'après M. Kaup (Sliizz. Eniiu Gcscli., p. 170, 1829j, le type d'un groupe générique particulier, qu'ils désignent sous la dénomination de CnioiNOBATE [Chionobalus) . Les jeunes Lièvres variables de la première année sont couverts d'un poil plus fourni, plus lai- neux et d'un brun plus foncé que les vieux mâles, et n'ont pas d'étoile blanche sur le front, comme la plupart des Levrauts de notre pays. Ce Lepus change de demeure presque en même temps que de couleur, selon les saisons de l'an- née. 11 voyage isolément, et descend, à l'approche de l'hiver, des montagnes du nord pour se porter vers le midi, et y retourne au printemps suivant. Sa nourriture se compose d'agarics et des graines du P'mus cembra dans la saison froide, ainsi que d'écorces de saule pendant l'été. 11 habite la plu- part des contrées septentrionales de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. On le trouve principale- ment en Norwége, en Laponie, au Groenland, en Fonnonie, sur les montagnes de l'Ecosse, en Livo- nie, en Russie et en Sibérie, jusque sous la zone arctique et au Kamtchatka. nONGELRS. 209 D. ESPÈCES D'AFRIQUE, 5. LIÈVRE D'EGYPTE. LEPUS ^GYPTIUS. Et. Geoffroy Saînt-IIilaire. CAnACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Presque entièrement fauve en dessus, avec quelques petites taches plus foncées, surtout sur la tête; parties inférieures blanchâtres; queue noire en dessus; oreilles d'un roux brunâtre, à extrémité noire; une tache de couleur fauve clair allant de l'oreille à la narine. Cette espèce, de la taille d'un Lapin, mais dont les oreilles sont proportionnellement plus longues que chez le Lièvre lui-même, a été découverte en Egypte par Et. Geoffroy Saint-IIilaire; G. Cuvier et A. G. Desmarest la réunissent au Lièvhe dij Cap, Lcpiis Capensis, Linné; mais Fr. Cuvier et M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire la regardent comme en étant distincte. Comme presque tous les animaux de l'Egypte, ce Lièvre est devenu le sujet de nombreuses efli- gies, et il a trouvé place parmi les hiéroglyphes; d'après Champoliion, en effet, il aurait la valeur de la lettre S. Le Lièvre d'Egypte se trouve en abondance dans la Libye depuis Alexandrie jusqu'à Gebel-Khir; d'après M. Ehrenberg, il serait très-commun en Egypte, et ce serait même la seule es- pèce de Lièvre qu'on y rencontrerait. C'est auprès de ces espèces que l'on doit ranger le Lcpus Capensis, Linné; le Lepiis saxaùlis, Fr. Cuvier, cl lo.J.epus arenarins, Isid. Geoffroy Saint-llilaire, qui tous trois proviennent du cap de Bonne-Espérance; le Lcpus crassicaudaïus, Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, de Port-Nat;il; le Lepus rufinucha, Smith, du cap de Bonne-Espérance, et le Lepus isabeUinus, Ruppel, des déserts d'Au- dakol, en Abyssinie. • C. ESPÈCES D'ASIE. 4. TOLAI. LEPUS TOLAl. Pallas. Caractères spécifiques. — Pelage d'un gris mêlé de brun fauve; ventre blanc; cou d'un blanc jau- nâtre en dessus et jaunâtre en dessous, ainsi que les pattes; oreilles un peu plus longues que la tête dans les mâles, et plus courtes dans les femelles, bordées de noir au bout. Tenant le milieu, pour la taille, entre le Lièvre et le Lapin. Dans cette espèce, le pelage ne devient pas blanc en hiver, mais seulement plus clair sur les oreil- les, les cuisses et principalement sur les fesses. Ce Lièvre ne creuse pas la terre, et se tient de préférence sur les montagnes découvertes et dans les plaines chargées de sables et de pierres, en choisissant les endroits exposés au soleil, parmi les caragans et les sanles, dont il mange les rameaux. Il diffère beaucoup du Lièvre variable par ses ha- bitudes; quand, par exemple, on lui fait la chasse, il court droit devant lui, et ne tarde pas à se ré- fugier, soit dans les fentes des rochers, soit dans d'autres cavités; le Lièvre variable fait, au con- traire, de nombreux détours, fuyant à la manière du Lièvre ordinaire. Far l'ensemble de ses carac- tères, il établit le passage des Lièvres aux Lapins. C'est le Lepus Daiiricus, Erxleben, et le Lai in de Sibérie, G. Cuvier. Le Tolaï habite la Sibérie, la Mongolie, la Tartarie, et se trouve jusqu'au Thibet. Quatre autres espèces asiatiques sont les Lepus nigricolUs, Fr. Cuvier, ou Moussel, de la côte de Malabar: Lepus ruficaiidatus, Isid. Geoffroy Saint-llilaire, du Bengale; Lepus melanocliea, Tein- minck, du Japon, et Lepus liispidus, Pearson, de Calcutta et d'Assam. D. ESPÈCES D AMERIQUE. La plupart des espèces américaines de ce genre semblent se rapporter au groupe des Lapins; néanmoins, parmi les Lièvres, nous citerons : B 27 210 HISTOIRE NATURELLE. 5. LIÈVRE GLACIAI,. LEPUS GLACIALïS. Leacli. CAr.ACTÈREs spKCiFiQUF.s. — Polac^c l)lnnc; oreilles noires à l'extrémifé, dIus longues que la tête; ongles forts, larges, déprimés. Taille du Lapin. Dans cette espèce, les jeunes sont d'un gris blanclifitre. La femelle met bas, dit-on, huit petits à la fois. On doit la rapprocher beaucoup, sinon même la réunir, au Lièvre variable. Elle habile le cercle polaire arctique, et principalement le Groenland. 11. LAPINS CUNICULUS. Isidore Geoffroy Sainl-nilaire. Dans les espèces de ce groupe, les jambes sont plus courtes, en général, que chez les Lièvre^ pro- prement dits, et la disproportion entre les membres antérieurs et postérieurs est un peu moins mar- quée; les oreilles sont légèrement plus longues que la tête dans les espèces véritablement typiques mais égales à la tète ou même un peu plus courtes dans les autres, ce qui montre le passage aux Agoutis; le corps est plus ramassé que celui des Lièvres; ces Rongeurs sont généralement coureurs; se creusent des terriers ou se servent de ceux qu'ils rencontrent, et ne gîtent pas sur le sol à la manière des Lièvres. A. ESPÈCES D'EUROPE. G. LAPIN. LEPUS CUNICULUS. Linné. « Caractères spécifiques. — Très-voisin du Lièvre, mais ayant les oreilles proporlionnellement plus courtes; les jambes de derrière et la queue moins longues; pelage doux comme celui du Lièvre, et d'une couleur assez semblable, quoique moins foncée en fauve et en roux; dessus de la tête, dos, lombes, d'un gris résultant du mélange de couleurs fauves, noires ou cendrées; nuque rousse; oreilles grises, sans noir au bout; gorge et ventre blanchâtres; queue brune en dessus et blanche en dessons; les longs poils du dos cendrés à la base, puis noirs au milieu et terminés de fauve; poils du duvet cendrés dans toute leur étendue, si ce n'est à la pointe, où ils ont du roussâtre ou du fauve; chair blanche. Longueur du corps, depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 0'",44; lon- gueur de la queue, 0'",06; hauteur du train de devant, O^j^O; hauteur du train de derrière, O^jSi. Cette espèce est le Aarra^rou; des Grecs, le Cun'iculus des Latins, le LAri>' des Français modernes et le Conn'in ou Connil de nos anciens compatriotes, le Cou'icjlio des Italiens, le Conljo des Espa- gnols, le Coélbo des Portugais, le Kaninïchen des Allemands, le Robbei ou Conn des Anglais, Kouïn des "Suédois, etc. Gesner le nommait Lepus ou Lepusculus, Ray, Cun'iciilits, Ruffon (Hist. nai. cjén. Cl part., t. VI), Lapin, et depuis Linné on la désigne sous le nom scientifique de Lepus cnni- cidiis, et quelquefois on en fait le type d'un groupe particulier sous la dénomination de Cwiicnlns. La description que nous avons donnée s'applique au Lapin sauvage, et presque complètement au Lapin de garenne; quelques différences se remarquent dans les diverses variétés de cette espèce et plus spécialement dans celle que nous élevons dans nos maisons; ce sont : \° Lapin clapier ou nosiESTiQUE [Lepus cunïculus dornesiiciis). — Couleur du pelage variée, blan- che, noire, grise, rousse, parfois semblable en tout point à celle du Lapin sauvage; oreilles plus ou moins longues et plus ou moins larges, mais toujours plus grandes que dans la race sauvage, et dépassant même quelquefois celles du Lièvre; tète plus petite; ongles des pieds de derrière plus faibles; poils de dessous les pieds à peine fauves et non pas roux. Taille plus grande que dans la race sauvage, et queue en général plus longue. 2° Lapin RicHE-{Lepus cunïculus arçjenteus). — En partie d'un gris argenté, en partie de couleur d'ardoise plus ou moins foncée; tète et oreilles presque entièrement noirâtres; bas des pattes brun; poils de dessous de ses pattes blancs. RO.NGEURS. 211 5" Lapin d'Angora (Lepus cnniculus Anfiorensis). — Poils longs, Irès-soyeux, ondoyants ei comme frisés, blancs, gris cendré, jaunes, ou variés de ces différentes couleurs par taches ou plaques plus ou moins grandes. 4° Lapin nnssE. — Pelage cendré; tête et oreilles brunes; peau très-lâclie sur le dos, formant une sorte de capuchon qui recouvre la tète; poitrine présentant une autre duplicature analogue. Celte variété singulière, qui a été signalée par Edwards et Pennant, n'est pas suffisamment connue pour (|u'on puisse affirmer son existence. On indique aussi des variétés blanche (alhus) et noire [n'iger), ce qui serait pour la première un cas d'albinisme, et pour la seconde un animal à pelage presque entièrement noir. Enfin nous n'avons pas besoin de dire que les prétendus Lapins ou Lièvres cornus dont on a parlé, et qu'ont même figuré certains naturalistes, n'ont jamais existé, si ce n'est dans leur imagination. 58. — Lapin. Les Lapins semblent avoir un instinct de sociabilité plus grand que les Lièvres; en effet, ils ne vivent pas aussi solitairement que ces derniers, et il n'est pas rare d'en trouver plusieurs réunis en- semble dans une même demeure, qu'ils savent se creuser au-dessous du sol, et qui consiste en un profond terrier à plusieurs issues. Us n'habitent pas les plaines, et c'est constamment dans les bois, sur les petits coteaux ou les montagnes, qu'ils vivent de préférence, recherchant surtout les terrains secs et sablonneux. De même que le Lièvre, ils se nourrissent de matières végétales, prin- cipalement de bourgeons et d'écorces d'arbres; ils détruisent souvent les récoltes et font périr les arbres des vergers, ainsi que les vignes, en rongeant leur écorce ou leurs bourgeons; et ils ont également une vie nocturne. En raison de leur énorme fécondité, ces Rongeurs sont excessivement abondants partout où l'homme ne s'est pas déclaré leur ennemi trop acharné; les Carnassiers, aussi bien parmi les Mammifères que parmi les Oiseaux, en détruisent un grand nombre; mais cette des- truction n'a rien de comparable à celle que cause la chasse que lui fait l'homme. Cette des- truction est tout à fait nécessaire, car sans elle les Lapins, qui, plus même que les Lièvres, font de grands dégâts à nos cultures, se multiplieraient outre mesure et détruiraient nos arbres et nos cultures : elle est donc nécessaire pour maintenir l'harmonie de la nature. Les femelles ou Lapines portent trente ou trente et un jours, et leurs portées, composées de quatre ou huit petits, nommés Lapereaux, sont fréquentes; car chacune d'elle peut en faire sept ou huit dans une même année. Les petits ne sont pas simplement déposés au pied d'un buisson ou dans une touffe d'herbe, comme le sont les jeunes Levrauts; mais la mère creuse exprès pour eux un terrier particulier. C'estquelques jours avant de mettre bas que la Lapine fait en pleine terre, au pied d'un arbre ou d'un abri quelconque, un trou d'environ un mètre de profondeur, tantôt droit, tantôt coudé, et toujours dirigé oblique- 2i-2 HISTOIRE NATURELLE. ment vers le bas; le fond do oc terrier est évasé, circulaire, et garni d'une couche d'Iicrbcs sèches ou de feuilles, au-dessus de laquelle la femelle dépose une autre couche composée de poils duveteux qu'elh^ arrache de dessous son ventre, et c'est dans cet endroit qu'elle dépose ses petits. Lorsqu'elle a mis bas, elle ne reste pas dans le nid deux jours de suite comme on l'a dit, mais, au contraire, elle l'abandonne immédiatement, et elle cache l'ouverture de ce terrier avec la terre qu'elle a ex- traite du sol pour le former. Tant que les petits sont faibles et n'y voient pas, l'entrée du nid est fermée dans tous les points; mais quand ils commencent à voir on remarque, vers son bord supé- rieur, une petite ouverture par laquelle le jour pénètre, et qui s'agrandit de plus en plus à mesure que les jeunes deviennent plus forts. L'allaitement dure tout au plus une vingtaine de jours; mais l'on ne sait pas si la mère se rend à des heures fixes auprès de ses petits. On a dit que la femelle ne cache ainsi ses petits Lapereaux que pour les dérober à la fureur du mâle; mais, lors même que l'on admettrait cela, ne peut-on pas aussi supposer que c'est pour les soustraire également à la fureur des autres animaux? Loin de la première supposition, RutTon assure que le père prend grand soin de ses petits. Les jeunes Lapins, après leur sortie du gite maternel, restent quelque temps réu- nis-, mais ils vont se creuser une retraite dans les environs : ils ne s'éloignent jamais beaucoup du lieu de leur naissance, et c'est ce qui fait comprendre que si l'on ne détruisait pas activement ces Rongeurs, le terrain sur lequel serait venue s'établir une famille serait bientôt excavé de touîes parts. La durée de leur vie, de même que celle des Lièvres, est assfz longue, et de huit à neuf ans. Les mœurs des Lapins, à l'état sauvage, sont assez analogues à celles des Lièvres; ils sont aussi timides et inquiets que ces derniers animaux, et, lorsqu'ils sont effrayés, ils frappent vivement le sol avec les pieds de derrière, afin, probablement, d'avertir du danger les autres individus de leur espèce. Leur instinct est assez développé, et ils savent employer contre les chasseurs les mêmes ruses que les Lièvres. Ces animaux sont, par excellence, au nombre de ceux que l'homme a pu asservir et qu'il a pu rendre domestiques; à cet état, ils deviennent beaucoup plus féconds que dans l'état de nature; on les élève facilement partout, même dans les lieux obscurs, et ils sont très-faciles à nourrir, puisqu'on emploie pour cela presque toutes les matières végétales, et plus spécialement les épluchures de lé- gumes, les feuilles de choux, le pain, le son, etc. Ils sont d'une grande utilité pour l'économie do- mestique, et comme substance alimentaire pour l'homme et pour leur pelage, très-recherché pour la fabrication d'un assez beau feutre. Plus que les Lièvres ils sont susceptibles de recevoir une sorte d'éducation; mais l'on doit dire toutefois que leur instinct est assez borné. Les mœurs des Lapins domestiques ont dû être naturellement étudiées; renvoyons à ce sujet à ce qu'en dit Ruffon; mais qu'il nous soit permis de ne pas admettre entièrement ce qu'il rapporte, d'après M. Lechapt De Moutier, relativement à l'obéissance de ces animaux pour le chef de la famille. Leur chair, dont les qualités dépendent du genre de nourriture, est blanche et assez ferme : les Lapins que l'on tient à l'étroit, et auxquels on fait manger des plantes potagères, ont un goût assez fade et désagréable, et l'on peut dire, au reste, que, quelles que soient la nature de la substance dont on les nourrit, la chair de ces animaux rendus domestiques n'a jamais le fumet de celle des individus qui vivent en liberté, et surtout celui des Lièvres. Toutefois, comme ces Rongeurs peuvent être vendus bon marché, ils sont souvent employés pour la nourriture de l'homme. Quoiqu'il y ait de grands rapports entre les Liè- vres et les Lapins, ils ne peuvent jamais produire ensemble, et ils semblent même avoir les uns pour les autres un éloignement tel, qu'on ne rencontre pas ou presque pas de Lapins dans les lieux où les Lièvres se sont établis, et réciproquement que ces derniers évitent les cantons peuplés par les autres. Ou a propagé des Lapins dans les garennes, et on les élève en grand dans nos maisons, et quelque- fois des fermes sont disposées exclusivement pour les conserver; les branches de commerce que leur vente produit sont considérables; mais il nous semble que ce serait sortir de notre sujet que d'en- trer dans des détails à cet égard. Il en est de même sur la manière dont on les chasse, et nous nous bornerons à ajouter qu'aujourd'hui c'est principalement au fusil qu'on se procure ces animaux, et que cependant on en prend un grand nombre avec des collets. Disons aussi que dans les grandes chasses on en détruit toujours plusieurs centaines, et que cependant leur nombre ne diminue sensiblement pas. Les Lapins, originaires de l'Afrique, ont été introduits d'abord en Espagne, et de là ils se sont ré- noNGEUP.s. • -iir. pandus en Portugal, en Franco, en Italie, on Allomagne, etc. Maintenant ils se trouvent dans toutes les contrées chaudes et tempérées do l'Europe, toiles que l'Italio, la Grèce, la France, la Belgique, l'Allemagne, TAngleterre, etc.; en Afrique, on le trouve dans les déserts de FÉgyple; en Algérie, dans le royaume de Tunis; au Sénégal, en Guinée, à Toneriffe, etc.; en Asie, cette espèce existe en Natolie, en Garamanie, en Perse. Mais Ton peut dire qu'à l'état domestique le Lapin est devenu cos- mopolite, et qu'il a été transporté dans tous les lieux où les Européens ont fondé des colonies. Il n'habite cependant pas les régions septentrionales; et la Norwége, la Suède, le nord de l'Asie, ne le possèdent pas, surtout à l'état sauvage. On en a découvert des débris fossiles; M. Marcel De Serres spécialement en a signalé dans la riche caverne de Lunel-Viel; et Ton doit probablement lui rapporter le Lcpus Ardeii, indiqué par M. Groi- zei comme provenant des lignites et des galets d'issoire, en Auvergne. B. ESPÈCE D'AFRIQUE. 7. LAPIN DES SABLES. LEPUS ARENARIUS. Isidore Geoffroy Saiiit-Ililaire. CAr.ACTf:RES SPÉCIFIQUES. — Pclago, en dessus, d'un gris cendré tiqueté, avec les membres, la gorge, les flancs, le tour de l'œil et le bout du museau, roux; tache de derrière le cou grise, très- petite; dessous de la tête d'un blanc roussâtrc, et dessous du corps blanc; queue noire en dessus et blanche en dessous; oreilles de même couleur que celles du Lapin, mais avec la tache de l'extrémité plus étendue. La plupart des auteurs rapportent cette espèce au Lepus saxaidîs, Fr. Cuvier, qui habite comme lui le cap de Bonne-Espérance; M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire la regarde comme distincte : il dit qu'elle est d'un quart plus petite que notre Lapin, et qu'elle ressemble beaucoup, par les couleurs de son pelage, au Lièvre du Gap, dont elle diffère, au contraire, notablement par ses formes. C. ESPÈCES D'A.\1ÉRIQUE. 8. TAPETI. Buffoii. LEPUS HRASILIENSIS. Linné. G\uACTÈREs SPÉCIFIQUES. — Dossus (lu corps varlé de roux et de noir; dessus du cou d'un roux vif: dessus de la tête et oreilles d'un roux brunâtre; joues fauve noirâtre; tache oculaire fauve; poitrine roussàtre; dessous de la tête et du corps blanchâtre; queue très-courte. Plus petit que le Lapin. Gelte espèce, qui habite le Brésil et le Paraguay, ou plutôt une grande partie de l'Amérique méri- dionale, est surtout remarquable par l'extrême brièveté de sa queuo, qui paraît nulle et se confond avec le poil 9es cuisses. Elle vit dans les bois et se réfugie sous les troncs d'arbres, mais sans se creuser de terriers, et vit à la manière des Lièvres. La fomolle ne fait qu'une portée par an, et met bas deux, trois et quelquefois quatre petits : le Grisou est son ennemi naturel. Sa chair ressem- ble à celle du Lapin, mais elle est moins savoureuse. G'ost le Lepus nanus de Schreber; et M. Lund a indiqué, dans les cavernes du Brésil, des débris fossiles qu'il croit se rapporter à une espèce voi- sine de celle-ci [Lepus afjinis Brasiliensïs, Lund). Auprès du Lepus Brasiliensïs viennent se ranger les Lepus nifjricaudatus, Sikes, du Brésil, du Mexique et de la Galifornie; le Lepus Mngcllanicus, Lesson, des îles Malouines, et le Lepus callotis, Wagner, ou le Cni.i, Hernand, également de l'Amérique du Sud. Parmi les autres espèces, nous nommerons seulement les Lcpus Amcricanus, Erxieben, ou L. Hudsomus, Pallas, do l'Amérique septentrionale; Lcpus Virfjininnus, llarlan, doGolombie, du Missouri, etc.; Lepus Pàclinnlsonn, Lesson (L. Virninianus, Richardson), du Missouri et de la baie d'Hudson; Backmani, Watorhouse, de la côte nord-ouest de l'Amérique; palustris, Bachmann, des Étals-Unis; acpiaticus, Bachmann, de la Garolino du Sud; sylvalicus, Bachmann (L. Âmericanus, 2i/t IlISTOinE NATURELLE. niaiin, dos Etats-Unis; campeslris, Daclimann, des Élats- Bacli Godmann), des Etats-Unis; ISullala, Unis, Ole. Le nom général de Lièvre a été donné à plusieurs animaux quelquefois très-éloignés de ceux qui nous occupent; lois sont on particulier le Lièvre jximpa, qui est un Dolicholis; le Lièvre saitleiir on Ilélamys; le pilil Lièvre sauteur et le Lièvre des Lidcs, qui sont dos espèces do Gerboises; la Vis- cache, qui en diffère beaucoup, et le Lapin d'Arno, qui est une espèce de Kanguroo, etc. 2™« GENRE. — LAGOMYS. LAGOMYS. G. Cuvior, 1707. Aa-^&ç, Lièvre; (j.u;, Rat. Tableaux élémontaires du Règne animal. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijstèmc dentaire : incisives, |; molaires, |^; en lolalité vingt-six dents. Incisives supérieures larges, arquées en biseau à ta pointe, avec un sillon médian : inférieures pointues; molaires for- mées de lames verticales so^idécs ensemble, usées en couronne plane au sommet. Tête moyenne, à chanfrein légèrement bombé. Oreilles médiocres, arrondies. Yeux moyens. Clavicules presque complètes. Pieds antérieurs allongés, à cinq doigts : postérieurs médiocre- ment longs comparativement à ceux de devant, et à quatre doigts: tous garnis en dessous de longs poils. Ongles presque cachés par les poils, grêles, arqués, aigus. Queue nulle. Mamelles au nombre de quatre ou de six. Fig. 59. — Lagomys nain. Pallas a le premier distingué des Lièvres proprement dits quelques petites espèces qui constilueiil le genre que nous étudions, et il en avait formé, sous le nom de Lepores ecaudaii, une section à part, dont G. Cuvier à fait depuis le genre des Lagomys, De Lacépède [Mémoires de llnstitiil, \ 191), RONGEURS. 215 celui des Pika (nom d'une des espèces), el Link (In Fischer Zoorjnos., 1816), eelc.i de Ogotonia (nom d'une des espèces). Mais la dénomination indiquée par G. Cuvier, et qui a la priorité, a géné- ralement été adoptée. Les Lagomys, quoique ayant en général les mêmes organes de manducalion que les Lièvres, en diffèrent cependant sous ce point de vue par quelques modifications que nous avons indiquées en quelques mots dans notre caractéristique en parlant du système dentaire. Les yeux sont petits et saillants. Le nez est velu; le bord cloisonnaire des narines est nu. La lèvre supérieure est profondément fendue. La langue est courte et épaisse. Les oreilles sont courtes, larges, arrondies, assez simples et à grande ouverture, et la paume, ainsi que la plante, est couverte d'un poil doux, épais et serré. Les moustaches sont de longueur moyenne et peu épaisses. Le pelage est long, lisse, fourni La taille est petite. Les membres sont plus courts, plus épais, que ceux des Liè- vres, et les postérieurs ne sont pas plus longs que les antérieurs : les pieds de devant sont terminés par cinq doigts armés d'ongles grêles, arqués et aigus, presque entièrement cachés par les poils; ceux de derrière n'en ont que quatre munis d'ongles semblables. La queue est nulle. L'anatomie in- terne, en général, et surtout celle des organes génitaux, est semblable à celle des Lièvres. Les Lagomys sont des animaux qui vivent à la manière des Lièvres, et dont plusieurs ont l'habi- tude très-remarquable de rassembler pendant l'été des provisions d'herbe ou de foin pour l'hiver; ils se plaisent dans les lieux rocailleux, et font leur domicile entre les rochers. On ne connaît que cinq espèces vivantes de ce genre, et elles sont propres au cercle polaire boréal asiatique et américain; des espèces fossiles ont été signalées dans l'île de Corse et en Au- vergne. L'espèce la plus connue est : PIKA. LAGOMYS ALPINUS. Tallas. Caractères spécifiques. — Corps gros, peu allongé; lête assez longue, et peu large comparative- ment à celle des autres espèces du même genre; nez velu et brun; moustaches grandes el noires; yeux très-petits, noirs, aussi bien que le bord des paupières; oreilles arrondies; pieds courts; queue remplacée par un tubercule gros comme une noix, ne paraissant que quand l'animal est assis, et formée par la pointe du coccyx et par deux petites pelotes d'une substance graisseuse assez dure. Pelage composé de poils plus courts et plus rudes que ceux du Lièvre, de couleur jaune roussâtre plus ou moins foncée sur les diverses parties du corps; oreilles noirâtres, avec leur bord blan- châtre. Longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'anus, 0'",26; queue nulle. Ce Rongeur est le Pika ou Picka des habitants des bords du lac Baïkal; c'est le Lepus Alphms de Pallas, le Lagonnjs pika d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, et le Lagomys Alpiniis des nomenclateurs modernes. Le Pika, qui est très-commun et très-connu des chasseurs de Sibérie, habite les montagnes les plus élevées et les plus inaccessibles à l'homme, établissant sa demeure sauvage au milieu des forêts les plus sombres et en même temps les plus humides, où il peut trouver un gazon frais et abondant. Il creuse son terrier entre les pierres, ou bien il se gîte dans les fentes des rochers ou même dans les trous de vieux arbres. Tantôt il vit seul, tantôt il forme des sociétés composées d'un petit nombre d'individus. Il sort de sa retraite la nuit ou pendant les jours sombres pour paître et pour rassem- bler ses provisions d'hiver. C'est vers le milieu du mois d'août que lesPikas préparent et font sécher avec grand soin, pour former leur provision, de l'herbe et des feuilles, qu'ils entassent ensuite, et mettent à l'abri, soit sous des rochers, soit dans des trous d'arbres, lis se réunissent ordinairement plusieurs pour ce travail, et proportionnent la quantité de leurs provisions au nombre des individus qui doivent s'en nourrir. Les tas qu'ils forment ainsi ont souvent la hauteur d'un homme, et un dia- mètre de deux mètres cinquante millimètres. Cet instinct admirable, ce soin de l'avenir, ont rendu ces petits animaux célèbres dans toutes les contrées qu'ils habitent; et l'on ajoute même qu'une ga- lerie souterraine conduit de leur habitation au tas de foin, et que c'est par ce chemin que le Pika va prendre sa nourriture pendant l'hiver, dans cette saison où la terre est partout couverte d'une épaisse couche déneige. Il arrive souvent que le travail presque incroyable des Pikas, et la peine immense 210 IIISTOini-: NATLIRELLK. qu'ils se sont donnée pour la préparation H lo transport (l'une aussi i^rande quantité diierbatjes, sont tout à fait perdues pour eux; car ces amas sont, à cause de leur liautcur, très-fréquemment découverts par les chasseurs qui vont à la recherche des Zibelines, et sont alors employés ;'i la nour- riture de leurs chevaux. Ce l.agomys a pour ennemis naturels les Martres et les Zibelines, qui lui font une i;uerre active; une espèce d'OEstre, dont la larve se loge sous sa peau, et l'homme, qui fait sa nourriinre de sa chair et lui enlève ses provisions. Le l'ika se rencontre dans les contrées les plus septentrionales de l'ancien continent, et particu- lièrement sur les sommets des plus hautes éminences de la chaîne des monts Altaïques, dans la mon- tagne IMeue du Kolédan, et sur toutes les grandes hauteurs de la Sibérie jusqu'aux confins de l'Asie et du Kanilchatka. • Les antres Lagomys sont : i" Le SuLGAiv, Vicq D'Azyr. Lagosiys nain. {Lngovujs pusillus, Pallas, Gmelin), qui est commun dans les montagnes de laTartaric; 2° L'Ogoton {Upu.s oijotoma, Pallas, Gmelin), également de Tartarie; 5° Larjomijs hijperboreiis, Pallas, de la pointe nord-est de l'Asie; 4" Lnfjoiuijs princeps, llichardson, qui habite l'Amérique du Nord, principalement dans' la pro- vince du Missouri. Le '1 apeù, qn'i a été quelquefois rangé parmi les Lagoniys, est un véritable Lièvre de la subdivision des Lapins. G. Cuvier a décrit des ossements fossiles de Lagomys, découverts dans les brèches osseuses de Corse et de Sardaigne. On a trouvé dans les premières un crâne ressemblant beaucoup à celui du Pika; mais cependant l'orbite du Lagomys fossile est pins grand, et le crochet de la base exté- rieure de l'arcade zygomalique est plus saillant. Pans celles d'^ Sardaigne, on a découvert des dents et des portions de mâchoire annonçant une espèce plus grande que TOgoton, mais un peu moindre que le Pika et le Lagomys fossile de Corse. Il était naturel de soiq)çonner qu'elle ne différait pas de cette dernière, ensevelie dans une île voisine; mais il n'en est rien : les parties supérieures de la tête ne sont pas semblables, non plus que le trou sous-orbitaire, et l'arcade zygomalique n'est pas inclinée de même. On a également signalé dans les lignites d'issoire, en Auvergne, des débris fossiles que M. Groizet rapporte à son Liujomtjs hs'wdorcnsis. SEPTIEME FAMILLE. GAVIDES. CÀVID.E. Isidore Geoffroy Saint-IIilaii\ Sjislcme dentaire : incisives, |; molaires, |-^J. Incisives assez fortes; molaires souvent composées de couches lamelleuses. Tcle assez- forte. Oreilles plus ou moins ()raudes. Yeux médiocres. Cou souvent peu distinct. Clavicules imparfaites, l^ieds presrpie toujours égaux en longueur en avant comme en arrière. Doigts en nombre variable. Ongles assez forts. Queue mille ou longue. Corps couvert de poils rares ou abondants, cassants ou sogeux. Taille variable. Cette famille comprend un nombre assez restreint d'espèces, ([ni toutes proviennent de l'Amérique méridionale. On la subdivise en deux tribus bien distinctes : 1" les Cavii;.\s ci ti" les Cui.nciiilliens. Fisr. 1. — Cochnii des Indes. Ff"-. 2. — Phacochère. l'I. nOiNGftURS. 21' PREMIERE TRIRU. CAVIENS. Queue excessivement courte on nulle. * L'ancien genre Cavia des auteurs compose cette tribu, qui renferme aujourd'hui six genres parti- culiers, ceux des Cochons iVInde, Kerodon, Agouti, Dolichotis, Paca, et Cabiai. 1" GENRE. — COCHON D'INDE. AN^^MA. Fr. Cuvier, 1812. Anœma, agréable. Mémoires du Muséum, t. XIX. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, f ; molaires, {~l; en totalité vingt dents. Incisives supérieures lisses, à face antérieure sans sillon longitudinal : inférieures comprimées, aiguës; molaires composées, à couronne plate, présentant chacune une lame écailleuse simple, et une autre lame fourchue en de- hors dans les dents supérieures, et en dedans dans les inférieures : ces dents sont composées de cément entouré d'ivoire, dont les replis rendent ces molaires irrégulièrement didymes, et qui sont disposées inversement aux deux mâchoires. Tête assez élevée, un peu comprimée, à face médiocre, un peu busquée. Museau comprimé, peu prolongé, velu. Yeux assez grands, saillants. Oreilles aplaties, arrondies, médiocres. Lèvre supé- rieure fendue verticalement. Narines presque circulaires. Cou court. Clavicules rudimentaires . Pieds courts, plantigrades, nus en dessous : antérieurs à quatre doigts; postérieurs à trois seulement, non palmés. Queue nulle. Deux mamelles ventrales seulement. Pelage composé de soies faibles, fasciculées à leur insertion. Corps ramassé, très-bas sur pattes. Taille très-petite. Le genre Cochon d'Inde a été formé aux dépens du grand groupe des Cavia de Klein et de Linné, et c'est pour cela qu'A. G. Desmarest, llliger et quelques autres zoologistes lui ont laissé en propre cette dernière dénomination latine. G. Cuvier, le premier, lui appliqua le nom de Cobaia ou plutôt Cobaija, tiré de la dénomination de l'espèce typique, le Cavia cobaya de Linné; mais, comme c'était lui donner une valeur différente de celle qu'il a réellement, ce nom n'a généralement pas été adopté, et l'on a plutôt préféré celui à' Anœma, que lui a plus tard appliqué Fr. Cuvier. Les Cochons d'Inde comprennent les plus petites espèces de la famille des Cavidés. On n'en con- naît bien qu'une espèce, qui vit domestique dans nos maisons, et que l'on regarde quelquefois comme provenant d'une espèce qui existe aujourd'hui à l'état sauvage dans l'Amérique méridionale. 1. GDCHON D'I.XDE PROPREMENT DIT. Buffon. AlfmiA COBAYA. Fr. Cuvier Caractères spécifiques. — Corps court et trapu; cou si gros qu'on ne le distingue pas du corps, oreilles plus larges que hautes, droites, nues, transparentes, cachées en grande partie par les poils du dessus de la tête; yeux ronds, gros, saillants; poils lisses, durs, variant dans les divers individus, B <2S 21 s IIISTOinE NATURELLE. élanl enlioromonl blancs dans les uns, ou marqués de taches noires ou fauves sur un fond blanc dans les antres. Longueur totale, mesurée en ligne droite depuis le bout du museau jusqu'à l'anus, 0,10; liauiour an train de devant environ 0'",09; au train de derrière, G"", 10. Cet animal a reçu successivement un assez grand nombre de noms; tels que Cavia cobmjn Drasi- rii'us'is, Margrave; Purcelhis Indiens, Jonstoii; (Mvia cohaijn, Tison; AJns ou Cuniculus Amcrica- iiHs et Giiwcrnsis, Rai; Mus Brasiliens'is, (nnné; L.\prN des Indes {CAunculiis Inilicus), Brisson; Mus ])orcrlliis, Linné; Cociiom d'Inde, Bnffon; Cuv'ia cobnijn, Gmelin, llliger, A. G. Desmarest; Aiiœma cohiiiin, Er. (]uvier, et, en outre, on lui a apj)liqué tous les synonymes de ÏAnœma aperça, que l'on a cru ôlre son type originel, mais que nous regarderons comme en étant distinct. En allemand, cet animal porte les noms de Indianiscli Idïncle, Indïsch seule, Ulcer-t'erckel, Merr-Scliwein; en anglais, Gitiinj pifi; en Suédois, Marswin; en polonais, Sw'inka, Zamorska. Le (loclion d'Inde, qui s'est naturalisé en domesticité dans toute l'Europe, comme au Brésil et au Paraguay, d'où il est probablement originaire, et non de la Guinée, comme on l'a dit à tort, n'est véritalilement connu que dans ses variétés et non dans sa souche primitive. En effet, on ne possède aucune connaissance certaine sur cet animal à l'état sauvage; car il est loin d'être démontré que l'^l- nœma aperea n'en soit pas distinct, et il est, d'un autre côté, difficile de croire qu'il ne diffère pas, dans cet état, de celui que nous avons soumis. Notre Cochon d'Inde est couvert de grandes taches noires, blanches et fauves, qui varient sans fin et de relation et d'étendue. « Lorsque la nature, dit Fr. Cuvier, diversifie le pelage des animaux libres, elle le fait toujours d'une manière régulière et constante, et on ne la voit que bien rarement, excepté sur les animaux domestiques, prodiguer le blanc et le noir, comme elle le fait, et avec autant de pureté surtout, pour notre Cochon d'Inde : la vivacité de la couleur rousse suffirait même seule pour faire soupçonner qu'un animal qui vit tou- jours caché, dont toutes les habitudes sont nocturnes, est sorti du cercle dans lequel il avait été pri- miiivenient placé.» Un autre caractère delà domestication de cette espèce consiste dans ce que les deux côtés de son corps ne sont pas semblables pour le système de coloration, ce qui n'a jamais lieu dans les animaux sauvages. La lèvre supérieure est fendue; les oreilles sont courtes, arrondies et presque nues, et elles ont un repli à la partie antérieure; les yeux sont noirs; les jambes sont grêles, et les doigts des pieds sont garnis d'ongles longs, droits et pointus, mais particulièrement ceux des pieds de derrière; la queue est presque nulle, sans mouvement, et ne paraît que comme un tubercule assez petit. Il n'y a que deux mamelles, et elles sont inguinales. Un animal qui, comme le Cochon d'Inde, a tant servi aux recherches des physiologistes, a dû être étudié avec soin sous le point de vue anatomique, aussi possède-t-on d'assez nombreux détails sur son ostéologie et sur son anatomie interne. Son anatomie a été faite par plusieurs auteurs; mais nous devons spécialement citer les travaux de Daubenton dans l'Histoire naturelle générale et par- ticulière de Buffon, ceux de Vicq-D'Azyr dans ï Euc\iclopcdie méthodique, et une thèse soutenue, en 1820, à Gœttingue, par M. Treuler; nous indiquerons aussi les notes de Fr. Cuvier sur son système de dentition. La gestation, qu'on a évaluée parfois à un mois seulement, est de plus longue durée. Des observa- tions faites avec soin portent à soixante-six jours environ le temps qui lui est nécessaire : aussi les petits Cochons d'Inde ont-ils déjà, lorsqu'ils viennent au monde, assez de force pour suivre immé- diatement leurs parents; mangent-ils aussi souvent qu'ils tettent, et leur aspect extérieur ne diffère-t-il que par la taille de celui des adultes. Leurs dents elles-mêmes sont parfaitement développées; selon les observations de M. le docteur Emmanuel Rousseau, celles de lait ont été remplacées pendant la trestation; ces dents sont alors au nombre de huit : quatre incisives et quatre molaires pour les deux mâchoires. Aussitôt après avoir mis bas, les femelles peuvent recevoir le mâle, et les jeunes de ces animaux sont aptes à la reproduction dès qu'ils ont atteint cinq ou six semaines. Leur extrême ar- deur pour se reproduire, l'état de polygamie dans lequel on les tient ordinairement ei le grand nombre de petits que les femelles adultes font à chaque portée rendent leur multiplication excessive- ment prompte. Buffon a écrit « qu'avec un seul couple on pourrait en avoir un millier dans un an; » mais il semble avoir exagéré. En effet, si quelques portées fournissent jusqu'à dix ou onze petits chacune, le nombre ordinaire n'est que de cinq ou six, et, à la première portée, il dépasse rare- ment deux dans les jeunes individus. La femelle allaite ses petits pendant environ trois semaines; liONGLlIRS. ' 219 mais aussi quelquefois, comme cela a lieu chez plusieurs animaux domestiques, elle les dévore avant qu'ils aient pris la mamelle. lies Cochons d'Inde s'élèvent chez nous bien plutôt par fantaisie que par quelque vue d'utilité : toutefois quelques personnes en ont dans leurs appartements parce qu'ils prétendent que leur odeur naturelle en éloigne les Souris, les Punaises, etc.; mais cela n'est pas exact. C'est pour l'étude de la physiologie et de Tanatomie que ces animaux sont surtout multipliés : en effet, leur grand nombre, et de h le prix peu élevé auquel on peut les livrer, fait qu'on les emploie de préférence à tout autre animal pour les expériences physiologiques, et c'est ainsi que leur espèce est véritablement devenue le martyr de la science. Les Cochons d'Inde exigent un abri chaud et sec, et demandera en général assez de soins. Leur chair est fade, et n'est même pas aussi bonne que celle des Lapins de choux. Comme ils ne terrent pas plus que ces derniers Rongeurs, on n'a pu parvenir à en former des garen- nes; et, s'ils étaient en liberté, ils résisteraient diflicilement, à la fois, et à l'influence d'un climat si différent de celui de leur sol natal, et aux animaux qui voudraient en faire leur proie. Les Cochons d'Inde sont peu difficiles pour la nourriture, et comme ils boivent rarement, principalement en été, où on leur donne plus volontiers de l'herbe, des choux et d'autres substances riches en principes aqueux, l'opinion la plus générale est qu'ils ne boivent jamais : ils boivent cependant lorsque leurs aliments sont de nature sèche, et quand on leur donne l'occasion de le faire. En mangeant, ils se servent quelquefois de leurs pattes de devant pour porter leurs aliments à la bouche. On en conserve dans les appartements, mais leur odeur générale, et surtout celle de leur urine, qui offre aussi le désagrément de tacher le parquet, ne les fait pas trop rechercher, quoique la variété albine le soit quelquefois. « Les Cochons d'Inde, dit M. P. Gervais dans son article Cobaye du Dictionnaire universel ci Histoire naturelle, sont instinctifs par essence : aucun signe ne révèle en eux la moindre intelligence. 5!an- ger, engendrer et dormir, ce sont leurs seuls besoins; et les actes par lesquels ils satisfont aux deux premiers tendent à les faire placer encore au-dessous des autres Rongeurs. La fréquence de leur sommeil, l'indolence de leur veille, seraient encore des signes d'infériorité si l'étude des espèces sauvages du même genre ne nous montrait dans les Cobayes des animaux crépusculaires et nocturnes, et que le grand jour incommode jusqu'à un certain point. De même que leurs congénères sauvages, les Cochons d'Inde se font entre eux société, ou plutôt ils se réunissent, et, dans leur marche, ils se .suivent à la file, trottant derrière le chef de leur petite colonne, en opérant tous les détours qu'il lui plaît d'exécuter. C'est même un spectacle assez singulier, et qu'il est facile de se procurer en lais- sant pendant quelques instants circuler, dans un endroit clos, une demi-douzaine de ces petits Qua- drupèdes. La sécrétion de leur poche anale est sans doute une des raisons de cette habitude. Ils ont un petit grognement pour exprimer leur contentement, et un cri fort aigu pour la douleur, lequel se rend assez bien par les mots coui, coui. » C'est à ce cri, assez semblable à celui que fait entendre le Cochon de lait, qu'est due, selon Fr. Cuvier, la dénomination vulgaire que portent ces animaux. L'une des marques les plus caractéristiques de la domestication des Cochons d'Inde consiste dans les taches irrégulières de couleurs tranchées qu'ils portent sur leur robe. S'il en est ainsi, ces Ron- geurs ont subi depuis très-longtemps cette altération organique; car ils la présentaient avant leur introduction en Europe, et l'espèce était depuis longtemps domestique chez quelques nations indigènes de l'Amérique. « Nous voyons, dit Fr. Cuvier, par les peintures d'Aldovrfrnde que nous avons eues entre les mains, que déjà, vers le milieu du seizième siècle, c'est-à-dire un demi-siècle après la dé- couverte du nouveau monde, le Cochon d'Inde avait les couleurs blanche, rousse et noire, que nous lui voyons aujourd'hui. Alors donc il avait déjà éprouvé toutes les modifications dont il est suscep- tible; car, depuis deux siècles et demi, il n'en a point éprouvé d'autres. » M. P. Gervais ajoute : « Des tapisseries et des peintures qui datent de François I" représentent des Cochons d'Inde avec les caractères qu'ils nous montrent actuellement. Un fait qui témoigne encore mieux l'association ancienne du Cochon d'Inde à l'espèce humaine, c'est le nombre des petits, fort considérable chez cet animal, eu égard à celui de ses mamelles. « Un autre point de l'histoire de cette espèce sur lequel nous voulons appeler l'attention de nos lecteurs est relatif à VAnœnia aperea, que l'on a regardé pendant longtemps comme le même ani- mal à l'état sauvage. Nous emprunterons encore à cet égard les lignes qui vont suivre au travail de M. P. Gervais : « Pour D'Azara et pour tous les mammalogistes qui se sont occupés du même sujet '220 HISTOIRE NATURELLE. depuis lui, VAperea, qui est une espèce sauvage de Cobaye du Brésil, est le type sauvage du Cochon d'Inde; mais nous ne croyons pas que cette détermination soit encore aussi bien démontrée qu'elle est afiirmative; la grande différence qui existe entre les couleurs de VAperea et celle du Cobaye domestique, la multi|)licilé aujourd'hui bien constatée des espèces sauvages de ce petit genre, et l'incertitude qui règne encore sur la véritable patrie des individus domestiques, sont autant de dif- ficultés auxquelles on n'avait pas songé tout d'abord, et qui rendent la solution de ce problème plus compliquée qu'on ne le croirait. » D'ai)rès ce que nous venons de rapporter, il nous semble impossible de réunir d'un manière posi- tive VAnœma cohiuia à VAnœma aperça, et c'est pour cela que nous les regardons comme formant deux espèces particulières. 2. APÉRÊA. Margrave. AIV^MA APEREA. U'Azan., Fr. Guvier. Caractïjres spécifiques. — Pelage gris roussâtre en dessus et blanchâtre en dessous. Taille Un peu moindre que celle du Cochon dinde. Le crâne de cette espèce, qui est la même que le Cavîa obscura de Lichstenstein, est presque en tout semblable à celui de l'espèce précédente, et c'est l'un des motifs que l'on a donnés pour les réunir. Au rapport de D'Azara, il se trouve très-communément au Paraguay, et n'est également pas rare au Brésil et à la Guyane. 11 se cache parmi les chardons et les pailles les plus hautes, dans les plai- nes, les enclos et les buissons. Il ne se creuse pas de terriers, et ne s'empare pas de ceux des autres animaux. Il mange de l'herbe, est nocturne, stupide, nullement sauvage; sa démarche est peu légère. Chaque portée, selon D'Azara, n'est que d'un ou deux petits, et il n'en fait qu'une seule par an. Fijî. TiO. — Cochon d'Inde rupresle. Les autres espèces vivantes du même genre sont les Anœma Auslralis, Isidore Geoffroy Saint- Hilaire et A. D'Orbigny, de la région la plus méridionale de l'Amérique du Sud; A. Calleri, Bennett, (lu Pérou; A. flav'ulens, Brandt, du Brésil; A. Spixii, Wagler, du Brésil et du Mexique; A. ful- (jida, Wagler, du Mexique; rufesccns, Wied, du Brésil, et saxaùHs, Wied, également du Brésil. MM. Croizet et Jourdan ont recueilli, en Auvergne, dans les terrains tertiaires supérieurs, des dé- bris fossiles qu'ils regardent comme des Cochons d'Inde; mais, d'après M. P. Gervais, ces débris, qui constituent le genre Issiodorotnijs de M. Croizet, se rapportent à des animaux qui devaient avoir RONGEURS. 221 plus de rapports avec les Helanujs qu'avec les Anœma. On ne sait pas d'une manière positive sur quelles pièces repose l'indication de Cobayes trouvés fossiles dans les marnes d'OEningen dont parle M. Marchison. et qui constituent le Cavia OEningensis, qui n'a pas encore été décrit/Enfin M. Lund signale, dans les cavernes du Brésil, des restes de trois espèces fossiles de ce genre sous les noms de Cavia gracUis, affinis saxatili et bilobidens. 2°'<= GENRE. — KÉRODON. KERODON Fr. Guvier, 1825. Kepa?, corne; o5'cu;, dent. Dents des Mammifères. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, '^^■, en tout comme chez les Codions d'Inde, vingt dents, qui en diffèrent peu, sauf les molaires, qui présentent quelques particularités : en effet, elles se composent toutes de deux parties égales, semblables l'une à l'autre et ressemblent à un cœur réuni du côté externe de la dent et séparé du côte interne : ces espèces de cœurs sont entourés cha- cun par leur émail et remplis de matière osseuse, et leur séparation produit une échancrure angu- leuse en partie remplie de matière corticale. Tête faisant un tout avec le corps par suite d'un cou peu visible : elle est conique, très-allongée, avec le chanfrein presque tout à fait droit. Oreilles à peu près hémisphériques, et présentant en haut une légère échancrure. Moustaches dirigées en arrière, d'une longueur considérable et dépas- sant l'occiput. Jambes hautes. Doigts assez gros, bien séparés les uns des autres, au nombre de quatre aux membres antérieurs, et de trois aux membres postérieurs. Ongles larges, courts, assez aplatis. Queue non visible à l'extérieur comme chez les Cochons d'Inde. Le genre Kerodon a été créé par Fr. Guvier pour une espèce propre au Brésil, et qui ne diffère guère des Gochons d'Inde que par quelques légères modifications des systèmes dentaires et de la locomotion. 11 correspond auii Kerodonte de G. Guvier, et probablement aux Galea de Meyer. Au- jourd'hui on en a signalé une espèce vivante de la Patagonie, et on en a indiqué deux espèces fos- siles particulières à l'Amérique du Sud. Fr. Guvier en a décrit les dents, et nous avons indiqué les principales différences qu'elles présen- tent avec celles des Anœma. Les Kérodons, un peu plus grands que les Gochons d'Inde, sont plus hauts sur jambes; comme eux ils ont quatre doigts en avant et trois seulement en arrière; leurs on- gles sont plus larges, plus courts, un peu plus aplatis. Tous proviennent de l'Amérique méridionale, MOCO. KERODON MOCO. Fr. Cuvicr. Caractkres spécifiques. — Pelage, par sa couleur, par son abondance, sa douceur, etc., rappe- lant celui de quelques espèces d'Écureuils, d'un gris piqueté de noir et de fauve en dessus, blanc en dessous et à la région interne des membres, roux sur les parties externes et antérieures, ainsi que sur les parties latérales de la tête et de la face convexe des oreilles. Un peu plus grand que le Go- chon d'Inde, et atteignant O^jOll depuis le haut du museau jusqu'à l'anus. Gette espèce est le Kerodon nioco, Fr. Guvier; Kerodon sciureus, Isidore Geoffroy Saint-Ililaire; Cavia riipestris, Wied, et probablement Galea cunekoides, Meyer. 11 provient du Brésil et des rives du Rio San Francisco. Une seconde espèce est le Kerodon Kingii, Bennett, de Patagonie. M. Lund a signalé, dans les cavernes du Brésil, un Kerodon fossile qu'il nomme affinis Cavii rupestris, M. Alcide D'Orbigny en indique un autre, le Kerodon ant'iquum, qui provient également de l'Amérique méridionale. 222 HISTOIRE natut.fjxf:. :.'"* GENRE. — AGOUTI. CAVIA. Klein, 1751. Nom propre. Quadrupciluiii disposilio. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sijslcme dentaire : incisives, |; molaires, |^]; en tolalité vingt dents. Incisives supérieures apla- ties en avant, a tranchant en hisiunt : inférieures aifjucs, comprimées sur les côtés, arromlies en devant; molaires à couronne ovale, aplatie, presque lisse : supérieures écliancrées en dehors, infé- rieures échancrées à la face interne. Tête assez allonfjée. Front aplati. Museau assez gros. Yeux gros, saillants. Oreilles médiocres, arrondies ou très-allongées. Pieds grêles, secs : antérieurs h quatre doigts distincts, cl un tubercule court et renflé en place de pouce : postérieurs plus longs que ceux de devant, n ayant que trois doigts; paumes et plantes nues, calleuses. Ongles très-forts, surtout les postérieurs. Queue très-courte ou presque nulle, dénuée de poils et ne semblant susceptible d'aucun mouve- ment. Pelage plus ou moins dur au toucher. Mamelles en nombre variable. Tij; Gl. — Asouti. Le gt^nre Agouti peut être pris pour type (3e la famille de Rongeurs américains que nous éludions, et c'est pour cela que nous lui avons laissé la dénomination latine de Cavia, qui avait été appliquée à tous par les anciens naturalistes, et que De Lacépède a changée en celle d'Agouti. Uliger [Prodro- mus sijstematicus Mammaliuni et Avium, 18H) donna à ce genre le nom de Dasyphocte (/>asy- procta) ((îaau;, poilu; TTpojjtTc;, anus), ainsi que celle (loco ciiato) do Pi.atypyge (Platypyga) (ttaxtu,-, large; ■nw^n, fesse), et Fr. Cuvier (Annales du Muséum, t. XIX, 1812) celle de Ciiloromys (Cblo- romijs) fxXMpo;, jaunâtre; y.u;, Rat), et chacun de ces noms a été adopté par divers zoologistes. En outre, ce genre est devenu le type de la tribu qui nous occupe en ce moment, et qui a reçu les noms de Cavidœ, Ch. Bonaparte; Caviidœ, Waterhouse; Caviina, Gray; Dasijproclina, Gray, etc., et celui plus connu de Caviens. Les Agoutis sont de jolis Rongeurs, de la taille et presque de la forme de nos Lapins, en différant par une tète plus arquée, plus comprimée, des conques auditives courtes, presque nues; un corps RONGEURS. 225 plus étroit vers les épaules, plus développé en arrière; ils sont remarquables par des poils droits, roides et cassants, généralement de couleur noire à la base, jaune à la pointe, ce qui donne à plu- sieurs espèces un aspect verdàtre. Le système dentaire a été surtout étudié par Fr. Cuvier, et se com- pose de vingt dents qui offrent quelques particularités différentielles. L'Amérique méridionale est la patrie des Agoutis; et ils représentent nos Lièvres et nos Lapins, autant par leurs allures et leurs mœurs que par la qualité de leur chair, recherchée comme un excel- lent gibier. Ils vivent dans les bois, se nourrissent d'écorces et de fruits, et ne se creusent pas de terriers; ils se retirent dans des trous d'arbres creux, dans des enfoncements du sol, etc. On les élève facilement en captivité; ils peuvent même vivre dans nos climats, mais ne perdent jamais com- plètement leur naturel craintif. Notre ménagerie en a possédé souvent, et ils s'y sont même quelque- fois reproduits. Le nombre de leurs petits est ordinairement peu considérable; selon D'Azara, il est de deux seulement, et il serait de quatre ou cinq selon Laborde. On assure que ces animaux se dé- fendent bien, qu'ils mordent cruellement quand on les touche; ils manifestent leur colère, soit en grognant, soit en hérissant leurs poils au point de les faire tomber, comme il arrive aux piquants du Porc-Épic. On en connaît trois ou quatre espèces vivantes, et l'on en a également indiqué quelques espèces fossiles, soit du Brésil, soit de l'Auvergne. AGOUTI. Bufi'on. CAVIA AGOUTI. Erxlcbcn. CAnACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage brun, piqueté de jaune ou de roussâtre; croupe rousse; point de poils plus longs que les autres sur le dessus et le derrière de la tête; oreilles courtes; queue très- courte ; douze mamelles Longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'à l'anus, 0'^,bb; hauteur du train de devant, 0'",'29; du train de derrière, 0°',o3.00 L'Agouti se trouve par troupes composées d'une vingtaine d'individus. Sa démarche et ses allures très-semblables à celles du Lapin. Il vit de fruits, de racines, et ne dédaigne pas la viande et le poisson. La femelle fait plusieurs portées par an. Son naturel est très-doux, et il peut s'appri- voiser facilement. Sa chair est blanche et participe également du fumet du Lapin et de celui du Lièvre. Il est très-commun à la Guyane et au Brésil, ainsi qu'à Saint-Louis. Plus rare dans les autres An- tilles et au Paraguay. Une espèce, voisine de celle-ci, VAcuti de D'Azara, le Das\mrocla Azarœ, Lichstenstein, en a été distinguée dans ces derniers temps, et provient du Brésil et du Paraguay. Deux autres espèces du même groupe générique sont I'Akouchv, Buffon (Cavia ncusliy, A. G. Des- marest), de Cayenne, et I'Agodti a crête, Fr. Cuvier (Cavia cristata, A. G. Desmarest), de Surinam. Quant au Cavia riipestris, nous avons dit qu'il entrait dans le genre Kérodon, et pour I'Agouti de pATAGOiME, d'A. G. Desmarest, ou Lièvre pampas, nous verrons qu'il forme le type du genre Dolichotis ou M ara. Les espèces fossiles sont les Dasyprocta affinis aguti et capreolus, Lund, des cavernes du Brésil, et Illicjeri, Groizet, des galets d'Issoire en Auvergne. 4""^ GENBE. — DOLICHOTIS. DOLICHOTIS. A. G. Desmarest, 180i. Ac"/.t7_s;, long; w;, orc-illc. Dictionnaire d'Histoire naturelle, t. XXIV. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sjisihue dentaire : incisives, |; molaires, |^; en tolalilé vingt dents ressemblant plus à celles des Kérodons quà celles des Agoutis. Les molaires, en effet, présentent toutes un double cœur la- mdleux à leur couronne- Oreilles très-longues, très-saillanles. 224 FIISTOinE NATURELLE. Pieds élevés, grêles, d'égale longueur, n'ayant que trois doigts postérieurement et quatre anté- rieurement. Doigts de devant très-petits, courts, bien que les deux moyens dépassent les latéraux: ceux de derrière médiocres, celui du milieu plus grand que les autres. Ongles de forme triquètre. Queue rudimcntaire, nue. Un Roncrour décrit par D'Azara sous le nom de Lièvre pampa, et que l'on a scientifiquement dési- gné sous le nom de Dasyprocia Puiagonica, est devenu le type du genre Doi/chotis, Dolickotis, d'A. G. Desmarest; etLesson, beaucoup plus lard, en 1836, dans le tome V du Complément de Buf- fon, en a fait son groupe générique des Mura, et le nomme M. Magcllanica. LIÈVRE l'AMPA. DAzara ou MARA. DOLICUOTIS PATAGONICA. A G. Desmarest. Caractères spécifiques. — Pelage doux, soyeux, très-fourni, de couleur brune sur le dos et sur la région externe des membres, tandis que les poils sont annelés de blanc et de roux clair sur les flancs, le cou, les joues et derrière les extrémités, ce qui leur donne une teinte jaune cannelle ou fauve; les poils du dessous du corps et du dedans des membres sont blancs; la bourre n'existe pas; une tache d'un noir violàtre occupe toute la région lombaire à l'extrémité du dos, tandis qu'immé- diatement en dessous la région sacrée est neigeuse : les poils de ces parties sont beaucoup plus longs que ceux des autres; les moustaches sont noires, très-luisantes; les oreilles sont bordées de poils qui forment un léger pinceau à leur sommet. Longueur totale, O^jSO; hauteur du train de de- vant et de derrière, 0"',55; queue n'ayant que 0", 03. Ces Rongeurs vivent par paires : le mâle et la femelle vont de concert et courent avec beaucoup de rapidité; mais ils se fatiguent bientôt, et un chasseur à Cheval peut les prendre au lago. Leur voix est élevée et très-aiguë. Pris jeunes, ces animaux s'apprivoisent aisément, se laissent toucher avec la main, et peuvent même errer en liberté dans la maison ou aux alentours sans qu'on puisse craindre qu'ils ne s'échappent. Les Indiens en mangent la chair, et ils se servent de leur peau pour faire des tapis. * Cette espèce se trouve dans les pampas de la Patagonie et dans toute la partie australe de l'Amé- rique; elle est principalement commune vers les rivages du détroit de Magellan. 5'"« GENRE. - PACA. COELOGEIWS. Fr. Cuvier, 1807. KoiXoî, poche; ^evuç, mâchoire. Annales du Muséum, t. X, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, |; molaires, |^; en totalité vingt dents. Incisives très-fortes : supé- rieures aplaties en devant et tronquées obliquement en biseau, inférieures très-léfjèrcment compri- mées latéralement et arrondies sur leur face antérieure; molaires à racines distinctes des couron- nes, d'aboi'd tuberculeuses, puis devenant planes par l'usure, et offrant alors des replis d'émail plus ou moins compliqués dans leur intérieur : celles d'en haut à peu près égales entre elles pour la grandeur : celles d'en bas diminuant graduellement de la dernière à la première. Tête assez grosse. Museau large. Yeux assez grands, à prunelle ronde. Oreilles moyennes, ar- rondies. Narines ouvertes transversalement au museau. Bouche pourvue d'abajoues. Peau des joues se repliant sous les arcades zygomaliqucs, qui sont tressaillantes et y forment une espèce de poche ouverte en dehors et par en bas. Langue douce. Pieds tous h cinq doigts : lintcrne et l'externe de ceux de derrière étant très-petits et comme rudimenlaires. Ongles coniques, épais, forts, propres h fouir. Queue remplacée par un tubercule nu. Poils courts, assez rares, roides. Corps épais, gros. Mamelles au nombre de quatre : deux pectorales et deux inguinales. RONGEURS. 225 Ce genre a été créé, par Vr. Cuvier, sous le nom de Cœlogenus, et a pour type l'animal décrit par les anciens zoologistes sous la dénomination de Cavia pnca. Illiger a rectifié Torthographe du nom générique, et il en a fait celui de Cœlarjenys. G. Fischer {Zoofinos., t. II, 1816) a nommé ce groupe, en français comme en latin, Paca; enfin on doit lui rapporter le genre Ostcopera de Harlan. Le nom de Coelocjenus, du grec xoo.o;, poche; -j-evu;, joue, provient de ce que les Pacas présentent des espèces d'abajoues. A ces poches extérieures, très-remarquables, qui se trouvent sous les arca- des zygomatiques, se joignent encore des poches dans l'intérieur de la bouche, qui ne ressemblent pas aux abajoues des Singes, mais qui sont plutôt formées, d'une part, par le jugal creusé à sa face interne, qui en fait le côté extérieur, et, de l'autre, par les muscles des joues, qui en font le côté intérieur. Cette poche, ou plutôt cette cavité, s'ouvre vis-à-vis le vide qui sépare les incisives des molaires, et elle ne paraît pas être plus utile à l'animal que ces poches externes; elle n'a pas de ligament ni de muscles propres à la fermer; elle n'est pas extensible à l'extérieur, où une partie os- seuse fait ces parois, et elle ne peut l'être à l'intérieur qu'on s'avançant sous les maxillaires. Le système dentaire a été étudié par Fr. Cuvier, et nous en avons déjà donné les principales par- ticularités. L'anatomie des parties molles a été faite par Daubenton sur un jeune sujet. Les Pacas sont des animaux à corps plus lourd encore que les Agoutis, et de taille un peu plus considérable. Ils sont propres à l'Amérique méridionale, où ils habitent les forêts basses et humides, et c'est en général auprès des eaux qu'ils établissent leur demeure. Us se creusent des terriers à la manière des Lapins; mais ces cavités sont beaucoup moins profondes et cèdent au poids du corps lorsque l'on vient à passer sur elles : ces galeries ont trois issues, qui sont ordinairement cachées piir des feuilles ou de petites branches d'arbre. Pour prendre le Paca vivant, on bouche deux de ces issues et on fouille la Iroisième; mais souvent, lorsqu'on est prêt à le saisir, il se défend avec achar- nement, cherche à mordre et parvient quelquefois à s'échapper. Du reste, cet animal est devenu rare dans Us pays qu'il habite, car les chasseurs le poursuivent avec ardeur, sa chair étant très-recher- chée et de bon goût. Il se lient souvent assis, et se lave la tête et les moustaches avec ses deux pattes de devant, qu'il lèche et humecte de sa salive à chaque fois; il s'en sert aussi pour se gratter le corps, de même que des pattes de derrière. Quoique de grosse corpulence, le Paca court cepen- dant avec beaucoup de légèreté et fait des sauts assez vifs; toutefois ses mouvements sont brusques. Il nage et plonge très-bien. Il a une vie presque exclusivement nocturne; et, de même que la plupart des espèces qui se creusent des terriers, il ne sort guère pendant le jour de sa demeure souterraine. Son cri ressemble au grognement d'un petit Cochon. A l'état de liberté, sa nourriture consiste en fruits et en racines, et les plantations de canne à sucre sont parfois ravagées par lui. Ces Rongeurs sont très-propres; on ne trouve jamais d'ordures dans leur demeure, car ils vont les faire au dehors. Le Paca est doux et s'apprivoise facilement; Buffon en a conservé un dont il a fait connaître les habi- tudes, et notre ménagerie du Muséum en a souvent possédé. Leur alimentation étant très-facile, car ils mangent de toutes les matières végétales et même, dit-on, de la viande, et leur tempérament leur permettant de résister facilement à l'action du froid, Fr. Cuvier et d'autres naturalistes ont pensé qu'on pourrait les introduire dans nos établissements ruraux, où ils seraient une bonne acquisition pour l'économie domestique, à cause de leur chair, qui est très-délicate. Malheureusement, comme nous le disions ailleurs, cette idée théorique, ainsi que tant d'autres indiquées par les naturalistes, et qui semble devoir produire un jour de bons résultats, n"a pas pu être mise jusqu'ici en pratique, et il serait même à craindre que la routine des agriculteurs ne pût pas permettre de l'essayer. Espé- rons cependant aujourd'hui sur les efforts de la Société zoologique d'acclimatation pour introduire dans nos campagnes de nouvelles espèces animales. Pendant longtemps on a cru qu'il n'y avait qu'un seul Paca, que l'on rangeait dans le grand genre Cavia; mais Fr. Cuvier a démontré qu'on devait y distinguer deux espèces. Puis récem- ment on a indiqué, mais d'une manière bien incomplète, des fossiles qui se rapporteraient au même groupe. i. PACA BRUN ou PACA NOIR CŒLOGENUS SUBNIGER. Fr. Cuvier. Caractîîres svécifiques. — Pelage généralement brun en dessus, avec neuf ou dix bandes blanches longitudinales, formées de taches placées en série, tantôt bien séparées, tantôt contiguës entre elles; n 29 00 22 G HISTOIRE NATURELLE ventre, poitrine, gorge et face interne des membres d'un blanc sale; moustaches très-longues, noires et blanches. Longueur totale de la tête et du corps, 0"',55; hauteur du train de devant, 0",35; un pou plus au train do dorrit rc. Cotte espèce est le Pac ou Pay de D'Azara, le Paca de Buffon; c'est le Cavia paca des auteurs, et le Cœlocjenns sxibn'ujcr, Fr. Cuvier. Elle habile la Guyane. 2. lUCA FAUVE. cœiOGENUS FVLVUS. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Se distinguant de l'espèce précédente, 1°par ses arcades zygomatiques très-écartées: 2" par sa tête osseuse, couverte de fortes rugosités qui sont indiquées au dehors par les irrégularités de la peau, tandis que le crâne est entièrement lisse dans l'autre espèce, et surtout, 5° par le fond du pelage, qui est fauve et non pas brun. Celte espèce, qui n'a été distinguée de l'autre que dans ces derniers temps, se trouve principale- ment au Brésil. Ilarlan a décrit, sous le nom àOsleopera platycephala, le crâne d'un animal trouvé sur les bords de la Delawar il y a près de cinquante ans; et la plupart des zoologistes pensent qu'il doit être rap- porté à l'espèce que nous venons de décrire, Laët a indiqué un Paca à pelage blanc qui existerait dans quelques parties de l'Amérique du Sud; mais l'existence de cette espèce, qui n'est peut-être qu'une variété albine, est loin d'être bien démontrée. M. Lund, en 1859, a signalé deux espèces fossiles de Pacas {Cœlogenus laticeps et majoi) pro- pres aux cavernes du Brésil. Fig. 62. — Paca. C"" GENRE. - CABI.U. HYDROCHMRVS. Brisson, IT^iG. ïâ'tùp, eau; "/.^tpcç, Porc. Règne animal. CARACTERES GENERIQUES. Sijslhnc dentaire : incisives, 'i; molaires, |^^; en totalité vingt dents. Incisives très-fortes : supé- rieures marquées d'un sillon loncfiludinal sur leur face antérieure; molaires composées de lames émailleuses; la dernière, au fond de la bouche, tant en haut qu'en bas, étant aussi grande que les RONGEURS. 227 trois premières prises ensemble et formée d'une douzaine de lames obliques, parallèles entre elles: les antérieures présentant deux ou trois lames fourchues sur le bord externe dans la mâchoire d'en haut, et sur le bord interne dans la mâchoire dScn bas. Tcte forte, lonque. Museau renjlé. Veux assez çjrands. Oreilles arrondies, inédiocres. Pieds de devant à quatre doigts : ceux de derrière à trois doigts seulement; tous réunis entre eux par des membranes. Ongles forts, obtus. Queue nulle. , Poils rares, grossiers. L'espèce unique qui forme ce genre a été ballottée par les auteurs anciens dans plusieurs groupes qui diffèrent beaucoup entre eux; c'est ainsi que Linné la rangeait tantôt avec ses Cochons, tantôt avec les Cavia. Brisson, le premier, en fuie type d'un genre particulier, qu'il nomma Ihjdroehœrus, ou Cochon d'eau. Nous avons déjà indiqué les principaux caractères odontologiques, et, pour plus de détails, nous renvoyons à l'ouvrage de Fr. Cuvier, où les dents sont décrites longuement; nous renvoyons aussi à ce que dit Daubenton de leur anatomie d'une manière générale. lie Cabiai est le plus gros des Rongeurs connus; il nage avec facilité, vit de végétaux, se réunit par petites troupes et peut aisément s'apprivoiser. On n'en connaît qu'une espèce vivante, mais on en a aussi signalé d'autres espèces à l'état fossile. CADIAI. Buffon. UYDROCÏÏjERVS CAPYBÂRA. Erxlcben. Caractères spécifiques. — Tête grosse, longue, aplatie sur les côtés, à museau ayant beaucoup plus d épaisseur que de largeur; nez rond, de couleur cendrée noirâtre, avec les ouvertures des narines éloignées l'une de l'autre et presque rondes; yeux grands, saillants, noirs; oreilles courtes, arron- dies, droites, nues, échancrées à l'extrémité et de même couleur que le nez; cou gros et court; corps épais; croupe ravalée; jambes courtes; pieds de derrière presque plantigrades; doigts palmés : le second de ceux des pieds de devant étant le plus gros et le plus avancé; le premier et le troisième étant moins gros et placés un peu en arrrière; le quatrième le plus petit et le plus rentré de tous; doigts des pieds de derrière à proportion plus forts que ceux de devant, celui du milieu étant le plus grand et ceux des côtés moins avancés, tout étant munis d'ongles plats et noirâtres; un petit tubercule à la place de la queue; poils rares et semblables à des soies de Cochon, mais plus fins : ceux du dessus de la tête, du corps et de la face externe des jambes, noirs dans la plus grande par- tie de leur longueur, depuis leur origine, annelés de fauve ensuite et noirs à la pointe : ceux du tour des yeux, du dessous de la tête et du corps, ainsi que de la face interne des membres, fauves dans toute leur étendue; soies des moustaches de couleur noire; poils du dos les plus grands de tous. Longueur totale, mesurée en ligne droite depuis le bout du museau jusqu'à l'anus, 0'",80. Cette espèce est le Capybara Brasilicnsis, Margrave; le Capivard, Froger; Cochon d'eau. Des- marchais; Sus maximus palustris. Barrière; Hippopotamus acaudatns, Ilill; le Cabiai {Uijdrochœ- rus), Brisson; Cabiai, Buffon; Sus lujdrochœrus, Linné; Cavia capgbara, Gmdïn; II ijdrochœrus capijbara, Erxleben, Cuvier, A. G. Desmarest, etc. Nous n'avons pas encore aujourd'hui de renseignements complets sur cet animal, et c'est encore à Buffon que l'on doit recourir pour apprendre quelques points de son histoire. « Le Cabiai, dit-il, n'est point un Cochon, comme l'ont prétendu des naturalistes et des voyageurs; il ne lui ressemble même que par de petits rapports, et en diffère par de grands caractères; il ne devient jamais aussi grand : le plus gros Cabiai est à peine égal à un Cochon de dix-huit mois; il a la tête plus courte, la gueule beaucoup moins fendue, les dents et les pieds tout différents; des membranes entre les doigts; point de queue ni de défenses; les yeux plus grands, les oreilles plus courtes; et il en diffère encore autant par le naturel et les mœurs que par la conformation : il habite souvent dans l'eau, où il nage comme une Loutue, y cherche de même sa proie et vient manger au bord le Poisson qu'il prend et qu'il saisit avec la gueule et les ongles; il mange aussi des grains, des fruits et des cannes de sucre; comme ses pieds sont longs et plats, il se tient souvent assis sur ceux de derrière. Son cri est plutôt 228 inSTOITŒ NATUUELLK. un braienienl comme celui de l'Ane qu'un grognomeni comme celui du Cochon; il ne marche ordi- nairement que la nuit et presque toujours de compagnie, sans s'éloigner du bord des eaux; car, comme il court mal à cause de ses longs pieds et de ses jambes courtes, il ne pourrait trouver son salut dans la i'uitc; et, pour échapper à ceux qui le chassent, il se jette à l'eau, y plonge et va sortir au loin, ou bien il y demeure si longtemps, qu'on perd l'espérance de le revoir. Sa chair est grasse et tendre; elle a plutôt, comme celle de la Loutre, le goût d'un mauvais Poisson que celui d'une bonne viande. Le Cabiai est d'un naturel tran(piille et doux; il ne fait ni mal ni querelle aux autres animaux; on l'apprivoise sans peine; il vient à la voix et suit assez volontiers ceux qu'il connaît et qui l'ont bien traité. On ne le nourrissait, à Paris, qu'avec de l'orge, de la salade et des fruits; il sVst bien porté tant qu'il a fait chaud; il paraît, par le grand nombre de ses mamelles, que la fe- melle produit des petits en quantité. » Ajoutons que l'on sait aujourd'hui qu'elle peut avoir de quatre à huit petits par portée. Le mâle porte, au-dessus du museau, une protubérance nue d'où suinte une sérosité inodore, et qui doit être sécrétée par une glande particulière. Cette espèce remarquable habite les contrées situées sur les bords des grands fleuves de l'Améri- que méridionale, et principalement au Brésil, à la Guyane et au Paraguay. M. Lund indique comme trouvés au Brésil des débris fossiles de deux Cabiais qu'il nomme Hijclro- chœrus affmis capibarœ et sulcidens. C'est à tort que Lesson range auprès de ce genre les Toxodons, car ces animaux sont des Édentés bien caractérisés. DEUXIEME TRIBU. ClIINCHILLIENS. CHINCHILLir Nobis. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Sijsthne dentaire : incisives, |; ^notaires, |E^. Incisives non sillonnées, assez fortes; molaires sans racines distinctes, la partie émailleuse de ces dents formant des ellipses autour de rivoire. Mâchoire inférieure ayant la forme ordinaire de celle des Bongcurs américains ne rentrant pas dans la division des Rats proprement dits. Trou sous-orbitaire considérable pour le nerf sous-or bi- taire et la portion antérieure du muscle. Oreilles plus ou moins grandes. Membres postérieurs du double plus longs que les antérieurs. Queue loncjue , en balai. Pelage doux, lisse. Taille moyenne on petite. Les animaux de cette tribu, dont les types sont le Chinchilla et la Viscache, sont des Rongeurs de l'Amérique méridionale, et dont un genre se trouve cependant en Australie. Ce sont des animaux qui ressemblent assez aux Lièvres et aux Agoutis, et qui sont surtout remarquables par leur pelage fin et doux, par la longueur de leurs pattes de derrière et par leur queue, principalement garnie de poils, touffue en dessus à l'extrémité. Leurs mœurs sont douces; leur régime exclusivement her- bivore. Cette tribu a reçu les noms de Viscaciens, Isidore Geoffroy Saint-Ililaire; Viscachid^, Lesson; Cai.lomyens, p. Gervais; Chlnchillid.e, Bennett; Chinchillina, Wagner, etc., et nous lui avons donné ceux de Chinchilliens, Chincuillii, pour nous conformer à notre nomenclature. Elle comprend les quatre genres Cliincliilla, Lagolis, Ilapalotis et Viscache ou Lagoslomiis, distingués par le nombre de leurs doigts, et ne renferme qu'un nombre assez restreint d'espèces, parmi lesquelles quelques- un^s, en petit nombre à l'état fossile, ont été découvertes en Europe. RONGEURS. 250 1" GENRE. - CHINCHILLA. CHINCHILLA. Bennett, 1833. Nom propre. Proceedings of zoological Society of Londnn. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. S^isième dentaire : incisives, ^; molaires, |^; en totalité vingt dents. Incisives aiguës; mo- laires présentant trois kimelles obliques. Crdne assez brusquement tronqué, déprimé sur la tête et renflé sur !es régions temporales. Oreilles amples, membraneuses, comme celles des Lièvres, arrondies au bord et presque nues. Moustaches touffues, composées de longues soies. Membres antérieurs de moitié moins longs que les postérieurs, h pouce parfaitement développé et présentant cinq doigts bien distincts : membres postérieurs n ayant que quatre doigts. Doigts re- vêtus de poils cachant presque les ongles, qui sont petits, à peu près falciformes. Queue moyenne, couverte de poils abondants, en balai. Pelage remarquable par son excessive douceur. Taille de notre Ecureuil, mais corps moins élancé. l^e genre Chinchilla, type de la tribu qui nous occupe, a été créé par Bennett, adopté par Gray et par la plupart des zoologistes. Ce groupe générique a été formé pour un Mammifère célèbre par la belle fourrure qu'il donne au commerce, et qui n'a été bien connu qu'il y a un petit nombre d'an- nées. Ce genre correspond au groupe des Eriomys {tv.r.^, laine; pj,-, Rat) de M. Vanden Hœven (By- dragen der naturk. Wetenschappe7i, t. VI, 1856) et de Lichstenstein, et en partie au genre Callo- mqs {kv.Io;, beau; u.y;, Rat) de M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire {Annales des Sciences naturelles, 1830). Mais, de toutes ces dénominations, celle de Chinchilla, qui rappelle le nom de l'espèce typi- que, nous semble devoir être préférée. Parmi les naturalistes classiticateurs, c'est Molina, le premier, qui assigna un nom scientifique au Chinchilla, et, dans son Histoire naturelle du Chili, publiée en 178:2, il en fait une espèce du genre Rat sous la dénomination de Mus laniger. Mais plus tard, lorsque l'on eut senti la nécessité de partager le grand groupe des Mus en plusieurs genres particuliers, on ne sut quelle place assigner aux Chin- chillas, et presque tous les auteurs ne parvinrent pas à un heureux résultat. Aussi G. Cuvier pré- féra-t-il faire du Chinchilla une espèce incertce sedis, ne sachant, comme le fait observer M. P. Ger- vais, s'il devait en faire un Écureuil avec Alonzo De Ovalle, un Rat selon Molina et quelques autres, un Hamster avec Et. Geoffroy Saint-Hilaire, un Lemming d'après Thiedemann, un Cavia ou même un Lagomys; opinions assez diverses et dont aucune cependant n'approchait de la vérité. G. Cuvier, jugeait mieux du Chinchilla lorsqu'il le rapprochait de la Viscache, en disant que celle-ci « ne peut guère être qu'une grande espèce de Chinchilla à poil moins long et moins doux. » En effet, les obser- vations récentes de MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Yarrell, Benneit, le docteur Emmanuel Rous- seau, Lesson, P. Gervais, Lichstenstein, Vander Hœven, Fr. Cuvier, Gray, Sihmidt-Meyer, etc., montrèrent que le Chinchilla et la Viscache ou Lagostome, bien que distincts l'un de l'autre, diffé- rent encore plus des autres Rongeurs qu'ils ne diffèrent entre eux, et qu'ils forment un petit groupe appelé d'abord Calloniys ])nv M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, groupe auquel on doit joindre le Lagotis et les Hapalolis, et qui est devenu une tribu particulière. Quant à la place qu'elle doit oc- cuper dans la série zoologique, il semble démontré, par l'ensemble de ses caractères, qu'elle doit être rapportée à la famille des Caviens, auprès des Agoutis. Quelques particularités curieuses ont été remarquées dans l'organisme, et spécialement dans le squelette des Chinchillas, mais nous ne pouvons entrer dans des détails- à ce sujet. Le système den- taire a été longtemps mal connu, mais aujourd'hui on sait qu'il se rapproche beaucoup de celui des Agoutis et genres voisins. Les mamelles sont au nombre de trois paires; savoir : une inguinale et deux latérales à la partie antérieure de l'abdomen. L'intestin est pourvu d'un cœcum considérable. 250 HISTOIRE NATURELLE. L'orgaiiisaiion du Chinchilla n'est connue que depuis un petit nomhre d'années; mais l'animal lui- même était cité depuis loni^temps et pins ou moins complètement décrit dans les ouvrages des natu- ralistes et des voyageurs. Le père .lost'|)h Acosta, dans son Ilïsioïre des Indes, publiée à Barcelone en 1591, parle déjà de ces Rongeurs sous le nom qu'ils portent vulgairement aujourd'hui et les com- pare à l'Écureuil, a Les Chinchillas, dit la traduction française du livre d'Acosta, sont de petits ani- maux comme escurieux (Ecureuils), qui ont un poil merveilleusement doux et lisse, et qui se re- trouvent en la sierra du Pérou. » Un navigateur anglais, Richard Ilawhins, dans son Voiiaçje à la mer du Sud, imprimé à Londres en 1593, en fait mention sous le nom de Ilardilla. « La peau, dit-il, est la plus douce, la plus délicate, la plus curieuse fourrure que j'aie jamais vue. Elle esttrès-estimée dans le Pérou, et le mérite en effet. Peu viennent en Espagne, parla difficulté de les y transporter, et parce que les princes et les nobles du pays s'en emparent. » Alonzo De Ovalle, dans sa Uelaûon liis- tor'ique du roijaumc du Chili, publiée à Rome en i646, parle du Chincinlla comme d'une espèce d'Écureuil, et il commet une grave erreur, qui malheureusement a été reproduite depuis par Buf- fon, en confondant ce Rongeur avec la Chinche, qui n'est autre chose qu'une espèce de Meplniis. D'Azara, beaucoup plus tard, a relevé cette erreur de Buffon et a dit quelques mots du Chinchilla. En 1782, l'abbé Molina, dans son Essai sur l'Histoire naturelle du Chili, parle aussi des Chin- chillas; mais son ouvrage, publié à Bologne, est écrit de mémoire, et, par suite, peu descriptif; il y considère le Chinchilla comme une espèce de Mus sous le nom de Mus laniger, et donne quelques détails sur ses mœurs. Tous les détails que l'on avait jusque-là étaient incomplets et laissèrent les naturalistes en suspens jusque vers 1 825, où les fourreurs en reçurent des peaux entières qui per- mirent d'en mieux préciser les caractères; enfin quelques individus vivants furent observés dans les ménageries d'Europe, et, grâce aux remarques des naturalistes que nous avons nommés plus haut, on put connaître enfin ces animaux d'une manière satisfaisante. Mais n'est-il pas étonnant qu'un petit animal, qui paraît extraordinairement multiplié dans le Chili et le Pérou, à en juger par la prodi- gieuse quantité de peaux que l'on retire de ces pays, et qui y est très-recherché, soit resté jusqu'en ces derniers temps un objet de doute et de controverse? Ces animaux sont des Rongeurs de petite taille, ayant l'aspect et les mœurs des Lièvres. Selon Molina, ils vivent dans des trous qu'ils se creusent dans la terre, et l'on rapporte que dans quelques parties des Andes chiliennes leurs terriers sont assez nombreux pour ajouter encore à la difficulté des chemins; ce sont des animaux sociables, et leur humeur est si douce, qu'on peut les prendre dans la main sans qu'ils cherchent à mordre ni même à s'échapper. Ils semblent prendre un grand plaisir à être caressés : en place-t-on un sur soi, il y reste aussi tranquille que s'il était dans sa pro- pre demeure; et cette douceur extraordinaire est due probablement à sa pusillanimité, qui rend le Chinchilla très-timide. Comme ce petit animal est excessivement propre, on ne peut craindre qu'il salisse les habits de ceux qui le tiennent, ou qu'il leur communique aucune mauvaise odeur, car il en est entièrement exempt. Par cette raison, il peut habiter les maisons sans aucun désagrément, et presque sans occasionner de dépense; car celle-ci serait très-amplement compensée par le produit de la fourrure du Chinchilla. Les- Chinchillas que l'on a possédés vivants à Londres et à Paris n'étaient pas tous aussi familiers que ceux dont nous avons parlé d'après Molina. Toutefois M. Bennett en cite un qui, resté pendant un an en possession de lady Knighton avant d'être donné à la Société zoologique de Londres, avait été tenu dans un appartement, et qu'on pouvait laisser courir dans la chambre. Ce Chinchilla, en effet, était doux et assez apprivoisé; il était très-vif, courait très-bien et pouvait atteindre d'un seul bond le dessus d'une table ordinaire. Sa nourriture consistait principalement en herbes sèches, telles que du trèfle et de la luzerne. Un autre individu de la même espèce, observé également par M. Bennett, préférait les graines et les herbes succulentes. Placés dans la même cage, sans avoir pu s'observer préalablement à distance, et par conséquent sans se connaître déjà, ces deux Chinchillas se batti- rent à outrance, et l'on dut les séparer. Les femelles ont chaque ajanée deux portées de trois ou quatre petits chacune : aussi le nombre de ces animaux est-il très-considérable, principalement dans certaines montagnes du Chili et du Pé- rou. Leur nourriture se compose généralement de plantes bulbeuses. La fourrure de ces Rongeurs est très-recherchée, et c'est ce qui les a rendus l'objet d'une chasse rès-aciive pour laquelle on emploie des Chiens dressés à les prendre sans endommager leur pelage RONGEURS. 231 si (in et si doux. Dans ces chasses, les Chiens sont le plus souvent conduits par des enfants; mais Ton comprend qu'une branche de commerce aussi importante que celle des peaux du Chinchilla doit occuper un grand nombre d'hommes dans les régions que ces animaux habitent, et que les moyens de les chasser doivent varier assez notablement. <( Les poils du Chinchilla, dit Acosta, sont merveil- leusement doux et lisses, et on porte leur peau comme une chose exquise et salutaire pour échauffer restomac et les parties qui ont besoin de chaleur modérée. » D'après Alonzo De Ovalle, il paraît que les anciens Péruviens tissaient le poil des Chinchillas pour en faire des étoffes, et surtout de chaudes couvertures pour les lits; mais cet usage est entièrement abandonné aujourd'hui, tandis qu'un nom- bre très-considérable de peaux de ces Rongeurs est exporte, et sert en Europe dans l'art de la pelle- terie, et constitue l'une de nos meilleures fourrures. Un très-grand nombre de peaux de Chinchillas sont annuellement expédiées en Europe par Valparaiso et Santiago : ces peaux sont déjà préparées, et manquent, comme presque toutes celles qui sont livrées au commerce de la pelleterie, des diffé- rentes pièces du squelette, des membres mêmes et de la queue : on comprend dès lors comment les caractères zoologiques de (-ette espèce étaient restés ignorés malgré le nombre immense des indi- vidus qu'on sacrifiait chaque année. Pendant la grande mode, le chiffre des fourrures expédiées en un an était si considérable, que les autorités chiliennes ont dû prendre des mesures pour éviter la destruction complète de l'espèce. Schmidt-Meyer, dans son Voijage an Chili et aux Andes, publié en 1824, rapporte déjà « que l'usage immodéré qu'on en faisait à cette époque avait occasionné une véritable destruction de ces animaux; » et cependant, comme le fait remarquer M. P. Gervais, de 1828 à 1832, il s'est vendu, à Londres, dix-huit mille peaux de Chinchillas. Depuis une vingtaine d'années, on porte moins cette fourrure en France; mais elle est encore assez loin d'être passée de mode en Angleterre. Fig. 63. — Chinchilla. On ne connaît d'une manière complète qu'une seule espèce de Chinchilla, et c'est à elle que se rapportent tous les détails dans lesquels nous sommes entrés. Toutefois on en a fait connaître, dès 1850, une seconde espèce, le Callomys aureiis, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, mais sur laquelle on n'a pas encore toutes les données nécessaires pour qu'on puisse l'admettre sans aucun doute. MM. Croizet et Jobert ont signalé, dans les terrains tertiaires de l'Amérique, des débris fossiles qu'ils rapportent au genre Chinchilla. Ces débris consistent en des mâchoires à dents molaires au nombre de quatre paires, et à couronne présentant des lamelles semblables à celles des Chinchillas actuellement vivants. MM. De Laizer et De Parrieu établissent avec ces fossiles le genre Archœomijs, et M. Croizet en fait le genre Gcrijoviomijs. 232 IIISTOIIŒ NATHUKLLE. CIlIlSClllLLA. (IIINCUILIA LAMGEllA. IJeniiell. CAnACTKRES sPKCiFiQUES. — Pclage d'un gris de perle, de nuance suave, ondulé de blanc sur toutes les parties supérieures du corps, et de gris clair sur les régions inférieures; poil d'une extrême finesse et d'une grande douceur au loucher; moustaches noires et blanches; queue terminée de brun. Taille du Sciurus vulgnris. Celte espèce, qui se trouve très-communément dans les montagnes du Chili et du Pérou, est le Cliinch'illa du commerce, et a successivement reçu les dénominations scientiliques de Mus lanujer, Molina; Chinchilla lanigera, Bennelt; Eriomijs chinchilla, Lichstenslein, et Callomys laniger, Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire. 2""= GENRE. — LAGOTIS. LAGOTIS. Bennelt, 1852. Aa-^'oç, Lièvre; w;, oreille. Proceedings of ihe zoological Society of London. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, §; molaires, *^; en totalité vingt dents assez semblables à celles des Chinchillas. Incisives aiguës; molaires présentant sur leur couronne trois lamelles obliques, entières. Oreilles longues. Pieds, aussi bien en avant quen arrière, à quatre doigts : le pouce manquant complélemeni: Ongles faibles, bien que légèrement falciformes. Le genre Lagotis correspond à celui des Lagidium ().a-^i^icv, petit Lapin) de Meyer {Acta naturœ Curiosorum, t. XVI, 1835), et diffère des autres genres de la même tribu par l'organisation de leurs pattes. En effet, dans les Lagotis il y a quatre doigts à chaque membre; tandis que dans les Chin- chillas il y en a cinq en avant et quatre en arrière; chez les Viscaches quatre antérieurement et trois seulement postérieurement, et, enfin, chez les Ilapalotis, quatre devant et cinq derrière. Du reste, les Lagotis ont tout le faciès des Chinchillas et des Viscaches, et rappellent aussi celui des Lièvres. L'espèce typique de ce genre, la seule qui ait été décrite pendant très-longtemps, est : LAGOTIS DE GUVIER. LAGOTIS CUVIERI. BenneU. Caractères spécifiques. — Pelage composé de poils très-longs, d'une souplesse remarquable, mé- langés de longues soies noires, et de poils soyeux, blancs à leur sommet et lavés de bran jaunâtre, ce qui lui donne une coloration générale gris de cendre à reflets satinés; oreilles ayant la forme d'un parallélogramme, arrondies au sommet, mesurant 0"',00 de hauteur; moustaches épaisses, d'un noir de jais, très-longues; ongles entièrement cachés dans l'épaisseur des poils qui recouvrent les doigts. Taille et proportions générales d'un Lapin; queue aussi longue que la tête et le corps. Cette espèce est le Lagotis Cuvierïi, Bennelt, et ne paraît pas devoir être distinguée du Larfulium Peruanum de Meyer, qui est caractérisé par ses mains à quatre doigts et ses pieds à trois doigts seulement, avec un rudiment de quatrième doigt au côlè externe. M. Bennelt ne doute pas, et ses raisons paraissent pcremptoires, que ce ne soit de ce Ilongeur, confondu avec le Lagostome sous le nom vulgaire de Viscaccia ou Viscache, adopté par les créoles espagnols, que parlent Acosta, Garci- lasso, De Laërt, Niercmberg, l'euillée, Ulleo, Vidouro. Molina même, Schmidl-Meyer, Stevenson, etc. : en effet, comme le fait remarquer Lesson, le Lagostome est un animal des pampas de Buénos-Ayres I*"i:;. I. — li.iliiriiussa. Fijf. '2. — Pécari tnjassou. fl. 58. à IWNGl^URS. 235 ot du Paraguay, et lo Lagotis de Cuvier semble confiné sur le penchant occidental des Andes an Llliili comme au Pérou. Les autres Lagotis sont les suivants : \° Lagotis pallipes, Bennett, probablement le Lac;otisinnjnr, Lesson, du Tucuman; et 2" Lagotis obliger, Lessoii, Fr. Cuvier, qui ne diffère pas du Mus inauU- 71US, Molina, et qui provient de la Plala. 5'"" GENPiE. - HAPALOTIS. UAPALOTIS. Lichsienstein, 1829. AiraXoç, molle; w:, oreille. Saiiiïthier. CARACTERES GENERIQUES. Sifsthnie (loitairc semblable à celui des Chinchillas el se lapprochani aiissi de celui des Hais. Oreilles ovalaires, très-grandes, droites, légèrement ucuminées au sommet. Moustaches très- grandes. Tcte semblable à celle des Chinchillas. Train de derrière à peu près de même grandeur que celui de devant. Pieds abondamment velus en dessus, à quatre doigts antérieurement et à cinq doigts postérieurement. Queue longue, grcle, couverte de poils tas. Corps ae la forme de celui du Chinchilla, mais pins petit. /■ i-r' _c A ijn'N_:c Fig. 64. — Ilapalotis à pieris blancs. Ce genre, particulier à l'Australie, se dislingue des autres groupes de la même tribu par le nom- bre de ses doigts : il y en a quatre en avant et cinq en arrière, contrairement à ce qui a lieu chez les Chinchillas, Lagolis et Viscaches, avec lesquels il a cependant de très-grands rapports. Ce genre cor- respond à celui des Conilurus 'wvù.o;, Lapin; '>upa, queue) de M. Ogilby {Transactions of Linnean Sociclij of London, t. XVIH, 1858). Selon quelques zoologistes, ce genre ne serait pas ici à sa véritable place, et, par la forme de son crâne ainsi que par celle de son système dentaire, il semblerait devoir être compris dans la famille des Muriens, entre les Gerbilles et les Uats; mais, comme d'autres caractères les rapprochent aussi des (chinchillas et des Viscaches. nous le laisserons dans la tribu des Chinchilliens. K' oO 2r)4 IIIST(Hr,K NATimi-FXK. ]j.\ seule espèce connue est : liAI'AI.OTIS A riEDS BLANCS. DAPALOIIS M.niPI-S. l.i(l.stonsleiii. CAnACTKREs .«PKoiFiQL'Es. — Pclagc cu général d'un brun enfumé, avec les mains et le ventre blancs. Taille du .Surmiilol. Celte es|)èce, que M. Ogilby nomme Covilitriis consinictor, vit à la Nouvelle-Hollande, principa- lement dans les montagnes Dleues, où Ta découvert le voyageur Sieber. 4""' GExNRE. — VISCACilE. LAGOSTOMUS. Drookes, 1857. Aa"j'&;, Lièvre; aTOu.a, bouche. I.iniicaii tr;ins:ictions of Lomloii Sociply. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sjislcmc dentaire : Incisives, |; molaires, 'j^\; en lotalilé vingt dents. Incisives très-longues, accolées, triangulaires, lisses en devant, épaisses, taillées en biseau égal: inférieures un peu plus courtes que les supérieures ; molaires obliques, à couronne eu lames simples ou en V. Tête courte, bombée, à front très-élevé, à nez obtus, à narines en fentes étroites, en demi-cercle. Moustaches composées de soies longues, rigides, partant toutes d'un même point, en formant fais- ceau à leur base. Joues très-renflées. Oreilles niéiliocres, nues en dedans, poilues en dehors, trian- gulaires, dilatées à la hase, qui est bordée en arrière par un renflement. Membres antéiieurs courts, grêles, à face palmaire nue, terminés par quatre doigts presque égaux : l'interne et l'externe cependant un peu plus courts que l56 HISTOir.K NATURELLE. blanc pur, sont rudes à leur naissance, puis très-fines, et toutes dirii^ées en dehors. Le pelage est partout abondant et épais, (les animaux restent assis sur bnir dwTière à la manière des Lapins, portent leurs aliments à la bouche, en se servant de leurs petites mains pour les enfoncer. Leur marche se compose de sauts réi^uliers, de devant en arrière, par le jeu sinudtané des deux mem- bres, soit antérieurs, soit postérieurs. l>eur nourriture consiste en herbes légumineuses et en grami- nées qu'ils broutent, principalement en une espèce de luzerne qui couvre les pampas. Les dégâts occasionnés par les Yiscaches aux jardins portent les cultivateurs à leur faire une chasse active. L'ac- couplement a lieu dans la belle saison de riiémisphère suil, c'est-à-dire en décembre, en janvier et en février, i^a femelle donne le jour à deux ou quatre petits, qu'elle porte pendanl quatre ou cincj mois. La chair de ces animaux ne sert point à la nourriture. On les tue à cause des ravages qu'ils font dans les plantations, et pour r(>tirer de leur pelage (piclques services. On pourrait utiliser leurs poils dans la confection des chapeaux de feuire. » D'Azara dit de la Viscache qu'elle vit par petites troupes et se creuse des terriers profonds et com- pliqués dans leurs galeries, qui sont désignées par le nom de vincaclièrcs; que les espaces qu'il a ainsi minés sont dangereux pour les personnes qui voyagent à Cheval, parce qu'elles risquent d'y faire des rhutes; que c'est pendant la nuit que c t animal sort de sa retraite pour rechercher sa nourriture, qui est tonte végétale; que, lorsqu'il est poursuivi, il court avec moins dQ^vélocité que le Lapin et s'empresse de regagner son terrier, dont il ne cherche pas à sortir si on en bouche toutes les issues, que sa chair, quand il est jeune, est blanche et de bon goût, etc. Molina rapporte de son Lcpus viscacc'ia qu'il se creuse des terriers à deux étages qui communiquent par des escaliers en vis, et que, demeurant dans l'étage inférieur, il amasse ses provisions d'hiver dans le supérieur, etc. La Viscache habite les plaines rases nommées pampas, qui constituent au nord de l'Amérique! une vaste étendue de terrain située entre le vingt-neuvième et le trente-neuvième degré de latitude sud. et plus exclusivement dans les pampas de la Plata et du Paraguay. Nous avons dit qu'il n'y avait qu'une espèce bien authentique de Lagoslomus, cependant Lesson lloco cHalo) en indique deux : 1" La CR.iiNDE Viscacke grise, avec de longues soies brunes, d'épaisses moustaches noires formant sur les joues deux bandes de favoris Irès-prolongés, que surmontent deux raies blanches, et à queue médiocre; et 2° la Viscache a crins, dont le pclai^e est uniformément brun, et remarquable par sa queue longue, couverte de crins noirs, épais, variés de noir et de blanchâtre; par ses oreilles aiguës et prolongées, et ses moustaches remarquablement longues. M. Meyer admet également plusieurs espèces dans ce genre. LESr.STPE Fis- 00. — l'iloii. - l'aije ll'2. PACHYDERMES. On peut, dans une méthode véritablement naturelle, subdiviser les Mammifères en plusieurs grou- pes principaux d'après l'organisation des parties qui servent à la locomotion. Les uns, tels que les Singes, ont la faculté de prendre les objets qui les entourent avec une seule main, en opposant le pouce qiii est séparé, à tous les autres doigts, et peut ainsi former la pince et saisir les objets les plus délicats; le dessus de chacun des doigis est armé d'un ongle plat et sans force, qui ne sert qu'à donner un peu plus de fermeté à l'extrémité de ces mêmes doigts. Les autres Mammifère% et c'est la grande majorité, ont les doigts presque réunis en un seul paquet, et n'ont point par consé- quent la faculté de les opposer les uns aux autres; les ongles sont forts et crochus dans ceux qui, comme les Carnassiers, se nourrissent essentiellement de chair, et ils sont plus ou moins obtus, njais non moins forts, dans ceux qui vivent presque exclusivement de substances végétales, comme les Rongeurs : et tous constituent les Mammifères ougnïculés. Il en est, enfin, qui ont les extrémi- tés des doigts enveloppées par une substance cornée, plus ou moins épaisse, que l'on nomme saboi. Ces derniers animaux ne se servent pas du tout de leurs pattes pour porter leur nourriture à la bou- che, ainsi que peuvent le faire d'une seule main les Quadrumanes, ou bien à l'aide des deux extrémi- tés antérieures à la fois, ainsi que le font les espèces de r.:irnassiers et de Rongeurs qui sont pourvus de clavicules; et ces Mammifères à sabot ne peuvent, au contraire, se procurer leurs aliments, qui consistent nécessairement en matières végétales, qu'en tes prenant immédiatement avec la bouche, ce qui détermine le plus ordinairement une longueur telle dans le cou, que l'animal peut couper l'herbe à ses pieds sans être obligé de se coucher, ou l'existence d'une nouvelle espèce de main, comme la trompe de l'Éléphant, à l'aide de laquelle il lui est facile de ramasser les objets qui con- viennent à sa subsistance. Ces animaux ont reçu le nom de Mammifères ongulés ou à sabuis. Parmi eux se présente d'abord un groupe facile à caractériser, celui des Rinninanis; en effet, ce sont, de tous les Mammifères, ceux qui sont le plus éminemment constitués pour vivre de substances végé- tales; leur système dentaire est approprié à ce genre de nourriture, et leur estomac est divisé en plusieurs poches qui sont autant d'estomacs séparés et qui diffèrent entre eux par la nature, l'épais- seur et la forme des replis intérieurs de leurs parois; chez eux, la digestion se fait en deux temps, ce qui constitue l'acte de la rumination. Mais il est encore des Mammifères ongulés qui ne rumiiieni pas et qui par cela même sont intermédiaires aux Mammifères onguiculés herbivores et aux Ongulés 238 HISTOIRE NATURELLE. ruminaiils; ces animaux coiislilnent l'ordre des Pachydebmes [Pachijikrmi, G. Cuvier), qui tirent leur nom du grec, ira/u,', épais; ^cpjy.a, peau, indiquant l'épaisseur de la peau de la plupart dfntre eux. Linné, le premier, en 1755, dans son Siisiemn naturœ, forma ce groupe primordial de Mammifères cl l'indiqua sous la dénomination de Bcllufr. Depuis, en 1795, dans le tome II du Magasin encij- clopéiliquc, G. Cuvier et Et. Geoffroy Sainl-llilaire créèrent l'ordre des Pachijdcrmea, qui corres- pondait aux Delluœ, dont ils avaient cependant séparé les Clit-vaux, qui formaient alors Tordre des SoUpalrs, et ils plaçaient entre ces deux divisions l'ordre entier des Ruminants ou Pecora de Linné. Plus tard, en 1817, dans la première édition de son Règne animal, G. Cuvier sentit la né- cessité de revenir à la division de Linné, et il plaça de nouveau, sous le nom général de Pachyder- mes, tous les Bellitœ de ce célèbre naturaliste; toutefois les Cabiais, qui en faisaient partie, en ont été retirés, et les Damans y ont été. au contraire, placés. Cette classification de G. Cuvier, quoique combattue plusieurs fois par de savants zoologistes, est encore a.ssez généralement adoptée. D'après G. Cuvier, les Pachydermes peuvent être ainsi caractérisés d'une manière générale : Mam- mifères à sabot, (lonl les pieds servent tmiquement de soutien; n'agant jamais de clavicule; les avant-bras restant toujours dans Vctat de pronation; se nourrissant exclusivement de végétaux, mais ne ruminant pas; à formes hahitucllemcnt, dans le plus grand nombre des cas au moins, lourdes et aijani une peau d'une grande épaisseur. Ces animaux sont subdivisés en trois grandes familles : les Proboscidiens. les Pachydermes ordinaires et les Solipède^. l'^ famille. — Les PR0B0scIDIE^s ou Pachydermes a trompe et a défenses, qui ont cinq doigts bien complets dans le squelette, mais tellement encroûtés dans la peau calleuse qui entoure le pied, qu'ils n'apparaissent au dehors que par les ongles attachés sur le bord de cette espèce de gros sabot. Les canines et les incisives proprement dites leur manquent; mais, dans leurs os incisifs, sont im- plantées deux défenses qui sortent de la bouche et prennent souvent un accroissement énorme. La grandeur nécessaire aux alvéoles de ces défenses rend la mâchoire supérieure si haute et raccourcit tellement les os du nez, que les narines se trouvent, dans le squelette, vers le bout de la face; mais elles se prolongent dans l'animal vivant en une trompe cylindrique composée de milliers de petits muscles diversement entrelacés, mobiles en tous sens, doués d'un mouvement exquis, et terminée par un appendice en forme de doigt. Les parois du crâne contiennent de grands vides qui'rendent la tète plus légère. La mâchoire inférieure n'a pas du tout d'incisives; excepté toutefois dans quel- ques espèces fossiles. Cette famille comprend les deux genres principaux Éléphant et Mastodonte: le premier, que l'on trouve dans la nature vivante, et le second, que l'on ne rencontre qu'à l'état fos- sile, auxquels on doit joindre le genre Dinotlierium, également fossile. 2* famille. — Les Pachydermes ordinaires, qui ont quatre, trois ou seulement deux doigts à leurs pieds; ceux chez lesquels les doigts sont en nombre pair ont le pied en quelque sorte fourchu, et se rapprochent, à plusieurs égards, des Ruminants par le squelette, et dans un petit nombre d'espèces même par la complication de l'estomac; chez presque tous la peau est très-épaisse. Les principaux genres qu'on place dans cette famille sont ceux des Hippopotame, Cochon, Phacochère, Pécari, Bhinocéros, Tapir, Dnvinn, pour les animaux vivants; et ceux si célèbres des Anoplotheriiim, Pa- lœotherium. Lophiodon. Anihyacolherium, etc., pour les fossiles. 5* famille. — Les Solipèdes, qui n'ont qu'un doigt apparent et un seul sabot à chaque pied, quoi- qu'ils portent sous la peau, de chaque côté de leur métacarpe et de leur métatarse, de petits os ou stylets qui représentent deux doigts latéraux. On ne connaît qu'un seul genre dans cette famille, celui des Chevaux ou Equus, que l'on a cherché à subdiviser dans ces derniers temps. llliger (Prodronnis siistcmaticus Mammalium et Avium, 1811) divise l'ordre des Pachydermes en deux groupes distincts : 1" les Multungula, comprenant les Proboscidiens et les Pachydermes proprement dits, et 2" les Solidungula, ne renfermant que les Solipèdes. De Blainville, dans ses divers ouvrages, depuis sa classification zoologique, proposée en 1810 dans le Bulletin de la Société phiiomath'ique de Paris, jusqu'à son Ostéographie, publiée en 1850, a apporté dans le groupe des Belluœ des modifications importantes; il en a séparé les Eléphants, dont il fait un ordre à part sous la dénomination de Gravigrades, en leur adjoignant les Lamantins; il a réuni ensuite tous les animaux à sabot, c'est-à-dire les Pachydermes proprement dits et les Ru- minants, dans un seul ordre sous le nom d'Ongulog rades, et son sous-ordre des Belluœ ne corn- PACHYDERMES. 259 prend plus les Clievaux, qui forment, comme les Belliiae et les Ruminants, un groupe particulier de l'ordre des Ongulogrades. Fis. 67. — Rhinocéros de Sumatra. M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, il y a déjà près de trente ans {Diclionnnire class'ujue, t. XII. 1827), fait remarquer combien Tordre des l'achydermes, tel que l'a constitué G. Cuvier, est peu na- turel, et, après avoir dit que dans la division des Mammifères ongulés Tordre des Ruminants peut aisément être distingué par l'ensemble de son organisme, tandis que celui des Pachydermes n'est base que sur un caractère purement négatif, celui de ne pas ruminer, il ajoute : « Parmi eux le nom- bre des doigts varie de un à trois, quatre et même cinq; les dents sont tantôt de trois sortes et tantôt de deux seulement; la peau, le plus souvent nue, est quelquefois couverte de poils épais; Tes- tomac est tantôt simple et tantôt divisé en plusieurs poches; parmi eux se trouvent, avec de très- petites espèces, les plus grands de tous les Mammifères, et avec des genres très-rapprochés à tous égards des Ruminants, d'autres que la bizarrerie de leurs formes et les anomalies nombreuses do « leur organisation signalent entre tous à l'attention du naturaliste; en un mot, l'ordre des Pachyder- mes réunit le Daman au Mastodonte, le Cheval au Rhinocéros, le Sanglier à l'Éléphant. Ces diffé- rences énormes entre les genres de Tordre des Pachydermes ont motivé sa subdivision en plusieurs groupes d'un ordre inférieur que G. Cuvier nomme des familles, et que plusieurs naturalistes ont con- sidérés comme de véritables ordres... Le seul genre Equus séparé des Pachydermes, cet ordre de- vient beaucoup plus naturel, et il devient possible de lui assigner quelques caractères généraux; tel que celui de l'épaisseur de la peau, qui a fourni à G. Cuvier et à Et. Geoffroy Sainl-Ililaire le nom même de Pachydermes; tel est encore celui de l'existence de poils soyeux et rudes, mais peu abon- dants, et quelquefois même très-rares, qui tantôt sortent du milieu des poils laineux et tantôt exis- tent seuls. )) Dans ses classifications récentes, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire admet toutefois Tordre des Paciiydermes tel qu'il est indiqué dans le Règne animal; mais il y forme un plus grand nombre de familles. Pour lui, les Pachydermes ont pour caractères principaux : dents dissemblables; ^membres antérieurs terminés par des colonnes; estomac simple ou divisé en poches placées bout à bout, dont la première seule communique avec l'œsophage. Les familles sont les suivantes : i" Hïra- ciDÉs : ongles dissemblables. Genre Daman. — 2° Éléphaktidés : ongles similaires; trompe bien développée. Genre Elépliant. — 5" TAPiniDÉs, — A" RHhNocÉr.iDÉs, — 5° îIippopotawidés : ongles simi- laires; trompe rudimentaire ou nulle; plusieurs sabots de forme symétrique. Genres Tapir, Rlimocé. ros. Hippopotame. — 6° Suidés : ongles similaires; trompe nulle; deux sabots principaux aplatis en dedans. Genres Phacochère, Sanglier, Babiroussa, Pécari. — T^Equidés : ongles similaires; trompe nulle; un seul sabot. Genre Cheval. Dans ses classifications zoologiques, publiées dans les Mémoires de la Société d" Histoire natu- relle de Strasbourg et dans la Picvae zoologiqite, ainsi que dans ses cours du collège de Erance et du 240 HISTOIRE NATURELLE. Miist'um d'IIisloirc naturelle, M. Duvornoy propose de disposer les l'acliydermes aiitremcni que ne l'avait fait G. Cuvior. Dans ces premières publications, ees Mammifères doivent être rangés en trois ordres tout à fait distincts les uns des antres : 1" les I'roboscidif.ns, oaraetérisés par leur longue trompe et leurs grandes défenses, et ne renfermant que deux familles, celles des Elcplinnis et des Mdslodonlcs; 2" les Paciivdermes, caractérisés par leur peau épaisse, qui ne sont pas subdivisés en familles et comprennent les genres Bh'mocéros, Tapir, Daman, Palœolhcrïum, Sançilier, llippo- polamc, Aatlirncollieriuni, Adapis, etc.; étoiles Soi.iriiDES, formés par le seul genre Clieval, si distinct des autres Ongulés. Dons son cours de 185i du Muséum d'Histoire naturelle, M. Duver- noy indique quelques modifications à ses dassiiications précédenles. il forme, sous le nom iVOufjii- Ics ou MammJlercs à sabot, un ordre qu'il subdivise en trois sous-ordres, ceux des Probosc'idicns, Paclujdcrmes et Buminanls. Le premier de ces sous-ordres comprend la famille des Eléphants (genres Eléphant, Mastodonte, et Dinothcriuni, et le second trois tribus : 1" celle des Omnivores, ou famille des Suidés (genres Sanfjlier, Hippopotame, Chœropolame, Hijracothvrïnm, IJijoitic- r'unn, Palœocherus et Entelodon); 2" celle des Phipophages, comprenant le genre Daman, et les familles des Rhinocéros (genres Rhinocéros et Stéréoceros), Eqmdés (genres Cheval, Hipparion, Elasmothcrium), PaUeolhériens (genre PaUvolheriiim), Tapirs (genres Tapir et Lophiodon\ ei 3° la famille des Anoplolhériens {genres, Anoplolhcrium, Anîsodon, Anihracotherium, Dichobnne' Xiphodon, ïlijopoiame et Adapis) : quant au troisième sous-ordre, celui des Ruminants, nous y reviendrons plus tard. Pour nous, dans cet ouvrage, nous suivrons la classification de G. Cuvier, tout en convenant que l'association du genre E(pnis, et même celle des Éléphants, aux autres Pachydermes nous paraît loin d'être naturelle; mais, comme nous adopterons les familles de G. Cuvier, que nous regarderons comme des sous-ordres, il n'y aura à changer (|ue la valeur de noms de subdivisions primordiales pour passer de la classification de l'auteur du Rcfjne animal à celle de la plupart des zoologistes modernes. Quant à la position sériale des Pachydermes, elle a peu varié selon les auteurs; car, si d'un côté l'ensemble de leurs caractères les rapproche beaucoup des Ruminants, quelques-unes des parti- cularités qu'ils présentent tendent à ne pas trop les éloigner des Rongeurs. C'est donc entre ces deux ordres qu'ils doivent être placés, et toutefois nous devons convenir que quelques-uns d'entre eux, tels que les Chevaux, ne se lient pas parfaitement avec les groupes à côté desquels on est obligé de les placer; et, en outre, que les Édentés, ordre assez anomal, ont été quelquefois rangés avant eux. L'ordre des Pachydermes renferme les plus grands animaux terrestres connus, et aussi de très- * singuliers dans leurs formes; l'Éléphant, avec sa longue trompe et ses fortes défenses; l'ilippopotame, dont le corps est si difforme, et la bouclie garnie de dents si anomales par leur figure et leur distribu- lion; les lUiinocéros, dont le front est armé d'une ou deux cornes formées de poils agglutinés; le Daman, si semblable aux Rongeurs par son extérieur, mais si voisin des Rhinocéros par son organi- sation interne; le Tapir, qui a quatre doigts aux pieds de devant et trois seulement à ceux de der- rière,- et dont le nez, prolongé en trompe, rappelle quelque peu celui de TÉléphant; les Anoplolhé- rium, dont on ne connaît que les débris fossiles, formant passage des Ruminants aux Pachydermes, et le genre des l'alœothériums, également perdu, établissant le passage des Tapirs aux Rhinocéros. Le genre des Cochons est le seul qui renferme des animaux propres A notre pays; et, si par l'habitude que nous avons de les voir leurs traits nous paraissent moins remarquables que ceux déjà cités parmi les espèces étrangères qui s'en rapprochent le plus, nous trouvons souvent une conformation très-bizarre. Ainsi ce n'est que dans le Pécari qu'on observe une glande sur les lombes, ayant une- issue au dehors pour la sortie de la matière fétide qu'elle distille continuellement; ce n'est aussi que dans le Rabyroussa que nous trouvons des canines diversement allongées et recourbées pour former quatre espèces de cornes sortant de la bouche pour orner le front; enfin, le seul Phacochère nous présente cette large tête munie de défenses qui sortent latéralement de la bouche, et ces énor- mes verrues nues et de couleur de sang qui cachent presque entièrement les yeux. Tous ces animaux sont dépourvus des ''ormes élégantes qui font admirer certains Ruminants, tels {{ue les' Antilopes et les Cerfs; leur tête est en général grosse; mais la face est très-allongée; la gueule lo.jguement ouverte, et les mâchoires très-grandes; leur corps trapu, bas sur pattes; leur peau souvent nue, et comme fendillée ou couverte de poils grossiers, et presque toujours si épaisse. PACHYDERMES. 241 qu'elle ne laisse deviner aucune forme musculaire; leurs doigts sont enveloppés par la peau jusqu'à la racine des ongles, et ces parties seulement sont apparentes au dehors. Le Cheval fait seul excep- tion; en effet, il se fait remarquer par les belles proportions de son corps, par ses sens, et principa- lement ceux de la vue, de l'ouïe et de l'odorat, très-développés; par la finesse de son toucher sur toutes les parties de son corps, et par son instinct ou plutôt son intelligence, qui ne peut értre com- parée qu'à celle du Chien, si même elle ne la surpasse pas. Les autres Pachydermes ont tous un na- turel féroce, et, quoiqu'en général ils ne vivent que de substances végétales, ils attaquent et écra- sent tous les êtres qui les inquiètent; certains d'entre eux, comme les Cochons, sont plus omnivores que les autres et ne rejettent pas les matières animales qu'on leur présente. Comme tous les animaux herbivores par excellence, les Pachydermes ont des molaires essentielle- ment conformées pour triturer les substances végétales dont ils se nourrissent : ces dents sont le plus habituellement composées de rubans d'émail, affectant différentes form.es sur leur couronne, qui est toujours plate; tantôt ces rubans offrent des bandes parallèles, tantôt ils présentent des cercles ou bien des losanges; quelquefois ce sont de doubles croissants ou des collines transverses, ou des figures plus ou moins compliquées et diffnàles à décrire. Ces molaires n'ont pas, le plus souvent, de racines proprement dites : ordinairement elles poussent perpendiculairement du fond du bord alvéo- laire, comme, cela a lieu dans la plupart des autres Mammifères; mais, dans d'autres cas, elles se déve- loppent au fond des mâchoires et sont poussées en avant et obliquement, jusqu'à ce qu'elles soient tout à fait usées : cette manière de croître est surtout celle des dents composées de lames transverses, qui sont elles-mêmes autant de dents particulières, mais accolées les unes aux autres et parallèle- ment par une substance cémenteuse, telles que celles des Éléphants. Les défenses, qui sont tantôt des canines, tantôt des incisives, selon les diverses espèces, sont d'une substance très-serrée, qui a reçu le nom d'ivoire, et leur structure diffère aussi selon les différents animaux qui les portent : ainsi, dans l'Éléphant, on y voit de nombreuses couches d'émail circulaires, aboutissant toutes au centre de la défense, et croisées entre elles de manière à former, sur la tranche transversale de cette défense, comme une sorte de réseau; l'ivoire de l'Hippopotame est, ajj contraire, si serré, qu'il paraît formé d'une matière homogène; dans quelques cas, les incisives et les canines ne sont pas anomales, et se présentent sous le même aspect que celles de la plupart des Mammifères. mm Fig. G8. — Molaire crjîlcphant. Les femelles des plus gros Pachydermes ne font qu'un seul petit à la fois, et la durée de la gesta- tion est plus longue chez elles que dans les autres espèces d'animaux; les femelles des espèces dP taille moyenne, celles des Cochons, par exemple, en font un plus grand nombre, surtout lorsqu'elles sont en domesticité. Les petits naissent avec les sens et les organes locomoteurs suffisamment déve- loppés pour qu'ils puissent se conduire immédiatement. Les soins maternels, peu considérables chez quelques espèces, le sont assez chez d'antres. Les organes de la génération varient considérablement d'un genre à l'autre; et il n'y a pas moins de variations dans les circonstances de l'accouplement et de la gestation, dans le nombre des petits, ainsi que nous l'avons déjà dit, la durée de l'allaite- ment, etc.; de sorte que sur ces divers points ij ^st impossible de rien trouver de général qui soit R • 51 m IIISTOIRE NATUnELLE. propre à col ordre. Leurs mamelles sont abdominales el en nombre variable , quelques espèces n'en ont que deux seulement, et alors elles sont inguinales. Les Pachydermes offrent de profondes dilft'rences dans les organes du mouvement. Les Elé- plianls ont cinq doigts complets, et les Chevaux n'en ont plus qu'un. Les Hippopotames en ont quatre d'égale longueur, et les Cochons, sur quatre, en ont deux rudimentaires. Les Pdiinocéros n'en ont que trois, et les Damans en ont quatre aux pieds de devant et trois à ceux de derrière. Mais, si les membres diffèrent par le nombre des doigts, il n'en est pas de même de l'usage qu'en font ces animaux : excepté les Chevaux, aucun d'eux n'est un animal coureur, quoique néan- moins ils puissent courir avec une grande force et une grande vélocité lorsque quelque danger les menace. Les organes des sens se ressemblent plus chez tous que ceux de la locomotion. Tous, à l'excep- tion encore du Cheval, ont les yeux petits, l'odorat trè.s-fin, et l'organe de ce sens singulièrement mobile, allant jusqu'à se développer en trompe dans l'Éléphant et le Tapir. Les Cochons ont les na- rines environnées d'un boutoir. Tous ont la langue très-douce et le goût délicat. Les Éléphants dif- fèrent, par leur oreille externe, très-grande, étendue et aplatie autour de l'orifice du canal auditif, des animaux qui ont une véritable conque; et si presque tous ont une peau épaisse avec des poils assez rares, les Cochons des contrées froides, les Chevaux et les Damans ont une fourrure assez fournie, et les premiers même présentent parfois une bourre ou laine très-épaisse. Aucun d'eux n'a de moustaches. Tous les Pachydermes vivent réunis en troupes ou en familles; toutefois ils semblent différer con- sidérablement par leurs mœurs. Des formes plus ou moins sveltes, légères et élégantes des Chevaux à la masse épaisse et lourde de l'Hippopotame et de l'Éléphant, la distance est énorme, et, si les premiers vivent dans les plaines élevées, tous les autres recherchent plus ou moins les contrées basses et marécageuses, et même quelquefois les eaux des fleuves, comme les Hippopotames, qui y sont presque constamment plongés : ces derniers animaux, et avec eux nous pouvons joindre le Co- chon, sont très-gros, et c'est la matière graisseuse, un peu huileuse, très-abondante chez eux, qu'on nomme lard. Relativement à la distribution géographique actuelle de ces animaux, on peut dire d'une manière générale qu'ils se trouvent répartis plus ou moins abondamment sur toutes les parties du monde. Les Éléphants constituent deux espèces, l'une propre à l'Asie et l'autre à l'Afrique; les Tapirs se rapportent à trois espèces, deux de l'Amérique méridionale et une du Bengale et de Sumatra; les Damans ont deux espèces, l'une du cap de r)onne-Espérance et l'autre de Syrie; les Rhinocéros sont particuliers à l'Afrique, à l'Inde continentale et à Java ainsi que Sumatra; les Chevaux vivent dans le nord de l'Afrique et en Asie; les Hippopotames sont propres à l'Afrique, et particulièrement au cap de Bonne- Espérance, au Sénégal, à la Nubie et à l'Abyssinie; le groupe des Cochons, en y comprenant les di- vers genres qu'on y a formés, se trouve répandu partout en Europe, en Asie, dans l'Amérique du Nord, dans l'Afrique septentrionale, et même en Océanie, car nous avons affaire ici à des animaux devenus domestiques, et qui dès lors ont dû suivre l'homme partout où il est venu s'établir. Enfin des Pachydermes fossiles se trouvent répandus assez abondamment dans les couches de 1a terre en Asie, en Europe, principalement en France, en Amérique, et en moins grand nombre en Afrique et en Océanie. En effet, l'ordre que nous étudions est l'un des plus curieux à cause des nombreux débris fos- siles que certaines de ces espèces ont laissés dans le sol. Plusieurs genres très-remarquables de Pachydermes ne sont connus que par leurs restes fossiles, les espèces qu'ils constituent ayant dis- paru de la surface du globe : tels sont les D'mollierium, Palœotlierim, Anthracotlievium, Anoplo- tlicrium. Xiplwdon, Dicliobune, Adapis, Tapïrollieriain, Mastodonte, etc., à la suite desquels on peut encore indiquer un grand nombre d'espèces perdues qui se rapportent à des genres qui ont encore aujoui'd'hui des représentants à l'état vivant : tels que des Rhinocéros, des Tapirs, dos Hip- popotames, des Chevaux, etc. Ce que nous devons encore noter, c'est que les derniers se rencon- trent dans des localités très-différentes des espèces des mêmes genres actuellement vivants : ainsi les Hippopotames ne vivent plus qu'en Afrique, et cependant on trouve des Hippopotames fossiles dans l'Inde, à Madagascar, en Italie, en France, etc.; des Rhinocéros fossiles se trouvent en Europe et dans les monts Himalayas en Asie; il en est de même des restes d'Eléphants : on recueille des débris PACHYDERMES. 245 de Codions et de Chevaux dans les mêmes localités, et ces derniers sont très-communs dans certaines parties de la France. Beaucoup de Pachydermes sont d'une grande utilité pour l'espèce humaine. Cet ordre renferme principalement le Cheval, TAne, l'Éléphant et le Cochon, quatre Mammifères qui servent à l'homme, j^oit en l'aidant à dompter les autres animaux,, soit en servant dans ses travaux agricoles, soit en l'accompagnant à la guerre et combattant avec lui, soit, enfin, en lui procurant une nourriture abon- dante et des matières propres à être employées dans les arts. On comprend dès lors que ces divers animaux ont dû être élevés en domesticité, et c'est ce qui a lieu partout pour le Cl>eval, pour l'Ane, pour le Cochon, tandis qu'il n'en est pas tout à fait de même pour l'Éléphant, qui, quoique employé en Asie et en Afrique, n'est réellement pas domestique, puisqu'il ne se reproduit pas aisément sous notre influence, et que presque tous les individus que l'on possède ont d'abord été sauvages. La peau de beaucoup de Pachydermes, ainsi que leur chair, a été employée. Les Éléphants sont au nombre des espèces dont les dépouilles sont le plus utiles à l'homme, et l'ivoire de leurs énormes défenses est depuis longtemps l'objet d'un trafic très-lucratif pour llnde, le Cap et la côte occidentale de l'Afri- que. Les dents dHippopotame, les cornes de Rhinocéros, sont également très-recherchées. En terminant ces généralités et avant de commencer l'étude des genres et des espèces, nous rap- pellerons seulement que, pour nous, l'ordre assez peu naturel des Pachydermes est partagé en trois sous-ordres particuliers, ceux des Proboscidiens ou Pacliiidennes à irompe el à défenses, Pachyder- mes OUDINAinES et SOLirÈDES. Fig. 69, Cheval. 'i4i IIISiOlUK ÎNATIRKI.LE. PREMIER SOIS-ORDRE. PROROSCIDIENS. PROUOSCIDII. Nobiï Los PacliN dormes qui fornionl celle jurande division ont pour onractères comniinis : des 'vtcisircs aupcricurcs oi forme de ilcfeitses: des molaires eoni posées, en pei'ii uowhre: c'mq doi(]ls à tous les pieds, aussi hieu eu avavt qu'eu arrière; uez prolouqé eu uv.e grande iroinpe eiiliudrique, mobile dans toutes les direetious et terminée par uu organe du laet et de prélicnsio)i: animaux Irh- (]rands. de formes massives: peau très-épaisse. Nous n'ontroions aotuollomout dans anouu détail rolativenient aux Proboscidions; car ces animaux ne renl'orniont que trois i;onrts principaux, ceux i\e» EU'plianis, àe<> Masiodonics ex dos D/uo/Zh'- riums, dont uous allons plus spécialement nous occuper : nous consacrerons seulement quelques lij^nes à Vetude historique de ces Mammifères. En elTet, lorsqu'il s'agit d'animaux aussi intéressants que ceux qui constituent les genres lîlephas et }[as:odou. il nous semble utile de dire quelques mots de lliistoire des traces qu'ils ont laissées dans l'histoire des hommes ou dans le sein de la terre; et. dans ce travail, nous prendrons surtout pour guide rexcellente notice qu'en a donnée De IMainvillo dans son Ostéoi]raphie, ainsi que le tra- vail de M. Armandi. intitule Histoire miliiaire des Élrphauls, depuis les temps les plus reculés jus- quà rintroduclion des armes à feu. Les livres qui nous ont transmis les traditions les plus anciennes des peuples font souvent men- tion de l'ivoire comme d'une matière employée dans les arts de la sculpture, de l'architecture et de rornemeniation; mais ce n'est qu'assez tard que l'animal dont il provient par excellence. l'Éléphant, a été connu, et qu'il a reçu le nom même de Pivoire, en grec, celui d'EXeoa;. Hérodote est le premier qui ait parlé d'un animal sous le nom d'Éléphani, et le premier surtout qui ait reconnu que c'était de lui que se tirait l'ivoire. Mais c'est évidemment dans les écrits d'Aristote que se trouvent les ren- seignements positifs sur ce sujet, et même plusieurs observations exactes sur les mœurs et sur quelques points de lorganisation des Éléphants : la plupart des naturalistes pensent, et cette opinion semble très-probable. qu'Arisiote avait obtenu ces renseignements par suite de l'expédition d'Alexan- dre: car il est certain que c'est par snite de l'invasion des Grecs en Perse et dans Plnde que les Éléphants, s'étant avancés avec les armées des lieutenants d'Alexandre dans l'Asie Mineure et même en P.gvpte. passèrent enlin en Europe, et qu'ils serviront dès lors à l'art do la guerre, à tel point que Séloucus en tit combattre, dit-on, quatre cents à la célèbre bataille dipsus. en Phrygie. contre Anti- gonus, en 501 avant Jesus-Christ. Les Égyptiens, les Carthaginois et les Romains en avaient, dès cette époque éloignée, dans leurs armées. Pyrrhus en lit combattre soixante contre les Romains, et, après la bataille de Benévent, le consul Curius Dentatus s'empara de plusieurs de ces animaux et les montra dans diverses villes d'Italie: et, peu de temps après. L. Motollus en iit parvenir à Rome plus do cent qu'il avait pris en Sicile aux Carthaginois, et qui devaient provenir de l'espèce africaine, tandis que les premiers appartenaient à l'espèce asiatique. Depuis, un grand nombre d'Éléphants. qui servaient dans les armées ennemies de Rome, furent pris ou tués en Sicile, en Italie, en Espagne et en Afrique, et les Romains les liront dés lors entrer dans la composition de leurs armées. Plus tard, sous les empereurs, on en fit voir et mémo combattre dans les jeux du cirque: Pompée en mon- tra une vingtaine qui combatiirent contre dos hommes armes: César doubla ce nombre cl Uvs lit com- battre dans le cirque vingt coutro cinq cents fantassins, et une autre fois vingt contre cinq cents Fiu. I — Dninnii ilii l'nii Fiy, 2. — Jiimoiil eL son noiilaiii. l'I "'t PACIIYDEUMES. 2'i5 fantassins et autant dp cavaliers. Les bestiaires romains dressèrent, vers cette époque, des Klépliants et leur firent faire des tours de force véritablement incroyables : aussi le nombre de ces animaux ' apportés en Italie a été Irès-considcrable, et Ton en avait établi deux dépôts à Ârdea et à Lanuvium, et peut-être, comme le prétendent quelques auteurs, un liôpital pour les soigner à Tivoli. Depuis cette grande époque de la puissance romaine, le nombre des Éléphants amenés de l'Asie et de l'Afrique a sans doute toujours été en diminuant, ces anir.^aux n'étant plus que des objets de curiosité entretenus à grands frais par les souverains ou même offerts à la vue du public par des montreurs d'animaux. Vers la fin de la décadence de Tempire romain en Occident, les historiens ne parlent plus d'Éléphants montrés au public par les empereurs qui ont régné depuis Aurélien : et il en est de même pour les empereurs qui ont siégé à Constantinople. Cependant il est certain que pen- dant les longues guerres qui s'écoulèrent entre l'empire d'Orient et la Perse, les Éléphants ayant été employés en grand nombre dans les armées persanes, la victoire en amena plusieurs à Constantino- , pie; on dit même qu Iléraclius fit son entrée triomphale dans cette ville sur un char traîné par quatre de ces animaux. Dans le, moyen âge, parmi les présents que les princes d'Orient, grecs ou arabes, envoyèrent en Europe à quelque grand prince leur contemporain, l'histoire n'en cite qu'un, qui fut adressé à Char- lemagne par Haroun-al-Raschid, et qui, débarqué à Pise en 801, fut conduit l'année suivante à Aix- la-CI)apelle, où il vécut neuf ans. Il faut ensuite traverser plusieurs siècles avant de trouver dans les histoires du temps l'un de ces animaux existant en Europe. Frédéric II, à son retour de la terre sainte, en 1229, en amena un en Italie; ce que fit également en France, en 1254, au retour de sa première croisade eti Syrie, saint Louis, qui l'envoya en Angleterre à Henri III. Ce n'est qu'à la renaissance des lettres et des sciences qu'il est fait de nouveau mention des Élé- phants, et dès lors les dépouilles de ces animaux furent conservées en partie au moins. Emmanuel, roi de Portugal, à la suite de ses conquêtes dans l'Inde, envoya au pape Léon X, en 1514, une am- bassade solennelle avec de riches présents, parmi lesquels était un jeune Éléphant âgé de quatre ans. Bosheck, ambassadeur de Maximilien II à Constantinople, y vil des Éléphants qui dansaient et jouaient à la paume. En 1581, Prosper Alpin en vit un ou Caire. Cardon en décrit un qu'il vit à Mi- lan, appartenant à Marie, fille de Charles-Quint, et qui était d'une telle taille, qu'un homme ne pou- vait atteindre avec ses bras allongés le sommet de son dos. P. Gilles vit aussi deux Éléphants vivants, en 1550, à Constantinople. Un autre Éléphant, montré à Florence en_1655, a été illustré d'une élégie par Francis Boninsegni, avec la figure de l'animal par J. Scutermans, et son squelette, conservé dans les jardins de Popoli, servit plus tard à Ray dans son Sijiwpsis Mmumnliiun. Quelques autres Eléphants furent encore signalés; mais nous n'indiquerons que l'Éléphant blanc qui fut amené en ■ Hollande en iQoTr, depuis cette époque, hss squelettes de presque tous les Eléphants qui ont été con- duits en Europe furent conservés dans les Musées; tels sont celui de Dublin, en 1681, par Allen Moulin; celui de la ménagerie de Versailles, envoyé à Louis XIV par le roi de Portugal, qui l'avait reçu du Congo, dont le squelette, décrit par Perrault, existe encore dans la galerie d'anatomie com- parée du Muséum d'Histoire naturelle; celui que le Grand Turc avait envoyé au roi des Deux-Siciles, et qui vivait à Naples en 1742. Depuis ce temps, il est peu d'années où il n'ait paru quelques Élé- phants en Europe, et toutes les grandes ménageries en possèdent. Un autre point de l'histoire des animaux qui nous occupent est tracé dans les monuments artisti- ques les plus anciens. La haute importance que les Indous semblent avoir attachée de tout temps à l'Éléphant est sans doute la raison pour laquelle ils lui ont donné une place distinguée dans leur mytho- logie : aussi, dans leurs monuments les plus anciens, aussi bien que dans les bas-reliefs de Persé- polis, et où se trouvent représentées des chasses ou des batailles, on remarque des Éléphants en très- grand nombre, montés par des chasseurs armés d'arcs, et décochant des flèches sur des bandes de Sangliers, de Cerfs ou d'Antilopes, que l'on fait passer à leur portée. Dans les hypogées égyptiennes, on voit représentées des processions d'hommes portant de l'ivoire ou des difenses d'Éléphants. De niainville indique deux statues antiques de ces animaux qu'il a vues à Home même. On trouve aussi l'Éléphant représenté sur un certain nombre de monnaies ou de médailles; sur celles de princes in- diens; sur celles des Séleucides, et portant des flambeaux; mais surtout sur celles de Métellus, de César et de quelques empereurs romains, et les Éléphants y sont représentés soit libres, soit attelés à un char de triomphe, deux ou cpiatre de front. Mais, sur ces diiférentes médailles, l'animal que 240 mSTOlHE NATURELLE. nous éludions, quoique reoonnaissable, ce qui était très-aisé grâce à la trompe, aux oreilles ri aux défenses, est toujours très-mal représenté. Mais, si l'industrie humaine nous a conservé dans ses produits artistiques si peu de traces de cet animal, il n'en est pas de même des couches de la terre; sa principale qualité, en grandeur, ajuste- ment été la cause la plus évidente de la longue conservation des os de son squelette, des dents qui ornaient ses mâchoires, aussi bien que de leur dispersion en tant d'endroits du sol européen; et l'on peut ajouter que le volume même de ces os et quelque ressemblance avec les os humains ont attiré l'attention de tous ceux qu'une circonstance fortuite a fait en rencontrer, et cela presque en tout temps et chez tous les peuples. Les autres ossements fossiles ont longtemps été négligés et même passés sous silence, ce qui n'a peut-être jamais eu lieu pour -ceux de l'Éléphant, qui sont aussi très- nombreux partout. On est, en effet, dans l'habitude de considérer comme provenant d'Éléphants ces squelettes énormes dont ont parlé les historiens anciens et même une partie de ceux de la renais- sance, comme on peut le voir dans les auteurs qui, comme Cassanion et Riolan, ont dans les temps modernes parlé des géants d'une manière un peu critique, et, par exemple, celui-ci surtout, àl'occa- sion de la découverte du prétendu tombeau du roi Teutobochus, qui eut lieu en Dauphiné sous le règne de Louis XUl, et dont les ossements n'étaient autres que ceux d'un Éléphant ou d'un Dinotherium ainsi que De Blainville semble l'avoir démontré. Quant à l'histoire des ossements reconnus comme provenant de véritables Éléphants et trouvés dans le sein de la terre, un nombre véritablement considérable d'auteurs se sont occupés de ce sujet depuis plus de deux cents ans; mais c'est Sloane qui le premier a donné une énumération des diffé- rents lieux où l'on a déterré de ces os. Pallas a augmenté cette liste de tous les fieux où des os d'É- léphants avaient été trouvés en Sibérie de son temps. Depuis lors, les paléontologistes allemands, cl surtot Merck, en ont donné une liste semblable, mais pour l'Allemagne seulement; et Targioni, Tozzetti, ainsi que Brocchi, en opt fait autant pour l'Italie, G. Cuvier a résumé ce qui avait été fait avant lui, a considérablement augmenté ce qu'on savait par ses recherches particulières, et, dans la dernière édition de ses Ossements foss'ilcft, publiée en 1821, il donne une longue énumération de tous les débris fossiles connus d'Éléphants. Depuis cette époque, l'attention que l'on a donnée par- tout aux recherches paléontologiques a encore augmenté ce nombre d'une manière considérable, et, pour ne citer que les principaux naturalistes qui se sont occupés de ce sujet, nous indiquerons seu- lement Jl. Buckland, pour les Éléphants fossiles d'Angleterre; M. Fischer De Waldheim, pour ceux de la Russie; M. Eichwaid, pour ceux de la Lithuanie, de la Pologne et de la Podolie, etc. Enfin, dans son Osiéoyrapliic, De Blainville a consacré plus de cinquante pages à énumer les divers ossements fossiles d'Éléphants et de Mastodontes, qu'il réunit en un seul et même genre, décrits par les au- teurs ou indiqués par lui pour la première fois d'après les immenses collections de notre Muséum : il ne suit pas dans cette liste l'ordre chronologique, mais il adopte l'ordre géographique. Nous entrerons actuellement dans la description des espèces, et nous dirons de nouveau qu'un seul genre, celui des Eléphants, renferme à la fois des espèces vivantes et fossiles, tandis que d'autres genres, <',omme ceux des Mastodontes, des Tctracaulodons et des Dinotheriums, ne comprennent ex- clusivement que des espèces fossiles. 1" GENRE. - ÉLÉPHANT. ELEPHAS. Linné. 1755. EXecpaç, Éléphant. Systema iialurse. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siisthnc (lenta'ire : incï.nvcs ou défenses, §; molaires, |E|; en tolaliié dix dents. Les incisives, transformées e)i défenses, n existent qu'à la mâchoire siipérietire, au moins dans les espèces vivan- tes ; elles sont souvent très-grosses, cijiindriques, arquées en bas et se relevant à la pointe, for- mées d'un tissu osseux très-serré qui présente des linéaments plus durs et plus compactes en lignes rourbcs, convergentes, et enlrc-croisccs de manière h former des losanges curvilignes Irès-irrégu- PACHYDERMES. 247 l'wrs : CCS défenses claul d'adkurs entourées d'une Irès-légèrc coiiclie, d'cnuiit propri'mcni dit. Les mulaircs, poussant oblupiement du fond de la mâchoire en avant, sont, composées de lames verl'icales et iransverscs : ces lames formées chacune de substance osseuse enveloppée d'émail, cl toutes liées ensemble par une sid)stance solide, inorcjanicpie, ou cément. Taille ircs-forle. Corps très-gros, assez court, haut sur jambes. * Tête très grosse, surtout relalivement au volume du corps. Une trompe très-allongée, mobile dans tous les sens, renfermant les deux tugaux des narines, et terminée par un appendice mobile qui fait les fonctions d'un doigt. Yeux comparativement petits, latéraux. Oreilles externes pla- nes, très-grandes, latérales. Ouvertures des fosses nasales très-relevées. Os propres du nez petits, triangulaires, épais. Langue charnue, lisse, très-épaisse. (lou très-court. Jambes très-longues, très-grosses, terminées par cing doigts (pu ne sont apparents que par les sabots appliqués contre la base du pied, et dont un ou deux manquent aux pieds de derrière. Queue médiocre et même courte, terminée par une touffe de gros crins. Peau très-épaisse, rugueuse, assez lâche, nue dans les espèces vivantes, velue dans une espèce fossile. Deux mamelles pectorales. Sinus frontaux et maxillaires énormément développés, cl contribuant ainsi à donner beaucoup de grosseur à la tête. Mâchoire inférieure pointue en avant, avec sa sgmphii-se en gouliière. Bouts articulaires des grands os des extrémilés disposés sur une ligne verticale; tête du fémur dans l'axe de cet os; cavités colgloïdes situées très en avant on plutôt en dessous du bassin. Estomac simple. Intestins très-volumin'cux. Coecum énorme. Foie à deux U.bes. Pas de vésicule du fiel. Le genre Eléphant a été créé par Linné il y a plus d'un siècle; pendant longtemps, on a cru qu'il ne renfermait qu'une seule espèce actuellement vivante, mais les travaux de plusieurs naturalistes, et principalement ceux de G, Guvier, ont démontré qu'on en possédait réellement deux. Mais, outre les espèces actuellement vivantes, il en existait jadis un nombre beaucoup plus considérable, quoiqu'on Tait peut-être exagéré. Les deux espèces vivantes sont particulières à rAfrique et à l'Asie; les espè- ces fossiles se rencontrent dans les couches de la terre en Amérique, en Asie et en Europe. Parmi ces dernières, nous indiquerons l'Éléphant couvert de poils, les uns en grosses soies, d'autres lai- neux, dont Adams a recueilli le cadavre, en i807, dans les glaces de l'embouchure de la Lena, en Sibérie; les nombreuses espèces propres à la Sibérie, décrites par Fischer De Waldheim; les Elephas d'Auvergne et d'Allemagne. Puis, parmi It-s subdivisions du genre qui nous occupe, ou parmi des groupes génériques qui en sont au moins très-voisins, nous citerons d'abord les Mastodontes, dont les ossements fossiles, trouvés dans les deux Amériques, etc., ont été décrits par G. Guvier, etqui avaient aussi la trompe, les défenses et les principaux traits d'organisation des Eléphants, mais avec des molaires plus anguleuses, tel que le grand Mastodonte ou l'animal fossile de l'Ohio, qui ne cédait point en taille à l'Éléphant, et peut-être le surpassait en volume; puis les espèces particulières à l'Auvergne, aux environs de Montpellier, à la Suisse, à Eppelsheim, etc.; et enfin les Tetracaulo- don de l'Amérique et de la France, si remarquables en ce qu'ils présentent des défenses non-seu- lement à leur mâchoire supérieure, mais encore à leur mâchoire inférieure, et dont la galerie d'a- natomie comparée de notre Muséum possède depuis un an à peine un beau squelette monté. Les Éléphants vivants d'une manière générale sont des animaux très-remarquables par leur masse énorme et leur force prodigieuse unies au caractère le plus doux, ainsi que par leurs propor- tions grossières coïncidant avec une grande finesse dans les instincts. Ce sont les plus volumineux de tous les Mammifères terrestres, et ils se distinguent de tous par des caractères très-faciles ù saisir; par la masse de leur corps, leur démarche pesante, leur peau nue, et surtout leur tète, que termiue une trompe allongée et mobile, qui, par la variété de ses usages, exerce sur leur naturel l'influence la plus étendue. La peau, chez les Éléphants, est très-épaisse et peu garnie de poils : cette dernière particularité n'avait pas lieu dans l'espèce trouvée fossile en Sibérie; car elle présentait, presque sur toutes le;? 2iS IIISTOIIU-: NATURELLE. par ics du roTps, des poils longs et nombreux : dans les espèces aetuellcnient vivantes, il n'y a guère de poils qu'à Te) tn mité de la queue, autour des yeux et sur la tète. La couleur de cette peau est ordinairement noire; mais elle s'altère souvent et devient plus ou moins blanche, comme on peut le remarquer chez quelques Eléphants d'Asie. Suivant les différentes parties du corps, lapeau est plus ou moins dure, et, à la j)lante des pieds, elle est transformée en une véritable semelle calleuse qui appuie seule à terre. Les doigts, cachées sous les téguments, ne sont indiqués à l'extérieur que par des sortes d'ongles élargis qui ont quelque chose des sabots des Ruminants; ces ongles sont au nombre de cinq en avant, et. A l'état normal, de quatre en arrière; mais le plus habituellement on n'en voit que trois ou même que deux seulement; leur couleur, lorsqu'ils ne sont pas salis, est blanchâtre tirant au rose. Les yeux des Éléphants sont très-petits, proportion gardée avec le volume de ces animaux, mais ils sont pleins de vivacité et ajoutent à l'expression de la physionomie : la vue est bonne; la pu- j)ille est ronde, et les deux paupières sont garnies de cils. Non loin des yeux, on voit un petit trou, orilice d'une glande particulière qui verse un produit muqueux dont l'usage est inconnu, mais qui nesl pas, ainsi qu'on l'avait cru, plus abondant au temps du rut. L'ouïe est très-délicate, et les par- lies externes de l'organe qui l'exerce ou les ■(onrpies auditives sont très-considérables, aplaties, élargies et beaucoup plus grandes encore dans l'espèce d'Afrique que dans celle d'Asie; les oreilles ne se développent pas en cornet, elles sont collées contre la tête, et susceptibles de mouvements assez étendus. La langue est douce, courte, et ne sort pas de la bouche. La lèvre inférieure, la seule (|ui existe, est peu mobile; la lèvre supérieure se confond avec la trompe. Celle-ci, à l'extrémité de laquelle réside le principal organe du toucher, est un prolongement du nez; cette trompe est assez longue pour toucher la terre sans que l'animal se baisse, et elle jouit d'une grande mobilité; la peau qui la recouvre est semblable à celle du corps, et présente, d'espace en espace, des dépressions circulairi's qui la fout paraître annelée. La trompe est à peu près cylindrique, néanmoins elle est légèrement aplatie dans une portion de sa face inférieure. Cette trompe prend naissance à la partie aniérieure du frontal; elle recouvre les cartilages du nez, forme la continuation de celui-ci et s'unit dès sa racine à la lèvre supérieure; son intérieur est creusé d'un double canal correspondant aux deux narines et tapissé d'une membrane iîbro-lendineuse dont la souplesse et l'humidité sont entre- tenues par une sècrélion muqueuse habituelle; les deux tuyaux nasaux offrent, vers leur partie supé- rieure, une espèce de valvule que l'animal ouvre et ferme à volonté. Les parties musculaires qui entrent dans la composition de leurs parois résultent de la réunion de fibres entre-croisées et fort nombreuses. L'extrémité inférieure de la trompe présente un bord circulaire, ayant en avant un pro- longement daclyloide, opposable au reste de la circonférence et qui représente un véritable doigt, ce qui a fait comparer la trompe à une main. « La main, dit Cuffon, est le principal organe de l'a- ilresse du Singe; l'Eléphant, au moyen de sa trompe, qui lui sert de bras et de main, et avec laquelle il peut enlever et saisir les plus petites choses, les porter à la bouche, les poser sur son dos, les tenir enibrassées ou les lancer au loin, a donc le même moyen d'adresse que le Singe. » A cela, on doit ajouter que la trompe jouit d'une force prodigieuse; car, en effet, c'est principalement dans son action que réside la puissance de l'Éléphant : l'animal s'en sert pour arracher des arbres, soulever des fardeaux qu'un homme aurait peine à remuer, ou bien pour terrasser son ennemi, qu'il écrasera ensuite de la masse de son corps. Les défenses de TEléphanl ne lui sont pas moins utiles que la trompe; il les emploie à sillonner le sol pour arracher les l'acines dont il se nourrit; eî, lorsque sa trompe est menacée, il la replie entre elles et les offre alors à l'agresseur comme deux armes terribles. Ces curieuses dents n'ont d'autre usage, comme l'indique leur nom, que de servir à la défense, et jamais elles ne peuvent être utiles à la mastication. Ces dents énormes sont de véritables incisives, puisqu'elles sont implantées dans l'osde ce nom; elles tombenldans le jeune âge comme toutes les dents de lait, mais elles ne repoussent qu'une seule fois. Leur longueur varie suivant l'âge, le sexe et l'espèce; leur courbure offre aussi quelque différence : elle est, par exemple, beaucoup plus grande chez les Eléphants d'Afrique que chez ceux d'Asie, et prend, par anomalie, la forme d'un S; ces dents sont souvent très-grandes; elles peuvent atteindre plus de trois mètres de longueur et de soixante à cent kilogrammes de poids. / Lu caractère très-singulier, et qui semble n'appartenir uniquement qu'aux Eléphants, se trouve dans le remplacemeut des dents. La molaire qui sert à la mastication a une position telle, qu'elle s'use et diminue non-seulement de grosseur, mais encore de longueur. Pendant que l'animal eu fait PACHYDERMES. 249 nsni^e, il s'(Mi développe une aiilic;. Celle-ci pousse en avanl la dent active dans le sens de la loii- Cfueur de la màclioire, sur laquelle elle glisse, et la racine, ébranlée par ce mouvement singulier de locomotion, se carie, se décompose et diminue de grandeur dans les mêmes proportions que la dent entière. Bientôt la dent s'ébranle et linit par tomber pour céder sa place à la nouvelle molaire qui l'a chassée. Un autre germe se développe derrière la nouvelle dent et la pousse à son tour jusqu'à ce qu'elle soit usée et tombée; puis un quatrième germe, un cinquième germe agissent de même, de manière que la molaire peut être remplacée jusqu'à huit fois. Il résulte de ce fait fort extraordinaire que l'on peut trouver à un Éléphant une ou deux dents de chaque côté des deux mâchoires, selon le moment de l'observation, et qu'il est impossible de juger de l'âge d'un de ces animaux par le plus ou moins d'usure de ses molaires. Si les observations que Corse a faites sur l'Éléphant des Indes sont exactes, et que les molaires se remplacent jusqu'à huit fois, ces Mammifères auraient réelle- ment trente-deux mâchelières, dont vingt à l'état rudimentaire dans le premier âge. Le système odon- tologique a été étudié par un grand nombre d'auteurs, et, dans ces derniers temps, principalement par De Blainville, G. et Fr. Cuvicr. A la màchelière supérieure, la dent qui se développe dans l'os incisif de l'Eléphant d'Afrique est une défense ronde, arquée, terminée en pointe, et dont la capsule reste toujours libre; aussi ne cesse-t-elle point de croître durant toute la vie : sa structure présente sur sa coupe transverse des stries qui vont en arc de cercle du centre à la circonférence, Fig. 70. — Molaire d'Élcpbant. et forment en se croisant des losanges curvilignes qui en occupent toute la surface. Toutes les mâ- chelières se ressemblent d'abord, c'est-à-dire qu'elles sont formées de lames remplies de matière osseuse entourée d'émail, lesquelles présentent dans leur coupe des espèces de losanges ou des ru- bans plus ou moins irréguliers, élargis dans Içur milieu par un ou deux plis anguleux. Dans l'ori- gine de chaque dent, les lames dont elles se composent, et qu'on n"a jamais vues aller au delà de dix, sont libres. Par suite de la dentition, ces lames sont attachées parallèlement l'une à l'autre au moyen de la matière corticale qui se développe, et, avant la mastication, les dents iie montrent à la surface de leur couronne que des tubercules mousses. Les premiers effets de l'usure produisent des cercles d'émail, ensuite des losanges, et enfin des surfaces unies bordées par des échancrures plus ou moins profondes. A la mâchoire inférieure, il n'y a ni incisives ni canines. Les mâchelières sont tout à fait semblables à celles qui leur sont opposées. Dans leur position réciproque, les défenses, n'ayant aucune dent qui leur soit opposée, grandissent comme elles croissent. Ces dents sont opposées couronne à couronne. Dans l'Eléphant des Indes, la défense ne diffère point sensiblement de celle de l'Éléphant d'Afrique pour la forme; seulement elle ne parait jamais acquérir le même développement ni en longueur ni en diamètre. Les mâchelières, au lieu d'avoir des rubans en forme de losanges, les ont droits et finement découpés sur leurs bords. Du reste, les dents de l'espèce in- dienne ne diffèrent pas beaucoup de celles de l'espèce africaine; il en est de même de quelques espè- ces fossiles; mais d'autres également fossiles, qui portent le nom générique particulier de Mastodon- tes, ne présentent plus des caractères semblables : c'est ainsi que les molaires des Éléphants, à leur couronne plate, sont composées d'un certain nombre de lames verticales formées chacune de substance osseuse enveloppée d'émail et liées ensemble par la substance corticale, tandis que les molaires des Mastodontes sont à couronne hérissée de grosses pointes coniques et à racines distinctes. L'étude du squelette des Éléphants n'a été commencée que vers la fin du dix-septième siècle; c'est R 32 250 HISTOIRE NATURELLE. en 1084 puiir la proniière t'ois qu'Allen Moulin adonne la première descripiion du squelette d'un Élé- phant; des travaux semblables ont été publiés, en 1093, par Ray; en 1712, par Slukeley; en 1716, par Patrice Blair; puis, plus tard, par Perrault, et par Daubenton, en 1754, d;ins V Histoire natu- relle (le Uuffon; par Serra, en 1750; par P. Camper, en 1789, et par son fils, A. Camper, en 1805; par Rlumenbaeli et Meckel; mais ce sont surtout les ouvrages de G. Cuvicr, de Pander ei d'Akon, et ceux de jte Rlainville, tous beaucoup plus récents, qui ont fait connaître Tostéologie des deux es- pèces vivantes du genre Éléphant et de quelques-unes des parties de diverses espèces fossiles. Les os, en général, et plus particulièrement ceux de YElephas Indiens, pris comme type du genre, sont d'un tissu éburné peu solide, peu épais, même dans les os longs, ces derniers n'ayant jamais de cavité médullaire, et ressemblant assez à ceux des Mammifères aquatiques. Les surfaces articulaires sont larges, peu profondément cxcavées, et recouvertes d'une couche de substance éburnée peu épaisse; ce qui, avec la nature ordinairement poreuse de leurs extrémités, facilite la pourriture de ces os d'une manière assez sensible, d'autant plus que les épiphyses paraissent se souder très-tard. Quand on examine l'ensemble du squelette de l'Éléphant adulte et mâle, ce qui frappe au premier abord est l'énormilé de sa taille et la grosseur des os qui le composent; mais ensuite c'est aussi la dispositon oblique du tronc, l'angle assez marqué que fait la tête à l'extrémité d'un cou très-court, la grande capacité de la poitrine, qui semble toucher au bassin, et enfin la hauteur et la rectitude des membres, au contraire de la brièveté des mains et des pieds qui les terminent. La série vertébrale en tonalité est composée de soixante-dix vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, vingt dorsales, trois lombaires, cinq sacrées et trente caudales. Les vertèbres céphaliques constituent, par leur ensemble, une tête très-grosse, et dans laquelle on doit noter la brièveté et l'élargissement du crâne, et la direction anguleuse du corps des vertèbres, en harmonie avec la gran- deur et le poids des défenses qui arment l'extrémité antérieure de la mâchoire, et qui ont entraîné certaines particularités des appendices masticateurs, et, entre autres, celle de l'angle facial, qui est presque droit. La mâchoire supérieure est très-courte dans sa partie radiculaire et même dans son corps, et sa terminaison ressemble à celle des Rongeurs. La mâchoire inférieure est aussi très-courte. Le crâne présente, vu par derrière, une masse énorme, renflée sur les côtés et comme bilobée en dessus, puis ensuite très-peu convexe et ascendante obliquement vers un sinciput comme pyramidal, et du- quel le front élargi et plus ou moins excavé, dans l'Éléphant d'Asie, descend dssez rapidement jusqu'à l'orifice nasal, au delà duquel le plan oblique, fortement canaliculé au milieu, se continue jusqu'à l'extrémité des prémaxillaires. Les autres vertèbres forment une colonne large, serrée, assez oblique, dans laquelle il n'y a presque qu'une seule courbure, et même assez peu marquée, depuis celle du cou, ({ui est, au contraire, évidemment assez prononcée en dessus, jusqu'à celle de la queue, qui est lar- gement tombante. La région cervicale est remarquable par sa brièveté, surtout dans sa moitié posté- rieure, où les vertèbres sont très-minces dans leur corps. Les deux premières vertèbres sont assez épaisses, et les autres, excepté peut être la dernière, sont, au contraire, très-minces. Les vertèbres dorsales sont to'utes très-larges et peu épaisses dans leur corps, qui n'augmente que faiblement de la première à la dernière. Les vertèbres lombaires, au nombre de trois seulement, par une singula- rité remarquable, suivent plus rapidement une marche décroissante aussi bien dans leur corps que dans leur arc et ses apophyses. Les vertèbres sacrées sont articulées avec l'iléon, mais quelquefois il s'en trouve jusqu'à cinq soudées entre elles. Les vertèbres caudales suivent rapidement la dégrada- tion dans leur grosseur, la longueur se conservant assez longtemps la même; elles changent un peu de forme, et les dernières deviennent tétragones, avec les angles légèrement ailés. Il y a vingt côtes, cinq vraies ou sternales et quinze fausses : toutes sont très-longues, assez étroi- tes, et même presque grêles pour un animal aussi grand que l'Éléphant. L'hyoïde est assez singulier, en ce que son corps, transverse, plat, trapéziforme, très-allongé, plus épais au bord antérieur, rectiligne, qu'au postérieur, un peu f xcavé, est pourvu, en arrière, de deux cornes hyoïdiennes considérables, assez plates, droites, et comme tordues sur leur plan : les cornes antérieures ne sont marquées que par une saillie cartilagineuse. Le sternum est en général court, presque tranchant en bréchet en dessous, surtout en avant, s'é- largissant assez en dessus d'avant en arrière, et, malgré l'énormité de la cage thoracique, il n'est formé que de cinq sternèbres, trois intermédiaires et deux terminales. Par suite du grand nombre de vertèbres cosiifères et du peu de sternèbres, il résulte une très-grande capacité thoracique, surtout pachydermb:s. 251 dans la partie abdominale ou sous l'iiypocondrique : la cavité du thorax semble s'étendre jusqu'à l'os des îles. Les membres qui supportent l'énorme masse du corps et de la tête sont très-élevés, et les pièces qui les composent sont verticalement empilées les unes sur les autres, de manière à constituer des espèces de colonnes; ces membres, par suite de la brièveté du tronc, sont peu écartés les uns des autres et assez bien de même hauteur totale en avant et en arrière. Les membres antérieurs n'of- frent pas de trace de clavicule. L'omoplate est très-large, à peu près verticale, triangulaire, mais à périphérie présentant réellement cinq côtés inégaux. L'humérus se distingue assez bien par une cer- taine gracilité, malgré sa grandeur, par la compression oblique de la moitié supérieure de son corps et par un amincissement et une compression en sens inverse de ses deux cinquièmes inférieurs. Les os de l'avant-bras sont en général un peu plus longs que l'humérus, et très-serrés entre eux; le cubi- tus, cependant, est beaucoup plus petit en longueur et en grosseur que le radius, collé à la partie antérieure de celui-ci et n'occupant en bas que la moitié au plus de l'articulation carpienne; il est grêle, très-arqué dans toute sa longueur, triquèlre et un peu en massue par la grande différence d'épaisseur des deux extrémités; le cubitus, qui entre pour les deux tiers au moins dans la masse de- l'avant-bras, est assez régulièrement trièdre dans son corps. Le (^arpe est large, assez court, le tiers environ de la longueur totale de la main, très-solide et composé d'os contigus, articulés entre eux par des surfaces plates, plus ou moins carrées, et formé de deux rangées composées chacune de quatre os bien distincts, presque égaux et de forme assez variable : à la première rangée, d'un sca- phoïde, d'un semi lunaire, d'un pyramidal et d'un pisiforme, et à la seconde, d'un trapèze, d'un tra- pézoïde, d'un grand os et d'un uniforme, le plus petit de tous après le pisiforme. Le métacarpe est aussi large et à peine plus long que le carpe; il est composé de cinq os, dont le premier et le der- nier, assez petits, se ressemblent assez, tandis que les trois intermédiaires sont encore plus sembla- bles entre eux, un peu plus longs, plus en prismes triangulaires. Les phalanges sont encore propor- tionnellement plus amoindries que les métacarpiens, quoique elles soient toujours dans le nombre ordinaire : les premières, les plus normales, sont en général courtes et grosses; celles des deux doigts externes les plus petites et comprimées latéralement, et les intermédiaires, au contraire, assez déprimées; les secondes sont de moitié plus courtes que les premières, au point qu'elles sont plus larges que longues; enfin les troisièmes, ou onguéales, sont très-petites, deux fois plus larges que longues. Les membres postérieurs sont peut-être encore plus grêles et plus élevés, lor.squ'on les considère d'une manière générale, que les antérieurs; aussi, par suite de la grande longueur du fé- mur et de la brièveté du pied, le genou se trouve placé au milieu du membre, un peu comme chez l'homme. L'os innominé est d'abord remarquable par son grand développement et surtout parce que son plan est perpendiculaire à l'axe du tronc. L'iléon ressemble assez à une grande omoplate trian- gulaire. Le pubis est très-court, et il en est de même de l'iskion. La cavité cotyloïde est presque circulaire. Par la réunion des deux os innominés, il résulte un énorme bassin très-étalé. Le fémur est très-long, grêle, presque droit : son corps est plus étroit dans son milieu, un peu triquètre. Les os de la jambe sont notablement moins longs que le fémur, plus courts que ceux de l'avant-bras, de grosseur médiocre. Le tibia, dont le rétrécissement le plus fort est vers le tiers inférieur, a son corps presque triquètre, à angles arrondis. Le péroné, bien moins gros que le tibia, contre lequel il est assez serré, quoique toujours séparé, est presque complètement droit. Le pied est assez sensiblement plus court encore et même notablement plus petit que la main, avec une assez grande analogie dans les trois parties qui le constituent. L'astragale, large, plat ou peu épais, est surtout particulier par la largeur et l'étendue de ses surfaces articulaires. Le calcanéum est très-remarquable par sa briè- veté, sa forme ramassée et sa petitesse proportionnelle, son corps étant au moins aussi long que sa tubérosité. Le scaphoïde est très-mince, presque squanimiforme. Les os de la seconde rangée du tarse, c'est-à-dire les trois cunéiformes et le cuboïde, sont moins gros que les os qui leur corres- pondent à la main. Les os du métatarse et les phalanges sont assez analogues à ceux de la main. Les 03 sésamoïdes sont, chez l'Éléphant, proportionnellement petits, et cela tient à la pesan- teur de la marche de cet animal. La rotule est assez petite, médiocrement épaisse, assez bien semi- lunaire Quoi que Galien en dise, il est certain qu'il n'y a pas d'os du cœur chez ce Pachyderme. Des différences ostéologiques individuelles ont été signalées, surtout pour la taille, pour la gran- deur des défenses et dans certains caractères du crâne. Quelques particularités se font remarquer sui- 252 mSTOlP.E NATURELLE. vaut la piilrio des siijcls cl surtout d'après les sexes : les femelles ayant en s^énéral des os plus grêles que les mules. Il en est de même suivant les divers âges. Dans rÉléphanl d'Afrique, on trouve dans la forme de eliaeun des os des différences qui permettent de le distinguer assez facilement de l'Élé- |)|ianl des Indes. Fig. 71 . — Squelette de l'Éléphant des Indes. D'après ce que nous avons dit, la figure des os des membres, depuis les phalanges jusqu'aux épaules, a quelque analogie, mais assez éloignée, avec les mêmes os dans le squelette de l'iiomme, et cette ressemblance est même assez frappante dans les deux premières vertèbres cervicales et dans toutes les dorsales, lorsqu'on n'y regarde que superficiellement. C'est à cela que l'on doit tous les contes des anciens auteurs sur les géants qui auraient peuplé le monde avant l'existence de l'iiomme ou même depuis. En effet, les os d'Éléphants fossiles, que l'on rencontre partout, et principalement dans les contrées où cet animal n'existe plus depuis les temps historiques, ont pu être pris pour des os de géants par des observateurs qui n'avaient que des notions très-légères sur l'anatomie humaine, et qui n'en avaient aucune sur l'anatomie d'un animal qui leur était absolument inconnu. On concevra plus facilement encore cette méprise des temps anciens quand on se rappellera qu'il n'y a pas beau- coup plus de deux siècles des anatomistes de profession se sont laissés aller à de telles erreurs; mais ce qu'il y a de plus difficile à comprendre, c'est comment des personnes instruites ont pu re- connaître, il n'y a pas très-longtemps, dans des os de I\lammouth, les restes du géant Anthée, du guerrier gaulois Teulobochus, d'Évandre, d'Entclle, et même de saint Vincent de PaïU. Les Eléphants ont un estomac très-ample, très-grand, mais simple, et non composé comme celui des Ruminants. Leur cœcum est également très-vaste. Leurs intestins sont aussi non moins étendus : et toutes ces particularités organiques devaient se présenter; car ces gros Mammifères, vivant uni- quement de substances végétales, ont besoin d'une énorme capacité pour contenir leur nourriture, et n'avalent pas moins, dit-on, de cent cinquante à deux cents kilogrammes d'aliment par jour. En général, les Éléphants sont, après les Raleines, les plus gros Mammifères connus. Ils ont ordi- nairement de o"" à 4"" de hauteur depuis l'épaule jusqu'à terre. Les mâles surpassent les femelles par la taille; mais les jeunes individus semblent avoir l'épine dorsale plus arquée que les vieux. L'Elé- phant qui vient de naître n'a guftre plus de 1" de hauteur. Dans la première année de son âge, il PACHYDERMES. 255 grandit de 0™,oO; dans la seconde, de O^/iS; dans la troisième, de O",!!); dans la quatrième et la cinquième, de 0'",'14, et ensuite de 0'",00 et de 0'",07; enfin il reçoit son dernier développe- ment dans l'espace de dix-huit à vingt-quatre ans; et, comme c'est une règle assez générale parmi les Mammifères que la durée de la vie est six à sept fois plus longue que leur croissance, il s'ensuit que l'Éléphant doit vivre environ cent vingt ans. Ces animaux peuvent peser de trois à quatre milliers de kilogrammes; cependant leur cerveau est bien petit à proportion de leur taille, car il fait à peine un cinq centième de leur poids. Dans un jeune Éléphant, en partie brûlé à Dublin, le cerveau ne pesait que trois kilogrammes. Aussi l'énoime renflement produit à la partie supérieure, temporale et postérieure du crâne, n'est nullement le résultat d'un grand développement du cerveau, mais de très-grandes lacunes, d'une quantité de larges cellules qui, placées dans la substance des os, en écartent les tables au point de leur donner une épaisseur considérable. Si l'on fait la coupe du crâne, on voit que l'aire de la cavité cérébrale n'est guère que le tiers de l'aire totale de la coupe, d'où il résulte que le volume du cerveau est neuf fois plus petit que celui du crâne, plus petit propor- tionnellement que celui du Cochon. D'après cela, ne serait-on pas en droit de conclure que, si l'in- telligence était réellement en proportion mathématique avec le développement du cerveau, l'Éléphant, loin d'avoir cette faculté supérieure que l'on a peut-être beaucoup exagérée, mais qui toutefois est bien manifeste-, serait un animal stupide? L'Eléphant ne vit que de plantes, d'herbes, de feuillages, de rameaux, de fruits ou de racines sau- vages. Comme cet animal aime les lieux humides et les terrains aqueux, sa constitution est molle, flasque, pâteuse; son tempérament est naturellement phlegmatique : c'est pourquoi sa démarche, ses mouvements ont quelque chose de pesant et de grossier, à l'exception de ceux de la trompe. Sans cet admirable instrument, l'Eléphant serait probablement une bête stupide. Toute son intelligence semble être dans sa trompe, et c'est principalement à elle qu'il doit ses plus brillantes qualités. Buffon a très- bien remarqué que le sens de l'odorat était réuni, dans cet organe, au sens du toucher, et que cette union de deux sens agissant simultanément doit donner sur tous les corps des notions plus exactes que si chacun d'eux était seul. D'ailleurs la trompe de rÉIéphant est irès-sensible : des rameaux ner- veux considérables de la cinquième et de la sixième paire s'y épanouissent, et, en outre, son ex- trême flexibilité, s'appliquant assez exactement à tous les objets, en rend le toucher ])liis parfait. L'E- léphant aime à se vautrer dans la fange, à se plonger, comme les Cochons, dans les bourbiers, et il est très-malpropre. Il mange goulûment et avec excès, et, dans l'état sauvage, il détruit encore plus qu'il ne mange. Quand il entre en nombre dans quelques champs de riz, dans quelques plantations de canne à sucre, il brise et détruit tout; il écrase avec ses pieds, arrache avec sa trompe; il couche les cannes en se roulant sur elles, à peu près comme un Cheval qui se couche dans un pré; car les cannes à sucre, quoique grosses de plus de trois centimètres de diamètre et hautes de six à sept mè- tres, quoique garnies de feuilles très-coupantes, ne sont pour ces animaux qu'une espèce d'herbe qu'ils écrasent facilement : d'ailleurs il aime beaucoup leur saveur sucrée, et les Indiens sont obligés de l'écarter de leurs plantations en l'épouvantant par de grands feux. Aux environs du cap de Bonne-Espérance, Delegorgue a observé que, dans les bois où se trouvent des troupes nombreuses d'Éléphants, ces animaux s'y frayent des routes et qu'ils détruisent tous les arbres de moyenne taille qu'ils rencontrent sur leur chemin. Ils se tiennent constamment en troupes assez nombreuses vers les bords des fleuves, près des bois et non loin des marécages remplis de joncs. Ils ne sont pas méchants et ne cherchent pas à nuire, car ils ne s'occupent guère qu'à manger. Parfois, dit-on, en mrrchant, ils écrasent et renversent les cabanes des nègres; mais- ils ne font aucun mal à lliomme, à moins que celui-ci ne l'attaque. En ce cas, ils font usage de leur force et maltraitent beaucoup, avec leur trompe et leurs défenses, ceux qu'ils peuvent atteindre; mais, comme ils font difficilement des détours, et que leur grosse masse s'oppose complètement à leur agilité, on peut facilement les éviter. Quoiqu'ils ne soient pas timides, ils sont loin de montrer le grand courage des Carnassiers; ils entrent en furie, mais ils sont bientôt fatigués, parce que leur taille énorme exige beaucoup de vigueur musculaire. Dans l'état de liberté, les Éléphants vivent en troupes; ils nagent très-bien, parce que leur corps est très-volumineux; lorsqu'ils entrent ([ans les eaux profondes, ils élèvent leur trompe pour respirer l'air à leur aise, tandis que leur corps est entièrement submergé. On trouve des Éléphants non-seulement dans l'Asie méridionale, comme au Bengale, au Malabar, au Tonquin, à Siam, au Pégu, à Ceylan, à Java, aux îles Philippines, etc., mais aussi dans j)resqutf 254 IIISTOIHE NATlJliELLE. toute rAfriqiie im'Tidioiiale, en Nigritie, en Abyssinie, en Etliiojjie, aux environs du caj) de Donno- Espéranee. Dans certains lieux, ils semblent même très-abondants, quoique la chasse acharnée qu'on leur fait doive en diminuer chaque jour le nombre. Dans l'Asie, où les Eléphants sont, dit-on, plus doux et nius familiers qu'en Afrique, on se contente de les rendre domestiques, et on ne les tue pas en aussi c;rande abondance. Voici, d'après le récit de Corse, comment on leur fait la chasse au Deni^ale : on forme une enceinte de pieux finissant en cul-de-sac, et que l'on nomme kriUlah; des Éléphants femelles, apprivoisés et dressés au (joondalis, vont chercher les Éléphants libres dans les forêts et les attirent dans l'enceinte; là on les attache fortement, on leur refuse la nourriture, on les dompte jusqu'à ce qu'ils deviennent souples et obéissants. L'amour pour les femelles privées aide encore à subjuguer les Éléphants libres ou goomlalis, et bientôt ils sont privés. S'ils s'échappent et retournent dans leur forêt, ils se laissent prendre au même piège qu'on leur avait tendu; souvent même, ajoule-t-on, il suffit que leur conducteur, qui porte le nom de cornait, aille les trouver dans les bois et leur parle d'une voix impérieuse en les menaçant pour qu'ils viennent se remettre paisiblement sous le joug de l'homme. Parfois aussi l'on envoie un grand nombre de traqueurs dans les bois pour effrayer les Éléphants par des cris, une vive lumière, un bruit violent, etc.; on cerne une partie de forêt, on se rapproche de plus en plus les uns des autres, on enferme les Éléphants qu'on y trouve et on les force à entrer dans une en- ceinte, où l'on peut plus facilement les emprisonner, les saisir, les attacher et les dompter. Quel- ques nababs indiens font autrement la chasse à ces animaux; ils les font entourer d'un grand nom- bre d'Eléphants privés et les prennent de vive force, ou bien ils les tuent. Certains chasseurs savent les saisir avec des cordes à nœuds coulants, ou bien leur coupent les jarrets. Les nègres de l'Afri- que se bornent parfois à creuser des fosses, qu'ils recouvrent de feuillages pour tâcher d'y attraper quelques Eléphants; et ensuite ils les tuent à coups de flèches ou de zagaie. La chasse de ces animaux ' se fait aujourd'hui d'une manière différente; car l'introduction des fusils a changé beaucoup les ha- bitudes naturelles des indigènes des pays qu'habitent les Éléphants. Les princes indiens montrent principalement leur luxe par le grand nombre d'Éléphants qu'ils entretiennent pour leur service. Jadis on en comptait plus de vingt mille à l'état domestique dans le seul royaume de Siam. Depuis un temps immémorial, les Indiens ont apprivoisé cet animal et s'en sont servis à la guerre pour porter des tours de bois pleines de combattants; les chefs n'allaient au combat que sur ces animaux, qui, pénétrant dans les rangs ennemis avec force, y portaient le ravage et la mort. On sait que les anciens s'en servaient dans leurs armées; mais depuis longtemps on y a renoncé, parce qu'ils redoutent le bruit et la flamme, et que les coups de fusil les mettaient complè- tement en déroute. Aussi on ne les emploie plus aujourd'hui qu'à des travaux domestiques ou pour étaler sa puissance et son luxe; on les couvre de riches harnais, on les peint, on met des anneaux d'or à leurs défenses, on suspend des diamants à leurs oreilles, on les sert en vaisselle d'or et d'ar- gent. Un Eléphant apprivoisé se vend communément, dans l'Inde, mille à douze cents francs, et se paye cependant jusqu'à cinq ou dix mille francs, selon sa beauté et sa grandeur, qui varie depuis o"" jusqu'à 4"°. Sa nourriture exige une assez grande dépense; on lui donne, outre de l'herbe et du feuillage, du riz, des fruits, des racines, du pain, du sucre et des épices, tels que du poivre, du gingembre, de la muscade et surtout de l'arak ou de l'eau-de-vie de riz, qu'il aim.e beaucoup. Dans les Indes, l'Eléphant sert à transporter des fardeaux, ou bien on l'emploie comme monture. Les femmes des grands, renfermées dans des espèces de cages à treillis appelées miccUmibers, sont por- tées par des Éléphants dans les voyages et dans les processions publiques. Leur marche est assez vive, mais n'est pas douce, et imprime un mouvement semblable au roulis d'un vaisseau. Leur cor- nak se pose sur leur cou, et, avec un fer pointu et crochu, il les pique et les dirige à son gré. Le pas allongé d'un Éléphant peut suivre, dit-on, un Cheval vigoureux au galop ordinaire; mais il court rarement, et imprime fortement, à cause de son poids, ses traces dans les terrains humides. Cet animal si massif redoute beaucoup, assure-t-on, le Tigre, dont la seule odeur le ferait trembler et fuir de toutes ses forces. Cependant on a vu un roi des Indes faire combattre un Tigre contre trois Éléphants plastronnes qui eurent bien de la peine à se défendre contre ce redoutable Carnassier. L'Éléphant semble surtout craindre pour sa trompe; quand il y a quelque danger, il la replie en spi- rale et présente en avant ses défenses. Les cris de ce Pachyderme sont une sorte de grognement plus ou moins vif, selon les passions qu'il éprouve : lorsqu'il est en colère, il pousse des sons aigus et PACHYDERMES. !o& très-forts; ses cris d'amour sont aussi, dit-on, particuliers. La musique fait plaisir ù ces animaux; ils marquent leur joie, leur étonnement, le plaisir qu'ils ressentent, par de petits cris et par des mouve- ments cadensés. Les Éléphants n'attaquent jamais l'homme; car, vivant exclusivement d'herhes et du feuillage des arbrisseaux, ils n'ont nulle raison pour commencer une lutte inutile; mais, s'ils sont attaqués, ils se défendent avec la fureur du désespoir, et alors ils sont terribles tant que durent leur peur et leur colère. Cependant, une fois pris et apaisés par de bons traitements, ils deviennent bientôt doux et soumis. L'éducation qu'on leur donne est peu de chose; elle ne consiste guère qu'à leur faire plier les jambes pour recevoir leur cavalier ou un fardeau, et à obéir à leur conducteur, La Compa- gnie anglaise des Indes en possède un assez grand nombre dont elle se sert pour transporter du bois et tous les fardeaux très-pesants; parfois aussi on les attelle à des voitures, et, dans ce cas, on leur passe une grosse corde autour du cou en guise de collier; et, de chaque côté de ce collier, l'on passe une autre corde dont une extrémité va s'attacher à la voiture. Un livre persan, le Miroir ou les Inslilutcs de l'empereur Akbar, traduit en anglais par Francis Cladwin, contient des détails très-intéressants sur les différentes manières de chasser les Éléphants. La chasse nommée kelideh, rapporte ce livre, consiste à les traquer avec de la cavalerie et de l'infan- terie, à battre de la caisse et sonner de la trompette, de manière à effrayer ces animaux; on les poursuit jusqu'à ce que leurs forces soient épuisées; alors un chasseur adroit leur jette un lacet au cou, et on les attache au pied d'un arbre; on amène à côté d'eux un Éléphant privé qui les a bientôt apprivoisés et accoutumés à l'obéissance. La chasse appelée tclwurkedch consiste à chercher dans les bois les Éléphants sauvages; le chasseur est monté sur un Eléphant privé et a soin de se cacher; dès que son animal en attaque un autre, il lui jette le lacet au cou. La chasse nommée gnedd con- siste à faire tomber l'Éléphant sauvage dans une fosse couverte de gazon, et on y parvient en parais- sant tout à coup et faisant beaucoup de bruit: la famine l'a bientôt réduit et rendu traitable. La chasse nommée barferakk consiste à entourer d'un fossé profond l'endroit où les Eléphants ont cou- tume de se réunir en certaines saisons; on ne laisse qu'une entrée, avec une porte que l'on ferme avec une corde; on disperse de la nourriture dans l'enceinie et tout à l'entour afin d'attirer les Élé- phants, et, lorsqu'ils sont entrés, les chasseurs sortent de leurs retraites et tirent les cordes pour fermer la porte; quelquefois les Éléphants, furieux, essayent de la briser; mais alors on allume du feu et l'on fait grand tapage; ces animaux courent de tous côtés jusqu'à ce que leurs forces soient épuisées; on les laisse sans nourriture pour que la faim les familiarise, et l'on attache des Éléphants privés autour de leur enceinte alin d'achever de les apprivoiser. Dans une autre chasse, on attache une troupe d'Éléphants mâles dans un lieu où ils forment un cercle; on conduit les femelles dans une autre place, mais non hors de la portée de leur vue; alors des traqueurs apostés poussent des cris de tous les côtés; les Éléphants sauvages courent pour se réunir aux femelles, que l'on a dressées à ce manège; elles entrent dans l'enceinte formée par les Éléphants privés; les individus sauvages sui- vent et se trouvent pris sans opposer la moindre résistance. (( Les anciens, dit Virey dans le Dictionnaire d'Histoire naturelle de Deterville, les anciens ont prétendu que l'Éléphant entendait le langage de l'homme; qu'il adorait le soleil, la lune et présen- tait ses supplications en tendant sa trompe couronnée de feuillage vers l'astre du jour. On a dit qu'il était ambitieux de gloire; qu'il avait en partage des mœurs, des vertus, telles que la justice, la pru- dence, l'équité, la religion; qu'il se purifiait souvent; qu'il ensevelissait les cadavres de ses compa- gnons, les couvrait de poussière et de rameaux, pleurait leur mort, retirait les flèches de leur corps, pansait leurs plaies comme les plus habiles chirurgiens, elc. On lui avait encore accordé la chasteté et des sentiments nobles et élevés. Les Éléphants blancs, qui sont fort rares, passent, chez les In- diens, pour des êtres presque divins, quoique leurs qualités soient bien inférieures à celles des au- tres Éléphants. Toutes ces idées de perfection n'ont pu êlre inspirées que par l'admiration d'un aussi vaste et aussi étonnant Quadrupède : la religion du fétichisme a dû encore augmenter cette admira- tion. On a pu regarder l'Éléphant comme un animal sacré, un être privilégié, ce qui s'alliait admira- blement avec les sentiments religieux des nations indiennes. Cette admiration a passé en Europe avec l'Éléphant; la rareté, la curiosité, la masse énorme de son corps, sa conformation singulière, l'ont rendu un objet d'étonnement et d'exagération. Cependant, en l'examinant sans prévention, un Chien paraît lui être supérieur; car l'adresse de l'Éléphant dépend de la conformation de sa trompe t>5G IlISTOinr, NATUnElJ.K. vl non pas de son intelligence. Il est doux; il s'attache, il s'affectionne, dit-on, aux l)omn)es; cepen- daiil il lue assez souvent sou coniak, surtout au temps du rut. Sans doute il n'est pas féroce, puis- qu'il est herbivore; ses qualités dépendent de son temi)érauicnt, de son organisation, et non de sa vertu. La mollesse de sou carat-lère est visible dans la manière dont on l'apprivoise; i\ oublie dans resclavnge ses compagnons; il obéit sans murmure à la volonté du maître; il n'ose résister; il est faible et timide; tandis (jue le Lion, pris vieux, demeure indomptable. La colère de l'Kléphant n'est qu'une fureur passagère, parce qu'elle n'est pas dans son caractère, de même que dans tous les Herbivores. D'ailleurs bvs Quadrupèdes vivant de végétaux sont tous d'une habitude de corps molle et tlas(|ue, ce qui les rend lourd et incapables d'agir avec beaucoup de vigueur; de sorte qu(! leur naturel est obligé de suivre la pente de leur physique : c'est ce qu'il ne faut jamais perdre de vue dans l'histoire naturelle des animaux. Tous obéissent aux influences physiques bien plutôt qu'au moral, dont ils sont presque entièrement privés. Le penchant d'unanimal pour la société de l'homme n'est point un penchant naturel; c'est un asservissement de l'individu qui prouve la faiblesse de son caractère: les animaux les plus courageux, les plus robustes, dédaignent la présence de l'homme, fuient sa société, qui ne leur promet qu'un dur esclavage. L'association des Eléphants entre eux est un attroupement vague et sans liens. Ce n'est point par amitié qu'ils sont rapprochés; c'est qu'ils .sentent leur faiblesse individuelle, leur impuissance de se défendre s'ils ne sont en nombre. La doci- lité, la soumission de l'Éléphant ne prouvent donc que l'inertie de sa nature. Quoique grand et fort, il devient la proie du Lion et du Tigre; il les fuit et les redoute à l'excès. Dans l'état sauvage, ses inclinations naturelles ne sont pas supérieures à celles d'un Rhinocéros, d'un Hippopotame, d'un Cochon et des autres espèces analogues. 11 n'a cependant ni l'intelligence du Cochon, ni l'adresse du Singe, ni la finesse du Renard, ni la sagacité du Chien. Ce n'est donc guère qu'un animal vulgaire par son intelligence, curieux par sa masse et sa conformation. Les Éléphants sauvages retombent stupidement dans les mêmes pièges où ils ont été pris; ils ne sont ni plus ni moins délicats en amour que les autres Quadrupèdes... « L'Éléphant est, dit-on, aussi reconnaissant que vindicatif; on en cite des traits remarquables s'ils sont vrais. Il se venge quand il peut le faire; mais on le calme aisément en lui donnant à man- ger. Les femelles des Éléphants sont plus douces, plus affectionnées que les mâles, comme dans toutes les autres espèces. Presque tous les voyageurs accordent à cet animal des qualités supé- rieures; mais ils citent en même temps des exemples de vengeance et de brutalité; cependant son naturel est doux quand on ne l'irrite pas. On l'instruit à saluer son maître, à se rendre souple, obéis- sant, et il fait tout ce qu'on exige de lui, pourvu qu'on le traite avec douceur. On lui apprend aussi à marquer la cadence et à se mouvoir en mesure. On assure qu'il comprend ce que dit son maître, et exécute même des choses qui surpassent les autres animaux, comme de marcher sur une corde, ainsi que les funambules, et l'aire d'autres tours de force, etc. Ces faits, cependant, sont loin d'être démontrés; car ces animaux, sans être plus stupides que les autres Quadrupèdes, ne paraissent pas leur être bien supérieurs en qualité. A la vérité, plus un animal est facilement dompté et instruit par l'homme, plus il nous paraît être intelligent; mais ce n'est qu'un esprit d'emprunt, une intelli- gence -achetée à force de soins. » « li est peu d'animaux, dit Fr. Cuvier, dont on ait autant exalté l'intelligence, et qui, sous ce rap- port, aient été jugés avec plus de prévention. Le trait caractéristique de son esprit est la prudence; il n'apprend rien, mais il le fait plus aisément qu'on ne puisse apprendre à un Cheval; et si on a cru apercevoir le contraire, c'est qu'on n'a pas fait attention à la différence des organes. Tout ce qu'on a dit de ses calculs et de ses combinaisons ne repose que sur de simples apparences, et n'a de con- sistance que dans l'erreur de ceux qui ont cru les apercevoir; et l'on doit surtout mettre au nombre de ces créations fantastiques l'histoire que rapporte Pline, et qui a toujours été répétée, d'un Elé- phant qui s'exerçait la nuit aux leçons de danse qu'il recevait pendant le jour, afin d'éviter les châ- timents que sa maladresse lui attirait. » Nous avons voulu, dans ce qui précède, donner une idée sommaire des qualités que l'on s'est longtemps plu à prêter à l'Éléphant et de l'intelligence qu'on lui a accordée; nous ne croyons pas devoir ajouter qu'il y a au moins une très-grande exagération dans les faits ([ue nous avons rappor- tés. Il y a longtemps que nos ménageries européennes en jiossèdent, et l'un des premiers que l'on vil en France fut celui qui vécut, sous Louis XV, à la Ménagerie de Versailles, fut disséqué par Du- PACHYDERMES. 257 vcrney, étudié par Perrault, et dont le squelette est encore conservé dans la galerie d'anatomie com- parée du Muséum de Paris. Aujourd'hui il y en a dans toutes les ménageries des capitales des princi- paux pays; et l'on a souvent en même temps, et respèce d'Asie, la plus commune des deux, et celle d'Afrique. En captivité, ces animaux sont assez doux, faciles à conduire, assez obéissants; ils recher- chent l'eau et consomment des aliments purement végétaux et en grande abondance. Les Éléphants captifs de la Compagnie des Indes sont très-friands de fruits de bananier; ils mangent aussi beaucoup (le noix de coco; mais leur nourriture ordinaire consiste en foin, en paille, en riz cru ou cuit mêlé avec de l'eau, et quelquefois assaisonné avec du sucre; en pain, en feuilles d'arbres, et particulièrement des agantiers, etc. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'on les habitue avec une extrême l'acilité à boire du vin. de l'eau-de-vie, de l'arack et autres liqueurs spiritueuses, tandis que jamais on n'a pu en dé- terminer un seul à gofiter de la chair. Ils peuvent se reproduire dans les lieux où on les conserve, mais plutôt cependant dans leur pays natal qu'en Europe, quoique Buffon ait prétendu le contraire; et il paraîtrait même que les Romains avaient déjà observé ce fait important dans les lieux où ils les conservaient. On a pu vc^r que les petits tétaient avec la bouche et non avec la trompe, comme on l'avait rapporté par erreur. La projection de l'eau par leur trompe, qui est dépourvue de libres cir- culaires, est assez diflicile à expliquer, puisque les tuyaux de cet organe sont incompressibles; l'ani- mal ne pourrait que pousser l'eau en soufflant; mais comment souffler en avalant, ce qui arriverait quand l'Éléphant boit. Fip. 72. — Kléphanl de« Indns. Les montreurs d'animaux ont souvent déjeunes Éléphants, et leur font faire des exercices extraor- dinaires; ils leur font tiier des sonnettes, boire à même une bouteille et se servir adroitement de leur trompe; ils les font aussi grossièrement danser, se tenir sur deux pattes, se coucher, etc. On en a vu souvent de fort curieux à Paris, et, pour n'en citer que deux exemples, nous nommerons le, célèbre Kioumj, qui parut, il y a une vingtaine d'années, sur l'un des théâtres de Paris, dont les exercices étonnèrent même les personnes qui avaient été à même d'étudier ces animaux dans les mé- nageries; et les deux Éléphants que montrait, il y a peu de jours encore, M. Lehman, au cirque de l'Impératrice, etc. La prétendue chasteté de PÉléphant, si vantée par Buffon. n'est pas différente de celle des autres Mammifères, et le rapprochement des sexes a lieu de la manière ordinaire, sans qu'il cherche nulle- ment à se cacher de l'homme, ainsi qu'on l'a prétendu. John Corse, qui dirigea, depuis 1792 jusqu'en 1797, la chasse des Éléphants dans le Tiperah, province du Bengale, décrit leur accouplement, dont il fut témoin. « En 1793, dit-il, on mit une couple d'Éléphants en rut dans un enclos spacieux; on ti58 IIIS'nUP.K NATri'.KLLE. los faiDiliarisa eiisomhk'; un li'iir distrilma (]o la nourriture on ahoiidaiicc, des aliments cciiaiilTants, comme dos oignons, des aulx, tlu i^ingembro, etc. Ils prirent bientôt une grande affection l'un ])our l'autre, et se caressèrent continuellement di; leur trompe. Le 28 juin au soir on attacha la femelle à un piquet. Elle était vierge encore. Des gardiens apostés la virent couvrir sans difficulté par le màlo. Le lendemain, sans s'inquiéter de la présence des spectateurs, elle fut couverte de nouveau. John Corse et le capitaine lUchards Burke Gregory furent témoins d'un troisième accouplement, qui fut semblable à celui du Cheval : dans toutes ces circonstances, la femelle demeurant tranquille. Elle aurait été couverte une cinquième fois dans l'espace de seize heures si l'on n'eût pas empêché cette dernière, de peur d'énerver ces animaux. On a vu des femelles recevoir le mâle avant l'âge de seize ans, et croître encore. L'Éléphant se contente d'une seule femelle. » Des faits à peu près semblables' ont pu être observés dans nos ménageries, et on a surtout remarqué (jue les mâles devenaient intrai- tables à l'époque des amours. Les anciens ont dit que la gestation des femelles durait plus de deux ans; mais il est démontré qu'elle s'étend beaucoup moins, et qu'elle surpasse peu celle de la Vache ou de la Chamelle, qui est de dix ou douze mois. Chaque portée est d'un.petit seulement, et très- rarement, assure-t-on, de deux. Le jeune animal suce la mamelle de sa mère avec sa gueule, et non avec sa trompe, comme on l'avait cru. 11 paraît que l'allaitement dure près de deux ans. La crois- sance de lÉléphant est très-lente. Ce sont presque exclusivement des Éléphants d'Asie que l'on dresse pour certains usages domesti- ques, tandis que ceux d'Afrique le sont bien moins. Les uns comme les autres seraientcependant aptes aux mêmes usages, et la différence n'a lieu que pour les habitudes des indigènes des pays qu'ils habi- tent. Les Asiatiques sont plus industrieux que les peuples de l'Afrique, et ces derniers se bornent a leur dresser des pièges usement au-dessous de moi leur verdure tendre et fraîche tout enrichie d'éclatants boutons d'or; des dos gris ou rouges d'Éléphants se' découvrent comme d'énormes pierres, et d'entre ces dos ou ces pierres jaillit un jet d'eau qui rc- ACHYDERME^. 505 tombe en pluie fine. La vut; de l'eaii fait tant plaisir à qui a soit! et vraiment je songeais que j'allaii-i boire! Un instant s'écoule, et cette fois c'est une gerbe qui, dianiantée, prend les couleurs de Tarc- en-ciel; j'allais être victime peut-être de la méprise qui me charmait, quand mes Cafres hurleurs firent du tapage et délogèrent les Éléphants, lesquels, au besoin, lorsque les accable la chaleur, se pres- sent les uns contre les autres pour recueillir l'eau que l'un d'eux fait sorlir d'une poche de son esto- mac, et qu'il leur envoie en l'air par sa trompe (1 V Figf. 1T>. — liléplianl d'Afrique (Femelle) '( Cependant, malgré tout le désir de bien f^ire témoigné par chaque homme, malgré l'apparente résignation des Éléphants, qui, en dernière ressource, se groupaient en niasse à égale distance des bords, profitant de la protection des arbres et engrenant leurs têtes entre leurs corps, afin de ne plus présenter que leurs croupes moins vulnérables, il arrivait qu'impatients de recevoir incessam- flient les coups de fusil, ces animaux donnaient d'un commun accord sur le cordon de barrage, et le forçaient en y opérant une large trouée proche de laquelle nous retrouvâmes plus d'une fois des nôtres retenus sous les arbres abattus. « C'est alors qu'il était beau de voir et d'admirer la sagacité des femelles et leur instinct maternel que doublait le danger. Leur petit, à chacune, qui d'ordinaire trotte sur leurs talons, était invisible dans ces fuites, où les pieds des grands, se pressant confusément, eussent infailliblement écrasé ces frêles animaux. « Entre les quatre pieds de l'Éléphant courait le jeune, dont les pas incertains étaient guidés par sa mère. La trompe de celle-ci, passée sous son poitrail, s'unissait à celle de son petit et le dirigeait... « Quand chaque groupe se séparait ensuite, l'on voyait diverses troupes composées de vieux mâles, (1) Quoique nous ayons la plus grande confiance dans la véracité de Delegorguo, nous ne croyons cependant pas qu'il ait pu observer avec assez d'attention ks f lits que nous venons de rapporter pour qu'on les regarde comme déiinitivc- ment acquis à la science, cl l'étude analomique ne semble pas démontrer l'existence du réservoir dont parle notre voyageur. E. D. 2Gr> IIISTOIP.K NATURELLE. à rexccplion do U^no famillo, c\ (raiitros de femelles, eliacunc suivie trun jeune, dont la ligne était terminée j)ar uu grand mâle qui paraissait destiné à proléger la retraite. Les femelles déjjourvues de petits se tenaient aussi en troupes isolées, mais n'ayant avec elles aucun mâle; leur taille infé- rieure les faisait reconnaître de loin, et leurs défenses, n'excédant jamais trente livres chacune, le plus souvent de quinze et au-dessous, les sauvaient d'ordinaire de toute attaque. « Comme on peut bien le penser, tout chasseur consciencieux ne s'adressait qu'aux grands vieux mfties, respectant les jeunes et les femelles, à moins que celles-ci, par la longueur de leurs dents, ne viennent à rivaliser avec les mules de grandeur moyenne. L'approche et l'attaque des mâles est, du reste, plus aisce, et les avantages qu'ils procurent sont doubles. (•Les mâles sont graves; ce sont des philosophes aux passions froides et soumises. «Ils témoi- gnent moins de vivacité, moins de légèreté, et paraissent ne prendre une détermination qu'après réflexion. (( Les femelles sont plus turbulentes; elles ont les passions fines, s'emportent facilement et se lais- sent aller à la fureur la plus grande lorsqu'elles craignent pour leurs petits. La vue de l'homme les irrite alors au point le plus excessif; elles le chargent instantanément, quelquefois même opiniâtre- ment... « Cependant, quoique les mâles soient plus paisibles, il faut bien qu'un chasseur se garde d'ou- blier à leur égard toute mesure de prudence: car eux aussi sont susceptibles de charger parfois avec fureur, et même avec autant d'opiniâtreté que certaines femelles. « L'Éléphant a cela de commun avec Thomme, qu'il aime une légère inflammation du cerveau que lui procurent des fruits fermentes par l'action du soleil : Vomlioiiscliloiiàne et le inakani des Amazou- lans. Ces fruits sauvages, qu'il abat de sa trompe, acquièrent en quelques jours d'abandon sur la terre les propriétés qu'il désire, et c'est quand l'Éléphant est surpris à les déguster que le chasseur court les plus grands risques : les Cafres assurent qu'il n'y a guère de salut possible en pareil cas. et que l'homme, quel qu'il soit, doit se résigner à son triste sort. C'est par suite de cet état de sur- excitation que les mâles peuvent être aussi dangereux que les femelles. « Il est encore des individus plus redoutables que d'autres, quoique leur apparence donne une idée diamétralement opposée : je veux dire ceux qui sont naturellement dépourvus de défenses... « La valeur de l'ivoire, demandé sur toutes les côtes d'Afrique par les traitants européens, a en- gagé depuis longtemps les aborigènes à s'en procurer : ceux qui connaissent l'usage du fusil s'en ser- vent pour chasser l'Éléphant. Mais les Amazoulans, ne possédant aucune arme de ce genre, devaient nécessairement recourir aux leurs propres, quelque faibles qu'elles pussent être... « Quarante hommes à la fde les uns des autres approchaient un Éléphant jusqu'à cinquante pas. <( Le premier d'entre eux, armé d'une omkoudo (assagaye), au fer plus large et tranchant parles bords, se détachait de ses suivants, puis s'avançait à dix pas de l'animal, et plus près encore s'il le jugeait bon; là, brandissant son javelot, il le lançait dans l'un des jarrets, de manière à faire porter le fer horizontalement. Dés lors l'Eléphant était incapable de fuir, et les assaillants faisaient ideuvoir sur lui leurs omkoudos, qui partout se fichaient tremblants par la hampe, jusqu'à ce que, épuisé de sang, brisé par la colère impuissante, l'animal tombât pour ne plus se relever. ** « Les fosses recouvertes, garnies de pieux aux pointes aiguës et carbonisées, sur lesquelles on contraignait les troupes à passer, ne réussissaient qu'une fois; elles exigeaient une grande dépense de temps: leur position exacte, inconnue des étçangers, occasionnait de nombreux et terribles acci- dents : aussi sont-elles presque généralement abandonnées aujourd'hui. « Lès pieux plantés sur les bords des rivières, en manière de chevaux de frise, au bas de pentes rapides par lesquelles ces animaux devaient effectuer leur passage, étaient un assez mauvais moyen qui n'est plus mis en usage. « Il ne reste donc à ces peuples que leurs armes tranchantes, et c'est ainsi que les rois zoulans, tels que Djacka et Diaguan, se procuraient l'ivoire dont ils avaient besoin. Mais ils faisaient grande- ment les choses, et Panda suit encore actuellement la même méthode. » Nous n'irons pas plus loin dans l'extrait que nous donnons de l'ouvrage de Delegorgue; l'espace nous manquerait pour détailler ces chasses royales, auxquelles sont quelquefois employés plus de vingt mille hommes, pour donner des détails sur les divers moyens employés pour s'emparer de ces animaux, et pour faire conn?itre d'une manière complète les mœurs de ce Pachyderme. Analyser PACllYDKUMES. 207 Delegorgue est impossible, et nous ne pouvons ôv. nouveau, couiuie nous l'avons cléj;'i fait, que ren- voyer le lecteur à l'émouvant Vojjnge dans ['Amérique nnstrnle. 5. MAÎIMOUTH. ELEPIIAS PRIMIGENIUS. Blumenbach. Caractères spécifiques. — Le Mammouth diffère essentiellement des Éléphants vivants par sa lon- gue crinière, par son corps, entièrement couvert d'un poil doux, laineux, long de 0'";iO à 0'",15, roussûtre, recouvert par-dessus d'une seconde robe de poils rudes et grossiers, noirâtres, et longs de plus de 0'",20. Son crâne était allongé; son front concave; les alvéoles de ses défenses étaient longues, et les défenses elles-mêmes étaient beaucoup plus grandes que celles de l'Éléphant d'Afri- que, plus courbes, à pointe un peu rejetée en dehors. La mâchoire inférieure était obtuse, à molaires plus larges, parallèles, et marquées de rubans plus serrés. La taille de l'animal était plus considéra- ble que celle de l'Éléphant des Indes. Des défenses, des molaires et des os de ce grand Mammifère se trouvent en extrême abondance dans les couches superficielles du globe, dites terrains meubles, de tous les climats, et principale- ment dans tout le nord de l'Asie, de l'Europe, et même de l'Amérique; mais ils sont plus rares dans les contrées tempérées de ces trois parties du monde, quoiqu'on en ait rencontré en Italie et en Espa- gne, et que la Méditerranée semble avoir été la limite de cette espèce. Ces ossements, pris d'abord pour des os humains, ont préoccupé les esprits dans tous les temps, et ont donné lieu aux prétendues découvertes de tombeaux de géants dont parlent les auteurs de l'antiquité et du moyen âge, et aux fables des Tarlares et des Chinois, qui supposent que ces os proviennent d'un animal souterrain vi- vant à la manière des Taupes, et qui meurt aussitôt qu'il voit les rayons du soleil et de la lune. Lors- que plus tard ces ossements furent reconnus pour ce qu'ils sont en effet, on pensa que ceux qui avaient été trouvés dans les pays fréquentés par les Macédoniens, les Carthaginois et les Uomains, provenaient des Éléphants amenés par ces peuples, et cette hypothèse a été reproduite dans ces der- niers temps par De Blainville. Cependant, lorsque la plupart des naturalistes, zoologistes et géolo- gistes eurent constaté que ces débris existent en plus grande abondance dans le nord que dans le centre et le midi, ils cherchèrent généralement une autre explication de ce fait, et l'attribuèrent au refroidissement de la terre, qui avait forcé ces animaux à se retirer successivement dans des contrées plus chaudes. Enfin, la découverte d'Éléphants entiers, recouverts de leur chair et de leur peau non putréfiée, conservés jusqu'à nos jours dans les glaces de la Sibérie, fit supposer que ces cadavres avaient été transportés des montagnes voisines de l'Inde par les fleuves qui se rendent à la mer Gla- ciale. C'est en 1799 qu'un pêcheur touagance trouva, sur les bords de cette mer, dans une masse de glace, le corps d'un Éléphant qui ne fut entièrement dégagé par la fusion du glaçon que sept ans après, et qui vint échouer à la côte, où il fut recueilli par le naiuraliste Adams, qui le fit transpor- ter au musée de Saint-Pétersbourg. Les Yakants, habitants des environs du lieu où le cadavre avait échoué, en avaient dépecé les chairs pour nourrir leurs Chiens, et les Ours blancs l'avaient aussi mu- tilé. Néanmoins le squelette était encore entier, à l'exception d'un pied de devant. L'épine du dos, une omoplate, le bassin et les trois membres étaient encore réunis par leurs ligaments à des por- tions de peau. La tête était couverte d'une peau sèche; une des oreilles, bien conservée, était gar- nie d'une touffe de crins. On distinguait encore la prunelle de l'œil; le cerveau, desséché, existait dans le crâne. Le cou était garni d'une longue crinière; la peau était couverte de crins noirs et d'une laine ou bourre rougeâtre. On retira, en outre, plus de quinze kilogrammes pesant de poils et de crins que les Ours blancs avaient enfoncés dans le sol humide en dévorant les chairs. Sur les bords de l'Alas- oia, qui se jette dans la mer Glaciale, à l'est de l'Indigirsha, un autre Éléphant tout entier fut décou- vert par Sarstschew. Il était debout, et couvert de sa peau, encore garnie de longs poils noirs; une érosion du fleuve favait dégagé. Au Muséum de Paris, on possède un morceau de peau et des mèches de crin, avec des flocons de laine d'un troisième individu trouvé entier sur les bords de la mer Glaciale. Enfin quelques îles de cette mer, situées vis-à-vis les rivages où gisaient ces cadavres, sont si remplies de leurs débris, que, dans quelques endroits, le sol est un mélange de sable, de glace et d'ossements de Mammouths, et parfois même l'ivoire des défenses est tellement bien con- servé, qu'il a pu être livré au commerce. ^68 IIISTOiUE NAiUi;ELLE. La comparaison de ces os, commoncée par CaniptM', Pallas, Mcrc, Drumenbacli, el laite plus coni- plétemenl ensuite par G. Cuvier, avec ceux des Élépliants actuels, semble avoir démontré que le Mammouth était une espèce distincte, plus voisine de TElépliant des Indes que de l'Eléphant d'Afri- (jue, et que coite espèce n'existe actuellement plus; mais De IJlainville penche plutôt à le réunir à l'Éléphant des Indes; et, au contraire, f.IM. Nesti, Fischer de Waldheim, etc., y distinguent plu- sieurs espèces particulières. Cependant, quoique avec doute, M. Doitard paraît croire que le Mammouth pourrait bien figurer encore aujourd'hui dans la faune zoologique. Maintenant, dit-il, faisons un rapprochement très- curieux. On trouve dans \es Mémoires des nùssm-Dutires de la Chine (tome IV, p. 481) : » Selon les (I observations de physique de l'empereur Kanghi, le froid est extrême el presque continuel sur la « côte de la mer du Nord, au delà du Toi-tang-Kiang. C'est sur cette côte qu'on trouve le Fou-Chan, (I animal qui ressemble à un Rat, mais qui est gros comme nn Eléphant. Il habite dans les cavernes ('. obscures et fuit sans cesse la lumière; on en tire nn ivoire qui est aussi blanc que celui de l'Élé- u phant, mais plus facile à travailler, et qui nô se fend pas. Sa chair est très-fraîche et excellente (( pour rafraîchir le sang. L'ancien livre Chou-King parle de cet animal en ces termes : Il y a, dans u le fond du Nord, parmi les neiges et les glaces qui couvrent ce pays, un Rat qui pèse plus de mille (( livres; sa chair est très-bonne pour ceux qui sont échauffés. » De ces citations, ajoute M. Boitard, ne pourrait-on pas se demander si le Fou-Chan de l'empereur Kanghi ne serait pas le Mammouth, et si, dans ce cas, ce monstrueux animal n'existerait pas encore dans quelque coin retiré et inaccessible du globe? D'après toutes les observations recueillies sur le Mammouth, on peut conclure que c'était un ani- mal propre aux contrées les plus froides du globe, vivant dans les plaines, et particulièrement sur les bords des fleuves, des lacs, des marais et de la mer. Il devait nager avec beaucoup de facilité et longtemps afin de pouvoir passer d'une île à une autre et se nourrir de roseaux, de lichens et de jeunes pousses de bouleaux, d'aunes, de saules, etc. De la taille de l'Eléphant des'Indes, ou même un peu plus grand que lui, il devait être paisible, doux de caractère, mais sauvage, et fuyant les lieux habités par les hommes, si toutefois l'homme avait envahi le Nord dans le temps où il existait. Quoique le refroidissement graduel de la terre soit un fait géologique généralement admis aujour- d'hui, il est très-difficile, sinon même impossible, d'expliquer ces grandes masses de chair conservées dans la glace, à moins d'admettre un refroidissement subit qui aurait succédé à une température suffisamment élevée pour que les contrées habitées par ces Éléphants pussent produire les végétaux nécessaires à leur subsistance; car l'extrême promptitude avec laquelle la putréfaction s'empare de ces animaux dès qu'ils sont morts (et nous en avons eu la preuve dans notre laboratoire d'anatomie comparée du Muséum) ne permet pas de penser que leurs cadavres aient été amenés de loin. G. Cuvier n'a admis qu'une seule espèce d'Eléphant fossile, YEleplias primigenius, Elumenbach, qu'il a nommé E. mammolens, et que Schut indique sous le nom d'E. jubalus; mais les paléontolo- gistes actuels ont proposé plusieurs autres espèces que nous ne ferons que nommer : ce sont les JE. prisais du diluvium d'Allemagne et de Russie; paniciis, Kamcnslùi, pcriholelcs, pijcjmœus, cain- pijlotes, Fischer De Waldheim, de la Russie; odonioUfranus, Eiclnvald, pour une molaire du même pays; meridionalis, minimiis, Nesti, des sables du val d'Arno; Arvcrnensîs, Jobert et Croizet, d'Is- soirti en kmcrgne; macrorhtjnclnis, Morren. De Blainville rapproche de ces animaux le C?/»to//ic- rium anlicpium, que M. Kaup {Aklen der Urivelt, 1841) a créé pour une mâchoire inférieuri; trouvée dans une caverne du Yoigtlan saxon, près de Zwickau, et dont l'auteur fait une espèce voisine des Dugongs : le même anatomisle, réunit aussi au même groupe VE. latideiis, que nous espèces; laisserons avec les Mastodontes. Enfin De Blainville, dans son Ostéographic, n'admet pas toutes ces il pense même qu'il est encore à peu près impossible de démontrer que ri']léphant fossile diffère spécifiquement de l'Éléphant des Indes, et il réunit dans le même genre naturel les .Mastodontes, dont nous allons nous occuper, mais dont il fait une subdivision particulière. l'ACllYDiaiMES. 269 2""' GENRE. - MASTODONTE. MASTODOJS. G. Cuvier, 1806. MacTo;, mimellc; c^cuç, dent. Annales du Muséum, t. Vlll. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, J- o?/ \; molaires, l^r,; en totalité treize ou quatorze dents. Inci- sives supérieures en forme de défenses, dont ta coupe transversale présente à l'intérieur des losanges curviliynes, formés par des intersections de lignes, d'une substance osseuse plus dure; et, dans la subdivision des Tétracaulodons, une incisive également de chaque côté à la mâchoire inférieure. Molaires rectangulaires, formées seulement de la substance osseuse et de l'émail, sans matière cé- menteuse ou corticale, ayant leur couronne hérissée de grosses pointes disposées par paires, et dont le nombre varie, selon l'âge de la dent et sa position, depuis six jusqu'à dix; ces molaires poussant dans les mâchoires à menire qu elles se développent d'avant en arrière, et offrant à leur couronne, lorsqu'elles sont à demi usées, autant de losanges d'éma'.l on de figures de trèfle, suivant les es- pèces, qji'il y avait originairement de pointes. Os incisifs avancés et percés de larges alvéoles pour les défenses. Mâchoire inférieure terminée en avant par une pointe creusée d'un canal. Cou très court. Membres très-élevés et terminés par cinq doigts. Dix-sept paires de côtes, dont six vraies. Queue médiocrement longue. Ce genre de Pachydermes fossiles a été établi par G. Cuvier pour des débris d'animaux voisins des Éléphants, pourvus comme eux d'une trompe et de longues défenses implantées dans Fos incisif, ayant leur taille et des pieds de même structure, et qui n'en différaient que par des molaires héris- sées de tubercules ou mamelons coniques disposés en collines transverses, séparées par des vallées; tandis que chez les Éléphants elles sont formées de lames transversales dont les intervalles sont com- blés par un cément. Toutefois la ressemblance des Éléphants et des Mastodontes esî assez grande pour que Tilesius, qui n'accordait pas au système dentaire des animaux autant de valeur générique que G. et Fr Cuvier, n'en fît qu'un seul genre, et que De, Blainville, dans ces derniers temps, aif adopté la même opinion, mais cependant avec cette différence, qu'il divisa ce genre en deux sec- tions particulières, c'est-à-dire en Eléphants lamellidont^s et en Eléphants mastodontes. Enfin la plupart des espèces de Mastodontes semblent présenter cette particularité remarquable, d'avoir des défenses aussi bien à la mâchoire supérieure qu'à la mâchoire inférieure; ces derniers en ont été sé- parés par II. Godman, sous la dénomination de Tetraeaulodon, mais comme peut-être à un âge peu avancé les Mastodontes offrent probablement tous quatre défenses, ce groupe des Tétracaulodons ne doit pas être adopté. Les ossements de Mastodontes se trouvent généralement dans les terrains tertiaires supérieurs ou pliocènes, non mélangés avec les débris fossiles d'Éléphants, à l'exception de quelques localités, où il y a eu remaniement de terrain. Les espèces de ce genre semblent avoir habité toutes les contrées du globe, car on en rencontre dans les deux Amériques, dans une grande partie de l'Europe, dans plusieurs contrées de l'Asie, principalement dans les monts Himalayas, et jusqu'en Australie; l'Afri- que n'en a pas encore fourni, mais on n'ignore pas que ce continent est bien peu connu géologique- ment. Les parties les plus caractéristiques des ossements de ces animaux se trouvent dans leurs dents: aussi croyons-nous devoir en dire encore quelques mots, et plus tard les prendrons-nous exclusivement pour différencier les espèces. Les incisives sont ordinairement plus petites que celles des Éléphants, et, dans quelques cas, se présentent à la fois supérieurement et inférieurement. Les molaires ont un collet renflé; l'émail en est très-épais, et, quand il est coloré par un se! métallique, il fournit cette sub- 270 HISTOIRE NATUKKI.LK. stance employée dans les arts sous le nom de turquoise. Comme chez les Éléphants, ces dents n'exis talent pas toutes à la fois, mais elles se succédaient de telle sorte, qu'à mesure que l'une tombait en avant, il en poussait une autre en arrière, et qu'il s'en trouvait rarement plus de deux en usage de chaque côté de l'une et l'autre michoire; enlin il n'en restait plus qu'une seule dans la vieillesse. G. Cuvier n'a pas connu le nombre des dents qui se manifestaient ainsi; il ne le croyait que de quatre mais de nombreuses mâchoires inférieures de jeunes, d'adultes et même de vieux individus, tant d'Amérique que d'Eppelsheim en Allemagne, ont montré qu'elles étaient au nombre de six, dont on peut considérer, avec Laurillard, les trois premières comme des dents de lait. Les deux premières de ces dents de lait étaient remplacées, du moins à la mûclioire supérieure, par une dent verticale qui, dans quelques espèces, selon M. Owen. avortait souvent. Sur les individus chez lesquels elle se développait, il paraissait donc sept dents de chaque côté, dont cinq dites permanentes; mais cette dent verticale ne se rencontre que très-rarement. Les molaires supérieures étaient semblables aux inférieures, à l'exception de la dernière, qui était plus courte. Chaque colline fournit une racine divi- sée en deux parties par un sillon longitudinal, indice des deux cônes qui forment les collines. La racine de la colline antérieure est généralement séparée des autres, qui toutes, plus ou moins sou- dées, forment une grande masse dirigée en arrière; ces racines sont toutes sillonnées en travers. Les trois premières dents sont plus larges en arrière qu'en avant; les deux suivantes sont ancrées ou en parallélogramme, de sorte qu'elles se terminent en pointe mousse. Les dents supérieures sont un peu plus larges que les inférieures. Nous avons dit que ce qui distingue sui'toul les molaires des Mas- todontes de celles des Éléphants, c'est que dans ces dernières (voyez la ligure de la page 241 et celle de la page 249) les lames qui la constituent sont réunies par une matière sédimenteuse. tandis que dans les premières il y a des mamelons très-distincts. Fiiî. 74. — Molaire de Mastodonte. Dans son fascicule des Gravigrades Elcplias de VOstcofirapIne, De Blainvillc résume ainsi qu'il suit ce qu'il a rapporté des Mastodontes, dont il ne fait qu'une section du genre Éléphant : « Sous le rapport zoologique, les espèces à dents mamelonnées ont absolument les mêmes caractères généri- ques que les espèces lamellidontes sous tous les rapports des s\ sternes digital et dentaire. Sous le rapport ôstéologique, pour la structure, le nombre, la forme et la disposition des os du squelette, la ressemblance est parfaite; car il n'y a de doute que pour une vertèbre dorsale, et par conséquent pour une paire de côtes de moins, et alors pour une vertèbre lombaire de plus. Sous le rapport odon- tologique, il paraît assez probable que deux espèces étaient pourvues, pendant une grande partie de la vie, 'd'une paire d'incisives inférieures simulant des défenses, mais peut-être dans le sexe mâle seulement; et il est certain que le nombre de molaires et leur grosseur proportionnelle étaient comme chez les Éléphants lamellidontes, et qu'elles ne différaient essentiellement qu'en ce que les collines composantes, en général moins nombreuses, bien moins élevées, bien plus épaisses, se réu- nissaient bien plus tôt au collet, sans cément intermédiaire, et étaient par conséquent pourvues de racines plus fortes, plus longues et plus distinctes Sous le rapport géographique, les os, les dents d'Eléphants niasiodontes semblent, en Europe, être plus fréquents dans ces parties centrales et méri- dionales, au contraire de l'Amérique, et, dans les deux continents, être plus communs, surtout pour les squelettes, vers les lieux élevés, en Suisse, en Auvergne, en Gascogne, en Toscane, au sud et au nord de l'Amérique, et même en Asie. Sous le rapport géologique, ces ossements paraissent, dans PACllYDERiVlES. t>71 l'ancien comme clans le nouveau momie, appartenir aux terrains tertiaires d'eau douce, et peut être, mais bien plus rarement, marins : ainsi à Eppelsheim, sur la rive gauche du Rhin, dans les sables ferrugineux; à Zurich, dans un terrain de molasse; à Simore et aux environs, dans un calcaire marneiix lacustre; en Angleterre et m«ine en France, dans le Crag; dans le diluvium ancien en Italie et en Auvergne, et en Languedoc aux environs de Montpellier; mais jamais dans les cavernes ni les brèches osseuses, ni dans les alluvions. C'est, au contraire, en Amérique où les dents des Éléphants mastodontes semblent avoir été rencontrées, ou dans des cavernes, quoique fort rarement, ou dans des alluvions regardées comme peu anciennes; aussi ceux qu'on trouve au-dessous des racines de rOhio et de l'Hudson, où ils sont bien plus communs et en squelettes, sont-ils assez souvent roulés, ce qui ne me semble jamais avoir lieu pour ceux de l'ancien continent, si ce n'est dans le Crag Ces ossements sont, en Amérique, dans une association d'espèces de genres perdus, mais quelquefois aussi d'espèces encore vivantes, tandis qu'il n'en est pas ainsi eu Europe, ou du moins la chose est loin dèlre démontrée d'une manière aussi évidente, quoique, suivant moi, cela soit à peu près cer- tain. Ce qui l'est davantage, c'est que ce sont indubitablement les restes fossiles d'animaux Mammi- fères que Ton a trouvés à la hauteur la plus considérable, puisque les dents recueillies par M. De lîumbolt dans le royaume de Quinto, auprès du volcan d'Imbaburra, étaient à sept mille deux cents pieds, et celles du camp des Géants, auprès de Santa-Fé de Uogota, se trouvaient à six cents pieds plus haut, c'est-à-dire à sept mille huit cents pieds au-dessus du niveau de la mer. Enfin, sous le rapport de la distinction des espèces, elle doit porter, comme celle des Éléphants lamellidontes, sur ta considération des os mêmes du squelette, en général plus gros, plus larges, plus courts, plus ro- bustes, faisant présumer des animaux moins élevés sur membres, et, plus aisément encore, sur la structure des défenses, ainsi que sur celle des molaires, dont les collines deviennent de moins eu moins nombreuses, moins compliquées, moins mamelonnées et plus tranchantes. Ainsi ces espèces, "U lieu d'être au nombre de treize Eléphants mastodontes proprement dits et cinq Eléphants masto- dontes tétracaulodons, comme parait l'avoir accepté M. Grant, ne sont plus qu'au nombre de quatre, toutes fossiles et limitées, l'une à l'ancien continent et peut-être même indien {E. ancjuslhleus); une seconde à la Sud-Amérique, sur les deux versants des Cordillères {E. Hiimboldl'n); une troisième à la Nord-Amérique, sur les deux versants des Alléghanys, depuis le lac Érié jusqu'à Charlesiovvu [E. Oliiolicus-, enlîn une quatrième espèce européenne douteuse (E. tapiroïdes). » C'est en 1712 que le docteur Mellier a parlé pour la première fois d'os fossiles de ces animaux; mais les premiers apportés en Europe ne l'ont été qu'en 1740, par De Lorgueil, qui les donna au Muséum de Paris; Guëttard, en 1732, en parla d'après un voyageur nommé Gauthier; puis vinrent les travaux de Daubenton et de Buffon (17G2), et ceux de Collinson, qui en regardèrent les dents comme ayant appartenu à une espèce voisine de l'Hippopotame. Plus lard, W. et J. ilunter (17(38) les rap- portèrent au genre Éléphant; tous ces ossements provenaient de l'Amérique du Nord et se rappor- taient au grand Mastodonte, que Pennant nomma Elcplias Ainerkmius; Blumenbach, Mnmmoiheus Ohioiicus, Peal, Éléphant à molaires à pointe, et dont G. Cuvier, le premier, fit le type de son genre Mastodonte sous la dénomination de Mastodon fiiganieuni, tandis que G. Fischer en fait son genre Mastlwlerinm. Depuis celle époque, on découvrit des Mastodontes, ainsi que nous l'avons dit, en grand nombre et presque partout, et les naturalistes, qu'il serait trop long de nommer ici. en firent un grand nombre d'espèces. En effet aujourd'hui les paléontologistes sont d'accord à reconnaître une trentaine d'espèces pour la caractéristique desquelles ils ne considèrent guère*, ainsi que le fait re- marquer De Blainville, que la forme d'une dent molaire, sans s'inquiéter à quel côté et encore moins à quelle partie de la mâchoire elle appartient ; en sorte qu'un grand nombre de ces espèces sont pure- ment nominales, et que les véritables sont à peine convenablement établies. 1. l.E GRAND MASTODONTE. MASTODON GIGANTEUM. G. Guvicr. C.iRACTiiiiEs si'ÉciFiQUES. — A pcu près de la taille de rÉléphant des Indes, mais à corps un peu plus allongé, à membres légèrement plus épais, à ventre plus mince, à défenses plus petites et ayant de chaque côté trois dents molaires, une à qualre et une à six oi même à huit pointes : ces dents grosses, tranchantes, dont la coupe, quand elles sont usées, présente des doubles losanges transver- saux. .• Tri NISTOIHE iNATUatlLLl-:. Celle espèce, ancienneinent connue sous les noms de Giund animai, ou Éi.éi'Uam' uë i,'Oiiio, elsou.s ceux (le Mastodo.ntk ou Éi-éphant iie Sibéfiie, est le cuand SIastodonte. Maslodon fiifjuuleiim- et maximus de G. Cuvier, VOIiio huofpiitiim ol Mainmoulk Oli'ioticns de Blunienbacli. C'est r£/.o;) OU Cochou de rivière, que Prosper Albin a proposé pour le même animal dans son Hisloirc naturelle de l'Egype. C'est dans Hérodote qu'il en est question pour la première fois, et l'on suppose que ce qu'il en rapporte a été puisé dans Hécatée de Milet. a Les Hippopotames, dit-il, PACHYDERMES. 289 sont nombreux et regardés comme sacrés dans le nome Papremite (c'est-à-dire la province du Delta), et ne le sont pas dans les autres : ils sont quadrupèdes, à pieds fourchus comme dans le genre des Bœufs, à face camuse, à crinière de Cheval; ils montrent des dents exsertes; ils ont la voix et la queue du Cheval, la taille du plus grand Bœuf, et leur peau est si épaisse, que, desséchée, on en fait des javelots. » Cette description a été en partie reproduite plus tard par Aristotc. Plutar- que rapporte que les Égyptiens faisaient entrer THippopotame dans leurs signes hiéroglyphiques pour signifier l'impudence à mal faire, ce qui les avait conduits à le figurer pour représenter Typhon, ou ridée du mal; et cela peut-être d'après cette idée de ce que cet animal faisait, comme il le fait en- core aujourd'hui, de nombreux dégâts dans les cultures, sans craindre beaucoup, par suite de la na- ture de sa peau, les blessures que les armes anciennes pouvaient lui faire. Diodore de Sicile rapporte quelques faits intéressants relatifs à l'histoire de l'Hippopotame. Strabon, Néarque, Ératosthène et Onésicrite indiquent les lieux où il en existait et où il n'en existait pas. Avant Pline et d'après les renseignements qu'il nous donne lui-même, on avait vu un Hippopotame vivant à Piome, avec cinq Crocodiles, aux jeux donnés par Mucius Scaurus pour son édiliié, et le savant compilateur romain rapporte que les dents de cet animal donnent de l'ivoire souvent employé, et, comme preuve, il cite, d'après Pausanias, que le simulacre de la statue de la mère de Dindyméné, chez les Procnésiens, était d'or, si ce n'est la face, qui, au lieu d'ivoire, était faite de dent d'Hippopotame. Longtemps après, Pau- sanias. puisAmmienMarcellin, sous Julien, parlentde nouveau de ce Pachyderme; DionCassius rapporte qu'Auguste montra un Hippopotame dans son triomphe sur Cléopàtre; Lampridius, en énumérant les crimes et les folies d'Héliogabale, dit qu'il possédait des Hippopotames, des Ciocodiles, des Rhino- céros, avec beaucoup d'autres animaux plus ou moins curieux d'Egypte, qu'il énumère longuement; Jules Capitolin rapporte aussi que, sousAntonin le Pieux et sous Gordien, des Hippopotames furent montrés à Rome avec des Crocodiles; et le poète Calpurnius en indique également un qui parut sous le règne de l'empereur Carus. D'après A. De Jussieu, des Hippopotames furent aussi montrés à Rome, par l'empereur Philippe, pour la solennité des jeux séculaires. La mention des animaux de ce genre devient de plus en plus rare dans le Bas-Empire; toutefois Thémistius en parle, et Achille Tatius en donne la première bonne description, qui a été reproduite, en 325, par Eustathe. Au moyen âge, on ne connaissait guère mieux l'Hippopotame que les anciens ne le connaissaient; et, toutefois, Vincent De Beauvais, en 1250, et Albert le Grand, dix ans après, donnent quelques no- tions sur les mœurs de cet animal. A la renaissance des lettres, le premier naturaliste qui a eu l'a- vantage de voir et d'observer l'Hippopotame vivant n'est pas, comme on le dit à peu près partout depuis Buffon et même avant lui, P. Belon, mais P. Gilles, à Constantinople vers 1544, et, dans une lettre adressée au cardinal D'Armagnac, il en donne une description fort exacte, aussi bien pour la forme générale que pour les caractères tirés des dents et des doigts, et pour les habitudes de l'ani- mal. Belon, qui voyageait à peu près à la même époque en Orient que P. Gilles, raconte aussi avoir vu cet Hippopotame à Constantinople; mais il est évident pour De Blainville que tout ce qu'il en a dit n'est pas le résultat immédiat de l'observation de l'animal, mais tiré de l'étude des monuments qu'il a en eftet figurés. En 1609, Zerenghi tua, en Egypte, deux Hippopotames, un mâle et une femelle, et fil connaître cet animal d'une manière beaucoup plus complète que ses prédécesseurs, et ses obser- vations furent reproduites en partie au moins par Ulysse Aldrovandi, par Fabius Columa, Ges- ner, etc. Depuis lors ce Pachyderme a été observé, en Egypte, par iVosper Alpin, par Ludolf, par Jean De Thévenot, par Abdallatif, etc.; puis, souvent au cap de Bonne-Espérance, par Kallie, et, au Sénégal, par Adanson et plusieurs autres voyageurs; en Abyssinie, par M. Soit, et récemment par M. Rochet D'Kéricourt, d'après M. Duvernoy; et assez récemment par Delegorgue au nord du port ^'atal, et par M. le docteur Gobeen, selon M. Morton, sur la cote occidentale d'Afrique, un peu au delà du Sénégal, mais pour une espèce de taille beaucoup plus petite, VUippopotamiis viinor. Les naturalistes modernes, Buffon et G. Cuvier ù leur'tête, profitant des travaux nombreux de leurs prédécesseurs, ont donné une histoire à peu près complète des mœurs des Hippopotames, et en ont publié une bonne description. La peau, le squelette, la tête osseuse et les dents" qui sont des objets de commerce, ont été assez fréquemment envoyés en Europe; mais, jusque dans ces derniers temps, à l'exception de l'individu observé vivant à Constantinople par P. Gilles, jamais un individu adulte vivant ou mort n'a été apporté tout entier, et n'a pu servir aux études anatomiques, sauf pour celles de l'ostéologie et de l'odontologie, ainsi que nous allons le dire Ce n'est que dans ces der- K 57 290 lllSTOinE NATURELLE. nières années que la ménagerie de Londres a pu obtenir un bel Hippopotame vivant, et qu'en 1855. la ménagerie du Muséum de Paris en a reçu un jeune provenant du Nil Blanc, qui avait été offert à l'empereur par le vice-roi d'Egypte, et qui lui a été envoyé par M. Delaporte, consul de France au Caire, et qui, aujourd'hui, grâce aux soins de M. le professeur Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et de M. FI. Prévost, gardien de la Ménagerie, se porte très-bien et est parvenu presque à son état adulte. Dans les travaux d'art, cet animal se trouve représenté d'une manière fortreconnaissable sur quel- ques monuments que nous ont laissés les anciens, mais seulement chez les Piomains, et accompagnant ou non le Crocodile auprès d'une figure de fleuve, ce qui caractérise le Nil; on pourrait citer à ce sujet un bas-relief en marbre qui est au Musée de Paris, des bas-reliefs en terre cuite, des pierres gravées, des médailles, une peinture d'Herculanura, et enlin on le trouve figuré dans la célèbre mo- saïque de Paleslrine. Les traces que l'Hippopotame a laissées dans le sein de la terre sont assez nombreuses, quoique dans des localités assez restreintes. Il y a en effet bien longtemps qu'on avait recueilli des dents fos- siles d'une espèce de ce genre, puisque Aldrovande en a ligure de fort reconnaissables sous le nom de dents d'Éléphant; mais elles avaient passé inaperçues, aussi bien que celle qui est figurée par Besler. On avait cependant, et à plusieurs reprises, annoncé des restes fossiles d'Hippopotames trouvés en différents lieux, seulement dans l'idée d'un grand Quadrupède aquatique et rien de plus; mais ces débris, signalés par Lang, Davila, De Lamétherie, Daubenton, P. Camper, Merck, Fau- jus, etc., ne doivent probablement pas être rapportés à une espèce de ce genre. C'est réellement G. Cuvier, en 1798, 1806, 1812 et 1823, qui a décrit les premiers ossements authentiques d'Hippo- potames découverts en France, ainsi que dans quelques autres localités, et il en fait ses H. major et H. niiniitiis. Parkinson signala, en Angleterre, des débris de ces deux espèces. Puis on trouva un très-grand nombre d'ossements de //. major en Italie, au val d'Arno; et Nesti. le premier, les signala. Depuis cette époque, un grand nombre d'os et de dents fossiles furent découverts en Auvergne, en Bourgogne, en Sicile, en Sardaigne, en Corse, et surtout sur le périple de la Méditerranée. Mais la découverte la plus intéressante est celle d'ossements fossiles d'Hippopotame, en grand nombre, dans les dépôts sous-hymalayens, ossements étudiés par MM. Clift, Baker et Durand, Clelland. Falconer et Cauteley, et dont ces auteurs ont fait un assez grand nombre d'espèces réparties dans les deux groupes des Tetraprolodon et Hexaproloclon, ce dernier remarquable en ce que, à l'état adulte, l'animal avait six incisives en trois paires à la mâchoire inférieure. Enfin, assez récemment, on a annoncé qu'une défense d'Hippopotame avait été trouvée à Madagascar. G. Cuvier indique quatre espèces fossiles (ÏHippopoiamiis : les //. major, minutits, médius et dubhis; mais M. De Christol a démontré que ces deux dernières espèces devaient être réunies et devaient être rapportées au genre Lamentin, division des Metaxytheriiim, et de Blainville pense que les deux autres, au moins la pre- mière, ne sont pas différentes de Y H. ampliibius actuellement existant. Les espèces des sous-Hima- layas seraient nombreuses si l'on devait les admettre toutes, mais De Blainville en réduit très-con- sidérablement le nombre: l'une des principales est VH. Sivalensis, Falconer et Cauteley, auquel il réunit les //. anisoperus, meçiagnatlius et pluiijrlnpichus, Celland, et probablement aussi les Travaiicus et Na7nadicus, Falconer et Cauteley; enfin, pour lui, 1'//. Palœindicus ne différerait pas de r/7. (impliibius, et l'i^. dissimilis n'appartiendrait pas à ce genre. Les Hippopotames actuellement vivant à la surface de la terre n'ont encore été rencontrés qu'en Afrique et dans toutes les parties de ce continent où l'on a pu pénétrer, si ce n'est dans le versant sep- tentrional de l'Atlas. Les anciens ne connaissaient guère l'Hippopotame que de la vallée du Nil, mais surtout de ses parties supérieures; car dès lors il se trouvait rarement dans la Basse-Egypte, où cependant ont été tués les deux individus vus par Zerenghi et rapportés par lui en Egypte. Depuis ce temps, il n'en est plus descendu si bas; mais les voyageurs en ont rencontré en Nubie et en Abys- sinie, où Bruce dit qu'ils abondent, ainsi que les Crocodiles. La côte orientale d'Afrique, depuis le port Natal jusqu'au cap de Bonne-Espérance, en nourrit un très-grand nombre dans la plupart des rivières qui viennent se jeter ù la mer. Delegorguc nous apprend avec quelle rapidité le nombre de ces animaux peut diminuer dans un laps de temps très-court par le voisinage des colons européens armés de fusils, et avides de la chair et surtout de la graisse de ces animaux paisibles et sans défense. En 1859, trois hommes, durant un mois, tuaient de trente à trente-six Hippopotames à Tonguela; en 1840, dix; en 1842, quatre; en 1843, un ou deux ou même pas un seul. Les environs du cap de PÂrJlYhEUMMS. 1\)\ Bonne-Kspérance, et entre autres la rivière dite de la Montagne, en nourrissaient autrefois un très- grand nombre, et c'est en effet presque exclusivement de là que sont venus la plupart de ceux qui se trouvent conservés dans les cabinets d'histoire naturelle d'Europe, soit en peau, soit en squelette. Le Vaillant en parle comme étant encore abondants lors de ses voyai^es dans cette partie du monde; mais Delegorgue rapporte que l'espèce n'était plus représentée dans Berg-Rivier que par deux vieux mâles existant en 1858 sur la propriété de M. Melk, qui ne permettait pas qu'on les tuât, et que les Hollan- dais les plus âgés dans le pays les connaissaient depuis à peu près soixante ans. Les Hippopotames sont communs sur la côte occidentale d'Afrique, dans les grands fleuves, et entre autres dans celu» du Sénégal, où Adanson les a observés, dans la moitié du siècle dernier, comme fort nombreux, et où ils le sont encore aujourd'hui ; dans les mêmes régions, mais plus particulièrement dans la rivière de Saint-Paul, où on a observé comme étant assez commune une autre espèce plus petite d'Hippopotame que M. Morton a nommée H. minoi-. On trouve chez quelques auteurs, et cela d'après Onésicrite, que l'Hippopotame vit aussi dans les fleuves d'Asie; mais ce fait, qui a été nié anciennement d'une ma- nière positive par Néarque et Ératosthènes, n'a été confirmé par aucun des voyageurs modernes qui ont traversé l'Asie dans tous les sens, si ce n'est peut-être par Marsden, qui dit que cet animal existe à Sumatra; mais il est probable, comme le fait remarquer G. Cuvier, que cet auteur a donné le nom d'Hippopotame au Dugong, qui habite en effet les rivages de cette grande île. Pendant très-longtemps l'on n'a admis qu'une seule espèce vivante dans ce genre, VHippopola- mus anipliihîus, Linné; mais, en 1825, Desmoulins, dans \e. Journal de pinjsiologie, a cherché à distinguer spécifiquement l'Hippopotame du Cap de celui du Sénégal sous les noms d'il. Capensis et Seneffalensis, et M. Duvernoy {Comptes rendus de rAcadc»ne des sciences, 1846), en donnant la description d'une tête osseuse d'Hippopotame d'Abyssinie, qu'il réunit à celui du Sénégal, a adopté la môme opinion et a cherché à caractériser ces deux espèces. Toutefois De Blainville ne les adopte pas. En 1844, dans le Journal de la Société d'Histoire jiaturelle de I^liiladelphie, M. Morton a fait connaître une espèce bien distincte d'Hippopotame, YH. minor, de la côte occidentale d'Afrique. l. ESPÈCES VIVANTES. i. HIPPOPOTAME. Buffon. IIIPPOPOTAMUS AMPHIBIUS. Linné. Caractères spécifiques. — Corps très-massif; ventre traînant presque à terre; gueule très-fendue, laissant voir toutes les canines et les incisives inférieures lorsqu'elle est fermée; peau nue, épaisse, brune dans les individus adultes. Longueur du corps entier, mesuré en ligne droite depuis le bout du nez jusqu'à la queue, 5", 53; longueur de la queue, 0'",40. Cette espèce est le UcOxy-a; iTzm; d'Aristote, iTvirtî «oTaf^-oî d'iElian, I'Hippopotame et Hippopotame AMPHIBIE, Hippopotamus, Ilippopotamo de la plupart des auteurs, le Cliœropolamus de Prosper Alpin, V Hippopotamus amphibius de Linné, et Y H. Capensis des zoologistes qui ont cru devoir en séparer les H. Senegaknsis et même Abijssinicus. Cet animal habite les grands fleuves et les prin- cipales rivières de l'Afrique, tels que le Sénégal, le Zaïre, la Gambie, le Berg-Rivier, etc. On le trou- vait jadis dans la Basse-Egypte, et on le rencontre encore aujourd'hui en Ethiopie et en Abyssinie. Desmoulins et M. Duvernoy distinguent, ainsi que nous l'avons dit, deux espèces d'Hippopotames, les Hippopotamus Capensis et Senegalens'is; la première quelquefois aussi nommée //. ttjpus, et la seconde H. australis. Dans l'espèce du Gap, le crâne est plus long que dans celle du Sénégal; son chanfrein est moins courbé; les arcades zygomatiques plus droites ou moins obliques, moins dis- tantes à leur angle postérieur; les fosses temporales moins étendues en longueur; les orbites de forme trapézoïdale au lieu d'être ovales; les os incisifs faisant moins de saillie du côté palatin; la branche horizontale de la mâchoire inférieure moins large dans sa hauteur entre les deux dernières molaires et dans la proportion avec la longueur de un à cinq au lieu de un à quatre. Et pour le système den- taire : la barre entre la canine et la seconde molaire plus longue; la ligne alvéolaire des six der- nières molaires plus étendue; la première, la seconde et même la troisième molaire conique moins fortes et moins compliquées; les canines plus fortes et leurs cannelures plus prononcées. Tels sont les principaux caractères différentiels que M. Duvernoy, en insistant principalement sur la longueur 205 HISTOIRE NATURELLE. proporlioimeile plus grande, la direction moins oblique des arcades zygomatiques, la longueur des orbites dépassant leur hauteur, etc., donne comme établissant la distinction spécifique de l'ilippopo- lame du Cap et de celui du Sénégal, auquel il réunit celui d'Abyssinie el d'Egypte. Lesson, dans son J\ouv('nu Tnhlcau du PH'Çjnc animal, MAîmiirÈREs, 1842, va même plus loin que Desmoulins et M. Duvernoy, car il admet trois espèces, les H. Capcnsis, Seneqalensis et Abijssinicus. '2. HIPPOPOTAME TUÈS-PETlT. UIPPOPOTAMUS MINOR. Morton. CAHACTÈnEs SPÉCIFIQUES. — Une seule paire d'incisives à la mûchoire inférieure et sept molaires en baut comme en bas, sans barre entre la canine et la première molaire; la dernière molaire pous- sant obliquement, comme chez les Éléphants; chanfrein convexe de l'extrémité occipitale ù l'extré- mité nasale; espace interorbiculaire également convexe, et par suite les orbites plus abaissés, et non relevés en demi-tubes, comme dans rilippopotame amphibie, en même temps qu'ils sont plus avancés vers la moitié de la longueur de la tête; arcades zygomatiques dans le même plan que la mâchoire; os prémaxillaires remontant presque jusqu'au frontal; apophyse angulaire de la mandibule arrondie et non en crochet. Taille plus petite que celle de l'Hippopotame, ne dépassant guère celle du San- glier. Celte espèce est réellement bien distincte, quoiqu'elle ne repose encore que sur la considération de deux crânes : l'un plus qu'adulte, puisque toutes les sutures sont complètement effacées, et les mo- laires sont usées jusqu'au collet; et l'autre d'âge intermédiaire; des dents persistantes et de lait s'y trouvant à la fois, et cependant tous deux ayant la même longueur, trente cinq centimètres, d'une extrémité à l'autre de la ligne basilaire. M. le docteur Gobeen, médecin des États-Unis à Maurovia, qui a envoyé ces deux crânes à M. Morton, lui a appris que celte petite espèce, qui ne pèse jamais plus de quatre à sept cents livres, est commune dans la rivière de Saint-Paul, sur la côte occiden- tale de l'Afrique, un peu au delà du Sénégal; qu'elle est lourde et pesante dans ses mouvements, s'éloignant quelquefois jusqu'à deux ou trois milles des rivières; est très-difficile à tuer, si ce n'est quand elle est frappée au cœur; est très-irritable et dangereuse quand elle n'a été que blessée, et enfin que les nègres la recherchent beaucoup pour sa chair, dont le goût tient de celle du Rœuf et du Veau. II. ESPECES FOSSILES. 3. GRAND HIPPOPOTAME. HIPPOrOTAMUS MAJOR. G. Cuvicr. Caractères spécifiques. — Crête occipitale plus étroite que dans l'Hippopotame amphibie; arcades tygomatiques moins écartées en arrière; pommettes moins saillantes; partie rétrécie du museau moins longue à proportion; occiput plus relevé; intervalle des deux branches de la mâchoire infé- rieure plus étroit; face articulaire de l'omoplate plus arrondie; os de l'avant-bras et de la jambe plus épais. De la taille de l'H. amphibie ou un peu plus grand. Celte espèce fossile, que G. Cuvier a indiquée successivement sous les noms d'//. major, maxi- mus et antiqiius, ne différerait pas de VU. ampliîhius selon De Blainville. Ses ossements ont été trouvés assez abondamment dans les terrains meubles du val d'Ârno supérieur, en Toscane, péné- trés d'une substan(^e ferrugineuse. On en a aussi trouvé aux environs de Paris, en Auvergne (//. Tor- iiieUii, Croizet et Jobert) et dans plusieurs autres lieux. 4. HIPPOPOTAME PETIT. UIPPOPOTAMUS MINUTUS. G. Cuvicr. CAnACTÎ>REs SPÉCIFIQUES. — Dcuts scmblablcs en tout à celles de l'Hippopotame amphibie, mais de moitié plus petites dans toutes les dimensions, quoiqu'elles aient appartenu à des individus adultes; mâchoire inférieure ayant en dessous les crochets que l'on remarque sous les branches montantes des autres espèces du même genre. Taille du Sanglier. PACHYDERMES. 293 Le gisement des os de cette espèce est inconnu; mais ces os étaient renfermés dans un l)loc de grès homogène qui, par leur disposition dans sa masse, a quelque ressemblance avec les brèches calcaires osseuses de Gibraltar, de Celte, deDalmaiie, etc. MM. Falconer et Cauteley (Fauna aniiq. SivaL, pi. LVII, f. 19) ont établi, sous le nom d'//. Palœïndicus, une espèce de ce genre provenant des sous-Hinialayas, et qui est au moins très- voisine, sinon identique avec 17/. major de G. Cuvier, et les deux auteurs anglais en font le type de leur nouveau genre Tetraproiodon (rETpa, quatre; TrpwTc:, antérieur; o^'tov, dent) {Asiaiic Rescliercli, t. XIX, 1836), dans lequel les dents sont en même nombre que dans les espèces vivantes. 5. HIPrOPOTAME DES SIVALIKS. IIIPPOPOTAMUS SIVALENSIS. Falconer et Cauteley. Caractères spécifiques. — Crâne se distinguant de celui de VH. amphibius par une proponion sensiblement différente entre la partie crânienne et la partie faciale, celle-là étant plus longue et celle-ci un peu plus courte : en sorte que le bord antérieur de l'orbite est presque au milieu de la longueur totale, et que les fosses temporales sont plus étendues; incisives au nombre de six en trois paires en haut comme en bas, etc. Taille à peu près semblable à celle de l'Hippopotame amphibie. Cette espèce, en raison du nombre de ses incisives, est le type du genre Hexaprolodon {il, six; •jrpwTo;, antérieur; c^mv, dent) de MM. Falconer et Cauteley {Asiatic Resclierch, t. XIX, 1836), et pro- vient des sous-Himalayas. De Blainville y réunit les H. anisoperiis, megagnathus et plalijrhijnchus, Clelland; et l'on doit regarder comme en étant distincts les//. Travaticus et Namadicus de MM. Falconer et Cauteley, qui tous proviennent de la même localité. a"'» GENRE. — COCHON. SUS. Linné, 1735. Sus, nom latin de l'espèce type. Sjstema naturse. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, j\ canines, f^; molaires, —; en totalité quarante-quatre dents. Incisives supérieures coniques : inférieures dirigées obliquement en avant; caiiines fortes, sortant de la bouche et se recourbant vers le bout, dépourvues de racines proprement dites et croissant pen- dant toute la vie de l'animal; molaires simples : antérietires petites, étroites, quatre dernières gar- nies de tubercules mousses a leur couronne, disposées par paires. Nez prolongé, cartilagineux, tronqué an bout et renfermant un ostéide particulier ou os du boutoir. Veux petits, à pupille ronde. Oreilles assez développées, pointues. Pieds ayant tous quatre doigts, deux grands : intermédiaires posant seuls sur la terre, et deux plus petits relevés et un peu en arrière; tous quatre munis de petits sabots triangulaires. Corps couvert d'une peau épaisse, revêtu de poils raides, longs, appelés soies; entre la peau et les muscles, une couche de graisse épaisse, qui porte le nom de lard. Queue médiocre. Douze mamelles. Estomac membraneux, simple. Linné comprenait dans son genre Cochon, ou plutôt Sus, certaines espèces de Pachydermes qui, par quelques particularités odontologiques remarquables, sont aujourd'hui les types de quatre genres distincts, qui forment la famille des Suidiens de M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire. Ce sont des ani- maux dont la physionomie est caractéristique, car ils ont une lète longue et lourde, un cou ramassé, épais, court, un corps tout d'une venue, et des jambes minces et courtes. L'organe de l'odorat pré- domine chez les Cochons ; c'est ce que l'on peut constater anatomiquement par le grand développe- ment des cornets ethmoïdaux et maxillaires ; un autre indice se remarque dans la grandeur des os du nez, qui occupent presque la moitié de la longueur de la tête, et dont la pointe est à peu près au ni- veau du sommet de l'arc des intermaxillaires. L'organe du loucher est surtout très-sensible à l'extré- 294 lllSTOinE NATUREMi;. mité du nez, qui forme ce que l'on appelle le boutoir, qui est soutenu par un os particulier; et comme le museau n'est pas tronqué perpendiculairement à l'axe de la tète, mais obliquement en bas et en arrière, et comme il n'y a que l'arc supérieur du boutoir relevé en un gros bourrelet qui ouvre et divise la terre, sur laquelle le dessus du museau jusqu'au nez agit à la manière d'un soc de cliarrue, il en résulte qu'on fouissant, les quatre cinquièmes au moins de la face nue et humide du boutoir ne subissent pas de frottenienl et restent disponibles pour le toucher le plus délicat qui existe peut-être. L'ouïe, qui parait le plus actif des sens après l'odorat et le toucher, ne doit pas être cependant bien énergique, car la caisse n'est qu'un tubercule osseux assez saillant en pointe au devant de l'apophyse mastoïde, dont la cavité est petite et dont le volume apparent ne répond qu'au tissu celluleux-osseux. L'œil est relativement petit, à pupille circulaire, sans troisième paupière, et semble peu servir à l'ani- mal. La peau est épaisse, dure; le derme, très-serré, recouvrant, comme dans les Cétacés et les Pho- ques, une épaisse couche de graisse appelée lard; et, comme par compensation, il y a bien moins de tissu cellulaire graisseux dans les intervalles ou dans l'épaisseur même de leurs muscles que chez les autres Mammifères. 11 n'y a qu'une sorte de poils, connue sous le nom de soie; ces soies sont plus longues et plus nombreuses le long de l'échiné, où elles sont récurrentes, et autour des oreilles, où elles se redressent lorsque l'animal est en colère. Les oreilles sont médiocres et droites dans les es- pèces sauvages; dans quelques races domestiques, au contraire, elles sont très-développées et pen- dantes. Les pieds de devant ont quatre doigts : les deux postérieurs, quoique bien garnis de sabots, ne touchent pas à terre sur un plan uni, mais servent à l'animal pour ne pas enfoncer dans la vase. Ces animaux, à l'état sauvage, sont propres à l'Europe et à l'Asie, et, peut-être, pour une espèce, à rOcéanie; mais, à l'état domestique, et quelquefois même redevenus sauvages, ils se rencontrent sur toute la surface du globe et partout où s'est étendu la civilisation humaine; car les produits nom- breux qu'ils donnent ont dû engager l'homme à le propager partout où il est venu s'établir. Ils habitent généralement les forêts humides, dans le voisinage des rivières et des marécages ou des terres cultivées; car, vivant de fruits et de racines, ils ne peuvent déterrer celles-ci que dans un sol meuble et humide. Les Cochons ont des mœurs assez douces, et ils sont essentiellement phytophages, quoique certaines races domestiques mangent parfois de la chair. Le Cochon étant répandu partout depuis une haute antiquité, il en résulte que son anatomie a été commencée de bonne heure; Aristote avait déjà parfaitement reconnu la nature solide des os de cet animal, et la ressemblance qu'il y a entre son astragale et celui des Ruminants; mais il faut des- cendre à Daubenlon pour trouver des détails un peu complets, et ce ne sont guère que les travaux de G. et Fr. Cuvier, de Pander et D'Alton, de Spix, de De Blainville, etc., qui ont élucidé entièrement ce sujet. Les os du squelette du Cochon sauvage ou Sanglier sont remarquables par leur dureté et leur densité, au point que les Chiens ne peuvent guère réussir à briser même les extrémités des os longs, non plus que les os courts : aussi, quand ils ont pu être privés entièrement de la graisse qui sou- vent les imprègne complètement, deviennent-ils d'un blanc presque mat. Les sinuosités de leurs facettes d'articulation sont généralement profondes, serrées par les ligaments, de manière à don- ner beaucoup moins de flexibilité aux mouvements de ces animaux, qui sont remarquablement raides, comme on peut l'observer dans leur course aisément impétueuse, mais dans le sens seul de la projection. L'ensemble des os de ce squelette offre encore une disposition générale assez particu- lière dans le peu d'allongement et la compression du tronc, dans le peu d'éloignementdes membres entre eux et dans la presque égalité des quatre parties qui les constituent. Quant au nombre total des os, c'est encore le même que dans les Hippopotames, du moins pour les membres. 11 y a quatre vertèbres céphaliques, sept cervicales, quatorze dorsales, cinq lombaires, six sacrées et quinze coc- cygiennes au moins, ce qui fait un total de cinquante. Dans son ensemble, la tête représente presque une pyramide quadrangulaire, dont la face palatine serait à peu près perpendiculaire à l'occiput pris pour base; cette tête est assez allongée, surtout dans les types sauvages, et présente quelques particularités, telles que le grand développement des cornets ethmoïdaux, celui des sinus fron- taux, etc. Le cou est peu allongé, assez fortement courbé en dessus, et les vertèbres qui le forment sont en général assez courtes, presque égales et à peu près plates aux extrémités de leur corps comme dans l'Hippopotame, et non convexo-concaves comme chez les Ruminants. Les vertèbres dorsales, assez égales dans leur corps, ont leur apophyse épineuse toujours considérable. Les lombaires ont leur apophyse épineuse presque égale ou hauteur, inclinée en avant, et de largeur PACHYDERMES. 295 peu différente, et leurs apophyses transverses très-longues. Les sacrées constituent un sacrum très-étroit. Les coecygiennes sont très-grêles. L'hyoïde est assez semblable à celui de Tllippopo- tame. Le sternum est étroit, composé de six sternèbres, dont le manubrium en soc de charrue. Il y a quatorze côtes, sept sternales et sept asternales. Le thorax est en général assez court, peu ample, sans cependant être aussi comprimé que dans les Ruminants. Les membres sont peu éloignés entre eux; les antérieurs à peine plus courts que les postérieurs. L'omoplate est triangulaire, assez étroite. L'humérus se rapproche de celui des Hippopotames. L'avanl-bras, assez long, ressemble un peu à celui des Ruminants; le radius est plus antérieur, plus arqué, et le cubitus plus soudé, plus grêle. La main, considérée en totalité, quoique composée du même nombre d'os que chez l'Hippopotame, est cependant beaucoup plus étroite, et par conséquent plus semblable à celle des Ruminants. L'os innominé offre beaucoup d'analogie avec celui de l'Hippopotame. Le fémur a son corps droit, sa tête arrondie et bien distincte. La jambe est proportionnellement plus haute que celle de l'Hippopotame, mais moins que chez la plupart des Ruminants. Le tibia plus long que le fémur et un peu courbe. Le péroné droit, grêle, à corps large, aplati en haut. Le pied forme un degré encore plus avancé du système digital pair que chez l'Hippopotame; le tarse est assez considérable; l'astragale est presque disposé comme un osselet de Ruminant; il est très-allongé et remarquable par son articulation avec le péroné. Un ostéide particulier, qui porte le nom d'os du boutoir, se remarque chez cet animal et soutient la disposition singulière du mufle; c'est un petit os de nature spongieuse ou fibro-osseuse, qui est parfaitement symétrique et de forme presque cubique. La rotule est très-étroite, un peu en forme de grosse virgule. Quelques différences, sur lesquelles nous ne pouvons insister, se remar- quent dans le squelette du Sanglier et du Cochon, suivant diverses circonstances, telles que l'âge, le sexe, l'habitat, etc.; et ces différences, ainsi que nous le dirons, sont plus caractéristiques pour des espèces autrefois comprises dans ce genre, et qui forment aujourd'hui les types de groupes parti- culiers, tels que ceux des Phacochère, Rubiroussa et Pécari. Aristote, le premier, a parlé des dents de ces animaux; mais il a commis à ce sujet des erreurs qui ont été reproduites jusqu'à Daubenton, et qu'Oken, le premier, a révélées; les auteurs modernes, et principalement G. et Fr. Cuvier. De Rlainville. les ont mieux décrits. Dans le Sanglier, il y a vingt-deux dents en haut comme en bas; savoir : incisives, ': canines, \~\; molaires, y^. A la mâ- choire supérieure, les incisives sont placées l'une derrière l'autre, à cause du peu de largeur du museau et de la grandeur de la première de ces dents; elle est crochue, un peu dentelée, et coupée obliquement sur son bord; un creux longitudinal se trouve au milieu de sa couronne : la seconde est plus petite et n'est pas creusée à la couronne; la troisième, plus petite encore, est large, mince et terminée en poin. lorsque l'usure ne l'a pas émoussée. La canine, qui vient après un intervalle vide, est une défense qui s'écarte en dehors et se relève; elle est conique, avec une arête à son bord pos- térieur, et une surface unie en avant vers la pointe, formée par le frottement de la canine inférieure. Les molaires vont en augmentant de grandeur de la première à la dernière : les trois premières sont de fausses molaires; mais leur tubercule principal semble environné, formé même d'autres tubercules petits et irréguliers, ce qui est le caractère le plus saillant des molaires des Cochons; la quatrième molaire paraît formée de trois tubercules principaux, deux en dehors et un en dedans; les deux sui- vantes en ont quatre réunis par paires, une antérieure et une postérieure; la dernière en a un de plus impair postérieurement; à mesure que ces tubercules s'usent, ils présentent des dessins d'émail de plus en plus compliqués. A la mâchoire inférieure, la première incisive a la forme ordinaire de ces sortes de dents; la seconde a un tranchant oblique; la troisième est formée de deux lobes, un grand antérieur et un petit postérieur; toutes ces dents sont couchées en avant. La canine est une défense de forme triangulaire, courbée antérieurement, droite en arrière et très-aiguë, et se portant en dehors de la mâchoire. La première molaire est une fausse molaire; après elle vient un intervalle vide qui est suivi de trois fausses molaires ou dents plus grandes d'avant en arrière que d'un côté à l'autre et tranchantes comparativement aux autres molaires; les trois dents suivantes sont de vraies molaires : la première formée de quatre tubercules principaux réunis par paires; la seconde en a un impair postérieurement, et la troisième est terminée par une paire de tubercules de plus que les autres; ces dents ont la même structure que les supérieures, et leurs tubercules principaux sont couverts de fissures ou environnés de petits tubercules qui les rendent extrêmement irréguliers. La seule dif- férence que le sexe apporte au système dentaire des Cochons ne porte que sur le développement des '290 lllSTOinK NATURELLE. défenses, bien moins grosses et par conséquent moins exsertes dans la femelle que dans le raàle; l'âge coïncide avec des différences bien plus importantes, puisqu'elles comprennent le nombre, la forme et la disposition; c'est ainsi qu'il n'y a dans la jeunesse que trois molaires de chaque côté, et que, dans la vieillesse, l'incisive externe peut tomber et les traces de cette alvéole disparaître. Aucune trace des animaux du groupe des Cochons n'est indiquée dans les monuments des Assy- riens; mais, dans les bas-reliefs trouvés àPersépolis, on voit représentées des chasses portant essen- tiellement sur des masses de Sangliers. C'est surtout dans les livres chinois qu'on voit pour la première fois signalé le Cochon, et à l'état sauvage et aussi à l'état domestique. Chez les Hébreux, l'existence du Sanglier à l'état domestique est révélée par une loi du Deuléronome, qui défend au peuple de Dieu de manger du Porc, mais sans en donner la raison, que l'on suppose avoir été déterminée par l'idée que la chair de cet animal, employée comme nourriture habituelle, était une des causes de la maladie désignée sous le nom de lèpre; cependant il est prouvé que les Juifs élevaient des troupeaux de Cochons, puisque le Nouveau Testament parle d'un troupeau de ces animaux dans lequel la puis- sance surnaturelle de Jésus-Christ fit entrer le malin esprit qui tourmentait un possédé, et qui furent se précipiter dans les eaux du Jourdain. On sait que les mahométans regardent aussi les Cochons comme impurs; et il en était de même des Égyptiens. Chez les Grecs, on voit, dans l'âge héroïque, le Sanglier considéré comme un animal nuisible et digne des travaux des grands hommes du temps, devenus des héros et même des demi-dieux : tel est le Sanglier monstrueux habitant le mont Éry- manthe, désolant toute l'Arcadie, et qu'Eurysthée ordonna à Hercule de lui apporter vivant; tel est encore l'énorme Sanglier de Calydon, tué par Méléagre; la Laie des environs de Corinthe, détruite par Thésée, etc. Les historiens et des poètes, Xénophon, Hésiode, Homère, parlent du Sanglier sau- vage et du Cochon domestique, et Aristote s'étend davantage sur ce sujet. Cependant la culture du Porc, déjà commencée m Grèce, fut considérablement augmentée par les Romains, et Varron, Calon et Columelle consacrent un article à ces animaux, qu'ils nomment Suilliim pecus. De Rome, l'art d'élever les Codions s'est successivement propagé en Angleterre, en France, en Suède, en Norwége, dans le midi de l'Europe, et plus tard dans tout le reste de la terre. Lhuyd, Besler, N. Grew, dans leurs catalogues paléontologiques, signalèrent les premières dents de Sanglier trouvées fossiles dans le sein de la terre. G. Cuvier décrivit aussi quelques ossements qu'il regarde comme étant identiques avec le Sanglier, et que Goldfuss nomme Sus prisons; d'autres espèces de France, d'Allemagne, des monts Himalayas, etc., ont été signalées par MM. Croizet, Kaup, Falconer et Cauleley. \. ESPÈCES VIVANTES. 1. SANGLIER. SUS SCROFA. Linné. Caractères spécifiques. — Tête forte, allongée; cou court; corps épais, musculeux; jambes assez courtes, fortes; chanfrein droit; occiput très-élevé; oreilles assez courtes, mobiles; yeux petits; bouche très-fendue, ayant la lèvre supérieure remontée par les canines, qui se relèvent latéralement vers le haut; défenses robustes, triangulaires, médiocrement allongées; pas de protubérance au-dessous des yeux; fourrure peu épaisse, formée de longues soies dures et élastiques, à la base desquelles est un poil peu abondant, assez doux et frisé à peu près comme de la laine : les plus longues soies et les plus fortes étant situées sur le dos; queue droite, courte; couleur générale d'un gris noirâtre. Longueur moyenne du bout du museau à l'origine de la queue, 1"'; queue, 0'",20; hauteur moyenne, 0'",45. Le Sanglier sauvage est le Kairpc; d'Aristote, le Sus férus et le Porcus de Pline, le Sus aper de Brisson, le Sus scrofa, var. aper, de Linné, et le Sanglier et Marcassin de Buffon. Cet animal diffère beaucoup du Cochon domestique, qui eu provient cependant; la femelle ou Laie se distingue du mâle par une taille plus petite et par ses défenses moins fortes, et le jeune, ou Marcassin proprement dit, a, dans les six premiers mois de sa vie, le pelage rayé de bandes longitudinales, parallèles entre elles, et alternativement d'un fauve clair et d'un fauve brun. Les mœurs du Sanglier ont quelque rapport avec leur conformation extérieure; la rudesse de leurs soies s'accorde avec la brusquerie de leurs mouvements; ils ont un naturel farouche, quoique cepen- dant d'une grande hardiesse dans le danger; et ces animaux sont surtout à craindre à l'âge de trois PACflYDERMES. 207 à cinq ans, car alors leurs défenses ont atteint leur plus grand développement et sont devenues tran- chantes; mais, plus tard, ces défenses se courbent et coupent moins. C'est dans les forêts que le Sanglier passe ses journées; il choisit pour sa retraite ou Ixiufie les endroits les plus sombres et les lieux humides : il reste couché là pendant le jour et ne sort que le soir ou la nuit pour aller cher- cher sa nourriture. Les champs et les vignes qui avoisinent les forêts ne sont pas à l'abri de ses dé- vastations, et en une seule nuit une récolte entière peut être détruite par ces animaux, ils se plai- sent dans les lieux marécageux, où ils aiment à aller se vautrer, prendre ce que l'on appelle le souïl pendant la chaleur du jour. Ils se nourrissent de fruits sauvages, de racines et de grains; mais ils dé- vorent aussi quelquefois de jeunes Lapins, de petits Oiseaux, et, quand ils sont pressés par la faim, ils mangent également des Vers de terre et quelques autres matières animalisées. Comme les Co- chons, ils fouillent la terre, mais plus profondément qu'eux. Dans le temps des amours, qui a lieu en janvier et février, les mâles se livrent entre eux de terribles combats qui ne se terminent le plus souvent que par la mort du plus faible; et la femelle qui a quitté sa famille devient le partage du vainqueur. La femelle met bas, vers le mois de mars, et au bout d'nne gestation de quatre mois, de trois à neuf petits, qu'elle allaite jusqu'à trois mois. Les jeunes sentent leur faiblesse et vivent en- semble, défendus par leur mère jusqu'à près de trois ans ; mais, vers cet âge, ils sont devenus adultes; ils comptent sur leur force pour vivre seuls, et quittent la troupe pour aller s'accoupler. Les vieux mâles vivent solitairement; mais les femelles restent en famille avec leurs petits; dans les pays peu peuplés, il arrive quelquefois que plusieurs femelles se réunissent et forment ainsi des troupes plus ou moins considérables qui vivent en très-bonne intelligence et se défendent mutuellement. La durée de leur vie est de vingt à vingt-cinq ans. Vh. 7y. — Tête de Sanslicr. Les chasseurs donnent différentes dénominations au Sanglier suivant son Age; jusqu'à six tnois, on le nomme Marcassin; à cet âge, il prend le nom de Bète rousse, et à un an on lui donne celui de Bêle de compagnie; à deux ans, on l'appelle Ragol; à trois ans, c'est un Sanglier à son tiers an; à quatre ans, c'est un Quarlenier, et plus tard on le désigne sous les noms de vieux Sanglier. Soli- taire, Vieil Ermite et Porc entier. La chasse de cet "animal est dangereuse et demande un grand train de vénerie, surtout lorsqu'on veut le forcer : pour cela il faut le faire attaquer dans les bois par des Chiens courants; le Sanglier une fois lancé en plaine, on envoie contre lui des Lévriers qui l'occupent, tandis que des Bouledogues viennent le coiffer, c'est-à-dire qu'ils le tiennent fortement par les oreilles pendant que le chasseur le tire avec un fusil chargé à balle, ou qu'il vient lui plon- ger son coutelas au déf;nit de l'épaule. Il est dangereux pour un chasseur de manquer son coup et de ne faire que blesser le Sanglier, car alors l'an'uial devient furieux; il s'élance au milieu de la meute, éventre tous les Chiens qui sont à sa portée, et souvent le chasseur se voit exposé à être grièvemenl blessé. Mais le plus grand nombce des chasseurs se bornent à faire attaquer le Sanglier à sa bauge par de forts Mâtins, puis le tirent dès qu'ils Taperçoivent. D'autres chasseurs se mettent à l'affût, où n 58 208 mSTOIlŒ NATL'UKLLE. ils tirent le Saiii^lier lorsqu'il vient à paraître. Pris jeune, le Sanglier, tout en conservant la rudesse et la brusquerie qui lui sont ualurelles. est siisceptible de s'apprivoiser; il caresse à sa manière celui qui le soiL;ne, reconnait assez bien la voix de sou pourvoyeur; mais, presque toujours, lorsqu'il est devenu adulte, et principalement à l'époque des amours, il reprend ses habitudes naturelles, devient danij;ereux, et on est obligé de le tuer. Nous avons donné, dans le Dictionnaire pittoresque d'His- toire natitrellc, des détails sur une jeuTie Laie qui, prise jeune, fut allaitée par une Chienne, à la- quelle elle téni(iii;ua longtemps une très-grande amitié. Fr. Cuvier rapporte qu'il a vu de jeunes San- gliers auxquels ou avait a])pris à faire des gesticulations grotesques pour obtenir quelques friandises. Malgré ce qu'on eu a dit, le Sanglier n'est donc pas un animal aussi stupide qu'on le croit en général. Le Sanglier habile les forêts les plus grandes et les plus solitaires de l'Europe, de l'Asie et du nord de l'Afrique. On ne l'a pas trouvé en Amérique; mais le Cochon, qui y a été transporté d'Eu- rope, s'y est tellement multiplié, que plusieurs parties des deux Américpies ont leurs forêts peuplées de Cochons marrons, qui se sont plus ou moins rapprochés de leur type primitif par les formes et encore plus par les habitudes. L'Angleterre n'a pas de Sangliers, parce que probablement ils y ont été détruits dans des temps reculés. Ces animaux se rencontrent également dans les climats chauds et tempérés; mais on ne le trouve plus à l'état sauvage au dessus d'une certaine latitude dans le nord, et c'est probablement pour cela qu'ils n'ont pu passer de l'ancien dans le nouveau continent, comme l'ont fait plusieurs autres Mammifères. Le Cochon domestique n'est qu'un Sanglier dont une antique servitude a modifié, jusqu'à un cer- tain point, le physique et le moral. Mais tous les Cochons domestiques descendent-ils uniquement du Sanglier ordinaire? Voilà une question que se sont posée les naturalistes, et qui n'est pas en- core complètement résolue aujourd'hui. Cependant, comme ces animaux produisent ensemble des races fécondes, on est assez porté à résoudre affirmativement la question, quoique quelques variétés de cette espèce présentent des différences bien grandes avec le type. On admet deux races dis- tinctes et de nombreuses variétés dans l'espèce du Cochon. i"^ R.\CE. — Cette race appartient exclusivement à 1 Europe, et descend, sans contradiction, de notre Sanglier. Elle est beaucoup plus grande que l'autre, et ses oreilles sont plus ou moins pen- dantes; elle comprend plusieurs variétés auxquelles on donne le nom de races et quelques sous-va- riétés. Le Cochon à cjrandes oreilles, le plus grand de tous, est rcconnaissable à son corps légère- ment efflanqué, à l'ampleur de ses oreilles très-pendàntes et lui cachant un peu les yeux. On le trouve plus fréquemment en Angleterre et en Allemagne qu'en France; mais, comme il n'est ni ro- buste ni fécond, et que sa chair est grossière et fibreuse, on en élève peu. Le Cochon anglais de grande race en est une sous-variété qui atteint souvent le poids de cinq cents à cinq cent cinquante kilogrammes Le Cochon commun, qui est plus petit et beaucoup plus répandu que le précédent, en est descendu. Sa chair est meilleure, plus fine, et il a l'avantage de s'engraisser plus facilement et plus promptement; il offre plusieurs sous-variétés, telles que le noir, le pie blanc, le pie noir, le roux, etc. ; il est surtout répandu en France. Le Cochon commun a été modifié à son tour par diverses influences de climats, de nourriture et de soins, et a fourni les races suivantes : A. Cochon de la vallée d'Au/je, à tête petite et très-pointue, à oreilles étroites, à corps long et épais, à poils blancs et rares, à jambes ^ninces et os petits; qui s'engraisse très-rapidement, parvient au poids de plus de trois cents kilo- grammes, et se trouve en Normandie, presque dans tout le nord, louest et le centre de la France. — \j. Cochon du Poitou, à tête grosse et longue, à front saillant et coupé droit, à oreilles larges et pendantes, à corps allongé, à poils rudes et blancs, à pattes larges et fortes et à gros os; son plus grand poids n'excédant pas deux cent cinquante kilogrammes. — C. Cochon du Jutland, qui a de l'analogie avec le précédent, fournit, à l'âge de deux ans, de cent à cent cinquante kilogrammes de lard, et est estimé en Angleterre. — D. Cochon du Pèrigord, ayant les poils noirs et rudes, le cou gros et court, le corps large et très-ramassé; il est assez estimé; par son croisement avec le Cochon du Poitou, il produit le Cochon pie. — E. Cochon de Champagne, qui a beaucoup d'analogie avec celui du Poitou, mais qui s'engraisse moins vite et moins bien. — F. Cochon des Ardennes, à oreilles droites, à soies blanches; il est recherché parce qu'il s'engraisse vite. — G. Cochon suédois, qui ressemble beaucoup au précédent, et que l'on croit métis du Sanglier et de la Truie ordinaire. On cite encore beaucoup d'autres sous-variétés, telles que les Cochona de Churollais, de Boulogne, etc.; mais il faut reniarquer que ces races dégénèrent promptement lorsqu'on les change de climat, et PACHYDERMES. 299 que, si Ton veut en conserver la piirelc, il faut constamment renouveler les VerraU ou mules, en les faisant venir des pays d'où la race est originaire. 2« RACE. — Cette race semble appartenir exclusivement à TAsie et à TAfrique, quoiqu'elle se soit assez répandue en Europe et en Amérique. Presque tous les animaux qui la composent ont l'oreille droite, la queue pendante, non tortillée comme dans les précédents, et terminée par une touffe de poils; ils sont généralement de petite taille. Les deux principales variétés sont le Cochon de la Clnnc, à corps épais; museau court et concave en dessus; front bombé et à oreilles droites; il est plus petit et plus bas sur jambes que notre Cochon commun, couvert de soies noires, raides, très- frisées sur les joues et h la mâchoire inférieure; le tour des yeux ayant une légère teinte de feu; l'ex- trémité des jambes de devant, le ventre et la partie interne des cuisses blancs. Il a les habitudes grossières du Cochon ordinaire; mais il paraît plus affectueux avec les personnes qui le soignent, et il a presque toujours été confondu avec le suivant : le Cochon île Siam ou du Touquin, quelquefois aussi nommé Cochon du cap de Bonne-Espérance, à soies noires ou d'un marron foncé, à oreilles droites, à jambes grêles et très-courtes, à ventre très-bas, presque traînant; à queue pendante, etc. De la taille, ou plus petit que le précédent. On en connaît plusieurs sous-variétés, telles que le Co- chon nain ou à jambes courtes, le plus petit de tous, d'un blanc jaunâtre; assez répandu en Italie en Savoie, dans le midi de la Fiance, en Espagne et en Portugal; le Cochon de Pologne ou de Bas- sic, un peu plus grand, d'un jaunâtre tirant sur le gris; le Cochon de Guinée, d'un rouge vif, à tète assez petite, à oreilles longues, minces, très-pointues; à queue tombant presque à terre et dépour- vue de poils, et qui est très-commun au Brésil, où il a été importé. Du croisement de toutes ces variétés avec celles de la première race, il est résulté des métis, comme le Cochon croisé anglais, provenant du Cochon de la Chine et du Cochon ordinaire; le Co- chonnoble, que l'on croit un métis du Cochon de Siam et de notre Sanglier, etc. Les mœurs du Cochon domestique diffèrent peu de celles du Sanglier; toutefois il a acquis une lu- bricité sans exemple dans les autres animaux, et une voracité dégoûtante. Pourvu qu'il se remplisse l'estomac, tous les aliments lui sont bons. Tl mange également de la chair et des végétaux, et, ce qui lui est particulier, c'est que les plantes vénéneuses, telles que la ciguë, la jusquiame noire, etc., qui feraient périr tout autre animal, sont avalées par lui avec la même gloutonnerie que toute autre substance alimentaire sans jamais lui faire aucun mal. La Laie n'est en rut qu'une fois par an; la Truie recherche presque constamment le mâlg ou Verrai; elle fait deux et même trois portées par an, et reçoit le mâle pendant qu'elle est pleine. Très-souvent elle dévore ses petits au moment de leur naissance si l'on n'a pas soin de l'en empêcher. Quoiqu'elle n'ait que douze mamelles, la Truie or- dinaire fait parfois seize ou dix-sept petits, et celle de la Chine jusqu'à vingt; mais on compte, terme moyen, sur six petits pour la première et la seconde portée, et huit pour la troisième et la quatrième; et en général les jeunes mères en font moins que celles qui sont plus âgées. Le temps de la gesta- tion varie de cent neuf à cent quarante trois jours selon Tessier, et serait de cent quatorze à cent quinze d'après Burger. De nombreux ouvrages ont été publiés sur l'élève de ces animanx. « En économie rurale, dit M. Boitard, dans le court résumé qu'il en a donné dans le Dictionnaire universel d'Histoire natu- relle, on divise les Porcs en sauvages, demi-sauvagcs et privés, quelle que soit leur race. Les prc-r miers, tels qu'on en rencontre en Hongrie, en Bosnie et en Servie, n'entrent pas à l'étable; ils passent la belle saison dans les pâturages, et l'hiver dans des endroits clos et demi-abrités; ils for- ment des troupeaux séparés et ne se multiplient pas à leur volonté. Mais le Porc domestique ou privé est celui qu'on élève à l'étable. La Truie entre en rut dès l'âge de six mois, mais plus communé- ment à huit; quel que soit son âge, il est bon de ne la faire couvrir qu'en novembre, afin qu'elle ne mette bas qu'en mars, parce que les petits craignent beaucoup le froid, et que ceux nés en hiver réussissent bien difficilement ; elle peut produire deux fois par an; mais, en bonne économie, on ne doit la faire porter qu'une; elle s'use moins vite, et donne des produits plus nombreux et plus beaux; quand elle a huit ans, il est plus avantageux de l'engraisser que de la faire produire. Le Verrat n'est propre à courir la femelle qu'à l'âge d'un an, et les petits sont plus beaux et plus robustes, quand il en a deux; à six ans, il est bon de l'engraisser, car, passé cet âge, il serait fort dispen- dieux et fort difficile de le faire; outre cela, les vieux mâles deviennent ordinairement méchants et dangereux. Les Cochonnets que l'on veut élever doivent être sevrés au plus tôt à huit semaines; les 500 HISTOIIU'] NATUURLLf^. Cochons de lait dostinos à la boucherie doivent l'être à l'âge de vingt A trente jours; ils exigent beaucoup de soins pendant les quinze premiers jours après leur naissance; il faut scrupuleusenietil les abriter du froid et de riiumidité, et les faire teter chacun à leur tour afin de s'assurer que tous prennent à peu près une nourriture égale; pour cela, on les séparera de la mère, et on les fera teter toutes les cinq ou six heures. Dès qu'ils seront un peu foi'ls, on les enverra chaque jour aux champs, lorsqu'il fera beau temps, alin qu'ils s'accoutument à chercher eux-mêmes leur nourriture, ce qui rend le sevrage beaucoup plus fa.emé, d'un noir terne, avec une bande blanche partant dû nez et s'élendant sur ks joues; taille ne dépassant pas celle d'un fort Marcassin d'Europe. Se trouve à Java d'après Temminck, et habiterait également le Japon selon Lesson. 5. SANGLIER A MASQUE. SUS LARVATUS. Fr Cuvicr. Caractères spécifiques. — A peu près de la taille et de la couleur du Sanglier; garrot beaucoup plus élevé et train de derrière très-bas, ce qui lui donne un peu la tournure d'une Hyène; télfc grosse et proportionnellement très-longue; oreilles courtes, très-écartées, un peu arrondies par de- vant, et formant comme une pointe laciniée et velue retombant par derrière; yeux placés très- haut, petits, très-écartés l'un de l'autre; au-dessus de chacun d'eux, de chaque côté, on voit une sorte de grosse loupe velue; près de chaque défense supérieure s'élève un gros tubercule ovale, à peu près semblable à une mamelle dont le mamelon allant presque jusque vers les yeux, ces deux tubercules étant unis l'un à l'autre le long de la ligne médiane du museau, de manière à ressembler à une espèce de masque dans lequel l'animal aurait caché la moitié de la tête; canine supérieure courte : inférieure très-grande, très-saillante; moustaches longues, formées de crins raides partant de la mâchoire inférieure et venant s'appliquer à la base des loupes des yeux. Fi;;. 80. — Tèle de Sanglier à masque. Ce Sanglier est le Sus Africcimis de Schreber, et Daubenton le nomme Sanglier de Madagascar. Cet anima? présente quelques particularités ostéoiogiques et odontologiques, qui le rapprochent du Phacochère. On le trouve à Madagascar et au cap de Bonne-Espérance; et il abonde surtout dans les forêts de Susikamma d'après Daniels, qui, ainsi que Fr. Cuvier, en a publié la ligure. 11 est entière- 502 IIISTOIUK .NAI'Lr.KLLK. menl f'arûnrlu', iiulompiablo, d'un ii;itiirel féroce, cl sa rciicoiUre est pait'ois (lant^ci't'usc. l)'aprè.s Fia- court, les tubercules du nez de la femelle seraient moins volumineux que ceux du mâle. II. ESPÈCES FOSSILES. Les tourbières et les terrains meubles, ainsi que les cavernes, contiennent des ossements de Co- chons qu'on n"a pu distinguer d'une manière positive du Sanglier commun, quoique M. Goldfuss en ait cependant fait une espèce particulière, son Sus prisais. Les sablières d'Eppelslioim en four- nissent des espèces qui sont véritablement perdues. M. Kaup en décrit trois : 1" Sus aHtiquus, fondé sur une niAchoire inférieure beaucoup plus grande que celle du Sanglier actuel, et qui pré- sente des formes différentes; 2" Sus palœocliœrus, créé sur une moitié droite d'une mâchoire infé- rieure un peu plus grande que celle du Sus scrofa, et dont les branches de la mâchoire sont com- primées et plus hautes d'un cinquième que celles du Sanglier; et 5" Sus aulediluvianus, petite espèce à peu près de la grandeur du Babiroussa, fondé sur des molaires. Quelques autres débris fossiles ont encore été signalés; telle est une mâchoire décrite par G. Cuvier comme provenant du val d'Arno, une molaire inférieure découverte par M. Bourdet (de la Nièvre) dans la molasse à ciment calcaire du mont de la Malme, près de Neufchàtel, des débris trouvés dans les terrains tertiaires d'Au- vergne, etc., et dont M. Croizet fait le Sas Arvernensis. M.M. Falconer et Cauteley indiquent aussi une espèce de Cochon des collines subhimalayanes, qu'ils nomment Cliœrotlierium (xv)?w?, Cochon; ôvip, animal) (1855, Journal de la Société asiatique de Calcutta), et qui diffère notablement des autres fossiles. Enfin M. Harlau donne la figure d'une portion de mâchoire inférieure à dents très-usées, qui vient, selon lui, d'une espèce de Cochon h laquelle il donne le nom de Sus Ameri- caniis, et qui a été trouvée en creusant le canal de Brunswich, en Géorgie. 3'"« GENRE. — PHACOCHÈRE. PHACOCHJ^nUS. Fr. Cuvier, 1822. ay.o;, lourd; 7/vipo?, Cochon. Mémoires du -Muséum, t. XIII. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système denlaire : incisives, f; canines, j-Z-J; molaires, f^^; en totalité trente dents. Incisives supérieures grosses, triqiièlres, verticales et un peu courbées : inférieures intermédiaires petites et écartées l'nne de l'autre, et les deux suivantes plus grosses, rapprochées; canines supérieures énormes, en forme de défenses ou de cornes, relevées en haut et latéralement de chaffuc côté : infé- rieures semblables à celles-ci par leur foi-me et leur direction, mais plus petites; molaire supé- rieure antérieure petite, poussant verticalement, ne touchant pas la seconde : les trois dernières poussant du fond de la mâchoire en avant, très-grandes, composées de cglindres émailleux réunis par un cortical, disposés par rangs de trois en trois et transversalement : les trois premières molaires inférieures petites, mousses, séparées les unes des autres, poussant verticalement : la dernière très-grosse, formée de plusieurs dents soudées, et composées elles-mêmes de ciilindres émailleux, comme les molaires supérieures. Dans quelques cas, les incisives et même les premières molaires tombant avec l'âge. Tête très- grande; guetile très- fendue. Oreilles assez gravides, latérales, pointues. Yeux petits. Des loupes charnues ou de grosses verrues sur la face. Quatre doigts à chaque pied, deux grands intci-médiaires d'égale longueur, posant seuls à terre, et deux autres latéraux et en arrièie, plus courts, égaux entre eux. Queue courte. Les Phacochères sont plus lourds et plus trapus que les Cochons, dont ils diffèrent principalement par la disposition de leur système dentaire; leur crâne est très-élargi, et leur groin offre un grand aplatissement; leurs yeux, placés près des oreilles, sont tellement rapprochés l'un de l'autre, que ces animaux ne voient presque pas de face; on remarque de chaque côté de la joue un gros tubercule ou PACHYDERMES. 505 verrue qui a valu à ces Pachydermes le nom de Codions à verrues; les oreilles sont grandes, ovales, et Touïe paraît très-sensible; il en est de même de l'odorat, ce qu'annonce la longueur du museau et l'organe olfaciif, dont les orilices externes ou narines sont ouverts dans le milieu d'un groin très- large et très-mobile; la langue est douce; le pelage ne semble se composer que de soies dures et rares, produites par une peau épaisse et rugueuse •. ce qui rend leur toucher d'autant plus obtus, qu'une épaisse couche de graisse se développe sous cette peau. Fig. 81 — Tète de l'iidcucbàre. Fijï. 82. — Tèle de Pliacoclière vue en dessus. L'ostéologie des Phacochères n'a été que partiellement étudiée par Éverard Hume et par G. Cuvier, et plus récemment De Blainville s'en est également occupé. La tête osseuse en totalité est plus large, plus déprimée que celle du Sanglier, et toutes ses parties descendantes sont obliquement inclinées d'arrière en avant, et même déjà dans le jeune âge. La partie postorbitaire est encore bien plus courte et plus large, plus tronquée à l'occiput que dans le Sanglier à masque; les orbites, alors plus reculés, sont en même temps plus distants entre eux et moins clos en arrière; les arcades zygomati- ques, bien plus courtes, surtout dans leur partie temporale, sont, au contraire, bien plus larges et plus écartées, et surtout plus obliques à leur racine antérieure, ce qui, par suite de l'énorme dilata- lion alvéolaire des canines, rend le museau comme étranglé dans son milieu, un peu comme dans l'Hippopotame; mais les os du nez dépassent presque les incisives; les fosses nasales, postérieure- ment ouvertes par un bord évasé, se prolongent à la base des os du crâne dans une excavation assez profonde formée par l'extrémité des os ptérygoïdiens internes; l'extrémité de la mâchoire inférieure est très-aplatie. Les autres parties du squelette présentent aussi quelques légères particularités dif- férentielles. Le système dentaire, étudié principalement p;ir Fr. Cuvier et De Blainville, offre des ca- ractères remarquables, parmi lesquels nous avons déjà signalé les principaux. A l'état naturel, les Phacochères sont des animaux féroces et indomptables; en domesticité, du- rant leurs premières années, ils montrent de la gaieté et l'expriment par la vivacité de leurs mou- vements; ils s'apprivoisent même jusqu'à un certain point; mais bientôt tous ces signes de douceur s'effacent, et, lorsqu'ils deviennent adultes, toute marque de confiance disparaît, et ils ne semblent plus éprouver que le besoin de la solitude et celui d'éloigner d'eux ce qui pourrait les troubler; mais, du reste, on n'en a eu que très-rarement en domesticité. Ces animaux se nourrissent essen- -.04 IIISTOIP.E NATURELLE. fipllomcnt do nKitiôres vôgétnlos; ils fouissoiU pour découvrir les bulbes el les racines des planies, dont ils paraissent reconnaître la présence |)ai- leur odorat; ce qui a lieu aussi pour certains Co- chons, qui, comme on le sait, sont dressés pour aller à la recherche des trrfffes. Dans ces derniers temps, on a indiqué quatre espèces de ce genre; mais on est loin d'être d'accord pour savoir si on doit les admettre toutes, ou, au contraire, les réunir en une seule. Gmelin avait déjà admis deux espèces, les Sus yElliiop'icus et Afiicanus; mais les auteurs qui vinrent après lui, et parmi eux G. Cuvior, De Blainville, A. G. Desmarest, réunirent ces deux espèces, tandis que Fr. Cuvier les distingua d'après ce caractère principal, que l'une d'elles n'aurait pas d'incisives, et que l'antre, au contraire, en présenterait : toutefois cela n'est peut-être pas une particularité spécifique, mais phiiôt une différence produite par l'âge; quoi qu'il en soit, nous indiquerons ces deux prétendues espèces. ÎjCs deux antres seraient le Pliacocliœnis koiropoiaiiins de Madagascar, figuré par Desmoulins dans l' Allas du Dicliounairc classique d' Histoire naturelle, et fondé sur une peau d'un fœtus qui fait partie delà collection du Muséum, et \e J'Jliain, Creizchmar et Huppel, d'Abyssinie, rapporté avec doute au Tclracherus d'iClien, lequel M. Ehrenberg a nommé Sus llan-ia, et qui ne diffère pas du Phacochère du Cap. 1 PHACOCHÈRE DU CAP ou D'KTillOPIE. VUACOCn.ERlS ETIIIOPICUS. Tr Cuvier. Caractères spécifiquf.s. — Corps d'un gris roux; tête noirâtre; une longue crinière composée de soies grises et brunâtres sur les épaules, le cou et le derrière de la tête; reste du corps couvert de poils peu abondants; des lambeaux de peau charnue sous les yeux. Longueur de la tête et du corps, i"',5o; longueur de la queue, 0"',\h à 0'",i6; hauteur entre les épaules, 0"',90. Cet animal est le Stis JEthiopicus, Gmelin-, le Poiic a large groin, Allamand; le Sanglier d'Af»!- QiiE, Buffon; le Phacochœrus edenlalus, Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Fr. Cuvier rapporte que le n)eil- leur caractère de cette espèce est le manque dincisives, et cela, d'après lui, non-seulement dans les vieux animaux, mais aussi dans les jeunes : toutefois on doit dire que Ton trouve assez fréquem- ment dans les gencives quelques rudiments d'incisives, comme l'a rapporté G. Cuvier, et que, d'après De Blainville, les vieux individus seuls sont dépourvus d'incisives. C'est aux environs du cap de Bonne- Espérance que l'on trouve ce Pachyderme; il habiterait aussi l'Abyssinie si on lui réunit le Siis JElinni. 2. PHACOCHÈRE D'AFRIQUE. PHACOCH.EniS AFRICAms. l'r. Cuvier. Caractères spécifiques. — Corps couvert de soies noirâtres, longues et fines, surtout aux épaules, au ventre et sur les cuisses; pas de lambeaux charnus au-dessous des yeux; queue terminée par un flocon de poils descendant jusqu'au jarret. Taille du précédent. Cette espèce est le Sanglier di: c.vp Yert; Sus Africanus, Gmelin; Sus încisiviis, Is. Geoffroy, etc. D'après Fr. Cuvier, il se distinguerait surtout du précédent parce qu'il est pourvu de deux incisives à la mâchoire supérieure, et de six à l'inférieure; les deux incisives supérieures éloignées par leurs racines, se rapprochant en convergeant par leur couronne, crochues; et, des six incisives inférieures, les deux dernières étant très-courtes, couchées contre les quatre autres, qui sont à peu près d'égale longueur et dirigées en avant. Habite les îles du cap Vert. 4"'- GE^BE. — BABIBOUSSA. BABIIWSSA. Fr. Cuvier, i825. D'un mol malais qui signifie Cochon-Cerf. Denis des UaiiimifÈres. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Sjisicme dentaire : incisives, |; canines, }^|-; molaires, f^; en totalité trente-six dents. Alvéole de la canine de la mâchoire supérieure dirigée en haut, et la dent se développant outre mesure, en moulant en haut, et se recourbant en arrière sur elle-ntcme; première màchelière d'en haut PACHYDERMES. r.05 riant une fausse molaire, cl deux prnn'icrcs d'en bas élanl dans le même cas; canines inférieures formant des défenses dans t'âfje adulte. Les autres caraclhres semblables à ceux des Cochons. Fig. 83. — Têle de Babiroussa. Ce genre ne renferme qu'une seule espèce, qui a été pendant très-longtemps placée dans le genre (loclion, et qui a été distinguée génériquemenl, il y a une trentaine d'années, par Fr. Cuvier. Les liabiroussas , ou plutôt les Babi-roesa et Babij-rusa des Malais, sont connus depuis une haute antiquité, et leur nom vient de la langue malaise, et signifie Cerf-Cochon, probablement parce que l'animal qui le porte a une grande ressemblance avec le Cochon, et que la disposition de ses défenses a été comparée aux bois des Cerfs. JEWen semble indiquer cet animal dans deux passages de ses ouvrages sous le nom de Cerf cornu d'Ethiopie, à moins que ce ne soit du Phacochère qu'il ait voulu parler; trois siècles après la mort de cet auteur, le moine Cosmas, qui avait voyagé dans rinde. paraît également en avoir parlé sous la dénomination de Xc-peXai^o? [Cerf-Cochon); mais M. Roulin, dans un article important du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, croit y voir un autre animal. Ce n'est guère que beaucoup plus tard, vers la fin du seizième siècle, lorsque les Mo- luques passèrent de la domination des Portugais sous celle des Espagnols, qu'on commença réellement à avoir des notions certaines sur les Babiroussas; Bartholin en donna une description et publia la pre- mière figure qu'on ait eue en Europe de cet animal, Pison le figura de nouveau en 1658, et Bonlius le nomma Babiroussa; mais c'est surtout à Valentyn que Ton doit une bonne description et surtout des détails de mœurs importants sur ce Pachyderme; aussi ses écrits ont-ils été copiés par la plu- part des naturalistes, et principalement par Buffon et Fr. Cuvier. Enfin, dans ces derniers temps, MM. Quoy et Gaimard, qui faisaient partie d'une expédition scientifique autour du monde, obtin- rent de la générosité de M. Merkus, alors gouverneur des Moluqiies, plusieurs Babiroussas, et en ramenèrent deux vivants à la ménagerie du Muséum, où ils vécurent longtemps et même se repro- duisirent, et l'on put les étudier avec soin. L'anatomie de ces Mammifères n'a été connue que dans ces derniers temps, et encore ne l'est-ellc pas complètement. Leur tête osseuse, déjà étudiée par Bartholin et Daubenton , l'a été de nouveau par De Blainville, qui a été à même de dire quelques mots de leur squelette en général. La tête est très-allongée dans la partie crânienne, ce qui a avancé l'orbite; le chanfrein est très-doux; les os du nez terminés par un grand élargissement; la colonne vertébrale se compose de sept vertèbres cervi- cales, treize dorsales, six lombaires, cinq ou six sacrées et vingt-trois ou vingt-quatre coccygiennes très-grêles et très-atfénuées; ces vertèbres ont beaucoup d'analogie avec celles des Cochons, mais le sacrum est encore plus étroit; les membres ne présentent pas de différences bien appréciables. Mais si le Babiroussa touche presque immédiatement au Sus scrofa sous le rapport du squelette, il s'en éloigne, au contraire, très-notablement sous celui du système dentaire, et surtout par ses canines très-développées e! en forme de défense, principalement dans le mâle. 50() lUSTOlUE NATURELLE. Un frairniont de mandibule fossile, provenant du calcaire du Basbcri;:, [)i'ès de Buschwciler, el dé- cril par .M. Duvernoy, a été quelquefois, mais avec doute, rapporté au genre Babiroussa. UABIROUSSA. Cuffoii. DABIHOUSSA ALFOURUS. Lcssoii. CAnACTÈREs spÉf.iFiQQES. — Corps asscz svelte; jambes élevées et fines . postérieures un peu plus longues que les antérieures; tète oblongue, étroite; boutoir assez évasé; mâchoire inférieure, à cause du développement de ce boutoir, paraissant moins avancée que la supérieure; défenses longues, grêles, relevées verticalement : les supérieures se recourbant en arrière en spirale, très-fortes chez les mâles; corps couvert d'un poil doux, un peu frisé, à l'exception des quelques soies lâches semées sur le dos; couleur générale tirant sur le roussâtre et plus ou moins mêlé de noir; queue longue, contournée, terminée par une touffe de laine. Taille d'un petit Cochon. Le Babiroussa, queBrisson nommait Sangmer des Indes orientales, et qui est le Babiroussa ai.fou- Rus de Lesson, habite l'archipel Indien. D'après Valentyn, sa chasse donne peu de peine, et l'animal, une fois atteint par les Chiens, est bientôt rendu, car sa peau mince, son poil rare, le protègent mal contre ses ennemis; il se défend avec ses défenses contre ceux qui l'attaquent, mais la disposition de ses armes ne lui donne pas un grand avantage contre eux; on dit que, lorsqu'il est poursuivi de trop près, il cherche à gagner les grands fleuves ou la mer, où il nage avec assez de facilité; son cri est assez analogue à celui du Cochon; la chair de (-et animal est très-savoureuse, et rappelle, par le goût, la chair du Cerf plutôt que celle du Porc, mais elle l'emporte en finesse sur l'une et sur l'au- tre. Leur nourriture n'est pas la même que celle du Sanglier, qui habite les mêmes pays que lui; tandis que ce dernier est très-friand de Canaries, sorte d'amandes de l'Inde, il ne vit, lui, que d'herbes et de feuilles d'arbres sauvages : aussi ne lui arrive-t-il pas, comme au Cochon sauvage, de faire in- vasion dans les jardins, de forcer les clôtures et de bouleverser les plantations, et il ne commet aucune sorte de dommage. Il a l'odorat très-fin, et, pour éventer son ennemi, il a coutume, assure Valentyn, de se dresser sur ses pieds de derrière, en s'appuyant contre le tronc d'un arbre; c'est dans cette posture, ajoute l'auteur hollandais, qu'il dort la nuit, afin de pouvoir sentir de plus loin, et c'est ainsi que le trouvent les chasseurs; il aurait aussi, dit-on, l'habitude, mais cela n'est pas ad- missible, d'accrocher ses défenses à quelque branche d'arbre ou à quelque liane, afin de dormir ainsi suspendu avec plus de commodité. Les habitants de l'archipel Indien ont quelquefois consacré cet animal à leurs idoles, car on voit souvent en Europe des têtes qu'ils avaient préparées avec soin, qu'ils avaient peintes, et auxquelles ils avaient surtout doré les défenses. MM. Quoy et Gaimard, et, de son côté, Fr. Cuvier, ont étudié le Babiroussa à l'état de domesticité. A bord de VAsirolabe, bâtiment sur lequel étaient embarqués les deux premiers naturalistes que nous venons de citer, les Babiroussas étaient nourris avec des pommes de terre et de la farine dé- layée dans de l'eau; mais, outre ces aliments qu'ils préféraient, ils mangeaient aussi, comme nos Cochons, toutes les substances qu'ils rencontraient. Les deux individus donnés au Muséum d'His- toire naturelle de Paris y arrivèrent en juillet 1829; et, en février 1850, la femelle mit bas un jeune mâle, qui mourut en décembre 1851 : elle mourut elle-même en décembre 1852, et le mâle l'année suivante. Le mâle était très-âgé, et son obésité le rendait lourd et inactif; il passait sa vie à dormir caché dans sa litière, et ne semblait se réveiller que pour boire et manger. La femelle, plus jeune et plus vive, était moins grosse et ne dormait pas d'un sommeil aussi profond; mais aussi, autant celui-ci était paisible et inoffensif, autant celle-ci était irritable et hostile à tous ceux qu'elle ne connaissait pas; elle vivait, du reste, avec son compagnon dans la plus parfaite intelligence, et avait pour lui les soins les plus marqués. Comme on s'était bientôt aperçu du besoin très-grand qu'ils avaient de se coucher, on leur donnait chaque jour une épaisse litière disposée dans un coin de leur cabane, de sorte qu'elle ne pouvait pas se disperser par leurs mouvements; lorsque le mâle voulait se reposer, il venait se coucher. sur cette litière : la femelle arrivait de suite, et, sans jamais y manquer, saisis- sait successivement avec sa bouche la litière, et en couvrait son camarade de manière à le soustraire entièrement à la vue; et, si le repos lui devenait à elle-même nécessaire, elle se glissait sous la litière qui restait, de manière aussi à ne pouvoir être aperçue. Lorsque la femelle eut mis bas, elle ne per- mit pas, pendant quelque temps, à ses gardiens d'approcher de son petit, qu'elle cachait soigneuse- PACHYDERMES. 507 ment, surveillait avec la plus grande sollicitude, et nourrissait avec le plus grand soin; le mâle, pendant ce temps, vécut en paix comme par le passé avec la femelle; mais il ne prit aucun soin du petit. Le jeune Babiroussa, qui, à six semaines, n'avait que 0"',55 de hauteur, avait atteint les pro- portions de sa mûre; une hauteur de près de 0™,50 à l'époque de sa mort. 5'"° GENRE. — PECARI. DICOTYLES. G. Cuvier, 1817. Ai;, doux; y.OT'jXy,;, nombril. Itégiic animal. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Siislènie dentaire : incisives, |; canines, '~; molaires, — ^; en tolaliiê ircnlc-liuit dents. Inci- sives supérieures verticales, inférieures courbées en avant; canines petites, trianifidaircs, fort tran- chantes, dirigées à peu près comme celles des Sangliers, mais ne sortant pas de la bouche; mo- laires aijani leur couronne munie de tubercules arrondis, disposées irrégulièrement. Tête longue, pointue. Chanfrein droit, terminé par un groin. Oreilles médiocres, pointues. Yeux petits, à pupille ronde. Pieds de devant a^ant quatre doigts, dont les deux intermédiaii-es les plus grands, et les deux latéraux beaucoup plus courts et ne posant pas sur le sot; pieds de derrière le plus ordinairement à trois doigts seulement, deux longs comme les antérieurs, et un plus court interne, l'externe manquant dans quelques cas an moins à l'extérieur. Une glande située sur la i-égion des lombes sécrétant continuellement une humeur gluante, dont l'odeur est fétide, et s ouvrant au dehors par un repli de la peau en forme de boutonnière. Fig. 84. — Tète de Pécari à collier. C'est à Fr. Cuvier que l'on doit la création de ce genre, qui ne comprend que deux espèces, dis- tinguées par D'Azara et anciennement confondues, même par Linné et Buffon, en une seule, qui était placée avec les Cochons. Ils ont l'aspect extérieur de ces derniers animaux; leur corps est trapu, raccourci et couvert de soies très-fortes, très-raides. Sur la région des lombes est une ouver- ture glanduleuse qui laisse continuellement couler une humeur fétide particulière; et cette glande, que l'on a comparée à un second nombril, a valu aux Pécaris le nom générique de Dicotijles. Les pieds de devant ont quatre doigts distincts, dont les deux intermédiaires les plus grands, comme ceux des Cochons; ceux de derrière n'en ont souvent que trois; mais c'est à tort que l'on a donné celte particularité comme caractère générique bien distinct, car cette indication, qui est bonne dans le plus grand nombre de cas, ne l'est pas pour tous; on connaît en effet des Dicotijles torquatus qui ont manifestement quatre doigts aux pieds postérieurs, et nous avons observé des D. labiatus dont 308 lIISTOmi'] iNATUUKLLE. les squelettes présentent trois doigts distincts et un rudiment de quatrième. La queue est rudimen- taire, et semble même manquer complètement à l'extérieur, car ce n'est qu'en la recherchant avec soin qu'on en voit des vestiges. G. Cuvier a donné quelques détails sur rorganisalion intérieure de ces animaux. Les os du méta- carpe et du métatarse de leurs deux grands doigts sont soudés en une espèce de canon comme dans les Ruminants, avec lesquels leur estomac, divisé en plusieurs poches, leur donne aussi un rapport assez direct. Leur aorte est souvent très-renflée, mais sans que le lieu du renflement soit fixe, comme s'ils étaient sujets à une sorte d'anévrisme. Leur foie est divisé en trois lobes. Dans les femelles, la vulve est grande et large; la matrice petite, avec les cornes très-développées; les ovaires petits, etc. Le squelette du Pécari à collier, étudié par Tyson, par Daubenton et par G. Cuvier, l'a mieux été par De Blainville. Si on compare la disposition générale des os et même leur nombre avec ceux des Co- chons, on ne trouve aucune différence, si ce n'est pour les vertèbres coccygienues, réduites à six. La tête, dans sa forme générale, rappelle celle du Babiroussa; mais elle est plus normale, moins pyramidale; son chanfrein est plus doux et son orbite plus avancé : les autres parties du squelette ne présentent que de légères particularités. Sous le rapport odontologique, étudié par Fr. Cuvier et par De Blainville, les Pécaris s'éloignent des Sangliers pour se rapprocher un peu des Anthraco- thérium, et présentent les particularités que nous avons indiquées dans nos généralités. Les Pécaris n'ont encore été trouvés que dans les forêts de l'Amérique méridionale, où ils vivent par troupes fort nombreuses Ils n'ont pas été soumis en domesticité comme les Cochons; mais il est facile de les apprivoiser, et, comme ils reproduisent en domesticité, il ne serait pas difficile de sou- mettre complètement leur race. Quand on les prend jeunes, on rapporte que leur chair est bonne, el qu'elle serait meilleure si on châtrait ces animaux; ils n'ont pas autant de graisse que les Porcs : ce qui n'est pas étonnant, puisqu'ils ne sont pas engraissés, et qu'à l'état sauvage ils sont toujours cou- verts d'une infinité de Teignes qui abondent dans les bois qu'ils habitent. Nos ménageries en possè- dent souvent, et ils s'y reproduisent bien. Les deux espèces admises dans ce genre sont : i. PÉCARI A COLLIER. DICOTYLES TORQUATUS. Fr. Cuvier. Caractères spécifiques. — Aspect général des Cochons ordinaires, à oreilles droites et à taille moyenne; corps assez raccourci, couvert de soies très-raides, alternativement annelées, dans leur longueur, de blanc sale et de noir, d'où résulte une teinte générale d'un gris foncé; une bande blanchâtre, large de cinq à six centimètres, partant du haut de l'épaule de chaque ('ôté et se portant vers le dessous du cou; joues d'un gris moins foncé que le reste du corps; poils de la tête beaucoup plus courts que les autres, et ceux du tour des yeux et des pattes tout à fait ras; peau couleur de chair livide et très-fine; glande des lombes distillant une humeur dont l'odeur est alliacée. Cette espèce est le Pécari de Buffon, le Tajassu et 5ms tajassu, Linné, le Coure, le Patip.a, etc. Ces animaux ne se rencontrent pas dans les bois en troupes aussi nombreuses que les Tajassous; ils ne voyagent pas et se tiennent par petites bandes dans les cantons où ils ont pris naissance. Les creux des arbres, les cavités formées en terre par d'autres animaux, leur servent de retraite; ils s'y cachept lorsqu'ils sont poursuivis, et les femelles y placent leurs petits. Leur chair est tendre et de bon goût, et c'est, dit-on, le meilleur gibier de TAmérique méridionale. Les individus qui ont vécu à la ménagerie du Muséum vivaient en bonne intelligence avec les Chiens et tous les autres animaux de basse-cour; ils rentraient d'eux-mêmes à leur écurie, accouraient à la voix, et paraissaient goûter les caresses; mais ils aimaient à être libres; ils cherchaient à échapper lorsqu'on voulait les faire rentrer de force, et tentaient alors quelquefois de mordre; ils recherchaient la chaleur, et le froid les faisait souffrir et maigrir; ils étaient nourris de pain et de fruits, mais ils mangeaient de tout ce qu'on leur offrait; lorsqu'on les effrayait, ils poussaient un cri aigu et témoignaient leur mécon- tentement par un grognement léger. 2. TAJASSU. DICOTÏLES I.ABIATUS. Fr. Ciuicr. Caractères spécifiques. — En tout semblable, par les formes de son corps et de ses membres au PACIIYDEUMES. 509 Pécari à collier; pelage composé de soies assez grosses, longues, d'un noir tiqueté d'un peu de blanc sale sur les flancs et le ventre; un blanc pur couvrant le milieu de la mâchoire inférieure et les deux lèvres, ou se prolongeant de chaque côté en une bande peu large jusqu'à la partie postérieure de la mâchoire; côtés du groin, dessus des yeux et face interne des oreilles avec auelques parties blanchâtres, teintées de fauve; glande lombaire distillant une humeur à odeur ammoniacale. Fig. 85. — Pécari tajassu. Les Tajassous, que D'Azara nomme Taja^soi Tocjuicati, parcourent les solitudes de l'Amérique du Sud, que couvrent de vastes forêts; ils vont en bandes très-considérables, et composées, assure- t-on, de plus de mille individus de tout âge, et souvent de fort petits qui suivent leur mère; ils sem- blent être dirigés pat- un chef; ils se nourrissent de fruits sauvages et de racines, qu'ils recherchent en fouillant la terre à la manière des Cochons; on entend de loin le grognement de ces animaux; mais, selon D'Azara, l'odeur pénétrante de la liqueur qui suinte de leurs lombes les décèle encore plus sou- vent; ils se défendent contre les bêtes féroces et attaquent avec vigueur ceux qui cherchent à leur nuire; malgré cela, les habitants de l'Amérique méridionale les chassent souvent, car ils se servent de leur chair pour leur nourriture. Ils sont plus rares dans nos ménageries que le Pécari à collier. A l'état fossile. G. Cuvier a signalé des débris d'un animal voisin des Anoplollierium et des Pa- lœollieriinn, et que l'on a quelquefois rapporté au genre des Pécaris. M. Lund, dans son catalogue des fossiles propres aux cavernes du Brésil, indique, sous le nom de Dicolijles collnris, des débris qu'il considère comme une grande espèce de ce genre; mais De Blainville, qui a eu entre les mains des molaires d'une grande taille trouvées fossiles au Brésil par M. Claussen, pense que cette espèce est purement nominale et doit être réunie au D. torquaiiis. Plusieurs genres de la famille des Suidés ne se trouvent plus qu'à l'état fossile; nous dirons seu- lement quelques mots des deux principaux : 1° CIIŒROPOTAME [Cliœropolamus) (y.otpo,-, Cochon; woraao;, fleuve), G. Cuvier [Ossements fos- siles, t. m, 18221. — Cet anima! avait à chaque côté de 'a mâchoire supérieure sept molaires, dont quatre de remplacement, coniques, ressemblant un peu à celles de l'Hippopotame, et trois arrière- molaires un peu plus larges que longues, presque carrées; la couronne de ces dernières avait quatre r»IO IIISTOinK NATUnO.LE — PACIIYDEP.MES. principaux cônes mousses, et deux plus petits situés, l'un entre les deux cônes antérieurs, et l'autre, qui est le plus petit de tous, entre les deux cônes postérieurs; au milieu des quatre grands tubercu- les, on voit une petite proéminence légèrement bifurquée, et toute la dent est entourée d'un collet tuberculeux au milieu et à l'angle antérieur du bord externe; la mâchoire inférieure ne portait que six molaires de chaque côté : trois antérieures, pointues et comprimées, deux arriére-molaires à deux paires de tubercules, et une dernière à trois paires; cette mâchoire était pourvue de canines courtes < omme dans les Pécaris, mais ressemblant un peu à celles des Carnassiers, et il est probable qu'il en existait aussi à la mâchoire supérieure, et que l'une et l'autre portaient des incisives. C'est d'après la tête fossile trouvée dans les plâtres de Montmartre et décrite par G. Cuvier que nous avons donné les détails qui précédent; mais la mâchoire inférieure découverte dans les terrains tertiaires d'eau douce de l'île de Wight, qui recèlent aussi, comme les nôtres, des débris d'^no- plutlierinni et de Palœoilierinm, a offert à M. R. Owen quelques particularités que n'avaient pu re- marquer G. Cuvier : le bord inférieur de cette mâchoire est très-arqué, et son angle postérieur se prolonge en crochet autant et même plus que chez les Carnassiers. Ces caractères, joints à celui (pi'offrcnt les premières molaires coniques, annoncent une certaine aftinité avec ces derniers ani- maux : et, ainsi que le fait observer Laurillard, comme les Pachydermes se rattachent déjà par d'au- tres genres avec d'autres ordres, on pourrait peut-être les considérer comme une famille centrale d'Ongulés, qui se lie par les Chœropotames aux Carnassiers, par les Damans, les Éléphants et les Mastodontes aux Hongeurs, par les Ànoplothérium aux Ruminants, et peut-être même par les Dino- ihéritim aux Cétacés herbivores. L'espèce type, trouvée d'abord dans les plâtres des environs de Paris, et retrouvée depuis dans les terrains tertiaires de l'ile de Wight, a reçu d'A. G. Resmarest le nom de Clicr.ropotamus gijpso- riim, et de M. Richard Owen celui de C. Ctivkri. Deux autres espèces de ce genre sont les C. Meissueri ei Sœtnmermçiii, llerniann De Meycr. 2° HYRACOTllERIUM [Hijrcicoiherïiim) (upa|. Daman, e/ip-ov, animal), Owen [Annals of nainral Ilistorij. t. V, 1840). — Ce genre a été formé sur une tête de petite taille portant toutes ses mo- laires, trouvée dans l'argile marine de Londres, ou terrain tertiaire inférieur, par M. Williams Ri- chardson, près de Kyson, dans le comté de Suffolk. Les molaires sont au nombre de sept de chaque côté, et ressemblent plus à celles du Chœropotame qu'à celles de tous les autres genres vivants et fossiles; elles consistent en quatre fausses molaires et trois vraies molaires, et c'est principalement la disposition des fausses molaires qui les distingue des Chœropotamvs. Les deux premières fausses molaires sont compriméeslongitudinâlcment et surmontées d'une seule pointe conique médiane avec un petit tubercule en avant et en arrière; elles sont éloignées l'une de l'autre par un espace égal au diamètre longitudinal de la première : la troisième et la quatrième fausses molaires augmentent subitement en grandeur et sont plus compliquées; leur couronne, à peu près triangulaire, offre trois pointes principales, deux extérieurement et une intérieurement. Les trois vraies molaires ont à peu près la même structure que celles du Ciiœropotame; elles ont quatre principaux tubercules coni-y ques placés presque aux angles de leur couronne quadrilatère, et deux plus petits médiants, La cou- ronne de toutes ces dents est entourée d'un bourrelet qui s'élève en pointe à son angle antérieur ex- terne. L'alvéole des canines indique que ces dents étaient dirigées en bas et de la grandeur de celle des Pécaris. Le trou creux orbitaire est éloigné du bord orbitaire, l'ouverture postérieure des narines est située plus en arrière que dans aucun autre Pachyderme, et la forme du crâne tient, selon Lauril- lard, le milieu entre celle du Sanglier et celle du Daman. L'espèce unique de ce genre est Y Hijracotlicrinm Icporininn, Owen. Parmi les autres groupes de fossiles qui doivent également rentrer dans la même famille, nous nommerons seulement ceux des Hijother'uim (u;, Cochon; 6/,:'.c;, animal), Ilermann De Meyer (Fossil Gcovfiengen, 1804); Tapiroporcns (tapiriis. Tapir; porcus, Cochon), Jœger (Wiirtli. Saufitli., 1839); 5/yo(/on (a-j;, Cochon; c^wv, dent\ Keyserling iEnrop. Wirbcllli, 1840), et peut-être celui des rjdnoclutriis (ai-i nrz; -/m-.;, Cochon), Wagler {Sijst. dcr Awph., 18ô0). FIN DU VOLUME. iS TABLE DES MATIERES. Abroco^e, Abrocoma "149 Abbotbix. Abrotrix 114 AcANTiiioN. Acanthion 196 AcANTHOMYS. Acantliomtjs . 118 AtoMvs. Aco7nys 118 Agouti. Cavia 221 Akodon. Akodo7i 114 Alactar/a. Alactaga 168 Ansoni/x. Anisonyx îJS Anomai.ure. Anomalurus 39 Aplodontie. Aplodontia 36 Arciiœomys. Archœmys i5ô AHCTOMYENS. Arctomyœ 44 Arvicola. Campagnol 82 AUVICOLITKES. Arvicolitœ. 72 Ascomys. Ascomys . 175 ' Aspnlax. Rai-Taupe 188 Aspalomys. Aspalomys 188 Atlierure Atlterurus 196 AciAcoiiE. Auîacodus 201 Babiuoussa. Babirnussa 304 Bathtergue. Bathiergus 187 Bellude 258 tjïBiAi. Bydrochœrus 236 Cœlogenys. Cxlogenys 225 Caltomys. Callomys 172,' 229 Campagnol. Arvicola 7(5 Campagnols aquatiques. Hemiolomys 79 Campagnols lemki.nus. Microtus 82 Campagnols mi'Bims. Myodes 86 Campagnols pPvOpdement dits. Arvicola. , 83 Capp.omvs. Capromys , , 135 CAPROMYSIIES. Capromysitse 135 Castor. Fiber 59 GASTORIENS. Castorii 59 Cavia. Agouti 221 CAYIDÉES. Cavidse 216 CAVIt;^S. Cavix 217 Cercolabes. Cercoiabes 109 Cercomys. Cercomys J54 Gh.eropotame. Chxropotamus 309 CiiiEBOTHEBiuM. Chserot/ierium 301 Clialicomys. Chalicomys. . .' C7, H6 Chin'ciulla. Chinchilla 229 ClllNCHILLlENS. Chinchilla 228 Chionobate. Chionobatus 205 Chloromys. Agouti. . . , 222 Chthonergue. Chthonergus 116 CiTiLi.E. Citillus 46 Cobaia. Cochon d'Inde 217 GotHON. Sus 303 Cochon d'Inde. Ansema 217 Coendu. Coendou 199 Conihire. Conilurus 255 CRICÊTIDÉES. Cricetidœ 174 Cricetomvs. Cricetomys 179 Cricetus. Hamster 180 Ctenodactyle. Clenodactylus 182 Ctenomys. Ctenomys 144 CTÉ^OmSïTES, Ctenomijsitœ 144 Cuniculus. Lièvre 203 Cynomys. Cynomys 48 Dactvlomvs. Dactylomys 121 Dasynote. Dasynotus ^ • 1^"' Dasyprocte. Dasyproctes 222 Uendbobie. Dendrohius 149 Drndromys. Dendromys 117 DinÔthebiuîi. Dinotherium. ...,..,... 275 DiPLOSTOME. Diplostoma »^6 DIPODIENS. Dipodis 163 Dipoides. Dipoides 164 Dipodomys. Dipodomys *• • 164 Dipus. Gerboise. 16' Echimys. Echimys 1-* ECIIIMYSITES. Echimysitx 129 Ecureuil. Sciurus 1" EccREUiLS propreîient dits. Sciurus 25 Éléphant. Elephas 2n)6 EiiGMooosTiK. Eligmodontia 172 Ekéihizon. Erethizon 197 Eriomys Eriomys 229 Euryotis. Euryotis 96 Funanbule. Funanbulus 50 Galea.Galea 221 Géomys. Geomys 1 '4 Georyque. Georychus 93 Géosciure. Geosciurus oo Gerbille. Gerbillus 169 Gerboise. Dtpuï 164 Gergoviomys. Gergoviomys 116 Gliriens 150 Gbapiiiure. Graphiurus 159 Guillinomys. Gtiillinomys 71 Guerlinguet. Macroxus - 34 Hamster. Cricetus 180 Hapalotis. Bapalolis 232 Hélamvs. Helamys 161 HÉLAMYEINS. Helamyii 161 Hemiolomys. Uemiotomys 79 IIÉTÉROMYS. Heteromys 132 312 IIISTOIRK NATCRKI.LE. Ilexaprotodon. Hexaprotodon SOU Hipi'opota>:e. Ilippopotamus 281 Houlia Cupromys I5G Hijdromys Hi/dromys . . "îl Ilyotlieriuw. llyolhtrium 510 llypudœus. Ilypudœus 76, 95 llyracotheriuDi. Ilyracolherium 510 hodoit. Isodon 150 Jaculus. Gerboise 104 Kebodon. K'erodon 221 Kerodoute. Kerodonte 221 lAigidie. Lagidium 252 Lagomys. Lagomys 214 Lagostome. Lagostomus 234 Lagotis. Lagotis 252 Lapin. Citniculus. . 21U Lasycromïs. Lasyuromys 152 Lemming. Lemmus . 92 lemmomys . Leinmomys 190 LÉPURinÉES. Leporidx 202 Lièvre. Lepus. . . 205 LlÈVllES PROPREMENT DITS. Le/3M« 205 l.ûiu. Myoxus 151 l.oncheres. Loncheres 124 l.onchophore. Lonchophorus 152 Marmotte. Arctoniys 49 Mastodoste. Maslodon 269 Megamys. Megamys 155 Merione. mieriones 171 MiCROMvs. Micromys 104 Mi'ROTK. Microtus 82 Missourium. Missourium 272 raLRinÉES. Muridx 55 MURIENS. Murii 07 WUIUTES. Muriu 92 Mus. 5Ius 07, 99 Blusculus. Musculus 104 Myodes. Myodes Sll Mynomes. Mynomes 91 MvopoTAME. Myopotamus C9 MYOPOTAMITES. Mi/opommite 08 MYOXIENS. Myoxii 150 Myslromys. Mystromys 116 NtOTOBiE. Neotoma. , 114 Nélom\s. Nelomys 158 NvcTOCLEPTE. Nycocleptes 191 Octodon. Oclodon 148 Ogolome. Ogotoma 215 Ommalotergue. Ommatotergus IbS, 205 OiNDATRA. Ondatra 75 Ongulogrades 258 Oryctomys. Oryctomys 175 OBYf.Ti:RE. Orycterus ISO tiTOMvs. Otomys 95 O.WMYcTÈRE. Oxymycterus 114 Paca. Catogenus 224 PACn Y DERMES. Pachydermii 257 PACHYDERMES ORDI!\AIRES 277 Palxomys. Palxoniys 155 Pécari. Dicotyles 507 Pedeles. Gerboise 1G2 Perieromys. Perieromys 110 Petaurisle. Pelaurista « .... . 59 1 Perognatiie. Perognat'iua 175 j Petromys. Petromys 185 I PiiACOCitÈKE. Phacochœrus 502 P11L.EOMVS, Pldxomys 142 Phyllomys. Phyllomys 152 Phyllotis. Phyl'otis 115 Pikj. Pika 215 PiXEMYs. Pinemys 185 PiTiiÉciiiRE. Pithechirus 110 Pugiodontie. Plagiodontia 14! l'Iatypyge- Plalypyga 222 Pœphagomys. Pœphagomys 147 Polatouche 58 Porc-Épic. Uystrix 192 Potamys. Potnmys 09 PROBO.SCIDIEIVS. Prabossidii 244 PsAMMOMYS. Psammomys IIG, 185, 18(> Psammorycte. Psammoryctes 147 Pseudostome. Pseudostoma 175 Ptéromys. Pteromys 58 Rat. Mus 97 RATS-LOIRS 110 Rats-Arvicoles 95 Rats-Écihmyformes 117 Rat-Tal'pe. Spalax 188 Rats vrais. 96 Reithrodon. Reithrodon 96 Rhinoclière. Rhinochcsrus 510 Rhizomys. Rliizomys iDl Rhombomys. Rhombomys 110 ROIViiEURS. Rodenlia 1 SAfftoîiYS. Saccomys 177 Saccophore. Saccophorus. , . . , i75 Scateromïs. Scateromys 115 SciiizoDOS. Schizodon 146 Scirtetes. Scirteles ■JG8 SCIURIDÉES. Sciuridx n SGIURIENS. Sciurii is SciEROPTÈRE. Sciuropterus 55 Sciurus. Ecureuil ly SiGMODON. Sigmodon 9I SiPiiNÉ. Siphnens igu Smixtiie. SrniiUhus 115 SPALACIDÉES. Spalacidx 185 Spalacope. Spalacopus l'Jl Spalax rRor-REMENT dit. Spalax iSQ Spermopiiile. Spermophilus 4i, 48 Sphiggcre. Sphiggnrus 200 Sténéofiber. Sieneofiber 07 SUIDÉES. Suidx 280 Synetiière. Synetlieres 198 Syodon. Syodon , 510 'falpoides. Talpoides. . 188 Tainia. Tamia 56 Tapiroporcus. Tapiroporcus 510 Tetracaulodon. Tetracaulodon 269 Tetraprotodon. Tetraprolodon 292 Théridomys. Theridomys 201 Thomomys. Thomomys 110, 175 ViscACiiE. Lagostomus 254 Xerus. Xerus. 53 Yerbua Yerbua 1(34 , ■■,!' * «H /^S^jà.'-iJb^A.^i^j/'